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Full text of "Bulletins de l'Academie royale des sciences, des lettres et des beaux?arts de Belgique."

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BULLETINS 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


bES 


LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


BULLETINS 277 


DE ie 21^ 


L'ACADEMIE ROYALE 


SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS 


DE BELGIQUE. 


— 


QUARANTE-HUITIÈME ANNÉE. — 2e SÉR. , T. XLVII. 


Mo. Bot. Garden, 
1806. 
BRUXELLES, 
F. HAYEZ , IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 


1879 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


1879. — No 4. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 4 janvier 1879. 


M. Hovzzav, directeur et président de l'Académie pour 
1878, occupe le fauteuil. 
M. LiacnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Edm. de Selys Longchamps, direc- 
teur pour 1879; J.-S. Stas, L. de Koninck, P.-J. Van 
Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, F. Duprez, H. Maus, 
Ern. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Brialmont, Éd. 
Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alp. Briart, Fr. Crépin 
et Éd.Mailly, membres ; Th. Schwann, E. Catalan, associés; 
F.-L. Cornet, M. Mourlon et W. Spring, correspondants. 

9"* SÉRIE, TOME XLVII. 1 


/ ` 
(ado) 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur envoie une ampliation de 
l'arrété royal du 6 décembre 1878 nommant MM. Brial- 
mont, Catalan, de Koninck, Duprez, Folie, Liagre et Stei- 
chen, membres du jury chargé de juger la 6° période du 
concours quinquennal des sciences mathématiques et phy- 
siques. 


— MM. De Tilly et Cornet, élus membres , MM. Boussin- 
gault, Faye, Thomson et von Siebold, élus associés, adres- 
sent des lettres de remerciment. 


— Les Universités de Munich, Vienne, Kiel, Gratz, 
Heidelberg , Fribourg en/ Br. et Strasbourg, les Sociétés de 
statistique et de zoologie de Londres, la Société géologique 
d'Édimbourg , la Societé d'histoire naturelle et de méde- 
cine de Heidelberg, la Société d'histoire naturelle de 
Colmar, le Physikalische Verein de Francfort s/M., la Cen- 
tral Anstalt für Meteorologie de Vienne, la direction de 
l'Archiv der Mathematik und Physik, à Berlin, et M. Kir- 
choff, associé de la Classe, accusent réception de l'envoi des 
dernières publications académiques. 


— La Classe reçoit, à titre d'hommage, les ouvrages 
suivants, au sujet desquels elle vote des remerciments 
aux auteurs : 

4° Le Monde des plantes avant l'apparition de l'homme, 
vol. in-8°; par le comte de Saporta, associé; 

9» Études dechimie moléculaire, broch. in-8°; par Louis 
Henry, correspondant; 


( 8) 
5° Station agricole de pis 1879.1 877. Création. — 
Organisation. — Travaux , br och. in-8°; par A. Petermann 
(ouvrage présenté, au nom de l'auteur, par M. Melsens); 
4° Rapport sur les expériences faites au levant du Flénu 
sur la perforation mécanique, broch. in-8°; par H. Mativa 
(ouvrage présenté, au nom de l'auteur, par M. Cornet). 


PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1880. 


La Classe décide que les sections seront convoquées une 
heure avant là prochaine séance afin de s'occuper de la 
rédaction du programme de concours pour ladite année. 


ÉLECTIONS. 


Les suffrages des membres appellent M. Stas aux fonc- 
tions de directeur pour l'année 1 

En venant prendre place au bureau, en qualité de vice- 
directeur, M. Stas remercie la Classe du témoignage de 
confiance qu'elle veut bien lui donner. Il s'efforcera, dit-il, 
de répondre à cette marque de sympathie. 

M. Houzeau, directeur sortant, remercie ses confréres de 
la bienveillance qu'ils lui ont montrée pendant l'année 
écoulée. J'en suis trés-touché, dit-il, et j'en conserverai 
toujours le souvenir. 

Il installe au fauteuil M. de Selys Longchamps. 

Le nouveau directeur propose de voter des remerciments 
à M. Houzeau. — Applaudissements. 


(E) 
M. de Selys Longchamps espère qu'on voudra bien lui 
accorder la même indulgence qu'en 1854 lorsqu'il a dirigé 
une première fois les travaux de la Classe. 


RAPPORTS. 


De Vorigine et de l'établissement des mouvements astro- 
nomiques ; 2"* partie; par M. C. Lagrange. 


A Rapport de JF. Wan dor Mensbrugghe. 


« Dans la 1'* partie de son travail, M. Lagrange avait 
tàché de montrer que, sous certaines conditions, des sys- 
tèmes matériels déformables, au repos dans leurs positions 
initiales et soumis à leurs attractions réciproques, peuvent 
prendre des mouvements de rotation sur eux-mémes, et 
que ces rotations donnent naissance à des révolutions des 
systémes les uns autour des autres. 

. Dans la 2"* partie, qui fait l'objet du mémoire actuel, 
l'auteur cherche à appliquer sa théorie à l'établissement 
des mouvements astronomiques. Dans l'introduction, il 
examine les conséquences de l'action exclusive d'une 
force d'attraction sur un système d'atomes matériels : il 
reconnait aisément que la somme des forces vives des 
alomes ne peut dépasser un maximum qui serait atteint 
s'ils se réunissaient tous en une masse compacte. À ce 
moment, en effet, tout le travail disponible de la force 
d'attraction serait dépensé. S'appuyant alors sur les résul- 
tats de l'observation directe, M. Lagrange arrive à ad- 


R? 


(5) 
mettre également l'existence d'une force répulsive rendue 
manifeste dans l'expansion des gaz, l'élasticité des so- 
lides, ete. ; 

Aprés cette digression, l'auteur expose ses idées sur la 
formation des corps. A cet égard, il énonce une opinion 
qui me parait fort originale ; selon lui, il convient de sup- 
poser qu'avant toute dépense de travail la quantité de 
chaleur de l'univers était nulle, et que la température s'est 
graduellement élevée au-dessus du zéro absolu, aux dé- 
pens du travail effectué par l'attraction. Il résulterait de 
là que la formation des corps solides a dà précéder celle 
des liquides et des gaz. L'hypothése de M. Lagrange qui, 
en ce qui concerne la terre, est en contradiction avec ce 
qu'on admet généralement en géologie, se justifierait peut- 
être par la considération que, grâce à la condensation gra- 
duelle de la matiére et de l'énorme développement de 
chaleur qui doit en avoir été la conséquence, la terre a 
atteint, du moins dans les couches voisines de la surface, 
l'état de fluidité nécessaire à l'explication de sa forme et 
de ses caraetéres géologiques. 

C'est là un point très-important qui ne peut manquer, à 
mon avis, d'attirer l'attention des savants, et, en particu- 
lier, celle des astronomes et des géologues. Du reste, l'hy- 
pothése d'un noyau eentral solide n'est pas neuve; dés 
1855, Poisson, dans sa Théorie mathématique de la cha- 
leur, a présenté des arguments trés-plausibles pour faire 
voir que, méme en partant de l'état primitivement fluide 
de la terre, celle-ci a pu se solidifier du centre à la surface 
et perdre ainsi depuis longtemps toute sa chaleur d'ori- 
gine. Quant à l'élévation de température des lieux pro- 
fonds, Poisson l'attribuait, comme on sait, à l'inégalité de 
chaleur des régious de l'espace que la terre traverse en 


( 6) 
s’y mouvant avec le soleil et tout le système planétaire. 

Comme, dans l'ordre d'idées de M. Lagrange, la tempé- 
rature s'est continüment élevée par l'agglomération gra- 
duelle de la matière, il doit être arrivé un moment où cer- 
tains corps ont passé de l'état solide à l'état liquide et 
méme à l'état de vapeur; il s'est formé ainsi autour du 
globe une atmosphére trés-dense oü les pressions allaient 
en diminuant de la surface vers l'extérieur ; ces pressions 
ont dû croître à mesure que la masse du noyau est devenue 
plus grande. M. Lagrange ajoute que la résistance offerte 
aux corps solides pendant leur chute peut devenir assez 
forte pour donner lieu à de simples oscillations à distance 
du noyau central. L'auteur aurait pu,à ce propos, rappeler 
les effets calorifiques développés par la perte si rapide de 
la vitesse des corps attirés; on sait, en effet, que, grâce à 
l'énorme élévation de la température produite dans les 
bolides pendant leur chute à travers l'atmosphére terrestre, 
ces derniers éclatent trés-souvent avec de fortes détona- 
tions. 

Dans une phase de formation plus avancée encore, la 
température de l'atmosphère, après avoir augmenté jus- 
qu’à un maximum, diminue ensuite par degrés, ce qui 
provoque la liquéfaction ou la solidification de certaines 
matières qui étaient d'abord à l'état de vapeur, tandis que 
d'autres corps solides peuvent demeurer suspendus dans 
l'atmosphére et étre entravés dans leurs mouvements rela- 
tifs par leurs axes d'attraction. 

Aprés cet exposé, M. Lagrange conclut que les grands 
corps répandus dans l'espace pouvaient, dans une cer- 
taine phase de leur formation, étre assimilés aux masses 
déformables dont il s’est occupé dans la première partie de 
son travail, masses où chaque molécule est assujettie à se 


(7) 

mouvoir sur le rayon qui émane d'un centre ; en vertu de 
la condensation progressive de la matiére dont les corps 
en question étaient composés, ceux-ci, obéissant à leurs 
attractions mutuelles, ont. affecté des mouvements con- 
tinus de rotation, chacun dans un sens déterminé; mais à 
mesure que la condensation s'est avancée, l'énergie des 
composantes déviatrices engendrant la rotation, est allée 
en diminuant, d'oü il est résulté que les rotations impri- 
mées graduellement aux masses se sont accélérées jusqu'à 
un certain maximum , el, dés que les composantes dévia- 
trices sont devenues suffisamment petites, les vitesses sont 
demeurées acquises à ces mémes masses. 

Quelles sont maintenant, d’après l'auteur, les consé- 
quences de la rotation des globes? 

En premier lieu, ces globes prennent trés-probablement 
des mouvements de révolution aux dépens de la rotation. 
Cette remarque s'appliquerait aux nombreux soleils dis- 
tribués dans l'espace. 

En second lieu, chaque globe en rotation M (tel que le 
soleil) imprime à l'une des masses m concentrées autour 
de lui, mais non comprises dans la zone équatoriale de M, 
un mouvement en vertu duquel m finit par se réunir à la 
masse centrale. Au contraire , chaque masse » située dans 
la zone équatoriale de M et considérée isolément, prend 
un mouvement hélicoidal tel que la vitesse aille en crois- 
sant, et que l'angle du rayon vecteur et de la tangente à la 
trajectoire tende vers 90°; à mesure que le globe M se 
condense, la composante déviatrice diminue et finit par 
s'annuler; dés lors la masse m se meut comme si elle 
avait été lancée avec une vitesse initiale et décrit, sous 
l'action attractive de M, une section conique dans un plan 
peu incliné sur l'équateur de la masse centrale. De plus, le 


rwv 
corps m, passant également de les différentes Tous de 
sa formation, affecte aussi, sous l'action de M, un mouve- 
ment de rotation dans le méme sens que celui de M, et la 
vitesse de rotation atteint un maximum dés que la con- 
densation de peut étre regardée comme terminée. 

Si la masse m se trouvait dans l'équateur méme de M, 
les axes de rotation des deux masses seraient parallèles; 
au contraire, ces axes feraient entre eux un petit angle si 
la masse m se trouvait dans la zone équatoriale, mais hors 
de l'équateur. 

M. Lagrange considére ensuite le cas de plusieurs 
masses m, m', m”... toutes situées dans la zone équato- 
riale; il fait voir que si l'on fait abstraction des actions 
réciproques exercées entre ces masses, les forces dévia- 
trices dues à l’action du globe central finissent toujours 
par agir dans le méme sens pour M et pour les masses du 
second ordre m, m',m", etc. I applique des raisonnements 
analogues aux globes du second ordre agissant sur des 
masses du troisième , et ainsi de suite. 

Ces résultats soulévent immédiatement une question 
trés-importante : comment les masses du second ordre, 
par exemple, une fois en mouvement suivant des trajec- 
toires trés-allongées, peuvent-elles parcourir des orbites 
dont l'excentricité va en décroissant? On sait, en effet, 
qu'à notre époque les orbites plonétaires ont de trés- 
faibles excentricités. Pour expliquer la diminution gra- 
duelle des excentricités des trajectoires primitives, l'au- 
teur admet, d'une part, l'existence d'un milieu résistant 
interplanétaire, et invoque, d'autre part, l'influence de l'ac- 
croissement graduel de la masse centrale ; ces deux causes 
ont dù, d’après l'analyse de l'auteur, avoir pour consé- 
quence de rapprocher graduellement les trajectoires ellip- - 
tiques de la forme circulaire. 


(9) 

Quant à l'hypothèse d'un milieu résistant interplané- 
taire contre laquelle se sont élevées plusieurs astronomes, 
je dirai que récemment un savant russe, M. Van Asten, a 
répété une série de calculs relatifs aux planètes en se ser- 
vant des éléments plus exacts obtenus depuis les travaux 
de Encke, et que ses études l'ont conduit à des résultats 
bien remarquables et tout à fait d'aecord avec les idées de 
notre jeune compatriote; il a trouvé que : 1? il existe dans 
l'espace un milieu résistant; 2^ la densité de ce milieu est 
en raison inverse de la distance au soleil; 3° la résistance 
croit en raison directe du carré de la vitesse des corps en 
mouvement (1). 

Comme troisième conséquence de la rotation des globes, 
M. Lagrange signale les effets combinés de la force centri- 
fuge et de la condensation graduelle de la matière qui 
constitue ces globes; l'auteur explique l'aplatissement dû 
à la force centrifuge en admettant que le noyau central ne 
subisse pas sensiblement l'influence de cette force, tandis 
que la nature des masses transformables qui recouvrent 
ce noyau fait prendre à chaque globe en rotation une 
forme sphéroidale, de révolution autour de la ligne des 
póles. De là naissent alors de nouvelles actions directrices 
en vertu desquelles les plans équatoriaux tendent à eoin- 
cider et les axes de rotation à être parallèles. 

L'auteur compare ici sa théorie à celle de Laplace, et 
conclut en disant que la condensation des globes en rota- 
tion peut donner lieu à des anneaux matériels cireulant 
autour d'eux , ou à des globes extérieurs dont les mouve- 


(4) Fortgesetzte Untersuchungen über den Enckeschen Cometen 
(BULL. DE L'ACAD. IMP. DES SCIENCES DE S'-PéÉrEnsBOURG, 1877, t. XXII, 
p. 530; mémoire ln le 21 septembre 1876). 


( 10 ) 
ments le révolution et de rotation présentent les caractéres 
examinés plus haut. 

L'ensemble des résultats que je viens de rappeler fait 
prévoir immédiatement que M. Lagrange les a appliqués 
à l'établissement des mouvements de notre systéme pla- 
nétaire; on ne peut manquer de suivre avec le plus vif 
intérét la série des raisonnements auxquels il se livre sur 
cette difficile et grandiose question. 

Pour expliquer la rotation du soleil, il invoque non plus 
l’action des planètes, comme il l'avait fait dans son pre- 
mier travail (1), mais, avec bien plus de raison, l'influence 
d'autres globes du méme ordre distribués dans l'espace. 

Quant à l'origine des planétes, il se demande si elles ont 
primitivement appartenu à l'atmosphére solaire elle-méme 
et se sont développées, d'après l'hypothése de Laplace, par 
la condensation graduelle des anneaux, ou bien si elles 
sont des globes formés directement autour du soleil et re- 
devables à leurs axes d'attraction des mouvements de 
révolution et de rotation dont ils sont animés. Il expose 
une suite d'arguments qui rendent la première hypothèse 
fort peu admissible, surtout pour les grosses planètes, et qui 
plaident en faveur de la seconde, d’après laquelle les corps 
planétaires ont toujours été indépendants de l'atmosphère 
du soleil. Quant aux masses plus petites ou astéroïdes ap- 
partenant au système solaire, M. Lagrange croit que leurs 
révolutions se sont établies soit par l'entraînement de la 
matière qui pesait sur le soleil, soit à la séparation de plus 
en plus prononcée des diverses parties d’un même globe 


d 


(1) De l'influence de la forme des corps sur l'attraction qu'ils exer- 
cent (Burt. pg 1'Acap., t. XLIV, p. 25, voir p. 54) 


(11) 
qui aurait acquis son mouvement de révolution avant 
d’avoir passé par tontes les phases de sa formation. 

L'auteur termine son travail par quelques mots sur dif- 
férentes particularités remarquables du systéme solaire, 
savoir l'égalité entre les durées de révolution et de rota- 
tion des satellites, la direction de leurs axes de rotation et 
la rétrogradation de quelques-uns de ces corps, les an- 
neaux de Saturne, l'ordre des masses et des densités des 
planétes, et enfin la figure des corps planétaires. 

En ce qui concerne le monde de Saturne, l'auteur fait 
ressortir la grande analogie qu'il présente avec le systéme 
solaire lui-méme, et, d'accord avee Maxwell et Hirn, il re- 
garde les anneaux comme constitués par une multitude 
de trés-petits astéroides dont les nombreuses orbites don- 
nent lieu aux apparences connues. 

A propos de la figure des planètes, il rappelle que l'idée 
de la fluidité primitive, attribuée à la terre dans l'hypo- 
thèse cosmogonique de Laplace, a été fortement com- 
battue par des savants éminents, tels que Lyell et Lamont, 
et il soutient qu'aujourd'hui encore, la condensation gra- 
duelle de la matiére peut produire une augmentation de 
chaleur jusqu'à une profondeur limitée dans le globe ter- 
restre. 

L'analyse que je viens de présenter fait voir suffisam- 
ment, je pense, l'importance capitale des résultats aux- 
quels est arrivé notre jeune géomètre ; est-ce à dire qu'on 
peut les regarder tous comme solidement et nettement 
établis? Je ne le crois pas; mais en attendant que l'auteur 
puisse raffermir et compléter sa théorie, où les principes 
de physique, de mécanique et de thermodynamique doivent 
se préter un mutuel appui, je la considére comme bien 
séduisante et comme empreinte d'un cachet de simplicité 


( 12) 

et d'harmonie qui convient particuliérement au grand pro- 
blème qu'elle essaie de résoudre. Une œuvre aussi féconde 
en apercus nouveaux me parait mériter à tous égards les 
encouragements de l’Académie. Aussi j'estime que la Classe 
n'hésitera pas à ordonner l'impression de la 2"* partie du 
travail de M. Lagrange dans le méme recueil que la pre- 
mière, et à voter des remerciments à l'auteur pour sa nou- 
velle communication. » 


aT Rapport de M. Folie. 


« Je me rallierais bien volontiers aux conclusions de 
notre savant confrére, si les idées originales de M. Lagrange 
sur la formation de l'univers, qui, comme le dit l'hono- 
rable commissaire, doivent étre raffermies et complétées, 
ne me semblaient absolument inadmissibles. 

Le point de départ de l'auteur est l'hypothèse sui- 
vante : 

« Les atomes matériels auraient été, à l'origine, répan- 
» dus dans l'espace à l'état de diffusion , en repos, au zéro 
» absolu de température, et doués simplement d'attraction 
» réciproque. » 

Comment, de ces conditions primitives, fera-t-on sortir | 
la chaleur (pour ne pas parler de la lumière, de l'électri- — 
cité et du magnétisme)? 

M. Lagrange pense que la chaleur pourra résulter de la 
transformation de la force vive des atomes se précipitant 
les uns sur les autres en vertu de l'attraction. Remarquons 
qu'il n'admet, à l'origine, l'existence d'aucune force répul- 
sive. Or, cela étant, si deux atomes se précipitent l'un sur 
l'autre en vertu de leur attraction mutuelle, ils arriveront 
au contact, ou plutôt ils n'en feront plus qu'un, puisqu'il 


(15) 
faudrait une force infinie pour les disjoindre, et il n'y 
aura pas la moindre chaleur produite, que celle-ci soit, 
comme le suppose M. Lagrange, une force répulsive (car 
d’où viendrait-elle?), ou bien qu'on la considère comme la 
force vive d'un certain mouvement vibratoire des molé- 
cules (car d’où naitrait également celui-ci?). 

Que Mayer et Helmholtz aient pu croire, avant les tra- 
vaux de Clausius et de Rankine , à la possibilité d'un état 
initial dans lequel la chaleur était nulle, nous l'admettons; 
mais que cette méme idée se retrouve dans Thomson, cela 
nous surprend fort, à moins que ce ne soit dans l'un de 
ses travaux datant de 1850 ou au delà. Clausius a démon- 
tré qu'il faudrait un travail infin? pour ramener un corps 
au zéro absolu (1); d’où l'on peut conclure qu'il faudrait 
un travail infini aussi pour amener un corps , qu'il soit dis- 
socié ou non, du zéro absolu à une température finie. En 
d'autres termes, le zéro absolu est une limite qui n'a jamais 
existé, et qui ne sera évidemment, à fortiori, jamais atteinte 
dans l'univers. 

I! est done impossible de prendre, comme point de im 
part de celui-ci, le zéro absolu. 

Nous aurions encore d'autres observations de détail à 
présenter à l'auteur sur les dix-huit premiers numéros de 
son travail. 

Mais , comme ils ne sont que ét développement de cette 
hypothèse, qui est en contradiction manifeste avec la 
théorie mécanique de la chaleur, et que nous engageons 
M. Lagrange à sacrifier résolàment tout entière dans l'in- 


(1) Mémoires sur la théorie mécanique de la chaleur, traduits de 
l'allemand par M. Folie, tome T, p. 295. Paris, E. Lacroix, 1868. 


| (14) 
térêt de sa réputation, nous croyons inutile de lui signaler 
ces points de détail, et nous attendrons une nouvelle édi- 
tion de son travail, débarrassée d'une hypothése fort sé- 
duisante, mais absolument inacceptable. » 


9?! apport de M. Van der Wensbrugghe. 


« Après avoir pris connaissance des objections que mon 
savant confrère, M. Folie, a formulées dans son rapport 
concernant l'hypothèse fondamentale d’où part M. La- 
grange, et de la réponse qu'ya faite celui-ci dans une 
Note additionnelle, j'estime que l'auteur agirait sagement 
en ne choisissant pas le zéro absolu comme température 
initiale des corps; en conséquence, j'ai l'honneur de pro- 
poser à la Classe d'inviter M. Lagrange à modifier dans ce 
sens la première partie de son travail actuel, ce qui, je 
pense, pourrait se faire pendant l'impression du mémoire; 
sauf cette réserve formelle, je maintiens les conclusions 
de mon rapport détaillé. » 


21 Rapport de M. Folie. 


« Dans une Note que M. Lagrange a écrite pour répondre 
aux objections de fond que j'ai faites à sa théorie dans les 
lignes qui précédent, il pose l'hypothése suivante, qu'il 
compte défendre rationnellement dans un prochain tra- 
vail : 

L'espace serait occupé par deux substances, l'une at- 
tractive, qui est la matière proprement dite ou les atomes 
matériels; l'autre répulsive, qui occupe le volume inter- 
atomique, et de laquelle résulte, entre deux atomes quel- 

conques, une répulsion variable s'exercant à la surface de 
ceux-ci. 


(15 ) 

Quoique je ne concolve pas, dans les phénomènes de 
l'ordre purement matériel , une action qui s'exercerait sur 
la matiére, et dont le siége ne serait pas la matiére, ou, 
pour parler plus simplement, quoique je ne conçoive pas 
qu'une substance sans masse puisse imprimer un mouve- 
ment à une masse; quoique je ne pense pas non plus que 
cette hypothése suffise pour répondre aux objections que 
j'ai présentées, cependant, puisqu'elle ne présente rien 
d'absolument irrationnel, et puisqu'à son défaut, le travail 
trés-ingénieux de l'auteur pèche par la base, afin de ne 
pas priver les géométres de la suite des belles recherches 
de M. Lagrange, je propose à la Classe de voter l'impres- 
sion de son mémoire et de la Note complémentaire, ainsi 
que des remerciments à l'auteur. » 


M. Houzeau, troisième commissaire, déclare qu'il adhère 
aux conclusions de ses deux confrères et qu'il appuie 
l'impression du mémoire de M. Lagrange et de la Note 
complémentaire. 


La Classe a adopté ces conclusions. 


— Sur l'avis exprimé par M. Melsens et partagé par 
M. Montigny, la Classe décide le dépôt aux archives : 
4° d'une Note de M. Gérard concernant la Divisibilité de la 
lumiére électrique ; 9" d'une Note de M. J.-L. Hoorweg 
relative au méme sujet. 


— Sur la proposition de M. Catalan, une décision sem- 
blable est prise à l'égard d'une Note de M. Boldour-Kos- 
taky sur les séries polygonales. 


( 46 ) 


Note sur le téléphone appliqué dans le voisinage des lignes 
télégraphiques ordinaires; par M. Frédéric Delarge. 


Rapport de M. Maus. 


« Cette Note est relative à l'influence que le courant 
voltaïque des fils télégraphiques exerce sur le téléphone 
établi dans leur voisinage. 

Les deux appareils, ou cornets, d’un téléphone desti- 
nés : l’un à recevoir, l'autre à transmettre la parole, sont 
mis en communication par deux fils métalliques reliant 
les extrémités des fils qui entourent les bobines de ces 
appareils. 

Lorsque l'on a voulu connaître là plus grande distance 
à laquelle le téléphone pouvait se faire entendre, l'idée 
d'employer des fils d'une ligne télégraphique s'est présen- 
tée naturellement; on a constaté qu'il était possible d'en- 
tretenir une conversation à une distance de 80 kilomètres, 
et M. Bell a pu distinguer le son de la voix à travers un 
càble transatlantique (4,000 kilométres environ). 

En faisant usage, pour le téléphone, de fils appartenant 
à une ligne télégraphique composée d'un grand nombre de 
fils qui servent à transmettre des télégrammes, on a re- 
marqué que le téléphone faisait entendre des sons parti- 
culiers, comparables à ceux que produit la gréle frappant 
des vitres el qui sont désignés par le mot crépitation. 

Les cré t produites dansle téléphone, chaque 
fois que l'on établit le courant voltaique dans un fil télé- 
graphique voisin et que l'on interrompt ce courant. 

On a remarqué que la crépitation était plus forte lors- 


(17) 

que l'on établissait le courant, que lorsqu'on l'interrompait, 
de sorte qu'une oreille exercée peut distinguer les deux 
crépitalions qui appartiennent à un méme signal, et dis- 
cerner les signaux courts des signaux longs, dont les com- 
binaisons composent l'alphabet de l'appareil Morse, et sur- 
prendre le secret des télégrammes transmis à l'aide de cet 
appareil. 

Les crépitations produites dans le téléphone par les ap- 
pareils de Hughes et à cadran, quoique plus fortes que par 
l'appareil Morse, sont plus diffieiles, sinon impossibles à 
interpréter, parce que les signaux courts et longs n'ont 
pas de signification et servent seulement à indiquer, au 
bureau d'arrivée, les lettres qui composent les télé- 
grammes. 

Les crépitations, dont il vient d'étre question, sont at- 
tribuées soit à une dérivation du courant, lorsque les fils 
téléphoniques et télégraphiques sont portés par les mémes 
poteaux, soit au phénoméne d'induction , lorsque les fils du 
télégraphe et du téléphone ont des supports particuliers à 
chacun d'eux. 

M. Delarge s'est proposé de déterminer les circonstances 
qui font cesser les crépitations, tant pour apprécier la 
sensibilité du op, que pour assurer le secret des 
télégrammes. 

La Note, qu'il a présentée à l'Académie, indique les 
résultats de ses expériences. 

Cherchant d'abord à réduire, autant que possible, la dé- 
 pivation du courant d'un fil télégraphique vers le fil télé- 
phonique, lorsque ces fils ont un support commun, il a 
employé, pour ce support commun, un isolateur en porce- 
laine à double cloche qui présente, au passage du cou- 
rant, une résistance considérable, évaluée à plus de huit 

2e SÉRIE, TOME XLVII. 


( 18 ) 

milliards d'unités Siemens, et formé avec le fil télégraphique 
un circuit embrassant extérieurement le sommet de l'iso- 
lateur sur une demi-circonférence, tandis que le fil du 
téléphone formait également un circuit fermé, dirigé dans 
le prolongement du premier circuit, n'ayant d'autre con- 
tact avec l'isolateur que par la tige intérieure en fer qu'il 
embrassait également sur une demi-circonférence. 

Malgré la grande résistance de cet isolateur et la dis- 
position des deux circuits dirigés en sens opposé à partir 
de l'isolateur, l'auteur de la Note a entendu, par le télé- 
phone, des erépitations lorsque l'on transmettait par le fil 
télégraphique un message avec l'appareil Morse. 

Pour s'assurer que les crépitations étaient bien dues à 
une dérivation du courant, il a d'abord établi un second 
circuit télégraphique paralléle et voisin du premier, et fait 
passer, dans ces deux circuits, des courants dirigés en sens 
inverse; quoique cette disposition annulàt toute induction, 
il a encore entendu des crépitations qui doivent étre attri- 
buées à un courant dérivé; ensuite il a réduit notablement 
la résistance du circuit télégraphique, en diminuant beau- 
coup sa longueur, et le téléphone est devenu muet, parce 
que la dérivation a cessé lorsque le courant a trouvé un 
écoulement facile. 

Les crépitations produites lorsque les fils télégraphiques 
et téléphoniques ont des supports communs doivent donc 
étre attribuées à un courant dérivé. 

Les crépitations attribuées au phénomène d'induction 
ont fait l'objet d'expériences qui consistaient à établir, 
parallélement à une ligne télégraphique et à des distances 
variables, des circuits téléphoniques de diverses longueurs, 
afin de connaitre les distances et les longueurs qui font 
cesser les crépitations. 


( 19 ) 

Parmi les résultats consignés dans la Note, je citerai 
les suivants : | 

Un fil de téléphone en cuivre, recouvert d'une double 
enveloppe de gutta-percha, long de 07,50 et mis en contact 
avec un fil télégraphique, faisait entendre des crépitations 
lorsque l’on transmettait des signaux avec l'appareil 
Hughes au moyen d'un courant fourni par une pile de 
140 éléments Daniel. | 

Lorsque la longueur de ce fil était réduite à moitié, on 
entendait encore un bruit extrémement faible dont on 
n'aurait pu préciser l'origine. 

Un fil du téléphone ayant été placé, parallélement à un 
fil du télégraphe, sur une longueur de 77,50 et à la dis- 
tance de 57,40, on entendait distinctement les crépitations 
de l'appareil Hughes. 

Dans une autre expérience, un circuit de téléphone, 
composé d'un fil de cuivre, recouvert de gutta-percha, 
établi dans une pièce fermée et sur une longueur de 67,50 
parallèlement , et à 5",17 d'une ligne télégraphique qui 
longeait le bàtiment à l'extérieur, a permis d'entendre, au 
moyen des deux cornets appliqués aux oreilles, un mélange 
de signaux parmi lesquels on distinguait nettement les 
crépitations de l'appareil Hughes. 

En réduisant la longueur du cireuit, parallèle à la ligne 
télégraphique, on entendait encore, mais trés-faiblement, 
les crépitations. 

M. Delarge a essayé de déterminer les longueurs de cir- 
cuits paralléles qui, placés à divers intervalles, ne permet- 
tent plus d'entendre les signaux transmis par les fils télé- 
graphiques. 

Aprés avoir établi un fil de fer de 4 millimétres de dia- 
mètre et long de 240 mètres par lequel il faisait trans- 
mettre, par l'appareil Morse, des séries de signaux courts 


( 20 ) 

correspondants à des points, il étendait un cireuit de télé- 
phone, formé d'un fil de cuivre de 177,2 de diamètre, à 
des distances de plus en plus grandes, et lorsqu'il cessait de 
pouvoir compter le nombre de signes transmis, il notait la 
longueur de circuit téléphonique et sa distance du fil télé- 
graphique. 

Dans toutes ces expériences , le courant était fourni par 
une pile composée de 100 éléments Leclanché. 

Les signaux ont cessé de pouvoir étre comptés lorsque 
le circuit du téléphone avait une longueur de : 

2m 50 et qu'il était éloigné de 7 mètres de la ligne télégraphique. 

jm id. 10 id. id. 
10m,00 id. 18 id. id. 
157,00 id 24 id. XE T 


d'oü l'on voit qu'en augmentant notablement la longueur, 
on pourrait compter les signaux à une grande distance. 

En effet, M. Delarge a pu compter le nombre de signaux 
transmis par l'appareil Hughes, à l'aide d'un cireuit du 
téléphone long de 240 mètres et placé à 100 métres du fil 
télégraphique. 

L'auteur de la Note a cherché comment il serait pos- 
sible de garantir le secret des dépêches télégraphiques, et 
il émet l'avis que l'emploi des appareils à cadran et de 
Hughes satisferaient à cette condition, mais les premiers 
ont été proscrits, parce qu'ils ne laissent aucune trace des 
dépêches, et les seconds sont trop coûteux et trop délicats 
pour étre employés dans tous les bureaux. 

L'emploi de fils souterrains, protégés par une armature, 
rendrait les indiscrétions plus difficiles, mais non impossi- 
bles; il serait, d'ailleurs, trés-dispendieux. 

L'auteur conclut que pour assurer le secret des corres- 
pondances, on devrait recourir aux dépêches chiffrées. 


(21) 

Il résulte des indications données par M. Delarge, que 
les cornets du téléphone se trouvaient, dans toutes les ex- 
périences précitées, à une assez grande distance du bureau 
d'expédition des télégrammes, pour avoir la certitude que 
les erépitations ne peuvent étre attribuées aux ondes so- 
nores, produites par le mouvement des appareils, et qu'elles 
sont bien le résultat d'une action électrique. 

Les expériences, que je viens de résumer, me paraissant 
intéresser le physieien autant que l'ingénieur télégraphiste, 
je n'hésite donc pas à proposer d'insérer dans le Bulletin 
de la séance la Note de M. Delarge et de lui adresser des 
remerciments. 

Je propose, en outre, de prier M. le Ministre des Tra- 
vaux publies de faire continuer ces expériences, de ma- 
 niére à constater l’action que les émissions et interrup- 
tions, d'un courant voltaique déterminé, exercent sur un 
circuit téléphonique variant successivement de longueur 
et placé à diverses distances d'un fil télégraphique. » 


La Classe adopte les conclusions de ce rapport , aux- 
quelles se rallient MM. Melsens et Montigny. 


Sur un compteur à secondes servant à contróler la vitesse 
des moteurs par M. Valisse, Note par M. Gérard. 


Rapport de M. Maus, 


« Le compteur, proposé par MM. Valisse et Gérard, a 
la forme d'une montre munie d'une seule aiguille qui fait 
le tour du cadran en une minute. 

Si l'on place cette montre-compteur sur une table, l'ai- 
guille, en tournant, sera dirigée successivement vers tous 


(32) 
les points de l'horizon , en partant du nord et passant par 
l'est, le sud et l'ouest. 

Mais supposons que l'on donne à la montre un mouve- 
ment de rotation en sens inverse et égal à celui de l'ai- 
guille, celle-ci sera reportée en arrière par la rotation 
de la montre et portée en avant par le mouvement d'hor- 
logerie. 

Lorsque ces deux mouvements circulaires seront égaux, 
l'aiguille restera dirigée vers le méme point de l'horizon, 
mais s'ils sont inégaux, l'aiguille avancera vers l'est ou 
reculera vers l'ouest selon que le mouvement de rotation 
de la montre sera plus lent ou plus rapide que celui de 
l'aiguille, 

En faisant tourner la montre-compteur, par une ma- 
chine, au moyen d'une transmission de mouvement conve- 
nablement calculée pour que la montre fasse une révolu- 
tion par minute, lorsque la machine fonctionne avec sa 
vitesse normale, on aura un moyen facile de constater la 
régularité de marche de cette machine, car l'aiguille signa- 
lera immédiatement une accélération ou un ralentissement 
en déviant dans un sens ou dans l'autre. 

La Note de MM. Valisse et Gérard est accompagnée du 
croquis d'un systéme de transmission, comprenant deux 
cônes tronqués dont les axes sont verticaux, l'un d'eux 
recoit le mouvement de la machine et le transmet, par une 
courroie, à l'autre qui porte le compteur sur sa base supé- 
rieure. 

La grande base de l'un des trones du cóne correspond 
à la petite base de l'autre, de sorte que l'on peut, en modi- 
fiant la position de la courroie qui embrasse les deux sur- 
faces coniques, modifier le rapport entre les vitesses de 
rotation de la machine et du compteur qui pourra, en 


MX REPETIT NE SEE EE TUNER NER RULES IRE OR IER AT UNIS IS PANIS TT 


(25 ) 
conséquence, contrôler la régularité d’une machine mo- 
trice animée de différentes vitesses normales. 

Si le rapport entre les diamètres de la grande et de la 
petite base des troncs de cône est de 4 à 1, la vitesse 
transmise pourra varier entre les limites de 4 et ‘/,, soit 
de 16 à.1. 

La courroie en caoutchouc et cylindrique peut étre 
maintenue en place, soit par de petites gorges circulaires 
creusées au méme niveau dans les deux troncs de cône, 
soit par des guides que l'on déplace pour changer le rap- 
port entre la vitesse constante du compteur et les diverse 
vitesses de la machine. 

L'idée de contróler la marche d'une machine motrice 
par un mouvement d'horlogerie n'est pas neuve, car, en 
1841, M. Saladin en a fait une application pour une ma- 
chine de filature à Mulhouse (1). 

M. Saladin transmettait le mouvement de la machine à 
deux aiguilles qui indiquaient, sur un cadran ordinaire, les 
heures et les minutes lorsque la machine fonctionnait dans 
les conditions normales. Il suffisait de comparer l'heure 
indiquée sur ce cadran , avec l'heure d'une horloge, pour 
constater que la machine avait marché soit réguliérement , 
soit trop vite ou trop lentement. 

M. Valessie, capitaine de frégate, a présenté à l'Institut 
de France, dans la séance du 6 mai 1878, un compteur 
différentiel qui a fait l'objet d'un rapport trés-favorable, 
lu dans la séance du 5 juin suivant. 

Le compteur différentiel de M. Valessie est, comme le 
compleur à secondes de MM. Valisse et Gérard, composé 


(1) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , 1841, tome XIV, 
p. 501. 


(24) 

d'une montre dont l'unique aiguille fait le tour du cadran 
un une minute, pendant que la machine imprime, à la 
montre, un mouvement de rotation égal et en sens 
inverse. 

Le compteur différentiel est installé sur un grand nom- 
bre de navires à vapeur de guerre francais, et sert à indi- 
quer que la marche du navire est uniforme , retardée ou 
accélérée selon que l'aiguille reste dirigée vers un index, 
ou se porte en avant, ou en arrière de ce repère. 

Si le mécanicien reçoit l'ordre de marcher plus vite ou 
plus lentement, il fera en sorte que l'aiguille dévie en ar- 
riére ou en avant de l'index. 

Le mouvement de la machine est transmis à la montre, 
par un systéme de neuf petits arbres commandés les uns 
par les autres au moyen de roues dentées de diamètres dif- 
férents, les unes folles, les autres fixes sur leurs axes; 
chacun de ces axes porte un manchon d'embrayage, qui 
sert à changer le rapport des nombres de tours de deux 
axes voisins. Ce mécanisme est contenu dans une boite 
de 07,40 de long, 07,20 de large et 07,06 de haut. 

Les manchons d'embrayage sont manœuvrés de lex- 
térieur de la boite, à l'aide de touches. Avec 9 touches on 
peut produire 512 combinaisons qui permettent de faire 
varier le rapport entre les vitesses de l'arbre moteur et de 
la montre, de 11 à 80 en passant par des vitesses inter- 
médiaires peu différentes. 

Ce mode de transmission est beaucoup plus compliqué 
que le moyen proposé par MM. Valisse et Gérard qui me 
parait préférable eu égard à la petitesse de l'effort à trans- 
mettre. 

Je propose de le faire connaitre aux lecteurs de nos Bul- 


(25 ) 
letins, en publiant la description qui précède et n'exige 
pas de planche explicative. » 


La Classe a adopté ces conclusions. 


Recherches sur les couleurs des étoiles doubles, 
par L. Niesten. 


Rapport de M. J.-C. Houzeau. 


« Le travail de M. Niesten a son origine dans la remar- 
que, faite depuis quelque temps, par des astronomes et 
des physiciens, que l'activité solaire est influencée par la 
position des planétes. Réciproquement les planétes chan- 
gent de couleur (c'est du moins ce qu'on a cru remarquer) 
dans une période qui correspond à celle des taches so- 
laires. Uranus, qui était bleu autrefois , et difficile à voir à 
l'œil nu, est devenu blanc et s'est élevé à la 5"* grandeur. 
Enfin on connait maintenant des étoiles qui éprouvent une 
variation périodique non-seulement d'éclat, mais de cou- 
leur. 

Ces différents faits appelaient l'attention sur les teintes 
des étoiles doubles. M. Niesten a formé le tableau des cou-. 
leurs des composantes de 20 groupes binaires à révolution 
relative, d'aprés un siécle à peu prés d'observations des 
astronomes. 

Il est vrai que ces observations reposent sur des appré- 
ciations faites par des yeux différents. On peut douter 
qu'elles soient bien comparables entre elles. Mais comme 
un résultat général se dégage pourtant de cette variété , il 


( 26 ) 
n'est pas sans intérét d'exposer, ne füt-ce que pour mettre 
la question à l'étude, le phénomène que ces comparaisons 
semblent révéler. 

Dans les étoiles doubles à circulation relative, les deux 
éléments varient de teinte, en passant à peu prés par les 
mêmes altérations. Au périastre les composantes sont blan- 
ches. La coloration se prononce ensuite , en commencant 
généralement par le jaune, à mesure que les deux corps 
s'éloignent l'un de l'autre. Il est trop tót encore pour dis- 
cuter la cause de ces variations. Il faut d'abord qu'elles 
solent confirmées par une étude faite au point de vue spé- 
cial de la coloration. Mais il y a, dans ces recherches, une 
indication première qui n'est pas sans valeur. 

Passant aux étoiles doubles optiques, M. Niesten trouve 
ce fait curieux que, dans ees groupes, qui sont purement 
de perspective, le compagnon est ordinairement bleu. 
Cette teinte se rencontre rarement, au contraire, dans la 
petite étoile d’un système physique. 

Dans les doubles optiques, on peut raisonnablement ad- 
mettre que la petite étoile est beaucoup plus éloignée de 
nous que la grande : elle est, en quelque sorte, vers les 
confins du monde visible. Si le bleu se remarque dans les 
étoiles les plus éloignées, ne serait-ce point par un effet 
de superposition de teinte, analogue au bleu des monta- 
gnes qu'on voit à un horizon lointain? Cette coloration 
serait alors l'effet du milieu gazeux répandu dans les es- 
paces célestes ; et il serait piquant de trouver que ce milieu 
agit sur les rayons lumineux quile traversent, exactement 
comme notre propre atmosphère, dont il n’est peut-être 
que la continuation. 

On voit que le travail de M. Niesten est fait pour attirer 
l'attention sur des questions neuves et pleines d'intérêt. A 


(27) 
ce titre je proposerai de l'insérer dans nos Bulletins, et 
d'adresser des remereiments à l'auteur. » 


La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles se sont 
ralliés MM. Mailly et Liagre. 


Révision des Hédéracées américaines. — Description de dix- 
huit espéces nouvelles et d'un genre inédit, par M. Élie 
Marchal, conservateur au Jardin botanique de l'État. 


Rapport de M. F. Crépin. 


« L'auteur de cette notice avait été chargé par la rédac- 
tion de la Flora Brasiliensis d'élaborer la monographie des 
Hédéracées de l'empire du Brésil. Pour remplir cette tàche 
laborieuse et difficile, l'auteur a dà étudier les nombreux 
matériaux de cette famille dispersés dans les grands her- 
biers d'Europe. Aprés plusieurs années de recherches, 
M. Marchal est parvenu à élucider les Hédéracées brési- 
liennes, dont la monographie a paru dans le 74° fascicule 
de la Flora Brasiliensis. 

Depuis la publication de ce travail, l'auteur a poursuivi 
ses études spéciales avec l'intention de publier une mono- 
graphie générale de la famille des Hédéracées. Ses nou- 
velles recherches l'ont conduit dés maintenant à distinguer 
dix-huit espèces nouvelles appartenant au continent amé- 
ricain , à créer un genre nouveau, le genre Coemansia, et 
à établir un sous-genre dans le genre Gilibertia. 

Ce premier résultat fort important fait l'objet de la No- 
tice précitée, qui est destinée à assurer les droits de prio- 
rité de l'auteur. 


( 28 ) 

En présence de l'intérêt de ces nouvelles acquisitions 
pour la science et de l'excellente méthode que l'auteur a 
employée pour distinguer et décrire les espèces inédites, 
nous estimons que l'Académie ferait trés-bien en accueil- 
lant favorablement son travail et en décidant l'impression 
de celui-ci dans la collection de ses Bulletins. » 


La Classe a adopté ces conclusions, partagées par 
MM. Morren et Gilkinet. 


Note sur l'analyse des superphosphates, par M. Chevron. 
Rapport de M. Stas. 


'« L'emploi agricole du mélange dit superphosphates a 
conduit les chimistes à chercher une méthode ex péditive et 
relativement exacte de dosage de l'acide phosphorique 
libre, de l’acide phosphorique des phosphates, mono-et 
bicalcique, et des phosphates acides de fer et d'alumine 
qui se forment sous l'influence de l'action de l'acide sulfu- 
rique sur le phosphate tricalcique naturel et sur le phos- 
phate tricaleique des os des animaux. 

Parmi les moyens indiqués pour opérer une séparation 
nette du phosphate tricaleique non attaqué par l'acide 
sulfurique des autres phosphates, se trouve l'emploi du 
citrate d'ammoniaque, qui jouit, ainsi qu'on le sait, de la 
propriété de dissoudre aisément le phosphate bicaleique, 
et les phosphates acides aluminique et ferrique, insolubles 
dans l'eau et de céder ensuite l'acide phosphorique dis- 
sous au molybdate d'ammoniaque. 

L'inaltérabilité du phosphate tricalcique par le citrate am- 
moniaque ayant été contestée, M. Chevron a soumis cette 


| 
| 
| 
| 
1 
| 


( 29 ) 

méthode de dosage à un nouvel examen; il a reconnu en 
effet que c'est par erreur qu'on a admis l'inaltérabilité du 
phosphate tricaleique par le citrate d'ammoniaque ; il a 
constaté toutefois que l'emploi de ee dissolvant peut con- 
duire à des résultats suffisamment exacts pourvu qu'on 
s'abstienne d'employer un trop grand exeés de solution 
de citrate. 

Le travail de M. Chevron me semble trés-bien exécuté ; 
cette considération, jointe à l'intérét que présente pour 
l'agriculture la constatation de la valeur vénale des phos- 
phates, suivant leur état chimique, me détermine à propo- 
ser à la Classe d'ordonner l'impression de la Notice de 
M. Chevron dans les Bulletins de la séance et de lui voter 
des remerciments pour sa communication. » 


M. Melsens, second commissaire, adhére aux conclusions 
de son savant confrére M. Stas, lesquelles sont mises aux 
voix et adoptées. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


Sur l'Arsénopyrite ou Mispickel et sur l’eau arsenicale de 
Court-Saint-Étienne; par M. C. Malaise, membre de 
l'Académie. 

M. C. Malaise demande l'impression de la note suivante, 
lue à la séance de la Classe des sciences du 7 décembre 

1878, et déposée provisoirement sous pli cacheté : 


L'existence de l'arsénopyrite ou mispickel présente à 
elle seule un intérêt scientifique. Les circonstances qui se 


( 30 ) 
rattachent à sa découverte méritent également d’être si- 
gnalées. 

Le 9 novembre 1878, je recevais de M. E. Henricot, in- 
génieur honoraire des mines et industriel à Court-Saint- 
Étienne, une lettre m'annoncant l'envoi d'un exemplaire 
de minerai trouvé à Court-Saint-Étienne, lors du creuse- 
ment du puits de l'hospice Liboutton, avec demande de 
renseignements au sujet de sa composition. 

Je répondis à M. Henrieot que c'était de la pyrite arse- 
nicale, en le priant de m'envoyer, si possible, un échantil- 
lon cristallisé et de me donner des renseignements sur le 
gisement de cette substance. 

Voici ce qui me fut répondu : 

.« Il y a deux ans, en creusant un puits pour l'hospice, 
près de l'église de Court-Saint-Étienne, on rencontra un 
petit filon de ce minerai. On m'a dit alors que les mem- 
bres de la commission de l'hospice avaient fait analyser le 
minerai et que le chimiste avait trouvé qu'il était sans 
valeur. 

Je n'ai pas attaché d'importance à ce fait. Mais dans ces 
derniers temps, les pensionnaires de l'hospice, en général, 
sont tombés malades et il en est mort trois sur dix qui 
peuplaient l'hospice. Cette circonstance me fit surgir 
l'idée de vous adresser l'échantillon que je possédais. 

Vous me dites que c’est de la pyrite arsenicale. Voudriez- 
vous bien me dire si les eaux en contact avec ce minerai 
pourraient étre dangereuses pour l'alimentation? » 

J'ai répondu que, dans certaines circonstances et sous 
certaines influences, il était possible que la pyrite arseni- 
cale devint soluble. Cette question était nouvelle pour 
moi. J'ai conseillé de faire cesser immédiatement l'emploi 
de celle eau comme eau alimentaire, ce qui a eu lieu. 


| 
3 
| 
: 
i 


( 91) 

Je me suis rendu à Court-Saint-Étienne et j'en ai rap- 
porté environ un litre de l'eau suspectée. Celle-ci, con- 
centrée et essayée au laboratoire de l'Institut agricole, par 
M. le professeur L. Chevron, a dénoté la présence de l'arse- 
nie par l'appareil de Marsh. 

Voici done un fait qui présente une certaine gravité. 

L'examen fait au moment où la substance fut décou- 
verte, et d'aprés lequel on a conclu que le minerai était 
sans valeur, a dû être fait légèrement. On aura cru avoir 
une pyrite. 

Une substance peut ne pas avoir d'importanee au point 
de vue industriel, mais dans le cas qui nous occupe, c'est 
un peu différent. 

L'eau de Court-Saint-Étienne pourra probablement 
étre employée utilement en médecine, comme eau miné- 
rale arsenicale. 


M. le professeur L. Chevron a fait une nouvelle analyse 
de; cette eau (1). Voici ce qu'il m'a communiqué à ce sujet : 

« L'échantillon contenu dans 7 bouteilles à vin et me- 
surant 5i. 570 a été remis au laboratoire de l'Institut le 
26 décembre 1878. L'eau était TRÈS-LÉGÈREMENT louche. 
Ce louche ne disparait pas par l'addition de l'acide chlor- 
hydrique; il nous parait formé, au moins en partie, par 
des filaments organiques. Il ne renferme pas d'arsenic. 

Une partie de l'échantillon, 770 c. c., a été filtrée. 

Le liquide, parfaitement limpide, a été évaporé en pré- 
sence d'un peu de potasse caustique, puis, lorsqu'il eut été 


(1) Lecture faite à la séance de la Classe des sciences du 4 janvier 
1879. 


(32) 
convenablement concentré, il a été acidifié par l'acide sul- 
furique et introduit dans l'appareil de Marsh. On a obtenu 
des taches d'arsenic. ; 

Le restant de l'échantillon, soit 45,600, était réservé 
pour le dosage de ce métalloide. 

On a aussi filtré cette portion et le liquide a été traité 
comme dans l'essai qualitatif. Seulement , dans cet essai, le 
gaz sortant de l'appareil de Marsh venait barboter dans 
l'acide nitrique fumant contenu dans un tube de Will et 
Warentrapp. L'acide nitrique devait transformer l'hydro- 
gène arsénié en acide arsénique. Entre le flacon à hydrogène 
et le tube à acide nitrique était interposé un petit flacon 
destiné à recueillir l'eau qui pouvait étre entrainée par 
le gaz. 

Le dégagement gazeux terminé, on a évaporé l'acide 
azotique. Comme nous nous sommes apercu que le résidu 
renfermait un peu d'oxyde ferrique, primitivement contenu 
dans l'acide nitrique, nous l'avons repris par quelques 
gouttes d'acide chlorhydrique et ajouté un peu d'acide 
citrique pour empêcher l'hydrate ferrique d’être précipité 
par l'ammoniaque. 

La solution ammoniacale bien limpide a été précipitée 
par la mixture magnésienne. Après quelques heures de 
_ repos, le précipité a été recueilli, séché à 400° et pesé. On 
a obtenu 8 milligrammes d’arséniate ammoniaco-magnésien. 
Comme cet arséniate, séché à 100°, renferme 60,55 p. °/, 
d’anhydride arsénique, nos 8 milligrammes correspondent 
à 472,84 d'As?05 ou à 575,16 d'arsenic. Ainsi l'eau analysée 
renferme seulement par litre un poids d'arsenic corres- 
pondant à 172,052 d'anhydride arsénique. 

L'arsenie constaté dans l'eau de Court-Saint-Étienne 
provient probablement de l'action de l'eau sur le sulfo-ar- 


( 95) 
séniure de fer, dont mon collègue, M. Malaise, a constaté 
la présence dans le terrain traversé par le puits. On sait 
que l'eau pure décompose à la longue l'orpiment en pro- 
duisant de l'acide arsénieux et de l'hydrogéne sulfuré. 

Est-il besoin d'ajouter que nous avons eu soin d'essayer 
tous les réactifs employés et qu'ils n'ont pas accusé la 
moindre trace d'arsenic. 

Quant à l'arséniate ammoniaco-magnésien recueilli, il a 
été dissous dans un peu d'acide chlorhydrique et examiné 
à l'appareil de Marsh. Il a fourni de nombreuses taches 
arsenicales. » 


Depuis la séance académique du 7 décembre 1878, 
mon attention a été appelée sur un mémoire lu à la séance 
du 1** décembre 1784, de l'ancienne Académie de Bruxelles, 
par X. de Burtin. 

Ce travail relate la présence de la pyrite arsenicale à 
Court-Saint-Étienne, fait que Dumont et Galéotti n'ont 
pas signalé dans leurs travaux sur le Brabant (1). 

Voici ce qu'en dit de Burtin : 

« Comme j'avais vu au jour, dans plusieurs blocs de 
» quartz, un minerai arsenical tiré du fond de la bure, 
» dont le coup d'œil ressemble tantôt à la mine de cobalt, 
» couleur d'acier, t2ntót à la mine d'argent ou plutót de 
» cuivre gris, je m'en procurai plusieurs morceaux, afin 
» d'essayer à loisir cette substance métallique. De retour 
» au logis, j'en jetai un peu sur des charbons qui m'appri- 


(1) M. le professeur G. Dewalque a rappelé ce fait. (Bulletin de la 
Société géologique de Belgique, V. V, p. xcix.) 
9"* SÉRIE, TOME XLVII. 5 


(54) 
» rent par une odeur insupportable d'ail combien ce mi- 
» nerai renferme d'arsenic (1). » 

L’arsénopyrite de Court-Saint-Étienne projetée sur des 
charbons ardents donne d’abord une odeur alliacée, puis 
l'odeur d'anhyd ride sulfureux. 

De Burtin ajoute quelques lignes plus bas : 

« Je dois faire observer que je me suis aperçu aux mines 
» de plomb de Vedrin , que partout où la minière cesse de 
» donner du plomb, elle offre copieusement de la véritable 
» pyrite arsenicale. » 


Note sur le téléphone, appliqué dans le voisinage des lignes 
télégraphiques ordinaires ; par M. Frédéric Delarge, 
ingénieur en chef à la direction des télégraphes, à 
Bruxelles. 


Dans les essais de transmission de la parole par le télé- 
phone de Bell qui ont été effectués sur des lignes télé- 
graphiques, il a été remarqué que cet appareil est forte- 
ment influencé par les courants qui traversent les fils 
plus ou moins voisins desservant les appareils ordinaires. 
Nous nous sommes proposé de rechercher les limites aux- 
quelles ces effets cessent d’être appréciables. 

Ces essais présentaient un certain intérét au point de 
vue technique, l'extréme sensibilité du téléphone permet- 
tant de découvrir des faits que les galvanométres les plus 


(1) Fn.-X. pe BunriN. Voyage et observations minéralogiques depuis 
Bruxelles par Wavre jusqu'à Court-Saint-Étienne. (Mémornes De L'ACA- 
DÉMLE DE BRUXELLES, t. V, p. 154. Bruxelles, 1788.) 


( 55 ) 

sensibles généralement en usage ne peuvent mettre en 
évidence, et, en second lieu, ils avaient pour but d'établir 
s'il est possible d'adopter certaines dispositions qui empé- 
chent que les correspondances trausmises par les fils télé- 
graphiques ne soient entendues au moyen de circuits 
téléphoniques voisins. La présente note a pour but d'énu- 
mérer, aussi suceinctement que possible, les résultats que 
nous avons obtenus. . 

La crépitation qui se produit dans le téléphone, lorsque 
le fil qui le dessert est placé sur des poteaux qui suppor- 
tent d'autres conducteurs télégraphiques, provient de deux 
causes distinctes, qui sont : la dérivation, à travers les 
supports isolants, des courants voltaiques qui font fonc- 
tionner les appareils télégraphiques et l'induction engen- 
drée par ces mémes courants. Ces derniers phénoménes 
se divisent en induction éleetro-statique et induction 
électro-dynamique. 

En ce qui concerne la dérivation , nous sommes arrivé, 
le 15 avril 1878, à la conclusion qu'il suffit qu'un circuit 
téléphonique soit attaché, méme au moyen d'un isolateur 
double cloche en porcelaine, à un seul poteau faisant par- 
tie d'une ligne télégraphique pour que l'on entende par 
téléphone, dans les conditions ordinaires, les signaux 
Morse échangés par les fils télégraphiques. Dans ces ex- 
périences, nous avons, autant que possible, évité l'influence 
de l'induetion. Nous avons, notamment, éloigné le plus 
possible les deux circuits en les mettant dans le prolonge- 
ment l'un de l'autre. Nous avons également fait passer en 
sens contraire le eourant télégraphique dans deux fils 
parallèles, de facon que leurs actions éleetro-dynamiques 
sur le cireuit téléphonique se neutralisent. Nous avons 
aussi fait traverser les fils paralléles par le courant d'une 


( 96 ) 
pile fonctionnant en court circuit et, dans ce cas, le télé- 
phone restait muet quoique l'intensité du courant vol- 
taique fût notablement augmentée. Ce phénomène était dû 
à ce que la résistance du circuit comprenant la pile ayant 
diminué, la quantité d'électricité traversant le téléphone 
par dérivalion était beaucoup plus faible. 

Il ressort du résultat mentionné plus haut que le télé- 
phone n'exige, pour fonctionner, que des courants d'une 
extréme faiblesse. 

En effet, les isolateurs double cloche en porcelaine 
présentent, en général, une résistance au passage du cou- 
rant supérieure à 8,000,000,000 d'unités Siemens. 

D'autres considérations confirment ce qui précéde : 
M. R.-S. Brough a calculé que dans une communication 
par téléphone le plus fort courant qui fait fonctionner 
le téléphone récepteur n'excéde pas, à certain moment, 
i355 555;55,, de l'unité de courant Weber (1). 

. W.-H. Preece estime que les courants du téléphone 
sont moindres que —#—— du courant ordinaire servant 
aux transmissions télégraphiques (2). 

Nous nous occuperons maintenant de l'induction. 

Sous l'influence des courants d'induction qui se déve- 
loppent au commencement et à la fin des signaux télégra- 
phiques dans les fils voisins de ceux affectés à la transmis- 
sion des télégrammes, le téléphone produit deux sons qui 
ont à peu prés la méme intensité lorsque la résistance du 


(1) Cette unité Fools comme on sait, le courant émis par un volt 
à travers un ohm t est égal à 0,9268 d'un élément Daniell, l'ohm 
représente 1, 0456 unités ; élus et celle-ci err à peu prés à 97,26 
mètres de fil de fer de 4 millimètres de diamètr 

(2) Philosophical Magazyne, avril 1878. 


PR EE ee NE a RUE SI PRENNE D e 


(37) 
circuit inducteur est très-faible et dont le second est plus 
fort que le premier dans le cas contraire (1). 

Ces deux sons permettent d'apprécier par le téléphone 
la durée des courants inducteurs et, par conséquent, de 
comprendre les signaux de l'alphabet Morsè qui repré- 
sentent des combinaisons de courants de longue et de 
courte durée (traits et points). Ils permettent aussi de re- 
connaitre quelques combinaisons de lettres de l'appareil 
imprimeur de Hughes dont le roulement est tout à fait 
caraetéristique, mais la lecture des télégrammes transmis 
par ce dernier appareil est néan moins impossible. ll est à 
noter, toutefois, que les émissions et interruptions de 
courant étant plus nettes et plus bréves qu'avec l'appareil 
Morse, les courants d'induction sont plus intenses et plus 
facilement percus. 

Les principaux phénomènes d'induction que nous avons 
observés sont les suivants : 

Le 5 avril 1878, nous avons constaté que l'on entendait 
des signaux en fermant le circuit de deux téléphones par 
un fil de fer de 160 mètres de longueur, placé à 5",50, 
environ, d'un fil d'essai par lequel on échangeait des 
signaux Morse. 

Le 5 avril, en placant un fil de cuivre, recouvert d'une 
double enveloppe de gutta-percha, et formant le circuit 
d'un téléphone,' en contact avec un fil semblable faisant 
partie du circult d'un appareil Hughes fonctionnant en 
ligne, au moyen d'une pile de 140 éléments Daniell, nous 
avons entendu par RC za — di stis s 
Hughes, lorsque les d 


Le 1 LAURE LEE 2027 22 


(1) Ce renforcement du son paraît dü à l'extra-courant. 


( 58 ) 
que sur une longueur de 0",50; lorsque cette longueur se 
réduisait à 0,25, il se produisait encore un bruit exces- 
sivement faible, mais on n'aurait pu en préciser l'origine, 
si on ne l'avait connue. 

Le fil du téléphone ayant été placé parallélement au fil 
Hughes sur une longueur de 77,50 et à une distance 

5,40, on entendait distinctement les courants du 
Hughes. 

Le 14 juin, nous avons fait traverser un fil de fer de 47" 
de diamétre et de 40 métres de longueur par des courants 
produits par deux séries de 50 éléments Leclanché réu- 
nies par les pôles de méme nom. Un électro-aimant avec 
armature, d'une résistance de 200 U. S. environ, était in- 
tercalé entre le fil et la terre. 

Un fil de cuivre de 177,2 de diamètre a été tendu paral- 
lèlement au fil de fer et on a fermé par ce fil de cuivre le 
circuit de deux téléphones placés l'un à la suite de l'autre 
et ayant chacun une résistance de 75 U. S. 

En donnant au fil de cuivre une longueur de 5 mètres, 
seulement, et en le plaçant à 07,10 du fil de fer, on a pu 
distinguer des signaux Morse transmis par le fil de fer. 
En portant l'écartement à 5 métres, on entendait encore 
des signaux, mais on ne parvenait pas à les distinguer. Il 
est à noter que les téléphones étaient installés en plein air 
et que le vent était très-fort. 

ll nous parait que si nous nous étions trouvés dans une 
piéce fermée, nous aurions pu reconnaitre les signaux. 
A 5 mètres de distance on n'entendait plus rien; à 4 mè- 
tres il y avait doute. 

En donnant au fil de cuivre une longueur de 10 mé- 
tres, on a entendu des signaux, sans les distinguer, jus- 
qu'à un écartement de 5 métres. 


( 99 ) 

En tenant compte des conditions défavorables d'audi- 
tion dans lesquelles nous nous trouvions,on peut admettre 
que les limites de distance pour la perception des signaux 
déterminées par cet essai sont de 5 et de 5 métres, avec 
des fils induits de 5 et de 10 métres de longueur et lors- 
qu'une bobine de résistance est dans le circuit. 

Le 17 juin, nous avons placé à l'intérieur d'une pièce 
fermée un fil de cuivre recouvert de gutta-percha, de 6",30 
de longueur; ce fil était parallèle à ceux d'une ligne télé- 
graphique longeant le bâtiment, à l’extérieur, et en était 
écarté d'une longueur minima de 5",17. En mettant deux 
téléphones dans le cireuit du fil d'essai on entendait un 
mélange de signaux dont on distinguait nettement ceux 
produits par l'appareil Hughes. Ces derniers pouvaient 
encore étre entendus, mais trés-faiblement, lorsque la 
longueur du fil n'était que de 27,50. 

Il ressort des observations que nous venons de relater 
que des longueurs trés-faibles de cireuit induit sont suffi- 
santes pour que les phénoménes d'induction soient décelés 
par le téléphone (1). Il resterait à déterminer quelles sont, 
d'aprés les longueurs des circuits eu présence, les distances 
auxquelles ces phénoménes cessent d'étre percus. 

D’après les auteurs qui traitent des courants d’induction 


(1) Cet appareil est beaucoup plus sensible que le galvanométre à 
miroir de beet equel accuse, cependant, le passage de courants de 
minime intens 

Nous avons mm en effet, qu'avec une pile de 20 éléments Leclan- 
ché accouplés en quantité, le téléphone fonctionne par induction lorsque 
le circuit induit est, sur une longueur d'un métre, seulement, placé à 0m, 02 
du fil inducteur, tandis que le galvanomètre Thomson mest nullement 
influencé lorsque les deux circuits ont 7 mètres de longueur et sont écar- 
tés de 0,01 environ 


( 40 ) 
électro-dynamique, l'intensité de ces courants est propor- 
tionnelle à l'intensité des courants inducteurs, en raison 
inverse de la distance des circuits inducteur et induit (1) 
et proportionnelle au produit des longueurs des fils en 
présence. 

Ces lois paraissent avoir été établies pour les courants 
engendrés dans des spirales planes ou dans des bobines 
hélicoidales. 

Le raisonnement démontre, d'ailleurs, qu'elles ne peu- 
vent s'appliquer, en ce qui concerne la loi du produit des 
fils, aux conducteurs tendus en face l'un de l'autre. 

En effet, supposons un fil inducteur A enroulé en cercle 
en un seul tour, et un fil induit B, enroulé de la méme 
facon et placé en face de A (fig. 1). 


ox. 


Représentons par M l'action totale de A sur B. Si on 
double la longueur du circuit induit en plaçant un second 
tour de fil contre le premier (fig. 2), l'action du circuit 
inducteur sur le second tour sera sensiblement égale à 
celle sur le premier, vu que les distances sont à trés-peu 
prés les mémes, et, dés lors (si la résistance d'un tour de 


(1) D’après M. Abria, l'intensité du courant induit varie sensiblement, 
d'abord en raison inverse dela racine carrée de la distance, ensuite de la 
simple distance. 


(8) 
fil est négligeable par rapport à la résistance extérieure), 
l’action totale sera représentée par 2M. 

Fig. 2. 


\ 
AN 


Enfin (fig. 5), si on place un second tour de fil au cir- 
cuit inducteur (tout en maintenant la méme intensité de 
courant),on obtient évidemment un effet double de celui du 
cas précédent, c'est-à-dire représenté par 4M. On com- 
prend donc que les effets, dans le cas de spirales ou de 
bobines, soient proportionnels aux produits des longueurs 
des fils. 

Fig. 3. 


eS 


Il n’en est pas de méme lorsque les fils, au lieu d’être 
enroulés, sont développés dans toute leur longueur. 


Fig. 4. 


v b 


Soient un fil inducteur a et un fil induit b (fig. 4) M l'ae- 


(4) 
tion de a sur b et d l'écartement de ces fils. Si on double la 
longueur du fil induit (fig. 5), l’action de a sur b sera 
évidemment moindre que sur b. 


Fig. 5. 


En admettant la loi de la simple distance, elle sera repré- 
sentée par 
d 
Va uv 
Si l'on double le circuit inducteur (fig. 6), l'effet total 
sera double de ce qu'il était dans le cas précédent; il 
sera 


M 


IU + T E. P 
V d + b? 


valeur plus petite que 4M. 


Pa 
| 


En second lieu, l'induction électro-statique agit dans le 
méme'sens que l'induction électro-dynamique au commen- 
cement et à la fin des signaux et les lois qui régissent ces 
deux genres d'effets présentent certaines différences. Il 
parait done difficile d'établir par le caleul les différentes 


(45) 
limites de perception des signaux. On ne pourrait, semble- 
t-il, atteindre ce résultat que par expériences directes. 

Nous avons fait quelques essais comparatifs, mais les 
sons étant fugitifs, il est très-difficile de préciser s'il y a 
égalité complète d'intensité de courant à deux moments 
différents. 

D'un autre côté, dans des expériences faites à l'air 
libre, les conditions d'audition varient fortement d'un 
instant à l'autre. 

On ne pourrait arriver à des résultats à peu prés cer- 
tains qu'en faisant un trés-grand nombre d'essais. Nous ne 
pouvons donc citer les chiffres que nous avons obtenus 
que comme des valeurs tout à faites approximatives. 

Les dispositions suivantes ont été adoptées : 

Afin de maintenir autant que possible les mêmes condi- 
tions, nous avons fait transmettre par un fil de fer de 47" 
de diamétre et de 240 métres de longueur, non pas des 
signaux Morse, mais des séries de points, dont l'opérateur 
changeait fréquemment le nombre formant la série. Le 
circuit induit était formé de fil de cuivre de 1"",9 de dia- 
mètre. On l'éeartait successivement du circuit inducteur 
et la distance ia plus grande à laquelle on pouvait comp- 
ter le nombre de points était considérée comme limite. 
La pile était composée de 100 éléments Leclanché réunis 
par leurs póles contraires et l'extrémité du fil de ligne était 
reliée à la terre sans bobine d’électro-aimant interposée (1). 
Deux téléphones présentant une résistance totale de 
150 U.S. étaient placés l'un à la suite de l'autre. 


(1) Les signaux étaient distingués beaucoup plus difficilement lors- 
qu'une bobine était intercalée dans le circuit inducteur. 


(4) 


Le tableau suivant contient les résultats obtenus : 


NUMÉRO LONGUEUR LONGUEUR DISTANCE MAXIMA 

i du du es 

* CIRCUIT CIRCUIT DEUX CIRCUITS 
l'essai. indueteur. induit. à laquelle on pouvait entendre. 
Métres. Mètres. Mètres. 

1 
2 240 5,00 10 
5 240 10,00 18 
4 240 15,00 94 


Il est permis de conclure que si les fils en présence 
avaient un grand développement, on pourrait distinguer à 
une très-forte distance les signaux traversant le fil induc- 
teur. L'expérience suivante le prouve, d'ailleurs : en pla- 
cant deux téléphones sur un fil d'essai de 240 mètres de 
longueur et en prenant terre aux deux extrémités de ce 
fil, nous avons entendu des signaux mélangés transmis par 
les fils d'une ligne télégraphique paralléle, éloignée de 
100 métres; nous avons, notamment, distingué trés-claire- 
ment des combinaisons de lettres de l'appareil Hughes (1). 

On doit done admettre qu'il est possible, dans certaines 
conditions, de saisir par téléphone le secret des corres- 
pondanees échangées par les appareils Morse. 


(1) Nous nous sommes assuré que ces courants ne se propageaient pas 
d'une ligne à l'autre par dérivation à travers le sol. 


(45 ) 

Il est dés lors utile d'examiner s'il y a dans cette situa- 
tion un danger réel pour les administrations télégraphiques 
et s'il convient de prendre des mesures spéciales en vue 
de la modifier. 

Quant au premier point, il est à remarquer qu'en géné- 
ral les lignes télégraphiques se composent de plusieurs fils 
et que, par suite, à moins de placer le fil du téléphone trés- 
prés de l'un d'eux, on n'entend généralement qu'un mé- 
lange de signaux. On doit reconnaitre, par contre, qu'à 
certaines heures, pendant la nuit, par exemple, un grand 
nombre de fils venant à chómer, on pourrait parfois dis- 
tinguer ce qui est transmis par l'un d'eux. 

En ce qui concerne les mesures de précautions à adop- 
ter, l'administration des télégraphes belges a interdit d'une 
facon absolue l'usage du téléphone aux particuliers qui 
ont obtenu l'autorisation de placer des fils servant à leur 
usage personnel sur les poteaux de l'État. 

Un moyen efficace consisterait à n'employer que des 
appareils imprimeurs de Hughes dont on ne peut recon- 
naître que quelques signaux, mais il serait extrêmement 
coüteux : en Belgique, 1,152 appareils, entrainant une 
dépense d'installation de 1,850,000 francs, seraient néces- 
saires. De plus, cet appareil est trop compliqué et demande 
trop de soins pour pouvoir étre mis entre les mains des 
agents attachés aux bureaux peu importants. 

L'usage des appareils à cadran serait moins onéreux et 
plus praticable, mais nous pensons que ce serait créer des 
diffieultés de service que d'utiliser, d'une facon générale, 
ces appareils qui ont été supprimés il y a plus de dix ans 
en Belgique pour étre remplacés par des enregistreurs de 
Morse. 

La substitution aux lignes aériennes de lignes souter- 


( 46 ) 
raines protégées par une garniture métallique mettrait, 
nous semble-t-il, les administrations télégraphiques un peu 
plus à l'abri des indiscrétions, mais elle n'offrirait pas une 
sécurité compléte. 

En effet, les difficultés d'installation d'un circuit télé- 
phonique induit suffisamment rapproché seraient un peu 

plus grandes, mais nullement insurmontables; d'un autre 

côté, il résulte d'expériences que nous avons faites sur des 
câbles de 1150 mètres de longueur qu'une armature mé- 
tallique ne fait pas disparaître complétement les effets 
d'induction qui se manifestent au téléphone. L'induction 
éleetro-statique cesse, mais l'induction électro-dynamique 
persiste. Enfin, l'objection la plus grave contre cette trans- 
formation consiste en ce qu'elle nécessiterait des dépenses 
considérables. Son application au réseau belge, complet, 
coûterait 98,000,000 de francs, environ. 

Il reste à examiner la question qui nous occupe au point 
de vue purement administratif. 

Dans les pays, et Cest le cas en Belgique, où aucune 
disposition formelle de la loi ne défend aux particuliers de 
divulguer le secret des correspondances télégraphiques 
saisi par un moyen quelconque, il ne parait pas possible 
de sévir eontre ceux qui se seraient rendus coupables 
d'indiserétion en se servant d'un circuit. téléphonique 
installé conformément aux lois. Dans ces conditions, con- 
vient-il de combler cette lacune en provoquant de nou- 
velles dispositions pénales ? 

La réponse à cette question nous parait douteuse. On 
ne doit pas perdre de vue, en effet, que le contróle serait 
très-difficile, le fil du téléphone pouvant être placé à l'abri 
des regards de l'autorité, notamment derriére des arbres, 
à l'intérieur des habitations, etc. 


( 47) 

On ne peut se dissimuler, d'ailleurs, qu'avant la décou- 
verte du téléphone la sécurité n'était pas complète. En 
effet, en établissant une dérivation sur un fil télégraphique 
au moyen d'un électro-aimant offrant une grande résis- 
tance, on pourrait lire les transmissions Morse, bien plus 
facilement que par-téléphone, sans interrompre les com- 
munications. Il serait dangereux de procéder à cette ma- 
nœuvre pendant le jour, mais on pourrait l'opérer la 
nuit. i 

En outre, dans certaines circonstances, une personne 
exercée se trouvant prés d'un local contenant des appa- 
reils pourrait comprendre les transmissions par le bruit 
que font les armatures ou les manipulateurs. 

Nous terminerons cet apercu par la considération sui- 
vante : les dépéches qui réclament un secret absolu pou- 
vant étre rédigées en langage secret, il est à supposer que 
peu de personnes seraient disposées à dépenser leur temps 
et à s'exposer à des mécomples en essayant de comprendre 
des télégrammes dont elles ne pourraient, dans la majeure 
partie des cas, tirer aucun parti. 


c 


Compteur à secondes servant à contróler la vitesse des 
moteurs de M. Valisse; agencement proposé par M. An- 
toine Gérard, horloger-mécanicien, à Liége. 


Cet agencement est proposé pour résoudre d'une ma- 
nière générale, le probléme qui a pour but de faire con- 
naître quand la vitesse d'un moteur s'écarte, en plus ou en 
moins, de la vitesse normale ou réglementaire. 

En effet, si étant donnée la vitesse de rotation d'une 
aiguille, qui ici est une aiguille de seconde, faisant ainsi 


( 48 ) 

une révolution par minute, on met ce compteur en relation 
avec un axe dont le nombre de révolutions est déterminé, 
il arrivera que si le moteur a pour fonction des révolu- 
tions et si en méme temps on le charge de faire tourner la 
boite du compteur, l'aiguille simulera le repos aussi long- 
temps que les deux rotations, celle de l'axe-machine et de 
l'aiguille des secondes, se trouveront étre dans un rapport 
exact. 

C’est pour faciliter la recherche de ce rapport que je 
propose de plaeer le compteur sur une poulie graduée et 
d'y joindre une seconde poulie graduée qui sont, ainsi que 
la figure le fait voir, deux cónes semblables, ayant le dou- 
ble avantage de varier à volonté leur apport et de per- 
mettre de n'employer pour les réunir en mouvement qu'une 
seule corde sans fin, laquelle, à cause de la similitude des 
deux figures, trouvera sur tous les points de leur surface 
un méme développement circulaire. 

La boussole de vitesse de M. A. Gérard est donc com- 
posée, savoir: 

1° D'une montre ou compteur A à ancre et à grande 
ai;uille de secondes; elle est fixée par sa boite sur une 
poulie graduée B en laiton, mobile sur son axe E en acier 
trempé et montée en chape non indiquée; 

2 D'une seconde poulie graduée D semblable à la pre- 
mière ; 

5° D'une corde sans fin non figurée; 

4° D'une roue dentée F en laiton, montée sur l'axe de 
la poulie D; 

5" D'une vis sans fin G à un filet en acier portant sur 
sa tige une poulie H, ou tout autre organe pouvant la 
mettre en relation avec le moteur. 

La vitesse des moteurs pouvant varier à l'infini depuis 


RAS, pt Y 


( 49 ) 
deux mille tours pour la scie sans dent à celle de trente 
révolutions à la minute, pour les pompes d’épuisement à 
de grandes profondeurs, on comprend qu’il ne servirait à 
rien d'indiquer un nombre pour la roue F , à laquelle nous 
donnons comme moyenne générale cent quatre-vingts 
dents (1). 

Dans l'application, la disposition des deux poulies gra- 
duées permet, à l'aide de la corde sans fin, de faire con- 
corder la vitesse d'un moteur avec le repos simulé de l'ai- 
guille des secondes. 

D'où il suit que le mécanicien-directeur d'une machine 
pourra toujours s'assurer s'il marche à la vitesse régle- 
mentaire. 

On sait, par ce qui précéde, que l'aiguille avancera 
chaque fois que sa marche se ralentira, et qu'au contraire, 
l'aiguille semblera rétrograder chaque fois que sa ma- 
chine ira trop vite. 


(1) Une roue de 17,26 de diamètre, faisant 555 tours à la minute, 
parcourt 80 kilométres à l'heure 
e de 2 métres de a os faisant 240 tours à la minute, 
parcourt 120 kilomètres à l'heur 
Une roue de 2»,10 de Jte. faisant 205 tours à la minute, par- 
court 120 kilomètres à l'heure. 


Mo. Bot. Garden, 
1896. 


9"* SÉRIE, TOME XLVII. 4 


Recherches sur les couleurs des étoiles doubles, par 
M. L. Niesten , aide-astronome à l'Observatoire royal de 
Bruxelles. 


Existe-t-il une relation entre les couleurs des étoiles dou- 
bles et la révolution du compagnon? 


En comparant la périodicité des taches solaires aux lon- 
gitudes écliptiques des planétes, MM. De La Rue, Balfourt- 
Stewart et Loewy ont démontré qu'il existait une relation 
évidente entre l'activité solaire et les positions relatives 
des différents membres de notre systéme planétaire. Au- 
paravant M. Wolf de Zurich, se basant sur le nombre de 
taches , avait admis une influence probable de la part des 
planètes, et M. Chacornac avait signalé la concordance qui 
paraissait exister entre la période de onze ans des taches 
solaires et le temps de révolution de Jupiter. Plus tard, 
M. Balfourt-Stewart, en recherchant les époques de coin- 
cidence des périhélies de Saturne et de Jupiter (phénomène 
qui se présente tous les cinquante-neuf ans) et en les rap- 
prochant de celle de cinquante-six ans, nouvellement indi- 
quée par M. Wolf, attribua la formation des taches solaires 
à l'action des masses des deux grosses planétes. 

Si les positions relatives des planétes par rapport au 
soleil influe sur l'activité de cet astre, nous pouvons aussi 
nous demander si l'influence du soleil sur les planétes ne 
peut se faire remarquer par un éclat plus vif projeté sur 


( 94) 
les mondes qu'il éclaire et se traduire à nous par des chan- 
gements dans leurs colorations. 

Et en effet, la lumiére des planétes change; leur éclat 
augmente et diminue selon qu'elles sont périhélies ou 
aphélies. 

Bien plus, ne remarque-t-on pas des changements de 
couleurs dans les planètes? Pour Jupiter, ces changements, 
d'aprés MM. Lockyer et Ranyard, seraient périodiques, et 
d'aprés ce dernier coincideraient avec les périodes maxima 
des taches solaires (1). 

Dans l'opposition derniére, alors que Mars était à sa 
plus courte distance du soleil, les différents observateurs 
qui se sont occupés de l'aspect physique de cette planéte, 
ont été unanimes à constater que sa teinte rougeâtre n'était 
pas aussi apparente que celle qui avait été signalée les an- 
nées précédentes. En 1875, M. le eapitaine W. Noble 
n'a-t-il pas attiré l'attention sur la lumière blanche écla- 
tante que présentait Uranus, alors que précédemment on 
l'avait toujours dépeinte comme un disque pále-bleu (2). 
Remarquons aussi que cette derniére s'approche de son 
périhélie, qu'elle atteindra en 1882. 

Cette apparence de corrélation entre le soleil et nos pla- 
nétes nous a conduit à rechercher si elle existait également 
dans les étoiles doubles, et si les changements, qui ont été 
remarqués dans la coloration de certains de ces systèmes, 
ne se trouvaient pas en relation avec la position du com- 
pagnon par rapport à l'étoile principale. 

D’après les observations de Smyth, de Sestini et surtout 


(1) Monthly Notices, vol. XXXI, p. 54. 
(2) Ibid., vol. XXXV, p. 304. 


( 92) 

depuis celles de MM. Huggins, Zóllner et Weber (1), il ne 
peut plusétre mis en doute que les étoiles offrent une cer- 
taine variation dans leurs couleurs, comme on avait déjà 
pu le constater auparavant pour leur éclat. Aussi croyons- 
nous que les différences qu'on trouve dans l'annotation des 
couleurs des étoiles doubles par les astronomes qui s'oc- 
cupent de leurs mesures, ne doivent pas toujours être 
attribuées à une appréciation plus ou moins exacte, mais 
qu'elles peuvent tout aussi bien s'expliquer par un chan- 
gement physique dans l'enveloppe gazeuse entourant ces 
astres, changement qui peut se manifester à nous par une 
variation dans leurs couleurs. 


(1) L'amiral Smyth, dans une comparaison qu'il fit de ses propres ob- 
servations avec celles de son fils, de Sestini et d'autres observateurs, 
trouva que 95 Herculis passait dans une période probable de douze ans du 
jaune au vert et du vert au jaune, tandis que son compagnon passait 
dans le méme temps du jaune au rouge et du rouge au jaune. « Hlne peut 

avoir de doute, dit-il , qu'il se produise dans chacune de ces étoiles un 
rete ini physique réel. » 

estini, en comparant les observations qu'il avait faites à Rome en 1845, 
sur les sinh colorées, à celles qu'il entreprit plus tard à George Town, 
signale = altérations notables dans la couleur de 3 étoiles sur 400 qu'il 
avait re 

Ilya pen ans, M. Klein, de Cologne, observa le premier un change- 
— T— de —" dans « de la Grande Ourse. Dans un inter- 

viron , cette étoile variait du jaune au rouge foncé. 

Étudiant la variation de cette méme étoile, M. Weber conclut à une période 
de 31,98 jours pour le passage de la coloration blanche jaunâtre à celle de 
rouge de feu. Il constata aussi que 8 de la méme constellation présentait 
périodiquement, en vingt ou vingt-trois jours, les nuances blanc-bleuâtre, 
jaune-blanc et blanc-jaunâtre. Enfin y de l'Aigle, z de Persée, et « d'Orion, 
présentent dans le colorimètre de Zöllner une si grande différence de cou- 
leurs dans diverses observations, qu'avec raison on doit leur supposer une 
variabilité dans leur coloration. 


(55 ) 

Il nous a paru intéressant de rassembler les observations 
des astronomes qui se sont occupés incidemment de la 
coloration des étoiles et principalement de ceux qui, en 
mesurant les étoiles doubles, ont eu soin d'en annoter les 
couleurs. — Nous avons ainsi pu établir un eatalogue don- 
nant, pour les étoiles visibles sur notre horizon, les cou- 
leurs qui leur sont attribuées; et nous y avons remarqué 
que certaines étoiles doubles n’ont éprouvé, depuis qu'on 
les observe, aucun changement dans leurs colorations, 
tandis que d'autres offrent, dans une période plus ou moins 
longue, une succession de couleurs, qui parait être sou- 
mise à une certaine loi. 

La variation de couleurs est surtout sensible pour les 
étoiles doubles, qui ont un mouvement orbital bien accusé. 
On pourra s'en convaincre en parcourant le tableau sui- 
vant, qui donne pour les principaux systèmes d'étoiles 
doubles dont l'orbite a été calculée, les couleurs des com- 
posantes , l'époque du périastre et le temps de révolution 
du compagnon (1). Comparons-y les couleurs données à 
différentes époques à la position correspondante de l'étoile 
secondaire par rapport à la principale; et recherchons si, 
pour les systèmes binaires, les variations de couleurs de 
leurs composantes ne sont pas périodiques et si elles ne 
coincident pas avec une position particulière du compa- 
gnon sur son orbite. 


(1) Pour les éléments des étoiles doubles, voir : Répertoire des con- 
stantes de l'astronomie par J.-C. Houzeau, dans les Annales de l'Obser- 
valoire royal de Bruxelles. Nouvelle série, tome I, pages 248 à 257. 


(54) 


DÉSIGNATION 


des RÉVOLUTION. | PÉRIASTRE. 


de 


corse tabu tene L'ÉTOILE PRINCIPALE. 


age i eoo à 
Topaze ET EDAM 


Jaune éclatant . . . . 
Jaune ped Has VLP 
Jaune pàle. 

Biani s. vsu 


Blanc . 

Jaunàtre. . . . 
Blanc jaunàtre . . 
$ Herculis... 54,92 1850,01 Jaunesür . . . 


Jaune ido M EE 


A E : 

70 p Ophiuchi. . . .. 94,57 1807,9 | EE 
| 
i: 


Orangé trés-pàle . . 
| Jane pu rs... 


| Blanc 
NEN IV. C. : 
Blant. n vu os» 
BBC. aus um 
CODES uo ese 41,576 1850,25 ( Jaune verdâtre pâle . 


Jaune pâle. . . . 
Bhne. $1. 2... 
HN s n 


, Jaune påle: . . . 


Rouge 
$ Cancri. .... kx 62,4 1869,5 De d ca 


LEURS 
DATES 

| da des OBSERVATEURS. 

| CHR OBSERVATIONS. 
Tirant sur le rouge . . . 1811 Herschel I. 
Pourpre: remet i 1825,57 Struve. 
Violet i zno na P 1845,9 Smyth. 
danne does 17. . 1849,5 Sestini. 
OM oorr rs 1858 Webb. 
Bougidtre. . uus 1861 Main. 
Hb. i: š 1865 Dembowsky. 
bilas fope. 5| . V. . 4 1867,49 Knott. 
Lilas fonte, . . a.u s 1871,58 Knott. 
Blanc blendtre . . . z 1877,25 Pritchard. 
Cendre oi UP UE 1782,55 Herschel I. 
Boupeitie . 2. 1S 1826,65 Struve. 
Cane ou 1842 Smyth. 
Olivatrs. . . 4 1854,94 Dembowsky. 
Vilet 021. 010 1858 ` Secchi. 
Verdàtre $ 1860,40 Knott. 
CADRE 2. Cd rue 1868,48 Knott. 
Orangé foncé. . . e . . 1871,54 Knott. 
b v 1 1802 — Herschel I. 
Jaune d'or foncé 1854 Struve 
Bude. ll... i 1842,58 Smyth. 
Diane. | 1865 Dembowsky 
Jaune verdàtre pàle . 1867,55 Knott. 
Jaune påle. i:i 1867,55 Knott 
Blane. .. a n 70 1870,47 Knott. 
Blane e s o a C 1871,58 Knott. 
Jaune pâle. . . . . . . 1877,55 Knott. 
Ronge nc de. i 1781,9 Herschel I. 
BENE es 0. os os 1828,29 Struve. 
Da A 1845,1 Smyth. 


56 ) 


DÉSIGNATION 
des 


ÉTOILES DOUBLES. 


RÉVOLUTION. 


PÉRIASTRE. 


L'ÉTOILE PRINCIPALE. 


& Cancri... 
(suite.) 


CC 


£ Ursae majoris . . 


y Virginis 


42 Comae Berenicis, . 


175 


25,71 


1869,3 


1856,45 


| 


1924,15 


1869,99 


Jaune, . 
SUNE 1 l4 so 


Blane douteux . . 
Jaune claire .. v... 3 


Ming "ao cer cw ir EU 


dannatre. Ls. 

Blanc d'argent . . 
dame chir... 7.3 
Jaunàtre 

Fonie, nues v 
Blanc jaunâtre 


Wc des wm MEN 


Blanc verdàtre . . 
Trésbhne. . s 
Jaune orangé. . 
Blane rosé. 


LU PH cuc UNE ART CIE DONNE EL 


Jaune pâle. 


PONE Te ides" 


+ 
* . . * 


( 97] 


DATES 
du des — OBSERVATEURS. 
CUR ANN OBSERVATIONS. 
Eu 1 1846,0 Sestini. 
Mit 1849,2 Smyth 
ea : 1849 Webb. 
" 1855,11 Dembowsky. 
Js... o TS 1877,20 Pritchard. 
E Blage gre. LL. ... 1845,16 Smyth. 
Jaune plus foncé . . . . 1854,88 Dembowsky. 
Bane 22 21 P3 1872,03 Knott. 
He. o e o rell 1877,43 Pritchard. 
Jaunàtre : 1825,52 Strūve. 
Jaune påle. .. 2415 Dr 1845,58 Smyth. 
Jaune clair... 4 3 1854,91 Dembowsky. 
Jaune verdàtre . . . . 1864,45 Knott. 
Jaune verdàtre. . . . . 1864,45 Knott. 
Blane. . . 915 1.275 1851,0 Webb. 
phe. |. P. 1865,0 Main. 
EBARC I. Lv nud 1877,52 Pritchard. 
Blanc verdâtre . . : . . 1821,99 . Struve. 
Blane - uno (10s 1842,6 Smyth. 
Jaune pàle ie 1845,8 Sestini (à Rome). 
prime. à units 1849,2 Smyth. 
Jaune M LOW 1847 Sestini (à George Town). 
Jaune pâle. 4... 1851 Webb 
Blanc. . . ms 1866,7 Knott 
Jaune pâle. ...- V 35398 1871,606 Knott 
Blanc. . * e. ew 1871,611 Knott 
BO V soe roc aa 1877,85 Pritchard. 
Jaune. us 1827,83 Struve. 
dáme pâle. .: 52 5 č 1832,58 Smyth. 


( 98 ) 


À COU 
DESIGNATION aide irr 
des RÉVOLUTION, | PÉRIASTRE, de 
trente L'ÉTOILE PRINCIPALE. | 
* A 
E Libe. co 53 95,90 1859,62 | Blanc. . . . . . 
| Jaane clair," - 14 


y Coronae . ...... n hae | Pee teme : . |: 
Blanc rosé. . . 


edot, . . e 5 
Orangé brillant. . . .- 
Jaune parfait, . . . -s 
y Lens... .... Cs 402,62 Ati CAN. , 1, - 
AAC a ee N'a dus + 
Jaune TOf, ... il 
Jaune clair. . 


— m ——À me -- EERS 


Blanc pale .. ... ' 
Blanc . M : 
MAI Pre Pu UT. 
x Geminorum . . . .. 996,85 FO LBS se il. 
June s.v 
NEN A as. ons ond . 


Jaune clair, . . . . 
Bando 24. 


—— Mm 


Verdätré, . oo 
Blanc brillant. . . i? 
Jaunatre. o v y 


E 
A (4- eO. WE 


4 Cassiopeae. ..... 195,25 1706,72 


Jaune trés-pàle. . . -: 
Janne pale; . 2. s 2 | 
Jaune verdàtre . . . 


A mm 
Lu 
2E. 
E d 
2 T 
S 5 
= à 
~ 
» 
w 
à 
3 


( 59 ) 


LEURS 
Pre DATES 
Ju des OBSERVATEURS. 
Hi OBSERVATIONS. 

Blanc 5. 28v c2 » Herschel. 

Jaune clair". 5 2503 1855,51 Struve. 

Pourpre. o 7 45 1855,27 Struve. 

Lilas pales: o o anA 1842,58 Smyth. 

Pourpre. re 1851,51 Struve. 

Jaune verdâtre. . . . . 1845,18 Smyth. 

Oroivine - .., us » Dembowsky. 

Jaune verdátre. . . . . 1849 ebb. 

Verdifé, . coe 0 1862 Main. 

Jaune verdàtre. . . . . 1866,14 Knott. 

Gris vert pàle > 1871,59 Knott. 

Pourpre..." "7" 1826,22 Struve. 

Pourpre. . Vu Vl v 1845,19 Smyth. 

Oradgé 2 ov. 1845,60 Sestini. 

Pourpre pâle, . . . .. 1850,00 - Webb. 

Hi t RUEDA M uiis 1850,6 Smyth. 

Rouge videt... . . 1854,9 Dembowsky. 
| Lilas E VT gate 1861,0 Main. 

Pourpre rougeâtre, . . . 1865,69 Knott. — 

Pourpre ie. ooo 1872,65 Knott. 

Verdátie. ; 21 T VS » “Struve. 

Blanc pâle ACTEURS 1845,15 Smyth. 

Jaune... ; PT 3 1845,9 Sestini. 

Blanc pâle, . 72 21 1849,2 Smyth. 

Plus vert que (a) . . 1854,28 Dembowsky. 

EM V uus : 1854,0 Webb. 

ovo Pe TEE y 1864,79 Knott 

Jaune verdäire . . . . . 1864,96 Knott 

Bue... cv a 1865,06 Knott 

Jaune verdätre. . . . . 1872,05 Knott 


( 60 ) 


DÉSIGNATION 
des 


ÉTOILES DOUBLES. 


RÉVOLUTION. 


PÉRIASTRE. 


s beonis. Lea 


E Boots... 


pt BoDUS. s 


pe Coronae... 


110,82 


197,55 


290,07 


415,12 


1841,81 


Jaune paille . . . 


Blanc rosé, ^... . 


Jaune. . . 


1896,95 


Janne. ^... 


Blane sur... : 


Jaunàtre. . , 
Blanc pâle. 


Sie 9». Ww Tire 


Me hs +: or E 
., 628 


CRT EE. 


Jaunâtre, ... . . . . 
BANC creme. .. . a 
Jaüne chm... -> 


5 42 


$9 


Blanc jaunàtre . . 


tie, SINN CON ME ME 


(61) 


T LEURS 
A DATES 
idu des OBSERVATEURS. 
ce. - OBSERVATIONS. 

p Rouge. |. ^j EM » Herschel. 

| Jaune plus foncé . 1852 Struve 

| 

EI Verdàtré, Lisa 1845 Smyth. 

| Pourpre rouge. . . . . 1852 Struve. 

I| Pourpre. $70 RB 1842,4 Smyth. 

; Rouge décisif.. . . , . 1854,75 Dembowski. 

| Pourpre rouge ET 1850 Webb. 

| Rougediré , o, — "LE 1862 Main. 

| Blanc verdâtre . . . . . 1852,5 Smyth 

|| Bleu jaunâtre. . . . _ 1844,5 Sestini 

AU PSE tree 1851,5 Smyth 
Bleue... 1861,4 Knott. 
Bleuitré, 11.410400 1850,11 Struve. 
Bleu tendre. "|... 1845,55 Smyth. 
bendre oe oo. 1854,86 Dembowsky. 
Bleg pile  — —. —— 1867,55 Knott. 
Bleu . . ST i 1871,50 Knott. 
Bleu ; a ua i E 1850,21 Struve. 
ol 7.9 Q9 1856,00 Secchi. 
Bed... n 1865,00 Knott. 
Blea os 1. uus s 1865 Dembowsky. 
Bleu paie, — . 1871,81 Knott. 
Bleuátre. a n i 1825,51 Struve. 
Blen terne. a s d 1842,50 myth. 
Blanc douteux . . . . . 1855,50 Dembowsky. 
SONO. v. lo en 1855,08 Struve. 

1842,52 Smyth. 


"Blanc pile. . . : . c 


( 62 ) ; 

Pour 70 p Ophiuchi dont la révolution est de 94, 57 ans 
. et dont le passage au périastre a eu lieu en 1807, la cou- 
leur de l'étoile principale, qui était blanche du temps 
d'Herschel à une époque voisine du périastre, croit en cou- 
leur jusqu'en 1854, en passant par les nuances blanc, 
jaune, topaze pàle, jaune d'or. A partir de 1849, elle a une 
tendance à revenir au blanc en passant par les teintes dé- 
croissantes jaune et jaune påle. En 1877, M. Pritchare, à 
l'Université d'Oxford, la note jaune pâle, puis blanche. Le 
compagnon dans sa révolution suit les fluctuations de cou- 
leurs de l'étoile prineipale. Vers le périastre, Herschel la 
notait Inclined to red, mais on doit se rappeler que les mi- 
roirs dont se servait cet astronome teintaient les objets 
légérement de rouge; de nos jours, on lui donne la cou- 
leur blanc-bleuâtre. Entre ces deux époques le compagnon 
est plus foncé en couleur. 

La courte révolution de ¢ Herculis (542, 32) nous permet 
d'en analyser les couleurs pendant deux révolutions. Her- 
schel a mesuré ce systéme vers l'époque oü le compagnon 
se trouvait le plus rapproché de l'étoile principale ; celle-ci 
était blanche, l'autre cendrée. Au périastre de 1860, 
M. Knott les voit jaune pâle et verdàtre ; aux autres épo- 
ques les couleurs s'accentuent dans les deux composantes, 
à mesure qu'elles s'éloignent du périastre, le compagnon 
étant généralement plus chaud en couleur que l'étoile 
principale. Vers l'époque de l'aphélie apparent, M. Dem- 
bowsky les note jaune str, olivätre. 

Les deux étoiles d'y Coronae ont présenté la méme 
teinte variant du blanc au jaune. Herschel en 1802, 
Smyth en 1842 voient la principale blanche huit ans avant 
le périastre. Lorsqu'en 1834 Struve donnait la coloration 


( 65 ) 
jaune et jaune d'or foncé aux deux composantes d'; Coronae, 
le compagnon était à une de ses quadratures. 

Les notations de M. Knott sembleraient indiquer que 
les deux étoiles prennent la coloration blanche prés de 
l'aphélie vrai. De nos jours (1877, 55) M. Pritchard les 
voit jaunes páles. 

t Cancri a son étoile principale colorée en jaune; la 
méme teinte affecte le compagnon, à l'exception de l'ob- 
servation de Sestini, en 1846, qui voit le compagnon 
blane. La coloration blanche donnée en 1855 aux deux 
composantes par M. Dembowsky correspond à l'époque 
voisine du périastre, qui a eu lieu en 1853, d’après 
M. Brother. 

.. Dans l'étoile double £ de la Grande Ourse la couleur blan- 

che se rencontre en 1872, 05 dans le compagnon et l'étoile 
principale à une époque voisine de son périastre (1875, 68, 
d'aprés l'orbite calculée par Hind). En 1854, 82 lorsque 
M. Dembowsky les voit jaune clair, jaune plus foncé, le 
compagnon était dans les environs de son aphélie apparent. 
Dans les positions intermédiaires les deux étoiles semblent 
avoir la coloration jaune. 

Quant au systéme 7 Virginis, les deux composantes pré- 
sentent la méme couleur soit blanche, soit jaune. En 
1845, 55, sept ans après le périastre, Smyth signale 
l'étoile principale blanche d'argent et le compagnon jaune 
pàle (1). 

Pour £ Aquarii et « Geminorum , dont la période de 


(1) M. Flammarion suppose que dans ce systéme les deux astres, en 
méme temps qu'ils circulent dans leur cycle de 175 ans, tournent sur 
eux-mêmes dans un lent mouvement de rotation qui est rendu sensible 
par les alternances périodiques d'éclat des deux composantes, 


( 64) 
révolution est trés-longue, les deux composantes ont été 
notées de la méme couleur variant du blanc au jaune. 

Struve et Smyth donnent la méme coloration jaune aux 
deux composantes de 42 Comae Berenicis ; lors de leurs 
observations, le compagnon était en un endroit de sou 
orbite, voisin de l'une de ses quadratures. 

Quant à o Leonis, en 1845 (époque voisine de son pé- 
riastre), Smyth signale les deux étoiles pàle jaune, ver- 
dàtre, alors que précédemment Struve les voit jaune, 
jaune plus foncé et Herschel toutes deux rouges. 

Pour ce qui concerne les étoiles doubles, dont l'orbite a 
été ealeulée, mais dont la révolution est trés-longue, les 
unes, telles que € Librae (95,90), 56 Andromedae (549*,1), 
z Ophiuchi (185*,2), € Aquarii (1578,55), ont les deux 
composantes teintées de la méme couleur; les autres 
comme & Bootis (197*,55), ò Cygni (M5',2), c Coronae 
(845,86), » Cassiopeae (195*,25), y Leonis (402*,6); la 
principale est jaune, la compagne rouge ou bleue. | 

Les étoiles doubles que nous venons de traiter forment 
des systèmes en mouvement orbital. 

Quant à la 61° Cygni, système dont le mouvement n’est 
pas orbital, mais dans lequel on a reconnu que la marche 
de la petite étoile par rapport à la grande s'opère absolu- 
ment en ligne droite,la couleur jaune a été constatée dans 
les deux composantes par Struve, Dembowsky et Knott, de 
1828 à 1875. 

z 2120, que M. Flammarion présente comme type pou- 
vant servir d'intermédiaire entre les groupes de perspec- 
tive et les systèmes binaires, a ses composantes orangée et 
bleue-olive, « peut-étre par contraste, » ajoute cet astro- 
nome. 

Quant aux doubles optiques formées d'astres non asso- 


( 65 ) 
ciés réunis fortuitement sur le méme rayon visuel et dont 
le mouvement relatif s'opére en ligne droite, elles ont 
l'étoile principale ordinairement colorée en jaune et le 
compagnon en bleu, telles sont : 
. x 2708, x 1516, x 2877, z 2160, p? Bootis, à Equulei. 

En parcourant le catalogue de M. Brothers (1) qui ren- 
ferme les étoiles dans lesquelles on a reconnu un mouve- 
ment orbital, sur cent et cinq systèmes, trente-deux seule- 
ment ont leur compagnon bleu, alors que tous les autres 
l'ont blanc ou jaune, comme l'étoile principale. Et encore 
ces étoiles ne pourraient-elles pas étre des doubles opti- 
ques. Elles se rattachent, en effet, par leur coloration aux 
groupes de perspective, qui, comme nous venons de le voir, 
ont l'étoile principale colorée en jaune, tandis que la se- 
condaire est franchement bleue. L'absence de cette der- 
niére coloration dans le satellite des étoiles doubles, à 
courte période de ideni nous semble mériter quelque 
attention. | 

En voyant dans un dageind nombre d'étoiles doubles, 
l'étoile principale colorée en jaune ou orange alors que 
le compagnon se teinte de bleu ou de vert et que les deux 
composantes du systéme binaire présentent ainsi le phéno- 
méne curieux des couleurs complémentaires, on pourrait 
croire que la couleur de la petite étoile n'est que le résultat 
d'un contraste, mais en masquant la lumiére de l'étoile 
principale, on peut facilement acquérir la conviction que 
cette couleur n'est pas due à une illusion, mais qu'elle est 
bien la couleur propre de l'étoile. On a expliqué cette colo- 


(1) Catalogue of binary stars with Introduction remarks, by A. Bro- 
thers F. R. A. S. dans les MEMOIRS OF THE LITERARY AND PHILOSOPHICAL 
Society. Manchester, vol III, Third series. 

9"* SÉRIE, TOME XLVII. 5 


( 66 ) 

ration particuliére à certaines étoiles par le fait de l'ab- 
sorption des rayons rouges du spectre par l'atmosphére 
gazeuse, de composition particulière, qui entoure l'étoile; 
mais ne pourrait-on pas aussi l'expliquer par la profondeur 
des espaces éthérés dans lesquels ces astres gravitent. 
Notre atmosphère, en effet, teinte les objets éloignés 
d'un méme ton gris-bleuàtre, et cette coloration, on le 
sait, est attribuée à l'épaisseur de la couche d'air qui nous 
en sépare. 

Un phénoméne analogue pourrait se produire dans les 
étoiles doubles. Un fluide aériforme paraissant devoir 
exister dans les espaces célestes, la coloration bleue par- 
ticulière à certaines étoiles trouverait son explication dans ` 
l'épaisseur énorme du fluide qui les entoure, et les étoiles 
bleues, pourrait-on dire, se trouveraient aux confins ex- 
trémes de la partie de l'univers qu'il nous est permis 
d'explorer. 

Nous avons été curieux de savoir comment se répartis- 
sait sur la voüte céleste cette classe d'étoiles doubles, si 
intéressante par la coloration bleuâtre du compagnon, et à 
l'aide du Celestial Cycle de Smyth nous avons dressé le 
tableau suivant montrant la répartition par heure et de 
10 en 10 degrés de déclinaison depuis 0° jusqu'à — 25°. 


( 67 ) 


Tableau donnant la répartition des étoiles à compagnon bleu. 


DÉCLINAISONS. 
HEURES ES TEETE GRN t€ 
ee RITIele sies ici: 
droite. ub b m ejelejserjejej«|t 
Si ñ MLSASIRAS IS LS DS Lm 
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Toraux. | 5 | 7|19|924|21|22|96 |. 8| 1| 7| 5| 157 


( 68 ) 

Ce tableau montre que les étoiles doubles dont le com- 
pagnon est bleu sont principalement situées dans une zone 
comprise entre le 10"* degré de déclinaison australe et 
le 40"* degré de déclinaison boréale, et présentant deux 
maxima correspondant aux heures 4-5-6 et 18-19-20; le 
premier maximum sur l'équateur, le second entre les pa- 
ralléles 50 et 40, et se trouvant, par conséquent, dans les 
"environs, le premier des constellations du Cygne et de la 
Lyre, le second dans la constellation d'Orion. 

Sestini, dans son travail sur la distribution des étoiles 
colorées, arrive à une conclusion analogue pour les 
étoiles simples colorées en bleu. « Les bleues et les rou- 
ges, dit-il, sont rares du pôle à 50° de déclinaison boréale; 
les bleues deviennent alors plus nombreuses jusqu'à l'équa- 
teur, surtout de la 18"* à la 20"* heure d'ascension droite,» 
et Secchi remarque une teinte verdàtre prononcée dans 
les prineipales étoiles de l'admirable constellation d'Orion. 

En résumé, nous voyons, d'aprés cette étude : 

4° Que dans les systèmes à mouvement orbital bien re- 
connu et principalement dans ceux à courte période, les 
deux composantes ont ordinairement les mémes teintes 
aunes ou blanches ; 

2» Que pour les systémes dont nous possédons les an- 
notations de couleurs assez nombreuses pour pouvoir rap- 
procher leurs colorations de la position du satellite sur 
son orbite, l'étoile principale est blanche ou jaune pâle 
lorsque le compagnon est à son périastre alors que dans 
les autres positions elle est jaune, jaune d'or ou orangée; 

3° Que dans ces systèmes le compagnon suit l'étoile 
principale dans ses fluctuations de couleurs et souvent sur- 
passe la principale en coloration à mesure qu’il s'éloigne 
du périastre où sa lumière, dans le plus grand nombre de 
cas, est blanche comme l'étoile principale; 


( 69 ) 

4 Que la méme égalité de tons dans l'étoile principale 
et la secondaire se rencontre dans les doubles à mouve- 
ment rectiligne ou dans celles à mouvement orbital et à 
longues périodes de révolution ; 

9" Que dans les groupes de perspective, le compagnon 
est presque toujours bleu. 

Ces quelques remarques sont basées, il est vrai, sur 
l'appréciation des couleurs par différents astronomes, ap- 
préciation qui peut varier d'individu à individu, mais dans 
certains cas on peut voir qu'un méme observateur apprécie 
pendant un certain nombre d'années les deux composantes 
d'un systéme jaunes, puis, les années d'aprés, les voit pàlir 
et enfin devenir blanches. ; 

Dans certains systémes, au contraire, tous les astro- 
nomes sont unanimes à donner la couleur bleue au com- 
pagnon. 

Lorsque dans la mesure des étoiles doubles ainsi que 
dans les observations sur l'aspect physique des planètes, 
on aura donné à la coloration des astres une attention 
plus particuliére que celle qu'elle a recue jusqu'à présent, 
peut-étre pourra-t-on en déduire certaines conséquences 
avec plus de probabilité que nous ne l'avons pu faire, en 
présence du petit nombre d'observations que nous avons 
été à méme d'utiliser. 

De nos jours, on admet que dans les étoiles les fluctua- 
tions de couleurs sont dues à une différence dans la com- 
position de leurs masses gazeuses incandescenles; ces 
changements doivent nécessairement étre attribués à une 
cause agissant sur ces masses et celte cause, dans les 
étoiles doubles, ne pourrait-on pas la trouver dans la po- 
sition relative d'un astre par rapport à l’autre ? 


o 


( 70 } 


Révision des Hédéracées américaines. — Description de 
dix-huit espèces nouvelles et d'un genre inédit, par 
M. Elie Marchal, conservateur au Jardin botanique de 
l'État. 


L'Amérique tropicale, principalement la région des 
Andes, est extrémement riche en Hédéracées : les grands 
herbiers et les collections de végétaux exotiques de nos 
serres le prouvent suffisamment. Malheureusement ces 
belles plantes (celles du Brésil exceptées) n'y sont encore 
qu'assez imparfaitement connues, parce que beaucoup 
d'espèces ont été simplement nommées sans qu'une dia- 
gnose en ait été publiée. Ainsi, pour n'en citer qu'un 
exemple, sur 64 espèces rapportées par B. Seeman au 
genre Oreopanax Dec. et Planch. (Journ. of Bot., t. Hi, 
p. 269), 51 se trouvent dans ce cas! 

Voici briévement l'explication de ce fait extraordinaire. 
De 1840 à 1855 i spécialement, les herbiers et les col- 
lections vivant t des ts considérables 
en Hédéraeées américaines. C'était l'époque des explora- 
tions de nos compatriotes MM. Linden, Funck et Schlim, 
et de MM. Triana, Goudot, Hartweg, etc., auxquels 
l'horticulture et la botanique doivent de si précieux maté- 


riaux. 

En 1854, MM. Decaisne et Planchon donnérent, dans 
une excellente esquisse générique, une liste de 15 espèces 
nouvelles qu'ils se proposaient de décrire ultérieurement. 
Cette tàche fut reprise, neuf ans plus tard, par MM. Plan- 
chon et Linden à l'occasion de leurs Plantae Columbianae. 


(XT) 

Les Hédéracées firent le sujet d'un mémoire spécial; le 
manuscrit en fut imprimé, mais on ne tira que deux 
épreuves : Cest tout ce que les auteurs en conservérent. 
L'une de celles-ei fut généreusement confiée, par M. Plan- 
chon, à Seeman pour sa Revision of the natural order Hede- 
raceae (Journ. of Bot., t. H-VII); mais l'apercu publié 
dans la revue anglaise ne devait pas comporter de longs 
développements. Aussi Seeman ne tira-t-il guére du pré- 
cieux document que les diagnoses de trois genres nou- 
veaux, les noms et la distribution géographique des nom- 
breuses espèces inédites qui y étaient cependant si bien 
déerites. 

I résulte de là que la presque totalité des espèces dé- 
nommées par MM. Decaisne, Planchon et Linden ne sont 
guère connues encore que de nom; car elles ont été fon- 
dées, soit sur des plantes vivantes, aujonrd'hui pour la 
plupart disparues des cultures, soit sur des échantillons 
uniques conservés dans l'herbier du Muséum de Paris ou 
dans celui de Kew, soit enfin sur des spécimens numérotés . 
de collections rares, trés-dispersées, dont aucune n'est 
complète. Si l'on ajoute à cela que, dans ces mêmes genres, 
il existe aussi un nombre assez important d'espéces seule- 
ment connues par une diagnose imparfaite, pouvant sou- 
vent s'adapter à une demi-douzaine d'espéces, comme c'est 
le eas pour celles de Willdenow, in Schult. Syst., on com- 
prendra facilement qu'un certain désordre doit exister 
dans ces groupes. C'est d'ailleurs ce que, il y a dix ans, 
proclamaient déjà MM. Bentham et Hooker dans leur 
Genera, vol. I, p. 946, où ils écrivaient à propos du genre 
Oreoponax : « Species enumeratae 64, plures tamen (im- 
» primis Humboldtianae in Roem. et Schult. et H. B. et K. 


(72) 
» Nov. Gen. et Sp.,sub nominibus diversis repetitae) redu- 
» cendae. » 

Il est done trés-désirable qu'il soit fait une révision com- 
pléte des Hédéracées américaines extra-brésiliennes : c'est 
la tâche difficile que nous avons hasardé d'entreprendre. 
À cette fin, nous sommes parvenu, grâce à l'appui sympa- 
thique des possesseurs d'herbiers particuliers importants 
et des directeurs de presque tous les musées botaniques 
de l'Europe, à rassembler la plus grande partie des maté- 
riaux concernant ce point de la flore américaine. D'un autre 
côté, les types des auteurs, dont la connaissance s'impose 
impérieusement , ou nous ont été communiqués, ou bien 
ont été étudiés sur place, lors de nos visites aux grands 
établissements scientifiques de Paris, de Londres et de 
Florence. 

Notre étude est à peu prés terminée; néanmoins, le désir 
d'utiliser tous les documents de nature à la perfectionner 
nous engage à en ajourner la publication, jusqu'aprés 
l'examen d'une collection importante d'Hédéracées colom- 
biennes recueillie tout récemment, et dont l'envoi ne doit 
pas tarder à nous parvenir. 

En attendant, voulant prendre date, nous en détachons 
un fragment comprenant la description de dix-huit es- 
péces nouvelles et celle d'un genre inédit. Tel est l'objet 
de la présente notice. 

Qu'il nous scit permis d'exprimer ici notre vive recon- 
naissance aux nombreux botanistes qui nous ont prété leur 
bienveillant concours, et parmi lesquels nous nous plaisons 
à citer : MM. Andersson, Baker, Balfour, Bentham , Bois- 
sier, Britten, Buchinger, Bureau, Carruthers, Caruel, Cré- 
pin, Decaisne, A. De Candolle, Eichler, Engler, Fenzl, Fran- 


( 78 ) | 
chet, Garcke, Glaziou, le comte de Franqueville, Herineq, 
J.-D. Hooker. Kickx, Lange, Linden, Maximowicz, Mo- 
riére, Müller d'Argovie, le baron F. von Müller, Oliver, 
Planchon (1), J. Peyritsch, Poisson, Radlkofer, Regel, Su- 
ringar, Todaro, Trimen, Van Heurck et Warming. 


ARALIA L. 


A. REGELIANA n. Sp. 


Frutex nanus inermis glaber, foliis pro genere parvis 
impari-bipinnatis, petiolo communi tenuissimo breviter 
basi dilatato, stipula intrapetiolari minuta et ciliata, folio- 
lis petiolulatis subsessilibus (impari excepto), elliptico- 
rarissime ovato-oblongis, longe et anguste acuminatis 
acumine tenuiter mucronulato, basi obtusiusculis vel 
subrotundâtis, haud profunde margine dentatis, tenuibus 
pellucidis, reticulo nervorum in pagina supera paulum 
impresso in inferiori solum prominente; umbellis fructi- 
feris 5-6, in racemum terminalem folia subaequantem 
digestis, axibus racemi cylindrieis sublaevibus, secundariis 
umbelligerisque erectis longiusculis nudis, bractea sca- 
rioso- membranacea elliptica acuta basi munitis, 15-25- 
fructibus, pedicellis filiformibus ad artieulationem sat late 
dilatatis, cum bracteolis membranaceis linearibus acutis 
ciliatis et patulo-reflexis inferne intermixtis, fructu sub- 
globoso quam lato paulo longiore late 5-sulcato, calycis 


(1) M. Planchon a tout particulièrement droit à notre gratitude pour 
les renseignements précieux qu'il nous a communiqués : il a eu l'extréme 
bonté de nous adresser, en janvier 1875, une copie manuscrite de l'épreuve 
du remarquable travail inédit mentionnée dans les lignes précédentes. 


UTC 
limbo erecto distincte 5-dentato, disco plano et stylisdibe- 
ris valde recurvato-reflexis coronato. 
Caulis 4 pedalis (teste Karwinsky). Rami ultimi 5-4 mm. crassi. Race- 


mus 9-12 em. longus. Pedunculi 5-6 em. longi. Pedicelli 1-13 em. longi- 
Fructus diametro transversali H cm metiens. 


H ab. — Mexico, ad Victoria (Tanque Colonada), in fri- 
gidioribus elevatis. Karwinsky. Aug. 1842, in hb. imp. 
Petropol. 

Cette délicate espèce se rapproche de l'A. humilis Cav., 
mais elle s'en distingue aisément par ses feuilles beaucoup 
plus petites, trés-glabres, lisses, pellucides et son fruit à 
disque non relevé en cône, car l'espèce de Cavanilles a des 
feuilles velues, rudes au toucher et opaques, un fruit à 
disque conique, dépassant de beaucoup le calice. 

La forme et la consistance membranacée de ses feuilles 
doivent la faire rapprocher de l'espèce bolivienne : A. so- 
ratensis Nob., dont elle diffère par l'exiguité de ses feuilles 
de moitié plus petites, ses ombelles au nombre de 5 à 6 et 
non de 20 à 50, et ses pédicelles 3 fois plus longs. 

Nous la dédions à M. le D" Regel, directeur du Jardin 
botanique de S'-Pétersbourg, qui a eu l'obligeance de nous 
confier la trés-riche collection d'Hédéracées du grand éta- 
blissement scientifique qu'il dirige, espérant que ce savant 
voudra bien considérer cette dédicace comme un faible té- 
moignage de notre vive reconnaissance. 


A. BREVIFOLIA n. Sp. 
Frutex inermis, caule foliis inflorescentiisque pilis bre- 
vibus ramosis rigidis squamulis margine fimbriatis inter- 
mixtis vestito, foliis in genere brevibus, petiolo communi 


( 79 ) 
basi breviter dilatato, imparipinnatis saepius bi-jugis, folio- 
lis subsessilibus (impari sat longe petiolulato) ovato-acutis, 
basi rotundatis nonnunquam subcordatis, margine inte- 
gris aut apicem versus obscure dentatis, utrinque rugosis 
sat tenuibus subpergamaceis, costa atque nervis secunda- 
riis exiguis, supra haud conspicuis, pagina infera tomento 
canescente quam in reliquis copiosiori squâmulosiorique 
indutis, umbellis fructiferis paucis, in racemum terminalem 
folia superantem digestis, radiis numerosissimis longissi- 
mis glabriusculis, bracteolis minutis linearibus basi inter- 
mixtis, 50-60 fructibus, fructu subgloboso 5-costalo costis 
laevibus sulco sat angusto separatis, limbo calycis late 
5-dentato atque stylis 5 disco glabro subplanoque impo- 
sitis liberis vel inferne subconnatis coronato. Coet. ignot. 


Petiolus communis 5-7 em. longus. Foliola 4-5 cm. longa atque 
2 1-5£t em. lata, 2 infima quandoque petiolulo 1-2 mm. longo contra im- 
pari longius petiolulata. Pedicelli cire. 2 cm. longi. Fructus diametro 
longitudinali 5 mm. metiens. 

Hab. — Mexico, ad Merattan, S'-Andres. Liebman n? 55, 
oct. 1842, in hb. Haun. 

Voisin de l'A. humilis Cav., dont il se distingue par ses 
feuilles trés-courtes, ses styles non soudés en colonne, son 
disque ne dépassant pas le calice, et non à feuilles longues 
5-7 -[oliolées, à styles soudés jusque prés du sommet en un 
cône dépassant beaucoup le disque et le limbe du calice. 


À. SORATENSIS N. Sp. 


Frutex inermis glaber, foliis impari bipinnatis, rachidis 
basi sat dilatato brevissime scarioso-stipulato, foliolis prae- 
cipue impari longe petiolulatis, ovato-ellipticis longe acu- 
minatis, basi subcordatis, margine subcrcnato- dentatis 


( 76 ) 

(acumine excepto) haud revolutis, tenuibus submembra- 
naceis plus minusve pellucidis , retieulo nervorum inferne 
prominulo supra impressiusculo; umbellis numerosis in 
paniculam terminalem foliis breviorem dispositis, axi pri- 
mario crasso sulcato, secundariis brevibus haud vel parum 
ramosis, bracteis scariosis brunneo-purpureis patulo-erec- 
tis munitis, 25-45-floris, floribus pedicellis quasi recepta- 
culo modice dilatato infixis squamis rufis involucrantibus 
cireumdatis, calycis tubo brevi obconico glabro limbo sat 
late 5-dentato, corolla hemispherica insigniter 10-suleata, 
petalis ovato-ellipticis acutiusculis uninerviis, staminum 
filamentis petalorum longitudine vix aequilongis, stylis suh 
anthesi erectis conniventibus in fructu valde elongatis in 
columnam ad medium connatis, stigmatibus radiantibus 
patulis, fructu spheroideo exocarpio tenui sulcis quam cos- 
tis latioribus disco angusto subplanoque coronato. 


Petiolus communis 15-20 cm. longus. Petioluli 1-2 em. longi (foliolo 
impari 5 em. attingente). Foliola 6-10 cm. longa atque 5-5 cm. lata 
Panieula 8-15 cm. longa. Pedicelli 4-6 mm. longi. Fructus diametro 
transversali 5 mm. metiens. 


Hab. — Bolivia, in provincia Larecaja, viciniis Sorata 
et San Pedro, in scopulosis, Alt. reg. temp", 2600 m. 
Mart. 1860. G. Mandon, n° 570. Plant. Andium Bolivien- 
sium et Cl. Gay, n° 486 in hb. Mus. Paris. 

Dans son Journal of Botany, t. V, p. 286, Seeman rap- 
porte au Sciadodendron excelsum Griseb. le n° 486 de la 
colleetion Cl. Gay, conservé au Muséum de Paris , sur le- 
quel nous décrivons cette nouvelle espéce. 

Il est difficile de se rendre compte de cette erreur, ce 
botaniste ayant eu sous les yeux ce méme échantillon de 
CI. Gay, car il dit (loc. cit.) : « In the Paris herbarium I 


( 77 ) 

have seen specimens of it (Sciadodendron excelsum Gri- 
seb.) where they had been collected by Gay (n° 486). » En 
effet, l'espéce de Grisebach, dont Seeman, d'ailleurs, avait 
lui-même recueilli plusieurs exemplaires fleuris, dans l'Is- 
thme de Panama et à Nicaragua, a des feuilles atteignant 
de 3 à 5 pieds de long et des fleurs non articulées sur le 
_ pédicelle, à gynécée 40 à 12-mère, tandis que, dans la 
plante de Gay, les plus grandes feuilles ne dépassent pas 
2 décimètres, les fleurs sont articulées et leur gynécée est 
rigoureusement 5-mèêre! 

Cette rectification restreint donc l'aire du Sciadoden- 
dron excelsum Griseb. à une partie peu considérable de 
l'Amérique centrale, tandis qu’elle étend de beaucoup, 
vers le sud, celle du genre Aralia. L’Aralia soratensis 
Nob, fort éloigné du centre principal des Aralia, est l'es- 
péce du genre la plus méridionale, car elle croît sous le 
18* degré de latitude australe. 


GILIBERTIA R. et P. 
MELOoPANAX subgen. nov. 


Drupa exocarpio erassissimo, haud longitudinaliter sul- 
cata. Flores hexameri. : 

Pedunculi umbellarum paulo infra umbellam incrassati, 
omnino articulati. 


G. POPULIFOLIA n. Sp. 


Glabra, ramis cortice griseo valde corrugato tectis, foliis 
longe petiolatis, petiolo juxta laminam geniculato basi 
breviter dilatato, ovatis in acumen triangulare angustum 
acutissimum abrupte attenuatis, basi truncatis, margine 
integerrimis siccatione undulatis infra anguste revolutis, 


( 78 ) 

sat tenuibus subpellucidis papyraeeis supra atro viridibus, 
o-nerviis nervis obliquis reticulum pagina. infera promi- 
nentem formantibus; umbellis amplis 20-55-floris, in um- 
bellam compositam axillarem digestis, pedunculo elongato 
in receptaculum subglobosum depressum plus minusve 
spongioso-alveolatum dilatato, floribus hermaphroditis 
longe pedicellatis, pedicello longissimo gracili argute 
striato, calycis tubo obconico limbo membranaceo latius- 
culo obscure 6-dentato, corolla hemispherica inferne paulo 
attenuata apice obtusa vel acutiuseula, 6 costis prominen - 
tibus notata, petalis erassiusculis ellipticis acutis uniner- 
viis, staminum filamento breve ante anthesim stylos vix 
superante, disco leviter concavo margine anguste libero 
erecto, drupa crassa globosa subdepressa, malum parvum 
bene simulante, stylis diametrum disci circiter aequanti- 
bus, plane liberis, valde arcuato-reflexis. 

Rami supremi 5 em. crassi. Petiolus 9-18 em. longus. Lamina 12-18 
em. longa atque 9-12 em. lata. Peduneuli umbelligeri 5-7 em. longi. Pedi- 
celli circiter 2 em. longi. Drapa diametro transversali 10 mm. longitudi- 
nali 8 mm. metiens. 


Hab. — 1n Mexico, ad Tepitongo. Jun. 1842. Liebman 
n? 9, in hb. Haun. 

Cette espéce, par son facies et ses caractéres, est telle- 
ment éloignée des espéces connues de Gilibertia que nous 
avons dü en faire le type d'un nouveau sous-genre, brié- 
vement caractérisé ici. Dans la Flora Brasiliensis, fasc. T4, 
p. 245, nous avons divisé le genre Gilibertia en deux 
sous-genres : Eugilibertia et Dendroponax, entre les- 
quels le Melopanax est intermédiaire par les caractéres du 
fruit et le nombre des parties de la fleur. 


( 79 ) 


Subgen. DENDROPANAX. 
G. LANGEANA n. Sp. 


Ramis cortice griseo spongioso longitudinaliter sulcato 
tectis, foliis sat breviter petiolatis, petiolo superne subge- 
niculato, 2-4-plo longioribus quam latis, ellipücis vel ellip- 
tico-oblongis, saepe leviter arcuato-subfalciformibus, in 
acumen angustum triangulare obtusiuseulum desinenti- 
bus, basi cuneatis acutis, margine anguste reflexis, perga- 
maceis in herbario supra atro-viridibus contra pagina infera 
pallidioribus, costa infra prominentissima, nervis 6-10 
valde arcuatis, 2 infimis brevibus, reticulo inferne sat pro- 
minente; umbellis 50-40-floris, in racemum brevem ter- 
minalem foliis supremis longissime superatum digestis, 
sat breviter pedunculats, pedunculo angulato bracteato, 
ima basi et medium versus bracteis brevibus ovatis con- 
cavis acutis instructo, apice in receptaculum hemispheri- 
cum mediocre dilatato, floribus pentameris breviter pedi- 
cellatis, pedicellis filiformibus bracteolis scariosis ferrugi- 
neis brevissimis basi stipatis, tubo calycis brevi obconico 
limbo angusto integro, corolla hemispherica paulum de- 
pressa, petalis ovato-ellipticis acutis, 1-nerviis crassius- 
culis purpureis, staminum filamento flexuoso petalis lon- 
giore, stylis sub anthesi in conum dimidio disco concavius- 
culo breviorem connatis ; ovario nondum plane evoluto. 

Rami supremi vix 5 mm. crassi. Petiolus 4-6 cm. longus. Lamina 


15-20 em. longa atque 5-7 cm. lata. Racemus 5 cm. haud superans. 
Pedicelli 2-4 mm. longi. 


Hab. — Mexico, ad Oaxaca. Liebman n? 9, in hb. 
Haun. 


( 80 ) 

Le G. Langeana Nob. paraît bien spécial au Mexique; 
nous en avons, il est vrai, trouvé un spécimen dans l’her- 
bier Lenormand, mélangé à du G. cuneata Nob., recueilli 
au Brésil (Minaes Geraes), mais il doit y avoir eu erreur 
matérielle dans la préparation de l'envoi. 

Cette espéce est dédiée à M. Lange, directeur du Musée 
botanique de Copenhague, qui a mis à notre disposition, 
avec une bonté dont nous lui sommes trés-reconnaissant, 
les collections uniques, extrémement précieuses, recueil- 
lies par Liebman et OErsted au Mexique et dans l'Amé- 
rique centrale et dans lesquelles nous avons découvert un 
bon nombre de nouveautés. 


OREOPANAX Dec. et Planch. 
O. SEEMANNIANUM n. Sp. 


Ramis inflorescentiis petiolis foliisque infra tomento 
denso fulvo vestitis, foliis ad apicem ramorum confertis, 
brevissime petiolatis , petiolo adscendenti erecto subnullo 
in foliis supremis, oblongo-lanceolatis utrinque acutis, 
margine integerrimis sat late infra convolutis, crassis 
rigide eoriaceis, facie superiori mox glabrescentibus in 
sicco laete flavescentibus, costa validissima utrinque pro- 
minente, nervis numerosis sicuti venis praesertim in pa- 
gina inferiori conspicuis; capitulis crassis ovatis 20-55- 
floris, in racemum brevem ramis validis terminalem diges- 
tis, superioribus sessilibus inferioribus plus minusve 
longe pedunculatis, pedunculo ascendenti-erecto insigni- 
ter compresso-suleato basi bracteato, bractea ima parte 
inflorescentiae foliacea lineari, in ramis superioribus sub 
membranacea ovato-acuminata usque ad apicem decre- 
scente, floribus masculis, nonnullis hermaphroditis inter- 


(81) 

mixtis, bracteolis squamosis ovato-concavis acutis infe- 
riori majoreque rigidissima et crassiori flore superante 
vel eum aequante, limbo calycis brevissimo integro vel 
appendiculato, appendicula membranacea tenuiter acumi- 
nata 5 vel £ longitud. corollae attingente, petalis 6 ellip- 
tico-oblongis acutiusculis obscure intus plurinerviis, fila- 
mento staminum petalis aequilongo, stylis filiformibus 
liberis erectis diametrum disci sub concavi superantibus, 
ovario 6-loculari obconico acuto in flore hermaphrodito 
parum evoluto. 

Arbuscula 12-pedalis, subramosa et rigida (feste Spruce). Rami 5-1 cm 
crassi. Petiolus 15 em. haud superans. Lamina 6-10 cm. longa atque 15- 
2 cm. lata. Racemus 6-9 em. longus. Pedunculi capituligeri 1} cm. haud 
superantes. 


Hab. — Ecuador; « in Andibus, Mont Azuay, in sylvis 
frigidis. » Spruce n° 5999, in hb. Benth. (Kew), Petrop., 
Edimb., Mart. et DC. 

Cette espéce qu'une certaine ressemblance de feuillage 
avait fait rapporter par Seeman à l'O. avicenniaefolium, 
Dec. et Planch. (Aralia avicenniaefolia H. B. K.), est bien 
distincte de cette derniére, non-seulement par ses organes 
de végétation, mais surtout par les caractères floraux. En 
effet, le type de Kunth, que nous avons sous les yeux, a 
les feuilles plus minces à tomentum plus blanc, non lui- 
santes en dessus, à nervures plus obliques, et ses capi- 
tules ont de 6 à 8 fleurs à gynécée 5-mére et sont disposées 
en une panicule à rameaux gréles; tandis que dans 
l'O. Seemannianum Nob., les capitules sont trés-gros, 
forment une grappe courte, à divisions fortes, et ne 
comptant pas moins de 20 à 35 fleurs à gynécée hexa- 
mère. 

9"* SÉRIE, TOME XLVIIs 6 


(82) 


O. ILICIFOLIUM n. Sp. 


Subglabrum ; ramis cortice griseo longitudinaliter cor- 
rugato tectis, petiolis apicem versus ramorum in longitu- 
dinem decrescentibus, basi sat late dilatatis in nonnullis 
foliis pilis stellatis conspersis, foliis ovato-elliptieis vel 
ellipticis apice acutis, in tertia parte inferiori saepe dilata- 
tis basi subtruncatis rotundatis rarissime acutiusculis, 
margine angustissime revolutis, spinoso-dentatis dentibus 
apicem versus laminae inclinatis extremitates nervorum 
terminantibus ima basi laminarum anguste ellipticarum 
saepe absentibus, crassis el insigniter rigide coriaceis, 
supra lucidis, 5 rarius, 3-nerviis, costa validissima, nervis 
secundariis venisque insigni reticulo infra valde promi- 
nente anastomosantibus; capitulis globosis crassiusculis 
haud numerosis, in umbellam terminalem foliis longe 
superatam digestis, pedunculo valido valde compresso 
capituli diametrum aequante vel eo breviore, bractea sca- 
riosa rigide ovato-acuta basi munito, 19-20-floris, floribus 
pentameris, bractealis ovato vel ovato-ellipticis acutis fim- 
briato-ciliatis sparsim stellato-tomentosis, limbo calycis 
ÿ-dentato, dentibus membranaceis subpellueidis ovato- 
aculis caducissimis dimidia petala circiter aequantibus, 
petalis late ovato-triangularibus acutiuseulis obscure uni- 
nerviis perpaucis pilisstellatis externe conspersis, filamento 
staminum petala haud superante, stylis breviusculis rigi- 
dis usque ad medium erectis apice subconniventibus, 
bacca (perfecte matura?) globoso-obconica exocarpio cras- 
sissimo et corrugato, disco concavo stylis vix superato, 
seminibus albumine ruminato. 


Rami ultimi 5-8 mm. crassi. Folia 10-16 em. longa atque 5-8 cm. lata 


( 85 ) 
(juxta ramos steriles quam in fructiferis angustioria), dentibus 1-5 mm. 
margine prominentibus. Capitula 12-2; cm. diametro metientia. Bacca 
diametro transversali 8-10 mm. metiens. 


Hab. — Bolivia. in prov. Larecaja, ad Challana, Turi- 
laque, in dumosis, ad rivum. Alt. reg. subalp. Nov. 1860. 
Mandon n* 568, in hb. Paris. 

Cette espèce est trés-remarquable par l'épaisseur et la 
rigidité de tous ses organes. Par l'ensemble de ses traits, 
elle doit prendre place à cóté du O. Lechleri Seem. et 
0O. macrocephalum Dec. et Planch. Elle s'éloigne du pre- 
mier par ses feuilles glabres, élargies, arrondies à la base, 
3 à 5-nerviées et ses à styles, et non couvertes d'un duvet 
ferrugineux dense, subcunéiformes, 5-7-nerviées et ses 
fleurs à 5 à 7 styles. Elle ne sera pas davantage confondue 
avec la seconde, grâce à l'absence de duvet ferrugineux et 
à la disposition de ses capitules en ombelle. 


O. OEnsTEDIANUM n. Sp. 


Totum pilis longis erectis rufis ramoso-stellatis, axi 
inflorescentiae densissimis, in reliquis magis caducis bre- 
vioribusque vestitum; ramis solo apice foliiferis, foliis 
ovato-ellipticis acutis vel ellipticis, basi obtusis vel paulum 
attenuatis, margine infra revolutis integerrimis pergama : 
ceis, rugosis ultimo subglabris in facie superiori, sub 
S-nerviis nervis secundariis sat obliquis reticulo infra 
prominente; capitulis in paniculam densam terminalem 
digestis foliis supremis breviorem, axibus secundariis 
patulis compresso-suleatis bractea lineari-filiformi rigidis- 
sima frequenter caduca basi munitis, pedunculis com- 
pressis, quandoque 2-4-floris infra capitulum foemineum 
gerentibus, masculis 10-15-floris, flore bracteolis brevibus 


(84) 

ellipticis laciniato-ciliatis basi cireumdato, 5 petalis ellip- 
ticis intus uninerviis, filamento staminum petalis longiore, 
stylo unico rare apice bifurcato, foemineis (fructiferis) cras- 
sioribus, baeca globosa grano piperis circiter aequali, disco 
plano vel subconcavo coronata, stylis 5 liberis brevius- 
culis valde arcuato-reflexis, seminibus albumine vix rumi- 
nato. 

Arbor 6-metralis, ramis supremis £-1 cm. crassis. Petiolus 6-15 cm. 
longus. Lamina 15-25 cm. longa ac 5-10 cm. lata. Panicula 10-25 cm. 
longa. igi: 2-1 em. longi. Capitula foeminea diametro 1 em. circiter 
metien 


Hab. — America centralis, ad Frasu et Castajo. Alt. 
8,000-9,000 ped. OErsted n° 5, 4, 6 et 8 in hb. Haun. 

Cette espèce, trés-distincte, vient se ranger dans le voi- 
sinage de l'O. flaccidum, dont elle diffère par ses feuilles 
à duvet roux, sa panicule plus courte que les feuilles, ses 
capitules máles de 10 à 15 fleurs, et non à duvet feutré, 
fauve, à panicule dépassant les feuilles supérieures et à 
capitules máles de 20 à 55 fleurs. 


O. FLACCIDUM n. sp. 


Ramis petiolis inflorescentiis pagina foliorum infera 
tomento stellato fulvo dense furfuraceo plus minusve 
detergibili vestitis, foliis amplis, petiolo subcylindrico 
circit. : laminam aequante, ovatis vel ovato-ellipticis apice 
in acumen acutum attenuatis, basi rotundatis vel obtusis, 
margine integerrimis infra anguste revolutis, papyraceis 
tenuibus praesertim apicem versus insigniter flaccidis, in 
facie superiori rugosis glabrescentibus, pilis stellatis juxta 
nervos completis in parenchymate pediculo solo persis- 
tente, nervis 5-5, 2 infimis ad 2 vel 5 longitudinem limbi 


( 88) 

altingentibus, coeteris tenuissimis supra paulum prominu- 
lis infra tomento furfuraceo copiosissimo absconditis, 
capitulis masculis 20-25-floris, globosis in paniculam ter- 
minalem folia superantem dispositis, axibus secundariis 
paniculae patulo-reflexis, bractea ovato-concava acumine 
filiformi inferne instructis, pedunculis patulis vel reflexis 
approximatis interdum ex eodem loco 3-4 nascentibus, 
flore bracteolis membranaceis ovato-concavis supernefi m- 
briatis corollae basim haud superantibus infra circumdato 
petalis § ovato-acutis tandem glabris, staminibus 5 fila- 
mento ante anthesin brevissimo, stylo unico, disco leviter 
concavo. Flor. foem. ignot. 

Rami ultimi į em. crassi. Petiolus 5-10 em. longus. Lamina 15-28 cm. 
longa atque 10-15 em. lata. Panicula 25 em. in altitudine atque 15 cm. 
in latitudine metieus, Pedunculi capituligeri 2-5 mm. longi, rarius 
nulli. 


Hab. — Mexico, ad Huitamalco. Liebman n° 16, in hb. 
Haun. 

Cette espèce est très-distincte par la flaceidité et le duvet 
feutré de ses grandes feuilles. . 


O. coNFUSUM n. sp. 


Ramis fragilibus fastigiatis (teste Spruce), foliis inflore- 
scentiis indumento stellato laxiusculo plus minusve deter- 
gibili sat frequenter cum pilis brevibus exhibente squamu- 
los laeiniatos vestitis, foliis breviter petiolatis, petiolo 
leviter canaliculato, ellipticis in acumen breve et acuto 
abrupte attenuatis, basi rotundatis rarius breviter cunea- 
tis, margine integerrimis infra anguste revolutis, laurineis 
subcoriaceis supra glabrescentibus, nervis 5, duobus infimi- 
mis tenuissimis frequenter parum conspicuis , reticulo 


( 86 ) 

nervorum venarumque utrinque prominente; capitulis 
foemineis 5-8-floris, in paniculam terminalem brevem 
valde diffusam, foliis supremis superatam digestis, axibus 
secundariis patulis vel reflexis magnopere angulato-sul- 
catis, in prioribus bractea magna foliacea linearique basi 
instructis, reliquis bractea brevi scariosa ovato-concava 
acuta munitis, pedunculis angulatissimis fere semper 
reflexis diametrum transversalem capitulorum aequantibus 
vel eo brevioribus, flore solitari bracteolis squamoso-mem- 
branaceis ovatis ciliato-fimbriatis altitudine fere dimidium 
ovarium attingentibus basi cireumdato, vel rarissime flo- 
ribus binis eodem involucello cinctis, petalis 5 ovato- 
triangularibus acutiusculis, disco angusto et concavo, ovario 
(vel si mavis fruct. immat.) globoso 5-loculari, exocarpio 
tenui extus laevi, stylis filiformibus arcuato-reflexis coro- 
nato. Flor. masc. ignot. 


Arbor 40-pedalis. Rami, infra paniculam, 4-6 mm. crassi. Petiolus 
5-6 cm. longus. Lamina 12-20 em. longa ac 6-10 cm. lata. Panicula 5-7 cm. 
longa 


Hab. — Ecuador, « in sylvis Andium frequens, ad Pal- 
latanga » Spruce n° 5525 in hb. Benth. (Kew), DC., 
Petrop., Edimb., Haun. etc. 

L'aspect général indique une certaine affinité avec 
l'O. flaccidum Nob., bien que n'ayant ni les grandes di- 
mensions ni la flaccidité des feuilles de celui-ci. On ne 
tentera jamais de les réunir si l'on considére que l'O. con- 
fusum Nob. à une panicule courte et diffuse, et des capi- 
tules de 5 à $ fleurs, tandis que l'O. flaccidum présente 
une forte panicule dépassant les feuilles, et des capitules 
de 20 à 55 fleurs. Nous en dirons tout autant des rap- 
ports de cette espèce avec l'O. capitatum Dec. et Planch., 


( 97 ) 
auquel Seeman l'avait réunie. Ce dernier s'en éloigne : par 
son inflorescence beaucoup plus grande, ses feuilles beau- 
coup plus longuement pétiolées et l'absence de tomentum 
étoilé. 
O. LiEBMANNI n. sp. 

Glaberrimum, foliis sat longe petiolatis ellipticis rarius 
subovatis, apice in acumen breve et acutum abrupte 
attenuatis, basi subcuneatis acutis rarius obtusis, margine 
integerrimis anguste infra revolutis, laurineis et coriaceis , 
facie superiori praesertim lucidis, nervis secundariis 
venisque tenuissimis reticuluo vix conspicuuo; floribus 
dioico-polygamis, capitulis in panieulam terminalem di- 
gestis apud specimina mascula quam foliis supremis lon- 
giorem, breviorem magisque diffusam apud foeminea, 
axibus secundariis gracilibus subflexuosis, bractea squami- 
formi ovato-acuta concava patula vel reflexa basi instruc- 
tis, pedunculis angulato-suleatis infra capitulum leviter 
dilatatis, masculis 5-7-floris, bracteolis ovato-rotundatis 
squamoso-membranaceis glabris apice inordinate ciliatis 
dimidiam altitudinem florum superantibus, petalis 5 ovatis- - 
acutis intus uninerviis, staminibus 5 filamento petala 
aequante, stylo unico filiformi, foemineis 2 rarius 3-flo- 
ris, floribus (quorum fortuito uno masculo vel herma- 
phrodito) glaberrimis, bacca minima globosa apice depressa 
laevi, exocarpio crasse carnoso, stylis 5 longiusculis liberis 
erectis apice leviter arcuatis atque disco satis magno con- 
cavo coronata, seminibus 5, albumine aequabili. 

Arbor vel frutex? Rami 5-8 cm. crassi. Petiolus 5 — 1 decim. longus. 
Lamina 10-18 em. longa atque 4-8 cm. lata. Panicula 8-20 cm. longa. 


Pedunculi 5-8 mm. longi. 


Hab. — Mexico : ad Alpatlahua et Donaguia. Liebman 


( 88 ) 
n° 41 et 14 in hb. Haun.; Perote, Hahn in hb. Mus. Paris 
et Petrop. 

Cette espèce est à rapprocher de l'O. capitatum Dec. et 
Planch. dont elle se distingue, à premiére vue, par ses 
capitules mâles de 5 à 7 fleurs et femelles ordinairement 
biflores et non les màles 20 à 50 fleurs et les femelles 5 
à 12. 


O. PLATYPHYLLUM n. Sp. 


Totum glabrum, foliis longe petiolatis, petiolo cylindrico 
tenuiter sulcato, amplis ambitu suborbiculatis vel rotun- 
dato-ovatis, bi-tridentatis dentibus late triangularibus acutis 
rectis saepius recurvatis, vel integerrimis longiuscule acu- 
minatis, basi rotundatis rarius subattenuato-obtusis, tex- 
tura sat tenuibus papyraceis, supra leviter lucidis, nervis 5 
validis dentes laminae terminantibus, 9 infimis tenuibus 
margini subparallelis, reticulo utrinque valde prominente; 
capitulis foemineis fructiferis 5-8-baccis, in paniculam ter- 
minalem compactam foliis breviorem digestis, juxta axes 
secundarios paniculae reflexos erassiusculos angulato-sul- 
catos, basi bractea reflexa scariosa ovata acutissima valde 
concava instructos plane sessilibus et valde approximatis 
(quasi conniventibus), bacca bracteolis scarioso- membra- 
naceis late ovatis concavissimis integris vel breviter mucro- 
nulatis usque ad medium circumdata, subgloboso-ellipsoi- . 
dea, grano piperis vix majore, leviter 7-sulcata, stylis 7 
filiformibus arcuato-reflexis e disco parvo concavo vix 
emergentibus coronata, seminibus albumine nullomodo 
ruminato. Flor. masc. ignot. 

Rami ultimi 6-8 mm. crassi. Petiolus 1-5 decim. longus. Lamina in dia- 
metro transversali 1-2 decim. metiens. Panicula 8-12 cm. longa, axibus 
secundariis 4-6 em. longis. Capitula diametro circiter 1 cm. metiens. 


( 89) 

Hab. — Mexico, ad Jocatepec et Lobcoba. Liebman, 
n” 17 et 18 in hb. Haun. 

Cette espèce présente une affinité évidente avec l'O. gua- 
temalense Dec. et Planch, mais elle s’en distingue facile- 
ment par ses capitules entièrement sessiles, très-rapproches 
le long des axes de la panicule, et non assez longuement 
pédonculés et fort espacés les uns des autres. 


O. COSTARICENSE n. Sp. 


Totum glabrum, foliis sat longe petiolatis petiolo ad 
apicem late canaliculato, ovato-ellipticis apice rotundatis, 
basi attenuatis acutis, margine integerrimis anguste revo- 
lutis, pergamaceis sat coriaceis siccatione plus minusve 
undulatis laevibus, 5 rarius 5-nerviis, duobus infimis 
tenuissimis multo brevioribus margini parallelis, reticulo 
nervorum venarumque utrinque sat conspicuo, racemis 
capituligeris laxis et brevibus inflorescentiam foliis supe- 
rioribus longe superatam ad similitudinem umbellae for- 
mantibus, axibus ascendentibus angulato-suleatis; capitu- 
lis foemineis fructiferis 3-4-baccis, sat longe pedunculatis, 
pedunculo valde complanato apicem versus insigniter dila- 
lato, bractea brevi ovato-concava acute mucronata patula 
vel ascendente basi instructo, bacca bracteolis squamulosis 
minutissimis late ovatis acutis vel rotundatis arg ute fim- 
briatis inferne cincta, globosa vertice paulum attenuata, 
grano piperis crassitudine, esuleata: exocarpio crassissimo 
paullulum rugoso, stylis 10-8 filiformibus breviusculis 
valde reflexis, disco parvo concavo insertis, seminibus non- 
dum omnino maturis. Flor. masc. ignot. 

Rami ultimi 1 cm. crassi. Petiolus 8-15 em. longus.Lamina 9-13 em. 


longa ac 5-7-cm. lata. Racemi umbellati 4-6 cm. longi, Pedunculi 15-22 em. 
longi. 


( 90 ) 

Hab. — America centralis, Costa Rica, Frasu. Alt. 9000 
ped. OErsted n? 2 in hb. Haun. 

Cette espèce est voisine des O. capitatum Dec. et Planch. 
et O. Liebmanni Nob. Elle en diffère par ses feuilles ar- 
rondies au sommet, son inflorescence générale en ombelle 
terminale et ses pédoncules remarquablement élargis sous 
le capitule; elle s'éloigne en outre de la dernière espèce 
par son ovaire $-10-loculaire et non 5-loculaire. 


O. DIVULSUM n. Sp. 


Glabriuseulum, petiolis breviusculis gracilibus superio- 
ribus dimidio limbo subaequilongis inferioribus eo aequi- 
longis, foliis ovato-elliptieis vel ovato-oblongis in acumen 
anguste triangulare attenuatis, basi cordatis, margine inte- 
gerrimis anguste revolutis, laurineis subcoriaceis infra 
pallidioribus, 5 rarius 7-nerviis, 2 infimis patulis margini 
parallelis, retieulo infra praecipue prominente; capitulis 
masculis in paniculam terminalem foliis longiorem satis 
compactam digestis, ramis paniculae gracilibus patulo 
erectis paulum pubescentibus, bractea ovato-acuminata 
coneavaque munitis, inferioribus 15-20-floris, superioribus 
minoribusque 6-12-floris vero 3-7 flores sessiles infra 
juxta axim paniculae gerentibus et spicam gracilem laxam- 
que simulantibus, floribus minutissimis, bracteolis ovatis 
vel ovato-oblongis acutis ciliatis extus subvillosis basi cir- 
cumdatis, tubo calyeis brevi obconico, corolla hemisphe- 
rica, petalis 4 ovato-elliptieis membranaceis pellucidis 
superne subserrulatis obscure intus nerviis, staminibus 
4 filamento gracillimo petala superante, stylo unico pe- 
talis subaequilongo, disco concavo et glabro. Flor. foem. 
ignot. 


Frutex. Rami extremi * em. crassi. Lamina 7-15 cm. longa atque 2 i-— 


(91) 
6 cm. lata. Panicula 10-20 cm. longa. Pedunculi graciles 1-1 cm. longi. 
Capitula 5-4 mm. crassa 


Hab.— Peruvia, in Andibus, ad Chacapoyas. M. Mathews 
in hb. Benj. Deless. et Com. Francavil. 

Voisin des O. Dombeyanum Dec. et Planch. et O. capi- 
tatum Dec. et Planch., dont il se distingue aisément : du 
premier par ses feuilles entiéres plus minces et ses capitules 
2-5 fois plus petits; du second, par ses feuilles beaucoup 
plus étroites, ses capilules supérieurs spiciformes et ses 
fleurs tétramères. 


O. GEMINATUM n. Sp. 


Ramis foliis inflorescentiis tomento lanato rufo et 
copiosissimo contectis, foliis lobatis...; capitulis foemineis 
20-50-floris, crassis globosis sessilibus extremitate ulti- 
morum ramorum paniculae binis semper approximatis, 
axibus paniculae valde compressis, bractea brevi late 
ovato-triangulari acuta concava patulo-erecta basi muni- 
tis, flore foemineo bracteolis basilaribus ovato- oblongis 
acutis, extus pulvillo crassissimo pilis longis lanatis 
flexuosisque constituto supra vestitis, limbo calycis brevi 
integro undulato, bacca elliptica infra attenuata superne 
juxta apicem coarcta, stylis 2 filiformibus plane liberis 
elongatis valde areuato-reflexis, disco parvo subeoncavo 
margine suberecto primum tomentoso seminibus 2, albu- 
mine ruminato. 

Arbor 15-pedalis Rami secundarii paniculae 10 em. superantes, parti- 
bus capituligeris 5-2 cm. longis. Capitula diametro transversali cireiter 
12 em. metientia. Bacca 6-7 mm. longa. 

Hab. — America centralis, ad Sejonia. OErsted n° 7, in 
hb. Haun. 

L'échantillon incomplet sur lequel nous décrivons cette 


‘ 


(92) 

espèce porte dans l’herbier de Copenhague le nom manu- 
scrit d'Aralodendron confertiflorum : le collecteur danois 
croyant y avoir reconnu le type d'un genre nouveau. 

Bien que l'inflorescencele rapproche des Sciadophyllum, 
nous ne pouvons y voir qu'un Oreopanax. 

C'est une espéce trés-curieuse, s'éloignant beaucoup de 
ses congénères par ses capitules géminés sessiles et ses 
fruits à deux graines. 


SCI3DOPHYLEUN P. Browne. 
S. BELANGERI n. Sp. 


Glabriusculum, foliis 7-natis, petiolo communi cylin- 
drico tenuiter striato basi et apice leviter incrassato, 
foliolis ovato vel ovato-ellipticis, in acumen angustum 
obliquum abrupte attenuatis, basi rotundatis, margine 
angustissime reflexis integerrimis, crassiusculis papyraceis 
costa valida nervis secundariis 7-10 utrinque obliquis et 
arcuatissimis reticulo pagina infera valde prominente ; 
panicula parva, perpaucis pilis stellatis passim conspersa, 
ramis umbelligeris bractea amplissima membranacea 
purpurea elliptico-lanceolata subciliata et insigniter venosa 
basi munitis, umbellis breviter pedunculatis 8-15-floris, 
floribus brevissime pedicellatis, pedicello bracteolis elon- 
gatis linearibus ciliolatis eireumdato, calycis limbo brevis- 
sime obscureque 5-dentato, corolla hemispherica quam 
lata longiore petalis parum cohaerentibus ellipticis acu- 
tiusculis 5-5 venis notatis, staminum filamento petalis 
majore, anthera ovato-oblonga utrinque emarginata, sty- 
lis brevissimis alte connatis disco conico impositis, ovario 
9-loculari breviter obconico (nondum plane evoluto). 


Rami ultimi 2-1 em. crassi. Petiolus 10-15 cm. longus. Foliola 6-9 cm. 


( 93 ) 


lata ac 12-18 cm, longa. Panicula 8-15 cm. longa. Pedicelli 1-2 cm. 
longi 


Hab. — Martinic., ad S'-Pierre. Mai 1855. Belanger 
n^ 127 in hb. Benj. Delessert et Com. Francavil. 


S. KARSTENIANUM n. Sp. 


Ramis petiolis inflorescentiis pagina infera foliorum 
tomentosis , tomento rufo ferrugineo pilis longis flexuosis 
et ramosis in parenchymate foliolorum brevioribus con- 
stituto, foliis 5-7-natis, foliolis maximis, petiolulo superne 
incrassato geniculato, elliptico-oblongis in acumen angus- 
tum acutum longiusculum abrupte contractis, basi rotun- 
datis, margine integerrimis anguste reflexis , crassiusculis 
papyraceis, facie supera glabris et lucidis, costa valida, 
nervis secundariis circiter 25 apicem versus laminae patu- 
lo-arcuatis, reticulo infra valde prominente; panicula am- 
plissima racemis capituligeris maximis densisque consti- 
tuta, axibus racemorum crassis sulcatis, 50-80 axes secun- 
darios gerentibus, capitulis parvis, 15-25-floris, globosis, 
pedunculo gracili arcte reflexo, bractea late ovato navicu- 
lari acuta basi instructo, flore sessile, bracteolis elongatis 
ovato-ellipticis acutis valde concavis villosissimis cilia- 
tisque superato, calycis tubo breve obconico 5-4-angulari 
villoso, limbo abbreviato undulato haud distincte dentato, 
corolla... antheris... stylis 5-4 sub anthesi brevissimis basi 
connatis, dimidium discum margine libero undulato haud 
aequantibus, ovario 3-4-loculari. 

Foliola 50-40 em. longa atque 10-15 cm. lata. Racemi capituligeri 
20-40 cmi. longi. Capitula diametro — 9 mm. metientia. Pedunculi 
6-10 mm. longi. 

Hab.— Venezuela, ad Cambre de Valezia et P'* Cabello. 
D" Karsten, in hb. Vindob. 


( 94) 

Le spécimen type de cette espéce aecompagnait un 
échantillon de S. ferrugineum Dec. et Planch., bien qu'il 
n'ait que peu d'affinité avec celui-ci. Le S. Karstenianum 
Nob. se rapproche plutót des S. Trianae Planch. et Lind. 
et S. heterotrichum Planch. et Lind., dont il se distingue 
facilement par ses capitules longuement pédonculés, ses 
feuilles et inflorescences couvertes d'une seule couche d'un 
duvet assez caduc et non à capitules très-brièvement pé- 
donculés, à duvet des feuilles formé de deux couches (la 
seconde blanche) superposées, comme dans le S. Trianae; 
par ses fleurs sessiles à styles trés-courts, par son duvet 
simple rameux et non à fleurs ayant un pédicelle de 
12-1 mm., des styles soudés en une colonne dépassant de 
beaucoup le calice et un duvet entremélé d'une couche 
blanche persistante comme dans le S. heterotrichum. 


COEMANSEA nov. gen. (1). 


Flores hermaphroditi. Calycis margo 8-denticulatus, 
tubus obconicus, insigne sulcatus. Petala 8, elliptica, 
acuta vel obtusiuscula, margine papillosa, apice leviter 
imbricata. Stamina tot quot petala, filamentis brevibus ; 
 antherae oblongo-lineares recurvatae. Discus concavus, 
' margine adnato. Ovarium 8-loculare. Styli longiusculi in 
columnam connati; stigmatibus terminalibus. Fructus... 

Arbor parva Brasiliae orientalis incola. Folia pinnatim 
' decomposita. Umbellae in racemum terminalem (?) dispo- 
sitae, pedunculis apice in receptaculum plus minusve dila- 


(1) Nous dédions ce genre à Eugéne Coemans, l'un de nos cryptoga- 
mistes les plus distingués et le promoteur des études paléophytologiques 
dans notre pays. 


( 95.) 


tatis, 2-5 braeteis quarum interioribus adpresse vaginan- 
übus, exteriori majoreque sub patula basi instructis. 
Pedicelli sub flore articulati. Species unica. 


C. WARMINGIANA n. sp. 


Glabra, foliis amplissimis, petiolo communi inermi ad 
articulationes inflato, umbellis 40-55-floris, longe pedun- 
culatis, pedunculo angulato insigniter transverse corru- 
gato, floribus purpureis, pedicellis brevibus cum bracteolis 
ovatis vel lanceolato-linearibus integerrimisque inter- 
mixlis. 

Folia in longitudine 70 em. superantia. Racemus circiter 22 cm. lon- 
gus. Pedicelli 5-5 mm. longi 


Hab. — Brasil, in provincia Minas Geraes, ad Lagoa- 
Santa. 22 August. — « Foliis tum privata erat. » War- 
ming in hb. Haun. 

Le genre Coemansia se rapproche des Aralia dont il a 
Vimbrication des pétales et l'articulation des pédicelles 
sous la fleur; mais il en différe essentiellement par ses 
fleurs $-méres, à anthéres oblongues-linéaires, recourbées, 
à disque concave, à bord adné, tandis que les Aralia ont 
des fleurs 2-2-méres, à anthéres jamais oblongues- 
linéaires et toujours droites, età disque conique ou presque 
plan, à bord libre. 

L'estivation imbriquée des pétales le lie quelque peu 
aussi aux Sciadodendron Griseb., avec lesquels on ne pour- 
rait davantage le confondre à cause de ses fleurs $-méres 
et non 40-12-méres, de ses pédicelles articulés et non 
continus avec la fleur. 

Une différence de moindre importance, mais qui est 


LS 


( 96 ) 

trés-curieuse et permet de distinguer le genre Coemansia 
de tous les autres à la simple inspection de l'inflorescence, 
nous est fournie par les pédoncules ombelligéres; dans 
celui-ci, ils sont étroitement embrassés à la base par une 
gaine formée de 1 ou 2 bractées; tandis que chez les autres, 
les pédoncules ne présentent jamais de gaíne, ni plus 
d'une bractée à leur base. 


Note sur l'analyse des superphosphates; par M. Chevron. 


On sait que dans un super phosphate l'acide phospho- 
rique existe sous deux formes : 

1* A l'état soluble dans l'eau : 

a) Acide phosphorique libre. 

b) Phosphate monocalcique. 

2° A l'état insoluble dans l'eau : 

a) Phosphate bicaleique, phosphate acide de fer, phos- 
phate acide d'alumine, dont la formation est le résultat 
plus ou moins éloigné de l'attaque du phosphate naturel 
par l'acide sulfurique. Ces phosphates se dissolvent dans 
une solution de citrate d'ammoniaque. 

b) Phosphate naturel qui a échappé à l'aetion de l'acide 
sulfurique. 

Incontestablement l'acide phosphorique de la partie 
inataquée du phosphate naturel ne peut avoir la méme 
valeur vénale que celui de la partie attaquée (acide phos- 
phorique soluble dans l'eau et acide phosphorique à l'état 
de phosphate bicaleique, phosphate acide de fer, phos- 
phate acide d'alumine). 

Aussi quelques chimistes, parmi lesquels nous citerons 


(97) 
Frésénius, Neubauer, Lücke, Joulie, ont-ils proposé de 
séparer ces deux formes de l'aeide phosphorique en trai- 
tant le superphosphate par le citrate d'ammoniaque. 

Mais, il y a quelques mois,le directeur de la station 
agronomique de Seine-et-Marne, M. Gassend, est venu 
annoncer dans le journal d'agriculture de M. Barral (1) 
que, dans un superphosphate,la portion du phosphate 
naturel qui a échappé à l’action de l'aeide sulfurique est 
plus ou moins soluble dans le citrate d'ammoniaque et que 
sa solubilité augmente avec l'élévation de la température 
et la durée du contact avec le réactif. La conséquence que 
M. Gassend tirait de ses analyses était que la méthode au 
citrate devait étre abandonnée ou n'étre considérée que 
comme un pis-aller jusqu'à ce que l'on eût mis la main sur 
un réactif mieux approprié. 

Une vive polémique s'engagea immédiatement entre 
M. Gassend et M. Joulie qui, comme nous l'avons dit, est 
l'un des fondateurs de la méthode au citrate. La question 
soulevée par M. Gassend était grave. Elle attira immédia- 
tement l'attention des agronomes. Car, si les critiques de 
ce chimiste étaient fondées, la méthode au citrate d'am- 
moniaque exposait l'opérateur qui s'en servait à exagérer 
la valeur vénale d'un superphosphate au détriment du 
cultivateur. 

Dans sa note, M. Gassend ne parle pas de la nature des 
superphosphates sur lesquels il a opéré; nous savons seu- 
lement qu'is étaient pauvres en acide phosphorique 
soluble dans le citrate : 8 à 9 p. */.. Le citrate d'ammo- 
niaque employé par ce chimiste avait en acide citrique le 


T — 


(1) N° du 9 mars 1878. 
9"* SÉRIE, TOME XLVII. 1 


( 98) 
degré de concentration recommandé par M. Joulie (400 
grammes au litre); seulement la réaction était acide ou 
neutre, tandis que M. Joulie insiste sur la nécessité d'une 
réaction fortement alcaline. 

Quant à nous, nos essais ont porté sur deux superphos- 
phates de fabrication belge: un superphosphate de noir 
animal et un superphosphate de phosphate de Cacéres. La 
solution de citrate dont nous avons fait usage avait le 
degré de concentration préconisé par Frésénius (den- 
sité—1,09); la réaction était légèrement alcaline. Cette 
liqueur est bien moins riche en acide citrique (182€ par 
litre) que celle de la formule Joulie. Pour doser l'acide 
phosphorique dissous par ce réactif, nous avons appliqué 
la méthode de Sonnenschein qui consiste à précipiter cet 
acide par le molybdate d'ammoniaque, à dissoudre le préci- 
pité de phospho-molybdate dans l'ammoniaque, puis à pré- 
cipiter la solution ammoniacale par la mixture magné- 
sienne. 

Essais sur le superphosphate de noir animal. 
PREMIER ESSAI. 
BupwvphopMe |. : . . = ., : == TO grammes. 
Citrate d'ammoniaque : 2-100 6 č. 
Eau distillée pour bit x un litre. 


Température 11 à 12° centigrades. 
A. Aprés 4 ‘/2 heure de contact on prélève 50 c. c. 
On y trouve 
Ph?05 = 05,0743. 
Ces 50 c. c. de dissolution correspondant à 027,500 de 
superphosphate, il en résulte que celui-ci renferme : 


74,5 à 
uc ris 14,99», — Ph*0* soluble dans le citrate, 


(99) 
D. Après 25 heures, on prend de nouveau 50 c. c 
Ph*?05 contenu = 027,073 ou 15 *|, Ph*05. 


Les deux résultats sont concordants. 


DEUXIÈME ESSAI. 


10 grammes. 


Superphosphate . 
Citra 100 c. c. 


teď PRETI s. 
Eau distillée pour faire un litre. 


Ul 


Température 25 à 27°. 
A'. Contact de 1 1/2 heure : 


Ph*05 dans 50 c, c. — 0275074 ou 14,8 *J, Ph*05. 
B'. Contact de 25 heures : 


Ph?05 dans 50 c. c. = 027,0759. 


On voit que dans ces quatre dosages A B A' B' les 
quantités de Ph?05 dissous ont varié de 07,0759 à 087,075; 
la différence 02,0011 rentre dans les limites des erreurs 
de l'analyse. 

Il semble d'aprés ces essais qu'on devait conclure que 
la durée du contact et la température étaient sans in- 
fluence sur l'action dissolvante du citrate. Mais la conclu- 
sion, pour le moment du moins, aurait été prématurée. En 
effet, en examinant le résidu insoluble du premier essai, 
nous constatàmes, non sans un certain étonnement, qu'il 
ne renfermait plus que des traces d'acide phosphorique. Il 
était évident dés lors que, puisque le superphosphate était 
débarrassé de tout son acide Er la tempéra- 
ture de 11° et aprés un contact de 1 !/s heure avec le 


( 100 ) 


citrate, une élévation de température et un contact plus 
prolongé ne pouvaient faire manifester au réactif une action 
dissolvante plus énergique. 

De deux choses l'une : ou le superphosphate était par- 
faitement fabriqué, c'est-à-dire que tout le phosphate tri- 
caleique avait.été attaqué par l'acide sulfurique, ou bien le 
citrate d'ammoniaque dissolvait ce dernier phosphate. 

Pour tirer la question au clair, il fallait ajouter au 
superphosphate du noir animal neuf et faire agir sur le 
mélange le réactif dissolvant. C'est ce que nous avons fait 
dans le 

TROISIÈME ESSAI. 


Superphosphate. . = 10 gr. x 
Ne aw. | o o -- yu } 12 grammes 
Citrate = 100ec.c 


Eau pour faire un litre. 
Contact de 4 !/2 heure : 


Ph?05 dans 50 c.c. — 027,075. 


Contact de 29 heures : 


Ph?05 dans 50 c. e. — 027,075. 


Nous retrouvons encore une fois les chiffres des essais 
précédents : le phosphate bicaleique du noir neuf n'a donc 
pas cédé de l'aeide phosphorique au citrate. 

Mais on pouvait objecter que dans ce troisiéme essai on 
s'est un peu éloigné des conditions ordinaires de l'analyse: 
au lieu de 10 grammes de matiére pour 100 c. c. de citrate 
on en a employé 12. Il était permis de se demander si, en 
employant seulement 10 grammes, formés de 8 grammes 
de superphosphate et de. 2 grammes de noir animal, on 


(C101 ) 

n'aurait pas constaté d'effet, puisque par l'absence de 2 
grammes de superphosphate, du citrate devenait dispo- 
nible et pouvait exercer son action dissolvante sur le noir 
neuf. Nous avons done exécuté un quatriéme essai dans 
ces nouvelles conditions et pour qu'on ne püt objecter, dans 
le cas où le noir aurait cédé de l'acide phosphorique au 
citrate, que ce noir renfermait du phosphate bicaleique, 
nous avons eu soin d'employer du noir animal soigneuse- 
ment lavé au citrate. 

Dans le but aussi d'économiser le citrate d'ammoniaque, 
nous avons réduit au ; le poids de la matière phosphatée. 


QUATRIÈME ESSAI, 
{ Superphosphate, 187,8 
Noir lavé . . . » ,2 ou 10°/, du mélange. 


Citrate d'ammoniaque . . . 20c.c 
Eau pour faire 200 c, c. 


2 grammes 


Température 20°. 

Après un contact de 1 1/2 heure on prélève 50 c. c 
On y trouve ; 

Ph*05 — 0:7,0636 (a). 

Le restant du liquide est abandonné au repos pendant 
40 heures ; on l'a ensuite chauffé à 40° pendant 1 !/2 heure. 
Le refroidissement effectué, on prit de nouveau 50 c. c. 
oü l'on dosa 

Ph*O5 — 07,0673 (b). 

Le poids de superphosphate 157,8 étant dissous dans 
200 c. c., les 50 c. c. correspondent à ^ — 027,450. 

D'aprés les essais précédents, le superphosphate ren- 
ferme 14,9 p. */, Ph?05; le poids 087,450 contient donc 
Osr 067 Ph?05. Ce chiffre est suffisamment rapproché des 


( 402 ) 
résultats a et b pour nous forcer à conclure que : quelles 
que soient la température, 20° ou 40°, et la durée du con- 
tact, 1 1/2 heure ou 40 heures, la présence de 10 °/, de 
noir est sans influence sur le dosage de l'acide phospho- 
rique soluble dans le citrate. 

Cependant le noir animal céde de l'aeide phosphorique 
au eitrate. Si on broie pendant quelques instants dans un 
mortier du noir animal avec du citrate d'ammoniaque et si 
l'on jette le mélange sur un filtre, on constate que le 
liquide filtré précipite par le molybdate d'ammoniaque et 
la liqueur magnésienne. Dans un essai quantitatif, nous 
avons constaté que 20 c.c. de citrate avaient enlevé à 
.1 gramme de noir sec lavé : 


él Dimiligr 76 à 90° (a) 
2Gmilligr 00 à 40° (b) 


Si dans les troisième et quatrième essais nous ne nous 
sommes pas aperçu de l'effet dissolvant du citrate, c'est 
que la quantité de ce réactif n'est pas exagérée et sert ex- 
clusivement ou presque exclusivement à la dissolution de 
Ph?05 assimilable du superphosphate. L'essaài 3 ayant 
montré que le noir animal ajouté au superphosphate 
n'était pas attaqué par le citrate à la dose employée, nous 
aurions pu prévoir le résultat également négatif de l'essai, 
si nous avions eu préalablement déterminé la solubilité du 
phosphate tricalcique du noir représentée par les chiffres 
a et b. En effet, grammes de superphosphate étant débar- 
rassés de leur acide phosphorique par 20 c. c. de citrate, 
4s" 8 n'exigeront que 18 c. c. Deux c. c. sont donc dispo- 
nibles pour attaquer le noir : ils ne pourront lui enlever, 
d’après les dosages a et b, que 2"s,1 à 275,6 de Ph?0*. 


( 105 ) 
Cette quantité se répartissant dans 200 c. c., les 50 c. c. 
sur lesquels on opère n'en recevront que le 7, soit t milli- 
gramme, poids négligeable et qui doit passer inapercu dans 
les opérations de l'analyse. 

Mais, si dans les essais 5 et 4 la solubilité du phosphate 
tricaleique du noir ne s'est pas révélée, il n'en sera plus 
ainsi lorsqu'on augmentera la quantité de citrate et qu'on 
la portera, comme le font plusieurs chimistes, à la dose de 
100 c. c. par 2 gr. à 227,5 de matière phosphatée. 


CINQUIÈME ESSA1. 


Raids. à sites 
Noirlavé . . iW M NU INE . 0. mm 082 
Citrate . — 100 0. C 


Eau pour faire 200 oo 


Température 20°. 
Contact de 1 !/2 heure : 


Ph?05 dans 50 c. c. — 01,0777 ou 15,54°/0. 
Contact de 6 heures, dont 1 !/2 heure à 40°: 


Ph:05 dans 56 c. c. — 06,0784 ou 13,70 °h. 


Or, la quantité de Ph?05 correspondant au superphos- 
phate seul est 027,067 ou 15,4 p. */, du mélange. 

L'exeés de citrate a donc exagéré de plus de 2 */, 
(15,54—13,40—92,14) la teneur en Ph205 immédiatement 
assimilable. 

Si nous jetons les yeux sur les chiffres 27,0777 et 
027,0784 obtenus dans des conditions différentes de tem- 
pérature et de durée, nous constatons une fois de plus que 
l'influence de ces circonstances est nulle. 


( 104 ) 


Essais sur un superphosphate fabriqué avec le phosphate 
de Cacères. 


PREMIER ESSAI. 


10 grammes. 


A ni 
Citr 100 c. c. 


E) 


ate. : 
Eau pour faire u un litre. 


Contact de 4 1/2 heure : 

Ph*05 dans 50 c. c. — 080892 ou 17,84°/o (a). 
Contact de 24 heures : 

Ph*05 dans 50 c. c. — 0sr 0902 ou 18 *J, (b). 


Le résidu insoluble contenait encore 02,0528 Ph?05 à 
l'état de phosphate tricaleique. 
Les chiffres a et b démontrent que la durée du contact. 
n'a guére d'influence. 
Nous allons montrer qu'il en est de méme pour la tem- 
pérature et le volume de citrate. Mais avant tout observons 
ue si 10 grammes de superphosphate ont laissé à l'état 
insoluble 02,0528 Ph?05, 2 grammes sur lesquels nous 
allons opérer dans 200 c. c. de liquide ne laisseront que 
027,0106; par suite, l'insoluble correspondant à 50 c.c. con- 
tiendrait 02,0096 Ph?05. C'est de cette quantité que serait 
augmenté le poids d'acide phosphorique des 50 c. c. dans 
le cas oü l'insoluble de ce premier essai se dissoudrait sous 
l'influence de la température ou de l'excés du dissolvant. 
Afin d'avoir à constater, le cas échéant, un poids plus 
fort de phosphate tricalcique dissous, nous avons ajouté au 
superphosphate du phosphate de Cacéres bien pulvérisé. 


( 408 ) 


DEUXIÈME ESSAI. 


Superphosphate. : = 2 grammes. 
Phosphate de Cacéres. . z20:08m2 
Citrate, o 1 s == e c. 


Température 21°. 
Contact de 5 heures : 


Ph*0* dans 50 c. e. = 0:7,09018. 
Contact de 7 heures, dont 1 !/2 heure à 40° : 
Ph:05 dans 50 c. e. — 0:",08986. 


Ces deux chiffres concordent entre eux et avec ceux de 
l'essai précédent. 

Le phosphate de Cacères contenu dans un superphos- 
phate ne parait donc pas attaqué par un volume considé- 
rable de citrate. Au surplus, dans un essai direct, nous 
avons constaté que 20 c. c. de citrate n'avaient enlevé à 
2 grammes de phosphate de Cacères qu'environ 4 milli- 
gramme Ph?05 et cela quelle que fùt la température : 20° 
à 40°. 


CONCLUSIONS. 


1. Dans l'attaque d'un superphosphate de noir animal 
ou de phosphate de Cacéres par une solution de citrate 
d'ammoniaque à la d —1,09,on n'a pas à se préoccuper de 
la durée du contact et des variations que peut éprouver la 
température d'un laboratoire. 

2. Dans l'analyse d'un superphosphate de noir, il faut 
se garder d'exagérer la quantité de citrate : 20 c. c. suffi- 


( 106 ) 
sent pour 2 grammes de matière. Un excès de réactif fait 
passer en solution de l'acide phosphorique provenant du 
phosphate tricaleique non attaqué dans la préparation du 
superphosphate (1). 

5. Le phosphate de Cacéres étant bien moins sensible à 
l'aetion du citrate que le phosphate du noir animal, le 
superphosphate qui en provient peut étre traité par une 
quantité considérable de réactif. On peut indifféreminent 
employer de 20 à 100 c. c. pour 2 grammes de matiére. 

4. Dans l'essai des deux superphosphates précédents, il 
est inutile de les faire digérer avec le citrate à la tempéra- 
ture de 40° C., la dissolution s'effectuant bien à la tempé- 
rature ordinaire. 


(1) I n'est pas inutile de dire que M. Gassend, dans ses expériences, a 
1 [4 *4mafa LAN laoaid ita Ma A asd Alavéóo 


LS J \ e 4 LI LA 
que prescrit ie procédé Joulie : 40 c. c. par gramme de matière. 


( 107 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


— 


Séance du 6 janvier 1879. 


M. LECLERCQ, directeur. 
M. LiaGnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Gachard, P. De Decker, J.-J. Haus, 
Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, 
Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wauters, H. Conscience, 
G. Nypels, Ém. de Borchgrave, P. Willems, Edm. Poullet, 
membres ; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, Aug. Sche- 
ler, associés ; Stan. Bormans, Ch. Piot et Eug. Van Bem- 
mel, correspondants. ; 

M. L. Alvin, membre de la Classe des beaux-arts, et 
M. Éd Mailly, membre de la Classe des sciences, assistent à 
la séance. 


= 


CORRESPONDANCE. 


—— 


M. le Ministre de l'Intérieur envoie une ampliation de 
l'arrété royal du 6 décembre 1878 qui nomme MM. Alvin, 
Delmotte, Fétis, Frédériex et Potvin, membres du jury 
chargé de juger la septiéme période du concours triennal 
de littérature dramatique en langue francaise. 


( 108 ) 

— M. le Ministre de l'Intérieur transmet, de la part de 
M. le comte Leonel de Laubespin, un exemplaire de son 
ouvrage intitulé : Extrails sommaires des mémoires de 
La Huguerie. « Ce livre, dit M. le Ministre, se rattache 
à un grand ouvrage à publier par la Société de l'Histoire 
de France. » 


— M. le Ministre fait don, pour la bibliothéque, des 
ouvrages suivants : 

1° La Révolution ge d de 1789 et les Vonckistes, par 
Th. Juste, 2 broch. in-8° ; 

9» Charlemagne et le pays de Liége. L'Éburonie avant 
la conquéte des Gaules par Jules César, par André Van 
Hasselt et Henri Jehotte, 4 vol. gr. in-8°; 

3° Les commandements de l'humanité ou la vie morale 
sous forme de catéchisme populaire d'aprés Krause, par 
G. Tiberghien, in-12; 

4 Enseignement et philosophie, par le méme, in-12. 

B° Zéphirs et brises, essais poétiques, par Édouard Ger- 
main, in-12. 


M. le Ministre de la Justice fait don de deux exem- 
plaires du onziéme rapport qui lui a été adressé par M. l'in- 
specteur général des établissements de bienfaisance et des 
asiles d'aliénés du royaume, et qui renferme l'ex posé de la 
situation de ces établissements pendant les années 1874 à 
1876, ainsi que la législation sur la matière. 


M. Nypels fait hommage de la première livraison de 
son Commentaire du Code de procédure pénale. 


M. Bormans fait hommage de son travail intitulé : 
La geste de Guillaume d'Orange, fragments inédits du 
XIII: siècle. 


( 109.) 
M. Gachard envoie un numéro de la Gazette d'Augs- 
bourg contenant un article de M. de Reumont, associé de 
la Classe, relatif aux travaux de l'Académie. 


M. Charles d'Hane-Steenhuyse adresse un exem- 
plaire d'une brochure qu'il vient de publier sous le titre: 
M. Barthélemy Du Mortier et le lieutenant général d'Hane- 
Steenhuyse. — Documents pour servir à l'histoire des 
événements de 1851. 


— A la suite d'une demande faite à l'Académie des 
Inscriptions et belles-lettres de Paris, M. Wallon, secrétaire 
perpétuel, a fait don à la compagnie de diverses publica- 
tions fort importantes, notamment : 

Comptes rendus des séances, 2°, 3° et 4° séries (1865- 
1878); 13 vol. in-8*; 

2° Diplomata, chartae epistolae, etc., tome I et IT; 2 vol. 
in-folio ; 

3° Recueil des historiens des croisades, 19 vol. in-folio; 

4 Œuvres de Borghesi, tomes VH et VIII; 2 vol. 
in-4. 


La Classe vote des remerciments pour ces dons, qui 
seront déposés dans la bibliothéque. 


— M. A. Lecoy de la Marche, archiviste paléographe, 
professeur d'histoire à l'Université catholique à Paris, 
adresse un exemplaire de son questionnaire relatif aux 
faits historiques ou traditionnels se rattachant à saint 
Martin, de Tours, dans notre pays. 


— La légation de Belgique à Berlin, la Bibliothèque 
royale de la méme ville, les General-Landes-Archiv à 


( 410 ) 
Carlsruhe, et la Société des antiquaires de Londres, accu- 
sent réception du dernier envoi des publications acadé- 
miques. 


— M. Ad. de Ceuleneer renvoie son mémoire sur 
Septime Sévére , couronné en 1876, qu'il a été autorisé à 
remanier et à corriger, sur la demande des commissaires 
MM. Roulez, Wagener et Néve. — Renvoi aux deux der- 
niers commissaires. : 


CONCOURS DE 1879. 


M. le secrétaire perpétuel annonce qu'il vient de rece- 
voire un mémoire pour le concours de l'année actuelle, 
dont le terme pour la remise des manuscrits expire le 
4% février prochain. 

Ce mémoire, en réponse à la deuxiéme question, ainsi 
conçue: Écrire l'histoire de Jacqueline de Bavière, comtesse 
de Hainaut, de Hollande et de Zélande, et dame de Frise, 
est accompagné d’un billet cacheté portant comme devise: 

Quid laboro nisi ut veritas in omni quæstione explicetur? 
(Cic., Tusc. HI, 20.) 

Les commissaires pour ce travail seront nommés aprés 
la clôture du concours. 


ÉLECTION. 


^ 


La Classe procède à l'élection de son directeur pour 
1880. Les suffrages se portent sur M. Nypels. 
M. Leclereq se fait l'interpréte des sentiments de ses 


ENVIRONS pe BOULOGNE. 
. ge O Meridien de Paris 4° LAN 
36 Lo 46 "40 
N p, y 
Il P ADAM 
il Perres 
M 9 e. 
o 
ü 
M 
L 750 
iii 1 ee Pont de Briques 
V 2a 
{| - 
" Fr. ° 
W SE Etienne-au-Mont 
W o Îsques k 
WI 700 te Hesdin -l'abbe 
Y. O 
6°30 6 30 
2P 'O So * 70 : 
dq oma c i Les chiffres arabes places dans la carte indiquent les cotes de nivellement. 
2evereyl Druxeues — 
s Echelle de 3,000 metres. 


LE PAYS ENTRE WISSANT ET: GUINES. 


Dad — — T 
RI og 


A — 


Oo Jf, A 
——— -> Guines 
Aa As n” NS B 
Aa M o wc c. .ccc-- c: o v5 c —— 6 vo 77] oo Ca. — C 
f Tue or ERN 
1 $ ES 
(ii & 21 
v si 
b Foret de Gumes 
bi f 
* ins hene : 
46, 5o Ll 36, 20 
N 6o , N 
mcm tt 
lih G Severeyns Brux? Jes chiffres arabes places dans la carte indiquent les cotes de nivellement. 


Echelle de 5o00 metres. 


( 411 ) 

confréres en proposant de voter des remerciments au 
directeur sortant, M. Ém.de Laveleye, absent à cause d'un 
voyage à l'étranger, entrepris dans l'intérét de la science 
qu'il professe. 

M. Nypels, en venant prendre place au bureau, remercie 
la Classe du témoignage de confiance qu'elle vient de 
lui donner. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


Wissant, l'ancien Portus Iccius; par M. Alphonse Wauters, 
membre de l'Académie. 


E 


Plus on examine certaines questions de géographie his- 
torique, plus on est tenté de réagir contre le sentiment, 
trés-louable dans son principe, de patriotisme local, qui 
excite le zéle de beaucoup d'écrivains. Combien d'entre 
eux ne se plaisent qu'à exagérer l'ancienneté et l'impor- 
tance de leur ville natale, sans prendre en considération les 
droits, qui devraient toujours étre prépondérants, de la 
vérité et de l'exactitude. C'est la réflexion qu'inspire, en 
particulier, la lecture des nombreux auteurs dont la ques- 
tion de la situation du Portus Iccius a occupé les loisirs. 
On a revendiqué et on revendique encore cet antique lieu 
d'embarquement avec plus de passion, me semble-t-il, que 
d'impartialité. Dans une autre occasion (1), je me suis 


(1) Nouvelles études sur la Géographie ancienne de la Belgique, pp. 87 
et suiv. (Bruxelles, 1867, in-12). 


(CET) 
occupé de ce sujet de débats scientifiques et tout ce que 
jai lu depuis n’a ni modifié, ni ébranlé mes convictions; 
un examen plus complet a affermi, au contraire, mon opi- 
nion que Wissant seul correspond aux indications des 
auteurs de l’antiquité. C’est le résultat de ces recherches 
récentes que je vais exposer. 

Si je reviens sur une question qui souvent déjà a été dé- 
battue, c'est qu'à mon avis on ne tient pas assez compte, 
lorsqu'on s'occupe de la géographie ancienne, des lumières 
que peut fournir l'étude de l'histoire du moyen-àge et 
des temps modernes. C'est ainsi que les annales de Wis- 
sant n'ont jamais été écrites. En vain Du Cange, ce prince 
des érudits, a insisté sur le grand róle joué par notre port 
pendant plusieurs siècles; on n'a attaché à cette circon- 
stance qu'une faible attention. En vain l'adjudant du génie 
Henry, dont le grand travail sur Boulogne reste une source 
inépuisable de renseignements (1), a fait remarquer com- 
bien étaient faibles la plupart des arguments que l'on pro- 
duisait pour placer le Portus Iccius ailleurs qu'à Wissant; 
on a persisté à défendre avec acharnement la cause de 
Boulogne. Je me hàte de le déclarer, l'ancienneté de cette 
ville et son importance archéologique ne sont pas en cause; 
il s'agit uniquement de constater si elle doit absorber 
aussi l'ancienne gloire d'une localité modeste de son voisi- 
nage. 

Rappelonsici que l'opinion de Du Cange, qui avait d'abord 
été émise par Cambden, a été défendue par d'autres auto- 
rités imposantes : d'Anville, Gosselin, de Saulcy, le géné- 


at ——— 


(1) Essai historique, topographique et statistique sur l'arrondisse- 
ment communal de Boulogne-sur-Mer. Boulogne, 1810, in-4^. 


( 115 ) 
ral Creuly, etc. (1). Les défenseurs des droits de Boulogne 
sont plus nombreux, mais beaucoup d'entre eux ont certai- 
nement été mis en défaut par la célébrité plus grande de 
cette cité. Les principaux sont Cluvier, Sanson, le père 
Lequien, l'abbé Mann, Napoléon I°, Napoléon IH, Ma- 
riette-Bey, connu depuis par ses excellents travaux sur 
l'archéologie égyptienne (2). D'autres ont préféré Étaples, 
Ambleteuse, Sangate, Calais, Mardick, Saint-Omer, et 
méme Ostende, Bruges, Gand, ete. Mais on peut dire que, 
d'une part, les localités au sud du eap Gris-Nez sont exclues 


(1) Du Cange, Dissertation sur le Portus Itius, dans ses Dissertations 
el réflexions sur l'histoire de Saint-Louis, § 28, p. 521; nville, 
Mémoire sur le Portus Itius et le lieu de débarquement de César dans la 
Grande-Bretagne (MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES- 
LETTRES, t. XXVIII, pp. 9972409, année 1757); Gosselin (Mémoires pE 
L'ACADÉNMIE DES INSCRIPTIONS, ANN! 15, t. Ier); M. de Saulcy, CE TAE 
lions de César dans la Gr rs (REVUE ARCHÉOLOGIQUE DE 
Panis, t. I7, pp. 125 et suiv.); le général Creuly, La carte des edt. 
Examen des observations auxquelles elle a donné lieu (Ysrpgm, t. VII et 
V Hete. 

(2) Cluvier, Germania antiqua, t. Il, p. 124; Sanson, Le Portus Icius 
de César démontré à Boulogne ; Lequien, Dissertation sur le Portus Itius 
(dans les MÉMOIRES DE LITTÉRATURE du père Desmolets, t, VIII, 2* partie, 
p. 325); Mann, Dissertation dans laquelle on tâche de dher diir pré- 
cisément le.port où Jules César s’est embarqué pour passer dans la 
Grande-Bretagne, etc. (MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE ET ROYALE DE 
pr a T11, 1780); M. Mariette, Lettre à M. Bouillet sur l'article 

ulogne de son Dictionnaire universel d'histoire et de géographie 
(Paris, 1847, in-8»); M. Desjardins, ppc pris et adminis- 
trative de la Gaule romaine, t. Er, p. ( 1876, gr. in-8°). Voir 
aussi l'abbé Haigneré, Études sur le portus fins de César. Réfutation 
d'un mémoire de M. F. de Sauley (Arras, 1862, in-8°), et l'abbé Robi- 
taille, Étude comparée des m - M. de Saulci cY, HERES, et de 
M. l'abbé Haigneré, sur le Por 

t. XXXV, pp. 265 et suiv., a. 
9"* SÉRIE, TOME XLVII. 8 


I MM , 


( M4 ) 
par la trop grande distance, hors de rapport avec les in- 
dications de César; que, d'autre part, les ports au nord- 
ouest de Sangate doivent être éliminés ; outre le calcul des 
distances, la nature marécageuse de la contrée qui les en- 
` toure ne permet pas d'y songer. 

Wissant, aujourd'hui localité obscure, sans commerce, 
sans industrie, belle seulement par des sites agrestes aux- 
quels le voisinage de la mer ajoute de nouveaux attraits, 
Wissant fait partie du département du Pas-de-Calais, de 
l'arrondissement de Boulogne, du canton de Marquise. 
Aucune route n'y donne accés, si ce n'est celle de Calais à 
Boulogne, et l'on ne peut s'y rendre qu'au moyen d'une 
voiture correspondant avec Marquise, l'une des stations 
du chemin de fer de Paris à Calais. On passe volontiers 
quelques semaines dans cette localité tranquille, au milieu 
d'une population laborieuse et hospitalière. 

Le village occupe le fond d'une anse, formée par un 
léger renfoncement de la cóte du détroit dit le Pas-de- 
Calais entre deux falaises, le Gris-Nez et le Petit-Blanc- 
Nez, au delà duquel s'en trouve une autre plus prononcée 
et plus élevée, dite le Blanc-Nez. Cette anse est quelque 
peu protégée par le Gris-Nez contre le vent du sud-ouest, 
qui régne souvent dans la Manche et cause parfois d'in- 
croyables désastres, comme ceux dont nous avons été les 
témoins le 12 mars 1876. Elle est exposée aux vents du 
nord et du nord-est, mais ils sont moins fréquents et 
moins impétueux, et d'ailleurs Wissant peut avoir été jadis 
mieux défendu qu'il ne l'est aujourd'hui contre les fureurs 
de l'Océan. 

Le pays, vers l'est, est montueux et a jadis été couvert de 
bois. Les hauteurs ne sont pas très-éloignées de la mer, 
à laquelle elles envoient plusieurs cours d'eau peu im- 


( 415 ) 

portants : les Ruisseaux de la Garenne ou de l'Anglais, 
d'Erlan, des Anguilles; l'avant-dernier, prés de son 
embouchure, à proximité de Wissant, active un moulin; 
le dernier forme la limite vers Tardinghen. Aucun d'eux 
n'est assez puissant pour former à son embouchure un 
véritable port, c'est-à-dire une étendue d'eau presque 
complétement entourée par la terre et oü des vaisseaux 
seraient tout à fait à l'abri des tempêtes; mais, d'autre 
part, ils ne causent pas d'atterrissements ou ensablements. 
Des dunes s'élévent sur les bords de la mer; prés des 
marais de Tardinghen, elles ont environ 7 métres de 
haut. 

On a contesté d'une manière absolue l'existence à 
Wissant d'un port qui pourrait représenter le Portus 
Iccius de César; on s'est méme livré, à ce sujet, à des plai- 
santeries qui ne prouvent guére en faveur de ceux qui se 
les sont permises (1), car Wissant est trés-souvent qualilié 
de port dans les chroniques du moyen-àge et nous verrons 
que maintes fois des vaisseaux, des escadres y ont attendu, 
débarqué, embarqué des voyageurs du plus haut rang et 
des corps d'armée. L'existence ancienne d'un havre en cet 
endroit n'est done pas contestable; mais, ici comme sur bien 
d'autres points de la cóte de la mer du Nord, la configu- 
ralion du sol a subi des modifications considérables. En 
beaucoup d'endroits les falaises ont été fortement enta- 
mées par la mer, secondée par les travaux d'extraction en- 
trepris dans les rochers ; ailleurs, surtout aux embouchures 
des cours d'eau, des sables se sont accumulés et s'avancent, 
de plus en plus, dans l'intérieur des terres, en suivant gé- 


(1) Voir les Mémoires de l'Académie d'Arras, t. XXXV, p. 275. 


( 116 ) 

néralement la direction N.-E. Si, à Boulogne, on a com- 
battu avee succés l'action des vents et des marées, si 
Napoléon 1*' a réussi à y procurer un abri à l'immense 
armement qu'il espérait conduire à la conquéte de l'An- 
gleterre ; si Calais, aprés avoir vu disparaitre le port qui y 
existait dans l'antiquité, comme en témoignent les nom- 
breuses médailles trouvées en cet endroit (1), a vu se 
creuser, au XII* siècle, un autre havre qui a été maintenu 
et agrandi, malgré les fureurs de l'Océan, d’autres loca- 
lités : l'Écluse, Damme, Gravelines, Mardick, Sangate, 
moins heureuses, ont perdu toute importance. A Sangate, 
par exemple, il y a eu un port que les sables ont comblé, 
ainsi que le raconte Lambert d'Ardres , à qui la tradition 
avait fait connaitre cette circonstance. Et ce port devait être 
ancien et fréquenté, puisque l'on y a mis au jour des mon- 
naies de Tibére et qu'il y aboutissait une voie romaine, qui 
vient de Térouanne et arrive jusqu'à la mer, dans laquelle 
elle se prolonge à une certaine distance de la rive (2). 

L'anse de Wissant ne nous représente peut-étre plus 
qu'imparfaitement le Portus Iccius. En effet , les falaises du 
Blanc-Nez et du Gris-Nez, à ce que l'on prétend, étaient au- 
trefois plus prononcées et se prolongeaient davantage dans 
la mer : la dernière par un massif de roches que la mer à 
détruit et dont la base subsiste encore sous le nom de 
l'Épaulard; la premiére par les rochers dits le Haut fond 
et ceux qui portent les noms de les Quenocs ou les Gardes, 
dont l'extrémité vers la mer est à 2 !/, kilomètres de la 
cóte. Dans l'intervalle existe un grand banc de sable, le 


(1) Voir surtout les Mémoires de la Société des antiquaires de la 
Morinie, t. IX, 2 partie, pp. 341 et suivantes. 
(2) Malbraneq, De Morinis et Morinorum rebus, t. I, p. 27. 


( OBET .) 

Banc à laine, qui forme une sorte de triangle autour duquel 
la mer atteint une profondeur variable : de 5 !/ brasses 
(de 5 pieds la brasse) entre ce bane et la cóte, de 12 brasses 
vers le N.-O., de 9 brasses vers les Gardes (1). Ce banc est 
peut-étre le reste d'un territoire qui se rattachait au con- 
ünent et que l'Océan aura submergé, aprés l'avoir inces- 
samment battu et rongé; peut-être a-t-il contribué à faire 
de l'anse de Wissant un véritable port ou à protéger le 
bourg. 

On a vainement essayé de disputer au cap Gris-Nez 
la désignation de Promontorium Icium (Vc &xccv) qui 
est employée par Ptolémée. Cet auteur aurait-il voulu, 
comme on l'a avancé, désigner la Pointe d'Alprech prés de 
Boulogne? Non, car, au point de vue géographique, cette 
derniére n'a aucune importance et il suffit de jeter un coup 
d'eil sur une carte pour s'en assurer. Le Gris-Nez, au 
contraire, constitue la véritable limite entre la Manche et 
le détroit dit le Pas-de-Calais (2). H a dù, de tout temps, 
attirer l'attention. des navigateurs, car il est dangereux 
de le doubler, pendant toute l'année lorsque le temps est 
mauvais, et surtout en hiver. Par suite de la configuration 
de la cóte, qui, au lieu de continuer à se diriger vers le 
Nord, incline en cet endroit vers le Nord-Est, la direc- 
tion des courants et des vents y subit des modifications 
considérables. C'était l'une des préoccupations de Napo- 
léon I°, au camp de Boulogne, que de savoir si la flottille 
de l'amiral Verhuel parviendrait à gagner Boulogne en 


(1) Voir une .carte levée en 1776 et publiée en 1797 dans le Neptune 
des cótes occidentales de France, n° 62, où la profondeur de la mer est 
prise pendant les basses-eaux. 

(2) C'est de lui que parle Martianus Hénacr£orus lorsqu'il dit : Mabet 
Belgica promontorium insigne unum. 


( 448 ) 

doublant le cap Gris-Nez. Position essentielle sous tous les 
rapports, ce promontoire devait figurer sur les portulans 
d’après lesquels Ptolémée a travaillé; la Pointe d'Alprech, 
n'offrant rien de pareil, pouvait ne pas y paraitre. Déter- 
minée au cap Gris-Nez, la situation du Promontorium Itium 
implique celle du Portus Iccius à Wissant, car ces deux 
endroits sont contigus, tandis que Boulogne est éloignée 
de plusieurs lieues (1). 

On à quelquefois rapproché les dénominations de Portus 
Iccius et de Wissant, dont la forme ancienne ou populaire 
est Esseu, en roman ou vieux francais ; mais on a contesté 
la possibilité de cette filiation, en soutenant que le c latin 
se prononçant comme un k, ce qui est vrai, Ikkius (2) n'a 


(1) On ne peut opposer à Wissant qu'un seul argument, c'est qu'en 
allant de la rivière Pcoudwo£ (la pointe de Hourdel, à l'embouchure de la 
Somme?) et le fleuve Tofoudx ou Escaut, Ptolémée (Géographie, liv. H, 
chap. 9) eite le Promontorium Itium avant Gessoriacum (ou Boulogne), 
mais cette transposition peut être le fait d'une erreur. Remarquons au 
surplus que l'interprétation de ce passage de Ptolémée offre de grandes 
difficultés : en effet, nul autre géographe n'a connu, ou du moins n'a cité 
ces deux fleuves: le Phrudius et le Tabouda , dont Ptolémée place l'em- 
bouchure dans la mer entre celle de la Seine et celle de la Meuse, tandis 
qu'il semble ne connaitre ni la Somme, ni bius ae plus les s dag 
et les latitudes données parlui n 
Ainsi Meaux est indiqué comme se trouvait à l’ouest de Paris, Tongres 
à l'ouest de Bavai, Amiens à l'ouest de Boulogne 

Quant à la finale nez ou ness, elle est d'origine anglo-saxonne ou ger- 
manique et désigne une pointe s'avancant dans la mer. Ainsi, en face des 
caps Gris-Nez et Blanc-Nez on trouve en Angleterre Dengeness, près de 
Lidd. Dans l'ancienne Flandre, Lampernesse, Ossenesse ou Ossenisse et 
Hontenesse ou Hontenisse constituaient sans doute des langues de terre, 
des espéces de promontoires s'avancant au milieu de terres plus basses et 
plus fréquemment inondées. 

(2) C'est pourquoi Ptolémée écrit, en grec : Txw axp0v, raison suffi- 
sante pour que l'on n'adopte pas la forme Itius, préférée aujourd'hui par 
les écrivains. 


(1419 ) 

pu se changer en Esseu. Toutefois on doit remarquer que 
presque toujours, dans les noms de la Gaule, les c de 
l'époque latine, placés au milieu ou vers la fin des mots, 
ont fait place à des consonnes plus douces ou à des 
voyelles. Ainsi Aciacum , À lisiacum, Baiocasses, Balcium, 
Bellovacum, Bercorium, Boiacum , Ciconium , Ciconiolae, 
Coldriciolus , Crocium , Donnaciacum, Ecideium vicum, 
Giacum, Hiccioderus vicus, Hiccium, Iciodorum, Icciomum, 
Juciacu villa, Marsiacum , Ouacum, Silvanectis, Trecis , 
Valciodorum, Viducasses , etc., sont devenus Essay (Meur- 
the), Alisey (Eure), Bayeux, Baux (Bouches-du-Rhône), 
Beauvais, Bressuire (Deux- Sèvres), Boyer (Saône-et- 
Loire), Chouain (Calvados), Ségnolles (Seine-et-Marne), 
Condrecieux (Sarthe), Cruis (Basses-Alpes), Donnezat (Puy- 
du-Dóme), Essoyes (Aube), Gex (Ain), Issoire, Is-sur- 
Thille (Côte-d'Or), Izeure (Indre-et-Loire), Usson (Puy-du- 
Dôme), Jussat, Jussey ou Jussy, Marsas (Gironde), Aunay- 
en-Bazois (Nièvre), Senlis, Troyes, Waulsort (province de 
Namur), Vieux (Calvados), etc. (1). Quelques-uns de ces 
exemples: Aciacum, Hicciodorus vicus, Icciomum, sont 
frappants. D'ailleurs on a pour se décider l'opinion d'éeri- 
vains du XI* siécle. Or, à cette derniére époque, il devait 
subsister des ruines, des vestiges, des traditions, qui ser- 
vaient de guide à l'opinion vulgaire. 

Le nom de la localité se présente alors considérablement 
modifié. Suivant le pére Blanchard , qui visita Wissant en 
1673 (2), à une époque oü les locutions anciennes étaient 


(1) J'emprunte ces exemples à un bon travail de M. Quicherat : De la 
formation frangaise des anciens noms de lieu (Paris, Francq, 1867, 
in-12). Voir aussi Cocheris, Origine et formation des noms de lieu (Paris, 
in- 12). : 

(2) Geographia ordine litterarum disposita, p. 332. 


( 120 ) 

moins oubliées, moins altérées que de nos jours, on disait 
en patois francais Esseu (aujourd'hui Wissain) (1), en fla- 
mand Isten. Cette assertion, que l'on a essayé de contester, 
est corroborée par un diplóme donné à Aire, le 27 aoüt 
857: un nommé Gualbert, d'origine flamande sans doute, 
y déclare donner à l'abbaye de Saint-Bertin des biens 
situés en divers endroits, notamment dans une localité ap- 
pelée Istem (2). Esseu ou Isten ont affecté ensuite des formes 
différentes, d'aprés les populations qui se servirent de ces 
désignations géographiques. Les races gauloises ou méri- 
dionales et les auteurs qui en sortaient les firent pré- 
céder d’une aspiration gutturale, qui, dans Richer et Flo- 
doard, produit Cuiso ou Guisus; dans l'abbé Géron de 
Saint-Riquier Guizant, dans le rédacteur roman des 
Chroniques des ducs de Normandie Guinsant. Chez les 
nations germaniques le w remplace le g et de là est venu 
Wissant. Mais, selon toute apparence le nom primitif est 
antérieur à l'apparition de César; il doit, par conséquent, 
appartenir à l'idiome gaulois, car les Morins parlaient 
cette langue, à laquelle était empruntée le radical mor, 
qui constitue la partie essentielle de leur nom et signifie 
mer. Dans des temps plus rapprochés de nous, la Gaule 
fut assaillie par des nuées de Germains ; ceux-ci se répan- 
dirent dans le Boulonnais, comme l'attestent les nombreux 
villages dont les dénominations se terminent en ghen ou 
gheim (habitation), bert ou berg (hauteur), sand (sable), 
thun ou town (bourgade), etc., dénominations qui se dis- 
tinguent facilement de celles qui conservérent une appa- 
rence gallo-romaine ou, si l'on veut, francaise. 


(1) Courtois, dans - Mémoires de la Société des antiquaires de la 
Morinie, t. IX, 2° p: . 80. 
(2) Guérard, kiere de Folcuin, p. 161. 


(121) 

Plus tard des lettrés, tels que Lambert d'Ardres (1), 
voulant expliquer l'origine du nom de Wissant, le firent 
dériver de wit, blanc, et de sand, sable, comme si les 
bords de l'Océan avaient en cet endroit un aspect et une 
coloration particulière. En reculant l'origine du mot Esseu, 
on mine dans sa base cette étymologie et d'ailleurs la 
lettre t, nécessaire pour obtenir la syllabe wit, ne se ren- 
contre qu'aecidentellement et, de préférence, dans les 
sources anglaises. On sait que Lambert d'Ardres avait à un 
haut degré la manie de l'étymologie. On se rappellera 
l'origine qu'il donne à la ville dont le nom lui est resté. : 
D'aprés lui elle fut baptisée par des voyageurs italiens qui 
la saluérent par les vers dans lesquels Virgile célèbre 
Ardée, l'ancienne cité des Rutules. Le village de Merk, 
que la Notice des dignités de l'empire désigne sous le nom 
de Marcis ou Marcae, devient sous sa plume Mercuriti- 
cium , par allusion au dieu Mercure. Son explication d'une 
transformation germanique subie par le mot Jccius n'est 
donc pas faite pour nous persuader et je suis aussi peu 
enclin à y croire qu'à accepter une origine pareille pour 
le nom des iles rocheuses, dites les Hes d'Ouessant, situées 
à l'extrémité de la Bretagne. 

Dirons-nous, avec le bénédictin Ducroeq et le pére Le- 
quien, dont l'opinion a été reprise de nos jours, que le 
Portus Iccius n'est autre que Isques, village situé sur, la 
Liane, en amont de Boulogne, à 8 kilomètres de la mer, 
à 4 kilomètres de Saint-Léonard, où la Liane commence à 
s'élargir? Mais Isques, à moins que l'on ne remonte à une 
époque extrêmement reculée, peut être considéré comme 


(1) Britannicum secus portum, qui ab albedine arenæ vulgari nomine 
appellatur Witsand 


( 122 ) 

un village méditerranéen et rien n'autorise à penser que là 
se trouvait du temps de César le port des Morins, tandis 
que dés l'époque des premiers empereurs ce dernier était 
transféré à l'endroit dit alors Gessoriacum et depuis 
Bononia ou Boulogne. L'existence de Gessoriacum comme 
port à l'embouchure de la Liane est nécessairement con- 
traire à celle du Portus Iccius sur la même rivière, 
à 8,000 mètres en amont. D'ailleurs il est impossible de 
concilier le récit de César avec la hauteur des eaux dans 
la Liane. Lors de sa seconde expédition en Angleterre, la 
flotte romaine, forte de prés de 800 voiles, appareilla au 
coucher du soleil, c'est-à-dire vers sept heures. Or, dit 
Henry (1), aux marées de sept heures, qui arrivent quatre 
ou cinq jours aprés la quadrature du cercle, il n'entre point 
assez d'eau dans les baies longues et resserrées de Bou- 
logne, d'Ambleteuse,ete., pour permettre la sortie instan- 
tanée de plusieurs centaines de bateaux. Seule sur cette 
cóte l'anse de Wissant offrait un emplacement vaste, une 
place unie et sur laquelle on pouvait trainer les vaisseaux 
pour les mettre à flot, moyen dont César se servit plu- 
sieurs fois. On comprend combien il eüt été difficile de dis- 
poser un grand nombre de vaisseaux dans une rivière, de 
manière à leur permettre de profiter rapidement du vent et 
de la marée, tandis qu'une manœuvre semblable ne pré- 
sentait pas la méme difficulté dans une anse spacieuse, où 
l'eau atteint en quelques endroits une profondeur considé- 
rable. 

On voudrait, il est vrai, faire prévaloir une thése toute 
différente: on s’écrie que le port de Boulogne n'est plus 
que l'ombre de ce qu'il a été. « Qu'on se figure, dit M. Hai- 


(1) Page 58. 


(325 ) 

gneré, la pointe d'Alprech avan cant au moins de 2 kilo- 
métres en mer jusqu'aux roches Bernard, qui en faisaient 
autrefois la base, et d'un autre côté la pointe de la Tour 
d'ordre se prolongeant parallélement à la précédente, 
comme deux immenses jetées naturelles qui resserraient 
l'entrée du Havre; qu'on imagine cette marée fougueuse 
qui remplissait et remplirait encore, sans les barrages, 
tout le bassin de la Liane... jusqu'au Pont-de-Briques, 
à prés de 4 kilométres dans l'intérieur des terres; qu'on 
veuille bien voir, sur la carte du XVI: siècle, la mer re- 
fluant dans ce que nous appelons le canal des Tintelle- 
ries; que, d'aprés le niveau du terrain et les révélations 
de la science géologique, on la suive dans le Val-Saint- 
Martin ; qu'on se représente ainsi, dans son état primitif, 
ce vaste port baignant la plus grande partie de la col- 
line sur laque!le était le Castrum romain de l'ancienne 
Gésoriaque, et Pon reconnaitra la vérité de l'expres- 
sion d'Euménius : Omnem sinum illum portus......» Ce 
tableau animé et pittoresque pèche par la base. Plus l'em- 
bouchure de la Liane était protégée de deux côtés par 
d'énormes pointes rocailleuses, moins l'action de la marée 
devait s'y faire sentir, plus les atterrissements devaient s'y 
accumuler et constituer, à la longue, des obstacles de na- 
ture à nuire au mouvement de la navigation. L'esquisse 
que l'on a tracée de l'étendue ancienne du port de Bou- 
logne est chimérique; elle ne repose que sur des hypo- 
théses. 

Pour défendre leur opinion, les partisans de Boulogne 
ont complétement bouleversé l'histoire de cette ville. 
« Personne, disent-ils, ne contestera l'importance de son 
» port actuel, puisque les dix-neuf cents bàtiments de 
» Napoléon [** y ont été réunis en 1805. L'appareillage 


w w WV ww W. Ww V WV Ww €" uvu Uu vu V uU V Ww 


( 124 ) 
» d'une flotte et l'embarquement d'une armée nombreuse 
» peuvent s'y faire rapidement, en vue d'une expédition 
» soudaine, puisque, en une heure et demie, le 15 fructidor 
» an XIII, les soldats de la grande-armée, avec chevaux et 
» bagages, furent préts à partir pour l'Angleterre (1). » 
En acceptant ces faits tels qu'on nous les présente, on 
ne doit pas oublier que des travaux immenses ont com- 
plétement modifié l'ancien port de Boulogne. Ce dernier 
n'avait en aucune facon , avant notre siécle, l'importance 
que Napoléon [°° lui donna, à l'aide d'efforts prodigieux et 
grâce à des dépenses énormes : « Le port de Boulogne, dit 
» M. Thiers (2), consistant dans le lit d’une petite rivière 
» marécageuse, la Liane, était susceptible de recevoir un 
» agrandissement considérable..... Le lit de la Liane pré- 
» sentait six à sept pieds d'eau, à la marée haute, dans les 
» moyennes marées. Il était possible, en le creusant, de 
» lui en procurer neuf à dix. C'était done chose praticable 
» que de créer dans ce lit marécageux de la Liane, à peu 
» prés à la hauteur de Boulogne, un bassin... capable de 
» contenir quelques centaines de bàtiments... Le premier 
» consul, malgré la grandeur du travail, n'hésita pas à 
» prescrire sur-le-champ le ereusement du bassin de Bou- 
» logne et du lit de la Liane... » Ces détails, exposés 
avec la simplicité et la clarté qui distinguent les écrits de 
M. Thiers, prouvent que le port de Boulogne a subi une 
transformation compléte. On sait, d'ailleurs, qu'il est 


(1) Mémoires DE L'ACADÉMIE p'Annas, loc. cit., p. 277. — C'est unique- 
ment le corps du général Davoust qui employa une heure et demie à s'em- 
‘barquer à Ambleteuse. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. V, 
p. 281 (édit. Wouters). 

(2) Loc. cit., t. IV, p. 262. 


125 ) 
difficile à maintenir dans un état convenable, qu'il souffrit 
considérablement, au XVI* et au XVIII? siècle, de travaux 
d'art construits sans discernement (1); que de nos jours le 
gouvernement francais a dépensé des sommes énormes 
pour l'améliorer et que l'on compte y entreprendre encore 
des travaux trés-coüteux. 

A part toutes les circonstances empruntées à la topo- 
graphie, l’assimilation d'Isques et de Portus Iccius estim- 
possible. ll ne manque pas de localités appelées comme la 
première dans les pays où il y a eu des Gaulois. De ce 
nombre sont les deux Yssche du Brabant : Over-Yssche ou 
Yssche supérieur et Neer-Yssche ou Yssche inférieur, l'un 
et l'autre désignés, dans les actes anciens, par le vocable 
Isca (2). Cette dénomination était aussi portée dans l'ile 
des Bretons ou Angleterre par les villes d'Exeter et de 
Carléon, qui s'appelaient : la première Zsca Dumnoniorum 
ou Yssche des Dumnones, et la seconde Isca Silurum 
ou Yssche des Silures. ll existe une grande similitude 
entre Isque ou Yssche, Assche, Essche, noms qui se rencon- 
trent fréquemment en Belgique et dont les consonnes sc 
forment le noyau, le squelette, l'ossature: rien d'appro- 
chant ne se retrouve dans /ccius ou [tius. 

Pline, s'appuyant sur le témoignage de Polybe , men- 
tionne un Portus Morinorum Britannicus (port Britan- 
nique des Morins) (5), qui constituait, avec Lyon, les deux 
points extrémes de la Gaule (en dehors de la Gaule Nar- 
bonnaise, bien entendu). Cette localité ne peut étre re- 
cherchée ailleurs que sur les cótes de la Manche et de la 


(1) Voyez Henry, pp. 98 et 99. 
(2) Wauters, Histoire des environs de Bruxelles, t. II. p. 466. 
(8) Historia naturalis, liv. IV, c 


( 126 ) 

mer du Nord, ni ailleurs que chez les Morins, où le nom 
de Portus Britannicus reparait au XII? siècle, appliqué par 
Lambert d'Ardres, à Wissant (1). Ce bourg ou village mé- 
rite en effet le titre de Port britannique, puisque aucun 
endroit de la cóte de la Gaule n'est aussi proche de celle 
de la Grande-Bretagne et que nul site, entre les campa- 
gnes encore sillonnées de vallées abruptes et jadis cou- 
vertes de bois, du Boulonnais méridional, et les plaines 
marécageuses du Calaisis, ne permet mieux d'arriver à la 
mer à travers des campagnes fertiles, présentant peu 
d'obstacles au eharriage des marchandises. 

Un fait tout récent établit d'une façon qui ne permet 
pas de réplique la position exceptionnellement favorable 
de Wissant et de ses environs immédiats pour la traversée 
du Pas-de-Calais. Il est grandement question de creuser 
un tunnel sous ce détroit. Quel est le lieu adopté comme 
point de départ de cette construction difficile? le village 
de Sangate, qui est peu distant de Wissant. Or, cet avan- 
tage a dû frapper des peuples à moitié barbares plus 
encore que des hommes civilisés; ils sont plus que ceux-ci 
en contaet avec la nature et n'ont pas à leur disposition 
des moyens leur permettant de lutter avec elle et méme 
de la dompter. 

La facilité avec laquelle s'opère de ce côté le passage vers 
Douvres, n'est-elle pas la cause essentielle de l'extréme 
activité du port de Calais, qui ne pouvait jouer un rôle 
pareil dans l'antiquité, à eause de la nature du sol aux 
environs de cette ville. 


(1) Britannicum secus portum, qui ab albedine arenc vulgari nomine 
appellatur Witsand. 


CTS 

Nous ne répéterons pas tous les arguments dont on 
s'est servi, soit pour Wissant, soit pour Boulogne, à pro- 
pos du double embarquement de César. Bornons-nous à 
résumer la narration de ce grand général, qui était aussi 
un écrivain habile, un esprit lucide. L'été de l'année 55 
avant notre ère était déjà fort avancé lorsque César réso- 
lut de s'embarquer pour l'ile des Bretons (ou Angleterre), 
qu'il fit reconnaitre par Caius Volusenus, commandant un 
navire de haut bord. Dans l'entre-temps il se rendit avec 
toutes ses troupes dansle pays des Morins (les environs de 
Térouanne et de Boulogne) parce que c'était de là que la 
traversée dans l'ile des Bretons était la plus courte. Il y fit 
venir la flotte qui, l'année précédente, avait combattu les 
Vénétes (ou peuples du Morbihan) et tous les bateaux qu'il 
put se procurer dans les contrées voisines. Aprés avoir 
confié le port d'embarquement à Publius Sulpicius Rufus, 
l'un de ses lieutenants, il partit avec deux légions montées 
sur de grands navires et quatre-vingts bateaux de trans- 
ports. Ce fut le 25 août, à la troisième veille (vers minuit), 
qu'il mit à la voile; il était 9 heures du matin (la 4* heure 
du jour) lorsqu'il arriva surles côtes de l'Angleterre. Dix- 
huit autres bâtiments , sur lesquels se trouvait sa cavalerie, 
ne le rejoignirent que plus tard; leur point de rassemble- 
ment était un port que César qualifie d'Ultérieur et qui se 
trouvait à 8 milles plus loin (1) que celui où lui-même 
avait mis à la voile, à Ambleteuse d'aprésune opinion assez 
généralement adoptée. 

Au retour de César, deux navires de charge de l'expédi- 
tion romaine furent poussés par le vent un peu au delà 


(1) De Bello Gallico, liv. IV, ch. 20-25. 


( 428 ) 

des ports d'où les Romains étaient partis. Trois cents 
hommes qui les montaient, en essayant de rejoindre les 
camps des légions, furent attaqués par plus de 6,000 Mo- 
rins. Mais le bruit de cet engagement parvint à César, 
qui chargea toute sa cavalerie de se diriger de ce cóté. Les 
légionnaires, aprés avoir combattu héroiquement pendant 
quatre heures, furent sauvés par l'arrivée de leurs cama- 
rades, et les ennemis se virent le lendemain traqués dans 
leurs marais, oü ils ne trouvérent pas un asile comme 
d'ordinaire, une longue sécheresse ayant desséché le 
pays (1). Les marais dont parle César sont évidemment 
ceux qui existent encore en partie prés de la mer, vers 
Calais et Saint-Omer; le point où les deux navires abor- 
dèrent doit done se chercher du côté de Sangate. 

L'année suivante, aprés avoir visité ses quartiers d'hiver, 
César ordonna de rassembler toute sa flotte dans le port 
[ccius, « car il savait que c'était un excellent point d'em- 
» barquement pour passer dans l'ile des Bretons, qui se 
» trouve à environ 50,000 pas de distance (2). » Il laissa 
uu corps de troupes suffisant pour garder ses navires et en- 
treprit contre les Trévires une expédition aprés laquelle il 
retourna au port /ccius, où il resta 25 jours, contrarié 
dans ses projets de traversée par le Corus ou vent du 
nord-ouest (5). Secondé enfin par une brise d'Africus ou 
vent du sud-ouest, il partit à [a téte de cinq légions et de 
2,000 cavaliers, montés sur plus de 800 bateaux, lais- 
sant les ports de la Gaule à la garde de Labiénus, qui 


—— 


(1) Caesar, liv. IV, ch. 56 à 58. On était alors au milieu du mois de sep- 
tembre. 
(2) Ibidem, liv. V, ch. 2. 
(5) Ibidem, ch, 7. 


[ 429 3 
avait sous ses ordres trois autres légions et un nombre 
égal de cavaliers (1). 

Les distances données par César ont fait l'objet de dis- 
cussions interminables; elles paraissent plus favorables à 
Wissant, à en juger par le travail de M. de Saulcy. L'argu- 
ment suivant, dont Gosselin s'est servi, me parait péremp- 
toire. César évalue à 50 milles, ce qui équivaut à 24' de 
degré, la distance entre l'ile des Bretons et la cóte de la 
Gaule la plus rapprochée. Or, cette distance, caleulée astro- 
nomiquement entre Deal et Wissant, donne 25' 45" 36°”. 
La différence se réduit donc à moins d'un quart de minute, 
autant dire à zéro. Quant à Gessoriacum ou Boulogne, 
cette. ville était éloignée de 50 milles de l'Angleterre (2); 
on ne peut donc la considérer comme le point de la Gaule 
signalé à César comme le plus rapproché de la Britannia. 
Wissant, au contraire, est l'Jtiwum que Strabon cite là où il 
ajoute : « dont le divin César se servit lorsqu'il passa dans 
» l'ile des Bretons (3). » Il est vrai qu'on a la ressource 
d'élever des controverses sur la grandeur du mille romain, 
sur.les points d'oà il faut compter les distances indiquées 
plus haut, etc. Tout cela ayant été fait dans l'un et l'autre 
sens, je ne me présenterai pas sur ce terrain 

Le Portus Iccius ou Wissant continua-t-il à subsister, 
distinet de Boulogne, pendant la domination romaine? 
Non, disent nos adversaires; Wissant fut à peine occupé par 
quelques pauvres familles et l'on n'y a découvert que de 
mauvais vases et peu de monnaies. D'aprés eux, ce n'était 
alors qu'un hameau. Réfutons d'abord un argument que 


(1) meurs loc. cit., eh. 8. 
(2) Liv. IV, ch. 16. 
(5) Géographie, liv. IV. 

2"* SÉRIE , TOME XLVII. 9 


( 130 ) 

l'on pose mal, pour mieux s'en servir. « Si Wissant, dit- 
» on,estle Portus Itius,les voies partant de l'Italie pour 
» aboutir à la mer doivent étre dirigées vers ce lieu d'em- 
» barquement et non vers Boulogne (1). » — Pourquoi? 
Est-ce que le peuple morin possédait un réseau de chaussées 
ayant l'Italie pour point de départ?— L'ensemble des voies 
romaines ne date ni du temps des Gaulois, ni du temps de 
César ; c’est une création appartenant au plus tôt au règne 
d'Auguste. La prémisse est donc mal posée et l'on en tire 
des conclusions inacceptables. 

S'il est vrai que la nouvelle Bononia, là Bononia de la 
Gaule transalpine devint le grand port militaire de la 
Manche, le point où aboutissaient les voies allant soit 
d'Amiens, soit de Tournai, vers la mer, Wissant ne man- 
quait pas de voies de communication. L'Itinéraire d'An- 
tonin et la Table de Peutinger ne les indiquent point, mais 
elles n'en existent pas moins. M. Peigné-Delacourt à 
constaté la conservation partielle d'une antique voie de 
commerce qui, sous le nom de Chemin de la Barbarie, - 
traversait presque toute la Gaule Belgique du Rhinà la mer 
et de Reims venait aboutir à Wissant. Au XIE siècle on 
mentionne expressément la chaussée qui allait de Cambrai 
à Wissant par Arras et Térouanne. D'aprés Ipérius (2) on la 
connaissait sous le nom de Chaussée Brunehaut, parce 
qu’on en attribuait la construction à la célèbre reine 
d'Austrasie de ce nom, la femme du roi Sigebert 1°, à tort 


(1) L'abbé Robitaille, loc. cit., p. 271. 

(2) Multa enim opera miranda vpisa construxit, inter quae 
stratam publicam de Cameraco ad Atrebatum, hinc ad Morinum et 
usque mare ad Wisantum fecit, quae dre Brunechildis nominatur 
usque ad hodiernum diem. Martene et Durand, Thesaurus anecdotorum, 
t. HI, col. 456. 


( 481 ) 
il est vrai, car l'ancienne Morinie, qui était régie par le 
rival de Sigebert, Chilpérie I**, n’obéit qu'un instant à son 
frére. 

Le passage d'Ipérius mentionné plus haut est en har- 
monie compléte avec les faits et avec l'état des choses en- 
core existant. A qui fera-t-on admettre qu'aucune voie 
praticable ne facilitait au moyen-àge les abords d'un port 
aussi fréquenté que le fut Wissant ? Comment les chariots 
chargés de marchandises ou de munitions de guerre au- 
raient-ils pu y arriver? Ipérius était du pays et adminis- 
trait un monastère qui possédait de grands biens dans le 
Boulonnais. A-t-il pu citer une chaussée (calcearia) qui 
n'existait pas? Entre son témoignage positif et des tra- 
vaux de sondage opérés au hasard, peut-étre sur des points 
choisis à tort, on ne peut hésiter. Quand Ipérius indique, 
au XIV* siècle, une chaussée là où un agent-voyer, au 
XIX* siècle, ne trouve « que des voies qui n’ont jamais été 
» empierrées et qui n'ont en aucun endroit la moitié des 
» voies romaines ou voies militaires,» le doute subsiste. 
L'exploration a-t-elle été complète ou bien conduite? L'état 
des lieux ne s'est-il pas modifié en cinq cents ans? Dans 
tous les cas, il existe encore entre Térouanne et Guines une 
voie romaine, qui court vers le N.-O., dans la direction de 
Wissant. Avant d'arriver à Guines, une bifurcation s'opére. 
Une prolongation encore appelée la Voie romaine va vers 
Sangate (1). Une autre passe au hameau de la Pierre, à 


(1) Ce village, aujourd'hui insignifiant, a eu un château qui fut bâti 
par Baudouin, comte de Guines, en dépit du mécontentement de toutes 
les populations voisines et surtout des habitants de Wissant, de Calais et 
du pays de Merk (murmurantibus Witsandicis et Calaisiticis et omnibus 
Mercuritici territorii populis. Lambert d'Ardres, chap. 176). Philippe- 


(132 ) 

Pihem, à Santinghevelt ou Saint-Englevert,à Hervelinghem, 
et aboutit à Wissant, entre les dunes et la hauteur dite le 
Camp de César. Elle représente la Voie romaine d'Ipérius, 
la Voie royale de Lambert d'Ardres (1), plutót que le che- 
min dit de Landrethun, qui, plus au sud , suit le plateau 
avant d'aboutir à Wissant. Une particularité à noter, c'est 
que cette voie romaine est connue sous le nom de Leulane, 
Leuline ou: Leulinghe (dans Lambert d'Ardres Leudo- 
berna), nom qui est aussi porté par d'autres chemins et 
en particulier par la Leuleinghe ou Chemin vert de Wis- 
sant à Boulogne (2). Ces anciennes voies de communica- 
tion ne doivent peut-être pas leur existence aux Romains, 
cela est vrai, mais pourquoi? Parce qu'elles sont plus. 
anciennes encore et qu'elles appartiennent au réseau 
primitif des grands chemins de la Morinie. 

Il ne peut étre question dans Pline, à propos du Portus 
Britannicus,de Gessoriacum,qui changea de nom et consti- 
Lua, sous le nom de Bononia, une cité distincte, séparée de 
celle des Morins, dont Térouanne, ville qui fut détruite par 
les armées de Charles-Quint, resta la capitale. Gesoriacum 
ou Gessoriacum est connu depuis les premiers temps de 
l'empire romain Pomponius Méla (5) en parle comme du 
port principal des Morins; Caligula y fit élever ce fanal, 
monument superbe qui subsista jusqu'au XVII* siècle sous 


Auguste le fit occuper par une garnison, en 1209, et Ferrand de Portugal 
comte de Flandre et de Hainaut, l'incendia en 1215 (Iprgnius, loc. Cit, 
col. 692) 


(1) Page 155 de l'édition de M. de Ménil-Glaise. 

(3) Consultez à ce sujet un travail très-intéressant, intilulé : Recherches 
historiques sur l'ancienne Leulane, dans les Mémornes DE LA SOCIÉTÉ DES 
ANTIQUAIRES DE LA Moine, t. IX, 2e partie, pp. 61 et suiv. 

(5) De situ orbis, liv. HI, ch. 2. 


( 193 ) 
le nom de Tour d'ordre (1); Claude, son successeur , s'y 
rendit par terre de Marseille, lorsqu'il concut la pensée 
d'envahir l'Angleterre (2); Ptolémée le ASE encore 
d'entrepót des Morins (3). 

Son nouveau nom, son nom latin de Dálionía; que la 
carte de Peutinger et un ancien biographe de Constantin 
lui donnent (4), est dà, à ce qu'il semble, à une immigration 
d'habitants de la Bologne italienne. I! fut lent à s'introduire 
et ne prévalut qu'au IV* siècle aprés Jésus-Christ. Alors 
apparut dans les Notices des Gaules la Civitas Bononien- 
sium, dont la formation est expliquée par ce passage oü 
Pline place, à cóté des Morins, le pagus ou canton de Ges- 
soriacum joint à la tribu des Oromansaces (5). Le natura- 
liste et géographe romain distingue done deux juridictions 
différentes chez les Morins, auxquels en un autre endroit 
de son livre il attribue le port de Gessoriacum (6). 

Tous les faits connus, on le voit, sont défavorables à la 
thèse bolonaise. L'ancieo nom de Boulogne, Gessoriacum, 
ne peut s'appliquer à Itum, qui n'est pas le village actuel 
d'Isques. Si les empereurs romains n'ont pas agi comme 


(1) La Tour d'ordre ou d'Odre s'écroula en partie le 29 juillet 1664 et 
la mer en détruisit le restant l'année suivante, Henry, loc. cit , p.1 
(2) Suétone, Claudius, ch. 17. 
(3) P'4coppuxxov eriveroy Mogiyav, en latin Gesoriacum navale Mori- 
orum 


(4) Gesoriago, quod nunc Bononia.Carte de Peutinger.— Constantinus 
ad patrem Constantium venit apud Bononiam, quam ici prius Geso- 
riacum vocabant. Axoxxmus, de Constantino, ad ann da 
l'édition d'Ammien Marcellin publiée par ADRIEN DE Los. 

(5) Oromansaci juncti pago qui Gessoriacus vocatur (liv. IV, ch.46).— 
Peut-être faut-il lire Oromarsaci et alors on pourrait rattacher à ce 
peuple l’origine de Marquise, de Merk, de Mardick, etc. 

(6) A Gessoriaco Morinorum gentis littore. Prine, loc. cit. ch. 51. 


( 134 ) 

César, s'ils ont préféré à Portus Iccius Gessoriacum,s'ils ont 
fait de ce dernier une espèce de Cherbourg, c’est qu'il est - 
plus facile à fortifier, que le Gris Nez le défendait, jusqu'à 
un certain point, des attaques des pirates du Nord. Ce choix 
fait honneur à l'instinct militaire des généraux romains; 
mais, ne l'oublions pas, avant eux César n'avait pas créé le 
Portus Iccius, il l'avait trouvé existant et s'en était servi. 


II. 


Sous les rois mérovingiens et carlovingiens, Wissant 
reste presque complétement dans l'oubli, effacé par les 
ports plus méridionaux de Quentovic et de Saint-Riquier. 
Seulement, si l'on en eroit des traditions dont Lambert 
d'Ardres (1) s'est fait l'écho, saint Pharon , qui fut évéque 
de Meaux de 626 à 672, fonda un monastère à Wissant, 
au lieu dit Estrouanne; sa sœur, sainte Phare, y passa quel- 
ques années avant d'aller s'enfermer dans la célèbre ab- 
baye de Chelles. Cette maison religieuse, qui n'a pas laissé 
de traces dans l'histoire, fut, à ce que l'on prétend, dé- 
truite par les Normands Gurmund et Hisembrard , c'est- 
à-dire par les chefs de la bande de pirates dont le roi 
Louis III, fils de Louis le Bègue, triompha à Saucourt, 
dans le Vexin, en 881 (2). 


(1) Apud Struonas, Britannicum secus portum, qui ab albedine 
arenae vulgari nomine appellatur Witsant (Lambert d'Ardres , cap. 6, 
édit. du baron de Ménil-Glaise, p. 27. Voir Ibidem, p. 413). — D’après 
Ipérius (dans Martene et Durand, Thesaurus anecdotorum, t WI, p. 467), 

monastère aurait été fondé à Sombres (in Sombris prope Wisantum). 

(2) Une histoire manuscrite du Boulonnais, citée par Lefebvre ati 
de Calais, t. 1, p.580), mentionnait l'existence, à Estrouanne, d'un cloi 
des Templiers; Cette assertion n'est pas confirmée par le travail de 


( 135 ) 

Compris dans les domaines des comtes de Flandre, Wis- 
sant fut cédé par eux aux comtes de Boulogne, qui y gar- 
dèrent la juridiction, tandis que Guines et Sangate , où 
l'abbaye de Saint-Bertin avait eu de grands biens, pas- 
saient entre les mains d'un pirate danois et de ses descen- 
dants, les comtes de Guines. Un fait révéle l'importance 
que l'on continua à attribuer à Wissant. En 958, le roi des 
Francais, Louis IV dit d'Outremer, voulut y construire une 
ville ou un chàteau. Pour mettre ses projets à exécution, 
il alla trouver le comte de Flaudre Arnoul I°", à qui toute 
la contrée obéissait alors ; mais un événement imprévu 
ne tarda pas à le rappeler au cœur de son royaume : le 
comte de Vermandois, Herbert, venait de surprendre La 
Chaussée, l'un des manoirs des archevêques de Reims (1). 

Ainsi Wissant, car c'est bien cette localité que tous les 
commentateurs ont reconnue dans le nom altéré de Cuiso, 
restait une position utile à protéger, et, en effet, c'était 
par là que les rois carlovingiens de la France, réduits à ne 
plus exercer d'autorité que dans les pays voisins de la 


Mannier (Les commanderies du grand prieuré de France), où l'on énu- 
mére les moindres possegsiona uec SE ordre ‘a explo dans le nord 
de la France, mais elle est p io le Térouanne 
daté de l'an 1482 et conservé aux Archives d Pts à Mons, oü l'on cite, 
dans le doyenné de Wissant, la maison de Wissant, de l'ordre du Temple. 
(1) His ita gestis rex in partes Belgicae mari contiguas concessit, 
d in ipso maris portu extruere nisus. Cui etiam loco Cuiso est 
n. Ezceptusque ab Arnulfo, regionis illius principe, apud eum de 
pére erectione agebat. Ubi dum in agendo moras faceret, castrum 
Remensis aecclesiae, nomine Causostem, Heribertus ..... capit (Richer, 
Historiae, lib. IT, $ 8, dans Pertz, Monumenta, Scriptores, t. III, p. 589). 
Flodoard Gnhdlii, dans Pertz, loc. cit., p. 585) appelle Guisus le Cuiso 
de Richer : Castrum quoddam portumque supra mare, quem dicunt 
Guisum, restaurare nisus est. 


( 436 ) 

Seine et de la Marne, eget le mieux communiquer avec 
l'Angleterre, où Louis d'Outremer passa sa jeunesse. Dès 
cette époque, le nom de ce port reparait à chaque instant 
dans les chroniques bien plus souvent que celui de n'im- 
porte quelle localité de la cóte : Édowin, exilé par son 
frére, le roi Athelstan, y aborda en l'an 955 (1); le roi 
Éthelred, qui fut chassé de ses états par les Danois et 
chercha un refuge auprès du duc de Normandie, y arriva 
en 1015 (2). Bientót les chroniqueurs, circonstance à noter, 
n'hésitent pas à l'assimiler au Portus Iccius de César. Le 
savant Du Cange a fait remarquer, il y a plus de deux siè- 
cles, que Guillaume de Jumiéges appelle Portus Wisanti, 
Port de Wissant, l'endroit où s'embarqua, en 1056, Alfred, 
le frére du roi d'Angleterre Édouard le Confesseur, et que 
Guillaume de Prillon ou de Poitiers, archidiacre de Lisieux, 
désigne par le nom de Portus Iccius (5). Ajoutons encore 
que Lambert d'Ardres, renouvelant la désignation de 
Portus Britannicus dont Pline s'était déjà servi, l'applique 
sans hésiter à Wissant (4). L'opinion que je défends était 
donc, il y a huit siécles, celle que les écrivains, les érudits 
adoptaient de préférence. 

A cóté de Boulogne, qui a pour elle le séjour de ses 
comtes, ses anciens souvenirs, une existence bien con- 
statée comme municipe, Wissant devient le premier port 
de la cóte. Calais, Gravelines, Dunkerque, Nieuport, Os- 


(1) Guillaume de Malmesbury, liv. IT, ch. 6. 

(2) Brompton, dans Twysden, Historiae Anglicaes criptores, t. I, p. 892. 

(3) Dorobernum venit Alveradus transvectus ex portu Icio. Guillaume 
de Poitiers, Gesta Guillielmi ducis Normannorum et regis Anglorum, 
dans Du Chesne, Scriptores Normanniae, p. 178. Voir Guillaume de 
Jumièges, Historiae Normannorum, liv. VIL, cap. 11 (sine , p. 271). 

(4) Voir plus haut, page 126. 


( 137 ) 
tende, Damme, L'Écluse ne sont rien encore. On ne parle 
que de Wissant. De tous côtés on y accourt pour s'em- 
barquer. De la Normandie comme de la Flandre on vient 
là pour traverser la Manche. Gens de toute condition, 
princes, prélats et marchands, les armées comme les per- 
sonnes marchant isolées, s'y donnent en quelque sorte 
rendez-vous avant de quitter le continent. Il n'est que 
rarement question des autres ports , alors que le nom de 
Wissant revient à chaque instant dans les récits les plus 
divers. Au X[° et au XII* siècle c’est peut-être le premier 
port de la monarchie francaise et, circonstance bien faite 
pour donner à réfléchir, si un comte de Boulogne monte 
sur un navire pour aller à Douvres, ce n'est pas de Bou- 
logne qu'il part, mais de Wissant. 

Lorsque le comte Eustache fit en l'an 1042, en Angle- 
terre, ce funeste voyage pendant lequel on l'insulta à Dou- 
vres, ce fut à Wissant qu'il mit à la voile (1). Quelques 
années auparavant, en 1056, Alfred, frére du roi Edmond 
le Confesseur, dans le but de détróner celui-ci, y avait 
réuni une armée nombreuse (2), dans laquelle se trou- 
vaient: « messire Gernault, messire Jean de Warecourt, 
» ]wain de Kempercorentin, messire Martin Abracy, 
» Amaury, le comte de Séez et de Dreux, Richard de 
» Chaumont, etc. (5). » On sait que cette expédition, 


(1) Eustachius ergo, transfretato mari de Whitsand in Dovoriam, 
Edmundum regem, nescio qua de causa, adiit. Guillaume de mr 
lib. 11, c. 13, dans le Recueil des historiens de France, t. Xl , p. 

(2) Interea frater ejus Alvredus milites non parvi numeri assu La 
portumque Wisanti petiit et huc transfretans Dorobernam venit. Guil- 
ks de Jumièges, Historia, lib. VII, c. 9, dans le méme Recueil, loc. cit., 

Les Epitoma manuscripta historiae Wille'mi Gemeticensis ap 
Me Wissant Guitsantum (Isiex, p. 148). 
(3) Chroniques Ms. de Normandie (Iipznm, p. 339). 


( 138 ) 
quoique soutenue par le due de Normandie, Guillaume, 
n'eut aucun succès. 

Les classes pacifiques de la population avaient adopté les 
mêmes habitudes. Au mois de février 1068, Wissant vit 
arriver plus de cent abbés et autres religieux qui navi- 
guérent vers l'Angleterre en compagnie d'un grand nom- : 
bre de chevaliers et de marchands (1). L'ile des Bretons 
venait d'étre subjuguée par les Normands, aidés par les 
guerriers du Boulonnais et de la Flandre; ce grand évé- 
nement, qui mit entre les mains du méme prince les deux 
rives de la Manche et attira dans la Grande-Bretagne une 
. foule d'étrangers, parait avoir contribué à rendre Wissant 
plus prospère encore. 

Lorsque le deuxième fils de Guillaume le Conquérant, 
Guillaume le Roux, quitta son père pour aller, par ses 
ordres, s'assurer de la possession de l'Angleterre en l'an 
1087,ce fut à Wissant qu'il s'embarqua; au méme instant, 
il apprit la mort du vainqueur de Hastings (2). C'est par 


(1) Anno ced ejus secundo , venerabilis Gervinus ad maris ingres- 

sum properavit, quem nominant plebeiales Guizant, ubi fuerunt cum 

o tam n abbates uM monarh plus guam centum, praeterea militarium 

b. qui omnes, mare conscenso, 

in Ker oh iránsoehi cupiebant. Februarius tunc mensis ducebatur. 
(Chronicon Centulense sive Sancti Richarii, c. 95. Isinen, p. 155.) 

(3) Qui moz ad portum qui Witsand dicitur pervenit, ibique suum 
patrem audivit obiisse (Orderic Vital, Historia ecclesiastica, 5° partie, 
liv. VII, ch. 2). — D’après uu autre passage (liv. X, ch. 2), il semblerait 
que Guillaume se serait embarqué à Touques (Touques-sur-Dive, dans le 
département de l'Orne), mais la rédaction de la phrase permet de supposer 
qu'il wy est question que du départ de Robert Bloiet, chapelain de Guil- 
laume le Conquérant, qui se rendit erf Angleterre en méme temps que le 
jeune roi. Celui-ci revint à Wissant en 1095 et en partit pour Douvres (Rez 
fuit in quatuor primis diebus Nativitatis Domini apud Witsand et 
postea venit in Angliam et appulit apud Doroberniam. Aunales Waver- 
leienses dans Gaze, t. IT, p. 139). 


( 439 ) 
Wissant (Witsandis) que saint Anselme , évêque de Can- 
torbéry, fuyant l'Angleterre et le courroux du roi Guil- 
laume Il, alla, en l'an 1100, chercher un asile à Saint- 
Omer, dans l'abbaye de Saint-Bertin (1). 

Les gens appartenant aux professions les plus diverses 
s'y retrouvaient : les nobles, ainsi que les dignitaires ecclé- 
siastiques, y coudoyaient les marchands et les aventuriers 
de bas étage. Le moine Herman de Laon y vit entrer 
dans le méme vaisseau que lui, à la Saint-Marc ou 25 avril 
1115, des marchands flamands qui allaient au delà de la 
mer acheter des laines ; comme leurs bourses contenaient 
de l'argent pour une valeur de plus de 300 marcs, ils 
comptaient naviguer avec plus de sécurité en compagnie 
des dignitaires ecclésiastiques de Laon (2). N'oublions pas 
que la Flandre d'alors s'étendait presque jusqu'àla Somme, 
que Bapaume, Arras, Hesdin, etc., y étaient compris. C'est 
pourquoi, à chaque instant, on ajoute au nom de Wissant 
la qualification de : en Flandre (in Flandria). Le géo- 
graphe arabe, Edrisi, ne manque pas de citer Wissant, 
qu'il place à 80 mille pas de Rouen et prés de la mer. Il la 
qualifie de ville petite, mais en ajoutant que l'on s'y em- 


(1) Vita sancti Anselmi, c. 4, dans les Acta Sanctorum, Aprilis t. II, 
p. 885. Voir Eanmer, Gesta S. Anselmi in pontificatu (Isinem, p. 912 
Le biographe de Rés e cit., $ 56) mentionne cette circonstance 
que Baudouin, l'intendan selme , constata l'existence dans le navire 
qui portait ie, i mes qui ne s'ouvrit pue tant ee sy 

trouva, 

(2) Apud portum qui vocatur Wissant. Nobiscum etiam plures nego- 
tiatores introierunt, qui propter lanam emendam de Flandria in An- 
gliam ire volebant, seque nobiscum securius transire sperabant, plus 
quam trecentas marcas argenti secum in sacculis et marsuptis feren- 
les (Herman de Laon, De Miraculis bealae Mariae Laudunensis libri tres, 
liv. IT, c. 5, dans le Recueil des historiens de France, t. XIL, p. 269) 


( 440 ) 
barque pour l'Angleterre, ile séparée du continent par un 
détroit de 25 milles de large (1). 

Les successeurs de Guillaume le Conquérant et de son 
fils Guillaume montrérent en plusieurs circonstances une 
préférence marquée pour Wissant. Ce sentiment parait 
avoir été entretenu et développé chez eux par l'affreuse 
catastrophe qui, en 1120, engloutit, à la vue des cótes de 
la Normandie, la Blanche-Nef, sur laquelle était monté le 
prince Henri, l'unique fils du roi Henri I° dit Beauclerc. 
Ce fut à Wissant que celui-ci, qui était le frére de Guil- 
laume lI, fit conduire sa fille Mathilde, qu'il envoyait à son 
mari, l'empereur d'Allemagne Henri V (2). Aprés sa mort, 
Étienne, comte de Boulogne, prit son chemin par ce port, 
alin d'arriver plus tôt en Angleterre, où il ajouta à son 
premier titre celui de roi (5). Lorsqu'en 1155 Étienne eut 
expiré, Henri 11 Plantagenet, comte d'Anjou, qui lui avait 
enlevé la Normandie et disputé le tróne royal, partit de 
Douvres pour aller visiter la Normandie; ce fut à Wissant 
que s'opéra son débarquement (4). 

Le méme port reparait trés-fréquemment dans l'his- 
toire pendant la seconde moitié du XII siècle. La Grande- 
Bretagne et la Normandie obéissaient alors au roi Henri II, 
tandis que le Boulonnais était resté entre les mains des 
descendants du roi Étienne. Marie, fille de ce prince, trans- 


(1) Ab illo etiam (Rotomago) ad urbem Vadisant, exiguam valde, 
mari adjacentem, LXXX M. P., et ex hac urbe conscenduntur naves 
adeuntes insulam Angliam, quam dividit a continente fretum habens 
in longitudine X XV (2* partie, 6e climat, p. 2 

(2) Simon de Durham, De Gestis Anglorum. 

y^ Guillaume de Malmesbury. 

obert De Monte, dans Pertz, Monumenta, Seriploren ta VI, 
a 


(444 ) 

mit son comté à Mathieu, frère du comte de Flandre, Phi- 
lippe d'Alsace, à qui elle donna deux filles, nommées Ide et 
Mathilde. Wissant devint en qnelque sorte le foyer où 
s'orgauisérent toutes les intrigues, toutes les expéditions 
dirigées contre Henri II. Le plus ardent des ennemis du 
roi anglais, l'archevéque de Cantorbéry, Thomas Becket, 
s'y embarqua en l'an 1170, au commencement du mois de 
décembre, pour retourner dans son diocèse, où il ne tarda 
pas à étre assassiné. 

Les incidents qui marquérent le retour en Angleterre 
de l'archevêque de Cantorbéry doivent nous retenir un 
instant. Ce fut à Wissant que Thomas Becket fit connaitre 
les leitres par lesquelles le pape Alexandre IH frappait les 
évèques anglais d'une sentence de suspension ou d'un 
anathéme. Plusieurs de ces prélats se trouvaient à Wis- 
sant et sy préparaient à prendre la mer, entre autres 
l'archevéque d'York, dont le pape suspendait les pouvoirs 
spirituels (1), et les évéques Gilbert Foliot, de Londres, et 
Josselin, de Salisbury, qu'il avait excommuniés. Tous trois 
se soumirent immédiatement aux volontés du Saint-Siége. 

Quant au primat, il attendit. tranquillement un temps 
meilleur pour s'embarquer et, si l'on en croit Herbert de 
Boseham, l'un de ses plus dévoués partisans et de ses bio- 
graphes, il éprouva une grande joie de voir s'approcher le 
jour tant désiré de la vengeance. Un matin, qu'accompagné 
d'une suite nombreuse, il était sorti pour s'enquérir de 
l'état de la température,il vit arriver un vaisseau d'Angle- 
terre. L'équipage, interrogé sur ce qui se passait dans ce 


(1) In Boloniensi territorio, ad portum qui dicilur Wilsant... in ipso 
porio suspensus est — de toan Vita B. Thome , livre V, dans 
Migne, Sancti Thoma, C. 


j opera omnia, p. 1254 54). 
A A73 


( 442 ) 

pays el sur ce que l'on y disait, déclara que le retour de 
l'archevêque était attendu avec impatience et serait agréable 
à toute la population. Mais le capitaine (proreta) prit à part 
Herbert et lui tint un langage bien différent. « Malheureux 
» que vous êtes, lui dit-il, que cherchez-vous ? que faites- 
» vous? vous courez à une mort certaine. » Puis il lui 
donna un avertissement dont les événements n'établirent 
que trop la parfaite exactitude. D’après lui, le pays était 
dans une agitation extréme; on était exaspéré contre 
Thomas; un grand nombre de chevaliers, irrités à l'excés, 
l'attendaient dans le port où il devait débarquer. L'arche- 
véque et ses compagnons couraient certainement à leur 
perte. 

L'avis n'était pas à dédaigner et Herbert en remercia 
son interlocuteur. Déjà, ajoute-t-il, leur conversation fai- 
sait murmurer les autres matelots (1). Nul doute qu'en 
sujets dévoués du roi Henri II ils ne vissent de mauvais 
ceil ee colloque de leur chef et du confident de Becket. Her- 


jen hàta d bites um supérieur PCR à son tour, de- 
Lacuna nntaenvoca Tn 


prêtre d'un esprit simple et droit, nommé Gunter, fut d'avis 
d'ajourner le départ pour l'Angleterre. Herbert défendit la 
thèse contraire. D’après lui, et il n'avait peut-être pas tort, 
Thomas Becket s'était trop avancé pour pouvoir reculer. 
Ne pas rentrer dans son pays, après avoir tant agi au 
dehors, c'était se dégrader; mieux valait mettre fin à leur 
exil commun, düt-il étre eouronné par le martyre. Dans 
son opinion, cette derniére solution constituait une chance 
heureuse. — « Tes paroles sont sensées, repartit l'arche- 
» véque, mais la conclusion en est pénible. » 


. (1) Alii jam densim submurmurabant. 


145 ) 

Ces détails expliquent l’indécision dans laquelle resta 
l'archevéque. Le temps s'était amélioré, d'autres vaisseaux 
appareillaient, et néanmoins le prélat ne donnait pas l'ordre 
du départ. En vain quelques-uns de ses clercs, ignorant sans 
doute les dangers qui le ce ice lui répétaient : « Sei- 
» gneur, à la patrie;les voiles des navires: 
» segouflent; pourquoi ne pas monter surle vôtre ? Serons- 
» nous comme Moïse, qui vit la Terre de promission, mais 
» n'y entra jamais? — Pourquoi vous presser, répondit-il 
» enfin; il ne se sera pas écoulé quarante jours aprés votre 
» arrivée que vous désirerez étre partout ailleurs qu'en 
» Angleterre (1). » Le biographe auquel j'emprunte ce 
dernier détail supposait que l'archevéque s'attendait à un 
mauvais accueil ; évidemment Herbert ne lui a pas com- 
muniqué l'entretien qu'il avait eu avec le capitaine. L'ar- 
chevéque ne dédaigna pas les conseils de celui-ci d'une 
maniére absolue. ll. persista, il est vrai, dans son dessein 
de retourner à Cantorbéry, mais au lieu d'aborder à Dou- 
vres (Dorobernia), où on l'attendait, il alla descendre à 
Sandwich, parce que cette ville était un fief de l'archevéché 
et qu'il pouvait compter sur le dévouement des habitants. 
Ce fut non le 4°% décembre, mais deux ou trois jours 


es fe portum Wytsand jam erat archiepiscopus; serena erat colis 


facie. maris, navis archiepiscopi parata, alie alique naves transfe- 

fr Aria e dre — d de clericis suis coex- 

sulibus. TNR ecce "i sedem 
MP j "m y 


navem? [ein nos esimus sicut Moyses qui Terram promissionis 
vidit quidem , sed non intravit? Ille inter caetera : Ut quid festinatis? 
non affluent quadraginta dies ab ingressu vestro in terram, malletis esse 
ubicunque terrarum, quam in Anglia... (Vita tertia, auctore Willelmo 
filio Stephani, dans Migne, loc. cit., col. 171) 


( 444 ) 
après la Saint-André ou le jour de l'Avent (après le 29 ou 
le 50 novembre), qu'il y aborda. 

J'ai voulu exposer en détail cette scéne qui est, à vrai 
dire,étrangère à notre sujet, parce qu'elle nous fournit des 
lumières précieuses sur l'importance de Wissant au 

' XII? siècle. Ce village, si délaissé aujourd'hui, était alors 
une ville ou bourgade prospère. Sinon, comment y aurait-on 
hébergé pendant plusieurs jours un archevéque et plusieurs 
évéques, avec leur suite? Il devait s'y trouver, soit de vastes 
hótelleries, soit des maisons particulières assez grandes 
pour qu'un prélat püt y loger. Ce mouvement continuel de 
navires qui arrivent ou partent, soit par le beau, soit par 
le mauvais temps, établit l'existence d'un port, avec des 
chantiers, des ateliers de toute espèce, des magasins, un 
change, des tavernes, ete. Les environs de la bourgade 
étaient sans doute cultivés avec soin et les chemins qui les 
sillonnent et qui conduisent à Boulogne, Arras, Saint- 
Omer, etc., bien entretenus. Le récit, par Lambert 
d'Ardres, de la fondation de l'hópital ou hospice de Saint- 
inglevert, sur l'ancienne voie allant à Guines, témoigne que 
la circulation y était des plus actives. 

La mort de l'archevéque fit éclater une guerre ouverte 
entre Henri II et le comte de Flandre, Philippe d'Alsace. 
Celui-ci comptait parmi ses alliés, non-seulement son 
frére Mathieu, mais un grand nombre de seigneurs anglais, 
et méme, qui le croirait, le fils ainé de Henri, nommé 
également Henri. Le comte de Leicester, le chef des mé- 
contents, réunit à Wissant une nombreuse armée de Nor- 
mands et de Flamands et débarqua à sa téte à Walton, 
dans le comté de Suffolk, le 29 septembre 1175; peu 
de jours aprés, il fut défait dans un combat que les par- 
tisans du roi lui livrérent à Forneham, prés de Saint 


( 445 ) 
Edmond, le 16 octobre. On porte le nombre des Flamands 
qui furent tués ou pris dans cette journée à dix mille, 
chiffre par lequel on peut juger de l'importance de l'eseadre 
qui les transporta en Angleterre (1). 

En 1174, Wissant vit encore se réunir des forces con- 
sidérables. Les ennemis du monarque anglais ayant résolu 
de recommencer la guerre avec vigueur, le roi d'Écosse, 
à Ja téte de ses sujets, renforcés par un grand nombre de 
cavaliers et de fantassins venus de Flandre, entra en 
armes dans le nord de l'Angleterre. De son cóté, Philippe 
d'Alsace, dont le frére avait péri l'année précédente au 
siége d'un château, Driencourt, obtint du jeune Henri le 
comté de Kent qu'il prit en fief de ce prince,et, en retour, 
jura sur des reliques de saints, en présence du roi de 
France ct de ses barons, que quinze jours aprés la Saint- 
Jean il envahirait les États du roi Henri H. Stimulé par 
cette promesse solennelle, le jeune Henri vint le 14 juillet 
à Wissant (2), d’où Philippe d'Alsace avait déjà fait partir 
518 chevaliers d'élite, qui débarquérent à Airewell le 
15 mai et se joignirent au comte Bigod. Norwich fut pris 
d'assaut et Henri II semblait à la veille d'étre détróné 
lorsqu'on le vit revenir de Normandie, s'humilier devant 
le tombeau de Thomas Becket et reprendre aussitót une 
supériorité marquée sur ses ennemis. 

Bientôt une paix fut conclue et réconcilia, au moins en 
apparence, ces princes qui ne cessaient de se nuire. En 
1177, le roi Henri fit dire au comte de Flandre que s'il 


(1) Benoit de Peterborough, Gesta Henrici secundi (édit. de Londres, 
1867, 2 p in-8°); Rodolphe De Diceto, dans Twysden, Historiae Angliae 
Scriptor 

(2) holy De Diceto , dans Twysden, t. 1, col. 573; Mathieu Paris 
Historia Anglorum, 1. 1, p. 584 (Londres, 1869, in-8»). 

2"* SERIE, TOME XLVII. "XP 


( 146 ) 

voulait s'entendre avec lui pour le mariage de ses niéces, 
les comtesses de Boulogne, filles de Mathieu d'Alsace, il 
tiendrait ses promesses plus complétement et plus large- 
ment qu'il ne s'y était engagé. A la suite de cette démarche, 
Philippe d'Alsace alla en pèlerinage à Cantorbéry, où il 
rencontra le roi, et reçut de Henri, qui le reconduisit à 
Douvres, 500 mares pour l'aider à effectuer le voyage qu'il 
comptait faire et qu'il fit en effet en Palestine. Ce fut de 
Wissant (Wisanda) que Philippe arriva à Douvres, le 
98 mars; ce fut là qu'il. débarqua à son retour, de grand 
matin, le jour de Pâques, 1*" avril, aprés s'étre mis en mer 
à la chute du jour (1). 

Lorsque le comte revint de l'Orient, une grande dé- 
monstration de piété amena à Cantorbéry l'élite de la 
noblesse francaise. Elle était conduite par le roi lui-méme, 
Louis VII dit le jeune , accompagné de Philippe d'Alsace, 
de Henri I**, duc de Lotharingie et de Brabant, de Bau- 
douin , comte de Guines , du comte Guillaume de Mande- 
ville, de l'avoué de Béthune et d'une foule d'autres 
barons. Parti de Wissant (Witsand), Louisarrivà le mercredi 
22 aoüt à Douvres, oü il fut recu avec les plus grands 
honneurs par Henri H; de retour dans cette ville, il re- 
partit pour Wissant, oü il aborda le dimanche 96 (2). 

Cette méme année 1179, vers le mois de mai, Henri, le 
fils ainé du roi d'Angleterre , se rendant en Flandre pour 
aller. rendre visite au comte Philippe d'Alsace, aborda à 


(1) Nocte sequenti post tenebras mare intravit et in crastino valde 
mane applicuit apud Wieent in Flandria. (B. de Peterborough , Gesta 
Henrici secundi t. ler 

(2) Chronicon magistri Rogeri de Hovedene, t. W, pp. 192 et 195 
(Londres, 1869, in-8°). 


( 447 ) 

Wissant (Wissanda) (1). En 1185, ce bourg hébergea 
Ranulphe de Glanville et Jean, depuis Jean sans Terre, le 
fils cadet de Henri II (2). Ce monarque, aprés avoir sé- 
journé deux ans en Normandie et s'étre réconcilié de nou- 
veau avec le souverain de la France, désira revoir son 
royaume; à la demande de Philippe d'Alsace, il prit son 
chemin par la Flandre, à travers laquelle le comte le con- 
duisit avec honneur. Le lendemain de son arrivée à Wis- 
sant (Widsand),le dimanche 10 juin 1184, le roi s'em- 
barqua, accompagné d'une suite peu nombreuse, et 
traversa la mer avec un seul navire. Dés qu'il eut terminé 
sa traversée, il renvoya ce dernier de Douvres pour aller 
chercher sa fille, la duchesse de Saxe, qui partit pour lAn- 
gleterre avec les serviteurs de son père et les siens. Mais, 
cette fois, le voyage ne s'opéra qu'à grand'peine et beau- 
coup de navires de l'escadre se brisèrent (5). 

L'année 1185 fut marquée par un terrible tremblement 
de terre qui, dans la journée du 15 avril, causa des dom- 
mages considérables. Le roi Henri H était sur le point de 
partir pour la Normandie pour aller combattre son fils 
Richard, à qui sa valeur mérita depuis le surnom de Cœur 
de Lion. Le vieux monarque, auquel ses enfants causaient 
sans cesse de nouveaux tourments, prit, non pas la voie la 
plus directe, mais celle qui était alors la plus pratiquée, 
c'est assez dire qu'il fit voile de Douvres pour Wissant. 
Le patriarche Héraclius, l'évéque de Durham et un grand. 
nombre d'autres personnes de marque étaient du voyage. 


(1) B. de Peterborough, loc. cit., t. I, p. 240. 

(2) Idem, pp. 505 et 508 

(9) Cum familia pair sui et sua, non sine gravi periculo applicuit 
in Angliam apud Doveram, quassatis multis navibus (Inem, p. 512). 


( 448 ) 

A peine arrivé à Wissant (Wühsand), Henri marcha vers 
la Normandie, afin d'arréter les progrés des insurgés. Sa 
femme Éléonore d'Aquitaine était restée dans la Grande- 
Bretagne; un ordre du monarque l'appela auprés de lui, 
ainsi que le duc de Saxe Othon (depuis l'empereur 
Othon IV) et la duchesse, qui firent également le voyage 
de Douvres à Wissant (Witsant), peu de temps aprés les 
fétes de Pàques (1). Retourné au delà de la mer, le roi 
Henri LI revint une dernière fois sur le continent, en 1187 ; 
il y rencontra à Wissant (Whitsant in Flandria) (2), le 
17 février, le comte de Flandre, le comte Thibaud, 
comte de Guines et beaucoup d'autres seigneurs, qui l'es- 
cortèrent jusqu'en Normandie ; il allait dans cette contrée 
pour s'y aboucher avec les légats du pape. 

Nous pouvons multiplier ces exemples en les appliquant 
parfois à des personnages d'un rang moins élevé. 

La correspondance échangée à cette époque (de 1188 à 
1199) entre les membres du chapitre de Cantorbéry qui 
séjournèrent sur le continent et ceux qui restèrent en An- 
gleterre, mentionne à chaque instant Wissant. C'est par là 
qu'ils correspondent les uns avec les autres, qu'ils s'en- 
voient des messages , des vétements , c'est là que le frére 
Jean, un des délégués des chanoines, va attendre l'arrivée 
du légat du pape (5). En 1189, Baudouin, évéque de Can- 
torbéry, se rendit de Wissant à Douvres (4). En 1192, Gau- 


(1) B. de Peterborough, loc. cit., t. T, p. 557. 

(2) Roger de RAS loc. cit., t. I, p. 517. — Voir B. de Peterbo- 

rough, loc. cit., t. H 

(3) Stubbs, rapit se — of the reign of Richard I, t M, 
pp. 217, 250, 252, 289, 301, 

(4) Gervais de Duci: ben Twysden, loc. cit., p. 1546, 


( 449 ) 

frid, qui avait été désigné par le pape pour monter sur le 
siége archiépiscopal d'York, malgré ses subordonnés etmal- ' 
gré Guillaume d'Elye, archevéque de Cantorbéry, justicier 
du royaume et régent pendant l'absence du roi Richard 
Cœur de Lion, voulut prendre possession de sa nouvelle di- 
gnité;.ce fut de Wissant qu'il partit pour Douvres et ce fut là 
qu'il revint bientót (1). Hugues, évéque de Durham, est cité 
comme ayant, à cette époque, pris le méme chemin (2). 
Jean sans Terre, comte de Mortain, jaloux de son frére 
Richard et désireux de lui nuire, agitait l'Angleterre par 
des complots incessants. Aprés avoir quitté cette contrée 
el abordé à Wissant (5), il voulut profiter de l'éloignement 
de Richard, qui était alors détenu dans un château d'Alle- 
magne. De connivence avee Philippe-Auguste, roi de 
France, il réunit à Wissant une flotte, en 1192; mais la 
vieille reine, Éléonore d'Aquitaine, veuve de Henri H, 
fit garder les côtes anglaises avec tant de soin que les coa- 
lisés jugérent inutile de tenter une entreprise qui devait 
nécessairement échouer (4). ll n’est pas fait mention de 
Wissant dans le récit de la guerre qui se termina par la 
bataille de Bouvines, mais il n'y est pas plus question de 
Boulogne, quoiqu'on ait soutenu le contraire. Guillaume 
le Breton se borne à dire que la flotte francaise recut l'or- 
dre de se réunir, le 10 mai 1215, sur le littoral du Bou- 
lonnais (Bolonicum littus), ce qui ne précise aucun point 
de la côte, et c'est de ce littoral qu'elle partit (5). 


(1) B. de Peterborough, Loc. cit.. pp. 210, 240, 249. 

(2) Brompton, dans Twysden, loc. cit., p. 1240. 

(5) Roger de Hovedene, loc. cit., p. 706. 

(4) Gervais de Dornbury, p. 1581. 

(3) Du Chesne, Historiae Francorum scriptores, t. V, pp. 204 et 205. 


< 


( 450 ) 

Les princes séjournant fréquemment à Wissant,on ne 
doit pas s'étonner si l'on rencontre des diplômes qui en sont 
datés. En 1177, Philippe d'Alsace scelle à Wissant une 
charte par laquelle il assigne à l'abbaye de Notre-Dame de 
la Chapelle (ou Ter-Doest) une rente annuelle de 5 livres 
à prélever sur les revenus de Gravelines, afin de lui per- 
mettre d'entretenir un bateau de pêche (1). Le 18 juillet 
1299, Jean de Baliol, roi d'Écosse, qui avait été mis en 
liberté par le roi d'Angleterre Édouard [+ aprés avoir 
longtemps langui en prison, s'engagea à ne pas quitter le 
lieu oü il fixerait sa résidence et à ne pas recommencer la 
guerre contre Édouard s'il retournait dans ses anciens 
États; l'acte contenant cette promesse solennelle fut passé 
à Wissant, en présence du légat du pape, R., évéque 
de Vicence, et des envoyés du roi de France : Jean, évéque 
de Careassonne; Jaeques de Chátillon, seigneur de Leuze et 
de Condé, et P. de Belleperche, chanoine de Bourges (2). 

Une preuve sans réplique de l'activité du port, c'est 
l'existence,à Wissant, d'un tonlieu qui était trés-productif, 
puisque, en 1520, il était encore grevé d'une rente an- 
nuelle de 500 livres, qui avait constitué le douaire de 
Marie d'Auvergne, dame de Malines(3), et qui fut cédée par 
Robert, comte d'Auvergne et de Boulogne en échange 
de la vicomté de Châteaudun. 

Ce péage était le principal de ceux qu'on levait dans le 
Boulonnais, car c’est le seul dont Guillaume de Normandie 


(1) Saint-Genois, Monuments essentiellement utiles, t Ier, p. 480. 

(2) Actum apud Wissant, de regno Franciae supra mare, in hospitio 
Joannis Steuari (Rainaldi, Annales ecclesiastici ab anno 1198, t. IV, 
p. 269.) 

(5) Du Chesne, Histoire généalogique de la maison de Dreux, preuves, 
. 99. 


(AD) 

fasse une mention spéciale dans la charte de liberté qu'il 
accorde, le 14 avril 1127, aux bourgeois de Saint-Omer. 
« Si, dit-il, je me réconcilie avee le comte de Boulogne 
» Étienne, je les ferai exempter (les bourgeois) du paye- 
» ment du tonlieu et du seewerp (ou droit d'épave mari- 
» time) à Wissant et dans tous les domaines de ce 
» comte (1). » Entre les années 1111 et 1119, Eustache, 
comte de Boulogne, le frère de Godefroid de Bouillon, avait 
déclaré les religieux de l'abbaye de la Capelle exempts du 
tonlieu de Wissant (2). Plus tard, le comte Mathieu 
d'Alsace et sa femme Mathilde accordèrent à Robert, avoué 
de Béthune, pour lui, pour ses fils et pour ses vassaux, 
une entiére exemption des tonlieux, principalement à 
Wissant, ce qui fut confirmé par Ide, fille de Mathieu, en 
1189: d'abord, pour le péage de Wissant, puis pour ceux 
de Boulogne et de Calais (5). Au mois de mars 1312-1313, 
le roi de France, Philippe le Bel, défendit au comte de 
Boulogne d'exiger ce péage des étudiants qui viendraient 
assister aux lecons de l'Université de Paris. 

N'est-il pas curieux de constater qu'à l'extrémité orien- 
tale de la Flandre, à Alost, Wissant était désigné comme 
le principal port de commerce situé sur la mer? Ce n'était 
pas Damme ou Gravelines qui jouait le róle d'entrepót 
commercial ; non, c'était Wissant. En voici la preuve. Dans 
un texte curieux, intitulé Chou est li conduis le seingneur 
d' Alost et qui est rédigé dans l'idiome roman du XTT. siè- 
cle, on lit ces stipulations caractéristiques : 


) Warnkónig et Gheldolf, Histoire de la Flandre, t. II, p. 419. 

) Le comte de Saint-Genois, loc. cit., p. 

) Vredius, Genealogia comitum Flandriae, preuves, t. 1, pp. 221 
et 222, 


( 482 ) 

a Tous les marchands qui viennent de la domination de 
» l'empereur et de la terre du duc de Brabant aux ports 
» de Flandre pour s'y embarquer, doivent payer au sei- 
» gneur d'Alost tel conduit ou péage qu'ils payeraient dans 
» cette ville s'ils y passaient et, en retour, le seigneur est 
» astreint à les conduire , sans qu'ils essuient de dommage, 
» jusqu'à Wissant. 

» Après il està savoir que tout marchand qui perd son 
» avoir entre Bredeke et Eske et Wissant, doit, s'il a payé 
» son conduit ou droit de passage, comme le sergent devra 
» pouvoir l'attester, le seigneur d'Alost est tenu de lui 
» rembourser ou restituer en entier la valeur de son 
» avoir(1). » 

Rien d'obseur, rien d'indéeis dans ces deux stipulations. 
Le marchand qui vient de l'Est à la cóte, à travers la 
Flandre, doit un droit de conduite ou de transit au sei- 
gneur d'Alost (ou au comte de Flandre, comme héritier des 
anciens comtes de cette ville) et, de son cóté, celui-ci est 
astreint à assurer sa sécurité et, en cas de malheur ou de 
vol, est obligé de lui restituer la marchandise égarée ou 
emportée. Cette garantie il la doit jusqu'au port ou s'opère 
le commerce maritime, jusqu'à Wissant. 

Notre texte, que l'on place vaguement vers l'année 1500, 
doit étre antérieur à l'année 1280, qui vit s'opérer le dé- 
membrement de l'héritage de Baudouin de Constantinople. 
Jl est facile d'en donner la preuve. Les localités à partir 
desquelles le comte de Flandre devait garantir la sécurité 
des voyageurs : Bredeke et Eske sont : la première, le ha- 
meau de Breedeyck, situé prés de la voie romaine d'Assche 
à Bavai, sous Lennick-Saint-Quentin, dans l'ancien duché 


(1) De Potter et Broeckaert, Geschiedenis der stadt Aalst, t. M, p. 573 


( 455 ) 

de Brabant, à la limite du comté de Hainaut; l'autre, le 
bourg d'Assche. La garantie que l'on payait en acquittant 
le tonlieu d'Alost cessa d'exercer son effet ou d’être ré- 
clamée en Hainaut, quand ce pays, aprés la mort de Mar- 
guerite de Constantinople, passa entre les mains des 
d'Avesnes, tandis que la Flandre devenait l'apanage de la 
race de Dampierre. Le transit de l'Empire cessa alors de 
prendre la direction de Breedeyck. 

Il est certain que Wissant obtint des comtes de Bou- 
logne une organisation municipale et des franchises ; mais, 
à cet égard, les renseignements font complétement défaut 
et mes recherches, qui ont eu pour résultat la publication 
de chartes importantes concernant Boulogne et Calais (1), 
ne m'ont rien appris. Voici pourtant un fait qui a son 
éloquence. En 1299, lorsque Ferrand de Portugal, comte 
de Flandre et de Hainaut, guerroya contre le comte de 
Boulogne, ses troupes exercèrent de grands ravages dans 
le Boulonnais ; Wissant échappa toutefois à la destruction, 
en promettant aux ennemis une somme de 300 livres (2), 
pour le payement de laquelle l'abbé de Saint-Bertin se 
porta caution, ce qui, ajoute le chroniqueur Ipérius, lui 
attira bien des vexations et des maux. 


lil 
Au XIII* siècle, les épisodes se rapportant à notre port 


se rencontrent aussi, mais plus rarement. Le Boulonnais, 
étant devenu la propriété d'une branche de la famille 


(1) Les libertés communales en Belgique, preuves, pp. 54, 57, 58, 67. 
(2) Accepto a burgo de Visant trecentas libras, ne combureretur sois 
Martene et Durand, Thesaurus anecdotorum, t. HE, p. 7 


(154 ) 

royale de France, cessa d’être le foyer des agitations ali- 
mentées par la politique anglaise ou flamande. Ce fut là 
(in portu Sanwic) qu'Éléonore, fille du comte de Pro- 
vence, s'embarqua pour la Grande-Bretagne, oü elle 
épousa, le 19 janvier 1256, à Cantorbéry, le roi Henri IIT, 
fils de Jean sans Terre (1). Le comte de Leicester s'em- 
barqua au méme endroit en 1251. Enfin ce fut encore de 
Wissant (Witsandia) que partit, en 1274, le roi Édouard 1°, 
lorsqu'il se rendit à Douvres et rentra dans le pays où il 
devait régner, en qualité de fils et de successeur de 
Henri II (2). A propos du départ de l’évêque de Lincoln, 
Hugues, départ qui s'effectua le 10 septembre 1200, Wis- 
sant est formellement qualifié de port (5). En 1206, tout 
le chapitre de l'église métropolitaine de Cantorbéry, com- 
posé de soixante-dix chanoines, que cent serviteurs accom- 
pagnaient, y arriva et y fut informé que Jean, abbé de 
Saint-Bertin, lui offrait l'hospitalité dans son riche mo- 
nastére (4). 

Du temps du roi saint Lou, les marins de Wissant , 
comme ceux de Calais, sont qualifiés par les historiens 
anglais de pirates dont les déprédations étaient funestes au 
commerce (5). Remarquons à ce propos deux choses: 


(1) Mathieu Paris, Historia Anglorum, t. II, p. 586. 

(2) Opus chronicorum, dans les Chronica monasterii Sancti Albani, 
p. 97 (Londres, 1866, in-8° 

(3) In crastino Witsandensem portum cum suis adivit. Sequenlis vero 
diei aurora ipsum navim conscendere vidit. Vila S. Hugonis Lincol- 
nensis, lib. V, ch. 15, p. 528. ; 

(4) Gallia Christiana nova. 

(5) Mathieu Paris, Historia Anglorum, t. V, p. 325 (trad. de M. Huil- 
lard Bréholles). On était alors en l'année 1242 , et une guerre avait éclaté 
entre les rois Louis IX et Henri HI. 


( 155 ) 

D'abord que la navigation dans la Manche eut beaucoup à 
souffrir de la fin de la domination des rois d'Angleterre sur 
la Normandie. Au XII* siècle ces deux pays, régis par les 
mémes souverains, entretenaient des relations fréquentes 
etamicales, qui se relàchérent au XIII* siècle; ajoutons que 
l'on nomme ici Calais et Wissant, sans mentionner Bou- 
logne. Preuve nouvelle que ce dernier port n'occupait à 
cette époque qu'une position trés-secondaire. 

C'est pendant la première moitié du XIV* siècle que 
Wissant atteignit l'apogée de sa splendeur. Froissart en 
parle en maint endroit de ses Chroniques. Là débar- 
quent, en 1526, les chevaliers hennuyers qui avaient aidé 
la reine d'Angleterre à ressaisir l'autorité usurpée par les 
Mortimer, les favoris de son indigne mari, Édouard H; 
« par ce temps, ajoute l'écrivain, il i avoit (à Wissant) une 
» très-bonne ville (1). » Le véritable chef de l'expédition, 
Jean de Hainaut, seigneur de Beaumont, était resté au 
delà de la mer ; quand il se décida à revenir dans sa patrie, 
ce fut aussi à Wissant qu'il mit pied sur le continent (2). 
- Peu de temps aprés, le jeune roi d'Angleterre résolut d'en- 
vahir l'Écosse et fit appel aux gentilhommes belges dési- 
reux de s'illustrer sous ses drapeaux. Ils accoururent en 
grand nombre et vinrent se placer sous les ordres de Jean 
de Hainaut ; les vaisseaux sur lesquels ils devaient traver- 
ser la mer les attendaient à Wissant (5), et ce fut là aussi 
qu'ils furent ramenés à la fin de la campagne (4). Hs s'y 
reposérent de leurs fatigues pendant deux jours; quand 


(1) Froissart, t. bi p. 95 (édit. de M. le baron Kervyn). 
(2) Ibidem, p. 1 

(3) Ibidem , pp. » et 111. 
(4) Ibidem , p. 185. 


( 156 ) 
leurs chevaux et leurs bagages eurent été mis à terre, 
une partie d'entre eux et dans le nombre leur chef se 
rendirent en pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne, tan- 
dis que d'autres prenaient le chemin de Saint-Omer (1). 

Il n'était nullement d'usage de se rendre directement 
d'Angleterre à Boulogne; non, on descendait des vaisseaux 
à Wissant, puis de là on allait par terre à Boulogne. 
Pourquoi cette préférence pour Wissant si le port y est si 
mauvais et si insignifiant? Et l'exemple que nous venons 
de citer n'est pas un fait isolé. Bientót il s'agit de marier 
le nouveau roi d'Angleterre, Édouard HE. Des envoyés 
partent pour le continent et abordent à Wissant (2), où 
peu de temps aprés arrive la jeune princesse dont la main 
est destinée au monarque, Philippine de Hainaut. Elle s'y 
embarque (3) sur des vaisseaux préparés à la recevoir et 
qui avaient été envoyés dans ce but (4). A peine marié, le 
monarque anglais est invité par le roi de France, Phi- 
lippe VE, à lui faire hommage pour ses possessions dans 
ses États. Les envoyés de Philippe prennent la mer à 
Wissant (5), où Édouard TII ne tarde pas à arriver avec 
une suite où l'on comptait plus de mille chevaux. lei se 
reproduit la scène qui avait marqué le dernier retour du 
sire de Beaumont. Quand le débarquement est terminé, le 
roi monte à cheval et part pour Boulogne (6). 

Ce voyage jeta entre les deux princes les germes d'une 


V Hd aia 


(1) Froissart, loc. cit., pp. 186 et 187. 

(2) Ibidem, p. 191 

(5) Ibidem 

(4) Chroniques abrégées , loc. cit., t.'XVIII, p. 28. 
(8) Chroniques de Froissart, t. HI, p. 227. 

(6) Ibidem, p. 232. 


( 157 ) 

haine qui ne tarda pas à éclater et dont les suites furent 
funestes au port dont nous parlons. Si Wissant vit encore 
arriver les ambassadeurs qu'Édouard HI envoya vers les 
princes belges pour les rallier à sa cause ; si ces députés, 
et en particulier ceux qui allérent trouver le comte de 
Hainaut, y retrouvérent les vaisseaux qui les avaient 
amenés et avaient jeté l'ancre pour les attendre (1); si l'un 
d'eux, celui qui parait avoir été alors le plus actif agent 
du roi, Jean de Thrandestone, y passa, en 1556, lorsqu'il 
essaya de rallier à Édouard I l’évêque de Liége et le 
comte de La Mark; en 1337, lorsqu'il revint de Gand 
pour attendre un sauf-conduit du roi de France ; en 1558, 
lorsqu'il retourna de Douvres à Gand; en 1340, lorsqu'il 
quitta le siége de Tournai et prit la direction de Sand- 
wich (2); si, en 1541, Robert de Verssi, arrivant de 
l'Écosse par l'Angleterre, v débarqua et y attendit que ses 
serviteurs, ses chevaux et leurs harnachements fussent 
entiérement mis à terre pour prendre le lendemain le 
chemin de Boulogne (5), ces épisodes pacifiques ne furent 
que le prélude de scènes de rapine et de carnage. 

Par sa position à peu de distance de l'Angleterre, Wis- 
sant était l'un des points d’où les corsaires francais pou- 
vaient le mieux guetter et poursuivre les navires qui sil- 
lonnaient la Manche. Froissart le nomme, avec Calais et 
Boulogne, parmi les ports oü les « écumeurs de mer » 
avaient l'habitude de se rafraichir, c'est-à-dire de prendre 
des vivres et de déposer leur butin (4). Leurs allées et 


Froissart, loc. cit., pp. 354 et 537. 
Ibidem, pp. 154 à 164, 


( 458 ) 
venues enrichissaient le bourg, mais le róle de ce dernier 
changea quand la guerre fut transportée sur le continent. 
Après la terrible journée de Crécy du 26 août 1546, les 
Anglais victorieux ravagèrent tous les environs de Bou- 
logne et incendiérent les faubourgs de cette ville, prés de 
laquelle ils logérent; le mercredi 50, ils se remirent en 
route et arrivérent à Wissant, « ville qui estoit adont 
bonne et grosse (1). » Édouard III y fit mettre le feu 
aprés y avoir passé une nuit avec toute son armée, puis 
les villages jusqu’au bois de Hardelo furent également 
livrés aux flammes (2). Alors commença le siége de Calais. 
Wissant, qui se trouve à peu prés à mi-chemin de cette 
ville et de Boulogne, fut constamment visité par des 
troupes ayant pour but, soit d'inquiéter les assiégeants, 
soit de leur fournir des ressources de tout genre. Jean de 
Vienne, valeureux chevalier bourguignon, à qui le roi 
Philippe VI avait confié le soin de défendre Calais, péné- 
tra dans cette ville en s’avançant de Wissant pendant la 
nuit par le « sabelon », c'est-à-dire par l'estran ou l'espace 
que la marée laisse à sec en se retirant (5). Quand les An- 
glais se mirent à l’œuvre pour compléter l'investissement 
de Calais, ils firent abattre une grande quantité d'arbres 
dans les foréts du Boulonnais. On amena ces arbres à bras 
d'hommes ou au moyen de chevaux jusqu'à Wissant ; là ou. 
les jetait à la mer et on les conduisait prés du camp des 
assiégeants, où on les tirait sur les sables de la côte (4). 


—— 


(1) Froissart, t. V 

(2) Ibidem. Voyez aussi les Chroniques abrégées de Froissart (loc. cit- 
t. XVIII, p. 216) et la Chronique de Valenciennes (loc. cit., t. V, p. 494)- 
On ne doit pas dire avec Lefebvre (Histoire de Calais, t. 1, p. 707) que 
Wissaut fut alors fortifié p les Anglais ; cela est inexact. 

(3) Froissart, t. V, p. 8 

(4) Ibidem, p. 182. 


( 159 ) 

Philippe de Valois se décida enfin à tenter un supréme 
effort pour venir au secours des Calaisiens et réunit une 
armée dont on porte l'effectif à 200,000 hommes. A sa 
tête, il traversa la contrée dite l'Alekine et vint occuper le 
Mont de Sangate, entre Wissant et Calais (1); mais il était 
trop tard : une contrevallation formidable enveloppait la 
ville assiégée, et Édouard HI, à l'abri derrière ses retran- 
chements, appuyé par les milices flamandes, put aisément 
braver les défis et les menaces du monarque francais. 

La guerre de Cent ans, entre la France et l'Augleterre, 
fut la cause de la décadence de Wissant et de l'oubli où ce 
port tomba. Dénué de fortifications, il devint la proie du 
moindre détachement qui voulut y porter la désolation. 
C'estainsi qu'en 1412, pendant les hostilités entre Henri V, 
d'Angleterre, etle malheureux Charles VI, de France, 
2,000 soldats du premier de ces monarques, sous les ordres 
des comtes de Warwick et de Kent, dans une incursion 
au cœur du Boulonnais, prirent d'assaut le « pont de Wis- 
sant », pillérent tout dans cette localité, puis y « boutèrent 
le feu » (2). On comprend que ses habitants et surtout les 
armateurs laient abandonnée. En 1579 des négociateurs 
des deux nations s'y assemblérent plusieurs fois (5); mais, 
“en 1585, lorsqu'il fut de nouveau question de conclure la 
paix, ils se rencontrérent à quelque distance de là, « en 
» un village et une église qu'on appelle Lolinghen (4). » 
Depuis on ne parle plus qu'au passé de la prospérité de 


(1) Froissart, p. 183. 

(2) Jean de Wavrin, Chroniques et anchiennes istories de la Grande 
Brelaigne , p. 154 (Londres, 1868, in-8»). 

(5) Froissart, t. XVIII, p. 553. 

(4) Ibidem, t. X , p. 275. 


( 160 ) 
Wissant : « où le passage étoit lors (c'est-à-dire en 1527) 
» tout commun (1), » ville « qui estoit adont » (en 1546, 
lorsqu'elle fut incendiée) « bonne et grosse » (2). Dans 
le XV* siècle il n'en est pius question, et dés 1402 c'est à 
Boulogne ou ailleurs que l'on poem le tonlieu auquel 
son nom était attaché (5). 

A partir de cette époque, Wissant ne fit plus que dé- 
choir. Le souvenir de l'existence de son port s'effaca si 
bien que Gramaye , après avoir déclaré que c'était de cette 
localité jusqu'au cap Thenasse (4), prés du village de 
Sainte-Marguerite, que la largeur du Pas-de-Calais était la 
plus faible, s'empressa de déclarer le passage des vaisseaux 

impraticable en cet endroit, le littoral n'offrant de port 
d'aucun côté (5). Les faits accumulés dans les pages qui 
précèdent mettent à néant l'assertion de Gramaye, au 
moins pour ce qui concerne Wissant. Mais comment put 
se produire ce changement, aprés quatre siécles de pros- 
périté? L'ingénieur Henry en donne une explication qui 
parait acceptable en tous points. D'aprés lui l'incendie du 
bourg par les Anglais, soit faute de vigilance, soit besoin 
de combustible, fut suivi de la destruction d'une partie des 
hoyats (arundo arerania, de Linnée), qui couvraient les 
dunes et les maintenaient en place. La ville s'ensabla, dit- 


(1) Froissart, t. XVIIE, p. 27. 

(3) Ibidem, t. V, p. 81. 

(3) Ce fait a été puisé par Du Cange dans Les Comptes du comté de 
Boulogne 
(4) CHER freti spatium observatum est inter Visantium et 
éd Insulæ, vulgo Thenasse, juxta vicum S. Margarite, sed 

vibus lrajectus hinc inde nullus datur, raies littore utrobique. 

(aigu Flandrie , p. 165). 


( 161 ) 

l, puis il ajoute: « Les propriétaires attachés au sol de 
leur pays natal construisirent de nouvelles maisons en 
arriére des sables; mais, comme elles se trouvaient 
» encore dans la direction du vent d'ouest, elles subirent 
» le méme sort que les anciennes; l'année 1758 vit dispa- 
» raitre 45 habitations dans une seule nuit. Un événement 
» à peu prés pareil arriva le 4 mars 1777. Maintenant les 
» terres au delà de Wissant sont couvertes et les sables, 
parvenus sur le territoire de Sombre, se dirigent sur 
celui d'Audembert (1). » D’après le plan de Wissant 
publié par le méme auteur (2), les dunes n'y étaient pas 
plantées de hoyats entre le bourg même et les marais de 
Tardinghen; c'est donc de ce côté, près des lieux dits le 
Havre et le Phare, que les sables ont pénétré et c'est là 
que l'on retrouverait , si l'on y opérait des fouilles sur une 
assez vaste échelle, les restes de l'aneien port. Celles que 
l'on a entreprises en 1855, sous la direction de M. Cou- 
sin (5), n'ont pas produit de grands résultats, mais on ne 
doit pas s'en étonner; c'est dans les dunes qu'il faut cher- 
cher, dans ces dunes d’où, pendant plus de cent ans, on 
a reliré des pierres provenant de constructions de tout 
genre, dans cette dune de la Mine d'or où, de méme que 
sur les bords du ruisseau d'Erlan, on a mis à découvert 
de gros pans de murailles. N'oublions pas de rappeler qu'à 
200 pas du village il existe une maison qui est connue 
depuis plusieurs siécles sous le nom assez caractéristique 
de Ferme du Phare. 


IE 


v 


V 


v 


M Essai sur T rondissement de Boulogne-sur-Mer, p. 189. 
2) En regard de la p. 6 
G) Mémoires de à Société Dunkerquoise pour TRIN ageman des 
sciences, des lettres et des arts, année 1855, pp. 210 et su 
9"* SÉRIE, TOME XLVII. 


( 162 ) 

Du Cange nous a laisse quelques détails sur l'état dans 
lequel se trouvait Wissant vers le milieu du XVH" siècle. 
Il n'y compte que 80 feux ou habitations (environ 500 ha- 
bitants), répartis entre quatre ou cinq hameaux (1). II ne 
s’y rencontre, dit-il, ni murailles, ni portes, ni traces d'an- 
ciens remparts, bien que la coutume du Boulonnais con- 
tinue de donner à la localité la qualification de ville. On 
y voyait les restes d'un vieil édifice oü, disait-on, se dépo- 
saient les laines que l'on amenait d'Angleterre, édifice qui 
n'était autre peut-être que cette Tour de Wissant ou Fort 
ruiné, placé, dans la carte de l'an 1776-1797, prés du vil- 
lage et de la cóte, sur la laisse de mer. Wissant était la 
résidence d'un bailli, qui venait toutes les semaines y pré- 
sider à l'administration de la justice; son échevinage ju- 
geait au civil et au criminel et avait l'administration de 
l'hópital. Comme édifice religieux il n'existait qu'une cha- 
pelle du cóté de Boulogne, et l'église paroissiale, à Som- 
bres, à 200 ou 300 pas du village. Cette dernière a été 
démolie en 1769 et l'on n'en a conservé que le cimetière, 
où l'on enterre encore les habitants de la commune. 

Qui ne croirait, à en juger par ce qui vient d’être dit, 
que Wissant n'eut jamais d'importance au point de vue 
du culte? Et pourtant rien ne serait plus contraire à la 
vérité. Le bourg fut, en effet, le centre d'un doyenné (deca- 
natus de Wisanto), tant lorsque l'évêché de Térouanne exis- 
tait dans son intégrité primitive, qu'aprés son fractionne- 
ment, fractionnement décrété en 1559, en trois diocéses : 


(1) D'aprés Piganiol de la Force (Nouvelle description de la France; 
t. II, p. 352), il ne se trouvait à Wissant que cinq bateaux du port de 
trois, quatre et six tonneaux, Le plus grand était employé à la pêche du 
hareng, les autres à celle du maquereau et tous à la péche à la ligne. 


( 165 ) 

Boulogne, dans le royaume de France; Saint-Omer et 
Ypres, dans les dix-sept provinces des Pays-Bas. Ce 
doyenné comprenait, outre Wissant-Sombres, les paroisses 
de Lolinghen (Leulinghen), Houdenbergh (Audembert), 
pec Fo LAINE et Caffrires (Caffiers), 

et Lodrehen, Hardi ; Far- 
dinghen el Haudeghem (Audinghem (4). Le doyenné sub- 
sistait encore, avec le titre de district, à la fin de l'ancien 
régime, mais on en avait transféré le siége à Marquise. 
Expilly, qui écrivait il y a deux siècles, y englobe, outre 
les localités citées plus haut, la ville d'Ambleteuse , Au- 
dresselles, Bazinghen, Boursin, avec le Wast; Ferques, 
avec Elinghen, et enfin Saint-Inglevert (2). 

Pour terminer, donnons ici une liste des lieux dits com- 
pris dans la commune , renseignement précieux que je dois 
à l'obligeance de mon collègue et ami, M. Doncker, rece- 
veur de la ville de Bruxelles, qui a plusieurs fois séjourné 
à Wissant. Les voici, avec leur orthographe actuelle et 
certainement altérée en beaucoup d'occasions, répartis 
entre les quatre sections du territoire, qui se succèdent 
en allant du nord au midi : 

SECTION DE SOMBRE : Strouanne ou Estrouanne, hameau; 
Saint-Pol, hameau; Petit Blanc Nez, promontoire; L'Ex- 
communié; Terre à Fillettes; Grand Sable; Cótiére de 
Sombre; Chemin de Calais; Mont rôti; Mont à Crignons ; 
Les Sables; Mont d'Averloot; Terre Souliers; Longue 


(1) Miraeus et Foppens, Opera diplomatica , t. IV, p. 662 

(2) Dictionnaire historique et géographique de la France, t. IV, 
p. 964. Le pouillé du diocése de Térouanne, qui a été cité plus haut, con- 
firme les indications de d’Expilly, sauf que l'on mentionne dans le doyenné 
Berdinghem au lieu d'Audresselles. 


( 164 ) 

tranche; Cótiére du mont d'Averloot ; Petites chambres; 
Mont du comte; Mont à Genoivre; Les Caillerettes; Fond 
de Sombre; Derriére Sombre; Blanches mesures; Terre des 
petits; Grandes chambres; Mont d'Escalles ; Enclos ; Haute 
Sombre; Mont de Sombre; Cótiére du mont ; Mont des pré- 
tres; Rietz du Communal ; Dune d'amont ou Dune de la 
mine d'or; Pont de Calais; Pont de la Mine; la Wette; 
Courtil brülé; les Avantages; Fond d'Herffelinghen ou 
Ervelingue. 

SECTION DU CaMP DE CÉSAR : Le Vrimetz, habitation (de 
vry, en flamand libre, et du francais mez ou manse, par- 
celle de terre comprenant d'ordinaire 12 bonniers?); les 
Croisettes ; les Pátures; les Argillières; Basse-Sombre; Ci- 
meliére; les Combles; Courtil à lapins ; le Platon; la Mine; 
les Gages verts; Herlan ou Herland; la Placette; la Rue- 
velle; Fond Bodin; Blanc pays; Fond Notre-Dame; Ferme 
du Vivier ; les Gros hures; les Douze; Vallée Merlier; Vallée 
Pacquet; Fond Bertaux; la Ramonniére ; Haut du Blanc 
pays. 

SECTION DU VILLAGE. 

SECTION DE LA MOTTE CanuiN: Dune daval; Motte du 
vent (Motte pelée, 1797) au sud du village; Failliére du 
phare, d'aprés la ferme appelée le Fard ou Phare, sous Tar- 
dinghem ; les Arceaux; les Craquets, où l'on a découvert, 
en 1841, des poteries gallo-romaines; la Renardiére; 
Butte Carlin; Colombier; Páture d'Audembert (Oudenberg 
ou Vieille montagne); les Tégres; Courtil à peines; les 
Guiales; le Pied de glames; Plaine du colombier; les 
Breuil; Fond d'Ausquis. 

Ces indications ne sont pas de nature à nous fournir de 
grandes lumières; mais pourquoi ? Parce qu'elles devraient 
étre complétées au moyen des anciens titres, qui donne- 


( 165 ) 

raient, avec infiniment plus d’exactitude, les noms des ha- 
bitations et des champs. Voici, en effet, un exemple frap- 
pant des altérations que subissent les désignations locales. 
On mentionne à Wissant un Camp de César. Les écrivains 
boulonnais, et en ceci on ne peut que leur donner raison, 
font remarquer que les constructions de ce monticule n'ont 
certainement pas abrité toute l'armée romaine, qu'elles 
n'ont logé au plus que quelques cohortes; ils ajoutent que 
ces restes doivent dater du moyen àge (1). Du Cange 
appelle cette colline la Motte du Chátel , quoique le nom de 
Castel de César füt déjà usité et que Piganiol de la Force, 
qui vivait il y a prés de deux siécles, le connüt déjà. 
C'est une éminence de forme ovale, dont le plus grand dia- 
mètre mesure 40 toises (environ 80 mètres); elle est si- 
tuée à l'endroit oà se rejoignent deux ravins, qui en ren- 
dent l'accés difficile. On n'y arrive que par une seule 
ouverture, faisant face à la mer, qui est éloignée d'un 
kilométre environ. La hauteur se compose de deux pla- 
teaux superposés, dont le plus élevé est creux en son 
milieu et entouré d'un fossé profond de 4à 5 métres. Une 
fontaine, pratiquée par la main de l'homme, jaillit au pied 
de la colline, à côté du Pont charnier. 

La Motte du Chátel (prononcer Caté) ou Motte Julienne 
constitua jusque dans les derniers temps de l'ancien ré- 
gime une dépendance du domaine royal, qui en avait hé- 
rité des comtes de Boulogne. Les particuliers auxquels la 
juridiction de Wissant fut donnée en engagère par la cou- 
ronne, ne jouirent jamais de ce monticule, ni de ce qu'il 
produisait (2). Nul doute qu'il n'ait existé en cetendroit, à 


a Mémoires de l’Académie d'Arras, loc. cit., pp. 264-265. 
(2) Henry, loc. cit. 6. 


( 166 ) 
l'époque féodale, un château, château qui aura peut-être 
été établi sur les fondements d'un castellum romain, 

Les autres collines du méme genre que l'on remarque 
aux environs : la Motte du Vent, la Motte Carlin, la Motte 
du Bourg (sous Tardinghen), qui avoisine une petite anse 
dite la Háble ou Hávre, celle de Tardinghen, sur laquelle 
est bâtie l'église de ce village, la Motte d'Inghem, ete.,sont 
ou de petites collines naturelles ou des tumuli gallo-romains. 
On ne saurait y voir des restes des ouvrages élevés par 
ordre de Jules César pour protéger les troupes auxquelles 
il laissa la garde du Portus [ccius. Que sont devenus ces 
ouvrages? il n'y en a trace ni à Wissant, ni ailleurs. Seu- 
lement la Motte Julienne a peut-être servi de quartier- 
général, d'observatoire au célèbre conquérant. 

Un dénombrement officiel ne porte qu'à 708 le chiffre 
total de la population de Wissant, en 1698; ce chiffre 
resta le méme pendant tout le XVIII* siécle, ou, s'il aug- 
menta, baissa de nouveau aprés les désastres de 1738 et 
de 1777. En l'an XIII (4805), il était réduit à 704 (1), 
tandis que le nombre des habitants de Boulogne s'était 
élevé, de 1698 à 1805, de 5,748 à 19,914. Ainsi, tandis 
que Wissant restait stationnaire, la population de Boulogne 
s'était plus que triplée. Aujourd'hui Wissant compte envi- 
ron un millier d'habitants. 

Il ne serait pas impossible de rendre à cette localité une 
certaine importance. Un jour peut-étre, l'administration 
française voudra multiplier les ports du Pas-de-Calais 
et, si les renseignements qui m'ont été donnés sont 
exacts, il a déjà été question d'ouvrir un canal qui met- 
trait en communication directe Boulogne et Wissant; le 


— 


(1) Henry, loc. cit., p. 164. 


( 167 ) 
complément de ce grand travail consisterait dans le creu- 
sement d'un bassin de commerce en ce dernier endroit, 
entreprise dont la réalisation a été entrevue et discutée 
il y a prés de 80 ans. 

« Pour rétablir le port de Wissant, dit Henry (1), il suf- 
» firait de creuser le bassin naturel formé d'un côté par 
» les dunes et de l'autre par les terres élevées qui bordent 
» les communaux de Tardinghen, opération trés-aisée dans 
» un terrain relevé par le dépót des eaux qui ont séjourné 
» dans ces prairies. Les terres provenant des déblais pour- 
» raient étre placées sur les dunes pour en fixer les sables 
» mobiles, ce qui produirait le double avantage d'utiliser 
» le terrain en le rendant susceptible de culture et de 
.» plantation et d'abriter le port contre les vents du large, 
» en relevant le sol de ce cóté. 

» On pourrait maintenir la profondeur du chenal en 
» détournant les eaux des ruisseaux de Guiptun et de Wis- 
» sant pour les réunir à celui qui coule dans la longueur 
» de Tardinghen, pour ne former qu'un seul lit qui s'écou- 
» lerait dans celui du chenal. 

» Rien n'empécherait aprés cela de traverser une partie 
» du port par des retenues, pour en former un bassin qui 
» tiendrait les vaisseaux continuellement à flot et dont le 
» jeü des écluses servirait à nettoyer le port et le che- 
» nal. » 

Les lignes qui précédent sont la meilleure justification 
que l'on saurait donner de l'opinion qui place le Portus 
Iccius à Wissant. Avec quelque peu d'aide, cette localité 
pourrait refleurir. Alors on s'expliquerait mieux ce passé 
brillant dont il ne reste plus de traces que dans les livres, 


(1) Loc, cit., p. 134. 


( 168 ) 

on comprendrait cette période de splendeur qui s'étend de 
l'an 900 à 1550, période pendant laquelle on vit tant de 
monarques, de princes, de capitaines, d’ecclésiastiques re- 
nommés s'embarquer ou débarquer de préférence à Wis- 
sant; le village redeviendrait plus digne du temps où il 
était l'une des villes privilégiées du comté de Boulogne, la 
résidence d'un des baillis du comte, le centre d'un doyenné 
de l'évéché de Térouanne ; on se rappellerait mieux que 
son nom a été porté par deux de ces héroiques bourgeois 
de Calais qui, pour sauver leurs concitoyens, n’hésitèrent 
pas à s'offrir à la colère immodérée d'Édouard III (1); 
enfin , on cesserait de repousser l'idée que dix-huit siècles 
et demi avant Napoléon I**, César y fit camper ses troupes 
et y réunit une flotte pour tenter la conquéte de l'ile des 
Bretons. 

A la dernière exposition annuelle des beaux-arts de 
Paris, mes regards tombérent tout à coup sur un tableau 
signé Sauvaige. Il représentait des sables doucement bat- 
tus par les vagues, au milieu desquelles était amarré un 
bateau pécheur. Rien de plus simple comme composition, 
tout y revêtait un aspect doux et mélancolique. Cette 
plage où régnait le calme le plus profond, c'était la plage 
de Wissant (2). Comme dans le village paisible qui a succédé 
au Portus Iccius, rien n'y parle de grandeurs et de désas- 
tres, de prospérité et d'orages. A voir cette marine, on 
aurait juré qu'elle reproduisait l'une de ces eaux où la 
tempête ne se déchaîne jamais, l'une de ces rades où 


) Gobert de Wissant figura, au XIe siècle À ps les NA qui 
aidérent Guillaume le Conquérant à soumettre l'Anglete 
(2) L'Art (année 1878, t. IV, p. 191) a publié une quee st 
le tableau de M. Sauvaige, 


( 169 ) 

n'abordent ni le conquérant ni le pirate. Double illusion 
produite à la fois par l'art et par la nature. Dans le tableau 
comme dans le site méme, tout parle de paix et de repos, 
tandis que le passé de Wissant réveille un enchainement 
de guerres et de pillages, une série de désastres causés, 
tantót par la main des hommes, tantót par les convulsions 
de la nature. L'histoire de Wissant, pendant le haut moyen 
àge, forme en réalité l'un des chapitres les plus importants 
de l'histoire du commerce maritime dans la Manche. Aucun 
port de la cóte de la Gaule n'eut une célébrité à la fois aussi 
précoce et aussi durable, et si les traces de ce passé se sont 
effacées, il est facile de les retrouver en feuilletant les vieil- 
les chroniques et les travaux des hagiographes. Du Cange ne 
s'était pas trompé lorsque, le premier, il soutint la thése que 
je me suis efforcé de mettre dans tout son jour:la splendeur 
de Wissant pendant l'époque féodale est une preuve de 
plus que cette localité, du temps des Morins, a constitué, 
sous le nom de Portus Iccius, la localité où l'on s'embar- 
quait de préférence pour se rendre dans la Grande-Bre- 
tagne: ce qui y est arrivé du XI* au XIV* siècle peut très- 
bien n'avoir été qu'une répétition de ce qui s'y passait 
avant l'ére chrétienne. Peu fréquentée pendant la méme 
période, Boulogne, par contre, doit aussi avoir été d'une 
importance secondaire dans les temps qui précédérent 
l’arrivée de Jules-César dans nos contrées. Moins que 
jamais je puis donc souscrire à l'assimilation ou, si l'on 
veut, au rapprochement que l'on s'est efforcé d'établir entre 
le Portus Iccius et Gessoriacum. 


( 170 ) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


Séance du 9 janvier 1879. 


M. PorraeLs, directeur pour 1878, occupe le fauteuil. 
M. Lracre, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. le chevalier L. de Burbure, direc- 
teur pour 1879; L. Alvin, Jos. Geefs, C.-A. Fraikin, 
Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat, J. Franck, 
Gust. De Man. Ad. Siret, J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, 
Alex. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel, G. Guffens, 
J. Schadde, membres; MM. Pinchart et J. Demannez, 
correspondants. 

M. Chalon, membre de la Classe des lettres, et M. Éd. 
Mailly, memóre de la Classe des sciences, assistent à la 
séance. 


. CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur écrit qu'il a invité le con- 
seil d'administration de l'Académie royale des beaux-arts 
d'Anvers à donner connaissance à M. J. Dillens, lauréat 
du grand concours de sculpture de 1877, des observations 
faites par la Classe sur le premier rapport semestriel de 
ce lauréat. 


EC) 

— M. Adolphe de Doss, lauréat de la Classe, fait 
hommage d’un exemplaire de sa partition réduite (piano 
et chant) de son œuvre : L’hymne de la nuit, paroles 
de Lamartine. 

M. Édouard Grégoire fait hommage d'un exemplaire de 
sa Notice bibliographique sur Francois-Joseph Gossé , dit 
Gossec, compositeur de musique, né à Vergnies, Hainaut 
(mémoire couronné en 1877 par la Société des sciences, 
des arts et des lettres de Mons). 

La Classe vote des remerciments aux auteurs de ces 
dons. 


ÉLECTIONS ET NOMINATIONS. 


M. le baron Limnander écrit que, n'étant plus domi- 
cilié en Belgique et ne pouvant, par conséquent, se rendre 
réguliérement aux séances, il se voit forcé de donner sa 
démission de membre de la section de musique. 

La Classe accepte la démission de M. Limnander et, 
conformément à l'article 9 des statuts organiques, le range 
parmi les associés de la méme section. 

Le remplacement de M. Limnander comme membre 
titulaire sera porté à l'ordre du jour de la prochaine 
séance. 


— La Classe procéde ensuite à l'élection de son direc- 
teur pour 1880. Les suffrages se portent sur M. Gallait. 

M. Portaels, directeur sortant, remercie ses confrères 
de la bienveillance dont il a été l'objet de leur part pen- 
dant la durée de son mandat. 

Il installe au fauteuil M. le chevalier de Burbure, qui 


( 172 ) 
se fait l'interpréte de la Classe en remerciant M. Portaels 
du dévovement qu'il a apporté dans l'exercice de ses fonc- 
tions de directeur. 


RAPPORTS. 


La section de musique fait connaitre son opinion sur 
les deux premiers rappports trimestriels de M. Tinel, 
lauréat du grand concours de composition musicale de 
1877. 

Cette opinion sera communiquée à M. le Ministre de 
l'Intérieur. 


— La Classe entend l'avis de la Commission nommée 
pour l'examen des requétes du Willems-Fonds, tendant à 
proposer des modifications au réglement des grands con- 
cours de composition musicale. 

Cet avis sera également communiqué à M. le Ministre 
de l'Intérieur. 


CAISSE CENTRALE DES ARTISTES. 


La Classe approuve la disposition prise par le comité 
directeur de la caisse, d'accorder à M"* veuve Hanisch, 
pour l'année actuelle, le méme subside que celui des 
années précédentes. 


( 473 ) 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Bormans (Stan.). — La geste de Guillaume d'Orange, frag- 
ments inédits du XIII* siècle. Bruxelles, 1878 ; in-8°. 

Nypels. — Commentaire du Code de procédure pénale, 
1* livraison. Bruxelles; in-8°. 

D'Hane-Steenhuyse (Ch.). — M. Barthélemy Dumortier et 
le lieutenant général d'Hane-Steenhuyse. Documents pour 
servir à l'histoire des événements de 1851. Bruxelles, 1878; 
in-8°. 

De Doss (Ad.). — L'hymne de la nuit, de Lamartine. (Parti- 
tion réduite, piano et chant). Liége; in-8°. 

Petermann (A.). — Station agricole de Gembloux (1872- 
1877), Création — Organisation — Travaux. Bruxelles, 1877 ; 
in-8°. 

Mativa (H.).—- Rapport sur les expériences faites au levant 
du Flénu sur la perforation mécanique. Paris, Londres, Liége, 
1878; in-8°. 

Becker (Léon). — Catalogue des Araehnides de Belgique, 
1" partie. Bruxelles, 1878; extr. in-8°. 

— Aranéides nouveaux pour la faune belge. Bruxelles, 1878 ; 
extr, in-8°. 

— Aranéides recueillies en Hongrie par M. de Horvath, et 
en Moldavie par M. A. Montandon. Bruxelles, 1878; extrait 
in-8°. 

— Diagnoses de quelques Aranéides nouvelles du Mexique. 
Bruxelles, 1878; extr. in-8° avec 4 pl. 

— Sur un nouveau genre d’Avicularidae. Bruxelles, 1878; 
extr. in-8*. 

— Tarentula Beckeri, Keyserling. 1878. Bruxelles, 1878; 
extr. in-8*. 


( 474 ) 

Becker (Léon.) — Quelques mots sur les travaux des arai- 
gnées. Bruxelles, 1878; extr. in-8°.. 

— La lutte pour la vie chez l'araignée. Bruxelles, 1878; 
extr. in-8°. 

— De l'amour maternel chez l'araignée. Bruxelles, 1878; 
extr. in-8°. 

— Sur l'habitation de la Cteniza Sauvagel Rossi. Bruxelles , 
1878; extr. in-8°. 

De Koninck (Luc.). — Tableau de la marche suivie au labo- 
ratoire de pharmacie de l'Université de Liége, pour la recherche 
des principaux éléments électropositifs, etc. Mons, 1878; feuille 
in-plano. 

Le Ray (Ad.). — Poésies, précédées d'une préface, ornées 
du portrait de l'auteur et de gravures hors texte. Tournai, 
1878 ; in-8*. 

Borre (Preudhomme de).— Quelques conseils aux chasseurs 
d'insectes. Bruxelles, 1878; extr. in-8*. 

— Note sur des difformités observées chez l'Abax ovalis et 
le Geotrupes Sylvaticus. Bruxelles, 1878; extr. in-8. 

— Sur l'euf et la jeune larve d'une espéce de Cyphocrania. 
Bruxelles, 1878; extr. in-8*. 

Université catholique de Louvain. — Annuaire, 4879. Lou- 
vain, in-12. 

Société scientifique de Bruxelles. — Revue des questions 
scientifiques, seconde année, 2*-4* livr. Annales, supplément 
à la 2% partie de la 27* année. Bruxelles, 1878 ; in-8°. 


ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 


Oberhess. Gesellschaft für Natur- und Heilkunde. — A7.Be- 
richt. Giessen, 1878; in-8*. 

Ferdinandeum für Tirol und Voralberg. — Zeitschrift, 
22. Heft. Innsbruck, 1878 ; in-8*. 

Verein für Erdkunde. — XV. Jahresbericht. Dresde, 1878; 
in-8°. 


( 475.) 

Schlesische Gesellschaft für vaterländische Cultur. —55. Be- 
richt. — Fortsetzung des Verzeichnisses der in den Schriften 
der Gesellschaft, von 1864 bis 1876 incl., enthaltenen Auf- 
sátze. Breslau, 1878; in-8°. 

K. Akademie der Wissenschaften in Berlin. — Abhand- 
lungen, 1877. Berlin, 1878; in-4°. 

Université de Marbourg. — Thèses inaugurales et disser- 
tations. Marbourg, 1878. 

Schlagintweit-Sakünlünski (Adolphe). — Note sur les phé- 
noménes périodiques des plantes dans les Alpes. Bruxelles, 1861; 
extr. in-8°. 

Schlagintweit-Sakünlünski (Hermann). — Ueber das Auf- 
treten von Bor-Verbindungen in Tibet. Munich, 1878; extr. 
in-8*. 


HoLLANDE ET SES COLONIES. 


Musée Teyler. — Archives, vol. IV, fasc. 2-4; vol. V, 4"° part. 
Harlem, 1878; in-8°. 

Société hollandaise des sciences à Harlem. — Archives néer- 
landaises des sciences exactes et naturelles, t. XIII, 4° et Beliv. 
— Natuurkundige verhandelingen, derde verzameling, dl. 1H, 
Harlem, 1878; 4 cah. in-8° et 4 vol. in-4°. 

Zeeuwsch Genootschap der wetenschappen. — Archief, 
1V3* deel, 4° stuk. Middelbourg, 1878; cah. in-8°. 

Maatschappij der nederlandsche letterkunde te Leiden. — 
Handelingen en mededeelingen ; levensberichten der afgestor- 
vene medeleden, 1878. — Catalogus der bibliotheek : 1*'** ge- 
deelte, handschriften ; 5% gedeelte, nederlandsch tooncel. 
Leyde 1877-1878; in-8°. 

Donders en Engelmann. — Onderzoekingen gedaan in het 
physiologisch laboratorium der utrechtsche hoogeschool , 
5% reeks, V, 2% aflevering. Utrecht, 1878; in-8°. 

Gouvernement des Indes orientales. — Die Triangulation 


( 176 ) 
von Java, 2. Abth.: die Basismessung bei Simplak, von D" Oude- 
mans, Metzger und Woldringh. La Haye, 1878; in-4°. 
Bataviaasch Genootschap van kunsten en wetenschappen. — 
Notulen van de algemeene en bestuurs-vergaderingen, dl. XVI, 
n° 4 en 2. — Tijdschrift, deel XXV, 4. — Gedenkboek 4778- 
1878. Batavia, 1878; 2 br. in-8° et vol. in-4°, 


Pays DIVERS. 


Franck (Ad.). — Philosophes modernes, étrangers et fran- 
cais. Paris, 1879; vol. in-12. 

Matton (L.-P.). — Polysecteur et polysectrices. Lyon, 1879; 
in-4°. 

Franklin Institute. — Journal devoted to science and the 
mecanic arts. Series I and Il; series HII, vol. I-LXX VI (1826- 
1878). Philadelphie, 1826-1878; 106 vol. in-8°. 

The magazine of umerican history. — January 1879; New- 
York; in-4°. 

Reale istituto venelo di scienze, lettere ed arti. — Atti, serie 
quinta, tomo III, 8-10; tomo IV, 1-9. Venise, 1878; in-8°. 

R. accademia delle scienze di Torino. — Atti, vol. XIII, 
n** 1-9. — Memorie, 2° serie, tomo XXIX. Turin, 1877-1878; 
9 cah. in-8° et 4 vol in-4°. 

Osservatorio della regia universila di Torino. — Bollettino, 
anno XII, 1877. Turin, 1878; in-4°. 


BULLETIN 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 
1879. — No 2. 


a p á 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 1** février 1879. 


M. Sras, vice-directeur, occupe le fauteuil. 
M. LraGRE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, 
H. Nyst, Melsens, F. Duprez, J.-C. Houzeau, H. Maus, 
Ern. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, 
Éd. Morren, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, 
Alp. Briart, Fr. Crépin, Éd. Mailly, J. De Tilly et F.-L Cornet, 
membres; E. Catalan, associé; Ch. Van Bambeke, G. Van der 
Mensbrugghe, M. Mourlon, correspondants. 


M. de Selys Longchamps écrit qu'une indisposition l'em- 
péche de venir diriger les travaux de la séance. 
2"* SÉRIE, TOME XLVII. 


(478) 


CORRESPONDANCE. 


— 


M. le Ministre de l'Intérieur transmet une expédition 
des arrétés royaux suivants : 1^ nommant président de 
l'Académie pour 1879, M. M.-N.-J. Leclerq , directeur de la 
Classe des lettres pour ladite année; 2? approuvant l'élec- 
tion, faite par la Classe des sciences, de MM. J. De Tilly et 
F.-L. Cornet, en qualité de membres titulaires ; 3° nommant 
M. Éd. Mailly membre du jury pour le concours quinquen- 
nal des el jues, en remplace- 
ment de M. Folie, qui n'a pas accepté ces fonctions. 


— M. le Ministre des Travaux publies fait savoir que 
l'attention de M. l'ingénieur en chef Delarge sera attirée 
sur le vœu, exprimé par la Classe, de voir continuer les 
expériences dont ce fonctionnaire a rendu compte dans sa 
note : Sur le téléphone appliqué dans le voisinage des lignes 
télégraphiques ordinaires. 

M. le Ministre ajoute qu'il fournira avec empressement 
à M. Delarge le moyen de continuer ses expériences. 


— MM. Boussingault et William Thomson accusent 
réception de leur diplóme d'associé. 


— Les établissements scientifiques ci-aprés remercient, 
pour l'envoi des publications de l'Académie : 

La section des sciences de l'Institut royal grand-ducal 
de Luxembourg; la Société anthropologique de Berlin; 
celle des sciences naturelles de Bréme ; l'Académie de 
Metz ; l'Observatoire I. et R. de Vienne ; la Société des 
sciences et la Fondation Teyler de Harlem; la Société de 
botanique d'Édimbourg, et celle de géologie de Dublin. 


(179 ) 
— La Classe accepte le dépót dans ses archives d'un 
billet cacheté portant pour titre: Sur le rapport anhar- 
monique du troisiéme ordre, par M. C. Le Paige. 


NES a HAT A sac at (loc arte do Batavia remercie 


pour la lettre de félicitation que l'Académie lui a adressée 
à l'occasion de son jubilé séculaire, célébré le 1*' juin 1878 ; 
elle offre, en méme temps, la médaille et le livre commé- 
moratifs de cette solennité. — Remerciments. 


— La Société royale d'agriculture et de botanique de 
Gand envoie le programme de sa 142* exposition horticole 
qui aura lieu les 27 et 28 juillet 1879. 


— La Classe reçoit, à titre d'hommage, les ouvrages 
suivants au sujet desquels elle vote des remerciments aux 
auteurs : 


4° Éléments d'une théorie des faisceaux, par M. F. Folie, 
in-8° ; 

2° 30 brochures in-4° et in-8° sur différents sujets scien- 
tifiques , par M. William Thomson ; 

3° Tableau de la marche suivie au laboratoire de phar- 
macie de l'Université de Liége pour la recherche des 
priu Tee Ne moponos dans une liqueur 
ique, par M. Lucien 


de Koninck, in-plano ; 

4 Note sur les phénomènes périodiques des plantes dans 
les Alpes, par M. Adolphe Sehlagintweit, 1851, broch. 
in-85; 

5° Ueber das Auftreten von Bor-Verbindungen in Tibet, 
von Hermann von Schlagintweit, broch. in-8° ; 

6° Die Knorpelzelltheilung, von W. Schleicher, broch. 
in-8°, présentée au nom de l'auteur par M. Van Bambeke. 


( 180 ) 

M. Folie, en présentant ses Éléments d'une théorie des 
faisceaux, a lu la note suivante : 

« Dans ce travail, qui a été présenté à la Société royale 
des sciences de Liége, le 11 février 1878, je développe les 
méthodes qui m'avaient fait découvrir d'abord l'extension 
des théorèmes de Pappus, Desargues , Pascal et Brianchon 
à des polygones inserits ou circonscrits aux courbes supé- 
rieures, ainsi qu'à des polyédres inscrits ou circonscrits aux 
surfaces du 2° degré, et à celles du 3° ordre ou de la 5° 
classe, et qui m'ont conduit plus récemment à la notion 
du rapport anharmonique du n° ordre , à l'expression des 
involutions d'ordre supérieur au moyen de ce nouveau 
rapport, et au principe de la théorie des faisceaux. 

» Ces théories, jointes à celles que M. Le Paige a décou- 
vertes de son côté, nous permettront d'appliquer très- 
simplement les propriétés des polygones conjugués à la 
construction d'une cubique déterminée par neuf points; 
de méme qu'elles raméneront le probléme général de la 
description d'un lieu du »* ordre à celle d'un lieu d'ordre 
inférieur. » 


— Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à 
l'examen de commissaires : 

4° Les orques observées dans les mers d'Europe, par 
M. P.-J. Van Beneden. — Commissaires : MM. Van Bam- 
beke et Candèze ; 

Note sur le sang du l( icali préalable), 
par M. Léon Frederieq. — Commissaires : MM. Schwann et 
P.-J. Van Beneden; 

9? Sur la théorie de l'inhervation respiratoire, par le 
méme. — Commissaires : MM. Van Bambeke et Félix 
Plateau ; 

4° Note sur le système stellaire 40 o? Eridani, par 


(ASF Y. 

M. L. Cruls, attaché à l'Observatoire de Rio de Janeiro. — 
Commissaire : M. Houzeau; 

5° Étude nouvelle sur les expériences de M. Melde rela- 
tives aux vibrations des cordes, par M. H. Postula. — Com- 
missaires : MM. Valerius, Duprez et Montigny ; 

6° Sur la manière de diriger les aérostats, par M. A. Van 
Weddingen, de Hasselt. — Commissaires : MM. Montigny 
et Liagre. 


RAPPORTS. 


Conformément à l'avis favorable exprimé par MM. Folie, 
De Tilly et Catalan, la Classe ordonne l'impression au 
Bulletin de la nouvelle rédaction d'un travail de M. Saltel, 
intitulé : Sur un paradoxe mathématique, et sur un carac- 
tère de décomposition dů à la présence des lignes multiples . 


— 


Microphone porte-voix avec membrane ou microphone 
discret; par M. Gérard, horloger, à Liége. 


Rapporti de M., Montigny. 


« Dans une note très-courte au sujet d’une disposition 
qu'il qualifie de microphone discret, M. Gérard propose de 
placer un microphone ordinaire au fond d’un cornet en 
carton, de 8 !/, centimètres de longueur, qui serait fermé, 
près de son ouverture la plus large, par une membrane 
mince, « afin, dit l'auteur, de rendre le microphone moins 
» reproducteur des bruits, lesquels, l'expérience le prouve, 


: ( 182 ) 
» ont la priorité sur les sons... » M. Gérard ne nous dit 
pas si cette disposition a pour objet de mettre l'instrument 
àl'abri des bruits extérieurs propagés par l'air ambiant. 
Dans ce cas, la membrane proposée serait une complication 
inutile, car il a été reconnu que les sons propagés par 
l'air sont moins intenses que ceux qui leur ont donné nais-. 
sance, l'amplification à l'aide du microphone ne se produi- 
sant réellement qu'à l'égard des vibrations transmises méca- 
niquement à l'appareil par des corps solides. Ainsi, quand 
on dispose une petite boite à musique prés de l'appareil, 
sans qu’elle soit en contact avec aucune de ses parties 
constituantes, les sons transmis à l’aide du microphone sont 
plus faibles que ceux que l'on entend prés de la boite (1). 

L'auteur ne cite aueun fait précis qui contredise les 
résultats des observations et des expériences spéciales qui 
ont été faites à ce sujet. 

Il ne peut étre question, en employant le cornet proposé 
muni de la membrane, d'amortir les vibrations étrangéres 
que la table, servant de support, pourrait transmettre à 
l'instrument. On sait que l'on détruit parfaitement les 
effets de ces sons étrangers en fixant sous la base du micro- 
phone deux tubes de caoutchouc. 

En présence de ces considérations, je suis obligé de 
demander à la Classe qu'elle veuille bien ordonner le dépôt 
de cette note aux archives. » 

Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées. 


(1) Le cd le microphone et le phonographe, par Th. Du Mon- 
cel, pp. 170 et 


( 183 ) 
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1880. 


Les sections des sciences mathématiques et physiques et 
des sciences naturelles font savoir qu'elles se sont occupées 
des questions qui pourraient étre mises au concours pour 
l'année 1880. i 

La Classe examinera ces questions lors de la prochaine 
séance et rédigera le programme susdit. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


. M. P.-J. Van Beneden donne lecture de la Note suivante : 
Sur un envoi d'ossements de cétacés fossiles de Croatie. 


« Pour connaitre l'étendue des mers d'Europe et surtout 
de la mer Noire, pendant l'époque tertiaire, il n'y a pas de 
témoins plus importants des changements survenus que 
les ossements de cétacés semés par les eaux dans les bras 
de mer, qui rayonnaient autour d'elle, et qui aujourd'hui 
sont l'emplacement de vastes champs et de grandes villes. 

Nous avons recu, cette semaine, un envoi d'ossements 
de cétacés recueillis dans les marnes, à Podused, prés 
d'Agram, en Croatie, et qui présentent, sous plus d'un 
rapport, un trés-grand intérét. Cet envoi renferme, entre 
autres, une colonne vertébrale presque entiére et, ce qui 
est surtout précieux, la base d'un crâne avec une caisse 
tympanique en place. 

En attendant que nous communiquions à la Classe le 


( 484 ) 

résultat des observations que nous aurons l’occasion de 
faire, notamment au point de vue du rapport que ces 
cétacés ont avec ceux des environs d'Anvers, nous ferons 
remarquer que ces os proviennent d'un cétacé à fanons, 
c'est-à-dire d'un animal qui ne peut vivre qu'en haute mer, 
mais qui, comme nos premiéres Baleines de la mer de 
crag, n'avaient pas plus de 15 pieds de longueur. Plusieurs 
vertébres sont parfaitement conservées, et cet envoi nous 
aidera eonsidérablement à établir les vrais rapports que 
des cétacés d'Europe avaient entre eux à la fin de l'époque 
miocéne. » 


Sur un paradoxe mathématique, el sur un nouveau carac- 
tére de décomposition dú à la présence des lignes multi- 
ples; par M. Saltel. 


— « L'ouyrier habite est celui M non-seulement 
ais sait aussi 


I. — OBJET DE CETTE COMMUNICATION. 


Au sujet de théorèmes concernant les ordres et les classes 
des eourbes planes , M. Chasles, dans une communication 
faite à l'Académie des sciences de Paris, le 9 août 1875, 
s'exprimait comme il suit : 

« Les questions où entrent des conditions de grandeur 
» de segments rectilignes, traitées jusqu'ici dans la théorie 
» des courbes, sont. extrémement rares, méme à l'égard 
» des courbes les plus simples, les sections coniques ; c'est 


85 ) 
» que, indépendamment des difficultés de calcul qu'y trou- 
» vent les méthodes analytiques, leur solution implique 
» en général la connaissance de l'ordre et de la classe des 
» courbes, et est donc inacessible à ces méthodes. » 

Ainsi, selon M. Chasles,les théorémes concernant à la 
fois les ordres et les classes des courbes planes étaient, 
jusque-là, inacessibles aux théories analytiques. 

C'est en cherchant à découvrir les causes de cette im- 
puissance que j'ai rencontré la loi de décomposition , loi 
qui m'a permis, en m'appuyant sur la méthode de corres- 
pondance analytique, de résoudre avec facilité, par une 
voie purement algébrique , le genre de problèmes en ques- 
tion. Mes recherches sur ce sujet ont été publiées, en 
grande partie, dans les Bulletins de l'Académie (*). Toute- 
fois, je m'empresse de le dire, dans ces études, où toute 
la difficulté a surtout consisté à remarquer et à déter- 
miner exactement l'influence des points multiples sur la 
décomposition de l'équation du lieu étudié, je me suis 
presque uniquement occupé des courbes planes, et n'ai 
donné que de simples indications relativement aux courbes 
gauches et aux surfaces. Cette lacune n'a pas été volon- 
taire. En cherchant naturellement à étendre mes procédés 
à toutes les figures géométriques, j'ai rencontré, au sujet 
des courbes gauches et des surfaces, de nouvelles difficultés, 
résolues de loin en loin, et dont les dernières le sont seu- 


(*) Voir aussi nos Recherches sur la Méthode de correspondance ana- 
lytique et sur la loi de décomposition. — Peut-étre conteroüs-nous quel- 

e jour comment, sans l'intervention bienveillante d'un savant géomètre , 
l'honorable député M. Laisant , ce dernier travail, que nous signalons au 
lecteur surtout à cause de la ieie el i la rigueur des raisonnements, 
aurait donné lieu à une méprise aussi profondément regrettable que plai- 
sante, 


| ( 486 ) 
lement dans les paragraphes II et IH de la présente com- 
munication. 

Enfin, grâce au travail de ce jour, j'ai pu, et ce sera là 
l'objet d'un mémoire fort étendu, coordonner un ensemble 
de résultats personnels, permettant de pousser jusqu'au 
bout la solution des problémes que je m'étais proposés, pro- 
blèmes qui, je crois pouvoir le dire, étaient absolument 
inattaquables par les autres méthodes connues. On pourra 
en juger du reste assez facilement dés aujourd'hui par les 
quelques indications données dans les paragraphes IV et V. 

Un paragraphe additionnel, le VI* et dernier, contient 
encore, comme application des considérations développées 
au début, un moyen général pour résoudre analytiquement 
toute une nouvelle classe importante de questions dont la 
solution semblait aussi devoir appartenir exclusivement au 
domaine de la géométrie; ce sont les questions où il y a 
lieu de faire intervenir plusieurs points, mobiles ou immo- 
biles, mais situés constamment sur une méme courbe ou 
surface. 


Il. — SUR UN PARADOXE MATHÉMATIQUE. 


Il arrive, dans une multitude de problèmes, que les équa- 
tions qui définissent un lieu géométrique ne s’appliquent 
pas seulement à ce lieu, mais encore à des courbes ou sur- 
faces étrangères répondant indirectement à la question. 

C’est là une circonstance bien connue qui complique 
souvent les solutions analytiques, sans toutefois les rendre 
impuissantes à résoudre les problèmes que l’on a en vue ("). 


(*) Voir nos deux Notes insérées aux Comptes rendus du 3 janvier et 
du 4 septembre de l'année 1876. 


( 187 ) 
Voici l'énoncé d'un paradoxe mathématique, non re- 
marqué, je crois, qui m'a semblé, assez longtemps, devoir 
mettre en défaut les méthodes de calcul : 


Les coordonnées de tous les points de l'espace peuvent 
vérifier les équations d'un lieu, bien que, d'aprés sa défi- 
nition géométrique, ce lieu se compose uniquement d'une 
seule ligne ou surface. — Comment, dans cette hypothèse, 
parvenir à l'équation de cette ligne ou surface? 


Par exemple, supposons que l'on demande l'équation 
du lieu des póles, pris par rapport à la sphére représentée 
par l'équation 

x + y? + RHIO, 


de tous les plans tangents d'une surface S représentée par 
l'équation 
U (x Y, 2) = 0, 
dans l'hypothése où cette surface S a une ligne multiple G. 
A priori, ce lieu comprend évidemment un nombre 
limité de nappes; cependant les équations qui le définissent 
étant : 


x y Z — R? 
aT CLR (1) 
jda | db de dt 
| U (o, b, gaor uou doncc 
ou ; 
ax +by+ ec R=0, : : + . (5) 
hse i 
(ev ww WO s... 0 
da ^ db dc : j 


TOR ue 


( 188 ) 


ou encore, en introduisant la surface étrangère z — 0, 


ar + by +- éz —R'—0, . . . . (6) 

dU dU i 

OT "TR (7) 
dU  dU 

Ve m db , . . (8) 

Uh ded 4 v rU) 


il est facile de se rendre compte que les coordonnées x, y, z 
d'un point quelconque de l'espace vérifient ce dernier 
système, c'est-à-dire que l'on peut trouver des valeurs cor- 
respondantes de (a, b, c) vérifiant les équations (6, 7, 8, 9) 
pour chaque systéme de solutions en x, y, z. Pour cela il 
suffit d'observer que si, en considérant a, b, c comme coor- 
données courantes, la surface (9) a une ligne multiple G, 
cette courbe est, comme on sait, commune aux deux sur- 
faces polaires représentées par les équations (7), (8) (‘), et 
cela quelles que soient les valeurs attribuées aux paramétres 
x, y, z; donc le plan représenté par l'équation (6) (je con- 
sidére toujours a, b, c comme coordonnées courantes) ren- 
contre nécessairement cette courbe G en un certain nombre 
de points, et cela, quelles que soient les valeurs attribuées 
à x, y, z : la particularité en question est donc démontrée. 

Voici , en outre, la méthode que je propose pour déter- 
miner, au moyen des équations (C), l'équation du lieu. 

Si entre les équations (7, 8) on élimine le paramètre c, 
il arrivera nécessairement que l'équation ainsi obtenue : 


Yi, 2,d,D) 2x04 . . . . . o 


e — 


(*) Les surfaces (7, 8) sont les deux premières polaires de deux points 
variables avec les valeurs de z, y, 2 par rapport à la surface (9). 


(.189 ) 

sera de la forme : 
Vi(a,b) x Vii 90, . . . (it) 

dans laquelle la fonction 

V, (a , b) LI Li . . LI . LI (4 2) 
égalée à zéro représentera la projection de la ligne mul- 
tiple G sur le plan des (a, b) (je considère toujours, bien 
entendu, a, b, c comme coordonnées courantes et x, y, z 


comme des parainétres arbitraires). 
Au système (C) on peut donc substituer le système : 


ät + by + z R —0,. . . . (13) 


D) Via DX Vile ye as b0, . . (14) 
W(t Aeon  . .., 110) 
CRU us t & UDI 


et, par suite, le lieu proposé peut étre détini par le sys- 
tème : 


ax + by + cz —R—0,. . .-. . (17) 
Vale y, ub) B, . ... . - . (19) 

(Di was xu b des 
(yz 405,0990,. ... - . (9) 
Vibe s. X. us 00) 


dans lequel les équations (18, 19, 20) n'ont maintenant 
qu'un nombre fini de solutions communes en a, b, c pour 
des valeurs particulières de x, y, z. 

Ajoutons que, parmi ces solutions en nombre fini il y en 
aura, si la surface a des points multiples isolés, un certain 
nombre qui seront indépendantes des valeurs attribuées à 
T, y, Z, Ce qui entraînera encore, d’après notre loi de dé- 
composition, autant de plans étrangers, dont on obtiendra 


( 490 ) 

a priori les équations en attribuant, dans la relation (17), 
aux lettres a, b, c les valeurs des coordonnées des points 
en question. 

Nota I. — Le paragraphe suivant fera connaitre une 
autre particularité du systéme (E). 

Nota II. — Le lieu plan dont on obtient l'équation en 
éliminant les paramètres a, b entre les relations 


0020, 5: * 4) 

dU dU 
NUR pius Re 9 
militat a eP a 7? 
, dU , dU ,dU " 
"ees De ==, o (1) 


est vérifié par les coordonnées x, y d'un point quelconque 
du plan, si l'on suppose que la courbe représentée par 
l'équation (1) ait un point multiple. 

Si, en effet, «, Ê sont les coordonnées d'un point mul- 
tiple de cette courbe, comme par une propriété connue, 
on à 


il en résulte que le systéme (M) est vérifié par la solution 
x, y. &, D, et cela, quelles que soient les valeurs attribuées à 
x, et y. 

Dans ce cas, pour lever l'indétermination, il suffira 
d'éliminer b entre (2) et (3) et de supprimer la fonction de 
a qui se trouvera d'elle-méme en facteur. 


( 491 ) 


III. — SUR UN NOUVEAU CARACTÈRE DE DÉCOMPOSITION 
DU A LA PRÉSENCE DES LIGNES MULTIPLES. 


Considérons la surface dont on obtient l'équation 
pt y 2) 0, . . . XM) 
en éliminant les paramétres a, 5, c entre les relations : 


punti: vs. ou TAG SSH RD 


A) Non guo 0. . ..... (9) 
[Venza DEKO. . . o (4) 
Mia dus ir vs, s 


Je me propose de démontrer ce théorème : 


Tu£onEME. — La surface (A) se décompose si, en con- 
sidérant a, b, € comme coordonnées courantes, les surfaces 
représentées par les équations (5, 4, 5) ont, quelles que 
soient les valeurs attribuées à x, y, z, un nombre k + k' 
de points communs, dont k se trouvent. constamment sur 
une courbe plane ou gauche G tracée sur la surface (5) (). 


Soit, en effet, 
Wiüshbe)émOS V dec s) (6) 


l'équation d'une surface de degré quelconque contenant la 
courbe G. 


(*) Je suppose bien entendu que les k points en question varient sur la 
courbe G avec les valeurs différentes de z, y, z, sinon le lieu (A) se décom- 
poserait en vertu méme de notre premiére /oi de décomposition. 


( 192 ) 


Imaginons le lieu auxiliaire (B) défini par les équations: 


USA SS o. O 

(B) Va (d.a £0,0,4) m oe oa. . V. (8) 
MERDE 99, su. 
Wales bit)-s 0p ou o0$4 7019-09) 


obtenues en remplacant dans (A) l'équation (5) par l'équa- 
tion (6). 

Coupons les lieux (A) et (B) par la sécante ayant pour 
équation : 


où l'on suppose p, q, r arbitraires. 

Les distances, comptées à partir de l'origine des coor- 
données, des points communs à cette sécante et à ces deux 
lieux seront respectivement données par les solutions 
finies en p communes aux relations (A') et B): 


| U(pp; ge, rp, a, b,c)= 0, ^... . . (4M) 
"uit Vip; ip Y a,b; 0) 50, 5... (12) 
Vape, qo rp, a, b, 0) 0, . . . . (05 

| Wabo- . o» ax 
Ulpe, ge, 76,0, b, c) — 0, . . . . (15) 
el M V.(pege Toe 4,05, — 0, .. . . . (16) 
e). spes qp, rp ab e) 0, + . o. + (17) 
A 21V 72209) 


L'hypothése étant que les surfaces représentées par les 
équations (12, 13) ou (16, 17) se coupent, quelles que 
soient les valeurs attribuées à pp, qp, rp, en k points situés 


( 195 ) 

sur la courbe G, il en résulte que si on résolvait les deux 
systèmes d'équations (12, 15, 14) et (16, 17, 18) par rap- 
port aux inconnues a, 5, c, on obtiendrait k solutions com- 
munes à ces systèmes. Donc chacune de ces k solutions 
substituées respectivement dans les équations (11) et (15) 
conduirait à deux équations en p, d'un certain degré m, 
qui seraient identiquement les mémes. Cette circonstance 
prouve évidemment que les deux lieux différents (A) et (B) 
sont rencontrés par une droite arbitraire en m.k points 
communs; donc ces deux lieux ont nécessairement en 
commun une surface d'ordre m.k, ce qui prouve bien 
qu'ils se décomposent. 

ExEmPLE. — On a un exemple intéressant de la singu- 
larité que je viens de signaler en considérant la surface 
définie par le systéme (E) du paragraphe II. Voici comment 
on peut s'en rendre compte : 

On sait que les premiéres polaires de deux points quel- 
conques d'une surface affectée d'une ligne multiple G, con- 
tiennent toutes les deux cette ligne multiple. Donc l'inter- 
section de deux premiéres polaires quelconques se compose 
de G et d'une courbe complémentaire H qui rencontre , en 
général, la courbe G en un certain nombre k de points qui 
sont tous variables à moins que cette courbe G n'ait des 
points multiples isolés. 

La courbe complémentaire H étant ici représentée par 
les équations (18, 19), il en résulte bien que le systéme (E) 
vérifie les conditions exigées. 

REMARQUE I. — Il est trés-important d'observer que, de 
l'ensemble des raisonnements qui précédent résulte, en 
partieulier, la démonstration de ce théoréme si connu, 
dont on n'avait pas de démonstration analytique : 

Tu£onkwE. — L'ordre de la surface polaire réciproque 

27° SÉRIE, TOME XLVII. 15 


( 194) 
d'une surface donnée, affectée de points et de lignes mul- 
Liples, est égal au nombre des points simples que cette sur- 
face a en commun avec les premiéres polaires de deux 
points quelconques. 

REMARQUE ll. — Le caractère de décomposition que 
nous venons de signaler dans ce troisiéme paragraphe peut 
évidemment être généralisé. 

, REMARQUE TI. — Les raisonnements du second para- 
graphe mettent en évidence cet autre caractére de décom- 
position : 

THÉORÈME. — L'équation de la surface définie par les 
relations : 


VB AMD 0) es 0 inu ui (1) 
(A) Ve (x, Y; Z, a, b, ey 0, . LZ * , . (2) 
U, (x; y; Z, 4, b, c) = 0, SOTE O MEI (5) 


U,(x*9,2,4,50)-—0, . . + - - (A) 


se décompose, s'il arrive qu'en considérant les paramètres 
variables a, b, € comme coordonnées courantes, les deux 
surfaces représentées par les équations (1, 9) contiennent , 
quelles que soient les valeurs allribuées à X, y, Z, une 
méme courbe G, non contenue dans les surfaces représentées 
par les équations (3) et (4). 
DÉMONSTRATION. — On peut, en effet, dans ce cas, 
comme nous l'avons vu, substituer au systéme (A) un 
système de la forme : 
Vi (ay b) X Vi (x, y, z, a, b) = 0, 
Vi (1,952, a; b, 0) — 0, 
U,(z, y, z, a, b, c) — 0, 

| U,(x, 9,2,9, b, €) sa 0; 


dans lequel la fonction V', (a, b) égalée à zéro représente 


COGN 


( 495 ) 
la projection de la courbe G sur le plan des (a, 5): 
Or, ce dernier systéme se décompose évidemment en 
deux. C. Q. F. D. 


IV. — NOUVELLE MÉTHODE POUR METTRE EN ÉVIDENCE 
L'INFLUENCE DES POINTS ET DES LIGNES MULTIPLES 
SUR LA DÉCOMPOSITION DES LIEUX GÉOMÉTRIQUES. 


On peut encore, dans certains cas particuliers, par une 
méthode plus simple que celle que nous venons d'exposer, 
mettre en évidence l'influence des points et des lignes 
multiples sur la décomposition des lieux géométriques. 

Je me bornerai à développer cette nouvelle méthode 
sur deux cas particuliers. 


PREMIER PROBLÈME, 


Considérons de nouveau la surface dont on obtient 
l'équation en éliminant les paramètres a, b, c entre les 
relations : 


ax +by+cz—R=0, . . . : (1) 

dU dU | 
í "we Cue es (93) 
is dU dU 5) 
XB y is 3 T kr EA (5 
Ülabr)seU e a . IN 


et supposons toujours, en considérant a, b, c comme coor- 
données courantes, que la surface représentée par l'équa- 
tion (4) ait des lignes multiples et des points multiples 
isolés. Supposons encore que . 


md 1... 1 
soit l'équation d'une surface auxiliaire de degré qud 
assujettie seulement à avoir lés mémes lignes multiples 


( 195 ) 
et les mémes points multiples que la surface représentée 
par l'équation (4). 
Imaginons le lieu auxiliaire (B) défini parles équations : 


Gz--by--c2— R'—0,. . . . . (6) 
S aud. (oS TE ETE. (7) 
(B) dc da 
SE a " 
d Sie deis acne) 9r à 
VUT M . . xou ond 


obtenues en remplacant dans (A) l'équation (4) par l'équa- 
tion (5). 
Coupons toujours les lieux (A) et (B) par la sécante : 


—esriftaacoep o. . . ,. « (10) 


on aura à chercher le nombre des solutions finies en p 
vérifiant respectivement les deux systèmes : 


e(pa-- qa + za) — 8'—0,. . . . (44) 
dU 
prm 12 
Lig iem aros (12) 
(4) 

Js. dU 43) 

Ho TA 
U(a, b, c) — 0; "OPES eus S NUN ORI SESS (44) 
plpa + qa + ra) — R? —0,. . . . (15) 


.. dU dU 
PUE 
(B) dU dU 
id dt. 

VA e) e ane 60 09) 


(397 ) 
ou bien, en supprimant la solution p = O qui correspond 
à la surface étrangére introduite z — 0, on a les deux 
systèmes : 


p (pa + qa + ra) — R—0,. . . . (19) 
U dU 
ij duct: em temm ii Se (20) 
(A") dU du F 
"E à 40v 8 o d'une 
Bebo... . ..9 
p(pa +- qa + ra) — R5 — 0, . . . (23) 
nog for . X M) 
B") dc da 
GA dU du (25) 
q d gy * " Ə 
VACHA D . 117 M9 


Or, en considérant a, b, c comme coordonnées cou- 
rantes, l'inspection de ces derniers systèmes montre : 

1° Que les nombres demandés résultent de la considé- 
ration des points communs aux surfaces représentées par 
les équations (20, 21, 22), (24, 95, 26); 

2» Que «, B, y étant les coordonnées d'un point mul- 
tiple commun aux surfaces (22) et (26), ces coordonnées 
vérifient, quelles que soient les valeurs de p. q, r, les équa- 
tions (20, 21, 22), (24, 95, 96); 

Donc il n'y a que les points simples communs aux sur- 
faces représentées par les équations (20, 21, 22) (24, 25, 
26) dont les coordonnées substituées dans les équations 
(19) et (25) donnent des valeurs généralement différefites, 
avec les valeurs particuliéres attribuées à p, q, r, pour les 
valeurs correspondantes de p; 


( 498 ) 


De là cette conclusion : 


Les deux lieux différents (A) et (B) comprennent des 
nappes communes, C'est-à-dire qu'ils se décomposent, et 
les degrés des surfaces non communes sont respectivement 
égaux aux nombres des points simples communs aux sur- 


faces (20, 21, 22) et (24, 25, 26). 


Nota. — Il est bon d'observer que si l'on voulait trouver 
effectivement les solutions finies en p non communes aux 
systèmes (A") et (B"), on devrait, conformément à ce qui 
a été dit dans le paragraphe I, en vue de lever l'indéter- 
mination résultant du nombre infini de solutions com- 
munes, éliminer préalablement le paramétre c entre les 
équations (20, 21), (24, 25) et supprimer les fonctions 
de (a, b) qui se trouveraient d'elles-mémes en facteur. 


SECOND PROBLÈME. 


Trouver le degré de la surfacé engendrée par les tan- 
gentes doubles inflexionnelles d'une surface donnée ayant 
pour équation : 


SESS nor U 


dans l'hypothése où cette surface a des points et des lignes 
multiples. 

Si l'on se rappelle que les tangentes inflexionnelles d'une 
surface rencontrent cette surface en quatre points consé- 
cutifs, on trouve immédiatement que le probléme est 
défini par les équations, où l’on considère a, b, c comme 


dU UT aU : 
bie CE @) 
RC qu den io 
(ANA da D Fear 5) 


( :dU nau nau E 
iue apte 
He 5,0 -0;.. decis. cs 


où, par convention, on suppose que, dans les développe- 
ments du carré et du cube du premier membre des équa- 
tions (5) et (4), l'on remplace les puissances des dérivés par 
des dérivations de méme ordre. Par exemple, on devra 
remplacer LE par 
: Supposons que 


sU 

datdb 

Vi ue, . ds. 114. S (0 
soit l Ted d'une surface auxiliaire de degré quelconque - 
assujettie seulement à avoir les mémes points et lignes 


multiples que la surface (1). 
Imaginons le lieu auxiliaire (B) défini par les équations : 


| adag : +2 + T0 stes D 

| d oT m toe nmt 
di'-a “A x Eus 
s aul hsc nlt aa 
aut ratius z (8) 


(m.m, um, 
f dac dk de cdi 


| ND 0  . . .. .uu 


obtenues en remplaçant donc (A) l'équation (5) par l'équa- 
tion (6). 


( 200 ) 
Coupons toujours les lieux (A) et (B) par la sécante : 
8. yi 
ZU tea: 7... V. HE 
"opta c! ( 
on aura à chercher le nombre des solutions finies en p 
vérifiant les deux systèmes : 


dU dU dU) dU 
€ — ~- — = | M3 
Gatti thi "n 0, (12) 


dU dU dU dU 
(A) (pe he 2" = 20,. . (15) 


(re Far xs TT = (44) 
em needy o0 5]) 

dU dU dU| dU 
BAN —=0,. . (46 
(r5 1 jer ; (16) 


Sas dU dU  dU\° 


es. rie s nonu 

V (à, e) 5 iii lenest,c 719) 

ou bien les deux systèmes équivalents, obtenus en tirant 

les valeurs de p des équations (12) et (16) pour les substi- 
tuer dans les équations (15, 14), (17, 18). 

Pour abréger nous écrirons ces derniers systémes sous 


la forme : 
dU dU dU\ dU 
"um — ie 0, . : (20 
(Vac da tna dt E 
(A") Fipra 5e)8-0, . ss. 0U 
F(pqr.abe)-—0,. . . . (22) 
Uis bos ss s c og (25) 


( 201 ) 


| , 4U dU r$) acc 4 
dup Las duh orco 09 


dt 
(B") F, (p, q,7,9,5,0)—0, . . . . (95) 
4760, Des: 7, (20) 
DÉC 009-0; Ne EU DOME à ri) 


ce qui montre déjà, en considérant a, b, c comme coor- 
données courantes, que les nombres demandés résultent de 
la considération des points communs aux surfaces repré- 
sentées par les équations (21, 22, 25), (25, 26, 27). 

On voit de plus, sans peine, qu'il n'y a que les points 
simples communs aux deux groupes de surfaces repré- 
sentées par les équations (21, 22, 25), (25, 26, 27), dont 
les coordonnées substituées dans les équations (20 et 24) 
donnent des valeurs généralement différentes, avec les 
valeurs particulières de p, q, r, pour les valeurs correspon- 
dantes de p; de là cette conclusion : 

Les deux lieux différents (A) et (B) comprennent des 
nappes communes, c'est-à-dire qu'ils se décomposent , et 
les degrés des surfaces non communes sont respectivement 
égaux aux nombres des points simples communs aux sur- 


faces (21, 99, 23), (25, 96, 27). 
NOUVELLES APPLICATIONS. 


Voici une série d’autres problèmes qui se résolvent par 
la seconde méthode que nous venons d'exposer, et qui 
tous présentent encore cette particularité remarquable que 
leur solution dépend de la détermination des points simples 
communs à trois surfaces qui ont déjà en commun un cer- 
tain nombre de points et de lignes multiples. On juge par 
là à nouveau de l'importance de ce dernier problème traité 


( 202 ) 
à un point de vue spécial, celui oü les lignes multiples 
naissent seulement par suite de la présence des points 
multiples, dans le chapitre II de notre Mémoire sur de 
nouvelles lois générales qui régissent les surfaces à points 
singuliers. 


PROBLÈME l. — Trouver le degré de la surface engendrée 
par les tangentes inflexionnelles d'une surface U, aux 
différents points de son intersection avec une surface Y, 
dans l'hypothése où ces surfaces ont des points et des lignes 
multiples. 


PROBLÈME lI. — Trouver le degré de la développable 
qui touche une surface U le long de son intersection avec 
une surface V, dans l'hypothése où ces surfaces ont des 
points et des lignes multiples. 


PROBLÈME III. — Trouver le degré de l'enveloppe d'une 
sphére de rayon constant dont le centre décrit une surface 
donnée, dans l'hypothése où cette Lapi à des points et 
des lignes multiples. 


PROBLÈME IV. — Trouver le degré du lieu du centre 
d'une sphère de rayon constant qui touche une surface 
donnée, dans le cas où celte surface a des points et des 
lignes multiples. 


PROBLÈME V. — Trouver le degré de la surface podaire 
d'une surface, dans l'hypothèse où cette surface a des points 
et des lignes multiples. 


Nota. — Indépendamment des indications données dans 
le présent travail , pour résoudre la plupart de ces derniers 


( 203 ) 
problémes, on devra faire usage de notre méthode de cor- 
respondance analytique () et de nos théorèmes généraux 
sur la décomposition des enveloppes, théorémes insérés 
aux Comptes rendus du 18 septembre et du 15 novembre 
1876, et dans les Bulletins de l'Académie ( mois d'octo- 
bre 1876 et mois de janvier 1877). 


V. — NOTE SUR L'APPLICATION DU PRINCIPE DE CORRESPONDANCE 
ANALYTIQUE. 


Dans l'application du Principe de correspondance ana- 
lytique, notamment dans l'application de ce Principe à la 
solution de plusieurs des problémes que nous venons de 
signaler, il y a lieu d'user souvent d'un expédient simpli- 
fiant singuliérement la question à résoudre qui est en 
définitive toujours la suivante : 


PROBLÈME. — La variable p, étant parue algébrique de 
la variable p,, on considère le rapport 23 =—=p',; on demande, 
pour Pi infini: 4° le nombre des valeurs nulles du rap- 
port 955 2° le nombre des valeurs finies non nulles de ce 
méme rapport. 


(*) Par là nous entendons , on le sait, l'application, à des questions de 
géométrie définies‘ par des équations algébriques , du Principe de corres- 
pondance analytique et du Principe de correspoudance géométrique entre 
k séries de points. Ajoutons que les développements généraux que com- 
portait la mise en. œuvre de cette méthode, où l'on se borne constamment 
pour ainsi dire, et c'est peut-être là son caractère le plus précieux, 
à regarder les équations , ont été surtout exposés dans les Bulletins de 
l'Académie (mois d'aoüt 1876) et dans les Comptes rendus, années 1875 
et suivantes. 


( 204 ) 

Voici en quoi consiste cet expédient : 

On détermine au préalable : 

4° Le nombre 0 des valeurs finies de p, qui corres- 
pondent à une valeur arbitraire finie de p,, ce qui montre 
que le rapport — p'a, pour une valeur donnée de o,, 
a 0 valeurs; 

2 Le nombre W des valeurs finies de p, qui corres- 
pondent à p, infini, ce qui montre évidemment que le 
rapport p'2, pour p, infini , posséde au moins W valeurs 
nulles. 

Cela fait, s'il arrive, et cela se présente, en effet, trés- 
fréquemment, que l'on puisse prouver qu'il y a au moins 
À valeurs finies non nulles du rapport limite p'4, À étant 
déterminé par la relation : 


1=0— W, 


on est évidemment en droit d'affirmer que , pour p, infini, 
le rapport p's a exactement : 


4° W valeurs nulles; 
2° € — W valeurs non nulles. 


En voici un exemple: 


PROBLÈME. — On a le système de sept équations : 


| pi- Ni (£n y) Pm, y) =0, . . + (1) 

Mi (ny) = 0; . . . (2 

pa © No (Za, Ya) + P: (£a, y) —0, . . : (5) 

(A) Ma (£a y) = 0, (4) 
Ni (ri y) + P5(2z5, 2) — 0, . . . (9) 
M,(xsy,)—0, . . . (6) 


| f(x» Yis Las as T5, ys) m0. . nt (7) 


( 205 ) 

dans lesquelles : 1° les fonctions (N4, No, N;) représentent 
respectivement les fonctions les plus générales des degrés 
m,—1,m,—1, m5 —1 par rapport aux huit inconnues 
Pas Pas Xas Yrs X2, Vas X5, Yos 2° les fonctions (P4, My), 
(P5, M), (P5, M;) représentent respectivement les fonctions : 
les plus générales des degrés m,, m,, m; par rapport à ces 
mêmes inconnues; 3° la fonction (f) représente la fonction 
la plus générale du degré p. toujours par rapport aux 
mêmes lettres. On demande le nombre des valeurs nulles 
et non nulles finies du rapport? — p'a, pour p, infini. 

Lorqu'on donne à p, une valeur particuliére, les équa- 
tions (1, 2), (5, 6), (7, 4) donnent m,? m?; mu solutions 
en (24, Yis X», Ya Lx Yz); done, à cause de l'équation (3), 

na 


© = mimi mp. 
Si l'on fait p, infini, le système (A) se réduisant a : 
| N, (zi, UA = 0, * . . (8) 
; M, (x4, Ya) E 0, E 0e (9) 
ga* Ns (xs, Ya) + Pa (xs, ys) = 0, . . (40) 
(B) M, (Xs, 3s) == 0, . E . (1 1) 
N; (xs, Ys) + Pi (ts y) = 0, . . . (12) 
M; (4s, y; —0, M A (45) 
| f (xs 31) X2, 3/25 X5; ys) 20, .,. . .. 4) 
donne évidemment : 
W = m (m, — 4) mi miu. 
Pour obtenir le nombre 2, observons d'abord que si l'on 
représente par (N', , P'j, M'j), (N'a, P'a, M'a), (N'5, P's, M'5), 
(') l'ensemble des termes du degré le plus élevé des fonc- 


( 206 ) 
tions (N4, Pa, M), (Ns, Po, M5), (N5, P5, M3), (f) les valeurs 
finies de p',, pour p, infini, tant nulles que non nulles, 
sont déterminées par les équations : 


N (xi, y) + Pix y)290, . . . (15) 

Nux de 0 . . . H6 

e Ni (ca p) Pom ua) — 0, . . . (47) 

(^) (0) M; (24, y) = 0.: . . : (18) 


Pi (£y) =0, . . . (19) 
| M; (x; y)—=0, . . . (20) 
f^ (x yo ms yars) = s. - (21) 
Or on à évidemment : 
4° m, valeurs non nulles et m, (m, — 1) valeurs nulles 
. de (zi, y); 

2» mj valeurs nulles de (x;, y;). 

Mais une solution non nulle en (x'1, 4'4), combinée avec 
une solution nulle en (x';, y';) donne, d’après (18, 21), m»: 
solutions non nulles en (x's, y'a); done, à cause de l'équa- 
tion (17), on a, pour chaque combinaison, map. solutions 
correspondantes non nulles et finies de p'4; donc le nombre 
des solutions finies non nulles de p', est au moins égal à 


)— mhi M mp, 


et comme on a bien ici 
A—0— W, 


(*) On obtient ce système : 1° en remplaçant dans (A) les lettres Ti, Yı» 
Ts, Vas Tg; Ya PAT Pad’, Q4 as G5, Ca a Pa's, QU s Ct en observant que 
dans le système ainsi obtenu à une méme valeur de o, correspondent les 
mémes valeurs de p, que dans le système (A); 2° en faisant p, infini et 
posant limite de a Lp. 


( 207 ) 
il en résulte que l'on a exactement : 


-4° m, (m, — 1) m3 mœ valeurs nulles de p3; 
2° m,mi mp valeurs non nulles. 


Nota I. — Aucune des valeurs finies non nulles de p'2 
n'est égale à l'unité (*), sinon les sept équations (C), où l'on 
fait p', = 1, auraient une solution commune par rapport 
aux six inconnues (x^, y'4, X'a, Y'a X' 5, y'5). 

Nota II. — Lorsqu'il s'agit de déterminer les valeurs 
nulles et non nulles mais finies du rapport » = p'a, pour 
o, nul, on simplifie également souvent la. question en 
observant : 

1* Que si à la valeur nulle de p, correspondent k va- 
leurs finies de p», il y a au moins k valeurs infinies de o',; 

2? Que si à une valeur arbitraire finie de p, corres- 
pondent À valeurs nulles de pa, il y a au moins / valeurs 
nulles de p'2. 


VI. — NOUVELLES APPLICATIONS DES CONSIDÉRATIONS 
DÉVELOPPÉES DANS LE PARAGRAPHE I. 


L'idée d'éliminer une ou plusieurs variables entre des 
équations données, en vue de faire naitre des facteurs afin 
de lever l'indétermination résultant du nombre infini de 
solutions communes, m'a conduit à une méthode simple 
pour résoudre une foule (7) de problèmes importants. 


(*) Dans une communication spéciale, nous dirons comment on doit 
compléter l'énoncé du Principe de correspondance analytique, lorsque 
l'une des valeurs limites du rapport p’, est égale à l'unité 

(**) On en trouvera surtout de nombreuses applications dans ùn travail 
qui sera intitulé : Recherches des singularités n et lignes "——— 
classe, points d'inflexions, tangentes doubles, etc., d'un lieu défini par 
équations algébriques contenant k — 1 pres arbitraires. 


( 208 ) 

Je suppose, par exemple, qu'il s'agisse de déterminer 
dans une surface le lieu X des points de contact des plans 
tangents doubles. 

On désignera par (xi, y4, zi), (X2, Y2, Z2) les coordonnées 
de deux points répondant à la question; on exprimera 
que les plans tangents en ces points coincident et l'on 
obtiendra de la sorte cinq équations à six inconnues : 


FEED... o) 

Tin. Meta Die esr) 
(A) À Fi (zi, Jo Zu Tes Ya 2?) — 0, (5) 
Fs (£i Vas Zi La Yes 2) 50, + o (9 

Fs (zi, Yi Zis Xo, Ya, Za) = 0, (3) 


qui se réduiront nécessairement à une seule pour (x; = 2x; 
Yı — Y2, 74 = Zə), attendu que, dans cette hypothèse, les 
deux premiéres sont identiquement les mémes et les autres 
devront se réduire à des identités. 

Pour lever l'indétermination, on éliminera d'abord y4, Z1, 
Ya, z entre ces équations, c'est-à-dire que l'on remplacera 
le systéme (A) par un systéme équivalent de la forme : 


U (zs Vas £s X69» 2) 0, 7. . . (6) 

U (ns, yu Zu Ya 2) 0, . . . . (7) 

GU Dm mme) 7... (8) 

: U (x5 js £5 £5 Ye 5) 60, . . . . (9) 
U; (£a 2a) =0, , . . . (10) 


Dans ce nouveau systéme le premier membre de l'équa- 
tion (10) sera nécessairement divisible un certain nombre 
de fois par le facteur x, — x,; on effectuera cette divi- 
sion et l'on déduira de ces nouvelles équations un systéme 
équivalent (C) dont l'une des équations ne devra contenir 


( 209 ) 
que y, et ya; on divisera le premier nombre de cette dite 
équation autant de fois que possible par le facteur y, — y» 
et puis l'on transformera encore ce systéme en un systéme 
équivalent de la forme : 


l Vi (24, Yn Zi» Xa Yar 231) s + + (04) 

Va (au yu Zo. £n 34523) — 0, + - (12) 

(D)4 Va (£i go Z5 a Ya, 2) — 05. + - . (15) 
Vs (rs Ji Z5 En Yn 2) = 0, + +. - (404) 
Vs(am)= 0 . . . . (15) 


On obtiendra enfin les équations de la courbe X en élé- 
minant 3, Yə, Za entre ces cinq dernières équations, aprés 
avoir eu soin toutefois de débarrasser au préalable le pre- 
mier membre de l'équation (15) du facteur z, — za. 

Nota I. — M est très-important d'observer, surtout si 
l'on a seulement en vue de déterminer le degré de la 
courbe X, que si 


£m €x)... s.c. 9) 


représente l'équation (10) dont on a débarrassé le premier 
membre du facteur z,— xa, la courbe W représentée par 
les équations (6, 7, 8, 9, 16) se compose du lieu X plus de 
la courbe étrangère 0 définie par 


(E) f(x, ys, nies 

e (xo x) = 0, 

c'est-à-dire par l'équation de la surface et par l'équation 

obtenue en faisant x, — x, dans (16); le degré de X est 

donc égal au degré de W diminué de celui de 0. Cette 

simple remarque permet d'obtenir immédiatement le degré 
9"* SÉRIE, TOME XLVII. 14 


( 210 ) 
de la courbe X dans toute surface d'ordre m ayant une 
équation de la forme : 


F (x) + By" + ez” — 0. 


Nota IT. — On pourra obtenir par le méme procédé les 
plans tangents triples d'une surface, et, en général, on 
pourra résoudre de la sorte tous les problémes oü plu- 
sieurs points d'une méme courbe ou surface jouent un 
certain róle. 


RECTIFICATION. 


Dans le travail sur la classification arguesienne des 
courbes gauches algébriques, inséré aux Bulletins du mois 
de juillet 1878, une pensée de Fontenelle, citée de mé- 
moire, a été mal reproduite, La voici textuellement : 

« Un géomètre ne doit pas être moins glorieux d'avoir 
» donné son nom à une courbe, qu'un prince d'avoir donné 
» le sien à une ville. » 


( 214 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du 3 février 1879. 


M. LEcLEncQ, directeur de la Classe et président de 
l'Académie. 
M. LiacRE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, 
P. De Decker, Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, 
R. Chalon, Th. Juste, Alph. Wauters, Conscience, Alph. 
Le Roy, A. Wagener, P. Willems, Edm. Poullet et G. Rolin- 
Jaequemyns , membres ; J. Nolet de Brauwere Van Stee- 
land, Aug. Scheler, Alph. Rivier, Eg. Arntz, associés; Stan. 
Bormans et Ch. Piot, correspondants. 

M. L. Alvin, membre de la Classe des beaux-arts, assiste 
à la séance. 


———— 
MM 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur transmet une expédition de 
l'arrété royal du 14 janvier qui nomme président de l'Aca- 
démie, pour l'année 1879, M. M.-N.-J. Leclereq, directeur 
de la Classe des lettres pour ladite année. 


— Le méme haut fonctionnaire envoie, pour la biblio- 


( 212 ) 
théque de l'Académie, un exemplaire des ouvrages sui- 
vants : 4° Cartulaire de l'église Saint-Paul de Liège, 
vol. in-8'; 2 Inventaire des archives de Courtrai, par 
M. Mussely, 2 vol. in-8*; 3° Poésies, par M. Adolphe Le 
Ray, vol. in-8*. — Remerciments. 

La Classe reçoit, à titre d'hommage, les ouvrages sui- 
vants au sujet desquels elle vote des remerciments aux 
auteurs : 

4° Les Finances publiques; discours prononcé par 
M. Ch. Faider, procureur général, à l'audience de rentrée 
de Ja Cour de cassation, le 15 octobre 1878, brochure grand 


> à 

9» Cornelii Taciti annalium ab excessu divi Augusti, 
liber I. Nouvelle édition avec une introduction , des som- 
maires et des notes en francais, par M. A. Wagener; 
vol. in-12; 

5° Philosophes modernes étrangers et francais, par 
Ad. Franck, associé de la Classe; vol. in-8°; 

4 Gazelle archéologique, 5° livr. de 1878, par MM. J. de 
Witte et Fr. Lenormant, associé, cah. in-4°; 

5° Notice historique sur la vie et les travaux de 
M. Charles Lenormant, par M. H. Wallon, cahier in-#, 
présenté au nom de la veuve du défunt par M. le baron de 
Witte. 


— Les établissements littéraires ci-aprés remercient 
pour l'envoi des publications académiques : 

La Société desantiquaires de Picardie, à Amiens, et celle 
de géographie de Lyon ; l'Université d'léna; les Sociétés 
historique de Kiel, et d'art et d'antiquités de Ulm ; The Public 
Record Office of London. 


( 243 ) 

— La Classe renvoie à l'examen de MM. le baron Kervyn 
de Lettenhove, Bormans et Le Roy un travail manuscrit 
de M. Ch. Potvin, intitulé : Une énigme littéraire. Quel est 
l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de boneurté ? 

M. Wagener examinera une note de M. de Ceuleneer sur 
deux vases archaïques d’Agrigente. 


ÉLECTIONS. 


Conformément à l'article 12 de son règlement intérieur, 
la Classe procéde à l'élection du comité de trois membres 
qui sera chargé, conjointement avec le bureau, de présenter 
une liste de candidats pour les places vacantes. 


RÉSULTATS DU CONCOURS POUR 1879. 


— 


Deux mémoires ont été reçus en réponse à la première 
question sur la propagande des encyclopédistes francais 
dans la principauté de Liége, à la fin du XVIIF siècle. 


Le premier porte pour devise : En majeure partie les 
hommes ne savent ni remonter ni redescendre le cours des 
idées, ils se contentent de les voir passer comme l'eau, et 
se moquent volontiers de ceux qui leur disent qu'en nais- 
sant cette eau fut une goulte et qu'à son terme elle sera un 
torrent. Auc. Cocurw. 


( 944 ) 
Le second a pour devise : Sous la constitution la plus 
libre, un peuple ignorant est toujours esclave. 
CONDORCET. 


Commissaires : MM. Le Roy, Piot et Wauters. 


Deux mémoires ont été reçus en réponse à la deuxième 
question : Sur Jacqueline de Bavière. 


Le premier, en français, porte pour devise : Quid laboro 
nisi ut veritas in omni questione explicetur. 
CicÉRON. 


Le second, en flamand, a comme devise les vers sui- 
vants : 
« Doulce est la peine 
» Quand elle amaine 
» Aprés torment 
» Contentement (1590). » 


Commissaires : MM. Wauters, Poullet et le baron Kervyn 
de Lettenhove. 


( 245 ) 


CLASSE DES. BEAUX-ARTS. 


Séance du 6 février 1879. 


M. le chevalier L. ne BunBuRE, directeur. 
M. LiacnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. L. Gallait, vice-directeur; L. Alvin, 
J. Geefs, C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, 
Alph. Balat, J. Franck, Gust. De Man, Ernest Slingeneyer, 
A. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel,G. Guffens, J. Schadde, 
membres ; MM. Pinchart et J. Demannez , correspondants. 

MM. R. Chalon, membre de la Classe des lettres , et 
Éd. Mailly, membre de la Classe des sciences, assistent à la 
séance. 


M. Gallait, invité par M. de Burbure à venir prendre 
place au bureau, en qualité de vice-directeur pour l'année 
actuelle, remercie ses confréres du témoignage de sympa- 
thie qu'ils lui ont donné par leurs suffrages. 

« Je ne me dissimule pas, dit-il, l'importance de ma tàche 
en 1880. Je compte sur votre concours loyal, désintéressé 
et intelligent pour bien la remplir et pour faire en sorte 
que l’Académie exerce l'influence voulue au dehors comme 
au dedans. » 


| 


(216) 
CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l’Intérieur envoie une expédition de 
l'arrété royal du 14 janvier dernier nommant président de 
l'Académie, pour l'année 1879, M. M.-N.-J. Leclercq, 
directeur de la classe des lettres pour ladite année. 


— Le méme haut fonctionnaire transmet une copie: 

1* De son arrété du 51 décembre dernier conférant à 
M. De Jans, en sa qualité de lauréat du grand concours de 
peinture de 1878, la pension de voyage de 5,000 francs; 

2 Du deuxième rapport semestriel du sieur Julien 
Dillens, lauréat du grand concours de sculpture de 1877, 
et du onzième et dernier rapport semestriel du sieur 
J. Cuypers, lauréat du méme concours en 1872. — Renvoi 
à MM. J. Geefs et Fraikin; 

5° Du sixième rapport semestriel (accompagné de douze 
dessins à la plume ou au crayon) du sieur F. Lauwers, 
lauréat du grand concours de gravure de 1874. — Renvoi 
à MM. Franck, Leclercq, Demannez et Pinchart. 


— M. Donaldson, associé de la section d'architecture, 
remercie pour l'envoi des derniéres publications acadé- 
miques. 


— La Kunst-Verein, de Hambourg, transmet la circu- 
laire relative à son exposition d'aquarelles et de dessins 
qui aura lieu en cette ville, du 18 mars jusqu'au 4 mai 
prochain. 


(244 ) 

— M. P. Trabaud, de Marseille, adresse, à titre d'hom- 
mage, un exemplaire de son livre en deux volumes : Esthé- 
tique et archéologie, et annonce le prochain envoi de son 
ouvrage intitulé : Outre-Manche. — Remerciments. 


ÉLECTION. 


M. le directeur annonce que la section de musique s'est 
occupée, de concert avec le bureau, de présenter deux can- 
didats pour la place de membre titulaire vacante dans cette 
section. La liste de ces candidats sera imprimée et dis- 
tribuée aux membres avant la prochaine séance, dans 
laquelle aura lieu la discussion des titres des artistes pré- 
sentés, ainsi que l'inscription éventuelle de nouvelles can- 
didatures. 


m—— 
pe) 


CAISSE CENTRALE DES ARTISTES, 


M. Alvin, trésorier du comité directeur de la caisse, pré- 
sente la situation financière de cette institution pendant 
l’année 1878. 

Cet état des recettes et dépenses sera annexé au rapport 
que M. Fétis, secrétaire du comité, présentera lors de la 
prochaine séance de la Classe et qui figurera ensuite au 
Moniteur. 

Des remerciments sont votés à M. Alvin pour les soins 
qu’il apporte à gérer les intérêts de la caisse. 


( 918 ) 
OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Faider (Ch.). — Les finances publiques, discours prononcé 
à l'audience de rentrée de la Cour de cassation , le 45 octobre 
1878. Bruxelles, 1878; in- 8». 

Wagener (A.). — Cornelii Taciti annalium ab excessu divi 
Augusti, liber I, nouvelle édition avee une introduction, des 
sommaires et des notes en francais. Paris, 1878; in-12. 

Folie(F.) —Éléments d'une théorie des faisceaux. Bruxelles, 
1878; in-8*. 

Crépin. — Jardin botanique de l'État. Rapport adressé à 
M. le Ministre de l'Intérieur. Bruxelles, 1879; extr. in-8°. 

Tilly (J. de). — Essai sur les principes fondamentaux de la 
géométrie et de la mécanique. Bruxelles, 1878; in-8°. 

Gregoir (Édouard). — Bibliothèque musicale populaire, 
tomes I-II. Bruxelles, Anvers, Paris, etc. 1877-1879; 5 vol. 
in-8°. 

Mussely (Ch). — Inventaire des archives de la ville de 
Courtrai, publié sous les auspices de l'administration commu- 
nale, tomes I et II. Courtrai, 1867-1870; 2 vol. in-8°. 

— Cartulaire ou recueil de chartes et documents inédits de 
l'église collégiale de Saint-Paul, actuellement cathédrale de 
Liége. Liége, 1878; in-8°. 

Pilloy (C.). — Leçons élémentaires d'astronomie. Bruxelles, 
1871; in-8°. 

Commission royale des anciennes lois et ordonnances de la 
Belgique. — Coutumes des pays et comté de Flandre : Alost 
et Grammont, par M. le comte de Limburg-Sturm. Bruxelles, 
1878; in-4*. 

Conseil supérieur d'agriculture. — Bulletin, tome XXXI, 
(1877). Bruxelles, 1879; in-4°. 


L I9 ) 

Cercle archéologique du pays de Waes. — Annales, t. VII, 
3° livraison. Saint-Nicolas, 1878; in-8°. 

Société chorale et littéraire des mélophiles de Hasselt. — 
Bulletin, 14* volume. Hasselt, 1877 ; in-8°. 

Société d Emulation de Bruges. — Annales, 4° série, t. IT. — 
Chronique et cartulaire de l’abbaye de Bergues-Saint-Winoc 
de l'ordre de Saint-Benoît, par le R. P. Alexandre Pruvost, t. H. 
Bruges, 1875-1878; 4 vol. in-8° et 1 cah. in-4°. 

Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut. — 
Mémoires, 4° série, tome III. Mons, 1878; in-8°. 


— 


ALLEMAGNE, 


Schleicher (W.). — Die Knorpelzelltheilung. Ein Beitrag zur 
Lehre der Theilung von Gewebezellen. Extr. in-8°. 

Naturwissenschaftlicher Verein von Hamburg-Altona. — 
Verhandlungen im Jahre 1877. Hambourg, 1878; in-8*. 

Germanisches Museum. — Anzeiger für Kunde der deutschen 
Vorzeit, 1878. Nuremberg ; in-4°. 

Gesellschaft naturforschender Freunde zu Berlin. — Sit- 
zungsberichte, 1878. Berlin, 1878; in-8°. 


FRANCE. 


Wallon (H.). — Notice historique sur la vie et les travaux 
de M. Charles Lenormant. Paris, 1878; in-#°. 

Trabaud (Pierre). — Esthétique et archéologie, vol. I et II. 
Paris, 1878; 2 vol. gr. in-8°. 

Gosselet. — Le calcaire de Givet, 5* et 4* ie us suivies de 
considérations sur la terminaison de la Grande Faille. Lille, 
1878 ; extr. in-8*. 

Martin (Antonin). — Fleurs terrestres. Paris, 1878; pet. 
in-8*. 


( 220 ) 

Martin (Antonin). — Les voix dela Patrie, organe mensuel 
del'Académie poétique de France, 1"° année, 1878. Paris, 1878 ; 
in-8°. 

Société de géographie de Lyon. — Bulletin, n** 5-12. Lyon, 
1876-78; in-8° 

Société des sciences, de l'agriculture et des arts de Lille. — 
Mémoires, 4° série, tome V. Paris, Lille, 1878 ; in-8°. 


GRANDE-BRET AGNE. 


Thomson (William). — Navigation : a lecture, delivered in 
the city hall, Glasgow, 1 1" november 1875. Londres et Glasgow, 
1876; in-18. 

— On the perturbations of the compass produced by the 
rolling of the ship. 1874; extr. in-8°. 

— On a self-acting apparatus for multiplying and maintai- 
ning electric charges, with applications to illustrate the voltaic 
theory. Londres, 1867; extr. in-8°. 

— Vortex statics. Édimbourg, 1876; extr. in-8°. 

— On a new astronomical clock, and a pendulum governor 
for uniform motion. Londres, 1869; extr. in-8°. 

— Note on the oscillations of the first species in Laplace's 
theory of the tides. 1875; extr. in-8*. 

— General integration of Laplace's theory differential vio 
tion of the tides. 1875; extr. in-8°. 

— On the eleetro-dynamie qualities of metals : effects of 
magnetization on the electric conductivity of nickel and of iron. 
Londres, 1857; extr. in-8*. 

— Of geological dynamies. Glasgow, 1869; extr. in-8°. 

— On a new form of the dynamic method for measuring 
the magnetic dip. Londres, 1868; extr. in-8°. 


( 224 ) 

Thomson (William). — Hydrokinetie solutions and observa- 
tions. 1871; extrait in-8°. 

— Vibrations and waves in a stretched uniform chain of 
symmetrical gyrostats. Londres; extr. in-8°. 

— On a uniform-electric-current accumulator. — On volta 
convection by flame. — On electrie machines founded on 
induction and convection. 1868 ; extr. in-8°. 

— Discours prononcé le 7 décembre 1874 cn décernant à 
M. Tait la médaille Keith pour son ouvrage : « First approxi- 
mation to a thermo-electrie diagram. » Édimbourg, 1874; extr. 
in-8*. 

— On beats of imperfect harmonies. Édimbourg, 1878; 
extr. in-8°. 

— On the thermoelastic, thermomagnetie and pyroelectric 
properties of matter. 1878; extr. in-8°. 

— Problems relating to underground temperature. 1878; 
extr. in-8*. 

— Notice necrologique sur Archibald Smith. Londres, 4874; 
extr. in-8°. 

— Report of the committee appointed for the purpose of 
promoting the extension, improvement and harmonie analysis 
of tidal observations. Londres, 1876; ext. in-8°. 

— Electrodynamic qualities of metals: Effects of stress on 
magnetization. Londres, 1875; extr. in-8*. 

— Electrodynamic qualities of metals : Effects of stress on 
magnetization. 1876; extr. in-4°. 

— On the thermal effects of fluids in motion: On the changes 
of temperature experienced by.bodies moving through air. 
Londres, 1860; extr. in-4°. 

Gibson (John) and Barclay (Th.). — Measurements of spe- 
cific inductive capacity of dieleetries, in the physical laboratory 
of the University of Glasgow. Londres, 1871; extr. in-4°. 

Dugald M. Kichan. — Determination of the number of 
cleetrostatie units in the electromagnetic unit made in the 


(22) 
physical laboratory of Glasgow University. Londres, 1875; 
extr. in-4°. 

Froude (W.). — Extract from a letter to Sir W. Thomson. 
Glasgow, 1876; extr. in-8°. 

Gray (Thomas). — On the experimental determination of 
magnetie moments in absolute measure. Glasgow, 1878; extr. 
in-8*. 

Perry (John). — Preliminary results of an investigation on 
the eleetrie conductivity of glass at different temperatures. 
Londres, 1875; extr. in-8°. 

Ewing (James Alfred). — Description of Sir William Thom- 
son's siphon recorder, and Thomson and Jenkins automatic 
curb sender. Édimbourg, 1876; in-8*. 

Thomson (James). — On the Vena Contracta. Glasgow, 1875; 
extr. in-8°. 


ITALIE. 


R.accademia delle scienze di Torino. — Atti, vol. XIV, n°1 
(nov.-dic. 1878). Turin; in-8*. 

Cavaleri (Mich.), — Il museo Cavaleri e il municipio di 
Milano. Milan, 1875; vol. in-4°. 

Bartoli (Ad.). — Una nuova esperienza sulla elettrolisi con 
deboli elettromotori. Sassari, 1879; in-8°. 

— Sulla decomposizione dell' aequa con una pila di forza 
elettromotrice, ete. Florence, 1878; extr. in-8°. 

— Sopra aleuni fenomeni che si osservano nel passaggio di 
una corrente elettrica per un voltametro ad acqua. Pise, 1878; 
extr. in-8°. 

Schiaparelli (G.- V.). — Osservazioni astronomiche e fisiche 
sull'asse di rotazione e sulla topografia del planeta Marte, 
fatte in Milano durante l'opposizione del 1877. Rome, 1878; 
in-4 


( 993 ) 

Giovanni (V. di). — Il P. Giuseppe Romano e l'ontologismo 
in Sicilia sulla metà del secolo XIX , discorso. Palerme, 1879; 
in-8°. 


PAYS DIVERS. 


Plantamour (E.).— Résumé météorologique de l'année 1877 
pour Genéve et le Grand Saint-Bernard. Genéve, 1878; extr. 
in-8°. < 

Plantamour (Ph.) — Le limnographe de Sécheron (près 
Genève). Genève , 1878; extr. in-8°. 

Société helvétique des sciences naturelles. — Actes de la 
60° session, 1877. Lausanne, 1878; in-8°. 

Naturforschende Gesellschaft in Bern. — Mittheilungen aus 
1877. Berne, 1878; in-8*. 

Nordiskt medicinskt arkiv, X. Bd., 2-5 Häftet. Stockholm, 
1878; in-8°. 

Campos Junior (Ant.-Maria de). — Un congrés permanent 
de géographie en Portugal, au XV: siècle : lettre à M. le mar- 
quis de Croizier. Leiria, 1878 ; in-8°. 

Deutsche Gesellschaft für Natur- und Völkerkunde Osta- 
sien's. — Mittheilungen, 16. Heft. Yokohama, 1878; in-4°. 


— 


Liste d'ouvrages déposés dans la Bibliothéque de l'Académie 
par la Commission royale d'histoire. 


Bormans (Stanislas). — Cartulaire des petites communes. 
Analyse des pièces. Namur, 1878; in-8°. 

Gilliodts- Van Severen. — Inventaire des archives de la ville 
de Bruges : section premiére; Inventaire des chartes, intro- 
duction. Bruges, 1878; in-4°. 

Commission centrale de statistique. — Bulletin, t. XIII. — 


( 224 ) 
Exposé de la situation du royaume de 1861 à 1873. Bruxelles, 
1878; vol. in-4*'et cah. in-8°. 

Cercle archéologique de Mons. — Inscriptions funéraires et 
monumentales de la province du Hainaut: Introduction. Mons, 
1878; cah. in-4*. 

Société scientifique et littéraire du Limbourg. — Bulletin, 
t. XIV. Tongres, 1878; vol. in-8° 

Institut archéologique du Luxembourg. — Annales, t. X. 
Arlon, 1878; in-8°. 

Analectes pour servir à l’histoire ecclésiastique de la Bel- 
gique, t. XIV, livraisons 1-4; t. XV, livraisons 1 et 2. Louvain; 
in-8°. 

Grossherz. General-Landesarchive zu Karlsruhe. — Zeit- 
schrift für die Geschichte des Oberrheins, XXX. Bd., 5. u. 
4. Heft; XXXI. Bd., 1. Heft. Carlsruhe, 1878; in-8°. 

Lipot (Ovary). — I1. Pal papa es Farnese Sandor Bibornok 
magyarorszagra vonatkozo diplomaeziai Levelezesci (1555- 
1549). Budapest, 1879; in-8° 

Université de Leipzig. — Collections de théses soutenues 
devant les facultés en 1877 et 1878. 

Smithsonian Institution. — Annual report of the board of 
regents (1876). Washington, 1877; in-8°. 

Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires histo- 
riques, tomes IV et V. — Revue agricole, etc., t. XXX, table ; 
tome XXXI, n° 1-10. Valenciennes, 1876-78; in-8°. 

Laubespin (le comte Léonel de). — Extraits sommaires des 
mémoires de la Hugucrie, avec une préface par M. Pingaud. 
Poligny, 1877; in-8°. 


BULLETIN 
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 
1879. — No 3. 


b 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 1** mars 1879, 


M. le baron de Secys Loxccnawps, directeur. 
M. LiacnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. L. de Koninck, P.-J. Van Beneden, 
Melsens, F. Duprez, H. Maus, Ern. Candèze, F. Donny, 
Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Morren, C. Malaise, 
F. Folie, Alp. Briart, Fr. Crépin, J. De Tilly et F.-L. Cornet, 
membres; E. Catalan , associé; Alf. Gilkinet, M. Mourlon, 
correspondants. 


M. Stas exprime, par éerit, ses regrets de ne pouvoir 
assister à la séance à cause d'une indisposition. 
9"* SÉRIE, TOME XLVII. 


rT ) | 


CORRESPONDANCE. 


La Classe apprend avec regret la perte qu'elle vient de 
faire en la personne de l'un de ses associés de la section 
des sciences naturelles, M. Paul Gervais, décédé à Paris le 
15 février dernier. 


— M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio- 
théque de l'Académie, les ouvrages suivants : 

1* Leçons élémentaires d'astronomie, par C. Pilloy, 
vol. in-8*; 

9» Livraisons 243 et 244 de la Flora batava, cah. in-4°; 

3° 7° livraison de la Pinacographia, de M. Snellen van 
Vollenhoven, cah. in-4°; 

4^ Bulletin du conseil supérieur d'agriculture : Situa- 
tion de l'agriculture, année 1877. Tome XXXI, in-4° 
(5 exemplaires); 

9? La Belgique à 4 Exposition. universelle de 1878, 
2 vol. Mans: 

La Société des sciences pures, de bus adresse, à 
titre de premier envoi de ses dios. le fascicule 2 du 
volume V de ses Actes. 

- Le Journal américain q'otologi envoie son n? 4 de la 
première année. 

(La Commission iddidistiwiive examinera s'il y a lieu 
d'échanger le- Bulletin contre ces deux dernières publica- 
tions.) 

M. De Tilly offre un exemplaire fun ouvrage qu'il 
vient de publier sous le titre : Essai sur les principes fon- 
bisce eec dela géométrie et de la Lesen igi vol. in-8°. 


( 227 ) 

M. Gosselet envoie, à titre d'hommage, les troisiéme et 
quatriéme parties de son travail publié dans les Annales 
de la Société géologique du Nord, sous le titre : Le calcaire 
de Givet, broch. in-8°. 

Des remerciments sont votés pour ces dons. 


— Les établissements scientifiques ci-aprés remercient 
pour le dérnier envoi des publications académiques : 

Les Sociétés des sciences de Cassel, Francfort s/M., 
Górlitz, Hanau ; la Société royale des sciences et la Société 
astronomique de Leipzig ; la Société royale d'Édimbourg ; 
l'Institut national d'Ossolinski, à Léopol ; les Sociétés zoo- 
logiques d'Amsterdam et de Rotterdam ; l'Observatoire de 
Prague. 

M. Donders, associé, à Utrecht, remercie pour le méme 
envoi. 


— Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à 
l'examen de commissaires : 

1* Sur le déplacement des spectres des étoiles, par 
M. l'abbé Spée. — Commissaires : MM. Houzeau et Mon- 
tigny; 

9» Terrestrial magnetism, by B.-G. Jenkins. — Com- 
missaires : MM. Houzeau et Mailly ; 

5 The Plague, par le. même. — Mêmes commissaires; 

4° Sur l'élimination, par M. P. Mansion. — Commis- 
saires : MM. Catalan, Folie et De Tilly; 

5° Recherches sur la navigation maritime à vapeur, par 
M. Fidèle Motte. — Commissaires: MM. Maus et Montigny; 

6° Observation de la planète Mars faites pendant Poppo- 
sition de 1877, nole, avec figures, par M. le baron Octave 
Van Ertborn.— Commissaires : MM. Houzeau et Liagre. 


( 228 ) 


RAPPORTS. 


— 


MM. Van Bambeke et Candèze donnent lecture de leurs 
rapports sur un travail de M. P.-J. Van Beneden, intitulé : 
Les Orques observées dans les mers d'Europe. 

Ils proposent d'adresser des remerciments à l'auteur 
pour son intéressante communication, et d'insérer celle-ci, 
ainsi que les planches qui l'accompagnent, dans les Mé- 
moires in-4° des membres de l'Académie. 


La Classe adopte ces propositions. 


Sur un moyen de diriger les ballons; par M. A. Van 
Weddingen, de Hasselt. 


Rapporti de M. Montigny. 


« Le moyen proposé par M. Van Weddingen pour im- 
primer une propulsion continue à un aérostat muni de sa 
nacelle ordinaire, consisterait à chercher un point d'appui 
dans l'air à l'aide d'une immense rame, formée d'un long 
levier, travaillant horizontalement, dit l'auteur, et dont 
l'extrémité extérieure serait munie d'une grande plaque 
circulaire de 10, 20 à 30 mètres de diamètre. L'auteur se 
borne à ajouter que ce système serait mis en jeu par une 
machine à vapeur, sans donner aucun détail à l'égard de 
celte disposition, et sans même indiquer de quelle ma- 


( 229 ) 
tiere il proposerait de confectionner cette rame gigan- 
tesque. 
Je propose à la Classe d'ordonner le dépót aux Archives 
de cette communication. » 


La Classea adopté ce rapport, auquel s'est rallié M. Lia- 
gre, second commissaire. 


Sur le système stellaire 40 o? Eridani; par M. L. Cruls. 
Rapport de M. Houzenu. 


« Différentes circonstances ayant désigné le système 
stellaire 40 o? Eridani comme l'objet d'une recherche de 
la parallaxe, M. Cruls, un de nos compatriotes , attaché à 
l'Observatoire de Rio de Janeiro, a fait en 1878 deux sé- 
ries d'observations, dans le but de déterminer cette paral- 
laxe. Il trouve que celle-ci ne s'éléve certainement pas à 
0",5. Mais comme il ne rapporte pas les observations sur 
lesquelles cette détermination est fondée, nous pouvons 
seulement lui donner acte de sa conclusion, en imprimant, 
pour lui assurer une date certaine, la Note d'ailleurs trés- 
courte qu'il a soumise à l'Académie. Il n'y a pas lieu d'y 
joindre le diagramme qui l'accompagne, ni par conséquent 
l'explication de la figure. » 


La Classe a adopté ce rapport. 


( 950 ) 


PROGRAMME DU CONCOURS POUR 1880. 
La Classe arréte ce programme de la maniére suivante : 
SECTION DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 
PREMIÉRE QUESTION. 


Exposer l'état de nos connaissances sur les phénoménes 
connus sous le nom d'Influence des masses, et montrer 
pourquoi les idées de Berthollet ont cédé devant celles de 
Proust. Indiquer, s'il est possible, la voie à suivre pour 
arriver à la solution de ce probléme général. 


DEUXIÈME QUESTION. 

Trouver et discuter les équations de quelques surfaces 
algébriques, à courbure moyenne nulle. 
TROISIÈME QUESTION. 


~ On demande de compléter,par des expériences nouvelles, 

l'état de nos connaissances sur les relations qui existent 
entre les propriétés physiques et les propriétés chimiques 
des corps simples et des corps composés. : 


SECTION DES SCIENCES NATURELLES. 


PREMIÈRE QUESTION. 


Faire la description des terrains tertiaires appartenant 
à la série éocène, c'est-à-dire terminés supérieurement par 
le systéme laekenien de Dumont, et situés dans la Hesbaye, 
le Brabant et les Flandres. » 


( 231 ) 


. DEUXIÈME QUESTION. 


Faire connaître l'histoire de la vésicule germinative dins 
des eufs pouvant se ise si par poire a 


L'auteur choisira librement l'objet de ses études parmi 
les diverses espèces animales chez lesquelles le dévelop: 
pement parthénogénésique a été positivement constaté. 


TROISIÈME QUESTION. 


On demande de nouvelles observations sur les rapports 
du tube pollinique avec l'œuf, chez un ou quelques phané- 
rogames. : 


La valeur des médailles décernées comme prix sera de 
huit cents francs; elle est portée à mille francs pour: la 
3° question de la section des sciences physiques et mathé- 
matiques. 

Les mémoires side étre écrits lisiblement et pour- 
ront étre rédigés en francais, en flamand ou en latin. Ils 
devront étre adressés, franes de port, à M. J. Liagre, seéré- 
taire perpétuel, avant le 1** aoüt 1880. 

L'Académie exige la plus grande exactitude dans les 
citations; les auteurs auront soin, par conséquent, d'indi- 
quer les éditions et les pages des ouvrages cités. Un n 'ad- 
mettra que des planches manuscrites. 

Les auteurs ne mettront point leur nom à leur Ouvrage ; 
ils y inscriront seulement une devise, qu'ils reproduiront 
dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse. 
Faute par eux de satisfaire à cette formalité, le prix ne 
pourra leur être accordé. Les mémoires remis aprés le terme 


? ( 232 ) 

prescrit, ou ceux dont les auteurs se feront connaître de 
quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. 

L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, 
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils 
sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les 
auteurs peuvent en faire prendre des copies à leurs frais, 
en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel. 


La Classe adopte, dès à présent, les deux questions sui- 
vantes pour le concours de 1881 : 


PREMIÉRE QUESTION. 


On demande de nouvelles recherches sur la germination 
des graines, spécialemeut sur l'assimilation des dépóts nu- 
tritifs par l'embryon. 


DEUXIÉME QUESTION. 


Étendre, à huit points d'une courbe du troisiéme ordre, 
la propriété anharmonique de quatre points d'une conique. 


Cette propriété a déjà été étendue aux sommets de deux 
n latéres conjugués à une courbe du n° ordre (Éléments 
d'une théorie de faisceaux, par F. Folie. — Liége, Decq, 
1878), ainsi qu'aux sommets de n n latères conjugués à cette 
méme courbe. (Quelques théorémes de géométrie supé- 
rieure, par C. Le Paige. — Bulletins de l'Académie, 
2* série, tome XLV, 1878, page 94.) 


( 235 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


— 


Note sur le système stellaire 40 o? Eridani; par M. L. Cruls, 
astronome adjoint de l'Observatoire impérial de Rio de 
Janeiro. 

J'ai l'honneur de présenter à l'Académie royale de 
Belgique les résultats de mes premiéres recherches sur 
l'existenee d'une parallaxe du systéme ternaire 40 o? Eri- 
dani. 

M. C. Flammarion, dans une Note insérée dans les 
Comptes rendus (n? 18, séance du 29 octobre 1877), ter- 
mine en ces termes : « Le grand mouvement propre de ce 
» systéme ternaire, le mouvement orbital rapide du couple 
» el l'éclat de l'étoile principale nous invitent à penser 
» que ce système n'est pas trés-éloigné de nous et que des 
» mesures minutieuses feraient trouver une parallaxe sen- 
» Sible. Il serait du plus haut intérét qu'un astronome de 
» l'hémisphére austral s'adonnàt à cette recherche. » 

Dans le but d'élucider cette question j'ai observé ce sys- 
téme en choisissant les deux époques les plus favorables 
de l'année 1878. A cet effet mes observations ont été faites 
à six mois d'intervalle, et lorsque le rayon vecteur de la 
terre était à trés-peu prés perpendiculaire aurayon vecteur 
mené au groupe stellaire 40 o* Eridani, en d'autres termes 
lorsque l'ascension droite de la terre est égale à celle du 
groupe en question plus ou moins 6 heures. Comme d'ail- 


( 234 ) 
leurs cette derniére ascension droite est environ 4 heures, 
il s'ensuit que les deux époques les plus favorables pour 
mettre en évidence la parallaxe, s'il y en a une, tombent 
vers le 15 février et le 90 aoüt, c'est-à-dire lorsque l'as- 
cension droite de la terre est 22^ et 10^. 

L'instrument qui m'a servi pour ces observations était 
notre équatorial de 25 centimètres d'ouverture, armé d'un 
grossissement de 240 fois. 

Mes mesures micrométriques ont spécialement été diri- 
gées de maniéreà m'assurer de l'existence d'une parallaxe; 
cependant et quoique le micrométre filaire dont j'ai fait 
usage donne assez sürement un peu plus de trois dixiémes 
de seconde d'are, les résultats obtenus sont complétement 
négatifs et ne permettent pas d'en conclure une paral- 
laxe. 

Cette recherche, étant d'ailleurs d'une délicatesse ex- 
tréme, demande à étre poursuivie avant de pouvoir répon- 
dre avec certitude du résultat, quel qu'il soit. Toutefois, 
je le répéte, mes deux séries d'observations, comprenant 
chacune un nombre considérable de mesures, et faites 
aux deux époques, écartées de six mois, les plus favorables 
pour rendre le déplacement parallactique maximum et par 
conséquent plus aisément appréciable, n'ont pas mis en 
évidence une parallaxe d'au moins 0/3. Si elle est infé- 
rieure, elle est comprise dans les limites des erreurs. 

Les autres particularités qu'offre ce systéme intéressant, 
et confirmées successivement par les observations de 
Herschel, Struve, Engelmann, Winnecke, Knott, Burn- 
ham et Flammarion , lont été également par les miennes. 
Le mouvement de translation du couple BC vers l'étoile 
principale A; le mouvement propre du système ternaire 


( 235 ) 
(A, BC), ainsi que le mouvement orbital de C autour de 
B et dont la période semble étre, en effet, de 160 ans 
environ, peuvent étre considérés aujourd'hui comme hors 
de doute. 

Grâce au mouvement propre du système (A, BC), bien- 
tót une petite étoile D se trouvera sur l'alignement des 
étoiles A et B, ce qui arrivera vers 1885-7, et il sera inté- 
ressant d'observer le systéme à cette époque. 


( 236 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du 3 mars 1879. 


M. LrcLERCQ, directeur, président de l'Académie. 
M. LiacnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, 
P. De Decker, Ch. Faider,le baron Kervyn de Lettenhove, 
R. Chalon, Thonissen, Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wau- 
ters, H. Conscience, Alph. Le Roy, Heremans, P. Willems, 
Tielemans, membres; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, 
Aug. Scheler, Arntz, associés; S. Bormans, Ch. Piot, 
Ch. Potvin et J. Stecher, correspondants. 

M. L. Alvin, membre de la Classe des beaux-arts, assiste 
à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio- 
thèque de l'Académie, le 14* volume du Bulletin de la sec- 
lion littéraire de la Société des Mélophiles de Hasselt, 
vol in-8°. 

Il adresse de la part de M. Michel Cavaleri, avocat à 
Milan, l'ouvrage suivant : Il Museo Cavaleri e il Municipio 
di Milano, vol. in-4°. 

M. le Ministre de la Justice adresse deux exemplaires 
du Recueil des coutumes d'Alost et de Grammont, publié 


( 257 ) 
par la Commission royale des anciennes lois et ordon- 
nances de la Belgique, vol. in-4°. 

M.le baron de Witte envoie un exemplaire de son Cata- 
logue de la collection d'antiquités de feu M. Charles Pa- 
ravey, ancien conseiller d'État, vol. in-8°. 

M. Thonissen présente, de la part de M. Jaeques Flach, 
avocat à Paris, un exemplaire de son ouvrage intitulé : La 
table de bronze d'Aljustrel, étude sur | pem e des 
mines au I** siècle de notre ère, broch. in- 

M. Alph. Le Roy remet de la part de M. Vincenzo di 
Giovanni, associé de la Classe à Palerme, un exemplaire 
de son discours sur : I P. Giuseppe Romano e l’ontolo- 
gismo in Sicilia, sulla metà del secolo XIX. Br. in-8°. 

M. G. Tiberghien fait hommage de la 5* édition de son 
livre intitulé : Psychologie, La Science de l'àme dans les 
limites de l'observation, vol. in-12. 

M. le comte de Toreno, Ministre de l'Intérieur à Madrid, 
annonce l'envoi, à titre d'hommage à l'Académie, du Rap- 
port de l'Académie d'histoire de Madrid sur la découverte, 
dans la cathédrale de Saint-Domingue, des restes supposés 
de Cristophe Colomb. 

La Classe vote des remerciments pour ces dons et décide 
que les notes lues par MM. Thonissen et Le Roy, au sujet 
des ouvrages de MM. Flach et di Giovanni, paraitront dans 
le Bulletin. 


— M. Gachard adresse pour la bibliothéque une nouvelle 
série d'ouvrages que la Commission d'histoire a reçus, et 
dont les titres figurent dans le Bulletin précédent. 


— La Société littéraire de l'Université catholique de 
Louvain, envoie le programme des sujets qu'elle a mis au 
concours, et dont le délai pour la remise des manuscrits 
expirera le 15 mars 1880. 


( 258 ) 

— Les établissements scientifiques suivants accusent 
réception du dernier envoi des publieations académiques : 
-^La Société d'agrieulture, sciences et arts de Douai; les 
Sociétés historiques de Leisnig et d'Utrecht; les Univer- 
sités de Leyde et de Halle. 

M. Leemans, Vreede et Alberdingk Thym, associés de 
la Classe, remercient pour le méme envoi. 


M. Thonissen, en présentant l'ouvrage de M. Flach, a lu 
la Note suivante : 


« Au nom de M. Jacques Flach, l'un des principaux 
rédacteurs de la Revue historique de droit francais, j'ai 
l'honneur d'offrir à l'Académie une savante dissertation 
sur la Table de bronze d'Aljustrel (1). 

On sait que ce remarquable monument épigraphique, 
découvert dans une région montagneuse et déserte du 
Portugal, consiste en une série de dispositions réglemen- 
taires concernant l'exploitation d'une mine et visant, avant 
tout, à sa mise en valeur. Tous les savants qui représen- 
tent, à notre époque, la science de l'épigraphie juridique 
— MM. Giraud, Hübner, Mommsen, Krüger et d'autres — 
se sont occupés de cette découverte inespérée d'un spéci- 
men important de la législation industrielle de l'empire 
romain. 

M. Flach a mis à profit les travaux de ses savants ému- 
les; mais, tout en montrant une véritable déférence pour 
leur sagacité et leur science, il s'est souvent écarté des 


— 


(1) La table de bronze d'Aljustrel. Étude sur l'administration des 
mines du premier siècle de notre ère. Par Jacques Flach, avocat à la 
cour d'appel de Paris, professeur à l'école des sciences er ete. 
Paris, Larose, 1879; in-8", 


( 239 ) 

opinions et des conjectures qu'ils ont émises. Il plaée l’âge 
de l'inseription d'Aljustrel à la fin du premier siècle après 
Jésus-Christ. Il prouve que le texte reproduit par le gra- 
veur est une véritable loi et qu'on doit prendre au pied de 
la lettre l'expression de lex qui s'y rencontre à diverses 
reprises. C'est, à son avis, une loi faite pour l'ensemble des 
mines de Vipasea, et par l'empereur directement. Ce n'est 
pas seulement une loi locale, mais le type méme des con- 
ditions auxquelles étaient soumises, au premier siécle de 
notre ére, la location et l'administration de toutes les 
mines de cuivre et d'argent appartenant au fisc. 

M. Flach fait l'analyse et le commentaire de l'inscrip- 
tion. ll en comble les lacunes et en restitue le texte. H 
détermine les róles respectifs du procurator metallorum et 
des fermiers du fisc. Il passe en revue les divers métiers 
exercés sur le territoire concédé et qui , tous, avaient le 
caractère d'un monopole. Il étudie, en un mot, dans leur 
ensemble et dans tous leurs détails, les neuf chapitres que 
comprend l'inscription d'Aljustrel. ied 

En somme, l'œuvre que j'ai l'honneur d'offrir à l'Aca- 
démie est l'une des dissertations épigraphiques les plus 
intéressantes qui aient été publiées dans ces derniéres 
années. J'y ai rencontré, sur beaucoup de points encore 
contestés, des lumiéres nouvelles, aussi bien pour l'ar- 
ehéologie et la philologie que pour la science de l'histoire 

u droit. » 


M. Le Roy, en présentant l'ouvrage de M. di Giovanni, 
a lu la Note suivante : 

a J'ai l'honneur d'offrir à la: Classe, de la part de 
M. Vincenzo di Giovanni, associé étranger, un exemplaire 
du discours prononcé le 19 janvier dernier, par l'éminent 


( 240 ) 
philosophe sicilien, à l'Académie royale de Palerme. C'est 
une étude très-intéressante sur le P. Giuseppe Romano, an- 
cien professeur de philosophie à Palerme, puis de théolo- 
gie au grand séminaire de Salamanque, plus tard envoyé 
à Constantinople pour y fonder le Collége de Sainte-Pul- 
chérie, dont il était recteur lorsque la mort vint le sur- 
prendre le 27 mars 1878. Le P. Romano était doué d'apti- 
tudes trés-variées : la littérature, les mathématiques, 
l'arehéologie, la numismatique, l’occupèrent tour à tour, 
et il se distingua dans tous ses domaines. Mais c'est comme 
penseur profond que son compatriote (1) l'étudie ici, et le 
discours que vous avez sous les yeux est ainsi un chapitre 
ajouté à la belle Histoire de la philosophie en Sicile dont 
jai eu l’occasion, précédemment, d'entretenir la Classe. 
On y voit les jésuites siciliens trés-éloignés des idées do- 
minantes chez leurs confréres du continent, ceux-ci en 
défiance contre l'ontologisme , ceux-là entraînés dans 
l'orbite de Gioberti, cédant à l'impulsion depuis longtemps 
imprimée aux esprits, dans leur ile, par l'enseignement 
et les écrits de Miceli et de d'Acquisto. L'ontologisme 
sicilien se rattache par une filiation saisissable aux tradi- 
tions de S. Augustin, de S. Anselme et de S. Bonaven- 
ture; il professe une sorte de platonisme chrétien qui n'est 
méme pas incompatible avec les doctrines fondamentales 
de S. Thomas, bien que les néo-thomistes italiens sou- 
tiennent volontiers le contraire. Le P. Romano exposa ses 
thèses dans un ouvrage considérable : La science de l'homme 
intérieur, qui eut un grand retentissement dans la Pénin- 
sule et provoqua des attaques violentes, si bien que l'au- 
teur se crut finalement obligé de remplacer ses lecons de 


(1) Le P. Romano est né à Termini, en Sicile, le 5 janvier 1810. 


( 241 ) 

philosophie par un cours de théologie dogmatique. Il me 
suffit d'indiquer ici ces débats fort inconnus chez nous, 
mais qui témoignent du zèle avec lequel on s'occupe en- 
core, dans les pays du Midi, des questions spéculatives. 
Nulle part peut-étre le matérialisme, le pessimisme, le 
déterminisme contemporain ne trouvent de pareilles résis- 
tances, et dans le monde des spiritualistes, nulle part 
peut-être les séparations sur des questions délicates ne 
sont aussi tranchées; j'ajouterai que ces débats, purement 
théoriques en apparence, passionnent aisément les esprits 
par les applications qu'on est porté à faire, des prémisses 
posées par les diverses écoles, aux problèmes politiques 
et sociaux qui s'agitent actuellement en Italie et en Sicile 
aussi bien qu'ailleurs. » 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


Les traducteurs de Dante Alighieri aux Pays-Bas, par 
M. J. Nolet de Brauwere van Steeland, associé de 
l'Académie. 


« Onorate l'altissimo poeta. » Ces belles paroles, in- 
scrites au monument érigé en l'honneur du plus grand 
poëte de son siècle, semblent moins un appel fait à la 
postérité, qu'elles ne sont la confirmation du culte que de 
tout temps et en tous pays, depuis la fin du moyen-àge 
jusqu'à nos jours, on a voué au génie de Dante Alighieri 
et plus spécialement à son chef-d'œuvre par excellence, 
« La Divine Comédie. » Je m'estime heureux, et j'en suis 
fier pour ma patrie, de pouvoir constater que depuis une 
quinzaine d'années la Neérlande a largement contribué à 

2"* SÉRIE , TOME XLVII. 16 


( 242 ) 

faire connaitre et apprécier chez elle l'eeuvre capitale de 
limmortel Florentin. Mais avant d'aborder le sujet de 
cette notice, il n'est peut-étre pas sans intérét d'indiquer 
briévement ce que d'autres pays ont produit à cet égard en 
biographies, traductions et commentaires. Les premières 
et les derniers, se prétant un mutuel appui, s'entr'aident 
nécessairement et sont indispensables pour l'intelligence 
du texte : car on se heurte à d'inextricables difficultés dans: 
ce travail gigantesque, défini par un des meilleurs com- 
mentateurs « d'œuvre admirable, à la fois drame, sermon, 
pamphlet, satyre, hymne et épopée. » 

Si l'on veut s'identifier complétement avec la vie et les 
œuvres du Dante, il faut recourir aux sources des événe- 
ments politiques et surtout aux troubles qui agitèrent à: 
cette époque la république Florentine. On apprend ainsi 
pourquoi, aprés plusieurs missions diplomatiques, aprés 
avoir été revétu des hautes fonctions du Priorat et avoir 
rendu d'éclatants services à sa ville natale, le Dante en fut 
exilé par la faction dominante; quoique, en réalité, il 
planât au-dessus des partis, ou, pour mieux dire, il consti- 
tuàt à lui seul le sien propre. C'est à quoi il fait faire allu- 
sion par son aieul Tes au Chant XVII‘, vers 68-69 
du Paradis : 

dou x a te fia bello 
Averli fatta parte per te stesso. 


On verra le profond penseur errant de ville en ville et 
mourant à Ravennes, sans avoir pu rentrer à Florence; 
mais on se rappellera en méme temps les paroles de Cale- 
mard de la Fayette : « Dans ce débat entre une fiére répu- 
blique et un pauvre exilé, l'exilé seul est grand. » 

On ne connait jusqu'ici aucune biographie contempo- 
raine du Dante. Cette lacune regrettable nous prive de ces 


( 243 ) 
mille détails qui, dans leur ensemble, nous eussent plus 
complétement édifié sur la portée politique et religieuse 
des œuvres du chantre de Béatrice. On est forcé de s'en 
rapporter, comme source première, à « La vita di Dante, » 
de Boccaccio, le plus ancien de ses biographes, àgé seule- 
ment de huit ans lorsque l'Italie perdit le plus illustre de 
ses fils (1591). Vient ensuite Leonardo Aretino, complé- 
tant sous le même titre l'ouvrage de son devancier. Il con- 
vient de citer encore les biographies moins importantes, il 
est vrai, de Manetti, Polentone et Mario Filelfo, toutes du 
XV: siècle et écrites en latin. Parmi les historiens de date 
plus récente on distingue au siècle dernier Giuseppe Pelli, 
compulsant, outre les auteurs déjà nommés, les œuvres 
mémes du Poéte, surtout sa correspondance, qui rappelle 
des faits du plus haut intérét. Enfin on ne peut passer 
sous silence la « Vita di Dante » de Girolamo Tiraboschi, 
qui fait autorité en cette matiére. 

Certes, le nombre est grand de ceux qui ont décrit la 
vie du Dante; mais il semble oiseux d'en donner une aride 
nomenclature, qui serait en outre fatalement incomplète. 
Ceci s'applique de méme aux nombreux commentateurs, 
parmi lesquels il faut ranger ceux qui, en des traités spé- 
ciaux, ont analysé, parfois à leur propre point de vue 
politico-religieux, la Trilogie du grand Maitre. ll en est 
qui se tiennent sur les hauteurs d’où le Dante a défini les 
tendances de son œuvre : « conduire l'humanité souffrante, 
de son état de misère et d'abjection, vers l'état du bon- 
heur parfait, » non-seulement par l'expectative d'une 
éternelle béatitude, mais méme ici-bas, pour peu que l'es- 
prit sache s'élever par la pensée vers des régions supé- 
rieures. Il est d'autres ouvrages dont il suffit de transerire 
le titre, pour se convainere que leurs auteurs se complai- 


( 244 ) 

sent dans un tout autre ordre d'idées (1). On arrive ainsi 
aux appréciations les plus disparates. Chez les premiers 
cette différence d'appréciation est le résultat d'une étude 
spéciale, approfondie de l'oeuvre du Dante. Ils se sont 
trouvés en présence d'un travail immense, s'initiant à cet 
assemblage mélangé de paganisme et de christianisme, de 
mythologie et de théologie, de philosophie et de jurispru- 
dence, de physique et d'uranographie, d'histoire sacrée et 
profane, de Gibelins impériaux et de Guelphes papalins, 
de Bianchi et de Neri. Ils se sont assimilé l'idée gran- 
diose qui domine ce vaste ensemble; on peut en quelque 
sorte les eroire Dantifiés dans le Dante. Mais d'autres se 
sont comme perdus dans un inextricable dédale, et leurs 
élucubrations paraissent le produit d'une digestion scien- 
tifique et littéraire aussi laborieuse que troublée. 

Parmi les esprits d'élite de la premiére catégorie, je 
signalerai Thomas Carlyle; Thomas Babington Macaulay, 
auteur d'un ingénieux rapprochement entre le Dante et 
Milton; Ozanam, dont la remarquable dissertation traite 
de la philosophie du Dante, comparée à celle de Platon et 
d'Aristote; Karl Streckfuss, biographe et commentateur 
du plus grand mérite; mais surtout le docte professeur à 
l'Université de Halle, conseiller intime D" Karl Witte, 
eritique éminent, dont la parole fait autorité. Néanmoins 
on ne peut tout citer et je m'arréte, pour passer rapide- 
ment en revue les principaux traducteurs étrangers. 


M À—— 


_ (1) E. Anorx. Dante hérétique, révolutionnaire et socialiste. L'hérésie 
de Dante, démontrée par Francesca da Rimini. Clef de la Comédie anti- 
catholique de Dante Alighieri, pasteur de l'Église albigeoise dans la ville 
de Florence, affilié à l'Ordre du Temple. Paris, chez Jules Renouard. 
4857. 


( 245 ) | 

Ici la patrie de l'illustre auteur de Ij poema sacro mérite 
le pas sur d'autres pays, ne füt-ce qu'à titre d'ancienneté; 
ear un contemporain du Dante, le moine Matteo Ronto, 
traduisit la Divine Comédie en hexamétres latins. Cet 
exemple fut suivi par le Pére jésuite Carlo d'Aquino, dont 
l'excellente traduction métrique, publiée à Naples en 1798, 
est encore fréquemment consultée, servant souvent à élu- 
cider le texte des éditions italiennes. Enfin de nos jours 
le Révérend J. B. Matte, archiprétre de Castelamonte , 
publia successivement « Dante Alighierii Cantica de Infe- 
ris — Purgatorium — Paradisus. Latinis versibus. Epore- 
dia, ex typis seminarii, 1874-1876. » En Italie les traduc- 
tions étaient nécessairement latines. Inutile d'ajouter que 
de multiples éditions de l’œuvre originale n'y font pas 
défaut. 

L'éminent savant Karl Witte, dans une notice fort inté- 
ressante sur les traducteurs du Dante, mentionne une 
œuvre en langue romane du XIV* siècle, dont la Biblio- 
thèque de Turin garde le manuscrit. Une autre, d'Andreas 
Febrer, datant de la première moitié du XV* siècle, se 
trouve aux Archives de l'Escurial. Il cite encore, comme 
appartenant à la fin de la méme époque, une traduction 
de l'Enfer, en vers castillans, faite à la demande de la 
duchesse de Frias, fille de Ferdinand le Catholique, par 
Pero Fernandez de Villegas , archidiacre de Burgos, ou- 
vrage remanié et réédité de 1867 à 1869. Dressant enfin. 
laliste aussi compléte que possible des traductions du 
Dante, depuis le siécle dernier jusqu'au temps présent, 
méme sans compter les fragments isolés, il en énumére une 
soixantaine, dont dix-neuf allemandes, dix-huit anglaises, 
seize francaises, trois neérlandaises et deux russes. La 
Suède et le Danemark en revendiquent chacun une. 


( 246 ) 

Je ne compte pas égrener par le menu un aussi long 
chapelet, me bornant à mettre en lumiére quelques gros 
grains de ce brillant rosaire Dantesque. L'Allemagne, avan- 
tagée par le nombre, prend le pas dans ce dénombrement. 
Sans toutefois m'arréter aux premiers essais en prose de 
Bachenschwanz, Hórwarter et Enk, ni aux tentatives mé- 
triques d'Aug. von Schlegel, Ad. Wagner, Hofinger et 
Doerer, je mentionnerai la traduction de la Trilogie com- 
pléte par Kannegiesser (1814-1821), réimprimée jusqu'à 
cinq fois. Des trois éditions de Karl Streckfuss, dont la 
premiére date de 1824 à 1826, la derniére, la plus répan- 
due, considérablement augmentée par Pfleiderer et enri- 
chie d'excellents commentaires, fut réimprimée jusqu'à 
douze fois. Enfin l'œuvre toute récente de Karl Bartsch 
mérite aussi une mention spéciale. Toutefois, à l'énuméra- 
tion si compléte du savant professeur de Halle, il convient 
d'ajouter la belle traduction non rimée, mais écrite dans le 
rhythme endecasillabo de l'original et publiée avec de 
nombreux commentaires par le Roi Jean de Saxe, sous le 
pseudonyme de Philalethes. A la suite d'un oubli bien in- 
volontaire sans doute, M. Witte la passe sous silence. Le 
Roi-poéte en dédia la première édition de 1849 au Roi 
Frédéric-Guillaume de Prusse, lui aussi un admirateur 
passionné du Dante, autant qu'il fut le protecteur éclairé 
des sciences et des lettres en général. La dernière édition 
est de 1868. 

Je ne puis quitter l'Allemagne sans rappeler le zéle 
infatigable et les nombreux travaux du savant éminent 
Karl Witte, qui donna un nouvel essor à l'étude de la vie 
et des œuvres du grand Florentin. C'est lui qui fonda en 
1865 l'association dite Dante-Verein, dont il occupa la 
présidence jusqu'à ce jour. Ces Annales, publiées depuis 


( 247 ) 

une dizaine d'années, forment quatre volumes, compre- 
nant cent trente feuilles d'impression in-8*. Parmi les 
érudits qui s'y distinguérent par de remarquables travaux, 
il faut citer, outre le docte président de l’œuvre, les noms 
de Karl Bartsch, E. Bóhmer, H. Delff, E. Erdmann, 
Th. Pauer, A. de Reumont, mais surtout le docteur Scar- 
tazzini, dont les publications sont aussi nombreuses Wee 
méritoires. 

L'Angleterre se distingue également par le nombre et 
la valeur de ses traducteurs. Peu de temps aprés la mort 
du Dante, c’est Chaucer qui débute par une version libre, 
mais exacte, de plusieurs pages détachées de la Trilogie. 
Rogers traduit à son tour, en 1782, l'Enfer en vers blancs 
métriques; Cary rend de méme toute l'Épopée, que Boyd 
(1809) donne en stances de six vers. La traduction de 
Charles Wrigt (1855-1840) en tercets est des plus estimées, 
tandis que Taylor (1845) emploie un métre de fantaisie. 
L'Angleterre est fertile en reproductions du Dante, car de 
1845 à 1865 on en peut citer jusqu'à sept, dont une fort 
remarquable, due à la plume d'une dame, Mrs Ramsay. 
Toutefois l’œuvre métrique de Longfellow est de beaucoup 
supérieure aux autres. Nommons encore la savante disser- 
tation de H. C. Barlow (1870), sur la magnifique édition due 
à feu George John Warren, Lord Vernon, pair d'Angleterre. 

Les traducteurs français sont moins nombreux. Depuis 
l'abbé Grangier, aumônier de Henri IV, auquel il dédia 
son poéme en strophes de six vers alexandrins, et l’œuvre 
de Montonnet de Clairfons, publiée en 1776, on compte 
seize traductions. Parmi les modernes, celles de Lamen- 
nais (1862) et de Louis Ratisbonne, qui eut trois éditions, 
sont les mieux appréciées. Si la premiére, malgré les 
charmes relatifs d'un langage correct et élégant, joint à 


( 248 ) 

un style des plus élevés, est de beaucoup inférieure à la se- 
conde, Louis Ratisbonne en donne d'avance les motifs dans 
sa préface : Les traductions, dit-il, « que l'on fait d'un poéte 
en prose sont à coup sür les plus perfides. Elles sont 
fidèles à la littéralité du modèle, infidèles, si je puis wex- 
primer ainsi, à sa littérature. La musique des paroles est 
retranchée avec le métre, en méme temps que les tours, 
les hardiesses, les images du poéte s'allanguissent au 
milieu des pruderies de la prose, surtout dans notre phrase 
francaise, qui marche un peu comme le recteur et sa suite, 
et qui n'a pas retrouvé depuis Amyot cette vive et courte 
allure que regrettait Fénélon. » Il est une autre raison que . 
le poëte n'indique point : c'est que le Dante, réformateur 
de sa langue maternelle, écrivit dans l'idiome populaire 
— volgare poesia — tout en relevant singulièrement cet 
idiome par le sublime des idées, le choix des expressions, 
le style à la fois simple, élevé et concis. Le savant Witte, 
partageant cette manière de voir, appelle l’œuvre de L. Ratis- 
bonne « une traduction justement renommée; » et bien 
que les tercets francais soient en vers alexandrins et ne 
rendent point le rhythme cadencé des terze rime de l'ori- 
ginal, l'Académie francaise devanca le jugement porté par 
le professeur allemand, en décernant successivement à 
cette belle Trilogie les prix Monthyon et Bordin. 

Quant aux traductions russes, M. Witte mentionne l'En- 
fer en prose, par Dima (1843), et l’œuvre complète, par 
Dmitri Mein (1855). Pour la Suéde il cite celle de Bót- 
tinger (1855); enfin au Danemark la traduction de Mol- 
bech (1851-1865). 

Bornons-nous à cette nomenclature, sans doute par 
trop sèche ; exposé succinct, n'ayant aucun rapport avec la 
marche solennelle, mais si poétique, des chefs de corps de 


( 249 ) 
la grande revue dont le Tasse fait montre au Chant I” de 
sa Jérusalem délivrée. Si je n'ai exhibé qu'un maigre défilé 
au pas decourse, de silhouettes vaguement dessinées, cela 
suffit toutefois pour déterminer la part prise par chaque : 
pays à la glorification de l'eeuvre immortelle du grand 
poéte, sauf la Néerlande, à laquelle j'ai réservé une men- 
tion plus spéciale et plus détaillée. 


Le culte voué à l’œuvre magistrale du Dante ne remonte 
pas aussi loin aux Pays-Bas qu'en Allemagne, en Angle- 
terre et en France. Méme au temps de la renaissance des 
lettres néerlandaises, vers la fin du XVI siècle et à l'époque 
la plus brillante du XVII, le Dante parut complétement 
ignoré ou méconnu. Cependant la langue italienne devait 
étre assez familiére aux esprits d'élite dont les chefs- 
d'euvre brillent encore aujourd'hui du plus vif éclat; 
témoin le style de Spieghel, si riche en inversions et en épi- 
thétes, mais parfois entaché de ces jeux de mots qui sem- 

lent empruntés aux concetti italiens. Il en fut de méme 
de Hooft et de Huygens, qui tous les deux visitèrent l'Ita- 
lie, le premier en simple touriste, le second en qualité de 
secrétaire d'ambassade. Hooft y demeura deux ans, et le 
style de celui qu'on nomma depuis le Tacite néerlandais, 
y acquit la souplesse, la verve et la grace de Pétrarque. 
Sa pastorale héroique Granida, remplie d'imitations de 
l'Aminte du Tasse et du Pastor Fido de Guarini, se ressent 
de son séjour dans la patrie du Dante. Huygens, polyglotte 
érudit, composa méme des vers italiens; Heemskerck, 
dans son ouvrage intitulé l'Arcadie batave, mentionne une 
édition de poche des sonnets érotiques de Pétrarque. Les 
grands maîtres italiens, le Dante excepté, étaient donc 


( 250 ) 
quelquefois imités; mais on ne trouve pas méme son nom 
cité dans les œuvres de Vondel, ni par le plus digne des 
commentateurs de ce dernier, Jacques van Lennep. 

Était- ce ignorance, dédain ou parti pris? Le Dante 
était-il trop Gibelin aux yeux de ses coreligionnaires et 
pas assez au goüt des cultes dissidents? Toujours est-il que 
pour le publie néerlandais la Trilogie resta lettre morte 
jusqu'en 1847, bien que Bilderdijk eût donné, en 1826, 
une imitation de l'épisode d'Ugolin, reproduite depuis au 
tome XIV de ses poésies complètes. Mais la facture pesante 
de ces alexandrins, alourdis encore par trop d'emphase 
et de redondance, rendent bien mal les terze rime du texte 
original, dont la simplicité concise n’a d'égal que la forte 
pensée qui les fit éclore. N'est-il pas étonnant que le plus 
illustre de nos poétes modernes, lui qui avait les vers 
si faciles, se jouait de la rime, possédait à fond l'italien, 
de méme qu'il connaissait la presque totalité des langues 
anciennes et modernes; n'est-il pas étonnant qu'il se 
soit borné à rendre en vers de dix pieds ce seul épisode 
d'Ugolin ? 

Ce ne fut qu'à vingt années de là qu'en fervent et digne 
adepte de Bilderdijk, le poéte Ten Kate essaya de traduire 
en tercets les dix premiers Chants de l'Enfer, reproduits 
depuis au V* volume de ses Poésies (1864). J'y revien- 
drai dans la suite. Déjà, cependant, E.-J. Potgieter, à la 
fois critique judicieux et poëte distingué, avait donné, dés 
1839, un bon exemple, en publiant dans une revue fort 
estimée, De Gids, l'épisode si attachant de Francesca 
da Rimini, emprunté au Chant V° de l'Enfer. Il se re- 
trouva depuis dans les œuvres posthumes de l'auteur 
(1876). Potgieter s'attache à rendre en tercets les vers du 
texte italien. Or les strophes du Dante se composent cha- 


( 251 ) 

eune de trois vers de onze syllabes, toutes rimes féminines 
disposées en terza rima. Elles s'enchainent et se croisent 
de manière à faire rimer le 2° vers de la 1"* strophe avec 
le 1% et le 5° vers de la strophe suivante; le 4°% et le 3° 
vers de la 1'* strophe, rimant de méme avec le 2° vers de 
la 2° strophe, et invariablement ainsi jusqu'à la fin de ce 
long poëme. Bien que Potgieter se fût exécuté quant aux 
exigences de la rime, il ne tint pas compte du métre 
endecasillabo et composa ses tercets en alexandrins de 
treize syllabes. Si ces deux syllabes en trop facilitérent 
parfois la traduction, le poëte ne sut pas toujours éviter le 
danger de remplissages inutiles. De là une charmante imi- 
tation plutót qu'une traduction fidéle des vers si concis et 
si corsés de l'original. 

On en était à ces timides tàtonnements , quand parut, 
en 1864, la Trilogie complète en iambes de cinq pieds, 
vers blancs métriques de A.-S. Kok. Cette œuvre excelle 
par une scrupuleuse fidélité au texte italien placé en re- 
gard. Elle le rend constamment par des équivalents choisis 
avec discernement et par une louable sobriété d’expres- 
sion, exempte de boursouflure redondante. Il est certain 
que M. Kok, après une étude consciencieuse de l’œuvre du 
grand maître, s’est entièrement identifié avec son modèle. 
Je n’en veux pour preuve que les notes placées à la suite 
de chaque Chant, sobres de détails, mais amplement suffi- 
santes pour l'intelligence du texte. Je me réfère surtout 
au beau travail intitulé : « Dante Alighieri, son époque et 
ses œuvres », qui termine la dernière partie de la Trilogie. 
J'y ai puisé plus d’une précieuse indication. 

Si l’on veut avoir une idée juste des difficultés d’inter- 
prétation du Dante, écoutons parler M. Kok : « Le lan- 
gage du poéte est bref, serré, énergique, et se rapporte en 


( 252 ) 

tout aux tableaux qu'il dépeint. Il n'hésite point à se servir 
de loeutions d'apparence étrange, à forger des expressions 
hardies, quand il les juge utiles à son œuvre. C'est avec 
raison qu'on a comparé son langage à celui des anciens 
prophétes : comme eux il semble sculpter ses pensées en 
relief; elles sont vivantes, palpables. Dans ses expressions 
il est aussi fort réaliste que pas un, et né tient compte ni 
dela fausse délicatesse, ni de la sensiblerie. Si le poéte 
nous offre ses tableaux de l'Enfer, ceux qu'ils offusquent 
pourront s'en détourner avec terreur : mais l'artiste ne leur 
concédera rien, n'hésite en rien, et Gœthe avait peut-être 
raison en appelant l’œuvre du Dante « eine widerwärtige, 
oft abscheuliche Grossheit.» Ailleurs le traducteur rappelle 
que le poéte « appartient au moyen-âge, comme Homère 
aux temps anciens et Shakespeare à l'époque moderne. » 
Douze ans plus tard une voix plus autorisée encore, celle 
de M. Joan Bohl, ce traducteur par excellence de l'immor- 
tel Florentin, exprimait plus explicitement la méme idée. 
Il disait : « Au terme de chaque grande époque le monde 
semble enfanter un poéte qui, pareil au héraut, annonce 
siécle par siécle à la postérité les grandes figures des temps 
passés. Homére chante la Gréce paienne; à mille années 
de là, Virgile décrit le paganisme latin; encore un millier 
d'années et le Dante célébrera la chrétienté. Cet homme 
surgit vers la fin du moyen âge; il en devient la personni- 
fication. Il concentre en lui tout ce que son temps résume 
en penser, en savoir, et c'est en couleurs impérissables 
qu'il en retrace les tableaux. » 

M. Bohl définiten ces termes le beau travail de M. Kok : 
« Le talent, un labeur incessant et une grande force de 
volonté, donnérent naissance à cette traduetion métrique 
si recommandable. » On ne peut que souscrire à cet éloge 
si bien mérité. 


( 253 ) 

Par une traduction remarquable de la Gerusalemme 
liberata, aussi élégante que correcte et dans le mètre 
méme de l'original, le poéte Ten Kate avait, dés 1855, 
octroyé au chef-d'eeuvre du Tasse la grande naturalisation 
néerlandaise. Il était réservé à M. Hacke van Mijnden 
d'en faire autant pour le Dante, c'est-à-dire, de rendre les 
lerze rime de la Trilogie en strophes, rhythme et rimes 
équivalents. Ceux qui savent que le néerlandais ne posséde 
ni le nombre , ni la diversité de terminaisons féminines, si 
familiéres aux langues du Midi, apprécieront l'extréme 
difficulté de faire concorder l'esprit et la lettre du texte 
avec la traduction en tercets de construction italienne. 
Hacke réussit admirablement à cette tàche ardue, à ce jeu 
de casse-téte, et cela sans la moindre défaillance durant 
les trois parties de cette immense Trilogie! M. Bohl rend 
justice à celui qu'il devait surpasser un jour. « Lorsque 
jouvris (dit-il) l’œuvre colossale du docteur Hacke, je fus 
saisi d'admiration et de respect. Quel homme que celui 
qui sacrifiait et son or et les plus belles années de son exis- 
tence à poursuivre , d'un zéle noblement soutenu , un but 
tellement grandiose qu'on ne saurait s'en créer un plus 
élevé! Quel honneur pour la Néerlande d'avoir produit un 
Hacke van Mijnden! Avec quelle ardeur il convie à l'étude 
du Dante! Pareils devanciers méritent l'hommage des con- 
temporains comme celui de la postérité ». 

L'étranger devanca ce jugement enthousiaste. Dés la 
publication de l'Enfer (1867) le roi d'Italie confère à Hacke 
sa croix de-commandeur de l'Ordre des SS. Maurice et 
Lazare; le Ministére de l'Instruction publique le nomme 
membre de là Commissione pe testi di lingua ; en 1871 le 
Dante-Verein allemand le compte au nombre excessive- 
ment restreint de ses membres d'honneur; enfin les revues 


( 254 ) 
les plus aceréditées, les journaux, rendent hommage à cette 
belle œuvre. Parmi ces comptes rendus on distingua ceux 
que M. M.-H. Van Lee, polémiste politique et littéraire 
justement estimé, écrivil avec sa finesse d'appréciation 
habituelle dans plusieurs organes hollandais ou flamands, 
ainsi que dans là Augsburger Allgemeine Zeitung (1). 

Hacke v. Mijnden mourut en 1875, aprés l'achévement 
du « Paradis » mais sans en avoir vu la publication. Celle- 
ci eut lieu la méme année, presque simultanement avec 
un article fort élogieux , dà à la plume du savant Karl Witte 
et inséré dans la Illustrirte Zeitung du 25 juin. 

Qui ne croirait que pareille œuvre dût se trouver dans 
toutes les mains? Il n'en fut rien. Imprimée avec un luxe 
typographique inoui, dans le format gr. in-folio, sur fort 
papier vélin, avec le texte en regard du néerlandais et les 
commentaires au bas de la page; rehaussée par les belles 
gravures de Doré; les trois volumes richement reliés en 
maroquin du Levant; cette édition princière n'était pas 
dans le commerce et méme n'y sera jamais. L'auteur en 
destina le petit nombre d'exemplaires à quelques hauts 
personnages, à des bibliothéques publiques, à des amis par- 
ticuliers (2). On put croire un instant qu'une édition popu- 
laire verrait le jour; mais Hacke ne se départit point de sa 
réserve première, plus accentuée encore par une défense 


(1) J'eus également l'honneur d'offrir le tribut de mon admiration à 
M. Hacke; mais redoutant avec raison les difficultés du mètre endecasil- 
labo et dt la terza rima, je me bornai à lui adresser une pièce de vers en 
hexamétres et pentamétres, parati depuis au tome III de mes Poésies. 

(2) S. M. le Roi des Belges, M. le baron Gericke de Herwijnen, M. Jules 
Van Praet, M. M.-H. van Lee, la Bibliothèque royale à Bruxelles, celle de 
l'Université de Gand et l'auteur de cette Notice, ont seuls reçu en Belgi- 
que des exemplaires offerts par l'auteur. 


( 255 ) 
formelle, insérée dans son testament. Les bibliophiles se 
disputeront un jour ces trop rares volumes. 

Cependant l'élan était donné et plus d'un homme de 
goüt s'éprit des poésies du Dante. On eut ainsi du savant 
philologue J. van Vloten un apercu remarquable sur la vie 
et les œuvres du grand Florentin ; du pasteur J. H. Gun- 
ning (1870) une excellente étude : « Dante Alighieri » et 
plus tard (1876) la brochure non moins attachante: « La 
vie de l'humanité et l'existence humaine, une Divine 
Comédie. » Mais M. Bohl rendit un service encore plus 
signalé en fondant, à l'exemple du Dante-Verein allemand, 
la revue De Wachter, Nederlandsch Dante-Orgaan, presque 
exclusivement consacrée à la diffusion, à l'appréciation des 
œuvres du Maitre ou aux écrits qui s’y rattachent. La cri- 
tique aussi y tient sa place. Tout en prenant la haute direc- 
tion de cette revue, M. Bohl sut grouper autour de sa 
personnalité plus marquante une pléiade d'éminents col- 
laborateurs, tant regnicoles qu'étrangers. J'ai emprunté à 
cette revue plus d'un renseignement important. 

Si le travail de Hacke v. Mijnden fut une révélation, en 
tant qu'elle confirmait la possibilité de rendre les vers du 
Dante en une métrique absolument semblable, l'apparition 
d'une traduction nouvelle de l'Enfer (1), également en vers 
endecasillabi, prit les proportions d'un événement. C'était 
l'euvre de M. Joan Bohl, jurisconsulte et homme de let- 
tres distingué, déjà favorablement connu par plus d'une 
publication historique ou littéraire. On s'émut à l'idée de 
voir paraitre ainsi, coup sur coup, deux traductions cou- 
lées dans un méme moule rhythmique, alors que l'on 


(1) Trois livraisons tout aussi remarquables du « Purgatoire » (Chants 
I-X1I) ont paru depuis. 


C ZOU) 

croyait la langue maternelle rebelle à pareille pléthore , 
jusqu'iei inconnue, de rimes féminines. On se plut à com- 
parer la création récente avec celle de Hacke, et sans 
amoindrir en rien la haute valeur de cette derniére, la pré- 
férence demeura acquise au nouveau venu. Une étude ap- 
profondie du texte, jointe à une parfaite connaissance de 
la langue italienne, dans laquelle le poëte correspond avec 
les sommités de la littérature Dantesque, expliquent l'in- 
contestable supériorité de l’œuvre de M. Bohl. Publiée 
dans les modestes proportions d'un bel in-8°, il en parut 
en moins d'une année une deuxième édition (1876). Elle 
était accompagnée d'une « Justification, » expliquant com- 
ment l'auteur fut amené à rendre publie le résultat d'un 
travail poursuivi pendant de longues années, sans relàche, 
avec une fiévreuse ardeur; tendant à s'assimiler et à rendre 
non-seulement la valeur de chaque expression, mais sur- 
tout l'idée mére qui préside à la création du Dante et dont 
chaque page révéle les traces multiples. Ce double respect 
envers la lettre et l'esprit du texte, M. Bohl le démontre 
dans sa Justification, en citant à l'appui plusieurs strophes 
ou vers isolés, comme reproduction mot à mot de l'original. 
Enfin il codifie en quelque sorte les exigences requises 
pour bien comprendre et traduire le Dante. On les trouvera 
résumées plus loin. 

Le succés de cette publication hors ligne, constaté 
d'abord en Hollande, retentit bientót à l'étranger. C'est 
ainsi qu'aux Pays-Bas le professeur Dozy écrit à M. Bohl : 
« Il me semble que votre traduction excelle autant par la 
fidélité que par la vigueur et l'élégance. La tàche était fort 
ardue, mais vous vous en étes acquitté de main de maitre. » 
Notre savant confrére, le professeur De Vries, est plus ex- 
licite: « J'ai suivi avec le plus vif intérêt (dit-il) la traduc- 


( 257 ) 

tion de l'Enfer du Dante. Elle est, en effet, d'une fidélité, 
d'une exactitude remarquables, et rend le texte de la façon 
la plus heureuse. On ne peut assez louer l'épisode de Fran- 
cesca da Rimini : elle est digne de l'original et c'est là le 
plus grand éloge auquel un traducteur puisse prétendre... 
J'éprouve le besoin de vous répéter à quel point j'estime 
votre magnifique travail, qui me semble un véritable trésor 
pour notre littérature. Ce n'est pas peu de chose d'avoir 
accolé à tout jamais votre nom à celui de l'immortel Ali- 
ghieri, et personne ne pourra désormais vous contester ce 
titre glorieux. » 

D'autre part , M. le professeur A. Dupont, de Louvain, 
consacre à l'appréciation de l’œuvre un important article 
dans la revue De Wachter. Il y est dit : « La traduction 
et les commentaires qui l’accompagnent dénotent un pro- 
fond savoir en philosophie et en théologie, une connais- 
sance étendue de la langue italienne, une étude persévé- 
rante de l'original..... M. B. ne se borne pas à néerlandiser 
les idées, les sentiments du Dante : il nous le montre 
comme écrivain et poéte dans le caractère qui lui est 
propre. La tâche d'un traducteur, eu égard aux difficultés 
presque insurmontables qui l'accompagnent, avait été for- 
mulée par M. B. lui-même de la manière suivante : fidélité 
constante dans la traduction; langage et style de la plus 
grande simplicité; connaissance approfondie du caractère 
de l'auteur, de sa vie et de son époque; science étendue, 
goût épuré; posséder à fond les deux langues..... A notre 
humble avis la présente traduction satisfait pleinement à 
ces exigences et mérite à ce titre de figurer, comme un 
joyau précieux, dans la couronne littéraire de la Néer- 


Quant aux nombreux commentaires, ils justifient entiè- 
2"* SÉRIE, TOME XLVII. 


( 258 ) 

rement les jugements portés plus haut. Le savant L. W. 
van Deventer les déclare « excellents par leur clarté. » 
Ailleurs un homme éminent, dont la Hollande, sa patrie, 
est fière à juste titre, M. Jacques Moleschot, sénateur du 
royaume d'Italie et successivement professeur de physio- 
logie aux Universités de Turin et de Rome, écrit au vaillant 
traducteur : « Je trouve vos commentaires réellement par- 
faits et des plus clairs, tandis que d'autres s'évertuent par- 
fois à élueider ce que chacun comprend, mais laissent dans 
l'ombre ce qui était obscur. » Enfin le pape Pie IX, bro- 
chant sur le tout dans un bref du 22 novembre 1876, 
définit ces mêmes commentaires une « recta et sana ex- 
plicatio; » puis, appréciant l’œuvre dans son ensemble, 
S. S. ajoute : « te docte ac naviter praestitisse quod multa 
cum laude efficere constituisti. » Notons, en passant, qu'un 
abime sépare les croyances religieuses et politiques du 
Saint-Pére de celles du savant Moleschot. Les extrémes 
furent ici d'accord pour louer une œuvre réellement hors 
ligne. 

En fait de distinctions honorifiques, celle de l'annonce 
d'une nomination imminente comme membre d'honneur 
du Dante-Verein en vaut bien d'autres. La Société alle- 
mande n'en compte, je pense, actuellement que deux : le 
célébre Longfellow et le commandeur Giuliani à Florence. 
L'éminent professeur Karl Witte prévient en ces termes 
M. Bohl de cette haute distinction : « La Riunione Dantesca 
ha due specie di socj : ordinarj e onorarj. Questi ultimi, 
che sono in iscarsissimo numero, non possono nominarsi 
che nelle Assemblee generali. Se sene convocasse una, non 
mancherei di proporre V. S., e sono persuaso che sarebbe 
nominata a consenso unanime. » 

Et la critique? Elle fut à peu prés nulle. Si MM. Dupont 


( 259 ) 

et Moleschot adressent au traducteur quelques observa- 
tions fort bénignes, ils procèdent par interpellations sous 
forme dubitative. Le premier les déclare « des points d'inter- 
rogation insignifiants ; » le second ajoute: « vous ne savez 
que trop bien où et pourquoi vous vous seriez écarté du 
modèle... rejetez simplement tout cela, si vous jugez que 
J'ai tort ou que je chicane sur des riens. » 

Cependant la note discordante ne pouvait manquer à ce 
concert d'éloges : elle finit méme par aboutir à la note 
gaie. Comme transition du grave au doux on peut citer un 
article.du docteur Wap, sérieux quant au fond, mais de 
forme humoristique. Le savant critique y témoigne de ses 
préférences pour les traductions en prose, notamment pour 
celle de Mesnard (1854); mais il parle avec un profond 
mépris de la terza rima, qu'il appelle « se permettre des 
cabrioles sur la lyre du Dante. » C'est affaire de goût et 
d'appréciation. il dépeint ensuite M. Bohl « escaladant 
courageusement les rocs escarpés et les anfractuosités in- 
fernales du Tartare florentin , sans se préoccuper le moins 
du monde des piéces et morceaux de la langue maternelle, 
tombés de ci, de là, dans l'une ou l'autre crevasse des aspé- 
rités d'un monde souterrain. » M. Wap eût bien dà repé- 
cher quelques-uns de ces lambeaux pour les restituer cha- 
ritablement à leur propriétaire : mais il ne songea point à 
lui faire cette gracieuseté Par contre il loue la prudence 
du poëte Ten Kate, lequel, n'ayant pas assez préjugé de 
son courage et de ses forces, lors d'une récente traduction 
de l'Enfer, « s'était tenu sur un terrain uni, marchant au 
pas d'un métre par à peu prés alexandrin. » Or, le profes- 
seur Karl Witte avait, lui aussi, déclaré ces mémes vers des 
terze rime par à peu prés. « Tous deux étaient dans le 
vrai : car les dix premiers Chants de l’ Enfer, publiés par Ten 
Kate en 1847, tout en conservant le croisement des tercets 


( 260 ) : 
du Dante, alternaient les rimes masculines d'un métre 
iambique de cinq pieds (dix syllabes au lieu de onze), avec 
les rimes féminines de la terza rima italienne. 

Si Hacke v. Mijnden avait frustré le bon publie de sa 
superbe édition, Ten Kate eut à cœur de combler cette 
lacune. Il continua donc les dix Chants précités jusqu'au 
55° et publia en 1876 l'Enfer dans le format in-folio, avec 
les gravures de Doré. C'était parfait; mais il se donna le 
tort d'ajouter en sous-titre : traduit dans le mètre de l'ori- 
ginal. Cette légère supercherie valut à son auteur le ma- 
nifeste intitulé: « Un Dante écloppé », dù à la verve acérée 
de M. Bohl. On y reprochait au nouveau traducteur de dé- 
figurer d’une façon indigne le maître italien et d’avoir ainsi 
amputé le Florentin d'un pied en le faisant pitoyable- 
ment clocher; de ne pas connaître un traître mot d'italien 
et d'avoir simplement eu recours à des traductions alle- 
mandes pour parfaire la sienne. Enfin, aprés une foule de 
récriminations plus désagréables les unes que les autres, 
on conseillait au traducteur de placer en vedelte sur son 
titre : « Traduction libre de l'allemand, avec mutilation du 
métre original. » 

Ten Kate, qui appartenait comme Bohl au genus irrita- 
bile vatum et se souvenait fort à propos que 


« C'est dedans l'encre seul qu'on lave un tel outrage » , 


Ten Kate répliqua par une plainte douloureuse; son agres- 
seur ne s'était pas contenté « de méler une goutte de ci- 
tron à une coupe de miel; mais il lui avait mis aux lèvres 
un calice débordant d'amertume fortement absinthée. » 
ll se prévalut de l'opinion de quelques vieux auteurs hol- 
landais pour prouver sa fidélité au mètre original; mais 
lui-méme détruit cette assertion en avouant que ses rimes 
masculines ressemblent à « la reproduction de l'Apollon 


( 261 ) 
du Belvédère, moins une phalange au pied gauche.» Il ter- 
mine en incriminant quelques passages de la traduction 
Bohl ? 

La réponse de ce dernier fut accablante. C'était une 
eruelle philippique, sous ce titre mordant : « Dante es- 
tropié des deux côtés », c'est-à-dire, boitant de gauche 
par la rime et de droite par la traduction. Le poëte ap- 
pelle à la rescousse une légion d'Academici della crusca, 
chargés d'expliquer la structure du vers endecasillabo et 
de la terza rima. Il y joint un imposant cortége de gram- 
mairiens et de commentateurs italiens, pour prouver que 
son antagoniste n'avait jamais lu, et pour cause, le texte 
du Dante. Ten Kate, mortellement accablé — au figuré 
s'entend — par cette avalanche de grimoires du plus for- 
midable embonpoint et pareils aux lourds in-4°, lancés 
d'une main si süre par le terrible chanoine Fabri, au V* 
Chant du Lutrin, Ten Kate ne répliqua point. Je tiens néan- 
moins de source certaine que M. Bohl offrit de vider le 
débat au champ clos d'une discussion publique. Il mit pour 
unique condition que la joute aurait lieu, non plus à coup 
de plume, mais à coup de langue... italienne. Offrir de 
discuter dans l'idiome du Dante, quelle insidieuse dérision ! 
Ten Kate refusa cette proposition pourtant si courtoise , 
et l'affaire en resta là (1). 

En somme la traduction de Ten Kate, qui du reste se 
lit fort agréablement, ne vaut pas celle de Hacke, et bien 
moins encore celle de Bohl, supérieure à toutes deux sous 
tous les rapports. Je donne, comme Appendice, en méme 


(1) Sous le titre de « Une furie dantesque» Eene Dante-Furie », j'ai 
détaillé dans la Revue flamande De Toekomsr (1877) toutes les péripéties 
de cette. lutte serioso-burlesque entre deux hommes d'un incontestable 
talent littéraire. 


( 262 ) 
temps que le texte italien, huit strophes avec leurs com- 
mentaires de chacune des quatre grandes traductions néer- 
landaises du Dante (1). 

- Je ne saurais terminer sans mentionner au moins une 
cinquième traduction (sic) de l'Enfer, par le pasteur Tho- 
den van Velzen. Un eritique dont personne ne contestera 
la compétence, professeur érudit et lui-méme poéte dis- 
tingué, M. Schaepman, en parle en ces termes dans sa 
propre Revue De Wachter (1871) : « Quand je parcours 
l'Enfer du Dante, mis en vers par U.-W. Thoden van Vel- 
zen, alors s'éléve vers moi de chaque page, de chaque ligne, 
le eri déchirant de douleur du plus grand des poétes. 
L'esprit du Dante parait chassé de ces vers à grands coups 
d'étriviéres... Libre à chacun de feuilleter ce livre étrange; 
mais à qui veut s'épargner une couple d'heures du plus 
mortel ennui, je conseille de le laisser dormir en paix. » 
A l'appui de ce jugement sévére, M. Schaepman cite deux 
longs extraits , qu'il refait ensuite bel et bien en terze rime, 
sans doute pour montrer à l'auteur comment il eût dû s'y 
prendre. 

M. Bohl traite le même sujet avec sa verve caustique : 
« Passé quelques années (dit-il) M. Thoden van Velzen fit 
inscrire aux registres de l’état civil littéraire, un és bà- 


(1) A cet effet j'aurais voulu choisir le touchant épisode de Francesca 
da Rimini, traduit avec une admirable précision et si savamment commen- 
tarié par le poëte Bohl ; mais on peut comparer et apprécier la valeur re- 
lative de chaque traduction à bien moins de vingt-trois strophes, quatre 
fois répétées, ce qui eût été un peu long. Jc me suis rabattu ensuite sur 
« Le Purgatoire » qui donne en huit strophes une légende concernant 
l'empereur Trajan, consignée également dans Paulus Diaconus : « Vita 
Gregorii magni, » mais la traduction du poëte Ten Kate fait jusqu'ici 
défaut. J'ai alors ouvert l'Enfer du Dante et j'en ai copié au hasard les 
huit strophes de mon Appendice. 


( -265 ) 

tard mort-né. Afin de mieux en dissimuler la véritable ori- 
gine, il lui donna le nom mystérieux de « l'Enfer du 
Dante ». Ce petit avorton fut immédiatement enterré et 
nulle créature n'en entendit oncques parler depuis. Au peu 
de personnes qui avaient entrevu ce fœtus, il leur parut si 
dróle, qu'ils ne purent se soustraire à l'entrainement d'une 
irrésistible gaîté... Le pasteur van Velzen est du nombre 
de ces citoyens utiles, créés à la grande joie de leurs sem- 
blables. Jamais il ne prend la plume en main sans leur 
procurer les secousses salutaires d'un fou-rire »... 

Jecrois pouvoir arréter ici lacritique au sujet de ce Dan- 
Liste, assez maladroit, au dire de M. Schaepman, pour arra- 
cher... « un cri de douleur au plus grand des poëtes » ; 
mais je désire finir par une pensée au moins consolante : 
Des cing traductions de la Trilogie Dantesque aux Pays- 
Bas, il en est trois, mettons quatre, que mon pays peut 
se féliciter d'avoir vu naitre dans un espace de temps rela- 
tivement limité. Celle de M. Joan Bohl est incontestable- 
ment la plus méritoire. Peu importe alors que l’œuvre du 
pasteur van Velzen soit née non viable, pourvu que l'on 
puisse dire avec un juste orgueil de M. Bohl et de son 
rejeton littéraire : le père et l'enfant se portent bien! 


APPENDICE. 


Texte italien de l'Enfer du Dante. Chant Ile. Vers 94 à 417. 
Donna é gentil nel ciel, che si compiange 


Di questo impedimento , ov' io ti mando, 
Si che duro giudieio lassù frange. 


( 264 ) 
Questa chiese Lucia in suo dimando, 
E disse : Ora abbisogna il tuo fedele 
Di E ea io a te lo raccomando. 


Lucia, nimica di ciascun crudele, 
Si mosse, e venne al loco doy’ i' era, 
Che mi sedea con l'antica Rachele : 


Disse : Beatrice, loda di Dio vera, 
Chè non soccorri quei che t? amò tanto, 
Ch’ uscío per te della volgare schiera? 


Non odi tu la pièta del suo pianto? 
Non vedi tu la morte, che '| combatte 
Su la fumana, onde '| mar non ha vanto? 


Al mondo non fur mai persone ratte 
-A far lor pro, ed a fuggir lor danno, 
Com' io dopo cotai parole fatte, 


Venni quaggiù dal mio beato seanno, 
Fidandomi nel tuo parlare onesto, 
Ch’ onora te e quei ch' udito l’ hanno, 


Poscia che m’ ebbe ragionato questo, 
Gli occhi lucenti, lagrimando, volse : 
Per che mi fece del venir piü presto. 


Traduction néerlandaise de A. S. Kok , en vers blancs iambiques. 


94. Een vrouw woont in den hemel die — zachtmoedig — 
Om "t onheil treurt waartegen ik u uitzend , 
Zoodat ze omhoog 't onwrikbaar oordeel opschort. 
97. Zij riep Lucia in haar wenschen op 
rak tot haar : « Thands beeft uw trouwe dienaar 
Behoefte aan u. 'k Beveel hem aan uw bijstand. 
100. « Lucia, vijandin van alle wreedheid , 
op en kwam ter plaatse waar ik was, 
Ik die gezeteld ben bij de oude Rachel. 


( 265 ) 
105. « Gij, de eere Gods in waarheid , Beatrice! 
(Sprak zij), hoe helpt ge niet die u zoo lief had, 
Dat hij om u steeds de ijd'le schaar liet varen! 


106. « Hoort gij het jamren niet van zijn geween; 
Ziet gij den dood niet waar hij, op den stroom 
Wien t woên der zee niet overtreft, meê worstelt? » 


109. « Op de aard had niemand ooit een spoed, om 't geen 
Hem baat te zoeken of het wee te ontvluchten, 
Als ik had na de woorden, dus gesproken, 


112. « Om af te dalen van mijn zaal'gen zetel , 
Daar °k me op uw rechtgeaarde taal vertrouw, 
Die u en hun die haar verstaan tot eer strekt. » — 


113. « Nadat ze dus mij dit had meégedee 
Sloeg zij het glansrijk oog al on opwaarts, 
Wat mij te meer in grooten haast deed gaan 


AANTEEKENINGEN. 


94. De drie vrouwen waarvan hier door Beatrice gesproken wordt 
hebben mede een symbolische beteekenis. De zachtmoedige 
vrouw uit dit vaers is Maria, het symbool der GODDELIJKE GOE- 
DERTIERENHEID. Lucia, de martelares van Syracuse, de aange- 
roepene van hen die aan de oogen lijden, is het zinnebeeld van 

e VERLICHTENDE GENADE Gods, en Rachel wordt door de bij- 
belverklaarders als het symbool van het BESCHOUWENDE LEVEN 
aangemerkt, 

108. Die stroom is hier weder zoowel het zinnebeeld van de woe- 
dende partijschappen in Florence (Zie Pure. XIV), als van de 
beroeringen der zondige hartstochten. 


Traduction du Dr A. C. Hacke van Mijnden, en vers terze rime 
(endécasyllabiques). 
*« Eene edle vrouw is daar in 's hemels hoven. 


« Zij was door "t leed, waarheen 'k u zend, bewogen. 
96. «« Haar klacht verbrak het hoog besluit daar boven. 


e 


— 


c 


( 266 ) 
«« Zij daalde tot Lucia uit den Hoogen, 
«« En sprak aldus : « uw trouwe vriend daalt weder 
. «« Naar 't woud: « o bied hem hulp naar uw vermogen. 


«« Lucia, van nature zacht en teeder, 
«« Stond op en kwam ter plaats, waar 'k haar verbeidde , 
. «« En waar 'k met de oude Rachel zat ter neder. 


«« Beatrix, ware roem van God » — z00 z 
«« Zij haastig — « kan uw vriend geen inis tn: 
. «« Die bovenal om u zich onderscheidde? 


ua Spreek, hoort ge niet zijn droeve —— 
«« Zie hoe hij worstelt met den dood, aan 
«« Die nimmer aan de zee hun schatting arte 


«« Ik zag nooit menschen zich zoo haastig spoeden 
«« Om winst te doen of schade te vermijden, 
. «« Als ik, toen ik haar meening kon bevroeden. 


«« ’k Verliet den hemel en zijn zoet verblijden; 
«« Zie mij, vertrouwend op uw taal, genaken, 
. «« Die u vereeren zal door alle tijden. » 


« Terwijl zij sprak, hoorde ik haar zuchten slaken; 
« ’k Zag 't schittrend oog in tranen half verscholen : 
. « Dat deed mij om te gaan nog sterker haken. » 


AANTEEKENINGEN. 


. Die « edle vrouw » is Maria, de ontfermende genade, die, bewo- 
gen met het lot der in zonde en ellende gedompelde mensch- 
heid , haar de straf van Gods rechtvaardigheid wil doen ont- 


7. Lucia, de heilige martelares , wier oogen , volgens de overleve- 
ring, te Syracuse werden uitgestoken, en die patrones is der 
ooglijders. Hier, gelijk de afleiding van haren naam te kennen 
geeft, is zij de genade , die als 't ware een licht ontsteekt in 
het bart des zondaars. Maria bewerkt den wil, Lucia geeft de 
kracht, terwijl Beatrix den zondaar werkzaam maakt tot 
zijne bekeering. 


. Rachel is het zinnebeeld van het beschouwende (contempla- 


107. 


( 267 ) 
tieve) leven. Zoo heeft dan de zaligmakende kennis van God 
(Beatrix) hare plaats naast het leven in aanschouwing van God 
(Paradijs XXXII, 8. Vagev. XXXIT, 104). 


Deze vloeden stellen de stroomen der hartstochten voor; zulke 
stroomen voeren niet naar de zee, maar naar de hel; zij ont- 
staan uit de tranen der ongelukkigen, en vormen in de diepte 
de stroomen , die wijlater zullen ontwaren (XIV, 94 Vgg.), 
en die in het allerdiepste der hel, in den Cocytus, stollen. 


Traduction de M. Joan Bohl, en terze rime (vers endécasyllabiques). 


94. 


Le) 
1 


« Ten hemel troont een vrouwe vol genaden, 

Die ?t kwaad betreurt, waarheen ik u wil zenden, 
En 't vonnis breekt , waarmede ’t wordt beladen. 

« "t Behaagde haar tot Lucie zich te wenden. 

« Gedenk, sprak zij; den doodsnood uws getrouwen , 
'k Beveel hem u, opdat ziju smarten enden. » 

« En Lucia, de zachtste van de vrouwen, 

Stond ijlings op, om zich tot mij te keeren 


: Naast Rachel, diep verzonken in beschouwen. 


. « Beatrix! riep ze; o ware lof des Heeren! 


Waarom uw minnaar niet ter hulp gevlogen , 
Die 't wufte volk verliet om u slechts te eeren ? 


. « Wordt uw gehoor niet door zijn klacht bewogen ? 


Ziet gij den dood niet, dien hij moet bestrijden 
In kolken, die méér dan de zee vermogen? » 


. « Nooit was een mensch op aard zóó vlug in 't mijden 


Van schà, noch ooit zoo snel om winst te halen, 
Als ik, toen zij die toespraak mij kwam wijden, 


. « Om van mijn zaalgen zetel af te dalen, 


In vol vertrouwen op uw wijze reden, 
Die u en de uwen steeds met roem omstralen. 


5. « Nadat de heilge mij dit had pen 


Sloeg zij de schittrende oogen op, in 
En daarom spoedde ik heen met de net eden. 


( 268 ). 


AANTEEKENINGEN. 


94. De Moeder Gods Maria, die door Dante diep vereerd werd. Zij is 
de verpersoonlijking der Goddelijke Barmhartigheid. Zij ver- 
tegenwoordigt de Voorkomende Genade (gratia praeveniens!, 
welke deu eersten , geheel paverdienden Vine tot bekeering 
in den zoudaar stort. Zij bewerkt, gelijk d 
Aquino uitdrukt, dat de mensch genezen dud (ut sanetur). 
Daarom kon Dante dan ook zeggen, dat hij het vonnis breekt, 
uitgesproken over het kwaad : d. i. de straf der zonde door 
boete en bekeering wegneemt, 


97-100. Lucia is de bekende martelares van Syracuse. Dante tte 
haar bijzonder, en wordt daarom haar « getrouwe » genoe 
Zij is de patrones voor de oogziekten en in ken à zin 
verlieht zij den blinden mensch der dwaling en zonde. De 
moeder Gods : Gratia praeveniens, rigt zieh tot Lucia, dewijl 


et cooperans) voorstell, welke bewerkt, dat de mensch het 

goede wil (ut bonum velit) en dit ook inderdaad doe (ut bo- 

num, quod vult, efficienter operetur). Daarom wordt van haar 

gezegd, dat zij de zachtste der vrouwen of de vijandin van alle 

hardheid is. De zachtmoedigheïd is het eenige middel om de 

verstoktheid des harten te breken ; zij is het schoonste sieraad 
er vrouw : haar uitsluitend wapen. 


102. Rachel, de dochter van Laban, de vrouw van den aartsvader 
Jacob, en als zoodanig de stammoeder van Israel, gelijk aan- 
geduid Mattheus II: 12: « Rachel beweende hare kinderen 
en wil niet vertroost worden, omdat zij niet zijn. » Zij is in 
het Oude Testament het beeld van het Beschouwende Leven 
dat tot den hoogsten trap der volmaaktheiJ voert. Daarom zit 
zij naast Beatrix : de H. Godgeleerdheid. 


-— 
I 


5. Beatrix eindelijk is de Volmakende Genade (gratia perfciens), 

ke bewerkt, dat de mensch in het goede volhardt et de 
hemelsche heerlijkheid verwerft (ut perseveret in bono et ad 
gloriam perveniat). Zie voor de genaden : S. Thom. de Aquino, 
Summa Theolog. Pars II. J. Questio IJ et III. 


z 
e. 


108. De koll m vns iin den mensch gevaarlijker 


EO AVIST i der © 4 


( 269 ) 
dan de rampen en stormen der levenszee. Uit het hart komen 
de booze begeerten. Maith. XV : 19. — De gevaren, welke 
Dante in het woud der dwaliug te bestrijden had, vergelijkt 
hij met de beroeringen der waterkolken, welke die van den 
Oceaan overtreffen. Zedelijk en feitelijk volkomen juist. 


109. Zoodra het zijn stoffelijk belang geldt, toont de mensch den 
ijver, welken hij aan zijn oncindig hoogere geestelijke belan- 
gen niet wijdt. Ook vermaning! De sterveling zij zoo bezorgd 
voor zijn eeuwig welzijn , als hij in den regel voor zijn tijde- 
lijk is. 

115. De drie gezegende vrouwen hebben elkander afgevaardigd : nl. 
Maria: de Voorkomende Genade, Lucia : de Verlichtende, en 
deze Beatrix : de Volmakende udin Beatrix verlaat, als de 

. Godgeleerdheid, den hemel om tot Virgilius te komen : den 
vertezenwoordiger der, menschelijke rede. Uitstekend toont 
Dante hier aan, dat de Genade zich tot het natuurlijk Ver- 
stand en de menschelijke Wetenschap wendt om beiden te 
verlichten en leven te schenken Zonder de bovennatuurlijke 
genade geraakt onze Rede op het dwaalspoor. Dat bewees 
zoowel de eeuw van Dante als de xix* het iederen dag leert. 
De "- rede van Virgilius, welke hem eu degenen, die hem 

met roem omgeeft, is de taal der door de theologie 
mm “Glosofie. 


Traduction de J. J. L. Ten Kate. (lambes à rimes masculines 
et féminines alternées.) 


94. » Omhoog betreurt een eedle Vrouw zóó zeer 
» Den nood waartegen ik u uit wil zenden 
» Dat zij het vonnis opschort van den Heer. 
97. » Zij ijlde om tot Lucia zich te wenden, 
» En sprak : « Sta toch uw trouwen Fan bij! 
» Hij heeft u noodig : red hem uit de ellenden, » 
100. « Toen rees Lucia, vol van medelij' 
» En rustte niet vóór zij de plaats genáetis, 2 
» Waar `k nederzat aan oude Rachel's zij’. 


105. » Zij sprak : « Beatrix, van Gods lof doorblaakte, 


» Trekt gij u 't lijden van uw vriend niet aan, 
» Die d'ijdlen drom om u alleen verzaakte? 


106. » Hebt gij van ver zijn weeklacht niet verstaan? 
» Ziet gij den dood niet grimmig hem bestoken, 
» Op stroomen dieper nog dan de Oceaan? » 
109. « Geen heeft zijn tent zoo spoedig opgebroken , 
Door winstbejag of reddingszucht gespoord 
» Als ik verdween, toen zij had uitgesproken. 


LI 


112. » °k Verliet mijn troon en ijlde naar dit oord, 
» Omdat ik op uw heerlijk woord betrouwde, 
» Dat u vereert en ieder die het hoort. » 


115. « Toen zweeg ze; een vloed van tranen overdauwde 
» Heur stralend oog, nu Hemelwaards gekeerd, 
» Zoodat mijn spoed versnelde als ik 't aanschouwde. 


AANTEEKENINGEN. 


94. De hier door Beatrix drie genoemde vrouwen zijn wederom 
symbolisch. De eerste vrou: is Maria, de moeder des Heeren, 
zinnebeeld der voorkomende genade (gratia praeveniens); 
Lucia, de heilige: ance wier oogen te Syracuse werden 
uitgestoken, de Patrones der ooglijders en in geestelijken zin 
de heelmeesteresse der pe de zonde verblinden , hier het 
zinnebeeld der verlichtende of werkende genade (gratia ope- 
rans); Rachel, de dochter m ad m d n den 
Aartsvader Jacob, is het eo 
bespiegelende (contemplative) Ee. dat de weg is tot vol- 


maaktheid. 

Beatrix zelve is, in deze beeldengalerij , de volmakende genade 
(gratia perficiens), alles volgens de scholastische wijsbegeerte 
van Dante's tijd, met name die van Thomas van Aquino. 


108. Die « stroomen » zijn de stroomen der Hartstocbten. Zij gaan 
dieper dan de zee, want zij gaan tot de Hel, geboren uit de 
tranen der wanhoop (zie later den xiv*» Zang). In politieken 
zin opgevat, zijn die stroomen de woedende partijschappen 
van Florence. 


(271 ) 


UNE FAUSSE BULLE DU PAPE ÉTIENNE VIII. 


—— 


Rapport à l'Académie royale de Belgique sur cinq titres 
de l'abbaye de Brogne , conservés dans les archives de 
la Compagnie; par M. S. Bormans, correspondant de 
l'Académie. 


MESSIEURS, 


Un jour que j'avais l'honneur de lire, ici méme, une 
notice sur l'origine des libertés communales à Namur, 
libertés mentionnées pour la premiére fois dans une charte 
de Brogne , M. le baron Kervyn eut l'obligeance d'appeler 
mon attention sur plusieurs titres anciens relatifs à la 
célébre abbaye fondée par saint Gérard, et conservés dans 
les papiers légués à l'Académie par M. de Stassart. Ces 
titres, M. le secrétaire perpétuel voulut bien me les con- 
fier lors de la dernière séance de la Classe, et je viens vous 
demander aujourd'hui la permission de vous: rendre 
compte de mon examen. : 

Les documents recueillis par l'ancien et éminent gou- 
verneur de la province de Namur sont au nombre de cinq : 
deux chartes et trois bulles, toutes originales, et concer- 
nent, en effet, l'abbaye de Brogne. En voici l'indication 
sommaire : 

I. Le pape Étienne frappe d'anathéme quiconque oserait 


(272) 
porter atteinte aux propriétés mobilières ou immobilières 
du monastère, ou enfreindre les priviléges juridictionnels 
dont il jouit. Donné à Rome, le 27 avril 915. 

II. Alexandre i, évêque de Liége, du consentement de 
Godefroid, comte de Namur, accorde à l'abbaye de nom- 
breuses et importantes immunités, et reconnait aux habi- 
tants de Saint-Gérard la jouissance de certains droits 
civils. Donné à Brogne, en l'an 1151. 

HI. Henri l'Aveugle, comte de Namur, ratifie les pri- 
viléges concédés au monastère par ses prédécesseurs, et 
expose en délail les franchises des habitants de Saint- 
Gérard. Donné à Brogne, en l'an 1154. 

IV. Le pape Lucius III octroie une bulle-pancarte à Fab- 
baye, dont il énumére et confirme toutes les possessions. 
Donné en l'an 1182. 

V. Le pape Innocent IH accorde une bulle semblable à 
l'abbaye. Donné à Latran, le 29 mai 1202. 

De ces cinq pièces, les deux dernières seules sont iné- 
dites. Dans la pensée que la Classe jugerait peut-être à 
propos de les insérer dans son Bulletin à cause des nom- 
breux noms de localités qui s'y trouvent, j'en ai fait !a 
transcription avee tout le soin dont je suis capable. 

Les trois autres sont depuis longtemps connues. Feu 
J. Borgnet et M. Eug. del Marmol ont signalé les chartes 
de 1151 et de 1154 comme deux des plus importants 
documents que nous possédions pour l'histoire du droit 
civil et du droit criminel dans notre pays (1). Je ne m'y 
arréterai donc pas; je m'attacherai uniquement à étudier, 


à 


(1) Bonener, Histoire du comté de Namur, pp. 45 et suiv. Det Manor, 
L'abbaye de Brogne ou de Saint-Gérard (dans les Annales de la Société 
archéologique de Namur, t, V, 1857-1858, p. 269). 


(273 ) 
cette fois, le plus ancien de nos titres: la bulle du pape 
tienne. 

Il importe, avant tout, d'en faire connaitre exactement 
la date : Data V kl. maii, anno ab incarnatione Domini 
DCCCC. X° HI’, regnante Henrico in regno Lothario (sic), 
imperante in Italia Hugone anno HI? (1), indictione VF. 

Nous constatons, tout d'abord, que l'année 915, qui ne 
coïncide avec le règne d'aucun pape du nom d'Étienne, 
doit étre rejetée comme fautive : Étienne VII (2) occupa 
le siége de saint Pierre en 896 et 897; Étienne VIII, con- 
sacré vers le 1° février 999, mourut le 15 mars 951. 

Frappés de cette discordance, les critiques voulurent 
rechercher quelle pouvait étre lannée véritable de la 
publication de cette bulle. 

Miræus qui, probablement, eut à sa disposition ce même 
original que nous avons sous les yeux, la publia le premier, 
mais en s'arrétant, pour la date, aux mots anno ab incar- 
natione Domini, et en remplacant le reste par des points; 
puis, sans alléguer de raison pour justifier ce procédé, aussi 
peu scientifique que commode, il placa l'acte sous l'année 
949, l'attribuant ainsi au pape Étienne IX, qui fut consacré 
le 19 juillet 959 et mourut vers le mois d'octobre 942 (5). 


(1) Henri Ier, duc de Saxe, dit l'Oiseleur, fut proclamé roi de Germanie 
au mois d'avril 919, et mourut le 2 juillet. 956. Hugues, comte de Provence, 
fut couronné roi d'Italie à Milan le 21 juillet 926, et se vit obligé d'ab- 
diquer en 945. (L'Art de vérifier les dates, t. VII, pp. 291, 298. Srumrr, 
Die mr e etc.) 

(2) VIT, selon Jarré, Gams, Porrmasr, etc.; VI, selon d'autres. 

(5) Ms Originis Benedictinæ, Cologne, 1614, p. 92; ; Opera diplo- 
matica, t.l, p. 257. La date donnée par Miræus a été adoptée par Masi, 
Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Florence 1759 
t. XVII, p. 582. Avant eux, Baronius, Annales ecclesiastici, Mayence 1601, 
t. IX, col. 824, avait déjà attribué notre bulle à Étienne IX (VIII selon 
Baronius). 

9"* SÉRIE, TOME XLVII. 18 


( 274 ) 

Pour renverser cette conjecture, il suffit de rappeler que 
les mots regnante Henrico in regno Lotharii ne permet- 
tent pas de dépasser le 2 juillet 956, date de la mort de 
Henri l'Oiseleur, roi de Germanie, et de faire remarquer 
que, parmi les témoins signataires de l'acte, figurent au 
moins six personnages qui ne vivaient plus en 942 (1). 

Plus d’un siècle après, le Bullaire romain reproduisit le 
texte de Miræus; toutefois, en regard de la formule in- 
complète Data, etc., l'éditeur placa cette note : Data die 
27 aprilis, anno Domini 930, pontificatus Stephani (VIIT) 
anno secundo (2). Évidemment, l'année 950 satisfait beau- 
coup mieux certaines exigences de l'acte que celle de 942; 
mais elle ne se rapporte ni à la sixième indiction, qui nous 
est également fournie, ni à la troisiéme année du régne de 
Hugues de Provence en Italie; de plus, la présence, parmi 
les témoins, de Benoit, évéque de Metz, s'oppose aussi à 
cette nouvelle attribution, puisque ce prélat résigna ses 
fonctions en 929 (5). 


(4) Voici les neuf derniers témoins : 

Hilduin, archevêque de Milan (juin 951 + 24 juillet 956). 

Gui, évêque de Plaisance (904 + vers 940). 

Pierre, évéque de Cumes (?). 

Ainard, évêque de Bâle (?). . 

Ricuin, évêque de Strasbourg (914 + 30 août 955). 

Rutger, archevéque de Trèves (aprés le 30 mars 915 + 27 janvier 950). 

Benoit, évéque de Metz (aprés le 19 février 927, résigna en 929). 

Richer, évêque de Liége (après le 18 juin 920 + 25 juillet 945). 

Etienne, évéque de Cambrai (909 4- 11 février 954). 

(2) Cocqueuines, Bullarum , privilegiorum ac diplomatum roman. 
pontif. fuaprrima. coliretio, rene 1799, + Lp. t. Le LE qut, réfu- 
tant Baronius, est aussi 
Critica in Annales Baronii, rh 1705, t. Ill, | p- 839. 

(3) Benoit ne mourut qu'en l'an 940 et a pu, à la rigueur, continuer à 
porter le titre d'évéque de Metz, aprés sa résignation; mais sa signature, 


(ATP ) 

Une troisième hypothèse nous est présentée par Paul 
de Croonendael, chroniqueur namurois du XVI° siècle, qui 
parait avoir suivi certaines copies conservées de son temps 
au monastére méme de Brogne. Voici sa lecon : Data V 
calendas maii, anno ab incarnatione Domini nongente- 
simo tricesimo terlio,..... imperante in Italia Hugone anno 
secundo (1). Au lieu de 915, il faudrait done lire 955, et 
la date se trouverait ainsi facilement rectifiée en mettant 
sur le compte du notarius une simple erreur : l'omission 
de deux x. Cette date, admise par notre confrére M. Wau- 
ters dans sa précieuse Table des diplómes imprimés concer- 
nant l'histoire de la Belgique, paraissait d'autant plus 
heureusement trouvée qu’elle correspond avec l'époque 
où vivaient la plupart des témoins, et coincide en méme 
temps avec l'indiction sixiéme. Mais, elle rencontre un 
obstacle infranchissable : en 933 le pape régnant était, 
non pas un Étienne, mais Jean XI. 

Lorsque les Bollandistes eurent à écrire la vie de saint 
Gérard, ils examinèrent à leur tour la bulle du pape 
Étienne, dont eux aussi ne connurent probablement que 
le texte tronqué de Miræus. Tenant compte des régnes 
des prélats signataires, et combinant entre eux les élé- 
ments divers contenus dans l'acte, les savants éditeurs 
en fixérent la publication à l'année 929 (2). Et, en effet, 


placée au bas du privilége de Brogne, ne lui donnait, dans ce cas, aucune 
sanction. 

(1) Chronique de Paul de Croonendael, publiée par M. le comte 
ve Linuiscng, Codex diplomaticus n° IV, p. 616. Est-ce une faute d'im- 
pression, ou bien est-ce par négligence que Mimxvs (Opera diplom., t I, 
p. 257, note 3), prête à Croonendael le texte suivant : « Anno 959..,, indic- 
tione septima? » Toujours est-il que Cocquelines, induit en erreur par 
cette note, s'amuse à réfater la date imaginaire de 959. 

(2) Acta sanctorum, de S"-Gerardo. Octobre, t. II (1768), p. 245. 


( 276 ) 

cette date leur était pour ainsi dire imposée; ils ne pou- 
vaient ni l'avancer, ni la reculer, puisqu'elle se trouvait 
limitée, d'un côté par l'avénement d'Étienne VIII au sou- 
verain pontificat, de l'autre par la renonciation de l'évéque 
Benoit au siége de Metz. Aussi, avait-elle déjà été mise en 
avant par dom Mabillon et a-t-elle été acceptée de nos 
jours par M. del Marmol (1). Malheureusement pour ses 
partisans, deux circonstances viennent contrarier un cal- 
cul qui semblait si bien établi; la premiére est que l'année 
929 nous donne la deuxiéme indiction et non la sixiéme; 
la seconde, que Hilduin, archevéque de Milan, dont le 
nom se trouve au bas de lacte, ne monta sur son siége 
qu'en 951. Cette dernière difficulté n’a pas échappé aux 
Bollandistes, et ils n'ont trouvé d'autre moyen pour l'écar- 
ter que de recourir à la supposition toute gratuite d'une 
interpolation (2). Or, cette supposition, la simple inspec- 
tion de notre document ne nous autorise pas à l'admettre. 

Comme on le voit, tous les essais tentés jusqu'à ce jour 
pour concilier entre elles les différentes données de notre 
bulle, sont restés infructueux. Aussi, les contradictions 
qu'elle renferme avaient, dés le milieu du XVII” siècle, 
fait naître des doutes sur son authenticité. En parlant 
d'Éüenne VIII, les Bénédictins de la congrégation de 
Saint-Maur s'exprimaient ainsi : « On attribue à ce pape 
une bulle remarquable par les traits les plus singuliers (5). » 
Cependant ils ne la rejettent pas complétement; au con- 


(1) Dom MaziLLow, dans ses prolégoménes à la vie de saint Gérard 
(AA. SS. ord. S. Benecditi , Paris 1685. Sæc. V, p. 251); M. Eue. DEL 
Marmor , dans les Annales citées, pp. 248 à 250 et 420. 

(2) A SS., loc. cit., p. 248. 

Nouveau traité de diplomatique, par deux ae bénédictins de 
la congrégation de S'-Maur, Paris 1759, t. V, p. 1 


( 277 ) 
traire, comme on le verra. plus loin, ils cherchent à en ex- 
pliquer la singularité. M. Natalis de Wailly se montre plus 
défiant : « Les formules, dit-il, sont assez inusitées pour 
qu'il soit permis de mettre en doute l'authenticité de ce 
privilége (1). » Enfin, Philippe Jaffé, plus catégorique , re- 
lègue notre bulle parmi les literae spuriae d'Étienne VIII (2). 

Aprés avoir eu l'inappréciable avantage d'examiner le 
pseudo-original, telle est aussi, Messieurs, la conclusion à 
laquelle je suis arrivé: le beau document que vous avez 
sous les yeux, est apocryphe. C'est ce que je vais tàcher 
de prouver briévement. ; 

Je ne reviendrai pas sur les difficultés qui résultent de 
la date : j'en ai dit suffisamment pour démontrer qu'elles 
sont insurmontables. Mais à cet argument viennent s'ajou- 
ter d'autres preuves intrinséques, parmi lesquelles je ci- 
terai : 

1° L'invocation tout à fait inusitée : In nomine sancte 
et individue Trinitatis et sancte Marie semper virginis. A 
toutes les époques, les bulles émanées des souverains pon- 
tifes débutent presque invariablement par ces mots : N. 
ou Ego N., episcopus, servus servorum Dei; 

2* Cinq traits indéchiffrables qui suivent celte invoca- 
tion, et dont il n'existe nulle part ailleurs aucun exemple; 

3° La mention de saint Eugène, archevêque de Tolède 
et disciple de saint Denis. L'opinion de tous les savants est 
que saint Eugène, archevêque de Tolède, n'est pas le 
même personnage que saint Eugène, compagnon de saint 
Denis (5); 


(1) Éléments de paléographie, Paris 1858, t. I, p. 292, 
(2) Regesta pontificum Romanorum, Berlin 1851, p. 946. 
(3) C'est l'opinion des BorzaxpisrEs, 44. SS., loc. cit., pp. 253 et suiv.; 


( 278 ) 

- 4° La circonstance à laquelle le pape fait allusion au 
commencement de l'acte, lorsqu'il déclare qu'il accorde ce 
privilége à Gérard en personne, prosterné à ses pieds. 
L'auteur du Vita sancti Gerardi nous apprend que le fon- 
dateur de l'abbaye de Brogne se rendit à Rome lorsqu'il 
était déjà arrivé à un àge avancé; or, en 929, date la plus 
plausible de la bulle, Gérard était encore jeune puisque 
l'époque de sa naissance est plaeée vers 890 (1); 

B° Cette phrase par laquelle Gérard demande au pape 
de confirmer tout privilége quod de eodem loco et monas- 
terio jam regia magnificentia el imperialis sanxerat auc- 
torilas. On ne connait que deux diplómes octroyés par des 
souverains à l'abbaye, antérieurement à notre bulle : l'un 
de Charles le Simple, l'autre de Henri l'Oiseleur; aucun 
de ces deux personnages n'ayant été empereur, l'expres- 
sion imperialis se trouve en contradiction avec les faits 
constatés par l'histoire (2); 

6° L'emphase et la solennité exagérée de l'anathéme 
prononcé par le pape : « Asstantibus (sic) igitur episcopis 
et confratribus hujus sancte Romane sedis, et consentien- 
tibus.... auctoritate Patris et Filii et Spiritus-Sancti, et 
sancte Marie semper virginis, Dei genitricis, et omnium 
celestium virtutum , et sancti Johannis Baptiste, et sanc- 
torum apostolorum Petri et Pauli quorum vices licet in- 
digni tenemus, et sancti Eugenii martyris , ejusdem loci 


De Manne, Hist. du comté de Namur, édit. Paquot, Préface, p. 08, cite 
l'Hist. de ue gallicane, t. 1, p. 105, et les Dissertations de l'abbé 
Lebœuf, t. 58. 

(1) A cette ae les Bollandistes répondent que l'auteur du Vita 
s'est trompé. (AA. SS., 

(2) Suivant les ess AA. SS., loc. cit, p. 247, ici encore il y 
aurait interpolation. 


( 279 ) 

patroni et provisoris, et sanctorum quorum reliquie inibi 
sunt, simulque omnium sanctorum quorum nomina scripta 
sunt in libro vite, excommunicamus, anathematizamus, 
damnamus, etc.; » 

7° Les noms de Castorius, notarius regionarius, scri- 
niarius sancte Romane ecclesie (1), et de Leo, sancte Ro- 
mane ecclesie archiepiscopus. Nulle part on ne trouve un 
Castorius en qualité de notaire régionnaire, et les fonctions 
d'arcehevéque de l'Église romaine sont inconnues (2); : 

8° Les mots imperante in Italia Hugone, relatés dans 
la date. Non-seulement Hugues de Provence n'a point 
occupé le trône impérial, mais méme il n'a jamais existé 
d'empereur de ce nom (5); 


(1) « De notariis seu scriniariis habet Masirrouius, Diplom., pp. 125 
et 126, horum nomina in bullis pontificiis ante annos quingentos ad- 
scripta fuisse continue post contextum hoe modo : as sone manum 
N. notarii regionarii et scriniarii S. posi S 
tione; tum majoribus litteris integre in medl Daka sarbebátak 
Bene pi ac postremo Datum seu Data, etc. (Ducance, Glossarium, 
t. IV, p 

(2) AR surtout en Italie qu'il faudrait chercher ce Leo; or, à cette 
époque les archevéques étaient trés-rares dans ce pays; Ucnezut, Ilalia 
sacra, w'en cite aucun de ce nom au Xe siècle. 

(5) BorzawpisTEs, AA. SS., loc. cit., p. 247. Il est vrai qu'on lit dans 
Ucxeuut, Malia sacra, t. IV, p. 92: « Hilduinus fuit primus ex archiepp. 
Mediolani qui se umquam intromisit de electione imperatoris : ipse 
enim, congregato consilio oe elegit in regem Italiæ Hugonem... 
et... habito diligenti consilio a Lamperto archiepiscopo .. determinatum 
fuii cup suu imperatoris mos jure qeu " archiep. Mediolani ; 

uinus ais SAXIU. lio- 
latiensium Places sor npn pit iius 1755, " Il, p. 558, Mis cette 
remarque que : « Imperatoris nomen et auctoritas, quam Hilduinus, pri- 
mus inter predecessores suos, tribuisse dicitur Hugoni et Lothario, 
inania prorsus vocabula ridtaite, cum hzc in pluribus quæ adhuc peren- 
nant diplomatis, numquam ab iisdem — legantur. » 


( 280 ) 

9» L’absence, malgré l'usage le plus constant, de la for- 
mule indiquant l'année du pontificat d'Étienne, et des 
mots Bene valete (1); 

10* Le nombre considérable des dignitaires de l'Église, 
à savoir vingt et un évéques ou archevéques, qui signérent 
notre document. « Cette bulle, disent les Bénédictins, pa- 
raitra s'écarter moins de l'usage quand on l'envisagera 
comme le résultat d'un concile. » Ceci est complétement 
inexact : saint Gérard n'assista, en Italie, à aucun concile ; 
on peut méme assurer que la plupart de ces prélats ne se 
rencontrérent pas à Rome de 929 à 955. S'il est impos- 
sible de contróler le fait pour les douze premiers, dont 
les siéges ne sont pas indiqués et que l'on pourrait, à 
la rigueur, considérer comme des évéques suburbi- 
caires (2), il n'en est pas de méme des neuf derniers, qui 
sont clairement désignés. Pour expliquer cette anomalie, 
les Bollandistes citent le fait d'autres chartes revétues de 
la signature ou munies du sceau de personnages absents 
au moment de la rédaction de l'acte, et ils s'appuient sur 
l'autorité de Mabillon qui en donne des exemples (5). Du 
reste, ajoutent-ils, l'auteur du Vita sancti Gerardi répond 


(1) Ces deux mots, primitivement tracés en toutes lettres, ont été, à 
partir de Léon IX, arrangés en monogramme. 

(2) Il n'y a jamais eu, au plus, que sept ou huit évêques suburbicaires 
proprement dits; aujourd'hui il y en a six. Les noms de ceux qui sont 
connus ne concordent pas avec ceux qui figurent dans le privilége de 
Brogne. On connait, du reste, d'autres exemples, à cette époque, de sous- 
criptions d'évéques sans indication de leurs siéges. 

(3) De re diplomatica, pp. 154 à 157. « Immo id etiam accidit in bullis 
pontifieiis, qualis est bulla Urbani i a» 1095 data , postea ab episcopis in 
synodo Placentinæ confirmata. » Je n'ai pas besoin de faire remarquer 
qu'il n'existe aucune analogie entre cette confirmation dans un synode et 
le cas qui nous occupe. 


( 281 ) 
d'avance à cette objection lorsqu'il dit que le pape, en 
donnant à Gérard une bulle appelée pertongar, l'autorisa 
à la faire souscrire, en guise de confirmation, par les évé- 
ques des diocéses qu'il traverserait en retournant dans sa 
patrie (1). C'est ainsi qu'il aurait recueilli successivement, 
en route, les signatures de l'archevéque de Milan, des évé- 
ques de Plaisance, de Cumes, de Bâle, de Strasbourg, de 
l'archevéque de Trèves, des évêques de Metz, de Liége et 
de Cambrai. On pourrait quelque peu trouver à redire à 
l'itinéraire suivi par saint Gérard pour revenir de la capi- 
tale du monde chrétien dans son monastére de Brogne, 
au comté de Namur; mais comme tous les chemins ramé- 
nent de Rome de méme qu'ils y conduisent, je ne le criti- 
querai pas. De plus, je reconnais que les trois dernières 
lignes de notre bulle,à partir du nom de Hilduin de Milan, 
ne sont pas de la main qui a écrit le reste de la piéce: cela 
saute aux yeux. Mais, ce qui n'est pas moins évident, c'est 
que ces trois lignes ont été tracées par une seule et méme 
plume (2). Peut-étre saint Gérard était-il accompagné d'un 
scribe qui, du consentement des évéques, à mesure que 
son voyage l'amenait prés d'eux, inscrivait leur nom au 
bas de l'acte; mais, méme dans ce cas, nous serions 
en droit de demander pourquoi chacun de ces noms n'est 
pas précédé de la croix, du signum particulier du. prélat 


(1) « Plumbeo bullatum nig privilegium quod et pertongar appelans 
contulit illi (scilicet Romanus pontifex sancto Gerardo) , concessa etiam 
licentia sibi ut gratia id icons ex præcepto ipsius domni Apostolici 

mnes subscriberent episcopi per quos repatriando speraret ipse reverti. » 
AA. SS., loc. cit., p. 318. MasiLon explique pertangar par pancharta, ct 
DucaxcE, en citant les Bollandistes, dit: « monet A editor aliat 
ptongar scribi, qui pantochartam bic i innui putat. 

(2) I est à remarquer que, jusqu'à Hilduin, la Mu des signataires 
est : ego N. subscripsi ; ét après : W. subscripsit. 


(282) 
désigné, ce qui, si je ne me trompe, était un caractère in- 
dispensable pour attester l'authenticité d’un document, 
alors que les témoins n'y appendaient pas leur sceau ; 

11° Enfin, nous ne trouvons qu'un seul Pierre, évêque 
de Cumes, en 680, et, dans la liste des évêques de Bâle, on 
ne rencontre pas un seul prélat du nom d’Ainard (1). Il est 
juste de dire, toutefois, que la série des titulaires qui ont 
occupé ces deux siéges présente, au X* siècle, de nom- 
breuses lacunes. 

Ces motifs, tirés du texte même du document, pourraient 
déjà suffire pour le faire considérer comme apocryphe; 
mais il en est d'autres encore qui résultent d'un examen 
attentif de la piéce au point de vue matériel. 

. Et d'abord, ce n'est pas là l'écriture dont la chancellerie 
romaine se servait habituellement, du IX* au XI siècle, à 
savoir la cursive lombarde, soit ancienne, telie qu'on la 
voit dans les bulles de Jean V, de Serge I**, d'Adrien 1°, 
de Benoît II, de Nicolas I", soit nouvelle, comme on la 
trouve employée du temps d'Alexandre, d'Urbain et de 
Pascal II. On peut voir dans dom Mabillon le fac-simile 
d'une bulle de Nicolas I° (858 à 867) dont les caractères 
franco-lombardiques s'éloignent encore trés-notablement 
de ceux qu'on remarque dans notre document (2). Une 
autre, de Jean XIII (965 à 972) s'en rapproche davan- 
tage; toutefois, l'éeriture en est beaucoup moins régulière 
et se trouve dépourvue des longues lettres qui distinguent 
le privilége de Brogne. 


ti 


(1) Gams, Series episcoporum. ecclesiæ catholicæ. Ratisbonne 1875, 
pp. 915 et 260. 

(2) De re diplomatica, planche 48, p. 441. Cfr. Micxe, Dictionn. de 
paléographie, col. 832. 


( 285 )' 

J'en conclus que celui-ci a été fabriqué dans notre 
pays. Par les hastes des d, des s, des /, il rappelle l'éeri- 
ture en vogue en France sous le règne de Louis VI; par 
les lettres allongées de l'invocation et des formules finales, 
les habitudes des notaires royaux du temps de Philippe 1°"; 
par la forme bizarre de certains a minuscules et des abré- 
viations, les usages des écrivains à l'époque de Henri III; 
il réunit, en somme, plusieurs signes caractéristiques de 
l'éeriture francaise du onziéme et du commencement du 
douzième siècle. 

Quoique, au dire des critiques (1), des fautes de latin 
ne suffisent pas pour infirmer une charte, il n'en est pas 
moins vrai que, lorsqu'elles sont grossières, et lorsqu'il 
s'en rencontre plusieurs dans un méme document, on est 
plutót disposé à y reconnaitre l'ignorance d'un faussaire 
que les lapsus d'un scribe officiel, nécessairement lettré et 
parfaitement au courant des formules qu'il était, à chaque 
instant, appelé à éerire. Aussi lorsque je trouve dans notre 
texte in regno Lothario pour in regno Lotharii , Placensis 
pour Placentinus, Basule pour Basileensis , Strazburgis 
pour Argentoratensis, Treveris pour Trevirensis, je ne 
puis m'empécher de considérer ces fautes comme autant 
d'indices graves contre l'authenticité de l'aete tout entier. 

Pour autant que j'ai pu m'en assurer, on ne connaissait 
pas, au dixième siècle, pour marquer le génitif féminin , 
l'emploi simultané de l'e simple, de la diphtongue æ et de 
l'e souligné par une note tironienne. 

Le monogramme du pape Étienne, si artistement com- 
posé et si bien placé en évidence, ne se justifie pas : 


(1) Dictionnaire raisonné de diplomatique, par dom pe Vaixes, Paris 
1774, t. LI, p. 210. 


( 284 ) 
«Sane nullum vidi in bullis monogramma pontificium 
ante Leonem IX (1049 à 1054) », dit Mabillon (1). 

Enfin, que dire de la bulle en plomb qui pend à l'acte, 
bulle tellement étrange qu'elle serait, à elle seule, une 
preuve suffisante de faux? Suivant tous les diplomatistes, 
les bulles avec lesquelles les papes scellaient leurs actes 
ne portèrent, jusqu'au milieu du onzième siècle, d'un côté, 
que leur nom en toutes lettres, au génitif (sous-entendu 
bulla), et de l'autre, le mot pape , aussi en toutes lettres. 
Ficorini, dans un ouvrage spécial sur les sceaux anciens (2), 
met sous les yeux une série de plombs antérieurs au 
dixième siècle, dont pas un ne fait exception à cette rè- 
gle (3). En ne tenant compte que des fac-simile donnés par 
Mabillon, on serait tenté de croire que, sur les bulles de 
ces temps reculés,le nom du pape se trouvait toujours in- 
scrit en rond à la circonférence, avec uneétoile ou un mo- 
nogramme au centre (4). Cependant on trouve dans l'ou- 
vrage de Ciaconi sur la vie des papes, la reproduction des 
deux faces d'une bulle qui, par une coincidence singulière, 


(1) De re diplomatica, p. 111. Vignore à quels monogrammes dom de 
Vaines, op. cit., t. IL, p. 541, faitallusion lorsqu'il dit que toutes les bulles 

expédiées après le TXe Bibelé, qui portent le chiffre ou le monogramme 
du pape, seraient très-suspectes ; qu'elles seraient fausses si elles étaient 
du XI* siècle, l'usage des monogrammes du nom des papes servant de 
signatures étant MS au IXe siècle. Dans tous les cas, ici encore, notre 
pièce ne serait pas en r 

(2) De plumbeis antiquorum numismatibus, tam sacris quam pro- 
fanis, dissertatio, 

(3) Mabillon UL reproduit le dessin d'une bulle de Paul Ier (757) 
avec les faces dés SS. Pierre et Paul. Léon IX fut le restaurateur de cet 


uf De re —— bulles des papes Jean V à Nicolas 1*7, pl. 46 à 
48, pp. 457 à 


( 285 ) 

se trouve précisément être d'Étienne VIII : chaque syllabe 
des mots Stephani et pape est inscrite horizontalement 
sur une ligne (1). Dans tous les cas, elle ne ressemble en 
rien au scel de notre document, oü l'on ne voit d'un cóté 
qu'un S, et de l'autre qu'un P, tous deux traversés par 
une barre. D'ailleurs, par les dimensions et par la maniére 
dont il est attaché, il s'éloigne de l'usage général. 

On sait comment étaient scellés, à l'époque dont nous 
nous occupons, les actes importants (2) émanés de la cour 
romaine : un écheveau de soie jaune et rouge était passé 
dans le parchemin , au bas de l'acte, et invariablement au 
milieu; puis la queue pendante de cet écheveau était em- 
prisonnée entre deux minces disques de plomb mesurant 
tout au plus 4 centimétres de diamétre et 5 millimétres 
d'épaisseur, qui étaient ensuite soudés pour ainsi dire l'un 
à l'autre par une frappe énergiquement imprimée sur les 
deux faces extérieures; dés lors il devenait impossible de 
détacher le sceau m hs sans altérer les inscriptions. 
Notre bulle offre-t-elle les mêmes garanties ? Qui ne voit que 
cette masse de plomb de 5 !/, centimétres de diamétre et 
de 13 millimètres d'épaisseur, attachée à un coin de l'acte, a 
été percée aprés coup pour y introduire les deux bouts d'une 


(4) « Ex — Ron prie nc idis papæ signum 
sacrarum rerum s[ » CIACONIUS, 
Vite et res geste pontificum Romanorum. Rome 1677, t. I, p. 705. 
Oldoinius, dont Ciaconi ne fait que reproduire une note, ne dit malheureu- 
sement pas à quel document MEN ce plomb. Il eüt cependant été 
trés-intéressant de le savoir puisque, à part le privilége de Brogne, on ne 
connait pas d'autre acte émané d'Étienne VIII qu'une bulle également 
suspecte. (Voyez JAFFÉ, op. cil., p. 515.) 

(2) Le privilége de Brogne devrait être rangé dans la catégorie des 
grandes bulles, puisqu'il porte les trois formules Ego... Data... Actum. 
(Voyez DE WaAILLY, 0p. cit., t. I, p. 174 


( 286 ) 
vulgaire laniére de cuir, faisant triangle, et maintenue au 
moyen de bouchons en plomb que l'on ne s'est pas méme 
donné la peine de dissimuler ? Qui ne voit que les inscrip- 
tions ont été, non pas imprimées sur le métal, mais gros- 
siérement taillées au moyen d'un ciseau. 

En présence de pareils témoignages, le doute n'est plus 
possible et désormais, je pense, on devra reléguer parmi 
les pièces fausses, ou plutôt supposées, le privilége de 
l'abbaye de Brogne attribué au pape Étienne. 

Je ne nie pas qu'un document semblable, authentique, 
ne puisse avoir réellement existé (1). J'en doute, cependant, 
et voici, à cet égard, ma pensée. Notre bulle paraît avoir 
été exécutée à la fin du onzième ou au commencement 
du douzième siècle. Or, il est peu problable qu'un docu- 
ment aussi important, s'il s'était jamais trouvé dans les 
archives de l'abbaye, en eût disparu sitôt. Cependant il 
ne s’y trouvait pas, et la preuve, c'est qu'on en a fabriqué 
un. Le motif de cette fabrication n'est pas difficile à dé- 
couvrir. Dans le remaniement de la vie de saint Gérard, 
fait vers 1055 d'aprés une rédaction plus ancienne, au- 
jourd'hui perdue, on lit que le fondateur de Brogne se rcn- 
dit à Rome vers la fin de sa vie, et qu'ayant demandé au 
pape de prendre sous sa protection les biens de son mo- 
nastére, il en obtint une bulle. Comment résister au désir 
de posséder ce précieux privilége? On peut croire que le 
faussaire, en composant son ceuvre, avait sous les yeux le 


(1) Dans la supposition qu'une bulle authentique aurait existé, mais 
aurait été tellement Oris qe » kot en serait pig ponte 
on pourrait expliqu t 
tives à l'année età - 'indiction, à la sotéctiptiod de l'évéque de Metz, à 
celle d' Ainardus, évêque de Bâle, qui pourrait bien être Uichardus, etc. 


( 987 ) 

texte du Vita, tant on trouve, entre les deux documents, de 
points de contact. Notons qu'il ne réussit pas du premier 
coup dans son travail, car nous possédons, non pas une 
bulle du pape Étienne de la même date, mais bien deux, 
une courte et une longue, toutes deux accordées à saint 
Gérard ; si je n'ai pas plus tôt fait connaitre la première, 
c'est que depuis longtemps elle a été déclarée fausse (1). 
Notons encore que notre privilége n'est que la reproduc- 
tion du diplóme, également argué de faux ou tout au moins 
interpolé, attribué à Charles le Simple, et que plusieurs 
autres chartes en faveur de l'abbaye de Brogne ont été 
aussi reconnues apocryphes (2). Les religieux de ce mo- 
nastère étaient donc, comme ceux de Waulsort, coutumiers 
du fait. 

Que si l'on s'étonne de voir comment ils se montraient 
tout à la fois si adroits dans certaines parties de l'exécu- 
tion matérielle et si inhabiles dans la composition de leur 
texte, c'est apparemment qu'ils étaient plus patients que 
savants. Mais au moins auraient-ils dü étre plus prudents 
et s'entourer d'assez de renseignements pour ne pas se 
mettre en contradiction flagrante avec les faits et les dates : 
à cette remarque trés-naturelle répond cette réflexion tout 
aussi juste de dom de Vaines: « Plus les bulles sont 
anciennes (lorsqu'elles n'ont pas été fabriquées par des 
contemporains), plus elles donnent matiére à la critique et 
plus on est sür de les surprendre en défaut. C'est ce qu'il 
est aisé de concevoir à n'envisager seulement que la diffi- 


(1) Minus, Notilia ecclesiarum: Belgii, p. 94. AA. SS., loc. cit. 
243. 


(8) Voyez Annales de la Société archéol. de Namur, t. V, pp. 237, 
259, etc. 


( 288 ) 
culté de rajuster les sceaux et les fils qui les attachent, 
d'avoir du parchemin du temps, d'imiter l'écriture, le style 
et les formules d'un siécle éloigné (1). » 


Le pape Lucius III confirme les possessions de l'abbaye 
e Brogne. 


1182. 


Lucius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis Libuino 
Broniensis ecclesie abbati (2) eiusque fratribus tam presenti- 
bus quam futuris regularem vitam professis in perpetuum. 
Quotiens illud a nobis petitur quod rationi et honestati con- 
venire videtur, animo nos decet libenti concedere et petentium 
desideriis congruum impertiri suffragium. Eapropter, dilecti 
in Domino filii, vestris iustis postulationibus clementer annui- 
mus et monasterium Broniensem ad honorem beatorum apos- 
tolorum Petri et Pauli dedicatum, in quo divino mancipati 
estis obsequio, sub beati Petri et nostra protectione suscipimus 
et presentis scripti patrocinio communimus, statuentes ut 
quascumque possessiones, quecumque bona, idem monasterium 
inpresentiarum iuste et canonice possidet aut in futurum con- 
cessione pontificum, largitione regum vel principum, oblatione 
fidelium seu aliis iustis modis prestante Domino poterit adi- 
pisci, firma vobis vestrisque successoribus et illibata perma- 


D D 


(1) n raisonné de diplomatique, t. 1, p. 210. 

(2) L „abbé de Brogne en 1161, mourut le 16 février 1185 (voy. 
Pan e "i Sociélé archéol. de Noir: t. V, p. 373). Pour les noms 
de lieux qu'on trouve dans ces deux bulles, voyez l'article de M. del Mar- 
mol, ibid. 


( 289 ) 
neant. In quibus hee propriis duximus exprimenda vocabulis : 
loeum in quo monasterium ipsum situm est cum omnibus adia- 
centiis que ad idem monasterium pertinent; villam Bronii eum 
allodio et omnibus pertinentiis eius , redditibus, banno et omni 
iure suo; matricem ecclesiam et quidquid in ea iuris habetis, 
[cum] investitura, dote eius, domo et aliis omnibus; allodium 
Montinii eum agris, pratis, pascuis, silvis, molendinis, terris 
cultis et incultis, decimis, banno et iustitia; in Metinio, matri- 
cem eeclesiam eum appenditiis suis, collatam a Notgero Leo- 
diensi episcopo, de assensu Ottonis imperatoris et quicquid 
in ea iuris habetis; allodium de Fencdeserto, cum redditibus 
suis et ecclesiam eum omni decimatione et banno et iustitia; 
allodium Merendricii cum appendiciis et redditibus suis, deci- 
mis, agris, silvis, aquis, pratis, cultis et incultis; in Bantinio, 
eulturas, molendinum et redditus medie partis allodii ; in Her- 
menton, sex quartarios terre cum molendino; allodium de 
Bahurdellis; in Mailnil quatuor quartarios terre; in allodio de 
Bahurdes ecclesiam et molendinum; in Halleis, decem quarta- 
rios terre et quatuor bovaria allodii cum capella; in Lavia, 
novem iugera allodii et quinque quartarios terre et pratum 
unum, et silvam de Betunmont et quindecim denarios de allodn 
Balduini de Boocham; mansum unum terre in Haster, man 
sum unum in Rosuiaco et tres solidos namucensis moncte; in 
Frasueris tres solidos, in Terrineis allodium Johannis et Renui- 
dis uxoris sue, cum omnibus pertinentiis in agris, in silvis, in 
aquis, in pratis, in pascuis; in Binz, viginti solidos cathalanenses 
singulis annis quos comes de Hainau ecclesie vestre distri- 
buenda concessit, et decem solidos quos Johannes de eadem 
villa, seilicet de Binz, ecclesie contulit; decem etiam solidos 
quos Ewanus de Harvench monasterio vestro concessit et cen- 
tum solidos cathalanenses quos Jacobus de Avelins ecclesie 
vestre in helimosinam dedit annuatim ob honorem sancte 
Crucis, scilicet de vectigalibus suis que accipientur in Guare- 
pont; in Ferrariis duos solidos et duodecim denarios de Namu- 


27* SÉRIE, TOME XLVII. 19 


( 290 ) 
censibus quos Henricus de Asau monasterio eidem concessit; 
ecclesiam et allodium de Soseis cum omni integritate sua, sci- 
licet in terris, in aquis, in silvis, in pratis, in pascuis, in man- 
cipiis et molendinis; in Ranslinio mediam partem allodii cum 
omnibus appendiciis suis, et duos molendinos; in Havanch 
tres solidos; in Suricio duodecim denarios; in Romereis 
mediam partem allodii eum omni integritate sua et omni ius- 
titia et partem Philippi de Warch et partem Willelmi de 
Phancort et fratrum suorum, ecclesiam de Romereis cum inte- 
gritate et omni decimatione; allodium de Halnoit cum appen- 
diciis suis et familia; ecclesiam de Neverlesia cum pertinentiis 
suis; in Mathiniola mediam partem allodii cum omnibus red- 
ditibus suis; allodium Mannisie cum omni integritate, in agris, 
in silvis, in pratis, in pascuis, in aquis et in omni decima, fami- 
lia et molendinis; in Gossineis octo solidos et tres denarios 
namucenses ; in Franchirmont octo solidos; in Juncherez sede- 
cim solidos namucenses et sedecim sextarios avene et totidem 
gallinas; in Spinia (?) quinque solidos; jus quod habetis in 
ecclesia de Mosench; in Buhires tres partes allodii cum appen- 
diciis suis et capellam; in Merendiciolo viginti octo solidos sin- 
gulis annis minus quatuor denarios; apud Leodium domum 
unam in libero allodio; in Grace decem et octo (1) allodii bo- 
varias; in Villario quindecim bovarias allodii; in Borises 
viginti solidos census. Statuimus quoque ut ordo monasticus 
qui secundum Deum et beati Benedicti regulam in eodem loco 
institutus esse dinoscitur, perpetuis ibidem temporibus invio- 
labiliter observetur. Sane novalium vestrorum que propriis 
manibus aut sumptibus colitis, nullus a vobis decimam presu- 
mat (2) exigere. Preterea liceat vobis clericos et laicos e seculo 
fugientes liberos et absolutos ad conversionem recipere et eos 


(1) Un mot a été gratté entre oclo et allodii. 
(2) Les mots decimam presumat ont été écrits aprés coup et rem- 
placent un autre mot qui a été gratté. 


( 291 ) 

sine contradictione qualibet retinere. Cum autem generale 
interdictum terre fuerit, liceat vobis ianuis clausis, non pul- 
satis campanis, exclusis excommunicatis et interdictis, sumissa 
voce, divina officia celebrare. Libertates quoque, immunitates 
rationabiles et antiquas consuetudines ecclesie hactenus vestre 
observatas , eidem perpetuo valituras decernimus. Porro sepul- 
turam ipsius loci liberam esse concedimus, ut eorum qui se 
illie sepeliri deliberaverint,nisi forte excommunicati vel inter- 
dicti sint, devotioni et extreme voluntati nullus obsistat, salva 
tamen iustitia illarum ecclesiarum a quibus mortuorum cor- 
pora assumuntur. Obeunte vero te, nunc eiusdem loci abbate, 
vel tuorum quolibet successorum , nullus ibi qualibet surrep- 
tionis astutia seu violentia preponatur, nisi quem fratres 
communi consensu vel fratrum pars consilii sanioris secundum 
Dei timorem et beati Benedicti regulam providerint eligen- 
dum. Decernimus ergo ut nulli omnino hominum liceat prefa- 
tum monasterium temere perturbare aut possessiones auferre 
vel ablatas retinere, minuere seu aliquibus vexationibus fati- 
gare; sed omnia ioc ai conserventur eorum pro quorum 

concessa sunt usibus omnimodis 
profutura, salva in omnibus apostolice sedis auctoritate et dio- 
cesani episcopi canonica iustitia. Si qua igitur in futurum 
ecclesiastica secularisve persona hanc nostre constitutionis 
paginam sciens contra eam temere venire temptaverit, secondo 
tertiove commonita, nisi presumptionem suam congrua satis- 
faetione correxerit, potestatis honorisque sui dignitate careat 
reamque se divino iudicio existere de perpetrata iniquitate 
cognoscat, et a sacratissimo corpore ac sanguine Dei et redemp- 
toris nostri Jhesu Christi aliena fiat atque in extremo examine 
divine ultioni subiaceat. Cunctis autem eidem loco sua iura 
servantibus sit pax Domini nostri Jhesu Christi quatinus et 
hic fructum bone actionis percipiant et apud districtum iudi- 
cem premia eterne pacis inveniant. Amen, amen, amen. 


( 992 ) 


(Cercle du pape Lucius III, avec la devise : Adiuva nos 
Deus salutaris noster. Monogramme des mots : 
Bene valete.) 


Ego Lucius, catholice ecclesie episcopus. Ego Theoduinus, 
Portuensis et sancte Rufine sedis episcopus. Ego Henricus, 
Albanensis episcopus. Ego Paulus, Prenestensis episcopus. Ego 
Johannes, presbiter cardinalis sancti Marci. Ego Viwanus, 
titulo saneti Stephani in Celio monte presbiter cardinalis. Ego 
Petrus, presbiter cardinalis titulo sancte Suzanne. Ego Ardui- 
nus, presbiter cardinalis titulo sancte Crucis in Jerusalem. Ego 
Laborans, presbiter eardinalis sancte Marie trans Tiberim et 
Calixti. Ego Jacinetus, diaconus cardinalis sancte Marie in Cos- 
mydin. Ego Ardicio, diaconus cardinalis titulo sancti Teodori. 
Ego Gracianus, sanctorum Cosme et Damiani diaconus cardi- 
nalis. 

Datum per manum Hugonis sancte Romane ecclesie notarii, 
indictione prima, Incarnationis dominice anno m.c.LxxxH, pon- 
tificatus vero domini Lucii pape III anno secundo. 


Original sur parchemin; la bulle, qui pendait à 
des lacs de soie jaune, a disparu. 


I 


Le pape Innocent III confirme les possessions de l’abbaye 
de Brogne. 


29 mai 1202. 


Innocentius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis 
Roberto, abbati Broniensi (1), eiusque fratribus tam presen- 


(1) Robert, abbé de Brogne de 1192 à 1221. (Voy. Annales, loc. cit.; 
p. 575.) 


( 295 ) 
tibus quam futuris regularem vitam professis in perpetuum., 
Quotiens a nobis petitur quod religioni et honestati convenire 
dinoscitur, animo nos decet libenti concedere et petentium de- 
sideriis congruum suffragium impertiri; eapropter, dilecti in 
Domino filii, vestis iustis postulationibus elementer annuimus 
et monasterium ipsum in quo divino estis obsequio mancipati 
sub beati Petri et nostra protectione suscipimus et presentis 
scripti privilegio communimus. In primis siquidem statuentes 
ut ordo monastieus, qui seeundum Deum et beati Benedicti 
regulam in eodem monasterio institutus esse dinoscitur, per- 
petuis ibidem temporibus inviolabiliter observetur. Preterea 

quecumque bona idem monasterium 
impresentiarum iuste et canonice possidet, aut in futurum 
concessione pontificum, largitione regum vel principum, obla- 
tione fidelium seu aliis iustis modis prestante Domino poterit 
adipisci, firma vobis vestrisque successoribus et illibata per- 
maneant. In quibus hec propriis duximus exprimenda voca- 
bulis. Locum ipsum in quo prefatum monasterium situm est 
cum omnibus pertinentiis suis; villam Bronii cum omni inte- 
gritate allodii eiusdem ville, scilicet silvis, pratis, aquis, mo- 
lendinis, cambis, furnis bannalibus, vini foragiis, eum banno 
et iustitia ; ecclesiam ipsius ville eum omni decimatione et aliis 
pertinentiis suis; capellam sancti Laurentii, ecclesiam de Me- 
tinio, ecclesiam de Barbenzon, ecclesiam de Romereis, eccle- 
siam de Neverlesia cum omnibus decimis et aliis pertinentiis 
eorumdem; quiequid habetis in villa sancti Laurentii, et in 
Bosires, et in Grau, et in Junkeres, et in Villari Lepotrie; cen- 
sum quem habetis in Imineis; quicquid babetis in Maisons, et 
in Leobinis, in Laviis et in Montiniaco; silvam quam habetis 
in Malignia super rivam Landuvie; decimam quam habetis in 
Neflia; quiequid habetis in Corroit et in Buiriis; allodium de 
Behurdes et Behurdeles et Mansionile; quicquid habetis apud 
Hermenton, Buntinum ; allodium de Merendret cum omnibus 
pertinentiis suis, banno et iustitia ; quiequid habetis in Meren- 


( 294 \ 
driciolo (1) ; allodium de Soseis cum capella, banno et iustitia ; 
villam de Waslin excepta capella; Fen desertum eum capella 
et decimatione, banno et iustitia; apud Halleias quartam par- 
tem ville et decem quartarios terre; de allodio beati Girardi 
apud Surich duodecim denarios de censu ; silvam quam habetis 
in allodio de Morenceis; villam de Romereis cum pertinentiis 
suis, banno et iustitia; censum quem habetis apud Onoit; 
mediam partem ville de Matinuele cum omnibus proventibus 
exceptis duobus soldis; allodium Mannisie cum omnibus per- 
tinentiis suis; redditum centum solidorum in Avennis ; reddi- 
tum centum solidorum denariorum alborum in Biucis et alium 
redditum viginti solidorum ibidem; apud Sirau redditum 
decem solidorum denariorum alborum; apud Lovaniam red- 
ditum viginti solidorum lovaniensium; apud Muisin redditum 
quindecim soldorum leodiensium et octo gallinaccos; medie- 
tatem decime de Miele; decimam de Siene; apud Latinas tres 
bonuarios terre et dimidium; in civitate Leodiensi domum 
unam; in Amuco domum unam et ibidem redditum dimidie 
marce; redditum quem habetis in Dionant; quicquid habetis 
in Terrigneis et in Moligneis; jus quod habetis in ecclesia de 
Mosench et in capella de Handohench. Sane novalium vestro- 
rum, quos propriis manibus vel sumptibus colitis, sive de nu- 
trimentis animalium, nullus a vobis decimas exigere vel extor- 
quere presumat. Liceat quoque vobis clericos vel laicos liberos 
et absolutos e seculo fugientes ad conversionem recipere et 
eos absque contradictione aliqua retinere. Prohibemus insuper 
ut nulli fratrum vestrorum post factam in monasterio vestro 
professionem fas sit absque abbatis sui licentia, nisi arctioris 
religionis obtentu de eodem loco discedere; discedentem vero 
absque eommunum litterarum vestrarum cautione nullus 
audeat retinere. Sepulturam preterea monasterii vestri libe- 
ram esse decernimus, ut eorum devotioni et extreme voluntati 


(1) Les deux derniéres syllabes sont surchargées. 


( 295 ) 
qui se illie sepeliri deliberaverint, nisi forte excommunicati 
vel interdicti sint, nullus obsistat, salva tamen iustitia illarum 
eeclesiarum a quibus mortuorum corpora assumuntur. Obeunte 
vero te, nune eiusdém loci abbate, vel tuorum quolibet suc- 
cessorum, nullus ibi qualibet surreptionis astutia seu violen- 
tia preponatur nisi quem fratres communi consensu vel fra- 
trum maior pars consilii sanioris seeundum Dei timorem et 
beati Benedieti regulam previderint eligendum. Cum autem 
generale interdictum terre fuerit, liceat vobis, clausis ianuis, 
exclusis excommunicatis et interdictis, non pulsatis campanis, 
suppressa voce, divina officia celebrare. Libertates quoque et 
immunitates antiquas et rationabiles consuetudines ecclesie 
vestre concessas et hactenus observatas, ratas habemus et eas 
perpetuis temporibus illibatas permanere sancimus. Paci 
quoque et tranquillitate vestre paterna in posterum sollici- 
tudine providere volentes, auetoritate apostoliea prohibemus 
ut infra ambitum ecclesie vestre nullus rapinam seu furtum 
facere, ignem apponere, sanguinem fundere, hominem temere 
capere vel interficere seu violentiam audeat exercere. Decer- 
nimus ergo ut nulli omnino hominum liceat prefatum monas- 
terium temere perturbare aut eius possessiones auferre vel 
ablatas retinere, minuere seu quibuslibet vexationibus fatigare, 
sed omnia integra conserventur eorum pro quorum guberna- 
tione ae sustentatione concessa sunt usibus omnimodis. profu- 
tura, salva sedis apostolice auctoritate et diocesani episcopi 
canonica iustitia. Si qua igitur in futurum ecclesiastica secu- 
larisve persona hanc nostre constitutionis paginam sciens 
contra eam temere venire temptaverit, secundo tertiove 
commonita, nisi reatum suum congrua satisfactione correxerit, 
potestatis honorisque sui careat dignitate reamque se divino 
iudicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et a saera- 
tissimo corpore et sanguine Dei et domini redemptoris nostri 
Jhesu Christi aliena fiat, atque in extremo examine districte 
subiaceat ultioni. Cunctis autem eidem loco sua iura servanti- 
bus sit pax domini nostri Jhesu Christi, quatinus et hie fruc- 


( 296 ) 
tum bone aclionis percipiant et apud districtum iudicem pre- 
mia eterne pacis inveniant. Amen, amen, amen. 


(Cercle du pape Innocent III avec la devise : Fac mecum 
Domine, signum in bonum.Monogramme des mots: 
Bene valete.) 


Ego Innocentius, catholice ecclesie episcopus. Ego Octavia- 
nus, Hostiensis et Velletrensis episcopus. Ego Johannes, 
Albanensis episcopus. Ego Petrus, titulo sancte Cecilie pres- 
biter cardinalis. Ego Jordanus, sancte Pudentie titulo pastoris 
presbiter eardinalis. Ego Guido, sanete Marie trans Tyberim 
tituloCalixti presbiter cardinalis. Ego Hugo, presbiter cardinalis 
sancti Martini titulo Equitii. Ego Bernardus, sancti Petri ad 
Vincula presbiter cardinalis titulo Eudoxie. Ego Cencius, 
presbiter cardinalis sanetorum Johannis et Pauli titulo Pama- 
chii. Ego Gregorius, titulo sancti Vitalis presbiter cardinalis. 
Ego Petrus, titulo sancti Marcelli presbiter cardinalis. Ego 
Benedietus, titulo sanete Susanne presbiter cardinalis. Ego 
Gratianus, sanctorum Cosme et Damiani diaconus cardinalis. 
Ego Gregorius, sancti Georgii ad velum aureum diaconus 
cardinalis. Ego Gregorius, sancti Angeli diaconus cardinalis. 
Ego Hugo, sancti Eustachii diaconus cardinalis. Ego Johannes, 
sanete Marie in Cosmidin diaconus cardinalis. 

Datum Laterani per manum Blasii sanete Romane ecclesie 
subdiaconi et notarii, ni kl. junii, indictione quinta, Incarna- 
tionis dominice anno wcc°n°, pontificatus domini Innocentii 
pape IH anno quinto. 

Original sur parchemin, muni de la bulle d'In- 
nocent III, pendant à des lacs de soie jaune et : 
rouge 


— 


— La Classe se constitue en comité secret pour prendre 
connaissance de la liste des candidatures aux places va- 
cantes. 


( 297 ) 


CLASSE DES BEAUX- ARTS. 


Séance du 6 mars 1879. 


M. le chevalier pe BunBUnE , directeur. 
M. LiaGnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. L. Alvin, Guill. Geefs, Jos. Geefs, 
C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat , 
-J. Franck, Gust. De Man. Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slin- 
geneyer, Alex. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel, 
Ad. Pauli, G. Guffens,J. Schadde, membres ; Ed. de Biefve, 
Alex. Pinchart et J. Demannez, correspondants. 

MM. Stas, vice-directeur de la Classe des sciences, et 
Chalon, membre de la Classe des lettres, assistent à la 
séance, 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la bibliothéque 
de l'Académie, un exemplaire de la 1'* année (n° 1 à 24) 
et de la 2° année (n° 4 à 5) de l'Athenceum belge, journal 
universel de la littérature, des sciences et des arts. 

M.le secrétaire perpétuel dépose sur le bureau les deux 
volumes de l'ouvrage de M. Trabaud, de Marseille : Esthé- 
tique et archéologie, dont l'envoi a été annoncé lors de la 
derniére séance. 


( 298 ) 

M. Édouard Grégoire fait hommage des trois volumes de 
la Bibliothéque musicale populaire. 

M. Aug. Schoy adresse un exemplaire de son Rapport 
sur l'architecture et les matériaux de construction. (Extrait 
de la Belgique à l'Exposition universelle de 1878.) 

M. Auguste Castan, archiviste de l'État à Besancon, 
envoie un exemplaire de la 6* édition (qu'il a revue et com- 
plétée) du Catalogue des peintures, dessins et sculptures 
du Musée de Besancon, par M. J.-F. Lancrenon, corres- 
pondant de l'Institut de France. 

M. Alex. Pinehart présente : 1? de la part de M.Schuer- 
mans, conseiller à la cour d'appel de Liége, un exemplaire 
de sa notice (anonyme) intitulée : Anciens grès et verres 
liégeois, publiée dans le tome XV du Bulletin de l'institut 
archéologique liégeois (1878); et 2° de la part de M. Désiré 
van de Casteele,conservateur adjoint des archives de l'État, 
à Liége, un exemplaire de sa notice intitulée : Lettre à 
M. S7, sur l'ancienne verrerie liégeoise, publiée dans le 
méme tome du méme recueil. 

La Classe vote des remerciments pour ces dons, et 
décide que la Note lue par M. Pinchart en présentant ces 
deux derniers ouvrages, paraitra dans le Bulletin de la 
séance. 


M. Alex. Pinchart, en faisant hommage à la Classe au 
nom de M. Van de Casteele, conservateur adjoint des Ar- 
chives de l'État, à Liége, d'une brochure intitulée : Lettre 
à M. S. sur l'ancienne verrerie liégeoise, y a joint la note 
suivante : 


« Aujourd'hui que l'on recherche activement tout ce 
qui appartient à la curiosité, il ne sera peut-étre pas 


( 299 ) 

sans intérét d'en dire quelques mots. Cet opuscule ren- 
ferme les résultats des découvertes faites dans les archives 
à la suite de la notice consacrée aux anciens grés et verres 
liégeois par M. Schuermans, et dont un exemplaire accom- 
pagne le don de M. Van de Casteele. Le travail de ce 
dernier est une véritable révélation. Déjà par le livre de 
M. J. Houdoy (les Verreries à la facon de Venise; la fabri- 
cation flamande) on savait qu'il y avait eu à Anvers, vers 
la fin du XVIe siècle et pendant le XVII*, et à Bruxelles, 
dés 1695, des manufactures de verres de Murano ou de 
Venise créées par des Italiens. Notre collègue de Liége a 
trouvé qu'une fabrique du méme genre fut fondée dans cette 
ville vers la fin de la seconde moitié du XVII* siècle. H 
a pu dresser une liste faisant connaitre une trentaine de 
verriers italiens qui y ont été employés de 1645 à 1669, 
et dont plusieurs venaient de Murano. Bien des verres 
dits de Venise fabriqués à Anvers, à Bruxelles et à Liége 
existent dans nos musées et dans les collections privées. Un 
examen attentif permettrait probablement de les distin- 
guer de ceux qui viennent des bords de l'Adriatique. 

Dans ces derniers temps plusieurs écrivains se sont 
occupés de l'histoire de l'industrie muranaise. Depuis le 
livre de M. Bassolin, qui vit le jour en 1847, sous le titre 
de : les Célébres verreries de Venise et de Murano, M. Cec- 
chetti a fait paraitre, en 1872, son précieux mémoire : 
delle Origini e dello svolgimento dell" arte vetraria mura- 
nese, et M. Zanetti a livré à l'impression, l'année suivante, 
la description du musée de Murano. Il avait déjà consacré 
un chapitre fort étendu sur les fabriques de verre dans son 
excellent Guida di Murano, qui date de 1866. C'est à ce 
méme auteur que l'on doit une notice sur les miroirs de 
Venise (degli Specchi di Venezia; 1867). Enfin une com- 
mission nommée par le gouvernement, mit au jour, à 


( 900 ) 
Venise, en 1874, un fort volume consacré au méme sujet, 
sous le titre de : Monagrafia della vetraria veneziana e 
muranese. 


RAPPORTS. 


Appréciation, par la section de gravure, du sixième rapport 
semestriel de M. Lauwers, lauréat du grand concours 
de gravure en 1874. (Rapporteur M. Alex. Pinchart.) 


« Le sixiéme rapport de M. Lauwers est consacré tout 
entier à l'étude des chefs-d'eeuvre de l'école florentine 
depuis Giotto jusqu'à Ghirlandaio. Il passe successivement 
en revue les créations de son fondateur qui se voient dans 
l'église de Santa-Croce, à Florence, et les peintures de ses 
élèves Orcagna, fra Angelico et Gozzoli existant dans la 
méme ville; puis il s'étend assez longuement sur leurs con- 
tinuateurs Luca Signorelli, Filippo Lippi, Botticelli et 
Ghirlandaio. Quant à Masaccio, il renvoie à ce qu'il en a 
dit dans un rapport précédent. 

M. Lauwers a fait des progrés sensibles dans l'exposé 
de ses idées. Tous ces maitres sont consciencieusement 
analysés, et il définit bien les qualités de chacun d'eux. Il 
s'oceupe de leur mérite au point de vue de la composition, 
du dessin, de l'expression, de la couleur, etc.; il fait çà et 
là des rapprochements entre ces grands artistes, dont il 
se montre avec raison fort enthousiaste. A propos de 
Signorelli et de Botticelli, il parle de leurs peintures qu'il 
a vues dans la chapelle Sixtine, à Rome, et en traitant de 
Lippi, il décrit celles de ce peintre qui se trouvent dans la 
cathédrale de Pistoia. Les ceuvres de Ghirlandaio sont sur- 


( 904 ) 
tout de la part du lauréat l'objet d'un examen trés-appro- 
fondi. 

A ce rapport sont joints douze dessins et croquis à la 
plume ou au crayon, dont l'exécution dénote du talent. Le 
n° 1 reproduit un groupe de figures de Giotto; le n° 2 une 
série de figures de saintes d'Orcagna. Les n° 5 à 6 ont été 
faits, les uns, d'aprés la grande fresque de fra Angelico au 
couvent de Saint-Marc,à Florence,et les deux autres 
d'aprés un tableau du musée des Offices. Deux figures 
d'anges de Gozzoli et une jolie téte de femme de Botticelli 
font l'objet des n° 7 et 8. Trois autres dessins tirés des 
œuvres de Lippi sont cotés n° 9 à 11. Enfin le n° 12 est 
le plus important : il représente des portraits d'hommes 
marquants, contemporains de l'artiste, que M. Lauwers a 
copiés d'aprés une des grandes peintures murales de l'église 
de Santa-Maria-Novella, à Florence. 

Le lauréat a fait preuve de goüt dans le choix de ses 
croquis et dessins. Il a tenu bon compte des observations 
que nous avons faites à l’occasion de son dernier rapport, 
et il a fidélement rempli le programme qu'on lui avait 
tracé. 

Cependant nous avons un reproche à lui adresser : pour- 
quoi ne s'occupe-t-il pas aussi des peintres flamands, qui 
ont tant d'oeuvres de mérite dans les églises et surtout 
dans les galeries de Florence? Ne trouverait-il pas là ma- 
tière à intéresser ses compatriotes? Il puiserait sans aucun 
doute, pour se perfectionner dans son art, des ensei- 
gnements utiles à ces sources dont beaucoup sont encore 
ignorées ou peu connues. » 


(Franck, LECLERC, Demannez et PINcHART.) 


( 502 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


M. Alvin fait savoir qu'il a procédé avec M. Fétis à un 
examen préalable des observations présentées par l'Aca- 
démie royale des beaux-arts d'Anvers, au sujet de la liste 
des ouvrages d'art à copier par les lauréats des grands 
concours, pendant leurs voyages à l'étranger. 

Les listes concernant la peinture, la gravure et la sculp- 
ture seront imprimées et distribuées aux membres avant 
la prochaine séance, afin que la Classe puisse s'entendre 
sur leur rédaction définitive. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Tilly (J.-M. de). — Essai sur les principes fondamentaux 
de la géométrie et de la mécanique. Bruxelles, 1878; in-8". 

Génard (P.). — Aanteekening over de vervolgingen inge- 
steld ter gelegenheid van het beslag gelegd op cen handschrift 
getiteld : « les moyens de remédier à Anvers (1566). » Anvers; 


Schoy (Aug.). — Rapport sur l'architecture et les matériaux 
de construction : extrait de « La Belgique à l'Exposition univer- 
selle de 1878. » Bruxelles, 1878; in- 8*. 

Van de Casteele (Désiré). — Lettre à Monsieur S***, sur Pan- 
cienne verrerie liégeoise. Liége, 1879; extr. in-8°. 


( 505 ) 

S*** [chuermans]. — Anciens grès et verres liégeois. Liége, 
1879; extr. in-8°. 

Lyon (Clément). — Une excursion à Marchienne -au-Pont et 
à Thuin. Charleroi ; extr. in-8°. 

Tiberghien (G.). — La science de l’âme dans les limites de 
l'observation, 5* édition mise en rapport avec la loi du 20 mai 
1876 sur la collation des grades académiques. Bruxelles, 1879; 
vol. in-18. 

Frédérix (Edmond). — La Belgique à l'Exposition univer- 
selle de Paris en 1878, tomes I et II. Bruxelles, Paris, ete., 
1878; 2 vol. in-8*. 

Belpaire (Th.). — Tables pour le caleul de la force des 
machines à vapeur. Gand, 1878 ; in-8°. 

Ministére des Travaux publics. — Caisses de prévoyance 
en faveur des ouvriers mineurs : examen des comptes de la 
période quinquennale de 1872 à 1876. Bruxelles, 1878; in-8°. 

— Statistique des industries miniéres et métallurgiques et 
des carrières pour l'exercice 1876; état de ces industries et 
carrières et leurs résultats pendant la période 1867-1876. 
Bruxelles, 1877; in-8°. 

— Rapport de M. l'ingénieur en eer des pires sur la situa- 
tion de l'industrie minérale et 
de Hainaut, Luxembourg, Liége et Namur, pendant l'année 
4877. Frameries, 1877-1878; 5 br. in-8°. 

— Carte générale des mines, 4"° livraison : Bassin houiller 
de Liége. Bruxelles, 1879; 5 feuilles in-plano. 

Dejardin (A.). — Troisième supplément aux recherches sur 
les cartes de la principauté de Liége et sur les plans de la ville. 
Liége, 1879; in-8*. 


( 304 ) 


ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 


Clausius (R.). — Die mecanische Wärmetheorie, 2. umge- 
arbeitete Auflage a "m dem lI « Abhandlungen über 
die mechanische M Buches, H. Pand. 
Brunswich, 4879; in-8°. 

Verein für Naturkunde in Cassel. — Catalog der Bibliothek 
des Vereins. Cassel, 1875; in-8°. 

Senckenbergische naturforschende Gesellschaft. — Bericht, 
1876-1877, 1877-1878. — Abhandlungen, XI. Bd., 2. u. 5. H. 
Francfort s/M. ; in-8* et in-4°. 

K. bayer. botan. Gesellschaft in Regensburg. — Flora, Jahr- 
gang 1878. Ratisbonne; vol. in-8. 

K. k. Sternwarte in Wien. — Annalen, Jahrgang 1877. 
Vienne; in-8°. 

Fürstl. Jablonowski'sche Gesellschaft zu Leipzig. — Preis- 
schriften : XXI, Die Wirtschaftspolitik der florentiner Renais- 
sance und das Princip der Verkehrsfreiheit. Leipzig, 1878; 
in-8°. 

Gesellschaft für Natur- und Heilkunde zu Dresden. — 
Jahresbericht (1877-1878). Leipzig, 1879; in-8°. 

K. Gesellschaft der Wissenschaften in Göttingen. — Nach- 
richten, 1878. — Gelehrte Anzeigen, 1878. — Abhandlungen, 
25. Bd. Gottingue, 1878; 5 vol. in-16 et 4 vol. in-4°. 


BULLETIN 
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


1879. — N» 4. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 5 avril 1879. 


M. le baron de SELxs Lonccaames, directeur. 
M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. J.-S. Stas, vice-directeur; L. de 
Koninck, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Melsens, F. Duprez, 
H. Maus, Ern. Candéze, F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, 
Brialmont, Éd. Dupont, Éd. Morren, C. Malaise, Fr. Folie, 
F. Plateau, Fr. Crépin, Éd. Mailly, J. De Tilly, membres; 
Th. Schwann, E. Catalan, associés; H. Valerius, Ch. Van 
Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, M. Mourlon, corres- 
pondants. 

9e SÉRIE, TOME XLVII. 20 


(306 ) 
CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur demande l'avis de la Classe 
sur la part que le pays pourrait prendre aux travaux de la 
station zoologique établie par M. le D" Dohrn, prés de 
Naples. 

La Classe désigne MM. P.-J. Van Beneden, Éd. Morren, 
Éd. Dupont et Félix Plateau, pour faire un rapport sur les - 
propositions de M. Dohrn. 


— M. le Ministre transmet, avec une copie de la lettre 
de M. Reither, chargé d'affaires de Baviére, un exemplaire 
d'une brochure qui donne la description d'un nouveau 
proeédé inventé par M. Boeckl, chimiste à Munich, pour 
prendre l'empreinte des cachets et des médailles. 

Il demande que l'Académie examine ce procédé et lui 
indique les applications qui pourraient en étre faites dans 
l'intérét des collections de l'État. 

MM. Stas et Melsens sont nommés pour examiner ce 
procédé et pour en faire rapport à la Classe. 


— Le méme haut fonctionnaire adresse une expédition 
d'un arrété royal en date du 6 juin 1875, qui, par déroga- 
tion aux arrétés antérieurs sur la matiére, permet d'ad- 
mettre aux concours pour les divers prix quinquennaux, 
les ouvrages écrits en langue néerlandaise par des auteurs 
belges, et imprimés en Néerlande. 


— Le méme Ministre fait savoir que le directeur de 
l'Observatoire de Melbourne a compris l'Académie au 


( 307 ) 
nombre des institutions qui recevront les publications de 
cet établissement à titre d'échange. — Renvoi à la com- 
mission administrative. 


— M. le Ministre des Travaux publics adresse, à titre de 
don pour la bibliothèque, un exemplaire de la première 
livraison (feuilles 1 à 5, bassin houiller de Liége) de la 
carte générale des mines. — Remerciments. 


L'institution des ingénieurs mécaniciens de Londres 
demande que la Classe lui donne son avis au sujet d'une 
Note sur les recherches mécaniques que cet institut a 
décidé d'entreprendre. — M. Maus est désigné pour faire 
un rapport sur cette communication. 


— La Classe accepte le dépôt dans les archives de 
l'Académie : 1? d'un billet cacheté présenté par M. Achille 
Brachet, de Paris; 2 d'un billet cacheté concernant cer- 
taines courbes géométriques, déposé par M. N. Rauis, de 
Bruxelles. 


— Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à 
l'examen de commissaires : 

4° Physiologie des muscles et des nerfs du homard, par 
MM. L. Frederieq et G. Van de Velde. — Commissaires : 
MM. Schwann et P.-J. Van Beneden; 

2 Note sur un casse-grain, en verre argenté avec sup- 
port en crown-glass dans le petit miroir convexe, par 
M. Achille Brachet. — Commissaire : M. Montigny. 


— Les établissements scientifiques ci-aprés remercient 
pour le dernier envoi des publications de l'Académie : 
La Société royale des sciences de Góttingue, l'Institut 


( 908 ) 
Franklin de Philadelphie et la « Smithsonian Institution » 
de Washington, la Société royale d'Édimbourg, et l'Aca- 
démie royale des sciences d'Amsterdam. 


— La Classe recoit, à titre d'hommage, les ouvrages 
. suivants au sujet desquels elle vote des remerciments aux 
auteurs : 

4° La Belgique horticole, années 1874, 1875, 1876 
et 1877, par M. Éd. Morren, 4 vol. in-8; 

2 Les applications de la chaleur, avec un exposé des 

meilleurs systèmes de chauffage et de ventilation (der- 
_ nières livraisons), par M. H. Valerius, 3° édition. Paris, 1879, 
2 cah. in-8° ; 

3° Contribution à l'histoire du développement de l'œil 
humain, par M. Ch. Van Bambeke. Gand , 1879, broch. 


in-5* ; 


4 Travaux ori ie comparée, tome": 
Insectes, par M. Jousset de Bellesme, vol. in-8° (présenté 
par M. Félix Plateau) ; 

9^ Sur les courbes dues à la combinaison de deux mou- 
vements vibraloires perpendiculaires, par M. A. Terquem. 
Lille, 1879, br. in-8*; 

6° Recherches paléontologiques. Description de l'ovule 
des environs de Bruxelles, par M. Th. Lefévre. Bruxelles, 
1878, extr. in-8°; 

T° Recherches sur l'électricité, par M. Gaston Planté. 
Paris, 1879, vol. in-8°. (Présenté par M. Melsens.) 


( 809 ) 


RAPPORTS. 


Note sur le sang du homard , par M. L. Frederieq, à Gand. 


Rapport de M. Schwann. 


« M. Frederieq a examiné le sang du homard : il y a 
trouvé les mémes substances colorantes qui avaient déjà 
été découvertes chez d'autres animaux invertébrés , savoir 
une matiére colorante bleue, albuminoide (l'hémocyanine) 
qui se coagule par l'alcool et la chaleur et une autre de 
couleur rose soluble dans l'aleool. La première perd sa 
couleur bleue dans le vide et la reprend par l'oxygene et 
elle contient du cuivre. 

Le sang du homard est rose quand il est réduit : exposé 
à l'oxygéne,il prend une teinte spéciale, bleue à la lumière 
réfléchie (hémocyanine), brune à la lumiére transmise 
(matière rose). Ilse coagule spontanément et contient done 
_de la fibrine. 

Le sang de certains gastropodes (Strion, Helix) con- 
tient également de l'hémocyanine, tandis que M. Frederieq 
n'en a pas trouvé chez les Lamellibranches (Unio, Ano- 
donta). 

Les deux substances colorantes étant dissoutes dans le 
plasma sanguin, c'est ce liquide qui préside à la fois à la 
respiration et à la nutrition, tandis que chez les vertébrés 
ces deux fonctions sont partagées entre les globules san- 
guins et le plasma. 

J'ai l'honneur de proposer l'insertion du travail de 
M. Frederieq dans le Bulletin de l'Académie. » 


( 510 ) 


Rapport de M, Félix Plateau, 


« Dans un travail précédent sur l’organisation et la phy 
siologie du Poulpe, M. Fredericq ayant étudié avec soin 
‘la substance qui donne au sang de ce mollusque la pro- 
priété curieuse de bleuir au contact de l’oxygène de l'air, 
put montrer que c'est une substance albuminoide à com- 
position chimique calquée sur celle de l'hémoglobine des 
vertébrés et pour laquelle il proposa le nom d’hémocyanine. 
Corps nouveau à propriétés caractéristiques , l'hémocya- 
nine contient du cuivre, comme l'hémoglobine contient 
du fer. Comme l’hémoglobine, elle forme au contact de 
l'oxygéne, dans l'appareil respiratoire de l'animal, une 
combinaison oxygénée peu stable qui se dissocie lors du 
passage du sang au travers des tissus. 

L'auteur disait : « Je n'insiste pas sur la grande impor- 
tance que présente au point de vue de la physiologie 
générale de la respiration, la découverte de l'hémocya- 
nine. Je me bornerai à la remarque suivante :le sang 
du poulpe ne contenant qu'une seule espéce d'albumi- 
noide, il s'ensuit qu'iei les deux grandes fonctions du 
sang, la respiration et la nutrition des tissus reposent 
sur une seule et méme substance chimique, l'hémocya- 
nine. Dans le sang des vertébrés, au contraire, il s'est 
établi, sous ce rapport, une véritable division du travail 
physiologique. La fonction respiratoire y appartient ex- 
clusivement à l'hémoglobine des globules, la fonction 
nutritive aux substances albuminoides du plasma. » 

Il y avait donc un grand intérêt à rechercher la pré- 
sence de l'hémocyanine chez d'autres invertébrés. Dans la 


v. D ww v." Ww Ww 


w YV v Ww w v 


| ( 311 ) 
communication actuelle, M. Frederieq nous montre que 
l’hémocyanine est aussi la substance caractéristique du 
sang des Crustacés décapodes et probablement des Mol- 
lusques gastéropodes. Je considére ce résultat comme 
important et j'exprime le désir que l'auteur étende, s'il est 
possible, ses essais à un plus grand nombre de types. 

Je me rallie donc pleinement aux conclusions du pre- 
mier commissaire. » 


La Classe adopte les conclusions des rapports de 
MM. Schwann et Plateau, proposant l'insertion au .Bul-. 
letin de la note de M. Frederieq. 


— 


Sur la théorie de l'innervation respiratoire; par M. L. Fre- 
derieq, à Gand, 


Rapport de M. Ch. Wan Eambeke. 


« Le nouveau mémoire présenté à la Classe par M. le 
docteur L. Frederieq a pour titre: Sur la théorie de lin- 
nervalion respiratoire. 

L'auteur entre d'abord dans quelques considérations 
générales sur les centres respiratoires. Si ces centres trou- 
vent en eux-mémes et dans la composition du sang tous 
les éléments nécessaires à leur activité, ils n'en sont pas 
moins soumis, dans une certaine mesure, à l'influence du 
système nerveux périphérique. Sous ce rapport, aucun 
nerf n'exerce d'action aussi marquée que le pneumogas- 
trique ; seulement quoique ayant été l'objet de nombreuses 
recherches, cette action est encore très-controversée. 
C'est ainsi que les auteurs ne sont pas d'accord sur l'exis- 


( 512 ) 
tence, dans le tronc du pneumogastrique, de fibres centri- 
pétes expiratoires. 

M. Frederieq a répété avec des résultats affirmatifs les 
expériences que l'on a fait valoir en faveur de leur exis- 
tence, et, comme il est arrivé à en donner des preuves 
nouvelles, il ne croit pas faire chose inutile en publiant 
les conclusions auxquelles il est arrivé. 

Toutes les expériences ont été faites avec l'aide d'appa- 
reils enregistreurs. L'auteur a successivement employé le 
kymographe de Ludwig (nouveau modèle) et le cylindre 
enregistreur de Marey; mais il a bientôt renoncé au pre- 
mier de ces instruments pour recourir entièrement au 
second. La commodité que l'on éprouve à écrire sans inter- 
ruption sur un papier sans fin ne compense pas un grave 
défaut du kymographion; ce défaut le voici : la courbe obte- 
nue se trouve déformée sous l'influence de deux causes : 
le frottement assez fort entre le papier et la plume, puis 
l’inertie du levier inscripteur qui est en proportion de sa 
masse. M. Frederieq fournit ensuite quelques détails sur 
le papier employé (papier porcelaine), la manière de le 
noircir, etc. Ses expériences ont été exécutées au labora- 
toire de physiologie de l'Université de Gand ; il a pu en 
répéter quelques-unes au laboratoire de M. le professeur 
Marey (Collége de France). 

L'auteur a d'abord répété l'expérience déjà ancienne de 
Traube. Si l'on pratique chez un animal la respiration 
artificielle, le rhythme primitif des mouvements respira- 
toires (observé aux narines) se modifie de telle sorte qu'il 
s'accommode complétement au rhythme des insufllations. 
Traube a montré que c'est dans le pneumogastrique que 
se trouve la voie nerveuse par laquelle l'état de distension 
du poumon ou du thorax retentit ainsi sur le centre des 


( 313 ) 
mouvements respiratoires. Dés que cette voie est suppri- 
mée par la double section des pneumogastriques, il n'existe 
plus aucun rapport entre les mouvements respiratoires de 
l'animal et ceux du soufflet. 

L'expérience de Traube a été répétée par M. Frederieq 
sur plusieurs animaux ; un chat, un chien morphiné , un 
cobaye, un jeune lapin qui avait subi l'ablation des hémi- 
sphéres cérébraux et plusieurs lapins les uns anesthésiés, 
les autres sous l'influence respective du chloroforme, de 
la morphine ou du laudanum. Le lapin, surtout s'il est 
anesthésié par le chloral, se préte beaucoup mieux à cette 
ex périence que le chien, le chat ou le cobaye. 

L'expérience est conduite d'une facon trés-ingénieuse, 
mais sur laquelle nous ne pouvons insister ici. Elle per- 
met de recueillir simultanément et cóte à cóte le tracé des 
mouvements de l'air dans la trachée et celui des mouve- 
ments du soufflet. 

Il résulte de ces expériences : 

1^ Que, lorsque les pneumogastriques sont intacts , les 
deux graphiques se correspondent exactement; 

2° Que, dès que les pneumogastriques sont coupés, l'ac- 
cord que l'on observait entre les mouvements respiratoires 
et les insufflations est rompu. Les respirations de l'animal 
interfèrent alors avec les mouvements du soufflet. La 
courbe de la pression de l'air dans la trachée trahit le 
désaccord entre les deux facteurs qui concourent à la for- 
mer : les insufflations et les mouvements de l'animal. 
A l'appui de ees expériences, l'auteur a joint un certain 
nombre de tracés obtenus par lui. 

Comme le remarque M. Frederieq, ce sont les expé- 
riences de Breuer qui nous donnent la clef de l'expérience 
de Traube, mais, malgré leur importance capitale, elles 


( 314 ) 

n'ont pas encore passé pue le domaine classique de la 
physiologie. M. Frederieq — et nous ne pouvons que 
louer sa tentative — a cru utile de revenir sur celles 
d'entre elles qui ont donné lieu à des discussions; ce sont 
les expériences tendant à prouver qu'il existe dans le 
pneumogastrique des fibres centripétes qui ont pour effet 
d'arréter la respiration à l'état d'expiration (active) et qui 
sont stimulées par l'effet de la distension mécanique du 
poumon. 

M. Frederieq a répété un grand nombre de fois (sur au 
moins une douzaine de lapins) l'expérience faite par 
Breuer dans le but de démontrer l'arrét en expiration 
aetive dans le cas de distension du poumon,en employant 
la méme disposition expérimentale que dans l'expérience 
de Traube. Le tambour à levier de Marey y remplace 
avantageusement le manométre de Fick employé par 
Breuer et par Guttmann. Il a pu se convaincre facilement 
de l'arrét en expiration, de la suspension des mouvements 
d'inspiration qui survient quand, aprés une ou plusieurs 
insufflations énergiques, on ferme le tube d'arrivée de l'air 
de facon à maintenir les poumons distendus. Le tracé 
joint au texte est très-concluant. Parfois , chez les lapins 
chloralisés, l'auteur a obtenu. comme Guttmann, des arrêts 
respiratoires en expiration passive, c’est-à-dire que la 
courbe, au lieu de se relever, restait absolument horizon- 
tale jusqu'au moment où la première inspiration venait 
mettre fin à cette apnée par distension mécanique. Ce ré- 
sultat a surtout été obtenu lorsque M. Frederieq mainte- 
nait le poumon modérément distendu aprés l'avoir ven- 
tilé énergiquement par une série d'insufllations ; l'apnée 
qui se produisait alors était une apnée mixte, due en par- 
tie à une oxygénation exagérée du sang, en partie à la dis- 
tension physique des poumons. 


( 845 ) 

L'auteur ne partage pas l'opinion de Rosenbach, d'aprés 
laquelle la contraction des muscles abdominaux pendant 
Fapnée par distension serait un phénoméne tout à fait 
accessoire et local, dà à une action directe de la distension 
thoracique et abdominale sur les muscles de la paroi abdo- 
minale. Pour lui, la contraction des muscles abdominaux 
rentre bien dans le rhythme des mouvements respiratoires, 
elle fait partie de la phase d'expiration. En effet, la sup- 
pression de la voie par laquelle le centre des mouvements 
respiratoires commande à ces museles, supprime leur con- 
traction : M. Frederieq a pratiqué la section de la moelle 
épinière à la région dorsale et il n'a plus observé léur 
eontraetion, quoique les parois abdominales se laissassent 
distendre comme auparavant à chaque insufflation. 

L'expérience de Breuer et d'autres analogues semblent 
donc établir que le pneumogastrique renferme deux sortes 
de fibres centripétes: les unes inspiratrices, admises par 
la plupart des physiologistes, les autres qui suspendent 
l'inspiration et provoquent l'expiration (passive ou active). 

Nous touchons à la partie la plus intéressante du mé- 
moire de M. Frederieq, celle qui concerne l'influence 
exercée par l'excitation artificielle du bout central du 
pneumogastrique sur le centre des mouvements respira- 
toires. Sans doute, la question n'est pas neuve et bien des 
physiologistes ont tenté de la résoudre ; seulement les ré- 
sultats obtenus sont contradictoires. 

Comme l'auteur le remarque avec justesse, dans une 
question aussi controversée, il ne lui restait qu'à répéter 
les expériences un grand nombre de fois en s'entourant 
de toutes les précautions, et surtout sans parti pris, Cest- 
à-dire en cherchant à se désintéresser autant que possible 
du résultat qu'il allait obtenir. 

L'expérience est disposée d'une facon très-ingénieuse 


( 316 ) 
qui permet d'enregistrer, tant que dure l'excitation du 
nerf, les vibrations du signal électrique de Deprez à cóté 
des mouvements respiratoires. 

L'auteur obtient généralement l'effet indiqué par Rosen- 
thal, c’est-à-dire un effet inspiratoire, dans lequel on peut 
observer tous les intermédiaires entre le tétanos inspira- 
toire et une simple accélération de la respiration. D'autres 
fois, il constate un effet tout opposé, un arrét respiratoire 
en expiration. Chez certains animaux, en faisant varie" 
la force du courant, il produit tantôt un arrêt en expira- 
tion, tantót un tétanos inspiratoire, et cela que les sujets 
soient anesthésiés ou non. Les sujets mis en expérience 
ont été des lapins, des cobayes, un chien et un chat. Chez 
ce dernier, l'excitation du pnenmogastrique a toujours 
provoqué un arrét en expiration , jamais d'inspiration. 

Divers excitants de nature physique ou chimique ont 
produit des effets de méme ordre que l'électricité. 

Tout cela prouve que les fibres centripètes du pneumo- 
gastrique vont aboutir les unes à un centre d'inspiration, 
les autres à un centre d'expiration. Il est impossible de 
séparer anatomiquement ces deux ordres de fibres, mais 
M. Frederieq a trouvé dans l'hydrate de chloral une sub- 
stance qui a pour effet, chez le lapin, de diminuer l'action 
des fibres inspiratrices du pneumogastrique, ou plutôt, sans 
doute, de déprimer l'excitabilité du centre auquel abou- 
tissent ces fibres ; dés ce moment, l'action des fibres expi- 
ratrices devient prédominante. Pour obtenir le résultat 
voulu, l'animal doit étre, non anesthésié, mais réellement 
empoisonné. Alors toute action mécanique, chimique ou 
électrique arrête la respiration en expiration; celle-ci 
reprend dés que l'on suspend l'application de l'excitation. 
Les résultats obtenus de cette façon, ajoute l'auteur, pré- 
sentent un tel degré de constance, que l'on peut, en ouvrant 


( 917 ) 
et en fermant la clef intercalée dans le circuit électrique, 
modifier à son gré le rhythme respiratoire de l'animal. Ici 
encore des tracés parfaitement réussis viennent à l'appui 
des assertions de l'auteur. 

En résumé, par ses expériences, M. le docteur Frede- 
ricq est amené à considérer, dans la moelle allongée, un 
centre inspiratoire et un centre expiratoire, le chloral 
agissant pour paralyser le premier. 

L'auteur termine son intéressant travail en démontrant 
que le chloral à haute dose a pour effet de ralentir extré- 
mement les mouvements respiratoires qui peu à peu ces- 
sent complétement, bien avant que le cœur ait suspendu 
ses battements. 

On a pu voir, par la précédente analyse, que le travail 
de M. Frederieq constitue une contribution importante à 
la théorie tant controversée de l'innervation respiratoire. 
Aussi proposons-nous à la Classe : 

1* De voter l'impression du travail de M. le docteur 
Frederieq dansle Bulletin de l'Académie. 

2^ De voter des remerciments à l'auteur en l'engageant 
à poursuivre ses recherches. » 


Rappor: de M, Félix Plateau. 


« Bien que le travail de M. Fredericq s'écarte beaucoup 
de ma spécialité et que je me considére comme peu com- 
pétent pour porter un jugement en cette matiére, j'ai 
constaté si fréquemment le soin extréme et l'habileté avec 
laquelle l'auteur effectue ses expériences, que je me ral- 
lie volontiers aux conclusions de mon savant collégue, 
M. Van Bambeke, premier commissaire. » 


La Classe a adopté ces conclusions. 


— 


(318) 


Sur le déplacement des raies des spectres des étoiles; par 
M. l'abbé Spée, professeur au séminaire de Saint- 
Trond. 


Rapport de M. Houzeau. 


« Le mémoire que M. Spée soumet au jugement de la 
Classe porte sur un point fort délicat d'astronomie spec- 
trale. Le mouvement d'un astre, dansle sens du rayon 
visuel, entraine-t-il un déplacement des raies du spectre? 
L'auteur répond négativement, en se fondant sur des con- 
sidérations théoriques. La Classe sait qu'on admet géné- 
ralement l'affirmative. Des mesures qui ont la prétention 
de donner la grandeur de ce déplacement, pour différentes 
étoiles, ont été publiées par plusieurs astronomes, entre 
autres par Huggins et par Vogel. Christie continue des sé- 
ries analogues à l'Observatoire de Greenwich, sous les aus- 
pices d'Airy, un des physiciens les plus compétents lors- 
qu'il s'agit de la théorie de la lumiére. 

On est donc en présence d'une donnée d'observation, 
fort difficile à obtenir, il faut en convenir, et affectée par- 
fois d'énormes erreurs accidentelles. Ces grandes discor- 
dances sont-elles dues à la difficulté de l'opération, ou 
bien proviendraient-elles seulement de ce que la mesure 
elle-méme est illusoire? On fait valoir qu'elles s'aecordent 
presque toujours sur le sens, sinon sur la grandeur du dé- 
placement. Un pareil accord peut-il étre purement attri- 
bué au hasard? 

J'ajouterai un autre fait. Pour le Soleil, par suite de sa 
rotation, les deux bords ont des vitesses inégales par rap- 


(0B ) 

port à la Terre. D'un cóté il y a des points qui s'appro- 
chent de nous, et de l'autre des points qui s'éloignent. Or 
on prétend trouver, pour les deux bords du Soleil, un 
déplacement en sens inverse des raies du spectre. Les ob- 
servateurs sont-ils ici le jouet d'une illusion ? Sans doute 
cela n'est pas absolument impossible. Lorsqu'il s'agit de dé- 
placements extrémement petits, l'esprit peut forcer malgré 
nous nos impressions, dans le sens où nous croyons qu'il 
faut arriver. Toutefois c’est une lourde tâche de renverser 
tout cet édifice de mesures, et de prouver à ces observa- 
teurs qu'ils ont eu devant eux non des écarts réels, mais 
de simples écarts factices, dépendant de l'imperfection des 
moyens d'observation. 

Si l'on part de l'analogie entre le son et la lumière on 
se rend compte du déplacement. Tout le monde sait que 
la note fournie par le sifflet d'une locomotive change à 
l'instant où la machine passe devant nous. La vitesse du 
mobile se compose done avec celle du son, et modifie en 
conséquence la longueur de l'onde sonore. 

Voilà plus de trente ans que Doppler tirait des formules 
relatives à la théorie des ondulations lumineuses, une con- 
clusion analogue. Mais on a contesté que le cas füt sem- 
blable pour le son et pour la lumière, et Secchi en parti- 
culier l'a énergiquement nié. Pour lui, les ondes se 
continuant de part et d'autre au delà du rouge et du violet, 
il reste toujours pour la vision un méme spectre, pris 
seulement plus haut ou plus bas dans le clavier, suivant 
que le ton a descendu ou monté. Nous ne voyons plus à 
l'aide des mémes ondes A modifiées, mais à l'aide d'autres 
ondes B, modifiées de leur côté, et que leurs modifications 
rendent précisément semblables aux ondes A dans leur 


( 320 ) 
état primitif. Aprés le changement, B remplace donc exac- 
tement A dans l'opération de la vision. 

C'est ce point théorique qu'il s'agit d'élucider. L'auteur 
du mémoire le discute avec une grande connaissance de 
l'optique spectrale, et beaucoup d'habileté. Exposer ses 
motifs, avec un développement suffisant pour en conserver 
la force, exigerait en quelque sorte de copier le mémoire. 
Je me borne donc à exposer le sujet du travail soumis à 
la Classe. Il faudra voir les développements dans ce tra- 
vail méme. 

L'intérêt qui s'attache à la question traitée, les connais- 
sances incontestables avec lesquelles l'auteur a abordé cet 
examen, justifient largement, à mes yeux, le vote de l'im- 
pression. En conséquence, j'ai l'honneur de proposer à la 
Classe d'insérer le mémoire de M. Spée dans le recueil de 
nos Mémoires in-8°, et d'adresser des remerciments à Pau- 
teur. » 


Rapport de M., JFontigny. 


« Le rapport si lucide dont la Classe vient d'entendre 
la lecture, suflit pour faire connaitre l'importance de la 
question traitée dans le travail soumis à notre examen, puis 
les difficultés qui en retardent la solution complète, et en- 
fin les mérites du mémoire de M. Spée. il ne me resterait 
donc qu'à me rallier à la proposition de notre honorable 
confrère, M. Houzeau , ce que je fais trés-volontiers, en 
demandant également que ce travail soit inséré dans les 
Mémoires in-8°, et que des remerciments soient adressés 
à l'auteur, si je ne croyais utile d'ajouter quelques consi- 
dérations au sujet de la question traitée par M. Spée, celle 


( 824 ) 

de l'influence des mouvements relatifs d’un observateur 
terrestre et d'une étoile à l'ézard des apparences que pré- 
sente la lumière émise par cet astre vers celui-ci. 

Cette question avait attiré l'attention d'Arago dés 1810. 
IL fit à ce sujet des observations astronomiques qui n'ont 
été bien connues que par la publieation du mémoire ori- 
ginal en 1852, moins d'un an avant la mort de cet illustre 
savant (1). 

« Je me suis attaché, dans ces expériences, dit Arago, 
» à rendre trés-sensibles les différences qui doivent ré- 
» sulter du mouvement de translation de la terre, parce 
» que celui de notre systéme pourrait, en se combinant 
» avec ce premier, donner naissance à d'assez grandes 


Le procédé dont Arago s'est servi pour reconnaitre si 
l'influence de ces mouvements modifie la propagation de 
la lumiére, selon que notre planéte se rapproche ou 
s'éloigne en réalité des étoiles observées, consista à fixer 
convenablement un prisme achromatique au corps de la 
lunette du cercle mural de l'Observatoire de Paris, en avant 
de l'objectif. « Les choses étant ainsi disposées, dit Arago, 
» j'ai mesuré dans la méme nuit, et à différentes époques, 
» les distances au zénith d'un grand nombre d'étoiles; ces 
» distances comparées à celles qu'on aurait observées à 
» travers l'air donnent la quantité de la déviation que 
» leprisme fait éprouver aux rayons lumineux.....» Arago 
indique ensuite les déviations qu'il a obtenues pour un 


(1) Voirles Comptes rendus de l'Institut et les Annales de Chimie et 
de Physique, 5* série, t. XXXVII. 
2"* SÉRIE, TOME XLVII. 21 


( 822 ) 
eertain nombre d'étoiles, dans les soirées du 19 et du 
97 Mars 1810, puis du 8 Octobre; à cette dernière date, 
il avait modifié la disposition des prismes en les adaptant 
à la lunette d'un cercle répétiteur. Puis il émet les con- 
clusions de ses recherches; en voici les plus importantes : 
« En examinant attentivement les tableaux précédents, 
on trouve que les rayons de toutes les étoiles sont sujets 
aux mêmes déviations, sans que les légères différences 
qu'on y remarque suivent aucune loi. 
» Ce résultat semble être, au premier aspect, en con- 
tradiction manifeste avec la théorie newtonienue de la 
réfraction, puisqu'une inégalité réelle dans la vitesse des 
rayons n'oceasionne cependant aucune inégalité dans 
les déviations qu'ils éprouvent. H semble méme qu'on ne 
peut en rendre raison qu'on supposant que les corps 
lumineux émettent des rayons avec toutes sortes de 
vitesses, pourvu qu'on admette également que ces 
rayons ne sont visibles que lorsque leurs vitesses sont 
comprises entre des limites déterminées..... » 
Dans un passage suivant, Arago indique, comme devant 
intervenir dans le phénoméne, les déplacements propres 
des étoiles elles-mémes dans l'espace. 

Ce savant attribue les petites différences que présen- 
tent entre elles les mesures de déviations des rayons 
stellaires à des erreurs d'observation , comme nous venons 
de le voir. Mais, en voulant apprécier ces différences, j'ai 
remarqué que, si l'on caleule les moyennes de toutes les 
observations appartenant aux soirées du 19 et du 27 
Mars 1810, pendant lesquelles douze et quinze étoiles 
ont été respectivement observées, et que si l'on forme, par 
rapport à ces moyennes, les différences qui affectent respec- 
tivement les mesures relatives à huit étoiles qui ont été 


Y v w 


w wW v" V WV Vv v Ww y 


ji y (SR Ré E TEPORE IET 


(326 ) 
observées pendant l'une et l'autre de ces soirées, on obtient 
les résultats suivants : 


Le 19 Mars. ; Le 27 Mars. 
Différences relatives à la déviation moyenne Différences 

o 4 24,05 1004 29595 
a Orion: raS 4S Te adOróh. o Aa a MIB 
Cdstor a di 400 DES "000 03S0T- . us. iue 900 
Procyonsv o e 2 AME. Piocyón. do ooi e + 2,58 
Poli. | 4 ee m 95. PONS 3x 5514 + 9.85 
œ Hydre — 1,45 «œ Hydre — 1,61 
plui UC, COD CEDE rt. vM — 5,64 
a Couronne: do — 1,25 x Couronne. . . . . . . + 1,46 
AMNES a uoce 2 0.05. AGIONIS. . i. orn in — 1,74 


On voit que, pour les quatre premières étoiles, le signe 
qui affecte les différences reste positif pendant les deux 
soirées, et que , sauf pour x de la Couronne, le signe reste 
négatif pour les autres étoiles, également pendant ces deux 
soirées. Je me demande si cette concordance est fortuite. 
A mon avis, c'est une question à examiner; et je pense qu'il 
ne serait pas inutile de reprendre l'expérience d'Arago, en 
y introduisant les perfectionnements dus à l'état actuel de 
nos connaissances et à la grande précision de nos instru- 
ments. 

J'ajouterai maintenant une considération qui se rap- 
porte tout autant à l'observation si délicate du déplace- 
ment des raies des spectres stellaires, et par conséquent à 
la question traitée par M. Spée, qu'aux déterminations 
faites par Arago. 

Remarquons en premier lieu, qu'avant de pénétrer dans 
une lunette qui est munie soit d'un prisme fixé en avant 
de l'objectif, soit d'un spectroscope adapté prés de l'ocu- 


( 324 ) 

laire, lesrayons lumineux émanés d'une étoile ont d'abord 
traversé notre atmosphére. Or, ce milieu réfringent agit, 
par réfraction et par dispersion, à la facon d'un premier 
prisme dont l'angle serait dirigé vers le haut et la base, 
tournée vers le sol. Nous sommes en droit de nous 
demander, méme en présence de la petitesse des effets de 
réfraction et surtout de dispersion produits par l'air, com- 
parativement aux déviations accusées par le prisme 
d'Arago et aux phénoménes de dispersion amplifiés par 
le spectroscope , si l'influence de la réfraction et de la 
dispersion par l'atmosphére, dont la valeur varie avec sa 
densité, c’est-à-dire avec la température et la pression de 
l'air, n'intervient pas dans les mesures prises au sujet des 
déplacements relatifs de la Terre et des étoiles. Je dirai en 
d'autres termes, et cela sans vouloir attribuer ici à l'in- 
fluence de la réfringence propre de l'air atmosphérique 
les différences que je viens de signaler au sujet des déter- 
minations effectuées par Arago, qu'il y a lieu de voir si des 
mesures semblables de déviations, et si les déplacements 
des raies dans les appareils spectroscopiques ne sont pas 
affectés d'une manière appréciable, et cela, selon la dispo- 
sition de ces instruments, par l'influence que les déplace- 
ments relatifs des étoiles et de la Terre doivent exercer 
d'abord sur là marche des rayons lumineux , émanés des 
premières, à travers notre atmosphère, avant d'arriver à 
nos instruments. 

La question était de nature à étre posée ici, et je pense 
qu'elle mérite examen, si déjà elle n'en a été l'objet. » 


La Classe a adopté les conclusions de ces deux rap- 
ports. : 


( 325 ) 


Observations de la planéte Mars faites pendant l'oppo- 
sition de 1877, par M. le baron Octave Van Ertborn, à 
Anvers. 

Rapport de M. Mouzeau, 


« M. Oct. Van Ertborn a soumis à l'Académie vingt- 
cinq dessins de la planète Mars, pris à sa dernière opposi- 
tion, entre le 15 août et le 3 novembre 1877. L'instrument 
dont l'auteur s'est servi est une lunette montée équatoria- 
lement, de 17,62 de foyer et 07,108 d'ouverture. Les ob- 
servations ont été faites à Aertselaer, au sud d'Anvers, oü 
M. Oct. Van Ertborn a établi un petit observatoire. 

L'auteur a remarqué, comme tous les astronomes qui 
ont suivi Mars en 1877, la différence qui se manifestait 
alors entre les deux parties, Nord et Sud, du disque. C'était 
là le trait frappant de cette opposition. Tandis que les 
taches de l'hémisphére austral de Mars étaient fort appa- 
rentes et généralement nettes, celles de l'hémisphére bo- 
réal restaient presque toujours confuses et fort difficiles à 
voir. 

Les dessins, bien exécutés, sont destinés à reproduire 
non-seulement les contours des taches, mais aussi leur 
couleur. Ils méritent, à nos yeux, d’être publiés dans un 
des recueils de l'Académie. On pourrait les réunir dans 
trois planches du format in-4°. Le travail paraitrait, si la 
Classe y donne son assentiment, dans le recueil in-4° des 
savants étrangers. J'ai l'honneur de proposer, en outre, 
que des remerciments soient adressés à l'auteur. » 


La Classe a adopté ce rapport, auquel s'est rallié M. Lia- 
gre, second commissaire. 


———— 
EE — 


( 826 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


— 


Nouvelles applications de l'énergie potentielle des surfaces 
liquides, par M. G. Van der Mensbrugghe, correspondant 
de l'Académie. 


Cause principale de la perle de charge des jets d’eau. — Origine de 
l'énergie de mouvement acquise par les vagues de la mer. — Cause 
de la production des mascarets à l'embouchure de certains fleuves.— 
Origine de la puissance du Golfstream. 


Il y a trois ans, j'ai fait à l'Académie une communication 
qui a été trés-favorablement accueillie et où j'ai démontré 
les deux propositions suivantes : 


4° Si la couche superficielle libre d'une masse liquide 
éprouve une augmentation, elle se refroidit; si, au con- 
traire, elle subit une diminution, elle s'échauffe; 

2 Dans les deux cas, il se développe, dans la masse, 
des courants thermo-électriques d'autant plus intenses que 
la masse est plus petite, ou que la variation de la surface 
est relativement plus considérable. 


On se rappelle que, quant au développement d’électri- 
cité, je me suis rencontré avec notre jeune et savant con- 
frére, M. Spring. 

J'ai montré alors comment ces résultats devaient étre 
interprétés dans le eas de la surface de séparation de deux 


(827 ) 

liquides ou de la surface de contact d'un solide et d'un 
liquide; puis j'ai appliqué mes propositions à la théorie 
d'une série de phénoménes demeurés fort obscurs jusque 
dans ces derniers temps; j'ai tàché d'expliquer notamment 
les mouvements à la surface des bulles d'eau de savon, les 
mouvements alternatifs de certaines lames liquides étalées 
sur un autre liquide, les phénoménes d'échauffement par- 
fois extraordinaire produits dans une masse solide mouil- 
lée par un liquide, les courants thermo-électriques déve- 
loppés par des variations d'étendue dans la surface de 
séparation de deux liquides, la production constante d’élec- 
tricité dans l’air atmosphérique, et enfin les énormes dé- 
charges électriques observées dans les orages. 

Dans une deuxième communication, j'ai pu rattacher à 
ma théorie l'explication du maintien à l'état liquide des 
petites gouttelettes formant les nuages et les brouillards 
dans des couches d'air assez fortement refroidies au-des- 
sous de zéro (propriété qui récemment a causé de véritables 
désastres dans la forêt de Fontainebleau); j'ai rendu 
compte des phénoménes exceptionnels que présentent cer- 
tains alliages aux environs de leur maximum de densité, 
et qui avaient fait l'objet d'un beau travail de M. Spring; 
jai montré ensuite comment peut s'expliquer la chaleur 
vraiment étonnante qu'il faut pour détacher un liquide vo- 
latil de la surface d'une matiére poreuse, et qui avait été 
constatée par notre savant confrére M. Melsens; enfin j'ai 
appliqué mes imeem pas phénomènes observés dans 
l'ébullition et à propos un autre confrère, M. Donny, 
a fait des expériences devenues classiques. 

En 1877, j'ai fait voir combien semblait justifiée la rela- 
tion entre les perturbations météorologiques et les varia- 
tions magnétiques, relation entrevue déjà par Hansteen et 


( 928 ) 
confirmée par le P. Seechi à la suite d'observations long- 
temps prolongées. 

a méme année, j'ai pu appliquer ma théorie aux mou- 
vements des bulles d'air dans les niveaux et des bulles de 
vapeur dans les enclaves liquides des minéraux. 

En 1878, j'ai publié un Mémoire où je donne de nom- 
breuses preuves nouvelles de l'exactitude de ma première 
proposition. 

Enfin, il y a quelques mois, j'ai tàché de faire voir, à la 
fois par le raisonnement et par l'observation directe, que 
les phénoménes remarquables et inattendus, observés par 
Savart dans les nappes liquides, sont soumis aux lois com- 
prises dans mes formules. 

Si je rappelle ici les principales applications de ma théo- 
rie de l'énergie potentielle des surfaces liquides, c'est uni- 
quement pour mettre une fois de plus en lumiére l'extréme 
fécondité des prineipes auxquels m'a conduit la thermody- 
namique, et pour tirer de la variété méme de ces applica- 
lions un puissant argument en faveur de l'importance des 
principes en question. D'ailleurs, je viens de les soumettre 
à un nouveau contróle, et, cette fois, ils ont recu une con- 
firmation qui, je n'hésite pas à le dire, a dépassé de beau- 
coup mes espérances. 

Les applications nouvelles dont je désire entretenir la 
Classe aujourd'hui concernent la perte de charge d'un jet 
d'eau, l'énergie de mouvement acquise par les vagues lors 
de leur formation, l'explication rationnelle de la barre ou 
mascaret observé à l'embouchure de certains fleuves, et 
enfin la cause du mouvement qui pousse le Golfstream jus- 
que dans les mers polaires. 


( 529 ) 


LE — Cause principale de la perte de charge d'un jet 
d'eau. 


Les physiciens ont constaté depuis longtemps qu'une 
veine liquide lancée de bas en haut sous une direction à 
peu prés verticale, par un orifice percé en mince paroi, ne 
s'éléve pas jusqu'au niveau du réservoir qui fournit le 
liquide; pour expliquer ce fait, ils ont invoqué le frotte- 
ment à l'orifice et la résistance de l'air; mais ces causes 
sont-elles suffisantes pour produire une perte de charge 
parfois trés-considérable, et méme, dans certaines condi- 
tions spéciales, l'annulation complète de la charge? Je ne 
puis l'admettre; car s'il en était ainsi, deux liquides de den- 
sités peu différentes devraient donner des résultats à peu 
prés identiques; or, c'est ce qui est loin d'avoir lieu; 
par exemple, une veine d'eau lancée à peu prés verticale- 
ment par un orifice de 1"",5 de diamètre et sous une pres- 
sion de 51 centimétres, ne s'éléve que de 96 centimétres 
environ, tandis que, pour la méme pression et le méme 
orifice, le sulfure de carbone, qui a une densité de 1,95, 
atteint une hauteur 1 ; fois plus grande. 

Je me suis donc demandé s'il n'y avait pas une autre 
cause perturbatrice; aprés mür examen, j'ai réussi à en 
trouver une qui découle immédiatement de l'ensemble de 
mes recherches précédentes. Je vais indiquer brièvement 
en quoi consiste la nouvelle cause, que j'avais déjà signalée 
du reste dans ma Note sur les nappes de Savart ; je réser- 
verai les détails, s'il y a lieu, pour un Mémoire que j'ai en 
préparation, et que j'espére pouvoir présenter prochaine- 
ment à l'Académie. 


( 330 ) 

Soit une veine liquide lancée à trés-peu prés verticale- 
ment de bas en haut par un orifice percé en mince paroi; 
nommons r le rayon d'une section horizontale quelconque 
de la veine, v la vitesse du liquide qui la traverse; la masse 
qui passera dans l'unité de temps par la section considérée 
sera évidemment z;2v 2,8 étant la densité du liquide; 
pour une section plus élevée oü r' et v' seraient respecti- 
vement le rayon et la vitesse, la masse qui passerait vau- 
drait zr/2v' ©, Admettons maintenant que le diamétre de la 
veine soit assez petit pour que tous les points d'une section 
horizontale aient au méme instant la méme vitesse; il est 
clair que, dans cette hypothèse, la masse qui traverse 
chaque section dans l'unité de temps sera la méme, c'est- 
à-dire que 7?o —7'2v' ; je dis de plus que la surface libre 
de cette méme masse ira en — € à mesure que la 
hauteur augmente; eu effet le rapport +; des deux sur- 
faces libres 2zrv, 2xr'v’ relatives à deux sections dont la 
seconde est plus élevée que la première, vaut évidemment 7» 
en vertu de l'équation ci-dessus; mais puisque v’ est moin- 
dre que v, r’ doit être plus grand que r, et conséquem- 
ment la surface libre d'une méme masse diminue à mesure 
que le liquide monte davantage. 

Cela étant, évaluons l'énergie engendrée par le change- 
ment de surface libre; au bout du temps dt, la surface 
2zrv diminue de 2 (rdv 4-vdr); si done T représente l'éner- 
gie potentielle du liquide par unité = surface , l'énergie 
potentielle perdue par la masse ziv 2 ; dt qui monte dans 
le méme temps équivaut à 27T (rdo+vdr); quant à 
l'unité de masse, elle perdra, dans l'unité de temps, une 
énergie égale à 

29T VE dv il dr 
mm lro. dt E 5 


( 851 ) 


ou bien, en vertu de l'équation r?v — constante : 


yE dv 


órv dt. 


Or j'ai démontré antérieurement qu'une partie au moins 
de cette énergie se transforme en chaleur ou en électricité; 
mais n'y a-t-il pas une fraction À de cette énergie qui se 
transforme en énergie de mouvement? Pour décider la 
question, introduisons une fraction À de la quantité ci- 
dessus dans l'équation des forces vives qui exprime la loi 
"us mouvement; cette équation sera, dans ce cas, puisque 

q est négatif : 


vdv = es 7 dt — gdz, 


r étant la distanee comptée à partir de l'orifice de sortie 
jusqu'à la tranche où v est la vitesse. 

Cette équation suppose 1° qu'on fasse abstraction des 
effets du frottement à l'orifice et de la résistance de l'air; 
2 que T ne change pas sur le parcours du jet, ce qui n’est - 
pas tout à fait exact, comme je l'ai démontré par de nom- 
breuses expériences; 3° que le jet ne se divise pas en 
sphéres plus ou moins grandes avant d'atteindre la hau- 
teur maximum. 

Pour intégrer l'équation différentielle, posons r?v — c?, 
d’où roc V/v; conséquemment : 


19T -4 
vdv — x dv — gdz. 


( 992 ) 
Nommons « la vitesse à l'orifice, H la hauteur de charge, 
H' la hauteur du jet, et 2 le diamètre de l'orifice ; l'inté- 
gration effectuée depuis v — a jusqu'à v—0 donnera : 


d’où en substituant à c sa valeur o Va : 


gy PT. 
do 


Si À n'est pas nul, il faut que la perte de charge H—H' 
soit : 

1* Indépendante de la charge elle-méme , pourvu qu'on 
opère sur le méme liquide et avec le méme orifice ; 

2* Proportionnelle à l'énergie potentielle du liquide em- 
ployé; 

5° En raison inverse de la densité du liquide et du 
diamètre de l'orifice, pourvu bien entendu que ce diamètre 
soit suffisamment petit. 

Pour vérifier si ces lois sont conformes à l'observation, 
j'ai eu recours à des séries d'expériences faites non par 
moi (je n'ai pas encore eu le temps d'en faire), mais par 
Dupré de Rennes qui voulait simplement en tirer des va- 
leurs approchées de la tension, et qui ne pouvait soupçon- 
ner les relations dont il s'agit ici; or voici les valeurs des 
différents éléments qui entrent dans mes calculs, et que 
j'ai déduites des expériences en question : 


TEMPÉRATURE : 


( 853 ) 


EAU DISTILLÉE. 


mmgr. — mm. 


5°C. — T. omm 7,54 


DIAMÈTRE DE L ORIFICE. 


29 = 4mm 5 2 — 9mm 29 = 20m 3 
D BE M CREER au c 2 
H m |sn—nm| n g |n—n' H m |m—mn' 
Centim. | Centim. | Centim. || Centim, | Centim. | Centim. || Centim. | Centim. | Centim. 
58 15 |23 ]||97.5 |12 | 145.5 || 28 4.8 | 15.5 
40.5 | 16 |95.5|| 31.5 | 144. 117.5 |39 | 23.5 | 15.5 
42 19 |33.0 | 34 |18 [16.0] 48 |34 |14 
47.5 | 92 |35.5|| 42.85 | 24 |18.5]| 53.51 38 | 15.5 
47,5 | 24 | 95 5 || 42.8 | 24.8 | 18 || 62.5 | 46. | 16.5 
51.5 | 96 |95.5|49 |929.5 | 19.5 les 147 | 16.0 
36.5 | 51 |25.5 || 51.5 | 93.5 | 48 ||68.5 | 50 | 18.5 
62.5 | 36 | 26.5 || 66.5 | 44.5 | 92 |77.5| 60 | 17.5 
65.8 | 37 | 26.5 || 60.8 | 45.5 | 21 ||84.5]| 65 | 19.5 
68.3 | 41 | 27.5 || 76.5 | 52.5 | 24. || 86. | 67 | 19 
75.5 | 44 |39.5|| 83. | 61.5 | 93.5 | 97.5 | 76. | 21.5 
76.5 | 47 |99.5 
86.5 | 55 | 31.5 
SULFURE DE CARBONE. 
mmgr.— mm. 
T = 53.62 
51 9 112 idesi 37 | 9.5||61 |48.5 | 12.5 
45 34 |n || 4 34 | 8 ls |asli10s 
59 ə |11 |37 39 | 8 Fai | 325 |11.5 
35.8 | 34 | 11.5 || 31 35 | 8 |39.5 | 50.5 | 9.0 
30.5 | 19 | 141.5 || 95 16 | 7 |z [9451] 9.5 
24.5 | 14 |10.5|| 18.5 | 12 | 65i 3 |as] 7.5 
12[.5| 6 | 6.5|945]| 16.5] 8 


( 354 ) 

Ces deux tableaux montrent immédiatement : 1? qu'en 
effet, pour un méme liquide et pour le méme orifice, 
les pertes de charge sont à peu prés constantes, quelles 
que soient les charges, pourvu, bien entendu, que ces der- 
niéres ne soient pas trop fortes, car, dans ce cas, on le 
sait, le jet est discontinu, et dés lors la résistance de l'air 
sur les différentes sphéres résultant de la transformation 
de la veine devient trés-notable; si l'orifice a quelque lar- 
geur, dépasse, par exemple, 2 millimétres, les vitesses de 
tous les points d'une méme section cessent d’être les 
mêmes au méme instant, et ce cas encore est exclu par 
l'analyse qui précéde. 

En second lieu, si l'on demeure dans les conditions que 
nous avons expressément admises, les pertes de charge, 
pour un méme liquide, mais pour des orifices différents, 
obéissent à trés-peu prés à la loi de la raison inverse des 
orifices, ou, ce qui revient au méme, de la constance du 
produit de la perte de eharge par le diamétre de l'orifice; 
ainsi pour l'eau, la perte de charge Tene en moyenne, 
avecl'orificede 1"",5, vaut 24 centi quand les charges 
ne dépassent pas 51 centimètres; le produit de cette perte 
de charge moyenne par 1"",5 vaut 56; les produits corres- 
pondants aux diamètres 9"" et 9?» 5 valent respecti- 
vement 35.2 et 34.25, nombres peu différents de 56. 

Quant au sulfure de carbone, la loi relative aux diame- 
tres des orifices se vérifie trés-bien pour les deux premieres 
séries d'expériences ; si elle semble en défaut par le diamètre 
2mm 5. c'est sans doute parce que la faible cohésion du 
liquide empéche l'égalité de la vitesse pour tous les points 
d'une méme tranche au méme instant. 

En troisiéme lieu, la loi relative à la densité et à l'éner- 
gie potentielle du liquide employé se trouve vérifiée d'une 
manière assez approchée quand on prend les valeurs ordi- 


( 335 ) 
naires 7.5 et 5.6 pour les énergies potentielles de l'eau et du 
sulfure de carbone; seulement il y a ici une. incertitude 
compléte sur les valeurs exactes de ces éléments, à cause 
de la variation continue dans la surface d'une masse 
liquide parcourant le jet. 
En résumé, les lois comprises dans la formule 


ux mI 
n A 


se trouvent confirmées par l'expérience avec une exacti- 
tude qui me parait bien remarquable, surtout si l'on a 
égard aux restrictions que cette formule suppose implici- 
tement; je conclus de là que la diminution de surface libre 
d'une masse liquide donne lieu non-seulement à de la cha- 
leur ou à de l'électricité, comme je l'ai prouvé ailleurs, mais 
encore qu'une portion À de l'énergie potentielle perdue se 
change réellement en énergie cinétique, ainsi que je l'avais 
déjà avancé dans mon travail sur les nappes de Savart. 
Mais il y a plus; les résultats précédents permet- 

tent méme de trouver une valeur approchée de la frac- 
tion 2; à cet effet, il suffit de substituer, dans la formule 
ci-dessus, les valeurs numériques correspondantes de 
H — H', T, ò et o; si nous effectuons cette substitution 
pour les séries d'expériences faites par Dupré, tant pour 
l'eau que pour le sulfure de carbone, avec les orifices de 
177,5 et 2 millimètres, en excluant, à cause du motif déjà 
indiqué, les charges supérieures à 51 centimètres, nous 
trouvons les 4 valeurs suivantes de à : 

0.012 

0.01175 

0.01185 

0.0151 


Moyenne. . . 0.01217 


( 936 ) 

Conséquemment, puisque l'énergie potentielle de l'eau 
par mètre carré est de 0*2:0075, il se développe, lors de 
l'annulation de 1 métre earré de surface libre de ce liquide, 
une énergie cinétique équivalente, à trés-peu prés, à 


o*m: 00009 ; 


le reste de lénergie potentielle de la surface considérée 
passe à l'état de chaleur ou d'électricité. 
Poursuivons la discussion de notre formule 
AT 
H — H—— ; 


dc 


elle fait voir aisément dne si la charge employée H est in- 
férieure à la constante = T relative aux conditions de l'ex- 
périence, H' est nécessairement négatif, c'est-à-dire que 
si, avec un orifice de 17",5, par exemple, on voulait pro- 
duire un jet d'eau sur une charge égale ou inférieure à 
24 centimétres (c'est la valeur de nt pour le eas en 
question), le jet devrait retomber aussitôt après sa forma- 
tion. Or ce résultat, si paradoxal et si bizarre en appa- 
rence, se vérifie à la lettre; j'avais vu depuis longtemps, et 
sans doute d'autres physiciens avec moi, qu'un jet d'eau 
lancé par un orifice très-petil et sous une faible charge, 
monte et descend sans cesse et méme s'annule parfois 
jusqu à l'orifice; je viens enfin detronver la raison théorique 
de ce curieux phénomène; c'est l'énergie de mouvement 
imprimée à l'eau par la pesanteur, et qui est détruite par 
l'énergie du mouvement développée en sens contraire par 
les forces mêmes qui résident à la surface libre de l'eau : 
assurément on ne pourrait citer un plus curieux exemple 
de l'efficacité de ces forces si minimes pour l'état de repos, 


( 337 ) 

mais susceptibles de croitre si rapidement, dés que, par 
suite du mouvement, les changements d'étendue de la 
surface libre deviennent suffisamment rapides eux-mémes. 
Ainsi avec un orifice de 0"",5, le sulfure de carbone don- 
nerait une perte de charge trois fois plus grande qu'avec 
un orifice de 177.5, c'est-à-dire de 55 centimètres environ; 
si donc on lance le jet sous une pression moindre que 33 
centimètres, il ne fera que monter et descendre aussitôt, 
sans qu'aucune cause apparente puisse étre invoquée pour 
rendre compte de cet étrange spectacle. Et pourtant le 
phénoméne est soumis à une loi bien simple, comprise 
dans la formule ci-dessus. 

Une autre conséquence de ma théorie consiste en ce que, 
si l'on parvient par un moyen quelconque à rendre con- 
tinue une veine ascendante qui se résolvait en gouttelettes 
sur une portion de son parcours, on permettra ainsi au 
liquide d'annuler, en plus, de notables étendues superfi- 
cielles libres, et, par là, de faire naître une énergie de 
mouvement qui tendra à abaisser le jet, parfois même à le 
supprimer totalement pour un temps très-court, quand 
la diminution de surface au sommet est devenue assez 
grande; or, il suffit, on le sait, d'approcher d'une veine de 
petit diamétre et dirigée verticalement de bas en haut, un 
bâton de verre électrisé pour rendre aussitôt cette veine 
continue et lui donner la forme du pistil d'une fleur; mais 
alors la stabilité cesse aussitót, et le jet retombe en tout 
ou en partie suivant les conditions de l'expérience; je 
reviendrai sur cet intéressant phénoméne à une prochaine 
occasion. 

Jusqu'à présent, je n'ai parlé que des jets liquides à 
petit diamètre ; pour des jets puissants, lancés par des ori- 
lices assez larges et sous de fortes pressions, l'analyse pré- 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 22 


( 358 ) 

cédente n'est plus applicable; mais ici le raisonnement va 
suppléer au caleul; en effet, la surface libre de la masse 
liquide qui s'éléve dans l'unité de temps subira encore, 
comme dans le cas précédent, des diminutions graduelles, 
qui feront naitre de l'énergie de mouvement dirigée comme 
celle de la pesanteur; seulement cette énergie appartiendra 
surtout aux portions les plus voisines de la surface libre, 
tandis que les portions plus intérieures continueront leur 
mouvement en vertu de la hauteur de charge encore dispo- 
nible; il suit de là qu'à une distance déterminée de l'orifice, 
une certaine masse liquide doit demeurer en arrière, el, 
sans doute à cause de la résistance de l'air et de l'inégalité 
du retard en différents points d'une méme section, se déta- 
cher du jet pour s'éparpiller en gouttelettes; mais, immé- . 
diatement aprés, le liquide qui continue son mouvement 
ascensionnel aura une surface libre où les mêmes phéno- 
ménes vont se passer, c'est-à-dire où il naitra une énergie 
de mouvement de haut en bas, qui produira bientót la sé- 
paration d'une nouvelle masse liquide, et ainsi de suite, 
jusqu'à ce que, par ces séparati ons successives de la masse 
totale du jet, celui-ci s'arréte à une hauteur bien moindre 
que la hauteur de charge et ne donne plus qu'une ou plu- 
sieurs veines trés-minces se transformant en gouttelettes. 
Le raisonnement qui précéde est pleinement confirmé par 
l'expérience. 


H. — Origine de l'énergie de mouvement acquise par les 
vagues de la mer. 


Aprés avoir établi, pour des masses liquides relativement 
bien petites, l'efficacité surprenante de l'énergie de mou- 
vement engendrée par des pertes successives d'énergie 


jr ( 559 ) 

potentielle; aprés avoir montré que la pesanteur peut, dans 
certains cas, fournir elle-méme à l'eau, des armes pour la 
combattre, je me suis demandé si des effets du méme 
genre ne se manifestaient pas dans les grandes masses 
d'eau de la nature. Je n'ai pas tardé à trouver de nom- 
breux exemples où des résistances opposées au mouve- 
ment des eaux, bien loin de l'entraver, produisent au con- 
traire des accélérations parfois prodigieuses. 

Rappelons d'abord que, pour toute diminution de 1 mètre 
carré dans la surface de l'eau, il s'engendre environ 
0*2» 00009 de travail mécanique direct; il est à remar- 
quer que si, dans une masse relativement faible, il se pro- 
duit un grand nombre de pareilles diminutions, la force 
vive due au travail mécanique total développé, et dirigée 
toujours dans le sens suivant lequel les surfaces ont décru, 
pourra devenir trés-notable. Citons quelques exemples. 

Placons-nous d'abord dans le cas d'une masse d'eau 
s'élevant vers une côte qui monte graduellement; suppo- 
sons notamment que la mer monte, par un temps calme, 
devant une plage en pente douce et ne présentant pas de 
portions rentrantes ou saillantes. Il est elair que les cou- 
ches d'eau venant du haut de la mer rencontreront une ré- 
sistance croissante à mesure que le fond s'éléve; elles 
seront donc nécessairement comparables à un troupeau en 
marche, dont on arréte plus ou moins brusquement la téte, 
c'est-à-dire que les couches superficielles vont se déverser 
sur cêlles qui les précédent. Or, si nous partons de la 
couche la plus éloignée qui recouvre en partie celle qui 
est devant elle, nous verrons que cette derniére, à cause 
de la force vive due à la surface libre annulée, acquerra 
un supplément de vitesse vers la cóte; mais alors la couche 


( 540 ) 

libre qui précède celle-là, va être recouverte sur une éten- 
due plus grande encore, et conséquemment acquérir un 
surcroît de vitesse plus considérable que celle qui est der- 
rière elle; on conçoit qu'il se formera bientôt une portion 
déprimée et une vague dont les couches supérieures mar- 
cheront le plus vite; cette vague descendra ensuite en 
vertu de son poids, et les couches supérieures se déverse- 
ront sur la surface libre qui est devant elles; les effets de 
ce genre devenant de plus en plus prononcés à mesure 
qu'ils se répètent davantage, les vagues doivent acquérir à 
la fois d'autant plus de vitesse et de hauteur qu'elles se 
rapprochent davantage de la cóte; ainsi ce qui devait étre 
un obstacle au mouvement de l'eau vers la cóte, devient 
précisément une cause et méme une cause puissante d'ac- 
célération du liquide vers la plage (1). 

Si la cóte, au lieu d'étre réguliére, présente en certains 
points des portions rentrantes, la diminution successive 
de surface des eaux de la mer, au lieu d'avoir lieu seule- 
ment dans un sens, a lieu en outre à droite et à gauche 
des masses liquides s'avancant vers la terre; il faut donc 
s'attendre, en ces points, à des effets mécaniques bien plus 
puissants; or c'est ce que l'observation confirme pleine- 
ment; déjà trés-sensible dans certaines parties de nos 
cótes, le phénoméne prend des proportions tout à fait 
exceptionnelles dans la baie de Saint-Michel prés de Saint- 
Malo, mais surtout dans la baie de Fundy, dans l'Amé- 


(1) Cette théorie fait aisément comprendre la propriété que posséde 
l'huile de calmer Jes flots; en effet, l'énergie potentielle de ce liquide 
n'étant que 5,5 environ, la diminution de surface libre ne produira pas la 
moitié de l'énergie cinétique engendrée par l'eau dans les mémes circon- 
stances. 


( 341 ) | 
rique du Nord, où les flots s'élévent parfois à des hauteurs 
prodigieuses (40 à 50 mètres). 

Si l'on considère des côtes trés-abruptes où les vagues 
ne peuvent pas s'étaler, les effets d'enroulement des sur- 
faces liquides les unes sur les autres sont aussi beaucoup 
plus prononcés que le long des plages en pente douce. 

Supposons maintenant que l'enroulement des surfaces 
soit encore exalté par l'action d'un vent modéré, dirigé vers 
la côte; on comprend que, dans ce cas, la puissance des eaux 
de la mer pourra devenir tellement grande qu'elle défiera 
notre imagination; toutefois si la mesure exacte de cette 
puissance nous échappe absolument, nous en connaissons 
au moins maintenant la cause principale : c'est le travail 
mécanique développé par les millions et les inilliards de 
métres carrés de surface perdue par l'enroulement suc- 
cessif des ondes. Notre esprit demeure confondu lorsque 
nous songeons que l'énergie potentielle d'une surface libre 
d'eau réside dans une couche qui n'a pas ——— m —— d'épaisseur, 
de sorte que si nous divisons parla pensée une couche 
d'eau de 4 mètre carré de surface et de 17" d'épaisseur en 
8500 tranchettes ayant chacune d 1 mètre carré de base, 
mais seulement une épaisseur de — zzo la somme de travail 
mécanique que pourrait développer l'énergie potentielle de 
toutes ces tranchettes serait de 0kz»,00009 x 17000 ou 
plus de 1kgm,5. Et cependant quel serait le poids de la 
masse d'eau dans laquelle résiderait une telle puissance? 
1 kilogramme seulement. Ajoutons à cela que le reste de 
l'énergie potentielle des tranchettes en question suffirait 
pour élever de 05,5 la température de la masse totale. 


Hi. — Cause de la production des mascarels à l'embou- 
chure de certains fleuves. 


Aux pleines lunes et aux nouvelles lunes des équinoxes, 
il se produit, à l'embouchure de certains fleuves, un cu- 
rieux et terrible effet des marées; on l'appelle la barre de 
flot ou mascaret. Voici, d’après Babinet, la description du 
mascaret à l'embouchure de la Seine: « Tandis qu'en 
général, et méme à l'extrême embouchure de la Seine, au 
Havre, à Honfleur, la mer, à l'instant du flux, monte par 
degrés insensibles et s'éléve graduellement, on voit, au 
contraire, dans la portion du fleuve au-dessous et au-dessus 
de Quillebœuf, le premier flot se précipiter en immense 
cataracte formant une vague roulante, haute comme les 
constructions du rivage, occupant le fleuve dans toute sa 
largeur, de 10 à 12 kilomètres, renversant tout sur son 
passage et remplissant instantanément le vaste bassin de 
la Seine. Rien de plus majestueux que cette formidable 
vague, si rapidement mobile. Dés qu'elle est brisée contre 
les quais de Quillebœuf qu'elle inonde de ses rejaillisse- 
ments, elle s'engage en remontant dans le lit plus étroit 
du fleuve, qui court alors vers la source avec la rapidité 
d'un cheval au galop. Les navires échoués, incapables de 
résister à l'assaut d'une vague si furieuse, sont ce qu'on 
appelle en perdition. Les prairies des bords, rongées et 
délayées par le courant, se mettent, suivant une autre 
expression locale, en fonte, et disparaissent... Rien de 
plus étonnant que ces redoutables barres de flot observées 
sous les rayons du jour le plus pur, au milieu du calme le 
plus complet et dans l'absence de tout indice de vent, de 


( 845 ) 
tempête ou d'orage..... Un vent de mer modéré aide la 
formation de la barre; un vent violent étale les eaux et en 
diminue la hauteur. Dans les eaux profondes la barre est 
faible; elle l'est de méme sur les bancs trop peu recou- 
verts. » 

Tel est le phénomène majestueux où je trouve une con- 
lirmation complète de ma théorie; en effet, si, comme le 
dit Babinet lui-même, les premières vagues retardées par 
le manque de profondeur, sont devancées par les suivantes 
qui marchent dans une eau plus profonde ; si celles-ci sont 
elles-mémes rejointes par celles qui les suivent, on com- 
prend, d'aprés mes caleuls, qu'il se perd ainsi, sur des 
nappes liquides de plusieurs lieues de largeur et de 15 à 
20 lieues de longueur, des quantités prodigieuses de sur- 
face libre; il doit donc se développer, en revanche, une 
somme incalculable d'énergie de mouvement dans le sens 
suivant lequel a lieu la diminution incessante de surface 
libre, c’est-à-dire de la mer vers la terre. Ajoutez à cela la 
circonstance suivante, que j'avais prévue du reste : c’est 
que, à partir du Havre, où le flux élève modérément les 
eaux, jusqu'à Quillebeeuf, où le mascaret commence ses 
ravages, le fleuve a une largeur de moins en moins grande; 
un peu en avant de Quillebœuf, la Seine a plus de 10 kilo- 
mètres de largeur, puis devant Quillebœuf méme, elle se 
resserre brusquement entre des rives médiocrement dis- 
tantes, et ainsi se trouvent réalisées complétement les 
conditions nécessaires pour que la force vive emmagasinée 
dans une masse d'eau colossale soit communiquée à une 
autre masse relativement bien faible, et donne naissance à 
cette immense cataracte roulante qui fait l'effroi des rive- 
rains et des navigateurs. Mais pourquoi cette énorme barre 
peut-elle conserver une si grande vitesse sur un parcours 


( 344 ) 

de plusieurs dizaines de lieues (le mascaret est en effet 
sensible jusqu'à Rouen)? C'est que, à mesure qu'elle 
s'avance, la barre fait disparaitre la surface libre du fleuve 
qu'elle remonte, et recueille ainsi continüment une éner- 
gie de mouvement qui compense en partie les pertes dues 
aux effets de la pesanteur; ici, comme dans l'ensemble du 
phénomène, l'obstacle qui parait devoir arrêter tout l'élan, 
ne fait que l'augmenter. 

ll est aisé de comprendre aussi pourquoi un vent de 
mer modéré aide la formation de la barre, tandis qu'un 
vent violent en diminue la hauteur; c'est que si le vent 
qui pousse les vagues vers la terre n'est pas assez fort 
pour en détacher des portions, il favorise l'enroulement 
des surfaces sur la cataracte mobile, et, par conséquent, en 
augmente la vitesse; au contraire, un vent violent étale 
nécessairement en longues nappes liquides les flots qui se 
rapprochent de la côte, el par cette augmentation de sur- 
face, donne lieu à une énergie de mouvement contraire à 
celle qui anime chaque masse principale. 

Guidé par mes considérations théoriques, je n'avais qu'à 
jeter les yeux sur la earte d'un pays pour pouvoir présumer 
qu'en telle ou telle localité les grandes marées produisent 
des barres plus ou moins sensibles; c'est ainsi que je n'ai 
été nullement surpris de lire, dans les traités de géographie 
physique, que le mascaret a été observé dans la Dordogne: 
dans les rivières et sur les cótes tourmentées du Nord de 
l'Écosse, dans la Severn et l'Humber en Angleterre, dans 
quelques-unes des embouchures du Gange, enfin à l'em- 
bouchure du fleuve des Amazones au Brésil, où le masca- 
ret, dit pororaca, atteint. des proportions formidables et 
exerce ses ravages jusqu'à 80 lieues à l'intérieur des 
terres. 


( 848 ) 


IV. — Origine de la puissance du Golfstream. 


Malgré l'importance des vérifications précédentés , je 
crois que la confirmation la plus grandiose de la théorie 
de l'énergie potentielle des surfaces liquides se trouve 
dans les phénomènes à la fois mécaniques, caloriliques et 
électriques, « de ce fleuve au sein de l'Océan, qui, dans les 
plus grandes sécheresses, jamais ne tarit, dans les plus 
grandes crues jamais ne déborde, dont les rives et le lit 
sont des couches d'eaux froides, entre lesquelles coulent à 
flots pressés des eaux tièdes et bleues; » c’est ainsi que le 
célèbre Maury caractérise le Golfstream ; sans entrer dans 
des détails, je dirai seulement aujourd'hui que cet im- 
mense fleuve doit, comme on sait, sa naissance au grand 
courant équatorial marchant de la Guinée vers les cótes 
du Brésil; sur ces dernières le courant en question se 
divise et envoie l'une des branches, qui a des dizaines 
de lieues de largeur, le long du Brésil et de la Guyane: 
bientót cette énorme masse liquide en mouvement se res- 
serre entre le groupe des petites Antilles, traverse la mer 
des Caraibes, puis se resserre une seconde fois en s'échauf- 
fant toujours, dans le canal de Yucatan, longe ensuite les 
cóles du Golfe de Mexique en charriant d'immenses quan- 
tités de sable qui, au lieu de diminuer sa force vive, ne 
font que l'exalter à la surface, comme je l'ai expliqué plus 
haut; arrivé au détroit qui sépare la Floride de l'ile de 
Cuba, les eaux non-seulement se resserrent énormément, 
mais encore viennent butter contre le grand bane de Ba- 
hama; par ces accumulations successives et prodigieuses de 
surface perdue, le courant, qui prend dés lors le nom de 
Golfstream, a aequis une énergie de mouvement qui dé- 


( 946 ) 

passe toute expression; aussi ses eaux, chauflées notable- 
ment au-dessus de la température de celles qui les bordent 
latéralement et en dessous, s'élancent avec une vitesse 
relativement bien grande le long de la côte américaine, 
parcourent ensuite des centaines de lieues en s'élargissant 
toujours, et, par là, se retardent en méme temps qu'elles 
se refroidissent lentement. 

Ces énormes quantités d'énergie cinétique et de chaleur, 
jointes aux redoutables décharges électriques qui s'ob- 
servent dans certaines régions parcourues par les eaux 
du grand courant équinoxial et du Golfstream , sont dues, 
selon moi, à la transformation de l'énergie potentielle des 
surfaces liquides en travail effectif, en chaleur et en élec- 
tricité. La preuve mathématique de cette assertion m'a 
été fournie, il est vrai, par un simple filet d’eau; mais la 
nature , toujours fidèle à elle-même, doit partout produire 
les mêmes effets par l'action des mémes causes. Du reste, 
jespére prochainement pouvoir démontrer sur des quan- 
tités notables de liquide, combien la diminution ou l'aug- 
mentation de surface augmente ou diminue la force vive 
des liquides; si mon espoir n'est pas trompé, les ingé- 
nieurs trouveront peut-étre de nouveaux moyens pour 
régulariser la vitesse des cours d'eau et pour atténuer 
ainsi sensiblement les désastres causés par les inondations. 


— 


Un petit paradoxe, par M. J. Plateau, membre de 
l'Académie. 
Si l'on définit simplement le mouvement perpétuel celui 
d'un corps qui, après avoir recu une impulsion, COn- 
tinue à se mouvoir indéfiniment en vertu de sa seule 


( 947 ) 

inertie, je dis que, dans ces conditions, il est réalisable. 
Tous les mouvements que nous produisons finissent, on le 
sait, par s'arréter, parce qu'ils rencontrent inévitablement 
des résistances qui les détruisent, de sorte que, pour main- 
tenir un mouvement pendant longtemps, il faut l'inter- 
vention d'une force étrangére qui restitue sans cesse au 
mobile la portion de mouvement que les résistances lui 
enlèvent : c’est ainsi que les oscillations du pendule d'une 
horloge sont entretenues par les petites impulsions de 
l'échappement. Mais si la force étrangère, au lieu de rendre 
au mobile le mouvement que les résistances lui font 
perdre, est employée à annuler ces résistances, le mobile 
continuera à se mouvoir tant que la force étrangére neu- 
tralisera les résistances. Or on peut faire usage d'une 
force toujours présente, telle qu'un courant extrait d'une 
rivière, et, dans ce cas, le mobile débarrassé des résistances 
se mouvra indéfiniment en vertu de sa seule inertie. 

Prenons un exemple : concevons un disque horizontal 
mobile autour d'un axe vertical fixé au centre de sa face 
inférieure; soit creusée, au centre de la face supérieure, 
une cavité hémisphérique de quelques millimétres de dia- 
mètre; supposons l'appareil installé à côté d'une rivière, 
et faisons communiquer celle-ci par un tuyau avec un ré- 
servoir placé plus bas que le niveau des plus basses eaux; 
construisons ce réservoir de façon à fournir, par un orifice 
inférieur, un écoulement uniforme et intense qui puisse, 
quand nous le voudrons, faire tourner avec une grande 
vitesse le disque ci-dessus. 

Cela étant, avant de laisser agir notre cours d’eau, 
déposons par sa pointe, au milieu de la petite cavité hémi- 
sphérique, une toupie d’une masse suffisante, à laquelle 


( 948 ) 

nous aurons préalablement communiqué une rotation 
trés-rapide, puis recouvrons aussitót cette toupie d'une 
cloche en verre dont l'axe coincide avec celui de l'appareil, 
el qui est maintenue dans cette position par un moyen 
quelconque; enfin, à l'aide de notre courant d'eau, met- 
tons le disque, avec la cloche, en mouvement dans le 
méme sens que la toupie. Aprés un certain temps, on le 
concoit, les mouvements du disque, de la toupie et de l'air 
emprisonné sous la cloche, se seront égalisés; alors la 
toupie ne rencontrera plus de résistance à sa pointe, 
puisque le solsur lequel elle repose tourne aussi vile 
qu'elle et dans le méme sens; elle n'éprouvera non plus 
aucune résistance de la part de l'air ambiant, puisque ce 
gaz possédera également la méme vitesse angulaire, et l'on 
aura ainsi le curieux. spectacle d'une toupie demeurant 
indéfiniment en équilibre sur sa pointe; elle continuera à 
tourner, non parce qu'on lui restitue du mouvement 
perdu, mais parce qu'elle n'en perd pas; ce sera le mou- 
vement perpétuel suivant la définition donnée au commen- 
cement de cette Note. Seulement, il faudra se débarrasser 
de l'eau. qui s'écoule incessamment aprés son action sur 
l'appareil , ainsi que de celle qui provient du trop-plein du 
réservoir; il suffira pour cela de choisir une localité con- 
venable. 


( 849 ) 


Quatriémes Additions au Synopsis des Caloptérygines ; 
par M. Edm. De Selys Longchamps, membre de l'Aca- 
démie. 


Le travail que j'ai accompli l'année dernière (1878) pour 
les Gomphines, je le fais aujourd'hui pour les Caloptéry- 
gines. 

Les formes nouvelles à faire connaitre dans cette sous- 
famille sont proportionnellement tout aussi nombreuses, et 
sont particulièrement intéressantes, notamment celles qui 
permettent de compléter les caractères des deux genres 
Echo et Anisonevra que j'avais établis hardiment sur les 
seules femelles, mais que l'examen des màles recus récem- 
nient est venu heureusement confirmer. 

La Malaisie et l'Asie orientale d'une part, l'Amérique 
tropicale d'autre part, nous ont apporté un contingent no- 
table de ces formes locales auxquelles on ne sait s'il faut 
donner la qualification d'espèces ou celle de races locales. 
Elles sont le sujet d'une étude qui au premier abord peut 
sembler futile, mais qui me parait, au contraire, fort digne 
d'attention, parce qu'elle sert à rassembler des matériaux 
propres à élucider et à déterminer les lois qui président à 
la variabilité des espèces. 

Je remarquerai, à ce propos, que parmi les Caloptéry- 
gines je vois successivement les sous-genres composés 
d'un type que l'on croyait unique et isolé nous fournir 
des formes nouvelles se placant dans les mémes groupes 
et comblant parfois la différence qui existait entre chacun. 

Quant aux coupes d'un ordre plus élevé, auxquelles j'ai 


( 350 ) 

réservé le nom de grands genres, je constate que jusqu'ici 
ils restent bien délimités. La découverte éventuelle de 
formes rendant illusoire leur séparation indiquerait seule- 
ment que je me suis trompé dans des cas particuliers, mais 
laisserait encore intacte la question de principe, qui ne me 
parait pas encore assez mürie pour donner lieu à une solu- 
tion définitive. Il faut attendre que l'inventaire de ce qui 
constitue la nature vivante actuelle soit plus avancé, pour 
essayer de trancher ces questions théoriques avec quelque 
chance de süreté. 

Dans la liste générale des Caloptérygines que j'ai pu- 
bliée en 1875 à la fin des Troisiémes Additions, cent qua- 
rante-cinq espéces sont cataloguées, mais dans l' Appendice 
donné à la fin de la méme année, six autres sont encore 
ajoutées, ce qui formait un total de cent cinquante et une 
espèces. 

Mais il y a lieu d'en déduire trois : la Sylphis elegans 
étant la femelle de l'angustipennis , la Rhinocypha ustulata 
paraissant identique avec la petiolata et l'albistigma étant 
sans doute un àge non adulte de la colorata. 

Les espéces ou formes nouvelles qui figurent dans ces 
quatriémes Additions sont les suivantes : 


Calopteryx hudsonica, Hag. 

Mairona nigripectus, De Selys. 

Echo margarita, race tripartita, De Selys. 
E. uniformis, De Selys. 

Cleis mesostigma, De Selys. 

Phaon iridipennis, race SNA Hag. 
Vestalis sc ig 8, Albard 

V. smaragdina, De de. 

Lais PA Mac Lachl. 

L. fulgida, De Selys 

L. marginata, De Selys. 


( 351 ) 
Heterina fuscogutlata, De Selys. 
H. maxim yepe chl. 
H. miniata, De S 
Epallage alma, De Se elys. 
Bayadera hyalina, De Selys. 
Euphæa brunnea, De Selys. 
E. refulgens, race Pii s. De Selys. E 
E. Masoni, De Selys. 
Libellago ape De xor 
L. can cella Sely 


L. asiati end rauer. 
pad immaculata, De Selys. 
R. quadrimaculata, race spuria, De Selys. 


De Se 

do. Snellemanni, Albarda . 

M. sumatra arda. 

Thore suni Mac Lachl. 

T. ornata, De Selys. 

T. aurora. De Selys. 

Euthore mirabilis, Mac Lacbl. 
meridana, de Selys 

Cora dualis, Mac Lachl. 

C. munda, Mac Lachl. 

C. terminalis, Mac Lachl. 

C. semiopaca, De Selys. 


Parmi ces trente-huit formes, trois ne sont probablement 
que des races locales. Nous connaissons done aujourd'hui 
environ cent quatre-vingt-trois espéces de Caloptérygines. 

La description a été complétée pour les espèces sui- 
vantes dont l'un des deux sexes était inconnu : 


Echo margarita. s 
Vestalis apicalis. Q - 
Heterina majuscula. 9 
Euphaa refulgens. Q 


( 882 ) 
Dysphæa dimidiata. Q 
Anisonevra montana. o 
Rhinocypha angusta. Q 
si petiolata, d 


iom 
^ colorata. Q 
EM Perd o 


Je ne puis que répéter les témoignages de gratitude que 
j'exprimais l'année dernière à ceux qui m'ont assisté dans 
ce travail par leurs précieuses communications, et notam- 
ment à MM. le docteur Hagen, R. Mac Lachlan et Herm. 
Albarda. 

. Liége, 19 mars 1879. 


SYLPHIS. 
1 (Addition). SxLpnis ELEGaNs, De Selys. 


Le D* Hagen, dans son nouveau Synopsis (1875), donne les ren- 
seignements suivants, d'où il résulte que la S. elegans (n° 2) est la 
femelle de l'angustipennis, dont il adopte le nom, mais en proposant 
de réunir l'espéce aux vrais Calopteryx. 

Patrie : Brine Creek, Géorgie, le 18 avril.— Beespring, Kentucky 
en juin. Hagen ajoute : 

« De cette rare espèce on ne connait jusqu'ici que trois exem- 
plaires : le mále du British Museum, par Abbot, qui l'a dessiné; un 
exemplaire femelle jeune et imparfait, et une femelle adulte du Ken- 
tucky, ees deux derniers dans ma collection. La différence dans la 
direction du secteur principal (contigu ou non à la nervure médiane) 
citée par Selys pour le mâle (angustipennis) a été reconnue par moi 
comme non fondée, aprés un examen répété de ce mâle au pritish 
Museum. » 


( 555 ) 
Il y a donc lieu de supprimer l'espéce nominale de S. elegans, T" 
est la femelle de l'angustipennis. 


CALOPTERYX. 


Gbis, CALOPTERYX HUDSONICA, Hagen. 
Calopteryx virginica, De Selys (pars; ©). 


Le Dr Hagen isole maintenant sous ce nom l'espèce dont j'avais 
décrit la femelle comme identique avec la materna de Say, dont le 
mâle est nommé æquabilis par le méme auteur. Il y aurait done lieu 
à établir la synonymie de cette facon : 


CALOPTERYX ÆQUABILIS, Say. 


Agrion æquabilis, Say (c). 
Agrion materna, Say (9). 
Calopteryx virginica, de Selys (o"). 


Patrie : Norway, Maine; Brooklin, Tyngsboro, Massatchusset ; 
Texas ; Floride ; Géorgie; Virginie ; Canada. 


CALOPTERYX HUDSONICA , Hagen 1875. 


Calopteryx virginica, de Selys ; Hagen 1861 (Q) (exclu. syn.). 

Patrie : Territoire de la Baie d'Hudson; Michipicatan, au nord du Lac 
supérieur, Canada. 

Selon le Dr Hagen (1875) trois espèces seraient confondues sous le 
nom de virginica dans notre Monographie et le Synopsis : 

La virginica, Westwood (in Drury), de Virginie, serait une femelle 
de la maculata. 

Les máles, aussi de Virginie, seraient l'equabilis, Say, nom qui a 
la priorité sur celui de virginica. 

Enfin, la femelle de la Baie d'Hudson que j'ai décrite sous le nom 
de virginica, serait l'espèce nouvelle hudsonica de Hagen (1875). 

Je ne puis rien dire de la femelle figurée et décrite par Drury, si ee 
n'est de m'en rapporter à la détermination du D* Hagen, qui la rap- 
porte à un grand exemplaire de la maculata. 

Tome vi"*, 4"* SÉRIE. 25 


( 554 ) 

Mais quant à l'eequabilis (décrite par moi comme le 5" de la virgi- 
nica), je dois faire observer Hue j'en possède de tailles assez variables 
et que je ne trouve a 1 ence entre ceux de Boston reçus de 
M. Morrison, et d’autres laut du Canada 

D'après ce que m'écrit le Dr Hagen, le måle de l'hudsonica est très- 
grand, les aìles ayant 38 millimètres de long- i 

Je dois le croire très- voisin de celui de l'equabilis. 

Quant à la femelle de la Baie d'Hudson (virginica, Selys), elle ne se 
sépare des femelles (æquabilis) de Boston qu'en ce qu'elle est plus 
grande et que le brun enfumé qui termine les ailes est plus étendu, 
commençant au tiers de l'aile supérieure, et aux trois cinquièmes de 
l'inférieure (respectivement au quart de l'aile supérieure et au tiers 
de l'inférieure chez les femelles de Boston). 

La coloration de la face est un excellent caractère pour distinguer 
la C. equabilis de la dimidiata. Chez la dimidiata elle est vert métal- 
lique brillant, y compris la lèvre supérieure. Chez l'equabilis la face 
est bronzé obscur et la lévre supérieure en partie jaunátre chez les 
femelles, ou presque noire chez les máles; l'apicalis a la lévre et la 
face vert métallique brillant. La femelle de l'apicalis a parfois un 
ptérostigma blane, contrairementà ce que j'ai avancé précédemment. 


7 (Addition). CALOPTERYX SYRIACA, Géné. 


Cette espèce varie beaucoup pour la taille, méme chez des exem- 
plaires d’une même localité. J'en ai examiné un grand nombre des 
provenances suivantes : Syrie; Bayrut; Galilée; Astrabad en Perse. 

Pour ceux de Bayrut, je trouve les dimensions suivantes : abdomen 
o* 50-59; © 51-37; aile inférieure o' 24-35; ọ 26-55. Les ailes de 
ces exemplaires sont colorées ainsi qu'il suit : 

9" Ailes hyalines, letiers apical (ou un peu moins) subit t noii 
acier chez l'adulte, ou gris transparent chez les jeunes. 

Ọ Ailes hyalines légèrement lavées de verdátre avec un faux pté- 
rostigma blane. Le plus souvent elles sont uniformes, mais quelque- 
foisle tiers terminal des inférieures est visiblement lavé de brun. 

Chez ùne variété femelle trés-grande, d Astrabad, coll. Mac Lachlan 
(abdomen 58, aile inférieure 37), le tiers apical des quatre est subi- 


| ( 355 ) 
tement grisátre comme chez le mále jeune (mais avec ptérostigma 
blanc). 

La Syriaca imite parfaitement la C. dimidiata de l'Amérique sep- 
tentrionale; pour l'en distinguer il suffit de faire attention à la couleur 
de la lévre supérieure et de la base des antennes qui sont jaunes 
tandis qu'elles sont vert métallique chez la dimidiata et l'apicalis 
d'Amérique. 


9 (Addition). CALOPTERYX SPLENDENS, Harris. 


Chez la plupart des exemplaires d'Amasia (Arménie) la partie noi- 
râtre acier du bout des ailes ne commence qu'un. peu aprés le nodus, 
presque comme chez la race de Mingrélie, dont ils diffèrent parce que 
le bout extrême des ailes a un limbe hyalin /rès-élroit, mais ce limbe 
est bien plus restreint que chez la race pere type, qui da 
reste existe aussi à Amasia. 

Je mentionne cette légère variété qui d'ailleurs a été dM observée 
en Europe, mais accidentellement, parce qu'elle concourt à prouver 
que les diverses autres races que j'ai rapportées à la splendens y :ap- 
partiennent réellement. 


MATRONA. 


160, MATRONA wicRIPECTUS, De Selys. 
Abdomen g* 51-53; Q 50. Aile inférieure o* 39-40; Q 45. 


Très-voisine de la basilaris dont elle n'est net cds une 
race locale. Elle en diffère par ce qui suit : 

1° La poitrine noire dans les deux sexes (fortement tachée de jaune 
livide chez la basilaris); 

2» Les ailes du måle unifi 
basilaris les nervules transverses de la base jusque vers le nodus sont 
gris påle, ce qui donne à toute la moitié de l'aile un reflet cendré,. 
qui disparait insensiblement aprés le nodus. — Enfin, aux ailes supé- 
rieures, le bout est- enfumé presque hyalin, à partir de la place où 
serait le ptérostigma); 


$ tE noiràt (Chez la 
LE N 


AURAI ate vp 


( 586 ) 
5° Le faux ptérostigma blanc de la femelle est très-petit, long de 
moins de 2 millimètres (de 5 au moins chez la basilaris). 
Patrie : Khasyia Hills (Bengale), par M. Atkinson en octobre. (Coll. 
Selys.) 


ECHO. 
18 (Addition). Ecuo marGaritA, De Selys. 
Abdomen o” environ 47 ; 9 40. Aile inférieure o" 56; Q 57. 


Diagnose complétée et rectifiée : 

c" Ailes hyalines; le cinquième terminal environ subitement brun 
noirâtre opaque. Cette couleur, coupée droit en dedans, comprend le 
ptérostigma, qui est blane, court, arrondi en dehors ct placé assez 
prés du bout des ailes. Réticulation serrée, noire, y compris la cos- 
tale; 50-57 antéeubitales; environ 55-57 postcubitales; 6-9 basi- 
laires. 

Corps brun noirátre à reflets bronzés. Lévre supérieure noir luisant, 
épistome vert métallique foncé. Devant du thorax à reflets vert bronzé. 
Abdomen gréle, brun trés-foncé, le bout des segments noirátre. 

Pieds brun noirátre, à cils trés-longs. 

9 Semblable ; mais le ptérostigma blanc, beaucoup plus dilaté et 
arrondi en dessous. 

Patrie : Un màle incomplet de Cherra Punji (Bengale), en octobre, 
par M. Atkinson. La femelle, par M. Saunders. (Coll. Selys.) 

N. B. Le mâle était jusqu'ici inconnu. 


Race? rniPARTITA, De Selys. 
Abdomen o 45; © 59-41. Aile inférieure o* 54; 9 55-56. 


Semblable au type, mais la partie brun opaque des ailes plus éten- 
due, commencant à mi-chemin du nodus au ptérostigma (aux deux 
tiers environ chez le type), de sorte qu'elle occupe presque le tiers 
terminal des ailes. 

Les exemplaires étant complets, je puis en décrire le bout de Fab- 
domen, qui manque chez les types. 


( 857 ) 

o" Les quatre derniers segments de l'abdomen noirátres, analogues 
à ceux des Calopteryx; les supérieurs un peu plus longs que le 
10* segment, semi-circulaires, courbés et épaissis au bout, denticulés 
en dehors. Les inférieurs à peine plus courts, droits, écartés, minces, 
un peu épaissis à la base. 

9 Les quatre derniers segments brun noirátre. Le 10* à peine ca- 
réné, ayant presque la moitié de la longueur du 9*, mais plus mince. 
Appendices anals un peu plus courts, noirâtres, coniques, pointus, 
écartés. Lames vulvaires atteignant presque le bout de l'abdomen, à 
peine denticulées. 

Patrie : Khasyia Hills, en octobre, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) 

N. B. L'examen de mâles complets du sous-genre Echo prouve 
qu'il est très-voisin des Sapho et des Mnais par les appendices 
anals. 


1855 Ecmo? unirormis, De Selys. 


On peut donner ce nom à un CATENE ides que j'ai vu au Mu- 
seum de Vienne. 

Sa stature est celle de PE. margarita, mais ses ailes sont uniformé- - 
ment hyalines un peu bleuátres, irisées, ayant à peu prés l'apparence 
de celles de la Cleis cincta. Le ptérostigma est petit. 

Cette espéce curieuse, que je n'ai pas examinée en détail, est pro- 
bablement du sous-genre Echo, car l'espace basilaire est réticulé. Le 
corps est vert métallique foncé. 

Patrie : Sumatra. 


MNAIS. 
19 (Addition). Mnaïs PnvINOSA, De Selys. 


Il est possible que les quatre formes de Mnais décrites ne consti- 
tuent en réalité qu'une seule espéce. 

Il y en a trois, surtout, qui semblent passer de l'une dans l'autre : la 
pruinosa, la costalis et l'Andersoni; chez elles la réticulation est 
rousse ou jaunátre, et les ailes du mâle sont en outre plus ou moins 
teintes de jaune, de roussátre ou de brun clair depuis le quadrila- 
tere. 


xs 
( 958 ) 
Chez la strigata, qui semble mieux caractérisée, la réticulation est 
noire et les ailes sont incolores ou très-légèrement lavées de verdàtre 
pâle. 


SAPHO. 
22° (Addition). Sapno Groni0sA, Mac Lachlan. 


Le mâle décrit sous ce nom ne parait différer de celui de la S. ori- 
chalcea Mac Lachlan, que par la bande transverse médiane laiteuse 
des quatre ailes. Comme on n'enconnait qu'un seul exemplaire et qu'il 
n'est guère possible d'établir une ligne de démarcation entre les fe- 
melles attribuées à l'une ou l'autre de ces deux formes, je crois que 
l'on peut supposer que ce mále à bande verte comme les femelles , 


CRE 


est une anomalie de la S. orichalcea, dont 1 
à l'espéce, comme étant le plus ancien. 


CLEIS. 


25*"5, CLEIS MESOSTIGMA, De Selys. 


9' Abdomen 53-58. Aile inférieure 29-55 . 


tie 21%), 

Le seul caractère qui l'en distingue, c'est le ptérostigma qui est plus 
court, long de 1 */,"» seulement, tandis que chez la longistigma il a 
2 à 2 1|," et chez la cincta à peine 4 millimètre. 

La taille est aussi un peu moindre. 

Patrie ; Mongo-ma, Lobah (Camaroons). Communiquée par M. Mac 
Lachlan. (Coll. Selys.) 

N. B. J'ai vu quatre mâles trés-sembla bles. 

: Le secteur nodal se détache du principal dans le prolongement 
oblique de la veine du nodus, comme chez la longistigma, tandis que 
chez la cincta ce secteur prend naissance environ deux cellules avant 
le point où cette veine oblique du nodus touche le secteur principal* 
C'est un caractère diagnostique important à noter. 


la longistigma (3° Add. 


( 359 ) 


PHAON. 


24 (Addition), PHAON 1RIDIPENNIS, Burm. 


Race : FULIGINOSUS, Hagen. 


Ressemble tout à fait au type pour la coloration, n’en différant que 
par l'absence complète de ptérostigma. J'ai eu sous les yeux plus de 
vingt exemplaires se répartissant entre les deux formes. 


PHaon 1RIDIPENNIS, Burm. (Type.) 


g' avec un ptérostigma brun clair, oblong , couvrant 2-5 cellules, 
long de 4 1/, à 4 ‘/, millimètre. 

Patrie : Port Natal; Cafrerie; Zanzibar; Congo; Guinée; Cama- 
roons; Majila. 

. B. Je n'ai pas encore vu de femelle avec un ptérostigma. 

Paaox ruLIGINOSUS, Hagen. 

d” et Q sans ptérostigma. 

Patrie : Port Natal; Cap; Conge; Gabon; Angola; Majila. — 
Madagascar. 

Ce qui fait eroire qu'il n'existe pas deux espéces, c'est la circon- 
stance que les deux formes se rencontrent dans les mémes localités 
(excepté à Madagascar) et que l'on n'a pas encore vu de femelle pour- 
vue d'un ptérostigma. 


NEVROBASIS. 
17 (Addition). NEvVROBASIS CHINENSIS, L. 


Plus je vois de Nevrobasis de diverses provenances, et plus je suis 
porté à eroire qu'il n'existe en réalité qu'une seule espéce modifiée 
en trois ou quatre races locales, dont les caractéres ne sont pas tou- 
jours constants. 

Le point de naissance du secteur nodal (duis le prolongement de 
la veine du nodus chez la Chinensis ou bien auparavant chez la 
Kaupi) qu'on avait eru un très-bon caractère, est parfois variable. 


( 960 ) 

A Sumatra, la race est la Chinensis type, puisque la femelle y pos- 
séde, en effet, un faux ptérostigma anormal blanc allongé aux ailes 
inférieures entre le nodus et le faux ptérostigma ordinaire; mais le 
point de départ du secteur nodal y est variable et se présente sou- 
vent comme chez la Kaupi, quoique la coloration des ailes soit celle 
de la Chinensis. 

J'observe la méme variation chez la florida qui n'est qu'une race 
de la Chinensis, dont elle ne différe que par l'absence du méme pté- 
rostigma chez la femelle. Ces exemplaires anormaux de florida, quant 
au secteur nodal, sont de Borneo. 

Il faut convenir, cependant, que chez la Kaupi, si remarquable par 
les ailes inférieures du mâle d'un bleu métallique brillant, le point 
de départ du secteur nodal parait fixe. A propos de cette dernière 
forme, j'ai à eiter une variété locale. Les exemplaires des Philippines 
(Luçon) pris par le professeur Semper, ont la stature de la florida, les 
ailes inférieures étant visiblement plus étroites et moins arrondies au 
bout que le type de Célébes. On pourrait donner à cette race le nom 
de Nevrobasis Kaupi Luzoniensis. 


VESTALIS. 
26Vis (Addition). VESTALIS MELANIA, De Selys. 
Abdomen o" 40-46 ; Q 58-42. Aile inférieure o" 50-56 ; Q 54-58. 


Dans les 5*5 Additions (26"s ) je n'ai connu que les jeunes. Voici le 
signalement des deux âges : 

o' Adulte. Largeur de l'aile variant de 10 à 12 ‘/,ww, en rapport 
avec la taille qui est trés-variable. Les quatre entièrement opaques, 
d'un noir acier métallique à reflets bleu acier ou vert foncé. 

Le corps en entier d'un noir mat. 

c" Jeune. Les ailes d'un gris enfumé foncé, un peu irisées. 

Ọ Les ailes larges de 11-12 millimètres, selon la taille. Leur colo- 

ration est variable. 

. Jeunes. Ailes d'un gris enfumé presque uniforme, semi-hyalines. 

Adulte. Chez un exemplaire elles sont noirâtre acier irisé, presque 
opaques, à reflet violet brillant, surtout au bout; leur première moi- 
tié est moins opaque, surtout au bord postérieur. 


( 961 ) 

Chez un autre individu, les ailes inférieures sont seniblables (un 
peu transparentes) jusqu'au nodus, mais les ailes supérieures n'ont 
que le tiers terminal acier opaque, le restant étant enfumé transpa- 
rent (plus obscur le long de la cóte). Cet exemplaire, par le bout 
opaque des ailes supérieures, rappelle un peu la femelle de la V. api- 
calis. 


Patrie: Lucon, Mindanao. 


26ter, VESTALIS LUGENS, Albarda. 
Abdomen gc" 40-44; © 40. Aile inférieure o" 35-54; Q 55 


© Adulte. Taille assez grande, grêle. Ailes plissées, modérément 
élargies au milieu (larges de 9-10»). Le nodus placé au tiers basal 
de l'aile. Environ 23-26 antécubitales aux supérieures. Les ailes en 
entier noir opaque à reflet bronzé cuivreuz. 

Corps noir mat en entier, excepté la face qui est d'un noir luisant 
et la premiére moitié de l'abdomen en dessus, qui est un peu brune 
mais nullement acier ni verdátre. 

o" Plus jeune. Ailes d'un brun noirátre, pas complétement opaques; 
la réticulation noire; le centre des cellules brun obseur. 

o" Jeunes. Ailes gris enfumé. Les pieds brun noirátre. 

Q? Ailes hyalines (larges de 109») d'un jaune un peu olivâtre à 
reflets faibles vert clair et cuivre rouge. Les nervures — les ner- 
vules roussâtres. 

Lévre supérieure vert métallique foncé. Le reste de la face et du 
dessus de la téte vert bronzé plus obseur. Une tache aux coins de la 
bouche et les deux premiers articles des antennes jaunes. Thorax vert 
bronzé obseur en dessus; le dessous et les sutures latérales roussà - 
tres. Abdomen brun roussâtre un peu chatoyant; les articulations 
et la suture ventrale noires. Pieds noirâtres; l'intérieur des fémurs 
jaune. 

Patrie : Sumatra (Musée de Leyde). Les jeunes pris en mars, 
l'adulte en novembre. Probablement aussi l'ile de Nias, au N. O. de 
Sumatra, si c’est la méme espèce que Malle que le D* Hagen (in Litteris) 
a désignée sous le nom de Vestalis corac 

N. B. Trés-voisine de la melania (3° et ye Additions, n° 26"'* ) des 
Iles Philippines, dont elle n'est probablement qu'une race locale. Le 


* 


( 962 ) 
mâle s'en distingue par les ailes moins élargies, à reflets bronzé cui- 
vreux chez l'adulte, et par le nombre de nervules antécubitales beau- 
-coup moins grand. Il se sépare de la luctuosa, de Java, par les ailes 
un peu plus larges à reflet bronzé cuivreux et nullement bleu acier, el 
par le corps noir mat. (ll est acier bleuátre, ou vert métallique chez 
la luctuosa mâle.) 

Quant à la femelle, assez douteuse, elle est à peine distinete de 
celle de la luctuosa par la lévre supérieure et le dessus de la téte d'un 
vert métallique plus foncé, moins brillant également au thorax (1). Si 
cette femelle unique appartient réellement à la lugens, elle serait bien 
séparée de celle de la melania, chez qui toute la tête et le corps sont 
noirâtres, sans coloration métallique et sans taches jaunes ou roussá- 
tres et dont les ailes sont aussi en grande partie noirátres. Si, au con- 
traire, c'est une luctuosa, cela prouverait que cette dernière habite à 
la fois Java et Sumatra. 


27bis (Addition). VEsrALIS APICALIS, De Selys. 


Je crois pouvoir y rapporter, comme en étant la femelle, jusqu'ici 
inconnue, un exemplaire de l'Inde, qui diffère surtout de la gracilis 
parce que les ailes sont un peu salies et que leur extrémité (le tiers 
ou le quart apical environ) devient insensiblement brun fuligineux 
presque opaque. 

27'*r, VESTALIS SMARAGDISA, De Selys. 

Abdomen o* 42-45; Q 58. Aile inférieure o" 52-55; 9 54. 

Taille grande, gréle; abdomen long; ailes à peine élargies au 
milieu, plissées, hyalines à peine irisées; la base ct la cóte légére- 
ment jaunátres; réticulation brune (&"), roussátre clair (9); 20-24 
antécubitales; environ 40 posteubitales aux supérieures. Le nodus 
aux deux cinquièmes de l'aile. 


(1) M. Albarda me fait encore remarquer que la femelle de lugens à les 
lobes latéraux de la lévre inférieure jaunes (la lévre toute noire chez 
luctuosa), que ses nervules antécubitales sont moins nombreuses : 24-25, 
au lieu de 25-50 : et par le quadrilatère plus court: long de 6?» (long de 
7»m chez luctuosa) aux ailes inférieures. iis 


( 565 ) 

Vert métallique brillant en dessus, y compris la lèvre supérieure el 
le rhinarium ; antennes noires. Dessous du thorax jaune d'ocre, y 
compris les trochanters, cette couleur s'étendant aux cótés sur tout le 
dernier espace latéral et sur une partie du second. Les côtés du 
åer segment et une partie du dessous au 2* également jaunes. 

o Pieds noirâtres. Le vert bronzé de l'abdomen plus foncé et 
moins brillant au bout. Appendices anals noirátres. 

9 Pieds roussátre terne ainsi que le dessous de l'abdomen et les 
valvules vulvaires. Le dessus du 9° segment vert brillant; le 40° ob- 
seur, son bord pointu au milieu. Appendices anals coniques, pointus, 
obscurs, un peu plus longs que le dernier segment. 

Patrie : Khasyia Hills (Bengale) en octobre, par M. Atkinson. 
(Coll. Selys.) 

N. B. Espèce bien remarquable, ressemblant à la gracilis par le 
dessous du thorax et une partie des côtés jaunes; mais très-distinete 
par sa taille moindre, la lévre supérieure vert métallique et les 
antennes noirátres (ces parties sont jaunes chez la gracilis). 

Elle se rapproche de l'amena par la taille, mais s'en sépare égale- 
ment au premier coup d'œil par la lèvre supérieure vert métallique, 
les antennes noirâtres et en outre par le troisième espace latéral du 
thorax jaune (il est vert métallique chez l'umena). 

Dans la collection recueillie par feu M. Atkinson, se trouvait aussi 
la gracilis, prise à Ghasi-Dusa, en novembre 1868. 


LAIS. 


2855, L Ais IMPERATRIX, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, 
avril 1878 


Q Abdomen 48-50. Aile inférieure 41-45. 


o Inconnu. 
9 Taille trés-grande. T vrai piérostigma brun très-petit à peine 
plus long que haut, couvr e cellule et demie aux ailes inférieures 


seulement. Le champ os tt des quatre ailes avec deux rangs plus 
au moins complets de cellules réguliéres jusqu'au bout du quadrila- 
tère. Ailes assez larges (de 9 à 10m») hyalines mais ayant une légère 


( 564 ) 
apparence rougeátre à cause de la réticulation qui est entiérement 
rouge vif, excepté la nervure costale qui est noire; 52-54 antécubi- 
tales aux supérieures. 

D'un vert métallique brillant en dessus et sur les cótés. Une tache 
latérale à la lévre supérieure et la base des antennes jaunes. Lévre 
inférieure et derrière de la tête noirs. Cótés du thorax avec quatre 
fines lignes jaunes, qui deviennent presque noires chez les adultes. 
Poitrine noire avec un cercle, les trochanters avec quelques taches 
jaunes. 

Abdomen vert bronzé en dessus jusqu'au 4° segment, passant 
ensuite au noir à reflets violets, Un point latéral au 4° et une ligne 
latérale au 2* jaunes, souvent presque oblitérés chez l'adulte. Le des- 
sous noir. Une caréne dorsale au 10* segment. Appendices anals un 
peu plus courts, coniques, noirs, bruns à la base. 

Pieds noirs. 

Patrie : Intaj (Équateur). Quatre femelles prises par M. Buckley 
et communiquées par M. Mae Lachlan. (Coll. Selys.) 

V. B. Différente de toutes les autres espèces de Lais et d' Heterina 
par la présence d'un ptérostigma aux ailes inférieures seulement. Aux 
supérieures il y a une nervule un peu épaissie à la place oü il devrait 
exister. 

Bien que le mále soit encore inconnu, et qu'on n'ait vu jusqu'ici 
aucune Lais possédant un ptérostigma, M. Mae Lachlan et moi, nous 
pensons que l’imperatrix appartient à ce sous-genre, parce que le 
champ postcostal des ailes supérieures n'a que deux rangs de cel- 
lules. 

La présence du ptérostigma aux ailes inférieures la sépare facile- 
ment de la femelle de la globifera, et l'absence de cette marque aux 
supérieures empêche de la rapprocher de la femelle de l'Heterina 
Borchgravii, dont l'espace postcostal aux mêmes ailes est de 3 à 
4 rangs de cellules. 

Ces deux espèces sont d'ailleurs notablement moins grandes que 
l'imperatria. 


( 565 ) 
29bis, Laïs FULGIDA, De Selys. 
(Race p'anea?) 
Abdomen c* 35; 9 29. Aile inférieure g* 25; Q 26 !/.. 


g' M. Mac Lachlan m'a communiqué une Lais dont le mâle se rap- 
proche beaucoup de l'enea par les appendices anals supérieurs qui, 
en dedans, aprés la dilatation basale, ont une forte dent médiane 
arrondie, suivie immédiatement d'une plus petite triangulaire. 

Je n'ose la rapporter à l'enea du Para, parce que sa taille est plus 
forte, et que la coloration de l'abdomen est d'un cuivre rouge beau- 
coup plus brillant que chez l'enea. 

L'exemplaire est jeune, de sorte que la gouttelette terminale 
obscure des ailes inférieures n'est que faiblement indiquée, 

Il faut rapporter au mále de la fulgida l'exemplaire de Peba (Haut 
Amazone) décrit avec doute (2° Additions, n» 30 add.) comme le 
jeune âge de la cupræa. 

9 Semblable au mâle pour la coloration, mais les ailes sans gout- 
telette terminale obscure. Élle diffère de l'enea par sa taille plus 
forte, ses ailes nullement salies et le corps à reflets cuivreux vifs; 
mais elle est fort difficile à séparer de la femelle de la cuprea. Cette 
derniére cependant est ordinairement plus petite et ses ailes sont le 
plus souvent salies ou un peu ocracées. 

Patrie : Rio Napo (Équateur). 


30bis (Addition). Lais HauxweLLI, De Selys. 


Un exemplaire måle du Pérou oriental appartenant à la collection 
de M. Mac Lachlan, est encore plus grand que le type du Haut-Ama- 
zone de la méme collection, décrit aux 2wes Additions n° 50*'s : Ab- 
domen 42; aile inférieure 50. 

Il diffère aussi du type parce que l'espace sous-costal jusqu'au 
nodus est brun fuligineux, ce qui forme une raie encore mieux mar- 
quée que chez la cupræa; raie qui manquait chez le type de l'Zauz- 
welli. 

Une femelle recue avec le mále du Pérou oriental y appartient 
probablement, et diffère de celle décrite aux 5™mes Additions n° 30h, 
parce que sa réticulation est rougeátre. 


( 366 ) 
32bis, Laïs MARGINATA, De Selys. 


o* Abdomen 55. Aile inférieure 26. 

Taille moyenne. Ailes étroites, hyalines, à réticulation noire, 
21 antéeubitales aux supérieures; le bout des inférieures fortement 
limbé de fuligineux obscur. 

Tête et thorax noirâtre bronzé; trois lignes fines jaunátres aux 
côtés du thorax et des taches à la poitrine. Abdomen cuivre rouge 
foncé en dessus, noirâtre en dessous. Pieds noirs. 

Appendices anals noirs; les supérieurs modérément courbés au 
bout, qui est briévement cilié en dehors, ayant en dedans une dilata- 
tion basale finissant au premier tiers, suivie d'une dent médiane sub- 
triangulaire, aprés laquelle se voit üne dent obtuse plus petite avant 
le bout, qui est incliné en dedans. Appendices inférieurs presque 
droits, minces, ayant plus de là moitié des supérieurs, leur extrémité 
à peine capitée. 

Q Inconnue. 

Patrie : Pérou occidental. Un uà] unique, communiqué par M. Mac 
Lachlan. 

N. B. Par le bout des ailes inférieures, qui est limbé de brun et 
non marqué d'une gouttelette, cette espèce se place entre la metallica 
et la hyalina, mais elle en est distincte par le limbe qui est plus 
étendu, plus obscur, et par la dilatation médiane des appendices 
supérieurs en dent triangulaire suivie d'une petite dent bien dis- 
liuete, 

La hyalina du Brésil est d'ailleurs plus grande et chez — la téte, 
le thorax et l'abdomen ne sont nullement cuivrés. 


HETÆRINA. s 
33 (Addition). HETÆRINA SaANSuINEA, De Selys. 


L'espèce parait habiter aussi le Pérou oriental. Les deux måles 
indiqués de cetté provenance ont la gouttelette apicale rouge des ailes 
inférieures peu marquée et les appendices anals inférieurs cylindri- 
ques et aussi longs que la moitié des supérieurs. Ils sont dans le genre 


( 967 ) 
de ceux de la caja, comme également chez l'un des måles d'Ega (Haut- 
Amazone). 

Chez trois autres mâles de Ega et de St-Paulo (méme contrée) pro- 
venant des récoltes de M. Bates, les appendices inférieurs sont trés- 
courts, coniques, n'égalant que le quart des supérieurs, en un mot à 
peu prés comme chez le type figuré dans la Monographie, planche X, 
figure 6. — Il est bon cependant de prévenir que la figure citée est 
exagérée, car en réalité ces appendices ne sont pas tronqués, presque 
fourchus comme le dessin l'indique; leur branche externe (principale) 
est courte, il est vrai, mais conique, et un peu plus longue que la dila- 
lation basale interne. 

D'après ce que l'on voit chez les espèces voisines, je crois que c'est 
la forme à appendices inférieurs très-courts que l'on doit considérer 
comme une aberration, à laquelle on pourrait donner le nom de bre- 
vistyla. 


46"*, HETÆRINA FUSCOGUTTATA, De Selys. Comptes rendus de la 
Soc. Ent. Belg., février 1878. 


Abdomen o* 42-45; 9 34. Aile inférieure g" 29-30; Ọ 28. 


Taille grande, 26-52 antécubitales. 

a Tache basale rouge et quadrilatère à réticulation rouge excessi- 
vement fine. La tache basale rouge des supérieures petite, n'existant 
que dans l'espace postcostal, s'arrétant au bout du quadrilatère et ne 
touchant pas tout à fait le bord postérieur. Celle des inférieures nulle, 
n'étant indiquée que par le réseau rouge à la place qu'elle occuperait 
de la base jusqu'au bout du quadrilatére. La pointe extréme des quatre 
ailes avec une gouttelette d'un brun noirátre adossée au bord, un peu 
plus forte et presque ovale aux inférieures. 

Corps noirâtre bronzé, varié de jaunátre. Lèvre supérieure noire; 
rhinarium jaune; devant du thorax noirâtre à reflets cuivre rouge, 
les côtés brun chatoyant avec trois raies jaunes, la dernière termi- 
nale. Poitrine cerclée de noir. Abdomen grêle, noirátre bronzé, avec 
quelques marques jaunâtres aux côtés des 2* et 3° segments. Pieds 
noirs. 

Appendices anals supérieurs noirátres, un peu plus longs que le 


( 568 ) 
dernier segment; leur dilatation médiane forte, subquadrangulaire , 
à peine émarginée. Les inférieurs un tiers plus courts, subconiques. 

o" Trés-jeune. Les taches basales rouges des ailes indiquées seule- 
ment par la couleur de la réticulation, et les gouttelettes terminales 
par une nuance enfumée. 

Q Jeune. Ailes hyalines, sans gouttelettes terminales. La réticula- 
tion basale rouge pâle jusqu'au bout du quadrilatére. Corps gris-brun, 
avec dessins obscurs faiblement indiqués. 

Patrie : Panama. (Coll. Selys.) 

N. B. Parmi les Hetærina sans ptérostigma dont le mâle porte 
une tache basale rouge aux ailes et qui ont les pieds tout noirs, la 
fuscoguttata forme un paragraphe nouveau caractérisé par la goutte- 
lette brun-noirátre qui termine les quatre ailes, rappelant ainsi l'oc- 
cisa de la section à ptérostigma. — Mais cette dernière, ayant les 
appendices anals inférieurs élargis au bout en raquette, ne peut étre 
confondue avec la fuscoguttata, méme lorsque son ptérostigma est 
nul comme cela se voit chez la variété asticta. 


98 (Addition). HETÆRINA Ma3UsCULA, De Selys. 


J'ai examiné sept mâles et une femelle recueillis par M. Rogers au 
volcan d'Irazu (Costa Rica) entre 6000 et 7000 pieds anglais d'alti- 
tude. Ces exemplaires communiqués par M. Mac Lachlan me sem- 
blent identiques avec ceux du Venezuela. Tous possédent le ptéro- 
stigma. Les måles adultes ont une gouttelette rouge au bout des ailes 
inférieures et un vestige aux supérieures. Les jeunes n'offrent aucune 
de ces marques, et leurs taches basales sont d'un rouge pále. 

Chez la femelle (jusqu'ici non décrite), dont l'abdomen a environ 
58mm et les ailes inférieures 37, il y a 50-52 antécubitales. Les ailes 
sont un peu lavées de brun roussátre jusqu'aprés le quadilatére, et 
dans cette partie la réticulation est rousse. Le ptérostigma oblong et 
noirátre couvre deux cellules. La téte est noire, mais l'épistome bleu 
acier, et le reste du dessus un reflet vert bronzé. Les coins de la bou- 
che et les deux premiers articles des antennes sont jaunes; le pro- 
thorax noir; le thorax vert bronzé en avant avec une bande juxta- 
humérale jaune, rétrécie vers le haut, les cótés vert bronzé avec 


( 369 ) 
trois raies jaunes, la derniére terminale. L'abdomen vert bronzé 
foncé (le bout manque). Les pieds noirs. 

Cette femelle ne parait guére différer de celle de la capitalis que 
par la taille et par quelques nervules antécubitales en plus. 

Quant aux máles des deux espéces ou races voisines, il est toujours 
douteux s'ils sont réellement distinets, malgréla grande différence de 
taille. Il me parait cependant que chez la capitalis la dilatation mé- 
diane interne des appendices supérieurs est moins saillante et non 
divisée en deux par une échancrure, et que les appendices inférieurs, 
conformés d'ailleurs comme chez la majuscula, sont dépourvus du 
fort pinecau de poils qu'ils portent à leur extrémité chez cette der- 
niére espéce. 


55r, HETÆRINA MAXIMA, Mac Lachlan. Ent. month. Magaz., avril 
1879. 


Q Abdomen 58. Aile inférieure 40. 


9" Inconnu. 

9 Jeune. Ailes un peu jaunâtres, sans plérostigma; réliculation 
d'un brun roux, mais rougeàtre à la base et jusqu'aprés les quadri- 
latéres. Un grand nombre de nervules dans les quadrilatéres (envi- 
ron 20) et dans l'espace médian (plus de 50). L'espace postcostal des 
supérieures jusqu'au secteur inférieur du triangle rempli par un 
nombre trés-considérable de petites cellules, comme chez le mále 
de la majuscula; 27 antécubitales aux ailes supérieures. 

Tête robuste. Lévre supérieure acier; épistome bleu-verdâtre 
inétallique brillant. Dessus de la téte bronzé, Coins de la bouche et 
base des antennes jaunes. 

Thorax noiràtre chatoyant, avec une ligne sur la suture dorsale, 
unc juxtahumérale et trois latérales jaunes. Abdomen noirâtre bronzé, 
Appendices anals coniques, noirâtres. 

Pieds brun-noirâtre. Intérieur des fémurs et extérieur des tibias 
jaunâtre pâle. 

Patrie : Le volcan d'Irazu (Costa Rica) entre 6,000 et 7,000 pieds 
anglais d'altitude, Une femelle unique prise par M. Rogers, et com- 
muniquée par M. Mae Lachlan. 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 94 


( 570 ) 

N. B. On serait tenté de la considérer eomme une variété sans 
ptérostigma de la majuscula, qui a été recueillie en méme temps ; mais 
la réticulation si serrée de l’espace posteostal, surtout aux ailes supé- 
rieures où elle est semblable à celle des måles , est un fait tellement 
extraordinaire, que l'on doit suspendre tout jugement, d'autant plus 
que l'exemplaire est encore plus grand que la femelle de la majuscula ; 
la lévre et l'épistome sont beaucoup plus métalliques, les lignes 
jaunes du thorax plus étroites et les tibias pàles en dehors. M. Mac 
Lachlau fait remarquer que la couleur des pieds rapproche un peu 
la maxima de la basalis dont la femelle a la base des ailes assez forte- 
ment réticulée, laquelle basalis aurait pour forme anormale sans 
ptérostigma la californica. Je trouve vraisemblable la supposition 
de M. Mac Lachlan, car la californica a la grande et robuste taille de 
la basalis, tandis que l’americana du Mexique occidental est plus 
petite et que son mále a des taches basales rouges un peu moins éten- 
dues. 


581-7, HETÆRINA MiNIATA, De Selys. 


o" Abdomen 58. Aile inférieure 27. 


Taille moyenne. Ptérostigma petit, obscur, couvrant une cellule ; 
29 antécubitales aux ailes supérieures. Ailes hyalines à gouttelette 
apicale rouge, forte aux inférieures, un léger vestige aux supérieures, 
dont la tache basale rouge est arrondie en dehors, oü elle dépasse 
notablement le quadrilatére, arrivant aux deux tiers de l'espace 
antécubital, et occupant la base de l'aile dans toute sa largeur. La 
tache des inférieures dépassant un peu le quadrilatère, mais pro- 
longée jusqu'au nodus dans l'espace costal el sous-costal. A ces der- 
nières ailes la tache hasale ne dépasse pas la nervure postcostale. 

Tête noire. Lévre supérieure et épistome acier noirâtre. Pro- 
thorax noirâtre bronzé. Thorax noir bronzé, à reflets cuivreux, sur- 
tout en avant, avcc une fine ligne à la suture humérale et trois autres 
sur chaque côté jaune pâle, la dernière terminale. Abdomen noir 
bronzé à reflets cuivreux sur les premiers segments. 

Appendices anals noirâtres ; les supérieurs ayant presque le 
double du 10* segment, en pinces semi-cireulaires , dilatés en dedans 


jusqu'à moitié de leur longueur, et une seconde fois aux deux tiers 
où commence le bout courbé. Appendices inférieurs excessivement 
courts (ou mutilés ?), 


. B. D'après un seul exemplaire il est imprudent d'émettre un 
avis définitif lorsqu'il s'agit d'un genre si nombreux e si difficile que 
celui des Hetærina. Je n'ai pu cependant réunir à la capitalis ce 
mále parce que la tache basale rouge des ailes est plus étendue et se 
prolonge aux inférieures sous forme de raie jusqu'aux nodus, ca- 
raetére unique jusqu'ici parmi les espéces pourvues d'un ptéro- 
stigma. La miniata s'en distingue encore par l'épistome à peine métal- 
lique et la ligne jaune terminale du thorax trés-étroite. 

Quant aux caractéres des appendices anals, je ne les signale qu'avec 
réserve, parce que ces organes sont en mauvais état. 


EPALLAGE. 
61 (Addition). EPALLAGE FATIME, Charp. 


J'ai reçu d'Amasia (Arménie), par le D* Standinger, un grand 
nombre d'exemplaires de forte taille : abdomen o" 54-55; © 55-54. 
Aile inférieure o” 34-35; Ọ 55-57. Chez cux, le limbe apical noir des 
ailes est plus étroit, ne commencant qu'à l'extrémité du ptérostigma. 
Chez les femelles jeunes, ce limbe est à peine enfumé. 

Le Dr Hagen doute qu'ils appartiennent à la vraie fatime. On 
pourrait donner à cette forme le nom d'amasina. 

Les types de la fatime normale, examinés par Hagen et par moi, 
proviennent de Turquie (type Charpentier), Gréce en Acarnanie (par 
Krüper); Mermeriza en Asie-Mineure (par Schneider) et Chypres 
(par Lederer). Ils sont plus petits: abdomen o" 52, 9 28-51. Aile in- 
férieure o" 52 9 28-30, 

Leurs dimensions se rapprochent assez de celles de la petite 
femelle de Davas (Asie-Mineure) à ailes fortement enfumées dès Je 
ptérostigma, que j'ai nommée provisoirement anatolica. 


( 972 ) 

M. Mac Lachlan a recu d'Astrabad (Perse) une femelle ayant cette 
petite taille (abdomen 27 ; aile inférieure 28), mais dont le bout des 
ailes n'est nullement obscurci, ce qui tient probablement à l’âge 
jeune. 

Je erois du reste que ces deux ou trois formes appartiennent à 
une méme espèce. On sait que les Euphea comme les Calopteryx sont 
souvent variables. ; 


61*5, EPALLAGE ALMA, De Selys. 


9 Abdomen 53. Aile inférieure 56. 


g' Inconnu. 

Q Ailes étroites, à peine pétiolées, légèrement salies, à réticulation 
brune; fortement teintes de brun jaunâtre depuis la basc jusqu'au 
nodus (et méme un peu plus loin aux inférieures), le brun fuligineux 
formant une sorte de réscau parce que le centre des cellules est 1 
peu plus clair. Ptérostigma allongé, jaune clair entre deux nervures 
noires, couvrant 5 cellules (long de 5 */.). Le bout des ailes depuis 
la moitié du ptérostigma brun noirátre opaque; 11-12 antécubitales, 
17-18 posteubitales aux supérieures. Le secteur principal contigu à 
la nervure médiane aux ailes supérieures seulement et pendant un 
espace trés-court (comme chez la fatime). 

e acea Ug n TM roussátre art marqué de noir. Téte 
à lalévresupérieure ; une 
tache courte en der diil sur le devant du front, le dessus de la tête 
noiråtre, avec une tache ronde brun clair entre les ocelles etles yeux. 

rd de l'oceiput brun. Derrière des yeux obscur, saupoudré de 
blanchátre pulvérulent vers le bas. 

Prothorax noiràtre; sa base, une tache médiane sur chaque côté 
ct les coins du lobe postérieur bruns; ce dernier divisé en deux fes- 
tons se terminant en pointe latéralement. 

Thorax brun, marqué de noir ainsi qu'il suit : une bande dorsale 
et une antéhumérale droites, une raie à la suture humérale et une à 
la seeonde latérale. Entre l'humérale et la premiére latérale une raie 
isolée courte. 


Abdomen épais, brun clair, marqué de noir, savoir : un cercle aux 


( 973 ) 

articulations; au 2* scgment une petite tache postérieure de chaque 
côté de l’arête dorsale, aux 3-9° un cercle fin aprés la base, une 
raie de chaque côté de l'aréte dorsale, une bande latérale et une à la 
suture ventrale; au 10* une bande basale transverse interrompue en 
dessus. Ce debili segment court, non redressé, à bord à peine 
échancré, Appendices anals coniques, gris brun, un peu plus longs 
que le dernier segment. Valves vulvaires n'atteignant pasle bout de 
l'abdomen. 

Pieds robustes, d'un brun noirátre, l'intérieur et une ligne externe 
aux fémurs jaunâtres. 

Patrie : Astrabad (Perse). Communiquée par M. Mac Lachlan. 

N. B. Stature et dessins comme chez la fatime, mais distinete par 
les ailes d'un brun fuligineux depuis la base jusqu'au nodus. 


BAYADERA. 


60bis. BAvApERA nvALINA, De Selys. 


o" Abdomen environ 56. Aile inférieure 51. 


Taille assez grande, gréle. 

Ailes très-étroites, hyalines; 19-20 antécubitales, 22 posteubitales 
aux supérieures ; ptérostigma brun foncé allongé (long de 5"), cou- 
vrant 5 cellules. Le secteur principal contigu à la nervure médiane 
aux quatre ailes pendant un long espace (comme chez l'indica). 

D'un brun noirátre marqué de jaunâtre ainsi qu'il suit: la lèvre 
supérieure, les joues, une grande tache latérale au prothorax; cinq 
lignes de chaque côté du thorax, savoir : une prés de l'aréte dorsale ; 
une humérale, une à la premiére et à la seconde suture latérale, ces 
trois dernières un peu élargies en bas, enfin une bande terminale ne 
touchant pas le bas. La poitrine jaune livide. On voit une petite 
tache livide aux côtés du 1*7 segment de l'abdomen qui est gréle 
(les 7-10* manquent). 

Pieds robustes, courts, noirâtres avec vestiges d'une ligne plus 
claire aux fémurs, 

Q Inconnue. 

Patrie : Khasyia Hills (Bengale), par M Atkinson, un måle 
unique. (Coll. Selys.) 


( 974 ) 

N. B. Cette espèce diffère notablement de l'indica par sa taille 
petite et gréle, les raies latérales jaunes du thorax étroites et le bout 
des ailes hyalin comme le reste (le bout des ailes noiràtre chez 
l'indica). | 

La découverte de celte espèce vient confirmer la création du 
sous-genre Bayadera démembré des Epallage proprement dites. 


* 


EUPHÆA. 
Gi (Addition). Eupaæx aspasia, De Selys. 


o Jeune. Elle diffère de l'adulte parce que, les ailes entièrement 
transparentes, simplement enfumés, ont la réticulation brun foncé. 
Aux supérieures on voit une nuance un peu plus foncée le long de la 
cóte. Aux inférieures la méme nuance (probablement métallique 
chez l'adulte) est plus étendue, commencant largement vers le qua- 
drilatére, mais sans toucher la côte et s'arrétant subitement et 
transversalement à mi-chemin du nodus au ptérostigma. 

La téte, dont le fond est noir, est marqué de jaunátre un peu 
roussátre, ainsi qu'il suit : deux taches à la lévre supérieure, une aux 
coins de la bouche, les joues et un gros point entre les ocelles et les 
yeux; enfin, au prothorax, le bord postérieur et une tache latérale 
sont jaunátres. 
= © Elle est toujours inconnue, les exemplaires de Java que je lui 
avais attribués appartenant à la variegata. 

Patrie : Sumatra. 


64**, EUPHÆA BRUNNEA, De Selys. 
o" Abdomen 33. Aile inférieure 51. 


` 


Taille assez grande; stature robuste. Ailes à peine pétiolées, les 
inférieures non dilatées; réticulation brun-jaunátre, la nervure costale 
noire. Les quatre notablement lavées de brun jaunâtre, mais cette 
couleur disparaissant insensiblement vers le nodus aux supérieures, 
un peu avant le ptérostigma aux inférieures; celui-ci brun, long de 
2mm 1} ; le secteur nodal naissant de la veine du nodus; 25 à 27 anté- 
cubitales aux supérieures. 


( 375 ) 

Brun-noirâtre; joues un peu jaunátres ainsi qu'une tache latérale 
elle bord postérieur du prothorax. Sur le devant du thorax une ligne 
antéhumérale et une juxtahumérale, et sur les côtés trois à quatre 
bandes mal arrétées jaunátres ainsi qu'une partie de la poitrine. 

Abdomen brun bronzé; le bout des 3-6* segments noir, le 7° noir. 
Les côtés et le dessous des 1-5* jaunâtres ainsi qu'un point basal 
latéral, suivi d'une ligne aux 4-6*. (Les 9-10* segments manquent.) 

Q Inconnue. 

Patrie : Khasyia Hills (Bengale), par M. Atkinson. (Coll. Selys.) 

N. B. Probablement voisine de l’ochracea de Malacca, mais beau- 
coup plus grande, plus robuste, les ailes lavées de brun plus foncé et 
cette couleur ne s'étendant pas au bout des supérieures. 


7 (Addition). EUPHÆA REFULGENS, De Selys, 


Abdomen 9° 54-57 ; Ọ 27-28. Aile inférieure o* 30-53; Ọ 29-30. 


Dans le Synopsis je n'ai donné qu'une courte diagnose de cette 
espèce et je n'en connaissais pas la femelle. L'examen d'éxemplaires 
des deux sexes et d'áges divers me permet de combler la lacune : 

o Adulte. Taille forte. Ptérostigma noirâtre, long de 2 »J; à 5e. 
Ailes non pétiolées noirátres, les inférieures dilatées au milieu. Les 
trois cinquiémes des supérieures et les deux tiers des inférieures de- 
puis le quadrilatére (mais y compris en outre l'espace postcostal) 
d'un vert métallique brillant à reflets bleu violet. Cette couleur s'ar- 
rétant subitement sur une ligne un peu convexe, le restant des ailes 
noirátre jusqu'à l'origine du ptérostigma aux supérieures et presque 
jusqu'à l'extrémité de cet organe aux inférieures. La partie terminale 
transparente, enfumée, le bout extréme un peu plus obscur. 

Corps et pieds noirátres. 

Appendices supérieurs un peu plus longs que le 10* segment, com- 
primés, dilatés inférieurement jusqu'un peu avant le bout, qui forme 
un petit crochet courbé en bas et en dedans. Les inférieurs trés- 
courts, coniques, minces, 

Jeune. Le noirátre des ailes remplacé par du brun qui, aux 
ailes supérieures, s'arréte à la fin de l'espace métallique. 

Q Ailes non dilatées, d'un brun enfumé presque opaque jusqu'aux 


( 576 ) 
trois einquiémes environ de leur longueur; en un mot, jusqu'un peu 
aprés le nodus. Cette couleur finissant droit transversalement et 
bordée en dehors par uue bande d'un blanc laiteux s'arrétant à mi- 
chemin du nodus ou ptérostigma. Le restant, aux supérieures, est 
hyalin jusqu'à l'origine du ptérostigma, à partir duquel le bout de 
l'aile est brun. Aux inférieures presque le tiers terminal est brun à 
partir de la bande laiteuse. 

Il y a deux taches livides à la lèvre supérieure. Le reste du corps 
est brun noirâtre, y compris les appendices anals qui sont plus longs 
que le dernier segment et pointus. 

9 Plus jeune? Le brun enfumé des ailes plus clair, transparent 
surtout au bout des supérieures. Au thorax on voit une raie antéhu- 
mérale, une ligne juxtahumérale et trois latérales jaunátres, ces der- 
niéres mal arrétées. (Les deux exemplaires examinés ont les ailes 
plus larges que celui décrit comme adulte.) 

Patrie : Luçon, par M. le professeur Semper. (Coll. Selys.) 

N. B. Le mâle est bien distinct de celui de la splendens de Ceylan, 
dont les ailes supérieures, Fpalines À à is hat ne sont pas métalliques, 
et dont les inférieures sont plus di et lesautres obscures 
jusqu'au bout, enfin les appendices anals supérieurs sans crochet ter- 
minal. La femelle de la splendens est encore plus différente, par sa 
grande taille et ses ailes hyalines uniformément lavées de brun très- 
clair. 

La refulgens se sépare de la Guerini (de la Cochinchine) qui est 
plus petite, a les ailes inférieures plus dilatées, opaques, y compris le 
bout à réflet métallique bleu acier mal délimité et n'existant qu’aux 
ailes inférieures. Chez la Guerini les appendices supérieurs ne sont 
pas d'ailleurs terminés par un petit crochet. 


67bis, EupnÆa SEMPERI, De Selys. 
(Race de la refugens ?) 
o" Abdomen 31. Aile inférieure 26. 
Très-voisine de la refulgens. Elle en diffère par ce qui suit : 
4° Taille beaucoup plus petite ; 
2 La pointe des ailes supérieures plus étroitement hyaline, ne 
commençant qu'à la moitié du ptérostigma. 


( 977 ) 

5° Lebout des inférieures sans aucune partie hyaline. 

Elle ressemble beaucoup à la Guerini de Cochinchine, mais chez 
cette derniére les ailes supérieures n'ont pas de reflet métallique, leur 
extrémité hyaline commence un peu avant le ptérostigma, les infé- 
rieures sont trés-arrondies, très-dilatées, leur reflet bleu acier mal 
arrété et les appendices supérieurs n'ont pas de crochet terminal. 

9 Inconnue. 

Patrie : Manille, par M. le professeur Semper, un mâle unique. 
(Coll. Selys.) 


67ter. EvpaÆa Masont, De Selys. 
c" Abdomen 30-35. Aile inférieure 24 1/,-27. 


Stature de PE. Semperi. 

Ailes non pétiolées, en grande partie opaques, noirátres à reflets 
bronzé cuivreux changeant en acier bleuátre avec quelques parties 
hyalines lavées de brun ocracé aux supérieures, savoir: le tiers basal 
(mais l'espace costal et le sous-costal restant noirátres) — puis le 
quart terminal, ce dernier commencant subitement un peu avant le 
ptérostigma : environ 28 antécubitales. 

Aux inférieures il y a souvent un limbe étroit hyalin au bout 
extréme. Ptérostigma noir, allongé, couvrant 8-10 cellules (long 
de 2mm 5/.. 

Corps noirátre chatoyant avec vestige d'une ligne humérale et de 
trois latérales ferrugineuses au thoraxet d'une ligne jaunâtre à l'aréte 
dorsale du 2* segment de l'abdomen. Les cótés de ce segment munis 
d'une petite oreillette triangulaire comme chez les espéces voisines. 

Appendices anals noirâtres, de la longueur du 40° segment, droits, 
écartés, comprimés, dilatés en dessous après la base, amincis au bout 
qui est penché en bas, non aigu. Appendices inférieurs trés-courts 
assez rapprochés, minces, cylindriques. 

Pieds noirátres, les tibias bruns en dehors, 

Jeune. Ailes hyalines, les parties qui deviendraient opaques in- 
diquées par une nuance gris enfumé mal arrêtée. Ptérostigma brun. 


: ( 378 ) 
Le corps brun enfumé, les lignes du thorax bien marquées, jauná- 
tres, l'aréte dorsale de l'abdomen pále sur les 2-5* segments. 

9 Inconnue. 

Patrie : Tenasserim ; par M. le professeur Wood Mason. Plusieurs 
exemplaires communiqués par M. Mac Lachlan. 

N. B. Au premier abord elle rappelle la variegata par la colora- 
lion des ailes, si ce n'est que le bout des supérieures est hyalin; 
mais elle s'en éloigne ainsi que de l'aspasia par les côtés du 2° seg- 
ment oü la partie postérieure du pénis est dépourvue des deux 
pointes. Par cette conformation la Masoni appartient au groupe qui 
comprend les E. opaca, splendens, refulgens, Semperi et Guerini. 

Elle différe de la Guerini et de la Semperi sa plus proche voisine, 
par le quart basal des ailes supérieures hyalin. 

Les ailes inférieures sont un peu moins arrondies que chez la 
Guerini. Elle se sépare en outre de la Semperi par l'absence de l'es- 
pace basal vert métallique délimité aprés le nodus et par l'extrémité 
des appendices supérieurs sans petit crochet inférieur. 


DYSPILEA. 


70 (Addition). DvseneA piMiDIATA, De Selys. 


9 Abdomen 52. Aile inférieure 51. 


Ailes salies, lavées de jaunâtre ocracé, les supérieures dans leur 
premiére moitié, les inférieures en entier. Le bout des supérieures 
obliquement enfumé à partir de l'extrémité du ptérostigma qui est 
gris brun. 

Téte noire; coins de la bouche jaunátre; le centre de la lévre su- 
périeure gris clair; une bande transverse jaune d'oere au front, cette 
bande rétrécie au milieu. Thorax jaunâtre foncé, ayant en avant une 
bande dorsale médiane, une antéhumérale isolée, une raie humérale 
et sur les côtés trois bandes obscures, ces dernières larges, mal arré- 
tées. Abdomen épais, comprimé, noirâtre avec une bande latérale 
jaune d’ocre sur les sept premiers segments; cette bande interrompue 
aux articulations et plus étroite aux 6-7* segments; un point latéral 
au 8* et les côtés du 9* jaunátres. Bord du 40° entier, garni d'épines. 


( 339 ) 
Appendices anals cylindriques, écartés, pointus, un peu plus longs 
que le dernier segment. Lames vulvaires livides, fortes, ne dépassant 
guère le bout de l'abdomen. Pieds brun noirátre, intérieur des 
fémurs plus clair. 

Patrie : Sumatra, en juillet. Museum de Leyde. 

N. B. Cette femelle ne diffère guère de celle de la limbata de 
Singapore (décrite aux 1res Additions, n° 70). 

En même temps qu’elle, on a recueilli également à Sumatra un 
mâle très-adulte qui ne diffère pas des types de Java décrits précé- 
demment, si ce n’est par sa taille un peu plus forte (aile inférieure 
54mm, large de 7 ‘/,). 

Je suis de plus en plus porté à croire qu'il n'existe qu'une seule 
espèce de Disphæa, mais chez cette espèce, l'étendue des parties opa- 
ques noires des ailes du mâle est essentiellement variable. 


ANISONEVRA. 


72'e* ( Addition). ANISONEVRA MONTANA, Hagen. 


Abdomen ~ 48; o 47. Aile inférieure o" 45; Q 52. 


c' Ilse rapproche beaucoup par sa stature et sa coloration de la 
femelle décrite aux 1*** Additions, n° 70ter, Voici les différences : 

Les ailes, plus courtes, ne sont pas visiblement salies à la pointe. 
I! y a 2 antécubitales de plus (14) et 3 posteubitales de moins (26). 

L'abdomen cylindrique est moins épais, la bande jaune qui longe 
la suture ventrale du 5° au 8° segment est trés-étroite. Le 40° seg- 
ment presque moitié plus court que le 9* presque plat, méme dé- 
primé au bout. 

Appendices anals supérieurs noirátres, d'un tiers plus longs que le 
dernier segment, subcylindriques, minces, courbés l'un vers l'autre en 
demi-cercle; leur pointe mousse. Les inférieurs tout à fait rudimen- 
taires presque nuls. 

La bande externe ocracée des fémurs large. 

Patrie : Khasyia Hills (Bengale) par M. Atkinson. Un mâle. (Coll. 
Selys.) — Monts Himalaya, la femelle type. (Coll. Hagen.) — Une 


( 980 ) 
seconde femelle d'Assam (Mus. d'Oxford). Je n'en connais pas 
d'autres. 

N. B. L'examen des appendices du måle, qui était un grand desi- 
deratum au point de vue de la classification, justifie la place que j'as- 
signe en dernier lieu aux Anisonevra, entre les Dicterias et les Amphi- 
pteryx. Je suis méme porté à les adjoindre à cette dernière légion 
plutôt qu'à les laisser parmi celle des Euphæa; seulement il faudrait 
en modifier les caractères en prenant pour principal celui d'avoir les 
deux fortes et premiéres antécubitales seules prolongées dans l'espace 
sous-costal et les autres non coincidentes, 


LIBELLAGO. 


Les espéces de ce genre africain (excepté l'asiatica des Philippines) 
sont difficiles à étudier, la caligata de l'Afrique tropicale orientale 
étant seule facile à reconnaitre, à cause de ses tibias dilatés comme 
chez les Platycnemis. 

Les autres espèces sont de la côte occidentale tout à fait équato- 
riale d'Afrique, ayant pour limite au Nord le 10* degré de latitude 
(Sierra Leone) et au Sud le 5* degré environ (Congo). Nous ignorons 
jusqu'oü elles s'étendent dans l'intérieur du continent. Deux de ces 
espèces, la dispar de Sierra Leone et la cancellata de Camaroons, 
vieux Calabar, me semblent bien caractérisées. Quant aux quatre 
autres : glauca, cyanifrons, rubida et curta, ce sont des formes très- 
voisines, et leur séparation formelle me parait encore douteuse. J'ai 
pu en examiner une vingtaine d'exemplaires, grâce à la communica- 
tion obligeante que m'en a fait mon ami M. Mae Lachlan. Je vais 
exposer briévement les caractéres au moyen desquels j'ai essayé de les 
distinguer : 


79'", LiBEL LAGO GLAUCA, De Selys. 


o Adulte. Stature de la rubida. Lèvres et épistome noirátres. Deux 
petites taches bleuátres au front. Thorax noir, ayant en avant l'aréte 
dorsale, deux raies étroites isolées jaunâtres, l'une antéhumérale infé- 
rieure, l'autre humérale supérieure, et sur les côtés deux larges 
bandes orangées. Dessus de l'abdomen en général bleuâtre dans sa 


581 ) 


première moitié, passant au roussátre ensuite, puis au rouge sur les 
derniers segments. Le 2* noir avec une tache bleuátre isolée, subar- 
rondie, mais un peu pointue en arriére, oü elle touche presque le 
bout; et sur les côtés un gros point postérieur clair. Les 5-4° avec un 
gros point noirâtre contre le bord postérieur de chaque côté de l'aréte 
(ou bien ce point effacé au 4*). Ptérostigma noirátre. 

Patrie : Mongo-Ma, Lobah (vieux Calabar). Je n'ai pas vu la 
femelle. 

M. Mac Lachlan pense comme moi que la glauca est assez proba- 
blement identique avec la cyanifrons. 


75bis (Addition). LiBELLAGO CYANIFRONS, De Selys. 5* Add. au Syn. 
n° 75bis, 


g' Voisine de la précédente par les lèvres ct l’épistome noirs ct le 
dessus du thorax (mais les taches bleues du front plus grandes et 
allant jusqu'aux yeux, et le rougeâtre dominant sur l'abdomen dès 
la base. 

Patrie : Camaroons, deux mâles adultes à prosint noir et à 
abdomen très-rouge. — Le Gabon, deux mâles jeunes à ptérostigma 
noir à sa base, jaune ensuite. 


75 (Addition). LIBELLAGO RUBIDA, Hagen. 


o" C'est la forme la plus grande. Les lèvres et l'épistome noirátres ; 
deux taches au front et le bord de l'occiput en avant largement 
jaunátres. Au prothorax la base, une tache latérale et le lobe posté- 
ricur largement bordés de bleuátre clair. Thorax noir ayant en avant 
l'aréte dorsale, deux raies larges isolées, l'une antéhumérale infé- 
rieure, l'autre humérale supérieure, et sur les cólés deux larges 
bandes jaunátres. Dessus de l'abdomen jaune-verdâtre ou bleuâtre 
dans sa premiére moitié, passant au rose ensuite, enfin les 9-10* 
segments rouge vif. Le 2* avec une grande tache dorsale claire pro- 
longée en avant, en arriére et de chaque cóté, les prolongements 
latéraux confluents plus ou moins avec une tache latérale postérieure 
arrondie, Les 5-4* avec un anneau postérieur noir échancré au milieu. 
Les articulations postérieures des 5-7* finement cerclées de noir. 

Patrie : Cape Coast, deux mâles adultes — Guinée, si c'est bien la 
rubida du D* Hagen. La femelle est inconnue. 


( 588 ) 
74 (Addition). LiBELLAGO CURTA, Hagen. 


c" Adulte. Taille intermédiaire entre la rubida et la dispar. Lévre 
supérieure et devant de l'épistome jaunâtres. Dessus de la tête noir 
avee quatre points jaunes trés-petits. Thorax noir ayant en avant 
l'aréte dorsale, une large raie antéhumérale inférieure, et une large 
humérale complète, cette raie réunie par en bas avec l'antéhumérate. 
Sur les côtés deux larges bandes jaunes ou rougeûtres. Chez un 
exemplaire plus adulte, les raies ct bandes claires du thorax sont 
presque oblitérées, mais la lévre et le devant de l'épistome restent 
jaunátres. Abdomen rouge carmin vif en dessus. Le 2* segment noir 
avec une grande tache transverse médiane rouge prolongée en arrière 
jusqu'au bout, et de chaque côté une tache transverse postérieure de 
méme couleur. Les 3-Á* avec une faible apparence de marque ob- 
seure postérieure aux cótés de l'aréte. 

Patrie : Mongo-Ma, Lobah, trois mâles. Un exemplaire un peu plus 
grand et semi-adulte, de Camaroons, parait y appartenir; enfin j'y 
rapporte, comme jeunes, trois mâles de Camaroons, chez lesquels le 
rouge est remplacé par de l'olivátre clair, et qui ont la moitié posté- 
rieure du ptérostigma jaune. Chez les deux exemplaires les plus 
jeunes les raies antéhumérale et humérale sont réunies en une large 
bande avec un trait obseur oblique indiquant leur future séparation 
vers le haut chez l'adulte. Au 2* segment les deux taches transverses 
postérieures sont confluentes en anneau avec le prolongement posté- 
rieur de la tache médiane dorsale. 

Je rapporte à cette espéce trois femelles de Camaroons et une de 
Mongo-Ma. Leur ptérostigma est jaune pâle, excepté à sa base in- 
terne qui est noirâtre. Les ailes inférieures sont entièrement lavées 
de brun jaunátre, couleur qui se montre aussi à la base des supé- 
rieures. La lèvre supérieure et le devant de l'épistome sont jaunâtres. 
Le dessus de l'épistome est roussátre chez deux exemplaires, noirâtre 
chez deux autres probablement plus adultes, car le dessin du devant 
du thorax est conforme à celui des mâles à ces deux âges. 

Ces femelles se distinguent bien de celles de la dispar par les ailes 
inférieures salies, le jaunâtre de la lèvre et de l'épistome et un gros 
point latéral jaune au 9* segment. 


( 883 ) 
76 (Addition). LiBELLAGO DISPAR, Bauvois. 


g' Trés-adulte. Taille plus petite que celle des précédentes. Tête 
noire avec apparence de points bruns en dessus. Thorax noir. Abdo- 
men rouge carmin vif en dessus, noir en dessous; 2* segment noir 
avec une pelite tache dorsale isolée médiane rouge; le 5° également 
noir avec une bande dorsale longitudinale rouge touchant la base, élar- 
gie en arrière mais ne touchant pas le bord postérieur; le 4 avec un 
anneau terminal noir étroit. Ptérostigma mince noir. 

Patrie : Sierra Leone. (Coll. Selys.) 

Distinet de tous les autres par la coloration du 3° segment chez le 
mále. La femelle est décrite au Synopsis et dans la Monographie. 


76», LiBELLAGO CANCELLATA, De Selys, 
Abdomen o" 16-16 !/,. Aile inférieure 19-19 !/,. 


d” Ailes trés-étroites, hyalines, à peine lavées de jaunátre jusqu'au 
quadrilatére; 9-11 antécubitales, 23-25 postcubitales aux supérieures; 
quadrilatère traversé; ptérostigma noirâtre (long de 4mm !},). 

Tête noirátre; base de la lèvre inférieure, quatre points très- 
petits au- dessus de la tête et un large bord à l’occiput jaunátres, cette 
couleur prolongée en fourche vers les ocelles. Prothorax noir; sa base 
une tache latérale et le milieu du lobe postérieur jaunes, Thorax noir 
ayant en avant une bande antéhumérale jaune d'ocre pointue vers les 
sinus antéralaires, large par en bas, où elle rejoint d'une manière 
fourchue le bas de la suture humérale, et sur les cótés deux larges 
bandes de méme couleur au milieu du 2e et du 5° espace, la seconde 
presque terminale, enfin trois taches transverses à la poitrine. Abdo- 
men court, modérément déprimé, rouge en dessus (obscurci sur les 
trois derniers segments), marqué de noir ainsi qu'il suit: le milieu du 
4e segment; le tiers terminal et le tour du 2° dessinant une tache 
dorsale cordiforme rouge coupée en deux par l'aréte dorsale noire ; 
aux 5-7° le quart terminal et l'aréte dorsale (la couleur des 8-10* obli- 
térée). Le dessous de l'abdomen aplati est noir avec une série de 
taches orangées oblongues, sur les côtés de la suture ventrale aux 2-8* 
segments. Pieds noirs, bruns à l'extréme base des fémurs. 


( 984 ) 

Q ou d Jeune (l'abdomen manque). Ptérostigma noir, mais marqué 
de jaune sous son troisiéme quart. L'aréte dorsale du thorax fine- 
ment jaune; la bande antéhumérale mince, remontant en fourche sur 
la suture humérale. 

Patrie : Mongo-Ma, Lobah. Deux máles adultes et un jeune (in- 
complet) communiqués par M. Mac Lachlan. 

N. B. Trés-distincte des autres espéces par sa petite taille et par 
le dessus de l'abdomen, dont la couleur rouge est divisée en carrés, 
eomme treillagée par le large anneau terminal noir des segments, la 
ligne de méme couleur qui marque l'aréte dorsale, et celle de la suture 
latérale longitudinale. Remarquable aussi par la série de taches oran- 
gées en dessous de chaque cóté de la suture ventrale. Ses caractéres 
et sa petite taille la séparent bien de la dispar. 


76*7, LIBELLAGO ASIATICA, Brauer. MSS. 


Abdomen g* 21-22; 9 21. Aile inférieure g' 18-19; Q 18. 


g Ailes trés-étroites, hyalines; l'extrême base lavée de brun jus- 
qu'à la {re antécubitale, surtout dans l'espace sous-costal et le mé- 
dian; 16 antécubitales, 15-22 posteubitales aux supérieures; 2-5 
nervules dans les quadrilatères; ptérostigma noir non dilaté, cou- 
vrant 5 cellules (long de 2m»), 

Téte, prothorax, thorax et pieds noirátres. Le lobe postérieur du 
prothorax redressé, arrondi. Coin mésothoraeique court, triangulaire. 

Abdomen déprimé, effilé au bout; 1** et 2e segments noirâtres; les 
9-8* rouge testacé en dessus; leur articulation terminale et le dessous 
noirátres, mais avec vestige de taches latérales testacées oblongues en 
dessous. Les 9-10* et les appendices anals noirátres; les supérieurs 
ayant au moins le double du 10* segment, minces, peu courbés, mais 
se touchant au bout oü ils sont à peine épaissis. Les inférieurs cylin- 
driques, distants, courbés l'un vers l'autre sans se toucher; plus, 
courts que la moitié des supérieurs. 

Q Les ailes sans vestige basal obscur. 

Tête noire marquée de jaune, savoir : la base de la lèvre inférieure 
les coins de la bouche, les joues, le centre de la lèvre supérieure, 
quatre petits points à l'entour du vertex et deux à l'occiput, Prothorax 


( 985 ) 

noir avec une tache médiane latérale et une également latérale plus 
petite au lobe postérieur jaunes. Thorax beaucoup moins robuste que 
celui du mâle, noir marqué de jaunátre ainsi qu'il suit : une tache 
antéhumérale inférieure presque carrée; deux x petits points parallèles 
rapprochés à mi-hauteur et deux autres semblables prés des sinus, 
de sorte que le devant du thorax, vu en dessus, présente deux taches 
inférieures et huit points médians et supérieurs alignés. Sur les cótés 
une large bande inférieure au premier espace, se continuant oblique- 
ment sur le second, où la bande devient supérieure. Abdomen assez 
grêle, comprimé, noir, marqué de jaune foncé en dessous des sept 
premiers segments, et une tache médiane latérale aux 8-9* de méme 
couleur. 

Appendices anals noirs, trés-minces, pointus, écartés, un peu cour- 
bés, ayant au moins le double du 40° segment, qui est trés-court. 
Valvules vulvaires fortes, en partie roussátres, dépassant l'abdomen. 

Pieds noirátres, intérieur des fémurs jaunátre. 

Patrie : Lucon, Mindanao, par le professeur Semper. (Coll. Selys.) 

N. B. Je conserve à cette espéce le nom Mss. donné par le 
D* Brauer. Elle se distingue des autres Libellago (qui sont tous afri- 
cains) par sa grande taille et par les deux premiers oti de 
l'abdomen du mále qui sont tout noirs. 

| La femelle est curieuse par ses formes beaucoup plus gréles que 
celles du mále et par les huit petits points clairs du devant du thorax. 


RHINOCYPHA. 
81'. RHINOCYPHA IMMACULATA, De Selys. 
g' Abdomen 22-25. Aile inférieure 27-28. 


Ailes étroites, à rétieulation noire, t thvali t 


ARCS 


la pointe extrême des inférieures à peine salie. Ptétostigone boite 
avec une nuance roux brun longeant son bord costal. Espace post- 
costal d'un seul rang de cellules; 15-16 antécubitales aux supé- 
rieures. 
Téte noire, coins de la bouche et joues livides; une tache réniforme 
de chaque cóté du front et une autre arrondie entre l'ocelle antérieur 
gme SÉRIE, TOME XLVII. 


( 386 ) 

etchaque antenne bleu clair. Vestige de quatre points roussátres entre 
les ocelles et le derriére de la téte. Prothorax noir avec une ligne 
longitudinale bleue et quelques petits points effacés. Coin mésotho- 
racique du thorax large, bleu clair, touchant les sinus. Le reste du 
thorax noir, marqué de jaune d'ocre ainsi qu'il suit : une ligne anté- 
humérale inférieure et une humérale supérieure fines, et sur les cótés 
un trait fin supérieur à la re suture, une bande sinuée à la 2°, une 
grande tache triangulaire supérieure dans le 5° espace, enfin quel- 
ques taches à la poitrine. Abdomen noir chatoyant; une tache laté- 
rale et l'artieulation postérieure, celle-ci précédée d'un point latéral 
aux 2-5* segments; enfin une ligne jaune latérale trés-fine placée plus 
en dessous et ne touchant pas les extrémités aux 3-6*. 

Pieds noirs. Intérieur des fémurs jaunátre, souvent une exsudation 
interne blanche aux tibias. 

o Inconnue. 

Patrie : Khasyia Hills (Bengale) en octobre, par M. Atkinson. 
(Coll. Selys.) 

N. B. Distinete des autres espéces par ses ailes sans taches. Elle 
est voisine de la trifasciata et de la bifasciata par les ailes étroites 
hyalines et le coin mésothoracique ; mais chez ces deux espèces les 
ailes portent une ou deux raies transverses noirátres, ct la téte est 
entièrement noire. L'imaculata est jusqu'ici la seule espèce dont le 
mâle ait les ailes hyalines sans taches. 


51^5 RHiINOCYPHA BIFASCIATA, De Selys, 
Abdomen o" 21-22; Q 18. Aile inférieure d 25; Q 28. 
o* Adulte : Ailes étroites à réticulation noire, hyalines, à peine jau- 


nâtres à la TS alt de gris, à reflets irisés et bleu violet brillant 


1 È marquées de deux bandes brunes 


depuis le 
étroites : pen iraneré erse un peu plus près du ptérostigma que du 
nodus, la seconde formant un limbe terminal à partir du bout du 
ptérostigma qui est noiràtre, un peu brun au centre avant son ex- 
trémité; 17-19 antécubitales aux supérieures. Espace postcostal d'un 
seul rang de cellules. 

Tête noire. Prothorax noir avec une petite marque dorsale bleuâtre 


( 387 ) 
clair au lobe postérieur. Thorax noir; coin mésothoracique bleuátre 
clair, large, touchant les sinus; sur les cótés deux traits obliques oran- 
gés, l'un inférieur assez grand à la {re suture; l'autre supérieur, 
court dans le dernier espace. Abdomen noir luisant. Pieds noirs; 
souvent une exsudation blanche interne aux tibias. 

o“ Jeune : Les ailes moins irisées, la moitié postérieure du pléro- 
stigma jaune pâle. 

9 Réticulation brune. Ailes entièrement hyalines lavées de jau- 
nàtre, surtout à la base; sans bandes obscures. Plus de la moitié pos- 
térieure du ptérostigma jaune pâle. 

Corps brun; quatre points jaunâtres au-dessus de la tête. Une 
petite ligne antéhumérale inférieure courte, jaune; les deux latérales 
plus larges, formant par leur juxtaposition une large bande jaune 
longitudinale oblique. Le coin mésothoracique brun. Un vestige de 
ligue latérale jaune courte aux 1-5* segments de l'abdomen. Appen- 
dices anals bruns, pointus, un peu plus longs que le 10* segment. 
Pieds brun-roussátre. 

Patrie : Darjeeling, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) 

N. B. Ce n'est probablement qu'une race de la trifasciata dont 
elle diffère par la taille moindre, l'absence de la première raie trans- 
verse obscure au milieu des ailes du mâle et l'espace postcostal tou- 
jours d'un seul rang de cellules. 


79 (Addition). RHINOCYPHA FENESTRELLA, Ramb 


La localité connue pour la provenance de cette rare espèce était 
lile de Pulo-Penang (Malacca). M. le professeur Wood Mason, de 
Calcutta, en a communiqué un måle très-adulle qu'il a pris entre 
Moolai et Moolut entre 4 et 6,000 pieds anglais d'élévation (Tenas- 
serim). Il présente les particularités suivantes : abdomen 20; aile 
inférieure 24; la partie opaque des ailes à reflet cuivreux bronzé. 
Aux inférieures la série médiane des trois taches vitrées a un reflet 
lilas trés-prononcé et la tache sous le ptérostigma un reflet bleu clair. 
Le ptérostigma est d'un noir brun. 

Corps noir. Coin mésothoracique lilas, le reste du thorax noir avec 
deux raies latérales obliques isolées jaune d'oere, l'une au second 
espace, l'autre trés-courte au troisième. Abdomen noir. 


11 faudrait pouvoir examiner plusieurs couples complets de la 
fenestrella pour décider si la quadrimaculata en est spécifiquement 
distincte; oü si elle n'en forme qu'une race comme la spuria. 


78bis, RHINOCYPHA SPURIA, De Selys. 
(RAGE DE Quadrimaculata.) 
o' Abdomen 23-24. Aile inférieure 26-27. 


Arles un peu élargies, noirâtre chatoyant (adulte) ou gris enfumé 
(jeune); un peu plus du tiers basal des quatre hyalin (jusqu'à mi-che- 
min du quadrilatére au nodus). La partie hyaline aux ailes inférieures 
se prolongeant le long du bord postérieur jusqu'au niveau du bout 
du ptérostigma, et occupant ainsi longitudinalement le cinquième de 
la largeur de l'aile. La partie opaque des inférieures marquée de trois 
séries de taches vitrées irisées, la première d'une seule tache oblon- 
gue entre le quadrilatére et le nodus, placéc à la limite de la partie 
opaque qu'elle entame; la seconde de trois taches en série transverse, 
entre le nodus et le ptérostigma; la troisiéme consistant en une seule 
grande tache centrale presque arrondie, bornée en dessus par le sec- 
teur ultranodal. Chez le jeune âge le ptérostigma est jaune, noir à la 
base. 

Coin mésothoracique roussátre, large, touchant les sinus. 

9 Inconnuc. 

Patrie : Khasyia Hills, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) 

N. B. Cette forme différe de la quadrimaculata type, parce qu'elle 
est plus grande, les ailes inférieures moins dilatées, la partie opaque 
des ailes ne commencant qu'à mi-chemin du quadrilatére au nodus. 
Chez les quadrimaculata le noir s'avance vers la base par une saillie 
interne presque jusqu'au quadrilatère. 

La spuria imite tout à fait la cuneata par sa grande taille et la 
coupe des ailes, mais chez la cuneata la partie hyaline irisée du bord 
postérieur des premiéres ailes occupe environ la moitié de leur lar- 
geur, et aux secondes ailes la grande tache centrale hyaline sous le 
ptérostigma commence dés le secteur principal. 


589 ) 


85s, RAINOCYPHA IGNIPENNIS, De Selys. 
Abdomen g" 21-25 !/,; © 21-22. Aile inférieure g“ 26-27; © 27-28. 


o* Adulte. Ailes assez étroites, hyalines, un peu jaunátres jusqu'au 
nodus, qui est placé aux deux cinquiémes de leur longueur; brunes 
ensuite, à reflets cuivre rouge brillant. Les inférieures ayant une 
série de taches vitrées irisées, allongées, étroites, entre le nodus et le 
ptérostigma, savoir : la supérieure entre le secteur ultranodal et le 
nodal; l'intermédiaire entre le sous-nodal et le médian, et l'inférieure 
entre le bref et le supérieur du triangle. 

ll y a en outre une autre tache irisée longue entre les secteurs 
sous-nodal et médian, commencant aprés le quadrilatére, et entamant 
l'espace brun au niveau du nodus qu'elle dépasse. Ptérostigma noi- 
rátre; 17-18 antécubitales aux supérieures. 

D'un noir luisant à reflet acier. Coin mésothoracique petit, court. 
Vestige de quatre trés-petits points orangés au-dessus de la téte, et 
de deux latéraux au prothorax. Indication d'une ligne humérale supé- 
rieure, et d'une également supérieure à la premiére suture latérale, 
enfin une raie oblique orangée commencant aux seconds pieds et 
aboutissant vers le haut du troisiéme espace latéral; cette raie inter- 
rompue aux sutures. A l'abdomen on voit un point latéral au 4°" seg- 
ment, un point latéral postérieur aux 2-3* (précédé chez les jeunes 
d'une ligne courte orangéc). 

Pieds d'un brun noirátre plus clair aux fémurs en dedans. 

o Jeune. Réticulation brune. Les ailes hyalines avec une faible 
indication de la partie opaque et des taches vitrées; ces parties un 
peu irisées. Ptérostigma jaune pâle, son premier quart noirátre. 

9 Jeune. Ailes plus étroites, hyalines, sans taches, lavées d’olivâtre 
clair. 

Ptérostigma jaune pâle, sa base noirátre. 

Deux taches à la lévre supérieure, coins de la bouche, joues, deux 
taches au front, huit petits points au-dessus de la téte; un point dor- 
sal et des marques latérales au prothorax; l'aréte dorsale du thorax, 
une ligne antéhumérale complète, une humérale ne touchant pas le 
bas, jaune d'ocre. Les cótés avec une bande oblique comme chez le 
mále. 


( 590 ) 

A l'abdomen le dessin latéral des premiers segments mieux mar- 
qué, et reproduit jusqu'au 4°. Appendices anals bruns, minces, aigus, 
plus longs que le dernier segment. — Chez l'adulte, le ptérostigma 
est noirâtre aux deux bouts et à la côte. 

Patrie : Khasyia Hills, en octobre, par M. Atkinson. (Coll. Selys.) 

N. D. Elle ressemble en grand à la trimaculata du Sylhet et du 
Thibet, mais chez cette dernière les taches vitrées de la série trans- 
verse sont trés-courtes. 

Elle rappelle aussi par la vivacité de ses reflets cuivre rouge bril- 
lant la fulgidipennis , qui en est bien distincte par le coin mésotho- 
racique long et par les ailes trés-dilatées. 


84 (Addition). Rniwocvpna ANGUSTA, De Selys. 
Abdomen o" 18-20; Ọ 18-19. Aile inférieure a 24-25; © 26-27. 


o" diximus noir. Le dernier quartdes ailes supérieures et 
t ,noirâtre métallique chatoyant, 
mais cette couleur déjà dique aux quatre ailes sur le bord post- 


cubital dès le nodus; les inférieures marquées de taches vitrées : 
1° un espace de 20 cellules environ, au-dessus du secteur médian 
commencant après le quadrilatère et finissant un peu après le nodus; 
2» deux séries superposées un peu plus courtes après le nodus, au 
milieu de l'aile, l'une au-dessus du secteur sous-nodal, l'autre infé- 
rieure au-dessus du secteur supérieur du triangle ; 5° une tache car- 
rée médiane de deux rangs de cellules placée aprés les précédentes) 
4° une bande transverse courbe maeulaire (de 4 à 5 taches), la supé- 
rieure de 45 cellules au-dessus du secteur ultranodal, arrivant au 
niveau du ptérostigma, les deux ou trois intermédiaires courtes, sous 
le ptérostigma, enfin la tache inférieure à un niveau entre ces der- 
nières et la tache n° 5. 

Corps noir, vestiges de points rouges très-petits entre les yeux; une 
tache dorsale rouge au lobe postérieur du prothorax. Le coin méso- 
thoracique du thorax et une bande antéhumérale roses, une ligne 
humérale vert clair, et sur les cótés deux larges bandes obliques vert 
jaunátre ou rose pâle, faisant suite l'une à l'autre, mais séparées par 
la suture médiane latérale noire. Des taches à la poitrine. A l'abdomen 


( 891 ) 
une tache latérale au le" segment ct une bande latérale terminale aux 
2-6*. Les mêmes segments marqués plus inférieurement d'un trait 
vert clair. Pieds noirs, l'intérieur des fémurs ct des tibias jaunátre 
pâle. 

g' Jeune. Ptérostigma jaune au milieu; ailes hyalines enfumées, 
lavées de jaunâtre sale à la base; réticulation roussátre; pas d'espace 
opaque; les taches vitrées des ailes inférieures non apparentes. On 
les distingue cependant en regardant l'aile au soleil ; elles sont alors 
d'un rose irisé, excepté celles de la série terminale courbe, qui ont 
alors un reflet vert métallique. 

Le dessus de la téte montre sept points jaunes, les taches du pro- 
thorax et les antéhumérales sont d'un jaune foncé. (N. B. Le type 
décrit dans le Synopsis et dans la Monographie est un jeune exem- 
plaire, chez lequel je n'avais pas distingué à cause du reflet, la série 
terminale de taches vitrées.) 

9 Adulte. Ailes lavées de jaunâtre sale; le bout extrême un peu 
limbé de gris ; ptérostigma noirâtre, un peu brun au centre. 

Noir bronzé taché de jaunâtre foncé ainsi qu'il suit : une tache 
(parfois oblitérée) à la lèvre supérieure, les coins de la bouche, sept 
points au-dessus de la tête, des taches latérales au prothorax, unc 
ligne antéhumérale touchant presque les sinus, une humérale très-fine 
ne touchant pas le bas, et sur les cótés deux larges bandes obliques 
séparées par la suture noire, et des taches à la poitrine. A l'abdomen 
vestiges d'uneligne à l'aréte dorsale, interrompue aux articulations, 
jusqu'au 7* segment et d'un point aux 8-9*. Les côtés du 1*7, une 
tache oblongue suivie d'un point aux 2-4*; le point postérieur seul 
aux 5-6°, enfin des traits placés plus bas aux mêmes segments. Pieds 
noirs, intérieur des tibias jaunátre. 

9 Jeune. Les taches jaunes de la téte et de l'abdomen plus mar- 
quées. — Le ptérostigma gris brun, son tiers médian jaune pàlc. 

Patrie : Sumatra. Mus. de Leyde. 

N. B. ll est possible que les cinq espèces du groupe de la fenes- 
trata ne soient que des races locales. L'angus!a (de Sumatra) est sur- 
tout voisine de la biforata (de Malaeca) et de la biseriuta (de Borneo) 
n'en différant guére que par la tache carrée vitrée intermédiaire de 
la première série, qui est placée plus loin de la base que les deux 


( 892 ) 

autres, se rapprochant du niveau du ptérostigma. La fenestrata (de 
Java) est bien distincte par les quatre ailes opaques dés le nodus ct 
leur pointe extréme au contraire moins opaque; ses taches sont d'ail- 
leurs placées presque comme chez l'angusta. 

Enfin, la perforata (de Cochinchine) avec les taches presque comme 
la biforata est assez distincte des autres par les marques latérales 
cunéiformes bleues de l'abdomen , et par la partie opaque des ailes 


* 


coupée presque droit en dedans; cette dernière espèce conduit à 
l'autre représentant du groupe sur le continent, la bisignata (du Ben- 
gale), chez qui la série vitrée terminale est réunie en une grande 
bande transverse arrondie, située au niveau du ptérostigma. 


86ter (Addition). RHINOCYPHA BIFORATA, De Selys. 
VARIETÉ Delimbata , De Selys. 


o' Différant des types du mont Ophir (Malacea) parce qu'aux 
quatre ailes le bord posteubital, aprés le nodus et jusqu'au ptéro- 
stigma n'est nullementlimbé defuligineux, et qu'aux ailes supérieures 
la partie terminale enfumée ne commence qu'aprés l'extrémité du 
ptérostigma. 

9 Semblable au type décrit. Le point dorsal orangé du 9* segment 
très-marqué. 

Patrie : East Birmah; un couple unique communiqué par M. Mac 
Lachlan. 

N. B. Ce n'est vraisemblablement qu'une variété de la bi/orata. 


87 (Addition). RAINOCYPHA PERFORATA, Percheron, 


VaniérÉ Limbata , De Selys. 


o Abdomen 19. Aile inférieure 25 !/,. 


Diffère du type de Cochinchine parce que le bord extrême à à la 
pointe des ailes inférieures est étroitement limbé de hyalin, et que 
les grandes taches cunéiformes allongées bleues des côtés de l'abdo- 
men semblent réduites à des taches terminales arrondies. 


( 893 ) 
Patrie ; East Birmah. Communiquée par M. Mac Lachlan. Un mâle 
unique. 
N. B. Ce n'est probablement qu'une variété de la perforata ou bien 
une modification locale. 


Sshis (Addition). RniwocyeHa reriorATA, De Selys. 


M. le Dr Kaup a nommé Rh. ustulata des exemplaires que M. le 
D* Brauer rapporte à la petiolata. Voici leur signalement d'aprés la 
description de ce dernier entomologiste (Verh. Zoolog-Botan. Ge- 
sellsch. Vienne 1866) : 

Abdomen. o" 20 !/.; 9 18. Aile inférieure d 26; © 25. 

9" Ailes hyalines lavées de verdâtre pâle aux supérieures; le quart 
apical des supérieures et plus de la moitié aux inférieures brun foncé 
(cette couleur plus foncée vers le bout aux supérieures). Aux infé- 
rieures elle est encore plus foncée et n'est nullement convexe en 
dedans. Ptérostigma couvrant 5-4 cellules, brun noirâtre; 11 anté- 
cubitales; 26 posteubitales. 

Corps noir; coins de la bouche et joues jaunes ainsi que quelques 
petits points au-dessus de la téte. Prothorax noir avee une tache laté- 
rale et des marques postérieures jaunes. Thorax noir en avant, avec 
une fine ligne humérale incomplète jaune ; les côtés avec une bande 
longitudinale bleue; le dessous noir avee deux taches bleues. Le coin 
mésothoracique court. Abdomen noir; les cótés des 1-5* segments 
bleus; ceux des 6-9* de méme, mais les taches bleues successivement 
plus courtes postérieurement. En dessus l'abdomen est noir, mais le 
Aer segment jaune en arrière et les 3-7° ayant au bord antérieur deux 
petites taches ou points d'un jaune roussátre. 

Q Jeune. Pas de bande antéterminale brune aux ailes infé- 
ricures, 

Patrie : Ceram, par le Dr Kaup. 

N. B. Ces exemplaires sont notablement plus grands que le type 
femelle de ma collection indiqué de Malacca par M. Wallace; et ils 
ont 24-26 nervules posteubitales au lieu de 18-19. C'est ce qui 
m'avait fait penser qu'ils formaient une espéce particuliére à laquelle 
on devrait restituer le nom de RA. ustulata, Kaup. 


( 994 ) 
Mais le Museum de Vienne, dit M. Brauer, a recu d'Amboine des 
exemplaires qui ont les petites dimensions de mon type, de sorte que, 
. pour le moment, il me parait plus prudent de s'en tenir à énumérer 
une seule espèce, jusqu'à ce que nous ayons vu des mâles de Ma- 
acca. 

En tout cas, le måle (de Ceram) ayant le bout des quatre ailes 
opaque ne peut rester dans le groupe de l’heferostigma, qui a les su- 
périeures entiérement hyalines. D'un autre cóté, il est bon de faire 
remarquer que la petiolata (ustulata) diffère de toutes les autres Rhi- 
nocypha par ses ailes longuement pétiolées jusqu'au niveau de l'ar- 
eulus. 


88'"7, RHYNOCYPHA ANISOPTERA, De Selys. 
c&' Abdomen environ 21. Aile inférieure 25-27 


d Adulte. Ptérostigma noirátre. Ailes supérieures trés-étroiles, 
hyalines, légèrement salies à la base; les inférieures très-arrondies 
et dilatées au bout (larges de 72") hyalines un peu jaunâtres jusqu'à 
la moitié du quadrilatére, ensuite opaques noir acier à reflets bril- 
lants cuivre dea n TS Sur cette patus opaque on distingue 
deux séries longit médianes i-vitrées brunes, 


£ 


à reflet métallique commençant un peu apris le nodus, l'une d'envi- 
ron 45 cellules entre le secteur ultranodal et le nodal; l'autre d'en- 
viron 12 cellules, entre le sous-nodal et le médian ; ces séries un peu 
reliées l'une à l'autre au bout par quelques cellules analogues dans 
l'espace entre le secteur nodal et le sous-nodal. 

Corps noir luisant. Sur les cótés du thorax une raie longitudinale 
jaune pále, allant d'un bout à l'autre, fracturée par la rencontre de 
la seconde suture qui reste noire. 

Pieds noirátres. 

o" Jeune. Ptérostigma brun noirâtre aux supérieures, mais plus 
de la moitié terminale jaune pâle aux inférieures, chez lesquelles 
l'espace opaque de l'adulte est brun, mais transparent à reflets métal- 
liques. 

9 Inconnue. 

Patrie : Sumatra. (Coll. Selys.) 

N. B. Espèce très-distincte de l'heterostigma par ses ailes infé- 


( 395 ) 
rieures trés-larges au bout (non élargies, ayant seulement 5*m de 
large chez l’heterostigma) et par la partie opaque de ces mêmes ailes 
commençant dés la moitié du quadrilatère. 


89 (Addition). RuiwocvPRA TiNCTA, Rambur. 
Ọ Abdomen 14. Aile inférieure 20. 


La femelle, jusqu'ici inconnue, ressemble beaucoup à celle de la 
colorata de Lucon. Les ailes sont semblables lavées de brun clair 
jusqu'à mi-chemin du nodus au ptérostigma, oii commence une bande 
transverse brune opaque, qui, aux supérieures, s'arréte avant le pté- 
rostigma, mais qui, aux inférieures, envahit toute cette partie de l’aile, 
excepté une très-pelite éclaircie après le ptérostigma. 

La coloration du corps parait différer de celle de la colorata et de 
la semitincta parce que la bande oblique claire des cótés du thorax 
est plus large, et qu'à l'abdomen il y a aux 3-7* scgments un anneau 
basal, qui est confluent avec la bande latérale maculaire de couleur 
claire. à 

Patrie : Myzol, communiquée par M. Mac Lachlan. 

J'ai recu des máles de Karoons, par M. Laglaize. Le type de Ram- 
bur était d'Offak, et un du Museum de Dresden de Rubi, par M. le 
D* Meyer. 

Toutes ces localités, continentales ou insulaires, appartiennent à 
la Nouvelle-Guinée proprement dite. 


98bis (Addition). RAINOCYPHA COLORATA, Hagen. 
Q Abdomen 14-15. Aile inférieure 21-94. 


La femelle n'était pas décrite. 

O Très-adultc. Ailes d'un brun noirátre au milieu. La base hya- 
line, un peu jaunâtre jusques un peu plus loin que le nodus. Aux 

supérieures le cinquième terminal hyalin; aux inférieures l'extréme 
pointe seulement, aprés le ptérostigma, est limbée de blanc laiteux. 
Le ptérostigma est jaune pále, sa moitié basale est noire. 

Corps noir, coins de Ja bouche et vestige de petits points au-dessus 
de la téte jaunátres. Au thorax l'aréte dorsale, une ligne fine incom- 
pléte humérale supérieure et sur les cótés une large bande longitudi- 
nale inférieure jaune pâle. Le dessous noirátre. A l'abdomen l'aréte 


( 896 ) 
dorsale aux 2-7* segments; et sur les côlés une large bande sur les 
Aer-7e jaunes; cette bande interrompue aux articulations et aux 
sutures. 
Moins adultes. La partie brune des ailes moins opaque et moins 
foncée, le limbe terminal des inférieures hyalin, non laiteux. 

Q Très-jeune. Ailes complétement hyalines, légèrement salies. 
Ptérostigma blane, brun à sa base. 

O Variété. La partie brune des ailes moins large, réduite parfois 

une bande étroite aux supérieures entre le nodus et le ptérostigma, 
et à une bande placée de méme aux inférieures, mais occupant le 
tiers de l'espace posteubital. 

Ajoutez encore à la description : 

g' Jeune. Ptérostigma blanc; son tiers basal noirátre. 

o" Variété. Quelquefois le noir des ailes commence dès le nodus 
comme chez la semitincta et la frontalis dont elle diffère surtout par . 
le bout extréme des ailes supéricures qui est un peu hyalin aprés le 
ptérostigma, comme chez la tincta. 

Patrie : Luçon, Manille. Un grand nombre d'exemplaires par le 
professeur Semper (effacer l'indication de Batjan qui concerne pro- 
bablement la semilincta). 

N. B.M est probable que la semitincta de Mindanao, des Moluques 
et de Gilolo n'en est qu'une race, chez laquelle le bout des ailes su- 
périeures du mále n'est nullement hyalin. Les femelles de Mindanao 
sont presque impossibles à séparer, peut-être sont-elles des colorata. 
Celles de la semitincta des Moluques et de Gilolo sont un peu plus 

- grandes, la partie brune opaque atteint presque le ptérostigma aux 
supérieures, et aux inférieures le bout des ailes, excepté un limbe 
étroit hyalin, tout à fait apical. — Aux quatre ailes la base est trés- 
enfumée, jusqu'au nodus où elle devient opaque. 

Si ma présomption se vérifie, il en résulterait qu'il n'y aurait de ce 
groupe aux Philippines que la colorata (avec sa race semitincta et sa 
variété albistigma). 

Il n'est pas méme bien certain que la frontalis de Célébes et des 
Moluques en soit réellement différente. La femelle, en effet, est 
presque impossible à distinguer de celles des mémes iles attribuées 
à la semitincta. 


( 397 


89ccto (Addition). RAINOCYPHA ALBISTIGMA, De Selys. 


Je crois qu'il y a lieu de eonsidérer cette espéce nominale comme 
identique avec la semitincta. 

Je possède un mâle de Luçon qui s'y rapporte tout à fait. L'aibi- 
stigma serait donc fondée sur des exemplaires mâles adultes qui au- 
raient conservé accidentellement le ptérostigma blane du jeune âge. 
La méme chose se voit parfois chez les máles de la colorata de la 
méme contrée. 


MICROMERUS. 


909v, MICROMERUS SUMATRANUS, Albarda. 
Abdomen o" 14-15; 9 12 */,-15. Aile inférieure o* 17-18; © 20-20 :/,. 


d Ailes hyalines; les supérieures sans ptérostigma , ayant une 
tache apicale noire (de 5") plus longue que large, ayant le tiers de 
la longueur de l'aile. Les inférieures lavées de jaunátre, le limbe 
apical sali; leur ptérostigma noir (ou un peu jaune au centre) cou- 
vrant 2 '/, cellules; 6-7 antécubitales aux supérieures. 

Lévre supérieure et épistome orangés; front jaune, traversé de 
noir; le reste de la tête noir avec une virgule coudée de chaque côté 
du verlex et un point postoculaire jaunes. Prothorax noir avec un 
point latéral et un dorsal postérieur jaunes. Thorax noir; l'aréte dor- 
sale, une raie antéhumérale, un point huméral supérieur et deux 
larges bandes latérales obliques jaune d'ocre. Abdomen jaune d'ocre; 
un cercle aux articulations, la base du 4*r segment; une tache trans- 
verse médiane latérale au 2*; un petit point de chaque cóté de l'aréte 
aux 35-55; les côtés des 1**-2e, une série de traits longitudinaux laté- 
raux aux 5-8", et la suture ventrale noirs; les côtés du 9* et le 40° en 
entier également noirs. Pieds jaunâtres, extérieur des fémurs noi- 
ràtre. 

Q Ailes hyalines, les inféri légè t jaunâtres ; ptérostigma 
des quatre jaune pâle, sa base ioiritre ainsi que la nervure qui l'en- 
toure. 

Téte et prothorax comme le mále, mais l'épistome traversé par 
une ligne noire. Thorax semblable, la couleur des raies jaunâtre pâle. 


( 998 ) 
Abdomen noir, marqué de jaunátre, savoir : une ligne à l'aréte dor- 
sale, interrompue aux articulations sur les 1*r-8* segments (parfois 
un point au 9*) et une bande latérale également interrompue sur les 
méme segments. Pieds brun foncé, extérieur des fémurs noirátre. 

Patrie : Sumatra. Mus. de Leyde. 

N. B. Ce n'est probablement qu'une race locale de l'aurantiacus 
de Malacca, mais les mâles (seuls connus de ce dernier) sont plus 
petits; leur lèvre supérieure et l'épistome sont noirâtres; il y a un 
point et non une petite ligne coudée jaune aux côtés du vertex et le 
10* segment cst orangé comme le 9e, 

Le blandus, de Nicobar, cst une troisiéme forme (que je n'ai plus 
sous les yeux), mais plus grande; la raie jaune des cótés du thorax 
est fracturée en trois taches; le 2* segment a une tache dorsale noire 
très-large qui touche les deux bouts du segment. La tache apicale 
noire des ailes supérieures est plus longue (4 millimétres), le ptéro- 
stigma des inférieures plus long (de 4 !/, à 2»») surmontant 4-5 cel- 
lules. 11 y a 14 posteubitales aux ailes inférieures (10-11 chez le 


sumalrauns). 
914925, MICROMERUS SNELLEMANNI, Albarda. 
o Abdomen 15 !/,. Aile inférieure 25 !/,. 


Adulte. Ailes trés-étroites pétiolées jusqu'au delà de la 4** ner- 
vule. antéeubitale; le secteur sous-nodal naissant du principal très- 
près du nodus, sous la 47° posteubitale; 8 antécubitales, les deux pre- 
mières. plus épaisses, environ 20 postcubitales. Ailes supérieures 
sans plérostigma, lavées de jaune un peu olivâtre depuis la base jus- 
qu'au nodus, qui est aux deux cinquiémes de leur longueur; le reste 
opaque noirátre chatoyant ou acier, avec un grand espace hyalin 
incolore presque carré placé à peu prés au milieu de la partie opaque 
el traversant l'aile, execpté le bord costal qui reste noir jusqu'au sec- 
teur principal. Sous la tache le bord postérieur est sali. Ailes infé- 
rieures colorées de méme, mais munies d'un ptérostigma noir très- 
oblique long de 4 millimétre. La dimension des taches un peu 
différente, la partie basale hyaline jaunátre occupant les trois cin- 
quiémes jusqu'à mi-chemin du nodus au ptérostigma et la partie 


( 399 ) 
terminale opaque, par conséquent moins grande, et la tache hyaline 
dont elle est marquée avant le ptérostigma également moins longue. 

Corps noir marqué de jaune ainsi qu'il suit : l'épistome, mais sa 
créte saillante est transversalement noire. Une raie aux joues contre 
l'œil; vestiges de quatre très-petits points entre les yeux ; un anneau 
basal, un point dorsal postérieur et un latéral au prothorax; une raie 
antéhumérale, le vestige supérieur d'une humérale, et sur les cótés 
deux bandes obliques, la premiére maculaire, la postérieure ne tou- 
chant pas le bas; à l'abdomen les côtés du 1*r segment, une tache 
latérale oblongue au 2* et un cercle interrompu aux articulations 
des quatre ou cinq premiers segments. 

Pieds noirs, l'extréme base interne des fémurs jaunátre. 

9 Inconnue. 

Patrie : Sumatra. Mus. de Leyde. 

N. B. Superbe espéce, différente de toutes les autres par les 
quatre ailes en partie opaques et cet espace percé d'une grande 
tache hyaline. Elle se rattache à la section du lineatus par l'absence 
de ptérostigma aux ailes supérieures du mâle, mais elle est d'un 
groupe spécial par les ailes plus pétiolées, le secteur sous-nodal 
naissant immédiatement aprés le nodus et le secteur inférieur du 
triangle trés- peu ondulé. 

La coloration des ailes rappelle celle des Rhinocypha, mais on ne 
peut confondre les deux genres en faisant attention au point de 
départ commun des deux secteurs de l'areulus chez les Micromerus. 

Le snellemanni doit sc placer en téte du genre avant le bisignatus 
de Célébes, qui posséde, il est vrai, une bande médiane opaque aux 
ailes supérieures, mais non aux inférieures, et qui est d'ailleurs de 
taille plus forte. 


THORE. 


95r, THORE Boriviasa, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, 
avril 1878. (Le mâle.) 


o Adulte. Le tiers terminal des ailes à partir de mi-chemin du 
nodus au ptérostigma noir opaque, à reflets acier et violet, cet espace 
un peu concave en dedans. Aux ailes supérieures le reste est jaune 


( 400 ) 

d’ocre un peu orangé, presque opaque, mais cette couleur s'affaiblit 
insensiblement et devient tout à fait transparente sur le bord costal 
jusqu'au secteur principal, et de la base jusqu'au quadrilatére. Aux 
ailes inférieures le jaune orangé est remplacé par du gris enfumé à 
reflets chatoyants (les parties hyalines comme aux supérieures), mais 
en y regardant de prés, on distingue une bande transverse un peu 
plus claire, commençant au secteur nodal, concave en dehors, et 
aboutissant en se rétrécissant à la moitié de l'aile, assez prés du point 
où la partie terminale acier opaque atteint le bord postérieur. Il y a 
à peu prés 50 antécubitales aux ailes supérieures. . 

Pieds noirs; intérieur des fémurs grisátre. Thorax noir luisant 
avec cinq lignes étroites jaunes de chaque côté. 

9 Inconnue. (Il est possible, à en juger par la taille, qu'il faille 
rapporter iei la femelle que j'ai attribuée avec doute à la Victoria, 
3me Add., 94*i*-) 

Patrie : Chairo (Bolivie). Coll. Mac Lachlan. 

.N. B. M. Mac Lachlan trouve que cette espèce est en quelque sorte 
intermédiaire entre la pic/a et la Batesi. Il me parait qu'elle se rap- 
proche davantage de la Victoria, dont elle différe surtout par sa taille 
moindre et l'extrémité noir acier des ailes moins concave intérieure- 
ment, enfin par la partie médiane brun enfumé des secondes ailes 
plus étendue. 

Dans sa description M. Mac Lachlan donne des dimensions plus 
fortes : abdomen 42, aile inférieure 56. Je suppose qu'il y a eu 
erreur typographique, car bres sont mesurés sur le type qu'il 
- a eu la bonté de me communiquer. 


951r'. THORE ORNATA, de Selys. 


c" Abdomen 45. Aile inférieure 39. 


Très-voisine de la Boliviana. Elle en diffère par ce qui suit : 

c' Semi-adulte : 1» notablement plus grande; 2 aux ailes infé- 
rieures, le brun médian chatoyant est autrement délimité: sous le 
nodus et un peu auparavant ıl commence dés la nervure médiane, et 
non au secteur principal, vers lequel il ne se restreint qu'aprés la 
naissance du secteur nodal; de sorte qu'il renferme là (entre le nodus 


( 401 ) 
et lorigine de la ‘partie brun-noirâtre terminale des ailes qu'il 
réjoint) un espace costal oblong hyalin. Excepté ce point de contact 
sur le secteur ultranodal, le noirátre terminal, un peu concave en 
dedans, est séparé du brun médian par une bande transverse hyaline 
un peu livide enfumée étroite, suivant la méme direction arquée. 

o' Jeune. Le dessin des ailes semblable, mais toutes les parties 
claires sont hyalines (en un mot sans opacités laiteuses ou jaunâtres), 
le brun noirátre terminal lui-même est remplacé par du gris cha- 
toyant presque transparent, et la bande transverse hyaline qui sépare 
les deux parties grisátres est un peu plus large. ll y a de 55 à 50 an- 
técubitales. 

Q Inconnue. 

Patrie : Pérou. (Coll. Selys.) 

N. B. Hl est possible que la Victoria, la Boliviana et l'Ornata ne 
soient que des races locales ou méme des variétés d'une méme espéce. 

La Victoria, qui est la plus grande des trois formes, différerait 
aussi des autres par la plus grande largeur de la bande claire entre 
le brun médian et le noir terminal des inférieures. 


9617, THORE AURORA, De Selys. 
Abdomen o* environ 55; Q 51. Aile inférieure o* 29; Q 50. 


Très-voisine de la Th. Batesi (2* Add.,96** ), différant par ce qui 
suit : ptérostigma un peu plus court, ne surmontant que 5-6 cellules, 
plus noir chez l'adulte ; moins d'antécubitales (52-58). 

o' Adulte. La bande transverse médiane des ailes est d'un 
orangé plus vif; elle est plus large et plus rapprochée de la base des 
ailes, commencant d'une facon convexe en dedans, à mi-chemin du 
quadrilatére au nodus ct finissant aux supérieures 5-6 cellules cos- 
tales aprés le nodus, à l'origine du secteur nodal, et aux inférieures 
au tiers de l'espace entre le nodus et le ptérostigma. 

Chez la Batesi, la bande jaune d'ocre ou orangée commence préci- 
sément aux quatre ailes à l'endroit où elle finit chez l'aurora. Elle est 
droite en dedans, et s'étend en dehors jusqu'au tiers de l'espace entre 
le nodus et le ptérostigma. Cette bande est un peu plus étroite aux 
inférieures, ce qui est le contraire chez l'aurora. 

me SÉRIE, TOME XLVII. 26 


( 402 ) 

o Jeune. La teinte jaunâtre enfumée de la base et du bout- 
hyalin des ailes est remplacée par une nuance gris enfumé; la bande 
transverse médiane est d'un blanc laiteux. 

© Adulte. Colorée comme le mâle adulte. La bande aurore plus 
étroite, ne commencant qu'un peu avant le nodus, mais conservant 
les mêmes proportions (inverses. de ce qui existe chez la Batesi 
femelle) étant presque le double plus large aux ailes inférieures. 

© Jeune. Colorée comme le måle jeune, la bande aurore étant 
remplacée par une bande laiteuse. 

Patrie ; Rio Napo (Équateur), d'après quatre exemplaires commu- 
niqués par M. Mac Lachlan. 

N. B. La position dela bande médiane opaque des ailes et sa pro- 
portion aux ailes inférieures inverses de ce qui se voit chez la Batesi 
du Haut-Amazone, indique tout au moins une race locale marquée. 

La coloration aurore d'une partie des ailes du mâle adulte est écla - 
tante, et rappelle celle de l'Euthore mirabilis, mais chez cette der- 
nière, l'espace orangé est triangulaire et d'ailleurs la mirabilis appar- 
tient à un autre sous-genre, possédant deux nervules antécubitale: 
plus fortes que les autres et n'ayant pas de secteur interposé entre le 
bref et le premier du triangle. 


EUTHORE. 
9895, EUTHORE PLAGIATA, De Selys. 


Je n'ai indiqué que Ja femelle (5»** Additions 98), mais dans la 
description j'ai parlé d'une variété mâle très-petite de l'Equateur, 
que j'ai attribuée à la fasciata et qui m'a été donnée par M. Mac 
Lachlan. Cet exemplaire est trés-petit (abdomen 34 ; aile inférieure 
27 !/,); il ne possède que 30 antécubitales aux ailes supérieures, et 
la bande noir acier subterminale n'est coupée droit transversalement 
qu'en dedans; à sa fin qui est au bout du ptérostigma, elle coupe 
obliquement la pointe des ailes jusqu'au bord postérieur. 

ll est assez probable que c'est le mâle de la race plagiata. 


( 405 ) 


98'**, EUTHORE MIRABILIS, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, 
avril 1878. 


Abdomen o” 38-42 ; 9 54-55. Aile inférieure g" 28-52. 


Le nodus un peu plus prés de la base que le ptérostigma, qui est 
brun foncé, dilaté (long de 5°") et surmonte 9-15 cellules; 45-50 
antécubitales; 51-54 posteubitales aux supérieures. 

o" Ailes dilatées au milieu, leur base jusques un peu plus loin que 
le quadrilatère et le bord costal jusqu'au nodus jaune brunâtre, mais 
transparent, à réticulation brune. Le reste opaque en entier, rouge 
orangé vif (ou vermillon); le bout aprés le ptérostigma brun fuligi- 
neux, cette couleur prolongée largement le long du bord postérieur 
jusqu'à sa moitié (l'orangé et le brun sont séparés subitement en 
ligne droite, coupant ainsi l'aile obliquement depuis le haut du pté- 
rostigma jusqu'au milieu du bord postérieur). 

Téte noire avec deux larges taches fauves à la lévre supérieure, 
une tache à chaque joue et quatre surla téte entre les yeux de méme 
couleur. Prothorax noir, avec six raies brun jaunátre et les bords 
latéraux fauves. Abdomen noir bronzé, marqué d'orangé ainsi qu'il 
suit : la moitié terminale du premier segment, les cótés du 2*, un 
point basal latéral aux 3-6° suivi d'une raie allant jusqu'au bout 
aux 5-4°. 

Pieds noirs; fémurs bruns en dedans. 

9 Ailes hyalines, brun fuligineux, à réticulation brune, mar- 
quées au milieu d'un grand espace opaque triangulaire sous le nodus 
paralléle à la cóte, appuyé sur le secteur principal et dont le troi- 
sième angle (inférieur) touche presque le bord postérieur vers son 
milieu au niveau du nodus. Cet espace opaque équivalant presque 
au tiers médian de l'aile vers le bord costal est jaune orangé aux 
ailes supérieures, un peu obscurci aux inférieures. Aux quatre ailes 
le côté externe de cet espace est bordé d'une raie brun enfumé, plus 
foncé aux supérieures. 

Patrie : Intaj (Équateur). Communiquée par M. Mac Lachlna. 
(Coll. Selys.) 

N. B. Ainsi que le fait justement remarquer M. Mac Lachlan, s'il 
existe des Odonates qui peuvent rivaliser en beauté avec celui-ci 


( 404 ) 
par leurs couleurs métalliques, il n'y en a pas, à notre connaissance, 
dont les ailes soient colorées en rouge orangé brillant comme le mâle 
de la mirabilis. 

Le mále adulte dela Thore aurora présente, il est vrai, la méme 
coloration rouge orangé, mais seulement sous forme de bande trans- 
verse occupant le second quart de l'aile, ressemblant assez à la fe- 
melle de la mirabilis. . 


997, EUTHORE MERIDANA, De Selys. 
o Abdomen 38-44. Aile inférieure 31-54. 


Le nodus plus éloigné de la base que du ptérostigma, qui est brun 
noirâtre (gris chez les jeunes) un peu dilaté, à côté inférieur ayant 
plus de quatre fois la longueur de l'externe qui est oblique, surmon- 
tant 7-8 cellules. Environ 58 antécubitales et 38 postcubitales aux 
supérieures. 

o* Adulte. Ailes un peu dilatées au milieu, hyalines presque dans 
leur premier tiers, et finement aussi le long de la cóte. Le restant 
blane laiteux un peu jaunâtre, excepté le bout qui est noir acier 
chatoyant. Cette couleur coupée droit en dedans, occupe le quart 
final aux supérieures, le tiers aux inférieures, commençant à peine 
plus loin du nodus que du ptérostigma. Aux supérieures le limbe 
extréme aprés le ptérostigma est hyalin (et il existe parfois un petit 
vestige analogue aux inférieures). 

Lévre supérieure noir acier; coins de la bouche et quatre points 
au-dessus de la tête orangés. Thorax noirâtre avec cinq raies orangé 
foncé de chaque côté et le vestige d'une sixième ligne entre la sub- 
médiane et l'humérale. 

o" Jeune. Ailes complétement hyalines, la partie terminale, qui de- 
viendra opaque, indiquée par une nuance gris clair. 

9 Inconnue. 

Patrie : Mérida (Venezuela), par le D* Habuel. (Coll. Selys.) 

N. B. Ce n'est probablement qu'une race locale de la fastigiata, 
dont elle se distingue par la plus grande étendue de la partie termi- 
nale noire opaque presque égale aux quatre ailes. | 

Chez la fastigiata elle ne commence aux supérieures qu'au ptéro- 


( 408 ) 
stigma, et aux inférieures elle égale à peine un cinquième de la 
longueur des ailes. 
Pour la position du nodus, elle se rapproche beaucoup plus de la 
fastigiata que de la fasciata. 


CORA. 


100»**m, Cora pvALIs, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, 
avril 1878. 


Abdomen g* 45-47 ; Q 39. Aile inférieure g* 57-59; 9 57. 


Ailes légérement salies, un peu élargies; le nodus placé beaucoup 
plus prés de la base des ailes que de l'origine du ptérostigma qui est 
brun foncé (brun roux chez la 9), court (long de 2mm */.) trés-épais, 
plus oblique en dedans, surmontant 4-5 cellules ; 52-55 antécubitales 
et 45-47 postcubitales aux supérieures; 4-5 secteurs interposés entre 
le 4er et le 2e secteur du triangle; le 2° du triangle longuement et 
régulièrement trifurqué. Sept ou huit nervules plus loin que le nodus, 
un peu aprés la naissance du secteur nodal, ce secteur est traversé 
par deux nervules d'un blanc de lait, ce qui donne l'apparence 
d'une petite tache blanche (moins visible chez la femelle). 

o Lèvres et joues d'un brun jaunátre avec une virgule médiane 
obseure à la lèvre; le reste de la tête noirâtre, excepté une tache 
brune latérale à l'épistome, ainsi que quatre taches en carré entre 
les yeux. Prothorax noir; sa base et une trés-grande tache latérale 
médiane brunes. Thorax bleuátre ou jaune olivâtre selon les exem- 
plaires, avec une raie dorsale médiane, une large bande antéhumé- 
rale isolée, et sur les cótés trois bandes épaisses noires, placées au 
milieu de chaque espace. Abdomen noir; les quatre premiers seg- 
ments bronzé foncé; le 4° avec une large tache jaune de chaque 
côté, le second avec une raie latérale épaisse, les 5-4* avec un point 
basal latéral (existant parfois au 5*9), suivi d'une fine ligne, ne tou- 
chant pas le bout; 40* segment fendu, relevé en tubercule au milieu. 
Pieds noirs, fémurs jaunes à la base en dedans. 

9 Semblable au mále, mais les dessins clairs de la téte et du thorax 
toujours olivátres ou roussátres, une grande tache latérale jaunâtre au 


( 406 ) 
9* segment; une autre en dehors sur les valves vulvaires qui dépas- 
sent l'abdomen. 
Patrie : Intaj (Équateur). Communiquée par M. Mac Lachlan; 
(Coll. Selys.) 

N. B. Cette espèce est distincte des autres par sa grande taille et 
aussi par le ptérostigma court, dilaté, qui ne seretrouve que chez la 
munda. La forme du ptérostigma et le vestige de taches laiteuses 
aprés le nodus la rapprochent des Thore, par exemple de la beata, 
mais on ne peut la confondre parce qu'elle n'a pas de secteurs 
interposés entre le bref et le premier du triangle, tandis qu'il y en 
a deux chez les Thore. 


100%ecem, Cora wuNDA, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, 
avril 1878. 


Q Abdomen 34-57. Aile inférieure 52-54 '/,. 


c" Inconnu. 

© Ailes hyalines entièrement lavées de jaunátre, cette couleur plus 
prononcée et légèrement olivâtre au bord costal. Le nodus placé à 
peine plus prés de la base des ailes que de l'origine du ptérostigmaæ 
qui est brun (ou ocre foncé chez les plus jeunes), court (long de 2m 1/,) 
très-épais, dilaté, oblique en dedans seulement, surmontant envi- 
ron 4 cellules; 29-35 antécubitales et 29-51 posteubitales aux supé- 
rieures; 2-5 secteurs interposés entre le 1*r et le 2* du triangle, ce 
dernier longuement et régulièrement trifurqué. 

Lèvres, épistome et joues brun clair (jaunátres chez quelques 
exemplaires jeunes), les deux articles basals des antennes jaunátres; 
front roussátre traversé de noir; dessus de la téte noir avec quatre 
aches réniformes fauves à l'entour du vertex (deux en avant, deux 
en arriére), derriére des yeux noirátre, le bord postérieur avec une 
ligne fauve. Prothorax varié de fauve et de noir. Thorax brun (un 
peu fauve chez les jeunes) avec des lignes noires mal arrétees, 
excepté celle qui est parallèle à la suture dorsale et fort rapprochée 
d'elle. Abdomen noir bronzé à reflets acier et violet; 1** et 2° segments 
presque entièrement jaunâtres, le 2 noir au milieu en dessus, les 
5-6° avec un anneau jaune à la base, parfois presque interrompu en 


( 407 ) 
dessus; une raie latérale longitudinale jaune sur les 5-4° segments 
(prolongée sur le 5° chez les jeunes), enfin une indication de taches 
latérales jaunes aux 8-9e, Le 40° très-court fendu. Appendices anals 
épais coniques, de la longueur du dernier segment. 

Pieds noirs, mais les fémurs bruns ou fauves à la base, puis aux 
cótés presque jusqu'au bout. 

Patrie : Intaj (Équateur). Trois femelles, dont une m'a été gracieu- 
sement offerte par M. Mae Lachlan. 

N. B. Voisine de la dualis par le ptérostigma court et dilaté, 
analogue à celui des Thore; mais plus petite, les ailes plus jau- 
nâtres, la rétieulation moins serrée, le nodus moins rapproché de la 
base, de sorte que le nombre des nervules antécubitales et postcubi- 
tales est presque égal. 


100"» dec», CORA TERMINALIS, Mac Lachlan. Trans. Soc. Ent. London, 
avril 1878. 


Abdomen o 40; © environ 34. Aile inférieure 9" 54; Q 55. 


Le nodus placé à la moitié de l'espace entre la base ct le ptéro- 
stigma, qui est d'un brun foncé (à peine plus påle chez la Q) épais, 
long de 5*"; son côté interne trés-oblique, surmontant 5 cellules; 
54-57 antécubitales et 29-33 postcubitales aux supérieures. Deux 
secteurs interposés entre le 4er et le 2° du triangle, le 2° longuement 
et réguliérement trifurqué. Réticulation noire. 

o" Ailes hyalines légèrement lavées de brun olivátre surtout au 
bord costal; la pointe depuis le milieu du ptérostigma brun foncé; 
le centre des cellules un peu plus pâle. Aux ailes inférieures l'extré- 
mité brune ne descend pas jusqu'au bord postérieur. 

Lévres, épistome et joues livides (peut-étre bleu vui TS 
noirâtre, front bleuátre traversé de noir. Dessus e 
la téte noirs avec deux taches en avant, deux en ie de vertex 
bleuâtres. Prothorax avec deux larges taches brunes. Thorax olivâtre 
ou jaunâtre, avec une bande dorsale, une antéhumérale isolée, une 
bumérale entre chacun des trois espaces latéraux noirátres, ces der- 
nières isolées. Poitrine pulvérulente blanchátre. Abdomen noir. Le 
åer segment largement jaunátre sur les côtés; le 2° avec une bande 


( 408 ) 
latérale jaune; le 3° avee une tache basale latérale, suivie. d’une 
ligne fine; le 4e avec la tache mais sans la ligne. 

Pieds noirs; la base des fémurs brune en dedans. 

9 Ailes entièrement hyalines, à peine lavées d’olivâtre. Face et 
front brun clair; joues livides, les bandes obscures du thorax mal ar- 
rétées, excepté la médiane dorsale qui reste noire. Les trois premiers 
segments comme chez le mále. (Le reste manque.) 

Patrie : Unduavi (Bolivie). D'après un couple décrit par M. Mac 
Lachlan. 

N. B. Espéce encore plus grande que la marina. Le mále s'en 
distingue immédiatement par le bout des ailes brun fuligineux de- 
puis le ptérostigma, qui est plus court. La femelle facilement sépa- 
rable de celle de la modesta par sa grande taille, le dessin du 
thorax, etc. 

Dans la description de la marina j'ai omis de décrire le thorax et 
l'abdomen, où le bleu domine, relevé par du noir réparti à peu prés 
comme chez la cyane, l'incana et l'aleyone. 

A l'article de l'inca, il faut lire : nodus entre la base de l'aile et 
l'origine ( non la fin) du ptérostigma. 


100duodec, Cora semiopacA, De Selys. Comptes rendus Soc. Ent. belg ., 
février 1879, 


.g' Abdomen 32-55. Aile inférieure 26-27 


Le nodus placé entre la base de l'aile et l'extrémité du ptéro- 
stigma, qui est médiocre, noirátre, long de 2mm, rétréci à son extré- 
mité, à côté inférieur surmontant 4-5 cellules, ayant einq fois 
environ la longueur du cóté externe, qui est un peu oblique; 30 anté- 
cubitales et 25 posteubitales aux ailes supérieures; un secteur supplé- 
mentaire rudimentaire interposé vers le bord postérieur entre le 
1*7 et le 2° du triangle, ce dernier régulièrement et assez longuement 
trifurqué (mais le secteur interposé parfois nul aux ailes inférieures); 
4-5 cellules dans le quadrilatére. Ailes étroites, hyalines, mais le 
dernier tiers subitement brun chatoyant opaque, excepté la pointe 
aprés le ptérostigma, qui devient transparente et incolore. 

Corps noirâtre, mélangé d’olivâtre (couleurs altérées). Lévre suz 


( 409 ) 
périeure bleuâtre pâle; le reste de la face passant au jaunâtre. 
Dessus et derrière de la tête noirâtres, avec deux points roux au ni- 
veau des antennes. Devant du thorax noirátre, le reste olivâtre avec 
une bande obscure entre la suture humérale et la première laté- 
rale. Abdomen noirátre. Les côtés des 1-5° segments, un point basal 
latéral aux 4-7* et l'articulation basale du 9* jaunátres, 

Pieds brun noirátre, intérieur des fémurs plus clair. 

o Jeune. Ailes entièrement hyalines, mais la partie destinée à 
devenir opaque indiquée par une nuance gris brun peu marquée, 

9 Inconnue. 

Patrie : État de Panama. (Coll. Selys.) 

N. B. L'adulte est bien facile à reconnaitre des autres espéces à la 
coloration noirâtre opaque du dernier tiers des ailes (excepté leur 
pointe extrême), ce qui la fait ressembler en petit à l'Euthore faciata. 

Le mâle jeune imite à s'y méprendre le mâle de la modesta, mais 
en y regardant de prés, on distingue l'indication de l’espace obscur, 
et la pointe des ailes est incolore. Chez la modesta, au contraire 
le bout est un peu sali. 


Note sur le sang du Homard (communication préliminaire), 
par Léon Fredericq, préparateur à l'Université de Gand, 
docteur spécial en sciences physiologiques. 


Harless (1) a signalé la présence du cuivre dans le sang 
des crustacés, des céphalopodes et des gastéropodes. On 
sait depuis longtemps que le fluide nourricier dans ces 
trois groupes d'invertébrés change de couleur quand il est 
exposé à l'air. 

Chez le erabe, ces changements de couleur sont dus à 


(1) Harless. Ueber das Blut einiger wirbellosen Thiere, Müller 's Archiv 
1846, p. 122 


H 


( 440 ) 

l'absorption de l'oxygène comme l'ont établi Jolyet et 
Regnard (1) et comme j'ai pu le vérifier pour le homard. 
D'aprés ces auteurs le sang du erabe agité à l'air présente 
« une belle coloration bleue ou brunátre suivant la facon 
dont on l’examine. » Si on en extrait les gaz au moyen du 
vide, « ce liquide perd peu à peu sa couleur pour prendre 
une teinte rosée légèrement jaunátre. On laisse ensuite 
rentrer dans le flacon de l'oxygéne pur, et le sang reprend 
sa coloration première. » Les expériences faites avec l'hy- 
drosulfite de soude conduisirent aux mémes conclusions. 
J. et R. arrivent à cette eonelusion remarquable qu'il existe 
dans le sang du crabe deux matiéres colorantes, l'une bleue, 
l'autre rouge. La première est unie à l'albumine qui, coa- ` 
gulée par l'alcool, offre une coloration bleue trés-nelte; la 
matière colorante rouge reste en solution dans le filtrat 
alcoolique. 

J'ai pu constater l'exaetitude parfaite de tous ces faits 
et je suis arrivé aux mêmes conclusions que J. et R. en 
étudiant le sang du homard. Le plasma de ce sang pré- 
sente effectivement deux matières colorées : l'une, rose, se 
voyant surtout quand on examine le sang à la lumiére 
transmise, n'appartient pas au groupe des albuminoides; 
elle est diffusible, quoique assez difficilement, elle n'est pas 
coagulée par l'ébullition ni par l'alcool dans lequel elle se 
dissout au contraire. Elle ne contient pas de corps métal- 
lique. Enfin elle ne change pas de couleur par l'action du 
vide ou par celle de l’oxygène, elle n'est donc pour rien 

dans les changements de coloration du sang. Sa présence 


(1) Jolyet et Regnard. Recherches sur la respiration des animaux aqua- 
tiques. Paris, 1877, pp. :6 et 57. 


( 444 ) 
n'est pas constante dans ce liquide. Certains homards ne 
possédent dans leur sang que la seconde matiére colorée. 

Cette dernière paraît être identique avec la matière 
bleue du sang de poulpe à laquelle j'ai donné le nom 
d’hémocyanine (1). Elle n'est pas diffusible, se coagule par 
l'aleool et la chaleur, en fournissant des grumeaux bleuà- 
tres, appartient par conséquent au groupe des albumi- 
noides; elle forme avec l'oxygéne une combinaison oxy- 
génée d'un beau bleu qui se colore par le vide, enfin elle 
contient du cuivre. 

Le sang du homard présentant ces deux matiéres colo- 
rantes est rose quand il est réduit; exposé à l'oxygéne, il 
prend une teinte spéciale, bleue à la lumière réfléchie 
(hémocyanine), brune à la lumière transmise (matière 
rose). 

Le sang du homard et celui du crabe extraits du corps 
ne tardent pas à se coaguler. Il s'y forme des grumeaux 
blanchâtres qui s'agglutinent en flocons allant au fond du 
vase. Si l'on étudie cette coagulation sur une goutte de 
sang examinée au microscope, on peut se convaincre que 
la formation de cette substance a son point de départ dans 
les globules du sang. Les solutions salines concentrées ou 
méme saturées ( NaCl, MgSO4) n'empéchent pas sa pro- 
duetion (2). 

La composition saline du sang du homard se rapproche 


(4) Voir Léon Fredericq. S tla physiol poulpe. 
Bulletins de l'Académie des sciences de Belgique, we LÉ .XVLL, 1878. 
(2) Le sang du homard , débarrassé de ces grumeaux, présente ensuite 
une seconde coagulation bel davantage celle de la fibrine. Tout le 
liquide se prend en gelée. Une température peu élevée (voisine de + 50°) 
et certaines solutions salines empêchent la production de ce phénomène. 


( 442 ) 
sensiblement de celle de l'eau dans laquelle il vit. Je me 
serve de revenir plus tard avec quelques détails sur ces 
différents points. 

Ray Lankester a récemment déerit pour le sang des 
limules des changements de coloration qui me font sup- 
poser qu'il s'agit également là de la présence de l'Aémo- 
cyanine (1). 


Le sang de certains gastéropodes (Arion, Helix) con- 
tient également une matière albuminoide , bleuissant à 
l'air, contenant du cuivre et sans doute identique à l'Aé- 
mocyanine. 

Le sang des lamellibranches (Unio, Anodonta) est ex- 
trémement pauvre en substances albuminoides. Je n'ai pu 
y constater de changements de coloration sous l'influence 
de l'air ou de l'oxygène. 


L'hémocyanine semble donc se retrouver dans le sang 
d'animaux appartenant à des groupes trés-différents les 
uns des autres : mollusques céphalopodes et gastéropodes, 
crustacés. 

Chez tous ces animaux ainsi que chez les vertébrés et 
beaucoup d’annélides, la respiration se fait donc par l'in- 
termédiaire de substances protéiques métallifères (hémo- 
globine, hémocyanine, chlorocruorine) (2) qui forment dans 
l'organe respiratoire (branchies, poumon) des combinaisons 
ox ygénées peu stables. Ces combinaisons se dissocient en- 


e ar Lankester. On the spermatoz.... Quarterly Journal of microscop. 


" "nj Lankester. Journa of Anatomy and seni vol. 11 (1868), 
p. 115, et vol. IV, p. 118 et Pflügér's Archiv IV. p. 515. 


( 413 ) 

suite pendant leur passage à travers les tissus. Chez les 
invertébrés les deux grandes fonctions du sang, la respi- 
ration et la nutrition des tissus,appartiennent toutes deux 
au plasma, les globules ayant une importance tout à fait 
accessoire. Dans le sang des vertébrés il s'est établi sous 
ce rapport une division du travail physiologique. La fonc- 
tion respiratoire est dévolue aux globules, la fonction nu- 
tritive au plasma. 


Sur la théorie de l'innervation respiratoire; par M. Léon 
Fredericq, préparateur à l'Université de Gand, docteur 
spécial en sciences physiologiques. 


Les mouvements des muscles respiratoires de la face, 
du larynx et du tronc ont leur centre dans une portion 
limitée de la moelle allongée que Flourens a nommée 
nœud vital : la destruction de ce centre arrête immédiate- 
ment la respiration. D'autre part, on peut isoler la région 
du nœud vital du reste du système nerveux par la section 
de la moelle pratiquée immédiatement en dessous, sans 
supprimer les mouvements respiratoires de la face (ouver- 
ture des narines =— inspiration ; abaissement des narines — 
expiration). On peut faire l'opération inverse, isoler le 
nœud vital des centres situés au-dessus de lui, en prati- 
quant l'ablation du cerveau et du cervelet; les mouvements - 
respiratoires n'en continuent pas moins, ceux de la face 
exceptés. Il semble donc superflu pour expliquer leur pro- 
duction rhythmée, d'invoquer l'action d'impressions sensi- 
tives venues du dehors. Ce sont des mouvements AUTOMA- 
TIQUES et non des mouvements RÉFLEXES. 


( 444 ) 

Rosenthal (4) a montré que le stimulus sous l'influence 
duquel le centre respiratoire exerce son activité , doit étre 
cherché dans un certain degré de vénosité du sang qui le . 
baigne, Il s'agirait à la fois d'un déficit d'oxygène et d'un 
excès de CO, d’après les travaux de Dohmen et de Pflüger. 

Si le sang est saturé d'oxygéne, s'il est en méme temps 
pauvre en CO,, il n'agit plus comme excitant sur le centre 
respiratoire dont l'activité s'arrête momentanément, l'ani- 
mal cesse de respirer jusqu'à ce que son sang ait de nou- 
veau acquis le degré de vénosité qui constitue le stimulus 
(Apnée). S'il est trop veineux par artérialisation du sang, 
le centre respiratoire se trouve trop vivement excité et 
l'animal exécute des mouvements respiratoires exagérés 
(Dyspnée, géne respiratoire). 

Tous ces faits ont été vérifiés un grand nombre de fois 
et sont devenus pour ainsi dire classiques (2). 


(4) Rosenthal. Die Athembewegungen. Berlin 1862, p. 256. 
« Die Athembewegungen werden erregt durch den Reiz des Blutes 
» auf das respiratorische Centralorgan. Der Uebergang dieser Erre- 
» gung auf die betreffenden Nerven und Muskeln findet einen Wider- 
» stand, durch welchen die stetige Erregung in eine rhythmische Action 
» ipe emend pére Dieser y, gegen tr vermindert durch die Ein- 
ku "agus ie Einwirkung des N. laryn- 
» "T" superior. ce Grad der Thätigkeit des Centralorgans ist abhün- 
» gii n dem Sauerstoffgehalt des Blutes, die Vertheilung dieser 
» erm auf einzelne Respirationen (und demgemäss die Zahl und 
» Tiefe derselben bei gleichbleibender Erregung) von der Wirkung 
» jener Nerven. » 
Studien über die Athembewegungen, Archiv für Anatomie, 1864, 
p. 456; ibid., 1865, p. 191; ibid., 1870, 23. 
2) Ces lignes étaient écrites quaud rient. dans le Zeitschrift für 
physiologische Chemie UT. 1, les critiques que Hoppe-Seyler adresse à la 
théorie de Pflüger. 


( 445 ) 

L'exeitation que le nœud vital éprouve de la part du 
sang est une excitation continue, au moins dans les circon- 
stances ordinaires : comment expliquer l'activité intermit- 
tente, rhythmée de ce centre. Rosenthal admet que ce 
centre est gêné dans son activité, qu'il a à vaincre une 
résistance qui transforme l’excitation continue du sang en 
une série de décharges, dont chacune provoque un mouve- 
ment respiratoire. 

On voit de suite que ce centre respiratoire est surtout un 
centre d'inspiration : l'inspiration dans les conditions ordi- 
naires est en effet la seule phase active, musculaire de la 
respiration; l'expiration normale n'est que le retrait, l'af- 
faissement passif du thorax et du poumon survenant pen- 
dant le repos, la pause qui sépare deux inspirations. L'ex- 
piration n'est donc que la suspension du mouvement 
d'inspiration: un animal mort, de méme qu'un animal 
rendu apnoique est à l'état d'expiration. On verra plus loin 
que cette partie de la théorie de Rosenthal s'accorde fort 
bien avec les faits nouveaux contenus dans cette note, 
surtout si l'on admet que l'obstacle qu'éprouve le centre 
inspiratoire pour entrer en activité, provient d'un second 
centre qui joue vis-à-vis du premier un róle de modéra- 
teur, de centre d'arrét. 

Il est positif que le rhythme intermittent de la respira- 
tion ne dépend pas de changements survenant périodique- 
ment dans la composition du sang par le fait méme de 
chaque mouvement respiratoire , comme Rosenbach (1) 
l'adinet pour les cas où | t été coupés. 


Veu UVU 
LI Q 


(1) Rosenbach. Studien über den Nervus vagus. Berlin, 1877. 


( 446 ) 
En effet les mouvements respiratoires rhythmés, ceux de la 
face continuent encore alors que la circulation est arrétée 
sur une téte de lapin qu'on vient d'isoler complétement du 
reste du corps par la section du cou (la moelle doit néces- 
sairement avoir été coupée au-dessous du nœud vital). 

Les centres respiratoires trouvent donc en eux-mêmes 
et dans la composition du sang tous les éléments néces- 
saires à leur activité : ils n’en sont pas moins, dans une 
certaine mesure, sous l'influence du système nerveux péri- 
phérique. Ainsi la section de la moelle, celle du nerf phré- 
nique, etc., font baisser le nombre des mouvements respi- 
ratoires. Mais sous ce rapport aucun nerf n'exerce d'action 
aussi marquée que le pneumogastrique. Cette action a été 
étudiée par un trés-grand nombre d'expérimentateurs qui 
malheureusement sont souvent arrivés à des résultats dia- 
métralement opposés. 

Mon intention quand j'ai entamé ce sujet n'était nulle- 
ment de faire un travail spécial sur l'innervation de la res- 
piralion, mais seulement de me former une opinion sur 
quelques-uns des points controversés les plus importants, 
notamment sur l'existence tant discutée de fibres cen- 
tripèles expiratoires dans le tronc du pneumogastrique 
pulmonaire. J'ai répété avec des résultats affirmatifs les 
expériences que l'on a fait valoir en faveur de leur exis- 
tence, et comme j'en ai donné de nouvelles preuves, Je ne 
crois pas faire chose inutile en publiant les conclusions 
auxquelles je suis arrivé. 

Toutes mes expériences ont été faites avec l'aide d'ap- 
pareils enregistreurs : grâce à l'emploi de la méthode gra- 
phique, elles se prétent fort bien à la démonstration devant 
un nombreux auditoire; ce sont des expériences de cours. 


( 417 ) 

J'ai successivement employé le kymographe de Ludwig 
(nouveau modéle) et le cylindre enregistreur de Marey. 
Dans les deux cas, les mouvements de la respiration étaient 
transmis à un tambour enregistreur de Marey. Lorsque 
jemployais le kymographe, le levier inseripteur du tam- 
bour était remplacé par une petite tige de bois portant à 
son extrémité une pipette de verre chargée d'encre, écri- 
vant en noir sur le papier blanc du kymographe. Sous le 
tracé de la respiration s'inscrit celui du temps; c’est un 
trait horizontal se relevant pour former un crochet à 
chaque seconde. Ce mode d'enregistrement offre un grave 
défaut : la courbe obtenue se trouve déformée sous l'in- 
fluence de deux causes : le frottement assez fort entre le 
papier et la plume, puis l'inertie du levier inscripteur qui 
est en proportion de sa masse. La commodité que l'on 
éprouve à écrire sans interruption sur un papier sans fin 
ne compense pas ces désavantages. Aussi j'ai renoncé bien 
vite à ce mode d'enregistrement pour recourir unique- 
ment à l'emploi du cylindre de Marey. Le graphique s'ob- 
tient ici, comme on sait, par un léger style terminé en 
pointe effilée qui gratte le noir d'un papier enfumé et y 
laisse un tracé blanc. : 

Le papier que j'emploie est glacé à l'acétate de plomb 
(papier porcelaine), il est tout à fait lisse, il se noircit ad- 
mirablement sans jamais brüler. Je ne lui connais qu'un 
seul défaut, c'est de coüter fort cher. Ce papier est collé 
sur le cylindre et noirci à l'aide d'un rat de la facon ordi- 
naire (voir Marey, La méthode graphique dans les sciences 
expérimentales, p. 460, Paris 1878). Il n'est pas nécessaire 
de marquer le temps, le cylindre offrant un mouvement 
trés-uniforme, faisant un tour (longueur 42 centimétres) 

9"* SÉRIE, TOME XLVII. 97 


( 448 ) 
en 62 secondes. Chaque centimétre de papier représente 
donc environ 1 !/, seconde de durée. 

Les expériences dont les détails suivent, ont été exé- 
cutées au Laboratoire de physiologie de l'Université de 
Gand. J'ai pu en répéter quelques-unes au Laboratoire de 
M. le professeur Marey (Collége de France à Paris) : je le 
prie de recevoir ici mes remerciments pour la bienveillance 
qu'il m'a témoignée. M. le docteur Francois Franck, sous- 
directeur de ce laboratoire, n'a cessé de m'y guider de ses 
conseils. Je lui dois plusieurs améliorations dans le plan de 
mes expériences, notamment l'idée d'enregistrer les mou- 
vements du soufllet pour la respiration artificielle. Je tiens 
à lui en exprimer toute ma gratitude. J'ai pu également 
utiliser sous sa direction un soufflet mü par un moteur à 
eau et offrant par eoneequent un mouvement tout à fait 
uniforme. 


La première expérience qui se rapporte au sujet que je 
traite est déjà ancienne. Traube (1) a découvert que; si 
l'on pratique chez un animal (un lapin, par exemple), la 
respiration artificielle à l'aide d'un soufflet, le rhythme pri- 
mitif des mouvements respiratoires (observé aux narines) 
se modifie de telle sorte qu'il s'accommode complétement 
au rhythme des insufflations. Le lapin en expérience répond 
à chaque insufflation par une expiration, et fait une inspi- 
ration à chaque intervalle entre deux insufflations; il fait 


(1) Traube, Gesammelte Beiträge zur Physiologie u. Pathologie. Bd. 1, 
p. 175. Je ne connais le travail de Traube que par les citations de Breuer 
et de Rosenbach. 


( 419 ) 

done exactement le méme nombre de mouvements que le 
soufflet et ces mouvements luttent avec ceux du soufflet. 
On peut accélérer ou ralentir le rhythme de ses respira- 
tions, rien qu'en augmentant ou en diminuant le nombre 
des insufflations. Traube a montré que c'est dans le pneu- 
mogastrique que se trouve la voie nerveuse par laquelle 
'état de distension du poumon ou du thorax retentit 
ainsi sur le centre des mouvements respiratoires. Si l'on 
supprime cette voie par la double section des pneumo- 
gastriques, on n'observe plus aucun rapport entre les mou- 
vements respiratoires de l'animal et ceux du soufflet. 
L'animal continue à respirer sans aucun souci des insuf- 
flations. Breuer et Rosenbach ont confirmé ces faits. 

J'ai répété l'expérience de Traube sur un chat, sur un 
chien morphiné, sur un cobaye, sur un jeune lapin qui 
avait subi l'ablation des hémisphéres cérébraux et sur plu- 
sieurs lapins, les uns non anesthésiés, les autres sous 
l'influence respective du chloral, de la morphine ou du 
laudanum. Le lapin, surtout s'il est anesthésié par le chloral 
(1 à 5 grammes en injection sous-cutanée), se prête beau- 
coup mieux à cette expérience que le chien, le chat ou le 
cobaye. J'avais essayé d'inscrire les mouvements des na- 
seaux de l'animal à l'aide d'un long style de verre fixé par 
une goutte de cire à cacheter aux poils du lobe médian du 
nez, mais les résultats obtenus de cette facon ne me satis- 
firent guère. J'y renoncai bientôt pour adopter la disposi- 
tion expérimentale suivante : 

Le lapin immobilisé sur le support de Czermak est tra- 
chéotomisé : on fixe dans la trachée un tube de verre en T. 
L'une des branches du T est reliée par un tube de caout- 
chouc à un tambour à levier de Marey, qui inscrit les varia- 


( 420 ) 

tions de la pression latérale dans la canule trachéale; 

l'autre branche est mise en rapport avec le tube de caout- 
. choue qui vient du soufflet et par lequel on pratique les 
insufflations. Ce tube de caoutchouc porte latéralement 
tout prés de la canule trachéale un petit orifice destiné à 
laisser échapper l'excédant de l'air et à permettre l'expira- 
tion à l'animal. Les insufflations se pratiquent à l'aide 
d'un soufflet à ressort mů par le pied de l'expérimenta- 
teur. Une petite poire en caoutchouc logée entre les tours 
du ressort transmet par l'intermédiaire d'un tube de caout- 
chouc les mouvements du soufflet à un second tambour à 
levier dont le style inscripteur trace sa courbe à cóté de 
celle des mouvements de l'air dans la trachée. 

Si l'on pratique une série d'insufflations sur un animal 
dont les pneumogastriques sont intacts, les deux graphi- 
ques se correspondent exactement. Or, le tracé fourni par 
le tambour qui est en rapport avec la canule trachéale de 
lanimal est évidemment le produit de deux facteurs, 
savoir : 1° le courant d'air émanant du soufflet et 2° celui 
qui est dû aux mouvements respiratoires de l'animal. 
Puisque les deux tracés sont semblables, il faut en con- 
clure que les mouvements respiratoires de l'animal sui- 
vent exactement les insufflations du soufflet. On doit natu- 
rellement s'assurer que l'animal ne cesse pas de respirer, 
que la ventilation pulmonaire n'est pas suffisante pour 
amener lapnée par suroxygénation, artérialisation du 
sang. 

L'inspection des narines de l'animal montre qu'il en est 
réellement ainsi : les narines s'affaissent à chaque insuf- 
flation (position d'expiration), elles s'ouvrent (position 
d'inspiration) dans l'intervalle entre deux insufllations. Les 


( 421 ) 
mouvements de l'animal coincident avec ceux du soufflet, 
mais se font en sens inverse. 


W V MAI 


—— 
A A 
/ À = 
FJ 
14 B P À f 
Fig. 1. Tracés simultanés de la pression latèrale dans la trachée 
AB) et des excursions du soufflet (A'B^) Lapin. 


La correspondance entre les deux graphiques se voit 
très-bien sur la fig. 1. Le tracé va de gauche à droite 
suivant la direction de la fléche; il se lit comme une 
courbe de manométre inscripteur, c'est-à-dire que les col- 
lines À, A' correspondent aux augmentations de pression 
(expirations), les vallées B, B' aux diminutions de pres- 
sion (inspirations). 


| RU T 


Fig. 2. Graphique de la pression laterale dans la trachée pendant 


les insufflations du soufflet automatique. Lapin 


Si j'emploie le soufflet actionné par le moteur à eau, ses 
excursions sont exactement égales entre elles et il n'est 
plus nécessaire de les inscrire. Le tracé de la pression 


( 422 ) 
dans la trachée est alors tout à fait régulier. La fig. 2 en 
montre un exemple. 

La voie par laquelle les exeursions du poumon reten- 
tissent ainsi sur les centres respiratoires doit étre loca- 
lisée dans le tronc des pneumogastriques. Dès qu'ils sont 
coupés, l'accord que l'on observait entre les mouvements 
respiratoires et les insufllations est rompu. Les respira- 
tions de l'animal interférent avec les mouvements du 
soufflet. La courbe de la pression de l'air dans la trachée 
trahit le désaecord entre les deux facteurs qui concourent 
à la former: les insufflations et les mouvements de l'animal. 


J 
| 


Fig. 3. Lapin à l ou pes 
ABC. Tracé A 80 ufflet. 
A'B'U'. Tracé de la pression dans la trachee 
lé courbe pointillée a été ajoutée à la main : elles t desti: če 
a représenter les mouvements respiratoires de Taaka tels 
qu'on les aurait obtenus sans fatre d'insufflations. 


La fig. 5 en donne un exemple. Le graphique inférieur 


( 423 ) 

nous montre que le soufflet est resté au repos de A en B, 
qu'à partir de B l'on a pratiqué une série d'insufflations. 
La courbe supérieure qui représente la pression de l'air 
dans la trachée indique de A' en B' ce qu'était la respira- 
tion de l'animal, pendant le repos du soufflet. Dans la por- 
ton B'C' on distingue fort bien à travers les variations 
dues au mouvement du soufflet, celles provenant des mou- 
vements respiratoires de l'animal. La courbe pointillée a 
été ajoutée à la main, elle représente les mouvements res- 
piratoires tels qu'on les aurait obtenus sans insufflations. 

Le graphique suivant (n° 4) est emprunté à la méme 
expérience qui a déjà fourni le tracé n° 2. Il représente 
également la pression latérale dans la trachée pendant les 
insufllations du soufflet automatique. La seule condition 
nouvelle, cest que les deux pneumogastriques ont été 
coupés. Dés lors la courbe obtenue n'est plus simple, régu- 
liére, quoique les insufflations soient rigoureusement sem- 
blables. La courbe pointillée a la méme signification que 
dans la figure 3. 


Fig. 4. Graphique de la pression lutérale dans la trachée pendant les insufflations 
u soufflet automatique. Lapin à Faces ied coupés. La ligne pointillée à 
la méme signification que dans la figur 


Pour obtenir ce résultat, il faut couper les deux pneu- 
mogastriques, la section d'un seul ne suffit pas; ainsi la 


( 424 ) 
fig. 2 a été empruntée à un tracé fourni par un lapin dont 
un pneumogastrique avait été coupé. 

Les expériences de Breuer (1) nous donnent la clef de 
l'expérience de Traube. Breuer a montré que l'état de dis- 
tension mécanique du poumon était iei le principal facteur. 
Chaque insufflation, chaque expansion mécanique du pou- 
mon a pour effet de provoquer chez l'animal l'état d'expi- 
ration, chaque mouvement de retrait du poumon provoque, 
au contraire, l'inspiration. C'es tle long des fibres du pneu- 
mogastrique que cheminent les excitations centripétes qui 
provoquent tantót l'inspiration, tantót l'expiration. Malgré 
leur importance capitale, les expériences de Breuer n'ont 
été répétées qu'un petit nombre de fois (2). L'un des expé- 
rimentateurs, Guttmann, est arrivé à des résultats un peu 
différents. On peut dire que ces expériences de Breuer 
n'ont pas encore passé dans le domaine classique de la 
physiologie. On me permettra donc de revenir sur celles 
d'entre elles qui ont donné lieu à des discussions, ce sont 
les expériences tendant à prouver qu'il existe dans le pneu- 
mogastrique des fibres centripétes qui ont pour effet d'ar- 
réter la respiration à l'état d'expiration (active) et qui sont 
stimulées par le fait de la distension mécanique du pou- 
mon. 

Chez un animal trachéotomisé et portant dans la trachée 
une canule en T, Breuer distend fortement le poumon par 


` (1) Breuer, Die Selbsteuerung der mum durch den Nervus vagus. 
Sitzungsber. der K. Akad. z. Wien, 1868, p. 909. 

(2) Guttmann. Archiv f. Anatomie, 1875, pp. 500-525, Taf. XV. 

Rosenbach. Studien über den Nervus vagus. Berlin, 1877 

* Lockenberg. Verhandlungen der Würzb. phys.-med. Gesellschaft, 1875 
(cité par Rosenbach). 


( 425 ) 

une ou plusieurs insufllations énergiques, il maintient le 
poumon distendu en fermant le tube par lequel il a pra- 
tiqué l'insufflation et qui se rend à l'une des branches de 
la canule en T, l'autre branche est en rapport avec un 
manomètre élastique de Fick qui inscrit la courbe de la 
pression latérale sur le cylindre du kymographe. A la suite 
de la distension pulmonaire ainsi produite, Breuer observe 
une suspension des mouvements respiratoires qui peut 
durer pendant un temps assez long et qui est suivie ou 
accompagnée dés le début d'une expiration active extré- 
mement prolongée. Dans le premier cas le tracé de la pres- 
sion trachéale reste horizontal pendant quelque temps, puis 
se reléve peu à peu, dans le second il se reléve dés le 
début. Aprés la section des pneumogastriques, la disten- 
sion physique du poumon n'a plus d'effet sur le rhythme 
respiratoire. 

Guttmann (1), opérant également avec le manométre de 
Fick, a observé l'arrét respiratoire survenant à la suite de 
l'insufllation pulmonaire, mais il nie l'existence de l'expira- 
tion active. Pour lui le tracé de la pression dans la trachée 
reste exactement horizontal ; s'il se reléve parfois un peu, 
cela devrait étre attribué à la dilatation de l'air renfermé 
dans l'appareil, dilatation due à l'échauffement au contact 
des poumons et à une saturation plus complète de vapeur 
d'eau. 

J'ai répété cette expérience de Breuer un grand nombre 
de fois en employant la méme disposition expérimentale 
que dans l'expérience de Traube. Le tambour à levier de 
Marey y remplace avantageusement le manométre de Fick 


(1) P. Guttmann. Zur Lehre von den Athembewegungen. Archiv für 
Anatomie, 1875. 


( 436 ) 


employé par Breuer et par Guttmann. Je me suis facile- 
ment convaincu de l'arrét en expiration, de la suspension 
des mouvements d'inspiration qui survient quand, aprés 
une ou plusieurs insufflations énergiques, on ferme le tube 
d'arrivée de l'air de facon à maintenir les poumons dis- 
tendus. 


b ai ue coupée et expiration prolongée par le fait de la distension pul- 
monaire. De À en B, respiration normale ; en G une insufflation ; en F on ferme 
e tube; en O on ouvre de nouveau le tube qui part de la canule trachcale. 


La figure 5 en montre un exemple. De A en B se voit 
un tracé normal de la respiration. La partie inférieure du 
tracé correspond naturellement aux diminutions de pres- 
sion dans la trachée, c'est-à-dire aux inspirations; la partie 
supérieure, aux expirations. En G, au moment où l'animal 
commence un mouvement d'inspiration, on fait une seule 
insufflation, la courbe de la pression latérale se reléve natu- 
rellement jusqu'en F, point où l'on maintient les poumons 
à l'état de distension en fermant le tube de la canule tra- 
chéale. Aussitót la respiration s'arréte pendant plusieurs 
secondes, de F en I. De F en I, la courbe se reléve, ce qui 
indique que l'état d'expiration dans lequel se trouve l'ani- 


( 427 ) 

mal est un état actif. Les muscles abdominaux se contrac- 
tent en effet pendant cette pause respiratoire, comme on 
peut s'en convaincre par l'inspection directe : ces mouve- 
ments se communiquent à la peau et aux poils du ventre. 
Ceci est entiérement conforme à ce que Breuer et aprés 
lui Rosenbach ont décrit. En I l'animal fait une première, 
en J une seconde inspiration; en O on ouvre le tube tra- 
chéal et la respiration normale de l'animal reprend immé- 
diatement. 

J'ai répété cette expérience un trés-grand nombre de 
fois sur au moins une douzaine de lapins et j'ai toujours 
obtenu des résultats trés-concluants. Parfois cependant 
(chez les lapins chloralisés), j'ai obtenu comme Guttmann 
des arrêts respiratoires en expiration passive, c'est-à-dire 
que la courbe, au lieu de se relever, restait absolument 
horizontale jusqu'au moment où la première inspiration 
venait mettre fin à cette apnée par distension mécanique. 
Ce résultat, je l'ai surtout obtenu lorsque je maintenais le 
poumon modérément distendu, aprés l'avoir ventilé énergi- 
quement par une série d’insufflations : l'apnée qui se pro- 
duisait alors était une apnée mixte, due en partie à une 
oxygénation exagérée du sang, en partie à la distension 
physique du poumon. Dans les deux cas, que l'arrét en 
expiration soit actif ou passif, les narines prennent pen- 
dant toute sa durée la position de l'expiration , elles res- 
tent fermées. Aprés la section des pneumogastriques , on 
n'obtient plus l'arrét respiratoire par la distension pulmo- 
naire. 

Rosenbach, qui a observé également la contraction des 
muscles abdominaux pendant l'apnée par distension, con- 
sidére cette contraction comme un phénoméne tout à fait 
accessoire ct local, dû à une action directe de la disten- 
sion thoracique et abdominale sur les muscles de la paroi 


( 498 ) 

abdominale. Je crois que c'est là une erreur : pour moi la 
contraction des muscles abdominaux rentre bien ici dans 
le rhythme des mouvements respiratoires, elle fait partie de 
la phase d'expiration. En effet la suppression de la voie 
par laquelle le centre des mouvements respiratoires com- 
mande à ces muscles , supprime leur contraction : j'ai pra- 
tiqué la section de la moelle épinière à la région dorsale et 
je n'ai plus observé leur contraction, quoique les parois 
abdominales se laissassent distendre comme auparavant à 
chaque insufflation. 

Cette expérience de Breuer et d'autres analogues sem- 
blent donc bien établir qu'à côté des fibres centripètes 
inspiratoires admises par la plupart des physiologistes, le 
pneumogastrique en contient également qui ont un effet 
opposé, qui suspendent l'inspiration et provoquent l'expi- 
ration (passive ou active). Ces fibres proviendraient du 
poumon ou de la plévre et seraient excitées, entreraient 
en action dés que la distension mécanique du parenchyme 
pulmonaire atteint une certaine limite. Chez un animal à 
pneumogastriques intacts, toute inspiration doit donc fata- 
lement s'arréter d'elle-même à un niveau déterminé : ces 
fibres d'arrét ne fonctionnant plus lorsque les pneumogas- 
triques sont coupés, on comprend que les inspirations 
soient plus profondes, aillent pour ainsi dire jusqu'au bout 
chez les animaux qui ont subi cette opération. 

Voyons ce qui arrive lorsqu'on essaye de mettre en évi- 
dence l’action de ces deux ordres de fibres les unes inspi- 
ratoires, les autres expiratoires dans le tronc du pneu- 
mogastrique. L'expérience a certainement été tentée des 
centaines de fois. Un trés-grand nombre de physiologistes 
se sont occupés de l'influence qu'exerce l'excitation artifi- 
cielle du bout central du pueumogastrique sur le centre 
des mouvements respiratoires. Malheureusement, les résul- 


( 429 ) 
tatsauxquels ils arrivent sont extrémement contradictoires. 
Je n'ai pas l'intention de refaire ici l'historique de cette 
question qu'on trouvera exposée tout au long dans les 
mémoires de Rosenthal et de Rosenbach. 

Le plus grand nombre des expérimentateurs admettent 
avec Traube et Rosenthal que l'excitation du bout central 
faite dans des conditions convenables ne peut qu'exagérer 
les mouvements d'inspiration , augmenter leur nombre si 
l'excitation est faible, produire un véritable tétanos de 
l'inspiration si l’excitation est forte. Les expirations que 
l'on obtient parfois par l'excitation électrique du bout cen- 
tral du pneumogastrique doivent, d'aprés eux, étre attri- 
buées à des dérivations du courant éleetrique, allant 
atteindre, par exemple, le nerf laryngé supérieur dont 
l'excitation provoquerait l'expiration (1). 


(1) Traube. € der Krankheiten des Respirations u. — 
tions apparates, p. 

Tra KS Medicin. ps des Vereins für Heilkunde in Preussen, 1847, 
n5, p 

SHE V H. Müller. Würzb. Verh., 1854, V 

Snellen. Onderzoekingen gedaan in het vittae Laboratorium der 
Utrechtsche Hoogeschool. Jaar VII. Utrecht, 1854-1855, p. 121. 

Claude Bernard. Lecons sur la physiologie et la iden du systéme 
nerveux, lI, p. 582. 

Ha nke. ed 9* Aufl., LH, p. 528. 

chiff. Leh h, 1, p. 412. 
Gibchri, PR british and foreign medico-chirurgical Review, 1858, 


Lindner. De TOR vagorum in respirationem eflicacitate. Diss. 
inaug. Berol., 

ehh nous de nervi vagi in respirationem vi et effectu. 
Diss. inaug. Dorpati, 1858 

A. Waller et J.-L. papers Étude... de la déglutition. Archives de 
physiologie, 1870, pp. 1 : 

Rosenthal. Die ana ni Berlin , 1862, 


( 450 ) 

-Cette opinion était assez généralement admise il n'y a 
pas longtemps : elle est encore enseignée dans la plupart 
des traités classiques de physiologie (1). 

D'autres physiologistes ont obtenu tantót une augmen- 
tation du nombre des mouvements respiratoires, tantót 
un tétanos inspiratoire, tantôt, au contraire, un arrêt en 
expiration, suivant la force du courant employé et quel- 
ques autres circonstances accessoires. L'excitation de tout 
autre nerf sensible pourrait produire la méme variété 
d'effets (2). 

. Enfin pour le plus petit nombre, le pneumogastrique 
ne contiendrait que des fibres expiratoires (3). 

Dans une question aussi controversée, il ne me restait 

qu'à répéter les expériences un grand nombre de fois en 


1) Rosenthal s'est depui : que 1 Ex donis 
vent des fibres centripétes expiratoires (Bemerkungen, etc., über die 
Athembewegungen. Erlangen, 1875). 

(2) v. Helmolt. Ueber die reflectorischen Beziehungen des Nervus vagus 
zu den motorischen Nerven der Athemmuskeln. Inauguraldiss. Giessen, 
1856 


Aubert. Moleschott's Untersuch. 1857. III, p. 272. 

Tschishwitz. Nervis vagis irritatis diaph a num in inspiratione an 
in exspiratione sistitur ? Diss. inaugur. Vratislaviae, 1857. 

Burkart. Pflüger’s Archiv. Bd. I, p. 107. 

Paul Bert. Des effets de l'excitation du nerf pneumogastrique, du nerf 
laryngué supérieur et du nerf nasal sur la respiration. Archives de phy- 
siologie, 1869, pp. 179-522. 

Burkart. Studien über die automatische Thätigkeit des Athemcen- 
trums. Pflüger's Archiv, p. 427, XVI. 

(3) Budge. Comptes rendus, 1854, XXXIX, p. 749. 

Owsjanikow. Virchow's Archiv., 1860, XVIII, p. 572. 

Eckard. 


Rosenbach. Studien über den Nervus vagus. 

Rosenbach, dans une Note publiée ultérieurement dans les Archives de 
Pflüger, p. 502, XVI, a reconnu qu'il avait été induit en erreur, et s'est 
rallié aux idées de Rosenthal et de Traube sur ce point spécial. 


( 431 ) 
m'entourant de toutes les précautions, et surtout sans 
parti pris, c'est-à-dire en cherchant à me désintéresser 
autant que possible du résultat que j'allais obtenir. 

Voici comment je dispose l'expérience. 

Pour exciter électriquement le pneumogastrique j'em- 
ploie une pile Grenet et le chariot de Du Bois-Reymond. 
Dans le circuit primaire (celui qui va de la pile au chariot, 
Jintereale une clef de Du Bois et un signal électrique 
Depréz qui par ses vibrations inscrit sur le cylindre en- 
registreur la durée du passage du courant électrique. Le 
nerf repose sur deux lames de platine supportées par une 
plaque de verre et reliées à la bobine secondaire (induite) 
du chariot. 

Les électrodes et la plaque ne touchent pas l'animal : 
le bout coupé du nerf offre donc entre la plaque et le corps 
de l'animal une portion suspendue en l'air, formant pont. 
Dés qu'on actionne la clef, le courant passe et le signal 
électrique inscrit ses vibrations tant que dure l'excitation 
du nerf. J'enregistre à cóté les mouvements respiratoires. 
La méthode la plus parfaite de représenter ces mouve- 
ments dans le cas qui nous occupe, c'est, je crois, d'indi- 
quer leur effet utile, c'est-à-dire les quantités relatives d'air 
qui entrent et qui sortent à chaque mouvement. 

Si l'animal respire par une canule en rapport avec une 
atmosphére confinée, il suffira d'inscrire les variations de 
pression que subit cette atmosphère pour pouvoir en dé- 
duire les volumes relatifs d'air qui entrent et qui sortent 
à chaque excursion de la poitrine de l'animal. L'air que 
l'animal respire est renfermé dans une grande bouteille 
(4 à 12 litres de capacité) bien bouchée à l'aide d'un bou- 
chon de caouctchouc. Deux tubes de verre coudés traver- 
sent le bouchon, l'un est relié par un caoutchouc trés- 


( 432 ) 
court à la canule trachéale de l'animal, l'autre transmet 
à distance par un tube de caoutchouc les variations de 
pression de la bouteille et par conséquent la respiration 
de l'animal, à un tambour enregistreur de Marey. Le style 
écrivant du tambour et celui du signal Deprèz tracent leur 
courbe en regard l'une de l'autre. 

Tout mouvement d'inspiration va raréfier l'air de l'ap- 
pareil, déprimer la membrane du tambour enregistreur, 
rapprocher la plume écrivante de l'abscisse, tout mouve- 
ment d'expiration aura un effet inverse, gonflera la mem- 
brane du tambour et élévera la plume (1). 

Les choses étant ainsi disposées , les pneumogastriques 
étant coupés, le bout central de l'un d'eux reposant sur 
les électrodes, fermons la clef; en employant un courant 
d'intensité moyenne, nous obtiendrons généralement l'ef- 
fet indiqué par Rosenthal, c'est-à-dire un effet inspiratiore: 
tétanos inspiraloire ou série de contractions du dia- 
phragme dans l'intervalle desquelles cette cloison mus- 
culaire ne se relâche pas complétement. On peut observer 
tous ces intermédiaires entre ces tétanos et une simple 
accélération de la respiration. La question a été trop bien 
étudiée par d'autre pour que je m'y arréte ici longuement. 
Je me borne à donner un tracé de ce genre comme terme 
de comparaison avec ceux qui vont suivre. Dans la fig. 6, 
on trouve de A en B un tracé normal de la respiration ; de 
B en C excitation d'un pneumogastrique par un courant 
d'intensité moyenne produisant une série de petites inspi- 


(1) Ce mode d'inscription des mouvements respiratoires est indiqué 
par Beaunis (Traité de physiologie), comme ayant été imaginé par Bert. 
ll faut renouveler l'air de la bouteille pour peu que l'expérience se pro- 
longe. 


ra ( 453 ) 

rations se succédant si rapidement que le thorax ne peut 
prendre la position d'expiration dans l'intervalle. De C en 
D on cesse l'excitation, l'animal reprend sa respiration, 
mais l'excitation du pneumogastrique a laissé une légére 
tendance à la prédominance du type inspiratoire. 

D'autrefois j'obtiens un effet tout opposé, un arrét res- 
piratoire en expiration. Chez certains animaux, en faisant 
varier la force du courant, je produis tantót un arrét en 
expiration, tantót un tétanos inspiratoire, et cela que les 
sujets soient anesthésiés ou non. Ces expériences ont été 
faites sur des lapins, des cobayes, un chien et un chat. 
Chez le chat l'excitation du pneumogastrique a toujours 
provoqué un arrét en expiration, jamais d'inspiration. 


Fig. 6. Effet ordinaire de l'excitation électrique du } J 
Prédominance du type inspiratoire. 


Au lieu de l'excitation électrique, j'ai fréquemment 
employé des excitants de nature physique ou chimique : 
sections brusques, répétées, froissement du nerf entre les 
mors d'une pince, contact avec une solution saturée de 
NaCl, etc. Ces moyens produisent des effets du méme 
ordre que l'électricité. 

Nous sommes donc amenés de nouveau à cette conclu- 
sion que si la majeure partie des fibres centripétes respi- 
ratoires du pneumogastrique se rendent à un centre 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 28 


| (4M) | 
d'inspiration, il en est ‘d’autres dont l'excitation produit 
un effet tout opposé, agit sur un centre d'expiration. 

Il est impossible de séparer anatomiquement ces deux 
ordres de fibres. Les effets de cette dissection que le 
scalpel est impuissant à réaliser, on peut les obtenir au 
moyen de substances toxiques dont l'action se localise sur 
l'un de ces faisceaux de fibres. J'ai rencontré une sub- 
stance, l'hydrate de chloral, qui précisément a pour effet 
(chez le lapin) de diminuer l'action des fibres inspiratrices 
du pneumogastrique, ou plutót sans doute de déprimer 
l'excitabilité du centre auquel aboutissent ces fibres (1). 

Le chloral supprimant l’action des fibres inspiratoires, 
celle des fibres expiratoires devient prédominante. Chez 
un animal empoisonné par le chloral, on n'observe plus 
cette diversité d'effets à la suite de l'excitation du bout 
central du pneumogastrique coupé. Toute excitation du 
nerf faite dans ces conditions a pour effet de suspendre les 
mouvements respiratoires, de produire un arrét en expi- 
ration. Il faut pour cela une action profonde du chloral, 
l'animal doit étre non anesthésié, mais réellement empoi- 


sonné (2). Une injection de 2 à 5 grammes de chloral 


(4) On sait depuis plusieurs années que le chloral a pour effet de faire 
baisser le nombre des mouvements respiratoires (Liebreich, Rajewsky, 
M: Rae, Rokitansky, v. Mering). 

(2) Burkart (Pfiüger's Archiv XVI, p. 481) attribue au chloral une ac- 
tion toute différente. Les animaux chloralisés n'offraient plus dans ses 
expériences que des fibres inspiratrices dans le pneumogastrique 

« Sobald durch Morphium oder Chloralhydrat eine tiefe Hirn-Narkose 
^ be dem Versuchsthier eingeleitet ist, bedingt die Reizung des centralen 
» Vagusstumpfes unterhalb des Abganges des Nervus laryngeus sup. nur 
» mehr inspiratorische Erscheinungen. » Il en conclut que les fibres expi- 
ratrices contenues dans le tronc du pneumogastrique cervical n'agissent 
sur le nœud vital que par l'intermédiaire des hémisphères cérébraux. La 


( 455 ) 

(dissous dans trois ou quatre fois son poids d'eau) dans le 
péritoine chez un lapin de taille moyenne permet en gé- 
néral d'arriver à ce stade oü la respiration se ralentit ex- 
traordinairement, et où la mort est imminente. C'est dans 
les quelques minutes qui précédent le dernier mouvement 
respiratoire de l'animal qu'on obtient des résultats abso- 
lument constants. Toute excitation méeanique, chimique 
ou électrique arrête la respiration en expiration; celle-ci 
reprend dès que l'on suspend l'application de l’excitant, 

La fig. 7 en montre un exemple que l'on fera bien de 
comparer avec le résultat indiqué dans la fig. 6. De A en B 
respiration normale très-ralentie, de B en C excitation 
électrique d'un pneumogastrique, arrét en expiration ; en 
C on cesse l'excitation, la respiration reprend immédiate- 
ment; en D nouvel arrét respiratoire par excitation dü 
pneumogastrique. On remarquera que la première inspi- 
ration qui suit chaque arrét respiratoire a une durée plus 
forte que les autres. 


LI 
inus prd 


Fig. 7. Lapi j ; par le chloral. Effets de l'excitation d'un pneumogastrique. 
rét en expiration 


contradiction qui existe entre les expériences de Burkart et les miennes 
s'explique en partie au moins par les conditions différentes dans lesquelles 
elles ont été instituées. Burkart, tenant à conserver l'animal en vie pendant 
l'expérience, ne lui injectait qu'une faible dose de chloral. 

Dans mes expériences, il s'agit toujours d'un empoisonnement par le 
chloral se terminant par la mort. Les résultats de mes expériences sont 
en contradiction flagrante avec la conclusion que Burkart tire des siennes, 


( 456 ) 

Les résultats obtenus de cette facon présentent un tel 
degré de constance, que l'on peut, en ouvrant et en fer- 
mant la clef intercalée dans le circuit électrique, modifier 
à son gré le rhythme respiratoire de l'animal. La fig. 8 est 
empruntée à une expérience ou pendant une minute 
entière on a produit alternativement une expiration 
longue, une brève, une longue, etc., à l'aide de cette ma- 
nœuvre de la clef électrique. 

Si le début de l'excitation correspond à la phase expi- 
ratoire de l'animal, celle-ci se prolonge pendant toute la 
durée de l'excitation. On peut ainsi suspendre la respira- 
tion pendant plus d'une minute. Si l'on prolonge trop 
longtemps l'excitation, l'animal ne se remet plus à res- 


€] 


TTE 7 OMBRE RUNE — —'Wamamunnmmu - ——— ——  —omuu 


Fig. 8. Lapin empoisonné par le chloral. Rhythme respiratoire modifié par des 
excitations fréquentes du pneumogastrique. 


pirer, on paralyse complétement son centre inspiratoire, il 
est mort. La ligne horizontale de l'expiration se continue 
alors avec celle de la mort, ce qui prouve que dans ce cas 
au moins il s'agit d'une expiration passive, c'est-à-dire 


ALU LITTLE Lx 


Fig. 9. Lapin chloralisé. Effets de l'excitation électrique d'un pneumogastrique 
survenant au moment d'une inspiration I. 


( 457 ) 
d'une simple action d'arrét sur le centre inspiratoire (voir 
la planche I, dernier tracé). Si le début de l'excitation cor- 
respond à l'inspiration, l'animal ne s'arréte pas en route, il 
compléte cette inspiration, mais en l'abrégeant comme le 
montre la fig. 9. 

Les petites ondulations (1) qui se voient sur la courbe de 
l'arrét respiratoire correspondent aux pulsations cardia- | 
ques. Tous ces faits et d'autres peut-étre qui m'échappent 
se volent beaucoup mieux encore sur les graphiques de la 
planche I. 

Le pneumogastrique semble donc contenir deux ordres 
de fibres respiratoires centripétes : des fibres inspiratoires 
el expiratoires. Ces fibres nerveuses sont probablement 
des conducteurs indifférents, ne différant entre elles que 
par leur point d'arrivée, parce qu'elles aboutissent à des 
groupes distincts de cellules nerveuses de la moelle al- 
longée; et le chloral agit sans doute non sur des fibres 
inspiratrices, mais seulement sur les cellules nerveuses 
auxquelles ces fibres se rendent. Nous sommes ainsi 
amenés à considérer dans la moelle allongée un centre 
inspiratoire et un centre expiratoire, le chloral agissant 
pour paralyser le premier. Le chloral à haute dose a pour 
effet de ralentir extrêmement les mouvements respira- 
toires qui peu à peu cessent complétement, bien avant que 
le cœur ait suspendu ses battements. Le tracé suivant en 
est un exemple. Il représente la pression dans la trachée 
d'un lapin empoisonné par le chloral, environ une minute 


(1) Le graveur a négligé de reproduire ces ondulations dans la plupart 
des graphiques. Elles ont été indiquées, mais peu exactement, dans la 
figure 5. 


( 438 ) 
aprés le dernier mouvement respiratoire. Les petites ondu- 
lations correspondent aux pulsations du cœur. 


LT I t a a a a a 


ns 10. Lapin empoisonné par le chloral. Pression dans la trachée. Persistance des 
pulsations cardiaques alors que la respiration a cessé 


Dans les circonstances ordinaires, l'expiration est abso- 
lument passive, due uniquement à l'élasticité du thorax et 
des viscéres abdominaux; l'expiration n'est en général que 
la suspension de l'inspiration. Aussi le centre expiratoire 
a d'ordinaire un rôle absolument passif vis-à-vis du sys- 
téme nerveux périphérique centrifuge. Son action normale. 
parait done étre une action d'arrét à l'égard du centre 
inspiratoire (1). 

Ce n'est que dans des circonstances spéciales (vénosité 
exagérée du sang, dyspnée) que ce centre élargit son cer- 
cle d'action, et met en jeu les fibres nerveuses motrices 
qui vont aux muscles expirateurs. L'expiration devient 
alors active. 

J'ajuterai que j'ai essayé d’exciter les fibres respira- 
toires centripètes du pneumogastrique, par l'introductiori 
de substances irritantes (alcool) dans la cavité pleurale. Je 
n'ai pas obtenu de résultats dignes d'étre notés. 


(1) Voir : Rosenbach, loc. cit., p. 76. 


Bulletins, 2** Sere. t XLVII p.439. 


( 439 ) 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


—— 


Graphique de la respiration chez un lapin empoisonné par le chloral 
More les sept minutes qui ont précédé la mort. L'animal respire dans 
atmosphère confinée dont on inscrit les variations de pression. Les 
BR RARI ont été coupés, on excite le bout central du pneumo- 
astrique droit par une série de chocs d'induction (chariot de Du Bois) 
d'intensité moyenne, dont le signal électrique donne un graphique picis 
inférieur de chaque ligne). Arrêts respiratoires en expiration. À la su 
du dernier arrét respiratoire, l'animal fait une seule inspiration super- 
ficielle, puis cesse de respirer et meurt. (Ligne VII, D.) 

Le tracé se lit de gauche à droite et de bas en haut. Chaque ligne repré- 
sente une durée d'une minute environ, elles se suivent avec quelques 
secondes d'interruption seulement 

La distance qui sépare les deux styles écrivants ayant varié un peu 
pendant l'expérience, le graphique du signal électrique ne saurait servir 
d’abscisse que pour chaque ligne prise isolément. 

I, 11, IH.. .. 1re, 2me, 57v..... minute. 

Tracé I. — Ins. Inspiration. 

Ex. Expiratio 

de A en B Excitation du pneumogastrique droit. 

A. Ex. Arrêt en expiration 

I. P. posite prolongée 

A’ B’. Excitation du i pneum en À’ inspiration coupée. 
Tracé III. I. C. bin co 
Traeé VII. en C. Excitation id mer à, jusqu’en 

D. Dernière inspiration, puis l’animal cesse de respirer. 

On remarque de I en VII une diminution graduelle de l'amplitude des 
mouvements respiratoires (à mesure que l'empoisonnement fait des 


— M. Maus, président de la Commission des paraton- 
nerres, annonce que, dans sa séance du 22 mars dernier, 


( 440 ) 
la Commission, à l'unanimité de ses membres moins une 
voix, celle de M. Duprez, a pris la résolution suivante, au 
sujet de différentes communications dont M. Melsens l’a 
saisie, relativement à son nouveau systéme de paraton- 
nerres : 


« La Commission estime que le paratonnerre du sys- 
» téme de M. Melsens peut étre adopté concurremment 
» avec les paratonnerres construits conformément aux 
» instruclions en vigueur. » 


Cette délibération sera transmise au Gouvernement et 
aux administrations qui ont consulté l'Académie à ce sujet. 


( 4H ) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du 7 avril 1879. 


M. LrcLERCQ , directeur, président de l'Académie. 
M. LiaGnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, 
P. De Decker, Ch. Faider,le baron Kervyn de Lettenhove, 
R. Chalon, J.-J. Thonissen, Th. Juste, Alph. Wauters, 
H. Conscience, Ém. de Laveleye, Alph. Le Roy, Ém. de 
Borchgrave, A. Wagener, J.-F.-J. Heremans, Edm. Poullet, 
F. Tielemans, G. Rolin-Jaequemyns, membres; J. Nolet 
de Brauwere Van Steeland, Aug. Scheler et Arntz, asso- 
ciés; F. Loise, Stan. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin, 
J. Stecher et Eug. Van Bemmel, correspondants. 

MM. Éd. Mailly, membre de la Classe des sciences; 
L. Alvin et J. Franck, membres de la Classe des beaux-arts, 
assistent à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur adresse: 

1* Une expédition d'un arrété royal en date du 6 juin 
1875 qui, par dérogation aux arrêtés antérieurs sur la ma- 
tiére, permet d'admettre au concours pour les divers prix 


( 442 ) 
quinquennaux les ouvrages écrits en langue néerlandaise 
par des auteurs belges , et imprimés en Néerlande; 

2 Un exemplaire des ouvrages suivants pour la biblio- 
thèque de l'Académie : Le directeur Montaque , par Domi- 
nique Keiffer, volume in-12, et Indices, par Ch. Michel, du 
livre : Avesta, traduit par C. de Harlez, broch. in-8*; 

5° De la part de M. Léopold de Beckh-Widmanstetter, 
capitaine au 47* régiment d'infanterie, général de Hartung, 
à Trente en Tyrol, un exemplaire de son livre, en alle- 
mand, sur les tombeaux de l'ancienne noblesse de Styrie et 
de la Carinthie, vol. in-8°. 

Des remerciments sont votés pour ce don, ainsi que pour 
les ouvrages suivants dont il est fait également hommage 
à la Classe : 

4° Oud-Martelaren op Westvlaamsche pijnbank her- 
marteld; par M. J. Nolet de Brauwere van Steeland (as- 
socié), 1879; br. in-8° ; 

2 Ypriana. Notices, études, notes et documents sur 
Ypres ; tome second, par M. Alphonse Vandenpeereboom. 
Bruges, 1879; vol. in-8° (présenté par M. Faider) ; 

9^ La politique; par M. Bluntschli, associé (traduit de 
l'allemand et précédé d'une préface par M. Armand de 
Riedmatten), 1879; vol. in-8°; 

4? La Souabe aprés la paix de Bále; par M. G.-G. Vreede 
(associé), 1879; vol. in-8° ; 

5° Pensieri sul progetto di codice penale italiano; 
del F. Carrara (associé), 1879; vol. in-8°, 3° édit. (pré- 
senté par M. Nypels); 

6° Les moyens de remédier à Anvers (1566); par P. Gé- 
nard ; 1879, br. in-8^; 

7^ Intorno ad alcuni sepolcri scavati nel? arsenale 
militare di Bologna; osservazioni del conte senatore Gio- 
vanni Gozzadini, 1875; br. in-8°; 


( 443 ) 
8° Di un antico sepoléro a Ceretolo nel Bolognese ; 
esposizione, par le méme, 1879; br. in-8°. 


— M. Thimoléon Philimon, éphore de la Chambre des 
députés à Athénes, remercie l'Académie d'avoir bien voulu 
accorder l'envoi de ses sais à la bibliothèque de la 
Chambre hellénique. 

La Société littéraire et philosophique de TUN 
remercie pour le dernier envoi des publications de 
l'Académie. 


— L'Académie Mont-Réal, à Toulouse, fait savoir que 
son troisième grand concours poétique et de prose sera 
ouvert pour la France, l'Angleterre, la Belgique, l'Espa- 
gne, l'Italie, la Suisse et la Turquie, à dater du 4°% mai 
1879. 

En vertu de son programme exclusivement progressif 
et humanitaire, le conseil supérieur de l'Académie impose 
comme sujet l’Éloge des bienfaiteurs de l'humanité. 


— La Classe renvoie à l'examen de MM. le baron de 
Witte et Wagener une Notice manuscrite de M. L. Gales- 
loot, chef de section aux Archives du royaume, et inti- 
tulée : Découverte d'une tombe de l'époque romaine à 
Lovenjoul, prés de Louvain. — Un mot sur les vestiges 
d'une villa de cette époque à Laeken: 


— M. Ch. Rahlenbeek, ancien consul de Saxe, adresse 
pour la bibliothéque de l'Académie un manuscrit qu'il a 
rédigé, en 1851, en réponse à la question suivante, mise 
au concours à cette époque : 


Quelles ont été jusqu'à l'avénement de Charles-Quint les 


( 444 ) 
relations politiques et commerciales des Belges avec l'An- 
gleterre? 


M. Rahlenbeek ajoute dans sa lettre d'envoi que: « ce 
qui le décide à offrir aujourd'hui ce manuscrit à l'Aca- 
démie, c'est que les questions commerciales et indus- 
trielles sont plus que jamais à l'ordre du jour. » 

Des remerciments sont votés pour ce don. 


RAPPORTS. 


Une énigme littéraire. — Quel est l'auteur de Li ars 
d'amour, de verlu et de boneurté? par M. Ch. Potvin, 
correspondant de l'Académie. 


Rapport de M. le baron Kervyn», 


« La Classe a bien voulu renvoyer à mon examen un 
mémoire de M. Potvin sur : Li ars d'amour, de vertu et 
de boneurté. 

C'est à M. Jules Petit que nous devons une excellente 
édition de ce livre si intéressant et si instructif, et rien ne 
peut lui enlever l'honneur d'avoir retrouvé le nom de Jean 
d'Arckel dans l'engin joint aux manuscrits. 

Que d'autres parties de cet engin restent obscures et 
puissent donner lieu à des interprétations nouvelles et à 
des conjectures diverses, cela est incontestable. 

L'engin comprend deux parties distinctes. Il faut cher- 
cher dans la premiére le nom de celui à qui le volume est 
offert, pour qui est fait, dans la seconde, le nom de celui 
qui le composa, ki le fist. 


(45) 

L'auteur de l'engin, après avoir annoncé qu'il faut cher- 
cher les noms à reculons, donne dans la seconde partie, 
toujours en retournant les mots : Ekeve Tertu ou évêque 
d'Utrecht. 

Cet évéque d'Utrecht, dont le prénom n'est pas moins 
nettement indiqué dans l'engin, est Jean d'Arckel , évêque 
d'Utrecht de 1342 à 1364, puis évêque de Liége de 1364 à 
1578. En effet, plusieurs auteurs disent de lui qu'il com- 
posa de grands ouvrages et qu'il excella dans les lettres 
francaises. 

A qui ce livre fut-il offert? Rien ne me parait affaiblir 
l'attribution faite par M. Petit à Jean Le Bel qui, comme 
chanoine de Liége, put contribuer à la translation de 
l'évéque d'Utrecht au siége de Liége et que devait rap- 
procher de Jean d'Arckel le lien étroit des dignités ecclé- 
siastiques alliées au goût des lettres. Il est à remarquer 
qu'ils eurent pour ami commun le sire de Beaumont. 

Faut-il substituer à l'un de ces noms celui d'un Jean de 
Saint-Venant à peu prés inconnu dans les fastes de la che- 
valerie, complétement inconnu dans l'histoire des lettres? 
Le silence absolu des contemporains ne présente-t-il point 
la première réfutation de cette assertion? Est-il bien 
sérieux de vouloir, précisément dans les vers oü l'on recom- 
mande de retrancher le chief, c’est-à-dire la première lettre 
du mot : sein, la maintenir au contraire, pour aller effacer 
une autre lettre cinq mots plus haut? Et dans quel but? 
Afin de retrouver : venant dans le mot : avenant placé, 
je lai déjà dit, dans un vers antérieur à celui où nous lisons 
le mot : sein. Et pour compléter cette conjecture il faut 
donner au mot sein, mis ici pour saint selon M. Potvin, 
une orthographe qu’il n’a jamais eue, si ce n’est en Angle- 
terre. Et comment justifier cette explication dans un engin 


( 446 ) 
oü l'on nous avertit que, si nous voulons retrouver de 
noms, nous devons les chercher à reculons? 

M. Potvin ne sait lui-méme quel serait ce Jean de Saint- 
Venant. Il cite un seigneur de ce nom mort en 1383. Ail- 
leurs, il croit découvrir une allusion historique à des 
événements arrivés, selon lui, en 1568, mais qui, à notre 
avis, appartiennent à une époque antérieure. En effet, 
l’œuvre, portant le nom de Jean , évêque d'Utrecht et non 
évéque de Liége, doit par cela méme étre antérieure 
à 1564. C'est ce que démontre aussi l'antiquité des manu- 
serits. M. Potvin semble ne pas s'en être préoccupé. 
« Aucun des manuscrits, dit-il, ne remonte au séjour de 
» Jean d’Arckel à Utrecht. » Le contraire sera démontré 
lorsque M. Potvin entreprendra un travail paléographique 
qui eüt dà former la premiére base de cette discussion. 

En résumé, le mémoire de M. Potvin oü abondent des 
affirmations trop absolues sans preuves sérieuses, ne me 
parait point de nature à répandre de nouvelles lumières 
sur notre histoire littéraire au moyen âge; et si quelque 
responsabilité s'attache à l'opinion des commissaires en ce 
qui touche l'insertion dans les Mémoires de l'Académie, 
Je ne puis l'accepter, et je désire, en m'abstenant de toute 
proposition à ce sujet, m'en référer à l'avis de mes honora- 
bles confréres que la Classe a bien voulu m'adjoindre dans 
l'examen de ce mémoire. » 


Rapport de M. Bormans. 


« Dans sa notice intitulée : Une énigme littéraire, quel 
est l'auteur de Li ARS D'AMOUR, DE VERTU ET DE BONEURTÉ, 
notre honorable confrére, M. Potvin, veut expliquer qua- 
torze vers francais sous lesquels l'auteur de ce curieux 


( 447 ) 

ouvrage de philosophie morale du XIV" siècle, a voilé tout 
à la fois et son nom et celui de la personne pour laquelle 
il a écrit son livre. M. Jules Petit, de la Bibliothèque 
royale, avait déjà proposé une solution de ce probléme; 
mais M. Potvin ne s'en déclare pas satisfait, de méme que 
M. Petit avait, de son cóté, rejeté une autre interprétation 
formulée antérieurement par M. Paulin Paris. Si trois 
esprits aussi distingués n'ont pu trouver le mot de l'énigme, 
on peut déjà en conclure qu'il n'est pas aisé à découvrir. 
Et en effet, aux obstacles que l'écrivain s'est plu mali- 
gnement à accumuler, est venu s'en joindre un autre sur 
lequel il n'avait certes pas compté, je veux dire l'interpré- 
tation d'un texte ancien : on concoit que ses vers, déjà 
obscurs pour des contemporains, le soient devenus bien 
davantage pour nous qui ne sommes pas familiarisés avec 
le langage du XIV: siècle. 

Il importe d'abord — et tout le monde en conviendra — 
de bien établir la ponctuation des phrases et de fixer le 
sens des mots. Ce n'est qu'après être tombé d'accord, si 
C'est possible, sur ces points capitaux, que l'on pourra se 
livrer avec quelque chance de succès à l'étude de l'engin 
méme. 

Tâchons donc de traduire exactement, et sans nous 
préoccuper du mystère qu'ils renferment, les quatorze vers 
en question, placés par l'auteur à la fin du premier cha- 
pitre de son traité. « Pour qui ce livre est fait et qui le fit, 
l’auteur nous le révèle en ces vers. Vous pourrez très- 
bien découvrir Les Nos, si vous faites attention que, pour 
augmenter la difficulté, il a mis la signature (le sein) à 
rebours. Essayez, je vous prie, car cela m'est agréable (il 
m'est bel). Vous obtiendrez aisément (avenant pour ave- 
namment) LE SURNOM, en l'ajoutant à la signature, aprés 


( 448 ) 
en avoir retranché la téte. Si vous savez traduire en fla- 
mand le mot dire, vous aurez LES Noms en français. Et si 
vous voulez connaitre LE sURNOM, joignez au contraire 
d'amour, en les retournant,les mots ekeve et tertu. Et 
maintenant, exercez-vous. » 

Dans quel sens précis le mot sein, qui figure deux fois 
dans ce passage, doit-il étre pris? « Le sein, dit l'éditeur de 
Li ars d'amour, c'est la forme écrite du nom. » Voilà une 
explication qui peut paraitre bien subtile. Mais soit. A quel 
nom l'auteur fait-il allusion? Est-ce au sien propre ou à 
celui de son ami? À ce dernier, répond M. Petit. Il serait 
difficile de justifier cette maniére de voir: rien n'autorise à 
croire que le mot bel répond au mot sein plutôt qu'à tout 
autre, à celui d'ekeve, par exemple. C'est tout au plus s'il 
en pourrait être ainsi dans le cas où l’auteur, jouant sur 
les mots, aurait mis car il est bel, ce qu'il pouvait dire sans 
altérer la mesure du vers , et avec d'autant plus de raison 
que jusqu'ici il s’est exprimé à la troisième personne. N'est- 
il pas beaucoup plus rationnel de prendre le mot sein, syno- 
nyme de seing (signum), dans le sens ordinaire de signa- 
ture? Il semble, en effet, que ce n'est pas sans motif que 
l'auteur parle deux fois des noms, deux fois du prénom, et 
deux fois du sein, et qu'il veut établir entre ces mots une 
distinction bien marquée. Ce doit étre aussi avec intention 
qu'il a répété, tout à la fin de son livre, comme une véri- 
table signature, les deux derniers vers, plus courts que les 
autres, et dans lesquels on trouve deux mots positivement 
écrits à rebours. M. Potvin a fait cette derniére remarque, 
mais, comme nous allons le voir,i 1 n'est pas resté fidèle à 
son système. 

Selon M. Petit, les mots il mest bel cachent, sous un 
double sens, le nom de la personne pour laquelle le livre 


( 449 ) 
fut fait. Bel est le sein, « la forme écrite du nom » qu'il 
faut lire à rebours, ce qui lui donne leb; puis, se confor- 
mantaux instructions contenues dans les deux vers suivants, 
il ajoute le résultat obtenu à ce nom méme,et il obtient Le 
Bel. Cette déduction,il faut en convenir, est extrémement 
ingénieuse; elle l'est méme tellement, que si ce n'est pas 
là le véritable secret de l'engin, les recherches de M. Petit 
l'ont conduit à une découverte vraiment extraordinaire; en 
effet, les éléments dont elle découle concordent si bien 
avec les exigences du probléme, que l'on attribuerait diffi- 
cilement au hasard un pareil concours de circonstances, et 
que, si ce n'était réellement pas la combinaison préparée 
par l'auteur, on pourrait presque affirmer que jamais le 
chercheur n'aurait pu la trouver. Cependant M. Potvin ne 
l'admet pas. Pour lui, les six premiers vers ne font pas partie 
de l'engin : c'est un simple préambule. Pour lui encore, le 
surnom, au vers sept, ne peut signifier le complément du 
nom ; le surnom est tout bonnement ce que l'on ajoute au 
nom propre de quelqu'un. C'est parfaitement exact; mais, 
à la rigueur, cette observation pourrait tourner à l'avan- 
tage de M. Petit, car on sait que des Canges élait le nom 
patronymique du maitre de Froissart, et que le Bel ou le 
Beal n'était qu'un surnom. Un point plus sérieusement em- 
barrassant pour le systéme de M. Petit, est l'article qui pré- 
cède ajoustés. Que faut-il ajouter à sein? Grammaticale- 
ment, c'est le surnom ; or, comment l'ajouter, puisqu'on 
ne le connait pas, puisque précisément c'est lui que l'on 
cherche? Supposons que ce soit bel, et, pour rendre le 
texte plus clair, placons une virgule aprés ferés, deux 
points aprés bel. En mettant la phrase à la question, on 
pourra lui faire dire ceci : Vous connaitrez le surnom (de 
mon ami) en joignant à la partie déjà connue de son nom, 
Qme SÉRIE, TOME XLVII. 99 


( 450 ) 

cette méme partie dont vous aurez retranché la pre- 
mière lettre. A la rigueur la construction est correcte, et 
M. Potvin a tort de critiquer l'expression à sein, prise pour 
au sein, qui est trés-justifiable. Mais ce que l'on admettra 
plus difficilement, c’est la pensée qui est aussi mise à la 
torture et qui se perd dans une sorte de tautologie insai- 
sissable. 

Il faut bien l'avouer: la démonstration de M. Petit 
n'entraine pas la conviction du lecteur. Voyons si celle de 
M. Potvin nous contentera. Pour lui, le nom du person- 
nage pour lequel le livre a été composé est avenant, moins 
la première lettre du motetavec l'adjonction de saint : donc 
S'-Venant. Certainement, cette solution est bien ingénieuse 
aussi: moins que l'autre, cependant. De plus, elle est 
également hérissée de difficultés. Et d'abord, quel est le 
róle du mot avenant dans la phrase? Est-ce un substantif, 
un adjectif, ou un adverbe? Est-il mis en apposition 
avec surnom? A-t-il un double sens, comme bel aux yeux 
de M. Petit? 2^ Comment surnom devient-il synonyme 
de nom propre? 5" Pourquoi sein perd-il tout à coup la 
signification de signature qu'il avait quatre vers plus haut, 
pour prendre celle de saint qu'il n'a jamais eue dans notre 
langue? 4^ Comment expliquer le futur : « vous aurez le 
nom avenant, » puisque l'auteur donne lui-méme ce nom 
et que, si on le modifie d’après les indications du vers 
suivant, on n'aura plus avenant, mais S'-Venant; 5° Enfin, 
il est certain que, en tenant seulement compte de l'ordre 
dans lequel les mots se présentent dans la phrase, seins 
cief se rapportent beaucoup plus logiquement à sein qu'à 
avenant. Je ne parlerai pas de l'embarras où l'auteur du 
mémoire s'est jeté, à l'effet de trouver dans la famille de 
S'-Venant un homme assez illustre pour étre identifié avec 


( 494 ) 
le personnage qu'il vient d'exhumer: il serait trop difficile 
d'arriver à une conclusion rigoureuse. 

On le voit, la solution proposée par M. Potvin pour 
cette partie de l'engin, n'est pas non plus concluante. Il 
faut méme reconnaitre que , si daus le systéme de M. Petit 
l'auteur aurait mis trop de finesse dans son énigme, dans 
celui de M. Potvin il serait tombé presque dans la banalité. 
Le seul avantage qu'il offre est que l'article qui précéde 
ajoustés trouve un substantif "—— il se rapporte conve- 
nablement. 

Passons aux vers 9 et 10 : 


« Se vous savés dire en tyois 
Mettre en franchois les nons au rois. » 


L'examen critique que fait ici M. Potvin du travail de 
M. Petit, me parait constituer la partie la plus solide et 
réellement la plus utile de son mémoire. Il prouve d'une 
maniére évidente que l'interprétation telle qu'elle est faite, 
blesse à la fois la grammaire, la syntaxe, la logique et méme 
un peu le bon sens; il est impossible, en effet, de justifier 
les expressions si vous savez dire en tyois (sans régime) 
pour: si vous savez parler flamand; mettre en franchois 
pour: rendre en anagramme ; les nons au rois pour: le nom 
du roi. Il faut de toute nécessité placer la virgule après 
mettre et réunir en un seul mot au rois (pour aurez), lors 
méme que cette forme ne se rencontrerait pas une seule 
fois dans les deux volumes de Li ars d'amours, car il faut 
ici tenir compte de l'exigence de la rime. 

Mais par quoi M. Potvin remplace-t-il l'édifice qu'il 
vient de démolir si laborieusement? Ainsi que le génie de 
la langue l'exigeait, c'est sur le mot dire qu'il fait l'opéra- 


( 452 ) 

tion indiquée par l'auteur (1). Mais, sortant complétement 
des conditions du programme, au lieu de traduire ce verbe 
en flamand, il le rend en allemand ; de plus, au lieu de l'ex- 
primer par sagen, traduction usuelle, exacte, rigoureuse, il 
va chercher la forme inusitée, ou trés-rare : jehen, qui veut 
plutôt dire avouer, confesser ; enfin, il métamorphose jehen 
en Jehan. Voilà un enchainement d'idées auquel, sans 
craindre de se tromper, on peut dire que l'auteur de l'engin 
n'a jamais songé. J'ajoute que, de méme que M. Potvin a 
pris tantót surnom pour nom, il prend encore ici nom pour 
prénom. 

Restent les quatre derniers vers. En placant un point 
aprés joindés, M. Petit, lui, obtiegt une phrase incomplète, 
qui n'a aucun sens. De plus, sans y être le moins du monde 
autorisé par l'auteur, il fait de haine (2), l'opposé d'amour, 
un anagramme, d’où il tire Jehan. Quelque invraisemblable 
qu'elle soit, M. Potvin adopte cette explication, consentant, 
lui aussi, à interpréter surnom par prénom, quoique, plus 
haut, il l'eüt pris dans le sens de nom propre, encourant 
ainsi le méme reproche qu'il adresse à M. Petit. En outre, 
moins conséquent que celui-ci, il admet que l'auteur de 
l'énigme, aprés avoir immédiatement auparavant révélé les 
prénoms des deux amis, Jehan, consacrerait encore deux 
nouveaux vers pour répéter que Jehan est bien le sien 
propre. Si l'on songe en quel désarroi de pareilles subtilités 
auraient mis le lecteur, il faut en conclure qu’elles ne 


(1) C'est ce qu'a trés bien senti M. Paulin Paris; mais comme ce savant 
ne connait sans doute pas le flamand, il s'est embrouillé dans sa démons- 
tration : c'est dire et non mettre qu'il faut traduire par seggen, dont il 
fait Seguin. 

(2) L'orthographe ordinaire de ce mot, au pays de Liége, était hayme. 


( 453 ) 
peuvent jamais avoir existé dans la pensée de l'écrivain. 

En résumé, M. Potvin me parait avoir parfaitement 
démontré que l'explieation des vers neuf et dix, telle 
qu'elle est donnée par M. Petit, est inadmissible; mais il 
n'est pas parvenu à les remplacer par une autre plus satis- 
faisante. De plus, partout ailleurs il laisse subsister le doute, 
et l'on pourrait conclure de son mémoire que l'auteur de 
Li ars d'amour n'est pas encore connu et, peut-étre, ne le 
sera jamais. La singuliére fantaisie qu'il a eue de cacher si 
bien son nom (nugae difficiles!) aura pour conséquence de 
le priver de la gloire littéraire à laquelle il avait indubita- 
blement droit. 

Quoi qu'il en soit, cette discussion ne saurait rester sté- 
rile et pourrait, aprés tout, mettre sur la voie d'une décou- 
verte. À ce titre, et toutes réserves faites, le travail de 
M. Potvin mérite de voir le jour, d'autant plus qu'il y a 
joint sur Jean d'Arckel et sur les sires de S'-Venant des 
considérations historiques intéressantes (1). » 


Rapport de M. Le Roy. 


« Je dirai comme M. Paulin Paris : je jette ma langue 
aux chiens. Une coincidence singuliére en faveur du sys- 
téme de M. Petit. En bouleversant les mots du vers 5, 
selon l'avertissement donné au vers précédent, je trouve : 


Mais puis porrés tirer Lebel. 


Entre l'arbre et l'écorce... je me garderai bien d'insister. 


(1) Je ne puis m'empécher de faire une dernière réflexion : c’est que. 
l'on pourrait trouver au moins étrange l'hypothése de M. Petit qu'un 
évéque de Liége aurait composé un livre pour un simple tréfoncier de sa 
propre cathédrale, et lui-méme écrivain brillant. 


( 454) 
L'interprétation de M. Potvin est certes aussi ingénieuse 
que celle de l'éditeur de Li ars d'amour; seulement son 
Jehan de Saint-Venant demeurera, jusqu'à plus ample 
informé, un personnage fort problématique, et je me fais 
difficilement à la transformation de sein en saint. — Quant 
à la paternité de l'ouvrage, je ne crois pas qu'elle puisse 
être révoquée en doute: Jean d'Arckel, évêque d'Utrecht, 
est neltement désigné. Qui sait? Il se rencontrera peut- 
étre un nouvel OEdipe, et M. Potvin, ce chercheur infati- 
gable, pourrait, de son cóté, tót ou tard, trouver définiti- 
vement la piste. En attendant, comme sa dissertation est 
intéressante par elle-méme, je pense qu'elle peut trés-con- 
venablement figurer au Bulletin. » 


La Classe vote l'impression au Bulletin du travail de 
M. Potvin. 


CONCOURS DE 1879. 


Conformément à l’article 20 de son règlement, la Classe 
entend : : 

1° La lecture des rapports de MM. Le Roy, Piot et 
Wauters sur les deux mémoires recus en réponse à la 
question : 


Les encyclopédistes français essayèrent, dans la seconde 
moitié du XVIII siècle, de faire de la principauté de 
. Liége le foyer principal de leur propagande. 

Faire connaitre les moyens qu'ils employérent et les 
résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence 


( 455 ) 
qu'ils exercérent sur la presse périodique et sur le mouve- 
ment littéraire en général. 


2% La lecture des rapports de MM. Wauters, Poullet et 
le baron Kervyn, sur les deux mémoires en reponse à la 
question : ; 


Écrire l'histoire de Jacqueline de Bavière, comtesse de 
Hainaut, de Hollande et de Zélande, et dame de Frise. 


La Classe se prononcera , dans sa prochaine séance , sur 
les conclusions de ces rapports qui paraîtront dans le 
Bulletin du mois de mai. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


— 


UNE ÉNIGME LITTÉRAIRE : Quel est l'auteur de « Li Ars 
d'amour, de vertu et de boneurté? » —par M. Ch. Potvin, 
correspondant de l'Académie. 


Lı Ars D'amour , publication de l'Académie de Belgique, 2 vol. in-8o, 1867- 
1869. — Manuscrits de Bruxelles, n»* 9543 et 9548; manuscrit de Paris, 
Bibliothéque nationale, n" 611. — Catalogue Paulin Paris , v. 187. 


Li Ars d'amour mérite de prendre une place modeste à 
cóté des célébres Essais de Montaigne. C'est aussi, et sur 
un plan plus régulier, « un Code complet de philosophie 
morale, » comme M. V. Leclere a appelé les Essais. C'est 
aussi « un livre de bonne foy »: — « C'est moy que je 
peins, » dit Montaigne, et l'auteur de l'Art d'aimer qua- 
lifie de méme son livre : «Ki est ainsi comme men ymage. » 


( 456 ) 

C'est aussi pour un ami qu'il a été éerit : « Moi représen- 
tant à vous, dit l'auteur. Car ce ke je voel en mi , désir-je 
en vous, » dit-il encore. La méthode qui consiste à pren- 
dre à l'antiquité, non pas seulement « la peau et la couleur, 
mais la chair, les os,les nerfs et le sang, » comme le 
conseillera Du Bellay, la méthode ne diffère guère qu'en 
un point : l'illustre écrivain francais entrecoupe son style 
de nombreuses citations latines, tandis que notre obscur 
auteur se borne à traduire ses maitres en francais. Le 
style, enfin, malgré des obscurités qui passent sur l'Art 
d'aimer comme des nuages, rapproche encore les deux 
moralistes, par ses qualités de prime-saut, par la verdeur 
de sa sève, puisée aux bonnes sources. 

Mais quel est cet écrivain qui devance ainsi Montaigne ? 
L'éditeur académique avait d'abord inserit sur le titre du 
premier volume le nom de Jehan le Bel ; au tome second, 
le nom disparut et il fallut attendre l'Introduction pour 
voir que l'éditeur prend définitivement parti pour Jean 
d'Arckel. Mais les raisons qu'il en donne soulévent trop 
d’objections pour qu'on puisse étudier ce livre sans com- 
mencer bien vulgairement par la recherche d'une énigme, 
on disait Engin alors, et l'engin ici s'impose, car le nom 
de l'auteur y est caché et la date du livre ne peut guére se 
trouver ailleurs. 

Force est done de négliger Aristote que l'auteur imite 
si souvent d'aprés les traductions latines, l'Ecclesiaste 
dont il fait quelquefois passer le souffle dans son style, 
Sénéque qu'il commente, Montaigne qu'il annonce, l'ami- 
tié dont il parle d'un ton qui fait penser à Étienne de la 
Boétie, l'amour, la vertu, le bonheur, qu'il place si haut... 
pour déchiffrer un rébus en vers. 


(457) 
E 


Trois personnes ont abordé le sphinx sans craindre 
d'étre dévorées. 

Le première est modeste, ne se nomme pas et se borne 
à expliquer deux mots dont un est la clef de l'énigme. 
L'engin dit qu'on trouvera un des noms en ajoutant au 
contraire d'amour, et en les retournant, deux mots, insérés 
dans deux vers que les manuscrits de Bruxelles ont écrits 
sur la marge: ekeve et tertu. On ne sait qui a écrit posté- 
rieurement en marge d'un de ces manuscrits : 

« Contraire d'amours est haine. Heine en tiois est 
» Henris en francois. Ekeve en retournant est eveke, et si 
» €roi-je: Henri eveske. 


« Le remanant adevinez 
« Car jà par moi plus Wik sçaurez. » 


Nous verrons bientôt que le nom de Henri est impos- 
sible, puisqu'il est question d'un évéque d'Utrecht et 
qu'aucun prélat de ce diocése n'a porté ce nom à l'époque 
probable oü ce livre a été fait. 

Puis, est venu M. Paulin Paris ; mais il ne connaissait 
pas la note qui met au jour le mot Evéque et le manu- 
scrit qu'il décrivait orthographie ce mot faussement: Ekene, 
de sorte que le bibliographe s’est égaré: il lui manquait ce 
premier fil d'Ariane. 

Grâce à ce fil léger, l'éditeur belge a trouvé un second 
mot. L'énigme dit : Ekeve, en retournant, et Tertu. L'ano- 
nyme avait retourné le premier mot, M. J. Petit a retourné 


( 458 ) 
le second, et nous sommes en présence d'un évêque 
d'Utret (1) : Utrecht. 
Cette fois le labyrinthe était circonserit, mais il n'était 
pas impossible de s'y égarer. 
Voici l'énigme telle que l'éditeur la publie, avec l'expli- 
cation qu'il en donne : 


Pour qui est fait et ki le fist, 
Par ces vers ci le vous descrist. 
Très-bien porrés savoir les noms; 
Mais le sein (2) a à reeulons 
Mis pour pis traire le bersel. 
Or le ferés; car il m'est bel 
Avenant le sournon arés 
A sein seins cief se l'ajoustés. 
Se vous savés dire en tyois, 
Mettre en franchois les nons au rois. 
Se le sornon savoir volé 
Au contraire d'amours ind (5). 
Ekeve, en retournant, 
Et tertu. Or va avant. 


Pour qui ce livre a-t-il été fait, qui l'a fait? C'est la double question 
que l'auteur propose à résoudre dans les vers qui suivent. Vous pourrez 
Ariwa” connaître les noms, dit-il, mais prenez garde que le sein 

ias seing, signum), la forme écrite du nom, est mise au rebours pour 
pis traire u berseil, c’est-à-dire pour augmenter la difficulté d'atteindre 
le but. Or le ferés, car il m'est bel, est une de ces finesses que je signa- 
lais tantôt : « Vous y réussirez cependant, car ij me plait, ou il m'est 
» agréable, i] m'est bel. » 


(4) Cil d’Utret (la mort du comte de Hénau, publication des bibliophiles 
belges, n° 20 

(2) Le manuscrit de Paris, dit : le sens 

(8) Le point que met ici l'éditeur belge óte au verbe joignez ses com- 
pléments; il ne faut pas méme une virgule, et, si l'on veut une ponctua- 
tion , il faut deux points. 


( 489 ) 
Remarquez bien ce pronom qui en dit plus qu'il n'est gros: qu'il 
représente le nom ou le membre de phrase or le ferés , en E que 


la construction se complète par que vous le fassiez, il importe : l'ob- 
LT est déterminé et il est placé à rebours, c'est Bel, qui se se à Pen- 
s Leb. 


h ais vous aurez le compléinent du nom, avenant le sournon arés. Si 
vous l'ajoutez, le nom lui-méme que vous connaissez déjà, à la partie qui 
en est écrite, sauf le chef, la première lettre B ; or ce complément n'est 
que la Feri dete de s premiére partie du ii et en lisant celui-ci en 
entier, régulièrement ou à rebours, vous obtenez toujours Le Bel. C'est le 
nom du personnage doubt qui le livre est fait. 

Ce qui suit appartient à la seconde question : « Si vous savez parler la 
langue flamande, le thiois ou bas-allemand, il vous faut mettre en fran- 
chois le nom du roi. » Remarquons ici tout premiérement que mettre en 
franchois ne veut nullement dire traduire en langue françoise, mais que 
c'est un jeu de mots destiné à donner le change au lecteur et à le dérou- 
ter ; cela signifie simplement mettre en désordre, en fragments, boule- 
verser, c'est-à-dire réduire en anagramme le nom du roi traduit en 
thiois. S'il fallait prendre la locution en franchois avec sa signification 
littérale et actuelle, les deux vers qui en dépendent n'auraient pas le 
moindre sens raisonnable. Mais de quel roi s'agit-il? Peut-étre du roi de 
France Charles V (1564-1580); plus probablement du roi de Bohême, 
l'empereur d'Allemagne Charles IV (1548-1 P tous deux contemporains 
de l'auteur; tous deux d'ailleurs pi à la cour de France et ant 
le goùt des lettres. Or ce nom pinton evient KAREL dans une 
bouche flamande ou thioise, et ri sat alors jc prise e Arkel.. Le 
prénom est indiqué par le méme procédé: /e contraire d'amour, c'est 
Haine, anagramme Jean, et l'auteur achève re de se qualifier par le 
distique final : Ekeve en retournant et tertu, dont le renversement four- 
nit la lecture: EvEKE-UrRET. De 1342 à 1564, le siége épiscopal d'Utrecht 
a été effectivement occupé par Jean d'Arkel, qui fut, en cette derniére 
année, transféré au siége épiscopal de Liége. Peut-être le troisième vers 
indique-t-il, d'une facon assez obscure à la vérité, que les deux person- 
nages ont le méme prénom, nom étant opposé à sein avec une sorte d'in- 
tention. Mais il n'est pas douteux qu'il s'agisse ici de Jean le Bel, et ce 
que nous connaissons de l'existence à la fois mondaine et savante de ces 
deux hommes d'Église, nous permet de supposer sans trop de témérité 
qu'ils durent étre liés d'amitié. 


Y eüt-il dans le résultat quelque chose de vrai, l'inter- 


( 460 ) 
prétation est trop mal justifiée pour pouvoir faire autorité. 
Nous sommes donc forcés de détruire d'abord tout le sys- 
tème, sauf à recommencer la recherche sur nouveaux 
frais. 
Une des principales indications se trouve dans les deux 
vers que l'éditeur écrit ainsi : 


Si vous savez dire en thiois 
Mettre en franchois les noms au rois. 


Le manuscrit de Paris, au lieu de aurois, dit : aurez, 
et aurois est le méme verbe orthographié différemment. 
M. Paulin Paris comprend donc qu'il faut mettre la vir- 
gule, non pas à la fin du premier vers, mais après le mot 
mettre, de sorte que le dernier membre de phrase signi- 
fie : vous aurez les noms en francais. 

Mais l'éditeur belge, qui part de l'idée que le premier 
nom est Jehan le Bel et qui s'efforce d'arriver à Jean 
d'Arkel, s'imagine qu'il y arrivera par l'anagramme de 
Karel, et au lieu du verbe auro?s,il lit au rois, sans songer 
que l's final du mot rois ne le permet qu'à la condition de 
mettre sur le compte de l'auteur une grosse faute d'or- 
thographe. 

Cela seul suffirait à détruire tout son système. 

Admettons par extraordinaire la faute. Le premier vers 
peut à toute force signifier : «Si vous savez parler (dire en) 
thiois. » Mais quand on l'interpréte ainsi, en placant la 
virgule à la fin du vers, que devient le vers suivant? Il n'a 
plus de construction réguliére possible. L'éditeur est 
obligé de lui en prêter une, aux dépens de la syntaxe. 
Selon lui, mettre est employé ici pour : mettez , il faut 
meltre, vous devez mettre. 

Admettons encore l'ellipse et lisons: « Mettez en fran- 


( 464 ) 

cais le nom du roi. » Mais Karel est thiois et n’est pas 
français. L'éditeur s’en tire encore; mettre en français 
devient mettre en désordre, qui devient mettre en ana- 
gramme, et en supposant qu'il existe des exemples de cette 
locution, exemples que l'interpréte néglige de donner, 
l'opposition de en thiois et en franchois empécherait de 
lui attribuer ici ce sens. 

i l'on pouvait passer sur toutes ces impossibilités, il 
resterait encore à savoir de quel roi il est question dans 
cette faute de grammaire. Rien n'indique un Charles cou- 
ronné. L'éditeur en prend deux : « Tous deux contempo- 
rains de l'auteur, » dit-il. Mais c'est justement le nom de 
l'auteur que l'on cherche dans l'anagramme du roi, réputé 
d'avance son contemporain. C'est vraiment préjuger trop 
de choses à la fois. 

Il est vrai que l'éditeur. eroit avoir trouvé un premier 
nom. Mais ici, rien ne peut étre admis de son interpré- 
tation. 

En effet, l'auteur dit : 


Avenant le surnom aurez, 
A sein, sans chief, se l'adjoutés. 


et l'énigme distingue deux fois le nom du surnom. Mais 
l'éditeur ne peut aboutir à rien qu'en donnant au mot 
surnom trois sens différents. Dans les quatre derniers 
vers, ce mot annoncera les titres d'un personnage : évéque 
d'Utrecht. Ici, voyons ce que devient la phrase. « Vous 
aurez le surnom avenant si vous l'ajoutez sans téte à sein, » 
dit l'auteur. L'éditeur traduit: « Vous aurez le surnom 
(non pas le surnom, comme plus loin, mais le complément 
du nom, c'est-à-dire sa première syllabe); si vous l’ajoutez 
(non pas encore lui, le surnom, non pas la seconde forme 


( 462 ) 
que l'éditeur vient de lui préter, mais le nom lui-méme 
que vous connaissez déjà), — si vous l'ajoutez, à quoi ? 
à sein, comme dit l'auteur? nullement; au sein, comme 
dit l'éditeur. 

Peut-on mettre ainsi une phrase à la torture ? 

C'est cependant sur ces deux vers, ainsi forcés, que 
repose tout le systéme. N'admettez pas le nom de Jehan 
le Bel, le reste tombe. 

L'éditeur moderne n'a donc trouvé qu'un mot , admis- 
sible au premier abord: Utrecht. Une autre de ses indica- 
tions nous sera utile, mais quand nous aurons essayé 
d'établir le sens des prineipaux vers de l'énigme. 


II 


Voici l'engin tel qu'il faut le lire; je mets les variantes 
entre parenthéses. 


I. — PRÉAMBULE. 


Vers 1. Pour qui est fait et ki le fist, 

2. Par ces vers, ci vous le descrist. 
3. Trés bien porrez savoir les noms, 
4. Mais le sein (le sens)a à reculons 
5. Mis, pour pis traire le bersel ; 

6. Or le ferez, car il m'est bel. 


II. — PREMIER SURNOM. 


-1 


. Avenant le surnom arés 
8. A sein, seins (sans) chief, se l'ajoustés. 


HI — Les noms. 


9. Se vous saves dire en thiois 
. Mettre, en franchois /es noms aurois (aurez). 


- 
e 


( 463 ) 


IV. — SECOND SURNOM. 
11. Se le surnom savoir volés 
12. Au contraire inem j 
15.  Ekeve, en retourn 
14. Et tertu. Or va RES 


L'énigme semble done divisée en quatre parties. Mais la 
premiére partie contient-elle déjà un mot de l'énigme ou lui 
sert-elle seulement de préambule en se bornant à poser le 
probléme: « L'auteur vous dira lenom de son ami et le sien, 
mais pour plus de mystére, il a mis le seing à reculons. 
Maintenant essayez, car cela me plaît.» Cette explication 
me semble d'autant plus plausible que l'auteur, au vers 5 
comme au vers 10, annonce les noms au pluriel, déclare 
qu'on pourra les trouver, puis en donne le moyen : Trés 
bien pourrez savoir les noms (vers 5). En franchois les 
noms aurez (vers 10). 

Pour les surnoms, l'auteur agit autrement. Aprés son 
préambule, il distingue nettement et donne d'abord un 
premier surnom; puis les noms, enfin, le second surnom. 

Les deux vers qui donnent le premier surnom me 
semblent bien simples: « Vous aurez le surnom avenant, 
si vous l'ajoutez, sans téte, à sein, » dit l'auteur. 

Est-ce la téte du mot sein qu'il faut couper? Cela ne 
sert de rien. Mais si l'on comprend tout naturellement : 
« Le surnom sera avenant, si vous lajoutez sans tête à 
sein, » on trouve un nom trés-connu : Saint-Venant. 

L'énigme orthographie sein et néglige la particule de, 
comme elle dira Utret pour d'Utrecht. Mais un acte de 
1561 appelle le plus célébre personnage de cette famille, 
le maréchal de France, Robert, justement comme l'énigme : 


( 464 ) 
Sire Sein-Venant (Rymer, t. VI, p. 515). L'orthographe 
suffit donc ici. 

Supposons que le nom qu'a voulu désigner l'auteur ait 

été Saint- Venable; quoi de plus naturel qu'en jouant sur 
l’adjectif convenable, il eût dit : vous aurez le surnom 
convenable, etc. Un rébus pareil n'embarrasserait personne. 
L'adjectif avenantest moins usité, mais il est resté dans la 
langue. Il suffit de le connaitre pour comprendre ces deux 
vers, 
La famille des Saint-Venant a donné un historien, Jean 
de Wavrin, au siécle littéraire des ducs de Bourgogne. 
Aurait-elle donné un moraliste à la littérature francaise? 
Rien ne nous autorise à penser que ce Saint-Venant soit 
l'auteur du livre, plutót que l'ami « pour ki le fist. » 


HI 


Ce point me semble acquis. Pour le reste , je crains fort 
que nous ne sortions pas du labyrinthe des conjectures. 

Les deux vers suivants (9 et 10), si l'on reste dans l'or- 
thographe et dans la syntaxe, forment une phrase com- 
pléte; il n'est besoin d'y rien ajouter, ni d'en rien chan- 
ger; les trois versions sont d'accord; ils ne peuvent avoir 
que deux sens : « Vous aurez les noms en francais, si vous 
savez dire en thiois le mot mettre — ou : le mot dire en 


thiois mettre — et l'inversion, ainsi que l'expression : 
mettre en thiois, est bien plus dans le génie de la langue 
du temps. 


Mettre d'ailleurs ne fournit rien. M. Gaston Paris me 
propose d'adopter le verbe dire et d'en faire, d'aprés 
Diez, en moyen haut-allemand : Jehen, en haut allemand: 


( 465 ) 
Jehan (1), ce qui nous donnerait en français le nom de 
Jehan, commun aux deux amis. 

Ici viendrait se placer une interprétation de M. Jus 
Petit qui trouve dans haine, contraire d'amour, lana- 
gramme de Jehan. 

L'engin donnerait donc une première fois le nom des 
deux amis dans les vers 9 et 10: « Si vous savez dire en 
thiois mettre » — et il le répéterait pour l'évéque dans 
contraire d'amour (vers 11-14). 

Nous aurions alors ces deux personnages : 

Jehan de Saint-Venant. 

Jehan , évêque d'Utrecht. 


IV 


Mais le sphinx ne se tient pas pour battu. Car s'il n'y 
avait dans l'histoire qu'un Jean, évéque d'Utrecht (il y en 
à six) ou qu'un Jean de Saint-Venant, il ne nous resterait 
pe moins à nous demander lequel des deux a écrit le 
livr 

Cheréhons à circonscrire encore le labyrinthe. 

Le lieu étant limité à l'évéché d'Utrecht, on simplifiera 
le probléme en limitant l'époque oü le livre put étre 
rédigé. Aprés 1571, il n'y a plus d'évéques à Utrecht du 
nom de Jean, ce qui exclut tous les Jean de Saint-Venant 
du XV: siècle. Avant 1571, il y a six évêques de ce nom, 
mais il est déjà assez étonnant que ce livre ait pu étre 
composé avant 1571 pour qu'on puisse encore le faire re- 


(1) Jenex : Sagen, etc. (Laur. de Westenrieder, Glossarium germa- 
nico-latinum, primi et medii devi, 1610, p. 266). — Voyez DiEz, éd. Scheler, 
p. 199. 


2"* SÉRIE, TOME XLVII. 50 


(466 ) 

monter au XIII* siècle : à Jean de Nassau (1267-1282) ou 
à Jean de Zira (1282-1296). Jean de Diest (1322-1340) 
vient ensuite, mais une allusion historique dont je par- 
lerai bientót lui est défavorable. 

Restent Jean d'Arckel (1342-1364) et Jean de Wierne- 
berg (1564-1571). 

Que l'un de ces évéques ait composé ce livre avant 
Froissart, avant Gerson, avant que Charles V eüt com- 
mencé, comme dit Christine de Pisan, à 


Faire en francois du latin traire, 


avant les premiéres traductions francaises d'Aristote et de 
Tite-Live, avant Oresmes dont un manuscrit est daté de 
1570, avant Raoul de Presles dont la traduction du 
Polycratique est de 1571,— il faut bien l'admettre puisque 
le siége épiscopal d'Utrecht n'a plus été ocenpé aprés eux 
par un titulaire du nom de Jean. A moins done de détruire 
toute l'énigme, nous avons à choisir entre ces deux pré- 
lats. 

Il n'y a dans ces deux volumes qu'une allusion histo- 
rique. L'auteur veut moderniser cette phrase d'Aristote : 
« Un Lacédémonien n'ira pas délibérer sur la meilleure 
mesure politique qu'aient à prendre les Scythes, » et il 
dit : « Cil de Hongrie ne se conseillent mie comment li 
Francois vainkeront les Arragonois » (t. 1°, pp. 277- 
978). L'éditeur moderne se croit obligé de repousser en 
note toute idée d'allusion, — comme si l'on pouvait sup- 
poser qu'un écrivain, pour « donner une forme moderne 
à la version d'Aristote, » ait pu prendre au hasard les pre- 
miers noms venus, dont le rapprochement eüt été moins 
clair pour ses lecteurs que la traduction littérale du phi- 


( 467 ) 
losophe grec et n'aurait contenu « aucune allusion à des 
événements contemporains. » Quand a-t-on jamais pro- 
cédé de la sorte? Étrange facon de rajeunir un texte que 
d'en faire un coq-à-l'àne! 

ll y a là nécessairement, au contraire, une allusion à 
l'histoire. On sait qu'au milieu du XIV* siècle, les rois de 
Naples, Français d'origine, avaient à cœur de vaincre les 
rois de Sicile, de famille aragonaise. Mais que viennent 
faire ici les Hongrois? L'auteur n'a pas fait une phrase si 
différente de celle d’Aristote pour ne rien dire. Avant 
1545, l’allusion eût été impossible: la reine Jeanne 
régnait à Naples avec son époux, André de Hongrie, et 
les Hongrois devaient s'intéresser à cette cour. Le 20 avril 
1545, André mourut étranglé, et pendant longtemps sa 
vengeance, poursuivie par son frére contre la reine accu- 
sée de complicité dans l'assassinat, dut occuper les Hon- 
grois; en 1548, Louis de Hongrie marchait avec une 
armée en Italie, Jeanne s'enfuit de Naples à Nice, mais le 
pape qui avait évoqué contre elle l’accusation de meurtre 
accepta sa proposition de vendre Avignon à la papauté et 
à ce prix la déclara innocente. La grande peste, dite de 
Florence, fit bientót diversion à ces luttes. Ce n'est donc 
pas avant 1548 que l'auteur a pu écrire cette phrase et 
cela écarte Jean de Diest, mort en 1540. 

Trente-deux ans aprés, le projet de vengeance était 
repris; mais en 1580, il n'y avait plus de Jean d'Utrecht. 
C'est done. aprés 1548 et avant 1571 qu'il faut chercher 
une période où les Hongrois, entre deux expéditions venge- 
resses, ont pu paraître indifférents aux guerres d'Italie. 

En 1349, Philippe de Valois, étant à Avignon, achetait 
deux seigneuries, du roi Jacques de Majorke, qui, dépouillé 
par le roi d'Aragon de ses autres possessions, voulait s'en 


( 468 ) 
venger. Jacques, avec l'argent du roi de France, assemble 
une armée de Provencaux et de Languedociens, attaque 
le roi d'Aragon, est vaincu et tué dans le combat. Voilà 
une lutte entre Francais et Aragonais où les Hongrois ne 
« se conseillérent mie. » 

En 1568, on trouve aussi les Francais et les Aragonais 
en guerre, dans une chevauchée de Du Gueslin contre 
Tarascon qui appartenait à Jeanne de Naples. Quelques 
années auparavant (1562), Jeanne, étant encore veuve, 
avait été demandée par le roi de France, pour lui-méme, 
puis pour son quatriéme fils. Elle s'était hàtée d'épouser 
Jacques d'Aragon, le fils du roi tué en 1549. Cette fois les 
politiques étaient seulement en présence et non en guerre. 

L'allusion à ces luttes serait une premiére présomption 
en faveur de Jean d'Arckel dont les nombreux séjours dans 
le Midi : à Grenoble, à Avignon, à Rome, sont connus. 

Jehan d'Arckel a cependant contre lui son titre d'évéque 
de Liége. 

En 1564, il quitta Utrecht pour ce siége supérieur où il 
régna de 1564 à 1578. Si l'un de ses titres devait lui res- 
ter dans les manuscrits, il semble que ce doive étre le plus 
honorifique et le dernier. Est-il à supposer que pendant 
ses quatorze années de pontificat en pays de langue ro- 
mane, dans une époque littéraire, du temps de Jehan le 
Bel, on n'eüt fait aucune copie d'un livre transcrit au 
moins trois fois, auparavant et plus tard (1)? Et comment 


(1) Par suite d'une erreur de copie le manuscrit soumis à. la Classe 
portait ici: plus tard, au lieu de: auparavant et plus tard. ll en est 
résulté de la part d'un des commissaires une observation qui n'a plus sa 
raison d’être. Mais là question de la date des manuscrits reste entière. 

(Note du secrétariat.) 


( 469 ) 
expliquer qu'aueun des copistes, si prompts d'ordinaire à 
varier leur texte d'aprés les circonstances, et qui devaient 
connaitre les mots de l'énigme, n'y ait pas donné à l'évéque 
son nouveau titre qui aurait ajouté du prix à l’œuvre 
copiée? Liége était aussi facile à retourner qu'Utret, et, 
en confiant l’œuvre aux Liégeois, on l'eüt conservée plus 
sûrement. 

On peut répondre que Jean était né en Hollande, d’une 
famille hollandaise, qu’il avait inhumé son frère dans sa 
cathédrale d'Utrecht et tenait tant à son premier évêché, à 
sa vraie patrie, qu'il voulut y étre enterré et qu'il le fut en 
effet, d’après ses dernières volontés, comme Suffridus 
l'atteste, dans la nef orientale de son ancienne cathédrale, 
auprès de sa sœur; son cœur seul resta à Liége. 

Jean d'Arckel a aussi pour lui sa réputation d'homme 
lettré et d'écrivain. Tous les chroniqueurs sont d'accord 
sur ce point. Placentius lui attribue une instruetion hors 
de pair dans les lettres sacrées et profanes : In sacris et 
secularibus litteris non vulgariter institutus. Une Grande 
Chronique belge répète : Vir utique doctus scientiis tam 
spiritualibus quam secularibus. G. Héda rapporte qu'il 
restaura son évéché en dotant les églises et les monastéres 
de toutes les choses nécessaires, y compris les biblio- 
théques; (car, dit-il, c'était un savant et il composa de gros 
livres qui existent encore : Erat enim doctus admodum 
et qui volumnia ingentia composuit quae modo extant). Le 
méme écrivain ajoute que, s'il en parle aussi longuement, 
c’est parce que l'évêché, de temps immémorial, n'a pas eu 
son pareil, et il en fait un portrait qui rappelle bien celui 
qui ressort du livre de l'Art d'amour : il s'occupa des 
belles-lettres françaises et y excella. Il visita l'Italie et de 
nombreux pays, et apprit à connaitre les villes et les mœurs 


: ( 470 ) 

des peuples... I} domina les révoltes de ses sujets et les 
agressions du dehors,se vengeant d'une manière sanglante 
ou pacifique et toujours vainqueur de ses ennemis; il con- 
nut l'adversité sans que son esprit s'en soit laissé abattre, 
doué qu'il était d'une vertu telle que la postérité attendra 
longtemps son égale : « Sumus longiori stilo vitam hujus 
Episcopi prosecuti, cui a conditae ecclesiae Trajectensis 
tempore parem non invenimus, qui per tot versatus pro- 
vincias, urbes, moresque populorum edoctus. Nam in gal- 
liis bonis litteris, artibusque, quibus pollebat, operam 
dedit. Italia peragravit, majores insultus in provincias 
suas et exterorum incursiones , populique subditi defectio- 
nes, apertaque bella perpessus, quam quivis praedecesso- 
rum : quae licet cum extremo discremine, modo cruentus, 
modo incruentus , semper (amen victor, gloriose hostes 
repulit atque extinxit. Adversa quaeque expertus, nun- 
quam animo consternatus, omnique virtute praeditus 
qualem longa desiderabit posteritas » (p. 246). 

Cette réputation ne devait guère se maintenir. En 1521, 
Héda prétend que ses livres existent encore : modo extant. 
Un siècle aprés, Buchelius, en annotant Héda, dit qu'il n'en 
reste plus aucun souvenir, à moins qu'ils ne soient cachés 
quelque part, en proie aux vers: « De libris vero ab eo 
compositis nulla extat memoria , nisi ii lateant alicubi et 
cum tineis pugnent. Le commentateur cite ensuite une 
note marginale de Gisb. Lappius, qui donne le titre et les 
sept divisions d'un Livre pontifical qu'il fit rédiger en 
latin et qui va de la consécration des prêtres (liv. 1°) à 
leur dégradation (liv. VIT) (Héda, p. 255). 

D'un ouvrage francais aussi important que l'Art d'aimer, 
pas un mot : Nulla extat memoria. 

La vie de Jean d'Arckel offre des circonstances favo- 


( 471 ) 

rables à la rédaction de ce livre, comme son caractère en 
refléte bien les idées. Fils d'une grande famille, nommé 
évêque à 28 ans,son règne peut se diviser en deux phases 
intermittentes qui se reproduisent plusieurs fois; l'une, 
toute d'action et riche en expériences autant qu'en dan- 
gers, où il défend son évéché des ennemis du dedans et du 
dehors, de la ruine et des invasions; l'autre, toute d'obscu- 
rité, de loisir et d'étude, où il se réfugie aprés chaque 
armistice ou chaque victoire, pour réparer, dans la retraite, 
ses propres forces et les finances de l'évéché. C'est dans 
la France, en Touraine, en Provence, qu'il chercha 
toujours le repos ; il dut se plaire à en parler la langue et 
s’habituer à l'écrire, dans ce commerce avec les cours et 
les églises de langue francaise. Ce séjour si souvent répété 
en France répond à l'objection qu'il serait bizarre qu'un 
évêque d'Utrecht écrivit si bien le français. 

Les relations politiques de l'évéque le portaient aussi 
vers nos provinces wallonnes. Quand Guillaume, comte de 
Hainaut et de Hollande, assiégea Utrecht et que Jean ac- 
courut de Grenoble pour prendre part à sa défense, il en 
appela à l'oncle du comte, au célèbre Jean de Beaumont, 
ami de Jehan le Bel, un des promoteurs de la culture litté- 
raire en Hainaut. 

Ainsi, malgré des difficultés que je n'ai pas dissimulées, 
tout, jusqu'à nouvelle information, doit nous faire préférer 
l’évêque, célèbre , brillant et lettré, à Jean de Wierneberg. 


V 


La famille des Saint-Venant ne peut-elle, à son tour, 
fournir rien de décisif, pour ou contre? On n'a conservé 
aucun vestige de l'amitié qui aurait existé entre un de ses 
membres et un titulaire de l'évéché d'Utrecht. 


+ VAR.) 
Deux Saint-Venant sont contemporains des deux évé- 
ques. 
Dans Une vieille généalogie de la maison de Wavrin, 
par M. Félix Brassart, on lit ce qui suit : 


« Branche de Saint-Venant. 


VII. A. Jean de Saint-Venant, chevalier, seigneur de Liemont, en 1577, 
mort vers 1583 (v. st.) le 14 mars, gisant en l'abbaye de Markette, à droite 
du grand autel, ayant épousé Jeanne le Prevost. En 1349 et en 1352, il 
était qualifié « écuyer, fils et hoir du feu chevalier Mahieu de Saint- 
Venant. » Il brisait d'un lambel de trois pendants. 

« De l'enquéte faite en 1596 sur la noblessede Robert de Saint-Venant , 
dit Markant, il résulte que le chevalier Jehan de Saint-Venant était cou- 
sin en autre (issu de germain) dudit Robert Markant , qu'il combattit les 
Anglais en 1570 et 1575, oü son pennon était porté par ledit Robert 
(pp. 52 et 55). » 


J'ai publié ce qui reste de cette enquéte (Bulletin de 
l'Académie de Belgique, 9"* série, t. XLIII, n° 4, avril 
1877). Trois expéditions de Jean y sont relatées; ce sont 
les chevauchées contre Robert Knolles, en France (1570), 
— contre les dues de Lancastre et de Bretagne (1375), où 
Froissart fait paraitre un sire de Wavrin, dont il ne donne 
pas le prénom, — et la bataille de Rosebeeke (1582). 

M. Brassart cite à la même époque un Jean, dit Behort 
ou Boort de Saint-Venant, non pas bâtard, comme le font 
les anciens généalogistes, mais cadet de la famille et fon- 
dateur dela branche des Markant. 

Un seul fait plaide en faveur de Jean contre Boort, c'est 
que, des trois manuscrits qui restent , l'un porte les armes 
des comtes de Béthune et provient de leur bibliothèque, et 
l'autrea appartenu à Charles de Croy qui y a mis sa signa- 
ture. Or, Charles de Croy était sire de Saint-Venant; il 
avait acheté la terre de Wavrin, Lillers et Saint-Venant, de 


( 475 ) 

l'époux de sa tante, Philippe de Wavrin et de Saint-Venant. 
Ce manuscrit, en restant daus la branche des Saint- 
Venant et non dans celle des Markant, prouverait en faveur 
de Jean de Saint-Venant. 

Les deux jeunes gens, l'un chanoine ou évéque , l'autre 
écuyer ou chevalier, auront pu se rencontrer en Touraine, 
ou en Hainaut, chez Jean de Beaumont. 


VI. 


Un manuscrit cependant se retrouve aussi bien dans la 
famille de l'auteur que dans celle de l'ami qui lui en offre 
une copie. Il nous reste à voir si de nouvelles indications 
ne peuvent pas décider auquel des deux amis il faut attri- 
buer ce livre. 

On a déjà vu les titres littéraires de Jean d'Arckel, ainsi 
que les circonstances de sa vie bien faites pour lui inspi- 
rer un « Code de morale » et lui permettre de l'éerire en 
français, dans ce style de prime-saut qui n'appartient 
qu'aux hommes de caractère. 

Il est pourtant nécessaire de revenir à l'énigme. L'au- 
teur la commence en annoncant qu'il va décrire le nom de 
celui pour qui il a fait son livre et le sien, et il ajoute aus- 
sitót : « Mais le sein est mis à reculons. » Si au lieu de 
sein, on pouvait lire sien : son nom, tout serait dit. S'il faut 
comprendre : le sens ou le signe, il devient moins aisé de 
rapporter cette expression à une seule des parties de l'en- 
gin et l'on devrait plutót en inférer que l'auteur a mis tout 
le sens de son énigme à rebours, c'est-à-dire qu'il aurait 
donné d'abord son nom. 

Le plus probable est quele mot sein, seing, est employé 
iei pour signature et l'un des manuscrits parait confirmer 
cette maniére de voir. En effet, le livre se termine par 


( 474 ) 
quelques vers où l'auteur exhorte le lecteur à prier pour 
lui. Au dernier vers, il parle à la première personne et 
dit : 
Amen, men livres icy fine, 

A quoi le manuscrit de Croy ajoute les deux derniers 
vers de l'énigme qui mettent le sein à reculons et nom- 
ment l'évéque d'Utrecht. L'auteur, aprés avoir dit : « mon 
livre est fini, » semble avoir répété au bas son seing. 

Une autre raison milite en faveur de l'évéque, c'est la 
connaissance dont l'auteur fait preuve, à chaque page, des 
textes latins, sacrés et profanes; et le but moral de l’œuvre 
annonce aussi bien moins un chevalier qu'un prélat qu'on 
sait s'étre placé en philosophe et en lettré au-desssus des 
épreuves de la vie. 

Il faut espérer que, la question étant ainsi présentée, il 
se trouvera à Utrecht ou à Liége, à Avignon ou à Paris, ne 
füt-ce que le titre d'un ouvrage en francais à ajouter au 
Liber pontificalis, ou un souvenir de l'amitié qui unit le 
moraliste du XIV* siècle au chevalier de Saint-Venant. 
Alors, dans ce siécle qu'on a cru si longtemps pauvre en 
écrivains, les provinces du Nord donneront à la littérature 
francaise, avec le maitre de Froissart, Jean le Bel, avec 
le meilleur continuateur de Chrestien de Troyes, Jean de 
Condé, un précurseur de Montaigne : Jean d'Arckel. 


— La Classe se constitue en comité secret pour s'o€- 
cuper de la discussion des titres des candidats aux places 
vacantes, et subsidiairement, des candidatures supplémen- 
taires. | 


( 478 ) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


Séance du 5 avril 1879. 


M. le chevalier Léon DE BunBunE , directeur. 
M. LraGre, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. L. Alvin, Guill. Geefs, Jos. Geefs, 
C.-A. Fraikin, Edm. De Busscher, Alph. Balat, J. Franck, 
Gust. De Man, Ad. Siret, J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, 
Alex. Robert, Ad. Samuel, G. Guffens, J. Schadde, mem- 
bres; Alex. Pinchart, J. Demannez, correspondants. 

MM. Montigny et Mailly, membres de la Classe des 
sciences, et M. R. Chalon, membre de la Classe des lettres, 
assistent à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur informe qu'il a invité le 
conseil d'administration de l'Académie royale des beaux- 
arts d'Anvers à donner connaissance à M. Lauwers, lauréat 
du grand concours de gravure de 1874, des termes de l'ap- 
préciation faite par la Classe des beaux-arts sur le sixiéme 
rapport de ce lauréat. 


( 476 ) 

— Le méme haut fonctionnaire adresse une expédition 
d'un arrété royal du 22 mars, ouvrant un double concours 
pour la composition d'un poëme en langue française et d'un 
poéme en langue flamande destinés à être mis en musique, 
pour le grand concours de composition musicale de cette 
année. 


— M. Éd. Mailly offre un exemplaire de son mémoire 
intitulé : Les origines du Conservatoire royal de musique 
de Bruxelles. (Extr. du tome XXX des Mémoires in-8° de 
l'Académie.) 

M. P. Trabaud, de Marseille, fait hommage à la Classe 
d'un exemplaire de la 2* édition de son ouvrage intitulé : 
Outre-Manche. Notes et sentiments sur les Iles Britan- 
niques, 1875 ; petit in-8°. 

Des remerciments sont votés aux auteurs de ces dons. 


———— 
———— 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


La Classe avait à son ordre du jour la rédaction défini- 
tive de la liste des objets d'art à reproduire par les lauréats 
des grands concours. 

M. Alvin fait observer qu'il serait opportun, avant d'ar- 
réter cette liste, de savoir quel usage on fera des copies 
exécutées par les lauréats. 

|l propose de consulter M. le Ministre à ce sujet. — 
Adopté. 


( 471 ) 


ÉLECTIONS. 


La Classe procéde à la formation de la liste double des 
candidats pour la nomination du jury chargé de j juger les 
cantates. 

Cette liste sera communiquée à M. le Ministre de l'In- 
térieur. 


— L'ordre du jour appelle l'élection d'un membre titu- 
laire dans la section de musique en remplacement de M. le 
baron Limnander, qui à demandé à étre rangé dans la 
catégorie des associés. 

Les suffrages se portent sur M. Théodore Radoux, déjà 
correspondant de la Classe et directeur du Conservatoire 
royal de Liége. 

Cette élection sera soumise à la sanction de Sa Majesté. 


OUVRAGES PRÉSENTÉES. 


Mailly (Éd.). — Les origines du Conservatoire royal de 
musique de Bruxelles. Bruxelles, 1879 ; extr. in-8°. 

Nolet de Brauwere van Steeland (Dr. J.). — Oud-Marte- 
laren op Westvlaamsche pijnbank hermarteld. Vilvorde, 1879; 
in-8°. 

Bambeke (Ch. van). — Contribution à l'histoire du dévelop- 
pement de l’œil humain. Gand, 1879, extr. in-8°. 

Valérius (H.). — Les applications de la chaleur, avec un 


( 478 ) 
exposé des meilleurs systémes de chauffage et de ventilation, 
9n* et 57* livraisons (3"* édition). Fari 1879; 2 E Hr es 
Keiffer (Dominique). Le direct I s, 1877; 
in-8 


wrote (C. de). — Avesta, livre sacré des sectateurs de Zo- 
roastre, traduit du texte : Indices, par Ch. Michel. Liége 1878; 
in-8°. 

Vandenpeereboom (Alph.). — Ypriana, notices, études, notes 
et documents sur Ypres, tome second : la chambre des éche- 
vins. Bruges, 1879 ; vol. in-8°. 

Lefèvre (Th.). — Recherches podes — 
de l'ovule des environs de Bruxelles, O ( )gig 
Münst., sp. Bruxelles, 1878; extr. in-8*. 

Hymans (Louis), — Histoire parlementaire de la Belgique 
de 1851 à 1880, tome II. Bruxelles, 1879; vol. in-8*. 

M [assart]-J. [anssens] de B. (M"* A.). — Hygiéne et sau- 
vetage pour la femme, pour la famille et pour la société. 
Bruxelles, 1877 ; in-8*. 

Vander Straeten (Edmond). — La musique aux Pays-Bas 
avant le XIX” siècle, documents inédits et annotés : composi- 
teurs, virtuoses, théoriciens; SORN opéras, motets, etc., 
tome IV. Bruxelles, 1878; in 

Observatoire royal de dift. — Annales, nouvelle série: 
annales astronomiques, tome II. Bruxelles, 1879; in-4°. 


ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 


Geschichts- und Alterthums- Verein zu Leisnig. — Mittheil- 
lungen, V. Heft. Leisnig, 1878 ; in-8°. 

Oberlausitzische Gesellschaft der Wissenschaften. — Neues 
lausitziches Magazin, LIV. Bd. 4. und 2. Hefte. Gorlitz, 1878; 
2 cah. in-8*. 

Neue zoologische Gesellschaft in Frankfurt a. M. — Der 


( 479 ) 
zoologische Garten, XIX. Jahrgang n* 7-12. Francfort s[M, 
1878; in-8°. 

Geologische Reichsanstalt. — Jahrbuch, 1878, October- 
December. —- Verhandlungen, 1878, n^ 14-17. Vienne; in-8*. 

Anthropologische Gesellschaft in Wien. — Mittheilungen 
VIII. Band, n° 10-12. Vienne, 1879; in-8°. 

Berliner Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und 
Urgeschichte. — Verhandlungen, Jahrg. 1878, Januar-Juni. 
Berlin ; in-8*. 

Verein für Naturkunde in Fulda. — Meteorologiseh-phä- 
nologische Beobachtungen aus der Fuldaer Gegend, 1878. 
Fulda, 1879; in-8°. 

Naturwissenschaftliches Verein für Steiermark. — Mit- 
theilungen, Jahrgang 1878. Gratz, 1879; in-8°. 

Beckh-Widmanstetter (Léopold V.). — Studien an den 
Grabstätten alter Geschlechter der Steiermark und Kärntens. 
Berlin, 1877-78; in-8°. 

Nehring (Alfred). — Die Fossilreste der Mikrofauna aus 
den oberfrünkischen Hóhlen. Extrait in-4°, s. l. ni d. 

Edelmann (Th.) — Neuere Apparate für Naturwissenschaft- 
liche Schule und Forschung, 1. Lieferung. Stuttgart, 1879; 
in-8°. 


AMÉRIQUE. 


Marsh (0.-C.). — Principal characters of american Jurassic 
dinosaurs, part I, with 7 plates. New Haven, 1878; extr. in-8°. 

— A new order of extinct reptiles (SaunaNopoNTA) from the 
jurassic formation of the rock mountains. Principal characters 
of american jurassie dinosaurs, part 2, with 8 plates. New- 
Haven, 1879; extr. in-8°. 

République Argentine. — Anales de la Oficina meteorolo- 
gica Argentina, tomo I : Clima de Buenos Aires. Buenos Ayres, - 
1878; in-A*. 


(480). 


FRANCE. 


Barrois(Ch.). — Note sur le terrain dévonien de la province 
de Léon (Espagne). Paris, 1877; extr. in-8°. 

— Mémoire sur le terrain crétacé des Ardennes et des 
régions voisines. Lille, 1878; in-8°. 

Flach (Jacques).— La table de bronze d'Aljustrel, étude sur 
l'administration des mines au I“ siècle de notre ère. Paris, 
1879; extr. in-8°. 

De Witte (J.). — Catalogue de la collection d'antiquités de 
feu M. Charles Paravey. Paris, 1879; in-8°. 

Castan (Aug.). — Catalogue des peintures, dessins et sculp- 
tures des musées de Besancon, par J.-F. Lanerenon, 6° édition, 
revue et complétée. Besancon, 1879 ; in-8°. 

- Limbourg (Pierre). — L'économie politique du Bonhomme 
La Fontaine, entretiens populaires. Paris, Bruxelles, etc. 1878; 
in-16 (2 exemplaires). 

Blanchard (Em.). — Funérailles de M. Paul Gervais, dis- 
cours. Paris, 1879; extr. in-4°. 

Société philomatique de Paris. — Bulletin, 7* série, tomes I 
et 1I, 1876-1878. Paris; in-8°. 

Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. — 
Mémoires, 2° série, tome III, 1* cahier. Bordeaux, 1878; in-8°. 

Société d'agriculture, sciences et arts. — Mémoires, tome VI. 
Valenciennes, 1879; in-8°. 

Trabaud (P.). — Outre-Manche, notes et sentiments sur les 
Iles britanniques, 2* édition. Paris, 1875; vol. in-8*. 

Donnadieu (A. L.). — Organisation du service de la zoologie 
à la faculté des sciences de l'Université de Lyon. Paris, 1879 ; 

r. in-8°. 

‘planté (Gaston). — Recherches sur l'électricité. Paris, 1879: 
vol. in-8*. 

Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. — Histoire lit- 


( 484 ) 
téraire de la France, par les religieux Bénédictins, nouvelle 
édition, publiée sous la direction de M. Paulin Paris, 
tomes I-XV. Paris. 1865-1869; 16 vol. in-4°, 

— Table générale par ordre alphabétique des matiéres, 
contenues dans les 15 premiers volumes de l'histoire littéraire 
de France, par Camille Rivain. Paris, 1865; vol. in-4° 

Terquem (A.). — Sur les courbes dues à la cotabltiaison de 
deux mouvements vibratoires perpendiculaires. Lille, 1879; 
extrait in-8°. 

Jousset de Bellesme (le Dr). — Travaux originaux de phy- 
siologie comparée, tome ] : Insectes, métamorphoses, vol. 
Paris, 1878; vol. in-8°, 

Bluntschli. — La Politique, traduit de l'allemand et précédé 
d'une préface par Armand de Riedmatten. Paris, 1879; 
vol. in-8°. 

Société savoisienne d'histoire et d'archéologie. — Mémoires 
et documents, tome XVII. Chambéry, 1878; in-8°. 


GRANDE-BRETAGNE ET COLONIES, 


Institution of civil engineers. — Minutes of proccedings, 
vol. LV, part. 4. Londres, 1879; in-8°. 

Roi pid historical Society. — Transactions, vol. VII. Londres, 
1878; in-8°. 

Asiatic Society of Bengal. — Journal vol. XLVII: part I, 
n° 2 and 5; part. Il, n° 5. — Proceedings, July and August, 
1878. — Bibliotheca Indica, new series, n?* 558, 559,596, 597, 
401-408. Calcutta, 1878; in-8°. 

Royal Society of N. South Wales. — Journal and procee- 
dings, vol. XI, 1877. Sydney, 1878 ; in-8°. 

Government of New South Wales. — Railways of N. S. Wales, 
report for 4876. — Report of the council of education upon 
the condition of the publie schools, ete., for 1877. — Annual 


2"* SÉRIE, TOME XLVII. : 51 


( 482 ) 

report of the department of mines for 1877. Sydney, 1878; 
2 vol. in-&^ et vol. in-8°. 

Clarke (Rev. W.-B.). — Remarks on the sedimentary for- 
mation of New South Wales, 4" edition. Sydney, 1878; in- 8*. 

British Association for the advancement of science. — Re- 
port of the 47" meeting, held at Plymouth in 1877. Londres , 
1878; in-8*. | 

Thompson (d'Arcy W.). — On some new and rare Hydroid 
Zoophytes (Sertulariidae and Thuiariidae) from Australia and 
New Zealand. 1878; extr. in-8°. 

Commission géologique du Canada. — Rapport des opéra- 
tions de 1876-77. Montreal, 1878 ; vol. in-8*. 

Ross (chev. Alex. M.) — Catalogue of mammals, birds , rep- 
tiles and fishes of the dominion of Canada. Montreal, 1878 ; 
in-9^. 


HoLLANDE ET SES COLONIES. 


Bergsma en Backer Overbeek. — Bijdrage tot de kennis 
der weergesteldlieid ter kuste van Atjeh. Batavia, 1877, in 4-°. 

Vreede. — La Souabe après la paix de Båle. Utrecht, 1879 ; 
vol. in-8°. 

Société historique et archéologique du duché de Limbourg. 
— Publications, tome XV, 1878. Ruremonde ; in-8°. 

Historisch Genootschap te Utrecht. — Bijdragen en mede- 
deelingen, 2% deel. — Werken, n° 28. Utrecht; in-8°, 

Kon. Akademie van wetenschappen te Amsterdam. — Af- 
deeling natuurkunde : Processen-verbaal van de gewone ver- 
gaderingen, 1877-1878; Verslagen en mededeelingen, 2** reeks, 
XII en XIIe deel. — Afdeeling letterkunde : Verslagen en 
mededeelingen, 2% reeks, VII‘ deel. — Verhandelingen, 
XVIII? deel. — Jaarboek voor 1877. — rop aliaque poe- 
mata. Amsterdam, 1878-1879. 


— 


( 483 ) 


IraLiE. 


Zigno (Achille de). — tazioni paleontologiche: Aggiunte 
alla ittiologia del epoca eocena. Venise, 1878; iniri in-4*. 

— Annotazioni paleontologiche : Sopra i resti di uno squa- 
lodonte, scoperti nell' arenaria miocena del Bellunese. Venise, 
1876; extr. in-4°. ; 

— Annotazioni paleontologiche : Sirenii fossili trovati nel 
Veneto. Venise, 1875; extr. in-4°. 

— Sopra un nuovo sirenio fossile, scoperto nelle colline di. 
Bra in Piemonte. Rome, 1878 ; extr. in-4°. 

Siragusa (F.-P.-C.. — L'anestesia nel regno vegetale. 
Palerme, 1879; pet. in-8°. 

R. museo di Firenze. — Catalogo della collezione di insetti 
italiani : Coleotteri, 2* serie. Florence, 1879; in-8*. 

Gozzadini (Giov. — Intorno ad alcuni sepolcri scavati 
nell arsenale militare di Bologna. Bologne, 1875; in-8*. 

— Di un antieo sepolero a ceretolo nel Bolognese. Modéne, 
1879; in-8°. 

Carrara (Fr. — Pensieri sul progetto di Codice penale 
italiano del 1874, terza edizione. Lucques, 1878; vol. in-8*. 

Academia d’agricoltura arti e commercio di Verona. — 
Memorie. 9? serie, vol. LV, fasc. 5. Vérone, 1878 ; in-8°. 


Pays DIVERS. 


Jensen (0.-S.). — Turbellaria ad Litora Norvegiae occiden- 
talia. Bergen, 1878 ; in-4°. 

Hamberg (Dr H. E.). — La température et l'humidité de 
l'air à différentes hauteurs, observées à Upsal pendant l'été de 
1875. Upsal, 1876; in-#°. 

Hildebrandsson (Hildebrand) et Rundlund. — Prise et 


( 484 ) 
débâcle des lacs en Suède (automne 1871-printemps 1877). 
Upsal, 1879; br. in-4°. 

Hildebrandsson (H.) — Atlas des mouvements supérieurs 
de l’atmosphère. Stockholm, 1877; br. in-4*. 

Naturforschende Gesellschaft Graubündens. — Jahres-Be- 
richt, 1876-1877. Coire, 1878 ; in-8°. 

Physikal. Central-Observatorium. — Annalen, 1877. Saint- 
Pétersbourg, 1878; 1 vol. in-4° et br. in-8*. 

Observatoire de Poulkova. — Observations, vol. IX : me- 
sures micrométriques des étoiles doubles. — Jahresbericht für 
1878. Saint-Pétersbourg, 1878 ; vol. in-4° et br. in-8°. 

K. Akademie der Wissenschaften. — Repertorium für Meteo- 
rologie, Band VI, 1. Heft. Saint-Pétersbourg, 1878; in-4°. 

Jardin impérial de botanique. — Acta, tomus V, fasc. 2. 
Saint-Pétersbourg, 1878; in-8*, 


BULLETIN 
DE 
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


1879. — No 5. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 6 mai 1879. 


M. le baron de Sezys Loxccnawps, directeur. 
M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. J.-S. Stas, vice-directeur; L. de 
Koninek, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, 
F. Duprez, J.-C. Houzeau, H. Maus, Ern. Candéze, F. 
Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Morren, 
C. Malaise, F. Plateau, Fr. Crépin, Éd. Mailly, F.-L. Cor- 
net, membres ; Th. Schwann, E. Catalan , associés ; Ch. Van 
Bambeke et G. Van der Mensbrugghe, correspondants. 

M. Ém. de Laveleye, membre de la Classe des lettres, 
assiste à la séance. 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 32 


( 486 ) 


CORRESPONDA NCE. 


La Classe apprend svec un vif sentiment de regret la 
perte qu'elle vient de faire en la personne de M. H. W. Dove, 
associé de la section des sciences mathématiques, né à 
Leignitz (Silésie), le 6 octobre 1805, et mort à Berlin, le 
5 avril 1879. 


— M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio- 
théque de l'Académie, un exemplaire de l'ouvrage intitulé: 
Hygiène et sauvetage pour la femme, pour la famille et 
pour la société, par M"* A. M.J. de B., brochure in-8°. 


— Les établissements scientifiques suivants remercient 
pour le dernier envoi des publications académiques : 

Meteorological Office of Calcutta; Société des sciences 
naturelles de Styrie, à Gratz ; Muséum d'histoire naturelle 
de Paris; Académie des sciences de Bologne ; Société ento- 
mologique de Florence; Académie physico-médico statis- 
tique de Milan; Société eryptogamologique de la méme 
ville; Société vaudoise des sciences naturelles, à Lausanne; 
Société des naturalistes de Modéne; Société des sciences 
naturelles, et École normale de Pise; Académie R. des 
Lyncées , et Comité R. géologique d'Italie, à Rome; Aca- 
démie olympique de Vicenze. 

MM. Japetus Steenstrup et Alph. de Candolle, associés 
de la Classe, et M. Alfred Gautier, de Genéve, remercient 
pour le méme envoi. 


— M. Édouard-C. Pickering, directeur de l'observatoire 


( 487 ) 
du Harvard College , à Cambridge (M'*), fait savoir qu'une 
série. d'observations photométriques, sur des étoiles de 
différentes grandeurs voisines du póle nord, a été entre- 
prise dans cet établissement. 

M. Pickering fait appel aux astronomes qui s’occupent 
d'observations anologues, afin de lui communiquer leurs 
résultats et d'augmenter ainsi la valeur de ceux obtenus 
par lui-même. L'ensemble de ces travaux formera un ou- 
vrage spécial dont un exemplaire sera envoyé à chaque 
collaborateur. 


— La Classe accepte le dépót dans les archives de l'Aca- 
démie d'un billet cacheté de M. Léo Errera, portant pour 
titre : Note sur les feuilles. 

Sur la demande de M. Achille Brachet, de Paris, elle 
accepte aussi le dépót aux archives d'un corollaire au billet 
cacheté envoyé par cet auteur le 5 avril dernier. 


— M. Folie, empêché, prie M. le général Liagre de pré- 
senter les travaux suivants de la part de M. Émile Weyr, 
professeur à l'Université de Vienne, membre correspon- 
dant de l'Académie des sciences de cette ville : 


Ueber die Abbildung einer rationalen Raumcurve vierter 
Ordnung auf einen Kegelschnitt. 

Weitere Bemerkungen über die Abbildung einer ratio- 
nalen Raumcurve vierter Ordnung auf einen Kegelschnitt. 

Ueber. die projectivische Beziehung zwischen den singu- 
lären Elementen einer cubischen Involution. 

Ueber Punktsysteme auf rationalen Raumcurcen vierter 
Ürdnung. 

Ueber Raumcurcven vierter Ordnung mit einem Doppel- 
punkte. 


( 488 ) 

Ueber die Abbildung einer mit einem Cuspidalpunkte 
versehenen Raumcurve vierter Ordnung auf einen Kegel- 
schnitt. 

Ueber die Abbildung einer Raumcurve vierter Ordnung 
mit einem Doppelpunkte auf einen Kegelschnitt. 

Bemerkungen über eine besondere Art involutorisch 
liegender Kegelschnitte. 

Die Curven dritter Ordnung als Doit bonis j 
5 extraits in-8°. 

M. J. Delbœuf envoie, au nom del'auteur, M. le D" Moel- 
ler, médecin de l'hópital civil à Nivelles, un exemplaire de 
son ouvrage : Du daltonisme au point de vue théorique et 
pratique. In-8°. 

M. Cornet présente de la part de M. Gustave Arnould, 
ingénieur principal au corps des mines, un exemplaire de 
son ouvrage intitulé : Bassin houiller du Couchant de 
Mons. Mémoire historique et descriptif. In-4°. 

La Classe vote des remerciments aux auteurs de ces 
dons. 


— Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à 
l'examen de commissaires : 

1* Mouvements relatifs de tous les astres du systéme 
solaire, chaque astre élant considéré individuellement; 
par M. C. Souillart, professeur à la faculté des sciences de 
Lille. — Commissaires : MM. Catalan, De Tilly et Van der 
Mensbrugghe ; 

9» Sur l'élimination (troisième Note), par M. P. Mansion 
professeur à l'Université de Gand. — Commissaires : MM. 
Catalan, Folie et De Tilly; 

3° De la dilatabilité des solutions et de quelques liquides 
organiques; par M. P. De Heen, ingénieur, à Louvain. — 


( 489 ) 
Commissaires : MM. J. Plateau, Van der Mensbrugghe et 
Donny; 

4 Notice sur la structure de la glande de Harder du 
canard domestique ; par M. Jules Mac Leod, préparateur à 
l'Université de Gand. — Commissaires : MM. Félix Pla- 
teau et Éd. Van Beneden ; 

5° Nouvelles communications sur la cellule cartilagi- 
neuse vivante; par M. W. Schleicher, d'Anvers. — Com- 
missaires : MM. Van Bambeke et Schwann ; 

6° Note sur une nouvelle méthode de préparation des 
acides iodhydrique et bromhydrique; par M. G. Bruylants, 
pharmacien, professeur à l'Université de Louvain. — Com- 
missaires : MM. Stas et Melsens ; : 

T° Nouvelle note sur la navigation aérienne; par 
M. Van Weddingen, — Commissaires : MM. Montigny et 
Liagre, 


ÉLECTIONS. 


La Classe continue à M. Stas le mandat de la représen- 
ter dans la Commission administrative pendant l'année 
1879-1880. 


RAPPORTS. 


M. Maus donne son avis sur une demande de l'institu- 
tion des ingénieurs mécaniciens de Londres, qu'il avait été 
Chargé d'examiner, concernant certaines expériences de 
mécanique pratique que se propose de faire le comité 
de cette institution. L'avis sera transmis aux intéressés. 


( 490 ) 
— M. Montigny, chargé d'examiner une Note de 
M. Achille Brachet sur un Cassegrain en verre argenté, en 
propose le dépôt aux archives. — Adopté. 


Sur l'élimination ; par M. Mansion. 
Rapport de M, Catalan. 


« Cette seconde Noteest un complément nécessaire de la 
première, qui a paru dans les Bulletins de l'Académie 
(2"* série, t. XLVI, p. 899); elle mérite donc la méme 
faveur. J'ajouterai que le nouveau travail de M. Mansion 
est fort intéressant et qu'il contient un remarquable théo- 
rème sur les déterminants rectangulaires nuls. 

P. S. (26 avril). — M. Mansion a reconnu que le théo- 
rème dont il s'agit est dù à M. Le Paige. Cette circon- 
stance ne modifie en rien nos conclusions précédentes. » 


Rapport de M. Folie. 


« Je me rallie aux conclusions de mon savant confrère; 
et, en félicitant M. Mansion des simplifications qu'il est 
parvenu à introduire dans cette théorie de l'élimination , 
qui est restée assez ardue jusqu'à ce jour, je l'engage vive- 
ment à nous donner un travail aussi complet que possible 
sur cette importante quéstion. » 


La Classe a adopté ces deux rapports, auxquels s'est 
rallié M. De Tilly, troisième commissaire. 


( 491 ) 


Sur les minéraux belges (huitième et neuvième Notices); 
par M. Lucien de Koninck. 


Rapport de M. €, Malaise. 


« On connaissait jusqu’à présent quatre silicates manga- 
nésifères dans le terrain nommé ardennais par Dumont, 
savoir: l'ottrélite, la spessartite, l'ardennite ou Dewalquite 
et la Davreuxite. M. L. de Koninck nous fait connaitre un 
cinquième silicate manganésifère, la carpholite qu'il décrit 
et analyse. 

Cette espéce, signalée jusqu'à présent à Schlagenwald 
et à Wippra, a été rencontrée à Meuville (Rahier), par 
M. L. Donckier. 


Dans une neuviéme Notice, M. L. de Koninck nous 
fait eonnaitre à Moét-Fontaine (Rahier) l'existenee d'un 
carbonate de manganèse, la rhodocrosite ou diallogite, 
espéce également nouvelle pour la Belgique. 

J'ai l'honneur de proposer l'impression des Notices de 
M. de Koninck dans les Bulletins de l'Académie. » 


La Classe a adopté ce rapport, auquel s'est rallié 
M. Cornet, second commissaire. 


Sur le rapport verbal de M. Stas, un travail de 
M. W. Spring, intitulé : Recherches sur quelques nouveaux 
sels basiques de mercure et sur un cas d'isomérie du sul- 
fure de mercure, sera imprimé au Bulletin. 


( 492 ) 


Des caractères distinctifs de la dolomite et de la calcite 
dans les roches calcaires et dolomitiques du calcaire 
carbonifère de Belgique; par M. A. Renard. 


Rapport de M. €, Malaise. 


« M. Renard s'est attaché dans cette Note à fixer les 
caractères distinctifs de la calcite et de la do lomite dans 
les roches qui renferment ces deux éléments associés en 
individus microscopiques. Aprés avoir exposé les recher- 
ches des minéralogistes qui se sont occupés de cette ques- 
tion, l'auteur démontre que les caractéres sur lesquels on 
s'est fondé pour établir la distinction entre ces deux es- 
pèces ne sont pas de nature à lever tous les doutes. Il sub- 
stitue au diagnostic reposant sur l'absence ou la présence 
des lamelles hémitropes intercalées suivant la face qt, le 
caractére que présente la dolomite de s'offrir presque tou- 
jours avec la forme du rhomboédre primitif, tandis que la 
calcite n'affecte jamais, peut-on dire, cette forme cristal- 
line. Il résulte de ses observations que les dolomites qui 
n'appartiennent pas au type normal doivent être considé- 
rées comme des mélanges mécaniques de dolomite et de 
caleite et non comme des combinaisons dans lesquelles 
l'excés d'une des deux bases constitutives devraient s'in- 
erpréter suivant les lois de l'isomorphisme. 

L'auteur appuie ses déterminations par des recherches 
chimiques faites sous l'objectif du microscope et termine 
sa communication en indiquant que pour plusieurs roches 
dolomitiques du calcaire carbonifère la dolomitisation est 
due à une action postérieure à la sédimentation des élé- 
ments calcareux. 


( 493 ) 
J'ai l'honneur de proposer l'impression au Bulletin du 
travail de M. Renard et de la planche qui l'accompagne. » 


La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est 
rallié M. de Koninck, second commissaire. 


Sur l'avis de M. Crépin, une rectification synonymique 
de M. Elie Marchal, relative à sa Notice intitulée : Révi- 
sion des Hédéracées américaines , publiée dans le n? 1 du 
tome XLVII des Bulletins, figurera également au Bulletin. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


Sur les irruptions subites du grisou dans les travaux 
d'exploitation de la houille; par M. F.-L. Cornet, 
membre de l'Académie. 


Parmi nos diverses industries, celle de l'exploitation des 
mines n'a pas été la derniére à s'approprier les décou- 
vertes de la chimie, de la physique et de la mécanique. 
Les applications qu'elle a faites des sciences à ses moyens 
d'action ont eu le plus souvent pour but de diminuer le 
danger que présente le séjour dans les travaux souterrains. 
Aussi les personnes qui, comme nous, ont suivi durant 
longtemps déjà la marche de l'exploitation de la houille en 
Belgique, trouvent qu'il existe une différence trés-consi- 
dérable sous le rapport de la salubrité et de la sécurité, 
entre les mines exploitées il y a un quart de siècle et celles 
que nous voyons aujourd'hui. 


( 494 ) 

Si nous ne considérons que ce qui a été fait pour com- 
battre l'ennemi prineipal rencontré par les mineurs daus 
certaines exploitations, c'est-à-dire les dégagements de 
ces gaz inflammables connus sous le nom de grisou , nous 
trouverons que ce n'est pas la partie de l'art des mines qui 
a fait le moins de progrés. L'aménagement plus rationnel 
que jadis des travaux d'exploitation, la connaissance plus 
compléte des lois de la ventilation, l'application de puis- 
santes machines à l'aérage, les perfectionnements impor- 
lants apportés à la lampe de süreté, tous ces progrès 
combinés avec une réglementation et une surveillance 
administratives très-sévères, ont eu pour effet de donner à 
la plupart de nos mines autant de sécurité, si ce n'est plus, 
que n'en présentent les travaux de certaines autres indus- 
tries, s'exercant en plein air, à la lumière du soleil. 

Cependant des catastrophes dues an grisou surviennent 
encore dans les charbonnages. Le 17 avril dernier les an- 
nales de l'exploitation de la houille ont eu à enregistrer 
l'aecident le plus grave que les mines belges aient vu. 
Certes le désastre est assez grand pour expliquer la pro- 
fonde émotion qui s'est emparée de la population entière 
de notre pays; mais cette émotion nous semble mélangée 
d'étonnement douloureux. Il nous semble que le public se 
demande comment une catastrophe semblable à celle du 
puits n° 2 de l'Agrappe est encore possible aprés les im- 
menses progrés réalisés dans les applications de la science 
à l'industrie. 

C'est pour répondre à cette question que nous avons pris 
la parole dans cette séance. 

On sait que c'est dans le bassin de Mons que le terrain 
houiller de Belgique est le plus complet, c'est-à-dire pré- 
sente la plus grande épaisseur et renferme le plus graud 


( 495 ) 
uombre de couches de charbon. En s'appuyant sur des 
considérations tirées de l'étude des propriétés physiques et 
chimiques des combustibles, on a établi dans la formation 
six groupes de couches superposées dans l'ordre suivant à 
parür des plus récentes (1) : 

1° Charbon Flénu proprement dit; 

2 Charbon Flénu gras; 

3° Charbon demi-gras à longue flamme; 

4 Charbon gras; 

9° Charbon demi-gras à courte flamme; 

6° Charbon maigre. 

Le grisou ne se rencontre pas dans le groupe supérieur 
ou du charbon Flénu proprement dit, du moins dans la 
plus grande partie de la région où ce charbon est exploité 
dans le bassin de Mons. Il commence à se montrer daus 
les couches les plus élevées fournissant le charbon Flénu 
gras et l'on peut dire, d'une manière générale, qu'à partir 
de ce niveau il est d'autant plus abondant que l'on descend 
stratigraphiquement plus bas dans la formation, jusque 
daus le groupe du charbon gras où se trouvent les déga- 
gements les plus importants de gaz inflammable; mais les 
couches demi-grasses à courte flamme et celles du groupe 
des charbons maigres n'en sont pas exemptes. Quelques- 
unes d'entre elles sont méme considérées comme très- 
grisouteuses. 

Dans les groupes des charbons Flénu gras et demi-gras 
à longue flamme, ainsi que dans quelques couches des trois 
groupes inférieurs, l'importance des dégagements de grisou 
est le plus généralement, pour une méme mine, en rapport 


(1) Gustave AnxouLp, Mémoire historique et descriptif du bassin 
houiller du couchant de Mons. Mons, 1878. — Hector Manceaux, éditeur. 


( 496 ) 

avec le volume de charbon abattu dans un temps donné. 
Dans ce cas qui, disons-le de suite, est celui du plus grand 
nombre de nos mines à grisou, le danger est écarté si l'on 
dispose d'une ventilation suffisante, si les méthodes d'ex- 
ploitation sont rationnelles, si les appareils d'éclairage 
sont bons et si l'emploi de la poudre se fait d'une manière 
judicieuse et est efficacement surveillé. Or ces conditions 
de sécurité, d'ailleurs rigoureusement imposées et contró- 
lées par l'administration supérieure, existent dans toutes 
nos mines à grisou. Mais si elles sont trés-efficaces pour 
les exploitations dont nous venons de parler, c'est-à-dire 
pour celles où l'importance des dégagements de grisou est 
en rapport avec la production de charbon, on va voir 
qu'elles peuvent, dans certains cas, étre insuffisantes pour 
d'autres mines. 

Le grisou se trouve assez souvent dans les (issures des 
roches qui encaissent les couches de houille, mais c'est 
principalement dans le charbon méme qu'il se rencontre 
avec le plus d'abondance. Sous quel état se trouve-t-il en- 
fermé dans les cellules de la houille ou dans leurs inter- 
stices? S'il est à l'état gazeux à quelle tension est-il sou- 
mis? Ce sont là des questions que l'on étudie, mais qui ne 
sont pas encore résolues. Quoi qu'il en soit, tout porte à 
faire admettre que les forces qui tendent à dégager le gaz 
inflammable du charbon, pour le pousser dans l'atmosphère 
de la mine, sont sensiblement égales sur tous les points 
situés à la méme profondeur dans les couches où les déga- 
gements sont fonction du volume de charbon abattu, c'est- 
à-dire dans le groupe du charbon Flénu gras, dans le 
groupe demi-gras à longue flamme et dans quelques veines 
appartenant aux trois groupes inférieurs. Mais ces trois 
groupes inférieurs comprennent d'autres couches oü l'on 


( 497 ) 

trouve des zones de charbon renfermant du grisou sous 
une pression ou sous un état tel que ce charbon est en 
quelque sorte explosif. Lorsqu'une surface plus ou moins 
grande d'une semblale zone est soustraite à une partie de 
la pression exercée par les roches encaissantes, c'est-à-dire 
lorsqu'elle est rencontrée par une galerie, le grisou se dé- 
gage brusquement, avec grand bruit, en brisant, pulvéri- 
sant et lancant au loin la houille qui le renfermait. Le 
mouvement se transmet en un temps trés-court dans les 
profondeurs de la couche oü l'on trouve, plus tard, une 
exeavation en rapport avec le volume de charbon pulvérisé, 
projeté dans les galeries. C'est l'existence de cette excava- 
tion qui a fait croire que les dégagements instantanés de 
grisou étaient dus à la rencontre de poches oü le gaz in- 
flammable se trouvait fortement comprimé. 

L'observation tend à faire admettre, et l'on comprendra 
qu'il ne peut guére en étre autrement, que le volume de 
grisou mis eif liberté brusquement est proportionnel au 
volume de charbon subitement entrainé. Quand ce dernier 
volume est peu considérable, c'est-à-dire quand il n'est 
que de quelques métres cubes, l'accident n'a ordinairement 
de conséquences graves que pour les ouvriers placés dans 
son voisinage immédiat. Le gaz inflammable dégagé suit la 
marche générale du courant de ventilation en se mélan- 
geant à l'air, et en éteignant souvent les lampes des mineurs 
qui se trouvent sur son passage. Mais si le volume de char- 
bon déplacé est considérable, de plusieurs centaines de mè- 
tres cubes, un désastre peut se produire. Les ouvriers placés 
dans la partie des travaux immédiatement envahie sont 
projetés violemment, puis sont ensevelis dans la masse de 
charbon pulvérisé qui comble les galeries jusqu'à une dis- 
lance souvent considérable du point de l'irruption. En 


( 498 ) 
méme temps un énorme volume de grisou est lancé dans 
la mine, éteignant les lampes et asphyxiant les ouvriers 
qui se trouvent sur le chemin qu'il suit. 

Refoulant le courant d'aérage, ce grisou peut parvenir 
jusqu'au puits d'entrée d'air qui est ordinairement le puits 
d'extraction des charbons. Dès lors le danger est immense 
pour toute l'exploitation dont les différents quartiers sont 
envahis par un gaz irrespirable, si l'énergie des appareils 
de ventilation parvient à rétablir la marche du courant 
dans le sens normal. Si cette énergie est vaincue, le grisou 
continue sa marche ascensionnelle dans le puits d'extrac- 
lion et ee d'autant plus facilement que la colonne qu'il 
forme est plus haute. Bientót le gaz inflammable, accom- 
pagné d'un nuage de poussière, débouche à la surface et 
si, à portée de l'orifice du puits, il se trouve un foyer de 
chauffage ou d'éclairage, brülant à l'air libre, la déflagration 
se produit et l'on a le spectacle qui a terrifié les habitants 
de Frameries dans la matinée du 17 avril. . 

Tous ces effrayants phénoménes se passent dans un 
temps moins long que celui qu'il m'a fallu pour les déerire 
dans les quelques lignes qui précédent. 

Une catastrophe identique à celle du puits n° 2 de 
l'Agrappe est survenue le 5 janvier 1865 à la fosse Sainte- 
Catherine, des charbonnages du Midi de Dour. A cette 
occasion feu A. Devaux, alors inspecteur général des 
mines et membre de la Classe des sciences de l'Académie 
royale de Belgique, publia dans les Annales des travaux 
publics et dans la Revue universelle des mines (1) un tra- 
vail trés-remarquable sur les dégagements instantanés de 


(1) Annales des travaux publics, t. XXIII. — Revue universelle des 
mines, 10* année. 


( 499 ) 

grisou dans les travaux des houilléres. Le savant ingé- 
nieur attribuait ces accidents à la rencontre inopinée de 
poches remplies de gaz inflammable fortement comprimé. 
Les observations subséquentes n'ont pas confirmé cette 
hvpothése, mais elles ont mis hors de doute l'exactitude 
des deux faits suivants signalés par Devaux : les dégage- 
ments instantanés de grisou n'ont lieu qu'à partir d'une 
certaine profondeur et généralement dans des parties de 
couches qui ont été déformées par des accidents géologi- 
ques postérieurs à leur dépót. 

L'influence de la profondeur sur le nombre de dégage- 
ments instantanés de grisou a été bien mise en évidence 
par des chiffres que nous trouvons dans le Mémoire histo- 
rique et descriptif du bassin houiller du Couchant de Mons, 
publié récemment par M. Gustave Arnould, ingénieur prin- 
cipal au corps des mines. Nous croyons devoir reproduire 
ici ce que l'auteur dit à ce sujet : 

« Il résulte encore de l'étude que j'ai faite de cette inté- 
ressante question, qu'aucun dégagement instantané n'a été 
signalé antérieurement à 1847, ni à une profondeur 
moindre de 280 mètres. Pour le Couchant de Mons, ils 
se répartissent comme suit : 


De 280 à 300 mètres, : accident. 


De 450 à 500 — 
De 500 à 550 — 
De 550 à 600 — 
De 600 à 650 — 
De 650 à 700 — 
De 700 à 750 — 


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> C i9 t9 CC OI O © 19 


» On voit d'aprés ce tableau que, jusqu'au niveau de 


( 500 ) 

500 métres, le nombre d'accidents augmente avec la pro- 
fondeur; mais de la décroissance que l'on observe sous ce 
niveau on ne peut rien conclure, car il n'y a relativement 
que peu de travaux en activité au-dessous de 500 mètres 
(la moyenne de la profondeur des puits au Borinage est 
de 440 mètres actuellement), et il est à craindre que le 
développement de travaux et de l'exploitation dans les 
couches atteintes aux nouveaux étages inférieurs ne vienne 
grossir le chiffre des accidents de l'espèce. » 

Les lignes que nous venons de citer ont paru au com- 
mencement de l’année 1878, un an avant le terrible évé- 
nement qui vient de mettre tout notre pays en émoi, en 
justifiant les eraintes émises par M. Arnould. Suivant cer- 
taines probabilités qui seront changées bientót en certi- 
tudes, l'immense volume de grisou, qui a envahi les tra- 
vaux du puits n? 2 de l'Agrappe et qui est venu s'enflammer 
à la surface, aprés avoir refoulé le courant d'aérage des- 
cendant par le puits d'extraction, provenait de la profon- 
deur de 610 mètres, où l'on pratiquait une galerie mon- 
tante dans la couche de houille dite Épuisoire, pour mettre 
en communication les travaux du niveau de 610 mètres 
avec ceux de l'étage ouvert à 580 mètres. 

Siles dangers dus aux dégagements instantanés du gri- 
sou augmentent avec la profondeur, ce qui pour nous n'est 
pas douteux (1), il est facile de comprendre combien il 
importe, pour notre pays, de trouver les moyens de rendre 
ces dégagements inoffensifs, sinon de les empêcher. Le 


(1) Ce fait important sera bientôt démontré, de la manière la plus évi- 
dente, dans un important travail actuellement sous presse et dà à M. l'in- 
génieur principal Arnould. Il a pour titre : Études sur les dégagements 
instantanés de grisou dans les mines de houille. 


( 501 ) 

probléme est peut-étre le plus difficile que l'art des mines 
ait jamais eu à résoudre; néanmoins nous ne désespérons 
pas du suecés; nous croyons que la science de l'ingénieur 
finira par triompher du terrible ennemi que la nature 
oppose à l'exploitation de la houille en profondeur. Mais 
avant d'arriver à pouvoir combattre avec succès un ennemi 
aussi redoutable, il faut préalablement le connaitre. Or, 
disons-le, nos connaissances à propos des accidents dont 
nous avons parlé sont encore bien peu avancées. Ces acci- 
dents sont certainement dus au grisou, mais sous quel 
état ce gaz se trouve-t-il dans le charbon qui possède l'ef- 
frayante propriété qui a déjà fait tant de victimes? Avant 
son dégagement brusque le grisou est-il solide, liquide ou 
gazeux (1)? Se trouve-il réparti dans toute l'épaisseur des 
couches de houille ou n'est-il pas concentré dans la houille 
daloide, charbon terne, de texture particuliére, ressemblant 
au charbon de bois et formant de minces lits dans le char- 
bon brillant? Toutes ces questions sont posées, mais aucune 
n'est résolue. Les seuls renseignements que l'on posséde 
sont relatifs à la mesure de l'effort avec lequel le grisou 
tend à se dégager dans certaines couches. 

Par des expériences faites au charbonnage de l'Agrappe 
et à celui de Crachet-Picquery, on a trouvé que la pression 
exercée par le grisou, au fond d'un trou de sonde creusé 
dans le charbon, parallèlement au plan de stratification, 
augmente avec la profondeur du trou. Des tensions attei- 
gnant 16 atmosphéres ont été ainsi mesurées pour des 


(1) L'idée de l'existence du grísou à l'état liquide a été émise, pour fa 
première fois, pensons-nous , par M. G. Arnould , dans un billet cacheté 
déposé à la séance du 4 avril 1863 de la Société des sciences du Hainaut et 
ouvert le 4 aoüt 1864. 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 55 


( 802 ) 

profondeurs de sondage ne dépassant pas 7 à 9 métres; 
mais, à cause de l'imperfeetion des moyens employés, les 
chiffres de pression obtenus doivent êlre considérés comme 
des minima. Cependant une pression de 16 atmosphéres 
nous semble suffisante pour produire des accidents graves, 
dans le eas où la masse de charbon qui y est soumise est, 
pour une cause quelconque, un éboulement par exemple, 
dégagée brusquement sur l'une de ses faces et mise ainsi 
en contact avec l'atmosphére, ou du moins n'en est plus 
séparée que par une épaisseur de charbon ou de roche trop 
faible pour résister à la pression qui s'exerce en sens in- 
verse de celle de l'atmosphère. 


Note sur les mines de houille dans lesquelles on constate la 
présence du Grisou; par M. Melsens, membre de 
l'Académie. 


Notre savant confrére M. Cornet a eu l'obligeance de 
me communiquer la Note intéressante dont il vient de 
donner lecture à l'Académie. J'en ai pris connaissance avec 
un vif intérêt. Il faudrait une voix plus autorisée que la 
mienne, celle des hommes pratiques ou des savants au 
courant de toutes les questions si complexes que comporte 
la connaissance approfondie du travail dans les mines, pour 
chercher à signaler des vues pouvant augmenter la sécu- 
rité du travail, surtout dans les mines de houille à grisou. 
Cette restriction admise, on. me permettra cependant er 
quelques observations g hasard 
à présenter à l'avis de nos savants ingénieurs exploitant ou 
surveillant les mines, mais à simple titre de renseignement 
et avec circonspection. 


( 505 ) 

On sait la surveillance que l'Administration supérieure 
exerce sur cette dangereuse industrie; on connait beau- 
coup d'expériences, d'études et d'appareils divers en vue 
de l'amélioration des procédés de ventilation, de descente 
et de montée de trains d'ouvriers; on apprécie tous les 
essais qui ont été faits en vue d'améliorer la lampe de 
Davy, essais à la suite desquels on a adopté un type de 
lampe rendu obligatoire par l'arrété royal du 17 juin 1876; 
malgré tous ces travaux, les études ne sont pas complètes 
encore, les précautions prises sont parfois inefficaces, 
comme il a été prouvé par la terrible catastrophe de Fra- 
meries au charbonnage de l'Agrappe. 

Déjà, en mai 1878, notre confrére M. Cornet me faisait 
connaitre des expériences qui avaient été faites aux char- 
bonnages de Crachet-Picquery et de l'Agrappe. Un mano- 
mètre métallique était fixé à l'extrémité d'un tube de fer de 
7 métres de longueur; on introduisait celui-ci dans des 
trous plus ou moins profonds pratiqués dans des couches 
grisouteuses en l'y fixant au moyen d'un bourrage serré; 
dans ces circonstances le manométre indiquait une pres- 
sion allant jusqu'à 16 atmosphéres ; le grisou exerce donc 
une pression considérable et cette pression augmente avec 
la profondeur des trous; mais à cóté de ces conditions que 
l'on pourrait considérer comme normales, il faut tenir 
compte de cette donnée particulière que le grisou est très- 
probablement disséminé dans la masse de houille, mais 
principalement dans cette houille daloide formant des lits 
paralléles dans la houille brillante ; il y aurait, en outre, de 
véritables réservoirs de masses considérables de grisou ren- 
fermées dans des gaines de houille ou dans des fissures de 
roches; une fois les parois affaiblies, le véservoir déverse- 
rait brusquement, comme dans le tir des armes à feu, tout 
Son gaz à l'extérieur. 


( 504 ) 

Si je répète ici ce que notre savant confrère a déjà dit, 
c’est que j'ai été frappé en lisant le travail de feu notre 
confrère De Vaux, inspecteur général des mines (1), de voir 
que l'on peut jusqu'à un certain point connaitre d'avance 
ou soupconner l'endroit de ces terribles poches; son tra- 
vail, du reste, « vise au reméde à apporter et il le trouve, 
» en première ligne, dans l'observation rigoureuse d'une 
» condition inusitée jusqu'ici, savoir : 


» Que dans toute mine à grisou, ou au moins die 
toutes celles oit l'on n'aurait pas reconnu l'impossibilité 
de rencontrer des poches de gaz comprimé à proximité 
des puits d'entrée de l'air, on observe à l'égard de ces 
puits et de leurs abords les mémes mesures de prudence 
que pour les puits d'appel en ce qui concerne l'éclairage 
et l'emploi des foyers. » 


v ww w wv Ww y 


Analysant ensuite l'ensemble des documents qui lui 
avaient été adressés par MM. les ingénieurs des mines: 
De Simony, Gernaert et Bougnet, De Vaux constate que 
le phénoméne du dégagement instantané de gaz, dans 
les onze cas qu'il déerit, a généralement lieu à de grandes 
profondeurs au-dessous de la surface : 

gju | 568m | 592m | 480m 
o 580m 411m 
580m 410m 

Il ajoute ensuite : 

« Il ressort aussi de ce relevé que généralement ce phé- 
» noméne ne s'est présenté qu'en des points oü les couches 
» ont été violemment déformées aprés leur dépót, sous 


(1) Des dégagements instantanés de gaz dans les travaux des houil- 
léres et des dangers qui peuvent en étre la conséquence (ANNALES DES 
TRAVAUX PUBLICS, tome XXIII, 1866). 


( 505 ) 

» l'influence des causes qui ont produit les failles, le con- 
tournement, le plissement et la dislocation du système 
et que e'est toujours dans les dressants vers le crochon 
qu'ils forment avec la plateure de tête que ces roches 
ont été rencontrées. Cette particularité qui s'explique 
naturellement par la condition que c’est le long de ces 
arrétes saillantes que les strates des couches et de la 
roche ont été le plus exposées à se déchirer par le plis- 
seme nt est relevée dans neuf des cas que nous venons 
de citer. Les n°° 5 et 4 semblent seuls faire exception, 
encore estil permis de se demander s'il n'existe point 
au voisinage quelque dérangement inexploré qui ferait 
» disparaitre l'anomalie. » 

Il paraitrait, d’après ce passage, qu'il est possible de 
déterminer d'avance certaines positions des couches de 
houilles où le travail de l'abattage doit être conduit avec 
une extrême prudence et en prenant des précautions par- 
ticuliéres. : 

La première qui se présente à l'esprit consisterait à 
opérer des sondages préalables ; mais, d'aprés De Vaux, 
è le sondage lui-même n'est pas toujours efficient à les 
» prévenir (1). » 


Wo vY V w wv Wu wy Ww WU Ww w 


(1) D’après un renseignement que mon savant confrère, M. F. Cornet, 
ma fait parvenir après la séance, on forait à l' Agrappe dans la taille où 
l'on présume, où l'on sait plutôt, que l'irruption s'est produite. 

Ce fait, quand il sera vérifié par l'enquéte , aprés l'examen complet de 
la mine et la reprise des travaux, contirme la donnée de De Vaux ; mais ne 
peut-on pas se demander s'il n'est pas utile d'étudier des modes de son- 
dage ou de forage autres que ceux qui sont usités actuellement. Je ne 
connais pas tous les moyens employés, mais il me semble qu'on pourrait 
se préoccuper de rechercher un moyen qui, sans trop ébranler la masse 
qui constitue les parois de la cavité, donnerait issue au gaz comprimé 
par un orifice trés-faible, en créant une espèce de soufllard, qui prévien- 


( 506 ) 

Je me demande si des précantions particulières sont 
prises lorsqu'on travaille dans les endroits spécifiés, s'il 
n’y à à ce sujet aucune réglementation, ne serait-il pas 
temps d'y aviser ?et de mettre en pratique cette condition 
inusitée que De Vaux signalait en 1866. 

De Vaux ajoutait une donnée de plus, car il constatait 
« que ces sortes d'éruptions ne sont ordinairement pas à 
» craindre au voisinage des soufflards. » 

Je me demande, dans mon ignorance des détails d'une 
exploitation de houille, s'il n'est pas plus que temps, aprés 
de si nombreux accidents, de chercher à réglementer l'ex- 
ploitation dans des parties déterminées des mines. 

Je dois laisser aux ingénieurs, aux hommes pratiques, 
le soin de résoudre une pareille question. 

Tout porte à admettre que l'aecident de l'Agrappe est 


drait le danger et qui pourrait l’écarter. Je me hàte d'ajouter que c'est une 
simple hypothèse que je fais, hypothèse que les hommes pratiques rejette- 
ront peut-être à priori, mais cependant ne me parait pas devoir être 
abeo ment rejetée sans exam 

n en effet, qu'íl n'est pas indifférent , pour conserver intacte la, 
structure intime M la roche détachée, dans l'exploitation de certains grés, 
dont les fragments, débités ensuite, doivent servir au pavage des rues, 
d'employer des mines chargées avec la dynamite ou avec la poudre ordi- 
naire. 

L'ébranlement produit par le forage dans la masse que l'on perce , quel- 
que faible qu'il soit du reste, ne peut-il pas on mie désagrégation 
particulière de la paroi sous laquelle le grisou est enfer 

mme exemple, je citerai des accidents de rame quand des 
tubes effilés en verre renferment des gaz liquéfiés à hautes pressions, il est 
prudent, pour faire écouler le gaz , de chauffer et fondre la partie effilée 
du tube ; dans ce cas le gaz s'écoule plus ou moins brusquement, mais le 
tube n'éclate pas au moment de l'ouverture; brise-t-on la partie effilée par 
un trait à la lime ou au diamant, suivi d'un léger effort mécanique. on 
voit souvent le tube entier voler en éclats et blesser l'expérimentateur. 


( 507 ) 

bien dû à un dégagement subit de grisou,que l'inflamma- 
tion du mélange détonant ou inflammable, grisou et 
poussière fine de houille daloide sans doute, ne s'est pro- 
duite que plus tard età diverses reprises et je me demande 
de nouveau pourquoi dans l'exploitation de mines aussi 
dangereuses on n'écarte pas les foyers tant des orifices 
d'entrée que des orifices de sortie de l'air, puisque dans le 
cas de l'Agrappe le mélange explosif ou combustible a pris 
feu à l'orifice de l'entrée de l'air atmosphérique, c'est-à- 
dire par le puits d'extraction ou de prise d'air. 

Le terrible accident de l'Agrappe montre qu'il y a ur- 
gence à isoler les feux ou les foyers au niveau des orifices 
qui rejettent dans l'atmosphére l'air qui a passé par la mine 
ou qui en sort par la voie ordinaire d'aspiration aprés une 
irruption subite importante. 


Je viens de parler du mélange de grisou et de poussière 
de houille; on sait que l'an dernier on a constaté de véri- 
tables explosions produites par l'ignition instantanée de 
fine fleur de farine et d'air (1); or, il est trés-probable que 
dans l'inflammation produite au eharbonnage de l'Agrappe 
la póussiére de charbon a dû jouer un rôle. Quoi qu'il en 
soit, il me parait urgent que des expériences faites à la 
mine méme viennent élucider cette partie de la question. 

On trouvera dans le travail de Gustave Bischof, sur 
l'aérage des mines (collection in-8°, t. 1 des Mémoires 
couronnés par notre Académie, pages 317 et suivantes), 
des détails sur les expériences que Davy avait faites à ce 
sujet en employant sa lampe de sûreté; ces expériences ne 


(1) Voir Annales de Chimie et de Physique, t. XIV, p. 144, 5: série. 


( 508 ) 

concordent pas absolument avec celles de M. William Gal- 
loway, inspecteur des mines en Angleterre; elles ont été 
publiées et résumées récemment dans les numéros d'avril 
1879, pages 571 et 611 du journal The Colliery guar- 
dian; mais on trouve ses deux travaux importants dans 
les t. XXH et XXIV des Proceedings of the royal Society 
of London sous les titres : Experiments with savety lamps, 
May 1874, et : On the influence of Coal-dust in Colliery 
explosions, Februari 1876; ajoutons encore que Faraday 
et Lyell, dans leur travail : Report on the subject of the 
explosion at the Haswell collieries and the means of pre- 
venting similar accidents, publié dans letome XXVI, p. 16, 
1845, du Philosophical Magasin, arrivent aussi à la con- 
clusion que le grisou n'est pas le seul aliment des explo- 
sions dans les mines. 

On trouve dans les Annales des mines, T° série, t. VII, 
page 176, un article sur les dangers que présentent les 
poussières de charbon méme en l'absence de grisou; 
ces poussiéres peuvent propager la flamme à la facon des 
trainées de poudre et porter le feu au loin ; quand, par suite 
dela dépression suecédant àla dilatation subite produite 
par l'explosion, les courants chargés de poussiéres revien- 
nent vers les lieux d'explosion, chargés des gaz méphiti- 
ques produits par la combustion de la houille, ceux-ci 
exposent les ouvriers non blessés à une véritable asphyxie; 
à l'appui, on y cite un coup de feu aprés un tirage à la pou- 
dre dans une exploitation où il n'y avait pas de grisou 
(voir Annales des mines, t. lI, 7° série, p. 255). 

Les Annales des mines, t. VII, p. 180, 7° série, con- 
tiennent un travail de M. Vital, ingénieur des mines, inti- 
tulé : Recherches sur l’inflammabilité des poussières de 
charbon. 


( 509 ) 

l résulte de l'ensemble des renseignements que je viens 
de signaler et comme résumé trés-succinct, que : 

1* Les vibrations sonores (sound-wave) produites par 
une explosion peuvent communiquer le feu au delà du 
tissu métallique d'une lampe de süreté brülant sans danger 
dans un mélange explosif; 

2" Que la poussiére de charbon, voltigeant dans l'air de 
mines séches, constitue un danger réel, quand on y fait 
sauter des mines à poudre; 

^ Quela poussière de charbon peut, seule sans mélange 
gazeux détonant, produire des désastres; 

4^ Que cette même poussière accroît les chances d'ex- 
plosion quand elle se trouve mélangée à l'air et au grisou. 
des houillères sèches ; 

5* Qu'elle aggrave les conséquences des accidents dans 
les cas d'explosion. 

Aulant que je puis en juger par le travail de notre 
confrére et les phénoménes signalés par les journaux qui 
ont rendu compte de la catastrophe de l'Agrappe, il me 
parait que la poussiére de charbon a pu jouer un róle. 
Quoi qu'il en soit, il me semble que l'attention des ingé- 
nieurs et des exploitants de mines de houille , grisou- 
teuses ou non, peut être appelée sur ce point particulier, 
qui me parait avoir peut-étre été négligé dans nos exploi- 
tations. C'est une simple question que j'adresse et non un 
reproche. 

Quoi qu'il en soit, les remèdes paraissent simples et 
d'une application facile : enlever la poussière de la mine; 
faire des arrosages dans les galeries, arrosages qui se pra- 
liquent déjà en Angleterre dans beaucoup de mines en 
guise de comfort, comme disent les Anglais, rendent l'air 
plus pur ou plus facilement respirable et le saturent 


( 510 ) 
d'humidité, condition qui atténue le danger d'explosion 
dans les mines séches et chargées de poussiéres de houille. 

Cet arrosement a déjà été proposé par M. Vital dans le 
mémoire précité; il en faisait voir toute l'utilité, 

On me permettra, sans doute, une petite revue rétro- 
spective dans les Annales de l'Académie. Lorsque dans le 
concours de 1840 l'Académie avait posé la question : 
Rechercher et discuter les moyens de soustraire les tra- 
vaux d'exploitation des mines de houilles aux chances 
d'explosion, elle reçut quatorze mémoires en réponse à la 
question. Dans le mémoire n° 2 (voir p. 7 du vol. [7 des 
Mémoires in-8°), un concurrent qui n'avait, d'après 
Cauchy, que des notions trés-superficielles de chimie et de 
physique, dont le travail ne méritait pas la plus légére 
attention, partant de certaines vérités qu'il admettait et 
sur lesquelles il s'appuyait, avait émis l'opinion que l'ar- 
rosage serait bon à pratiquer. Cauchy, pour motiver son 
jugement, donnait l'extrait suivant : « Comme on arrose 
» les rues en été pour se protéger contre certaines mala- 
» dies, on devrait aussi essayer le méme moyen dans les 
» mines, ce qui serait très-facile avec une pompe à feu à 
» l'aide de laquelle un ou deux garcons feraient sortir de 
» l'eau pure et fraiche à travers une boule ereuse qui a les 
» trous si petits comme les ceils des plus fines aiguilles, 
» afin que l'eau sortit comme la poussiére du soleil. » 

Cauchy serait bien étonné aujourd'hui, vis-à-vis des tra- 
vaux sérieux que j'ai consignés, de voir que cet ignorant 
empirique avait signalé d'une facon peu scientifique, il est 
vrai, une vérité appliquée aujourd'hui et ineontestablement 
utile. Peut-étre ne serait-il pas inutile de revoir cette partie 
du mémoire n° 2 conservé , sans doute, dans les archives de 
l'Académie. 


( 944 ) 

Je serais entrainé hors des bornes que je me suis im- 
posées dans cette Note rapide et succincte écrite au cou- 
rant de la plume, c’est-à-dire sans avoir pu y consacrer le 
temps que mérite l'importance de la question, si j'avais à 
signaler aux ingénieurs et aux exploitants l'intérêt qu'il 
peut y avoir à connaitre la pression atmosphérique, la tem- 
pérature des travaux et l'humidité de l'air. Il me semble 
cependant que l'on pourrait recueillir ces données qui, 
parait-il, peuvent avoir une influence sur les explosions, 
surtout l'humidité. 


Je me permettrai de signaler un autre point à l'atten- 
tion des hommes pratiques. Je n'ai eu le temps que de 
jeter un coup d’œil rapide sur les mémoires concernant 
l'exploitation de la houille en Belgique, mais un fait m'a 
assez vivement frappé : nous ne possédons pas assez de 
données sur la composition de l'air des mines, quand il est 
mélangé de grisou , et, sans aucun doute, de poussière de 
charbon parfois, si les travaux ne sont pas arrosés , auquel 
cas les chances d'explosion sont exaltées dans une pro- 
portion trés-large, comme M. W. Galoway l'a démontré. 

Je me demande si des analyses constantes d'air pris 
dans les divers travaux de la méme houillére ne seraient 
pas absolument nécessaires et si par leurs résultats com- 
parés on ne parviendrait pas, dans certains cas, à prévoir 
un danger imminent et, par prudence, à arréter momenta- 
nément les travaux. 

Ne pourrait-on pas, malgré l'assertion de De Vaux que les 
poches de grisou enfermé à haute pression ne se trouvent 
jamais dans les environs des soufflards, avoir un guide 
dans les résultats des analyses. 

Pourquoi n'a-t-on pas fait l'analyse des gaz dans les 


( 512 ) 
expériences précitées faites depuis plus d'un an au Cra- 
chet-Piequery et à l'Agrappe ? C'était chose facile que d'en 
recueillir et d'en déterminer tous les éléments. 
A ma connaissance, au moins, ces analyses ne se font 


as. 

Un chimiste francais, M. Coquillion, professeur à Dijon, 
à présenté, dans ces derniers temps, un appareil assez 
simple qui permet de faire l'analyse de l'air des mines et 
d'y constater quelques millièmes de grisou ; des résultats 
constatés aux mines d'Aniche ont prouvé que son appa- 
reil est trés-pratique; aussi l'auteur a-t-il obtenu une 
médaille d'or à la réunion annuelle des délégués des socié- 
tés savantes des départements en France. 

Pourquoi dans les grandes exploitations de charbonnages 
à grisou ne ferait-on pas des analyses constantes de l'air 
des mines; chose facile et peu coüteuse si quelques char- 
bonnages s'entendaien t. 

Il est vrai que l'on est plus ou moins averti de la pré- 
sence et, jusqu'à un certain point, de la quantité de grisou 
par l'allure des flammes des lampes de süreté ; mais cela 
ne me parait pas suffire, méme lorsqu'on emploie la lampe 
à hydrogène proposée par MM. Mallard et Le Chatelier. 
(Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences 
de Paris, avril 1879.) Rien ne peut remplacer la connais- 
sance exacte de la composition réelle de l'air de la mine. 

Depuis ma communication verbale à l'Aeadémie, com- 
munication que je n'ai cherché à résumer, par écrit, que 
sur la demande du bureau, on m'a fait quelques observa- 
tions que je crois de mon devoir d'indiquer. 

Les mines à grisou, me dit-on, sont soumises à une 
réglementation trés-sévére; la direction doit agir comme 


( 545 ) 
s’il y en avait toujours beaucoup, la réglementation ac- 
tuelle est suffisante pour les mines à grisou ordinaires, les 
accidents n’y sont quère possibles et ils sont très-rares à 
moins qu'on ne commetle des imprudences. 

La quantité de grisou mélangée à l'air dans les mines 
VARIE A CHAQUE INSTANT; cent, mille analyses d'air en un 
. jour donneraient des résultats très-différents et ne servi- 
raient qu'à nous dire qu'il y a du grisou, ce que nous 
savons bien. 


J'avoue que je ne connais pas la réglementation des 
mines à grisou, je n'ai pas à la juger et je serais sans aucun 
doute incompétent pour me prononcer sur beaucoup de 
points; je me demande cependant comment on peut affir- 
mer que la quantité de grisou varie à chaque instant; 
quelle preuve incontestable, basée sur l'analyse, a-t-on de 
cette assertion ? 

Dans quel rapport cette quantité est-elle variable? 

Où varie-t-elle le plus? 

Quelles sont les parties de travaux qui en contiennent 
le plus? 

Comment la quantité varie-t-elle avec la profondeur 
des travaux et la quantité de houille abattue? 

Y en a-t-il plus ou moins quand on se trouve prés des 
places signalées dans le travail de De Vaux ? 

C'est-à-dire prés de celles où il peut se trouver une de 
ces énormes et terribles poches à grisou comprimé ? 

Quel est le rapport entre la quantité de grisou que l'on 
déterminerait dans l'air de la mine pris au bas de la che- 
minée d'aérage et celui que l'on rencontrerait aux diffé- 
rents niveaux actuellement en état d'exploitation ? 

Je pourrais encore poser plusieurs questions analogues 


( 544 ) 
et j'ai peine à concevoir que des questions pareilles, étant 
résolues par l'analyse chimique, seraient inutiles pour 
éclairer la question qui consiste à rassembler tous les 
moyens capables de rendre le travail des mines à grisou 
moins dangereux. 

J'ai peine aussi à comprendre que d'un travail suivi, 
continu, il ne sorte aucune donnée utile, soit pour la direc- 
tion de la ventilation, soit pour la possibilité de signaler les 
places où peuvent se trouverles poches renfermant, comme 
on le dit, des centaines de mille mètres cubes de gaz as- 
phyxiants et inflammables. 

Je me répète en exprimant le vœu que, plusieurs fois 
par jour, on ait l'analyse de l'air pris dans les différents 
étages des travaux des charbonnages à grisou. 


Rectification synonymique relative à ma Notice intitulée : 

ÉVISION DES HÉDÉRACÉES AMÉRICAINES, par M. Élie 

Marchal, conservateur au Jardin botanique de l’État, à 
Bruxelles. 


Dans une Notice intitulée : Révision des Hédéracées 
américaines insérée dans le n° 1 du tome XLVII de la 
2° série des Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 
jai décrit, sous le nom de Coemansia, un genre nouveau 
de la tribu des Araliae. Comme un petit champignon du 
groupe des Mucidénées avait, à mon insu, déjà été ainsi 
nommé par MM. Van Tieghem et Le Monnier, je renonce 
à ce nom de Coemansia et propose de lui substituer celui 
de Coudenbergia, en mémoire de Pierre Coudenberg, 
botaniste anversois du XVIe siècle dont les cultures ont 
fourni d'importants matériaux aux études de Dodoens. 


(515) 


Recherches sur quelques nouveaux sels basiques de mer- 
cure et sur un cas d'isomérie du sulfure de mercure; 
par M. W. Spring, correspondant de l'Académie. 


On sait que l'acide tétrathionique versé dans une solu- 
lion de nitrate mercureux dans l'eau, engendre, avec ce 
dernier, un corps jaune, insoluble dans l'eau, et se pré- 
sentant sous forme de flocons amorphes. 

Ce fait fut signalé, pour la première fois, par Wacken- 
róder (1); il fut vérifié depuis par tous les chimistes qui 
eurent l'occasion d'étudier les propriétés de l'acide tétra- 
thionique, mais, chose curieuse à constater, l'analyse de 
ce corps ne fut pas faite : aussi ne sut-on jamais à quelle 
espéce chimique il appartenait. Je me suis efforcé de com- 
bler cette lacune et j'ai reconnu que ce corps jaune était 
un sulfate trithiobasique de mercure qui n'avait pas encore 
été déerit. 

Je n'avais pas l'intention, d'abord, de faire connaitre 
ce résultat, car il me paraissait que l'existence d'un sel 
basique nouveau de mereure était loin de présenter un 
intérêt suffisant, mais les propriétés chimiques inattendues 
dont jouit le corps dont il est question m'ont déterminé à 
agir autrement; j'ajouterai, de plus, que j'ai pu former 
aussi quelques corps nouveaux, analogues au premier, de 
manière à compléter assez la liste des sulfates basiques 


(1) Ann. DE Came Er DE Puysique (2], t. XX, p. 157. 


( 516 ) 
de mercure pour émettre un projet de classification de ces 
corps. 

Je diviserai cette note en trois paragraphes : le premier 
comprendra la formation et l'analyse du corps qui a été le 
point de départ de ce petit travail, le deuxiéme, l'étude de 
ses propriétés et la génération des corps analogues, enfin, 
le troisième sera réservé à la classification des sulfates 
basiques de mercure. 


$ 1. — FORMATION ET ANALYSES DU SULFATE TRITHIOBASIQUE 
DE MERCURE. 


Lorsque l'on verse une solution de nitrate mercureux 
dans de l'aeide tétrathionique étendu d'eau, il se forme un 
précipité abondant, floconneux , se déposant facilement et 
présentant tout à fait la couleur jaune du sulfure de cad- 
mium. Si l'on agit inversement, c'est-à-dire si l'on verse 
de l'acide tétrathionique dans le nitrate mercureux, le 
corps jaune se forme encore, mais il est d'une couleur 
plus claire, en outre, il reste longtemps suspendu dans 
l'eau, il bouche le filtre sur lequel on le dépose et est 
d'apparence gélatineuse. Il est trés-difficile de le débar- 
rasser, par un lavage, du nitrate mercureux qui le souille; 
au contraire, celui qui est obtenu lorsque l'acide tétra- 
thionique reste en excès est très-facile à laver et présente 
une grande stabilité dans les conditions physiques ordi- 
naires : on peut méme le chauffer pendant plusieurs 
heures à 120°-130° sans qu'il manifeste la moindre décom- 
position. En raison de ces faits je n'ai examiné que le 
corps qui prend naissance dans un excès d'acide tétra- 
thionique.  . 

J'ai déterminé d'abord, pour l'analyse volumétrique, le 


( 517 ) 

nombre relatif des molécules d'acide tétrathionique et de 
nitrate mercureux qui entrent en réaction. Le point d'arrét, 
dans cette analyse, étant assez délicat à saisir puisque le 
précipité ne se rassemble bien qu'à condition que l'acide 
tétrathionique reste en excés, j'ai fait douze déterminations 
successives et le résultat moyen a montré qu'une molécule 
d'acide tétrathionique réagit exactement avec une molé- 
cule de nitrate mereureux. 

La liqueur acide séparée par filtration du dépót, était 
une solution d'acide sulfurique, d'acide nitrique et peut- 
étre d'acide nitreux, mais ne renfermait pas trace d'un 
acide autre que ceux que je viens de citer. 

Le corps jaune, lavé sur un filtre et séché, a été ensuite 
analysé; voici les résultats en centiémes des dosages du 
soufre et du mercure qu'il renferme : 

moe] 


I Il IH IV V VI 


NS il une 17.53116.11/16.26116.88/16.91/16.67| 16.72 
"SA Voss » » 180,.10/|80.17/80.15|80.80| 80.50 
U ULIS » D D » » » 2.98 


par 
différence. 


e 


Ces nombres conduisent à la formule brute HgiS50+, 
car celle-ci donne la composition centésimale suivante : 


iu. vs... MEL 
E Y .:..0. MIB 
B 5.95 


Cette formule ne représente aucune espéce chimique, 
mais il est aisé de reconnaitre que le corps soumis à l'ana- 
2"* SÉRIE, TOME XLVII. 54 


( 548 ) 
lyse renferme du soufre libre et qu'on n'a affaire qu'à un 
mélange et non à une combinaisen : en effet, chauffé à 
190» environ, pendant quelques heures et lavé au sulfure 
de carbone pur, il avandonne des quantités notables de 
soufre. L'analyse du produit lavé conduit aux résultats 
suivants : 


| I I III MOYENNE. | 
Su IE. I. 15.10 13.56 » 15.95 
IA ds dd 81.49 79.83 80.76 80.69 
ONE ESS » » 6.52 6.52 
LU 


if 
(Loxygène a été dosé en appliquant une des propriétés 
de ce corps que je ferai connaitre plus tard.) 
Les nombres que renferme ce dernier tableau conduisent 
à la formule Hg SO où : 
Hg 00. 3 vox 25V Bpéb UP 
M us i 1 
0 6.45 


100.00 


On peut écrire Hg4S404 pour comparer cette formule à 
la précédente. 

Ainsi il résulte de ces deux séries d'analyses que le corps 
jaune qui prend naissance par la réaction de l'acide tétra- 
thionique et du nitrate mercureux est un mélange com- 
posé d'un atome de soufre et d'une molécule d'un corps 
répondant à la formule Hg'S40*. 


( 519 ) z 

Avant de passer à l'examen des fonctions chimiques de 
ce corps dont la connaissance est nécessaire pour le repré- 
senter par une formule rationnelle, je ferai remarquer que 
les faits acquis jusque maintenant sont reproduits pour les 
deux équations chimiques suivantes : 

1 

(1) J*S05 + Hg?(NO?)? — Hg?S!0* + 9H 
(2) 9(Hg:S405) + 3H°0 = Hg*S'O* + 2H*SO* + ge + S. 


L’acide sulfureux, mentionné dans le second nombre de 
la dernière équation se change en acide sulfurique en 
présence de l'acide nitrique, c’est pourquoi on ne le 
retrouve pas parmi les produits de la réaction. 

En résumé, le tétrathionate mercureux qui prend nais- 
sance par la réaction du nitrate mercureux et de l'acide 
tétrathionique, se décompose instantanément, au sein de 
l'eau, pour former un corps jaune, Hg/S:O^, de l'acide 
miei de l'acide sulfureux et mettre du soufre en 
liber 

bon m'assurer si la présence de l'acide nitrique n'était 
pour rien dans cette décomposition, j'ai traité successive- 
ment du chlorure mercureux et du sulfate mercureux par 
l'acide tétrathionique et j'ai obtenu chaque fois le méme 
corps jaune. Seulement, comme le chlorure mercureux et 
le sulfate ne sont pas solubles dans l'eau, la réaction est 
plus lente; c'est surtout le cas pour le chlorure mercureux 
qui demande plusieurs heures de contact avec l'acide 
tétrathionique pour achever la réaction. Ces faits démon- 
trent bien que c'est dans le tétrathionate mercureux seul 
que se trouve la raison de la décomposition de sa molé- 
cule. 


( 920 ) 


$ 2. — PROPRIÉTÉS DU SULFATE TRITHIOBASIQUE DE MERCURE 
ET GÉNÉRATION DE CORPS ANALOGUES. 


a. Propriétés physiques. 

Ce corps est d'un jaune pur, ainsi que j'ai déjà eu l'oc- 
casion de le dire, il est insoluble dans l'eau. 

Chauffé seul jusqu'à 120^, il résiste, mais quand il ren- 
ferme, ne füt-ce qu'une trace d'acide tétrathionique, il se 
décompose en sulfure noir de mercure; cette altération 
commence déjà à 50°. Chauffé plus fort, il noircit et se 
volatilise sans résidu en émettant des fumées blanches. 

Il est absolument inaltérable à la lumière quand il est 
bien pur, mais il suffit qu'il se trouve en contact avec une 
trés-faible quantité d’acide tétrathionique pour se changer 
lentement en sulfure noir de mercure et en sulfate mer- 
eurique. Wackenroder, et aprés lui Kessler, avaient cru 
que ce corps était sensible à la lumiére, mais il est cer- 
tain, d'aprés ce que j'ai pu constater, qu'il n'en est rien : 
ces chimistes ont eu trés-probablement entre les mains 
une substance non dépouillée d'acide tétrathionique. 

La densité de ce corps, déterminée en employant un 
échantillon du corps en suspension dans l'eau, et qui re- 
présente, par conséquent, celle du précipité dans l'état où 
il se trouve quand il se forme, a été trouvée égale à 
6, 4 159 à 20°. La densité du sulfure noir de mercure, 
prise également en opérant sur un échantillon suspendu 
dans l'eau, a été de 7.5545 à la méme température. 

Il résulte de là que le volume moléculaire du sulfate 
trithiobasique, c'est-à-dire le nombre qu'on obtient en divi- 
sant son poids moléculaire par le poids spécitique est 154.6: 


( 921 

le volume moléculaire du sulfure de mercure est 50.71. 
Or si, pour rendre ces nombres comparables entre eux, on: 
multiplie la molécule HgS par 4 puisqu'il y a 4 atomes de 
mercure et de soufre dans Hg/S^0^, on obtient pour le 
volume moléculaire de 4 HgS : 122.8 ; la différence entre 
154, 6 et 122,8 est 51.8. D'un autre côté la différence 
entre les poids moléeulaires du sulfate trithiobasique et 
du sulfure de mercure quadruplé est : 


Hg'S'O* — A(HgS) 
992 — 926 = 64; 


ainsi la différence entre les poids moléculaires de ces 
corps est double de la différence des volumes moléculaires. 
Cette relation que je signale à cause de sa simplicité, 
pourrait bien être plus qu'une coïncidence, cependant je 
n'ai pu en découvrir la raison. 

Enfin j'ai déterminé la chaleur que dégage le sulfate tri- 
thiobasique quand il devient sulfure de mercure par l'ac- 
tion du sulfure de sodium, en vue de la comparer à la cha- 
leur qui se produit, dans les mémes circonstances, au 
moyen du sulfate normal de mercure. 

Pour simplifier les déterminations, j'ai agi dans les deux 
cas sur un poids égal de matière, le calorimètre renfermait 
la méme quantité d'eau et enfin j'ai fait usage d'un volume 
égal d'une solution de sulfure de sodium. Les choses étant 
telles, il devient inutile d'exprimer en calories les quan- 
tités de chaleur dégagées; on peut se servir, pour la com- 
paraison à faire, des nombres exprimant l'augmentation 
de température du calorimètre, car il est proportionnel à 
celui des calories dégagées. L'opération, tout en devenant 
plus simple, n'en est que plus exacte. 


( 522 ) 
Voici les résultats obtenus : 


:157898 de sulfate trithiobasique de mercure, traités par du sulfure de 
sodium, ont fait monter la température du calorimètre de 8920 ; 
d'autre part : 

17898 de sulfate de mercure, traités de même, ont fait monter la tem- 
pérature du calorimétre de 11°90. 


Or, si l'on admettait, par simple hypothèse, que le sul- 
iate trithiobasique, répondant à la formule Hg^S^O*, soit 
un eomposé de trois molécules de sulfure de mercure et 
d'une de sulfate de mercure, comme le montre la formule 
(Hg S Hg SO, le poids de matière employé (18 898) 
renfermerait O8: 566 de sulfate qui seul pourrait agir avec 
le sulfure de sodium pour donner du sulfure de mercure. 
La température du calorimètre aurait dû s'élever de 3°.55, 
comme il est facile de s'en assurer et non de 85,90. Ainsi le 
corps répondant à la formule brute Hg^S*O* ne représente 
certainement pas un mélange de trois molécules de sul- 
fure de mercure et d'une de sulfate. On aurait peine à 
entrevoir, dans ce cas, pour quelle raison il dégage plus du 
double de la chaleur que n'en fournirait un tel mélange 
s'il était traité par du sulfure de sodium. 

Je reviendrai, plus loin, sur les conclusions à tirer de ce 
fait. 

b. Propriétés chimiques. 

Le sulfate trithiobasique est facilement soluble dans 
l'eau régale ou dans une solution de brome dans l'aeide 
chlorhydrique. Il résiste à l'action de tous les acides, excepté 
de l'acide tétrathionique concentré qui le dissout en partie 
et de l'acide nitrique moyennement concentré, Ce dernier 
le transforme en un corps blanc lorsqu'on le chauffe pen- 
dant quelques heures à une température comprise entre 
95° et 100°. 


( 925 ) 
Ce corps blanc, ainsi obtenu, a été analysé; il renferme 
sur 100 parties : 


SUL AT CPI 

Hg URSS 2080 

Q.V VIS (par aMierence). 
100.00 


Ces nombres conduisent à la formule HgS. (Hg S045; 
en effet on trouve que la composition centésimale de ce 
Corps serait : 


S. xo 2. ce oo sek 1149 
HOD Rp CR see ISIRUITU AS 
ors nta a noise: a 


Ce corps non encore obtenu, à ma connaissance du 
moins, serait donc un trisulfate monothiobasique de mer- 
cure et représente l'un des analogues du sulfate trithioba- 
sique dont j'ai annoncé l'existence dés le début de cette 
note. 

Le trisulfate monothiobasique est insoluble dans les 
acides, excepté dans l'eau régale, et jaunit, puis noircit, 
quand on le traite par une solution de soude caustique ; il 
ressemble done beaucoup au sulfate dithiobasique de mer- 
cure obtenu par H. Rose. 

Mais retournons au sulfate trithiobasique de mercure. 
Ce sulfate, qui est trés-stable au sein des acides, est dé- 
composé par les alcalis et plus généralement par tous les 
corps présentant une réaction alealine, tels que les carbo- 
nates et méme les iodures. Il est alors changé en sulfure 
noir de mercure avec d'autant plus de facilité que la tem- 
pérature est plus élevée. L'hydrogéne sulfuré agit de 
même, 


( 524 ) 

Bouilli avec une solution de nitrate de baryum, il se 
change en sulfure de mercure et forme du sulfate de ba- 
ryum; c'est en dosant ce dernier que j'ai déterminé la 
quantité d'oxygéne que renferme le sulfate trithioba- 
sique (voir § 1*). Cette réaction justifie bien la formule 
(HgS)*HgSO* que j'ai déduite de l'analyse. 

Les propriétés que je viens de faire connaitre n'ont rien 
de hien remarquable; il n'en est pas de méme des sui- 
vantes. 

Lorsque l'on traite le sulfate trithiobasique de mercure 
par l'eau bouillante, pendant quelque temps, il fonce un 
peu en couleur, mais reste cependant jaune; le liquide 
filtré, aprés refroidissement, a une réaction fortement 
acide, il est absolument exempt de mercure, comme je l'ai 
constaté par les réactifs les plus sensibles, mais renferme 
une grande quantité d'acide sulfurique. Le produit épuisé 
par l'eau bouillante a été analysé et répond à la formule 
(HgS) HgO, c'est un autre analogue du corps qui fait Pob- 
jet de cette étude, 

Il résulte de là que l'eau bouillante ne dissout pas le 
sulfate de mercure dont on pourrait admettre l'existence 
dans la molécule de sulfate trithiobasique, mais elle dé- 
compose, au contraire, ce sulfate, puisqu'elle en sépare 
l'oxyde. L'eau agit donc comme une base plus énergique 
que l'oxyde de mercure, puisqu'elle enlève le groupe SO* 
de la molécule Hg*S40*. 

En d'autres termes, cette action est semblable à celle 
qui se produit lorsqu'on traite le sulfate de mercure nor- 
mal par une quantité d'eau suffisante; on sait, en effet, 
que celui-ci se change en sulfate basique (HgO)?HgSO* 
(turbith minéral); mais ce qui peut paraitre étrange, c'est 
que dans le cas qui nous occupe, l'acide sulfurique soit en- 


( 925 ) 
levé en totalité; on est contraint à admettre que le groupe 
(HgS) exerce plutôt une influence électro-négative dans 
la molécule sur HgO que le groupe SOS lui-même, puisque 
C'est ce dernier qui se détache le plus facilement; en ré- 
sumé, on pourrait écrire ce corps comme il suit : 


— + 
(HgS)*. HgO . SO? 


et il serait plutót un sulfure sulfaté qu'un sulfate sulfuré. 

Du reste, ce qui tend à montrer qu'il en est bien ainsi, 
c'est-à-dire que le groupe (HgS)5 se comporte d'une ma- 
nière différente de celle qui le caractérise généralement, 
c’est que le trithio-oxyde de mercure obtenu comme il 
vient d’être dit, (HgS)»HgO, traité par de l'acide chlorhy- 
drique , noircit et donne lieu à un dégagement abondant 
d'hydrogéne sulfuré; le liquide tient en suspension du 
sulfure noir de mercure et en solution du chlorure mer- 
curique. 

Ainsi, tandis que le sulfure noir de mercure isolé est 
absolument insoluble dans l'acide chlorhydrique non con- 
centré, celui qui se trouve dans (HgS)*HgO se dissout, au 
contraire, à la maniére du sulfure de fer ou du sulfure de 
zinc. Il n'est pas à dire que cette propriété que je signale 
rende compte de la précédente, mais il est incontestable 
qu'elle la complète. Il devient de plus intéressant de rap- 
peler maintenant que le changement du corps Hg!S'0* 
en AHgS par le sulfure de sodium a donné naissance 

à 2,5 fois plus de chaleur qu'il n'en eût fallu si ce corps 
renfermait le soufre combiné au mercure dans l'état où il 
se trouve dans le sulfure de mercure. On se convainct à 
présent que dans le sulfate trithiobasique de mercure, 
l'union du soufre au mercure est moins compléte que dans 


( 526 ) 

le sulfure de mercure, et il ne parait pas étrange que 
l'acide chlorhydrique dissolve le groupe (HgS)* en déga- 
geant de l'hydrogéne sulfuré. J'ajouterai, pour terminer, 
que l'acide chlorhydrique jouit seul de la propriété de dis- 
soudre ce sulfure de mercure avec dégagement de H?S; 
ainsi l'acide sulfurique étendu et bouillant ne fait pas 
changer l'aspect du corps (HgS)HgO. 

Je crois que de l'ensemble de ces propriétés, on peut 
conclure que dans les sels thiobasiques de mercure que je 
viens de faire connaitre, le sulfure de mercure, ou mieux 
le groupe (HgS)5, est isomère du sulfure de mercure noir 
et qu'il fonctionne vis-à-vis du groupe HgO comme un 
groupe Siéttinégatit plus énergique que le groupe SO? 
lui-méme. 

Pour distinguer ce groupe du sulfure de mercure, on 
peut représenter les corps mentionnés par une formule 
différente de celles que l'on emploie généralement et qui 
expriment que les sels thiobasiques renferment du sul- 
fure de mercure. 

Au lieu d'écrire : 

(HgS) HgS04, il conviendrait peut-être d'écrire : 


Hg —S — Hg Hg — SO* — Hg ED DER 
| | | | 

S SU. 5 S0*; S s 

| 

Hg — S — Hg Hg — SO! — Hg Hg — S — Hg 


. 

Il est bien entendu que ces formules ne sont qu'un 
tracé conventionnel devant rappeler que ces corps ne 
renferment pas du sulfure de mercure à proprement 
parler et qu'elles n'ont aucune autre prétention. 


(527) 


$ 9. — CLASSIFICATION DES SULFATES BASIQUES DU MERCURE. 


Les sulfates basiques du mercure sont assez nombreux 
aujourd’hui, et l’on ne peut en aucune façon prétendre 
que l’on ait déjà réalisé toutes les combinaisons possibles 
de ce genre; il est, au contraire, probable que leur nombre 
grandira avec le temps. Il n’est pas inutile, par consé- 
quent, de pouvoir se représenter ces corps d’une manière 
schématique en vue de les embrasser dans une idée d’en- 
semble permettant non-seulement de graver facilement 
dans la mémoire les corps connus, mais indiquant en outre, 
autant que possible , ceux dont l'existence est probable. 

Je passerai d'abord en revue les sulfates thiobasiques de 
mercure en commencant par celui qui fait l'objet de cette 
note, puis j'arriverai aux autres corps du méme genre. 

Les sulfates thiobasiques de mercure connus,en y com- 
prenant ceux que je signale comme nouveaux, renferment 
quatre, trois ou deux atomes de mercure dans la molé- 
cule et répondent aux formules brutes: 

Hg!S:0* ; Hg58*04; Hg*S*05 ; 

Hg'S*01? : 
on ne connait pas, jusqu'aujourd'hui, de sulfates renfer- 
mant plus de quatre atomes de mercure dans la molécule. 

On peut les concevoir comme dérivant de deux groupes 
différents de sulfures, correspondant peut-être au sulfure 
noir de mercure et au sulfure rouge. 
1° Hg—S—Hg et 2 Hg 

S : Jg S 
| | a 23 
Hg — S — Hg Hg — S — Hg. 


( 528 ) 
Le premier de ces groupes serait un sulfure de mercure 
provenant de la polymérisation de quatre molécules HgS. 
Si l'on admet maintenant que les quatre atomes de soufre 
soient oxydés scecessivement, de manière à donner nais- 
sance à des groupes (SO^), on arrive aux formules sui- 
vantes : 


4° Hg — S — Hg 
| | 


$ SO*, sulfate trithiobasique de mercure. 
Hg —S- Hg 
3o Hg — SO! — Hg 
| 
S SO*, ou 2[H2S . HgSO"*] sulfate thiobasique connu, 
| | Le pour la digestion du cinabre dans l'acide 


Hg —S — Hg sulfur 
3° Hg — SO! — Hg 
| 


S SO", trisulfate monothiobasique (voir plus haut, § 2). 
ig — S0! — Hg 
^ Hg — S0! — 
So‘ SO*, sulfate mercurique. 
Hg — S0) — ig 


Du second groupe dériveraient de même : 
[hs Hg 
PERS 
S SO! , sulfate connu, obtenu en chauffant avec de l'acide 
z^ peigne un mélange de nitrate et de sulfure de 
Hg — S — Hg mercu 
2 Hg 
15 x 
O+ so", peter par Palm, par l'action de l'acide sulfurique 
x N sulfure de mercure. (Knavr-GxeLIN, Hand- 
Hg — S — Hg ed dir Ch. IH, 765.) 
5° Hg 
AN 
SO! SO“, sulfate de mercure. 


A 
Hg — SO! — Hg 


( 529 ) 

Il peut paraitre étrange à premiére vue que cette for- 
mule, qui est différente de la précédente (n? 4), puisse 
représenter le sulfate de mereure ; cependant si l'on y re- 
garde de prés, on est porté, au contraire, à la considérer 
comme exacte : en effet, on sait que le sulfate de mer- 
cure, traité par une quantité suffisante d'eau, se change 
en un sulfate basique (turbith minéral), répondant à la 
formule (HgO)?HgSO*, ou : 


c'est-à-dire que le groupe (Hg)5 se trouve engendré; or, 
la formule que je propose a précisément pour objet de 
rendre sensibles ces transformations, ainsi : 


Hg Hg 
ZEN S 
SO^ so .-.2H0— 0 0 + 9H'SO*, 
"d wt N 
Hg — S0! — Hg Hg — S0! — Hg 


D'un autre cóté, on peut se demander s'il n'existe peut- 
étre pas deux sulfates de mercure, comme il existe deux 
oxydes, deux sulfures, deux iodures, etc.; c'est un fait à 
vérifier. Le sulfate de la formule n° 4 devrait donner, par 
sa réaction avec l'eau, un sel basique autre que le tur- 
bith. 


Je passe maintenant aux sulfates oxybasiques. 
1° groupe: 
Lx Hg — 0 — Hg 


| 
Hg — 0 — Hg 


SO , inconnu. 
3 


: ( 550 ) 
go Hg — O — Hg 
SO*, inconnu. 
Hg — 0 — Hg 
3° Hg — SO* — Hg 
SO*, obtenu par Hoptkins, en ves le turbith par 


| ii l'acide nitrique concen 
Hg — S0! — 


2"* groupe : 


T Hg 
gt UN, 
0 O, turbith. 
7. 
Hg — SO! — Hg 
2° Hg 


rA 
0 SO* , inconnu. 


— 808 à 
Sulfates oxythiobasiques : 
1°" groupe : 


19 Hg — S — Hg 
| l 
SO*, inconnu ; 


! 
Hg — O — Hg 


9o Hg — S — Hg 
0 ios, inconnu; 
ilz — 0 — le 

b Hg — SO* — Hg 
S SO*. inconun, 


| 
Hg — O — Hg 


( 854 ) 
2»* groupe : 
Hg 
3C XN 
0 SO', obtenu par precipitation incompléte du sulfate de 
Z d apre re par H*S. 
Hg — S — 
On conçoit de méme l'existence d'oxysulfures de mer- 
cure : 
1? Hg — S — Hg 
| 
S O , obtenu (voir plus haut, § 2). 
| | 
Hg — S — Hg 
Les autres sont inconnus : 
Hg — 0 — Hg Hg — O — Hg Hg Hg 
| ESI | Zr PA 
S 0 S O et 0 0008 S 
| pd | y^ Nor uf 4 
Hg — S— Hg  Hg— O0 — Hg Hg — S — Hg Hg — O — Hg 
Le méme schéme peut servir pour le cas où l'on aurait 
affare à des sels mercureux ; il suffit d'enlever un atome 
de O ou de S, selon le eas, et de supposer, comme on le 
fait d'ailleurs, deux atomes de mercure unis entre eux : 
Ainsi : 
Hg — 0 — Hg 
SO!, obtenu du nitrate correspondant p le sulfate de 
sodium. (Books, Pogg. t. LXVI, p. 65.) 


On concoit facilement, d'aprés cela, des sulfates mercu- 
roso-mercuriques dont il n'existe encore aucun représen- 
tant, 


532 ) 

ll est à peine nécessaire de rappeler que la base de cette 
classification est tout empirique et qu'elle est destinée à 
faire défaut dés que des faits nouveaux montreront qu'il 
existe des sulfates renfermant plus de quatre atomes de 
mercure dans la molécule, comme la chose existe, du 
reste, chez les oxychlorures. Toutefois, dans l'état actuel 
de nos connaissances, elle peut rendre des services. 

Il n'est pas difficile d'étendre cette classification aux 
autres sels basiques du mercure; on reconnaitra facile- 
ment alors, par l'inspection du tableau crès-long qui en 
résulte et que je ne reproduis pas à cause de ce fait, qu'à 
cóté du nombre considérable de sels réalisés, il s'en trouve 
un nombre presque aussi grand non encore préparés. 


Laboratoire de chimie de la faculté des sciences de l'Université de 
Liége. 


Sur l'élimination, deuxième Note préliminaire ;' par 
M. P. Mansion, professeur à l'Université de Gand. 


Dans notre première Note sur l'élimination, dont l'Aca- 
démie a bien voulu voter l'impression au Bulletin de 
décembre 1878 (pp. 899-908 du t. XLVI, 2* série), nous 
avons établi, par une méthode nouvelle, les conditions 
nécessaires pour que deux équations algébriques aient un 
certain nombre de racines communes; de plus, nous avons 
donné la signification analytique de certains déterminants 
dont l'étude se présente naturellement, dans la question 
traitée. 

Nous disions en terminant notre introduction : « Nous 
n'établissons pas que ces conditions sont suffisantes, ren- 
voyant, pour le moment, aux mémoires cités plus haut 


( 533 ) 
(de MM. Lemonnier, Darboux et Rouché) pour la démon- 
stration de cette réciproque ('). » 

Nous avons l'honneur de soumettre aujourd'hui à l'Aca- 
démie un complément de notre premier travail, relative- 
ment à ce point. Nous sommes parvenu, par une méthode 
extrémement élémentaire, à démontrer que les conditions 
nécessaires sont aussi suffisantes. Une esquisse un peu 
trop sommaire de cette méthode a paru dans le n° 25 du 
tome LXXXVII des Comptes-rendus de l'Académie de Paris 
(16 décembre 1878, pp. 975-978). Dans la présente Note, 
nous en donnons une exposition plus simple, et nous 
démontrons le principe fondamental qui nous sert de base, 
principe que, pour plus de brièveté, nous avions dû énon- 
cer seulement dans la publication citée. 


1, 


PROPRIÉTÉ FONDAMENTALE D'UN DÉTERMINANT 
RECTANGULAIRE NUL. 


LEMME. Un système d'équations linéaires homogènes, 
dont le déterminant est nul, peut toujours être vérifié par 
des valeurs non nulles des inconnues (7). 


(*) MM. Dansoux et Roucaé ne s'occupent que de la méthode de Bezout 
et Cauchy. L'omission d'une phrase de deux lignes a rendu incompréhen- 
sible la démonstration donnée par M. Roucaé de la suffisance des condi- 
tions pour que les fipations. launti aient p racines communes. 
M. LemoxniEr expose compl ode d'Euler et de Sylvester et 
celle de Bezout et Cauchy; ses nas ont un caractère de com- 
plication, au moins apparente, dans l'un et l'autr 

*) Nous donnons ici une démonstration pres de ce théorème 
connu, parce que de bons manuels de la théorie des déterminants, 
BatTzER-HouEr, par exemple, ne l'établissent pas dans le cas où les pre- 
miers mineurs du déterminant du systéme sont tous nuls. 

2"* sÉRIE, TOME XLVII. 


(534) 
Considérons, pour plus de simplicité, un système de 
quatre équations seulement : 
ax +by+cz+du—=0, (i—1,2,5,4). . .(1) 


dont le déterminant (a, ba c; d;) —O. 
Supposons d'abord que l'un, au moins, de ses mineurs, 
A, — (b, cs d;), par exemple, soit différent de zéro. Écri- 
vons les trois dernières équations (1), sous là forme : 


bay + Cz + du = — ag, 
bay + 652 + diu = — ax, 
by + cz + diu = — ax. 
Le p CEU AE 3* . 3 It i.t des équations linéaires 
donne , immédiatement : 
ja -O Re EE (bsasd) à ne (b2csa) À 
7 (hod) - ' (b:c;d;)  ' (bacsd;) ; 


Ces valeurs, substituées dans les équations (1), vérifient 
la première, à cause de la relation (a, ba cz d;)— 0; les 
autres deviennent identiques. L'inconnue x reste indéter- 
minée. Par conséquent, on peut lui donner une valeur non 
nulle, ce qu'il fallait démontrer. 

Supposons maintenant que tous les premiers mineurs 
de (a, ba c; d;) soient nuls, tandis que l'un des seconds 
mineurs, (cz d;), par exemple, est différent de zéro. Nous 
pouvons écrire les deux derniéres équations (1), comme il 
suit : 


C7 + du = — A; — bsy, 
Cz + diu = — ax — biy. 
On en tire : 
Xue (ad;) |. | (bdi) o. (esa4) aii (csb;) 


(nd) (ad)? " — (ed) (ed) 


( 535 ) 
et ces valeurs, d'aprés les hypothéses faites, vérifient les 
quatre équations (1), quelles que soient x et y. Donc, l’on 
peut donner, à ces inconnues, des valeurs non nulles. 

De proche en proche, on démontrera ainsi, d'une manière 
générale, que tout système de » équations linéaires homo- 
gènes, à n inconnues, dont le déterminant est nul, peut 
étre vérifié par des valeurs des inconnues dont l'une au 
moins n'est pas nulle. 

Notation. Nous écrivons, avec beaucoup d'analystes, 


a, b, é 4.4 fh gı h, 
4 uu uv ww h ga he 
visse HUE uu NN h k 
l; b 6, d, e; f gi h; 
as ho b dj & fs gs hs 


| 
© 


ou mème, en généralisant une notation de Cauchy, dont 
M. Catalan a très-bien fait ressortir l'utilité : 


| a, b, €, d, e, Í; Js h i0; 


pour indiquer que tous les déterminants, formés avec cinq 
colonnes du tableau précédent, sont nuls. Ainsi Pégalité 
symbolique r — O0, équivant aux égalités suivantes : 
(a, bs cs d, e) — 0, (a, b, c5 d, fs) = 0 ses (di e2 fs gi hs) = 9, (2) 
dont le nombre est égal à celui des combinaisons de huit 
lettres, einq à cinq. 

Théorème. Si r—0, il existe une méme relation 
linéaire, 

k, E, ed kı E, + k; E; + k E, + k; Eye 0 


entre les éléments E,, Es, Es, E; Ey d’une colonne quel- 


( 556 ) 
conque de r, les quantités k n'étant pas toutes nulles (`). 
En effet, déterminons cinq quantités k, qui vérifient les 
équations : 


ki a, + ke @ + k; a5 + ka, + k a; = 0, (9) 
Kk, b, + ka bs + k; bs + k; b; + ks bs = 0, (33) 
k, €, 4- f. 64 -- keek a kiun, (52) 
kd, + 1, d4 + k; d, + kedi + k, dg = 0, (54) 
k e + k, dy -- ky ey + k, e, + ke — 0. (3,) 


Puisque, par hypothèse, (a, b, cz d; e;) —0, on pourra 
trouver, pour ky, ka, ks, kı, ks, des valeurs qui ne seront 
pas toutes nulles, d'aprés le lemme démontré plus haut. 

Ensuite, d’après la théorie des équations homogènes, 
ces valeurs non nulles de k,, kə, kz, kı, ky vérifient les 
équations : 


kifi + kif + ks fs + ki fs + k; fh = 0, (3.) 
hg, kaga + kz gs + k g+ k,g = 0, (37) 
k, h, is ka ħa =+ kshs + k; h, + TU 0, (54) 


à cause des relations : 
(a, b, cs d; fs) = 0, (a, becs d;g;) = 0, (a, bacsd,h;) = 0. 
Le théorème est donc démontré. 
CoroLLaire. Les relations (2) sont au nombre de 
8.7.6.5.4 
33s 


nous wen avons utilisé que 4, pour démontrer le théorème 
précédent; les 56 relations peuvent d'ailleurs se déduire 


(*) Ce principe n'est pas nouveau; il a été trés-souvent employé par 
M. Le Paige, depuis 1877, dans ses recherches sur les involutions supé- 
rieures, et devrait peut-étre porter son nom. 


( 537 ) 
des équations (5), en exprimant que 5 quelconques de ces 


équations sont compatibles entre elles. Donc les 56 rela- 
` tions (2) se réduisent à 4 distinctes. 


En général, l'égalité r —0, dans le cas où le tableau r a 
m colonnes et n lignes équivaut à m — (n — 1) relations 
seulement. 

II. 
MÉTHODE DIALYTIQUE. 


Considérons, pour plus de facilité, les deux équations 
respectivement du 5° et du 4° degré : 


A — a, + GE + 04x? + ax) + Gr + aya? — 0, 


B — b, + bix + bax? + bu? + baxt = 0. 


Nous avons démontré, dans la Note précédente, que si 
ces deux équations ont trois racines communes, l'on a 


do 0, 09 dg WU, 0s 0 
0 o 04 u $4 4 W 
b b M Nx oo 
0 b bo dy b 0 
(ud. Lolo Ww s 


| 
S 


Il est aisé d'établir la réciproque, d’après le théorème 
du § I. On aura, en effet, d’après ce théorème, les sept 
équations : 

dou + Opa + bin + Os + 0v; = 0, 
Qipi + Qop + bin + boz + 09 — 0, 


Ata ud ud + wa ue id + fiet 0, 


Oki pus FT 


( 558 ) 
Lu, Mo, Vas Va, vs étant des constantes qui ne sont pas 
toutes nulles. 
Multiplions ces équations respectivement par 1 , x?, x?, 
x*, x5, x9 el ajoutons (`). Il viendra, quel que soit x : 


(ay + a,9 + QX? + asx? + a4x* + ax") (p, + pax) 
+ (by + bix + bax? + bsx? + baxt) (v, + na + vx) — 0, 


ou, en abrégé, 
À (pa + pax) + B (v, + vx + sx?) = 0 


Si nous donnons à x l'une queleonque des valeurs «, 
B, y, 9, e, racines de A = O, le premier terme de l'égalité 
précédente s'annule. Donc l'équation 


B (v, + vx + vx) —0 


aura parmi ses racines «, 6, 7, 9,c. Deux seulement de 
ces racines peuvent annuler le second facteur, qui, d'ail- 
leurs n'est pas identiquement nul. Donc B—40O a pour 
racines trois de ces quantités, æ, B, y, ce qu'il fallait 
démontrer. 

Remarques. I. D’après le corollaire du $ précédent, les 
conditions pour que les équations A —0, B—0 aient trois 
racines communes sont au nombre de 5. En général, les 
conditions pour que deux équations de degré quelconque 
aient p racines communes sont au nombre de p, comme 
on le trouve aisément. 


(*) Le procédé employé dans les Comptes-rendus est moins simple que 
celui qui est indiqué ici, parce que z ne conserve pas une valeur arbi- 
traire. 


( 839 ) 
IL. Si les racines de B = 0, sont a, B, y, &, il est 
clair, d’après ce qui précède, que & est racine de 
Pa + px = 0. 
De méme 2, « sont les racines de 


y, HAT + ye — 0. 


Les quantités pi, (to, v1, Y2, vs étant faciles à déterminer, 
par la théorie des équations du premier degré, on voit que 
les équations aux racines non communes s'obtiennent 
aisément. 

Quant à l'équation aux racines communes, elle est 


A B 
E 
+ Vax + yx Ka + pax 


comme on le voit immédiatement. 


III. 
MÉTHODE DE BEzour ET CAUCHY. 
Posons 


A = a + Ly = 04 + ys m as He y m as + X*y,, 
B = By + x3, — 9, + x10, — Pa + 230, — B + 20, 


2i, Bi Yi ds désignant des polynómes entiers en x, de degré 
égal à leur indice dont les deux premiers sont formés 
respectivement par les (; + 1) premiers termes de A et 


( 540 ) 
de B. Ainsi, par exemple, 
da = Up + GX + A2”, 


de sorte que l'on a bien : 


A — a; + Ya 


On aura ensuite : 


Ya = As + GX + A5”, 


Ay; — B3, = 009 3 — Bads — Coo + Coi + Col + Col + CyT — Co» 
0 


Ay, — Bo; = ey s — bads = Co + Cx + Ca? Cg + Cut — Ci, 


Ay, — B, — asy, — [393 = Coo + CX + Cog? + Ca + Col = Cr; 


Ayo — Be 089 o — badi = Cao + CT + Cal? 0353? Cyt — Ci 


les quantités désignées par les c minuscules étant des 
constantes et, par suite, Co, Cj, Ca, Cz, des polynómes 


entiers du 4° degré. 


Les conditions nécessaires pour que A —0, B— 0 aient 
trois racines communes sont, comme l'on sait : 


b, 


Ces conditions sont suffisantes. En effet, d’après le § I, 


on aura 


À1C20 + À9C20 + Agb, == 0, 
MCa + 205 + 255, — 0, 


24099 + PM + sb, == 0, 


J4635 + ess + 35D; = 0, 
Cy + dge + ds = 0, 


M ds, à; étant des constantes dont l'une, au moins, n'est 


pas nulle. 


( 541 ) 
Multiplions ces équations, respectivemeut, par 1, x, x?, 
x5, x+, el ajoutons. Il viendra 
3G, + Ass E "mu = 0, 
c’est-à-dire, 
(AY: situe B) + A (Ayo «- B3) m sB — 0, 
ou 
AQ, + X70) + B( sn 3,09 — a0, + 3g) = 0, 


Les cinq racines de A—0 doivent vérifier l'équation : 
B(— 19/3 — )9Y 1 + Ag) = 0. 


Le second facteur étant du 3° degré et non identiquement 
nul, trois des racines de A, au moins, doivent aussi être 
racines de B —0. 


Des caractères distinctifs de la dolomite et de la calcite 
dans les roches calcaires et dolomitiques du Calcaire 
carbonifére de Belgique; par M. A. Renard, conservateur 
au Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. 


La distinction , à l'aide des caractères microscopiques, 
de la calcite et de la dolomite dans les roches qui offrent 
ces éléments associés, présente des difficultés que l'on ne 
rencontre pas pour la détermination des cristaux macro- 
SCopiques des mêmes espèces. Ces difficultés proviennent 
en partie de la similitude de composition et de forme 
qu'affectent ces minéraux dont on ne peut évaluer, dans le 
tissu serré des roches, les valeurs angulaires, ni tenir 
compte avec certitude de leurs propriétés chimiques res- 
pectives. Cependant, deux questions importantes au point 
de vue minéralogique et géologique sont liées intimement 


( 542 ) 
à la distinction de la caleite et de la dolomite dansles lames 
minces des roches étudiées au microscope. La première se 
rapporte à la composition minéralogique des roches dolo- 
mitiques qui s'écartent du type normal (CaCO; + MgCO;) ; 
la seconde, l'une des plus controversées en géologie, 
a trait au mode de formation des calcaires dolomitiques et 
de la dolomie. Sans nous arréter à la discussion des opi- 
nions émises sur ces questions, qui sont d'ailleurs parfai- 
tement exposées dans le savant travail de MM. Doelter et 
Hoernes (1), nous nous bornerons à signaler ici les carac- 
téres distinetifs de la caleite et de la dolomite, tels qu'ils 
apparaissent au microscope dans les préparations des 
roches. ll est évident que si l'on parvient à établir ces 
caractéres d'une maniére nette et précise, on peut s'at- 
tendre à ce que l'analyse microscopique jette du jour à la 
fois sur la composition minéralogique et sur l'origine des 
roches qui renferment comme éléments fondamentaux les 
espéces minérales dont nous allons décrire la mierostruc- 
ture. Cette note, comme celle que nous avons eu l'hon- 
neur de présenter à l'Académie sur les phthanites du cal- 
caire carbonifère, doit être considérée comme un travail 
préliminaire à notre monographie lithologique des roches 
de cet étage. Quoique nous n'ayous pas encore appliqué 
l'analyse mieroscopique à d'autres roches qu'aux calcaires 
et aux dolomies des assises du calcaire carbonifére, le grand 
nombre de types que nous avons étudiés et dont nous 
avons fait polir plus de deux cents préparations, nous ont 
donné des caractéres si constants que nous croyons pou- 
voir les généraliser pour toutes les roches dolomitiques de 


(1) C. Doevren et R. HoznxEs, Chemisch-genetische Betrachtungen 
über Dolomite (Jaurs. K. K. Grot, Reicusansr., vol. XXV, 1875, p. 295). 


( 545 ) 
cet étage et nous n'hésitons pas à penser qu'ils pourront 
s'appliquer aux calcaires et aux dolomies d'autres forma- 
tions. 

Comme nous allons le montrer en résumant les tra- 
vaux antérieurs, on n'était pas parvenu à fixer d'une ma- 
nière certaine les caractères micrographiques de ces deux 
espèces. M. von Inostranzeff (1) est le premier, croyons- 
nous, qui se soit occupé de rechercher les caractères dis- 
tinctifs de la dolomite et de la calcite dans les roches 
taillées en lames minces. Des calcaires types grenus 
dela Finlande et des monts Oural, lui permirent d'observer 
que tous les grains de calcite se montrent striés par l'inter- 
position de lamelles hémitropes (2) et qu'ils sont sillonnés 


(1) vos IxosrRANzEFF, Unt. von Kalksteinen und Dolomiten (Jaunp. nen 
GEOLOG., RetcusaNsTALT. TSCHERMAK'S MINERALOGISCHE MITTHEILUNGEN 1875, 
p. 45). 

(2) Cette macle de la Mte a son plan rm à parallèle et l’axe 
d'héniitropie normal à bt. Les axes des deux individus formant entre eux 
des angles de 127» 29’ 52" et pre 30’ 28", et en su — nt que l'un soit 
resté fixe, l'autre peut être considéré comme ayant tourné de 180 degrés 
autour de l'axe hémitropique. Cette structure des cristaux de calcite se 


microscopique des roches (Zeitschrift d. d. geol. vadat t. VII, 1853, 
P- 5). Stelzner (Petrographische Bemerkungen über Gesteine des Allai, 
1871, p. 56) a fait remarquer que ces stries hémitropes dans les plages 
de calcite des calcaires cristallins pourraient bien avoir été provoquées par 
les efforts mécaniques auxquels les couches de calcaire auraient été sou- 
mises. On sait en effet que Reusch (Pogg. Annalen, CXXXII, 445) est 
parvenu dans ses Let pt rer à PETER Fapparition de 
ces stries hémitropes en soumettant des cristaux de calcite à l'action 
d'une vis de pression. Quoi qu E en soit de esci m suggérée par 
M. Stelzner, bornons-nous à indiquer que l'on découvre bien souvent des 
cristaux de calcite striés par ces lamelles hémitropes et pour la produc- 


( 944 ) 

“en outre par les lignes de clivage coupant ces stries et con- 
servant toujours à peu prés la méme orientation. La roche 
de Gopunwara en Finlande se présente au microscope avec 
des caractéres différents, tandis qu'une partie des granules 
incolores qui la composent ne montre pas de stries hémi- 
tropes, mais simplement des traces de clivage, d'autres sont 
striés; traitée avec un acide faible, il laisse un résidu de 
dolomie. La roche grenue de Kiwisari est formée de gra- 
nules dont le plus grand nombre ne porte pas les stries 
hémitropes; presque tous, au contraire, sont sillonnés par 
les lignes du clivage rhomboédrique. Les granules striés 
polarisent fortement la lumiére, ils sont plus brillants que 
ceux sans lamelles polysynthétiques. Dans la dolomie 
grenue de Tiosia, l'auteur n'observa point une seule plage 
avec stries hémitropes; il constata le méme fait dans deux 
autres roches dolomitiques : celle de Kjapjaselga et celle 
de Tschewscha-Selga. M. Inostranzeff (it marcher de 
pair l'étude chimique avec l'examen microscopique de ces 
roches. En comparant les rapports de la teneur en carbo- 
nate de calcium pur et en dolomite avec les caractères 
microscopiques des roches analysées, il arrivait à ce résultat 
remarquable que les calcaires types au point de vue chi- 
mique ne sont composés que de plages cristallines striées 
par l'interposition de lamelles hémitropes et que la teneur 
en carbonate double de caleium et de magnesium augmente 


tion desquelles on ne peut faire appel à la pression (Cf. QuexsrEpr, Mine- 

ralogie, 495, 1877). Les cristaux de calcite des géodes et les rhomboédres 

les plus transparents de spath d'Islande sont souvent pénétrés par une 

multitude de lames minces, orientées d'aprés la loi que nous énoncions 

plus haut et produisant sur la face de clivage des stries paralléles à là 

diagonale horizontale (Des CLoizEAvx , Manuel de minéralogie, t. 1I, 1874. 
08). 


( 545 ) 

à mesure que le nombre des sections sans stries polysyn- 
thétiques diminue. Il s'ensuivrait que le caractère distinctif 
des plages de calcite doit se trouver dans la présence des 
lamelles hémitropes, et celui de la dolomite dans la pré- 
sence exclusive des lignes de clivage. Une conclusion qui 
découlerait de ces observations, c'est que la dolomie ne 
serait pas composée de cristaux de dolomite dont la teneur 
variable en carbonate de caleium et de magnesium devrait 
S'interpréter par le remplacement partiel de ces deux bases 
suivant les lois de l'isomorphisme. Il s'ensuivrait que dans 
les roches dolomitiques n'appartenant pas au type normal, 
chacun des grains qui constituent la roche ne possède pas 
la composition que l'analyse brute indique. M. Inos- 
tranzeff arriverait donc à confirmer les recherches anté- 
rieures de Karsten (1). Ce savant avait établi que des cal- 
caires dolomitiques attaqués à 0° par l'acide acétique 
dilué laissent un résidu cristallin présentant la composi- 
tion de la dolomie normale. Nos observations sur les 
roches dolomitiques nous amènent , comme les auteurs que 
nous venons de citer, à croire que beaucoup de ces roches 
sont formées d'un mélange mécanique de caleite et de 
dolomite ; nous démontrerons, toutefois, que l'on ne peut 
pas s'établir sur la présence ou l'absence des stries hémi- 
tropes pour discerner, comme l’a fait M. Inostranzeff, 
les grains de dolomite des plages de calcite. Comme nous 
allons le voir, cette déduction présente un caractère trop 
général ; nou-seulement les sections de calcite sont loin 
d'être toutes striées, mais il arrive que la dolomite elle- 
méme offre l'interposition de lamelles polysynthétiques. 


(1) Karsten's Archiv für — ip 572, voir aussi SCHAF- 
HAÜTL, Neues Jahrb. für Min., 1864, p 


( B46 ) 

L'objection que nous venons d'énoncer a été relevée 
par M. Doelter (1) dans sa communication préliminaire au 
mémoire qu'il a fait paraître avec M. Hoernes sur les 
roches dolomitiques. Il fait observer que le diagnostic 
reposant sur la présence ou l'absence des stries hémitropes 
ne peut étre mis en jeu que lorsqu'on étudie des roches à 
gros grains et il substitue à ce caractère les indications 
que l'on peut obtenir en observant l'action des acides sur 
les parties calcaires ou dolomitiques des roches taillées en 
lames minces. A cet effet, il attaque une plaque de calcaire 
type à l’aide d’acide chlorhydrique dilué, dont il augmente 
peu à peu la concentration ; lorsque cet acide est parvenu à 
dissoudre tous les granules calcareux, M. Doelter prend 
une solution au méme degré de concentration et qu'il 
nomme sa solution normale. A l'aide de cet acide ainsi 
dilué, il attaque des plaques minces de roches contenant à 
la fois de la calcite et de la dolomite et il arrive à indiquer 
d'aprés le résidu plus ou moins notable de dolomite qui 
reste inattaquée, la quantité proportionnelle de calcite et 
de dolomite. Il constate que ces résultats concordent avec 
ceux que lui fournissent l'analyse chimique des mêmes 
roches. Le caractére sur lequel s'appuie M. Doelter ne 
repose donc que sur la résistance que la dolomite oppose 
à l'action des acides. Nous appliquerons à notre tour cette 
méme donnée; mais il nous parait nécessaire de ne pas 
l'employer seule et de faire servir en méme temps pour 
déterminer ces deux espéces minérales, les indications que 
nous fournissent leurs propriétés physiques. 


(1) Doecrer, Vorläufige Mittheilung über Untersuchungen von Dolo- 
miten aus Sud-Tyrol (VERHANDL. DER K. K. GEOL. REICHSANSTALT, 1875, 
6 


( 547 ) 

Dans le travail que M. Lagorio (1) a publié sur les 
roches de la région orientale de la Baltique, cet auteur 
nous parait serrer le probléme de plus prés que ne l'avaient 
fait ses devanciers. Aprés avoir indiqué à son tour le peu 
de certitude que donnent les caractères distinctifs for- 
mulés par M. Inostranzeff en montrant que, dans plu- 
sieurs cas, le calcaire se présente sans lamelles hémitropes, 
il attache un certain poids au fait que la dolomite est sur- 
tout caractérisée par la forme rhomboédrique plus ou 
moins parfaite qu'affecte ce minéral lorsqu'il entre comme 
élément constitutif dans les roches. Il montre dans divers 
passages de son mémoire comment cette interprétation est 
en accord avee les résultats de l'analyse chimique ; mais 
l'auteur n'a pas formulé d'une manière assez nette l'im- 
portance que l'on doit attacher à ce caractére, que nous 
considérons comme fondamental. En traitant des cal- 
caires dolomitiques dévoniens, il indique bien que la dolo- 
mite s'y distingue par des cristaux rhomboédriques ; mais 
il ajoute que ces roches contiennent en méme temps, 
quoique en nombre moins considérable, d'autres cristaux 
de méme forme que l'on ne peut considérer, vu leur ma- 
nière de se comporter aux acides, comme de la dolomite. 
Il envisage les rhomboédres qui se dissolvent dans l'acide 
acétique comme de la calcite; ceux qui résistent à l'action 
de cet acide, il les rapporte à la dolomite (2). 


—— 


(1) Laconio, Mikroskopische TAUN Ostbaltischer Gesteinsarten 
(Ancntv, FUR DiE Narunk. Liv. Est p Kunzanps, 1 série, 7 vol., 1876). 
(2) Loc. p. 94. Fischer. -Beniim pude son mémoire sur la stractüre 
des Nina. iba oskopische Untér dcl" über die Halysites Arten 
und einigen Gest. aus den russischen Oostsee-Provincen (Asn. AUS DEM 
GEBIETE DER NaTUnw., HamgourG, 1871), indique déjà la forme rhom- 


( 548 ) 

Le récent travail de M. Loretz (1) sur les dolomies du 
Tyrol méridional, consacré à ce groupe de roches célèbres 
entre toutes dans l'histoire de l'origine de la dolomie, ne 
nous fournit pas de détails que l'on puisse appliquer aux 
caleaires dolomitiques ou aux dolomies du caleaire carbo- 
nifère de Belgique. L'auteur trouve que la plupart des 
dolomies dont il décrit la microstructure sont caractérisées 
par des éléments qu'il nomme macrocristallins, associés 
à d'autres, de dimensions moindres, qu'il désigne sous le 
nom de microcristallins. Cette structure, qui semble do- 
miner dans les roches du Tyrol, ne se présente pas dans 
les dolomies de Belgique dont l'un des traits les plus sail- 
lants au contraire est l'uniformité du grain qui se montre 
aussi bien à l'oeil nu et à la loupe dans les échantillons, 
qu'à l'aide du microscope dans les lames taillées. Une 
grande partie du travail deM. Loretz est ensuite consacrée 
à décrire la structure oolithoide de la dolomie ; cette struc- 
ture n'est jamais représentée, peut-on dire, dans les roches 
que nous avons choisies comme objet de nos études. Les 
formes plus ou moins circulaires, que nous avons rencon- 
trées dans le calcaire carbonifére se montrent, pour le plus 
grand nombre, composées de sections de fossiles; plus 
rarement nous y découvrons des concrétions, mais nous 
n'avons aucune raison decroire qu'elles soient composées de 
dolomie. La structure schistoide et bréchoide, qu'il décou- 
vre dans la dolomie du Tyrol, manque aussi dans nos roches 


boédrique comme fréquente ipm la dolomite dans les roches qu'il a étu- 
iées ; mais, comme M. Lagorio, en différents arai de son travail , 
il pur de cristaux de calcite ar sous cette forme. 
(1) H. Longrz, Untersuchungen über Kalk und Mel: 1, Sud- Tyroler 
Dolomit (Z. n. n. 6. G. 5 fasc., 1878, p. 387). 


( 549 ) 

de Belgique. Les roches du calcaire carbonifère que nous 
avons examinées peuvent toutes se rapporter au type de 
structure que M. Loretz désigne sous le nom de macro- 
eristalline uniforme. En résumé, le mémoire de ce savant 
est plutót consaeré à décrire la mierostructure de la dolo- 
mie comme roche, qu'à nous faire connaitre les caractéres 
propres de la dolomite et de la caleite. : 

M. Bonney (1) dans un de ses derniers travaux a 
touché de plus prés la question. Aprés avoir rappelé 
que la calcite est représentée dans les traps micacés 
de la région de Kendal et de Sedbergh, il indique qu'elle 
est assez souvent associée à un minéral qu'il consi- 
dére comme de la dolomite; pour établir la distinction 
entre ces deux espéces, il se fonde sur ce que les grains 
qu'il rapporte à la dolomite ont une forme plus régulière, 
des clivages moins distincts et des couleurs plus vives 
que les sections de calcite. L'étude d'un grand nombre de 
préparations de roches dolomitiques, et entre autres de 
dolomies du Tyrol, semble Ini prouver que la dolomite se 
présente d'ordinaire sous la forme de grains réguliers poly- 
gonaux ou arrondis, tandis que ceux de la ealeite sont ordi- 
nairement terminés par des contours qui ne rappellent au- 
cune loi cristallographique. Les clivages sont moins visibles 
dans le premier minéral que dans le second; mais les grains 
de dolomie se colorent vivement entre nicols croisés , tandis 
que les teintes du calcaire sont plus sombres. On voit que 
M. Bonney met plus de poids sur la forme des sections, 
comme l'avait déjà fait M. Lagorio ; toutefois il nous parait 
ne point la spécifier assez. A notre tour, nous allons 


(1) Boxxer et Houçurox, On some mica-traps from the Ne and 
Sédbergh districts (Quart: sourx. or GEOL. Soc., février 1879, p. 1 
2"* SÉRIE, TOME XLVII. 56. 


( 550 ) 

essayer de montrer que les formes cristallines de la calcite 
et de la dolomite doivent étre prises en considération, si 
l'on veut déméler la structure intime des roches que nous 
étudions; et, groupant autour de ce caractére toutes les par- 
ticularités, qui découlent de nos observations , nous espé- 
rons établir les différences qui permettent de distinguer, 
dans les lames minces, ces deux espéces minérales. Nous 
croyons devoir ajouter que cette note n'a point d'autre 
but que de préciser le facies microscopique de la dolo- 
mite et de la calcite ; nous réservons pour une autre com- 
munication de traiter en détail de la composition minéra- 
logique des calcaires et des calcaires dolomitiques, ainsi 
que du mode de formation de ces roches. Si nous parve- 
nons à établir ces caractéres distinctifs, nous aurons mis 
entre les mains du lithologiste le moyen de trancher ces 
deux importantes questions. 

Lorsqu'on envisage la manière d’être de la dolomite et 
de la calcite macroscopique au point de vue de la forme 
cristalline, un fait qui frappe tout d'abord, c’est la tendance 
que possède la première à s'offrir avec le rhomboédre pri- 
mitif et la rareté exceptionnelle de cette méme forme 
pour la calcite. De toutes les espèces minérales, la calcite 
est incontestablement la plus féconde en modifications de 
formes, et d'un autre côté c'est de tout le groupe des car- 
bonates rhomboédriques le minéral qui se présente le 
moins souvent sous la forme dite primitive du rhomboè- 
dre de 105°, que l'on peut obtenir par le clivage de tous 
les eristaux de cette espéce. On a méme douté que la cal- 
cite pure ait jamais été observée sous cette forme, et l'on a 
pensé que les cristaux primitifs considérés comme de la 
caleite devaient étre plutót rapportés à la dolomite, qui 
affecte d'habitude, on le sait, une forme différant de quel- 


( Sbt ) 

ques degrés à peine du rhomboédre primitif de la cal- 
cite (1). Il est incontestable toutefois que dans la variété 
de cette espéce la plus pure et la plus transparente, le 
spath d'Islande, on a rencontré trés rarement des rhom- 
boédres primitifs. D'aprés Dana (9) on a trouvé dans cette 
région un rhomboédre primitif mesurant 6 métres de lon- 
gueur sur 5 métres de haut. Des Cloizeaux (5) dit seule- 
ment que les spaths calcaires du gisement d'Helgastad 
en Islande ont pour forme dominante le méme rhom- 
boédre. Nous devons cependant ajouter ici qu'il s'est formé 
des cristaux rhomboédriques de calcite dans les expé- 
riences de Rose, de Credner, etc. G. Rose (4), dans ses re- 
cherches sur les conditions de température et de saturation 
qui président à la cristallisation du carbonate de caleium 
dans le système rhomboédrique sous la forme de calcaire 
spathique ou dansle système rhombique sous la forme d'ara- 
gonite, a obtenu des cristaux de calcite qui possédaient la 
forme du rhomboédre primitif. 

H. Credner (5) dans les recherches qu'il poursuivit sur 
le méme sujet a enrichi nos connaissances relativement 
aux conditions qui font cristalliser le carbonate de 
Calcium comme calcite ou comme aragonite. Il montre 
que cette substance cristallise dans le systéme hexagonal 
ou dans le systéme rhombique suivant les matiéres en 


(1) Decarosse, Nouveau cours de minéralogie, t. I, p. 458. 

(2) Dana, À system of mineralogy, p. 681, 5e édit., 1871. 

(3) Des Crorzeavx, Manuel de minéralogie, vol. I, p. 106. 

(4) Uber die Bildung des Kalkspaths und Aragonits, Poc. ANN., 
XLII, 1857. Ueber die pets Zustände der kohlensauren Kal- 
en (Aum. pen BERLINER AK., 1856 ,1838. Monatsber., 186 

Ueber gewisse cauti der Kr yelallversehtedenhélien der koh- 
Taur Kalke (Jovnw. F. PRAKTISCHE CHEMIE, 1870). 


( 552 ) 
solution dans l’eau-mère. H. Credner, de méme que 
G. Rose, a obtenu des rhomboédres de calcite. Harting (1) 
et Vogelsang (9) signalent aussi cette forme pour les indi- 
vidus mieroscopiques de calcite, qu'ils firent eristalliser 
dans leurs études sur les précipités et les cristallites. Si, 
comme le démontre H. Credner, les substances étrangères 
en présence dans la solution qui doit donner naissance 
aux cristaux de carbonate de calcium déterminent pour ce 
minéral des modifications dans la forme cristalline, on 
comprend aisément qu'une espéce répandue si abondam- 
ment dans la nature, associée aux minéraux les plus 
divers, puisse présenter l'extréme variabilité de formes que 
nous constatons. Ce qui milite en faveur de cette inter- 
prétation, c’est la localisation de certaines formes de cal- 
cite dans des gisements spéciaux, c'est encore la richesse 
de forme, que montre la calcite suivant ses associations; 
nous n'en eiterons qu'un exemple bien connu, celui des 
cristaux de caleite associés à l'apophyllite à Andreasberg. 
Partant de cette donnée, que certaines substances mélées à 
la solution du carbonate de calcium influent sur la forme 
que revêt ce minéral, et considérant d'un autre côté que 
dans la nature la caleite affecte trés-exceptionnellement de 
prendre la forme du rhomboédre primitif, on pourrait 
peut-être conclure que la solution d’où cristallisérent les 
rhomboédres de calcite doit avoir été dans des conditions 
tellement spéciales de pureté, qu'on doit s'attendre à ne les 
trouver que dans des circonstances exceptionnelles. C'est 


(1) P. Hanrivo, Étude microscopique des précipités et de leurs méta- 
morphoses a DES SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES DE LA NÉER- 
LANDE, 1840, p. 2 tc ). 

(2) VoetLsase, A Krystalliten, 1875, t.. V, p. 78. 


( 955 ) 

ce qui semblerait découler aussi du fait que l'on n'observe 
sous la forme rhomboédrique primitive, que les cristaux 
de spath d'Islande qui, pour la pureté et la limpidité, sont 
les types de l'espèce. Cette déduction nous parait encore 
confirmée par les résultats du laboratoire. A leur tour les 
petits rhomboédres, obtenus par lesauteurs que nous venons 
de citer, ne se seraient formés que parce qu'on a réalisé 
ces expériences, comme toutes les recherches de ce genre, 
avec des solutions aussi chimiquement pures que pos- 
sible : or ces conditions ne sont pas celles de la nature. 

Quoi qu'il en soit de l'interprétation cristallogénique que 
nous venons d'indiquer, le fait fondamental qu'il nous 
parait important de relever nous semble acquis : la forme 
du rhomboédre primitif n'est presque jamais affectée par 
la calcite. Il n’est pas douteux que l'on doive retrouver 
dans les individus microscopiques qui forment la base des 
roches calcaires cette méme tendance à ne se présenter 
jamais, peut-on dire, avec la forme primitive. En appli- 
quant donc aux plages de calcite des calcaires taillés en 
lames minces cette régle qui semble découler de toutes 
les observations macroscopiques, nous arrivons à la con- 
clusion, qu'il est très peu probable que nous trouvions 
dans les préparations microscopiques de ces roches des sec- 
tions de calcite avec les contours du rhomboèdre primitif. 
— Demandons-nous maintenant si la dolomite présente, à 
ce même point de vue de la forme, la tendance que nous 
venons de rappeler pour les cristaux de calcite. Nous con- 
Slatons que tous les auteurs de minéralogie indiquent 
pour forme ordinaire de la dolomite celle du rhomboédre 
de 106°. Tous signalent qu'autant le rhomboédre de la cal- 
cile est extrêmement rare, autant celui de la dolomite se 
présente habituellement. Il est évident, comme nous le 


( 554 ) 
disions tout à l'heure, que ce caractère constant, pour les 
individus bien développés de dolomite et de calcite, doit 
laisser sa trace sur les éléments microscopiques des mêmes 
minéraux, lorsqu'ils entrent dans la composition des roches 
massives. 

Pour prouver qu’il en est ainsi, décrivons d’une manière 
générale la structure d'un calcaire et celle d'une dolomie 
tels que nous les rencontrons dans les roches du calcaire 
carbonifére de Belgique. 

Nous constatons à première vue que dans les calcaires, 
méme ceux d'apparence les plus cristallins, comme les 
marbres saccharoïdes, on ne découvre jamais, dans la 
masse, des cristaux ébauchés comme on les voit dans 
presque toutes les roches cristallines. Les grains de cal- 
caire, examinés à l'oeil nu ou à la loupe, se montrent tou- 
jours terminés par des contours irréguliers ne rappelant 
jamais une forme cristalline nettement accusée. A plus 
forte raison, ne retrouvera-t-on pas de lignes terminatrices 
dérivant de polygones sectionnés dans les granules mi- 
croscopiques qui forment le calcaire compacte. Si l'on ap- 
plique le mieroscope à l'étude de ces roches, on n'entrevoit 
pas davantage des sections que l'on pourrait rapporter à 
une forme cristalline. Sans nous arréter à une description 
détaillée de la mierostructure du calcaire et nous bornant 
aux faits en rapport avec ce que nous voulons établir, nous 
nous conlenterons d'indiquer ici les traits saillants que 
nous offre la calcite dans les lames minces des calcaires 
que nous avons étudiés. On constate au microscope que ce 
minéral s'y présente, peut-on dire, sous un triple aspect, 
indiquant que sa formation est due à des causes d'ordre 
différent. Dans quelques cas le calcaire est composé de 
restes organiques qui prennent une part considérable à la 


( 555 ) 
constitution de la roche. Ces sections se distinguent aisé- 
ment, par leur forme et par leur structure intime, de la 
calcite, dans laquelle elles sont enchássées; celle-ci consti- 
tue ce que l'on pourrait appeler la pàte ou masse fonda- 
mentale cimentant les parties d'origine organique dont elle 
tapisse aussi les cavités. Les sections de cette masse fon- 
damentale sont quelquefois sillonnées de lignes de clivage, 
affectant, dans bien des cas, une tendance à la ligne courbe; 
souvent elles sont formées de lamelles hémitropes; dans 
d'autres cas, elles apparaissent comme des masses d'as- 
pect terreux n'offrant aucune partieularité qui trahisse 
leur structure eristalline, mais à l'aide de l'appareil de 
Nicol montrant dans tous les cas les phénoménes de bi- 
réfringence (1). Jamais ces plages de calcite n'ont les con- 
tours rappelant la section d'un cristal ; elles sont terminées 
par des lignes courbes d'allure indéterminée, échancrées 
ou vagues sur les bords, se fondant en quelque sorte dans 
la masse entourante; presque toujours on les voit colo- 
rées par des matières argileuses, charbonneuses ou limoni- 
teuses. Observons aussi que ces enduits ne paraissent pas 
répandus d'une maniére uniforme sur toute l'étendue de 
la plage. Enfin on découvre dans les lames minces de cal- 
caire des parties composées de calcite que nous sommes 
porté à considérer comme dues à une infiltration posté- 


—— 


(1) On trouve indiqué dans tous ‘les ouvrages de lithologie, que, 
seule parmi les roches calcaires, la craie n'est point composée de parti- 
cules cristallines. M. Zirkel a attiré récemment notre attention sur une 
communication publiée à ce sujet par M. Kauffmann, dans les Bulletins 
de l'Institut géologique d'Autriche. L'auteur y indique que des granules 
de craie examinés avec l'appareil de Nicol montrent tous les phénomènes 
de biréfringence. Nous nous sommes assuré par nous-méme de l'exac- 
titude du fait signalé par M. Kauffmann. 


( 556 ) 

rieure. Elles se distinguent par la limpidité de leur grain, 
par la grande dimension des éléments qui les forment, par 
leur allure indépendante au milieu des sections. Ce qui les 
caractérise encore, c'est l'abondance des stries hémitro- 
pes (1). Mais ces veinules ne nous ont jamais montré des 
plages à contours polygonaux. (Pour cette description voir 
fig. 1.) Ce fait qui découle de toutes nos observations pa- 
rait bien établi; nous allons voir maintenant le contraste 
qu'offre à ce point de vue la structure de la dolomie. 

Dans une roche dolomitique , ce qui frappe au premier 
coup d'œil, c’est de voir, avec la tendance à l'uniformité du 
grain, la nature cristalline des éléments qui la composent; 
elle se traduit par une rugosité caractéristique, par les 
facettes brillantes des éléments, qui conservent encore ces 
faces réfléchissantes alors que la roche tend à se déliter et 
à passer à l'état terreux. Lorsque la dolomie dans une dé- 
composition plus avancée forme les masses pulvérulentes 
désignées sous le nom de cendres dolomitiques, chaque 
grain étudié à la loupe montre des formes cristallines, 
quelquefois bien effacées, à vrai dire, mais toujours assez 
accusées pour indiquer que chacun des éléments consti- 
tuait un individu cristallin isolé, terminé par les faces du 
rhomboèdre primitif, forme qu'affecte si fréquemment la 
dolomite macroscopique des géodes. — Voyons mainte- 
nant, comme nous l'avons fait pour le calcaire, les détails 
microscopiques d'une dolomie taillée en lame mince (voir 
la fig. 2). Étudiée avec un grossissement de 20 à 50 dia- 
mètres, une roche de ce type présente une structure telle 


(1) M. Fiscner-Benzon (loc. cit.) a signalé depuis "-— que les vei- 
nules de calcite des caleaires sont en quelque sort térisées la 
présence d'un trés-grand nombre. de grains avec salles hémitropes. 


( 597 ) 

que.ne l'offre jamais un calcaire. D'abord les restes orga- 
niques que l'on peut considérer comme élément essentiel 
du calcaire ont disparu ou sont à peu prés effacés; au 
lieu des plages irrégulières homogènes, quelquefois sillon- 
nées par les lignes de clivage rhomboédrique et les stries 
hémitropes, on observe des sections affectant toutes des 
dimensions à peu prés uniformes, et toutes rappelant la 
forme rhomboédrique; pour quelques-unes d'entre elles 
cette forme cristalline est réalisée d'une maniére parfaite, 
d'autres nous la montrent moins bien indiquée, parce que les 
individus, génés dans leur développement mutuel, se sont 
trouvés pressés les uns sur les autres, dans des conditions 
où il leur était impossible de se développer normalement. 

Ces lames minces, composées presque exclusivement 
de petits polyédres, montrent une structure tellement carac- 
téristique, indiquant pour la dolomite une tendance si pro- 
noncée à Ja cristallisation, qu'il n'existe peut-être pas un 
type de roche dans toute la série lithologique qui lui soit 
comparable à ce point de vue. Les cristaux qui composent 
la dolomie n'ont presque jamais la transparence de la cal- 
cite; presque jamais non plus ils ne sont incolores comme 
ce dernier minéral; les clivages et les stries hémitropes y 
sont beaucoup moins prononcés ou plus rares. La teinte 
brun-jaunâtre répandue uniformément sur toutes les sec- 
tions de dolomite n'est peut-être pas moins caractéris- 
tique pour cette espèce. C'est un détail qu'elles ont de com- 
mun avec les individus macroscopiques de dolomite qui 
revêtent ordinairement une coloration jaunàtre ou rou- 
geàtre (1). Entre les sections que nous venons de décrire, 


(1) M. Lasonio (loc cit.) attribue à des substances organiques la colora- 
tion des cristaux de dolomie. Dans les analyses faites sous le microscope, 


( 558 ) 

on observe quelquefois de petites plages incolores parfai- 
tement limpides, que leurs caractéres physiques et l'effer- 
vescence qu'elles montrent lorsqu'on les traite avec un 
acide faible nous démontrent appartenir à la calcite. 
Comme nous le verrons, nous avons des raisons de penser 
que les cristaux de dolomite dans beaucoup de dolomies 
sont cimentés par de la calcite répandue en filaments 
d'une extréme minceur entre les rhomboédres. Ce réseau 
de càleite est quelquefois visible au microscope, quelque- 
fois on parvient à le déceler par l'attaque au moyen des 
acides. Ces plages calcareuses font presque complétement 
défaut dans les roches dolomitiques types, où les grains 
sont juxtaposés sans interposition entre les individus cris- 
tallins. Les détails sur lesquels nous venons d'insister 
nous permettent donc de distinguer ces deux espèces 
d’après leurs caractères microscopiques; ils nous fournis- 
sent le moyen de constater de visu la part que chacune 
d'elles prend dans la constitution des roches du calcaire 
carbonifére. 

Mais il importe de montrer comment les sections de 
dolomite et de calcite que nous avons déterminées surtout 
par leur forme et leurs caractéres physiques se compor- 
tent sous l'action des acides; nous trouverons dans les 
réactions micro-chimiques une confirmation des vues que 
nous venons d'exprimer. Nous nous sommes attaché à faire 


D 


nous avons toujours pu déceler beaucoup de fer quand on attaque un 
cristal de dolomie. Nous croyons que cette substance plus ou moins mé- 
langée à des matiè de matière colorante pourle calcaire. 
Nous n'avons rien découvert. dans nos préparations qui tende à démontrer 
l'opinion émise par Ebelmen, que la coloration du calcaire est due à de la 
pyrite. 


( 559 ) 
ces réactions sous l'objectif méme du microscope : ce mode 
d'étude permet d'apprécier avec certitude la marche de 
l'attaque, de limiter à un point l'action des réactifs et de 
déméler au milieu des éléments les centres qui résistent 
Ou qui se décomposent. 

Un des traits distinctifs les plus saillants de la calcite et 
de la dolomite est la facilité avec laquelle la première se 
décompose sous l'action d'un acide faible, tandis que la 
dolomite présente une résistance beaucoup plus énergique 
aux mémes acides. Autant ces particularités peuvent étre 
saisies avec netteté sur de grands vitraux, autant ces réac- 
lions sont-elles voilées dans une masse grenue, d'appa- 
rence homogéne, composée de granules micro-cristallins 
de ces deux espèces. Soumettons au microscope une 
plaque taillée de dolomie dans laquelle nous distinguons 
des rhomboédres sectionnés et des filaments incolores 
blanchâtres que nous rapportions tout à l'heure à la calcite; 
recouvrons la plage d acide ehlorhydrique.: lien 
étendu de glycérine : des l e tous 
les interstices entre les cristaux de dolomite, recouvrent 
immédiatement les veinules incolores qui, par leur lim- 
pidité, leur transparence, leurs contours irréguliers tran- 
chent sur les sections rhomboédriques jaunâtres; celles-ci 
ne dégagent point de bulles à leur surface. Si on laisse agir 
la solution, en la renforçant par une gouttelette d'acide, 
la lame mince ne tarde pas à se désagréger ; les rhomboé- 
dres restent intacts, ce ne sont que les veinules et la masse 
qui cimente les cristaux, qui disparaissent et il reste enfin 
sur le porte-objet des rhomboèdres microscopiques et des 
seclions de mêmes cristaux où l'action de l'acide se tra- 
duit par une teinte plus foncée et par une transparence 


( 560 ) 

un peu voilée (1). Si nous soumettons à l'action d'un 
acide faible un calcaire à grandes plages de calcite avec 
rares interpositions de rhomboédres de dolomite, nous ob- 
servons des faits qui concordent avec ceux que nous ve- 
nons de décrire; des sections de fossiles, les plages irré- 
guliéres incolores striées ou clivées ne tardent pas à se 
décomposer, tandis que celles à contours polygonaux et 
que tous les caractéres physiques nous font considérer 
comme de la dolomie, restent insensibles à l'action de l'aeide 
chlorhydrique dilué; sauf les plages rhomboédriques, 
toute la plaque se recouvre immédiatement de bulles, la 
netteté des contours de calcite s'atténue et, comme dans 
le cas précédent, il ne reste plus, lorsque la calcite a dis- 
paru, que les cristaux de dolomite. Ceci nous démontre 
d'une maniére certaine que les seetions polygonales pré- 
sentent aux acides une résistance telle que nous ne la 
constatons pas pour la ealeite. C'est donc une nouvelle 
preuve en faveur de notre détermination. 

Nous voulümes enfin la contróler par une analyse aussi 
exacte qu'il nous est permis de la faire sous l'objectif du 
microscope. Afin d'éliminer, autant que possible, dans les 
solutions que nous avions à recueillir, les substances 
étrangères, el pour être bien sûr de n'attaquer que les 
petits cristaux rhomboédriques, nous avons fait la recher- 
che dont nous allons parler sur une plaque mince de 
phthanite du calcaire carbonifère, eriblée d'enclaves rhom- 
boédriques, présentant le facies des cristaux de dolomie. 


(1) L'altération de ces cristaux mieroscopiques de dolomite par un 
acide faible se comprend bien si l'on pense aux petites dimensions de ces 
sections. 


( 561 ) 

Après avoir étendu sur la préparation dégarnie de baume 
une gouttelette d'acide chlorhydrique concentré et avoir 
observé l'effervescence aux points où apparaissaient les 
rhomboédres, nous recueillimes la solution à l'aide d'une 
longue pipette capillaire. On la ferme à un bout au cha- 
lumeau, et lorsqu'elle est ainsi transformée en éprouvette 
on introdnit dans la solution une gouttelette d'acétate de 
sodium et l'on précipite par l'oxalate. On laisse déposer 
pendant un jour; et lorsque l'oxalate de chaux s'est réuni 
au fond du tube, à l'aide d'un ciseau on détache l'extrémité 
où s'est accumulé le précipité. Afin d'éviter que les cris- 
taux de phosphate ammoniaco-magnésine ne s'attachent 
aux parois de la pipette, on fait écouler la solution sur un 
porte-objet. Aprés avoir ajouté de l'ammoniaque, du chlor- 
hydrate d'ammoniaque et du phosphate de soude, on ne 
tarde pas à observer au microscope les petits cristaux de 
phosphate ammoniaco-magnésien caractérisant la présence 
dela magnésie. 

Il nous resterait, en terminant cette note, à dire quel- 
ques mots sur l'interprétation qui tend à envisager la do- 
lomitisation comme le résultat d'une action chimique sur 
les sédiments caleaires et qui aurait transformé ceux-ci en 
carbonate double de caleium et de magnésium. En nous 
bornant aux conclusions qui découlent de l'observation 
microscopique des roches que nous avons étudiées, nous 
sommes porté à eroire que dans un grand nombre de nos 
échantillons, taillés en lames minces, les cristaux de dolo- 
mite sont répartis de telle manière que l'on peut en in- 
duire qu'ils sont de seconde formation. Loin d'étre dis- 
tribués d'une manière plus ou moins uniforme entre les 
granules de calcite, ils sont groupés ou alignés dans des 
positions oà on doit les considérer comme déposés par 


( 562 ) 
infiltrations dans des solutions de continuité de la masse 
calcaire. Si les cristaux de dolomite s'étaient formés 
en méme temps que la calcite à laquelle ils sont associés, 
il est évident, eroyons-nous, que le premier minéral ne se 
trouverait pas distribué suivant certaines lignes ou accu- 
mulé dans les vides entre les grains de calcite. La roche 
eüt certainement affecté la structure micrograuitoide telle 
qu'on l'observe dans les masses minérales composées d'élé- 
ments divers qui ont cristallisé en méme temps. Nous con- 
cluons à l'origine secondaire de certaines espèces, qui 
entrent dans la composition des masses minérales, en nous 
basant sur la place qu'elles occupent dans les fentes, et les 
fissures d'une roche préalablement consolidée; nous appli- 
quons la méme conclusion aux rhomboédres de dolomite : 
car, ainsi que nous l'indiquions tout à l'heure, nous les 
observons presque toujours groupés en un centre for- 
mant comme une géode microscopique, ou alignés suivant 
des lignes qui retracent la forme des sections de fos- 
siles plus ou moins disparus (fig. 1); nous les voyons loca- 
lisés dans les vides de ces mémes restes organiques 
présentant une indépendance compléte d'allure avec les 
sections environnantes, effacant par leur accumulation les 
formes auxquelles ils se sont substitués, car, ainsi que nous 
l'avons indiqué dans la note sur les phthanites du Calcaire 
carbonifère, la silice gélatineuse se moule sur les objets 
et conserve leurs formes; la dolomie, au contraire, par la 
tendance qu'elle posséde à se présenter en cristal ter- 
miné, tend à les effacer lorsqu'elle s'infiltre dans les restes 
organiques. Que cette transformation plus rapide des fos- 
siles soit due, comme l'a récemment avancé M. Sorby, à 
l'état instable de la calcite rhombique dont un grani 
nombre de fossiles seraient formés, ou qu'on doive l'attri- 


Pull de Cdead. t XLVII. 


( 563 ) 
buer à leur structure spéciale ou à leur composition, nous 
constatons que bien souvent la dolomite choisit de préfé- 
rence les sections organiques pour s'y développer. 

Il n'est pas nécessaire de recourir à l'examen microsco- 
pique pour constater cette transformation en dolomite des 
restes organiques; dans les dolomies les plus caractéris- 
tiques des couches du calcaire carbonifère, on observe 
qu'elles sont bien souvent pétries de fossiles, de erinoides 
en particulier, formés de dolomite. Ces restes organiques 
ainsi transformés, nous fournissent une preuve de la dolo- 
mitisation du calcaire qui les constituait autrefois. Il est 
évident que l'on peut avec autant de raison admettre que 
les organismes microscopiques qui jouent un rôle considé- 
rable dans les caleaires compactes et que la masse fonda- 
mentale elle-méme de ces roches peuvent avoir subi une 
transformation semblable à celle que nous constatons pour 
les fossiles visibles à l’œil nu. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


Fig. 1. Calcaire subcompacte blanc grisâtre (III a). La masse fondamen- 

el " smpewe esci, ses xs grains ont une texture homogène 

ar les lamelles hémitropes. 
Les plages jaunâtres formées de sections polyédriqu ues plus ou moins 
régulières sont des cristaux ébauchés de dolomite. La disposition qu'ils 
affectent montrent qu'ils se sont substitués à une section d'organisme, 
probablement de bryozoaire 45. 

Fig. 2. Dolomie avec — (HI f). Cette figure représente la structure 
microscopique d'une roche dolomitique presque exclusivement com- 
posée de ire de dolomite. Vers le bord à gauche, grande sec- 
tion de crinoïde transformée en dolomite 


— 


( 564 ) 


Recherches sur les minéraux belges. Huitiéme Notice : 
Sur la Carpholite de Meuville (Rahier), par M. L. L. de 
Koninck, D" Sc., chargé de cours à l'Université de Liége. 


ll y a bientót un an et demi,j'ai eu l'honneur d'annoncer 
à l'Académie (1) que j'avais reconnu une espéce minérale 
fort rare, la carpholite, dans des échantillons provenant 
de l'Ardenne. Ces échantillons avaient été recueillis par 
M. l'ingénieur Louis Donckier, sur un terrain inculte aux 
environs de Xhierfomont; c'étaient tous les renseigne- 
ments que je possédais à cetle époque. J'espérais, en me 
rendant sur les lieux, trouver le minéral en place et en 
reconnaitre le gisement exact; il n'en a malheureusement 
pas été ainsi. 

La carpholite de l'Ardenne se trouve dans des cailloux 
non roulés, mais plus ou moins altérés superficiellement 
par les agents atmosphériques et répandus à la surface du 
sol sur le versant sud du mamelon allongé qui sépare Meu- 
ville de Xhierfomont. Ces cailloux sont formés de quartz 
blane et d'une roche trés-quartzeuse, colorée en rouge vio- 
lacé par des composés de fer et de manganèse; ils renfer- 
ment aussi, comme toutes les roches avoisinantes, des 
enduits noirs d'oxyde de manganèse. 

Malgré les entailles faites dans les roches voisines, tant 
par la route qui contourne en partie le mamelon en ques- 
tion, que par les différentes recherches de manganèse 


(1) Bulletins de l'Académie, 2me série, t. XLV, p. 15, 1878. 


( 565 ) 

exécutées par M. Lambert et par la Société J. Cockerill , je 
n'ai trouvé aucune trace de carpholite en place. D’après 
les observations que j'ai pu faire, Fhypothèse la plus plau- 
sible, quant au gisement de ce minéral, me paraît être qu'il 
appartient à des veines quartzeuses irrégulières, traver- 
sant les schistes manganésifères salmiens et affleurant au 
sud de la crête du thier de Meuville, suivant une direction 
est-ouest environ. 

La earpholite de Meuville se présente, tantót en enduits 
à fibres parallèles, tantôt en petites masses irrégulières, 
libreuses, à fibres plus ou moins divergentes, intimement 
mélangées de quartz. En la comparant à celle qui provient 
des: deux seuls gisements connus antérieurement, on 
remarque que, si comme disposition, elle se rapproche de 
la earpholite de Wippra décrite par M. Lossen (1), elle en 
diffère par la couleur; sous ce rapport elle ressemble à celle 
de Schlackenwald; elle possède, comme cette dernière, la 
couleur jaune paille qui a fait donner le nom à l'espèce, 
tandis que celle de Wippra est jaune verdâtre clair. 

La détermination de la densité d’un échantillon dans 
lequel l'analyse a fait ensuite reconnaitre la présence de 
25 */, de quartz m'a fourni le chiffre 2.825. La densité 
moyenne du quartz étant connue, le caleul fournit pour la 
densité de la carpholite pure 2.876. La densité de la car- 
pholite de Schlackenwald est 2.955 (Breithaupt). 

Les autres propriétés physiques identifient également la 
carpholite de Meuville. Ainsi que l'a remarqué M. le pro- 
fesseur von Lasaulx, cette espéce posséde un dichroisme 


(1) Jahrbuch für Mineralogie, 1870, p. 625. Je dois à l'obligeance de 
M.le professeur Websky à Berlin un échantillon authentique de carpholite 
de Wippra. 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 97 


( 566 ) 

marqué. Examinée au microscope, au moyen du prisme de 
Nicol inférieur, elle parait presque incolore lorsque les 
fibres sont paralléles à la section principale du polariseur 
et jaune foncé dans la position perpendiculaire. 

. L'analyse confirme aussi la détermination de la carpho- 
lite; j'ai trouvé dans un échantillon séparé autant que pos- 
sible de toute gangue : 


SED a í 24.57 *[o, 

ABUS sen . 19.91 

PEU... : 1 

Moor C5 11.88 

p ee IS 0.27 

Ca0. . traces 

K*0 a Na*0 . cet en 0.3 
OVI vl. traces 

Cao 5 va ur à 0.22 

MO neue re 7.42 

(b: l2. ug . traces sensibles 

U Re do 39.1 

99.91 


La recherche de l'oxyde ferreux, du fluor et de l'acide 
titanique ne m'a fourni que des résultats négatifs. 

Chauffée en tube fermé, la carpholite dégage de l'eau; 
cette eau a une réaction fortement acide et on y reconnait 
aisément là présence d'acide chlorhydrique. Celui-ci pro- 
vient sans doute de l'action de la silice et de l'eau sur un 
chlorure (NaCl?) mélangé au silicate. 

Par caleination à l'air libre, la carpholite de Meuville 
devient brun chocolat clair; elle devient grise si l'on fait 
l'opération dans un courant d'hydrogène. La différence 
entre la perte au feu dans les deux cas est insignifiante et, 


( 567 ) 

par conséquent,due sans doute à la réduction d'une partie 
de l'oxyde ferrique à l'état d'oxyde ferreux par l'hydro- 
gene, le silicate manganeux restant inaltéré, aussi bien 
sous l'influence de l'air que dans une atmosphére réduc- 
trice. 

Si l'on caleule la composition centésimale du minéral 
privé de quartz, on obtient : 


SIDE sub ise IA s 357.15 

APOS Spin 50.11 

Be ood pin 28.97 

MaU ss "Res 17.97 i 

O A nie bon 0.41 

K?0 et Na°0 i 0.54 

o ooo on e cin DS 

IPOD S nn 11.22 

Ca0, LPO, CL... ne traces 
100.00 

m 


ce qui conduit à la formule connue : 
MnO , Al0O3, 9SiO* , 2H°0. 
La carpholite est le cinquième silicate manganésifère 
actuelement connu dans le terrain ardennais; les autres 


sont, par ordre de date: l'ottrélite, la spessartite, l'ardennite 
et la davreuxite. 


Laboratoire de chimie analytique de l'Université de Liége , avril 1879, 


( 568 ) 


Recherches sur les minéraux belges. Neuviéme Notice : 
La Rhodocrosite de Moét- Fontaine (Rahier), par 
M. L. L. de Koninck, D" Sc., chargé de cours à l'Uni- 
versité de Liége. 


M. Ad. Firket a donné, dans les Mémoires de la Société 
géologique de Belgique (1), une description détaillée du 
gite de carbonate ferro-manganeux de Moët-Fontaine ex- 
ploité par M. Lambert dans la commune de Rahier, non 
loin du confluent de la Lienne et de l'Ambléve. Le minerai 
qui y est extrait, examiné au microscope, se montre recoupé 
par une infinité de petites veines de quartz. Ces veines 
se montrent aussi à l'état macroscopique et atteignent 
parfois plusieurs centimétres de puissance. 

J'ai rencontré dans une de ces veines importantes un 
carbonate spathique d'un trés-beau rose et brunissant 
trés-légérement à l'air. L'ayant analysé, je l'ai trouvé com- 
posé de 


MnCO*. . 5; RU, 92.41 
FOLOS ss 0.64 
CA us dis 5.86 
MeU60w,- or, 112 

100.03 


C’est donc de la rhodocrosite ou diallogite, très-pure 
et d'une teneur au fer extrêmement faible, ce qui est 


(1) Annales de la Société géologique de Belgique, 1878, p. 13. 


( 569 ) 
d'autant plus remarquable que la couche de minerai dans 
laquelle la rhodocrosite s'est formée, renferme environ 
autant de fer que de manganése. 

Cela provient bien certainement de ce que le carbonate 
manganeux est moins oxydable que le carbonate ferreux ; 
sous linfluence des eaux plus ou moins oxydantes et 
chargées d'acide carbonique qui traversent le terrain, le 
carbonate ferreux se sera transformé en limonite inso- 
luble, tandis que le carbonate manganeux dissous aura 
été transporté et se sera déposé à l'état cristallin dans les 
fissures, plus ou moins remplies déjà par le quartz. 


Université de Liége, avril 1879. 


( 570 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du 5 mai 1879. 


M. LEcLERCQ, directeur, président de l'Académie 
M. Liacre, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur; Gachard, 
Paul Devaux, P. De Decker, J.-J. Haus, le baron de Witte, 
Ch. Faider, le baron Kervyn de Lettenhove, R. Chalon, 
J.-J. Thonissen, Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wauters, 
H. Conscience, Ém. de Laveleye, A. Wagener, J. Heremans, 
P. Willems, Edm. Poullet, F. Tielemans, G. Rolin-Jaeque- 
myns, membres; J. Nolet de Brauwere Van Steeland, 
Aug. Scheler, Alph. Rivier, Eg. Ans associés ; Stan. Bor- 
mans, Ch. Piot, Ch. Potvin, cor? 

MM. Stas et Mailly, membres de la Clabie des sciences, 
assistent à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


Par une lettre du Palais LL. MM. le Roi et la Reine font 
exprimer leurs regrets de ne pouvoir assister à la séance 
publique de la Classe. 

LL. AA. RR. le Comte et la Comtesse de Flandre font 
exprimer des regrets semblables. 


( 574 ) 

M. le Ministre des Travaux publics écrit qu'il sera heu- 
reux d'assister à cette solennité si ses occupations le lui 
permettent. 

M. le baron Huyttens de Terbecq, greffier de la Chambre 
des Représentants exprime, au nom du président, les 
remerciments de la Chambre pour les invitations à la 
méme séance. 

M. le baron de Crassier remercie au nom de la Cour de 
Cassation, et M. Thiernesse au nom de l'Académie royale 
de médecine et de l’École vétérinaire. 


— M. le Ministre de l'Intérieur envoie pour la biblio- 
théque de l'Académie un exemplaire : 


1° De la 7° livraison, 3° série du Woordenboek der 
Nederlandsche taal ; 

2^ Du tome 11 de l'Histoire parlementaire de la Bel- 
gique, par M. Louis Hymans. 


— Les établissements scientifiques suivants ainsi que 
MM. di Giovanni et de Rossi, associés de la Classe, remer- 
cient pour le dernier envoi des publications académiques: 

Bibliothéques d'Amiens, de Berne, de Genéve et de - 
S'-Gall; Universités de Bonn et de Kænigsberg; Sociétés 
d'histoire de France, et de géographie de Genève; Aca- 
démie économico-agraire de Florence, et Députation royale 
pour les études sur l'histoire de la patrie, à Turin. 


— L'Académie royale d'Amsterdam adresse le pro- 
gramme du concours de l'année actuelle, pour le prix de 
poésie latine fondé par M. Hoeufft. 


— M. Ch. Faider fait hommage de la brochure qu'il a 


(572) 
publiée, sous le titre de La garantie de la Constitution, 
discours qu'il a prononcé en sa qualité de procureur 
général de la Cour de Cassation, à l'audience solennelle 
d'installation de M. le conseiller Van Berchem, le 6 mars 
1879 

Il offre, au nom de l'auteur, un exemplaire du travail : 
Méreaux de bienfaisance, ecclésiastiques el religieux de la 
ville de Bruges, par Alph. de Schodt. Bruxelles, 1875- 
1878, in-8°. 

M. le baron Kervyn présente le premier exemplaire de 
l'ouvrage : Trouvères belges (nouvelle série) publié par 
M. Scheler dans la collection des travaux des grands écri- 
vains du pays. 

M. Thonissen dépose sur le bureau de la part de 
M. J. Dauby, un exemplaire de son livre intitulé : Des 
grèves ouvrières. Bruxelles, 1879; in-8°. (Une note biblio- 
graphique de M. Thonissen, au sujet de cet ouvrage, figure 
ci-après.) 

M. le baron de Witte fait hommage, au nom de M. Fran- 
çois Lenormant, associé de l’Académie, des deux ouvrages 
suivants : 

Études acadiennes, tome III, 1** livraison. Paris; in-4°. 
— La monnaie dans l'antiquité, etc., tome ILI. Paris, 1879; 
vol. in-8°. 

M. Brassart, de Douai, envoie un exemplaire de son tra- 
vail intitulé: Le blason de Lalaing, 1"° partie. Douai, 1879; 
vol. in-8°. 

La Classe vote des remerciments pour ces dons. 


— M.Arthur Duverger, à Saint-Josse-ten-Noode, soumet 
à l'appréciation de l'Académie un travail intitulé : L'in- 
quisition en Belgique. Quelques notes. — MM. Gachard, 


(573) 
le baron Kervyn et Wauters sont nommés commissaires 
pour faire l'examen de ce manuscrit. 


— Note bibliographique de M. Thonissen sur un livre 
de M. Dauby: 


« L'Académie sait que, depuis plusieurs années, M.Dauby 
à pris une importante part à la recherche des meilleurs 
moyens de conjurer les dangers qu'offre la lutte actuelle 
entre le capital et le travail, lutte qui, par sa violence, 
pourrait, à un moment donné, mettre en péril l'ordre social 
tout entier. 

Dans le livre actuel, l'auteur s'est spécialement occupé 
des causes et des conséquences des gréves, « ces luttes 
fratricides d’où le vainqueur sort aussi meurtri que le 
vaincu. » ]l passe en revue les grandes industries modernes 
€t, pour chacune d'elles, il indique les moyens de suppri- 
mer ou de diminuer ces redoutables interruptions du tra- 
vail. Il recommande spécialement la création de conseils 
d'arbitrage et de commissions internationales pour l'exa- 
men des questions de travail. Il s'adresse aux unions syn- 
dieales qui, dans notre pays, ont avantageusement remplacé 
les chambres de commerce, et il les engage à se charger 
de l'importante tàche d'améliorer les rapports qui existent 
aujourd'hui entre les capitalistes et les ouvriers. 

Écrit dañs un style simple et à la portée de ceux aux- 
quels il est spécialement destiné , rempli d'observations 
judicieuses et abondant en bons conseils, le livre de 
M. Dauby se recommande par les qualités solides qui ont 
assuré le succés des publications précédentes du méme 
auteur. » 


( 574 ) 


ÉLECTIONS. 


Par voie de scrutin secret il est procédé à l'élection de 
deux membres titulaires et de trois correspondants. 

Les résultats du vote seront mentionnés dans le compte 
rendu de la séance publique du 7 du mois de mai. 

La Classe continue à M. Faider la mission de la repré- 
senter auprès de la Commission administrative pendant 
l’année 1879-1880. — 


JUGEMENT DU CONCOURS DE 1879. 


D’après l'article 20 du règlement de la Classe, il est pro- 
cédé à la lecture des rapports sur les mémoires reçus en 
réponse à la PREMIÈRE et à la SECONDE QUESTION du pro- 
gramme de concours de cette année. 


PREMIÈRE QUESTION. 


Les encyclopédistes francais essayèrent, dans la seconde 
moitié du XVIII* siècle, de faire de la principauté de 
Liége le foyer principal de leur propagande. 

Faire connaitre les moyens qu'ils employérent et les 
résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence 
qu'ils exercérent sur la presse périodique et sur le mouve- 
ment littéraire en général. : 


( 878 ) 


Hoppor! de M, Le Hoy, premier commissaire. 


« Deux coneurrents ont répondu à l'appel de la Classe. 
Leurs mémoires portent respectivement pour devise : 


N° 1. « En majeure partie, les hommes ne savent ni remonter ni redes- 


» celte eau ful une goutte et qu'à son terme elle sera un torrent. 
(Aug. IUE » 


N° 2, « Sous la constitution la plus libre, un peuple igaorant est tou- 
« jours esclave. (CONDORCET.) » 


Je m'attacherai d'abord au second mémoire. 

L'auteur débute par des considérations générales assez 
vagues sur là mission émancipatrice que s'attribuérent les 
philosophes français du XVIII siècle. Il ne peut assez les 
louer d'avoir sapé par la base les institutions et les tradi- 
tions de l'ancien régime; précurseurs et indirectement 
instigateurs de la révolution française, ils apprirent aux 
peuples à tourner leurs regards vers l'avenir, à revendi- 
quer les libertés précieuses dont nous sommes aujourd’hui 
liers à si juste titre. La littérature, dans leurs mains, cessa 
d'étre un simple passe-temps; elle devint une arme formi- 
lable. — Jusqu'ici rien à dire : les faits sont là; d'autre 
part, on ne saurait savoir mauvais gré à notre écrivain du 
Soin qu'il a pris de nous faire connaitre ouvertement ses 
sympathies. Mais on est fondé à lui demander quelque 
chose de plus qu'une loyale profession de foi; en matière 
si délicate, il est dangereux de formuler des théses abso- 
lues, quand elles ne sont rien moins qu'évidentes et qu'on 
n'a pas le loisir de les démontrer. 

Je lis par exemple, page 11 : « Les encyclopédistes 


( 576 ) 

» étaient les fils de la Réforme; ils partaient du méme 
» principe qui donna lieu à cette grande révolution du 
» XVI? siècle, dont Luther et Calvin furent les promo- 
» teurs. » Je regrette de devoir le dire : autant d'erreurs 
que de mots. Le protestantisme n'a rien à voir ici. Luther 
n'a fait que substituer l'autorité de l'Écriture à celle de la 
hiérarchie et de la tradition ; il a secoué le joug de Rome, 
mais il est resté théologien; c’est un moine insurgé, un 
controversiste, un sectaire. Mélanchthon est plus près de 
la philosophie, et pourtant partisan du culte extérieur. Si 
Calvin, avant Sidney, a considéré la liberté humaine comme 
de droit divin, on serait pourtant mal venu à le qualifier 
d'apótre de la tolérance religieuse. Que l'évolution du pro- 
testantisme ait. abouti au déisme pur et que plus tard on 
puisse dans une certaine mesure y rattacher le criticisme 
allemand, c'est ce qui est hors de doute; mais autre chose 
est l'individualisme religieux, politique ou scientifique, 
autre chose l’affranchissement systématique de toute auto- 
rité. S'il faut chercher des ancêtres aux encyclopédistes 
francais, c'est immédiatement Pierre Bayle que l'on ren- 
contrera, et au delà de Bayle, les Montaigne et les Rabe- 
lais, les Érasme, et dans l'antiquité Lucien et les esprits 
de cette trempe. En remontant un autre courant, nous 
arriverions à Locke et jusqu'à Hobbes, bien loin de nous 
trouver sur le terrain de Leibniz. 

Considérons enfin qu'il n’y a rien de protestant dans le 
génie du pays qui a enfanté Voltaire et Diderot, et que s'il 
est permis de ranger le jansénisme du siécle précédent 
parmi les hérésies, ses pieux sectateurs, quoique touchant 
avec Pascal au scepticisme, n'ont absolument rien de com- 
mun avec les polémistes railleurs qui tentèrent de prépa- 
rer les voies à unesociété nouvelle, à travers les ruines du 


( 577 ) 

trône et de l'autel. L'auteur du mémoire n° 1 a trés-bien 
saisi ces nuances; son concurrent, au contraire, confond 
comme à plaisir les éléments les plus divers de la généa- 
logie des idées. Il n'a qu'une chose en vue : la haine com- 
mune des dissidents et des philosophes contre le catholi- 
cisme, et emporté par ses aspirations, d'ailleurs assez mal 
définies, il regarde indistinctement toutes les défaites de la 
théologie comme autant de victoires remportées au profit de 
la liberté. Notre siécle doit positivement beaucoup aux en- 
cyclopédistes ; mais ni leurs aspirations n'étaient celles des 
réformateurs du X VI: siècle, ni les revendications dont nos 
institutions ont consacré le triomphe n'ont certes été sug- 
gérées soit à Rousseau, soit à Voltaire, par les prédicants 
du lendemain de la guerre de Trente ans. 

L'auteur eüt été mieux avisé si, à l'exemple de M. Chr. 
Bartholinéss (1), il s'était appliqué à montrer les encyclo- 
pédistes meilleurs que leurs théories, osant étre noblement 
inconséquents, recommandant « ce qui honore l'àme et ce 
qui plait à Dieu, » alors même qu'ils niaient Dieu et l'àme; 
revendiquant les droits de la conscience tout en écartant 
la conscience « avec un dédaigneux sourire » ; disposant 
les princes à soulager leurs sujets, à entourer la procédure 
criminelle de formalités favorables à l'innocence, annoncant 
le règne de la bienveillance universelle et de la philanthro- 
pie, sans se douter qu'ils puisaient leurs arguments dans 
les enseignements mémes de la religion objet de leurs sar- 
Casmes. L'auteur eût pu louer leur but et cependant se 
montrer justement sévère en les voyant recourir à des 
moyens coupables, c'est-à-dire à une action désastreuse 
a La 


(1) Histoire critique des "ridens veligieuses de la philosophie mo- 
derne. Paris, 1855, 2 vol. in 


( 978 ) 
sur les mœurs. Mais ces délicalesses lui échappent, et 
vraiment il a eu tort de s'exposer à un tel reproche : peu 
philosophe lui-même, il eût été plus heureusement in- 
sriré en se contentant d'exposer les faits. 1! a voulu nous 
donner davantage : louable dessein sans contredit; mais il 
n'a pas commencé par mesurer ses forces. 

Entré au cœur de son sujet, il se laisse quelquefois 
entrainer par les apparences. Ses enquétes sur les person- 
nages qu'il met en scène ne sont pas toujours suffisantes. 
Je n'ai pu revenir de mon étonnement en lisant au cha- 
pitre VI un éloge de l'abbé Sabatier de Castres, émigré 
francais des moins honorables, tour à tour à la solde des 
chanoines de Liége, adversaire des patriotes liégeois, puis 
défenseur du gouvernement de Joseph IF, plume vénale 
dont Voltaire avait fait bonne justice. C'est assez, pour 
notre écrivain, que Sabatier ait su tenir téte à l'énergu- 
mène de Feller : le voilà rangé parmi les prêtres éclairés, 
parmi les apôtres du progrès par la modération et la pru- 
dence. D'autre part, au chapitre IV, où il est question de 
la presse clandestine de Liége, qui multipliait à profu- 
sion les livres obscènes, j'aurais voulu voir l'auteur, comme 
je l'ai insinué tout à l'heure, ou dégager les encyclopé- 
distes de toute complicité morale avec ce commerce 
infame, ou leur reprocher sans hésitation de s'étre faits 
tacitement les auxiliaires d'une propagande dissolvante, 
qui ne pouvait avoir pour effet que de déchainer chez les 
uns, tôt ou tard, toutes les passions grossières, et d'exas- 
pérer inutilement chez les autres, grâce à une confusion 
déplorable, l'antipathie contre les idées nouvelles. Enfin, 
on me permettra de m'insurger contre cette assertion du 
dernier chapitre : que les Francais occupèrent la Bel- 
gique moins en conquérants qu'en libérateurs, et d'opposer 


( 579 ) 

un point d'interrogation à celte autre : que notre pays finit 
par être gagné tout entier aux principes préchés par les 
encyclopédistes et les philosophes du XVIII* siècle. Si 
lauteur veut simplement dire que, somme toute, leurs 
journaux et leurs écrits ont puissamment contribué, et 
d'une manière féconde, à transformer chez nous l'esprit 
publie et à nous faire rompre une fois pour toutes, 
espérons-le du moins, avec un régime suranné et op- 
presseur pour les consciences, je puis lui donner raison; 
mais il ne faut pas aller plus loin. Ils n'ont été ni les seuls, 
ni méme les principaux inspirateurs du congrès de 1851. 
J'appliquerai volontiers à la Belgique, avec l'éminent ora- 
teur de notre Cour de Cassation (1), ces paroles d'Auguste 
Thierry : « L'expérience des siécles, les souvenirs histo- 
» riques, les traditions de liberté locale conservées isolé- 
». ment, sont venus, sous la sanction des idées philosophi- 
» ques des droits humains, se fondre dans le grand symbole 
» de notre foi constitutionnelle... » : 

La sévérité de ces critiques ne m'empéche pas de recon- 
naitre que le mémoire n° 2, pris dans son ensemble, se 
recommande par des qualités sérieuses. Il ne s'agissait de 
rien de moins que de s'aventurer sur des terres presque in- 
connues, en touscas rarement et fort incomplétement explo- 
rées. Point de guide pour ainsi dire : quelques pages éparses 
dans des livres écrits sousl'empire d'autres préoccupations, 
des renseignements utiles, mais peu coordonnés, dans 
l'ouvrage estimable de M. le chanoine Daris (2), dans les 
Recherches de feu Ul. Capitaine sur les journaux liégeois, 


—— 


(1) Ch. Faider, dat Negras de 1874.) 
- (2) Histoire du diocèse et de la — de Liége (1724-1852). 
Liége, 1868 et années ets 4 vol. in- 


( 580 ) 
dans Hatin, dans Quérard, etc.; guère autre chose. Il fal- 
lait avoir le courage de parcourir, la plume à la main, les 
centaines de volumes du Journal encyclopédique, du Journal 
général de l'Europe, de l'Esprit des journaux, du Journal 
historique de Feller, etc., etc. ; il fallait dépouiller, dans 
plusieurs dépóts d'archives, des correspondances officielles 
ou secrètes d’une grande importance, se livrer à des 
recherches difficiles sur des personnages de toute espèce, 
ceux-ci tombés dans l'obscurité, ceux-là plus connus, 
mais pas sous leur jour véritable; il fallait enfin se 
mettre en garde contre les attaques passionnées des bro- 
churiers de toutes les opinions, vérifier leurs allégations 
souvent hasardées, s'inquiéter de leur entourage et des 
influences, avouables ou inavouables, qu'ils eurent à subir. 
Tout cela a été fait, sinon toujours avec un plein succès, 
du moins avec zèle et avec conscience. Notre auteur a com- 
pris que l'analyse des principales pièces du procès inté- 
resserait particulièrement ses lecteurs; ainsi, non-seule- 
ment il cite beaucoup, mais il résume attentivement et 
avec ampleur les raisonnements des théologiens de Lou- 
vain, par exemple, les écrits de Heeswyck, les théories de 
P. Rousseau et de ses collaborateurs, les sinistres apolo- 
gies de Feller et ses paradoxes scientifiques, les lettres de 
Bassenge, etc., etc. La politique autrichienne est suivie 
dans tous ses détours; Cobenzl et Kaunitz sont saisis sur 
le vif, d’après des documents inédits. L'influence de la 
suppression des Jésuites, celle de la franc-maconnerie, 
celle de la Société d'Émulation fondée par Velbruck don- 
nent lieu à de judicieuses remarques. Le portrait de 
Hoensbroeck, qui manque dans l'autre mémoire, est mis à 
sa place et il en est tiré bon parti. La revue des publica- 
tions de l'époque révolutionnaire est instructive et oppor- 


( 581 ) 
tune; quand l'auteur laisse de côté la philosophie, il se 
sent généralement à l'aise. En définitive, si méme le con- 
cours n'avait donné naissance qu'à ce travail, la Classe ne 
serait pas trop fondée à se plaindre. 

Mais nous avons à nous occuper d'une étude non 
moius consciencieuse, plus méthodique et d'une plus 
haute portée. Comme on pouvait s'y attendre, le plan des 
deux mémoires est à peu prés le méme; il était naturelle- 
ment indiqué par la succession des faits. Seulement l'au- 
teur du mémoire n° 4 a décidément dominé son sujet, ce 
qui n'est pas un mince éloge. Je me contenterai d'une 
analyse sommaire. 

L'ouvrage, divisé en six chapitres (1), est précédé d'une 
préface qui a pour but d'orienter moralement le lecteur, 
si l'on peut dire ainsi. Notre écrivain ne s'exalte pas à la 
pensée des bienfaits du voltairianisme, tant s'en faut : le 
Timeo Danaos lui vient plutôt à l'esprit. Mais s'il n'est 
pas neutre, il veut être juste; le sentiment de la dignité 
de l'histoire l'absorbe avant tout : il ne dresse pas un 
réquisitoire, il instruit l'affaire avec calme, avec une sainte 
horreur de tout parti pris, et par là il inspire confiance. 

Cette impartialité d'esprit lui vient aussi de la hauteur 
de l'observatoire oü il s'est placé. A la différence de la 
plupart des historiens liégeois, qui se sont « cantonnés 
dans leurs recherches » comme si Liége était entourée 
d'une muraille de la Chine, il a promené ses regards sur 
un vaste horizon, bien au delà des étroites frontières de 
la principauté, tantôt du côté de l'Allemagne à laquelle la 
rattachaient des liens politiques, tantôt du côté de la 


(1) Le mémoire n° 2 en comprend huit, d'ailleurs pour s'arrêter au 
méme point. 
2"* SÉRIE, TOME XLVII. 58 


( 982) 
France, dont la rapprochaient la communauté de langage 
et l'analogie des caractères. Si l'on veut bien comprendre 
la réaction qui s'opéra graduellement à Liége contre la 
puissance temporelle du clergé, on ne restera pas indiffé- 
rent au mouvement analogue dont le XVIII siècle fut 
témoin chez les populations rhénanes qui, elles aussi, 
reniérent leur ancien dicton : i| fait bon vivre sous la 
crosse; les Brück, les Haffner, les Schmid seront invités à 
commenter indirectement les annales liégeoises. En regard, 
on se rendra compte du succès des missionnaires francais, 
non pas seulement en considérant le caractère séduisant 
de leurs théories, mais en se rappelant que Liége avait 
joui au moyen âge, et jusqu'au règne de Maximilien-Henri 
de Bavière, de larges libertés civiles et politiques, dont la 
moiudre circonstance devait raviver le souvenir, tout prés 
dés lors de se transformer en regret douloureux. Les 
préoccupations locales contribuèrent ainsi à rendre, le 
moment venu , la révolution inévitable; mais elles finirent 
par étre subordonnées à des idées plus générales, si bien 
que les patriotes liégeois, éblouis en méme temps que 
découragés, se jetérent dans les bras de la république 
francaise, aimant mieux renoncer à leur nationalité que se 
voir replongés dans la torpeur d'un régime désormais 
odieux. L'histoire des dernières convulsions de la prin- 
cipauté se relie ainsi à celle des agitations des grands 
pays voisins, sans perdre cependant son originalité parti- 
culiére. C'est moins en elle-méme que comme épisode du 
grand drame de la transformation des idées et des gou- 
vernements en. Europe qu'il eonvient de l'étudier. Aussi 
l'auteur a-t-il soin de nous avertir qu'il redoute de se 
noyer dans les menus détails qui feraient perdre de vue 
l'intérét principal de ses recherches. Je me hâte d'ajouter 


( 983 ) 

que cette sobriété, ce choix judicieux de l'essentiel et de 
l'aecessoire, laissent entrevoir que c'est bien volontaire- 
ment qu'il s'est borné, et qu'il eüt pu avec moins de peine 
faire de son mémoire un formidable répertoire d'érudition. 
ll lui a suffi de ne rien alléguer sans preuve, et il a eu le 
bon sens de reléguer dans des notes tout ce qui était de 
nature à jeter de la confusion dans son exposé ou à ralentir 
son récit. 

Le chapitre I (Liége en l’an 1750) nous met en pré- 
sence d'une nation béatement assoupie, mais sur le point 
de se réveiller en sursaut. Depuis la promulgation du règle- 
ment de 1684, qui avait frappé à mort la constitution dé- 
mocratique dont elle était si fière, Liége n'a plus d'his- 
toire, Liége s'énerve dans une douce quiétude. Le gouver- 
nement ecclésiastique est paternel, débonnaire ; il ne gêne 
personne, n'ayant rien à craindre et personne ne parais- 
sant se passionner pour quoi que ce soit. Bonheur négatif! 
s'écrie l'auteur; un peuple vif et intelligent se lasse tót ou 
tard de l'immobilité, et plus il s'ennuie, plus volontiers il 
tend l'oreille aux bruits du dehors. Le feu couvait encore 
sous la cendre, malgré les apparences; un souffle suffit 
pour le rallamer. L'invasion des philosophes francais ne 
pouvait trouver un concours de circonstances plus favo- 
rables : leurs écrits apportérent avec eux la variété, le 
mouvement, la vie; ils commencèrent par distraire, ils 
finirent par convaincre. 

Revenant au règlement de 1684, l'auteur se défie égale- 
ment des apologies systématiques de cet acle et des 
objurgations violentes dont Bassenge a rempli ses 
lettres à l'abbé de Paix. Les mesures politiques veulent 
être appréciées d’après les nécessités de l'époque où elles 
ont été prises; ainsi fait notre écrivain, sans prétendre (il 


( 584 ) 

aurait grand tort) justifier au fond Maximilien-Henri. Mais 
selon lui, le coup d'État du prince bavarois ne fut pas la 
seule cause de l'insouciance des Liégeois, au XVII” siècle, 
à l'endroit des affaires publiques. L'énergie qu'ils dépen- 
saient autrefois en turbulences trouva une autre issue 
dans leur applieation à l'industrie et au commerce. Le tra- 
vail leur fit tout oublier; aussi bien ils avaient à réparer 
les maux de la guerre, à relever des ruines. Les manufac- 
tures se multipliérent; l'imprimerie surtout prit une ex- 
tension considérable. Peut-étre l'importance de ce dernier 
fait aurait-elle dà suggérer cette remarque, que l'appétit 
croissant et insatiable de la presse la conduit toujours fa- 
talement à dérouter ou à braver la censure : le développe- 
ment de la typographie liégeoise fut certes pour beaucoup 
dans l'émancipation des esprits; plus on lit, moins on est 
disposé à se contenter d'un bien-être purement matériel, 
et plus on aspire à la liberté de tout lire. 

Le terrain était done préparé; il l'était d'autant. plus 
sürement qn'à Liége, aussi bien qu'à Mayence et à Cologne, 
en un mot dans les principautés gouvernées par des 
prétres, la piété était beaucoup plus extérieure que réelle. 
Ce n'étaient que fétes religieuses, processions, cloches 
sonnant à toute volée; mais sous ces dehors !a foi s'attié- 
dissait; elle n'avait. plus les ardeurs de l'époque des 
grandes controverses, alors que les protestants tenaient 
tête aux orthodoxes; d'autre part le haut clergé ne dissi- 
mulait nullement ses habitudes mondaines, et le clergé 
inférieur, respectable mais peu clairvoyant, vivait de sa 
pratique routinière, content de voir ses ouailles assidues 
aux offices. Quand il se vit avec effroi mis en demeure 
de lutter, non plus contre des hérétiques, mais contre 
des adversaires souples et insinuants, qui sans y paraitre 


( 585 ) 

ébranlaient tout doucement les fondements mêmes des 
croyances, il poussa un cri d'alarme, mais se trouva déso- 
rienté, à court d'arguments. Il ne s'agissait plus de Luther 
ou de Jansenius, de discussions dans les séminaires : il 
fallait combattre toute une phalange d'esprits légers et 
aimables, parlant un langage que tout le monde pouvait 
comprendre. L'auteur fait excellemment ressortir le carac- 
tère particulier de cettesituation, dont son concurrent ne 
s'est pas assez rendu compte. 

Le chapitre IT, accompagné de nombreuses pièces jus- 
tificatives, est consacré tout entier à Pierre Rousseau, le 
fondateur du Journal encyclopédique. Le personnage n'est 
ni surfait ni rabaissé : ce n'est pas un génie, un chef 
d'école; mais on lui ferait tort en le prenant pour un 
simple aventurier littéraire. Il a eu son heure de célébrité 
méritée, et si son nom est à peine connu aujourd'hui, il 
faut s'en prendre surtout à l'obscurité inhérente au rôle 
qu'il s'assigna, rôle secondaire sans lequel, il est vrai, la 
pièce ne pouvait être jouée, mais qu'en somme un homme 
assez ordinaire était capable de remplir. La nécessité de 
se chercher un point d'appui, aprés maints essais infruc- 
tueux, le jeta dans une grande entreprise qu'il sut diriger 
d'une manière intelligente et faire prospérer, mais lui in- 
terdit les travaux suivis qui auraient. pu lui assurer une 
gloire durable. Il fut le héraut d'armes des encyclopédistes, 
la trompette de leur renommée. L'électeur Palatin, qui 
faisait du cas de lui, n'osa pourtant le laisser s'installer à 
Mannheim; il vint done à Liége, espérant y trouver pro- 
tection et liberté, supputant les avantages de la position 
géographique de la principauté, dont les frontières tou- 
chaient à la France et à l'Allemage. L'indifférence de 
l'évéque, presque toujours absent, lui était connue; néan- 


( 586 ) 

moins il prit les plus grandes précautions, affichant bien 
haut que son unique désir était de répandre dans son pays 
d'adoption le culte des lettres et des arts. Le prospectus 
anodin de son journal séduisit le clergé, la noblesse, la 
bourgeoisie, et il fut si habile à cacher son jeu, que le mi- 
nistre de Horion, à vrai dire sympathique aux idées fran- 
çaises, n'hésita pas à l'affranchir de la censure. Immunité 
compromettante! Bientôt quelques ecclésiastiques oup- 
connérent qu'il y avait anguille sous roche et se mirent à 
le surveiller de prés. Le titre méme et le plan du journal 
rattachaient cette publication au Dictionnaire encyclopé- 
dique, qui fut mis à l'index en 1758. Rousseau paya pour 
l'Encyclopédie. Le synode, stimulé par une brochure qui 
démasquait les doctrines du journal, prit feu tout d'un 
coup; mais tous ses efforts échouérent devant la fermeté 
du comte de Horion. Par malheur pour Rousseau, son 
puissant soutien disparut inopinément de la scène; dés ce 
moment la bataille fut perdue : Jean-Théodore de Bavière 
signa la révocation du privilége. Les docteurs de Louvain 
avaient de leur côté soutenu la charge ; enfin Rousseau, à 
la veille de quitter Liége, s'était aliéné des amis par une 
phrase imprudente : malgré l'appui de Cobenzl (ici se place 
une curieuse correspondance), on fit tant et si bien que 
Marie-Thérèse n'autorisa pas la translation du journal à 
Bruxelles, C'est alors que notre publiciste fut recueilli à 
Bouillon par le prince de la Tour d'Auvergne et qu'il 
fonda la eélébre imprimerie bouillonaise. 

Chemin faisant, l'auteur essaye, non sans succès, de 
donner une idée de l'esprit du Journal encyclopédique 
et d'apprécier l'influence qu'il exerça promptement sur les 
Liégeois. Il cite peu, trop peu à mon sens, assez cepen- 
dant pour permettre de lire entre les lignes. Il est évident 


( 987 ) 

que Rousseau se sent épié; cependant il ne parvient pas 
toujours, alors qu'il affecte du zéle pour la religion, à dis- 
simuler le sourire moqueur « avec lequel Voltaire devait 
écrire la dédicace de Mahomet. » Rien de violent du reste 
dans son caractère; il veut vaincre paisiblement, sans 
avoir l'air de toucher à l'arche sainte : l'auteur le rap- 
proche assez délicatement de d'Alembert. 

Il s'occupe ensuite des collaborateurs du journal; il y 
aurait ici à signaler quelques lacunes, d’ailleurs de minime 
importance; mais le mémoire n° 2 est plus complet. L'épi- 
sode de la rivalité de Rousseau et de Panckoucke se lira 
avec intérét; le paralléle établi à la fin du chapitre entre 
les critiques du XVI siècle et ceux de notre âge dénote 
chez l'éerivain un sens littéraire peu commun. 

Chapitre III : Le règne du prince Velbruck. — C'en est 
fait : la philosophie ne craindra plus de lever la téte; tout 
prélat qu'il est, le chef de l'État de Liége est bien prés 
de prendre rang parmi ses adeptes. Mais là précisément 
est le danger. Qu'à cet évéque lettré, mondain, libéral suc- 
céde un réaetionnaire, d'une piété étroite et d'un esprit 
obstiné, le premier prétexte venu sera l'occasion d'une 
débâcle. Velbruck, imbu de l'esprit de son siècle, ne se 
doute pas qu'en ouvrant toutes les écluses, il fera monter 
si haut le niveau du torrent, que le trône qu'il occupe et 
l'autel dont il est le ministre seront irrésistiblement en- 
trainés par les flots. Cette situation que la générosité 
méme de son caractère l'empêche de prévoir est d'un in- 
térêt puissant pour l'historien et le penseur; élargissez la 
scène, vous comprendrez comment la révolution était inévi- 
table. Les peuples ne l'ont pas faite à eux seuls; nouveau 
Cadmus, Velbruck , ami de ses sujets, ami des lumiéres, 
sema les dents du dragon. 


( 588 ) 

Notre auteur saisit habilement les nuances. Il ne né- 
glige pas un seul facteur. Il montre la censure, sous les 
derniers règnes, satisfaite d'elle-méme du moment qu'elle 
avait interdit toute publication dangereuse pour la reli- 
gion et pour l'ordre établi, mais aveugle et indifférente en 
tout ce qui touchait l'action dissolvante des écrits licen- 
cieux qu'on imprimait mystérieusement à Liége et qui de 
là se répandaient au loin. Compression d'un cóté, carte 
blanche donnée à la licence de l'autre : le public s'initia, 
non à la philosophie, mais à ce qu'il y avait d'immonde et 
de malsain dans la propagande de ses auxiliaires. Velbruck 
semble avoir entr'ouvert les yeux ; lisez ses lettres : on 
dirait qu'il y a deux hommes en lui; mais s'il fait parfois 
retour sur lui-méme jusqu'à se montrer rigide, il a surtout 
à cœur sa tranquillité personnelle; au fond c'est un esprit 
frivole et, je le répéte, de vues assez courtes. 

L'histoire de la presse périodique liégeoise, notamment de 
VEsprit des journaux, est traitée avec soin, ainsi que celle 
de la contrefaçon; ni l'un ni l'autre des concurrents n'ont 
oublié certains détails caractéristiques , par exemple, l'épi- 
sode de la visite de Marmontel à Bassompierre. Mais des faits 
plus considérables attirent notre attention : l'établissement 
à Liége d'un théàtre encouragé par le prince, l'introduction 
de la franc- maconnerie, enfin la création de la Société 
d'Émulation, qui va devenir le point de ralliement de tous 
les esprits émaneipés , jeunesse ardente arrachée à la tor- 
peur de ses péres, phalange qui ne tardera pas à se lever 
pour inaugurer l'éredes combats, la réalisation pratique des 
idées dont elle est enfiévrée. On se jette à la téte des apótres 
étrangers qui fourmillent dans le pays; on est honteux 
d'étre resté engourdi si longtemps. Velbruck a voulu tout 
simplement protéger les sciences, les lettres et les arts; 


( 589 ) 

les académiciens sont tenus de respecter l'orthodoxie. Mais 
les digues sont bientót rompues, à preuve l'enthousiasme 
excité par les audaces du peintre Defrance, le futur démo- 
lisseur de la cathédrale de St.-Lambert. Sur ces entre- . 
faites parurent deux opuscules du chevalier de Heeswyck, 
conviant Joseph II à intervenir dans les affaires de la prin- 
cipauté, et avaut que la sensation produite par cette espéce 
de défi füt calmée, on vit apparaitre l'abbé Raynal, que 
Velbruck lui-même accueillit à bras ouverts et que le 
jeune Bassenge exalta pompeusement dans sa Nymphe de 
Spa : 

Que des mortels ce farouche tyran, 

Le fanatisme, à ton nom seul frémisse... 


Les vers de Bassenge furent incriminés; Velbruek prit 
le parti du poëte; le synode fut battu. Ce seul fait suffit , 
la forteresse était plus qu'à moitié prise. — Ce chapitre, 
de méme que le précédent, est enrichi d'un choix de pièces 
justificatives. 

Le chapitre IV est intitulé : P. Lebrun et le Journal gé- 
néral de l'Europe. Déjà nous pouvons mesurer le chemin 
parcouru. P. Rousseau est venu le premier, simple acolyte 
du patriarche de Ferney et de «ses plus proches disciples», 
réservé d'abord, s'enhardissant toutefois peu à peu. Mais, 
dépassant Voltaire, les d'Holbach, les Helvétius, les Di- 
derot ont bientôt pénétré par la brèche, grâce à « l’activité 
peu scrupuleuse des imprimeurs locaux ». Autre symp- 
tòme du temps: les premiers philosophes avaient eu 
surtout pour point de mire la religion; les économistes 
leur succèdent, recherchant la source des richesses, discu- 
tant les questions d'administration et d'impôts, créant peu 
à peu une science nouvelle, qui n’en restera pas long- 


( 590 ) 

temps à la pure théorie. Cette école, à l'origine, est bien 
éloignée des idées qu'elle défendra plus müre ; elle pousse 
les gouvernements à se mettre à la téte d'un mouvement 
réformateur; aux Pays-Bas, elle se jettera dans les bras 
d'un Joseph HI, d'autant plus disposé à seconder ses efforts 
dans la presse, qu'il a compris que désormais la presse est 
une puissance avec laquelle il faudra compter. Le publi- 
ciste Lebrun n'aurait guére de chance, sous le successeur 
de Velbruck, de publier à Liége, en toute sécurité, un 
journal aequis aux doctrines du Contrat social; sur le ter- 
ritoire impérial, au contraire, dans la petite ville de Herve, 
aux portes de Liége (ce qui ne lui est pas du tout indiffé- 
rent), il se sentira soutenu. il se fera dans le Journal de 
l'Europe, destiné à franchir toutes les frontiéres, l'avocat 
de l'empereur en méme temps que le champion des théses 
de Jean-Jacques et des vues pratiques de Quesnay. Le pro- 
gramme du Journal général est ici l'objet d'une analyse 
raisonnée des plus instructives : dans les divers domaines 
du droit publie, des finances, du commerce, de l'agricul- 
ture, etc., Lebrun a des solutions toutes prêtes à proposer, 
el il ne manque pas l'occasion de revendiquer la liberté 
de la presse. ll écrit sous la protection d'un monarque 
philosophe; mais son but est surtout de pénétrer à Liége, 
où le terrain est défriché, où les tendances du siècle ont 
des partisans plus nombreux et plus décidés qu'en Bra- 
bant. Il y réussit : son Credo, dit trés-justement l'auteur, 
deviendra celui des révolutionnaires liégeois, de Bassenge. 
de Reynier, de Henkart, de Defrance; ses enseignements 
donneront une forme définitive à leurs vagues aspirations; 
le journal de Herve deviendra le moniteur de l'opposition 
qui grandit de jour en jour contre Hoensbroeck. 

J'aurais voulu ici un portrait de cet évéque, dont le ca- 


( 594 ) 
ractère et l'attitude tranchent si vivement avec ce que 
nous savons de Velbruck. La transition de l'un à l'autre 
règne n'est pas assez marquée; ensuite, il n'eüt pas été 
inopportun de nous faire connaitre de plus prés le Cha- 
pitre eathédral, plus puissant et plus obstiné que le prince. 
Ceci pour simple mémoire; affaire d'art, rien de plus. Les 
chanoines, malgré tous leurs efforts à Bruxelles, n'eurent 
pas raison de Lebrun ; laissons-les done de cóté. Mais voici 
bien autre chose : l'apologiste zélé des édits de Joseph Il 
s'est attiré l'inimitié des patriotes belges; plus encore, il 
s'est attaqué imprudemment aux États de Brabant. Le 
Conseil souverain, mis en demeure et satisfait de mon- 
wer de l'énergie, prononce l'interdiction du journal et 
décrète son rédacteur de prise de corps. Grande joie chez 
les adversaires du publiciste francais! L'empereur parvient 
pourtant à faire révoquer l'arrét; mais la position de 
Lebrun n'en devient que plus fausse. Il se met à louvoyer; 
cette demi-hypocrisie lui aliène tout le monde. Enfin il en 
prend son parti, se met à écrire ouvertement contre le 
despotisme etse jette avec armes et bagages dans le camp 
des patriotes. Le gouvernement doute encore, il va jusqu'à 
négocier avec le transfuge. Rien n’y fait; alors la coupe 
déborde et le journaliste est obligé de s'enfuir à Liége, où 
les patriotes,montés au pouvoir, s'empressent de lui faire 
féte. Quand on y regarde bien, on en vient à penser avec 
l'auteur que Lebrun, au fond, se souciait assez peu du 
triomphe d'un parti ou de l'autre; ce qu'il avait plutôt 
à ecur, c'était de voir surnager les idées de son pays, 
füt-ce au prix, ce semble, de sa réputation dans les Pays- 
Bas. Le Journal général fut done transporté à Liége. En 
Brabant, Lebrun ne pouvait compter que sur les Vone- 
kistes. Mais les aristocrates (comme on disait) l'emportérent; 


( 592 ) 
et sur ces entrefaites, Liége vit revenir son évéque. Alors 
il fallut décidément quitter la place : Lebrun jugea prudent 
de regagner Paris, soit qu'à ses yeux son ceuvre füt suffi- 
samment accomplie, soit qu'il pût déjà prévoir les hautes 
destinées qui lui étaient réservées. 

Passons maintenant dans l'autre camp, dans le camp 
des défenseurs du tróne et de l'autel (Ch. V). On finit par 
s'apercevoir, à Liége, que les idées sont les seules armes 
à opposer à des idées, et que les chances de succès de 
l'opposition sont toujours en raison directe des sévérités 
de la censure. Mais quand on en fut venu là, on se trouva 
en présence de difficultés aecumulées. Mal préparé à la 
lutte, on s'irrita; la réfutation prit le ton de l'injure, le 
dogmatisme parla le langage de l'intolérance. Sans excuser 
les excès de plume des écrivains réactionnaires, je concois 
pourtant qu'il y ait lieu de leur tenir compte de leur cou- 
rage, bien qu'il ne fût guère que le courage du désespoir. 
Vu l'état des esprits, ils entreprenaient l'impossible : le 
Jourdain ne remonte vers sa source que dans le psaume 
In exitu Israël. L'abbé de Feller essaye tour à tour de 
toutes les armes, méme de celle de la science; il va jus- 
qu'à s'en prendre à Copernic, à Galilée et à Newton, 
qui n'en peuvent mais. Cependant s'il est de bonne foi, 
décidément il a trop de zéle. Mais quel journaliste, quel 
polémiste, quel esprit universel et audacieux, quel che- 
valier de tournoi, défiant l'un aprés l'autre tous les 
champions de l'Encyclopédie! Il a toutes les forces de la 
logique, toutes les fougues du fanatisme; il cherche partout 
le défaut de la cuirasse, il surprend les moindres mouve- 
ments de ses adversaires, l’œil au guet, un œil menaçant 
qui ne se ferme jamais. Sa religion n’est que celle de 
l'Église militante; c'est un prêtre en fureur. Acculé dans 


( 593 ) 

un coin de l'aréne, il est par moments surexcité jusqu'à la 
rage: Sil vous tenait par malheur, il vous dépécerait, il 
vous brülerait vif; mais tout d'un coup il prend peur de 
lui-méme, il avoue qu'il a dépassé les bornes, car il est 
homme au fond. Du moins on ne saurait lui refuser le res- 
pect dà aux vaincus, et malgré ses violences, cette sorte de 
sympathie qu'on éprouve secrétement pour les hommes en- 
tiers, qui ne se sont jamais démentis : n'a-t-on pas vu, de 
un jours, des tenures de réhabilitation des terroristes? 

t t injurieux et injuste: les colères 
sanguinaires de Feller s'apaisaient régulièrement quand il 
avait versé des flots d'encre. L'auteur n'en a pas moins, à 
mon sens, plaidé un peu trop complaisamment les circon- 
stances atténuantes. 

A côté du Journal historique et littéraire de Feller, ou 
pour mieux dire au second plan, se présentent les publica- 
tions des abbés Brosius et Dedoyar, champions de la pa- 
pauté dans la fameuse querelle que suscita le livre de 
Febronius, pseudonyme de Jean-Nieolas de Hontheim, 
suffragant de Trèves. Cet épisode, assez longuement exposé, 
n'est pas déplacé ici, parce qu'il fait ressortir l'influence 
des publicistes religieux établis à Liége, sur la pacification 
de l'Église d'Allemagne; il se rattache d'ailleurs de prés 
aux débats soulevés par les actes de Joseph IL. Les détails 
des mesures prises par le gouvernement impérial pour 
réduire l'opposition au silence attireront l'attention: la plu- 
part sont complétement inédits. On remarquera aussi, 
dans l'analyse des attaques de Feller contre les Vonckistes, 
un parallèle opportun entre le programme doctrinal du 
polémiste jésuite et celui de Lebrun. Mais je dois me bor- 
ner; aussi bien, il est temps d'en revenir aux affaires lié- 
geoises. 


( 594 ) 

Sabatier de Castres est traité comme il le mérite ; l'abbé 
de Paix, philosophe converti, devenu l'un des triumvirs de 
la contre-révolution (1), est au contraire l'objet d'une indul- 
gence excessive, si l'on considére que Sabatier ne fut à 
tout prendre que son instrument. lei l'auteur, si scrupu- 
leux de garder la juste mesure, semble avoir oublié un 
instant ses résolutions. 

La méme observation s'applique aux quelques pages du 
chapitre VI où il est question des Lettres de Bassenge à 
l'abbé de Paix. L'auteur affecte de ne voir en Bassenge 
guère autre chose qu'un vain rhéteur ; mais sous ces décla- 
mations pompeuses qui font sourire aujourd'hui, il y avait 
pourtant un généreux patriotisme, des convictions loyales, 
une fidélité à toute épreuve bien dignes à coup sür d'une 
appréciation moins dédaigneuse; tout au moins la critique 
littéraire devait rester ici fort accessoire. Ce chapitre VI 
tout entier me parait inférieur aux précédents : l'auteur a 
éprouvé un certain embarras, ne sachant trop où il devait 
s'arréter dans l'esquisse du tableau de la révolution lié- 
geoise, d'autre part préoccupé d'élargir l'horizon du lec- 
teur, en subordonnant la question des prétentions de 
Hoensbroeck à la souveraineté absolue, question essentiel- 
lement historique, à la considération de la lutte grandiose 
qui s'engageait définitivement entre le passé tout entier et 
le XVH" siècle, émancipateur des peuples. Je reléverai 
volontiers, en revanche, de fines remarques sur la diffé- 
rence des revendications des Liégeois et des Francais, bien 
qu'il soit avéré que les souvenirs de la paix de Fexhe pas- 
sionnérent beaucoup moins les patriotes liégeois que les 
échos des bruits de Paris, multipliés par une presse infa- 


(1) Avee Buchwald et le baron de Moxhe. 


( 593 ) 

tigable. J'ajouterai que ces réflexions politiques n'entravent 
pas trop la marche du récit. Les dissensions intestines qui 
éclatérent dans le parti vainqueur, les petits et les grands 
épisodes sont exposés sobrement, mais de manière à ser- 
vir à l'effet général. La conclusion est que les révolution- 
naires eurent à gémir profondément de leur victoire sté- 
rile, lorsqu'aprés avoir sacrifié leur nationalité, ils furent 
forcés de reconnaitre qu'ils n'avaient renoncé à un gouver- 
nement débonnaire que pour courber la téte sous le des- 
potisme de l'étranger. Rien de plus vrai; seulement cette 
finale est assez brusquement amenée et, bien que tout l'es- 
sentiel ait été dit, le chapitre semble étre inachevé. 

Dans un appendice intéressant, l'auteur passe en revue 
les principaux journaux de la révolution; j'eusse désiré 
des renseignements de méme nature, plus explicites que 
ceux qu'on trouve dans le texte, sur les nombreux pam- 
phlets du temps et sur leurs auteurs. 

En dépit de ces observations, si j'envisage l'ensemble du 
travail, si je considére qu'il n'est pas de ceux qui se font 
avec des livres, si je me dis qu'il atteste chez celui qui l'a 
concu et rédigé non-seulement la connaissance exacte des 
faits, mais, dans son germe, un talent sérieux d'historien et 
un esprit philosophique élevé, si enfin j'ai égard au mérite 
de la forme, élégante dans sa simplicité sévére et bien en 
rapport avec le sujet, je n'hésiterai pas à prononcer pour 
ma part un verdict favorable. J'ai l'honneur de proposer à 
la Classe, pour le mémoire n° 1, la médaille d'or et les 
honneurs de l'impression, et pour le mémoire n* 2, qui se 
recommande dans tous les cas par l'abondance des ren- 
seignements et par des analyses bien faites, une mention 
trés-honorable. Ce concours aura eu pour résultat considé- 
rable d'ajouter un chapitre presque entièrement neuf à 


( 596 ) 
l'histoire intellectuelle de notre pays, inséparable de son 
histoire politique en ces temps d'effervescence oü de sim- 
ples citoyens, par la presse et la parole, devinrent les arbi- 
tres tout-puissants des destinées publiques. » 


Rapport de M. Piol, second commissaire, 


« M. Le Roy, premier rapporteur, a analysé d'une ma- 
nière si lucide les deux mémoires précités ; il en a si bien 
fait ressortir les qualités et les défauts, qu'il serait témé- 
raire de ma part de vouloir revenir sur ces points. Je me 
rallie complétement à sa manière de voir; j adopte aussi ses 
appréciations et ses conclusions. 

Si je prends la parole, c'est uniquement dans le but 
d'indiquer à la Classe quelques faits capitaux, propres à 
corroborer les opinions de mon savant confrére. 

En dépit de l'avertissement de Voltaire : « je déteste la 
déclamation », l'auteur du second mémoire a eu recours à ce 
moyen pour flétrir le régime ancien, qu'il qualifie d’édifice 
gothique. Sans se rendre un compte bien exact des insti- 
tutions et des idées d'autrefois, il les condamne irrévoca- 
blement. Vouloir juger ainsi et au point de vue exclusif 
des idées modernes une question relative à l'état social 
d'autrefois, e'est s'exposer à faire fausse route. 

Ces circonstances n'ont pas permis à l'auteur d'appré- 
cier tous les faits avec impartialité. Il raisonne d'une 
maniére trés-vague; il ne précise rien. A son avis, le 
XVIII* siécle est, sinon le point de départ dela civilisation 
moderne, du moins la période qui a le mieux contribué à 
en développer les éléments principaux. 

Point de doute, le XVIII? siècle était, Gœthe l'a dit, le 
siècle de l'esprit, le siècle des idées, le grand siècle. Mais 


( 597 ) 

Voltaire a introduit un correctif très-fondé à une opinion 
si absolue, lorsqu'il dit : Jamais la raison n'a eu plus d'es- 
prit et jamais il n'y eut moins de talents. Des penseurs 
éminents, des écrivains remarquables n'avaient pas attendu 
le XVIII siècle pour faire valoir les principes de la cri- 
tique, ou de la raison universelle, comme l'appelait l'abbé 
de S'-Pierre. Ils en avaient déjà frayé la route à leurs suc- 
cesseurs. Sans être encyclopédistes, Huber et Wolf n'ont-ils 
pas été les précurseurs du Contrat social de J.-J. Rous- 
seau, qui a vulgarisé par la langue francaise ce que ces 
deux jurisconsultes, l'un Hollandais et l'autre Allemand, 
avaient dit en latin ? 

Les encyclopédistes ont agi de méme, en ne se ratta- 
chant de préférence à n'importe quelle religion et moins 
encore au protestantisme, ainsi que le suppose l'auteur. 
Les questions religieuses les préoccupaient incontestable- 
ment. M. Lotheissen a parfaitement démontré ce point 
dans son livre si remarquable intitulé : Literatur und 
Gesellschaft in Frankreich zur zeit der Revolution. On en 
trouve aussi la preuve dans le Discours préliminaire de 
l'Encyclopédie, par d'Alembert, qui avait beaucoup em- 
prunté à Bacon età Loke. S'il faut rechercher la paternité 
et la parenté des encyclopédistes, il serait peut-être oppor- 
tun de s'adresser à la Suisse, à l'Allemagne et à l'Angle- 
terre, où des publications de ce genre avaient été faites 
durant les XVIe et XVIIe siècles et au commencement du 
suivant par Scalichius, Astedius et Chambers. 

Je ne puis admettre le fait avancé par l'auteur lorsqu'il 
soutient qu'à partir du XVI* siècle « une nuit profonde se 
répandit sur nos provinces. » Les troubles du XVI* siécle, 
les invasions continuelles des armées francaises avaient, 
jen — , paralysé en partie les forces vitales et intel- 

SÉRIE , TOME XLVII. 5 


( 598 ) 

lectuelles de notre pays, toujours à la remorque d'un gou- 
vernement étranger en guerre avec ses voisins; mais on y 
comptait encore des écrivains, des littérateurs , des histo- 
riens, des jurisconsultes et des artistes, dont la Belgique 
a le droit d'étre fiére à juste titre. Je ne citerai pas les noms 
de ces célébrités, si connues et trop populaires pour les 
rappeler ici. 

Je crois devoir m'élever aussi contre une autre asser- 
tion de l'auteur, lorsqu'il soutient que « l'Université de 
» Louvain était inféodée aux Jésuites. » Rien n'est moins 
vrai. Les disputes au sujet des doctrines de Baius, de Jans- 
senius et de l'enseignement de la philosophie avaient creusé 
entre ce corps enseignant et les Jésuites un abime trop grand 
pour qu'on puisse supposer un accord entre eux. Depuis sa 
fondation jusqu'au moment de sa suppression, l'Université 
obéissait aux décrets des papes et de l'État, jamais aux 
prétentions des Jésuites. 

Je passe sous silence d'autres faits historiques moins 
importants, qui n'ont pas été exposés sous leur véritable 
jour, pour en venir à l'objet principal du mémoire : l'in- 
fluence des encyclopédistes. 

Dans cette partie du travail l'auteur développe fidéle- 
ment, mais pas toujours d'une manière complète, les faits 
principaux. J'y ai remarqué des lacunes, par exemple, 
le défaut d'appréciations au sujet de quelques personnages, 
du théâtre et d'un certain nombre d'ouvrages publiés pour 
ou contre les encyclopédistes. Malgré ces lacunes, l'exposé 
des faits est mieux soigné et plus précisé que dans l'intro- 
duction. Tout y est condensé. Le caractére et les tendances 
de Feller sont bien définis. 

Le premier mémoire est dà à la plume d'un écrivain 
calme, sachant beaucoup, ayant lu beaucoup et doué de 


( 599 ) 
l'esprit de critique. IT domine son sujet ; il en est complé- 
tement le maitre. 

Je n'y ai pas remarqué d'hérésie en fait d'histoire. Seu- 
lement j'y ai vu une indulgence peut-être trop prononcée 
en faveur de certains personnages , tels que Feller, par 
exemple. 

L'auteur parle aussi des ouvrages obscènes publiés à 
cette époque. Si quelques auxiliaires des encyclopédistes 
ont contribué au débit de ces livres, certes, personne n'en 
accusera les encyclopédistes eux-mêmes. C'étaient des 
gens trop sérieux pour s'oecuper d'éerits destinés à dé- 
praver le monde, au lieu de l'instruire. D'Alembert, un de 
leurs chefs principaux, disait en parlant de Bayle : heureux 
s'il avait plus respecté la religion et les mœurs. 

La plupart de ces écrits sortaient des presses clandes- 
tines, si nombreuses au XVIII* siécle. Je citerai à ce pro- 
pos un volume trés-rare que j'ai sous les yeux, et intitulé : 
La vérité. Vertu et vérité. Le cri de Jean-Jacques et le 
mien, imprimé à Pékin, 1786. Ce livre, dont la mére ne 
pourrait jamais conseiller la lecture à sa fille, sort proba- 
blement de la plume d'un écrivain connaissant trés-bien le 
pays de Liége, sur lequel il donne des détails intimes. 
C'était le produit d'une de ces presses clandestines, mais 
dont l'auteur n'était certainement pas encyclopédiste. » 


Rapport de M, Wauters, troisième commissaire, 

« La Classe des lettres a mis au concours, pour cette 
année, la question suivante : 

Les encyclopédistes francais essayèrent, dans la seconde 
moitié du XVIII siècle, de faire de la principauté de 
Liége le foyer principal de leur propagande. 

Faire connaitre les moyens qu'ils employérent et les 


résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence 
qu'ils exercérent sur la presse périodique et le mouvement 
littéraire en général. 


Le but que la Classe a voulu atteindre en posant cette 
question me semble bien défini; ellea réclamé surtout un 
travail d'histoire littéraire, elle souhaitait des éclaircisse- 
ments manquant encore sur la part prise par le pays de 
Liége à ce mouvement prodigieux du XVIII siècle qui, 
s'il n'impose pas à tous l'admiration, réclame au moins 
l'attention des écrivains et des penseurs à quelque opinion 
qu’ils appartiennent. L'auteur du mémoire n? 1 que nos 
honorables collègues préfèrent est-il resté dans les termes 
de la question mise au concours? Je ne le pense pas. 

Son but a été surtout d'affirmer et de défendre une 
thése politique; adversaire des encyclopédistes, il condamne 
leurs efforts et leurs travaux. Aprés avoir applaudi au zèle 
persécuteur déployé par Ferdinand de Bavière contre les 
protestants et par Joseph-Clément de Baviére et George- 
Louis de Berghes contre les jansénistes, il déplore les inno- 
vations et les tentatives essayées dans le but de propager 
les sciences, il exalte les mesures prises pour entraver la 
vente des livres et il comble de louanges les défenseurs 
des priviléges, des abus, de la routine. Loin de nous expli- 
quer comment la vie littéraire, qui s'était presque entière- 
ment éteinte au pays de Liége, se réveilla, et quels furent 
les résultats de cette efflorescence, il appuie de préférence 
sur les mesures mises en usage pour entraver ce mouve- 
ment, dont il fait ressortir à chaque instant les consé- 
quences en ce qu'elles peuvent avoir de défavorable et de 
funeste. 

A plusieurs reprises il insiste sur ce fait que les ency- 
clopédistes francais et leurs partisans liégeois ont préparé 


( 601 ) 
et consommé la ruine du gouvernement épiscopal; or, nul 
ne l'ignore, il ne fallut quappuyer la main sur ce simu- 
lacre d'État pour le voir tomber en poussiére et il ne se 
serait jamais rétabli sans l'appui des baionnettes étran- 
gères. Qu'était, en réalité, cette fragile organisation ? 

« Un gouvernement débonnaire, dit l'auteur (1), et des 
» institutions dont Mirabeau lui-même admirait la sagesse. » 
— « Quoique bien loin d'étre parfait, l'état social de Liége 
> n’offrait aucun de ces abus eriants qui firent ailleurs la 
» fortune de la philosophie (2). — Le pays de Liége jouis- 
» sait d'une paix profonde... Le peuple et le prince vi- 
» vaient dans un constant accord. La douceur des mœurs 
» prévenait l'abus des priviléges réservés aux deux pre- 
» miers ordres (5).....» En un mot, la principauté de Liége, 
au milieu du XVITT: siècle, était la justification de cet 
adage attribué au populaire et que l'auteur a soin de rap- 
peler : « Il fait bon vivre sous la crosse. » 

Il fait bon vivre sous la crosse. Il ne me semble pas que 
les peuples aient goûté cet adage, car il wen est plus, je 
pense, qui y conforment leur politique. C'est la force bru- 
tale, dira-t-on, qui prévaut ; à ce compte, la crosse constitue 
un bien faible moyen de protection. Et, en effet, l'histoire du 
pays de Liége, aux XVII* et XVII. siècles, ne montre-t-elle 
pas cette principauté exposée sans défense aux exactions 
de ses ennemis et de ses alliés? Les troupes espagnoles, du 
temps d'Albert et d'Isabelle, les Lorrains vers l'an 1650, 
les armées de Louis XIV et de ses ennemis y ont vécu sans 
scrupule et sans frein. Pendant la courte guerre de 1734, 


(1) Fol. 7. 
(2) Fol. 9, 
(5) Fol. 15. 


( 602 ) 
Ja France et l'Autriche lui ont, l'une et l'autre, extorqué de 
fortes sommes pour prix de sa neutralité (1), et plus tard 
les souverains de ces deux États y ont fait combattre leurs 
armées. 

Gouvernant en apparence un demi-million d'hommes, le 
prince-évéque n'avait ni forteresse, ni arsenal, à peine un 
faible corps de troupes. Son territoire était à la merci du 
premier oceupant et personne ne se génait pour le ran- 
conner. Quand le roi de Prusse, Frédéric II, voulut re- 
vendiquer la terre de Herstal, il se borna à envoyer 
2,000 hommes à Maeseyck. Cette démonstration lui suffit 
pour extorquer, en retour de droits assez problématiques, 
une somme de 240,000 florins, outre 44,000 florins que 
les habitants de Maeseyck durent payer à ses troupes. 

Toléré plutót que respecté par ses voisins, l'État de 
Liége, jadis si puissant et si florissant, était livré à l'inté- 
rieur à tous les maux qui résultent de l'indolence jointe à 
l'impéritie. Les hautes classes n'avaient qu'une déférence 
médiocre pour les ordres du prince et lui contestaient ses 
plus précieuses prérogatives. Le chapitre de Saint-Lam- 
bert était fréquemment en désaccord avec l'évéque et plus 
d'un abbé affectait de s'égaler au chef du diocèse et de la 
principauté. Ainsi l'abbé de Saint-Trond se prétendait co- 
souverain de la ville de ce nom, l'abbesse de Munster-Bil- 
sen se proclamait princesse de l'empire. Quelques digni- 
taires ecclésiastiques s'entétaient à plaider contre leur 
supérieur commun, et l'official de Liége, par exemple, 
épuisa tous les moyens que la chicane put lui fournir pour 


(1) L'abbé Danis, Histoire du diocèse et de la principauté de Liége 
(1724-1852), t. Hl, p. 108. 


( 605 ) 

conserver intacte, malgré l'évéque et contrairement aux 
droits des échevins de Liége, sa juridietion sur les laiques. 
Partout, pour des questions de tout genre, on plaidait à 
outrance. Condamné en première instance, on recourait 
au conseil privé ou aux magistrats de Liége, puis on ré- 
clamait l'intervention du tribunal des Vingt-deux, et, en 
désespoir de cause, on s'adressait à la chambre impériale 
de Wetzlar ou à la cour de Rome. L'argument qui vous 
favorisait d'un cóté se tournait ailleurs contre vous. Quel 
heureux temps pour les hommes de loi et quels beaux pro- 
cès : toujours alimentés, toujours renaissants, toujours 
repris avec une nouvelle ardeur. Mais, pour les malheu- 
reux plaideurs, que de frais à payer, que de démarches à 
faire pour obtenir justice, que de chances d'étre spoliés, 
exploités, trompés, et de se trouver ruinés méme en ob- 
tenant gain de cause! 

D'ailleurs, entre nobles on ne se gênait. pas et parfois 
on employait des procédés tout à fait sommaires. Un débat 
provenant de l'institution d'un fidéicommis divisait la fa- 
mille Van der Noot. Le fils puiné, Jean-Joseph Van der 
Noot, baron de Meldert, fit occuper le château de Duras, 
mais sa belle-sœur, la baronne Honorine Van Hamme, 
veuve de Philippe-Joseph Van der Noot, baron de Carloo, 
agissant en qualité de mère et tutrice de son enfant mi- 
neur, Jean-Philippe Van der Noot, fit, le 5 mars 1760, 
signifier aux gens qui occupaient ce manoir de l'évacuer. 
Ce fut le notaire Van Heyst, de Saint-Trond, qui se char- 
gea de son message. Sur le refus des serviteurs du baron 
de Meldert, elle ordonna d'enfoncer à coups de hache la 
porte du château, qui était barricadée. Une fusillade s'en- 
gagea et l'un des assaillants reçut un coup de feu. Ses 
compagnons s'emparérent du cháteau, aprés que l'avocat 


( 604 ) 
Govaerts, qui s'y trouvait, eut déclaré « qu'il n'était pas 
» commis à la garde de la porte » (1). 

Le mépris des lois et de la justice engendrait des consé- 
quences à la fois terribles et désolantes. Dès l'année 1740, 
quoiqu'on füt en pleine paix, le brigandage prit une ex- 
tension considérable dans la Hesbaye et le pays de Fau- 
quemont. La guerre de Louis XV contre Marie-Thérèse et 
la guerre de Sept-Ans entravérent la répression de ce 
fléau, qui grandit à un point inimaginable (2). Enfin, en 
1774, le gouvernement des Pays-Bas autrichiens et celui 
des Provinces-Unies s'entendirent pour organiser des 
traques répétées et énergiques, tant dans leurs domaines 
que dans les territoires adjacents. Du 28 juin au 24 
novembre, en cinq mois, on exécuta 47 malfaiteurs, soit 
à Munster-Bilsen, dans le comté de Looz, soit aux environs 
de Fauquemont. On n'y alla pas de main morte, on fut 
aussi barbare que les criminels; aprés avoir torturé, on 
brüla vif, on écartela; enfin on pendit les restes des sup- 
pliciés. Mais ce fut en vain qu'on se montra implacable; 
plus les exécutions se succédaient terribles, plus les bri- 
gands se multipliaient, et la coupable énergie de ceux-ci 
lassa la constance des juges et des bourreaüx. En 1790, à 
ce que dit de Feller (5), le mal sévissait plus fortement 


(1) De Corswarem , Mémoire historique sur les anciennes limites et 
circonscriptions de la province de Limbourg, p. 245. — Pour compren- 
dre ce débat, il faut lire ce que j'en ai dit dans la Belgique ancienne et 
moderne, canton de Tirlemont, 2* partie, p. 72. 

(2) Pai fait connaitre ailleurs (ouvrage cité, canton de Jodoigne, 
p. 285) que la sitnation fut longtemps la méme en Brabant; mais ici, le 
gouvernement autrichien se décida à agir avec énergie, aprés avoir me- 
nacé les seigneurs hauts-justiciers de leur enlever le droit de rendre la 
justice au criminel, s'ils ne veillaient à la répression du brigandage. 

(3) Journal historique, année 1790, t. III, p. 489. 


( 605 ) 
que jamais; jamais il n'y avait eu autant d'adhérents à 
cette Société du bouc ou des Bokkenryders (les chevau- 
cheurs des boucs), dont le souvenir est encore vivant aux 
environs de la ville de Maestricht, théâtre redouté de dépré- 
dations et de meurtres. 

On comptait, dit la tradition, des médecins et d'autres 
notables dans cette association criminelle, qui exploitait 
évidemment, pour se rendre plus redoutable, les terreurs 
superstilieuses si chères à l'époque baptisée du nom poé- 
tique et dérisoire de bon vieux temps. 

Dans les Ardennes, les mémes moyens étaient mis au 
service du matérialisme le plus éhonté ; là, les religieux de 
l'antique abbaye de Saint-Hubert avaient organisé parmi 
eux une association, l'Ürdre du cochon, dans le but de 
protéger leurs désordres nocturnes contre les justes ri- 
gueurs de leur abbé, qui put enfin mettre fin à ce scandale, 
gràce à l'appui du gouvernement autrichien (1). 

Je viens de parler de répressions nécessaires. Mais qui 
nous attestera la culpabilité des condamnés. Rien, car à 
l'aide de la torture, il était facile d'arracher des aveux à 
l'innoeent. On avancera, sans preuve, que « la torture était 
» employée ailleurs d'une maniére plus sévére que dans la 
» principauté de Liége (9). » Cette assertion, tonte gratuite, 
est démentie par l'épisode raconté dans un livre qui est en 
méme temps une bonne action, car il nous prouve la néces- 
sité des garanties dont la justice moderne entoure an ee 
venu, dela différence qu'elle établitentre lui etl 
A l'aide d'un dossier judiciaire, M. Beltjens, conseiller à la 


u Gogruais, Lectures relatives à l'histoire des sciences, etc., t. LV, 
pp. 286-287, 
(2) L'abbé Danis, loco cit., p. 197. 


( 606 ) 

cour d'appel de Liége, nous raconte dans le roman intitulé 
le Crime de Tolumont, l'histoire d'une jeune fille qui fut 
injustement accusée du meurtre de son maitre et qui, 
pitoyablement torturée malgré le témoignage d'une vie 
irréprochable, ne put survivre que de trois mois à 
l'exécution des véritables coupables et à la démonstration 
de son innocence (1). 

Ainsi tout se rencontrait au pays de Liége: abus de la 
force, brigandage, monstruosités juridiques; l'ignorance 
et le libertinage y régnaient : l'ignorance, parce que tout 
était mis en œuvre pour l'entretenir, le libertinage, parce 
qu'il est le compagnon ordinaire de l'abrutissement intel- 
lectuel. Le pays de Liége, jadis fécond en hommes remar- 
quables, ne comptait plus un écrivain, à peine un érudit et 
un artiste. Tous ceux qui se sentaient quelque vigueur dans 
làme se sauvaient à l'étranger. Les musiciens Gresnick 
et Grétry, les peintres Redouté, les graveurs Demarteau et 
Durivier, le chirurgien Grandjean, le médecin Nysten, les 
diplomatistes dom Maur d'Anthisne et Légipont, l'abbé 
Pyrard, le facteur d'instruments Taskin partaient comme 
pour attester que Cétait le régime qui était mauvais et 
non la race. 

J'ai parlé du libertinage et mainte fois on en a attribué 
les progrès aux encyclopédistes ; mais cette thèse est-elle 
soutenable? Est-ce la philosophie qui régnait à la cour du 
roi d'Angleterre Charles IF et parmi les courtisans du ré- 
gent de France, le duc d'Orléans. Citer ces princes, c'est 


aiias misse cusuitei ionic citu. 


(1) Jean ve BeLT, Le crime de Tolumont, Liége, impr. de Vaillant- 
Carmaune, 1878, i n-12. 

Le meurtre dout il est ici question fut commis le 17 septembre 1758; 
l'exécution des coupables eut lieu à Anthisnes, au lieu dit Stepennes. 


( 607 ) 

rappeler des noms avec lesquels les encyclopédistes n'ont 
jamais eu de rapport. Louis XV, le plus libertin des mo- 
narques, les détesta toujours; et, pour conclusion , on doit 
dire que la fabrication des livres obscènes, dont Liége fut 
longtemps un des tristes foyers, s'y éteignit lorsque la cen- 
sure disparut de cette ville. Non que les censeurs fussent 
le moins du monde complices de l'abus, non, mais parce 
que ce dernier a peur de la lumiére. ll ne prospére, comme 
les doctrines perverses, que dans les milieux oü la libre 
discussion est interdite, où toutes les opinions ne peuvent 
se produire. 

Contrairement à ce que dit notre auteur, l'atmosphère 
sociale était malsaine. Son premier chapitre, Le pays de 
Liége en 1750 , constitue une esquisse infidèle. Il avoue 
bien que la liberté civile et religieuse avait disparu, que le 
prince avait supprimé les droits des citoyens, que les lettres 
languissaient, mais il n'y voit pas grand mal, ce me semble. 
Attendez quelque peu et il se plaindra des progrès de 
lirréligion et du matérialisme; il ne s'aperçoit pas, il ne 
veut pas s'apercevoir que ces progrès découlaient naturel- 
lement de la situation politique ; le niveau des intelligences 
baissait, faute d'agitation et d'aliment. Lorsque des eaux 
nont plus d'écoulement, elles croupissent, elles s'al- 
tèrent. 

Loin d’être un mal, l'établissement à Liége du Journal 
encyclopédique constitua une innovation heureuse et fé- 
conde. Il fit sortir les esprits de l'ornière dans laquelle ils 
se traiuaient, il répandit et popularisa dans cette ville et 
les contrées voisines les idées nouvelles et les connais- 
sances dont les sciences s'enrichissaient chaque jour. Que 
l'on nous permette à ce propos de reproduire un passage 
de Guizot sur l'Encyclopédie du XVII siècle; il s'appli- 


( 608 ) 


que aussi, dans une certaine mesure, au journal que Rous- 
seau fit paraître à Liége du 1° janvier 1756 au 27 août 
1759 et qu'il continua ensuite à Bouillon. 


w ww VV vu vu Jd y 


« Il reste évident, dit le célèbre écrivain qui a joué un 
róle si notable à notre époque, que la civilisation est la 
vie méme de l'espéce humaine, la loi, le but, la gloire de 
son activité sur la terre; que les peuples chez qui elle 
prospère surmontent les plus dures épreuves, survivent 
aux plus grands revers; que ceux chez qui elle s'arréte 
dépérissent et meurent, méme au sein de la paix, sans 
accidents et sans ennemis. Qui osera dire qu'il faut 
l'étouffer? Qui repoussera les moyens de seconder son 
développement?... » Puis, aprés quelques lignes sur le 


mode de composition des encyclopédies, le méme écrivain 
ajoute : « C'eüt été, il y a cent ans, une grande injus- 


w W^ Yuyu ww. 9» Ww € uw y y 


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tice et probablement une injustice vaine, que de vouloir 
empécher, par crainte des révolutions, le progrés de 
l'instruction publique; aujourd'hui, c'est une sottise... 
Le publie est en possession de la liberté et de l'in- 
fluence; il ne s’agit plus que de savoir si, libreet influent, 
il doit être condamné à l'ignorance qui convient à la ser- 
vitude. Un tel état serait, à coup sür, le pire de tous, et 
personne n'a rien à y gagner. La propagation des lu- 
mières de tout genre et tous les moyens d'y concourir, 
encyclopédies ou autres, sont donc maintenant au nom- 
bre de ces besoins pacifiques, réguliers, qui s'élévent 
au-dessus des querelles de parti, qu'on ne saurait sans 
absurdité refuser de satisfaire et dont nul homme de 
sens ne saurait véritablement s'alarmer (1). » 


— 


(1) Larousse, Grand dictionnaire universel du XIX* siècle, t. VII, 
917 


( 609 ) 

Dira-t-on de ces pensées que ce sont des déclamations. 
D'une justesse irréprochable lorsqu'elles furent écrites 
en 1828, elles ont acquis de nos jours une force irrésis- 
tible. ll est bien évident aujourd'hui que les nations ne 
s'élèvent et ne se maintiennent au premier rang, qu'en 
raison de la sollieitude qu'elles montrent, tant pour l'in- 
struction publique à tous les degrés que pour la liberté et 
l'expansion de cet enseignement tout à fait supérieur, qui 
résulte de la composition et de la publication des travaux 
littéraires et scientifiques. L'instruction publique forme 
l'enfant et le jeune homme ; le livre constitue la nourri- 
ture intellectuelle de la société méme. Les revues, les re- 
cueils de tout genre servent, de leur côté, à grouper, à 
condenser, à vulgariser les connaissances. 

Dire, comme Sainte-Beuve, « que la moindre lettre de 
» Pascal était plus malaisée à faire que toute l'Encyclo- 
» pédie », c'est lancer un trait d'esprit superficiel. L'En- 
cyclopédie a exigé des efforts de géants; quant à Pascal, j'en 
suis persuadé, il rédigeait ses lettres en jouant et sans se 
fatiguer comme le font inutilement les auteurs de tant 
de platitudes. 

Dans son deuxiéme chapitre, l'auteur esquisse la bio- 
graphie de Pierre Rousseau, le célébre éditeur, et analyse 
ses œuvres. Ici encore j'ai de graves reproches à lui faire. 
Le premier de ses torts est de raconter, sans le moindre 
blàme, les accusations lancées contre Rousseau, les ava- 
nies dont il fut la victime, les spoliations honteuses que 
l'on se permit à son égard. H ne ressent aucune indigna- 
lion contre les persécuteurs. Sur de vagues imputalions, et 
profitant de la mort inopinée de ses deux protecteurs, les 
comtes de Horion, une cabale, dirigée par le père jésuite 
Poot, force Rousseau à quitter Liége; à Bouillon, le duc 


( 610 ) 

régnant s'empare de son avoir pour le simple motif qu'il 
songeait à quitter la partie la plus déserte des Ardennes 
pour aller se fixer à Manheim, et lui impose l'obligation de 
payer une pension annuelle de trois livres à l'un de ses 
dénonciateurs , l'abbé Méhegan, et une autre de 100 pis- 
toles à un autre délateur, l'abbé Coyer; en France, l'un 
des rivaux de Rousseau, Pankoucke, réussit à faire con- 
damner au feu le Journal encyclopédique parce que, dans 
un conflit entre l'évàque de Rennes et le parlement de 
Hrettgde; na Aca: ation avait pris parti pour le prélat. 

avecune froideur abso- 
lue. Pourquoi, c'est que l'auteur est complétement hostile à ` 
Rousseau, qu'il fasse bien, qu'il fasse mal. Il avoue que des 
lecteurs non prévenus pourraient se déclarer en sa faveur. 
Ils se demanderaient, dit-il (1), où est le fondement, le 
prétexte des accusations portées contre lui. Si par-ci, 
par-là, ils rencontrent quelques passages dont le ton 
hardi les surprend, dix lignes plus bas les atténuations, 
les rétractations, les réserves s'accumulent jusqu'à satis- 
faire les consciences les plus timorées. Par moment, un 
peu d'indifférence, un certain manque de décision dans 
la défense des vérités attaquées, une admiration trop 
exclusive pour les chefs du parti eneyvclopédiste, voilà 
tout ce qu'aujourd'hui on pourrait trouver à reprendre 
dans ce recueil. En tous cas, point de fanatisme, aucune 
» de ces haines farouches et intolérantes qu'on peut re- 
» procher.à Voltaire, point d'obscénités, de plaisanteries 
» grossières, un ton toujours grave et décent. » Voilà de 
grands mérites dans une revue qui fut si persécutée et 


w €" uU vu V y Y V V A 


E 


(1) Fol. 80. 


( 611 ) 

notre auteur parait la juger avec impartialité; mais atten- 
dez la suite. Tout cela n'est qu'hypocrisie chez notre impri- 
meur. Lisez, nous dit-on, entre les lignes, et « vous ne 
» larderez pas à être convaincu, » ajoute-t-on pour ler- 
miner, « que Rousseau, ainsi que lui écrivait Voltaire, 
» pense en vrai philosophe. » Il est vrai que « rarement 
» ilse départit d'une extrême prudence... Son véritable 
» modéle c'est d'Alembert... On concoit d'aprés cela qu'il 
» faille désespérer de le saisir en flagrant délit... (1). » 

Ces arguties dévoilent la pensée hostile de l'auteur. 
En 1774 il arréte ses études sur Rousseau et les siens. 
« Je ne poursuivrai pas plus longtemps l'histoire des jour- 
» naux de Bouillon; à mesure que nous approchons de la 
» fin du siécle, leur influence diminua à Liége (2). » Oui, 
sans doute, leur influence diminua; d'autres journaux se 
répandirent dans cette ville où la population était en majo- 
rité acquise aux doctrines dont Rousseau s'était constitué le 
propagateur; malgré le synode épiscopal, malgré le jésuite 
Poot, englobé dans la condamnation dont le pape Clé- 
ment XIV avait frappé son ordre; malgré la rapacité du duc 
de Bouillon, l'humble éditeur avait prospéré , et son cou- 
rage, sa persévérance, la modération qu'il s'était imposée, 
l'avaient fait triompher de tous les obstacles. Ne le com- 
parons pas, comme le fait l'auteur du mémoire, à l'efféminé 
Sainte-Beuve. La critique élégante, mais irrésolue et sou- 
vent maladive de l'écrivain auquel on doit les Causeries 
du lundi, aurait difficilement résisté aux longues et péni- 
bles épreuves par lesquelles passa son précurseur du 
XVIII" siècle. — 


(1) Fol. 80 à 82, 
(2) Fol. 95. 


| (612) 

La victoire, on l’avoue, ne changea pas les hommes du 
parti de Rousseau; ils restèrent cireonspects, on veut 
bien le reconnaitre. Mais attendez la fin: « La révolution 
» pour laquelle ils avaient tant fait, les engloutit eux et 
» leur œuvre en 1795 (1). » Aux yeux de notre concur- 
rent, voilà quel fut le résultat des travaux de Rousseau 
et de ses collaborateurs, la sanction finale qui les atten- 
dait. 

Dans le chapitre III, intitulé : le règne du prince Vel- 
bruck, les mémes tendances se dévoilent. La philosophie 
va triompher; mais, se hàte-t-on d'ajouter : « elle se révéle 
» aux Liégeois sous ses côtés les moins louables ; elle attire 
» les masses par les appàts les plus grossiers. Le roman 
» licencieux, le conte grivois, l'irréligion mélée à l'immo- 
» ralité, mais dans des proportions oü celle-ci l'emporte 
» de beaucoup; voilà les formes sous lesquelles la philoso- 
» phie se glissa dans la cité (9). » Ici on associe aux efforts 
des encyclopédistes l'attrait du livre obscène , les bénéfices 
résultant de la contréfacon des livres francais, tous les 
moyens répréhensibles de gagner de l'argent. Ces insinua- 
lions je ne les repousserai pas. Notre collégue M. Piot ena 
suffisamment fait justice. L'auteur, en dépeignant l'im- 
puissance de la police à arréter le débordement des idées 
nouvelles, aurait dà dire que tout le moude s'en nourrissait 
plus ou moins. Les prélats, les chefs du monde conserva- 
teur en avaient le cerveau imbibé. Pour l'évêque Velbruck 
cela ne fait pas de doute; mais, quì le croirait, son suc- 
cesseur de Hoensbroeck lui-mème était atteint du même 
mal. A propos d'un mandement du prélat, publié en 1790, 


(4) Fol. 101. 
(3) Fol. 103. 


( 615 ) 

Feller fait l'observation que: « les lecteurs sévérement 
» chrétiens ont été un peu surpris de voir un évéque s'en 
» rapporter à l'immortel Montesquieu (1). » Le mot Mon- 
tesquieu est imprimé en caractères italiques et immortel 
en petites capitales! Jugez si le cas est grave. Comme 
l'a fait remarquer notre regretté collégue, Adolphe Bor- 
gnet (2), Henri Van der Noot, l'orthodoxe tribun brabancon, 
ne dédaignait pas de lire les écrits philosophiques et n'hé- 
sita pas à emprunter aux écrits du baron d'Holbach le 
préambule de son manifeste, dont le restant, ajoute avec 
raison le méme historien, n'est qu'un véritable fatras 
d'idées décousues et de phrases barbares, empruntées au 
jargon des tribunaux du temps. 

Done, si Velbruck fut philosophe, tout le monde l'était 
plus ou moins, quelquefois à l'insu de soi-méme. La marée 
montait. Vainement on tonnait contre les journaux , les 
livres, les spectacles, la franc-maçonnerie, la vogue était 
dans cette direction. Les curés de Liége avaient beau flé- 
trir l'histrionisme, c'est-à-dire la mode adoptée par les 
jeunes gens de jouer la comédie; leurs voix n'étaient pas 
écoutées. Et comment l'auraient-elles été, les Jésuites 
n'avaient-ils pas constamment excité leurs élèves à sacri- 
lier à cet usage? Tandis que le Saint-Siége lancait l'ana- 
thème à la franc-maconnerie, le nombre des loges et de 
leurs membres ne cessait de croître et le chanoine De Paix, 
peut-être le prélat lui-même, participaient aux mystères 
maçonniques. Au milieu de cette débâcle, l'attitude de 
notre auteur est assez singulière. Il voudrait bien flétrir 


(1) Journal hi littéraire, année 1790, t. Ier, p. 442. 
(3) Wn des f mé: à la fin du XVIII siècle, t. I, p. 92 (17e édi- 
tion) 


9n. SÉRIE, TOME XLVII. 40 


( 614 ) 
Velbruck, mais comment s'y prendra-t-il? Ce qu'il n'a pas 
fait pour les prédécesseurs et le successeur insignifiants de 
ce prélat, il le fera pour lui; il l'amoindrira. 

A ses yeux la eréation de la Société d'Émulation de 

Liége ne fut, en réalité, qu'un moyen employé par Velbruck 
pour s'entourer d'un cercle de flatteurs. Je cite textuelle- 
ment : « Velbruck, je l'ai dit, n'avait point pour les lettres 
un amour absolument désintéressé. En échange de ses 
faveurs , il leur demandait la gloire qu'elles dispensent 
à leurs Mécénes. Son réve le plus cher était de former à 
ses cótés un groupe d'éerivains et d'artistes dont il se 
serait fait l'inspirateur et le protecteur. Sous les voütes 
sévéres du palais du prince-évéque, il aurait voulu ap- 
peler les fétes joyeuses que l'austérité (sic) de ses prédé- 
cesseurs en avait bannies. Entouré, lui aussi, de ses 
poétes et de ses historiographes , il aurait cherché à se 
rapprocher de l'idéal commun à tous les souverains de 
son temps, à faire revivre autour de lui quelque chose 
de la cour brillante, spirituelle et lettrée de Ver- 
sailles. » 
« Longtemps il s'était contenté des maigres reliefs de 
» la table de Sa Majesté Trés-Chrétienne, etc., etc. (1) .... » 
La cour de Sa Majesté Louis XV transformée en cour bril- 
lante, spirituelle et lettrée. C'est le cas de dire : risum 
teneatis, amici. 

Bientôt la Société d'Émulation naquit, et à quoi servit- 
elle surtout? à détruire l'indépendance du pays de Liége : 
« C’est là, s'écrie notre auteur, que dans l'échange conti- 
» nuel des idées révolutionnaires se prépara la ruine de la 


y Uu gy U vu yu gy v "V Ww V V wv 


(1) Fol. 155. 


( 615 ) 
» nationalité liégeoise; c’est là que se recruta et s'organisa 
» l'état-major de la révolution (1). » 

Mais non, ce qui provoqua et alimenta la révolution, 
ce fut la série d'excés commis par des corporations pour les- 
quelles on commençait à ne plus nourrir du respect. À côté 
de la tolérance intelligente de Velbruck, les procédés du 
synode épiscopal à l'égard du chevalier de Heeswyck, que 
l'on jeta dans la prison de l'official malgré un mandatum 
de la chambre de Wetzlar, et sans vouloir le juger; du phi- 
losophe Raynal, du chanoine de Paix, auteur d'une ano- 
dine pièce de vers, intitulée : la Muse de Spa, soulevaient 
l'indignation du public. Le synode fut enfin vaincu, et Vel- 
bruck mérite les éloges de tous les hommes impartiaux 
pour ne pas s'étre associé à de misérables rancunes, à des 
persécutions dont on ne peut que rougir pour ceux qui en 
furent les auteurs. 

Le chapitre IV est consacré à Pierre Lebrun et à son 
Journal général de l'Europe. J'en dirai peu de chose. 
Lebrun est une individualité dont la courte existence (il 
mourut en 1795, ayant à peine atteint sa 39° année) est 
suffisamment connue et a été mise en relief par Ulysse 
Capitaine, à qui l'auteur de notre mémoire avoue avoir 
considérablement emprunté (2). 


(1) Fol. 159. — L'abbé Daris, loc cit., t. I, p. 314, se montre également 
hostile à la Société d'Émulation : « C'éta't alors plutôt le lieu de réunion 
» de quantité d'esprits turbulents, factieux et tracassiers, imbus de ces 
» maximes philosophiques et rêveries , dont l'explosion a retenti depuis 
» dans les quatre parties de l'univers. » 

(3) Recherches historiques et blbliographiques sur les journaux lié- 
geois. — Je rappellerai ici que des détails intéressants sur les travaux de 
Rousseau ont été publiés par M. André Warzée, chef de division au 
ministère des travaux publics, dans l'ouvrage intitulé: Essai historique et 


( 616 ) 

Quant au chapitre V, je ne puis le laisser passer sans de 
graves observations. Il est intitulé : Les défenseurs du 
tróne el de l'autel, association de mots d'origine récente, 
qui devrait bien étre ici remplacée et complétée comme 
suit: Les défenseurs de l'autel et du tróne, quand ce dernier 
veut bien se soumettre aux exigences de l'autel. Le cha- 
pitre, en effet, est surtout consacré à l'éloge des abbés De 
Feller, du Doyar, Duvivier, etc., qui, plus que personne, 
ont contribué à renverser le tróne de Joseph II, leur sou- 
verain. Ils ne peuvent donc s'en qualifier les défenseurs, 
eux dont l'idéal était une république aristocratique, 
asservie au clergé. - 

De Feller, surtout, est l'enfant gàté de notre concur- 
rent. Il en fait un grand éloge et lui consacre plus de notes, 
plus de détails qu'à ses rivaux. Il lui reconnait un style 
« aisé, agile, clair, mouvementé; l'art d'élucider les ques- 
» tions (1); » il reproduit toutes les louanges que les au- 
tres panégyristes du fougueux jésuite lui ont accordées. 
« Une seule chose, dit-il, et ce n'était pas la moins im- 
» portante, faisait défaut à De Feller; c'était le tempéra- 
» ment nécessaire à sa profession » (2). Suivent des ex- 
cuses assez banales : son zéle pour la religion, l'ardeur 
de ses convictions, etc., et, ces réserves faites, on rend 
hommage au courage et au désintéressement du polémiste. 
Le courage consistait à résider à Liége, sous les ailes de 


eritique sur les journaux belges (Gand, 1845, 1 vol. in-8°) et composé 
d'articles dont le Messager des sciences historiques a eu la primeur, Cet 
ouvrage est le seul que l'on ait consacré au journalisme belge; il mérite- 
rait d'étre complété et réimprimé. 

(1) Fol. 202. 2 

(3) Fol. 204. 


( 617 ) 
de Hoensbroeck, quand on luttait contre Joseph H et 
Léopold Il; à tonner à Bruxelles, protégé par Van der Noot 
et Van Eupen, contre les idées francaises, et à y ameuter 
la populace et les paysans contre les Vonckistes, parce 
que la France était loin et que les partisans de Vonck 
constituaient-une minorité qu'il était facile d'écraser sous 
le nombre. Quant à la logique de l'abbé, elle était logée à 
la méme enseigne : opprimé, menacé, on admettait la né- 
cessité de la liberté de la presse; vainqueur, on appelait à 
l'aide contre elle le meurtre, le pillage et la proscription. 

Le programme était des plus simples. Maintenir les 
anciennes institutions, en interdisant la moindre innova- 
tion; entourer, au besoin , la Belgique de murs semblables 
à ceux d'Ecbatane pour y empécher l'introduction du mal 
francais; n'admettre aucune découverte, aucune amé- 
lioration; bafouer les faits les plus mémorables, comme la 
fondation des États-Unis; livrer au ridicule les hommes 
les plus respectables, comme Benjamin Franklin; surex- 
citer le peuple au moyen d'invectives grossiéres , d'inven- 
lions continuelles de complots, de nouvelles falsifiées , 
voilà le rôle que De Feller remplit en 1790 dans son 
Journal historique, où l'on peut apprendre l'art de démora- 
liser une nation et de la livrer enfin vaincue, déshonorée, 
abrutie, à la risée de l'Europe. 

Pour ces hommes coupables, qui ne surent imposer un 
frein, ni à leur plume, ni à leurs vengeances, il ne suffit pas 
de dire, comme pour se laver les mains : « je m'arréte, 
car je n'ai pas à refaire l'histoire de la révolution braban- 
conne (1)... Aprés avoir tant loué, il suffisait, pour compléter 


— n —À PÓÀ M € — — Ó— — 


(1) Fol. 933. 


( 618 ) 
le portrait de l'éerivain, d'encadrer quelques lignes, dans le 
genre de celles-ci : 

« S'il fallait opter entre ces deux extrémités terribles, 
» ou d'établir parmi nous le règne de la cohue nationale 
» francaise (1), ou de rentrer sous le pouvoir du souverain 

dépossédé, la nation n'hésiterait pas dans la détermina- 
» tion du choix. J'irais moi-méme rappeler d'Alton avec 
» tout ce qu'il y a de bourreaux dans la milice autri- 
» chienne, et nous préparerions, en attendant, nos rues 
» pour les voir joncher, comme ci-devant, des cadavres de 
» nos concitoyens. » (2) — Et, ailleurs, à propos des Vonc- 
kistes : 

« Décernez des châtiments sévères et infamants contre 
» les prétendus régénérateurs et projeteurs quelconques, 
» comme contre les plus dangereux ennemis de la patrie. 
» Proscrivez ceux qui imaginent ces nouveautés fatales, 
» qui les propagent, qui les répandent; abolissez les livres, 
» les feuilles qui les contiennent (5).. » 

Dans toute cette école, au surplus, le cynisme est le 
méme. Aux écrits, d'ailleurs repréhensibles, du chevalier 
de Heeswyck, comment réplique-t-on? D'une facon à les 
dépasser énormément en intémpérance de langage. 

« Je me serais bien gardé, dit un pamphlétaire conser- 
» vateur, de relever les atrocités,les bévues, les erreurs que 
» ce cynique Éburon sans honte et sans pudeur, prodigue, 
en forcené, à tort et à travers, si je n'avais vu ces salope- 
» ries, accueillies avec le plus grand transport, dévorées 


= 
= 


(1) Terme adopté par De Feller pour désigner l'Assemblée nationale de 
France. 

(2) Bonexkr, loc. cit., p. 111. 

(5) Ibid., p. 122. 


( 619 ) 

avec une fureur, une avidité inouies. Ces pages sales et 
répugnantes ont fait en moinsde deux mois gémir la presse 
dans deux à trois villes des Pays-Bas; elles se trouvent 
aujourd'hui dans les mains de tout le monde... (1). » 
Ne semble-t-il pas que la rage de l'impuissance monte 
aux lévres de ces écrivains? Pauvres cerveaux malades, 
qui voient l'inondation monter autour d'eux et qui croient 
que des imprécations sufliront pour l'arréter. On les appelle 
des défenseurs de l'autel; tristes défenseurs qui compro- 
mettent la cause pour laquelle ils combattent! Si vous 
désirez conserver pour eux de l'estime, ne les lisez pas. Ce 
n'est pas de l'horreur que leurs écrits inspirent; c'est du 
dégoût (2). 

Le chapitre VI, sous la rubrique : Les derniers philo- 
sophes liégeois et les premiers révolutionnaires, nous trans- 
porte dans l'autre camp. Mais quel contraste! On ne 
retrouve pas dans cette partie du mémoire la courtoisie, 
les égards montrés pour De Feller; il est vrai qu'il s'agit de 
Bassenge, de Fabry, de Henkart, etc., de tous ces hommes 
qui sont restés fidéles aux lecons de la philosophie et de 
la modération. Nous ne rencontrons rien de précis sur 
leur vie, leurs tendances, leur caractére. Ce chapitre, qui 


wo o y Ww 


(1) Le clergé de Liége et l'état monastique vengés du ^t scanda- 
leux de M. le chevalier de Heeswyck. Lausanne (Liége), 1 

(2) M. Ulysse Capitaine, loc. cit., p. XIV, a Viu EA AS la 
presse épiscopale : « Le prince de Hoensbroeck, dit-il, n’avait plus pour 
» défense que l'éternelle Gazette privilégiée, devenue pour les Liégeois 
» un sujet de risée, et les journaux des abbés Brosius et De Feller, dont 


* Les critiques du Journal historique (de De Feller) manquent de jus- 
» tesse : elles ne louent pas, elles adulent;elles ne blàment pas, elles 
» insultent, » 


( 620 ) 
aurait dà être le principal du Mémoire, est sacrifié. C'est en 
effet ici que nous aurions dû voir, mis en pleine lumière, 
les agissements des patriotes qui s'étaient formés par la 
lecture des publications de Rousseau et de Lebrun. A 
l'euvre, dit-on, on reconnait l'ouvrier, à la capacité de 
l'éléve le talent du professeur. 

C'est que, disons-le hautement et clairement, les insi- 
nuations et les réticences de l'auteur auraient été mises 
à nu par lui-méme, à moins qu'il n'ait eu le triste courage 
de voiler la vérité. Pourquoi les hommes dont je viens de 
parler doivent-ils étre hautement loués, parce que, si à 
l'heure du découragement ils n'ont renié aucune de leurs 
convictions, à l'heure du triomphe ils ont été les plus.mo- 
dérés des hommes. Notre auteur avoue qu'en 1789 les 
patriotes liégeois n'ont aucunement emprunté aux Fran- 
cais leurs excés (1). Mais il n'appuie pas assez sur ce fait 
capital. Il ne répète pas cette assertion caractéristique de 
De Feller que l’ordre le plus complet régnait à Liége en 
1790 (2), alors que le pouvoir était aux mains de Bassenge et 
de ses amis; il ne nous parle pas de cet acte méritoire du 
méme démocrate qui, en 1794, sauva dela confiscation les 
biens de compatriotes, ses ennemis politiques, et réussit à 
faire considérer ceux-ci, non comme des émigrés , mais 
comme de simples absents (3). 

Voilà comment un homme, un parti conserve son 
honneur et sa force; voilà comment on se justifie devant 
ses contemporains et devant l'histoire ; voilà comment on 
répond à l'avance à des accusations mensongères. Si les 


— 


(1) Fol, 247. 
(2) Loc. cit. 
(5) AE prose liégeoise, t. II, p. 616. 


( 621 ) 

publieistes qui ont produit et hàté le mouvement philoso- 
phique de Liége n'étaient que des écrivains médiocres, 
des penseurs voués à l'irréligion, des éditeurs de romans 
orduriers, des révolutionnaires d'autant plus dangereux 
qu'ils cachaient leurs dessins secrets, comment se fait-il 
qu'ils aient formé une école dont la modération, l'huma- 
nité, la moralité constituaient les qualités distinetives ? 

L'auteur du mémoire accuse le mouvement populaire 
qui commença à Liége de ne rappeler les agitations des 
temps antérieurs que par les apparences. « Ce qui le 
» distingue, dit-il, c'est qu'il marque l'apparition d'un nou- 
» veau système politique, social et religieux, c’est qu'il a 
» pour fin derniére le renversement de l'ancien ordre de 
» choses et l'application. de toutes les théories mo- 
» dernes (1). » Il devait en effet en être ainsi jusqu'à un 
certain point. S'imagine-t-on les Liégeois se bornant, en 
1789, à faire rayer du code de leurs lois l'édit de 1684 et 
rétablissant l'ancien mode d'élection des bourgmestres et 
des jurés de la cité, sans se préoccuper de l'amélioration 
de la jurisprudence criminelle et civile, de la répartition 
des impôts, du mode de formation de la représentation 
nationale, ete ? 

Croit-on, par hasard, que la paix de Fexhe et les autres 
actes importants posés au moyen-âge ont été le résultat de 
concessions bénévoles; s'imagine-t-on que la naissance de 
nos communes n’a pas été entourée de luttes et d'orages? 
Non, à toutes les époques, les innovations politiques ont 
soulevé la eolére de ceux dont elles froissaient les intéréts 
ou les sentiments. Si la liberté communale exista à Saint- 


(1) Fol. 246. 


( 622 ) 

Trond, par exemple, ce n'a jamais été avec l'assentiment 
bien sincère , ni des évêques de Liége, ni des abbés de Saint- 
Trond, qui dix fois y ont supprimé ou diminué les droits 
des habitants. Quand, en 1789, l'évéque de Hoensbroeck se 
refusait à restreindre son pouvoir, il ne faisait qu'imiter en 
cela la plupart de ses prédécesseurs. Hugues de Pierpont, 
Henri de Gueldre, Adolphe de la Mark, Jean de Bavière, 
Louis de Bourbon, Ferdinand et Maximilien-Henri de Ba- 
vière, etc., n'ont jamais procédé autrement. A toutes les 
époques et non pas seulement au XVIII? siècle, les Liégeois 
se sont efforcés d’être les plus libres des hommes ; seule- 
ment, s'il y eut une époque oü ce sentiment se manifesta, 
accompagné de visées plus hautes et caractérisé par une 
modération hautement louable, ce fut en 1789. 

Les événements, au surplus, se sont chargés de justifier 
les élèves des encyclopédistes. C'est en vain que notre 
auteur, continuant à eonfondre les uns avec les autres 
et dans une méme réprobation les idées antireligieuses et 
les projets d'innovation en matière politique, les Liégeois 
patriotes et les révolutionnaires étrangers, lance à tous 
celte dernière apostrophe : 

« Quand le pays fut de nouveau ouvert aux patriotes 
» (c’est-à-dire lors de la première invasion, en 1792), ils 
» (c’est-à-dire les patriotes liégeois) n'en étaient plus les 
» maitres : la république francaise le courbait sous sa do- 
» mination. Et alors ces hommes éprouvèrent, sans doute, 
» la douleur la plus cuisante qu'il füt donné à leur coeur 
» de ressentir. Leurs peines, les agitations où ils avaient 
» lancé leur patrie, les sacrifices qu'ils lui avaient imposés, 
» la ruine de sa nationalité étaient demeurés stériles. La 
» liberté proserite, les droits les plus sacrés de l'individu 
» violés, plus de lois ou le mépris des lois, la tyrannie la 


( 625 ) 
» plus intolérable, ce n'étaient qu'une faible partie des 
» maux qu'ils voyaient déchainés sur l'ancienne Princi- 
» pauté. La révolution liégeoise n'avait-elle done abouti 
» qu'à échanger un maitre débonnaire contre de sangui- 
» naires despotes (1)?» 

Cette phrase ne vous semble-t-elle pas du genre de 
celle qui rejette tous les malheurs de la fin du XVIII* siè- 
cle sur deux grands écrivains: « C'est la faute à Voltaire, 
» c'est la faute à Rousseau ? » Si la république francaise, 
comme un volcan en ébullition, répandit ses armées victo- 
rieuses sur la plus grande partie de l'Europe, était-ce la 
suite des efforts tentés en 1789 pour réclamer le réta- 
blissement des libertés du pays de Liége? Est-ce le parti 
de Bassenge et des sieus qui fit triompher la Convention 
de la coalition des rois de l'Europe? Non certes, pas plus 
que la conquête des Pays-Bas autrichiens par Dumouriez 
n'est due à l'admission dans son armée des mécontents 
Vaudernootistes et Vonckistes réfugiés en France. Le re- 
proche tombe d'autant plus à faux que le gouvernement 
autrichien n'était aimé ni de de Hoensbroeck, auquel la 
cour de Vienne, qui l'avait replacé sur son siége épisco- 
pal, reprochait ses mesures réactionnaires (2), ni dans les 
Pays-Bas, de l'ancien parti des États, qui se défiait tou- 
jours de ce gouvernement. Si la domination de l'Autriche 
et celle du prince de Liége tombérent une première fois 
en 1799, une seconde fois en 1794, on ne doit pas en faire 
un crime aux patriotes belges et liégeois; ce fut la faute de 
ceux qui opposérent toujours des fins de non-recevoir 
aux revendications légitimes de l'opinion publique et s'ef- 


(1) Fol, 282, 
(3) Boncxer, loc. cit., p. 262. 


( 624 ) 
forcèrent d'étayer une construction gothique qui chaque 
jour se minait davantage. 

Le lecteur de sang-froid raillera un thème usé et 
plaindra l'écrivain systématique qui rêve le retour impos- 
sible d'un passé dont il n'a, son travail le prouve, qu'une 
idée fausse et incompléte. Loin de jeter la pierre à ces 
hommes dont les mérites l'importunent, que ne les ap- 
pelle-t-il à sortir du tombeau pour voir le résultat de leurs 
efforts? Vous figurez-vous Bassenge parcourant cette belle 
province où l'aménité de la population relève encore les 
beautés de la nature, cette ville trónant au confluent de 
deux superbes rivières, reine à la fois dans les lettres et 
dans l'industrie; ces usines gigantesques oü l'on ne sait ce 
qu'il fact admirer le plus: la puissance et la variété des 
moteurs, le nombre d'ouvriers, l'ordre et la régularité des 
travaux. Et quelle loi politique préside à ce merveilleux 
ensemble, à la monarchie prospère dont Liége fait au- 
jourd'hui partie? une loi dont tout l'esprit se résume en 
cet article que Bassenge dirait emprunté au programme 
des plus ardents de ses contemporains : Tous les pouvoirs 
émanent de la nation. Comment vit cet État populaire, quel 
souffle l'anime? ce dogme puissant et fécond, que j'ai vu 
inscrit en lettres immenses sur la facade de l'Hótel de ville 
de Verviers : Publicité, sauvegarde du peuple. : 

Pouvoir de la nation, publicité , libre diseussion , tolé- 
rance, fruits précieux dont nous goütons tous les jours les 
heureuses conséquences, nous ne pouvons vous conserver 
qu'en maintenant le culte de ceux à qui l'on doit vos pro- 
grés parmi nous, Si Bassenge revenait à la vie, il pourrait 
s'applaudir de voir mettre en pratique presque tout le pro- 
gramme de l'école à laquelle il appartenait et la grande 
idée de Vonck de réunir en un seul corps de nation les 


( 625 ) 
Belges et les Liégeois si différents d'opinion de sou 
temps (1). Je doute qu'en présence d'un pareil spectacle, 
il songerait à manifester des regrets pour des institutions 
tombant en ruine. 

Les considérations qui précédent expliquent pourquoi je 
ne puis accorder mes suffrages à uu mémoire dont le 
point de départ est inexact, dont les développements sont 
incomplets et présentés avec partialité, et dont les conclu- 
sions sont en désaccord avec les faits. 

Le mémoire n? 2 est aussi savant et l'auteur montre 
plus d'esprit de critique, plus de suite dans les idées, 
plus de logique. Il fait ce dont son concurrent ne s'est pas 
soucié : il suit jusqu'à nos jours les conséquences de l'ac- 
tion des encyclopédistes français et des patriotes lié- 
geois; il ne se montre pas, comme l'auteur du mémoire 
n^ 1, l'admirateur de ceux qui ont toujours comprimé la 
liberté de penser, ce principe sur lequel repose notre 
organisation politique et, en particulier, l'existence, la 
vitalité des sociétés scientifiques et littéraires telles que la 
nôtre. 

Son travail intitulé : Essai historique sur la propagande 
des encyclopédistes français en Belgique dans la seconde 
moitié du XVIII siècle, comprend, outre une préface, 
huit chapitres : le premier esquisse la situation du pays 
dans la première moitié du siècle et raconte le séjour de 
Rousseau à Liége; le deuxième, où l’auteur se montre 
bien supérieur à l'auteur du premier mémoire dans l'ex po- 
sition des doctrines en lutte et des faits qui se rattachent 
à cette controverse mémorable, est consaeré aux efforts in- 


(1) Bonner, Loc. cit., p. 266. 


( 626 ) 

fructueux que (it Rousseau pour obtenir la permission de 
s'établir à Bruxelles; dans le troisième, Rousseau est à 
Bouillon, où, malgré tout, son entreprise prospère et se 
développe ; dans le quatrième, on voit clairement, ce qui 
ne s'apercoit nullement dans le mémoire n? 1, les progrés 
des idées et des doctrines philosophiques à Liége; dans le 
cinquième, le mouvement s'accentue, les incidents se mul- 
tiplient, les adversaires du pouvoir épiscopal enlacent ce 
dernier d'un réseau qui bientót lui enlévera toute force; 
la sixiéme est consacré à une analyse savante, détaillée, 
rigoureuse de la polémique entre De Feller et les encyclopé- 
distes; le septiéme nous montre l'évéque de Hoensbroeck 
arrivant au pouvoir et essayant en vain de défendre ses 
prérogatives. Enfin, dans le huitième, les maximes pro- 
clamées par les Vandernootistes et les Vonckistes sont 
mises en rapport avee celles qui dominérent chez les 
patriotes liégeois, et l'auteur conduit jusqu'à notre époque 
les résultats des efforts et des tendances de chacun de 
ces partis. 

A mes yeux, il y a infiniment plus de vraie érudition 
dans ee mémoire que dans le premier. Le style demande- 
rait peut-étre une légére révision, mais je ne veux pas in- 
sister sur cette réserve; chacun sait combien il est difficile 
de mettre la derniére main à la forme d'un travail manu- 
scrit, Mais, outre que les opinions sont exprimées avec 
loyauté, élévation et modération, elles sont largement déve- 
loppées, appuyées par des citations nombreuses, étayées 
par des raisonnements pleins de logique. On comprend les 
progrés des encyclopédistes à Liége infiniment mieux que 
dans le mémoire n° 1, où les faits favorables à cette école 
philosophique sont noyés dans des considérations qui ne 
se rattachent pas à la question posée par l'Académie. 


( 627 ) 

Ce travail est évidemment une œuvre sérieuse. Il se 
rempli de faits puisés aux meilleures. sources, d'observa- 
tions judicieuses, d'analyses de publications bien faites et 
qui attestent des connaissances profondes et variées. L'en- 
semble constitue une narration dont la trame se continue 
mieux que celle de l'ouvrage de l'autre concurrent. Pour 
l'apprécier d'un mot, je dirai que j'y reconnaitrais volon- 
tiers l'influence des idées d'Adolphe Borgnet, tandis que 
son adversaire reproduit de préférence et jusque dans les 
moindres détails les tendances, les annotations et les 
appréciations de M. l'abbé Daris. Ce que je dois approuver 
sans réserve, c’est qu'il n'y a dans le mémoire n? 2 rien 
de blessant pour ceux dont il ne partage pas les opinions. 
L'auteur a les grandes qualités des hommes qui jugent sans 
prévention et sans arriére-pensée. Le style est vraiment 
limpide; on n'y trouvera pas de demi-teintes , d'idées qui 
ne sont qu'imparfaitement exprimées. 

D'après mon honorable collègue, M. Le Roy, l'auteur 
aurait confondu le mouvement de la réforme et le mou- 
vement philosophique; tous deux constituaient cependant 
une révolte contre la doctrine officielle, st l'on peut se ser- 
vir de ce terme. Son travail, dit-on encore, laisserait à 
désirer comme œuvre de haute portée. Je regrette infini- 
ment de ne pouvoir me rallier à cette opinion et pour ter- 
miner, j'emprunterai ce passage au mémoire condamné : 

« L'influence que les encyclopédistes exercerent sur le 
» mouvement intellectuel de notre pays fut des plus 
» considérables, et nous ajouterons des plus salutaires, 
» bien que nous n'ignorions pas que tout le monde ne 
» partage pas ce sentiment et qu'il se trouve parmi nous 
» des hommes qui déplorent plutót cette influence comme 
» une chose funeste. Sans doute on ne saurait approuver 


( 628 ) 

» indistinctement tout ce que préehaient les encyclopé- 
» distes. Mais, à quelque parti qu'on appartienne et à 
» moins de se déclarer le partisan de la placide immobilité 
» des peuples orientaux, on doit reconnaitre que l'action 
» exercée par ces écrivains sur notre pays fut éminemment 
» favorable à son développement intellectuel. C'est à eux 
» que nous devons principalement cette renaissance litté- 
» raire qui se manifeste dans notre pays dans la seconde 
» moitié du XVIII* siècle. C'est grâce à eux, gràce à leur 
» propagande que nous sommes devenus un peuple vrai- 
» ment libre, en secouant le joug de vieux préjugés, en 
» brisant la puissance prépondérante du clergé et de la no- 
» blesse, puissance intéressée au maintien de tous les abus, 
» etenfin en nous donnant des institutions que nous en- 
» vient aujourd'hui tous les peuples de l'Europe. Ah! s'il 
» ne faut ni progrés, ni amélioration, si tout était pour le 
» mieux dans l'ancien monde, on a cent fois raison de 
» maudire les encyclopédistes et la propagation de leurs 
» doctrines. Mais nul n'oserait soutenir un pareil para- 
» doxe, car ce serait se condamner soi-méme, ce serait 
» avouer que l'on ne veut pas que l'homme devienne plus 
» éclairé, de peur qu'il ne veuille aussi devenir plus libre 
» et plus heureux (1). » 

Peuton admettre que l'on traite de déclamatoire un 
pareil langage? C'est la vérité dans son expression la plus 
correcte. On n'oserait jamais soutenir qu'au XVIII* siècle 
les conseillers des princes-évéques de Liége et la majorité 
des membres des états dans les Pays-Bas avaient en poli- 
tique des idées saines et justes. N'ont-ils pas combattu les 
revendications populaires et les innovations de Joseph II, 


(4) Page 5. 


( 629 ) 

méme en ce qu'elles offraient d'irréprochable? Mais, pour 
pallier leur obstination à maintenir l'ancien régime, que 
fait-on? On avance qu'alors il n'y avait pas ou presque pas 
d'abus et l'on garde sur ces derniers un silence complet. 
Un pareil systéme est commode; mais je me refuse à en 
être le complice et à couronner ceux qui l'adoptent dans 
leurs écrits. 

J'invite la Classe à donner la préférence à une œuvre 
consciencieuse, savante dans le fond, correcte dans la 
forme, équitable dans son esprit. A mon avis, c'est le 
mémoire n? 2 qui mérite la médaille d'or et les honneurs 
de l'impression. » 


La Classe, appelée à se prononcer sur les conclusions 
des rapports qui précédent partage le prix de 600 francs 
entre les deux travaux. et décide l'impression de ceux-ci 
dans la collection des Mémoires in-8°. 


L'ouverture des billets cachetés a fait connaitre comme 
auteur du mémoire n° 4, M. Henri Francotte, docteur 
ès lettres, à Liége; et comme auteur du mémoire n° 2, 
M. J. Küntziger, professeur à l'athénée royal d'Arlon. 


DEUXIÈME QUESTION. 


Ecrire l'histoire de Jacqueline de Bavière, comtesse de 
Hainaut, de Hollande et Zélande et dame de Frise. 


Dans leur travail, les concurrents doivent s'attacher, 
d'une manière toute particulière, aux événements princi- 
paux de la vie et du règne de cette princesse ; ils utilise- 

2"* SÉRIE, TOME XLVH. 4 


( 650 ) 
ront, saus les suivre servilement, les travaux qui ont été 
publiés, pour cette époque, tant à l'étranger qu'en Bel- 
gique. 
Rapport de M. Wauters, premier commissaire, 


« LaClasse des lettres de l'Académie a recu de ux mémoires 
en réponse à la question : Écrire l'histoire de Jacqueline 
de Baviére, comtesse de Hainaut,de Hollande et de Zélande, 
et dame de Frise. L'un de ces mémoires est écrit en fla- 
mand, l'autre est rédigé en francais. Ce dernier porte pour 
épigraphe : Quid laboro, nisi ul veritas in omni quaestione 
explicetur (Cicéron, Tusculanes, MI, 20); l'auteur du pre- 
mier a choisi pour devise ce vieux quatrain : 


« Doulce est la paine 
» Quand elle amaine 
» Après torment 

» Contentement. » 


Le mémoire flamand me paraît trés-supérieur au mé- 
moire francais , par l'examen duquel je commencerai. 

C'est un travail considérable, car il ne comprend pas 
moins de 507 pages, d'une écriture compacte. L'auteur 
a dů s'imposer de pénibles efforts, et, sous ce rapport, 
il ne mérite que des éloges, mais l'esprit de critique et 
de méthode me parait lui avoir fait défaut. Les grandes 
lignes de son plan, résumées dans la Table des matières, 
provoquent une première remarque. Outre un avant-propos 
et une introduction, le mémoire se subdivise en quatre 
parties, intitulées : Jacqueline et Jean de Touraine (1401- 
1416), Jacqueline et Jean IV (1416-1420), Jacqueline et 
Humfroi, duc de Glocester (1420-1450), et Jacqueline et 
Floris de Borselen (1450-1456). Autant deux de ces pé- 


( 651 ) 
riodes, la deuxiéme et la troisiéme, furent remplies d'inci- 
dents de toute espéce, de négociations, de combats, autant 
les deux autres furent vides et insignifiantes; d'abord 
- pauvre enfant dont on enchaina à son insu la destinée, 
l'héritiére du Hainaut, aprés avoir lutté pendant quinze ans 
contre des ennemis implacables, passa les derniéres années 
de sa vie dans la tristesse et l'abandon. 
Je lis dans l'avant-propos : 
« Montaigne a dit quelque part : Les hommes les plus 
compétents pour écrire l'histoire sont ceux qui ont pré- 
sidé aux événements. Nous pouvons ajouter qu'à défaut 
d'éerits laissés par de tels hommes, la source la plus 
pure et la plus féconde pour l'historien, ce sont les an- 
nales et les documents qui nous viennent des contem- 
porains. C'est là que l'on doit rechercher les faits, les 
causes qui les ont amenés, leur enchainement et leur 
importance. L'historien , pour réaliser le but qu'il se 
propose, ne doit jamais perdre de vue les opinions et le 
récit de ceux qui ont été les témoins des événements, 
et c'est en eonsultant sans cesse les éerits des contem- 
porains qu'il pourra faire une histoire fidéle et porter 
des jugements exacts. » 
On ne saurait assez louer un pareil langage, mais il ne 
suffit pas de le tenir. Aprés avoir étalé des sentiments de 
ce genre, il faut s'y conformer. Or tel n'est pas le cas de 
l'auteur du mémoire. Une des sources auxquelles il renvoie 
le plus souvent est l'ouvrage de Vinchant, Annales de la 
province et comté de Hainaut, production informe du 
XVII siècle, à laquelle il faut, d'une manière radicale, 
préférer Monstrelet, Saint-Remy, Chastelain et les autres 
Chroniqueurs de la méme époque; de méme on ne doit 
suivre qu'avec défiance les récits hollandais du XVI* siècle 


w —.-» Ww Ww Ww Ww Ww wW Ww Ww w Ww 


( 632 ) 
et des temps postérieurs ou ne s'en servir qu'aprés en avoir 
contrôlé l'exactitude par l'étude des diplômes et des autres 
documents, qui sont si abondants pour l'époque de Jacque- 
line de Baviére. 

L'histoire de cette princesse est mélée à tant de faits 
historiques qu'elle exige une grande attention de la part 
de celui qui veut en tracer un tableau fidèle. La manière 
dont l’auteur du mémoire s'est acquitté de cette tâche 
révèle, me semble-t-il, une connaissance très-imparfaite 
des usages et des mœurs du temps. Dire qu'en Hollande le 
finaneier (sic, lisez le trésorier) était d'ordinaire le tuteur 
des enfants du comte (p. 75), c'est avancer un fait inac- 
ceptable. Emprunter à un auteur moderne (von Lóher, 
Jakoba von Beyeren, t. 1, p. 312) une prétendue formule 
du serment prété par Jaequeline à ses sujets de Hollande, 
puis parler de l'enthousiasme des Hennuyers pour ce 
qu'ils avaient observé dans ce pays, et ajouter ensuite : 
« Jacqueline voyait avec plaisir le développement de l'in- 
» dustrie nationale, » c'est à la fois trahir une singu- 
lière ignorance des idées du moyen âge et déceler la 
source où l'on a puisé sans mesure. Qui prétait serment 
lors de l'avénement d'un nouveau prince? le sujet, le vassal 
plutót que le supérieur ou le souverain. Celui-ci jurait 
sans doute de maintenir les droits et les franchises des 
nobles, des villes, des corporations, mais il ne s'engageait 
pas à « s'acquitter envers eux de tous les devoirs qui lui 
» incombaient, à se rendre toujours digne de la fidélité 
» et de l’attachement de ses sujets. » Se servir de termes 
pareils, e'est travestir des expressions qu'il faut, au con- 
traire, essayer de reproduire avec une fidélité scrupu- 
leuse. 

En maint endroit du récit, je rencontre de graves er- 


( 655 ) 

reurs ; ici je vois une guerre entre le duc de Lorraine et le 
comte de Bar mentionnée comme une lutte intestine en 
France (p. 15); là on accepte eomme sérieux un prétendu 
projet d'unir Jacqueline, devenue veuve, au jeune seigneur 
d'Arckel, son vassal (p. 50); plus loin on parle de la réu- 
nion des états de celui-ci à la Hollande, comme si d'Arckel 
était un souverain (ibidem); on qualifie Jean de Baviére ou 
Sans Pitié, élu de Liége , de prince étranger (pp. 80 et 88), 
lui qui était le propre frère du comte Guillaume et qui 
aurait hérité de ses états si Jacqueline n'avait été là. Dans 
plusieurs passages les Hennuyers sont représentés comme 
incertains dans leur dévouement à la comtesse, tandis 
qu'ils lui restèrent attachés jusqu'à la conquête de leur 
pays par le due Jean IV en 1495. Enfin en une foule d'en- 
droits l’auteur doit avoir suivi des guides mal informés. 
Ainsi il parle de seigneurs hoecks et cabbeljaauws en Bra- 
bant; or, qui de nous ne sait que ces partis n'ont jamais 
existé dans le duché, que nos chroniqueurs et nos cartu- 
laires ne font pas une seule fois mention de factions qua- 
lifiées de la sorte. 

Notre auteur traite trés-sévérement le comte Guillaume, 
père de Jacqueline, et ne dédaigne pas ensuite (p. 54) de 
recueillir dans Kemp (Leven der heeren van Arckel, 1656, 
pp 205.905) l'étourdissante narration que voici : « Pen- 
dant la nuit oà Guillaume expirait à Bouchain, quatre 
riches propriétaires passaient devant le cimetière de 
Gorcum. Tout à coup ils s'arrêtent épouvantés. Ils 
croient voir un mort se promener sur les tombeaux ; 
ses yeux jettent des éclairs; ils croient entendre un 
bruit de chaines et sont frappés de consternation. Au 
milieu du silence lugubre de la nuit, ils entendent les 
paroles suivantes s'échapper de la bouche du fantóme : 


v y vy Y y y 


w 


y 


“v Yd WV w w wu vu u UU y WV UV WV U Uu uU vy v Ww v v 


» 


( 654 ) 

Malédietion sur toi, pays que j'ai souillé de mes crimes! 
Maudit soit le jour où je naquis à la lumière! Soyez 
maudits, parents qui m'avez mis au monde ! — En méme 
temps des éclairs brillaient autour du fantóme, et il 
s'avancait vers les quatre propriétaires ; poussant un cri 
terrible, ils reviennent à la maison et frappent à leur 
porte; une servante vint leur ouvrir, en apportant une 
lumière. Aussitôt ils tombent tous les quatre aux pieds 
de la servante et semblent frappés de mort. On appelle 
au secours, les voisins se réunissent et essayent de les 
rappeler à la vie. Ne découvrant sur leur corps aucune 
blessure, ils ne savent que penser de cet événement; 
enfin l'un des malheureux, poussant un profond soupir, 
ouvreles yeux à la lumiére. On lui prodigue de nouveaux 
soins , et enfin il peut annoncer à ses amis ce qui leur 
est arrivé. Le bruit de cet événement se répand de toutes 
parts; pourtant il obtient créance au milieu de ces temps 
de superstition, et quand le lendemain on apprit la mort 
du comte, les plus incrédules durent ajouter foi à ce 
qu'on en contait. Tous crurent que c'était l'ombre de 
Guillaume qui avait été le sujet de l'épouvante des 
quatre propriétaires. » 

Kemp parle bien à l'aise de « ces temps de supersti- 
tion. » Qu'il eonserve pour lui et pour son époque la 


qualification dont il affuble le XV* siècle. Ses quatre pro- 
priétaires, types achevés de poltronnerie ridicule, n'ont 
jamais appartenu à cette génération indomptable qui 
versa son sang par torrents pour défendre ou pour com- 
battre Jacqueline de Bavière. 


Il est peu d'incidents de la vie de cette princesse plus 


connus que sa rupture avec Jean IV, lorsque les officiers 
de celui-ci, voulant éloigner les dames hollandaises de 


( 655 ) 

sa suite, leur refusèrent la nourriture qui était distribuée 
à tout le personnel de la cour ducale de Brabant. « Mar- 
» guerite de Bourgogne, avons-nous dit dans l'Histoire 
» de Bruxelles (t. I‘, p. 198), accourut à Bruxelles pour 
» engager le duc à revenir sur une mesure aussi criante, 
» mais Jean fut inflexible. La princesse indignée monta 
» aussitót à cheval et se retira à l'auberge du Miroir, rue 
» dela Montagne; sa fille éplorée quitta le palais et la sui- 
» vit à pied, accompagnée d'un seul écuyer, nommé Jean 
» Rasoir. Le lendemain, les deux princesses quittérent 
» Bruxelles et se rendirent au Quesnoy... » Ce récit est la 
reproduction, à peu prés textuelle, du chapitre CLXXII 
du sixiéme livre des Chroniques de Brabant de De Dynter 
(DE Raw, Dynteri chronica, t. H, p. 388), qui était con- 
temporain et fut peut-étre témoin de la scéne dont il 
donne le détail. Voici comment l’auteur du mémoire 
l'habille : 

« C'est alors qu'elle (Jacqueline) traversa les rues de 
» Bruxelles, en versant des larmes. Seul, le petit page, 
» nommé Jean Rasoir, la suivait et cherchait en vain à la 
» consoler. Elle se rendit alors dans son château de Spie- 
» gel.» Ici une note : « Quelques auteurs désignent ce 
» château sous le nom de château du Miroir. Il est clair 
» qu'ils n'ont fait que traduire le nom flamand. » 

« Marguerite de Bourgogne partagea la douleur de sa 
» fille et elle quitta aussitót la ville de Bruxelles pour se 
rendre à Couwenberg, à la cour de son gendre. Ce fut 
» en vain qu'elle | e rappela à la douceur et à la sagesse... 
» Jean IV, qui était d'une dureté repoussante, renvoya plus 
ou moins Marguerite de Bourgogne et celle-ci reprit le 
» chemin de Bruxelles le désespoir dans le cœur... » 

Ce passage est concluant. Le récit de De Dynter est iei 


v 


( 656 ) 

absolument dénaturé. L'hótel du Miroir (de herberg van de 
Spiegel), dont il y est question et qui existe à Bruxelles 
depuis plus de quatre siècles, devient le château de Spie- 
gel (1); le palais de Coudenberg, la résidenee de Philippe 
de Bourgogne, de Charles-Quint, d'Albert et Isabelle, est 
relégué hors de Bruxelles. De pareilles énormités, et nous 
pourrions en signaler bien d'autres, m'autorisent à refuser 
mes suffrages à un écrivain qui ne peut se retrancher ni 
sur le défaut de documents, ni sur l'insuffisance des tra- 
vaux antérieurs. Pour étre exact, il n'avait qu'à traduire 
fidélement; pour ne pas commettre d'erreurs graves, il ne 
lui fallait que consulter les sources citées dans son mé- 
moire, mais dont il s'écarte considérablement. 

Je n'ajouterai rien sur le style, les apercus généraux, le 
portrait des principaux personnages; ce sont autant de 
cótés faibles auxquels il ne faut plus s'arréter aprés avoir 
constaté le peu de valeur dela trame historique proprement 
dite. 

Le mémoire flamand, je me hâte de.le déclarer, est 
bien supérieur sous tous les rapports. L'auteur me paraít 
plus maitre de son sujet et son style a une vigueur et une 


(1) Ici un mot d'e de. i isi ou auberge en question appar- 
tenait, encore vers l'an 1420, e famille qui en portait le nom. Franc 
Van den Spiegele, tte ou edens (weert) du Miroir, logea, les 12 et 
15 mai vhs le prieur x Saint- vu Me chambellan du pape, que l'on 
appel ait probablement à cause de sa ta ille 

. exiguë. Ce fut " amman de Bruxelles qui paya ses dépenses en vertu d'un 
ordre du duc lui-méme, en date du 19 mai. On voit par là que les person- 
nages de distinction étaient dans l'habitude de passer la nuit au Miroir. Il 
n'est peut- être pas sans intérêt d'ajouter que lorsque le séigueur d'Arckel, 
qui d'ailleurs était bourgeois de Bruxelles, fut sorti de captivité et vint 
dans cette ville, en 1426, ce fut aussi chez Frane Van den Spiegele qu'il 
logea (Publications de la Société d'Utrecht, Kronyk, t. VII, p. 61). 


( 657 ) 

netteté qui révélent un véritable écrivain. Il. débute par 
quelques pages dans lesquelles il signale les principales 
sourees auxquelles il a puisé et le degré de confiance 
qu'elles méritent. Il entre ensuite en matière et développe 
dans neuf chapitres la biographie de Jacqueline, en s'atta- 
chant de préférence, comme la Classe l'a demandé, à en 
éclaireir les particularités les plus importantes. 

Nous n'avons pas à constater ici les défectuosités que 
nous avons signalées dans l'autre mémoire. L'auteur s'ap- 
puie constamment sur les meilleures autorités et en une 
foule d'endroits il cite, soit des documents déjà imprimés, 
mais peu connus, soit des piéces inédites tirées des ar- 
chives de Mons, de Gand, ete. Il a joint à son texte la 
copie de trois documents de premier ordre, empruutés 
aux archives du département du Nord, à Lille: 

1° La dispense de mariage pour Jean de France, duc 
de Touraine, fils du roi Charles VI, et pour Jacqueline 
de Bavière, en date du 22 avril 1411; 

2° Le traité d'alliance conclu entre Philippe, due de 
Bourgogne, comte de Flandre, ete., et Jean IV, duc de 
Brabant, à Malines, le 4** mars 1425-1426; 

Et 3° la sentence portée contre Jacqueline au nom 
du pape Martin V, le 97 février 1426. 

Parfois l'auteur s'occupe des questions controversées 
qui se présentent sur sa route. C'est ainsi qu'il discute 
(pp. 9 et suivantes) la véritable époque du mariage de Jac- 
queline de Bavière et du jeune duc de Touraine. Peut-être 
pourrait-on demander à l’auteur pourquoi il n'a pas 
cherché à résumer les phases essentielles de la fortune de 
ue à rechercher les causes de la chute de son pou- 
voir, à établir pourquoi elle n'a pu triompher d'aucun de 
ses ennemis. Mais il est inutile d'insister sur ce reproche 


( 658 ) 
que l'on peut, au surplus, adresser aussi à son concurrent. 
Ce n'est pas chose aisée de déméler les trames de ces in- 
terminables intrigues qui partaient tantót de Paris ou de 
Londres, tantót de l'empire germanique. 

Nous ne voyons non plus, dans aucun des deux travaux 
qui ont été soumis à notre examen, une trace des idées re- 
ligieuses et littéraires qui agissaient alors sur les intelli- 
gences. La guerre des Hussites menacait l'Allemagne d'un 
bouleversement total et l'on prêcha en Brabant une croi- 
sade contre ces novateurs, vers le temps où Jean IV se 
brouillait avec sa femme. Pourquoi ne pas dire d'eux 
an moins un mot? Dans maint chapitre il est question 
des Hoecks et des Kabeljaawwen, mais on ne précise pas 
suffisamment les nuances par lesquelles ces deux grandes 
fractions du peuple hollandais se distinguaient. Dans le 
mémoire francais on considére les nobles de rang inférieur 
comme constituant la force du parti des Hoecks, tandis que 
les Kabeljaauwen se reerutaient surtout parmi les bour- 
geois des villes; dans le mémoire flamand les Hoecks sont 
dirigés par les principaux nobles de la Hollande, en lutte 
avec la bourgeoisie. L'un et l'autre auteur, influencés sans 
doute par leurs sympathies pour Jacqueline, dont les Hoecks 
étaient les partisans dévoués, sont peu sympathiques à 
leurs adversaires. Ceux-ci, selon le premier, cherchaient à 
acquérir des priviléges et des libertés favorables à leur 
commerce, au mépris des droits du comte et de la noblesse 
(p. 68bisd), ou, selon le second, sacrifiaient à l'autorité com- 
tale les antiques immunités du pays (pp. 16-17.) 

Ce n'est ni le lieu, ni le moment de débattre cette ques- 
tion capitale, que les concurrents présentent dans des 
termes si différents. Il me suffit de signaler chez eux une 
lacune que l'on aurait voulu voir combler, d'autant plus 


( 639 ) 

que les pays voisins de la Hollande avaient aussi leurs 
troubles intérieurs. N'est-ce pas, en effet, dans le premier 
quart du XV* siécle que les corps de métier ont définitive- 
ment acquis la prépondérance dans la formation des admi- 
nistrations de certaines villes, ou du moins l'isopolitie, 
l'égalité de droits politiques avec les vieilles bourgeoisies, 
organisées en gildes, lignages patriciens ou autres corpo- 
rations semblables? N'oublions pas que le supplice de ces 
conseillers de Jean IV, repoussés par la majorité du peuple 
brabançon, fut accompagné de l'octroi aux Bruxellois de 
leur charte de 1421, qui modifia complétement l'organisa- 
tion de la magistrature communale. Tournai, Maestricht, 
Anvers, etc., virent aussi s'opérer des réformes, qu'il y 
aurait peut-étre eu moyen de rattacher l'une à l'autre. 

Puis, en face de cette personnalité si vigoureuse et si 
attrayante de Jacqueline, en présence de cette nature vail- 
lante, si maltraitée par la fortune, n'aurait-il pas été bon 
d'étudier davantage la figure de Jean IV, qui n'est pas 
encore sortie d'une sorte de pénombre mélancolique. Non 
que je veuille essayer la réhabilitation du faible époux de 
l'héritiére du Hainaut. Mais il y avait chez lui des goüts 
littéraires, qui contrastent avec son indifférence pour sa 
jeune femme, avec son insouciance pour les intéréts de ses 
états. Avant de fonder l'université de Louvain, il avait 
protégé les commencements de la chambre de rhétorique 
le Livre, de Bruxelles. Quelles influences éloignérent les 
deux époux l'un de l'autre? Quels conseils néfastes rom- 
pirent une union qui aurait pu avoir pour le pays d'heu- 
reuses conséquences? Mystère qu'il est devenu impossible 
d'expliquer aujourd'hui et qui aurait dà, on me permettra 
cette pensée, occuper les deux savants qui ont répondu à 
l'appel de l'Académie. 


( 640 ) 

Pour terminer, je propose à la Classe d'attribuer la mé- 
daille d'or à l'auteur du mémoire flamand, qui serait im- 
primé par les soins de l'Académie, et d'aecorder nne men- 
tion honorable à l'auteur du mémoire francais. » 


Rapport de M, Poullet, second commissaire. 


« Si j'étais en désaccord avec votre premier commissaire, 
sur les mérites des deux mémoires relatifs à Jaequeline 
de Baviére soumis à votre jugement, je serais naturelle- 
ment amené à développer mes arguments. Aujourd'hui je 
pourrai être fort bref parce que mes appréciations concor- 
dent presque entièrement avec celles de M. Wauters. 

Cette fois la Classe des lettres se trouve en présence de - 
deux travailleurs sérieux qui ont déployé l'un et l'autre une 
véritable érudition et produit l'un et l'autre une œuvre 
digne de ses concours, bien que les deux œuvres concur- 
rentes soient. fort inégales quant à leur valeur respective. 

J'estime comme M. Wauters que le mémoire francais, 
malgré ses mérites, est de beaucoup inférieur au mémoire 
flamand, tant au point de vue de la forme qu'au point de 
vue du fond. 

Au point de vue dela forme, le mémoire francais se res- 
sent, entre autres choses, de ce que l'écrivain ne se rend pas 
suffisamment compte de la ligne de démarcation profonde 
qui sépare le genre historique du genre romantique. Au 
point de vue du fond, je ne saurais que répéter ici le re- 
proche déjà fait par M. Wauters : il régne dans l'ensemble 
du travail un manque de critique, qui nuit à la qualité de 
l'érudition déployée. 

Si du mémoire francais je passe au mémoire flamand, 
un premier fait me frappe. C'est que l'auteur a épuisé 


( 644 ) 
pour ainsi dire les sourees imprimées, qu'il s'est tenu 
plus fermement sur le terrain des sources contemporaines, 
et par conséquent des sources les plus sûres, qu'il a enfin, 
ce dont on ne saurait manquer de le félieiter spécialement, 
compulsé avec un soin patient des sources inédites de pre- 
mier ordre, notamment les comptes de la ville de Mons, 
ceux du grand bailliage du Hainaut, etc. Ces comptes lui 
fournissent pour une foule de faits des preuves et des dates 
que nulle source imprimée ne pouvait fournir avec la méme 
précision. Au point de vue de la forme, l'auteur du mé- 
moire flamand sait écrire. Son récit marche. Il ne se perd 
pas dans des rapprochements d'une exactitude discutable, 
ni dans des amplifications inutiles. 

Est-ce à dire que le mémoire flamand lui-même soit 
sans défauts? Je ne voudrais pas le prétendre. M. Wauters a 
déjà signalé un côté faible qui lui est commun avec le mé- 
moire francais. Aprés avoir lu les deux concurrents, on 
n'a pas encore une idée nette et précise de la manière 
dont se classaientles partis des Hoecks et des Cabiljauws en 
Hollande. J'ajouterai qu'à mon sens tout à fait personnel 
il y aurait eu place dans les mémoires pour des études in- 
téressantes sur le droit public du XV* siécle. Mais je n'in- 
siste pas. Il ne faut pas vouloir imposer à toutle monde les 
préoccupations de quelques-uns, ni vouloir mesurer tou- 
jours le voisin à l'aune de ses prédilections personnelles. 

En derniére analyse, je me rallie aux conclusions de 
M. Wauters; j'aime à proposer de mon côté à la Classe 
d'accorder au mémoire flamand la médaille d'or et l'im- 
pression, et d'accorder au mémoire français la mention 
honorable : il est de ceux dont on peut dire : meliora se- 
quentur. » 


( 642 ) 
M. le baron Kervyn de Lettenhove, troisiéme commis- 
saire, déclare se rallier aux conclusions présentées par ses 
honorables confréres, MM. Wauters et Poullet. 


Sur les conclusions favorables de ses trois commissaires, 
la Classe décerne sa médaille d'or de 600 francs au mé- 
moire n? 1, écrit en flamand et ayant pour devise : 


« Doulce est la paine quand elle amaine, etc. » 


L'ouverture du billet cacheté joint à ce manuscrit à 
révélé, comme en étant l'auteur, M. Frans De Potter, 
homme de lettres à Gand. 


PRÉPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE. 


MM. Leclereq et Alph. Le Roy donnent lecture, confor- 
mément à l'article 15 du règlement, des pièces destinées à 
étre lues en séance publique. 


( 643 ) 


Séance générale des trois Classes. 
(Mardi, 6 mai 1879, à 1 heure.) 


M. M.-N.-J. LrcLERco, président de l'Académie et 
direeteur de la Classe des lettres. 
M. Lracre, secrétaire perpétuel. 


Sont présents à la séance : 


Classe des sciences. — MM. Edm. de Selys Longchamps, 
directeur; J.-J. Stas, vice-directeur; L. de Koninck, 
P.-J. Van Beneden, Gluge, Melsens, F. Duprez, J.-C. Hou- 
zeau, G. Dewalque, H. Maus, Ern. Candéze, F. Donny, 
Ch. Montigny, Brialmont, Éd. Morren, C. Malaise, F. Pla- 
teau, Éd. Mailly, F.-L. Cornet, membres; Th. Schwann, 
Eug. Catalan , associés; G. Van der Mensbrugghe, corres- 
pondant. 


Classe des lettres. — MM. G. Nypels, vice-directeur ; 
P. De Decker, J.-J, Haus, Ch. Faider, baron Kervyn de 
Lettenhove, R. Chalon, J. Thonissen, T. Juste, F. Néve, 
Alp. Wauters, Conscience, Em. de Laveleye, Alp. Le Roy, 
J. Heremans, P. Willems, Edm. Poullet, F. Tielemans, 
membres ; J. Nolet de Brauwere van Steeland, Aug. Sche- 
ler, Alp. Rivier, Eg. Arntz, associés; St. Bormans, Ch. Piot, 
correspondants. 


Classe des beaux-arts. — MM. le chevalier L. de Bur- 
bure, directeur ; L. Alvin, G. Geefs, J. Geefs, C.-A. Fraikin, 


( 644 ) 
Éd. Fétis, Edm. de Busscher, J. Franck, Gust. De Man, 
Ad. Siret, J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, A. Robert, 
Ad. Samuel, J. Schadde, membres; Éd. de Biefve, corres- 
pondant. 


M. Edmond de Busscher prend place au bureau et 
donne lecture, en sa qualité de secrétaire, du rapport sui- 
vant sur les travaux de la Commission de la Biographie 
nationale, pendant l'année 1878-1879 : 


« La Commission de la Biographie nationale, en vous 
présentant, au mois de mai 1878, son rapport annuel sur 
l'état et les travaux de la publication académique, a fait 
connaitre, en méme temps, que le mandat sexennal qui 
lui avait été conféré, était sur le point d'expirer. 

» Les trois Classes de l'Académie royale des sciences, 
des lettres et des beaux-arts de Belgique, appelées à dési- 
gner leurs délégués pour la période de 1878 à 1884, ont 
réélu, dans leurs séances de juillet, tous les membres sor- 
tants. 

« Dans la Classe des sciences : MM. P.-J. Van Beneden, de 
Koninck, le lieutenant-général Liagre, Dewalque, Morren. 

» Dans la Classe des lettres : MM. Gachard, Heremans, 
Juste, Le Roy, Wauters. 

» Dans la Classe des beaux-arts : MM. Balat , le cheva- 
lier de Burbure, De Busscher, Siret, Stappaerts. 

» Cette réélection qui est pour les délégués un témoi- 
gnage des plus honorables, peut aussi, croyons-nous, être 
acceptée comme une approbation de la direction imprimée 
à la Biographie nationale, comme une appréciation de 
leurs constants efforts pour la réussite de l’œuvre. 

La Commission réélue a été réinstallée le 19 octobre 


( 645 ) 
1878, et, dans la réunion de ce jour, les délégués ont pro- 
cédé à la constitution de leur bureau, ainsi qu'au choix des 
membres du comité chargé de l'examen des notices bio- 
graphiques, et à la nomination du réviseur littéraire. 

« M. Pierre Van Beneden, délégué de la Classe des 
sciences et ancien vice-président, a été élu président, suc- 
cédant à feu le lieutenant général baron Guillaume ; M. Al- 
phonse Wauters, délégué de la Classe des lettres, a rem- 
placé M. Van Beneden à la vice-présidence; MM. Edm. De 
Busscher et Félix Stappaerts, délégués de la Classe des 
beaux-arts, ont été, respectivement, réélus secrétaire-tré- 
sorier et secrétaire adjoint. Le sous-comité d'examen des 
articles à admettre dans la Biographie nationale a été 
maintenu et se compose d'un délégué de chacune des 
Classes académiques : MM. Gustave Dewalque, Alphonse 
Le Roy et Adolphe Siret. La révision littéraire est restée 
confiée à M. Stappaerts. 

» Tous ces membres, initiés aux principes, aux régles et 
aux errements suivis jusqu'à ce jour, assurent à notre 
publieation l'unité, l'homogénéité d'esprit, de tendances 
et de forme qui en garantissent le succès. 

» Les derniers rapports annuels du secrétariat ont. eu 
à signaler les trop fréquentes interruptions dans l'impres- 
sion de la Biographie nationale, interruptions causées par 
les retards apportés à l'envoi des Notices qu'on s'était 
pourtant engagé à fournir à des époques fixées. Nous avons 
insisté sur l'urgence de prendre des mesures efficaces pour 
remédier à ce défavorable état de choses. 

» Dés sa réinstallation, la Commission s'en est occupée, 
et elle a adopté, à l'unanimité, la résolution suivante : 
« Dorénavant, les collaborateurs, auxquels il aura été 
» adressé par le secrétariat deux lettres de rappel au sujet 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 42 


( 646 ) 

de la remise de leurs articles, seront avertis, par une 
troisième, que, faute de les remettre avant l'expiration. 
d’un dernier délai, le bureau décidera si l’on confiera à 
d’autres rédacteurs les Notices vainement réclamées, ou 
si elles seront réservées pour le Supplément du dic- 
tionnaire biographique. » Cette mesure, dont il est 
permis. d'attendre l'effet désiré, car nos collaborateurs 
reconnaitront sans doute, eux-mêmes, l'impérieuse néces-: 
sité de s’y conformer, a été portée à leur connaissance par 
une circulaire spéciale, leur rappelant les principes qui 
régissent la Biographie nationale, les instructions régle- 
mentaires qui leur ont été communiquées, les obligations: 
que contractent.les rédacteurs, en venant coopérer à cette 
œuvre collective. — — 

» Déjà, en séance de la Commission de la Biographie 
nationale du 7 février 1865, semblable proposition, faite 
par MM. Polain et Van Beneden, appuyée par M. Gachard, 
a été adoptée. « La Commission décide que le bureau est 
» autorisé, aprés une dernière invitation adressée aux 
» rédacteurs en retard, à désigner, d'office, d'autres rédac- 
» teurs pour les articles confiés aux retardataires. » 

» Dans un rapport, annexé au procès-verbal de la 
séance, M. le président de Saint-Genois avait. demandé 
cette « décision énergique ». « Deux cents Notices, re- 
» vues et approuvées, étaient, disait-il, arrêtées dans leur 
» mise en pages, par l'absence de cinq biographies à 
» intercaler. » 

» On eut le tort, ensuite, de ne pas observer rigoureu- 
sement la prescription de 1865 : le mal a bientôt reparu 
el s'est méme aggravé. Pour des raisons faciles à com- 
prendre, la mesure, seulement facultative, fut appliquée 
avec une tolérance qui, presque toujours, méne à l'in- 


w . uw uw Wow 


( 617 ) 
succés. La Commission l'a rendue maintenant obliga- 
loire. 

» Dans sa circulaire, la Commission directrice a attiré 
aussi l'attention des auteurs sur l'étendue proportionnelle 
des Notices. Il est établi, en régle générale, qu'ils doivent 
tenir compte de la valeur des personnages, sans s'exagérer 
l'importance de l'individualité dont ils retracent la car- 
rière. Les articles destinés au dictionnaire biographique 
belge ne peuvent prendre le cadre des monographies, dans 
lequel on est libre de multiplier les particularités indivi- 
duelles et historiques. ; 

» Sans qu'ils aient à renoncer au droit légitime d’appré- 
ciation et d'analyse, il est recommandé aux auteurs de 
s'abstenir de discuter, à leur point de vue personnel, les 
systémes religieux, philosophiques et scientifiques dans 
les biographies des hommes dont les travaux ont eu pour , 
objectif la solution des problèmes qui se rattachent à cet 
ordre d'idées. Ils ont à exposer, avec exactitude el concis - 
sion, les faits dans leur ensemble, et à exprimer, avec mo- - 
dération, les jugements qu'ils ont à porter sur les individus 
et sur les choses. 

» En ce qui regarde le mérite relatif des individualités 
mentionnées dans nos listes provisoires, les rédacteurs ont 
à s'en préoccuper avant d'écrire les articles qui leur sont 
attribués, afin que leur travail ne soit pas réservé ou sup- 
primé, à cause de l'insignifiance des personnages, ou bien 
du manque de renseignements. Les listes nominales ont 
été dressées largement, sauf épuration. Cet examen, que les . 
auteurs sont les plus aptes à faire, leur évitera le — 
ment d'avoir rédigé des Notices inutiles. 

» Le VI* volume de la Biographie nationale est terminé; 
mais en retard de plus de trois mois, par suite des inter- 


( 648 ) 
ruptions que la Commission directrice n'a pu empécher. 
Ce volume renferme les derniers articles de la lettre D, les 
Notices de la lettre E et une partie de celles de la lettre F. 

» Le VII volume, déjà commencé, contiendra la seconde 
partie des articles de la série F et les Notices de la série G. 
Une certaine quantité de Notiees de la lettre F nous man- 
quent encore, bien que, pour la plupart, les dates de rentrée 
soient passées. Les noms de la sérieG sont nombreux, mais 
beaucoup d'articles sont dés à présent en portefeuille, exa- 
minés et approuvés par le sous-comité. Les termes fixés 
pour la remise des autres approchent; nous espérons que, 
grâce à la mesure adoptée par la Commission, nous n'éprou- 
verons plus, comme précédemment, de fâcheuses entraves 
dans la publication académique. 

» Le VII‘ volume nous mènera à la moitié de notre 
tàche, si pas au delà. L'ouvrage entier, selon toute proba- 
bilité, ne dépassera point le XII* tome. Le premier supplé- 
ment se composera d'articles réservés, qui auront été com- 
plétés par les auteurs, et de Notices des individualités 
décédées pendant la période décennale révolue. 

» Ainsi pourra étre poursuivie, par l'Académie royale 
des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 
notre intéressante Biographie nationale, cette œuvre con- 
sidérable, dont l'utilité et la consciencieuse élaboration ne 
sont plus contestées. 

» Les listes provisoires des séries alphabétiques H, I, J, 
K, avec l'indication des sources à consulter par les rédac- 
teurs, se dressent en ce moment; elles seront successive- 
ment soumises aux choix des collaborateurs. 

» Rappelons à ce propos les règles observées dans la 
répartition des articles à rédiger. Lorsque deux ou plusieurs 
collaborateurs se présentent pour écrire la méme Notice 


( 649 ) 
biographique, voici l'ordre de préférence suivi, autant que 
possible, jusqu'ici, pour la désignation des rédacteurs : 

« 1* Les délégués, membres de la Commission direc- 
trice de la Biographie nationale; 

» 2° Les autres membres de l'Académie; 

» 9° Les auteurs qui déjà se sont occupés du personnage 
choisi ; 

» 4 Les écrivains appartenant à la famille, au lieu de 
naissance, de résidence ou à la profession. 

» En comparant le V° volume au VE, il y a lieu de se 
féliciter des résultats. Le V* comprend 496 articles, écrits 
par trente-huit rédacteurs : vingt et un membres ou cor- 
respondants de notre Académie, dix-sept collaborateurs 
étrangers à la Compagnie; le VI° contient 419 articles, 
rédigés par quarante-sept auteurs : vingt-quatre académi- 
Ciens et vingt-trois écrivains belges, collaborateurs. 

» Cette division croissante du travail de rédaction 
prouve que la coopération à la Biographie nationale est de 
plus en plus recherchée. 

» Aussi, malgré les sensibles pertes que nous avons 
subies parmi nos confrères et parmi nos premiers collabo- 
rateurs, le chiffre des coopérateurs inscrits n'a cessé de se 
compléter ou de s’accroître. 

» Par dépéches du Département de l'Intérieur, nous 
avons recu, pour « examen et avis, » communication de 
deux requétes adressées à M. le Ministreau nom de l'Aca- 
démie de médecine, demandant à étre représentée, par 
quelques-uns de ses membres, dans la Commission direc- 
trice de la Biographie nationale. Or, un arrêté royal de 
1845 et des statuts organiques, sanctionnés , en 1860, par 
le Gouvernement, ont attribué cet ouvrage, essentiellement 
historique et littéraire, à l'Académie des sciences, des 
lettres et des beaux-arts, qui possède dans son sein les élé- 


( 650 ) 

ments requis pour le conduire à bonne (in. La Classe des 
sciences, notamment, compte au nombre de ses titulaires 
plusieurs docteurs en médecine, affiliés, en méme temps, 
aux deux Académies. Trois font partie de la Commission 
de publication. Il n'y a donc pas à craindre que les célé- 
brités médicales belges soient omises ou incomplétement 
traitées et appréciées dans notre ceuvre patriotique. 

» L'Aeadémie de médecine demandait, en outre, que 
chacun de ses membres fùt gratifié d'un exemplaire de la 
Biographie nationale. | 

^» La Commission, aprés avoir mürement délibéré sur 
ces requêtes, a fait connaître z M. le Ministre de l'Inté- 
rieur les motifs et les idé qui empéchent, aujour- 
d'hui, d'accéder aux désirs de Vácidémie de médecine 
malgré les sentiments de sincère confraternité que l'Aca- 
démie des sciences, des lettres et des beaux-arts professo 
pour la savante Compagnie. 

» Aucun autre incident notable n'a marqué la période 
annale éeoulée, et, d'aprés les assurances qui nous sont 
parvenues de la plupart de nos coopérateurs , la rédaction 
et l'impression de la Biographie nationale vont marcher 
avec une activité nouvelle. 

» Nous atteindrons ainsi le but de nos efforts persévé- 
ranis. » 


Sur la proposition du président, l'assemblée vote par 
acclamation des remerciments à la Commission de la Bio- 
graphie nationale. 


— Après la lecture de M. De Busscher, l'assemblée s'oc- 
cupe de quelques affaires d'ordre intérieur. 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance publique du 7 mai 1879, à 1 heure. m 


M. LecLEncQ , directeur et (nent de l'Académie. 
M. Liacre, secrétaire perpétuel. 


. Sont présents : MM. Nypels, vice-directeur ; Gachard, 
P. De Decker, J.-J. Haus, C. Faider, le baron Kervyn de 
Lettenhove, R. Chalon, J. Thonissen, Th. Juste, Alph. 
Wauters, Conscience. Ém. de Laveleye, G. Nypels, Alph. 
Le Roy, A. Wagener, J. Heremans, P. Willems, Edm. 
Poullet, F. Tielemans, membres; J. Nolet de Brauwere van 
Steeland, Aug. Scheler, Alph. Rivier, E. Arntz, associés; 
St. Bormans et Ch. Piot, correspondants. 


. Assistent à la séance : 


Classe des sciences : MM. Edm. de Selys Longchamps, 
directeur; J.-J. Stas, vice-directeur; L. de Koninck. P.-J. 
Van Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, F. Duprez, G. De- 
walque, H. Maus, E. Candèze, F. Donny, Ch. Montigny; 
Steichen, Éd. Morren, C. Malaise, F. Folie, Fr. Crépin, 
Éd. Mailly, membres; Th. Schwann, E. Catalan, asso- 
Cites, 


' Classe des beaux-arts : MM. le chevalier de Burbure, 
directeur; L. Alvin, G. Geefs, J. Geefs, C.-A. Fraikin, Ed. 
Fétis, Edm. De Busscher, J. Franck, G. De Man, Ad.Siret, 


( 652 ) 
J. Leclereq, Ern. Slingeneyer, A. Robert, Ad. Samuel, 
Ad. Pauli, Jos. —" membres ; Éd. de Biefve, corres- 
pondant. 


À 1 heure, M. le président, M. le secrétaire perpétuel et 
MM. les directeurs prennent place au bureau. 

M. le président déclare la séance ouverte et prononce 
lediscours suivant: 


La vie et l’œuvre du Congrès national de 1830. 


La Classe des lettres de l'Académie royale des sciences, 
des lettres et des beaux-arts ouvre aujourd’hui sa séance 
publique à la veille d'entrer dansla dernière année de cette 
période de cinquante ans, à l'origine de laquelle le peuple 
belge a pu ressaisir et proclamer, avec succès, l'indépen- 
dance de sa vie nationale, aprés avoir été pendant plusieurs 
siécles ballotté de domination étrangére en domination 
étrangére et avoir subi en hommes et en territoire les 
pertes qu'un pareil régime devait fatalement entrainer. 

L'un des instruments de ce succés a été le Congrés na- 
tional de 1850 

L'existence et l’œuvre de cette assemblée appartiennent 
au domaine de l'histoire et à celui des sciences morales et 
politiques, deux des objets du mouvement scientifique et 
littéraire, auquel l'Académie a été appelée à concourir en 
Belgique. 

Nous croyons, en conséquence, à l'approche du grand 
anniversaire de 1880, ne pouvoir mieux répondre à l'usage 
qui nous fait un devoir de prendre la parole à l'ouverture 
de notre séance publique qu'en retracant les traits princi- 
paux de cette existence et de cette œuvre au double point 


( 653 ) 
de vue du droit et de l'histoire, compagne inséparable du 
droit (1). 

Le 10 novembre 1830, s'assemblaient à Bruxelles, deux 
cents personnes venues de toutes les parties de la Bel- 
gique, choisies et envoyées par leurs concitoyens avec la 
mission de s'entendre pour tirer le pays de la situation 
grave, oü l'avaient jeté des événements qu'une force irré- 
sistible semblait avoir produits. 

Le royaume des Pays-Bas,créé en 1815 par les grandes 
puissances de l’Europe était dissous de fait; les provinces 
belges s'en étaient violemment séparées; ces provinces 
n'avaient plus de gouvernement régulier; comme il arrive 
toujours dans les grandes commotions populaires, toutes 
les passions sociales et politiques étaient profondément 
remuées; les problémes les plus dangereux étaient soule- 
vés et de toutes parts agités par elles; des troubles avec 
tous les maux qu'ils traînent à leur suite, étaient partout 
menacants, quoique l'ordre parüt régner à la surface; l'in- 
certitude du présent était égale à l'incertitude de l'avenir; 
telle était la situation à laquelle il fallait pourvoir. 

Tous les députés du Congrés, à part quelques-uns qui 
avaient été membres des états généraux du royaume des 
Pays-Bas ou avaient écrit sur les affaires publiques, étaient 
inconnus ou peu connus hors des localités qu'ils habitaient; 
mais, bien qu'étrangers les uns aux autres, tous, à de rares 
exceplions prés, étaient animés d'un méme sentiment et 
d'une méme pensée, du sentiment de l'indépendance na- 


om t 


(1) Ces termes, dans lesquels est défini le sujet de cet écrit, montrent 
que l'auteur n'a pas eu l'intention de faire une histoire du Congrés 

Cette histoire a été faite par M. Th. Juste avec le talent qui "m carac- 
térise. 


( 654 ) 

tionalé, de la pensée de soustraire la nation à la domina- 
tion étrangère et de lui faire une vie propre, dans laquelle 
sans s'écarter du courant de la civilisation générale, et, 
tout en lui apportant le contingent que lui doit chaque 
peuple, elle put prendre seule en mains ses intérêts et leur 
imprimer une direction conforme à ses vues, à ses mœurs 
et à ses vieilles traditions de droit et de liberté si souvent 
comprimées. 

C’est dans ce sentiment et cette pensée, que ces 
hommes, la veille presque inconnus les uns aux autres, se 
connurent bientôt et se trouvèrent unanimes, pour tra- 
vailler de concert à l’œuvre confiée à leur patriotisme. 

Nous n'entendons pas dire pourtant, qu'il n'y eût point 
de partis parmi eux ; ce serait faire preuve d'une étrange 
ignorance du cœur humain, et de l'histoire de tous les 
peuples, non moins que de notre histoire. 

En aucun temps, les partis ne font défaut, et ne fai- 
saient pas plus défaut dans le Congrés que dans le reste 
de la Belgique; les partis ne désarment jamais; ils per- 
sonnifient des doctrines et les doctrines tendent incessam- 
ment à se traduire en actes; il y avait alors, comme il 
y avait auparavant, comme il y a aujourd'hui , deux partis 
distinets ; dans chacun de ces partis, comme dans tous les 
partis d'ailleurs, il y avait et les idées communes à tous 
ses membres, et, par cela méme, seules caractéristiques 
du parti, et les idées perticulières à quelques esprits aven- 
tureux ou exagérés, et, quelque étrangères qu'elles lui 
fussent, attribuées au parti par le parli contraire, qui 
trouve à cela un moyen de succés pour ses doctrines. 

Mais si les partis ne manquaient pas plus dans notre 
Congrés national qu'ils ne manquent dans tous les pays 
qui ne s'abandonnent pas eux-mémes et oü l'esprit publie 


655 ) 

est vivace, si ces partis s'inspiraient dans toutes les dis- 
cussions des idées qui les caractérisaient, s'ils engen- 
draient fréquemment des débats longs, animés et parfois 
confus, embarrassés par les idées excentriques de quel- 
ques-uns, toujours le sentiment de patriotisme et de li- 
berté, qui animait l'assemblée, la gravité et le péril de la 
situation. qu'elle avait devant elle, les grands intérêts 
remis en ses mains, ramenaient les débats, dans les li- 
mites qu'ils ne devraient jamais franchir, produisaient en 
général des résolutions conformes à ces grands intérêts, 
et, de plus, on ne peut trop insister sur ce point , entrete- 
naient entre tous, dans les discussions comme en dehors 
des discussions, ces rapports de réciproque courtoisie, de 
respect serupuleux de la liberté d'opinion et de confrater- 
nité, qui aident si puissamment à l'heureuse issue des 
délibérations dans les assemblées nombreuses. 

Nous venons de faire mention encore de la gravité de 
la situation : elle devenait en effet de plus en plus grave 
par le double caractére qui la compliquait et distinguait 
la révolution beige de toutes les révolutions, dont lhis- 
loire nous a transmis le récit. 

La Belgique n'avait pas seulement fait une sister à 
l'intérieur en renversant le Gouvernement et les institu- 
lions, qui la régissaient depuis quinze années, elle ne se 
trouvait pas seulement jetée dans toutes les difficultés 
qu'engendre un pareil événement, et qui s'aceroissaient 
de jour en jour par l'affaiblissement continu de toute au- 
torité et de tous les liens sociaux, et par la perturbation 
de tous les intéréts. Seul, un pareil état de choses aurait 
sulli pour absorber tout ce qu'il y avait d'énergie, de pru- 
dence et de lumières dans les citoyens, que le pays avait 
investis de sa confiance. Mais le danger ne venait pas 


( 656 ) 

uniquement de l'intérieur, il venait aussi de l'extérieur. 
La Belgique ne s'était pas bornée et n'avait pu se borner à 
renverser un gouvernement, elle avait rompu avec tous les 
gouvernements étrangers, en brisant les traités qui avaient 
reconstitué l'Europe en 1815 : elle avait renversé ce 
grand établissement politique du royaume des Pays-Bas, 
destiné dans leur pensée à assurer l'équilibre européen, à 
élever une barriére contre l'extension toujours redoutée 
de la puissance francaise. 

Ce cóté spécial de la révolution belge avait suscité 

-eontre la Belgique l'hostilité de la plupart des gouverne- 
ments assez mal disposés déjà par les craintes que leur 
inspirait cette révolution, éclatant immédiatement aprés 
la révolution francaise de juillet 1850 et l'agitation géné- 
rale qui en avait été la suite en Europe. Deux puissances, 
la France et l'Angleterre, semblaient, il est vrai, faire 
exception en entretenant avec la Belgique des rapports 
officieux , mais par des raisons politiques, propres à cha- 
cune d'elles, qui pouvaient donner lieu à bien des combi- 
naisons contraires à son indépendance et qui ne les avaient 
pas empéchés de prétendre, comme les autres grandes 
puissances, disposer de notre sort en se réunissant en 
conférence à Londres pour en délibérer. 

Devant une situation si pleine de périls, le Congrés 
n'hésita pas; il sut se soustraire à toutes les. influences 
intéressées venant du dehors, se mit résolüment à l’œuvre 
et la poursuivit sans relâche jusqu'à ce qu'elle fût achevée. 

Son premier acte , d’un intérêt pressant pour l'intérieur 
et pour l'extérieur , fut d'imprimer un caractère d'autorité 
réguliére et par cela méme plus solide et plus efficace au 
gouvernement de fait qui ne devait son existence qu'aux 
événements et à l'énergie des citoyens, qu'ils avaient 


( 657 ) 

portés à la direction des affaires : il le fit en leur commu- 
niquant une partie du pouvoir qu'il tenait de la volonté 
nationale manifestée par les élections. Il reconnut en con- 
séquence leurs services, ratifia leurs actes et tout en se 
réservant le pouvoir constituant, le pouvoir législatif et le 
contrôle souverain de leurs actes, leur conféra expressé- 
ment le pouvoir exécutif. 

Cet acte d'urgence accompli, il en était un autre ni 
moins urgent, ni moins impérieux : proclamer l'indépen- 
dance de la Belgique et, par là, proclamer le but de la révo- 
lution, ne laisser subsister aucun doute sur ce but, sur la 
détermination formelle du pays d'y marcher, quoi qu'il 
püt arriver, prévenir toute fausse interprétation à cet 
égard, dissiper les craintes répandues en Europe qu'elle ne 
couvrit des tendances à une réunion à la France, détruire 
enfin tout espoir qu'on pourrait y nourrir encore d'un re- 
tour en arrière. Telles étaient les raisons qui rendaient cet 
acte indispensable. 

a proposition en fut faite. 

La nécessité de cette proposition était trop évidente 
pour qu'elle püt souffrir aucune difficulté et, en effet, 
elle n'en souffrit aucune; le Congrés aurait renié sa propre 
existence s'il avait pu hésiter. 

Mais ce qu'on n'avait pas prévu, cet acte en amena bien- 
tôt un autre, qui remua profondément l'assemblée et pro- 
duisit un incident qui mit au grand jour tout ce qu'il y 
avait en elle de ressort, d'énergie et de patriotique indé- 
pendance. 

Proclamer l'indépendance de la Belgique, c'était pro- 
clamer, entre autres conséquences de cet acte, qu'on ne 
voulait plus continuer ni directement, ni indirectement 
l'union politique avec la Hollande, à laquelle les puissances 
alliées avaient soumis la Belgique en 1815. 


( 658 ) 

On pouvait en douter, on pouvait croire encore à deux 
États régis par une méme dynastie : c'était revenir au 
point de départ par une voie détournée, c'était s'exposer à 
voir renaitre toutes les difficultés auxquelles on avait. 
cherché à échapper. 

On ne le voulut pas, et de là sortit la proposition d'ex- 
clure la famille d'Orange-Nassau de tout pouvoir en Bel- 
gique. 

Cette proposition n'avait ni d'autre signification, ni 
d'autre but. 

Cependant elle jeta un grand trouble dans l'assemblée 
et suscita les débats les plus vifs, dont le caractère faisait 
encore honneur à tous. Les uns repoussaient la proposi- 
tion, parce qu'ils y voyaient une provocation au peuple 
dont on venait de se séparer et avec lequel néanmoins la 
nature des choses devait créer, tót ou tard, une commu- 
nauté d'intéréts dans la politique extérieure; les autres 
croyaient y voir un acte qui semblait les investir des fonc- 
tions de juges appelés à condamner et à flétrir, et ils re- 
culaient devant un semblable rôle; les autres, enfin, et 
c'était le plus grand nombre, n'y voyaient que ce qui y 
était réellement, une simple mesure politique, qui fixait 
ou plutôt proclamait la position respective d'indépendance 
des deux pays, qui ne pouvait nuire à personne, pas méme 
à ceux contre lesquels elle paraissait dirigée et qui, une 
fois mise en délibération, ne pouvait étre repoussée sans 
donner lieu aux plus fausses et plus dangereuses interpré- 
tations. 

Les débats duraient déjà depuis longtemps; l'assemblée 
en était trés-agitée, quand tout à coup le gouvernement 
vint lui annoncer qu'il avait à lui faire une communication 
diplomatique, qui n'était pas susceptible d'étre faite en 


( 659 ) 
public et il demanda le comité secret qui fut aussitôt dé- 
claré. 

La communication annoncée n'était rien moins, sous 
les formes polies, quoique significatives, du langage diplo- 
malique, qu'une intervention des grandes puissances, 
qu'un ordre de repousser la proposition, qu'une menace 
pour le cas où il serait passé outre. 

Si une violente commotion électrique avait saisi l'as-- 
semblée, elle ne l'aurait pas plus fortement soulevée que: 
ne le fit cette communication. 

A peine avait-elle été entendue qu'un eri de protesta- - 
uon, d'indignation et d'enthousiasme fut poussé. 

Elle y vit à l'instant ce qui lui annonçait cette ingérence 
dans une résolution, toute d'intérieur, si l'on y cédait une: 
fois. L'état troublé de l'Europe et les intéréts différents. 
des puissances devaient, d'ailleurs, les faire reculer devant 
leurs menaces, et quoi qu'il püt arriver, la résistance s'im- 
posait. 

L'assemblée n'eut pas un instant de doute ni d'hésita- 
tion, et l'on vit alors ce qui se voit rarement dans les 
grandes assemblées, les esprits d'avis contraires faire ab- 
négation d'eux-mémes, renoncer à leur opinion, méme - 
hautement professée dans des débats publics. Nombre de 
membres, qui avaient repoussé la proposition déclarèrent 
à l'instant qu'ils l'adopteraient en présence d'une inter- 
vention étrangère qu'il fallait repousser à tout prix ; qu'un 
seul intérét, l'indépendance nationale, devait dominer tous 
les autres; qu'elle était perdue si l'on ne repoussait l'in-: 
gérence des gouvernements étrangers dans une affaire qui 
ne regardait que la Belgique, et qu'ils voteraient pour la 
proposition. 

Ceux qui n'avaient pas encore émis leur opinion vinrent 


( 660 ) 

déclarer qu'ils l'adopteraient également quoiqu'ils l'eussent 
repoussée dans les conditions ordinaires d'une délibération. 
Un petit nombre seulement qui lui étaient contraires per- 
sistèrent par de simples scrupules de conscience; et en 
moins de temps que nous n'en mettons à le dire, le Con- 
grès rentra en séance publique, passa à l'ordre du jour sur 
la communication qui venait de lui étre faite et se déclara 
en permanence jusqu'à la fin de la discussion, qui fut 
courte. La plupart des orateurs encore inscrits pour pren- 
dre la parole y renoncérent aprés les déclarations faites 
par eux en comité. 

Le petit nombre des opposants tinrent seuls à exprimer 
publiquement les motifs de leur opposition ; puis l'on passa 
au vote et la proposition fut adoptée à une immense ma- 
jorité. Elle fut plus tard transformée en disposition con- 
stitutionnelle ainsi que la déclaration d’indépendance dont 
elle était la suite naturelle. Les puissances n'insistérent pas. 
Le Congrés avait parfaitement compris la situation en re- 
poussant leur ingérence. 

Ainsi fut définitivement condamnée une combinaison 
politique qui n'avait produit et ne pouvait produire que 
troubles, difficultés et faiblesse, réunissant en un seul État 
deux peuples de méme force, qui avaient longtemps vécu 
séparés et étaient devenus étrangers l'un à l'autre. L'effet 
d'une pareille mesure était inévitable. D'un cóté, un peu- 
ple, fier à juste titre d'un glorieux passé de plusieurs siè- 
cles, ne pouvait y voir qu'un accroissement de territoire, 
ni se résoudre à traiter d'égal à égal le peuple qui lui était 
uni ; d'un autre cóté, ce peuple, non moins fier, ayant tou- 
jours su, malgré ses longues adversités, conserver son Ca- 
ractère national, revendiquer et défendre ses droits dans 
la mesure de ses forces, ne pouvait continuer à souffrir un 


( 661 ) 
régime moralement exclusif de cette égalité, sans laquelle 
la vie commune était impossible. 

Au milieu de toutes ces émotions et de ces ardentes 
discussions, le Congrés ne perdait pas de vue l'objet prin- 
cipal de sa mission : constituer le pays et donner à tous, à 
l'intérieur et à l'extérieur, les garanties nécessaires de 
liberté, d'ordre et de paix. 

Mais ici encore, une question préalable s'imposait, 
grosse d'orages, de divisions et de dangers. Avant de s'oc- 
cuper des dispositions constitutionnelles à établir, il fallait 
savoir et décider quelle serait la forme du gouvernement, 
république ou monarchie. Cette question préalable fut 
mise à l'ordre du jour et ce ne fut pas sans anxiété que les 
débats s'ouvrirent. 

Quoiqu'ils ne vissent pas une grande différence e entre la 
monarchie constitutionnelle parlementaire et la républi- 
que, les uns voyaient dans la monarchie un principe de . 
stabilité, qui manquait à la république et qui, par la res- 
ponsabilité ministérielle, était à l'abri de tout abus du- 
rable: ils y voyaient surtout, par la conformité des insti- 
tutions, un moyen de rapprochement et d'accord avec les 
États étrangers, dont la Belgique, méme plus forte qu'elle 
n'était, ne pouvait rester séparée; ils voyaient un danger 
dans une forme de gouvernement généralement repoussée 
par les États comme un ferment de désordre. 

D'autres, au contraire, trouvaient ces raisons dénuées de 
valeur. L'esprit d'ordre du peuple belge était pour eux 
une garantie que la république ne serait pas moins stable 
et pacifique que la monarchie, dont les abus leur sem- 
blaient inévitables, et invoquant l'exemple de la Suisse et 
des États-Unis, ils ajoutaient que cet exemple suivi par les 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 45 


( 662 ) 
Belges rassurerait bientôt les puissances voisines et ne tar- 
derait pas à les rapprocher d'elles. 

. C'est dans ces termes que les débats s'engagérent et 
furent soutenus avec une extrême vivacité, qu'explique 
l’importance vitale attachée par tous à la question. 

Ces débats durèrent plusieurs jours et se terminèrent 
enfin par une solution qui apaisa bien des craintes plus ou 
moins fondées. La monarchie constitutionnelle parlemen- 
taire fut déclarée à une grande majorité le gouvernement 
de la Belgique. Treize voix seulement votèrent pour la 
république. 

Le terrain était préparé, et, sans perdre de vue aucune 
des nombreuses mesures d'ordre et d'administration qu'il 
était chaque jour appelé à prendre, le Congrés porta dés 
lors toute son attention sur la plus importante affaire 
qu'un peuple eût à régler aprés l'acte par lequel il avait 
repris possession de lui-mème. 

La loi constitutionnelle, fondement de toutes les insti- 
tutions politiques, sauvegarde des droits de chacun et des 
intéréts légitimes communs à tous, fut l'objet d'un travail 
incessant. 

Le Congrés se divisa en sections, auxquelles furent 
renvoyés divers projets, œuvres de quelques-uns de ses 
membres et d'une commission nommée avant sa réunion 
par le gouvernement provisoire. 

. Ces sections, sans être astreintes à aucun projet, de- 
vaient les examiner tous, arréter le cadre et les dispositions 
principales d'un projet unique, puis, déléguer chacune 
deux de ses membres pour en faire rapport à une grande 
section centrale, composée de tous ces délégués, qui en 
ferait un projet définitif, sur lequel l'assemblée entière au- 
rait à délibérer. 


( 665 ) 

Les délibérations en sections furent longues, approfon- 
dies, souvent animées, mais sans prendre plus de temps. 
que n'en comportait la nature de l'affaire, et bientôt la 
section centrale en nombre double fut saisie des nom- 
breux rapports que lui apportaient les délégués des sec- 
tions. Chaque soir, aprés les séances du jour du Congrès, 
elle se réunissait, se livrait, comme l'avaient fait les sec- 
tions à un examen approfondi, arrétait les dispositions du 
projet, titre par titre, et à mesure qu'un titre était terminé, 
nommait un de ses membres pour en faire rapport à l'as- 
semblée, qui le mettait à son ordre du jour, et, aprés l'in- 
tervalle nécessaire pour que chacun eût le temps d'en 
prendre une pleine connaissance, en faisait l'objet de ses 
délibérations et de ses votes. Le reste du temps était em- 
ployé, sans désemparer, dans les séances générales et dans 
les sections à toutes ces mesures d'ordre et d'administra- 
tion dont nous venons de parler. 

Cette loi constitationnelle n'est pourtant pas, quelle 
que soit son importance, ane œuvre nouvelle, qui fut con- 
cue de prime abord et tout d'une piéce. Elle est le fruit 
du temps. Les idées dont ses dispositions sont l'expression, 
étaient nées du mouvement des esprits dans les siècles 
écoulés. Chaque siècle en avait jeté dans le monde un con- 
tingent de plus en plus considérable. On en retrouve les 
germes, se développant sans cesse jusqu'à ce qu'elles se 
formulent en un ensemble dans la vie des peuples, en An- 
gleterre, en France, en Italie, en Allemagne, en Hollande, 
aux États-Unis d'Amérique, partout enfin où la civilisation 
est en progrés. 

On les retrouve en partie dans nos anciennes institu- 
tions, dans les joyeuses entrées des souverains des Pays- 


( 664 ) 
Bas, dans les paix du Pays de Liége, nom qui en indique 
le caractère et la source. 

On les retrouve dans toutes ces garanties pour les per 
sonnes et les biens que, sous les qualifications de droits, 
libertés, franchises, priviléges, immunités, usages et cou- 
tumes, les souverains du pays juraient, à leur inaugura- 
tion, de respecter et qui, pour n'étre pas toujours écrites 
sur parchemin, n'en étaient pas moins vivantes dans tous 
les cœurs et donnaient lieu aux protestations et aux résis- 
tances les plus énergiques dés qu'il y était porté atteinte. 

On les retrouve enfin consacrées pour la plupart, quoi- 
que dans des limites plus ou moins restreintes, par les lois 
constitutionnelles des divers États de l'Europe et de l'Amé- 
rique en 1850. 

Ce qui constitue la mission de l'État, telle que nous de- 
vons l'entendre, la reconnaissance et la protection du droit 
dans chaque homme, la conservation et la gestion des 
intéréts légitimes communs à tous, n'était donc point pour 
nous une nouveauté, quand le Congrés fut appelé à en 
tracer la loi; son grand mérite dans l’accomplissement de 
sa tàche fut de ne reculer devant aucune crainte pour en 
donner la formule la plus compléte et qui repondit le 
mieux aux moeurs et à l'état des esprits en Belgique 
comme à la vérité juridique, sans toutefois y voir une 
œuvre parfaite, lui-même l'a reconnu, en déclarant la 
Constitution sujette à révision. 

Ce n'est ici ni le temps ni le lieu de commenter cette 
œuvre capitale ; mais qu'il nous soit permis d'en faire res- 
sortir les dispositions qui marquent le plus et dans les- 
quelles le Congrès a mis l'empreinte la plus caractéristique 
de son esprit et de ses vues. 


( 665 ) 

La Constitution nous présente avant tout trois ordres 
distincts de dispositions (1) : 

D'abord, celles qui proclament les droits des Belges, en 
d'autres termes, fixent les limites qu'aucune autorité, 
quelque élevée qu'elle soit, ne peut jamais franchir, et 
déterminent les intérêts légitimes que toute autorité doit 
reconnaitre, respecter et protéger. 

Puis, celles qui définissent les différents pouvoirs 
publics. 

Enfin, celles qui tracent les règles fondamentales des 
deux instruments, sans lesquels toute autorité risque d’être 
impuissante, les finances et la force publique de l'État. 

Dans les dispositions .qui proclament les droits des 
Belges, et qui ne laissent rien à désirer sous le rapport de 
la liberté individuelle, de celle du domicile , des garanties 
judiciaires et de l'égalité de tous devant la loi, nous en 
devons principalement remarquer quatre, parce que nulle 
part, en aucun pays et en aucun temps, les droits qu'elles 
reconnaissent ne l'ont été avec cette netteté, cette préci- 
sion et, si je puis parler ainsi, cette franchise absolue, 
exempte de toute réticence, parce qu'à aucune autre de ces 
dispositions constitutionnelles le Congrés n'a attaché plus 
d'importance, n'a donné plus d'attention. 

Ces dispositions sont celles qui reconnaissent la liberté 
des cultes et de leur exercice publie, ainsi que la liberté de 
mauifester ses opinions en toute matière. 


(1) Les observations qui suivent sur ces dispositions et dont la Classe 
des lettres a autorisé l'impression dans son Bulletin, avec le reste du dis- 
Cours, n'ont pas été lues dans la séance publique. L'auteur s'est borné à 
les indiquer, craignant de fatiguer l'attention des auditeurs et de prolon- 
ger outre mesure cette séance 


( 666 ) : 

Celles qui reconnaissent la liberté d'enseignement. 

Celles qui reconnaissent la liberté de la presse. 

Celles qui reconnaissent la liberté d'association et de 
réunion, 

Ces grandes vérités juridiques proclamées par le Congrès 
dans notre loi constitutionnelle embrassent tout ce qui fait 
la force et l'expansion de la vie humaine. 

La religion, la philosophie, les sciences, les lettres et les 
arts ; la famille, gardienne de tradition et condition essen - 
tielle de la conservation et de l'éducation de l'homme; la 
presse, ce puissant instrument, découvert il y a quatre 
siècles, qui désormais permet à l’homme de défier toute 
tyrannie, de quelque nom ou de quelque voile qu’elle se 
couvre, dont l'usage, comme celui de tout ce qui est laissé 
à la liberté humaine, est également propre au bien et au 
mal, et ne pourrait en conséquence être juridiquement 
interdit par ce motif, sans que l'interdiction dût porter au 
méme titre sur la liberté humaine tout entière. 

L'association qui, par l'union des forces individuelles, 
multiplie les forces de chaque homme et lui rend possible 
ce que seul il ne pourrait jamais accomplir. 

En un mot, tout ce qui distingue l'homme de l'animal 
et, selon la voie qu'il suit, le rapproche ou l'éloigne du 
divin Auteur de toute chose, de la source de toute per- 
fection. 

Le Congrés, en reconnaissant ces libertés, leur a donné 
leur formule véritable; il y a vu des rapports de droit et 
les a sanctionnées à ce titre; il leur a assigné les seules 
limites que peuvent recevoir des rapports de cette nature 
et en dehors desquelles il n'y a plus liberté, mais licence 
et arbitraire; il leur a assigné pour seules limites la liberté 
ou le droit d'autrui et les atteintes à ce droit, qui dégénè- 


( 667 ) 
rent en délits par cela méme qu'elles troublent l'ordre 
publie, la paix, la sécurité, la süreté et la tranquillité 
publiques; il en a écarté les mesures préventives, qui, 
sous prétexte d'empécher le mal de naître, introduisent 
partout l'arbitraire qui corrompt toute chose. 

Tel est, Messieurs, le caractére général de ces quatre 
dispositions constitutionnelles; ce sont des formules, des 
rapports de droit. 

Ce caractére nous montre l'erreur de ceux qui de trés- 
bonne foi ont cru n'y voir que des dispositions transac- 
tionnelles, fruit du malheur des temps et destinées à dis- 
paraitre ou à étre modiliées dés que des temps meilleurs 
plus favorables à la vérité, le permettront. 

Rien d'ailleurs, ni dans les rapports faits au nom de la 
section centrale au Congrès, ni dans les discussions de 
celte grande assemblée ne leur prête un semblable carac- 
tère : dans les rapports ces libertés sont proposées, dans 
les discussions elles sont développées et en conséquence 
votées comme des droits qu'on ne peut méconnaître sans 
injustice. 

Certes, tous les peuples ne sont pas également mürs 
pour reconnaitre et pour pratiquer ces vérités dans toute 
leur plénitude; les progrés du temps peuvent seuls les y 
conduire, mais elles dérivent de la source de tout droit, de 
la nature de l'homme, créature douée du libre arbitre, de 
l'intelligence et de la raison, et une fois qu'elles ont fait 
leur entrée dans le monde, elles s'y font une place qu'il 
n'est plus donné à personne de leur ravir. 

Le Congrès l'a compris : Cest le droit qu'il a entendu 
fonder, distinguant toujours les vérités de l'ordre religieux 
des vérités de l'ordre du droit; nul doute n'est possible à 
cet égard pour qui examine avec quelque attention et le 


( 668 ) 
texte de la Constitution et les documents qui s'y rappor- 
tent. 

Aussi ses discussions sur la liberté des cultes et des 
opinions comme celles sur la liberté de la presse n'ont 
donné lieu a aucune difficulté juridique; toutes, basées sur 
le droit, n'ont eu pour objet que de donner le plus de pré- 
cision possible aux dispositions qui les consacrent, afin 
d'en écarter l'arbitraire autant qu'il est donné à la pré- 
voyance humaine de le faire. 

Une fois seulement poussant le droit à l'extréme, on 
essaya d'introduire en principe la séparation absolue de 
l'Église et de l'État. S'appuyant sur une disposition du 
projet de la section centrale, qui semblait conçue dans ce 
sens, des membres prétendirent que, pour l'État, l'Église, et 
nous entendons par là les diverses communions religieuses, 
n'existe pas, que l'État ne connaît pas le prêtre; qu'il ne 
counait que des citoyens, qu'entendre autrement la liberté 
religieuse, c'est la placer sous le contróle des pouvoirs pu- 
blics, c'est-à-dire détruire d'une main ce qu'on édifie de 
l'autre; qu'en principe l'État et l'Église doivent étre abso- 
lument séparés. 

Mais la majorité, et une grande majorité, sentit bientót 
l'impossibilité juridique d'un tel principe; elle sentit 
qu'aucun des éléments de la société humaine ne peut étre 
exclu de l'État, gardien de tous les droits et de tous les 
intéréts légitimes, comme de toutes les obligations qui en 
sont inséparables; que, sous ce double rapport, l'élément 
religieux, la société religieuse y a, quoi qu'on fasse, une 
place importante et que l'État ne peut pas plus en faire 
abstraction que de tout autre élément auquel se rattachent 
des droits et des obligations, et aprés de longs débats, qui 
durérent plusieurs jours, et dans lesquels la question fut 


( 669 ) 
examinée sous toutes ses faces, aprés un renvoi à la sec- 
tion centrale et un rapport de celle-ci, aprés un intervalle 
de plus d'un mois laissé à la réflexion, la disposition, qui 
semblait consacrer une idée aussi absolue, fut remplacée 
par une disposition réglant divers cas d'application du 
prineipe de la liberté religieuse. 

Le Congrés pensa au surplus qu'il suffisait à la garantie 
de tous de reconnaitre le droit de chacun en matiére de 
culte, d'opinion et de presse, sans autre limite que le délit; 
il le reconnut nettement, et cette reconnaissance ne ren- 
contra de divergence d'aucune part. 

Personne surtout alors ne crut voir dans ces libertés ce 
que depuis ont cru y voir quelques esprits par une confu- 
sion de ce qui appartient au domaine religieux avec ce qui 
appartient au domaine du droit, la liberté du mal dans la 
liberté de l'erreur, et partant une incompatibilité avec le 
droit. i 

Certes, l'erreur considérée en soi est un mal. 

Mais de la part de l'homme qui la commet, l'erreur, 
l'usage erroné qu'il fait de son libre arbitre, de son intel- 
ligence, de sa raison dans les opinions qu'il se forme et 
professe, ne peut étre un mal que devant Dieu, dans le for 
intérieur de la conscience, parce que Dieu seul est la vérité, 
seul il peut lire dans le fond des cœurs et seul en consé- 
quence il peut de mander compte de l'erreur à celui qui la 
professe et la propage comme la vérité. 

Cette erreur, cet usage erroné du libre arbitre, de l'in- 
telligence, de la raison ne peut être un mal de la part d’un 
homme devant les hommes dans le for extérieur, où tout 
est de contrainte. 

Là, il n'y a que des hommes, tous sujets à l'erreur, tous 
doués du libre arbitre, de l'intelligence et de la raison; là, 


| ( 670 ) 

par conséquent, nul ne peut prétendre à être juge de la 
vérité et de l'erreur pour imposer lune et interdire 
l'autre. 

Entre eux, la vérité ne peut s'établir que par la convic- 
tion, et la conviction que par la raison. Nul pouvoir hu- 
main ne peul détruire l'erreur ni empécher la vérité de 
triompher. Son triomphe, elle ne peut le devoir qu'au 
temps et avec le temps, qu'au mouvement des esprits, 
qu'au développement et aux concours des idées et à ce 
qui en est la condition essentielle, à la liberté et, par suite, 
au droit de chacun. 

Cette maxime absolue, que la liberté de l'erreur con- 
sacrée dans les dispositions constitutionnelles est la liberté 
du mal, incompatible avec le droit, n'est donc qu'une for- 
mule qui, sous une apparence de profondeur, couvre un 
grand vide, et ne peut étre qu'une cause de haines, de 
divisions, de crimes parmi les hommes ; et dans les lumi- 
neuses discussions dont ces dispositions sont sorties, on 
ne trouve pas la moindre trace d'une semblable aberra- 
tion. 

Le Congrès a entendu partout proclamer des vérités de 
droit et il les a proclamées en termes trop précis pour 
qu'il y ait à cet égard le moindre doute. 

Ce qu'il a fait pour la liberté des cultes, de leur exer- 
cice publie, de la manifestation des opinions en toute ma- 
tère et de la presse, il l'a fait pour la liberté de l'enseigne- 
ment et des associations, sans autres limites que celles 
devant lesquelles toute liberté s'arréte et par conséquent 
tout droit cesse, c'est-à-dire l’atteinte délictueuse au droit 
d'autrui. 

C'est dans ce sens qu'il a résolu les quelques difficultés 
qui se sont élevées à ce sujet. 


: (‘OA ) 

La liberté d'enseignement repose sur le caractère juri- 
dique de la famille, l'un des éléments les plus importants 
de l'État, sur le droit qui lui est propre, sur la position 
qu'y occupe sous ce rapport le père, le chef de la famille, 
sur l'autorité qui en dérive et sans laquelle elle se dissou- 
drait bientót, ou tout au moins serait dépouillée des prin- 
cipales attributions qui font sa force. Parmi ces attribu- 
lions, la première de toutes, celle qui se lie le plus 
étroitement à l'autorité paternelle et à la conservation des 
traditions domestiques de tout genre est l'éducation qui 
comprend l'instruction de l'enfant. 

Le Congrés y a vu un principe juridique de liberté con- 
stitutionnelle; il l'a consacrée à ce titre, en reconnaissant 
à chacun le droit d'ouvrir une école, un institut d'éduca- 
lion, en un mot d'enseigner, droit sans lequel le droit du 
pere de famille serait en général un vain mot, et qui à la 
rigueur résultait déjà de la liberté de manifester ses opi- 
nions en toute matière. 

Quelques difficultés pourtant se sont élevées sur ce droit 
d'enseigner quand l'enseignement ne se donne pas dans 
l'intérieur de la famille sous les yeux du père, mais dans 
une école publique oà l'enfant est abandonné à des mains 
étrangéres loin de sa surveillance. 

Sans méconnaitre son autorité et le droit qu'elle implique 
de donner à son enfant l'éducation et l'enseignement qu'il 
trouve les plus convenables , quelques membres du Con- 
grés pensaient que dés qu'il les remet à des mains étran- 
gères loin de sa surveillance de chaque jour, la protection 
de la loi doit y suivre l'enfant, comme elle doit suivre tous 
ceux qui, par l'effet de l’âge ou de toute autre circonstance, 
se trouvent hors d'état de se protéger eux-mêmes, et ils 
demandérent que les écoles publiques fussent, en consé- 


( 672 ) 

quence, soumises à la surveillance de l'autorité publique. 
Le Congrès n'admit pas cette restriction; il ne reconnut 
pas la nécessité de protection sur laquelle on la fondait; il 
ne voulut pas, en conséquence , substituer la surveillance 
de l'autorité publique à celle, à ses yeux plus süre et plus 
naturelle, du pére de famille; il y vit une atteinte à son 
autorité, au libre choix et à la libre direction d'enseigne- 
ment et d'éducation qui en dérivent, et il maintint le prin- 
cipe de liberté dans toute son intégrité. 

En consacrant ce principe , il ne perdit point de vue un 
autre principe, qui se rattache à l'enseignement et qui est 
non moins important parce qu'il est compris dans la mis- 
sion de l'État, dans la mission , non-seulement de recon- 
naitre et de protéger le droit de chacun, mais encore de 
conserver et de gérer les intérêts légitimes communs à 
tous. 

Parmi ces intéréts, l'un des plus grands est l'instruction 
publique proportionnée à la condition sociale de chacun, 
parce que sans elle toute civilisation s'arréte ou périclite, 
les libertés civiles et politiques, dont la garde repose en 
définitive aux mains de la nation, sont à la merci d'une 
foule aveugle et dégénèrent à la longue en anarchie ou 
despotisme; parce qu'une instruction générale propre à 
tous sans distinction ne peut exister si elle n'embrasse tout 
le pays dans un ensemble organique, constamment perfec- 
tible, de sciences et de personnes vouées à l'enseignement 
et que l'État seul est par la généralité et la permanence 
de son institution en mesure de le eréer et de le con- 
server. 

C'est ce principe, qu'à côté du principe de la liberté 
d'enseignement et sans le confondre avec lui, le Congrès 
a reconnu constitutionnellement et a reconnu avec sa vigi- 


( 675 ) 
lante prudence habituelle en remettant à la loi seule, c'est- 
à-dire, à la représentation nationale, le soin de régler l'in- 
struction publique donnée aux frais de l'État, en plaçant 
ainsi le principe méme à l'abri de tout ce qui pourrait le 
faire dégénérer en atteinte aux libertés proclamées par 
lui. 

Nous retrouvons encore cette prudence, jointe à un pro- 
fond sentiment du droit dans la précision avec laquelle il 
a formulé la reconnaissance du principe de liberté, qui dis- 
lingue la Constitution belge de tant d'autres constitutions, 
la liberté d'association : : 

Le projet soumis à ses délibérations contenait une dis- 
position reeonnaissant constitutionnellement aux associa- 
tions la faculté de se transf , Sous certaines conditions, 
en corporations ou personnes civiles, et d'en exercer les 
droits. À cette disposition étaient venus se joindre des 
amendements, qui donnaient plus ou moins d'étendue à la 
faculté reconnue par elle. 

Le Congrès n’a pas cru pouvoir aller jusque-là : dans un 
pays constitué comme allait l'être la Belgique, où par suite 
de la suppression de toute distinction d'ordre et de l'égalité 
de tous devant la loi, il ne devait plus y avoir en général 
que des individualités, des citoyens forcés, soit seuls, soit 
de concert entre eux, de défendre leurs droits et leurs inté- 
réts sous l'égide des lois, il a trouvé dangereux d'autoriser 
constitutionnellement d'une manière générale la formation 
de corporations, qui par leur organisation et leur perma- 
nence pouvaient mettre en péril tout ce qu'il constituait 
avec tant de soins et de précautions, et il a supprimé cette 
disposition. 

Par là, sans doute, il n'a pas entendu interdire toute 
création de personne civile, mais il a voulu en laisser juge 


( 674 ) 

le pouvoir législatif suivant les circonstances pour chaque 
cas particulier et sous les précautions eonvenables à cha- 
cun. | 

Cette suppression de la disposition constitutionnelle, qui 
les autorisait, n'a toutefois pas été votée sans de vifs débats, 
les uns pensant que la personnalité civile était essentielle 
à toute association de quelque importance et devant aspi- 
rer pour atteindre son but à quelque durée, les autres pen- 
sant au contraire qu'une association n'a de valeur et de 
durée utile que par l'esprit qui anime ses membres, et que 
cet esprit s'évanouissant , elle ne doit ni ne peut lui sur- 
vivre sans dévier de son but; tous dominés peut-étre, 
comme la discussion elle-même dans la vivacité qu'elle 
avait prise, par le souvenir du passé et par les sentiments 
contraires qu'il leur avait laissés, mais cette fois encore, le 
Congrès fit abnégation de tout sentiment de ce genre; il 
ne consulta que le droit dans la juste mesure qui en 
éloigne l'abus, et sans sacrifier l'avenir et les besoins qu'il 
apporte avec lui, il s'abstint de rien reconnaitre constitu- 
tionnellement en ce point. 

Ce cachet particulier de l'esprit du Congrès, cette largeur 
de vues dans la proclamation des vérités fondamentales du 
droit en Belgique, cette précision avec laquelle il en fixe 
les bornes, ce cachet particulier si conforme aux traits qui 
marquent le caractère du peuple belge et le distinguent 
des autres peuples, se retrouve dans les dispositions qui 
délimitent les divers pouvoirs publics. 

Le Congrès y a reproduit, il est vrai, sur la distinction 
et le coneours de ces pouvoirs, les dispositions que ren- 
ferment la plupart des constitutions des divers États civili- 
sés, et il ne pouvait s'en dispenser parce qu'elles sont le 
résultat du mouvement général des idées dans les siécles 


( 675 ). 
précédents et dans le siècle actuel, mais il les a reproduites 
sans les imiter servilement, s'attachant toujours à en ap- 
précier la vérité et à lui assigner ses justes limites. 

Ainsi, dans le chapitre sur les pouvoirs en général, il 
dégage ce qu'il y a de vrai de ce qu'il y a d'exagéré et par- 
tant de ce qu'il y a de faux dans cette maxime si souvent 
proclamée, de la souveraineté du peuple, dont on peut tirer 
el dont on a parfois de si étranges conséquences. 

La souveraineté n’appartient qu'à l'Étre suprême; de 
lui vient toute puissance; celle qui peut appartenir à la 
société humaine sur ses membres, il la lui a conférée, en 
faisant de l'État comme il a fait de la famille et de 
l'homme individuellement pris un élément de l'ordre uni- 
versel; c'est dans ce sens et dans ces limites seulement 
qu'on pourrait dire la nation souveraine, si le mot pouvait 
lui étre appliqué sans équivoque , c'est dans ce sens et dans 
ces limites que de la nation tient directement ou indirec- 
tement son pouvoir l'homme qui prétend commander aux 
hommes; le Congrés, en conséquence, s'est borné à pro- 
clamer que tous les pouvoirs émanent de la nation. Puis il 
énumére ces pouvoirs. 

Ici encore, nous rencontrons ce soin constant de l'as- 
semblée à rattacher nos institutions nouvelles aux vieilles 
libertés, pour lesquelles le pays a tant lutté et tant souffert, 
tout en les conciliant avec les formes de la société mo- 
derne et les idées dont ces formes sont l'expression. 

Trois pouvoirs distincts constituent un gouvernement 
national, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pou- 
voir judieiaire, mais il était impossible sans renier tout le 
passé du pays et méconnaitre les éléments essentiels de 
tout État de poser les bases de ces trois pouvoirs en faisant 
abstraction des libertés communales et provinciales. 


( 676 ) 

Quelques-uns méme y voyaient un quatriéme pouvoir, 
le seul dont le peuple belge s'était toujours montré jaloux, 
chaque fois qu'il pouvait faire entendre sa voix; mais le 
Congrés, sans se refuser à tenir compte de cet élément 
essentiel de tout État, n'est pas entré dans ces idées; il 
aurait eru affaiblir outre mesure, au détriment des libertés 
publiques, la puissance et l'autorité nécessaires à tout 
gouvernement et surtout à un gouvernement fondé sur 
ces libertés reconnues dans toute leur plénitude, et il s'est 
abstenu de faire des institutions communales et provin- 
ciales un des pouvoirs constitutionnels; il en a toutefois 
consacré l'existence et l'étendue à cóté de ces pouvoirs 
dans le chapitre méme qui en pose les bases se séparant 
sous ce rapport des pays où la commune et la province ne 
sont que de simples divisions territoriales et de simples 
rouages administratifs. 

Tout ce qu'a fait ensuite le Congrès dans la délimitation 
des pouvoirs n’est que la franche et toujours prudente 
application de son point de départ. Fruit des progrès de la 
Civilisation et du mouvement incessant des esprits en Bel- 
gique comme en Europe, dont la Belgique ne peut s'iso- 
ler, ses dispositions se retrouvent en grand nombre, il est 
vrai, dans la plupart des constitutions des monarchies re- 
présentatives, mais il ne les a faites siennes qu'aprés les 
avoir soumises toutes au plus scrupuleux examen et de 
plus il y a toujours introduit, pour chacun des trois pou- 
voirs, de graves modifications destinées à garantir les 
droits de tous et à bannir de partout l'arbitraire sans com- 
promettre l'ordre public. 

Nous nous bornerons à citer, afin de ne pas fatiguer 
votre attention, pour le pouvoir législatif, les dispositions 
organiques du corps électoral, et celles qui divisent la 


( 677 ) | 
représentation nationale en deux Chambres; pour le pou- 
voir exécutif, celles qui déterminent la prérogative royale 
à l'intérieur de la Belgique et dans ses relations avec les 
nations étrangères , sous la responsabilité ministérielle ; 
pour le pouvoir judiciaire, celles qui établissent les juri- 
dictions, garantissent l'indépendance de la magistrature et 
les droits des justiciables, et réglent ses rapports avec le 
pouvoir exécutif. ; 

En jetant les bases de l'organisation du corps électoral, 
il a repoussé toute élection indirecte ou à plusieurs degrés; 
la raison confirmée par l'expérience des quinze dernières 
années lui avait prouvé que ce corps ainsi constitué pou- 
vait difficilement représenter l'opinion publique, les élec- 
teurs du premier degré ayant devers eux un but trop vague 
et trop éloigné pour qu'ils s'y intéressent et y marchent 
résolüment. 

La grosse question pour le Congrés en cette matiére 
était dans les conditions de l'électorat; il avait à choisir 
entre trois systèmes : celui du suffrage universel, celui 
de l'impôt dù par l'électeur et celui des professions libé- 
rales. 

Le systéme de l'instruction de l'électeur, qui semble au- 
jourd'hui attirer l'attention d'un certain nombre de publi- 
cistes, n'avait encore pris naissance nulle part et le Congrés 
ne s'en est pas plus préoccupé qu'on ne s'en préoccupait 
ailleurs. Le premier des trois systémes entre lesquels il 
eut à choisir, celui du suffrage universel, n'excita aucune 
difficulté; il fut écarté sans discussion : il n'en est pas de 
l'exercice des droits politiques comme de l'exereice des 
droits civils. Celui qui exerce des droits civils traite exclu- 
sivement de ses intéréts ; la loi, s'il est majeur, en àge de 
se protéger lui-même, ne peut lui imposer des conditions 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 44 


( 678 ) : 
à cet égard; il doit en rester le maitre, lui seul peut souf- 
frir de l'usage qu'il en fait. Il en est autrement des droits 
politiques; celui qui les exerce ne traite pas seulement de 
- sa chose, il traite de la chose d'autrui ; il traite des intérêts 
de tous, de la société tout entiére et la société a le droit 
de subordonner son action à des conditions qui soient la 
sauvegarde de tous. 
Ces conditions, le Congrés les a vues dans le payement 
d'une somme d'impót direct, qui, en permettant de sup- 
poser un certain degré d'instruction dans les débiteurs, 
fùt l'expression de l'intérêt conscient de chacun d'eux dans 
les intérêts publics, pour lesquels se font les élections. 
Tel est le motif qui lui a fait adopter le cens comme con- 
dition de l'électorat; il n'a pas, comme on se plait parfois 
à le dire, mesuré le droit à l'argent; ses vues étaient plus 
hautes et tout en laissant au législateur futur le soin de 
mettre la quotité du cens électoral en rapport avec ces 
vues, il lui a permis de descendre assez bas pour que le 
corps électoral comprit toujours dans ses limites les divers 
intéréts et les diverses opinions du pays. 
Tel est aussi le motif principal qui lui a fait considérer 
comme inutile l'adjonction des professions libérales au 
corps électoral, quoique cette adjonction eüt été faite 
pour l'élection de ses propres membres. Cette adjonction, 
d'ailleurs,ne lui semblait pas exempte d'injustice et méme 
d'un assez grave abus : d'injustice en ce que hors des pro- 
fessions qu'on est convenu d'appeler libérales, il en est 
une quantité d'autres qui ne présentent pas moins de ga- 
- ranties d'intelligence et d'intérêt à la chose publique que 
celles-ci; d'un assez grave abus, en ce que certaines pro- 
fessions hiérarchisées auraient. fourni nombre d'électeurs 
votant non suivant leur libre arbitre, mais suivant les 


( 679 ) 
ordres d'un supérieur, qui aurait ainsi à sa disposition un 
grand nombre d'autres voix que la sienne. 

Nous venons de dire que ce qui distingue surtout, entre 
autres différences, les dispositions constitutionnelles sur 
le pouvoir législatif des constitutions d'autres États, ce 
sont, aprés les dispositions organiques sur le corps élec- 
toral, celles qui en remettent l'exercice à deux Chambres 
de concert avec le roi. 

Ces dispositions donnérent lieu à delongues discussions, 
moins toutefois sur l'établissement de deux Chambres que 
sur le mode de cet établissement. 

Considéré en lui-méme, l'établissement de deux Cham- 
bres fut pourtant contesté comme inutile, comme pouvant 
engendrer de grands embarras dans certaines circon- 
stances et comme fondé uniquement sur des souvenirs et 
des préjugés historiques, mais une nombreuse majorité en 
jugea différemment, et l'on peut dire que l'intérét du débat 
n'était point là, qu'il était dans le mode d'établissement de 
deux Chambres. 

Le butàatteindre était la création d'une assemblée qui, 
sans entraver l'action d'une autre assemblée élue dans des 
conditions de liberté beaucoup plus larges, servit de 
contre-poids par son esprit modérateur à ce que cette 
action pouvait parfois avoir de trop vif. 

La complexité de ce but l'entourait de difficultés, et il 
donna lieu, en effet, à une quantité de projets qui furent 
successivement discutés et rejetés. 

e Congrés s'arréta enfin à celui qu'a consacré la Con- 
stitution; il pensa que ce projet présentait d'une part 
toutes les garanties de modération désirables par les con- 
ditions d'éligibilité dont était entouré le choix des mem- 
bres du Sénat et que placant, d'autre part, la source des 


( 680 ) 
pouvoirs de ce corps là où la Chambre des représentants 
prenait la source des siens, il devait prévenir, autant qu'il 
était possible de le faire, le danger de conflits toujours à 
craindre entre deux corps, également maîtres absolus de 
leurs résolutions. 

Les caractères particuliers des dispositions du Congrès 
sur le pouvoir législatif se retrouvent dans celles qu'il a 
adoptées sur le pouvoir exécutif et sur le pouvoir judi- 
ciaire. 

Aprés avoir déterminé les prérogatives de la couronne, 
il a expressément statué que la faculté de conclure des 
traités avec les nations étrangéres comprises dansces pré- 
rogatives ne pouvait étre exercée que sous la sanction du 
pouvoir législatif pour les traités entrainant des obligations 
à charge du pays et par cela méme empreints du caractère 
de loi; il a de plus aussi expressément statué qu'aucun 
réglement ni arrété n'aurait de valeur s'il n'était pris en 
exécution de la loi, coupant court ainsi à toutes ces me- 
sures qui, sous prétexte d'administration, disposent arbi- 
trairement des intérêts publics; il a enfin subordonné 
l'action royale au contre-seing et à la responsabilité minis- 
térielle, et, toujours juste, il a, sans méconnaitre la part 
d'intervention qui appartient aux intérêts politiques dans 
l'aecusation des ministres, il a remis le jugement de cette 
accusation à un corps étranger à toute considération de 
cette nature, à la plus haute magistrature judiciaire du 
pays, à la Cour de cassation. 

Les dispositions constitutives de cette Cour, couronne- 
ment du pouvoir judiciaire, leur assurent, comme les 
autres dispositions constitutives de ce pouvoir, toutes les 
garanties d’impartialité auxquelles des accusés et des 
accusés de cet ordre ont droit. 


( 681 ) 

La Constitution, sous ce rapport, comme sous les autres. 

rapports, n'est pas moins caractéristique de l'esprit. qui 
animait le Congrès : il a compris que le pouvoir judiciaire 
auquel revient, en définitive, la garde des droits de tous, 
devait étre mis à l'abri de toutes les influences dange- 
reuses, dont autrement ne manqueraient pas de l'assaillir 
tant d'intéréts opposés les uns aux autres, et il a réalisé 
par ses dispositions constitutionnelles sur ce pouvoir la 
vieille maxime de nos péres, que chaeun doit étre traité 
par droit et sentence. 
Établissement fixe des diverses juridictions; le jury pour 
les crimes, les délits politiques et de presse; interdiction 
absolue de toute juridiction extraordinaire et de toute 
commission; retour aux anciennes lois du pays sur la 
composition de ses conseils souverains, et, en conséquence, 
nomination des magistrats composant les Cours de cassa- 
tion et d'appel, ainsi que des présidents des tribunaux sur 
présentation de candidats faite par ces corps, avec ce cor- 
rectif destiné à prévenir l'abus du népotisme que les pré- 
Sentations de candidats sont soumises au contróle de 
corps électifs, le Sénat et les conseils provinciaux; nomi- 
nation des présidents des cours faites par les cours elles- 
mémes; inamovibilité des juges proclamée avec une 
rigueur qu'on pourrait dire minutieuse, si, en pareille 
matière, il pouvait y avoir minutie; la compétence judi- 
claire embrassant en règle générale toutes les contesta- 
tions snr des droits soit civils, soit politiques, et n'admet- 
lant de dérogation à cette règle que pour cette dernière 
classe de droits, mais à titre d'exception seulement. 

Toutes ces dispositions, dont on ne trouvait guére alors, 
et dont on ne trouverait guére encore aujourd'hui de dis- 
positions semblables ou analogues en d'autres pays, sont 


( 682 ) 

complétées par trois dispositions’, sans lesquelles elles 
pourraient étre impunément éludées : le droit d'attrair^ 
en justice sans autorisation préalable tout fonctionnaire 
publie prévaricateur, la défense aux cours et tribunaux 
d'appliquer les réglements et tous autres actes du pouvoir 
exécutif s'ils ne sont conformes à la loi, et le jugement des 
conflits d'attribution entre les deux pouvoirs confié à la 
Cour de cassation. 

Ainsi constitué, le pouvoir judiciaire est en quelque 
sorte le complément de tous les droits, l'élément essentiel 
de l'ordre public en Belgique. 

Aprés avoir proclamé les droits des Belges et fixé 
l'étendue des différents pouvoirs appelés à en assurer 
l'exercice et à sauvegarder les intéréts légitimes communs 
à tous, le. Congrés a posé les bases de la gestion des 
finances et de l'organisation de la force publique du pays: 
ces deux moyens d'action, sans lesquels tout pouvoir est 
annihilé et avec lui disparaissent toutes les libertés, tous 
les intéréts placés sous sa garde. Et là encore, ennemi de 
l'arbitraire, voulant en toute chose l'ordre et la règle, il a 
garanti par des dispositions précises et un contrôle sévère, 
d'une part, la fortune publique dans ses rapports avec la 
fortune privée et les droits des citoyens, d'autre part, la 
défense de la nation contre ses ennemis intérieurs ou 
extérieurs, les sacrifices qu'elle impose à tous dans ses 
rapports avec les droits de chacun et surtout avec les droits 
et les intéréts des citoyens que cette défense appelle et 
retient sous les drapeaux. 

Le Congrès a mis le sceau à ses dispositions constitu- 
tionnelles par deux dispositions, sans lesquelles celles-ci 
ne seraient qu'un vain mot : l'une défend formellement 
d'en suspendre l'exécution, soit en tout, soit en partie; 


( 685 ) 

l'autre en a subordonné les modifications, toujours possi- 
bles dans une œuvre humaine, à toutes les précautions de 
nature à empécher qu'elles n'y soient introduites sans une 
nécessité incontestable, clairement indiquée par les pro- 
grés de la civilisation et hautement reconnue par l'opinion 
publique, non par l'opinion publique d'un jour, mais par 
l'opinion publique lentement formée au cours du temps 
et des idées, la seule qui soit garante de la vérité. 

Tel est, Messieurs, daus ses traits principaux, ou tout 
au moins dans les traits qui lui sont particuliers, l'acte 
capital de la mission que le Congrés avait recue du peuple 
belge, l'acte destiné à lui créer une vie propre en fondant 
l'État belge. 

Produit, non-seulement de la civilisation générale, 
mais aussi et avant tout de l'histoire des anciennes in- 
stitutions du pays et de son attachement constant au 
droit et à la liberté, dont le droit est l'expression , cet 
acte a été accompli au milieu des troubles qui agitaient 
toute l'Europe, au milieu des dangers extérieurs dont 
nous menacait l'hostilité de la plupart des grandes puis- 
sances, effrayées de tant d'agitations, au milieu des dan- 
gers non moins grands dont nous menacait à l'intérieur 
le relàchement continu des liens sociaux, dans ce temps, 
où tout est remis en question, et où l'autorité publique à 
la merci des factions n'a plus qu'une force précaire; il l'a 
été au milieu des mesures de tout genre, que réclamait 
chaque jour un pareil état de choses, il l'a été en méme 
temps que tous les grands services publies, les finances, 
l'armée, l'administration, devaient étre réorganisées, au 
moins provisoirement. 

Trois mois ont suffi pour cette œuvre, et malgré ce court 
espace de temps, malgré tant de causes d'inquiétude et de 


( 684 ) 
troubles, malgré tant de soins et de travaux incessants, il 
est peu de ses dispositions qui n'aient été l'objet du plus 
sérieux examen et des plus profondes discussions. 

La loi constitutionnelle de la Belgique était publiée et 
déclarée obligatoire le 24 février 1851. 

Mais, quelle qu'en füt l'importance, le Congrès en la 
proclamant n'avait achevé qu'une partie de sa tàche; il 
lui en restait une seconde, sans laquelle la première n'était 
rien, et dont les difficultés devaient mettre à de nouvelles 
épreuves son inébranlable constance. 

Il lui fallait faire passer de la lettre morte à la vie la loi 
eonstitutionnelle, la monarchie héréditaire, la représen- 
tation nationale, en un mot, les pouvoirs établis et les 
libertés publiques consacrées par cette loi, et dans cette 
partie de sa tàche, le Congrès allait rencontrer les ques- 
tions de personnes, questions toujours brülantes et brü- 
lantes surtout dans la situation extraordinaire que s'était 
faite la Belgique en renversant l'œuvre favorite du Con- 
grès de Vienne, l'établissement du royaume des Pays-Bas, 
cette sorte de nouveau traité de la Barrière dirigé contre 
la France. 

Le Congrés ne perdit pas de temps : les Chambres de- 
vaient être convoquées, une dynastie royale devait être 
élue. Il. s'oceupa immédiatement d'une loi électorale, 
préliminaire indispensable de la convocation des Cham- 
bres, et quant. au choix du roi, il n'avait pas attendu le 
vote final de la Constitution, il avait déjà dans les derniers 
jours qui le précédèrent, mis à son ordre du jour cette grave 
affaire, ne voulant point qu'elle subit le moindre retard. 

Ce qui distinguait la loi électorale a depuis été changé; 
c'était l'élévation et la diversité du cens selon les localités. 

L'élévation- du cens donna seule lieu à de sérieuses dif- 
ficultés. 


( 685 ) 

Le cens fut porté, dans les centres populeux, au double 
à peu prés de ce qu'il est partout aujourd'hui. Un grand 
nombre de membres en demandaient l'abaissement , mais 
le Congrés le maintint à cette hauteur, pensant qu'il avait , 
par la Constitution, fait une assez large part à l’activité 
individuelle dans les affaires publiques et qu'il fallait, pour 
aller plus avant, que, par le jeu de nos libres institutions, 
l'esprit publie eüt pris plus de développement pratique. 

La diversité du cens électoral, qui, dans sa moindre élé- 
vation, s'appliquait plus particulièrement aux campagnes, 
avait un double but : faire représenter les intéréts agri- 
coles dans les Chambres, y introduire, avec l'esprit géné- 
ralement plus modéré des habitants, un contre-poids à 
l'esprit plus ardent des habitants des villes. 

Depuis, on a pensé que les intéréts agricoles, industriels 
et commerciaux étaient solidaires, que l'ardeur plus grande 
des esprits dans les villes y trouvait un contre-poids suffi- 
sant dans l'instruction qui y était plus généralement répan- 
due, et qu'il était toujours dangereux de diviser sous forme 
d'intérêts, les populations d'un méme pays et surtout d'un 
petit pays comme la Belgique, à qui plus qu'à tout autre 
l'union de tous est nécessaire. 

Quoi qu'il en soit, la loi électorale fut votée avec ces dif- 
férences. 

Nous venons de dire que l'élection du roi avait été mise 
à l'ordre du jour dans les derniers jours qui précédérent 
le vote final de la Constitution. 

Cet événement répandit dans le pays une vive anxiété, 
il fut partout le sujet des plus violentes discussions et 
produisit une division tranchée entre les membres de l'as- 
semblée. C'est qu'il y allait de tout l'avenir de la Belgique, 
du succès méme de la grande entreprise de notre rénova- 


( 686 ) 

. tion nationale. La position réciproque des deux compéti- 
teurs auxquels seuls on avait alors sérieusement pensé, 
les craintes d'une guerre européenne, qui s'y rattachaient, 
les communications diplomatiques auxquelles donnaient 
lieu ces candidatures,redoublaient l'inquiétude générale et 
contribuaient à creuser les divisions : l'un appartenait à la 
famille royale de France, l'autre à la famille impériale 
proscrite de ce pays. 

La Conférence de Londres, c'est-à-dire les cinq grandes 
puissanees de l'Europe, repoussait ces deux candidatures, 
et le gouvernement francais spécialement celle du prince 
appartenant à la famille impériale proscrite. Des notes offi- 
cielles, conçues dans ce sens, étaient adressées au gouver- 
nement provisoire et communiquées au Congrés. Mais là 
encore, cette assemblée comprit le danger de l'intervention 
étrangère, el. voulut sauvegarder contre elle l'indépen- 
dance récemment proclamée; elle refusa de tenir aucun 
compte de ces communications, plus ou moins menacantes, 
plus ou moins semblables à des injonctions; elle rejeta 
la proposition faite par quelques membres de nommer des 
commissaires à Paris et à Londres chargés de s'y entendre 
sur le choix du roi, et ouvrit la discussion sur les candi- 
datures,sans égard aux décl hostiles qui lui venaient 
du dehors. 

Les partisans de celles qui étaient l'objet particulier de 
ces déclarations ne voulurent pourtant point en faire 
abstraction; ils y voyaient un moyen de succés contre 
leurs adversaires, et ils en usérent de part et d'autre. 

Les partisans du prince de la famille impériale repro- 
chaient aux partisans du prince francais que leur candi- 
dature était une annexion indirecte et prochaine à la 
France, qu'elle allait brouiller la Belgique avec les puis- 


( 687 ) 

sances du Nord et que le moindre mal qui pourrait en 
résulter, mal encore trés-grand parce qu'il nous rejette- 
rait dans toutes nos perplexités, c'est que le roi des Fran- 
çais refuserait certainement d'accepter une pareille candi- 
dature dans l'intérét de la paix, objet de toute sa sollicitude. 

A ces reproches on répondait que la nouvelle dynastie 
s'identifierait par la force des choses assez tôt avec la Bel- 
gique pour qu'on ne püt craindre une réunion à la France, 
dont l'appui nous était nécessaire dans les circonstances 
difficiles que nous traversions; que l'hostilité des puis- 
sances du Nord était trop flagrante en ce moment, et le 
serait trop longtemps encore pour qu'on eüt à compter 
avec elle; qu'on avait, quoi qu'on en dit, la certitude de 
l'aeceptation du roi des Francais par des intelligences 
nouées avec des agents de son gouvernement, et l'on nom- 
mait méme un officier général, oceupant une haute posi- 
tion à Paris et venu exprés à Bruxelles à cette occasion; 
que la candidature vraiment dangereuse pour la Belgique 
était la candidature opposée à celle du prince de la famille 
royale de France; qu'elle était prise dans une famille dont 
l'un des membres se posait en prétendant au tróne impé- 
rial; que, dans l'état d'agitation des esprits en France et 
en présence des souvenirs encore vivants qu'y avait laissés 
la mémoire du grand empereur, il y avait là un sujet de 
crainte pour le gouvernement francais ; qu'aprés l'élection 
d'un semblable candidat la Belgique serait à ses yeux un 
foyer d'intrigues, de conspirations et de troubles qui nous 
brouillerait inévitablement avec l’un des deux gouverne- 
ments dont l'appui nous était assuré, et nous brouillerait 
sans rapprocher de nous le moins du monde les autres 
gouvernements, dont l'hostilité avait une cause toujours 
subsistante. 


( 688 ) 

C'est au milieu de ces discussions renouvelées chaque 
jour sous toutes les faces, non-seulement dans le sein du 
Congrés, mais encore dans de nombreuses réunions pré- 
liminaires des partisans des deux candidatures, où d’ail- 
leurs se mauifestait le plus ardent patriotisme, la plus vive 
sollicitude pour le pays, que s'ouvrit l'élection. 

Le candidat de la famille royale de France fut élu, et 
disons de suite à l'honneur du Congrés, dont les membres 
donnèrent en ce momeut suprême un grand exemple, 
toute division cessa et tous s'unirent pour faire réussir ce 
choix : une nombreuse députation fut élue et envoyée à 
Paris avec la mission de présenter la couronne au prince 
francais, sous l'approbation de son pére. 

Elle y fut parfaitement accueillie; on s'y montra sen- 
sible, sans toutefois y répondre immédiatement, au vœu 
d'un peuple ami. Naturellement la réponse devait étre 
précédée de délibérations, qui prendraient quelques jours, 
et la députation en attendit le résultat sans se préoccuper 
de ce retard. Mais bientót les jours s'écoulérent sans au- 
cune réponse, et l'attente alla si loin, qu'un membre de 
la députation qui avait le plus contribué à l'élection par la 
garantie qu'il avait donnée de l'acceptation, garantie 
fondée sur ses relations avec des agents francais, ne put 
retenir un mouvement de vivacité en présence méme du 
roi, s'expliqua ouvertement sur ce retard et s'en revint à 
Bruxelles, prévoyant et annonçant un refus, que reçut peu 
de jours après la députation. 

Le coup était rude, l'avenir plein d'incertitude et la 
situation empirée par l'échec d'une préférence, de sa na- 
ture exclusive d'autres candidatures et peu flatteuse pour 
elles. 

Le Congrés ne se découragea point; la Constitution 


( 689 ) 
étail désormais la loi suprême du pays; le pouvoir exé- 
cutif devait étre constitué ; elle lui indiquait ce qu'il avait 
à faire pour cela; le trône était vacant; un régent devait 
étre nommé et il le fut. 

Le choix était tout désigné dans la personne de son 
président , de Surlet de Chokier, dont le calme et la par- 
faite égalité d'humeur, la fermeté et la haute impartialité 
ne s'étaient pas démentis un seul instant au milieu des 
plus grandes agitations, et le Congrés, toujours prudent, 
ne voulant rien laisser au hasard , ayant l'expérience de 
l'homme, le nomma régent malgré les sympathies qu'in- 
spirait à un grand nombre de ses membres un autre dé- 
puté, Félix de Mérode, nature franche et loyale, intelli- 
gence prompte et lucide, d'un dévouement égal à sa foi 
religieuse et aux grandes libertés constitutionnelles consa- 
crées par ses votes, et que semblait unir plus étroitement 
qu'aueun autre à l'indépendance nationale la mort héroique 
d'un frére qui l'avait scellée de son sang. 

Tout n'était pourtant pas fini par la nomination d'un 
régent; à cóté du pouvoir exécutif devait étre aussi con- 
situé le pouvoir législatif par la convocation des Cham- 
bres. Cette mesure parut sans doute inopportune, le Con- 
grés ne la prit point, c'eüt été annoncer sa prochaine 
dissolution. 

La situation entre-temps devenait de plus en plus péril- 
leuse : le trône était vacant. Celle vacance laissait tout 
dans le provisoire et l'incertitude; elle ouvrait la porte à 
tous les troubles; des complots contre le nouvel ordre de 
choses s'ourdissaient suscités du dehors; des armements 
menaçants se préparaient sur notre frontière du Nord. 

L'Europe était en paix, à prendre ce mot dans sa rigou- 
reuse acception; mais cette paix, en réalité, ne tenait 


( 690 ) 
qu'à un fil toujours prés de se rompre, et la guerre n'avait 
cessé d'étre imminente; la Belgique elle-méme et sa révo- 
lution étaient une cause toujours active de division entre les 
grandes puissances de l'Europe, et il eireulait des bruits 
de propositions de plans de partage, faites à la Conférence 
de Londres , pour supprimer d'un coup cette cause. 

Ces propositions, assurait-on, n'avaient pas été positi- 
vement écartées, et elles pouvaient, d'un moment à 
l’autre, être regardées comme une dernière ressource, 
une espèce d'anere de salut, pour consolider la paix et 
préserver l'Europe d'une conflagration générale par le 
Sacrifice de notre malheureuse patrie. . 

Cette situation réagissait de plus en plus à l'intérieur, 
y jetait de nouveaux ferments d'agitation au milieu des 
agitations déjà si grandes, divisait chaque jour davantage 
les esprits et faisait craindre en définitive une cata- 
strophe. 

C'est dans ces moments critiques et, pour ainsi dire à 
l'improviste, que surgit une candidature à laquelle, si 
quelques-uns avaient pensé, nul jusqu'alors ne s'était 
arrété pour la mettre en avant, comme si la Providence 
nous la tenait en réserve pour le jour des derniéres réso- 
lutions. 

Cette candidature était celle du prince Léopold de Saxe- 
Cobourg. 

Prince anglais par son mariage et l'adoption du peuple 
anglais , riche d'une expérience des hommes et des choses 
acquises auparavant dans le tourbillon des grandes affaires 
et des grands événements dont l'Europe avait été le 
théâtre et dans lesquels sa vie avait été mélée, vivant de- 
puis son veuvage dans une retraite studieuse, ne se 
désintéressant d'aucune des grandes questions politiques 


( 691 ) 

ou autres qui remuaient le monde , en relation avec les 
personnages les plus marquants de la société européenne, 
y jouissant d'une juste considération, ayant récemment 
refusé le trône de la Grèce par les plus nobles motifs, il 
semblait par toutes ces causes. jointes aux qualités de 
l'âme qu’elles supposent et à un fonds de bonté que ne 
pouvait méconnaitre aucun de ceux qui l'approchaient , il 
semblait qu'il fût l’homme destiné à unir son dévouement 
au dévouement d’un peuple si durement éprouvé, et que 
l'oubli si singulier de sa personne dans les précédentes 
candidatures ne püt s'expliquer que par le désir incon- 
scient de laisser intact ce nom aujourd'hui acclamé et de 
lui eonserver à l'abri de tout échec toute la force morale 
nécessaire à la fondation d'une nouvelle et commune 
patrie. 

Son nom avait été prononcé une fois ou deux comme 
au basard et en passant, dans les débats d'oü était sortie 
l'élection du duc de Nemours, sans que personne le re- 
levàt. 

Ce nom reparut alors, prononcé d'abord par quelques 
voix, et bientót répété de proche en proche, il éclata au 
grand jour, s'empara de l'opinion publique et ne tarda pas 
à étre l'objet d'une proposition formelle de candidature 
soumise au Congrés par quelques membres en méme temps 
qu'une propositiou lui était faite, et était accueillie, d'un 
jour fixe pour l'élection. 

Dans l'intervalle, des membres du Congrès, soucieux de 
ne point marcher à l'aventure dans ces graves circonstan- 
ces, s'étaient entendus avec le gouvernement du Régent 
eL, délégués par lui, s'étaient rendus à Londres pour con- 
naitre les intentions du prince avant d'aller plus loin : il 
les reçut avec sa bienveillance accoutumée; il ne leur cacha 


( 692 ) 

point ses sentiments; c'étaient ceux qu'ils pouvaient dé- 
sirer; mais il ne leur cacha pas non plus les difficultés de 
la situation; elles étaient dans les décisions que pouvait 
prendre la conférence des grandes puissances; il leur 
déclara franchement que la Belgique devait s'entendre 
avec elles et qu'à cette entente seraient subordonnées ses 
résolutions définitives. 

Naturellement nous ignorons les termes dans lesquels 
il exposa ses pensées, mais il est clair, et le dépôt des 
archives du Département des Affaires étrangères en ferait 
foi au besoin, il est elair que les motifs qu'il en donna 
étaient tirés de la situation réciproque de la Belgique et de 
l’Europe. 

La Belgique pouvait avoir le droit, elle n'avait pas la 
force pour elle, et ne point s'entendre avec la Conférence 
de Londres , s'était jouer le tout pour le tout, ou plutót 
Cétait tout perdre, et lui-même tromperait le peuple belge, 
le conduirait à une perte certaine, s’il acceptait la couronne 
qui lui serait offerte sans que l'entente fût faite. 

- Ainsi fut arrêtée la résolution du prince, fondée sans 
doute sur la connaissance qu'il avait de ce qui se préparait 
dans les conseils des puissances réunies en conférence, et 
là s'arrétérent les négociations, ou, pour nous servir du 
mot propre , les pourparlers. 

Les délégués revinrent à Bruxelles et rendirent compte 
de leur mission. 

Personne ne fermait les yeux sur la nécessité de s'en- 
tendre avec la Conférence pour conclure la paix avec la 
Hollande à des conditions équitables. 

L'aeceptation du prince, s'il était élu, paraissait donc 
certaine, et, dés lors, il n'y avait plus de difficulté pour 
mettre à l'ordre du jour la proposition de sa candidature. 


( 695 ) 

Il s’en présenta une pourtant, espèce de fin de non- 
recevoir : on prétendit qu'avant de procéder à l'élection 
du roi, il fallait avoir réglé toutes les questions relatives à 
la constitution territoriale de la Belgique, mais le Congrès 
écarta celle difficulté; il pensa que ces questions pourraient 
plus facilement et plus avantageusement étre résolues par 
l'intermédiaire du roi, dont le choix serait agréé par toutes 
les puissances, et il mit la proposition à l'ordre du jour. 

Les débats ne furent pas longs, les préliminaires de 
cette élection en faisaient prévoir l'issue et le prince fut 
élu à une immense majorité, le 4 juin 1851. 

Le Congrès choisit immédiatement, dans son sein, une 
députation , à la téte de laquelle il placa son président et 
la chargea de se rendre à Londres, et de porter au prince 
l'expression des vœux du pays. 

Sur la demande qui lui en fut faite, il fixa un des der- 
niers jours du mois de juin, le 26, pour recevoir cette 
députation. 

Une date aussi éloignée n’altéra-en rien le calme que 
son éleetion avait répandu dans tous les esprits : son 
acceptation n'était pas douteuse; le retard s'expliquait par 
les négociations diplomatiques engagées à Londres. 

Le Congrés, en effet, avait, au moment de procéder à 
l'élection , autorisé le gouvernement du Régent à ouvrir 
des négociations avec la Conférence pour régler les bases 
de la séparation de la Belgique et de la Hollande et l'on en 
attendait l'issue avec confiance. 

Dans ces circonstances, il semblait tout naturel que le 
prince, de son cóté, comme il l'avait d'ailleurs donné à 
entendre dans les précédents pourparlers, s'abstint de 
toute autre démarche jusqu'à ce que la situation eüt, sous 
ce rapport, été dégagée de toute diffieulté extérieure. 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 


( 694 ) 

Mais le calme et la confiance ne durérent pas long- 
temps; la nouvelle du résultat des négociations parvint en 
Belgique avant le jour fixé pour la réception de la députa- 
tion. Cette nouvelle frappa le pays de stupeur et faillit tout 
compromettre en remettant tout en question. 

La Conférence de Londres, sans tenir compte du droit 
qu'a tout peuple de se constituer librement, n'entendait 
reconnaitre le peuple belge qu'au prix des sacrifices les 
plus onéreux, et j'ajouterai les plus douloureux, puisque, 
outre les plus lourdes charges pécuniaires, lui était imposé 
l'abandon d'une partie de son territoire et de populations 
qui s'étaient, non moins résolüment que le reste de la 
Belgique, engagées dans les périls et les sacrifices de 
l'indépendance nationale. 

Ces exigences des cinq grandes puissances de l'Europe, 
si contraires à ce qu'on en attendait, ramenérent partout 
dans le Congrès et hors du Congrès, les inquiétudes et les 
agitations et divisérent profondément les hommes les plus 
dévoués à la patrie. Rédigées en forme d'articles prélimi- 
naires, elles furent soumises à l'appréciation du Congrès 
au moment méme, oü le prince élu, aprés avoir recu la 
députation, annoncait son acceptation de la couronne, 
mais subordonnait son arrivée en Belgique à l'adoption des 
articles préliminaires. 

- Cette coïncidence liait en quelque sorte le sort de l'élec- 
tion au sort des articles et la jetait avec eux dans les dis- 
cussions qui allaient suivre et qui, par la nature de leur 
objet, étaient pleines d'incertitude et de dangers. Aussi ces 
discussions furent-elles empreintes d'un caractère de vio- 
lence, qu'expliquent seuls le double intérêt, qui s'y ratta- 
chait, les passions généreuses qui s'y trouvaient mélées, 
et les conséquences désastreuses qui pouvaient résulter 


( 695 ) 
d'une résolution inspirée par ces passions, au lieu de l'étre 
par l'impartiale raison. 

L'heure était solennelle; il s'agissait d'une question de 
vie ou de mort, quelque parti qu'on prit, étre ou ne pas 
étre : Pour les uns, acquiescer, c'était fonder l'État belge 
au prix de grands et douloureux sacrifices, il est vrai, mais 
s’y refuser, c'était courir aux abimes! Pour les autres, 
c'était trahir des frères qui s'étaient engagés dans une 
entreprise et des périls communs en vue d'un sort com- 
mun, c'était méconnaître la situation troublée de l'Europe 
etl'obstacle qu'elle y verrait, en cas de résistance, pour re- 
courir de concert à la force et s'imposer par elle à la Bel- 
gique. 

Jamais, depuis la réunion du Congrés, débats ne furent 
plus orageux et plus indépendants des partis qui pou- 
vaient diviser ses membres; ils se prolongèrent neuf jours 
durant, et se terminèrent enfin par la résolution qui lais- 
sait le moins au hasard, quoique avec des sacrifices cer- 
tains; l'acte de la Conférence de Londres fut adopté. 

Ce vote mettait le dernier sceau à l'élection du prince 
Léopold de Saxe-Cobourg. 

De ce jour, l'État belge était fondé; le Congrés avait 
rempli sa mission; il n'y manquait plus que les derniéres 
formes, chose toutefois importante dans les affaires hu- 
maines, où la forme donne corps et vie aux idées et en 
assure la. durée en les appropriant à la double nature de 
l'homme. 

Une nombreuse députation fut envoyée au prince, 
chargée de lui renouveler l'expression des vœux de la na- 
tion et de l'accompagner de l'Angleterre en Belgique. Elle 
fut accueillie comme l'avait été la députation chargée de 


. ( 696 ) 
lui offrir la couronne, avec les sentiments que devait in- 
spirer à une àme élevée cette confiance de tout un peuple 
l'appelant à s'associer à lui dans ses périls, son dévoue- 
ment et ses travaux pour la sainte cause de l'indépen- 
dance et le développement de sa rénovation nationale. 

A son arrivée aux frontières de la Belgique, les accla- 
mations des populations accourues sur son passage le sui- 
virent jusqu'à Bruxelles, où devait avoir lieu l'inaugura- 
tion du premier roi des Belges. 

La veille de ce jour,le Congrés qui y voyait le terme de 
sa mission, crut ne pouvoir se séparer sans avoir pris 
auparavant deux mesures inspirées par une dernière solli- 
citude pour les libertés et l'ordre publie toujours insépa- 
rables dans sa pensée. 

Le jury, dont le principe avait été consacré dans la 
constitution, fut organisé. Le décret qui en contint l'orga- 
nisation était, de sa nature, provisoire aprés la longue 
interruption, que l'institution avait subie. Une nouvelle 
expérience pouvait seule en amener, comme elle en amena 
plus tard l'organisation définitive. 

Une seconde mesure non moins importante fut une loi 
qui garantit la liberté de la presse de deux dangers qui la 
menacent également; d'une part, l'impunité de l'abus 
qu'on peut en faire, et, d'autre part, l'arbitraire dans la 
répression de cet abus. L'expérience a confirmé la sagesse 
des dispositions du décret que porta le Congrès à ce sujet 
et qui forme le dernier acte de sa glorieuse carrière. 

Le lendemain devait en marquer la fin. 

En ce jour, naissait réellement la monarchie constitu- 
tionnelle de la Belgique. Le roi Léopold I" faisait son 
entrée, une joyeuse entrée, à Bruxelles; le Congrés, en 


( 697 ) 

présence du régent, qui venait de déposer ses pouvoirs, le 
recevait au milieu d'un grand concours de peuple, sur une 
des places de la capitale, éclairée par un soleil éclatant, et 
là, s'accomplissait la cérémonie de l'inauguration de notre 
premier roi constitutionnel, cérémonie pleine de grandeur 
par sa simplicité et la gravité de l'acte dans lequel elle 
se résumail. 

Le président (it donner lecture de la Constitution ; le 
roi préta le serment de l'observer, aiusi que les lois du 
peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et 
l'intégrité du territoire. 

L'œuvre était achevée, la grande voix du peuple y ré- 
pondit par d'immenses acclamations; le roi se dirigea vers 
son palais accompagné de l'assemblée qui se sépara de lui 
pour se rendre dans la salle de ses délibérations. 

Là, le Congrès accomplit le dernier acte de son exis- 
tence; il s'ajourna jusqu'au jour de la réunion des Cham- 
bres et prononca sa dissolution pour ce jour, laissant à la 
postérité les plus grands exemples du patriotisme et de 
l’activité laborieuse, de l'énergie et de la prudence, 
l'exemple du respect le plus scrupuleux pour le droit, et, 
ce qu'on ne peut trop rappeler parce que là est et sera 
toujours le salut des nations, l'exemple de l'union de tous 
dans un méme but supérieur anx partis, l'exemple des 
égards mutuels, malgré les dissidences d'opinions qui les 
engendrent et qui, en définitive,ont une source commune, 
le bien public diversement apprécié. 


M. Alph. Le Roy vient ensuite prendre place au bureau 
pour donner lecture du travail suivant, intitulé : 


( 698 ) 


Le mécanisme et la liberté. 


La science a de singuliers retours. L'astrologie a fait 
son temps, disait-on hier encore ; voici que la physiologie 
prend sa place, jalouse comme elle de nous livrer à la 
main de fer du destin. Autrefois, sous le manteau d'Aris- 
tole, on raisonnait ainsi : tout se tient dans la nature; 
l'harmonie règne entre le ciel et la terre; le supérieur régit 
l'inférieur; nos vocations sont écrites au-dessus de nos 
têtes en lettres de feu; l'avenir n’a point de secrets pour 
qui sait déchiffrer le langage visible des révolutions sidé- 
rales. Les races, les familles, les individus ont leur prédes- 
tination. Au moment de la naissance d'un enfant, deux 
planètes sont en opposition ou en conjonetion; c'en est 
fait : le sort de cet enfant est arrêté : il eùt été tout diffé- 
rent sous d'autres influences célestes, ou si seulement 
l'innocente créature était entrée dans la vie sur un autre 
point de ce monde sublunaire. Mais il n'y avait à cela aucune 
possibilité : chacun naît où et quand il doit naître. On ne 
parle pas différemment aujourd'hui, si ce n'est qu'au lieu 
de consulter les astres, on cherche à surprendre les mouve- 
ments des cellules élémentaires, le concours des forces 
multiples dont l'individu ne serait que le groupement ou 
la résultante. La puissance du regard qui percait l'immen- 
sité insondable se concentre dans la recherche de l'infini- 
ment petit non moins mystérieux; le télescope a cédé son 
autorité au microscope, mais les conclusions sont les 
mêmes. Ce qui s'est accompli devait s'accomplir, et ce qui 
s’accomplira est assuré dés à présent. 


( 699 ) 

Déjà Lavoisier n'hésitait pas à soutenir qu'on parvien- 
drait un jour à évaluer ce qu'il y a de mécanique « dans 
le travail de l'homme qui réfléchit, de l'homme de lettres 
qui écrit, du musicien qui compose. » C'était beaucoup 
dire sans doute; pourtant je ne vois pas que Lavoisier ait 
prétendu qu'il n'y aurait rien que de mécanique dans ces 
activités intellectuelles. M. Dubois-Raymond va plus loin : 
pour l'illustre physiologiste (1), il est démontré « qu'un 
esprit qui connaitrait, pour un espace de temps déterminé, 
méme très-petit, la position et le mouvement de tous les 
atomes dans l'univers, serait en état de déduire, à l'aide 
des régles de la mécanique, tout l'avenir et le passé du 
monde. Jl pourrait, par une application exacte de sa for- 
mule, nous dire qui était le Masque de fer, où et comment 
périt le président Lincoln. Comme l'astronome prédit le 
jour où, après bien des années, une comète doit reparaitre à 
la voùte céleste des profondeurs de l'espace, ainsi cet esprit 
lirait, marqué dans ses équations, le jour où la croix grec- 
que brillera de nouveau au sommet de la mosquée de 
Sainte-Sophie, le jour où l'Angleterre brülera son dernier 
morceau de coke... » 

Non-seulement tous les événements, mais nos desseins, 
nos intentions, tous les actes dont nous figurons étre les 
auteurs seraient donc susceptibles d’être prévus, je ne dis 
point par Dieu, que le fondateur du positivisme a remercié 
« de ses services provisoires, » mais par un mécanicien 
suffisamment habile. L'Irrésolu aurait peut-être mieux 
fait d'épouser Céliméne ; mais il était écrit qu'il ne l'épou- 
serait pas. Maximilien d'Autriche, au contraire, était 


(i) Cité par M. Nolen dans son introduction à l'Histoire du matéria- 
lisme de Lange. Paris, 1877, in-8e, t. 1, p. xix. 


( 700 ) 
réservé à Marie de Bourgogne; il n'aurait pu dire non, car 
alors, au siècle suivant, la France et la maison d'Autriche 
ne seraient pas entrées en rivalité, Philippe IT n'aurait pas 
allumé de büchers en Belgique, le Taciturne créé la Hol- 
lande, la guerre de succession éclaté, Joseph IT publié ses 
ordonnances, que sais-je? Or tout cela devait arriver : les 
équations le voulaient ainsi. Ce n'est pas tout: le cœur 
humain n'ayant point de secrets pour elles, nous leur de- 
manderons demain la bonne aventure. Chiromancie, expli- 
cation des songes, prophétie lugubre de Cazotte, art de 
M'* Lenormant, rien de plus sérieux : l'essentiel est d'étre 
convaincus que le libre arbitre n'est qu'une illusion de 
notre ignorance, et de bien connaitre les dispositions des 
atomes. Le mot liberté avait recu jusqu'ici trois significa- 
tions différentes : les uns y voyaient le pouvoir que 
l'homme se reconnait de prendre par lui-méme des déter- 
minations et de penser comme il veut, dans la citadelle 
imprenable de son for intérieur; pour les autres, la liberté 
par excellence était l'indépendance du sage que la pratique 
constante du bien a rendu inaccessible aux entrainements 
des passions; pour d'autres enfin, point d'autre liberté que 
l'absence de contrainte. « Nous avons changé tout cela, » 
dit magistralement la science : la dernière interprétation 
est la seule bonne. Je suis libre de faire ce qu'on ne 
m'empéche pas de faire, et tout est dit. Insensé qui croit 
au libre arbitre! Nous pensons vouloir librement, parce 
que nous voulons en connaissance de cause : imagination! 
Tout se ramène à l'impulsion d'un motif prépondérant, 
décisif. Nous croyons commander, tandis que notre voli- 
tion est entraînée : c'est le besoin, père du désir, qui nous 
pousse en avant. « La liberté n'apparait nulle part dans 
ces phénomènes strictement liés. » Qu'est-ce done que la 


( 701 ) 

liberté? Encore une fois, purement et simplement la sup- 
pression de tout frein, « l'exercice non entravé des fonc- 
tions de l'organisme, soit dans son activité interne, soit 
dans ses relations avec le monde extérieur. » Elle n'existe 
que dans l’action, elle en est la carrière , et qu'est-ce que 
l'action? « L’accomplissement du besoin. » Depuis l'hum- 
ble rhizopode jusqu'au citoyen civilisé d'une république, 
tous les étres vivants sont libres en tant que leur expan- 
sion n'est point empéchée, mais pas autrement (1). C'est la 
liberté spinoziste, qui s'accommode fort bien du destin. 

Tout cela est grave, car logiquement, en dernière ana- 
lyse, le dernier mot du nouveau mécanisme, c'est l'identi- 
fication de la liberté et de la force triomphante, l'absolu- 
tion de tout succès, le règne du fait accompli. Malheur au 
vaincu! L'épée de Brennus a fait pencher la balance; il 
suffit : l'épée de Brennus est la loi du monde... en atten- 
dant un nouveau tour de la roue de fortune. Un peu plus 
instruits, nous saurons d'avance devant quelle idole nous 
nous prosternerons au moment opportun, brülant ce que 
nous avons adoré. Au fait, nous n'y aurons ni mérite ni 
démérite : question d'atomes, instinct de eonservation. Le 
Bellérophon fait voile pour Sainte-Hélène : vivent les mar- 
quis de Carabas! vivent les majorités, l'une aprés l'autre : 


Le véritable Ampbitryon 
C'est l'Amphitryon où l'on dine. 


De là au cynisme, il n'y a qu'un pas. A quoi bon des 


(1) André Lefèvre, La philosophie (Bibl. des sciences contemporaines), 
Paris, 1879, iu-12 ; Pp. 546 et suiv. — Ces propositions, du reste, ne datent 
pas d'hier : on m retrouverait presi mot pour mot dans les écrits de 
Hobbes et des empiriques du XVI1I* siècle. 


( 702 ) 
scrupules et des délicatesses? Puisque nous ne pouvons 
rien changer au cours des choses, laissons-nous entrainer. 
Sommes-nous maitres de nos besoins? Tant mieux pour 
qui l'emporte « dans la lutte pour l'existence»;les autres 
ne méritent pas méme un souvenir. 

Il y a pourtant, à certain point de vue, une part de vérité 
dans cette désolante doctrine. Il s'agit de l'homme, bien 
entendu :la difficulté n'existe pas en decà; la psychologie 
et l'éthique sont seules en cause. Mais comme elles sont 
battues en brèche ! La première est déjà mise au ban de la 
« scieuce »; la métaphysique n'est pas plus dédaignée. 
Quant à la morale, du moment que la liberté interne n'est 
qu'un rêve, il n'y a plus qu'à la remplacer par une théorie 
du conflit des intérêts. — Vous vous récriez : on pervertit 
le sens des mots, dites-vous ; on simplifie commodément le 
probléme en supprimant une de ses inconnues; on affiche 
de ne s'en rapporter qu'à l'expérience et à l'analyse, et 
voilà qu'on hasarde des hypothéses dont ni le microscope, 
ni le scalpel, ni le ealeul n'ont pu jusqu'ici vérifier les don- 
nées; on affecte en un moi de ne prendre point garde à 
cette voix importune de la conscience du bien et du mal, 
voix plus puissante pourtant que les trompettes de Jéri- 
cho, voix que l'abrutissement seul peut empêcher d'en- 
tendre. — Oui, répondrai-je; mais malgré cette confusion, 
cette contradiction, cette surdité volontaire, les mécanistes 
n'ont pas tort à tous égards. Voyons plutót. 

Nous sommes en présence d'un fait irréfragable. Pas un 
psychologue ne niera que « le corps et l'àme forment un 
tout naturel, » pour parler comme Bossuet. Le travail de 
la pensée, aussi bien que la plus simple émotion, se révéle 
par une modification organique; le sang afflue au cerveau, 
charriant en quelque sorte les idées; la dissidence est seu- 


( 703 ) 
lement sur le point de savoir si cette modification est cause 
ou effet. Quoi qu'il en soit, elle tient essentiellement à 
l'état antérieur, elle en est influencée, puisqu'elle n'est 
caractérisée que par son contraste avec celui-ci et que le 
changement implique la continuité. Or la série de mes 
étals organiques remonte au premier instant où ma mère 
m'a conçu et m'a nourri de son sang avant de me nourrir 
de son lait. Elle m'a transmis son sang tel qu'il était, sain 
ou vicié; je procède de deux êtres qui ont traversé à leur 
tour les mémes phases, et ainsi de suite, de telle sorte que 
sije me meus dans mon petit tourbillon, cependant je con- 
tinue ma race comme la branche continue le tronc. J'ai 
ainsi hérité des idiosyncrasies, des appétits, des répu- 
gnances, des délicatesses nerveuses de mes pères. Je subis 
les conséquences de leurs faiblesses et de leurs maladies. 
Le descendant d’un fou est plus exposé qu’un autre à de- 
venir fou, le fils ou le petit-fils d’un ivrogne à subir la 
tyrannie de l'alcool. On a vu la maniedu vol, du viol, de 
l'assassinat, du suicide se perpétuer dans certaines famil- 
les, faire explosion au moment où l'on s'y attendait le 
moins, chez des individus dont la conduite avait été jusque- 
là exemplaire (1). Ce n’est pas tout: des propensions héré- 
ditaires paraissant dues à des causes toutes morales ne 
sont nullement rares; ainsi le bigotisme étroit, l'irréligion 
systématique, l'esprit de contradiction, d'envie, de dénigre- 
ment : une attention suffisante, à vrai dire, les ramènerait 


(1) La question de l'hérédité a été spécialement étudiée dans ces der- 
niers temps par MM. Prosper Lucas, Ribot, etc. Citons encore la Psycho- 
logie morbide de Moreau (de Tours), la Psychologie naturelle du Dr Des- 
pine (de Marseille), £e crime et la folie, par M. Maudsley, et le livre si 
instructif de M. Houzeau sur Les facultés des animaux comparées à 
celles de l'homme (Mons, 1872, 2 vol. in-89). 


( 704 ) 

à des cas pathologiques. L'hérédité suit d'ailleurs des voies 
très-singulières : on dresserait des listes d'hommes de 
génie qui ont eu pour fils des idiots, et réciproquement; 
d'autre part, on citerait des dynasties ou encore des fa- 
milles d'artistes ou de savants, fécondes sans interruption 
en personnalités d'élite, pendant le eours de nombreuses 
générations. Les énergies s'épuisent plus ou moins promp- 
tement ou deviennent latentes comme pour se retremper ; 
mais en toute hypothèse il faut bien proclamer, avec un 
éminent écrivain d'outre-Manche, que nos meilleurs amis 
ou nos plus cruels ennemis sont nos propres ancêtres. 

Cette conviction de la solidarité des hommes à travers 
les àges est aussi ancienne que l'état social lui-méme. Elle 
se trahit dans la maxime : noblesse oblige, et, en revan- 
che, dans la réprobation attachée à certaines races. Tantót 
c’est une famille qui porte le sceau fatal, tantôt c'est un 
peuple, tout un groupe de peuples. L'auteur de la tragédie 
allemande du Vingt-quatre février, analysée avec une sorte 
de terreur par M"* de Staël, n'a fait que rajeunir la sombre 
tradition des Atrides. La sentence inexorable du destin, 
plus fort que les dieux, ne parait pas toujours avoir été 
méritée. L'action criminelle, pour avoir été fatale, n'en est 
pas moins expiable : le sang crie vengeance ; Némésis 
atteindra tôt ou tard jusqu'au dernier rejeton du maudit. 
Faut-il évoquer la légende d'OEdipe, si éminemment tra- 
gique à raison de cette contradietion mystérieuse qui nous 
serre le cœur ? Faut-il rechercher l'origine du préjugé qui 
a si longtemps condamné, qui condamne encore des mil- 
lions d'hommes à l'esclavage, parce que leur peau est plus 
foncée que la nótre? La eroyance au péché originel rentre 
dans le méme ordre d'idées ; seulement elle prend sa source 
dans le fait d'un premier abus de la liberté, et elle écarte 


( 705 ) 

Némésis par l'espoir d'une rédemption. Mais il n'a. fallu 
rien de moins que la prédication de Jésus pour effacer 
toute différence entre le peuple élu et les gentils voués aux 
ténébres, pour persuader enfin aux hommes que le salut de 
chacun est dans ses mains comme dans les mains de Dieu. 
Cependant l'idée de la responsabilité individuelle a été lente 
à mürir; on n'a p as perdu l'habitude de maudire les morts 
dans les vivants. Ici, par exemple, la flétrissure n'a fait 
que changer d'objet. C'est à peine si, à l'heure présente, le 
stigmate d'infamie dont le moyen âge avait marqué les 
juifs s'est complétement effacé de leurs fronts. 

Sans s'inquiéter de crime ni d'expiation, nos mécanistes 
ont aussi leur facon de maudire. Raisonnant .dans l'hy- 
pothése évolutioniste, ils rendent au mot Zp/ezc; la double 
signification qu'on lui donnait aux temps homériques : 
le meilleur, c'est le plus fort,le plus beau, le héros, 
le demi-dieu. Affaire de sélection, d'élection si l'on veut; 
l'empire est aux plus aptes, aux mieux doués. Tous 
sont appelés, mais peu sont élus: « la grande majorité des 
concurrents malheureux doit nécessairement périr (1). » 
À cette condition seulement le perfectionnement pro- 
gressif des organismes est possible : la nature est émi- 
nemment aristocrate. La sélection a commencé à s'opérer 
dés que la première monére a élé mise en mouve- 
ment; nous avons ainsi traversé, luttant et vainquant 
toujours, tous les états de l'animalité avant d'étre devenus 
hommes, ainsi que le voulait déjà le vieil Anaximandre, 
et maintenant nous poursuivons le combat dans les con- 
ditions où nous sommes placés. Deux lois dominent tout : 
la loi d'hérédité, la loi d'adaptation. L'hérédité, c'est la 


(1) HagckEL, Les preuves du transformisme. Paris, 1879, in-12, p. 112. 


( 706 ) 

conservation des perfections acquises ou des infirmités 
contractées; l'adaptation, c’est le progrès sous l'influence 
des milieux, laquelle détermine les changements de con- 
formation externe. De là des races privilégiées, à qui est 
réservé le gouvernement du monde, et des races de 
parias, destinées à s'appauvrir de plus en plus jusqu'à en- 
tiére extinction. 

La loi d'adaptation n'a pas seulement attiré l'attention 
des matérialistes; en regard de la philosophie de l'histoire 
de Condorcet, je pourrais placer les théories de Herder et 
de Michelet sur le rapport intime des climats avec les habi- 
tudes, la vigueur et le perfectionnement tout entier des 
populations. Les faits relevés à l'appui de cette thése ne 
sont pas plus contestables que les faits d'hérédité ; les uns 
et les autres serviront à la construction d'une science qui 
n'est encore que dans l'enfance pour ainsi dire, mais qui 
parait appelée à un grand avenir; je veux dire l'histoire 
naturelle de l'homme considéré non dans un type abstrait, 
mais dans sa réalité vivante et historique, la science des 
maurs enfin. Combinée avec l'hérédité, l'adaptation rend 
raison de la formation et de l'altération insensibles des 
caractères nationaux. Les survivances, comme on dit 
aujourd'hui, se révélent sous mille formes trop peu obser- 
vées avant notre temps ; rien n'est à dédaigner dans les 
dictons populaires, dans les jeux des enfants en rapport 
avec le calendrier, dans les contes de nourrice, derniers 
vestiges d'anciens mythes, dans les superstitions les plus 
grossiéres, dans une foule de préjugés et d'usages les 
mémes partout au fond, trahissant leur commune origine 
sous le vétement d'emprunt dont les poétes du peuple se 
sont parfois avisés de les affubler. D'un autre cóté, le 
mélange ou le croisement des races a eu pour effet, 


C 707 ) 

soit de fondre graduellement les nuances, soit de donner 
lieu à de nouveaux types, surtout s'il s'opère chez des émi- 
grants, obligés de changer d'habitudes. Quelles différences 
entre les Yankees, par exemple, et les Anglo-Saxons de 
l'ile-mére! Cependant à certains traits indélébiles, à leur 
sens pratique, à leur persévérance indomptable, on ne sau- 
rait se méprendre sur leur cousinage. Les relations com- 
merciales, les déplacements de l'industrie sont encore des 
facteurs à considérer; des influences non moins puissantes, 
au contraire, maintiennent ailleurs les façons de vivre sécu- 
aires. 

Se multipliant au milieu de nous, dispersés sur tous les 
points du globe, les juifs sont restés les juifs. Les chrétiens 
renégats sont-de beaucoup plus nombreux que les musul- 
mans convertis à la foi de l'Évangile. Les enfants tsiganes 
élevés dans nos meilleures écoles retournent tót ou tard à 
l'existence vagabonde de leur tribu. Montesquieu sentait 
ou pressentait cette vérité quand il écrivait l'Esprit des 
lois. Ce n'est pas impunément qu'on fermerait les yeux 
sur les préjugés les plus ridicules ou les plus tristes, alors 
qu'ils sont profondément enracinés. Observez sans parti 
pris les masses populaires, si faciles à entrainer lorsqu'on 
flatte leurs instincts traditionnels ou les appétits jadis in- 
connus qu'elles doivent à des institutions plus égalitaires: 
vous serez frappés de la force d'inertie ou de résistance 
opiniàtre qui résulte à la fois de ces deux impulsions, et 
vous vous direz qu'en somme l'indépendance personnelle 
pourrait bien étre tout ce qu'il y a de plus rare en ce 
monde. 

On le voit : si le libre arbitre n'est pas un préjugé, il est 
dans tous les cas singulièrement paralysé par les mœurs. 
Le passé et le présent nous emprisonnent dans les mailles 


( 708 ) 

d'un réseau inextricable, ou encore, ils conspirent à 
nous pétrir comme une cire molle; nul n'échappe entière- 
ment à ses prédispositions héréditaires ni à son éducation, 
à l'orbite où il a gravité, non de son plein gré, depuis son 
enfance. Jusqu'ici je ne vois pas ce qu'on pourrait objecter 
aux mécanisles; tout fait acquis demeure acquis, et les 
conséquences en sont inévitables; rien ne se perd ni ne 
s'oublie. 

Mais, est-ce bien tout? A-t-on pénétré jusqu'à l'essence 
de la pensée et de la volonté, parce qu'on a constaté que 
nous sommes engagés dans une ornière, et que la chute 
s'accélére en raison de la vitesse acquise? La pensée n'est 
qu'une transformation du mouvement, dit M. Hubert 
Spencer, rajeunissant une formule condillacienne. 1l fau- 
drait du moins dire une transmutation (au sens du moyen 
àge), fait justement observer M. Naville; ear en vérité ce 
n'est pas un changement de forme qu'on affirme ici, mais 
un changement de nature. Le mouvement se spécifie par sa 
rapidité et par sa direction ; or, la pensée contient visible- 
ment autre chose (1). Que tous les chefs-d’œuvre de l'es- 
prit humain répondent à un certain arrangement ou à un 
certain ébranlement des atomes, assimilable aux évolu- 
tions d'une danse (la comparaison est d'un mécaniste), il 
ne s'ensuit pas encore que l'unité de l'inspiration ou de la 
composition réside dans la juxtaposition des matériaux 
employés. Ce n'est pas seulement l'accord ou la succession 
agréable des sons qui me séduit dans une symphonie, c'est 
la mélodie révélatrice d'une autre àme à mon àme (qu'on 
me passe ce vieux mot). Elle produira sur vous une im- 
pression qui ne sera pas celle que j'ai ressentie, mais nous 


(1) Revue philosophique (de Paris) , mars 1879, pp. 208 et suiv. 


( 709 ) 

nous entendrons sur le sentiment, sur la pensée que l'au- 
leur a voulu traduire; les notes ne sont done pas tout; il 
arrivera méme que nous jugerons , distinguant nettement 
le fond de la forme, que l'auteur a bien ou mal rendu son 
idéal. De méme vous subirez autrement que moi la magie 
de l'éloquence; mais si l'orateur a été clair, nous ne discu- 
terons pas sur ce qu'il a voulu dire. Quelle que soit notre 
facou de sentir, nous sommes ici en présence d'une lumiére 
fixe qui brille au dehors, d'une unité indivisible, continue, 
objective, d'un tout qui n’est pas une somme de parties, 
mais une intégrale d'un ordre supérieur. Le méme effet 
eüt pu étre produit par des sons, par des mots différents. 
Et comment se serait opérée cette métamorphose du mou- 
vement en pensée, sans le concours actif du génie de l'ora- 
leur ou du musicien? Mystère insondable, dit l'éminent 
apótre de l'hypothése : le mouvement est un mode de l'in- 
connaissable, la pensée en est un autre; qui oserait affirmer 
qu'ils ne sont pas réductibles entre eux? — Mais de quel 
droit affirmez-vous qu'ils le sont? Vous partez d'une pos- 
sibilité tout à fait incertaine, puisqu'elle n'est point du 
ressort de l'expérience, votre criterium unique, puis vous 
concluez du possible au réel. 

La nouvelle théorie de la volonté n’est pas moins dog- 
matique. La volonté se ramènerait à la tendance irrésistible 
d'une certaine quantité de force reçue et accumulée, si 
bien que nous ne saurions créer un seul mouvement : le 
déterminisme universel des phénomènes en serait dé- 
truit (1). Tous les modes actifs de la conscience se tradui- 
sent immédiatement en un fait organique, soit ; mais sont- 
ils pour cela soumis, comme les modes passifs, à un 


(1) Ibid., p. 275. 
Me SÉRIE, TOME XLVII. E 46 


( 740 ) 

déterminisme absolu (1)? C'est ici que la morale est en 
danger et que, nous allons le voir, le mécanisme s'égare. 

Pour uu mécaniste conséquent, il n'y a point d'autre 
morale que les mœurs elles-memes, des habitudes passées 
à l'état d'instincts. « Je crois, dit M. Spencer dans une 
lettre qui a eu un grand retentissement (2), je crois que 
les expériences d'utilité, organisées et consolidées à travers 
toutes les générations passées de la race humaine, ont pro- 
duit des modifications nerveuses correspondantes qui, par 
transmission et accumulation continues, sont devenues 
chez nous certaines facultés d'intuition morale, certaines 
émotions répondant à une conduite juste ou injuste, qui 
n'ont aucune base apparente dans les expériences d'utilité 
individuelle. » Nous sommes devenus des étres organique- 
ment moraux; les principes de morale n'ont été obtenus 
que par généralisation : voilà qui est dit. Je me demande 
pourtant comment M. Spencer peut parler d'émotions 
« répondant à une conduite juste ou injuste? L'illustre 
penseur me parait rentrer tout d'un coup dans le champ 
de la morale impérative par une porte dérobée. Peut-on, 
en effet, prononcer le mot justice sans lui donner le sens 
d'une régle éternelle, nécessaire, indépendante de tout 
intérét individuel ou collectif? M. Guyau a beau s'appuyer, 
pour défendre M. Spencer, sur les sentiments altruistes; 
grossissez ces sentiments à l'infini, vous n'atteindrez pas 
encore la JUSTICE. 

Ce que l'on peut accorder, c'est que le sens moral pro- 
prement dit, j'entends par là le rapport que nous saisis- 
sons entre nos désirs et nos devoirs, ne s'est dégagé que 


) Ibid., p. 274 
d Lettre à M. Bain, citée par M. Guyau, Ibid., p. 308. 


(HE) 
peu à peu du sentiment de notre faiblesse individuelle. 
L'homme ne peut vivre isolément; sa minorité a besoin 
d'appui : l'autorité. paternelle s'impose par une loi natu- 
relle. Dans l'état sauvage, à la vérité, cette domination 
dure tout juste autant que la force virile; aussi est-elle 
tout arbitraire. On se débarrasse sans serupule des vieux 
parents qui ne sont plus que des bouches inutiles; la femme 
n'est qu'une proie, l'enfant sera peut-être sacrifié ou vendu 
comme esclave. Mais il est impossible d'en rester là, sous 
peine de périr misérablement. Peu à peu les besoins et les 
intéréts rapprochent les familles et créent une colleetivité 
plus large, le clan ou la tribu. Il faut à chacun la subsis- 
tance, à tous une protection assurée; on se soumet volon- 
tiers au pouvoir du plus fort, du plus hardi, du plus résolu. 
En méme temps s'éveille, sous l'influence des terreurs de 
la nature et de la régularité de ses phénoménes, l'idée de 
puissances supérieures à tous les hommes, à tous les êtres. 
La religion, c'est-à-dire la reconnaissance publique de ces 
puissances redoutables, apparait sur la terre comme le 
premier lien des sociétés : la vie nationale débute sous ses 
auspices. Notons cependant que cette religion primitive 
n'a rien de commun avec ce que nous appelons la morale; 
on voit poindre à peine celle-ci dans quelques maximes 
pratiques, fondées sur l'expérience. La loi n'est encore 
que l'expression d'une volonté tout extérieure; l'obéis- 
sance ne procède que de la crainte. L'individu existe à 
peine pour lui-méme, tant la routine des usages et des rites 
détermine tous ses actes; il travaille et se repose quand on 
le lui preserit; il ne peut se nourrir comme il l'entend. 
Cependant les exigences de la vie civile affranchissent 
graduellement l'état de la domination du sacerdoce, inter- 
préte de la loi divine. La religion continue d'étre respec- 


( 212 ) 

tée, mais elle n'est plus qu'une institution comme les 
autres, un ensemble de cérémonies représentatives de 
l'unité nationale, et à ce titre obligatoires. L'impie n'est 
pas l'ineroyant, mais celui qui ne prend point part aux 
sacrifices; l'obligation n'a pas encore sa source dans la 
conscience. Je ne sais quel sentiment vague des droits 
individuels se fait pourtant jour; l'autorité purement 
extérieure prenant un caractère tyrannique, aucune vio- 
lence ne coûtera pour lui résister. Sous des rameaux de 
myrte, Harmodius et Aristogiton dissimuleront leur glaive 
vengeur, et les Athéniens délivrés chanteront leur gloire. 
Ici non plus la morale n'a rien à voir; on en est encore à 
la loi du talion; l'illusion patriotique dissimule, hélas! la 
gravité du crime. Heureusement un autre courant d'idées 
viendra bientôt régénérer la Grèce, en attendant qu'un 
courant plus puissant encore vienne inonder de ses eaux 
vives et fécondantes toute l'étendue du monde policé. La vie 
morale digne de ce nom a pris son essor le jour méme oü 
les échos de l'Agora ont répété comme à l'envi l'appel 
pressant d'un Socrate : Connais-toi toi-même! Ce jour-là, 
le destin aveugle a été foulé dans ses ténébres, les ca- 
prices des dieux frappés d'impuissance, le Dieu vivant 
caché dans nos cœurs entrevu; ce jour-là, l'homme inté- 
rieur a célébré sa fête de naissance; et le jour où le sage 
a bu la ciguë aprés avoir refusé de quitter sa prison, 
l'image resplendissante du devoir a imposé silence aux 
intéréts sordides et aux passions viles, tandis que la reine- 
liberté, souriante d'espérance au reflet de cette pure 
lumiére, a vu poindreà l'horizon l'aube du triomphe ma- 
gnifique qui lui est réservé. 

Les socratiques ont eu la gloire d'éclairer l'homme sur 
sa nature morale et de lui attribuer le mérite de ses ver- 


C S) 

tus; mais leurs derniers missionnaires ont exagéré ce 
principe sauveur en réagissant outre mesure contre l'idée 
de la solidarité humaine; jusqu'à la fin des temps anti- 
ques, ils ont oscillé entre l'égoisme d'Épicure et l'égoisme 
des stoiciens plus noble, mais purement abstrait. L'intérét 
et le vain orgueil ne pouvaient être vaincus que par le 
principe de l'amour, qui brave les superbes et relève les 
humbles, ne sacrifie ni la communauté ni l'individu, mais 
les sauve l'un par l'autre et proclame que le bien de cha- 
€un est purement et simplement le bien de tous. Dès lors 
l'idée du devoir est compléte, elle est devenue indépen- 
dante de toute autorité extérieure, elle défie, par consé- 
quent, toute contrainte. Il dépend de toi de faire le bien; 
fais-le quand méme, selon ton pouvoir; aie soif de justice 
pour toi el pour tes fréres, coüte que coüte, car à ce prix 
seulement tu garderas la paix du cœur, — et le reste ne 
vaut pas qu'on le recherche. 

C'est ainsi qu'il a fallu des siécles pour nous mettre en 
possession de nous-mémes, pour nous apprendre à distin- 
guer la morale des mœurs, la loi du fait, la liberté de la 
conscience de la liberté de la force brutale. Allons-nous 
retourner en arriére et ne plus voir dans les affections 
désintéressées que des entrainements héréditaires dont 
l'origine est oubliée, dans la justice elle-méme qu'une idée 
conventionnelle, un produit de l'expérience et de l'habi- 
tude? Sans aucun doute, de méme que l'individu n'atteint 
pas en un jour l’âge de raison, de méme la société a passé 
par une longue enfance avant que la lumière se soit faite 
dans la conscience publique et privée. Mais les vérités 
qu'elle a découvertes alors se sont imposées à elle et pour 
toujours, parce que leur caractère propre est de ne pou- 
Voir étre concues de deux maniéres. On n'a pas toujours 


( 714 ) 
connu la géométrie ni la logique, mais une fois qu'elles 
ont été connues, on a compris qu'aucune expérience ne 
viendrait jamais les démentir. Le mathématicien ne rai- 
sonne pas sur la figure imparfaite qu'il a tracée sur la 
planche noire, mais, il est bon de le redire, sur le cercle 
ou le triangle éternellement parfaits qu'il voit des yeux de 
l'esprit. ll a fallu passer par l'expérience, mais l'expé- 
rience par elle-méme ne nous a rien montré d'immuable, 
et cependant rien de plus positif, de plus certain que 
l'égalité des rayons de tous les cercles, hier, aujourd'hui 
et à jamais. Qu'importe ici le mouvement des atomes? 
Is ne sauraient se grouper contrairement aux lois mathé- 
matiques : celles-ci ne dérivent done pas de leurs combi- 
naisons. Ah! je comprends l'enthousiasme des pythagori- 
ciens pour les nombres, dont les rhythmes leur apparais- 
saient comme d'essence divine, à raison de leur constance 
indépendante de nous. En serait-il autrement dans le do- 
maine du juste et de l'injuste? La question est évidem- 
ment plus complexe, puisqu'il ne s'agit plus ici d'abstrac- 
tions pures, mais de principes pratiques déterminés, en 
dehors de leur rapport à la nature de cet étre « ondoyant 
et divers » qui est appelé à en rendre témoignage. 1l est 
certain, par exemple, que si tous nos actes sont prédéter- 
minés, ils ne sont ni moraux ni immoraux. Or, le fait est 
que, malgré nous, soit instinclivement, soit par réflexion, 
nous leur attribuons une valeur morale, c'est-à-dire nous 
les jugeons non-seulement opportuns ou conformes à ce 
que nous croyons étre notre intérét, mais conformes ou 
non conformes à une loi que nous ne pouvons pas nous 
représenter comme variant avec les circonstances. En un 
mot, nous distinguons fort bien ce qui est, le fait, de ce 
qui doit étre, des prescriptions d'une loi immuable. Que 


( 745 ) 

les mécanistes voient là une illusion, à leur aise; encore 
est-il qu'il y a pour moi, ne füt-ce que dans mon idée, un 

domaine qui n'est pas celui de l'expérience. Une analogie 
frappante rendra, ce me semble, ma pensée tout à fait 
claire. Un artiste de retour d'Italie m'entretenait un jour 
de la difficulté qu'éprouvent les copistes des musées à 
rendre la divine beauté qui rayonne dans les figures de 
Raphaél arrivéau plein épanouissement de son génie. C'est 
que, me disait-il, on n'y saisit pas un contour définitif, 

unique, précis : on a le choix entre plusieurs lignes. Il 
n'est pas permis de douter que Raphaël, d'intuition, n'ait 
entrevu la ligne de beauté par excellence; mais il s'agit de 
la retrouver parmi d’autres et c'est là ce qui désespère. 
Lui-méme n'est point parvenu à la tracer, mais elle se dé- 
gage en quelque sorte à distance. Que dis-je? Dans sa 
fameuse lettre au comte de Castiglione, le peintre d'Urbin 
reconnait lui-même que ses meilleures œuvres ont tou- 
jours été infiniment au-dessous de son idéal. Cet idéal 
existe pourtant, il est donné, sans quoi le connaisseur, le 
peintre lui-méme ne pourrait constater que l'imperfection 
de ses moyens l'a entrainé à tracer sa ligne en decà ou au 
delà. Eh bien! il en est du juste comme du beau : nous ne 
sommes point capables d'atteindre, de réaliser sa perfec- 
tion immatérielle, mais seulement d'en approcher indéfini- 
ment. Mais il nous subjugue et nous oblige, et nous ne 
pouvons faire autrement que d'y tout rapporter. Il existe 
devant nous, il est là comme une limite que notre nature 
débile ne sait parfaitement garder, mais que nous ne 
pouvons déplacer selon notre caprice. Or, cet idéal de 
perfection, comment nous sentirions-nous tenus de le 
poursuivre si nous étions en tous points les esclaves de 
nos besoins et dés appétits de chaque jour? 


(RO Y 

Le seul fait de l'existence en nous de l'idée du devoir 
postule, comme un fait également indiscutable, l'existence 
du libre arbitre. C'est plus qu'une conviction inébranlable: 
ma liberté m'est rigoureusement démontrée. On a beau 
dire que le moi se réduit à une série de sensations; il est 
toujours, je le veux bien, sous le coup d'une im- 
pression quelconque; ses impressions et les réactions 
qu'elles provoquent sont les phénoménes, les états succes- 
sifs à travers lesquels se déroule son existence; mais ces 
états ne sont les siens que parce qu'il ne peut faire autre- 
ment que de se les attribuer, ce qui révéle son identité 
permanente. Il est celui qui subit ces impressions el qui 
sait qu'il les subit. La conscience n'est qu'un phénoméne 
comme un autre, dit-on; mais comment ce phénomène 
serait-il possible si je n'étais pas libre? L'acte de con- 
science est par excellence un acte de liberté; je ne puis 
dire moi,me renfermer en moi-même sans m'être détaché 
volontairement de mes impressions sensibles. Or, je puis 
dire moi, je le dis : ce seul mot est une preuve qui défie 
tous les sophismes. On veut des faits, en voilà un : vous 
niez le mouvement, je marche ; l'existence du mouvement 
est prouvée. 

Quand je dis : moi, je relève le front, car je sens ma 
puissance. Mais je sens aussi ma faiblesse, la limite de mon 
indépendance. Je vois un certain ordre dans l'univers, un 
ordre dont je ne suis pas l'auteur et qui persistera sans 
moi; je ne puis faire tout ce que je veux. Eh oui! mais 
enfin je puis vouloir, et, Dieu merci! ma part est assez 
belle. L'homme ne s'est-il pas soumis les forces les plus 
redoutables de la nature, n'a-t-il pas transformé la surface 
du globe, n'a-t-il pas creusé le sol pour en extraire des 
instruments de son travail ? mais qu'il dépasse la mesure, 


* 


( 747 ) 

qu'il surchauffe une machine, qu'il demande à la terre 
nourricière plus qu'elle ne peut lui donner, qu'il se livre à 
des excès quelconques, il en sera victime : l'ordre des 
choses est plus fort que lui. Mais il était libre d'agir, par 
cela seul qu'il est né capable de se tromper. S'il n'était pas 
libre, pourquoi étre condamné à verser dans l'erreur? Quel 
mauvais génie lui aurait donné la première impulsion ? 
Les mécanistes raisonnent singulièrement, car pour être 
logiques, ils devraient refuser aux ancétres ce qu'ils refu- 
sent aux descendants. 

Le déterminisme absolu implique contradiction, par rap- 
port à nous. Spinoza dit dédaigneusement : « Celui qui se 
croit libre rêve les yeux ouverts. » Mais si toutes mes 
pensées, toutes mes aspirations sont arrêtées d'avance , il 
ne dépend pas de moi de réver ou de ne pas réver les yeux 
ouverts. Voilà donc que je crois à la liberté parce que, 
d'une part, la science m'apprend que je ne puis faire autre- 
ment que d'y croire, et de l'autre, cette méme science 
m'avertit que je soutiens une absurdité. C'est à n'en pas 
sortir; mon existence méme serait un mensonge. Com- 
ment! Je serais tout à la fois emporté par le torrent et 
debout sur le rivage pour le regarder passer! 

Mais je ne crois pas, je sais que je suis libre. L'huma- 
nité a une histoire, elle marche vers des destinées dont 
elle pressent invinciblement la splendeur et dont les im- 
pressions de l'heure présente n'auraient su lui donner 
l'appréhension, ne s'appliquant qu'à des états passagers. 
Sans la liberté nous n'aurions point d'histoire; nous tour- 
nerions dans le cercle infranchissable de la vie animale. 
Ce qui nous spécifie, c'est précisément la certitude que 
nous avons de pouvoir toujours opposer aux forces bru- 
tales qui tendent à nous envahir une énergie, une volonté 


(718 ) 
qui les brave : la logique irrésistible des faits n'exclut 
pas une perturbation momentanée. Nous concevons aussi 
fort bien qu'un résultat donné soit obtenu par des voies 
fort différentes; nous fixons notre enjeu. Les dispositions 
héréditaires, l'éducation, les passions nous troublent la 
vue, soit; elles ne font pas que nous n'éprouvions des re- 
grets cuisants quand nous avons agi autrement que nous 
ne devions agir. Notre caractére, disait le philosophe Her- 
bart, est la conséquence d'un certain équilibre des impres- 
sions reçues; c'est tout juste le contraire qu'il eût fallu 
dire. L'homme de caraetére n'est pas celui qui attend de 
son journal un mot d'ordre , mais celui qui ne prend con- 
seil, advienne que pourra, que de sa conscience, fourvoyée 
ou non. Les hommes de caractére sont trés-rares sans 
contredit ; le troupeau de Panurge est innombrable ; mais 
enfin il se rencontre des hommes qui savent vouloir, à 
leurs risques et périls; et ce sont ceux-là qui , personnel- 
lement ou par l'empire de leurs idées, dirigeront tót ou 
tard la barque. D'aucuns , à cause de cela, se sont mis à 
croire que l'énergie de la volonté est tout l'homme; seule- 
ment qu'ils y prennent garde; c'est une exagération pour 
une autre : la volonté n'est déterminée qu'en raison de la 
clarté des intuitions. — Non, s'écrient les mécanistes : la 
volonté n'est que le besoin d'expansion, d'envahissement. 
Point de vain serupule; en avant! C'est plus fort que nous. 
On en vient ainsi à Ja théorie annexionniste; on en vient 
à penser, avec Hobbes, que la guerre est notre état normal. 
L'harmonie n'est qu'une paix temporaire, prélude d'un 
nouveau drame sanglant qui ne finira, à son tour, que pour 
en annoncer un autre, et cela jusqu'à l'anéantissement des 
faibles, car le loup est fait pour croquer l'agneau. Associa- 
tion et dissociation des forces élémentaires, tout est là; la 


(62497) 

force est la loi souveraine, fatale, insurmontable. Les insti- 
tutions qui régissent les sociétés humaines ne sont que des 
préparatifs de défense ou de conquéte : les uns les expli- 
quent par l'évolution, les autres par des contrats basés uni- 
quement sur l'intérêt ; dans les deux hypothèses elles n'ont 
qu'une valeur de circonstance. Donc, pas plus de droit ab- 
solu que de morale universelle : le droit n'est que l'apanage 
de l'autorité conquise ou consentie, et il subit le contre- 
coup des révolutions , il est subordonné à tous les change- 
ments de majorité. 

Nous vivrions ainsi dans une instabilité perpétuelle ou 
dans la résignation de l'insouciance, retournant au pro- 
babilisme des anciens sceptiques. Cherchons la science 
pour doubler nos jouissances , car qui peut dire ce que le 
lendemain nous réserve? Nos suecesseurs perceront les 
voiles de l'avenir; quand la mécanique aura dit son dernier 
mot, ils seront prudents à bon escient. En attendant, pro- 
fitons du présent, voilà le commencement et la fin de la 
sagesse... je m'arréte effrayé. 

La guerre, la lutte acharnée entre tous, toujours et par- 
tout, le pied sur la poitrine de l'ennemi renversé, l'oppres- 
sion des faibles, Cain absous, Étéocle et Polynice rempla- 
cant Oreste et Pylade; ou bien les folles orgies qui suivent 
la vietoire, ou bien pour les avisés la recherche altérée du 
plaisir, la vertu ridiculisée, bafouée, asphyxiée par les 
odeurs qui montent des assommoirs oü tróne le vice héré- 
ditaire, voilà donc notre sort, voilà le tombeau de nos 
naives espérances, le cauchemar épouvantable dont le 
microscope menace l'immense majorité de nos fréres! Car 
on a beau parler d'altruisme ; si les mécanistes ont raison, 
le contrat qui régle aujourd'hui nos intéréts communs ne 
survivra pas au déplacement de ces intéréts. Heureuse- 


( 720 ) 
ment nos observateurs sont myopes : ils voient en deca, 
comme les purs idéalistes prétendent voir au delà. lls ne 
font attention qu'aux éléments matériels qui s'entre-cho- 
quent et se groupent, et le tout n'est jamais pour eux que 
l'agglomération temporaire des parties, l'individu qu'une 
complexité de cellules, la race qu'une somme d'individus. 
L'unité supérieure qui constitue le tout n'existe pas pour 
eux : leur monde n'est qu'un amas de poussière. Ils nient 
méme toute finalité, ce que M. Paul Janet ne parvient pas 
à leur pardonner (1). Mais quant à la véritable question en 
litige, c'est-à-dire quant au point de savoir comment il se 
fait que nous avons l'idée de quelque chose d'absolu, 
d'éternel, de nécessaire, ils se réfugient dans l'inconnais- 
sable. C'est commode : je suis aveugle, donc la lumière 
n'existe pas. 

Absorbés par vos expériences, vous avez laissé l'analyse 
vous dessécher le cœur. O maitres naturalistes, psycho- 
physiciens, physiologistes de l'esprit, vous avez disséqué 
des corps vivants, vous avez mesuré le paroxysme de la 
souffrance physique, épié les phases de l'épuisement et 
de lagonie; vos admirables expériences, — car il les 
faut admirer toutes cruelles qu'elles sont, — ont pu vous 
apprendre comment un muscle palpite, comment un nerf 
tressaille; mais elles ne vous ont révélé que les énergies 
qui luttent et qui résistent, et non celles qui créent, 
qui unissent et qui fécondent. Vous n'avez pu torturer 
l'homme, et néanmoins vous avez osé juger l'homme, 
prétendant dogmatiquement qu'il n'est qu'un animal plus 
finement organisé que les autres, et que l'animal n'est 
qu'un homme plus ou moins avorté. Vous avez tout 


(1) Les causes finales. Paris, 1876, in-8e. 


( 724.) 

sondé, excepté ce qu'il y a d'humain dans l’homme. 
Vous avez non-seulement renié son idéal de justice, mais 
encore sa volonté de le réaliser. C'est iei surtout qu'éclate 
votre insuffisance. ll vous a échappé que la force propre 
de l'homme n'est pas dans la vigueur de ses haines et de 
ses convoitises, mais dans l'expansion irrésistible de l'es- 
prit de concorde qui le porte à tendre la main aux faibles, 
au lieu de les écraser, qui adoucit les mœurs et prépare de 
loin un droit international respecté. Vous avez pris pour 
types les sauvages de la civilisation, et vous ne vous êtes 
pas demandé ce que deviendrait cette civilisation dont vous 
vous enorgueillissez vous-mêmes, si elle leur était livrée. 
Vous avez mis à nu des plaies vives, et vous ne vous étes 
pas doutés, ce semble, que le reméde est à cóté d'elles... 

L'amour, non cette excitation toute sensuelle, synonyme 
pour vous de l'instinet de conservation de la race, mais 
l'amour qui s'étend à tout et à tous, qui convie au banquet 
social les misérables comme les autres, qui les associe à 
toutes nos conquétes morales et matérielles, qui a fondé 
nos institutions, de plus en plus tolérantes, sur la base de 
nos devoirs mutuels, qui nous a fait un bonheur d'étre 
justes et bons, qui a inspiré tous les arts et a créé pour 
ainsi dire une seconde nature plus magnifiquement divine 
que l'autre, voilà ce que vous méconnaissez ou ce que vous 
dénaturez, et voilà pourquoi vos découvertes merveilleuses 
ne nous conduiraient qu'à la dissolution et au désespoir, 
s'il était possible que l'humanité n'eüt plus foi qu'en elles. 
Mais j'oublie que l'humanité n'est pour vous qu'un vain 
mot : il n'existe à vous en croire que la danse des cellules, 
réductible en équations. 

O maitres! vous valez mieux que vos doctrines. À votre 
insu vous croyez , vous aussi, l'homme libre, puisque vous 


( 722) 

lui donnez des conseils; vous croyez à l'ordre, puisque 
vous êtes déterminisles; vous croyez méme à l'amour, car 
vous n'étes ni moins bons péres, ni moins bons citoyens 
que les autres. Vous éprouvez méme une certaine tendresse 
pour les déshérités, puisque vous dites aux législateurs de 
tenir compte, dans l'imputation des actes, de la fatalité 
héréditaire et de l'influence des milieux. Mais votre erreur 
théorique n'en est pas moins de détendre en nous tout 
ressort, en enlevant à la morale son caractére universel 
et sa sanction divine. Vous avez inventé une formule spé- 
cieuse : la morale progressive. Ces deux termes jurent 
ensemble : si la Joi morale varie avec les temps, comme 
. leslois humaines, il n'y a plus de morale. Progressive ? Vers 
quoi? Vous avez done, vous aussi , un idéal de perfection! 
Vous ne pouvez faire un pas dans l'inconnaissable, dites- 
vous : eh bien! ne quittez pas le terrain solide où vous êtes 
établis, mais laissez à l'homme sa foi naturelle et son sens 
commun. 

Des esprits rigides, frappés de cette confusion de la 
morale et des mœurs et ne révoquant en doute ni la liberté 
humaine ni le caractére impérieux du devoir, ont essayé 
d'isoler l'idéal du bien et de constituer un nouveau stoi- 
cisme , une morale indépendante. C'est encore tomber d'un 
côté pour s'empécher de tomber de l'autre. Réduite à une 
catégorie abstraite, l'idée du devoir n'est qu'un (il dela Vierge 
qui flotte en l'air. L'idée du devoir est une idée de rapport, 
et tout rapport suppose deux termes : ici, d'un cóté, notre 
nature vivante, avec ses affections qui la tiraillent en sens 
divers; de l'autre, la sanction éternelle de la loi, Dieu enfin, 
quelle que soit l'essence de cette supréme inconnue. 
Otez un de ces termes ou remplacez-les par une évolution 
aveugle et fatale, les mécanistes auront raison : plus de 


( 725 ) 

morale absolue. La morale ne tient pas sans doute à la spé- 
cialité de nos croyances ni à la simple logique des faits ; 
mais, ou elle n'est pas, ou elle a sa source dans la religion 
de l'humanité, qui se résume en trois mots : liberté, amour, 
justice. Ce n'est point là une religion dogmatique, mais 
c'est la religion méme, la religion de l'ignorant comme du 
savant, sentiment instinctif d'abord, réfléchi ensuite, 
source et lumiére de toutes les vertus, conciliation de la 
loi et du fait. On essaye de toutes parts de constituer la 
science sociologique : elle n'aura jamais d'autre base que 
ce trépied inébranlable. 

L'homme n'est ni ange ni béte, disait Pascal. Ne nous 
aventurons pas dans les nuages et ne descendons pas trop 
bas. Les hautes aspirations de l'homme ont leur domaine, 
la physiologie a le sien. Mais encore une fois, nier ce qu'on 
ne voit pas, ce n'est guère que se prévaloir d'une infir- 
mité. 


Les applaudissements de l'assemblée ont répondu à ces 
deux lectures. 


M. le secrétaire perpétuel proclame le résultat suivant 
des concours et des élections : 


PRIX TRIENNAL DE LITTÉRATURE DRAMATIQUE FRANCAISE. 


Par arrêté royal du 6 mai 1879, conformément aux 
propositions du jury chargé de juger la septième période 
du concours triennal de littérature dramatique en langue 
française, le prix est accordé à M. Louis Claes, avoué à 
Bruxelles, auteur des pièces suivantes : André Vésale, 
drame en 4 actes et 5 tableaux, Mathilde Gilbert, drame 
en 5 actes, l'Employé, comédie en 5 actes. 


(724 ) 


RÉSULTATS DU CONCOURS ANNUEL DE LA CLASSE. 


Deux mémoires, écrits en français, ont été reçus en 
réponse à la première question du programme : 


Les encyclopédistes français essayèrent, dans la seconde 
moitié du XVIII* siècle, de faire de la principauté de 
Liège le foyer principal de leur propagande. 

Faire connaître les moyens qu’ils employérent et les 
résultats de leurs tentatives, au point de vue de l'influence 
qu'ils exercérent sur la presse périodique et sur le mouve- 
ment littéraire en général. 


Le premier mémoire porte pour devise : 


« En majeure partie, les hommes ne savent ni remonter 
ni redescendre le cours des idées, etc. » (Aue. Cocniw.) 


Le second : 


« Sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant 
est toujours esclave. » (CONDORCET.) 


La Classe, ayant entendu les rapports de ses commis- 
saires, décide de partager le prix de 600 francs entre les 
auteurs de ces deux mémoires. 

L'ouverture des billets cachetés a fait connaitre comme 
étant l'auteur du premier, M. Henri-Victor-Alfred Fran- 
cotte, docteur és-lettres, à Liége; et comme auteur du 
second, M. J. Küntziger, professeur à l'Athénée royal 
d'Arlon, à Seymerich lez-Arlon. 


( 728 ) 
— Deux Mémoires, l'un en flamand, l'autre en francais, 
ont été recus en reponse à la deuxiéme question : 


Écrire l'histoire de Jacqueline de Baviére, comtesse de 
Hainaut, de Hollande et de Zélande, et dame de Frise. 


Le premier porte pour devise les vers suivants : 


« Doulce est la peine 

» Quant elle amaine 

» Aprés torment 

» Contentement. » (1590) 


Le second, la citation suivante de Cicéron (Tuscul. IH, 
20) : « Quid laboro nisi ut veritas in omni quaestione 
explicetur? » 


La Classe, adoptant les conclusions de ses commissaires, 
vote la médaille d'or de six cents francs à l'auteur du pre- 
mier de ces mémoires. L'ouverture du billet cacheté a fait 
savoir qu'il est dû à M. Frans de Potter, à Gand, déjà lau- 
réat de l'Académie. 

MM. Francotte et de Potter viennent recevoir des mains 
du président la récompense qui leur est décernée. 

M. Küntziger a motivé son absence par écrit. 


ÉLECTIONS. 


La Classe avait eu le regret de perdre deux de ses mem- 
bres titulaires depuis les derniéres élections annuelles : 
M. J. Roulez, de Gand, et M. J.-H. Bormans, de Liége. 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 47 


( 726 ) 
Elle a porté ses suffrages, pour ces deux places vacantes, 
sur MM. Stanislas Bormans et Charles Piot, déjà corres- 
pondants. Leur élection sera soumise à la sanction de Sa 
Majesté. 

La Classe a élu correspondants : MM. T.-J. Lamy, pro- 
fesseur à l'Université de Louvain; J. Henrard, major d'ar- 
tillerie à Anvers, et Alphonse Vandenpeereboom , Ministre 
d'État à Bruxelles. 


(727) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS, 


Séance du 7 mai 1879. 


M. le chevalier Léon DE BuRBURE, directeur. 
M. Liacre, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. L. Alvin, Guill. Geefs, Jos. Geefs, 
C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, J. Franck, 
Gust. De Man, Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slingeneyer, 
Alex. Robert, Ad. Samuel, Ad. Pauli, J. Schadde, mem- 
bres ; Alex. Pinchart, correspondant. 

M. Mailly, membre de la Classe des sciences, assiste à la 
séance. 


CORRESPONDANCE. 


—— 


M. le Ministre de l'Intérieur envoie : 

1° Une expédition de l'arrété royal du 21 avril dernier 
approuvant l'élection de MM. Théodore Radoux en qualité 
de membre titulaire de la section de musique; 

2^ Une expédition d'un arrété royal de la méme date 
qui nomme MM. de Burbure, Conscience, Fétis, Heremans, 
Potvin, Samuel et Wagener membres du jury chargé de 
juger le concours des cantates pour l'année actuelle 
(M. Marchal remplira les fonctions de secrétaire); 

5° Une expédition et des exemplaires de son arrêté du 


(A8 ) 
30 mars dernier qui modifie certaines dispositions (concer- 
nant l'examen des lauréats) de l'arrété ministériel du 
5 mars 1875, pris en exécution de l'arrété royal du 5 mars 
1849, relatif au concours de composition musicale. 

Il adresse en méme temps des exemplaires d'une bro- 
chure qui contient toutes les dispositions relatives à ce 
concours. 

M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la bibliothèque 
de l'Académie, un exemplaire des ouvrages suivants : 

1° Geschiedenis der antwerpsche schilderschool, par Max 
Rooses (les quinze premières livraisons), in-8° ; 

2 P.-P. Rubens, Aanteekeningen over den grooten 
meester en zijne bloedverwanten, 1*-5* aflevering, par 
P. Génard; 

3° Compte rendu officiel des fêtes organisées par la ville 
d'Anvers à l'occasion du 300° anniversaire de P.-P. Rubens, 
publié par G. Lagye; 

4 La musique aux Pays-Bas avant le XIX* siècle, par 
Ed. Vander Straeten. Tome III. 


— M. Théodore Radoux remercie la Classe pour son 
élection de membre titulaire. 


— M. Abram Basevi, à Florence, remercie pour le der- 
nier envoi des publications académiques. 


ÉLECTIONS, 


La Classe continue à M. De Busscher la mission de la 
représenter au sein de la Commission administrative pen- 
dant l'année 1879-1880. 


( 729 ) 


CONCOURS DES CANTATES POUR 159295, 


—— 


M. le seerétaire perpétuel fait savoir qu'il a recu , avant 
le 1% mai, les cantates suivantes, parmi lesquelles le jury 
nommé ad Aoc désignera les piéces francaise et flamande 
dont une devra servir de texte aux concurrents pour le 
grand prix de composition musicale de l'année actuelle : 


PIECES FRANCAISES. 


N° 1. Les Héros gantois. — Devise : « Les vrais héros 
sont plus rares que les grands guerriers. » 

N° 2. La Vision de Tinctoris, ou le chant précurseur de 
l’âge moderne. — Devise : « Oui, l'aube s'est levée !... » 

(V. Hvoo, Plein ciel.) 

N° 5. Nuit d'hiver. — Devise: « Qui donne aux pauvres 
préte à Dieu. » 

N° 4. Drames maritimes. — Devise : « Avec courage!» 

N* B. Derniers moments d'Egmont. — Devise : « Sans 
peur, sans reproche. » 

N° 6. Didon. — Devise : « Vixi, quem dederat cursum 
Fortuna peregi, eic. » (VIRGILE.) 

N° 7. Les Martyrs. — (Souvenirs de 1850.) 

N° 8. Charles XII. — (Sans devise.) 

N° 9. Patrie. — Devise : « Foi et amour. » 

N° 10. Ambiorix. — Devise : « Horum omnium fortis- 
simi sunt Belgae. » (César, liv. L) 

N° 41. La Moisson. — Devise : « Le fruit du travail 
est le plus doux des plaisirs. » 

N° 19, Un demi-siècle de paix, 1880! — Devise : « Le 


( 730 ) 
petit peuple belge est devenu grand. » (Méme billet cacheté 
pour les n** 11 et 12.) 

N^ 15. La Sœur de charité. — (Sans devise.) 

N* 14. Colomb (1492). — (Sans devise.) 

N° 15. La légende du cœur de cire. — Devise : « Douce 
est la mort qui vient en bien aimant. » 

(Pur. DEsponTEs.— Diane, liv. I, sonnet XVIII.) 

N° 16. Trois tombes, — (Sans devise.) 

N° 17. Agar et Ismaël. — Devise : « Or, Dieu écouta la 
voix de l’enfant, et un ange dit à Agar : Ne craignez point, 
car Dieu a entendu la voix de votre fils... » 

(Genèse, chap. XXI, v. 17.) 

N° 18. Judith. — Devise : « Délivrance. » 

N° 19. La Belgique et les muses. — (Sans devise.) 


PIÈCES FLAMANDES. 


N° 1. Mane, thekel, phares, — Kenspreuk : « Confregit 
in die irae suae reges. » 

N° 2. Zomernacht. — Kenspreuk : « Over hill, over 
dale, etc., » SHAKESPEARE.—Midsummernightdream II, 1. 

N° 5. De Runnenkoning. — Kenspreuk : « Mes fils, je 
vois venir le roi des derniers temps. » 

(LE comTE DE Liste, LE Ruwoip.) 

N* 4. De Dichter. — Kenspreuk : « Met droomen er 
komen. » 

N* 5. De Leeuw van Belgie. — Zonder kenspreuk. 

N° 6. Het Visschersmeisje. — Kenspreuk : « Voor taal 
en kunst. » 

N* 7. Kollebloemen. — Kenspreuk : « Dichtung und 
Wahrheit. » 

N° 8. De Luchtreis. — Kenspreuk : « In excelsis. » 


( 751 ) 

N° 9. Anneessens. — Kenspreuk : « Gott liess ein ed' 
.les Volk nie untergehen! (Herlossohn.) » 

N* 10. De Slag von Roosebeke. — Kenspreuk : « Volks- 
gezindheid. » 

N° 11. Wellemoed. — (Même billet cacheté que les 
n^* 15 et 14 des cantates francaises. 

N° 12. Cantate op 's lands onafhankelijkheid .—Zonder 
kenspreuk. 

N° 15. Afrika. — Zonder kenspreuk. 

N* 14. Vrede! — Kenspreuk : « Vrede zij op aarde. » 

N° 45. De Lente. — Kenspreuk : « Voor vorst en vader- 
land! » 

N° 16. De Geuzenheld. — Kenspreuk : « Noord en 
Zuid. » 

N* 17. Dante Alighieri. — Kenspreuk : « Vlaanderen. 
— Italie. — Vrijheid-Kunst !... » 

N° 18. Camoéns. — Kenspreuk : « En Cantey jà. » 
N° 19. Heilige Drieeenheid. — Kenspreuk : « "t Zij 
200! » | 


———— 
= 


RAPPORTS. 


MM. Joseph Geefs et Fraikin donnent lecture de leur 
appréciation du second rapport semestriel de M. J. Dillens, 
lauréat du grand concours de sculpture de 1877. 

Cette appréciation sera envoyée à M.'le Ministre de l'In- 
térieur, pour étre communiquée au lauréat, par les soins 
de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers. 


— M. Fétis donne lecture de l'Exposé de l’adminis- 


( 7382 ) 
stration de la caisse centrale des artistes pendant l'an- 
née 1878. Ce document figurera dans l'Annuaire de 
l'Académie pour 1880 avec l'exposé financier présenté par 
M. Alvin dans la séance du 6 février dernier. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Faider (Ch.). — La garantie de la Constitution, discours pro- 
noncé à l'audience solennelle d'installation de M. le conseiller 
Van Berchem à la Cour de Cassation de Belgique, le 6 mars 
1879. Bruxelles, 1879; br. in-8°. 

Scheler (Aug.). — Trouvéres belges (nouvelle série) : chan- 
sons d'amour, jeux-partis, pastourelles, satires, ete., par Gon- 
thier de Soignies, Jacques de Cisoing, cte. Louvain, 1879; 
in-8*, 

Catalan (E.). — Sur les lignes de courbure de l'ellipsoide et 
de la surface des ondes. Paris, 1878; extr. in-8*. 

Fredericq (Paul). — Note sur l'Université calviniste de 
Gand (1578-1584). Gand, 1878; extr. in-8*. 

— Le renouvellement en 1578 du traité d'alliance conclu 
à l'époque de Jacques Van Artevelde, entre la Flandre et le 
Brabant. Gand, 1879; extr. in-8°. 

Firket (Ad.). — Sur quelques fossiles animaux du système 
houiller du bassin de Liége. Liége,1879; extr. in-8*. 

Dauby (J.) — Des Gréves ouvrières. Bruxelles, 4879; 
pet. in-8^, 

De Schodt(Alph. . — Méreaux de bienfaisance ecclésiastiques 
et religieux de la ville de Bruges. Bruxelles, 1873-1878 ; in-8°. 

Rooses (Max.). — Geschiedenis der antwerpsche schilder- 
school, aflevering 1-15. Gand, Anvers, La Haye, 1878; 15 ca- 
hiers in-8*, 


( 733 ) 

Lagye (Gustave). — Le 300” anniversaire de Pierre-Paul 
Rubens. Compte rendu officiel des fêtes organisées par la ville 
d'Anvers, du dimanche 5 jusqu'au lundi 27 août, 17* partie. 
Anvers, 1877; in-8° 

Génard (P.). — P.-P. Rubens. Aanteekeningen over den 
grooten meester en zijne bloedverwanten, aflevering 1-5. 
Anvers, 1877; 5 cah. in-4°. 

Leboucq (H.). — Description anatomique d'une monstruo- 
sité de la main. Gand, 1879; extr. in-8". 

— Analyse de l'ouvrage de Key et Retzius, intitulé : « Stu- 
dien in der Anatomie des Nervensystems und des Bindege- 
webes, 4° Häfte. » Gand, 1879; extr. in-8°. 

Moeller (le D‘). — Du daltonisme au point de vue théo- 
rique et pratique; étude eritique des méthodes d'exploration 
du sens chromatique, et rapport à M. le Ministre des Tra- 
vaux publies sur la réforme des employés des chemins de fer 
affectés de daltonisme, etc. Bruxelles, 1879; in-8*. 

Arnould (Gustave). — Mémoire historique et descriptif du 
bassin houiller du Couchant de Mons. Mons, 1878; vol. in-#°. 

Goebel (Max.) — Carte de la production, de la circulation 
et de la consommation des charbons belges en 1877, avec un 
commentaire contenant les tableaux justificatifs et les maté- 
riaux employés. Liége; 4 f. in-pl. coloriée. 

Ministère de l'Intérieur. — Exposé de la situation du 
royaume de 1861 à 4875, 2* et 5* fascicules. Bruxelles, 1879; 
2 cah. in-8°. 

— Annuaire statistique de la Belgique, IX* année, 1878. 
Bruxelles, 1879; in-8". 

— Recucil des procés-verbaux des séances des conseils pro- 
vinciaux (1878). Bruxelles, Anvers, Gand, ete., 9 vol. in-8". 

Cercle drin are de Termonde. — Annales, 2* série, 
tome IH, 4° livr. — Publications extraordinaires, n? 5. Ter- 
monde, Gand, Tr ; 2 cah. in-8°. 

Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. — Mémoires 
sur les terrains crétacé et tertiaires préparés par feu André 


( 754 ) 
Dumont, pour servir à la deseription de la carte géologique de 
la Belgique, édités par Miehel Mourlon, tome IIl, terrains ter- 
tiaires, 2% partie. Bruxelles, 1879; vol. in-8*. 

Willems-Fonds. — Vlaamsche bibliographie, lijst van ne- 
derlandsche boeken, tijdschriften en muziekwerken, in Belgié 
in 1878 verschenen. Gand, 1879; in-18. 

Société belge de microscopie — Annales, tome IV, 1877- 
1878. Bruxelles, 1879; vol. in-8°. 

Recueil consulaire, tome XXIV, 1878. Bruxelles, vol. in-8°. 


ALLEMAGNE ET AUTRICHE-HONGRIE. 


Naturw. Verein für Sachsen und Thüringen. — Zeitschrift 
für die Gesammten Naturwissenschaften , 1878. Halle; in-8°. 

K.b. Akademie der Wissenschaften. — Ueber die che- 
mische Synthese, Festrede gehalten in der óffentl. Sitzung. am 
25 Juli 1878 von D" Adolf Baeyer. Munich 1878; in-4*. 

K. Sternwarte zu Göttingen. — Veróffentlichungen. Göt- 
tingue, 1878; cah. in-8°. 

K. Sternwarte bei München. — Meteorologische und magne- 
tische Beobachtungen , 1878. Munich, 1879; in-8°. 

Verein für Erdkunde. -— Notizblatt, IHI. Folge, XVII. Heft. 
Darmstadt, 1878; in-8°. 

Verein für vaterlündische Naturkunde in Württemberg.— 
Jahreshefte, 55. Jahrg. Stuttgart, 1879 ; in-8°. 

Naturforschende Gesellschaft zu Freiburg. — Berichte über 
die Verhandlungen, Band VII, 5. Heft. Fribourg, 1878; in-8°. 

K. Akademie der Wissenschaften. — Politische Correspon- 
denz Friedrich's des Grossen, 1. Band. Berlin, 1879; vol. in-8°. 

Universität in Tübingen. — Urkunden zu Geschichte der 
Universität (1476-1550). Tubingue, 1878, in-8°. 

— Zur vierten Sücularfeir der Universität, im Sommer 
1877. Tubingue, 1877 ; in-8°. 

K. k. Sternwarte zu Prag. — Astronomische, magnetische 


( 735 ) 
und meteorologische Beobachtungen, im Jahre 1878. Prague, 
1879; in-4^ 

K.statist.-topogr. Bureau. —Württembergische Jahrbücher 
für Statistik und Landeskunde, 1878,11-V. Hefte; 1879, I. Heft. 
— Beschreibung des Oberamts Tuttlingen. — Vierteljahrshefte 
für württembergische Geschichte und Alterthumskunde(1878). 
Stuttgart, 1878-1879; 7 cah. gr. in-8*, et 4 vol. in-8° 

Naturwissenschaftlicher Verein in Bremen. — Abhand- 
lungen, 6. Bd. 4. H. Brême, 1879; in-8°. 

Edelmann (Th). — Neues Hygrometer. Munich, 1878; 
extr. in-8*. 

Weyr (D' Emil). — Ueber die Abbildung einer rationalen 
Raumeurve vierter Ordnung auf einen Kegelschnitt. Vienne, 
1875; extr. in-8°. 

— Weitere Bemerkungen über die Abbildung einer ratio- 
nalen Raumeurve vierter Ordnung auf einen Kegelschnitt. 
Vienne, 1876; extr. in-8*. 

— Ueber die projectivische Beziehung zwischen den singu- 
lüren Elementen einer cubischen Involution. Vienne, 1876; 
extr. in-8?. 

— Ueber Punktsysteme auf rationalen Raumeurven vierter 
Ordnung. Vienne, 1877 ; extr. in-8°. 

— Ueber Raumeurven vierter Ordnung mit einem Doppel- 
punkte. Vienne, 1877; extr. in-8°. 

— Ueber die Abbildung einer mit einem Cuspidalpunkte 
verschenen Raumeurve vierter Ordnung auf einen Kegel- 
schnitt. Vienne, 1878; extr. in-8°. 

— Ueber die Abbildung einer Raumcurve vierter Ordnung 
mit einem Doppelpunkte auf einen Kegelschnitt. Vienne, 
1878; extr. in-8*. 

— Bemerkungen über eine besondere Art involutorisch 
liegender Kegelschnitte. Prague, 1876; extr. in-8°. 

Verein für naturwissenschaftliche Unterhaltung zu Ham- 
burg. — Verhandlungen, 1876, HE. Band. Hambourg, 1878; 
in-8*, 


( 756 ) 
K. Sternwarte zu Berlin. — Astronomisches Jahrbuch für 
1881. Berlin, 1879 ; in-8*. 
Naturforschender Verein. — Verhandlungen, XVI. Band, 
1877. Brüun, 1878; in-8*. 


AMÉRIQUE. 


Johns Hopkins University. — Chesapeake zoólogical labo- 
ratory organized and conducted by W. K. Brooks, scientific 
results of the session of 1878. Baltimore, 1879; in-8*. 

.. (Loubat J.-F.). — The medallie history of the United States 
of America (1776-1876), wit 170 etehings by Jules Jacquemart, 
volume I and II. New-York, 1878; 2 vol. in-4*. 

Offener Brief an den deutschen Reichskanzler Bismark. 
New-York, 1879; in-#°. 


FRANCE. 


Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. — Table chro- 
nologique des diplómes, chartes, titres et actes imprimés 
concernant l'histoire de France, tomes V-VII. — Recueil des 
historiens des Gaules et de la France, tomes XX-XXIII. — 
Histoire littéraire de la France, tomes XXIV-XXVII ; nouvelle 
édition, tomes I-XV. Table générale des matiéres contenues 
dans les quinze premiers volumes, par Camille Rivoir. Paris, 
1840 à 1877; 8 vol. in-folio et 21 vol. in-4°. 

Société des sciences de l'agriculture et des arts de Lille. — 
Mémoires, 4° série, tome VI. Paris, Lille, 1879; in-8°. 

Société de l'histoire de France. — Journal de ma vie, mé- 
moires du maréchal de Bassompierre, 1'* édition, par le mar- 
quis de Chantérac, tome IV. — Lettres d'Antoine de Bourbon 
et de Jehanne d'Albret, par le marquis de Rochambeau. — 
Mémoires inédits de Michel de la Huguerie, par le baron A. de 
Ruble, tomes I et II (1570-1587). — Anecdotes historiques, 


(487 ) 

légendes et apologues tirés du recueil inédit d'Étienne de 
Bourbon, dominicain du XIII* siècle, par A. Lecoy de la 
Marche. — Extrait des auteurs grecs concernant la géographie 
et l'histoire des Gaules, par M. Edm. Cougny, tome I. — Chro- 
niques de Froissart, par Siméon Luce, tome VII (1567-1570). 
— Histoire du gentil seigneur de Bayart, par J. Roman. — An- 
nuaire-Bulletin, 1877, 1878. Paris, 1877-1878; 10 vol. in-8°. 

Société agricole scientifique et littéraire des Pyrénées-Orien- 
tales, vingt-troisième volume. Perpignan, 1878; vol. in-8*. 

Société d'émulation du Doubs. — Mémoires, 5° série, 
2e vol., 1877. Besancon, 1878; in-8°. 

Société archéologique, historique et scientifique de Sois- 
sons. — Bulletin, tome VII, 2° série. Soissons, 1878 ; in-8*. 

Certes (A.). — Sur une méthode de conservation des Infu- 
soires. Paris, 1879 ; extr. 

Lambert (Ern.).— Morphologie du système dentaire des 
singes. Rouen, 1879; extr. in-8°. 

Philbert (Em.). — De la eure de l'obésité aux eaux de 
Brides (Savoie). Paris, 1879; br. in-8°. 

Houel. — Catalogue des pièces du musée Dupuytren, t. Ill, 
` avec atlas. Paris, 1878; 2 vol. in-8°. 

Société nationale des antiquaires de France. — Mémoires 
et Bulletins, tome XXXVIII. Paris, 1877 ; in-8°. 

Muséum d'histoire naturelle. — Nouvelles archives 2"* sé- 
rie, tome I°", 4% et 9* fascicules. Paris, 1878; in-4°. 

Smith (Lawr.). — Mémoire sur le fer natif du Groénland et 
sur la dolérite qui le renferme. Paris, 1879; br. in-8°. 

— Rapport sur ce mémoire fait à l'Académie des sciences 
de Paris. Paris, 1878; extr. in-4°. 

— Note sur un remarquable spécimen de silicure de fer. 
Paris, 4878; extr. in-4°. A 

Faye. — Les lois des tempêtes (conférence). Paris, 1879; 
extr. in-4? de la Revue scientifique. 

Observations présentées à MM. les sénateurs et députés au 
nom des principes et des intéréts de la science, par le corps 


( 738 ) 
enseignant de l'Université catholique de Lille, au sujet du pro- 
jet de loi contre la liberté de l'enseignement supérieur. Lille, 
1879; in-8° (2 exemplaires). 

Lenormant (Fr.). — La Monnaie dans l'antiquité, leçons 
professées dans la chaire d'archéologie prés la Bibliothéque 
nationale, en 1875-1877, tome III. Paris, 1879; vol. in- 8*. 

— Études accadiennes, tome IE, 1** livraison. Paris, 1879; 
in-4°. 

— Études cunéiformes, 4° fascicule. Paris, 1879; in-8°. 

Brassart (Félix). — Le blason de Lalaing, notes généalo- 
giques et héraldiques sur une ancienne et illustre maison, 
1'* partie. Douai, 1879; in-8°. 

Caslan (Aug.). — Le compositeur musical Guillaume Du 
Fay, à l'église de Saint-Étienne de Besancon en 1458; précédé 
d'un rapport de M. Gustave Bertrand. Besancon ; extr. in-8°. 

— La mort de Francois I‘ et l'avénement de Henri ll, 
d'aprés les dépéches secrétes de l'ambassadeur impérial Jean 
de Saint-Mauris. Besancon, 1879; extr. in-8°. 

— Les origines du festin des Rois à Besancon. Besancon, 
1879; extr. in-8°. 

T E — Le peuple et la langue des Médes. Paris, 
1879; vol. in-8 

— Robes de cosmogonie chaldé (traduction). Paris, 
br. in-52. 


GRANDE-BRETAGNE ET COLONIES. 


Royal geological Society of Irland. — Journal, vol. XV, 
part. 4 (1877-78). Edimbourg, 1878; cab. in-8°. 

Entomological Society of London. — Transactions, 1877. 
Londres, 1877 ; in-8°. 

Royal Observatory, Cape of Good hope. — Results of astro- 
nomical observations, made in 1839, 1875. Le Cap, 1874, 
1877 ; 2 vol. in-8°. 

Royal Observatory, Greenwich. — Observations, 1876. — 


( 739 ) 

Astronomical results, 1876; magnetical and meteorological 
results, 1876. — Reduction of Greenwich metcorological 
observations : Barometer 1854-1875; air and moisture thermo- 
meters, 1849-1868; earth thermometers, 1847-1875. — Nine 
year catalogue of 2,265 stars for 1872. Londres; in-4*. 

The nautical almanac’ and astronomical ephemeris for the 
year 1882. Londres, 1878; in-8°. 


ee 


HOLLANDE ET COLONIES. 


Cosijn, Verwijs en De Vries. — Woordenboek der neder- 
landsche taal, 3% reeks, 7% aflever. (GEKKEN-GELEGENHEID). 
La Haye, Leyde, 1878; in-8°. 

Donders (F.-C.). — Negentiende jaarlijkseh verslag betrek- 
kelijk de verpleging en het onderwijs in het nederlandsch 
gasthuis voor ooglijders. Utrecht, 1878; in 8*. 

Kon. Instituut voor de taal- land- en volkenkunde van 
Nederlandsch-Indié. Bijdragen, 4% reeks, II** deel, 5% stuk. 
La Haye, 1878; in-8°. 

Bataviaasch Genootschap van kunsten en wetenschappen. — 
Verslag der viering van het honderdjarig bestaan van het 
Gésootdeliap op 4° juni 1878. Batavia, 1878; in-4°. 

Maatschappij der nederlandsche letterkunde te Leiden. — 
Overblijfsels van Geheugehenis der bisonderste voorvallen in 
het leeven van den heere Coenraet Droste, terwijl hij gedient 
heeft in veld- en zee-slagen, enz. I, H. Leyde, 1879; 2 vol. 
petit in- 4^, 


SUÈDE ET NonwéGE. 


Koning. Frederiks-Universitet. — Bidrag til Kundskaben 
om norges arktiske Fauna. I. Mollusca Regionis articae Nor- 
wegiae, af O. sars. Christiania, 1878; in-8°. 

Norwegisches meteorologisches Institut. — Jahrbuch, 


( 740 ) | 
herausgegeben von D" H. Mohn, für 1874, 1875, 1876. Chris- 
tiania, 1877-1878 ; 5 cah. in-4*. 

Physiographiske Forening i Christiania. — Nyt Magazin 
for Naturvidenskaberne, 22% Binds, 5. og 4. H.; 25. og 24. 
Binds. Christiania, 1877-1878; in-8°. 

Foreningen til norske Fortidsmindesmerkers Bevaring. — 
Register til Selskabets schrifter, derunder indbefattet aarsbe- 
retningen for 1875, i Forbindelse med statistike Fundover- 
sigter af N. Nicolaysen. — Aarsberetning for 1875-1877. — 
Norske Bygninger fra Fortiden i Tegninger og med Text, 8. 9. 

efte. Christiania, 1876-1878; 4 vol. in-8° et 2 cah. in-4°. 

Videnskabs - Selskabet i Christiania. — Forhandlinger, 
4876-77. Christiania; 2 vol. in-8°. 

Norske Rigsregistranter, VII. Binds, 4. og 2. Hefte. Chris- 
tiania; 2 vol. in-8°. 

Diplomatarium Norvegicum, XVIII, XIX. Christiania, 1878; 
2 vol. in-8*. 

Lie, Müller, Sars. — Archiv für Mathematik og Naturvidens- 
kab, I. Bind, 4* H.; H. Bind. Christiania, 1876-78; 8 br. in-8*. 

Kong. norske Videnskabers Selskabs. — Skrifter, 8. Bind, 
4* og 5° H. — Norges Flora (Tillaegshefte). Throndhjem, 
Christiania, 1878; 5 cah. in-8°. 

Tromso Museum. — Aarshefter, I. Tromso, 1878; in-8°. 

Dietrichson (L.) — Den norske Traeskjaererkunst dens 
oprindelse og udvikling. Christiania, 1878; in-8*. 

Broch (D* O.-J.). — Le royaume de Norvége et le peuple 
norvégien, ses rapports sociaux, hygiéne, moyens d'existence, 
sauvetage, moyens de communication et économie. Christiania, 
1876. 

La Norvége, catalogue spécial pour l'Exposition universelle 
de Paris, 1878. Christiania, 1878; in-8*. 

Bugge (Sophus). — Rune-indskriften paa Ringen i Forsa 
Kirke i nordre Helsingland. Christiania, 1877; extr. in-4°. 

Kjerulf (D* Theod.). — Om stratifikationes Spor. Christia- 
nia, 1877; extr. in-4", 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


DES 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


1879. — N» 6. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 7 juin 1879. 


M. le baron de SeLys Loxccnawrs, directeur. 
M. LracnE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Stas, vice-directeur, L. de Ko- 
ninck, P.-J. Van Beneden, H. Nyst, Gluge, Melsens, 
F. Duprez, J.-C. Houzeau, H. Maus, Ern. Candèze, 
F. Donny, Ch. Montigny, Steichen, Brialmont, Éd. Morren, 
Ed. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alp. Briart, 
F. Plateau, Fr. Crépin, Éd. Mailly , J. de Tilly, F.-L. Cor- 
net, membres; Th. Schwann, Eug. Catalan, associés; 
Ch. Van Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, M. Mourlon, 
correspondants, 

2"* SÉRIE , TOME XLVII. 48 


( 742 ) 

M. le directeur se fait un plaisir d'annoncer à ses con- 
fréres que MM. Stas et Schwann ont été nommés mem- 
bres étrangers de la Société royale de Londres. — Applau- 
dissements. 


CORRESPONDANCE. 


Le bureau exécutif de l'Exposition nationale de 1880 
prie l'Académie de déléguer un de ses membres auprés 
du comité du groupe de l'enseignement. 

La Classe désigne M. Liagre. 


— M. le Ministre de l'Intérieur envoie un exemplaire : 
1° des procès-verbaux des séances des conseils provin- 
ciaux (1878); 2° du tome HI des Mémoires sur les terrains 
tertiaires et crétacé, préparés par feu Dumont pour la 
carte géologique, publié par M. Mourlon. — Remerci- 
ments. 


— La Classe recoit, à titre d'hommage, les ouvrages 
suivants, au sujet desquels elle vote des remerciments aux 
auteurs : 

1° Sur une espèce minérale nouvelle pour la Belgique : 
l'arsénopyrite ou mispickel , par M. C. Malaise; extr. in-8° 
des Bulletins de l'Académie ; 

9» Carte de la production, de la circulation et de la 
consommation des charbonnages belges en 1811, par 
M. Max. Goebel , ancien directeur général de charbonnages 
à Liége; 


( 743 ) | 
5° Description de deux solens nouveaux, par MM. Th. 
Lefèvre et A. Watelet; broch. in-8° offerte au nom de 
M. Lefèvre, par M. Crépin ; 

4 Étude sur les espèces de la tribu des féronides qui 
se rencontrent en Belgique, par M. A-. Preudhomme de 
Borre, 4"° partie; 

5° De la faiblesse ou altération de la constitution, des 
maladies qu'elle engendre et de leur traitement rationnel. 
— Guérison d'un cas grave de phthisie chez une jeune fille 
de huit ans et demi par électrisation méthodique des mus- 
cles de la respiration, par M. le D" A. Bastings, 1875- 
1879 ; 2 broch. in-8°. 


— L'Université de Copenhague annonce qu'elle célé- 
brera pendant les calendes de juin de cette année le 
400° anniversaire de sa fondation. 

Une lettre de félicitation sera adressée à cet établisse- 
ment. 


— L'institution des ingénieurs-méeaniciens de Londres 
remercie pour les renseignements qui lui ont été donnés 
au sujet de la question des aciers. 


— L'Institut météorologique danois et la Société finlan- 
daise des sciences accusent réception du dernier envoi des 
publications académiques. 


— Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à 
l'examen de commissaires : 

1° De l'influence de la forme des masses dans le cas 
d'une loi quelconque d'attraction diminuant indéfiniment 
avec la distance, comme préliminaire de la théorie de la 


CE) 
cristallisation, par M. C. Lagrange, astronome adjoint à 
l'Observatoire royal de Bruxelles. — Commissaires: 
MM. Van der Mensbrugghe , Catalan et De Tilly; 

2 Description d'oiseaux nouveaux et Remarques sur 
la Faune de Belgique, par M. Alph. Dubois, conservateur 
au Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. — Com- 
missaire : M. de Selys Longchamps; 

5° Note sur un microscope dioptrique, par M. Achille 
Brachet, à Paris. — Commissaire : M. Melsens. 


RAPPORTS. 


M. le Ministre de l'Intérieur avait demandé l'avis de 
l'Académie : 

1* Sur une proposition de M. Dohrn de louer une ou 
deux tables en faveur des biologistes belges, dans son 
laboratoire de Naples ; 

2° Sur un nouveau procédé inventé par M. Roeckl, 
chimiste à Munich, pour prendre l'empreinte des cachets 
et des médailles. 


La Classe décide que les rapports des commissions 
chargées de l'examen de ces piéces seront envoyés à M. le 
Ministre. 


( 748 ) 


Note sur une nouvelle méthode de préparation des acides 
iodhydrique et bromhydrique; par M. G. Bruylants. 


Rapport de ME. Stas, 


« Les acides iodhydrique et bromhydrique constituent 
des agents employés fréquemment dans les réactions chi- 
miques; sous ce rapport, une méthode ‘facile et écono- 
mique de se procurer ces acides et notamment l'acide 
iodhydrique gazeux et sec présente un intérêt réel. 
M. Bruylants, se fondant sur le fait parfaitement connu, 
du reste, que l'iode et le brome s'ajoutent, à la tempéra- 
ture ordinaire, à certaines combinaisons organiques et s'en 
séparent sous l'action de la chaleur à l'état d'acides iodhy- 
drique et bromhydrique, a eu l'idée de recourir à la réac- 
tion de l'iode et du brome sur le terpène contenu abon- 
damment dans le baume de copahu. 

.. Ma constaté que ces deux haloides, aprés s'étre com- 

binés à cet hydrocarbure, s'en détachent ensuite sous l'in- 
fluence de la chaleur à l'état d'acide iodhydrique et brom- 
hydrique. En se plaçant dans les conditions qu'il décrit 
dans sa Note, M. Bruylants est parvenu à produire un 
poids d’acides bromhydrique et iodhydrique, triple du poids 
du terpène mis en expérience. Le terpène sec fournit de 
celte manière de l'aeide iodhydrique pur et sec, état très- 
difficile à réaliser par les méthodes connues. 

J'ai l'honneur de proposer à la Classe d'ordonner l'im- 
pression de la Note de M. Bruylants dans le Bulletin de la 
séance et de lui voter des remerciments pour sa commu- 
nication. » 


La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est 
rallié M. Melsens. second commissaire. 


——— 


( 746 ) 


Physiologie des muscles et des nerfs du Homard; par 
MM. L. Fredericq et Vandevelde. 


Rapport de M, Schwann., 


« M. Frederieq continue ses recherches sur la physio- 
logie du Homard comparée à celle des animaux supérieurs, 
etil présente à l'Académie un nouveau travail, fait. en 
commun avec M. Vandevelde , sur la physiologie des mus- 
cles et des nerfs du Homard. 

En employant les différents moyens connus pour étu- 
dier les propriétés de ces organes en état de repos et pen- 
dant leur fonction et se servant partout où cela est pos- 
sible de là méthode graphique, les auteurs ont constaté, 
pour ce qui regarde les muscles, que les excitants pour 
les muscles du Homard sont les mémes que chez les ani- 
maux supérieurs, qu'une contraction unique donne le 
méme graphique qu'un musele de grenouille, que le téta- 
nus complet exige une irritation électrique répété dix à 
vingt fois par seconde, que l'onde musculaire provoquée 
par l'exeitation du muscle sur un de ces bouts se propage 
avec une vitesse de 1 métre par seconde. 

Les expériences sur les phénomènes thermiques laissent 
à désirer à cause du défaut d'appareils thermo-électriques, 
les thermomètres à mercure étant insuffisants. D’après les 
auteurs, les muscles ne dégageraient pas de chaleur pen- 
dant leur contraction, si on les irrite par les nerfs, mais 
bien si on les irrite par l'application directe des électrodes 
sur le muscle. Cette thése est en désaccord avec les résul- 
tats trés-préeis obtenus par Fick sur les muscles de gre- 
nouille, d'aprés lesquels la chaleur dégagée par la con- 


( 747 ) 
traction des muscles est la méme qu'on les excite directe- 
ment ou par les nerfs. 

Les muscles du Homard présentent sous le rapport 
chimique une réaction franchement alcaline qui disparaît 
et devient acide par des contractions répétées. 

Quant aux phénomènes électriques des muscles en 
repos et en fonction, ils sont encore les mêmes que ceux 
que M. Du Bois-Reymond a découverts sur la grenouille. 
Comme le microscope constate que pendant la contraction 
les stries transversales claires et obscures des muscles 
disparaissent, les auteurs soupconnent une relation entre 
ce fait et la diminution des courants électriques. D’après 
eux, les zones obscures seraient électro-positives, les zones 
claires négatives. Pendant la contraction, la zone obscure 
absorberait la zone claire : de là diminution ou anéantisse- 
ment des courants électriques qui existent pendant le 
repos. 

Pour ce qui regarde les nerfs, les auteurs prouvent que 
les excitants sont les mêmes que chez les animaux supé- 
rieurs, mais les nerfs perdent rapidement leur excitabi- 
lité. Aussi le curare agit de la même manière comme chez 
la grenouille. 

Les propriétés électriques des nerfs du Homard en 
repos et en fonction ne diffèrent pas de celles que M. Du 
Bois-Reymond a constatées chez les animaux supérieurs. 
La vitesse avec laquelle se propage l'influx nerveux dans 
un nerf moteur a été mesurée par la méthode graphique 
ordinaire sur un nerf qui se rend à la pince et qui se ter- 
mine dans le muscle fléchisseur du doigt mobile. Ce nerf 
est assez long pour pouvoir être excité près du muscle et 
à 59 millimètres plus haut. Cette vitesse est de 6 mètres 
par seconde; elle est done notablement inférieure à celle 
des nerfs de grenouille qui est de 27 mètres par seconde. 


( 748 ) 

Ayant déterminé cette vitesse dans son trajet en dehors 
du muscle, on peut encore mesurer par la méthode gra- 
phique sur le méme nerf le temps entre le moment où on 
irrite le nerf prés du muscle et le commencement de la 
contraction. Il était de cinq centiémes par seconde. Ce 
temps comprend l'irritation latente du muscle et le temps 
que le fluide nerveux met pour aller du point irrité jus- 
qu'à sa terminaison dans les faisceaux primitifs des mus- 
cles. La durée de l'irritation latente fut déterminée par 
l'irritation directe du muscle méme; elle était de deux 
centièmes de seconde. Il restait donc trois centièmes de 
seconde pour le passage par la portion intramusculaire du 
nerf. Ce passage pouvant avoir tout au plus une longueur 
de 10 centimétres, la vitesse du fluide dans cette portion 
de son trajet ne serait que 57,55 par seconde. Les auteurs 
concluent qu’il y a donc dans le passage du nerf au 
muscle un retard considérable dans les dernières ramifica- 
tions nerveuses. 

En résumé, les auteurs ont prouvé que la seule diffé- 
rence qui existe entre les propriétés physiologiques des 
nerfs et des muscles du Homard comparées avec celles des 
animaux supérieurs regarde la vitesse de l'influx nerveux 
qui n'est que de 6 métres par seconde. Ils ont constaté, en 
outre, que cette vitesse subit un ralentissement considé- 
rable dans la terminaison des nerfs moteurs. 

Ces résultats étant assez intéressants pour mériter l'at- 
tention des physiologistes, j'ai l'honneur de proposer l'im- 
pression du mémoire dans le Bulletin de l'Académie. » 


La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est 
rallié M. P.-J. Van Beneden, second commissaire. 


( 749 ) 


Notice sur la structure de la glande de Harder du canard 
domestique; par M. Mac-Leod. 


Rapport de M. Félix Plateau, 


« Chez la plupart des vertébrés possédant une troi- 
sième paupière ou membrane nictitante, celle-ci est ac- 
compagnée d’une glande souvent volumineuse, la glande 
de Harder. 

Cet organe curieux, dont le rôle n’est pas encore nette- 
ment élucidé, n’a été étudié dans la série que d’une façon 
très-incomplète. 

Leydig, dans son traité d’histologie comparée qui date 
déjà d’un grand nombre d’années, a dit quelques mots de 
la texture de la glande de Harder des oiseaux; il consta- 
tait qu'elle est formée d’utricules de longueur notable et 
que les cellules glandulaires ont chez l'oie une forme cylin- 
drique et chez le moineau une forme arrondie. Depuis lors, 
il ne parait pas que l'on ait cherché à ajouter à ces notions 
sommaires. En entreprenant un travail sur la glande de 
Harder du canard, M. Mac-Leod a donc abordé un sujet à 
peu prés neuf. 

L'auteur, aprés avoir décrit. au préalable, la forme et la 
structure macroscopique de l'organe, passe à la texture 
histologique. Les résultats de cette étude qui nous a 
semblé faite avec soin, sont les suivants : 

La glande de Harder du canard, au lieu d’être une 
glande en grappe, comme celle des mammiféres, est-une 
glande tubuleuse composée , comme celle des ophidiens. 
Elle est, en effet, formée d'un grand nombre de petits 


( 750 ) 
tubes glandulaires disposés d’une façon rayonnante autour 
de canaux excréteurs multiples. 

Ces tubes, très-peu ondulés, presque rectilignes dans la 
portion inférieure de la glande, deviennent, au contraire, 
sinueux et s'entrelacent d'une manière assez compliquée si 
l'on se rapproche de la portion supérieure. 

'épithélium sécrétoire qui les tapisse change quelque 
peu de caractère, suivant que l'on examine la région pro- 
fonde ou la région voisine du point d'exerétion. : 

Dans la région profonde, les cellules sont cylindroïdes, 
un peu dilatées à l'extrémité qui regarde la lumière du 
tube et terminées, du cóté de la paroi, par un prolonge- 
ment effilé à l'origine duquel est placé le noyau. Elles 
rappellent ainsi, moins l'excavation intérieure, les cel- 
lules dites calieiformes. Les prolongements effilés font un 
angle prononcé avec le reste du corps cellulaire et sont 
obliquement couchés les uns sur les autres. 

L'action de l'aeide osmique à 1 p. °/, semble mettre en 
lumière deux détails assez intéressants; les cellules sou- 
mises à ce réactif se montrent crénelées sur leurs faces 
latérales et le corps cellulaire apparait comme divisé en 
espaces irréguliers par un réseau à larges mailles. Le 
noyau, sous l'influence du méme agent, affecte des aspects 
assez divers; il est tantôt complétement homogène, tantôt 
finement granuleux, avec un ou plusieurs nucléoles ar- 
rondis. 

Au niveau de l'embouchure des tubes, les cellules ont 
un diamètre transversal moindre, sont insérées plus per- 
pendieulairement, offrent des contours plus nets et se Co- 
lorent plus vivement par les réactifs colorants. 

Quant aux canaux excréteurs dans lesquels les tubes 
glandulaires viennent s'ouvrir, ils manquent de paroi 


(TOY 
propre, offrent une section trés-irréguliére et sont fré- 
quemment subdivisés par des cloisons qui ne sont que des 
prolongements des parois séparant les tubes sécréteurs. 

L'auteur termine par quelques comparaisons entre la 
glande de Harder des oiseaux et les autres glandes tubu- 
leuses composées, en petit nombre, qui ont été décrites 
jusqu'à présent chez les vertébrés. 

Nous ne pourrions entrer dans plus de détails sans re- 
produire en quelque sorte le travail entier. Cette analyse 
suffit pour montrer que la Notice soumise à notre exa- 
men est une contribution intéressante à nos connaissances 
sur un groupe de glandes fort curieux. 

J'ai donc l'honneur de proposer à la Classe de décider 
l'impression au Bulletin de la Note dé M. Mac-Leod, ainsi 
que de la planche qui l'aceompagne et d'adresser des re- 
merciments à l'auteur. » 


La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est 
rallié M. Ed. Van Beneden, second commissaire. 


Nouvelles communications sur la cellule cartilagineuse 
vivanle; pàr M. W. Schleicher. 


Rapport de M. Ch. Wan Bambeke. 


« Dans un mémoire publié dans les Archiv f. mikrosk. 
Anat. (1) et traitant de la division des cellules cartilagi- 
neuses, M. Schleicher avait signalé des mouvements du 
noyau propres à certains stades de cette division, mouve- 
ments qu'il désigna sous le nom de karyokinétiques. 


(1) Die Knorpelzelltheilung im Arch f. mikr. Anat,. Bd. XVI, Heft. 2. 


( 752 ) 

Depuis l'apparition de ee travail, Prudden et Unger, le 
premier dans le cartilage épisternal de la grenouille, le 
second dans une foule d'objets différents, ont également 
observé des mouvements à l'intérieur du noyau. C'est dans 
le but de contróler les données de Prudden et Unger que 
M. Schleicher a entrepris les recherches dont il présente 
les résultats à l'Académie. 

Ces recherches ont été faites sur le cartilage céphalique 
de tétards de grenouille; l'objet utilisé par Prudden, c'est- 
à-dire l'épisternum de la grenouille adulte oü les cellules 
sont plus petites et douées d'une moindre vitalité, n'a été 
employé que comme terme de comparaison. 

Le travail de M. Schleicher est divisé en trois parties. 
Dans la premiére, l'auteur s'oecupe de la structure du 
noyau de la cellule cartilagineuse; il distingue des noyaux 
à éléments solides de structure fine et d'autres à éléments 
solides plus épais, plus grossiers ; entre ces deux formes, 
les transitions ne sont pas rares. D'autre part, l'existence 
de noyaux entièrement homogènes ne peut être niée d'une 
manière absolue. 

Dans la deuxième partie de son travail, M. Schleicher 
étudie les phénomènes de motilité du noyau. ll a d'abord 
observé des mouvements d'ensemble, sorte de ballotte- 
ment, mais purement passifs, c'est-à-dire résultant de la 
motilité des éléments solides du protoplasme cellulaire. 
Dans son travail antérieur déjà cité, l'auteur avait fait 
connaitre les mouvements des éléments réfringents du 
protoplasme et il avait conclu de la facilité avec laquelle 
s’opèrent ces mouvements à une consistance liquide du 
contenu cellulaire; aujourd'hui l'existence des ballotte- 
ments du noyau occasionnés par la motilité des éléments 
réfringents du protoplasme vient confirmer cette supposi- 
uon. 


( 755 ) 

Mais ces éléments ne se bornent pas à produire des 
mouvements d'ensemble du noyau ; ils sont encore la cause 
de légers changements de forme que montre la surface 
nucléaire. 

L'auteur traite ensuite longuement de la contractilité 
que présentent les éléments solides contenus à l'intérieur 
du noyau. Cette contractilité est peu notable; elle consti- 
tue une propriété commune à tous les éléments solides du 
noyau cartilagineux, quelles que soient leurs dimensions ou 
leur siége; sa persistance est assez longue, elle entraine 
des changements dans l'aspect interne du noyau et aussi 
des changements de forme de l'élément. Peut-étre, d'aprés 
Schleicher, la contractilité de la membrane intervient-elle 
aussi dans ces changements de forme. Une élévation arti- 
fieielle de la température (20—25° C.) a nécessairement 
pour résultat d'augmenter ces divers mouvements de con- 
tractilité; mais l'auteur a de plus constaté que, sans une 
élévation notable de la température du milieu ambiant, 
les noyaux de la couche la plus superficielle d'une prépa- 
ration de cartilage de tétard montrent quelquefois des 
phénoménes de vitalité trés-accentués. Les noyaux placés 
superficiellement présentent ordinairement des éléments 
solides plus épais que ceux des noyaux placés profondé- 
ment, Ces noyaux sont loin d’être morts : l'action de l'air 
ou le contact du verre à couvrir n'a fait que stimuler en 
eux le travail physico-chimique. 

M. Schleicher compare ensuite les phénomènes pré- 
sentés par le noyau de la cellule cartilagineuse à ceux 
beaucoup plus actifs qu'on observe dans les noyaux des 
globules rouges et des leucocytes. Contrairement à la ma- 
niére de voir de Stricker, il ne croit pas qu'une communi- 
cation puisse s'établir entre la masse nucléaire et la masse 
protoplasmique, à la suite d'un déchirement de la mem- 


( 754 ) 
brane nueléaire, quoiqu'il ne conteste nullement le pou- 
voir contractile de cette dernière. Souvent les réactifs 
font encore reconnaitre une membrane là où l'examen de 
l'objet vivant ne permet plus de distinguer de limite entre 
le noyau et le protoplasme. 

La derniére partie du mémoire est consacrée à l'examen 
des altérations du noyau et du protoplasme. L'auteur 
insiste surtout sur ces phénoménes qui lui étaient déjà 
connus lors de la publication de son premier travail, parce 
que Prudden, en parlant de la formation des vacuoles et 
de la rétraction du protoplasme de la cellule cartilagi- 
neuse sous l'influence de certains réactifs, a émis des opi- 
nions peu concordantes avec sa maniére d'envisager la 
formation de ces altérations. 

L'auteur croit pouvoir conclure des phénomènes décrits 
dans la deuxiéme partie de son travail (sub lit. B) : 

1° «Que la dénomination de structure réticulaire, pour 
l’ensemble des éléments réfringents du noyau, manque 
d'exactitude , car, » dit-il, 2° « de méme que le proto- 
plasme de la cellule cartilagineuse se compose de deux 
matières différentes : d'une substance presque liquide, ho- 
mogène, et d'éléments solides doués d'une contractilité 
qu'ils déploient librement; de méme le noyau se compose 
d'un liquide nucléaire et d'éléments solides contractiles. 
La capsule, d'une part, la membrane nucléaire, d'autre 
part, délimitent les matiéres constituant le protoplasme ct 
celles constituant le noyau. » 

Le travail dont nous avons tàché de donner un apercu 
est fait avec soin et méthode; il traite, d'ailleurs, d'une 
question toute d'actualité et sur laquelle les anatomistes 
sont loin d'être d'accord ; nous le considérons comme une 
nouvelle et utile contribution à l'histoire de la constitution 
cellulaire. 


( 755 ) 
Aussi proposons-nous à la Classe : 
1* De voter des remerciments à l'auteur ; 
2^ D'imprimer son travail dans le Bulletin de l'Aca- 
démie. » 


La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est 
rallié M. Schwann, second commissaire. 


— Sur la proposition de MM. Montigny et Liagre, la 
Classe décide le dépót aux archives d'un supplément à une 
Note de M. Van Weddingen sur la navigation aérienne. 


— Conformément à l'avis exprimé par M. de Selys 
Longchamps, les Notes de M. Dubois : Description d'oi- 
seaux nouveaux et Remarques sur la Faune de Belgique, 
figureront au Bulletin. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


Sur la prédominance de la couleur bleue dans les observa- 
(ions de scintillation, aux approches et sous l'influence 
de la pluie; par M. Ch. Montigny, membre de l'Académie. 


Dans le travail où je me suis occupé des variations de 
la scintillation des étoiles selon l'état du ciel (1), je suis 
arrivé à cette conclusion finale : 

« C’est la présence de l'eau en quantité plus ou moins 
» grande dans l'atmosphére qui exerce l'influence la plus 


(1) Recherches sur les variations de la scintillation des étoiles selon 
létat de l'atmosphère, BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE, 
2e série, t. XLII; Août 1876, et t. XLVI, Novembre 1878. 


( 756 ) 

marquée sur la scintillation, et qui en modifie le plus 
les caractères selon cette quantité, soit quand l'eau se 
trouve dissoute dans l'air, soit quand. elle tombe au ni- 
veau du sol à l'élat liquide, ou à l'état solide sous forme 
de neige. » 

Cette conclusion importante repose principalement sur 
les évaluations numériques servant de mesure à l'intensité 
de la scintillation, d’après les changements de couleurs qui 
affectent les images des étoiles, en nombre plus ou moins 
grand selon l'état du ciel, dans une lunette télescopique 
munie d'un scintillomètre. Elle rappelle également, dans 
les termes généraux qui la précisent, d'une part, les diffé- 
rences si caractéristiques que présente le trait décrit par 
les images des étoiles, selon l'état de sécheresse ou d'humi- 
dité de l'air, et de l'autre, les inégalités de hauteur de ces 
astres auxquelles les variations de couleurs cessent d'étre 
perceptibles, selon l'état du ciel. 

Mais, en outre de ces trois caractères principaux, il en 
est un quatrième : c’est la prédominance plus ou moins 
marquée de la teinte bleue quand le temps est à la pluie, 
parmi les couleurs variées qui sont percues au moyen du 
scintillométre. 

J'ai déjà appelé l'attention sur l’accroissement de la fré- 
quence du bleu dans un travail concernant les change- 
ments de couleurs des étoiles rouges et orangées , ou du 
troisième type, dans la seintillation (t). De plus, je men- 
tionne, quand il y a lieu, la prédominance ou l'excés de 
la teinte bleue dans les indications concernant la scintilla- 
tion qui figurent au Bulletin météorologique de l'Obser- 
vatoire de Bruxelles. 


w ww. w Ww. w 


— 


(1) Bulletins de l'Académie royale de Belgique, 2* série, t. XLV. 


(797 ) 

J'ai montré dans le travail qui vient d'étre rappelé, que; 
pour quinze étoiles du troisiéme type, sur mille change- 
ments de couleurs, le bleu apparait 250 fois quand le temps 
est pluvieux, et 216 fois lorsqu'il est sec. La différence 
est beaucoup plus marquée pour les étoiles qui ne sont 
ni rouges ni orangées, mais jaunes. Ainsi, par exemple, 
pour Pollux et la Chévre, qui présentent cette teinte, le 
bleu apparait 250 fois quand il pleut, et 194 fois seulement 
dans le cas contraire. Cette différence, qui sera sans doute 
plus forte encore pour les étoiles blanches, est, trés-pro- 
bablement, en rapport avec la proportion de bleu, laquelle 
doit étre relativement plus grande dans le spectre des 
étoiles jaunes, qui est simplement sillonné par des raies 
lines et nombreuses, que dans le spectre des étoiles rouges 
el orangées : en effet, dans la partie des rayons les plus 
ide en m eei c 'est-à-dire du côté du bleu, l'éelat 

les bandes 


plus ou moins larges, qui caractérisent les spectres des 
étoiles du troisième type. 

Il west pas inutile de rappeler que, d'après le même 
travail, l'accroissement de la fréquence du bleu qui carac- 
térise l'état pluvieux du ciel, coincide avec une diminution 
dans la proportion du rouge et de l'orangé : en effet, ces 
deux teintes sont en quantité un peu moindre par un temps 
pluvieux que par un temps sec, pour les étoiles du méme 
type, ainsi que pour la Chèvre et Pollux. 

Le travail que j'ai l'honneur de présenter à l'Académie 
à pour objet de compléter ces premiéres indications au 
sujel de la prédominance du bleu quand il pleut, en mon- 
trant que, parmi toutes les couleurs que j'ai notées soi- 
gneusement, à chacune de mes observations, depuis leur 
origine, en 1870, la fréquence de cette teinte est d'autant 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 


( 758 ) 
plus marquée, à l'égard de quinze étoiles principales appar- 
tenant aux trois types du P. Secchi, que la quantité d'eau 
de pluie recueillie aux époques de mes observations a été 
plus grande. 

Les résultats numériques qui seront mis en comparaison, 
se rapportent aux six années 1871, 1875, 1875, 1876, 
1877 et 1878, parmi lesquelles les deux derniéres ont 
attiré l'attention des météorologistes, à cause de labon- 
dance et de la persistance des pluies, qui ont été telles, 
que, dans ces deux années, il est tombé autant de pluie 
qu'en trois années ordinaires (1). 

Pour donner une idée précise de la manière dont la fré- 
quence du bleu, ou de toute autre couleur, est susceptible 
d'étre exprimée par un nombre, il importe de rappeler ici 
qu'aprés chaque soirée d'observation, j'inscris pour chaque 
étoile, non-seulement les données concernant l'intensité de 
sa scintillation et cette intensité réduite à 60° de distance 
zénithale, mais aussi toutes les couleurs qui ont été obser- 
vées sur le trait circulaire que décrit l'image stellaire par 
le jeu du scintillométre. Dans le travail actuel, j'ai formé 
les relevés des couleurs rouge, orangé, jaune, vert, bleu et 
violet qui ont caractérisé la scintillation des quinze étoiles 
appartenant, par groupe de cinq, à l'un des trois types, 
en ayant soin de distinguer les résultats obtenus, d'une 
année à l'autre, à l'égard de la méme étoile. Les nombres 
qui découlent de.ce relevé ont été convertis, comme dans 
le travail précédent, en fréquence relative pour chaque 
couleur, cette fréquence exprimant le nombre de fois que 


(1) Voir la Notice qui est publiée dans l'Annuaire de l'Observatoire de 
Bruxelles de 1879, sur la pluie tombée, à Bruxelles, en 1877 et 1878, par 
-M. Lancaster, météorologiste-inspecteur. 


(799 ) 

celle-ci apparait sur mille changements observés. Ainsi, 
dans le tableau suivant, où il n'est question que des fré- 
quences relatives du bleu pour les étoiles et les années 
indiquées, le chiffre 245 qui correspond, pour l'étoile Pro- 
cyon, à l'année 1871, exprime que, sur mille change- 
ments de couleurs qui ont caractérisé la scintillation de 
cette étoile, la couleur bleue a été percue 245 fois. 

Afin de ne pas étendre outre mesure ce travail, déjà 
trés-détaillé, puisqu'il repose sur 2557 observations par- 
liculiéres se rapportant aux quinze étoiles, je n'ai point 
distingué les observations qui ont eu lieu par un temps 
pluvieux de celles faites par un temps sec. Chaque résultat 
numérique concernant la méme étoile indique la fréquence 
moyenne du bleu pour l'année dont il s'agit, n'importe 
l'état du ciel au moment de mes observations (1). 


1) Voieil 1 t h +i Aant ah 1 fett 


a été l'objet depuis leur origine, et qui, à la fin de l'année 1878, se trou- 
vaient réparties sur un ensemble de six cent quatorze soirées. 


Procyon i |... da 477 .Polux. ss . «4 463 Arcturus . . . . 133 
Bégnlidà ; se 1... 151. Deneb: -. oi 462 cine À . 118 
Chilo, 17.4 21.5 427 La Chèvre.. . . 249 BG d'Andromede. 174 
g navic pem ... 462 ydAndromède. 183 8 de Pégase. . . 118 
lit) ee en s 489 B d'Hercule. .. 89 « d'Hercule. .. 96 


Totaux des observations 
pour chaque type. . . 812 846 699 


La série d Y "sentent deux làcunes, en ciis et TE années 
pendant lesquelles j'a [ 
d'une affection des voies respiratoires, qui ne m'a permis que de faire 
quelques observations, dont les résultats ont été reportés à l'année 1875. 
Les TAM relatives aux derniers mois de l'année 1870, à l'origine de 
mes travaux, ont été réunis à ceux de l'année 1871, pour quelques-unes 
des étoiles Sie 


( 760 ) 


PREMIER TYPE. 


ÉTOILES BLANCHES ET BLEUES. 


DEUXIÈME 


ÉTOILES 


Spectre à raies fines 
fai 


Spectre présentant quatre raies 
principales. bles. 
ANNÉES. 
E pra : si 
A 1 s n 5 å A 4 LH . 
5 5 E 5 2 5 5 El = $ | fréquence 5 s &as £ g E E 
PEREPERE 3118215484 
= a 3 alga 5 m nes "la 4 z 
s ces étoiles. 
HNIC. 243 | 495 | 195 | 477 » 185 | 229 | 265 | 216 , 
19819. he 1106 | 496 F 490 » 124 » » 247 | 133 
105-5 210 | 474 | 493 | 453| 114 | 161 | 455 | 497 | 927 | 179 
108.155 254 | 338 | 232| 319| 280| 27s | 9285 | 286 | 278 | 998 
BTL t o... 301 | 330 | 320 |. 284| 32% | 3129] 287| 287| 29| 302 
18/52 ess 295 | 310 | 323 | 309 | 320 | 311 285 | 303 | 266 | 326 


— 


( 76F 9: 


TYPE. TROISIÈME TYPE. Moyennes | Quantité | Quantité 
: Em: générales eid sss moyenne 
| JAUNES. ÉTOILES ROUGES ET ORANGÉES, de la a 
» de pluie d'eau 
ou à bandes sp à bandes nébul et à raies fréquence | recueillie ed 
| noires. u bleu pour recueillie 
gp v — —Pn c ND pour chaque pour 
E Moyennes À ;5 $ 2 3 Moyennes les année, FA 
| de la A 2 $lsd b " dela [tois types, i aux 
A E y B gg Fes ues 
& & | fréquence E |. E E5|B &| Z g | fréquence lon p» année, 
s 3|&5$ iE ITE H ar jour 
2 S du bleu z 5 a 2 S E p $5 _E à u b'eu T observation m 
a pour < e s zZ a A nnées E de 
e ces étoiles, À co "E S cesétoiles. | indiquées. | il a plu. pluie. 


mm. mm. 
» 236 | 171 | 190 | 207 | 203 » 193 | 204 3,44 3,48 


194 | 190] 918 | 9285 | 924| 168 | 118 | 203} 185 | 335 2,87 
28 | 284 | 318 | 307 | 254 | 2 | 270 | 276 | 279 | 381 442 
939 | evs| ox | ej | 019 | 29235 | 939 | 241 | 276 | 464 | 423 


24 | 284 | 9» | 9o: | 929 | 193 | 246 | 236 | 277 | 380 | 464 


( 762 ) 

Dans le tableau précédent, j'ai réuni d'abord les fréquences 
relatives du bleu des étoiles pour les années oü celles-ci 
ont été observées, puis les moyennes relatives à chacun 
des trois types, el enfin les moyennes générales, le tout 
pour chacune des années spécifiées. A la suite de ces ré- 
sultats, j'ai indiqué, en premier, la quantité d'eau qui a 
été recueillie en moyenne pour chaque année, aux époques 
de mes observations. Afin de préciser convenablement la 
signification de ces valeurs concernant la pluie, je dois 
rappeler ici que, dans les annotations relatives à mes obser- 
vations qui ont coincidé avec un temps pluvieux, j'inscris 
les quantités d'eau de pluie qui sont recueillies à l'Obser- 
vatoire de Bruxelles, le lendemain et le surlendemain de 
chaque observation de scintillation. Ce sont ces relevés qui 
m'ont donné les indications contenues dans la premiére des 
deux colonnes relatives à l'eau de pluie recueillie, en pro- 
cédant de la manière suivante. En 1877, par exemple, la 
quantité totale d'eau mesurée les lendemains et les sur- 
lendemains de mes observations faites par un temps de 
pluie, s'élève à 957"",65. Cette quantité d'eau ayant été 
recueillie en 204 jours, comprenant ces lendemains et 
surlendemains de mes recherches, la quantité d'eau de 
pluie recueillie pour chacun de ces deux jours est en 
moyenne 9577795. ou 47" 64. pour l'année 1877. Ce nombre 
indique évidemment la quantité moyenne d'eau de pluie 
correspondant à chacune de mes observations faites dans 
le cours de cette année, par un temps pluvieux. 

Dans la colonne suivante du tableau, j'ai inserit, d'aprés 
les Annales de l'Observatoire et les indications contenues 
dans la Notice de M. Lancaster sur les pluies de 1877 et 
1878, la quantité moyenne d'eau recueillie chaque jour de 
pluie, à l'Observatoire, d'aprés la totalité d'eau de pluie 


( 765 ) 
tombée pendant toute l'année, et eu égard au nombre de 
jours où cette eau a été recueillie dans le cours de celle-ci. 

Voici les conséquences qui résultent de ce tableau : 

1* Les valeurs les plus faibles de la fréquence du bleu 
correspondent à l'année 1875, d'abord pour la généralité 
des étoiles, puis, pour la moyenne générale et pour les 
moyennes relatives aux trois types, l'année 1875 étant 
celle où la quantité d'eau de pluie recueillie est la plus 
faible dans les deux derniéres colonnes; 

2^ Les fréquences numériques du bleu croissent régie 
lièrement, pour la généralité des étoiles et à l'égard des 
moyennes, suivant l'ordre des années pour lesquelles les 
quantités d'eau recueillies forment une série croissante; 

3° Les fréquences les plus fortes coïncident, dans les 
divers cas, avec les années où la quantité d’eau de pluie 
a été la plus grande. 

L'ensemble de ces faits et ceux qui ont été précédem- 
ment établis nous permettent de formuler avec certitude 
la conclusion suivante : 

Lorsque, dans les observations de la scintillation des 
étoiles où les couleurs qui caractérisent ce phénomène sont 
nellement séparées, la teinte bleue prédomine ou se trouve 
en excès, il faut s'attendre à de la pluie, si elle n'est déjà 
survenue. Il y a grande probabilité que les pluies seront 
d'autant plus persistantes et plus abondantes que la pré- 
dominance du bleu est plus marquée. 

Cette conclusion a son importance, puisqu'elle permet 
d'utiliser les indications d'un quatriéme caractére, la fré- 
quence plus ou moins marquée du bleu parmi les autres 
couleurs, dans l'application de la scintillation des étoiles 
à la prévision du temps. Je montrerai prochainement que 
les indications au sujet de cette teinte s'accordent parfaite- 


( 764 ) 
ment avec celles qui se déduisent des trois autres carac- 
teres, l'intensité de la scintillation , la netteté ou l'état de 
wouble du trait, et la hauteur à laquelle les étoiles scin- 
tillent. 

La couleur dont la fréquence relative a diminué le plus 
à mesure que la quantité de pluie a augmenté pendant ces 
derniéres années, semble varier avec la couleur propre de 
l'étoile et le type auquel elle appartient, dans les tableaux 
particuliers que j'ai formés ; toutefois Cest la fréquence du 
vert qui a diminué le plus réguliérement, à mesure que la 
quantité de pluie annuelle a augmenté. L'étoile y d'Andro- 
méde seule présente une particularité remarquable : c'est 
la coïncidence de l'accroissement progressif de la fréquence 
de l'orangé, qui est la couleur propre de l'étoile, suivant la 
série des années indiquées. J'aurai occasion de revenir sur 
ce fait curieux, qui accuse, à mon avis, un changement 
dans la couleur propre de l'étoile. 

On a dû remarquer que, dans le tableau précédent, l'ac- 
croissement de la fréquence du bleu avec l'abondance des 
pluies est généralement moindre pour les étoiles rouges et 
orangées, ou du troisième type, que pour les étoiles des deux 
autres; aussi la moyenne finale pour les premières est 217, 
tandis que ces mémes moyennes sont respectivement 256 
et 252 pour les étoiles jaunes et pour les étoiles blanches. 
La raison de cette différence a été indiquée plus haut. 

Malgré les difficultés qui entourent les questions si déli- 
cates, et je dirai nouvelles, auxquelles le sujet traité se 
rattache , je crois devoir faire remarquer que, d’après les 
recherches du P. Secchi, de M. Janssen et de M. Piazzi- 
Smyth concernant les raies telluriques du spectre solaire, 
celles-ci augmentent en nombre et en intensité dans les 
circonstances oü les rayons du soleil rencontrent une plus 


( 765 ) 

grande quantité de vapeur d'eau au milieu de l'atmosphére, 
soit à mesure que cet astre s'abaisse vers l'horizon, soit 
quand l'humidité de l'air augmente. Ainsi, M. Janssen a 
constaté avec certitude que la plupart des raies telluriques 
prennent plus d'intensité lorsqu'on observe le spectre 
solaire par un temps humide que par un temps sec. Ce 
savant a été conduit à attribuer une part importante au 
róle de la vapeur d'eau, à l'état de fluide élastique, dans la 
production des raies telluriques. Il a reconnu que, si plu- 
sieurs raies telluriques du spectre solaire sont dues aux 
gaz qui composent notre atmosphére, la presque totalité 
des raies qui se trouvent dans le rouge, l'orangé et une 
partie du jaune, sont dues à la vapeur d'eau. Celle-ci agirait 
plus énergiquement, dans son absorption à l'égard des 
rayons rouges, orangés et jaunes, que pour les rayons plus 
réfrangibles, sur lesquels cette vapeur n'agirait que d'une 
manière générale (1). 

De son côté, M. Piazzi-Smyth s'est fondé sur l'appari- 
lion de certaines raies telluriques dans le spectre solaire, 
qu'il a appelées bandes de pluie, pour prédire la pluie. Ces 
raies se présentent en groupes particulièrement dans le 
rouge et le jaune. M. Piazzi-Smyth a remarqué que celui 
de ces groupes que l'on observe le plus facilement sous 
notre climat,est d'autant plus marqué que la quantité d'eau 
dans l'atmosphére est plus grande; et que, d'autre part, 
son intensité augmente à mesure qu'on avance vers les 
pays chauds, là où la vaporisation est la plus abondante 
et la quantité d'eau dans l'atmosphére plus grande (2). 


(1) Voir au sujet des observations du P. Secchi et de M. Janssen concer- 
nant l'influence de la vapeur d'eau de l'atmosphére sur les raies telluriques, 
les Comptes-rendus de l'Institut, t. LVI, LX, LXIIJ et LXXVIII 

(2) Les Mondes, par M. l'abbé Moigno, 2* série, t. XLV. 


( 766 ) 

Des phénoménes d'absorption semblables se produisent- 
ils aussi pour certains rayons émanés des étoiles, quand 
ceux-ci traversent les couches plus ou moins humides de 
notre atmosphère? Il n'y a point de doute à cet égard ; aussi 
peut-on préjuger que ces sortes d'influenees interviennent 
dans le phénomène de la scintillation et dans celui de la 
prédominance du bleu lorsque l'air est humide, parmi les 
couleurs qui caractérisent la scintillation des étoiles. 

Je terminerai cette Noticeen donnant quelques explica- 
tions sur la manière dont la fréquence du bleu est indiquée, 
quand il y a lieu, dans le Bulletin météorologique de l'Ób- 
servatoire de Bruxelles. 

Il n'est point possible de préciser cette fréquence à l'aide 
de chiffres, dans ce genre de publication. La différence 
des indications roule, comme on a pu le remarquer, sur 
l'emploi des expressions : le bleu prédomine ou le bleu est 
en excès, convenablement accentuées ou mitigées. La pre- 
mière indique que le bleu prévaut en quantité parmi les 
diverses couleurs qui fractionnent le contour circulaire, 
déerit par l’image stellaire dans le scintillomètre. L'autre 
expression , disant que le bleu est en excès, indique que 
la quantité des ares de cette teinte excéde simplement, 
parmi les autres couleurs, le nombre ordinairement propre 
au bleu pour la méme étoile. Ces deux expressions sont 
modifiées dans leur sens le plus absolu, de maniére à indi- 
quer les chances de pluie plus ou moins prochaines. Je 
désigne, en outre, le nombre des étoiles pour lesquelles la 
prédominance ou l'excès du bleu a été le plus apparent. 

On conçoit que, dans de semblables appréciations, il 
importe de tenir compte de la couleur propre des étoiles 
observées. 


( 767 ) 


Sur une nouvelle méthode de préparation des acides 
iodhydrique et bromhydrique; par M. G. Bruylants, 
pharmacien, professeur à l'Université de Louvain. 


« L'affinité des corps halogénes pour l'hydrogéne dimi- 
nue du fluor à l'iode. » Cette proposition établie par un 
grand nombre de faits, se vérifie facilement, par l'action 
que l'acide sulfurique concentré exerce sur les différents 
hydracides halogénés. Sans action sur les acides fluorhy- 
drique et ehlorhydrique, qu'il sert à préparer, il décompose 
les acides bromhydrique et iodhydrique avec formation 
d'eau, dégagement d'acide sulfureux et mise en liberté du 
corps halogène. 

Cette réaction se fait partiellement et exige une cer- 
laine quantité de chaleur pour l'acide bromhydrique ; elle 
se fait totalement et à température plus basse déjà pour 
l'aeide iodhydrique. 

Aussi ne peut-on pas parvenir à préparer ceux-ci 
comme on prépare les premiers. 

On a eu recours pour leur préparation à la décomposi- 
tion par l'eau des bromures et iodures de phosphore. 

Mais cette méthode, assez pratique, lorsqu'il s'agit de 
produire de faibles quantités d'acide, devient d'une exé- 
cution difficile et présente méme certains dangers, gràce 
à la formation de l'acide phosphoreux et de l'iodure de 
phosphonium, lorsqu'on veut préparer des quantités quel- 
que peu importantes de ces agents. En outre, une certaine 
proportion de ces acides reste dissoute dans l'eau, avec 
laquelle ils forment une combinaison bouillant à tempé- 
rature fixe et dont on ne parvient pas à les retirer par 


( 768 ) 

simple application de la chaleur. Il y a donc ici une cer- 
taine quantité de corps halogène que l'on peut considérer 
sinon comme perdue, au moins comme immobilisée. De 
plus, les acides iodhydrique et brombydrique ainsi obte- 
nus sont humides, et l'on ne peut parvenir à les dépouil- 
ler complétement de l'eau qu'ils entrainent. 

Je veux dans cette Note décrire une méthode pratique 
et expéditive de préparation de ces deux acides, méthode 
que j'ai appliquée à plusieurs reprises, dans ces derniers 
temps, surtout pour l'acide iodhydrique. 

Cette méthode est fondée sur ce fait, que l'iode et le 
brome s'ajoutent, dés la température ordinaire, à certaines 
combinaisons organiques et s'en détachent, sous l'action 
de la chaleur, à l'état d'acides iodhydrique et bromhy- 
drique. 

L'idée de mettre cette réaction à profit, pour la prépa- 
ration de l'acide brombydrique, a été mise en avant par 
Laurent, à l’occasion de ses mémorables travaux sur la 
naphtaline. 

Je me permettrai de faire remarquer que, grâce à la 
volatilité de certaines combinaisons bromées de cet hydro- 
carbure, cette réaction n'est pas pratique. 

Plus tard, MM. Pellat et Champion (1) préconisèrent 
dans le méme but l’action du brome sur les paraffines. 

Mais cette méthode présente l'inconvénient d'immobi- 
liser une assez forte proportion du brome employé. 

Je ne suis parven, en effet, à obtenir à létat d'acide 
bromhydrique qu'un peu dies de la moitié du brome 
employé. 


RE 


(1) Peuvar et Cameron, Comples rendus de l'Académie des sciences de 
Paris, t. LXX, p. 620. 


( 769 ) 

En étudiant l'action des corps halogénes sur l'essence 
de copahu, l'idée m'est venue de me servir de cette réac- 
tion comme méthode de préparation des acides iodhydri- 
que et bromhydrique. 

L'essence de copahu est formée d'un hydrocarbure de 
la famille des terpénes répondant à la formule (C;H;); ou 
(CH); bouillant à 250°-255°. On l'obtient en distillant 
le baume de copahu à la vapeur d'eau ou en le chauffant 
dans une cornue, à la température de 300° (1). Le produit 
de ces opérations doit étre préalablement desséché sur du 
chlorure de calcium. 

Une quantité déterminée d'essence de copahu peut servir 
à transformer en acides iodhydrique et brombydrique une 
quantité à peu prés triple en poids de ces corps halogénes. 

Voici le mode opératoire auquel je me suis arrété . 

Dans une cornue tubulée munie d'un réfrigérant, dis- 
posé à reflux et d'une capacité de 500", on introduit une 
certaine quantité d'huile essentielle, soit 60 grammes. 
L'extrémité du réfrigérant porte un tube recourbé qui 
met la cornue en communication avec une éprouvrette à 
dessécher les gaz, dont la chambre inférieure renferme 
une légére bourre d'asbeste et dont la tubulure supérieure 
porte le tube de dégagement. 

On chauffe lézérement l'essence, on y dissout petit à 
petit une vingtaine de grammes d'iode, puis on éléve la 
température. 

Au bout de quelques instants le dégagement de gaz 
commence abondant, mais régulier; lorsqu'il se ralentit 
on laissela cornue se refroidir un peu, et l'on introduit une - 


(1) Le baume de copahu renferme en moyenne 50 p. °/, d'huile esser.- 
* an an t 1 $ 341 1: 1* toà S0n 
, |. r T 


tielle* or 


CNO ) 
nouvelle quantité d'iode : la réaction n'étant plus si vive 
qu'à la premiére introduction, on peut en mettre une plus 
forte proportion. On chauffe derechef et l'on continue l'opé- 
ration en introduisant de l'iode jusqu'à concurrence de 150 
grammes. 

A plusieurs reprises 150 grammes d'iode m'ont fourni 
de 145 à 150 grammes d'acide iodhydrique. 

Pendant cette réaction la plus grande partie de l'es- 
sence se solidifie; une faible proportion est transformée 
en cymol et peut-étre en dicymol. Je me réserve d'ailleurs 
de revenir plus tard sur cette question. 

Quant à la préparation de l'acide bromhydrique par cette 
méthode , elle se fait à peu prés de la méme facon; seule- 
ment on fait bien ici de faire passer le gaz à travers deux 
ou trois éprouvettes. On doit, en outre, prendre la précau- 
tion d'introduire le brome dans un entonnoir à robinet, 
d'en laisser écouler goutte à goutte, lentement, une ving- 
taine de grammes dans l'essence, et de chauffer la cornue; 
puis lorsque le dégagement devient moins abondant, on 
laisse se refroidir la masse et l'on introduit une nouvelle 
proportion de brome en employant les mémes précautions. 
60 grammes d'essence et 150 grammes de brome m'ont 
fourni 142 grammes d'acide bromhydrique. 


C TEE) 


Physiologie des muscles et des nerfs du Homard; par 
MM. L. Frederieq et G. Vandevelde. 


(Travail du laboratoire de physiologie de l'Université de Gand.) 
INTRODUCTION. 


On n'arrivera à pénétrer plus avant dans le secret de la 
physiologie des nerfs et des muscles qu'en combinant les 
résultats obtenus par les méthodes d'investigation chi- 
mique, physique et histologique. Or, pour les muscles 
striés, les résultats fournis par la chimie et la physique 
ont été obtenus par l'étude exclusive des muscles de ver- 
tébrés. Au contraire, les recherches sur la structure et sur 
les changements que le microscope révèle pendant la con- 
traction n'ont été jusqu'ici faites avec quelque succès que 
pour les muscles d'articulés. Les muscles striés des arti- 
culés différent cependant sous certains rapports (1) de 
ceux des vertébrés : l'on ne peut donc utiliser directe- 
ment pour la physiologie de nos muscles et de ceux de la 
grenouille les données si intéressantes qu'a fournies, dans 
ces dernières années, l'étude microscopique de la contrac- 
tion, notamment le phénomène de l'inversion du strié. 
Cette lacune si regrettable peut être comblée de deux 
façons : 4° par une étude plus approfondie de l'histologie 
des muscles striés des vertébrés. Cette étude présente de 
grandes difficultés en raison des faibles dimensions des 


(1) Les éléments ou segments musculaires sont deux ou trois fois uy 
grands chez les articulés que dans les muscles striés des vertébrés. Voir 
Léon Fredericq. Note sur la contraction des muscles striés de Pbydro- 
phile, BULLETIN DE L'AcaDÉNIE DES SCIENCES DE BRUXELLES, 1876. 


(772) 
éléments musculaires; 2° en appliquant aux muscles des 
articulés les méthodes à l'aide desquelles tant de belles 
découvertes ont été réalisées dans la physiologie des 
muscles de grenouille. 

Dans le présent travail , nous étudions quelques-unes 
des propriétés des muscles et des nerfs d'un articulé de 
grande taille, le homard. Toutes nos expériences ont été 
faites pour ainsi dire en méme temps sur le homard et 
sur la grenouille. Les résultats obtenus chez cette der- 
niére ont toujours servi à contróler la rigueur de nos mé- 
thodes de recherche. 

Les animaux sur lesquels nous avons opéré n'avaient 
en général séjourné qu'un petit nombre d'heures hors de 
l'eau. L'un de nous allait les choisir à Ostende et les rap- 
portait immédiatement à Gand au laboratoire de physio- 
logie de l'Université. Le voyage dure environ deux heures 
et demie (en y comprenant le trajet entre le parc aux 
homards et la station du chemin de fer à Ostende — et 
le trajet entre Ja station de Gand et le laboratoire de phy- 
siologie). Nous avons également utilisé quelques homards 
provenant du marché de Gand. 

Nous exposerons nos recherches dans l'ordre suivant : 


Are PARTIE, — Muscles. 


SL Excitants de la contractilité, 
$ II. Phénomènes mécaniques „de la contraction. Secousse. Tétanos. 
Onde de contraction. Changement de volume 
$ IL, Phénomènes thermiques de la contraction. 
SI Phénomènes chimiques de la contraction. 
Phénomènes électriques de la contraction. 


Qde PARTIE. — Nerfs. 


I,  Excitants = nerfs. 
ll. Courant nerveux 
IL. Vitesse de icis de l'excitation nerveuse motrice. 


( 775 ) 


PREMIERE PARTIE. 


Muscles, 
8 rr. — | Exorravrs DE LA CONTRACTILITÉ. 


Les muscles du homard sont, en | général, sSuscdp cili 
de passer de l'état de relàchement à celui de contraction 
sous l'influence dés mémes agents ou excitants que les 
muscles de grenouille. Ce sont : 

1° L'action du nerf moteur stimulé par la noi dè 
l'animal ou par l'intervention de l'expérimentateur. Nous 
l'étudierons à propos de la panion des nerfs. Lec curare 
empéche cette action. 

2» L'éleetricité sous forme de chocs d'induction, de 
rupture ou de fermeture du courant constant et peut-être 
aussi le passage du courant constant. 

5° La chaleur (l'approche brusque d'un corps métal- 
lique chauffé au rouge) a üne action bien moins marquée. 

4° Les violences mécaniques : section, piqure, choe, 
froissement entre les mors d’une pince, etc. 

5° Le contact avec certaines substances (excitants chi 
miques) : solution saturée de chlorure de sodium, acidé 
cehlorhydrique , potasse caustique provoquent un violent 
tétanos. Nous avons eu soin d'expérimenter l'action dé 
ces substances sur des muscles fixés dans le myographe. 
Les contractions produites ainsi constituent un tétafios 
parfait. 

L'exposition à l'air d'un muscle donne souvent lieu à 
des contractions et doit peut-être se ranger dans celte 
catégorie d'excitants chimiques. 

2^* SÉRIE, TOME XLVII. 90 


( 714 ) 
Nous ne sommes pas parvenus à provoquer des contrac- 
tions par les vapeurs d'ammoniaque ni par le contact avec 
l'ammoniaque liquide. 


$ II. — PHÉNOMÈNES MÉCANIQUES DE LA CONTRACTION. 


Le muscle qui se contracte tend à rapprocher ses points 
d'attache en méme temps qu'il augmente en diamétre : il 
se raccourcit et s'épaissit. Il faut tenir compte également 
du travail produit, des changements dans l'élasticité, le 
volume, etc. 


Raccourcissement. — On observe ici les deux formes 
classiques de contraction, la secousse et le tétanos. Nous 
les avons étudiées au moyen de la méthode graphique. 

Un muscle long (1) est tendu horizontalement sur la 
plaque de liége de notre myographe : il est fixé à l'aide 
d'une pince ou simplement d'une forte épingle par l'une 
de ses attaches, l'autre est reliée par un petit crochet au 
levier enregistreur de: Marey (longueur 12 centimétres), 
mobile dans un plan horizontal autour d'un axe vertical. 
Muscle et levier sont maintenus à un certain degré de 
tension par un petit ressort à boudin horizontal situé sen- 
siblement dans le prolongement de l'axe du muscle ou par 
un fil auquel est suspendu un poids (5 à 10 grammes) et 
qui glisse sur une petite poulie de renvoi. 


(t) Le muscle le plus propre à cette étude est celui que Milne Edwards 
a figuré planche 15, figure 1, sous le nom de premier muscle extenseur 
de l'abdomen dans son Histoire naturelle des crustacés, vol. Ier, p. 155. 
Paris, 1857. Suites à Buffon. On le détache sur l'animal vivant en ayant 
soin de laisser adhérente à chacune de ses deux extrémités une petite 
portion de carapace. 


[ 739 ] 

L'appareil récepteur est le cylindre enregistreur de 
Marey placé horizontalement (axe rapide faisant un tour 
en une seconde et demie). Le style de notre levier inscrip- 
teur écrit sur un papier très-lisse (papier porcelaine à 
l'acétate de plomb) légérement enfumé. La vitesse de 
rotation du cylindre est contrôlée par un chronographe 
inscrivant cent, deux cent cinquante vibrations doubles 
par seconde (signal Marcel Desprèz et diapasons interrup- 
teurs du courant électrique). 

Nous excitons le muscle par l'électricité, Deux élec- 
trodes en platine fixés au myographe sont en contact avec 
les deux extrémités du muscle : ils sont reliés à la bobine 
induite du chariot de Du Bois-Reymond alimenté par une 
pile composée de trois éléments (zinc, charbon, acide sul- 
furique dilué) disposés en tension. Une clef est intercalée 
dans le circuit. 


Secousse musculaire. — Une disposition spéciale (voir 
plus loin la figure pour la mesure de la vitesse de propa- 
gation de l'influx nerveux) nous permet de fermer et d'in- 
terrompre le courant à un instant précis correspondant 
toujours à la méme phase de rotation du cylindre enre- 
gistreur. Nous avons fixé au bord du cylindre une petite 
tige métallique polie (aiguille d'acier). Un support massif 
placé dans le voisinage porte une seconde aiguille d'acier 
également horizontale formant avec la première un angle 
droit. L'un des fils de la pile est relié au cylindre et, par 
conséquent, à la première aiguille, l'autre à la seconde 
aiguille. A chaque tour du cylindre, les deux aiguilles se 
touchent et le courant passe. Nous pouvons, en déplacant 
plus ou moins la seconde aiguille, faire varier la durée du 
contact depuis quelques centiémes de seconde jusqu'à un 


E TIO ) 

millième de seconde. Nous pouvons done exciter le muscle 
de deux façons : par un courant constant de très-courte 
durée (un milliéme de seconde ou davantage) ou par deux 
chocs d'induction trés-rapprochés. La secousse produite de 
cette facon donne un graphique tout à fait semblableà celui 
que l'on obtient par. une seule secousse d'induction; elle 
offre l'avantage de permettre l'étude de la période d'éner- 
gie latente. 

`La figure 1 représente deux graphiques superposés de 
secousse musculaire obtenus de la facon suivante : 


E ue à poids. Vitesse maximum du cylindre. 
AB période d'énergie latente; BC période ee croissante 
: CD pow d'énergie bent. 


Le muscle étant fixé dans le myographe, comme il a été 
dit, nous déterminons au préalable la position qu'occupe 
la pointe écrivante du myographe au moment du début de 
l'excitation. A cet effet, nous faisons lentement tourner 
le cylindre enregistreur à la main, de facon à amener les 
deux aiguilles d'acier en contaet. A ce moment, le circuit 
se ferme, une secousse d'induction traverse le muscle qui 
se raccourcit et la plume écrivante trace le trait AZ qui 
s'éléve de, l'abscisse horizontale et nous servira de point 
de repére. Nous interrompons la communication entre 
les électrodes excitateurs du muscle et la bobine et nous 
abandonnons le cylindre, à son mouvement de rotation. 
Quand il a fait quelques tours et que nous jugeons sa, 
vitesse normale et uniforme, nous ouvrons la clef de facon 


(115 
à permettre à l'excitation électrique d'agir sur le muscle 
qui se contractera lors de chaque contact passager des deux 
aiguilles d'aeier, c’est-à-dire à chaque tour du cylindre. 
Nous avons arrêté le cylindre-au bout de deux tours,nous 
avons obtenu deux graphiques superposés. i 

Le chronographe inserit à côté de nos courbes une rie | 
de zigzags dont chacun (de a en a") représente un centième 
de seconde. 

Les graphiques de la figure 1 ont été choisis parmi les 
plus courts que nous ayons obtenus; ils rappellent par la 
forme et la durée ceux que fournit un muscle gastrocné- 
mien de grenouille placé dans les mémes conditions : de 
A en B, stade d'énergie latente dont la durée est comprise 
entre un cinquantième et un centième de seconde; de B 
en D, énergie croissante, représentée par une portion de 
courbe concave, puis convexe; de D en C, énergie décrois- 
sante, courbe convexe, puis concave allant rejoindre l'ab- 
scisse (1). 

La durée de l'énergie latente est d'un peu moins d'un 
et demi centième de seconde chez un muscle qui a toute 
sa vigueur. La fatigue a pour effet de l'allonger: elle peut 
aller alors à deux, méme à trois centiémes de seconde. 

La durée totale dela secousse varie dans des limites 
beaucoup plus larges : la fatigue a pour effet de diminuer 
l'énergie de la contraction, c'est-à-diré la hauteur EG et 
d'allonger considérablement sa durée (une demi-seconde 


(4) Helmholtz décrit de 2 Set suivante la courbe inscrite par le 
muscle gastrocnémien de 

« Das (erste) Stück der ^it get mit der Abscissenlinie zusammen, 
» sie Ps men sep. — 7. — später convex bis zu ihrem 
» Gipfel, wird dann zunächst conve , Später concav wieder sin- 
» ken und sich endlich asympiotisch der Abscissenlinie anschliessen. » 
Archiv f. Anat. und Physiologie, 1850 


( 778 ) 
et méme davantage), c'est-à-dire la longueur BD. Cette 
augmentation porte surtout sur la période d'énergie dé- 
croissante dont la durée dépasse alors de beaucoup la 
période d'énergie croissante. 


Fig. 2. — de secousses musculaires. Muscle fléchisseur du doigt 
ile de la npa Centièmes de seconde. 
Myrel à à ressort, Z m t de l'excitation du nerf. AB période d'énergie 
+ BC énergie croissante, CD énergie décroissante. 


Ces expériences de secousses musculaires ont été répé- 
tées sur le muscle fléchisseur du doigt mobile de la pince. 
Le doigt muni d'un style écrivant servait lui-méme de 
levier enregistreur; il était maintenu tendu par un res- 
sort à boudin, la pince étant solidement fixée à l'aide de 
liens sur la plaque du myographe. Le muscle était excité, 
soit directement par des électrodes de platine passant à 
travers deux petits trous de la coque chitineuse de la pince, 
soit par l'intermédiaire du nerf. Les secousses obtenues 
ainsi sont remarquables par la longue durée de la période 
d'énergie décroissante comparée à la brièveté de la période 
d'énergie eroissante. La période d'énergie latente est la 


C719:) 

méme que pour les muscles longs extraits du corps, Cest- 
à-dire un et demi centiéme de seconde, davantage si le 
muscle est fatigué. 

es graphiques, figure 2, ont été obtenus en excitant le 
muscle fléchisseur de la pince par l'intermédiaire du nerf. 
L'intervalle ZB qui sépare le moment de la contraction du 
moment de l'excitation éleetrique représente donc ici la 
somme de deux temps : AB période d'énergie latente (cette 
longueur AB a été obtenue dans d'autres expériences. Le 
trait À est ajouté à la main dans la fig. 2) et AZ temps 
nécessaire à l'excitation pour se propager le long du nerf 
jusqu'au muscle. 


Tétanos musculaire. — Nous n'intercalons plus le cy- 
lindre dans le circuit électrique. Les fils de la pile se ren- 
dent directement (avec clef intercalée) à la bobine indue- 
trice du chariot de Du Bois-Reymond. Nous les disposons 
de facon à ne pas employer l'interrupteur (marteau de 
Wagner). Les fils de a bobine induite sont reliés aux exci- 


Fig. 5. Secousses fusionnées. Myographe à ressort. Vitesse moyenne du 
cylindre enregistreur (un tour en 7 1/2 secondes.) AB première 
uxième secousse. Le Large du dep offrait des 


haque 
centimètre de coti du. "ad Mdb 17 à 18 centièmes de 
seconde, 


tateurs. Pour le reste, le muscle est disposé dans le myo- 
graphe comme pour l'étude des secousses. Si nous exci- 
tons le muscle par deux chocs d'induction successifs (en 


( 780 ) 
fermant et ouvrant à court intervalle le circuit primaire) 
espacés de facon que le second choc vienne atteindre le 
muscle avant qu'il ait terminé sa première secousse, les 
deux secousses se fusionneront et nous obtiendrons les 
graphiques de la figure 3. 

Si nous soumettons le muscle à une série de chocs con- 
venablement espacés, dix en une seconde, par exemple, le 
style inscrira ces dix secousses, mais combinées de facon 
à donner une ligne ondulée. Augmentons le nombre des 
secousses ; employons à cet effet, non la fermeture et lou- 
verture à l'aide de la clef, mais le trembleur de Wagner 
du chariot, les secousses se fusionneront plus intimement, 
la plume tracera une ligne où l'on ne discernera plus les 
secousses isolées, le muscle sera en tétanos parfait. Le mi- 
nimum de chocs d'induction que notre appareil nous don- 
nait était voisin de vingt par seconde (dix ruptures + dix 
fermetures du courant), comme nous nous en sommes 
assurés en les inscrivant à l'aide du signal Marcel Despréz. 
Le nombre minimum de chocs d'induction nécessaire pour 
provoquer un tétanos complet est done inférieur à vingt et 
supérieur à dix par seconde. 

La figure 4 représente un graphique de tétanos (myo- 
graphe à ressort). On a inscrit également les chocs d'in- 
duction. 


Fig. 4. Graphique de télanos. Vitesse moyenne du cylindre. Le tracé 
himeltro de 


inférieur correspond aux chocs d'induction. Chaq 


longueur du tracé représente 17 à 18 centiémes de seconde. 


Onde musculaire. — Sur les muscles d'articulés exami- 


( 781 ) 
nés vivants au microscope, la contraction affecte ordinai- 
rement la forme d'une onde parcourant la fibre suivant sa 
longueur. La vitesse de cette onde dans certaines condi- 
tions doit étre fort minime, puisqu'il est possible de l'étu- 
dier à de forts grossissements. 

Nous avons étudié par la méthode graphique la vitesse 
de propagation de l'onde musculaire sur le premier muscle 
extenseur de la queue (curarisé ou non curarisé) par la 
méthode classique des doubles leviers reposant sur deux 
endroits différents du muscle (Aeby, Marey). L'appareil 
enregistreur dont nous nous servons n'offre un mouvement 
bien uniforme que lorsqu'il est disposé horizontalement. 
Nous avons dů, par conséquent, placer nos leviers hori- 
zontalement, le muscle étant tendu verticalement. Deux 
petits ressorts à boudin maintenaient les leviers appliqués 
sur le corps charnu du musele.On excite le muscle à l'une 
de ses extrémités par une seule secousse d'induction : 
l'onde de contraction qui, de ce point, parcourt le muscle, 
souléve successivement les deux leviers, ceux-ci écrivent 
leurs courbes sur deux abscisses parallèles. 


Fig. 5. Graphique de la propagation de l'onde musculaire par la méthode 
des doubles leviers. Distance des points d'appui des deux leviers 
= 18 millimètres. 

DC Graphique du style rapproché des électrodes. 

BE Graphique du style éloigné des Herd ego 


Les traits verticaux C et A indiquent l les deux styles 


e cylindre étant au repos, Am de siii: 


( 782 ) 

Nous trouvons de cette facon des vitesses voisines d'un 
métre par seconde. Les muscles de grenouille placés dans 
les mémes conditions nous avaient fourni des valeurs 
analogues. 


Changement de volume. — On peut se demander si le 
volume du muscle varie pendant la contraction ou si l'aug- 
mentation d'épaisseur compense exactement la diminution 
de longueur. 

Nous avons, à l'exemple d'Erman, placé dans un vase 
rempli d'eau et terminé à sa partie supérieure par un tube 
capillaire vertical un abdomen entier de homard. Nous 
provoquions des contractions dans l'abdomen par l'inter- 
médiaire de deux électrodes plongés dans l'épaisseur des 
muscles. L'expérience nous a montré que pendant la con- 
traction, le niveau du liquide dans le tube n'éprouvait pas 
de variation notable, ce qui prouve que le volume d'un 
muscle de homard qui se contracte est trés-peu différent 
de ce qu'il est à l'état de repos. Notre appareil était d'ail- 
leurs assez peu sensible. 

Nous n'avons pu jusqu'ici faire d'expériences sur l'éner- 
gie développée pendant la contraction par les muscles d'ar- 
tieulés. Nous comptons expérimenter sur les muscles de 
la pince dés que nous en aurons l'occasion. 


§ II. — PHÉNOMÈNES THERMIQUES DE LA CONTRACTION, 


Nous étions fort mal outillés pour étudier la chaleur qui 
se développe pendant la contraction. Nous nous sommes 
contentés d'introduire la boule d'un petit thermomètre à 
mercure (marquant les doubles dixiémes de degré) dans 
l'intérieur du muscle fléchisseur du doigt de la pince. 
Nous n'avons pu constater d'élévation de température en 


( 785 ) 
tétanisant le muscle par l'intermédiaire du nerf. Au con- 
traire, en excitant le muscle par application directe des 
électrodes, nousavons noté une augmentation de plusieurs 
dixièmes de degré. Peut-être l'échauffement était-il (au 
moins en partie) dà au passage du courant électrique. 


§ IV. — PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA CONTRACTION. 


Le tissu musculaire vivant du homard est franchement 
alcalin, il bleuit le tournesol rouge et brunit le curcuma, 
La contraction a pour effet de neutraliser l'alcali et méme 
de produire une réaction acide. Un muscle tétanisé pen- 
dant quelques instants rougit le tournesol bleu. 

Nous n'avons pas fait d'expériences sur les quantités de 
glycogéne contenues dans les muscles pendant les périodes 
de repos et de contraction. 


§ V. — Pnu£NOMÉNES ÉLECTRIQUES DE LA CONTRACTION. 


Une premiére question à résoudre était évidemment 
celle-ci : les muscles du homard non contractés sont-ils le 
siége de phénoménes électriques de quelque importance? 
Nous décrirons done d'abord les résultats fournis par 
l'étude de la distribution des tensions électriques dans le 
muscle de homard au repos et les moyens dont nous dis- 
posions pour cette recherche. 

L'organisation du local dans lequel nous avons travaillé 
ne nous a pas permis de faire usage de la boussole à mi- 
roir (boussole des tangentes). Nous ne donnerons donc 
aucune mesure absolue de la force des courants électri- 
ques que nous avons observés. Toutes nos recherches ont 
été faites avec un multiplicateur de Ruhmkorff. Le sys- 


( 784 ) 
téme astatique des aiguilles se trouve en équilibre dans la 
direction du méridien magnétique, mais en est dévié sous 
P influence d'un courant électrique très-faible. 

-La figure suivante (fig. 6) indiquera mieux qu'une longue 
ex piel la disposition fondamentale des appareils qui 
ont servi à nos expériences. 

Les tissus animaux supportés par une plaque. de verre 
(pied de Du Bois-Reymond) sont en contact avec les 
électrodes impolarisables (Thonstiefel de Du Bois-Rey- 
mond) EE'. L'argile plastique de ces électrodes était imbibée 
d'une solution de NaCl à 1 p. °/.. Les fils qui partent des 
électrodes EE’ vont au multiplicateur M placé sur un sup- 
port massif. Ces fils sont maintenus en place par des pitons 
de cuivre vissés dans ce support. Sur leur trajet est inter- 
calée une clef Cl destinée à fermer et à ouvrir le circuit et 
un rhéocorde improvisé RR permettant de chasser dans le 
circuit du galvanomètre une À miss variable du courant 
de la pile Grenet P. 


Fig. ^ Appareil pour l'étude du courant musculair 
, E’ Électrodes impolarisables, M diese Cl clef. 
i xi Rhéocorde Co, commutateur de Pohl, P pile Grenet. 


( 788 ) 

Ce rhéocorde se compose d'un long fil de laiton RR' 
tendu sur une planchette entre les deux bornes RR'. Les 
fils qui relient ces bornes à la pile.P passent par le com- 
mutateur Co (Pohlsche Wippe), ce qui permet de renver- 
ser le courant de la pile. Le fil de laiton du rhéocorde est 
relié au circuit du galvanométre de la facon suivante : le 
fil qui vient de l'un des électrodes impolarisables E abou- 
tit à l'une des extrémités R' du rhéocorde où il est vissé à 
demeure. L'autre fil venant de l'électrode E' aprés avoir 
traversé le multiplicateur et la clef CI, aboutit à une petite 
spirale de laiton G qui glisse à frottement sur le fil du 
rhéocorde et qui peut npe toutes les positions inter- 
médiaires entre R et 

Il est clair. que lorsque a pile fonctionne, la plus grande 
partie du courant passe directement par le fil du rhéo- 
corde, mais qu’une petite portion du courant dérive dans 
le circuit du galvanomètre et des électrodes. Cette portion 
varie nécessairement suivant la position que l’on donne à 
G sur le fil RR’. Elle est à son maximum quand G occupe 
la position R, elle est à son minimum (= O) quand G 
touche à R’. Le commutateur Co sert à donner à ce cou- 
rant de compensation. une. direction inverse du courant 
électrique développé dans le circuit des électrodes et du 
galvanométre et permet ainsi de ramener à volonté l'ai- 
guille du galvanométre au zéro, ce qui est fort avantageux 
dans l'étude de la variation négative. On pent d'ailleurs 
exclure à volonté la pile du circuit. 

Au début de chaque expérience nous nous assurons que 
les électrodes mis en contact l’un avec l'autre ou reliés au 
moyen d’un fragment d'argile ne donnent pas de déviation 
de l'aiguille, ou tout au moins que cette déviation est peu 
marquée. Elle peut d’ ailleurs être compensée au préalable, 


( 786 ) 

à l'aide de l'appareil déerit précédemment, l'aiguille du 
multiplicateur étant ramenée au zéro. 

- Placons le premier muscle extenseur de la queue du 
homard sur les électrodes de facon que l'un d'eux corres- 
ponde à un point quelconque de la surface longitudinale 
du muscle, l'autre à un point de la coupe tranversale. 
Nous obtenons une forte déviation de l'aiguille du galva- 
nométre, au moins aussi forte qu'avec un muscle de 
grenouille. Le courant le plus intense (l'aiguille allant 
presque jusqu'à buter contre l'arrét qui limite sa course) 
s'obtient en reliant un point de l'équateur du muscle avec 
le centre d'une des coupes transversales. Ce courant va de 
la surface longitudinale (+) vers la surface transversale 
(—) comme il est facile de s'en assurer en remplaçant 
l'éeleetrode en contact avec la première par le fil venant 
du charbon d'une pile et le second par le fil venant du 
zinc. L'aiguille du galvanomètre dévie dans le méme 
sens. 

On obtient un courant faible en réunissant deux points 
de la surface longitudinale inégalement distants de l'équa- 
teur. Le plus rapproché de l'équateur est dans ce cas le 
plus positif. Il est possible de trouver des points situés 
symétriquement à cet équateur dont la tension s'équilibre 
exactement et qui ne fournissent pas de courant. De 
méme en réunissant deux coupes transversales, on n'obtient 
pas de déviation de l'aiguille aimantée si les électrodes 
sont convenablement placés. 

La disposition des tensions est donc des plus simples et 
correspond entiérement à ce que l'on sait pour le muscle 
de grenouille. Chaque point de l'équateur posséde une 
tension positive plus forte que tout autre point de la sur- 
face longitudinale ou de la coupe. Les tensions positives 


( 707 ) 
diminuent graduellement à mesure qu'on s'éloigne de 
l'équateur, pour devenir nulles à la limite qui sépare la 
surface longitudinale de la surface transversale. La ten- 
sion est partout négative sur la coupe transversale. 


Variation négative du courant musculaire. — Le muscle 
fléchisseur du doigt mobile de la pince qu'on tétanise 
facilement par l'excitation de son nerf, convient malheu- 
reusement fort mal pour l'étude de la variation négative 
du courant musculaire, à cause de la disposition spéciale 
de ses fibres et de leur peu de longueur. 

Nous avons opéré sur le premier muscle extenseur de 
la queue que nous excitions directement à l'aide du 
chariot de Du Bois-Reymond , en prenant les précautions 
nécessaires pour éviter une action directe des courants 
d'induction sur le circuit du galvanométre. Les électrodes 
impolarisables reliés au galvanométre sont placés à l'une 
des extrémités du muscle (surface longitudinale et coupe 
tranversale). Les électrodes de platine qui aménent l'exci- 
tation électrique sont placés à l'autre extrémité très-près 
l'un de l'autre. 

Nous avons obtenu une diminution trés-notable du 
courant propre du muscle pendant la contraction. Les 
muscles du homard présentent donc le phénoméne de la 
variation négative du courant propre pendant la contrac- 
tion. Comme ils présentent également l'inversion du strié 
pendant la contraction (examen microscopique), il est 
permis de chercher à établir une corrélation entre ces 
deux phénoménes. 

Les données fournies par l'étude microscopique du 
muscle au repos s'accordent le mieux avec la théorie des 
molécules péripolaires de Du Bois-Reymond, en admettant 


( 788 ) 
que.dans chaque segment musculaire il y a une zone 
moyenne, la substance obscure, ou disque anisotrope où la 
tension positive est à son maximum, tandis que les deux 
zones limites, les deux portions de substance claire, iso- 
trope présentent une tension négative. 

L'examen miéroscopique de muscles se contractant ou 
fixés à l'état de contraction, a montré que le raccourcisse- 
ment du segment musculaire s'opère aux dépens de là 
substance claire isotrope (—) qui est absorbée par la 
substance obscure anisotrope (+). Il arrive méme un 
moment où la SUME A (= ) disparait complétement 
(inversion). : 

endant la contraction. une portion de la substancé 
claire, isotrope où la tension est négative, se trouve donc 
absorbée par la zone obscure (anisotrope) où la tension 
est positive. La: conséquence logique de ce fait c’est que 
la différence des tensions négatives et positives offertes 
par les portions isotropes et anisotropes du muscle doit 
diminuer pendant la contraction. Ainsi s'explique d'une 
facon naturelle la variation négative du courant propre du 
muscle pendant la contraction. 


SECONDE PARTIE. 


Nerfs, 


A VI. — SXOITENTS DES NERFS. 


Toutes nos expériences ont été faites sur le nerf de la 
pince et sur le muscle fléchisseur du pouce auquel il se 
rend. Nous avons obtenu des résultats identiques à ceux 
que nous ont fournis le nerf sciatique et le gastrocnémien 
de grenouille. placés dans les mêmés conditions. 


( 789 ) 

Ainsi le courant constant ne constitue un excitant du 
nerf qu’au moment de sa rupture ou de sa fermeture à 
condition qu'il soit d'intensité moyenne. Avec un courant 
fort on obtient des contractions seulement à la rupture ou 
seulement à la fermeture suivant la direction du courant 
(ascendant on descendant). Nous n'avions pas assez de 
sujets d'expérience à notre disposition pour vérifier tous 
les cas de la loi des secousses de Pflüger. 

Le nerf est trés-sensible aux secousses d'induction. Les 
violences mécaniques constituent également un excitant 
puissant. Nous n'avons pas expérimenté l'action des exci- 
tants chimiques. 

Le curare empéche l'excitation du nerf de se trans- 
mettre au muscle. L’excitabilité propre du muscle parait 
accrue dans ce cas. 

Les nerfs du homard séparés de l'animal perdent trés- 
rapidement leur excitabilité. Cela rend ces expériences 
assez laborieuses, la préparation du nerf demandant du 
temps et des soins. Dans un nerf coupé, l'excitabilité dis- 
parait progressivement, tranche par tranche, en allant de 
la surface de section à l'extrémité périphérique. Ainsi, sur 
une pince séparée du corps de l'animal, il arrive un moment 
où l'excitation électrique du nerf prés de la surface de 
section ne produit plus de contraction musculaire, alors 
que la méme excitation appliquée sur un point plus rap- 
proché du muscle y provoque de violentes secousses. — 


$ VII. — COURANT NERVEUX. 


Pour faire nos expériences sur le courant électrique des 
nerfs du homard nous avons employé l'appareil décrit 
pour le courant musculaire. Si l'on place le nerf supporté 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 51 


- 


( 790 ) 

par une plaque de verre, en contact avec les électrodes im- 
polarisables, de facon que la section transversale corres- 
ponde à l'un des électrodes et la surface longitudinale à 
l'autre électrode, la déviation de l'aiguille du galvanomètre 
indique l’existence d’un courant qui va de la surface à la 
coupe transversale. La plus forte déviation que nous 
obtenions correspond à l’union du milieu de la surface lon- 
gitudinale avec la surface transversale, La déviation est, 
au contraire, très-faible quand on réunit deux points iné- 
galement RS du dixe de la surface longitudinale. Si 
les points son ts ou si l'on réunit les centres 
de deux surfaces opposées, la déviation peut étre nulle. 


Variation négative. Nous placons en contact avec les 
deux électrodes impolarisables un point de la surface lon- 
gitudinale et une surface transversale. Nous excitons le 
nerf aussi loin que possible du circuit galvanométrique 
par une série de chocs d'induction (chariot de Du Bois- 


Reymond). L'aiguille revient alors sur ses pas. 


Les nerfs du homard présentent donc la méme distribu- 
tion des tensions électriques et la méme variation négative 
que les nerfs de grenouille. Nos expériences sur l'électro- 
tonus ne sont pas assez complétes pour étre publiées. 

Il serait du plus haut intérét de vérifier si chez les nerfs 
de homard la vitesse de propagation de l'oscillation néga- 
tive est la méme que la vitesse de propagation de l'influx 
nerveux dont nous allons nous occuper. Ce serait comme 
la pierre de touche de la valeur de l'hypothése dite de la 
décharge (« Entladungs-Hypothese ») modifiée par Du Bois- 
Reymond, qui identifie l'exeitation motrice du nerf avec sa 
variation négative. 


( 791 ) 


8 VII[.— VITESSE DE PROPAGATION DE L'INFLUX NERVEUX 
MOTEUR DANS LE NERF QUI SE REND AU MUSCLE FLÉ- 
CHISSEUR DU DOIGT MOBILE. 


Nous avons eu recours pour cette détermination à la 
seconde des deux méthodes (la méthode graphique) em- 
ployées par Helmholtz dans ses recherches sur la propa- 
gation de l'influx nerveux moteur chez la grenouille. 

On excite le nerf en un point rapproché du muscle, on 
inserit le moment de l'excitation et le moment de la con- 
traetion, on connait ainsi le temps qui s'écoule entre ces 
deux phénoménes : on répéte la méme expérience pour un 
point du nerf plus éloigné du muscle. La différence de 
temps observée dans les deux expériences, c'est-à-dire le 
retard de la seconde contraction sur la premiére, donne le 
temps employé par l'excitation motrice à parcourir la dis- 
lance qui sépare les deux points excités. On connait cette 
distance, on en déduit la vitesse de la transmission. 

Nous dénudons sur un homard vivant le nerf qui se 
rend à la pince en deux endroits de son parcours, au 
niveau du deuxiéme et du quatriéme article dela patte. 
Un levier inscripteur de Marey est attaché au doigt mobile 
et la patte tout entière fixée solidement à l'aide de liens 
sur la plaque horizontale du myographe, puis d'un eoup de 
ciseaux nous tranchons la patte au niveau de son premier 
article. 

Le doigt mobile est ensuite tendu à l'aide d'un ressort à 
boudin horizontal qui l'écarte de la pince. Une paire d'élec- 
trodes en platine est appliquée sur chacune des deux por- 
Lions de nerf. Les quatre fils qui en partent sont reliés aux 
fils de la bobine induite du chariot de Du Bois-Reymond 
par un systéme de clefs qui permet de chasser à volonté 


( 792 ) 
le choc d'induetion dans l'une ou l'autre des paires d'élec- 
trodes et d'exciter le nerf dans son point rapproché ou 
dans son point éloigné. Le choc d’induction ou plutôt les 
deux chocs d'induction trés-rapprochés sont obtenus à 
'aide du mécanisme qui nous a servi à étudier les phases 


Fig. y? Appareil pour l'étude de la t 5rd P : 


nerf de la pince. M myographe portant la pince de homard. s style 
attaché au doigt t mobile, r rires qui tend le doigt mobile. a paire 
d'électrodes rapprochés. b paire d'électrodes éloignés. C clef double 
permetlant de pts la secousse fournie par la bobine induite 
B’ dans les fils allant à a ou dans ceux allant à b. P pile. E cylindre 
enregistreur. B, B’ les deux bobines du chariot de Du Bois-Reymond. 
A aiguilles d'acier fermant le circuit à chaque tour du cylindre 


de la secousse musculaire, c'est-à-dire que dans le circuit 
primaire de la pile (celui qui va à la bobine inductrice du 
chariot à glissière) se trouve intercalé le cylindre enregis- 
treur qui ferme pendant un temps très-court le courant 


( 799 ) 
de la pile et cela à une phase toujours identique de sa ré- 
volution (1). 

Le schéma ci-contre fera aisément gea dba la dispo- 
sition de l'expérience (fig. 7). 

Voici comment nous opérons. Aprés nous être assurés 
au préalable que le muscle réagit suffisamment à l'excita- 
tion du nerf et que la pointe du style écrit convenablement 
sur le papier enfumé du cylindre enregistreur , nous dis- 
posons d'abord les deux clefs de manière que la se- 
cousse d'induction ne puisse agir sur le nerf et nous lais- 
sons le cylindre tourner jusqu'à ce qu'il ait atteint sa 
vitesse normale. La pointe du style écrivant trace sur le 
papier une ligne horizontale, une abscisse dont les tours 
se recouvrent exactement. Le cylindre tournant toujours, 
nous fermons les clefs de facon à exciter le point le plus 
éloigné (b) du nerf au moment où les deux pointes d'ai- 
guilles qui ferment le circuit frotteront l'une sur l'autre. 
Le muscle se contracte, le style donne un graphique de 
la contraction. Nous arrétons immédiatement la rotation 
du cylindre jusqu'à ce que la pointe du style soit exacte- 
ment revenue sur la ligne de l'abscisse. Au besoin nous l'y 
ramenons à la main. 

Nous interceptons de nouveau l'arrivée du choc d'induc- 
tion à l'aide de la clef et nous laissons tourner le cylindre. 
Dès qu'il a acquis sa vitesse, nous fermons la clef, mais 
cette fois de facon à exciter le point (a) le plus rapproché 
du nerf; ceci nous donne un second graphique situé un 


—— 


(1) Cette disposition de l'appareil est loin d'étre parfaite. Nous nous 
y sommes arrétés parce que c'était la seule que nous fussions capables 
d'exécuter nous-mémes. Le laboratoire de physiologie de Gand ne pos- 
sède pas d'instrument permettant d'ouvrir et de fermer un courant 
éleoefy:. H "20m ac. s. "m EOM Ens "of 


( 794 ) 

peu en avant du premier. La distance du début des deux 
courbes comparée à la longueur du nerf nous permet de 
déterminer la vitesse avec laquelle l'excitation s'est pro- 
pagée. Enfin nous marquons sur le cylindre le moment oü 
le nerf est excité. A cet effet, la clef étant fermée de ma- 
niére à permettre l'excitation, nous amenons lentement le 
contact entre les deux pointes d'aiguilles. À ce moment, il 
se produit une contraction qui cette fois s'inscrit comme 
une ligne simple s'élevant de l'abscisse, puisque le cylindre 
est au repos. Nous nous sommes assurés au préalable que 
notre cylindre a une vitesse de rotation trés-uniforme en 
inscrivant à l'aide du signal Marcel-Desprèz les interrup- 
tions d'un courant électrique produites par un diapason 
de 100 vibrations à la seconde. Nous nous sommes assurés 
également que le contact entre les deux pointes d'acier a 
toujours lieu au méme instant de la rotation du cylindre. 
A cet effet nous avons inserit sans interruption des séries de 
2, 4, 6, etc., secousses musculaires d'un gastrocnémien de 
grenouille. Les lignes ascendantes représentant les débuts 
de la période d'énergie croissante se superposent exacte- 
ment dans ce cas et apparaissent comme un trait simple. 

Nous donnons (fig. 8) un exemple des graphiques obte- 
nus chez le homard. 


Fig. 8. re PRE par la détermination de la vitesse de transmission de 


A moment de l'excitation du nerf. CD iere ox de contraction obtenu par 
l'excitation du point rapproché du nerf, EF graphique de contraction 
par excitation du point éloigné jg nerf. tie de seconde. 


( 499 ) 

Le nerf a été excité en A. Le graphique CD représente 
la courbe inscrite par le muscle lors de l'excitation du 
point rapproché du nerf (a fig. 7). 

La courbe EF a été obtenue en excitant le nerf en son 
point éloigné (b fig. 7). La distance entreles débuts des deux 
courbes représente environ un centiéme de seconde. 

Nous avons mesuré la distance des deux points excités 
du nerf en mettant les pointes du compas en rapport à 
chaque paire d'électrodes avec celui des fils qui est tourné 
du cóté du muscle. Cette distance —56 millimétres. 

La vitesse cherchée est donc 100 X 0.56 — 5"6 par se- 
conde. Voici les chiffres obtenus dans nos expériences : 


Homard 9 de 559 grammes (sans le sang). Pince droite. 
Longueur du nerf 59 millimétres. 
Expérience A, intervalle en centiémes 
de seconde . . . . . 0,9 soit 6»,49 par seconde. 
» WR d 


s » jte. D E D M » 
» . 08 » 0,8 » 
Homard & à 487 grammes (aii le di Pince gauche. 
Longueur du nerf 56 millimétres. 
Expérience E, intervalle * , ce qui fait 5,04 PES seconde. 
F 5,0 


H » 0,9 » 6,16 * 


La moyenne entre ces huit valeurs est 5",95 par seconde, 
en chiffres ronds 6 métres. 

L'excitation nerveuse motrice se propage done avec infi- 
niment plus de lenteur chez le homard que chez la gre- 
nouille ou chez l'homme. 

L'étude des graphiques obtenus ainsi et dont la figure 8 
représente un exemple, nous fournit encore une autre 
donnée intéressante. 


( 796 ) 

La distance AC qui sépare le début de la courbe CD 
(contraction du muscle par excitation du point rapproché 
du nerf) du point A (moment de l'excitation du nerf) cor- 
respond environ à à centièmes de seconde. Cette durée 
représente la somme de deux temps : 1° le temps qu'il a 
fallu à l'excitation produite au point (a) pour cheminer le 
long du nerf jusqu'à sa terminaison dans le muscle et 2° le 
temps de l'excitation latente du muscle. Ce dernier temps 
nous est connu et se détermine d'ailleurs facilement sur 
le méme muscle. Il suffit d'inscrire un graphique de se- 
cousse musculaire en plaçant directement les électrodes 
excitateurs sur le muscle fléchisseur du doigt mobile. A cet 
effet nous enlevons à l'aide d'un trés-petit trépan deux 
rondelles de la coque chitineuse de la pince et nous intro- 
duisons les électrodes de platine par ces ouvertures. 

Nous trouvons que ce temps est de 1.5 centiéme de 
seconde, qu'il ne dépasse pas 2 centiémes de seconde. 1l 
reste donc au moins 5 —2 —5 centièmes de seconde pour 
représenter le temps nécessaire à l'excitation motrice pour 
se rendre du point (a) le long du nerf jusque dans l'inté- 
rieur du muscle. La longueur de cette portion de nerf ne 
peut étre déterminée directement ; elle est trés-probable- 
ment inférieure à 5 centimètres dans les expériences qui 
nous occupent, et n'a certainement pas atteint 10 centi- 
mètres. Cela nous donnerait une vitesse de 17,66 par seconde 
dans la première hypothèse, de 57,55 dans la seconde. 
Nous sommes donc conduits à admettre que la propagation 
de l'influx nerveux moteur dans son passage du nerf au 
muscle éprouve dans les derniéres ramifications nerveuses 
un retard considérable. 


( 797 ) 


CONCLUSION. 


1* Il parait y avoir identité complète de propriétés entre 
les muscles du homard et ceux de la grenouille ; 

2^ Les nerfs moteurs du homard présentent au point 
de vue physiologique de grands points de ressemblance 
avec ceux de la grenouille. La différence la plus caracté- 
ristique consiste dans la lenteur avec laquelle l'excitation 
motrice chemine le long des nerfs moteurs chez le homard 
(6 m. par seconde chez le homard; 27 m. chez la gre- 
nouille). La propagation de l'excitation motrice éprouve 
chez le homard un ralentissement considérable dans les 
terminaisons musculaires du nerf moteur. 


Sur la structure de la GLande DE Harner du Canard 
domestique; par M. Jules Mac Leod, docteur en sciences 
naturelles, préparateur du cours d'histologie normale à 
l'Université de Gand. 


(Travail du laboratoire d'histologie de l'Université de Gand.) 


La cavité orbitaire des oiseaux, comme celle des reptiles 
et de la plupart des mammifères, renferme deux glandes 
principales: l'une généralement petite, située à l'angle 
externe (ou postérieur); l'autre, presque toujours bien plus 
grande, située à l'angle interne (ou antérieur). La pre- 
mière est la glande lacrymale; la seconde est la glande de 
Harder ou glande de la membrane nictitante (1). 


(1) Siesoo £T Srannius, Anatomie comparée (trad. franc.), t. 1L, p. 319. 


( 798 ) 

La glande de Harder, dont la description histologique 
fait l'objet de la présente Notice, présente une structure 
fort intéressante, et différe complétement de la glande 
homologue des mammifères. 

Nous ne croyons pas inutile de commencer par une 
ENTE macroscopique sommaire de l'organe qui nous 
occu 

La PRÉ de Harder du canard, que nous avons étu- 
diée d'une maniére spéciale, est trés-volumineuse (elle 
mesure en moyenne 1°,5 de long sur 1°,6-8 de large, et 
0*,2-5 d'épaisseur), tandis que la glande lacrymale est fort 
réduite (1). 

Elle est aplatie entre le globe oculaire et la paroi 
osseuse de l'orbite. Elle est en quelque sorte moulée sur 
ces deux parties. Sa face interne que nous appellerons 
orbitaire est convexe; sa face externe ou bulbaire est con- 
cave. Sa forme générale est plus ou moins comparable à 
celle d'un croissant, dont le bord échancré serait antérieur 
et le bord saillant postérieur. 

La face bulbaire (fig. 1) présente vers le milieu de sa 
hauteur un sillon profond, transversal, légérement oblique 


(4) Il existe entre les divers oiseaux des différences assez notables au 
point de vue du développement relatif des deux glandes de l'orbite (voir 
à ce sujet Siebold et Stannius, loc. cit.). Cependant la glande de Harder 
l'emporte presque toujours sur la glande lacrymale. 

Chez les mammiféres, des différences semblables s'observent : tantót 
C'est l'une des deux glandes, tantôt c’est l'autre qui l'emporte, et il arrive 
parfois que le développement exagéré de l'une des glandes soit accom- 
pagné de l'absence complète de l'autre. C’est ainsi que la glande lacry- 
male manque chez beaucoup de rongeurs; c'est ainsi que la glande de 
Harder est absente chez l'homme (voir Wexpr, Uber die Harder'sche 
Drüse der Süugethiere, Strassburg, 1877.) 


(099 ) 
de haut en bas et d'avant en arriére. La face orbitaire 
(fig. 2) présente un sillon analogue, à peu prés vertical, 
qui remonte vers le haut, en partant à peu prés du point 
milieu du bord échancré ou antérieur. 

La face bulbaire n'est point unie, mais présente un 
grand nombre de petits sillons disposés de maniére à limi- 
ter des éminences polygonales. La face orbitaire présente 
des sillons analogues, mais beaucoup moins marqués. On 
pourrait supposer que cette face a perdu ses inégalités 
(dépendantes de la structure interne) parce qu'elle est pres- 
sée contre une surface dure, la paroi osseuse de l'orbite, 
dont elle n'est séparée que par le périoste. 

Cette glande déverse son produit à l'angle interne de 
l'eeil à la base de la membrane nictitante. Son canal excré- 
teur est accompagné, jusque trés-prés de son embouchure, 
d'éléments glandulaires. 

Comme nous l'avons déjà dit, cette glande différe com- 
plétement, par sa structure, de la glande de Harder des 
mammiféres: tandis que chez ces animaux, elle est, comme 
la glande lacrymale, une glande en grappe, une glande aci- 
neuse composée; chez les oiseaux (1), c'est une glande 
tubuleuse composée, et chez le canard, elle présente cette 
structure d'une maniére typique. 

Elle est en effet formée d'un grand nombre de petits 
tubes glandulaires (voir fig. 5) débouchant par groupes 
dans des canaux exeréteurs communs autour desquels ils 
sont disposés en verticilles, S'il est permis de se servir de 
ce terme. 


(1) Nous ne l'avons étudiée d'une maniére approfondie que chez le 
canard; sa structure est à peu prés identiquement la méme chez la 
corneille 


; ( 800 ) 

Nous nommerons tube primaire chacun de ces petits 
tubes simples; nous donnerons le nom de tube secondaire 
à chacun des systèmes, formés d'un canal excréteur com- 
mun autour duquel sont disposés un grand nombre de 
tubes primaires qui y déversent leur produit. Ces termes 
correspondent à ceux d'acini, lobule primaire, etc., usités 
dans la description des glandes en grappe. 

La glande tout entiére est enveloppée par une mem- 
brane conjonctive parfois assez épaisse (fig. 5), qui envoie 
des septa entre les tubes secondaires; ces septa en en- 
voient à leur tour d'autres de moindre épaisseur entre les 
tubes primaires. 

La disposition des tubes primaires et secondaires varie 
un peu suivant l'endroit de la glande considéré, de manière 
que l'on puisse distinguer dans l'organe deux régions, entre 
lesquelles il n'y a aucune limite nettement tranchée, mais 
qui passent graduellement de l'une à l'autre. 

Nous ne nous sommes pas oceupé de la distribution des 
vaisseaux et des nerfs dans la glande; ces deux espéces 
d'organes y sont cependant richement répandus, à en juger 
par l'importance des nerfs qui s'y distribuent, et par le 
grand nombre de petits vaisseaux que l'on rencontre sur 
une coupe. 


Nous étudierons successivement les tubes primaires et 
les tubes secondaires. 

Nous terminerons par quelques considérations relatives 
aux rapports que cette glande présente avec d'autres 
organes analogues. 


( 801 ) 


Tubes primaires. 


Ces tubes, qui par leur réunion en nombre considérable 
(40 à 50 sur une section) constituent les tubes secondaires, 
sont disposés d'une manière rayonnante autour d'un canal 
excréteur commun dans lequel ils débouchent à angle 
droit (fig. 5 et 4). 

La forme de ces tubes varie, suivant que l'on considére 
la portion supérieure de la glande ou la portion inférieure. 
Dans cette derniére qui est la plus considérable, les tubes 
ont une direction rectiligne; quand ils se bifurquent les 
deux branches restent sensiblement paralléles; ils ne s'en- 
chevétrent guére, et ne décrivent guére de circonvolu- 
tions. Mais à mesure qu'on s'éléve, qu'on se rapproche du 
point d'excrétion, les tubes perdent ces caractéres; ils 
deviennent de plus en plus sinueux, s'enchevétrent de plus 
en plus. 

Il est facile de se faire une idée de ces différences en 
examinant comparativement les figures 5 et 4. 

Ces tubes, qui sont rendus prismatiques par pressions 
réciproques, mesurent en moyenne de 25 à 50 y de dia- 
métre; leur longueur varie trop pour qu'il soit intéressant 
d'en donner une mesure. 

Ils sont trés-intimement unis entre eux, et leur paroi 
est constituée par une couche de nature conjonctive com- 
mune à deux tubes adjacents, laquelle est tapissée par 
l'épithélium glandulaire. 

Cet épithélium présente des caractères différents, d'après 
l'endroit du tube primaire que l'on considère. A ce point 
de vue, on peut diviser le tube primaire en deux régions: 


( 802 ) 
l'une correspondant à la partie profonde, l'autre à la partie 
voisine de l'embouchure. 
Les différences des cellules glandulaires sont accompa- 
gnées de différences correspondantes dans les parties con- 
jonctives de la paroi (1). 


Région profonde du tube primaire. 


La partie conjonctive de la paroi est ici fort réduite. 
(V. fig. 6.) 

Les cellules glandulaires sont cylindroides; leur extré- 
mité libre, c'est-à-dire celle qui est tournée vers la lumiére 
du tube, est généralement un peu dilatée, de maniére à 
rappeler un peu, quant à la forme extérieure, les cellules 
dites calyciformes. 

L'extrémité profonde de la cellule rés un prolon- 
gement grêle, presque toujours unique, fort rarement 
double (fig. 10), jamais ramifié, pouvant atteindre à peu 
prés la longueur du corps de la cellule, et formant le plus 
souvent un angle avec celle-ci (fig. 12-15). 

Ces prolongements se recouvrent les uns les autres 
comme les tuiles d'un toit. Il arrive méme qu'ils s'entre- 
lacent, de maniére à donner aux cellules plus d'adhérence 
entre elles et à la paroi plus de solidité (2) (fig. 11-12-13). 


(1) Les deux formes de tube, les tubes droits et les tubes contournés, 
présentent les mémes caractéres au point de vue des éléments qui entrent 
dans leur composition ; nous les comprendrons donc dans une description 
commune. 

(2) Des formes de cellul l à celles q venons de décrire 
ont déjà éte signalées dans d'autres organes. 

Ainsi Ranvier (Traité technique d'histologie, p. 254) figure des cellules 
calyciformes de l'estomac de la grenouille qui ont beaucoup de rapport, 
pour la forme générale, avec les cellules de notre glande. Elles sont en 


( 805 ) 
Ces cellules sont insérées obliquement sur la paroi con- 
jonctive; elles sont inclinées vers le point d’excrétion 
du tube (fig. 6. 

Les limites des cellules sont bien marquées sur les par- 
ties latérales et profondes; sur leur face libre, au contraire, 
elles le sont beaucoup moins. 

Vu de face, l'épithélium glandulaire se présente sous 
forme d'une mosaique assez réguliére. En abaissant gra- 
duellement le foyer du microscope, on voit d'abord les 
champs polygonaux qui correspondent aux limites des 
cellules (fig. 7-14). Plus bas, ces limites disparaissent à 
peu prés complétement pour l'observateur, et l'on trouve 
les noyaux placés au sein du contenu granuleux. 

Il arrive parfois que ces noyaux sont si rapprochés les 
uns des autres, qu'ils se dépriment mutuellement, et 
que leur coupe optique est polygonale, hexagonale, par 
exemple. 

Cependant, le plus souvent, ces noyaux sont arrondis, 
Traité par l'acide chromique à 4 p. ”/,,, le contenu cellu- 
laire présente un grand nombre de granulations assez volu- 
mineuses, réfringentes, mélangés à d'autres granulations 
semblables, mais plus petites (fig. 8à 11.) Par l'aleool absolu, 
le contenu est très-finement granuleux. 

Par l'action de l'acide osmique à 1 p.°/, (fig. 15), le corps 


effet couchées obliquement sur le derme sous-jacent, et s'effilent en pointe 
à leur extrémité profonde. Nous citerons encore les cellules sécrétoires de 
la glande lacrymale des mammifères. Ces éléments présentent en effet à 
leur partie profonde un prolongement constant, qui peut atteindre en lon- 
gueur le diamétre du corps cellulaire, et peut-étre accompagné 
d'autres poop partant d'autres points de la cellule (voir 
Stricker's Handbuch, l'article Die Thrünendrüse , par Fmawz Bort, 
p. 1161). 


( 804 ) 

cellulaire semble renfermer un réseau à trés-larges mailles, 
dont la matiére constituante serait réfringente. Nous 
avouons cependant que l'interprétation que nous venons 
de donner n'est pas la seule possible. Il se pourrait en effet 
qu'il s'agit de corpuscules rendus polyédriques par pres- 
sion réciproque, et placés, à une petite distance les uns 
des autres, au sein d'une masse réfringente. Cependant 
l'expression de réseau rend parfaitement compte de l'ap- 
parence observée (1). 

Ce n'est pas seulement au contenu cellulaire que l'acide 
osmique donne un aspect caractéristique ; il agit aussi sur 
les contours cellulaires. 

En effet, les cellules qui ont passé par ce réactif parais- 
sent crénelées sur leurs faces latérales; ces crénelures 
sont peu nombreuses, et surtout marquées dans la partie 
profonde de la cellule; prés de son extrémité libre, elles 
disparaissent à peu prés complétement (fig. 15-14). 

Le noyau est situé dans la partie la plus profonde de la 
cellule, qui est souvent un peu dilatée à son niveau. Il est 
arrondi, le plus souvent ovalaire, parfois trés-étroit, 
et occupe dans certains cas toute la largeur du corps 
cellulaire. Dans ce cas, les noyaux sont rendus eux-mémes 
polyédriques par pressions. sénipraquís, ce qui explique 
t (page 805, ligne 15). 


l'image dont 
image I 


(1) Wzxpr (Die Harder'sche Drüse der Säugethiere. Strassburg, 1877, 
p.17, — pl. I, fig. 1) décrit un reticulum analogue dans les cellules sécré- 
toires de la glande de Harder des mammifères. D’après lui, les travées de 
ce reticulum seraient formées de protoplasma inaltéré, entourant des cor- 
puscules de protoplasma transformé en produit de sécrétion. Suivant le 
méme auteur, un réseau analogue se trouverait dans les cellules de la 
glande de Meibomius et de la glande mammaire, pendant la période de 
lactation. 


( 805 ) 
Tantót le noyau est placé dans l'axe de la cellule, tantót, 
le plus souvent méme, il est oblique par rapport à cet axe. 

Traité par l'alcool absolu, le noyau paraît finement gra- 
nuleux; par l'acide chromique à 1 p. *"/,,, il présente une 
ou plusieurs granulations plus grosses que les autres, aux- 
quelles on pourrait donner le nom de nucléoles. 

Sous l'influence de l'acide osmique à 1 p. °/,, l'aspect 
des noyaux présente la plus grande diversité; les uns sont 
complétement homogènes (fig. 15, d), les autres sont fine- 
ment granuleux, avec un ou plusieurs nucléoles arrondis 
et de forme bien définie (fig. 15, a et c), ou présentent des 
trainées obscures qui ressemblent à plusieurs nucléoles qui 
seraient juxtaposés (fig. 15, b), ete. Il est possible que ces 
diversités dans la structure interne du noyau correspon- 
dent soit à diverses phases d'un processus de division, soit 
à l'état d'activité sécrétoire plus ou moins grande des 
cellules, ou à leur âge. 


Région du tube primaire voisine du point d'excrétion. 


Ici la substance conjonctive est beaucoup plus épaisse 
que dans la région profonde du tube. Elle atteint son 
maximum d'épaisseur au niveau de l'embouchure. 

Les cellules qui se trouvent à ce niveau différent de 
celles qui occupent la région profonde et que nous venons 
de décrire par les caractères suivants (fig. 6) : 

1° Parce que leur diamètre transversal est un peu 
moindre. 

2^ Parce qu'elles sont insérées plus perpendiculaire- 
ment sur la paroi conjonctive. 

5° Parce que leurs contours sont plus nettement déli- 
milés, surtout au niveau de la face libre de la cellule. 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 02 


( 806 ) 

4 Parce qu'elles se colorent plus vivement par les 
agents colorants. Cette différence est trés-marquée pour 
l'hématoxyline, un peu moindre pour le picrocarium. 

En dehors de ces quelques différences, ces cellules sont 
en tout semblables à celles de la région profonde. 


Tubes secondaires. 


Dans la région inférieure de la glande, on trouve huit à 
dix de ces tubes sur une coupe; ils sont disposés en deux 
couches (fig. 5). Ils sont séparés par des septa conjonctifs 
dépendants de l'enveloppe externe de la glande; cette 
séparation est compléte et fort bien marquée. 

Mais à la partie supérieure de l'organe, le nombre de ces 
tubes est considérablemeut réduit; en effet, ils se réunis- 
sent successivement à deux ou à trois (fig. 5), de sorte qu'à 
ce niveau il n'en reste plus qu'un petit nombre, formé de 
la réunion de tous les autres (fig. 4). 

En méme temps, les septa conjonctifs sont devenus 
beaucoup moins importants, ils ne séparent plus compléte- 
ment les divers tubes secondaires les uns des autres. 

Il résulte de ces différences, ainsi que de celles qui exis- 
tent dans la forme des tubes primaires, qu'une coupe de la 
glande, faite au niveau de la partie supérieure,différe com- 
plétement d'une autre qui traverserait la portion infé- 
rieure de l'organe, comme il est aisé de s'en convaincre 
par la comparaison des figures 5 et 4. : 

Les canaux excréteurs, qui occupent ordinairement 
l'axe des tubes secondaires, méritent bien plutôt le nom 
de sinus ou de confluents que celui de canaux. 

En effet, ils n'ont pas de paroi propre différenciée comme 
telle. Ils sont limités par les parois des tubes primaires, 


( 807 ) 
modifiées au niveau de leur embouchure, comme nous 
l'avons décrit plus haut. 

La section de ce canal est fort irréguliére, comme on 
peut le voir par l'inspection des figures 5 et 4. 

Il arrive fréquemment qu'il est cloisonné. Les eloisons 
qu'on y observe (fig. 5, aa) sont des prolongements des 
parois intertubulaires (1). Elles ont la méme structure que 
les parois des tubes primaires au niveau de leur embou- 
chure. 

Les divers canaux secondaires se réunissent à plusieurs 
en méme temps que les tubes secondaires, au centre des- 
quels ils sont situés (fig. 5), et finissent par aboutir au point 
d'exerétion de la glande, situé à la partie supérieure et 
antérieure (fig. 1, a). 


La glande que nous venons de décrire peut étre envi- 
sagée, croyons-nous, comme un fort beau type de glande 
tubuleuse composée. 

Ce genre de glande est infiniment moins répandu que 
les glandes acineuses ou les glandes tubuleuses simples. 
Parmi les glandes de cette catégorie, nous citerons : 

1° La glande venimeuse de la Naja Haje (2). Cet organe 


1 aine eloi à avop l'óimaoo 
avec l'image 


(1) Il importe de ne p fondre un 
représentée fig. 3. d. Ici li section a passé par les tubes primaires avant 
leur réunion en un canal commun. On se trouve en présence d'une espèce 
de mosaique formée de champs polygonaux qui ne sont autre chose que la 
section des tubes primaires. Mais la régularité de cette image, ainsi que la 
structure (correspondant à celle de la partie profonde des tubes erg 
permettra toujours de la distinguer d'un canal excréteur cloiso 
(2) Euenx, Ueber den feineren Baü sd AE ldrüse der ras Haje, 

Max Scuvuzrze's Arcuiv, 1875, Bd. XI, Hft 


( 808 ) 
présente deux régions d'une structure assez différente; 
l'une d'elles, celle qui est la plus rapprochée du point 
d’excrétion, est formée d'un canal excréteur central dans 
lequel viennent déboucher à angle droit des tubes glandu- 
laires, ce qui a beaucoup de rapport avec notre glande. 

2» La Glandula labialis superior de la couleuvre à col- 
lier (Tropidonotus natrix) et 

5° La glande venimeuse de la Vipera Berus , toutes les 
deux décrites par Leydig dans son travail sur la glande de 
la téte des ophidiens (1). 

Mais aucun de ces organes ne présente autant de régu- 
larité dans sa structure, n'est, en d'autres termes, aussi 
typique que la glande de Harder du canard. 

Plusieurs glandes semblent former la transition entre la 
glande tubuleuse composée et les glandes tubuleuses 
simples, d'une part, les glandes en grappe, de l'autre. 

La glande de Meibomius (2) peut étre considérée comme 
un passage vers la glande en grappe. En effet, cet organe 
est formé d'un canal exeréteur autour duquel sont dispo- 
sés en verticille non pas des tubes primaires comme dans 
notre glande, mais de vrais acini. 

Dans la région la plus profonde de la glande venimeuse 
de la Naja Haje (voir plus haut), on trouve des tubes dont 
la surface interne présente des saillies et des dépressions 
nombreuses. La présence de ces dépressions nous semble 
étre en quelque sorte un premier acheminement vers la 
formation de tubes secondaires, qui viendraient déboucher 
dans le tube principal. Cette disposition exagérée condui- 


(1) LexmiG, Ueber die Kopfdrüsen einheimischer Ophidier, Ancu. ve 
ScnurmzE, 1875, Bd. IX, Hft. IIl. 
(2) Stricker's Handbuch, p. 1147. 


( 809 ) 

rait à nos tubes primaires débouchant dans nos canaux 
secondaires. Cette forme constitue donc un passage entre 
la glande tubuleuse composée et la glande tubuleuse 
simple. 

Comme nous l'avons déjà remarqué, la glande de Harder 
des oiseaux différe profondément de celle des mammi- 
fères, qui est une glande en grappe. Elle se rapproche au 
contraire beaucoup de celle des reptiles, notamment du 
Tropidonatus natrix (Leydig, loc. cit.), qui appartient au 
méme type de structure. 


Résumé. 


La glande de Harder du canard est une glande tubu- 
leuse composée, formée de tubes glandulaires, disposés en 
verticilles autour des canaux communs, de maniére à for- 
mer des tubes secondaires. 

La forme des tubes primaires, la disposition des tubes 
secondaires permet de distinguer dans l'organe deux 
régions : une supérieure, oü les tubes primaires sont con- 
tournés, les secondaires peu nombreux et incompléte- 
ment séparés; une inférieure, oü les tubes primaires sont 
droits, les secondaires nombreux et complétement séparés 
par des septa conjonctifs. 

Dans le tube primaire on peut distinguer deux régions, 
différentes par les caractères des cellules glandulaires. 

La glande de Harder des oiseaux se rapproche par sa 
structure de celle des reptiles, mais différe complétement 
de celle des mammifères qui est une glande en grappe. 

Certaines glandes constituent un état de passage entre 
celle que nous avons décrite, et la glande tubuleuse simple, 
d'une part, la glande en grappe, de l'autre. 


( 810 ) 

Nous ne pouvons mieux terminer cette notice qu'en 
adressant nos plus sincéres remerciments à M. le profes- 
seur Van Bambeke, qui n'a cessé de nous prodiguer ses 
bienveillants conseils. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


Fig. 1. Glande de Harder du canard, vue par sa face bulbaire: a. Sillon 
transversal; les lettres 4 S p indiquent les bords antérieurs et 
postérieurs de la glande — 

Fig. 2. Id. face orbitaire. a. Sillon. A et am comme dans la figure 1. 

. point de sortie du canal excréte eur À T 

Fig. 3. Coupe de la glande au niveau de sa "portion inférieure. a. Tube 
secondaire, à canal central cloisonné. b. Septum séparant les tubes 
secondaires les uns des autres. c. Canal central du tube secon- 
daire, dans Piu viennent déboucher les tubes primaires. Obj. 4. 
Hartna 

Fig. 4. Id., 5 au niveau de la région supérieure. a. Canal central des 
tubes secondaires. b. Septum séparant incomplétement les tubes 
secondaires. Systéme 2, Hartnack 

Fig. 5. Coupe faite au niveau de la région inférieure, montrant la réunion 
de plusieurs tubes secondaires, ainsi que la manière dont les tubes 
ras S sont disposés par rapport au canal central des tubes 
secondaires. Hartnack 2 

Fig. 6. Tube primaire. a. Région voisine du point d’excrétion; les cel- 
lules sont plus vivement colorées, mieux délimitées, et implantées 
perpendiculairement sur la membrane sous-jacente, b. Région pro- 
fonde; cellules moins colorées, moins bien délimitées, implantées 
MA sgh sur la membrane sous-jacente, et inclinées vers le 
poi excrétion. Hartnack 7 

Fig. 7. Gants idee vues d face (un peu obliquement), un peu 
désagrégées par l'action de l'acide chromique à 1 p.**/5». Seibert VIT, 
immersion. 

Fig. 8, 9, 11. Cellules glandulaires isolées après l'action de l'acide chro- 

e à 1 p. o/oo. Seibert VIT, immersion. 


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DD 


y 


G Severeyns. Lube 


Na 


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f 


re D EN 


(CSS 


( 811 ) 

Fig. 10, Id., id. Prolongement basal double. 
Fig. 12. Cellules en place, vues de profil, sur une coupe faite après l'ac- 
tion he Hirn l seo. a. Noyau de la substance conjonctive. Sei- 


Fig. 15. nin s gandulaires, isolées aprés l'action de l'acide osmique à 
1.5/5; 6 ments paraissent crénelés, et présentent un réseau 
dans EE eibert VIIJ, immersion ; 

Fig. 14. perri vues de face, aprés l'action de acide osmique à 1 p.*[,. 

5nelés. 


"t 
+ 
LE] 


. 15: Diverses formes de FRE des cellules giisésheisdi, isolés aprés 
l'aclion de l'acide osmique. oyau ovalaire à deux nucléoles. 
b. Id., renfermant un corps qai semble formé de ušami nucléoles 
jécii posté. c. Noyau déformé par pression contre ses voisins. 
d. Noyau complétement mat. Seibert VII, immersion. 


Nouvelles totimuniceii ans sit la cellule cartilagineuse 
vivante (Instit i e Leipzig); par M.W.Schlei- 


\ 1 OIIE 


cher, d'Anvers. 


Il y a trois mois que parut dans les Archives de Virchow 
une communication de J. M. Prudden (1), traitant d'ob- 
servations faites sur le cartilage vivant. La méthode pré- 
conisée par l'auteur consiste à disséquer le cartilage épis- 
ternal d'une grenouille curarisée, puis à lui courber l'épine 
dorsale, de maniére que l'épisternum vienne à reposer 
sur un petit bloc en verre fixé sur là table du microscope. 
La plaque cartilagineuse restée en connexion avec les vais- 
seaux sanguins et maintenue humide par un système 
d'irrigation, lui fournissait ainsi un objet sür pour des 


(1) Beobachtungen am lebenden Knorpel, von J.M. Prudden im ARC&Iv 
FUR PATHOL. Anart, u. Pays., Bd. LXXV, Hft.2. 


( 812 ) 

recherches in vivo. Entre autres résultats dus à cette mé- 
thode, Prudden signale l'existence des réseaux nucléaires 
dés le début de l'observation, d’où il déduit que la struc- 
ture réticulaire du noyau ne peut point étre regardée 
comme un produit d'altération. L'auteur croit de plus 
avoir remarqué dans le noyau de la cellule cartilagineuse 
des phénoménes de motilité, au moins au commencement 
de l'observation. « Certains points nodaux disparaissent, 
puis apparaissent de nouveau, et changent de place à 
l'intérieur du noyau. Il est vrai que ces locomotions sont 
de peu d'étendue, d'un mouvement lent et qu'elles ces- 
sent d'avoir lieu aprés peu de temps (1). » 

Cette seconde donnée me parut étre dela plus haute 
importance pour nos connaissances sur la structure nu- 
cléaire. Elle me surprenait d'autant plus que dans les études 
que je fis l'année passée sur la division des cellules cartila- 
gineuses (2), j'avais également observé des mouvements à 
l'intérieur du noyau. Déjà Stricker (5), outre ses observa- 
tions sur les leucocytes, avait signalé l'existence de mou- 
vements intérieurs et de changements de forme pour les 
noyaux cellulaires des tissus fixes. Mais je me figurais alors 
que les noyaux qui montraient des phénoménes de motilité 
représentaient un premier stade de la division nucléaire(4). 
Presque à la méme époque où parut la communication de 
Prudden, je pris connaissance d’un rapport (5) d’un mé- 
moire de Unger dont l'original m'est inconnu. Cet auteur 


(1) L. c., p. 191. 
(2) Die Knorpelzelltheillung im Arch. f. Anat., Bd. XVI, Hft. 2 
Beobachtungen rss die Entstehung der Zellkerns. Wiener. Acad. 
Sitzunsberichte, 7 J 871. 
(4) L. c., p. 264. 
(8) Centralblatt f. d. med, Wiss. 1879, no 5, p. 91. 


( 813 ) 

dit avoir vu dans une foule d'objets différents que les 
noyaux y présentaient des changements de forme nuageux 
(wolkenartig), des mouvements ondulatoires (Hinundher- 
wogen) et des disparitions suivies de réapparitions du 
contour nucléaire. Il désigne ces phénomènes sous le nom 
de mouvements amæboïdes, et croit pouvoir en conclure 
à la nature protoplasmatique du noyau cellulaire. 

J'ai l'honneur de communiquer ici les résultats auxquels 
m'ont conduit des recherches instituées dans le but d'un 
contróle des données de Prudden et Unger. Elles ont été 
faites sur le cartilage pris de la téte des tétards de gre- 
nouille et préparées d'aprés la méthode que j'ai indiquée 
ailleurs (1); ce n'est que pour comparer que je me suis 
servi de l'épisternum des grenouilles adultes, l’objet de 
Prudden, où les cellules sont plus petites et Ded 
une moindre vitalité. 


A. — STRUCTURE DU NOYAU (2). 


L'intérieur du noyau de la cellule cartilagineuse vivante 
présente un aspect différent suivant l'objet où onl'examine 
el suivant la région qu'il occupe dans un méme objet. 1l pa- 
rait assez homogène, c'est-à-dire, à éléments solides d'une 


(1) L.e., p. 255. 

(2) Je me sens obligé de revenir encore une fois sur cette question, 
parce que depuis qu'a paru le travail excellent de Frewmic (Beiträge 
zur Kenniniss der Zelle und ihrer Lebenserscheinungen im Arch. f. 
microsc. Anat., Bd, XVI, Hft. 2) mes nouvelles études m'ont fait changer 
quelques-unes de mes opinions émises auparavant. En me servant d'une 
lumière artificielle (lampe de Hartnack) j'ai trouvé des structures réticu- 
laires, là où auparavant, à la lumière du jour, elles m'étaient restées invi- 

sibles. 


( 844 ) 

structure fine, dans la plupart des cellules constituant les 
plaques cràniennes du tétard. L'acide chromique ou l'acide 
picrique, le premier en faible concentration (1) ne fait que 
rendre cette structure plus claire , sans l'altérer visible- 
ment. On peut, en effet, dessiner à la chambre claire un 
noyau à éléments solides de structure fine; si ensuite on 
fixe ces éléments par irrigation de l'acide chromique, 
l’image ne sera pas changée. Dans d'autres cas les élé- 
ments solides du contenu nucléaire sont plus épais et 
grossiers, comme en général dans les cartilages de la gre- 
nouille adulte et du triton, dans side noyaux à petites 
dimensions (noyaux Onajon) vil on Fetepntre dans 
le cartilage du tétard, enfin dans la co lle d'une 
préparation du méme cartilage ; je n "ajoute pas les noyaux 
ratatinés des cellules mortes, dont j je me m'occupe pren ici. 
L’acide chromique ou picrique fi cette structu 

convenablement; mais comme ces gros éléments solides 
du noyau deviennent sous l'influence de ces réactifs encore 
plus resplendissants qu'ils ne le sont déjà par eux-mémes, 
l’œil est privé de l'impression que, dans d'autres conditions, 
lui ferait une distance minime séparant les éléments les 
uns des autres. D’où il suit que, tandis que dans les noyaux 
où les éléments solides sont plus fins et moins resplendis- 
sants, ces derniers apparaissent au moins à certains en- 
droits comme plongés librement dans le liquide nucléaire, 
il n'en est pas de méme pour les noyaux à éléments so- 
lides plus grossiers, où, en général, tous paraissent tenir 
ensemble et fournissent souvent un aspect réticulaire. 
Entre ces deux formes la transition, loin de manquer, 


(1) Voir FLEwuING, l. c., p. 329. 


( 815 ) 

n'est pas rare. D'autre part, l'existence de noyaux entié- 
rement homogènes ne peut être niée d'une manière abso- 
lue. On rencontre, en effet, il est vrai, très-rarement, des 
noyaux cartilagineux, où, non-seulement la meilleure lu- 
mière, mais encore l'irrigation de l'acide chromique ne 
fait rien apparaître que les granulations protoplasmatiques 
placées à sa superficie ; on rencontre de plus des noyaux 
où les éléments solides sont peu nombreux et manquent 
complétement dans quelques endroits de l'espace nu- 
cléaire. Il se peut que les éléments solides du noyau en 
subissant une division trés-fine cessent de pouvoir étre 
reconnus dans la matière liquide du noyau. 


B. — PHÉNOMÈNES DE MOTILITÉ DU NOYAU. 


1. Le noyau peut exécuter des mouvements d'ensemble : 
il ballotte légèrement sans quitter beaucoup sa position; 
ce n'est qu'au bout d'un temps assez long qu'on constate 
quelquefois un léger changement de place. Ces mouve- 
ments se manifestent indépendamment de la position 
qu'occupe le noyau, soit qu'il se trouve librement plongé 
dans le liquide protoplasmatique, soit qu'il soit refoulé à la 
périphérie ou méme dans un coin de la capsule cellulaire. 
Dans le premier cas les mouvements sont tout à fait irré- 
guliers, ils s'effectuent sans faire reconnaitre une direction 
déterminée ; par contre, si le noyau est tangent par rap- 
port à la périphérie, on le voit souvent ballotter de droite à 
gauche et vice versa. On devine facilement la cause de 
ces phénomènes : les éléments solides du protoplasme 
distribués autour du noyau communiquent leurs mouve- 
ments au noyau qu'ils entourent. Si l'on fixe le bord du 
noyau en observation ainsi que la surface de sa moitié 


( 816 ) 

placée superficiellement, on y reconnait l'existence de gra- 
nulations (ou filaments courts) déployant leur contracti- 
lité, et l'on s'assure directement que la motilité du noyau 
n'est qu'empruntée à celle des éléments solides du proto- 
plasme. Alors que dans mon travail intitulé : Die Knorpel- 
zelltheilung, je fis connaitre les mouvements des élé- 
ments réfringents du protoplasme, j'ai conclu de la facilité 
avec laquelle s’opèrent ces mouvements à une consistance 
liquide du protoplasme (1) : aujourd'hui l'existence des 
ballottements du noyau occasionnés par la motilité des élé- 
ments réfringents du protoplasme vient confirmer cette 
supposition. 

Mais ces éléments ne se bornent point à produire ces 
mouvements d'ensemble que présente le noyau : ils sont 
encore la cause de légers changements de forme que 
montre la surface nucléaire. Ces changements sont mini- 
mes : ils consistent le plus souvent dans de simples apla- 
tissements qui disparaissent aussitôt que la cause agis- 
sante est suspendue. Une seule fois je vis des éléments 
solides du protoplasme déterminer une forme de biscuit en 
produisant de légers enfoncements à deux faces opposées 
d'un noyau elliptique. Une autre observation où un seul 
bàtonnet protoplasmatique suffisait pour refouler la mem- 
brane, de manière que l'extrémité du bâtonnet apparüt 
du côté interne de la membrane nucléaire, met encore 
plus en évidence la faible résistance de la membrane du 
noyau. 

2. Les éléments solides contenus à l'intérieur du noyau 
ne sont pas moins contractiles que ceux du protoplasme. 


(1) L. c; p. 239. 


( 817 ) 
Mais cette contractilité, comme l'on devine à priori, doit 
se manifester difficilement, vu que les éléments solides se 
trouvent assez serrés dans le petit espace que décrit la 
membrane nucléaire. On ne s'étonnera donc pas de ne point 
rencontrer ces mouvements dans chaque noyau. Il peut 
arriver méme qu'on fixe une série de noyaux d'une méme ré- 
gion sans y constaterle moindre changement. D'autre part, 
la circonstance que les deux nucléoles d'un noyau peuvent 
garder trés-longtemps leur position relative parle à priori 
contre l'existence de mouvements d'une intensité un peu 
notable. Néanmoins la contractilité est une propriété com- 
mune à tous les éléments solides de chaque noyau cartila- 
gineux, soit que ces éléments présentent une structure 
fine ou qu'ils soient épais et grossiers, soit qu'ils se trou- 
vent dans les couches super ficielles on protýndes de la pré- 
paration. Cett p durant un temps 
assez long; il m'est arrivé trois fois qu'une préparation 
faite le soir et examinée le lendemain (douze heures aprés) 
présentait dans des cellules bien conservées des mouve- 
ments des éléments solides du noyau aussi bien que de ceux 
du protoplasme. Il n'y a pas de différence réelle entre les 
mouvements de ces deux catégories d'éléments solides. 
A la suite de cette motilité, les bâtonnets ou filaments 
viennent trés-souvent à se toucher et peuvent tenir en- 
semble, de méme que des bactéries tiennent ensemble ; ils 
forment alors une ligne droite qui peut occuper tout un 
diamètre de la sphère nucléaire, ou bien ils se touchent 
en formant un angle (point nodal de la structure dite ré- 
ticulaire). D'autre part, des soudures réelles doivent être 
admises pour donner une explication aux changements qui 
peuvent survenir dans l'épaisseur des éléments solides du 
noyau, vu qu'on observe quelquefois qu'un noyau à élé- 


( 848 ) 
ments solides fins présente aprés un certain temps une 
structure plus grossiére, et inversement (1). 

Ces mouvements à l'intérieur du noyau sont accompa- 
gnés de légers changements de forme qui trouvent leur 
explieation dans la motilité des éléments solides internes. 
En effet, outre les changements à peine appréciables dé- 
terminés par les éléments solides du protoplasme et qui 
ne consistent généralement qu'en des aplatissements soit 
d'un cóté, soit de plusieurs cótés à la fois, le noyau carti- 
lagineux effectue d'autres changements de forme d'un 
caractère très-lent; c'est ainsi qu'un noyau, d'abord sphé- 
rique peut présenter de légères tubérosités, prendre suc- 
cessivement une forme ovale, elliptique et allongée, mais, 
il est vrai, chaque fois au bout d’un intervalle de temps 
assez considérable. Peut-être la contractilité de la mem- 
brane intervient- elle aussi dans ces changements de 
forme. 

On peut augmenter l'intensité des mouvements in- 
ternes et des changements de forme, en élevant le milieu 
où l'on observe à une température de 20-25°C. La con- 
tractilité des éléments solides du noyau se manifeste alors 
avec beaucoup plus d'intensité : on observe clairement que 
chaque élément solide exécute des mouvements libres et 
indépendants, et qu'il effectue de véritables locomotions 
dans le liquide nucléaire; d'autre part, les changements 
déterminés du cóté de la membrane deviennent tout aussi 
marqués que ceux que l'on peut observer au bout de quel- 


(1) Un jour un noyau à structure fine que j'avais observé durant un 
temps assez long, finit par devenir tout à fait homogène, de sorte qu'aussi 
l'irrigation de l'acide eem ne fit apparaitre aucune structure 
nucléaire. 


( 819 ) 
ques minutes dans l'épithélium de la queue d'un tétard 
vivant el le noyau cartilagineux peut présenter mainte- 
nant des formes tout aussi irrégulières que celles connues 
pour le noyau de certains endothéliums (1) 

Il n'est pas sans intérét de constater que sans une élé- 
vation notable de la température du milieu ambiant les 
noyaux de la couche la plus superficielle d'une préparation 
de cartilage du tétard montre quelquefois des phénomènes 
de vitalité tout aussi accentués que ceux que nous venons 
de décrire en dernier lieu. J'ai déjà remarqué que ces 
noyaux placés superficiellement présentent ordinairement 
des éléments solides plus épais que les noyaux placés pro- 
fondément. Ces noyaux sont done loin d’être morts : l'ac- 
tion de l'air ou le contaet du verre à couvrir n'a fait que 
stimuler en eux le travail physico-chimique. 

Si l'on compare ces résultats fournis par le noyau cartila- 
gineux aux mémes phénoménes que présente le noyau du 
globule sanguin rouge, on constate une différence notable 
quant à l'intensité des mouvements internes accompagnés 
de changements de forme. Ce qu'on ne voit dans le carti- 
lage qu'à une certaine élévation de température, apparait 
dans le globule rouge à une température modérée. Dans 
les leucocytes étudiés à ce point de vue par Stricker, la 
vivacité des mouvements est telle, qu'on voit les bàtonnets 
se fusionner (2) partiellement, puis se séparer de nouveau. 


—— 


(1) Il n'est pas rare de rencontrer alors des noyaux étranglés unilaté- 
ralement ou ——— T ai vu un jour un noyau où la forme de bis- 
cuit était telleme tuée qu'à chaque instant je croyais voir survenir 
une division de ce noyau. Il n'en fut rien: la membrane gagna ap rès 
quelque temps une forme plus régulière. 

(2) J'ai observé aussi des fusionnements dans le noyau du cartilage 
élevé à une certaine température (environ 25°C). Comme on ne s'explique 
pas bien des changements de forme considérables sans l'existence de pa- 


( 820 ) 

A la suite de ces mouvements violents la membrane nu- 
cléaire peut apparaitre tout à fait ratatinée et se dérober 
quelque temps à l'observation. Je n'ai pas lieu de croire 
avee Stricker qu'une communication puisse s'établir (1) 
entre la masse nucléaire et la masse protoplasmatique à 
la suite d'un déchirement de la membrane, quoique je ne 
conteste nullement le pouvoir contractile de cette der- 
niére. Les réactifs font encore souvent reconnaitre une 
membrane, là où l'examen de l'objet vivant ne distingue 
plus de limite entre le noyau et le protoplasme. 


C. — ALTÉRATIONS DU NOYAU ET DU PROTOPLASME. 


Je déeris dans ce chapitre des phénoménes qui m'étaient 
déjà connus l'année passée, mais qu'alors j'ai cru inutile 
de communiquer, vu le peu d'importance qu'ils présentent 
au point de vue de l'histologie normale. Maintenant que 
Prudden (2), en parlant de la formation des vacuoles et de 
la rétraction du protoplasme de la cellule cartilagineuse 
sous l'influence de certains réactifs, a émis des opinions 
peu coneordantes avec ma manière d'envisager la forma- 
tion de ces altérations, je me sens obligé d'en dire égale- 
ment qnelques mots. 


reils fusionnements, et comme sans élévation notable de température des 
changements de forme aecentués surviennent dans beaucoup d'épithe- 
liums et invi omini. je suis ostia PRE ces fusionnements par- 
iels comme d logiques, sinon pour le car- 
tilage, au moins pour d'autres tissus fixes; sinon il faut admettre que la 
contractilité de la membrane nucléaire contribue à déterminer ces chan- 
gements de forme 

(4) En dehors de la division nucléaire, bien entendu. 

(2) L. c., p. 194. 


( 824 ) 

Le noyau, en perdant sa vitalité, ou bien se ride et forme 
une masse à contour irrégulier et à aspect réticulé, ou 
bien il ne perd que peu de sa forme arrondie et constitue 
un globe homogène d'une grande réfringence. Voici com- 
ment s'effectue ce second mode d'altération. Si l'on fixe 
longtemps un certain nombre de noyaux d’une prépara- 
tion decartilage de tétard, maintenue dans un milieu élevé à 
une certaine température, on constate quelquefois que les 
éléments solides d'un noyau, compris en plein mouvement, 
se fusionnent tout à coup en une masse homogène; cette 
masse peut se séparer encore une fois en ses éléments 
primitifs, mais finalement il reste une masse homogène 
d'une moindre réfringence que le liquide nucléaire dans 
lequel elle plonge; plus tard encore cette différence en 
pouvoir réfringent n'est plus reconnaissable, et l'on a de- 
vant soi une pelite masse respendissante, telle que la peu- 
vent fournir certains réactifs, l'aleool, l'alun et d'autres 
encore. 

Les altérations du protoplasme sont plus compliquées. 
Celui-ci commence généralement à se contracter en s’éloi- 
gnant de la capsule à un degré très-variable. Puis on voit 
se former d’abord à sa périphérie de petits globules d’une 
consistance probablement solide. Ces globules en se fu- 
sionnant peuvent former des filaments, lesquels grossis- 
sent, se multiplient et peuvent se combiner sous forme 
d'un réseau irrégulier semblable à celui d'un noyau rata- 
tiné. Ou bien ces globules se fusionnent tous entre eux, 
forment des globes de plus en plus grands (« vacuoles » 
des auteurs) qui peuvent se fusionner finalement en une 
seule masse plus ou moins homogène et à contour ridé et 
irrégulier. Mais cette masse homogéne, de méme que les 
filaments réticulaires formés dans d'autres conditions, ne 

2"* SÉRIE, TOME XLVII. 55 


( 822 ) 

se compose pas uniquement des produits de cette nou- 
velle coagulation, elle contient en outre les éléments so- 
lides du protoplasme décrits par Flemming et moi. Ces 
éléments sont trés-variables dans leur fréquence : je les ai 
rarement trouvés si nombreux que Flemming les dessine 
pour sa Salamandra maculata (1). L'acide chromique, 
quand il n'occasionne pas une rétraction du protoplasme, 
montre que ces éléments solides sont trés-peu nombreux 
dans la plupart des cellules du cartilage de tétards; on ne 
voit que quelques filaments placés entre le noyau et la cap- 
sule et quelques granulations (ou filaments courts) autour 
du noyau. Ce n'est qu'en élevant la température du milieu 
ambiant qu'on voit de longs filaments partir de la péri- 
phérie pour se diriger vers le noyau; D'autre part, ces élé- 
ments p blent être beaucoup plus nom- 
breux dans le protoplasme des cellules de la grenouille 
adulte. Il est donc difficile de dire pour combien ces élé- 
ments protoplasmatiques entrent dans la formation des 
images d’altération ; cette part est très-variable, mais tou- 
jours est-il qu’elle ne peut pas être négligée. 


D. — CoNcLUsioNs. 


Les phénoménes décrits dans le chapitre B me semblent 
permettre les conclusions suivantes : 

1° La dénomination de « structure réticulaire » pour 
l'ensemble des éléments réfringents du noyau manque 
d'exactitude. Car 2 de méme que le protoplasme de la 
cellule cartilagineuse se compose de deux matières diffé- 


(1) L. c., planche XV, figure 2. 


( 825 ) 

, d'une substance presque liquide, homogène et 
d viel solides doués d'une contractilité qu'ils déploient 
librement; de méme le noyau se compose d'un liquide 
nucléaire et d'éléments solides contractiles. La capsule, 
d'une part, la membrane nucléaire, d'autre part, délimitent 
les matiéres constituant le protoplasme et celles consti- 
tuant le noyau. 


Descriptions d'oiseaux nouveaux, par M. Alph. Dubois, 
conservateur au Musée royal d'histoire naturelle de 
Belgique. 


1. HyPOXANTHUS ÆQUATORIALIS. 


Hyp. rivolio similis, sed multó minor et rostro valdé 
breviore et graciliore; uropygio et tectricibus superioribus 
caud: nigris. 

Description du måle adulte. — Dessus de la tête, nuque, 
derrière et côtés du cou , une large bande en moustaches, 
dos et eouvertures des ailés d'un beau rouge éclatant; une 
bande jaunâtre part de l'angle du front, entoure l'œil et 
couvre la région parotique ; front jusqu'au-dessus des yeux 
noir, mais toutes les plumes bordées de rouge; gorge 
d'un noir profond; haut de la poitrine noir, mais chaque 
plume bordée de rouge et ornée d'une grande tache jau- 
nàtre en forme de fer à cheval; bas de la poitrine jaune 
avec deux bandes noires sur chaque plume; abdomen, 
jambes et sous-caudales d'un jaune serin; rémiges noirà- 
tres avec la tige d'un jaune olivâtre, les primaires bordées 
extérieurement de brun olivàtre et les secondaires de 


( 824 ) 
rouge; croupion, couvertures caudales et queue noirs. 
Bec noir; pattes cendrées. 

Femelle adulte, — Semblable au mâle, dont elle ne 
differe que par ses taches en moustaches qui sont d'un 
noir profond. 

L'une des deux femelles que nous avons sous les yeux, 
a les plumes du menton et de la gorge bordées de jau- 
nâtre, tandis que chez l'autre ces parties sont d'un noir 
uniforme. 

Hab. — République de l'Équateur. 

Le pic qui vient d’être décrit ressemble presque entiè- 
rement à VH. rivolii , mais il en diffère considérablement 
par la taille, comme on pourra s'en convaincre par les 
dimensions comparatives suivantes : 


nement" 
H. AEQUATO- 
H. RIVOLIL. 
RIALIS, 
m. m. 
Depuis le front jusqu'à l'extrémité de la queue. 0,26 0,21 
(UL PW EUN DUM ND WP LU t 0,15 0,13 
Bon c oa ur a CLIPS cues 0,082 0,025 
JAM) ae ucc Rcs dis ah. 0,031 0,029 


Notre pie se distingue encore du rivoli? par la colora- 
tion des plumes du croupion et des couvertures supé- 
rieures de la queue. Chez l'H. rivolii, ces plumes sont 
jaunátres , variées de roüge et barrées de noir, tandis que 
chez lH. equatorialis ces parties sont d'un noir uniforme. 

Le Musée royal d'histoire naturelle de Bruxelles pos- 
séde un mâle et deux femelles de cette nouvelle espèce; 
deux de ces oiseaux ont été donnés par M. Émile de Ville, 


( 825 ) 
consul de Belgique à Quito. L'uniformité de ces trois indi- 
vidus nous a engagé à les séparer de leur congénére. 

La généralité des auteurs indiquent la Nouvelle-Grenade 
comme patrie de lH. rivoli?, mais MM. Sclater et Salvin y 
ajoutent le Vénézuela et la république de l'Équateur (1). 

Comme les trois individus de l'Équateur que possède le 
Musée diffèrent considérablement de-l H. rivolii, il serait 
intéressant de savoir si les deux espéces se rencontrent 
réellement dans la république de l'Équateur, ou si les 
oiseaux obtenus de ce pays ont simplement été confondus 
avec le rivolii. 


9. EUPLOCAMUS SUMATRANUS. 


Eupl. nobili similis, sed regionibus inferioribus nigris ; 
plumis lateralibus pectoris rufo maculatis. 

Description du mále adulte. — Huppe, poitrine, cou, 
haut du dos, couvertures des ailes et de la queue noirs, 
mais toutes les plumes bordées de bleu violacé; bas du 
dos et croupion d'un roux cuivré brillant; partie médiane 
de la poitrine, ventre, jambes et sous-caudales noirs; ces 
dernières légèrement bordées de bleuàtre; côtés de la 
poitrine et flancs noirs à reflets bleuâtres et marqués de 
grandes taches d'un roux ardent; ailes brunes; queue 
noire, les quatre rectrices médianes d'un blanc roussátre, 
la barbe interne de-la paire suivante également d'un blanc 
roussâtre. 

Femelle. — D'un roux vif, plus sombre en dessus qu’en 
dessous, marqué de marbrures brunes sur les couvertures 
des ailes et de la queue ainsi que sur les rémiges secon- 
daires ; gorge blanchâtre; plumes du cou et du haut de la 


(1 Sclater et Salvin , Nomenclator avium neotrop., p. 101 (1873). 


( 826 ) 
poitrine plus ou moins bordées de blanc latéralement ; 
plumes des autres régions inférieures entiérement bordées 
de blanc; queue noire ; sous-caudales noires , terminées de 
brun. 

Hab. — Sumatra. 

Ce gallinacé est trés-voisin de l'E. nobilis dont il ne 
diffère que par la distribution des teintes des parties infé- 
rieures. 

Chez le nobilis, le bas de la poitrine et les flancs sont 
d'un rouge cuivré uniforme , tandis que chez le suma- 
tranus ces parties sont noires et tachées de roux cuivré 
sur les flanes. 

Les plumes des flanes sont noires à la base, d'un roux 
cuivré sur le reste de leur étendue, mais la plupart sont 
en outre entiérement bordées de noir; cette derniére cou- 
leur domine méme sur les plumes voisines du ventre oü 
la couleur rousse n'est plus représentée que par une strie 
centrale. Chez le nobilis, au contraire, toutes les plumes 
des parties inférieures sont unicolores. 

Il est aussi à remarquer que les régions qui sont d'un 
rouge cuivré chez ce dernier, sont d'une teinte plus jau- 
nàtre chez l'espéce nouvelle. 

Les femelles offrent les mémes distinctions : celle du 
nobilis a les plumes des flancs et du ventre d'un brun- 
noiràtre et bordées de blanc, tandis que chez la femelle 
du sumatranus, les plumes de ces mémes régions sont 
d'un roux vif, comme la poitrine, mais également bordées 
de blanc; les marbrures du dos et des ailes sont aussi 
moins apparentes que chez la femelle du premier. 

Le Musée de Bruxelles possède mâle et femelle de cette 
espéce qui proviennent tous deux de Sumatra. 


( 827 ) 


hemarques sur la Faune de Belgique, par M. Alph. 
Dubois, conservateur au Musée royal d'histoire natu- 
relle de Belgique. 


La faune ornithologique de notre pays vient de s'enri- 

chir de trois espéces qui n'y ont pas encore été observées. 
L'importance de ces captures nous engage à les signaler à 
l'Académie. 
" Le plus intéressant des oiseaux dont nous avons à 
parler est le Turdus sibiricus, Pall., dont un jeune mále 
a été pris dans les environs de Neufchâteau vers la fin de 
septembre 1877. Cette capture est d'autant plus extraordi- 
naire pour notre pays, que la grive sibérienne ne se montre 
qu’accidentellement en Europe. 

La seconde espéce nouvelle pour la Belgique est le 
Petrocincla cyanea, L. Un jeune mâle a été trouvé parmi 
des grives prises au lacet, dans le courant de septembre 
de la méme année, à Olloy prés de Couvin. 

Ces deux oiseaux se trouVaient en chair au marché de 
Bruxelles, où ils furent achetés par M. Louis Michels, qui 
parvint heureusement à se procurer des renseignements 
précis sur leur capture. Ils font aujourd'hui partie de la 
collection de M. le marquis de Wavrin. 

Enfin, la troisième espèce à signaler est un Emberiza 
pusilla, Pall., pris au Kiel près d'Anvers le 8 octobre 
1876. Cet oiseau se trouve dans la collection de M. Meyer 
Vanden Bergh fils à Anvers. 


( 828 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


S éance du 9 juin 1879. 


M. LEcLERCQ, directeur, président de l'Académie. 
M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. G. Nypels, vice-directeur ; Gachard, 
P. De Decker, J.-J. Haus, Th. Juste, Félix Néve, Alph. Wau- 
ters, Ém. de Laveleye, Alph. Le Roy, Aug. Wagener, J. He- 
remans, P. Willems, Edm. Poullet, F. Tielemans, G. Rolin- 
Jaequemyns, S. Bormans, Ch. Piot, membres; J. Nolet de 
Brauwere Van Steeland, Aug. Scheler, Alph. Rivier, 
Eg. Arntz, associés ; Ch. Potvin, J. Stecher, Lamy, Henrard, 
Alph. Vandenpeereboom, correspondants. 

MM. Mailly et Stas, membres de la Classe des sciences, 
assistent à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'Intérieur transmet une expédition de 
l'arrété royal du 44 mai qui approuve l'élection de MM. Bor- 
mans et Piot comme membres titulaires de la Classe. 

MM. Bormans et Piot remercient pour leur élection de 
membre, et MM. Lamy, Henrard et Vandenpeereboom, 
pour leur élection de correspondant. 

La Classe désigne M. Liagre pour représenter l'Aca- 
démie auprés du comité du groupe de l'enseignement à 
l'Exposition nationale de 1880. 


( 829 ) 

— M. le Ministre envoie pour la bibliothéque de l'Aca- 
démie un exemplaire : 

1* De l'Annuaire statistique de la Belgique pour l'année 
1878, et des fascicules H et HI de l'Exposé de la situation 
du royaume (1860-1875) ; 

2 De l'ouvrage : The medallic history of the United 
States of America, offert par l'auteur, M. S.-F. Loubat; 

5° De l'ouvrage : Geschiedenis van Leuven, geschreven 
in de jaren 1593 en 1594, door W. Boonen. Eerste half- 
deel, publié par M. Van Even. — Remerciments. 


— La Classe renvoie à l'examen de M. Wagener deux 
Notes de M. Ad. de Ceuleneer; la première porte pour 
titre : Découverte d'un tombeau pélasgique en Attique, la 
seconde, Sur le cours de lIlissus, lettre à M. P. Willems. 

MM. Gachard, Juste et Piot examineront un travail de 
M. le baron Kervyn de Lettenhove, intitulé : Les collections 
d'autographes de M. le baron de Stassart. Notes et ex- 
traits. 


— M. Bamps, secrétaire général du Congrés interna- 
tional des Américanistes, envoie vingt-cinq exemplaires 
du Compte-rendu de la derniére assemblée générale du 
comité d'organisation de la troisiéme session, et cinquante 
exemplaires du programme de la méme session, afin qu'ils 
soient distribués aux académiciens. — Remerciments. 


— La Classe recoit, à titre d'hommage, les ouvrages sui - 

vants, pour lesquels elle vote des remerciments aux au- 
teurs : 
.. 1° Calcul des probabilités et théorie des erreurs, avec 
des applications aux sciences d'observation en général et à 
la géodésie en particulier, par M. Liagre, 2° édition, revue: 
par le capitaine d'état-major Peny ; 1879, vol. in-8° ; 


( 830 ) 

2^ Gazette archéologique, etc., publiée par MM. de Witte 
et Fr. Lenormant, 2° et 5° livraisons de 1879 ; cah. in-4^; 

3° Enseignement moyen, questions préalables, par 
M. Ch. Potvin, 1879; broch. in-8° ; 

4? The new tendencies of political economy by Em. de 
Laveleye. Traduit par George Walker, 1879; broch. in-8° ; 

5° Demokratie und Sozialpolitik, rede von Em. de Lave- 
leye. Traduit par Dr. K. Bücher, 1878; in-18; 

6° Olla Patella, vocabulaire latin versifié avec gloses 
francaises, publié d'aprés un manuscrit de Lille et annoté 
par M. Aug. Scheler, 1879; br. in-85; 

- T° Projet de code de procédure pénale, livres I et II, par 
M. Nypels; gr. in-8*; 

8 Fragments de — chaldéenne , traduits par 
M. J. Oppert ; in-32 ; 

9^ Le peuple et la langue des Médes, par le méme, 187 9; 
in-8; 

10° Note sur l’Université calviniste de Gand(1578-1584). 
— Le renouvellement, en 1578, du traité d'alliance conclu 
à l’époque de Jacques Van Artevelde, entre la Flandre et 
le Brabant, par Paul Fredericq, 1878-1879 ; 2 br. in-8°, 
présentées par M. de Laveleye (voir Notice bibliographique 
p. 831). 

11° De la réforme judiciaire dans les justices de paix, 
par M. Jambois, 1879 ; br. in-8°; 

12 Il teeteto ovvero della scienza volgarizzato e anno- 
tato. — Risposta prima al padre Cornoldi, ete.—Nozioni 
di ontologia per introduzione allo studio della teologia. — 
La trinita e la creazione nuovi confronti tra Rosmini e 
Tommaso. — Dell "essere del conoscere studii su Parme- 
nide, Platone e Rosmini, par G. Buroni, 1875-1879; 4 vol. 
in-8° et 1 vol in-4°, présentés par M. Le Roy, qui lit une 
Note bibliographique de. M. di Giovanni, associé de la 


( 851 
Classe, relativement aux écrits de M. Buroni.— Cette Note 
figure sous la rubriqne Communications et lectures. 


— M. de Laveleye lit la Note suivante au sujet des deux 
ouvrages précités de M. Frederieq. 


J'ai l'honneur d'offrir à la Classe, au nom de leur auteur 
M. Paul Frederieq, professeur à Gand, deux écrits intitulés, 
le premier : Note sur l'Université calviniste de Gand. Le 
second : Renouvellement en 1578 du traité d'alliance con- 
clu à l'époque de Jacques Van Artevelde entre la Flandre 
et le Brabant. Ces études sont faites sur les sources. L'au- 
teur én a puisé les éléments, en grande partie inédits, dans 
les archives de la ville de Gand. 

Dans la première nous voyons le magistrat de Gand 
s'efforcer, dés 1578, d'organiser l'enseignement supérieur, 
malgré les épreuves et les souffrances du temps. Cet en- 
seignement supérieur embrassait surtout l'étude du latin, 
du grec, de l'hébreu et de la bible. Il avait pour but pra- 
tique de former des croyants instruits et des ministres 
calvinistes. Dans le second écrit M. Frederieq expose les 
négociations qui eurent lieu entre les villes de Gand et de 
Bruxelles, en 1578 et 1579, afin d'amener une unité d'ac- 
tion entre ces deux grandes communes oü le parti calvi- 
niste dominait alors. Le prince d'Orange s'intéressait 
vivement à ces négociations qu'on peut considérer comme 
un préliminaire, malheureusement avorté, de la célébre 
union d'Utrecht qui fut conclue peu de temps aprés. Une 
fédération générale des provinces du Nord et du Sud eût 
pu dés lors constituer une seconde Suisse, trait d'union en 
méme temps que boulevard entre la France et l'Alle- 
magne. 


( 832 ) 


RAPPORTS. 


— Sur l'avis de MM. Wagener et Nève, la Classe estime 
que les corrections apportées par M. Ad. de Ceuleneer à 
son mémoire couronné Sur Septime Sévére, permettent de 
livrer ce travail à l'impression. 

Celle-ci aura donc lieu dans le recueil in-4° dés que la 
Commission administrative aura acquiescé à cette propo- 
sition. 


L'Inquisition en Belgique. Quelques notes; par M. Arthur 
Duverger. 


Rapport de M. Gachard. 


Dans son Recueil et Mémorial des troubles des Pays- 
Bas, Hopperus pose en fait « qu'auparavant l’hérésie luthé- 
» rienne suscitée et semée dans ces provinces, il n'y avait 
» en icelles inquisiteurs aulcuns de la foy, mais estant 
» quelquefois nécessaire de procéder contre aulcuns héré- 
» ticques, envoyoient quérir les inquisiteurs de Paris pour 
» les pays de la langue francoise, et de Coulogne pour 
» ceulx de la langue thioise (1) ». 


(1) Mémoires de Viglius et d Hopperus, publiés par M. Alphonse Wau- 
ters, p. 298. Selon M. Duverger, l'assertion d'Hopperus aurait été corrigée 
par Viglius dans son livre De Philippo segundo rege Oratio; « les théo- 
» logiens de Louvain — aurait dit Viglius, — interrogés par la duchesse 
» de Parme sur l'inquisition, auraient déclaré que, déjà avant les troubles 
» amenés par l'hérésie de Luther, cette institution était établie en Bra- 
» bant. » C'est forcer le sens du texte de Viglius. L'illustre chef et prési- 


( 855 ) 

Presque tous nos historiens ont répété cette assertion, 
qui avait pour elle une autorité imposante, Hopperus 
ayant, pendant plus de vingt années, en qualité de con- 
 seiller au grand conseil d'abord et au conseil privé en- 
suite, puis comme garde des sceaux des Pays-Bas à 
Madrid, pris une part principale aux affaires de justice 
et d'État de son temps. 

M. Duverger, dans le travail qu'il vient de présenter à 
l’Académie, a entrepris d'établir que, bien avant le XVI* 
siécle, l'inquisition exista dans les Pays-Bas, « au moins 
» (ce sont ses expressions) avec une organisation rudi- 
» mentaire » ; il a compulsé un grand nombre de volumes, 
et il est parvenu à former une liste d'une trentaine de 
personnages qui, de l'année 1252 à l'année 1519, exer- 
cèrent l'office ou firent acte d'inquisiteur dans nos pro- 
vinces. J] se croit par-là autorisé à dire que, si l'inquisition 
n'y avait pas existé déjà, « Charles-Quint, Philippe II et le 
» pape lui-méme n'eussent jamais tenté d'imposer une 
» pareille institution à un peuple parvenu à un degré 
» trés-élevé de progrés social. » 

On sait que l'inquisition prit naissance, au commence- 
ment du XHI* siècle, à l'occasion de la croisade contre les 
Albigeois; qu'aprés s'étre établie en France, elle fut in- 
troduite en Allemagne, en Italie, en Espagne; on sait 
aussi qn'avant l'érection des nouveaux évêchés sous Phi- 
lippe lI, la juridiction ecclésiastique était exercée, dans la 


dent du conseil privé ne dit pas que l'inquisition était établie en Brabant, 
mais il dit qu'on y avait usé de l'inquisition, et il n'est point en désaccord 
à cet égard avec Hopperus. Voici comment il s'exprime: « Gubernatrix 
» Lovanienses theologos consuluit, qui demonstrarunt ante luteranae 
» hereseosturbas inquisitionem in Brabantia usitatam fuisse. » (Mémoires 
de Viglius et d'Hopperus, p. 122.) 


( 834 ) 

plus grande partie des Pays-Bas, par des évéques alle- 
mands ou francais, et parmi les premiers je comprends 
l'évêque de Liége, dont le pays relevait de l'Empire ger- 
manique. Il n’y a rien d'étonnant dés lors à ce que des 
inquisiteurs étrangers aient, en certains cas, exercé leur 
ministére dans nos provinces, et, dans le fait, la plupart 
de ceux dont M. Duverger a recueilli les noms appar- 
tenaient ou à la France, ou à l'Allemagne, ou à la princi- 
pauté de Liége. 

Dans la liste qu'il donne figurent deux inquisiteurs 
généraux auxquels, selon lui, aurait été attribué le pouvoir 
de déléguer des vicaires, partout, aux Pays-Bas, où ils 
l'auraient trouvé convenable : l’un, le P. Jean de Bomale, 
nommé en 1471 par Paul II ou par Sixte IV; le second, 
le P. Michel Francois, dont la commission serait émanée 
du général de l'ordre des Dominicains. 

M. Duverger, qui s'appuie, du reste, sur Foppens et sur 
Paquot, dit que, le 7 novembre 1471, le titre d'inquisiteur 
général fut reconnu au P. Bomale par l'université de Lou- 
vain. J'ai voulu m'en assurer : j'ai eu recours aux registres 
de l'université, lesquels sont conservés aux Archives 
du royaume, et j'y ai vu qu'en effet, à la date indiquée, le 
P. Bomale, ayant comparu devant Alma Mater, lui pré- 
senta ses lettres de nomination, mais que celles-ci le qua- 
lifiaient d'inquisiteur tout simplement; et ce fut comme 
tel que l'université l'admit (1). 


(1) Voici le texte: 
« 1471. Septima novembris indicata fuit congregatio universitatis apud 
es hora nona super hiis articulis 
enerabilis vir magister Jolie + Bomalis in universitate 
MM certas litteras que lecte fuerunt, per quas constitutus fuit 
inquisitor heretice pravitatis, et pro tali universitas eum acceptavit. » 
(Reg. aux actes de 1455 à 1474.) 


( 855 ) 

Je suis fort tenté de croire que le titre d'inquisiteur 
général attribué au P. Michel Francois n'est pas plus 
authentique : mais ici les moyens de vérification me 
manquent. 

A la fin de sa notice M. Duverger avance un fait que je 

ne puis laisser passer sans contradiction : il prétend que 
« Charles-Quint voulut créer en Belgique un véritable 
conseil supréme de l'inquisition, analogue à celui qui 
existait en Espagne, et composé de deux inquisiteurs 
généraux, Josse de Loveringhen, gouverneur de Malines, 
et Nieolas Coppin, docteur en théologie de Mons, de 
quatre assesseurs, Angeli, membre du conseil privé, 
Gérard Van Assendelff, chevalier, Jacques Sasbout, 
docteur en droit, et Renier Brenthus, procureur fiscal, 
el d'un secrétaire, Arnold Sandelin; qu'une opposition 
générale lui fit abandonner ce projet. » 
M. Duverger se fonde sur une lettre que Charles-Quint 
écrivit, du monastère de Yuste, le 25 mai 1558, à la prin- 
cesse doña Juana, sa fille, gouvernante des royaumes d'Es- 
pagne, et sur une dépêche que l'archevéque de Rossano, 
nonce à Madrid, adressa au cardinal secrétaire d’État le 
19 avril 1566. j 

Or que disent ces lettres? 

Charles, exaspéré contre les luthériens qui venaient 
d'étre arrétés à Zamora, à Séville, à Valladolid, recom- 
mande à sa fille de faire procéder contre eux comme 
contre des séditieux et des perturbateurs de la république, 
el il ajoute : « Puisque l'occasion s'en offre, je vous dirai 
» ce qu'il me souvient qui se passa à ce sujet dans les 
» États de Flandre. Je voulais y établir l'inquisition afin 
» de prévenir et châtier ces hérésies que le voisinage de 
» l'Allemagne, de l'Angleterre et de la France y avait 


wv 


"w w Ww Ww W W WW WM 


( 856 ) 
» propagées. Tous s'y opposérent, disant qu'il n'y avait 
» point de juifs parmi eux. Aprés quelques discussions, 
» on s'arréta à ce parti, qu'une ordonnance serait pro- 
» mulguée oü l'on déclarerait que toutes personnes qui 
» tomberaient en l'un des cas y spécifiésseraient, ipso facto, 
» condamnées au supplice du feu (1) » 

Dans sa dépéche l'archevéque de Rossano rend compte 
d'un entretien qu'il a eu avec Philippe II. Ce monarque 
luia dit, entre autres choses, que l'Empereur son pére 
ayant désiré établir aux Pays-Bas l'inquisition rigoureuse 
de la méme maniére qu'elle était en Espagne, la noblesse 
et le peuple réclamérent et ne le souffrirent pas; qu'alors 
l'Empereur, abandonnant ce dessein, décréta contre les 
hérétiques des peines d’une sévérité inconnue aupara- 
vant (2). 

Ni l’un ni l’autre de ces documents ne parle de la créa- 
tion d'un Conseil suprême de l'inquisition tel que celui qui 
fonctionnait en Espagne ; bien moins encore désignent-ils 
les personnages qui devaient composer ce conseil, et je 
ne sais où M. Duverger aura trouvé les noms qu'il cite : 
mais ce que je puis dire, c'est que celui de Loveringhen 
est tout à fait inconnu et qu'il n'y avait pas alors de gou- 
verneur de Malines, ni de membre du conseil privé qui 
s'appelàt Angeli. Le nom du procureur fiscal Brenthus 
me parait tout aussi suspect. 

Ceci n'est du reste qu'accessoire. Le point principal est 
de savoir si vraiment Charles-Quint eut l'intention d'in- 
troduire aux Pays-Bas l'inquisition d'Espagne. Pour dé- 


(1) Bulletins de l'Académie, t. XII, tre partie, p. 253. 
(2) Les Bibliothèques de Madrid et de l'Escurial. Notices el extraits 
des manuscrils qui concernent l'histoire de Belgique, p. 86 


( 857 ) 
cider ce point, il faut consulter ses actes mêmes à l'époque 
où les doctrines de Luther commencèrent de pénétrer 
dans nos provinces, et non le langage que, de longues 
années aprés, dans un moment d'exaspération , il tenait à 
sa fille. 

Il est connu qu'en 1525 Adrien VI nomma inquisiteur 
général dans les Pays-Bas le conseiller de Brabant Fran- 
cois Vander Hulst : mais ce qui n'a pas été dit, c'est que 
Charles-Quint ne voulut permettre à Vander Hulst d'user 
de la commission qu'il avait recue du pape qu'aprés que 
son conseil l'eut examinée et lui en eut dit son avis (1). 

On sait encore que, Vander Hulst s'étant rendu odieux 
- au peuple, l’archiduchesse Marguerite suspendit les effets 
de sa commission. Ce qu'elle écrivit, à ce propos, à l'Em- 
pereur, alors en Espagne, et la réponse de Charles sont 
significatifs. Le 6 septembre 1525 elle lui disait qu'il 
fallait requérir le pape « de députer par decà autre inqui- 
» siteur, homme d'Église, attempéré et autrement ver- 
» tueux (2). » Le 19 du méme mois, revenant sur l'ani- 
madversion que Vander Hulst s'était attirée en Brabant 
aussi bien qu'en Hollande, elle s'exprimait ainsi : « A 
» ceste occasion, sont ceulx de vostre conseil d'advis de 
» choisir ung notable, meur, modéré, bien renommé 
» personnaige ecclesiasticque pour chief, et trois ou quatre 


(1) Il écrivait à l'archiduchesse Marguerite le 18 août 1525 : « Je désire 
» bien estre adverty de l'advis de vous et ceulx de mon conseil de la com- 
» mission, baillée par nostre saint-pére à M* Francois Vander Hulst, d'in- 
» quisiteur de la foy en mes pays de par delà, avant de luy permectre 
» user de ladicte commission, si ce eme seulement contre la secte 


» luthériane. » (Archives du royaum : lige sane de Charles- 
Quint avec adeb. d' Autriche, m 535, p. 150.) 
(2) Ibid. 


P dt TOME XLVII. 54 


( 838 ) 
» aultres qualiffiez pour adjoinctz, pour en l'avenir co- 
» gnoistre de ceulx que l'on entenderoit abuser ou errer en 
» la foy (1). » 

Que répond là-dessus Charles-Quint ? 

« Quant à la conduicte de maistre Francois Vander 
» Hulst en sa commission de l'inquisition de la foy », — 
écrit-il à sa tante le 15 janvier 1524 — « je trouve bon ce 
» qu'avez pourveu en ceste partie. Et si vous semble bon, 
» pourrez adviser de me dénommer quelque révérend et 
» grant personnaige ecclésiasticque pour promovoir audic t 
» estat d'inquisiteur et en escripre à nostre saint-père le 
» pape à présent (2) : ce que feray quand auray voz lettres 
» Sur ce; ou, se semble mieulx que les évesques ou mes 
» consaulx, comme du temps passé, cognoissent des abus 
» et erreurs de foy que pourroient survenir en mes pays 
» de par delà, vous le pourrez ainsy faire dresser, et le 
» trouveroye aussi bon, voires plus honorable, que le pre- 
» mier expédient d'ung exprès inquisiteur, qui seroit une 
» chose nouvelle au quartier de là (5). » 

Voilà la véritable pensée de Charles-Quint , et certes 
elle exclut absolument celle qu'on lui préte d'avoir voulu 
introduire aux Pays-Bas l'inquisition à la facon d'Espagne, 
et ce qu'on ajoute, que l'opposition générale l'empécha 
seule d'y donner suite. 

Si le parti que l'empereur trouvait aussi bon et méme 
plus honorable ne fut pas adopté, on ne saurait lui en 
faire un reproche : ce fut le conseil des Pays-Bas qui 
jugea convenable de procéder autrement, et, dans une 


(1) bid., p. 173. 
(2) Clément VII. 
(5) Registre cité, p. 175. 


( 839 ) 

lettre du 2 avril 1524 à son neveu, l'archiduchesse Mar- 
guerite lui en explique le motif: « ll a bien semblé à 
» aucuns de vostre conseil — lui dit-elle — que, sans avoir 
» inquisiteur, l'on eust peu laisser la cognoissance des 
» luthériens aux diocésains et leur adjoindre aucuns voz 
» conseilliers, selon que vous l’escripvez : mais, pour ce 
» que les diocésains sont si àpres et extraordinaires à 
» usurper et du tout énerver vostre jurisdiction, et outre 
» à faire composicions à leur particulier prouffit plus que 
-» à pugnicions, a semblé à aucuns que le plus seur seroit 
» avoir pour inquisiteur, ou le prévost de Saint-Martin 
» d'Ipre, ou le pryeur des Escoliers de Mons, ou M* Jehan 
» de Montibus, doyen de Saint-Pierre à Louvain , singu- 
» liérement le prévost de Saint-Martin, pour en user 
» quant l'on vouldroit, et que, à ce moyen, l'on tiendra 
» les diocésains en subgection, et si s'en pourroit-on 
» ayder quant il y auroit matiére (1). » 

Je me suis un peu étendu sur ce point, parce qu'il m'a 
paru qu'il importait de ne pas laisser s'aceréditer une 
erreur dont souffrirait la mémoire de Charles-Quint. 

Avant de terminer, je reléverai une expression de 
M. Duverger que je trouve excessive : c’est celle de sceptre 
de fer appliquée au gouvernement des dues de Bourgogne. 
S'il s'agissait de Charles le Téméraire, je ne contesterais 
pas : mais peut-on regarder comme un despote celui que 
l'histoire, d'accord avec le sentiment de ses contempo- 
rains, a surnommé Philippe le Bon? celui dont Barante 
a dit: « Nul n'avait si bien gouverné ses peuples, avec 
» une telle prudence, avec une si grande modération, 


(1) Registre cité, p. 258. 


( 840 ) 
» avec une habileté qui aurait pu se passer de con- 
» seillers et qui pourtant avait toujours recherché les 
» plus sages (1). » 

Sous Ja réserve des obseryations qui précèdent, je pense 
que le travail de M. Duverger pourrait étre inséré dans 
nos Bulletins. ll est le fruit de beaucoup de recherches; il 
contient des faits ou, si l'on veut, des indications dont 
lireraient parti ceux qui voudraient écrire l'histoire reli- 
gieuse de la Belgique. 


Post-Scriptum. 


J'avais écrit ce rapport lorsqu'a paru, dans la livraison 
du 15 mai de la Revue de Belgique , un article de M. Du- 
verger intitulé Le saint-office de l'inquisition en Bel- 
gique. 

Cet article, d'une quarantaine de pages, a été composé 
en partie avec les notes que M. Duverger a présentées à 
l'Académie; des phrases, des pages méme tout entiéres 
de ces notes s'y trouvent reproduites. 

En présence de ce fait, j'ai dû me demander si nous 
pouvions encore insérer dans nos Bulletins là communi- 
cation de M. Duverger, alors qu'il est contraire à nos 
usages d'y donner place à des travaux qui ont vu le jour 
ailleurs, et que l'article 16 du réglement de la Classe des 
lettres lui interdit méme de faire des rapports sur des 
ouvrages déjà livrés à la publicité. 

La réponse que je me suis faite , aprés un mür examen, 
a été négative. 


(1) Histoire des ducs de Bourgogne, édit. Walhen, t. lI, p. 268. 


( 844 ) 

En conséquence, je me vois obligé de revenir sur la 
proposition par laquelle j'ai terminé mon rapport. 

Aujourd'hui je puis proposer seulement que la commu- 
nication de M. Duverger soit déposée dans les archives 
de l'Académie , et que des remerciments soient adressés à 
l'auteur. 

28 mai 1879, 


Rapport de M, Kervyn de Lettenhove, 


« Comme mon honorable et savant confrére M. Gachard, 
je pense que la communication de M. Duverger ne peut 
trouver place dans nos recueils, selon l'article 16 du 
réglement, et il y a d'autant plus lieu de s'y conformer 
que la publication qui en a été faite dans un organe de 
la presse politique (1), assigne à cette notice un caractère 
complétement étranger à celui des travaux de l'Académie. » 


Rapport de M. Wanulers, 


« Avant d'examiner la valeur intrinséque dutravail de 
M. Duverger, nous avons à vider l'incident que nos hono- 
rables collégues ont soulevé, à propos de la publication 
dans la Revue de Belgique (t. XXXII, pp. 26 et suivantes) 
d'une étude du méme auteur, portant pour titre : Le 
Saint-Office de l'Inquisition en Belgique. L'article 16 de 
notre réglement porte, en effet : « La Classe ne fait pas 
» de rapport sur les ouvrages déjà livrés à la publicité; » 


(1) Pour constater l'identité d'un grand nombre de passages des deux 
lextes, on peut comparer l'alinéa : « Jusqu'au commencement du XIII* 
siècle, » Mémoire, fol. 5, et Revue de Belgique, année 1879, mai, p. 28. 


(842) . 

mais ce serait lui donner,à mon avis, une extension déme- 
surée que de l'appliquer à M. Duverger et voici les circon- 
stances sur lesquelles je me base pour étayer mon opi- 
nion. La notice que la Classe des lettres a reçue et qui est 
intitulée : L'Inquisition en Belgique, quelques notes, con- 
siste principalement en une série d'indications et de faits, 
disposés par ordre chronologique et suivis chacun de 
citations nombreuses, ayant pour but de prouver l'exis- 
tence d'inquisiteurs en Belgique, pendant le moyen-âge. 
Ces indications occupent les folios 6 à 19 et l'on peut y 
joindre une annexe de cinq folios (24 à 28), presque entiè- 
rement occupée par un texte inédit relatif à des poursuites 
ordonnées par Philippe, due de Bourgogne et comte de 
Flandre, contre des hérétiques. Des 28 folios de la notice, 
il y en a done 19 qui constituent un travail de diploma- 
tique, et 9 seulement sont consacrés à des observations 
critiques, tandis que dans la Revue de Belgique M.Duverger 
a écrit trente-huit pages (les pages 26 à 64 du volume 
indiqué), absolument dépourvues de notes et de citations, 
toutes consacrées à la discussion historique de la question 
qui lui sert de théme. Le sujet étant à peu prés le méme, 
certains passages de l'un des travaux ont dû être repro- 
duits dans l’autre, mais les deux écrits n'offrent que ce 
point de ressemblance. L'étude insérée dans la Revue con- 
duit la discussion des faits relatifs à l'Inquisition jusqu'au 
règne de Philippe 1I; le manuscrit soumis à notre examen 
a principalement pour but d'établir, d'une maniére irré- 
fragable, c'est-à-dire par la production de toute une suite 
d'événements et d'actes, l'existence d'inquisiteurs en Bel- 
gique avant le régne de Charles-Quint. 

La démonstration de ce fait me parait tellement essen- 
tielle qu'elle nécessite ou du moins rend désirable l'im- 


( 845 ) 

pression dans nos Bulletins du travail de M. Duverger. 
La coïncidence de la publication dans la Revue de Bel- 
gique d'un article présentant avec sa notice quelques 
points de ressemblance, est regrettable sans doute, mais 
vous n'ignorez pas que l'auteur peut y étre tout à fait 
étranger. Quelquefois un travail traine dans les cartons 
d'une Revue sans obtenir les honneurs de l'impression, 
parce que les matériaux y abondent; parfois aussi on 
s'empresse de l'éditer, parce qu'il répond aux préoccu- 
pations du moment. L'écrivain lui-méme n'est pas Minos: 
consulté. 

Si, laissant de cóté cette question qui me parait secon- 
daire ou devoir être résolue de la manière la plus bien- 
veillante, on s'occupe de ce qui fait l'objet essentiel du 
débat, c'est-à-dire de l'existence méme de l'Inquisition 
dans nos contrées, on constatera d'abord qu'il était i nr 
tant de fixer les idées à cet égard. 

On se plait parfois à dépeindre la Belgique comme un 
pays qui est toujours resté attaché, d'une maniére iné- 
branlable, à la foi orthodoxe; j'ai, en plus d'une occasion, 
combattu cette thése et montré qu'elle n'était admissible, 
ni pour le XIIe siècle (voir les Libertés communales en Bel- 
gique, 9* partie, p. 615), ni pour les temps qui suivirent 
(Mémoires de Viglius et d'Hopperus, p. 126). On me per- 
mettra de rappeler, en cette occasion, que, dans une lecture 
faite à la Classe le 11 octobre 1875, j'ai fait connaitre les 
opinions professées, si l'on en croit leurs adversaires, par ces 
hérétiques anversois du XIII siècle, sectateurs du chanoine 
Guillaume Cornélis, sur le compte desquels on ne possé- 
dait que des notions imparfaites (Bulletins de l'Académie, 
2* série, t. XL, p. 351. Voir ibidem, t. XXXIX, pp. 189 et 
suivantes) L'existence presque continuelle d'hérésies, à 


( 844 ) 
une époque oü le clergé s'efforcait de retenir les intelli- 
gences dans la soumission la plus compléte, supposerait 
la eréation de tribunaux ou de juges chargés de réprimer 
la propagation des idées contraires à la foi, si l'on n'avait 
pas de preuve historique à apporter à l'appui de cette 
hypothése. 

Au besoin, les annales de la premiére moitié du 
XIII: siècle, à elles seules, fourniraient des exemples frap- 
pants des moyens que l'Église mit en ceuvre pour terrifier 
les intelligences; elles nous présenteraient un spectacle 
analogue à celui que les fastes des villes des Pays-Bas 
offrent à partir du moment où Charles-Quint prit en main 
la défense de l'orthodoxie. Trois siécles avant Luther, 
Conrad de Marbourg et Robert dit le Bulgare déployérent 
contre les hérétiques de nos contrées, au sein méme de 
nos communes parvenues à l'apogée de la splendeur, ce 
zèle sacré que Charles-Quint encouragea de toute manière 
et, circonstance qu'il n'est pas inutile de mentionner, l'un 
et l'autre, à une époque oü la foi était cependant ardente, 
soulevérent la méme indignation que celle devant laquelle 
hésita la sainte colère du père de Philippe IT. 

En 1251, Conrad de Marbourg, religieux dominicain 
qui s'était acquis un grand renom d'éloquence en préchant 
la croisade, commenca à déployer le zéle persécuteur le plus 
oulré. « Sa parole ne respectait personne, ni roi, ni évêque. 
Soutenu par l'autorité du saint-siége, soutenu par ses 
confrères, qui lui apportaient l'appui des relations qu'ils 
s'étaient créées de tous côtés, il dirigea une double guerre 
contre les désordres de certains membres du clergé et 
contre les partisans des idées hétérodoxes. Il en vint bientót 
à dépasser toutes les bornes. L’accusé n'obtenait plus le 
droit de se défendre, de produire ou de récuser des 


( 845 ) 

témoins; il ne lui fut plus méme accordé de délai pour 
préparer sa justification et on ne lui laissa plus le choix 
qu'entre le bücher, et l'aveu de ses fautes, avec une son- 
mission compléte à la pénitence qui lui était infligée » 
(Tantus, dit un auteur contemporain, dans les Gesta Trevi- 
rorum integra, t. I, p. 517, fuit omnium zelus, ut nullius, 
qui tantum propalatus esset, excusatio vel recusatio, nullius 
exceptio vel testimonium admitteretur, nec defendendi locus 
daretur,sed nec induciæ deliberationis darentur, sed incon- 
tinenti oportebat eum vel reum se confiteri et in ponilen- 
tiam se recalvari, vel crimen negare et cremari). 

Ce n'était pas assez. « Si l'on ne signalait pas ses 
complices, on n'échappait pasau supplice du feu, ce qui 
amena la mort de personnes tout à fait innocentes. Afin 
de sauver leur vie en ce monde et l'héritage de leurs 
enfants, ajoute le chroniqueur auquel j'emprunte ces 
détails, beaucoup de personnes reconnurent avoir été 
ce qu'elles n'avaient jamais été, et, forcées d'accuser, 
déclarérent des choses qu'elles ignoraient et contre leur 
gré. On reconnut enfin que les hérétiques avaient in- 
stigué certains d'entre eux à se soumettre à la pénitence 
afin d’accuser de vrais catholiques. En se croyant la con- 
science la plus pure, on craignait de se voir l'objet d'une 
délation. Personne n'aurait osé, non-seulement intercéder 
en faveur des accusés, mais même solliciter pour eux 
quelque adoucissement, sinon on était immédiatement 
regardé comme un défenseur des hérétiques » (Insuper 
qui sic lonsuratus esset oporlebat eum complices suos pro- 
dere, alioquin item debebat cremari; unde putatur quod 
aliqui-innocentes exusti fuerint; multi enim propter tem- 
poralem vitam et amorem heredum suorum confitebantur 
se fuisse quod non fuerant et, artati ad accusandum, accu- 


( 846 ) 

sabant quod nesciebant et quos nolebant. Quin etiam in 
ultimis deprehensum est quod heretici aliquos de suis 
subornaverant, qui se lanquam in ponitentiam tonsurari 
permiserunt el sic catholicos et innocentes accusaverunt. 
Nec adeo erat pure quis conscientie qui se hujusmodi 
tempestatem non timeret incurrere. Nullus etiam pro accu- 
satis, non dico inlercedere, sed nec mitius loqui aliquid 
audebat, quia statim ut defensor hereticorum reputabatur). 

Les poursuites s'étendirent bientót à ceux qui prenaient 
la défense des hérétiques ou leur accordaient un asile, et 
la eruauté alla si loin que le simple reproche d'étre tombé 
en récidive vous conduisait immanquablement au bücher. 
Déjà un grand nombre d’accusés des deux sexes avaient 
péri lorsque les « zélateurs de la sainte foi catholique » 
(zelatores sancte fidei catholice) s'attaquérent aux person- 
nages les plus marquants et entre autres à Henri, comte de 
Sayn, qui fut cité à comparaitre à Mayence, le jour de 
saint Jacques, 25 juillet 1255, devant le roi Henri, fils de 
Frédéric II, les prélats et les princes. On fut bien étonné 
de voir le comte recevoir froidement la citation, mais la 
coupe était pleine; elle allait déborder. Conrad de Mar- 
bourg, instruit, sans doute, du changement des esprits, ne 
se montra pas, les accusateurs et les témoins produits 
contre le comte déclarèrent qu'ils avaient été circonvenus, 
et l'archevéque de Trèves, en annonçant la remise de 
l'affaire, proclama l'accusé un vrai catholique. Dans une 
seconde assemblée , tenue à Francfort le 2 février suivant, 
le comte de Sayn fut solennellement acclamé comme non- 
coupable et il pardonna, non sans se faire violence, à ses 
ennemis. Mais le principal de ceux-ci n'existait plus; la 
protection que le roi Henri et l'archevêque de Mayence 
accordaient à Conrad de Marbourg, n'avait pu le protéger. 


( 847 ) 
Aprés avoir terrorisé l'Allemagne pendant trois ans, il fut 
assassiné et sa mort mit fin à ce début de l'Inquisition dans 
les contrées rhénanes. 

L'épisode de Conrad n'est pas étranger à notre pays, car 
parmi les personnes dont le nom y fut mêlé figure la com- 
tesse de Looz (Chronicon Alberici, pars II, p.545, édit. de 
Leibnitz), l'une des dames dont Conrad essaya de noircir 
la conduite; on trouve aussi dans Albéric, à ce propos, une 
historiette de nécromancien qui fait obtenir à un prétre 
de Maestricht la faveur du duc de Brabant. On doit encore 
rattacher à la rage persécutrice allumée par les prédica- 
tions des Dominicains l'expédition sanglante dirigée, en 
l'année 1954, contre les Stadingues, hérétiques du nord 
de l'Allemagne, par Heuri, fils ainé du duc de Brabant, et 
quelques autres princes belges. 

La Flandre souffrit les mémes maux par la faute du 
dominicain Robert, surnommé le Bougre ou plutót le Bul- 
gare, parce qu'il appartenait par son origine au peuple de 
ce nom. Lui aussi tomba dans les excés que l'on avait 
reprochés à Conrad de Marbourg; lui aussi confondit les 
innocents avec les coupables. Mais, aux yeux de certains 
de ses contemporains, il n'y avait pas là un trés-grand mal; 
probablement que pour eux la fin sanctifiait les moyens : 
« ses fautes, que j'aime mieux taire, dit Mathieu Pàris, 
» parurent plus tard au grand jour; il fut condamné à 
» une prison perpétuelle. » 

Il faut lire dans Philippe Mouskés (vers 28, 871 et sui- 
vants) le récit de ses exploits, son entrée dans Cambrai, 
où il arriva escorté de sergents : 


« Quar li rois le faisoit conduire, 
» Pour cou c'on ne li vousist nuire; » 


( 848 ) 

puis la longue énumération des malheureux qu'il envoie 
au supplice, comme celte femme de Cambrai, nommée Alis, 
qui avait une grande réputation de sainteté; elle vivait 
entourée du respect du clergé et de la bourgeoisie et tous 
se plaisaient à lui confier les aumónes destinées aux mal- 
heureux. A Cambrai, puis à Douai, à Lille, on emprisonne, 
on brüle, on exile hommes, femmes, jeunes gens, vieil- 
lards. Mouskés ne s'en formalise pas trop; il reconnait 
cependant que Robert fut accusé d'agir sous l'empire d'une 
vengeance personnelle. 

- Pour compléter la démonstration que l'Inquisition n'at- 
tendit pas le régne de Charles-Quint pour sévir sur nos 
contrées, il faudrait la mention d'un auto-da-fé solennel. 
Cela ne nous a pas manqué non plus; du moins l'arche- 
véque de Reims et les évéques de Soissons, de Tournai, de 
Cambrai, d'Arras, de Térouanne, de Noyon, de Laon et de 
Senlis, les élus de Beauvais et de Châlons, le roi de Na- 
varre, avec ses barons de Champagne, le comte de Grandpré 
et une multitude innombrable, que l'on évalua à 700,000 
personnes, assistérent le jour du Vendredi-Saint, en 1239, 
à un spectacle que le moine Albérie de Trois-Fontaines 
qualifie de magnifique, d'holocauste expiatoire; 183 Bul- 
gares y furent pieusement brülés au lieu appelé Mont- 
Wimer ou Mont-Wadamar (loc. cit., p. 569). Il est probable 
que cette horrible boucherie n'obtint pas le succés que ses 
organisateurs en attendaient, car on n'essaya plusde donner 
de spectacle pareil aux populations de la Gaule septen- 
trionale. 

Il faut done le reconnaitre. Dans les commencements 
de l'ordre de saint Dominique, lorsque les fonctions d'in- 
quisiteurs furent confiées à ses membres, afin d'alléger les 
devoirs de l'épiscopat, on essaya d'introduire en Belgique 


( 849 ) 

ces persécutions sans frein et sans pitié qui ont déshonoré 
l'institution; il y a plus,ce fut un Belge, disons-le à regret, 
qui contribua à organiser cette dernière et en atlisa les 
fureurs dans le Languedoc. Walter de Marvis, évéque de 
Tournai, mérita ce reproche lorsqu'il exerca les fonctions 
de légat du saint-siége. Au surplus, il régnait alors dans 
les esprits une exaltation fanatique, empreinte d'une 
sombre cruauté, dont on trouve l'écho dans une œuvre de 
cette époque, le Perceval en prose et, en particulier, dans 
l'histoire du Graal. Là encore nous rencontrons des noms 
qui se rattachent à notre passé, car la traduction française 
du Perceval fut rédigée pour un évêque de Cambrai qui 
l'offrit à Jean de Nesle, ce châtelain de Bruges qui com- 
battità Bouvines dans les rangs des Francais et, devenu 
odieux aux Flamands, fut forcé de vendre sa châtellenie 
à la comtesse Jeanne. 

Dans les temps qui suivirent le XIII: siècle, l'hérésie et 
les inquisiteurs continuèrent à subsister en Belgique, l'une 
ne faisant que de faibles ravages, les autres ne dévoilant 
leur existence qu'à de longs intervalles. Lorsque les doc- 
trines de Luther firent des progrès rapides dans notre 
pays, Charles-Quint voulut-il les arréter par les moyens 
suivis précédemment, voulut-il introduire chez nous un 
systéme de répression terrible, analogue à celui qui fonc- 
tionnait en Espagne d'une maniére si formidable? Il me 
semble qu'il ne peut y avoir de doute à cet égard ; lorsqu'il 
écrit lui-méme : « je voulois y établir l'Inquisition..., tous . 
s’y opposèrent, cet aveu me suffit : Habemus confitentem 
reum; Charles dévoile sa pensée avec une crudité qui 
exempte de rechercher un second témoignage. 

Tous s'y opposèrent, ajoute-t-il. Et pourquoi? Parce que, 
introduite sous le prétexte de défendre la religion, l'In- 
quisition espagnole était une machine de guerre que l'on 


( 850 ) 

pouvait diriger contre n'importe qui. Le courtisan, le 
noble, le riche se sentirent menacés à l'égal du roturier et 
du pauvre. La conscience publique entiére, en dépit des 
sophismes par lesquels on essaya de l'endormir, entrevit 
le hideux cortége des tribunaux armés de pouvoirs exor- 
bitants : la délation, le parjure, l'hypocrisie, la cruauté. 
Sachons gré à l'entourage de Charles-Quint d'avoir refusé 
de s'associer à la pensée de l'empereur; c'est déjà trop, 
pour ses conseillers, que d'avoir rédigé ces édits infâmes, 
oü les peines les plus horribles sont prodiguées comme à 
plaisir, édits qui ne servirent qu'à allumer davantage le feu 
de la révolte et à amener cette terrible guerre dans laquelle 
l'Espagne perdit une moitié des Pays-Bas et vit disparaitre 
la prospérité de l'autre moitié. 

Faire l'histoire des tribunaux exceptionnels, qui presque 
toujours ne produisent que des catastrophes, c'est tou- 
cher à un sujet difficile, mais que l'on ne peut cependant 
négliger. Les travaux historiques doivent avoir pour but de 
nous éclairer et de nous instruire et ne constituent pas un 
simple délassement. C'est surtout aux peuples libres, à 
ceux qui, comme le nótre, entourent l'administration de la 
justice de garanties pour l'accusé, qu'il importe de recueillir 
et de rappeler les tristes exemples donnés par les généra- 
tions qui ont suivi un systéme contraire, et de confondre, 
dans une méme réprobation, les poursuites criminelles 
intentées, avec légèreté, avec violence, sous quelque pré- 
texte que ce soit. C'est assez dire que je propose l'inser- 
tion dans nos Bulletins du travail de M. Duverger. » 


Aprés une discussion générale, la Classe décide l'im- 
pression du travail de M. Duverger dans le Bulletin de la 
séance. 


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€5 


aS, 


Bult gt 


( 881 ) 


Notice sur deux vases archaiques trouvés à Girgenti, 
par M. Ad. de Ceuleneer. 


Rapport de M, Wagener, 


« En 1872 on découvrit dans la carrière de Lodio, prés 
de Girgenti (l’ancienne Agrigente), à une profondeur de 
six métres, un vaste caveau funéraire taillé dans le roc. 
Au fond de ce caveau était placée une tombe, dans laquelle 
on trouva des ossements humains, des dents d'animaux 
trouées et les deux vases archaiques qui forment l'objet de 
la Notice de M. de Ceuleneer. 

Ces deux vases, qui font partie de la collection de 
M. Léopold Dietsch, vice-consul à Girgenti de l'empire 
allemand, et qui mesurent l'un 21, l'autre 25 centimétres 
de haut, présentent, au point de vue de la forme et de 
l'ornementation, des particularités assez curieuses pour 
que M. de Ceuleneer se soit décidé à en faire parvenir à la 
Classe une description détaillée, accompagnée de deux 
photographies. 

Le fond de ces vases est noir; les ornements sont d'un 
rouge assez pàle et se composent de nombreuses lignes 
droites, les unes paralléles, les autres entre-croisées, de 
maniére à former des losanges. Les lignes paralléles sont 
lantót verticales, tantót horizontales, tantót obliques. Mais 
ni dans l'un ni dans l'autre de ces vases on ne trouve la 
moindre trace d'arabesques ou de dessins empruntés à la 
nature végétale ou animale. 

Les différentes circonstances que je viens d'énumérer 
font supposer que nous avons ici affaire à des vases d'une 
très-haute antiquité. 

M. de Ceuleneer, sans se prononcer catégoriquement sur 


( 852 ) 
l'àge deces produits céramiques, n'est pas éloigné de croire 
qu'ils pourraient étre contemporains de la fondation 
d'Agrigente, laquelle eut lieu en l'année 581 av. J.-C. 

Il ajoute, à la vérité, qu'ils pourraient aussi remonter 
à l'époque indépendante des Sicules. « Malheureusement , 
» dit-il, rien ne nous prouve que les Sicanes, ni méme les 
» Sicules, aient eu un établissement soit à Agrigente, 
» soit dans les environs. Il ne nous semble pas non plus 
» que l'on puisse songer à une origine phénicienne , les 
» Phéniciens n'ayant pas occupé cette partie de la Trina- 
» cria. » | 

Ces assertions, surtout la première, me paraissent fort 
sujettes à caution. En effet, Diodore (V, 78) nous parle de 
la ville ou citadelle (z4::) de Camicus, bâtie par Dédale 
dans le pays des Sicanies et faisant plus tard partie du ter- 
ritoire d'Agrigente. 

Et déjà Hérodote (VIT, 170) nous rapporte que les Cré- 
tois, ayant abordé en Sicanie, firent pendant cinq ans le 
siége de la ville de Camicus, qui, ajoute-t-il, était de mon 
temps occupée par ceux d'Agrigente. 

Quoiqu'on ne puisse pas déterminer exactement l'em- 
placement de cette ville, qui plus tard disparait de l'his- 
toire, elle doit, d’après les textes cités plus haut, s'étre 
trouvée dans le voisinage d'Agrigente. Il serait donc fort 
possible que les vases en question fussent un produit de 
l'industrie indigène, antérieure à la fondation d'Agri- 
gente. 

Mais je ne vois pas, d'un autre cóté, de motif péremp- 
toire pour écarter une seconde hypothése, en vertu de 
laquelle ces vases seraient d'origine phénicienne. Les Phé- 
niciens, dit M. de Ceuleneer, n’occupèrent point cette par- 
tie de la Trinacria. Je n'oserais pas, quant à moi, aller 
aussi loin. A peu de distance d'Agrigente se trouvait la 


( 853 ) 
ville de Minoa, appelée plus tard Heraclea Minoa. Minoa 
était, à la vérité, d'aprés Hérodote (V, 46), une colonie de 
Sélinonte, mais le nom de Minoa semble indiquer un établis- 
sement phénicien, qui peut avoir été remplacé plus tard 
par une colonie grecque. 

Si M. de Ceuleneer repousse absolument l'origine phé- 
nicienne de ces vases, c'est en partie, je crois, parce 
qu'il considére leur ornementation purement géométrique 
comme propre à la race indo-germanique. Et pourtant il 
cite lui-méme un vase de l'ile de Chypre orné de losanges 
assez réguliers et portant une inscription phénicienne. 

Sans vouloir contester, d'une maniére absolue, la théorie 
de M. de Ceuleneer relative à l'origine indo-germanique de 
l'ornementation purement géométrique, je ne puis pas 
jusqu'à présent la considérer comme établie et j'aurais 
méme, si c'était le moment d'aborder cette discussion, plus 
d'une objection à formuler contre elle. 

Mais quoi qu'il en soit de cette théorie, qui, si elle était 
fondée, serait. féconde en résultats, je pense que les deux 
vases de Lodio, qui rappellent les plus anciennes poteries 
découvertes par Schliemann dans le Troade et qui ont des 
ornements plus primitifs que celles qu'il a trouvées à My- 
cènes, sont certes assez intéressants pour être reproduits. 
J'ai done l'honneur de proposer à la Classe d'ordonner 
l'impression dans son Bulletin de la Notice de M. de Ceu- 
leneer et de décider également la reproduction, selon toute 
apparence peu coüteuse, des deux photographies qui l'ac- 
compagnent, sans lesquelles la Notice serait inintelli- 
gible. » 


La Classe a adopté ce rapport. 


9"* SÉRIE, TOME XLVII. 55 


( 854 ) 


Découverte d'une tombe romaine à Lovenjoul, etc., par 
M. Galesloot. 


Rapport de M. le baron de Witte. 


« Je viens de lire la communication faite à l'Académie 
par M. L. Galesloot sur la découverte d'une tombe de 
l'époque romaine à Lovenjoul prés de Louvain. Les objets 
recueillis dans cette tombe consistent en quelques vases 
de terre et d'un vase de verre. On n'y a trouvé aucune 
monnaie, ni aucune inscription. C'était un tombeau des 
plus modestes. Malgré le peu d'intérét qui s'attache à 
cette découverte, il est bon de signaler des trouvailles de 
ce genre et l'on ne saurait assez encourager les recherches 
d'hommes qui, comme M. L. Galesloot, montrent un 
zéle des plus louables pour la conservation des antiquités 
qu'on rencontre dans notre pays. 

La communication de M. L. Galesloot est suivie de 
quelques observations sur la villa romaine de Laeken 
dont il a été question , il y a deux ans (1). 

Je propose à l'Académie de faire imprimer la commu- 
nication de M. L. Galesloot dans ses Bulletins. » 


La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles s'est 
rallié M. Wagener, second commissaire. 


(4) Voir Bull. de l'Académie, 9»* série, t. XLIV, 1877, pp. 8353 et 
suivantes. 


( 855 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


Note lue par M. Le Roy sur l'ouvrage intitulé : Dell 
Essere e del Conoscere, studii su Parmenide, Platone e 
Rosmini (De l'étre et du connaitre, études sur Par- 
ménide, Platon et Rosmini), Turin, 1878, in-4°,et sur 
quelques autres écrits de M. le professeur G. Buroni; 
par M. Vincenzo di Giovanni, associé de l'Académie. 


J'ai l'honneur, pour la premiére fois, d'adresser une 
communication directe à la docte Compagnie qui a daigné 
inscrire mon nom sur la liste de ses associés étrangers. Je 
viens lui offrir, au nom de l'auteur, un mémoire acadé- 
mique et quelques opuscules d'un illustre penseur italien, 
M. Joseph Buroni, dont Tommaseo, en 1872, caractéri- 
sait les écrits par ces mots : « Ils méritent non-seulement 
d'étre lus, mais d'étre médités. » Le P. Buroni, profes- 
seur de philosophie et de langue grecque au séminaire 
métropolitain de Turin, est considéré comme l’un des 
plus vaillants champions de la doctrine d'Antonio Rosmini, 
restée florissante en Italie, plus vivace méme qu'aucune de 
ses rivales soit indigènes, soit d'importation étrangère, si 
l'on en juge du moins d'aprés les nombreuses publications 
de ses représentants dans le cours des dernières années. 

Personne n'ignore que le mouvement national italien a 
été puissamment secondé et en partie préparé par la re- 
naissance des études philosophiques, qui fut dés l'abord 


(896) 
une manifestation de patriotisme; on sait également que 
les chefs de l'armée intellectuelle ont été en cette occur- 
rence, dans la haute Italie, Antonio Rosmini et Vincenzo 
Gioberti; dans l'Italie du centre, Terenzio Mamiani et 
Silvestro Centofanti , encore vivant; enfin, Pasquale Gal- 
luppi, Vincenzo di Grazia, Benedetto d' re et Giu- 
seppe Romano dans l'Italie inférieure, c’est-à-dire dans 
les Deux-Siciles. On a voulu avoir une philosophie ita- 
lienne pour avoir une patrie, tout au moins une confédé- 
ration italienne; les commotions de 1848, à Palerme et à 
Turin, ont recu leurimpulsion du désir d'obtenir, après la 
régénération de la pensée et de la science, la régénération 
de la` vie nationale. Mais l’insuccès de ces tentatives a eu 
pour conséquence d'amener des scissions. La pensée a 
perdu son unité de direction; l'Italie s'est trouvée ouverte 
à des influences plus,funestes pour elle, peut-être, que Ja 
domination politique des Allemands. Elle a subi l'invasion 
des écoles étrangéres, notamment de la philosophie hé- 
gélienne, chaleureusement accueillie à Naples au moment 
méme où elle perdait tout crédit sur sa terre natale. On a 
vu cette greffe reprendre vigueur sous le doux ciel napo- 
litain, comme si la séve latine était épuisée, comme si le 
pays des anciens pythagoriciens avait eu besoin de faire 
appel aux abstractions vides et nébuleuses d'un génie 
tudesque, si grandiose qu'il püt être. On s'est imbu de 
l'idée que l'italie ne pouvait revendiquer une philosophie 
à elle, comme la France, l'Angleterre et l'Allemagne. 
Pour le cénacle de Naples, plus de salut en dehors du 
processus dialectique; l'avenir est aux disciples présents 
ou futurs de MM. Vera?et Spaventa; M. le professeur 
Fiorentino, hégélien de seconde maiu , mais allemand jus- 
qu'à la moelle des os, selon l'expression de l'éminent 


( 857 ) 
M. Ad. Franck (1), leur vient à la rescousse : il ne s'agit 
de rien de moins que de pousser le gouvernement à intro- 
niser dans les chaires, tant secondaires que supérieures, 
le système favori. Puis on a vu les nouveaux hégéliens, 
et M. Vera tout d'abord, pactiser avec les matérialistes et 
les positivistes, au grand préjudice de l'enseignement et. 
des écrivains restés fidéles aux bonnes traditions de l'an- 
tique philosophie italienne. Pour mieux fondre ensemble 
les doctrines de l'Italie et de l'Allemagne, on a dénaturé 
la pensée de nos grands génies : c'est ainsi que M. Fio- 
rentino a transformé Pomponace et Telesio en maitres de 
matérialisme, en naturalistes au sens moderne du mot. 
D'autres ont salué en Vico un précurseur du positivisme; 
Gioberti a passé pour un Hegel italien ; Rosmini , qui a plus 
faitque tout autre pour donner une impulsion nouvelle à 
la métaphysique, à la logique, à la morale, perd son iim- 
portance comme philosophe et n'est plus qu'un simple 
théologien, un scolastique. Mais je le demande : que re- 
présentent. donc les hégéliens en Italie? Qu'ils tombent 
en disgrâce auprès du pouvoir : que leur restera-t-il? Où 
sont les écrits de leurs apôtres? Mettez en parallèle les 
traductions françaises de M. Vera et ses commentaires 
sur les livres du maître avec l’œuvre encyclopédique de 
Rosmini, avec les nombreuses publications de Gioberti, si 
riches de doctrine, si pleines d'art et si érudites ; comparez- 
les seulement aux mémoires et aux traités du modeste Pas- 
quale Galuppi, qui a su purifier la philosophie italienne des 
scories du sensualisme, la dégager des liens du criticisme 


(1) Voir Philosophes modernes étrangers et français. Paris, 1879, 
in-12, p.77 


( 858 ) 
kantien et lui rendre enfin son propre vêtement : de bonne 
foi, pesez et jugez... 

La critique dissolvante d'Ausonio Franchi a montré 
plus de vigueur que les efforts de tous les hégéliens 
réunis ; mais il ne suffit pas d'étre un génie plus qu'ordi- 
naire pour fonder quoi que ce soit sur de pures néga- 
tions. Je ne dirai rien de nos matérialistes ou de nos 
évolutionistes, qui se trainent à la remorque de Buchner 
et de Moleschott ou de Darwin, parce qu'ils n'ont pas 
trouvé en Italie des maitres à qui s'attacher : les savants 
indigénes, depuis Galilée jusqu'au P. Secchi, ont peu 
d’attrait pour eux. Je cherche pourtant en vain de quoi 
peuvent se glorifier les psychomécanistes : si leur réalisme 
a contribué à quelque chose, c'est à la décadence des 
études morales et littéraires. Peu logiques, ils sont sur 
le point d'ajouter à toutes leurs négations celle de la 
science elle-même. L'un ou l'autre d'entre eux, M. Villari, 
par exemple, qui du reste est à peine un posiliviste, a pu 
s'acquérir un légitime renom par des monographies d'une 
importance historique incontestable ; mais je voudrais des 
études tendant à rendre la nation meilleure, à élever le 
niveau intellectuel. Où les chercher? Quel contraste avec 
Galluppi, Rosmini, Gioberti et tous ceux qui ont travaillé, 
qui travaillent encore à compléter l'eeuvre féconde des 
grands maitres! Je tiens ici à relever quelques individua- 
lités d'élite, dont l'influence bienfaisante sur l'éducation 
de la jeunesse continue heureusement à se faire sentir , en 
inspirant à la génération nouvelle le désir de rester ita- 
lienne d'esprit et de cœur. Vainement une voix discor- 
dante s'est fait entendre dans cette noble et artistique 
Florence, jadis le siége de l'Académie platonicienne de 
Marsile Ficin, aujourd'hui encore d'une autre Académie, 


( 859 ) 

gardienne depuis des siécles de la langue nationale : les 
excentricités de pensée et de parole de M. Trezza ne sau- 
raient atteindre les Mamiani, les Conti, les Fornari, trois 
noms qui se rattachent, non au hégélianisme, pas davantage 
au positivisme, mais bien franchement à la philosophie ita- 
lienne de vieille roche. Et je me crois fondé à penser que 
les œuvres de ces hommes distingués, toutes nationales 
par les idées comme par la forme, scientifiques et litté- 
raires tout ensemble , seront peut-étre les seules qui passe- 
ront à la postérité pour rendre témoignage de la culture 
de la philosophie et des lettres au sud des Alpes, dans 
cette seconde moitié du XIX* siècle. 

Je ne saurais assez louer M. le professeur Buroni d'avoir 
entrepris de continuer l’œuvre de Rosmini et des princi- 
paux disciples de ce grand homme. Il s'est montré jaloux 
de le défendre vaillamment contre les attaques de toutes 
sortes d'adversaires, et tout d'abord du groupe des néo- 
thomistes. Laissant méme de cóté l'intérét que présentent 
ses interprétations de la sagesse antique, dont l'Italie a 
été l'un des puissants foyers, je constate avec une satis- 
faction profonde qu'une Académie aussi renommée que 
celle de Turin s'est empressée d'accueillir et de publier son 
travail considérable intitulé : Del Essere edel Conoscere, 
studii su Parmenide, Platone e Rosmini (Torino, 1878, 
in-4°). La solution des deux plus grands problèmes qui 
ont de tous les temps préoccupé l'intelligence humaine y 
est recherchée, d'abord par l'analyse des doctrines de 
l'antiquité, puis par le rapprochement de ces théories 
avec l'un des systémes contemporains à l'horizon le plus 
large, je veux dire avec le systéme d'Antonio Rosmini. 
Déjà l'auteur, dans d'autres ouvrages qu'il a jugé à propos 
de joindre ici aux Studii, avait comparé les idées du philo- 


( 860 ) 
sophe de Stresa à celles de saint Thomas, sans contredit 
le représentant le plus éminent et le plus digne de la 
pensée du moyen âge. Mais la portée de son dernier 
mémoire est autrement large. Il comprend cinq livres , in- 
dépendamment des préliminaires où est esquissée à grands 
traits l'histoire de la philosophie en Italie pendant les 
trente premières années de ce siècle, et de la préface, où 
est exposée la théorie rosminienne de la connaissance, 
puis le plan de l'ouvrage rapidement tracé. Le livre I : De 
l'Étre, du principe et de la forme universelle du Con- 
naitre, est divisée en deux sections, l'une critique, l'autre 
doctrinale. L'objet du livre II est la perception intellective 
de la réalité ou la synthèse primitive : la doctrine de 
l'école italique et celle de Platon y sont confrontées avec 
les théses rosminiennes. Le livre III répond aux objections 
que soulève la matière traitée au livre précédent. Le qua- 
triéme : De l'idéation et des idées , met en présence Platon 
et Rosmini; Rosmini et Gioberti ; Platon, Aristote et les 
Mégariques; saint Thomas et les nouveaux scolastiques : 
c’est une dissertation magistrale sur les idées et les réa- 
lités, l'intelligible et le sensible, les idées exemplaires, la 
methexis et la mimesis, le monde métaphysique des êtres, 
la vie et le mouvement des idées, enfin sur la part qui 
appartient dans l'idéation à l'idée de l'Étre, clef de voûte 
de tout le système rosminien, Le livre V aborde la théorie 
de la connaissance de Dieu et les doctrines théosophiques : 
on y remarquera une belle analyse de l'ouvrage posthume 
le plus important de Rosmini (La Théosophie, 5 vol.). 
M. Buroni distingue la théosophie en régressive et pro- 
gressive, eu égard aux deux procédés méthodiques op- 
posés que l'on peut adopter. L'éternité des possibles, la 
création, le pouvoir intuitif de l'esprit humain l’occupent 


( 861 ) 

tour à tour; avec une sage modération, il propose de 
concilier rosminiens et giobertistes au moyen d'une for- 
mule acceptable par ces deux grandes écoles : L'Étre, 
dit-il, est la raison des possibles : cette formule, en effet, 
répond à l'Étre-idée de Rosmini aussi bien qu'à l'Étre- 
cause de Gioberti. « Que les giobertistes, ajoute l'au- 
» teur, ou, comme on les appelle plus communément, les 
» ontologistes consentent à franchir un degré de plus; 
» qu'au lieu de prendre pour la vérité premiére et pour la 
» forme primitive cette proposition : l'Étre est la cause 
» des existences , ils admettent cette autre, plus primitive 
» et plus étendue : L'Étre est la raison des possibles, la 
» conclusion de la paix ne sera pas difficile (p. 405). » Et 
vraiment les écrits de M. Buroni pourraient bien amener 
ce résultat, tout au moins rallier ceux des anciens gio- 
bertistes ou ontologistes qui savent distinguer chez leur 
maitre ce qui provient de la tradition philosophique ita- 
lienne ou y est conforme , de ce qui constitue le caractère 
propre et les opinions particulières de l'écrivain. Le fait 
méme qu'une telle solution est appuyée par un rosminien 
qui ne réclame pas cette qualification dans ses livres, 
bien qu'il soit nettement ontologiste au sens italien, at- 
teste que le fossé qui sépare encore les deux camps philo- 
sophiques les plus importants de l'Italie est bien prés 
d’être comblé : la publication des œuvres posthumes de 
Rosmini et des dissertations de M. Buroni ne le laisseront 
point béant. 

Le livre qui fait l'objetde la présente Note est complété 
par un appendice contenant d'une part l'esquisse d'une 
cosmographie, de l'autre un résumé trés-intéressant des 
doctrines morales de Rosmini, et des idées du méme 
penseur en matiére de pédagogie, de philosophie du droit et 


( 862 ) 
de politique, idées profondes et exposées avec une rare éru- 
dition, mais jusqu'ici dispersées dans de nombreux volumes 
dont nous aurons bientót une édition compléte, due aux 
soins de l'imprimeur Bertolotti, d'Intra : vingt volumes 
sont déjà sortis de ses presses. 

Un mot des Opera minora de M. Buroni. Les Notions 
d'ontologie et la dissertation intitulée : La Trinité et la 
création nous permettent de comparer la Théosophie de 
Rosmini à la Somme de saint Thomas ; les Opuscules phi- 
losophiques soutiennent une défense des doctrines expo- 
sées dans le premier de ces traités, contre les agressions 
des néo-thomistes de la Civiltà cattolica. Je voudrais voir 
l'auteur, si versé dans la philosophie ancienue, continuer 
sa traduction des Dialogues de Platon, dont il n'a fait 
paraître encore que le TAéététe avec notes et observations 
(1873). Ce désir est d'autant plus naturel que, depuis la 
version de Dardi Bembo (1601), des habiles hellénistes 
qui ont tenté de renouveler une telle entreprise ( Prieri, 
Maini, Bonghi, Dal Buono, Airi, etc., pour neciter que les 
contemporains), aucun n'est parvenu à y mettre la dernière 
main. Dieu veuille que le grand travail commencé à Padoue 
par le professeur Ferrai ne reste pas inachevé comme les 
autres! A l'heure qu'il est, M. Ferrai n'a pu encore nous 
livrer que trois volumes, soit dix-sept dialogues, richement 
illustrés, il est vrai, de notes philologiques et historiques. 
Dans la patrie de Marsile Ficin et de Cóme de Médicis, on 
dirait qu'il est devenu impossible de mener à bonne fin, 
faute d'appui, une publication qui, au XV* ou au XVI: siècle, 
se serait fiérement établie sur des bases solides, comme un 
monument de l'honneur national! Il m'en coûte de l'écrire: 
l'Italie semble maintenant se détourner des fortes études 
et de la gravité antique, et ne plus trouver digne de son 


( 865 ) 

attention que la littérature légère. Dominé par des préoc- 
cupations politiques, l'enseignement lui-méme est à la veille 
de tourner au métier et de se rendre complice de cette déca- 
dence. Où sont les grandes œuvres inspirées par de grandes 
idées? Les passions du temps ont tout absorbé ; on s'arréte 
difficilement sur cette pente. Il ne reste aux esprits paisi- 
bles et studieux que la satisfaction de leur propre con- 
science, et l'espoir de trouver en dehors de l'Italie des 
juges impartiaux et des critiques non prévenus. 


Palerme, le 15 mars 1879. 


L'Inquisition en Belgique. Quelques notes; par 
. Arthur Duverger. 


Ouvrez nos histoires de Belgique; parcourez les chapi- 
tres consacrés aux derniers siècles du moyen-àge : pas de 
traces d'idées religieuses nouvelles, pas un mot de l'In- 
quisition. Arrivez au régne de Charles-Quint; et pour ce 
peuple si profondément attaché, semblait-il, à la religion 
romaine, le Saint-Office, apparu tout d'un coup, n'a pas 
assez de tortures, pas assez de fosses, pas assez de büchers! 
La parole fougueuse du moine de Wittemberg, l'entrai- 
nante dialectique du théologien de Genéve, ont-elles pu à 
ce point bouleverser la conscience de nos péres? non : il 
n'est point dans la vie de l'humanité de ces révolutions 
subites et complétes, et avant qu'un homme donne son 
nom à la cause que les circonstances ont fait triompher 
enfin, toujours des centaines de victimes obscures ont 
péri pour cette cause innomée. L'Inquisition a-t-elle pu ne 
s'introduire dans nos provinces qu'au XVI’ siècle seule- 


( 864 ) 

ment? non encore : si elle n'y avait point existé déjà, au 
moins avec une organisation rudimentaire, Charles, Phi- 
lippe, et le Pape lui-méme, n'eussent jamais tenté d'im- 
poser une pareille institution à un peuple parvenu à un 
degré trés élevé de progrès social (1), et cela précisément 
à une époque oü les idées de tolérance, ignorées encore 
des docteurs catholiques et protestants, commencaient à 
circuler parmi les masses (2). — Voilà ce que nous dit 
l'Histoire, et elle a raison contre les historiens. 

Les documents sur le grand mouvement d'émancipation 
religieuse qui se manifesta en Belgique dés le XIe siècle 
(comme dans les républiques italiennes, comme dans le 
midi de la France) pour aboutir enfin à la Réforme, com- 
mencent, il est vrai, à être exhumés des vieux livres et 
des archives; et je crois inutile dé m'en occuper ici : l'on 
cessera bientôt sans doute de considérer comme insigni- 

-fiante cette fermentation des esprits qui nous est si sou- 


(1) L'Empereur, il est vrai, écrivait lui-même le 15 janvier 1524, que 
« l'expédient d'un exprés inquisiteurestoit une gps nouvelle » (GACHARD, 
Correspondance de Philippe II, introd. . J, p. exi); mais la date 
méme de sa lettre prouve qu'il MC hes Ps KE d'un com- 
missaire laïque investi comme Vander Hulst et comme les inquisiteurs 
d'Espagne, de pouvoirs exorbitants et absolument contraires au droit cri- 
minel de nos provinces. 

(2) « Des voix s'élevérent trés tót pour déplorer la rigueur exorbi- 
tante des placards », dit M. PovrrrT dans son Histoire du Droit pénal au 
duché de Brabant depuis l'avénement de Charles-Quint, p. 99; et 
M. Gacnanp écrit: « Le peuple disait hautement qu'il y avait tyrannie à 
violenter les consciences, qu'il était barbare de punir de mort des opinions 
dont Dieu seul était juge. » (Loc. c., p. xxvn.) Les exécutions qui suivi- 
rent les premiers édits de Charles-Quint occasionnérent déjà des mouve- 
ments populaires ; et bientôt, selon le témoignage de Jaco. pz WESENBEKE; 
elles ne se firent plus « qu'avec grand dangier et péril de venir par là en 
quelque tumulte et à sang ». (Mémoires, éd. Rahlenbeek , pp. 71-18.) 


( 865 ) 
vent révélée par les écrits de nos poëtes et de nos philo- 
sophes du moyen-àge; qui donna de nombreux disciples 
à Tanchelm, à Willems Cornelitz et à Jordan de Lille, à 
Marguerite Porrette et à Edwige Bloemars, à Guillaume 
de Hildernissen et à Gilles De Cantere; des fréres aux 
cathares, aux vaudois, aux turlupins, aux béghards , aux 
lollards, aux hussites; des martyrs à tous les büchers (1)! 
Mais les auteurs mémes qui ne croient plus pouvoir résu- 
mer en une ligne l'histoire de nos idées religieuses au 
moyen-àge, répétent encore avec Hopperus qu' « auparavant 
l'hérésie luthérienne suscitée et semée ès Pays-Bas, il n'y 
àvoit en iceulx auleuns inquisiteurs » (2), et que les offi- 


— 


(1) Voyez l'appréciation de Morrzy (la Révolution du XVI: siècle, trad. 
Jottrand et Lacroix, t. I, p. 117), de M. Arex, Henne (Histoire du règne de 
Charles-Quint, t. IV, p. 277),de M. Ares. WAUTER ash pie oires de Viglius 
et d'Hopperus, p. 126, note), de M. Ci. RARLENBEE 

58, 


n 
l'histoire ioc ences des Pays-Bas; — et surtout le livre. HII de la 
grande œuvre e d'AvrmexEn, la Révolution belge et batave au 
XVI: siècle, daii vs rele Ruelens, de la Bibliothéque royale, a bien 
voulu mettre les Mss. à ma demens avec un empressement et une com- 
plaisance dont je tiens à le remercie 
(2) Recueil et Mémorial des odios des Pays-Bas, édit. Wauters, 
. 998. — « Mais estant quelquefois nécessaire de procéder contre aulcuns 
» hérétiques, ajoute Hopperus, envoyoient quérir leur inquisiteurs de 
» Paris pour les pays de la langue françoise et de Coulogne pour ceulx 
» de la langue thioise. » (Cf. le fol. 106 du registre Sur le fait des héré- 
sies et inquisitions, aux Archives du royaume.) Vieurus corrige déjà las- 
sertion de son neveu, NCA reproduite par les écrivains on ic: 
e: 


» lioquistilon, en que déjà avant les nr amenés par l'hé- 


( 866 ) 

ciaux des cours épiscopales, après avoir condamné déjà 
de nombreux hérétiques au XI* et au XII" siècle, suffirent 
pendant trois cents ans encore à réprimer les premières 
tentatives de réforme. L'existence de l'Inquisition en Bel- 
gique, antérieurement au XVI: siècle, complètement niée 
par presque tous les écrivains, est à peine soupçonnée 
par quelques-uns : le fait a trop d'importance pour que 
nous ne cherchions pas à l'établir enfin sur des textes for- 
mels et indiscutables, qu'il serait facile sans doute de mul- 
üplier (1). 

Jusqu'au commencement du XIII: siècle, dans toute la 
chrétienté, les évéques étaient seuls chargés de rechercher, 
de juger, de punir de peines canoniques ou de livrer à la 
justice eriminelle, ceux de leurs diocésains qui s'écartaient 
des croyances orthodoxes. Mais le clergé séculier était, à 
quelques égards, peu propre à une semblable mission. 
Absorbé par ses fonctions multiples, obligé par ses rap- 
ports constants avec l'autorité civile, par le souci de ses 
intéréts temporels, par le soin de sa popularité, à des mé- 


» résie de Luther, cette institution était établie en Brabant. Si quelque 
» débat s'élevait au sujet de la sentence, on avait coutume de mander des 
» iuquisiteurs de Paris ou de Cologne, de la premiére de ces villes lorsque 
» l'affaire devait être discutée en francais, de la seconde lorsqu'il fallait 
» se servir de l'allemand. » (De Philippo secundo rege oratio, éd. Wau- 
ters, p. 124.) Si l'on pèse bien ces expressions; si l'on compare attentive- 
ment les deux passages en se rappelant les liens politiques et ecclésias- 
tiques qui rattachaient notre pays à la France et à l'Allemagne, on sera 
probablement porté à voir là un témoignage implicite de l'existence de 
l'Inquisition dans les Pays-Bas antérieurement au règne de Charles-Quint. 

(1) Une Histoire de l'Inquisition en Belgique devrait, nous le verrons, 
mentionner les noms des inquisiteurs francais et allemands; je ne les 
citerai ici que lorsqu'ils ont, par exemple, dirigé quelque procés dans nos 
provinces. 


( 867 ) 

nagements de tout genre, il penchait volontiers vers la 
tolérance et ne s'acquittait, en général, qu'avec une cer- 
taine mollesse de la tàche qui lui était confiée. Lorsque le 
Saint-Siége essaya de ramener à l'orthodoxie des popula- 
tions entières, celles de la France méridionale, les papes 
comprirent bien vite que des moines animés d'un redouta- 
ble esprit de corps, sans lien intime avec les habitants des 
diverses contrées et soustraits par cela méme à presque 
toutes les influences qui refroidissaient le zéle des prélats, 
mettraient au service de la foi catholique une bien plus 
vive ardeur et pourraient seuls mener à bonne fin l’œuvre 
commencée. L’Inquisition naquit donc pendant les lon- 
gues croisades contre les Albigeois; elle fut régulièrement 
organisée par le concile de Toulouse en 1229, et par le 
pape Grégoire IX qui, sans dépouiller tout à fait les évé- 
ques de leur juridiction, chargea bientót les ordres men- 
diants, les Dominicains surtout, de combattre en tous lieux 
l'hérésie, conjointement avec eux (1). Le pape invita en 
méme temps les princes chrétiens à joindre leur zéle à 
celui des Fréres-Précheurs et à faire punir des peines qu'ils 
avaient méritées les hérétiques convaineus par les inqui- 
siteurs (2). 


(1) Sur les origines et les progrès de l'Inquisition, voyez surtout Eyme- 
RIC, PU AI newest orum; MON, demens on Lro- 
RENTE, Hi d n ORDAIRE, Mémoire 
pour le oies des Frécon Miinus: iooi, Der Cardinal 
imenés ; Lamorue-Lancon, Histoire de ts du France; Horrwas, 
Geschichte d Inquisition; Osti x Lana, La Inquisicion ; Vaissi TE et 
Devic, Histoire du Languedoc; la pra manuscrite de Doar à la 
Bibliothèque di de Paris; et enfin Van ESPEN, m tenetis 
universum, Louvain, 1753-1767, t. I, p. 205, t. II, p. 
(2) RavsArpr, Annales ecclesiastici, t. M, ad an. pange 59 et alibi; 
Sixospg ne Sismonni, Histoire des Français, éd. de Paris, t. VH, 1826, 


( 868 ) 

Un auteur hollandais trés fécond, trés érudit et assez - 
célèbre qui écrivait en 1644, Marc Van Boxhorn, nous 
montre ces inquisileurs, à peine établis, présidant aux 
autodafés dans toute l'Europe et jusque dans les Pays- 
Bas, où les Fréres-Précheurs avaient des couvents depuis 
1224 (1); Lesbroussart pére remarque, en 1786, qu'au 
XVI’ siècle le pays ne s'opposa pas à l'établissement de 
l'Inquisition, puisque celle-ci existait déjà en Belgique (2); 
et Reiffenberg ajoute, en 1825 : mais uniquement à la 
forte organisation qu'elle avait prise sous Charles-Quint, 
qu'elle conservait sous Philippe II (5) ; — aux iniquités 


p. 152. — M. GacnzT à rencontré dans le Ms. de l'Université de Liège i 
no 188, fol. 156, l'analyse des lettres adressées au duc de Brabant Henri Ier 
(Bulletins de la Comm. d'histoire, 1r* série, t. IX, p. 36). J'ai trouvé cette 
bulle en entier, datée du 5 février 1252, dans le Bullarium de RıroLL, 
t 1, p. 57. 
(1) Boxnons, Nederlantsche historie, eerste boek, Leyde, éd. de 1649, 
p. 14. — Sur les premiers établissements des Fréres-Précheurs en Bel- 
gique, voyez CnoovET, Sancli Belgi ordinis fratrum Praedicatorum, 
pp. 9-10 ; De Josue, opi Dominicanum, pp. 1 à 5; et Ricuanp, Hist. 
du Bind des Domin. de 6. 

(9) Journal littéraire et Solids des Pays-Bas autrichiens, Bruxelles- 
Maestricht, 1786, p. 

(3) Introduction aux Minoti de Jacg. Duclerc, t. I, p. 29. — « L'In- 
» quisition qui revendique S'-Dominique pour son fondateur, disait aussi 
» M. KenvyN DE LerTENROYE, en arrivant au règne de Philippe II, exis- 
» tait depuis fort longtemps dans les Pays-Bas, mais elle était restée une 
» institution purement religieuse... Elle ne tendit à se modifier que lors- 
» que Luther, mélant le premier la religion à la politique, précha l'in- 
» surreclion comme le dernier mot de l'hérésie. » (Histoire de Flandre, 
ter édition, t. VI, p. 188.) Mgr. Hér£r£, qui a tant étudié l'Inquisition, re- 
connaît également qu'elle existait en Belgique dés le XIIe siècle (dans 
WELTE Et WETZER, dapes encyclop. de la théologie cios ud trad. 
Goschler, t. XI, p. vo Inquis. d'Espagne). Artum , lui 
à la fois trois vérsions contradictoires : l'Inquisition de était 


e 


( 869 ) 
commises journellement par le Saint- Office, aurait-il pu 
dire encore, et à l'exécution des projets attribués au roi 
qui voulait, prétendait-on, mettre les inquisiteurs belges 
sous la tutelle du conseil supréme de Madrid. 

à est la vérité, et les textes qui vont suivre suffiront 
sans doute à le prouver. Mais je rappellerai tout d'abord 
que si, au moyen-àge, les Pays-Bas relevaient comme fiefs 
de la France et de l'Allemagne; s'ils dépendaient, pour le 
spirituel, d'un archevéché francais et de deux archevéchés 
allemands, ils furent aussi longtemps compris, avant de 
former une province distincte de l'ordre de Saint-Domi- 
nique, partie dans la division francaise, partie dans la 
division teutonique (1). Il suit évidemment de là que ce 
n'étaient pas seulement les inquisiteurs nommés parfois 
expressément pour nos diocéses, qui « besognaient » en 
belgique, mais encore ceux que le pape, ses légats, le 
général de l'ordre, déléguaienten France ou en Allemagne, 
dans la province dominicaine francaise ou dans la province 
leutonique, dans la province ecclésiastique de Reims ou 
dans les provinces de Cologne et de Tréves (2) : en vertu 
méme de leurs commissions, ceux-ci devaient également 
visiter nos contrées ou y envoyer des vicaires. Nous allons 
voir qu'ils n'y manquaient pas, et qu'à toutes les époques 
les inquisiteurs prirent une large part à la répression de 


connue depuis longtemps dans les Pays-Bas;elle y était complétement 
ignorée; dans certains cas on appelait des re de Paris ou de 
Cologne. (L. IV, ch. VH, fol. 658; ch. VI, fol. 567, etc.) 

(1) Voyez la nomenclature des Mnt is ordre dans Quérır et 
Écnanp, Scriptores ordinis Predicatorum, t.1, in princip. 

(2) On rencontre ces différentes Un dais les ouvrages relatifs à 
l'Inquisition, dans le — Bullarium romanum, et dans les volumes 
que je citerai plus loin 

* SÉRIE, TOME XLVII. 56 


( 870 ) 
l'hérésie, concurremment avec nos évêques (1), et selon 
les règles qui régissaient l'Inquisition apostolique dans 
tous les pays de chrétienté (2). 


1252. Aprés avoir recu la bulle de Grégoire IX que j'ai 
citée dans une note précédente, le due de Brabant Henri 
le Guerroyeur, par un mandement du 4 mai dont le texte 
complet nous a été conservé, ordonne à ses vassaux, à ses 
officiers et à tous ses sujets, d'aider de tout leur pouvoir 
les dominicains chargés de poursuivre les hérétiques dans . 
ses États. 

 Rurorr, Bullarium ordinis Fratrum praedicatorum , 
Rome, 1729-1740, t. 1, pp. 37-38. 


1255. Un « bougre » converti et devenu dominicain, 
puis inquisiteur de la foi en France, frére Robert, dirige 
en Flandre, contre les cathares et les vaudois, une longue 
et atroce persécution racontée avec quelque détail par 
Mathieu Paris et par Mouskès. Les poursuites avaient été 
commentées avant 1233 déjà par d'autres dominicains, 
comme on le voit par la première bulle adressée à Robert, 
et une déclaration de l’évêque d'Arras Asso, conservée 


(1) Comme l'inquisiteur, l'évéque conservait le droit de rechercher les 
hérétiques, les sorciers, les blasphémateurs, etc., mais, si chacun d'eux 
pouvait à la rigueur agir seul, en général, avant le XVIe siècle surtout, les 


quée aux accusés, la sentence définitive n'était prononcée, qu'avec le con- 
cours de l'un et de l'autre: en cas de désaccord , le pape décidait. 

(2) Ces règles ont été parfaitement résumées par Ltonewre au chap. IV 
de son Hist. critique de l'Inquisition d'Espagne, et par Scuwipr à la fin 
de son Histoire de la secte et doctrine des Cathares. M suffit de lire dans 
Duclerc le long récit du procès intenté en 1459 aux prétendus vaudois 
de l'Artois, pour ne plus douter qu'elles fussent exactement suivies dans 
nos provinces. (Ducrenc, L. IV, ch. HI et ss.). 


(.871 ) 


aux Archives du département,du Nord, montre qu'elles 
continuaient encore en 1244. 


Maruieu Panis, Historia major Anglic, éd. de Lon- 


dres 1684, pp. 562, 407- 408. — Puitippe MouskEs 
Chronique publiée. par Reiffenberg, t. 1l, Br uxelles 
1858, pp. 607 à 612. — Ars£nicus,. Chronicon, 
éd. Leibniz (t. II des Accessiones historicæ, Leip- 
zig 1698, p. 560. — Sources citées par ge 
Sancti Belgi ordinis FF. predicatorum. Doua 
1618, pp. 268 à 272; etc. — Bulles du 19 avril (dió 
dans RiroLr, t. 1, pp. 46-47 : voyez aussi pp. 80-81. 

— Ancnives DE Litzg, Chambre des comptes, 
1er virtuel ere quite 118; aualysée dans 

es Monuments siens de Sainr-Génôis, t 

Paris et Lille 1782, p. 554, et dans l'Invéntaire 
A pe et Vicent des archives de là 

hambre des comptes à Lille, t. 1, Lille ne 
p. pnt 


1258. Pendant la vacance du siége sepii qui suivit 
la mort de Jean d'Aps, le doyen, les archidiacres et les 
vicaires généraux de Liège, font savoir à tous que le cha- 
pitre a chargé les Fréres-Précheurs de faire l'inquisition 
des hérétiques dans le diocèse, et qu'il attend pour eux, de 
cintah, aide et assistance. 


Liter, Ms. n°188 (1), 


fol. 199. — Analysé par M. bse dans les Bul- 


letins de laCommission d'histoire, 1r° série, t. IX, 
1844, p. 40, et par M. Sr. Bormans dans sa Liste 
chronologique des édits et ordonnances de la 
principauté de Liège. Bruxelles 1875, p. 14. — 
Epu. Pover, Essai sur le droit criminel au 
pays de Liège, pp. 42 et 51 (dans les Mémoires de 
l'Académie, t. XXXVII, 1874). 


(1) Ce manuscrit Vp de nombreux documents sur les Domini- 
cains de la principauté de L 


( 872 ) 

1947. Depuis une quinzaine d'années, l'inquisition 
fonctionnait réguliérement en Bourgogne. Le pape Inno- 
cent IV ordonne pourtant au prieur du couvent de Besancon 
de faire visiter la contrée et d'envoyer des inquisiteurs 
jusque dans la Lotharingie. En 1255 seulement, une bulle 
papale mit fin aux pouvoirs de ces dominicains. 

Ruporr, t. I, pp. 179 et 286. Cf. p. 55 et JEAN DES Lorx, 
Speculum inquisitionis Bisuntinæ, Dóle 1628, 
pp. 138, 143, 152, etc. 

1256. Le pape Alexandre IV autorise la levée sur le 
clergé du Cambrésis d'une taxe qui permette à l’évêque 
d'aequitter les dettes qu'il a contractées, notamment en 
s'occupant à extirper les hérétiques de son diocèse : dettes 
qui supposent, comme l'a fort bien remarqué M. Poullet 
dans un article de revue, l'emploi de commissaires spé- 
ciaux, d'inquisiteurs (1), puisque le délégué habituel de 
l'évéque, l'official, avait, lui, des revenus imputés sur les 
ressources ordinaires de l'église. 

Ancmivss De Lire, Chambre des comptes, 2° cartu- 
laire de Flandre, pièce 610; citée d’après IIn- 


a cité là cinq ou six des faits que je rappelle 
ici et qui, selon moi, ne laissent aucun doute sur 
l'existence de l'Inquisition en Belgique avant le 
XVIe siècle. 


(1) Les dépenses des inquisiteurs de la foi étaient alors à la charge des 
évêques (Exmenic, Directorium inquisitorum, pars TI, qu. 108). En 1244 
le pape Innocent IV avait bien ordonné le partage entre le prince et l'office 
de l'Inquisition de tout ce qui serait confisqué aux ux Hore (Bisrrorn. 
NATIONALE DE Panis, Collection Doat, Ms. n° 51, fol. 91), mais le produit 
des biens meubles des condamnés, les seuls qui fussent attribués à 
l’Église, n’avait pu constituer déjà un véritable fonds de réserve. 


(875 ) 

1977. Par un acte du 15 juillet, le dominicain Simon 
Duval, inquisiteur en France, déclare suspects d'hérésie 
Siger de Brabant et Berner de Nivelles, et ordonne de les 
faire comparaître devant lui, à Saint-Quentin, le dimanche 
après les octaves de l'Épiphanie (16 janvier 1278). Tous 
deux étaient chanoines de S'-Martin, à Liège; ils retour- 
nent dans la ville impériale et échappent ainsi à la juri- 
diction de l'inquisiteur. 

MARTÈNE et DunaNp». Th dot 
t. V, Paris 1717, col. 1812, — Arn. "ht ed Le 
duc Jean Ier, Bruxelles 1862, p. 381; Table des 
chartes et diplóses imprimés, EV ide T 
pp. 618-619. qe Ferr eri de Brabant (dans 
les Bulletin émie,t. XLV, 1878, pp. 534, 
940-541. — Cf. les Garage cités par ces deus 
derniers auteurs; la notice de M. Krnvyw DE 
LETTENHOVE publiée dans les Bulletins de l'Aca- 
démie, t. XX, 1855, 1r* partie, p. 255; et celles de 
MM.BourAniC, RENAN, SaivT-RENÉ-T AILLANDIER, etc. 
— Sur Simon Duval, voyez l'article de Daunou dans 
l'Histoire littéraire de la France, t. XIX, Paris, 
1838, pp. 385 à 387 


Nous arrivons à la grande époque de la civilisation 
communale. La société civile et la société religieuse ont 
cessé d’être étroitement unies; les lois de celle-ci ne 
retrouvent plus une sanction aussi complète dans les 
codes de celle-là, un appui aussi actif du bras séculier (1). 
L'Église a devant elle un peuple libre, prospère, éclairé, 
tolérant; un haut clergé presque indépendant, aux idées 


(1) Cet affaiblissement del'union des deux puissances et la prépondé- 

rance qu'avait prise dans la société communale l'élément laique, sont des 

faits iucontestables dont témoignent, explicitement ou implicitement, 
presque tous les historiens. 


( 874 ) 

singulièrement larges pour le siècle, — et l'ordre de Saint- 
Dominique s'est relâché de sa règle, a perdu son zèle 
d'autrefois (1): Pendant prés de cent ans les évéques ne 
s'occupent plus guère des hérétiques, les inquisiteurs 
cessent de paraitre dans notre histoire religieuse. Mais 
l'épouvantable peste noire désole deux fois l'Europe; une 
recrudescence de mysticisme suit, comme toujours, l'ap- 
parition du fléau ; partout les juifs sont massacrés, partout 
apparaissent les bandes des flagellants et des convulsion- 
naires-danseurs. Les béghards passent le Rhin ; les inqui- 
siteurs les suivent : 


1574. L'empereur d'Allemagne Charles IV qui, sur les 
instances de la cour de Rome, avait réorganisé l'Inquisi- 
tion dans ses États et demandé depuis einq ans, pour tous 
les inquisiteurs, la protection de ses feudataires, recom- 
mande de nouveau à ses vassaux — notamment à son 
frère Wenceslas et à la duchesse Jeanne, pour leurs pays 
de Luxembourg, Limbourg et Brabant — le pére Jean de 
Boland, chargé par le pape de l'office d'inquisiteur dans les 
diocèses de Trèves, de Cologne et de Liège, où il devait 
tout spécialement rechercher les béghards. 

Mosnerx, De Beghardis et Beguinabus commenta- 
rius, Leipzig 1790, pp. 388 à 392; cf. pp. 351 
et 368 


(1) Le pape Urbain IV constatait déjà ce relâchement vers 1264 (KervYN 
pe Lerrennove, Codex Dunensis, p. 109), et l'histoire de l'ordre le met 
gage: en évidence : voyez d'ailleurs Ricmanp, Hist. du couv. des 
Dom. de Lille, p. 25, et Hurren dans le Dictionn. encycl. de la théol. 
Mesa de Welte et Wetzer, v° Dominique (t. IV, pp. 466, 467, trad. 
Goschler) 


(878) 

1598. De trés curieuses « Observationes inquisitoris 
Belgici in magistrorum Coloniensium responsum », datent 
de cette année : elles ont été publiées par le grand écri- 
vain ecclésiastique de l'Allemague. . 

Mosnetw, pp. 445 et sqq. 


v 


1405. Le comte de Hainaut, Albert de Baviére, accorde 
des lettres de protection au père Eylard Schoneveld (1), 
placé par le pape à la tête de l'Inquisition d'Allemagne, 
et lui permet de rechercher les hérétiques et leurs fau- 
teurs dans les pays soumis à sa domination : « gelyck wy 
sculdig syn te doen, dit le prince, ende die goede heren 
keyzers, coninghen, ende anderen vorsten voirtyts gedaen 


hebben » 
ARCHIVES DU ROYAUME DES punti 4 V* memoriale, 
B. L cas. R. 1401-1404, fol. 5 remière 
"uds dn H. Van Wxs, Mund en aen- 
merkingen op. Wagenaar (Vl, 11-12), cité par 
Acquoy, qui donne le texte de ce document aux 
pp. 47-48 de sa thèse Gerardi Magniepistole XVI, 
Amsterdam, 1857. — Le bref pontifical est dans 
Mosngin, pp. 225 à 228. ' 


Aprés la peste et l'affolement des esprits arrive le 
grand désastre de 1582. La liberté communale tombe mar- 
tyrisée aux champs de Roosebeke; et la maison de Bour- 
gogne commence sa politique de centralisation et d'abso- 
lutisme: l'Inquisition va plus que jamais se montrer en 
Belgique. Pouvant invoquer maintenant les nombreux 
priviléges que leur ont accordés depuis deux cents ans les 
conciles et les pontifes romains; autorisés par les plus 


(1) Henri Schoneveld, dans LzwrAwT, Histoire du Concile de Con- 
stance, Amsterdam, 1714, t. II, p. 485. 


( 876 ) 

graves canonistes à ordonner sur un simple indice l'arres- 
tation des suspects, à se servir dans leur procédure se- 
crète de tous les moyens, de toutes les ruses, de toutes 
les tortures qui semblaient propres à convaincre l'héré- 
tique (1); assurés enfin du concours de l'autorité civile, 
que l'Église a constamment réclamé pour eux, les inquisi- 
teurs vont servir le pouvoir absolu en croyant défendre 
uniquement les intéréts de la foi. Tant que la pensée 
osera affirmer son indépendance, tant que le démon de la 
liberté agitera les masses, les büchers resteront allumés 
dans notre malheureuse patrie, malgré l'irritation du 
peuple qui se manifestera souvent, malgré les protestations 
des communes qui exciperont de leurs priviléges et essaye- 
ront toujours de se libérer entiérement de la juridiction 
ecclésiastique. 


1411. Le prieur du couvent des Dominicains à Saint- 
Quentin, figure en qualité d'inquisiteur délégué par auto- 
rité apostolique au diocése de Cambrai, dans le procés fait 
à Guillaume de Hildernissen, religieux carme qui, avec 
Gilles De Cantere, avait préché à Bruxelles et dans tout le 
pays les croyances des Hommes d'intelligence, une branche 
de la secte des Fréres de l'esprit libre. 

Sources citées par Cosme pe Virus, Bibliotheca 
Carmelitana, t. 1, Orléans 1752, col. 602. — Pa- 
quor, Mémoires pour servir à I Histoire littéraire 
des XVII provinces des Pays-Bas, Louvain 1763- 


(1) Voyez le Directorium inquisitorum de Nicoras Exmeric, composé 
en 1578, L'ouvrage de l'inquisiteur d'Aragon, écrit avant l'organisation 
politique de l'Inquisition en Espagne, et complété plus tard, à Rome, par 
e père Pegna, servit constamment de code à toutes les inquisitions parti- 
culières dirigées de Rome par la congrégation du Saint-Office. 


( 877 ) 

1710, t. VIII, p. 97 (1). — Barvze, Miscellanea 
t. 11, Paris 1679, p. 280, — Da D'ÅRGENTRÉ, 
Collectio judiciorum de novis erroribus qui in 
Ecclesia proscripti sunt et ah Paris 1728- 
een t. I, 2e partie, p. 202, — Gousser, Les Actes 

de la province ecclésiastique de dd: Reims 
1842, t. II, p. 669, etc 


— Pierre Floure, « inquisiteur des bougres de France, » 
vient remontrer aux échevihs de Lille qu'il y a dans la 
ville « aulcunes personnes souspechonnées de estre enti- 
quiées de hérézie et incrédulité; » et l'année suivante 
(1419) le messager de la ville porté des lettres closes à 
l'évêque de Térouane, parce qu'on a appris « que l'inqui- 
siteur des bougres à Thérouane, en sa prédicacion faisant, 
avoit accusé et empeschié du péchiet de hérézie certaines 
personnes demorant à Lille. » 

La Fows-MÉzicoco, dans les Archives historiques du 
nord de la France et du midi de la Belgique, 
5e série, t. VI, Valenciennes 1857, p. 209. — Sur 
Pierre Floure, voyez Quérir et Écuanp, Scriptores 
ordinis Predicatorum , Paris 1719, t. I, pp. 754- 
755. 


1416. L’évêque de Tournai et Pierre Floure, « maitre 
des bougres et inquisiteur sur le faict de la foy, » aban- 
donnent aux prévot et jurés de Tournai un appareilleur 
de draps nommé Piérart Dupart. L'hérétique est pendu. 

ARCHIVES COMMUNALES DE Tournai, {re section, re- 
gistre de la Loy n° 141. — Cte ne Névoncez, Des 
anciennes Lois criminelles de Tournai, p. 285. 
(Mémoires de la Société historique et littéraire de 
Tournai, t. IX, 1867.) 


M 


(1) En complétant le traité de Mozanvs, de Canonicis (Louvain 1635), 
Paquot voulait notamment y ajouter un paragraphe sur les inquisiteurs 
en Belgique : voyez le Ms. n° 16505 de la Bibliothèque royale, fol. 258. 


( 878 ) 

1417. Des habitants de Lille avaient été cités à Tournai 
comme suspects d'hérésie. Le magistrat fit vainement 
demander à l'évéque et à l'inquisiteur qu'ils traitassent les 
accusés « doulcement et sans escandale » : il dut faire 
élever un échafaud sur le grand marché de la ville, et l'in- 
quisiteur vint y précher « trois personnes errans contre la 
foy. » 

Hovpov, Chapitre de l'histoire de Lille, Lille 1872, 
p. 48. T 

1420. L'Inquisition , fortement protégée par le domini- 
cain Martin Porée devenu évéque d'Arras, découvre des 
turlupins à Douai; ils sont conduits dans la ville épisco- 
pale et jugés par l'évéque et par l'inquisiteur de la foi. — Les 
échevins de Douai parvinrent à conserver leurs biens aux 
enfants des malheureux hérétiques, en s'appuyant sur les 
privilèges de la châtellenie qui exemptaient les habitants 
de la peine de la confiscalion. 

Mss. cités par Buzeuin, Annales Gallo- Flandrie, 
Douai 1624, p. 384. — Henvesenr, Hisl. générale 
de la province d'Artois. Lille et S'-Omer 1786- 
1789, t. HI, p. 549. — Provvais, Souvenirs à 
l'usage des habitants de Douai, Douai 1822, 
p. 568; etc. — Voyez encore dom Deviense, His- 
toire de l'Artois, s. 1. 1784-1787, 3° partie, p. 95. 


1427. Par lettres patentes du 4 septembre, Philippe le 
Bon reconnait au pére Guillaume Brunairt les pouvoirs 
inquisitoriaux dont ce dominicain a été investi par le pape; 
il l'autorise à rechercher les hérétiques dans les pays de 
Hollande, de Zélande, de Frise; lui promet sa protection ; et 
commande aux magistrats el aux habitants de le recevoir 
« avec honneur et révérence, » d'obéir à ses réquisitions. 

Texte dans Vaw Miénis, Groot charterboek der gra- 
ven van Holland, Zeeland en heeren van Vries- 
land, Leyde 1753-1756, t. IV, p. 898. 


( 879 ) 

1499. Le 21 décembre, les vicaires généraux de Tournai, 
l'évéque de Soissons agissant pour l'évéque Jean de Thoisy 
alors absent, et l'inquisiteur de la foi, abandonnent au 
bras séculier un nommé Jacquemart, de Bléharies, détenu 
depuis longtemps comme suspect d'hérésie. — Le 16 jan- 
vier de l'année suivante, d'autres hérétiques comparaissent 
devant les mémes juges : deux d'entre eux sont livrés au 
prévót, qui les envoie au bücher. 

ARCHIVES COMMUNALES DE TounNar, 1re Section, re- 
d de la Loy n 1. — Cte pe dom 
p. 295-296. — Pour le dernier fait, 
outre Sd Souvenirs de la Flandre AE 
t. VIII, Douai 1868, p. 20 (1). 


1450. Philippe le Bon ordonne à ses officiers d'arréter 
et de livrer à l'Inquisition les habitants de Lille, Tourcoing 
el autres lieux, qui sont ou seront soupconnés par les 
inquisiteurs de partager les opinions de Jéróme de Prague. 

Ancnivrs DE Litre, Chambre des comptes, série D, 
carton n° 1484. — Despzanque, dans les Annales 
du comité flamand de France, t. VIII, Lille 1864- 
1865, p. 257 (simple allusion : voyez le texte de la 
piéce à la fin de cette notice). 


— Par un mandement du 24 mars, le duc met fin aux 
débats qui s'étaient élevés entre ses officiers, les échevins 
de Lille et la justice ecclésiastique, au sujet d'une sen- 
tence prononcée par Jean de Thoisy, évéque de Tournai, et 
Lambert de Campo, vicaire de l'inquisiteur de la foi ; et il 


(1) Rien ne Miis tM qu'il se soit agi là de turlupins, comme le 
veut l'auteur de la n 


( 880 ) 

est forcé « pour ceste fois » de faire droit aux réclama- 

tions d'une des plus puissantes communes de Flandre. 
Ancmives pe Lie, Chambre des comptes, 9* registre 
des chartes, fol. 15 v^: j'ai publié cette pièce 
in extenso dans les Bulletins de la Commission 
d'histoire, 4* série, t. VI, pp. 159 à 146. — Sur 
ambert de Campo, voyez SÉcuren, Laurea Bel- 
gica FF. ordinis Predicatorum, Tournai 1659, 

t. II, p. 155 


1436. Les comptes de Namur portent en dépense ce 
« qui fu présenté aux inquisiteurs envoiés en ceste ville 
de par Mons. le Duc, qui logarent à l'ostel au Cerf. » 
ARCHIVES COMMUNALES DE Namur, Comptes de la ville, 
année 1456, fol. 50 vo. — J. Borener, dans les 
Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique 
de la Belgique,t. I1, Louvain 1865, p. 99 


1450. (4) On rencontre vers cette époque deux Péres 


(1) Horperus mentionne, sans autres détails, l'intervention d'un inqui- 
siteur dans un procès jugé à Douai en 1448 (Recueil et Mémorial des 
troubles, p. 298). D'autre part, au ch. VII de son Histoire des causes de 
la Désunion, etc. (Ms. n° 15580 de la Bibliothèque royale), RENOM De 
FRANCE, apielant également les discussions qui eurent lieu au conseil 
d'Etat et au conseil privé sur les origines de l'Inquisition, cite sous la 
méme date une sentence rendue à Lille, contre plusieurs hérétiques, par 
l'évéque de Tournai et le vicaire de l'inquisition de la foi. Les annalistes 
contemporains sont muets sur ces faits, et il s'agit trés probablement 
dans les deux relations d'une seule affaire, — de celle qui occasionna 
entre les échevins de Lille, les officiers du duc de Bourgogne et la justice 
ecclésiastique, le conflit auquel mit fin le mandement de 1450 cité plus 
haut. Ce mandement « regardoit les villes et chastellenies de Lille, Douay 
et Orchies », et la copie qu'on en possédait à Bruxelles était datée du 

7 juillet 1548 : Il est facile de comprendre comment les erreurs ont pu 
être commises. — Ainsi disparaissent toutes les objections que faisait 
VaNDER Vyxckr, à propos de ce prétendu fait d'inquisition de 1448, dans 
son Histoire des troubles des Pays-Bas (éd. Tarte, t. IT, p. 10 


^ 


( 881 
du couvent de Lille, Nicolas Rollin et Jean Du Coin, 
chargés des fonctions d'inquisiteurs de la foi. 


Ricuanp, Histoire du couvent des Dominicains de 
Lille, Liége 1782, p. 


1458. Un dominicain du couvent de Groningue figure 
en qualité d'inquisiteur de la foi dans le procés d'Epke de 
Harlem et de Nicolas de Naarden, jugés sous l'autorité du 
duc de Bourgogne par un tribunal bien évidemment com- 
posé d'aprés les régles de procédure du Saint-Office. 

Mss. des archives d'Alekmaar et de la Bibliothèque 
royale de La Haye, cités par Mort, Kerkgeschie- 
denis van Nederland voor de hervorming, 
Arnheim-Utrecht 1864-1871, 2° partie, 3° fasc., 
pp. 98, 100 et 116. 


1459. Le dominicain Pierre Lebloussart, vicaire, pour 
la ville et le diocése d'Arras, de Roland de Conzic, inqui- 
siteur général de la foi délégué par autorité apostolique 
au royaume de France (1), fait commencer contre les pré- 
tendus vaudois de l'Artois des poursuites auxquelles pren- 
dront part encore les inquisiteurs de Tournai et de Cam- 
brai, et auxquelles l'indignation du peuple pourra seule 
mettre fin. Ce procés célébre, dont je raconterai bientót 
ailleurs, d'aprés toutes les sources encore inédites, les 
émouvantes péripéties, est le seul dont nous ayons des 
relations détaillées, mais elles suffisent, comme je l'ai dit 
déjà, pour nous montrer que la procédure était absolument 


(1) Roland de Conzic était inquisiteur général depuis 1453 (Rirortr, 
t. II. p. 517); Quérir et Écnanp se trompent certainement lorsqu'ils pla- 
cent sa nomination en 1471 (t I. p. 812). 


( 882 ) 
la méme en Belgique que dans les autres pays où l'Inqui- 
sition s'était établie. 
Sentence du 7 juillet 1460, dans les piéces jointes 
aux Observalions sur l'échevinage d'Arras, de 
Cu. pe WicNacounT (publié en 1864 m. po 
mie d'Arras), p. — Jacques Duc , Mé- 
moires, éd. Reitenberg, Bruxelles 182 nf 4855, 
t. III, pp. 42, 48, 65; e 


1465. Nicolas. Jacquier, chargé comme inquisiteur de 
rechercher les hérétiques et les soreiers dans la province 
de France, dirige le procés des turlupins de Lille, procés 
presque aussi connu que le précédent par le récit de Du- 
clerc et d'une foule d'historiens. 

Qu£rir et Écnanp, t, 1, pp. 847-848. — RICHARD , 
pp. 51-32. — Paquor, t. XVIII, pp. 56 à 58. — 
Duczerc, t. IV, pp. 245 à 245; etc. 


Toutes nos provinces étaient maintenant réunies sous le 
sceptre de fer des ducs de Bourgogne, princes fort reli- 
gieux selon les idées du temps, mais surtout politiques 
habiles qui se servaient de l'Église elle-méme pour arriver 
à la réalisation de leurs desseins, et se faisaient payer par 
des complaisances de tout genre le zéle qu'ils affichaient 
pour la foi catholique. La centralisation voulue par les 
ducs faisaient d'immenses progrés. De plus, une réforme 
venait de s'opérer dans l'ordre de Saint-Dominique et avait 
abouti, vers 1464, à la eréation de la Congrégation hol- 
landaise, composée d'abord uniquement des couvents des 
Pays-Bas et qui avait conquis presque immédiatement une 
sorte d'autonomie (1). Peut-étre tout cela explique-t-il la 


(4) De Joxeme, Belgium Dominicanum, pp. 5 à 10; et les autres his- 
toriens de l'ordre. 


( 885 ) 
nomination pour notre pays d'un grand inquisiteur ayant 
le droit de déléguer des vicaires dans les différentes villes 
à l'exclusion probablement des inquisiteurs de France et 
d'Allemagne : 


L'Université de Louvain reconnut le 7 novembre 1474, 
au dominicain belge Jean de Bomal, visiteur de la Congré- 
gation, ce titre d'inquisiteur général! de la foi en Belgique, 
qui lui avait été conféré par Paul II ou Sixte IV. 


GRILLEBERT DE E Haye, Bibliotheca Belgo-Domini- 
cana : Ms. cité par Qv£rir et Écrann, t. T, p. 855. 
— Forrexs, HO Belgica , eni 1739, 
t. T, p. 585. — Paquor, t. XVII, p. 259: l'auteur à 
consulté fà archives de Louvain. — Taruier et 
WavrEns, Géographie et hisloire des communes 
id Ge $ LE (canton de Jodoigne), Bruxelles 

872, p. 534. — Cf. Sweerts, Athene Belgicæ, 
AUTRE p. 598. — VarEnE Anpré, Bibliotheca 
Be elgica, Louvain, éd. de 1645, p. 465, et Fasti 
academici T aniensis, Louvain 1650, p. 88 
SécviEn, t. T, pp.15 à 16. — De Joxon, Bein 
Donne télés 1719, p. 149. 


Jean de Bomal mourut en 1477 et je ne saurais dire si 
on lui donna régulièrement des successeurs. Toutefois, 
nous continuons à rencontrer partout les juges ecclésias- 
tiques et nous verrons bientót le pape nommant encore un 
grand inquisiteur pour les XVII provinces des Pays-Bas. 


1472. A peu prés vers cette année, un carme (1), Hubert 


1) On sait que les fonctions inquisitoriales , réservées surtout aux Do- 
minicains, étaient assez souvent confiées aux Franciscains, et parfois — 
mais exceptionnellement , il est vrai, du moins avant le XVIe siècle — à 


( 884 ) 
Léonard, qui devint deux ans plus tard suffragant de 
l'évéque Louis de Bourbon, avait la charge d'inquisiteur 
de la foi dans la principauté de Liège et y réprimait une 
hérésie, assez mal connue, qui avait son foyer à Nivelles. 
Sources citées par Cosme pr Virriers, t. I, col. 667; 
voy. encore t. Il, col. 924-925. — Paquo EL X, 
p. PA — Knit, L'Église de pis et la 

Révolution, Bruxelles 1862, p. 11. 


^ 


1477. Eustache Leenwercke, inquisiteur à Bruges, 
« prêche » publiquement un certain Jean, clerc de la 
paroisse de Becelare, prés d'Ypres; par grâce spéciale, lhé- 
rétique n'est condamné qu'à la prison perpétuelle (1). 
Antoine DE Roovere , dits die excellente Cronike van 
Vlaenderen, Anvers 1551, fol. 198 v», — Quérir et 
Écnanp, t. I. p. 869. — De Joncue, p. 178. 


1484. L'un des Péres dominicains les plus célébres du 
couvent de Lille, Michel Francois, qui fut honoré de hautes 
dignités ecclésiastiques et mourut évêque de Sélymbrie, 
devient inquisiteur dans le diocèse de Cambrai et y re- 
cherche les hérétiques de commun accord avec l’évêque 
Henri de Bergues. 

Rucmanp, p. 59 : L'auteur consacre seize pages de 
son livre à la biographie de cet inquisiteur. Voyez 
encore Séquter, t. II, pp. 180 et ss., et Rirort, 
t. IV, p. 202. 


d'autres moines ou prétres. Il est assez curieux de rappeler à ce propos que 
le célébre fondateur des Fréres de la vie commune, Gérard Groot, qui eut 
tant à lutter contres les ordres mendiants, était lui-méme, vers 1578, 
inquisiteur dans la province de Cologne 

(1) C'est uniquement sur ce fait et sur le procés des vaudois de l'Ar- 
tois que Lessnoussanr et RerrrENBERG se sont fondés pour affirmer l'exis- 
tence de l'Inquisition en Belgique avant le XVf* siècle. 


( 885 ) 
` 1491. Une charte de l'église de Beauvais donne le titre 
d'inquisiteur de la foi à Robert Briconnet, abbé de S'-Vaast 
à Arras, qui devint plus tard eret de Reims. 
Scévore et Louis pe SamrE-Manruz, etc. Gallia 


ré Fébdinic en cours di publication, 
t. IIl; 9. 


1495. Sur la proposition du général de l'ordre des Do- 
minicains, Alexandre VI nomme le père Michel Francois 
inquisiteur général de la foi dans toutes les provinces des 
Pays-Bas, soumises à Philippe le Bon. Tout en continuant 
à poursuivre l'hérésie dans le diocése de Cambrai, Michel 
était devenu confesseur de Maximilien et précepteur du 
jeune archiduc. 

Rucmanp, p. 42. — Quérir et Ecnanp, t. Il, p. 7. — 
Foppzss, t. If, p. 891. — Paquor ,t. VI, p. 96. 


1505. Par une bulle du 8 février, Jules II nomme le 
père Égide de Hollande inquisiteur dans le diocèse de 
Liège. Voici les termes de cette commission, absolument 
semblable d'ailleurs à celles que j'ai rencontrées pour les 
inquisiteurs étrangers : 


« Julius episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio Egidio 
de Hollandia, ordinis F. F. Praedicatorum, salutem et 
apostolicam benedictionem! 

» Considerantes tuae circonspectionis industriam in multis, 
et arduis, saepius approbatem, ac alia grandia virtutum in- 
signia, quibus personam tuam bonorum dator altissimus 
decoravit, ea, quae gravis sunt ponderis tibi fiducialiter 
committimus, sperantes firmiter, quin potius pro certo 
tenentes, quod ad illa efficaciter exequenda, ferventer inten- 
das, intentum animi dirigas, et operosae solicitudinis studio 
prosequaris. Hine est, quod Nos, qui desideramus, et in votis 

2"* sÉRIE, TOME XLVII. 51 


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= 


» 


( 886 ) 

gerimus, ut fides catholica, nostris prosperetur temporibus, 
et pravitas perversorum hominum, erroresque eorundem de 
finibus fidelium extirpentur, circa extirpationem eandem, 
salubriter et utiliter providere intendentes, te in partibus 
catholicis Leodien., eum omnibus, et singulis immunitati- 
bus, privilegiis, gratiis, et libertatibus, Inquisitoribus dictae 
pravitatis a jure, vel consuetudine, hactenus concessis, in 
causis haeresum, Inquisitorem facimus, constituimus, et 
etiam deputamus, dantes, et concedantes tibi contra omnes 
dictam pravitatem credentes, receptatores, fautores et defen- 
sores eorum, tam ecclesiasticas quam seculares utriusque 
sexus personas exemptas, et non exemptas, cujuscumque 
etiam dignitatis, status, gradus, ordinis, vel conditionis exis- 
tant, neenon infamatos, vel suspectos de haeresi proce- 
dendi, ac officium Inquisitoris tibi commissum exequendi, 
juxta eanonicas sanctiones, neenon alia faciendi, quae de 
jure, vel consuetudine Inquisitores pravitatis praedictae, 
quomodolibet faeere consueverunt, seu etiam potuerunt, 
plenam, et liberam auctoritate apostolica tenore praesen- 
tium concedimus facultatem. Per concessionem autem hujus- 
modi, non intendimus potestati, ac jurisdictioni aliorum 
Inquisitorum a Nobis, vel aliis, ad hoc auctoritatem haben- 
tibus, in aliquo derogare. 

» Datum Romae, apud S. Petrum, anno Incarnationis Domi- 
nicae millesimo quingentesimo quarto (stylo bullarum), 
sexto idus februaris, pontificatus Nostri anno secundo » 

Riwoze, t. IV, p. 217. 


— Nicolas Venne meurt à Bruges aprés avoir, durant 


de longues années, exercé en Flandre les fonctions d'inqui- 
siteur (1). On trouve aprés lui, jusqu'en 1526, les domini- 


(1) Peut-étre avait-il succédé à Eustache Leenwercke, mort en 1485. 


( 887 ) 
cains Sébastien De Witte, Jean Hellinck et André Caulis. 
Quérir et Écran», t. II, p. 11. — De Joxeue, p. 179. 


1507. Mort de Jean Vasseur, prieur du couvent de 
S'-Omer, évêque in partibus, suffragant de l'évéque de 
Térouane, et inquisiteur de la foi. 


Séevier, t. I], p. 158. Voyez encore sur ce domini- 
cain les bulles publiées par RıroLL, t IV, pp.81-82. 


1512. L'inquisiteur André Hugo quitte son couvent de 
La Haye pour devenir prieur du couvent de Louvain. 


De deu x n Batavia dominicana , Gand 
1717, 


— Le dominicain belge Jacques d'Hoogstraeten, qui 
restera jusqu'en 1527 inquisiteur de la foi dans les pro- 
vinces de Cologne, Mayence et Tréves, se rend à La Haye, 
et, assisté du doyen de cette ville délégué par l'éévéque 
d'Utrecht, il abandonne au bourreau, comme relaps, Her- 
man Van Ryswick, déjà condamné pour hérésie, en 1502, 
à un emprisonnement perpétuel (1). 

Morz, 9* part., 5° fasc., pp. 107 et 117, et les sources 
indiquées p. 108. — Sur Jacques d'Hoogstraeten, 
voyez surtout Quérir et Écnanp, t. II, pp. 67 et ss. 


1515. L'inquisiteur Daniel Alaert meurt à Gand. — 
Cette méme année, Léon X décide qu'en droit comme en 


(4) Voyez Mozz, loc. cit.: le procès, jugé à Utrecht, avait également été 
dirigé par un inquisiteur de la foi. Je n'ai point mentionné cette condam- 
nation à sa date, ni celles que prononcérent d'autres inquisiteurs dans 
cette méme ville en 1478, 1482 et 1495 (Morr, 2° partie, fasc. 1 à 5), 
l'évéque d'Utrecht étant encore alors prince souverain du pays 


( 888 ) 
fait les Pays-Bas formeront désormais une provinee dis- 
tincte de l'ordre de S'-Dominique, sous le nom de Ger- 
manie inférieure. 
De Joxenz, Belgium, pp. 70 et 11. 


1519. Mort de l'inquisiteur Jean de Colle, docteur en 
théologie et prieur du couvent de Bois-le-Duc. 


De Jowene, Batavia, p. 106. 


1521. Par un mandement du 6 décembre, l'évêque de 
Cambrai, Robert de Croy, charge Jacques Masson et Nicolas 
Baechem d'informer contre les luthériens comme inqui- 
siteurs de la foi dans son diocése, et, notamment, de s'en- 
quérir des mœurs et de la doctrine du prieur du couvent 
des Augustins, à Anvers. On sait que ce premier procès, 
dirigée contre Jaeques Spreng, se termina par l'abjuration 
publique de l’accusé, qui rétracta, le 9 février 1522, dans 
l'église de S^-Gudule, à Bruxelles, toutes ses propositions 
entachées d'hérésie. 

Korte beschryvinge van alle de gouverneurs der 
Nederlanden, t. I (Ms. n° 16514 de la Bibliothèque 
royale) fol. 554, — Sur Jacq. Latomus, voyez sur- 
tout PAQvor, t. XIII, pp. 45 à 57, et sur Nic. Eg- 
mundanus, Cosme pe ViLLixns, t. II, col. 478-479. 
Ces deux inquisiteurs sont bien connus d'ailleurs 
parles Epistolæ d'Erasme et les témoignages nom- 
breux des contemporains. 


Les prédications de Luther commençaient, on le voit, à 
retentir jusque dans nos provinces. Pour s'opposer aux 
progrés de la Réforme, dont il eraignait avant tout les ten- 
dances politiques, Charles-Quint, en lançant ses premiers 


( 889 ) 

édits contre l'hérésie (1), avait voulu d'abord eréer en Bel- 
gique un véritable Conseil supréme de l’Inquisition, ana- 
logue à celui qui existait en Espagne, et composé de deux 
inquisiteurs généraux : Josse de Loveringhen, gouverneur 
de Malines, et Nicolas Coppin, docteur en théologie de 
Mons; de quatre assesseurs : Angeli, membre du conseil 
privé, Gérard Van Assendelff, chevalier, Jacques Sasbout , 
docteur en droit, et Renier Brunthus, procureur fiscal; et 
d'un secrétaire : Arnold Sandelin (2). Une opposition géné- 
rale lui fit abandonner ce projet, et il se contenta, en 1592, 
d'établir — sans tenir compte des droits de juridiction 
exclusive constamment réclamés par l'Église — un com- 
missaire laique, le conseiller Francois Vander Hulst, « pour 
rechercher tous ceux qui seraient infectés du venin de 
l'hérésie (5). » 


Le 1* juin 1525, le pape Adrien VI régularise complai- 
samment la position de Vander Hulst en le nommant, par 


(1) Les qeu placards publiés en Belgique contre la Réforme, sont 
ceux du 22 mars et du 8 mai 1521. E Sur le fait des inquisitions, 
fol. 650; Perd de Paar t. I, p. 88.) 

(2) Lovis Rasus, Historien der Ho yligen, Strasbourg 1552, t. IIT, 
fol. 109; cité par RUE r Église de Liège et la Révolution, pp. 351-32, 
note, — Sur ces projets d'une organisation politique de l'Inquisition dans 
les Pays-Bas, voyez d'ailleurs la lettre de Charles, du 25 mai 1558, publiée 
par M. Gacnanp dans sa notice Sur le séjour de Charles-Quint au mo- 
nastére de Yuste (Bulletins de l'Académie, t. XII, 1845, 17° part., p. 254), 

— lettre oü il s'agit bien évidemment d'une inquisition semblable à celle 
d'Espagne, comme le reconnaissent MM. Juste, Poulle es 
explications trés nettes de Philippe II, dans les Bi ibliothéques dé Madrid 

et de l'Escurial, p. 86. 

(3) Gacuanp, Corresp. de Philippe IT, t. 1, p. cix. 


— 
— 


( 890 ) 

une dérogation expresse aux canons, inquisiteur général 
et universel dans tous les lieux de la Germanie inférieure 
soumis à la domination de l'empereur. Suivant la formule 
consacrée , le souverain pontife déclare toutefois que cette 
nomination ne portera aucun préjudice aux droits des évé- 

ques et des inquisiteurs précédemment établis. 
ARCHIVES DU ROYAUME, papiers d'État, registre Sur le 
fait des had e et spa fol. 612 à 617. 
— Gacnmanp, Rapport servant d'introduction à la 
de de jest II, t. I, Bruxelles, 

1848, p. cx; — etc 


L'histoire du Saint-Office dans les Pays-Bas, au XVI* siè- 
cle, a fait l’objet de travaux nombreux (1), et elle est 
aujourd'hui assez bien connue (2). On sait qu'aprés avoir 


(1) Par son rapport à M. de Theux sur les archives de Simancas 
(pp. cvin à cxxvr) M. Gacnanp a, cette fois encore, ouvert la voie à tous 
nos écrivains, et l'histoire de l'Inquisition a maintenant son chapitre dans 
tous les ouvrages relatifs au XVIe siécle : voyez entre autres l'Histoire du 
règne de Charles-Quint en Belgique, d'Acex. Henne; la Révolution du 
XVIe siècle, de Morrer ; l Rist. de la Révol. des Pays-Bas sous Phi- 
lippe II, de Tn. Juste; la Geschiedenis der Nederlandsche beroerten, du 
Dr Nuvens; et la grande œuvre inédite d'Azrueyer. M. PouLLET a fait une 
savante étude de l'Inquisition au point de vue juridique dans son Histoire 
du droit pénal au duché de Brabant depuis l'avénement de Charles- 
Quint (Mémoires de l'Académie, t. XXXV, 1870), et il a complété ce tra- 
vail dans un article trés remarquable sur la Répression de l'hérésie au 
XVIe siècle, publié dans la Revue générale (août et décembre 1877). 

2) Il est regrettable toutefois qu'on n'ait point songé à consulter les 
ouvrages des Dominicains ; on y aurait relevé les noms des inquisiteurs 
délégués dans toutes les parties du pays; car si, au XVI* siécle, de sim- 
ples moines ne suflisaient plus pour occuper les postes les plus impor- 
tants, l'ordre donna encore à l'Inquisition ses plus nombreux, ses plus 


( 894 ) 

voulu donner à l’Inquisition, dans nos provinces, la formi- 
dable organisation mixte qu'elle avait en Espagne, Charles 
dut laisser pendant quelques années les délégués aposto- 
liques complètement indépendants du pouvoir temporel; 
mais qu'enfin, en 1546, il parvint à rétablir des rapports 
plus intimes entre les inquisiteurs et le gouvernement; 
on sait aussi que, pendant tout son règne, Philippe H 
ne changea rien à l’organisation réglée par son père de 
commun accord avec les souverains pontifes, et que la 
Pacification de Gand vint seule la faire disparaître, en 
attendant que les inquisiteurs de la foi cessassent bientôt 
eux-mêmes de participer aux jugements des évêques. — 
Je puis donc m'arréter ici et résumer les notes qui précè- 
dent : 

L'ordre de Saint-Dominique, approuvé en 1216, avait 
presque immédiatement établi ses couvents dans toute la 
chrétienté et s'était partagé l'Europe en provinces. Lors- 


zélés serviteurs. De 1525 à 1576, une trentaine de pères eurent le titre 
d'inquisiteur de la foi, en Belgique; je me contenterai ici de citer des 
noms, en suivant autant que possible l'ordre chronologique: Jean Lan- 
nau, Jean Fretin, Jean Nockaert, Vincent de Beverwyck, Bernard Gruwel, 
Francois de Beka, Laurent Laurent, Jean Oudenschellinck, Paul Van 
Neeren, Jean Baerle, Godefroid Stryrode, Pierre le Clercq, Corneille Van 
Eertborn, Thomas de Capella, Jean Denis, Jean Vanden Bundere, Liévin 
de Mil, Jean de Crock, Jean Heuten, Jean Walter, Balthazar Tellier, 
Dominique Anselme, Antoine Rigerman, Balthazar Dressel, Nicolas Nel- 
sius, Pierre Bacherius, Antoine Ruyskensveld, ete. (Ricnanp, pp. 55, 56. 

7,98; — De Joncne, Batavia, pp. 67, 191, 23, 156, 106; Belgium, pp. 71, 
151, 216, 74, 72, 74, 159, 76, 229, 77, 78, 82; — Quérir et Écnan», t. Ill, 
pp. 108, 107, 134, 145, 158, 160, 195, 244; — Sécuien, t. I, pp. 47, 57, 
50, 66, 84; etc.) Beaucoup de ces religieux ayant écrit au moins quelque 
pieux opuscule, sont cités encore dans CORNEILLE Loos, AUBERT LE MIRE, 
Vazène Awpná, Swenrs, Sanpzns, Foppens et Paquor 


( 892 ) 
que, quelques années plus tard , les Fréres- Précheurs sur- 
tout furent chargés de combattre l'hérésie, en concur- 
rence avec les évéques et suivant des régles de procédure 
identiques dans tous les États, les inquisiteurs délégués 
en France et en Allemagne durent, en vertu méme de 
leurs commissions et, généralement, de quelque facon que 
celles-ci fussent libellées, rechercher les hérétiques dans 
les Pays-Bas ou confier ce soin à leurs vicaires : il y a 
d'ailleurs des exemples d'inquisiteurs délégués expressé- 
ment dans tel ou tel de nos diocéses. Ralentiesau XIV* siè- 
cle par le développement de la civilisation communale et 
par un certain relàchement qui s'était glissé parmi les 
Dominicains, les poursuites furent reprises avec ardeur 
sous les princes de la maison de Bourgogne, et l'Inquisi- 
tion, vivement protégée, acquit peu à peu en Belgique une 
organisation plus forte. Aprés la réforme faite dans l'ordre 
de Saint-Dominique vers 1464, des grands-inquisiteurs 
furent méme nommés spécialement pour notre pays, et 
en 1515, quand les liens qui unissaient la Belgique au 
Royaume et à l'Empire s'étaient déjà bien affaiblis, l'érec- 
tion des Pays-Bas en une province distincte de l'ordre 
vint consacrer cette situation indépendante de nos inqui- 
siteurs vis-à-vis des juges ecclésiastiques délégués en 
France et en Allemagne. Enfin, avec la nomination de 
Francois Vander Hulst aux fonctions d'inquisiteur général, 
commence l'histoire écrite de l'Inquisition dans les Pays- 
Bas, histoire dont les horreurs ont fait peut-étre oublier à 
nos péres eux-mémes que si, dans nos libres communes, 
l'Inquisition m'avait jamais pu, comme en Espagne, se 
substituer complétement aux évéques, depuis trois cents 
ans pourtant elle livrait avec eux au bras séculier, de loin 
en loin et par petites fournées, ces hérétiques qui repa- 


( 895 ) 
raissaient toujours sous un nouveau nom et répandaient 
déjà dans nos provinces les idées générales au nom des- 
quelles devait se faire la grande révolution religieuse du 
XVI: siècle (1). 


ANNEXE. 


J'ai cité dans la notice qui précède, un mandement de 
1450 par lequel le duc Philippe ordonnait de livrer à l'In- 
quisition ceux de ses sujets imbus des doctrines de Jéróme 
de Prague. Cette piéce est restée inédite jusqu'à ce jour ; 
mais puisque l'occasion s’en présente ici, je crois utile d'en 
donner le texte. — En 1574, Wycliffe était venu défendre 
à Bruges les intéréts d'Édouard III contre les prétentions 
de la France et de la cour romaine ; il était resté deux ans 
en Flandre ; et quand, revenu en Angleterre, il commença 
ses attaques contre le dogme chrétien, elles trouvèrent bien 
vite de l'écho en Belgique. Le commerce important que 
faisaient les Belges avec les Anglais contribua à propager 
et à entretenir dans les esprits les idées du docteur d'Ox- 
ford jusqu'au moment où les prédications de Jean Hus et 
de Jéróme de Prague vinrent donner à ces idées une nou- 
velle puissance. Quand la guerre éclata en Bohéme aprés le 
supplice des deux réformateurs, un grand nombre d'Hen- 
nuyers, de Brabancons, de Liégeois, excités par la parole 


-— 


(1) Le caractère de ces hérésies du moyen-âge, si étrangement défiguré 
par presque tous les chroniqueurs de l'époque ou par les vieux écrivains 
protestants, a été indiqué avec beaucoup de justesse par M. LaunEwT 
dans ses Études sur l'histoire de l'humanilé, t. VI, p. 426, et t. VIII, 
pp. 106 à 108, 277 à 285, etc. 


( 894 ) 

ardente des légats apostoliques, coururent y prendre part, 
et ils rapportérent dans les Pays-Bas les opinions de ceux 
qu'ils étaient allés combattre (1). Notre document se rap- 
porte à peu prés à cette époque, et il offre un véritable 
intérét, car nous connaissons fort mal les débuts en Bel- 
gique dela « secte dampnable et perverse des hérites pra- 
» guois » : les chroniques, celle des moines de l'abbaye 
des Dunes, par exemple, ne nous donnent des détails un 
peu étendus que beaucoup plus tard (2). Les lettres du 
11 mars 1450 prouvent que, tout en songeant à aller diri- 
ger contre les « faulx et desloyaulx Housses du royaulme 
» de Behaigne » cette croisade sur laquelle M. Potvin a 
publié de si intéressants mémoires dans son Ghillebert 
de Lannoy (3), Philippe le Bon ne négligeait point de 
débarrasser d'abord le monde des hussites qui infestaient 
ses propres États « puis peu de temps en cà. » 


— « Phelippe, duc de Bourgoingne, conte de Flandres, 
» d'Artois, de Bourgoingne, palatin de Namur, seigneur 
» de Salins et de Malines, au gouverneur de nostre sou- 
» verain bailliage de Lille, Douay, d'Orchies et des appar- 
» tenances, et au gouverneur de noz bailliages d'Arras, 


(1) Boxuons, Nederlantsche historie, pp. 129, 134-155; Gacmanp, Rap- 
port sur les archives de Dijon, pp. 147-148; Henne et Wavrzns, Histoire 
de Bruxelles, t. I, p. 215; C. Vanner Erst, le Protestantisme belge, 
pp. 29-50; ArTwEYzn, liv. III, fol. 1441-2 

(2) Chroniques relatives à l Hist. de la Belg. sous la domin. des ducs 
de Bourgogne, publiées par M. Kervyn pe Lerrennove, textes latins, 1870, 
pp. 636-637 (ad an. 1483). — Voyez SowsrmaL, Geschiedenis van het 
Husitismus, Groningue, 1862. 

(5) Œuvres de Ghillebert de Lannoy, voyageur, diplomate et mora- 
liste, recueillies et publiées pour l'Académie de Belgique par Cu. Porvix, 
Louvain 1878, pp. xx à xxii, Lxi à xxiv, 201-202, 227 à 255. 


VN dw Ww wow 


v U V U U vuU UU Wd WU w wv vy vU vU uU V U y VU V vv Uu U y y vY 


( 895 ) 

Bappaulmes, Aubigny, Hannin-Liétart et Quiéry et des 
appartenances, et à tous noz aultres justiciers et officiers 
de noz pays, terres et seigneuries et de ceulx dont 
avons le gouvernement, ou à leurs lieuxtenans, — 
Salut! 

» Comme pour obvier aux trés grans et dampnables 
maulx, périlz et inconvéniens irréparables qui, au vitu- 
pére, escandele et énorme lésion de nostre foy catholi- 
que et de nostre mère Saincte Église en nostre grant 
desplaisance estoient apparant d'avenir en noz pays et 
seigneuries de par deçà, mesmement en noz ville et 
chastellenie de Lille, à cause de ce que plusieurs noz 
subgiez puis peu de temps en cà, par la séduccion de 
l'ennemi, ont tenu, creu et dogmatisé plusieurs des 
erreurs dampnables que tiennent contre nostre foy 
chreslienne et nostre mère Saincte Église les faulx 
hérites Praguois; et pour décevoir autres simples gens 
esdits erreurs et en la secte dampnable et perverse des 
dits Praguois, ont tenu plusieurs conventicles secrés 
en lieux souspecconneux et à heures suspecttes : Aiant 
aprés deues imformacions sur ce faicte plusieurs foys 
devant les juges de la foy, et pluseurs de noz dits subgez 
comme suspeciz et chargiez des cas dessus dits (par 
especial Aleaume Polet, Thomas Vuemel, Piérart du 
Puch, Piérart Estoquiel de Lille; Colart Gulant, Jehan 
Hacoul, Piat Morel, Jacot de Goutiéres, Mahieu Quedin 
de Seclin; Jehan du Pire, Gillot Flament, Jehan de 
Hellin, Henri Des Mons d'Avelin; Jehan Dannetiéres, 
Piérart le Maire d'Annevelin; Jehan d'Egremont, dit le 
Brun, de Fretin; Jehan Tant de Torquoing; Vincent 
Blahuer, Piérart Brassart de Landas; et Jehan du 
Breuch d'Avechin), lesquelz ainsi évoquiez n'ont voulu 


v o oo v vy Y 


v v v vu v U Uu Uy gu vvv g wu 9 V wv v 


( 896 ) 

retourner à obéissance de nostre dite mére Sainte 
Église ne eulx reconscillier à icelle, ains soit comme 
obstinez en leurs malices se sont les aulcuns d'eulx 
absentez et rendus fugitifz et les autres en lieux secrez 
de noz dittes villes et pays se treuvent..... (1) et recele- 
ment: 

» Pour ce est-il que nous qui, comme prince catholi- 
que, pour le soustenement de nostre foy et de nostre 
mére Sainte. Église vouldrions nostre personne et de 
noz vassaux.... et bien vueillans....., et que ceste ma- 
tière avons très à euer et ne la vouldrions pour nulle 
chose tollérer ne dessimuler, — vous mandons et com- 
mettons, et à chacun de vous comme à luy appartendra, 
trés estroitement et nomément, que les dits Aleaume 
Polet, Thomas Vuemel et autres dessus nommez, quel- 
que part que les pourra trouver, en lieu saint (2) ou 
dehors, vous les prenez pour les rendre toutesfoiz et 
délivrer aux prélas et inquisiteurs juges en ceste ma- 
tière, pour en faire ce que de raison appertendra. Et 
néantmoins tous autres dont par lesdits juges sera re- 
quiz et qu'ilz vous affermeront estre coulpables des 
erreurs dessus dites, ou d'avoir recepté, favorisiez, re- 
célé ou deffendu les dessus nommez ou autres sembla- 
bles, — pareillement, quelque part que soient trouvez, 
prenez réaulment et sans deport et iceulx ausditz juges 


(1) Les points tiennent la place des mots effacés par l'humidité. Notre 
I 


copie a été collationnée par le savant archiviste du Nord, M. ’abbé 
Dehaisnes 


(2) Les inquisiteurs pouvaient violer un antique droit d'asile et faire 


saisir les hérétiques au pied méme des autels. (Décision de Martin IV, 
en 1281, dans Raywazoi, t. HI, p. 525, $ 18; — confirmée par Jean XXII, 
en 1522: Waonixc, Annales minorum, 2° éd., Rome 1731, t. III, p. 291.) 


YO wo uu v wv wv 


w — Ww Ww ww wW Pi 


v 


( 897 ) 
délivrez sans demenre ou délay, pour procéder à l'en- 
contre d'eulx comme raison devra :-et tant en faictes 
que ceste secte dampnable puist du tout estre extirpée 
et que ne puissiez estre reprins de négligence, car ainsi 
en faveur de nostre foy et de nostre mére Sainte Église 
nous plaist estre fait. 
» De ce faire, à vous età vos commis et députez don- 
nons plain povoir, auctorité et mandement especial. 
Mandons et commandons à tous noz justiciers, officiers 
et subgiez; prions et requérons tous autres, — que à 
vous ou à vos dits commis et députez en ce faisant 
obéissent et entendent dilligemment, et à vous et à vos 
dits commis et députez prestent et donnent conseil, 
confort, aide et assistance, se mestier en avez et requiz 
en sont. 
» Donné en nostre ville de Lille, le xi* jour de mars, 
l'an de grâce mil quatre cent vint et neuf (1), soubz 
nostre scel de secret en absence du grant. — Par mon- 
seigneur le Duc : ..... (Lancelot SavannE?) » 
Archives départementales du Nord, chambre des 
mptes de Lille, carton B. 1484. Original. Un 
fragment de scel en cire rouge, pendant à une 
queue de parchemin. 


(1) Vieux style. L'année commença le 16 avril. 


( 898 ) 


Découverte d'une tombe de l'époque romaine, à Lovenjoul, 
prés de Louvain. — Un dernier mot sur les vesliges 
d'une villa de cette époque, à Laeken, par M. L. Gales- 
loot, chef de section aux Archives du royaume. 


L'Académie me permettra de rappeler les circonstances 
dans lesquelles j'ai été informé de la découverte dont je 
vais avoir l'honneur de l'entretenir. 

Au mois de décembre dernier (1878), des ouvriers, 
occupés dans une sapinière située à Caggevinne-Assent, 
prés de Diest, trouvérent, en ereusant profondément le sol, 
une quantité d'urnes cinéraires qui, à en juger par la forme 
et par la matiére, paraissent d'origine germanique (1). 

Comme il n'arrive que trop souvent, les ouvriers n'eu- 
rent rien de plus pressé que de mettre les urnes en piéces, 
espérant y trouver des objets de valeur ou de l'argent. 

Mon frére, major en retraite à Diest, ayant eu connais- 
sance du fait, se rendit à Caggevinne pour constater l'éten- 
due de ee désastre archéologique. Il n'était que trop réel. 
d ils actes de vandalisme, 
mon frère eut l'excellente idée de faire insérer un article 
dans un des journaux paraissant à Diest, afin d'avertir les 
campagnards et leur expliquer que c'était à leur propre 
détriment qu'ils brisaient les objets que le hasard mettait 


Désirant d ae pr évenir le retour 


(1) La tribu qui nous a laissé ces urnes était fixée sur un plateau dit 
le Bergbosch, en face de Péglise de Caggevinne, à proximité de prairies 
que traverse un ruisseau nommé de Beggynebeek. Une partie des urnes, 
découverte après coup, a été recueillie par M. Van Overstraeten, notaire, 
à Louvain, propriétaire du sol. 


Pull de Chead t XIV 


Jule G .Swerems, Bruxelles 


Mobilier funéraire d'une tombe de l'époque romaine, decouverte à Lovenjoul. 


E 899 } 
entre leurs mains. Il ajouta qu'en cas de découverte de cette 
nature, on ferait bien de s'adresser à lui, etc. 

L'article, reproduit dans un journal de Louvain, tomba 
sous les yeux d'un jeune homme employé au commissa- 
riat de l'arrondissement. M. Emmanuel Devos, tel est son - 
nom, informa mon frére qu'il était en possession de plu- 
sieurs antiquités trouvées depuis peu à Lovenjoul. Il en 
donna par écrit une description sommaire. Nous nous 
empressàmes de nous rendre chez lui, à Corbeek-Loo, et 
notre attente ne fut point décue. 

M. Jacques Devos, père, briquetier, l'auteur de la décou- 
verte, nous apprit qu'au mois de février de l'année passée, 
il se mit un jour à la besogne sur une parcelle de terre, 
gisant sous Lovenjoul (1), contre un chemin allant de Cor- 
beek-Loo à Pellenberg et de là à Lubbeek, où, soit dit en 
passant, il existe un tumulus. M. Devos extrayait de la 
terre propre à la cuisson, quand il se heurta à une tran- 
chée remplie de moellons. H se mit en devoir d'en suivre 
les traces, la curiosité excitant, du reste, son ardeur. La 


) N° 123? du plan cadastral. Cette parcelle porte le nom significatif de 
Tichelveld, le champ aux tuiles, Remarquons, à ce propos, que les débris 
det piis romaines abondent dans les campagnes, à Lovenjoul. En outre, 
feu M. bé Raymaekers recueillit, en 1860, busidurk coupes en terre 
iigillée, q qu'un iiber avait trouvées au hameau de Terdonc. (Bra- 
bandsch Museum voor oudheden en geschiedenis. De oude piping 
Lovenjoul , 1860). Nous ns ici pour mémoire qu'un livre censal du 
XVIe siècle concernant ` —9 de mt conservé aux 3e es 
du royaume, renseigne le Tommeveld ; X die Tomme. Ces dénomina- 
tions me semblent di edu justifiées par s découverte dont il s'agit. 
En général, elles ont. toujours leur raison d'étre, comme on peut le voir 
dans maint endroit de l'excellente et savante Histoire des environs de 
Bruzelles, par M. A. Wauters. Un tertre a-t-il snrmonté jadis la tombe de 
Lovenjoul ? C'est ce qu'on n'a pu me dire d'une manière précise. 


( 900 ) 

tranchée partait du bord du chemin et se dirigeait en pente 
dans le sol. Aprés un travail assidu et secondé par des 
ouvriers qui rejetaient la terre et les pierres, l'explorateur 
arriva à l'extrémité du couloir et se trouva inopinément, à 
sa grande surprise, en présence d'un petit caveau voüté, 
creusé dans une terre dure et compacte. M. Devos, que j'ai 
soigneusement interrogé sur ce point, estime que le caveau 
se trouvait à huit métres environ de profondeur. Sur l'aire, 
parfaitement unie, étaient disposés d'une maniére symé- 
trique les objets dont je vais donner la description. 

Il importe de faire remarquer d'abord que, pour nous 
mettre en garde contre tout récit fantaisiste, nous étions 
allés préalablement à l'endroit où la découverte avait eu 
lieu, et que nous avions constaté l'entiére excavation du 
terrain. Au bord d'une large fosse, à moitié comblée, s'éle- 
vait un four à briques, preuve nouvelle à l'appui des dires 
du sieur Devos. 

Les antiquités dont j'ai fait l'aequisition et qui par une 
heureuse circonstance n'ont pas souffert des travaux de 
déblayement, sauf un plat, sont les suivantes: 

Un flacon en verre de couleur foncée, et de forme 
hexagone, muni d'une anse large et plate portant des 
rainures. Il a 16 centimétres de hauteur sur 55 de circon- 
férence (fig. 1) (1). Des spécimens semblables, au nombre 
des cótes prés, ont été recueillis par M. le conseiller 
Schuermans dans les tombes de Walsbetz, de Montenaeken 
et de Thisnes (2). : 


——— 


(1) Je dois ce dessin à l'extréme obligeance de M. Alphonse Jacobs, 
attaché aux Archives du royau 

(2) Bulletins des nid: d art et d'archéologie, t. IT, p. 158, pl. V, 
fig. 39 (1865); t. IV, p. 569, pl. I, fig. 2, et p. 579, pl. II, fig. 9 (1865). 


( 901 ) 

Une fiole d'un verre plus pâle et plus transparent, ayant 
deux anses contournées en forme de bec de cygne. Elle a 
22 centimétres de circonférence sur 6 et quelques milli- 
métres de hauteur. Cette fiole, affectant la forme d'une 
amphore, est pour ainsi dire neuve, tant sa conservation 
est remarquable (fig. 2). Les cimetières belgo-romains de 
Flavion et de Strée ont fourni des fioles de ce genre (1). 

Un vase ou urne en terre cuite d'un ton brunátre. Il 
mesure 16 centimétres de hauteur sur 55 de circonfé- 
rence à la partie la plus renflée (fig. 5). C'était probable- 
ment l'urne cinéraire (2). 

Une jarre en terre cuite de couleur gris-blane, munie 
d'un rebord et d'un bec pour l'écoulement du liquide. L'in- 
lérieur est parsemé de quartz pilé. Cette jarre mesure 
sous le rebord 75 centimétres de cireonférence. La hau- 
teur, le filet supérieur compris, est de 10 centimétres 
(fig. 4). Un modèle à peu prés semblable se trouvait dans 
la tombe de Fresin (5). Ajoutons que cette forme s'est 


(1) Annales de la Société D ein de Namur, t. VII, p. 1, pl. VII, 
n? 7, tombe 124. dicit de M. Delmarmol.) 

Le cimetière belgo-romano-franc de Strée. iuc ebd sur la fouille, par 
M.D..A Van tiii. Mons, 1877, in-8e, gm VIII, fig 

Dans les fouilles qu'il fit exécuter au mois de AE 1878, à 
Castillon-lez-Walcourt (Namur) dans deux ttes gallo-romains du 
Haut-Empire , l'un situé au lieù dit « La seri Borne », l'autre à Fen- 
droit nommé « La Croix Gabriel », M. L. Van Hollebeke, sous-chef de 
section aux Archives e royaume, orien aussi deux ampoules de la 
méme forme. L'une d'elles est d'une ténuité et d'une élégance extraor- 
dinaires 

(2) Je n'ai recu que des renseignements incertains sur le dépót des 
ossements. 

ga M des Commissions d'art et d'archéologie, t. H, p. 158, pl. V, 
lig. 59 (1863). 

ue SÉRIE, TOME XLVII. 58 


( 902 ) | 
exactement perpétuée dans les vases (teylen) dont nos cul- 
tivateurs se servent pour conserver le lait, en attendant 
que la crème en soit convertie en beurre. 

Une écuelle en terre cuite d'une couleur analogue à - 
celle du vase n° 5. Elle a 54 centimètres de circonférence 
(fig. 5). 

Un grand plat qui, entier, comptait 74 centimètres de 
circonférence (fig. 6). Le pareil a été recueilli dans la 
tombe de Middelwinde (1). 

Débris d'un vase en terre cuite qui a été brisé par inad- 
vertance (fig. 7). 

Ce qui m'a surpris, c’est l'absence, dans la tombe de 
Lovenjoul, de piéces de monnaie, de lampes et d'autres 
menus objets que l'on rencontre ordinairement dans les 
sépultures de cette époque. MM. Devos, pére et fils, m'ont 
formellement assuré que rien de pareil n'a été remarqué 
par eux. 

En résumé, le mobilier funéraire de cette tombe (9), 
trés-intéressant en lui-même, est, je ne dirai pas mesquin, 
mais bien modeste, si on le compare à celui fourni par 
d'autres monuments de l'espéce. Il suffira de citer les 
tertres jumeaux de Cortil-Noirmont, prés de Gembloux, 
fouillés il y a quelques années, et dont l'un nous a valu un 
précieux trésor archéologique que l'on peut admirer au 
Musée royal, établi à la porte de Hal. 

Bien que j'aie toujours aimé les antiquités, je ne suis 


(4) Ibid., t. IV. 
n) Elle doit deer ua id -Empire, comparaison faite des objets qu'elle 
explorées par MM. Schuermans, Delmarmol, 
Van Bastelaer et autres archéologues. 


( 905 ) 
pas collectionneur. Mon intention est done d'offrir celles 
de Lovenjoul à l'État, afin qu'elles soient déposées et con- 
servées au Musée que je viens de nommer. 

Un mot pour finir. La découverte que vient de faire à 
Lovenjoul, M. J. Devos, occupera , comme renseignement, 
une place avantageuse dans la liste, déjà si considérable, 
des localités de la Belgique oü l'on a recueilli des antiquités 
de la période romaine. On peut dire qu'il n'est guére de 
commune où les habitants de cette période n'aient laissé 
des traces de leur séjour. 


L'Académie voudra bien me permettre que je l'entre- 
tienne encore un instant de la villa de l'époque romaine 
qui a existé sur le territoire dela commune de Laeken. Si 
je le fais, c’est surtout pour constater l'indifférence que le 
publie, pris en masse, témoigne pour ces choses-là. 

Je disais dans la notice que je lui ai présentée et qui a été 
insérée dans ses Bulletins (1), que la parcelle oü s'élevait 
cette villa tombe en plein dans le grand pare publie en voie 
de création et qui doil être terminé pour les fêtes commé- 
moratives de l'année prochaine. Lorsque j'y fis des fouilles, 
au mois de septembre 1877, cette parcelle restait à niveler, 
de méme que les terrains adjacents. Or, j'avais prié instam- 
ment le surveillant délégué par le ministére des travaux 
publics de me faire savoir quand ce travail de nivellement . 
commencerait. Mon intention était de profiter de locca- 
sion pour explorer le sol d'une manière complète, chose 
que je n'avais pu faire que trés-imparfaitement. Malgré 


(1) Deuxième série, t. XLIV. 


( 904 ) 
mes recommandations, le surveillant n'en fit rien, et j'ap- 
pris plus tard, en allant aux informations, que les ouvriers 
avaient extrait el charrié toute espéce de décombres, sans 
leur prêter la moindre attention. 

Avec les derniers vestiges de l'antique édifice ont aussi 
disparu ses limites agraires, qui se dessinaient en forme 
de hauts talus à ses abords (1). A proximité, un chemin 
creux, que je n'hésite pas à considérer comme datant de 
cette époque (2), servait également de ligne de démarcation 
à l'exploitation agricole. Cette destination, il la remplira 
encore pour le nouveau parc, puisqu'il le bornera partiel- 
lement dans la partie nord-ouest. 


Notice sur deux vases archaiques d'Agrigente, 


par M. Ad. de Ceuleneer. 


Pendant le séjour que je fis à Agrigente au mois de mai 
dernier, je rencontrai chez le vice-consul de l'empire alle- 
mand, M. Léopold Dietzsch, deux vases archaiques qui atti- 
rèrent vivement mon attention. Je m'informai des condi- 
tions dans lesquelles ils avaient été trouvés, et je les ai crus 
assez intéressants pour faire l'objet de la Notice que j'ai 
l'honneur de présenter à l'Académie. 

Ces deux vases furent trouvés en 1872 dans la Elan 
de Lodio située à 4 kilomètres S.-0. d'Agrigente. Le tom- 
beau creusé dans le roc aréneux et conchylifère à 6 mètres 


(1) J'ai signalé des limites agraires, en maint endroit, dans l'ouvrage : 
La province de Brabant sous l'empire romain 

(2) Voy. sur l'origine de ces chemins La province de Brabant avant 
l'invasion des Romains, par le méme. 


( 905 ) 

de profondeur avait une entrée trés-basse et ressemblait 
beaucoup aux nombreuses chambres funéraires que l'on 
voit dans la rue des tombeaux de Syracuse. Ce tombeau 
avait 6 métres de longueur, et au fond setrouvait la tombe 
ayant 57,50 de long sur 0",80 de large et 0",80 de haut. 
C'est dans cette tombe que furent trouvés les deux vases en 
méme temps que des ossements humains et des dents 
d'animaux troués comme pour former un collier. 

Le vase n° La 07,21 de haut sur 07,12 de diamètre; le 
vase n° I1 07,25 de haut sur 0",20 de diamètre à sa partie 
supérieure. Ils sont peints en noir et rouge. Le fond est 
noir, les lignes sont rouges, mais d'un rouge assez pâle. 
L'exécution est des plus primitives et des plus irréguliéres. 

Le vase n? [ a une forme assez gracieuse; un renflement 
assez prononcé se manifeste vers le milieu de sa hauteur. 
ll avait deux anses fort bien formées : il ne lui en reste 
plus qu'une seule, mais il y a encore une trace trés-visible 
de l'autre. Les ornements sont des plus simples. L'anse 
est ornée de petits points rouges et le vase lui-méme n'a 
pour tout dessin que des lignes verticales et horizontales, 
paralléles ou bien se coupant à angle aigu de maniére à 
former de petits losanges. Ce mélange régulier de losanges 
et de lignes verticales et horizontales juxtaposées produit 
un dessin assez gracieux et d'un goüt déjà assez perfec- 
tionné. Sous ce rapport il est supérieur au vase n° H. 
Celui-ci présente à peu prés les mémes dessins, au moins 
dans sa partie inférieure ornée de petits losanges, mais 
formés par des lignes tracées d'une maniére bien plus 
irrégulière. Dans la partie supérieure cet ornement dis- 
parait pour faire place à des losanges éparpillés irrégulié- 
rement sur toute la surface du vase. La forme de ce vase 
est des plus curieuses et des plus insolites. Le pied se 
rétrécit vers la partie médiale du vase sur laquelle sont 


( 906 ) 
tracées trois lignes horizontales en forme de collier, puis 
vient la coupe qui va en s'élargissant. Il n'y a aucune trace 
d'anses ; seulement un cóté est orné à sa partie supérieure 
d'un appendice formé de la méme terre que le vase et 
dont on ne s'explique pas bien la raison d'étre à moins de 
le prendre pour un simple ornement. 

Le petit musée d'Agrigente, commencé depuis quelques 
années et où l'on remarque, entre autres, une belle statue 
(tête et torse) d'Apollon en marbre blanc d'un caractère 
assez archaïque et qui conserve encore des traces de poly- 
chromie, contient bon nombre de vases, trouvés tous dans 
les environs d'Agrigente, faits de la même terre que ceux 
qui nous occupent et n'ayant non plus que des ornements 
géométriques rouges et noirs; mais aucun n'a la forme 
qui est propre à nos deux vases. 

Dans des fouilles récentes faites en d'autres endroits on 
a trouvé quantité de vases aux formes les plus diverses 
et ornés de lignes se coupant de maniére à former des 
losanges, par exemple, dans les fouilles faites dans cer- 
taines tombes de l'ile de Chypre (1). Nous remarquons aussi 
plusieurs vases ornés de losanges séparés ou unis les uns 
aux autres, dans la collection publiée par M. Palma di 
Tesnola (2), à la suite des fouilles qu'il fit à Chypre il y a 
peu d'années. Les originaux se trouvent actuellement, si 
je ne me trompe, à New-York. Ces vases présentent les 
formes les plus diverses et les plus curieuses, mais aucun 
n'a la forme de nos deux vases. Chose digne de remarque, 


(1) On the different styles of pottery found ín ancient. tombs in the 
Island of Cyprus by Thomas B. Sandwith , dans Archaelogia or misce- 
laneous tracts relating to antiquity. London, 1877, vol. 45, pp. 127 et 
sqq et surtout pl. X, XI, XIII. 

(2) The antiquilies of Cyprus. London, 1875, atlas, pl. II, III; et 
Cyrrus. London, 1877, pp. 18 , 408; pl. II, VII, XLIV. 


( 907 ) 

parmi ces vases il y en a un (1) orné de losanges assez 
réguliers portant une inscription phénicienne. Parmi les 
vases trouvés par M. Schliemann dans les plaines de Troie 
il s'en trouve aussi quelques-uns qui sont simplement ornés 
de lignes horizontales et verticales se juxtaposant, mais 
sans former des losanges (2). Il ne serait pas difficile de 
citer un grand nombre d'autres exemples. 

Pour ce qui est des deux vases qui sont l'objet de cette 
Notice, nous y trouvons donc d'un cóté une forme insolite 
qui ne se rencontre, que je sache, nulle part ailleurs. C'est 
surtout la forme du vase n° ll qui est vraiment remar- 
quable pour une époque primitive, et digne de la plus 
Sérieuse attention. D'un autre cóté, nous retrouvons les 
ornements géométriques de nos deux vases sur un grand 
nombre de vases primitifs. 

Qu'il me soit permis d'insister quelque peu sur cet 
ornement qui est d'une importance capitale dans l'histoire 
de l'art. Cette ornementation purement géométrique est 
propre à toute la race indo-germanique et se retrouve dans 
tous les pays où cette race a séjourné; ce n'est que sous 
l'influence orientale que nous voyons apparaitre des repré- 
sentations d'animaux sauvages, fantastiques ou fabuleux. 
L'ornement tout à fait primitif est la ligne géométrique 
verticale et horizontale; plus tard ces lignes se compli- 
quent de manière à former des cercles, des zigzags, des 
méandres, puis vienuent des représentations grossiéres 
d'hommes et d'animaux domestiques, tels que des coqs 
et d'autres. Les ornements de feuillages sont déjà le 
produit d'une civilisation plus avancée; et ce n'est qu'à la 


(1) Cyprus, p. 68. 
(2) Trojanische Alterthümer. Taf. 16, n» 474, taf. 27, n» 742. 


( 908 ) 

fin, par suite de l'influence orientale dont on peut fixer 
pour la Gréce le terme extréme à l'an mille av. J.-C., 
qu'apparaissent les animaux sauvages, le lion, la pan- 
thére, le tigre et les animaux fantastiques. C'est là un 
caractère qui est propre à toute la race indo-germanique, 
sans que celle-ci ait eu pour cela à subir l'influence 
étrusque comme on l'a prétendu. Ce n'est pas à dire que 
lornementation primitive soit identique chez tous ces 
peuples; mais le systéme est le méme et leur est commun 
à tous. ll y a aussi quelques monuments — qu'on pour- 
rait appeler monuments de l'époque de transition , — oü 
les deux systémes indo-germanique et oriental se trouvent 
réunis (1). De méme que pour la philologie, il y a aussi 
pour l’art des principes qui sont communs à toute la race 
au sein des caracléres spéciaux qui les diversifient. Et si 
parmi les vases trouvés par M. Schliemann on en rencontre 
plusieurs qui présentent les mémes caractéres que nos deux 
vases d'Agrigente, c'est là une des raisons pour lesquelles 
nous admettons avec plusieurs archéologues éminents que 
les objets découverts dans ces fouilles remontent à une 
époque plus reculée que celle à laquelle on place d'ordi- 
naire la puissance troyenne ; car dans l'art homérique on 
ne trouve plus les verticales mélées aux horizontales; le 
systéme est déjà bien plus compliqué. 

Ces quelques mots me semblent prouver que nos deux 
vases appartiennent à une époque trés-primitive. Il serait 
toutefois difficile de préciser cette époque. Les dents d'ani- 
maux qui semblaient avoir servi à un collier, trouvées 


(1) M. I, tab. 55, 1854; — CowzE, Z. Gesch. der Anfänge Griechischer 
Kunst , dans les Sétssñgsher. der K. K. Ak. der Wissenschaften. Philol. 
KI. Wien, 1870. 


( 909 ) 

dans la méme tombe, pourraient faire croire à une époque 
préhistorique; mais d'abord cette dénomination de pré- 
historique est fort vague et permet de servir de refuge 
facile pour toutes les choses que l'on ne peut expliquer 
autrement ; et de plus la forme du vase n° I est trop belle, 
je dirai méme déjà trop parfaite, et celle du vase n° II trop 
compliquée, trop recherchée pour qu'on soit en droit de 
reculer outre mesure l'époque à laquelle nos deux vases 
auraient été fabriqués. 

Nous savons qu'Agrigente ne fut fondée par Aristonoós 
et Pystalos de Gela (Terranova) qu'en l'an 581 av. J.-C. 
Nos deux vases doivent, par suite de leur caractére ar- 
chaique, remonter tout au moins aux premiéres années 
de la colonisation ou peut-étre méme à l'époque indépen- 
dante des Sicules. Malheureusement rien ne nous prouve 
que les Sicanes ni méme les Sicules aient eu un établisse- 
ment soit à Agrigente, soit dans les environs. Il ne nous 
semble pas non plus que l'on puisse songer à une origine 
phénicienne, les Phéniciens n'ayant pas occupé cette 
partie de la Trinacria. La seule chose certaine, c'est que 
nos deux vases appartiennentà un art fort primitif et que, 
pour une époque aussi reculée, la forme du vase n° II est 
des plus curieuses. 


Naples, 21 janvier 1879. 


(910) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


Séance du 5 juin 1879. 


M. le chevalier Léon DE BunBunE , directeur. 
M. LiaGRE, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. L. Alvin, G"* Geefs, Jos. Geefs, 
C.-A. Fraikin, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, A. Balat, 
J. Franck, G. De Man, Ad. Siret, J. Leclercq, Ern. Slin- 
geneyer, A. Robert, F.-A. Gevaert, Ad. Samuel, Ad. Pauli, 
F. Stappaerts; J. Schadde , Th. Radoux, membres; Éd. de 
Biefve, A. Pinchart, J. Demannez, correspondants. 

MM. Mailly, membre de la Classe des sciences , et Chalon, 
membre de la Classe des lettres, assistent à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


Par dépéche du 12 mai, M. le Ministre de l'Intérieur 
informe que « le budget de l'intérieur comprend depuis 
l'exercice courant un crédit de 2,000 francs destiné à 
couvrir les frais de publication des œuvres de nos anciens 
compositeurs de musique, et qu'il a été entendu que cette 
publication commencerait par les œuvres de Grétry, le 
premier de nos compositeurs nationaux. » 

M. le Ministre invite l'Académie à s'associer à cette 


(HT) 
patriotique entreprise, et à lui soumettre des propositions 
pour régler toutes les mesures propres à en assurer l'exé- 
cution. — Renvoi à la section de musique à laquelle sera 
adjoint M. Fétis. 


— M. le Ministre fait savoir qu'il a invité le conseil 
d'administration de l'Académie royale des beaux-arts 
d'Anvers à donner connaissance à M. J. Dillens, lauréat 
du grand concours de sculpture de 1877, des observations 
faites par la Classe des beaux-arts sur le second rapport 
semestriel de ce lauréat. 

Le méme haut fonctionnaire transmet, en copie, le 
troisiéme rapport trimestriel de M. E. Tinel, lauréat du 
grand concours de composition musicale, de 1877. — 
Renvoi à l'examen de la section de musique. 


— Le bureau exécutif de l'Exposition nationale de 1880 
prie l'Académie de bien vouloir déléguer un de ses mem- 
bres auprés du comité du groupe de l'enseignement. 

La Classe nomme M. Liagre qui , par le fait de ses fonc- 
tions de secrétaire perpétuel , appartient aux trois Classes 
de l'Académie. 


RÉSULTATS DU CONCOURS DE 1879. 


M. le secrétaire perpétuel fait savoir qu'il a reçu un 
mémoire en réponse à la troisiéme question des sujets 
littéraires de ce concours. Cette question est ainsi conçue : 


Déterminer, en s'appuyant sur des documents au- 
thentiques , quel a été, — depuis le commencement du 


(:912 ) 
XIV" siècle jusqu'à l'époque de Rubens inclusivement, — 
le régime auquel élait soumise la profession de peintre, 
tant sous le rapport de l'apprentissage que sous celui de 
l'exercice de l'art, dans les provinces constituant la Bel- 
gique. | 
Examiner si ce régime a été favorable ou non au déve- 
loppement et aux progrés de l'art. 


Ce travail a pour devise : Pour mieulx valoir (Frots- 
SART). 
Commissaires : MM. Portaels, Alvin et Pinchart. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


M. Éd. Fétis rappelle que M. Portaels avait proposé à 
la Classe de demander à la Commission organisatrice des 
fêtes du cinquantième anniversaire de l'Indépendance na- 
tionale de comprendre dans les solennités une exposition 
des ceuvres des artistes belges depuis 1850 jusqu'en 1880. 

« J'ai été heureux d'apprendre, ajoute-t-il, et je ne 
doute pas que la Classe ne partage ce sentiment, que la 
proposition de notre confrére sera réalisée. » 

M. Fétis fait remarquer que cette exposition pourra 
fort bien marcher de pair avec l'exposition triennale de 
Gand, qui aura lieu la méme année et à laquelle les étran- 
gers pourront prendre part. 


( 913 ) 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Laveleye (Ém. de). — The new tendencies of political eco- 
nomy, translated by G. Walker. New-York, 1879; in-8°. 

Liagre (J.- B.-J.). — Calcul des probabilités et théorie des 
erreurs, avec des applications aux sciences d'observation en 
général et à la géodésie en particulier, 2* édition, revue par 
le capitaine d'état-major Camille Peny. Bruxelles, Paris, 1879; 
vol. in-8°. 

Malaise (C.). — Sur une espéce minérale nouvelle pour la 
ape : Rs à pi ou Mispickel. Bruxelles, 1879; 
extr. in : 

Nype ear G.). — Rapport sur le projet de code de procédure 
pénale, livres I et II. Bruxelles, 1879; gr. in-8°. 


Potvin (Ch.). — Enseignement moyen : questions préa- 
lables. Bruxelles, 1879; br. in-8°. 
Scheler (Aug.). — Olla Patella, vocabulaire latin versifié 


avec gloses francaises, publié d'aprés un manuserit de Lille. 
Gand, 1879; in-8° 

Boonen (Willem). — Geschiedenis van Leuven geschreven 
in de jaren 1595 en 1594, voor de eerste maal uitgegeven, 
op last van het stedelijk bestuur door Ed. van Even, 1*'* half- 
deel. Louvain, 1879; in-fol. 

Cogniaux (Alfred). — Remarques sur les cucurbitacées 
brésiliennes et particuliérement sur leur dispersion géogra- 
phique. Gand, 1879; br. in-8°. 

Bastings (D*.). — De la faiblesse ou altération de la consti- 
tution, des maladies qu'elle engendre et de leur traitement 
rationnel. Bruxelles, 1875; br. in-8° 

— Guérison d'un cas grave de phthisie chez une jeune fille 
de huit ans et demi, par électrisation méthodique de la respi- 
ration. Bruxelles, 1879; extr. in-8° (2 exempl.) 

Preudhomme de Borre (A.). — Étude sur les espéces de la 


( 914 ) 
tribu des Féronides qui se rencontrent en Belgique, 1'* partie. 
Bruxelles, 1878 ; extr. in-8°. | 

Lefèvre (Th.) et Watelet (A.). — Description de deux Solens 
nouveaux. Bruxelles, 1877; extr. in-8°. 

Malherbe (Renier). — Liber memorialis (1779-1879) de la 
Société libre d'émulation. Liége, 1879; vol. in-8°. 

Steurs (F.). — Het keizershof en het hof van Margareta 
van Oostenrijk te Mechelen. Malines, 1879 ; petit in-8°. 

Tiberghien (G.). — Éléments de morale universelle à l'usage 
des écoles laïques Bruxelles, 1879; in-12°, 

Salme (Dieudonné). — Poésies et théâtre. Liége, 1879; 
vol. in-12. 

Ministère des Affaires étrangères. — Catalogue de la Biblio- 
théque (arrété au 51 décembre 1877). Bruxelles, 1878; vol. 
in-8°. 

Compte rendu de l'assemblée générale du comité central 
d'organisation de la 5° session du congrès international des 
Américanistes, avec programme de la méme session. Bruxelles, 
1879; in-8°. 

Institut cartographique militaire. — Nivellement général du 
royaume de Belgique : nivellement de base. Ixelles-Bruxelles, 
1879; in-4° (2 exemplaires). 

Sadoine (E.). — Portefeuille John Cockerill, nouvelle série, 
4° volume, 2* livraison. Liége, Paris ; in-folio. 

Lyon (Clément). — Les artistes du pays de Charleroi : Les 
peintres Joseph, Isidore et Ange Francois. S. l. ni d.; br. in-8°. 

Génard (P.). — Les peintures monumentales de l'hótel et du 
château de Schilde. Anvers, 1879; in-4°. 

Renard (le général). — Beschouwingen over de taktiek der 
infanterie in Europa, vertaald door Landolt. Amsterdam, 
1858; in-8°. 

— Betrachtungen über die Taktiek der Infanterie, über- 
setzt von Blücher. Bruxelles, Leipzig, 1858; in-8*. 


( 943 ) 
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 


Zoolog.-botanische Gesellschaft in Wien — Verhandlungen, 
1878. Vienne, 1879; in-8. ; 

Löher (Franz v.). — Das Geheimniss des Róckl'schen Metall- 
abgusses von Siegeln und Medaillen, und deren Sammlungen 
im Reichsarchiv zu München. Stuttgart, 1878; extr. in-8°. 

Scheffler (D' H.). — Wärme und Elastizität : Supplement 
zum zweiten Theile der Naturgesetze. Leipzig, 1879; in-8°. 

Bureau de l'association géodésique internationale à Berlin. 
— Comptes rendus des séances de la commission permanente, 
réunie à Hambourg en 1878. Berlin, 1879; in-4*, 


JTALIE. 


Morcaldi (D' Mich.), Schieni (Maurus), et Stephano 
(Sylv. de). — Codex diplomaticus cavensis, tomi I-V. Milan, 
Naples, 1874-1879; 5 vol. in-#°. 

Buroni (Gius.). — 11 teeteto ovvero della scienza volgariz- 
zato e annotato. Turin, 1875; in-8*, 

— Nozioni di ontologia per introduzione allo studio della 
teologia, confronti tra la teosofia del Rosmini e le somme di 
S. Tommaso, edizione seconda. Turin, 1878; vol. in-8°. 

— Risposta prima al padre cornoldi d. C. d. G. in difesa 
delle nozioni di ontologia secondo Rosmini e S. Tommaso. 
Turin, 1878; in-8° 

— La trinita e la creazione nuovi confronti tra Rosmini e 
S. Tommaso didicati alla civiltà cattolica ete. Turin, 1879, in-8° 

— Dell essere e del conoscere studii su Parmenide, Platone 
e Rosmini. Turin, 1878; in-4°. 

Luvini (Giov.). — Della conservazione delle ova del Baco 
da seta in mezzi differenti dall’ aria. Turin, 1879; br. in-8°. 

Societa italiana delle scienze (detta dei XL). — Memorie di 


( 916 ) 

matematica e di fisica, tomes I-XXl. Véroue, Modéne, 1782- 
1856; 40 vol. in-4°. 

Società di scienze naturali ed economiche di Palermo. — 
Giornale, vol. XIII (1878). Palerme, 1878 ; vol. in-4°. 

Tommasi (D.). — Sur la non-existence de l'hydrogéne nais- 
sant, 4™ partie : réduction du chlorate de potasse. Florence, 
1879 ; extr. in-8*. 


Pays Divers. 


Ministerio de Fomento. — Los restos de Colon. Madrid, 
1879; pet. in-8*. 

Observatorio de Marina de San Fernando. — Almanaque 
Nautico para 1879-1880. — Anales : observaciones meteoro- 
logicos, 1874-1876. Madrid, San Fernando, 1875-1878; 2 vol. 
in-4° et 3 vol. in-folio. 

Société d'histoire de la Suisse romande. — Mémoires, tome 
XXXIV. — La Rose de la cathédrale de Lausanne par 
J.-R. Rahn, mémoire traduit de l'allemand par W. Cart. Lau- 
sanne, 1879; vol. in-8° et br. in-4*. 

Société des naturalistes de la Nouvelle-Russie. — Mémoires, 
t. V, 2° cahier; t. VI, 4°% cahier. Odessa, 1879; 2 cah. in-8°. 

Société de géographie. — Bulletin de 1878. S. Pétersbourg, 
1879; in-8*. 

Commission géodésique suisse. — Détermination télégra- 
phique de la différence de longitude entre Genéve et Stras- 
bourg, exécutée en 1876, par E. Plantamour et M. Lów. 
Genève, 1879; in-4*, 

Brunner de Wattenwyl (Ch.). — La tâche présente de l'his- 
toire naturelle, discours traduit par Alb. de Montet. Genéve, 
1879; in-8*. 

Lobo de Bulhoés. — Les colonies portugaises, court exposé 
de leur situation actuelle, Lisbonne, 1878; in:8*. 


Fin pu Tome XLVII pg La 2% SÉRIE. 


BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 


TABLES ALPHABÉTIQUES 


DU TOME QUARANTE-SEPTIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE. 


1879. 


TABLE DES AUTEURS. 


A. 


Académie I inscriptions et belles-lettres de Paris. — Hommage d'ou- 

vrages, 109. 

Académie Mont-Réal à Toulouse. — Adresse le programme de son con- 
cours de poésie, 445. 

Académie royale imta. — Adresse son programme de concours 
(prix de poésie), 571. 

Alvin. — Membre du M du conten. lenit ge Stress RÉ 
en langue française, 1 
centrale des artistes pour 1878, 917, 751; commissaire pour l'examen 
du mémoire concernant la pioiession de peiotre en Belgique, 912. 

Arnould, — Hommage d'ouvrage, 488. 


Bambeke (Van). — Commissaire pour l'examen des travaux suivants con- 
cernant : 1° les orques observés dans les mers d'Europe, par M. P.-J. Van 
bii 180; lecture de son rapport, 228 ; 2» l'innervation respiratoire, 

ar M. Fredericq, 180; rapport, 511 ; 3° la cellule cartilagineuse vivante, 
E M. Schleicher, 489; rapport, 751: hommage d'ouvrage, 508. 
mps. — Hommage d'ouvrages, 829, 
ines — Hommage d'ouvrages, 745. 
2"* SÉRIE, TOME XLVII. 59 


918 TABLE DES AUTEURS. 


Beckh - Widmanstetter (de). — Hommage d'ouvrage, 442. 
Beneden (Éd. Van). — Commissaire pour un travail de M. Mac Leod sur 
la structure de la glande de Harder du canard domestique, 489; rap- 
51 


port, 751. 

Beneden (P.-J. Van). — Présente un travail sur les orques observés dans 
les mers d'Europe, 180; lecture des rapports de MM. Van Bambeke et 
Candéze sur ce travail, 228; commissaire pour les travaux suivants, 
concernant : 1° le sang du homard, par M. Fredericq, 180 ; 2» la part à 
prendre, par la Belgique, aux travaux de la station zoologique de Naples. 
306 ; lecture d'un rapport collectif, 744; 5» les muscles et le sang du 
homard, par MM. Fredericq et Van de Velde, 507 ; rapport, 748; sur un 

envoi d'ossements de cétacés fossiles de Croatie, 185. 

Bluntschli. — Hommage d'ouvrage, 44 
oldour-Kostaky. — Dépôt aux archives de sa Note sur les séries poly- 
gonales, 15. 
ormans. — Hommage d'ouvrage, 108; commissaire pour un travail 
de M. Potvin concernant l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de 
boneurté, 215 ; rapport, 446; rapport à l’Académie royale de Belgique 
sur cinq titres de Pita ye de Brogne, 271; élu membre titulaire, 726; 
approbation royale de son élection, 828; remercie, ibid. 

Boussingault. — Remercie pour son élection d'associé, 2; accuse réception 
de son diplóme, 178. 

Brachet. — Dépose un billet cacheté, 507 , 487 ; présente : 1° Note sur un 
Cassegrain en verre argenté , 507; lecture du rapport de M. Montigny, 
490; 2» Note sur un microscope P Pega 744. 

Brassart. — Hommage d'ouvrage, 57 

Brialmont. — Membre du b du concours quinquennal des sciences 
mathématiques et physi 

Bruylants. — Nouvelle ses des acides iodhydrique et bromhy- 
drique, 767 ; rapport de MM. Stas et Melsens, 745. 

Burbure (Le chev. de). — Membre du jury du concours des cantates, 727. 

Buroni. — Hommage d'ouvrages, 850; Note bibliographique surces 
volumes, par M. di Giovanni, 855. 


c. 


Candéze. — Commissaire pour un travail de M. P.-J. Van Beneden sur 
les orques observés dans les mers d'Europe, 180; lecture de son rap- 
port, 228. 

Carrara. — Hommage d'ouvrage, 442. 


TABLE DES AUTEURS. 919 


an — Hommage d'ouvrage, 298. 
oy Rin du jury du coneours rsen des sciences mathé- 
matiques, 2; commissaire pour l'examen des travaux suivants concer- 
nant: 1° ne: nation, par M. Mansion , 227 pee rapport, 490 ; 2 Jes 
mouvements relatifs de tous les astres du systómie solaire, par M 'Souil- 
lart, 488; 3° l'influence de la forme des masses, etc., par M. Lagrange, 
5 : 


743. 
A — Hommage d'ouvrage, 256. 
ron. — Analyse des superphosphates, 96; rapport de MM. Stas et 
pini , 28, 29. 

Claes. — mem t du VIle concours triennal de littérature dramatique en 
langue francaise, 723. 

Congrés international des américanistes. — Hommage d' MEUSE, 829, 

Conscience. — Membre du jury du concours des cantates, 727. 

Cornet.— Remercie pour son élection de membre titulaire, fé approbation 
royale de cette élection, 178; rapport sur dcs notices de M, de Koninck 
concernant les minéraux belges, 491; sur les n lions pps du 
grisou dans les travaux d'exploitation ái K houille, 495 (v 502). 

Crépin. — Rapports sur les travaux pride menie T Me Widtfitios 
américaines, par M. Élie Marchal, 27 ; 2 une rectification synonymique 
rt à cette Note, 495. 

Cruls. — Note sur le système stellaire 40 o? Eridani, 255; rapport de 
M. Mur aho: 

Cuypers. — M. le Ministre communique son onzième rapport semestriel, 


216. š 


D. 


Dauby. — Hommage d'ouvrage, 572; Note bibliographique sur ce volume 
par M. ur RO ,915 

De Bussch Tappi t sur les travaux de la Commission de la Biogra- 
phie da dois ile (1878-1879), 644 ; réélu membre de la Commission de la 


28. 

De Ceuleneer. — Présente les travaux suivants concernant : 1? Men 

Sibi 110; — yu kapa de MM, Wagener et Néve, 832; 
2 deu nte. 915: rapport de M. Hiit 851; 

nord 904; 3» ui tombeau pélasgique découvert en Attique, 829; 
4° le cours de l'llissus , ibid. 

De Doss. — Hommage d'ouvrage, 171. 

De Heen. — Présente un nhe sur la dilatabilité des solutions salines 
et de quelques liquides organiques, 488. 


920 TABLE DES AUTEURS. 


De Jans. — Allocation de sa pension de lauréat, 216. 
.De Koninck (L.-G.). — Membre du jury du concours quinquennal des 
_ sciences mathématiques et physiques, 2; rapport sur un travail de 
M. Renard concernant les caractères distinctifs de Ja dolomite et de la 
calcite, 495. 
De Koninck (Lucien). — Hommage d'ouvrage, 179; recherches sur la Car- 
pholite et la Rhodocrosite, 564, 568; rapport de MM. Malaise et Cornet, 


491. 

Delarge. — Rapport de MM. Maus, Melsens et Montigny sur sa Note con- 
cernant le téléphone appliqué dans le voisinage des lignes télégraphi- 
ques, 16, 21; impression, 54; lettre de M. le Ministre des Travaux 
publics relative à ces expériences, 178. 

Delmotte. — Membre du jury du concours triennal de littérature drama- 
tique en langue t 107. 

Demannez. — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du 
lauréat Lauwers, rés ; appréciation de ce rapport, 300, 475. 

De Potter. — Lauréat du concours de la Classe des lettres, 642, 795; rap- | 
ports de MM. Wauters, Poullet et le baron Kervyn sur son mémoire 
couronné concernant Jacqueline de Bavière, 650, 640, 642, 

De Witte (Le baron). — Hommage d'ouvrages, 212, 257, 850; commissaire 
pour une Note de M. Galesloot concernant des vestiges de l'époque 
romaine, 445; rapport, 854. 

D’ Hane-Steenhuyse. — Hommage d'ouvrage, 109. 

Dillens. — M. le Ministre communique son 2* rapport semestriel, 216; 
lecture de l'appréciation faite par MM. Geefs et Fraikin, 751, 911. 

Dohrn.— Demande que la Belgique prenne part aux travaux de sa station 
zoologique, 506; lecture du rapport fait sur cette demande, 744. 

ove. — Annonce de sa mort, 486 

Dubois, — Oiseaux nouveaux et Remarques sur la faune de Belgique, 825, 
827; rapport verbal de M. de Selys Longchamps, 755. 

Dupont. — Commissaire pour une demande de M. le Ministre relative à 
la station zoologique de Naples, 306; lecture d'un rapport collectif, 
744. 

Duprez. — Membre du jury du concours quinquennal des sciences mathé- 
matiques, 2 

Duverger. — L'Inquisition en Belgique, 865; rapports de MM. Gachard, 
le baron Kervyn de Lettenhove et Waaters; 832, 841. 


TABLE DES AUTEURS. 924 


E. 


rrera. — Dépose un billet cacheté, 487. 
Eribori (Le baron van). — ETA une Note avec figures concernant la 
lanéte M 227; rapport de MM. Houzeau et Liagre, 323. 
Exposition nationale de 1880. — M  Liagre E de l'Académie 
auprès du groupe de l'enseignement, 742, 828, 9 


F. 


Faider. — Hommage d'ouvrages, 212,571; réélu membre de la Commis- 
sion administrative, 574. 

Faye. — Remercie pour son élection d'associé, 2. 
élis. — Membre du jury du concours triennal de littérature en langue 
francaise, 107; du concours des cantales, 727 ; adjoint à la section de 
musique pour la proposition de publication des œuvres des anciens 
compositeurs Rog 911; rapport sur l'état de la Caisse centrale des 
artistes pour 1878, 217, 751; annonce ^u réalisation de l'exposition 
EID des beaux-arts en 1880, 9 

ach. — Hommage d'ouvrage, 257; Nd og Dices sur cette bro- 
wi par M. Thonissen, 258. 
6 — Membre du jury du concours o pen des sciences mathé- 
atiques, 2; remplacé par M. Mailly, 178; hommage e son ouvrage 
vie Éléments d'une théorie "m faisceaux, 179; Note bibliogra- 
phique sur ce vitii 180; rapports sur la 2e pát ju travail de 
M. Lagrange concernant les mouvements astronomiques, 12, 14; com- 
missaire pour l'examen des Notes de M. Mansion sur l'élimination, 227, 
488; rapport, 490. 

Fraikin. — Commissaire pour l'examen : 1° du 2* rapport semestriel du 
lauréat Dillens, 216; lecture de son appréciation, 751: 2° du 11° rap- 
port semestriel du lauréat Cuypers, 216. 

Franck (Ad.). — Hommage d'ouvrage, 212. 

Franck (J.). — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du 
lauréat Lauwers, 216; appréciation de ce rapport, 500, 475. 

Francotte, — Lauréat du concours de la Classe des lettres, 629, 724; 
rapports de MM. Le Roy, Piot et Wauters sur son mémoire couronné 
concernant la propagande des € — à Liege, 575, 
596, 599 (impression dans les Memoires in-8»). 


922 TABLE DES AUTEURS. 


Fredericq (L.). — Note sur le sang du homard, 409; rapports de 
MM. Schwaunet F. Plateau, 509, 510; théorie de l'innervation respira- 


homard, 777; rapport de MM. Schwaun et Van Beneden, P.-J., 746, 748. 
Fredericq (P.). — Hommage d'ouvrages, 830; Note lion sur 
ces brochures, par M. de Laveleye, 851. 
Frédericæ. — Membre du jury du concours triennal de littérature drama- 
tique en langue francaise, 107. 


G. 


Gachard. — Dépôt dans la Bibliothèque des ouvrages offerts à la Com- 
mission d'histoire, 257 ; rapport sur un travail de M. Duverger concer- 
nant l'Inquisition en Belgique, 832. 

Galesloot. — Tombe de l'époque romaine, découverte à Lovenjoul. Ves- 
tiges d'une villa romaine à Laeken, 898; rapport de MM. le baron de 
Witte et Wagener, 854. 

Gallait. — Élu dicicur 171; remercie, 215. 

eefs (J.). — Commissaire bna. examen : 1^ du 2e rapport semestriel du 
lauréat Dillens, 216; lecture de son appréciation, 751; 2» du 11* rap- 
port semestriel du ein Cuypers, 216. 

Génard. — Hommage d'ouvrage, 442. 

Gérard. — Dépôt aux archives de sa Note sur la divisibilité de la lumiere 
électrique, 15; rapport de M. Maus sur sa Note concernant un compteur 
à secondes pour moteurs, 21; impression, 47; rapport de M. Montigny 
sur sa Note concernant un nieto pun. porte- voix, 181. 

vais — Annonce de sa mort, 

hen — Rapport sur un travail de M. É. Marchal concernant les 

Hédéracées américaines, 28. 

Giovanni (di) — Hommage d'ouvrage, 257; Note bibliographique sur 
cette brochure par M. Le Roy, 259; Note bibliographique sur plusieurs 
volumes, offerts par M. Buroni, 855. 

œbel. — Hommage d'une carte, 742. 

Go. re — Hommage d'ouvra 

a 


Grégoire. — Hommage d'ouvrage, 171, 298. 


TABLE DES AUTEURS. 995 


H. 


Henrard. — Élu correspondant, es. ; remercie, 828. 
enry. — Hommage d'ouvrage, 

Heremans. — Membre du jury z concours pis cantates, 727. 

Hoorweg. — Dépôt aux archives de sa Note sur la lumière électrique, 15. 

Houzeau (J.-C.). — Rapports sur les travaux suivants concernant: 1° les 
mouvements astronomiques, 2° partie, ari M. Lagra ps 15; 9» les 


couleurs des — d oe M. Nie 5; commissaire pour les 
iravaux [P binds nas 40 E Eridani , par 
M. Cruls, 181; topari 299.2 bec spectres des étoiles, par M. l'abbé 


Spée, 227; VERE 318; 3» » planéte Mars, par M. Van Ertborn, 227; 
rapport, 323. 


r 


Institution is ingénieurs mécaniciens de Londres. — Demande de ren- 
seignements relatifs à des recherches de mécanique pratique, 507 ; 
avis de M. die sur cette demande, 498; remerciments, 745. 


J. 


Jambois. — Hommage d'ouvrage, 830. 

Jenkins. — Présente deux Notes intitulées : Terrestrial magnétism. The 
plague, 227. 

Journal américain d'otologie. — Demande d'échange, 226. 

Jousset de Bellesme. — Hommage d'ouvrage, 508. 


K. 


Kervyn de Lettenhove (Le baron) — Commissaire pour les travaux 
—€— concernant : 1° l'auteur de Li ars d'amour, de vertu et de 
bon ar M. Potvin, 213; rapport, 444; 2° Jacqueline de Bavière 
(mémoire de perla à 214; rapport, s présente des Notes sur les 
arsi d'autographes de M. le baro: Stassart, 829; rapport sur 
un travail de M. Duverger concernant aninag en dta e, 841. 

Kunst-Verein, Hamburg. — Adresse une circulaire relative à son expo- 
sition pp ci 216. 


924 TABLE DES AUTEURS, 


Küntziger. — Lauréat du concours de la es des lettres, 629, 724; 
rapports de MM. Le Roy, Piot et Wauters son mémoire couronné 
concernant la propagande des Bst français à Liége, 575, 
596, 599 (impression dans les Mémoires in-8°). 


L. 


Lagrange. — Rapports de MM. Van der Mensbrugghe, Folie et Houzeau sur 
la 2* partie de son travail concernant les mouvements astronomiques, 
4, 12, 14, 15; présente un mémoire concernant l'influence de la forme 
des masses, etc., 745. 

Lamy. — Élu correspondant, 726 ; remercie, 828. 

Laubespin (de). — Hommage d'ouvrage, 108. 

wers. — M. le Ministre communique son 6* rapport semestriel, 216; 
appréciation de ce rapport, 500, 473. 

Laveleye (de). — Hommage d'ouvrages, 850; Note bibliographique sur 
deux brochures de M. P. Fredericq, 851. 

Leclercq (J.). — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du 
lauréat Lauwers, 21 

Leclercq (M.-N.-J.). — Nommé président de l'Académie, 178, 211, 216; 
la vie et l’œuvre du Congrès national de 1850, 652. 

Lecoy de la Marche. — Adresse un questionnaire concernant Saint-Mar- 
tin de Tours, 109. 

Lefèvre. — Hommage d'ouvrages, 308, dio 

Lenormant (Ch.). — Hommage d'ouvrages, 

Lenormant (Fr.). — Hommage vede ned ia ‘830. 

Le Paige. — Dépose un billet cacheté, . 

Le Roy. — Commissaire pour les als suivants concernant : 1* l'auteur 
de Li ars d'amour, de vertu et de boneurté, par M. Potvin, 215; rapport 
453; X la propagande des encyclopédistes français dans la principauté 
de Liége (mémoire de concours), 214; rapport, 575; Notes bibliographi- 
ques sur plusieurs ouvrages : 1° de M. Vincenzo di Giovanni, 259; 2° de 
M. Buroni, 855; le mécanisme et la liberté, 69 

Liagre.— — u jury aw concours quinquennal des sciences mathé- 

matiques, 2; dé ur l'Expo- 
sition de: 1880, 742, 898, 914; rapport sur übé Note de je Niesten 
concernant les Mn des étoiles doubles, 27 ; commissaires pour les 
travaux suivants concernant: 1^ les aérostats, p M. Van Weddingen, 

181, 489; rapports, 228, 755; 2° la planète Mars, par M. Van Ertborn, 


poem SNIPPETS 


TABLE DES AUTEURS. 995 


227; rapport, 325 ; proclame les résultats des concours et des élections 
dela Classe des iae seu mi mmage d'ouvrage ` 

Limnander (Le baron). — e sa démission de menibee titulaire pour 
prendre rang parmi les associés, 171, 477. 

Loubat. — Hommage d'ouvrage, 829. 


M. 


eod. — Sur la structure de la Glande de Harder du canard domes- 
taue, 797; rapports de MM. F. Plateau et Éd. Van Beneden, 749, seah 
Mailly. — Rapport sur une Note de M. Niesten concernant les cou 
des étoiles doubles, 27; membre du jury du concours ira des 
sciences mathónditiques 178; hommage d'ouvrage, 4 
Malaise. — Sur l'Arsénopyrite ou Mispickel et sur l'eau leseüiesió de 
Court-Saint-Étienne, 29; rapports sur les travaux suivants concernant: 
1*les minéraux belges, par M. de Koninck, 491; 2» les caractères dis- 
tinctifs de la dolomite et de la calcite , par M. Renard, 492; hommage 
d'ouvrage , 742. 
Mansion. — janey des Notes sur l'élimination, 227, 488; rapports de 
Catalan, Folie et De Tilly sur sa seconde Note, 490; impression de 
celle-c bus 
Marchal (Edm.). — Secrétaire du jury du concours des cantates, 727. 
Marchal (Élie). — Révision des Hédéracées américaines (18 espèces nou- 
velles), 70; rapport de MM. Crépin, Morren et Gilkinet, 27, 28; rectifi- 
cation synonymique relative à celte Note, 514: avis de M. Crépin à ce 
t, 495 


Mativa. — Hommage d'ouvrage, 5 

Maus. — Rapports sur les travaux suivants concernant : 1? le téléphone, 
par M. Seria 16; 2° un compteur à secondes pour les moteurs, 
par M. Gérard, 21 ; commissaire pour une demande de l'Institution des 
ingénieurs mécaniciens de Londres relative à des expériences de méca- 
nique pratique, 307; rapport, 489; donne connaissance de la décision 
prise par la Commission dé jittoinérrés au sujet du oh de 
M. Melsens, 440. 

Melsens. — Rapports sur les travaux suivants concernant : 1° le télé- 
peus par M. Delsigé 21:52 pe RE A AE PE — M. Chevron, 29; 

concernant: 1? un nouveau pro 

cédé pour preodie l'empreinte des cachets et des es 506; he 
ture de son rapport, 744; 2» méthode de préparation des acides odig- 


926 TABLE DES AUTEURS, 


drique et bromhydrique par M. Bruylants, 489; rapport, 745; 5» un 
microscope dioptrique, par M. Brachet, 744; résolution prise au sujet 
de son systéme de paratonnerres, 440 ; Note sur les mines de houille dans 
lesquelles on constate la présence du grisou, 502 (voir p. 49 

Ministre de la Justice (M. le). — Hommage d'ouvrages, 108, 256, 

Ministre de l'Intérieur (M. le). — Hommage d'ouvrages, 108, 212, 226, 
256, 297, 442, 486, 571, 728, 742, 829; demande l'avis de l'Académie au 
sujet : 1* de la station zoologique établie par M. Dohrn, à Naples, 506; 
lecture du rapport de la Commission sur cette demande, 744; 2» d'un 
procédé inventé par M. Roeckl pour prendre l'empreinte des cachets et 
des médailles, 506; lecture du rapport de MM. Stas et Melsens, 744; 
demande que l'Académie lui soumette des propositions relativement à la 


Ministre des Travaux publics (M. le). — idee une lettre relative aux 
expériences de M. Delarge sur le téléphone, 178; hommage d'ouvrage, 
307. 


Moeller. — Hommage d'ouvrage, 488. 

Montigny. — Rapports sur les travaux suivants concernant : 1° le télé- 
phone, par M. Delarge, 21 ; 2° un microphone porte-voix, par M. Gérard, 
181; commissaire pour les travaux suivants concernant : 1? les aéros- 
tats, par M. Van Weddingen, 181, 489; rapports, 228, 755; 2» les spec- 
wes des étoiles, par M. l'abbé Spée, 227 ; rapport, 520; 3° un Casse- 

n en verre argenté, par M. Ach. Brachet, 307; lectüre de son 
poni 490; la prédominance de la couleur bleue P les observa- 
tions de scintillation aux approches et sous l'influence de la pluie, 755. 

Morren. — Rapport sur un travail de M. E. Marchal sur les Hédéracées 
américaines, 28; commissaire pour une demande de M. le Ministre rela- 
tive à la station zoologique de Naples, 506 ; lecture d'un rapport collectif, 
741; hommage d'ouvrages, 5 

— — Présente un travail inci à navigation maritime à vapeur, 


N. 


Néve. — Lecture de son rapport sur les corrections apportées par M. de 
Ceuleneer à son mémoire concernant Septime Sévére, 852. 

Niesten. — Recherches sur les couleurs des étoiles doubles: 50 ; rapports 
de MM. Houzeau, Mailly et Liagre, 25, 27. 

Nolet de Brauwere van Steeland. — Les traducteurs du Dante Alighieri, 


Nypels. — Hommage d'ouvrage, 108, 850; élu directeur, 110. 


TABLE DES AUTEURS. 997 


0. 


Observatoire de Melbourne. — Demande d'échange, 306. 
Oppert. — Hommage d'ouvrages, 850. 


P 


ann. — Hommage d'ouvrage, 3 

Pii ing. — Fait appel aux astronomes pour l'observation des étoiles 

voisines du póle Nord, 487 

inchart. — Commissaire pour l'examen du 6* rapport semestriel du 
lauréat Lauwers, 216; appréciation de ce rapport, 500; Note bibliogra- 
phique sur deux brochures de MM. Schuermans et Van de Casteele, 
298; commissaire pour le mémoire de concours concernant la profes- 
sion de peintre en Belgique, 912. 

ti. — Commissaire pour les mémoires de concours concernant la pro- 
pagande des encyclopédistes français dans la province de Liége, 214; 

ae 596; élu membre pueris 15 ARE de di son 
élection, 828; remercie, ibid. ; commissaire pour des Notes de M. le 
si iia de Vua tenas y collections des sbicgil files 
de M. le baron de Stassar 

Planté. — Hommage ge ; 308. 

Plateau (F.). — Commissaire : fo pour une demande de M. le Ministre 
relative à la station zoologique de Naples, 306; lecture d'un rapport 
collectif, 744 ; 2 pour les travaux suivants concernant : a. le sang du 
bomard, par M. Fredericq, 180; rapport, 510; b. l'innervation respira- 
toire, par le méme, 180; rapport, 317; c. la structure de la glande de 

arder du canard domestique, par M. Mac Leod, 489; rapport, 749. 

Plateau (J.). — Un petit ane. se 

Portaels. — Com t la 
fession de peintre en Belgique, 912; € de sa proposition ds 
— rétrospective des beaux-arts en 1880, ibid. 

Postula. — Présente un travail concernant cà vibrations des cordes, 181; 
stained de MM. Montigny et Liagre, 2: 

Potvin. — Membre du jury du concours iv de littérature drama- 
tique en langue francaise, 107; quel est l'auteur de Li ars d'amour, de 
vertu et de boneurte?, 455; rapports de MM. le baron Kervyn, Bormans 


928 TABLE DES AUTEURS. 


et Le Roy, 444, 446, 455; membre du jury du concours des cantates 
727; hommage d'ouvrage, 850 

Poullet. — Commissaire pour les mémoires de concours sur Jacqueline 
de Bavière, 214; rapport, 640. 

Preudhomme de Borre. — Hommage d'ouvrage, 745. 


R. 


Radoux. — Élu membre titulaire, 477; approbation royale de son élec- 
tion, 727 ; remercie, 728. 

Rahlenbeek. — Hommage d'un manuscrit concernant les relations des 
Belges avec l'Angleterre avant dot de Charles-Quint, 443. 

Rauïs. — Dépose un billet ca 

Renard. — Caractéres iique de la dolomite et de la calcite dans les 
roches calcaires et dolomitiques du calcaire carbonifère de la Belgique, 
541; rapport de MM. Malaise et de Koninck, 492, 493 

Reumont (de). — Hommage d'ouvrage, 109. 

Riedmalten Ws — Ho gi d'ouvrage, 442. 

ckl. — Sou un nouveau procédé pour prendre l'empreinte des 

acis et des refer Sol lecture du rapport de MM. Stas et Mel- 
sens, 744 


S. 


Saltel. — Sur un paradoxe mathématique et sur un caractère de décom- 
position dù à la présence des lignes multiples, 184; avis de MM. Folie, 
De Tilly et Catalan sur ce travail, 181 

Samuel. — Membre du jury du concours des cantates, 727. 

Saporta (Le comte de). — Hommage d'ouvrage, 2. 

Scheler. — Hommage d'ouvrage, 830. 

Schlaginweit (Ad. et Hermann von). — Hommage d'ouvrages, 179. 

Schleicher. — Hommage d'ouvrage, 179 ; nouvelles communications sur la 
cellule cartilagineuse vivante, 811; rapport de MM. Van Bambeke et 
Schwann, 751, 755. 

Schodt. — Moms d'ouvrage, 572. 

Schoy. — Hommage d'ouvrage, 298. 

Schuermans. — Hommage d'ouvrage, 298; Note bibliographique sur 
cette brochure, par M. Pinchart, ibid. 


TABLE DES AUTEURS. 929 


Schwann.— Commissaire pour les travaux suivants concernant : 1° le sang 
* du homard, par M. gehn rieq, 180; rapport, ; 20 les muscles et les 
nerfs d erint rd, par MM. Frederieq et isnt a rapport, 746; 
sis la asap iciiugiienià vivante, par M. Schl , 489; rapport, 
é membre de la Société bone de Lid es, ram 
ie ys sociali (de). — Quatriémes additions au Synopsis des Calop- 
térygines, 549; sek verbal sur deux Notes de M. Dubois concernant 
es oiseaux nouveaux et la Faune de Belgique, busca 


mer v — Remercie ponr son élection d'associé, 
e Bal — Offre la fies et le livre 


com apes de son jubilé sua, 179. 
Société m sciences naturelles de Padoue. — Demande d'échange, 296. 
ipu littéraire de l'Université catholique de Louvain. — Adresse son 
me de concours pour , 257, 
d ro ik ape el de He m de Gand. — Adresse le 
a 142* exposition, 179. 
dert. — bid e un mémoire sur les mouvements relatifs de tous 
les astres du systéme solaire, 488. 
Spée (L'abbé). — Présente un travail sur les raies des spectres des 
étoiles P ; rapports de MM. Houzeau et Montigny, 518, 520. 
Spring. — 2: Nou visu sels basiques de mercure et cas d'isométrie du sul- 
fure de mercure, 515; rapport verbal de M. Stas, 491 
Stas. — Élu directeur de la Classe des sciences, Pod 1880, 5; réélu 
la Commission papaning 489; nommé membre de la 


membre de 
742; rapports sur les travaux suivants con- 


Société royale de Londres, 
cernant : 1° les M par M. herria , 28; 2° un nouv 
procédé pour prendre l'empreinte des cachets et des dallo ju 
3° une nouvelle méthode di préparation des acides iodhydrique et 
bromhydrique, par M. Bruylants, pet 4° qu ER nouveaux sels basi- 
liques de sr etc., par M. Spring, 

Steichen. — Membre du jury du concours Des des sciences 
ne fi 


T. 
Terquem. — € d'ouvrage, 308. 
Thomson. — Remercie pour son élection =Z: 2; accuse réception 
de son diplôme, es hommage d'ouvrage 
ice — Notes bibliographiques sur " ouvrages suivants : 4° de 
Flach, 238; 2» de M. Dauby, 573. 


950 TABLE DES AUTEURS. 


Tiberghien. — Hommage d'ouvrage, 237. 

Tilly (De). Remercie pour son élection de membre titulaire, 2; approba- 
tion royale, 178; hommage d'ouvrage, 226; commissaire pour l'examen 
des travaux suivants concernant: 1° l'élimination, par M. Mansion, 
227, 488; rapport, 490; 2» les mouvements relatifs de tous les astres 
du système solaire, par M. Souillart, 488; 3° l'influence de la forme des 
masses, etc, par M. Lagrange, 743. 

Tinel. — Appréciation de ses deux 1*'* rapports trimestriels, 172; récep- 
tion de son 5* rapport, 911. 

Toreno (Le comte de). — Hommage d'ouvrage, 257. 

Trabaud. — Hommage d'ouvrages, 217, 297, 476. 


U. 


Université de NE — Annonce la célébration de son 400° anni- 
versaire de fondation, 7 


X. 


Valerius. — Hommage d'ouvrage, 508. 
Van de Casteele. — Hommage d' ut 298; Note bibliographique 
sur cette brochure, par M. Pinchart, ibid 
'andenpeereboom. — Hommage oria 442; élu correspondant, 726; 
remercie, 828. 

Van der EER — Rapports : 1° sur la 2° partie d'un travail de 
M. Lagrange concernant les mouvements astronomiques, 4, 14; commis- 
saire pour les travaux suivants : 1e de M. P. Souillart sur les mouve- 
ments relatifs de tous les astres du système solaire, 488; % de M. De 
Heen sur la dilatabilité des solutions, etc., ibid.; 9» de M. Lagrange sur 
l'influence de la forme des masses, etc., 7. : nouvelles applications de 
l'énergie potentielle des surfaces liquides, 326 

Vandevelde. — Voir Fredericq (L.). 

Vreede. — Hommage d'ouvrage, 442. 


W. 


Wagener. — Hommage d'ouvrage, 212: rapports sur les travaux suivants 
de M. de Ceuleneer: 1° vases archaiques découverts à Girgenti, 851 ; 
2» mémoire sur Septime Sévére, 832; commissaire pour les travaux ci- 
aprés du méme auteur : 1° découverte d'un tombeau pélasgique en Atti- 


TABLE DES AUTEURS. 931 


que, 829; 2° sur le cours de l'Ilissus, sci ie age pour une Note 
de M. Galesloot concernant une tombe et villa de l'époque romaine, 
445; rapport, 854; membre du jury du concours des cantates, 727. 

Waulers. — Wissant, l'ancien Portus Iccius, 111; commissaire pour les 
mémoires de concours concernant : 1° la propagande des encyclopé- 
distes francais dans Ja principauté de Liége, 214; rapport, 599; 2» Jac- 
hoi eline de Bavière, 214; rapport, 650; rapport sur un travail de M. Du- 

erger concernant l’ RN en Belgique, 841. 

Die ngen (Van). — Présente un travail e les aérostats, 181, 489; 
rapports de MM. Mon iios et Liagre, 228, 7 

Weyr. — Hommage d'ouvrages, 487 

Will Foral: — Lecture dè l'avis émis sur sa demande relative au 
règlement des grands concours decomposition musicale, 172, 


TABLE DES MATIÈRES. 


Anatomie. — Voir Histologie. 
Archéologie. — Note sur deux brochures relatives à Fancienne + verrerie 
lié 


Girgenti, par M. de Ceuleneer, 904: rapport de M. "ens 851; 
M. de Ceuleneer présente deux Notes concernant : 1^ un tombeau 
pélasgique découvert en Attique, 829; 2» le cours de bles. ibid. ; 
découverte d'une tombe romaine à Lovenjoul et Vestiges d'une villa 
romaine à Laeken, par M. Galesloot, 898; rapport de MM. le baron de 
Witte et Wagener, 854. 

Arrétés royaux. — M. le Ministre de l'Intérieur transmet les arrêtés 
royaux suivants : 1° nommant le jury du concours quinquennal des 
sciences mathématiques, 2, 178; 2» celui du concours triennal de lit- 
térature dramatique en langue francaise, 107 ; 3° nommant M. Leclercq, 
président de l'Académie, 178, 211, 216; 4° approuvant l'élection de 
membre titulaire de MM. De Tilly, Cornet, Radoux, Bormans et Piot, 
178, 727, 828; 5» apportant des modifications au règlement des concours 
quinquennaux, 506, 442; 6° ouvrant le concours des cantates, 476; 
7° nommant le jury de ce concours, 727 ; 8» modifiant le règlement du 
grand concours de composition inusicale, 

Astronomie, — Rapports sur la 2* dire: aun travail de M. Lagrange 
concernant les mouvements astronomiques, 4, 12, 14, 15; recherches 
sur les couleurs des étoiles doubles, par M. Niesten, 50; rapport sur ce 
travail, 25, 27; M. l'abbé Spée présente un travail sur le déplacement 
des spectres des étoiles, 227; rapports de MM. Houzeau et Montigny, 
318, 520 (impression dans les Mémoires in-8°); M. Van Ertborn pré- 
sente une Note avec figures (opposition de Mars en 1877), 227; rapport 
de MM. Houzeau et Liagre, 325 (impression dans les Mémoires in-4°) ; 
Note sur le système stellaire 40 o? Eridani, par M. Cruls, 255; rapport 


TABLE DES MATIÈRES, 955 


sur ce travail, 229; appel fait aux astronomes pour l'observation des 

étoiles voisines du póle Nord, 486; M. Souillart présente un Mémoire 

sur les mouvements relatifs de tous les astres du système solaire, 488. 
Voir Météorologie et Physique. 


Beaux-arts. — Voir ess (grands), Musique et Concours de la 
Classe des beaux- 

Bibliographie. — red sur les ouvrages suivants : 1° de M. Folie con- 
cernant la théorie des faisceaux , 180; 2» de M. Flach sur la Table de 
bronze d'Aljustrel, 258; 5° de M, di Giovanni relatif au P, € 
Romano, professeur de philosophie à Palerme, 259; e M. Dauby 
sur les causes et les conséquences des gréves, rogi de M, Frederieq 
concernant ied de Belgique, 851; de M. Buroni sur les études 
philosophiques, 855, 

Billets UE a r par MM. Le Paige, 179; Brachet, 307, 487 ; 
Rauis, ibid. ; Err 

Biographie, — Vac € aphie et Commission de la Biographie. 

Biologie. — Demande de M. Dohrn relative à la station qu'il a établie à 
Naples, 506; lecture du rapport de la Commission, 744. 

Botanique. — Révision des Hédéracées américaines. Espéces nouvelles, 
par M, Élie Marchal, 70; rapport de MM. Crépin, Morren et Gilkinet, 27, 
28 ; rectification relative à cette Note, 514; avis de M. Crépin, 495. 
Voir bi ologie. 

€. 


Caisse centrale des artistes, — Pension accordée, 172; situation pot 
nistrative et financiére de la Caisse pour 1878; Laurie par MM. Alv 
et Fétis, 217, 731 

Chimie. — Analyse des superphosphales, par M. Chevron, 96; rapport de 
MM. Stas et Melsens, 28, 29; sur quelques nouveaux sels basiques de 
mercure et sur un cas d'isomérie du sulfure de mercure, par M. 
W. Spring, 515; rapport verbal de M. Stas, 491 ; méthode de prépara- 
tion des mién iodhydrique et bromhydrique, par M. Bruylants, 767 ; 

rt de MM. Stas et Melsens, 745. 

Voir Numismatique et Physique. 

Commission : RovaLE p'uisromE. Envoi de livres, 237. — POUR LA LISTE 
DES OBJETS D'ART A REPRODUIRE PAR LES LAURÉATS DES GRANDS CONCOURS 
Communications relatives à la rédaction de cette liste, 502, 
PARATONNERRES. Résolution prise relativement au nouveau SS de 

zo txt, TOME XLVII. 


954 TABLE DES MATIÉRES. 


M. Melsens, 440. — ApuixisTRATIVE.. MM. Stas, Faider et De Busscher, 
réélus membres, 488, 574, 728. — POUR LA PUBLICATION D'UNE COLLECTION 
DES GRANDS ÉCRIVAINS. Hommage du volume de la nouvelle série des 
Trouvéres belges, — DE LA BIOGRAPHIE NATIONALE. Rapport annuel 
pour 1878-1879, par M. Édm. De Busscher r, 644. 

Concours de la Classe des beaux-arts. — Commissaires pour le mémoire 
concernant la profession de peintre en Belgique, 912. 

Concours de la Classe des lettres. — Mémoires recus et nomination des 
commissaires, 110, 215; rapports de MM. Le Roy, Piot et Wauters sur 


Kervyn sur les mémoires concernant magy de Bavière, 650, 6 

- 642; proclamation des résultats, 629, 642, 

Concours de la Classe des sciences. — eint pour 1880 et ques- 
tions pour 1881, 

Concours (gr min. Ps de Rome. — ScurPrunE. Pension accordée au 
lauréat De Jans , 216; réception du 2* rapport du lauréat Dillens, 216 ; 
lecture de l'appréciation faite par MM. Geefs et Fraikin , 731, 91 
réception du 11° rapport du lauréat Cuypers, 916. — PENRE bélüie 
de l'appréciation faite des deux premiers rapports du lauréat Tinel, 
172; réception du 5° rapport du méme lauréat, 941 ; suite donnée à la 
requête du Willems-Fonds, 172; modifications au règlement, 727. — 
Gravure. Réception du 6* rapport du lauréat Lauwers, 216; appré- 
ciation de ce rapport, 500, 475. 

Concours des cantales. — Arrêlé royal ouvrant ce concours, 476; candi- 
datures pour pe UREE dujury, 477; membres du jury, 727; liste 
des cantates, 

Concours iiih gassho: — SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. Jury 

6* période, 2, 178; arrêté royal permettant d'admettre au concours 
les ouvrages écrits en langue néerlandaise, 506, 442. 

Concours triennaux de littérature dramatique. — LANGUE FRANÇAISE. 

Jury dela 7* période, 107; M. Claes, lauréat, 723. 


D. 


Dons. — Ouvrages : par l'Académie des inscriptions et belles-lettres de 
Paris, 109; par MM. Arnould, 488 ; Dambeke (Van), 508; Bamps, 829; 
cn 745; Beckh Lee et Bluntschli, 442; Bormans, 108; 
Brassart, 572; Buroni, 830 ; Carrara, 442 ; Castan, 298; Near 236; 
nl lalervatióngd des Américanistes , 829 ; labe: 57 e Doss, 
171, de Koninck (fils), 179; de Witte, 212, 257, 830; P RD 


P 
; 
[ 
: 
/ 


TABLE DES MATIÉRES. : 955 


109; Faider, 212, 571; Flach, 257; Folie, 179, 180; Franck, Ad., 212; 
Fredericq, 850, 851 ; M e 257 ; Génard; le e bk 
Gosselet, 227; Gozzadi 442, 445; Free 171, 298; Henry, 2 

holt, 830; dune de bie ud bao (de), 108; Lee d 


850; Lefèvre, ir m 5; Lenor , Ch., 212; Lenormant, Fr., 572, 
850; Liagre Ae "wai, 416; Ma E 742; Mativa, 3; 
Ministre de la Mas ; Ministre de l'Intérieur, 108, 212, 226, 


25 ES. dodi 442, 486, P "s 742, 829; Ministre des Travaux publics, 


Preudhomme de Borre, 145; Reumont (de), 109; Riedmatten (de), 442; 
Saporta (de), 2; d 57 » ea 179; Sebleie her, 179; 
Schodt (De), 5 98 t de 
Sciences de is phe Ter rquem, 508 ; Thomson, 179; ed 
251; Tilly (De), M. Toreno (de), 957; T ipii 217; Va lerius, 508; 
Yan de torse 298; pr ares om, 442; Vreede, 442; Wagener 
212; Weyr, 487. — Carte, par M, Goebel, bn — Manuscrit par 
M. Rahlenbeek, 445. — Médaille, par la Société des arts et des sciences 
de Batavia, 179 


E. 


Élections et nominations. — Président de l'Académie, 178, 214, 216; 
e ud des trois Classes : sciences, 5; lettres, 110; heaux-arts, 171, 
e bar 477 


178, 727, 828; MM. Lamy, Henrard et Vandenpeereboom élus corres- 
pondants, 726, 828; MM. Slas, Faider et De Busscher réélus membres 
de la Commission administrative, 498, 574, 728; MM. Stas et era 
nommés spesa a Société R. de Londres, 742, 

Voir Arrélés 

Épigraphie cn -- Voir Bibliographie. 

Exposition nationale de 1880. — M. Liagre délégué auprès du Groupe 
de l'Easeignement, 742, 828, 911; eei rétrospective des œuvres 
des artistes belges, 1850-1880, 912. 


G. 


Géographie. — Wissant, l'ancien Portus lecius, par M Wauters, 111. 

Géologie et paléontologie. — Sur un envoi d'ossements de cétacés fossiles 
de Croatie, par M. P.-J. Van Beneden, 185. 

Voir Chimie, Minéralogie et Physique. 


956 TABLE DES MATIÉRES. 


H. 


Histoire. — Questionnaire relatif aux faits historiques se rattachant à 
Saint-Martin, de Tours, 109; M. de Ceuleneer présente une nouvelle 
rédaction de son mémoire couronné sur Septime Sévére, 110; lecture 
des rapports sur ce travail, 852; une fausse bulle du pape Étienne VII. 
Rapport sur cinq titres de l'abbaye de Brogne, par M. Bormans, 271; la 
vie et l’œuvre du congrès national de 1850; discours par M. Leclercq, 
652; M. le baron Kervyn de Lettenhove présente un travail sur les 
autographes de M le baron de Stassart , 829 ; l'inquisition en Belgique, 
par M. Duverger, 865; rapports de MM. Gachard, Kervyn et Wauters, 
852, 841. 

Voir Archéologie, re Concours de la Classe des lettres et 

ciences morales et politique 

Histoire littéraire. — Quel est uda de Li ars d'amour, de vertu et de 
boneurté? par M. Ch. Potvin, 455; rapports sur ce mémoire, 444, 446, 


Voir Concours de la Classe des lettres. 
Histologie. — Structure de la glande de Harder du canard domestique, 
Leod, 797; rapport de M F. Plateau et Éd. Van Beneden, 
749, 751 ; nouvelles communications sur la cellule cartilagineuse vivante, 
par M. Schleicher, 811; rapport de MM. Van Bambeke et Schwann, 
751, 753 
M. 


Mathématiques pures et appliquées. — Paradoxe mathématique, et nou- 
veau caractère de décomposition dû à la présence des lignes multiples, 
par M. Saltel, 184; avis favorable exprimé sur ce travail, 181; M. Man- 
sion présente plnsieurs Notes sur l'élimination, 227, 488; rapports de 

M. Catalan, Folie et De Tilly, 490; impression de la 24e Note, 55 

Mécanique. — Compteur à secondes servant à contrôler la vitesse des 
moteurs, par MM. Valisse et Gérard, 47; rapport sur celte note, 21; 
demande de l'Institution des Ingénieurs mécaniciens de Londres, 307; 
ecture du rapport de M. Maus sur cette demande, 489; remerciments 
de l'Institution précitée, 743. 

Voir Bibliographie et Physique. 

Mécanique céleste. — Voir Astronomie. 

Méteorologie. — Prédominance de la couleur bleue dans les observations 
de scintillation aux approches et sous l'influence de la pluie, 755. 


TABLE DES MATIÉRES. 957 


Minéralogie. — Sur les minéraux belges (la Carpholite et la Rhodocro- 
site), par M. de Koninck, fils, 564, 568; rapport de MM. Malaise et 
Cornet, 491 ; caractères distinetifs de la dolomite et de la calcite dans 
les roches calcaires et dolomitiques du calcaire carbonifère de la Bel- 
gique, par M. Renard, 541; rapports de MM. Malaise et de Koninck, 
492, 495; sur Reese ou E et sur l'eau arsenicale de 
Court St tenut; par M. Ma 

Musique. — Demande de M. a Pae relative à la publication des œu- 
vres des anciens compositeurs belges, 910. 


N. 


Nécrologie. — Annonce de la mort de MM. Gervais, 226 ; Dove. 
Numismatique. — M. le Ministre demande l'avis de Yi adiu sur un 
nouveau procédé pour prendre l'empreinte des cachets et des médailles 
inventé par M. Roeckl, 306; lecture des rapports de MM. Stas et Mel- 
sens, 744, 
i o. 


Ouvrages présentés. ieu: 175; février, 218; mars, 502; avril, 477 ; 
mai, 791; juin, 
P. 


Philosophie. — Le mécanisme et la liberté, par M. Le Roy, ce note sur 
plusieurs écrits de M. le professeur J. Buroni, de Turin, 
Voir Bibliographie. 
Physiologie. — Note sur le sang du homard, par M. L. Fredericq, 409; 
rapports sur ce travail, 509, 510; sur la théorie de l'innervation respira- 
toire, par le même, 415; rapports sur ce travail, 514, 317; physiologie 
des muscles et des nerfs du homard, par MM. Fredericq et Vandevelde, 
777 ; rapport de MM. Schwann et P.-J. Van Beneden, 746, 748. 
Physique. — Sur le téléphone x dans le voisinage des lignes télé- 
graphiques ordinaires, par M. Delarge, 54; rapport sur ce travail, 16, 
91 ; réponse de M. le Ministre des Dn publies à ces rapports, 178; 
M. Van Weddingen présente un travail concernant la direction des 
aérostats, 181, 489; Sc let sur cette Note, 228, 229, 755; rapport de 
M. Montigny sur une Note de M. Gérard concernent un anum 
porte-voix, 181; M gees ie les travaux suivan 1 
Cassegrain en verre argenté, ete., 307; lecture du rapport de M. re 


958 TABLE DES MATIÉRES. 


tigny, 490; 2» concernant un microscope dioptrique, 744 ; nouvelles 
applications de l'énergie potentielle des surfaces liquides, par uM 
r Mensbrugghe, 326; un petit paradoxe (mouvement A par 
EE Plateau, 346; SR prise par la Commission des paraton- 
nerres relativement au nouveau système de M. Melsens, 440; M De 
‘Heen présente un travail sur les solutions salines et les liquides orga- 
niques, 488 ; irruptions posce du grisou dans les travaux d'exploitation 
e la houille, par M. Cornet, 495; sur les mines de houille dans 
sert on constate la Poi du grisou, par M. Melsens, 502; 
M. Lagrange présente un travail concernant l'influence de la forme des 
masses, etc., 745. 
Poésie, — Les traducteurs du Dante aux Pays-Bas, par M. J. Nolet de 
NE van Steeland, 241; programme de concours de l'Académie 
ont-Réal, à Toulouse, 145. 
Es académiques. — Demandes d'échange, 226, 306. 


S. 


Sciences morales et politiques. — M. Rahlenbeek fait hommage d'un ma- 
nuscrit concernant les relations politiques et commerciales des Belges 
avec l'Angleterre jusqu'à l'avénement de Charles-Quint, 445. 

Voir Bibliographie. 

Z. 


Zoologie. — M. P.-J. Van Beneden présente un mémoire sur les orques 
observés dans les mers d'Europe, 180; leeture des rapports sur ce 
travail, 228; quatriémes Additions au Synopsis des Caloptérygines, par 
M. Edm. de Selys Longchamps, 549; description d'oiseaux nouveaux et 
bui sur la Faune de Belgique, par M. Dubois, 825, 827 ; rapport 

erbal de M. de Selys Longchamps, 755. 
vole Géologie, Biologie, Physiologie et Histologie. 


TABLE DES PLANCHES. 


110, Environs de Boulogne (carte). 
He Le Pays entre Wissant et Guines (carte). 
9. Graphique de la pie chez un lapin M par le chloral. 
5 m Calcite et dolom 
i Glande de ime: då canard domestique. 
. Vases archaïques trouvés à le (2 planches). 
Sin Made de l'époque romain 


ERRATA. 


Page 507, ligne 25, au lieu de : Note sur un casse- grain, lire : Note sur 
un Casse €: 

— 666, ligne 9, au lieu de : gardien dies + adilion et condition 
ento lire : gardienne des tradi- 


le. 
— 675, ligne 8, au lieu de : | is ranges conséquenses, 


lire : pris tirer de si étranges con- 
séquen