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Full text of "Flore me?dicale /de?crite par MM. Chaumeton, Poiret, Chamberet ; peinte par Mme E. P. ... et par M. J. Turpin."

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FLORE MÉDICALE 


FLORE 


MÉDICALE 


DÉCRITE 
PAR MM. CHAUMETON, POIRET, 
CHAMBERET 


PEINTE 


PAR-M EE. Pi ET PAR M. J. TURPIN 


NOUVELLE PUBLICATION 


8 TOME SIXIÈME. 


PARIS 


à IMPRIMERIE DE C. L. F. PANCKOUCKE 
CHÉVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LÉGION D'HONNEUR 


RuE pes PoiTEvins, N° 14 


M DCCC XXXIL 


Mo. Bot. Garden 
1509 


.CGXCIL. 


RAIFORT. 


Grec... ,., «. papas, Dioscorides 

RAPHANUS MAJOR ORBICULARIS. Bauhin Hivæ£, hb. 3, sect. 1. Tour- 
nefort, clas. 5, sect. 3, 

RAPHANUS SATIVUS; séliquis À rite torosis, bilocularibus. Linné, te- 


latin. , ie iq 
Pédjaamis pese Jussieu, clas. 13, ord. 3, famille des cruci- 


ères. 
TDR F5: .. RAVANO; RAVANELLO, 
PP :,..... BANO 
POFEUIS. 5. RABANO. 
Français... .,.... RAIFORT; RALFORT CULTIVÉ, 
AS. ne RADISH ; GARDEN-RADISH. 
Allemand. ::::.. RETTIG ; GARTENRETTIC. 

] Rx ice REDIKE. 
SUCRES, a RAETTIKA, 
CARO. ++ TSAI-FU-KEN, 


Par le nom de raifort, appliqué ici à la plante que Linné à 
nommée raphanus sativus , il ne faut pas entendre le grand raifort 
sauvage ou le raïfort des boutiques , qui est le cochlearia armoracia, 
Lin., mais une variété de radis, connue sous lés noms de radis noir, 
raifort cultivé, raifort des Parisiens. 

La forme des racines, dans cette espèce, en détermine les varié- 
tés : quand elles sont tubéreuses, arrondies, blanches ou rougeä- 
tres à l'extérieur , elles prennent le nom de radis; de petits radis, 
lorsqu'ils sont petits et globuleux; de gros radis blancs, lorsqu'ils 
sont beaucoup plus gros, arrondis ou un peu fusiformes : enfin, on 
les nomme raves, lorsque leur forme est grêle, allongée , fusiforme, 
ordinairement de couleur rougeâtre. 

Cette plante est cultivée depuis bien long-temps dans nos jardins ; 
mais sa patrie n’est pas bien connue. On la soupconne originaire de 
la Chine. 

Ses tiges sont hautes de deux ou trois pieds, rameuses, rudes au 
toucher, garnies de feuilles amples , altérnes, pétiolées, rudes, prit 
cipalement celles du bas, découpées en forme de lyre; les __ iné- 


76e Livraison. 


RAIFORT. 

.gaux, ovales ou oblongs, dentelés, arrondis ou aigus à leur sommet; 
le terminal plus grand que les autres; les feuilles supérieures pres- 
que simples. 

Les fleurs sont blanches où d’un pourpre très-pâle , solitaires pé- 
dicellées, réunies en grappes lâches, allongées. 

Leur calice est composé de quatre folioles droites , Serrées, con- 
niventes. La corolle a quatre pétales en croix, six étamines tétrady- 
names ; quatre glandes sur le disque de l'ovaire ; un style très-court, 
le stigmate simple en tête. 

Le fruit est une silique oblongue, presque conique , renflée vers 
sa base, prolongée en une pointe subulée, divisée intérieurement en 
deux loges; les semences arrondies. (PF 

La racine du raifort cultivé offre deux principales variétés : l’une, 
plus petite, fusiforme, recouverte d’un épiderme blanc ou rouge 
pourpre; l'autre, plus grosse, orbiculaire, plus âcre et d’une cou-. 
leur brune. Toutes deux ont un parenchyme blanc, ferme, charnu 
et succulent, d’une odeur forte, analogue à celle qu’exhalent les 
crucifères , et d’une saveur fraîche, piquante et âcre. Cette dernière 
qualité du raifort tient à une certaine quantité d'huile volatile, qu’on 
extrait par divers procédés chimiques , de presque toutes les plantes 
de la même famille, qui passe en partie dans l’eau, par la distilla- 
tion , et qui est la source de ses propriétés stimulantes. Mais ce prin- 
cipe volatil y est uni à une petite quantité de matière sucrée, et à 
beaucoup de mucilage, auxquels cette racine doit les qualités nutri- 
tives dont elle jouit à un faible degré. Si le raifort, à l'exemple des 
autres crucifères , exhale une odeur fétide et fournit de Pammoniaque 
pendant la distillation et la putréfaction, ce n’est pas, comme les 
premiers chimistes l'avaient cru, que cet alcali y soit contenu tout 
formé, mais bien parce qu’il s’y développe , dans les circonstances 
que nous venons d'indiquer, à cause de la grande quantité d’azote 
qui entre dans la composition de cette plante. 

Appliquée à demeure, à la surface du corps, la racine de rai- 
fort irrite la peau, la rougit et y détermine une véritable phlo- 
gose; ce qui la fait employer quelquefois comme dérivatif. Lors- 
qu'on la mâche, elle stimule vivement la membrane muqueuse de 
la bouche. 


RAIFORT. 

Introduite dans l’estomac, elle y occasione un sentiment de chaleur, 
augmente l’action de cet organe, facilite la digestion et augmente 
l'appétit. En assez grande quantité, elle excite le système nerveux, et 
active par conséquent toutes les fonctions qui sont sous sa dépendance 
immédiate. De là, les effets toniques, diurétiques, diaphorétiques 
béchiques, apéritifs, etc. , qu’on lui attribue, et qu’elle opère en ef- 
let quelquefois, selon qu’elle porte plus spécialement son action sur 
le système nerveux, sur les reins, sur les exhalans cutanés, sur les 
poumons ou sur les vaisseaux lymphatiques. Cependant, comme ces 
effets secondaires ne sont autre chose que le résultat de son action 
stimulante , il en résulte qu'ils n’ont point lieu lorsque l’économie 
animale est dans un état de surexcitation, ni lorsque nos organes 
sont en proie à une irritation quelconque, ou dans un état de phlo- 
gose, et que par conséquent , les propriétés particulières qu’on at- 
tribue à cette racine, n'existent que relativement à la débilité des 
forces vitales. 

Le raifort, quoique réputé très-stomachique, ne peut donc avoir 
cette vertu que dans les seuls cas où l’estomac est dans un état d'ato- 
nie, comme cela a souvent lieu chez certains individus, dans les saisons 
et dans les pays humides. Malgré les éloges qu’on lui a donnés contre 
l'ischurie et les calculs urinaires, il ne peut évidemment convenir, 
comme diurétique , lorsqu'une partie quelconque de l’appareil urinaire 
est en proie à l'inflammation ou à la douleur, ou que les affections, 
dont il est le siège, sont accompagnées de chaleur à la peau, de 
soif et de sécheresse générale. Mais, ainsi que Lobb paraît lavoir 
observé, il peut être avantageux dans les engorgemens indolens des 
reins. et de la vessie, chez des sujets pâles, peu sensibles , et d’une 
constitution humide et épaisse , pour activer la sécrétion de l’urine, 
et pour favoriser ainsi la dissolution et la sortie des petits calculs 
ou des graviers qui se forment dans ces organes. C’est en agissant 
ainsi, comme diurétique, chez des individus lymphatiques dont les 
organes, exempts d'irritation , languissaient dans la torpeur, qu’il a 
pu être employé avec succès contre lhydropisie; mais il est évi- 
dent qu’un semblable moyen serait illusoires, ou même nuisible, 
lorsque la collection séreuse est le résultat de l’inflammation du pé- 
riloine ou autre membrane diaphane. La même distinction s’appli- 


RAIFORT. 

que aux x prétendues vertus béchiques et expectorantes de id racine 
du raifort, que Lanzoni employait, sous forme de sirop, dans les 
angines, et Etmuller contre l'asthme pituiteux. Car, toutes les fois 
que le tissu ou la membrane muqueuse du poumon sont enflam- 
més, ou en proie à une irritation spéciale, comme dans la phthisie, 
dans lasthme nerveux, dans les toux sèches avec chaleur, le rai- 
fort ne ferait qu'augmenter le mal. De toutes les maladies pour les- 
quelles on a recommandé cette racine, il n’en est pas où elle soit 
réellement plus utile que dans le scorbut. 

On peut l’administrer intérieurement, en décoction aqueuse, ou 
en infusion vineuse, convenablement édulcorée avec le miel ou le 
sucre, de quatre à huit grammes (un à deux gros), sur un litre de 
liquide. Son eau distillée, jadis préconisée comme lithontriptique, 
n’est guère en usage que dans certains\gargarismes. À l'extérieur, on 
l'applique, avec avantage, comme rubéfiant, soit coupé en tranches, 
soit pilé et réduit en pulpe grossière, sous forme de sinapisme. 

Presqu’exclusivement consacré, parmi nous, à l’usage diététique, 
le raifort se mange crû, au commencement, et en certains pays à la 
fin du repas : il est ordinairement associé aux viandes, auxquelles il 
sert ainsi de condiment. Pris en grande quantité, l'irritation qu'il 
opère sur l'appareil digestif donne lieu au développement de beau- 
coup de gaz, et à des éructations fétides, très-désagréables, ce qui 
doit porter les personnes délicates à en user modérément. Les sujets 
qui sont disposés aux hémmorragies, à la phthisie, aux dartres, doi- 
vent même s’en abstenir. 

ON DE LA PLANCHE. 


A A ) 
\ Ls 5 naturelle, 


. Feuille inférieure, au trait. glandes situées entre l'ovaire et le fila- 

alice , étamines et pistil. ment des deux courtes étamines, deux 

; Pétale détaché. autres plus petites s’observent à la 
4. Étamines et pistil, afin de faire voir e chaque paire des longues. 


qu’indépendamment des deux grosses : 5. Anthère vue par le dos, 
erv. La partie supérieure des folioles calicinales est glanduleuse, et porte sur chaque 
glande un poil roide ; la partie qui S’articule avec le filet de l’étamine et qui porte les loges de 
l'anthère (connectif), est en partie composée de grosses glandes transparentes. T. 


6. Fruit ou silique de grandeur naturelle. 8. Fruit coupé en travers. 
-. Le même coupé longitudinalement, 9. Graine isolée. 


ZurrumP. Lambert J° rculp. 


REGLISSE. 


CCXCIIT. 


RÉGLISSE. 


GLYCYRRHIZA SILIQUOSA VEL GERMANICA. Bauhin, TivaË, |. 9, sect. 6, 
Tournefort, clas, r@, scct. r, gen 

* “À GLYCYRRHIZA GLABRA ; bn eihs abris, stipulis nullis, folio im- 
pari pefiolato. Linné, 4 dr décandrie. Jussieu, elas. 14, 

+ ord. 11, famille des légumineuses 


ÉSRRE 2 ++ REGOLIZIA. 
a NE REGALIZA ; PALO DULCE. 
Portugais... REGATI?. 
Français... ...... RÉGLISSE; MOIS DOUX, 
ñ es LS CIS ++ LIQUORICE. 
and... ..... LACKRRIZEN; SUESSHOLZ. 
pare De à SC LOËTHOUT 
Daho... 0 LA 
SHédoiEs 3, °- LAKRRITS 3 
Polonais... ...... rarrycya. 
Haies. ut + + «+ DUBEZ SOLOTKO! 
ao : 04 # SCHIKER BOJA. 
Chine ++ FAN-CHAU-CAN-TSAO. 


Cochinchinois... . . . cam rmao. 


D’après Dioscorides, les anciens connaissaient la réglisse, sous le 
nom de glycyrrhiza (racine douce), et faisaient de ses racines les 
mêmes usages que nous en faisons encore aujourd'hui. Elle était 
commune en Grèce ; elle ne l’est par moins en Italie, en Espagne, 
dans les département méridionaux de la France, dans les prés, aux 
lieux humides, sur le bord des, ruisseaux. Son caractère essentiel 
consiste dans un calice tubulé, à deux lèvres; la supérieure à quatre 
découpures inégales, inférieure simple et linéaire : une corolle pa- 
pilionacée; la carène à deux pétales distincts, munis d’un onglet 
aussi long que le calice; dix étamines diadelphes ; un style subulé ; 
le stigmate ascendant. Le fruit est une gousse un peu comprimée, 
ordinairement polysperme. 

Les racines de cette plante sont longues, cylindriques, très-éten- 
dues et rameuses, jaunâtres en dedans , d’une saveur douce et sucrée. 


76€ Livraison, 2° 


RÉGLISSE. 
11 s’en élève des tiges fermes, glabres, rameuses , hautes de deux ou 
trois pieds et plus. 

Les feuilles sont alternes , pétiolées, très-glabres, ailées avec une 
impaire, un peu visqueuses; les folioles, au nombre de treize à 
quinze, opposées, presque sessiles, ovales, très-entières, obtuses, 
rétrécies en pointe à leur base. 

Les fleurs sont petites, rougeâtres ou purpurines, disposées en 
épis grêles, un peu lâches, axillaires, pédonculés. 

Les gousses sont glabres, oblongues, comprimées, aiguës, lon- 
gues d’un pouce, renfermant trois ou quatre semences. (P.) 

La racine de cette légumineuse est longue, cylindrique, de la 
grosseur d’un doigt et d’une structure ligneuse. Son odeur, un peu 
muqueuse dans l’état frais, est nulle après la dessiccation. Elle est 
remarquable par cette saveur sucrée et mucilagineuse bien connue, 
qui la rend agréable à presque tous les hommes, quoiqu’elle de- 
vienne un peu amère et légèrement nauséeuse quand on la mâche 
long-temps. 

L’extrait aqueux et doux, qu’on en retire, égale la moitié de son 
poids. Son extrait spiritueux, encore plus doux, ne s'élève guère 
qu’au quart. D’après les recherches de M. Robiquet , outre la sub- 
stance ligneuse qui forme le squelette de cette racine, elle contient 
de la fécule amilacée , une matière insoluble dans l’eau froide, inca- 
pable de fermenter, et par conséquent sans aucune analogie avec le 
sucre proprement dit, et une petile quantité d'huile résineuse, qui 
donne à la décoction de cette racine un certain arrière-goût âcre 
qui lui est propre. 

La racine de réglisse est, jusqu’à ur certain point, nourrissante , 
mais elle est plus particulièrement douée des propriétés adoucis- 
santes, incrassantes et tempérantes, qui lui ont été reconnues dès 
l'enfance de l'art. Cest sans doute en vertu de ces propriétés que 
les anciens lui ont attribué la faculté spéciale d’étancher la soif, soit 
mâchée en substance , soit prise en décoction. Théophraste, Dios- 
corides, Pline , parlent , sous ce rapport, de son utilité dans l'hydro- 
pisie, où la soif est souvent un symptôme très-fatigant pour les ma- 
lades, mais contre laquelle ses avantages sont au moins douteux. 
Cest probablement aussi par suite de cette opinion, dont rien n€ 


RÉGLISSE. 

prouve la certitude, que son usage est consacré, parmi nous, dans 
presque toutes les maladies aiguës et chroniques, comme élément 
nécessaire et banal de toutes les tisanes que l’on donne aux malades. 
Sa décoction , sucrée et mucilagineuse, est très-souvent employée dans 
la néphrite, la strangurie, et autres maladies des Voies urinaires. On 
s'en sert également contre les aphtes, angine, la diarrhée; mais 
c'est surtout contre les rhumes, la toux et l’enrouement, dans les 
phlegmasies aiguës et chroniques du poumon, et dans ja. _phthisie, 

qu’elle est plus particulièrement en usage. Toutefois, on lui associe 
presque toujours d’autres substances plus abondantes en mucilage, 
et, la plüpartsdu temps, elle ne sert même qu’à édulcorer des ti- 
sanes. Dans ce cas, il faut avoir soin de ne pas trop prolonger son 
ébullition, sans cela elle leur imprimerait une saveur amère et 
comme nauséeuse, qui dégoûte bientôt les malades. 

Réduite en poudre impalpable, cette racine était jadis appliquée 
en aspersion sur la peau affectée d'érysipèle, pour absorber, disait- 
on, la prétendue âcreté à laquelle on attribuait cette maladie. Cette 
pratique erronée est entièrement proscrite depuis que le danger des 
topiques , quels qu’ils soïent, a été reconnu dans cette affection. On 
pourrait, tout au plus, se servir de la poudre de réglisse, en rempla- 
cement de celle de lycopodium, pour s'opposer au frottement et 
pour prévenir l’intertrigo ou la phlogose de la peau des aines, et 
auires jointures des petits enfans. 

La racine de réglisse sèche se donne de quatre à huit grammes 
(un à deux gros) en décoction dans un kilogramme d’eau. Son 
extrait aqueux, dont la dose peut être portée de quatre à huit 
grammes et au delà, en vingt-quatre heures, est d’un usage banal 
dans les rhumes. Cet extrait, qui se fabrique en grand , en Espagne, 
dans le midi de la France, et autres contrées, se présente , dans le 
commerce, en morceaux de la longueur d’un décimètre, sur envi- 
ron deux ou trois centimètres de large, un peu aplatis, bruns, d’une 
saveur sucrée et mucilagineuse, avec un arrière-goût amer et un 
peu âcre. Il est quelquefois brûlé , et alors il est cassant et plus noir. 
D’autres fois , il renferme des parcelles de cuivre qui y ont été in- 
troduites en râclant trop fortement la fond des cuves de ce métal 
dans lesquelles où le prépare. Ges parties étrangères restent dans 


RÉGLISSE. 
la bouche lorsque l'extrait de réglisse est fondu, et doivent par con- 
séquent en être séparées par une purification préliminaire avant 
d'en faire usage. 

Cette racine entre dans la composition d’un grand nombre de 
tisanes, de potions, de juleps, de loochs, et autres préparations 
magistrales. Elle fait partie d’une quantité innombrable de médica- 
mens officinaux , dont les principaux sont : les sirops de guimauve, 
de chicorée composé, de jujubes, de tussilage, de tortues, et an- 
tiasthmatique ; les tablettes de guimauve composées, la poudre dia-. 
tragacante, rafraîchissante, et celle de roses aromatique; le catholi- 
cum double, l’électuaire lénitif, et celui de psyllium; les trochis- 
ques de Gordon , de darhioio, etc. 

Son extrait constitue la base 4 sirops de Mésué, des trochis- 
ques béchiques de Valerius Cordus et Citrius de Hambourg, des ta- 
blettes béchiques de la pharmacopée de Paris, de la confection Re- 
becha, du suc blanc de réglisse, de la pâte de réglisse, etc. 

Tout porte à croire que les anciens ne connaissaient pas notre 
réglisse actuelle, et qu'ils faisaient usage de la racine du g/ycyrrhiza 
echinata, qui croit en abondance dans l’Orient. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
{ La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle.) 
. Fleur entière. 4. Fruit. 


2. Parties d’une corolle, -5. Morceau de racine. 
3. Pistil et étamines. 


‘æ° / Pi À E À N 


Dj Re D À à Jeubr. 


RENONCULE . 


CCXCIV. 


RENONCULE. 


Grec... ., «. .... Barpaysov, Dioscorides. 
RANUNCULUS PRATENSIS ERECTUS ACRIS ; D reve TivaË, lib. 5, sect. 3. 
Tournefort, clas. 6, sect. 


RANUNCULUS ACRIS ; cb a, pme sulcatis, caule erecto, 
ds Mel rio Linn poemes PONEY nie. Jussieu, clas. 13 
ord, 1, famille des renonculacées 
Italien BENUNCOI.O. 
Espagiol.:. 45% RANUNCULO 
Portigais.. te RANUNCULO 
Fe + RENONCULE ACRE; BOUTON D'OR ; GRENOUILLETTE 
M ARR ne UPRIGHT CROW- 
Allemands: 5. SCHARFER HABNENFUSS 
fers rs VELD HAANEVOET ; BOTERBIOEM. 
DéhouS=r: SMOFRURT. . 
Suédois; #2. SMOERBLOMSTER.. 


CE genre de plantes est un des plus brillans par le nombre de ses 
belles espèces, dont la beauté, la variété et la vivacité des couleurs , 
ainsi que leurs formes gracieuses, forment , au retour de chaque prin- 
temps, l’éclat et la richesse de nos parterres : elles fournissent éga- 
lement plusieurs espèces importantes à la science médicale. 

Son caractère essentiel consiste en un calice inférieur, à cinq fo- 
lioles caduques, souvent colorées ; cinq pétales munis, à leur base 
interne , d’une fossette ou d’une petite écaille concave : un grand nom- 
bre d’étamines insérées sur le réceptacle; des ovaires nombreux, 
agrégés , terminés par autant de stigmates en forme de pointe courte, 
droite ou recourbée; point de style. Ces ovaires se convertissent en 
autant de capsules monospermes indéhiscentes, soudées ensemble, 
lisses ou garnies de pointes ou de tubercules. 

La renoncule äcre, vulgairement grenouillette, a des racines fi- 
breuses , presque Frais: elles produisent plusieurs tiges saroites, 


76° Livraison, 


RENONCULE. 
fistuleuses, rameuses, médiocrement feuillées, glabres ou un péu 
velues, hautes d’un à deux pieds. 

Les feuilles radicales sont pétiolées, légèrement velues , palmées, 
anguleuses, divisées en trois ou cinq lobes principaux; ceux-ci en 
plusieurs autres moins profonds, ovales , aigus, incisés, dentés à leur 
sommet, quelquefois marqués d’une tache brune dans leur milieu; 
les tuilles des tiges digitées ou plus profondément découpées ; les 
supérieures partagées en trois lanières étroites, quelquefois simples 
et linéaires. 

Les fleurs sont peu nombreuses, terminales, pédonculées ; les fo- 
lioles du calice glabres, obtuses, colorées; la corolle d’un beau 
jaune, luisante et comine vernissée. 

Les fruits sont de couleur brune , ovales, aigus, comprimés , très- 
glabres , terminés par une pointe recourbée. 

On en cultive, dans les jardins, une belle variété dont les fleurs 
doubles portent le nom de bouton d’or. Ses feuilles radicales sont 
plus découpées. 

Cette espèce est très-commune dans les prés, les paturages et les 
champs. (F 

Toutes les parties de cette plante sont excessivement âcres; leur 
âcreté, et les qualités vénéneuses qui en sont la suite, paraissent 
tenir, comme dans la plupart des plantes du même genre, à un prin- 
cipe délétère d'une nature peu connue, mais très-singulière , et di- 
one de toute l'attention des chimistes. Ce principe est tellement vo- 
latil, que la dessiccation à l'air , l’infusion dans l’eau, et la coction 
le détruisent ou laffaiblissent beaucoup. Il n’est ni acide , ni alcalin ; 
mais, d’après les expériences de Krapf, il augmente d'activité et d'é- 
nergie par le mélange de cette renoncule avec les acides minéraux; 
le miel, le sucre, le vin, l'alcool , et autres substances. 

M. Orfila ayant introduit cinq onces du suc de cette renoncule dans 
l'estomac d’un petit chien robuste, dont il lia ensuite l'œsophage, et 
appliqué deux gros d'extrait aqueux de la même plante sur le tissu 
cellulaire de la partie interne de la cuisse d’un autre chien très-fort ; 
ces deux animaux périrent au bout de douze et de quatorze heures, 
sans avoir éprouvé d’autres accidens qu’un abattement considérable. 
Tous deux offrirent , après la mort, les poumons engorgés , rougeñ- 


RENONCULE. 
tres et couverts de quelques taches livides. Chez le premier , la mem- 
brane interne de l'estomac présentait en outre plusieurs taches d’un 
rouge vif, et chez le second, le membre opéré, énormément gonflé, 
était le siège d’une inflammation considérable. 

Il paraîtrait, d’après ces faits, que la renoncule agit en détermi- 
nañt une vive irritation locale, suivie de l’inflammation des parties 
sur lesquelles elle est appliquée , et que la mort a lieu par l’irritation 
sympatique du système nerveux. 

Des propriétés aussi corrosives et aussi délétères que celles de 
cette plante , ont dû inspirer de bonne heure, aux médecins prudens, 
de justes craintes sur son emploi médical, et s’opposer à son admi- 
nistration intérieure, Aussi s’est-on borné jusqu’à présent, à en faire 
des applications extérieures, dont les effets irritans, vésicans, sti- 
muülans , révulsifs et dérivatifs, sont très-énergiques. 

Appliquées sur la peau, toutes les parties de cette renoncule, et 
surtout ses feuilles, qui sont le plus en usage, y déterminent de la 
douleur, de la rougeur,; du gonflement, le soulèvement de lépi- 
derme, l’exhalation d’une plus ou moins grande quantité de sérosité , 
et même de profondes ulcérations. Elle agit ainsi à la manière des 
cantharides, et on pourrait s’en servir, comme vésicatoire , avec 
d'autant plus d'avantage, qu’elle n’affecte point les voies urinaires , 
comme ces dernières, et qu’elle agit avec plus de rapidité et d’inten- 
sité. Mais ces avantages sont amplement compensés par le gonile- 
ment énorme, les vives douleurs, les ulcérations profondes et re- 
belles, la gangrène ; et autres accidens auxquels elle peut donner 
lieu. Pour prévemr ées graves inconvéniens, il faut avoir soin de 
n’en appliquer qu’une très-pelite quantité à la fois, de donner très- 
peu d’étendue à son application , et de l'enlever au bout de quelques 
heures. Avec ces précautions, auxquelles on doit donner d'autant 
plus d'attention, que la peau est plus fine et plus sensible, on peut 
s’en servir comme d’un des plus puissans dérivatifs que la médecine 
possède. 

On l’a mise en usage, sous ce point de vue, dans la céphalalgie 
chronique et l’hémicranie, l'ischialgie, les douleurs arthritiques, et 
autres douleurs anciennes et rebelles, contre lesquelles l’expérience 
a constaté l'utilité des irritans externes. Toutefois, c'est contre les 


RENONCULE. 

fièvres intermittentes que ses effets stimulans et dérivatifs ont élé 
plus particulièrement signalés. Sous ce rapport , elle a été appliquée, 
sous forme de cataplasme, quelquefois à l’épigastre, d’autres fois 
sur les carpes, et, dans l’un et l’autre cas, elle a quelquefois fait dis- 
paraître des fièvres d’accès qui avaient résisté à d’autres moyens. 
Parmi les faits qu’on pourrait citer à l'appui de ce procédé thérapeu- 
tique, un des plus remarquables est celui que rapporte Sennert, 
d’une fièvre quarte ancienne , accompagnée d’une vive douleur dans 
l'épaule, et qui disparut, ainsi que cette douleur, par l'application | 
de la renoncule âcre sur les poignets, avant l'accès. Van Swiéten 
parle d’un homme qui s'était guéri plusieurs fois d’une semblable 
pyrexie en appliquant cette plante , réduite en pulpe, sur ses doigts 
seulement. Toutefois , pour mettre les esprits présomptueux , et les 
partisans des moyens violens , en garde contre l’usage d’une plante 
aussi dangereuse, il suffit de rappeler le fait cité par Murray, d’un 
enfant de huit ans, qui, ayant été intempestivement délivré d’une 
fièvre intermittente, par l'application de cette plante sur les: poi- 
gnets, fut immédiatement atteint d’hydropisie ascite, d’hydrocèle, 
et d’un profond ulcère au poignet , qui altéra les tendons des mus- 
cles fléchisseurs des doigts, au point de gêner les mouvemens de ces. 
organes. 

Si l’on voulait tenter d’administrer éette plante à l’intérieur, dans 
quelque maladie chronique très-grave, comme la paralysie, il fau- 
dirait commencer par de très-petites doses, qu’on augmenterait peu 
à peu, à mesure qu’on en observerait les effets avec une attention 
scrupuleuse. En substance, on pourrait la donner à la dose de quel- 
ques grains; et, en décoction, à celle d’un demi ou d’un gros, dans 
un litre d’eau, et à doses fractionnées , de crainte d’accident. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est de grandeur naturelle.) 


r. Tige et racine. Le méme grossi. 


LA 

Œe 
2. Calice, étamines et pistils. 5. Graine 
5. Fruit de grosseur naturelle. 6. Pétale: 


296 


RENONCULE gr maraër. 


er 


# 


CCXC V. 


RENONCULE DES MARAIS. 


Gloss, Er Bagpayior, Diocorides. 


RANUNCULUS PALUSTRIS; Apt Late lœvis. Bauhin, Mivag, L D} soc. 3; 
Tournefort, clas. 5, sect. 7, 


Latin. ....ÿ. RANUNGULUS SGELERATUS ; foliis rs LA dés palmatis; summis digita- 
lis, fructibus oblongis, Linné, polyandrie polygynie. Jussieu, cl. 13, 
ord. 1, famille re renonculacées. 

Tidlienvisiust 65.2 RANOCCHIETTA ACQUATICA ; PIE CORVINO. 

Fhnignol:. ;: ....,. RANUNCULO MALVADO 

POFTHRAIS, + és re «4 RAINUNCULO MATABOY 

Français... ...... RENONCULE DES MARAIS ; GKENOUILLETTE D'EAU, 

dass SE MARSH CROW-FOOT. 

Allemand... :..,,. GIFTIGER HANENFUSS, 

Hollandais. . ..... WATER HAANEVOET, 

Danoise ss: PUGGEPEBER, 


CETTE espèce est très-abondante dans les marais, sur le bord des 
eaux et des étangs. Elle se distingue aisément de toutes les autres 
espèces par ses petites fleurs, et par ses semences globuleuses et 
menues. 

Ses racines sont composées de fibres niongées, nombreuses, blan- 
châtres, fasciculées; elles donnent naissance à des tiges glabres, 
droites, fistuleuses, un peu SAS» très-rameuses , longues d’envi- 
ron un pin Ft-demi 4 3e 

Les feuilles radicales sont  olées, arrondies, très-glabres, à 
demi découpées en trois lobes incisés et crénelés, an: d’un vert 
pâle; les feuilles caulinaires à découpures plus profondes, plus étroi- 
tes, linéaires, digitées ou palmées; les feuilles supérieures sessiles. 

Les fleurs sont d’un jaune pâle, fort petites, nombreuses, termi- 
nales ; les pédoncules filiformes; les folioles du calice un peu pubes- 
centes, colorées, concaves, ovales, obtuses; la corolle à peine plus 
grande que le calice : les ovaires, plus longs que les fleurs , se con- 
vertissent en un fruit formant un épi allongé, ovale, un peu conique, 


"6: Livvraison, & 


RENONCULE DES MARAIS. 
obtus, chargé d’un grand nombre de capsules glabres, fort petites, 
un peu comprimées latéralement , très-caduques. 

Le titre de scélérate ‘que cette plante a reçu, est pleinement jus- 
tifié par ses qualités vénéneuses et par l'énergie de ses effets délétè- 
res sur l'économie animale. Elle est , en effet , une des plantes les plus 
âcres et'des plus corrosives de la redoutable famille des renoncula- 
cées. Sa racine, toutefois, a beaucoup moins d’âcreté que ses autres 
parties , et que sa tige surtout. Cette dernière, qui, suivant Murray; 
est d'autant plus âcre qu’elle est plus jeune, ne l’est presque point à 
sa base et près de la racine. Lorsqu'on écrase cette plante, dans l’état 
frais, les émanations qui s’en exhalent, quoique inodores , sont telle- 
ment virulentes, qu’elles irritent violemment le nez et les yeux, et 
produisent l’éternuement et un abondant écoulement de larmes. Au 
rapport de Krapf, elle perd en grande partie son âcreté par la des- 
siccation. [ébullition paraît même la dépouiller entièrement de ses 
qualités vénéneuses puisque, suivant cet auteur, les bergers de la 
Dalmatie en font usage, dans cet état, comme aliment. Son sue 
même, si âcre et si virulent lorsqu'il est frais, perd toutes ses pro- 
priétés délétères, lorsque , par l’évaporation successive, il est réduit 
en extrait. Toutefois, comme on pourrait fort bien avoir confondu 
avec cette plante d’autres renoncules beaucoup moins vireuses, il 
faut remarquer, avec le judicieux Murray , que ces faits auraient he- 
soin d’être confirmés par de nouvelles expériences. 

Plenck rapporte qu’un chien auquel on avait fait avaler une assez 
grande quantité du suc de cette renoncule, mourut après avoir 
éprouvé beaucoup d’anxiété et des vomissemens , et que son estomac 
fut trouvé contracté sur lui même, enflammé en plusieurs points, et 
le pylore livide et considérablement gonflé. Après avoir mâché des 
feuilles de eette plante, Krapf éprouva un sentiment de chaleur âcre 
et brûlante dans la bouche, l'écoulement d’une grande quantité de 
salive, la tuméfaction et l’ulcération de la langue, et l'abolition pas- 
sagère du goût. L'ingestion d’une fleur de la même plante lui pro- 
cura des douleurs très-vives et des mouvemens convulsifs dans lin- 
térieur du bas-ventre. Deux gouttes de son suc exprimé Jui occasio- 
nèrent des coliques vives, et une douleur brûlante dans toute la 
longueur de l'æsophage. Murray observe cependant que ce suc, dé- 


ES 


RENONCULE DES MARAIS. 
layé dans une grande quantité d’eau, peut être avalé sans danger, 
même à un gros. 

C’est sous cette forme, ou bien en décoction très-étendue, que la 
renoncule scélérate peut être administrée intérieurement , et qu’on 
pourrait l'employer dans certaines maladies chroniques qui réclament 
l'administration des stimulans les plus énergiques. Toutefois, on n’en 
à presque point fait usage : on manque par conséquent de données 
positives sur la nature des effets consécutifs qu’on peut en espérer 
dans ces maladies, de sorte que si sa virulence surpasse celle de la 
renoncule âcre, avec quelles sait et quelle prudence ne doit- 
on pas en fire usage ? 

A l'extérieur, elle produit rapidement la rubéfaction , la vésication 
et même lulcération. C’est un moyen que les mendians emploient 
quelquefois pour se procurer des ulcères, à l’aide desquels ils cher- 
chent à exciter la commisération publique. Aussi bien que la renon- 
cule âcre, elle a été appliquée sur les poignets, pour arrêter les fiè- 
vres intermiltentes; mais Tissot en a vu résulter des ulcères très- 
douloureux et très-rebelles, une fièvre aiguë, le délire, la frénésie, la 
gangrène du bras, et autres accidens beaucoup plus graves que la 
fièvre intermittente; ce qui doit engager à ne l’employer qu'avec la 
plus grande circonspection dans cette maladie. 

Je ne parle pas des effets diurétiques et dépuratifs que Krapf at- 
tribue à cette plante, qu’il recommande, sous ce rapport , dans les 
maladies chroniques des voies urinaires et des poumons, parce que 
les éloges qu'il lui donne n’ont point encore été sanctionnés par 
l'expérience. 

Cette plante pourrait être administrée à la dose de quatre grammes 
(un gros) en décoction dans un litre d’eau; et son suc, à la dose 
de quatre ou six grammes (un gros ou un gros et demi}, étendus 
dans huit hectogrammes (environ six onces) d’eau. Il est inutile de 
rappeler que la violence d’une semblable substance exige d’en sur- 
veiller les effets avec le plus grand soin, et de ne s'élever que peu à 
peu à l'administration de cette dose entière. 

Le À. flammula, et le À. bulbosus , jouissent, quoiqu’à un plus 
faible degré, des mêmes propriétés que le 2. scelcratus. Ve R. fica- 
ria, connu sous le non d’herbe aux hémorroïdes , à cause de l'effi- 


RENONCULE DES MARAIS. 

cacité prétendue qu’on lui a faussement attribuée contre cette aflec- à 
lon , ne jouit d'aucune qualité vénéneuse, ni d'aucune propriété 
médicale. Elle figure même parmi les plantes culinaires, et n’a dû 1 
sa réputation usurpée -en médecine, qu'à l’idée préconisée de sa : 
vertu hémorroïdaire, fondée sur lanalogie de forme qui existe entre | 
| 


les tubercules de ses racines et les hémorroïdes naissantes. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. : 
(La plante est de grandeur naturelle.) 


r. Tige, feuille radicale et racines. 3. Le mème grossi. 
2. Fruit de grandeur naturelle. 4. Graine. 


RHAPONTIC. 
5 #7 


CCXCVI. 


À 


RHAPONTIC. 
OT ST À pnuv , Dioscorides 
PONTICUM folio depaiki majoris sétbré Bauhin, Tliwaf , lib. 3, 
sect. 4. 
Latin. . .......-)RBaBARBARUM ! rorre Dioscoridis e/ antiquorum ; TORRES » 2 ; 
> sect. 5 


RHEUM RHAPONTICUM ; foliis glabris, petiolis Mn: Là en- 
néandrie trigynie. Jussieu, clas. 6, ord, 5, famille des polygonées. 


Italien... ....... raponrico. 

Espagnol. ss... RAPONTICO ; RUIBARBO DE LOS FRAYLES. 

Pôrtugats, ; sr... RAPONTICO 

Francais... ..... RHAPONTIC; RHUBARBE DES MOINES. je. 
pe Fa er vi RHAPONTIC. j 

Allemand... .:. +. RHAPONTIK ; MUENCHSRHABARBER. _ 
LR «+. RBAPONTIC, mn. 


Le rhapontic appartient aux rhubarbes, plantes remarquables par 
la grosseur et les propriétés de leurs racines , par leurs grandes et 
larges feuilles, et par leurs fleurs réunies en simples panicules. Ces . 
fleurs sont caractérisées par un calice à six divisions persistantes, 
alternativement un peu plus courtes; point de corolle; neuf étami- 
nes attachées au fond du calice; un ovaire supérieur, surmonté de 
trois stigmates plumeux , presque sessiles. Le fruit consiste en une 
semence triangulaire, membraneuse sur ses angles. 

Le rhapontic, que quelques auteurs soupconnent être la rhubarbe 
des anciens, croît sur les bords du Wolga, et dans plusieurs con- 
trées de la Scythie, le long du Bosphore, et sur le mont Rhodope ; 
on prétend l'avoir trouvé en France, dans les montagnes d’Auver- 
one, au mont d'Or. | 


‘ Suivant Tournefort, ce mot vient de rka, nom sous lequel le Wolga est 
désigné par les Tatares ou Barbares. Cette étymologie, quel que soit mon respect 
pour l'illustre auteur des /nstitutions, me parait invraisemblable. Je pense que 
rhabarbarum , mot que l’on ne trouve que dans les écrivains postérieurs aux 
temps classiques , vient de p4, racine, et fapBapey, étrangère ou  _ 


77° Livraison, 


RHAPONTIC. 

Ses racines sont grosses, épaisses, divisées en plusieurs portions 
un peu charnues, jaunes en dedans, un peu rougeâtres en dehors; 
elles produisent de grosses tiges charnues, glabres, épaisses, d’un 
vert jaunâtre, ou purpurines ; médiocrement rameuses. 

Les feuilles, particulièrement celles du bas, sont amples, très- 
larges, alternes, pétiolées, glabres, ôvales en cœur, obtuses, pres- 
que planes, un peu sinueuses à leurs bords , d’un vert foncé, légè- 
rement pubescentes en dessous, principalement sur leurs nervures; 
les feuilles caulinaires distantes, peu nombreuses, plus petites ; les 
supérieures presque sessiles ou amplexicaules. 

Les fleurs sont petites, d’un blanc jaunâtre, disposées en grappes 
nombreuses, paniculées. Les semences sont assez grosses , triangu- 
laires , de couleur brune , garnies à chaque angle d’une aile membra- 
ueuse. (P.) 

Cette plante, originaire d'Asie, a été souvent confondue avec la 
rhubarbe. Plusieurs auteurs pensent, avec Prosper Alpin, qu’elle est 
le rheum , pyoy des anciens. Sa racine, telle qu’on la trouve dans le 
commerce, est un peu spongieuse , brune à l'extérieur , jaune inté- 
rieurement , avec des cannelures disposées en rayons. Son odeur est 
très-faible; sa saveur plus astringente qu’amère, est moins désagréa- 
ble que celle de la rhubarbe. Elle ne résonne point sous la dent 
comme cette dernière. Quand on la mâche, elle laisse dans la bou- 
che une viscosité douce et gluante, qui suffirait seule pour la distin- 
guer de la rhubarbe proprement dite. Elle présente, toutefois, à peu 
près la même composition chimique. On y trouve en effet une subs- 
tance résineuse, une matière gommeuse , beaucoup plus abondante 
que la première, une matière colorante orangée, qui lui donne la 
faculté de teindre l’eau et la salive en rouge orangé, une certaine 
quantité de matière amilacée, et un principe astringent, qui tend à 
noircir le sulfate de fer, et qui paraît être la source des propriétés 
styptique, tonique, stomachique et purgative dont elle est douée. 

Cette racine exerce , en effet, sur l'appareil digestif une excitation 
tonique très-propre à réveiller l’action de l'estomac et de l'intestin. 
À haute dose , elle provoque en outre la sécrétion des mucosités in- 
testinales, et détermine la purgation. Sous ces différens rapports: 
elle a été recommandée et préconisée dans l’atonie des premières 


Le LP 


RHAPONTIC. 

voies, contre les saburres gastriques, dans les flux de ventre et con- 
tre la plupart des écoulemens muqueux ; tels que la blennorrhagie 
ct la leucorrhée chroniques. Chaque jour on en fait encore usage 
dans les langueurs d’estomac ; pour faciliter la digestion; dans lhy- 
pocondrie et autres névroses de l'appareil digestif, pour remédier à 
l'état de torpeur dont il est frappé, et. à Ja constipation qui en est la 
suite. Comme ses qualités astringentes sont beaucoup plus dévelop- 
pées que ses propriétés purgatives, elle a été spécialement recom. 
mandée contre la diarrhée et la dysenterie. Mais si elle peut être 
quelquefois utile, dans ces affections, pour modérer la sécrétion 
muqueuse dont l'intestin semble avoir contracté l'habitude, dans 
certains cas où la fréquence des évacuations alvines ne reconnaît pas 
d'autre cause, le plus souvent elle ne pourrait y être que nuisible. 
En effet, la diarrhée et la dysenterie étant dues à l'irritation ou à 
l’inflammation de l'intestin, tout ce qui est susceptible d’augmenter 
cette irritation ne pourrait que les aggraver. Or, le rhapontic est 
précisément dans ce cas, comme tous les autres excitans de lappa- 
reil digestif. 

Comme légèrement purgatif et tonique, on administre la racine 
de rhapontic, en substance, de huit à seize grammes (un à quatre 
gros ), soit sous forme pulvérulente, soit en électuaire, soit en pilu- 
les. En infusion ou en décoction, la dose en est de (demi à une 
once), seize à trente-deux grammes, pour un kilogramme (deux 
livres ) d’eau. Elle entre dans la composition des poudres de diar- 
rhodon abbatis et diatrilon santalon, ainsi que dans la thériaque 
d'Andromaque Vancien. 

Dans plusieurs contrées septentrionales , cette plante est employée 
en usages culinaires, comme la chicorée, les épinards, et autres 
plantes oléracées. En Suède et en Sibérie, on mange les feuilles et 
les jeunes pousses, préparées de différentes manières. Les Persans 
font leurs délices des larges pétioles des feuilles, auxquels ils font 
également subir différentes préparations qui les rendent très-agréa- 
bles. La plante entière teint en jaune, et s'emploie plus particulière- 
ment à la teinture des cuirs. 

On vend souvent, dans les boutiques, et on substitue quelque- 
fois à la racine de rhapontic, diverses racines que l’on apporte des 


RHAPONTIC. 
Alpes, des Pyrénées ou du mont d'Or, et qui proviennent de plu- 
sieurs espèces de lapathum. M. Decandolle s’est assuré que celle que . 
l’on recueille dans les montagnes d'Auvergne, pour la vendre, sous 
le nom de rapotin, appartient au rumex alpinus. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


( La plante est rédaite au quart de sa grandeur naturelle.) 


r. Fleur entière, grossie. 3. Fruit de grosseur naturelle, ! 
2. Pistil. 


RHUBARBE . 


MS à 4 
Lambert Te ever " 


Æ: F7 


CCXCVIL 


RHUBARBE. 


RHEUM PALMATUM; foliis palmalis acuminatis. Linné, ennéandrie 


Latiniss. Srcsé ... 
{ hexagynie. Jussieu, clas. 6 , ord. 5, famille des polygonées. 


Italiens HiFi : . . RABARBARO : REOBARBARO 
LS dE - RUIBARBO 

Portugais. . ...:.. RUIBARBO 

Français PE RHUBARBE 

nglais. ......+.. R 

Wir. ST RHABARBER 

Hollandais. . . . ... RHABARBER 

Danois. rs RABARBER. 

Soi RABARBER. 

CHARE SE. TAY-HUAM 


Ox a été long-temps incertain à quelle espèce on devait rapporter 
cette précieuse racine, connue dans le commerce sous le nom de 
rhubarbe. I est aujourd’hui hors de doute qu’elle appartient au 
rheum palmatum , de Linné, que l’on recueille en Chine, dans les 
provinces de Su-Civen, Xen-Sy.et Socieu, proche la grande mu- 
raille des Chinois, dans une terre rouge et limoneuse. Quelques-uns 
prétendent qu’elle croît dans toute la Chine , et qu'on la nomme {ay- 
huam , c’est-à-dire très-Jaune... 

Ses racines sont grosses , épaisses , A un bean ; jaune 7 à partagées 
en ramifications charnues : elles émettent des tiges glabres, cylin- 
driques , un peu jaunâtres , striées, peu rameuses. , | 

Les feuilles inférieures sont très-nombreuses, fort grandes, pé- 
tiolées, épaisses, rudes et vertes. en dessus, pubescentes, un, peu 
blanchâtres en dessous, traversées par de grosses nervures jaunà- 
tres, partagées, la plupart, jusque vers leur milieu, en cinq ou 
sept segmens lancéolés aigus; chaque segment divisé en. lobes 
courts, anguleux, acuminés. 

Les fleurs sont d’un blanc jaunätre, assez petites, disposées en 


77° Livraison, 


RHUBARBE. 
grappes redressées, presque simples, formant par leur réunion une 
ample panicule. 

Les semences sont triangulaires, d’un brun noirâtre, garnies sur 
chaque angle d’une aile membraneuse, striée, un peu échancrée au 
sommet, souvent teinte d’un rouge vif. (P.) 

La racine de cette plante, qui est cultivée, aujourd’hui, avec suc- 
cès, dans presque toutes les parties de l’Europe, se présente, dans 
le commerce, en morceaux de différentes grosseurs, presque cylin- 
driques, légers, ordinairement percés d’un trou , d’un jaune-brun à 
l'extérieur, et intérieurement d’une couleur.safranée, mêlée de stries 
blanches et rougeâtres, qui donnent à sa cassure l'aspect marbré, 
et une sorte de ressemblance avec la substance de la noix muscade. 
Elle est plus ou moins cassante, friable, parseméede points brillans, 
comme cristallisés. Son odeur, d’un caractère spécial, est très-dé- 
sagréable ; et sa saveur, amère, astringente , un peu âcre , est légère- 
ment nauséeuse. 

Une matière extractive amère, du tannin , de la résine, du mu- 
queux , une substante amilacée, de l’oxalate de chaux, et une ma- 
tière colorante jaune, sont les principes composans de cette racine. 
Leurs proportions varient dans les différentes variétés de rhubarbes 
qu'on trouvé dans les boutiques. Aussi, M. Henry à réconnu que 
celle de Chine contient plus d’oxalaté caléaire que célles de Moscovie 
ct de France, tandis que cetté dernière renfermé üne plus grande 
quantité de tannin et de matière amilacée. Toutefois, les plus abon- 
dans de ces différens matériaux immédiats de la rhubarbe sont, en 
général , les parties résineuse et muqueuse, puisqu'elles constituent 
environ la moitié de son poids. La matière colorante, jaune, paraît 
plus spécialement unie à cette dernière, cé qui fait qu’elle est solu- 

ble dans la salive, et même dans là plupart dés liquides ânimaux : 
en effet , elle teint fortément en jaune l'urine, le lait , la sueur, et 
même les matièrés fécales de ceux qui en font usage. La rhubarbe 
renferme en outre un principe odorant particulier, qui en fait une 
partié intégrante d'autant plus essentielle, qu'elle lui doit la-plu- 
part de ses propriétés médicalés. Ce principe, en effet, s’évapore et 
disparait par une longue exposition à Pair, par la décoction pro- 
longée, par la torréfaction; et alors la rhubatbe cesse d’être purga- 


RHUBARBE. 
tive, tandis que l’eau , qui se charge de ce principe par la distilla- 
tion, acquiert cette propriété. 

Personne n'ignore que la rhubarbe est à la fois tonique et purga- 
tive. Ces propriétés lui ont été reconnues depuis des siècles, elle est 
même devenue d’un usage tellement banal, sous ce double rapport, 
que les médecins instruits ont bien plus souvent occasion de s’oppo- 
ser à son emploi intempestif, que de l’administrer. La première de 
ces propriétés parait découler de ses qualités amère et styptique. On 
n’a pas de données bien positives sur la source de la seconde. Tou- 
tefois, comme cette racine perd avec son arôme la faculté de provo- 
quer les évacuations alvines , on doit croire que sa propriété purga- 
tive réside dans ce dernier principe. On peut aussi faire prédominer 
l’un ou l’autre de ses effets , selon les préparations qu’on lui fait subir, 
et suivant son mode d'administration. 

Comme tonique, on l’emploie spécialement pour exciter le ton de 
l'estomac dans les cas de dyspepsie idiopathique, pour favoriser la 
digestion et remédier aux flatuosités, pour arrêter les vomissemens 
qui dépendent de la lésion de la contractilité organique insensible de 
l'estomac, pour faire cesser les diarrhées par atonie. Sous ces diffé- 
rens rapports, son usage a été quelquefois utile aux sujets hypocon- 
driaques , aux femmes chlorotiques, aux scrofuleux, dans certaines 
gouttes atoniques , dans les écoulemens muqueux anciens et rebelles, 
et autres maladies chroniques, qui portent plus ou moins atteinte, 
par leur durée, à l'exercice des fonctions digestives. Comme purga- 
tive, elle peut convenir dans certains embarras intestinaux, et dans 
la plupart des maladies anciennes exemptes d'inflammation, de cha- 
leur, de soif et de sécheresse générale, soit qu'il faille simplement 
remédier à la constipation, soit que l’on se propose d’opérer une dé- 
rivation salutaire sur l'intestin, soit enfin qu’on veuille expulser des 
vers ou les amas de mucosités qui semblent quelquefois leur servir 
de foyer. Sous ce rapport , la rhubarbe peut même être considérée, à 
juste titre, comme un excellent anthelmintique, ainsi que l’ont cons- 
taté Duret, Forestus, Rivière, Pringle , et autres observateurs , et 
comme le confirme chaque jour l'expérience. C’est pour la même rai- 
son qu’elle convient particulièrement aux enfans, aux femmes et aux 
sujets lymphatiques ou leucophlegmatiques, qui sont plus que les 


RHUBARBE. 

autres individus exposés aux affections vermineuses. La rhubarbe, 
en outre, a été excessivement préconisée contre la diarrhée et la 
dysenterie. Il n’y a pas d’éloges qu’on ne lui ait prodigués, surtout 
contre cette dernière affection. Les humoristes lui attribuent la fa- 
culté d’envelopper la saburre, d’évacuer la bile, de déterger lintes- 
tin, d'en émousser, corriger et détruire les acrimonies, d’exercer 
même une action site sur cet organe ; mais si, à la place de ces 
vains produits de l'imagination, et d’un semblable roman pathologi- 
que, on compare les effets de la rhubarbe avec la marche de cette 
phlegmasie intestinale, et avec les phénomènes d’anatomie patholo- 
gique auxquels elle donne lieu, on reconnaîtra sans peine qu’elle ne 
peut y être, en général , que nuisible. Quelques auteurs ont cru ob- 
vier aux inconvéniens de cette substance, dans la maladie qui nous 
occupe, en l’administrant torréfiée, et par conséquent dépouillée de 
sa vertu purgative. Mais, si lon considère que la dysenterie, même 
dans l’état chronique, tient à l’inflammation , et souvent même à 
l’ulcération de la membrane muqueuse de l’intestin, et que, dans cet 
état, la rhubarbe est toujours tonique et styptique, on adwettra dif- 
ficilement qu’un médicament de cette nature puisse y être utile. Les 
prétendus succès qu'on lui a faussement et longuement attribués daus 
les maladies du foie; l’action particulière qu’on lui a supposée sur la 
bile, et qui lui avait jadis mérité le titre de cholagogue, ne reposent 
que sur des préjugés ou des erreurs. La couleur jaune que cette ra- 
cine communique aux évacuations alvines, aura probablement con- 
duit à l’idée prématurée et entièrement fausse de son efficacité con- 
tre les affections bilieuses et hépatiques; de même que la couleur 
citrine qu'elle donne à l'urine, lui a fait attribuer , sans motif, une 
action particulière sur les maladies des reins, dans lesquelles, la 
plupart du temps , elle ne pourrait être que dangereuse. Ce médi- 
cament ne convient point, en effet, dans aucune maladie inflam- 
matoire , quel que soit l’appareil qui en soit le siège. Murray a judi- 
cieusement signalé les dangers auxquels son emploi pourrait plus spé- 
cialement donner lieu dans les affections aiguës de la poitrine ; et; 
par une de ces funestes inconséquences auxquelles l'esprit humain 
semble éternellement condamné, on vante encore ses effets dans les 
phlegmasies de l'appareil digestif, où il n’est pas moins nuisible. 


RHUBARBE. 

On peut mâcher cette racine et avaler ce que la salive en dissout. 
On peut administrer sa poudre en suspension dans un liquide quel- 
conque, incorporé dans un corps mou, ou sous la forme de pilules, 
depuis deux décigrammes jusqu’à un gramme. En infusion, ou en 
décoction, on peut la donner à la dose de huit grammes. Son extrait 
aqueux est employé , de deux décigrammes à un gramme et au delà, 
soit sous forme pilulaire, soit en solution aqueuse ou alcoolique. Cet 
extrait , quoique administré à la même dose que la poudre, n’est pas 
également susceptible de purger. Schwilgué a observé que la macé- 
ration et l’infusion aqueuses, de cinq grammes de rhubarbe, expo- 
sées à la chaleur jusqu’à ce qu’elles aient perdu leur odeur, n’agis- 
sent plus que comme tonique. Il s'ensuit que, pour purger, on doit 
administrer la racine en substance ou en infusion instantanée, et 
l'extrait ou la décoction évaporée, comme tonique seulement. On 
prépare, avec cette racine, différentes teintures aqueuses et spiri- 
tueuses , dont la dose est de quatre à huit grammes. On en fait un 
sirop, qu'on donne de seize à trente-deux grammes. Elle entre dans 
le sirop de chicorée composé, d’un très-grand usage pour les en- 
fans. Elle fait partie de l'extrait planchymagogue de Crollius, de 
l’'élixir de propriété composé, de l’élixir viscéral de Rosenstein, de 
la poudre vermifuge de la Pharmacopée de Wurtemberg, et autres 
préparations officinales, qui commencent à être appréciées à leur 
juste valeur par les bons esprits, et dont l'expulsion de la matière 
médicale serait un bienfait pour l’humanité. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est réduite au dixième de sa grandeur naturelle.) 
r. Fleur entière, grossie. 3, Graine. 
2. Pistil. 4. Fruit. 


az ere 


EE 


en. ue” 7 Ep 
Turprr Pennt Lambere S° Seugrt 


RICIN. 
se 24 2L 


CGXCVIIT. 
RICIN. 
Grec... re... #25; xporæv, Dioscorides, Théophraste 


RICINUS VULGARIS ; Bauhin, TivæË, lib. 11, sect. 6. 
RICINUS AFRICANUS MAXIMUS, caule geniculato, rutilante. Tournefort , 


Latin........... clas. 15, sect. 5, gen. 6. 
for communis ; foliis pellatis subpalmatis serratis. Linné, monoë- 
cie monadelphie. Jussieu , clas. 15, ord. 1, famille des euphorbes. 

HAER EE PE 54 RICINO ; GIRASOLE, 
Espagnol... .....:..…. RICINO 
POTURO. es + re RICINO 
Francais ; ICIN. 
Anglais... COMMON FALMA.CHRISTI 

Dr uns WUNDERBAUM 
Hollandais. ,,.... WONDERBOOM 
Danbis.. Rés isss Lu ©E £ 
RUES CT UNDERTRARD, 


Le ricin, dans l'Orient et sur les côtes de Barbarie, où je lai 
rencontré plusieurs fois, est un arbre d'une grosseur médiocre, qui 
s'élève à la hauteur de dix-huit ou vingt pieds. Cultivé dans les jar- 
dins de l'Europe, ce n’est plus qu’une très-belle plante annuelle, 
recherchée pour l'élégance de son port, la forme et la grandeur de 
ses feuilles. Ses tiges sont hautes, un peu purpurines, souvent de 
couleur glauque, terminées par un long épi rameux, d’un bel as- 
pect, surtout lorsqu'il se montre chargé de fruits. Cette plante ne 
paraît guère que dans le mois de juin; elle pousse alors avec une 
telle rapidité qu'on la voit, vers la fin de juillet, haute de quatre à 
cinq pieds, couverte de fleurs, auxquelles succèdent peu après des 
fruits, qui ont quelque ressemblance avec la tique des chiens de 
chasse, que les Latins nommaient ricinus : ses feuilles palmées lui 
ont fait donner le non vulgaire de palma christi. On dit que le ricin 
n’est chez nous qu’une plante annuelle, que parce qu'il fleurit dès la 

3. 


77° Livraison. 


RICIN. 
première année; mais on pourrait demander pourquoi , dans un ch- 
mat aussi tempéré que le nôtre, fleurit-il la première année, tandis 
que dans son pays natal, où les chaleurs sont plus fortes, plus pré- 
coces et plus longues , retarde-t-il sa fleuraison jusqu’à ce qu'il ait 
acquis la vigueur de nos végétaux ligneux ? 

Le caractère essentiel du ricin consiste dans des fleurs monoïques, 
sans corolle. Dans les fleurs mäles, le calice est à cinq divisions con- 
caves : il renferme un grand nombre d’étamines, munies de filamens 
rameux à leur base. Le calice des fleurs femelles est partagé en trois; 
l'ovaire supérieur chargé de trois styles bifurqués : il lui succède 
une capsule à trois coques, hérissée de pointes, à trois loges monos- 
permes. 

Dans le ricin cultivé les racines sont fibreuses, divisées en ramifi- 
cations peu nombreuses. Il s’en élève une tige droite, haute de qua- 
tre à cinq pieds et plus, un peu fistuleuse, glabre, cylindrique, un 
peu ramifiée vers son sommet. 

Les feuilles sont fort amples, pétiolées , alternes, palmées , lisses 
à leurs deux faces, partagées en sept ou neuf digitations inégales, 
lancéolées, aiguës , dentées en scie; les pétioles, cylindriques, glan- 
duleux vers leur sommet. 

Ses fleurs sont disposées en un bel épi rameux, composé de plu- 
sieurs panicules partielles, munies de bractées petites et membra- 
neuses. 4 

Leur calice est petit, d’un vert glauque; les fruits également glau- 
ques, à trois coques soudées ensemble, garnies extérieurement de 
pointes molles , subulées ; les semences ombiliquées à leur sommet, 
souvent marquées de taches irrégulières. (P.) 

Les semences de cet arbre, très-anciennement connues en méde- 
cine, soit par leurs qualités vénéneuses, soit par leurs propriétés 
médicales, sont de la grosseur d’un haricot, un peu aplaties d'un 
côté et convexes de l'autre. Leur odeur est nulle et leur saveur oléa- 
gineuse, douceâtre , nauséeuse, âcre et brûlante. Elles rancissent en 
vieillissant, et prennent alors un goût de chenevis. Leur substance 
est blanche, ferme, de nature émulsive et analogue à celle des aman- 
des. Elles renferme donc, probablement, du mucilage et de Ja fé- 
cule comme ces dernières; mais elle recèle surtout une grande quan- 


RICIN. 
tité d'huile grasse et douce, qu'on en retire facilement, soit par 
expression, soit par infusion dans l’eau bouillante. 

Remarquons, toutefois, que les qualités émulsives, oléagineuses 
et adoucissantes de ces fruits appartiennent exclusivement au péris- 
perme , et que leurs qualités âcres, irritantes et nauséeuses parais- 
sent uniquement résider dans l'embryon : de sorte qu’ils jouissent de 
propriétés médicales très différentes selon qu’ils conservent ou qu'ils 
sont privés de cet organe central, essentiellement vénéneux, auquel 
ils doivent la propriété d’exciter le vomissement, de provoquer une 
violente purgation, d’enflammer et d’ulcérer différentes parties de la 
membrane muqueuse qui recouvre l'appareil digestif. En effet, les 
chiens auxquels M. Orfila a fait ingérer la substance de ces fruits , 
depuis trente grains jusqu’à trois gros, et sur lesquels il a lié en- 
suite l’œsophage, sont tous morts dans l’espace de vingt-quatre heu- 
res, après avoir éprouvé des efforts de vomissement, des évacua- 
tions alvines, beaucoup d'abattement et d’anxiété ; lon a trouvé en- 
suite, sur leur cadavre, le pylore enflammé, ou la membrane in- 
terne de l'estomac parsemée de plusieurs points d’ulcération, et le 
rectum toujours plus ou moins phlogosé : ce qui prouve que cette 
substance agit à la manière des poisons âcres, en exerçant une vio- 
lente irritation locale, et que son action, sur le système nerveux , 
n’est que consécutive. Les semences entières, lorsqu'elles sont ava- 
lées, même en très-petite quantité, à la dose de deux ou trois, ou 
même d’une seule , provoquent également, chez l'homme, des vomis- 
semens, d’abondantes évacuations alvines , et même une violente su- 
perpurgation avec tranchées, écoulement de sang par l'anus, et un 
sentiment de chaleur brûlante le long de l'œsophage, dans l'estomac 
et au rectum. Des observateurs dignes de foi attestent en avoir vu 
résulter les accidens les plus funestes, et même la mort, chez des 
sujets qui s'étaient bornés à en ingérer une, deux ou trois. Toute- 
fois, divers auteurs, appuyés de l'usage qu’en font les habitans du 
Brésil, n’ont pas craint de recommander les semences du rie, 
comme purgatives , dans les coliques, la goutte, la sciatique, l’hydro- 
pisie, et autres maladies chroniques, contre lesquelles les drastiques 
ont quelquefois du succès, en opérant une puissante dérivation sur 
l'intestin. C'est ainsi qu'on à prétendu, sans en fournir aucune 


RICIN. 

preuve positive, que, prises pendant dix à douze jours, à la dose 
d’une ou deux chaque jour, elles sont un moyen infaillible contre la 
gonorrhée et autres symptômes syphilitiques. Les graves accidens 
qui peuvent résulter de leur emploi, suivant l’aveu très-prudent de 
Rolfinck, ne doivent-ils pas néanmoins engager à s’en abstenir ? 

L'huile grasse qu’on retire de ces semences, dès long-temps con- 
nue , et employée, par les anciens, sous le nom de xx10y saæ1oy, oleum 
cicinum , jouit également de qualités opposées , et de propriétés très- 
différentes, selon qu’elle a été fournie par le périsperme seul, et 
séparé de son embryon, ou bien par l'amande entière. Dans le pre- 
inier cas , elle est douce, d’un goût agréable, adoucissante , lubré- 
fiante, émolliente, relâchante; elle constitue un purgatif très-doux, 
et jouit, en un mot, de toutes les propriétés des autres huiles douces. 
Dans le second, elle est âcre et plus ou moins nauséeuse, elle excite 
inflammation du pharynx , elle provoque le vomissement , enflamme 
l'estomac, irrite l'intestin, produit des superpurgations terribles et 
autres accidens formidables, et quelquefois mortels. Or, comme 
l'huile de embryon sort avec beaucoup plus de difficulté que celle 
du périsperme, et exige une beaucoup plus forte pression pour être 
obtenue, il arrive qu'en soumettant les semences de ricin entières 
à une pression modérée, ou bien en employant leur immersion dans 
Veau chaude, pour obtenir leur huile, qui vient alors nager à la 
surface du liquide, on obtient une huile très-douce, en tout sem- 
blable à celle des autres substances émulsives; tandis que, si on 
presse fortement, l'embryon, forcé de céder ses principes âcres et 
vénéneux, communique à cette huile son âcreté et ses propriétés 
drastiques et corrosives , et en fait ainsi un des purgstifs drastiques 
les plus violens et les plus dangereux que l’on connaisse. On propose, 
il est vrai, de débarrasser l'huile de ricin de tous ses principes 
extractifs âcres, par des lavages réitérés, avec de l’eau légèrement 
imprégnée d'acide sulfurique, mais je ne sais pas jusqu’à quel point 
ce procédé est susceptible de la purger de toute qualité nuisible et de 
la rendre propre aux usages alimentaires. Cette huile, lorsqu'elle 
est exempte d'âcreté, a été recommandée comme un purgatif très- 
avantageux dans un grand nombre de maladies, soit aiguës, soit 
chroniques. D'après certains auteurs, sa manière d'agir est même si 


RICIN. 

douce, et son administration si facile qu'on peut la préférer à la 
plupart des laxatifs, pour évacuer le méconium des enfans nouveau- 
nés, et faire cesser les coliques qui les tourmentent. On loue ses 
bons effets contre le volvulus, l’iléus, les hernies étranglées, les em- 
barras intestinaux, les constipations opiniâtres, et presque loutes 
les coliques. On en a particulièrement fait usage contre la colique 
saturnine, et contre les différens accidens nerveux qui en sont la 
suite, On s'en est également servi pour combattre la douleur occasio- 
née par la présence des calculs biliaires dans les canaux cystique ou 
cholédoque, et pour faciliter leur évacuation. Son emploi n’a pas 
reçu moins d’éloges dans les maladies des voies urinaires, telles que 
la néphrite, l'ischurie, la strangurie, et contre les calculs des reins 
et de la vessie. Plusieurs observateurs assurent en avoir obtenu 
beaucoup d'avantages dans le traitement de la dysenterie. Mais, de 
toutes les maladies contre lesquelies on a plus ou moins préconisé 
l'emploi de l'huile douce de ricin, les affections vermineuses sont 
celles où elle a été le plus souvent administrée, et contre lesquelles 
elle a eu le plus de succès. Un grand nombre d'observations fai- 
tes en France, en Allemagne, en Suisse et en Angleterre, prouvent 
en effet qu’elle est un des médicamens les plus certains que nous 
possédions contre les ascarides lombricoïdes, et contre les ténias. 
MM. Odier et Dunant, de Genève, ont particulièrement reconnu 
son efficacité contre les vers de ce dernier genre, et, chaque jour, 
on l’emploie avec succès dans les hôpitaux de Paris, après que les 
autres prétendus anthelmintiques ont échoué. 

On peut administrer cette huile, depuis trente-deux jusqu’à cent 
trente grammes (une à quatre onces) et au delà. Pour plus de sû- 
reté, on la fait prendre à la dose de demi-once, chez les adultes, 
et d'un ou deux gros, chez les enfans, toutes les demi-heures ou tou- 
tes les heures, jusqu'à ce qu’elle produise son effet. On peut lingé- 
rer, soit seule, soit associée avec le sucre ou un sirop, avec le suc 
de citron ou toute autre substance aromatique agréable. Souvent 
on l’unit avec nn quart ou la moitié de son poids de jaune d’œuf ou 
de gomme arabique, et on en fait une émulsion que l’on édulcore 
et aromatise convenablement. On peut l’administrer en lavement, 
et même en onctions sur le ventre. 


RICIN. 

Loin d'être âcres et vénéneuses , ainsi que certains auteurs l'ont 
trop légèrement avancé , les feuilles du ricin paraissent jouir de qua- 
lités exclusivement émollientes, relâchantes et adoucissantes. Lors- 

, A # 2 # . 
qu’elles sont fraîches ou légèrement fanées, on les applique quel- 
quefois sur les articulations, pour calmer les douleurs atroces de 
l’arthritis et de la podagre; appliquées sur la tête, on leur a attri- 

P es ie , 
bué la guérison de la migraine, et, sur le ventre, la cessation des 
coliques, qui, probablement, devaient leur disparition à d’autres 
causes. Pilées et réduites en cataplasmes, on les applique sur les 


yeux, dans l’ophthalmie, et, sur différentes parties du corps, contre 


les panaris, les bubons et autres inflammations locales. En macéra- 
üon dans le vinaigre, on leur a en outre attribué, contre la gale, 
la teigne, les dartres, et autres affections chroniques de la peau, 
une efficacité qui aurait besoin d’être confirmée par l'expérience 
clinique. 

L'huile de ricin est employée, dans certaines contrées, avec avan- 
tage, pour éclairer. Si elle était préparée avec le soin convenable, 
on pourrait également l’employer aux usages culinaires. Les habi- 
tans de Java et de Malacca en font une espèce de vernis dont ils en- 
duisent les vaisseaux. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite à la moitié de sa graudeur naturelle.) 


1. Fleur mâle de grandeur naturelle. . Le même coupé Ragpoe 5 


Paquet d’étamines soudées en un fais- à L'une des coques déta 
ceau. 9. Graine surmontée sir caroneule. 
3. Anthère, 10, La mème coupée verticalement, pour 
4. Anthère coupée en travers. faire voir que l'embryon est au milieu 
5. Fleur femelle. d’un périsperme 


6, Fruit mûr 


: 


2 99: 


RIZ. 


CCOREEX. 


RIZ. 


Grec. ........:. opu£2: Dioscorides 
oRyza; Bauhin, TiuvaË , lib. 1, sect. 4. Tournefort , clas, 15, sect. 3, 


Latin, __ 
: ORYZA SaTiVa; Linné, hexandric digynie. Jussieu , clas. 2 , ord. 4, 
famille des graminées. 
Italien... . .. M. 
Espagnol. ....... ARROZ 
Poltagais:. 512... ARROZ 
Français... ....., 
ESPRITS RICE, 
Allemahd..; .. #2: REISS 
Hollandais. a 
FLNIT RÉ DRASS AUS, 
SRB. ie 15 
Polonais A ide 
Russè. :, :.,: «3 : ŒTRERD, 
HORREUR TL. RISKASA, 


je TS RE ARZ, 
Japonais RAA A SE OME 
Chinois; 5. . - MEU-HO, 


Malais. 
Chiot: : ter LU 


“ 

Le riz, oryza , a été mentionné par tous les anciens botanistes 
sous le nom qu’il porte encore aujourd’hui. Originaire des Indes 
orientales, il s’est répandu rapidement dans tous les pays où il a pu 
être cultivé. Partout il rivalise avec le froment , qu’il remplace chez 
les Indiens, dont il est le principal aliment. 

Cette intéressante graminée a ses fleurs disposées en une belle 
panicule : chaque fleur est composée d’une bale calicinale fort 
petite, à deux valves presques égales, uniflores; les valves de la co- 
rolle sont naviculaires, comprimées latéralement, égales en lon- 
gueur; l'extérieure cannelée, anguleuse, terminée par une longue 
arête; deux petites écailles à la base de l'ovaire; six étamines ; deux 
4 


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RIZ. 
styles ; les stigmates plumeüx, en massue. Les semences sont blan- 
ches, obtuses à leurs deux extrémités, marquées de deux stries à cha- 
que face, de consistance cornée. 

Les racines sont touffues , fibreuses et capillaires ; elles produisent 
plusieurs chaumes épais, cannelés, cylindriques, glabres, articulés, 
longs de trois ou quatre pieds. 

Les feuilles sont fermes, larges, fort longues, striées, très-gla- 
bres, assez semblables à celles de nos roseaux; leur gaîne très-lon- 
gue, cylindrique, finement striée, munie d’une large membrane à 
son orifice. 

Les panicules sont longues, terminales, touffues, un peu serrées; 
les rachis rudes , comprimés, un peu flexueux ; les fleurs blanchâtres; 
les valves de la corolle persistantes sur les semences, dont la forme 
et la grosseur varient, comme il arrive à toutes les plantes céréales 
dont la culture a obtenu un grand nombre de variétés. (P3 

Les semences sont les seules parties de cette graminée que la mé- 
decine mette en usage. Lorsqu’elles ont été dépouillées de leur enve- 
loppe corticale, elles sont oblongues, obtuses, sillonnées, blanches, 
sèches, dures, friables sous la dent, inodores et d’une saveur fari- 
neuse, Par la décoction, elles donnent à l’eau une couleur blanche, 
opaque, et une consistance mucilagineuse. De toutes les graines 
céréales, le riz est, sans contredit, celle qui, sous un volume donné, 
contient la plus grande quantité de fécule nutritive. M. Vauquelin 
et M. Braconnot ont en effet prouvé, par des analyses très-exactes, 
qu'il est presque entièrement composé de matière amilacée, mais 
aussi qu'il ne renferme qu'une très-petite quantité de gluten. D'a- 
près le dernier de ces chimistes , on en retire 0,85 d’amidon;, 
0,05 d’eau, et 0,04 de parenchyme. Les six centièmes qui restent 
sont composés de très-petites fractions de matière végéto-animale; 
de sucre incristallisable, de matière gommeuse , d'huile et de phos- 
phate de chaux. : 

Le riz doit les propriétés éminemment nutritives qui le distin- 
guent de toutes les autres semences des graminées, et qui lui assi- 
gnent le premier rang parmi les substances alimentaires, à la très- 
grande quantité de matière amilacée qui entre dans sa composition: 
Toutefois, associé à l’eau, soit en décoction, soit sous forme de 


RIZ. 

bouillie, il jouit de propriétés médicales très-manifestes , et agit avec 
efficacité , à la manière des adoucissans, des émolliens et des lubri- 
fians. On en fait des boissons mucilaginenses et ROBE . 
l'usage est extrêmement utile dansles hé 
des membranes muqueuses , et surtout dans fs catarrhes des bron- 
ches, de la vessie, de l’urètre et du vagin. On loue, avec raison, ses 
bons effets contre les irritations du canal intestinal. Les succès qu'on 
en obtient, chaque jour, contre la diarrhée et la dysenterie, lui 
ont acquis une réputation méritée dans le traitement de ces mala- 
dies. Ses succès contre les flux de ventre ne sont cependant pas 
dus, comme on l’a gratuitement avancé, à un principe astringent , 


qu'on y chercherait en vain, mais bièt à ses effets lubréfians 
et adoucissans. Sous le double rapport de ses propriétés adoucis- 
santes et analeptiques, le riz a été recommandé en outre, et à juste 
titre, dans la phthisie pulmonaire, dans la fièvre hectique et dans la 
plupart des consomptions. Divers observateurs en ont obtenu d’excel- 
lens effets dans le traitement du scorbut, où, à cause de ses quali- 
tés nutritives, il doit être en effet d’un très-grand secours, surtout 
‘lorsqu'on a soin de l’associer aux acides végétaux, au sucre, au lait, 
aux aromates, selon la nature des symptômes prédominans. Enfin, 
cette substance pourrait être administrée avec beaucoup d'avantage 
dans les affections des voies urinaires, et autres maladies, soit ai- 
guës, soit chroniques, où le principal objet est d’étancher la soif par 
des boissons douces et nourrissantes. 

Toutefois, le riz est bien plus important «et d’un usage bien plus 
étendu ; par ses usages diététiques que comme médicament. Modi- 
fié par la coction dans l’eau, et par diverses préparations, il consti- 
tue un aliment analeptique, très-facile à digérer, et très-agréable. 
Il convient à tous les sexes, à tous les âges, à toutes les constitu- 
tions, aux forts comme aux faibles, aux sujets sains comme aux 
convalescens et aux malades , avec cette seule différence, que, pour 
les hommes forts, il suffit de lui donner un léger degré de coction, 
à la manière des Orientaux , tandis que, pour les sujets faibles et dé- 
licats, il vaut mieux qu'il soit très-cuit ou réduit en bouillie. C'est à 
tort qu’on lui a reproché de produire la constipation. S'il supprime 
la diarrhée chez les malades, et s’il rend, dans l’état de santé, les 


RIZ. 

selles plus rares et moins abondantes, cela ne tient point aux vertus 
styptiques ou astringentes qu'on lui a faussement attribuées, mais 
bien à ce qu’il apaise, dans le premier cas, l'irritation dont le cours 
de ventre était la suite, et à ce que, étant composé de matière pres- 
que entièrement assimilable, il est , dans le second cas, absorbé pres- 
que en entier , et ne laisse presque rien pour les matières fécales. Ce 
n'est pas avec plus de raison qu’on a attribué à son usage la fré- 
quence des cécités qu’on observe, dans l’Inde, parmi les peuples 
dont il est la nourriture exclusive. Tant de causes puissantes con- 
courent, dans ces contrées brûlantes, à la production de cette ma- 
ladie , qu’il est souverainement absurde d’en accuser un aliment dont 
l'excellence et la salubrité se manifestent à tous les yeux, par la 
bonne santé, la force et la vigueur de tant de peuples , qui, de temps 
immémorial, en font la base de leur alimentation. 

En effet, les Chinois, les Persans, les Arabes, les Tures, les 
Egyptiens, les Grecs modernes, et toutes les nations policées ou 
plus ou moins barbares de l’Asie et de l'Afrique, en font leur nour- 
riture habituelle. Les insulaires de la mer des Indes ne connaissent 
presque pas d'autre céréale. Il est d’un très-grand usage dans le vaste 
continent d'Amérique et dans les îles de la mer Atlantique. En Eu- 
rope même, où il n’est, en général, considéré que comme un aliment 
accessoire, il sert de nourriture habituelle à plusieurs nations. C’est 
ainsi que les Piémontais, les habitans de la Lombardie, ceux d’une 
partie de l'Italie méridionale , du royaume de Valence, en Espagne, 
et de plusieurs cantons de Portugal , en font la base de leur nourriture. 
On le mange , cuit à l’eau, avec du sel et des aromates. On le pré- 
pare, avec le lait, le beurre, le sucre, le lard ou les jus de viandes. 
On en fait des bouillies, des pâtes, des crêmes, des gâteaux très- 
nourrissans et d’excellent goût; on l’associe aux viandes rôties et 
bouillies; on le cuit avec le fromage, les raisins et toutes sortes de 
fruits. Enfin, on le réduit en farine , on le pétrit avec l’eau, et on en 
fait du pain. Ce pain, toutefois, est peu lié, sec, friable , à cause de 
la petite quantité de gluten du riz, qui ne permet à sa pâte qu'une 
fermentation et une panification incomplètes, 

«x Le riz se donne; dans les maladies, à la dose de quatre grammes 
ù {(demi-once) , en frais dans un some (deux livres ) d’eau, 


RIZ. 

et on a soin de l’édulcorer et de l’aromatiser, pour en rendre la bois- 
son plus agréable, On peut le donner sous forme de gelée ou de 
crême, à la dose de plusieurs onces par jour. Les Chinois en prépa- 
rent , sous le nom de samsec, et les Japonais sous celui de sakkr, 
une liqueur spiritueuse d’une odeur infecte, mais très en usage dans 
ces contrées. À Java et à Malacea, on le distille avec le sucre et les 
noix de coco, pour en obtenir l’arack, liqueur alcoolique très-eni- 
vrante et très-recherchée en Orient. 

La plante qui fournit le riz offre deux variétés remarquables. L'une 
croît sans eau dans les terrains secs et sur les montagnes de la Co- 
chinchine et de plusieurs autres contrées ; l’autre exige nécessaire- 
ment des terres humides et submergées. Cette dernière, qui est la 
plus répandue, et malheureusement la seule cultivée en Europe, est 
aussi la cause de l’insalubrité des rizières et de la dépopulation des 
pays où elles sont établies. Comme les terres où on cultive le riz sont 
submergées pendant la plus -grande partie de l’année, lorsque les 
eaux s’écoulent, la grande quantité de matières animales et végétales 
qu’elles laissent à découvert, répandent, dans l'atmosphère, en se 
putréfiant, des émanations tellement délétères, qu’il est impossible 
d'échapper à leur redoutable influence. Les peuples qui se livrent à 
cette culture sont pâles, flasques, décharnés, leucophlegmatiques, 
sans cesse en proie aux fièvres intermittentes, aux lésions organiques 
des viscères, au scorbut , aux hydropisies, et meurent presque tous 
à la fleur de l’âge, avec tous les attributs de la cachexie. On y voit 
rarement des hommes au delà de quarante ans; la mortalité y est 
telle, et les générations y passent si rapidement, que les pays au riz 
seraient bientôt dépeuplés, si les habitans des contrées plus saines, 
attirés par le gain certain attaché à cette insalubre culture, ne ve- 
naient chaque année remplacer ceux qui y ont trouvé leur tombeau. 
Les émanations pernicieuses des rizières s'étendent même, quelque- 
fois, à de grandes distances, où elles occasionent des épidémies 
meurtrières, ce qui a obligé les gouvernemens éclairés à leur assigner, 
à une certaine distancé des villes, des limites,au delà desquelles il 
n’est pas permis d’en établir. Si la voix de l'humanité outragée peut 
se faire entendre quelque jour de ceux qui ont entre les mains les 

destinées des peuples, il faut espérer qu’on abolira complètement les. 


RIZ. 

rizières , et qu'on remplacera la pernicieuse culture de la variété 
aquatique du riz, par celle qui croît sur les parties les plus arides et 
les plus froides de la Cochinchine, et qui réussirait très-bien dans 
nos contrées. Cependant, avant que ce vœu se réalise, combien de 
victimes auront été dévorées par le fléau dévastateur des rizières, et 
combien de générations d’hommes laborieux auront été sacrifiées 
aux avantages inappréciables que cet aliment procure à presque tou- 
tes les nations du globe? 


Les tresses délicates dont se composent ces élégans chapeaux de 
paille dont les femmes d'Europe ornent leur tête, sont construites 
avec la paille de riz. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


fY À: RULES EN NUS S | sé Æ * | 


(ERP F4 naturelle.) 


1. Fleur entiere, grossie. 2. Graine. 


300. 


# 


 Zurpm P 


ROMARIN. 


_ ZLembert À D7/E 


«al : 


CCC. 


ROMARIN. 


Grec ysak ae MBavarie, Dioscorides , en, 

ROSMARINUS SPONTANEUS , air folio ; Bauhin, TrvaË, lib. 6, sect. 3. 
Tournefort, elas. 4, 

ROSMARINUS OFFICINALIS ; ie dielilé monogynie. Jussieu, clas. 8, 
ord. 6, famille des labiées. 


Latin... si 420 


HART à - ROSMARINO ; ROMERINO 
OR 8»: MERO 
Portugais. . :....,. ROSMARINHO 
DRE Lun dd ROMARIN 
nou ÉTÉ OSEMARY 
Allemand, ....,.. ROSMARIN 
Hotandair. ROSMARYN 
LL PERS re ue ROSMARYN. 
SRÉTOISÉ. SEL in ROSMARIN, 
A RSS RER KLIT,, 
CRE YONG-TSA0, 


LE romarin croît en abondance sur les rochers des contrées méri- 
dionales de l'Europe, dans la Grèce, le Levant, la Barbarie, etc. 
Les anciens l’ont aussi nommé herbe aux couronnes , probablement 
parce qu'il entrait dans la composition des bouquets, s’entrelaçait 
dans les couronnes avec le myrte et le laurier : on le trouve cité fré- 
quemment dans presque toutes les vieilles chansons érotiques, dans 
les fabliaux et les tensont des troubadours. Son arôme, en exaltant 
le cerveau , favorisait l'enthousiasme, et ajoutait à l'ivresse des fêtes 
de l'amour. 

Le caractère essentiel du romarin consiste dans un calice à deux 
lèvres, comprimé à son sommet, nu à son orifice pendant la matu- 
ration ; la lèvre supérieure est entière, l’inférieure à deux lobes; la 
corolle labiée ; deux étamines; les filamens arqués , munis d’une seule 
dent; un style; un stigmate simple, quatre semences nues au fond 
du calice. 

Cet arbrisseau s'élève sur une tige droite , rameuse, à la hauteur 

1. 


LS 78: Livraison. 


ROMARIN. 
de trois à quatre pieds et plus : ses‘rameaux sont grêles, allongés, 
d'une couleur cendrée. , 

Les feuilles sont sessilés, opposées, un peu dures, étroites, li- 
néaires, vertes en dessus, blanchâtres en dessous, et un peu roulées 
à leurs bords; dans les individus sauvages , elles sont un peu plus 
larges, vertes à leurs deux faces, à peine repliées sur leurs bords. 

Les fleurs sont disposées en petites grappes touffues, axillaires, 
opposées; leur pédoncule est pubescent, muni de petites bractées 
tomenteuses et caduques. 

Leur calice est légèrement pubescent ; la corolle d’un bleu pâle 
où blanche, avec des pointes bleuâtres; son tube plus long que le 
calice; le limbe à deux lèvres; l’inférieure réfléchie, à trois lobes 
inégaux , celui du milieu plus grand et concave. (P.) 

Le romarin est très-connu et dès long-temps célèbre par l'odeur 
fragrante, aromatique, très-agréable, qu'il exhale, soit dans l’état 
frais, soit dans l’état de dessiccation. Sa saveur est chaude , aroma- 
tique, et un peu amère. Cette dernière qualité parait être due au 
principe gommo-résineux qu’il renferme, tandis que son arôme pa- 
raît tenir, en grande partie, à l’huile volatile limpide et très-odo- 
rante qu'on en retire par la distillation. Il contient, en outre, du 
camphre , et même en plus grande quantité que la plupart des au- 
tres labiées. Neumann, Léwis et Cartheuser, en ont obtenu un 
extrait alcoolique, le premier essentiellement amer, et le second 
aromatique. 

Cette plante , qui figure avec honneur parmi les médicamens aro- 
matiques indigènes, est essentiellement tonique et excitante. Lors- 
qu'on l'ingère, elle fait éprouver un léger sentiment de chaleur 
à l'estomac, et y exerce une excitation prompte et vive, qui se 
transmet bientôt aux différens appareils de l’économie animale, sur- 
tout au système nerveux, et active consécutivement toutes les fonc- 
tions organiques. Aussi elle augmente l’action du cœur et accélère 
la cireulation; elle sollicite celle des vaisseaux exhalans, cutanés, 
bronchiques, utérins, et provoque la transpiration ou la sueur, les 
exhalations pulmonaires et l'écoulement des menstrues, selon que 
son action est plus spécialement dirigée sur le cœur, sur la peau, 
sur les bronches et sur l'utérus. C’est ainsi qu’on peut se rendre 


ROMARIN. 

raison des propriétés céphalique, nervine, cordiale, diaphorétique, 
béchique, emménagogue, etc., dont elle a été décorée, et dont elle 
jouit réellement dans certains cas d’atonie et de débilité. Mais il ne 
faut pas oublier que tous ces effets secondaires , aussi bien que les 
propriétés échauffantes , apéritives , incisives , résolutives , qu’on lui 
a libéralement accordées sous l'empire des théories mécaniques, dé- 
pendent nécessairement de son action tonique et de l'excitation 
qu'elle exerce sur nos organes. On ne doit donc point en faire usage 
dans les maladies inflammatoires , ni dans celles qui sont accompa- 
gnées de chaleur , de soif, de sécheresse à Ja peau , ou d’un état gé- 
néral d'irritation. Mais elle peut être très-utile dans les affections 
accompagnées de débilité, où il faut mettre en jeu l’action de cer- 
tains organes et activer la circulation. 

Comme nervine et céphalique, elle a été spécialement recomman- 
dée contre les vertiges, la syncope, l’asphyxie, l'hystérie, la para- 
lysie , l'asthme humide, et contre les accès de certaines fièvres inter- 
nittentes. En raison de ses vertus tonique et stomachique, elle a été 
singulièrement vantée contre la dyspepsie idiopathique , la chlorose 
et l'hypocondrie. Comme cordiale, on l’a vantée dans l’asphyxie et 
les défaillances. C’est à ses effets diaphorétiques qu’elle est redevable 
des succès qu’on lui attribue dans les catarrhes chroniques, et au- 
tres affections des membranes muqueuses , qui sont liées, comme on 
sait, par une si étroite sympathie avec la peau. Si, comme le pré- 
tend Welsch, elle a été utile contre la diarrhée , et si, comme Schultz 
l’a expérimenté, elle a été employée avec avantage dans la leucor- 
rhée, on ne peut attribuer ces succès qu’à la dérivation salutaire 
qu’elle aura opérée sur la peau, en déterminant la transpiration. Enfin, 
les avantages qu'on lui attribue, comme emménagogue, s'expliquent 
très-bien par lutile excitation qu'elle opère sur utérus lorsque la 
suppression menstruelle est due au défaut d’action de cet organe. 

A l'extérieur , on applique le romarin ou ses produits, comme ré- 
solutif, sur les tumeurs froides, sur les engorgemens pâteux et indo- 
lens, et sur les ecchymoses exemptes de douleurs. Heister a obtenu 
surtout de très-bons effets de son application topique sur des tu- 
meurs scrofuleuses du cou. D’autres auteurs l'ont employé en sachets 
contre l'œdème, et l’on conçoit que, dans tous ces cas, il a pu être 


ROMARIN. 
utile , sous différentes formes, pour augmenter l'absorption et favo- 
viser la résorption des fluides épanchés. 

Le romarin est ordinairement administré, en infusion théiforme, 
convenablement édulcorée; son huile peut être ingérée à la dose 
d’une à six gouttes dans du sucre, un jaune d'œuf, ou toute autre 
substance appropriée. A l'extérieur, on l'applique en sachets qu’on 
laisse à demeure sur les parties affectées, ou en infusion, sous forme 
de fomentations et d’embrocations fréquemment renouvelées. On 
administre aussi son huile essentielle, en onctions, après l'avoir in- 
corporée dans une huile grasse. Le miel an/hosantum jadis très- 
célèbre , et aujourd’hui oublié, s'obtient par la macération des feuil- 
les et des fleurs de romarin dans le miel. En l’associant avec le su- 
cre, on en prépare une conserve, qui est très-peu usitée. Cette plante, 
enfin, est un des principéaux ingrédiens de l’eau céphalique de 
-Bocler , et de la fameuse eau de la reine de Hongrie, laquelle était 
préparée par cette reine elle-même, qui prétendait en avoir reçu la 
formule d’un ange. 

Le romarin sert à aromatiser le riz en ftalie, et les jambons parmi 
nous. Les habitans du midi de l'Europe l’emploient en outre commé 
assaisonnement dans plusieurs circonstances. Il est d’un grand usage 
dans l’art du parfumeur , pour la préparation de divers cosmétiques. 
Il donne, dit-on, un excellent goût à la chair des moutons qui le 
broutént. Lés anciens en composaient des couronnes, dont ils or- 
naient leur tête dans les cérémonies religieuses. Il est d'usage, dans 
certains pays, de placer üne branche de cette plante Aromatique 
dans la main des morts avant de les ensevelir. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plañte est de grandeur naturelle.) 
r, Fleur entière. 4. Pistil. 
2. Calice. 5. Une graine, 
3. Corolle ouverte, 


Zurpin Pit 


ROSAGE. 


a-{l 


CCCI 


ROSAGE. 


RHODODENDRON CHRYSANTHUM, Pallas. 
RHODODENDRON MAXIMUM; foliis nitidis, ovalibus, obtusis, venosis, 


Laliti3s: 572 . 
margine acuto reflexo, pedunculis unifloris. Linné, décandrie mo- 
nogynie, Jussieu, clas. 9, ord. 5 , famille des rosages. 
Français... ..,. .. ROSACE 
RES... GICHTNOSE; SIBIRISCHE SCHNCEROSE. 
MS Eur SCHABINA TRAWA 
Ares nr ET SCHET 


IL croît sur les hauteurs des Alpes, et dans les montagnes des 
Pyrénées, plusieurs belles espèces de rLododendron , qui rivalisent 
aujourd'hui, dans nos jardins, avec les lauriers-rose, surtout quel- 
ques-unes qui nous viennent du Levant et de l'Amérique septentrio- 
nale; mais celle dont il s’agit ici est différente. Elle a été découverte 
par Pallas sur les montagnes les plus froides de la Sibérie. 

C'est un arbrisseau bas et rampant, dont les tiges sont chargées 
de rameaux nombreux et diffus, très-glabres, d’un brun cendré. 

Les feuilles sont médiocrement pétiolées, alternes, éparses, plus 
nombreuses vers l'extrémité des rameaux, ovales-oblongues, ridées, 
quelquefois rétrécies à leurs deux extrémités, glabres, entières; 
vertes en dessus, plus pâles et un peu roussâtres en dessous, à ner- 
vures réticulées. 

Les pédoncules sortent d’un bourgeon latéral; ils supportent des 
corymbes presque en ombelle, composées de grandes fleurs d’un beau 
jaune, campanulées , presque en roue. 

Le calice est d’une seule pièce, à cinq découpures persistantes ; la 
corolle monopétale, le tube court, le limbe étalé , à cinq lobes arron- 
dis ; dix étamines insérées sur le tube de la’ corolle; un ovaire supé- 
rieur, à cinq faces; un style; un stigmate obtus. 

Le fruit consiste en une capsule ovale, presque angulems à cinq 


78c Livraison, 


ROSAGE. 
loges; les semences nombreuses, adhérant à un placenta central, 
muni de cinq crêtes saillantes dans le milieu des loges. 

Cette plante, lorsqu’elle est sèche et en paquets, exhale une odeur 
légèrement nauséeuse. Ses feuilles, dont on fait plus particulière- 
ment usage en médecine, sont astringentes et amères; à une saveur 
très-austère, ses Jeunes rameaux joignent une certaine âcreté. 

L'eau s'empare de toutes les propriétés actives du rosage, soit par 
la décoction , soit par linfusion long-temps prolongée : de sorte que 
la décoction aqueuse de cette plante est astringente, amère et âcre, 
et précipite en noir par le sulfate de fer. 

Introduite dans la matière médicale par les médecins russes, cette 
espèce de rhododendron est encore très-peu usitée en Europe, où 
l'on ne connait guère ses propriétés, que par ce que rapportent de 
son action les voyageurs qui ont parcouru la Russie et la Sibérie, et 
particulièrement par ce qu’en ont dit Gmelin et Pallas. 

Au rapport de ce dernier, il paraît que les cerfs la broutent impu- 
nément. Les habitans du nord de la Russie se servent même avec 
avantage de l'infusion légère de ses feuilles en guise de thé; mais il 
paraît qu’elle n'a pas la même innocuité pour tous les homimes, ni 
pour toutes les espèces d'animaux. Son action varie en effet, selon le 
sol qui lui a donné naissance, selon l'époque à laquelle elle à été 
récoltée, selon les parties qu'on en emploie, selon l'habitude et le 
degré dé susceptibilité des individus qui en font usage; souvent 
même elle est douée de qualités très-vénéneuses. 

Murray rapporte qu'un chevreau, après avoir mangé quelques 
feuilles de rosage, commença à trépigner, à donner de la tête con: 
tre térre, sa démarche devint chancelante; il tomba enfin sur les 
genoux, et cet état ayant disparu au bout de quatre heures, il ne 
voulut plus en manger. Chez l’homme , son infusion concentrée, 
ainsi que sa décoction , produit une légère ivresse, une chaleur vive; 
la suspension des fonctions de l’entendement , une foule d'anomalies 
nerveuses, el autres phénomènes variés : ainsi , tantôt elle provoque 
le vomissement , tantôt elle produit des évacuations alvines. Dans 
quelques cas, il en est résulté üne abondante sécrétion d’urine , des 
sueurs ; ou l'écoulement des larmes; très-souvent elle a donné lieu à 
l'obscurcissement de la vue, à V'ardeur et à la constriction de l’æso- 


ROSAGE. 

phage , à la dyspnée et à l'oppression de poitrine ; dans certains cas, 
le prurit des yeux, du nez ou de quelque autre partie du corps , des 
douleurs dans les membres, des fourmillemens, un sentiment de 
brûlure ou de piqüre dans différentes régions, ou même un état de 
torpeur en ont été les résultats. Enfin , on lui a vu produire des con- 
vulsions et des exanthèmes. Or, de semblables effets , résultant , d’une 
part, de l'excitation des organes sécréteurs, et, d’une autre part, 
d’une influence vénéneuse spéciale sur le système nerveux, tendent à 
manifester dans cette plante des propriétés excitantes qui paraissent 
résider dans ses principes amer et astringent , et une âcreté partieu- 
liëre dont le principe n’a point encore été déterminé par l’analyse , 
mais qui semblerait rapprocher le rosage de la plupart des poisons 
âcres. M. Orfila signale même le décoctum de ce rhododendron, 
comme susceptible d’'enflammer les tissus , et par conséquent, comme 
très-vénéneux. Divers auteurs lui attribuent en outre, une propriété 
narcotique , mais elle aurait besoin d’y être mieux constatée qu’elle 
ne l’a encore été. 

A l'extérieur, on à fait usage de cette plante contre l’odontalgie 
et dans le traitement local de certains ulcères qui étaient probable- 
ment de nature atonique. En Sibérie , on s’en est servi comme errhin, 
sous forme pulvérulente, dans la céphalalgie et dans le catarrhe pi- 
tuitaire, où il est difficile de croire qu'un semblable irritant puisse 
avoir beaucoup de succès. Elle a été quelquefois appliquée en as- 
persions sur la peau et sur le cuir chevelu, contre les pous. 

A l’intérieur, on a particulièrement annoncé ses succès contre les 
douleurs arthritiques et rhumatismales, dans des circonstances, sans 

doute, où ces affections étaient exemptes d’excitation générale et de 
symptômes inflammatoires. On trouve dans Murray qu’elle a été 
administrée avec avantage dans un cas d’ischialgie. Différens succès 
lui sont attribués contre la maladie vénérienne, la paralysie, et 
plusieurs autres affections chroniques de la famille des névroses. 
Cependant, le rosage n’a été jusqu’à présent employé que par un 
trop petit nombre de médecins, et les cas dans lesquels on en a fait 
usage, sont trop peu nombreux, pour qu’on puisse généraliser les 
avantages qu’on paraît en avoir obtenus : de sorte que, en attendant 
que les expériences et les observations cliniques aient fixé les idées 


ROSAGE. 
des praticiens sur la nature des effets consécutifs qu’on peut atten- 
dre d’un semblable médicament dans les maladies, il est prudent de 
ne l’administrer qu'avec une grande circonspection. 

On pourrait le donner en poudre à la dose de quelques grains, en 
suspension dans un liquide ou sous forme pilulaire , avec l'attention 
d’en augmenter la dose successivement et jour par jour, à mesure 
qu’on en observerait les effets ; en infusion dans le vin ou dans l’eau, 
et en décoction dans ce dernier liquide, elle pourrait être adminis- 
trée d’un scrupule à un gros dans quatre onces de liquide, une ou 
plusieurs fois le jour; mais comme ses effets sont très-variables et 
peu connus, et qu'il est susceptible de produire des accidens graves, 
on doit porter la plus grande attention à son mode d'administration. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
{La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle.} 
1. Étamine. 4. Fruit coupé horizontalement. 


2. Pistil, 5. Graines de grandeur naturelle. 
3. Fruit. 6. Graine grossie. 


Zurre PZ: Lambert À Seul 


ROSE. 
Fe a. £ C. 


CCCIT 


ROSE. 


Grec, ste nx «6 à 5 PUR 


ROSA RUBRA MULTIPLEX ; Bauhin, TivaË, lib. 12, sect. 4. Tournefort , 
r, sect. 8, gen. 7 


Latin... ... ** * *\ Rosa GALLICA ; germinibus ovatis pedunculisque hispidis, caule petio- 
lisque hispido-aculeatis. Linné, icosandrie polygynie. Jussieu, 
as. 14, ord. 10, famille des rosacées. 
MOMER: 5 un ROSA, 
POBNOE ei: - ROSA 
Portugais. . ... 05 
PORDBIL 5. 652558 ROSE; ROSE DE PROVINS 
MR dé e à à à R 
ARMARL.EE SET PE ROSE 
Hollandais. . ..... ROOS 
DO, 5 ce ROSE 
SHÉADIS. 5 Ms ns R 
Polonais. ares ROZA 


La rose, une des plus brillantes productions du règne végétal, à 
été chantée, par les poètes de tous les âges, comme la reine des 
fleurs; célébrée chez toutes les nations, comme l'emblème de la 
beauté, dans le premier éclat de sa fraîcheur. Tout ce qu’on peut 
imagimer de plus parfait dans les formes, de plus suave dans les 
odeurs, de plus séduisant dans les couleurs, se trouve réuni dans 
la rose. 

La rose a fourni de nombreuses et de très-belles variétés; mais, 
sous ce luxe de beauté, disparaissent les caractères du genre , et ces 
précieux attributs qui assurent la reproduction de l'espèce : ils ne 
se trouvent que dans la rose simple et modeste des champs, dans 
laquelle on distingue un calice ovale ou sphérique, rétréci à son 
orifice, et divisé en cinq découpures concaves, puis alongées, lan- 
céolées, dont deux ou trois sont munies à leurs bords d’appendices 
foliacés , en forme d’aile; cinq pétales en cœur, insérés à l'orifice du 
calice, ainsi que les nombreuses étamines; des ovaires nombreux 

3 


78° Livraison. 


ROSE. 
renfermés dans le calice, surmontés par autant de styles rappro- 
chés, dans quelques espèces, en une colonne cylindrique. Après sa 
fécondation , le calice s'agrandit, devient un péricarpe charnu ; 
une forte baie couronnée par les divisions du limbe, renfermant 
des semences hispides, osseuses, attachées aux parois internes du 
calice. 

Les roses de Provins (rosa gallica, Lin.) sont fournies par un 
arbrisseau qui croît naturellement sur les collines boisées et pier- 
reuses dans plusieurs contrées de la France, en Auvergne, aux envi- 
rons d'Orléans, de Genève, de Turin, etc. 

Ses tiges sont rameuses, hautes de trois à quatre pieds, armées 
d’aiguillons nombreux, un peu crochus, épars, rougeâtres, persis- 
tans ou caducs. 

Les feuilles sont alternes , pétiolées , ailées, composées de cinq à 
sept folioles ovales ou un peu arrondies, fermes, glabres, d’un vert 
foncé en dessus , glauques, blanchâtres et un peu pubescentes en-des- 
sous , bordées de dents glanduleuses ; les nervures, les stipules, les 
pétioles, les pédoncules, et la base des calices chargés de poils 
glanduleux. 

Les fleurs sont solitaires, pédonculées, latérales ou terminales ; 
les pédoncules allongés, plus ou moins hispides; le calice ovoïde ; le 
limbe à cinq découpures alternativement pinnatifides : la corolle 
grande, d’un rouge pourpre très-foncé, panachée dans quelques 
variétés ; les pétales légèrement échancrés , un peu crénelés, Les styles 
libres et un peu velus; les fruits rouges, ovales, presque glabres. 

Les pétales sont les seules parties de cette plante qui soient em- 
ployées en médecine. On les récolte avant leur épanouissement ; 
lorsqu'ils sont desséchés, et ils ne jouissent qu’à un faible degré de 
l'odeur fragraute et suave de la rose, mais ils offrent une saveur 
styptique et amère très-prononcée . Léwis a observé que leur qualité 
astringente est beaucoup plus développée lorsque leur dessiccation à 
été opérée rapidement , à l’aide du feu, que lorsqu'ils sont desséchés 
lentement. La chimie ne nous a point encore convenablement éclaire 
sur la nature des principes constituans de la rose rouge. Tout c® 
qu'on connaît, à ce sujet, se borne à savoir qu'elle contient du mu- 


L 


ROSE. 
cilage, du tannin soluble dans l’eau froide, et qui donne à son in- 
fusion aqueuse la propriété de noircir, quand on y verse du sulfate 
de fer, et une certaine quantité d'huile volatile, qui jouit à un haut 
degré de l'odeur suave et délicieuse qui caractérise cette fleur. 

Par ses qualités astringente et amère, elle agit comme tonique sur 
l'appareil digestif, et par suite sur le reste de l’économie animale; et, 
en vertu de son arôme, elle exerce une excitation vive et instantanée 
sur le système nerveux. Mais ce dernier effet appartient plus parti- 
culièrement à l’huile volatile fragrante qu’on en retire par la distil- 
lation, et qui, par cette raison, a été placée au rang des cordiaux , 
des céphaliques et des antispasmodiques, tandis que les pétales eux- 
mêmes ont été plus particulièrement décorés des vertus roboran- 
tes, apéritives, résolutives, répercussives, etc. Quelques auteurs leur 
reconnaissent en outre une propriétés purgative, résultat de l’exci- 
tation qu'ils exercent sur le canal intestinal. Potérius a même expéri- 
menté, plusieurs fois, qu’un gros de ces pétales, réduits en poudre, 
suffit pour procurer trois ou quatre selles; mais on ne les emploie 
point parmi nous, sous ce rapport. On y a ordinairement recours 
pour relever le ton de l’estomac et de l’intéstin , et consécutivement 
celui des poumons et autres organes qui sympathisent avec l'appareil 
digestif. C’est ainsi qu’on en recommande l’usage dans les catarrhes 
chroniques, et particulièrement eontre les écoulemens des membra- 
nes muqueuses, On a surtout préconisé leurs succès contre la leucor- 
rhée et la diarrhée, où on les administre , soit par la bouche, soit 
en injection. Déjà , du temps d’Avicenve, on avait attribué aux roses 
rouges une grande efficacité contre la phthisie pulmonaire. D’après 
quelques faits cités par Valériola, Forestus, Rivière, Buchan, on 
pourrait croire, en effet, que ces auteurs sont parvenus , au moyen 
de leur administration long-temps continuée, à suspendre la marche 
de la phthisie, et même à la guérir. Mais ces observateurs adminis- 
traient cette substance sous forme de conserve, c’est-à-dire avec une 
très-grande quantité de sucre, souvent même avec du lait ou des 
substances mucilagineuses : ils faisaient prendre de très-grandes 
quantités de ces mélanges, puisqu'ils citent des inalades qui ‘en 
avaient ingéré jusqu’à viugt ettrente livres dans le cours de leur trai- 
tement. Or, 1l est évident que les succès qu'on a pu raisonnablement 


ROSE. 

obtenir d’un semblable moyen diététique et analeptique, doivent 
être attribués, en grande partie, au sucre et aux mucilagineux aux- 
quels, dans ce cas, les roses rouges pourraient être considérées 
comme servant de simple condiment. On a également préconisé la 
rose contre les hémorragies pulmonaires, utérines et autres, dans 
un temps où les astringens étaient mal-à-propos regardés comme le 
spécifique de ces affections. Mais si, comme les physiologistes mo- 
dernes l'ont prouvé, les hémorragies sont le résultat de l'irritation 
des membranes, il est évident que leurs moyens de guérison doivent 
être pris bien rarement dans les toniques et les excitans. 

Comme cordial et céphalique, ou plutôt pour agir instantanément 
sur le système nerveux, et par conséquent sur le cœur, on a plus 
particulièrement recours à l’huile essentielle de rose , connue sous le 
nom d'essence de roses. Les anciens n’ont point ignoré ses effets exci- 
tans; Hippocrate en recommandait l'usage dans les maladies de 
l'utérus, et Galien pour dissiper les inflammations commençantes. 
Aujourd’hui on ne s’en sert guère que comme adjuvant, dans diffé- 
rentes préparations toniques et stimulantes, dont elle masque, par 
son arôme délicieux, lodeur et la saveur désagréables. 

Comme topique, on associe quelquefois la poudre des pétales de 
roses rouges aux différens sternutatoires. On en fait des cataplasmes 
résolutifs et des sachets toniques qu’on applique avec avantage sur 
les tumeurs froides et indolentes, sur les engorgemens pâteux et ato- 
niques , pour en favoriser la résolution ; ces derniers sont aussi quel- 
quefois employés contre l’œdème des membres, pour solliciter lab- 
sorption de la sérosité épanchée dans le tissu cellulaire. Leur infu- 
sion aqueuse ou vineuse est en usage, sous la forme de bains locaux 
et de fomentations, pour remédier au relâchement de certains or- 
ganes. 

Les roses rouges sont employées intérieurement, en poudre, à la 
dose de deux à quatre grammes ( demi à un gros), ou, en infusion, 
depuis quatre jusqu’à huit grammes et plus, dans un kilogramme 
d'eau ou de vin. Son huile volatile ne se donne que par gouttes; 
soit avec du sucre, soit en oléo-saccharum , Soit dans un julep ap- 
proprié. La dose de leur conserve est de trente-deux à cent cin- 
quante grammes par jour (une à huit onces}). Leur sirop se donne 


ROSE. 

ordinairement à la dose de trente-deux ou soixante grammes ( envi- 
ron une ou deux onces). Elles entrent dans une quantité innombra- 
ble de médicamens officinaux, et autres préparations pharmaceuti- 
ques, tombées en oubli, et dont les plus remarquables sont le miel 
rosat, le sucre rosat, le vinaigre rosat, les teintures alcooliques de 
roses, plusieurs eaux distillées de roses, soit simples , soit compo- 
sées; l’électuaire de suc de roses de Myrcneté, des rer rosat de 
Mésué, et le cérat de Galien. 

L'eau distillée de roses, et leur huile volatile, sont quelquefois 
employées par les cuisiniers pour aromatiser certaines préparations 
culinaires; par les limonadiers, pour la préparation des sorbets, des 
glaces et des liqueurs. Les confiseurs composent, avec leurs pétales, 
des tablettes, des pastilles, des conserves et des dragées ; les parfu- 
meurs en font un très-grand usage pour la fabrication des pommades, 
des poudres, des pâtes et autres cosmétiques. Les pharmaciens em- 
ploient , chaque jour, leur huile volatile, pour aromatiser les médi- 
camens , et pour en masquer l'odeur et la saveur rebutantes. 

Le rosier est cultivé avec soin dans tous les jardins. Ses fleurs 
flattent également nos sens par l'éclat de leur couleur et par la sua- 
vité de leur arôme. 


ROSENBERGIUS (1.-c.), Rhodologia; in-4°. Argentorati, 1628. 
kkaus (rudolphus-culielmus), Disserta io de rosé; in-4°. Jenæ, 1732. 
HERRMANN (1.), Dissertatio de rosä ; im-4°. Argentorati, 1562. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


PA PA SET tdi deux tiers de sa grandeur naturelle.) 


Zopn2t - Zaméert F Seup! 
ROSE AU - AROMATIQUE . 
ab. 


CCCTIT. 


ROSEAU AROMATIQUE. 


Crétip iii .. a%opoc, Dioscorides 
ACORUS VERUS, SiVE CALAMUS AROMATICUS OFFICINARUM ; Pauhin » Tiva£ , 


1b. r , sect. 6 


PAT, NE De È 
p ACORUS CALAMUS; Linné , hexandrie monogynie. Jussieu, cl. 2, ord. , 
mille des aroïdes 
FOR SE ACORO ; CALAMO; CANNA ODORIFERA. 
HIDE rire, ACORO CALAMO. 
Portugais. . ...... ACORO CALAMO; CANNA CHEIROSA. 
Français... ...... ROSEAU AROMATIQUE. 
PAPER: 5 25 04e SWEET SMELRING FLAG; SWEET CANE. 
Alleman . KAI 
Hollandais. . ..,.. KALMUS 
Die not KALMUS 
SUÉAOIES 5. 04 KALMUS 
ArObES NTI AS 'AGE 


Crrre singulière plante n’a pas échappé aux regards des premiers 
observateurs. Elle habite les fossés et le bord des eaux dans plusieurs 
contrées de la France dans l'Alsace, la Hollande, la Belgique, le 
Piémont, etc. 

Ses racines sont de la grosseur du doigt, noueuses , ‘traçantes, 
horizontales, blanches en dedans, et garnies de beaucoup de cheve- 
lus; elles répandent une odeur aromatique, ainsi que les feuilles, 
lorsqu'on les froisse entre les mains, De différens points de Ja racine 
s'élèvent des tiges droites , glabres, simples, comprimées , assez sem- 
blables aux feuilles. 

Celles-ci sont droites, longues, étroites, en forme de lame d'épée, 
s’'engainant par le côté comme celles des iris. 

Les tiges se fendent latéralement, à peu près vers le milieu de leur 
hauteur; il sort, de cette fente, un chaton en forme d’épi, sessile, 
assez épais, un peu rétréci vers son sommet, à peu près long de 
deux pouces, tout couvert de petites fleurs sessiles, très-serrées les 
unes contre les autres. 


78° Livraison. 


ROSEAU AROMATIQUE. 

Chaque fleur offre un calice, ou une corolle, composé de six 
pièces courtes, ovales, persistantes ; six étamines libres, opposées 
selon les uns, alternes selon d’autres, avec les divisions du calice; 
un ovaire supérieur surmonté d’un point court , qui forme le stigmate; 
point de style. 

Le fruit est une capsule pyramidale , triangulaire, obtuse, sillon- 
née, à trois loges monospermes. 

La racine du roseau aromatique est la seule partie de cette plante 
que la médecine mette en usage. On en trouve deux variétés dans le 
commerce. L'une, apportée de la Tartarie et de la Pologne, géné- 
ralement connue sous le nom d’acorus verus , est de la longueur et 
de la grosseur du doigt, noueuse, cylindrique , un peu aplatie, rous- 
sâtre à l'extérieur, et blanchâtre intérieurement; l’autre désignée 
sous le nom de calamus aromaticus, et qui nous vient du Levant, 
par Marseille, est de la grosseur d’une plume, d’un gris rougeñtre 
au dehors, et blanche au dedans. Toutes deux exhalent une odeur 
agréable , et offrent une saveur chaude, amère, âcre et aromatique ; 
une petite quantité d'huile volatile, un extrait aqueux très-aromati- 
que, et un extrait spiritueux, presque inerte, sont les principes 
qu'on s’est borné à y reconnaître jusqu'à présent. 

Par suite de l’action tonique, prompte, intense et instantanée que 
cette plante exerce sur l’économie animale, elle a été réputée exci- 
tante, stomachique, diaphorétique, alexitère, diurétique, inci- 
sive, etc., mais elle ne peut produire ces différens effets secondai- 
res, on le sent très-bien , que lorsque nos organes, exempts d’inflam- 
mation et d'irritation, sont dans un état d’atonie et de relâchement. 
Ainsi elle a été souvent employée dans l’état de débilité gastrique, 
pour remédier à l’inappétence, aux flatuosités et aux diarrhées mu- 
queuses qui en sont quelquefois la suite. On l’a également adminis- 
trée contre les vertiges, la céphalalgie, les douleurs hypocondria- 
ques, et autres accidens nerveux, qui tiennent souvent à l’altération 
des propriétés vitales du canal intestinal. Quelques auteurs ont loué 
ses bons effets dans la leucorrhée et les catarrhes pulmonaires chro- 
niques ; d’autres ont vanté ses succès contre la dysenterie. Mais elle 
paraît être bien plus utile dans ces phlegmasies, pour exciter secon- 
dairement l’action de la peau et augmenter Ja transpiration , que 


ROSEAU AROMATIQUE. 

pour agir directement sur les membranes muqueuses, dont elle ne 
pourrait qu'augmenter lirritation. C’est par suite de ses effets dia- 
phorétiques, qu'on en a recommandé l'usage dans les affections 
exanthématiques , lorsque l’éruption languit par défaut d'action de 
la peau, comme cela a lieu chez les sujets faibles et cacochymes. 
Quelques observateurs enont , en outre, conseillé l'emploi dans les 
lésions de la menstruation chez les femmes lymphatiques et décolo- 
rées, où les aromatiques conviennent généralement, On à encore 
annoncé ses succès contre les fièvres intermittentes accompagnées 
de débilité, contre les affections vermineuses ; et je ne doute pas que, 
dans beaucoup de cas, elle n’y soit utile; mais je ne pense pas qu'il 
y ait le moindre avantage à administrer cette racine aromatique , 
dans les hémmorragies, quand je réfléchis que les excitans ne peu- 
vent, en général , qu'augmenter l’irritation locale, qui est la cause 
de ces sortes d’exhalations sanguines. 

La racine d’acorus peut être ingérée, en substance, à la dose d’un 
à deux grammes (dix-huit à trente-six grains), et, en infusion , de- 
puis quatre jusqu’à huit grammes (un à deux gros ) et au delà, dans 
un kilogramme d’eau ou de vin. Confite avec le sucre, on la mâche 
entière et on l’avale ensuite comme un excellent et très-agréable sto- 
machique. Pulvérisée et associée avec une certaine quantité de sirop 
ou de miel, on en fait des électuaires et des pilules. On en prépa- 
-rait, jadis, une confection, un extrait, et une eau distillée, dont 
l’usage est tombé en désuétude. Il en est de même de l’élixir de vie 
de Matthiole, de l’élixir de Mynsicht, et autres préparations offici- 
nales , dont elle fait partie. 

Cette racine, très-estimée dans l'Inde, y est souvent employée, 
sous forme de masticatoire, comme un moyen de corriger les effets 
du mauvais air, et de se préserver des épidémies. 


weDez (soannes-adolphus), Dissertatio de calamo aromatico ; in-4°, Len , 1918. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite an cinquième de sa grandeur naturelle.) 


1. Fruits mûrs. 


{ 


Lambert J° Je cugp? 


PP À 


Grec, Sr sir re mywyavoy, Dioscorides 
 { RUTA SILVESTRIS MAJOR ; Bauhin, MivaË , lib. 9, sect. ». Tournefort , 


e. à clas. 4, sect. 4, gen. 

D 171777 7 RUTA GRaVroLENS ; foliis. decompositis, floribus ns quadrif- 
* dis. Linné, décandrie Le. hi Jussieu, clas. r3, ord. 27 ; Ja- 
_. des rutacées.) 
Haha}. fi. ,:! HUTA L.. 4C 4 
Espagnol: .,..... RUDA ; ni. “. 
MFP ects ets RUDA ; RRUDA. 
Fhencais:s sir es ss RUE ; RUE DES JARDINS 
ue FERRER D COMMON R Fe 

ATemANE TA RAUTE; GARTENRAUTE # 
Hollandais. À RUITE 
Dons... RUD 
SUIS. era RUTA ; VINRUTA 
Polonais $ RUT 

sS. HS marrie.s à RUTA. 


\ 


Une odeur fétide, particulière à cette plante, suffirait presque 
seule pour nous la faire distinguer; elle forme d’ailleurs un genre 
très-naturel. Son calice est court, persistant , à quatre ou cinq divi- 
sions; quatre ou cinq pétales concaves, rétrécis en onglet; huit ou 
dix étamines ; un ovairé supérieur, portant à sa base huit ou dix 
pores neclarifères ; un style; un stigmate simple; une capsule glo- 
buleuse , à quatre ou cinq lobes , autant de loges et de valves, ren- 
fermant des semences dus , réniformes. 

L'espèce dont il est ici question croît sur les montagnes et dans 
les lieux stériles des départemens méridionaux de la France, en 
Espagne, en Italie, etc. Ses tiges sont dures, cylindriques, rameuses , 
verdâtres ou cendrées, hautes de deux ou trois pieds. 

Les feuilles sont alternes, pétiolées , d’un vert glauque, presque 
deux fois ailées, composées de folioles un peu épaisses , ovales, un 
peu allongées, es rétrécies et même un peu décurrentes à leur 
base, cunéiformes dans les individus cultivés. 


79: Livraison. 


RUE. 

Les fleurs sont jaunes, pédonculées, terminales, disposées en 
corymbe : leur calice glabre ; ses découpures obtuses ; la fleur supé- 
rieure et centrale est ordinairement à cinq parties; les autres n'en 
ont que quatre. Les capsules sont globuleuses, à quatre ou cmg 
lobes, qui s’écartent à leur sommet en autant de valves. 

Quelques auteurs ont réuni à cette espèce la re des montagnes, 
distinguée par ses folioles linéaires, très-aiguës, d’un vert blanchä- 
tre; les fleurs plus petites, d’un jaune verdâtre. (P. 

La rue est remarquable par l’odeur forte, stimulante et très-dé- 
sagréable qu’elle exhale, et par une saveur chaude, âcre et très- 
amère. Ces qualités, toutefois, sont.plus prononcées dans la plante 
sauvage que dans celle qui est cultivée dans nos jardins; elles dimi- 
nuent également par la dessiccatioh. L'huile volatile qu’on retire 
plus abondamment de ses semences que de ses autres parties, est 
d’une couleur jaunâtre, d’une odeur moins désagréable que celle de 
la plante elle-même, et se coagule par le froid. Des deux extraits 
aqueux et spiritueux qu’elle fournit, le premier est beaucoup plus 
abondant et-moins âcre que le second. 

Cette plante est tellement stimulante, qu’elle excite une sorte de 
prurit sur les mains, quand on en broie quelque temps les feuilles. 
Appliquée à demeure, sur la peau , elle l'irrite et y détermine la ru- 
béfaction. Introduite dans l'appareil digestif, elle y exerce une exci- 
tation très-prononcée, qui se transmet bientôt au reste de l’économie 
animale , et donne lieu à divers phénomènes consécutifs , dont la thé- 
rapeutique a su tirer parti. À dose un peu forte, elle cause même, 
suivant Bulliard, une grande agitation , des bâillemens, de la séche- 
resse dans la bouche, et beaucoup de mal à la gorge. Dans lanti- 
quité, elle était cutael en honneur comme exerçant une action 
puissante sur le système nerveux en général, et sur l'utérus en par 
ticulier. Sous ce rapport, elle était même célèbre du temps de Pytha- 
gore. Hippocrate la considérait comme résolutive; diurétique et 
alexitère. Galien lui supposait une vertu carminative, et la recom- 
mandait contre les flatuosités. D’après l'autorité de l'illustre méde- 
cin de Pergame, quelques modernes l'ont administrée dans celte 
affection , et l'ont préconisée contre les coliques. Mais, ainsi que 
paraît l'avoir observé Simon Pauli, un semblable stimulant ne pour- 


RUE. 

rait qu'augmenter le mal, lorsque les flatuosités et les coliques sont 
dues à l'irritation de l'intestin, comme cela a lieu le plus souvent. 
Les succès que divers observateurs attribuent à cette plante , contre 
les affections vermineuses, et qui lui ont mérité le titre d’anthel- 
mentique, sont bien plus conformes à sa manière d'agir, et doivent 
engager les praticiens à ne pas négliger un pareil vernufuge. Toute- 
fois, la rue a été spécialement recommandée contre lépilepsie, 
l’hystérie , et autres maladies nerveuses, Alexandre de Tralles, Va- 
lériola, Boerhaave, et plusieurs autres observateurs, paraissent en 
avoir obtenu des succès dans ces affections. Elle n’a pas été moins 
préconisée contre les désordres de la menstruation, et les anciens 
ainsi que les modernes l'ont très-souvent employée comme un em- 
ménagogue puissant. Cependant , ces désordres peuvent tenir à tant 
de causes variées, et exiger des méthodes de traitement si différen- 
tes, qu'on ne peut point, d’après quelques faits heureux , faire une 
règle générale de son emploi pour leur guérison. Si l’aménorrhée, 
par exemple, était due à un excès de sensibilité de l’utérus, ou à un 
état de pléthore, soit générale, soit locale, il est bien évident que 
l'usage de la rue n’y pourrait être que très-funeste, À l'égard des 
propriétés antisyphilitiques, qui lui ont été attribuées, elles auraient 
besoin d’être confirmées par de nouvelles observations. Quant aux 
vertus antivénéneuses et alexipharmaques dont elle a été également 
décorée, elles doivent être relégués au rang des fables, avec tout ce 
qui a été gravement débité sur son efficacité prétendue contre la 
peste et les maladies dites malignes, dans un temps où une patho- 
logie erronée attribuait ces maladies à des principes occultes et ve- 
néneux. 

A l'extérieur, on applique la rue pilée, comme rubéfiant. On en 
fait aussi des sinapismes et des épithèmes, qu’on a quelquefois ap- 
pliqués, avec succès, sur les carpes, contre les fièvres intermitten- 
tes. En décoction et en infusion aqueuse , on l'injecte dans les fosses 
nasales contre l’ozène. On introduit dans la bouche, sous forme 
de gargarisme, dans le traitement des ulcères fétides des gencives. 
On l’administre en lavement, dans les affections vermineuses, sur- 
tout pour expulser les ascarides vermiculaires. On lemploie, en 
. poudre et en décoction contre les pous. On pourrait également s'en 


RUE. 
servir contre la gale. Rosenstein prétend que l’haleine d’un homme 
sain, qui mâche de la rue, exhalée sur l'œil, guérit l’affaiblissement 
de la vue, surtout lorsque cet affaiblissement est dû à des lectures 
trop prolongées. La vapeur qui s'élève de la décoction de cette 
plante, dirigée sur les yeux, au moyen d’un entonnoir, serait une 
manière beaucoup plus simple de lemployer, s’il est reconnu , quel- 
que jour, qu’elle soit réellement utile. 

A l'intérieur, on peut donner cette plante pulvérisée, depuis un 
jusqu'à quatre grammes (environ un scrupule à un gros), soit en 
suspension dans un liquide , soit associée à une suffisante quantité de 
sirop et de miel, sous forme de pilules ou d’électuaire. On adminis- 
tre plus souvent son infusion théiforme, qui se prépare avec deux où 
trois pincées de feuilles sèches, sur un kilogramme d’eau. Son huile 
‘volatile ne se donne qu’à la dose de quelques gouttes, dans du sucre 
ou quelqu’autre préparation convenable. On en composait jadis un 
extrait, une conserve, un baume de rue, dont l'usage est tombé en 
désuétude. Le vinaigre de rue, long-temps préconisé comme prophy- 
lactique de la peste, des fièvres putrides , st a également perdu sa 
réputation usurpée. 

Le fameux antidote de Mithridate, dont Pompée trouva la formule 
dans la cassette de ce prince, était composé, dit-on, de vingt feuil- 
les de rue contuses, avec deux noix sèches, deux figues et un peu 
de sel. Quand on se représente le roi de Pont avalant, chaque ma- 
tin, un semblable mélange, avec la ferme conviction d’être à l'abri 
de tout empoisonnement pendant le jour, pourrait-on s'empêcher 
de rire, si l'on ne réfléchissait que l'ignorance et la crédulité figurent 
honorablement parmi les nobles qualités des héros? 


SLEVOGT (s0annes-nadrianus), Dissertatio de ruté; in-4°. Le næ, 1715. 

varer (abraham), Dissertatio de rutä, ejusque virtutibus ; fée: Vitembergæ, 1734- 

srenzer. (christianus-codofredus), Dissertatio de ruté medicind et veneno, in-4°. Vilemberg® 
735; 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite aux trois quarts de sa grandeur naturelle. 
1. Feuille inférieure, au trait, 4. Fruit coupé en travers. 
2. Fleur grossie, dont on a détaché les pé- 5. Graine de grandeur naturelle. 


aies. 6. Graine grossie. 
3. Fruit entier. 


SABINE. 
nn 


CCC. 


SABINE. 


Grec. airs Babe. Le. 
a FOL10 CUPRESSI; Bauhin, IluvæË, lib. 1 


Latin JUNIPERUS SABINA ; oliis o posilis, erectis, Farine si, To. 


bus pyxidatis, Linné, dioécie monadelphie. Jussieu, el. 15, ord. 5, 
famille des conifères. 
FAheR, ,: . e1 + -+ SABINA. 
Espagnol. . ‘5. SABINA ù 
Portugais, . .. :.:. SABLNA 
Français. . ...... SABINE; SAVINIER. 
LU ÉESRSÉ SLT SAVIN. 
Allemand. ....... SADEBAAUM, SAVENBAUM. 
Hollandais, . ..... SEVENBOOM ; SAVELBOOM. 
Dançls 515945" SEVETROEE. 
Suédois; is. SAEFVENTRAED. 


La sabine appartient au même genre. que le genévrier, dont il a 
déjà été fait mention. C’est un fort joli arbrisseau, toujours vert, 
d’une odeur forte et pénétrante, qui croît naturellement sur les mon- 
tagnes de nos départemens méridionaux, dans les Alpes, le Levant, 
l'Italie, ete. On en distingue deux variétés, improprement nommées 
sabine male et sabine femelle. 

La première s'élève à la hauteur de huit à dix pieds, sur un tronc 

droit, divisé en branches flexibles, ascendantes, très-rameuses , cou- 
vertes d’une écorce rude, cendrée, un peu rougeâtre, ainsi que le 
bois. 

Les rameaux sont grêles, très-nombreux , chargés de petites feuil- 
les opposées, serrées contre les tiges, courtes, ovales-aiguês; les 
supérieures un peu plus läches. 

Les baies sont arrondies, d’un bleu noirâtre, latérales, compo- 
sées ordinairement de trois semences. 

La seconde variété, connue sous le nom de sabine femelle, sabine 
stérile ou sabine commune , s'élève beaucoup moins; ses tiges sont 
moins fortes, ses rameaux plus étalés, très-divisés ; ses feuilles un 


79° Livraison, = 


SABINE. 
peu plus longues , lancéolées , aiguës, moins serrées, surtout les su- 
périeures. Elle fructifie rarement. On en cultive une sous-variété, 
dont le feuillage est agréablement panaché de blanc et de vert. 

| (P.) 

Cette plante exhale une odeur forte, fétide, fatigante, et offre une 
saveur chaude, résineuse, amère, désagréable. On y trouve de la 
résine, de l'huile volatile, même en assez grande quantité, puisque 
Hoffman en a retiré environ le cinquième de son poids. Elle four- 
nit, en outre, un extrait aqueux peu odorant, mais piquant et amer; 
ce qui annonce que ses propriétés actives ne résident pas exclusive- 
ment dans son huile volatile, ni dans sa résine. 

Des qualités physiques aussi prononcées ont dû fixer, de bonne 
heure, l'attention des hommes sur cette plante, et lui ont acquis, 
en effet , une grande réputation , dès le berceau de la médecine. Elle 
est tellement stimulante , qu’elle enflamme la peau sur laquelle elle 
reste appliquée pendant quelque temps. Lorsqu'on l’ingère, même à 
petite dose, l’irritation qu’elle détermine, sur le canal alimentaire, 
peut se transmettre, plus ou moins énergiquement, aux poumons, 
à l'utérus ou à d’autres organes, et donner lieu à l’hémoptysie, à 
des hémorragies utérines ; quelques observateurs ont même reconnu 
qu’elle excitait les hémorroïdes, Ces faits ont fait donner à la sabine 
une place parmi les médicamens les plus actifs et les plus dangereux; 
et font une loi de ne l’employer qu'avec réserve et beaucoup de cir- 
conspection. Deux chiens, auxquels M. Orfila avait fait avaler, à 
Vun quatre gros, à l’autre six gros de cette plante, sont morts dans 
l'espace de douze à seize heures , et ont présenté des traces d’inflam- 
mation sur l’estomac et au rectum. Deux gros de la même substance 
ayant été appliqués sur une plaie faite à la partie interne de la cuisse 
d’un troisième chien, l'animal est mort au bout de vingt-quatre heu- 
res, Sans manifester aucun symptôme remarquable; mais lon à 
trouvé des traces d’inflammation au duodénum et des taches livides 
sur le rectum. 

Cependant l’action de la sabine sur Vutérus ayant fixé depuis très- 
long-temps l'attention des médecins , elle a été préconisée comme 
l'emménagogue par excellence. La plupart des auteurs de matière 
médicale la signalent encore comme un moyen efficace de ramener 


SABINE. 

et de régulariser l’écoulement menstruel, quoique plusieurs observa- 
teurs aient remarqué, avec Scopoli, qu’elle ne produisait pas tou- 
Jours cet effet. De bonnes femmes, dignes héritières des erreurs médi- 
cales des siècles passés, se sont même persuadées qu’il suffit d’en in- 
troduire quelques feuilles dans la chaussure des jeunes filles, pour 
provoquer chez elles la menstruation. Très-heureusement cette 
pratique erronée ne peut avoir aucun danger; plût à dieu qu'il en 
fût de même de celles d’une foule de matrones hardies et d’auda- 
cieux empiriques , qui ne se font aucun scrupule d’administrer cette 
plante stimulante, pour les motifs les plus frivoles, et souvent au 
grand préjudice de malheureuses victimes de leur cupidité et de leur 
ignorance! La sabine, en effet , peut déterminer , non-seulement l’in- 
flammation , des hémorragies redoutables de la matrice, mais elle 
estencore susceptible de provoquer l'expulsion du fœtus, avec des 
accidens qui mettent la vie de la mère en très-grand danger. 


A l'extérieur, sa décoction a été employée en lotions contre la 
gale et contre les ulcères putrides, fongueux, gangréneux. En pou- 
dre, on l’applique, dans quelques cas, sur les dents gâtées, pour 
calmer l’odontalgie : on en saupoudre aussi, quelquefois les os ca- 
riés, pour favoriser la séparation des portions osseuses nécrosées, 
Enfin, on l'a appliquée, comme cathérétique, sur les fongus de la 
dure-mère, et sur les porreaux vénériens, pour les consumer et les 
détruire. 

Cette plante irritante peut être administrée intérieurement, en 
poudre, à la dose de deux grammes (demi-gros), soit en suspen- 
sion dans un liquide, soit associée au miel, et sous forme pilulaire ou 

‘’électuaire. En infusion, on la donne à la dose de quatre grammes 
(un gros) dans un kilogramme de liquide. 

Les maquignons allemands la font avaler à leurs chevaux, pour 
leur donner du feu et de l’activité. 


WEDEL, (ceorgius-wolffgang), Dissertatio de sabinà ; in-4°. Jenæ, 1707. * 


SABINE. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE 


(Les d eaux anche, représentés de grandeur naturelle, appartiennent aux deux variétés 

l'un marqué mâles, est la variété B, connue sous les noms de sabine commune, sabine à 
feuilles de eee et sabine stérile ; l'autre‘, marqué B, chargé de fruits , est la sabine à feuilles de cyprès.) 
1. Chaton m 


2. Écaille Ne détachée d’un chaton. 
3. Fruit 


la moitié de la partie charnue, afin de 
mettre à découvert les trois osselets. 
dont on a enlevé circulairement 4. Osselet isolé 


Try. HAN N Lo Per M 7 


SAFRAN. 
eZ. 


CCCVE. 


SAFRAN. 


Greci:sé ia es xpoxoc,} Dioscorides. 
| cRocUS sarivus; Bauhin , TivaË , lib. 2, sect. 2. Tournefort , clas. 9. 


É.3 gen 
PA Tr), RS RE ee ’ =: PPT SELS 
CROGUS SATIVUS; spatha univalvi radicali, corolla tubo longissimo. 
| inné, triandrie monogynie. Jussieu, clas. 3, ord. 8, famille des 
iris. 
| Éc RraEe e ZAFFERANO. 
Espagnol:. :.. ... AZAFRAN 
Portüpats, .. 7. ACAFRAO 
Français. SAFRAN 
ABS LS Gt 2 SAFFRON 
A GR sie ue sie SAFRAN 
Hollandais... ... SAFFRAN, 
RE SAFRAN 
Snrdoiti. se Ltée SAFFRAN 
Polonais SZAFRAN 
PT me SCHAFRAN. 
Hébraique. . ...... KARKOM. 
Arübe; Rise ZAHAFARAN. 


IL croit en France, ainsi que dans les Alpes, les Pyrénées, l’'Es- 
pagne et l'Italie, plusieurs espèces de safran, dont les unes fleuris- 
sent au printemps , d’autres en automne, qui ont fourni, aux ama- 
teurs des jardins, de très-jolies variétés par un mélange agréable 
de couleurs ; mais l’espèce dont il est ici question est originaire de 
l'Orient; on la cite aussi comme naturelle à la Sicile et à quelques 
autres contrées de l'Italie : Allioni assure même l'avoir rencontrée à 
Saint-Martin de Maurienne. C’est cette même espèce que l’on cultive 
en grand dans plusieurs départemens de la France, sous le rapport 
de ces propriétés économiques. Sa culture date du quatorzième siè- 
cle. Un gentilhomme, de la famille des Porchaires, passe pour le 
premier qui en ait distribué les bulbes. 

Le caractère du safran consiste dans une spathe membraneuse, 
d’une seule pièce, tenant lieu de calice : une corolle régulière, lon- 


79° Livraison. 3: 


SAFRAN. 
guement tubulée, divisée à son limbe en six divisions profondes , 
égales ; trois étamines insérées sur le tube de la corolle ; un ovaire 
inférieur, surmonté d’un style filiforme , terminé par trois sligmates 
épais, colorés, roulés en cornet, souvent dentés ou découpés en 
forme de crête : une capsule ovale, trigone , à trois valves, à trois 
loges polyspermes. 

Dans le safran cultivé, la racine est composée d’une bulbe arron- 
die, de la grosseur d’une noisette, couverte d’une pellicule brune, 
sèche, fibreuse; il en sort plusieurs fibres allongées et profondément 
enfoncées dans la terre. 

Une gaîne membraneuse enveloppe, à leur partie inférieure , des 
feuilles nombreuses, toutes radicales , très-étroites , creusées en gaut- 
tière, longues de plusieurs pouces , aiguës , traversées par une ner- 
vure blanche. 

Du centre des feuilles, sort une hampe très-courte, qui supporte 
une grande fleur, assez semblable à celle du colchique, d’un pourpre 
clair, munie d’un tube long, très-grêle, évasé en un limbe campa- 
nulé, à six divisions ovales, un peu obtuses, beaucoup plus courtes 
que le tube. 

Le style se divise, à son sommet, en trois stigmates d’un rouge 
orangé , d’une odeur aromatique, plus longs que les étamines , inci- 
sés et renflés à leur sommet. (P.) 

Les stigmates sont les seules parties de cette plante que la méde- 
cine mette en usage. Leur couleur est d’un rouge foncé; leur odeur. 
pénétrante, agréable au premier abord, bientôt après fatigante, et 
leur saveur chaude, aromatique et amère. On en retire une huile 
volatile très-odorante, une matière extractive rouge , de l'extractif 
oxigéné jaune, et un principe colorant d’une nature particulière. 
Ce principe, que MM. Bouillon Lagrange et Vogel ont proposé de 
nommer polychroîte, est détruit par l’action des rayons solaires ; 
même en petite quantité , il donne sa couleur à une grande masse 
d’eau; il donne de belles nuances bleue et verte lorsqu'on le traite 
par les acides sulfurique et nitrique. L'eau, le vin, la bière, le vi- 
naigre, se chargent également des parties odorantes , sapides et co- 
lorantes du safran. On en obtient ainsi, à laide de: ces différens 
menstrues , plusieurs extraits utiles à l'art de guérir. 


SAFRAN. 

Les émanations de cette substance agissent avec tant de force, sur 
le système nerveux, qu’elles occasionent quelquefois des douleurs de 
tête, des vertiges, le tremblement et une sorte d'ivresse à ceux qui la : 
récoltent. Borel, Schenck , et autres observateurs , rapportent même 
des cas où elles ont occasioné le coma et même la mort, à des indi- 
vidus qui avaient eu l’imprudence de se livrer au sommeil, dans des 
chambres où il y avait beaucoup de safran, et sur des sacs qui en 
étaient remplis. Ces faits, et plusieurs autres phénomènes qui résul- 
tent de son action sur l’économie animale lorsqu'on l’ingère , semblent 
rapprocher sa manière d'agir de celle de l’opium, et justifient, jus- 
qu’à un certain point , les propriétés anodines, hypnotiques, hilari- 
fiantes, antispasmodiques, utérines, diaphorétiques, diurétiques, 
lactifères, résolutives, etc., dont ce médicament a été gratifié. Le 
safran n'était pas moins en honneur chez les anciens que parmi les 
modernes. Hippocrate l’employait, à l'extérieur, contre les douleurs 
et les engorgemens de nature arthritique et rhumatismale. Sérapion 
l'avait en grande vénération contre les maladies de la poitrine et de 
l'utérus, et Galien vante ses effets résolutifs. La plupart des au- 
teurs modernes le placent au rang des antispasmodiques les plus puis- 
sans, et ont loué, avec plus ou moins d’éxagération, ses succès dans 
les maladies accompagnées de spasme et de douleur, telles que l'hys- 
térie, l'asthme, la coqueluche, les toux chroniques, les vomisseniens 
nerveux et les affections goutteuses. À raison de l'excitation directe 
qu’il exerce sur les organes sécréteurs, et de la sédation consécutive 
qu’il paraît opérer sur le système nerveux, le safran a pu être, sans 
doute, quelquefois utile à la guérison de ces maladies ; mais quel suc- 
cès peut-on raisonnablement en espérer dans la dyseuteries la dysurie * 
certaines coliques et l'ictère, contre lesquelles il a été préconisé? Ce mé- 
dicament à acquis surtout une grande réputation comme emménago- 
oue; il est même regardé, par quelques auteurs, comme un des plus 
puissans moyens de provoquer l’écoulement des règles ; et, d’après cette 
opinion, il figure sans cesse parmi les stimulans qu’on emploie d’une 
manière bannale , et qu’on prodigue sans cesse dans les altérations de 
la menstruation. On en a également recommandé l'usage pour rappe- 
les lochies supprimées. Mais, si la suppression de cet écoulement est 
due à l’inflammation de l'utérus ou du péritoine, ainsi que cela à 


SAFRAN. 
lieu le plus souvent , une semblable substance ne pourrait qu'y être 
funeste. ; 

A lextérieur, on a recommandé l'application du safran , sur les 
yeux , dans l’ophthalmie et dans l'inflammation des paupières. Comme 
résolutif, on en a aussi conseillé Pemploi contre les engorgemens 
froids et indolens, contre les ecchymoses : on s’en est même servi 
pour le pansement des ulcères ; mais son utilité, dans la plupart de 
ces cas, est au moins douteuse. On a cru que le safran, appliqué sur 
l'épigastre, était susceptible d’arrêter les vomissemeus spasmodiques, 
et qu'il pouvait ainsi prévenir le mal de mer. C’est un fait qu'il serait 
curieux et important de vérifier. 

Si l’on rassemble les effets les plus constans et les plus avérés de 
cette substance sur l’économie animale, on voit que, lorsque le safran 
est administré intérieurement , il augmente le ton de l’estomac, la 
chaleur générale et la fréquence du pouls, qu’il rend la transpira- 
tion cutanée, la sécrétion urinaire, et quelquefois même celle de 
plusieurs autres organes, plus abondantes. A haute dose , il peut oc- 
casioner la purgation , exciter la gaîté ou produire la somnolence et 
un sommeil inquiet et fatigant. Enfin, il peut déterminer la céphalal- 
gie, le délire et même la mort. Ce dernier effet, toutefois, ne s’ac- 
corde point avec l'expérience d'Alexandre , qui assure en avoir avalé 
quatre scrupules sans en éprouver le plus léger phénomène apprécia- 
ble. Après un mûr examen, Cullen semble même douter de l’action 
qu'on lui attribue. « Les auteurs de matière médicale, dit-il, en ont 
parlé comme d’un remède fort actif; mais ce qu'ils rapportent de 
ses effets est évidemment exagéré. Des observations , très - souvent 
réitérées dans la pratique, ne confirment nullement les opinions 
qu'on s'est formées du safran. Je l'ai donné, à grandes doses, sans 
en observer d'effets sensibles; à peine augmente-t-il la fréquence 
du pouls ; et je ne me suis guère aperçu qu'il agisse comme anodin 
ou antispasmodique. J'ai eu dans un cas ou deux, quelques raisons 
de croire qu'il jouissait d’une puissance emménagogue; mais, dans 
beaucoup d’autres, il a absolument trompé mes espérances ; quoique 
réitéré à fortes doses. » Des résultats aussi différens sur les effets du 
safran , prouvent, d’une manière évidente, qu’on a singulièrement 
exagéré ses vertus. Toutefois, ils peuvent tenir, en partie, au pays 


SAFRAN. 

où cette plante a été cultivée, à l’époque à laquelle on en a fait la ré- 
colte, et en partie aux procédés employés pour cueillir et dessécher 
ses stigmates , et surtout à leur sophistication. Des commerçans avi- 
des et infidèles y mêlent souvent différentes substances étrangères, 
pour en augmenter le poids, et entre autres des fibres de viande de 
bœuf cuite, des étamines de carthamus tinctorius, des pétales du 
calendula arvensis, du cnicus sikestris. Or, ces différentes circons- 
tances peuvent singulièrement modifier ses propriétés médicales. 

On administre le safran, en poudre, à la dose d’un à deux gram- 
mes (environ un scrupule à demi gros), et, en infusion, à celle de 
deux à huit grammes. Son extrait se donne depuis vingt-cinq jusqu’à 
soixante-quinze centigrammes (cinq à quinze grains). Sa teinture 
alcoolique, qu’on prépare par macération, se donne de vingt à trente 
gouttes. On en fait un sirop fort agréable, qu’on peut administrer 
aux enfans, de seize à trente-deux grammes ( demi à une once). Il 
fait partie du laudanum liquide de Sydenham, de lélixir de pro- 
priété , et de beaucoup d'autres préparations pharmaceutiques. 

Les anciens employaient le safran comme parfum , dans les tem- 
ples, au théâtre et dans les festins. De nos jours, il est d’un très- 
grand usage, surtout dans les pays méridionaux, et notamment en 
Espagne, pour colorer le pain, les gâteaux, le riz, les sauces, les 
liqueurs, et autres préparations culinaires. Les confiseurs , les gla- 
ciers, les patissiers , etc., s’en servent fréquemment pour colorer les 
produits de leur industrie. Les teinturiers en composent des couleurs 
de très-bon teint, et les peintres le font entrer dans plusieurs vernis. 


nerTopT (soannes-ré rérdinandius), Crocologia ; in-4°. Zenæ , 1675. 
RAUCH (G.-A.), Dissertatio de usu et abusu croci; in-4°. Viennæ, 1764. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite à la moitie de sa grandeur naturelle.) 


er ouvert, étamines et pistil. 3. Le même coupé horizontalement. 
2. Frui 4. Graine. 


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Lambert ?° Seul - 


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a. l'£ 


CCCVIT 


SAGOU. 


CXGAS GIRGINAUS; frondibus pinnatis circinalibus, foliolis linearibus 
Latin. : | sr Linné, cryptogamie, ordre des dé Jussieu, elas. 1, 
ord. 5, famille des cycadées. 
Jtallensisiiis dis SAGO. 
Esp LENS 
PR ie v SAGUEIRO 
Francais.... u 
tu SAGO TREE, 
AHeMARd: : ie SAGU ; SAGUBAUM ; SAGUPALME. 
Hollandais + - SAGOFBOOM 
NOR et ce vioe SAGUTRORE 
Suédois. LR SAGUTRAD 
| © (AP RE RRATE Pre 1 PR TODDA-PANNA 
Mai, A SH... COELAT SAGU 
Cochinchinois... ... cAx san Tue. 


CETTE substance, connue sous le nom de sagou, est fournie en plus 
ou moins grande abondance, par plusieurs espèces de palmier. On a 
cru d’abord qu’on la retirait uniquement du cycas; mais, d’après les 
observations de Rhumphius et de voyageurs plus modernes, il est 
assez prouvé que le sagou du commerce provient aussi du sagus ra- 
phia (Encrcel., vol. vi, pag. 303). 

Le cycas, qui fournit le sagou, croît dans les Indes orientales. 
Ordinairement il s'élève peu; son tronc est court, simple, épais, 
écailleux, couronné par une touffe de belle feuilles : mais, lorsqu'il 
parvient à la hauteur de quinze ou vingt pieds, ce qui arrive quel- 
quefois, alors son sommet se partage en quelques rameaux courts, 
et son tronc est chargé de protubérances annulaires. 

Les feuilles sont ailées, longues de trois ou quatre pieds, compo- 
sées de deux rangs de nombreuses folioles planes, étroites, linéaires, 

rès-rapprochées les unes des autres, glabres, sessiles, aiguës, un 
peu courbées en dehors; leur pétiole armé, à sa partie inférieure, 
d'un grand nombre de petites épines très-aiguës. 


* 79: Livvraison, 4. k> 


SAGOU. 

Ses fleurs sont dioïques; les fleurs mâles sont réunies en un cha- 
ton terminal , un peu conique, ovale, composé d’écailles charnues, 
imbriquées, ovales-spatulées , terminées par une pointe molle, char- 
gées d’un grand nombre d’anthères à une loge, s'ouvrant en deux 
valves. Quelquefois ces chatons sont fort gros et prennent lappa- 
rence du fruit de l'ananas. 

Les fleurs femelles naissent entre les feuilles, sur des espèces de 
lanières coriaces ou de pédoncules aplatis, cotonneux, ensiformes, 
élargis et pointus à leur sommet, munis de quelques crénelures à 
leur partie moyenne. Entre chacune de ces crénelures, est situé un 
ovaire sessile, chargé d’un style court et d’un stigmate simple. 

Le fruit consiste en une noix ovoïde, de la grosseur d’une petite 
orange; d’un jaune rougeâtre à sa maturité, renfermant, sous un 
brou charnu peu épais, une coque mince, ligneuse, à une seule loge, 
un peu comprimée , contenant une semence dure, arrondie, munie 
d’une fossette à sa base. | P: 

A l'exemple de plusieurs arbres de la même famille, le tronc de ce 
palmier renferme une moelle blanche, fongueuse, plus ou moins 
transparente, de nature farineuse, et qui, par ses qualités éminem- 
ment nutritives, est un des dons les plus précieux dont la nature ait 
‘gratifié les habitans de l'Asie. La plupart des animaux en sont très- 
#riands, on raconte même que, pour s’en repaître, ils endommagent 
souvent l'arbre pendant sa vie. 

Lorsque les feuilles de ce palmier se couvrent d’une sorte d’efflo- 
rescence blanchâtre, ce qui est une preuve, dit-on, que sa moelle a 
acquis toute la maturité convenable , les Indiens l’obtiennent de la 
manière suivante : On coupe l'arbre près de sa racine, on le scie en 
tronçons de six-ou sept pieds de longueur , on fend ces tronçons lon- 
gitudinalement , et on en arrache la moelle en la séparant, autant 
que possible, de la matière ligneuse. Alors, on écrase cette substance ; 
lorsqu'elle est réduite en poudre grossière, on l’agite fortement dans 
des vases remplis d’eau, on passe le tout à travers un tamis ou une 
espèce de filtre. Les matières filandreuses et hétérogènes restent sur 
le filtre , et sont rejetées, l’eau entraîne avec elle la fécule amilacée; 
et lorsque celle-ci s'est déposée, par le repos, au fond du liquide» 


on décante avec précaution , et l’on trouve , au fond des vases, cette ! 


à. 


SAGOU. 

fécule pure, sous la forme d’une pâte blanche, très-douce au toucher. 
Les Indiens alors déssèchent cette pâte, et la conservent , sous forme 
de farine, pour leur usage ; ou bien en la comprimant sur des pla- 
ques de terre cuite, percées d’une infinité de petits trous, à travers 
desquels ils obligent ainsi de passer, ils lui donnent la forme de 
grains, lesquels, desséchés au feu, constituent le sagou du commerce. 

Cette substance granuleuse amilacée n’a été connue , en Angleterre, 
que vers l'année 1729. C’est en 1740 qu’elle fut introduite en France, 
et quelques années après en Allemagne. La forme des grains dont 
elle se compose, est arrondie ou anguleuse; leur grosseur est à peu 
près celle du millet ; leur couleur est d’un blanc jaunâtre à l'extérieur, 
et d’un blanc très-pur intérieurement. Le sagou est inodore, d’une 
saveur farineuse, d’une consistance très-dure, friable, tenace et dif- 
licile à pulvériser. L’humidité le morcelle et l’altère promptement, 
mais il peut se conserver des années entières, sans altération, dans 
un endroit sec. L'eau chaude le ramollit, le gonfle , et lui donne un 
certain degré de transparence. Sa décoction offre une consistance mu- 
cilagineuse , une saveur douce, et se prend, par le refroidissement , 
en une masse gélatineuse, tremblante, à la manière de l’amidon. 

Le sagou, ainsi associé à l’eau, jouit, à un très-haut degré, des 
propriétés adoucissantes, émollientes, lubréfiantes et analeptiques, 
qui caractérisent toutes les substances amilacées. S'il était nécessaire 
d'aller chercher dans l’Inde une matière que la plupart de nos cé- 
réales, les pommes de terre, et beaucoup d’autres productions indi- 
gènes nous fournissent en abondance, on pourrait, au besoin, en 
administrer la décoction , plus ou moins édulcorée ou acidulée, se- 
lon les indications, dans la plupart des maladies où il faut nourrir 
légèrement, étancher la soif, apaiser la chaleur et calmer l’irritation 
des organes. Ainsi elle serait utile dans la plupart des fièvres aiguës, 
dans les phlegmasies des membranes séreuses, dans les affections ca- 
tarrhales, dans les aphtes, la diarrhée, la dysenterie, et autres af- 
fections de l’appareil digestif et des voies urinaires. Enfin, son usage 
ne serait pas moins avantageux, dans la phthisie pulmonaire, que 
celui des autres substances mucilagineuses qu’on y administre jour- 
nellement. 

Toutefois, les usages alimentaires du sagou ont prévalu sur son 


SAGOU. 

emploi médicamenteux , et l'on ne s’en sert guère que comme ali- # 
ment. Sous ce rapport, il occupe même un rang très-distingué dans 
la diététique des maladies chroniques. Comme analeptique, on le 
prescrit plus spécialement dans celles qui sont accompagnées de sé- 
cheresse, de maigreur, d’émaciation et de beaucoup de débilité ; 
telles que la fièvre hectique, les phlegmasies chroniques des mem- 
branes muqueuses et des viscères, certaines névroses rebelles, qui 
pervertissent les fonctions digestives. Mais c’est surtout contre la 
phthisie pulmonaire que son usage a été particulièrement consacré 
comme un de ces alimens doux et très-nourrissans, qui, sous un très- 
petit volume, contiennent une très-grande quantité de molécules 
alibiles, qui n’ont besoin, pour être assimilées, que d’un très-léger 
travail de la part de nos organes, et qui sont, par conséquent, très- 
propres à réparer les pertes, à soutenir les forces et à retarder la 
funeste terminaison de la maladie. A tous ces titres , il convient par- 
faitement , dans l’état de santé, aux nourrices , aux femmes délicates 
tourmentées par des affections spasmodiques, aux vieillards décré- 
pits, aux convalescens , à ceux qui digèrent péniblement, aux sujets 
d'un tempérament nerveux, à ceux qui sont épuisés par l'onanisme 
ou par l'abus des plaisirs énervans, par de longs chagrins, des veil- 
les prolongées, des études abethéles ou de profondes méditations. 
Il est également très-utile aux habitans des pays chauds, qui ont; en 
général, besoin d’une nourriture douce et facile à digérer; maïs , 
par la même raison, son usage est peu convenable dans les pay 
froids, aux sujets robustes, et à ceux qui se livrent à la fatigue et à 
des exercices violens, parce que, n'offrant pas une assez grande 1 
sistance aux pus digestives , il ne leste point convenablement 
l'estomac, et n’apaise qu imparfaitement le sentiment de la faim. 

On peut admniatner le sagou, en décoction, dans l’eau, le lait. 
le bouillon ou le vin, à la dose de trente à soixante-cinq grammes 
(à peu près une à ro onces) sur un kilogramme ( deux livres) de 
liquide , et l’on a soin d’édulcorer, d’aciduler ou d’aromatiser celle 
boisson selon le goût du malade. La gelée , ou crême de sagou , coN- 
venablement aromatisée ou édulcorée, peut se donner à la dose de 
soixante à cent quatre-vingt-dix grammes (deux à six onces ) el 
vingt-quatre heures. On l’administre aussi sous forme de bouillie: 


SAGOU. 

La farine de moelle de sagou sert d’aliment à une grande partie 
des habitans de l’Asie et des îles de l'Océan indien. Ils en font des 
bouillies et des pâtes, qui servent à leur nourriture journalière. Le 
sagou qu'ils en préparent, et qui est apporté en Europe par le com- 
merce, devient chaque jour, parmi nous, l’objet d’une grande cou- 
sommation. Les cuisiniers en préparent des potages au gras , au lait 
etau jus ; ils en font des bouillies, des crêmes, des gateaux. En lasso- 
clant à une certaine quantité de farine de froment , on en fait même 
un pain fort bon, quoique, en général, friable et granuleux comme 
celui de mais | 

Le sagou étant exclusivement composé de fécule amilacée, il est 
évident qu'on peut le préparer, en tous lieux, avec cêtte substance ; 
quelle que soit l'espèce de végétal d’où on la tire. Quelques auteurs 
pensent même que le cycas circinalis et le sagus raphia ne sont pas 
les seuls arbres d’où les Orientaux tirent le sagou qu'ils nous en- 
voient , et que cette substance est également fabriquée par eux , avec 
la moelle du palma farinaria. On peut en préparer d’aussi bon avec 
la farine de la racine du manihot, Jatropha manihot, lorsqu'elle a 
été privée du principe vénéneux qui est uni à sa fécule; avec la fa- 
rine des fèves , vicia faba; avec celle de la plupart de nos céréales. 
Le couscou , dont se nourrissent les nègres de l'Afrique, est une es- 
pèce de sagou, qu’ils fabriquent avec la fécule du triticum. Enfin, la 
pomme de terre peut être employée , avec un grand avantage, à la 
fabrication de cette substance. 

Les feuilles du cycas circinalis sont employées, dans l'Inde, à la 
toiture des habitations. Leurs nervures fournissent une sorte de 
chanvre grossier , qui sert à la fabrication des cordes. 


EXPLICATIONS. 
PLANCHE 307. 


{L'arbre représenté dans cette planche est réduit au quinzième de sa grandeur naturelle.) 


1. Individu femelle, 


SAGOU. 


PLANCHE 307 bis. 


1. Cône composé de fleurs mâles. 7. La même, pr verticalement, a, cu- 
2. Le même, coupé dans sa longueur. pule, 

3. Une écaille vue en dessous. 8. Fruit mûr, us horizontalement. 

4. La me , vue du côté des étami- 


9. Fruit coupé dans sa longueur. 
10. ryon, 
11. Un autre, dont les lobes sont écartés et 
montrent quatre autres embryons 
ortés. 


5. spadis Gas 4 de fleurs femelles et de 
frui 
6. Fleur femelle 


307 {es ) 


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Zurpen P. Lambert T° Seulr 


SAGOU arialerue # 
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# j 

Zion PE & re age. 
SALSEPAREILLE,, 

PV 


CCC VIIT. 


SALSEPAREILLE. 


SMILAX ASPERA PERUVIANA , Sive SaRSArARILLA ; Bauhin, Tivaf, lib. 8, 
dé sect. 1. Tournefort, 4ppendix. 
Latin... .......{ smrirax sarsararinea ; caule aculeato angulato, foliis inermibus ova- 
tis retuso-mucronatis trinerviis. Linné, dioécie hexandrie, Jussieu , 
clas. 3, ord, 2, famille des asperges. 


Haken,. , .. .....-:S8ALSAPARIGLIA. 
Espaghol, ....... ZARZA-PARILLA 
Portigiiaissié 3x SALSAPARILH 
Français SALSEPAREILLE 
Anglais. . , + + SARSAPARILLA 
Allemand... ... .. SASS ILLE 
Hollandais, :.... . SARZAPARILLE, 


La salsepareille a été envoyée en Europe, par les premiers Espa- 
gnols qui ont habité le Pérou. La plante qui fournit cette racine ap- 
partient à un genre très-naturel, dont nous possédons quelques es- 
pèces en Europe, telles que le smilax aspera. Ce genre se caractérise 
par des fleurs dioïques ; une corolle (ou un calice coloré) campanu- 
lée, très-ouverte, divisée profondément en six découpures recour- 
bées au sommet; six étamines : dans les fleurs femelles, un ovaire 
supérieur; un style fort ceurt ; trois stigmates oblongs, pubescens, 
réfléchis. Le fruit consiste en une baie arrondie, renfermant trois 
et plus souvent une seule semence par avortement. 

La salsepareille officinale croît au Mexique, au Pérou , dans le 
Brésil, et plusieurs autres contrées de l'Amérique Méridionale. Ses 
racines sont composées de fibres grêles, très-longues, presque sim- 
ples, d’un blanc cendré, souples , entrelacées les unes dans les au- 
tres : elles produisent des tiges un peu ligneuses , très-longues , rous- 
sâtres, anguleuses, glabres, rameuses, munies d’aiguillons droits, 
élargis, assez forts, très-aigus. 


80e Livraison. 


SALSEPAREILLE. 

Les feuilles sont alternes, pétiolées, glabres, simples, coriaces, 
dépourvues d’aiguillons , larges, ovales, un peu courtes, mucronées, 
échancrées en cœur, presque auriculées à leur base, à trois ou cinq 
nervures, munies à l'insertion du pétiole de deux vrilles capillaires. 

Les pédoncules sont simples , droits, axillaires , une fois plus longs 
que les pétioles, soutenant des fleurs blanches, assez nombreuses, 
réunies en ombelle, soutenues par des pédicelles courts. 

Leur corolle est petite ; ses découpures courtes, presque droites; 

les fruits globuleux, de couleur bleuâtre, monospermes.  (P.) 
_ Des racines sarmenteuses, de la longueur de plusieurs pieds, et 
de la grosseur d’une plume d’oie, sont les seules parties de cette 
plante qui soient employées en médecine. Lorsqu’elles sont dessé- 
chées , elle offrent une couleur fauve à l'extérieur , et blanche inté- 
rieurement. Leur odeur est nulle, leur saveur mucilagineuse et fai- 
blement amère. Par l'ébullition , elles cèdent leur qualité mucilagi- 
neuse à l’eau, et ce liquide dépose alors, en se refroidissant, de Ja 
fécule amilacée, qui, avec la matière ligneuse, constitue presque 
exclusivement cette racine. Neumann en a retiré un extrait aqueux, 
salé, légèrement amer, et un extrait résineux un peu âcre : mais, 
d'après des analyses plus récentes, le mucilage et le ligneux en sont 
les matériaux immédiats les plus importans. 

L'amertume légère et l'état mucilagineux auxquels se bornent les 
qualités physiques appréciables de cette racine, sont loin de justifier 
les éminentes propriétés médicales dont elle à été décorée, et doi- 
vent inspirer une juste défiance sur l'efficacité qu'on lui attribue 
contre la gale, les dartres , les engorgemens lymphatiques , la goutte; 
la cachexie et la maladie vénérienne. C’est surtout contre cette der- 
mière affection qu’elle a été particulièrement préconisée. Depuis son 
introduction en Europe par les Espagnols, vers le commencement 
du seizième siècle, une foule d'auteurs , parmi lesquels se distinguent 
Vidus-Vidius, Trinçavel, Fallope, Césalpin, et plus récemment 
Fordyce , Stoerck, Hunter, etc. , n’ont cessé de la vanter comme an- 
tisyphilitique. Plusieurs observateurs, à la vérité, loin de se laisser 
éblouir par ce concert de louanges exagérées , ont formellement dé- 
claré son insuffisance dans cette affection. M. Alihert a remarqué ; 
bien souvent , que les décoctions qu’on en prépare fatiguaient l’esto- 


SALSEPAREILLE. 

mac en pure perte. Il avoue que, quoique la voyant donner chaque 
Jour sous ses yeux, il serait fort embarrassé de dire qu’elle a concouru 
pour quelque chose aux guérisons qu'il a vu opérer. L’illustre Cullen 
assure positivement que, s’il n'avait consulté que sa propre expé- 
rience , il aurait bannie de la matière médicale. « Je l’ai employée, 
dit-il, sous toutes les formes, soit dans la maladie vénérienne, soit 
dans d’autres affections, sans en éprouver aucun effet. Cependant 
le peuple dont l’aveugle et robuste crédulité a sans cesse besoin d’a- 
liment, et beaucoup de médecins qui lui ressemblent, n’ont cessé de 
considérer la salsepareïlle comme un puissant antivénérien, et de 
vanter son efficacité contre les chancres, les bubons, les caries, les 
exostoses , les pustules , et autres accidens qu’on attribue à la syphi- 
lis. On n’est cependant pas d'accord sur sa manière d'agir; car les 
uns pensent, avec Sydenham, qu’elle guérit en excitant la sueur, 
tandis que d’autres attribuent ses effets salutaires aux qualités 
adoucissantes de la fécule qu’elle contient. Beaucoup de partisans 
des propriétés antisyphilitiques de cette racine, conviennent même 
qu’elle n’est réellement avantageuse dans cette affection que lors- 
qu'on a déjà employé le traitement mercuriel, et qu’elle réussit 
spécialement dans les cas où les malades sont en quelque sorte 
saturés de mercure. 

Que la décoction de la salsepareille, prise en grande quantité et 
à une haute température, produise une abondante transpiration, et 
excite la sueur : c’est ce dont on ne peut douter. Que, dans certains 
cas, surtout sous l'influence d’une température basse, cette même 
décoction agisse comme diurétique, et provoque une abondante sé- 
crétion d'urine : c’est encore ce que l'expérience confirme. On ne 
peut nier que, dans les pays chauds, et notamment dans le midi de 
l'Espagne, en Portugal, et à plus forte raison sous la zone torride, 
la maladie vénérienne ne guérisse tous les jours sous le simple em- 
ploi de cette même décoction , secondée par un régime sobre et adou- 
cissant. Mais est-ce une raison pour la qualifier des titres de diuré- 
tique, sudorifique et antisyphilitique, quand on voit la sueur et la 
diurèse produites également par toutes les boissons abondantes 
chaudes, et les affections syphilitiques les plus graves disparaître, 
dans les climats chauds, sous l'influence d’une simple limonade, 


SALSEPAREILLE. 
lorsqu'on a soin d'éviter les écarts du régime? Il faut donc convenir 
que les propriétés médicales de la salsepareille ont été singulière- 
ment exagérées, que les vertus qu’on lui a accordées sont très-dou- 
teuses , et que les effets consécutifs qu’on lui attribue, dans ces ma- 
ladies, reposent sur des faits peu exacts et mal observés. 

On prescrit d’administrer cette racine à la dose de quatre-vingt- 
quinze grammes (trois onces), en décoction dans un kilogramme et 
demi (trois livres) d’eau réduite à un kilogramme, que l'on fait 
prendre, par verres, dans l’espace de vingt-quatre heures. En pou- 
dre, on la donne quelquefois à la dose de deux grammes (un demi- 
gros). Elle est un des principaux ingrédiens du sirop de Cuisinier et 
du trop fameux rob de Laffecteur, dont l’un a eu jadis autant de 
vogue que l’autre en a acquis depuis, et de beaucoup d’autres pré- 
parations dites sudorifiques et antivénériennes , bien plus propres à 
favoriser les spéculations honteuses des empiriques et des charla- 
tans, qu'à guérir ou à soulager les malades. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle.) 


. à 
1. Fleur mâle, grossie, les deux graines, la troisième etant 
2. Fleur femelle, grossie. avortee. j 


‘ 
3. Fruit coupé en travers, pour faire voir 


Le d 


j 
urpen Pak Lambert TS culpt 


SANG-DRAGON. 
Er Pa 


CCCIX. 


SANG-DRAGON. 


Lalesliuri. SE PTEROGARPUS DRACO; folis pinnatis. Linné, diadelphie décandrie, Jus- 
sieu, clas. 14, ord. 11, famille des légumineuses. 
HaheniEr Sie SANGUE DI DRAGONE 
Portugais. épars + DRAGONE F 
FROM Lie à 65: SANG-DRAGUN 
a: RAGON TREE 
Allemand: 55 524 DRACHENBAUM ; DRACHENBLUTBAUM 
Hollandais, ....., DRAARBOOM 


CETTE résine coule par incision et en larmes sobpritres du tronc 
d'un arbre des Indes orientales, que Linné a nommé pterocarpus 
draco. 11 appartient à la famille des plantes légumineuses, et se ca- 
ractérise par un calice campanulé, à cinq dents aiguës; une corolle 
papilionacée ; l’étendard arrondi, presque en cœur, longuement 
onguiculé; les ailes lancéolées; la carène courte; dix étamines ; les 
filamens libres à leur partie supérieure; un ovaire pédicellé, com- 
primé; un style; un stigmate simple. Le fruit est une gousse courbée 
en faucille ou échancrée latéralement, comprimée, membraneuse , 
renfermant une, quelquefois deux ou trois semences. 

Son tronc est droit; les rameaux glabres, alternes, revêtus d’une 
écorce rougeâtre , chatte de feuilles ailées , alternes, pétiolées , gla- 
bres à leurs deux faces, composées de flioles alternes, pédicellées , 
membraneuses, ovales, acuminées, très-entières | longues d'environ 
trois pouces, larges de deux. | 

Les fleurs sont blanches, nombreuses, disposées en grappes à 
l'extrémité de pédoncules longs, rameux, axillaires et presque ter- 
minaux. 

Le fruit consiste en une gousse assez grande, comprimée, orbi- 
culaire, munie dans son milieu de grosses nervures saillantes, envi- 
ronnée à son contour d’une large membrane mince, ferme, ner- 
veuse, courbée en faucille avec une pointe me formée 


80e Livraison. 


SANG-DRAGON. 
par une échancrure médiocre et latérale : elle renferme, dans une 
seule loge, deux ou trois semences ovales, oblongues , rougetres. 

Le suc de cet arbre, connu sous le nom de sang-dragon, se pré- 
sente quelquefois en larmes, mais le plus souvent en petites masses 

ovales ou arrondies, de la grosseur d’une olive ou d’une noix, enve- 
loppées dans des feuilles de palmier ou de roseau liées à leur extré- 
mité. C'est une substance d’un rouge foncé, couleur de sang , inodore, 
insipide , dure, friable, sèche, fusible, inflammable, et qui répand 
une odeur balsamique quand on la brûle. Presque entièrement soluble 
dans l’alcool et dans les huiles, elle est presque insoluble dans l'eau. 
Elle contient beaucoup de résine, du tannin insoluble dans l'eau 
froide, et, selon quelques auteurs, une petite quantité de mucilage, 
qui paraît être dû aux matières étrangères qu’on y introduit souvent 
pour en augmenter le poids; car il est peu de médicamens qui 
soient aussi fréquemment sophistiqués. 

Le sang-dragon du commerce n’est cependant pas exclusivement 
fourni par le pterocarpus draco. On le retire aussi des troncs du 
Pterocarpus santolinum , du dracæna draco , du dalbergia moneta- 
ria, et des fruits du calamus rotang. Les anciens le connaissaient 
sous le nom de cinnabre. Il est généralement regardé, parmi nous; 
comme une substance résineuse astringente Cependant, le tannin 
auquel il doit cette dernière qualité , y est ordinairement en st petite 
proportion , qu’il ne jouit, en général , que d’une stypticité très-fai- 
ble, et qu'il est très-peu propre , par conséquent, à justifier les puis- 
sans effets qu’on lui attribue sur l’économie animale. Toutefois, les 
epithètes de dessiccatif, de resserrant , d'incrassant et de vulnéraire 
ne lui ont pas été épargnées. Il a été particulièrement décoré de la 
propriété de supprimer ou de diminuer les sécrétions et les exhala- 
lions très-abondantes , et préconisé en conséquence contre les écou- 
lemens muqueux et les hémorragies passives. Ainsi, on l'a recom- 
mandé, et peut-être quelques vieux praticiens en font encore usage; 
dans les flueurs blanches , la blennorrhagie et le catarrhe vésical. On 
a également vanté ses succès contre les catarrhes chroniques des 
bronches , et surtout contre la diarrhée et la dysenterie. Lorsque ces 
affections existent depuis long-temps, et que l'habitude, plutôt que 


SANG-DRAGON. 

l'irritation des organes, est la cause des sécrétions morbides et de la 
continuité des écoulemens dont ils sont le siège, le sang-dragon pour- 
rait sans doute y être utile par sa propriété légèrement astringente. 
Mais cette qualité y est si peu marquée, qu’on a recours, pour l’or- 
dinaire, à des substances où elle est plus développée. On ne l’em- 
ploie pas davantage aujourd’hui dans les hémorragies des poumons 
et de l'utérus, contre lesquelles certains auteurs ont singulièrement 
vanté ses prétendus succès, et encore moins dans la lithiasie et au- 
tres maladies des voies urinaires , où les astringens ont joui, comme 
on sait, d’une grande vogue. 

Au total, on n’administre presque plus le sang-dragon à l’inté- 
rieur. Mais, comme il a été signalé par divers auteurs de matière 
médicale, ainsi que la plupart des résines, comme propre à aggluti- 
ner les parties divisées, à cicatriser les plaies et à consolider les ul- 
cères, il a été long-temps employé comme topique vulnéraire, avant 
que la chirurgie moderne, forte de ses solides progrès , et de la mar- 
che scientifique que lui ont récemment imprimée quelques esprits 
supérieurs , eût banni pour jamais les onguens, les emplâtres, et 
tous les topiques du traitement.des solutions de continuité. 

A l’intérieur, on pourrait administrer cette substance résineuse, 
depuis deux jusqu’à six grammes (demi-gros à un gros et demi), 
soit en poudre, soit en pilules, soit sous forme de pastilles ou d’é- 
lectuaire. Elle entre dans la composition de la poudre antidysenté- 
rique de Charas, dans les pilules du même pharmacologiste contre 
la gonorrhée, et dans plusieurs médicamens emplastiques, tels que 
l’emplâtre styptique, celui d’albâtre et celui pour l’enclouement des 
pieds des chevaux. Les peintres s’en servent pour la composition d’un 
vernis rouge en usage pour peindre les meubles. 


ocms (3.-rr.), Dissertatio de sanguine draconis ; in-4°. Altdorfi, 1712. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle.) 


‘310. 


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Zur LP: Lambert À L 7/24 


SANTOEINE : 
as LE 


CCCX. 


SANTOLINE. 


geps@rov, Dioscorides. 
ABSINTHIUM SANTONICUM GALLICUM; Bauhin, Tiva£ , 1 4, sec. 2. Tour- 
nefort, clas. 12, sect. 3, gen. 2. 

FE UT ARTEMISIA SANTONICA; foliis caulinis linearibus pinnato -multifidis , 
ramis indivisis, spicis secundis reflexis, floribus quinquefloris.Linné, 
syngénésie polygamie superflue. Jussieu , clas. 10, ord. 3, famille 

êres. 


des corymbif. 


HORS. sr ue + + SANTOLINA; SEME SANTO. 

PPOBNOL. 2. SANTOLINA ; SEMILLA SANTA. 

Portugais... .... SANTOLINA. 

Français. ........ SANTOLINE; CYPRÈS DES SARDINS: BARBOTINE. 

ANT, es TATARIAN SOUTHERN WOOD ; WORMSE 

Allemand. ../.... HEILIGER BEYFUSS; HEILIGE PFLANZE. ; 


Hollandais... .... severacaric »vvorr. 


La plante qui porte ici le nom de santoline, différente du genre 
auquel Linné a donné ce nom , est placée, ainsi que l’absinthe, dont 
il a déjà été fait mention, dans le même genre que l’armoise, et 
offre, pour caractère essentiel, des fleurs flosculeuses, assez petites, 
réunies dans un calice commun oblong, cylindrique, composé d’é- 
cailles serrées , imbriquées, obtuses , arrondies; les fleurons du cen- 
tre sont nombreux , hermaphrodites tubulés, à cinq dents; ils ren- 
ferment cinq étamines syngénèses , les ovaires surmontés d’un style 
et de deux stigmates; les fleurons de la circonférence sont grêles, 
fertiles, peu nombreux , femelles et entiers ; les semences nues, fort 
petites, sans aigrette, placées sur un réceptacle nû , ou velu dans 
quelques espèces. 

L’armoise santonique est originaire de la Tartarie et de la Perse. 
Ses tiges sont à demi-couchées, ligneuses à leur partie infériéure : 
elle produisent un grand nombre de rameaux alongés, redressés, 
longs de deux ou trois pieds, d’un vert blanchâtre, glabres, angu- 
leux, étalés en panicule. 


80° Livraison, 4, 


SANTOLINE. 

Les feuilles sont alternes, d’un vert un peu blanchâtre, à décou- 
pures nombreuses, courtes, planes, linéaires, fort menues; celles 
des rameaux une fois plus courtes; les feuilles qui terminent les 
jeunes pousses sont blanchâtres et cotonneuses. 

Les fleurs sont petites, disposées en grappes nombreuses, me- 
nues, presque filiformes, paniculées , recourbées, entremêlées de 
folioles simples, petites et linéaires : les calices cylindriques, pres- 
que glabres ; le réceptacle nu. k 

Les semences de cette plante, que l’on conserve sèches pour l’u- 
sage médical, exhalent une odeur fragrante analogue à celle de la 
camomille, quoique moins forte et moins désagréable. Leur saveur 
est aromatique, amère et un peu âcre. Elles renferment un principe 
amer et une matière résineuse, ce qui fait que l'extrait qu’elles four- 
nissent, à l’aide de l’aloool, est plus âcre que celui qu’on en obtient 
au moyen de l’eau. 

Les qualités physiques de ces semences justifient pleinement le 
rang qui leur a été assigné parmi les toniques stimulans. On a pu 
même , avec raison, leur accorder les titres de stomachiques, anthel- 
mentiques, résolutives, etc., qu’elles portent dans presque tous les 
traités de pharmacologie, et qui résultent de l’action tonique qu’elles 
exercent sur l’économie animale. Introduites dans estomac, elles 
augmentent en effet le ton de cet organe, et activent consécutive- 
ment plusieurs de nos fonctions organiques. Toutefois, elles parais- 
sent agir plus particulièrement sur l'intestin, et provoquer l’expul- 
sion des vers qui peuvent y être contenus. La plupart des auteurs 
de matière médicale parlent au moins de leurs vertus anthelmenti- 
ques, comme. d’un fait constaté par l’expérience. On doit croire 
qu'une substance aussi amère et aussi aromatique que le sont les se- 
mences de la santoline, doit avoir, dans les affections vermineuses, 
au moins autant d'efficacité que la plupart des plantes qui sont pré- 
conisées comme vermifuges. Toutefois, je ne trouve aucune série 
d'observations cliniques propres à en donner la certitude. En exci- 
tant le ton des organés qui sont. dans un état d’atonie, la santoline 
est bien réellement susceptible de favoriser la résolution de certains 
engorgemens froids et. indolens ; mais lui reconnaître, avec divers 
auteurs, la faculté de résoudre les obstructions, lorsque, sous ce 


SANTOLINE. 

nom bannal, on exprime vaguement toutes sortes de maladies du 
caractère le plus opposé, c’est ce qui est absurde , à moins qu’on ne 
commence par déterminer le siège et le caractère spécial de ces 
sortes d’engorgemens. Dans le squirre au pylore, par exemple, dans 
les inflammations chroniques du foie, des glandes mésentériques et 
autres viscères abdominaux, qui, suivant le système vieilli des mé- 
caniciens, sont aussi des obstructions, il est bien évident qu'un 
semblable remède ne pourrait être que funeste. 

L'odeur fragrante de ces semences ne permet pas de douter de 
leur influence sur le système nerveux. Sous ce rapport, leur admi- 
nistration à pu être quelquefois utile dans le traitement de l’hysté- 
rie. On ne peut cependant accorder beaucoup de confiance à leur 
efficacité prétendue dans cette affection, et dans plusieurs autres 
névroses, jusqu’à ce qu’elle soit constatée par des expériences cli- 
niques. En attendant , on doit gémir de voir cette plante stimulante, 
qui jouit, dans certaines contrées, de beaucoup de réputation dans 
presque toutes les maladies, administrée à tort et à travers, comme 
une sorte de panacée, dans les maladies où elle est même le plus 
contraire , par d’obligeantes commères, des charlatans de place, des 
dames de châteaux, en un mot, par une foule d'ignares empiriques, 
beaucoup plus funestes à l'espèce humaine, que la guerre et la 
peste réunies, et qui, au grand scandale des lois, exercent de toutes 
parts, avec audace, souvent même avec autorisation, un art dont ils 
ignorent jusqu'aux premiers élémens. 

En substance, on donne intérieurement les semences de santoline 
pulvérisées, à la dose d’un à deux grammes (environ un scrupule à 
un gros), ou bien, en infusion, en quantité double. Dans le pre- 
mier cas, on peut les associer au miel , et en fairé des bols, des pi- 
lules ou un électuaire. Dans le second, on peut leur donner pour 
excipient , l’eau , le lait, le vin ou la bière. 

La plante que les Italiens nomment santonica, santonique, et qui 
paraît être l’artemisia cœrulescens de Murray, est réputée fébrifuge, 
et, comme telle, on en fait un grand usage en Italie contre les fiè- 
vres intermittentes qui se développent dans les contrées marécageu- 
ses, soit en poudre, soit en macération dans le vin, soit en infusion 
dans l’eau. 


\ 


N ASUTE 
SN \° / 


CCCXIH. 


SAPONAIRE. 


Gr, St nr 3 AULME Dioscorides 
SAPONARIA MAJOR LÆVIs; Bauhin, NMivaË, lib. 6, 
YCHNIS SILVESTRIS, QU@æ SAPONARIA Vulgd, esse du 8, sect. r, 
PR rss rss en. 2. 
SAPONARTA OFFICINAUS; calycibus cylindricis, foliis ovato-lanceolatis. 
Jussieu, clas. 13, ord. 22, famille des car yophyllées. 


Jialien.. ..,..... SAPoNaRrA. 
Espagnol. ......, JABONERA 
POrUOSE. fs 15e SABOEL 
Français … «+ + SAPONAIRE ; SAVONNIÈRE 
Anglais. ... «+ + SOAPKORT. 
Alihahid.i 24 02% SEIFENKRAUT 
Hollandais. . ..... ZEEPKRUID 
QUE ie us SAEBEURT. 
SRB ETS FPT SAOPAOERT. 


Bôhémer: MYDELNJK. 


La saponaire est une plante agreste, d’un beau feuillage , se rap- 
prochant de l’œillet par ses fleurs d’une odeur douce, légèrement 
purpurines; formant , par ses jolis bouquets, un parterre champêtre 
sur le revers des collines, dans les vallées des montagnes, ou sur le 
bord des ruisseaux. 

Ce genre ne se distingue essentiellement des œillets que par l'ab- 
sence des écailles à la base du calice : celui-ci est tubulé, à cinq 
dents ; cinq pétales onguiculés ; les onglets de la longueur du calice; 
dix étamines ; deux styles; une capsule à une seule loge; un récep- 
tacle libre et central supportant des semences nombreuses. 

Ses racines sont grêles, d’un blanc jaunâtre, dures, traçantes, 
très-étendue : elles produisent plusieurs tiges glabres, cylindriques, 
fistuleuses, articulées, hautes d'environ deux pieds, médiocrement 
rameuses. 

Les feuilles sont glabres, très-lisses, d’un vert foncé ALES 


81e Livraison. 


SAPONAIRE. 
presque sessiles, ovales-lancéolées, très-entières, à peine aiguës, 
rétrécies à leur base, traversées par trois nervures. 

Les fleurs sont terminales, disposées en un corymbe presque sem- 
blable à une ombelle, blanches ou légèrement purpurines, d’une 
odeur assez agréable; leur calice est très-glabre, cylindrique, long 
de huit à dix lignes, à cinq dents courtes, aiguës; la corolle est 
assez grande ; les capsules cylindriques , allongées, à une seule loge, 
s'ouvrant au sommet en quatre parties. On rencontre quelquefois 
des individus à fleurs doubles. (BA 

Cette plante , dont on met également en usage la racine, les feuil- 
les, et les semences, est presque sans odeur. Sa saveur est amère, 
légèrement âcre. Sa décoction , surtout celle de ses feuilles, qui pa- 
raissent en être les parties les plus actives, noircit lorsqu'on y verse 
du sulfate de fer; ce qui est un indice qu’il entre du tannin dans sa 
composition. De plus, quand on l’agite, elle mousse à la manière 
d’une solution de savon. On y trouve en effet une matière extractive 
qui a toutes les propriétés de cette dernière substance ; cet extrait 
savonneux est beaucoup moins abondant dans la plante desséchée 
que dans celle qui est fraîche. T’une et l’autre fournissent , à l’aide de 
l'alcool, un extrait résineux un peu âcre. 

Quoique la saponaire soit aujourd’hui rarement employée en mé- 
decine, elle est , en quelque sorte, devenue célèbre dans la matière 
médicale, par ses qualités savonneuses, et par la réputation qu’elle a 
acquise, en vertu de cette propriété, pour fondre les engorgemens 
lymphatiques, les concrétions morbides , et pour résoudre les ob- 
structions. Outre les vertus fondantes, désobstruantes, résolutives 
et apéritives, dont elle a été ainsi décorée, on lui a encore attribué 
la faculté de provoquer la transpiration, d’exciter la sécrétion des 
urines, de favoriser l’écoulement menstruel, et même d’expulser les 
vers intestinaux. Stahl, Bergius et beaucoup d’autres, l'ont signalée 
comme un puissant moyen contre la goutte, les rhumatismes et la 
syphilis. On a surtout vanté ses succès contre les douleurs articu- 
laires, soit vénériennes, soit goutteuses. Quelques auteurs ont même 
pensé que sa décoction était plus efficace contre les affections syphi- 
litiques que celle de la salsepareille, à laquelle les praticiens ont 
cependant accordé une si aveugle confiance. On lui a même accordé 


SAPONAIRE. 

la propriété de guérir la vérole sans le secours d'aucun autre re- 
mède. La plupart de ses partisans pensent, toutefois, qu'elle n’y a 
réellement du succès que lorsque son administration a été précédée 
ou accompagnée de celle des préparations mercurielles. M. Alibert 
l’a souvent employée avec avantage contre les dartres squammeuses 
et furfuracées. Bourgeois en faisait usage dans l'hystérie et l’hypo- 
condrie. On a également préconisé ses succès contre les flueurs 
blanches, où il est bien rare qu’elle puisse avoir un avantage mar- 
qué; contre l’ictère, qui peut être le symptome d’un grand nombre 
de maladies disparates, dans lesquelles la saponaire pourrait être 
quelquefois nuisible, et qui guérit très-bien, sans aucun remède , 
lorsqu'il est idiopathique; et contre les obstructions du foie et des 
autres viscères abdominaux, dont il eût fallu, avant tout, détermi- 
ner la nature et les caractères. Le professeur Peyrilhe, qui, un des 
premiers, parmi nous, a introduit quelques rayons de lumière dans 
les ténèbres de la matière médicale, accordait une très-grande con- 
fiance à cette cariophyllée, dans le traitement des engorgemens lym- 
phatiques et des cachexies. Cependant , comme les faits à l'appui des 
succès qu'on attribue à la saponaire sont peu nombreux et manquent 
quelquefois d’exactitude, on doit n’admettre qu'avec réserve les pro- 
priétés dont elle a été décorée, jusqu'à ce que l’on ait déterminé, 
par des observations précises, son mode d'action sur l’économie ani- 
male, et ses effets consécutifs dans les maladies. En attendant, il pa- 
raît raisonnable de se borner à la considérer comme une plante exci- 
tante, dont l’action, analogue à celle des irritans, est propre à sti- 
muler les organes, à provoquer leurs sécrétions , et à activer, dans 
quelques cas , certains mouvemens organiques. 

La saponaire est ordinairement administrée à la dose de quatre, 
huit ou seize grammes (un à quatre gros), en décoction dans un 
kilogramme d’eau. On peut aussi en administrer l'extrait aqueux. On 
a quelquefois recours au suc de la plante fraiche. 

Cette plante, à raison de ses qualités savonneuses, est employée, 
avec avantage, en guise de savon, pour blanchir le linge, et pour 
enlever les taches des vêtemens. 


SAPONAIRE. 


Luvourr (nieronymus) ; Dissertatio de radice saponarid ; in-4°. Erfordiæ, 1756. 
carreeuser (sohannes-rridéricus) , Dissertatio de saponarid; in-4°. Francofurti ad Viadrum, 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
{ La plante est réduite aux deux die de sa grandeur naturelle.) 


1. ge ouvert , dans lequel on distingue 3. Le même, dépouillé du calice et coupé 
pistik, les étamines et les péta- en travers. 

5 s, . Graine gross v: 

2. Fruit entier entouré de son calice, . Graine de Fée naturelle. 


312. 


CCCXIL. 


SASSAFRAS. 


7 ARBOR , ex florida, ficulneo folio. Bauhin, Tiva£, lib. 11, 
sect. 6. 


Latin: HER 
os sassarRas; foliis integris trilobisque. Linné , ennéandrie mono 
gynie. Jussieu , clas. 4 , ord. 6, famille des lauriers. 

dtalien.sii sise «+ SASSAFRAS, 

7.) NÉE SALSAFRAS 
PORN 1-0 SASSAFRAZ 
Français... …. .... SASSAF 
Anglais... see FRASS TREE 
Allemand. . . SASSAFRASBAUM 
Hollandais. . . .... SASSAFRASSBOOM 

Ses S'ils ce SASSAPRASTRAE 
Suiélois. = 5: 7.2: SASSAFRASTRAED 
Chns FR ire HOA 
Brésilien. :. ...... AVHUIBA. 


Le sassafras appartient au même genre que le laurier, dont J'ai 
exposé ailleurs le caractère essentiel (Ÿ’oyez LaurIER ). Cet arbre a 
été découvert dans les vastes forêts de l'Amérique Septentrionale : il 
a été introduit et cultivé, en Europe, dès l’année 1555, par Muntin- 
gius : peu auparavant, Monardès en avait publié une description et 
une figure. 

Ses racines sont traçantes et s'étendent au loin; elles fournissent, 
surtout dans leur pays natal, un grand nombre de rejets; son tronc 
s'élève, dans les terrains favorables, jusqu’à la hauteur de vingt ou 
trente pieds; il se termine par une ample cime très-étalée, et garnie 
d’un beau feuillage; son bois est odorant , léger, d’un blanc tirant sur 
le roux; ses rameaux glabres , cylindriques, recouverts d’une écorce 
lisse et verdâtre. 

Les feuilles sont alternes, pétiolées variables dans leur forme et 
leur grandeur , glabres, d’un vert foncé en dessus, plus pâles et un 
peu glauques en dessous, les unes ovales, entières, les autres plus 
ou moins profondément découpées en deux ou trois lobes, à peu 


81° Livraison. 


SASSAFRAS. 
près comme celles du figuier commun ; dans leur jeunesse elles sont 
molles, velues , lanugineuses en dessous. 

Les fleurs sont petites, herbacées ou d’un blanc jaunâtre, herma- 
phrodites sur certains individus, mâles ou stériles sur d’autres , dis- 
posées en petites grappes lâches, presque en corymbes ou panicu- 
lées , longues de deux ou trois pouces ; les pédoncules velus, munis 
de bractées linéaires, caduques. 

Le calice (ou la corolle ) est partagé en six découpures profondes, 
linéaires, concaves, ouvertes en étoile; six étamines plus courtes 
que le calice; leurs filamens privés de glandes; un ovaire ovale, : 
surmonté d’un style plus long que les étamines ; le stigmate obtus 
et tronqué. 

Les fruits sont des baies ovales, bleuâtres à ‘époque de la matu- 
rité, entourées, à leur base, par le calice , sous la forme d’une petite 
cupule rougeître. (P.) 

’écorce de cet arbre est rugueuse à l’extérieur, friable et d’un 
brun ferrugineux; son bois est léger et d’une couleur gris de fer. 
L’une et l’autre exhalent une odeur aromatique, fragrante et suave, 
analogue à celle du fenouil, et offrent une saveur chaude et aroma- 
tique. Ces qualités, toutefois, sont plus prononcées dans l'écorce 
que dans le bois, quoique celui-ci soit beaucoup plus employé. Le 
bois du tronc est moins aromatique et beaucoup moins actif que 
celui des branches et des rameaux. 

Le sassafras contient une assez grande quantité d’huile volatile 
fragrante, très-aromatique, âcre, incolore d’abord, mais qui de- 
vient ensuite jaunâtre et même rouge. Par analogie avec les autres 
lauriers, on croit généralement qu'il renferme du camphre. On u 
retire, en outre, une substance muücilagineuse et un principe rési- 
neux , la première plus abondante que l’autre, et plus particulière- 
ment associée au principe aromatique, puisque l’eau s’empare spé- 
cialement de l’arôme de ce végétal et l'alcool de sa saveur. 

Placé avec avantage parmi les toniques diffusibles, ce médica- 
ment agit à la manière des substances aromatiques, en excitant le 
ton des organes, et probablement aussi en stimulant instantanément 
le système nerveux. C’est en vertu de son action excitante, qu'il 
augmente l'énergie de l'estomac et favorise la digestion, qu'il excite 


SASSAFRAS. 
la transpiration cutanée et même la sueur, qu'il provoque la sécré- 
tion des urines , l'écoulement des règles, et quelquefois même la ré- 
solution de certains engorgemens atoniques, selon qu’il exerce plus 
particulièrement son influence sur l'appareil digestif, sur les exha- 
lans de la peau, sur les reins, sur l’utérus ou sur d’autres organes, 
qui, faute d’une réaction suffisante, se laissent engorger par diffé- 
rens liquides, Par suite de cette manière d'agir , le sassafras à été re- 
commandé comme stomachique contre la dyspepsie idiopathique, 
les spasmes abdominaux des hypocondriaques, et les flatuosités in- 
dépendantes de l’inflammation ou de l’excès de sensibilité de l’appa- 
reil digestif. Beaucoup d'auteurs attestent ses succès dans les catar- 
rhes chroniques, dans les cachexies froides et les hydropisies primi- 
tives. On lui attribue beaucoup d'efficacité, surtout contre la/goutte 
atonique et les rhumatismes anciens, Enfin, on lui a également donné 
des éloges dans le traitement de la gale, des dartres et de la syphi- 
lis. L'utilité qu'on lui attribue dans plusieurs de ces maladies, peut 
être attribuée à la dérivation qu'il opère sur les exhalans cutanés : 
sans cet eflet consécutif, son usage, à cause de son action directe- 
ment stimulante, ne pourrait avoir que des inconvéniens, lorsque 
ces affections sont accompagnées de chaleur, d’inflammation et de 
fièvre aiguë. Aussi Murray a:t-il judicieusement remarqué que le 
sassafras ne convient point aux sujets d’une constitution sèche, aux 
bilieux, aux pléthoriques, à ceux qui sont doués d’une sensibilité 
excessive, et qui sont sujets aux phlegmasies ou aux hémorragies. 
En revanche, il peut être d’un grand avantage dans les maladies 
que nous venons d'indiquer, et dans beaucoup d’autres affections 
chroniques, lorsqu'elles sont exemptes de phlogose, et accompagnées 
de pâleur , de flaccidité et d'atonie; ainsi que cela à lieu ordinaire- 
ment chez les sujets d’un tempérament lymphatique, d’une sensibilité 
obtuse, et d’une constitution épaisse, froide et humide. Cependant, 
l'usage du sassafras a singulièrement prévalu dans le traitement des 
maladies syphilitiques et chaque jour il y est employé avec plus ou 
moins de succès, quoique d'une manière banale. Les praticiens, en 
général, ont même d'autant plus de confiance en ses vertus antivé- 
nériennes , qu'il est regardé, à juste titre, comme un des plus puissans 
sudorifiques, dont la routine a consacré l'usage dans cette affection. 


SASSAFRAS. 

On pourrait administrer le sassafras en poudre , à la dose de quatre 
grammes (un gros), soit en pilules, soit en électuaire, soit en suspen- 
sion dans un liquide quelconque. Räpé ou réduit en minces copeaux, 
on l’administre quelquefois en décoction, à la dose de trente-deux 
à soixante-quatre grammes (une à deux onces) pour un kilogramme 
(deux livres) d’eau; et l’on peut augmenter singulièrement la force 
de cette décoction, en y ajoutant quelques onces de vin blanc. Pour 
lui conserver son arôme, il vaut mieux l’administrer en infusion 
aqueuse dans des vaisseaux clos, à la dose de seize à trente-deux 
grammes (quatre à huit gros) sur un kilogramme de liquide. Son ex- 
trait, soit aqueux , soit alcoolique, se donne à la dose d’un à deux 
grammes (dix huit à trente-six grains ). Son huile volatile peut être 
ingérée à la dose d’une à dix gouttes, sur du sucre, en oléosac- 
charum, ou dans un excipient quelconque. Ce bois fait partie d’une 
foule de médicamens composés, prétendus antisyphilitiques, et re- 
produits sans cesse par lesprit mercantile et par la cupidité des 
empiriques , comme de précieuses découvertes. 

En Amérique, on emploie avec avantage le bois de sassafras à 
faire des pieux et des cloisons, qui résistent long-temps aux injures 
de l'air. Tant qu’il conserve son odeur, on dit qu’il repousse les vers 
les punaises et les teignes, et, dans cette vue, on l’emploie à la fa- 
brication des bois de lit et des garde-robes. Quelquefois aussi on en 
répand des fragmens dans les armoires où l’on conserve les vêtemens, 
pour détourner les teignes qui détruisent les étoffes de laine. Son 
écorce sert à teindre en couleur orangée. Les vaches sont très-avides 
de ses feuilles , lesquelles, lorsqu'elles ont été desséchées et pulvéri- 
sées , servent, à la Louisiane, pour aromatiser les sauces. Ses fleurs 
sont iraloéée en guise de thé dans plusieurs parties de l'Amérique, 
et ses fruits servent d’alimens aux oiseaux. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite à la moitié de sa grandeur naturelle.) 
- Rameau pÈ fleurs. 4. Le même coupé horizontalement, pour 


+ Étam faire voir le noyau. 
À Fruit e entier. 


: il 


SAUGE . 


ml 


CCCXIIT 


SAUGE: 


Grêc, sé PE RAP Dioscorides. 
: SALVIA MAJOR , Bauhin, TlsvaË , lib. 6, sect. 6. Tournefort, clas, 4, 
bé 


Latin. ...... , SALVIA OFFICINALIS; foliis lanceolato-ovatis, integris, crenulatis, flori- 
. bus spicatis, calycibus acutis. Linné, diandrie monogynie, elas. 8, 
ord. 6, famille des labiées. 
aliens: 5, 1x5 SALVIA, 
Espagnol. . ...... SALVIA 
FORTS ee «à 1 SALVETTA 
Français SAUGE; PETITE SAUGE 
HAE. 5 S AGE 
ADEMARES. Sen 22 SALBEY 
Hollandais 3 À SALLE 
Dañais..ssss tas SALVIE 
SRÉAOIS LE à es SALVIA 
Polonais. . : SZALWI 
Mie RM SCHALWEJ A, 


LA sauge officinale a joui, de tout temps, de la plus haute répu- 
tation; elle est même devenue une plante d’ornement par les belles 
variétés que la culture en a obtenues. Le genre qui porte son nom, 
est aujourd’hui très-nombreux en espèces, remarquables surtout par 
le caractère des étamines, dont le filament est porté transversale- 
ment sur un pivot qui naît du fond de la corolle. Ce filament porte 
à une de ses extrémités une seconde anthère avortée : on trouve en- 
core, au fond de la corolle, deux rydimens d’étamines avortées. Le 
calice est un peu campanulé, strié, à deux lèvres, la supérieure à 
trois dents, l’inférieure à deux lobes; une corolle à deux lèvres ; deux 
étamines fourchues ; un style très-long ; le stigmate bifide; quatre 
semences au fond du calice. 

Cette espèce a une tige, ou plutôt une souche ligneuse, d’où s’é- 
lèvent un très-grand nombre de rameaux droits, presque quadran- 
gulaires, velus, un peu blanchâtres , longs d'énvisdls deux _. , 


81e Livraison, 


SAUG E. 

Les feuilles sont opposées, assez longuement pétiolées, ridées, 
comme chagrinées, épaisses, ovales-lancéolées , un peu crénelées à 
leurs bords, d’un vert sombre en dessus ; blanchätres en dessous, 
quelquefois agréablement panachées. 

Les fleurs sont disposées en un épi simple, lâche et terminal, 
réunies par verticilles rapprochés, munis de bractées caduques, 
ovales, mucronées. | 

Le calice est strié, quelquefois coloré, à deux lèvres, à cinq dents 
très-aigués , les trois supérieures plus petites ; la corolle assez grande, 
d’un bleu rougeître, à deux lèvres ; la supérieure obtuse, échancrée; 
l'inférieure à trois lobes ; celui du milieu plus grand , échancré. 

Elle croît dans les contrées méridionales de la France et de l'Eu- 
rope. Il en existe encore d’autres espèces européennes; la plus com- 
mune est la sauge des prés, qu'on rencontre partout dans les terrains 
secs et les prés. (P.) 

Les fleurs et les feuilles de cette plante sont également en usage. 
Elles exhalent une odeur aromatique, agréable au premier abord, 
mais qui bientôt devient fatigante. Leur saveur est aromatique, 
chaude, amère et un peu astringente. Lewis et Cartheuser en ont 
retiré un extrait aqueux, astringent et un peu amer, un extrait spi- 
ritueux aromatique, et de l’huile volatile. Mais outre ce dernier prin- 
cipe, les chimistes modernes y ont reconnu la présence d’une ma- 
tière extractive, d’une certaine quantité de tannin et du campbre. 

Les qualités amère et aromatique prédominent dans la sauge, 
comme dans la plupart des labiées. En vertu de ces propriétés phy- 
siques , elle excite l’action des organes, et active momentanément la 
plupart des fonctions de l’économie animale, En un mot, elle est 
essentiellement tonique, et de là découlent les propriétés stomachi- 
que, cordiale, nervine, utérine, corroborante, résolutive, etc. , dont 
elle a été décorée. En effet, elle peut relever le ton de l'estomac et 
faciliter la digestion; solliciter les contractions du cœur et accélérer 
la circulation générale ; exciter l’action de l'utérus et favoriser la 
menstruation ; augmenter l'énergie de l’influence nerveuse et occa- 
sioner ainsi la résolution de certains engorgemens indolens. Toute- 
fois, ces effets n’ont lien réellement que dans les cas de faiblesse et 
d’atonie, chez des sujets d’une constitution froide et humide, dont 


SAUGE. 
la peau est pâle, les chairs flasques , la sensibilité obtuse, et dont les 
organes sont exempts d’inflammation. C’est dans de semblables cir- 
constances que cette labiée a pu être administrée avec succès contre 
la paralysie et le tremblement musculaire, la suppression des règles 
et la leucorrhée ancienne, la goutte vague et les rhumatismes chro- 
niques. Comme diaphorétique et alexitère , elle a été préconisée, 
jadis, contre les maladies pestillentielles et contagieuses; quelques 
médecins l'ont même employée en infusion vineuse , à l'invasion des 
accès des fièvres intermittentes. Mais, en même temps qu’on lui at- 
tribuait la faculté de prévenir ainsi le retour de ces affections, en 
expulsant, au moyen de la sueur, le prétendu principe morbifique, 
on l’employait , comme astringente et roborante, pour diminuer et 
supprimer les sueurs excessives, et les autres évacuations trop abon- 
dantes, qui affaiblissent et fatiguent si souvent les malades dans les 
affections chroniques. C’est ainsi que Van Swiéten lui donne des 
éloges contre les écoulemens abondans de lait qui tourmentent cer- 
taines nourrices à l'époque du sevrage. 

On a cru trouver, dans l’analogie grossière qui existe entre les 
petites papilles dont est hérissée la surface des feuilles de sauge, et 
celles qu'on remarque à la surface de la langue, un indice de cer- 
taines vertus occultes propres à guérir les maladies de cet organe ; 
et c’est probablement à cette idée erronée qu’elle est redevable de la 
réputation dont elle a long-temps jou, contre les aphtes des enfans, 
où elle ne peut être réellement utile que lorsque cette affection est 
compliquée de gangrène. La décoction de cette plante a été employée 
avec succès, en gargarisme , pour déterger les ulcères de la bouche, 
et favoriser la résolution des engorgemens fongueux dont les genci- 
ves sont souvent affectées , dans le scorbut et autres maladies. À l’exté- 
rieur, la sauge est quelquefois appliquée avec succès, comme réso- 
lutive, soit en sachet qu'on laisse à demeure sur la peau, soit en fo- 
mentation, au moyen de sa décoction aqueuse où de son infusion 
vineuse, contre les ecchymoses, les œdèmes locaux, les tumeurs 
froides et les engorgemens atoniques, dont ses diverses préparations 
sont très-propres à déterminer la résolution. Cependant, cette plante 
aromatique était beaucoup plus en honneur chez les anciens, qu’elle 


: ; ss : » ; 
ne l’est parmi nous. Orphée, suivant Aëtius, en avait connu l'usage ; 


SAUGE. 
Hippocrate l’employait dans les maladies de la poitrine et de luté- 
rus, et Galien loue beaucoup ses propriétés échauffantes et resser- 
rantes. 

On pourrait l’administrer intérieurement en substance et pulvéri- 
sée, à la dose de quatre grammes (un gros), soit en suspension 
dans un liquide, soit en pilules ou en électuaire. Ordinairement , on 
la donne à la dose de quelques pincées en infusion dans cinq hecto- 
grammes (une livre) d’eau ou de vin. On en prépare une teinture 
alcoolique que l'on prescrit de quatre à huit grammes (un à deux 
gros ), dans des potions ou des mn appropriés. Son huile volatile 
peut être ingérée depuis une jusqu’à dix gouttes, sous forme d’oléo- 
saccharum, dans un jaune d'œuf ou toute autre préparation ana- 
logue. 

Les feuilles de sauge sont quelquefois employées, pour fumer, en 
guise de tabac. Plus souvent on en fait des infusions théiformes , qui 
font partie de la diététique de plusieurs peuples. Les Chinois en sont 
même , dit-on , aussi avides que nous le sommes de leur thé: de sorte 
que les négocians hollandais, suivant Bomarre, enlèvent avec soin 
toute la sauge qui est recueillie sur les côtes de Provence, pour la 
porter en Chine et au Japon , où ils reçoivent en échange le thé qu'ils 
apportent en Europe, Ce qu’on a dit des qualités vénéneuses que les 
crapauds et certains insectes communiquaient aux feuilles de sauge, 
est entièrement fabuleux. Toutefois, comme beaucoup de corps 
étrangers et d’impuretés se fixent entre les papilles dont elles sont 
hérissées, il est utile de les laver avant d’en faire usage. 


weper (Georgius-wolgang), Dissertatio de saivia ; in-4°. Ienæ 
srenzez (christianus-codofredus), De sabia pre thee chinensi present; ; in-4°. Vitemberge, 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est de grandeur naturelle.) 


1. Calice et pistil. 3. Étamines , a. filet, #. connectif, c. an- 
. Corolle ouverte, pour faire voir les deux thére ds at les ”_. sont distantes. 
étamines à anthères, à ba- 4. Pistil. 


lanciers , et les autres avortées. 5, Fruits. 


SAULE . 
Dre. a ££. 


CCCXIV. ‘ 


SAULE. 


Grec, % .% +. + ++: + 1743 Dioscorides. 
SALIX VULGARIS ALBA ARBORESCENS; Bauhin, Iltvæ£ , lib. 12, sect. 3, 
e Tournefort, clas. 19, sect. 6, gen. 
Lames ere SALIX ALBA ; foliis dal, acuminatis his utrinque pubescenti- 
bus, serraturis infimis glandulosis. Linné, dioécie triandrie. Jus- 
sieu, clas. 15, ord. 4, fille des PRE 54 
PTT RENE SALICE ; SALICE BIANCO 
de di ai SANCE ; SALGE BLANCO. 
Portugais 3. 5 SALGUEIRO ; SALGUEIRO BRANGO, 
Français... 2 +. + SAULE ; SAULE BLANC. 
ARMES: 2 » eo. WBITE WILLOW 
Alémand, ss. WEISSE WEIDE. 
Hollandais. . .:... WITTE WILG 
AnOIS..: - : sebrice. HNID PI 
Süédots. 54. SX HVIT PIHL, 


Les saules forment, dans la série de leurs espèces, un genre des 
plus intéressans, et dans lequel nous trouvons cette admirable va- 
riété qui caractérise les productions de la nature. Quoiqu'il ne soit 
ici question que d’une seule espèce, nous croyons devoir la faire pré- 
céder de quelques observations sur les variations que présentent , dans 
leurs formes , la plupart des autres espèces, selon les climats et les 
localités. 

Tandis que les saules -osiers se fixent dans les terrains inondés 
par les eaux, et livrent leurs rameaux flexibles aux mains industrieu- 
ses de l'homme , nous voyons les saules-marseaux s'élever graduel- 
lement du bord des ruisseaux jusque sur les hauteurs, gagner les 
forêts, et s'établir dans les sols même les plus abandonnés : il n’est 
pas de terrains qu'ils n’abordent, point de hauteurs auxquelles ils 
ne parviennent. Sur les sommets des Alpes, ils deviennent le dernier 
terme de la végétation. A la vérité, ce ne sont plus ces mêmes arbres 
qui, dans les plaines, nous couvraient de leur ombre; ils ne s'offrent 
plus à nous que comme de très-petits arbustes perdus dans le gazon 

Â- 


81e Livraison, 


SAULE. 

que broute le chamois ; leurs rameaux tortueux ne forment plus que 
des buissons rampans, annoncant les derniers efforts de la végéta- 
tion luttant contre les glaces et les frimas. Ensevelis, pendant huit 
à neuf mois de l’année, sous des montagnes de neiges, il leur ré- 
sistent, et, vainqueurs des hivers, ils se hâtent, au retour de la 
chaleur, de reproduire leurs feuilles, leurs chatons et leurs fruits : 
tels sont, dans la race humaine, ces malheureux Lapons, à taille 
courte, relégués dans les climats hyperboréens, végétant une par- 
tie de l’année sous des huttes basses et enfumées. 

Le saule blanc, si commun le long des routes , près des villages, 
et qui croît naturellement dans les bois , est une espèce très-élégante. 
A l’aspect de son feuillage d’un vert argenté, luisant et soyeux, le 
voyageur qui s’est reposé sous les beaux protea du cap de Bonne- 
Espérance, s’y croit transporté de nouveau. Malgré sa beauté, il 
n’éprouve que notre indifférence ; nous le reléguons dans les bourgs 
et les campagnes, et rarement nous lui permettons l’entrée de nos 
jardins de plaisance. 

Cet arbre s'élève à la hauteur de vingt-cinq ou trente pieds sur 
un tronc droit , revêtu d’une écorce cendrée : ses rameaux sont nom- 
breux, élancés, de couleur purpurine où d’un brun verdâtre, un 
peu pubescens vers leur sommet. 

Les feuilles sont alternes, pétiolées, lancéolées, alongées , dentées 
en scie sur leurs bords, vertes et luisantes en dessus, d’un blanc 
soyeux en dessous. : 

Les fleurs sont très-souvent dioïques, réunies en chatons qui nais- 
nent peu après les feuilles. 

Les chatons mâles sont cylindriques, pédonculés, un peu velus, 
munis de quelques feuilles à leur base, composés d’écailles imbri- 
quées, puis réfléchies , ovales, concaves, renfermant chacune deux 
étamines. 

Les chatons femelles sont grèles , alternes , longs de deux pouces, 
les écailles oblongues, un peu aiguës, munies d'un style court, bi- 
fide à son sommet , terminé par quatre stigmates obtus. 

Les capsules sont glabres, ovales-oblongues, ventrues à leur 
base, presque sessiles , à une seule loge, s'ouvrant à leur sommet, 
en deux valves fortement réfléchies en dehors, contenant une S€- 


SAULE. 
mence entourée d’une aigrette blanche luisante. On trouve quelquefois 
des fleurs femelles à la base des fleurs mâles sur le même chaton. (P.) 

Toutes les parties de cet arbre offrent une odeur faible qui ne dé- 
plaît point, et une saveur amère et styptique. Ses fleurs ou chatons, 
ses feuilles et son écorce ont été introduites depuis long-temps dans 
la matière médicale. De nos jours, cette dernière est presque seule 
en usage, par ses qualités amère et astringente, Cependant il faut 
qu’elle soit prise sur des branches de trois ou quatre ans , desséchée 
avec soin et conservée à l'abri du contact de l'air et de l'humidité. 
La couleur noire que prend sa décoction aqueuse, lorsqu'on y verse 
du sulfate de fer, y manifeste la présence du tannin. On en retire 
aussi un extrait aqueux très-amer. 

Elle exerce une action tonique sur l'appareil digestif, et consécu- 
tivement sur le reste de l’économie : action qui est prompte et du- 
rable, mais peu intense. Par suite de cette manière d'agir, elle a été 
employée contre la débilité de l'estomac, et pour expulser les vers 
intestinaux. Haller conseillait l'usage des bains pris dans sa décoc- 
tion, pour remédier à la faiblesse des membres abdominaux des en- 
fans. Stone, Clossius, Gunz, et plusieurs autres, l'ont administrée 
contre les fièvres intermittentes. Elle a même été tellement préconi- 
sée contre ces affections, que certains auteurs la regardent comme 
un fébrifuge aussi puissant que le quinquina. Si, dans quelques cas, 
l'écorce de saule peut augmenter le ton de l'estomac, et favoriser 
l'expulsion des vers lombrics, on ne peut pas douter que, par ses 
qualités amère et astringente, elle ne soit quelquefois utile contre 
les fièvres intermittentes accompagnées de pâleur, d’atonie ; et 
exemptes de phlogose et d’irritation de l'appareil digestif. Mais on 
ne doit point accorder une confiance illimitée à ses propriétés fébri- 
fuges, quand on réfléchit que Bergius et plusieurs autres observa- 
teurs, parmi lesquels je pourrais me citer , l'ont administrée dans des 
fièvres intermittentes de tous types, sans aucun succès. Cette écorce 
a pu être employée avec avantage, localement, soit en poudre, soit 
en fomentation , contre les ulcères atoniques et fongueux, contre la 
gangrène et contre la pourriture d'hôpital, comme le sont chaque 
jour les substances qui contiennent beaucoup de tannin; mais ce 
n’est pas une raison pour la décorer des titres pompeux d’antiputride 


SAULE. 

et antigangréneux, qui lui ont été gratuitement accordés. Comment 
admettre du reste, la prétendue efficacité qu'on lui attribue si mal- 
à-propos dans la dysenterie, les hémorragies et la phthisie pulmo- 
naire, lorsqu'on a étudié la nature et la marche de ces maladies, et 
que l’on s’est convaincu , par une longue expérience, des graves in- 
convéniens qu’il y a à leur opposer des excitans. Sans doute , les effets 
de l'écorce de saule ne peuvent pas être aussi dangereux dans les 
maladies nerveuses, dans la goutte, dans certains engorgemens du 
foie, et dans les maladies vénériennes, contre lesquelles elle a été 
plus ou moins préconisée. Mais comme aucune série d'observations 
précises ne vient à l'appui de sa prétendue efficacité dans ces aflections, 
il faut attendre que l'expérience clinique ait prononcé sur ce point. 

En substance, on donne l'écorce de saule pulvérisée, à la dose 
d’un ou plusieurs gros. Mais il est évident que si on l'emploie comme 
fébrifuge , il faut en porter la quantité au moins à trente-deux gram- 
mes (une once) dans l'intervalle de deux accès. Cette poudre doit 
être préparée récemment , et administrée, soit en suspension dans le 
vin, soit sous forme de bol ou d’électuaire. On donne son extrait 
à la dose de quatre à six grammes. On l’administre également en in- 
fusion vineuse et en décoction aqueuse, à la dose de soixante-quatre 
grammes (deux onces) pour un kilogramme (deux livres) de liquide. 

L’écorce de saule tanne les cuirs. Le bois est employé à la confec- 
tion des cercles pour les tonneaux. Le charbon qui en provient passe 
pour être le meilleur dont on puisse se servir pour la fabrication de 
la poudre à canon. On attribue aussi à ce bois le singulier privilège 
d’aiguiser les couteaux , et de les rendre aussi polis et aussi tranchans 
que la pierre à aiguiser; mais une propriété aussi remarquable au- 
rait besoin d’être confirmée par l'expérience. Les jeunes rameaux du 
saule produisent, au printemps, une espèce de coton, qui, CORVE- 
nablement préparé, peut rendre de nombreux services à l'économie 
domestique. 

EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La pl présentée réduite à la moitié de sa grandeur naturelle.) 


1, Chaton mâle. 4. Fruit 
>. Fleur mâle, accompagnée de son écaille. 5. Le même ouvert. 
3, Chaton femelle, dont les fruits sont par- 6. Graine isolée. 


venus à leur état de maturité, 


SAXIFRAGE . 


pe 


CCCX V. 


SAXIFRAGE. 


Grec. eus se +. sumerpoy, Dioscorides. 
| SAXIFRAGA ROTUNDIFOLIA ALRA; Bauhin, [iva£, lib, 8, sect. 3, Tour- 
L 22 #4 


, nefort, clas 6 , sect, 3, gen. 2 
Latin... .. SAXIFRAGA GRANULATA ; foliis bus reniformibus lobatis, caule ra- 
moso, radice granulata. Linné. décandrie digynie. assieu, el. 14, 
ord. 2, fa mille hi saxifrages 
HARRIS à . ‘,. . SASSIFRAGIA ; SASSIFRAGIA BIANCA. 
Espagnol. . .. . ... SAXIFRAGA ; SAXIFRAGA BLANCA. 
Portugais, ., ..... SAXIFRAGA ; SAXIFRAGA BRANCA. 
Fränçcaiiis Lit. SAXIFRAGE GRANULÉE , SAXIFRAGE BLANCHE. 
FT RO ER WHITE SAXIFRAG 
AUEMORL 7 5 LS WEISSER STEINBRECH ; KEILKRAUT, 
Hollandais. , . ,..,. WiPTE SEEN 
Danois... sw sus HVID STENBRAER 
SUORORE Es dec HUIT STENBRAECHA 
Bohémien. . ...... LOMKAM 


Quanp on a visité les hautes montagnes des Pyrénées et des Al- 
pes, avec quel plaisir on se rappelle ces tapis de verdure embellis par 
ces jolies et nombreuses espèces de saxifrages, qui succèdent aux 
neiges sur ces monts glacés : ce sont, en général, de petites plantes, 
dont les feuilles radicales sont réunies en gazons touffus, très-serrés, 
et qui se plaisent de préférence dans les froides régions des hauteurs : 
quelques-unes cependant eroissent dans les plaines; telle est celle 
dont il s’agit ici, qu'on rencontre assez communément dans les prés 
secs et sur le bord des bois. Elle présente, en commun avec les au- 
tres espèces, pour caractère essentiel : un calice à cinq divisions, 
tantôt libre, plus souvent adhérent avec l'ovaire; cinq pétales insé- 
rés sur le calice; dix étamines ; deux styles, une capsule de forme 
variable, à deux loges, terminée par deux becs recourbés, s’ouvrant 
plus ou moins au sommet en deux valves courtes. 

Ses racines sont composées de fibres roussätres, re E gar- 


82, Livraison. 


SAXIFRAGE. 
nies d’un grand nombre de petites bulbes arrondies, granuleuses, 
souvent réunies par paquets. 

Ses tiges sont cylindriques, velues, un peu rudes, nédioetiil 
rameuses , peu feuillées. 

Les feuilles inférieures ou radicales sont longuement pétiolées, 
réniformes, un peu velues, vertes à leurs deux faces , bordées de lar- 
ges cr droles: les supérieures ee presque sessiles, incisées, 
presque palmées. 

Les fleurs sont blanches, assez grandes , formant à l'extrémité des 
iiges une panicule lâche, étalée, chargée sur les pédonceules , et les 
calices de poils glanduleux et visqueux. (F3 

Cette plante est inodore. Son herbe offre une saveur légèrement 
âcre et piquante, selon les uns, et comme acidulée selon d’autres. Sa 
racine, composée de petits grains ou tubercules farineux , qui ont 
déterminé sa dénomination spécifique, est amère. Comme son 
usage est presque entièrement tombé en désuétude, personne ne 
s'est sérieusement occupé de son analyse chimique. Bergius a remar- 
qué, toutefois, que sa décoction aqueuse noircit lorsqu’on y verse 
du sulfate de fer, ce qui est une preuve qu’elle contient un principe 
astringent. Les qualités légèrement styptiques de la saxifrage, aux- 
quelles la présence de ce principe donne lieu, sont probablement la 
source des propriétés que les anciens lui ont gratuitement attribuées, 
de dissoudre les calculs urinaires, ou d’en favoriser l'expulsion, et de 
la réputation dont elle a long-temps joui comme lithontriptique. À 
l'exemple de beaucoup d’autres plantes un peu amères et légèrement 
astringentes, cette plante peut bien , dans quelques cas, exciter l’ac- 
tion des reins et provoquer la sécrétion de l'urine, surtout chez les 
sujets catarrheux, leucophlegmatiques, et d’une sensibilité obtuse. 
C’est au moins PES que les pharmacologues se forment , en gé- 
néral, de l’action de ces sortes de substances. Mais si cette circon- 
stance peut justifier, ; Jusqu'à un certain point la faculté diurétique 
qu'on a accordée à cette plante, elle ne suffit pas pour qu’on lui at- 
tribue la moindre efficacité contre les concrétions urinaires. C'est 
cependant à sa prétendue vertu lithontriptique , que Pline rapporte 
l'origine du nom de la saxifrage [saxum frango), tandis qu'il était 
bien naturel, ainsi que le remarque M. Decandolle, de le faire 


SAXIFRAGE. 
dériver de la manière dont elle végète dans les fentes des rochers, 

En rejetant comme purement illusoires les prétendues vertus an- 
ticalculeuses de cette plante, si on lui accorde encore quelques pro- 
priétés diurétiques, il faut convenir qu’elle est, sous ce rapport, au- 
dessous d’une foule de végétaux de ce genre, dans lesquels cette pro- 
priété est bien plus développée, et que même, pour cette raison, 
elle pourrait être bannie, sans inconvénient, de la matière médicale, 
déjà trop surchargée de substances inertes et superflues. 

On n’a rien de certain sur la dose à laquelle on peut administrer 
cette plante, ni rien de positif sur les formes sous lesquelles il serait 
le plus avantageux de la donner. Mais on pourrait probablement en 
faire prendre jusqu’à une once, en décoction, dans un kilogramme 


r £ 
d’eau. 
EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
( La plante est de grandeur naturelle.) 
1, Racine et feuille radicale. 5. Fruit. 
2. Feuille caulinaire, 6. Le même conpé en travers. 
3. Calice, étamines et pistil. 7. Graines de grosseur naturelle, 


a. Pistil, 8. Une graine grossie. 


SCABIEUSE. 
nn 


CCCX VE. 


SCABIEUSE. 


(SCABTOSA PRATENSIS HIRSUTA, ge OFFICINARUM ; Banhin, Fevaf, L 7, 
4. Tournefort, clas. 12, 
SCABIOSA ARVENSIS ; RE Pre PT AS Pr foliis pinnatifi- 
dis incisis, caule hispido. Linné, tétrandrie monogynie. Jussieu , 
clas, 11, ord. 1, famille des dipsacées. 


PA i. Edge er 


Tialien 5. ,:.. ,. SCABBIOSA 

HSPOEROE + 0 ESCAB1OSA. 

Portugais. 27 5. ESCABIOSA DOS CAMPOS. 
Français... ...... SCABIEUSE; SCABIEUSE DES CHAMPS. 
5 PC RENE FIELD-SCABLOUS 

Alimand;"i. ES SKABIOSE ; ACKER-SKABIOSE 
Hollandais. . ..... GEMEEN SCHURFTKR 

1 5 TNT FAR RES SKABIOS ; SKAB 

DHÉUONE Cie cs AOKERVAED 

Polonais. :54 1: DRYIAKIEW POLNE 


Les scabieuses méritaient, par la beauté de leurs fleurs, d’être 
placées parmi nos plantes d'ornement; plusieurs y ont été admises. 
Ces fleurs sont réunies en tête dans un involucre ou un calice com- 
mun, à plusieurs folioles , placées sur un réceptacle hérissé de poils 
ou d’écailles. Chacune d’elles est pourvue d’un double calice; l’exté- 
rieur membraneux ou scarieux sur ses bords, souvent élargi en une 
lame campaniforme , plissé à sa partie inférieure; le calice interne 
se termine par un petit évasement calleux, d’où partent souvent cinq 
arêtes ouvertes en étoile. La corolle est tubulée, placée sur le calice 
intérieur, à quatre ou cinq lobes inégaux; quatre ou cinq étamines 
attachées à la base du tube de la corolle; un ovaire renfermé dans le 
calice intérieur; un style; un stigmate échancré ; une semence ren- 
fermée dans les deux calices persistans. 

La scabieuse des champs est une des plus communes , on la ren- 
contre partout, le long des chemins , dans les champs et pe ie Ses 


82° Livraison, 


SCABIEUSE. 
racines sont courtes , peu fibreuses , presque simples, d’une épaisseur 
médiocre. 

Ses tiges sont droites, un peu fistuleuses, cylindriques, peu ra- 
meuses, légèrement pileuses, longues de deux pieds. 

Les feuilles sont opposées, pétiolées ; les radicales ovales-allongées, 
souvent entières et lâchement dentées à leur contour ; les autres ai- 
lées ou pinnatifides; le lobe terminal très-grand , aigu , un peu denté, 
toutes plus ou moins velues et ciliées. 

Les fleurs sont d’un bleu-rougeâtre, terminales, soutenues par de 
longs pédoncules simples, striés, velus, les corolles divisées en qua- 
tre lobes presque égaux : celles de la circonférence plus grandes; le 
calice commun presque de la longueur des fleurs; le réceptacle velu. 

P.) 

Cette plante est sans odeur; sa saveur est herbacée , amère et un 
peu astringente; tout ce que l’on connaît deses propriétés chimiques, 
c'est qu'elle contient une petite quantité de tannin qui se manifeste 
par la couleur noire que le sulfate de fer donne à sa décoction 
aqueuse. 

La scabieuse a joui , autrefois, d’une grande réputation médicale, 
mais aujourd’hui elle est bien déchue de la haute estime dont elle 
jouissait parmi nos crédules aïeux. Cependant elle est encore décorée, 
dans beaucoup de livres de matière médicale, des titres pompeux de 
sudorifique, résolutive , détersive, dépurative, anti-vénérienne ; con- 
solidante, vulnéraire, lithontriptique, etc., etc., dénominations qui 
ne reposent, pour la plupart, que sur des idées vagues, ou même sur 
des doctrines entièrement hypothétiques. À la manière de beaucoup 
de plantes un peu amères et légèrement styptiques, il est bien vrai 
qu’elle peut exercer , jusqu’à un certain point, une action tonique 
sur nos organes , mais cette action est si peu intense, si faible même, 
qu'on ne peut guère ‘espérer d'en obtenir des effets marqués. Toute- 
fois, Rivinus la regardait comme un béchique des plus puissans et 
d'une grande utilité dans l'empyème et la phthisie pulmonaire. Boer- 
haave accordait beaucoup d'avantages à sa décoction miellée, dans 
le traitement des pleurésies et des péripneumonies parvenues à leur 
dernière période. On la surtout préconisée contre les maladies cu- 
tanées , et long-temps elle à été administrée avec une extrême con- 


SCABIEUSE. 

fiance, soit intérieurement , sous forme d’extrait, soit à l'extérieur , 
en bains contre la gale, les dartres, la teigne, la lèpre, et autres 
maladies chroniques de la peau. Quelques auteurs l'ont même signa- 
lée comme un excellent remède contre les affections vénériennes ; 
mais ces assertions ne reposent évidemment que sur des faits douteux , 
des observations incomplètes, ou sur des opinions purement erro- 
nées. Il ne nous est donc point permis de distinguer la scabieuse de 
cette multitude de plantes de la même nature, dont l’action est si 
faible et les effets si peu appréciables, qu’on peut les employer 
dans les maladies du caractère le plus opposé, avec la même appa- 
rence de succès, puisqu'elles n’y opèrent aucun changement sen- 
sible. 

Cette plante a été administrée, en décoction , à la dose de trente- 
deux à soixante-quatre grammes (une à deux onces) dans un kilo- 
gramme ( deux livres) d’eau. Son suc a été quelquefois associé à 
celui des autres plantes réputées dépuratives. 

La scabiosa succisa, mors du diable, a joui d’une réputation au 
moins égale à celle de la scabiosa arvensis. Elle n'offre cependant 
pas de propriétés plus énergiques, c’est-à-dire qu’elle ne mérite pas 
plus de confiance. L’infusion de ses racines a une odeur analogue à 
celle du thé. Ses fleurs desséchées teignent en jaune. Du reste , ainsi 
que le remarque Spielmann : Æbsurdum commentum de radice à 
dæmone morsa, occasionem dedit, ut a non paucis qui sibi plus fic- 
tionibus quam vert studio placent , ad gravissimos morbos fuerit com- 
mendata , sed nulla observatio circa eam aliquid, præ reliquis ama- 
115 præstantius detexit. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


L t t à: 1 elle.) 
 : 5 salurelle. 


1. Tige et feuilles caulinaires , au trait, 3. Fleur du centre, 
2. Fleur de la circonférence, accompagnée 4. Fruit mûr, couronné de son calice. 
de son écaille, 


ÉeS à LE Lambert ? 72 ë 


SCAMONEE. 
us 


a 


COCXWNTE 


SCAMMONÉE. 


Cheb 3 Trauuuwviæ, Dioscorides 
SCAMMONIA SYRIACA ; AT A Tliva£, Lib, virr, sect. 1. 
i CONVOLVUEUS SYRIACUS ET SCAMMONIA SyrrAca. Tournefort, clas. 1, 
Latid. Lis ts ss sect. 3, gen. 5. 
CONVOLVULUS SCAMMONIA ; foliis sagittatis postice truncatis, pedunculis 
teretibus subtrifloris. Linné, pentandrie monogynie. Jussieu, clas. 77, 
\ _ord. 9, famille des liserons, 


Italien... ++. SCAMONEA, 
Espagnol, ....... ESCAMONEA 
Portuphis. 515 #3: ESCAMONIA 
Fr ançais SCAMMONEE 
RS eo etes SCAMMON 
Allemand: : 5. SCAMMONIENWINDE. 
Hollandais... .... scammoneum; svRISCHE Winne. 
DUT PSE de re SKAMMONEUM, 
SO SA" SKAMMONEUM 
SACHMUNIA. 


La scammonée est une substance fournie par les racines de la plante 
connue depuis très-long-temps sous le même nom, qui croit en 
Syrie, dans les campagnes de la Mysie, ainsi que dans plusieurs 
contrées du Levant, et dans laquelle on a reconnu tous les caractères 
des liserons, ayant, comme eux , un calice persistant à cinq divisions 
profondes ; une corolle campaniforme, plissée à son limbe ; cinq éta- 
mines ; un ovaire supérieur ; un style, deux stigmates. Le fruit est une 
capsule à deux loges, renfermant chacune deux semences arrondies. 

Ses racines sont longues, ép épaisses »très-charnues : : il en découle un 
suc laiteux, par incision : ell 1 t des ti rêl 
grimpantes, un peu velues ; ougues de trois ou ji GoMas pile el plus. 

Les feuilles sont ts alternes, pétiolées, hastées, triangu- 
laires, aiguës , longues de deux pouces ; leurs angles postérieurs di- 
vergens, munis, à leur côté intérieur, d’une petite dent. 

Les pédoncules sont solitaires, axillaires, au moins une fois plus 


82e Livraison 


SCAMMONÉE. 
longs que les feuilles, chargés d'environ deux ou trois fleurs pédi- 
cellées ; les pédicelles munis de deux petites bractées subulées. 

Les folioles du calice glabres , obtuses et même un peu échancrées 
à leur sommet. La corolle est grande, campanulée, d’un blanc teint 
de pourpre. (P.) 

La racine de cette plante contient un suc laiteux, qui, obtenu, 
soit par incision , soit par différens procédés sur lesquels les voya- 
geurs ne sont pas d'accord, et épaissi au contact de l'air, est répandu 
dans le commerce, à l’état concret, sous le nom de scammonée. Cette 
substance se présente en masses ou en fragmens irréguliers, tantôt 
d’un blanc jaunâtre ou verdâtre, tantôt d’un gris brun et quelque- 
fois d’une couleur noire. Elle est sèche, légère, cassante et friable. 

Sa cassure est brillante, son odeur est piquante, un peu nausta- 
bonde, et sa saveur, qui est nulle au premier abord, finit par don- 
ner une sensation d’âcreté et d’amertume remarquables. On en dis- 
tingue deux principales variétés dans les officines : la scammonée 
d'Alep, qui est la plus estimée, est d’un gris noir, légère, très-fria- 
ble, et provient exclusivement du convolvulus dont il est question. 
Celle de Smyrne, beaucoup moins précieuse, est noire, plus pesante, 
moins friable , et paraît appartenir au periploca scammone. Cette der- 
nière contient , d’après l'analyse de MM. Bouillon-Lagrange et Vo- 
gel, 0,29 de résine, et 0,08 de gomme ; tandis que la première 
offre 0,60 de résine, et 0,03 de matière gommeuse. Mais, pres- 
que toujours, cette gomme résine est sophistiquée avec les sucs con- 
crets de diverses espèces de tythymales et d’apocinées, avec de lami- 
don, des cendres, du sable, et autres substances étrangères propres 
à en augmenter le poids aux dépens de ses qualités. 

La scammonée a été connue des anciens. Elle était même d’un très- 
grand usage parmi les Grecs et les Arabes. Hippocrate en employait 
la racine comme un purgatif drastique très-puissant. Ses successeurs 
en recommandaient la décoction acéteuse associée aux farineux, en 
applications locales, contre lischialgie; ils composaient aussi avec la 
scammonée concrète, divers topiques qu'ils employaient contre les 
douleurs locales fixes, la goutte, le rhumätisme chronique, et certai- 
nes maladies de la peau. Mais cette gomme résine a surtout été célébrée 


. , - é * 
aujourd’hui, comme elle l'est encore , Pour ses qualités purgatives- 


SCAMMONÉE. 

Son usage, sous ce dernier rapport, a même tellement prévalu, 
qu'on ne l’emploie plus, depuis long-temps, que pour provoquer les 
évacuations alvines. Elle agit, en effet, avec beaucoup Enxgie sur 
le canal intestinal, et purge avec une telle intensité, qu'on s’ac- 
corde pénéraléme à la regarder comme un drastique des plus vio- 
lens. Il serait ridicule de prétendre, avec les humoristes, qu'elle 
évacue plus particulièrement la pituite, ou qu’elle agit d’une manière 
spéciale sur certaines parties de la bile, plutôt que sur quelques au- 
tres : ces idées sont de pures fictions , indignes de nous arrêter. 
Mais il serait intéressant de savoir si les qualités vénéneuses qu'Ori- 
base, Aëtius, Hoffmann et plusieurs autres observateurs lui ont at- 
tribuées , existent réellement. Or, quelques expériences de M. Or- 
fila, dans lesquelles cette substance a été introduite jusqu’à la dose 
de quatre gros dans l'estomac de plusieurs chiens, sans qu’il en soit 
résulté autre chose que des évacuations alvines, sembleraient an- 
noncer qu'elle ne possède aucune propriété délétère, Cependant, l'ir- 
ritation qu'elle détermine sur lintestin est si violente que, si elle 
était ingérée en trop grande quantité, elle pourrait produire la su- 
perpurgation, des coliques , l’inflammation et même l’ulcération de 
cet organe; et, sous ce rapport, c’est avec raison qu’elle a été signa- 
lée par d’habiles médecins comme un purgatif dangereux, qu'il ne 
faut donner qu’à petite dose et avec beaucoup de circonspection. 

D'après ces considérations, il est important de remarquer que si. 
Ja scammonée est un purgatif avantägeux aux hommes forts, aux su- 
jets robustes et très-exercés, aux individus lymphatiques et d’une 
sensibilité obtuse, elle ne convient nullement aux enfans , aux fem- 
mes, aux convalescens , ni en général aux hommes faibles et délicats, 
doués d'un tempérament nerveux , d’une vive sensibilité, ou dispo- 
sés aux inflammations, aux-hémorragies et autres maladies aiguës. 

Cela indique assez que cette gomme résine peut être très-utile, 
comme drastique, dans certains catarrhes anciens et rebelles, dans 
les hydropisies essentielles, dans la goutte atonique, dans certains 
cas de manie, d’hydropisie et de colique saturnine, contre les vers 
intestinaux, et surtout dans le traitement de la gale invétérée, des 
dartres et de la teigne, et autres maladies chroniques de la peau, 
lorsque la médication purgative y est nécessaire; mais qu'il ne faut 


SCAMMONÉE. 

jamais se servir d’un pareil dérivatif dans les fièvres , dans les exan- 
thèmes aigus, dans les phlegmasies des viscères, dans la phthisie et 
autres maladies, soit aiguës, soit chroniques, accompagnées de soif, 
de chaleur, de sécheresse, de maigreur ou d’une grande débilité. 

En substance , on l’administre de vingt-cinq à soixante-quinze cen- 
tigrammes (cinq à quinze grains ); à la dose d’un scrupule, elle a, 
suivant Russel, occasioné six selles. On la fait ingérer directement, 
après l'avoir triturée -avec une certaine quantité de sucre, ou asso- 
ciée à différentes substances mucilagineuses qui modèrent son action. 
Les différentes préparations qu’on lui fait subir dans cette vue, por- 
tent le nom de diagrèdes. Les livres de matière médicale et les phar- 
macopées ont retenti long-temps des éloges fastueux prodigués au 
diagrède cydonié, au diagrède glycyrrhizé, au diagrède soufré, ete., 
résultats du mélange de la scammonée avec la pulpe du coing, 
l'extrait de réglisse, ou le soufre. Ce dernier diagrède est particu- 
lièrement remarquable en ce qu’il était la base de la fameuse poudre 
de Tribus. Cette poudre devait guérir toutes les maladies; elle a 
été successivement préconisée sous les titres de poudre des #rois 
dables, des comtes de Warwick : le titre de Cornachine, sous le- 
quel elle a été également désignée, est tiré du nom de Cornachini, 
professeur de Pise, qui a bien eu la folie de consacrer un livre en- 
tier à célébrer les vertus admirables et la toute-puissance de cette 
nouvelle panacée. La scammonée fait en outre partie d'un grand nom- 
bre de médicamens officinaux : tels sont les pilules polychrestes, Co- 
chées, dorées, fétides, sine guibus et mésentériques de Charas, mer- 
curielles de Bontius, le sagapenum de Camäülli, la bénédicte laxative, 
les sucres de coloquinte de Pachius, le diaprum solutif composé, 
le diaphœnix, la confection Hamech, l’électuaire de psylhum, le 
caryocostin , l'opiat mésentérique laxatif, l’électuaire diacarthame , 
l'extrait panchymagogue de Crollius, et autres monstrueuses pro- 
ductions de la polypharmacie galénique. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite à la moitié de sa grandeur aéturelle.) 


r. Corolle ouverte, à la base de laquelle on 3. Pistil. 
voit cinq étamines. 4. Graines. 
2. Calice, 


Se SR ELA L AT 
SR 6 alto 


Lambert S Seulp. 


3 


ET ? 
Pen t 


27 


À ar ptrt 


mr rémensrents ml 


SCILLE . 


—. 


CCCX VIIL. 


SCILLE. 


Grec... ., :..... usa, Dioscorides 
SCILLA VULGARIS; reliée rubra. Bauhin , NivaË, lib. 
ORNITHOGALUM MARITIMUM, seu scilla radice rubra. Aa 3 eL 9, 
PM la r2: sect. 4, gen. 9 
SGILLA MARITIMA ; Audiflora , bracteis refractis. Linné, hexandrie mo- 
nogynie. Jussieu, clas. 3, ord. 6, famille des asphodèles. 


DR, 5: SCILLA ; PANCRAZIO. 
ESPONOL ET ESCILA ; CEBOLLA ALBARRANA. 
Porfügaiss/. fie us SCILLA ; ESQUILLA ; ALVARRANA. 
Français... ....…. 4 SCILLE. 
Anglais, .,. 1.4. Qui 

llemand........ MEERZWIEBEL; SQUILLE- 
Hollandais. . ..... SQUILLE ; ZEEAJUIN 
Dont, is. SKILLE 
Suédois 1330. SKILLA. 
ATODE SEE. RS ALASCHIL 


LA grande scille, la scille maritime ou la squille, lorsqu'elle est 
ornée de ses longues et belles grappes de fleurs blanches, ouvertes 
en étoile, est un des plus beaux spectacles qui puisse frapper les re- 
gards du voyageur dans les plaines incultes, désertes et sablonneu- 
ses des côtes maritimes : telle je l’ai souvent rencontrée en Barbarie , 
couvrant de vastes campagnes par le luxe de sa végétation; elle 
croît également dans la Syrie, en Sicile, en Espagne, et sur les bords 
de la mer, dans la Bretagne et la Normandie. 

Les bulbes de ses racines sont quelquefois de la grosseur de la 
tête d’un enfant, composées de plusieurs tuniques épaisses, char- 
nues, blanches ou rougeâtres, selon les variétés, ovales, visqueuses, 
garnies en dessous de grosses fibres nombreuses , épaisses, charnues. 

Il en sort des feuilles amples, toutes radicales, un peu charnues , 
étalées sur la terre, ovales, oblongues , glabres, obtuses, entières , 
longues d’environ un pied. 


82° Livraison. 


4. 


 SCTLLE. 

Du centre des feuilles s'élève une hampe épaisse, droite, simple, 
cylindrique , haute de trois ou quatre pieds, garnie dans presque la 
moitié de sa longueur de fleurs nombreuses, pédicellées, réunies en 
une grappe dense, un peu conique ; les pédicelles plus longs que les 
feuilles, garnis à leur base de bractées membraneuses et subulées. 

Chaque fleur est composée d’une corolle à six découpures très- 
profondes, elliptiques, ouvertes en étoile ; point de calice; six éta- 
mines de la longueur de la corolle; leurs filamens comprimés; les 
anthères oblongues, pendantes; un ovaire supérieur, arrondi ; un 
style, un stigmate simple. 

Le fruit est une capsule presque ovale, triangulaire, à trois loges, 
à trois valves, renfermant plusieurs semences arrondies. (P.) 

La bulbe de cette plante est seule en usage; elle est pyriforme, 
de grosseur variée, composée de squammes larges , charnues , succu- 
lentes, lesquelles sont recouvertes d’autres squammes minces et sè- 
ches , de couleur rouge ou blanchâtre. Son odeur est piquante , ana- 
logue à celle de l’ognon , et irrite les yeux ainsi que le, nez. Sa sa- 
veur , d’abord mucilagineuse, devient bientot après amère, âcre et 
nauséabonde. Les chimistes y avaient déjà reconnu la présence d’une 
huile volatile, d’une certaine quantité de fécuüle amilacée et d’une 
matière gommo-résineuse très-amère. Mais M. Vogel a fait voir par 
une analyse très-soignée de cette bulbe, qu’elle contient surtout deux 
principes actifs bien distincts, savoir : une matière âcre volatile qui 
se décompose à la température de l’eau bouillante, et une substance 
amère, visqueuse, soluble dans le vinaigre et dans l'alcool, qui à 
reçu le nom de scillitine, et qui paraît être la principale cause de 
l’action de la scille sur l’économie animale. 

D'après les expériences de Hillefeld et de M. Orfila, cette sub- 
stance donne la mort aux chats et aux chiens. Bergius assure qu ’elle 
tue les rats. On prétend que la pâte qui a servi à envelopper cette 
bulbe, lorsqu'on la fait cuire dans le four, a été funeste aux cochons 
et aux poissons à qui elle avait été donnée comme aliment. Geiler 
a vu des pintades tomber dans une sorte d'ivresse pour en avoir 
avalé avec leurs alimens. Plusieurs faits rapportés par Lange, 
Quarin, Murray et autres observateurs , au sujet de son administra- 
Uon intempestive par des empiriques, attestent qu ’administrée à 


SCILLE, 
haute dose, elle a quelquefois produit chez l’homme de très-graves 
accidens et même la mort. Des nausées, des vomissemens, la cardial- 
gie, des coliques , des évacuations alvines sanguinolentes , l’hématu- 
rie, la strangurie, des mouvemens convulsifs, l’inflammation , la 
gangrène de l’estomac et des intestins, sont les phénomènes patholo- 
giques auxquels elle a ordinairement donné lieu, et la mort souvent 
en a été la suite. Ces faits qui, sans doute, n’ont point été inconnus 
aux anciens , expliquent toutes les précautions prises par eux pour 
affaiblir et modifier, par différentes préparations pharmaceutiques , 
les qualités vénéneuses qui lui ont été attribuées dès l'enfance de l’art. 
Cependant si l’âcreté réelle de la scille doit la faire considérer comme 
un médicament dangereux, dont l’administration exige beaucoup 
d'habileté, de prudence et de circonspection, il en est à son égard 
comme des médicamens les plus héroïques et des poisons même les 
plus dangereux , qui, entre les mains des médicastres et des empi- 
riques, produisent chaque jour les accidens les plus funestes, mais 
qui, administrés par des hommes instruits et expérimentés, peuvent 
produire les résultats les plus avantageux. 
Si l’on se borne à étudier les effets immédiats dé cette racine sur 
l'économie animale, on voit qu’à petite dose elle excite le ton de 
l'estomac et rend la digestion plus facile. Elle augmente en outre la 
sécrétion urinaire, facilite et provoque l’excrétion muqueuse des 
bronches, et semble même augmenter l'énergie des vaisseaux absor- 
_bans : à dose un peu plus forte, elle produit les nausées et les vomis- 
semens; à grande dose, elle détermine la purgation, quelquefois 
l’hématurie, et autres accidens précédemment énumérés. Son usage 
long-temps continué, même en très-petite quantité, affaiblit l’es- 
tomac et trouble la digestion , ce qui arrive également aux toniques 
et aux amers. 
La scille est un des plus anciens médicamens que nous possédions. 
Epiménide passe pour avoir le premier introduit son usage en méde- 
cine. Pline rapporte que Pythagore avait écrit sur ses propriétés un 
livre qui ne nous est pas parvenu. Généralement regardée comme 
une des substances les plus utiles de la matière médicale, elle est 
placée à juste titre à la tête des diurétiques les mieux éprouvés. Sous 
ce rapport, les anciens et les modernes l’ont employée avec beau- 


SCILLE. 

coup de succès dans l’ascite, l’hydrothorax, la leucophlegmatie et 
autres hydropisies essentielles. Tissot et Stoll, entre autres, se louent 
beaucoup de ses bons effet dans ces affections , où j'ai eu moi-même, 
depuis dix ans, de fréquentes occasions de l’administrer dans les 
hôpitaux militaires. Eile est également avantageuse dans certains 
catarrhes chroniques du poumon, qu’il ne faut pas confondre avec 
la phthisie, et à la fin de la pleurésie et de la péripneumonie, chez 
des sujets pâles, lymphatiques, d’une sensibilité obtuse , lorsqu'il n'y 
a plus de soif, de chaleur ni de fièvre. Divers observateurs l'ont ad- 
ministrée, avec non moins de succès, dans l'asthme humide et dans 
certaines toux chroniques produites par l'engouement ou la sur- 
charge des bronches. On en à également recommandé l'usage dans 
certaines maladies des voies urinaires exemptes de douleur et d'in- 
flammation, telles que la néphrite calculeuse, les affections catar- 
rhales anciennes de la vessie et.du canal de l'urètre; mais, pour 
qu'elle y soit réellement utile, il faut qu'il n’y ait point de chaleur 
ni de sécheresse générales. Ce n’est pas en effet seulement par une 
trop forte dose, que la scille peut être nuisible; elle peut encore de- 
venir funeste, même à petite dose, par suite de certaines dispositions 
organiques de l’économie animale, soit à l’occasion de l’état particu- 
lier d'irritation de certains organes. Par exemple, l’expérience a ap 
pris qu’elle ne convient point aux personnes grêles, maigres et très- 
irritables; aux tempéramens bilieux et nerveux ; aux sujets qui ont 
une disposition imminente: aux phlegmasies, aux hémorragies, €t 
surtout qu'elle est redoutable pour lés phthisiques. Divers observa- 
teurs attestent même qu’elle a été très-nuisible à des individus at- 
teints de squirre, de cancer, de phthisie, de suppuration intérieure: 
Il résulte de ces considérations, qu’autant la scille peut être utile 
lorsqu'elle est administrée par un médecin instruit, judicieux, el 
expérimenté, autant elle peut être dangereuse entre les mains des 
médicastres et des empiriques , qui , prodiguant de toute parts, aV€t 
ou sans autorisation, et avec une audace qui serait risible si elle 
était moins meurtrière, les substances. les plus. incendiaires, sont 
plus funestes à l'espèce humaine que la peste et la famine réunies: 

La scille sèche se donne en poudre à la dose de cinq centigramme* 
(un grain) à des distances plus ou moins éloignées , jusqu'à ce qu'il 


SCILLE. 

survienne. des nausées. On l'ingère après l'avoir triturée avec une 
certaine quantité de sucre, ou bien sous forme de pastilles ou de pi- 
Inles. Son extrait aqueux, beaucoup moins fidèle, se donne de la 
même manière et à la même dose. On la fait macérer dans l’eau, le 
vin, le vinaigre ou l'alcool, dans la proportion de cinq à quinze 
parties sur cent parties de liquide, et l’on administre ces différens 
liquides, convenablement édulcorés, ou sous forme de sirop , à doses 
fractionnées; mais, de toutes les préparations de cette bulbe, la 
meilleure, la plus usitée et la plus agréable pôur les malades, est 
l'oxymel scillitique, que Von prépare avec le vinaigre, le miel et la 
scille. On le donne d’une à trois onces en vingt-quatre heures, soit 
seul, soit incorporé dans une potion ou une boisson appropriée. Sui- 
‘ vant Van Swiéten, on peut même l’administrer à plus haute dose, 
jusqu’à ce que les malades commencent à éprouver des nausées. 

Cette racine bulbeuse entre dans les compositions de l’élixir pec- 
toral de #’edel, de la poudre composée de Stahl, des trochisques 
d'Andromaque , du looch antiasthmatique de Mesué, et dans beau- 
coup d’autres préparations pharmaceutiques entièrement discrédi- 


tées. 
LL 
EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
{La plante est réduite au tiers de sa grandeur naturelle.) 
1. Calice ouvert et étamines. 4. Le même coupé horizontalement. 
istil, 5. Graine, 


2. Pistil, 
3. Fruit, 


SCOLOPENDRE . 


” 


CCCXIX. 


SCOLOPENDRE. 


Grét: ja: «-. «omanvoy, Dioscorides. 
LINGUA GCERVYINA OFFICINARUM; Bauhin, PT lib. ro, sect, 1. Tour- 
3 | nefort, clas. 16, sect. en. 
Latin. ......:.. ASPLENIUM SCOLOPENDRIUM ; prie simplicibus cordato- -lingulatis 
| integerrimis, tro mins Linné, cryptogamie, ordre des fou- 
J 


gères. Jussieu, clas . 5, famille des fougères. 

Italien... ....... scororenprra ; LINGUA pr cErvo. 
Espagnol. . ...... RTE LENGUA CERVINA. 
POrIHYNIS. Te. NGUA CERVINA. 
Pranpais... 1.1: SCOLOPENDRE; LANGUE DE CERF; DORADILLE, 
Anglais. En és al HARTS TONGUE 
DE UELTTT ARS HIRSCHZUNGE 
Hollandais. . ..... uenrsronc 

MAO EE cp Sri HIORTETUNGE. 
Suédois... ..,.,., HBIORTTUNGA 

OU ns JELENI SZCZAW. 

Carniolien.. . ..... 3ELENO sesaex. 


La scolopendre ou langue de cerf faisait d’abord partie du genre 
asplenium de Linné, mais, depuis les réformes établies parmi les 
fougères, elle constitue un genre particulier caractérisé par sa fruc- 
tification disposée sur le revers des feuilles en lignes éparses, 
iransverses, recouvertes par deux tégumens parallèles, superficiai- 
res, d'abord soudés, s’ouvrant par une fente longitudinale. 

Ses racines sont brunes et fibreuses ; elles donnent naissance à plu- 
sieurs feuilles simples , presque longues d’un pied, larges d’un à deux 
pouces, un peu coriaces , vertes , très-lisses, planes, oblongues, ai- 
guës, échancrées en cœur à leur base , entières ou ondulées à leurs 
bords, soutenues par des Fe. très-souvent chargés de poils ou 
d balles roussâtres. 

La fructification est placée sur le dos des feuilles, disposée, de 
chaque côté de la principale nervure, par paquets nombreux , oblongs 


83° Livraison, 


SCOLOPENDRE. 
ou linéaires, parallèles entre eux, un peu obliques où presque per- 
pendiculaires à la nervure du milieu. Ces paquets sont composés de 
très-pelites capsules à une seule loge, munies d’un anneau élastique, 
d'où s'échappe une poussière très-fine qu'on regarde comme les se- 
mences. 

Cette plante croît en Europe, sur les murs, dans les lieux humi- 
des et couverts, dans les puits et sur le bord des ruisseaux : elle offre 
plusieurs variétés remarquables dans ses feuilles ordinairement pla-_ 
nes et entières à leurs bords, quelquefois ondulées et légèrement in- 
cisées ; plus fortement découpées et élargies en crête à leur sommet 
dans une autre variété. (P.) 

Cette plante, lorsqu'elle est fraîche, offre une odeur herbacée et 
une saveur légèrement styptique; mais ces qualités disparaissent par 
la dessiccation, et alors elle exhale une odeur aromatique, agréa- 
ble, quoique très-faible. Elle contient du mucilage uni à un prin- 
cipe légèrement astringent qui noircit la solution du sulfate de fer; 
elle a un léger arôme, qui fait que son infusion plaît généralement. 

Toutes les qualités physiques de la scolopendre consistent donc 
essentiellement dans une faible stypticité et dans un léger arôme. 
Elles ont suffi, toutefois, aux pharmacologistes, pour la décorer des 
titres d’astringente, résolutive, altérante, diurétique , béchique, vul- 
néraire , etc., mais il faut convenir que, si elle possède réellement 
ces verlus, ce qui n’a encore été confirmé par aucune expérience di- 
recte, elles y sont bien peu développées. De semblables propriétés 
médicales ne pourraient être, en effet , que le résultat de son action 
lonique ou excitante; or, la scolopendre agit, sous ce rapport, avec 
si peu d'énergie sur l’économie animale, que ses effets consécutifs 
sont, la plupart du temps, inappréciables. 

Cependant les anciens médecins en faisaient beaucoup de cas. Ga- 
lien, entre autres, vante ses bons effets contre la diarrhée et la 
dysenterie. On la recommande contre les écoulemens muqueux et 
contre les hémorragies. Elle a même particulièrement joui d’une cèr- 
laine réputation contre le catarrhe pulmonaire, la toux et l’hémop- 
tysie. On lui a également attribué, comme à la plupart des plantes 
un peu astringentes, la faculté d’expulser les graviers qui se forment 
dans les reins, et qui sont quelquefois charriés par les urines. Il est 


SCOLOPENDR E. 

facile de voir , néanmoins, que ces éloges sont exagérés, et que, si 
elle a été quelquefois utile dans ces maladies, ce n’a pu être cer- 
tainement dans leur première période , ni lorsqu'elles ont eu un ca- 
ractère aigu et décidément inflammatoire; car, dans ces cas, les mu- 
cilagineux les plus doux peuvent seuls y convenir. La scolopendre 
a bien été décorée, en outre, de la propriété illusoire de résoudre 
les obstructions ; mais cette assertion doit être regardée comme non 
avenue, jusqu’à ce que l’on ait donné à ce mot banal une significa- 
tion moins vague que celle qu'il présente à un esprit exact : aussi son 
usage médical est presque entièrement tombé en désuétude. On se 
borne ordinairement à l’associer aux capillaires et autres feuilles de 
la famille des fougères, pour en faire des infusions théiformes qui 
plaisent par leur léger arôme, et qui peuvent quelquefois provoquer 
la transpiration, augmenter la sécrétion de lurine, et faciliter l’ex- 
pectoration , mais plutôt par l’action de l’eau et de la chaleur aux- 
quelles elles servent d’excipient, que par leurs vertus spéciales. 

Les feuilles de scolopendre, qu’on peut aussi administrer en infu- 
sion dans l'eau, le lait ou le vin, font partie des espèces prétendues 
vulnéraires, que des “mes vendent sur les places ee” 
sous le nom de /altranck ou vulnéraire suisse. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est de grandeur naturelle.) 


+ Portion de -S sur laquelle on a re- 2. Capsule DE un 
résenté deux lignes de fructfication 3, La m éme ouvert 
(sores). a. see double, à. Indusie . Séminules 


plus ouverte, 


ET. À À. se * Q 


+ #2 à 
“ LS 


Ÿ EN Ÿ 
4 'rnprise Æ umberlT seulp + 


SCORDIU M, 
—t 


SCORDIUM. 


Greë sis st 00 gxopdsov, Dioscorides. 

scorptuM ; Bauhin ; Tivaë, lib. 7, sect. r. 

CHAMÆDRYS PALUSTRIS, CANESCENS , SeU SCORDIUM OFFICINARUM ; Tour- 
nefort, clas. 4, sect. 4 , gen. 1. 

TEUCRIUM SCOR DIUM ; ; foliis oblongis sessilibus dentato-serratis, flori- 
bus geminis axillaribus ‘pedunculatis, caule diffuso. Linné, didy- 
namie OR pop: clas. 8, ord. 6, famille des labiées. 


Espagnol, ....... ESCORDIO 
PÉPOUSEES, CRE, ESCORDIO F. 
Francais. ........ SCORDIUM; GERMANDRKE AQUATIQUE. 
ARS 1, WATER GERMANDER 
Allemand. ....... WASSERKNOBLAÜCH 
Hollandais. .… : WA 
Didi. 57, 2: SKORD 
Polo... CZOSNKOWCG ZIELE. 
Lithuanien..…. . EMBUTT 
Bohémien.: i..::": WODNJ CZESSNEK 
0! MR Ac VIZL FOGHAGYMA. 
Arabe... ,...,,,. SCORDEON. 


Le scordium croît dans les fossés humides, aux lieux aquatiques 
et marécageux. Il répand une odeur assez forte, mais qui n’est point 
désagréable, quoiqu’elle approche un peu de celle de l'ail; il appar- 
tient à un genre très-nombreux en espèces , caractérisé par un calice 
campaniforme, plus souvent tubulé, à cinq dents ; une corolle labiée; 
le tube court; la lèvre supérieure fort courte, presque nulle , avec 
une échancrure d’où sortent les étamines, l’inférieure assez grande , 
étalée , à trois lobes; celui du milieu plus grand, échancré au som- 
met : quatre étamines didynames, les filamens inclinés et arqués; un 
ovaire supérieur, à quatre lobes; un style bifide à son sommet ; 
deux stigmates ; quatre semences nues au fond du calice. 

Ses racines sont fibreuses, ses tiges faibles, ordinairement cou- 


8% Livraison. ÿs 


SCORDIU M. 
chées sur la terre, velues, un peu rameuses, longues d'environ un 
pied et demi. 

Les feuilles sont opposées, sessiles, pubescentes, molles, ovales- 
oblongues, d’un vert blanchätre, obtuses, dentées à leur contour, 
longues d'environ un pouce. 

Les fleurs sont peu nombreuses, axillaires, ordinairement deux 
dans chaque aisselle, portées sur des pédoncules courts; la corolle 
est blanchâtre ,un peu purpurine, ou d’un rouge un peu blanchâtre. 

Dans l’état frais, le scordium exhale une odeur alliacée qui porte 
facilement à la tête, sa saveur est amère, âcre et persistante; avec 
le temps, son odeur s’évanouit, et sa saveur devient plus désagréa- 
ble. Les premiers chimistes qui se sont occupés de recherches sur la 
composition chimique de cette plante, en ont retiré un extrait 
aqueux et un extrait alcoolique : ce dernier, moins abondant, mais 
plus amer et beaucoup plus actif que l’autre. On a reconnu, depuis, 
qu’elle recèle une petite quantité d’huile volatile, et un principe 
gommo-résineux , qui est la principale source de ses propriétés mé- 
dicales. Ces dernières sont très-nombreuses, si lon s’en rapporte 
aux livres de matière médicale; puisque le scordium est réputé to- 
nique, excitant, échauffant, stomachique, cordial, sudorifique, 
emménagogue, et qu’il passe même, avec encore moins de raison, 
pour être anthelmentique, fébrifuge, alexitère, alexipharmaque , 
antiputride, etc. On a remarqué qu’il communique son odeur allia- 
cée au lait des vaches qui en broutent. 

Si l’on examine avec soin l’action de cette plante sur l’économie 
animale, on reconnaît facilement qu’elle augmente le ton de l’esto- 
mac et de l'intestin, la contractilité du cœur, et l’action de la plu- 
part de nos organes Fr he Elle peut aussi faciliter la digestion, 
provoquer l’expulsion des vers intestinaux , accélérer la circulation, 
augmenter la chaleur générale, la transpiration cutanée, la sécrétion 
de l’urine, l’exhalation pulmonaire, et même favoriser l’éruption 
des menstrues.. Par la même raison, elle peut, dans certains Cas; 
donner plus d'énergie à l'absorption ou. et solliciter la ré- 
solution des engorgemens pâteux et indolens : aussi en a-t-on recom- 
mandé l'usage dans latonie de l'estomac, les flatuosités et autres ac- 


SCOR DIU M. 

cidens qui en dépendent; dans l’hydropisie , lanasarque , l'aménor- 
rhée, l'asthme humide, et autres maladies chroniques exemptes de 
soif, de sécheresse, de chaleur et de fièvre. Quelques auteurs ont 
vanté ses succès contre les affections vermineuses , d’autres s’en sont 
servis contre les fièvres intermittentes ; mais la peste, les maladies con- 
tagieuses, putrides'et la gangrène, sont les affections contre lesquelles 
le scordium a été le plus préconisé. Ses propriétés antiputrides et alexi- 
pharmaques non-seulement ont été portées jusqu'aux nues, mais il 
s’en faut peu qu’il n’ait été considéré comme le spécifique de la peste 
et de la gangrène. Cependant comment admettre l'efficacité du scor- 
dium dans les maladies pestilentielles, lorsqu'on réfléchit que ces 
terribles affections résistent souvent aux méthodes de traitement les 
plus variées, les mieux combinées, et les mieux adaptées à leurs dif- 
férentes périodes, aux symptômes qui y prédominent , et autres cir- 
constances qui les compliquent? En admettant même, comme une 
vérité, la fable rapportée par Galien , qu’à la suite d’une bataille , les 
morts, qui étaient gisans sur des plantes de scordium, furent long- 
temps exempts de putréfaction, et qu’ainsi fut découverte sa pro- 
priété antiseptique; doit-on juger de ce qui se passe dans nos orga- 
nes doués de la vie, parce qu’ils éprouvent après la mort, et croire 
que cette plante soit susceptible de prévenir la putridité et la gan- 
grène, lorsqu'on réfléchit que ces accidens, étant le‘résultat d’un 
excès d'irritation ou d’inflammation des organes, ne peuvent être que 
favorisés et déterminés par l'administration d’un pareil excitant ? 
Les propriétés antiputrides du scordium ne sont donc pas moins il- 
lusoires que ses propriétés alexitères , à moins qu’on ne l'emploie à 
l'extérieur pour exciter l’inflammation des parties saines qui aboutis- 
sent à des parties gangrénées, pour favoriser la séparation et la 
chute des escarres. Comme topique stimulant, on l’emploie aussi 
quelquefois dans cette vue, soit en cataplasme, soit en poudre, con- 
tre les ulcères atoniques et la pourriture d’hôpital. 

Intérieurement , on peut le faire prendre en poudre de quatre à 
huit grammes (un à deux gros). Son suc exprimé et clarifié se donne 
de seize à trente-deux grammes {quatre à huit gros). Le plus souvent 
on ladministre en infusion à la dose de quelques pincées pour un 
kilogramme d’eau ou de vin. Cette plante entre dans la composition 


SCORDIUM. 

d'un grand nombre de préparations pharmaceutiques, parmi les- 
quelles on peut citer le diascordium liquide d’Hofmann, l'essence 
alexipharmaque de Stahl, et surtout le fameux diascordium de Fra- 
castor. Ce farrago, jadis si estimé, si souvent et si mal-à-propos 
employé encore par les esclaves de la routine, dans la dysenterie, la 
phthisie pulmonaire, et autres maladies que tous les excitans aggra- 
vent, est composé du reste d’une foule de substances gommeuses, 
toniques, aromatiques , amères, astringentes et narcotiques, à cha- 
cune desquelles il serait difficile d'indiquer la part qu’elles ont eue 
aux prétendues guérisons qu’on lui attribue. 


cam£RaRiuS (rudolphus-sacobus), Dissertatio de scordio ; in-4°. Tubingæ, 1706. 
weper, (soannes-adolphus) , Dissertatio de scordio ; in-4°. 1enæ, 1716. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est de grandeur naturelle.) 


1. Fleur entière grossie. 3. Pistil. 
2. La méme, vue de face. 4. Graine mûre grossie. 


2 


7 LOI 
+.) 


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SCROPHULAIRE.. 


Lambert TE Jrulr{ 


a fl 


CCCXXI. 


SCROFULAIRE. 


SCROPHULARIA  . MAJOR ; Bauhin , Fivaf, lib. 6, sect, 5. Tour- 
; t, clas. 3, »gen. 3 
Latin... .......! sonopsuranta AQUATICA ; à; foliis cordatis petiolatis decurrentibus obtu- 
membranis angulato , racemis terminalibus. Linné, didy- 
namie angiospermie. Jussieu, clas. 8 , ord. 6, famille des labiées. 
cA 


Portugais SÉNNTON RS EE EN ESCROFULLARIA DOS RIOS 

Français... .... SCROFULAIRE; SCROFULAIRE AQUATIQUE. 
MORE, à «4 es WATER-FIGWORT 

Allemand. .....1. WASSER-BRAUNWURZET 

Hollandais. . ..... WATER-SPEEN-KRUID 


La scrofulaire vient, sur le bord des ruisseaux, se réunir aux 
plantes aquatiques, et contribuer avec elles à l’ornement de ces lieux 
champêtres : elle s'élève, par ses fleurs en girandole et d’un brun- 
rougeûtre, au dessus de la plupart des autres plantes. Très-voisine 
de la scrofulaire noueuse , elle s’en distingue par ses racines non tu- 
berculées , par ses feuilles obtuses, ainsi que les crénelures ; elle pré- 
sente, pour caractère essentiel, un calice persistant, à cinq lobes 
arrondis; une corolle presque globuleuse, à cinq lobes inégaux, 
presque à deux lèvres , le tube court et renflé; la lèvre supérieure 
orbiculaire , bilobée, souvent munie d’une écaille vers son milieu; 
l'inférieure à trois lobes, celui du milieu réfléchi; quatre étamines 
didynames , inclinées sur la lèvre inférieure; un style; une capsule 
bivalve, à deux loges, arrondie, acuminée au sommet ; les valves 
séparées par une double cloison ; les semences petites et nombreuses. 

Ses racines sont composées de fibres grêles et touffues, presque 
fasciculées, sans tubercules : il s’en élève des tiges droites, glabres, 
rameuses, tétragones , un peu ailées sur leurs angles, hautes de trois 
à quatre pieds. 


83° Livraison. 


SCROFULAIRE. 

Les feuilles sont opposées, pétiolées, ovales-oblongues , presque 
en cœur, simplement crénelées, un peu obtuses à leur sommet, 
ainsi que les nervures, vertes, glabres, plus pâles en dessous. 

Les fleurs sont rougeâtres, un peu ferrugineuses; elles forment 
une grappe nue, terminale, interrompue, garnie de petites bractées 
opposées , lancéolées ; les pédoncules partiels plusieurs fois bifurqués. 

Êr 

La scrofulaire exhale, lorsqu'on la froisse, une odeur fétide, très- 
repoussante. Sa saveur est amère, un peu äcre et extrêmement nau- 
séeuse. On en a retiré à peu près, en égales proportions, un extrait 
aqueux amer, et un extrait spiritueux d'une amertume plus grande 
encore. | 

. Quoiqu’elle soit réputée anodine, résolutive , carminative , anthel- 
mentique, sudorifique, vulnéraire; quoiqu’on lui ait prodigué de fas- 
tueux éloges pour la guérison des hémorroïdes , de la gale et des af- 
fections scrofuleuses, ses véritables propriétés médicales sont très- 
peu connues ; et il serait à désirer, pour les progrès de la science, 
que quelque médecin habile et zélé s’occupât de les soumettre à une 
série d'expériences cliniques. 

Ainsi que ses qualités physiques semblent l’annoncer , cette plante 
paraît, toutefois, agir sur l’économie animale, à la manière des 
excitans amers. On a observé, en effet, qu’elle détermine la purga- 
tion, et qu'à haute dose:elle provoque le vomissement. C’est proba- 
blement à son action purgative qu’elle doit la propriété de favoriser 
l'expulsion des vers intestinaux; et. l'évacuation des gaz qui s’accu- 
mulent quelquefois en si grande quantité dans le canal intestinal. Il 
n'est point déraisonnable de penser que les éxhalations chtanées puis- 
sent recevoir, dans certains cas , l'influence de ses effets excitans , et 
l’on peut expliquer ainsi les effets sudorifiques qu’on lui attribue. Si 
elle a été utile contre la gale, ainsi que divers auteurs l’attestent, et 
si son emploi, soit à l'intérieur , soit à l'extérieur’, a eu, contre les 
scrofules, les succès qu'on lui attribue, et qui semblent lui avoir fait 
imposer le nom de scrofulaire, c’est bien évidemment aussi à l’exci- 
tation qu'elle exerce sur l'économie animale qu'il faut rapporter ce 
phénomène. Cependant ; comment concilier une semblable manière 
d'agir, avec les avantages qu'on prétend en avoir obtenus, contre les 


SCROFULAIRE. 
hémorroïdes et l’esquinancie, qui, en général , réclament l'emploi 
des médicamens adoucissans ? 

De nos jours, cette plante est rarement administrée intérieure- 
ment, elle est même exclusivement en usage comme topique. Divers 
auteurs l’on employée en fomentation ou en cataplasme sur les tu- 
meurs scrofuleuses, sur les ulcères atoniques et -gangréneux : on 
prétend même qu’elle est extrêmement utile pour favoriser la cica- 
trisation des plaies. On s'appuie d’une prétendue expérience faite, 
pendant un long siège de la Rochelle, sur un grand nombre de 
blessés qu’on fut obligé de panser avec la décoction de scrofulaire, 
après avoir épuisé tous les autres médicamens des pharmacies, et 
qui guérirent parfaitement. Mais en admettant cette histoire comme 
authentique, on conviendra qu'elle est complètement illusoire, si 
l’on veut réfléchir un instant que les plaies guérissent tout aussi bien, 
et même beaucoup plus promptement , lorsqu'elles sont pansées avec 
de l’eau pure, et même avec de simple charpie. 

A l’intérieur , on pourrait administrer la scrofulaire depuis huit 
jusqu’à seize grammes ( deux à quatre gros), en décoction dans un 
kilogramme (deux livres) d’eau; mais on y a rarement recours , à 
cause du peu de données positives que nous possédons sur sa ma- 
nière d'agir et sur les effets consécutifs auxquels elle peut donner 
lieu. 

D’après le botaniste Marchand, les feuilles de cette plante, mé- 
lées avec celles du séné, enlèvent, à la décoction de ces dernières, 
le mauvais goût qui la caractérise, sans altérer en rien ses propriétés 


purgatives. 
EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est de grandeur naturelle. } 
1. Feuille caulinaire , inférieure, au trait. 5. Pistil dont l'ovaire est entouré, d’un 
>. Cali istil côté, d’un corps glanduleux. 
3. Corolle, Fruit de grosseur naturelle. 
. Corolle ouverte dans laquelle on voit Le mème coupé horizontalement 


6 
7 
quatre étamines. 8. Graine de grosseur naturelle. 
9 


. Une graine grossie. 


# 


ZL'urrin PE RE pe pe care 
: Lambert Srelp 
NSEBESTE., 
7 et 


CCCX XI. 


SÉBESTE 
[2 
PR 
Grec. ,.,.,. .... puËæ, Dioscorides. 
SEBESTENA SYLVESTRIS ET DOMESTICA ; Bauhin , Tiva£ , lib. 11, sect, 6. 
Lai: 3508 6953 coRDIA MyxA; foliis ovatis supra glabris, corrmbis latéralibus bei. 
| bus decemstriatis. Linné, pentandrie monogynie. Jussieu, clas. 8 , 
ord. 9, der des borraginées. 
Htaliéhiesf ess st EBESTO 
Fapagnol, : . , ; . : s 
POTIUPOIS 5: oo SEBESTEIRA, 
Français. SEBESTE; SEBRSTIER DOMESTIQUE 
DL cree SE 
RSR... SEBESTENBAUM 
Hollandais... .... SEBESTENBOOM 
er SEBESTENTRÆE, 
SHOES s -  s: SEBESTENTRAED, 
RES Trocs DAUN-CAUDAT. 


L’ARBRE qui produit les sébestes dont les Arabes font usage depuis 
long-temps , croît en Égypte : on prétend qu il croît également dans 
les Indes ; mais quelques auteurs sont portés à croire que l’arbre des 
Indes est une espèce différente. Les sébestes appartiennent à un 
genre dont le caractère essentiel consiste dans un calice persistant, 
un peu tubulé, à cinq divisions; une corolle infundibuliforme , à 
cinq, quelquefois six ou huit lobes; cinq étamines, quelquefois qua- 
tre ou huit, attachées au tube de la corolle; un ovaire supérieur ; 
le style bifide; ses divisions fourchues. Le fruit est un drupe globu- 
leux, contenant un noyau à deux ou quatre loges, dont quelques- 
unes avortent; une semence dans chaque loge. 

Le sébestier est un arbre d’une médiocre grandeur ; son tronc est 
épais; son bois blanchâtre; son écorce écailleuse , avec quelques li- 
gnes purpurines ; les rameaux ponctués , lisses et cendrés. 

Les feuilles sont grandes, alternes, pétiolées, presque ovales, 
rétrécies à leur base, un peu aiguës, pubescentes dans leur jeunesse, 

83 Livraison. 4. 


SÉBESTE. 
rudes dans leur vieillesse, dentées vers le sommet; les pétioles deux 
fois plus courts que les feuilles. 

Les fleurs sont odorantes, disposées en un panicule ample , termi- 
nal, un peu resserré. Leur calice est vert, cylindrique , marqué de 
dix stries, à cinq découpures aiguës : la corolle est blanche, à cinq 
ou six lobes très-ouverts, et même un peu réfléchis. Le fruit consiste 
en un drupe glabre , pulpeux , ovale, acuminé, contenant un noyau 
profondément sillonné, réduit à deux loges par avortement. 

(P.) 

Les fruits de cet arbre sont de petits drupes noirs, de la grosseur 
et de la forme d’une petite prune. Ils renferment une pulpe roussi- 
tre, inodore, succulente, d’une saveur douce et mucilagineuse qui 
a béaucoup de rapport avec celle des prunes, des jujubes et autres 
fruits analogues. On ne s’est point occupé de leur analyse chimique, 
sur laquelle on ne possède par conséquent que de vagues aperçus ; 
mais tout porte à croire qu’à l'exemple de ces autres fruits, ils con- 
tiennent du sucre associé au mucilage visqueux et abondant dont ils 
sont essentiellement composés. 

Si les sébestes ont beaucoup d’analogie avec les figues, les dat- 
tes, etc., par leurs qualités physiques, ils s’en rapprochent égale- 
ment par leurs propriétés médicales : ils sont en effet très-nutritifs, 
et jouissent, en même temps, de propriétés éminemment adoucissan- 
tes, émollientes, lubréfiantes , relâchantes et légèrement laxatives. 
Dent décoction dans l’eau , comme toutes les boissons douces et mu- 
cilagineuses, peut être dbléyée avec succès dans la plupart des 
maladies fébriles et d'irritation. Ainsi, on en fait usage dans les 
phlegmasies des membranes muqueuses, telles que les aphthes, l’an- 
gine, la diarrhée, la dysenterie, le éatarrhe vésical, la leucorrhée, 
la blennorrhagie aiguës , et le catarrhe pulmonaire. Les anciens l'ont 
particulièrement recommandée dans les affections de la poitrine, 
telles que la pleurésie, la péripneumonie , la toux, l'enrouement el 
la phthisie pulmonaire. Elle n’est pas d’un moindre avantage dans 
la néphrite, la strangurie et autres lésions des voies urinaires. La 
pulpe des sébestes peut être employée comme un doux laxatif dans 
toutes les maladies où les purgatifs sont à redouter , et plus particu- 
lièrement lorsque quelqu'un de nos viscères ést lé siège d’une inflam- 


SÉBESTE. 
mation ou d’une vive irritation. Matthiole observe que dix à douze 
gros de cette pulpe purgent autant que celle de casse. 

A l'extérieur, les Égyptiens appliquent le mucilage de ces fruits 
sur diverses espèces de tumeurs ; et, à leur exemple, nous pour- 
rions en appliquer la pulpe, comme émolliente, sur les bubons, les 
panaris, le furoncle et autres tumeurs inflammatoires , si nous étions 
moins riches que nous ne le sommes en substances indigènes de 
même nature; en un mot, les sébestes conviennent , soit à l’intérieur , 
sous différentes formes, dans toutes les circonstances où les mucila- 
gineux sont indiqués. Il faut seulement avoir soin de ne pas trop en 
surcharger l'estomac dans les maladies aiguës, de crainte que le 
travail que nécessiterait la digestion du mucilage visqueux qui y 
abonde ne fatigue cet organe, n’occasione du malaise, de l’anxiété, 
et autres accidens qui pourraient entraver ou retarder la solution de 
la maladie. 

On peut les donner en décoction à la dose de trente ou soixante- 
cinq grammes (environ une ou deux onces) sur un kilogramme 
(deux livres) d’eau. Leur pulpe, comme purgative, doit être admi- 
nistrée d’une once à une once et demie. On en fait des pâtes, des 
tablettes , et des sirops qui sont réputés contre les rhumes. 

Par leurs qualités nutritives, les sébestes sont dignes de figurer 
parmi les plus salutaires alimens de l’homme; ils conviennent sur- 
tout dans les pays chauds et secs, aux sujets maigres et ardens, aux 
tempéramens bilieux et sanguins, aux jeunes gens , à ceux qui sont 
sujets aux hémorragies, aux phlepmasies ; ils sont surtout très- 
avantageux aux dartreux , aux phthisiques , à ceux qui sont atteints 
de maladies organiques ou en proie à des irritations spéciales. 

Les Égyptiens composent avec ces fruits une glu très-visqueuse, 
qui est en usage pour prendre les oiseaux à la pipée, et qui, impor- 
tée en Europe sous le nom de glu d'Alexandrie, est employée dans 
plusieurs arts. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


{ La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle.) 


1. Fruit entier. 
>. Le même conpé horizontalement pour faire voir Île noyau. 


È 
Thrpen Penz 


Lembert F Sfeutr. 


CCCXXIIT. 


SÉNÉ. 


GC sv ss: -. sevz, Lé Grecs du moyen à 

SENNA A sive FOLIIS ACUTIS ; Bauhin, Iyæf, 1. rx, sect, r. 
Tournefort, clas, 2 LE. 

CASSIA SENNA ; folis à du spa, petiolis eglandulatis. Linné, 
décandrie monogynie. Nussieu, clas. 14, ord, 11; Jamille des légu- 
mineuses. 


LR. Ti ms 


Italien. . LS N 

Espagnol. ....... 

PôFgais. EL SRNNE 
Français SËNÉ 
a à nr ne SENNA 
Allemand. ....... SENNETSTR AUCH 
Hollandais. . ..... SE 
DOME. ch SENET 

LE ES or SENNET 
drébessti sites SENE. 


Quaxp on ne considère que les gousses plates et comprimées du 
séné, on est étonné de le voir placé dans le même genre avec la 
casse, dont les gousses sont si différentes; mais Linné, dans l’éta- 
blissement de ce genre, n’a considéré, comme caractère essentiel , 
que la forme de la corolle et des étamines, les seuls constans et uni- 
formes ; tandis que ceux du fruit sont très-variables , selon les espè- 
ces : d’où il suit, que les casses se distinguent par un calice à cinq 
folioles caduques, concaves et colorées; cinq pétales très-ouverts, 
concaves, arrondis , inégaux ; les deux inférieurs un peu plus grands, 
dix étamines libres, inégales, trois petites souvent stériles, quatre 
de grandeur moyenne, droites et fertiles ; trois inférieures très-gran- 
des, à anthères oblongues et arquées; un ovaire supérieur, pédi- 
cellé; le style court ; le stigmate simple. Le fruit est une gousse plus 
ou moins allongée, tantôt mince et aplatie , tantôt enflée et cylin- 
drique, avec des cloisons transverses plus ou moins complètes, et 
des semences attachées à la suture supérieure. 


84° Livraison, . 


SÉNE. 

Il parait, d’après les observations de Forskhal, et de quelques bo- 
tanistes plus modernes, qu'il y a eu de la confusion dans l'exposé 
de la synonymie appliquée par Linné au cassia senna , et que deux 
espèces différentes s’y trouvent réunies. 

La première, que l’on cultive en Italie, et que l’on soupçonne ori- 
ginaire du Levant, s'élève à la hauteur d’environ un pied et demi 
sur une tige médiocrement rameuse. 

Ses feuilles sont pétiolées, alternes , aïlées, vertes en dessus , un peu 
glauques et à peine pubescentes en dessous, composées de six paires de 
folioles ovales, obtuses ou elliptiques, à côtés inégaux à leur base; 
la dernière paire plus grande; point de glandes sur les pétioles. 

Les fleurs sont d’un jaune pâle, traversées par des veines purpurines, 
réunies en grappes sur de longs pédoncules axillaires et terminaux. 

Les gousses sont ovales-oblongues, comprimées, courbées en are, 
contenant des semences noirâtres, en cœur. 

La seconde espèce, le cassia lanceolatu de Forskhal , que l’on croit 
être le véritable séné d'Alexandrie, plus efficace que le premier, est un 
arbrisseau de deux ou trois pieds, muni de rameaux allongés et plians. 
Ses feuilles sont composées de cinq paires de folioles plus étroites, 
toutes égales, lancéolées, aiguës, glabres , d’un ver clair, longues d’un 
pouce; le pétiole muni, au dessus de sa base, d’une glande sessile. 

Les fleurs sont d’un jaune.pâle, disposées en grappes longuement 
pédonculées; elles produisent des gousses ovales-oblongues, très- 
comprimées, arquées, velues dans leur jeunesse; les semences en 
cœur, petites et blanchâtres. 

Les feuilles et les fruits ou follicules de ce végétal, sont égale- 
ment employés aux usages de la médecine. Dans le commerce, On 
Des trois variétés des premières; savoir, le séné d'Italie, com- 
posé de folioles obtuses au sommet, arrondies , d’une couleur verte; 
d’une odeur nauséeuse, d’une saveur amère, âcre, nauséabonde ; le 
sené d'Alexandrie, de Seyde, de la Palte, de la Ferme, etc, dont 
les folioles sont aiguës, ovales, d’un jus verdâtre, presque Sans 
odeur , dans l’état de siccité; enfin, le séné de Tripoli, composé de 
(olioles s plus grandes, vertes et peu pointues , d’une odeur et d'une 
saveur faibles. Ces différentes variétés, dont la première seule ap- 
partient au cassia senna, sont souvent mélangées par les droguisles ; 


SÉNÉ: 

avec Îles feuilles du baguenaudier , colutea arborescens , qui sont éga- 
lement purgatives. Soumis à l’analyse chimique, le séné a fourni de 
l'huile volatile , qui ne paraît pas étrangère à son action purgative, 
puisqu'il perd cette propriété par l’ébullition; une matière soluble 
dans l’eau, qui renferme plusieurs sels, et entre autres du sulfate de 
potasse, et un principe soluble dans l'alcool, dont on ne connaît pas 
bien la nature, mais qui se change en résine par l'addition de l’oxigène. 

Ce médicament paraît avoif été introduit dans la matière médicale 
par les Arabes : depuis cette époque, il est peu de purgatifs qui aïent 
une aussi grande réputation, et dont on fasse un aussi fréquent 
usage. Il est vrai qu’on à débité bien des fables sur sa manière d’agir : 
ainsi, les uns avec Actuarius lui attribuent la faculté de purger la 
bile et la pituite; d’autres , à l’exemple d’Averroès, bornent sa puis- 
sance à l’expulsion de la pituite seule; Mésué lui accordait la pro- 
priété spéciale d’évacuer la mélancolie ou bile noire, et d’autres au- 
teurs out porté la fiction jusqu’à prétendre qu'il agissait à la fois sur 
toutes les humeurs corrompues. Mais de semblables hypothèses 
doivent , on le sent très-bien, être condamnées à un éternel oubli. 

Lorsqu'il est'introduit par la bouche dans l'appareil digestif, le 
séné trouble plus où moins la digestion ; il excite quelquefois les nau- 
sées et le vomissement, et toujours des évacuations alvines. Son 
odeur suffit même pour purger certains individus. Son action pur- 
gative, constante et assez énergique, quoique modérée, est accom- 
pagnée d’un sentiment de chaleur à l'estomac , de quelques coliques, 
de flatuosités et de soif. Il doune une couleur jaunâtre aux évacua- 
tions alvines ; son usage n’est pas ordinairement suivi de constipation. 
À tous ces titres, il est un des purgatifs les plus utiles, lorsqu'on 
veut purger et produire en même temps une légère excitation géné- 
rale ; mais, par le fait même de cette excitation , il ne doit point être 
employé chez ceux dont l'appareil digestif est doué d’une susceptibi- 
lité excessive, ou en proie à une irritation manifeste. Son usage se- 
rait même dangereux, ainsi que l’ont reconnu plusieurs habiles ob- 
servateurs , dans les fièvres aiguës, dans les phlegmasies des membra- 
nes et des viseères, dans les hémorragies, dans certaines lésions 
organiques, telles que le squirre, le cancer , la phthisie pulmonaire ; 
les tubercules, les concrétions hépatiques , et dans la suppuration 


SÉNÉ. 

des viscères. En revanche , il peut être d'un très-grand avantage et 
les praticiens s'accordent généralement à le regarder comme un 
excellent purgatif dans l'embarras intestinal et les affections vermi- 
neuses, dans les hydropisies essentielles, dans les dartres, l’éléphan- 
tiasis , et autres maladies chroniques de la peau. On peut s’en servir 
avec beaucoup de succès dans l’apoplexie, et autres névroses où il 
faut opérer une puissante dérivation sur l'intestin, et lorsqu'on veut 
supprimer d'anciens exutoires. On peut aussi l’administrer en lave- 
ment pour remplir la même indication. 

Quelques auteurs ayant accordé une vertu purgative plus pronon- 
cée , les uns aux follicules , les autres aux feuilles et même aux pé- 
tioles, de cette plante, Schwilgué n’a pu observer cependant aucune 
différence entre la manière d’agir de ces différentes parties du séné. 

Le séné est rarement employé en substance, à cause du volume 
considérable qu'il occupe sous forme pulvérulente. C ependant on 
l’administre quelquefois, réduit en poudre, et associé à une sub- 
stance aromatique quelconque et au miel, sous forme d’ électuaire, 
à la dose de quatre ou huit grammes (un à deux gros). Il faut, tou- 
tefois, que cette poudre soit préparée récemment , car elle perd ses 
vertus purgatives par le contact de l'air. Ordinairement on admi- 
pure le séné en macération à froid, ou en infusion à vaisseaux clos, 

à la dose de quatre à seize grammes (un à quatre gros ); Sur 
soixante à deux cents grammes (environ deux à six onces) d’eau, 
que l’on aromatise convenablement : presque toujours on l'associe 
à quelque sel purgatif ou à quelque doux minoratif. On ne l'admi- 
nistre point en décocuon , parce qu’il perd par cette opération sa 
propriété purgative. “sm aqueux , et la teinture alcoolique qu ‘on 
en préparait jadis, ne sont plus en usage. Le séné faisait partie d'un 
grand nombre de préparations officinales, aujourd'hui tombées Jus- 
tement dans le plus profond discrédit. 


SeNNER ; Dissertatio de senna; in-4°. Altdorfii, 1733: 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La planté est réduite à la moitié dé sà grandeur naturelle.) 
: VAT ition 
1. Peétale inférieur, valve pour faire voir la dispositi® 
2. Pétale supérieur. des graines 
3. Fruit dont on a enleve la moitié d’uné À. Graine grossie, 


SENECÇOX. 


EECCX XIV: 
SÉNECON. 
Grec. 5:12 9 npsyepuy, Théophraste, Dioscorides. 


SENECIO MINOR , Vulyaris ; Bauhin, Tivaf , lib. 3 , sect. 6. Tournefort, 
clas. 12, sect. 2, gen. 15. 


neue SE * + * À sENECIO VULGARIS ; corollis nudis , foliis pinnato-sinuatis amplexicau- 
| libus, floribus sparsis. Linné, syngénésie polygamie superflue. Jus- 
sieu, clas. ro, ord. 3 , famille des corymbifères. 
POUR Pr SENECIONE , CARDONCELLO 
Æspagnol. . ...... HIERBA CANA 3 BONVARON. * 
FOMUGBIE. 5»: +. + - TASNEIRIHNA. 
Français... ...... SENECON ; SENECON COMMUN, 
MMS Se à + à SIMSOM ; COMMON GROUNDSEL. 
AMAR SL TE KREUZKKAUT ; GEMEINE KREUZPFLANZE. 
Hollandais. . . .... GÉMEEN KRUISKRU1D. 
ST RE ER KAARSURT. 
SREADE. HT. STENOERT. 
Polonais: nas STARZER WIELK I; 


Russes se 4.0 + 4 0 RRRSTONIE, 


LE sénecon était connu chez les Grecs sous le nom d'érigeron : 
les Latins y ont substitué celui de sezecio, comparant aux cheveux 
des vieillards, la blancheur de l’aigrette qui couronne les semences. 
Cette plante est très-commune, et se montre dans toutes les saisons 
de l’année : on la rencontre plus particulièrement dans les lieux 
cultivés. Elle appartient à un genre très-étendu , dont le caractère 
essentiel consiste dans un calice commun, cylindrique, composé de 
folioles égales entre elles, membraneuses et noirâtres à leur sommet, 
entourées à leur base de quelques petites écailles en forme de second 
calice; la corolle est flosculeuse (radiée dans quelques espèces ); les 
fleurons tubulés, hermaphrodites , à cinq dents; les demi-fleurons 
femelles et fertiles, lorsqu'il en existe; cinq étamines syngénèses; un 
style; deux stigmates réfléchis ; les semences surmontées d’une ai- 
grette simple , molle, sessile; le réceptacle nu. 


84: Livraison. k 


SÉNECON. 

Le senecon commun , ou herbe au charpentier, a une tige tendre, 
rameuse, fistuleuse, presque glabre, haute d'environ un pied. 

Les feuilles sont molles , sessiles , alternes, amplexicaules, un peu 
épaisses, ailées, sinuées, denticulées à leurs bords, irrégulières , 
glabres ou un peu blanchâtres , et légèrement cotonneuses en des- 
sous. 

Les fleurs sont disposées en une sorte de corymbe très-lâche, ter- 
minal; les pédoncules grêles et pendans; les calices cylindriques, 
composés de folioles glabres, fort étroites, aiguës et noirâtres à leur 
sommet, entièrement rabattues sur les pédoncules après l'émission 
des semences; la corolle est jaune, à peine plus longue que le ca- 
lice, uniquement composée de fleurons hermaphrodites ; les semen- 
ces étroites, un peu noirâtres, couronnées d’une aigrette très-blan- 
che, simple et soyeuse ; le réceptacle nu , médiocrement alvéolé. 

(P.) 

Cette plante inodore offre une saveur herbacée , légèrement acide 
où comme salée; du reste, elle ne présente aucune qualité physique 
qui la distingue de la plupart des plantes oléracées. On ne sait rien : 
sur Sa composition chimique. Ses propriétés médicales, si elle en 
possède réellement, ne sont pas mieux connues. Quelques auteurs, 
il est vrai, l’ont placée parmi les plantes émollientes; et, à ce titre, 
elle a été considérée comme adoucissante, et comme jouissant de la 
faculté de résoudre ou de favoriser la suppuration des tumeurs et 
des engorgemens inflammatoires, Or, comment concilier ces effets 
avec les propriétés vomitives et purgatives qu’on lui attribue? 

Divers auteurs de matière médicale rapportent en effet que ser: 
suc administré à l’intérieur provoque le vomissement , et détermine 
la purgation. C’est probablement à son action supposée purgative 
sur le canai intestinal , qu'il faut rapporter la faculté, que Tourne- 
fort lui reconnaît, d’expulser les vers intestinaux. Rai rapporte 
même que les hippiatres anglais s’en servent, sous ce rapport, dans 
les affections vermineuses des chevaux. Le sénecon a été vanté en 
outre contre les coliques , l'ictère , les maladies du foie et la leucor- 
rhée : mais si ses effets purgatifs et anthelmentiques ne sont pas en- 
core suffisamment prouvés, les succès qu'on lui attribue dans les 
différentes maladies que je viens d'indiquer sont bien plus douteux 


SÉNECON. 
encore, et ne peuvent pas plus servir à fixer nos idées sur les véri- 
tables vertus de cette plante, qu’ils ne permettent de l’administrer 
à l'intérieur dans le traitement de nos maladies. 

Comme topique , on l’a employée à l'extérieur dans plusieurs cir- 
constances. Cuite dans le lait ou dans le beure, elle a été surtout 
recommandée, sous forme de cataplasme, contre les hémorroïdes, les 
furoncles , et les engorgemens laiteux des mammelles, à l’époque du 
sevrage, où autres circonstances dans lesquelles le lait ne peut s’é- 
couler. Si les applications du sénecon ont été utiles dans ces diffé- 
rens cas, Ce n’a pu être qu’en agissant à la manière des émolliens. 
Or, nous possédons un très-grand nombre de substances où cette 
qualité est bien plus prononcée et beaucoup mieux prouvée. Ces 
considérations , très-propres à jeter du doute et de lincertitude sur 
les effets qu’on a attribués à cette plante, justifient pleinement les 
auteurs qui l'ont expulsée de la matière médicale, et le peu d’estime 
qu'elle a conservée parmi nous. 

Toutefois, si on voulait tenter de la soumettre à des expériences 
cliniques, on pourrait, d’après l’indication de lillustre Tournefort, 
en administrer le suc à la dose de soixante-quatre grammes (deux 
onces ), ou la poudre à celle d’un à quatre grammes et plus. 

Les lièvres et les lapins sont très-avides de cette plante. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est de grandeur naturelle.) 


1. Feuille inférieure, au trait. 2. Fleurou grossi. 


FA 
RO TT 
Lambert! fexb 


ÈS 
Tiryes PE 


SERPENTAIRE. 
si 
sir 


CCCXX V. 


SERPENTAIRE. 


ARISTOLOCHIA SERPENTARIA ; foliis cordato-oblongis era caulibus in- 
Latin........3:., € firmis flexuosis teretibus, floribus solitariis. Linné, hexandrie, Jus- 
sieu , clas. 5, ord. 1 , famille des aristoloches. 


TB ts. SERPENTARIA DI VIRGINIA. 
Espagnol. : ...... SERTENTARIA DE VIRG 

Français... . SERPENTAIRE; ARISTOSOCHE SERPENTAIRE. 
Pl’. [reg Re r VIRGINIAN SNAKE-ROOT, 

Hlémändi 55:00 VIRGINISCHE SCHLANGENWURZET.. 
Hollandais... . ... VIRGINISCHE SLANGENWORTEL, 

Danois. users SLANGROED. 

OI 52 see re RMROT. 


La serpentaire , dont les racines nous sont envoyées de la Virgi- 
nie, et que l’on a ainsi nommée à cause des propriétés qu’on lui at- 
tribue contre la morsure des serpens, appartient aux aristoloches, 
genre très-remarquable par la forme de ses fleurs composées d’une 
corolle ( ou d’un calice coloré) tubulée, ventrue à sa base, dilatée à 
son orifice , tronquée obliquement à son bord, qui se prolonge d’un 
côté en une languette plus ou moins longue, de forme variée; six 
anthères presque sessiles, placées sous le stigmate ; un ovaire infé- 
rieur, surmonté d’un style très-court , terminé par un stigmate con- 
cave, à six divisions. Le fruit est une capsule hexagone, à six loges, 
renfermant chacune plusieurs semences comprimées. 

L’aristoloche serpentaire a pour racines un faisceau de fibres d’un 
gris cendré, très-serrées , fort menues , entremêlées les unes dans les 
autres, presque simples , longues de trois ou quatre pouces : elles 
produisent plusieurs tiges presque droites, un peu flexueuses, fai- 
bles, point rameuses , longues de huit à dix pouces. 

Les feuilles sont alternes , médiocrement pétiolées , planes, vertes, 
minces, oblongues, en cœur, parsemées de quelques poils courts, 
longues de trois pouces sur un et demi de large. 

Les fleurs sont solitaires, portées sur. des nm courts et 


84e Livraison. 


SERPENTAIRE. 
simples , qui naissent de la base des feuilles et même du collet de la 
racine. La corolle est d’un pourpre foncé ; la capsule arrondie, angu- 
leuse, s’ouvrant en six valves à son sommet, renfermant quatre à six 
semences en cœur, un peu épaisses, de couleur grisâtre. CP 

La racine est la seule partie de la serpentaire qui soit employée en 
médecine ; elle est composée d’un grand nombre de petites radicules 
ou fibriles longues, minces, tortueuses , brunes à l’extérieur , et blan- 
châtres intérieurement. Son odeur est aromatique, très-forte , comme 
camphrée, et sa saveur aromatique, âcre et amère. La chimie ne 
nous a point encore suffisamment éclairé sur la nature des principes 
qui la constituent. Toutefois, d'après Schwilgué, elle contient de 
l'huile volatile, du camphre et de l’extractif : l’eau et lalcool s’em- 
parent également de ses qualités actives. Murray a observé que sou 
extrait spiritueux, qui pèse moitié moins que son extrait aqueux , à 
des propriétés beaucoup plus énergiques. 

Cette racine, introduite dans la matière médicale par les Anglais, 
vers la fin du dix-septième siècle, est éminemment tonique. L’exci- 
tation qu’elle exerce sur l’économie animale, est prompte, vive et 
très-intense ; les phénomè cutifs auxquels elle donne lieu, par 


suite de cette manière d'agir, peuvent être locaux ou généraux : 
ainsi, elle est stomachique , et quelquefois purgative si l’on considère 
les effets de son action stimulante sur l'estomac et l'intestin; diapho- 
rétique , diurétique, emménagogue , lorsqu'on a égard à l'excitation 
qu’elle exerce sur la peau, sur les reins ou sur l'utérus, et à l'aug- 
mentation de la transpiration , de la sécrétion urinaire ; ou à l'écou- 
lement des menstrues qui en sont la suite. 

On lui a attribué en outre beaucoup d’autres propriétés médicales ; 
ainsi on l’a signalée comme propre à expulser les vers intestinaux, 
à favoriser l’éruption des exanthèmes languissans, à guérir les fiè- 
vres intermittentes , les fièvres pétéchiales , putrides , malignes; ner- 
veuses , et autres de mauvais caractère; comme susceptible de préve- 
nir et de dissiper les-accidens qui résultent de la morsure des serpens 
venimeux et des animaux enragés; d'arrêter et de corriger la putri- 
dité. Examinons jusqu’à quel point on peut lui accorder de sembla- 
bles vertus. 

Comme cette racine stimule vivément le canal intestinal, et deter- 


SERPENTAIRE. 
mine même à haute dose la purgation , il n’y a rien d'étonnant qu'elle 
provoque en même temps la sortie des vers intestinaux. À raison de 
l'excitation générale qu’elle produit sur l’économie en général, et 
sur le système nerveux en: particulier, elle a pu , dans beaucoup de 
cas , arrêter les fièvres intermittentes qui étaient exemptes d’inflam- 
mation de l’appareil digestif, qui existaient depuis long-temps et 
étaient accompagnées de pâleur et d’atonie : mais lorsque ces fièvres 
sont accompagnées de l’irritation des premières voies, ou entretenues 
par quelque inflammation latente, non-seulement la serpentaire ne 
pourrait point en arrêter les accès, mais elle pourrait augmenter la 
maladie. À légard des fièvres putrides ou adynamiques , pétéchia- 
les , etc., et des fièvres malignes ou nerveuses , ainsi que ne permet- 
tent pas d’en douter les collections de symptomes sympathiques dont 
on a composé ces prétendues fièvres ; si elles sont réellement le ré- 
sultat, dans le premier cas, d’une atteinte profonde portée aux pro- 
priétés vitales et même au tissu de l’appareil. digestif, et, dans le 
second, d’une vive irritation ou d’un état dé. phlogose du: système 
nerveux, on reconnaîtra facilement:que-la-serpentaire ne peut pas 
y être plus utile que.les autres médicamens incendiaires ; et nonob- 
stant les assertions de la plupart des-praticiens de nos jours, et mal- 
gré les pompeux éloges que Sydenham,. Pringle, Hillary, lui ont 
prodigués dans ces affections , nous ne pouvons qu'élever des doutes 
sur sa prétendue efficacité. Quant à sés propriétés alexitères, et à 
ses prétendus succès contre la rage, ils sont purement illusoires, et 
tiennent bien plus aux opinions erronées des humoristes, qu'à des 
faits bien observés. Il en est de même de sa faculté antiseptique, qui 
en a fait préconiser l’usage dans la gangrène. Il est bien évident, en 
effet, que la serpentaire, en excitant localement, peut, dans la gan- 
grène primitive et par atonie, comme cela a lieu chez les vieillards, 
déterminer l’inflammation dans les parties encore saines, établir une 
ligne de démarcation qui s'oppose aux progrès de la mortification , 
et favoriser la chute des escarres; mais lorsque la gangrène est le 
produit de l'infammation portée au plus haut point d'intensité, il 
est bien évident qu'une semblable substance ne pourrait qu'étendre 


ses ravages. 
On voit donc que celte racine ne convient que dans quelques cas 


SERPENTAIRE. 

particuliers, contre les fièvres intermittentes et contre les affections 
gangréneuses; qu'elle est bien plus nuisible qu’utile dans les fièvres 
putrides et malignes, et que ses prétendus succès contre le venin 
des serpens et contre la rage, ne reposent que sur des idées précon- 
çues. En revanche, elle peut convenir dans diverses névroses, telles 
que l’épilepsie, l'hystérie, la paralysie, lorsque ces affections sont 
accompagnées de flaccidité, de päleur et d’une sensibilité obtuse, 
dans plusieurs hydropisies essentielles , et autres affections chroni- 
ques où il faut augmenter le ton des organes, ou activer certaines 
sécrétions languissantes. 

En substance , on la donne pulvérisée à la dose d'un à deux gram- 
mes, soit en suspension dans un peu d’eau-de-vie, soit associée au 
miel sous forme de pilules:et d’électuaire. On l’administre aussi en 
infusion ; à vaisseaux clos, à la dose de deux à quatre grammes, sur 
cinq hectogrammes ou un kilogramme d’eau ou de vin. Sa décoction 
est moins en usage : on y a cependant quelquefois recours, en y 
associant de l'alcool , dé l’hydrochlorate d’ammoniaque , et autres sti- 
mulans propres à augmenter son activité. 

Elle entre dans la composition de plusieurs médicamens, tels que 
la poudre antiépileptique de Londres, et celle d’écrevisses de Cha- 
ras ou de la comtesse de Kent. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE 


ft 1! F0 à1 CPC 1 Ua Ÿ 
\ L 5 naturelle, } 


1. Graine capsulaire, 2. Graine. 


# ID + 
: TR MES 
B 77272 Lenbert27 cmt 


SERPOLET. 
me æ, 2 


CCCXX VE 


SERPOLET. 


Greg cs spmvnos, Dioscorides. 

SERPYLLUM VULGARE, MINUS; Bauhin , Tsva£ , lib. 6, sect. 4. Tourne- 
fort, clas. 4, sect. 3, gen. 8. 

Latin........... THYMUS SRRPIELUM ; Poribus capitatis, caulibus repentibus, foliis pla- 
nis obtusis ciliatis. Linné, didynamie gYmnospermie, Jussieu, cl. 8 ; 
ord. 6, famille des labiées. 

0 


Italien... à .. ..... SRRPILLO:; SERPOL To. 

Espagnol. ; ...,... SERPOL. 

POFIULOIS, à SERPOL; SERPIL. 

Français... ...... SERPOLET; THYM SAUVAGE. 

Anglais, ......,. MOTHER OF TRYM&. 

ARR. à ni: » « QUENDET.. 

Hollandais. . .... « QUENDEL; WILDE THYM. 
UNE TES EE VILDTIMIAN, 

Suédois. ET. cs BRACKTIMIAN 

Polonais. ......,.. MACIERZANKA. 

Résse he LITE SCHADOWNIK. 


Le serpolet est, parmi les plantes aromatiques, une des plus 
communes; il croît partout, sur les pelouses sèches, les collines, le 
long des chemins et dans les terrains arides , dont il couvre la surface 
par ses tiges rampantes, et qu'il parfume par son odeur pénétrante , 
approchant quelquefois de celle de la mélisse. Il est du même genre 
que le thym , offrant, comme lui, pour caractère essentiel, un calice 
tubulé, strié, à cinq dents, presque à deux lèvres, fermé par des 
poils pendant la maturation; une corolle courte, à deux lèvres, la 
supérieure plane, échancrée, l'inférieure plus longue, à trois lobes 
obtus; quatre étamines didynames; un style; le stigmate aigu, bi- 
fide ; quatre petites semences au fond du calice. 

Les racines sont dures, grêles, ligneuses ; elle produisent un grand 
nombre de tiges très-rameuses, couchées sur Ja terre, presque 
ligneuses ; les rameaux grêles, rougeâtres, un peu velus, souvent 
redressés à l’époque de la floraison. 


84e Livraison. & 


SERPOLET. 

Les feuilles sont petites, planes, un peu dures, presque sessiles, 
souvent traversées par un sillon longitudinal , ciliées à leurs bords, 
plus ordinairement à leur base, de forme variable, ovales-élargies 
ou ovales-lancéolées, quelquefois beaucoup plus étroites, aiguës. 

Les fleurs sont d’un pourpre plus ou moins foncé, quelquefois 
tout à fait blanches, disposées en petites grappes très-courtes, oppo- 
sées , axillaires, pédicellées , qui, par leur réunion, forment des épis 
très-courts, souvent en forme de tête terminale. 

Les calices sont souvent d’un pourpre violet ou un peu rougeätre, 
la corolle variable dans sa grandeur ; les étamines tantôt plus cour- 
tes, quelquefois plus longues que la corolle. 

Parmi les variétés que fournit cette espèce, on en rencontre une 
qui répand une odeur très-pénétrante de citron ou de mélisse; une 
autre , qui n’est qu’un accident occasioné par la piqûre d’un insecte, 
et qui produit de petites têtes blanches tomenteuses , situées au som- 
met des rameaux. (P.) 

Cette plante, très-connue par l’odeur suave , aromatique et fra- 
grante qu’elle exhale, soit dans l’état frais , soit après la dessiccation, 
offre une saveur aromatique et amère, et contient comme les autres 
labiées, une huile volatile très-odorante, du camphre et une ma- 
tière extractive amère : l’eau et l’alcool se chargent également de 
ses qualités actives. 

À l'exemple des autres substances aromatiques et äcres , elle dé- 
termine sur l’économie animale une excitation prompte et instanta- 
née, qui tient à la fois à l'impression tonique qu’elle exerce sur l'es- 
tomac, et à son influence très-marquée sur le système nerveux en 
particulier : ainsi, à toutes les qualités toniques , stomachiques, diu- 
rétiques, résolutives, qu’elle partage avec les autres labiées, elle 
joint une propriété céphalique et antispasmodique manifeste. Ce- 
pendant l'usage médical de cette plante est presque entièrement 
tombé en désuétude , tandis que l'on prodigue les plus fastueux élo- 
ges à des végétaux bien moins actifs, et dont tout le mérite con 
siste souvent à offrir une odeur et une saveur insupportables. 

L'illustre Linné attribue à l'infusion du serpolet la faculté de 
dissiper les céphalalgies produites par l'ivresse. Cette plante ne 
parfaitement pour élever modérément le ton de l'estomac et de l'in- 


SERPOLET. | 

testin, dans l’apepsie idiopathique et certaines flatuosités des hypo- 
condriaques , dans là gastrodynie, ét autres douleurs abdominales 
qui tourmentent si souvent les mélancoliques, les hystériques , et les 
sujets affaiblis par les travaux de l'esprit et par une vie sédentaire. 
Son infusion chaude, dont on se sert avec avantage pour provoquer 
la transpiration, exciter la sécrétion urinaire, augmenter l’exhala- 
tion pulmonaire, et favoriser l'écoulement menstruel, pourrait être 
extrêmement utile dans la leucorrhée ancienne, la diarrhée chroni- 
que , les catarrhes de vieille date, et autres affections lentes accom- 
pagnées de päleur, de relâchement , de débilité, et dans lesquelles 
il est important de solliciter l’action de la peau et d'augmenter ses 
sécrétions. En bain, soit général, soit local, on emploie avec non 
moins de succès son infusion aqueuse dans certaines maladies chro- 
niques de la peau, telles que la galle invétérée, le prurigo; dans les 
scrofules, le rachitis et le scorbut ; dans certaines névroses accompa- 
gnées de débilité; dans l’aménorrhée, la chlorose, et dans l’épuise- 
ment causé par l’onanisme et l’abus des plaisirs énervans. 

On y a plus souvent recours, comme topique, pour favoriser la 
résolution de certains épanchemens séreux dans le tissu cellulaire, 
des engorgemens pâteux et de certaines tumeurs atoniques. On l’em- 
ploie aussi, soit en fomentations, soit en sachets, qu'on laisse à de- 
meure sur les parties affectées. 

Intérieurement , on pourrait administrer le serpolet en poudre à 
la dose de quatre grammes (un gros) et plus, soit en suspension 
dans un peu d’eau ou de vin, soit mêlé au miel sous forme 
de pilules ou d’électuaire. On le donne plus souvent en infusion 
dans l’eau, dans le vin ou dans le lait, que l’on édulcore avec une 
suffisante quantité de sucre ou de miel. Son huile volatile s'emploie 
à la dose d’une à dix gouttes dans un excipient convenable; on en 
fait une teinture alcoolique dont on peut donner plusieurs grammes 
(un gros) à la fois. 

Les abeilles, qui aiment beaucoup cette plante, vont puiser dans 
ses fleurs des principes qui donnent à leur miel un goût extrêmement 
délicat. Elle donne à la chair des moutons qui la broutent une saveur 


très-recherchée. 


| SERPOLET. 


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Lrpun LE 


GCCXX VIE 


SIMAROUBA. 


QUASSIA SIMARUSA ; floribus desert ae abrupte re ; foliolis 
lo 


Latin... .:......)  alternis, subpetiolatis ; petiolo 0, floribus paniculatis, Liuné , 
dé candrie monogynie. Jussieu , de 13, ord. 15 Es des ma- 
gnoli 

lialien, 5.4 aie SIMARUBA, 

Espagnol... . SIMARUBA 

pe + - Passe SIMARUBA 

ais... ...... SIMAROUBA 
de LP PERS RUBRRINDE. 


AUBLET est le premier qui nous ait fait connaître , avec les détails 
convenables , la plante qui fournit cette écorce intéressante, dont les 
habitans de la Guiane faisaient usage dans plusieurs de leurs mala- 
dies. Linné a rapporté cette plante à son genre quassia : quelques 
auteurs modernes en ont fait un genre particulier, d’après ses fleurs 
monoïques et quelques autres particularités dans la fructification. 

Le simarouba est un arbre d’une médiocre grandeur , dont les ra- 
cines , ainsi que le tronc , sont revêtus d’une écorce d’un jaune pâle, 
d’où découle un suc amer , laiteux et jaunâtre; le bois est blanc ; les 
rameaux d’un brun noirâtre. 

Ses feuilles sont alternes, pétiolées, fort amples, ailées, sans im- 
paire , composées de folioles alternes , presque sessiles , au nombre de 
douze à quatorze, ovales-lancéolées, fermes, coriaces, entières, gla- 
bres, et d’un vert foncé à leurs deux faces. 

Les fleurs sont monoïques, disposées en un panicule ample, là- 
che, latéral, garni, à la base de ses rameaux, d’une petite foliole 
sessile. 

Le calice est court, persistant, divisé en cinq découpures ovales, 
aiguës; la corolle blanche, à cinq pétales lancéolés, aigus , insérés 
au fond du.calice, dix étamines libres; un ovaire divisé en cinq lobes ; 
un style marqué de cinq stries; le stigmate à cinq de: ouverts 


85° Livraison. 


SIMAROUBA. 
en étoile; le réceptacle épais, charnu, accompagné de dix écailles 
velues. , 

Le fruit consiste en cinq capsules conniventes à leur base, un 
peu charnues, de la forme et de la grandeur d’une olive, renfer- 
mant chacune une semence ovale. 

Les fleurs mâles ne diffèrent des femelles que par lavortement 
de leurs ovaires, privés d’ailleurs de style et de stigmate : les éta- 
mines manquent dans les fleurs femelles. (P.) 

L’écorce de cet arbre, desséchée, se présente dans le commerce 
en longs morceaux roulés sur eux-mêmes ; elle est mince, flexible, 
tenace, de texture fibreuse, pâle, inégale, comme couverte de ver- 
rues à sa face externe , et d’un gris jaunâtre intérieurement. Entiè- 
rement dépourvue d’odeur, elle offre une saveur amère, franche, et 
dépouillée de toutes stypticité. Son principe amer est parfaitement 
soluble dans l’eau et l'alcool. Son infusion ne subit aucun change- 
ment par son mélange, soit avec les sels à base de fer, soit avec la 
noix de galle; elle précipite en blanc avec les nitrates de plomb et 
d'argent. 

Cette substance, qui fut introduite dans la matière médicale en 
1717, était employée, dit-on , de temps immémorial à Surinam , dans 
le traitement des fièvres putrides, si connues dans ce pays, lorsqu'un 
esclave noir, nommé Quassi, la fit connaître à Dahlberg, qui en 
adressa un échantillon à l'illustre Linné, des mains duquel elle se 
répandit en Europe. On la regarde généralement comme l’amer le 
plus pur et le plus intense que nous possédions; et, en vertu de 
cette qualité, elle a été placée parmi les toniques et les stomachiques 
les plus puissans. Son action est lente, peu intense, mais durable; 
elle augmente l'appétit pendant un certain temps, et; à l'exemple de 
tous les amers , son usage long-temps continué finit par détruire les 
forces digestives. On lui a attribué la faculté d'arrêter le vomisse- 
ment et la diarrhée provenant d’atonie, comme si l’atonie pouvait 
produire le vomissement et la diarrhée? Ses effets consécutifs sont 
extrêmement obscurs. Elle n’opère, en effet, aucun changement ap” 
préciable dans la chaleur générale, dans la circulation, dans la 
transpiration, ni dans les différentes sécrétions. Cependant son sé 
tion secondaire se manifeste, dans certains cas, par la suspension 


SIMAROUBA. 
des accès des fièvres intermittentes , par l'éloignement des attaques 
de goutte, et par le soulagement des douleurs occasionées par les 
calculs urinaires, phénomènes qui lui sont communs, du reste, avec 
tous les amers. On voit clairement , d’après ces considérations, com- 
ment le simarouba peut être employé avec avantage dans la dyspep- 
sie atonique, dans certains cas de flatuosités intestinales, dans les 
affections vermineuses ; comment il peut favoriser la guérison de 
certaines hydropisies essentielles, de l’anasarque , des scrofules , de 
la leucorrhée chronique, de la chlorose , et des catarrhes anciens 
accompagnés de päleur et d’atonie générale. On conçoit également 
que son usage a pu être utile dans les fièvres intermittentes qui ten- 
dent à la chronicité, et qui sont exemptes d'irritation gastrique et 
de lésions de tissu. On peut admettre, enfin , que des femmes épui- 
sées par de longues et anciennes hémorragies utérines, se sont bien 
trouvées de l'emploi de cette écorce amère, ainsi que l’attestent 
Jussieu, Degner , Speer et autres observateurs; mais admettre d’une 
manière absolue son efficacité dans les fièvres putrides , malignes, 
nerveuses et hectiques, ainsi que dans les hémorragies en général, 
serait s’exposer nécessairement à de funestes erreurs de thérapeuti- 
que. Malgré les éloges pompeux qui lui ont été prodigués contre ces 
fièvres , je ne doute pas que le simarouba ne soit complètement exclus 
un jour de leur traitement, si, libre de tous préjugés, et plus fami- 
lier qu’on ne l’est encore avec l’autopsie cadavérique, on parvient un 
jour à reconnaître, avec M. Broussais ;, que ces prétendues fièvres ne 
sont autre chose que des collections arbitraires de symptômes , résul: 
tats d’une atteinte formidable portée aux propriétés vitales , et sou- 
vent même au tissu de l'appareil digestif, du système nerveux , ou de 
quelque viscère essentiel à la vie. Du reste, quoique cette écorce ait 
élé signalée, en quelque sorte, comme le spécifique du flux de ven- 
tre , que son efficacité ait été préconisée surtout contre la diarrhée 
et la dysenterie, par Antoine Jussieu , Tissot, Pringle, Lind, Wer- 
Ihoff, Zimmermann, et beaucoup d’autres médecins français, an- 
glais et allemands, je pense qu’on peut raisonnablement douter de 
son avantage dans les affections qui tiennent évidemment à l'irrita- 
tion ou à l'inflammation de la membrane muqueuse de l'intestin, in- 
flammation ou irritation que tous les toniques aggravent et exaspè- 


SIMAROUBA. 

rent. Que peut-on conclure, en effet, d'observations semblables à 
celle que rapporte Deguner, d’une femme qui, long-temps tourmentée 
par un flux de ventre rebelle, en fut délivrée par l'usage du sima- 
rouba continué pendant six semaines; quand on réfléchit que ce 
terme est bien rarement dépassé par la dysenterie la plus intense 
abandonnée aux seuls efforts de la nature? L’illustre Antoine Jussieu, 
qui a tant mérité des sciences naturelles, a malheureusement beau- 
coup contribué à étendre la réputation antidysentérique de cette 
écorce, en lui attribuant de grands succès dans une épidémie de dy- 
senterie qui régna a Pau en 1723. Il est obligé de convenir, toute- 
fois, qu’elle occasionait souvent le vomissement , qu’elle augmentait 
le flux de sang et de sérosité; c’est-à-dire qu’elle aggravait considéra- 
blement la maladie, au point qu'il avoue avoir été souvent obligé 
d'en diminuer la dose; mais l'engouement pour cette nouvelle sub- 
stance , que l'imagination avait décorée d'avance des propriétés les 
plus héroïques, sur la foi aveugle de quelque Africain sauvage et 
superstitieux, empêchait ce savant botaniste de réfléchir sur des 
faits aussi évidens ; et, lorsque la nature triomphait à la fois de la 
maladie et du remède, il attribuait à ce dernier une guérison qui 
n'avait pu qu’en être retardée et considérablement entravée. 

Comme la tenacité de cette écorce rend sa pulvérisation très-dif- 
ficile, on l’'administre rarement en substance : on pourrait, toute- 
fois, la donner en poudre à la dose d’un à quatre grammes (environ 
un scrupule à un gros), soit en suspension dans de l’eau on du 
vin, soit sous forme de pilules ou d’électuaire, associée au miel ou 
au sirop. Ordinairement on l’emploie en infusion , à la dose de huit 
à seize grammes (deux à quatre gros), dans un demi ou un kilo- 
gramme d’eau ou de vin. Quelques auteurs la prescrivent jusqu’à la 
dose de trente-deux grammes (une once) en décoction dans U? 
kilogramme ( deux livres ) d’eau, qu’on fait prendre peu à peu dans 
l’espace de vingt-quatre heures. 
sussieu (antonius), #n in inveteratis alvi fluxibus simaruba ? in-4°. P. arisiis, 1730 

EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(ÎLa plante est réduite à la moitié de sa grandeur naturelle.) 


1. Fleur bermaphrodite, grossie, 3. Fruit coupé horizontalement. 
2. Fruit coupé dans sa longueur. 4. Embryon. 


Lurgen P* D T onésemsbees 
e Lambert Te Jeu 


a dE 


CCCEXX VII. 
SOUCI. 


CATHA VULGARIS; Baubin, Tliva£, lib. 7, sect. 4. Tournefort, clas. 15, 


sect. 4, gen. 1 
Latin... {...s. ee CALENDULA OFFICINALIS ; seminibus cymbiformibus muricatis incurvatis 


omnibus. Linné, Fhpitesr Her nécessaire, Jussieu , elas. 10 
FR 3, famille de. ser ré 
Italien... ., .. 4. FIORRANCIO ; CALENDULA ORTE 
Espagnol. : ... _... CALENDULA OFICINAL. 
Portugais... ..:. CALENDULA ORTENSE ; MARAVILHA BASTARDA. 
Français. 3, 5 souct. 
ARGlais ue ie COMMON MARIGOLD, 
amant... 2... RINGELBLUME; GOLDBLUME 
Hollandais, ...... AMME GOUD 
Hhnnif. site 1 ALMINDELIGE KOEBLOMME, 
Stone me RINGBLOMMA 
POIORMRE.: : :2 à N 
less SU za. NOGOTKI. 


IL croît en France deux espèces de souci, lune à grandes fleurs, 
qui se trouve dans nos départemens méridionaux , et que l’on cultive 
dans tous les jardins, où elle produit un grand nombre de belles 
variétés. C’est le calendula officinalis , Linn. L'autre, beaucoup plus 
petite, connue sous le nom de calendula arvensis, à petites fleurs, 
est très-commune dans les champs et parmi les vignes. Elles offrent, 
pour caractère essentiel, un calice commun , composé de plusieurs 
folioles presque égales, ordinairement disposées sur un seul rang ; 
une corolle radiée; les fleurons du centre, mâles et stériles , ceux 
qui les entourent, hermaphrodites et fertiles; les demi-fleurons de 
la circonférence , femelles et fertiles; cinq étamines syngénèses; un 
style; deux stigmates recourbés ; le réceptacle nu; les semences très- 
irrégulières, membraneuses, arquées, ntrrns d’aigrettes. 

Le souci des jardins a des tiges assez fortes, épaisses, rameuses , 
presque glabres, longues d’un pied et plus, un peu rudes. 

Les feuilles sont alternes, sessiles, glabres, charnues, très-entiè- 


85, Livraison. 2 


SOUCI. 
res ; celles du bas, plus grandes, en forme de spatule; les supérieu- 
res , plus petites, presque lancéolées, aiguës. 

Les fleurs sont grandes, solitaires , terminales, d’une belle cou- 
leur jaune; les semences du centre courbées en arc, hérissées d'as- 
pérités sur leur dos; celles de la circonférence , élargies, obtuses, 
en forme de nacelle, rudes sur leur dos en carène. 

Le souci des champs, assez semblable au précédent, est plus 
petit dans toutes ses parties. Ses tiges sont grêles, striées; ses feuil- 
les sessiles, lancéolées, point spatulées, entières ou un peu sinuées, 
et même munies de quelques petites dents à leur contour; les fleurs 
petites, de couleur jaune, les semences du centre renfermées dans 
des espèces de capsules membraneuses et convexes; celles de la cir- 
conférence, plus longues, prolongées en pointe, souvent bifurquées. 

(P.) 

Les fleurs de cette plante exhalent, dans l’état frais, une odeur 
forte, particulière , qui, sans être agréable, a quelque chose de nar- 
cotique. Leur saveur, ainsi que celle des feuilles, est comme acidule 
et modérément amère; mais toutes ces qualités disparaissent par la 
dessiccation. On en retire un extrait alcoolique et un extrait aqueux, 
ce qui annonce que leur principe amer réside dans une résine asso- 
ciée à une substance mucilagineuse. 

On a attribué à cette plante des vertus sudorifiques , emménago- 
gues, exanthématiques, antispasmodiques, fébrifuges, et même une 
vertu narcotique. Cette dernière propriété, toutefois, est loin d'y 
avoir été constatée par des faits bien observés. À l'égard des autres, 
elles ne sont réellement que des effets secondaires de l’action du 
souci sur l’économie animale : or, comme cette action, dont on n'a 
pas encore convenablement déterminé la nature, paraît fort modérée , 
si lon en juge par les qualités physiques de cette plante, on est 
fondé à ne leur accorder qu’une faible confiance, jusqu'à ce que 
l'expérience clinique ait définitivement prononcé. 

Cependant on a vanté les bons effets du souci contre les vertiges, 
contre les fièvres intermittentes, dans les affections exanthématiques 
dont l’éruption languit, dans l’'aménorrhée, la chlorose, et dans les 
affections scrofuleuses. On en a généralement recommandé l'emploi 
contre l'ophthalmie; mais si, comme amer, il a pu être quelquefois 


_ 


SOUCI 

utile dans le traitement des maladies que nous venons d'indiquer, il 
est bien évident que ce n’est que par ses prétendues qualités narco- 
tiques, qu'on est fondé à lui attribuer de l'efficacité contre l’inflam- 
mation de la conjonctive, efficacité qui aurait besoin, du reste, d'être 
appuyée par des faits. Les anciens accordaient surtout une confiance 
aveugle aux fleurs de cette plante, dans la peste et les fièvres mali- 
gnes; ils croyaient même que, prises comme aliment, elles étaient 
un excellent préservatif contre ces affections. 

Les feuilles fraîches , suivant Hecquet, écrasées sur les verrues et 
les durillons , font disparaître ces excroissances. Tournefort attribue 
à leur application la faculté de détruire les callosités des vieux ul- 
cères. 

Comme la dessiccation rend le souci entièrement inerte, on ne 
l'emploie que dans l’état frais, à la dose de seize à trente-deux gram- 
mes, en infusion dans un kilogramme d’eau ou de vin. Son eau dis- 
tillée est dépourvue de propriétés médicales. Le vinaigre qu’on en 
prépare par infusion, et qui a joui autrefois d’une sorte de réputa- 
tion contre la peste, n’a pas, sous ce rapport, plus de vertus que le 
vinaigre seul. 

Les fleurs du souci sont employées dans la teinture pour les cou- 
leurs jaunes; elles servent d’ornemens dans les parterres et les jar- 
dins. 

EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


À TS 
nälurelle.) 


7 } 


4 


1 Fleur femelle, de la circonférence. 
2. Fleur hermaphrodite, du centre. 
3. Fruit stérile. 


4 et 5. Autres fruits appartenant aux deux 
es de fleurs. 


SQUINE, 


CCCXXIX. 


SQUINE. 


cæina Raprx; Bauhin, TuivæË, lib, 8, sect. 7. 
smrLax cmina; caule aculeato teretiusculo, folis inermibus ovato-cor- 


latins ss. 
7 datis quinquenerviis. Linné, dioécie hexandrie, Jussieu, el. 3, ord. 2, 
famille des asperges. 
Espagnol. 52 2 RAIZ CHINA ; ESQUINA. 
POUSSE. il - ESQUIN A 
Français... ..,., à, SQUINES 
ANgÜEIs. 5 à Là à CHINESE SMILAX. 
Allhand, =: CHINAWURZEL. 
Hollandais. .., .... cutnaworTet. 


J'ar exposé, à l’article salsepareille, le caractère essentiel du 
genre smilax, auquel appartient la squine, plante qui croît à la 
Chine et au Japon : elle fut mise en vogue, pour la première fois, 
en 1535, par des marchands chinois , qui la vendirent aux Espagnols 
comme un puissant spécifique contre les maladies vénériennes, Char- 
les-Quint , de son propre mouvement, en fit usage contre la goutte, 
à l'insu de ses médecins : dès-lors cette recette devint publique, et 
mit la squine en grande réputation. 

Ses racines sont d’un brun rougeâtre en dehors, blanchâtres et 
teintes de rouge en dedans, noueuses, fort grosses, tuberculeuses ; 
elles donnent naissance à des tiges glabres, cylindriques, un peu 
anguleuses, rameuses, alongées, munies, Surtout vers leur base, 
d’aiguillons courts et forts. 

Ses feuilles sont coriaces, alternes , pétiolées, les inférieures très- 
grandes, les supérieures plus petites, ovales, en cœur, obtuses , très- 
entières, dépourvues d’aiguillons, glabres à leurs deux faces, munies 
de cinq à sept nervures, accompagnées de vrilles à la base des pé- 
tioles. 

Les fleurs sont axillaires, assez nombreuses, réunies en ombelle 


85° Livraison. 2: 


SQUINE. 
à l'extrémité d’un long pédoncule; la corolle est blanche ou d’un 
vert jaunâtre, à six découpures profondes, un peu réfléchies : il leur 
succède des baies arrondies, de la grosseur d’une petite prune. 


La racine de la squine est grosse, noueuse, pesante, ligneuse, 
composée de tubercules inégaux , d’un brun rougeâtre à l’extérieur, 
et d’un blanc rose en dedans; elle est sans odeur, et d’un goût ter- 
reux. Son extrait alcoolique est peu sapide, et celui qu’on en obtient 
par le moyen de l’eau , est absolument sans saveur. Elle contient des 
traces d’un principe amer, du mucilage et de la fécule amilacée, 
qui se précipite, sous forme de gelée, par le simple repos, au fond 
de sa décoction aqueuse. 

D'après Amatus, les Portugais sont les premiers qui ont connu 
l'usage de cette racine; tandis que, selon Vesale, c’est aux Vénitiens 
que nous sommes redevables de son emploi en médecine : quoi qu'il 
en soit, il paraît que c’est vers l’an 1535 qu’elle a été introduite 
dans la matière médicale. Fallope assure qu’elle a eu beaucoup de 
succès dans lhydropisie, la mélancolie et les défaillances ; Amatus 
lui attribue de bons effets dans les engorgemens de la rate ; Rivière, 
contre les obstructions , la phthisie, la gale et la lèpre; Garcias la 
dit utile pour guérir la paralysie, les tremblemens, la goutte, la 
sciatique , les scrofules , les squirres, etc.; Acosta la vante contre la 
migraine , les hernies et les ulcérations de la vessie , et Monard con- 
tre la jaunisse, les fièvres continues ; intermittentes et malignes. On 
a prétendu que son usage entretenait la beauté ; et c’est dans cette 
vue que les Egyptiens, au rapport de Prosper Alpin, Padministrent 
en bains à leurs femmes , pour leur donner cet embonpoint, qui est 
la qualité la plus recherchée dans les beautés de leurs sérails. 

Cependant, comment admettre que cette racine puisse produire 
des effets aussi contradictoires, qu'elle puisse avoir une semblable 
efficacité dans des maladies du caractère le plus opposé et même 
dans des affections décidément reconnues incurables? Comment con- 
cilier, d’ailleurs, la propriété singulière que Prosper Alpin lui at- 
tribue, de use de lembonpoint, avec la propriété sudorifique 
dont elle a été spécialement décorée, et qui la fait figurer encore 
dans toutes nos pharmacopées, au PAS des quatre bois décorés 


SQUINE. 

du titre de sudorifiques ? Malgré les éloges pompeux qui lui ont été 
prodigués par une foule d'auteurs, pour la guérison de la maladie 
vénérienne , et quoique ses prétendues vertus antisyphilitiques aient 
été préconisées, au moins autant que celles du gayac et de la salse- 
pareille, on ne peut pas y ajouter plus de foi qu’à celles de cette 
dernière, dont elle se rapproche, du reste, beaucoup par sa nature 
chimique et par ses faibles propriétés médicales. Quoique plusieurs 
malades aient été guéris pendant son usage, observe judicieuse- 
ment Peyrilhe , on ne peut assurer, d’après l'observation, qu’elle ait 
opéré directement aucune de ces guérisons. 

Du reste, on l’administre en décoction à la dose d’une once (trente- 
deux grammes) dans deux kilogrammes d’eau réduite à la moitié; 
mais il est nécessaire de la réduire préalablement en copeaux très- 
minces, et de la soumettre à la macération pendant un jour. Dans 
le Nord de l'Amérique, elle sert à la nourriture des cochons. 
Faute d’autres substances alimentaires, les hommes pourraient 
même s’en servir comme aliment. M. Decandolle rapporte que les 
Américains du Nord en obtiennent, par la macération dans l’eau, 
une poudre rougeâtre, qui , mêlée avec l’eau bouillante , forme une 
gelée qu’on mange assaisonnée avec le miel ou le sucre. 


VESALIUS (andreas), Radicis chinæ usus; in-fol. Pasileæ, 1546. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plant sduit d tiers de sa grandeur naturelle.) 


4. Fruit coupé circulairement, dans lequel 
on voit deux graines, la troisième étant 
avortée. 


r. Rameau portant deux ombelles de fleurs 
mâles. 

2. Fleur mâle, grossie. 

3. Fleur femelle, id. 


C1 
[+ | 
e) 


% 


Tierpun Ÿ ea Lambert Seule t 


STAPIISAICRE . 
ES. 


CCCXXX. 


STAPHISAIGRE. 


Gréce ss ccésatrh + _slaQue aypse, Dioscorides. 
srapais AGRIA ; Bauhin, TivaË , lib. 8, sect. 5. 
DELPHINIUM PLATANI FOHIO, STAPHISAGRIA dictum. Tournefort, cl. 50, 
Latin; HALL sect, 2 
DELPHINIUM STAPHiSAGRIA ; nectaris tetraphyllis petalo brevioribus , 
foliis palmatis, lobis obtusis. Linné, polyandrie digynie. Jussieu, 
clas. 13, ord. 1 , famille des renonculacées. 


ltalien: ss ternte STAFISAGRIA 

Espagnol... ...... LBARRAZ. 

Portugais. ..... +. ALVARRAZ. 

Francais... ..... STAPHISAIGRE; HERBE AUX POUX. 

ADEME te = STAVESACRE ; LICEBANE. 

A ME Lin re LAENSERRAUT ; STEPHENSKDERNER. 

Hollandais LE LUISKRUID 
RE VE PE UUS-URT 

Suédois: 254 LUS-0ERT 


Cerre plante a reçu des Grecs le nom de staphisaigre où d'herbe 
aux poux : c’est ainsi qu'elle a été désignée par Dioscorides, et puis 
mentionnée par Pline. Elle appartient au genre delphinium, dont 
le caractère essentiel consiste dans un calice en forme de pétale, 
coloré, à cinq folioles un peu inégales, la supérieure prolongée en 
éperon à sa base; deux à quatre pétales, savoir : deux pédicelles qui 
manquent dans plusieurs espèces; deux autres prolongés à leur base 
en deux éperons insérés dans l’éperon du calice; quelquefois ces 
deux pétales sont soudés ensemble; des étamines nombreuses; un à 
trois ovaires, terminés chacun par un style court; un stigmate sim- 
ple. Le fruit consiste.en upe ou trois capsules uniloculaires, unival- 
ves , s’ouvrant à leur côté intérieur , et renfermant plusieurs semen- 
ces anguleuses. D} | L 

La staphisaigre a.des, tiges droites, pleines, cylindriques , médio- 

| 2 


g5e Livraison. $ 


STAPHISAIGRE. 
crement rameuses, hérissées de poils mous, hautes d’un à deux 
pieds. 

Ses feuilles sont glabres, alternes, pétiolées vertes, souvent ta- 
chetées de brun, assez fermes, grandes , presque palmées , profondé- 
ment découpées en lobes divergens, incisés, lancéolés, aigus , quel- 
quefois bifurqués au sommet ; les pétioles velus. 

Les fleurs sont assez grandes, de couleur bleue, pédonculées , al- 
ternes, disposées en grappes lâches et terminales, simples ou ra- 
meuses. 

Le calice est un peu velu, à cinq folioles ; ovales obtuses, ouver- 
tes, la foliole supérieure terminée postérieurement en un éperon 
court, courbé en crochet à son extrémité; la corolle divisée-en qua- 
tre lobes inégaux , ivréguliérs ; l’éperon divisé en deux pièces à l’in- 
térieur ; le fruit composé de trois capsules. 

Cette plante croît aux lieux ombragés, dans les départemens mé- 
ridionaux de la France, en Halie, etc. 

Les semences de cette plante sont seules employées en médecine; 
elles sont d’une forme trigone où polyèdre, d’une couleur grise, 
et renferment une substance jaunâtre de nature oléagineuse. Cette 
substance, ainsi que son enveloppe corticale, sont douées, d’une 
amertume et d'une âcreté remarquables, mais plus énergiques ce- 
pendant dans l’amande que dans l'écorce. L’eau s'empare en partie, 
et l'alcool en entier, de leurs principes actifs. Neumann en a retiré, 
par expression, une certaine quantité d'huile grasse. 

Ces fruits, dont les anciens paraissent avoir connu les qualités 
âcres et corrôsives, agissent avec tant d’ énérgie sur l’économie ani- 
male , qu'ils ont été placés, pat la plupart des toxicologues , au rang 
des poisons les plus redoutables. Les expériences de Hillefeld et de 
M. Orfila sur les chiens, ont prouvé que les semences de la staphi- 
saigre introduites dans l'estomac, où appliquées sur des plaies faites 
aux membres, donnaient la mort à cés animaux, après avoir occa- 
sioné dés efforts de Yomissemens, la débilité, le tremblement, l’a- 
phonie, les convulsions ; et qu’elle laissaient des traces de phlogose 
dans l'estomac, un engorgement inflammatoire énorme du membre 
sur lequel elles avaient été appliquées, et quelquefois même une 
sorte de congestion sanguine dans les poumons: 


STAPHISAIGRE. 

Mächées, ces semences provoquent une abondante sécrétion de 
salive, ce qui les a fait placer au rang des apophleomatisans. Lors- 
qu'on les ingère, elles font éprouver un sentiment d’âcreté et de 
constriction dans le pharynx, provoquent le vomissement, excitent 
violemment les évacuations alvines , et procurent même, dans quel- 
ques cas, l'expulsion des vers intestinaux; mais comme elles sont 
susceptibles d’enflammer les tissus avec lesquels on les met en con- 
tact, et de donner même la mort par suite de l'irritation locale 
qu’elles déterminent, et de la lésion sympathique du système ner- 
veux qui en est la suite, on doit être en garde contre leurs proprié- 
tés vomitives, purgatives et anthelmentiques, et ne les administrer 
à l’intérieur qu’avec la plus grande circonspection. 

Comme topique, on en a recommandé l'application sur les dents 
cariées, pour calmer lodontalgie. Toutefois, leurs qualités véné- 
neuses , et l’intolérable exacerbation d’une semblable douleur que 
Schulz a vu résulter de son application sur une dent, dans un cas 
semblable, doit faire regarder cette pratique comme téméraire. Leur 
emploi a été quelquefois utile contre la gale, qui guérit, comme on 
sait, par l'application , sur la peau, de beaucoup d’autres substances 
irritantes. La propriété que les anciens leur avaient reconnue, de 
tuer les poux humains, et qui avait mérité à la staphisaigre le nom 
de Orespoxouxos, herbe aux poux, l’a fait quelquefois employer dans 
les affections pédiculaires; elle est même, en quelque sorte, unique- 
ment réservée, parmi nous, à cet usage. En effet, si l'énergie de 
l’action de cette plante porte à croire qu'on pourra peut-être un 
jour en retirer de grands avantages dans le traitement de certaines 
affections chroniques, ses propriétés caustiques et délétères doivent 
faire singulièrement redouter son administration intérieure jusqu’à 
ce que des expériences cliniques bien faites aient fait connaître le 
genre de succès qu'on peut s’en promettre dans ces maladies. 

En substance, on pourrait administrer les semences de staphisai- 
gre pulvérisées , de cinq à dix pures, sont en suspension dans un 
liquide, soit en pilules. Pour l'usage extérieur, on peut les employer , 
sous forme pulvérulente, en aspersion , en décoction dans l’eau, ou 
en infusion dans le vin et le vinaigre. Cette dernière préparation a 


même joui de beaucoup de réputation autrefois. Elles sont la base 


STAPHISAIGRE. 
de l’onguent «d phthiriasin où pédiculaire; elles enivrent les pois- 
sons, à la manière de la coque du Levant. 
EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle. 


Let 


1. Pistil et étamines. 3. Étamine grossie. 
a. Corolle, 4. Pistil, 


f: 
Lambert À Seutot 


STORAX. 
sÛT. 


CCCXXXTIT. 


#:- 


STORAX. 


CR A eut à Vie œtupaË vapma@ôn. 
{ LIQUIDAMBAR ; Baubin, TivaË , lb. r2; 6ecE. 6. 
Mr Lan 55 4 LIQUIDAMBAR SEYRACIFLUA ; foliis palmato-angulatis, lobis indivisis 
Le acutis. Linné, monoëcie polyandrie. Jussieu, clas. 15, ord. 3 , fa- 
mille des amentacées. 
Italien... .. : CE. 
Espagnol. . ESTORAQ 
POPRES dr is LIQUIDAMBREIRO 
Français... .. + STORAX; STYR 
ADR MAPPLE-LEAVED LIQUID AMBER. 
Allemand. ....... AMBERBAUM. 
Hollandais. ... ... . AmBER5OOM ; GULDENSOOM. 
US Pr GYLLENTRAED j 


Æ 


Le storax fluide, plus généralement connu sous Je nom de co- 
palme , est une résine liquide et jaunâtre produite par un arbre qui 
croît dans la Virginie, le Maryland et la Pensylvanie, nommé ligui- 
dambar styraciflua ; 4 ressemble à üun érable par son feuillage, 
mais il en diffère essentiellement par ses fleurs et ses fruits. 

Son tronc s'élève à la hauteur d'environ quarante pieds ; il sup- 
porte une cime pyramidale, d’un beau feuillage, dont les rameaux 
sont cylindriques, glabres et rougeâtres dans leur jeunesse. 

Les feuilles sont alternes, pétiolées souvent fasciculées sur le 
vieux bois, vertes à leurs deux faces, un peu visqueuses, palmées, 
divisées en cinq, quelquefois sept lobes divergens, allongés, très- 
aigus, finement dentés à leurs bords, un peu velus sur leurs nervu- 
res, chargés-de poils dans les aisselles de ces nervures. 

Les fleurs sont monoïques, réunies sur des chatons globuleux, en 
forme de grappes terminales un peu plus courtes que les feuilles. 

Les fleurs mâles sont munies à leur base d'un involucre à quatre 
ou cinq folioles inégales, membraneuses et caduques ; point de calice 


86e Livraison. 


STOR AX. 
ni de corolle; des étamines nombreuses, réunies en un paquet dense. 

Les fleurs femelles, placées. audessous des mâles, sur le même 
chaton, sont également pourvues d’un involucre à leur base, situées 
sur un réceptacle commun, sphérique , alvéolé : elles ont un calice 
campanulé, anguleux; point de corolle; un ovaire oblong, adhérent 
au calice; deux styles; des capsules bivalves, uniloculaires, enfon- 
cées dans les alvéoles du réceptacle, formant une boule hérissée de 
toute parts par les pointes saillantes des capsules. 

Les semences sont lisses, oblongues, mêlées dans les capsules 
avec des sortes de paillettes courtes, irrégulières. (P.) 

Le suc gommo-résineux qui découle spontanément de cet arbre, 
qu'on obtient , en outre, par des incisions pratiquées à son tronc, et 
quelquefois aussi par l'évaporation de la décoction aqueuse de ses 
branches et de ses rameaux, est connu dans le commerce sous les 
noms de s{orax et de styrax liquide. N ne faut pas le confondre avec 
le storax calamite, gomme-résine, qui s’en rapproche, du reste, 
beaucoup par sa nature chimique, par ses qualités physiques, et 
par ses propriétés médicales, mais qui paraît provenir du séyrax 
officinal , et qui offre une consistance solide. Le suc du liquidambar, 

tel qu’on le trouve dans le commerce, est une substance opaque 
glutineuse, de la consistance du miel, d’une couleur gris-brun, 
d’une odeur balsamique, très-forte, qui est très-suave au premier 
abord, mais qui devient bientôt fatigante, et d’une saveur aromati- 
que, chaude et amère, analogue à celle des résines. Sa composition 
chimique n’est pas bien connue; mais il paraît être composé d’une 
petite portion de gomme et de beaucoup de résine. 

Cette gomme résine a été jadis d’un très-grand usage dans Part 
de guérir; mais elle est singulièrement déchue aujourd'hui de son 
antique réputation; d'abord, parce qu’elle est presque toujours s0- 
phistiquée avec des résines, des huiles et autres substances, et en 
ce que les propriétés qu’on lui a attribuées dans certaines maladies, 
sont bien plus fondées sur l’analogie, qui est souvent trompeuse ; 
que sur des expériences directes. Toutefois, d’après ses propriétés 
physiques, et d’après l'impression vive et instantanée qu’elle exerce 
sur les organes du goût et de l’odorat , on est fondé à croire qu'elle 
agit sur l’économie animale , à la manière des baumes et des résines ; 


STORAX. 
en augmentant le ton des organes : c’est ainsi qu’il faut entendre 
les propriétés corroborante, résolutive, apéritive, incisive , excitante 
et emménagogue qu’on lui attribue, 

Toutefois, on n’en a guère fait usage qu'a l'extérieur; ainsi on a 
recommandé son application emplastique à l’épigastre, pour aug- 
menter l’action de l’estomac, et remédier aux effets de la débilité de 
cet organe. On paraît s'être bien trouvé de son emploi en onction 
le long de la colonne vertébrale et des nerfs principaux dans certains 
cas de paralysie. On a cru qu’elle était utile dans le traitement des 
engorgemens chroniques des viscères exempts de douleur. On a 
vanté ses succès contre l’hystérie , la chlorose et l’aménorrhée ; mais 
le styrax ne peut convenir, dans la première et la dernière de ces 
maladies, que dans les seuls cas où elles sont dues au défaut d’action 
ou à un état de torpeur de l'utérus. On lui a donné surtout beau- 
coup d’éloges comme vulnéraire , dans le pansement des plaies et des 
ulcères, où il ne peut cependant avoir aucun avantage, si ce n’est 
lorsque ces solutions de continuité sont exemptes de douleur et 
d’inflammation. 

Le storax ou styrax liquide est la base de l’onguent et de l’em- 
plâtre qui porte son nom. Mais ces topiques, jadis employés d'ung 
manière banale au pansement des ulcères et des plaies, sont aujour- 
d’hui bannis de la pratique chirurgicale par tous les chirurgiens qui 
ne sont pas demeurés étrangers aux progrès de cet art salutaire. 

Les parfumeurs font un grand usage du styrax pour les prépara- 
tions des parfums, des essences et des cosmétiques. Les Orientaux , 
à qui son odeur forte et suave plaît beaucoup, en font surtout une 
grande consommation sous ce rapport. On s'en servait jadis en 
France pour parfumer les gants et autres pelleteries. De temps im- 
mémorial il a été employé à l’embaumement des corps. Le bois 
du lquidambar styraciflua paraît même avoir été employé par les 
anciens, à la fabrication des cercueils odorans, qui contribuaient 
par leur arôme à parfumer les restes de ceux qui y étaient déposés, 


et à les garantir de la putréfaction. 


RIRSTEN (1.-J.), De styrace, dissertatio ; in-4°. Altdorfii, 1736, 


STORAX. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle.) 
1, Étamine détachée d'un chaton mâle. 4. Fruit. 


2. Chaton femelle. 5, Graine. 
3. Péricarpe détaché. 


STRAMOINE.. 


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CCCXXXIL 


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STRAMOINE. . 
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GTEs. + « MES LE Ar RE Dioscorides ” 


ns its spinoso oblongo fol lb Han, sd ; 
pue 5, sect, t 
STRAMONIUM fructu spinoge , rotundo, flore ste. simplici Tourne- 
fo n, 


Latin: FFSAPEIE rt, clas. 2, sect. 1,8 
DATURA STRAMONIUM ; péricarpiis Spinosis erectis ovalis, Jfoliis ovatis 
glabris. Linné, pentandrie monogynie. Jussieu, clas. 8 
famille des solanées. 
LORS EST STRAMONIO ; POMO nr US 
Espagnol. +++. ESTRAMONIO. gs: dé 
Portugais, ::3 5% pus ESTRAMONIA 
Français... ...... STRAMOINE; ss dE à AUX SORCIERS. 
anglais: gienr. THORN-APPLE à 
demand, .:,. .:: … « A TOLL date. re 4 
Hollandais PP 
DÉS LS + rer ELSKOVS-VILLIE. 
Suédois... .*. .  SPIKKLUBBA 
Polonais . + SRE > PSINKI 


USse. . .…: .. . , .- DURNISCHNIK. 


e els. sr 


LE stramoine est, à ce que l’on croit, originaire de l'Amérique. 
Cette plante, cultivée d’abord dans les jardins de l'Europe, s’est se- 
mée d° elle-même, turalisée, et propagée partout dans les champs, 


depuis plusieurs siècles, tant en Europe, que dans le Levant et la 


calice tubulé, vébtfa, à cinq angles, à cinq découpures ; une corolle 

fort grande ; slsnéer en form d’entonnoir, dont le tube s’évase in- 

sensiblement en un limbe nq angles, à cinq dents ; cinq étami- 
“ux lames ; une capsule Le ou héris- 


chées sur des __. épais ‘ , saillans, phouinés.. 
Cette plante pee une odeur narcotique et repouspantee Ses 


86: Livraison. 


STRAMOINE. 
tiges sont Rhsinsés, droites, glabres, herbacées, fistuleuses, très- 
ramifiées , hautes de deux ou trois pieds; ses rameaux diffus . un 
peu comprimés, tors ou cannelés. 

Les feuilles sont amples, pétiolées, alternes, glabres, ovales, 
élargies, molles, anguleuses, sinuées à leurs bords; les angles i iné- 
gaux , très-aigus. 

Les fleurs sont grandes , blanches ou un peu violettes, une fois 
plus longues que le calice, latérales, presque solitaires, soutenues 
par des pédoncules courts. 1 leur succède des capsules ovales, de la 
grosseur d’une prune , marquées de quatre sillons , armées de fortes 
pointes droites, raides, aiguës et piquantes ; elles renferment des se- 
mences noirâtres, réniformes, un peu comprimées. (F:) 

L'aspect sinistre de cette plante, l'odeur vireuse, nauséabonde et 
repoussante que ses différentes parties exhalent, sa saveur amère, 
nauséeuse , narcotique, sont autant d'indices de ses propr iétés véné- 
neuse et délétère. Nous ne possédons aucune analyse exacte de ses 
principes. Schwilgué y reconnaît toutefois de lhuile volatile et de 
l'extractif. On sait aussi que son suc, réduit à la consistance d’ex- 
trait, paraît contenir du nitrate de potasse. Du reste, l’analogie de 
ses effets avec ceux de l’opium, fait présumer qu’elle s’en papproe 
par sa composition chimique. 

Les effets vénéneux de cette plante ne sont point douteux, des 
expériences nombreuses et de malheureuses observations ont prouve 
que sa racine, ses feuilles, ses capsules et ses semences produisent 
les mêmes accidens. Elle agit à la fois comme narcotique et comme 
irritant , et mérite, à tous égards , le rang qu'elle occupe parmi les 
poisons narcotico-âcres. Elle ne se borne pas à produire l'ivresse , 
et toutes sortes d'actions et de paroles extravagantes ; les faits rap- 
portés par Swaine, Kramer, Vandermonde, Storck, Sauvages , 
Haller, Lobstein, Pinel, Alibert, et autres observateurs , attestent 
qu'elle détermine la soif et un sentiment de strangulation, le bal- 
lonnement du ventre, une chaleur vive, la rougeur de la face, la 
paralysie, des tremblemens la chorée ou des comulsions , l'hydro- 
phobie, un délire fnrieux, laliénation mentale, toutes sortes de 
gestes et de contorsions Rte Dans l'espèce d'ivresse que les 
Asiatiques se procurent par l'usage de différentes préparations, dont 


STRAMOINE. 

le stramoine est la base, ils éprouvent toutes sortes d'illusions fan- 
tastiques dans leur délire, et, d’autres fois , une fureur aveugle qui 
les pousse à commettre les plus grands crimes avec audace. Ses effets 
vont même jusqu’à donner la mort, ainsi que l’attestent divers ob- 
servateurs. Les vomitifs, donnés sur-le-champ, sont de tous les 
moyens le plus convenable pour remédier à lempoisonnement 
qu’elle occasione, et, lorsqu'on a ainsi expulsé les matières véné- 
neuses, on administre les boissons acidulées. 

Quels que soient les effets délétères de ce végétal, et la gravité 
des accidens auxquels son administration donne lieu, on a cher- 
ché à tirer parti de son action narcotique dans le traitement de 
certaines maladies. À l'extérieur, on l’a appliqué, soit en décoction , 
soit en cataplasme, sur les chancres et les carcinomes, contre la 
brûlure et les hémorroïdes, sur certaines tumeurs inflammatoires où 
autres, accompagnées de douleurs; sur les mamelles gorgées de lait , 
pour suspendre leur sécrétion. Sous ces différens rapports, elle à 
été décorée des titres d’hypnotique, anodine, résolutive, calmante, etc., 
parce qu’en assoupissant le sentiment de la douleur, elle a pu per- 
mettre le sommeil, et favoriser la résolution des engorgemens. 

A l’intérieur, on en a fait usage contre différentes maladies ner- 
veuses. Storck, le premier, a cherché à administrer le suc de ses 
feuilles épaissi , dans l’épilepsie et les convulsions. 1l a été suivi, dans 
cette pratique, par Odhel, Bergius, Durande, Maret, et autres 
praticiens , qui en ont fait usage dans ces affections, ainsi que dans 
la chorée, la manie, la mélancolie et autres névroses, mais avec des 
succès douteux ; car, s'ils en ont obtenu quelquefois des avantages , 

e plus souvent ils n’en ont retiré aucun résultat satisfaisant. 1] est 
même difficile d'admettre l'efficacité de cette plante narcotique, en 
principe, dans le traitement de ces névroses, jusqu’à ce que les cas 
particuliers où elle réussit aient été déterminés avec plus de soin 
et d’exactitude qu'ils ne l’ont été jusqu'à présent. En attendant, si 
l’on se borne à l'examen des effets immédiats de ce médicament sur 
l’économie animale, on voit qu'il excite ordinairement la nausée, 
qu’il occasione la soif, et qu'il augmente la sécrétion de la salive. Il 
excite quelquefois l'appétit , et produit, dans certains cas, de légères 
coliques, de la diarrhée ou la constipation; il provoque, en outre, 


STRAMOINE. 

dans diverses circonstances , la transpiration cutanée et la sécrétion 
urinaire. Son usage, long-temps continué, occasione, à certains ma- 
lades, des douleurs dans les membres, du prurit à la peau, le ho- 
quet, la somnolence, ou un sommeil très-agité. Il rend quelquefois 
les malades comme stupides et produit diverses anomalies de la vue 
et autres fonctions nerveuses; enfin, imprudemment administrée, 
cette plante peut occasioner l’inflammation de l'intestin, le narco- 
tisme et la mort, ce qui fait un devoir de ne l’administrer qu'avec une 
extrême circonspection. 

A l’imitation de Storck, on n’a guère employé que le suc des 
feuilles du stramoine, épaissi en consistance d'extrait. On peut l’ad- 
ministrer , sous forme pilulaire, à la dose de cinq à dix centigrammes 
(un ou deux grains), dont on augmente journellement la dose, jus- 
qu'à deux grammes (demi-gros) en vingt-quatre heures : mais si 
on la donnait, de prime-abord, en aussi grande quantité, on pro- 
duirait certainement l'ivresse , la somnolence et autres accidens ner- 
veux ; on pourrait peut-être, avec beaucoup plus d'avantage, admi- 
nistrer la plante entière, ou chacune de ses parties sèches et pul- 
vérisées, avec la même précaution que son extrait, et à la dose de 
quelques grains seulement. 

On dit que les Orientaux emploient cette plante narcotique pour 
se procurer cette espèce de délire voluptueux qui les soulage momen- 
tanément du fardeau de la servitude et de la vie. Les femmes turques 
en mêlent souvent aux liqueurs excitantes ‘qu’elles font prendre à 
leurs époux, sous prétexte de les exciter aux plaisir de l'amour, 
pour les endormir ou les stupéfier ; elles se vengent ainsi de l’es- 
clavage et de l'oppression de leurs tyrans, en se livrant alors avec 
sécurité à leurs intrigues amoureuses. On sait le criminel usage que 
des brigands firent pendant un temps en France du stramoime; ils 
en mêlaient au vin et autres liqueurs qu’ils offraient aux voyageurs, 
et ils les dépouillaient lorsqu'ils étaient assoupis. 

WEDENBERG, De stramonii usu in morbis convulsivis ; in-4°. Upsalæ, 1772. 
EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


+ F Te 


(La plant naturelle.) 


o 
r. Corolle ouverte pour faire voir les cinq 3. Fruit coupé horizontalement. 
élamines. 4. Graine isolée, 
2. Pistil. 


; 


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rt IE de 


Luméert we 


Zip 


SUCRE : 


LÉ 


J 


CCCXXXIIE £r CCCXXXIV. 


SUCRE. 


Ps ce se TARYApOV, 

ARUNDO SACCHARIFERA ; Bauhin, TsvæË, lib, r, sect. 3. 

SACCHARUM OFFICINARUM; floribus paniculetis, foliis planis. Linné, 
triandrie digynie. Jussieu, clas. 2, ord. 4, famille des graminées. 


S 
à 
ni. 
” 
ee 


ORNE ZUCCHERO 
Espagnol. . ...... AZUCAR, 
Portugais... ..... ASSUCAR 
Français... : 7. SUCRE 
Anglais. ss: 5. SUGAR 
Allemand... ..... ZUCKER, 
Hollandais. . ..... SUIKER 
mois: 2 SUKKER 
Suédois. es. 5-5. : SORKER 
RE... TER 


LE sucre, cette substance si agréable, si généralement répandue 
aujourd’hui chez toutes les nations, est le produit d’une simple gra- 
minée, que l’on nomme vulgairement canne à sucre où canamelle , 
et en latin saccharum officinale. W est très-probable qu’elle ure’son 
origine des Indes Orientales. Elle a été cultivée en Chine dès la plus 
haute antiquité : pendant bien long-temps les Egy PES; les _… 
les Latins n’ont connu d’autre sucre que celui qu’ils obtenaient d’une 
espèce de bambou, jusque vers la fin du treizième sous, époque à 
laquelle des marchands , qui faisaient le commerce ss pp en rap- 
portèrent la véritable canne à sucre, qui fut Dee d'abord dans 
l'Arabie Heureuse, puis en Nubie, en Égypte et dans l'Ethiopie. Quel- 
que temps après la découverte de l'Amérique, on la transporta aux 
Antilles, à la Guiane et dans toutes les îles Sa rte 

Cette précieuse graminée est d’un aspect très-agréable, __—. 

orsqu’elle est en fleurs. Ses racines Se fibreuses ” obliques ; géni- 
culées ; elles produisent plusieurs tiges me ge À luisantes, ue 
d’un pouce et plus, hautes au moins de En à dix pieds, et 7 
d’une moelle blanchâtre et sucçulente, nues à leur partie inférieure. 
D 3, 
86° Livraison, : 


de. 


de 


SUCRE. 

Ses feuilles, assez semblables à celles des roseaux , sont planes, 
striées, glabres , rudes à leurs bords, d’un vert glauque ou jaunâtre, 
larges d’un pouce, longues de trois où quatre pieds, traversées par 
une nervure blanche, terminées par une longue pointe aiguë. 

Un long pédoncule lisse, terminal et sans nœuds, supporte un 
très-beau panicule ample, argenté, long de deux pieds, divisé en 
ramifications grêles et nombreuses, chargé d’un grand nombre de 
petites fleurs blanches et soyeuses. 

Chaque fleur est composée de deux valves calicinales ; munies exté- 
rieurement et à leur base d’un duvet long et soyeux; elles ne con- 
tiennent qu’une seule fleur composée de deux valves corollaires; 
trois étamines; deux styles. 

La culture a obtenu de cette plante plusieurs variétés, mention- 
nées dans les ouvrages d'agriculture, et que plusieurs auteurs ont 
décrites comme espèces. : 

Le suc de cette plante, dont l’usage à été introduit en Europe 
par les Portugais, au commencement du dix-septième siècle, n’est 
pas moins remarquable par sa saveur douce et extrêmement agréa- 
ble, que par le grand nombre d’usages auxquels il est employé : 
il contient beaucoup d’eau, du sucre cristallisé, du sucre incristal- 
lisable, et un peu de gomme, de ferment, d’albumine ou de fécule 
verte, du ligneux et quelques sels ; il a une grande tendance à la 
fermentation acéteuse et alcoolique. 

Pour l'obtenir en grand, on coupe les tiges de la canne à sucre, 
trois ou quatre mois après la floraison ; on en sépare les feuilles , qui 
sont rejetées, et on les soumet à la pression entre deux rouleaux de 
bois durs, qu’on désigne sous le nom de roles, et qui sont mus en 
sens contraire par le mécanisme des moulins. Le suc doux et vis- 
queux qui en découle, est recueilli sous le nom de vesou ou vin de 
canne; et les tiges, qui en sont privées, portent le nom de Zagasse, 
et sont employées à la nourriture des bestiaux. Le vesou est porté 
dans des chaudières où on le fait bouillir avec un peu de chaux. 
Dans cette opération l’albumine se coagule, vient nager à la surface 
du liquide sous forme d’écume que l’on enlève avec une écumoire : 
alors on filtre la liqueur à travers une étoffe de laine placée sur une 
claie d’osier; on la laisse reposer puis on la décante pour en séparer 


SUCRE. 

quelques matières terreuses ; on la remet dans des chaudières, où 
on la fait évaporer jusqu’à consistance d’un sirop épais, et on la 
verse ensuite dans des caisses, dont le fond est percé de trous que 
l’on bouche avec des chevilles, Au bout de vingt-quatre heures, lors- 
que la matière commence à eristalliser, on lagite pour favoriser sa 
solidification ; cinq à six heures après, on débouche les trous du 
fond de la caisse pour donner issue au sirop non cristallisé , que, l’on 
recueille sous le nom de moscouade où miel de sucre, pour le sou- 
mettre à une nouvelle évaporation. La matière solide qui reste dans 
les caisses est exposée pendant quelques jours à l’action de l'air , et, 
lorsqu'elle est suffisamment desséchée, on la livre au commerce sous 
le nom de cassonade, sucre brut, etc. Dans cet état, le sucre con- 
tient diverses matières étrangères et jaunâtres , dont on le prive par 
le raffinage. Cette opération consiste à dissoudre la cassonade dans 
de l'eau, à y ajouter du sang de bœuf, et à soumettre le tout à l’é- 
bullition. L’albumine du sang, à mesure qu’elle se coagule dans cette 
opération , qui doit être répétée trois fois, s'empare de toutes les 
matières étrangères insolubles, et forme use écume que l’on enlève. 
Lorsque le liquide est ainsi bien. elarifié, on le passe à travers une 
étoffe en laine, on l’évapore. jusqu’à consistance d'un sirop épais, 
que l’on met dans des rafraichissoires. Quand sa température est 
descendue à 40°, on le verse dans des, cônes de bois, dont le som- 
met, dirigé en bas, doit être percé par un trou, que lon bouche 
avec une cheville : le sucre ne tarde pas à s’y cristalliser ; alors on 
débouche le sommet du cône, la partie liquide, qui porte alors le 
nom de mélasse, s'écoule dans des pots. disposés pour la recevoir; 
et le sucre qui reste dans les cônes, n’a plus besoin que de l’opéra- 
tion du terrage pour être entièrement purifié. Do 

Cette dernière partie du raffinage a pour objet de priver le ri 
des dernières parcelles de sirop coloré qu'il contient encore ; et 8 0- 
père ainsi : On recouvre la base des cônes de.sucre dans leurs mou- 
les, d’une légère couche d'argile delayée dans l'eau. Cette argile 
cède peu à peu son eau à la matière sucrée qu’elle traverse insensi- 
blement en entier, dissout complètement les particules sirupeuses ; 
et les entraîne avec elle par l'ouverture du sommet du cône par: 
elle s'écoule. Ce terrage doit être renouvelé quatre fois, à huit jours 


SUCRE. 
d'intervalles, pour rendre le raffinage parfait; alors les pains de 
sucre sont Pa de leurs cônes. On les laisse sécher pendant un ou 
deux mois à l’étuve, pour les affermir, et on les livre ensuite au 
commerce sous le nom de sucre pur, sucre raffiné. 

Dans cet état de pureté, le sucre est amorphe, blanc, brillant, 
d’une cassure grenue ou vitreuse, fragile, phosphorique, inodore, 
d’une saveur particulière, très-douce et extrêmement suave : il est 
entièrement soluble dans la salive, dans la moitié de son poids d’eau, 
et dans cent fois son poids d’alcool à 25°. Par l’évaporation lente de 
ses dissolutions, il est susceptible de cristalliser en prisme hexaèdres, 
terminés par des sommets à deux faces , et alors il prend de nom de 
sucre candt. 

Le sucre, tel que nous venons de le décrire, n’a pas été connu 
des anciens; et il est bien probable, ainsi que le remarque Murray, 
que la matière douce qu'ils employaient sous les noms de Zaxxyæpor, 
saxyxap, n'était autre chose qu’une substance sucrée , associée à 
beaucoup d’autres matières étrangères, telle que nous l'offrent en- 
core spontanément certains végétaux dans les contrées méridionales. 
Le sucre, en effet, ne se trouve pas seulement dans le suc de canne; 
il est un des matériaux immédiats des végétaux les plus répandus. 
On peut même l'obtenir en grand de la rave, du navet, de la bet- 
terave, de la carotte , du scorsonère, et autre racines mucilagineuses 
et sucrées. On le saite également des tiges du maïs, du sorgho et 
de plusieurs graminées; la moelle de certains nullitents le suc de 
l’érable, plusieurs espèces de lichen en fournissent une grande quan- 
tité : il est, en outre, plus où moins abondant dans les fruits de 
plusieurs palmiers, dans les figues, les raisins, les dattes, les juju- 
bes, les prunes, les pêches, les poires , les cerises, les groseilles , les 
châtaignes , et autres fruits soit à pépins, soit à noyaux , qui nous 
servent de nourriture. Mais ce n’est que par des procédés très- 
savans et très-compliqués qu’on l'isole des autres substances aux- 
quelles il est uni; et ces procédés étaient entièrement inconnus aux 
Grecs et aux Romains. 

Sous le rapport médical, le sucre jouit de propriétés adoucissan- 
tes, relâchantes et en même temps très-nutritives. En grande quan- 
tité, il devient même quelquefois purgatif. On lui a attribué, en ou- 


SUCRE. 
tre une vertu résolutive; mais cette propriété ne peut être en lui que 
le résultat de la faculté qu'il paraît avoir de calmer l'irritation des 
organes , irritation dont la cessation amène nécessairement le dégor- 
gement. C’est probablement à son action ses qu és Les rap- 
porter les succès que Lobb lui a att 


et calculeuses, we pour diminuer la douleur, soit pour énirainer les 
graviers qui se forment dans les reins. Chaque jour, en effet , on em- 
ploie avec succès sa solution aqueuse dans ces affections; et on pourrait 
en retirer le même avantage dans les maladies de la poitrine, dans 
celles de ring gras, et même riens les pütres dé aéli des 
voies urinai t i lui 


Beccher, sm Macbride, Dee PE aucun fondement vdi, 
puisqu'elles ne reposent que sur des expériences faites sur des matières 
animales privées de vie, dont le sucre retarde en effet la putréfaction : 
mais il n’en est pas moins vrai que le sucre, par ses qualités adoucis- 
santes et alimentaires, peut être d’une grande utilité dans le traitement 
des maladies faussement dites putrides, et particulièrement dans le 
scorbut, et les prétendues fièvres nerveuses et adynamiques. On sait 
que l'opinion populaire accuse le sucre de favoriser le développement 
des vers intestinaux chez les enfans; mais, sans invoquer, contre 
cette erreur , l’action délétère que le sucre, soit en poudre, soit en 
solution, exerce sur les lombrics terrestres, dont on les saupoudre, 
ou qui y sont plongés , ainsi que l’a expérimenté Rédi, n'est-elle pas 
suffisamment démentie par l'observation journalière de personnes 
exemptes de vers, quoique faisant usage de beaucoup de sucre ? 
Andry et plusieurs autres observateurs attestent même que cette 
substance a quelquefois provoqué l'expulsion d’une grande quantité 
de vers intestinaux, particulièrement d’ascarides lombricoïdes, et 
semblent lui accorder une vertu anthelmentique. Toutefois, de tou- 
tes ses propriétés médicales, la plus remarquable est sans contredit, 
celle que présente le sucré, de prévenir les accidens de l'empoison- 
nemeñt par le vert-de-gris,.et de neutraliser complétement l'action 
de ce poison, lorsqu'il est ingéré immédiatement en grande quan- 
tité, soit en poudre, soit en solution aqueuse. En effet, M. Duval a 
prouvé, par des expériences très-exactes, que le sucre, avalé en 
grande quantité, prévenait entièrement les accidens auxquels donne 


SUCRE. 
lieu ce sel cuivreux. Les expériences que M. Orfila à faites sur les 
chiens confirment pleinement ce fait; de sorte que l’on peut regar- 
der le sucre comme un des meilleurs antidotes dans cet empoison- 
nement. 

Appliqué à l'extérieur, comme topique, sous forme pulvérulente, 
le sucre à été regardé comme détersif, discussif et léger cathérétique. 
Ces propriétés sembleraient contredire la vertu adoucissante qui lui 
a été assignée plus haut. Mais je pense que dans ce cas le sucre en 
poudre agit mécaniquement , en irritant un peu les parties dénudées 
sur lesquelles on l’applique, jusqu’à ce que ses mollécules aient été 
dissoutes dans les liquides animaux. Ainsi on en recommande l’ap- 
plication en aspersion sur les ulcères blafards et atoniques, sur les 
fissures des mamelles, sans inflammation et peu douloureuses ; en 
insufflation sur les petits ulcères et les taies de la cornée. On pré- 
tend aussi qu’insufflé dans les fosses nasales, il a quelquefois guéri 
le coryza chez de jeunes sujets. Sa solution, dans l’eau, a été recom- 
mandée en gargarisme contre les aphtes des enfans, et contre certai- 
nes ulcérations de la bouche; en injection dans le conduit auditif 
externe, pour remédier à certains écoulemens sanieux de l'oreille, 
ten clystère pour solliciter doucement l’action du gros intestin. 

La vapeur épaisse, aromatiqueet suave du sucre brûlé passe pour 
avoir la propriété de purifier l'air et de sanifier les lieux infects. 
Toutefois, cette vapeur n’a pas plus d'action que les autres vapeurs 
aromatiques sur les miasmes contagieux et sur les émanations délé- 
tères : elle se borne à les masquer, à rendre le nerf olfactif insensi- 
ble à leur action ; et lorsque ces miasmes où ces émanations ont un 
caractère pernicieux, ils n’en agissent pas moins d’une manière fu- 
neste sur l'économie animale, ‘quoique à l'insu de l'organe de l’o- 
dorat. À 

Le sucre, considéré comme aliment, a eu beaucoup de détrac- 
teurs et d’apologistes. Les premiers, à la tête desquels se présente 
l'illustre Starck, accusent le long usage du sucre d’altérer le tissu 
des dents, d’occasioner des ulcérations sur les parois de la bouche, 
d'opérer Ja dissolution du sang et des humeurs, comme si un liquide 
pouvait être dissous , et de produire beaucoup d’autres inconvéniens 
également controuvés ou entièrement illusoires.“Ils se fondent sur 


SUCRE. 

ce qu'il donne la mort aux sangsues , aux vers qui sont plongés dans 
sa solution aqueuse, à des grenouilles, à des lézards, à des colombes 
à qui on en fait avaler une certaine quantité, Mais peut-on conclure, 
des effets en apparence délétères du sucre sur de semblables ani- 
maux, à ses qualités malfaisantes sur l’homme, dont l’organisation 
et la sensibilité diffèrent tant de celles des premiers ? Je ne le pense 
pas. M. Magendie, il est vrai, a observé que le sucre pur, à exem- 
ple de plusieurs autres substances privées d’hydrogène, donné pen- 
dant long -temps, pour seule et unique nourriture, à des chiens, 
finissait par amener la faiblesse , le marasme et la mort. Mais ne per- 
dons pas de vue que les expériences de M. Magendie n’ont été faites 
que sur des carnivores, et qu’on ne doit pas conclure , des effets d’un 
semblable aliment sur ces animaux , à son action sur les herbivores, 
ni sur l’homme, qui vit également de matières végétales et animales. 

Comment admettre d’ailleurs des qualités malfaisantes dans une 
matière que la nature semble avoir essentiellement créée pour la 
nourriture de l’homme et des frugivores, en la répandant en abon- 
dance , et souvent même avec une généreuse prodigalité, dans 
les substances qui, sur toutes les parties du globe, nous fournis- 
sent les alimens les plus agréables, les plus salutaires et les plus 
nourrissans , et qui est recherchée avec avidité par les insectes, par 
plusieurs oiseaux , par les rongeurs, par les herbivores, par les 
singes, et par l’homme surtout? Ne voyons-nous pas dans les colo- 
nies, les hommes qui sont employés à la fabrication du sucre, ac- 
quérir beaucoup d’embonpoint, et offrir tous les signes de la force et 
la santé la plus florissante, en mangeant en abondance de la mélasse, 
de la cassonade ou du sucre? Parmi nous, voyons-nous des man- 
geurs de sucre moins bien portans que ceux qui n’en font aucun 
usage? et, parrni les nombreux exemples de longévité que l’on pour- 
rait citer, chez les individus qui consomment habituellement une 
grande quantité de cette substance, on peut se rappeler le duc de 
Beaufort, qui, pendant quarante ans, en a mangé plus d’une livre. 
par jour, et a vécu jusqu’à soixante-dix ans; et le célèbre juriscon- 
sulte batave Coster , qui a poussé sa carrière jusqu’à l'age de quatre- 
vingt-dix ans, quoiqu'il en ait fait, pendant sa vie , une énorme con- 
sommation. : P 


SUCRE. 

Si cette substance, prise en excès, peut être nuisible, comme le 
sont les substances les plus salutaires dont on fait abus, elle n’en 
constitue pas moins , lorsqu'elle est prise avec modération, un ali- 
ment très-sain , très-nourrissant et très-agréable. Le sucre , en effet, 
plaît à presque tous les hommes ; mais il est plus particulièrement et 
plus vivement appeté par les enfans , par les femmes, par les vieillards, 
et par les sujets délicats et d’un tempérament nerveux, ce qui est 
encore une preuve de sa qualité alibile. Les adultes, et surtout ceux 
qui mènent une vie très-exercée, qui ont de la rudesse dans les ma- 
nières, des passions féroces , le goût blasé, et la sensibilité de l’es- 
tomac épuisée par lusage du vin, des liqueurs alcooliques, des 
épices et du tabac, y sont beaucoup moins portés. Par la même rai- 
son, les habitans du nord en font beaucoup moins usage que ceux 
du Midi, qui, en général, en font leurs délices, et auquels la nature 
le fournit en abondance dans les fruits et autres substances dont ils 
tirent presqu’entièrement leur nourriture. 

La pharmacie fait un grand usage du sucre pour édulcorer les bois- 
sons des malades, pour rendre certains médicamens plus agréables, 
et pour cacher l’amertume ou le mauvais goût de certains autres; 
pour favoriser la trituration du camphre, et autres drogues qui ne 
peuvent être pulvérisées sans cela; pour étendre, augmenter le vo- 
lume, et permettre de mesurer de très-petites quantités de certains 
médicamens très-actifs, tels que le kermès , le sublimé corrosif, l'é- 
picacuanba qu'on ne peut donner qu’à très-petite dose. Sous forme 
de sirop, il sert d’excipient, et conserve les qualités médicamenteu- 
ses de plusieurs substances , dont il rend l'administration facile; enfin, 
il entre dans la composition des conserves, des confections, des 
pâtes, des pastilles, des tablettes, des trochisques , des robs et autres 
préparations pharmaceutiques. Associé au mucilage d’orge, au suc 
des roses rouges , des violettes, etc., il porte le nom de sucre d'orge, 
rose, violet, etc. 

Sous le rapport de l’économie domestique , ses usages sont si nom- 
breux et si variés, que plusieurs arts s'occupent à l’envi de lui faire 
subir les formes nombreuses et les modifications variées propres à 
flatter le goût et la sensualité, Les ménagères l’emploient pour con- 
fire et conserver les fruits pulpeux et autres substances végétales ali- 


\ 


SUCRE. 

mentaires. Les cuisiniers l’associent avec avantage à diverses matiè- 
res nutritives , dans les crèmes, les beignets , les tourtes , les compo- 
tes, les marmelades et autres productions de leur art. Les limona- 
diers ne peuvent s’en passer dans la préparation des limonades, du 
punch, des glaces et des sorbets. Les confiseurs, dont l'occupation 
unique est de transformer le sucre et de l’associer de toutes les ma- 
nières possibles à d’autres substances , en forment une innombrable 
quantité de liqueurs, de pâtes, de confitures, de dragées et autres 
bonbons. Le suc de canne donne, par la fermentation, une liqueur 
alcoolique, un peu amère et puissant tonique, connue sous le nom 
de rum ou taffia. La plante elle-même, privée de son suc, sert de 
nourriture aux bestiaux , et de combustible pour alimenter le feu des 
chaudières où l’on évapore la mélasse; enfin , le sucre est un des pro- 
duits les plus remarquables de l'industrie moderne. C’est lui qui a 
donné tant d’activité, d’étendue et d'importance à la culture de la 
canne qui le produit : il est un des principaux objets du commerce 
qui s’exerce entre l'Ancien et le Nouveau monde, entre les colonies 
et leurs métropoles; il est employé, enfin, à tant d’usages divers , 
sous les rapports médical, diététique, pharmaceutique, économi- 
que, qu’il est devenu, pour toutes les nations civilisées, un objet de 
première nécessité. 


HOFFMANN (rridericus), Dissertatio sistens sacchari historiam naturalem et medicam ; in-4°. 


alæ, 1701. . 
auys, Dissertatio de sacchari effectibus salubribus et insalubribus in corpus humanum ; in-4°, 
Duisburgi, 1775. 


EXPLICATIONS. 
PLANCHE 333. 
(ia gène PRES" de sa grandeur naturelle.) 
1, Rameau de fleurs, composé de quelques 2. Fleur entière , grossie, 
épillets, détaché d'un panicule. 3. La même ouverte. 


PLANCHE 334. 


(La plante est réduite au quinzième de sa grandeur naturelle.) 


3. Le même ouvert. 


1. Épi. 
. 2, Epillet uniflore. 


584 


SUMAC VENENEUX 


ni 


CCCXXX V. 
SUMAC. 
[51 THÉ en ... pous, Dioscorides 


/Raus FoL10 uLMI; Bauhin, TivaË, lib. 2, sect, 4 
jar TRIPHYLLON , folio sinuato pubescente. Tournefort , 


UE. clas. ar, sect. 1, gen. 2. 

RBUS TOXICODENDRON ; foliis terratis, foliolis petiolatis angulatis pu- 
bescentibus, caule radicante. Linné, pentandrie trigynie. Jussieu, 
clas. 14, ord. 12 , famiile des térébinthacées. 

LIL, Be de sOMMA 
Espagnol. . ...... ZUMAQUE. 
PRRAERIE. . oi e « SUMAGRE. 
rangais.. SUMAC ; SUMAC VÉNÉNEUX 
NE 2) POISON-0AK 
Allemand... ..... GIFTSUMACH 
Hollandais. . , .... VERGIFTBOOM. ik 
DONNE AE UE FOERGIFTIGA TRAED, . 


LE caractère commun aux différentes espèces de sumac, consiste 


_ dans des fleurs hermaphrodites : mais, dans quelques espèces, on 


trouve aussi des fleurs mâles mêlées avec les hermaphrodites ; d’au- 
tres dont les mâles sont séparées des femelles sur des pieds différens. 
Le calice est petit, à cinq divisions ; la corolle à cinq pétales; les 
étamines au nombre de cinq; trois styles courts ; un petit drupe su- 
périeur , renfermant une, quelquefois deux ou trois semences osseu- 
ses, presque globuleuses. à 

Le sumac vénéneux, cultivé dans nos jardins , est un arbrisseau 
peu élevé. M. Bosc, qui l'a observé dans la Caroline, où il croît, 
ainsi que dans la Virginie et au Canada, m'a dit que c'était une 
plante grimpante, qui parvenait quelquefois jusqu’au sommet des 
plus grands arbres, et acquérait un tronc d'environ quatre pouces 
de diamètre. Dans sa jeunesse, ses tiges sont rampantes, et ses feuil- 
les sinuées ou dentées ; mais, dès que ces tiges rencontrent.un arbre, 
elles s'y cramponnent par de petites racines latérales, s'élèvent le 
long du trone, et se divisent en plusieurs rameaux. Ft 


87° Livraison. 


SUMAC. 

Les feuilles sont alternes , distantes, longuement pétiolées, com- 
posées de trois folioles pédicellées, minces, vertes, glabres, ovales, 
longues d'environ trois pouces, quelquefois pubescentes en dessous, 
d'ailleurs variables dans leur forme et leur grandeur, quelquefois 
anguleuses et même lobées , accuminées à leur sommet. 

Les fleurs sont dioïques, latérales et axillaires, disposées, vers 
l'extrémité des rameaux, en petites grappes courtes, glabres , médio- 
crement étalées, peu ramifiées, d’un vert blanchâtre, longues d’un 
à deux pouces. | 

Elles produisent de petits drupes secs, d’un blanc jaunâtre, striés , 
ne renfermant qu’une seule semence globuleuse et striée.  (P.) 

Ce végétal n’a point d’odeur manifeste ; mais il possède une âcreté 
virulente , telle que le simple contact de ses feuilles et de son écorce 
suffit pour déterminer, dans certains cas, une cuisson brûlante de 
la peau, avec rougeur, gonflement, vésication, en un mot, une vé- 
ritable inflammation érysipélateuse , accompagnée de pustules rem- 
plies d’une sérosité limpide, ainsi que Fontana et M. Amoureux l'ont 
éprouvé eux-mêmes. Cette plante, pulvérisée, introduite dans l’es- 
tomac d’un petit chien, à la dose de trois gros, et son extrait 
aqueux, appliqué sur le tissu cellulaire d’un autre chien , à la dose 
d'un gros et demi, n'ont produit aucun accident; mais le même 
extrait, à la dose de demi-once, soit qu’il ait été avalé par l'animal , 
soit qu’on l'ait introduit dans une plaie faite à la cuisse, a produit, 
le second ou le troisième jour, un grand affaiblissement, l’immobi- 
lité, l’insensibilité et la mort, sans laisser d’autres lésions anatomi- 
ques, que des traces d’inflammation de l'estomac, lorsqu'il avait été 
introduit dans cet organe, et dans le membre blessé, lorsqu'il avait 
été appliqué sur le tissu cellulaire. 

On n’est point d’accord sur la source des propriétés vénéneuses 
du toxicodendron. On a long-temps attribué ses effets délétères au 
suc laiteux , gommo-résineux , qu’il renferme ; mais, d’après les expé- 
riences de M. Van Mons, on est fondé à croire qu’elles résident 
dans un gaz particulier que cet arbre exhale pendant la nuit, à 
l'ombre et sous un ciel couvert, et qui, d’après l’auteur que nous 
venons de citer, paraît être un hydrogène fcarboné , tenant en disso- 
lution un miasme hydrocarboné, très-délétère. Une chose fort remar- 


SUMAC. 

quable, et bien digne de fixer l'attention des physiologistes , c’est que 
ce gaz, recueilli en plein jour, sous l'influence des rayons solaires , 
ne produit aucun effet, tandis que celui que l'arbre exhale en l’ab- 
sence du soleil, occasione tous les accidens d’une inflammation 
érysipélateuse et pustuleuse très-intense. M. Van Mons a reconnu, 
en outre, que les effets qu'il exerce sur l’économie animale, varient 
selon le degré de susceptibilité individuelle ; de sorte que tel individu 
n'en recevra aucune impression, tandis que tel autre en sera très- 
vivement affecté. 

Le suc laiteux de ce sumac ne paraît cependant pas plus exempt 
de qualités vénéneuses que le gaz qui s’en exhale. M. Alibert parle 
d'un de ses élèves qui en éprouva les effets nuisibles après se l'être 
inoculé. Toutefois, si l’on considère que ce suc, ainsi que l’a observé 
l'illustre Fontana, appliqué sur le tissu cellulaire des lapins, des 
cochons d'Inde et des pigeons, n’a produit aucun accident; que 
M. Boullon se l’est inoculé impunément ; si on remarque , en outre, 
que beaucoup d'animaux en mangent, en Amérique, sans en être 
incommodés , on sera tenté d'admettre qu’à l'exemple du gaz dont 
nous venons de parler, le suc laiteux du toxicodendron ne manifeste 
ses qualités délétères, et n’agit, comme poison ; que dans certaines 
circonstances dépendantes de Ja susceptibilité individuelle, et peut- 
être aussi de la quantité de la substance employée. 

En attendant que de nouvelles observations aient fixé définitive- 
ment les idées sur ce point, on peut conclure, provisoirement , que 
la poudre, l'extrait, le suc et les émanations gazeuses de cet arbre, 
agissent, dans certaines circonstances, sur l’économie animale, à la 
manière des poisons âcres et narcotiques , en déterminant une vive 
irritation locale , suivie d’une inflammation pustuleuse particulière; 
et, qu'après avoir été absorbés, ils stupéfient le système nerveux. 
Si ce poison avait été introduit dans l’estomac, les vomitifs, d’abord, 
et ensuite les boissons adoucissantes et laxatives, sont les moyens 
les plus propres à prévenir et a remédier aux accidens qu’il occa- 
sione; et, lorsque ses effets sont purement locaux , l'eau pure, que 
les Américains emploient pour les combattre, est bien préférable 
aux huileux et à l’'ammoniaque, qui ont été préconisés en Europe 
comme l’antidote du sumac. 


SUM AC. 

Malgré ses qualités vénéneuses , ce végétal a été introduit dans la 
matière médicale comme un médicament heroïque; et peut-être un 
jour aura-t-on à se féliciter de cette conquête moderne. Une foule 
d'observations tendent à établir son efficacité contre les dartres, et 
surtout contre l’hémiplégie et la paralysie. Dufrenoy, à Valencien- 
nes; Verdeyen Kok, Van Baerlen, Rumpel, à Bruxelles; Poutingon 
et Gouan , à Montpellier ; Alderson , Kellie et Duncan, en Angleterre, 
attestent, à l’envi, ses succès presque merveilleux dans ces maladies. 
Leurs observations paraissent même si concluantes, qu’on serait 
tenté d'admettre avec eux l'efficacité de ce végétal, s’il n’était plus 
sage de douter encore, quand on songe, suivant la remarque judi- 
cieuse de M. Alibert, combien ont été déçues les espérances qu’on 
avait fondées sur les vertus chimériques de tant d’autres plantes, 
dont les prétendues propriétés n’ont été ni moins exaltées, ni moins 
préconisées que celles du toxicodendron. 

Les feuilles de cet arbre, desséchées, peuvent être administrées 
en poudre à la dose de cinquante centigrammes à un gramme (dix 
à vingt grains), et, en infusion aqueuse, à dose double. On a eu 
plus souvent recours à leur extrait aqueux, que l’on donne d’abord 
à la dose de cinquante centigrammes (dix grains ), et dont on aug- 
mente successivement la quantité, jusqu’à une once par jour. 

L'écorce et les feuilles du rhus toxicodendron , ainsi que celles des 
rhus corearia, radicans , vernix et typhinum , contiennent beau- 
coup de tannin, de l'acide gallique, un peu de fécule verte, de 
gomme et de résine. Ces trois dernières espèces de sumac jouissent 
à peu près des mêmes propriétés que le toxicodendron, quoique à 
un plus faible degré. Le rhus corearia, ainsi nommé à cause de 
l’usage qu’en font les tanneurs pour la préparation des cuirs, a été 
mal-à-propos recommandé contre la diarrhée et la dysenterie. Son 
écorce est employée beaucoup plus utilement dans la teinture. Ses 
semences servaient jadis d’assaisonnement dans les cuisines. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est réduite aux denx tiers de sa d turelle.) 


La / 


r. Fleur entiere, grossie. 3. Graine. 
‘ruit. 


a, Fruit 


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CCCXXX VI. 
 SUREAU. 
Nr 5 à ax», Dioscorides. 


samsucus fructu in umbella nigro ; Bauhin, MivaË, lib. va, sect. 1. 
Tournefort, clas. 20 , sect. en. 3. 


||; << péhena SAMBUCUS NIGRA; cymis quinquepartilis, caule arboreo, Linné, pen- 
tandrie tryginie. Jussieu, elas. 11, ord. 3, famille des chèvre- 
feuilles. RER 2 
Italien... ., ..... sAmBuco; sAmBuGaARo. 
POPORNOT. .. . . re SAUCO. 
Fortigais:. it. SUBUGUEIRO. 
ER SUREAU ; SUREAU COMMUN. 
RO T. à - à COMMON ELDER. , 
Allemand. ....... HOHLUNDER ; HOLDER; FLIEDER. 
Hollandais. . ..... VLIERBO0M. 
RS se à HYLD. 
un CAE Pas FLAEDER. 
Pobaäisus À. gi BEZ. 
Br BUSINA. 
Lithuanien... ..... PLuSCHu KkOHRS " 
bois Say U-CHU-YU 


LE sureau croît avec facilité dans toute sorte de terrain, quoi- 
qu'il préfère les sols un peu humides et les haies, où il produit se 
très-bel effet par son feuillage élégant , et par ses jolies fleurs d’une 
odeur douce, d’une blancheur éclatante, relevée par le vert foncé 
des feuilles. Théophraste et Dioscorides l'ont mentionné sous le nom 

*«x8y. Son caractère essentiel consiste dans un calice à cinq divisions 
courtes ; une corolle en roue, à cinq lobes ; cinq étamines alternes, 
avec les divisions de la corolle; trois stigmates sessiles; une baie à 
trois semences. 

Cet arbrisseau s'élève à la hauteur de huit à douze pieds et plus. 
Son écorce est de couleur cendrée; son bois blanc et ere , Ses r'a- 
meaux verts, fistuleux, remplis d’une moelle abondante très-blanche. 

Les feuilles sont opposées, pétiolées , ailées avec une impaire , 
glabres, d’un vert foncé, composées de cinq à sept _—— oppo- 


87 Livraison. 


SUREAU. 
sées, pédicellées, ovales-lancéolées, dentées en scie, acuminées. 

Les fleurs sont blanches, odorantes, petites et nombreuses , dis- 
posées en un ample corymbe terminal , presque en ombelle, sur des 
pédôncules partiels et rameux. 

Leur calice est glabre , fort petit; leur corolle à cinq lobes conca- 
ves, obtus; les baies succulentes, un peu globuleuses, d’abord rou- 
ges, puis noires en mürissant. On en connaît une variété à fruits 
blancs , une autre à fruits verts. Une des plus remarquables est celle 
à feuilles laciniées, quelquefois panachées. É À 

L'écorce moyenne du sureau est inodore ; mais elle est remarqua- 
ble par sa belle couleur verte, et par sa saveur douceâtre, amère, 
âcre et nauséeuse. L’odeur de ses feuilles est fétide, et très-repous- 
sante lorsqu'on les froisse, et leur saveur est herbacée et nauséeuse. 
On connaît la saveur amère des fleurs , et surtout l'odeur aromati- 
que, fragrante, qu’elles exhalent dans l’état frais, comme après la 
dessiccation, odeur qui, suave au premier abord, devient bientôt 
fatigante et nauséabonde. Quant aux baies, elles sont inodores, d’un 
goût acidule, et renferment une pulpe molle, de couleur pourpre, 
qu’elles communiquent à la salive et à divers tissus. Lorsqu’elles 
sont desséchées , elles sont improprement désignées sous le nom de 
grana actes, graines de sureau. Les véritables semences de cet arbre 
sont très-petites, et renferment une certaine quantité d'huile grasse. 
Les fleurs de sureau fournissent une très-petite quantité d'huile vo- 
latile. Par la distillation, l’eau et l'alcool se chargent de leur arôme 
et de leurs qualités actives. Du reste, on ne connaît point encore la 
nature chimique des principes auxquels les différentes parties de ce 
végétal doivent leurs propriétés médicales, 

Toutes ces parties, dont les propriétés physiques semblent indi- 
quer une action très-prononcée sur l’économie animale, agissent à 
la manière des toniques amers et aromatiques, en excitant l’action 
des organes; et toutes sont plus ou moins vomitives et purgatives : 
cependant, les fleurs ne produisent cet effet que dans l’état frais. 
Lorsqu'’elles sont desséchées elles agissent plus particulièrement sur 
les exhalans cutanés, et augmentent la transpiration ou provoquent 
la sueur, ce qui leur à acquis une sorte de réputation, comme 
diaphorétiques et sudorifiques. Les meilleurs praticiens s'accordent 


SUREAU. 

à regarder , sous ce rapport, leur infusion comme très-utile à Vin- 
vasion des catarrhes pulmonaires, du coryza , de l’angine, et autres 
affections soit du poumon, soit de l'intestin , qui tiennent à la sup- 
pression de la transpiration. On en fait également usage, avec suc- 
cès, dans la dernière période du catarrhe bronchique et des affec- 
tions pulmonaires lorsqu'il n’y a plus ni fièvre, ni chaleur, mi soif, 
pour appeler les forces vitales à la périphérie du corps. On a surtout 
vanté leurs succès dans la répercussion de la variole, de la rougeole, 
de la scarlatine et autres exanthèmes, produite par l’action du froid, 
ou par un état de débilité générale, pour ramener léruption à la 
peau. Comme topique, on les applique, soit en infusion , soit dans 
des sachets, sur les engorgemens pâteux des articulations, sur des 
tumeurs froides, et sur les membres œdémateux, pour en opérer la 
résolution. 

Les baies sont manifestement purgatives; mais, comme légère- 
ment excitantes, on leur a également accordé des propriétés sudo- 
rifiques et apéritives. Hippocrate les employait, comme drastiques, 
dans l’hydropisie, et dans certaines maladies de lutérus. Parmi les 
modernes , le rob qu’on en prépare a été surtout préconisé comme 
sudorifique , et même propre à combattre les rhumatismes. Quant 
aux semences, elles passent pour être laxatives. 

L’écorce et les feuilles du sureau en sont les parties les plus éner- 
giques; elles excitent le vomissement, et purgent avec violence : 
elles produisent même quelquefois une si grande sécrétion du mucus 
intestinal, et des évacuations alvines si abondantes, qu’il en résulte 
un état de débilité et de somnolence , qu’on a attribué à la vertu nar- 
cotique de ce végétal, mais qui pourrait bien n'être que l'effet de la 
violente irritation qu’elles déterminent sur le canal intestinal. Hip- 
pocrate employait surtout ces feuilles dans l’hydropisie et dans la 
suppression des lochies , contre laquelle elles ne pourraient être que 
nuisibles si la suppression de cet écoulement était due, ainsi que 
cela a lieu le plus ordinairement , à l'inflammation de l'utérus ou du 
péritoine. L’écorce moyenne a été également préconisée comme un 
excellent hydragogue. Boerhaave, Sydenham , et autres observateurs , 
attestent, sous ce rapport, son efficacité contre l'hydropisie ascite , 
où l'on sait que les drastiques réussissent en effet assez bien, lors- 


SUREAU. 
qu’elle est primitive , accompagnée d’atonie, et exempte d'inflamma- 
tion ou de lésions organiques. Les feuilles faîches passent pour avoir 
la propriété, douteuse à mon avis, de calmer la douleur des hémor- 
roïdes , sur lesquelles on les applique. Rudolphi cite même un exem- 
ple de leur succès dans un cas semblable. 

Cette écorce, ainsi que les feuilles, peuvent être administrées , à 
la dose de trente-deux grammes (une once), en décoction dans un 
kilogramme (deux livres) d’eau ou de lait. Leur suc , exprimé, 
purge à la dose de quatre à seize grammes; les baies, ainsi que le 
rob qu’on en prépare, produisent le même effet à la dose de quatre 
à seize grammes ( un à deux gros), et les semences à celle de seize 
à trente-deux grammes (une once). On administre les feuilles en in- 
fusion théiforme convenablement édulcorée. L'eau distillée des fleurs 
du sureau , l'esprit et le vinaigre qu’on préparait jadis avec ses baies, 
ne sont plus employés de nos jours. Le miel, l’emplâtre, le julep 
du sureau, et autres nombreuses compositions pharmaceutiques 
dont ce végétal fait partie, sont dignes d’un éternel oubli. 

Le bois de sureau, à cause de sa dureté, est utile aux tour- 
neurs et aux tabletiers pour plusieurs ouvrages. Les fleurs , lors- 
qu’on les fait fermenter avec le vin, donnent à ce liquide une odeur 
de muscat très-agréable; et les marchands de vin s'en servent très- 
souvent, sous ce rapport, pour fabriquer du vin de Frontignan. 
On dit que les baies du sureau tuent les poules, et que les fleurs 
sont funestes aux dindons. Murray rapporte aussi que le sureau est 
tellement redouté des chenilles, qu’on peut en préserver facilement 
les fruits et les plantes oléracées qu’elles dévorent, en plaçant autour 
des rameaux de sureau chargés de leurs feuilles et de leurs fleurs. 
L'ombre de cet arbre passe également pour être dangereuse pour 
l’homme. Les oiseleurs tirent un grand parti de ses baies, qui sont 
avidement recherchées par la plupart des oiseaux, pour les attirer 
et les prendre dans leur filets. 

EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est rédnite à la moitié de sa grandeur naturelle.) 


1. Fleur entière, grossie. 
* h 


4. Fruit de grosseur naturelle. \ 
2. Calice, 5. Le même coupé horizontalement. 
in 


6. Graine 


3.. Corolle renversée, 


7? urpin +: Lambert LS. cui ; 


all. 


| CCCXXX WII. 


TABAC. 


{ NICOTIANA MAJOR LATIFOLIA; Rank, TivaË, lib, 5, sect. r. Tourne- 
fort, clas. 2, sect. 1, 
Latin... .{ icortim TABACUM ; fobs 1 à APP ovatis sessilibus decurrentibus, 
: | floribus acutis. Linné, pentandrie monogynie, Jussieu, clas. 8 
ord. 8, famille des solanées. 
Cco. 


Han... .: 2 ° - TABA 
£spagnol, . ... “+. TABACO. 
Portapais, . 4, L:: TABACO. M 
Prengais, : À: 2 4. . TABAC; NICOTIANE ; PETUN ; HERBE A LA REINE, 
Anglais. ........ ronacco. 
MORE 5 5 Se . TABAK; TOBAK. 
Hollandais... vasax 
DRE, . OBAKR 
Sd. TOBAK, 
AN rise tu TAMEK 
Brésilien... ..... prrune 
Boôhémien, : ....:. QUAURYETL. “ É 
x 


ms 


‘u tabac n’était d'abord qu'une plante sauvage qui croissait ve ; 
rée dans quelque cantons de l'Amérique; mais depuis que les Euro- 
péens en ont fait un objet de jouissances habituelles et diversement 
modifiées , la culture du tabac est devenue la base d’un commerce 
très-étendu. Les habitans de la Floride et du Brésil le nomment 

s, qui le découvrirent pour la première fois à 
l’île de Tabaco, dans la mer du Mexique, lui donnèrent le nom de 
tabac : 1 fut ensuite appelé nicotiane, du nom de M. Nicot , ambas- 
sadeur. de France à la cour de Portugal. A son retour en France, 
il présenta à la reine Catherine de Médicis, du tabac qui il avait regil 
d’un marchand flamand. D’autres personnes , qui, les premières, in- 
“troduisirent le tabac ‘dans plusieurs autres royaumes de l'Europe , 
lui donnèrent leur nom; mais celui de tabac a été le seul conservé 
en francais , et en latin celui de ricotianu. 


87e lâvraison. 


TABAC. 

Le caractère essentiel du tabac consiste dans un calice persistant, 
à cinq divisions; une corolle infundibuliforme; le limbe divisé en 
cinq lobes; cinq étamines ; un ovaire supérieur; un style; un stig- 
mate échancré. Le fruit est une capsule ovale, à deux loges , à deux 
valves, s’ouvrant au sommet ; les semences nombreuses, attachées à 
un placenta adhérant à la cloison. 

On connaît plusieurs espèces de tabac : celle dont il est ici ques- 
tion est la plus commune. Ses tiges sont cylindriques, assez fortes, 
un peu fistuleuses, légèrement pubescentes, ramnifiées, glutineuses, 
ainsi que toute la plante, hautes de quatre à cinq pieds. 

Les feuilles sont molles, fort grandes, sessiles , un peu décurren- 
tes à leur base, ovales-lancéolées, aiguës, très-entières , vertes, pres- 
que glabres. 

Les fleurs, d’un pourpre rougeñtre, sont disposées en un beau 
panicule terminal ; la corolle est velue en dehors ; son tube une fois 
plus long que le calice; le limbe plane, à cinq lobes aigus ; les cap- 
sules ovales, marquées d’une rainure de chaque côté, accompagnées 
du calice persistant, un peu velu. ni va 

Cette plante exhale une odeur forte, piquante et vireuse. Sa sa- 
veur est âcre, amère, nauséabonde, Ses feuilles , qui sont seules en 
usage, d’après l'analyse de M. Vauquelin contiennent une grande 
quantité d'albumine, une matière rouge peu connue, qui se bour- 
souffle beaucoup quand on la chauffe , et qui se dissout dans l’eau et 
dans l’alcool; un principe âcre, volatil, incolore, bien soluble dans 
l'alcool, beaucoup moins soluble dans l’eau , et auquel le tabac doit 
ses propriétés vénéneuses ; de la résine verte, du ligneux , de l'acide 
acétique, et plusieurs sels à base de chaux, de potasse et d’am- 
moniaque. Lorsqu'on les distille, elles fournissent une huile em- 
pyreumatique, qui surpasse en âcreté et en virulence tous leurs au- 
tres produits les plus vénéneux. 

Le tabac, dont l'usage a été introduit en France, en 1550, par 
Nicot, ambassadeur français en Portugal , agit, sur l’économie ani- 
male, à la manière des poisons âcres et narcotiques; il détermine 
l'irritation , et même l’inflammation des organes avec lesquels on le 
met en contact, et, porté par absorption sur le système nerveux, il 
opère la sédation des propriétés vitales. Si on lapplique sur la pi- 


+ 


TABAC. 
tuitaire, il détermine l’éternûment, et augmente la sécrétion du 
mucus nasal. Lorsqu'on le mâche , il excite une abondante sécrétion 
de salive et de mucosités buccales. Quand on l’avale, il occasione des 
nausées, des vomissemens, l’anxiété, d’abondantes évacuations al- 
vines; quelquefois aussi il semble solliciter l’action des reins ou celle 
de la peau, et provoquer la diurèse ou des sueurs abondantes ; mais, 
plus souvent, il donne lieu aux vertiges, à la céphalalgie, au trem- 
blement , à des défaillances, à la paralysie, aux convulsions, à l’état 
comateux , à l’apoplexie. S’il a été pris en assez grande quantité, la 
mort survient à la suite de cette série d’accidens formidables ; et l’on 
trouve souvent alors des traces d’inflammation ou d’ulcération sur 
les parties avec lesquelles le poison a été mis en contact, sans au- 
cune altération sensible dans le système nerveux. D’après les expé- 
riences que MM. Brodie et Orfila ont tentées, à ce sujet, sur des 
chiens, des chats et des lapins, ces phénomènes sont également 
produits par le tabac en substance, par sa décoction, par son extrait 
aqueux et par sa fumée. Ils ont également lieu , soit qu'il soit intro- 
duit dans l’estomacou dans le rectum, appliqué sur des surfaces dé- 


. nudées, inséré dans le tissu cellulaire, ou injecté dans les veines; soit 


qu’il ait été simplement appliqué sur la peau affectée d'excoriations. 


Quelquefois même ces effets délétères se manifestent par la seule ap- 


plication de la poudre ou de la fumée de tabac, en trop grande quan- 
tité, sur la membrane muqueuse de la bouche ou des fosses nasales : 
ainsi on a vu des hommes tomber dans la somnolence, et mourir 
apoplectiques, après avoir pris par le nez une trop grande quantité 
de cette poudre. Le célèbre Santeuil éprouva de violens vomissemens 
et des douleurs atroces, au milieu desquelles il expira, après avoir 
bu un verre de vin, dans lequel on avait mis du tabac d’Espagne. 
Murray rapporte l’histoire de trois enfans qui furent pris de vomis- 
semens, de vertiges , de sueurs abondantes, et moururent, en vingt- 
quatre heures, au milieu des tremblemens et des convulsions, pour 
avoir eu: la tête frottée avec un liniment composé de tabac, dans 
l'espoir de les délivrer de la teigne. 

Ces faits, et beaucoup d’autres qu’on pourrait ajouter, prouvent 
bien manifestement les propriétés délétères de cette plante solanée; 
mais rien n’égale la virulence extrême, et la redoutable énergie de 


TABAC. 

' huile empyreumatique qu’on en retire par la distillation. Cette sub- 
stance est tellement vireuse, qu'appliquée sur la langue d’un chien de 
moyenne taille, à la dose d’une seule goutte, elle a produit de vio- 
lentes convulsions et une mort prompte. Le même effet à lieu lors- 
qu’elle est introduite dans l'estomac , dans le rectum, ou dans le tissu 
cellulaire des chiens et des chats, sur lesquels on en a fait la triste 
expérience. 

Les émanations de cette ss solanée , elles-mêmes, ne sont pas 
exemptes de dangers : on a vu le narcotisme et tous les accidens que 
nous avons indiqués plus haut, être produits instantanément chez 
des sujets qui y avaient été subitement exposés. On peut juger, d’ail- 
leurs , par la maigreur,, le teint hâve, et la décoloration générale des 
ouvriers qui sont employés dans les manufactures de tabac, de la 
pernicieuse influence de ses émanations. D’après l'observation de 
M. Cadet de Gassicourt, ces ouvriers sont même exposés à des ma- 
ladies particulières, telles que des vomissemens, des coliques, la 
céphalalgie, les vertiges, les flux de sang , le tremblement muscu- 
laire, et des affections aiguës et chroniques de la poitrine , qui n’ont 
pas d’autres sources que ces émanations délétères. 

Il résulte, de toutes ces considérations, que le tabac est doué de 
propriétés vénéneuses très-énergiques; que sa partie la plus active 
paraît résider dans ses principes solubles et dans son huile empyreu- 
matique; que ses effets délétères paraissent dépendre d’une action 
spéciale sur le système nerveux, et d’une irritation locale susceptible 
d’enflammer les tissus avec lesquels il est mis en contact. 

Cependant on n’a pas craint d'employer une substance aussi vé- 
néneuse dans le traitement de diverses maladies. À l’intérieur, on en 
a particulièrement fait usage dans l'asthme, la paralysie et les affec- 
tions soporeuses.: En lavement, il a été recommandé, comme anthel- 
mentique, contre les ascarides vermiculaires qui s'accumulent quel- 
quefois en si grande quantité dans le rectum; mais c’est surtout con- 
tre l’asphyxie qu'il a été plus spécialement administré, sous cette 
forme, soit pour solliciter les évacuations alvines , soit pour déter- 
miner une vive irritation , qui puisse se transmettre, de l'intestin, qui 
est un des organes les derniers vivans, au reste de l’économie, quoi- 
que la vie y paraisse déjà éteinte , ainsi que cela a lieu à la suite de 

Ll 


TABAC. 

submersion , de la strangulation ou de l'asphyxie par défaut d'air 
respirable : dans ce cas, on peut l’introduire dans le rectum, soit en 
décoction, soit en fumée, au moyen de divers appareils, plus ou 
moins ingénieux , qui ont été inventés pour cet objet. Diemerbroeck 
regardait l’usage du tabac comme un excellent prophylactique contre 
la peste. Administré intérieurement, à petite dose, on lui a égale- 
ment attribué la propriété de résoudre les obstructions commençan- 
tes, et surtout les engorgemens des glandes mésentériques ; mais 
l’une et l’autre de ces assertions sont entièrement dénuées de preuves, 
et également illusoires. 

Comme topique, le tabac en feuille, en poudre ou en fumée, peut 
être introduit dans la bouche et dans le nez pour augmenter les sé- 
crétions buccales et nasales, pour exciter l’éternûment , et pour opé- 
rer , par ces émonctoires naturels, une dérivation salutaire dans cer- 
taines maladies de la tête. Ainsi on en a recommandé l'usage, et il 
a été quelquefois employé avec succès contre la céphalalgie, les 
douleurs de dents, certaines surdités ou autres lésions de l’ouie, 
dans l’enchifrenement ancien, l’ophthalmie chronique, les fluxions 
habituelles sur la figure, et autres affections locales exemptes d’in- 
flammation et de chaleur, ou d’une nature froide et indolente. 

À l'extérieur , on s’en est quelquefois servi, comme excitant, pour 
déterger des ulcères atoniques , pâles, blafards, sanieux et putrides; 
pour guérir la gale et la teigne; pour faire disparaître les poux de 
la tête et du pubis : mais, de quelque manière qu’on l’emploie, il 
ne faut pas perdre de vue qu’il est un poison dangereux, et que, 
chez les sujets qui n’y sont pas habitués, il peut produire les acci- 
dens les plus graves, tels que le tremblement, les convulsions, la 
paralysie, le coma, l’insensibilité et la mort. On doit chercher, par 
conséquent , à le remplacer, dans les cas où il est indiqué, par d’au- 
tres médicamens susceptibles d'opérer les mêmes effets, et exempts 
de ses inconvéniens. 

Quoique son usage habituel ou diététique soit quelquefois très- 
utile aux sujets épais, lourds, replets et chargés d'embonpoint, aux 
temperamens lymphatiques, aux individus d’une constitution hu- 
mide et froide, dont la sensibilité est obtuse, dont les membranes 
muqueuses sont habituellement surchargées de mucosités; en géné- 


TABAC. 
ral, il ne convient point aux personnes maigres et délicates ; aux 
tempéramens nerveux, aux constitutions sèches et très-irritables : 
il est surtout nuisible aux sujets qui sont disposés au tremblement 
et aux convulsions. Des observateurs dignes de foi attestent même 
que son usage, modéré, a aggravé diverses névroses, et provoqué 
le retour de l’épilepsie, de l’hystérie et de la manie. 

Comme émétique, les feuilles de tabac, séchées, se donnent inté- 
rieurement, en décoction ou en infusion, de deux à quatre ou six 
grammes dans un kilogramme d’eau : on donne la même prépara- 
tion en lavement. Leur extrait aqueux peut être administré à la 
dose de cinq à vingt-cinq centigrammes. Le fameux sirop de Quer- 
cetan, préparé avec l’infusion de tabac, le miel et le vinaigre, a été 
employé de huit à trente-deux grammes pour une dose. 

En voyant de toutes parts les hommes fumer , priser ou mâcher 
du tabac, sur toutes les parties du globe, à toutes les latitudes, sous 
l'influence de tous les climats , dans tous les degrés de la civilisation, 
dans toutes les conditions de la vie sociale, dans les palais et dans 
les chaumières, sous la tente et sur le tillac; en considérant qu'il est 
partout vivement appeté, que partout on est avide de la sensation 
qu’il produit , que sa privation cause un malaise et un véritable tour- 
ment difficiles à supporter par ceux qui y sont habitués; qu’en tous 
lieux , enfin, son usage est tellement nécessaire, qu’il est devenu une 
source abondante de richesses pour la plupart des gouvernemens 
habiles à spéculer sur les vices des peuples et sur le penchant irré- 
sistible du vulgaire à limitation; en se livrant à ces considérations, 
dis-je, on aurait lieu d’être surpris que les accidens formidables, et 
souvent funestes, qui peuvent en être la suite , ne se manifestent pas 
plus souvent chez les personnes qui en font usage, si l’on ne savait 
que l'habitude a l’heureux privilège de rendre l’économie animale 
insensible aux influences les plus délétères, et de neutraliser, en 
quelque sorte, les causes les plus pernicieuses. 

Cependant, comment se fait-il qu'une substance aussi vireuse , et 
qui, lorsqu'on n’y est pas habitué, affecte très-désagréablement nos 
organes , soit devenue un objet si précieux pour tant de nations sau- 
vages, barbares ou plus où moins civilisées? Ce n’est pas ici le lieu 
de résoudre cette importante question médico-philosophique. Obser- 


TABAC. 

vons, toutefois, qu'en vertu de son organisation, l’homme a sans 
cesse besoin de sentir; que presque toujours il est malheureux, soit 
par les fléaux que la nature lui envoie, soit par les tristes résultats de 
ses passions aveugles, de ses erreurs, de ses préjugés, de son 1gno- 
rance et de ses barbares institutions. Le tabac exerçant sur nos orga- 
nes une impression vive et forte, susceptible d’être renouvelée fré- 
quemment et à volonté, on s’est livré avec d’autant plus d’ardeur 
à l'usage d’un semblable stimulant, qu'on y a trouvé, à la fois, le 
moyen de satisfaire le besoin impérieux de sentir, qui caractérise la 
‘nature humaine, et celui d’être distrait momentanément des autres 
sensations pénibles ou douloureuses qui assiègent sans cesse notre 
espèce , que le tabac aide ainsi à supporter l’accablant fardeau de la 
vie. Avec le tabac, le sauvage endure plus courageusement la faim, 
la soif, et toutes les vicissitudes atmosphériques ; il aide le barbare 
et l'esclave à souffrir patiemment la servitude, la misère, l’oppres- 
sion et le honteux avilissement auxquels il est éternellement con- 
damné sous le despotisme. Parmi les hommes qui se disent civilisés, 
son secours est souvent invoqué contre l'ennui et la tristesse; il 
soulage quelquefois momentanément les tourmens de lambition 
déçue de ses espérances, et concourt à consoler, dans certains cas, 
les malheureusés victimes de l'arbitraire et de l’injustice. 

Aussi voyons-nous que le tabac est beaucoup plus avidement re- 
cherché par les peuples sauvages ou entièrement barbares, que.par 
les nations dont la civilisation est la plus avancée, et que son usage 
est beaucoup moins étendu parmi les hommes qui vivent dans un 
beau climat, au milieu de l'abondance , et sous l'égide tutélaire des 
lois, que parmi ceux qui habitent un pays malsain, qui végètent 
sous un ciel inclément, ou qui sont soumis aux caprices d’un maître. 
Il est aussi d’un usage beaucoup plus fréquent dans les classes abjec- 
tes, avilies, et les plus malheureuses de la société, telles que les sol- 
dats, les marins, les hommes livrés aux arts mécaniques, les men- 
dians, qui sont sans cesse sous Ja Fpoiance des hommes et des 
choses, que dans les classes qui jouissent d’un certain degré de hi- 
berté et d’aisance, dont l'existence morale est bien développée, qui 
cultivent leur raison, exercent leur esprit, et se livrent à létude 
des sciences ou aux professions libérales; et si, dans cette dernière 


TABAC. 

classe, on voit quelques individus asservis à l'habitude du tabac, ce 
sont bic plus souvent des hommes à passions noires et concentrées, 
des égoistes, des ambitieux, des êtres altérés de la soif de l’or ou du 
pouvoir , dévorés par l'envie, rongés par les soucis, ou tourmentés 
par les remords; des despotes farouches, d’avides conquérans, de 
sanguinaires usurpateurs, que des hommes portés à la bonté et à la 
bienveillance, aux doux épanchemens de l'amour et de l'amitié, dont 
les idées sont libérales, l’âme élevée, les sentimens affectueux, et 
qui sont animés d’une ardente et généreuse philantropie. Ces der- 
niers peuvent s’arrêter et se complaire dans ces nobles et précieux 
sentimens , source intarissable du vrai bonheur; les autres, en proie 
aux soucis rongeurs , aux passions les plus sinistres, ou aux tortures 
d’une âme coupable, ont besoin d’affaiblir leurs tourmens par des 
sensations violentes. De là l’usage du tabac et de tant d’autres sti- 
mulans , tels que l’opium, l’eau-de-vie , etc., où tant d'hommes mal- 
heureux , et pr de nations mal civilisées vont chercher un allège- 
ment passager à leurs souffrances. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


"af L t t rédni a 1 Sie EL F | \ ra 
{ P £ naturelle. } 


1. Feuille inférieure , au trait. &. Fruit. 
2., Pistil. 5. Le même coupé en trave 
- Base d’une corolle sur laquelle sont in- 6. Graines de grosseur Se 


sérées cinq étamines d’inégale gran- 7. Une autre, grossie. 
eur, 


Zrryen LE Lambert JE Jeudrt 


PAT A £ 


|: 


CCCXXX VII 


TAMARIN. 


SILIQUA ARABICA, QUή TAMARINDUS; Bauhin, bu: %, sect. 2. 


nn x TAMARINDUS ; Tournefort, appendix. 
TAMARINDUS INDICA ; Linné, triandrie : obgtié Jussicu, clas. 14, 
ord. 2, ee des légumineuses. 
LUTTE. 4e TAMARINDO È 7. ' 
ns. 1. TÂMARINDO ” 3 
# 
Portugai his TAMARINHEIRO 
Pain. 5 : TAMARIR ; TAMARINIER 
RU ne TAMARIND-TREE 
Alle Diet TAMARINDENBAUM 
Hollandais. . TAMARINDENBOOM 
Es TAMAR E . £ 
DS. TAMARINTRÆD # : 
Es. +. +... TAMMER BENDI . ÿ 
s # £ 
ue 
Le ‘ ve 


Le tamarin est la pulpe des gousses du tamarinier arbre à 
beau port, qui croît dans les Indes Orientales, qu'on; Lrouve aussi 
dans l'Amérique, dans l'Égypte et dans l'Arabie. Son tronc est assez 
élevé, revêtu d’une écorce brune, divisé en branches trèpétalées, en 
rameaux diffus, un peu cendrés. 

Les feuilles sont d’un beau vert, alternes, pétiolées , ailées avec 
une impaire; les folioles nombreuses, opposées, presque sessiles , 
linéaires , entières, obtuses, quelquefois un peu échancrées à leur 
sommet , longues de six à dix lignes, un peu Pr Hs 
Jeunesse. 

Les fleurs sont alternes, réunies au nombre de cinq à six en petites 
grappes lâches, un peu pendantes; les pédicelles un peu arqués, 
plus longs que les fleurs. 

Le calice est turbiné, strié à sa base, divisé à son limbe en quatre 
folioles caduques , colorées, un peu pubescentes ; trois pétales pres- 
que ‘égau , obtus, ondulés; trois étamines fertiles, réunies à leur 
base en 1 ssl paquet, quatre autres plus petites, séries, et deux 


£ #r ss. 
LS 


TAMARIN. 
filamens sétacés ; un ovaire supérieur, pédicellé; le style arqué; le 
stigmate épais. 

Le fruit consiste en une gousse allongée, un peu comprimée, lon- 
gue de trois à cinq pouces, indéhiscente, remplie, entre les deux 
enveloppes, d’une pulpe épaisse, d’une acidité agréable, contenant 
plusieurs semences assez grandes, luisantes, anguleuses et compri- 
mées. , 

La pulpe des fruits de cet arbre, introduite dans la matière médi- 
cale par les Arabes, est d’une consistance molle et gluante, d’une 
couleur brune tirant sur le noir; elle offre une odeur vineuse et une 
saveur très-acide, fort agréable quand elle est récente, mais plus ou 
moins nauséabonde lorsqu'elle a vieilli dans les magasins et les offi- 
cines, où elle est ordinairement parsemée de graines et de débris des 
siliques d’où elle a été retirée. M. Vauquelin en a retiré de l’amidon, 
du sucre, de la gelée, de la gomme, beaucoup d'acide citrique, du 
tartrate-acide de potasse, de l'acide tartarique , de l'acide malique et 
de l’eau. 

En vertu de plusieurs de ses principes constituans, cette pulpe jouit 
de propriétés nutritives ; mais elle est essentiellement rafraîchissante, 
relâchante et laxative. Lorsqu'elle est fraîche, elle forme, par sa dis- 
solution dans l’eau, une boisson acidule fort agréable et très-utile 
pour étancher la soif, pour apaiser l’ardeur des premières voies et la 
chaleur générale qui se développe à l'invasion de la plupart des ma- 
ladies aiguës. On s’en sert plus particulièrement dans les fièvres et 
les phlegmasies qui ont pour principe l’irritation de l'appareil diges- 
tif, comme d’une boisson rafraîchissante, et propre à expulser les 
matières fécales, qui, par leur séjour prolongé dans l'intestin, de- 
viendraient une nouvelle source d'irritation. Ainsi, on l’administre 
fréquemment dans les fièvres primitives de tous genres, et surtout 
dans les fièvres bilieuses, dans la fièvre jaune et dans le typhus. Son 
usage n'est pas moins utile dans les embarras gastriques et intesti- 
naux ; dans les hernies étranglées dans la dysenterie et la péritonite. 
On y a également recours contre la néphrite aiguë et la blennorrha- 
gic; mais autant cette boisson est agréable lorsqu'elle est préparée 
avec les tamarins frais, ainsi que cela a lieu en Amérique, où ils 
sont indigènes , autant sa saveur est désagréable lorsqu'on s’est servi 


TAMARIN. 
de ceux de nos officines, ce qui fait qu’on administre rarement leur 
pulpe, sous cette forme, parmi nous. Lorsqu'on a recours à cette 
pulpe comme laxative, on lui donne une forme plus concentrée , et 
on l’associe même ordinairement à diverses autres substances pur- 
gatives. 

Les recherches de M. Vauquelin ont jeté une vive lumière sur la 
nature des mélanges qu’on peut se permettre à cet égard, et de ceux 
que la composition chimique de cette substance doit exclure. C’est 
ainsi que les acides tartareux et citrique, que contient la pulpe des 
tamarins, décomposent l’acétite, le tartrite de potasse et le tartrite 
de soude , qu’on lui associe par conséquent fort mal-à-propos, et don- 
nent naissance à des tartrites acidulés, qui se précipitent, et à des 
citrates de potasse et de soude, qui restent suspendus dans la liqueur. 
L’acide tartareux possède, en outre, la propriété de décomposer une 
partie du sulfate, du nitrate et du muriate de potasse : de sorte que, 
toutes les fois qu’on ÿ associe ces sels pour aider son action purgative, 
ils sont décomposés, et leur action devient nulle. 

Cette pulpe peut se donner , en substance, à la dose d’une ou deux 
onces, soit seule, soit associée au miel ou au sucre sous forme d’élec- 
tuaire. On l’administre plus souvent en décoction , à la même dose, 
dans une plus ou moins grande quantité d’eau : elle entre dans la 
composition des électuaires de casse, de séné, catholique, lénitif, et 
autres préparations pharmaceutiques inusitées. 

Les tamarins du commerce sont souvent avariés et sophistiqués ; 
ceux qui sont envoyés en pulpe contiennent souvent du cuivre qui 
provient des vases dans lesquels leur pulpe a été préparée. L’exces- 
sive acidité qu’ils présentent, dans certains cas, tient quelquefois à 
la fermentation acéteuse qu'ils ont subie dans la traversée, et d’au- 
tres fois à l'acide sulfurique que les marchands ÿ introduisent. 

Les Turcs et les Arabes font un grand usage de ses fruits frais, 
dans leurs voyages, pour se désaltérer. Dans l'Inde et en Amérique, 
on les confit au miel et au sucre; dans cet état, ils constituent un 
aliment aussi agréable que salutaire , et qui est d’un grand avantage 
à bord des vaisseaux. En Afrique, les nègres en mêlent avec le riz et 
le couscon dont ils se nourrissent. 


TAMARIN. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est de grandeur naturelle.) 


1. Étamines et pistil. tion de valve, afin de faire voir la 
2. Étamines insérées sur l’orifice du tube pulpe et une graine, 


calicinal, 4. Graine isolée. 
3. Fruit entier, dont on a enlevé une por- 


CCCXXXIX 


TANAISIE. 


[TANACETUM VULGARE , luteum ; Bauhin , TivæË, lib. 4, sect. 1. Tourne- 


L fort, clas. 12, sect. 3 7. 

Latin... ,...:. TANACETUM VULGARE; foliis bipinnatis incisis serratis, Linné, syngé= 
nésie polygamie superflue. Jussieu, clas. 10, ord. 3, famille des 
corymbifères 

Italien... ... ranacero. 

Espagnol. ......, TANACETO 

Portugais. ...,... TANASIA 

rancats, …., é TANASIE 

. TANSY 

Allemand. ....... RHEINFABRN ; WURMFARRN. 

Hollandais. .., :... REINEVAREN ; WOOMKRUID 

Da  : REINFAN ; ORMEKRUD. 

MO ut ie RENFANA 

Polonais... ....:. WRUTECZ 

M Le de se DEWETILNIK 

Bohémien KA 


..... 


Des fleurs touffues, d’un beau jaune doré, en forme de petites 
têtes hémisphériques, réunies en gros bouquets, à l'extrémité d’un 
grand nombre de rameaux , sur une tige de deux ou trois pieds, telle 
se présente la anaisie dans les terrains incultes ; pierreux et un peu 
humides : leur, éclat est relevé par un feuillage d’un vert foncé, 
agréablement découpé, répandant une odeur particulière , assez pé- 
nétrante et balsamique. Considérée dans ses caractères génériques, 
cette plante offre des fleurs toutes flosculeuses; les fleurons du disque, 
hermaphrodites, à à cinq lobes; ceux de la circonférence, femelles et 

à trois lobes; le calice commun, composé d’écailles imbriquées 
aiguës, petites, très-serrées ; le réceptacle nu; cinq étamines syn- 
génèses; un style; deux stigmates; les semences couronnées gi un 
rebord membraneux. 

Ses tiges sont droites, fermes, presque glabres, striées , as. 


88€ Livraison. 


TANAISIE. 
ques, rameuses, quelquefois un peu velues; les rameaux nombreux, 
paniculés. 

Les feuilles amples , alternes, pétiolées, planes, glabres ; les infé- 
rieures deux fois ailées ; les folioles très-découpées, presque sessiles, 
alternes, étroites, linéaires, aiguës, un peu décurrentes, plus ou 
moins crépues dans une variété cultivée. 

Les fleurs, d’un jaune brillant , sont disposées en corymbes ter- 
minaux , munis de petites bractées courtes , aiguës; les calices gla- 
bres , hémisphériques , d’un vert un peu jaunâtre; la corolle à peine 
plus longue que le calice ; le réceptacle conique, ponctué; les semen- 
ces pentagones , en cône renversé, couronnées par une très-petite 
membrane , à cinq dents à peine sensibles. EF) 

Cette plante corymbifère exhale une odeur forte, fragrante et 
désagréable; sa saveur est amère et nidoreuse ; ellé contient une 
huile volatile, jaunâtre, âcre et amère. L'eau et l'alcool lui enlèvent 
également ses principes actifs. Son extrait spiritueux a cependant 
plus d'énergie que celui qu’on obtient au moyen de l’eau; ce qui 
tend à prouver que ses propriétés médicales résident essentiellement 
dans une matière de la nature des résines. Toutefois, on est encore 
très-peu éclairé sur sa composition chimique. 

Ses feuilles , ses fleurs et ses semences jouissent à peu près égale- 
ment des qualités physiques que nous venons d’énoncer, et des 
mêmes propriétés médicales; ellés sont éminemment toniques et sti- 
mulantes. C'est à l'excitation prompte et durable que les différentes 
parties dé cette plante exercent sur léconomie animale, qu'il faut 
attribuer les nombreuses propriétés secondäires qui lui sont accor- 
dées. La tanaisie , en effet ; est réputée stomachique, carminative, 
vermifuge, sudorifique ; emménagogue, antispasmodique : elle le 
devient bien réellement, selon qu’elle porte plus particulièrement 
son action sur l'estomac, sur l’intéstin , sur les exhalans cutanés, sur 
l'utérus ; et sur le système nerveux en général ; mais il faut que ces 
différens effets aient lieu, que nos:organes soient dans un état d’ato- 
nie, qu'il y ait un affaiblissement réel de leurs propriétés vitales. 
S'ils étaient le siège d’une irritation, d’une inflammation, où même 
si leurs fonctions étaient troublées par un excès d'action, où une trop 
grande énergie vitale, la tanaisie , comme tous les stimulans, au lieu 


TANAISIE. 
de favoriser la digestion et l'expulsion des gaz intestinaux, au lieu 
d’exciter la sueur ou l'écoulement menstruel , et au lien de calmer les 
spasmes , ne ferait qu'augmenter le trouble : c’est ce qu'il faut avoir 
sans cesse sous les yeux, si l’on veut apprécier les éloges que les 
auteurs de matière médicale ont prodigués à cette plante dans le 
traitement des maladies. 

Ainsi elle a été vantée contre les fièvres intermittentes. On en à 
fait usage dans l’hydropisie, dans la goutte et dans la chlorose, où 
elle peut avoir, en effet, quelques succès lorsque ces affections sont 
atoniques et exemptes d’inflammation locale. Elle a été également 
recommandée contre les vermifuges et l’épilepsie, où il ne paraît 
cependant pas qu'elle puisse avoir beaucoup d'utilité, si ce n’est 
dans les cas où ces affections tiennent à un état de débilité générale, 
ou à la présence des vers intestinaux. C’est, en effet, contre ces ani- 
maux parasites , que la tanaisie a été plus particulièrement signa- 
lée. Hoffmann et Rosenstein attribuent beaucoup d'efficacité à 
l'usage de sa décoction en lavement contre les ascarides vermicu- 
laires : mais ce sont ses semences, dont les qualités anthelmentiques 
ont surtout été célébrées ; tandis que ses fleurs ont été particulière- 
ment administrées, par Simon Pauli, contre l’hystérie. 

À l'extérieur, la tanaisie, en cataplasme et-en infusion, à été re- 
recommandée contre les entorses, les contusions, les engelures et 
autres affections dans lesquelles elle peut, à la manière des stimu- 
lans, être utile ou nuisible, selon qu’elle est bien ou mal appliquée ; 
en un mot, cette plante, amère et fétide, peut être employée, soit 
extérieurement, soit intérieurement, dans tous les cas où il faut dé- 
‘ terminer une action tonique locale, ou une excitation générale, vive 
et durable. Mais, à cause de son odeur et de sa saveur désagréables, 
elle est ordinairement remplacée par d’autres plantes de la même 
famille, qui peuvent produire des effets analogues, sans avoir le 
même inconvénient. 

En substance, on pourrait l’administrer sous forme pulvérulente 
de deux à quatre grammes (un demi à un gros ). On la donne ordi- 
nairement en infusion , à la dose de quatre ou huit grammes (un ou 
deux gros ) dans un kilogramme (deux livres) d’eau, de vin ou de 
lait. En lavement , on peut augmenter sa dose d’un tiers ou du dou- 


TANAISIE. 
ble. Son suc peut être administré à la dose de cent vingt-huit gram- 
mes (quatre onces). On ne se sert plus de-sa conserve, malgré la 
réputation qu’elle a usurpée jadis contre l’épilepsie. 

On prétend que, répandue entre les matelas , la tanaisie met en 
fuite les puces et les punaises. Dans quelques contrées du Nord, ses 
feuilles sont employées, à titre de condiment, ainsi que celles du 
tanacetum balsamita, grand baume ou coq des jardins, dans la 
préparation des gâteaux et autres alimens. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
{La plante est réduite à la moitié de sa grandeur naturelle.) 
1. Feuille mférieure, au trait. 3. Fleuron hermaphrodite de la circonfé- 
rence à 


2. Calice commun et receptacle, Ê 
4. Fleuron hermaphrodite du centre. 


L ÉSSRS EURE L 
Ze 7 : 
Zurpen LP. Laribert L, 


CCCXL. 


ibn THEA VIRIDIS; #oribus enneapetalis. Linné, polyandrie monogynie. 
-: ts Jussieu, clas. 13, ord. 10, famille des orangers. 
Italien... ..... ve;ve v 
Espagnol. . .. . ... TE; TE VERDE 
05 à CHA; CHA VERDE 
Mental, V0. THÉ; THÉ VERT 
ng M patio TEA ; GREAN TEA. 
PRO... : : THEE ; GRUENER THEE. 
Hollandais... .... THKE; GROENE THEE 
Panpits arr bi: 3 THE; GROENEE THE. 
ROUE six à THEE ; GROENT THEE. 
POUR. . 5" TE. 
Me EE, ist TSCHAL 
Re, CHA 
Japonais.E.., ...:.. TEH ; TSJA 


IL serait difficile de fixer l’époque où les Chinois commencèrent 
à faire usage du thé, elle est sans doute très-reculée ; mais nous 
savons que le thé ne fut introduit en Europe que vers le milieu du 
dix-septième siècle. Tulpius, médecin hollandais, fit, le premier, 
connaître cette plante, dans une dissertation pubhée en 1641. Jonc- 
quet, médecin français, en fit le plus grand éloge en 1657, la 
nomma herbe divine, la comparant à l’embroisie; mais l'usage du 
thé ne commenca à se répandre qu'en 1659, époque à laquelle 
Bontekoi, médecin de l'électeur de Brandehours en loua beau- 
coup les propriétés dans un traité qu'il publia ; sur le café, le thé 
et le chocolat. Cette plante offre, pour sé ic esse) un Ca- 
lice à cinq ou six divisions profondes, de mois à neuf pétales ; des 
étamines très-nombreuses, insérées sur le réceptacle; un ovaire su- 
périeur ; un style; trois stigmates; Je capsule à Hole cogues à gi 
dies, à trois loges, s'ouvrant longitudinalement d’un seul côté, ren- 
fermant une ou deux semences sphériques- 


88< Livraison. 


THÉ. 

Le thé croît naturellement à la Chine et au Japon : c’est un ar- 
brisseau toujours vert, dont les tiges sont très-rameuses, et s'élèvent 
à la hauteur de quatre à six pieds. Quelques voyageurs prétendent 
qu'elles parviennent quelquefois jusqu’à trente: pieds. 

Ses feuilles sont alternes, très-médiocrement pétiolées, d’un vert 
un peu luisant, dures, glabres, ovales-lancéolées ou elliptiques, 
dentées en scie à leur moitié supérieure, entières à leur base. 

Les fleurs sont solitaires, ou réunies deux à deux , dans l’aisselle 
des feuilles, sur des pédoncules courts. 

Le calice est persistant, court , à cinq divisions obtuses ; la corolle 
blanche; trois, six, quelquefois neuf pétales étalés, arrondis ; les 
étamines plus courtes que la corolle; les anthères à deux loges; les 
capsules à trois coques réunies par leur base, et monospermes. Les 
semences sont sphériques, de la grosseur d’une aveline, contenant, 
sous une peau brune, luisante, un noyau huileux, d’une saveur 
amère. 

Plusieurs botanistes ont, d’après Linné, distingué le #hé bou 
et le {hé vert, comme deux espèces, le premier ayant six pétales , 
et le second neuf; caractère inadmissible dans un genre où le nom- 
bre des pétales est variable. Les différentes dénominations par les- 
quelles on distingue plusieurs sortes de {hé, n’annoncent ni des 
espèces, ni même souvent des variétés, mais elles dépendent des dif- 
férentes préparations qu'on lui fait éprouver. Ainsi, dans le hé 
vert impérial, les feuilles ne sont point roulées, elles sont d’un 
vert clair et d’un parfum agréable; dans le hé hysson, les feuilles 
sont petites , fortement roulées , d’une couleur tirant sur le bleu; dans 
le thé bou, les feuilles sont d’un vert-brun; elles sont larges, non 
roulées, d’une couleur tirant sur le jaune dans le hé bou-sou-chong. 
Le thé sumlo a le parfum de la violette : son infusion est pâle ; elle 
est plus colorée, et les feuilles plus larges dans le {hé congou. 


Les feuilles de cet arbrisseau sont seules en usage. Les Chinois les 
récoltent avec le plus grand soin, aux mois de mars et d'avril, à 
l'époque de leur épanouissement. Ils les font chauffer sur des pla- 
ques de fer ou de terre, en les retournant sans cesse jusquà ce qu’el- 
les se fanent : alors on les étend sur des nattes pour les refroidir et 


THÉ. 

les éventer ; ensuite on les hamecte avec de l'eau chaude, et on les 
dessèche et humecte ainsi alternativement ‘trois ou quatre fois de 
suite, sur des plaques de fer médiocrement chaudes. Quand elles sont 
bien desséchées, on les enferme dans des bouteilles de verre bien 
bouchées, où dans des boîtes vernissées en dehors, et intérieurement 
tapissées de lames de plomb, dans lesquelles elles sont apportées en 
Europe. 

Dans cet état, le thé se présente en petites feuilles allongées, 
ridées , contournées , et roulées sur elles-mêmes , d’une couleur ver- 
dâtre, d’une odeur aromatique très-suave et d’une saveur fort agréa- 
ble, quoique amère et un peu styptique. Ainsi que le remarque 
M. Virey, ces feulles, dans l’état frais, paraissent renfermer un 
principe âcre et enivrant, combiné avec du tannin et de l'acide gal- 
lique; mais ce principe, auquel il faut rapporter les qualités séda- 
tives ét narcotiques qu’on attribue au thé, se dissipe en grande 
partie par la dessiccation, et autres préparations que l’on fait subir 
à ses feuilles avant de les livrer au commerce. 

Les Chinois distinguent deux sortes de thé, les noirs et les verts 
dans chacune desquelles ils reconnaissent sept variétés distinctes : 
le thé impérial, le thé vert et le thé bout sont les plus remarquables. 
Quoique ces quatorze variétés de thé soient réellement la feuille du 
même végétal, elles présentent d'assez nombreuses différences, qui 
résultent du terroir, de l'exposition, de la culture, de l’époque à 
laquelle les feuilles ont été cueillies , de la manière dont elles ont été 
récoltées, du degré de torréfaction qu’on leur à fait subir, et du 
temps plus ou moins long qui s’est écoulé depuis leur récolte. Les 
jeunes feuilles de thé sont beaucoup plus actives que celles qui sont 
entièrement épanouies ; celles qui ont été fortement torréfiées le sont 
beaucoup moins que celles qui n’ont subi qu’un léger degré d’ustion. 
Le thé récent est beaucoup plus fort que celui qui à vieilli dans les 
magasins, et celui qui nous vient par terre, que celui qui nous est 
apporté par les vaisseaux. A toutes ces différences, que présente le 
thé du commerce, si on ajoute celles qui résultent de sa fréquente 
sophistication, des procédés qu'on emploie pour ladministrer, des 
substances qu'on lui associe, des dispositions individuelles des per- 
sonnes qui en font usage, on pourra se rendre raison des effets con- 


THE. 
tradictoires qu’on lui attribue, des avantages dont on le gratifie, des 
maux dont on l’accuse, et de la difficulté réelle qu’on éprouve à 
déterminer son mode d’action sur l’économie animale. 

Quoique le thé, en général, puisse exercer une action tonique sur 
nos organes, en vertu du tannin et de l'acide gallique qui entrent 
dans sa composition, ses principaux effets paraissent tenir à l’in- 
fluence que son principe âcre et odorant exerce sur le sytème ner- 
veux. Ce principe, dont l’eau s'empare par la distillation, exerce 
une action stupéfiante si énergique, que, d’après les expériences de 
Lettsom et de Smith, l’eau distillée de thé, introduite dans l’esto- 
mac d’une grenouille, on appliquée sur ses nerfs cruraux , détermine 
promptement la paralysie. Le premier de ces observateurs a vu un 
gramme de thé en poudre, pris trois ou quatre fois par jour, pro- 
duire, quelques heures après, une débilité génerale, le refroidisse- 
ment du corps et un état de somnolence. Whytt, après avoir bu à 
jeun une forte infusion de thé, a éprouvé lui-même des vertiges, 
une grande débilité, et beaucoup de fréquence dans le pouls. Cette 
même boisson a fait éprouver à Murray un sentiment d'ivresse, l’af- 
faiblissement passager de la mémoire, un état de langueur et de 
débilité remarquable. 

Cependant le thé, en infusion légère ou à petite dose, excite le 
ton de l'estomac, et produit quelquefois un bien-être général : il 
augmente la transpiration cutanée ou la sécrétion de l'urine, selon 
que l’on est exposé à une température chaude ou froide; il excite 
quelquefois la gaîté, et donne de l'activité aux sujets lourds dispo- 
sés à l’assoupissement. À haute dose, surtout lorsque le système ner- 
veux jouit d’une sensibilité vive, et que l'estomac participe à cette 
exaltation vitale, il produit de l'anxiété, un sentiment de pesanteur 
à l’épigastre, des nausées, des flatuosités , et quelquefois même des 
évacuations alvines. Dans ces mêmes circonstances, il peut occasioner 
des vertiges, un état de stupeur, la tristesse, une faiblesse générale, 
des tremblemens et quelquefois même des convulsions. Des observa- 
teurs dignes de foi assurent lui avoir vu produire des attaques d’hys- 
térie et d'hypocondrie; mais, ainsi que le remarque Murray, ces 
accidens primitifs n’ont ordinairement lieu que chez des sujets très- 
délicats, d’un tempérament nerveux, d’une constitution mobile et 


THÉ. 
très-irritable, comme sont ordinairement les femmes vaporeuses et 
les hommes hypocondriaques. 

Son usage, prolongé et abusif, rend, dit-on, le teint plombé ou 
livide, ébranle et noircit les dents , rend les hommes mous , timides 
et languissans ; il occasione des tremblemens aux personnes maigres, 
qu'il dessèche davantage, selon M. Virey, et aux personnes énervées , 
qu'il énerve encore plus. Toutefois , en rapportant au thé ces diffé- 
rens accidens , il ne faut pas perdre de vue qu’ils sont dus en grande 
partie à la grande quantité d’eau chaude qui lui sert d’excipient , et 
qui, à elle seule, serait bien susceptible d’engourdir, d’affaiblir et 
de troubler la plupart de nos fonctions. 

Si le thé produit des accidens graves, à l'exemple de toutes les 
substances dont les propriétés médicales sont très-énergiques , il est 
‘également susceptible de produire, dans certains cas, des effets très- 
salutaires. Percival lui attribue, comme à l’opium, la faculté d’apai- 
ser les mouvemens nerveux désordonnés, de dissiper les spasmes et 
l'insomnie ; d’autres ont.cru qu'il pouvait diminuer l’inflammation 
des organes, opinion qui n’est pas aussi bien fondée. Bucchan l’a 
employé avec succès contre la cardialgie, celle surtout qui a lieu 
chez les femmes enceintes. Des individus affectés d’hystérie, d’hypo- 
condrie, d’asthme et autres affections nerveuses, se sont quelquefois 
trouvés instantanément soulagés par quelques tasses d’infusion de 
thé, surtout lorsqu'ils n'étaient pas habitués à son usage. Chaque 
jour on l’administre avec avantage dans les indigestions, pour aider 
l'appareil digestif à se débarrasser des matières alimentaires qui le 
fatiguent, et contre les flatuosités. Son infusion remédie souvent aux 
effets de l'ivresse et de la crapule : on lui attribue même la faculté 
d’émousser l’action irritante des liqueurs alcooliques. A l'invasion des 
phlegmasies thoraciques, et des affections catarrhales, telles que le 
coryza, l’angine, la diarrhée, la dysenterie, etc., si souvent produi- 
tes par la cessation subite, directe ou sympathique des fonctions de 
la peau , il peut être très-utile pour rappeler la transpiration et pour 
opérer une prompte solution, et, en quelque sorte, l'avortement de 
ces maladies. Son usage ne serait pas moins utile dans les exanthèmes 
aigus, chez certains sujets pâles et faibles, dans les temps froids et 
humides, lorsque l’éruption languit ou menace de délitescence. Son 


THÉ. 
emploi peut être fort avantageux dans diverses affections des voies 
urinaires , et surtout dans les rhumatismes. 

En général, on recommande de n’employer le thé qu’au bout d’un 
ou deux ans, lorsqu'il a perdu une partie de son énergie. On s’en 
sert rarement en poudre, forme sous laquelle il pourrait cependant 
être admimistré à la dose de cinquante centigrammes, répétée plu- 
sieurs fois par jour. Le plus souvent on l’administre en infusion à la 
dose d’un gramme dans un kilogramme d’eau. On diminue l’activité 
de cette infusion en l’édulcorant avec le sucre, et en la coupant avec 
le tiers, la moitié, ou le double de son poids de lait. On rejette le 
produit de la première et même de la seconde infusion , pour ne faire 
usage que de la troisième, selon que l’on redoute plus ou moins son 
action sur le système nerveux. 

Le thé qui est conservé depuis long-temps , est moins propre à pro- 
duire des accidens que celui qui est nouveau. Le thé bohea excite 
moins que le thé vert, l’infusion moins que la décoction, le produit 
de la première infusion beaucoup plus que celui des infusions sub- 
séquentes. Ses effets, constamment subordonnés à l’idiosyncrasie 
des individus, sont, par cela même, très-variables, et souvent même 
contradictoires ; ce qui fait qu'il est très-rarement employé comme 
médicament. 

En revanche, son usage diététique, emprunté aux Chinois, et 
introduit en Europe par les Hollandais vers le milieu du dix-septième 
siècle, s’est tellement répandu parmi nous, que, suivant Lettsom, 
la quantité-de celui qui est importé actuellement s'élève à vingt-une 
mille livres pesant chaque année : on l'emploie en infusion , surtout 
au repas du matin, et on l’associe ordinairement au sucre, au lait 
et au beure. Son usage, d’après ce que nous avons dit précédem- 
ment, ne convient point aux personnes maigres ,sèches, très-irritables ; 
aux tempéramens nerveux, ni à ceux qui sont disposés aux tremble- 
mens et aux convulsions. Il ne convient pas non plus dans les lieux 
secs et élevés , ni sous l'influence d’une température sèche et chaude ; 
mais il a, dans certains cas, des avantages réels. Ainsi, il diminue 
l’embonpoint excessif; il produit une exaltation passagère; il est utile 
aux individus lourds , épais, corpulens , aux tempéramens lymphati- 
ques, aux vieillards pituiteux , aux personnes sédentaires , à celles qui 


THÉ. 

mangent beaucoup, et qui vivent surtout de substances grasses ; 1l 
convient particulièrement dans les pays plats, dans les temps humides 
et dans les contrées froides. Le thé a surtout un avantage très-impor- 
tant et incontestable, qui rend son usage indispensable aux Chinois 
et aux Hollandais, c’est celui de purifier les eaux troubles, puantes 
et insalubres, dont ces peuples et beaucoup d’autres sont obligés de 
se servir , en précipitant les matières étrangères qui y sont contenues, 
et en remédiant , par son odeur aromatique, à la fadeur désagréable 
et malsaine que leur donne l’ébullition. 

Un des faits, qui n’est pas le moins curieux de l’histoire médicale 
du thé, c’est que les Chinois et les Japonais sont aussi avides des 
feuilles de notre sauge officinale, que nous le sommes des feuilles de 
leur thé vert. Tandis que les spéculateurs intéressés à cet échange 
vont acheter à grands frais le thé à ces peuples asiatiques, ils leur 
vendent chèrement les feuilles de sauge , qui ne leur coûtent presque 
rien en Europe, et pour lesquelles les Chinois ont une estime parti- 
culière. La sauge, toutefois, n’est pas la seule plante indigène qui 
puisse remplacer le thé avec avantage. Vingt plantes diverses , pres- 
que toutes indigènes, lorsqu'elles sont convenablement desséchées , 
exhalent une odeur et offrent une saveur analogues à celles du thé, 
forment , par l’infusion , une boisson aromatique non moins agréable 
que lui, et produisent à peu près les mêmes effets. Il ne manque 
même à plusieurs d’entre elles , que de n’être pas nées à l’extrémité 
de l'Asie, pour avoir une répufation égale à celle du thé, sous le 


rapport diététique. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


( La plante, chargée de fleurs et de fruits, est réduite aux trois quarts de sa grandeur naturelle.) 


1. Calice et pistil. 3. Graine, 
2. Étamine. 


Turpin P£ 


Lambert J° Jeulp 


M. 


> ER 


ne. 


CCCX LI. 


THYM. 


FREE + Buuos, Dioscorides. 
THYMUS VULGARIS ; folio tenuiore. Bauhin, Tivæ£ , lib. 7, sect. 4. 
THYMUS supinus caudicans odoratus ; Tournefort, clas. 4, sect. ; 


gen. 7. 
THYMUS VULGARIS ; anti A. revolutis s ovatis, floribus verticillato - 


spicatis. Linné, did) gym e. Jussieu, clas, 8, ord, 6, 
famille des labiées. 
DR TIMO 
Espagnol. ....... TOMILLO 
Fonigais:ss. se. TOMILHO 
Francais. . TEYM 
AAPIO TS. 
Allemand... ..:.. THINUAN 
Hollandais. , . .:... TAYM 
[ITR Rae TIMIAN 
SRNOIs ESS. 4 SE TIMIAN 
Polonais csv TYM. 
LR SR à FIMIAN, 
Bohémien, ....... WLASKA 


Les émanations aromatiques du thÿm, plus particulièrement en- 
core la qualité de ses fleurs, attirent sur les montagnes des genres 
d’abeilles qui viennent y recueillir ce miel parfumé dont les poètes 
ont chanté l'excellence. 

Redolentque thymo fragrantia mella ; à dit Virgile dans ses Géor- 
giques. Théophraste, et avec lui la plupart des anciens ont vanté 
également la délicatesse du miel aromatisé par le thym. Il est à croire 
que c’est principalement à cette plante que le ya ‘du mont Hymette 
à dû son ancienne réputation. Cet arbuste croît sur les rochers et 
sur les collines arides de nos départemens méridionaux, ainsi que 
dans le Levant, les îles de la Grèce, PENPAGRE; l'Italie, ete. Jai 
exposé le caractère essentiel de ce genre à à l’article SERPOLET: 

Ses racines sont tortueuses, dures , ligneuses, ramifiées : il s’en 
élève plusieurs tiges droites, cylindriques, cendrées où d’un brun 


: # 
8° Livraison. 


THYM. 
rougeâtre, légèrement velues, chargées de rameaux nombreux, grê- 
les , opposés, redressés. 

Ses feuilles sont opposées, sessiles, fort petites, ovales, un peu 
repliées à leurs bords, étroites, presque obtuses, ponctuées, d’un 
vert cendré en dessus, un peu pubescentes en dessous. 

Les fleurs sont réunies en verticilles rapprochés en tête ou en épi 
au sommet des rameaux , accompagnés de bractées. 

Leur calice est tubulé, velu, strié, à cinq dents tubulées, inéga- 
les, un peu ciliées ; la corolle petite, blanchâtre ou légèrement pur- 
purine ; le lobe du milieu de la lèvre inférieure entier. 

Cette espèce fournit quelques variétés , les unes à feuilles plus lar- 
ges, quelquefois panachées ; d’autres chargées sur les rameaux d’un 
duvet blanchâtre et cotonneux. P. 

On sait que l'odeur forte, aromatique et agréable du thym est 
plus suave dans l’état frais qu'après la dessiccation. Sa saveur est 
aromatique , chaude et amère. La couleur brune que prend son in- 
fusion aqueuse, lorsqu’on y verse du sulfate de fer, y décèle une cer- 
taine quantité de tannin; elle contient en outre une huile volatile 
jaunâtre, très-odorante, âcre, et une certaine quantité de camphre, 
que Neumann avait pris mal-à-propos pour une substance résmeuse. 

Ces qualités physiques du thym et la nature de ses principes cons- 
tituans le placent naturellement parmi les substances toniques et 
excitantes. À l’exemple des autres plantes aromatiques, il élève le 
ton des organes sur lesquels on lapplique, et détermine une exci- 
tation générale : de là les propriétés stomachique, céphalique, 
expectorante, emménagogue, nervine, corroborante, résolutive 
qu’on lui a attribuées. En effet, il est susceptible d'augmenter lac- 
tion de l'estomac, de donner plus d'énergie à l'influence nerveuse ou 
cérébrale; d’exciter les exhalations pulmonaires, et de favoriser 
l’expectoration; de solliciter l’action de l'utérus, et de provoquer par 
conséquent l’éruption des règles; enfin, l’on sait qu’en augmentant 
la sensibilité et la contractilité insensibles, il peut, dans quelques 
cas, favoriser la nutrition des organes et provoquer l'absorption des 
fluides épanchés , mais il faut pour cela que le sujet soit dans un état 
d’atonie et de relâchement. 


Cette plante aromatique a été ainsi recommandée dans la dyspep- 


THYM. 
sie des vieillards qui tient à l’atonie de l’appareil digestif, dans les 
catarrhes chroniques des bronches, du vagin et du canal de l’urètre, 
lorsqu'il n’y a plus ni phlogose, ni douleur; dans l’aménorrhée et la 
chlorose qui sont accompagnées de paleur générale et d'inertie de 
l'utérus, dans la leucophlegmatie et autres maladies exemptes d’in- 
flammation. 

A l'extérieur, son infusion a été appliquée en fomentation pour 
déterger les ulcères atoniques et blafards , et en sachets pour résou- 
dre d’anciens engorgemens pâteux et indolens. Son huile essentielle 
a été appliquée, et quelquefois avec succès, comme toutes les sub- 
stances âcres , sur les dents cariées, dans l’odontalgie; en un mot, le 
thym peut être administré avec succès , à l’exemple des autres plan- 
tes aromatiques, soit intérieurement , soit à l'extérieur, dans tous les 
cas où il faut exercer une médication tonique, soit générale, soit lo- 
cale : mais son action est trop faible pour qu’on puisse le considérer 
autrement que comme auxiliaire dans le traitement de la plupart des 
maladies où 1l est indiqué. 

On pourrait l’administrer en poudre à la dose de quatre grammes 
et plus; mais on ne l’emploie guère qu’en infusion, depuis quatre 
jusqu’à seize grammes, dans cinq kilogrammes d’eau ou de vin. Son 

huile volatile se prescrit, depuis une jusqu'à dix gouttes, en oléo- 
saccharum ou dans un excipient convenable. 

Le thym est bien plus cèlèbre et bien plus en vogue par ses usages 
économiques que par ses propriétés médicales : il est un des condi- 


mens les plus agréables, les plus vulgaires et les plus employés parmi , 


nous dans nos préparations culinaires. Les ménagères en aromati- 
sent les sauces, les jambons, etc. ; les charcutiers en font un grand 
usage dans les préparations de charcuterie ; les épiciers et les con- 
fiseurs s’en servent pour aromatiser les figues, les dattes, les rai- 
sins, les pruneaux, et autres fruits secs qu'on veut conserver long- 


temps. 
EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est de grandeur naturelle.) 


1. Fleur entière, grossie. 


- 


4 


= 


Lérpern Pres! 


Lambert TE Seseler 


CCCXLIT. 


TILLEUL. 


APCE RE, Ur Draupa, Dioscorides 
qe FEMINA , pes qe Re Tivaf , hb. 11, sect. 5. Tour- 
nefort, clas. 21, sect. n, 
bp PP PSE Aoribus n brie ae. Linné, polyandrie mono- 
gynie. Jussieu, clas. 13, ord, 19, famille des tiliacées. 
GLIA. 


a TILO 
Portugais. | :..... tx 
Français... ...... “vILLEUL; VILLAU; TILEET; TILIER ; TIL. 
 .. : . ... LIME-TRAE ; LINDEN-TRAE 
HS 4 LINDE ; LINDENBAUM 
Hollandais. ++. LANDE; LINDENBOOM. 
POUR, LS à de LIND ; LINDETRÆE 
Suédois... IND 
ns, 5, LiPA. 
es ss gi 5 AE 
Hongrois... . HARS-FA 
JEU 59.4 ou 
ru en UGLAM 
Géorgien... ...... wercawry. 
Japonais... .... +. BADA 


Le tilleul est un ancien habitant de nos forêts : il est mentionné 
dans Théophraste sous le nom de #ilia qu’on lui à conservé. On a 

désigné sous celui de phylira les feuillets du Xber employés aux mé- 
mes usages que le papier : les anciens en formaient aussi les bande- 
lettes de leurs couronnes. Pline cite l'écorce du tilleul comme servant 
à couvrir les toîts des chaumières, à fabriquer des corbeilles et de 
‘grands paniers pour le transport du blé et des raisins. Son bois flexi- 
ble était employé pour les boucliers. 

Le caractère essentiel du tilleul consiste dans un calice ads 
cinq divisions profondes ; une corolle à cinq pétales alternes avec les 
divis ions du calice, nus à leur base dans les tilleuls d'Europe, munis 
e petite écaille dans ceux d'Amérique; un grand nombre d’éta- 


4. 


83+ Livraison. 


TILLEUL. 
mines libres, insérées sur le réceptacle; un style; une capsule supé- 
rieure, coriace , globuleuse , indéhiscente, d’abord à cinq loges, puis 
souvent à une seule loge monosperme par avortement. 

Sous le nom de tilleul d'Europe (tilia europæa), Linné avait reuni 
comme variétés deux plantes, que l’on a depuis distinguées avec 
raison comme deux espèces bien caractérisées. 

La première; le tilleul sauvage, tilia sylvestris, Desf., seu ta mi 
crophylla, Vent., est un arbred’environ quarante ou cinquante pieds, 
dont l’écorce est épaisse, crevassée; le bois blanc, coriace, léger; les 
rameaux glabres, nombreux, un peu anguleux dans leur jeunesse. 

Les feuilles sont fermes, pétiolées, alternes, un peu arrondies, 
échancrées en cœur à leur base, acuminées au sommet, vertes, gla- 
bres en dessus, très-légèrement pubescentes en dessous, et munies, 
dans l’aisselle des nervures, d’une petite touffe de poils ferrugineux ; 
les dentelures mucronées. 

Les fleurs sont odorantes, axillaires, d’un blanc sale, réunies de 
deux à six en forme de petit corymbe à l'extrémité d’un pédoncule 
commun , inséré vers le milieu d’une bractée membraneuse, étroite, 
allongée, lancéolée, d’un blanc jaunûtre. 

Les fruits sont petits, presque globuleux, un peu pubescens, quel- 
quefois un peu aigus à leurs deux extrémités, munis de cinq côtes 
peu sensibles ; leur péricarpe est mince et fragile. 

La seconde espèce, distinguée sous le nom de éilia platyphyllos, 
par Ventenat, diffère de la précédente par son tronc moins élevé, 
par ses feuilles plus molles, plus velues, d'environ un tiers plus gran- 
des, à dentelures inégales. Les fleurs paraissent un mois plus tard; 
les fruits sont plus gros, ovales, presque en toupie et non globuleux, 
à cinq côtes saillantes ; le péricarpe est d’une consistance plus é épaisse : 
presque ligneuse. Cette espèce est moins commune que la précé- 
dente; elle est cultivée sous le nom de #{/eul de Hollande. : (P.) 

L'écorce, les semences et les fleurs de ce végétal ont été jadis 
employées en médecine ; aujourd'hui, on ne fait usage que de ces 
dernières. Toutes ces parties du tilleul, ilest vrai, contiennent une 
plus ou moins grande gamanité de mucilage doux et visqueux ; mais , 
tandis que l'écorce unit à sa qualité mucilagineuse une légère amer- 
tume , et que les semences recèlent une quantité notable d’huile 


TILLEUL. 
grasse, les fleurs se distinguent par un arome particulier, d’une 
odeur extrêmement suave, qui se fait sentir à plusieurs mètres de dis- 
tance lorsqu'elles sont fraîches, mais qui diminue par la dessiccation. 

En vertu de sa nature mucilagineuse, l'écorce moyenne du tilleul 
a été préconisée comme émolliente et antiphlogistique ; elle a même 
été particulièrement signalée comme propre à diminuer la douleur 
de l’inflammation et de la brûlure , parce qu’elle renferme un principe 
légèrement amer. Nous possédons d’ailleurs un grand nombre de 
substances mucilagineuses, plus pures et plus faciles à obtenir ; mais 
son usage médicamenteux est entièrement tombé en désuétude sous 
ce rapport. 

Les fleurs de tilleul, souvent et mal-à-propos confondues avec les 
bractées, communiquent leur arome à l'eau par la distillation : ce 
qui reste est une matière mucilagineuse , douce et suave , susceptible 
d’éprouver la fermentation vineuse lorsqu'elle est étendue d’eau et 
exposée à une température convenable, et dont on peut aussi retirer 
de alcool. Cartheuser en a également obtenu un extrait spiritueux, 
austère et sans amertume. Ces fleurs , à raison de leur arome, ainsi 
que leur eau distillée, exercent une influence manifeste sur le système 
nerveux. L'impression qu’elles déterminent sur l'économie animale 
peut même occasionner la sédation , ainsi que le prouvent les vertiges 
et la somnolence que différens individus ont éprouvés dans certains 
cas, en se promenant dans une atmosphère saturée de leurs émana- 
tions odorantes. Ordinairement , toutefois, elles produisent un cer- 
tain bien-être, qui diminue ou apaise les troubles nerveux ,et au- 
quel elles doivent la grande réputation dont elles jouissent depuis 
une époque très-reculée, comme anodines et antispasmodiques. Les 
anciens leur attribuaient surtout beaucoup d'efficacité contre lépi- 
lepsie ; on a même prétendu que l'ombre du tilleul ghérrssitt les épi- 
leptiques, ce qui devrait s'entendre tout au plus des émanations odo- 
rantes et suaves qui sont répandues autour de cet arbre pendant sa 
floraison. Plusieurs observateurs assurent en effet que les fleurs du 
tilleul, administrées d’une manière quelconque, ont fait disparaître 
dans certains cas cette terrible maladie; et chaque jour on l’emploie, 
sinon avec le même succès, au moins sans aucun inconvénient, dans 
cette névrose, ainsi que dans l’hystérie, l'asthme, la toux convul- 
sive, les vomissemens nerveux, les convulsions, les spasmes abdo- 


TILLEUL. 
minaux qui tourmentent les hypocondriaques, et autres affections 
spasmodiques. 

J'ignore sur quel fondement on a accordé aux semences du tilleul 
pulvérisées la propriété d'arrêter l'hémorragie nasale lorsqu'on. les 
prend en guise de tabac; leurs qualités muqueuses et oléagineuses 
semblent n’avoir que bien peu de rapports avec cette manière d’agir, 
aussi sont elles entièrement oubliées. Quant aux fleurs, on les ad- 
ministre en infusion théiforme, convenablement édulcorée , ou bien 
on donne leur eau distillée à la dose de trente-deux à soixante-quatre 
grammes. 

Par l'élégance de son feuillage, par son aptitude à prendre toutes 
les formes que la tonte lui imprime , surtout par l'odeur suave qu’il 
exhale pendant sa floraison, le tilleul est utilement employé aux 
plantations des promenades publiques. Son bois, tendre et léger, 
est utile aux sculpteurs, aux layetiers, et son charbon est recherché 
par les peintres. La grande quantité de mucilage que contient son 
écorce lui donne des qualités nutritives , et pourrait la faire employer 
comme aliment dans des temps de famine. Après avoir été macérée 
dans l’eau, et convenablement préparée, on en fabrique des cordes, 
des câbles et des toiles d'emballage; ses feuilles desséchées servent. 
de fourrage aux vaches, aux chèvres et aux brebis. On a cru que la 
pâte muqueuse, oléagineuse qui résulte de la trituration des semen- 
ces du tilleul avec le sucre, pourrait former une sorte de chocolat ; 
mais cette pâte diffère trop de celle du cacao, pour pouvoir rempla- 
cer cette substance; enfin, la sève du tilleul contient une assez 
grande quantité de sucre qu’on pourrait en extraire avec avantage. 
Huit tilleuls ont fourni, dans l’espace de sept jours, à M. Dalhman, 
quatre-vingl-quatorze pots suédois de sève ou de liquide, qui, sou- 
mis à l’ébullition pendant quelques heures, ont donné trois livres 
et demie de sucre brun, une demi-livre de sirop ou moscouade , 
et quatre onces de sucre en poudre, 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est de grandeur naturelle. ) 
. Fleur entière, grossie. 
tamine. 
ruit. 
4. Coupe transversale du mème, 


5. Une autre coupe présentant quelques- 


unes des loges oblitérées 


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7- La même vue du côté anguleux. 


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CCCX LITE. 


TUSSILAGE. 


RE nie edvce Bny10v, Dioscorides. 
TUSSILAGO VULGARIS ; D. TluvaË, Mb. 5, sect. 6, Tournefort, 
clas. sé sect. 1, ui 


Latin... ... *| TUSSILAGO FARFARA; $CapO is cato unifloro, foliis subcordatis an- 
gulatis PUR Linné, Her ec superflue. Jussieu , 
clas. ro, ord. 3, famille des corymbiftres 

Italien... ....... TUSSILAGGINE ; UNGHIA CAVALLINA, 

spagnol. ....... TUSILAGO ; UN 

Portugais, .. ..... TUSSILAGE 

Français TUSSILAGE ; PAS D’ANE; TACONNET. 

iso us COLTS 

Allemand. ..... HUFLATTICH, 

"RSS cédant RORFSLAD, cl 

LOT COR HESTEHOV. 
Dh st LM 


CE tussilage, connu sous le nom vulgaire de pas d'äne, par la 
comparaison que l’on a faite de la forme de ses feuilles avec l’em- 
preinte du pied d’un äne, a été mentionné par Dioscorides, sous le 
nom de bèchion , faisant allusion à la propriété qu'on lui attribue 
de calmer la toux. Pline lui a conservé la même dénomination; 
mais, dans les siècles d’ignorance, d'anciens botanistes l’ont désigné 
sous le nom bizarre de filius ante patrem , à cause de ses fleurs qui 
paraissent avant les feuilles. Le caractère essentiel de cette plante 
consiste dans un calice commun , à plusieurs folioles disposées sur 
un seul rang; des fleurs flosculeuses ou radiées ; les fleurons tantôt 
tous hermaphrodites , tantôt femelles, fertiles vers la circonférence, 
hermaphrodites dans le centre; cinq étamines syngénèses ; un style; 
deux stigmates; les semences couronnées par des aigrettes sim- 
ples et sessiles, quelquefois pédicellées; le réceptacle nu. 

Les racines du pas d'âne sont fort longues, grêles, pnpaptes, 


Sg: Livraison. 


TUSSILAGE. 
blanchâtres. Après l'émission des fleurs , elles produisent des feuilles 
toutes radicales, assez grandes , pétiolées , ovales, un peu arrondies, 
échancrées en cœur, légèrement anguleuses, lisses, d’un vert gai en 
dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous, die à leurs bords 
de petites dents charnues et rougeûtres. 

Les hampes s'élèvent immédiatement des racines : a sont droi- 
tes, simples, uniflores, fistuleuses, longues de six à dix pouces, un 
peu rougeâtres, chargées d’un duvet blanchâtre , garnies d'écailles 
éparses, membraneuses, lancéolées, aiguës. 

Les fleurs sont radiées, solitaires, d’un beau jaune; les écailles 
du calice glabres, étroites, linéaires, toutes égales, accompagnées 
à leur base de quelques petites bractées cotonneuses à leur bords; 
des fleurons hermaphrodites dans le centre; des nn rron fe- 
melles à la circonférence. 

Cette plante croît sur les pentes un peu humides, stériles, sa- 
blonneuses , aux lieux exposés au soleil. 

On distingue encore plusieurs autres espèces de tussilage, tels 
que le tussilage odorant, qui fleurit en hiver, que l'on cultive 
comme plante d'agrément depuis quelques années, qui croît en Ita- 
lie, et que j'ai recueilli en Barbarie, sur les bords d’un ruisseau, 
proche les ruines de l’ancienne Tabrarca. Notre {ussilage pétasite 
est remarquable par ses grosses racines, par ses grandes et larges 
feuilles , par ses belles fleurs d’une teinte purpurine, mélangées de 
blanc , disposées en un panache élégant, se montrant avant les feuil- 
les , dans les premiers jours du printemps , sur le bord des ruisseaux , 
et des fossés humides. (P.) 

Le tussilage est presque inodore. Sa saveur est muqueuse, désa- 
gréable, amère et un peu styptique. Cette dernière qualité, ainsi 
que la couleur noire que son infusion acquiert par le contact ‘du 
sulfate de fer, y décelent bien un principe astringent; mais, du 
reste , on ne connaît point la nature de ses principes constituans. Si 
ses qualités physiques, expliquent jusqu'à un certain point, sans 
_les justifier toutefois’, les propriétés directement opposées et souvent 
contradictoires dont il a été décoré, comment concilier les vertus 
tonique, stomachique, fébrifuge, sudorifique, béchique , alexitère, 
que certains auteurs lui attribuent, avec les propriétés émolliente, 


TUSSILAGE. 
relächante et antiphlogistique, qui ‘lui sont non moins libérale- 
ment accordées par d’autres? 

Cependant cette plante a été employée, dès l'enfance de Fart, 
dans le traitement de la toux et autres affections de la poitrine. Hip- 
pocrate faisait usage de sa racine dans l’ulcération des poumons. 
Pline et Dioscorides nous apprennent que la fumée de ses feuilles 
était recommandée par les anciens contre la toux et l’orthopnée; et 
cet usage antique, au rapport de lillustre Linné, se retrouve parmi 
les habitans de quelques contrées de la Suède. Divers auteurs lui 
ont donné de grands éloges contre le catarrhe pulmonaire. Fuller et 
après lui Cullen l'ont employée contre la phthisie scrofuleuse ; mais 
le célèbre professeur d'Édimbourg avoue que, si le mucilage lui a 
paru quelquefois utile contre les écrouelles, dans beaucoup de cas 
il n’en a obtenu aucun effet. M. Alibert, sous les yeux duquel cette 
plante a été administrée à l'hôpital Saint-Louis, dans diverses affec- 
tions scrofuleuses, n’a pas été plus heureux. Malgré ces faits positifs 
très-propres à nous mettre en garde contre les éloges exagérés qui 
ont été prodigués au tussilage, on ne s’est pas borné à vanter son 
efficacité contre la toux, l'asthme, la phthisie, et autres maladies 
chroniques des poumons; on l’a singulièrement préconisé dans les 
phlegmasies aiguës de ces organes, lorsque la chaleur et les autres 
symptômes sont modérés. Toutefois, comme aucun fait précis ne 
sert de preuve aux assertions qu'on a débitées en sa faveur, il est 
permis de douter des prétendus succès qu'on lui attribue; il est 
même raisonnable de penser que, si cette plante ne peut convenir 
dans les phlegmasies à cause de son amertume et de l'excitation lé- 
gère qui en est la suite, son action tonique est trop faible pour qu’on 
puisse y avoir recours avec succès dans les maladies où il faut aug- 
menter l’action des organes par une médication de cette nature : de 
sorte que, sous aucun rapport, la matière médicale n’a point à re- 
gretter l’oubli presque absolu dans lequel le tussilage est enfin tombé 
après avoir joui si long-temps d’une réputation usurpée. 

Comme topique, la fumée de cette plante a été recommandée 
contre l’odontalgie, et ses feuilles , en cataplasmes contre les inflam- 
mations locales. A l’intérieur, on l’administre, soit en infusion, soit 
en décoction à la dose de huit à seize grammes ( deux à quatre gros) 


TUSSILAG E. 
dans un kilogramme (deux livres) d’eau. Son suc a été donhé de 
trente-deux à cent vingt grammes. Son eau distillée est entièrement 
inerte. Le sirop et la conserve qu'on en préparait jadis n’ont d’au- 
tres propriétés que celles. que leur imprime lé sucre qui entre dans 
leur composition. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 1 


(La plante est de grandeur naturelle.) 


1, Feuille radicale, 3. Fleuron femelle de la circonférence. 
2. Deux écailles détachées du ealice com- 4. Fleuron hermaphrodite du centre. 


L 


VALERIANE. 


CCCXLIVY. 


VALERIANE. 
Gretists 4 +... Œov, Dioscorides 
VALERIANA SYLVESTRIS MAJOR ; Bauhin , Tsv4£, lib, 4, sect. 6. Tourne- 
1 js t, clas. 2 , sect. 2 
Fatinens. à is re 53 VADEÈLANS | 9 LS; dns triandris, foliis omnibus pinnatis. 


PE monogynie. Jussieu, elas. 11, ord. 1, famille des 


Italien à VALERIANA 
Espagnol. x..:5258 VALERIANA 
Porhurats. . 1 VALERJIANA. 
Francis.) M4 4 VALERIANE ; VALÉRIANE SAUVAGE. 
Mao. iiise VALERIAN ; OFFICINAL VALE 
AUEMONE. = 5. BALDRIAN ; OFFICINELLER BALDRIAN 
Hollandais. . ..... VALERLAAN; WILDE VALERI 

ROIS... , «ss se BALDRIAN ; VELANDSURT 
CL NT PT ŸE oT 
FOREST LKI. sé 
Hdssts IL PS SE MAUN ; BALDERJAN 


Ceres belle plante croît aux lieux un peu humides , dans les bois : 
elle se fait remarquer par ses amples bouquets de fleurs odorantes, 
portées au sommet d’une haute tige presque simple, et garnie de 
feuilles ailées ; elle appartient à un genre très-étendu, caractérisé par 
un calice à peine sensible, adhérent avec l'ovaire , dont le limbe, 
roulé en dedans pendant la floraison, se développe ensuite de ma- 
nière à former une sorte d’aigrette qui couronne la semence; une 
corolle plus ou moins irrégulière, tubulée, à cinq lobes un peu iné- 
gaux, quelquefois en bosse ou éperonnée à sa base ; les étamines or- 
dinairement au nombre de trois, rarement solitaires, quelquefois 
avortées, insérées sur le tube de la corolle; un seul style; le fruit 
est une capsule à une ou plusieurs loges avortées; une semence ; 
point de périsperme; l'embryon droit; la radicule supérieure. 

La valériane officinale a des racines blanchâtres, fibreuses, un 
peu amères, d’une saveur forte et pénétrante : elles produisent des 

3 


89° Livraison. 


VALÉRIANE. 
tiges droites, cannelées , fistuleuses, d’un vert jaunâtre, glabres ou 
un peu velues, hautes de quatre à cinq pieds. 

Les feuilles sont opposées, pétiolées, distantes, ailées avec une 
impaire; les folioles sessiles , lancéolées, aiguës, glabres ou un peu 
velues , lâchement dentées à leurs bords. 

Les fleurs sont rougeâtres , quelquefois blanches , légèrement odo- 
rantes, disposées en un panicule très-étalé, composé de rameaux 
opposés , terminé par de petits corymbes partiels. 

Le limbe du calice est roulé en dedans, et forme un rebord épais ; 
la corolle est tubulée, infondibuliforme, munie d’un petit renflement 
latéral vers sa base; le limbe divisé en cinq lobes presque égaux ; 
trois étamines saillantes ; les semences oblongues, cylindriques, cou- 
ronnées par une aigrette plumeuse. (P.) 

La racine de cette plante, telle qu’elle se présente dans les offci- 
nes, est fibreuse, d’une consistance ligneuse, brune en dehors, et 
d’un blanc jaunâtre en dedans , d’uné odeur forte, pénétrante, nau- 
séeuse, comme camphrée. Elle à la singulière propriété d'attirer les 
chats. Sa saveur est chaude, amère, salée et un peu âcre : elle con- 
tient une petite quantité d’huile volatile, qui paraît être la source de 
son arôme ; une matière résineuse, cause de son âcreté, et un extrait 
mucilagineux. 

Lorsqu'elle a été cueillie avant la fructification, desséchée avec 
soin, et conservée à l’abri de l’humidité dans des vaisseaux. bien 
bouchés, cette racine exerce une action prompte , intense et instan- 
tance; ses effets ; bornés d’abord à l’organe sur lequel on l’applique, 
devierinent bientôt généraux, en s'étendant rapidement à tous les 
appareils, soit de la vie organique, soit de la vie animale. Lorsqu'elle 
est ingérée, elle augmente l’action de l'appareil digestif, au point de 
provoquer, à haute dose, le vomissement, la purgation et l’expul- 
sion des vers intestinaux. Consécutivement elle excité la sueur, pro- 

voque la sécrétion de l'urine, ou sollicite l'écoulement des règles ; 
mais elle est spécialement réputée par son action sur le système ner- 
veux, et par ses effets légèrement narcotiques et puissamment anti- 
spasmodiques. | 

Elle à été plus particulièrement administrée dans les maladies 
nerveuses; mais c’est surtout contre l’épilepsie qu'elle paraît avoir 


VALÉRIANE. 

eu le plus de succès. Depuis lheureux emploi que le noble Italien 
Fabius Columna en fit sur lui-même contre cette redoutable affec- 
tion dont il était atteint; un grand nombre d’observateurs, parmi 
lesquels se distinguent Cruger, Lentilius, Schuckmann , Sauvages , 
Scopoli, Marchant , Stoerck, Tissot et le savant Haller ; ont constaté 
son efficacité dans cette névrose, soit chez les enfans, soit chez les 
adultes. IL est bien remarquable que la valériane a eu surtout des 
succès contre l’épilepsie produite par la peur, la colère et autres af- 
fections morales. D'après ses effets sur le canal intestinal et sur les 
vers intestinaux, on peut croire aussi à son utilité contre celle qui 
est due à la présence de ces animaux parasites; mais comme cette 
maladie convulsive reconnaît un grand nombre de causes diverses, 
qui réclament des moyens de traitement très-variés et souvent entiè- 
rement opposés, il n’est point étonnant que cette racine stimulante, 
après avoir réussi dans certains cas qui ne sont pas encore assez 
exactement déterminés, ait échoué dans beaucoup d’autres, ainsi 
que l'ont observé Rocher, et plus récemment M. Alibert. Toutefois, 
l'épilepsie n’est pas la seule névrose dans laquelle la valériane ait été 
administrée avec succès , elle a été employée dans les convulsions, 
dans l’hystérie, la chorée, la colique saturnine. Quelques faits épars 
sembleraient même indiquer qu’on s’en est servi avec avantage dans 
la paralysie, l’hémicränie, la leucophlegmatie, et dans les névroses 
de la rétine. 

A l'extérieur, son huile volatile a été administrée en onction sur 
les membres paralysés. On a prétendu que, mélée au tabac, et in- 
troduite sous forme pulvérulente dans les fosses nasales , elle avait 
la propriété de remédier à laffaiblissement de la vue. Cette assertion 
aurait besoin d’être confirmée par l’expérience. 

La manière la plus sûre et la plus convenable d'employer intérieu- 
rement cette racine, est de l’administrer en poudre, depuis deux jus- 
qu’à quatre grammes et plus, soit en suspension dans un peu d’eau, 
de vin ou de lait, soit incorporée avec le miel ou tout autre corps 
mou , sous forme de pilules, de bols ou d’électuaires. On peut aussi 
donner son infusion aqueuse, préparée à vaisseaux clos, dans la 
proportion de dix à vingt parties de racine sur cent parties d’eau 
bouillante. Sa macération alcoolique, que l'on prépare avec dix ou 


VALÉRIANE. 

quinze parties de racine sur cent parties d'alcool à dix degrés, peut 
être administrée, à la dose de seize ou trente grammes, dans une 
certaine quantité de vin. Son extrait aqueux est entièrement inerte. 
Son huile volatile se donne intérieurement , à la dose de cinq à six 
gouttes, dans un excipient convenable. La racine de valériane , ainsi 
que le remarque Cullen, est souvent mal conservée et détériorée 
dans les officines : la propriété singulière qu’elle a d'attirer les chats, 
peut servir à reconnaître si elle est de bonne qualité. La grande va- 
lériane , valeriana phu, et le nard celtique, valeriana celtica, pa- 
raissent jouir des mêmes propriétés médicales. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est réduit trois quarts de sa grandeur naturelle.) 
r. Racine et tige stolonifères. laquelle on ue #75 suspendu au 
2. Fleur entière accompagnée de son écaille. sommet de la cavité de lovaire, et au 
3. Pistil, au sommet de l’ovaire duquel on dessus, dans le te de ni corolle ; la 
a laissé la base de la corolle, afin de cloison qui sépare le vrai 
faire voir qu’en cette partie sont deux lui de l’éperon. 
lobes distincts. 5. Fruit mûr, 


4. Coupe verticale d’une fleur entière, dans 


Trpin ? d4 Lambert SES calp 


VANILLE. 


CCCXLY. 


VANILLE. 


EPIDENDRON VANILLA ; scandens, foliis ovato-oblongis nervosis sessili- 
EE . bus caulinis, cirrhis spiralibus. Linné , gynandrie diandrie, Jussieu , 
clas. 4, ord. 3, famille des orchidées. 
DORE IT EF, VANIGLIA 
Espagnol... ... . VAYNILLA 
Portugais sr riad VANILHA 
Français . VANILLE 
ne é + + VANIELA 
Me hs ci VANILLE. 
Bolt est tds BANILJE. 
ic +... 2 44. FLILXOGHITE (f/eur noire). 


CETTE plante, si intéressante par l’odeur agréable de ses fruits, 
appartient à la famille brillante des orchidées. Linné lavait placée 
parmi les epidendrum; des auteurs plus modernes l'en ont retirée 
pour en former un genre particulier, caractérisé par une corolle ca- 
duque, articulée avec l'ovaire , composée de six pétales ; cinq oblongs 
très-ouverts presque égaux ; un sixième en lèvre, creusé en capuchon 

à sa base, dilaté ensuite en une lame élargie; point de calice; une 
anthère terminale, operculée ; le pollen en petits paquets granulés; 
un ovaire oblong, supportant un style très-court, élargi en un stig- 
Mate concave , faisant corps avec la lèvre. Le fruit est une capsule 
en forme de silique, charnue, cylindrique, à une seule loge, à deux 
valves ; des semences globuleuses. 

Cette plante a des tiges sarmenteuses qui grimpent et s’attachent 
Par des vrilles aux arbres qu’elles rencontrent, et souvent les sur- 
montent : elles sont vertes, cylindriques, noueuses, de la grosseur 
du doigt, remplies d’un suc visqueux; les racines sont rampantes, 
très-longues, tendres, succulentes, d’un roux pâle. 

Les feuilles sont sessiles, alternes, distantes, ovales-oblongues, 
aiguës , lisses, molles, un peu épaisses, longues de neuf où LA pou- 


89° Livraison. 


VANILLE. 
ces sur environ trois de large, traversées par des nervures longitudi- 
nales ; les vrilles simples, plus courtes que les feuilles. 

Les fleurs sont disposées, vers le sommet des tiges, en grappes 
axillaires, pédonculées, de la longueur des feuilles. La corolle est 
grande, fort belle , blanche en dedans, verdâtre en dehors, composée 
de cinq pétales presque égaux, très-ouverts, ondulés à leurs bords, 
souvent roulés vers leur extrémité; le sixième, plus court, très-blanc, 
roulé en cornet presque comme la fleur de la digitale. 

Le fruit est une capsule pulpeuse, charnue, presque de la gros- 
seur du petit doigt, longue de six à sept pouces, presque cylindri- 
que, un peu arquée, noirâtre, s’ouvrant en deux valves, très-odo- 
rante, remplie d’un grand nombre de petites semences noires. On en 
distingue plusieurs variétés, qui toutes paraissent appartenir à la 
même espèce. 

La vanille croît aux lieux humides et ombragés , sur le bord des 
sources et des ruisseaux, dans presque toutes les contrées chaudes 
de l'Amerique méridionale. (£.) 

Le fruit de cette plante exotique renferme une pulpe molle et 
brune. Il est remarquable par une odeur balsamique, forte, très- 
suave, et par une saveur chaude et piquante, fort agréable. On en 
retire une huile volatile, très-odorante, et de l’acide benzoïque. 
L'eau et l'alcool paraissent également se charger de ses principes 
actifs : du reste, on est très-peu éclairé sur la composition chimique 
de ce fruit , et sur la nature de l’efflorescence cristalline et blanchâtre 
dont sa surface se recouvre dans certaines circonstances. On distin- 
gue trois sortes de vanilles dans le commerce : la première, nommée 
pompona où bova par les Espagnols, offre des gousses plus grosses que 
les autres, comme renflées et d’une odeur très-forte; la seconde, 
beaucoup plus estimée, est désignée sous le nom de vanille de ley 
ou légitime : ses gousses sont minces, son odeur est: très-suave; la 
troisième, qui est la moins estimée de toutes, est la vanille bätarde. 
Ces différentes sortes de vanilles ne sont toutefois que de simples 
variétés du même fruit, dépendantes du terroir, de la culture , de 
l'exposition, de son degré de maturité, et peut-être aussi des pré- 
parations qu'on Jui à fait subir. Lorsque la vanille est de bonne 
qualité , un paquet de cinquante gousses doit péser de cinq à huit 


VANILLE. 
onces ; mais il n'est pas rare qu’elle soit sophistiquée , soit par les 
Mexicains, soit par les marchands d'Europe. 

Il est encore incertain si les qualités actives de ce fruit résident 
dans ses semences ; ainsi que le pensait l’illustre Linné; ou ‘dans sa 
pulpe, comme on le croit généralement. Quoi qu'il en soit, ses qua- 
lités physiques très-prononcées sont un indice certain de l'énergie 
de ses propriétés médicales. La vanille, en effet, exerce'une action 
puissante sur l’économie animale, et justifie pleinement les titres 
de tonique, stimulante, échauffante, corroborante, stomachique, 
céphalique, diurétique, emménagogue, aphrodisiaque, ete., qu’on 
lui a accordés. L’impression vive et forte qu’elle détermine sur le 
système nerveux par son arôme fragrant, et sur l'estomac lorsqu'on 
lingère, se transmet rapidement et d’une manière sympathique. à 
ious nos organes, dont elle active plus ou moins les fonctions. 
Ainsi , lorsque l’économie animale est dans un état d’atonie et de 
relâchement, la vanille peut faciliter la digestion, activer la nutri- 
tion, augmenter la transpiration cutanée où la sécrétion de l’urine, 
solliciter l’écoulement des règles, exciter des désirs vénériens, pro- 
voquer même les contractions de l'utérus , et occasioner divers au- 
tres effets secondaires, résultat de son action tonique. 

Elle a été recommandée, sous ces différens rapports, contre la 
dyspepsie atonique, dans la mélancolie, l’hypocondrie et la chlorose, 
dans lesquelles l'appareil digestif est si souvent frappé d’atonie, ou 
dans un état de torpeur. On en fait quelquefois usage dans les ca- 
tarrhes chroniques anciens et dans les écoulemens muqueux rebel- 
les , pour exciter les émonctoires cutanés, et changer l’ordre vicieux 
des mouvemens vitaux qui accumulent les forces vitales sur les 
membranes muqueuses. On y a quelquefois recours dans la ménor- 
rhée atonique, chez les femmes pâles, indolentes. Dans les mêmes 
cas, on lui attribue la faculté de déterminer les contractions de 
l'utérus, et de favoriser l'expulsion du fœtus lorsque l’accouche- 
ment languit par défaut d'action de l’utérus. 

On peut l’administrer en substance à la dose d’un ou deux gram- 
mes, ou en infusion, depuis deux jusqu’à quatre grammes, dans 
cmq hectogrammes d’eau , de vin ou de lait; cependant on y a ra- 
rement recours comme médicament. À cause de la suavité de son 


VANILLE 
odeur ; elle est presque exclusivement réservée aux usages économi- 
ques. 

Son usage peut avoir beaucoup d’inconvéniens chez les jeunes 
gens, chez les sujets secs, ardens et très-irritables ; il serait égale- 
ment nuisible aux personnes disposées aux inflammations, aux hé- 
morragies, ou tourmentées par des maladies de la peau et autres 
irritations habituelles ; mais, comme condiment, la vanille peut être 
utile aux personnes faibles , qui mènent une vie sédentaire , dont les 
fonctions digestives sont languissantes. Sous ce rapport, les cuisi- 
niers lassocient avec avantage aux crêmes, aux gâteaux, et autres 
préparations culinaires, dont un semblable condiment est très-propre 
à favoriser la digestion. Les limonadiers s’en servent pour aromati- 
ser le punch, les glaces et les sorbets ; les confiseurs en préparent 
beaucoup de liqueurs de table, des conserves et autres bonbons. 
Mais la vanille est surtout d’un très-grand usage pour aromatiser le 
chocolat, auquel elle donne une odeur et une saveur très-agréables, 
en même temps qu’elle le rend plus facilé à être digéré par les su- 
jets faibles et d’une sensibilité obtuse. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est réduite à la moitié de sa grandeur naturelle.) 
. Fruit entier. petites es aines nichées dans une pulpe 
2. Coupe du méme, pour faire voir se ‘il blanchât 


contient un grand nombre d 


Le € PS 

nr DAT Per D à à 
VERONIQUE. 

Re PT AA 


CCCXELVE 


VÉRONIQUE. 


VERONICA MAS SUPINA ET VULGATISSIMA ; Bauhin, TuvæË, lib. 7, sect, 1 
Tournefort , clas. 2, sect. 6, ge 


laine 231 L2S41) 1 Quaobiol OFFICINALIS ; ré lateralibus peduncalatis, foliis oppositis, 
; caule procumbente. Linné, diandrie mono ogynie. Jussieu, clas. 8, 
ord. 2, famille des pédiculaires é 
Haëens}...,,,:% VERONICA. 
Espagnol. :..,. .:,.: Verowrca. 
Portugais... ..... VERONICA, 
Français. 5 «+ + + NÉRONIQUE; VÉRONIQUE MALE; THÉ D'EUROVE, 
Anglais. .(iUHRL : MALE SPEEDWELT. 
M. LE, à EHRENPREIS ; WUNDKRAUT, 
Hollandais... .... EERENP 
DE. UE 1 AERENP 
Médoiss 2 us AERENPREIS ; JORDKRYPA 


IL est peu de genres dont les espèces soient plus variées, plus 
répandues en Europe que celui des véroniques : elles croissent pres- 
que partout, mais sous des formes différentes; les unes habitent le 
bord des ruisseaux , les lieux humides, marécageux; d’autres font 
briller dans les champs, au milieu des prés, leur corolle d’un bleu 
céleste : les collines, les pelouses sèches, les revers gazonneux des 
montagnes en sont agréablement tapissés, ainsi que le bord des 
chemins que les haies couvrent de leur ombre; on en trouve jusque 
sur le sommet des Pyrénées et des Alpes. Les bois en renferment 
de très-belles espèces, telles que celle dont il est ici question. Tou- 
tes sont caractérisées par un calice à quatre lobes un peu inégaux ; 
deux étamines ; un style; une capsule plus ou moins comprimée, 
Ovale, ou en cœur renversé, à deux loges renfermant plusieurs 
semences arrondies. ; 

Les tiges de la véronique officinale sont très-souvent rampantes, 
quelquefois redressées, dures, cylindriques , velues, longues de six 
4. 


89° Livraison, 


VÉRONIQUE. 
à dix pouces, simples ou divisées, dès leur base, en rameaux sem- 
blables aux tiges. 

Les feuilles sont opposées, médiocrement pétiolées, ovales, obtu- 
ses ou un peu aiguës, rétrécies à leur base, rudes, velues et comme 
chagrinées, dentées en scie à leurs bords, quelques-unes sont pres- 
que rondes et plus petites. 

Les fleurs sont petites, d’un bleu pâle traversé par des veines 
rougeâtres, disposées ordinairement en deux grappes latérales, axil- 
laires, qui quelquefois paraissent terminales. Ces grappes sont pu- 
bescentes, droites, longues de trois à quatre pouces. 

Les quatre divisions du calice sont pileuses, obtuses; les lobes 
de la corolle obtus; les capsules, ovales, comprimées, échancrées 
en cœur à leur sommet, un peu pubescentes et ciliées. (PA 

Quoique la véronique soit inodore , l’eau distillée qu’elle fournit 
est très-faiblement aromatique. Sa saveur est amère, un peu chaude 
et styptique : elle paraît contenir de l’extractif et du tannin. Toute- 
fois, ce dernier principe y est en si petite quantité, que le sulfate 
de fer n’opère aucun changement dans son infusion aqueuse, L'eau 
et l’alcool se chargent également de ses principes actifs; mais son 
extrait spiritueux est beaucoup plus amer que celui qu’on en obtient 
au moyen de l’eau. 

Cette plante se rapproche beaucoup des substances amères par sa 
manière d'agir sur l’économie animale : elle élève un peu le ton des 
organes. Toutefois, son action tonique est si faible, si lente, et les 
effets secondaires auxquels elle donne lieu sont si obscurs, qu’elle à 
été également recommandée contre des maladies qui demandent des 
toniques, et contre celles qui ne réclament que des adoucissans. 
Elle a surtout été long-temps en usage , etse trouve encore quelque- 
fois employée dans diverses maladies de la poitrine. La toux, la dys- 
pnée, les rhumes, l'asthme, la phthisie pulmonaire, sont les affec- 
tions contre lesquelles elle a été spécialement préconisée: Hoffmann 
a surtout contribué à accréditer sa réputation par les succès qu'il 
prétend en avoir obtenus dans ces affections: Cependant ne doit-on 
pas craindre , avec le sage Murray : ne adstringens stirps screatum 
potius colubeat, quam-adjuvet, nisi debilitas pulmonum subsit, cui 
subvenire potest quodammodo roborans véronicæ vis? À Fexemple 


VÉRONIQUE. 
de tous les végétaux légèrement astringens, la véronique a été pré- 
conisée contre les affections calculeuses. 11 est possible, en effet, 
qu'elle puisse quelquefois exciter l’action des reins, et provoquer une 
abondante sécrétion d'urine, lorsque ces organes sont dans l’atonie; 
mais si, par cette plus grande quantité d’urine , elle peut prévenir la 
formation ou opérer la solution des petites concrétions urinaires 
rénales, son utilité contre les calculs de la vessie est entièrement 
illusoire : du reste, elle ne peut convenir dans aucun cas, lorsque 
les voies urinaires sont le siège d’une inflammation quelconque. 
Certains auteurs ont loué ses bons effets dans la gale, le prurit, et 
autres affections de la peau, contre lesquelles ses succès sont au 
moins douteux. L'efficacité qu’on lui attribue comme vuluéraire 
dans le traitement des plaies n’est pas moins illusoire. Quant à la 
guérison des ulcères cacoèthes, que Pauli lui attribue, si elle a eu 
lieu dans quelques cas par l'application locale de cette plante, ce 
dont il est très-permis de douter, il faut avouer que ces ulcères 
avaient besoin d’une bien faible excitation. 

Si l’on en croit certains auteurs allemands, tels que F. Hoffmann 
et J. Franck, qui ont élevé jusqu'aux nues les propriétés réelles ou 
supposées de la véronique, cette plante serait aussi précieuse que 
le thé, son infusion serait même préférable à celle des feuilles du 
thea viridis. On Yemploie en effet souvent sous cette forme , à la dose 
de quatre ou huit grammes pour un kilogramme d’eau : alors elle 
agit manifestement comme diurétique et sudorifique, selon le degré 
de température auquel on est exposé; mais cet effet est bien moins 
dû à son amertume légère , qu’à l’eau et à la chaleur, qui en sont 
l’excipient. 

EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


{La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle ) 


1. Fleur entière, de grandeur naturelle. 4. Pistil 


2. Corolle onverte pour faire voir l'inser- 5. Fruit grossi. 
tion des deux étamines. Le mème, coupé horizontalement. 


3. Calice et pistil. 7. Graine isolée. 


3406. 


| | — 


Re rs 
Lambert À Sec 


PARA 


CCCXLVIT. 


VERVEINE. 


Mass 5x sepoBoravn, mp éine 
VERBENA COMMUNIS, Hors RÉ Baubhin, Tiwa£, lib. 7, sect, 4. 
he ar os sect. 3, gen. 4. 
Batiniisusipits 4e VERBENA OFF ru a, sé filiformibus paniculatis, si 4 
multifido sr Ho solitario. Linné, diandrie mono gynie 
Jussieu, clas. 8, ord. 5, famille ss Pr 


Italien... ..... versena. 
DagTot. : 2554 VERBENA 
PaRUROis.. | VERBENA 
FPARÇOIS. - . . de VERVEINE ; HERBE SACRÉE 
aplaies dr ox tes VERVAI 
Allemand. .....,, EISENKRAUT 
Hollandais. . ..... : YZERKRUID 
DanGisé, 5 SUIS F1 JERNURTZ 
Moins. Et ds JOERNOERT 
Polondis.s 5: ZELEZNIK 
Russe, SNL ET SCHEL 
CHRIS SEE. MA-PIEN=TSAO 


. L'érymooerr du mot verveine, composé du latin, kerba V’eneris, 
rappelle les propriétés que les anciens attribuaient à cette plantes 
ils la croyaient propre à rallumer les feux d’un amour près de s’é- 
teindre. Les magiciens la faisaient entrer dans leurs enchantemens ; 
les Grecs en formaient des couronnes pour les hérauts d'armes char- 
gés d'annoncer la paix ou la guerre. C'était avec cette plante que les 
prêtres nettoyaient les autels pour les sacrifices ; d’où vient qu’elle 
se nommait eu grec Aterobotane (herba sacra , le sacrée ). Les 
druides la féispiéiet entrer dans l’eau lustrale, et la cueillaient avec 
des cérémonies particulières. 

La verveine est très-commune dans les champs , le long des haies, 
sur le bord des chemins : elle offre pour caractère essentiel un calice 
à cinq dents, dont une presque tronquée ; une corolle courbée, en 
forme d’entonnoir, à cinq lobes irréguliers; quatre étamines op didyp 


gue Livraisors 


VERVEINE. 
mes ; deux plus courtes, très-souvent stériles; un style; un stigmate 
: obtus; quatre semences oblongues, environnées, surtout avant leur 
maturité , d’un tissu utriculaire un peu charnu. 

Ses tiges sont droites, tétragones, dures, striées, un peu purpu- 
rines , rudes sur leurs angles, simples ou munies vers leur sommet 
de quelques rameaux opposés, très-étalés. 

Les feuilles sont opposées, pétiolées, ovales-oblongues, un peu 
ridées, d’un vert sombre, parsemées de quelques poils courts, pro- 
fondément découpées en lobes inégaux, obtus, incisés, le terminal 
beaucoup plus grand. 

Les fleurs sont petites, sessiles, d’un blanc-violet, disposées en 
épis longs et filiformes, accompagnées de bractées courtes, aiguës. 
Le calice est pubescent ; l’orifice de la corolle fermé par quelques 
poils ; le limbe, à cinq lobes arrondis. (CP: 

La verveine est inodore. Sa saveur est un peu astringente et très- 
faiblement amère. On ne s’est point occupé de son analyse chimique, 
mais le faible développement de ses propriétés physiques annonce 
qu'on ne doit en attendre aucun des effets merveilleux que la super- 
stition des anciens s’en promettait, et tout semble justifier le discré- 
dit dans lequel elle est tombée parmi les médecins les plus éclairés 
de notre époque. 

Cependant, d’après la puissance miraculeuse que les anciens attri- 
buaient à cette plante herbacée, les modernes, long-temps asservis 
aux idées les plus absurdes et aux opinions les plus fabuleuses sur 
les propriétés des médicamens, lui ont servilement accordé une foule 
de propriétés médicales tellement contradictoires, que leur simple 
comparaison suffirait pour les faire rejeter par tout esprit juste’, 
comme de vains produits de l'imagination, accrédités par l’igno- 
rance, la crédulité et l’imposture. Comment concilier, en effet, les 
pompeux éloges qu'on lui a prodigués contre les maux de gorge, 
la jaunissé , et les ulcères de la bouche, avec l'efficacité qu'on lui 
attribue contre l’hydropisie commençante , la chlorose et les ulcères 
de mauvais caractère ? Peut-on s'empêcher de sourire, quand on lit 
que l’infusion de cette plante merveilleuse dissipe les vapeurs et fait 
disparaître les coliques; que son eau distillée guérit l’ophthalmie et 


augmente le lait des nourrices? Malgré notre vénération pour les 


VERVEINE. 
noms justement célèbres de Forestus, Hartmann, de Haen, ete. , 
pouvons-nous admettre, d'après l'autorité de ces auteurs, que la 
verveine, appliquée sur la tête en cataplasmes ou en décoction, a 
guéri de ‘redoutsbl céphalalgies? ou plutôt, si cette guérison a eu 
lieu, ne doit-on pas l’attribuer à l’action de l’eau chaude dont ces 
cataplasmes étaient l’excipient? 11 est vrai qu’on attribue la même 
efficacité contre les douleurs de tête à la plante elle-même, séchée - 
ou verte, suspendue au cou; mais on sait aujourd’hui à quoi s’en 
tenir sur la vertu de sésblabiles amulettes, qui n’exhalent aucune 
odeur , et qui n’exercent aucune impression sur la peau. L’applica- 
tion de cette plante sur la poitrine, préconisée contre la pleurésie 
et les douleurs de côtés , ne paraît pas avoir d’autres effets que ceux 
des cataplasmes, ou autres applications émollientes susceptibles de 

_ produire un bien local sur la partie douloureuse; car l'effet vésicant 
que certains auteurs lui attribuent paraît entièrement controuvé. 

Les propriétés médicinales de la verveine ne reposent donc que sur 
des faits douteux, de fausses observations ou des préjugés. C’est une 
plante purement magique, dont le nom se retrouve dans les char- 
mes, les enchantemens des anciens, comme dans les mystères téné- 
breux de la cabale chez les modernes, et autres opérations des sor- 
ciers du moyen âge, qui ont encore des successeurs parmi nous, 
malgré les étonnans progrès des sciences physiques depuis ces temps 
d'ignorance et de barbarie. Les anciens s’en servaient pour purifier 
les autels de Jupiter. On lui attribuait la propriété de resserrer les 
nœuds de l'amitié, et de réconcilier les cœurs aliénés par la haine. 
Elle était en grande vénération parmi les druides. Avant de la cueil- 
lir, ils faisaient un sacrifice à la terre; ils ne l’arrachaient qu’à la 
pointe du jour. Au temps de la canicule, ils s’en servaient pour 
l’aspersion de l’eau lustrale et pour chasser les esprits malins. 

Cependant il est douteux que toutés ces propriétés médicinales, 
sacrées , magiques et cabalistiques puissent être rapportées à la plante 
dont nous nous occupons. S'il est vrai, comme le pensent Haller, 
Spielmann et autres savans, que les anciens aient donné le nom de 
verveine à beaucoup de plantes diverses qu'il est impossible de déter- 
miner , il faudrait partager entre elles les vertus vraies ou fausses 
que la superstition et la crédulité réunies ont accumulées sur notre 


VERVEINE. 


verveine, qui ne mérite, du reste, aucune confiance ;'et dont l'usage 
médical est entièrement tombé en désuétude. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est un peu plus petite que nature.) 


1. Feuille inférieure, au trait. 5. Pistil. 

2. Fleur entière, grossie. 6. Fruit de grosseur naturelle, 

3. Calice accompagné de son écaille, 7. Le mème, grossi. 

4. Corolle ouverte pour faire voir les qua- 8. Le mème, dépouillé de son calice. 


tre etamines, 


CCCXLVIIL. 


VIGNE. 
A PERS PMP Se CRE aumeoc , Dioscorides 
(ue, VINIFERA ; bouée: IivaË, lib. 8, sect, r. Tournefort, clas. 21 
relaie sect. >, gen. 4. 
. VINIFERA ; foliis Éhänts; rer 4 nudis, Linné, pentandrie mo- 
nogynie, Jussieu, elas. 13, 2, famille des vignes 

Hide... 1... VITE. 
Pspapnol si RCE v3 
Portugais De COURS VIDEIRA 
Français. VIGNE 
Ds ton. SR ÈS ST VINE 
Allemand... :.... WEINSTOCK 
Hollandais... .... WYNGAARD 

UE, ds du 1e WUNTRÆE 
Suédois ist 0 VINSTOCK 
Polonais HSE à INNA MACICA 

UISE sa CRE WINOGRAD 
Bohémien. . :..... NNY : 
APPROPEMRRS SAT on 
Géorgien WAST, 

MR I. |. GHEPHEN 

Bo 15 OI A - AENÆ 

Rabadk: is ses SUR MEDUN 
CR 5. PU-TAO. 
IRAQRE.L . ,. : . . .. OAIGUR. 


EN vain l’on chercherait à fixer l’époque à laquelle remonte la 
connaissance de la vigne et l’invention du vin : elle se perd dans 
’obscurité des siècles les plus reculés. Les uns prétendent qu'Osiris, 
le Bacchus des Grecs, a découvert la vigne dans les environs de 
Nysa, dans l'Arabie Heureuse; d’autres attribuent cette découverte 
à Noé. On pense que ce fut le roi Géryon qui transporta la vigneen 
Espagne. Les Phéniciens en introduisirent la culture dans les îles-de 
l’Archipel, dans la Grèce, dans la Sicile, enfin en Italie et:dans le 
territoire de Marseille. Son pays natal n’est pas mieux connu ; il est 
cependant à croire qu'elle est originaire de l’Asie. an 2 elle croisse 


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:VIGNE. 
assez bien dans tous les terrains, elle préfère les sols légers et gra- 
veleux, les coteaux découverts, exposés au midi. 

Le caractère essentiel de la vigne consiste dans un calice fort pe- 
tit, à cinq dents; cinq pétales réunis au sommet , se détachant par la 
base et tombant tous ensemble; cinq étamines; un stigmate sessile; 
une baie à deux loges ; deux ou trois semences dans chaque loge. 

La vigne, cultivée, offre un trop grand nombre de variétés pour 
être décrite avec exactitude; je me borneraï à faire connaître la vigne 
sauvage, telle qu’elle s’est présentée à mes observations sur les côtes 
de Barbarie. Ses tiges se divisent en rameaux souples, très-longs, 
difformes, sarmenteux , s’entortillant autour des corps qui les envi- 
ronnent , s’y attachant par leurs vrilles contournées en spirale, s’é- 
levant quelquefois jusqu’au sommet des plus grands arbres, ou se 
répandant au loin sur les broussailles. 

Les feuilles sont simples , planes , alternes, pétiolées , tomenteuses 
et très-blanches en dessous dans leur jeunesse, velues en dessus, 
puis presque glabres, échancrées en cœur à leur base, divisées en 
trois ou cinq lobes dentés, incisés, aigus; les wrilles opposées aux 
feuilles. : 

Les fleurs sont petites, odorantes, d'un vert jaunâtre, disposées 
en grappes latérales, touffues , opposées aux feuilles; les étamines 
sont étalées, un peu plus longues que la corolle. T'ovaire est ovale, 
divisé en cinq loges ; il lui succède une petite baie globuleuse, or- 
dinairement noire à sa maturité, d’une saveur aigrelette, renfer- 
mant plusieurs semences dures et osseuses. (P.) 

La vigne n’est pas moins célèbre par l'antiquité de sa culture, 
que par lutilité que la médecine retire de ses nombreux produits, 
dont nous allons examiner rapidement les propriétés. 

La sève de ce végétal est un liquide aqueux , transparent, inodore 
et insipide, Suivant M. Deyeux, elle contient une matière végéto- 
animale, qui y est dissoute par de l’acide acétique et de l’acétate de 
chaux. Elle,se putréfie facilement au contact de l'air : du reste, élle 
paraît entièrement inerte, et n’agit pas différemment de l’eau pure. 
Quoiqu’elle soit en grande vénération parmi les commères et les 
empiriques contre les maladies des yeux, elle ne peut donc y avoir 
aucune efficacité, et ne mérite aucune confiance. 


VIGNE. 

Les fruits de la vigne, connus sous le nom de raisins, se présen- 
tent en grappes plus où moins volumineuses , sont très-austères et 
fortement acides avant leur maturité. Leur suc, alors connu sous 
le nom de verjus, exerce une astriction puissante sur nos organes ; 
En gargarisme, il a été recommandé à la fin des angines, dans le 
relâchement de la luette, et contre le gonflement des gencives 
exempt de douleur. On s’en est servi aussi quelquefois pour remé- 
dier aux lipothymies, à l’asphyxie, et à l’apoplexie commençante. 

À leur maturité, les raisins sont remarquables par la délicieuse 
saveur de leur pulpe succulente, douce, sucrée, légèrement acidule, 
et quelquefois même accompagnée d’un arôme très-suave : ils con- 
tiennent beaucoup d’eau, une assez grande quantité de sucre, du 
mucilage et quelquefois'un peu d'acide. 

Dans l’état frais, les raisins, à l’exemple des autres fruits horai- 
res, jouissent de propriétés rafraîchissantes , adoucissantes, relà- 
chantes , lépèrement laxatives et éminemment nutritives. Leur usage 
sous le rapport thérapeutique est extrêmement avantageux dans ie 
cours des maladies organiques et des affections nerveuses , chroni- 
ques, accompagnées de constipation, de chaleur , de fhéduénée dans 
le pouls, d’amaigrissement, de fièvre hectique et de consomption. 
Leur emploi a quelquefois produit des succès inattendus dans l'hys- 
térie, l’'hypocondrie, la manie, et surtout dans le scorbut. Les rai- 
sins né sont pas moins avantageux dans la convalescence de la plu- 
part des fièvres dites primitives, des diarrhées , des dysenteries , des 
hémorrhagies et des affections aiguës des voies urinaires. Sous le 
rapport de la diététique, ils conviennent peu dans les pays froids et 
humides, dans les temps pluvieux, surtout aux vieillards décrépits, 
aux sujets qui mènent une vie sédentaire, qui ont l'estomac affaibli, 
et qui sont disposés à la leucophlegmasie; mais en revanche leur 
usage est extrêmement avantageux aux jeunes gens et aux adultes, 
aux tempéramens bilieux et nerveux, aux constitutions sèches, mo- 
bilés et très-irritables. Ils sont un aliment extrêmement salutaire 
dans les climats chauds et secs. En général, ils apaisent la soif, 
diminuent la chaleur générale, favorisent ou entretiennent la liberté 
du ventre, et fournissent un chyle doux et réparateur. 

Ces fruits, desséchés au soleil ou dans des fours, et conservés 


VIGNE. 

l'abri du contact de l'air, constituent les raisins 
secs, passulæ, uvæ passæ. Dans cet état, ils renferment beaucoup 
moins d’eau, leurs principes sont plus concentrés, et ils contiennent 
une beaucoup plus grande quantité de sucre. Leur décoction est 
souvent employée comme émolliente, adoucissante et relâchante 
dans le traitement des maladies de la poitrine , des affections catar- 
rhales, et autres lésions des membranes muqueuses. Pris en grande 
quantité, ils agissent comme laxatifs. Les raisins secs constituent un 
aliment de dessert très-agréable, très-salutaire. Les ménagères et 
les cuisiniers les emploient en outre comme condiment dans un 
grand nombre de préparations culinaires, et les confiseurs en com- 
posent des confitures et des bonbons très-délicats. On peut, en les 
faisant fermenter avec une certaine quantité d’eau, en obtenir d’ex- 
cellent vin. 


: 


dans des caisses à 


Le suc des raisins, obtenu par expression, et connu sous le nom 
de moût , mustum , est un liquide plus on moins épais, d’une couleur 
plus ou moins He d’une saveur muclaginenses douce et sucrée : 
il contient de l’eau , une grande quantité de sucre, une matière par- 
ticulière soluble dans l’eau, susceptible de se transformer en ferment 
par le contact de l'air, un peu de mucilage, du tartrate acide de 
chaux et plusieurs sels. Il est ann. et très-nutritif, et ses 
qualités se bornent à celles des sirops et du miel, qu'il peut fort 
bien remplacer dans la plupart des préparations pharmaceutiques : 
pour retirer avec avantage Je sucre que contient assez abondam- 
ment son suc, on sature l'excès d’acide tartarique avec de la craie, 
on agite lorsqu'il n’y a plus d’effervescence, on laisse déposer la li- 
queur, on la décante, on la traite par du sang ou du blanc d'œuf, 
on fait évaporer le liquide, puis on le laisse réfroidir et cristalliser : 
en soumettant alors cette matière au raffinage, on obtient un 
sucre blanc et cristallisé, entièrement semblable à celui de la canne 
à sucre. Le moût de raisin, exposé au contact de l’air et à la tem- 
pérature de 15 ou 20°, éprouve la fermentation vineuse, et donne 
ainsi naÏssance au vin. 

Ce qui reste sous le pressoir lorsqu'on a exprimé le suc des 
raisins , ou le marc, mis à l'écart dans des celliers ou dans des han- 
gars, ne tarde pas à s’échauffer; il acquiert même parfois une tem- 


VIGNE. 
pérature de 30° et au delà. Dans cet état, on en fait usage sous 
forme de bain. Son premier effet est de déterminer une abondante 
transpiration : l'excitation vive qu’il exerce sur la peau se transmet 
avec énergie aux tissus sous-jacens , surtout au système nerveux. Sous 
ces différens rapports, le bain de marc est souvent employé avec 
succès dans la paralysie et la contracture des membres, dans les 
rhumatismes , la sciatique, et les douleurs rebelles des articulations. 

Le vin est le produit le plus précieux et le plus important de la 
vigne : c’est un liquide d’une odeur et d’une saveur particulières, 
quoique variables. Les nombreuses modifications qu’il présente sous 
le rapport de la couleur, de la densité , de la force, de la dureté; de 
la douceur, de l’äpreté, du moelleux, et autres qualités physiques 
beaucoup mieux. appréciées par les gourmets que par les chimistes 
et les médecins , résultent, comme celles des raisins dont il provient, 
du climat, du sol, dé la culture, etc., quelquefois aussi de sa pré- 
paration. 

En général, le vin est composé d’eau, d’une quantité d'alcool 
plus ou moins considérable, d’un peu de mucilage, de matière 
végéto-animale , d’une petite quantité de tannin, qui lui communi® 
que une saveur âpre, de tartrate de chaux et autres sels. On croit 
aussi qu’il.renferme une huile particulière, à laquelle il devrait ce 
que les gourmets appellent le bouquet du vin; mais ce principe n'a 
jamais été isolé. Il est des vins qui contiennent du sucre; ils ont 
alors une saveur douce et sucrée, comme les vins de Malaga , d'Ali- 
cante, de Lunel et de Frontignan; mais cela n’a lieu que lorsqu'ils 
proviennent de raisins qui en contiennent eux-mêmes beaucoup, et 
que la fermentation a été incomplète. 1l en. est d’autres, tels que 
nos vins mousseux de Champagne, qui contiennent beaucoup d'acide 
carbonique : ce qui leur donne un goût piquant et acide, avec la 
faculté de mousser. On peut obtenir des vins de cette nature avec 
toutes sortes de raisins : il suffit, pour cela, de les mettre en bouteille 
avant que la fermentation soit achevée; cette opération eontimue 
dans la bouteille : l'acide carbonique qui se forme, ne pouvant se 
dégager, se combine avec le liquide, dont il tend à se séparer aus- 
sitôt qu’en débouchant on enlève les obstacles qui s’opposaient à son 
dégagement. Les vins rouges présentent en outre une matière colo- 


VIGNE. 
rante, bleue, qui est avivée par les acides , et dont les vins blancs 
sont entièrement privés. Ce principe colorant réside dans l’enveloppe 
du raisin : ce qui fait qu'on peut fabriquer du vin blanc avec des 
raisins noirs, lorsqu'on a soin de les débarrasser de leur enveloppe. 

Les vins du Midi, en général, sont beaucoup plus sucrés et surtout 
beaucoup plus spiritueux que les autres; ils contiennent commu- 
nément de 20 à 25 centièmes d'alcool : c’est ce qui fait qu'ils sont 
plus nourrissans et surtout beaucoup plus stimulans, et qu’on ne 
peut en user qu'avec modération : tels sont les vins de Grèce, de 
lItalie méridionale, des îles Canaries, de l'Espagne, du Portugal. 
Ceux du Nord, au contraire, sont peu spiritueux , puisque la pro- 
portion de alcool n’y est guère que de 12 à 15 centièmes, et, au 
lieu d’être sucrés, ils sont plus ou moins acides : tels sont les vins 
des départemens de la Meurthe et de la Moselle, les vins du Rhin, 
de Hongrie et d'Autriche. Les vins de France tiennent le milieu 
entre les vins du Nord et ceux du Midi, et participent des proprié- 
tés des uns et des autres ; mais ceux de nos contrées méridionales, 
comme les vins de Bordeaux, du Languedoc , du Roussillon et de 
la Provence, se rapprochent des vins du Midi par leurs qualités su- 
crées ou spiritueuses , tandis que ceux du Poitou, de l’Angoumois, 
de la Touraine, de la Bourgogne, et surtout ceux de la Champagne, 
se rapprochent des vins du Nord. 

Le vin est un des toniques les plus utiles que possède la matière 
médicale ; et, quoique en général il produise , à cause de l'abus qu’on 
en fait, beaucoup plus de mal que de bien, il peut être considéré 
comme un des plus puissans moyens dont la thérapeutique et la dié- 
tétique puissent faire usage. A petite dose, surtout lorsqu'on n’y est 
pas habitué, il détermine un agréable sentiment de chaleur dans 
l'estomac, il augmente l'action de cet organe, facilite la digestion, 
et perfectionne la nutrition; il active la circulation, augmente la 
chaleur générale et la transpiration cutanée; il provoque dans cer- 
tains cas la sécrétion de l'urine, du lait, du sperme; il excite les 
fonctions cérébrales , dispose à la gaîté, à la joie, à la confiance; il 
donne de la valeur et de la jactance ; il imprime plus d'énergie aux 
mouvemens musculaires. Les vins rouges foncés en couleur exercent 
une impression plus durable que les vins légers et que les vins blancs : 


VIGNE. 

ceux-c1 excitent plus particulièrement l’action des reins, et sont sou- 
vent employés avec succès comme diurétiques. Les vins doux sont 
très-nourrissans; ils occasionent souvent des aigreurs et quelquefois 
la purgation. Ceux qui sont très-spiritueux portent plus particulière- 
ment leur action sur le système nerveux, et produisent facilement 
l'ivresse. Les vins nouveaux âpres et austères occasionent dés coli- 
ques. Chez les sujets d’un tempérament nerveux, et dont là sensibi- 
lité est très-exaltée, le vin de la meilleure qualité, même en très- 
petite proportion, peut produire une excitation générale tellement 
intense, qu'il en résulte du trouble dans la digestion , une chaleur 
incommode, une sorte de malaise , de l'embarras dans l’exercice des 
fonctions intellectuelles; mais , à haute dose, il détermine l’affaiblis- 
sement des sens et des mouvemens volontaires, le trouble de l’enten- 
_dement, la somnolence, l'ivresse enfin , qui peut être accompagnée 
de délire gai ou furieux , de coma, et même d’un état apoplectique. 
Cette ivresse est passagère lorsqu'elle est produite par des vins aci- 
dules, chargés d’acide carbonique; elle est plus durable lorsqu'elle 
est due à des vins très-spiritueux. Le vin est ordinairement dange- 
reux et souvent funeste aux sujets grêles ét très-irritables, à ceux 
qui sont disposés aux dartres , à éléphantiasis , à la phthisie pulmo- 
naire, à l’hémoptysie, aux individus affectés dé gastrites et de pneu- 
monies, soit aiguës, soit chroniques. Son usage rend souvent ces 
dernières maladies mortelles. 

Le long usage du vin finit par nous rendre insensibles à ses effets ; 
son abus affaiblit et finit par oblitérer la sensation du goût; il débi- 
lite l'estomac, détruit l’appétit , engourdit les facultés intellectuelles, 
affaiblit les mouvemens volontaires; il rend dur , grossier, querel- 
leur ; il ferme toutes les avenues aux affections douces de l’âme , aux 
suaves épanchemens du cœur et aux jouissances pures de l’entende- 
ment; il dispose aux tremblemens, à l’apoplexie, à la goutte, et, st 
l’on en croit certains observateurs, il est une des causes les plus puis- 
santes des calculs urinaires. L'abus du vin peut donner lieu enfin à 
des inflammations chroniques de Vappareil digestif ou autres viscères 
abdominaux, et occasioner des hydropisies incurables. 

Cependant , comme sé mir ce liquide, à petite dose , est un des 
médicamens les plus utiles qu’on puisse employer pour activer le ton 


VIGNE. 

de l'estomac, et pour favoriser la digestion et la nutrition languis- 
sante. Il est souverainement salutaire dans lhypocondrie, la mélan- 
colie, la chlorose et l’aménorrhée; il n’est pas moins avantageux 
dans les catarrhes chroniques, les hydropisies essentielles, la pa- 
ralysie idiopathique, le scorbut et les affections scrofuleuses ; il est 
souvent beaucoup plus puissant que le quinquina pour arrêter les 
fièvres intermittentes , lorsqu'elles sont exemptes d'irritation gastri- 
que ; l'expérience même confirme au vin rouge vieux la qualité d’an- 
thelmintique efficace. 

Le vin convient surtout aux vieillards, aux tempéramens lympha- 
tiques, aux constitutions lentes et humides, aux personnes qui mè- 
nent une vie trop sédentaire, à celles qui se nourrissent d’alimens 
grossiers et peu nutritifs; il est d’un très-grand avantage à ceux qui 
habitent des pays froids et humides , des contrées aquatiques, surtout 
dans les saisons pluvieuses et brumeuses , à ceux dont les habitations 
sont insalubres, qui fréquentent les hôpitaux et les prisons ; il est 
un excellent prophylactique contre. les affections miasmatiques et 
contagieuses, et contre les effets du chagrin et de la tristesse; mais 
il convient peu aux sujets maigres, secs et très-irritables, aux tem- 
péramens sanguins et nerveux, aux individus pléthoriques, à ceux 
dont la sensibilité est très-exaltée; il ne convient pas mieux dans les 
climats chauds et secs, ni dans les fortes chaleurs de l'été, quoique 
l’on pense généralement le contraire : c’est ce qui fait que les Espa- 
gnols, les Napolitains et les Grecs en boivent si peu, et que la loi 
de Mahomet en défend l'usage aux Musulmans répandus sur le vaste 
continent de l’Asie et dans la partie la plus chaude de l'Europe. 

Le vin rouge, comme topique, est employé en fomentation, en 
embrocation, en injection, etc., pour exciter la réaction des parties 
affectées d’engorgemens pâteux, de tumeurs indolentes, de gonfle- 
mens fongueux, ou d’ulcérations atoniques et gangréneuses; mais 
son emploi le plus important est comme boisson diététique. 

Sous ce rapport, le vin oceupe un des premiers rangs, et peut- 
être la première place parmi les substances stimulantes dont Fhabi- 
tude a rendu lusage un objet de première nécessité parmi presque 
toutes les nations. Le vin , en effet, plaît à presque tous les hommes ; 
tous les peuples en sont. avides. Ceux: à qui la mature a refusé la 


VIGNE. 

vigne, cherchent à y suppléer par différentes boissons alcooliques 
préparées avec les fruits muqueux et acides, avec les céréales, avec 
le lait; et ce goût dominant, ou plutôt cette fureur universelle des 
hommes pour le vin ou les boissons vineuses , est le plus fort argu- 
ment de ceux qui pensent que cette boisson est absolument et essen- 
tiellement nécessaire à l'espèce humaine. Cependant, si le vin ou les 
boissons alcooliques en général étaient aussi nécessaires qu’on le 
dit à l’entretien de notre vie, à la conservation de nos forces , com- 
ment se fait-il que des nations entières, qui n’en connaissent d’au- 
cune espèce, jouissent d'autant de force ét de vigueur que celles qui 
en font le plus d'usage ? et, chez le même peuple, comment arrive- 
t-il que la santé, la longévité et l'énergie physique et morale se ren- 
contrent , en général, à un plus haut degré, dans les classes qui ne 
boivent jamais de vin , que dans celles qui.en font la plus grande 
consommation ? Si je compare, en effet, les robustes habitans des 
montagnes de la Suisse et de l'Écosse, et même nos bons paysans 
de l'Auvergne et du Limousin, qui ne boivent jamais que de l’eau 
pure , avec les habitans de la Flandre et de la Champagne, et ceux 
de Paris ou de Londres, où il se fait une si grande consommation 
de vin et de liqueurs alcooliques de toute espèce, je vois que le ré- 
sultat, sous le rapport de la santé, de la longévité et de la vigueur, 
est en faveur des premiers. Il paraît donc que le vin, comme l'opium, 
le thé, le tabac, etc., est bien plus recherché à cause de la sensa- 
tion vive qu'il pren sur l'organe du goût, que par son utilité 
directe pour l’entretien de la santé; il paraît enfin que la sensualité 
et le besoin de sentir ont seuls accrédité son usage. 

L'alcool qu’on obtient par la distillation du vin est un liquide 
transparent , incolore , d’une odeur forte et agréable, d’une saveur 
chaude et caustique; il est volatil, inflammable, et se réduit par 
l'analyse en hydrogène et en carbone; il agit comme le vin, mais 
avec beaucoup plus d'intensité et d'énergie : il donne lieu par con- 
séquent aux mêmes inconvéniens. On l'emploie dans les mêmes cas 
que le vin, mais avec beaucoup plus de circonspection et à beaucoup 
plus petite dose, parce qu'il peut donner lieu à des accidens bien 
plus graves. En qualité de médicament, on l’emploie rarement seul; 
mais, comme il dissout facilement les résines, le camphre, on s'en 


VIGNE. 
sert comme excipient pour favoriser l'administration , et pour secon- 
der les effets des toniques, des amers et autres médicamens sti- 
mulans. 

Un dernier produit de la vigne ou du raisin, également utile à la 
médecine, aux arts et à l’économie domestique, c’est le vinaigre. 
On l’obtient en abandonnant le vin au contact de l’air à la tempéra- 
ture de 18 à 20° : il est liquide, blanc ou rouge, d’une odeur pi- 
quante, d’une saveur très-acide; il est en grande partie composé 
d'eau et d'acide acétique. Ce liquide exerce une excitation vive, 
mais d’un genre tout différent de celle du vin et de l'alcool, car il 
désaltère et produit consécutivement un sentiment de fraicheur ; du 
reste, il excite l’appétit, favorise la digestion, augmente la transpi- 
ration cutanée et la sécrétion urinaire; il excite aussi Pappareil pul- 
monaire, au point qu’il détermine la toux et quelquefois même l’hé- 
moptysie , surtout chez les sujets dont la sensibilité des poumons est 
très-exaltée; il exerce aussi une excitation notable sur le système 
nerveux; mais ces effets immédiats, au lieu d’être suivis de soif et 
de chaleur , occasionent un sentiment de fraîcheur, qui le fait regar- 
der comme un des moyens les plus rafraîchissans. On y a recours 
pour augmenter l'appétit, pour supprimer les hémorrhagies de Pap- 
pareil digestif et des organes qui sympathisent avec lui. On en fait 
usage pour exciter les poumons à la fin de certaines péripneumonies 
accompagnées de faiblesse générale, dans la troisième période des 
catarrhes pulmonaires , et alors on lassocie au miel. Étendu d’une 
grande quantité d’eau, on l'emploie dans les phlegmasies de l’appa- 
reil digestif et des voies urinaires, ainsi que dans les fièvres aiguës 
et les maladies pestilentielles , telles que le typhus, la peste et la 
fièvre jaune. 

Il constitue un des médicamens les plus en usage et les plus uni- 
versellement répandus. On l’associe aux alimens végétaux et ani- 
maux pour en relever le goût, pour les préserver de la putréfaction, 
et pour les conserver. Associé à l’eau, il corrige la fadeur et le mau- 
vais goût de celle qui est insalubre, et forme ainsi une boïsson 
agréable et salutaire, dont les Grecs et les Romains faisaient ancien- 
nement usage sous le nom d'oxycrat et de posca. Cette eau vinai- 
grée, associée au miel ou au sucre, forme une limonade très-agréa- 


VIGNE. 
ble, et qui peut remplacer toutes les boissons acides; on en fait aussi 
un sirop acide très-agréable, et d’un usage très-salutaire en été et 
dans les maladies aiguës. 

Enfin, les feuilles de la vigne servent de pâture aux vaches , aux 
chèvres et autres animaux. Les branches ou sarmens, réduits en fa- 
gots, en brülant dans nos foyers, servent à réchauffer et à égayer le 
vigneron , en même temps Ayo fournissent des cendres précieu- 
ses pour les blanchisseuses , Qui s’en servent pour les lessives, et pour 
les chimistes, qui en retirent de l’alcali. 


BUECHNER (andreas-Elias), Déercstie de vino, ut medicina et veneno ; in-4°. Halæ, 1756. 
BURMESTER (w.), Dissertatio de usu vini medico ; in-4°. Gottingæ, 1797. 
RusCA (senjamin), 47 cz into the effects of ardent spirits upon the humano body and 
ind È est-à-dire , es sur les effets des liqueurs spiritueuses sur le physique et le 
moral de l’homme ; eV Philadelphie, 1805 
BERNARDIN di Dissertation sur le vin et les liqueurs spiritueuses ; 30 pages in-4 


CANU cou, Recherches sur l'histoire, la nature, les 7 et l'emploi hygiénique du 
et des liqueurs spiritueuses; 39 pages in-4°. Paris, 182 
BENSTEIN LOEBEL ( Eduard), Die Anwendung und Wirkung Te Weine in me a 
lichen Krankheiten , und deren Verfaelschungen ; c'est-à-dire, L'emploi et 1 
aladies dangereuses , et les falsifications dont cette liqueur est susceptible ; in-8°. 
Paris, 1816, 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
(La plante est réduite à la moitie de sa grandeur naturelle.) 
1. Fleur dont la corolle s'ouvre de bas en 3. Fruit. 
haut 


F 4. Le mème, coupé dans sa longueur. 
2, La même, dégagée de sa corolle. 5. Grain 


348. 


CCCXLIX. 


VIOLETTE, 


GTR) avis rs 40v, mopŒDupouy, Dioscorides 
VIOLA MARTIA, flore hs} odorato ; Bauhin, Tiva£, L 6, sect. r. 
. Tournefort, clas. 11, sect. 1, gen. 2. 
Latin... ,....... VIOLA ODORATA ; acaulis, foliis cordatis, stolonibus reptantibus. Linné , 
syngénésie monogamie. Jussieu, clas. 13, ord. 20; famille des cis- 
es. 


VIOLA ; VIOLA MARZIA; VIOLA MAMMOIA. 

VIOLETA 

VIOLETTA, 

+ VIOLETTE ; VIOLETTE ODORANTE ; VIOLETTE DE MARS. 


MARTSFIOLER. 

AEKTA FIOLER, 
SKOPEK. 

. tar tn 2 FIALKO, 


IL n'est pas, au retour du printemps, de fleur plus récherchée, il 
n’en est point de mieux connue que la violette. En vain elle se cache 
sous l'herbe; son parfum la trahit ; le bleu empourpré de sa corolle 
perce à travers le gazon. Enlevée à son obscurité, elle reçoit les hon- 
neurs auxquels elle semblait vouloir se dérober. Elle croît dans les 
bois, le long des haïes et dans les lieux un peu couverts. Le caractère 
de ce genre consiste en un calice persistant , à cinq divisions pro- 
longées au dessous de leur base; cinq pétales inégaux ; le supérieur 
plus grand , terminé en éperon à sa base; cinq étamines libres, ep 
rentes par leurs anthères ; les deux filamens supérieurs prolo: jés en 
appendices qui pénètrent dans l’éperon ; les anthères me euses 
à leur sommet; l’ovaire supérieur ; un style; le stigmate aigu ou en 


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VIOLETTE. 
entonnoir. Le fruit est une capsule à trois angles, à une seule loge, 
s’ouvrant en trois valves très-étalées ; les semences nombreuses , at- 
tachées le long du milieu des valves; un périsperme charnu ; l’em- 
bryon droit ; la radicule inférieure. 

Ses racines sont composées d’un grand nombre de fibres touffues. 
Il sort du collet de ces racines plusieurs rejets traçans et des feuilles 
toutes radicales , longuement pétiolées, en forme de cœur , finement 
crénelées à leurs bords, vertes, glabres, quelquefois légèrement pu- 
bescentes, obtuses ou un peu aiguës à leur sommet. 

Les fleurs sortent immédiatement des racines, portées sur de longs 
pédoncules très-simples, glabres, uniflores munis de quelques pe- 
tites bractées lancéolées , aiguës. 

Les folioles du calice sont glabres, obtuses ; les pétales arrondis à 
leur sommet. Les capsules s'ouvrent en trois valves concaves, ovales, 
contenant un grand nombre de semences petites, arrondies et blan- 
châtres. 

On rencontre dans les champs, les bois, les prés humides, plu- 
sieurs autres espèces de violette, parmi lesquelles se trouve la pen- 
sée (viola tricolor); la violette de chien, sans odeur; la violette 
hérissée, celle des marais, etc. 

Cette plante a été beaucoup plus employée autrefois en médecine 
qu’elle ne l’est aujourd’hui ; son usage est même en quelque sorte 
tombé en désuétude. 

Sa racine , fibreuse, noueuse, géniculée, est brune à l'extérieur, 
blanchâtre intérieurement, d’une saveur un peu nauséeuse, et se 
rapproche de l’épicacuanha par ses propriétés physiques comme par 
son action sur l’économie animale. Les expériences de MM. Coste 
et Villemet prouvent, en effet, qu’à la dose de demi-gros elle pro- 
voque le vomissement et détermine la purgation. Sous ce rapport, 
elle peut être considérée comme suecédanée de la racine du Brésil, 
et employée dans les mêmes cas. 

Ses feuilles, inodores, d’une saveur herbacée , muqueuse et un 
peu amère , ont été décorées de propriétés rt lbnitaihe par Ga- 
lien , et de vertus vomitives et purgatives par plusieurs de ses suc- 
cesseurs. Ces deux dernières propriétés n’y sont cependant pas très- 
bien constatées , de sorte que la plupart des auteurs se bornent à les 


VIOLETTE. 
regarder comme émollientes : on ne les emploie même que sous ce 
rapport et comme topiques, soit en cataplasme, soit en décoction. 

Les fleurs de la violette, remarquables surtout par la douceur et 
la suavité de l'odeur qu’elles exhalent dans l’état frais, et qu’elles 
perdent en se desséchant, sont un peu amères et légèrement muci- 
lagineuses. C’est sans doute à ces deux qualités qu’elles sont rede- 
vables de l’action purgative que certains auteurs leur attribuent, 
et que Péchlin leur a vu produire, mangées en salade. Toutefois, 
leurs principales propriétés sont dues à l’arôme suave et fragrant 
dont elle sont douées, et que l’eau leur enlève, soit par la distilla- 
tion, soit par la simple infusion. Cet arôme exerce une impression 
si énergique sur le système nerveux, qu'il a quelquefois produit la 
céphalalgie, la syncope et même l’apoplexie, ainsi que Murray le 
rapporte d’après Triller , d’une dame qui mourut apoplectique, pour 
avoir été exposée, pendant la nuit, aux émanations d’un pot de vio- 
lettes imprudemment placé près de son lit. Mais si ces fleurs odo- 
rantes peuvent être quelquefois nuisibles, dans certains cas elles 
paraissent avoir été salutaires. Dioscorides atteste leur avantage 
dans l’épilepsie des enfans, et Baglivi leur efficacité contre toutes 
les affections nerveuses ou convulsives; les médecins de nos jours 
les emploient, comme légèrement anodines, en infusion théiforme, 
dans les maladies inflammatoires de la poitrine, des membranes 
muqueuses, et surtout contre les affections exanthématiques. 

Les semences de cette plante ont joui pendant quelque temps 
d’une certaine réputation, comme diurétiques et lithontriptiques ; 
elles ont été préconisées pour exciter la sécrétion de l’urine et pour 
dissoudre ou favoriser l'écoulement des calculs urinaires. Schulz 
rapporte que leur emploi fit rendre une grande quantité de calculs 
rénaux ou de graviers à l’empereur Maximilien; et cette prétendue 
cure impériale n’a pas peu contribué à les accréditer et à les mettre 
en vogue parmi les courtisans, et la foule des empiriques qui leur 
ressemblent : mais les médecins éclairés et vraiment dignes de ce 
nom savent à quoi s’en tenir sur les prétendues vertus et sur la répu- 
tation usurpée de ces semences, comme sur tant d’autres drogues 
que les progrès des sciences médicales condamnent à un éternel 
oubli. , 


VIOLETTE. 

La racine de violette se donne en substance et sous forme pulvé- 
rulente à la dose d’un à deux grammes, et en infusion à une dose 
double ou triple. Ses feuilles sont employées en quantité suffi- 
sante, et à l’extérieur seulement, en décoction ou sous forme de 
cataplasme. Ses fleurs ne sont guère administrées qu’en infusion 
théiforme, convenablement édulcorée. On fait toutefois avec leurs 
pétales un sirop qui conserve l’agréable odeur de la violette, et qui 
est très-utile pour aromatiser certains médicamens, et particulière- 
ment les tisanes et les potions que l’on donne aux malades. On a 
depuis long-temps renoncé à l'emploi de ses semences. 

La couleur pourpre des pétales de cette fleur, séparée par le 
moyen de l’eau , est très-précieuse pour les chimistes : ils s’en servent 
dans les laboratoires comme réactif, pour reconnaître la présence 
des acides, qui la rougissent , et des alcalis, qui la colorent en vert. 


WEDEL (Georgius-wolfgang), Dissertatio de viola martia Frpurpas in-4°. Zenæ, 1716. 
TRILLER (paniel-Guilielmus), Dissertatio de morte subita ex nimio violarum odore suborta ; 
in-4°. Vitembergæ, 1762. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


(La plante est de grandeur naturelle.) 


1. Calice , étamines et pistil. 3. Fruit entier, accompagné de son calice 
. Pétale inférieur , d’une corolle, à on- persistant. 
glet cucullé ou terminé en capuchon. . Fruit tel qu’il s'ouvre dans la maturité, 


“ Graine grossie, 


Zrpn Pt Lambert S Scale. 


«æ. "y 4 


CCCL. 


ZÉDOAIRE. 


Grec. “ss... Éadoup, Eadpa des Grecs du moyen âge 


ZEDOARIA ROTUNDA ; Bauhin, Hiva, Hib. 1 

Lans Paille. © eue» ROTUNDA ; foliis n. petiolatis. Liané, monandrie 
monogynie, Jussieu , clas. 4, ord. 2, famille des balisiers. 
Italien... : #. “..::/EDOARN. 
Esp Pris ZEDOARIA 
Porfugis, : ... . .:. EDOARIA. 
Français. ee ed ZÉDOAIRE ; ZÉDOAIRE BULBEUSE, 
D ZEDOARY ri 

| CITÉE VERRE ZITTWER 

Hollandais. .., ... RONDE ZEDOAR. 
D cn MALANKUA. 


La zédoaire est ne très-belle plante, qui croit dans les Indes 
re É SH ue l'île de Java. Elle se distingue, comme genre, 
par une corol le monopétale , : à double limbe; l'extérieur partagé en 
trois découpures fort étroites ; l’intérieur irrégulier, à quatre décou- 
pures, une droite, plus étroite; les trois autres fort larges, celle du 
milieu bifide ; une sorte de calice tubulé, transparent , ouvert obli- 
quement au sommet; une anthère sessile , géminée, placée sur la dé- 
coupure la plus étroite du limbe intérieur; un ovaire inférieur, 
ne un style terminé par un stigmate obtus, à deux lames. Le 
fruit est une capsule trigone, un peu ronde, à trois loges, à trois 
valves polyspermes. 
Ses racines sont très-odorantes, ainsi que toute la plante, blau- 
eue intérieurement , revêtues en dehors d’une écorce cendrée, com- 
de bulbes ovales, arrondies, lisses, fibreuses , queleliinis 
réunies deux à deux : elles produisent des feuilles toutes radicales : 
glabres , d’un vert gai, lancéolées, aiguës, longues de sept à huit 
pouces , s'emboîtant les unes dans les autres par une base rétrécie 
en un pétiole vaginal. 


é k rs n 
- go: Livraison. 4. 


ZÉDOAIRE. 

Les fleurs sont presque sessiles; elles sortent immédiatement 
des racines, renfermées d’abord dans une spathe à deux ms 
ovales, lancéolées, aiguës. 

La corolle est Lu, quelquefois mélangée de pourpre, de rouge 
et de blanc, d’une odeur très-agréable, approchant de celle de la 
violette; son tube est grêle, cylindrique; le limbe partagé jusqu'à 
sa base en trois découpures extérieures, fort étroites, allongées, 
linéaires, aiguës, souvent réfléchies; les trois intérieures larges, 
ovales, mucronées; l'intermédiaire bifide. 57 

Cette racine se trouve dans les officines en fragmens cylindriques 
ou orbiculaires , d’un ou deux pouces delong. Sa surface estrugueuse, 
sa consistance compacte, et sa couleur d'un gris pâle, un peu plus 
foncé à l’intérieur qu’extérieurement. Elle offre une légère odeur 
camphrée, une saveur aromatique, chaude et amère. On en retire 
de l'huile volatile très-odorante, du camphre et une certaine quan- 
tité de fécule. Ses principes aromatiques et amers se transmettent à 
l’eau par la macération : on en retire, du reste, un extrait aqueux, 
amer et nauséeux, et un extrait spiritueux , aromatique. 

Les Arabes sont les premiers qui aient introduit cette plante dans, \ 
la matièré médicale. Il est difficile, toutefois, de déterminer avec 
précision si la zédoaire, dont parlent Sérapion, Avicenne et Rhazès, 
est véritablement celle dont il est ici question. Quoi qu’il en soit, 
cette racine aromatique et amère que ses qualités physiques placent 
naturellement parmi les toniques, agit à la manière du gingembre, 
quoique plus faiblement , et excite directement le ton de l'estomac, 
et consécutivement l’action des différens systèmes d'organes avec 
lesquels il sympathise. Ainsi la zédoaire facilite la digestion, et aug- 
mente secondairement la transpiration cutanée, l’exhalation pul- 
monaire et l'influence nerveuse : de là les propriétés stomachique, 
fortifiante, sudorifique, alexipharmaque, incisive, anthelmentique , 
carminative , etc. , dont elle a été décorée. 

A l'exemple des autres substances amères et aromatiques, elle 
peut en effet avoir été administrée avec succès contre l’inappétence 
et l’atonie des premières voies , avoir favorisé l'expulsion des faz et 
des vers contenus dans l'intestin , et soulagé les malades affectés de 
flatuosités, de chlorose et d’hypocondrie. On peut croire aussi à ses 


ZÉDOAIRE. 

bons effets dans l’aménorrhée et l'hystérie qui sont accompagnées 
d’un état de débilité, soit générale, soit locale, dans la paralysie 
essentielle,-dans Péstlime humide et les engorgemens muqueux des 
poumons , ainsi que dans beaucoup d’autres maladies chroniques 
dans lesquelles la médication tonique est nécessaire; mais il est facile 
de voir que la puissance qu’on lui a attribuée de résister à leffet des 
poisons , à la morsure des animaux venimeux et à la peste, n’a ja- 
mais eu d'autre fondement que l'ignorance des lois de l’économie 
animale , l’imposture et une aveugle crédulité. 

En admettant dans cette racine une propriété manifestement toni- 
que , il faut convenir que lefficacité qu’on lui attribue dans les ma- 
ladies chroniques que nous venons d'indiquer, repose bien plutôt 
sur l’analogie, que sur des faits positifs et bien observés. Quoiqu'elle 
ait été introduite par les arabistes dans une multitude de compositions 
officinales qui encombrent nos pharmacies, surchargent et appau- 
vrissent toutes les pharmacopées, elle ne mérite aucune préférence 
sur plusieurs plantes indigènes qu’il est bien plus facile de se pro- 
curer. 

Toutefois, la zédoaire en substance se donne de deux à quatre 

grammes, soit sous forme pulvérulente, soit en électuaire. En infu- 
sion aqueuse ou vineuse, cette dose peut être doublée ou triplée. 
Sa teinture et son extrait alcooliques, jadis vantés comme stomachi- 
ques ; ne sont plus en usage; mais on la confit au sucre , et on l’avale 
ainsi après l'avoir long-temps mâchée. Elle entre dans la composition 
du vinaigre thériacal, de l’eau prophylactique de Sylvius, du grand 
élixir de vie de Matthiole, de l’eau impériale de Londres, de la pou- 
dre de joie de Charas, du philonium romain , etc. , etc. Il serait fas- 
tidieux de rapporter ici toutes les formules surannées dans lesquelles 
figure la zédoaire. 

EXPLICATION DE LA PLANCHE. 

(La plante est réduite aux deux tiers de sa grandeur naturelle.) 
LÀ 


1. Fleur entiere. 2, Pistil ct étamine. 
+ 


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