MR TR. à
RELATION.
D'UN VOYAGE
Dir LiVANT.
FAIT PAR ORDRE DU ROY
CONTENANT
L’Hifoire Ancienne & Moderne de plufeurs Ifles de
VArchipel, de Conftantinople , des Côtes de la Mer
Noire ; de l’Armenie, de la Georgie, des Frontieres
de Perfe & de l'Afie Miñeure.
VEC
Les Plans des Villes èr des Lieux confiderables ; Le Genie, les
. Maurs, le Commerce èr la Religion des differens Peuples qui les
habitent ; Et l'Explication des Médailles à des Monumens
Antiques.
‘Enridhie de Defcriptions + _ lé d'un grand nombre de
antes rares, de $s Animaux; Et de plufi
Obfervations mn l'Hifloire Naturelle.
Par M. PITTON DE TouRNEFORT, Confeiller du Roy,
Academicien Penfionnaire de l'Academie Royale des Sciences, |
Docteur en Medecine de la Faculté de Paris, Profefeur er
Botanique au Jardin du Roy, Le&teur èr Prefeffeur en Medecine
au Co ge Royal. “.
TOME TROISIEME..
22» ODA SRE.
“GARDEN. :
À £; Y O N, Re _
Chez ÆANISSDN ET POSuEL.
M. DccXVII
AVEC PRIVILEGE DU RO.
As
LETTRES:
CONTENUES
DANS LE TROISIÈME VOLUME.
< LETTRE AVE
Defcription des Côtes meridionales de la
Mer Noire, depuis fon embouchüre juf-
ques à Sinope. 5 pag. 1.
LerTrRe XVIL
Defcription des Côtes de la Mer Noire,
depuis Sinope jufques à Trebifonde.
- pag: 44»
LærrTRre XVIII
oyage d'Armenie dr de Georgie. pag. 86.
LETTRE A4X
Voyage des Trois Eglifes. Defcription du
Mont Ararat, & le retour de l' Auteur
à Ergeron. pag. 178.
LETTRE XX. |
Des Murs, de la Religion, & du Com-
merce des Armeniens. pag. 250
HÉETTRE XXL
Voyage de Tocat & d'Angora. pag. 286:
REPTRS XX EL
Voyage de Smyrne à d'Ephefe, Et retour
de l'Auteur à Marfeille. pag 3 53:
VOYAGE
VOYAGE
SE
L EVANT,;
FAÎT PAR ORDRE DU ROŸ,
Bt g Esp eepea desde É
| Lerrrke XVL
A Monféigreur le Conte de Pontchartrain ; Setres
taire d'Etat @ des Commandemens de Sa Ma
Jefté sé;
Mosias R;
Quoiqu' en aient dit les anciens , la mer Noire ne
batien de noir, pour ainfi dire, que le nom ; depeôres :
les vents n J. foufflen pas avec plus de furie ; & meridio:
les orages n'y font gueres plus frequens que Be = ne
es autres mers, Il fur pardonner ces exagéra-
tions aux Poëres anciens , & fur tour au cha- jeuis
grind pd ; en effer le fable de la mier Noire eft pe cm
ome À
Désenrs ;
é
A ee LÉ S UT esse
bouc de même couleur que celui de la mer Blanche ,
Ie lui-
ques à
Sinope.
& fes eaux en fon aufli claires ; en un mor.
fi les côtes de cette mer , qui pafle pour fi dan-,
gereufe ; paroiflent fombres de loin, ce fonr
les bois quiles couvrent , ou le grand éloigne.
ment qui les font paroïître comme noirâtres. Le
ciel y fut fi beau &c fi ferein pendant tout nô-
tre- voyage , que nous ne pûmes nous empecher
de donmer une efpece de démenti à Valerius
Flaccus fameux Poëte Latin , qui a décrit la rou-
te des Argonautes , lefquels pañloient pour les
plus celcbres voyageurs de lPantiquité , mais
qui ne font cependant que de fort pctits garçons
en comparaifon des Vincent le Blanc , Taver-
nier, & une infinité d’autres qui ont veü la plus
grande partic de la serre habitée, : .. :
Ce Poëte aflüre que le ciel de la mér Noire eft
toûjours embroüillé , & qu’on n'y voit jamais de
temps bien formé. Pour moy je ne difconviens
pas que cetre mer ne foit fujette à de grandes
tempêtes, & je n’aurois pas de bonnes raifons
r le nier , car je ne l'ai veüe que dans la plus
le faifon de l’année ;: mais je fuis. perfuadé
qu'aujourd'hui dans, l’état de-perfeétion où l’on a
porté la navigation, on y voyageroit aufi feû-
rement que dans les autres mers , fi les vaifleaux
étoient conduits par de bons Pilotes. Les Grecs
& les Turcs ne font gueres plus habiles que Ti-
-phys & Nauplius qui conduifirent Jafon, Her-
sa ; Thefée, & les autres Heros de Grece ,
jufques {ur les côtes de la Colchide où de Ja
Mengrelie, On voit par la route qu’Apollonius
de Rhodes leur fait tenir ; que toute leur fcience
_aboutifloir ; fuivanr le confeil de Phinée cer
aveugle Roy de Thrace, à éviter les écueils qui
à Dü LEivanr, Lettre XVI à
fe trouvent fur la côte meridionale de la me
Noire , fans ofer pourtant fe mettre au large;
_c'eft à dire qu'il falloit n'y pafler que dans le cal-
me. Les Grecs & les Turcs ont prefque les mé-
mes maximes ; ils n’ont pas l’ufage dés Cartes
maritimes ; & fcachant à peine qu’une des pointes
de la bouffole fe rourne vers le Nord , ils perdent
la tramoritane, comnie l’on dit, dés qu’ils per-
dent les terres de veûñe. Enfin ceux-qui ont
le plus d'expérience parmieux ; au lieu de comp
ter par les rumbs des vents ; paflent pour fort
habilés lorfqu'ils fçavent que pour aller à Caffa
il faut prendre à main gauche en fortant du ca-
nal de là mer Noire ; & que pour aller à Trebifon-
de il faut fe décourner à droite. :
A l'égard de la manœuvre ; ils l’ignorent tout:
à-faic ; leur grand merite eft de ramer: Caftor
& Pollux, Hercule, Thelée, & les autres des
ini-dieux fe diftinguérent pat cet exercice dans le
voyage des Argonautes ; peut-être qu'ils étoient
plus forts & plus hardis que les Turcs ; qui
fouveñt aiment mieux s’en retourner d’où ils font
venus & fuivre le vent qui fouffle , que de lutter
contre lui. On à beau dire que les vagues de [à :
imer Noire font coùrres , & par conféquent vio
lentes ; il eft certain qu’elles fonc plus étendües
& moins coupées que celles de Ia mer Blanche, la:
ep eft partagée par une infinité de canaux qui
ont entre les Ifles, Ce qu'il y a de plus fâcheux
pour ceux qui navigent fur la mer Noire ; c’eft
qu'elle a peü dé bons Ports, & que la plufpart
de fes Rades font découvertes : mais ées Ports
feroient inutiles à des Pilotes , qui dans une tem-
pête n’auroient pas l’adrefle de s’y retirer. Pour
affürer la navigation de cette iner, toute autre
ee or PE
É Voyacr 7
nation que les Turcs formeroit de bons Pilotes j
répareroït les Ports, y bâtiroit des Moles , y
établiroit des magazins ; mais leur génie n’eft pas
tourné de ce coté-là. Les Genois n’avoient pas
manqué de prendre toutes ces précautions lors de:
la décadence de l’Empire des Grecs, & fur tour
dans le x1r1. fiécle, où ils faifoient tour le
commerce dela mer Noire, aprèsen avoir oc
cupé les meilleures Places, On y reconnoit en-
core Je débris de leurs ouvrages , & fur tout ds
ceux qui regafdent la marine. Mahomet II, les
en chafla entierement ; & depuis ce temps-là les
Fures , qui ont tout laiflé ruiner par leur négli-
gence, n'ont jamais voulu permettre aux Francs
d'y naviger , quelques avantages qu’on leur aie
propofez pour en obtenir la permifion.
Fout ce qu'on a dit de cette mer depuis le
temps d'Homere jufqu’à prefent , & tout ce que
les Turcs en penfent, eux qui n’ont fait que
traduire le nom de la mer Noire en leur langue ;
tou cela, dis-je, ne nôus fit pas balancer un:
moment ä entreprendre ce voyage : mais il faut
avoüer que ce ne fut qu'à condition que nous le
ferions {ar un Caïque , & non pas fur une Saï-
que, Les Caïques qui vont fur cette mer , fone
des felouques à quatre rames qui fe ‘retirent tous
s foirs à terre, & qui ne fe remettent en mer
que dansile calme , ou avec un bon vent , à la fa.
veur duquel on déploye une voile quarrée ani.
mécpar les zéphirs, & que l’on baïfle bien fà-
gement lorfqw’ils ceffent de fouffler. Pour éviter
_Îes allarmes que la nuit donne quelquefois fur
Feau , les Matelors de ce pays-là qui aiment à
dormir à leur aïfe , tirent le bâtiment fur le {a-
ble & dreflent une efpece de tente avec la voiles
_c’eft la feule manœuvre qu’ils entendent bien.
«
où LEvanxrT. Leire XVI 5$
Le départ de Numan Cuperli Vizir , ou Pacha à
trois queües, qui venoit d’être nommé Viccroi
d’Erzeron , nous parut une de ces occafions fa-
_vorables que nous ne devions pas laiffer échaper.
C'eft un Seigneur d’un grand merite , fçavant
dansla langue Arabe, profond dans la connoif-
fance de À religion, & qui à l’âge de 36. ans
a leû toutes les Chroniques de l'Empire. Ileft
filsdu Grand Vifir Cuperli qui fut tué fi glo=
rieufement à la bataille de Salanxemen , dans
le temps que la fortune fembloit fe déclarer pour
les armes Othomanes ; ce Numan CupeNieft def-
tiné pour les plus grands emplois de l'Etat. Sul-
tan Muftapha , frere de Sultan Achmet à prefent
regnant , l’honora de fon alliance & lui fit épou-
fer une de fes filles, mais elle fe noya à Andri-
nople dans un des canaux du Serrail, avant que .
le mariage fuft confommé. De Viceroi d'Erze-
ronil fur fait Pacha de Curaye, enfuite on l’a
fait Viceroide Candie, & on ne doute pas qu’il
- ne foit un jour premier Vifir. Il femble que lEm-
D
ire Ochoman ne fe peut foutenir que par la ver-
tu des Cuperlis ; celui-ci ef: aimé des peuples, .
& univerfellement reconnu pour le Seigneur
Le plus intégre & le plus équicable de la Cour:
Nous ne penfâmes donc qu’à fuivre un aufli
honnête homme: M' l’Ambaffadeur eut la bon-
té de nous faire prefenter à lui par M'le Duc ;:
fon Medecin ordinaire, qui éroit auffi celui du.
Pacha. Il ñous fit aflürer de fa protection, en.
confidérarion de l'Empereur de France ; dont il
ne cefloit d'admirer la prévoyance , jufquesà
envoyer, difoit-il , ‘des perfonnes capables de:
découvrir ce que la nature produit dans chaque.
pays , &pour apprendre fur les lieux les ufages
ee. = Pr A
à
& 2":
6 SE 7 AE te |
qu’on en fait par rapport à la fanté. Au furplus
le Pacha n’étoit pas fâché d’avoir des Medecins
à fa fuite, & il m'apprit que fon pere avoit été
fort fatisfait de lhabileté de M' d’Hermange ,
qu’il avoit eû long temps auprés de lui, & en-
tre les mains de qui il étoir mort à Salankemen,
Nos principales converfations pendant le voyage
rouloient fur les interêts des Prinées de l’Euro-
pe ; qu'il connoit parfaitement , &elles fe ter-
minoient ordinairement par une petite relation
de ce que nous avions obfervé de plus curieux,
De crainte de fcandalifer fa maifon , il nous
faïfoit demander en fecret les deffeins des. plantes
que nous obfervionsfur la route ; je les remer-
tois par fes ordres à-un de fes freres Cuperli
Bey , qui nous les rendoit après que le Pacha
les avoir confiderez feul & à loifir. Cette po-
litique eft néceflaire parmi les Turcs , où l'on
trouve mauvais que les bons Mufulmans prennene
connoilfance des fciences culcivées par les Chré-
tiens , & qu'ils donnent des marques de l’eftime
qu’ils en font. J'eus occafñonde lui donner un
morceau de Phofphore , & de lui expliquer la
maniére dont il faur s’en fervir ; mais ikne vou-
Jut pas que j’en fifle l'experience en fa prelence,
Quelques jours après il convint queles Chrétiens
évoient d’habiles gens , & que leur fagacité éroir
auffi louable , que la fainéantife des Orientaux
meritoit d'êrre blâmée, Nous fümes, aflez heu
_reux pour ne voir mourir perfonne Le fa mai-
fon entre nos mains. Quoiqu'il eût auprés de.
Jui MF de S. Lambeïthabile Medecin François ,
il lui ordonna pourtant qu’on nous fift voir tous.
es ; ce que je n’acceptai qu’à condition
: que nous les verrions enfemble, Toute fa mais.
pu Levans. lettre XVI 7?
fon fut malade fur la route ; nous traitâmes le :
Maître le premier, fa femme, fa mere , fa fille,
& fes autres officiers : tout fe paila à notre
honneur , & les malades s'en trouverent
bien. |
Nôtre équipage fat bientoft dreffé , quoique
a route duft être fort longue , car dans les plus
ge voyages je crois qu’il ne faut ablolument
charger que des chofes neceflaires. Nous
acheprâmes donc une tente, quatre grands facs
de cuir pour enfermer nôtre bagage, & des
coffres d’ozier couverts de peau , pour conferver
nos plantes , & les papiers qui fervoienr à les
echer. Les rentes du Levant fonr moins em-
barraffantes que celles de ce pays-ci. Elles n’ont
qu'un arbre au milieu qui É démonte en deux
pieces quand on veut plier bagage ; mais qui
foutient , lorfque la rente eft placée, un pavil-
lon de groffe toile bien ferrée fur laquelle Peau
coule aifément ; le pavillon eft arrété dans fa
circonference avec des cordons que l’on accro.
che à des chevilles de fer fichées en terte ; aux
deux tiers de la hauteur de ce pavillon font arta-
chées des cordes que l’on bande fortement par
le moyen d’autres chevilles plus ecartées de Par
bre que les premieres ; ces cordes tirent le haut
du pavillon en dehors, & lui font faire un
angle faillant en maniére de Manfarde, Nous
placions nos trois ftrapontins de telle maniere,
que le chevet fe trouvoir contre l'arbre, & ies
ieds à la circonference du pavillon, laquelle
d’ailleurs étoit occupée” par nos facs & par nos
coffres. Un quart d'heure fufht pour drefler un Pr va
pareil appartement, & l’on y trouve toutes fes
commoditez, À l'égard de la batterie de cuifine >
iiij
elle confiftoit en fix afliertes, deux grandes jat-
tes, deux marmittes, deux tafles, le rout de
guivre blanchi ; deux bouteilles de cuir pour
porter de l’eau, un fanal & quelques cuilliers
de bois à long manche ; car on n'en trouve pas
d’autres en Turquie , où ordinairement les gens
les plus aifezne font pas mieux en vaiflelle que
nous l’étions., se de HE
Nos capots de Marfeille nous. furent d’un
fecours merveilleux ; ils étoient d’un gros dra
de Capucin , doublez d’une éroffe d’égale réfif- |
tance pour la fatigue. Un capot eft un meuble
"incomparable pour un voyageur, & fert en cas
de beloin de lit & de tente. Nous nous étions
fournis dans lArchipel de linge paur la table,
& pour nôtre uflage , fur tout de calçons de
toile de coton, qui tiennent lieu de draps de
lit dans ces fortes de routes ; nous pouvons
nous vanter d’en avoir fait venir la mode parmi
les Armeniens de nos caravanes. Il fallut quit-
ter l’habit François à Conflantinople pour pren-
drele Dolyman & la vefte ; mais comme cet
habit nous parut fort embarraflant pour travail-
ler à nos recherches , nous fimes faire aufli un
habit à l’Armenienne pour aller à cheval , & des
botines de marroquin pour courir dans la cam-
pagne ; Fhabit à la Turque étoit deftiné pour les
“vifires de céremonis & de bienféance , & l’autre
éroit. pour la fatigue, ù Es
_: Nos amis de Conftantinople nous indiquérent
sn homme admirable qui favoit toute forte
“de métiers , & qui nous fervoit d’Intendant,
_ dé valet de chambre, descuifinier , d’interprete,
& de maître fi je lofe dire ; car le plus fouvent
à _ 4len falloir pañer par tout ce qu'il vouloir, Cer -
«
*
nt LL
x 0 É, : me tp
4 RE SR
Poe re
{ ou Levanr. Lettre XVE 9
habile homme évoir un Grec, fort comme un
Turc, & qui avoit couru par tour le pays; il
faifoic la cuifine à la Turque & à la Françoile,
Outre le Grec vulgaire, il parloir Turc, Arabe,
Italien , Ruffote & Provençal qui eft ma langue
naturclle. Nous nous trouvâmes fibien de 7e
nachi , c'évait ainfi qu’il s’appelloit, que nous
n’en primes pas d’autre jufques en Armenie ;
Pourquoi dépenfer l'argent du Roy mal à. -pro-
pos ? D'ailleurs il faut faire le moins de fracas
E cft poffille dans les pays étrangers . lors
qu’on, n’y cit envoyé que pour faire des obfer-
vations. Jazachi avoit encore une excellente +
qualité pour un voyageur ; il étoit poltron en |
Homme de bon fens, car qui eft-ce qui s'avile
de courir le monde pour fe battre , à moins
que d’être du caractere de Don Guichot ? tour
confideré, en va bien loin avec un peu de pol-
_tronerie & beaucoup de fobrieté. Notre officier
polfédoit la’ premiere de ces qualirez au fublime
degré ; mais comme il ne connoifloit gueres la
feconde , quelque robufte qw’il fuft , il ne pou-
voit pas rélifter à la violence du vin , & s’aflou-
ioit de temps en temps : nous devons cependant
lai rendre juftice, il favoit fi bien prendre fon
temps, que cette liqueur ne faifoit fon effer
que lorfqw’il étoit à cheval ; il dormoïit alors
tranquillement ; & nos aHaires n’en éroient point
dérangées,
. + M: lPAmbañadeur eut ja bonté de nous faire
[2
expedier gratuitement un Commandement dela
Porte, cet à dire qu'il en voulut payer. COR:
les droits a vôtre confidération, MONSEIGNEUR,
- & nous fçavons bien que nous vous fommes
- redevables de toures les honnëtetez dent ilnous “
un | “
A
ue. eo AGE
combla. Voici la teneur de ce Pafleport que
Jay traduit à la lettre, pour faire voir la
formule dont fe fervent les Turcs en parcille
occafion, ÊSYE
COMMANDEMENT
Addref[e aux Pachas, Beglier-Beys | Sangiac-
Beys, Cadis autres Commandans qui [e trou
vent fur le chemin de Conffantinople à Trebifon.
de, Erzeron, Alep, Damas, ©c, tant par
- ner que par terre,
V OVS fçaurez a l'arrivée de ce fublime Com.
mandement , que l'exemplaire des grands ‘de la
religion du Meflie , M' de Ferriol ÆAmbaffadeur de
PEmpereur de France , réfidert à ma fuprême
Porte ( que [afin foit heureufe } a envoie une requefte
a mon Camp Imperial , par laquelle m'ayant
fait [çavoir qu'un des Doileurs de France nommé
Tournefort , particuliérement experimenté dans La
connoiflance des Plantes, eff parti de France avec
quatre perfonnes pour Chercher des plantes qui ne
fe trouvent point dans leur Royaume ; C ayant de
mandé mon Commandement , pour que dans les
endroits de fon pafage ; foit par mer ou par terre,
on_n'} mette aucun empéchement, © qu'il n'y fait
fait aucun dommage à fes hardes 6 a fon equipa-
ge, nes’employant qu'aux chofes de for Art , ne fe
mélant point des affaires de nos fujets tributaires ,
ne fortant point des bornes de fon état, © fe com-
portant comme il le doit ; ce mien Commandement
4 été donné, pour cette fois feulement , pour qu'il
ne Joit mife aucune oppofition à fon pafage ; © j'or-
me gérer ans ce be Commander,
#4
. pu LEVANT. Lettre XVL 3
ous. vous comportiez conformément aux ordres qu’il
contient à ce fujet, G que ledit Doileur avec les
quatre perfonnes de fafuite fenlement ; ne fe mélant
point des affaires de nos fujers tributaires , @ reflant
dans les bornes de [on devoir , dans quelque endrois
de notre jurifdiétion qu'il arrive, pour cette fois
feulement , vous ne mettiez aucune oppofition 4 [on
pallage ; @ qu'il re Joir fait aucune peine aux per-
fonnes defa fuite, ni à fon cquipage, © ne faï-
fant rien de vôtre part qui foit oppofé aux Conffi-
tutions Jmperiales » vous lui faflieX donner pour
fon argent, au prix courant, les chofes dont il
aura befoin , par ceux qui les vendent, © que vous
executieX tout ce que contient mon noble Commande-
ment ; lorfqwil vous fera prefenté. Sachez-le
ainfi, © apres en voir fait la leilure , remet.
teX-le encre les mains de celui qui en eff le porteur ,
© ajoñtez foy au noble fisne dont il eff marqué.
Ecrit au commencement de la Lune Zilcadeh de
PEgire mil cent douXe, Ordonné dans la plaine
de Daout Pacha,
: Nous primes congé de M” l’Ambaffadeur le
13. Avril , & couchämes le même jour à Orracui
fur le canal de la mer Noire dans le Serrail
de Mahemet-Bey , Page du Grand Seigneur,
Mahemet en avoit laiflé l’ufage à M' Chabert
Apoticaire de Provence étabii depuis long-
temps à Re se , où il étoit fort em-
ployé dans fa profeflion : ce pauvre homme
quelque temps après nôtre dépare eut le fort de
la plufparc. des gens qui vont :chercher fortune
dans cetre nine Ville , c’eftà dire qu’il y
mourut de la pefte dont il fut frappé & empor-
té dans le temps qu'il s’y attendoit le moins. Son
fils qui étoit Apoticaire du Pacha, & qui nous
fn A, rs À
CA
e
| F :
RE ED 0 à À On oct à on :
fut d'un grand fecours pendant la route , À
caufe de l'intelligence qu'il.a des. langues du
aySs, vinravec nous attendre ce Seigneur dans
a maifon du Bey, laquelle pañle pour une des
plus belles du canal. |
Le lendemain nous en reconnûmes les envi- -
rons ;ce font de petires collines fort agréables
par leur verdure, mais ellesne produifent que
4
des plantes communes. A Pégard du Serrail ,
il n’a pas beaucoup d’apparence , non plus que
les autres maïfons du Levant, quoique les ap-
partemens en foient beaux , & qu'on y ait fait
beaucoup de dépenfe, Tous les plafonds font
peints, hiftoriez & dorez dans le goût de Tur-
quie, c'eft-à-dire avec des ornemens f petits —
& fi mefquins, quoique riclies, qu'ils feroient
plus propres pour des ouvrages de broderie que
pour des fales. Ces fales font boifées affez pro-
prement , & l’on y voit par tout , au lieu de
tableaux , des fentences Arabes tirées de l'Afco-
ran. Mais quelque foin qu'on ait apporté peur
la décoration de ces lieux , les planchers en font
trop bas , & c'eftlà le défaut ordinaire des bârti-
mens du Levant , où on ne garde point de-pro-
portion, Ce défaut paroït en dehors, car les
combles font fi bas, qu'on diroit qu'ils écrafent
les maifons; en effer ils leur dérobent la moitié
du jour, Quoique les chambres ayent double”
rang de fenêtres , elles n’en font pas mieux éclais
rées:ces fenêtres font ordinairement quarrées ,
. furmontées , chacune par une autre fenêrre plus
petite qui elt ceincrée, C’eft principalement par
les bains qu’on diftingue les. maifons des grands |
igueurs, de celles du commun, Quoique les
bu LevyANT. Leitre XVI 13
Tures ne bâtiflent les bains que pour la commo-
dité , ils ne laiflenc pas de les accompagner de
gaie ornemens ; ceux de la maifon du Bey
ont pavez & incruftez de marbre ; on y tempere
l’eau par le moyen d’un tuyau de plomb qui en
verle de la chaude autant qu'on veur, les gale-
ries & les coridors qui font de bois peint , reg-
- nent autour de la maifon : il n’y a que l’efca.
Lier qui la deshonnore ; mais on n’en fçait pas
faire de plus beaux en Turquie , où les Architec-
tes placent, pour tout efcalier , une efpece d’é-
chelle de bois couverte d’un appentis ; c’eft enco-
re pis chez les Grecs, où cette échelle cft èx-
poire à la pluye & au foleil. La cour de la mai-
on dont je parle feroit af@ belle, fielle n’étoit
pas rétreflie: par un baflin qui fert ( pour aiaft
dire ) de remiles' aux Caïques , car ces caïques
fur le canal dela mer Noire tiennent lieu de car
- rofles , de charrettes & de fourgons : on s’en fert
à toute forte d’ufages, dont la pêche n’eft pas
un des moins utiles, De la cour on pañle dans
les jardins ; qui feroient fort beaux, s'ils n’é-
toient trop refferrez par les collines qui les
environnent ; mais le parc eft bien planté &
d'une étenduë confidérable, Voilà le modele
d’une maifon de campagne de Turquie ; quoi-
qu'elles ne foient pas comparables à celles des
environs de Paris , elles ne laïflent pas d’avoir
des'beautez & une certaine magnificence. Nous
ne nous ennuyâmes pas dans celle de Mahe-
met Bey.
Le Pacha parut enfin fur le canal le 26. Avril.
avec huit gros caïques ou felouques, fur lef.
quelles on avoit mis une partie de fa maifon,
le refte avoir pris les devants fur les Saiques , &
A #
*X
M Ut Pa tasrs.-
l’alloit attendre à Trebifonde. La felouque où
étoient les Dames étoir fi couverte & fi garnie
; FA
de jaloufics de bois, faîtes en maniére de rai-
feaux , qu’elles avoient de la peine à y refpirer:
Le Pacha n'avoir que fa mere , {a femme ;
une de fes filles , fix efclaves de même fexe pour
les fervir , & quelques cunuqes. Nôtre felouqué
éroit le neuviéme bâtiment de cette petite flote ;
& en formoit l'arriere gardé. Soit que Les Turcs
n'aiment pas trop à {€ mêler avec les Chrétiens,ou
que l'on crût que ce feroit manquer de refpect
pour le Pacha fi nous nous fangions fur là même
ligne que les caiques de fa 2 {on Intendant
avoit ürdonhé qu'on laïffetoit une certaine dif-
tance centre nôtre fliique & les autres, J’eûs
beau dire à nos matelots d’avaricer ; ils n’ayoient
garde de s'approcher ; ni de débarquer avant
les autres. Quoiqüe nous euflions frerté nôtre
bâtiment au même prix que ceux du Pacha ,
c'eft à dite à 400. livres pour le voyage de
Conftantinople à Trebifonde , nous n'avions
Pourtant que quatre matelors & un timonier ,
au lieu qu’il y avoit des matelots de relais fur les
autres : mais il n’eft pas furprenant que les gens
du pays, & fur tout les grands Seigneurs ; foient
mieux fervis que-les étrangers ? Je voulus un jour
que ge
trouver à redire dé ce qu’on avoit renvoié fur
nôtre felouque quelques mourons qui embarraf-
foient la cuifine du Pacha ; fmais je ptis le parti
de me taire quand j'entendis qu’of commen-
çoit à nous traitter de chiens & d’infideles aïinfi
pour faire nôtre voyage en paix , il fallut nous
accoûtumer aux maniéres Turques,
Nous nous rangeâmes donc à la quete de la
flotte | après avoir embraffé nos amis qui éroient
bu LevAnT. Lettre XVI. 1
venus hous dire adieu à Ortacui, & nous paffà-
mes les premiers Châteaux à force de rames,
car il ne faifoit point de vent, Nous arrivâmes
aux derniers Châteaux avec le même calme, &
nous cûmes le plaifir d’entrer dans la mer Noire
avec la plus grande tranquillité du monde, Quoi-
que cette mer nous parût ce jour-là aufli pacifi-
que que celle d’Amerique , le cœur ne laifla
pas de nous palpiter un peu à la veüe de certe
immenfe quantité d’eau. Nous relachâmes vers
Le Quindi, c’eft-à-dire fur les quatre heures ; à
Fentrée de la riviere de Riva , à 18 milles d'Or
tacui, On campa le long de l'eau dans des
prairies affez marécageufes ; & comme nous étions
un peu inftruits des maniéres du pays ; nous
fimes drefler nôtre tente aflez loin de celles des
Mufulmans , pour leur marquer nôtre refpeét , &
pour leur laïffer route la liberté qu’ils pouvoient :
fouhaiter ; par rapport à leurs ablutions, On
planta pour cela de petits cabinets de toile , où
une perfonne avoit autant de place qu'il lui en
falloit pour fe laver à fon aife. La tente du Pacha
évoit fur la peloufe & fur la croupe d’une petite
colline dans des bois éclaircis ; Pappartement des
Dames n’en étoit pas loin, il étoir compolé de
deux pavillons encourez de foffez, autour defquels
elles fe promenoient fans être veües, à la fa-
veur d’une grande enceinte de chaflis de toile
peinte en vert & en gris. Le. Pacha & fon frere
e Bey y paffoient la nuit & une partie du jour,
La garde des Dames étoir confiée à des eunuques
noirs comme j’ay dit, dont les vifages me déplai-
_ foient extrémement, car ils faifoient des grimaces
horribles , & rouloient les yeux d’une maniere
aflreufe quand j'enwrois , & quand je fortois de
TERRE Pa NE CE N + Did "%
l'enceinte 6ù lon portoit la fille du Pächä qui.
éroit tourmentéc d’une cruelle toux: :
Riva que je viens d’âppellér uhe riviete ; n'ct
pourtant qu'un rüifleau large à peu prés comme
celui des Gobelins ; tout bourbeux ; & donr Pemi-
bouchüre peut à peine fervir de retrditeà des ba:
teaux ; cependant les anciens en ont fait fonner le
_ nom bien haut; fous celui de Rhebas, Denys le
Geographe , qui a fait trois veis en fa faveur ,
l'appelle une aimable riviere ; Apollonius le Rho-
dien au contraire en parle comme d’un torrent
rapide; Iln’eft pourtant ni aimable ni rapide au-
jourd’hui ; & fuivant toutes les apparences , il
n’a jamais été ni l’un ni l’autre, Ses fources font
vers le Bofphore ; du eôré de Sultati Solyman
Kiofc, dans un pays aflez plat d’où il coule dans
des prairies marécageufes parimi des rofeaux. Il
* meft pas furprenant que Phinée cût donné une
idée H affreufe de ce ruiffeau aùf Argonäutes ,
lui qui regardoit les Ifles Eyanées comime les
ecueils les plus dangereux de la mer: Arrieñ
compta 11, milles & 250. pas depuis le Tem-
ple de Jupiter jufqu’à la riviere Rhebas ; c’eft-à-
dire-depuis le nouveau Château d'Afe jufqu'a
Riva : cer auteur eft d’une exaétirude admirable;
& perfonne n’a fi bien que lui connu la mer Noi-
re , dont il a décrit routes les côtes après les avoir
_ reconnües en qualité de Général de l’Empereut
. Adrien,à qui il en dédia la defcriprion fousienom
du Periple du Pont-Euxin. Ês
Je ne {çaï pas comment on faifoit du tems de cet
Empereur pour faire débarquer les femmes : mais
je fçai bien qu’à prefenc chez les Tures on fait re-
+irer cout le de fort bruft it lorsqu'elles
Pa
veulenc mettre pied à cerpe; les matelots mêmes
és à
fe
. , bé Levant. Lettre XP 1j
fé cachent après avoir ajufté des planches qui leu
fervent de pañlage ; & s’il fe trouve des en-
droits où les çcaiques ne puillent pas avancer
jufques au fable, on enveloppe les Dames , ou
pour mieux dite on les emballe dans cinq ou fix
couvertures , & les marelots les chargent fur leut
col comme des ballots de marchandifes. Quand
on les a inifes à certe , les efclaves les debalent ;
& les cunuques ne ceflent de crier & de mena-
cer , à quelque diftance que l’on foit d’eux, fuft-
ce à plus d’un mille, Les valets de pied du Paz
cha fuyoient pour lors dans les bois , & bien loiri
de fervir ces Dames , ils les auroient laïflé noyer
plutot que de rourner la tefte de leur cofté.
, De peur que nous n’ignoraflions cette loüa:
ble coûtumie, le Lieutenant du Pacha nous ef
inftruifit dés Ja premiere vifite. Comme vous ves
nez de bien loin ; j'ai à vous avertir , me dit-il ;
de certaines chofes qu'il faut abfolument [iavoir
parmi nous, De vous éloigner toujours du quartier
des femmes autant que vous le pourreX ; de n’aller
as vônS promener fur des hauteurs d'ou l'on puiffe
découvrir leurs tentes ; de ne faire aucun dégat
dans les terres jemées ; en cherchant des plantes $
© fur tont de ne point denner de vin aux gens du
Pacha. Nous le remerciâines tres-humblement
de fes bontez. Pour les Dames nous n’y penfions
pas certainement , l'amour des plantes nous oc-
Cupoit entiérement, À légard du vin, les valets
de pied du Pacha venoient la nuit avec tant dem
prefegent que nous ne pouvions pas quelque
ois leur en refufer , ce qui fit que je priai l’Inten-
dant de leur defendre abfolument d’avoir com.
merce avec nous. RE F
Cet Intendant nous parut fort honnête & ai
Tome III 3
18 Vôs 4er.
mé dans l& maïlon de fon Maître, quoiqu'il L
ne füt pas de fon choix , car le/Grand Vifir pour
voir jufques dans Le fond de l’ame des Pachas , &
pour être informe de tout ce qui fe paile chez
eux ; bétir donne ordinairement ces forres d'Of
ficiers, Celui dont nous parlons nous affüra qu'on
fe retireroit rous les foirs vers le Quindi , quelque
temps qu'il ft ; Que le Pacha preudroit quelques
jours de repôs jur {a route ; Qu’on-rons donneroir
des gens de fa miailon, quand nous le foühaite-
rion$ ; Pour nous accompagner dans nos promes
nades, En un mot qu’il favoriferoit nos rechrer-
ches autant qu’il le pourroir. IE nous prefenta le
bras pout lüi toucher lé poux ; & fit apporter
cnfuite le vaflé & le tahac. Nous lui offri-
mies réciproquement ce qui dépendoir de nof-
ue minifteré ; il cn für quite pour deux
faïgnées & pour mie purgation pendant toute là
foutre.
Nous feririmes biénroft la difference qu’il ÿ
avoit entre l& mer Noire & lArchipel. Quoique
nous fuffiôss au 17, Avril , il ne ceffoit pas
de pleuvoir ; au liew que dans FArchipel il ne
pleut gueres pailé le moins de Mars, H fallue
donc nous loler par un Fo qui vuidôit les eaux
dont nôtre rente éroit environnée ; d’ailleurs le
vent du Nord qui commerçoit à fouffler n'é-
chauffôit pas nôtre logement, & la playe con.
tinüoit par grofles ondées : néanmoins nous ne
hiflions pas dé courir avéc plaifr ,; tantôt fur
tes côtes , rantôr dans les terres, & fur tour le
long dn ruiffeau , qui devenoit fi marécageux,
qu’il falloir à rous mommens revenir fur nos pas,
de crainte de nous engager dans des lieux im
énetrables : nous furnes ex
s chfin contraints de nous
we
aie LAC de
Tom.3.p
hebpr
Thymelza Pontica Citrei-
fols Corok.Tnst Rei
Æ.
7 PURE
ténir fur les hauteurs ; mais nous les épüifämes
en cinq ou fix jours. C'eit alors que le vent dut'
Nord& la pluÿe commencerent à nous chagriner;
On jugea à propos d’entrér plus avant dans la
rivicre, bien loin de fe mettre et niet , & nous
fümes épouvañtez de voir qu'on ne penfoir qu’à
faire des provifions. Les gens du Paca nous
offrirent forc honnêtement de la viande; mais
nous en envoiâmes chercher , comme les-autres;
à deux journées du camp. Rien m’adoucir plus:
nos peines ,que deux Plantes admirables ; dont
voici la defcription. és
Thyÿmelza Pontica ; Citrei foliis. Coroll. Inft;'’
rei Heïb, 41. Sa tacine qui a demi pied de long;
eft groffe au collet comimie le petit doigt, ligneufe;-
dure ; divilée en quelques fibres ; couverte.
d'une écorce couleur de citron. Cette racine
produit une tige d’eniviron deux pieds de haut ;
ranchiüe quelquefois dés fa naiflance, épaiflé
d’environ-rrois lignes ; ferme, mais fi pliante
qu’on ‘ ne fçauroit la cafler , tevèru£ d’une éco:
cé grife; accompagnée vers le haur de feüilles-
difpoféés fans ordre, femblables par leur figus.
te & par leur confiftance , à celles du citronier ;
les plus grandes onc environ quatre pouces de.
long für deux pouces de large , pointuës par
les deux bouts , liffes , vért-gai & luifant ; re
levées au-deffons d’une côte aflez grofle ; laquel-
le diftribuc des vailleaux jufques vers les bords:
Dé l'éxrrerbité dés tiges & des bräniches, pouf:
fent für 4 fin d'Avril de jéuines jets rerninez pa:
de nouvelles feüilles ; parmi lefquelles naifflenë
les fleurs attachées ordinairement deux à deux
fur une queüe longue de neuf où dix lignes. Cha:
que fleur eft un tuyau jaune verdâtre ; tirant ff
Bi.
23
ANR Lee XPR 1
É
20 VovyaAceEr
le citron , gros d’une ligne fur plus de demi
pouce de long , divifé en quatre parties oppolées
en croix , longues de prés de cinq lignes A une
ligne de large, un peu pliées en goucticre , &
qui vont en diminüant jufques à la pointe,
Quatre etamines fort courtes. fe trouvent à l'en-
trée du tuyau, chargées de fommets blanchä-
tres & déliez ; furmontées de quatre autres eta-
mines de pareille forme. Le piftile qui eft au
fond du tuyau eft un bouton ovale, long d’une
ligne, vert-gai ; lifle , cerminé par une petire
tefte blanche. Le fruit n’éroit encore qu’une baye
- verte & naiffante dans laquelle on diftinguoit la
jeune graine, Toute la plante eft aflez rouffué.
Les feuilles écrafées ont l’adeur de celles du fu-
reau, & font d’un goût mucilagineux ; lequel
laife une impreflion de feu aflez confidérable ,
de même que tout le refte de la plante. L’odeur
de la fleur eft douce , mais elle fe pañle faci-
lement. Cete plante vient fur les collines & dans
les bois éclaircis. De toutes les efpeces conniüies
- de ce genre , c’eft celle qui a .les feuilles les plus.
grandes. Pa
La Plante qui fuit n’eft pas moins con-
fidérable par la fingularité de fa fleur. Je l'ai
ni 7
ommée.
Blattaria Orientalis ; Bugule folio , flore maxi-
mo virefcente , Lituris luteis in femicirculum ffriato.
Coroll. Inft. rei Herb. 8. |
‘ La racine eft à trois ou quatre navets charnus ,
longs depuis un pouce jufques à trois , épais d’en-
viron deux lignes jufques à demi pouce , blancs,
caffants , couverts d’une peau En gercée ,
garnis de quelques fibres aflez deliées, atrachez
à un colet gros comme le petit doigr. Les pre-
| LeEvANT. Lettre XVI 21
micres feüilles que cette racine poufle , font
refque ovales , femblables à celles de la Bugle ,
| Ébifelées : ondées fur les bords, longues d’un.
pouce & demi ou deux, fur quinze lignes de
large, fourenües par un pedicule de deux lignes
de long , plat en deflus , arrondi en deflous , pur-
purin & répandu jufques à l'extremité des feuil-
E en plufieurs vaiffeaux de même couleur, La
tige n’a le plus fouvent qu'environ neuf à dix pou-
ces de haut fur une ligne d’épais ; legérement
velüe , accompagnée de feüilles de fept ou huit
lignes de long , for quatre ou cinq lignes de lar-
ge, Celles d’en bas font liffes, les autres parfemées
de quelques poils de même que la tige. De leurs
aiflelles ne versle haut, des fleurs affez fer-
rées & difpofées en manîiére d’un gros épi.Chaque
fleur eft un baffin de près de quinze lignes de dia-
metre , découpé en cinq parties arrondies , dont
les deux fupericures font un peu moindres que
les autres. Le fond de cette fleur eft un vert.
celadon de même que les bords, lefquels tirent.
un peu fur le jaune ; mais les parties arrondies,
dont on vient de parler ,. font rayées en demi-.
cercle d’un jaune vif qui perce de part en part.
Du trou qui occupe le centre de cette fleur ,
artent deux bandesspurpurines , mêlées de blanc,
Fefquelles vont aboutir au démi-cercle jaunâtre
des deux parties fupericures ; & du même bord’
de ce trou naïflent deux etamines blanchätres ,
terminées par des fommets courbes remplis de
pouffiere jaune. Outre ces étarnines on voit
fur les bords du même trou des floccons purpu-
rins, velus , cotoneux & foyeux. Le calice eft
un baffin vert-pâle | long de quatre lignes ,
découpé en cinq parties fines vers le centre ;”
B üij
. £2 Vovascen#r
dont il y en a trois beaucoup plus étroites que
les autres. Le piftile , qui eft cout au milieu,
. ft arrondi, ne;
par un filer beancoup plus long. Nous fümes
convaincus par les coques qui reftoienr des
fruits de l’année précedente, que cette plante eff
u , long d’une ligne, terminé
une veritable efpece d’ Herbe aux Mites, qui va-
rie non feulement par la hauteur de fa tige,
mais encore par la couleur & par la grandeurde
{es fleurs. ;
Tandis que nous nous amufons agréablement
à obferyer des plantes ; on nous menaçoit de
le refte du mois d'Avril dans ce marais ;
mais heureufement le vent du Nord ceffa le
26. La mer en fut encore agitée pendant deux
jours ; mais à force de rames & de cordes , nous
lis enfin de l’embouchüre de Riva le 28.
d'Avril, Nôtre flote rangea la côte, & nous
relachâimes à Kilia village à 30. milles de Riva.
Les Turcs mirent pied à rerre pour faire leurs
prieres ; mais enfuite nous prohitâmes du Sud-
oucft pouf aller jufqu'à la riviere d’Awx ou
d’Ayala à 24. milles de Kilia. Tout ce pays,
ou pour mieux dire, routes les côtes de la mer
Noire jufques à Trebifonde font admirables par
leur verdure ; & la plufpart des furayes s'étendent
fi avant dans les terres, qu’on les perd de veue.
JL eft furprenant que les Turcs ayent rerenu
l'ancien nom de la riviere d'Ava, car ils l'ap-
pellent Sagari .ou Sacari , & ce nom vient fans
doute de Sangarios fleuve affez celebre dans les an-
ciens auteurs ; lequel fervoit de limite à la Bi-
thynie: Strabon affüre qu'on l’avoit rendu na-
vigable, & que fes fources venoïent d’un village
appellé, Sangras , auprés de Peflinunte ville de
ELEGRI.
“Css Liraux Leor IPL :
Phrygie, connüe par le Temple de la mere des
Dieux. Lucullus étoit campé fur fes bords lorf.
_ qu'ilapprit la perte de la bataille de Chalce-
doine , où Mithridare deflit Cotra qui com-
_mandeir wne partie de l’armée Romaine, Lu-
cullus s’avança jufques à Cizique que Mithri-
date vouloir afliecer ; il tomba {ur fon armée &
. da mit en pieces. Pour ce qui eft des autres ruil-
= appelle aujourd’hui Éregriou Penderachi, Quels
ee que petite que foit la riviere d’Anaplia, elle
fur d'un grand fecours à Miclmidate ; il fe retira
._ dans fon embouchüre avec fa flote , après avoir
_ perdu pendant la rempête quelques galeres. .
. Comme Je mauvais temps l’obligeoit d’y refter ,
‘il corrompit Lamachus le plus puiffanr Seigneur
FN
+
_feaux que Strabon & Arrien fonc couler entre
Chalcedoine & Heraclce du Pont , il faur qu’ils
: foient taris , ou réduits à peu. de chofe ; car nos
marelots nous aflürérent qu'ils n’en connoifoient
point d’aucresentre Riva & Ava.
Le 29. Avril , quoique la bonace fuft grande ,
mousne laiflämes pas de faire 40. milles à force
de rames, & nous caimpâmes vers le mjdi fur la
plage de Dichilires. Comime nos marelors'étoienrt
en haleine ; nous enträmes le lendemain dans
l'embouchüre de Ja petite riviere d’Asaplia,
apres avoir fait 6o. miliesrerre à terre. Le 1. May
nous arrivâmes à Penderachi, La riviere d’Ana-
plia, fuivantla defcription d'Arrien , doit être
celle qu’il a nommée Aypius, puifqwilne s'en
|. trouve aucune aùtre jufques à Heraglée , qu'on
d'Heraclée, quipar fes brigues y fit recevoir le
Roy du Pour & fes rronpes:
eg.
° Büÿ
+
SAT
“Penderachi eft une petice ville bâtie (ur les
= 2 £r
\4
CT BIEL UE , n PR EE £
guines de l’ancienne ville d'Heracléecette derniés
re devoit être une des plus belles villesd'Orient,s'il
en faut juger par les ruines,& fur tout parles vieil.
les murailles bâties de gros quartiers depierre qui
font encore fur le bord de la mer, Pour l’enceinte
de la ville qui eft fortifiée d'efpace en efpace par
des tours quarrées , elle ne paroït être que du
temps des Empereurs Grecs. On découvre de tous
côtez des colomnes , des architraves & des inf-
criptions fort maltraitées, On voit , auprés d’uné
mofquée , la porte de la maïfon d’un Turc,
eCM
M:
F4
7
ne
D PS
dont les montans font des pieces de marbre fur lef-
quelles on lit d'un côté P.8. A, TPAIAN
& de l'autre TokPATAQP1 qui fontles reftes
d’une infcriprion de l'Empereur Trajan.Cerre ville
étoit bâtie fur une côte élevée qui domine fur la
mer, & qui femble être faite pour commander
tout le pays. Du côté de rerre il refte encore une
ancienne porte toute fimple , conftruite de grofles
pieces de marbre. On nous aflüra qu'il y avoit en-
core plus loïn ; d’autres reftes d'antiquité ; mais
la nuit qui s’approchoit , & lestentes des fem-
mes, qu'on avoir dreflées proche de ces mafu-
res, ne nous permirent pas d'aller les reconnoi-
tre. Par un malheur même auquel nous ne nous
attendions point , nous ne trouvâmes aucun gui-
de : les Grecs célehrolen leur Pafque , & vou-
loient profiter de l'argent qu'ils avoient donné
su Cadi pour avoir la liberté de bien boire & de
bien danfer ce jour-là. Nous allèmes donc nous
promener à l'avanture du côté du levant »
aux marais qui font au deffous de la
Fe » OÙ apparemment croupifent les eaux du
| pu LEevANT. Lettre XVI. 2$
8 en revenant vers le ruines de la ville, nous
y découvrimes une efpece admirable de Sphon-
dylium que nous primes d’abord pour la Para-
cée d’Heraclée de Diofcoride : mais les fleurs en
font blanches, au lieu que celles de la plante
de Diofcoride doivent être jaunes. C'’eft le
nom d’Æeraclée qui nous en impofa , car fui-
vant cet auteur on l’appelloit Paracée d’Heraclée
à caufe de fes grandes vertus que l’on com-
paroit aux forces d'Hercule, La plante de Diof-
coride venoïit naturellement dans la Bæœorie , dans
la Phocide , dans la Macedoine fur les côtes d’A-
frique , & donnoit le fuc qu’on appelloit Opopa-
nax lequel eft peut-être different de celui qui
porte le même nom aujourd’hui , quoiqu'il en
foit, la plante qui croît dausles ruines d’He-
raclée me parut tres-belle , & la plus grande de
toutes Les efpeces de plantes à fleur en parafol qui
foit connüe ; c'eft pour cette railon que je j'ai
appellée.
Sphondylinm Orientale , maximum Cor. Init.
rei herb, 22. La tige eft haure d'environ cinq
pieds, épaifle d’un pouce , & demi , creufe d’un
nœud à l’autre , canelée, vert pâle , velüe , ac-
compagnée de feüilles de deux pieds édemi de
long fur deux pieds de large , découpées jufques
à leur côte en trois grandes parties , dont celle
du milieu eft recoupée en trois picces , & la moe
yenne de celles-ci eft encore taillée de même.
Toutes ces feuilles font liffes par deflus ; blan-
ches & velües par deffous, fourenués par une
côte plus trolls que le pouce , {olide ; char-
nüe, embraffanc latige par deux grandes ailes,
qui forment une efpece de gaine de neuf ou di
pouces de long, Des aiflelles de ces feuilles fortent
6: © Vos scz
de grandes branches auffi hautes que la tige, &
quelquefois davantage , chargées de fleurs blan.
ches tout-à-fair femblables à celles du S bondyliums
commun ; mais les. ombelles qui les foutiennent
ont un pied & demi de diametre ; les graines ,
quoique vertes & peu avancées, étoient beaucoup
plus grandes que celles des antres efpeces de ce
genre. Cette plante naît dans les débris de ces bel-
les murailles qui font fur le Port , & qui nous pa-
rurent dela premiere antiquité.
On doute fi Srrabon a voulu dire que cette .
ville eût un bon Port, ou s’il faut laïfler dans
cet auteur le mot qui exprime qu’elle n’en avoit
point. Pour moi je crois que le vieux Mole qui
eft entiérement ruiné , & que l’on croit être l’ou.
vrage des Genoïs , avoit été bâti fur les fonde
mens de quelqu’autre Mole plus ancien qui met-
toit à couvert du vent de Nord , les vaiflcaux des
Heracliens : car la Rade qui forme la langue de
terre ou la prefque-iflc d’Acherufias , eft trop dé
couverte , & n'eft pas même d’un grand fecours
pour les faiques, bien loin de pouvoir fervir de
Port à des vaifleaux de guerre. Cependant Ar-
rien dir pofitivement que le Port d'Heraclée éroit
bon pour ces fortes de bâtimens, Xenophon affù-
re que les Heracliens en avoient beaucoup, &
qu’ils en fournirent quelques-uns pour favorifer la
retraite des Dix milles qui regardoient cette place
comme une ville Gréque , foi qu'elle eûr été fon-
dée par les Megariens,par les Eœoriens,par ceux de
Miler,ou par Hercule mème. La belle Médaille de
Julia Domua,qui eft chez le Roy,& dont le revers
repréfente un Neptune , qui de la main droire
tient un Dauphin, & de la gatcheun Trident ,
marque bien la puiflance que cetic ville avoir fur
*
‘pou LEvanrT. Late XVE, 7
mer ; mais rien ne fait plus d'honneur à fon an.
cienne marine , que la fote qu’elle envoya au {e-
cours de Prolemée après la mort de Lyfmachus
l'un des fuccelleurs d'Alexandre. Ce fur par ce
{ecours que Prolemée batrir Antigonus ; & Men
non remarque qu’il s’y trouvoir un vaifleau nom-
mé Le Lyon , d'une beauté furprenante , & d’une
grandeur fi prodisicufe qu’il avoir plus de trois
“mille hommes d'équipage, Les Heracliens four
nirent 13. galeres à Antigonus fils de Deime-
trius , pour s’oppofer à Antiochns , & 40. aux By
Zantins que le même Prince avoit attaquez. On
{çait aufli que la ville d'Heraclée enrretint pen-
dant 11. ans , au fervice des Romains , deux ga-
Îcres couvertes , lefquelles leur furent d’un grand
fecours contre leurs voifins, & même contre
ces peuples d'Afrique qu'onappelloit Afarrucins ,
d'où peut-être eft venu le nom de Æarroquins.
PHifloire eft remplie de traïts qui marquent bien
la puiflance des Heracliens fur mer , & par confé.
quent la bonté de leur Port. Après que Mithri.
darc eut fait piller Scio par Dorylaüs , fous pré:
texte que cetre Ifle avoit favorilé les Rhodiens,
on mit , par l’ordre de ce Prince, les plusilluftres
Sciotes fur quelques vaiffeaux pour les difperfer
dans le Royaume du Pont ; mais les Heracliens
curent la genérofité de Les arrêter, de les mener
dans leur Port, & de renvoyer ces malheureux
chargez de préfens, Enfin les Heracliens eurent le
ialheur eux-mêmes , quelques années apres,d'é-
tre battus par RE 2 la flore Romais
ne compolce de 43. vailleaux laquelle furprit cel-
le d'Heraclée forte feulement de 30. vaifleaux
équipez à la hâte. Où meurre à couvert rant de
navires , fi ce n'’eft dans le Molc dom on vient
de parler > puifqu’il n’y a point de-Port aux en-
pa Yoric
M 277 cette place ? Si Ts Genenl
Athenien , qui avoit été envoyé pour exiger les
contributions des Heracliens , avoir eu rés
de ce Mole , il n’auroit pas perdu {a flore par la
tempére , dans le temps ge oit la cam- à
pe qu Le
Athenes; vi
h pat D bg ; Mbéeis avoient
La caverne par laquelle on se es.
le Me à 1e pour eve le Cerbere,
& quel'on montroit encore du temps de Xena-
ever la peninfule Acherufiar, eft plus dif-
le à découvrir que l'ancien Port d'Heraclée,
2 roro + ftades de profondeur. Elle
doir s'être abimée dépuis ce temps-là , car ileft
a cù âne caverne de ce norn,laquel.
certain qu'il
je a donné lu à La ble du Cerbete, On n'a pas
fondemént
3. Gordien , dônt le revers eft un Hercule :
affomme le Cerberé, après l'avoir mis hors de
l'anrre, M° Foucaut Confeiller d'Etat en à une
main, & à l’autte trois Pommes d’or du jardin
. On a reprefenté fur une Médaille
des
Sd Caracalle, Hercule domptant Acheloës fous
Tom.2.pag-2®.
nn
'
A
«
herb. #.
des
RUE
LA Oh
CASA
CA
Blattaria Orientalis Bugulæ fol flore maxime,
cente, lituris luteis in semicirculum Striat Corel. Irst.R
. pe ÉEvANT. Letire XV I. :3à$
la forme d’un taureau.Le combat de ce demi-dieu
avec :l'Amafone Hyppolie , eft exprime fur une
Médaille de Macrin, Le combat du fanglier d’E-
rymanthe , fur une d’Heliogabale & les legendes
de routes ces Médailles font au nom des Hera_
cliens. Quand Cotta eut pris la ville d'Hera-
clée, il y trouva dans le Marche une ftatuë d'Her-
cule ; dont tous les attributs étoient d’or pur.
Pour marquer la fertilité de leurs campagnes,
les Heracliens avoient fait frapper des Médailles
avec des épis & des cornes d’abondance ; & pour
exprimer la bonté des plantes medecinales que
produifoient les environs de leur ville , on avoit
reprefenté fur une Médaille de Diadumene , un
Efculape appuyé fur un bâton , autour duquel un
rpent évoic tortillé.
Il ne nous refte aucune Médaille , que je fça-
che , des Roys , ou plutoft des Tyrans de cetre
ville, L’extrait que Photius nous a confervé de
Memnon , nous doit confoler de la perte de
l'hiftoire que Nymphis d’Heraclée avoit faite de {a
patrie. Non feulement cet auteur fe renditilluftre
par fes écrits ; mais encore par cette Ambañfade
fameufe où il obligea les Galates à fe retirer, dans
le temps qu'ils mettoient tout à feu & à fang dans
la campagne d'Heraclée,
Certe ville ne fut pas feulement libre dans les
premiers temps , mais recommandable par fes
Colonies. Clearque un de fes citoyens , qui
pendant fon exil avoit etudié à Athenes la
Philofophie de Platon , y fut rappellé pour
appaifer le. peuple qui demandoit de nouvel-.
les Loix & une nouvelle repartition des ter-
res ; le Senar s’y oppofoit puiflamment , mais
Clearque qui n’avoit pas l’efprit Platonicien fe
ER ST € € À RE
rendit maître des affaires, à la faveur du pet
ple ; il commit mille cruautez dans la ville , &
Diodore de Sicile aflüre qu’il avoit pris pour mo2
dele dans l’art de reyner, Denys de Syracufe;Theo-
pompe , fameux hiftorien de Stio , rapporte qué
les citoyens d’Heraclée n’ofoient aller faire leur
cout 4 Clearque , qu'ils n’euffent auparavant dé
jeuné avec de l'herbe dela Rhüe , bien infor-
mez qu'il leur feroit préfenter un verre de Ci-
güe pour Les énvoyer moins cruellement en lau-
tré monde. | :
Cléarque fut tué la douziémne année de fon
rene ; pendant les Bachanales que l’on celébroït
dans la ville. Diodore affüré que fon fils Timo-
thée fut éleû en fa place & qu’il regna r$ ans ;
Mais Juftin fait fucceder à Clearque fon frere
Satyrüs, Suidas même affüre que Clearque ne
fut pas le premier tyran d'Heraclée ; puifqu’il
vit eh fonge Evopius autre tyran de fa patrie ; &
Memnon ; à qui il faut s’enrapporter , puifqu’il
avoit employé douze livres de fon Hiftoire pour
y traiter celle d'Héraclée ; eft du fentiment de
Juftinien. Meminôn, pour marquer le caractere
de Saryrus , dit qu’il ne furpaffoir pas feulement
fon frere en cruauté ; mais encore rous les au:
tres tyfans qui étoient au monde. Attaqué d'uit
éancer qui lui devora rour le bas ventre jufqu'aux
entraîlles ; après avoir fouffert autant qu'il lé
mericoit , il fe décharges du foin des affaires fur
Timothée fo neveu la 65. année de fon âge ;
& la feptiéme de fon regne. Rd
Timothée répondir parfaitement à fon nom ;
& futun Prince accompli dans la paix & dans me
la guctre , auffi mérica-t-il le nom de Ziefuis
teurs &de Sanveur de fapatrie, Avant fa m
bu Levant. Lettre XVI. . si
Î a@wcia au Gouvernement fon frere Denys ;
lequel profitant de la retraite des Perles qu'Ales
xandre venoic de bartre à la bataille du Grani:
que ; érendit aflez loin les limites du Royaume
d'Heraclée. Après la môrt d'Alexandre & de Per-
diccas, Denys époufa Amaftris fille d'Oxathre
frere de Darius, & coufine de cette belle Statira
qui avoir merite d’avoir Alexandre pour mari,Ale:
xandre même avoit pris foin,avant que de mourit
de marier Ainaftris à Craterus l’un de fes Favoris,
lequel enfuite devenu amoureux de Philas filé
d'Antipater , né trouva pas mauvais qu'Amaftris ,
du Arréjtris felon Diodore de Sicile, époufàt
Denys. Ce Prince étroit un honnête homme qui.
quitta le nom de tyran pour prendre celui dé
Roy, qu'il fuurint avec béaucoup de grandeur ;
& c’eft fans doute de ce Roy dont parle Strabon ;
lorfqu’it affire qu'il y eut des Tyrans &c des Roys
d'Héraclée. Le Roy Denys devint f gros & fi
gras parti tant de felicitéz, qu’il tomba dans une
efpece de téthargic, dont on avoir mémede la
peine à le faire revenir , en lui enfonçant des :
aiguilles bien avant dans les chairs. Nymphis ac:
tribuoît cetre maladie à Clearque , fils du premier
tyran d'Heraclée , affaroit que ce Prince s’éroie
fait enfermer dans uné boëte, d’où il ne mons
troit que la tefte pour donner fes audiances,
On en croira ce qu’on voudra ; le bon Roy Denys,
avec tour cet embonpoint , ne laïfla pas d’avoir
d’Ammaftris trôis enfans , Clearque , Oxarhre , &
unc fille de mêmie nom. Il laiffà la turele de fes
enfans”, & l'adininiftration du Royaume à fa
femme , & mourut âgé de ss. ans, après en avoif
regné 30. & merité le nom de Prince res benin.
Antigonus un des fuccefleurs d'Alexandre, prit
12 | Voräic: ; ;
foin de la tutele des enfans de Denys & deg
affaires d'Heraclée. Mais Lyfimachus ayant époué :
fé Amañtris , fur Le maître de la ville, np
même après avoir abandonné cette Princefle ;
car Ss’éçant retiré à Sardes il époufa Arfinoëé
fille de Pcolemée Philadelphie.
Cependant Clearque 11. du nom monta fur le
ttône d’Heraclée avec fon frere Oxathre: mais ces
Princes. {e rendirent odieux par l’horrible affaf-
finat de leur mere qu'ils firent érouffer dans un
vaifleau où elle s’étoit embarquée pour aller L
paremment d’Heraclée à Amaltris, ville quel
venoit de fonder, & de nommer dé fon nom,
Lyfimachus qui regnoit alors en Macedoine , ou-
tré d’une aétion fi noire , par un jufte retour de
tendrefle pour Amaftris fa premiere femme ;
vint à Heraclée & fic mourir les deux Princes
parricides ; ainfi il n’y 4 pas d'apparence qu'ils
àyent regné pendant 17. ans ; comme le veut Dio-
dore de Sicile , qui appelle Zathras le plus jeu-
ne, au lieu d'Oxarhre. Lyfimachus ; fuivant Mem-
non , remit la ville dans fa pleine liberté , mais
elle n’en joüit pas long temps, car Arfinoë qui
avoit beaucoup de credit fur l'efprit de ce Prince,
en ayant obtenu la polfeffion , en donna le gou-
vernement à Heraclie qui en fut le fepriéme
Les Heracliens après la mort de Lyfimachus ,
voulans fecoïer le joug dela tyrannie , fous le-
quel ils avoient gémi t7
pendant 7$. ans , pr +
rent à Heraclite de fe retirer avec fesrichelless
mais le tyran en fut fi irrité , qu'il fe miten de-
voir de fai
fers, on démolit les murailles de la ciradell
jufques
les principaux de la ville ; il :
ne fur pas ins le plus fort, onlemit aux
LL À
ce Liv ANT Lure XP.
jufques aux fondemens ; & après avoir enyoyé une
Ambañfade à Seleucus , autre facceffeur d’Alexans
dre, on prociama Phocrite adminiftrateur de la
ville ; Séleucus ayant reçu fort mal leurs Ambafla.
deurs , ils firent une ligue avec Mithridare Roy
du Pont, avec les Bizantins, & avec ceux de
Chalcedoine ; & ils reçürent même tous les exi-
lez de leur ville.
La Republique d'Heraclée fe foûtint avec hon
neur , jufqu'au cemps que Îes Romains fe rendi..
rent formidables en Ale, Pour s’aflürer du ‘enar,;
* certe Republique dépura à Paul Emile & aux
deux Scipions 3 il ne tint, pas même aux Hera-
cliens qu'Antiochus ne fit fa paix avec les Ro-
mains. Enfin l'intelligence fut fi bien établie ene
tre Rome & Heraclée ; que ces deux villes firent
entre_elles une ligue-offenfive & deffenfve, donc
on écrivit les condicions fur des tables de cuivre
à Rome dans le Temple de Jupiter Capitolin,. &
à Heraclée dans celui de ce même . Dieu. Cepen-
dant. Herackée fut afliegée vigoureufement par
Prufias Roy de Bithynie , qui l’auroit emportée
fans un coup de pierre qui lui cafla la cuille, ce
qui l’obligea de fe retirer dans le remps qu'il al.
loit monter à l’efcalade.. Après cela les Galates
inquietérent fort cetre ville, mais ils furent obli.
gez de fe .retirer.. Malgré fon alliance avec les
Romains, elle crut qu'ilétoit de fon inrerér de
garder la neutralité pendant la guerte que les
KRomains.firenr à Mithridate fous Le commande.
ment de Murena, Epouvantée d’un côté de leur
formidable puiflance , & allärmce du voifinage
du Roy du Pont ; Heraclée refufa d’abord l'en
crée de fon Porc à l’armée de ce Prince, $c ne
Jui fournit que des munitions de bouche, Eu
Tome IIL
Ra
à
Vo
fe à à là HR: d’ eee ES Cénérat. de fa
; Les Heracliens lui donnérent’ cinq galeres,
& côupérent là vorge fi fecrettémenr aux Romains
Qui fe Étéuvérent dans fur ville pour exiger le
Kribut ; qu'on ne pt jamais avoir aucun indice
“de leur Mort, Enfin Michridate luisméme fur re-
çù dans la place par Le moyen de Lamachus fon
ancien ati qu’il gagna à force d'argent,
Ce Prince y aifa Cañnicokix /avee quatre
mille hommes de garnifon ; mais Lucullus après
avoir battu Mithridate fit affiéger la ville par
Coté , Qui l ayant prife par trahifon &entiére-
nent pihéé” là réduifit en cendres: 1 reçûc le
fornom de Pontique à à Ronre ; imafs’ Les ridieffes
finmenfes qu’il avoir emportées d'Heracléé , tai
atcirérent de cruslles affaires, 11 fut SSRÉÉ
pet Sent par un des plus iHuftres Citoyens, qui
beiénic avec des éoukeinrs fi vives Pinéendie
dune “puiffnce ville , laquelle n’avoit manqué à
Falliance ss Romains que par là fraude de fes
Maoïftrats , & par la fourbérié de fes énnetñis,
qu'un Sénätebr ve pôt s’empécher dé dire à Cot-
ta, mois L'avions drldnne de Prendre Heraclée, mais
non pas de la détruire. On renvoyà par- Ordre ‘de
… Sénat tons lés caprifs, & bes habitans furent réea-
blis dans la pofft oe Keurs biens. On leur per-
fit l'ufge de leur Port & la faculté de eommer-.
ter. Buitagéras n° oùblia rin pour la repeupler &
fr Ioné-rémps, qu'inutilement, fa cour à
Jules Céfar pot der: Ja premiere Hbércé defes
Citoyens. Ce für apparemment dans ce temps:la
que 1 Rates ÿ'envoyérent la Colonie ‘dont
te , &’dont üne partie fur réçié dans
ville k use: ‘dahs Ja campagne, Avant la
, Batailke d'A Attim M,-Antôine donne ce quartier
Du LEVANT Lettre XV I.
d'Heracléeà Adiatorix fils de Demenecelius Roy
dés Galates ; & celui-ci par la permiflion, à €e
qu’il dit; d'Antoine ; fit couper la gorge aux
Romains qui s’y trouvérent ; mais apres la dés
faite de <e Général il fervit de triomphe, & fat
mis à mort avec fon fils, Après cerre expédition,
Heraclée fut du département de la Province du
Pont ; laquelle fut jointe à la Bithynie, Voilà
comment cette ville fut incorporée dans l'Empi.
, re Romain fous lequel élle feuridoit encore,
comune il paroit par le refle de l’infeription de
Trajan ; dont on a parlé plus haut.
Heraclée pafla enfuite dans l'Empire des
Grecs , & c’eft dans la décadence de cet Empire
qu’on lui donna le nom de Pernderachi , lequel
fuivant da piononciation dès Grecs , femble un
hom corrompu d’'Æeraclée du Pont, Elle fut pofs
fedée per les Empereurs de Trebifonde après que
les François enrent occupé l'Empire de Conftans
tinople ; mais Thicodore Lafcaris l’enleya à Daz
vid Comnene Empereur de Trebifonde. Les Ges
nois fe faïfirent de Penderachi dans leurs conquê,
tes d'Orient ; & la gardérent juiques à ce que Mas
homet IL. le plus grand Capitaine de fon temps,
les en chaffa. Depuis ce temps-là elleelt reftée
aux Turcs ; ils l’appellent ÆEregri qui paroir témis
encore quelque chofe d'Heraclée, Prefentement
On n'y connoit ni Tyrans , ni Romains , ni Ga
nois. Un feul Cadiy exerce la Juitice ; un Va
vode y:exige la taille & la capicarion des Grecs,
les Turcs y payent feulement les droits du Prin.
ce 3 trop heureux de fumer tranquillement parmi
ces. belles mazures, fans favoir ni s'embart:
de ce quis’y eft pañlé autrefois. és ::
Nous rie fmes pas auili AB daus Pets
| Ci
36 RU SE ci 2.
derachi qu’il m'en auroic falla pour pouvoir en
débrouiller lhiftoire ; car nous ne fimes qu'y
coucher ; & nous en partimes le 2. May par un
beau temps qui nous laiffa faire 80. milles tour à
nôtre aife, Nouts entrèmes fur les quatre heures
après midi dans la riviere de Partheni, dont les
Grecs ont encore confervé le nom; mais les Turcs
l’appellent Dolap, La riviere n’eft pas bien gran-
de , quoique ce fur une de celles que les Dix
milles appreherdoient de pafler. Srrabon & Ar-
rien aflürenc qu’elle féparoit la Paphlagonie de
: la Bithynie, Sice premier autheur revenoit au
monde ; il la tiouveroit aufli belle qu’il la de=
crite. Ses eaux coulent encore parmi ces prai-
ries fleuries qui lui avoient attiré le nom de Wier-
ge. Denys de Byzance auroit mieux fait de les fai-
re pafler autravers de la campagne d’Amañris ,
que par le milieu de la ville ; auffi croit-il que
le nom de Vierge lui fut donné à lüccafion de
Diane que l’on adoroit fur fes bords, Les Ciro-
yens-d’Amaftris l'avoient reprefentée fur une
Médaille de M. Aurele:; le fleuve a le vifage d’un
jeune homme couché, tenant an rofeau dela
main droite, avec le coude apptüyé fur des-ro=
ches d’où fortent fes eaux. Pline n’a: pas bien
connula difpofition de ces côtes , caril a placé
la rivière dé Partheni bien loin au delà d’Ama.
© fris , 8 même plus loin que Stephane dont nous
parlerons dans la fuite. Cependant nous décou-
vrimes Aimaftris le lendemain 3. May fur les-9.
heures du matin, & nous nous retirâmes ce jour
1à dans la riviere de Sira, après avoir fait 70.
milles, moitié à la voile & moitié à la rame:
Amaltris, qu’on appelle aujourd’hui Amaffre,
& non pas Famaffro , comme l'on voit dans nos
LA
LevANT, Lettre X WI. | 37.
Cartes , eft un méchant village bâti fur les ruines
de l’ancienne ville d’Amaftris ; par la Reine dont
on vient de parler ; laquelle y réunit quatre vil.
lages , Sefame , Cytore , Cromna & Tios ; mais les
habitans de Tios quittérent peu de temps après
cette focieré ; & Sefame qui étroit comme la cita-
delle de la ville, prit proprement le nom d’Ama-
ftris. 11 faut lire Arrien pour bien entendre Stra-
bon ; ar Arrien comptaut 90. ftades , de la ri-
viere Parthenius à Amaftris ; 60. ftades d’Amaftris
à Erythine ; autant de là à Cromna , & de Crom-
na à Cyrore, où il y avoit un Port, 90. ftades ;
on ne peur conclure autre chofe, ficen’eft que
JaReine ue peupler fa nouvelle ville
y fit venir des hæ
non d’ailleurs le déclare en termes exprès ; &
affüre que ce changement arriva après la rerraite
d'Amaltris , indignée de ce que Lyfimachus fon
sari venoit d’époufer Arfinoë à Sardes, Or puif-
que , felon Strabon, la citadelle qui s’appelloit
auparavant Sefame , prit ie nom d’Amalñiris, il
eft hors de doute que l’ancienne ville de Sefame ,
dont a fait mention Eftienne de Byzance, où il
dit que Phinée fixa fa premiere demeure, éroit
fituée où eft prefentement Amaftro. Pline con-
vient qu’autrefois Amaftris s’appelloit Sefame , &
que le mont Cytore fi fameux par fes boüis, dont
toutes les côtes de la mer Noire font couvertes,
étoit éloignée de Tios de 63. milles. Cytore fur
un Port dépendant de Sinope , mais Amaftris (ui-
vit la fortune d’Heraclée. La fituation d’Amaftris
eft ares , car elle fe trouve fur: l’Ifhme
tans de tous ces villages. Mein-
d'une prefqu'Ifle , dont les deux échancrures for- D
ment : Ports ; du temps d’Arrien il ÿen
avoit un Fo
t bon pour les es rie
0
‘+8 VOTAC Tr
38
trous les deux fonr remplis de fable aujourd’hui,
Cet auteur traite Amaltris de ville Grecque, à
caufe que fa fondatrice, quoique Perfenne, étoit
Reine d'Heraclée , & qu'elle avoir commencé pat
une colonie de Grecs, La bonté des Ports d'A-
maftris avoit donné Heu au Senat & au peuple. |
de cette ville de faire frapper quelques Médailles, :
on en trouve aux têtes de Nerva , de M, Aurele,
de la jeune Fauftine , de Lucius Verus , dont les
revers réprefentent une fortune débout, laquelle
tient de la main droite un timon , & de la gau-
che une corne d'abondance, On n'avoit pas mans
qué d'en frapper en l’honneur de Neptune , com-
me celle d’Antenin Pie qui eft chez: le#Roy , où
ce Dieu marin tient de la main®droite un Da
phin , & de la gauche un Trident. Il eft allez furs
prenant qu’il fe voye tant dé Médailles d’une
ville qui n’a pas fair beaucoup de bruit dans FHik
toire : on y en avoit frappé , pour ainfi dire , pour …
toutes les Divinitez, La Diane d'Ephefe n’y avoit
pas été oubliée, Il y a chez le Roy une Médaille
de Domitia femme de Domitien , fur le revers de …
laquelle cette Diane eft réprefentée. On voirdes
Médailles d’Amaftris à la tefte d'Antonin Pie,
avec des revers de Jupiter, de Junon , de la Me: :
re des Dieux , de Mercure, de C aftor & de Pol:
Jux, On en voit même une à la tefte de M, Aurele;
& au revers d’Hoimere , comme fi la ville d'Amaf- 4
tris avoir voulu fe glorifier de la naïlfance de ce
. grand homme, Il n’y a pas de plus belle Médaille
de cette ville que celle qui eft chez le Roy, à la
tefte de Julia Mæfa , le revers réprefenre Bacchus
tout debout vêtu en femme,renant une pinte de la
main droite ; Jupiter eft à gauche deb@ur auill
mais avec des attributs bien differens , car il ”
ST st RE Ve 7
1 *
pu LEevANT. Lettre XVI. 39.
une pique à la droite, & la foudre à la gauche. La.
Médaille de M. Aurele marque bien que certe
ville devoit avoir eù des avanrages confidérables
far fes voifins,puifqu’elle a pour revers une femme
avec des trophées à fa geuche. Celles de Fauftine .
la jeune & de Gordien Pie {ont remarquables par.
leurs revers, fur lefquels il y a une Viétoire qui
de la main droite tient une couronne & une pal-
me de la gauche, Celle de Lucius Verus n’eft pas
moins eftimable : c’eft une Vétoire aïîlée avec les
mêmes attributs. Le Roy en a une belle à latefte
du même Empereur ; Mars rout nud eft {ur le re-
vers le cafque entefte, dans l’atticude d’un hom-
me qui marche la pique à la main droite , & un
bouclier à la gauche. Par rapport à la Medecinc,je
fçai bon gré aux citoyens d’Amaftris d’avoir frappé
plufieurs Médailles en fon hôneur:on voir beaucoup
d’Efculapes d’Amaftris avec des bârons,aurour del.
quelsun ferpenc eft cortillé.La Décffe Sglus ef rc-
prefentée fur quelqnes aurresoù les ferpens ne fans
“pas oubliez ; la plufpart des teftes font d’Adrien,
d'Antonin Pie,de M. Aurele,de Fauftine la jeune.
Q ne voit aucune Médaille de la des
Amaltis qui fut fufoquée fur mer par ordre de
fes freres. Après fa mort Lyfimachus donna les
villes d’Amaftris,d'Heraclée & de Tios à fa femme
Arfinoë, qui les remir à Hercule 7°, ryran ou Roy.
d'Heraclée. Son regne ne furpaslong , car Ly-
fimachus étant mort quelque temps après, He-
raclée & Amaftris fecouérent le joug. Amattris.
même fut démembrée du Royaume des Hcra-
cliens ; & jorfque Anriochus fils de Scleycus dé-
clara la guerre à Nicomede Roy de Bithynie, ce
même Nicomede qui ayair befoin du ecours des.
Héracliens, ne pt jamais les faire rentrer dans
Ch
\
2 y
“
""" VÉvESÉ NE Es 2
la poffeffion d’Amatris, parce qu’elle étroit o6s’
cupée par Eumene qui aima mieux en faire pré
fent à Ariobarzane fils Mithridare ,que de la ren
dre à ceux d'Heraclée, : 3P%P
Après la prife d'Heraclée par Cotta , Triarius
ar l’ordre de ce General fe faifit d’Amaftris où #
rites s’étoic retiré; & depuis ce tempslà
“cette ville refta fous la domination des Romains’
& de leurs Empercurs, jufques à l’établiffement =
des Empereurs Grecs. Elle fur de l'Empire de Tre
bifonde fondé par les Comnenes, après que les …
François fe furent établi; à Conftantinople : maïs w
Thecodore Lafcaris ayant défait fathine Sultan. |
d'Iconium , prit Amaftris en 1210. avec Heraclée,
& quelques autres places, Amaftris étoit en la. |
puillance des Genois lorfque Mahomet 11. prit
Conftantinople & Pera, Is jugérent à propos de .
luÿ déclarer la guerre fur le refus qu'il fit de leur
géndre Pera, Mahomet alla en Sins à Ama£
“ris avec une nombreufe artillerie, laquelle fit
une f forte impreffion , non fur les murailles de
la ville, mais fur l'efprit des habirans, qu'ilslui
en duvrirent les portes. Il n’y laiffa que latroifié- …
me partie des habitans, & fir tranfporter le refte
à Conftantinople, Fe
Nous laïfferons la ville d'Amaftro entre Les”
Mains des Turcs, & pourfuivrons nôtre route, |
Le 4. May nous quitrtâmes la riviere de "Sira que
je ne trouve ni dans les Cartes ni dans les Au-
teurs : nous n’allämes qu’à 30. milles au delà , &
la tramontane nous obligca de camper fur une
méchante plage où nous eûmes de la peine à nous
mettre à l'abri du vent, Le 5. May nous doublé-.
mes le Cap Pifello, que les anciens ont conf
fous le nom de Carambis , & qu'ils ont oppo
si
| Du LrvanrTr Lettre XVI. | #
au front de Belier de la Cherfonefe Taurique,
que lon appelle aujourd'hui /4 petite Tartarie ou
Crimée, Les anciens , comme remarque Strabon,
ont comparé la mer Noire à un arc bandé , dont
la corde eft reprefentée par la côte méridionale ,
laquelle feroit prefque en ligne droite fans le Cap
Pilello, |
- Cejour là 5. May nous ne fimes que fo. milles,
& campâmes {ur le bord de la mer à 4bono où il
n’y a que de méchantes cafernes deftinées pour un
grand nombre d'ouvriers qui travaillent à des
cordes pour les vaiffeaux & pour les galeres du
Grand Seigneur. J'ai oublié de dire que les cô-
tes de lamer Noire fourniffent abondamment tout
ce qu’il faut pour remplir les arfenaux ; les ma-
gazins & les ports de cet Empereur, Comme elles
ont couvertes de forefts & de villages , les habi-
tans font obligez de couper des bois pour la mari-
ne, & de les fcier. Quelques-uns travaillent aux
cloux ; les autres aux voiles , aux cordes & agretz
neceffaires, On met des Janiflaires qui ont in{pe-
étion fur ces ouvriers, &ily a des Commiffaires
pour lever les equipages. C'eft delà que [es Sul-
tans ont tiré leurs plus puiflantes flotes dans le
temps de leurs conquêtes , & rien ne feroit plus
aifé que de rétablir lenr marine, Le pays eft excel.
lent, il abonde en vivres ; comme bled, ris, vian-
- de ; beurre , fromages ; & les gens y vivent tres.
-fobrement. |
Il femble qu’ Aboro foi le refte du nom d’une
ancienne ville. appelle Les murs d’ Abanos, Si j'é-
crivois à quelque homme de lettrecondamné de-
puis long-cemps à feuilletrer des vieux livres , je
me ferois beaucoup valoir fur cette prétenduë dé
42. L: Novyacerz
couverte ; mais comme j’ay l'honneur d'écrire à;
un Miniftre qui connoît la jufte valeur des chofes,…
à peine ofai-je propofer certe conjecture, Quoi-
qu'il en foir , ces murs d’Abono n’ont jamais êté :
qu'un mechant village dont Strabon , Arrien
Pralemce & Eftienne de Byzance nous ont con{er-
vé le nom.
Je faisbien plus de cas d’une efpece admirable.
de Chamarhododendros à fleur jaune que nous y
découvrimes ; non feulement elle peut fervir , de
| même qu'une autre belle efpece de ce genre à
fleur purpurine que nous avions veüe aux delà de
Penderachi , à éclaircir un endroit de Pline ; mais
,
encore à rendre raifon de cette cruelle avanture-
4
arrivée aux Dix milles, qui apres la défaire du
- LA : : 2
jeune Cyrus fe retirerent dans léur pays par les co-
" LAN spi
DR LE Qté Vie is TES
tes dela mer Noire. J'aurai l'honneur, M 8°, de
vous envoyer les defcriprions de ces deux plan--
tes , lorfque nous en aurons veû les fruirs bien
formez. +
Nous partîmes d’Abonole 16. May dans le def-
fein d'aller à Sirope ; mais la pluye nous obligea
de refter à moitié chemin. & de camper le long de
la plage à 40. milles de certe ville. On voir d’allez
beaux villages fur la core, à l'entrée des bois.
qui font d’une beauté furprenante, Srephanio n’ell
pas un des moindres ; ce nom atant de reppoït
avec celui de Ssphane qui fe trouve dans Pine ,
dans Arrien , dans Marcien d'Heraclée & dans
Eftienne de Byzance , qu'on ne peut guerc i
douter qu’il n'en oir dérivé , & que par
couféquent l'ancienne ville ne fuit proche de
ce village,
La merfut fi groffe le lendemain 17, Maÿs |
LR JS. RAR
Su QUES T
EME 10 AU
Du LEvANT, Lerre XVI.
que nous fûmes obligez de débarquer à une
anfe à huit milles de Sinope , où nous allâmes le
même jour à pied en herborifant ; nous y féjour-
nâmes pendant deux jours.
J'ay l'honneur d’être avec un profond refpeët,
KE,
+ Vorace .
Ré
LÉTLLE XV TL -
À Monfeigneur le Comte de Pontchartrain , Secre-
taire d'Etat © des Commandemens de Sa Maæ ,
jellé, c. 742
No EIGNEUR,
DsscRt- 7] {eroit à fouhaiter que parmi tant de Regle-
< Le se mens qui ont été faits en France pour l'avance:
de lamer ment des Sciences & des beaux Arts , il y en eût
Noire , quelqu'un qui regardit précifément la perfection
de la Geogaras : car les fautes que font les Geo-
pes graphes fonttres effentielles , & elles font caufe /
àTre. quetres fouvent les voyageurs, les Pilotes, &
ifonde. même quelquefois les Officiers Géneraux preh-.
nent de favfles melures, Je. voudrois qu’on exi- …
geaft des Geographes quelqües marques de leur …
capacité , avant que de leur permetgre de publier
des Cartes ; & qu'ils fuffent obligez de pee
eux-mêmes pendant un certain temps, pui qu'ils
-veulent guider les autres dans leurs voyagess -
Je ne trouve rien de fi difficile que de faire une |
Carte Geographique qui foit exacte. Il faudroit
pour cela parcourir les lieux dont on veut donner »
le plan , en prendre les mefures avec de bons inf
trumens , & faire les obfervations neceilaires paf
rapport au ciel. Nos plus fameux Geographes tra
vaillent le plus fouvent à veie de pays , fans con»
noiître les endroits qu'ils veulent .réprefenter ; ils
copient les Cartes qui ont déja paru , ils s'en rap ”
f
y
Z
©
T
S
0. LeviawreLire XPTI. 45
portent à des relations imparfaites , & ils -fe &ro-
_yent fort habiles quand: ils ont fait graver fur les.
marges de leurs ouvrages quelques ornemens par.
ticuliers, qui Le plus fouvent n’ont aueunrappor
avec Les pays dont ils font la defcription. Les C ar
tes marines font plus exactes que les autres; par:
ce que les frequens naufrages ont enfin fair fentit
la neceflité qu’il y a de cohnoître les côtes ;neane
moins les contours de ces côres font ordinairement
mal deffinez. Enfin f l’on a des connoiflances cers
taines par rapport à la Geographie , comme il
x’en faut pas douter , on en: a’ l’obligation aux
Aftronomes qui , par des obfervations réicerées,
ont déterminé la pofition d’une infinité de lieux.
Que ne doit-on pas aux découvertes. de Galilée &
de ceux qui onr fuivi fes veues? Non feulement
MX Caffini merite le nom du plus grand Aftrono:
me de ce fécle , mais encore celui du plus grand
Geographe qui ait paru. Sinous avons d’excellen-
tés Cartes de M'.de Lifle , c’eft parce qu'ils font
habiles Cofmographes ; & qu'ils font en commers
ce avec les plus fçavans Aftronomes | & avec les
plus habiles voyageurs. Combien voit-on de Geo
paies en France , en Hollande, &cenlralièoù
e font la plufpart des Cartes nouvelles, foir de ter-
re, foit de mer ; combien:, dis-je, voir-on de
Gcographes s'appliquer à FAftronomie ? La plufe
part bâtiffent des Royaumes , ‘des Provinces , des -
Mappemondes auprés de leur feu, la regle & Le
compas à lamain , fans être jamais fortis deleur
ville , ou fans avoir confulté ceux qui ontété fur
Jes lieux. ré Re
- C'eftla poñtion de Sinope qui m’a mis de mau-
vaife humeur contre nos Geographes. Elle et...
bien marquée dans Polybe & dans Serabon, qu'il
«
46 ANN OT 4-6 1:
n’eft pas permis d'ignorer que cette ville occupe
#
l'Efthme d’une prefqu’iflé d'environ fix milles de |
_ circuit , terminée par un Cap confidétable, Ce …
pendant Sinope eft réprefentée dans nos Cartes
fur une plage route découverte ; fans qu’on y
remarque aucun Port, quoiqu'elle en ait deux
fort bons & bien décrits par Strabon, Une fe
tuation fi avantageufe invita fans doute les Miles
fiens à ÿ bâtir une place , ou au moins à y envoyet
une colonie ; car Autolicus, un des Argonaus
tes , palloit pour en être le fondateur, Plutarque
& le Scholiafte d'Appollonius le Rhodien, re:
montent plus loin pour trouver l'origine de cette
ville, mais on ne s’interelfe plus pour ces fortes |
de rècherches, Les habitans de Simope entrepris …
rent de fortifièt toutes les avenuës de leur Cap
pour S’oppofer aux entreprifes de ce Mithridate
pou
= » fuivant Polybe, defcendoit d’un des fept Pers
ès qui firent mourir les Mages, & qui gouvernoit
le pays que Darius avoit donné pour récompenfe …
rer
à fes ancètres fut la côte du Pont Euxin: c’
peut-être le même Michridate fondateur du Ro
yaume du Pont? | à
: Mne faut pas confondre ce fondateur avec le |
grand Mithridate Eupator fils de Mithridare Evers
gere, Enpator naquit à Sinope , ily furelevés
il l'honnorä de fes bienfaits , la fortifia & lamit
en érat-de réfifter à Murena General de l’armée
Romaine, après que Sylla fe fut retiré d'Afie: Ens
fim Michridace fit Sinope la capitale de fes Eratss
& Pompée voular qu'il y fuit enterré. Pharnace
fut le premier qui priva cette ville de fa libertés
Ce Phaïnace ne fuc pas le fils du grand Mithrida-
. tt, mais fon ayeul ; car fuivant fa généalogie
_ des Roysdu Pont, dreffée par Tollins , il ÿ ebt
un Pharnace qui fur pere de Mithridate Evergetcs
DU L'éÉvVsaswr./beire XV IL 9
Lucullus joignit Sinope aux conquêtes des Ro-
mains , en délivrant certe place du joug des Cili-
ciens , qui s’en éroient emparez ; fous pretéxte
de la conferver à Mithridate. Les Ciiciens, aux
approches des troupes Romaines, mirent le feu
à la ville & fe fauvérent pendant la nuit: mais
Lucullus , que les verivables citoyens regar
doient comme leur liberareur , entra dans Sino-
pe & fic mourir huit mille Cilicieas qui n’avoient
pas fait à méme diligence que les autres, Al ré-
Mablit Les habitans dans la potfeffion de leurs biens,
& leur rendirtoutes forces de bons offices ; frap-
pé de ce qu'il avoir veû en fonge le fondateur de
leur ville Le ; jour qu'il y fit fon entrée. Les Ro-
mains ÿ envoyérent une Colonie , laquelle oc-
cupa uné partie de la ville & dé la campagne.
Cette campagne eft. encore aujourd’hui télle que
Strabon l'a dépeinre, c'eft à dire, que le terreim
quiteft entre la ville & le Cap tt rempli de jar.
dins & de champs. Appien rapporte la prife de
Sinope d’ané autre manñiére ; néinmoins il con-
vient du fonge & de la clericncé de Lucullus,
Ce Gencral, felon Plurarque , en poutfuivanc
les fuyards > trouva fur le burd dela mer da fa
tuë de ce même Autolycus , laquelle ils n'avoient
pas eù Je cemps d’embarquer, & /la fit enlever,
C'’éroit un bel ouvrage auquel on rendoir des honn.
_ neurs divins &qui, fuivant la ‘croyance des peur
ples , rendoit des Oracles,
- Il ÿ a apparence ue l'on Frappa dans ce temps-
à à Snap da Médaille que j'en ay apporté ; Où
du moïns que c’eft à l'occafion de Lucullus qu’elle
y fut frappée, D'un éôré c’eft une cefte nuë à la
Réinint : laquelle me paroir celle de ce Gené-
‘ral; au revers ne une corne d'abondance qui
ee : NOT: ct *
marque les richefles que les Ports de Sinope yat: |
tiroient: Elle eft placée entre les deux bonnersde …
Caftor & de Pollux ; & ces bonnets qui font fur
montez d’autant d'étoiles , nous apprennent que
ces enfans de Jupiter & de Leda favorifoient la
navigation des Sinopiens. Les Colonies qu'ils
avolent fondées marquent que ieur puiflance fur
mer s’étendoit bien loin ; mais il n’y a rien de plus
glorieux pour cette ville , que le fecours qu’elle
donna au refte de l’armée des Dix mille Lacedes
moniens , dont la retraite faic un des plus beaut
morceaux de l'Hiftoire grecque. |
Les Sinopiens affeétérent même , fous les Em- …
pereurs Romains, de conferver à leur villele nom
de Colonie Romaine. Patin nous a donné letype …
de deux Médailles dont les legendes.en font men-
tion , l’une eft à latefte de Caracalla, & l’autreà
celle de Geta: celle-ci a pour revers un poiflons
& me fait fouvenir du grand commerce depoiflon »
“qu’on fait encore aujourd’hui en cette ville. Hot …
mis les cables & les cordes que l’on y charge pot u
Conftantinople , on n’y trafique qu’en falines&
en huile de poiffon, Les principales falines font …
les Maquereaux & les Pelamidesou jeunes Thons
: Les huiles fe tirent des Dauphins & des veauxide »
mer. À l'égard de la Médaille de Caracalla ; elle
_ réprefente Pluron à demi couché fur un lie fat
te eft chargée d’un boiffeau, une aigle s’appuiefur .
le poing de fa main gauche , &'il tient de la drok …
te une hafte pure ; c’eft à dire une lance fansfer. …
_ Tacire après avoir parlé des prétendus miraclesdé …
Vefpañen qui avoitrendu la veüe à un aveugle ë
fait marcher un eftropié dans la ville d’Alexan-
drie ; raconte de quelle maniére la as de et
ton , ou du Jupiter de Sinope, fut tranfportée à |
PE SE
RS on CSN De à 8 M RNA EP AN ie 21 VER
: Du LEVANT. Zééri XVII à
Alexandrie par ordre de Prolemée premier Roy
d'Egypte. Ce Prince envoya une celebre Am:
ballade au Roy de Sinope ; appellé Scydrothe:
mis , lequel gagné par des, préfens d’un grand
prix , après avoir amufé les dépurez pendant
trois ans, fous divers prétextes, permit enfin
que le Dieu partit ; mais ce ne fut pas {ans mi.
racle. Pour fatisfaire appäremment le peuple qui
envioit un fi grand bonheur à l'Egypte ; & qui
_apprehendoit les fuites fâcheufes du départ de
cette divinité ; on fit courir le bruit que le
Temple étroit tombé, & que la flatu£ étoit ve-
nuë s’embarquer d’elle-même & de fon bon gré:
Que ne dit-on pas quand on veut parlér mi-
racle à Le bruit fe répandit qu’elle avoit pailé
dans trois jours de Sinope à Alexandrie, On lui
dreflä dans cette ville un Temple magnifique ;
dans le même endroit où il y en avoit eû autre-
fois un confacré À Serapis & à Ils ; le nomi
même de Serapis lui en. fefta peut-eftté pour
cette raïlon ; car Euftache remarque que le Diet
Scrapis des Egypriens eft le même que le Jupi:
ter de Sinope:. : RSR RES
. Pharnace par fa révolte ayant obligé le grând
Mithridate fon pere à fe tuer, feignit d’être ami
des Romains, & fe contenta du Bofphore Cim-
* merien que Pompée lui accorda : mais quelque
temps après fe flattant de pouvoir recouvrer les
autres Royaumes de {on pere, pendant que ce
même Pompée & Jules Cefar avoient mis en
combuftion tout l’Empire Romain ; il leva le
mafque & prit plufieurs villes des côres du Pont:
Euxin ; Sinope ne fur pas des dernieres: 11 fué
battu enfuite par Cefar & obligé de rendre Siz
nope à Domitius Calvinus qui eut ordre du Ge*
Tome III D"
MISSOTRI
$ > Voyacr RS
neral de continuer la guerre contre Pharnace, On
ne fçait pas fi la ville fut maltraitée alors, mais il |
"eff certain que les murailles en étoient encore
belles du temps de Strabon qui vivoit fous Au:
gufte ; celles d'aujourd'hui ont été baries fous les
derniers Empereurs Grecs, Les murailles font à
double rempart , deffenduëés par des rours la pluf
part triangulaires & pentagones , qui ne préfen-
tent qu’un angle, La ville eft commandée du
côté de terre, & il faudroit deux armées navales …
ur l’affiéger par mer, Le Château eft fort né-
gligé aujourd’hui. 11 y a peu de Janiflaires dans
la ville, & lon n’y {ouffre aucuns Juifs. Les u
Turcs qui fe méfient des Grecs , les obligent de
loger dans un grand fauxbours fans deffence: .
Nous ne trouvâmes aucune inferiprion ni dans la
ville niaux environs, mais en récompenfe , OÙ
tre les morceaux de colomnes de marbre qui font …
enclavez dans les murailles, on en voit une pro-
digicufe quantité dans le cimetiere des Turcs s
parmi plufieurs chapiteaux, bafes & piédeftaux
de même efpece : ce font les reftes des débris de
ce magnifique Gymnafe, du Marché & des Por- |
tiques dont Strabon fait mention, fans parler 4
‘des anciens Femples de la ville. Le Pacha campa
avec toute fa Maïlon au pied des murailles ; entre
la ville & le fauxbourg. Pour nous qui étionsre= |
gardez comme des profanes, quoiqu’on nous trak …
tât chez le Pacha le plus honnèrement du monde,
nous logeames dans le fauxbourg chez un Grec qui
vendoit de: fort bon vin de treille, car on nf
voit point de vignes bafles. Les eaux y font excel
lentes, & lon y cultive des Oliviers d’une gran à
deur affez raifonnable : mais quelque belle que |
foit cette campagne , elle ne produit que des ;
te à NS NEO
bu Levanr. Lattre XVII FF
plantes aflez communes ; fi l’on en exéepte une
<fpece d’Abfinché’qui naît dans le fable le long dé
la marine , & qui {uivant les apparences doit étre
lAbfinthe Pontique &es anciens ; laquelle je crois
n’avoir éré connue d'aucun autéur moderne. Peur:
être qu’elle eft plus commune vers les embouchü:
res du Danube ;: car Ovide aflüre que les champs
by produifent rien de plus ordinaire que Pabfin.
the. Peut-être aufli qu’il parle en poëte , & qu'il
he-fe ferc du mot d'Abfnthe , que pout mieux
faire fentir les amertumes de fon exil; . ;
La plante dont nous parlons eft ün foufatbrif-
feau de la hauteur dé deux pieds ; dur, touflu ;
&branchu désle bas où il elt gros comuje le pe-
tit doit & rouffâtre: Le refté , de même que les
branches ; en eft cotorieux & blanc: Toute lé
plante elt garnie de feuilles de riême couleur.
allez molles, prefque rondes ; larges de deux pou-
tes; mais découpées plus menu que certe efpece
que Pon cultive dans les jardins fous le nom de
La petite Abfinthe ; où de VAbfinthe de Galien:
Des aiflelles des feüilles de nôtre Abfinrbe dw
. Pont ; naiflent des branches & des brins chargez
de feüilles moins arrondies & découpées encore
pur ; les derniéres qui fe trouvent vers
l'extrémité des branches ; lefquelles font aflez
ferrées les unes contre ies autres ; n’ont qu’envi:
ton demi pouce de long fur demi ligne de large;&
font ordinairement toutes fimples ou n’ont au plus
qu’une ou deux divifion, Les fleurs naïflent en
âbondance tout le long des branches & des brins
qui font plus cotoneux & plus blarics que le ref
te de la plante. Chaque fleur ef un bouton dé
deux lignes de long compofé de feüilles tres mé-
dés polées en écailles & couvertes d’un duvét
D ij
O YAGE
s? S V
affez épais, lefquelles envel
cinq poiñtes dans l'endroit où ils s’évafent ; ils
laiflent échaper une petite gaine plus foncée , au
travers de laquelle déborde un filet verdâtre.
Chaque fleuron porte fur un embryon de grai-
ne , qui ne meuric que dans l'arriere failon ;
elle eft tres-petire & brune. On cultive cette
efpece d’Abfinthe dans le Jardin du Roy depuis
plus de 20. ans ; & je ne fçai d’où elle y eft ve-
nüe. Peut-être que quelque Miflionnaire en a
apporté la graine des côtes de la mer Noire. La
racine de cette efpece d’Abfnthe eft dure, li-
gneufe, rouflètre, divifée en fibres ondoyantes
‘& chevelués, Les feuilles & les fleurs font d’une
tres-grande amertume: Leur odeur eft moins for-
te que celle de l’Abfinthe commune qui fe trou-
-ve naturellement dans les Alpes , & que l’on
‘cultive dans tous les jardins de l’Europe.
Charatice Capitaine Mahometan furprit Si-
nope & la pilla, dans le deflein d’enlever les
threfors que les Empereurs y avoient mis en
poft ; mais il fut obligé d'abandonner la place :
fans toucher aux richefles , fur l’ordre du Sultan .
fon maître qui recherchoit l'amitié d’Alexis Com
nene ; & qui lui avoicenvoyé un Ambafladeur. |
Le gouvernement de la ville fut donné à Conf- …
tantin Dalaftene parent de l'Empereur , & le plus
grand Capitaine de ce remps-là. Lorfque e 4
François & les Veniticr® ferendirenr mairresde
-Corftantinople, Sinope tomba fous la puiffance
des Comnenes , & fut une des principales villes
de l’Empire de Trebifonde. Sinope devint dans
la fuite une Principauré indépendante de Tr
bilonde ; & ce fut apparemment quelque oui
ppent fept ou huit
fleurons d’un jaune pâle , tres menus , divifez en …
PSE pe Pa
ue 4
D
“pu Lrevanr. Lettre XVII s$3
quien fitla conquête dans le temps qu'ils fe
répandirent dans PAfe mineure, car. Ducas rap.
porte que Mahomet I 1. étant à Angora en 146r,
y fuc falüé, & reçeut les prefens d’Ifmael Prin-
ce de Sinope ;: par les mains de fon fils. Maho-
met Jui ordonna dé faire favoir à fon pere qu’il
eût à lui remettre fes Etats ; le compliment étoit
un peu dur , mais la flore Turque paroiffant de-
vant la ville, fit prendre à Ifmael le parti d’obéir.
Calcondyle afüre qu’il fit un échange .de fa
Principauté avec la ville de Philippopolis en
Thrace , quoiqu'il y eût 400, pieces d'artillerie
fur les remparts de Sinope. Par le même traité
Mahomet acquit Caffamene ville tres-forte ; la-
quelle dépendoit de la même Principauté, Les
Furcs qui reprochent aux Chrétiens de fe faire
entre eux de cruelles guerres , ne font pas bien
inftruits de l'Hiftoire de leur Empire ; car les
premiers Sultans n’ont pas fait difliculté de dé-
poüiller les. premiers Mahometans dont les ter-
res étoient ; comme l’on dir, de leur bienféance,
Tout le monde fcait qu'ils n’ont conquis l’Afie
mineure que fur des Princes de leur, religion
qui s'éroient érigez enpetits Souverains aux dé-
pens des Grecs. CE
Onne fçauroit paller Fe Sinope fans fe fou-
venir du fameux Philofophe Diogene le Cini.
que: ce Diogene dont Alexandre admiroic les
bons mots en éroit natif. Vous {çavez, M°7,
*Alexandre dir un jour à fes Courtifans,, qu’il
ouhaïteroit être. Diogene, s’iln'éroic,pas Ale-
xandre, &que ce fut à l’accalion d’uñe répon-
{e de-ce Philofophe 3. car le Prince l'ayant ho-
noré d’une de fes vifites à Corinthe ; lui.deman-
da s’il avoir befoin de quelque chofe : Diogent lui .
ee D üj
W:o x 276
fie + Wooïx Apr «
répondit , qu'il n'avoir befoin que de La chaleux du
Soleil, qu'il le fupplioir de Je ranger pour ne
pas l'en priver. On voit fon Epitaphe fur un ans.
cien marbre à Venile dans la cour de la maifon
d'Erizzo ; elle eftau deflous de la figure d’un
Chien qui eft aflis far fon derriere, & on peut
Ja traduire ainfi, | |
- Dem, Parle donc Chien; de qui gardes-tw le
tombeau Twoëc tant de foin ? Rép: Du Chien, Dern.
Qui effoir donc çæ homme que tu appcelles Chien ?
Rép. C'étoir Diogene, Dem. Dx efl-ce qu'il
droit 3 Rép. De Sirope ; c'eff [ni qui vivoir antre-
fois dans un tonncau., © qui 4 prelentemeat les
Affres- pour domicile. ? RCE
- Au réfte la terre de Sinope de faquelle Stra-
bon , Diofcoride, Pline &: Virruve ont parlé,
meft pas verte, comme plufieurs perfonnes Le.
croyent: s'imaginans que la couleur verte que
4
FANS
PO,
#;
l'on appelle Sirople en terme de Blazon, en à
riré (on nom, La terre de Sinope eft une cfpece -
de Bol plus où moins foncé, que l’on trouvoit
autrefois autour de cette ville, & que l’on y ap-
portoir pour le diftribuer, Ce qui marque que
cé m’étoit autre chofe que du Bol, c’eft que les
autheurs , que l’on vient de citer, affürent qu'il …
. éroit-auffi beau que celui d'Efpagne + tout le
monde fçait.qu'on trouve de très-beau-Bol en
pluñeurs endroits de ce Royaume ; où on: Pap-
| pelle Almagra ; & ce Bol, fuivanc les apparene
- <es3 ét un Safran-de Murs naturel. Il fe peut
faire néanmoins qu'il y ait quelque efpece de
terre verte dans la campagne de Sinope , car Cal
condyle allure qu'il y a d’excellent cuivre aux
cnvirons, &je crois que la terre verre que les
anciens nommoïent Thevdorion n'éroic proprement |
pu Levanr. Lettre XVII ff
que du vert de gris naturel, tel qu’on le trouve
dans les mines de cuivre. Les anciens eftimoient
la terre verte de Scio, mais on ne ly connoir
plus, ou du moins perfonné ne pût nous en ap-
prendre des nouvelles.
Nous partimes de Sinepe le 10. May , & nous
ne fimes que 18. milles , parce que le mauvais
temps nous. conduifit à Carfz , comme pronon-
cent les gens du pays. Ce villageeft nommé Cz-
rofa dans nos Cartes ; & ce nom approche enco-
sc plus de celui que lui avoient donné les an-
ciens ; car Arrien lé nomme Carouf4 & aflüre,
avec raifon, que c’eft un méchant port à cent
cinquante flades de Sinope , qui font juftement
18. milles & demi. Il eft furprenant que les ine-
fures des anciens répondent quelquefois fi correc-
temenrà celles d'aujourd'hui.
Ec.11. Maynous çampâmes fur la plage de
Ville que forment les branches du fleuve ÆHaiys
à 30, milles de Garfa. Voici encore une beveue
de nos Geographes qui fonr venir ce ficuve du
côté du Midi, au lieu qu'il coule du Levant.
Ils ne font excufables que fur ce qu'Herodote a
faicla mème faute ; cependant iky a long-remps
qu'Arrien l’a relevée, lui qui avoir été fur les
lieux par ordre de l'Empereur Adrien. Strabon
qui étoit de ce pays-la décrit parfairement le
couts de lHalys. Ses fources, dit-il, font dans
la. grande Cappadoce , d’où il coule-vers K& Cou
chant , & tire enfuite au Septentrion par la Gali-
Ie & par la Paphlagonie. Il a pris fon nom des
terres falécs: au travers defquelles-i pafle. En
efier , tous ces quartiers-là font pleins de fel fof-
file ; on en trouve mème fur les grands chemins
_&:dans les champs labowrables ; fa falüre tire
: D ii
DA C F
PT v É
fur l’amertume. Strabon qui ne négligeoit riet
dans fes defcriptions » temarque avec taifon qué .
les côtes depuis Sinope jufques en Bithynie , font
couvertes d'arbres dont le bois eft propre à faire
des navires ; que les campagnes font pleines
d'Oliviers | & que les Menuifiers de Sinope fai-
foient de belles tables de bois d’'Erable & de No-
yer, Tout cela fe pratique encore aujourd’hui,
excepré qu’au lieu de tables qui ne conviennent
pas aux Turcs , ils employent l’Erable & le
Noces à faire des Sophas, & à boifer ou lam-
briller des appartemens : ainfi ce n’eft pas contre
ce quartier de la mer Noire qu'Ovide a déclamé
avec tant de vchemence dans fa troifiéme Lettre
écrite du Pont, à Rufin.
Le lendemain nous fmes feulement 20. milles,
& le vent du Nord nous fit rélâcher , malgré
nous, à Fembouchüre du Cafzlmac ; au Port
_ “que fes anciens ont nommé Azcor, Le Cafalmac
qui eft la plus grande riviere de toute certe côte, …
a été connu autrefois fous le nom d’/ris. Strabon
fia fa patrie , & qu'il recevoit la riviere de The-
mifcyre ayant que de tomber dans le Pont-Euxin.
Nous laiffämes derriere nous {ur le bord de la
‘mer un village bâti fur les ruines d’Amifus an-
*cienne Colonie des Atheniens , fuivant Arrien.
Theopompe qui dans Strabon er attribué la fon- |
“dation aux Milefens | en convient aufli ; & pa
Jà il nous apprend la raifon pourquoi la ville fut
appellée Pirée, qui étoir le nom d’un des Ports
d’Achenes. La ville d'Amifus fut libre pendant
long-temps , & paroïilfoit même fi jaloufe de fa
liberté , qu’il en étoir prefque toûjours fair men-
Fion fur les Médailles, On en voit; à cette legen:
Y + ER és
É S SANTE RE à
: ME F digne AE MN SN
nd dr NET Er ae NU 5 te Le EE
Va pe oublié de marquer qu’il pañloit par Ama-
A
PP RS I aa ue RU PP er SU rm
vu Levanr. Lertié XVII. . 57 .
de , aux reftes d’Ælius , d’Antonin Pie, de Ca- .
racalla; de iiadumene , de Maximin , de Tran-
quilline. Alexandre le Grand étant en Afie réra-
blit la liberté d’Amifus ; le fiege & la prife de
cette ville par Lucullus font décrits fort au long
dans Plutarque. Ce Capitaine Romain ne ju-
geaut pas à propos de la prefler , y laïfla Mure-
na 3 mais il y revint après la déroute de Michri-
dare, & l’auroit emportée aifément fans l’Inge-
- nieur Callimachus , qui après avoir bien fari-
gué les troupes Romaines, & ne pouvant plus
{e défendre , mit le feu à la Place. Lucullus avec
toute {on authorité , ne püt le faire éteindre , &
A
témoigna d’abord le chagrin qu’il avoit d’être .
moins heureux en cette rencontre, que Sylla
qui avoit garanti des flammes la ville d’Athe-
nes. Le ciel néanmoins feconda fes defirs, & la
pluye tomba aflez à propos [2 0 une par-
tie d’Amifus ; Lucullus fit rétablir le refte , &
affe@a de n’avoir pas moins de clemence pour
les Citoyens , qu’Alexandre en avoit montré à
Fégard des Atheniens : enfin Amifus fut remife
en fa premiere liberté. A l'égard de la ville
d'Eupatoria que. Mithridate avoit fait bârir fous
fon nom tout auprès d'Amifus , elle tfur empor-
tée par cfcalade & rafée pendant le fiege d’Ami-
fus. On lareleva dans la fuite, & de ces deux
villes on n’en fit qu’une feule., laquelle fut nom-
ne joüit pas long-temps de fa liberté , Pharnace
fils de Mithridate l’afliégea pendant les guerres
de Cefar & de Pompée ; & l’emporta après de fi
grandes difficulrez , que pour s’en venger fur
les habitans , il les fir rous égorger aveclader-
niere cruauté, Cefar étant devenu le maître du
méc Pompeiopolis ou ville de Pompée ; mais elle
«
TT
58 V o 1 4
monde , battit Pharnace , & l’obligea de fe fous
mettre. Al crut dédommager , comme dir Dion
Cafius, les Ciroyens d’Amilus de tous les maux
qu'ils avoient foufferts , en leur accordant certe
Hbert£ qui leur étoic fi chere, M, Antoine ÿ à
ce qu’aflüre. Strabon , remic la ville à fes Roys;
Ë par un retour aflez bizarre , le Tyran Straton
Payant fort mal traitée , Anguite après la ba-
taille d’Actium lui accorda fon ancienne li.
benié, 2
Ce fat peut - être à cette occafon: que fur
frappée certe belle Médaille qui ett chez le Roys :
à la cefte d’Ælius Cefar. Le revers eft une Jus
ftice debout tenant des balances à la main, car
FEpoque P#0 revient à celle d’Augufte. Des
payfans qui travailloient à des cordes nous ap-.
porterent quelques Médailles aflez communes ,
parmi lefquelles il s’en rencontra une de la
ville d’Amifus qui me parut aflez rare ; d’un
côté c’eft la refte de Minerve, de Fautre c’efk
Perfée qui. vient de couper la tête a Medufe,
Nous avons remaïqué plus haut qu'Amilus évoit
une Colonie d’Achenes ; fans doute qu'on y ré-
veroit encore cette Minerve , & comme elle
avoit cû beaucoup de part à l'expédition de Per-
LA . / 1
ée ;.on avoit reprefenté fur le revers une des
plus grandes aétions de ce Heros.
On ne fçauroit pañler {ur ces cotes, fans fe
fouvenir que le Cafalmac arrofoit une partie de.
cette belle plaine de Themifcyre où les fameules
Amazones ont eû leur petit Empire , s'il et
perthis de parler ainfi de ces femmes que l'on
traite d’imaginaires ; cependant Strabon qui les
place dans ces quartiers-là , aflüre que le Ther-
modon arrofoit le refte.de leur pays. Cerre ti=
pu LEvANT. Lettre XVII sq
viere rappelle: agréablement l'idée de ces Heroï-
nes doht peut-être on a avancé bien des fables ;
quoiqu'il en foir la vûé de cette côre ne laiffa
pas que de nous réjoüir. C’eft un pays plat cou-
vert de Bois & de Landes qui commencent
depuis Sinope ; au lieu que de Sinope à Con-
ftantinople le pays eft élevé en collines qui fonc
d’une verdure admirable, .
Le 13. May nous campâmes encore fur les
côtes des Amazones, fort mal-contens de nos
recherches, car nous n’y trouvâmes aucune plan-
te rare ; &c’eft à quoi nous faifions plus d’at-
tention , qu’à tout ce qu’on a dit de ces fem-
mes illuftres, Nôtre journée ne fut pas ed heu-
‘ reufe le lendemain, ear la pluye nôus fit perdre
tout nôtre temps. On voulutnous perfuader le
15. que nous avions fait so, milles , mais nous
les trouvâmes bien courts, & nous entrâmes de
fort bonne heure dans la riviere de Térradi que
les Turcs appellent Cherfanbaderefi, Le lende-
main nous nous rctirèmes dans celle d’Argyropa-
tami, en Turc Chairguel, qui n’eft qu'à 40.
milles de Tetradi, 2e
Nous eûmes une très-grande joye ce jour-Rà ,
-& plus grande même que fi nous euflions ren-
contré des Amazones ; cependant ce n’étoit qw’-
une efpece d'Elephant d'un pied & demi de haut
dont toutes les Dee étoicnt remplies, C’eft une
plante qu'il faut placer fous le genre d’Elephant
avec Fabius Columna le plus exaét de tous les
Botaniftes du fiecle paflé. La fleur de ce gente
de plante reffemble fi fort , par fa trompe, à la
tête d’un Elephant , qu’on ne fauroit s'empêcher
d'entrer dans la penfée de ce favant homme.
Souffrez, Mie, que je vous en envoye la de=
60
fément celle que Columna a trouvée dans le
Royaume de Naples,
D'une racine chevelüe ; rouffâtre & qui trafle,
s’élevent plufieurs tiges hautes d’un pied & demi »
où deux, épailles d'environ une ligne & demie,
quarrées , vert pâle, parfemées de petits poils,
creufes d’un nœud à l’autre , relevées à leur
naïffance de quelques tubercules. blanchâtres
allez plats, ridez, charnus, longs de deux où
trois lignes & pofez prefque en maniére d'é-..
cailles, Les feuilles naïflent deux à deux oppo-
féesen croix avec celles de deflus & celles dé
deflous , longues depuis un pouce jufques à deux,
fur 9. ou 10. lignes de largeur , traverfées par
une côte accompagnée de nerfs affez gros ; pref-
que-paralleles entre eux, lefquels fe courbent
_& fe fubdivifent à melure qu'ils avancent vers
les bords. Ces feüilles d'ailleurs font de même
_tiflure que celles de /4 Pediculaire à fleur jaunes
vert-brun, chagrinées au deffous , relevées dé
petits poils de chaque côté, légerement crenc |
Jées, & fourenués par un pedicule mince , long …
de deux lignes. Des aïlfelles. de ces feuilles qui …
diminuent jufques vers le haut , naiflenc des
branches oppolées en croix comme les feuilles ,
-& le long de ces branches forrent des fleurss
V o y A:cs ‘
#cription ; car l’efpece d'Elephant qui vient …
fur les côtes de la mer Noire, n’eft pas préci !
|
|
|
|
|
4
quelquefois feules , quelquefois oppofées deux …
à deux , jaunes , & longues de 6, où 7. lignes.
Chaque fleur commence par untuyau d'environ
ra
Se
|
ë
FA
deux lignes de long, lequel s’évalanc fe divile :
en deux lévres , dont l'inféricure a près d'un :
LA
pouce de long (ur un peu plus de largeur , dé-
’ . .
coupée cn trois pieces aflez arrondies , rabatue à
pu LEvANT."Lertre XVII. Gi
en maniére de fraize , & marquée au cofhmen-
cement de fes divifions d’une tache feüille-morte
- foncé, La lévre fupérieure eft' un peu plus lon-
gue que linférieure , & commence par une ef-
pece de cafque applati en deflus comme le crane
d'un chien , large d'environ trois lignes fur
quatre lignes de long jufques aux orbites, lef-
quelles font marquées par deux gros points roue
ge-brun , d’un tiers de ligne de diametre. Dé ces
orbites le cafque fe rétraiflir peu à peu & s’al-
longe en maniére de Trompe d’un Elephant.
Elle eft creufe ; longue de quatre ou cinq lignes,
obtufe, ou émouflée par le bout , & laifle échap-
per le filér du piftile. A la naïflance de certe
Trompe avant qu’elle fe plie en goutiére; fe
voyent deux petits crochets longs de demi ligne,
courbez en dedans ; Îes éramines font cachées
dans le calque & garnies de fommets jaunâtres :
le piftile eft un bouton ovale , long d’une ligne ,
terminé parun filet : le calyce a quatre ou cinq
lignes de long, vert-pâle , découpé grofondé-
menten 3. parties veluës rayées , dont celle du
milieu , qui eft la plus grande, eft pliée en gou-
ticre. Le piftile devient un fruit plat; membra-
neux ; noirâtre , prefque quarté, mais arrondi
dans fes coins, partage en deux loges dans fa
- longueur & rempli de femences un peu courbes,
longues d’une ligne & demi ; noirâtres , cane-
lées dans leur longueur. Toute la plante eit d’un
goût d'herbe fans odeur ; fes fleurs fentent com-
me celles du Æfuguer ; elle aime les lieux gras &
qui font à l'ombre.
Le 14. May après avoir fait 28. milles , nous
relachâmes à l’embouchüre de la petite riviere
de FariXa » tout près d’un village du mêmenom;
63. : Voyracs : &.
où ;l’on alla prendre, des rafraîchiffemens ; té
vent étoit au Nord & la mer un peu groifle , ainii
l'on tint confeil de Marine ; & comine les avis
ceroit ou non. J’eus l'honneur de le déterminer
à refter , non feulement ce jour-là mais encore
le lendemain, l’affeürant , foy de Medecin , que
les malades de fa maifon avoïent befoin de tepos
& fur tout fon Predicateur qu’il honoroïit de
fon eftime. Après tout, ce repos fit du bien &
du plaifir aux malades ; les feuls Matelots grone
doient , parce qu’étans payez pour tout le voya-
ge ; ils aufoient bien voulu profiter du temps.
Pour, moi j'étois ravi d’allet courir dans un fi
beau pays , & je m’embarraflois peu de leurs
difcours. Les collines de Vatiza font couvertes
de Laurier-Cerize & d’un Guaiac de Padoie plus
haut que nos plus grands Chênes ; nous ne pou-
” vions nous laffer de les admiret, On y voit une
elpece de Micocolier à larges feuilles , dont les
fruits ont demi pouce de diametre. Nous y ob«
fera
mais il fallut en décamper le jour fuivant. La
mer parut encore agitée aux gens de la fuite dit
Pacha ; & quoique les Macelots affüraffent qu’-
elle-étoit aufi tranquille que de l'huile ; car
c'eft une comparaifon dont on fe fert par tout
fur mer; nous ne fimes que io, milles avant
diner. On rélâcha au pied d’un vieux Châteat
a
démoli, dont on ne {çüt nous apprendre le nom ;
nous nous en confolâmes, Les mafuyres ne mar.
quant rien qui fentifle l'antiquité, H ne faut pass
MF, fur cetre relation vons faire une idée dé-
favantageufe de lamer Noire ; nous n’avancions
que daus le calme parfait ; les vents du Nord
ncore une infinité de belles plantes;
ER.
étoient partagez , le Pacha balançoit s’il avans
æ
ns pu LEVANT. Lettre XVII 6j
que l’on apprehendoit tant , & la mer qui pas
roifloit toujours grofle à ces bons Muluhnans ;
ne fecoüoit pourtant pas nos bateaux bien forte
ment & n’empêchoït point les Saiques d'aller &
de venir. Nôtre marche me faifoit fouvenir de
ces temps de mollefle que M Defpreaux décrit
- fi bien dans fon Lutrin,
On repofoit la nuit ; on dormoit tout Le jour.
C'étoit là juftement la vie de nôtre cour. On
. ne s’éveilloit que pour fumer, pour prendre du
caffé, pour manger du ris & boire de l’eau ; on
n’y parloit ni de chaffe ni de pefche, Nous ne
fimes ce jour là que 12. milles à la rame, &
nous abordimes fur une plage dans un lieu char=
mant & rempli de belles plantes.
Le 26. #May quelqu’ün s’avifa , pour faire
peter les Matelots, de dire que c’étoic un jour
malheureux , c'en fut aflez pour ne nou faire
partir qu'après le diné ; ainfi l'heure de la priere
étant venu , il fallut rélâcher à deux milles de
Cerafonte , que les Grecs appellent Kirifontha.
L'envie que nous avions de voir cette ville, me
fit aviler de dire que le miel manquoic pour nos
malades & qu’il falloit y en aller acheter. On
dit que c'étoic un jour malheureux & que Dieu
rendroit foin des malades, Nous nous en con-
olèmes par là découyerte que nous fimes d’une
cfpece admirable de Aillepertuis & certaine-
mentil n’y avoit qu’une aufli belle plante qui
für capable d’adoucir nos chagrins ; çar à qui les
compter dans un pays où l’on ne voyoit ni gens
ni bêtes ? Quand nous ne trouvions pas de belles
plantes , la leéture nous tenoic lieu de toute autre
64 VOrzx ct -. |
Les vieux pieds de cette efpece de Adiliepertuis
ont la racine épaifle de deux ou trois lignes , du+
-re; ligneufe, couchée en travers, & longue de
‘plus d’un demi pied. Celle des jeunes plantes elt
‘une touffe de fibres jaunâtres frifées ; longues de «
trois ou quatre pouces. Les tiges font hautes de-
\
puis demi jufques à un pied , quelques - unes:
droites , les autres couchées puis relevées ,vert-
pâle, épaiflés d’une ligne ; garnies d’une pêtire
arêce ou filer ; lequel: defcend d’une-feuille à
Jautre. Ces feuilles qui naiflenc deux à deux ;
font longues d’un pouce ou quinze lignes fur
deux lignes de largeur ; vert-pâle aufli , de la tif-
füure de celles de nôtre Millepertuis ; fétrées ; fans
qu'on y découvre des points tranfpärans , den-
tées fur les bords à peu près comme celles de
l'Herbe à éternner:qui vient-dans nos prez, at-
tachéesà la tige fans pedicule ; & terminées en
‘bas par deux oreilles tres pointués, longues de
‘deux lignes , mais découpées plus profondément
que lerefte dela feuille, De leurs aiffelles naif-
fent des branches garnies de femblables feuilles ; -
ee plus courtes & pluslarges. Cesbran<
orment un bouquet pareil à celui du Adilles
pertuis commun. Les fleurs de lefpece dont.
ches
mous parlons ,- font à cinq feuilles jaunes ; lon-
me huit ou neuf lignes fur trois lignes de
dargeur , arrondies à la pointe mais plus étroite
à la bale. Du milieu de ces feuilles s’éleve une
rouffe d’étamines jaunes plus couttes que les
feuilles, garnies de: petits fommers. Elles envi-
:-ronnent un :piftile long de deux lignes & demi,
verdâtre , rerminé par trois cornes. Le calice el
Jlong de trois lignes , découpé en cinq parties
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dentées aufli proprement que les feuilles. A 4
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Orientale, Ptar.
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| pu LEVANT. Lettre XVII Gs
ftile devient un fruit rouffätre-brun , haut de
trois lignes ; divifé en cinq loges ; remplies de
femences brunes & tres mmenûës ; lefquelles tom-
bent par La pointe du fruit lorfqu’il eft bien meur:
Toute la plante a une odeur. réfineule. EHe va-
rie confidérablement par rapport à fa grandeur ;
Onen trouvé avec des pieds fort bas, & dont les
feüilles font tres menués. La fleur varie aufi ,
Carilyen à dont les feüilles ont jufques à dix
ignes de long. Les feuilles font ameres ; un peu
Bluantes & fentent la réfine,
Le 21. May nous pallämes devant Cerafonré
ville affez grande bâtie au pied d’une colline fur
le bord de là mer, entre deux rochers forr efcat-
pez. Le Château ruiné qui étoit l’ouÿrage des
Empereurs de Trebifonde , eft fur le fommet
d’un rocher à droite en entrant dans lé port, &
ée port eft aflez bon pour des Saiques. Il y en
avoit pluliéurs qui n’attendoient que le vent fa-
vorable pour aller à Conitantinople. La campa-
ne de Cerafonte nous patut fort belle pour
herborifer. Ce font des collines convértes de
bois où les Cerifiers naïflent d'eux-mêmes. Saine
Jerofme à crû que ces fortes d’arbres avoient ti-
ré leur nom de cette ville, & Ammian Marcellin
affüre qué Lucullus fut le premier qui fit tranf.
porter de làles Cerifiers à Rome. On ne con-
noifloit päs , dit Pline ; les Cérifiers àvant la
: bataille que Lucullus remporta fur Mithridate,
_& ces arbres ne pallerent que cent vingt ans
après en Angleterre, Cerafonte, felon Arrien ,
fut nommée dans la fuice Pharnacia, c'éroit une
Colonie de Sinope à qui elle payoït ttibut, com-
me le remarque Xenophon : cependant Strabon
& Prolemée diftinguent Pharnacia de Cerafonte,
Tomè III, b
66 VoyaAcz
Ce fut à Cerafonte que les Dix mille Grecs qur
s'étoient trouvez lors de la bataille de Babylone
dans l’armée du jeune Cyrus, pañlérent en re-
vüe devant leurs Gencraux, Ils y féjournérent
dix jours, & leur armée après tant de farigues
ne s’y trouva diminuée que de 14. cens hom- À
mes, Ondiftinguoit dans ce temps-là les villes
Grecques , c’eft à dire les Colonies des Grecs
fur les côtes du Pont-euxin, des autrés villes
bâties pat les gens du pays, que les Grecs re-
gardoïent comme des barbares & comme leurs …
ennemis déclarez, Les reftes des dix mille évi-
toient avec foin ces fortes de villes pour fe rens
dré aux Colonies des Grecs ; mais ce n’étoit or-
dinairement qu’en combattant, Quoique Cera-
fonte n'ait jamais été une ville fort confidera-
ble , on ne laïfle pas d’en trouver des Médailles,
On en voit à latelte de M. Aurele ; fur le re-
vèrs defquelles eft un Satyre debout , qui de la
Main droite tient un flambeau & une houletre de
… la gauche. On voit bien par là que ce n'étoit
ps une ville de commerce maritime ; elle fe fais
foit valoir plutot par fes bois & par fes trou-
Ê
*
peaux.
- Nous rélachämes ce jour-là à 36. milles de
Cerafonte pour aller achetter des provifions à
Tripoli village dont Arrien & Pline ont fait men-
tion, & dont on trouvéra ici lé deffein. Enfuite
nôtre petite flotte vint donner fond à trois mile
lès au deflous , à l’entrée d’une riviere qui por- #
toit apparemment le mêmenom que la ville du #
temps de Pline, On a travaillé autrefois des
mines de cuivre le long de cette riviere, car on .
y trouve encore beaucoup de récremens de €
métail , couvéits de vitrifications émaillées dé
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Veie de Tripoli sur les Côtes de la Mes
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DU LEVANT. Lee Afeil 67
blanc & de verr, Toutes ces côtes font agréa-
bles & la naturces’y cft confervéedans fa beauré,
parce que depuis long-cemps il n’yÿapaseü allez
d’habitans pour les détruire, Nous y obferva
mes un arbrifleau qui , felon les apparences, ft
de Raifin d'Ours de Galien. :
Cet arbrifleau vient de la hauteur d’un ho
me. La tige en eft épaifle comme le bras , le
bois blanchâtre , l'écorce grêle , mêlée de brun,
gercée & dont la premiere peau fe détache fa-
cilement. Cette tige poufle plufeurs branches
dès le bas, groffes comme le pouce , quelquefois
davantage, fubdivifées en ramcaux revêcus d’une
écorce vert-pâle. Tous ces ramedüx font chargez
de nouveaux jers couverts d’une écorce nerre &
luifante, garnis de feüilles femblables à celles
du Cerifier, longues de deux pouces & demi
fur un pouce & demi de large , dentées légere-
ment fur les bords ; pointues par les deux bouts,
vert-guai ,: quelquefois rougeâtres ; lifles, rele-
vées d’une côte en deflous & parfemées de poils
tres-courts. Les fleurs naïflent parmi ces feuilles
fur ces brins longs d’un pouce & demi, pan
chées en bas , difpofées fur la même ligne dans
les aiffelles’ des Éilles qui n’ont encore qu'un
demi pouce de longueur , & leur pedicule n’a
que trois ou quatre lignes de long. Chaque fleur
eft une cloche d’environ quatre lignes de dia-
metre, & d’environ cinq lignes de haut , blanc
fale ; panachée de grandes bandes purpurines du
côté qu’elle eft expofée au foleil , découpée en
éinq pointes , quelquefois davantage , & ces
pointes font un peu refléchies en dehors. Certe
fleur varie. Il y a des pieds fur lefquels elle ef
toute blanche | & PAÈyR autres où elle sire
as EE
.
Toy AGE
- fur le purpurin fans être panachée. De quetque
couleur qu’elle foit , elle eft roüjours percée
dans le fond & articulée avec le éalice: Des en- .
Virons du trou de la fleur, naiffent dix étami-
tes longues d’une ligne & demi, blanchètres ;
un peu courbes , chargées chacune d’an fominet
aufli long , jaune foncé tirant fur le feüille-mor-
te.. Le calice eft un bouton verdâtre , plat én de:
vant & comme piramidal en derriere , long d’u-
nc ligne & demi, découpé en cinq parties qui
forment un petit baffin relevé d’une efpece de
bourlet creux dans le milieu , comme dans les
autres efbeces de ce genre. Du centre de ce baf-
fin fort un filet menu ; long de 4. ou 5, lignesg
Les feuilles de cette plante ont un goût d'herbe
qui tire fut l’aigre, Les fleurs font fans odeur.
Je n’ai vû que des fruits verts d'environ trois
lignes de long , aigrelers &creufez en devant en
maniére de nombril, C’eft la plus grande efpece
de Witis Idea qui foit connuë. Il y a apparence
que c’eft celle que Galien a nommée Aprrgaguaos
ou Raïfin d'Ours : cet aurheur aflüre qu’elle naît
dans le Royaume du Pont; & qu’elle a les feuil-
les femblables à lArbonfier , ce qui eft vrai, fi
lon compare les feüilles de cette plante à cclles
de l’'Arboufier Adrachne ; laquelle eft aufli com-
Muncen Grece, & plus commune en Afie , d’où
étroit Galien , que nôtre Arboufier ordinaire.
Nous ne fines que 3 5: mülles le 22: May ; &
Pon drefla nos tentes proche d’un moulin d’eau
à lavûé de Trebifonde , que les Turcs appellent
Tarabofan ; où nous arrivames le lendemain en
quatte heures de temps à la voile & à la rame.
Cetre ville n'eft devenue celebre dans Fhifloire :
que par la retraite des Comnenes , qui après la
æ
pu Levant. Lettre XVII _ 69
prife de Conftantinople par des François & par
les Venitiens , en firent le fiége de leur Empire.
Anciennement Trebifonde étroit regardée com.
me une Colonie de Sinope à qui même elle pa-
“yoit tribut, comme nous l'apprenons de Xeno-
phon qui pafla par Trebifonde en reconduifant :
le reftë des Dix mille. Xenophon raconte la
trifte avanture qui leur arriva pour ayoir mangé
trop de miel. Voici, M'£, la defcription. des
plantes fur lefquelles les abeilles le fuccent.
Chamerhododendros Pontica maxima, Aéefpili
folio , flore luteo. Coroll. Inff, Reï herb.42.
Cer arbrifleau s'éleye à fépr ou huit pieds de
haur, & produit un tronc prefque aufli gros
‘que la jambe , accompagné de plufñeurs riges
plus menuës divifées en branches inégales , foi-
bles, caflantes , blanches ; mais couvertes d’une
écorce grifâtre & life, fi ce n’eft aux extrémitez
où elles font veluës &-garnies de bouquets de
feüilles affez femblables à celles du Méflier des
bois , longues de ‘4. pouces fur un :pied & demi
de largeur , pointuës par les deux bouts, yert-
gai , légerement velués ; excepté {ur. les bords
où les poils forment comme une € pece de four-
cil. La côte de ces feuilles eft aflez forte & fe
diftribué en nervüre fur toute la furface Cetre
côte m'eft que la fuite de la queuë des feüilles ,
laquelle Le plus fouvent eft de trois ou quatre lie
gues de long fur une ligne, d’épais. Les fleurs
naiffept 18. ou 10.enfemble par bouquets à lex.
tremité des branches, foûütenués par des pedi-
cules d’un pouce de long , velus ; & qui naïflent,
des aiffeiles de petites feüilles membraneufes ,
blanchâtres , longues de Tept ou huitlignes fur
crois lignes de largeur. Chaque æ eft un tuyau
us CD
70 . 7 Vre=y A6 8 .
de deux lignes & demi de diametre , Iégerement
canelé , velu , jaune tirant fur le verdâtre. Il s’é-
vafe au delà d’un pouce d’étenduë & fe divife en
cinq parties, dont celle du milieu a plus d’un
pouce de long fur prefque autant de largeur , ré
fléchie en arriere de même que les autres, &
terminée en arcade gothique , jaune-pâle quoi-
que doré vers le milieu. Les autres parties font
un peu plus étroites & plus courtes , jaune-pâle
auf, Cette fleur qui eft percée en derriere s’ar-
ticule avec le piftile , lequel eft piramidal , ca-
nelé , long de deux lignes , vert-blanchâtre , lé-
gerement velu, terminé par un filet courbe,
long de deux pouces , arrondi à fon extremité
en maniere de bouton vert-pâle. Des environs
du trou de la fleur fortent cinq étamines plus
courtes que le piftile , inégales , courbes, char-
gées de fommets longs d’une ligne & demi, rem
plis de poufliére jaunâtre. Les étamines font de
même couleur , veluës depuis leur naiffance juf-
ques vers le milieu, & toutes les fleurs font pen-
chées fur les côtez, de même que celles de la
Fraxinelle. Le piftile devient dans la fuite un fruit
d'environ quinze lignes de long fur fix ou fept
lignes de diametre , dur, brun, pointu, relevé
de cinq côtes. Il s’ouvre de la pointe à la baze en
fept ou huit parties, creufées en maniére de gou-
tiere , lefquelles affemblées avec le pivot qui en
occupe le milieu , forment autant de loges rem-
plies de graines, Les feüilles de cette plante font
ftipriques, L’odeur des fleurs approche de celle
du Chevrefeuille , mais elle eft plus forte & porte
àlatefte, ù
Chamarhododendros Pontica | maxima , folio
Lauroceraf , flore Caruleo purpurafcente, Coroll,
Jafiix, Rei herb. 41, :
DU LEVANT. Lettre XVII 7x
Cette efpece s’éleve ordinairement à la hau-
teur d’un homme. Son principal tronc eft pre.
que aufli gros que la jambe. Sa racine trace juf-
ques à cinq ou fix pieds de long, parragée d’a-
bord en quelques autres râcines grofles comme
le bras, diftribuées en fubdivifions d’un pou-
ce d’épaifleur. Celles - ci diminuent infenfble-
ment , accompagnées de beaucoup de chevelu,
Elles font dures , ligneules , couvertes d’une écor-
ce brune , & produifent pluficurs tiges de diffe-
rentes grandeurs , lefquelles environnent le tronc,
Le bois en eft blanc, caflant , revéru d’une écor-
ce grifâtre, plus foncée en quelques endroits.
Les branches font affez rouffuës & naiflent dès
le bas, mal formées, inégales, garnies feule-
ment de feuilles vers les exrrémitez. Ces feuilles,
quoique rangées fans ordre , font d’une grande
beauté & reflemblent vour-à-fair à celles du
Laurier-Cerife. Les plus grandes ont fept ou huit.
pouces de long fur environ deux ou trois pouces
de large, & font terminées en pointe par les
deux bouts, vert-guai, liffes , prefque luifanres,
fermes & folides. r- dos qui n’eft que l’allonge,
ment dela queüe , laquelle a près de deux pou
ces de long , eft relevé d’une grofle côte fillonée.
en devant , dont les fubdivifons principales fon
comme alrernes, Les feuilles diminuent à mefure
qu’elles approchent des fommitez , quoiqu’on y
en apperçoive aflez fouvent qui font encore plus
grandes que les inferieures. Depuis la fin du mois
d'Avril jufques à la fin de Juin, ces fommitez
font chargées de bouquets de 4 ou cinq pouces de
diametre , compofez chacun de vingt ou trente
fleurs, à la naïflance defquelles fe trouve une
fcüille longue feulemenr d'un pouce & demi, .
E äiij
LL
#
“Æ
“Jarge, divifez en deux bourfes pleines d’une ee
La
Ge
72 PTE E ZAR
membraneufe , blañchâtte ; large de 4 ou ç fe
gnes , creufe & pointu. Le pedicule des fleursa
depuis un pouce jufques à 15 lignes de longueur,
mais il n’elt épais que d'environ demi ligné, Cha:
que fleur eft d’une feule piece, longue d’un pou-
ce & deimi ou deux , rétrecie dans le fond ; évaséé
& découpée en cinq ou fix parties. Celle d’en haut
qui eft quelquefois la plus grande , eft large d’en-
viron fépt à huit lignes , arrondie par le bout de
même que les autres , légerement frifée , ornée
vers le milieu de quelques points jaunes ramaflez
en maniére d’une grofle tache. Les parties d'en
bas font un peu moindres & recoupées plus pro-
fondement que les auties. A l'égard de la couleur
e cette fleur , le plus foavent elle eft violerte ti-
rant fus le grisdelin. On trouve des pieds de cette
plante à fleurs blanches , & d’autres à fleurs pur-
pürines plus ou moins foncées , mais routes ces
fleurs font marquées des mêmes points jaunes dont
on vient de parler, & leurs étamines qui naiffent
entouffe, font plus ou moins colorées de purpu-
tin , quoique blanches & cotonneufes à leur naïf
fance , ces étamines font inégales , crochuës &
environnent le piftile. Leurs: trs font pofez
en travers , longs de deux lignes fur une ligne dé
fieré jaunâtre; Le calicé n'a qu'environ une ligne
& demi de longueur ; légérement cannelé'én cinq,
fix, oufept côtes purpürinés, Le piftile eft une
- efpece de cone de-deux lignes de haur , relevé à
fa baze d’un ourlet vérdâtre & cornme frifé. Un
filer purpurin , courbe-& long dei s ou 18 ligries,
termine ce jeune fruic & finit parun bouton vert“
pâle. Les bouquets de fleurs font rres gluants avant
qu’elles s’épañoüilenr: Lorfqu’elles fonc pañlécs
pu LEVANT. Lettre XV'IL
fe piftile devient un fruit cilindrique , long d’un
pouce à 15 lignes , épais d'environ quatre lignes,
cannelé , arrondi -par les deux bouts. Il s’ouvre
parle hauten cinq ou fix parties , & laifle voir
autant de loges qui le partagent en fa longueur ,
féparées les unes des autres par les aîles d’un piyot
qui en occupe le milieu. C’eft ce pivot qui eft rer-
miné par le filet du piftile ; & bien loin de fe def-
fecher ; ‘il devient plus long tandis que le fruit eft
vert, & ñe tombe point lorfqu'’ileft mur. Les
graines font tres menuës , brun:clair ; longues de
prés d’une ligne. Les feuilles de cerre plante font
Îtipriques. Les fleurs ont uñe odeur agréable ,
Mais qui fe palle facilement. © ©"
© Cerre plante aime la terré grafle, humide, 8
vient fur les côtes de la mer Noire le long des
ruiffeaux, depuis la riviere d’Ava * jufques à Tre-
bifonde, Certe efpece pale pour mal faifante, Les
beftiaux n’en mangent que lorfqu'ils ne trouvent
pas de mcilleure’ nourricure, Quelque belle que
foit fa fleur, je ne m’avifai pas de la prefenter au
Pacha Nüman Cuperli , Beglierbey d’Erzeron ,
dans le temps que j’eus l’honneur de l’accompa-
gner fur la mer Noire ; maïs pour la fleur de l’ef-
pece précedente ; elle me parut fi belle, que j'en
fis de gros bouquets pour mettre daps fa Tente ;
cependant je füs averti par fon Chiaia , que cette
fleur excitoic des vapeurs & caufoic des vertiges.
La raillerie me parut affez plaifante , car le Pacha
fe plaignoit de ces fortes d’incommoditez, Le
Chiaïa me fit connoître qu’il ne railloit point, &
n'aflütà qu’il venoit d'apprendre des gens du
pays, que “cette fleur étoit nuilible au cerveau.
Ces bonnés gens par une tradition fort ancienne ;
778 Sanparis.
L1
74 V0 Y:AG'E
fondée apparemment fur re obfervations ,
affürent auffi que le miel que les abeilles font
- aprés avoir fuccé cette fleur, étourdit ceux qui
en mangent , & leur caufe des naufées.
Diofceride a parlé de ce miel à peu prés dans
les mêmestermes. Autour d'Heraciée du Pont,
dit-il, en certains tems de l’année, le miel rend
in/enfex ceux quien mangent , G' c’eff fans doute par
La vertu des fleurs d'ou il eff tiré. Ils fuent abondam.
ment , mais on les [oulage en Leur donnant de la
Rhneë , des Salines, © de l’ Hydremel à mefure qw'ils
vomi[ent. Ce miel , ajoûre le même auteur , ef
acre © fait éternuer. Il efface les rouffeurs du vifage
fi on le broye avec du Coffus, Melé avec du [el ou de
l Aloës, il diffipe les noirceurs que lai[ent les meur-
trifures, Si les Chiens on les Cochons avalent Les ex-
crémens des perfomnes qui ont mangé de ce miel , 5ls
tombent dans les mêmes accidens,
Pline a mieux débroüillé l’hiftoire des deux ar-
iffeaux dont on vient de parler , que Diofcoride
ni qu’Ariftote ; ce dernier a crû que les abeilles
amalloient ce miel [ur les Boüis ; qu'il rendit in-
fenfez ceux qui en mangeoient C qui fe portoient bien
auparavant ; qu'au contraire il gueriffoit les infenfez.
Pline en parle ainfi. Z! eff des années , dit-il, o#
Le miel eff tres-dangereux autour d'Heraclée du Pont.
Les auteurs n'ont pas connu de quelles fleurs les
abeilles letirotent. Voici ce que nous en fçavons, Il
} a une plante dans ces quartiers appellée Ægolc-
thron, dont les fleurs, dans les printemps humides,
acquierent une qualité tres-dangereufe lorfqu'elles fe
flétrifent. Le miel que Les abeilles em font , eff plus
liquide que l'ordinaire , plus pefant G plus rouge.
Son oteur fait éternuer. Ceux qui en ont mangé [uent
borriblement , fe couchent à terre , G ne demandent
\
pu LEvANT. Lettre XVII »$
que des rafraichiffemens, I ajoûte enfuite les mé-
mes chofes que Diofcoride , dont il femble qu'il :
ait traduit les paroles ; maïs outre le nom d’eÆgo-
Lethron qui ne fe trouve pas dans cet auteur , voici
une excellente remarque qui appartient unique-
. ment à Pline,
On tronve , continüe-t-il , fwr les mêmes côtes
du Pont , une autre forte de miel qui ef nommé Mœ-
nomenon, parce qu'il rend infenfeX ceux qui en
mangent, On croit que les abeilles l'amalfent fur la
fleur du Rhododendros qui s’y trouve communément
parmi les forêts. Les peuples de ce quartier-la, quoi-
qu'ils payent aux Romains une partie de leur tri-
but en cire, fe gardent bien de leur donner de leur.
miel,
Il femble que fur ces paroles de Pline l’on peut
déterminer les noms de nos deux efpeces de Cha-
mærhododendros. La premiere , fuivant les appa-
rences , eft l’eÆgolerhron de cet auteur , car la
feconde qui fait les fleurs purpurines , approche
beaucoup plus du Rhododendros , & l'on peut la
nommer Rhododendros Pontica Plinii ; pour la di-
ftinguer du Rhododendros ordinaire , qui ef nôtre
Eaurier-Rofe connû par Pline fous le nom de Rho-
dodaphne & Nerium. I eft certain que le Laurier-
Rofe ne croît pas fur les côtes du Pont-euxin,
Cette plante aime les pays chauds. On n’en voit
gueres aprés avoir pañlé les Dardanelles, mais
elle eft forr commune le long des ruifleaux dans
les Ifles de lArchipel ; ainfile Rhododendros du
Pont ne fçauroit être nôtre Lawrier-Rofe. H eft
donc tres vraifemblable que le Chamærododen.
dros à fleur purpurine, eftle Rhododendros de
Pline.
Quand l'armée des Dix mille approcha de Tre-
-
+ V o ;
La ca CL] Re À . à Z
bifonde , il fui arriva un accident fort étrange &
qui caufa une grande conficrnation parmi les
troupes , fuivant Le rapport de Xenophon qui en
_Évoitun des principaux Chefs. Comme il y° avoit
plufieurs ruches d'abeilles , dit cet auteur , Les fol-
dats n'en épargnerent pas le miel : slleur prit un
dévoyement par haut par bas fuivi de réveries ,
en forte que les moins malades refflembloient à des
yvrognes ; C'les autres 4 des perfonnes furienfes,
on mvribondes. On voyoit laterre jonchée de corps
comme aprés une bataille ; perfonne néanmoins n'en
mourut ; © le mal ceffa le lendemain environ ‘a la
méme heure qu'il avoit commencé, de forte que les
feldats [e levérent le troifiéme @ Le quatriéme jour
mais en l'état qu'on efl aprés avoir pris une forte me-
cine,
Diodore de Sicile rapporte le même fait dans les
mêmes circonftances. Il y a toute apparence que
ce miel avoit été fuccé fur les fleurs de quelqu’une
de nos efpeces de Chamærhodedendros, Tous les
environs de Trebifonde en font pleins , & le Pere
Lambert Miffionnaire Theatin, convient que le
miel que les abeilles fuccent fur un certain arbrif- ;
feau de la Colchide ou Mengrelie , eft dengereut
& fait vomir. Il appelle cet arbrilleau Olcandro,
Giallo , c'eft à dire Laurier-Rofe jaune , jequel
fans contredit eft nôtre Chæmærododendros Pontic#)
masxima ; Mefpili folio, flore lureo. La fleur; dit
ce Pere, tient le milieu entre l'odeur du mule ©.
celle de La cire jaune. Cette odeur nous patut ap<.
procher de celle du Chevrefeuille , mais incompa-.
rablement plus forte.
Les Dix mille furent receûs à Trebifonde avec
toutes les marques d'amitié que l’on donne à des,
gens de fon pays lotfqu'ils reviennent de bien
se
.. pu LEvANT. Lettre XVII, 37
loin ; car Diodore de Sicile remarque que Trebi-
fonde éroit une ville grecque fondée par ceux de
Sinope qui defcendoient des Milefiens. Le même
auteur. affüre que les Dix mille (éjournérent un
mois dans Trebifonde , qu'ils y facrifiérent à
Jupiter & à Hercule , & qu’ils y celebrérent des
Me, =: re:
£ Trebilonde äpparemment tomba fous la puil-
fance des Romains , lorfque Mithridate fe trou
ya dans l’impuiffance de leur réfifter. Il feroit
inutile de rapporter de quelle maniete elle fur
prile fous Valerien par les Scythes ; que nous
connoiflons fous le nom de Tartares, fi l'Hifto-
rien qui En parle n’avoir décrit l’état de la place.
Zozime donc remarque que é’étoit une grande
ville bien peuplée ; fortifiée d’ane double mu-
raille, Les peuples voifins s’y étoient réfugiez
avec leurs richefles | comme dans un lieu où il
n’y avoit rien à craindre. Outre la garnifon ot-
dinaire , on y avoit fait entrer dix mille hom-
mes de troupes ; mais ces foldats dormant fur
leur bonne foy & fe croyant à couvert de tout,
fe laifférent furprendre la nuit par les Barbares ,
qui ayant entaflé des fafcines tout contre. les mu-
tailles , entrérent par ce moyen dans la Place ,
tuérent une partie des troupes , renver{érent Îles
Temples & rous les plus beaux Edifices ; après
quoi chargez de richeles immenfes , ils emme-
_nérent un grand nombre de capri ;
Les Empereurs Grecs ont poifedé Trcbifonde
à leur tour, Du temps de Jean Comnene Empe-
teur de Conftantinople , Conftantin Gabras s'y
, étoi erigé en petit Tyran. L'Empereur vouloir
l'en chafler ; mais l'envie qu’il avoit d’ôter Ans
tigche aux Chreñiens , l’en décourna. Enfin Tres
78 Vo
bifonde fut la capitale d’une Duché ou d’une
Principauté dont Les Empereurs de Conftantino-
ple difpofoient ; car Alexis Comnene , furnom-
mé le Grand , en prit pofleffion en 1204. avec
le titre de Duc lorfque les François & les Veni-
tiens fe rendirent les maîtres de Conftantinople
fous Baudouin Comte de Flandres. :
L'éloignement de Conftantinople à Trebifon-
de , & les nouvelles affaires qui furvinrenr aux
Latins , favoriférent l’établiflement de Comnene;
mais Nicœtas remarque que l’on nelui donna
que le nom de Due, & que ce fur Jean Com-
nene qui fouffrit de les Grecs l’appellaflent
Empereur de Trebilonde, comme s'ils euffenc
voulu faire connoître que c’étoit Comnene qui
étoit leur veritable Empereur , puifque Michel
Paleologue , qui faifoit fa réfidence à Conftan-
tinople , avoit quitté le Rit Grec pour fuivre
celui de Rome, Ileft bien certain que Vincent
de Beauvais appelle fimplement Alexis Com:
nene , Seigneur de Trebifonde, Quoiqu'il en foit,
la Souveraineté de certe ville , fi l’on ne veut pas
fe fervir du mot d'Empire , commença l'an 1104.
fous Alexis Comnene, & finit en 1461. lorfque
Mahomet [1. dépoüilla David Comnene. Ce
malheureux Prince avoit époufé Irene fille de
l'Empereut Jean Canracuzene , mais il implora
fort inutilement le fecours des Chrétiens, pour
fauver les débris de fon Empire. Il fallut ceder
au Conquerant, qui le fit pañfer à Conftantino-
ple avec toute fa famille , qui fur maffacrée quel-
que temps après. Phranzez même affüre que
Comnene mourut d’un coup de poing qu'il reçüût
du Sultan. Aïnf finit l'Empire de Trebifonde ,
après avoir dure plus de déux fiecles & démi.
Du LrvAnT. Lettre XVII 79
La ville de Trebifonde eft bâtie fur le bord de
la mer au pied d’une colline affez efcarpée ; fes
murailles font prefque quarrées , hanres, crene-
les , & quoi qu’elles ne foient pas des premiers
temps , il y a beaucoup d'apparence qu’elles font
{ur les fondemens de l’ancienne enceinte, laquelle
avoit fait donner le nom de Trapeze à cette ville,
Tout le monde fçait que TrapeXe en Grec figni-
fie #re Table, & le plan de certe ville eft un
quarré-long affez femblable à une table. Les mu
railles ne es pas les mêmes que celles qui font.
décrites par Zofime ; celles d’aujourd’hui ont été
bâties des débris des anciens édifices , comme il
paroît par les vieux marbres qu’on y a enclavez
en déieurs endroits , & dont les Infcriprions
ne font pas lifibles , parce qu’elles font trop hau
tes. La ville eft grande & mal peuplée. On y
voit plus de bois & de jardins que de maifons ;
& ces maifons , quoique bien bâries , n’ont qu’un
fimple étage. Le Château qui eft aflez grand &
fort négligé , eft fitué fur un rocher plat & domi.
né , mais les foflez en font tres-beaux , taillez
la plûüpart dans les roc. L’Infcription que l’on lit
fur la porte de ce Château ; dont le cintre eft en
demi cercle , marque que l'Empereur Fuflinien
renonvella les édifices de la ville. Xl eft (urprenant
que Procope n’en ait pas fait mention ; lui qui à
employée trois livres entiers à décrire jufques aux
moindres bârimens que ce Prince avoit fait éle-
ver dans tous les coins de fon Empire. Cet Hif-
torien nous apprend feulement que fuftinien.fic
bâtir un Aqueduc à Trebifonde fous le nom de .
l'Aqueduc de Saint Eugene le martyr. Pour feve-
nir à nôtre Infcription , les caracteres en font
beaux & bien confervez ; mais comme la pierre
#4
Soi NON Lar -. |
efE encaftrée dahs la murdille, & enfoñcée de
près d’un piéd & demi , 6n n'en fauroit lire la
derniere ligne ; à caufe de ombre. Voici ce
que nous Times après en avoir Ôté , aurant que
noûs pûmes , les toiles d'araignées avec une per-
che autour de laquelle nous avions arraché ün
rhouchoïir, |
EN DNOMATI TOY AECIIOTOY HMON 1HÜOY
XPISTOY GEOY HMON AYTOKPATOP KAICAP &A
1OYÈTINIANOC AAAMANIKOC TO@IKOË @PANTI-
KOC TEPMANIKOC IAPTIKOC AAANIKOC OYAN-
KAMIKOC. AoPIKOË EYCEBHC EYTIxHÈ ENAOZOC
NIKHTHC fPONEOYXOC AËI GEBACTOC
AYTOYC ANÉNEQCEN @IAOTIMIA TAAHMOC
KTICMATA THC HOAEOC ENOYAHKA ETIMEAIA
OYPANIOY TON SEOIAEO 4.
xC “IT
Dans le vetibule d’un Convent de Religiens
fes Grecques , ily a un Chrift tres-mal peint ;
LA » F 2 =
avec deux figures à fes côtez ; l'on y lit les paros.
les fuivantes en tres-mauvais caracteres peints ;
&enGrec corrompu,
ARE#IOC
x
pu Levant. Lernré XFIL $r
AREÆIOC EN XQ TO GONNSOZ BASIAEY KE ATTO
KPATOPOC NACIC ANATOAHC O METAO
KOMNHN OC
GEOAGPA XY XAPHTI EYCEBESATH AECHIHTA
KE AYTOKPATOPHCA TACIC. ANATOAHC
HPINH XY MHTHP AETOY EYCEBESATOŸ
BACIAEOC KYPIOY AAEFIOY TOY METAAÔOŸ
- KOMNHNOT:
Suivant les obfervatioris de M'° de l’Académié
Royale des Sciences ; la hauteur du Pole de Tres
bifonde elt de 40. à 45. & la longitude de 63:
. Le Port de Trebifonde appellé Plarane elt à
PEft de la ville. L'Empereur Adrien le fit répas
rer , Coime nous l’apprenornis par Artien. Il pa=
roit par les Médailles de certe ville, que le Port
“ÿ avoit attiré un grand commerce, Goltzius en
fapporte deux à la tefte d’Apollon, On {çait que
ce Dieu étoit adoré en Cappadoce, dont Frebis
fonde r’étoir pas là moindre ville: Sur les revers
d’une de ces Médailles eft une ancre ; Sfur le
revers de l’autre , la proue d’un navire: Ce Port
n'eft bon prefentement que pour des Saïques, Le
Mole que les Genois , à ce qu’on prétend , y
avoient faic bâtir ; eft prefque dérruit, & les Turçs
he s'embarraffent gueres de réparer ces fortes d’où
vrages. Peut-être que ce qui en refte eft le débris
du Port d’Adrien ; éar de la manïére qu'Arriét
s'explique , cet Empereur ÿ avoit fait faire une
jettée confidérable pour y mettte à couvert les nds
vires qui auparavant n'y pouvoient mouiller qué
Tome III, F
F3 = Vo-v A4 .c.8
dans certains temps de l’année, & encore étoit-
ce fur le fable.
Nous herborifâmes le 24, &. le 25 May autour
dela ville. Ony voit de tres belles plantes. Le
26, nous allâmes nous promener à Sainte Sophie
ancienne Eglife grecque , à deux milles de la vil-
le près du bord dela mer. On-a converti une par:
tie de ce bâtiment en Mofquée, le refte eft ruiné.
Nous n’y trouvâmes que quatre colomnes d’un
marbre cendré, Je ne fçai fi certe Eglife a été ba=
tie par Juftinien , comme celle de Sainte Sophie
de Conitantinople ; c’eft aflez la tradition du pays,
mais on ne fçauroic le prouver par aucune Inferi-
ption. Procope même n’èn a pas fair mention.
Les débris de cetre Eglife mefont fouvenir de deux
grands hommes qui font fortis de cette ville,
George de Trebifonde , & le Cardinal Befarion. On
convient pourtant que George n’éroit qu'Origi-
paire de Trebifonde , & qu’il étoit né en Candie.
Quoiqu'il en foit , il fleurifloit dans le quinziéme
fiecle fous le Pontificat de. Nicolas V. de quiil
far fecretaire, Georges avoit auparavant enfeigné
la Rhetorique & la Philofophie dans Rome ; mais
fon enteftement pour Âriftore lui-attira de groffes
querelles avec Beflarion qui ne juroit que par Plas
ton. Beflarion fut un favant homme auffi, mails
fes, Amballades le diffipérent trop, Cela ne l'em-
pécha pas d'écrire plufeurs trairez, & fur tout de
faire une tres belle Bibliotheque qu'il as
fon Teftament au Senat de Venife, On la conler-
ve encore avectant de foin, qu’on n'en veut COM
muniquer les manufcrits à perfonne , & il faut
regarder ce beau recüeil comme un threlor en-
où.
Quoique la campagne de Trebifonde foit fertile
-
{pu LavANT Été XVI 84
en belles plantes ; elle n’eft pourtant pas Compara<
ble,pour ces fortes de recherches; à cés belles mon-
tagnes où eft bâti le grand Couvent de Säinr Fran
à25. milles de la ville du côté du Sud-Eft: Il ñ’y
a pas de plus belle forêts dans les Alpes. Les mon-
tagnes qui font autour de ce Couvent produifent
des Heftres; des Chênes ; des Chaïmes , des Gua-
iacs 3 des Frênes, & des Säpins d’une hauteur proz
digicufe: La maifon des Religieufes n’eftbârie qüé
de bois ; tout contre üne roche fort efcärpée ; att
fond de la plus belle folitude du monde: La veüe
de ce Corvent n’eft bornée que par des païfages
merveilleux , & j'aurois fouhaité d’y pouvoir paf=
fer le tefte de ra vie: On n’ÿ trouve que des f6-
litaires occupez de leurs affaires temporelles &
fpirituelles ; qui n’onc ni cuifine ; ni fcience ; ni
politelle ; ni livrés ; mais comment vivre fans tout
cela? Ont monte à la mailon par un efcalicr tres
rude 8 d’une flruéture forc finguliere, Ce font
deux trorics de fâpin, gros comme des imats de
navire , inclinez contre le mur &alienez de me:
me que les monrans d’une echelle; au lieu des plariz
ches ou des echellons que lon met ordinairemierit
au travers des echelles ; on y a taillé des marcties
d’efpace en efpace à grands coups de hache ; &
Pon a mÿs fort à propos des perches fur les côtez
pour fervir de gardefoux ? car je defhie Les plus ha
biles danfeurs de corde d’y pouvoir grimper fans’
ce fecours. La tefte nous rournoïit quelquefois ent
defcendant ; & nous nous ferions caffez le col fans
cet appui. Il n’eft pas poflible que les premiers
hommes ayeng jamais fait un efcalier plus fimple $
il n’y a qu’à le voit pour fe former üne idée de
la naiffance du monde. Tous les environs de ëë
Couvent fonc une image parfaire de L pure natti
ij
Sa eV or ken
te ; une infinité de fources y forment un beau ruil.-
feau plein d’excellenres Truites, & qui coule en-
tre des tapis verts & des bofquets propres à infpi-
rer de grands fentimens;mais il n'y a aucun de ces
Moines qui en foit touché, quoi qu'ils y foient au
nombre d'environ quarante, Nous regardions leur
maifon comme une tanniere où ces bonnes gens
s’étoient retirez pour évicer les infultes des Turcs
& pour y prier Dieu tout à leur aife, Cependant
ces Anachoretes poflcdent tour le pays à plus de
fix milles à la ronde, Ils ont plufieurs Fermes dans
ces montagnes, & même plufeurs maifons dans
Trebifonde ; nous y logions dans un grand Cou-.
vent qui leur appartenoit & qui étoit partagé en
plufeurs galetas : A quoi fert tant de bien quand
on n’en peut pas jouir ? Ils n’oferoient faire bâtir
une belle Eglefe niun beau Couvent ; de crainte
que.les Tures n’exigeaflenr d'eux les fommes. def.
tinées pour ces bâtimens , quand l’ouvrage feroit.
commencé.
_ Apres avoir vifité les environs du Couvent , où. £
il y a des plantes qui amufent le plus agréablement
du monde, nous montâmes jufques aux lieux les,
plus élevez , que la neige n’avoit abandonnez que
depuis quelques jours , & d’où. nous en décou-
vrions d’autres qui. en étoient encore chargez.Les
gens du pays appellent rssrx les Sapins.… ordinai-
res, qui ne different en rien de ceux qui naïiflent
fur le Alpes & fur les Pyrenées ; mais ils ont con-
fervé le nom d’&4:» pour uné autre belle efpece
de Sapin .queje n’avois veü encore qu’autoür de
ce Mornaftere. Son fruit qui cft tout écailleux &c:
comme: cilindrique , quoiqu’un peu renflé, n’a
que deux pouces & demi de. long fur huit ou neuf
lignes d’épaifleur , terminé en pointe , panché en
”
pu LEevANT. Lettre XVII. 85
bas & pendant, compofé d’écailles molles, bru-
nes, minces, arrondies, lefquelles couvrent des
femences fort menuëés & huileufes, Le tronc & les
branches de cet arbre font de la grandeur de cel-
les du Pices ordinaire. Ses feuilles n’ont que qua-
tre où cinq lignes de long, elles font luifanres ,
vert-brun ; fermes, roides , larges feulement de
demi ligne, releyées de 4. petits coins ; &ran-
gées comme celles de nos Sapins , c’eft à dire en
Béariche aplatie.
Il fallut quitter ce beau pays pour venir à Tre-
bifonde chercher nôtre bagage. On nous avertit
fort à propos que le Pacha venoit de partir, & ce
n’êtoit pas une fauffe allarme ; car nous le rencon-
trâmes en chemin. Dieu fçait fi nous fimes grande
diligence : que ferions- nous devenus fi nous
avions perdu une fi belle occafñon ? Il fallut donc
travailler route la nuit à faire nos balots , à cher-
cher du bifcuir & du ris qui font les chofes les plus
néceflaires pour une marche, car on trouve de
Peau par tour, Heureufement le Pacha ne campa
ce jour-là, qui étoit le 2. Juin, qu’à environ
quatre heures de la ville. Le lendemain nous le
joignimes avec beaucoup de peine , & nous le
trouvâmes à quatorze milles de fon premier
camp.
“Jay l'honneur d'être avec un profond re-
fpet , &c. : PAT. es
86 … Voyracr.
AS 48 GE dd
LETreRE XVIHE =
Æ Monfeigneur le Comte de Pontchartrain , Secre-
taire a'Etar © dés Conmnandemens de Sa Ma:
jefté » Tes
Le
Voyacs Les villes de ce pays-ci font affez bien policées
P'ÉRME & l’on n’y entend point parler de voleurs ; ils fe
Dr tiennent tous à la campagne & n’en veulent
Gson. qu'aux voyageurs ; on prétend même qu'ils font
$15 moins cruels que nos voleurs de grands che-
mins. Pour moi je fuis perfuadé du contraire,
Ë que l’on n’iroit pas bien loin fi l'on s’expoloir
feul ici fur une grande route, Si ces malheureux
n’aflaffinent pas les gens, c’eft faute d’en trouver
Voccafion , car on ne marche qu’en bonne com-
pagnie. Ces compagnies ; qu'on appelle Cara-
vanes , font des convois ou aflemblées de voya-
geurs , plus on moins nombreufes fuivant le dan>
er. Chacun y eft armé à fa maniere, Sie dé.
Fond comme il peut dans l’occafion. Quand les
Caravanes font confiderables , elles ont un Chef
qui en ordonne la marche. On y eft moins ex-
pofé au centre qu’à la queüe, & la meilleure pre=
caution que l’on puiffe prendre ; n’eft pas toù-
jours d'attendre les Caravanes les plus nombreu-
fes , comme la plüpart des voyageurs fe l’imagi-
nent ; c’eft de profiter de celles où il y a beancoup
de Turcs & de Francs , c'eft à dire gens propres
Levanr. Lettre XVIII 83
à fe bien défendre, Ees Grecs & les Armeniens
n'aiment point à fe battre : on les condamne
fouvent à payer le fang , comme l’on parle dans
c pays, d’un voleur qu’ils n’ont pas tué. On
n’cit pas expolé à ces malheurs en Amerique ; ces
Americains que nous traitons de fauvages 3; ces
Iroquois dont le nom fait peur aux enfans , ne
tuent que les gens d’une nation avec laquelle ils
font en guerre, S'ils mangent des Chrétiens , ce
n’eft pas en temps de paix. Je ne {çai s'il y à
moins de cruauté à poignarder un homme pour
avoir fa bourfe , que de le tuer pour le manger.
Qu'importe à un malheureux d’être mangé ou
dépouillé après fa mort ?
On eft donc contraint de marcher en Carava-
ne dans le Levant ; les voleurs en font de même
afin de pouvoir fe rendre les maîtres des autres
par la loi du plus fort. Nous joignimes la Cara-
vane du Pacha d'Erzeron le 3. Juin à une jour
née de Trebifonde | & nous trouvâmes en che-
min jene fçai combien de Marchands qui ve-
noient des provinces voifines pour profiter d’une
fi belle occalion, Les voleurs nous uyoient avec
la même diligence qu'ils fnivent les autres Ca-
ravanes , par la raifon que lors qu’un Pacha mar
che , autant de voleurs pris, autant de têtes cou-
pées fur le champ. On leur fait cet honneut
après les avoir appellez Faowrs , c’eft a dire J4f-
delles, Outre que nous étions fort en repos de ce
côté-là , nous étions encore ravis de ce que le
Pacha ne faifoit qu'environ douze ou quinze
Milles par jour ; ce qui nous donnoit tout le
temps de confiderer le pays à nôtre aife. e
Notre Caravane étoit de plus de fix cehs pété”
fonnes'; mais il n'y en avoit qu'environ trois
Fi
Le
83. = “"N'OEY Ac +
cens de la Maifon du Pacha , les autres étoient
des marchands & des paflagers ; rout cela fai-
foit un aflez beau fpedtacle. C'éroir une nouveau
té pour nous de voir.des chevaux & des mulets
‘parmi je ne fçai combien de chameaux, Les
femimes éroient dans des littieres terminées en
berceau , dont le deflus étoit couvert de toile
cire , Le refte étoit grillé de tous côtez avecplus
de foin que ne Le font les parloirs des Religieu-
fes les plus aufteres, Quelques-ynes de ces lit-
tiéres reflembloient à des cages pofées fur le dos
d’un cheval, & elles étoient couvertes d’une toi-
le peinte fourenné par des cerceaux ; on ne fça-
_yoit fi elles renfermoient des finges , ou des ani-
maux raifonnables,
Le Chaia évoit le premier Officier de la mai-
fon. Nous n’avons pas de Charge parmi nous qui
réponde à celle-là, car il eft plus qu’Intendant ;
& çomme le fubdeleoné du Maitre, Souvent mé-
me il eftle maître du Maitre, Le Divar Effen-
di, où Chef du Confeil, étoit le fecond Ofhcier.
Le Pacha avoit fon (orja on Aumônier qu'ils
appellent auffi Afowphri, plufeurs Secretaires ;
foixante & dix Boflinois pour fa garde, une in-
finité de Chaoux, de muficiens où joueurs d’in-
frumens, une effroyable quantité de valers de
pied où Chiodars , fans compter les Pages. Son
Médecin éroir de Bourgogne , & fon Apoticai-
re de. Provence : Où éft-ce qu'il ny a pas de
François ? | F
Le Chaoux Bachi ou Chef des Chaoux , mar-
choït une journée par âvance portant une queue
de cheval pour marquer le Conac, c'eft à dire
Je lieu oùle Pacha devoit camper, Le maître
_Chaoux en recevoir l'ordre tous les foirs, com
AL
|; pu LEvANT. Lettre XVIII 89
me font nos Maréchaux de Logis. Il avoir à fa
fuite plufieurs Officiers pour difpofer le camp,
& beaucoup d’Arabes pour drefler les tentes. Tous
ces gens marchoient à cheval avec des lances &
des bâtons ferrez. La mufique du Pacha n'évoit
défagréable qu’en ce qu’on répetoit roûjours le
même air-; comme fi les muficiens n’euflenc fçù
qu’une feule chanfon. Quoique leurs inftrumens
foient differens des nôtres, nos orciiles s’en ac-
commodoient aflez. Un jour le Pacha m’ayant
fait l'honneur de me demander comment je trou-
vois [a mufique , je luirépondis gwelle étoit ex-
cellente , mais un peu trop uniforme. 1] me repli-
qua, que c’étoit dans l’uniformité que confifloit La
beanté des chofes. 1] cft vrai que l’uniformité eft
une des principales vertus de ce Seigneur, car il
paroit d’une humeur inalterable. La premiere
chamade commençoit ordinairement une heure
avant là marche, c’étoit pour éveiller tout le
monde. On entendoit la feconde environ demi
heure après, elle fervoit de fignal pour défiler.
La troifiéme commençoic au départ du Pacha qui
étoit toûjours à la queuë de la Caravane , à la
diftance de 4. ou s.cens pas: La mufique cefloie
& recommençoit plufeurs fois pendant Îa route,
fuivant le caprice des mufciens qui redoubloient
leur fimphonic'en arrivant au Conac, où l’on
plantoit devant la: Tenre du Pacha les deux au-
tres queués de cheval qui avoient fervi à la mar-
che, Le Chaoux Bachi ayant reçû l’ordre, pre-
noit la troifiéme queuë, & s’en alloit marquer le
gifte du lendemain. Fe
Nous fûmes bientoft faits à ce manege. Nous
nous levions à la premiere chamade , & nous
montions à cheval à la feconde ; les Officiers du
90 VoyxaAcez
Pacha chafloient tout le monde camme des mou
tons , en criant ÆAideder, Aideder , c'eft a dire
marche? , marcheX, Is ne permettent à qui que
ce foit de fe mêler parmi les gens de la Maifon ,
.& l’on s'expofoit à quelques coups de bâron fi
Fon y étoit furpris, Les Turcs font gens d'ordre
en tour ce qu'ils font ,& fur tout dans leurs mar-
ches, Les Catergis où Poituriers fe levoient une
heure avant le fignal, & rour étoit chargé avant
que la chamade de la marche fonnaft. J'admirois
fouvent leur exaétitude ; tout cela fe pañloit fans
bruit, & bien fouvent nous n'étions avertis que
Fon chargcoit , que par la lueur des fanaux.
On pañla ce jour-la 4. Juin par des monta-
gnes fort élevées, & lon avança toüjours vers
Je Sud-Eft, Nous ne primes pas la route Ja plus
courte pour aller à Erzeron ; le Pacha voulut
fuivre la plus commode & la moins rude ; la
plüpart des marchands en éroient chagrins , &
nous en étions ravis, dans l’efperance de voir
beaucoup de pays , perfuadez d’ailleurs que nous
ne trouverions jamais de Caravane plus feûre.
On obferva ce jour-là les mêmes plantes que l’on
avoit veués aucour de Trebifonde ; mais ce qui
nous fit plus de plaifir, c’eft que nous connûmes
par la marche de la Caravane que nous aurions
dans la fuite aflez de temps pour découvrir des
plantes , tant fur les grands chemins , que fur les
collines voifines, En effet , nous mertant le matin
à la tefte de Ja Caravane , nous prenions chacun
un fac & nous nous détachions à quelques pas s
tantôt à droit , tantôt à gauche , pour amafler ce
qui fe prefenroit, Les marchands rioient de nous
voir defcendre de cheval& remonter , pour ne
faire que cueillir des plantes qu'ils méprifoient
pu LEVANT. Lettre XV III 91
fort , parce qu’ils ne les connoïfloient pas. Nous
menions quelquefois nos chevaux par la bride,
ou nous les failions mener par nos voituricrs ,
afin de faire nôtre récolte plus à nôtre aife, Au
premier gifte nous décrivions nos plantes tout en
mangeant, & M. Aubriet en deflinoit le plus qu’il
pouvoit.
J'apprehende , M£, que le détail de nôtre
marche par journées ne foic languiffant ; mais il
ne fera pas inurile pour la Geographie & pour la
connoiffance du pays. Je fuis perfuadé même que
ce grand détail vous ennuyera moins que les au-
tres, vous qui fçavez faire un fi bon ufage des
moindres circonftances dont on a l’honneur de
vous rendre compte, De plus habiles gens que
moi profiteront peat-être aufli de ce Journal ; une
montagne , une grande plaine , des gorges, une”
riviere , fervent fouvent à dérerminer des endroits
À f .
où fe font pañlées de grandes actions.
Le $. Juin nous marchâmes depuis 4. heures
du matin jufques à midi à travers de grandes
montagnes couvertes de Chênes , de Heftres , de
Sapins ordinaires , & d’autres qui onrle fruit fort
petit , dont nous avions veû de pareils dans les
montagnes du Monaftere de Saint Jean de Tre-
bifonde, Nous obfervämes dans nôtre route , ou-
tre le Charme commun , une autre elpece beau-
coup plus petie dans toutes fes parties, Ses feüil-
les n’ont qu'un pouce de long , & fes fruies font
tres courts. Ce Charme a levé de graine dans le
Jardin du Roy , & n’a pas changé. Les efpeces de
Chamarhodendras à fleur purpurine &c à fleur jau-
ne , fe faifoient voir affez frequemment le long.
des ruiffeaux.Nous campâmes ce jour-là dansune
plaine couverce de neige , dont la terre n'avoit
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encore rien produit.Quoique ces montagnes fofent
moins hautes que les Alpes & que les Pyrenées ,
elles font aufli tardives, car la neige n'y fond
qu’à la fin du mois d'Aouft. Parmi-plufieurs Plan.
tes rares, nous: obfervâmes uné belle efpece de
Renoncule à gros bouquets de fleurs blanches.
Ses feuilles font larges de trois on quatre pou-
ces , femblables par leurs découpures à celles de
L'Aconit Tueloup, vert-gai, lifles , veinées pro-
prement , parfemées de poils fur les bords & en
deflous , foutenués par un pedicule long de 4. où
s+ pouces , vert pâle, velu , épais de deux lignes;
aflez rond , fiftuleux ; large de 4. lignes à fa ba-
fe ; où il eft plié en maniére de goutiére, Latige
cft d'environ un pied de haut:, éreufe auffi, vert-
_ pâle & veluë , épaifle d'environ deux lignes, toute
nué , fice n'eft vers le haut où elle foutient un
bouquet de fept ou huit fleurs , entouré de 4. ou
5. feuilles , longues feulement de deux pouces ou
deux pouces & demi fur un pouce de large, dé-
coupées en trois principales parties, & recoupées
encore à peu prés comte les autres feuilles, Quoi-
que ke bouquet foic aflez ferré > chaque fleur eft
pourtant foutenué par un pedicule long d'environ
15.lignes. Les fleurs ‘ont deux pouces de dia-
metre , compofées des. ou 6. feuilles blanches
d'un pouce de long fur 8, ou-9. lignes de largeur,
arrondies à leur pointe ;-mais pointuëés à leur naïil=
fance, Le milieu de ces feüilles eft OCCUPÉ par
ui piftile ou bouton à plufieurs graines, termi-
nées par un filet crochu. & couvertes d’une rouffe
d’étamines blanches de demi pouce de long, chat-
gées de fommets jaune-verdâtre , longs d’une
ligne. Ces fleurs font fans calice, fans odeur ».
fans acreté, de même que le refte de la plante,
rm
LRCET ITS CRE
Ranunculus Orientalis Aconiti Lycoctoni folio flor e
magno adbo Corol,Inst.Rei herb. 20.
pu LEVANT, ZLettré XVIII. 93
Il y a des pieds dont les fleurs tirent fur le purpu-
rin. Nous n’eûmes pas le temps d’en arracher la
racine, :
Le 6, Juin nous partimes à crois heures du ma-
tin,& nous traversâmes jufques à midi de grandes
montagnes toutes pelées,& dont la vüé eft fort de-
fagréable, car on n'y découvre ni arbres ni arbrif-
feaux, mais feulement une méchante peloufe bru-
Iée par la neige qui étroit nouvellement fonduë.
Il y en avoit encore beaucoup dans les fonds, &
nous campâmes tout auprez. Cette peloufe étoit
couverte en quelques endroits de certe belle efpe-
ce de Wiolette à grandes fleurs , jaunes fur certains
pieds, violet foncé fur d’autres ; panachées de
jaune & de violet fur quelques-uns , jaune rayé
de brun avec l’étendart violer & d’une odeur tres
agréable.
On fe leva fur les deux heures du matin le 7,
Juin , pour partir à trois heures ; l’on continua la
route par des montagnes pelées & parmi la neige.
Le froid étoit âpre , & les broüillards fi épais ,
qu’oñ ne fe voyoit pas à quatre pasles uns des au.
tres, Nous campâmes furles 9. heures & demi
dans une vallée affez agréable par fa verdure
mais fort incommode pour les voyageurs. On n'y
trouve pas une branche de bois , pas même une
bouze de vache ; & comme nous ne manquions
pas d’appetit, nous eümes le chagrin de ne pou-
voir , faute de broflailles , faire cuire des agneaux
dont nous avions fait provifion. On ne vécut ce
jour-là que de confitures chez le Pacha. Nous ne
découvrimes rien de nouveau. Toute la peloufe
éroit couverte des mêmes Violettes ; ainfi nous.
pañlâmes la journée fort triftemenc ; les Turcs ne
s’accommodant pes de ce jeûne, non plus que
F KE 7 ec BRIE ET PLAN SE ÉTRANEE | pas:
nous: Le 8. Juin nous commençâmes à [a pointe,
1 du jour à nous apperceyair que nous étions Veriä: \
.. tablément en Levant, De Trcbifonde jufques ich
le pays nous avoit paru aflez fémblable aux LE vw 4
&.aux Pyrenées ; pouf ée.jour-là il nous fembla_#
qué la terre avoit tout d'un coup changé de face ; Ÿ
comme.fi l’on eût tiréun rideau qui nous eût dé-
couvert un nouveau payfage, Nous defcendimes |
dans de petites vallées couvertes de verdure , cou- :
pées par des fuiffeaux agréables, & remplies de :
tant de belles Plantes, fi differentes dercelles aux-
quelles nôtre veué etoitaccoütumée”, que nons
ne fçavions fur lefquelles nous jetter. On arriva.
fur les dix heures du miatin à GreTi village qui,
n’eft , àce qu’on nous affüra, qu’à unc journéé
de la mer Noïre. ; mais le chemin n’eft pratiqué 1,
ble que pour les gens de pied. Je fus fi ébloüi d'us #
ne elpece d’'Echinm qui fetrouve fur tés chemins ; £#
que je ne fçaurois m’empécher d’en faire ici l& }#
s + > dif
sad pis
/;
ion, +
Sa Sr a plus d’un pied de long ; elle eft Fe
fe de deux pouces , accompagnée de groffes fibres
blanchâtres en dedans , mucilagineufe, douçatre;
couverte d’une écorce brune & gerfée. La tigé
qui eft haute d’environ trois pieds, eft groffe com
me le pouce, vert-pâle , dure , folide ; & rem-
plie d’une chair gluante & comme glaireufe, Les
feüillesinferieures ont +5, ou-16. pouces de lori+
gueur ; fur 4. à 5. pouces de largeur , pointuës >
vert blanchätre, douces/molles, veluës, commeta” !
tinées en deflus, coroneufes par deffous , relevées }
d’une grofle côte, laquelle fournit une nerveure 4:
allez femblable à celle des feüilles du Boillon-
blanc ces feuilles diminiient confidérablement lé : »
long la tige.; où elles n'ont guere plus de demf
€
Ori verbas
€
| rs
4
#
Campanllato Coroll.Inst.Ra herb.6. -
_
pu Levanr. Lettre XVII} 9
pied de long, moins cotoneufes que les premie-
res, mais beaucoup plus pointuës, De leurs ail
{elles naiffenc des branches longues d'environ de-
mi pied, heriflées de poils aflez fermes de même
que le haut de la tige ,; accompagnées de feuilles
d'environ un pouce & demi de longueur, Toutes
ces branches fe divifent en petits brins recourbez
en queué de Scorpion ; chargez des plus grandes
ficurs qu’on ait obfervées jufquesici fur les efpe-
ces de ce genre, Chaque fleur a un pouce & demi
de haut, versle bas c’eft un ruyau de 4. ou 5.
lignes de diametre & tant foit peu courbé, lequel
fe dilate enfuire en/maniére de cloche , dont lou-
verture eft divifée en cinq parties égales, tail-
Ices en arcade gothique, Cette fleur eft bleu-pâle
tirant fur le gris-de-perle, mais trois de fes dé-
coupures font traverfées dans leur longueur par
deux bandes rouges fang-de-bœuf , fur un fond
purpurin fort clair. Des bords interieurs du tuyau,
paiflent cinq étamines blanches, recourbées en
crochet, chargées chacune d’un fommet jaunâ-
tre, Le calice eft prefque auffi long que la fleur ,
& découpé en cinq parties jufques vers le bas,
lefquelles n’ont qu'environ deux lignes de large ,
pointués , vert-pâle , heriflées de poils fort gros,
Le piftile poufle du fond de ce calice , formé par
4. embrions arrondis & verdâtres , du milieu def-
quels fort un filet prefque aufli long que la fleur ,
légerement velu , purpurin & fourchu. Les grai-
nes , quoique peu avancées., écoient affez. fembla-
bles à celles d’une Vipere. La fleur n’a point d’o-
deur. Les feüilles ont un goût d'herbe allez agréa-
-_ Leo, Juin nous partimes à crois heures du ma:
tin,& pallèmes par des vallées fort feches:&e routes
56. VE. be:
découvertes, On campa fur les neuf heures ad
deflous de Baibout dans la plaine , le long d’une
petite riviere. Baïbout eft une petite ville tres-
forte par fa fituation fur une roche fort efcarpée,
On fit courir le bruit que Le Pacha y féjourneroic
cinq ou fix jours pour tenir les Grands-jours ;
& l’on y amena des prifonniers de plufieurs en !
droits ; ainfi nous pañlämes le refte dela jour
née à courir pour chercher des Plantes : mais
nous fümes trompez ; car il fallut partir un jour
après fans pouvoir monter à la ville. Peut-être
que nous y aurions trouvé quelques-reftes d’an-
tiquité-, ou quelques infcriptions qui nous eul-
fent fait connoître fon ancien nom. Suivant {
fituation , elle paroît marquée dans nos Cartes
fous le nom de Leontopolis & Juflinianopolis , qui
avoit été nommée Byzane où Bazane. Nous fu-
mes auffi furpris que chagrins d’entendre la cha-
made qui nous avertifloit qu’il falloir monter à
cheval. Voici une des plus belles Plantes qui
naifle autour de Baiïbout , &:qui ne contribua
pas pea à nous confoler de nôtre départ précis
ité. à | Ha
C’eft un buiffon d’un pied de hauteur feule
ment , mais étendu à la ronde jufques à deux
ou trois pieds , touffu & cout-à-fair femblable à …
la Tragacantha. Ses riges vers le bas font grofles :.
comme le pouce , blanches en dedans, couver-
tes d’une écorce noirâtre , gercées ; tOrtuës dans
la fuite, divifées en plufeurs branches nuës &
partagées en vieux btins épineux & fecs. Les
ommitez de ces brins foütiennent de jeunes jets
tortus & branchus , rerminez en piquants vef= »
pâle , garnis de feuilles rangées fur une côte lon .
guc de 9. ou 10, lignes , fur laquelle on compte
ordinairemenEt
"un
ST
dal Shbn bind Lou 5 0 à de vo
L ethnies
tele ee ms
vert te rs A
1
ET
Onobrychis Orien -3 ‘talis _ frutescers, Jpinosa,
Tragacanthæ acte L | Grèlre Rei herb.26.
pu LEevANT. Lettre XVIII 97
Grdinairernent.deux ou trois paires de feuilles op-
pofées vis-à-vis ; longues de 4, où 5. lignes fur
moins d’une ligne de large, pointuës par les deux
bouts;un peu pliéés en goutière. La côte fe rermi-
ne par une femblable feüille. Le haut des piquants
foñtient une ou deux fleurs léguimineufes ; pur-
purines ; rayées , avec ün étendarc velu; relevé,
long d’environ 9. lignes fur trois lignes de lar-
geur ; échancré & même denté, Les aîles & la
feuille inferieure font plus pâles & plus petites.
Le pitile devient un fruit femblable à celui de
nôtre Sainfoir , mais il eft lifle , & nous ne l’a-
vons pas vü dans fa maturité. Le calice eft rou-
geatre ; long de deux lignes , découpé en cinq
pointes. Les feüilles fout d’un goût d’herbe un
peu aigreler;
Nous fümes donc obligez de quitter Baibout
le tr: Juin. On nous affüra que le Pacha avoit
fait grace à rous les prifonniers. Plufeurs de ros
Caravaniers louoient. fa clemence ; quelques-
autres le blâmoient de n’avoir, pas fait d’exem-
ple. On fit pafler en revüé ces fcelerats ; dont la
plüpart avoient au moins merité la roùe, à en
juger par leur mauvaife mine, Nous impofäimes
ce jour-là le nom à une des plus belles plantes
quele Levant produife ; & parce que M° Gwr-
del{cheimer \a découvrit le premier ; on convint
que par reconnoiffance elle devoit porter fon
nom, Malheureufement nous n’avions que
l'eau pour celcbrer la fête ; mais cela convenoit
mieux à la ceremonie, puifque la plante ne vient
que dans des lieux fecs & pierreux, La mufique
du Pacha ne s’éveilla que dans çe temps-la, ce
que nous prîimes pour un bon auguic ; cepen-.
dant nous eûmes beaucoup de peine à trouver un
Tome III, G
M TOMATE. 4,
nom latin qui répondit à éelui de ce galant hom:
me. Il futénfin conclu que la Plante s’appelle-
toit Gandelia, FRS
La tige de cette plante eft haute d'un pied ,
épaiffe de cinq ou fix lignes, liffe ; vert-gai; rous
geâtre en quelques endroits ; dure , fertne ; bran-
chué , accompagnée de feüilles affez feihblables
à celles de l’Achante épineufe ; découpees jufques
Vers la côte , & recoupées en plufieurs pointes ;
garnies de piquants tres-fermes, Les plus grands
ail
ii
de ces piquants ont derni pied où huit pouces dé
largeur ; für environ un pied de long. La côte
eft purpurine , la nerveure velué , blanchâtreÿ
televéé, cotoneufe , le fond des feüilles vert-gais)
leur confiftance dure & ferne ;. elles diminuent
jufques au bout des branches lefquelles. quelquez
fois font couverres d’un petit duvet, Toutes ces \
parties foûtiennent des chapiteaux femblables à
ceux du Chardon à Bonnetier, longs de deux pou=…
ces & demi, fur un pouce & demi de diametre ;
environnez à leur bafe d’ün rang de feüilles de
même figure, & tiffure que le bas, mais de la
longueur feulement de deux pouces. a
chapiteau eft à plufieurs écailles longues de fept
ou huitlignes, creufes & piquantes ; parmi lef-
quelles font enchaflez les émbrions des fruits ; is
font d'environ cinq lignes de long , vertpâles
pointus en bas , épais d'environ 4. lignes , relez
£ $ È ‘ à s ._L PS
vez de a coins, creufez à leur fommité de
cinq foffes ou chatons à bords dentez , de chacut
e demi pouce. C’eft un tuyau blanchärre où
Fe fort une fleur d'une feule piece longue
putpurin.clair, évafé jufques à une ligne &cdemi
de diametre, fendu en cinq pointes purpurin-fale,
efquelles bien loin de s’écarter en pavillon d'en
Acanthi acutleatt
ntalis ,
Orre
Jolio, Capite
Gundelia
Aerb SAT
Znst . Ret
gtabro&oroil.E
Vesicaria Orientales folis dentatis Coroll.Inst.Rei herb: 7
=
= pu LavanT,-Lettre XV IIL 99.
tonnoir , fe rapprochent plurôt ;le dedans de la
fleur eft d’un purpurin plus agréable, De fes
parois fe dérachent cinq filets ou piliers qui fou-
tiennent une gaine jaunâtre , rayée de purpurin,
furmontée par un filet jaune & poudreux, Ce
qui fait voir que ces fleurs font de’ vrais fleu-
rons qui portent chacun: fur une jeune graine
enfermée dans les embrions des fruits ; & ces
embrions font divifez en autant de, capfules
ou loges qu’il y a de fleurons, La: plüparc
de ces. embrions avortent , excepté celui dt
milieu ; qui preflant les autres les fait perir.
Toute la plante rend du lait fort doux, lequel
fe grumele en grains de maitic comme celui de la
Carline de Columna: La Gundelia varie , il y
cn a des pieds à teftes veluës & à fleurs rouges
run. |
On partit ce jour-là fur les huit heures du ma-
tin , nous paflèmes ‘par des vallées étroites , in-
cultes, fans bois, & qui n'infpiroient que de
la trifteffe, On campafurde midi ; & nous n’eù-
mes d’autre plaifir que celuide déterminer en-
core un nouveau genre de plante lequel ficnome.
mé Veficaris , à caufe de fon fruit. C’eéftrune
veflie longue d’un pouce & prefque auflf large,
membraneule , vert-pâle , traver{ée dans fa lon:
gueur par quatre cordons tirans fur le purpurins
qui par leur réünion viennent former une petite
pointe au bout de la veflie , & qui diftribuent en
paflant des vaiffleaux entrelaflez en maniére de
raizeau. Ce fruit renferme quelques graines ova-
les , longues d'environ une ligne & demi, atta-
chées chacune par un-cordon tres-mince qui
part du gros cordon purpurin, La plüpart de ces
graines étoient encore vertes ou avortées.
e NHIGÉ
#
Re
fruit n’eft autré chofe que le piftile de la fleur
gonflée en veflie: Les fleurs fonc à quatre feüit-
les jaunes difpofées en bouquet ; f6ûrenu par une
tige fans branches: Toute la plante n’a! qu’envi-
ron 4: pouces de haut; fans compter la racine
qui à deux pouces de long , rouffatre ; épaiffe de
wois ou quatre lignes au coller ; divifée en quel-
ques fibres peu cheveluës: Elle poufle plufieurs
têtes garnies de feüilles difpofées en rond ; fou-
vent rabatuës en bas, longues! de 9, ou 10. li:
gnes ; larges ordinairement d’une ligne, vert:
gai ; dentèes proprement fur les bords à peu près
comme celles de la Corne de Cerf. Celles qui
fonc le long des tiges n’ont qu'environ 3; on 4.
lignes de long für deux lignes de large ; & font
prefque fans denturé; Elles diminuent jufques
au haut de fa tige, laquelle eft toute fimple &
fans btanches. Si la racine de cette plante étroit
charnuë ; elle feroit de même genre que le Zeoz-
roperalon.
Le 12; Juin nous partiines à troïs heures du
matin , & l’on arrivà au Conac à fix heures avant
midi : Quel plailir pour des gens comme nous qui
ue foupirions qu'après des plantes ,.& à qui on
donnoit tour un jour pour en chercher ? Nous
ne fimes gueres plus de trois mille dans certe
marche de trois heures , & fuivimes roûjours la
même vallée ; dans laquelle ferpenre urie riviere
qu’il faut pallèr {ept ou huit fois. Le lendemain
nous ne fatigâmes pas davantage ; car on ne mar-
cha que depuis deux heures & démi du marin
jufques à fepr ; ce fur fur une montagne tres-
haute où on voir beaucoup de ces fortes de Pis
qui font à Tarare auprès de Lyon, On voit aufli,
{ur celle dont nous parlons, une belle efpece de
Tom .3 - pag.102-
0
“
191
pu LevANT. Latre XPIII. 101.
Cedre qui {ent aufli mauvais que nôtre Sabine ;
& donc les feüilles lui. reflemblent tout-à-fait ;
mais c’eftun grand arbre du port & de la hau-
teur de nos plus grands Cyprés. On nous fit par-
tir ce jour-là , je ne fçai par quel caprice , à onze
heures du foir , & nous'arrivämes ke 14, Juin,
fur lesfept heures du matin , à un village ap-
pellé Zekmanfour. La Lune étoit fi belle, cette
nuit-là , qu’elle invira les Turcs qui n’avoiene
fair que ronfler tout le jour , à fe mertre en che:
min : Mais comment herborifer au clair de la
Lune ? Nous ne laïffämes pas pourtant de rem:
plir nos facs ; nos marchands ne cefloienc de rire
en naus voyant tous trois marchera quatre. pat-
tes & fourrager dans un pays fec & brûlé en ap-
parence , mais enrichi. pourtant. de tres-bekles
plantes. Quand le jour fut venu, nous fimes la
revüc de nôtre moiflon, & nous nous trouyvâmes
aflez riches. Peut-onrien voir de plus beau’, en
fait de plantes, qu'un Æfragale de deux pieds
dé haut , chargé de fleurs depuis lebas jufques à
l'extrémité de fes tiges? -: * fie
Ces fleurs font grofles comme le petit doigt,
canelées ; fermes ; folides , vertépâle , couvertes
d'un duvet blanc ; garnies de feuilles attachées.
lur une côte d’un empan de long , vert-pâle auffi;
& velué | accompagnée de deux aîles à fa bafe,
longues d’un pouce fur deux au trois lignes de
argeur , terminées en poince. Les feuilles font la
plüpart rangées où paires fur cette côte , & fon
y en compte jufques à 13. ou 14, paires. Les
plus grandes, qui fonc vers les ailes, out un
pouce de long fur fept ou hui lignes de largenrs.
prefque ovales: mais un-peu plus étroires vérs/|
hauc , vert-brun , liffes, couvertes en
iij
#
ue , VioY 4wx
poils blancs, & pliées ordinäirement en goutié-
re. Elles diminuent jufques au bout de la côré
où elles n’ont que cinq ou fix pieds de long. La
tige eft branchuë des le bas, mais enfuite elle ne
poufle des aiflelles des côtes , que des pedicules
longs d'environ deux ou trois pouces ; chargez
chacun de cinq ou fix fleurs , difperfées en’ long
& foùgenués par une queüe longue de deux lis
gnes ; laquelle fort de l’aiffelle d’une feuille affez
petite , cres-déliée & fort velué. Toutes ces
fleurs font jaunes , longues de 15. lignes , avec
un étendart relevé , échancré, brafqtée ovale ,
* large de 7. où 8.lignes. Les ailes & la feüille
inferieure {ont beaucoup plus petites. Le calice a
8. lignes de long , vert-pâle | membraneux ;
large d'environ $.lignes , parfemé de poils blancs
& decoupé en cinq pointes tres:menuës, Le pifti
le eit un bouton piramidal épais de deux ar
blanc & velu ; terminé par un filer blanc-fale;
enveloppé dans une gaine membraneufe blanche;
angéc en ctamines à fommets -purpurins, Le
piftile devient un fruit l6hg d'un pouce, épais
de 8. ou:9. lignes ; terminé. par une pointe lon-
gue de 4. ou $. lignes, Ce fruit eft arrondi fur le
dos , plat & filloné de Vautre côté ; coroneux ;
divifé en deux loges, dont les parois font char:
nuse épais de trois lignes lorfque Le fruit eften-
core vert. Ontrouve dans chaque loge un rang
de 5. ou 6. femences de la forme d’un petit rein,
attachées chacune par un cordon. Dans leur ma-
turité ces -graines font brunes de même que le
fruit. Toute Ja plante fente mauvais, Elle à levé
de graine dans le Jardin Royal où elle fe porte
bien, malgré l'éloignement & la différence des |
€limars, SE
pu LEevANT. Lettre XV III. 103
Nous découvrimes ce jour-là pour la premiere
fois , une tres-belle efpece de Towte-Bonne , dont
je n'avois vû que des avortons il y ayoit quelques
années , dans le Jardin de Leyden. M Hermans
Profeileur de Botanique en l’Univerfité de ladire
ville, tres-habile homme , & qui avoit obfervé
de fi belles plantes dans les Indes Orientales , a
donné la É de celle dont nous parlons, Il
femble que Ranvolf, Medecin d'Ausbourg , en
ait fait mention dans la Relarion de fon Voyage
du Levant , {ous le nom de Belle efpece d'Or-
min à. feuilles étroites, velués © découpées pro-
fondément. ñ GE DAT ss
La racine de cette plante pique en fond , lon.
pue d’un pied , groffe au coller deux fois comme
€ pouce, blanche en dedans , couverte d’une
écorce-rouge-orangé ou couleur de Safran. Le
nerf.de certe racingeft dur & blanc, les fibres
font aflez groiles & s'étendent fur les côtez. Elle
poule üne ou deux tiges haures d’un pied & deini,
groilés vers le bas comme le peric.doigr; purpu-
rines , couvertes d’un gros duvet blanc, accom-
franées de feüilles d’une propreté qui faitplaïifir,
ngues de huit ou neuf pouces ; découpées juf:
ques vers la côte en parties longues de deux, on
trois pouces fur demi pouce de largeur ; relevées
de groffes boffes toutes chagrinées , vert-blan-
châtre, La côte & la nerveure font comme tran-
fparantes ; cette côre a deux pouces de large à fa
naiflance , purpurine en quelques endroits, char-
gédandare tres-blanc, de même que le def-
des feüilles, Celles qui viennent enfuite fong
auffi longues & embraffent une partie de la tige
pat deux aîles arrondies, mais elles diminu
de leur longueur vers le milieu de la tige oùelles
G ij
i
104 dé . 3
font larges de deux pouces. Enfuite les tiges de-
viennent toutes brañchuës , arrondies , & rouf-
fuës , accompagnées de feuilles longues d’envi-
ron un pouce , coupées , pour ainfi dire , en ar-
cade gothique , dont la pointe eft fort aiguë ;
ces feüilles ne font pas boflelées , mais veinées
feulement & veluës. Les fleurs naiffent par'an-
neaux & par étages le long des branches, difpo-
fées à fimple rang. Quelquefois même ik n'y 4
qu’une où deux fleurs à chaque verticille. La
fleur eft longue d'environ uün pouce, épaifle d’une
ligne & demi à fa naïflance ; bfanche ; évalée en
deux' levres dont la fupérieure eft courbée en fau-
cille, large dé deuxlignes ; patfemée de poils fort
courts,colorée d’un petit œilcitron , prefque im-
perceptible , échanctéé & arrondie; la levre infe-
rieure eft beaucoup plus courte , diviféeen trois
parties dont la moyenne , qui eft la plus grande ,
eft jaune-citron ; les deux autres parties font blan-
ches & relevées en maniére d’orcilles. Les éta-
mines font de même couleur ,‘ & entrelafées
comme les divifions de l’'Os Hyoide. Le piftile eft
à 4. embrions furmonté par an filer violet ; &
fourchu à fa pointe , lequel fe courbant dans
faucille déborde de trois ou quarre lignes. Le
calice eft longde demi pouce ; rayé , vert-pâle,
velu , partagé en deux lévres, dont l’une a:trois
pointes aflez coùrres , ‘& l’autreena deux feule-
ment , mais beaucoup plus longues, Le haut des
tiges eft un peu gluant & {ent mauvais. La racine
de‘certé planté eft amere, Les feüilles ont un goût
d’heibe & fentent le boriquin , comme la Towe-
Bonne Ordinaire, "Ya PARIS
I! faur avoüer , Mier , que l’érudition eft d’un
grand fécours poûr allonger des Lettres. Le pays
où nôus fommes fourniroit beancoup de matiere,
RÉ thin Lurehntoet Guess: bot Las HÉRE a “ra
{
DU LEVANT. Lettre XV IIE 310$
à un plus habile homme que moi. Combien de
grandes armées ont dû pafler par ici » Peut-être
que Lucullus , Pompée & Mirhridate y recon-
noïtroient encore les reftes de leurs camps. Enfin
nous fommes dans la grande Armenie ou Turco-
manie. Les Romains & les Perfes en ont prote-
gé les Roys en diffcrens temps. Les Sarrafins l’ont
polfedée à leur rour. Quelques-uns croyent que
Selim lajoûra à fes conquêtes après fon retour de
Perfe , où il venoit de-gagner certe fameufe ba.
taille contre le”*éränd Sophi Ifmaël. Sanfovin
convient que du temps de Selim qui mourut en
1520; il ÿayoit.un Roy de la grande, & un
autre Roy de la petite Armenie appellé 4/4doli.
Selim fit trancher la têré au Roy d’Aladoli , &
Fenyoya à Venile pour marque de la victoire
qu’il venoit de remporter en Levant. Il y a beau-
coup d'apparence que Jes Turcs fe faifirent en
même temps de la grande Armenie , afin de pou-
voir paller en Perfe fur leurs propres terres , fans
fe fier aux Princes voifins. Quoiqu'il en foit,
l'Armenie ne tarda pas de tomber fous la domi-
nation des Turcs, car les Annales Turques , ci-
tées par Calvifius , marquent que Selim fils de
Selim , conquit l’Armenie en »$22..
On nous fit partit le 14. Juin à deux heures
après minuit, & nous marchämes jufques à fepc
heures dans des prairies fertiles, femées de tou-
tes fortes de grains. On campa tout proche du.
pont d’Elija fur une des branches de l’Euphrate,
à fix milles de la ville d’_ArXeror ou d'Arermm »
que d’autres appellent Erzerer , quoique Arze-
rum {oit le vrai nom de certe ville, comme je le
dirai plus bas. Ælija n’eft qu’un. méchant.village,
dont les maifons font rout-à-Fair écralées , moitié
106 V Oo x A
encerrées ; bâties de boüe ; mais le Bain qui eft
auprès du village rend ce lieu recommandable.
Les Turcs l’appellent le Bain d'Arrzerum. Le
bâtiment eft aflez propre , oétogone, vouté &
percé en deflus. Le baflin qui eft de la même fs
gure , c'eft à dire à huit pans , poule deux boüil-
lons d’eau prefque auffi gros que le corps d’un
homme ; cette eau eft douce & d’une chaleur
fuppertable. Dieu fçait comme les Turcs y cou-
rent ; ils viennent d'Erzeron s’y baigner , & la
moitié de nôtre Caravane ne laïffa pas échapper
que :h belle oécañion, ‘55862 5 ges
- Le lendemain nous arrivimes à Erzeron.: ?
C’eft une affez grande ville à cinq journées de la
mer Noire, & à dix de la frontiere de Perfe.
Erzeron eft bâti dans une belle plaine au pied
d’une chaîne derontagnes qui empêchent l'Eu-
phrate de fe rendre dans la mer Noire , & l’obli-
gent de fe tourner du côté du Midi. Les collines
qui bordent cette plaine étoient encore couvertes
de neige en plufieurs endroits. On nous affüra
méme qu'il y en étoit rombé le premier jout de
Juin , & nous étions fort: furpris d’avoir les
mains engourdies jufqu’à ne pouvoir <crire fur
le point du jour : cer engourdillement duroit en-
core une heure après le foleil leve , quoiqueles
nuits-y fuflent affez douces & Les chaleurs incom-
modes depuis les dix heures du matin jufques à
quatre heures après midi, La plaine d’Erzeron eit
fertile en toutes fortes de grains, Le bled y évoit
moins avancé qu'à Paris, °& mavoit pas deux
pieds de haut, aufli n’y fait:on la recolce qu'en
Septembre, Je ne fuis pas furpris :de ce que Lu-
cullas tronva étrange que les champs fuflent
4 Erzeron.
.
pu Levanr. Lettre XVIII 7107
encore tous nuds au milieu de l'Eté , lui qui ve-
noit d’icalie où la moiflon eft faite dans ce temps-
là.1l fut encoré bien plus étonné de voir de la gla-
ce dans l'Equinoxe d'Automne ; d'apprendre que
les eaux par leur froideur faifoient mourir les
chevaux de fon armée ; qu'il falloit cafler la gla-
cé pour paller les rivieres , & que fes foldats
étoient forcez de camper parmi la neige qui ne
cefloit de tomber, Alexandre Severe ne fut pas
plus farisfait de ce pays-ci. Zonare remarque
que fon armée répañlant par l’Armenie fur f
maltrairée du froid exceflif qui s’y faifoitfenir,
qu’on fut obligé de couper les mains & les pieds
à plufieurs foldats que l'on trouvoit à demi gelez
fur les chemins.’ Dre es nn M: 2
Outre la rigueur des Hivers, ce qu'ily a de
plus facheux à Erzeron , c’eft que le bois y eft
rare & fort cher, On.n’y connoit que le bois de
Pin que lon va chercher à deux ou trois jour-
nées de la ville, rout le tefte du pays eft décou-
vert, On n'y voit ni'arbres ni buiflons , & l’on
n'y brûle communément qué dela bouxze de va-
che dont on fait des mortes , maïs elles ne va-
lent pas celles des ranneurs dont on {e-fert à
Paris , encore moins celles du marc des olives
que l’on prépare en Provence. Je ne doute pas
que l’on ne trouvât dela hotille fi l’on vouloit
fe donner la peine de foüiller lesterres. C’eft un
pays où les mineraux ne manquent pas, mais ils
{ont accoûtumez à leur bouze. On ne fçauroit
s’imaginer quel horrible parfum fait certe bouze
dans des maifons qu’on ne peut comparer qu'à
des renardicres , & fur rouc les mailons de là
campagne, Tout ce qu'on y mange fent la fu
mée ; leur crème feroit admirable fans cette caf
to. ALT Er & er
folette , & l’on feroit forc bonne chere fi l’on
pouvoit y faire cuife , avec du bois, la viande
de boucherie qui y eft fort bonne.
Les fruits qu'on y apporte de Geargie font ex-
cellens. C’eft un pays plus chaud & moins tardif
qui produit en abondance des Poires , des Pru-
nes , des Cerifes, des Melons, Les collines voi-
fines fourniffent x Erzeron de tres-belles fources,
lefquelles non feulement arrofent la caimpagne ;,
mais encore les rués de laville, C’eft un grand
avantage pour les étrangers que les eaux foient
bonnes , car on y boit le plus déteftable vin du
monde. On fe confoléroit de toutes les glaces &
de tous les frimats & on compreroit la fumée
pour rien , fi l’on trouvojt du vin paflable ; mais
il eft puant, moïfi, aigre , pourri ; le vin de
Bric y pañeroit pour du néétar ; l'eau de vie ne
_ vaut pas mieux , elle eft chancie & amere , encore
en coûte-t-il bien des foins & de l'argent pour
avoir ces boiflons déteftables. Les Turcs y aftec-
tent plus de fevériré qu'autre part, 8 fe fonc un
ælaifr de furprendre & de bâronner ceux qui
nr ce commerce : franchement ils n'ont pas trop
de tort , car c’eft rendre un
grand fervice au pu-
… blic que d'empêcher le débit d’auffi mauvailes
“drogues. |
- La ville d'Erzeron vaut mieux que celle de
‘Frebifonde ; l’enceinte de cette premiere place
‘ft à doubles murailles défendués par des tours
“Quarrées ou pentagones , mais les foflez ne font
ni profonds ni bien entretenus. Le Beglierbey où
le Pacha de la Province ,: eft logé dans un vieux
Serrail fort mal entendu, Le. Janiffaire Aga fe
tient dans une efpece dé Fort au haut de ta ville.
Quand ie Pacha ou les perfonnes les plus couli-
à à
RSS
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LD pemsn
’
rc d.
Veice #
0
_. DU LevanT: Lettre XV IIL xv:
dérables du pays vont dans ce Fort ; c’eft pour y
lailler lears teftes; Le Janiflaire les fait avertir
de s’y rendre par ordre du Grand Seigneur : le
Capigi artivé de la Cour leur montre fes ordres
& les execute fans autre cérémonie, On croit
qu'il y a dix huit mille Turcs dans Erzeron; fix
milles Armeniens ; & quatre cens Grecs; On
cftime qu’il y a foixante mille Armeniens dans la
Province, & dix mille Grecs. Les Turcs qui
font dans Erzeron font prefque tous Janiflaires ;
on y en compte environ douze mille , & plus de
cinquante mille dans le refte de la Province: Ce
font prefque tous gens de métier ; qui la plûpart
donnent de l’argent au Janiflaire Aga bien loin
d’en retirer ; cela s'appelle achetter le privilege
de ne rien valoir & de committre toutes fortes
d’infolences: Les plus honnêtes gens font obligez
de s'engager dans ce corps, parce qu'outre qu'ils
ne {croient pas bien venus du Commandant qui
_prefque abfolu dans l4 ville, ils fe trouve-
roïent tous les jours expolez aux violences de
leurs voifins & n’auroient aucune juftice des Off:
ciers. Le Grand Seigneur ne donne par jour aux
veritables Janiffaires du pays ; que depuis cinq
âpres jufqu’à vingt ; l'Aga profite de ect argent.
Les Armeniens. ont un Evêque & deux Eglifes
dans Erzeron.. Hs ont quelques Monafteres à la
Campagne ; comme le grand Couvens & le Con-
vent rouge, Us reconnoiflent tons le Patriarche
d'Erivan. Pour les Grecs, ils ont aufli leur Evê-
que dans la ville ; maisils n’y ont qu’une Eglife,
qui eff fort pauvre, Ils font prefque tous Chau-
deronniers & occupent le fauxbourg où ils tra-
vaillent à mettre en'vaiffelle le cuivre qu'on ÿ
apporte des montagnes voilines. Ces pauvres gens
e Mr TRS AE CS D res ps
font uñtintamarre horrible jour & nuit, car ils
ne ceffent de forger ; & les Turcs aiment trop
la tranquilité pour fouffrir qu’on batre l’énclume
dans la ville. Outre cette vaiflelle que l’on tranf-
porte en Turquie, en Perfe & même chez le
Mogol, on fait un grand commerce à Erzeron
de fourrures & fur tout de celles de ?4rdava ou
Zerdava ; ce font des peaux d’une efpece de Mar-
tre aflez commune dans le pays. Les peaux les
plus foncées font les plus eftimées ; on compofe
les plus prétieufes fourruresavec les feules queues,
à caufe qu’elles tirent fur le noir , é’eft ce qui
les rend fi cheres ; car il faut bien affembler des
queües de ces animaux pour en doubler une vefte,
On apporte aufli à Erzeron beaucoup de Gales de
cinq ou fix journées-de la ville, & l’on y confer-
ve les Chefnes avec foin par ordre du Pacha ; le
bois feroit d’ailleurs trop cher fi on l'y apportoit
pour brûler,
Cette ville eft le pañage & le repoloir de toutes
les marchandifes des Indes , fur tout lorfque les
Arabes courent autour d'Alep & de Bagdat. Ces
marchandifes dont les principales font la foye de
Perfe , le Coton , les Drogues , les Toiles pein-
tes, ne font que pañler en Armenie, On y en
vend tres-peu en détail, & l’on laifferoit mou-
rir un malade faute d’un gros de Rhubarbe ;
quoiqu'il y en eût plufcurs balles roures entié-
res. On n’y debite que le Caviar, qui eft un
ragoût déteftable. C’eft un proverbe dans le pays,
que fi l’on vouloit donner à déjeüner au diable ,
il faudroit le régaler avec du Caffé fans fucre ;
du Caviar & du Tabac ; je voudtois y ajoûter du
vin d’Erzeron, Le Câviar n’eft autre chofe que
les œufs falez des Efturgcons que lon prépare
Du LevAnr. Lettre XVIII. x1%
aucout de la mer Cafpienne. Ce ragoût brûle la
bouche par foh fel , & empoifonne le nez par fon
odeur, Les autres marchandifes dont on vient
* de parler ; font portées à Trebifonde 6ù on les
embarque pout Conftantinople. Nous fümes fur-
pris de voir arriver à Érzeron une fi grande quan-
ticé de Garance ; qu'ils appellent Bora : elle vient
de Perle ; & fert pour les teintures des cuirs &
des toiles: La Rhubarbe y eft apportée du pays
d'Usbeq en Tartarie, La Semencine oula Graine
aux vers vient du Mogol, Ily a des Caravaniers
qui de pere en fils ne fe mélent que de voiturer
les drogues ; & qui croiroient dégenerer s'ils fe
chargeoient d’autres marchandiles,
Le Gouvernement d’Erzeron rend trois cens
bourfes pér an au Pacha , que nous appellerons
dans la fuite le Beglierbey ou le Ficeroy de la
Province ; pour le diftinguer des autres Pachas
du pays qui font fous fes ordres, Chaque bourfe
eftde 500. écus , de même que dans tour le refte
de la Turquie ; ainfi ces trois cens bourfes font
cent cinquante mille écus. Elles fe prennent. 1°.
fur les marchiandifes qui entrent dans la Provin-
ce, ou quien forrent ; la plüpart payent trois
Pour cent , quelquefois le double, On exige de
gros droits pour les efpeces d’or & d'argent. La
0ye de Perle Chorbaf qui eft la plus fine , &
l'Ardachi qui eft la plus grofliére ; payent 80:
écus par charge de Chameau , qui eft du poids
de 800. jufques à 1000. livres, 2°. Le Be
lierbey di pofe de roures les Charges des villes
de ia Province ; ces Charges s’afferment fuivant
l'ufage du pays , & fe donnent au plus offrant &.
dernier encheriffeur , comme par tout ailleurs,
3°. Excepté les Turcs, tous ceux qui doivent
' Î
tr RS à Vorïaé®: AT c
fortit de la Province pour aller en Perfe ; forif
obligez de payet dans Erzeron au moins cinq
écus ; quoiqu’ils n’ayent point de marchandi-
fes ; c’eft comime une efpece de capitarion qu'ori
Jeur impole: Ceux qui ne portent de l’or & de
largent que pour les frais de leur voyage, doi-
vent cinq pour cent {ur la fomine dont ils fonc
porteurs: > 571 hu |
Nôtre Beglierbeÿ à fon arrivée abolit la plä-
part de ces droits ; parce qu’il les jugea tyranni-
ques ; peut.être que fou fucceleur les à rérablis
ou augmeutez depuis fon départ. Outré ces taxes;
avant l’arrivée de Cuperli on exigeoir de rous les
étrangers la Capitatiof ordinaire; de quelque
nation qu’ils fuflent ; lorfqu’ils entroienc dans
Erzeron ; & cette Capitation étoit réglée fur l'ef:
timation que les Turcs faifoient de cliaque per-
fonne, Celui-ci ; difoient-ils , doit payer dix écus
fur fa bonne mine ; l’autre qui n’a pas beaucoup
de hardes n’en payera que cinq. On rançonnoit
impunément les pauvres étrangers ; & les Mif
fionnaires étoient les plus maktraitez : pour ne pas
s’y tromper ; on commençoit par découvrir la tê4
te des pañlans pour voir s'ils écoienctonfurez, en
forte que-ces hommes Apoltoliques deftinez pour
S pays étrangers, croient fouvent obligez de
läifler partir leur Caravane pour tâcher d’obte-
nir quelque modération, ou pour attendre quel
que gros marchand Armenien ou Franc qui eut
la charité de payer pour eux. On ne fçaüroit
avoir de juftice fur les frontieres d’un fi gran
Empire ; lorfque les Commandans äuthorifent
les vexations , & ces gens-là he les auchorifent
ue parce qu'ils en profitent, Quand on part de
Conftantinople pour la Perfe ; la meilleure pré:
caution
Bu LEVANT: Lettré XVIIL it:
Caution qu'on puille prendre , n’eft pas feulement
_ d'obtenir un Commandement de la Porte ; mais
encote des Lettres de recommandation de nôtre
Ambaffadeur pour les Beglierbeys des frontieres
par où l'on doit pafler. Les Religieux Italiené
font crop circonfpe@s pour manquer à fe mettre
fous la proteétion de nôtre Ambaffadeur; Le Roÿ
de France eft bien plus connu & plus eftimé des
Mufultmans ; que le Sainc Pere qu'ils appellent
fimplement le Afoufti de Rome,
Les Miffionnaires ont beaucoup gagné à la
mort de Fafullah-Efendi , Moufti de Conftanti-
nople , qui fut craîné dans Les ruës à Andrinople
fous le regne précedent, Il avoit part , difoit-on;
à toutes les extorfions qui fe faifoient dans la
Province d’Erzeron d’où il étoit natif ; & où il:
poffedoir des bieñs immenfes, Cet homime. infa-
tiable qui étoit le maître abfolu de l’Empereur
Muftapha , s’étoit déclaré ouvertement contre
tous les Religieux ; & fur tout contre les Jefui-
tes. On ne manqua pas de. s'informer fi nous
étions Papas , c’eft à dire Prêrres, mais ce ne fur
que pour la forme ; car outre que le Beglierbey
nous honoroit de fa protection; nous n’étions
pas certainement tonfurez, ;
La Province d’Erzeron rend en argent plus de
600. bourfes au Grand Seigneur. Outre les 300;
bourfes du Carach que l’on exige des Armenien$
& des Grecs ; il retire encore ra pour cent des
marchandifes de fa Doüanne. Aïinfi tout compté
fait, ces marchandifes payent neuf pour cent ÿ
fcavoir fix au Grand Seigneur & trois au Beglier:
bey. Le Grand Seigneur joüit aufli du droit dé
Beldargi où Taille réelle que payent les bien pofs.
fedez par les Spahis. , : ’
Tome III: : SRE
114 EE NCPET AGE |
La ville d'Erzeron n’eft pas fur l'Euphrate;
comme les Geographes la placent ; mais plütôr
dans une prefqu'Ifle formée par les fources de
certe fameule riviere. La premiere de cesfour-
ces coule à une journée de la ville, & lautre à
une journée & demi ou deux. Les fources de
l'Euphrate font du coté du Levant dans des mon-
tagnes moins élevées que les Alpes, mais cou-
vertes de neige pendanc, prefque toute l’année,
La plaine d’Erzeron eft donc renfermée dans deux
beaux ruifleaux qui forment l'Euphrate, Le pre-
mier coule du Levant au Midi, & paflant par
derriere les montagnes , au pied defquelles la
ville eft fitnée , va fe rendre vers le Midi à une
bourgade appellée Mommacotum. L'autre ruil-
feau après avoir coulé quelque temps vers le
Nord , pareil à peu près à celui des Gobelins ,
vient paller fous le Pont d'Elija, d’où coulant
vers le Couchant , le long du chemin de Tocat,
ÿ eft obligé par le difpoñtion des lieux de fe rour-
ner vers le Midi à Mommacotum , où il fe joint
à l’autre branche quieft bien plus confidérable.
Ces deux branches s'appellent Frat du même
nom que la riviere qu’elles forment. Après leur
jonction, qui elt à trois journées d’Erzeron , le
Frat commence à porter de petites Saïïques, mais
fon lit eft plein de rochers & l’on ne fauroit éta-
blir de route par eau , pour defcendre d’Erzeron
à Alep. fans rendre certe riviere navigable. Les
Turcs laiffent le monde comme il eft & les mar-
chands font comme ils lentendent. Cependant
la voye de la riviere feroit la plus courte & la plus
feure , car les Caravanes font 35. jours en che-
min d’Erzeron à Alep, & la route eft fort dan-
gereufe à caufe des voleurs qui dépotillenc les
marchands jufques aux portes des villes.
“pu LeavANT Lettre XPIILL
Les voleurs de nuit font quelquefois plus à
craindre que ceux qui volent le jaur. Si l’on né
ait bonne garde dans les tentes, ils viennent
tout doucement & fans bruit pendant que l’on
_repofe & rirenr des balots de marchandifes âvee
des crochets, fans qu'on s’en apperçoive : fi les
balots font atrachez ou comme enchainez avec des
cordes , ils ne manquent pas de bons rafoirs pour
les couper. Quelquefois ils Les vuident à quelques
pas des tentes, maïs quand ils découvrent qu’il
ÿa du Mufc ; alors ils les emportent & ne laiflene.
que la coque du balot. Quand on part avant Île
jour , comme c’eft l’ordinaire ; les voleurs fe mê-
lent avec les voiturièrs & dérournent foüvent des
muilets chargez de Marchandiles , qu’ils dépaïfent
à la faveut des ténebres, Ils ne s’attaquent pas à la
ve , car ils connoiffent les balots de foye aufli:
ien que les marchands. 11 part , toutes les {ea
maines ; des Caravanes d’Erzeron pour Gangel ;
Teflis ; Tauris ; Trebifonde ; Tocat ; & pour Alep;
Les Curdes ou peuples du Curdiftan , qui defcen:
dent à ce qu’on prétend des anciens Caldéens 3
tiennent La campagne autout d’Erzeron, jufques à
ce que les grandes neiges les obligent à fe retirer ;
& font à l’affüt pour piller Ces pauvres Carava-
niers; Ce font de ces Fafides érrans qui n’ont point
de religion ; mais qui par tradition croÿent ext
Jafd où Fefus ; & ils craignent fi fort le diable ;
qu'ils le refpéétent de peur qu’il ne leur faffe du
mal, Ces malheufeux s’écendent rous les ans de
is Adoufoul ou là Nouvelle Ninive jufques au
ources de l'Euphrate. Ils ne teconnoiffent aticuri
faître , & les Turcs re les puniffent-pas ; même
lorfqu’ils font arrêtez pour meurtre Ou pour vol s
ils fe eonrentent de leur faire re leur vié
| à H à
TI ny VArLes
pour de l'argent & tout s’accommode aux dépens
de ceux qui ont été volez. Il arrive même fouvent
que l’on traite avec les voleurs qui attaquent une
Caravane , fur cout lorfqu'’ils font les plus forts,
ou qu’ils font bien les méchans ; on en eft quitte
alors pour une fomme d'argent, & c’eft le meil-
leur parti qu’on puifle prendre, 1l faur que cha-
cun vive de fon mêtier : pourveû qu'il n’y ait per-
fonne de tué ou de bleflé, ne vaut-il pas mieux
vuider fa bourfe que de verfer fon fang ? il n’en
coûte quelquefois que deux ou trois écus par tef-
te.. D'ailleurs rien ne convient mieux aux voleurs
que de rençonner les plus foibles, parce que ne
trouvant pas aifément à qui vendre les marchan-
difes , ils en font tres-fouvent embarraflez. Pre-
fentement toutes les Caravanes du Levant pal-
fent par Erzeron ; même celles qui font deftinées
pour les Indes Orientales , parce que les che-
mins d'Alep & de Bagdat , quoique plus courts ;
font occupez par les Arabes qui fe font révol-
tez contre les Turcs & rendus maîtres de la cam-
pagne. re
Le 19. Juin nous partimes à midi pour aller
vifiter les montagnes qui fonr à l’Eft de la ville.
À peine la neige y étoit fonduë , & nous campâ-
mes fur les fix heures à 15. milles dans un pays,
fi tardif que les plantes ne commençoient qu'à
pouffer & les collines n’éroient encore couver-
tes que de gazon; ileft mal-aifé de rendre rai=
fon de la parefle , s’il faut ainfi dire, de cette
terre, Nous- couchâmes fous nos rentes dans une
vallée au milieu d’un hameau , dont les chau-
mieres font plus écartées les unes des autres que
les Baftides de Marfeille, L'eau dans la uelle
nous avions mis nos plantes pour les. EVE
.
pu Levant“. Lettre XVIII. 11>
& pour les décrirélg lendemain , fe gela la nuit
de l’épaifleur de deux lignes, quoiqu’elle für à
couvert dans un baflin de bois, Le lendemain
20, Juin après avoir herborifé, quoique avec
peu de profit à caufe du froïd qui ne permettoit
pas à la verre de poufler , nous primes le parti de
nous rapprocher d’Erzeron par une routedifferen-
te de celle que nous avions tenué. Nous allâmes
donc voir un ancien Monaftere d’Armeniens ,
lequel n’eft qu'à une journée de cette ville, &
qui porte le nom de Saint Gregoire. Toute la
campagne eft découverte ; & l’on ne voit pas la
moindre broffaille dans tout le terrein que la vûc
peut découvrir. Ce Monaftere eft aflez riche, mais
j'aimerois autant habiter au pied du Mont Caü-
cafe, car il ne fcauroit être plus froid, Je crois
qu'outre le fel foflile qui n’eft pas rare dans ces
quartiers , la terre eft pleine de fel Ammoniac
qui entretient les neiges, pendant dix mois de
l'année, fur des collines à peu près femblables au
Mont VUalerien. Plufieurs experiences font voir
que le fel Ammoniac rend tres-froides les li_
queurs où il eft diflous , & cela par {a partie fa-
line fixe , plûtôt que par fa partie volatile , com-
me il paroït par la folurion de la tête morte d'où
l'onatiré l’efprir & le fel volatile aromatique
huileux ; car on fent un froid tres-confiderable,
au milieu de l'Eté, en appliquant les mains au.
tour de [a cornué de verre dans laquelle on-a fait
la folution de cette tête morte.
Nous allämes coucher ce même jour à un au-
tre Monaftere d’Armeniens , appellé le Æforaftere
Rouge parce que le dôme, qui eft fait en lanters
+ ourde , eft barboüillé de rouge ; jene fçau-
Fois trouver de comparaifon plus juite, car le
H üij
318 RON. 0 VOA GR RS |
gomble de ce dôme aboutit en pointe , ou en
cone gauderonné comme un parapluye à moitié
ouvert. Ce couvent n’eft qu’a trois heures de che.
min d’Erzeron , & l’Evêque , qui palle pour le
plus fçavant homme qui foit parmi les Arme-
niens , y fait {a réfidence ; ce n'eft pas beaucoup
dire , car on ne fe pique guere de fcience en At-
menie ; mais comme on nous aflüra qu’il étoit
fort bien venu parmi les Curdes qui étoient cam.
pez felon leur coùtume aux fources de l’Euphra-
te , nous n’oubliâmes rien pour l’engager à venir
s’y promener avec nous, On ne fçauroit faire ce
voyage avec trop de précautions , car les Curdes
font des animaux peu raifonnables ; ils ne recon-
noiflent pas mêmeles Turcs, &ils les dépoüil-
. lent tout comme les autres lorfqu'’ils en trouvent
l'occafon. Enfin ces brigands n'obéiflent ni à
Beglierbey ni à Pacha, & il faut avoir recours à
leurs amis lorfqu’on veut avoir l'honneur de les
voir , ou pour mieux dire le pays où ils fe crou-
vent. Quand ils ont confommé les pâturages d’un
quartier , ils vont camper dans un autre, Au lieu
de s’appliquer à la fcience des Aftres comme les
Caldéens , de qui on les fair defcendre , ils ne
cherchent qu’à piller, & fuivent les Caravanes à
Ja pifte, pendant que leurs femmes s'occupent à
faire du beurre , du fromage , à élever leurs en-
fans , & à prendre foin de leurs troupeaux.
= Nous partimes le 22. Juin à trois heures du
matin du Monaftere Rouge. La Caravane ne fui
pas nombreufe , il falloir fe livrer à l'Evêque ;
ou renoncer à voir les fources de l’Euphrate ;
mais dans le fond , que rifquions-nous ? les Cur-
des ne mangent pas les hommes , ils ne font que
les dépoüiller , & nous y avions fagement pourvi
pu LEVANT. Lerre XVIII. 119
en prenant nos plus méchants habirs : nous n’a-
vions donc à craindre que le froid & la faim. Par
rapport à l’Evêque , c’étoit un homme de bien
qui n’auroit pas voulu nous expoler à montrer
nos nuditez. Roc le priâmes de ferrer dans {à
caflette quelques fequins que nous avions pris
pour nôtre dépenfe. Nanti de nôtre bourfe, il
fit faire les provifions dont nous avions befoin ,
& paroifloit agir de bonne foy , bien informé
d’ailleurs que nous étions fous la prorcétion du
_Beglierbey, & que nous étions connts dans la
ville pour fes Medecius. Nous avions donné des
remedes gratuitement à tous les cliens du Mo-
naftere qui s’étoient addreflez à nous. Après ces
précautions nous nous abandonnâmes avec con-
fiance à fa conduite. Il fe mit à la tête de la com-
pagnie , parfaitement bien monté de même que
trois de fes domeftiques , & il nous fit donner
de fort bons chevaux à nous & à nôtre fuite. A
demi heure de là nous primes un venerable vieil.
lard de fes amis dans un affez joli village fitué
fur cette branche de lEuphrate , laquelle pafle à
Elija. On nous régala de quelques Truires que
l’on pefcha fur le champ , & rien n’eft. compara-
ble à la bonté de ces poiflons lorfqu’on les mange
fortant du ruifleau, cuices dans de l’eau où l'on
a jetté une poignée de fel. Ce vieillard nous fit
aucoup d’honnêtetez , & après nous avoir fait
Promertre de guerir à nôtre retour un de fes
amis , (car c'étoit là le compliment ordinaire }
il nous fit affürer qu'il parloit bien la languc des
Curdes ; qu’il trouveroir de fes anis dans les mon-
tagnes où nous aillons , & que nous n'avions
tien à craindre érant accompagnez de l'Evêque 8e
lui. Nous entrâmes dans de belles vallées ; où
H üiij
L
Voyxacz
120 ù |
l'Euphrate ferpente parmi des Plantes merveille
fes & nous fûmes charmez d’y trouver certe belle
efpece de Pimprenelle à fleur rouge , qui fait un
des principaux ornemené des jardins de Paris, &
que l’on &apportéc depuis long-temps de Canada
en France, Ce qui nous fit plus de plaifir , c’eft
que les plantes y étoienr avancées , & nous nous
Alations de les trouver en bon état dans les mon-
tagnes ; mais à mefure que nous montions ,
nous ne découvrions que peloufe & neige, Les
forefts en font bannies pour le refte des fiécles,
cependant le payfage eft agréable , & les ruifleaux
qui tombent de tous côtez font un fpeétacle di:
vertiflant, On voit je ne fçai combien de fontai-
nes fur le haut de ces montagnes ; les unes cou-
lent rout fimplement , les autres boüillonnent
dans de petits baffins bordez de gazon. Nous choi-
sîmes un des plus jolis gazons pour étendre nôtre
nappe ; & pour nous délaflet avec du vin du
Monaftere qui valoit mieux que tout le vin d’Er-
zeron. Là revenus de la peur que ce nom de
Curdes n’avoit pas laiffé d’exciter en nous , nous
puifions à pleines tafles dans les fources de l'Eu-
phrate , dont nôtre neétar remperoir la fraicheur
exceflive,
Il n’y avoit qu'une chofe qui troubloit nos
innocens plailirs , c’eft que de temps en temps
nous voyions venir à nous certains députez des
Curdes, qui s'avançoient à cheval la lance en
acreft pour s'informer quelles gens nous étions:
Je ne bai même fi la peur ou le vin n’en failoit
pas paroître deux pour un , car à mefure que. la
ur smparoit de nôtre ame, il falloit bien
avoir recours au cordial. S'il eft permis de boire
un peu plus qu’à l'ordinaire c’eft en parcille ren
=
y
+
pu Levanr. Lettre XVIII. iv
contte , car fans cette précaution l’eau de FEu-
phrate auroit achevé de glacer nos fens. Enfin
comme il nous fembla que la députation aug-
mentoit à vüc d'œil, l’'Evéque &le vieillard s’a-
vancérenc à quelques pas, nous faifans figne de
la main de relter où nous étions. Nous fümies ra-
vis d’êtré difpenfez d’aller faire la reverence à ces
députez. Après les premiers compliments, qui
ne furent pas bien longs , ils s’'avancérent tous
enfemble vers nous, & commencérent à raifon-
ner fort gravement fur je ne fçai quelle matiere,
Comme les gens qui craignent s’imaginent toù-
jours qu'on parle d'eux, & que d’ailleurs les
Curdes nous honoroient de temps en temps de
leurs regards, nous affections aufli beaucoup de
gravité ; & ne doutant pas que l’Evêque ne Îcur
dit que nous cherchions des Plantes , nous amaf-
fions celles qui étoient fous nos yeux & faifions
femblant de difcourir à leur fujet. Dans le fond
nous parlions de la trifte fituation où nous nous
trouvions , & nous nous expliquions en mauvais
latin , de peur que nos Interpretes qui étoient
faits à nôtre jargon n’y compriflent quelque
chofe.
La conference de l’'Evêque & des Curdes ne laif-
foit pas de nous inquietter par fa longueur, 11 ÿ
avoit bien loin de làau Monaftere pour fe retirer
en chemife ; & que fçait-on fi ces gens qui fonc
accoûtumez à faire des Eunuques, n’auroient point
eù envie de nous metamorphofer ainfi , dans Pef…
perance de nous vendre mieux ? Nous fümes un
peu raflurez quand nôtre Drogman Armenien -
‘vint nous dire que les Curdes avoient donne un
fromage à lEvêque. En même temps Le vicillard
s’ayança pour prendre un flacon d’eau de vie qu'il
122: Pr VO Y LC
leur prefenta. Nous fimes demander à ce bon
homme de quoi il s’agifloit , il répondit en fou-
riant que les Curdes étoient de méchantes gens ,
mais que nous n'avions rien à craindre ; que l’an-
cienne amitié qui étoir entre eux & la venération
qu’ils avoient pour l’'Evêque , nous mettroient à
couvert de tout. En effet après qu'ils eurent bû
l'eau de vie, ils fe rerirérent & l’'Evèque revint
à nous avec un vifage fort gay. Nous ne manquä-
mes pas de le faire remercier de tous les foins qu’il
s’étoir donné pour nous garentir des infulces de
ces loups raviflans , & nous continuâmes à faire
ños obfcrvations fur les plantes, Il y en a de fort
belles autour de ces fources. Leur concours fait La
branche de l'Euphrare, que nous avions prefque
toujours fuivie depuis le Monafterc , & qui va
pañler à Elija. On y prend des Truites avec la main,
dont nous fimes grande chere rout le jour ; mais
nous les trouvämes fi molles le lendemain , que
nôus n’en voulumes pas gouter, Jufques-là nous
fümes bien contens de nôtre journée. Nous fi-
mes demander à l'Evêque s’il ne feroit pas pofli-
ble d'aller voir l’autre branche de l'Euphrate la-
quelle va fe joindre à la premiere , à ÆAfommaco-
tum., Il nous dit en riant qu'il ne connoifloir pas
les Curdes de ce quartier-la , & que nous n’y ver-
tions que des fources femblables à celles que nous
venions de quitter. Nous le remerciämes tres-
humblement , maïs il auroit bien pû fé difpenfer
de nous jetrer dans de nouveaux Le |
Ce bon homme , par honnéteté comme nous
le jugeâmes par la fuite , s’avifa d'aller faire fes
adicux aux Curdes, & de leur diftribuer les reftes
de nôtre eau de vie , nous aurions fort approuvé
fon procedé fi nous n'avions pas été de la partie
_ Du LEVANT, Lettre XVIII. 113
& qu'il n’eûr pas fallu s'approcher de leurs pavi-
lons. Ce font de grandes tentes d’une efpece de
. drap brun foncé , fort épais & fort groflier qui
fert de couvert à ces fortes de maifons portatives ,
dont l'enceinte, qui fait le corps du logis , eft un
quarré long fermé par des treillis de cannes de la
ureu#d'un homme, tapiflez en dedans de bon-
nes nattes. Lorlqu’il faut démefnager ils pliene
leur maifon comme un paravent , & la chargent
avec leurs uftencilles & leur enfants fur des bœnfs
& fur des vaches. Ces enfants font prefque nuds
dans le froid), ils ne boivent que de l’eau de gla-
ce, ou du lait bouilli à la fumée des bouzes de
vache que l’on amafle avec beaucoup de foin ,
car autrement leur cuifine feroittres froide. Voi-
la comment les Curdes vivent en chaffant leurs
troupeaux de montagne en montagne. Ils s’arrè-
tent aux bons pâturages , mais il faut en décam-
Per au commencement d'Octobre & paller dans Je
Curdiftan où dans la Mefopotamie. Les hommes
font bien montez & prennent grand foin de leurs
chevaux; ils n’ont que des lances pour armes, Les
femmes vont , partie fur des chevaux , partie fur
des bœufs, Nous vîmes: fortir une troupe de ces
Proferpines qui venoient pour voir l'Evêque,& fur
tout nous qui paflions pour des Ours que l’on me-
noit promener .Quelques-unes avoient une bague
qui leur perçoit une des narines ; on nous aflura
que c’êtoient des Fiancées. Elles paroïllent fortes
& vigoureufes , mais elles font fort laides , & ont
n$ [a phifionomie un certain air de ferocité,
Elles ont les yeux peu ouverts , la bouche extréz
mement fendué , les cheveux noirs cémme jay , &
le teint farincux & couperofé. 5.20
voici pourtant , fans y penfer , Si ss
d'érudition. Qui le croiroit , M'8' , parmi des Pro-
di8 Voyrscos
ferpines & des Curdes > La montagne où font les
fources de l'Euphrate doit étre une des divifons
feptentrionales du Afont Taurus fuivant Strabon ;
& ce Mont Taurus avec fes branches &fes Chefnes
occupe prefque toute l'Afic mineure, Denys le
Gcographe nomme le AMfonr Armenien , celui d'où
fort l'Euphrate, Les anciens l'ont appellé Paryar-
des. Strabon s'explique plus clairement dans un
autre endroit , où il dit pofitivement que l'Eu-
phrate & l’Araxes fortenttous deux du font Abos,
qui eft une portion du Mont Taurus. Pline affüre
que l'Euphrate vient d’une Province appellée la
Caranitide dans la grande Armenie que Domirius
Corbulo , qui avoir été fur les lieux, appelle le
Mont Aba & que Nutianus , qui avoit aufli vü ce
pays-lè , nomme Capores. Euftathe, fur Denÿs
Pericgete , la nomme-Achos. |
Mitridate pafla par les fources de l’Euphrate
en s'enfuyant dans la Colchide , après avoir été
battu par Pompée. Ilya beaucoup d'apparence
que l’action fe pafla dans la plaine d'Erzeron ; car
les deux branches de l’Euphrate dont on a parlé,
peuvent être appellées fes fources par les Hifto-
RU s'ÉRSEi SR-R
riens, Procope n’a pas connû ces fources , iles”
fait fortir de la même montagne que celles du
Tigre. I ya, dit-il , une montagne €n Armenie
à cinq milles & demi de 7heodofiopolis , d’où for-
tent deux grands fleuves ; celui qui palle à droite
s'appelle l'Euphrate ; & l'autre le Tigre. Strabon
a eù raifon de dire que les fources de ces rivieres
étoient éloignées de deux,cens cinquante milles;
ou de deux mille cinq cens ftades. Pompée ;
comme dit Florus , fur le premier qui fic drefler
un pont de batteaux fur l’Euphrate , dans le tems
qu'il pourfuivoir Mitridate. Ce fut apparemment
L
pu Levanr. Lettre XV IIL 125$
ets le coude que cette riviere fait après que fes
deux branches fe font jointes à Mommacotum,
Quelques années auparavant Lucullus avoit {a-
crifié un Taureau à cette fameule Riviere pour
en obtenir un paflage favorable, =
On croir ordinairement qu'Erzeron eft l'an-
cienne ville de Theodofsopolis ; neantmoins la cho
fe ne paroït pas trop aflürée , fi ce n’eft que l'on
fuppole , comme cela fe peut, que les habitans
d’Art?e {e fuflent retirez à Theodofiopolis après
qu'on eut détruit leurs maifons. Cedren rappor-
te que fous l'Empereur Conftantin Monomaque
qui mourut vers le milieu du onziéme fiecle ,
Artze étoit un grand Bourg plein de richefles ,
- habité non feulement par les marchands du pays,
mais aufli par plufeurs autres marchands ou fac-
teurs Syriens, Armeniens , & autres de differen-
tes nations ; qui comptant beaucoup fur leur
grand nombre & fur leurs forces , ne voulurent
pas fe retirer avec leurs effets à Theodofiopolis
pendant les guerres que l'Empereur eüt avec les
Mahometans, Theodofiopolis éroit une grande
& puiflante ville qui:pafloit pour imprenable
dans ce remps-là , & qui étoit fituée tout proche
d’Artze. Les Infidéles ne manquérent pas d’aflié-
ger ce Bourg ; les habitans fe défendirent vigou-
reufement pendant fix jours , rétranchez fur les
toits de leurs maïfons, d’où ils ne cefloient de
jetter des pierres & des fléches. Abraham Géné-
ral des affiégeans , voyant leur opiniâtre réfiftan-
ce & apprehendant que la Place ne für fecourué ,
y fit mettre le feu de tous côrez , facrifiant un f
riche butin à fa réputation. Cedren aflüre qu'il ÿ
périt cent quarante mille ames , ou par le fer
par le feu. Les maris, dit-il, fe précipitoient
tal Vovracsz
dans les flimes avec leurs femmes & leurs ef.
fans. Abraham y trouva beaucoup d’or & des
* ferrements que le feu n’avoit pû devorer. Il en
fit fortir plufeurs chevaux & autres bêtes dé
fomme, Zonare raconte à peu près la même cho;
. fe de la deftruétion d’Artze , mais il ne parle pas
de Theodofiopolis, Cet auteur aflüre feulement
qu'Artze etoit fans muraille , & que fes habitans
en avoient fortifié les avenuës avec du bois, je
crois qu’ils confurñérent tout celui qui étoic aux
environs , car depuis ce temps-là l’efpéce s’en efë
perdué: Comme la Place fur réduite en cendres;
& que ce paflage eft ablolument néceffaire pour
le commerce , il y a beaucoup d'apparence qué
les reîtes de ces pduvies habitans , & les mar-
chands étrangers qui s’y vinrent établir dans la
fuite, pour ne pas tomber dans un pareil mal-
heur ; fe retirérent à Theodofiopolis qui en étoit
tout près ; fuivant Cedren,
Les Turcs à qui peut-être le nom de Theodo-
fiopolis parut trop long & trop embarralfänt , dan-
nérent le nom d’Ar1%é-rum à cetre Place, c’eft à
dire 4rtze des 4 Grecs où des Chrétiens ; cat
Rum où Rumili fignifie en langue Turque /4 Ro-
manie Où La terre det Grecs. Is diftinguent /4
Romelie ou Rumili en celle d'Europe & en cellé
d'Afie , ainfi d’Art%?e-rum on a fait _Arzerum ; &
ÆErXeron ; comme prononcent la plûpart des
Francs. Il ne faut pas confondre cette ville de
Theodofiopelis avec une autre ville de même nom;
qui évoit fur le fleuve Abherras en Melopotamic; |
& que l'Empereur Anaîtafe avoit fait revêtir de
fortes murailles, comme l'affre Procope. Ce
même auteur fait mention de la Theadofiopolis
s Pouags.
Tom. .72 - pag.127:
ES LEVANT. Lettre XVTII. ji
— dont nous parlons. On croit que c'eft Orchogul
pere du funeux Orhoman premier Empereur des
Tures, qui prit Erzeron , mais cela n’eit pas cer-
. tain ,-car l'Armenie avoit encore fes-Roys fous
Selim premier. La reffemblance des noms a per-
fuadé à plüfieurs qu'Erzeron étroit la ville d’_4zi-
ris, qüe Proloméc place dans la petite Arme-
nie. . ee
Vous me permettrez, M'8; de paller de lé
rudicion à l'Hifto’;e naturelle, Nous obfervämes
“aux environs de certe ville une tres-belle elpece
de Pavot que les Turcs & les Armeniens appel-
lent Aphion , de mème que l'Opium commun: ce-
pendant ils ne tirent pas d'Opium de l’efpece dont
nous parlons , maïs par ragoût ils en mangent les
têtes encore verres , quoiqu'elles foient fors
acres & d’un goût brulant.
La racine de certe plante eft groffe comme le
… Petit doigt & longue d'un pied, blanche en de-
», dans, brune en dehors ; fibreufe , pleine d’un
" laié blanc-fale tres-amer & tres-acre, Ordinai-
tement les tiges ont de la hauteur d'un pied &
demi ou deux , épaifles de trois où auatre lignes ,
- droites, fermes , vert-pâle , heriffées de poils
.Planchätres , roides , longs de trois lignes , fi ce
n'eft vers le haut où elles font couvertes de poils
tas, Les feuilles ont un pied de haut & font de-
Coupées à peu près comme -celles du Cogwelicoc
en plufeurs parties jufques vers la côre, Ces pie
ces ont environ deax pouces & demi de long fur +
neuf ou dix lignes de: large , vert-brun & coms
me luifantes fur certains pieds, récoupées fur
les bords à groffes dents poinruës & terminées ”
. Par un poil blanc, femblables à ceux qui <QU=
Vrent les feuilles, & tous ces poils fonc aufs
C1 ee “as
Le Se
ge vi Et se LE Po sS @e
tabs VovacE -
roides & aufi longs que ceux des tiges: Chaque
tige ne foûtient le plus fouvent qu’une fleur, dont
le bouton qui a dix-huit ou vingt lignes de long,
eft couvert d’un calice à deux ou trois feuilles
membraneufes , creufes , blanchâtres {ur le bord,
heriflées de poils: Elles tombent quand la fleur
s’'épanoüit ; & l’on s’apperçoit alors qu'elle ef
compolée depuis quatre jufques à fix feuilles ;
Jongues de deux pouces & demi fur trois pouces
& demi de large , arrondies commie celles des
autres Pavots & de la couleur du Coquelicoc ;
plus où moins foncé, avec une grofie tache à
longlet , laquelle eft auffi plus ou moins obfcure.
Les feüilles intérieures font un peu plus étroites
que les extérieures , & tiennent fortement con-
tre le pedicule ; fouvent même elles ne tombent
que deux jours après que la tige eft coupée. Le
milieu de la fleut eft rempli par un piftile long
d'un pouce , cblong , fpherique fur quelques
Pieds, vert-pâle, lille, arrondi vers le haut en
maniére de calote purpurine découpée en pointe
fur les bords, & relevée d'environ une douzaine
de bandes violet foncé , poudreufes , lefquelles,
partant du même centre, viennent fe diftribuer
en rayon & fe terminer à une des pointes qui
font fur les bords. Ce piftile eft furmonté par
une groffe touffe d’étamines à plufieurs rangs»
grifdelin luifant , chargées chacune d’un fommet
violet foncé , poudreux , long d’une ligne & de-
mi fur demi ligne de large. La Plante rend un
fuc limpide , mais le piftile eft rempli d’un laiét
blanc-fale tres-amer & tres-acre , de même que
Ja racine. Ce piftile devient un fruit ou coque.
Certe belle efpece de Pavot fe plaît fort au Jardin
du Roy ; & même en Hollande où nous Pavons
| communiquée
a -
LA
pu LEevANT. Lettre XVIII, 129
communiquée à nos amis. M° Commelia tres-ha-
bile Profefleur de Boranique à Amfterdam , en a
donné la figure. . :
Nous rerournèmes le 24, Juin à Erzeron , où
nous apprimes par M" Prelcor qui eft Conful de
la nation Angloife depuis 10. ou 12.ans, qu'il
y avoit deux Caravanes prêtes à partir , l’une
dans trois jours pour Tocat , & l’autre dans 10,
ou 12. jours pour Teflis. Nous primes le parti
d'aller à Teflis non feulement pour voir la Georz
gie, quieftle plus beau pays du monde, mais
auffi pour cueillir à nôtre rerour.les graines de
tant de belles Plantes que nous. avions obfervées
autour d’Erzeron, On afluroit de plus qu’il .w
avoit beaucoup de voleurs fur le chemin de To.
. Cat, qui (e retireroient fuivanc leur coûtume wr-
dinaire {urla fin de l'Eté , à caufe qu’alors les
campagnes brülées par les grandes chaleurs ne
fournillent plus de fourages. IL eft certain que
les mois de Juin , Juiller:& Aoûr, font les mois
les plus favorables pour les voleurs ; ils trouvenr
par tous à nourrir graflement leurs chevaux , :&
c’eft de quoi ils fe foucient-le plus ; car ces gens.
là ne marchent pas comme des gueux, Du côté
de Tocat & dans la Gcorgie Turque on moiflons
ne à la fin de Juiller,au lieu. qu'aux environs d’Er,
zeron onne coupe les bleds. qu’en Seprembre, De
toutes les Caravanes celle de Teflis paile pour la
moins dangereufe. Fe r Hess no
En attendanc qu'elle für: affemblée nous, ne
perdimes pas nôtre temps. Quand nous n’érions
Pas en campagne nous allions faire la converfa.
Uon chez le Conful Anglois où il y a toùjours
bonne compagnie. Non feulement c’eft le:renr
dévous des plus gros marchands Armeniens, mais
Tome . .1
530 re V'OY {°c +
encore de tous les étrangers : M° Prefcot eft un
des plus honnêtes hommes du monde, bien fai-
ant, & qui nous prévenoit {ur tout ce qui nous
pouvoit faire plaifir ; j’apprehende même que
les gens du pays n’abufent de fes bontez, car ils
Fobiedent continuellement. Quoiqu'il ne foit
pas de la Communion Romaine , il rend routes |
fortes de bons offices aux Miffionnaires ; il les
loge fouvent chez lui & leur facilité Pentrée &
la fortie du pays avec beaucoup de charité. Nous
apprîimes qu’à trois ou quatre journées de la ville
il y avoit de bonnes mines de cuivre, d'où lon
tiroit la plus grande partie de celui qui fe tra-
vaille dans le fauxbourg des Grecs, & que lon
répand en Turquie & en Perfe. On nous aflüra
aufli qu’il y avoit des mines d’argent autour d’'Er-
zeron , aufli-bien que fur le chemin ordinaire de
cette ville à Trebifonde. Nous ne pames pas
voir ces dernieres mines , parce que le Beglier-
beyÿ voulut prendre le plus beau chemin qui en
eft aflez éloigné. Pour celles qui font autour
d'Erzeron , nous ne trouvâmes perfonne qui osât
nous y conduire ; le Beglierbey même ne nous
confeilla pas d'en approcher , à caufe de la ja-
loufie des gens du pays, qui s’imaginent que les
étrangérs n’y vont que pour enlever leurs tréfors.
On nous aflüra qu’on y trouvoir du Lazuli par-
mi celles de cuivre , mais en petice quantité, &
qu’il étoit trop mêlé de marbre, Celui que l'on
trouve du côté de Toulon en Provence dans la
Montagne de Carqueirano a le même défaut, mais
certainement ce n'cft pas la pierre d'Armenie,
comme bien des gens le croyent. La pierre d’Ar-
menie, comme il paroît par la delcriprion dé
Boot, eft d’un bleu-celcefte, unie mais friables
vu LEvANT, Lettre XVIII. 3x
Celles d’auprès d’Erzeron &de Toulon font tres.
dures & plus dures même quele Lazuli ; car ce
n’eft proprement qu’un marbre pétri naturelle-
ment avec du Lazuli, Peut-être que le Lazuli le
plus fin n’eft autre chofe qu’une efpece de vert-
de-gris ou de roüille naturelle, Peut-être auffi
que c’eft de l’or déguilé par quelque liqueur cor:
rofive , comme le vert.de-gris n’eft qu’un cuivre
déguilé par le vin & le marc de raïfin ; Outre que
le Lazuli (e trouve dans les mines d’or, il fem
ble qu’il y ait parmi cette pierre quelques filets
d’or qui ne font pas corrompus, s’il faut ainf
dire,
Nous demandâmes un jour à M' Prefcor , où
étoit mort M Vernon fçavant Mathematicien
Anglois qui avoit fait de belles obfervations aftro-
nomiques en Levant & dont M'° V’uheler & Spon
prise avec éloge ; le Conful nous affüra qu'il
ui avoit prédit fouvent qu’il feroit malheureux
avec toute fa fcience; s’il ne fe modéroit, M‘
Vernon étoit d’une vivacité admirable mais il
s’emportoit trop facilement. En cffer M Prefcor
ut prophere , & nôtre Mathematicien mourur.à
Hifpaham des bleffuresqu’il avoit reçüés à la rête
dans une querelle qu'il eut avec un Perfan en
fortant de table, M Vernon accufa le Mahome-
tan de lui avoir voléun fort bon couteau à l’an-
gloife ; le Perfan ne fit qu’en rire , foit qu'il eût
pris le couteau ou non ; l Anglois en fur encore
plus offenfé, On s’échauffa là-deffus , on en vint
aux mains ; & le Perfan frappa fi rudement M°
Vernon fur la tête , qu'on fut obligé de l’atracher
fur fon cheval pour le conduire à Hifpaham où il
mourut quelques jours après fans. fecours,, car
il n’y avoit pas encore des Anglois établis en.
1 ï
Ml Voviwr ro
cette Ville. Is y font fort puiflans aujourd'hui,
& y vivent en grands Seigneurs. Leur magnifi-
cence va quelquefois jufqu’à la profufion fur-
tout quand la Cour vient les vifirer. it si
Pendant qu’on travailloit à faire nos balots,
nous herborifions fouvent avec plaïlir, fur-tout
dans la vallée des Quarante Monlins qui eft à une
promenade de la ville, à l'entrée de deux monta-
gnes fort efcarpées ; d’où coulent plufieurs belles
fources qui forment un ruifleau confiderable.
Non feulement ce ruifféau fair moudre pluficurs
moulins , mais il arrofe encote ‘une partie de la
campagne jufqu’à la ville. Nous eümes le plailie
de procéder dans un dé’ces moulins à la no-
mination d’un des plus béaüx genres de Plantes
qu’il y ait dans rout le Eevant; aufli lni donné-
mes-nous le nom d’uñe pérfonne fort eftimable
par fa fcience & par fa vertu, C’eft M° Aforin de
l'Académie Royale des Sciences , Docteur en Me-
decine de la Faculté de Paris, qui par un bon-
heur fingülier a élevé-cétie Plante, de graine,
dans fon Jardin de l'Abbaÿe de S, Victor , je dis
par un bonheur fingulier ; car’ elle n’a pos leve
au Jardin du Roy, nidañs quelques autres jar-
dins où je l’avois fait femer. 11 femblé qu'elle
“foit glorieufe dé ‘porter le nom de: M°Morit,
qui a toûjours aime &cultivé la Botanique avec
paffion. tr TP Ce Er: + Er hex
La Morine a la racine plus groffe que le pou-
3 partagée en groiles fibres
brunes , gerfées, peu cheveluës, Sa tige qui 4
jufques à deux pieds &-demi de haur ;'eft ferme,
droite , Hifle, purpurine à (à naifflance, épaille
nais
de deux'ou trois lignes, rougeûtre anfh , ma
yeluné vers le haar , accompagnée ordinairement
AO: TZ:
à Ve A
REA à
LA
x”: LE >
Levanrr. Lettre XVIIL 133
Du
à chaque nœud de trois feuilles aflez femblables
à celles de la Carline , vert gai , luifantes, lon-
gues de 4. ou $. pouces fur environ un pouce de
large , découpées , ondées & garnies de piquants
jaunârres , fermes , durs, longs de 4, ou $, li-
gnes. Ces feuilles diminuent un peu vers le haut
& font un peu velués en deflous. De leurs aiffel-
les naiflent des fleurs par étage & à donble rang ,
longues d’un pouce & demi. Chaque fleur eft un
tuyau courbe fort menu vers le bas où il eft
blanc & légerementr velu ; mais il s’évale en
haut & fe divife en deux lévres. La fupérieure
eft relevée & longue d’environ $. pouces fur 4.
lignes de large , arrondie & profondément échan.
crée, L’infericure eft un peu plus longue & dé-
coupée en trois parties arrondies aufli. L’ouver.
ture du tuyau qui eft entre ces deux lévres eff
toure découverte, Deux étamines courbes qui
débordent de près de trois lignes , blanchâtres &
chargées de fommets jaunâtres , font collées con-
tre la lévre fuperieure, Le filer du piltile qui eft
tant foit peu plus long , finit par un bouton ver
dâtre. Le calice eft un tuyau long de trois lignes,
fendu profondément en deux languettes arron-
dics , légerement canelées. C’eft du fond de ce
dernier tuyau que fort la fleur. On en trouve
fouvent de deux fortes fur le même pied, les unes
font toutes blanches , les autres font couleur de
rofe tirant fur le purpurin , ayec les bords blan-
châtres. Toutes ces fleurs ont l'odeur de celles
du Chevrefesille , & portent fur un embryon de
graine, Les feuilles de cette Plante ont d’abord
un goût d’herbe affez fade , mais on y trouve
enfuite de l’acrimonie
Nous allâmes chez Le Beglierbey lu baifer la
4 ij
VOYAGE
de Geo:-
pic.
a V o v A
vefte , & demander la continuation de fa protec-
tion. Il eut la bonté de nous faire remercier des
foins que nous avions pris de fa fanté , & de rou-
te fa mailon, Il nous prévint fur les Lettres de
recommandation que nous fouhaitions pour Île
Pacha de Cars , & nous fit encore expedier une -
patente fort avanrageufe où il fe loüoit de nôtre
capacité en fait de Medecine , & dans laquelle
il rendoit de bons témoignages de nôtre con-
duite,
Nous partimes d'Erzeron le 6. Juillet pour
Teflis , & nous nous rendimes à E/Xelmic village
au Nord-Eft à trois heures de la ville, Nôtre Ca-
ravane compofée de marchands , dont les uns
alloient à Cars & à Teflis, les autres à Erivan ,
quelques-uns à Gangel , n'étoit qu'environ de
* deux cens hommes armez de lances & de fabres;
quelques-uns avoient des fufils & des: iftolets,
La campagne d’Erzeron jufques à moitié chemin
d'Elzelmic eft fort feche ; fes collines font pelées,
On entre enfuite dans une plaine fermée à droit
& à gauche par des éminences où il y avoit encore
aflez de neiges. Il en tomba beaucoup aux en-
virons d'Erzeron la nuit du fecond au troifiéme
Juillet. nn
Le 7. Juillet nous partimes à trois heures &
demi après minuit, & nous campames fur des
dix heures auprès d’un village appellé Badijoïar,
après en avoir laiffé un autre en arriére, dont
j'ai oublié le nom. On ne voit aucun arbre dans
tout ce quartier lequel d’ailleurs eft plat, bien
cultivé, & arrofé avec autant de foin que la
campagne d’Erzeron. Sans cette précaution la
. moitié des bleds feroient rotis : meanmoïins cel&
paraît aflez étrange , car de ces mêmes champs
\
pu LEVANT, Lettre XVIII. 135$
u’on éft obligé d’arrofer ; on découvre la neige
Pr les collines voifines. Au contraire dans les
Ifles de l’Archipel , où il fair des chaleurs à cal,
ciner la terre & où il ne pleut que pendant l’Hi-
ver, les bleds font les plus beaux du monde,
Gela montre bien que toutes les rerres n’ont pas
le même fuc nourricier. Celles de l’Archipel font
comme les Chameaux, elles boivent pour long-
temps, Peut-être que leau eft plus neceflaire à
celles d’Armenie, pour diffoudre le fel foffile
dont elles font impregnées , lequel détruiroit la
tifure des racines fi fes petits grumeaux n’étoient
bien fondus par un liquide proportionné ; aufli
y laboure-t-on profondément. Quoique ces terres
ne foient pas fortes on atrele trois ou quatre pai-
res de bœufs ou de bufles à une charrue, & c’eft
fans doute afin de bien mêler la terre avec le fel
oflile qui refteroit en trop grande quantité fur
la furface & brüleroit les plantes. Au contraire
dans la Cæmargue d'Arles, qui eft cette Iile fi
fertile que le Rhône enferme audeffous de la
ville , on ne fait qu'éfleurer la terre en labourant
pour ne pas la mêler avec le fel marin qui eft
audeflous, Avec cette précaution la Camargue
où il n’y a qu’un demi pied de bonne terre, eft
le pays le plus fertile de la Provence, & les Ef=
pagnols le nommeérent Comarca par excellence »
dans le temps que les Comtes de Barcelone en
étoient les maîtres, Camarca fignifie chez eux un
champ qui produit abondamment, Ainfi le mot
© Camargue ne vient pas du Camp de Marins,
comme lon prétend , car ce Général Romain
n'y a jamais campé Le grand foflé qu'il ft faire,
pour fortifier fon camp & pour y faire voicurer
es munitions qu’il ciroit de la Medirerranée , Je
Li
13 NOTA oB TT vu. |
trouvoit , fuivant Plutarque , entre le Rhône &
Mar{eille. On découvre encore les traces de cet
ouvrage du côté de Fos village auprès du Æferri-
gues qui à retenu le nom de /4 Foffe de Marius ,
& non pas celui des Phociens peuples d’Afie au-
deffus de Smyrne , qui s’établirent à Marfcille
pendant les guerres des Perfes & des Grecs. Mille
pardons , Ms", de certe digreflion ; nous fom-
mes fi accoürumez à nous écarter en herborifant,
qu'il n’eft pas furprenant que. je m’égare quel-
quefois dans les lettres que vous m'avez permis
de vous écrire.
‘Je reviens à nôtre Caravane. Elle partit le 8.
Juillet fur les neuf heures du matin, & marcha
jufques à une heurc après midi à travers de gran-
des campagnes peu cultivées, mais excellentes à
ce qu'on nous dit. Nous y obfervimes de fort
belles Plantes, comme nous avions fait le jour
précedent ; mais voila tout , caron n’y voit ni
ville ni villages , pas même la moindre broffaille,
On dreffa nos rentes auprès d’un ruifleau qui fait
moudre un moulin , je ne fçai à quel ufage ; car
nous ne rencontrâmes pas une ame pendant toute
la journée, SE
- La route du 9. Juillet fut bien plus agréable.
Quoïqu'’on nous eût fait partir à trois heures du
matin, nous nous retirèmes {ur les dix heures
après avoir pañlé par des montagnes peu élevées,
fur lefquelles on voir des Pins de la même efpe-
ce que ceux de nôtre montagne de Turare. Ce
changement de décoration ne laïfle pas de réjouir
en voyageant : Iln’y a rien de plus ennuyeux
que dé marcher dans ces grandes plaines où l’on
ne voit que Ja terre & le ciel; & fans les Plantes
qu’on y trouve j'aimerois mieux être fur mer,
Lio fructu alato plano ,
o
23. 6
b.
Cachrys O
Inft. Ra
me ms.
RE ge 9
SR pu LrvANT. Lertife XVIIL 3137
je veux dire pendant le calme; cat j'avoüe tout
naturellement que dans la bourrafque on donne-
toit toutce qu'on a au monde pour fe pouvoir
tranfporter dans la plaine la plus ennuyeufe, On
campa ce jour-là à Coroleucalefi village que l’on
peut appeller en François /4 Tour de Corolon.
-Notre moiflon fut aflez belle ; & comme léru-
dition me manqueici, car je ne fçai ce que c’eft
que Corolou ni fa Tour ; vous me permertrez de
vous envoyer la defcription d'une Plançe qui fait.
encore aujourd’hui les délices de. M' le Premier
Medecin. Elle a fort-bien levé , bien fleuri & bien
grainé dans le Jardin du-Roy. 11ya même appa-
rence qu’elle y durera long-temps. -
C'elt une Ombellifer , pour parler Botanique,
dont la racine pique en fond jufques à un pied
& demi ; groffe au coller comme le bras , parta-
gée en quelques autres racines de la groffeur du
pouce, peu cheveluës ; couvertes d’une écorce
rune ; pleine de lait-acre &: fort amer. Les
feuilles d’enbas qui ont environ trois pieds de lar-
ge fur autant de long , font découpées fi menu,
qu'on ne {çauroic mieux les comparer qu'à celles
d’une autre efpece de ce genre que Æorifon a
nommée Cachrys femine fungofo ; levi ; foliis Fe-
Tlaceis, 11 femble même que la comparaifon
cloche un peu, car il n’y a point d’efpece de
Ferule qui ait les feuilles fi mennés , & j'aurois
mieux fair ; fans fuivre l'exemple de Morifon ,
de comparer" les feüilles de celle dont je parle, à
celles du Feroïil. Les tiges de nôtre Plante s’éle-
vent à 4. pieds, grofles comme le pouce, fermes,
ures , droites, folides | couvertes d’une fleur
femblable à celle des Prunes fraîches , lifles , ca=
nelécs, noüeufes, garnies aux nœuds de deux
138 D 'EAOLY À €: |
ou trois feuilles beaucoup plus petires que les:
autres ; & des aïiflelles de celles-ci naiflenc vers
le haut trois ou quatre branches, lefquelles for-
ment une plante aflez arrondie. Les extrémitez
de ces branches font chargées d’ombelles ou bou-
quets de demi pied de diamettre , compolez de
rayons inégaux qui foûtiennent d’autres bou-
quers plus petits & comme fpheriques , rerminez
par des fleurs jaunes à $,6. ou 7. feuilles , lon-
gues d’une ligne & demi , avec la pointe tournée
en dedans , ce qui les fait paroître comme échan-
crées. Les étamines & les fommets font de mé-
me couleur, Le calice qui d’abord n'a que deux
lignes de long , groflit à vüé d'œil à mefure que
les fleurs fe pallent , & devient enfuire un fruit
long d’environ 10. lignes fur 6. lignes de large ;
compofc de deux parties arrondies fur le dos,
garnies dans leur longueur de petices aïles ou
feüillers membraneux & blancs comme le fruit
du Laterpitiwm. 1] faut pourtant rapporter nôtre
Plante au genre de Cachrys , parce que les par-
ties de fon fruit font fpongieufes , épaifles de
trois lignes & remplies d’une graine plus grofle
réa grain d'orge, Les feuilles de cetre Plante
ont un peu aromatiques , mais tres-acres &c tres”
amcres, ?
Le 10, Juillet nous partimes à 3. heures apres
minuit, & marchâmes jufqu'après midi par des
montagnes agréables & bien fournies de Pins:
À la verité nous n’étions pas trop attentifs à les
confidérer, car nous découvrions de temps €ñ
temps quelques pelorons de voleurs armez 4
lances & de fabres. Ils in’oferent. pourtant nous
attaquer , parce qu’ils nous crurent les plus forts;
cependant ils fe trompoient tres-fort , & ils au
pu LEVANT. Lettre XVIII 139
roient eû bon marché de nous s'ils s’étoient ap-
prochez. Nous avions aflez de Turcs dans nôtre
Caravane , mais les Armeniens , à ce que nous
apprimes par nos Drogmans, commençoient à
parler entre eux d’accommodement , & fi les vo
leurs ne s’étoient pas écartez, on n’auroit pas
manqué de leur envoyer un Deputé pour traiter
de la rançon. Nous n’en fümes pas quittes pour
cette allarme. Nos marchands crurent que ces
voleurs étant à nos troufles , nous leur avions
derobé une marche : fi la chofe étoir ainfi elle
s'écoit pafñlée fort innocemment de nôtre part,
car aucun de nous n’avoit penfé à les tromper ;
heureufement nous n’entendimes plus parler
d'eux, Nous defcendîmes le lendemain , des mon-
tagnes fur les dix heures pour entrer dans une
aflez belle plaine où nous campâmes à Charac
méchant village fur un ruifleau qui tombe de
quelques collines où l'herbe ne faifoit que de
naître, À peine trouvoit-on à faire paître les
chevaux dans les meilleurs fonds. Les chemins y
font bordez de cette belle efpece d’Echinm à
fleur rouge, que Clufius , le plus grand obfer-
vateur de Plantes de fon temps, avoit découver-
te en Hongrie. Lestiges naïflent trois ou quatre
€nfemble, hautes d’un pied & demi ou deux ,
épaifles de trois lignes, vert-pâle , piquées de
rougc brun, caffantes , heriflées de poils blancs,
es de feüilles longues de demi pied & larges
(S
ulement de demi pouce , de la même couleur
& tiflÿre que celles de l'Echium commun , mais
beaucoup plus heriflées des deux côtez. Elles di-
Minuent jufques en haut ; & de leurs aiflelles,
Prefque depuis la moitié de la tige jufques à l’ex-
trémité , naiflent des brins longs d’un pouce &
on
140 AGE |
demi courbez en queue de Scorpion , fur lef-
quelles s’appuyent deux rangs de fleurs hautes
de 8. ou 9.lignes , rétrecies en maniere de tuyau
recourbé , évafé & découpé en cinq parties ar-
rondies , dont lesinferieures fout plus courtes
que la fuperieure. Ces fleurs font rouges couleur
de Garence & fans feu, Les étamines, qui dé-
bordent de trois côtez, font un peu plus éclatan-
tes , mais leurs fommets font foncez, Le calice
eft d’environ demi pouce , découpé en cinq pat-
ties fort étroites & fort velués. Le piftile eft à 4.
embryons , lefquels dans la fuite deviennent au-
tant de graines longues d’une ligne & demi ;
brunes , de la figure de la tête d’une vipere.
Le 12. Juillet on partit fur Les quatre heures
du matin, & nous marchämes jufques à midi
dans une des plus belles plaines qu'on puifle voir.
La terre, quoique noijre & grafle , n’y produit
pas beaucoup parce qu’il y gêle lanuir , & nous
trouvions fouvent de la glace autour des fontai-
nes avant le lever du foleil. Quelque chaud qu'il
y fañfe le jour , le froid de la nuit rerarde fu-
rieufement les plantes : les bleds n’avoient pas
plus d’un pied de haut, & les autres Plantes n'é-
toient pas plus avancées qu'elles le fonc ala fn
d'Avril aux environs de Paris. La maniére de la-
bourer ces terres eft encore plus furprenante»
car on attache jufques à dix ou douze paires d£
Bœufs à une charruc. Chaque paire de Bœuis 4
fon poltillon , & le laboureur pouf encore le
foc avec le pied ; tous leurs efforts aboutiffent 4
faire des fillons plus profonds qu’à l'ordinaire.
L'expérience fans doute leur a appris qu'il falloit
pa bien avant, foit pour mêler la terre lu-
perficielle qui eft trop feche , avec celle d
de ir
$
u LEVANT, Lettre XV III xY4t
deflous qui left moins, foit pour garentir les
graines des grandes gelées, car fans cela ils ne
prendroient pas tant de peine & ne feroient pas
tant de dépenfe inutilement, Nous en demandi-
mes plufieurs fois la raifon à nos conduéteurs ,
qui fe contentérent de nous dire que c’étoit la
mode du pays. On ne voit aucun arbre parmi
ces champs, mais feulement, quelques Pins qué
l'on traîne fur les grands chemins pour les con-
duire dans les villes & les villages , en y attelant
autant de Bœufs qu'il en faut pour les tranfpot-
ter, Cela ne nous furprenoïit pas. On ne rencon-
tre autre chofe en Armenie que des Bœufs où
des Bufles attelez où chargez à dos comme des
mulets. Les Pins cependant, de l’aveu des gens
u pays , commencent à devenir fort clair fe-
mez , & l’on en découvre peu qui levent de grai-
ne, Je ne fçai comment ils feront quand on aura
coupé tous les grands arbres ; car ils ne fçauroïent
bâtir fans ce Ass ; jenedis pas les meilleu-
res maifons où l’on employe les poutres que pour
foûtenir les couverts ; je parle des chaumiéres
qui font Les maifons les plus communes , dont
les quatre murailles font Ébaesée avec des Pins
ranoez par la pointe, à angles droits, les uns
ur les autres jufques au couvert, & arrérez dans
les coins avec des chevilles de bois. Nous ne
trouvdrmes aucune Plante nouvelle ce jour-là , &c
nous fümes un peu allarmez de voir parmi quel-
ques Plantes rares que nous avions obfervées pus
d'une ois, des Aauves ordinaires , du P
tain , dela Parieraire , & fur-tout du Bowillon-
lanc, du Felar & de cette Plante que l’on vend
à Paris pour. Je cours de ventre , fous le nom de
Thalitron, Nous croyions être revenus en Euro-
Ale
Le.
142 OY AGE
pe, cependant nous arrivames infenfiblement à
Cars après une marche de fepr heures.
Cars cft la derniere place de la Turquie fur la
frontiera de Perfe , que les Turcs ne connoiflene
que fous le nom d’Agem. Je me trouvai embar-
raffé un jour chez le Beglierbey , qui me fit des
mander, ce que l’on difoit en France de l'Empe-
reur d’Agem > Heureufement il me fouviur d’a-
voir lü dans Cornuti que le Zilac de Perfe s'ap-
pelloit Agem Lilac, & cela me fit comprendre
qu’_Agem devoit fignifier la Perfe.. Pour revenir
à Cars, la ville eft bâtie fur une côte expolée au
Sud-Snd-Eft, L’enceinte en eft prefque quarrée
& un peu plus grande que la moitié de celle d'Er-
zeron, Le Château de Cars eft fort efcarpé ur
un rocher tout au haut de la ville, Il paroit aflez
bien entretenu , mais il n’eft dada que par
des vieilles tours, Le refte de la place eft comme
une efpece de theatre , au derriere duquel il y à
une vallée profonde , & efcarpée de rous côtez &
par où pale la riviere. Cette riviere ne va pas à
Erzeron , comme l’a crû Sanfon , au contralfe
elle vient de cette grande Plaine par où l’on ar-
rive d’Erzeron à:Cars , & tombe de ces monta-
gnes où nous rencontrâmes des voleurs pour la
premiere fois, Après avoir ferpenté dans cette
Pline elle vient fe rendre à Cars, où elle for-
me une lÎfle en paffant fous un pont de pierre ; &
fuit la vallée qui eft À Chäâreau. Non
feulement elle y fait moudre plufeurs moulins »
. mais elle en arrole les jardins & Les champs. En-
fin elle fe joinc à la riviere d’Arpagi, laquelie
ne coule pas loin de là ; & ces deux rivieres join
tes enfemble fous le-mom d’Arpagi , 1ervent | €
fionticre aux deux Empires avant de comber. dans
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Cars sur la Frontie
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pu LEVANT Lettre XVIII 143
l'Araxe , que les Turcs & les Perfans appellent
Aras, Ce qui peut avoir trompé Sanfon , c’eft
que l’Araxe , comme l’on verra dans la fuite , a
fa fource dans la même montagne que l'Euphra-
te. Cet auteur a fitué Cars au confluant des deux
branches imaginaires de l'Euphrate, lefquelles ,
felon lui, forment une riviere confidérable qui
palle à Erzeron. Il faut attribuer ces fautes aux
mauvais memoires qu’on lui a fournis ; car
Sanfon éroit un excellent homme, qui le pre-
mier a fait les meilleures Cartes qui ayent paru en
France,
Non feulement Cars eft une ville dangereufe
pour les voleurs , mais les Officiers Turcs y fons
ordinairement de grandes avanies aux étrangers,
& en tirent tout ce qu’ils peuvent. Nous deman-
dâmes à falüer le Pacha , à l'occafion des exror-
fions dont on nous menaçoit. Son Chiaïa chez
ui l’on nous conduilit d’abord malgré nous ,
nous fit dire fort civilement que toutes nos Pa-
tentes ne fervoient de rien , & qu’aflurément il
ne nous feroit pas permis de pol dans le pays
d’Agem. Cependant nous lui avions fait voir un
Commandement de la Porte & un Pafleport du
Beglierbey d’Erzeron , fous le département du-
quel eft le Pacha de Cars. Voici l’analyfe que
: le Chiaïa fit de nos Pieces. Pour le Commande-
ment de la Porte, dit-il, c’eft la Patente la plus
vénérable qui foit au monde, & il ne cefloit de
a porter à fon front , maisla ville de Cars n'y
eft ae mentionnée, Je répondis qu'il n’étoit pas
poflible de mettre {ur une feiille de papier les
noms des principales villes de leur Empire. Le
Paffeport du Beglierbey d’Erzeron porte , dic-il,
que vous vicndrez ici, mais il ne marque pas
Li
VO TA 0:
144 | |
que vous paflerez plus avant. Comme j'en avais
fait faire une traduction à Erzeron , je fuppliay
* le Chiaïa de lerclire, proteftant que le Beglier-
bey nous avoit fait aflürer , que fur fon alle.
port on ne feroit aucune difficulté de nous laifler
paller de Cars dans le Gurgiftan qui appartient à
l'Empereur d'Agem , & que c’étoir-la nôtre ve-
ritable deflein. Après quelques conteftarions fur
ce Pañleport , nous lui fimes dire que nous Îc-
rions bien ailes de baifer la vefte du Pacha, &
de lui prefenter la lettre du Beglierbey. Il répon-
dit qu’il fe chargcoit de cerre lettre , mais qu’al-
furément le Pacha ne nous laïfferoit pas fortit
des rerres du Grand Seigneur ; qu’il alloic s'en
éclaircir fur heure. En effer it nous quitta bruf-
quement pour pañler ,; à ce qu’on nousdit , dans
l'appartement du Pacha.
Après avoir attendu fort long-temps, on nous
avertir que nous courions rifque de coucher dans
la ruë fi nous ne gagniors vire le fauxbourg où
éroit nôtre Caravanferaï. Quoique les Turcs &
les’ Perfans vivent dans une paix auffi tranquille
qu'on la puifle fouhaïitter , ils ne laiflenr pas de
fermer les portes de leur ville lorfque le folcil
fe couche: Avant que de fortir de chez le Chiaïa,
je fis prier par nôtre Incerprete, un de fes valets
de lui dire ; que nous étions obligez de nous re-
tirer à caufe de la uit, mais que nous ferions
ravis d'apprendre nôtre deflinée avant que %
{ortir. Il nous fir fcavoir que le Pacha fon Maï-
Te ; après avoir Jü mine la _. me #2
icrbey ; ne pouvoit fe difpenfer de nous lai
M pre affembler le lendemain
fe Moufrts le: Janiffätée Ada; le Cadi, &cles plus
_apparens de la ville pour en faire Ja Ieékure; Qns
+ _ LavanT. Lebtre XVIII. 148
fans cette précaution le Pacha pourvoir bieh pers
dre fa cêre , fi on venoïit à fçavoir à Conftanti-
nople qu’il n’eût pas fait arrêter trois Francs ;
qui peut-être étoient des cfpioris du grand Dué
de Mofcovie, Toutes ces cerémonies nous cha-
grinoient fort : nous apprehendions qu'ellés ne
trainaffent en longueur , & que de difficülté en
difficulté on ne laiflät partir nôtre Caravane fans
nous ; ainfi noûs foupâmes affez triftement, Deüx
Emiflaires dû Chiaia eurent la bonté le leñderiain
au matin de nous eveiller à la pointe dû jour ; & :
de nous dire fans façon que l’on venoit de décou-
ÿrir que nous étions dés efpions ; que le Pacha
h’en étroit pàs énicore informé & qu’ainfi la chofe
h’étoit pas fans remede , mais qué nous pouvions
Compter que les avis venoient de bonné part:
Comme nous ne paroiflions gueres allarmez de
leurs difcours , ils nous afleürérent que les efpions
èn Turquie éroient condamnez au feu ; & Qué
les plus honnêtes gens de la Carävañie écolént prêts
à déclarer que fous prétexte de chercher des Plan=
tes, nous obfervions la firuation & les muütäilles
des villes , que nous en prenions lé Plan} que
‘Nous nous inforthions ävec foin des troupes qui s’y
irouvoienc , que nous voulioñs fçavoir d'où ÿe-
noïent les moindres rivières, que /tour celä me-
fitoit punition. Ainfi parloit celui qui patoilloie
tre le plus méchant dés deux ; l’autre qui fem-
bloit plus doux , difoit qu’il n’y avoit pas d'appa-
fence que nous fuffions veñus de fi loin pour n’a-
iaffer que du foin. Noüs rious retranchions tou-
jours fur les bons témoignages que le Beglietbey
“Erzeron portoit de nous dans fa lettre, Ils répons
doïent qu'on n'en pouvoit pas faire la leéturé4
que le Cadi ne fût venu de la campagne où il ée*
Tône III: ME “si
?
146 : Voyxice
voit réftér encore un jour ou deux, Nous nous {é-
parâmes aflez froidement là-deflus.
Héuréufement en nous promenant par la ville,
ñoüs rencontrâmes un Âga du Beglierbey d’Erze-
foñ , qui nc failoit que d'arriver & qui nous re-
connûüt d’abord , parce qu’il nous avoit veû trai-
ter des malades dans le Palais. Après les premie-
res civilitez | nous lui conrâmes l’embarras où
nous étions, Surpris de 1.0tre avanture , il alla
chez le Chiaïa du Pacha , & lui témoigna en n6-
tre prelence qu’on n’avoit pas raifon de nous re-
Füfer le patlage ; que le Beglierbey Coprogli , à
. Qui nous avioris té recommandez à Conftantino-
ple par l’Ambalfadeur de l'Empereur de France,
hous horinoroit de {a protéétion ; que nous avions
eû l'honneur de l'accompagner de Conftantino-
le à Érzeron, qu'il s’étoit bien trouvé de nos
confeils & dé hos remedés , qu’enfin on ne devoit
à5 recevoir de cette maniére des gens qui étoient
i bieñ recommandez dé fa part. Il nous fit figne
dé nous fetirer, & nous fit affürer par fon valet
qué nos ferions fatisfaits dans peu de temps. Nous
entrâmés dans un caffé pour attendre la décifion
dé cétre grande are. En moment après, les mé
nes Chiodars dn Chiaïa , qui nous avoient trai-
téz. d’éfpions dû Grand Duc de Mofcovie & qui
Étoieht , à ce qué je crois, nos efpions , car ils
nous gatdoïent à veüc, vinrénc nous annoncer
avéc üne joye feinte & dans le dellein de tirer
quelqu’argent de ñous , que tous les paflages 1e
l’Empire étoient oüverts pout nous ; mais qu'aflu-
rément on nous aüroit arrêtez fans la lertre du
Beolierbey d'Erzeron , où qu'aunioins on nous au-
roit fait payer une groile. avañie, commé ilarti-
ve à tous céux qui pallent de Turquie en Perle.
o
caffé que hôus envoyâmes à re maîtte ; ttop heu-
reux d'en fortit à fi bon marché. De peur qu’dr
ne vint encore nous faire quelque nouveai<
Ha : YAGE |
part de la Caravane ; ainfi les Turcs pilleut cou-
jours & principalement fur leurs frontieres ; mais
il faut dire à leur louange qu’ordinairement ils fe
contentent de ce qu’on leur donne.
On peut douter avec raifon, fi Cars n’eft pas
Fancienne vilie que Prolomée marque parmi cel.
les qui (ont dans les montagnes de la petite Arme-
nie, La reflemblance des noins eft aflez favorable,
& il ne faur pas s’embarrafler fi cet auteur la pla-
ce dans la petite Armenie. Outre que ce pourroit
être une faute d’inadvertance , les divifions de
PArmenie ont changé fi fouvent , qu’ily a beau-
coup de confulion parmi les auteurs qui parlent
de ce pays. On pourroit auffi foupçonner que Cars
foit la Place que Prolomée appelle Chorfa & qu'il.
place dans la grande Armenie, fi ce Geographe
ne la marquoitle long de l’Euphrate. Tout cela
. pourroït avoir.trompé Sanfon ; mais ileft certain
que Cars’eft bien loin de cette riviere , ,& je par-
donnerois plucoft à ceux qui ont propolé comme
un doute , fi Cars ne feroit pas la ville de Nicopolis
que Pompée fit bâtir. dans le lieu où il avoit battu
Mithridate , puifque cette ville fe rrouvoit entre
. l'Euphrate & l’Araxe, Cedren & Curopalate nom-
ment Cars, Care , Leunclaw Carfeum. Ce der-
nier aflüre qu’en 1579. Muftapha Pacha comman-
dant l’armée de Sultan Mourat contre les Perfes
& les Georgiens , fortifia Cars & la pourveut des
munitions néceflaires, On en pourroit faire une
des plus fortes Places du Levant,
} Le 12 &le 13. : Juillet la Caravane y féjournæ
pour payer les droits de la Dotianne, Nous en par=
times le lendemain à une heure après minuit»
4 parce que nos. plus gros Marchands qui n'avoienE
_ déclaré qu’une partie de l'argent qu'ils faifoient »
Tom .3, . pag 149 -
Baonica Oriental, anqus vie lngissime fl 1
Jpicaflorum crassiori Coroll. WInst.Rei herb. 13. |
_ pu LEvANnNT, Lettre XVIII. 149
voiturer en Per
ligence , les nouvelles recherches que les Officiers
en auroient pà faire. lisimonterent donc à cheval :
dés qu'ils furent expediez , & nous traverfâmes
une grande plaine pendant toute la nuit , quelque
obfcure qu’elle für, On campa fur les neuf heu-
res du matin auprès de Barguet gros village , dont
le Château à moitié démoli paroit avoir été bien
bâti dans fon temps. One découvrit prefque que
des Plantes ordinaires , & furtout beaucoup de
Gallium jaune, & du Gramen fparteum, penna-
tum C B. On defcendit fur le midi dans une aflez
belle vallée à demi lieuc de Barguer. Parmi quel.
ques Plantes rares nous y obfervämes une cfbéee
de Betoine aflez finguliere , dont la graine a levé
& multiplié dans le Jardin du Roy. Elle fe diftin-
gue principalement par la longueur de fes feuilles
longues de demi pied fur un pouce de largeur ,
que la culture n’a point changées. 1] y a long-
temps que cette Plante eft connue en France,
puilque Mfic Premier Medecin en a trouvé la
figure parmi les Planches que M° de L4 Broffe
fon grand oncle &:Intendant du Jardin du Roy!,
avoit fait graver. C’eft dommage que és Plan-
ches n’ayent pas paru dans leur temps selles font
auffi grandes que celles du Jardin d'Aifed &
caucoup mieux gravées, M' le Premier: Mede-
cin qui Les a recouvrées depuis peu ; nous fait ef-
perer de les donner au public.
Jenefçai par quelle deftince la plüpart des”
grands ouvrages de Botanique qui ont ete faits
en France dans le fiecle paflé & qui auroient fait.
beaucoup d'honneur au Royaume, n’ont point
encore paru, M Richer de Belleval Chancelier
de l'Univerfité de Montpellier avoit décrit 8 fait
"KR
Perfe-, voulurent éviter > par leur di- : -
dans les Alpes & dans les Pyrenées, & que l’on
donne sous les jours comme des Plantes incon-
nuës, Il paroït par les Planches qui font entre
Jes mains de fes héritiers, que les Banhins n’a-
voient rien découvert de fi beau dans ce cemps-
LB. L'ouvrage du P,. Barrillier eft enfeveli dans
fond de la Bibliocheque des Dominicains de la
rué S. Honoré,Cer homme infatigable après avoir
parcouru toute l’Efpagne & route l'Iralie , & dé.
penfé beaucoup à faire graver ce qu'il avoit dé-
couvert de plus rare , mourut à Paris fans avoir
Fien mis au jour, 1] n’y a pas d'apparence que
ce beau Recueil foit jamais publié, 11 en fera de
même » ME" , de celni du P. Plumier Minime :
fi vous n’en favorifez l'édition ; cependant il
faut dire à la Joïange de ce Pere, qu'il a Jui feul
décric & defliné plus de Planres d’Amerique , que
pont fait tous enfemble ceux qui {e font mélez
d'enparler, 1 eft bien aifé de faire des livres de
Plantes en décrivant & donnant les figures de cel-
es que l’on cultive dans un jardin , & dont on à
reçü les graines ou les racines par; differens cor-
elpondans ; mais le P. Plumier avoit fair quatre
voyages en Amerique , & il mourut à Cadis
de le temps qu’il devoit en partir , par vos o-
4e Le We LA #5
grayer une infinité de Plantes rares qui naïffent
res , pour aller au Perou, Pour moi je me flatte,
M6", que vous me continuerez l'honneur de
Vôtre prorcétion, & que vous voudrez bien faire
aver tanr de belles Plantes que j'ay obfervées
ans MES voyages, :
Voilà une de ces fortes dedigreffions qu'il nef
permis de faire que dans des lettres ; le genre
fpillolaire fouffre rout & il convient parfaite-
Rent aux voyageurs qui ne fauroient s'empécher
194.)
ban Orientale fbte hagrb
proboscide incurva LES
herb. 48 : À
FER LEVANT, Lerrre XVIII 121
= s’égarer quelquefois dans une Jongue route,
Me voici de retour à la Caravane. Le 15. Juil.
let nous partimes à quatre heures du matin, &
paflâmes par des plaines aflez bien cultivées , en-
trecoupées de quelques collines agréables où les
bleds éroient bien plus avancez que du côté d’Er-
zeron, On y culrive beaticonp de Lin, fur-tour
auprès des villages qui fonc aflez frequens, Sur
les fepr heures du matin nous paflèmes à guai
une perite riviere confidérable qui va fe déchar-
ger , àce qu'on nous dit, dans l'Arpagi. La gran-
de Caravane nous quirra à une fieue de la pour
aller à Gangel | & nous fümes fort confternez de
nous voir réduits à la feule compagnie de trois
marchands qui venoient à Tefiis. Un Aga Turc
campé fur le chemin envoya deux gardes pour
nous reconnoitre ; mais comme ils ne fçavoien
pas lire, ils ne firent que jetrer les yeux fur nos
Pafleports , & nous demandérent pour leur peine
quelques Truites que nos Drogmans avoient pé-
chées, Ils firent payer dix Âpres par charge à nos
marchands , & fe firent donner se une piece
de favon pour fe razer.: : * Le
Nous découvrimes ce jour-là, à mongré, la
plus belle Plarte que le Levant produife. C’eft
une efpece d'Elephant à grande fleur , dont la
trompe eft coutbée en bas, 4-2 |
Sa racine qui eft longue d'environ deux ou
trois pouces , n’a qu’une ligne & demi d’épais,
dure , rouflàtre, chevelnë, & jette une tige hau-
te de neuf on dix pouces , quarrée, purpurine
vers le bas ÿ légerement velue , accompagnée de
feüilles oppofées en croix deux à deux les unes
avec les autres , longues d'un pouce à 15. 4digne
fur 9. ou 10, lignes de large KA
_—
BE VaT.4c.1
de la Pediculaire jaunes , velués fur les bords,
érenelées , vénées, De leurs aïflelles fort une
eur de chaque coté, rétrecie en tuyau par derrie-
ge , verdâtre , long feulement d’une ligne & demi
ou deux, Ce tuyau s’évafe enfuite en deux lévres,
dont là fupericure eft dilatée d’abord en deux ef-
peces d’orcilles aflez arrondies , d’entre lefquelles
fo une trompe où tuyau courbe long de n
lignes , épais d'une ligne , terminé par une lévre
ovale d’une ligne & demi de diametre, frifée,
rdée de petits poils, au delà de laquelle débor«
de le filer du piftile.. La lévre inferieure eft lon-
guc & large d’un pouce , chantournée & décou-
pée en trois parties, donc celles des côtez font
comme deux grandes oreilles. La partie inferieu-
re eft recoupée en trois pieces. Celles des côtez
fonc arrondies aufli, maïs celle du milieu n'eft
qu’un petit bec fort pointu, Toute cette fleur ef
jaune couleur de fafran, hormis le bas de la lé-
yre fuperieure qui eft blañchätre, Les éramines
font fort courtes & cachées fous les-aîles de la
lévre fupericure. Leurs fommets ont deux lignes
de long fur une ligne de large, applatis , jaune-
pâle. La lévre fuperieure réprefente la trompe
d’un Eléphant qui la courbe pour porter quelque
chofe dans fa bouche , au lieu que dans les au-
tres efpeces de ce genre qui font préfentement
connues , certe lévre eft relevée. Le calice cit
d’une feule piece , long de trois lignes, légere-
ment velu, la’ lévrée rieure en c “obtufe,
échancrée. L'inféricure eft fendué plus profondé-
ment en deux pieces, Chaque fleur eft attachée
à un va long de demi pouce & fort déiie.
Le piftile qui eft un bouton un peu ovale, n4
qu’une ligne de long & devient un fruit de demi
pu LevAxrT. Lettre XWIIL, 153
pouce de long , prefque quarré à coins arrondis ,
vert-pâle, membraneux , épais d'environ deux
lignes & demi , partagé dans fa longueur en deux
loges lefquelles s'ouvrent par les côrez & renfer-
ment des graines longues d’une ligne & demi ou
deux , épaifles d’une ligne, canelées dans leur
longueur , & de la forme d’un petit rein.
Le 16. Juiller nous partimes à quatre heures
du matin & campâmes fur les huit heures dans
une belle & grande prairie où nos tentes furent
dreffées pour la premiere fois fur les terres du
Roy de Perfe, Nous n'avions couché qu’à une
heure feulement de la frontiére , laquelle fe
prend au haut d’une colline à la defcente de la-
quelle commence la Georgie Perfienne , ou le
pays que les Perfans appellent le Gurgiflan , c'eft
à dire la Terre des Gevrgiens , Car Tan eft un an-
cien mot Celte qui fignifie un pays, & ce mot
S'eft confervé par tout l'Orient , où l’on dit le
Curdiffan | l'Indoflan , &c, pour exprimer la
Terre des Curdes , celle des Indiens , &c. Nous
découvrimes d’abord plufieurs villages aflez con-
idérables ; mais route cette belle campagne ne
prie pasun feul arbre , & l’on eft obligé de
âler de la bouze de vache. Les bœufs y font
tres-frequens , & on les y éleve autant pour cet
ilage, que pour en manger la chair. On en at-
tele jufques à 14. où 15. paires à une charruë
Pour labourer la terre. Chaque paire a fon hom-
Me qui la conduit, morité comme un poitillon ;
tous ces poftillons qui crient à chaque pas com-
me les matelots qui font une manœuvre, for
ment enfemble un chativari épouvantable. Nous
étions faits à ce mariége depuis Erzeron. Ce n'ele
Pas apparemment de ces cerres de Georgie de pt.
156 “ii Re r 407
parle Strabon , que l’on effleuroit feulement avec
une charruë de bois , bien loin d’y employer le
C'eft un excellent pays que la Georgie. Dès
qu'on cft fur les rerres du Roy de Perle , on vient
vous prefenter toutes fortes de provifions , pain,
vin, poules, cochons , agneaux , moutons. On
s'adreffe fur tout aux Francs avec un vifage riant,
au lieuqu'en Turquie on ne voir que des gens
ferieux qui vous mefurent gravement .depuis les
pieds jufques à la refle, Ce qui nous furprit le
plus ,c’eft que les Georgiens méprifent l'argent
&. ne veulent pas vendre leurs denrées. Ils ne les
donnent.pas non plus , mais ils les troquent pour
des brafelets , des bagues , des coliers de verre,
de petits couteaux , des aiguilles ou des epingles.
Les filles fe croyent plus belles quand elles ont
cinq ou fix coliers pendus au col , qui leur rom
bent {ur Ja gorge ; elles en ont aufli les oreilles
garnies , cependant rouc cela fait un aflez vilain
cpalage. Nous dépliämes donc nôtre mercerie
le gazon ; & comme nous étions avertis de leurs
manicres , nous ayions employé dix écus à Erzer
ron en rocailles, comme ils difenc c’eft à dire
enemauxde Venife qui font tous femblables à
ceux de Nevers, Ces rocailles nous produifirent
le centuple , mais il ne faur pas trop s’en charger,
car onne s’en deffait que par troc , & ces Er0€s
s néceflaires à la
vie , & pendant deux journées feulement ; com-
fi les an i G |
mœurs font tres-fimples. 1ls ne fe fervent d'aucur
pu LFrvANT, Lettre XVIII .1$$
ne monnoye , d’aucun poids , d'aucune mefure ,
à peine {çavent-ils compter au-delà de cent. Tour
fe fair chez eux par échange. Nous confiimes
donc nôtre petit tréfor à ces bonnes gens ; ils
prirent ce qui leur plûüt , mais aflurémenc ils
n’abuférent pas de la confiance que nous avions
en eux, Ils nous donnoient une poule grofle com.
me un dindon ; pour un colier de fix blancs , &
une grande mefure de vis pour des braffelers de
dix-huit deniers. Les cochons s’y promenoient en
Jes Perfans fchifmatiques , & les Georgiens inf-
qu'ils mangent fans roule la
le monde, Les femmes avec qui nous troq
nOs émaux , n’avoient rien de defagréable , Sel
ailoit plaific , mais après tout elles
belles ni fbien faires qu'Qn. dis.
$6.
1 V
fouvent parfumé à la vapeur des bouzes de vache,
celles qui font dans les villes n’ont rien d’extraor-
- dinaïre non plus , ainfije crois qu’il m’eft permis
“de m'infcrire en faux contre les defcriptions que
la plufpart des voyageurs en ont faices. Nous en
fimes convenir les Capucins de Teflis , qui con-
noiflent mieux le pays que les étrangers , & qui
n'ont jamais pù perfuader à ces femmes de fe defa-
er du vilain fard dont elles couvrent leur vifage
pour conferver les anciennes coûtumes du pays.
On nous afflura qu'on enlevoit les plus belles fil
les dés l’âge fix où fept ans pour les tranfporter à
ifpaham , ou en Turquie ; les parens & les meil.
leurs amis de la maifon fe mélent fouvent de ce
commerce, Pour éviter cet inconvénient , on les
marie à 7, ou 8. ans, ou bien on les enferme dans
dés couvents ; ainfi les lorgnettes que nous avions
apportées de Paris nous furent tout-à-faic inuti-
es, & l’on avoit apparemment enlevé depuis peu
cequ'il y avoir de plus joli dans le pays. Voici le
portrait d’une Georgienne qui nous: parut aflez
gracieufe, De tout temps, pour ainf dire, on
a enlevé ce qu’il y avoit de ‘belles perfonnes dans
le pays. Zonare remarque qu’on y prenoit par of
dre du Roy les beaux garçons pour les faire Eu-
nuques & les vendre enfuice aux Grecs ; mais pouf .
appaifer les féditions ilen coutoic fouvent la vie
auxperes,
Ge qu'il y 2 de plus édifiant fur la frontiere de
Georgie, c'eft qu’on ne demande rien aux étran-
gers. On peut entrer & fortir quand on veut des
terres du Roy de Perfe , fans demander permif-
fion à qui que ce foit. Les marchands de notre
Caravane , qui avoit un peu groffi en chemin»
nous affüroient que non. feulement on traicoit ref-
ni
matt cor LE dé
CL PPT LL LIL LL LL (2
ROLL LL LL st | pa
FE) 277777777777)
_ LC
777 ST
LEVANT. Lettre XVIII xs}
étueufement les Francs , mais qu’on les regar-
loit avec crainte & véneration quand ils avoient
des chapeaux & des jufte-au.corps ; au lieu qu’on
les lapideroit en Turquie s’ils marchoient en pa-
reil équipage, On n’exige que des droits fort mo-
diques fur les marchandifes qui entrent en Perfe,
Nous pañâmes, {ur cette frontiere, la riviere
d’Arpagi, laquelle vient de Cars , où pour mieux
dire dans laquelle fe jette la riviere de Cars , com-
me on l’a dit ci-devant. L’Arpagi va fe rendre
dans l’Araxe , l’Araxe fe joint au Kur , & la mer
Cafpienne recoit toutes ces differentes eaux. L'Ar-
Pagi-pafle pour une des rivieres des plus poiflon-
neufes du pays ; quelques-uns prétendenr qu’elle
{ert de frontiere aux deux Empires : mais ce n’elt
pas à nous à en décider , en tout cas il ne s’agit que
d’un quart de lieué de rerrein.
On monta à cheval le 17. Juillet à trois heu- :
res & demi du matin, & l’on campa fur les dix
heures dans une grande plaine , après avoir paflé
ur des montagnes aflez hautes , où le froid fe
failoit fentir vigoureufement. Tout le pays eft
erbu , mais les arbres en font bannis depuis
long-temps. Parmi les Plantes que nous y obfer.
vâmes , on découvrir une efpece d’ Aconir fembia-
ble à celui que l’on appelle Täeloup. Lestiges
de celle dont nous parlons forment une pyramide
de fleurs ; haute d'environ un pied & demi. Cha-
que fleur eft blanche. Le cafque qui a 15.lignes
de haut,eft arrondi par le bout & large de trois li-
gnes.Les croffes font purpurines.On voit, fur quel-
ques pieds , des fleurs qui tirent fur le blanc-fale.
Le 18. Juillet nous partimes à quatre heures
demi , & nous marchâmes jufques à midi. Le
nent des payfages nous furprit f
+
is : Vovyace# |
blement , que nous crütnées tre arrivez dans üh
nouveau monde, Ce n’éroit que Bois de haure fus
taye entremélez de taillis , parmi lefquels s’éle-
voient des Chefnes ; des Heltres, des Ormeaux ;
des Tilleuls , des Erables , dés Frefnes , des Char-
mes à grande & pétite feüille. Oh y diftinguoic
des Epines blanches , des Sureaux & des lébles:
Les Noïfetiers , les Poiriers , les Pruniers, les
Pomtmiers , les Framboificrs & les Fraifiers n’ÿ
étoient pas rarès. Qui fe fetoit attendu à voir de
fi belles choles ? On méiflonnoit le bled dans le
fond dé la vallée où nous campâmes, Nous com-
mençames à voit des vignes ce jotir-là, mais quoi-
que le vin ne füt pas bon ; on pouvoïit le regar-
der comme du Neétär en comparaifon de celui
que l’on boit à Erzeron. Lé ab du lendemain
ne fût pas moins agtéable ; car depuis trois heu-
res da matin jufques à dix, nous tarchâmes dans
tne vallée qui , quoi qu'éttoite & efcarpée ; éroit
néanmoins charmänte par fa verdure & par fes
differens points de veüe. Les habitariotis font dans
le fond ou à mi-côre, les bois en occupent les
hauteurs ; tout le refte eft repli de vignobles &
de vergers naturels , où les Noyers ; les Abrito-
tiers ; fe Pefchers, les Pruniers, les Poiriers & les
Pomimiers viennent d'eux: mémés. Si cette vallée
n’eft pas celle que Procope décrit entre le paÿs
des Tzans & la Perfe-armenié , on ne peut pas
douter que ce he foit un de cès quartiers de lé
Georgie où ; fuivant Strabot , abondent routes
fortes de fruits que la terté y produit fans cultu-
re. On n’y donne aucune façoi, dit cer auteur, à la
vigne fi ce n’eft qu'on la caille ous les cinq ans,
Après avoir pale le pays des Tzañs ; füivan Pro-
cope; on entre dans une vallée proforide ; efcat
Cassida Orientalis Chamaædry os fol,
: flore duteo Coroll. Inst.Rei herb. u.
pu LEvANT. Lerrre XVIII 155
pée , qui eft des appartenänces du Mont Cæica.
le, bien peuplée, où l’on mange de toutes les
fortes de fruits que l’on péut foulraiter enautom-
he. Élle eft pleine de vignes & fe termine, après
trois journées de chemin, pat la Perfe-armenie;
Ce qu'il y a de certain, c’eft que nous n'étiôns pas
éloignez du Mont - Caucale: Les montagnes qui
s'étendent depuis Cars jufques à Teflis& vers la
mer Cafpienne font proprement les Monts Mof-
chiques des anciens, leflquels fuivant Strabon ;
occupent l’Armenie jufqués chez les Iberiens &
les Albarois. Quoiqu'il eñ foir, cerce belle val:
lée dont on vient de parler; finit pat uné grande
plaine affez bien cultivéé où paffe uné riviere cou
fidérable qui defcend des ioñragnés & qui fuivant
ce qu’on nous dit , va du côté de Teflis fe jettet
dans le Kur. On péut propofer comme uñ doute;
fi ce n'eft pas la riviére qué Strabon appelle 4x.
gos. Tout fe paÿs eft fertile én belles Plantes. Vois
ci une efpece k Caffida qüé (a eur jaune & fes
feuilles découpées , cotfitne /4 Germandrée , dile
tinguent de toutes lés efpecés de ce genre.
Sa racine qui eft foullatre, duré, ligneule,
relevée quelquefois en maniéré de tubéteule &
garnie de fibres chévelués ; pouife dés riges cout<
bées fur terte , puis rédeil, lefquellés fe mule
tiplient facilement par des bouquérs de fibres dans
les eridroits où elles s'appuyent fur tèrre, Ces tia
ges font hautes d'environ huit pouces , branchuë
és le bas , épailfes d’une ligne , dures , touffués,
accompagnées de feuilles deux à deux , longues d8
huit ou neuf lignes fur quatre ou cinq pouces de
large , vert-brun , mais blanches en dedans , dés
coupées comme celles de Ja Germañdrée , foutts
nuës par uné quele de crois où quatre lignes de
160 Li ; A
long. Elles diminüenr jufques vers la fominité ;
& ces fommitez fe terminenc en épi long d'un
pouce & demi , garni de feuilles vert-pâle, lon-
gues de fept ou huit lignes ; pointués , ferrées ,
mais point ou peu creniées. Des aiflelles de ces
feüilles naiffent des fleurs jaunes hautes d'environ
15. lignes , rétrecies en tuyau coudé tout au bas,
lequel n’a qu’une ligne de diametre ; miais evalées
enfuire & déconpées en deux levres. La fuperieu-
re eft un cafque haut de 4. lignes ; garni de deux
perices aifles jaune-verdâtre ; la levré inferieure
eft jaune mr ; longue de troïs lignes, echan:
crée , & qui approche en quelque maniére de la
figure d’un cœur, Le calice n’a que deux lignes
de haut , partagé en deux levres ; dont la plus
élevée reprefente üne coque ; au fond de laquelle
ft un piftile à 4. embryons farmonté par un filet
courbe, allongé & partagé dans le calque de là
fleur. Toute A plante eft amere. Elle aime là
terre grafle &.le chaud. On l'éleve facilement …
au. Jardin du Roy & dans les Jardins de Ho
lande où je l'ai. communiquée à nos amis. |
Nous marchâmes route la nuit du 20. Juillet &
n’arrivämes à Teflis que fur le midi, après nous
être repolez pendant une heure , à trois milles ”
de la ville fur une montagne affez agréable. Les
yoituriers partent ordinairement pendant la nuit
pour éviter les courriers des Princes Perfans ; lef-
uels pour achever leurs courfes font en pores
de prendre les chevaux qu'ils trouvent fur les
grands chemins,n'épargnant que ceux dés Frame
car ils croiroient, violet le droit d’hofpiralité s'ils
les trairotent de même que les gens du paÿ$- dt
me iln'y a point de poftes éréblies , & 4 rs
courriers font cenfez courir pour affaires °°
VAE fequencés |
pu LEvaANT. Lettre XVIII. :x6x
-féquence , on ne trouve pas mauvais qu’ils fe fer-
vent des chevaux des particuliers ; de maniére que
les courriers démontez font obligez de s’en aller
à pied jufques à ce qu’ils ayent ratrappé leur mon-
ture. Cette mode eft un peu incivile ; mais
c'eft l’ufage & il fereit dangereux de s’y op-
pofer. Fe
Après avoir paffé par des pays aflez plats, on
s'engage dans des défilez efcarpez en approchant
de Teflis. Cette ville eft fur la pente d’une mon-
tagne toute pelée , dans une vallée affez étroite à
cinq journées de lamer Cafpienne, & à fix de la
mer Noire , quoique les Caravanes en comptent
le double, Teflis ou Tiflis eft aujourd’hui la capi-
tale de la Georgie , connué par les anciens fous
les noms d’Jberie & d’ Albanie Pline & Pomponius
Mela font menrion des peuples appellez Gevrgi.
Peut-être que la Georgie en a retenu le nom,
peut-être aufli que les Grecs les appelloient Geor-
gi; comme qui diroit de bons Labourewrs. Les
Iberiens ; comme nous l’apprend Dion Caflius ,
habitoient les terres qui font en-deçà & en-delà
du fleuve Kur , voilins parconféquent des Ar=
Meniens du côté du Couchant , & des Albanois
u côté du Levant ; car ceux-ci occupoient les
terres qui font audela du Kur jufques à la imer
Ca Pienne, Ces Iberiens , peuples fort aguerris ,
fe déclarérenr contre Lucullus pour foûenir Mi-
thridate & Tigrane fon gendre. Plutarque re-
Marque qu'ils n'avoient jamais été foumis , ni
aux Medes, ni aux Perfes, ni même au grand.
Alexandre ; néanmoins ils furent battus par Pom-
qui s’avança jufques à trois journées de la
Mer Cafpienne , mais il ne püt la voir , quelque
SAvie qu'il en cûe , à caufe que tout le pays érois
Tome IIE L
162 MY AGE
couvert de Serpens dont lés morfures étoieñt
mortelles. Artoces qui regnoit alors chez les
Iberiens , tâcha d’amufer Pompée fous prétexté
de
de rechercher fon amitié ; mais Pompéé entré
dans fes terres, & s’en vint à Acropolis où Île
Roy tenoit fa Cour. Artoces furpris Sc Cpouvan-
cé s'enfuit audelà du Kur & brüla le Pont. Fout
fe foûmit aux Romains, qui par là fe rendirent
les maîtres d’une dés principales gorges du Mont
Caucale, Pompce y laifla des garnilons & ache+
va de foûmertre lé pays qui eftlelong du Kur:
Ne peut-on pas conjeéturer que Tefus eft lan-
cienne ville d’Avropolis capitale de l’Iberie fur
le fleuve Kur ? le nom & la fituarion de eette
ville favorifent tout-asfair certe penfée, :
Pompée fans vouloir écoûütér aucunes propo”
7
ficions de paix, pourfuivic & vainquit Artoces
C'eft apparemment de ce combat dont parle Plu-
tarque dans la vie de cet illuftre Romaïn ; où:
aflüre qu’il refta neuf mille 1beriens fur la pla
ce, & que l'on fit plus de dix mille prifonniers: ;
C'eft auifi ce même Artoces qui ; po nir
ur
la paix, envoya à Pompée fon lit; fa table & La 6
{elle de fon cheval, Quoique routes ces pieces
fuflent d’or ; Pompée quine voulut écoûter au*
cun accommodement qu'il n'eût reçà le fils du
U
appelle Arrocns le Roy d'Iberie ; Eutrope
Roy pour étage, ordonna aux Quefteurs de Par
mée de Les mettre dans le Tréfor public: mA |
hace , 8e Sextus Rufus le nomme Arface. Ca
hidius Craflus Lieutenant de M. Antoine ren
recomiiandable le nom de ce Général das E ;
Mônt Caucafe , pour me fervikdes te Rae TS
Piurarque. Canidius entra dans liberie F'fube
même endroic que Pompée. Suivant Dion il
pu LevAnT, Lettre XVIII, 163
jugua Pharnabaze Roy d'Iberie , & Zobere Roy
d'Albanie ; le même hiitorien rapporte que l’'Em-
péreur Claude rendir Plberie à un de fes Roys -
appellé Michridare. Ce nom a été commun à
plufeurs Roys du Pont, du Bofphore Cimme-
rien , & d’Iberie. Mithridate dont nous parlons
far dépoñledé & tué par fon frere Pharafmane ;
mais tous ces changemens nous intereflent peu.
Celui qu’on y fit fousie grand Conftantin merite
qu’on y fañle plus d'attention,
Dieu permit que les Iberiens , que nous con-
ñoiflons aujourd’hui fous le nom de Georgiens,
faflent éclairez de la vraye Foy par le miniftere
d’une efclave Chrétienne. Elle les convertit par
fes miracles, & guerit leur Roy d’une fuffufon |
de lui furvint aux yeux dans le remps qu’il chaf-
oit, Socrate ajoûte que les, nouveaux convertis
demandérént des Evêques à Conftantin pour fe
fire inftruire ; & Procope aflüre que c’étoient
lés meilleurs Chrétiens de leur remps. Gyrgene,
un de leurs Roys, preilé par Cavade, Roy de.
Perle , de fe conformer à fa religion , implora
le fecours de l'Empereur Juftin qui avoit fucce-
lé à Anaftafe, & cette affaire alluma la guerre
entre les deux Empires. Un autre de leurs Roys,
nommé Zanabarzé ; vint-à Conitantinople du
remps de Juftinien pour s'y faire baptiler avec
fà femme ; fes enfans ; & plufieurs Seigneurs de
fa Cour. L'Empereur lui donna de grandes mar-
ques d’eftime & d’amitié. :
À prefent tout eft bien changé. Le Prince de
rgie, qui proprement weft que le Gouver-
neur du pays , doit être Mahometan , car le Roy
de Perfe ne donne point ce Gouvernement à un
Seigneur d’une religion differente des fienne,
1}
,
2
si
164 Vovacez er
Le Prince de Teflis s’appelloit Heraclée, dans
le temps que nous y étions , il étoir du Rite Grec,
mais on l’obligea de fe faire cinconcire, On dit
que ce malheureux profefloir les deux religions,
car il alloit à la Mofquée , & venoit à la Melle
chez les Capucins où il beuvoir à la fanté de Sa …
Saintoté, C'écoit le-Prince du monde le plus ins …
conftant & le plus indéterminé ; on lui failoit
changer de fentiment plufeurs fois tout de fuite
far les affaires les plus claires : en voici un exem=.
ple à l'égard d’un fcelerat , qui fuivant le juges
ment de tout le monde mériroit plus que la morts 2
s’il eft poffible d’ôter aux hornmes quelque chole
de plus précieux que la vie, Un Scigneur vint
lui réprefenter l’énormité des crimes de cethomz
me ; le Prince ordonna fur le champ qu'on lui
coupât La main dont il s’étoic fervi pour vuer les
autres ; mais une Dame ayant imploré fa clemen-
ce , l’aflüra que lesenfans de ce malheureux mour-
roient de faim fi le pere perdoir la main qui ga
gnoit leur vie ; l’ordre fut révoqué d’abord. Un
Courtifan fit connoître après cela au Prince , que
pour le bien public cet homme meritoit la mort.
Qu'on l’éxecute donc , dit Heraclée. La femme
du criminel vint enfunte fe jetter à {es pieds;qu'on
füfpende l’éxecuéion , dit-il : Après que cette
emme fe fur retirée, un Favori du Prince Qui
réprefenta’ qu’on perdroit le refpeét qu'on lui des
voit , s’il pardonnoit de femblables crimes ; qu'on
le punille, s'écria-t-il : Pour lors le bourreau €
prit au mot & coupa la main au criminel; mas
Le Prince , à la follicirarion d'un autre Favori *
quiles parens du fëlerat avoient fair quelque
nl
prefent ; priva le bourreau de deux villes qui
polfedoir , pärce qu'il n’avoic pas arcendu fa dé
pu LEVANT. Lettre NV'IIT, 16%
“hiere volonté. Les bourreaux en Gcorgie font
fort riches , & les gens de qualité y exercent cet-
te charge ; bien loin qu’elle foit réputée infime,
comme dans tout le refte du monde, c’eft un titre
glorieux en ce pays-là pour les familles, On s’y
vante d’avoir eû plufieurs bourreaux parmi fes
ancêtres, & ils fe fondent fur le principe qu'il
n'ya rien defi beau que d’éxecuter la Juftice,
fans laquelle on ne fçauroit vivre en füreté.
Voilà une maxime bien digne des Georgiens.
La Georgie eft un pays fort tranquille au-
jourd’hui , mais elle à Rivi plufñeurs fois de
theatre à la guerre entre Les Turcs & les Perfes.
Muftapha Pacha qui comimandoit l’armée de
Sultan Mourat , prit Teflis én 1578, Il mit tout
le pays à feu & à hnë , & ficpaller à Conftanti-
nople les deux fils de la Reyne de Georgie , dont
l'un fe fit Mahometan , & l’autre mourut Chyé-
tien, Les Perfes cependant vinrent au fecours
es Georgiens, & il refta dans une bataille foi-
Xante & dix mille Turcs fur la place. La guerre
S'y ralluma encore en 1583. mais les Turcs y
furent toûjours battus. M° Chardin décrit fort
°4 long par quels évenemens la Georgie eft paf-
te fous la domination des Perfes, on peut Îe
Confulter à-deffus, car cet auteur paroit fort
Cxat ; mais je le crouve trop prévenu en faveur
des Georgiennes, ie
Le Prince de- Georgie à plus de fix cens 78.
Pnans de reñté, fuivant la maniére de compter
du Pays ; un Toman vaut 121. ecus & demi ro-
mans qui font 18, Aflanis où Abouquels , ce
Re des écus que l’on frappe en Hollande ‘pour
# Levant, Les Orientaux les nomment Aflanis ,
* cafe de la figure du Lion qu'ils appellenc
L ii
4
Je nom d’Abouquel. Les revenus du Princé con-
266 115 "07 Voir 4:65: 1:
Aflan, Cette monnoye eft connuë en Egypte fous
fifient en une penfon de 3co. Tomans quele
Roy lui fait , & en ce qu’il retire ou de la Doïüan-
ne de Teflis ou des entrées de l'Eau de vie & des
Melons ; le tout va à près de 500. Tomans, fans
compter ce qu'il exige fous prétexte de régaler
les Grands qui pañfenc par Teflis. Le pays li
fournit des moutons , de la cire, du beurre & du
vin, Pour les moutons il en retire. un par an dé
chaque feu, ce qui faitle nombre de 40. mille
moutons ; car quoiqu'il y ait foixante mille feux
en Georgie, on ne nourrit des troupeaux que
dans quarante mille. maifons. À l'égard du vins
on. en donne quatre mille fommes au Prince;
une fomme pelc quarante Barmans , le Batman
eft de fix oques. |
Les Sequins de Venile , qui ont cours par tout
POrienr , valent dans Teflis fix Abagis chacun
& trois Chaonris où Sains. Le Sequin vaut fept
livres dix fols monnoye de France , ainfi l'Abagi
vaut environ vingt & deux fois ; quatre Chaou-
ris font un Abagi, Cette monnoye femble avoit
retenu le nom; de ces anciens peuples d’Iberie
qu'on appelloir. Abafgiens. Il eft vrai qu'on écrit
Abafli , quoiqu'on prononce Abagi , c’eft ne ire
monnoye frappée au nom du Roy Abas. Ainfile
Chaouri revient à $, fols 6. deniers ; Ub Vfaltor
vaut demi Abagi ou deux Chaouris , c’eft à dire
11. fols. Un Chaouri ou Sain vaut 10. 4fprts
de cuivre on Carbequis , dont 40. fonc un Abagi«
Enfin une Piaftre vaut dix Chaouris &.demi.
. Les Gcorgiens & les Armeniens payent la Ca-
pitation au Roy de Perfe fur le pied de fix Aba-
gis par tête. Cerre Capitation af affermée a"
pu LEvANT. Lettre XVIIE 167
Tomans. On prefente au Roy en hommage qua-
tre Faucons tous les ans , fepc efclaves tous les
trois ans , & vingt-quatre charges de vin ; mais
on ne laifle pas de lui en envoyer beaucoup plus;
outre cela la plüpart des belles filles du pays fonc
deftinées pour bn Serrail. Les Georgiens fonc
grands yvrognes & boivent plus d’eau de vie que
de vin ; les femmes pouflent cette débauche plus
loin que les hommes ; on peut juger par là f elles
font cruelles. C’eft peut-être cer exces d’yvrogne-
rie qui a pâté le beau fang de Georgie , car rien
nc contribué plus à faire de beaux enfans , que la
vie regléc , & c’eft pour cette raifon que le fang
et fort beau en Turquie, On y voit peu de boi-
teux & peu d’eftropiez , fur-cout dans Îles pays
qui font un peu avant dans Les terres où les Francs
ne {éjournent pas ; car on accufe ces derniers
d'incontinence par tout oùils en trouvent l'oc-
Cafion, Fa :
La débauche eft grande dans Teflis parmi les
Chrêtiens ; il eft vrai qu'ils ne font Chrérigns que
de nom : d’ailleurs les Mahometans & les Juifs
”'y vivent pas plus reouliérement, Le vin cit la
fource de tous ces defordres ; il faudroit par poli-
tique en défendre l’ufage à ceux qui fe portent
in, & ne le permertre qu'aux malades. Char
din à remarqué avec raifon, qu’il y a peu de pays
où l'on boivé tant de vin qu'eh Georgie ; pauvres
& riches tour lé monde en prend avec excés ; ces
débauches leur font fupporter plus doucement le
joug des Seigneurs qui les traitent avec tyrannie.
Non feulement ilsles font travailler à coups de
ton & enlevent leurs enfans pour les vendre à
leurs voifins , quand ils ont befoin d'argent; mais
ils prérendent avoir droit de vie & de mort fur
iii
168 » VOYAGE .
leurs fujets, Le vin gris de Georgie cf
. celui que l’on fournit à la Cour de Per
vin rouge qui approché de celui de
mais ikeft encore plus fumeux & pl
Les vignes naiffent en ce pays-là aurour des
bres, & grimpent audeflus comme en, Pin
& en plufieurséndroits de Caralogne. E
hometans boivent du vin , ou s’en pañlent fu
le goût du Roy. Si le Prince ne l'aime point
leur eft défendu d’en boire ; mais ils fouftrer
impatiemment , en ce dernier cas, d'être
gez de s’accommoder au goût de la Cour,
Teflis eft une ville aflez grande & bien peuplée
les maifons font baffes , mal éclairées, & bâties
at
ordinairement de boüe & de briques Fe c’eft encore +
bien pis dans le refte de la Province où elles n
répondent plus à la peinture que Strabon en a fat
te, Laplus grande partie de l’Iberie , dit-il CL
bien habitée : on y voit de gros bourgs € des MA.
Jons couvertes de briques ; l'architeilure en ef bien
entendue , de même que celle des Edifices i6s
des Places. Aujourd'hui
flis ne font gueres plus haures que celles denos
Jardins , & les ruës font mal payées. ‘La Citadcle ;
le cft au haut de la ville dansune belle firuations
mais l'enceinte qui en eft prefque ruinée , nel
s. Toute
les murailles de Le-
défendué que par de mauvaifes Tours. To:
pin confifte en quelques malheuren
ans Mahometans qui font payez
pe Ils y logent av fam
Çavent gueres manier les ‘armes.
4 des malheureux chargez
ourfuivis pour crimes:
Re: “4 EE belle. fpaciei
çhé , on y vend les rcill-ur
ve" 14
2°p oondr)
“S'ITLALHL
NPADO
pu LEVANT. Lettre XVIII 169
Quand on vient d'Hifpaham à Teflis, il faut en-
‘gter par la Citadelle ; ainfi le Prince de Georgie,
qui , fuivant la coûtume de Perfe, doit aller re-
cevoir les prefens & les ordres du Roy hors de
la ville , fe trouve obligé de pafler au havre de
cette Citadelle où le Gouverneur pourroit l’arré-
ter ailément s’il en avoit reçü l’ordre.
La ville s'étend du Midi au Nord. La Citadelle
ft au milieu. On en pourroit faire une Place
confidérable , car la côté de fa montagne fur la-
quelle elle eft firuée , eft fort efcarpée , & le fleu-
ve Kur qui pafle tout aulong n’eft pas guéable,
L’enceinte de la ville regne fur cetre côte & fait
une cfpece de quarré , dont les côtez defcendenr
jufques au fond de la vallée ; mais la moitié des
murailles font ruinées & ne valent pas cellesdu
Bois de Vincennes, quoiqu’en dife M Chardin.
Le Palais du Prince , qui eft au deffous de la Ci-
tadelle, eft fort ancien & aflez bien ordonné
pour le pays. Les Jardins , les Volieres , le Che-
nil , la Fauconnerie, la Place & le Bazar qui font
audevant,meritent qu’on y jerte les yeux.On nous
fit entrer dans un nouveau falon affez agréable,
quoiqu'il ne foit que de bois. left percé de tous
cotez & fermé par de grands carreaux de verre
bleu , jaune , grifdelin, &c On ya iis quel-
ques glaces de Venife.; mais perices & qui n’ap-
prochent pas de la beauté de celles de Paris. Le
plafond cft à compartimens de cuir doré, On
nous affüra que l'appartement des femmes éroic:
encore plus beau ; je ne {çai par quelle avanrure
clef s’en trouva égarce, cependant on paroif=
foit avoir bonne envie de nous le” faire voir. La
Cour toit à la campagne dans ce temps-là, Le
Prince ne fe portoit pas trop bien à qu'on
170 VOyrAG#
diloit ; & ce fut unc des principales raifons qui.
nous obligea à partir de Teflis, de peur qu'ilne
Jui prit envie de nous retenir auprès de lui pour
prendre foin de fa fanté , comme cela arrive quel-
quefois dans le Levant, He
- Du Palais nous allâmes voir les Bains qui n’en
fonc pas élaignez. Ce font de belles fources dont
la chaleur eft fupportable à peu près comme celle
des caux d’Elifa auprès d'Erzeron. Dans les Bains
de Teflis il y à de Feau tiéde & de la froide , ou-
tre la chaude, Ces Bains font bien entretenus &
font prefque tout le divertiffement des Bourgeois
de la ville, Leur plus grand commerce eft en four-
turcs que l’on envoye en Perfe ou à Erzeron pour
Conftantinople. La Soye du pays, de même que
celles de Schaïmaxi & de Gangel , ne paflent
point par Teflis, pour éviter les droits exceflifs
qu'on y feroit payer. Les Armeniens vont l'a-
cheter fur les lieux & la font porter à Smyrne ou
aux autres Echelles de la Mediterranée , pour la
vendre aux Francs. Onenvoye tous les ans plus
de deux mille charges de Chameaux, des environs
de Teflis & du refte de la Georgie, à Erzeron
de la racine appellée Bois. D'Erzeron elle pafle
dans le Dinhequié où l'on l’employe à teindre
des toiles que l’on y fabrique pour la Pologne.
- La Georgic fournit aufli beaucoup de la même
racine pour-l’indoftan où lon fait les plus belles
toiles peintes. Nousne manquâmes pas de nous
aller promener au Bazar de Téflis dans lequel
on voit toutes fortes de fruits, & fur-rout des
Prunes, & d'excellentes Poires de Bon Chrérien
d'Eté, Nous allämes auffi nous promener à la
mailon de campagne du Prince, qui eft dans le
fauxbourg par où on arrive de Turquie, Cette
maifon eft diftinguce par une eftrapade qui eft
audevant de Ja porte ; les Jardins y font beau-
coup mieux planrez & mieux ordonnez que ceux
de Turquie. C’eft dans ces Jardins que nous vi.
mes avec admiration cette belle efpece dé Perf.
Caire à feuilles de Tabac, dont j'ay donné la’ f-
gure.& la defcription dans un volume de PA
toire de lAcademie Royale des Sciences. M' Com-
melin en a fair mention dans {on Traité des Plan-
tes Rares. Comme la graine n'étoit pas meure
pour lors | nous prièmes un Capucin Italien qui
avoit fini fa Miffion à Teflis, & qui devoit s'en
fevenir par Smyrne , d'en amaller dans le temps;
ce Pere l’a communiquée , comme nous , aux cu-
rieux de Hollande & d’Angleterre. Nous en trou-
vâmes aufli dans les Jardins des Moines des Trois
… La maifon du Grand Vifir eft la plus belle de
la ville, A peine étoir-clle achevée quand nous
arrivâmes a Teflis. Les appartemens font en en-
lade > Mais bas, à la mode du pays, avec des
frizes de fleurs qui font d'un aflez mauvais goût,
de même que les tableaux d’hiftoire , dont les
figures font mal deflinées , mal colorées, & en-
core plus mal groupes. Les Perfans , quoique
Mahometans , fe fervent de tableaux , & l’on
Peinc à frefque dans Teflis fur le plàtre gaché ,
‘une maniere qui n'eft pas défagréable. Le plà-
tre y eft forr commun, aufli-bien que le bois,
quoiqu’on y brûle ordinairément de la bouze de
Vache, On_croit qu’il y a environ vingt mille
Mes dans la ville , [çavoir quatorze mille Arme-
Biens , trois mille Mahometans, deux mille Geor-.
Siens & cinq cens Catholiques Romains, Ces.
Xerniers font des Armeniens convertis , enne mis
LevANT. Lettre XVIII 72
292 VOTACSE :
déclarez des autres Armeniens ; les Capucins Ita:
liens n'ont jamais pü les réconcilier enfemble.
Nous logeâmes chez ces bons Peres qui font
ort aimez en Georgie où ils font les medecins des
corps & des ames, Ils n’y manquent pas d’occu-
pation, car ils ne {ont que trois, c’eft a dire deux
Peres & un Frere, La Congrégation de la Propa-
ganda ne leur donne prefenrement que 25. écus
romains par tête , qui valent cent livres de Fran:
ce ; mais on leur perinet d'exercer la Medecine,
laquelle on fuppole qu’ils favenr , quoique pour
tant ils n’en ayent que de tres-legers principes.
Si le malade meurt, ou s’il ne guerit pas, les
Medecins ne font point payez ; s'il gucrit ; ce
qui arrive par hazard , on envoye du vi au Cou-
vent , des vaches, des efclaves, des moutons ,
&c, Leur Couvent eft joli ; ils y reçoivent pref-
que tous les Francs qui palfent par Teflis, &
Icur hofpice appartient aux P. Capucins de la
Romagne. Le Superieur de la Maïfon prend la
qualité de Prefet des Miffions de Georgie: Les
Theatins qui éroient dans la Colchide où Men:
grelie recevoient de la même Congrégarion cent
écus par têre, & ils éroienc devenus Seigneurs
d'une ville, Il n’y a plus à prefent quan feul de
leurs Peres qui y fafle fa réfidencé , les autres fe
font retirez. Le Patriarche ou Metropolitain des
Georgiens reconnoît le Patriarche d'Alexandrie »
& trous les deux conviennent que le Pape cit. lé
premier Patriarche du monde. Quand celui des
Georgiens vient chez les Capucins , il boit à la ‘
fanté du Pape ; maïs il ne veut pas le reconnoîtré
autrement, Le Roy de Perfe nomme le Patriarche
de Gcorgie fans éxiger aucun prefént ni argent.
Celui des Armeniens au contraire qui fe tient
DU LEvANT. Lettre XVIII. 17$
Erivan , dépenfe plus de vingc-mille écus en pres
fens pour obtenir {a nominetion , & fournit cha-
que année toute la cire qui fe biûle dans le Pa-
lais du Roy. Ce Patriarche eft fort méprilé à la
our , de même que les Armeniens ; on les re-
garde comme un troupeau d’efclaves qui ne fçau-
toient s’aguerrir ni fe révolter.
Le Roy de Perfe eft obligé de faire en Georgie
beaucoup plus de dépenfe , qu’il n'en retire de
profit, Pour maintenir dans fes interêts les Sei-
gneurs Gcorgiens , qui font les maîtres du pays,
% qui poutroïient fe donner aux Turcs, il les
Sratifñe de groffes penfons. Les Turcs les rece-
vroïient à bras ouverts, & les Georgiens qui font
gens bicn-faits & propres pour Îles armes, ont
d’ailleurs affez de penchant à éhanger de maître,
Avant que la Cour de Perfe für informée de leur
foulevement ; ils pourroient non feulement s’u.
Mr avec les Turcs, mais encore avec les Tartares
& les Curdes, 11 y a dans la Georgie une douzai-
ne de familles confidérables qui vivent en bonne
intelligence > Par rapport à léurs interêts com-
Muns, Elles font divibées en plufieurs branches ,
“S unes ont deux cens feux, les autres depuis
-inq cens , jufques à mille , deux mille , & même
il S'en trouve qui poffedent jufques à fepr où huit
Mille feux, Ces feux font autant de maifons qui
Compofent les villages, & chaque feu paye la
dixme à fon Seigneur, Chaque feu fournit un
homme Pendant la guerre ; maïs les foldats ne
font obligez de marcher que pendant dix jours,
Parce qu'ils ne peuvent porter des provifions que
Pour ce temps-là, & ils fe retirent quand elles
Viennent à manquer, (uppofé qu'on n'ait pas patr: Fe
Vu à leur entretien. he 00
Chacun peut faire de la poudre dans Tefis
pour fon ufage ; on y apporte le fouffre du Gan-
gel, & le nitre fe tire des montagnes voifines de
Teflis, Le {el foffile eft tres-commun fur leche-
min d'Etivan. L'huile d'Olive y éft fort chere;
on n'y mange & on n'y brûle que de l'huile de
Lin toutes les campagnes font couvertes de
cétre Plante ; maison ne là cultive que pour la
graine ; car on jette la tige fans la battre pour la
filer : quelle perte ? on en feroit les plus belles
toiles du monde ; peut-être aufli que ces toiles
feroient grand tort'à leur commerce de toiles de
coton. Le Kur porte la fertilité par toutes ces
campagnes ; il pafle au milieu dela Georgie, &
fa fource vient du Mont Caucafe; Strabon en a
bien connu le cours. Ce fur-là que les Roys d'I-
berie & d’Albanie ; comme dit Appien, f. mi-
rent en embufcade avec foixante & dix mille
hommes pour arrêter les progrés de Pompée;mais
ce Général refla un Hiver entier fur fes bords , &
tailla en pieces les Albanois qui oférent le paller
en fa prefence.. Ce fleuve en tecoit, plulieurs au-
tres , outre l’Araxe qui eft le plus grand de tous;
enfuite il fe jette dans la mer Cafpienne par dou-
ze embouchüres toutes navigables. Plurarque
doure fi le Kur fe mêle ayec l’Araxe ; mais lans
rapporter ici le fentiment des anciens Geogra”
phes , Olearius qui avoit été fur les lieux , nous
en aflüre dans {on Voyage de Mofcovie , de Tars
tarie Ÿ de Pere. 3
Pour finir ma lettre, Ms, je n’ai plus qu'à
vous entret:nir de ce que j'ai appris , fu£ les lieux;
touchant la religion des Georgiens, fuppolé je 4
on doive leur faire Phonneur de dire qu'ils en on
une, L ignorance & la fuperfticion regnent fi fort
Le
pu LEVANT. Lettre XV IIL 7ÿ
Parmi eux , que les Armeniens n’en fgavent pas
plus que les Grecs ; & les Grecs font aufli igno-
rans que les Mahometans. Ceux qu’on y appelle
Chrériens , font confifter toute leur religion à
bien jeûner , & fur-rout à obferver le grand Ca.
rême fi rigouréufement , que les Religieux de la
Re autoient peine à y rélifter. Cependant
non feulement pour l'exemple ;, mais encore pout
éviter le fcandale ; il faut que les pauvres Capu-
cins Italiens jeûnent fans neceflité aufli fouvent
& auf féverement que les gens du pays. Les
Georgiens font fi fuperftitieux , qu'ils fe feroienc
aptifet une feconde fois s'ils avoient rompu
leurs jeünés: Outre l'Evangile de Jefus-Chrift ;
ils ont leur petit Evangile qui court en manul-
crit chez eux ; & qui ne contient que des extra-
Yagances ; par exemgle , que 74#s-Chriff étant
enfant apprit le métier de Teinturier, G qu'étant
commandé par un Seigneur pour aller en commiffion
1! tarda trop à venir 3 furquoi ce Seigneur s'impa-
Héntant alla chez fon maître pour en apprendre des
vouvelles. Tefus-Chrift étant arrivé quelque temps
#pres , fut frappé par cet homme, mais le baton
dont il S'étoit feroi , fleurit fur le champ G ce mi-
racle fur La canfe de La converfion de ce Seigneur,&c«
Quand un Georgien vient à mourir, s'il ne
laifle pas beaucoup d’argent , comme c’eft l’or-
dinaire ; les heritiers font enlever deux ou trois
enfans de leurs vaffaux , & les vendent aux Maho-
ftans ; pour payer l’'Evèque Grec à qui on don-
ne jufques à cent écus pour une Mefle de mort.
Catholicos on VEyêque Armenien met fur la
Poitrine des morts de fon Rite, une lettre , par
laquelle il prie S, Pierre de leur ouvrir la porte.
du Paradis :enfuire on les met dans le fuaixe. Les
146 + VO Les: . ;
Mahometans en font autant pour Mahomet Quand
une perfonne de confidération eft malade , on
confulte les devins Gcorgiens ; Armenienis, Ma-
hometans : ces malh afflürentordinai é
qu'un tel faint ou qu’un tel prophete eft en co:
lere; que pour l’appaifer & pour guérir le malade,
il faut égorger un mouton & faire plufieurs croix
avec le fang de cet animal : après la céremonie
on er mange la viande , foit que le malade guie-
rifle où non, Les Mahiometans ont recours aux
faints Georgiens , les Georgiens aux faints Arme-
niens ; & quelquefois les Armeniens aux prophe-
tes Mahômétans ; mais ils font tous d'intelligence
pour fairé des frais aux malades, & fuivant l’in-
clination ou la devotion des parens; ils choififlent
leurs faints,
Les femmes & les filles font mieux inftruites
de leurs fuperftitions ; que les hommes. Onéle-
ve la plûpart des Georgiennes dans des Monafte-
res où elles apprennent à lire & à écrire. Elles y
font reçüés Novices, enfuite Profefles , apref-
quoi elles font les fonctions Autiales , comme
de baprifer & d'appliquer les faintes huiles. Leur
religion cit proprement un mélange de la Greque
& de l’Armenienne. Il y a quelques fenimes Ma-
hometanes dans Teflis qui font Catholiques en
fecrer, & celles-là font meilleures Catholiques
que les Georgiennes , parce qu’elles font bienin-
ftruites. La fille du Vifir, dans le temps que nous
y étions ; la femme du Medecin du Prince & que
ques autres , à ce que nous aflürerent les Capu-
cins, avoient été baptifées en {ecrer. Ces Re
gicux les confeffent & leur donnent la commu
nion en les vificanrchez elles ; fous prétexte de
eut douner des remedés pour des es fup=
poféess
L
bu LevanT, Lee XVIII i3#
Bolées, & elles viennent quelquefois dans leur
Églife où elles fe tiennent debout fans ofer don:
ner aucune marque de leur foy. Dans la dernieré
tévolte du Princé George , qui fit foulever tout
le pays contre le Roy de Perfe, il y a environ
vingt ans , Les foldats étoient logez chez les bour-
geois de Teflis, & même dans tes Eglifes Gre:
ques & Armeniennes ; mais on porta toñjours
beaucoup de refpe“t à l’Eglife Latine, où les
Mahomerans même demandoient par grace dé
pouvoir entret. À |
Il ya cinq Eglifes Greques dans Teflis , qüa-
tre dans la ville, & une dans le fauxbourg ; fept
Eglifes Armeniennes , deux Mofquées dans la Ci-
tadelle, & une troïfiéme qui eft abandonnée. La
Metropole des Armeniens s'appelle Sios , elle eft
audelà du Kur fur un rocher efcarpé ; le bâtiment
en eff tres folide , tout de pierre de taille, termi-
né par un dôme qui fait honneur à la Ville. Le
Tibilclé , cet ainfñ qu'on appelle l'Evèque de
Teflis , a fon logement tout auprès: Non feule-
ment les Eplifes des Chrétiens ont des cloches ;
Mais même des clochers fur le pointé defquels
la croix triomphe, C’eft une grande merveille
ans le Levant, Au contraire les MueXins où
Chantres Mahometans ; n’oferoient annoncer les
heures de leurs prieres dans les minarers des Mof:
quées de la Ciradelle ; car le peupie les Japides
rot. L’Eglife des Capucins eft petite ; mais elle
pes pas d’être aflez jolie quand elle fer
nie |
Je l'honneur d’être avec un profond refpeéty
c :
Tome II]: M
378 Yi Ni y 4 GE
SSSR DU RES RRRRS SSD
LETTRE XIE |
A Monftigneur Le Comte de Pontchartrain , Secre
taire d'Etat © des Commasdemens de Sa Ma-
»
jefte , ec.
—
FN
Voracr Il y a trop long-temps que nous nous prome-
des Trois nons dans le Paradis Terreftre , pour ne pas vous
Eglifes. rendre compte de nos découvertes. C'eft un
Deferis avantage que nous vous devons , & qui merite
prion du : sd “4
Monr Plus que des remercimens ordinaires ; mais il
Ararar & faudroïr vous rendre de nouvelles actions de gra-
nôtre re. ces dans toutes les Lettres que j’ay l'honneur de
Pa 4 vous écrire , fi vonsne me l'aviez expreffément
geron 3, ; +:
défendu. Pardonnez-moy donc , je vous fupplie,
pour certe fois en faveur du Paradis Terreftre.
Fefpere que ceux qui liront avec attention €€
que je vais en dire, conviendront que s’il ef
poflible de marqüer aujourd’hui endroit où
Adam & Eve ont pris naiflance , c’eft certaine-
ment le pays où nous fommes , ou du moins ce- :
lui d’où nous venons,
À la vericé s’il faut expliquer à la lettre * l'en-
droit où Moyfe parle de la fituation du Paradis
Terreftre , on n’a rien propolé qui paroifle d'a-
bord plus naturel que le fyfteme de M'Huet
ancien Evêque d’Avranche , l’un des plus Sça-
vans hommes de ce fiécle. Moyfe affüre que de
4 Genef. IL gerf.10. jufqnes à 15,
.. DU Levant Léttre XIX. 138
cé lieu de délices fortoit un Fleuve qui fe partas
geoit en quatre canaux , l'Eufrate ; le Tigre ; lé
Philon & le Gehon. Où trouvera-t-on en Afe ur
parcil fleuve ; fi cé n’eft celui des Arabes ; &'eft
à dire l'Eufrate joint au Tigre, & partagé en
ee grands canaux qui fe dégorgent dans lé
ein Perfique ? 11 femble donc que M° Huit à :
atisfait éntierement à la lettre, en plaçant lé
Paradis Terreftre dans ce lieu-là ; neaïmoiné fort
fyfteme ne fçauroit fe foûrenir ; puifqu'il paroît
par les * Geographes & les Hiftoriens Grecs &
Lacins , que non PAF lEufrate & le Tigre
couldient anciennemént dans des lits féparez ;
iais qu’on s’avifa de faire un canal de commu:
nication entre ces deux rivieres ; & qu’enfüite ;
par ordre des Roys de Babylone ; d'Alexandre lé
Grand |, & même de Trajan & de Severe ; on ér
tira plüfieurs canaux pout faciliter le commerce;
& rendre les campagnes plus fertiles, En forte
que l’ôn ne fcauroïc douter que les branches du
ficuve dés Arabes ne foient l'ouvrage des hôme
mes ; & par conféquéent il faut convenir qu’elles
n'écoient pas dans le Péradis Terreftre,
Les Cômmentateurs dela Genefe ; cétx id:
înes qui font les plus attachez à la lettre ; prétenz
dent que pour défigner le Paradis Terreftré ; il
n'eft pas réceffaire de trouver une fleuve qui fe
Partage en quatre canaux , parce que cela peut
être changé depuis le Délugé ; ils croyent qu'il
fuit de montrer les fources dés rivieres nonts
imées par Moyfe , fçavoit lEufrate ; le Tigre ;
* Plin.Hifk.oar,lib.6.c.26. ian. de Exped. Alex, Hb.3.
Polyb, Hit. “Ses _ En rp capa17-
°-Rerum Geogr, /ib.16. Ammian.Matc. Lib.24.64p.115
Appiao. de civil, bell. jé 2. Zoûm. lib, 3. Fig
1}
180 EE Voy : in
le Phifon & le Gehon, Dans ce fens-fà on ne
fauroit difconvenir que ce Paradis ne foit fur le
chemin d’Erzeron à Teflis , fuppofé qu’on puifle
prendre le Phafe pour le Phifon , & l’Araxe pour
le Gchon, comme ils n’en doutent pas. Ainf
pour ne pas éloigner le Paradis Terreftre des
fources de ces quatre rivieres, il. faut néceffai-
rement le placer dans ces belles vallées de Géor-
gie ; d’où l’on apporte toutes fortes.de fruits à |
Erzeron & defquelles nous avons parlé dans nô-
tre derniere lettre ; ou s’il eft permis de regar-
der le Paradis Terreftre comme un pays d’une
grande étenduë , lequel a confervé une partie de
{es beautez , malgré le Déluge & Îles change.
mens qui font arrivez fur la rerre depuis ce
temps là ; je ne vois pas de plus bel endroit,
poux défigner ce lieu merveilleux , que la cam-
pagne. des Trois Eglifes , éloignée d'environ
vingt lieües de France des fources de l’Eufrate &c
de l’Araxe , & de prefque autant de celles du
Phafe.. Pour en déterminer la circonférence, il
faut au moins lérendre jefques aux fources de
ces rivieres, Voilà pourquoi le Paradis Terreltre
-comprenoit l’ancienne Medie & une’ partie de
lArmenie & de l'Iberie. Si l’on trouve cet efpa-
ce trop étendu , on peut le réduire à une partie
de lIberie & de l’Armenie , c’eft à dire depuis Er-
zeron jufques à Teflis, car il eft hors de doute
que la plaine d’Erzeron , qui eft aux fources de L
l'Eufrate & de l’Araxe , devoit y être comprife.
Par rapport à la Paleftine, où quelques-uns ont
placé le Paradis Terreftre ; il me femble que c'eft
en vain qu’on voudioit faire quatre grandes ri-.
vicres du fleuve Jourdain, qui pour ainfi dire
n’eft qu'un ruiffeau : cette contrée. d'ailleurs et
pu Levanr. Lettre XYIXY. 181
che & pierreufe. Nos Sçavans en jugeront com:
meilleur plaira ; pour moi qui n'ai pas vû de
plus beau pays que les environs des Trois Egli-
fes , je me fens fort difpofé à croire qu'Adam &
Eve y ont été créez.
Nous partîmes donc pour ce beau lieu le 26.
Juiller ; mais nous ne campâmes qu’à quatre heu
res de Teflis , afin de joindre une Caravane de-
ftinée pour les Trois Eglifes. Elle s’afflembla dans
une grande plaine où finit la vallée de Teflis,
Cette plaine eft agréable par fes vergers & par
fes jardins, Le fleuve de Kur la traverfe , & coule
du Nord-Nord-Eft, au Sud-Sud-Eft ; le chemin
que nous tenions avoit à peu près la même direc-
tion. La plüpart des marchands de la Caravane fi-
Tnt provifion , autour de nôtre camp, de cer-
tains rofeaux fort déliez & fort propres pour
écrire à leur maniére. C’eft une efpece de Canne
qui ne croît que de la hauteur d’un homme , &
dont les tiges: n’ont que trois où quatre lignes
d’épailleur , folides d’un: nœud à l’antre, c’eft à
dire remplies d’un bois moelleux & blanchätre,
Les feüilles qui ont un pied & demi de long , fur
huit ou neuf lignes de large , enveloppent les.
nœuds de ces tiges par unc gaine velué , car le
refte eft life | vert-gai , plié en gouriére à fond
blanc, La pannicule ou le bouquet des fleurs
n'étoir pas encore bien épanoüi, mais blanchä-
ce, foyeux , femblable à celui des autres ro-
aux, Les gens du paystaillent les tiges de ces
rofeaux pourécrire , mais les trairs qu’ils en for
ment font tres-groflicrs, & n’approchent pas de:
R beauté des caractéres que nous’ failons avec:
os plumes. | ee
x Le 27, Juillet on partit fur les onze heures :
M üiÿ 7
382 Voyracez
du foir , & nous marchâmes jufques à fix heures
du matin dans des plaines marécageules ; mais
nous perdimes dans la nuit nôtre riviere, &
nons fümes fi fort déforientez , quand le jour pa-
rut, que nous ne fcûmes de quel côté elle s’éroit
jettée. Cependant elle doit fe tourner infenfible-
ment vers l'Orient pour aller fe rendre à la mer
Cafpienne ; & l’Araxe qui va joindre le Kur en
doit faire de même ; mais il faur que ce foic loin
d’Erivan , puifque dans toute nôtre route, nous
n'avons plus vü ni entendu parler du Kur, Onfe
xcpofa ce jour-là jufques à huit heures, & lon
ne marcha que jufques à environ midi & demi,
pour s'arrêter à Simichopri village où ilyaun .
aflez beau pont de pierre , & une efpece de Fort
abandonné, Nous en partimes fur les deux heures
ur aller camper dans des montagnes aflez her-
Bus , où nous fûmes furpris de trouver des Plan+
tes les plus communes, parmi quelques autres
affez finguliéres, Quieft-ce qui fe feroit atten-
du de voir des Orties, de V'Eclaire | & du Me-
lilot fur le chemin du Paradis Terreftre. Il y en
a pourtant , aufli-bien que de l'Origan commun ,
& des Mauves ordinaires, Le Diétame blanc eft
parfaitement beau à lentrée de ces montagnes ;,
où l'on fentoir une fraîcheur qui faifoic grand
fir.
Nous ne fùmes gueres plus heureux en Plan-
tes, je lendemain 28. Juiller ; & je commençait
à douter fi nous allions vers le Paradis Terreftre,
on fi nous lui tournions le dos ; car enfin après
avoir marché, depuis deux heures après. minuit
jufques à fept heures du matin , dans des monta-
gnes couvertes de bois & de pâturages , nous n€
trouvâmes fur les grands chemins quedu 44//e;
pou Levanr. Lere XIX. +83
dû Muarrnbe noir & blanc , de la Bardañe , de jar
perite Centaurée ; du Flantin ; fans réperer les
Orries & les Afauves du jour précedenr, Comme
l'ennui ñe donne pas beaucoup d'appetit ; que
d'ailleurs toute matiere d’érudition nous man- :
quoit , & que nous avions lieu d’apprehender , :
de ne voir dans nôvre prétendu Paradis Ferreftre :
que les ronces & lés chardons que le Seigneur y
avoit fait naître après la chüte du premier Hom-
me , nousaurions fort mal paf nôtre temps
fans une efpece admirable de Ciboutlerte dont la’
fleur {ent le Srorax er larme, Ses feiilles &. fes
racines qui ont l’odeur de la Ciboule dE fpagne Fe
nous firent trouver plus de goûr aux provifiôns
qui nous reftoient. ss
La racine de cette Plante ft prefque ronde,
afez douce | & d’une odeur qui participe de
celle de l'ail & de l'oignon. Les cayeux qui l'ac-
Compagnent forment-une tèêre d’un pouce de dia-
metre, La tige s’éleve à deux pieds & demi,
Cpaille de deux ou trois lignes, folide , Hiffe,
couverte d'une fleur ou poufliére femblable à
célle des: Pranes fraîches , & garnie de quelques
feüilles d’un pied & demi de long; creufes &
larges de trois lignes. Cette rige eft terminée ee
une têre arrondie , d’un pouce & demi de dia
metre , dont les fleurs qui font foûrenuës par des
Pedicules de quatre lignes de longueur , font à
fix feuilles de deux lignes de long , relevées fur
le dos , luifantes, rouge-brun , plus clair fur les”
ords, Dir imilieu de ces feuilles forrent autant
d'étamines parpurines qui les furpañlent d'une li-
8e; & qui font chargées de fommets de même:
couleur, Le piftile eft à trois coins ; verdâtre, &”
devient un fruit femblable à ceux des autres cf
M iüiij
A ‘VU vrac :
peces d'Oignon, c’eft à dire à trois loges ; maïs
il n’éroit pas aflez avancé fur la plante dont nous:
parlons, pour pouvoir être décrit.
On partit à minuit le 29. Juillet, & nous
pañlämes par des montagnes aflez rudes ; où il y a
des forêts | comme rous le reconnûmes à la poin-
te du jour , remplies de Ssbines aufi hautes que
des Pexpliers. - Elles different de l’efpece que l'on
a décrite dans la dixiéme Lettre ; en cé que fes
feuilles qui font de la tiffure des feuilles de Cy-
prés, ne font pas ferrées les unes contre les au-
tres , mais écartées fur les côrez, & difpofces
trois à trois comme par étages. Les écailles de
ces feuilles font longues d’une ligne & demi, ter-
minées par un piquant , vert-gaien deflus, faris
neufes & jaunâtres en defflous. Ces arbres éroient
tous chargez de fruits verts , d’un demi pouce de
diametre.
Nous campâmes ce même matin depuis fept
heures du matin jufques à onze heures. Enfuite
l'on marcha l'après midi jufques à une heure &
demi , pour s'arrêter à Dilijant village d’aflez
belle apparence. Des gardes poftez fur le grand
chemin , prétendoient que pallant de Georgie
dans le pays de Cofac ; qui eft une petite contrée
entre la Georgie & l’Armenie , nous devions pa-
yer un Sequin par tête ; mais conune nous 1ça-
vions que les Perfans éroient de bonnes gens,nous
commiençâmes à faire les méchans , & à porter
nos mains fur nos fabres. En effet à force de crier
& de parler une langue qu'ils n’entendoient pas,
comme nous n'entendions pas non plus la leur,
ils nou: laiflérent en repos. Tant il eft vrai que
ar rout pays ceux qui font le plus de bruit > &
qui font en plus grand nombre ; ont toijours
pu Levanr. Letre XIX, 185
railon. Cependant comme les plus diftinguez du
lieu, qui s’ecoient affemblez au-bruit , eurent
affré nos voituriers que les gens à cheval. qui
pañlent par là payent ordinairement un Abagi par
tête , nous le donnâmes volontiers ; après-quoi
les gardes nous firent plus d’excufes & plus de
remercimens que nous n’en meritions. On nous
apprit que ces fortes de droits étoient deftinez
pour la garde des chemins , & que cela fe prati-
quoit dans plufeurs Provinces de Perfe où les
Gouverneurs payent des gens pour la füreté pu-
lique : Le Roy ne leur permettant de faire exi-
ger ces droits, qu’à condition qu'ils feront re-
fponfables des marchandifes volées. Les habitans
du Cofac pañlent pour fiers & fe font defcendre
de ces Cofaques qui habitent dans les monta.
gnes , au Nord de la mer Cafpienne. Les bour-
geois de Dilijant , qui s’étoient attroupez autour
€ nous , nous firent demander, pourquoi nous
“Wavions pas des habits à la franque , & des cha
Peaux : Nous leur répondimes que nous venions
de Turquie où l’on eft fort mal reçü avec un pa-
rcil équipage. Cela les fit rire, On nous Ar
fa d’aflez bon vin , & nous continuâmes nôtre
Foute encore pendant.une heure audelà du villa-
8°; pour aller camper jufques au haut d’une
Montagne couverte de Chefnes , d'Ormeaux , de
Frênes ; de Sorbiers , & de Charmes à grandes &
à petites feilles.
, Nous nous flattions de pafler la nuit dans un
Bite auffi agréable ; mais nos voituriers nous en
firent me à onze heures du foir & nous firent.
traverfer ; pendant une nuit tres-fombre , des
Montagnes affreufes, Dans la faifon des neiges
Peu de gens rifquent cette route. Pour méy: je
186 VoyaAcez
m’abandonnai entierement à la conduite de mon
cheval, & je m’en trouvai beaucoup mieux que
fi j'avois voulu le conduire, Un automate qui
fuit naturellement les loix de la Mecanique, fe
tire bien mieux d'affaire , dans ces occafions , que
le plus habile Mecanicien qui voudroit mettre en |
ufage les regles qu’il a apprifes dans fon cabinet,
füt-il de l’Academie Royale des Sciences.» Enfin:
nous nous trouvâmes fur les cinq heures du ma-.
tin, le 30. Juillet, dans une plaine auprès de
Carakefis , chetif village fur un petit ruifleau. Là
nous fümes les maîtres à nôtre tour, comme la
raïfon le demandoir, & nous obligeämes nos
voiruriers à S’arrêter pour avoir le plaifir de dor-
mir : mais bon Dieu que ce-plaifir fur court ! le
démon de la Botanique qui nous agitoit nous
. évcilla bientoft ; nous nous repentimes pourtant
d’être reftez ; car nous ne fimes pas grand butin
dans cette plaine. Le fleuve Zengwi qui vient du
lac d’Erivan & qui vapafler par cette ville ; y
ferpente ; mais il n’eft pas confidérable.
Nous partimesle 3r. Juillet à cinq heures du
matin, pour traverfer des montagnes aflez agrca-
bles, quoique fans arbres : aufli commençâmes-
nous à {entir la fumée des bouzes de vaches en
approchant de Bifni, & cette odeur mous in--
commoda fort dansun Couvent de Moines Ar-
meniens. où nous dinâmes, Leur cour cft toute.
pleine de cette belle efpece de Creffon que Zano-
ni a pris, fans raifon ; pour la premiere efpece
de Thlafpi de Diofcoride. Ces bons Religieux
nous reçürent fort honnêtement , mais nous: n€
crouvâmies pas chez euxles mêmes agrémens que
chez les Moines Grecs. Les Armeniens. fon plus
graves , &c d’ailleurs nous n’avions pas le niot à
Du LEVANT, Lettre XIX. 18
dire chez eux , au lieu que nous barragoüinions
quelque peu lé Grec vulgaire chez les Caloyers ,
dont la vivacité eft tout-a-fait réjouiflante. Le
Couvent de Bifni çft le mieux bâti que nous ayons
vû dans tous ces quartiers , il eft folide , & de
bonnes pierres de taille. Les ruiries qui font aux
environs , marquent qu'il y avoit autrefois une
ville confiderable ; & quoique le village foit pe-
tit, nous laurions pris pour Artaxate , n’étoit
qu’il eft {ur le fleuve Z engui, Pour le Monaftere
on le croit de fept ou huit cens ans de fondation,
Vous en partimes à midi, & pañlèmes fur une
autre montagne pour nous retirer encore dans
un Monaftere d’Armeniens à Tagovat village plus
Eee que Bifni , à l’entrée de la grande plaine des
rois Eglifes , où nous prétendions trouver le
Paradis Terreftre,
. On partit à trois heures le lendemain au ma-
Un; dans Pimpatience de voir ce fameux bourg
que les Armeniens vifitent avec plus de devotion
que les Romipetes ne vilitoient Rome dans le
temps de Rabelais. Les Trois Egliles ne font qu’à
fix heures de chemin d'Yagovar, Les Armeniens
appellent ce bourg JZichmiadzin , c’eft à dire Le
defcente du Fils nnique, à ce qu’on nous dit , par-
ce qu'ils croyent que le Seigneur apparut à Saint
regoire en ce lieu-là, Nous n’en doutâmes pas;
Sat nous n’entendions pas un feul mor d’Arme-
Men vulgaire ni litteral. Quoique nous ne fuf-
fions pas fort avancez dans la connoïllance dela
langue Turque , comme pourtant nous fçavions
Sompter jufques à dix, nous. comprimes facile
Ment que sich fqui fignifie rrois joint à 4lifé,
. MOt corrompw d’'Ecclefis , devoit fignificr. Trois
Eglifes , & c'eft le nom que les Turcs y ont don
ne _ LOH-h- CS 7 a cmt TE
mé ; maisils devoient plûtôt avoir appellé ce
bourg les Quatre Egliles , puifqu’il y en a quatre
qui paroiflent bâties depuis long-temps. Les Ca-
ravanes y féjournent pour faire leurs dévotions ,
C'eft à dire pour s’y confefler, communier , ëc
pour recevoir la benediétion du Patriarche. Ce
Couvent eft compofé de quatre corps de logis :
bâtis en maniere de cloîtres , difpolez fur un
quarré fort long , comme il eft ici gravé. Les cel
Jules des Religieux & les chambres que l’on don-
ne aux étrangers, fonttoutes de même figure ,
terminées par un petit dome en forme de calotte,
dans la longueur de ces quatre cloîtres. Ainfi
certe mailon doit être régardée comme un gran
Caravanfcrai où les Moines ont leur logement,
L’apparcement du Patriarche , qui eft à droite
en entrant dans la cour, eft.un corps de logis
plus élevé & de plus belle apparence que les au-
tres, Les Jardins en font agréables, bien entre-
tenus ; & généralement parlant les Perfans font
bien plus habiles Jardiniers que les Turcs. En
: Perfe on plante les arbres en allignement ; on
ordonne affez-bienles Parterres ; les comparti-
mens font d’un bon goût , & les plantes y font
difpofées & efpacées avec NA ; au lieu que
tout eft. en confifion chez les Turés. L’enceinte
des Jardins du Patriarche , de même que la plü-
_ part des maifons du bourg , n’eft que de boüe fe-
_chée au foleil , & coupée en grands & gros quar-
tiers que l’on pofe les uns fur les autres , & que
l'on joint enfemble avec dela terre détrempée »
au lieu de mortier. Les murailles des Parcs au-
rour de Madrid font de même matiére ; les Elpa-
gnols appellen: Tapias ces pieces de terre cuites »
» ou pour miçux dire fechées au folcil. ee
L
LL = LL LL DZ
RÉ L
=
* pu LeavanrT. Lettre XIX. 185
L’Eglife patriarchale eft bâtie au milieu de la
grande cour , & dédiée à Saint Gregoire l'Ilumi-.
nateur, qui en fut le premier Patriarche ; du
temps de Tiridate Roy d’Armenie , fous le gränd
Conftantin, Les Armeniens crovent que le Palais
de ce Roy éroit à la place du Couvent, & que
Jefus-Chrift fe manifefta à Saint Gregoire dans
l'endroit où eft l’Eglife. Ils y confervent un bras
de ce Saint, un doigt de Saint Pierre, deux doigts
de Saint Jean Baprifte, une côte de Saint Jac-
ques. C’eft un bâtiment cres-folide & de belles
pierres de taille ; les piliers en font fort épais, de
même que les voûtes ; mais tout l’édifice eft obf-
cur & mal percé , terminé en dedans par trois
Chapelles , dont la feule du milieu eft ornée d’un
autel ; les autres fervent de facriftie & de Tré-
for. Ces deux piéces font remplies de riches or-
nemens d’Egliles & de belle vaiflelle. Les Arme-
niens qui ne fe piquent de magnificence que dans
les Eglifes , n’ont rien épargné pour enrichir cel=
le-ci. On y voit Les plus riches étoffes qui fe faf-
fent en Europe. Les vales facrez , les lampes
les chandeliers font d’argent , d’or ou de ver-
meil. Le pavé de la nef & celui du presbitere
font couverts de beaux tapis. Le presbytere, ou
le tour de l’autel , eft tapiffé communément de
Damas , de velours ou de brocard. Cela n’eft pas
furprenant , car les marchands Armeniens qui
commercent en Europe & qui font de gros gains,
font des prefents magnifiques dans cette Eglife ;
mais il eft pen que les Perfans y fouffrent
tant de richefles. Les Turcs au contraire ne Le
mettroient pas aux Grecs d’avoir un chandelier
d’argent dans leurs Eglifes : rien n’eft plus pau
vre que celle du Patriarche de Conftantinople.
: _ go" ue - SE Fe
Les Moines des Trois Eglifes fe font honnetir dé
… montrer les richeffes qu'ils ont reçües de Rome;
» & font des fouris moqueurs quand on leur parle
de la réinion, Plufieurs Papes leur ont envoyédes
Chapelles enticres d'argent , fans qu’elles ayent
encore rien operé, Les Patriarches jufques ici
ont amufé les Miflionnaires ; il n’eft pas mal-aifé
de tromper les gens qui font de bonne foy. La
réüniondes religions eft un miracle que Le Sei-
gneur opereta lorfqu’il le jugera à propos. C'eft
du Ciel qu’il faut attendre la veritable converliof
des Schifmatiques , dont le nombre eft infini-
ment plus grand que celui des Arméniens Ro-
imains. Ces malheureux Schifmatiques , par leur
_ credit & par leur argent, feroient dépofer un Pa-
ttiarche qui donneroït les imains 4 la réünion.
La haîne qu'ils ont pour les Latins paroît irré-
conciliable : enfin foit par envie , foit par inte
teft , les Prêtres Schifmatiques Armeniens ott
Grecs veulent commander abfolutment chez eux;
&les Patriarches font obligez de leur eéder ;, dé
peur que la populace ne fe ouleve. |
L’Architeéte qui a donné le deflein de PEglifé
Patriarchale étoit un fott habile Mairre ; fuivant
je ne fçai quelle tradition des Armeniens ; qui
En ce + ce fut lefus-Chrift lui-même qui
€ traça le Plan en prelence de Saint Gregoire ;
& qui lui ordonna de l’executer. Au lieu de cra
yon, à ce qu'ils difene, Jefus-Chrift fe fervit
d'un rayon delumiere , au centre duquel Saint
Gregoiré failoit {a pricre fur une grande pie
uarrée ; d'environ trois pieds de diametre , que
fon montre encore aujourd’hui au milieu de l'E-
é où Si cela eft, le Seigneur y employa un _
Pr architecture aflez fingulier , car les dômes &4
pu Levant. Lettre XX. igi
clochers font en pavillon d’entonnoir renverfé ,
& serminez par une croix, |
Les deux autres Eglifes font hors du Monafte
re , mais elles tombent en ruine , & l’on n’y fait
plusle fervice depuis long-temps. Celle de Sair…
re Caiane elt à droite du Couvent, fuppofé qu’on
y entre par la grande porté, & non par celle
des Refcétoires. L'autre Eglile qui eft à gauche
& bien plus éloignée de la mailon , porte le nom
de Sainte Repfime. On prétend chez les Arme-
niens que Caiane & Repfime étoient deux Vicer-
ges Roynaines qui furent martyrifées fur les lieux
où font bâties leurs Eglifes. On fair même def-
cendre Sainte Caiane , de je ne fçai quelle fa-
mille de Caius. Ils font plus embarraflez à trou-
ver la généalogie de Repfime dont le nom n’eft
pas Romain : cependant on lit dans leur Chro-
nique,que c’étoient deux Princeffes Romaines,qui
vinrent en Levant pour voir Saint Gregoire;mais
Tiridate Roy d’Armenie ayant trouvé cela fort
mauvais, fit defcendre Caiane dans un puis plein de
erpens , ne doutant pas qu’elle n’y mourût dans
pee € temps : neanmoins la Sainte n’en fur pas
leffée ; les ferpens y perirent, & Caiane-y vécut
en bonne fanté pendant quarante ans. Comment
accorder rout cela avec la fuite de F'Hiftoire ? car
ils ajoûtenc que le Roy Tiridare en étant devenu
amoureux , & ne pouvant pas la fléchir, non-
fe qu'aucune de fes compagnes qui éroient de
es perfonnes , & que la Chronique met juf-
ques au nombre de quarante , leur fit fouffrir à
toutes le martyre.
_ A l'égard dela campagne qui eit autour des
Trois Eglifes, elle eft tout-à-fait admirable , &
je n’en connoîs point qui donne une plus belle
192 VD T:A 0 À ‘à
idée du Paradis Terreftre. On n’y voir que fuif=
feaux qui la rendent extrêmement fertile ,. & je
doute qu'il y ait un pais fur la terre où l'on re-
cücille autant de denrées tout à la fois. Outre
la grande quantité de toutes fortes de grains
qu'on en retire, on y trouve des champs d’une
érendué prodigieufe , tour couverts de tabac. Ce
feroit une plaifante queftion à propofer en Bota«
nique ; fçavoir fi cette plante étoit dans le Para-
dis Terreftre ; car elle fair en ce monde les dc-
lices de biën des gens qui ne fauroient fe paller
d’en faire un continuel ufage : cependant origi-
nairement elle vient d'Amerique ; mais elle fe
porte aufli-bien en Afie que dans fon propre pays:
Le refte de la campagne des Trois Eglifes eft plein
de Ris , de Coton, de Lin ,de Melons , de Pals
téques, & de beaux vignobles. Il n’y manque
die des Oliviers, & je ne fçai où la Colombe
qui fortic de l'Arche fut chercher un ramea
d'Olivier , fuppofé que l'Arche fe foit arrêtée fur
le Mont Ararat > Où fur quelque autre montagne
d’Armenie ; car on ne voit pas de ces fortes d'at-
bres aux environs, ou il faut que l'efpece s'en
foit perduë ; cependantles Oliviers font des ar-
bres immortels, On cultive aufli beaucoup de.
Ricinus autour du Monaftere ,.pour en tirer de
Jhuile à brûler ; celle de Lin eft employée pouf
la cuifine, C’eft peut-être pour cette raifon qe
la Pleurefe eft allez rare en Armenie, quoique
le climat y foit inégal, & parconféquent propre
à produire cette maladie, Gefner remarque que
V’huile de Lin, beué à la place de celle d'amanñ*
des douces , eft un excellent remede pour le
pleuréfie, a -
A l'égard des Melons, iln’y en a pas de sé a
pu LrvAnr: Létire XIX. 194
leurs dañs tout le Levant que ceux dés Trois Egli
.
le
‘quil y a d’admitable , c'eft qu
fes & des environs. Pour trente fols nous en fai-
fions charger un de nos chevaux, & parmi te
and nombre :l s’en trouvoit quelques-uns fort
Peau à ceux que l’on em Paris : mais ce
‘ils engraïflerit ; &
qu'ils ne font jamais aucun mal ; are nous ëri
Mangions, & mieux nous nous portions: Ceux
qu'on appelle A£elons d'eau où Paftéques ; dans la
plus forte chaleur du jour , font comme à la glace
quoiqué couchez fur terre du milieu des champs
où la terre eft trés chaude. On ne les cultive pas
dans des lieux aquatiques ; comme on le croit en
ce pays-ci ; mais on les appelle Melons d’eau par:
ce que leur chair ie fe fond pas feulement à la
bouche ; mais qu'elle repañnd urie fi &rande quans
tité d’eau qu’on én perd la moitié , fur-cour quand
on rhord dans lé fruic, comme fonc les gens du
Pays qui les pelenit & les mangent ordinairement
Comme des pommes : Nos Poires de Bewrré & la
Mowlle:bouche (ont feches en comparailon de ces
clons,. Ce feroient Jes fruits les plus délicieux
du monde s'ils avoient autant d’odeur & de goût
que les äutres Melons. La éhair des Melons d’eat
evient plus ferme dans leur parfaite ihaturité'}
& à proprement parler ne fe fond pas; mâäis certé
cau délicieufe qui eftrenfermée dané les cellules de
2 Chair, fe vuidé fi abondamment ; comirie par
autant de petites fources ; que bien {ouvent' les
Orientaux ptéferent ce fruit aux meilleurs Me-
2 Les Armeniens appellent Carpons les Me-
ns d’eat } mais ils ont pris ce nom des Grécs qui
donnent à rous tes fruits, & Carpous dans ce
s-R ‘veut dire #» fruit par excellence. On éle-
es meilleurs Melons d'eau dans ces terres fat
Tome III, N
ve
PE 18
194 Vorace…
lées qui font entre les Trois Egliles & l’Aras,
Après les pluyes on voit le fel marin cout criftal-
Hilé dans les champs , & qui craque même fous les
pieds. À trois ou quatre licués des Trois Eglifes
fur le chemin de Teflis , il ya des carriéres de
fel foffile ; lefquelles fans être épuifées en fourni.
roient fufffamment à toute la Perfe, On y coupe
le fel en gros quartiers comme on taille Les pierres
dans nos carriérés , & l’on charge deux de ces
quartiers fur chaque Bufle, On trouve quelquefois
des troupes de ces animaux qui fe fuivenc fur les
rands chemins , & qui ne portent point d’autre
marchandife , car en Levant on compre les Bufles
parmi les bêres de fomme, Les Orienraux s’imagi-
nent que le fe] croit dans les carriéres ; & que ies
endroits où loir en à coupc-depuis long-temps Le
rempliflent peu à peu :mais qui eft-ce qui a fair
ces obfervarions avec exacticude >? on m’en dit de
même à (ardone en Efpagne , où fe trouvent les
_ plusbelles carriéres ou mines defel qui foient dans
le refte du monde, Cette montagne n’eft qu’en
bloc de fel qui paroït comme une roche d'argent
dans Je temps que le foleil éclaire les endroits qui
ne fon pas couverts de terre. Ceux qui travail-
lent dans les carriéres de marbre font dans la mê-
me prévention, &:croyent , plütoft par tradision
que par bonnes raïfons , que les picrtes croiffent
véritablement par un principe interieur , comme
les Trufles & les Champignons :ainfi le préjugé
touchant là vegération des fofliles eft bien plus
étendu qu'on ne s'hnagine, mais ce n’eft pas fur
ce préjugé -qu'il en faut juger , c'eft fur des ob-
fervations bien vérifiées,
Nous faifions aflez bonne chere dans le Monaf-
terc des. Trois Eglifes où nous étions iogez à nôtre
#
Lepidium Orientale Nastur |
tii Crispi folie Coroll.Int. Rei herb.
Fo po Levant: bete VI jf —
älfe: comme il n'y avoit pas beaucoup d’étran:
gers, nous avions autant de chambres que nous
en voulions: Les Religieux; qui font la plüpart
Vüértabiers, c'eft à dire Doëteurs ; boivent à la gla:
ce & nous en faifoienr donner fufifammient ;
mais ils n’ont pas de fecrec pour chaffet les coufins
de leur Couvent; Nous étions obligez la nuit de
Quitter nos chambres & de faire potter nos marez
latsdans le Cloître ou autour de l'Eslile , für un
pavé degrands carreaux bien entretenus. Les cou-
fins y éroient moins incommodes que dans les
lieux couverts , niais cela n’empéchoit pas qu'ils
ne fuçaffent béaucoup de nôtre fang ; nous avions
tous les matins le vifage couvert de boutons ;'
malgré toutes ños précautions. Les partefres qui
font fur la gauche de l'Eglife font fort agréables:
Les Amaranthes & les Oeillers en font les brin-
tipdux ornernens ; mais ces fleurs n’ont rien-dé
fingulier ni qui mérice qu’on en porte tes grainés
en ce pays-ci ; au contraire les curieux de Perfé
S’accommodetoient beaucoup mieux des efpeces
Qu'on éleve en Europe. Nous ne cueilliimes dans
les patterres du Couvent que la graine de cette
lle éfpece de Perficaire dont les feuilles fontauflt
Srandes que celles du Tabac ; & que nous avions
dbfervées x Teflis dans le Jardin du Prince: Voici
la defcriprion d'une belle efpece de Lepidinm à
Rüilles de Creffon frifé, qui croit dans les champs
ture le Monaftere & la riviere d’Aras: ‘ *-
. Ea racine pique en fond ; longue d’un vs
8tofle cominé le péric doigr, dure, ligneule ; blan-
» peu chevelué , & produit une tige haute de
deux où trois pieds alé branchué ; verr-gais
“compagne en bas de feüilles lougues de quatre
pouées , ar deux pouces de: large ; tour-a-fait
N ij
L
196 >f Naimv-A/os. ? :
femblables à celles du Creffon frizé , un peu plus.
charnuës., lifles des deux cotez , vert-gai ; décou«
pés. en grofles pieces jufques à la côte , laquelle
commence par une queue aflez longue. La der-
niere piece eft plus grande que les autres ; arron-
die & frizée de mêmeque celles qui fônt fur le
refte de la queüe ; lefquelles font quelquefois in-
cifées plus profondément, Les feuilles qui naïffent.
le long des tiges font encore découpées plus menu,
De leurs aiflelles naiflent des branches aflez éten-
duës fur les côtez , garnies de bouquets de feuilles
dont la plüpart ne font pas découpées affez fem
blables à celles de l’beris commun. Les branches
font fubdivifées en plufeurs brins tous chargez
de fleurs blanches. Chaque fleur eft à quatre:
feüilles longues d’une ligne & demie ; arrondies à
la pointe & fort pointues à leur naiffance. Le ca=
lice eft.à quatre feüilles auffi , le piftile. qui eft
long de demi ligne coupé en fer de pique, devient
un fruit de même forme plat , & partagé en deux
lo :es dans fa longueur, Chaque loge renferme une
graine roufle , tirant fur le brun , longue de demi
ligne , applatie. Toute la plante a le goûr &,l'a-
creré du Creffor Alenois. 2104
.… Pendant nôtre féjour aux Trois Eglifes, nous
fimes chercher , maïs inutilement ; dés voiruriets
pour nous conduire au Mont Ararat. Perfonne ne
voulut re de la partie ; les voirüriers étrangers
ne veu'ent pas à ce qu'ils difenc ; s’aller. perdre
dans les neiges : ceux-di pays éroienr employez
pour les Caravanes; & ne vouloient pas allér fa-
tiguer leurs chevaux dans un endroit fi affreux.
Cependant cette montagne fi fameufe n’elt qu’à
deux petites journées du Monaftere , & nous con-
nûmes bien dans la fuire qu’il n'eftipas poffible de
pu LEVANT, Leïtre XIX, 197
s'yengager , par la raïfon qu’elle eft toute décou-
verte, & que l’on ne fauroir monter que jufques à
_ lancige, Ce n’eft pas une grande merveille , quoi-
qu’en difent les Religieux, de ne pouvoir pas en
atteindre le fommet , puifqu'’il eft prefqueà moi-
tié couvert de neige glacée depuis le déluge, Ces
bonnes gens croyent , comme un article de foy ,
que l'Arche s’y arrêra. S’il eft vrai que cefoit la
plus haute montage d’Armenie , fuivant le juge-
ment des gens du pays ; il eft tres-certain aufli que
c'eft la plus chargée de neige, Ce qui fair paroître
PArarat plus elevé, c'eft qu’il eft planté 1eul en
forme de pain de fucre au milieu d’une des plus
grandes plaines que l’on puilfe voir. Il ne faut pas
même juger de {a hauteur par la quantité des nei-
ges qui le couvrent, puifque la neige fe confer-
‘ve dans le plus fort de l’Eité fur les moindres col-
lines d'Armenie. Quand on demande aux Moines
Armeniens , s’ils n’ont pas des reliques de l’Ar-
che, ils répondent fagement qu’elle eft encore
enfevelie dans ‘les fondrieres des neiges du Mont
Nous allèmes le 8. Aouft à Erivar ville confi-
drable & Capitale de l’Armenie Perfienne , à
troisheures de chemin des Trois Egliles. Ce n’é-
toit pas feulement dans le deflein de voir la Pla-
, maïs aufli pour prier le Patriarche de nous
aire donner des voitariers pour le Mont Ararat,
füivant le confeil des Religieux des Trois Eglifes ,
Certainement nous n’en aurions pas trouve fans
Mnordre de {a part, La ville d'Erivan eft remplie
€ vignes & de jardins , batic fur une colline qui
£ft au bout de la plaine ; les maifons mêmes s’eten-
‘nt dans une des plus belles vallées de Perfe ; &
dont les prairies font entremélées d'arbres fruitiers
N ïi
|
$
ii
#.
198 VovyaAcsz
& de vignobles. Les bourgeois d’Erivan font affèz
fimples pour croire que leurs vignes font encore
de l’efpece de celle que Noé y planta. Quoiqu'il
en foit, elles produifem de fart bon vin , & cele
fait micux leur éloge, que fi on les faifoit def-
cendre de celles du bon Patriarche. La vallée ef
arrofée par de belles fources , & les maifons de
campagne y font prefque aufli nombreufes qu'aux
environs de Mar{cille, Il n’y a que le hauc des col-
lines qui deshonore le pays par fa fecherefle , mais
la vigne y feroir des merveilles s’il y avoit aflez
de monde pour la cultiver, Les meilleures terres
font couvertes de grains, de Coton &de Ris,
ce dernier elt principalement deftiné pour Erze-
ron, Les maifons d’Erivan ne font qu’a un étage
en terrafle , bâties de boüe & de torchis à la ma-
niére des autres villes de Perfe, Chaque mailon
eft enfermée dans une enceinte ifolée , quarrée :
anguleufe ou arrondie , haute d'environ une toi-
fe. Les murailles de la ville, quoiqu’à double
rempart en plufeurs endroits, n’onc gueres plus
de deux oies d’élévation, & ne font deffenduës
que par de méchants ravelins arrondis ; épais de
de quatre ou cinq pieds, Toutes ces pieces , de
même que les murailles , font de boïüe fechee au
foleil , fans être rerraflées, Les murailles du Chà-
teau qui eft au haut de la ville, ne valent
guerc mieux, quoiqu’elles foient à triple, rang.
Le Château qui eft prefque ovale , renferme plus
de huit cens maifons :occupées par des Mahome-
tans ; car les Armeniens qui y travaillent. pendant
le jour viennent coucher à la ville, On nous afli-
ra que la garnifon de ce Château étoit de 2500.
hommes, FA plüpart gens de métier, La Place €
imprenable du coté du Nord , mais c’eft l'ouvræ-
pu Levaxrx. Lettre XIX. ” 109:
ge de là nature , qui au lieu de remparts de boüe,
Ta munie d’un precipice efroyable , au fond du-
quel pañle a riviere, Les portes du Château font
garnies de tokk. Les farrafines & les corps de gar-
de paroïflent aflez bien entendus. L'ancienne vil
le Loir peut-être plus forte , mais elle fur détrui=
te pendant les guerres des Turcs & des Perfans,
M" Tavernier allure qu’elle fur livrée à Sultan
Mourat par trahifon , & que les Turcs y laifferenc
vingt-deux mille hommes de garnifon. Cependant
Cha-Sefi Roy de Perfe Femporta de vive force :
Il fuc le premier à Paflaur, & les vingr deux
mille Turcs qui n’avoient pas voulu fe rendre ,
rent taillez en piece. Mourat fe vengea en Prin-
© barbare dans Babylone ; il fit pañler au fil
de Pépéc tous les Perfans qui s'y trouvérent ,
quoiqu'il leur eûr promis la vie par la capi-
tulatio
: 3 À
Du cofté du Midi fur une butte, à mille pas
environ de la Citadelle , eft le peric Fort de Quer-
chycala revêtu d’une double muraille ; mais ces
ortes d'ouvrages craignent plus la pluye que le
Sanon ; Quetchycala reffemble à ces forts de terre
Sralle que Pon conftruit quelquefois à Paris pour
re exercer les Académiftes, Les canonieres de
toureels6 € .f « 4 Eri ge d'une {trutu-
s gulicre ; elles avancent hors de la mu-
raille en manière de mafque;d’un pied & demi de
faillie,& font terminées en capuchon ou en groïn
Cochon;ce qui met tout-à-fairà couvert la tête
du foldar qui eft commandé pour tirer. Cela n’eft
PAS trop mal imaginé pour les poltrons;mais auf
ilsne Guroienr dé FAR nn fer dils.
ouvrir emis que quand ils
font à portée & qu’ils viennent fe placer juftement
_N iiij 4”
re aflez fin
200 Voyace
où il faut pour fe faire tuer, car fi les affiégez
attendent qu’ils foient arrivez au pied des murail-
les , ils ne peuvent plus tirer fur eux. |
M° Chardin qui a mieux connu Erivan & fes
environs , qu'aucun de nos voyageurs , en dé-
crit exactement les rivieres, Le Zergni coule
au Nord-Ouelt , & le Quemrboulas au Sud-Oueft ;
formé par 40. fontaines, comme l’exprime fon
nom. Le Zengui vient du Lac d’Erivan à deux
journées & demi de la ville ; mais je ne fçai pas
fi c'eft le même Zengui dont j'ay parlé ci-devanr.
Le Lac qui eft profond & de 25, lieues de tour ;
cft rempli de Carpes & de Truites excellenres ,"
dont les Religieux, qui font dans un Monafte-
re bâti fur l’Ifle qui eft au milieu du Lac, ne pro.
tent gueres, car il ne leur eft permis d'en man-
ge que quatre fois l’année , & ils ne peuvent pare
er entre eux que ces jours là. Pendant le refte
de l’année ils gardent un filence perpetuel , & ne
mangent que les herbes de leur Jardin , telles que
nature les leur prepare , c'eft à dire fans huile
nifel. Ces pauvres Moines font comme autant de
Tantales qui voyent à quatre doigts de leur bou-
che d’excellens fruits fans y pouvoir toucher, Ce=
pendant l’ambirion n’eft pas tout-à-fair bannie de
ce lieu ; le Superieur ne fe contente pas de pren-
dre le titre d'Archevèque , il prend auffi celui de
Patriarche, &ille difpute même au Patriarche
des trois Eglifes. | .
On pañfe le Zengui à Erivan fur un pont de
trois arches , fous lefquelles on a pratiqué des .
chambres où le Kan, qui.eft le Gouverneur du
ays , vient quelquefois fe rafraîchir pendant
es grandes chaleurs, Ce Kan tire tous les ans plus
de vingt mille Tomans de la Province, c’eft à
pU LEVANT. Lettre XIX. 204
dire plus de neuf cens mille livres monnoye de
France, fans compter ce qu’il gagne fur la paye
des troupes deftinées pour garder la frontiere. M
eft obligé de donner avis à la Cour , de routes les
Carayanes & de tous les Ambafladeurs qui pañfene,
A l'égard des Ambafladeurs, la Perfe eft le feul
pays que je connoifle, où ils foient entretenus
aux dépens du Prince : rien , ce me femble ;, ne
it tant d'honneur à un grand Roy. Dès qu'un
Ambaffadeur ou un fimple Envoyé a fait voir aux
Gouverneurs des Provinces les Lettres dont il eft
chargé pour le Roy de Perle, on lui donne le
Tain, c'eft à dire {a fubliftance journaliere,
Tant de livres de viande, de pain ; de beurre ,
de ris , & un certain noïmbre de chevaux & de
€hameaux,
On fait bonne chere à Erivan. Les perdrix y
font communes , & les fruits y viennent en abon:
dance, Le vin y eft merveilleux ; mais les vignes
donnent beaucoup de peine à cultiver , car le
froid & les gelées obligent les vignerons , non
feulement à chauffer les feps , mais à les enterrer
au commencement de l'hiver, pour ne les dé-
Couvrir qu’au printemps, Quoique la ville foic
mal bâtie , elle ne laiffe pas d’avoir certains beaux
endroits : Le Palais du Gouverneur , quielt dans
la Fortereffe , cft confidérable par fa grandeur &
Par la diftriburion de fes appartemens, Le Afei-
ou la grande Place eft quarrée , & n’a gue-
res moins de 400. pas de diametre. Les arbres y
nt auffi beaux qu’à Lyon dans la Placede Bel.
lecour, Le Bazar, qui-eft le lieu où fe vendent les
Marchandifes, n’eft pas defagréable. Les Bains
& les Cäravanferais ont auffi leurs beautez , fur
tout le Caravanferai neuf qui eft du côté, dela
202 Rs AE 2:
Forterefle, IL femble qu’on entre d'abord dans
une Foire, car on palle par une galerie où lon
vend toutes fortes d’éroffes,
Les Eglifes des Chrêciens font petites & à demi
enterrées, Celles de l’'Evêché , & l’autre que l’on
appelle Catoviqué , ont été bâties , dit-on , du
temps des derniers Rois d’Armenie, On voit du
côte de l'Evêché une vieille Tour d’une ftruéture
affez finguliere ; elle auroit quelque rapport * à
la Lanterne de Diogenes , fi rs architeéture n’é-
toit dans le goût Oriental. Elle eft à pans , &le
dôme qui la termine à quelque chofe de plus
agréable ; mais les gens du pays ne fçavent à quel
ufage elle a fervi , ni dans quel remps elle a été
bâtie. Les Mofquées de la ville n’ont rien de par-
ticulier, M' Chardin affüre que les Turcs prirent
Erivan en 1582, & qu'ils y bâtirent la Forteref-
fe ; que les Perfans l'ayant reprife en 1604. la
mirent en état de réfifter au canon ; qu’elle foutint
un fiege de quatre mois én 1615. que les Turcs
furent obligez de le lever; qu'ils n’emporterent
la place qu'après la mort d’Abas le grand ; qu'en-
fin les Perfans l'ayant reprife en 1635. ilsen font
demeurez les maîtres depuis ce temps-là.
Après nous être promenez dans la ville, nous
allâmes voir le Patriarche des Armeniens qui lo-
ge dans un ancien Monaftere hors de la ville; mais
il s’en faut bien qu'il ne foit aufli-bien logé
qu’aux Trois Eglifes, Ce Patriarche qui s'appelle
Nabhabied, évoit un bon vieillard aflez rougeau ,
qui par humilité , ou pour être plus à fon aile ;
n’avoit fur {on corps qu’une mauvaife foutane de
toile bleïe, Nous lui baifäines les mains à la mode
du pays , & cerre cerémonie lui fit grand plailirs
à ce que nous dirent nos Interpretes ; car il y
* Monument d'Achénes,
pu LEvAmT. Lettre XIX. 20
bien des Francs qui ne lui font pas le même hon-
neur ; mais nous lui aurions baifé {es pieds pour
. peu qu’il eût témoigné le fouhaiter , attendu le
befoin que nous avions de fon credit. Par recon-
-noïflance il nous fit fervir une colation, à la verire
tres-frugale, On vit paroïtre, fur un cabaret de
bois , un plat de noix au milieu de deux aflier.
tes ; fur l’une defquelles il y avoit des prunes
& fur l’autre des raifins. Qn ne nous prefenta ni
pain, ni foüaffe, ni bifcuir, Nous mangeâmes
une prune & bûmes chacun un. coup à la fanté
du Prelat , c’étoit d’excellent vin rofé ; mais com.
ment reboire fans pain ? nos Incerpretes qui.
étoient dans le Veftibule ewrent lefpric de s’en
faire donner , fans ofer pourtant nous en prefen
ter ; nous aurions excufé volantiers pour le coup
: leur incivilité ; il entrétent après la colation , &
nous fimes prier pour lors le Maitre de la maifon
de nous faire donner pour nôtre argent de bons
chevaux & des guides qui püflent nous conduire
ga Mont Ararat, Quelle devotion avez-vous , dit-il,
Pour le Mont Macis ? c’eft le nom que les Arme-
hiens donnent à cette Montagne ; les Turcs l’ap-
Pellent Agrida, Nous répondimes , que nos trou-
Vans fi près d'un lieu celebre ; fur lequel on croyoit
que l'Arche de Noé s'étoit arrêtée , nous ferions mal
reçus dans nôtre pays fi nous nous retirions fans le
Voir, Vous aurez de La peine , dit le Patriarche ,
d'aller jufques AUX neiges ; dé pour ce qui eff de l Ar s
che, Dieu n'a jamais fait La grace de la faire voir
4 Perfenne qu'a un faint Religieux de nôtre Ordre ;
Jui apres cinquante ans de jeunes @ de priéres y.
fur miraculeufement tranfporté ; mais le froid le
Penétra [5 fort, qu'il en mourut à fon retour, Nô-
tre Interprete le fit rire en lui repliquant de nôtre
PAC qu'après avoir jemné G prié la moitié de nôtre
{
set + Vovricz
die; nous demanderions a Dieu la grace de voir
le Paradis, plutot que les débris de la maifon de
JNoë. On nous raconta aux Trois Eglifes > qu'un
de leurs Religieux nommé ages , qui fut en-
fuite Evèque de Nifibe, réfolut de monter au fom-
met de la Montagne ou de perir en chemin, trop
heureux d’avoir tenté de decouvrir les reliques
de l'Arche ; qu’il exécuta fon deffein avec beau
coup de peine , car quelques efforts qu’il fift pour
y monter ; il {e trouvoit toüjours , après fon ré-
veil , dans un certain endroit à peu près vers le
milieu de la hauteur : que ce bon homme connut
bien, après quelques jours , qu'il tenceroit inu-
tilement d’aller plus loin ,.& que dans fon afflic-
tion un Ange lui apparut & lui apporta le bout
d’une planche de PArche. Faques xevint au Cou-
vent chargé d’un fi precicux fardeau ; mais avant
que de partir Ange lui déclara que Dieu ne vou-
loit pas que les hommes allaflent mettre en pieces
un vaiffeau qui avoit fervi d’afile à tant de creatu-
res. C’eft ainfi que, par de femblables contes,
les Armeniens amufent les étrangers,
Le Patriarche nous fit demander fi nous avions
ve le Pape, & trouva fort mauvais quand nous
répondimes , que € ne feroir que pour nôtre re-
tour. Comment , dit-il, vous vene? de fi loin pour
me voir, O' vous n'aveX pas veu vôtre Patriar-
che ? Nous n’ofâmes pas lui dire que nousn’étions
venus en Armenie que pour chercher des Plantes,
.Que vous fémble, continua-t-il ; de son Eglife
d'ItchmiadYin > en aveX-vous d'auffi belles en Frane
ce ?- Nous lui répondimes que chaque pays avoit fes
manieres de batir : que nos Eglifes étoient dans
gont fort different, © que nous n'avions reconns
l'habileté des ouvriers que dans les chandeliers »
pu Levanr, Lettre XIX.. 210$.
les lampes € Le refte de [a vaiffelle. Ces pieces n’é-
toient certainement pas de fabrique d’Armenies
Pendant que ce venerable Prélar, que l’on au-
roit pris en ce pays-ci pour un bon Maître d'Eco-
le de campagne , donnoïit fes ordres nous deman-
dâmes à voir fa Chappelle, & nous mîmes trois
écus dans le baflin pour payer la colation ; on
fait ces {ortes de charitez, plutoft par bienféan-
ceque par devotion. On nous offrit encore à
boire à nôtre rerour , ce que nous refufâmes
d’abord ne voyant point venir de pain ; mais il
fallut boire pour remercier le Patriarche qui bûct
auf à nôtre fanté ; tout cela fe pafla fort agréa-
blement. Après les complimens ordinaires , il
nous donna un homme de fa maifon , avec une
Lettre de recommandation pour les Religieux qui
ont fur la-route du Mont Ârarat ; ainfi nous al-
lâmes coucher ce. jour-là à deux heures d’Erivan ,
dans un Couvent d’Armeniens au village de
Nocquevir. Nous y bâmes d’excellent vin clairet
tirant {ur l’orangé & aufli bon que celui de Can-
die : mais de peur que le pain ne manquât ; nous.
fimes dire par nos Interpretes , que nous ferions
les chofes honnêtement. Cerre promefle eat tout
le fuccés que nous pouvions attendre ; nous fü=
mes bientraitez , aufli leur tinmes-nous parole le
ndemain avant que de partir, |
_ La Campagne de Nocquevit eft admirable ,
toutes fortes de biens y abondent , & l’on y mé«
Prife des Melons que l'on eftimeroir fort à Paris.
On ne bârit dans rous ce quartiers-là qu'avec
des Quarteaux de boüe cuite au foleil , faute de
bois. .
:* Nous partimes à quatre heures du matin le.9.
Aout, avec des vifages défigurez par les piqueu«
=
- ob \'Æ O-ŸY A G >»
res des coüfins qui nous faifoienc unè cruelle guer:
re pendant la nuit depuis quelques jours: Nous
continuâmes notre route par une grande & bellé
plaine qui conduit au Mont Ararat. On fe retira
fur les huit heures dumatin à Corairap où Couer-
virab qui en langue Armenienne fignifie,à ce qu'on
dit, l’Eglife du Puis Corvirap eftun autre Moz
naftere d'Armeniens dont l'Eglife eft bâtie fur un
Puits ; où ils affürent que Saint Gregoire fur jetté
& nourri miraculeufement , comme Daniel dans
la Fofle aux Lions: Le Monaftére paroît comme
un petit Fort {ur le haut d’une collinequi domine
fur toute la Plaine, & c’eft de cette hauteur que
nous commençames à voir la riviere d’Aras fi
connué autrefois {ous le nom d’Araxes ; elle paf
fe à quatre lieües du Mont Ararat, Nous fümes
obligez de nous repofer & de nous rafraîchir dans
ce Monaftere ; car nous paflions de eruelles nuits
à caufe des coufins & le jour les chaleuts éroient
infurpportables. Ce genre de vie duroit cependant
depuis Teflis ; mais nous fûmes tout a pi dé
nos fatigues à la veüe de FAraxe & du Mont Atarat:
De Corvirap on découvre diftinétement les deux
fommets de cette fameule Montagne. Le petit ;
qui eft le plus pointu ; n’éroit point couvert
de neige , mais + grand en étoit furieufement
charge. Voici les Plantes que nous décrivimes
dans de Monaftere ; pendant que nos voituriers
fe repofoient, -_: -: 212018:
Caïiduns Orientalis Coffi bortenfis folia ; Corall
Inff. Rei berb. pag. 31. | Res
La racine de certe plante eft longue d'environ
un pied , dure, ligneufe , blanche ; groffe au coler
comme le petit doigt , garnée de plufeuts fibres »
& couverte d'une écorce roullävre ; elle .
: |
Carduus Orientadis Costi hortensis
Folio Coroll. Inst. Rei herb. Jt:
NN
NN NN
a nf
bo LrevVANT. Lettre XIX.
üné tige haute de deux ou trois pieds,branchuë dès
fa naïflance ; dure , ferme, blanchâtre , épaifle
de deux pouces , accompagnée de feuilles longues
d'environ trois pouces fur un pouce & demi de
large , dentées legérement fur les bords ; femblas
bles à celles de cetre efpece de Taraifie qu’on ap-
pelle /e Cog, ce qui me paroït un mot corrompu
de Coffus hortenfis. Les feüilles du Chardon que
Pon décrit , diminuent jufques au haut de la plan:
te & perdent leur denture, mais elles finiflent
par une efpece de piquant molafle, De leurs aif-
{elles naitfent des branches tout le long des tiges ;
& chacune de ces branches fe termine par une
fleur jaune. Les feüilles qui font le long des bran-
ches font menués , & quelquefois deliées comme
des filets. Le calice des fleurs eft haut de 8. ou 9.
lignes , fur prefque autant d’épaiffeur. C’eft une
poire compofée de plufieurs écailles blanchâtres ,
pointuës , fermes ; piquantes ,; & quelquefois
purpurines à leur extremité, Les piquants qui font
fur [e bord font plus molafles & difpofez en ma-
nicre de cil.Chaque fleur eft à fleurons jaunes qui
ne débordent que de cinq ou fix lignes, décou-
Pez en autant de pointes menuës , du milieu def-
quelles s’éleve une gaine furmontée par un filer
tres-delié, Les fleurons portent fur des embrions
de graines, longs d'environ deux lignes fur une
ligne de large , chargez d’une aïigretre blanche.
Ceux qui n’avortent pas , deviennent des femen-
ces longues de trois lignes. Les fleurs n’ont
Point d’odeut fenfible , mais les feuilles font tress
ameres, RES ?
Nous eûmes le plaifir ce jour-là de faire un’
Nouveau genre de plante , & nous lui impofà-
hommes de ce
mes le nom d’un PE fçavans
js ir Torses.: .
fiecle, également eftimé par fa modeftie, &c pat
la pureté des fes mœurs. C’eft celui de M° De-
dart de l'Académie Royale des Sciences, Mede«
cin de S. A,S. Madame la Princefle de Conti l&
Dotüairiere,
Cette plante poufle des tiges d’un pied & demi de
haut,droites, fermes, lifles,ligneufesivert-gai, cpai£
{es de deux lignes branchuës dès le bas, arrondies en
buiffon& garnies de feüilles longues d’un pouce où
quinze lignes fur deux ou trois lignes de large,unt
peu charnuës,dentées fur les bords,principalem ent
vers. le bas dela plante ; car enfuite elles font
plus étroites & moins crenelées ; il y en à même
qui font aufli menuës que celles de la Liraire
commune. Le haut des branches eft garni de fleurs
dans les aiffelles des feuilles. Chaque fleur eft un
mafque violer fonce ; long de huit ou neuf lignes,
dont la derniere eft un. rayau d’une ligne de dia-
metre , Évalé en deux levres : la fupeticure eft un
cucilleron renverfé long d’une ligne & demi s
fendu en deux pieces aflez pointués ; l’inferieure
eft longue de croisilignes , aflez arrondie ;. mais
découpée en trois parties ; dont celle du milieu
eff la. plus petite & la. plus pointué ; cetre levre elt
relevée vers le milieu de quelques poils blancs &
duverez. Le calice eft un-goder liffe, haut de deux
lignes, découpé en cinq pointes ; il pouffe un pif-
tille fphérique de près d'une ligne de diametre »
lequel s’infére dans le ruyau de la fleur ; comme
par gomphofe, furmonté par un filer aflez me
nu , & devient dansla fuite une coque fphérique
de trois lignes de diametre , terminée en poin£e.
Cette coque eft rouflâtre , dure , partagée en deux
loges par une cloifon mitoyenne, dont les me
Le,
parois font garnis d'un placegta charnu ; Gt ca
Il
Corod. Int ReiHerb. ÿ7
À bu LevAN:T. Lettre XIY. 09
fe quelques foiles, lefquelles reçoivent des grai-
nes brunés 8 mendés: "amie
. On fe voit dans toutes.les plaines le long de
l’Aras,que de là Reglife & du Cufcute, La Reglifle
reffemble rout-a-fait à l'ordinaire , fi ce n’eft que
fes goulles font plus longues & routes herillées de
iquants. Pour la Cufcute , elle embrafle fi fort
# tiges de la Reglifle, qu’elle femble ne faire
que le même corps avec elle. . Quand on! l'en dé-
tache on s'aperçoit de quelques tubercules épaiffes
d'environ demi ligne , qui font comme autant
“de petits clous ou de chevilles. qui.entrent dans
les tiges de la Plante à laquelle elles font attachées,
Ces tiges ont une ligne d’épaifleur & quelquefois
davantage. Nous les primes d’abord pour des tiges
de quelque, efpéce de LiXeron } dont les feüilles
étoient paflées. On ne fçauroit mieux comparer
les feuilles de la Cufcute ; qu'à ces cordes de
boyau qui font groifes comme de {a fifcelle ; mais
elles font fermes,difficiles à cafler, ameres,peu aro-
matiques ; vert-pale ; divifées en plufieurs bran.
ches tortillées fur les plantes. Frise dont elles
fucent le fuc nourticiet, lequel s’imbibe dans les
tubercules dont on vient de parler. Ces tüber-
cules font ordinairement pofez obliquement dans
l'intervalle d’une ligne l’un de l’autre ; mais aufli
en des endroits differents ne trouve-t:on point de
racine à cerre Plante , non-plus qu'aux, aurres ef-
peces du même genre ; lorfque fes tubercules font
en état de diftribuer le fuc nourricier: Ses fleurs
naïflent par bouquets en maniére de têtegris de-
lin-lavé | haute de deux lignes, du diamecre d’u-
nc ligne. & demi, Ce font.dés gross découpe
en cinq pointes obtules., percez dans le fonds &
Qui reçoivent dans cer endroit le piftille que leur
Tome III, 2. 0
SL VOYyxAGE
fournit un calice haut de deux lignes, découpé
en cinq parties, Ce piftille devient un fruit fem-
blable à celui du grand ZiYeron blanc ; long de
quatre lignes fur trois lignes de diametre , mem-
braneux , vert-pâle , puis rouffatre , rerminé par
une petite pointe , & compolé de deux pieces,
dont la fupérieure eft une efpece de calote : il ren.
ferme ordinairement quatre graines auffi grofles
que celles du Lizeron dont on vient de parler,
Ces graines font arrondies fur le dos , anguleules
de l’autre cofté , longues d’une ligne & demi ,
épaifles d’une ligne & comme féparées en deux
lobes par une membrane tres-menue , échancrées
en bas & attachées à un placenta fpongieux &
gluant.
Ces graines ne font autre chofe que des veflies
membraneufes , dans chacune defquelles fe trou-
ve pliée en fpirale on limaçon, uné jeune plante :
de Cufcute, Cette jeune plante eft un cordon vert-
gai » long de demi pouce , épais d’un quart de
igne dans fon commencement , maïs qui dimi-
nuË jufques à la fin, attache par fon bout le plus
épais à un placenta fpongieux & gluanr , lequel
eften partie dans la caplule , & en partie dans
le calice, Peut-être que lé Créateur à voulc, pat
l'exemple de certe Plante , nous faire connoître
que les embrions des plantes étoient renfermez
comme en miniature dans les germes de leurs fe-
mences ; & qu’ainfi les graines étoient comme au-
tant de vefcies où la jeune plante toute formée
n’attendoit, pour fe rendre fenfible , qu'un peu
de fuc nourricier qui en fit gonfler-les parties. Il
y a de grands exemples dans la nature qui nous
feroient connoître la ftruéture des chofes les plus
gachées, fi nous y faifions affez d’arténtion. M
pt LEevANT, Lettre X IX. a2t1
Malpighi avoit un talent merveilleux pour profiter .
de ces fortes d’ofervations,ce n’eft en effet que {ur
plufeurs obfervations qu’il faut établir des {yf
temes, Par exemple on obferve dans le mois d'Oc
tobre au fond de l’oignon des Tulipes , une Tuli-
pe entiere , fur la tige de laquelle , qui na pas
encore trois lignes de haut , on découvre déja la
fleur qui ne doit paroître que dans le mois d’Avril
fuivant : on compte les fix feüilles de cette fleur ,
les étamines , les fommets , le piftile ou le jeune
fruit, les capfules & les femences qu’elles renfer-
ment, Qui ne Croiroir après cela que routes ces
parties étoient renfermées dans un efpace encore
plus peric , qui n’a pà fe rendre vifble qu’à me-
fure que le dr nourricier en à dilaté les moindres
parties ?
Les Oifeaux que nous voyions dans ces belles
Plaines qui s’étendenc jufques à la riviere , nous
auroient pent-être fourni quelques obfervations
Utles pour l’anatomie , fi nous euflions eù un fu-
fil pour Les tuer. On y voit des efpeces de Æeron
Qui n'ont pas le corps plus gros qu'un pigeon , &
qui ont les jambes d’un pied & demi de haut, Les
Aigrettes n’y fonr pas rares, mais rien n’appro-
de la beauté d’un Oifeau merveilleux dont je
Barde la dépoüille dans mon Cabinet , & dont j'ay
veû la figure dans les livres des Oifeaux que l’on
x pour le Roy. Il eft gros comme un Cor-
cau , fes ailes ee noires , les plumes du dos
violettes vcts le croupion, celles qui s'étendent
épuis cette partie thus au col , font tres-poin-
tués à leur extremicé , & d’un vert admirable do-
ré & luifant ; celles du col jufques vers le milieu
Ont dun couleur-de-feu éclatant ; les autres qui
“ouvrent le refte du col & toute la tête, fong
O ij
: Vois are r 8
d’un vert ébloüiffant. Enfin la rêce eft relévéè d'aé
ne houpipe du même vert, haure d'environ qua:
tre pouces, dont les plus longues plumes fontcom:
me des palettes à l6ng manche. Le bec de cet oi-
feau eft brun , femblable à celui d’un corbeau.
On pourroit avec plus de raifon li donner lé nonx
de XKoy des Corbeaux , qu’à celui qu’on a apporté
du Mexique à Verfailles ; puifque l'Oileau d A-
imerique , quelqu’adinirable qu’il foit , n’a rien de
commun avec nos Corbeaux ordinaires. |
Je ne fçaurois me confolet d’avoir paflé par
Corvitap fans avoir été à Ardachar, Ce w'elt qu'à
Paris que j'ai appris par la lecture di Fo age de
M: Chardin, qu'Ardachar; fuivartr la rradition des
Armeniens , éroit le refte de l’ancieñne ville
d’Artaxate. Les gens du pays, dit ce auteur,
appellent cutté ville Ardachat, du nom d’'Arta-
Xerxes_; que les Oriertanx nomment Axdechier.
Ils afférent qu'on voit parmi [es ruines ; celles du
Palais de Tiridate : qui fut batiil y 4 1300. ant.
Ils difent de plus ; g#ily a une face dn Palais qui
n'eft qu'à demi ruince ; qu’il y refte quatre rangs de
Colomnes de marbre noir 3:qué ces (olomnes entou-
rent une grande piece de marbre ouvrage ; © qu'el-
Les font fi groffes que trois hommes ne les peuvent pas
embraffer. Cet amas de ruines s'appelle Taét-tardat »
s’eff à dire ; le Thrône de Tiridate.
Tavernier marque aufli les ruines d’Arraxate
entre Erivan & le Mont Ararat; mais il n’en dit
tien davantage. La firuation d’Artaxare eft f bien
décrite dans Strabon , qu’on ne fcauroir s’y trom=
per en examinant le cours de l’Araxe, Artaxatts,
dit ce Prince des Geographes aricicns ; fut: barie
firr le deffein qu’ Annibal en donna au Roy .Artaxes
qui enfit la Capitale de l'Armenie. La ville Ua
IT LEVANT Enr VIFS
pue , continüe-t-il, dens un contour que la ri-
viere d'Araxe fait en forme de peninfule , [i bien que
l'enceinte de certe riviere lui ricnt lien de muraille ,
hormis dans l'endroit vis ej} L'iffhme ; mais cer Ifthme
ef fermé par un rempart G: par un ban foffé. La
campagne des environs s'appelle le Champ :Ar-
taxene, |
Cette defcription de Strabon augmente mon
chagrin , car nous aurions verifié fi Ardachar eft
dans une peninfule , où nous aurions peut-être
trouvé-plus haur ou plus bassmais nos guides nous
voyôienit fiatrachez à la recherche des plantes ,
qu’ils ne croyoient pas que nous penfaflions à
autre chofe. Qui efl-ce qui fe pourroit imaginer
aufli- qu’Annibal. fut venu des: côtes d'Afrique
jufques à l’Araxe ; pour fervir d’Ingenicur à un
Roy d'Armenie 2 Plurarque le certifie pourtant;
& ditque ce fameux Affriquain , après la défaire
d’Antiochüus par Scipion/f’Afatique ; s'enfuit en
Armenie ; aù il donnasmiülle bons: ayis à Artaxes,
entre autres, celui de bâtit Artaxare dans la fitua-
tion la plus avantageufe de fon Royaume, Lucul-
lus fcignit de vouloir afliéger cette Place 'afin
d'attirer au combat Tigräne fon fuccefleur ; mais
le Roy d'Armenie vint fe caripér fur le fleuve
Arfamias Pour. eh difpurer :le paflage aux Ro-
Mains : fuivant certe; remarque , Arfamias ne
Éçauroit être que la ‘riviere d’Erivan. Les Arme-
biens furent battus à ce paffage & dans une fecon-
de rencontre après le pallage. Nôrre Hiftorien af-
füre que Lucullus jugea à propos de monter vers
lberie ; ainfi Artaxate ne fut pas prife. Pompée
qui eut le commandement de l'armée ; après lui,
preffa fi fort Tigrane qu'ill’obligea de lui remet
te {a Capirale fans coup ferir, Corbulon Generél
gs © ii
EE RE NS PES ET RREE
des Romains, fous l'Empereur Neron,conttäignit
le Roy Tiridae de luy ceder Artaxate ; mais bien
loin de l’épargner , comme avoit fait Pompée , il
la fic entierement détruire, Cependant Tiridate
vint à Rome & fit fa paix avec l'Empereur , qui
non feulement lui remit le Diadème fur la rête ;
mais lui permit encore d'emmener de Rome des
ouvriers pour rétablir Artaxate ; que Le Roy d’Ar-
menie, par reconnoiflance, appella Neroria du
nom de Fe bienfaideur. 11 eft furprenant qu'au-
cun des Auteurs qui parlent de certe Place, ne
nous air dirle nom que portoit alors le Mont
Ararat, fur lequel nous allons monter, |
Le 10. d’Aouft nous partimes de Corvirap ; &
marchâmes jufques à 7. heures pour trouver le
ué de l'Aras qui ne pafle qu’à une lieüe ‘du Mo-
naitere, Quelque rapide que foir cette riviere »
le gué en eft fi large & fi étendu qu’un de nos gui-
des rifqua de le paffer fur un âne ; à la verité il
eur aflez de peine à s'en tirer, On arriva fur les
onze heures au pied de la montagne ; & nous i-
nâmes , fuivant la contume du pays ; dans l'E-
glife dan Couvent au village d’Acourlon 3 Ce
Couvent , qui eft ruiné , s’appelloit autrefois
Araxil-vane, c'eftà dire le Monaflere des Apôtres.
Toute la plaine au delà de l'Aras eft remplie de
belles Plantes, Nous y en obfervâmes une d’un
genre bien fingulier à laquelle Fe le nom
de Palygonoides , parce qu’elle a beaucoup de rap
port à Ephedra ; qu'on à nommée autrefois Pas
lygonum Maritiqiimiif 550 HAURT
C'eft un atbufte de trois ou quatre pieds de
Jong , fort rouffu & fort étendu fur les -côtez ; lan
tronc eft cortu , dur , caflant , épais comme 1€
bras, convert : écorce rouffarre, divilé en
CR à ii:
Tom .3.pag.214
Polygonoides Orientale Ephedræ face
Corotl. Inft. Re herb. 47:
pu LEevanrT. Lettre XIX. 2x5
branches tortués auf , fubdivifées en rameaux
d’où naiflent , au lieu de feuilles, des brins cilin-
driques épais de demi ligne vert-de-mer , longs
d’un pouce ou 1f. lignes , compofez de plufieurs
ieces articulées bout à bout , fi femblables aux
feuilles de l’Ephedra, qu'il n’eft pas pollible de
es diftinguer fans’ voir les fleurs, Des articulations
de ces brins il en fort d’aucres qui font articulez
de même ; & ces derniers pouffent dans leur lon-
gueur quelques fleurs de trois lignes de diametre.
Ce font des baflins découpez en cinq parties juf-
ques vers le centre , vert-pâle dans le milieu ; &
blancs dans le refte. Du fénd de chaque bañlin
fort un piftile long d’une ligne & demi, angu-
leux , relevé de petites arêtes & enrouré d’éta-
mines blanches dont les fommets font purpurins.
Chaque fleur eft foutenué par un pedicule tres-
délié & fort court. Le piftile devient un fruit long
d'environ demi pouce, épais de quatre lignes ,
de figure conique , canelé profondément dans fa
Jongueur, Les canelüres font quelque-fois droi-
icé ; quelquefois fpirales. Leurs arêtes font ter-
minées par des aîles découpées en franges ; tres=
Menuts. Quand on coupe le fruit en travers on
en découvre la partie moelleufe, laquelle eft blan-
che & angulaire. Les fléurs ont l’adeur de celles du
Tilleul , ne fe flétriffent que tard , & reftent à la
bafc du fruir comme une efpece de roferte. Les
feüilles ont un goût d'herbe maïs ftiprique, ra
eus commençimes à monter ce jour là le
Mont Ararar {ur les deux heures après midi ; mais
ce ne fut pas fans peine. Il faut grimper dans
des fables mouvans où l’on ne voir que quelques
pieds de Gemiévre & d’Epine de bouc. Cette Mon-
tagne qui refte entre le Sud & le S'hrT des
pe IE y EE TT ba
Trois Eglifes,eft un des plustriftes & des plus defa-
greables afpeëts qu'il y ait fur la terre.On n’ytrou-
. ve ni arbres ni abri at ; encore moins des Cou-
vents de Religieux Armeniens ou Francs, M
Struys nous auroit fait plaifir de nous appréndre
où logent les Anachorettes dont il parle ; ‘car les
gens du pays ne fe fouviennent pas d’avoir oui di-
re qu'il y ait jamais eù dans cette Monitagné, ni
Mines Armeniens , ni Carmes ; tous les Mona:
ftéres font dans la Plaine. Je ne crois pas que la
place füc tenable autre part ; puifque tour le ter-
rein de l’Ararat eft mouvant'ou couvert de neige.
I femblé même que cette Montagne fe confom-
mérobs fes jours, SULE SP AN MES pe
: Du'haut du grand abîme , qui eft une ravine
épouventable , s’il y ef cut jamais , & qui répond
au village d’où nous étions partis, fe dérachent
à tous momèëns des rochers qui font un bruit ef-
froyable*, & ces rochers font de pierres noirâtres
© & fort dures, Il n'y a d’aniinaux vivans, qu’au
bas de la Mônragne & vers lé milieu; ceux qui
occupent la premiere region, font de pauvres ber-
gérs & des troupéaux ae ; parmi lefquels or
Voir quelques perdrix ; ceux de la feconde region
fonc dés Tigres & des Corncilles, Tout le refte
de la Montagne ,ou pour mieux dite la moitié
de la Montagne , eft couverte de neige depuis que
l'Arche s'y arréra, & ces neiges font cachées la
moitié dé l’année fous des nuages fort épais. Les
Tigres que nous'apperceümes ne laiflerent pas de
rious faire peur,’ quoiqu'ils fuffent à plus de 200.
pas de nous ;:& qu'on nous aflürâr qu'ils ne’ve=
nojent pâs ordinairement infulter les paffans ; ils
cherchôiene à boire , & n’avoient fans doute pas
faim ec jour-là, Nous nous profternämes pourtant
pu Levayr Lettre XIX. %1y
dans le fable & les laiffâmes pailer fort refpectueu-
fement, On en tué quelquefois à coups de fufil ;
mais la principale chafle fe fait avec des traque-
nards ou piéges ; par le moyen defquels on prend
les jeunes Tigres que l’on apprivoile, & que l’on
inene promener enfuite dans les principales vil-
les de Perfe, ee ds
. Ce qu’il y a de plus incommode dans certe
Montagne , c’eft que toutes les nciges fondués ne
fe dégorgent dans l’abime que par une infinité de
fources où l’on ne fauroit atteindre ; & qui font
aufl fales que l’eau des torrens dans les plus
grands orages. Toutes ces fources forment le ruif-
{eau qui vienc pafler à Acourlou , & qui ne s’é-
claircit jamais. On y boit de la boïüe pendant tou-
te l’année , mais nous trouvions cette boüe plus
délicieufe que le meilleur vin ; elle eft perpetuelle-
ment à la glace , & n’a point de goût limoneux,
Malgré l'éconnement où cette effroyable folitude
hous avoit jettez , nous ne laiflions pas de cher-
cher ces Monafteres prérendus, & de demander
Silny-avoic pas des Religieux reclus dans quel-
ques cavernes L'idée qu’on a dans le pays que
l'Arche s’y arrêta , & la vénération que tous les
Armeniens ont pour cette Montagne, ont fait
préfumer à bien des gens qu’elle devoit être rem-
lie de Solitaires, & Struys n’eft pas le feul qui
Fait publié ; cependant on nous affüra qu’il n’y
avoit: qu'un: petit Couvent abandonné , au pied
de labîme , où l'on envoyoit d’Acourlou tous les
ans un Moine pour recueillir quelques facs de
Blé qué produifent les verres des environs. Nous
‘umes obligez d'y aller le lendemain pour boire ,
ar nous confommâmes bien-tôt l’eau dont nos
Buides avoient fait provifion ; fur Les bons avis
3
518 V0 E
des Bergers. Ces Bergers y font plus devots qu'ail-
leurs, & même tous les Armeniens baifent la terre
dés qu'ils découvrent l’Ararat, & récitent quel-
ques priéres après avoir fait le figne de la croix.
- Nous campâmes ce jour-là tour près des caba-
nes des Bergers ; ce fontde méchantes huttes qu’ils
tran{portent en differens endroits , fuivant le be-
foin, car ils n’y fçauroient refter que pendant le
beau temps. Ces pauvres Bergers qui n’avoient
jamais veû de Francs , & {ur cout de Francs Her-
oriffes ; avoient prefque autant de peur de nous ,
que nous en avions eu des Tigres ; néanmoins il
fallur que ces bonnes gens fe familiarifaffenr avec
nous , & nous commençames à leur donner ;
pour marque de nôtre amitié ;‘ quelques tafles
de bon vin. Dans toutes les montagnes du mon-
de on gagne les Bergers par cette liqueur qu'ils
eftiment isfiniment plus que le lait dont ils fe
nourriflent, 11 fe trouva deux malades parmi eux
qui faifoient des efforts inutiles pour vomir ; nous
_ des fecourumes fur le champ , & cela nous attira
Ja confiance de leurs camarades. "°°"
Comme nous allions roüjours à nôtre but, qui
écoit de prendre langue & de nous inftruire des
particularirez de cette Montagne ; nous leur fi-
‘mes propofer plufeurs queltions; maïs tout bieit
confderé,ïls nous confeillerent de nous enretour-
ner , plüroft que d’ofer entreprendre de monter
jufques àka neige, Ils nous avertirent qu'il #ÿ
avoit aucune fontaine dans la montagne , excepté
le ruiffeau de l’abime , où l’on ne pouvoit aller
boire qu’auprès du Couvent abandonné dont
on vient de parler , & qu’ainfi, un jour ne
fuffiroït pas pour aller jufques à la neige ; ©
pour defcendre au fond de l’abime. Qu'il faudroit
Levanr. Lettre XIX. 219
uvoir faire comme les Chameaux , c'eft à dire
a le matin pour toute la journée , n'étant pas
-_ poflible de porter de l’eau en grimpant fur une
montagne aufli affreule , où ils s’égaroient eux-
mêmes affez fouvent. Que nous pouvions juger
de la mifere du pays, par la neceflité où ils étoient
de creufer la terre de temps en temps pour trou-
ver une fource qui leur fournit de l’eau pour eux &
pour Jeurs troupeaux. Que pour des Plantes il
étoic tres- inutile d’aller plus loin, parceque nous
ne trouvérions au deflus de nos têtes que des ro-
chers entaflez les uns fur les autres, Enfin qu’il
y avoit de la folie à vouloir faire cette courfe ;
que les jambes nous’ manqueroient , & que pour
eux ils ne nous y accompagneroient pas pour tout
l'or du Roy de Perle. he
* Nous obfervâmes ce jour-là d’affez belles Plan-
tés ; mais nous nous attendions à bien d’autres
chofes pour le lendemain , quoiqu’en diffent les
: Bergers.Qui eft-ce qui au feul nom du Mont Ararat
ne s’y feroit pas attendu ? Qui eft-ce qui ne fe
feroit pas imaginé de trouver des Plantes les plus
Extraordinaires {ur une Montagne qui {ervit, pour
ainf dire, d’efcalier à Noc pour defcendre du
ciel en terre avec le refte de roues les creatures ?
pendant nous eûmes le chagrin de voir fur çet-
te route le Coronaffer folie rotundo 1B, La Co-
Xe acris , cœrulea C B. V'Hieracium fruticofum ,
an£uflifolium , majus C B. La Jacobea , Sencionis
Folio, Le Fraifier , VOrpin , l'Enphraife , &je ne
Sal combien de plantes les plus communes ,
mélées parmi d’autres beaucoup plus rares que
Fous avions déja veücs en plufieurs endroits.
en voici deux qui nous parurçnt toutes nous
vélles, hs ÿ
e +
x
F Lychnis Qrientalis |, maxima , Buglaff folio tie
dulato, Coroil. Inft. Reï Hlerbar, 235:
ba racine de cette Plante eft longue d’un pied :
& demi-blanchâtre , partagée en groffes fibres af-
{ez chevelucs, grofle au coller comme le pouce ,
divifée en pluñeurs teftes d'où naïflent des tiges
hautes de trois pieds, droites , fermes , épaifles
de quatre lignes , creufes vert-pâle , veluës ,
gluantes , garnies defeüilles deux à deux , longues
d'environ cinq pouces fur un pouce de large,
femblables à celles de a Buçlofe , ondées , frifées
fur.les bords, relevées en deffous d’une cofte
affez-grofle,laquelle fournit plufieurs vaifleaux re-
pandus dans la longueur des fuilles. Elles dimi-
nüent confidérablement vers le milieu de la tige’,
& de leurs aifelles naïflent de chaque côté des
brañches ou brins partagez ordinairement en trois
pedicules , dont chacun foutient une fleur ; ainfi
routes ces fleurs paroiflent difpoléès comme par
étage. Chaque fleur -eft à cinq feüilles blanches ,
Jongues d'environ deux pouces , larges vers le
haut de demi pouce ; échancrées profondément ëc
terminées en bas par une queüe verdâtre. Du mi-
lieu de ces feüilles forr une touffe d’éramines de
même couleur , menuës ; mais beaucoup plus lon-
guesque les feuilles ; & chargées de fommets ce-
Jadon. Le calice eft un tuyau d’un pouce de long
fur trois lignes de large, blanchâtre ; rayé de vert,
découpé en. pointes’, du fond duquel fort un pifti-
de APP ligne long fux une ligne d’épail-
feur, vert-pâle, furmonré de trois filets blancs
auffi longs que les étamines. y
— Geum Orientale,Cymbalarie folio molli G: glabro,
fiore magno albo, Coral, Inft, Rei Herb. 18.7
Cerre belle efpece de Geum fort des fentes des
:
D. pe
Tom." M ra Ares 7
«
f “us l
Rei herb.
à folie né.
Inst.
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RTS
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Ori
ugloss
dulats Cou
24.
Ly
aima B
Tom 3 - pag: 22.
Geum Orientale, Cymbalirie Jfelio mollé :\s
et glabro, flore mMagno, albo Coroll. Inst 1
herb. L3.
SG
7 Chu LevANT Lettre YIX 1 ms
tochers les plus efcarpez, Sa racine cft fibreufe ;
blanchatre longuede 4. ou $. pouces , cheveluë;
Ses feüilles naiffent en foule ; fi femblables à cel
les de la Cymbalaria ordinaire qu’elles impofent :.
Cependant elles font plus fermes. La plufpartotr
9. ou 10. lignes de largeur , fur 7. ou 8; lignes
de long ; découpées à grofles*erenclures en arca-
dé-gorique , luifantes & foûtenuës par une quete!
d’un pouce ou deux pouces & demi de long. Les
tiges font hautes d’un empan, &:n'ont gueres
plus d’un tiers de ligne d’épais , foibles, cou-
chées prefque fur les rochers 4 puis relevées ; ac+
compagnées de peu de feuilles dont les crenelu=:
res {ont plus pointués que celles des feuilles d'en
bas. Le haut de la tige &.des branches, eft velæ.
& chargé de fleurs à cinq feuilles longues de de-
mi pouce ; larges à leur extiemité d'environ 34
lignes , blanches ; veinées de vert à leur bafes
Les étamines qui s’élevent du milieu de ces feüil.
les font blanches, & n’ont-gueres plus de deux
lignes de long ; chargées de enfin &
menus, Le calice eft découpé jufques au centre
en cinq parties étroites & velués. Le piftile efk:
vert-pâle, affez arrondi, par le bas & de la figure.
d’une aiguiere à deux becs, comme celui des ef-
peces du mêime-genre; Il devient une caplule de
même forme; mermbrareufe , brune , divifée en
deux loges , hautes de trois lignes , dans chacune!
defquelles il y a un placenta. fpongieux , chargé
dé femences menuës & noirâtres, Les feüilies de:
cette Plante ont un goût d’herbe tant foit peu fa:
. Les fleurs fonc e. odeur. Les racines font:
douccâtres & puis ftipriques. He
Après avoir mis nôtre Journal au net : nous
tinmes confeil à table nous trois , pour déliberez
SP
222 É
fur la toute que nous devions prendre Îe fende-
main. Nous ne courions certainement aucun rif-
que d’être entendus ; car nous parlions François;
& qui eft-ce qui peut fe vanter dans le Mont Ara-
rat d'entendre cette Eangue , pas même Noé
s’il y revenoit avec fon Arche ? D’un autre côté
nous examinions les raifons des Bergers , lefquel-
les nous paroifloient tres-pertinentes , & {ur tout
l'infurmontable difficulté de ne pouvoir boire
que le foir ; cat nous comptions pour rien celle
d’efcalader une Montagne auffi affrenfe. Quel
chagrin , difions-nous , d’être venus de fi loin ;,
d’être montez au quart de la Montagne ; de n’a-
voir trouvé que trois où quatre Plantes rares ;
& de s’en retourner fans aller plus avant ? Nous
fîmes entrer nos Guides dans, le confeil : ces bon-
nes gens qui ne vouloient pas s’expoler à mourir
de foif & qui n’avoient pas la curiofité de mefit-
rer , aux dépens de leurs jambes , la hauteur de
la Montagne , furent d’abord du fentiment des
Bergers, & enfuite ils conclurent qu’on pouvoit
aller jufques à des certains rochers qui avoient
plus de faillie que les autres , & que l’on revien-
droit coucher au même gite où nous étions. Cet
expedient nous parut fort raifonnable : on fe
ceucha là-deflus , mais comment dormir dans
l'inquietude où nous étions ? Pendant la nuit
Famour des Plantes l’emporta fur routes les au-
tres difficultez ; nous conclumes tous trois fépa-
rément , qu’il écoit de nôtre honneur d'aller vifi-
ter la Montagne jufques aux neiges, au hazard
d’être mangez des Tigres. Dès qu'il fut jour , de
peur de mourir de foif pendant le refte de la jour-
née , nous commençâmes par boire beaucoup ; &
nous nous donnâmes une efpece de queftion vo
| LEevANT. Lettre XIX. 123
lontaire, Les Bergers, qui n’éroiént plus f fa.
rouches , rioient de tout leur cœur , & nous pre«
noient pour des gens qui cherchions à nous per-
dre. Neantmoins après cette précaution il fallue
diner , & ce fur un pareil fupplice pour nous de
manger fans faim, que d’avoir bû fans foif ;
mais c’étoit une neccflité abfolué , car outre
qu’il n'y avoit point de gîte en chemin ; bien
loin de fe charger de provifions , on a de la pei-
neà porter même fes habits dans des lieux aufli
{cabreux, Nous ordonnâmes donc à deux de nos
Guides d’aller nous attendre avec nos chevaux
au Couvent abandonné qui eft au bas de Fabi-
me ; il faut le défigner ainf , pour le diftin-
guer de celui d’Acourlou qui eft aufli aban-
onné , & qui ne fert plus que de retraite aux
yoyageurs,
Nous commençâmes après cela à marcher vers
la premiere barre de rochers avec une bouteille
d'eau que nous portions tour à tour pour nous
foulager ; mais quoique nos ventres fuflent de.
venus des cruches, elles furent à fec deux heu-
ECS après ; d’ailleurs l’eau battué dans une bou-
teille eft une fort défagréable boiffon : toute nôtre
efperance fut donc d'aller manger de la neige
Pour nous défalrerer. Le plaifir qu'il y a en her-
tifant, c’eft que fous prétexte de chercher des.
Plantes, on fait autant de détours que l'on veut,
ainf on fe laffe moins que fi par honneur il falloir
Monter en ligne droite ; d’ailleurs on s’amufe
agréablement , fur-tout quand on découvre des
Plantes nouvelles. Nous ne trouvions pourtant pas
Op de nouveaurez , mais l’éfperance d’une belle
Moiflon nous faifoit avancer vigoureufement. Il
faut avoier que la vûé eft bien trompée quand
on mefure : une montagne de bas en haut, fur-
But CE ET Rd! an 42
tour quand il Éuc-pañfer des fables ‘auffi fachettd
que les Syrtes d'Afrique, On ne fçauroit. placer lé
pied ferme dans ceux du Mont Atarat,;& l’on perd ;
en bonne Phifique ; bien plus de mouvement que
lotfqu’on marche fur un terrein folide. Quel ca-
deau pour des gens qui n’avoiént qué de l’eau
dans le ventre;d’enfoncer jufques à la cheville dans
ke fable ? En pluféurs endtoits nous étions obligez
de defcendre au lieu de monter ; & pour conti-
huer nôtre roûte il fallut fouvent fé détourner à
droit ou à gauche ; fi nous trouvions de la pelou-
fe ; elle limoic fi fort nos bottines ; qu’elles glif-
: foient comme du verre ; & malgré nous il falloir
nous arrêter. Ce temps-là n’éroit pourtant pas
rout-a-faic perdu ; car nous l'employions à rendré
Veau que nous avions bête : mais à la verité nous
fümes deux ou trois fois fur le point d’abandon-
ner la partie.je crois que rons aurions mieux fait,
pourquoi lutter contre un fable fr terrible & con-
tre une peloufe fr courte que les moutons les plus
affamez n’y fcauroient broutter:cependant le cha-
grin de n’avoir pas tout veû nous auroit trop in”
quictez dans la Lie ; & nous aurions toujours CF
d’avoir manqué les plus beaux endroits. 1 eft na-
turel de fe flatter ; dans ces fortes de recherches >
& de croire qu’il ne faut qu'un bon moment
pour découvrir quelque chofe d’extraordinaire &
qui dédommage.de tout Le remps perdu. D'ailleurs
cette neige qui le prefentoir toujours devant n05
yeux; -& qui feiibloit s'approcher , quoiqu’elle
en fut tres-éloignée ;- avoit de grands attraits pour
nous ,; & nous fafcinoit continuellement les yeux 5
plus nous en approcMions ; moins cependaait nous
découvridns de Plantes. | ST ET or
Pour éviter les fables qui nous feriguoient hoï-
; tiblement s
#
bi Levantolair XIX. aùf
tiblement , nous tirâmes droit vers de &rahds ro
chers entaflez je uns fur les auttes ; comime fi l’on
avoit mis Off2 fur Peliony pour parler le langage
Spy at Éd 2 au travers des
- cavernes;& l’on y eft à l'abri des injures du teins,
excepté du froid ; nous nous en apperçümes bien,
mais ce froid adoucit un peu l’alteration où nous
étions; 11 fallut en déloger bienrôt,de per d'y ga-
gner la pleurefie ; nous rotnbämes Ds at un
chemin tres fatiguant,c'étoient des pierres fernblas
es aux moîlons que lon eimploÿe à Paris pouf
la maçonnerie ; & nous étions contraints de fau-
ter d’un pavé far l’autre, -Cer exercice nous pa+
toifloic tres - incommode , & nous ne Ps
vions hous empécher de rire de nous voit obligeé
à faireun f mauvais manége ; mais franchement
on ne -rioit que du bout des dents: N'en pouvant
us je commencay le premier à me regofer ; ce-
fexvit de pretexte à la compagnie pour en faire
autanr. |
: Comme la converfation fe renoïie quand on eft
aflis s lu parloït des Tigres qui fe promenoient
rt tränquillement , ou qui fe joüoïent à tiné
diftance affez raifonnable de nous, Un autre fé
Plaignoït que fes eaux ne palfoient pas, & qu'il né
Pouvoic plus refpirer. Pour moi je n’ai jémais tant
pésciandé que quelque vaiffeau limpharique ne
calfà dans son corps: Enfin parmi tous ces
Petits contes avec lefquels nous tâchions de nous
ufer , &qui fembleient nous donner de nous
velles forces ; nous arrivâmes fur le rnidi dans uit
endroit plus réjoüiffant ; car il nous fembloit que
boys allions prendre la neige avec les dents. Nô+
tre joye ne fut päs dongüe , e’étoit une crête dé
focher qui nous déroboir la veu d'un terrein
Tome III: P
26 1 LE soiree s À »:
éloigné de la neige ; de plus de deux heures dé
chemin, & ce terrein nous parut d’un nouveau
genre.de pavé, Ce n’étoient pas de petits cailloux,
mais de ces petits éclats de pierres que la gelée
fait brifer & dont la vive-arête coupe comme cel=
e de la pierre à fufil.:Nos Guides difoient qu’ils
éroient nuds pieds, S&que nous ferions bienroft de
même ; qu'il fe failoit tard & que nous nous per-
_drions'indubitablement pendant la nuit ou qu’au
moins nous nous caflerions le col dans les tene+
bres , fi mieux n’aimions nous repofer pour fer-
vir de pafture aux. Tigres qui font ordinairement
leurs grands coups pendant la nuit, Tout cela
nous .paroifloit aflez vrai-femblable , cependant
nos bottines n’étoient pas encore trop mal-trais
tées. Après avoir jetté les yeux fur nos montres ;
‘qui étoient fort bien reglées., nous affürâmes nos
Guides que nous ne paferions pas au delà d'un
tas de neige que nous leur montrâmes , & qui ne
paroifloit gueres plus grand qu’un gâteau ; mais
quand nous y fûmes arrivéz nous y en trouvâmes
plus qu’il n’en falloir pour nousrafraîchir , car lé
tas avoit plus de 30. pas de diamertre, Chacun en
mangea tant & fi peu qu’il voulut ; & d'un com«
mun confentement il fut réfolu qu’on n’iroit pas
plus"loin, Cette neige avoit plus de quatre pieds
d’épaifleur ; & comme elle éroit toute criftalifée ;
nous.enpilâmes un gros morceau dont nous rem-
plimes nôtre boutcille. On ne fçauroic croire
combien: la neige fortifie. quand on la mange:
Quelque temps après on fent dans l’eftomac une
chaleur, pareille à celle. que l’on fent dans les
mains ; quand on ly à :tenuëé un demi quart
d'heure, -& bien loin d’avoir des tranchées,
comme la plufpart des gens fe l’imaginent, on
Bu LEevANT! Leltre XIX. 333
En a le ventre tout confolé, Nous defcendimes
donc avec une vigueur admirable ; ravis d’avoir
accompli nôtre vœu, & de n’avoir plus rien à
faire que de nous retirer aÿ Monaftere.. |
Comme un bonhetr eft ordinairemént f{uivi
de quelqu’autre , je ne feai comment j'apperçeüs
une petite verdure qui brilloït partices débris
de ‘arge Nous y courûmes tous cormime à un
tréfor , & certainement la découverte nous fit
plaifir, C’éroit une efpèce admirable de Peroni-
que à feuille de Telephium, à läquellé nous ne
nous -attendions pas ; Cat nous ne peñfions plus
qu'à nôtre rettaite, & nôtre vigueur pretendué
ne fut pas de longue durée. Nous retombâmes
dans des fables qui couvroienit le dos de l’abime
& qui éroient pour lé moins auf Fâcheux que les
premiers. Quand nous voulions gliffer‘'} nous
nous y enterrions jufqu'à la moitié du corps ;
Outre que nous n’allions pas le bon chemin ;
parce qu'il falloit rourner fur la gauche pour ve-
“nir fur les bords de l’abîme que nous fouhaitions
de voir de plus'près. C’eft ane cffroyable veie
sk celle de cer abime, & David avôït bien rai-
on de dire que ces fortes de lienx moriroïent la
Srandeut du Seigneur. On ne pouvoit s'empés :
Cher de frémir quand on le découvroït } &la
tête tournoit pour peu qu'on voulür en exarniner
lës hotribles précipices. Les cris d’une infinité
de Corneilles qui volent incefflamment de l’ün à
l’autre cofté ; ont quelque chofe d’effrayant, On
n'a qu’ às’imaginer une des ‘plus ‘hautes Monta-
és dumonde ; qui n'ouvre fon fein + x pour
re voir le fpeétacle le plus SES on puifle
fe réprefenter. Tous ces précipices font’ taillez
4 plomb , & les extrémitez en font er
et |: NOEL SS
noirâtres comme s’il en fortoit quelque fumée
qui les falic , il n’en fort pourtant que des rorrens
de boüe, Sur Les fix heures après midi nous nous
trouvâmes mes-épuifez ; & nous ne pouvions pas
mettre nn pied devant l'autre; mais il fallur faire
de néceflité vercu , & mériter les noms de Afar.
trs de la Botanique,
nous aperçedmes d'un endroit couvert de
peloufe ; dons la pente paroifloit propre à favoris
fer nôtre defeénce , e’eft à dire Le chemin qu'avoir
tenu Noé pour aller au bas de Ja Montagne,
Nous y courimes avec empreflement , on s'y re-
pofa; on y trouva même plus de Plances qu’on
n’avoit fait pendant toute la journée ; & ce qui
nous fit plailir , c’eft que nos Guides nous firent
voir dé là ,; quoique de fort loin , le Monaftere
où nous devions aller nous -défalterer. Je laifle à
deviner.de quelle voiture Noé fe fervit pour def
cendre; lui qui pouvoir monter fur tanr de fox-
tes d'animeux puifqu'il les avoir cous à {a fuite.
Nous nous laiffâmes glifler fur le dos pendant plus
d'une heure fur ce tapis vert ; nons avancions che-
min fort agréablement, & nous allions plus vite
de certe façon là que fi nous avions voulu nous
, fervir de nos. jambes, La nuit & la foif nous fere
voient comme d'éperons pour nous faire hâter.
On continua donc à glifler autant que le terrein
Je permit ; & quand nous rencontrions des «ail:
Joux qui meurtrifoicur nos épaules , nous gli
#ons fur Le ventre, ou nous marchions à reculon
à quatre pattes. Peu à peu nous nous rendimes
au Monaftere , mais fi étourdis des coups:& ffa-
tiguez de ces allcûres , que nous ne pouvions
remuer ni bras ni jambes, Nous trouvâimes affez
,
bonne compagnie dans ce Monaltere \ dont es
._. Do LevanT. Lettre ZIX. 29
ntes font ouvertes à rour le monde, faure de
Ens pour Les fermer.C'écoient des gens du vil-
age qui s’y écoienr venus promener ; ils étoient
fur leur départ & imalheureufement pour nous ils
w'avoienc ni eau. ni vin, 1} fallue donc envoyer
au ruifleau , mais nous n'avions pour. rout uften.
cile que nôtre bouteille de cuir qui ne tenoir
qu'environ deux pinces. Quel fupplice pour ce-
lui de nos Guides fur qui le fort tomba pour Fal-
ler remplir ? Il eut à la verité le plaifir de boire le
premier , mais perfonne ne le lui envia, car il le
aya bien cher , la defcente du Monaftere au rui£
En étant de près d’un qmart de lieué perpendi
laire & Le chemin fort herillé, On peur juger de là
fi le recour devoit être agréable. Il faut demi hew
re dé temps pour ce voyage , & la premiere bou-
, & lle fur prefque beug d’un trait ; certe eau nous
pa ut du necar ; il fallut donc attendre encore de.
mi heure pour en avoir autant : Quelle mifere ?
Nous montâmes à cheval pendant la nuit pour
allé au village chetcher du pain &.du vin ; car
après ce manége nous avions le ventre aflez vuie
ÿ nous n'y arrivâmes que fur le minuit, & ce:
lui qui gardoit la clef de l'Eglife où nous devions
louper & coucher , dormoit tour à fon aile à l'au+
tre du village, On fut trop heureux , à cer-
te heure-là , de pouvoir trouver du pain & du vin:
Apres ce leger repas nous ne laillâmes pas de dor-
mir d’un profond fommeil, {ans réve, fans inquié-
tude fans indigeftion , & même fans fencir les pi-
Queures des coufins. | .
‘Le lendemain : 2. Aoufk nous partimes d’Acour=
lou à fix heures du marin , pour retourner aux
Trois Eclifts, où nous n'arrivames que le #3.
Apres avoir pallé l'Araxe à gud ; ce qui nous fit
HIER NAP EL ARR UE
perdre bien du temps , car cette riviere eft connüe
pour indocile depuis le fiécle d'Augufte ; elle eft
trop rapide pour fouffrir des Ponts, & awrefois
clle a renverfé ceux que les Maîtres du monde y
avoient fait conftruire. Cet Araxe , fur les bords
duquelon a veû les plus fameux Conquerans de
lanriquité ; Xerxés , Alexandre , Lucullus , Pom: _
pée ; Mithridate , Antoine ; cer Araxe ; dis-je, {é-
paroit l'Arménie du pays des Medes , ainfi les
Trois Eglifes & Erivan fe trouvent dans la Medie.
es anciens auteurs font venir , avec raifon , cet-
te riviere de ces fameufes Montagnes où l'Eu-
phrate a fes fources, car nous la trouvâmes à Af-
fancalé proche d’Erzeron d’où lEuphrate n'eft pas
éloigné, comme nous l'avons remarqué plus haut,
Les Geographes qui difenr que l'Araxe coule du
Mont Ararat , fe trompent fort ; ils ont pris le
uifeau d’Acourlou pour l’Aras, lequel eft plus
Large entre le Mont Ararat & Erivan, que la
Seine ne left à Paris, |
Le 14. Aouft nous féjournämes aux Trois Egli-
fes pour y attendre fix chevaux que nous. avions
envoyé chercher à Erivan , dans le deffein de nous
en retourner à Cars, Nous eûmes le chagrin de
partir fans compagnie , car toutes les Caravanes
qui étoient aux Trois Eglifes alloient à Tauris ;
& quelqu'honnéres gens que foient Les Perfans ,
nous apprehendions fort leurs froncieres, & fur
tom le vaifinage de Cars. I tomba ce jour-là rant
de neige {ur le Mont Ararat , que fon petit fom-
met en était tout blanc. Nous rendimes graces
au Seigneur d'en être revenûs ; car peut-être que
nous nous ferions perdus , ou que nous ferions
morts de faim fur cette Montagne, On partit le
lendemain à fix heures du matin, & nous mar-
_avec leurs
pu Levant. Lettre XIX, 3
châmes jufques à midi dans une plaine fort feche,
couverte de differences efpeces de Soude , d’Har-
mala , de cetre efpece de Prise que Zanoni a
prife pour la {premiere efpece d’ Aurore de Diof-
coride, L’_A/hagi Maurorum de Bauvolf, qui four-
nit la Manne de Perfe , s’y trouve par tout: J'en
ay donné ci-devant la defcriprion. On campa ce
jour-là {ur Le bord d’an ruïfleau auprès d’un village
affez agréable par la verdure qui étoit aux en
virons. Nous n’y reftâmes qu'envion une heure,
& laiffant toujours le Mont Ararat à main gauche,
nous tirions vers le couchant pour venir à Cars.
On continua de marcher jufques à fix heures après
midi, mais ce fut dans des plaines remplies de
cailloux & de rochers.
Il me femble que le pays que Procope appelle
Dubios ; ne devoit pas être éloigné du Mont Ara-
rat. C’eft une Province , dit-il , non feulement
fertile | mais tres: commode par la bonté de fon
climar & de fes eaux, éloignée de Theodofiopolis
de huit journées. On n’y voit.que de grandes plaiz
nes où l’on a bâti des villages aflez près les uns
des autres ; habitez par des Faéteurs qui s’y font
€tablis pour faciliter le commerce des marchandi-
fes de la Georgie, de la Perfe, des Indes & de
l'Europe , lefquelies on y tranfporte comme dans
le centre du negoce. Le Patriarche des Chrétiens
qui font dans ce pays-la , eft appellé-Carholique ,
parce qu’il eft généralement reconnû pour le Chef
€ leur Religion. Il paroit par là que le commer-
ce des marchandifes de Perfe & des Indes n’eft pas
nouveau. Peut-être que ce Dubios étoit la plaine
des Trois Eglifes,& que les Romains s’y rendoient
marchandifes, comme à la plus ce-
du monde, 1] n’y a pas de lieu plus
jiij
lebre Foire
sis: Vo Y 4/8 R |
propre pour fervir d'entrépolt commun aux nà:
ons d'Europe & d’Afie. :
Le 16. Aouft nous Pattimes à trois heures dy
pnatin ; fans efcorre ni Caravane. Nos voituriers
nous firent marcher jufques à fepr heures dans des
campagnes feches ; pierreufes , incultes & fort de:
fagréables. Nous montâmes à cheval fur le midi, -
& paflames par Cochavan qui eft le dernier villagé
de Perfe. La peur commença à s'emparer de nous
fur cetre frontière , mais je ne m'artendois pas äu
malheur qui devoir ni’arrivér au pallage dé la ris
viert d’Arpajo ou d' Arpafou, 1] s’y noye quelqu'un
tous les ans ; à ce qu'on dir, & je courus grand
sifque d’être du nombre de ceux qui payent ce
tribut : non feulement le guéeft dangereux par fa
profondeur ; mais outre cela la riviere charriè de
temps eh temps de gros quartiers de Babe qu
roulent des montagnes, & que l'on ne fçauroit dés
couvrir au ford de l’eau, Les chevaux ne Içau-
roient placer leurs pieds fürement dans ce fond ;
ils s’abbattent fouvent & fe caflent les jambes » .
quand elles fe trouvent engagées parmi ces pier-
yes, Nous marchiôns tous de file deux à deux ;
mon cheval qui fuivoit fon rang , après s'eltre ab-
battu d'abordife releva heureufement fans fe blef
er ; mais ce ne fur pas fans peur de ma part. Je
im’äbandonnay alors à {a (age conduire , où pin ot
à ma bonne fortune, & je Le laiffai aller comme il
voulut, le piquant avec Le ralon de la bottine,dont
le fer;qui eften demi cercle, excede tant foit peus
ar on ne connoît pas les épérons dans le Levant:
Ma pauvre befte qui s'enfonça une feconde fois
dans un trou ; n'avoit que la cefte hors de l'eau &
ne fortic dé là qu'après de grands efforts ; pendant .
efquels je failois de wes mauvais fang. Les cris »
€
LT
‘pu Levant: Lettre X IX. 235.
pour ne pas dire les hürlemens de nos voituriérs ,
augmentoient ma peur bien loin de la difhiper ;
je wentendois ni ne comprenois rien dé tout ce
qu’ils vouloienr me dire , & mes camarades ne
pouvoient pas me fecourir, Mais mon heure n’é-
toit pas ençore veñue ; le Scigneur vouloir que
je revinffe herborifer en France , & j'en fus quirre
pour lailer un-peu fecher monhabir &c mes papiers
que je portois dans mon fein , fuivant lamode du
pays , car nous avions laiffé nôtre bagage a Erzc-
ron , & nous marchions fort àla légere.
Cette lcflive éroit d'autant plus incommode ,
que nous n’ofâmes pas entrer dans le village de
Chont-louc fitué far les rerresdes Turcs. Nos voi-
turiers qui éroient d’Erivan , & qui apprehen-
doient qu’on leur fit payer la Capitation en Tur-
quie, quoique Jes Perte n'exigent rien des Turcs
Qui vicnnent fur leurs terres ; ces voituriers ; dis-
je, voulurent s'arrêter fur le bord d’un ruitleau
A un quart de lieué de ce village. L'air de ce ruif
feau ne m'échauffoit guere , & contribuoit encore
moins à fécher mes habits. 11 fallut donc pailer
‘la nuit fans feu ni viande chaude ; nous n'avions
pas même du vin de refte. Pour comble de dif-
graces , Le demi bain que j’avois pris malgré moi,
m'avoir caufé une indifpoñrion qui m’obligea de
me lever plus fouvenr que je n’aurois voulu.Nous
nous ferions pourtant confolez de tous ces mal-
heurs , fi un homme du pays ; je ne fçai de quek
le religion, ne s'éroir avife de: nous rendre une
vifire affez chagrinante , quelque foin que nos
_voituriers euflent pris pour £e cacher: Ce fur, à
ce qu'il difoit, pour nous avertir charitablement
que musn'érions pas là en feûreré ; que nous {+
fious trop heureux , f l’on ne venoit pas nous dé-
st: Mb rzresztba
poüiller pendant la nuit ; qu'il ne répondoit pas
de nos vies; que nous devions nous retirer au
village dont le Sous-Bachi étoit ennnemi juré des
voleurs, mais qu'il ne pouvoit pas répondre de
ceux de la campagne , entre les mains defquels
nous tomberions peut/être le lendemain fur la
route de Cars. Nous -fimes dire aux voituriers de
feller nos chevaux pour nous retirer au village ;
où non feulement nous ferions en feûreté , mais
en lieu propre à fecher mes habits; ces malheu-
reux, quelques inftances qu’on püt faire , ne vou-
lurent jamais {e lever, & traitérent le donneur d’a-
vis de vifionnaire, Inutilement nous emportä-
mes-nous ; ilsine s’en emeürent point ; les cinq
écus de Capitation leur tenoient plus au cœur que
nos vies. J'eus beau les faire affeürer que je paye-
rois pour eux ; fuppofé que le Sous - Bachi les
voulüt exiger ; ils çrurent que cétoit un leurre
ma part pour les engager à partir. Il yen eut
un, qui pour faire le bon valet, apporta unê
braflée de broffailles , qu'il avoit amaflées avec
ez de peine, & qu’il avoit deftinées à fecher
mes hardes : mais le donneur d'avis , dont nous
admirions la charité, ne jugea pas à propos qu'on
l'allumär, de peur de nous faire découvrir à quele
ques malhonnères gens qui auroient pà faire leur
ronde ; il affeûra: même , que fiÿle Sous-Bachi
avoit été averti-du parti que nous avions pris;qu'il
nous auroit obligez d'aller coucher au village ;
qu’il faloit que mous fuffions chargez de tous les
diamants du Royaume de Golconde pour fuir le
monde avec tant de précaution, Tout cela ne tou-
cha pas nos Perfans ; ils ne fongeoient qu'à leur
Capitation , mais nous en! fûmes bien vengez: le
lendemain , quand:on les faifit au coletraux poïtes
de Cars, & qu’on les obligea de payer.
pu LevAanrx Lettre XIX. 1349
ls curentbeau fe renommer du Roy de Perle 8
faire valoir les bons traicements-que les fujers du
Grand Seigneur recevoient dans. leur pays. Les
Turcs de Cars ont l’ame dure; il fallut payer cinq
écus par rête , & prendre un billet de Carach-qui
leur tinc lieu de quitance , pour ne pas payer
une feconde fois. Ils furent aflez fots de nous pro
pofer de les indemnifer de ce tribut, parceque
c'écoit pour nôtre fervice qu’on leur failoit cette
avanie ; nous répondimes que nous n'avions pas
mis cette claufe dans nôtre marché, mais que
pourtant nous aurions volontiers donné cet argent
S'ils nous avoient fair coucher dans-le village &
non pas en plaine campagne à la merci des vo-
leurs & des loups.
+ A la verité nous paflämes une cruelle nuit prèss
de’ ce ruifleau, Elle nous parut encore plus lon-
gue après la retraite du donneur d'avis ; car enfin
cebon homme, voyant que fa rhetorique ne fer.
voit de rien , fe retira. Nous ne fçavions s’il
étoit venu pour nous reconnoître ; & pour aver-
tir fes amis que nous avions une charge de mar-
chandifes outre nôtre bagage. Cependant ce qui
Paroifloit marchandjfe n’étoit que nôtre Recueil
de Plantes feches enfermées dans deux coffres à la
ue. Le donneur d’avis n’avoit pas laiflé de
les foupefer en nousfaifant fes remontrances &
il en avoit admiré la légereté, Pour parler tout
naturellement , je crois que nôtre air de pauvret
NOUS fauva ; car tout nôtre bagage ne valoir pas
la peine qu’on auroit prile de venir du village
pour l'enlever, Neanmoins comme les nuits font.
en Levant , & que celle-là me paroïllit
Sncore plus froide à moi qu’à aucun de la com
Pagnie , parce que mes habits n’éroient pas enco“
ss. VOYAGE
_xe bien fecs , j'étois dans une étrange perplexité,
Le chemin que nous avions à faire juiques à Cars
augmentoit mon inquiétude ; on ne parloit que de
brigands , & nous n'avions point de lettre pour
prendre de l'argent à Cars, en cas qu’on nouseür
dépouüillez,
Nous eûmes auffi le chagrin d'être venus à
Chour-louc fans voir les ruines d’Aricavac ou
Anicagué , C'elt-acdire la ville d’Ari quieft le
nom de je ne {çai quel Roy d'Armenie. Ces ruis
nes font fur les terres de Perfe à demi lieüe du
chemin que nous avions tenu ; mais nos voituriers
pe s’aviferent de nous en parler que lorfque nous |
fûmes arrivez au gîte, Je ne crois pas qu'il y ait
rien de curieux à voir dans ces ruines pour des
“Voyageurs ; il n’y à que les débris des villes grec-
ques qui mericent d’être veüs, parce qu'on y
trouve toujours quelques reftes d'inferiprions ;
lefquelles bien fouveut font d'un grand fecours
pour débroüilier l’ancienne Geographie. #
Nous partimes donc le 17, Aouft à quatre heu-
rés du matin ; & nous marchâmes jufques à Îepe
heures fans rencontrer ni voleurs, ni honnéres
gens, La clarté du jour nous encouragea , & com+
mé la peur de me noyer m’avoit laiflé une incom-
modité qui m’obligeoir à defcendre afez fouvent
de cheval, je propofai à la compagnie de nous
répofer, La campagne étoir agréable , on y Eten
dit la nappe , & les reftes de nos provifons y
rent confommez. Après cerepas nous continui-
mes nôtre roue dans un pays plat, réjouillané
& bien cultivé. On découvre rrois où quatre
villages aflez confidérables, & lon (ent bien que
l'on approche d’une des meilleures villes du pays:
Nous trouvâmes des pâturages charmans al pied
pt Levant. Lettre XIX, 33
d'une colline fort agréable & les Bergers , qui n'é-
voient pas élojgnez du grand chemin, ‘avoient la
: Phyfionomie d'etre de bonnes gens.
Nous arrivâmes à Cars {ur les quatre heures&c
nous y {éjournâmes juiques au 22. Aouft pour
_atrendre compagnie, Un gros parti de Curdes
s'évoir avifé de venir camper dans les montagnes
à deux journées de Cars, fur la route d’Erzeron 3
& comme nous n’avions plus d'Evèque Armenien
qui pür interceder pour nous, nous crûmes qu’il
7 auroit de l'imprudence de rifquer le paflage fans
Caravane, En attendant qu'il s'en prelentât quel-
qu'une , nous vimes plufieurs malades avec fuc-
cés ; au moins par rapport à leur fanté ; car tou-
tes nos vifites ne nous procuroient que quelques
plats de fruits , ou quelques pintes de lair. Les en.
virons de Cars lont propres pour herborifer, &
nous nous promenions en liberté à la faveur des
amisique nous nous y.étions faitsen venant d'Er- Ë
ztron, L’Aga qui avoit une fiflule au fondement,
quoiqu'il n’euft reffenti aucun foulagement de nos
remedes , vint pourtant nous en remercier & nous
protella qu’il ne permerrroit pas que nous partifs
fions fans bonne efcorte, Un antre Seigneur que
nous avions fort foulagé des hemorroïdes dont il
étoit cruellement rourmenté , voulur lui-même
Nous accompagner avec trois ou quatre perfonnes
de fa maifon jufques à ce qu'il nous crür hors de
danger;tant il eit vrai qu'il y a d’honnêtes gens par
tout, & qu'une boëre de remedesbien cho
bien Préparez ; & donnez à propos, eft un ex«
x éport. Il n’y a point de lieu fur la rer-
teoù l'onne (c fafle de bons amis avec le fecours
de la. medecine ; le plus grand Jurifconfuke de
France. pafferoir pour un perfonnage fort inutile
Sn Aie, en Afrique , & en Armenie ; les plus
ah mac
efficacement le Cœur des infidelles::: mais comme
on fuit la motr par tout pays ; On y récherche &
on y révere les. Médecins. Le plus grand-éloge
qu’on puifle faire des gens de’ nôtre profeflions,
c'elt de ‘convenir qu'ils font néceffaires ; ca
_ Seigneur n’a établi la medecine que-pour le fowlas
gement du genre humain. Je vous prie ; Mi8; de
me pardonner cette petite digreffion en faveurde
mon meftier. FMCRCIRE tp
Voici la defcription de quelques belles Plantes
qui naïflént autour de Cars; na cet se
Campannla Orientalis , foliorum crenis 4mplio-
ribus Gcrifpis, flore patulo fubcaruleo. Covoll:
Inft. Rei Heïb, 3. +:
La racine de cette Plante qui eft enfoncée dans
les fentes des rochers à près d’un pied de long F
clle eft groffe comme le pouce au coller ; partagée
en plufieurs têtes aflez charnuës ; divifées en grof-
fes fibres aflez cheveluës ; blanches en dedans;
Jongües de quatte pouces.en comptant leur queue.
Elles font aflez fériblables à celles de l'Orrie, lifles,
enelées profondément à grofles crue
8 même parragées vers le bas en quelques piece
nées -d inégales, : Ces feuilles diminüent le
vers le haut ÿ où elles reffemblent aux feuilles M)
#
st a
ER nt og ads iv: 22
— profonds & les plus zelez Theologiens n’yferoietie
pas de.grands progrés fi le Seigneurne touchoit
a, 0 Êter
; NT
LE #
“S1
Znst: Rez.
V1
bar, 3.
Crerts
Patulo
er.
TT
Le
#2
A
+
et facie Corollinst
224;
Ferula Ori
folio
herb
|
|
{la Verge dorée , mais elles confervencto
pu LévAant. Léftre XI X..2ÿ5 —
Îles confervenctoujours leur
frifure, De leurs. aiffelles naiffenr, < s Leibas ;
des fleurs attachées a des : ped lés fort courts ;
évalées en baflin de plus d’uñr pouce de diametre
fur un demi pouce de: hauteur ; & découpées en
cinq parties. Du fond'de ce baflin fortent autant
d'étamines chargées de fommets jaunes. Le piftile
cit aufli long que les fleurs, &crerminé par une
efpece d’ancre à trois crampons Le calice eftune-
autre efpece de baffin d'environ cinq lignes de
haut, vert-pâle , fenidu ‘en cinq pointes. Quand
cette Plante a éré broutée, comme cela arrive fou-
_ vent autour de Çars , elle poule des branches dés
le bas. Nous en avons veû dés pieds dont les fleurs
étoient fortblanches , & d’autres fur lefquels elles
étoient bleiüatres. Les feüilles font d’un gout d’her+
be affez fort, La racine eft fort doüceatre.les fleurs
fans odeur. Toute la Plante rendiun lait afez
doux, mais qui a l'odeur dé’ l’Opiwm: »
Ferula Orientalis ; Cachryos folio © facie
Coroll, Inft. Rei Herb, 2227 1e.
Sa racine eft gtoffe comme le bras , longue de
deux pieds & demi, branchuë , peu cheveluc
blanche ; Couverte d’une ecafce jaunatre & qui
rend du laït de la même couleur, La tige s’éleve
jufques à trois. pieds , épaifle de demi pouce ,
life , ferme ; rougeatre, ‘pleine de moëlle blan-
che, garnie de feüilles femblables à celles du Fe
noüil. longues d’un pied &* demi ou deux , dont
le côte fe divife & Ë fubdivife en brins aufli me-
nus que ceux des feuilles de la Cachrys ; Ferule
Folio , femine fungofo levi de Morifon , à laquelle
cette Plante reffemble fi fort qu’on fe tromperoit
On n’en voyoit pas les femences. Les feuilles
qui accompagnent les tiges font beaucoup plus
M 2: V0 6 42%, :
courtes & plus éloignées les unes des autrés. Elles
commencent. par une étamine longue de trois
pouces, large de deux, lille ; rouflatre., termi
née pat uné feiille d'environ deux pouces de long,
découpée aufli menu. que les autres. Au-delà de
la moitié de la tige ; naillent plufñicuts branches
des aïffelles des feuilles ; ces branches n’ont guetes
plus d’unernpan de long ; & foutiennent des om
“belles chargées de fleurs jaunes, compofées de
puis cinq jufquesà fepr ou huit feuilles, longues
de déini ligne, Pour les graines , elles font tout.
a-fair femblables à celles dela Ferule Ordinaire ;
longues d'environ demi pouce fur deux lignes &
demi de large, minces vers les bords, touffa-
tres , légerement rayées fur le dos , amieres & hui-
ufes, ë
… Lychris Orientalis ; Bnpleuri folio: Coroll, Ink.
La tige de cette Plante eff haure de trois pieds ;
épaiffe de deux lignes, dure , ferme, droite ,
noüeufe , life, couverte d’une pouffiere bla
che comme celle qui eft fur la vige des, Oeiliers
accompagnée en bas de feüilles longues de quatre
porices fur pe “sé de large ; vert-de-mer ;
pointuës ; femblables à celles du, Bupleur#m an-
guffifolium ; Herbariorum Lob. tclevées d’un co-
té; car d'ailleurs ebles ne font pas. veinées, Celles
qui font aux premiers nœuds de, la tige font les
plus longues ; inais elles n'onr que quatre où cinq
lignes de largeur; les autres déviennent plus étroi-
tes ; les dernieres réffemblent à celles des Oeilless
De leurs aiflelles., sour le long de la rige depnis
la moitié enhaur., naiflent des branches, longues
de demi pied, dont les feuilles, font £res mer |
muës , & ces branches fouriennent chagune 509 1
Tom .3. pag. 240. |
_
Du LEVANT. Letire XIX, i4i
éu quatre fleurs, donc le calice eft un tuyau
long d’un pouce ou de quinze lignes , épais d’uné
ligne vers le bas, & de deux lignes vers le liaue
où ileft découpé en cind pointes ; vert-de-rheg
& life, Du fond du tuyau fortent cinq feuilleg
qui débordent de derni poucé , échancrées ên deux
parties aflez aïfrondies , blanches én déflus, fnaïs
vert-jaunâtre, eh deflous, relevées chacune de
deux appendices blancs qui fervent à formet la
couronne de la fleur, Les étamines font blanches
chargées de fommets jaunâtres, Le piftile qui eft
vert-pâle ; oblong ; furmonté de deüx houppes
blanches , devient un fruit long feulement de de-
mi pouce & de trois lignes de diametre ; il porte.
fur un pedicule de trois lignes de Haut. Ce fruit
eftune coque dure ; ovale, rouffatre , qui s’ou-
vre par la pointe en cinq ou fix parties ; & laiffe
échäpper des femerices grifâtres affez femblables
à celles de la Fwfquiame: Toute la Plante eft (à
veur d’herbe aflez mucilagineufe. |
_ Le23, Aouft nous partimes de Cars avec une
petite Caravane deftinée pour efcorter une voi-
ture d'argent que le Carachi-Bachi ou le Receveur
de la Capitation envoyoit à Erzéron. C'étoïent
tous gens choifis, bien armez , & détérmiriez à
t bien battre : au lieu que les Caravanes des
marchands font compolées de gens qui épargnent
leur peau , comme l’on dit, & qui aiment mieux
être rançonnez que d’en venir aux mains, Tout
bien confideré ; ce parti leur convient mieux , un
marchand gagne toûjours beaucoup , quand il
fauve fa vie & [es marchandifes pour ne poignée
d'écus. Nous ne marchämes que quatre heures
ce jour-là , & nous campâmes auprès de Beneclia-
met village dans une aflez grande Plaine où nous
Tome JII;
242 Vevace
trouvâmes une nouvelle efcorte de Turcs, gens
bien faits & bien réfolus. \
Le 24. Aouft le Carachi-Bachi qui avoit un
Commandement du Pacha de Cars pour prendre
dans les villages de la route autant de gens qu'il
jugeroit à propos pour aflürer le tranfport de fon
argent , fit venir des montagnes environ trente
perfonnes bien armées qui ne laiflerent pas de
nous faire plaifir, car le brnit couroit que les
Curdes BR enlever le trefor, Cette nou-
velle efcorte furrelevée le lendemain par une au-
tre bande aufli forte. Une Caravane de foixante
Turcs ne craint pas deux cens Curdes ; ceux-ci
n’ont que des lances , & nos Turcs avoient de
bon fuhls & des piftolets. On ne partit çe jour là
que fur les neuf heures pour aller coucher à Ke-
kez villige fitué dans la même Plaine à trois heu-
res de diffance. Nous elgnes une recriüie de fept
ou huit perfonnes qui conduiloient du Ris à Er-
zeion ; mais ce m'étoit pas gens à fortifier nôtre
tyoupe.
On ne fit quequatre liciies le lendemain ; nous
marchämes tonte la nuit au clair de la une par
des montagnes dont les défilez font dangereux ,
& où fort peu de gens auroïent pü facilement nous
arrêter ; mais les tencbres favoriférent nôtre. mar
che , tandis que les Çurdes dormoient à leur aife.
One repofa le 26. jufquesà neuf heures dy mas
tin , & l’on pañà feulemenc fur une des plus hau-
tes monçagues du pays couverte de Pins à de Pew=
for noirs , & de. Trembles, Comme nous appre-
endions quelque embufcade , on detacha des
Turcs pour aller seconnoïcre les paffages , & ces
batteurs d’eftrade amenérent au Carachi-Bachi
quatre payfans qui l’affeurérent que les voleurs
=.
SSSR
Si RESTE SC
DRE UTLEN ANT: Lébire TIX 3j}
= Stoientreftez en arriere, & que nou leuts ävions
0
dérobé une grañde marche. À cette nouvelle on
vatipa für les crois heures après midi tout près
… d'une petite riviere où nous avions déja camipé en
_ allant a Cars , le long de laquelle nous trouvâämes
_unebelle éfpece de Vuleriane, dont les racines
Faleriane des Jardins ; aufli grofles & aufli aro:
; imatiques. Les feuilles en font plus étroites ; maïé
- commie la grande Valeriane ne fe trouve pas ; qué
je fache, en campagne, je ctois que ce n’eft au
“tre chofe que celle. ci qui eft cultivée dans les Jarz
dins depuis quelques fiécles. :
Le 27. Aouft nous marchâmes près de fix heu:
& nous retirâres à Lavarder village ped
confidérable: Le 28: après une route aufli lon
gue , on artiva aux bains d’Affancalé bâtis aflez
proprement fur le bord de lAraxe , à une petite
journée d’Erzeron. Ils font chauds & fort frequen-
tez. L’Araxe qui tombe des montagnes où fontles
fources de lEuphrate ; neft pas confidérable à
Alfancalé ; dont la Plaine éft plus fertile que celle
d’'Erzeron & produit de meilleur froment. Géné:
_Falement parlant tous les bleds font bas en Ar:
“menie ; & la plufpart ne font que quadrupler 3
furtout auprès d'Erzeron ; mais auffi il ÿ en a ane
fi graride quantité ; qu'elle fupplée au refte. Si
Fon n’avoit pas la commodité d’arrofer les terres ;
elles feroïent prefque fteriles.
+ Awrilieu de la Plaine d’Affancalé s’'éleye une
ôche horriblement. efcarpée ; fur laquelle on à
À bâti Ja ville &'une forterelle qui menace tous les
_ Environs, & où Fon apprehende plus la famineque
ke éanon, I ny à pasplus de trois ceris homime ue
de gatnifon, rt ardt Eee de quinéé.
++ me Œ
font toutsà-fait fermblables à celles de la grande :
LL
LA Ts « FT Vovya SE — nt en
cens pour {a deffendre, Les murailles font coma
2
me en limaçon tout autour de la roche , fanquées
fur des tours quarrées, dont le canon en em-
pécheroït les approches s’il éroit bien fervi, car
ces tours ne font pas plus élevées que les murail-
les, & paroiflenc comme des plateformes. Les
: foilez n'ont gueres plus de deux toifes de largeur ,
& encore moins de profondeur , creufez dans un
roc tres dur. Sicerte Place étroit fur la frontiere ,
on la rendroit imprenable à peu de frais. Les mar-
chandifes que l’on conduit d’Erzeron à Erivan
par Affancalé, doivent demi piaftre par charge ,
{oit de cheval ou de chameau, quoique la diffe.
rence des poids foit fort grande. Celles qui vien
nent d’Erivan à Erzeron ne payent que la moitié
des droits. Nos Plantes feches ne payoient rien
du tout ; les Turcs & les Perfans ne font pas cas
de cette marchandife ; que nous eftimions pour-
tant plus que la plus belle foye du Levant.
Le chemin d’Affancalé à Erzeron elt fort beau.
+ Nous le fimes en fix heures de temps , & nous
courûmes le même jour embraffer M" Prefcor Con-
falde le nation Angloïfe , nôtre bon ami, qui
avoit bien voulu être le dépofitaire de nos hardes,
de nôtre argent, & de nos Plantes feches. Nous
allâmes le lendemain rendre nos refpeéts au Be-
glierbey Cuperli nôtre protecteur, qui nous fit
mille queftions fur ce que nous avions veü dans
nôtre route, & {ur tout touchant la difference
que nous trouvions entre la Turquie & la Perfe,
ès l'avoir remercié de fa recommandation pour
de Pacha de Cars ; nous lui contâmes une partie
de nos avantüres ; nous nous loüames fort du bon
naturel des Perfans , & du bon accueil qu’ils fai-.
- Soient aux Francs, Il nous dit entre autres chofes ,
Ch LA
NES.
+4
2
à
pu LEevANT. Lettre XIX. 24
que lé Patriarche des Trois Eglifes étoic #7 bon:
marchand d’ Huilé , faïfant allufon au procez qu'il
a avec le Patrigrche Armenien de Jerufalem ,
pour le débit de l'Huïle facrée que on employe
dans l’adminiffration des facremens parmi les At-
meniens,
Nous allâmes vifiter la campagne après nous
être délaffez dans la ville , & ne manquâmes pas
de parcourir la belle vallée des 40. Adoulins où
nous avions laiflé trop de Plantes rares en fleur ,
pour oublier d’en aller amafler les oraines. Nous
paflämes dans le même deflein le premier Seprem-
bre au AMonaftere Ronge des Armeniens , d’où nous
montâmes encore vers les fources de l’Euphrate
pour continuer nôtre moiflon. Les Curdes , gra-
ces à Dieu, avoient evacué ces Montagnes , ainfi
nôtre feconde récolte fur faire avec plus de tran-
quillité que la premiere. Cette récolre confiftoit
plus en graines de plantes que nous avions déja
Yeües , qu'en nouvelles découvertes ; maïs ces
graines n’étoient pas le moindre fruit de nôtre
voyage. C’eft par leur moyen que les Plantes
d'Armenie {e font répandues dans le Jardin du
0y, & dans les plus celebres Jardins de PEuro-
P€, aux Intendans defquels nous en avons come
Muniqué une bonne partie, Nous nous amufions
de cette maniére autour d’Erzeron,tantôt d’un cô-
té, tantôt de l’autre, & nous ne laiflions pas
€ glaner utilement, Voici la defcriprion d’une
tres belle efpece d’Armoife , dopt perfonne , je
Cros, n’a faicencore aucune mention. Elle fe:
Wouve dans le Cimetiere des Armeniens , & dans
Es Le endroits autour de la ville où elle ne”
urit qu’en automne,
La racine de cette plante eft iongue d'envirof -
u
à
DS KT
ne
te
Fete ss remplie de belles a Nous ÿ
fus en s ee Le carpe aquatica ; PH=
246 Y AGE
un ne dure , ARE grofle comme Îe petit |
doigt, garnie u fibres cheveluës, blanche en de-
dans , couverte d’une écorce Fonfäcté. Les tiges
naiffent cn bottes ,; hautes d'environ deux pisds à
droites, fékmes , iles , vert-pâle , rougcatres en
quelques éndroits , caffantes , accompagnées de
feuilles tout-à- a À femblables à celles de la T4-
nailie , Maïs infipides & fans odeur ; les plus gran-
des ont environ trois pouces de long fur deux
pouces de laroeur, vert-brun , lifles , découpées
profondément julques à à la côte , & recoupées à
dents tres menus ; elles diminuent juiques aù
bout fans changer ‘de figure. De leurs aiffelles
naiflent des branches longues feulement de demi
pied, fubdivifées en plufieurs brins tous chargez
de fleurs fort ferrées & relevées en haut 3 ce font
des Doutons femblables 2 &ceux de l'Armoife : com
corpolez de quelques demi-fleurons fort |
menus & parpurins. , renférmez dans un. calicé 7
à pe tires Ééailles vert-foncé, Chaque fleuron pot-
ge Pr un ‘embrion de graine , lequel devient une
femence tres menué , rouffärre , longue de demi
ligne. On né découvre point de faveur ni de tr
dans cette Eraras2 2 aime de terre VE Et
che De ee Tue 4 RES PER LEE ;
Au Sw 5
DRE 2
s entre autres chofes le vrai Napél dés
tante flore CB. n° y eft pas rare. Rien nénousfaë
foi plus de AT que de voir de t npsién ÉCMPS
des Plantes des Alpes & des Pyrénées, % !:
En atrendant le dépatt de la Carav
at ; dont nous devions profiter pour ‘aller ya
Ébnvitinnte.
|Tanaceti folio ino do :
De. =. ra Corotl.Inst.Rei
es Le.
| >)
ÿù à | 1
ESS |
\ CIN % D \ ;
A ‘ à La
NE es ® N
ES à
1 herb 34:
«
LEVANT. Lettre XIX, 249
Sinyrne , nous alions caufer däns les Caravanfe-.
rais pour apprendre des nouvelles. Noûs y trou-
vâmes une troupe de ces gens qui vont chéfchet
les Drogues en Petfe & dans le Mogol pour les
apporter en Turquie, Îls nous Affléürérent que
c’eft principalement à Afachat ville de Perle , ôù
ceux du pays font leurs principaux mägafns ;
mais tout ctla ne nous infttuifoit güerés, car
ceux qui rempliffent les magafins , & céux mêmes
qui vont encore plus loin chercher les Drogues
fur les lieux & dans les villiges où lés payfans les
apportent de la campagne , hé font Sucre mieux
informez. Je ne vois rien de fi difhicile que dé
faire une bonne Aiffoire des Drognes , c’eft à di-
re de décrire non feulement tont cé qui compolé
la matiereinedecinale, mais encore dé faire la
defcriprion dés Plantes , dés Animaux & des Mie
heraux d’où Fon jes tire. Non feulement il fau+
droit aller en Perfé, mais auffi dans le Mogol
Qui eff le plus riche Empire du monde, & où l'ont
reçoit parfaitement bien les étrangers , {ur cout
ceux qui fonc riches én éfpecés d'or & d'argent. :
Tout s’ÿ achetre argent comptant , &fl n’eft per-
mis d'en faire fortir que les marchandifes, ainfi
toutes les monnoyes étrangeres réftent dans le
pays , où elles font converties en celles du Prin-
ce : mais quelle peine n’auroit-on pas quand on :
feroit dans ce Royaume, fi l'on vouloit s’éclaircir
par loi même de ce qui concerne la connoiflance
des Drogues ? on fe trouverait obligé de fe tran£.
ne fur les lieux où elles naïffent , pour décrire
es Plantes qui lés produifent ; & à combien de
Maladies ne Le ee as > la vie d’ün
omfie fuffiroit à peine pour Bien obferver cel-
ls que l'Afe produit, Il faudroit d’ailleuts par-
Q_ ïïij
248 Vovyacez
courir la Perfe, le Adogol, les les de Ceylan,
Sumatra , Ternate , & je ne fçai combien d’autres
contrées où l’on ne trouveroit pas les mêmes fa.
cilitez que chez le Mogol. La feule Rhubarbe
demanderoit un voyage à la Chine ou en Tar«
tarie, Enfuite il faudroit defcendre en Arabie ;
en Egypte, en Ethiopie, Je ne parle pas, des
Drogues qui ne fe trouvent qu’en Amerique,
& qui ne font pas moins pretienfes que celles-
que nous fourniflent les autres parties du monde,
En allant en Amerique il faudroit relâcher
dans les {les Canaries pour décrire le Sang de
Dragon. tre pe
Après cela je ne fuis pas furpris fi ceux qui fe
mêlent d'écrire l’Hiftoire des Drogues , font
tant de bevetes ; & moi le premier. On ne
rapporte que des faits incertains & des defcri-
prions imparfaites. Il eft encore plus honteux
pour nous de ne pas connoître celles qui €
préparent en France, Où trouve-t-on des r€-
Leu exactes du Vermillon , du Tournefol à
du Vert-degris , de La Poix , dela Terebentine;
du Sapin , de la Afelize , de FAgaric, de nos
Vitrsols à. ; |
En caufant dans les Caravanferais d’Erzeron,
nous apprimes par les Caravaniers de Vo4f ;
ville de Turquie fur la frontiere de Perfe à huit
ES d’Erzeron , que l’on amafloit avec foin
a terre qui eft {ur les grands chemins par où
paflent les Caravanes de Chameaux, on leflive
cette terre & l’on en tire tous les ans plus de
cent qui taux de Nirre, que l’on débire prin-
cipalement dans le Cwrdiflan pour faire de la
poudre. On nous affeüra que la verre des
ghamps voilins des chemins de Wan ,
: DU LEVANT. Lettre XIX, 49
donnoit point de Nitre, Il faur cependant
qu’elle contienne quelque chofe de propre à
devenir Nitre par le mélange de l'urine des
chameaux.
La poudre à canon ne vaut pas quinze fols
Voque à Erzeron , aufli n'eft-elle bonne que
pour charger , il en faur de plus fine pour
amorcer. Tout le monde y charge à cartou-
che , & rien n'eit mieux imaginé pour tirer
promptement avec nos fufls. Ceux que M° de
la Chaumete vient d'inventer , valent incompa-
rablement mieux , & donnent la fupetioriré du
feu à ceux qui s’en fervent. On n’a jamais
porté les armes au point de perfection où M'
de la Chaumete les a mifes. Les Gibecieres
dont on fe ferten Levant , font compofées de
tuyaux de canne affemblez ordinairement à dou-
ble rang, aflez femblables aux anciennes flutres
de Pan, ou pour me fervir d’une comparai.
fon plus intellisible , aux diflers de ces Chau-
dronniers ambulans qui vont chercher de Pou-
vrage de Province en Province, La Gibeciere
des Orientaux eft légere, courbe, & s'accom-
mode aifément fur le côté, Ses tuyaux font
hauts de quatre ou cinq pouces , & couverts
d’une peau affez propre ; chaque tuyau contient
charge, & cette charge eft un tuyau de pa-
Pier rempli de la quantité de poudre & de
plomb neceffaire pour tirer un coup. Quand on
Veut charger un fuñl, ontire un de ces tuyaux
de la Gibeciere ; avec un coup de dent on ouvre |
le papier du côté où eft la poudre, on la vuide
en m temps dans le canon du fufil , &on
life couler Je plomb qui eft enfermé dans le
tee du rnyau de papier, La charge eft faice
+
Me: Voyac:z |
avec un coup de baguette que l’on donne par
deffus & le même papier , qui renfermoit la pous
dre & le plomb, he de bourre.
Jay l'honneur d’être avec un profond refpe&,
Ce
pu LEVANT. Léttre XX "2fE
PB Ë dede de Ce Ge ds de dt Ce edf et de
| Loner TRE NE
A Monfeigneur le Comte de Pontchartrain , Sécres
taire d'Etaf © des Commandemens de Sa a-
jefté , ©.
Rerrive
Comme nous écrivions tous les foirs, pendant Dr
le féjour que nous fimes à Erzeron, ce que nous Mœuss,
apprenions pendañt la journée en nous entrete- de la
nant avecles Armeniens & principalement dans 5 &
le Couvent où nous logions ; il {e trouva à l4 duCome .
fin que nos remarques jointes à celles que nous merce
avions faites dans les autrés Couvens & fur nos 4$ Ar-
differentes routes , me fournirenc affez de matie, °°°
re pour vous adrefler une Lettre touchant le
genie, les mœurs, la religion , & le commerce
de certe Nation. Je vous prie donc , M8° , de
vouloit agréer le fruit de nos converfations.
Les Arméniens font les meilleutes gens du
monde, honnêtes , polis, pleins de bon fens &
de probité, Je les eftimerois heureux de ne fças
voir pas manier Îles armes , s’il n’éroit néceflai-
te, de la maniére dont les hommes font faits,
de s’en fervir quelquefois pour évicer leur cruau-
té. Quoiqu’ilen foirles Armeniens ne fe mêlent
que de leur commerce,& s’y appliquent avec tou-
te l’attention dont ils font capables. Non feules
ment ils font les maîtres du cominerce du Le:
Vant , mais ils ont beaucoup de part à celui des
Ce]
TUE VoyaAcer
plus grandes villes de l'Eprope. On les voit vez
. nir du fond de la Perfe jufqu’à Livourne. Il n’y
a pas long-temps qu’ils étoient établis à Mar-
fcille. Combien en trouve-t-on en Hollande &
en Angleterre ? Ils pañlent chez le Mogol , à
Siam, à Java, aux Philippines, & dans tout
l'Orient, excepté à la Chine.
Le centre des Marchands Armeniens n’eft pas
en Armenie , mais à Julfa celebre fauxbourg
d'Hifpaham , que tous les voyageurs ont décrit.
Ce fauxbourg qui merite bien le nom-de ville ,
puifqu’il renferme plus de trente mille babitans ,
eft une Colonie d’Armeniens que le plus grand
Roy de Perfe Cha- Abbas , premier du nom ,
établit d’abord dans Hifpahain , & que l’on tranf-
“porta peu de temps après au delà de la riviere de
Zenderon , pour les {éparer des Maliomerans qui
les mépriloient à caufe de leur religion, On
prétend que ce changement fe fit fous le petit
. Cha-Abbas ; d’autres affeûrent qu'il eft plus an-
cien. Il eft certain du moins que le premier au-
teur de la Colonie eft ie grand Cha-Abbas con-
temporain de Henri 1 v. à qui il envoya le P.
Jufte Capucin en qualité d’Ambaffadeur ; mais
il n’arriva qu'après la mort du Roy. Cha-Abbas
travailla EACH ne à deux chofes pour le bien
de fon Royaume : il le mit à couvert des infultes
. des Turcs, & il l'enrichic beaucoup par l'établif.
fement du commerce, Pour empécher les Turcs,
que les Perfans appellent Ofmalins , de pénétrer
avant dans les Etats , il crut qu’il étoit néceflaire
de leur ôter le moyen d’entretenir de grandes aï-
mées {ur fes Frontieres ; & comme l’Armenie
eft une des principales, fur laquelle les Turcs
fe jettoient ordinairement, il la dépeupla aus -
A GE D Sd + te
pt LEVANT. Lettre XX, içi
tant qu’il le jngea néceffaire à fon deflein. Le
fort tomba fur la ville de Julfa la plus grande &
la plus puiflante du pays , dont les ruines fe vo-
yent encoré für l’Araxe, entre Erivan & Tau-
ris, Les habitaris de Julfa eurent ordre de pañler
à Hifpaham ; & depuis ce temps-là, certe ville
- qu’ils abandonnérent s'appelle FAncienne Fulfas
Les peuples de Nacfivan & des environs d’'Erivan
furent difperfez en differens endroits du Royau-
me. On affeüre que ce Prince fit pañer plus de
vingt mille familles d’Armeniens dans la feule Pro-
vince de Guilan,d’où viennent les plus belles foyes
de Perfe,
Comme Cha-Abbas n’avoit d'autre veñé que
d'enrichir fes Etats , & qu’il étoit convaincu qu'il
ne le pouvoit faire que par le commerce ; il jetta
les yeux fur la foye, comme la marchandife la
plus pretieufe, & fur les Armeniens , comme
gens les plus propres pour la débiter ; tres-mal
fatisfait d’ailleurs du peu d'application de fes au-
tres fujers & de leur peu de genie pour le com-
merce. La frugalité des Armeniens , leur œco-
nomie , leur bonne foi, leur vigueur pour en
treprendre , & pour foutenir de grands voyages ,
lui parurent des talens propres pour fon deflein.
La Religion Chrétienne qui leur facilitoit la
communication avec toutes les nations de l’Eu-
rope, lui parut encore une difpofñtion affez favo.
rable pour parvenir à {es fins. En un mot , de la-
boureurs qu’étoient les Armeniens , il en fit des
marchands | & ces marchands font devenus les
_ plus celebres commerçans de la Terre,
C'eft ainfi que ce Prince, dont le génie étoit
fort étendu pour les affaires de la guerre & pour
la politique , fçur profiter des talens de fes peu
Le
254 | ARTE Cr
ples & des marchandifes du crû de fon Royäis
me, Pour bien fonder le commerce il confia aux
Armeniens de Julfa La Nouvelle; une certainé
quantité de balkes de foye pour faire voiturer par
Caravanes dans ies pays étrangers; & fur tous
en Europe, à condition qu’ils les accompägne-
toient eux-mêmes , & qu’à leurretour ils paye= |
toient les balles au prix qui auroit été arrête ;
avant leur départ ; par des perfonnes jüdicieufes.
Pour les encourager à poufler ce commerce ; il
leur remit tout çe qu'ils pouvoient gagner au
delà du prix qui auroit été fixé. Le fuccés répons
dit aux efperances di Prince & des marchands,
Quoïque la foye foit encore aujourd’hui la meil-
leure matchandile de Perle , elle étoit encore
biei plus recherchée dans ce temps-là. 1] n’y avoir
prefaue pas de Meuriers en Europe 3 par contre
’or & l'argent qui étoient alors fort rares en Per-
fe ; commencerent à y briller par le retour des
Caravanes ; de même due celles. d'aujourd'hui
font la richefle de ce Royaumes Les Armeniens ;.
à leur retour ; fe chargérent aufli de draps d’Ane
gleterre & de Hollande ; de Brocards; de Gla-
ces de Venile ; de Cochenille ;-deMonriés ; &
de tout ce qu'ils jugérent propre poux leur pays
& pour les Indes. Peut-on voir un plus bel éta-
bliement 2 à combien de Manufaétures n'a-vil
a ee en Europe &en Afie ? Abbas
le grand fit, changer de face à toute la terre à
toutes les marchandiles d'Oxienr furent connués
en Occident , & celles d'Occident {ervirenc de
nouvelle décoration à l'Orient. lystettlg
Jalfa la Nouvelle s’étendir bientot:fur la rivie-
re de Zenderou: H parut par la magnificence dé
Les Maïlons & par la ksancédéfse Jdins s:quei
pt Levant, Lettre XX. ag
$
Îes habitans avoient pris le gout des meilleures
villes d'Europe. On voit aujourd’hui au centre
de la Perfe ce qu'il y a de plus curieux dans les
pays où ces marchands ont étendu leurs correfs
pondances, Le Roy ne s’en mêle plus ; les bour-
geois de Julfa ; par le moyen de leurs procureurs
Ou agens, fouriennent ce grand commerce , &
font diftribuer dans le refte du monde tont ce
qu'il y a de plus curieux en Orient, Ces procus
teurs font des Arimeniens qui fe chargent j MOs
yennant un certain profit; d'accompagner les
marchandiles en Caravane , & de les débiter
au plus grand avantage de ceux qui les leur
confient, Re ARE
Ces Armeniens, foir qu'ils travaillent pour eux
ou pour les marchands de Julfa , font infatigas
bles dans les voyages , & méprifent les rigueurs
des faifons, Nous en avons veû plufieurs & des
plus riches ,; pañler de grandes rivieres à pied
ayant Lean jufques au col ; pour relever les che-
vaux qui s'étoient abbatus , & fauver leurs balles
de foye ou celles de leurs amis ; car les voitus
tiers Turcs ne s’embarraffent pas des merchans
diles qu'ils conduifent , & ne répondent de rien,
Les Armeniens dans les pañflages des rivierés
elcortent leurs chevaux , & rien n’eft lus édi-
nt que de voir avec quelle charité ils ie fecou-
rangent
égaux ,
buleps -
LS
3sê VorAcE Te
la Caravane nous en remercioit, Lors qu’ils
font avertis qu’une Caravane doit pafler ; ils
vont un jour ou deux au devant de leurs confrez
tes leur porter des rafraichifflemens ; & fur tout
du meilleur vin : non feulement ils en offrent aux
Francs ; mais ils les obligent même par leurs
honnêtetez d’en boite à leur fanté. On les ac-
cufe mal à propos d'aimer trop le vin ; il ne nous
a Jamais paru qu’ils en abufallent : au contraire
il faut convenir que de tous les voyageurs, les
Armeniens {ont les plus fobres ; les plus œco-
nomes , les moins glorieux: S'ils portent ; en
fortant de chez eux , des provifions pour les plus
grands voyages ; ils en rapportent fouvent une
bonne partie ; il eft vray que ces ptovifions ne
leur coûtent rien à voiturer ; car ordinairement
ge on loüe fix chameaux ; on en doñneun
eptiéme fur lé marché pour porter le bagage ;
les uftenciles, les hardes. Les provifons dont les
Armeniens fe chargent chez eux ; font de lé
farine , du bifcuit , des viandes fumées , du
beurre fondu ; du vin , de l’eau de vie, des
fruits fecs. :
Quand ils féjouirnent dans les villes, ils fe
mettent pat chambrées & vivent à peu de frais.
lis ne vont jamais fans filets ; ils pefchent fur les
routes , & ils nous ont fait fouvent manger d’ex-
cellens poiffons. Ils troquent fur les chemins des
” Épiceries pour de la viande fraîche ; ou pour
d’autres denrées qui leur conviennent. En Afie
ils débitent la quinquaillerie de Venile ; de
France , d'Allemagne, Les petits miroirs ; 1e$
bagues , les colliers , les émaux , les petits coë-
taux, les cifeaux , les épingles, les éguilles font
plus recherchez dans les villages que la bonne
- monnoyée
n. Du LEVANT. Lettre XX 243
tionnoye. En Europe ils portent du inufc & des
À épiceries. Quelques farigues qu’ils ayent , ils
| obfervent les jeûnes de PEglife comme s’ils étoient
| en repos dans une bonne ville ; & ne connoiffent
pas de difpenfes , même pendant leurs maladies,
La feule chofe qu’on peut reprocher aux Arme.
niens , en fait de commerce , c’eft que lorfque
leurs affaires tournent mal dans les pays étrangers
où ils négocient , ils ne retournent plus chez
eux ; ils ont beau dire que c’eft parce qu'ils n’ont
pas le front de fe montrer après une banqueroute,
cependant leurs creanciers n’en fçauroient tirer
; aucune raifon ; maïs d’un autre côté il faut leur
| rendre juftice, les banqueroutes font tres rares
parmi eux,
Les Marchands de Julfa ont fait un Traité
avec le Grand Duc de Mofcovie pour faire pañler
dans fes États routes les marchandifes qu'ils
trouveront à propos , & pour cela il n’eft permis
à aucun Marchand d'Europe, de quelque nation
qu'il foit, d'avancer plus avant qu'à Affracan
ville puiflante que les Mofcovites poifedent depuis
Fan 1554. Elle cft fituée au delà de la mer Caf
pienne fur les frontieres de l’Afie & de l'Europe,
Le Grand Duc favorife autant qu’il peut ce com
merce ; ceux de Julfa payent la douanne de tout -
ce qu’ils font entrer en Mofcovie, mais ils ne
payent rien des marchandifes qu’ils font pafler
e Mofcovie en Perle, Voici lé chemin qu’ils .
tiennent pour aller & venir, D'Hifpaham ils fone
porter leurs marchandifes à Tauris , à Schamarée
&à Nofava Port fur la mer Lafpienne. à trois
journées de Schamaxée, On embarque à Nofava
la foye & les autres marchandifes de Perfe & du
Mogol pour les faire pafler à Aftracan. D'Aftracan
Tome III, RS ee
_
158 Yo * Acr |
on les tranfporte par terre à Mofcon , & delà
Archangel qui eft le dernier Port de Mofcovie
fur Ocean feptentrional. Les Anglois & les
Hollandois y font un grand commerce ; on y em-
arque les marchandifes pour Sroxolm, & delà
par le Détroit d’Elfeneut on les fait paffer en Hol-
lande & en Angleterre,
Frideric Duc de Holftein, comme dit Olearius,
fit bâtir la ville de Fridericftæd dans le Duché de
Holftein, pour y établir un commerce de foye
plus confidérable que rous ceux qui fe font en
Europe, Pour cet effet il réfolut d'entretenir cor-
refpondance avec le Roy de Perfe afin d’en faci-
iter le tranfport par terre ; mais celà ne fe pou-
vant faire fans la permiflion du grand Duc de
Mofcovie , il jugea à propos en l’année 1633. de
lui envoyer une Ambaffade folemnelle , à laquet-
le il nomma Crnfius l'un de fes Confeillers d'E-
tat, & Brugman Marchand d'Ambourg ; ce der-
nier par fon mauvais procedé joint aux dangers
qu’il y avoit à cffuyer en paflant chez les Tartares
du Dagefthan , fut caufe que l’érabliffement des
foyes échotia ; convaineu enfuite de malverfa-
tions , il fut condamné à mort & exccuté à
Gotrorp le $. May 1640. Les Hollandois qui
ont voulu depuis ce temps-là fe rendre [es maî-
trés des foyes de Perfe qui viennent à Aftracan,
nt Obligez d’en prendre une certaine quantitt
tous les ans, ce qui fait qu'ils gagnent peu fur
cette marchandile , parce que les Armeniens leur
nt dre la bonne & la mauvaile {ans diftinc-
tion. M° Prefcot nous affleüra que les Angloïs
chargcoïenr beaucoup de marchandifes d’Afie
à Archangel , & qu'ils y trouvoient les meilleurs
… Cnviars qu'on puïffe manger. Celui que l'on vend
& ë
… bu Levant. Létre YX. 3139
én Turquie vient de la mer Noite ; il eft mals
propre & enfermé dans des outres : ducontraité
ke Caviar de la mer Cafpienne eft fait avec beau:
coup de foin, & on lenquaiffe proprement.
Nous mangeâmes chez M" Prefcot des œufs d’Efz
turgeons qui avoient été falez aux environs de là
imer Cafpienne , & des Caviars faléz dans les mé:
mes endroits, lefquels nous trouvâmes excel:
lens ; les Saucifons faits à Marfeille ne font pas
meilleurs,
Nous ne poüvidns nous empêcher de rire dans
les RE Ar d’Erzeron; en voyant faite les
marchez parmi les Armeniens, On comrüence ,
de mênie que chez les Turcs, à mettre de l'aré
gent fur la table : après cela on chicane atitant
qu'on peut , en ajoutant une piece [ur l’autre ;
cette chicane ne fe faic pas fans bruit: Nous
- Croyions, à les entendre parler ; qu’ils étoient
Prêts à Le couper la gorge ; mais il ne s’agit dé
tien moins entre eux; Après s'être pouflez & re-
pouflez avec violence, les Courretiers ou En-
tremetteurs du marché ; ferrent avec tant de
force les inains de celui qui veut vendre ; qu'ils
de font crier & né le quittent pas qu’il n’ait con-
enti que l'acheteur ne payera qu'une certainé
fomme ; enfuice chacun rit de fon côté. Ils pre-
tendent , avec railon , que la veüe de l'argent fait
plutôt conclurre les miarchez, À
A l'égard de la Religion ;-ront le monde fçait
Que les: Armeniens font Chtériens ; & ce feroienc
de tres bons Chrétiens fans le fchifme qui les fé
‘Pare de nous. On les accufe d’être Eutychiens ;
C'efta dire de ne reconnoitre qu’une nature en Je-
us-Chrift » Où pour mieux dire deux natures ff
“bien confonduës ; que LR QE DE BE: les
w:
260 : V |
pes de chacune en particulier , ils ne veu-
ent pourtant entendre parler que d’une feulenas
ture. Leurs plus habiles Evêques prétendant Le
aver de certe herefie , & foûtiennent que route
l'erreur vient de la difetre de leur langue , laquel-
le manquanr de termes propres , fait qu'ils
confondent fouvent le mot de nature , avec celui
de perfonne. Lorfqu'ils parlent de l’Tmios hy-
poftatique , ils croyent la prouver aflez en confef-
ant que Jefus-Chrift dans l’incarnation eft Dieu
parfaic & homme parfait, fans mélange, fans
changement , & fans confufñon, La verité eft
qu’ils ne s’expliquent pas tous également ; &
que La plufpart ont grande vénération pour deux
fameux Eutychiens Diofcore & Barfuma. Quand
on leur reproche qu’ils excommuniérent les Pe-.
res du Concile de Calcedoine pour avoir con-.
- damné les premiers de ces heretiques ; ils avouent
que quoiqu'il paroiffe ridicule d’excommunier les
“morts, la coûtume s’en éroit introduite parmi
eux pour fe vanger des Grecs, qui dans routes
leurs fêtes excommunient. l'Eglife Armenienne ;
que pour eux ils n’avoient pas deflein d’excom-
munier précifément les Peres du Concile de Cal-
cedoine qui avoient condamné Diofcore patriat-
che d'Alexandrie fans trop examiner fes raifons;
mais que leur intention étoit d’excommunier les
Evêques Grecs d’aujourd’hui, comme fucceffeurs
des Prelats de la plus fameufe affemblée qui fe
foit jamais tenüe en Grece ; que les Peres Grecs
avoient fait une grande änjuftice à Diofcore de
confondre fes fentimens avec ceux d'Euryches »
puifque Diofcore avoit toûjours foutenu que le
Verbe Incarné étoit Dieu parfait & homme pat-
fait. La fource de l'inimitié irréconciliable des
LEvANT. Lettre YX, 26t-
Ârmeniens & des Grecs vient depuis cé Conci-.
le ; & cette inimitié eft fi grande , que fi un Grec.
entre dans une Eglife Armenienne , ou un Arme-
nien dans une Eglife Grecque , les uns &les au-
tres la croyent profanée & la béniflent de nou.
veau, |
Quand on veut approfondir leurs croyances ,
on trouve qu’il y a bien des articles de {chifme
“qu'il ne faut pas attribuerà l'Eglife Armenien-
ne , mais à des particuliers;-par exemple il n’eft
pas vray qu'ils excommunient trois fois Fannée
l'Eglife Latine ; les bonnes gens n’y penfent pas,
& lon ne trouve point cette pratique dans leurs
Rituels ; quoiqu'il ne foit que trop vray que
certains phrenétiques Evêques ou Verrabiets dé-
clarez contre l’Églife Latine , l’ayent pratiqué
ou le pratiquent encore ; cat. dans une Eglife mal
reglée, fouvent chacun fait comme il entend,
Le Patriarche OXuierfi énnemi juré des Latins,
a peut-être ajouté à cette excommunication le
nom du Pape {aint Leon, parce qu’il avoiccone
firmé la condamnation de Diofcore.. Quelque
eftime qu'ils ayent pour le grand Doéteur,
Altenafi ce Cote leur faire tort que d'at-
tribuer à toute l’'Eglife Armenienne les inju-
rés que ce fanarique à vomi contre l'Eplife
Romaine, ER Ml Es 3
ny a que les plus fots ou les plus ignorans
des Armenjiens qui croyent le petit. Evangile.
Ce petit Evangile eft un livre rempli de fables &
d extravagances touchant l'enfance de nâtre Sei-
Sneur ; par exemple que la Vierge en étant en-
inté ; Salome fa fœur l’accufa de s'étre abandon
De 4 quelqu'un ; la Vierge luy dit alors qu'elle n#-
Voit qu'a messre La main fur [on ventre ; Cqw'elle
R üij
A6 : VOYAGE
connoitroit bien le fruit quelle portoit. Salomé ÿ
ayant appliqué [a main , il en fortit un feu qui lé
confuma ju{qu’a La moitié du bras. Elle reconnut fe
faute © retira [a main © [on bras parfaitement
gueris , apres les avoir appliqueX, [ur le même en.
droit par ordre de la Vierge, Us prétendent que
Le Fils de Dieu fe feroit fair tort de paffer par le
fein d'une femme ; qwil n'en fit que le femblant ,
© que les Juifs firent mettre quelqu'un à [a pla-
ge ; ils ont tiré des Mahometans cette derniere
réverie, Als difent aufli que Jefxs-Chrift étant à
l’école pour apprendre l'Armenien , ne voulut j4=
mais prononcer La premiere lettre de leur alphabet ,
que le maître ne lui eût dit La raifon pourquoi elle
réprefente une M renverf(ee ; ce bon homme qui
ne connoifloit pas l'Enfant Jefus, lui donna un
fouflet, Hé bien ,' dit Jefus fans s’émouvoir ,
Puilque vous ne le fcaveX pas je vais vous l'appren-
dre, cette lettre réprefente La Trinité par Jes trois
jambes, Le maître d'école admira fa {cience & le
rendit à (a mere , avoüanr qu'il éroit plus habile
que lui. M Thevenot qui rapporte aufli ce con-
te , afleûre qu'il y a un manufcrit Armenien dans
la Bibliotheque du Roy où l'hiftoire & les invene
teurs de leurs cara@teres font expliquez , mais il
n'en fait remonter l'invention qu’à environ 400:
ans ; ils (e fervoient auparavant de caraéteres
|” Grecs, | ;
: Les Armeniens content que Fefus-Chriff étant
à la chaffe avec faine Barchelemy & faint Thadée,
sl tua cinq perdrix le long de l'Aras, © qu'une
snfinité de monde vint autour de lui pour l'entendre
Précher, mais que la nuit étant furvenné ; les
deux Apôtres l'avertirenr qw'il falloit renvoyer ces
gens. Jefus leur répondit : qu'eprés avoir donné
ou LevaAanr. Létrre n - 263
à leurs ames la pature necef[aire il falloit prendre
foin de leurs corps , © que pour cela ils n'avoient
qu'à faire boüllir les cinq perdrix avec une oque de
* sis. Tout le monde en fur raflafié, & comme il
mé faifoit pas clair , chacun crüt qu’on lui avoir
fervi une perdrix entiere. Le Roy d’Armenie qui
aimoit fort la chaffe en fut tres fâché , & ordonna
qu’on fit mourir les Apôtres & leur maître, Jefus
fe fauva dans l'Arche fur les hauteurs du Mont
Macis ; mais faint Barthelemy & faint Thadée
payérent pour lui,
La plus plaifante hiftoire qu'ils racontent, eft
celle de Judas : ce malheureux , à ce qu'ilsdifent, -
fe repentant d'avoir trahi fon Maître , crut qu'il
ny avoit pas de meilleur expédient pour fauver for
ame, que de fe pendre © d'aller aux Limbes où
il fçavoit bien que Jefus-Chriff devoir defendre
pour délivrer les ames ; maïs le diable qui le vouloit
mener en enfer lui joëa un tour de fon métier ; il
Le foutint par les pieds , tout pendu qwil étoit , juf-
qW'a ce que Jefns-Chrifé ent fait [a vifite dans les
Limbes , après quoi il le laiffa cheoir ©° l'entraina
tous les diables. Les Georgiens font mille con-
tes auffi ridicules, tirez de leur petit Evangile,
Je crois que ces deux ouvrages font fabriquez de
a méme main,
Quoique les Armeniens ne veuillent pas en-
tendre parler du Purgatoire ; ils nc laiflent pas
de prier fur les tombeaux ; & de faire dire des
Meffes pour les morts ; cel peut-étre Pavarice
de leurs Prêtres qui , ayant aboli leurs dogmes,
Ont fait continüer l’ufage d’une chofe tres lucra-
tive, Selon la plufpart de ces Prétres , il nya
feenenent ni paradis ni enfer ; ils croyent que
enfer fur détruit après que Jefus-Chrift eu cur
R üij
*
6 + VovaAc:
enlevé les ames des Saints , aufli-bien que celles
des damnez, Par rapport à la création des ames,
ils font du fentiment d’Origene , fans fçavoir
qu'il yait eù un Origene dans le monde; car
ils s’imaginent que toutes les ames ont été creécs
au commencement du monde, Il y a des Mil-
lenaïres parmi eux fans connoître Papias ni S°.
Jrenée, Ils croyent qu'après le Jugement uni-
verfel , Jefus-Chrift reftera pendant mille ans
fur la terre avec les prédeftinez pour les faire jouir
de la bearitude, La plufpart des Dodteurs Ar-
meniens fonc pourtant du fentiment , que Îles
ames attendent le Jugement univerfel dans un
endroit qu'ils placent entre le Ciel & la Terre,
où elles fe Aarrent de jouir un jour de la gloire ,
quoiqu’elles foient dans la crainte d’être condam-
nées à un fupplice eternel,
_ Saint Nicon qui éroit de la petite Armenie , &
quiavoit pañlé quelques années de fa vie à faire
des Miffions dans la grande Arimenie pendant
le x. fiécle, nous a laiflé un Traité en Grec
touchant les Erreurs des Armeniens ; l'original
ft dans la Bibliotheque du Roy , & M" Cortc-
lier en a donné une verfon Latine, S. Nicon
rapporte des chofes fort fingulieres fur la croyan-
ce de ces peuples, & ne les accufe pas feule-
ment d'être dilciples d’Euryches , de Diofcore ,
de Pierre l'Armenien , & de Mantacunez, mais
aufi d'être dans l'hercfe des Monothelites, Il
raconte quelques-unes des fables qui font enco-
per partie de leur petit Evangile, |
* Cependant ces peuples ont de grandes graces
à rendre au Seigneur qui leur envoya deux de fes
Apôtres peu de temps après fa Paflion. Baronius
aflcüre que S, Barchelemy & S, Thadée fouffri-
PS TR D 0 PS NS M
. pu Levant, Lette XX. 265$:
rent le martyre en Armenie 44. ans sde la mort
de Jefus-Chrift, enrécompenfe de la foy qu’ibs
y avoient annoncée. Malheureufement elle n’y
fift pas de grands proyrés ; car Eufebe nous ap.
rend qu'un faint Evéque appellé Æferuzane
y fema le bon grain fous l’Empire de Dece, &
Dieu répandit tant de benedictions fur ces pen-
ples, qu'on ne voyoit que des Chrétiens par-
mi eux {ous Diocletien. Maximien fe mir en tefte
de les détruire , mais les Armeniens prirent les
armes pour la défenfe de leur foy ; & ce fut,
comme dit Eufebe , la premiere guerre qu'on
eût entreprife pour lareligion. Enfin Dieu acheva
d'ouvrir les yeux à ces peuples pär le miniftere
des, Gregoire l’Uluminateur Armenien de naïf
fance, mais élevé à Cefarée en Cappadoce où il
avoit été facre par S. Leonce. S. Gregoire revenu
dans fan pays fous l’Empire du grand Conftan-
tin; convertit Tyridate Roy d’Armenie par un
Miracle éclatant, & ce Prince qui l’avoit d’a-
bord fait maltraiter, en fut fi touché ; qu'il
obligea par un Edit tous fes fujets à embrafler le
Chriftianifime, Le Saint acheva par fa doctrine,
Par fon exemple, & par fes miracles, ce que le
Roy ne pouvoit qu'ordonner. Une efclave qui
fe ft chrérienne à Conftantinople en même
temps , ne contribua pas peu par fes miracles
à la propagation du Chriflianifime dans le même
Pays.
IL ne faur pas confondre S. Gregoire l'YHlumi-
fateur pretnier Patriarche des Armeniens, avec
Un autre Saing du même pays & du même nom,
qui dans le x, fiécle vint mourir en France , re-
clus dans une. folitude auprès de Pluviers en
Beauce dans le Diocefe d’Orleans. Il paila fept
266 «VW 0v.AG 2
ans dans cet hermitage , jeñnant à la mode de
fon pays, c’eft à dire d’une maniére que les Chré-
tiens d'Occident ne fçauroient prefque imiter,
Il ne mangeoit rien du tout les Lundi, Mercre-
di, Vendredi & Samedi: & même s’il rompoit
fon jeune les mardi & vendredi après le foleil
couché, c’étoit pour manger trois onces de pain.
d'orge, quelques herbes cruës , une poignée de
lentilles trempées dans de l’eau & germées au fo-
leil ; les jours de Fêtes& de Dimanche, il fe nour-
rifloit un peu mieux , mais il ne mangeoïit jamais
de viande,
Le Clergé d’Armenie eft compofé du Patriar
che, des Archevêques, des Evêques, des #’er-
tabiets où Docteurs , des Prêtres Seculiers , &
des Moïnes. Le Patriarche porte le nom
Catholicos depuis fort long-temps;car Procope re-
marqueque les Armeniens ont emprunté ce terme
des Grecs. Les Armeniens ont plufeurs Patriar-
-ches aujourd’huy fur les terres du Roy de Perle ;
& fur celles du Grand Seigneur. Outre celui
d’AchmiadYin qui eft le plus celebre de tous , on
compte en Perle celui de Schamakge proche la
mer Cafpienne , & celui de Nacfivan que kes
Armeniens Catholiques Romains reconnoiflent
pour Patriarche après le Pape. En Turquie il
y a deux Prelats qui fe font eriger en Patriarches
par le grand Vifir, qui donneroit ce titre à
_ tous les Prelats s'ils vouloient l'acheter comme
‘ font l'Evéque de Cis proche de Tarfe en Cilicie,
& l’Evêque Armenien de Jerufalem, lefquels à
force de prefens reçoivent leur miflion & leur
authorité de la Porte, Les Armeniens ont encore
un autre Patriarche à Camiriec en Pologne , Cat
le Pere Pidou Parifien Religieux Theatin & Mil-
-. pu Levant. Lettre XX, 2167
fionnaire Apoftolique , ménagea fi bien les ef-
prits des Armeniens de Pologne , & (ur tout ce-
lui de leur Archevêèque, qu’il les ramena à leur
mere l'Eglife Romaine en 1666, On purgea
leurs livres de toutes les erreurs qui féparent les.
fchifimatiques d’avec nous. Ce Parriarche recon-
nut le Pape pour chef de la veritable Eglife , &
porta le Sainr Sacrement dans les ruës à la Pro-
ceflion générale que l'on fit pour en remercier
Dieu plus folemnellement.
Le Patriarche d’Itchmiadzin eft le plus riche
de tous dans un fens, car on afleüre qu'il æ près
de fix cens mille écus de revenu, Tous les Ar-
meniens qui le reconnoiffent & qui pañlent l’âge
de 15. ans, lui payent cinq fols par ans. Les
aifez lui donnent jufques à trois ou quatre écus.
Cependant il eft pauvre dans un autre fens, &
véritablement pauvre , puifqu'il eft obligé de
payer la Capitation pour retenir dans fon trou-
peau ceux qui ne font pas en état de fatisfaire
à ce tribut, Souvent il y confomme fes revenus
& y ajoute de fes épargnes. Les Archevêques
& Evêques lui envoyenc tous les ans l'état des
Pauvres familles de leurs diocefes, lefquelles on
Menace de faire vendre ou de leur faire changer
de religion faute de payement de la Capitation.
Ce Patriarche eft vêtu auffi fimplemenr que les
autres Prêtres ; il vit tres frugalement & n’a qu’un
petit nombre de domeftiques , mais c'eft un
Prelar des plus confiderables du monde par l’au-
thorité qu’il a fur fa nation , laquelle tremble
fous lui à la moïîndre menace d'excommunication.
On affeûre qu'il y à quatre-vingt mille bem
qui le reconnoillent, Pour fe maintenir en pla”
£e, combien ne donne-c-il pas au Gouverneur
0e: à: VoyaAcr# |
d’Erivan & aux puiffances de la Cour ? Il faut être
bien efclave de l’ambition pour acheter de fem.
blables poftes. Fo.
C’étoit autrefois le feul Patriarche parmi les
Armeniens qui eût le pouvoir de faire le S, Chref-
me où Mieron , du Grec Myror , compolition
liquide ou huile parfumée, Il en fournifloit tous
les Etats de Perfe & de Turquie ; les Grecs. mé-
mes l’achetoient avec vénération, & l’on difoit
communément que des Trois Eglifes il fortoit
une fontaine d’huile facrée , laquelle arrofoit
toutM'Orgnt. Le Patriarche l’envoyoit aux Ar:
chevêques & aux Evêques Armeniens , pour le
répandre & pour l’employer dans le Baptème &
dans l’Extrême-Onétion : mais depuis plus de 40.
ans Jacob Wertabier & Evêque Armenien qui
faifoit fa géfidence à Jerufalem ; s’avifa de s’éri-
ger en Patriarche fous le bon plaifr du grand
Vifir, & refula de prendre le Afieron du Patriar=
che des Trois Eglifes. Comme l'huile eft à bon
marché dans la Paleftine, & que certe liqueur
ne fe corrompt pas; il en fit plus-qu’il n’en fal-
loit pour oindre | pendant plufeurs années ;;
tous les Armeniens qui font en Turquie. Voilà
le fujet d’un grand Schifme parmi eux. Les
Patriarches s’excommuniérent réciproquement ;
celui des Trois Eglifes forma un grand proces
à là Porte contre celui de Jerufalem. Les Turcs.
qui font trop habiles pour vouloir décider la
queftion, fe conténtent de recevoir les prefens
que leur font lés Parties à mefure qu'elles re-
viennent à la charge : en attendant chacun débite
fon huile comme il peut, | #œ :
Ils la préparent depuis les Vefpres du Dimans
che des Rameaux ; jufques à la Mefle du Jeudi
pu Levant, Lettre XX. 269
Saint, laquelle ce jour la fe celebre fur le grand
vailleau où l’on conferve certe liqueur. On n’em-
ploye ni bois ni charbon ordinaire pour faire
bouillir la chaudiere où on la prépare , & cette
chaudiere eft plus grande que la marmite des Inva-
lides.. On la fait bouillir avec des bois benits, &
même avec tour ce qui a fervi aux Egliles , vicil-
les images ornemens ufez , livres déchirez &
trop gras ; tout elt refervé pour cette céremonie.
Ce feu ne doit pas fentir trop bon ; mais l'huile
cft parfumée par des herbes & par des drogues
odoriferantes que l’on y mêle. Ce ne font pas de
petits clercs qui travaillent à cette merveilleufe
compofñtion ; c’eft le Patriarche lui-même, vêtu
pontificalement & aflifté au moins de trois Pre-
lats en habits Pontificaux , qui récitent tous
enfemble des priéres pendant toute la céremonie.
Le peuple en eft plus frappé que de la préfence
réelle de Jefus-Chrift ; tant il eft vrai que les
hommes ne fonc fufcepribles que des chofes
fenfbles _?
- Il n’y a rien à dire en particulier des Archevè-
ques & des Evêques Armeniens, fi ce n’eft qu’il
yen a pluñeuts qui font fans Diocefe & qui lo-
gent dans des Monafteres dont ils font Abbez.
- Tous ces Prelats font fubordonnez au Patriar-
che, comme dans les autres Eglifes chrétiennes,
Il froit à fouhaiter feulement qu’ils s’acquitaf-
fent de leurs devoirs; maisils n’ont aucun zéle
&, font. plongez dans une ignorance pitoyable ;
auffi les confidere-t-6n bien fouvenr moins que
les Vertabiers. Qusiqueinss ils font Evèques, &
Vertabiets tout enfemble , c’eft à dire Evêques &
Docteurs. Ces Vertabiets qui font tant de bruit
pauni les Armeniens, ne font pas véritablement
256 Vovict#t Ts
de grands Doéteurs ; mais ce font les plus häz -
biles gens du pays , ou du moins ils palfent pour
tels, Pour être receû à ce degré fi eminent il ne
” faut pas avoir étudié la Theologie pendant lon:
gues années ; il fufhr de fçavoir la langue Arme-
nienne littetale, & d'apprendre par cœur quelque
fermon de leur grand Maître Gregoire Arenaf ;
dont toute l’éloquence brilloit dans les blafphé-
mes qu’il vomifloit contre l’Eglile Romaine, La
Langue litterale eft chez eux la Langue des fça-
Vans, & l’on prétend qu’elle n’a aucun rapport
avec les autres Langues Orientales ; c’eft ce qui
la rend fi difficile. On affeûre qu’elle eft fort ex-
preflive & enrichie de tousles termes de la reli-
gion , des fciences & des arts , ce qui montre que
les Armeniens éroient autrefois bien plus habiles
qu'ils ne font aujourd’hui, Enfin c’eft un grand
merite chez eux d'entendre cette langue ;elle ne
le crouve que dans leurs meilleurs manufcrits:
Les Vertabiets font facrez, maisilsdifent rare-
ment la Melle , & font proprement deftinez
pour la predication. Leurs fermons toulent fur
des paraboles mal imaginées ; fur des paflages
de l'Ecriture mal entendus 8& mal expliquez , &
fur quelques hiftoires vrayes ou faufles qu'ils
fçavent par tradition ; cependant ils les pronon-
cent avec beaucoup de gravité , & ces difcours
leur donnent prefque autant d’authorité quai
Patriarche : ils ufurpent fur tout celle d'excom-
Mmunier, Après s'être exercez dans quelques vil-
lages, un ancien Vertabiet les reçoit Docteurs
avec beaucoup de céremonies ; & leur mét entre
les mains le bâton paftoral. La céremonie n€
fe pale pas fans Simonie ; car le degré de Docteur
étant regardé parmi eux comme un Ordre facré:
PA
Levant /Latre NA, 191
ils ne font aucun fcrupule de le vendre de même
que les autres Ordres. Ces Docteurs ont le pri-
vilege d’être aflis en prêchant & de tenir le bâ-
ron paftoral ; au lieu que les Evêques qui ne font
pas Doëéteurs prêchent debout. Les Vertabiers
vivent de la quére que l’on fait pour eux après lé
fermon , & certe quête eft confidérable , fur tout
dans les lieux où les Caravanes fe repofenr. Ces
Predicateurs gardent le celibat & jeünent fort ri=
goureufement les trois quarts de l’année, car ils
ñe mangent alors ni œufs ; ni poiffon , ni laitas
ge. Quoiqu'’ils parlent dans leurs fermons ; moi-
tié langue litterale & moitié langue vulgaire,
ils ne laiffent pas fouvent de prêcher en langue
vulgaire pour mieux fe faire entendre : mais la
Melle , le chant de l’Bglife , la vie des Saints, les
paroles dont on fe fert poùr l'adminiftration des
Sacremens , font en langue litterale.
Les Cnutez & les Prêétres Seculiers fe marient
de même que les Papas Greës, & ne fçauroient
paller à de fecondes noces; auffi choififlenc-ils
des filles dont le teint promette une longue vie
& une forte fanté, Ils travaillent tous à quelque
métier pour gagner leur vie& pour entretenif
leur famille , & cela les occupe fi fort qu’à peine
fcaventils faire les fondtions Eccleliaftiques.
lour approcher de l’atrel plus purement , ils
font obligez de coucher dans l'Eglife la veille des
Jours qu'ils doivent celebrer.
Les Religieux Arimeniens font ou Schifmati-
ques ou Catholiques. Les Schifmatiques fuivent
2 Regle de Saïnt Bafile ; les Catholiques celle
€ Saint Dominique, Leur Provincial eft nom-
mé par le General des Dominicains qui fe tienrà
Rome, Environ l'an 1320, le P. Barthelemy
272- SENS :
Dominicain réunit beaucoup d’Armeniens à
: PEglife Romaine que le Pape Jean x x 1 1. gou-
vernoit alors, &wçe grand Miffionnaire y établit
plufeurs Couvents de fon Ordre ; il y ena enco-
re quelques-uns dans la Province de Macfivan
entre Tauris & Erivan,M' Tavernier en a compté
jufques à dix, autour de la ville de Nacfivan &
de l’ancienne Julfa qui n’en eft qu’à une journée;
tous ces Monalteres font gouvernez par des
Dominicains Armeniens, Pour former de bons
ujets on envoye de temps en temps à Rome de
jeunes enfans de cette nation que l’on éleve dans
les Sciences & dans l’efpric de l'Ordre de Saint
Dominique. Chaque Monaftere eft dans un
ourg , & l’on compre dans ce quartier-là en-
viron fix mille Catholiques, Leur Archevèque;
qui prend le titre de Patriarche , va fe faire con-
firmer à Rome après fon élection & l’on fuit dans
fon Diocefe le Rire Romain en toutes chofes ,
excepté la: Mefle & l'Office que l’on chante en
Armenien afin que le peuple l’entende. Ce pe-
tit troupeau vit faintement , il eft bien inftruit
& il n’y a pas de meilleurs Chrétiens dans tout
l'Orient. : | |:
Les Armeniens Schifmatiques font aflez à
plaindre , ils jeûnent comme les Religieux de la
Trappe, & tout cela ne leur fervira de rien s'ils
ne fe rangent du bon,parti. Hs font maigre deux
jours de la femaine , le mercredi & le vendredis
& ils ne mangent ni poiffion , ni œufs, ni bui-
le , ni laitage. Les carêmes des Grecs font des
témps de bonne chere, en comparaifon de ceux
des Armeniens;outre leur longueur extraordinai=
re , ilne leur cft permis dans ce temps-là que
manger des racines , & même il leur eft Lu A
Li
bu LevaAnrT. Léltre YX. 21ÿ$
den manger autant qu'il faut pour farisfaire leu
appetit. L’ufage des coquillages ; de Fhuile;
du vin leur eft interdit , excepté le Samedi Saitit ;
ils reprennent ce jour-là le beurre ; le froma-
ge & les œufs. Le jour de Pafques ils mangent
de la viande , mais feulenent de celle dont on
a tué les animaux ce jour-là, & non pas les
jours précedens; Pendant le grand carème ils
ne mangent du poiflon & n’entendent la Mcfle
que le Dimanche, Elle.fe dir à midi; & ils là
nomment la Afefe baffle, parce que l'on tire un
grand rideau devant l'autel & que le Prêtre ; que
Pon ne voit pas ; ne prononce tour haut que P£-
vangile & le Credo. Les fidelles ne communiehe
quele Jeudi Sairi à la Meffe qui nef dit qu'à
Midi ; mais celle du Samedi Saint fe celebre à
cinq ou fix heures di loir ; & l'on y donne auffi la
communion, Eufuite l’on rompt le carème ;
comme l’on vient de dire 3 en mangeant di poif-
fon, du beurre ou de l'huile, Outre_le-grand
carême ; ils en ont quatre autres de hui jours
chacun pendant le refte dé l’année ; il font infti-
tuez pour fe préparer aux quatre grandes fères de
Noël. de l’Afcenfion ; de lAnnonciation ; & de
Saint George, Ces carèmes font auffi rigoureux
que le grand ; il ne faut parler pourlors , nt
d'œufs ; ni de poiffon ; pas mème d'huile ou de
beurre ; il y en a qui ne prennent aucune ROUF-
tture pendant trois jours de fuite. 1.
. Les Armeniens onr fept >acremens comme
nous ; le Baprème ; la Confirmarion ; la Peniten-
Ce, l'Euchariftie, VExtréme-Onétion ; POrdre & le
Mariage. je
Le Baptème chez eux fe fait par immerfon
<omme chez les Grecs , & le Prèrre prononce
Tome II L. | $
224 ©: V'o % A c'z
mêmes paroles, Je re baptife an nom du Pere, du Fils
© du Saint Efprir:il plonge trois fois l'enfant dans
l’eau en memoire de la fainte Trinité. Quoique
nos Miflionnaires les ayent defabufez de répeter
les mêmes paroles à chaque immerfion , il ya
encore beaucoup de Prèêtres qui le font par pare
ignorance. Pendant que le Curé srécite quelques
priéres de fon Rituel ; il fait un cordon , moitié
de coton blanc ; & moîtié de foye rouge ; dont
il a lui-même tordu les fils féparément. Après
l'avoir paflé au col de l'enfant, il fait les onétions
avec le S' Chréme , au front , au menton, à
l’'cftomac , aux aïffelles , aux mains & aux pieds ,
en faifant le figne de la croix fur chacune de ces
parties. La céremonie du co: don fe fair , difent-
ils, en memoire du fang & de l’eau qui forti.
rent du côté de Jefus-Chrift lorfqu’il receur Île
coup de Lance: fur la Croix. On ne baptife que
le Dimanche, à moins que l'enfant ne (oi en
danger de mort , # le Prêtre impofe toujours le
nom du Saint du jour, où de celui duquel on
doit faire la fère le lendemain, fuppolé qu'il n’y
ait point de Saint particulier le jour du baprème.
La Sage-femme porte l'enfant à l’Eglife , mais
c’eft le Parrain qui le rapporte chez lamere au fon
des tambours,des trompettes, & des autres inftru-
tmens du pays. La mere {e profterne pour recevoir
fon enfant , & le Parrain dans ce remps-là baife le
deflus de la tête de la mere ; enfuire on fe met à
table avec les parens ; les amis, & le Clerge.
H faut que le Clergé foit de la fête , parce que
les Armeniens croyent qu’il n’y. a que les Prètres
qui puiffent baptifer valablement dans quelque
rencontre que ce foir. J'ai mêmeoui dire qu'il
y avoic des Prêtres qui baptifoient les «
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. forts , &° jé n'ai pas de peine à le croire ; puifs
qu'ils ne donnent l'Extréme-Onétion qu'aux
trépaflez. |
Les Baptèmes qui fe font le jour de Noël font
les plus magnifiques, & l’on renvoye à ce jour-là
les-enfans dont la fanté permet qa’on differe là
cérembnie:Les féres les plus célebres fe font prin-
cipalement dans les lieux où il ÿ a quelque étang
ouquelque rivicre.Ondreflépour cela un petit au
telfur un ‘bateau rout couvert debeaux tapis ; lé
> Clergés y rend üèsquele foleil fe leve,accompagné
des parens, des amis.& des voifins pour qui l’on
prépare des bateaux ornez de même, Quelque
- rude que foïtla faifon , après les priéres ordinais
res, le Prêtre plonge l'enfant trois fois dans l’eau ;
&lui fait les onétions. Les peres n’en font pas
quittes à bon marché ; car la fêre {e pale en
feftins & en préfens ; auffi y a-t-il beaucoup dé
perésiqui n’attendent pas la fête de Noël , &
qui fuppofent queleur enfant eft mourant. Er
effet queke ‘folie de s'incommoder fans nécefli-
té Les Goüuverneuts des Provinces s’y trouvent
fouvent , le Roy même vient quelquefois à
2m pour voir ces fortes de :fères : Il'faut dlors
ire beaucoup de préfens, ourre les feflins &
. colations, Les femmes accouchées ne vont à
Re
à elife que 40. jours après leur accouche:
ER lancia
à Rte tee à Le 1
daiques.
MHhpardirpar ce que l'on vient de dire , que les
Armeniens conférent deux Sacremens à la fois ;
5 Le Baptème & la Confirmation ; puifqu’ils don-
_ bent le Sainr \Chrème aux: erffans. Ils croyent
que tous les Prèrres peuvent adminiftrer ce Sa-
| étement, mais mu GEAR ©: a que
: S ij
D EE
“le Patriarche qui püille benir le Saint Chréme,
_… Pour là Communion , les Prêtres donnent
aux fidelles un morceau de l’Hoftie confacrée ,
& crempée dans le vin confacré ; maïs il eft fcan-
daleux qu’ils communient les enfans à l’âge, de
deux ou trois mois entre les bras de leurs me-
res, parce qu'ils rejettent le plus fouvent les ef-
pêces confacrées, Les Prêtres Armeniens confa-
ctent avec du pain fans levain , & font eux-
mêmes les hofties la veille du jour qu'ils doi-
vent confacrer ; elles font femblables aux nôtres ,
1 ce n’eft qu’elles ont trois ou quatre fois plus
d’épailleur, Avant que de commencer la Mefle ,
le Prêtre:prend foin de mettre l'hoftie fur une
patene , & Îe vin cout pur dans un calice. Jefus-
Chrift, difent-ils, fit la Cene avec le vin, &
téferva l’eau pour le Baptème. Le Prêtre couvre
les efpeces d’un grand voile & les enferme dans
hhe armoire pres de l’autel du côté de l’'Evangi-
le’ À l'Offertoire il va prendre le calice & la
parene en céremonie ; c'eft à dire fuivi des Dia-
cres & des Soufdiacres ; dont quelques-uns por-
tent des lambeaux , & les autres des plaques de
cuivre attachées à des bâtons aflez longs , &
garnies de clochertes qu’ils font rouler d'u
niére affez harmonicufe, Le Prêtre prèce
cenfoirs & au milieu des lambeaux &
inftrumens de mufique, porte les efpeces en pro=
ceffion autour du fanétuaire. C’eft alors que le
ces non confacrées. Le Clergé engore plus cou-
ce, le: Corps du Seigneur ef} prefent devant nous,
IL femble que les Armeniens ayent pris cette ||
abominable coutume des Grecs : car les Grecs»
peuple mal inftruit fe proflerne & adore les efpe-
pable chante à genoux un Cantique qui commen |
-° pu LavawT.-Lettre XX 237
comme nous l’avons remarqué; par une: igno-
rance inexcufable adorent aufli les efpeces avant
la confecration: Leur erreur vient de ce qu'au-
trefois ils croyoient qu’il n’étoit permis de cele-
rer que Je Jeudi Saint , & confacroient ce jour-
là autant d’hofties qu’il en falloit pour vous les
jours de l’année ; on les gardoir dans une armoire
à côté de l'Evangile, & le peuple avoit raifon
de les adorer quand le Prêtre les portoït de:cer-
te armoire à l’autel. Après cette petité proceffion
le Prêtre met les efpeces fur lautel, & pronone-
ce les paroles facramentelles ; fe tournant vers le
peuple qui fe profterne, baife la terre & frappe
fa poitrine ; il leur montre l’hoitie & le calice , en
difant, Voici le Corps Cle Sang de. Jefus-(hriff
qui a été donné pour nous: 1] fe tourñe eniuite vers.
l'autel & :communie en mangeant l’holftie trem-
pée dans le vin, Quand ildonne la communion
aux fidelles, il répete trois fois les paroles fui.
vañtes pour enmieux faire fentir lPéneroic, Je
crois fermement que ceci ef} le Corps Cle Sang du
Fils de Dieu qui ote les peche du mondesiqui non
feulement: ef mon propre falur, maïs celui de tous
les himmes. Le peuple répete toucbas ces'paroles
mot pour mot, io A Ya
Malgré certe fainte précaution les. Armeniens
Schifmatiques ne paroillent gueres pénétrez de la
grandeur de cer adorable miftere, Ils fe préfen-
tent la plufpart à la éommunion fans -prépara-
tion., &.on la donne‘aux enfansde x,-ou 16,
ans , fans confeflion , quoiqu'à cet âge ilsne .
foient pas fi innocens que les peuples le fuppos
ent. Les Armeniens communiént rarement à
la campagne , parceque fouvent. le, peuple na
pas dt quoi faire dire la Melle PRE
OS
/
218 "ET No r'éxG Ex Fe
Jeur perfuadent qu'une Mefle mal payée n'a pas
grande vertu. Fast
Nos Miflionnaires fe font admirer par leur
. Science ; par leur zéle & par leur genérofté ;
imais les Schifmatiques détruifent, par leur at-
gent, ce que ces hommes Apaftoliquesédifient
de plus folide. Les Miflionsles plus fleuriflantes
romberont à la fin fi Dieu ne change le cœur des
Schifmatiques, Ces malheureux qui n’apprehen-
dent: rien*tant que les fainrs progrés de nos
Prètres , intereflent des puiflances de l'Etat &
ne ceffent de leur répréfenter combien. il -feroit
dangereux de fouffrir que les Lacins fe multi-
pliaffent chez eux ; que ces gens malinrentionnez
pou le gouvernement font dévoiez au Pape &
faux Princes Chrétiens ; qu'il faut les regarder
comme autant d’efpions ; qui fous prétexte de
religion viennent pour reconnoître les forces du
pays ; qu'ils n’infpirenr à ceux de leur Rite que
l'efprit de-fédition & de révolte ; que les plus
puiflans Princes d'Europe: ne s’interefferoient
pas pour eux s'ils ne s’en fervoienr comine d'aü-
rant d'Emiflaires propres à étendre un jour leurs
conquêtes. Toures ces fauiles raifons appuyés
de force fequins , font ouvrir les yeux:aux Ma-
hometans ; & malgré routes les recommanda-
tions du monde , on oblige les Miffionnaires 4
fe retirer. Neanmoins ces Apôtres ne fe rebu-
tent point ; on voictous les joursen Levant de
nouveaux Capucins *, des: Dominiçains .;: es
Carmes, des Jefuires; des Prêrres des Miffions
étrangeres de Paris, Hs inftruifent ceux qui le
réfentent , ils baptifent , ils raménerit au berca
Le brebis égarces , ils ouvrent les portes du Ciel
aux Elus, HSE a nE 7”.
DU LEVANT. Lettre XX. 279
Quel dommage que les. Armeniens n’ouvrenc
pasles yeux , car d’allieurs ils font d’un bon na-
turel & portez à la devotion ? Leurs Eglifes font
d'une grande propreté depuis.qu’ils ont yeü les
nôtres ; il n’y a dans chaque Eglife qu'un feuk
autel placé au fond de la nef dans le fandtuaire ,
où l’on monte par cinq ou fix marches, Ils fonc
des dépenfes confidérables pour orner ce fanékuai-
re. Il n’eft permis à aucun féculier | de quelque
qualité qu'il foit , d’y entrer. On voit-bien par
Tes richefles de ce lieu , que les Armeniens
manient plus d’ecus , que les Grecs de doubles,
La mifere paroît chez les Grecs dans ce qu'ils ont
de plus facré , à peine onvils deux petites bou-
gies pour dire la Melle. Chez les Armeniens,,
au contraire, on voit de belles illuminations &
de groffes torches ; leur chant eft bien plus agréas
ble auffi , & ja fimphonie des fonnertesatrachées
à l'infirument dont on a parlé , & dont on donne
ici la figure , infpire je ne fçai quoi qui artendrie
le cœur, ; on en joüe à l'Evangile & quand où
tran{porte les efpeces. behsi
Les Armeniens n’apportent pas plus de prépa-
ration pour [a Confeflion que pour la Conmu-
NIon ; on peut même dire, fans calomnie, que:
la plufpare de leurs confefions fonc awçant de:
facrileges. Les Prérres ignorent l’effenciel de ce
Sacrement , & les penitens qui fonc de &rands
Pecheurs aufi-bien que nous, ne fçavent pas
diftinguer le peché de ce qui ne left pas. Malheu
Teuiement ni les‘ uns ni les. aurres ne fonc pas
capables de faire un bon acte de contrition. Les.
declarations des :pechez font. vagues &. indéterami
nées ; fans inffter même {ur ceux qu'ils ont com
PS > quelques-uns en difcnt crois fois.plas qu'ils
jiij
280 | VovaAceE
n'en ont fait, & récitenc par cœur üne lifte de
crimes enormes , qui a été compoféc aurrefois
ur fervir de modéle à faire leur examen. S'ils
LA confeffent d’avoir volé ou tué , bien fouvent
les Confefleurs répondent que Dieu eft vou plein
de mifericorde ; maïs il n’y a point avec eux de
remiflion pour avoir rompu le Jeune, ou pour
avoir mangé du beurre le mercredi ou le vendre-
di ; car leurs Prêtres qui font confifter la religion
à faire de grandes abftinences , leur impolent
des penitences effroyables pour ces fortes de fau-
tes ; ils ordonnent aufli quelquefois des mois en-
tiers dé penitence à ceux qui s’accufent d'a:
voir fumé ; d’avoir tué un chat, une fouris, un
oifeau, | s
- Ce feroit ici l'endroit de parler de Extrême:
Onétion des Armeniens , puifqu’ils la comptent
parmi les Sacremens ; maïs je ne vois rien de plus
äbfurde que leur pratique , car ils ne la donnent
qu'après la mort,& même ce n’eft ordinairement
qu'aux perfonnes facrées ; les autres en font tout-
à-fait exclus, , e
Hs ont des regles particulieres pour le Maria-
ge. Un homme veufne peut bone qu'une fem-
mé, & l’on ne fçauroit chez'eux contraéter un
troiliéme Mariage ; ce fgroit vivre dans la for-
nication, De méme une mé veuve ne peut
pas époufer dh gaëçon. il n’y a pas grand ma!
juique là; peur étre mcmé que les Mariages fe-
. roient mieux affortis ique dans les auries Reli-
gions; fi les parties (+ connôifloient avañt que
de s'unir: mais on ne-fçair ce que c’eft'que de.
faire l'amour chez eux, Les Mariages fe font
felon la volonté dés meres qui ne confulrent of-
dinairement que leurs maris. Après qu'on €.
L
L'iséeAnNr ce dûrtre EX 204
convenu des articles, la mere du garçon vient
au logis de la fille, accompagnée d’un Prêtre &
de deux vicilles femmes, Elle préfente à la future
une bague de la part de fon fils, Le garçon fe
montre en même temps tenant fa gravité du
mieux qu'il peut , car il n’eft pas permis de ri-
re à la premiere entreveüe ; ileft vrai que cerre
entreveüe eft fort indifférente, puifque la belle
ou la laide ne montre pas même le blanc des
yeux , rantellc eft voïlée, On prefenre à boire
au Curé qui fait les fiançailles, Ce n’eft pas la
coutume de publier des bancs. La veille des no+
ces le fiancé epvoit des habits, & quelques heu-
res après il vient recevoir chez fa fiancée le pre-
fent qu'elle veut lui faire. Le lendemain‘on mon-
te à cheval & l’on n'oublie rien pour en avoir des
lus beaux, Le fiancé fortant de la maïfon de
a future , marche le premier la tère couverte
d’un raifeau d’or ou d'argent, ou d’un voile de
gaze incarnat, fuivanc fa qualité ; ce voile ou
Ce raifeau defcend jufqu’à la moitié du corps. Il
tient de la main droite le bout d’une ceinture ,
dont la fiancée qui le fuit à cheval, couverte
d’un voile blanc, tient l’autre’ bont ; ce voile
tombe jufques fur les jambes du cheval. Deux
hommes marchent à côté du cheval de la fiancée
rentenir les rênés, Les parens, les amis ,
a fleur de la jeunelfe, à cheval ou à pied , les
accompagnent à l’Eglife au fon des inftrumens ,
En proceffion le cierge à la main & fans confu-
fon, On met pied à terre à la porte de l'Eglife ÿ
& les fiancez vonrjufqu’aux marches du fanétuai-
. Fetenant toûjours la ceinture par les bouts. Là
!S s’approchent de front ; & le Prêtre leur ayant
qis la Bible fur la cête, leur demande s’ils veulent
*
Rs. MO Y 4 GE
bien fe prendre pour mari & pour femme; ils
inclinent la tète pour marquer leur confenre-
. ment, Le Prètre prononce alors les paroles fa-
cramentelles , il fair la céremenie des anneaux
& dit la Melle, : On fe retire enfuite chez l’épou-
fée , dans le même ordre qu’on étoit. venu, Le
mari fe couche le premier , après avoir été dé-
chauffe par fa. femme qui eit chargée du foin
d’eteindre la chandelle , & qui ne quitre {on
voile que pour entrer dans le lir. Voilà com-
ment fe font les Mariages , & les céremoniés
qu’obfervent les jeunes marices en Armenic.
Et cette obfcurité qui cache leur ardeur |
Semble mettre à couvert leur honte © Leur pudeur
Cependant cela s'appelle en bon françois , ache-
ter chat en poch:. On dit qu'ily a des Arime-
niens qui ne connoïtroïent pas leurs femmes s'ils
les trouvoient couchées avec un autre homme.
Tous les foirs elles éreignent la chandelle
avant que de fe dévoiler , & la-plufpart ne dé-
couvrent point leur vifage pendant le jour
Un Armenien qui révient d'un grand, voyage
n'cft pas affeüré s’il trouvera la même femme
dans eu lir , ou fi quelqu'autre femune , pour
profiter de fes biens , aura pris la place de la
defunte. RO UE
Quand les filles ont perdu leur. mere avant
que de fe marier , c’eft ordinairement la plus
proche parente qui prend le foin de leur maria
ge. Quelquefois les meres accordent leurs cnfans
à l'âge de deux ou trois ans ;ily a même des
meres qui pendant leur groflefle conviennent
enfemble de marier les enfans qu'elles porténE,
fuppofé que l’un foit garçon & l’autre fille
c'elt la plus grande marque. d'amitié que les
honnêres gens fe puiflenc donner. On les aç-
corde dès qu’ils font nez, & depuis les accor-
dailles jufques à la confommation du mariage,
Je garçon envoye tous Les ans, le jour de Paf-
ques , un habit à fa maîtreile. Je ne parle pas
des feftins ni des réjouiffances de la nôce;
la fête dure trois jours , &les homumes ne font
point mêlez avec les femmes, On dit qu’on
boit beaucoup de part & d'autre: ces bonnes
dames fe dévoilent entre elles , difent de bons
pu LEVANT. Lertre XX. 283
> 5
ns fe mettre en peine de lui réprelenter ka
pefanteur du fardeau dont il va fe charger ,
: fans Pexhorter à demander à Dieu les graces
nécellaires pour perfeverer dans un état fi
fainc, fans lui ordonner de pratiquer les vertus
inféparabies. de ce miniftere , fe contente de
duy mettre uue chape fur le dos en récitant
quelques Oraifons, Voilà la premiere céremo-
nie, On la répete fix fois, d'année en année,
fans garder aucune regle pour le temps qui fe
trouve entre deux ; mais lorfque l’Eccletafti-
que a arteim l’âge de 18. ans, il peur fe faire
facrer ; ces impofitions de la Chape , ace
compagnées de quelques Oraïfons particalie-
Hs , ne fervant que pour les autres Ordres,
"
LS
LÉ
+ Pc VOYAGE : 0
qui font la Clericature , le Soufdiaconat &le
t. En attendant fi le Prêtre veur fe
marier, comme cela fe pratique toûüjours chez
eux , après la quatriéme céremonie on lui fait
époufer la fille qu’il fouhaite. Après l’impolt-
tion de la Chape, il s’addreffe à un Evêque où :
à un Archevêque qui le revêrit de tous les ha-
bits facerdotaux, Cette céremonie coûte plus
que les autres, car il faut payer plus cher à
mefure qu’on avance dans les Ordres. Autrefois
les Prêtres Armeniens ne pouvoient pas fe re-
marier après la mort de leurs femmes ; ils ne fe
ont pas cour-à-fait relâchez fur cet article,
“mais ils ne peuvent plus dire la Melle quand
ils époufent une feconde femme ; comme fi leur
caractere étoit effacé par le fecond mariage.
‘Les nouveaux Prêtres font obligez de refter un
an dans l’Eglife pour ne s'occuper que du fervi-
ce Divin : après lequel temps la plufpart cou-
-chent dans l'Eglite |
a veille du jour qu'ils doi-
vent celebref ; quelques-uns y reftenc cinq jours
fans venir chez cux, & ne mangent que des
œufs durs, & du ris cuit à l'eau & au fel. Les
Evêques ne mangent de la viande & du poiflor
que quatte fois l’année. Les Archevèques ne
vivent que de legumes. Comme ils font confif-
ter la perfetion de la Religion dans les jeûnes ,
& dans les abftinénces , ils les augmentent
_.miefure qu'ils font élevez en dignité ; fur ce
pied-là les Patriarches devroient quafi fe laifler
mourir de faim. Nos Miffionnaires font obli-
-gez d'entrer un peu. dans leurs maniéres, €ar
on ne peut meriter leur eftime .que par des jeunes
outrez, |
» À ? ]
Les Prelats ne font de l’Eau-benite qu une fois
LevAnT. Lettre XX. 3:85
l'année , & ils appellent cette céremonie /e
Baptème de la Croix parce que le jour de l'E
piphanie ils plongent une croix dans l’eau après
avoir recité plufeurs orailons ; & après que
PEau-benite eft faite | chacun remplit fon pot &
l’emporte chez foi ÿ les Prêtres , & fur tout les
Prelats , retirent de cette céremonie un profit
tres confidérable,
J'ay l'honneur d’être avec un profond refpeét,
8: Vovracsz
D BB ddr d
LE rrnmeEr XXL
A Monfcigneur le Comte de Pontchartrain , Secres
taire d'Etat @' des Commandemens de Sa Ma-
jeffé » É'c
L
iii oo.
He Nous commençämes à tourner tout de bon lé
A dos au Levant le 12, Septembre , & quoique
d'Ango. nous fuffionsau.fond de la Natolie , il nous (eme
ta, bloit que nous voyions les pointes des clochers
de France, dès que nous ceüûrnes :pris Le parti
de nous ‘approcher de la Méditerranée. Nous
n’allâmes pourtant ice jour:là qu’à un mille d’Er-
zeron avec une jpartie de la Caravane qui s'af-
fembloit pour Tocut , ‘8 nous partimes le lende-
main 13. Septembredpouriles Bäins d’Elija où le
refte des Marchands stéroïent rendus, Ces eaux
nous parurent plus chaudes que celles d’Affanca-
lé, & que celles des environs du grand Monalc-
re d’Erzeron, ee
Le 14. Septembre nots marchâmes depuis fs:
heures du matin jufques à midi par des pays plats»
mais fi fecs & fi brülez qu’on n’y trouvoit ni plan
tes ni graines, Nôtre Caravane n’étoic que d'en-
viron 300. perfonnes ; prefque tous Armeniens
qui conduifoient des foyes à Tocat , à Smyrne
& à Conftantinople, On partit le 15.à cinq heu*
res & demi, & l’on campa vers le midi fur cette
branche de l’Euphrate qui pañle par la p
pu Levant. Lettre XXI: 2187
d’Erzeron fous le pont d’Elija. Nous l’avions toù-
jours cocoyée à gauche,maîïs la campagne nous pa=
rut bien plus rude que celle du jour précedent ; ce
ie font que rochers qui déterminent l'Euphrare
à couler versle couchant. Les bords de cette ri-
viere [ont couverts d’une belle efpece d’'Epine-
vinètte, plus haute que la nôtre, & que l'on
diftingue par fon fruit. C’eft une grappe à fepr
où huit grains cilindriques , longs d'environ 4.
lignes fur deux lignes d’épais, noirs , couverts
d’une fleur femblable à celle des prunes fraîches,
pleins d’un fuc violer moïns aigre & beaucoup
plus agréable que celui de l'Epine-vinerte. L'ar-
briftaa dont nous parlons a les feüilles longues
d'environ deux pouces fur près de: 10. lignes de
largeur, aigreletres & dentées. Le bois en eft
jaune , garni d’épines dures , queiques-unés fim.
ples , & les autres à deux ou trois piquans.
Certe plânte a levé de graine dansle Jardin du
oy. :
Le :6, Septembre on marcha dépuis quatre
heures & demi du matin jufques à une heure après
midi , dans une vallée étroite , defagréable $
inculte , où l’on ne trouve qu’un feul Caravan-
ferai, & où l'Euphrare qui coulétoüjours vers
lOüeft fait plufieurs détours. Nous fames obli-
‘gez de pafler deux fois cette riviere , ayant ap-
Pris par une Caravane compélée de 24. Cha-
Meaux, qu’il y avoit beaucoup de voleurs fur le
de
eémin de Tocat. A cette nouvelle nous nous
raffemblâmes pour reuir Confeil , & il fut décidé
qu'on tâcheroïr de faire la meilleure contenance
qu’il feroït poffible, On ne manqua pas de met.
tre dans le centre de la marche tous Îles chevaux
| de foyes ,& nous noustrouvions tanrôt
Fat
168 Vo ra cs. : |
parmi eux , &tantôt à l’arricre garde, On ar:
P FA
tiva [ur les 11. ‘heures à l'entrée d’une vallée en<
* corc plus étroite , &c tandis que nous nous retran-
chiens {ur la pente de la colline à la veie de ce
coupe-gorge , on déracha trois fufiliers pour ai-
ler reconnoïtre le paflage ; heureufement ils
rapporterent qu’ils n’avoient ve que trois ou
quatre cavaliers ärmez qui fe retiroient dans
les montagnes ; ainfi nous paflâmes le défilé {ans
dire mot & le plus promptement que nous pümess
C’eft dans cer endroit-là que lPEuphrate fait un
coude confidérable vers le Midi pour s'approcher
de l’autre de fes branches ; laquelle pañle à
Mammacoutum. Nous continuâmes nôtre route
vers le Sud-Oüelt ; & fûmes obligez de camper à
demi heure du défilé , prefque à mi-côre d’une
montagne affez rude ; dans une folitude affreufe
où l’on ne voit ni village ni Caravanferai ; on eut
même aflez de peine à trouver des bouzes de
vaches pour faire bouillir la marmite:
LEA Seprembre nôtre route fut courte ;
Caraboulac village affez joli. Nous fames joints
ce jour-là par une Caravane de Marchands de (oye,
auf forte que la nôtre ; elle éroit partie d’Erze-
ion deux jours après nous , mais elle avoic fait
plus de diligence, fur Le bruic qui couroit qu’un
Pacha Manfoul s’éroic mis à la cêre des voleurs.
Cette recruë nous fit plailir & nous partimes rous
cnfemble de Caraboulac fur les :$. heures du
matin pour venir à Acpounar autre village où
nous arrivames à une heure après midi. La route
: feroit
at a ai > diet ed: AE
RCE
pu LeYANT. Leitre XXI 2189
févoit affez commode , n’étoit qu’il faut paf-
fer par une montagne fott élevée & route décous
verte. ne
* Le 18. Septembre oh paitit à 4. heures du
matin pour n’aller tres pas bien loin, car
nous campâmes fur les 8. heures & crois quarts
auprès d’un ruiffeaü qui coule vers l'Oüeft, 1
eft vrai que nous paffâmes fur une montagne cou
verte de Pins, dont la defcente eft fort rude ;
& qui conduit dans une vallée étroite & ror-
tué, fur la gauche de laquelle on voir le refte
d'un vieux Aqueduc à arcades arrondies qui
paroît allez ancien, Nous paflimes ce inème
jour la riviere qui va fe jetter dans la mer Noi
re à Vatiza ; cette riviere vienc du Midi, aü
lieu que dans nos Cartés on la fait couler du
côte de V'EI, :
Le 19, Septembre on continua de marcher
au Nord-Oücit ; dans une autre vallée fort étroi-
t&,.après quoi nous entrâmes dans une aflez-
belle plaine à l'Oùüeft ; où coule un agréable ruif.
feau fur le bord duquel eft le village de Swkmé,
Un peu ey deçà de ce village ; à droite du grand
chemin , fe voyenc deux morceaux de colonnes
antiques , fur le plus petir defquels il y a des ca-
raeres grecs fort anciens , que la peur des vos
eurs nous empêcha d'examiner ; & d’ailleurs
lin(cription nous en parut crès-ufée. Peur-être
qu’elle fait mention du nom de quelque ancienne
ville fur les ruines. de laquelle Sukmé a été
bâti. Après une roure de cinq heures & demi ,
ke campa auprès d’un autre villagé appelle Ker=
eri, Me
… La marche du 20, Septembre fut de 7. Fe +
&üous nous arrérames à Survomlar autre villa
ome à les
290 r: VE TASs HT
bâti de même que Kermeri, c’eft-à-dire fort pate
vrement, À la defcente de la montagne & à l’en-
crée d’un coupe-gorge , on découvrit cinq ou fix
voleurs à.cheval , qui fe retirérent , fur ce que
nous les menacions de tirer fur eux. On mic pied
à terre en tenant le fufl , les piftolers , le fabre
ou la lance à la main ; car nous avions dans n0-
tre troupe des gens armez de toutes ces differen-
tes pieces , mais il y en avoit peu qui fuifenc bien
réfolus de s’en fervir ; pour moi j'avoue franche-
ment que je ne me fentois pas l’ame guerrieie ce
jour-là. Les balles de foye éroient au milicu de
la marche, & les cavaliers les plus leftes s’c-
toient partagez à la têce &à la queué,. Quelques
voleurs parurent à.un quarït de lieue de la fur les
hauteurs voifines ; cependant nous ne laifimes
pas d’entrer dans une petite plaine terminée par
un vallon, à l’entrée duquel s’étoient poftez 1$:
ou 20, de ces voleurs, qui nous voyans venir en
bon ordre , jugerent à propos de fe retirer. Ces
malheureux font des montagnards qui volent
quand ils fe trouvent les plus forts , & qui,n’ont,
pas lefprit de s'entendre ni de bien faire leurs,
parties. Il eft certain que s’ils nous avoient ‘atta,
quez avec fermeté, ils auroient enlevé la mol-.
tié des balles de foye. Quelques voleurs de.nuif,
qui fe mélerent avec nous fur le matin, dans.le.
temps qu'on chargeoic les balles, furent bien
plus Habiles , car ils déroyrnérent deux, mulets
avec leur charge, & l’on n’en entendit plus pue
ler. Les montagnes par où nous paflames 1ont-
couvertes de taillis de charmes , parmi, lefquels ,
on voit des Pins, de la Sabine & du Geniévre.
Les Melons d’eau font excellens dans .rous €€$
quartiers-la ; les meilleurs ont.la chair rougf*
pv LevAñwr. Lettré XXI, 251
fes & les graines rougebrun tirant furle noir;
és autres ont la chaîr jaunâtre & la graine noi-
té ; les moins fucrez ont la chair blanche,
Le 21. Seprembre nous partimes à $. heures
du matin, & paflämes fur la plus haute , la plus
rude & le plus ennuyeufe montagne du pays ,
toujours fur nos gardes dé peur des voleurs. La
veñc d’une infinité de Plantes râres nous confo=
loir de nos allarmes ; ces Plantes naïflént parmi
lé Chêne commun, lé Saule mufqné; lAlifier s
le Taïnaris , les Pins ; l'Fpine-vinette à fruit
noir, ste
Le 21, Septembre nous ne découviimes de-
puis s. heures du matin jufques à midi , que des
roches fort efcarpées , routes de marbre blanc,
où de jafpe rouge & blanc ; parmi lefquelles
coule avec rapidité, du lévant au couchant , la
riviere de Carmili, Nous eûmes pour gîte un
mauvais Caravanferai , ou plürôt une grange dans
laquelle nous trouvâmes une banquette haute
de trois pieds , fur quoi chacun étendic fon équi-
page. Les Turcs ne portent qu’un tapis pour tout
meuble de nuit, Ce lieu n’étoit éclairé que par
dés onvertüres plus petires que les fenêtres des
chambres dés Capucins. Nous fûmes” heureux
de trouver cetre retraite, car outre qu’il plüt
préfque tour le jour , il tomba aufli de la grêle
pendant toute la nuit, Nous obfervâmes ce jour-
‘des Amandiers fanvagts qui font beaucoup
S'pétits que L’Amandier commun ; mais leurs
anches ne font pas terminées par un piquant
comme celles de l’Amandier fauvage qui nait en
andie, Les feüilles de l'efpece dônt ‘nous par-
ons , n’ont que quatre ou cinq lignes de large
für un pouce & demi de long; gs |
k EE :
292 Vovacs É |
couleur & de r#ême riflure que celles de nôs
Amandiers. Le fruit du fauvage eft à peinede
8. ou 9. lignes de long fur 7. ou 8. lignes de
large, maisil.eft très-dur. Le noyau elt moins
amer que celui de nos amandes ameres , & fent
le noyau du fruit du Pêcher. On voit ayfli dans
ces quartiers-làune efpece de Aficocoulier qui me
parut fort remarquable,
. Cetarbrene vient guere plus haut qu’un Pru-
nier, mais il eft plus couffu ; fes branches ont
le bois blanc avec l'écorce vert-brun ; fes feuilles
font plus roides & plus fermes que celles de n6-
tre AMicocoulier , plus petites , plus épaifles ;
moins pointués. , longues ordinairement d'un
ouce & demi , aflez femblables à celles du Pom-
mier , mais de la tiflure de celles du Micocou-
lier ;-elles font vert-brun en deflus , vert-blan-
chaire en deffous , de faveur d'herbe , dentées
fur les bords, & l’une des oreilles de leur bafe
eft plus petite & plus baffe que l’autre, Les fruits
naiflent dans les aiffelles de fes feuilles, longs
de 4. lignes prefqne ovales , jaunes ; tirans fur
le brun quand ils font bien meurs. Leur chair
eft jaunâtre , douce , mais ftiprique , le noyau ft
verd & renferme une graine moëlleufe comme
Yefpece commune. Te
Le 23. Septembre nôtre marche füc de 8. heu-
tr: & demi; on trouva à la fortie du Caravanfc-
r ii une montagne fort haute, fort rude & route pe-
léc;maisnous entrâmes enfuite dansune grande &c
belle Plaine où nous campâmes auprès d’un villa-
ge appellé Curranos, Le 24, nous .partimes à 4
heures du matin de la plaine de Curtanos ,
paffâmes fur une montagne & dans des vallées
fort rudes. où coule , à droite du chemin, une
é
RL ide un til: SN, cé jé
{# fs
ÿ PR
LES
PAIN
PTT
S'AXS
4
Coroll.InstRei herb. 42.
# noribus, et crassioribus fructu flavo
LS IA"FAQN
4 BU LEVANT. Lettre XXI. 19
riviere toute rouge par la grande quantité de Bol
qu'elle détrempe. Elle ferpente par des défilez
fort dangereux où à peine des bêres de fomme peu-
vent paller les unes après les aunies, Ces défi-
ez nous éonduilirent enfin au picd d’autres mon-
tagnes toutes heriflées de pointes , fur la plus
haute defquelles eft bâtie la ville de Chonac ou
Couleifar , petice Place difpofée en amphithea-
tre, & terminée par un vieux château, La ri-
icre, qui paroït toute fanglante, pafle au bas
de la montagne & rend Île paflage encore plus af-
‘freux.. Les environs font horriblement pe éd *
‘mais on change tout d’un coup de fituation , car
paffé Chonac on entre dans une des plus belles
Vallées d’Afie , remplie: de vignobles & de ver-
gers. Ce changement auquel On ne s'attend pas
naturellement ; fait un contrafte fort agréable
qui dure jufqu’à Agimbrat où Agimourat pe-
tite ville à une heure & demi de Chonac. A gim-
brat cit fur une montagne femblable à un pâté
Écrafc, au pied duquel pañle la même riviere.
“hit
8
ps
ua
ô
LL
[a]
n
©?
re]
Len
9
©
a]
N
‘0
n
ne
pl
=
à
2
A
à
ge. |
.
Lei
?
Palais à Paris, la vouré eft de pierre de taille,
& Les arcades font bien cintrées ; mais ce bâti-
ment qui eft d’unc beauté furprenante pour le
* Pays, n'eftéclairé que par des lucarnes , & J'on
y loge fur une banquette qui regne tout autour de
<haquencf. Pour nous qui aïñmions le frais, nous
h}
294 TT aUs
allâmes coucher dans la cour où nous ne laiffions
pas de nous reffentir encore des grandes chaleurs
dela journée ; mais nous fümes obligez d’aban-
donnér nôtré gite une heure avant le jour , & de
venir refpirer l’air infecté du foufle de tous les
chevaux & des mulets de la Caravane, car le
froid nous avoit engourdis , & malheureufement
nous n'avions pour toute boiflon que de l’eau à
la glace. Comme il n'y a que des Turcs dans le
pays , ils vendent leur vin en gros aux Arme-
niens ; & après que la vente eft faire on y mout-
roit fâute d'en trouver la valeur d’un demi feptier;
noùs nous en confolämes én mangeant des raifins,
quoiqu’ils fuffent molafles & trop doux, On nous
dit que ces vignes éroient de peu d'apparence &
de peu de rapport. :
Le 25. Séprémbre nous fuivimes la même val-
_ ée depuis 5. heures du matin jufqu’à 8, la rivie-
‘
+e rouge couloit à nôtre droite ; mais nous la
quitrtâmes à un village qui occupe prefque tout
le fond ‘dela vallée ; cette riviere tire vers le
Nord & va fe'jetter , à ce qu'on nous dit, dans
quelqu’une de celles qui fe dégorgent dans la
mer Noire, C’eft dequoï nous ne nous embarraf.
fions pas beaucoup, parceque les marchands des
Caravanes ne donnent pas de grands éclaircifle-
mens fur ces fortes de matieres ; mais nous étions
fort inquiets de fçavoir quel chemin nous pren-
ons, parce qu'on ne voyoit , quelque part
que lon jetrâr la veüe, que l'ouverture par où
Ja riviere s'échape, Nos Armeniens nous mon-
trérent bientot la route , & la ère de la Carava-
ne commença à monter fur la plus haute mon-
ragne que nous euflions encore pailée depuis
Erzeron, On y voit beaucoup de Chênes & de
Z'am 3 pag -29ÿ -
Le KA A |:
\ [Tr 4 ñ
L)
Mespilus Orientalés, Tanaceti folio viloso, A
LE L
magno fructu p entagono, e viridi flavescente |
ess PS
Corot. Inft: Rec erb. 44:
V4 / ;
pu LEVANT. Lettre XXI. ‘394
Pins, mais la defcente en cft affreufe,& l’on cam
pa dans une efpece d’abime au pied de quelques
autres montagnes un peu moins élevées.
Ces montagnes produifent de belles cfpèces
d'Azarolier , il y en a qui font auffi gtos que
des Chênes. Leur tronc a l'écorce gerfée & gri-
fatre; les branches touffués & érendués fur les
côtez. Les feuilles font difpofées par bouquets ,
longues de deux pouces & demi fur #5. lignes
de large, vert-pâle ; luifantes , Iégetement ve-
lués des deux côtez, découpées ordinairement
en trois parties jufques vers la côte , & ces parties
font dentées fort proprement fur les bords , affez
femblables à celles de 4 Tanaifie ; la patrie qui
termine les feuilles eft encore feconpéé en trois
parties. Les fruits naïflent deux ou crois enfem-
ble au bout des jeunes jets , & reflemblent à des
petites Pommes d’unpoüce dé diametre, arron-
dies en cinq coins en core de Mélon , légere-
ment velus, vert-pale tirant fur le jaune , avec
un nombril relevé de ÿ. feüilles longues de 4
lignes , larges d’une ligie &démi,& dentées de
même que les feüilles de Parbte :'on voit mê=
me quelquefois’ une-ou deux de ces feüilles forte
de la Chair du fruir on de fon pedicule, Ce fruit
quof qu’agréable , ne left pas autant que | 474.
role ;-maïs je crois qu'il feroit excellent s’il étoit
cultivé, Non feulement les Arméniens en mange
rent tant qu'ils purent , mais ils en remylirent
leurs béfaces, Le centre de ce fruit eft occupé
Par cinq offélers longs de quatre lignes , arrondis
ur le dos , un peuaplatis fur les cotez , aïgus dit.
cotc qui regarde le ceñtre du fruit , tres-durs &,
remplis d’une moëlle blanche. Cet arbre n’a point
de piquans, fes feuilles font fades &°d'un goût mu
cilagineux, T üij
né : VoxaAcr# |
Les autres efpeces d’Azarolier ont le fruit
rouge & ne different entre elles que par la grof-
feur de leurs fruits, dont quelques-uns ont un
pouce de diametre, & les autres n’ont que.
ou 8, lignes d’épaifleur, Ces fortes d’arbres qui
ne font pas plus hauts que nos Pruriers ont le
tronc gros comme la cuifle , couvert d’une écor-
ce grilâtre & comme gerfée. Les branches en
font touffués , terminées par des piquans fermes ,
noirâtres & luifans. Les feuilles naiflent par bou:
quets, femblables à celles de l’Azarolier, lon-
gues d’un pouce & demi, vert-pâle , velués,
cotonneules des deux côtez , découpées en trois
parties , donc celle du milieu eft refendué en
trois , & celle des câtez recoupée en deux. Les
fruits naillenc 4. ou $. enfemble , relevez de cinq
ET es a! Hs dis, ges; avec un nombril gat-
nide cinq feuilles pointués;ils font aigrelers & pe
agréables que celni de l'efpece précedente ; leur
chair eft jaunâtre & renferme cinq offelets fort
durs remplis d’une moëlle blanche,
Le 26. Septembre nous partimes fur les cinq
heures , & nous ne nous arrêrames qu'a midi ; ce
nie fut pas fans nous ennuyer , car on marche toù-
jours dans la même vallée qui, pour ainfi dire '
€ft à ondes & de laquelle on croit fortir à touf,
moment , quoiqu’elle falle tant de tours & de
détours , que nous y campâmes encore ce jour-là
fur le bord d’une riviere, On voir , fur ce chemin;
des Tombeaux de pierre bâtis à la Turque fans
mortier. On nous afleüra qu'on y avoit entité
des pauvres marchands affaflinez, car certe route
étoit autrefois une des plus dangereufes de l'Anar
tolie , préfencement les gens du pays qui de temps
en temps dévalifent quelques petires Caravanes >.
tirent {ur les voleurs étrangers & les ont prefque
pu LEvANT. Leïtre XXI. 29%
vous diffipez ; ils ont pour maxime que chacun
doit voler fur fes verres , ainf l’on rifqueroit
beaucoup d'y pañler fans bonne efcorte ; d’ail-
leurs le pays eft fort agréable , & j'ay oublié de
dire que depuis Erzeron nous avions ve une in
finité de perdrix fur lés chemins. = |
Outre le Chêne commun & celui qui porte la
Welanede , on en voit de plufieurs autres efpeces
dans cette vallée , & fur tout de celle dont les
feuilles ont 3.ou 4. pouces de long fur deux pou-
ces de large, découpées prefque jufqu’à la côte;
d’une maniére qui approche aflez des découpures
de l’Acanthe. La cote eft vert pâle & commence
par une queüe longue de 7. ou 8. lignes, mais
les feülles fonc liffes & vert-brunen deffus , blan-
chatres en deflous , leurs découpures font quel-
quefois incifées en trois parties à la pointe. Les
£lands naiflent ordinairement deux à deux par
plufieurs paires ; entaflez les uns fur les autres
& attachez fans pedicule contre les branches.
Chaque glandeft long de 15. lignes, fur 8. ou
9. lignes de diametre, & déborde de moitié hors
a calatte , arrondi & terminé par un petit
bec. La calotte a 15. où 16. lignes de diametre ;
haute d'environ un pouce , garnie de filers en me-
nicre de perruque , longs de demi pouce, fur
tout vers les bords ; recoquillez les uns en haut
les autres en bas , comme frifez ; épais de demi
ligne à leur bafe , mais qui diminuent jufques
au bout, On trouve fur les mêmes pieds quel-
ques glands plus courts & prefque ronds. Les
eüilles de cet arbre font d’un goût-fade & mu
cilagineux. “enr É24,40
- ÆNôtre route du 28. Seprembre fut de8.à 9.
heures, prefque toûjours dans la même vallée ,
298 Vo cz
laquelle après s'être élargie & retrécie en plu-
fieurs endroits , s'ouvre enfin en une efpece de
plaine inculte où nous obfervimes les mêmes
efpeces de Chênes. La riviere jufques-là couloit
toûjours à nôtre gauche , nous la paflâmes à gué
à unc heure du gite, & la laiffämes à droite dans
la même plaine. Unepartie dela Caravane alla
coucher ce jour-là à Tocat, On nous fit camper
auprès d’un village appellé Æ/maus au milieu des
Chênes à grandes & à petites feuilles. Parmi
plufieurs Plantes rares nous y obfervâmes /4
Sange à fancilles larges ® frifees ; le Geniévre à
fruit ronge , le Fufain ,\ Aulne , le Cournotillier ;
le Terebinthe commun, le Melilot ; Va Pimprenelle ;
la Chicorée fanvage;,la Sarriette, Ambroifie,\a Fou-
gere femelle & je ne fçai combien de plantes fort
communes ; mais rien ne nous fit plus de plaifr
que cette belle efpece de Thapfie dont Rauvolf
a donné la figure fous le nom de Gingidinm Diof-
coridis, En voici la defcription.
Sa racine n’a qu’une ligne d’épais , blanchâtre ;
longue de trois ou quatre pouces ; garnie de quel-
ques fibres. La rige-de la plufpart des pieds que
nous trouvâmes dans les champs, n’avoirgueres
pr d’un empan de haut , tortuë ; épaille d’une
igne , accompagnée de feüilles femblables à
celles du Scandix Cretisæ minor: C. B: longues de
2. où 3. pouces, lefquelles enveloppent la tige
par une efpgce de gaine de demi pouce de long.
Lesombelles font larges d’un-pouce & demi , en-
tourez à la bafe de cinq feuilles découpées de mé -
me que les autres ; longues feulemencde fept
ou huit lignes , pliées en goutiére à leur naïflan-
ce. Chaque rayon eft encore terminé par deux
feuilles Éemblables qui accompagnent les fleurs ;
elles étoient palées aufli-bien que les graines que
ANS
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qi
Wu
TT NE TRE
st Se =
a —— RE
Æ er
re puy Lavanx,-Lettre XXL . 299
nous amaffämes à terre en quantité. Ces graines
font ovales & plattes,
Le 28. Seprembre nous montämes à cheval à
une heure après minuit, & arrivâmes à Tocat
fur les 10. heures Après avoir pailé par des val-
lées fort étroites & couvertes de Chênes, nous
retrouvâmes nôtre riviere & la paflimes encore
deux fois, elle s'appelle Tofanlu & le jette dans
Pis des anciens, que les Turcs nomment Ca/al.
mac, Enfin on entre dans une vallée plus grande
& plus belle que les autres , laquelle conduit à
Tocat ; mais cette ville ne paroît que lors qu’on
eft arrivé aux portes, car elle eft firuée dans un
recoin au milieu de grandes montagnes de mar-
bre. Ce recoin eft bien cultivé & rempli de vi-
gnobles & de jardins qui produifent d’excellens
fruits ; Le vin en feroit merveilleux.s’il étoir moins
violent.
La ville de Tocat eft beaucoup plus grande &
plus agréable qu’'Erzeron, Les m ions fonr
mieux bâties & la plufpart à deux érages ; elles
occupent non feulement le terrein. qui. eft-entre
des collines fort efcarpées , mais encore la crou-
«
à:
es
pe deces mêmes collines en maniére d'amphi-
theatre, en forte qu’il n’y a pas. de ville attmon-
de dont la ficuation foit plus finguliere. On n'a
’ } ns: à Ce 1 & à me Lise Éneen
pas même négligé deux roc rbre-q
affreufes , hcriflées , & taillées à plomb, car on
_ voit un vieux château fur chacune. Les ruës de
Tocat font aflez.bien pavées , ce qui eftxare dans
le Levant. Je crois que c’eft la neceflité qui a
_ obligé les bourgeois à les faire paver, de peur
que les eaux des pluyes , dans le temps des ora-
s , ne découvriffent les fondemens de leurs:mai-
ons & ne fiffenc des ravins dans les ruës: Les
“
3e VovaAcr#
collines fur lefquelles la ville eft bâtie , fournif-
ent tant de fources que chaque maifon a fa fon-
taine. Malgré cette grande quantité d’eau on ne
pôût pas éteindre le feu qui confuma , quelque
temps avant nôtre arrivée, la plus belle partie de
la ville & des fauxbourgs. Plufeurs marchands
en furent ruinez , car leurs magafns étoient
pleins dans ce temps-là ; mais on commençoit à
la rebâtir, & l’on efperoit que les marques de
l'incendie n’y paroîtroient bientôt plus. On
trouve aflez de bois & de materiaux autour de la
ville.
Il y a dans Tocat un Cadi, un Vaivode , un
Janiflaire Aga , avec environ mille Janiffaires &
quelques Spahis. On y compte vingt mille fa-
milles Turques , quatre mille familles d'Arme-
niens , trois où quatre cens familles de Grecs ,
douze Mofquées à minarets, une infinicé de cha-
pelles Turques, Les Armeniens y ont fepr Egli-
fes , les Grecs n’ont qu'une méchante chapelle ,
quoiqu'’ils fe vantent qu’elle à été bâtie par l'Em-
pereur Juftinien. Elle eft gouvernée par un Me-
tropolitain dépendant de l’Archevèque de Nicfa-
ra, ou pour mieux dire , de Neocæfarea ancien-
ne ville prefque ruinée , à deux journées de
Tocat,
Nicfara eft encore la Metropole de Cappado-
ce, & l'on n’oublicra jamais que dans le troi-
fiéme fiécle elle a eû pour Pafteur Sais Gregoire
Thaumaturge, où le faifeur de Miracles, Niver
& quelques autres Geographes n’ont pas eù rai-
fon de confondre cette ville avec Tocat, L'Ar-
chevêque de Nicfara a la cinquiéme place parmi
les Prelats qui font fous le Patriarche de Conftan-
rinople.
RE RP ED
pt LevANnT. Lettre XXL 301
Outres les foyes qui font affez confidérables,
on confomme à Tocat; tous les ans 8. ou 10:
charges de, celles de Perfe. Toutes ces foyes s’em=
ployent en petites éroffes , en loye à coudre ,
ou à faire des boutons. Ce Commerce eft aflez
bon ; mais le grand negoce de Tocat eft en vaif-
{elle de cuivre , comme Marmires , Tafles ,
Fanaux , Chandeliers , que l’on travaille fort
proprement & que l’on envoye enfuite à Conf
tantinople & en Egypte. Les ouvriers de Tocat
tirent leur cuivre des mines de Gumifcana , qui
font à trois journées de Trebifonde & de celle de
Caffamboul qui font encore plus abondantes , à
dix journées de Tocat du côté d’Angora. On
prepare encore à Tocat beaucoup de peaux de
maroquin jaune , que l'on porte par térre à Sam
fon fur la mer Noire , &c de là à Calas port de
Valachie. On y en porte aufli beaucoup de rou-
ges, mais les marchands de Tocat les tirent du
Diarbec & de la Caramanie. On nous affura qu’on
teignoic les peaux jaunes avec le Fufler ; & les
rouges avec la Garance. Les toiles peintes de
Tocat ne font pas fi belles que celles de Perfe ;
mais les Mofcovites & les Tartares de la Crimée
s’en contentent. Il en pale même en France , &
ce font celles que nous appellons Toiles du Le-
vant. Tocat & Amaña en fourniflent plus que
tout le refte du pays.
Il faut regarder Tocat comme le centre du com-
merce de l’Afe mineure, Les Caravanes de Diar-
bequir y viennent en dix-huit jours ; un homme à
cheval fait le chemin en douze. Celle de Tocat
à Synope mettent fix jours: les gens de pied y vont.
“en quatre jours. De Tocat à Prufle les Carava-.
3
nes cmployent vingt jours , les gens à cheval y:
K.#4
32 V'0'# 4-6 2 : :
arrivent en quinze, Celles qui vont en droiruré
de Tocat à Smyrne , fans paffer par Angora mi paf.
Prufle ; font vingr-fept jours en chemin avec des
imulets, & quarante jours avec des chameaux,
mais elles rifquent d’être maltraitées par les vo-
leurs, Une partie de nôtre Caravane partit pour
Prufle , & l’autre pour Angora, dans le delfein
d'aller à Smvyrne & d'éviter les voleurs: Nos
Armeniens nousaffeürérent qu’ils gagnoient beau.
coup plus à faire voiturer leur foye à Smyrne,
car ils ne l’avoient achetée à Gangel fur la fron-
tiere de Perfe,qu’à raifonde vingr écus le Batman;
en forte que vendant le même poids à Smyrne, fur
lé pied de trente écus , ils gagnoient troisécus
fur chaque Batman, déduétion faite de tous les
frais qu’ils fon obligez de faire pendant leur rou-
te. Ce gain eft très-confidérable, parce qu'un
Batmañ ne pefe que 6, Oques , c’et-à-dire 18.
livres12. onces ; & la charge d’un chevalétant
du poids de 600. livres, & celle d’un chameau
dé 1000, il ya, tout bien fupputé, 100, écus:
à gagner fur chaque charge de cheval, & 00.
livtes fur celle d’uir chameau. Les marchands qui
nt conduire dix charges de foyes gagnent done
mille écus par: cheval, & cinq mille livres par
chaméau , fans compter: le profit qu’ils font fur
lés marchandifes dont ils fe chargent au retour.
Tocat dépend du gouvernement de Sivas où
il ÿ'& un Pacha &° un Janiffaire Aga. Les Grecs
de’ cetté Province payent quatre mille billets de:
Capitation. Sivas’, fuivant lenr tradition ; ct
l’ancienne ville-de® Sebaffe, que Pliné & Prolo-
mée placent dans la Cappadoce, Cerre ville n'el°
qu’à deux journées de Tocar vers le-Midi,ëc Am4*
fiäjautre ancienne villezeft à trois journéés de To
cat vers le Nord-Oüct ; mais ce deux villes ; quoi
Du LevANT. Lettre XXI 303
qu'anciennes, font bien plus petites que Tocar.Si-
vas cft peu de choie aujourd’hui, &ne feroit pref.
que pas connuë fi le Pacha n’y faifoit fa réfidence,
Ducasquia écrit L'Hiffoire Byzantine depuis Jean
Paleologue jufques à Mahomet 11, afleûre que
Bijazet prit Sivas en 1394. Tamerlan l’afliégea
peu de temps après,& d’une maniere fi finguliere.,
que nos Ingenicurs ne feront pas fâchez d'en ap-
prendre le dérail,
Tamerlan fic creufer les fondemens des murail-
les de la Place , & les fit foûtenir par des pieces
debois à mefure qu’on en tiroir les pierres. Les
ouvriers pafloient par des foûterreins dont l’ou-
verturc étoit. à plus d’un mille de la ville ; fans
que. les habitans en euflent aucun foupçon. Lorf-
quefouyrage fur fini , il.les fit fomimer de fe ren-
dre, Ces. pauvres afliegez qui ne fçavoient pas
Le rifque qu'ils couroient,parce qu’ils ne voyoient
pas leurs murailles. endommagées , crurent qu'ils.
Pouvoient fe deffendre encore. quelque temps
mais ils furent bien étonnez de les voir romber,
tout d'un coup , après qu’on eûr mis le feu aux
| res de bois qui les foürenoient. On entra dans
ville , & le carnage füt épouventable ; ceux,
Quien.échapérent ,. perirent.par un fuplice incon-
nu jufques à ce temps-là, On.les garrota: de rel-
le forte, que la tête fe trouvant engagée entre,
les cuilfes >. le nez répondoic à leur fondement ::
dans certe attitude on les jettoit par douzaine,
des folles qu'on couvroit, de planches ,,&:
cnfuite, de, terre pour les laiffer mourir, à petic.
feu, La ville fut. razée , & l’on,ne. l’a pas ré-
Pas depuis » quoiqu’elle ait,confervé fa. die
y aurai de belles has die La Arf
564 VO ft Ati i-
mais ce n'eft pa ici l'endroit , j'ajoñte feulernerit
que Strabon le plus fameux de tous les Geogra-
phes anciens, quoï-qu'Originaire de Créte , croit
natif de cette ville; Je ne {çai pas s’il a parlé de
Tocat ; tous les Grecs de la ville à qui nous en
demandimes l’ancien nom , nous afleürerent
qu’elle s’appelloit autrefois ÆEwdéxia où Euto-
chia : ne feroit-ce point la ville d’Eudoxiane
que Prolomée marque dans la Galacie Ponti-
que ? Paul Jove appelle Tocät Tabenda ; appa-
remment qu'il a crû que c’étoit la ville que ce
Geographe appelle Tebenda. On trouveroit peut-
être le vericable nom de Tocar fur quelques-unes
des Infcriptions qui font,à ce qu'on nous dit,dans
le Château ; mais les Turcs nous en refuférent
l'entrée, On venoit de taxer les Armeniens'Ca-
toliques de cette ville , enfuite d’une grande per-
cution qui s’étoit excirée contre eux à Conftan-
tinople ; ainfi l’on regardoit par route l’Afie les
Francs de bien plus mauvais œil qu'on n’a coutu-
ie de faire, |
Après la fanglante bataille d’Angora où Bajazet
füt fait prifonnier par Tamerlan, Sulcan Maho-
met qui après l’interregne & la mort de tous fes
freres, regna paifñblement fous le nom de Ma-
homer 1: ce Sultan ; dis-je , qui étoit un des
fils de Bajazet, pañla à l’âge de 15: ans, le fabre
à la main , avec le peu de troupes qu'il Put
ramafler , autravers des Tartares qui occupoient
tout le pays, & vint fe retirer à Tocat dont il
_joüiffoit avant le malheur dé fon pete qui Se
prife quelque temps atipardvant ; ainfi cette ville
fe trouva la capitale de l'Empire des Turcs 3 &
Mahomet I. ayant défait fon frere AÆ4#/4 04
ï ,
Moyfe , fit mettre dans la prifon pre
OP AUS > Pa se
Ÿ
LevAanrT. Lettre XXI 3
LAN ME | e$
… appellée /4 groffe Corde, Mahemet Bay & Jacob
… Bay qui éroient engagez dans le parti de fon fre-
_ #æ. Iparoït par-là que cette ville ne tomba pas
pour lors en la puiflance de Tamerlan , mais
que ce fut fous Mahomet 11. Jufuf-Zes Beoue ,
Géneral des troupes de Uzum-Caflan Roy des Par.
thes, ravagea cette grande ville , dir Leunclaw
& vint fondre fur la Caramanie, Sultan Mufta.
pha, fils de Mahomet le deffit en 1473. & l’en-
voya prifonnier à fon pere qui étoit à Conftan-
inople. g
Nous cherchâmes inutilenrent compagnie pour
aller à Cefarée de Cappadoce. Cette ville n’eft qu’à
fix journées de Tocat, & n’a pas changé de nom,
puifque les Grecs l’appellent Kefaria depuis le
temps de Tibere qui en fit changer les anciens
noms d’EnXebix & de MaXaca. Celarée eut la-
Vantage d’avoir pour Pafteur le Grand S. Bañle ,
& {on Archevèque occupe aujourd’hui le premier
Tang parmi les Prelats qui font foumis au Patriar-
che de Conftantinople, On nous affüra. qu’il
avoit des Infcriprions à Cefarée qui faifoienr men-
tion de $. Bafile , mais nous ne pâmes pas nous
écarter de la campagne de Tocar, Cette cam-
agne produit de fort belles Plantes, & fur tout
des végétations de pierres qui font d’une beauté
farprenante, On trouve des merveilles en caffant
es cailloux , & des morceaux de roches creufes
Tevéruës de criftallifations tour à fait raviflantes.
En ay dans mon Cabinet qui font femblables à
“écorce de citron confite , quelques-unes ref-
femblenr fi fort à la nacre de perle, qu’on les
… Prendroit pour ces mêmes coquilles perrifiées; il
Yfma de couleur d’or , quinediferencquepar
Tome 11.
_
t
306 Woo y 4 cs ; 2 ER
leur dureté, de la confiture qu’on fait avec lé
corce d'orange coupée en filets. Er
… La riviere qui pale par Tocat n’eft pas l’Aris
ou le Cafalmac , comme les Geographes le fup-
polent, c’eftle Tofanlu qui pañle aulli à Ncoce…
farce , & c'eft fans doure le Lowp , dont Pline
a fait mention , & qui va fe jetter dans Pris.
Cette rivicre fait de grands ravages dans le remps
des pluyes, & lorfque les neiges fondent. On
nous aflüra qu'ily avoit trois rivieres qui s’unil-
foient vers Amafa , le Couleifar-fou , ou la riviere
de Chonac ,\e Tofanin , ou celle de Tocat & le,Ca=
falmac ; cetre derniere retient fon nom jufques à
la mer,
Nous partimes de Tocat pour Angora le 10-
Octobre 1701. avec une Caravane compolée de
nouveaux venus , & de celle que nous avions fui-
vie jufques à Tocat, Ces nouveaux venus avolent
Mis24. jours à venir de Gangel à Erzeron» &
par Conféquent allongé leur marche de 6. jours
pour éviter la Doüanne de Teflis où l'on fait pa-
yer des droits très-confidérables. Ils. conduifoient
75. chevaux ou mulets chargez de 150. ba
de {oye , qui pefoient chacune 26. Barmans. S0r=
tant de Tocat onentre dans une belle plaine où
la riviere ferpente ; c’eft peut-être la plaine que
Paul Jove appelle Les Champs des Oyes > où
fe donna la bataille entre les troupes de Ma- :
_: homer, II. & celles d'Uzum-Caffan Roy de
"Éric, Ro RL ET t Ce -
Après quatre heures de marche on campaale
près du village d’Agars, dans le cimetiere duque
fe voyent quelques morceaux de colomnes & de .
'
corniches anciennes de marbre blanc & d’un beaït Là
profil, mais fans infcriptions, Toutes lesmolr
pu LavanT. Leitre XXI. 307
… tagnes des environs font de marbre comime celles
_ de Tocar. Pour ce qui eft du Bol , je ne doute
_ pas qu'il n'y foit fort commun , car il ya des
endroits efcarpez & taillez à plomb qui font d’un
rouge vif, femblable à celui des roches, dont
parle Paul Jove, dans les cavernes defquelles fe
retira Techellis fameux Mahometan , difciple
_ d'Hardual grand Interprete de la Loi , pour y
vaquer non feulement à la meditatior& à la prie:
re ; mais aufli pour éviter les perfécutions de
_ ceux qui s’oppofoient à la doétrine de fon
…. Maïrre.
5 Le 11. Octobre nous continuâmes nôtre rou-
te dans la plaine de Tocat, laquelle fe retrécit
à fix milles en deçà de Turcal, & s’élargir enfui-
t à mefure qu’on en approche. Turcal eft une
belle Bourgade à 15. milles d’Agara ; firuée au-
sow-& fur la pente d’unc colline efcarpée , fépa-
_ rée des autres, cerminée par un vieux château ,
& mouillée au pied par la riviere de Tocar. Tout
ce quartier eft plein de beaux vignobles ; les
champsy fonc bien cultivez , les villages fre-
quens, & les bouts de colomnes antiques aflez
_Communs dans les cimetieres ; ce _ marquebien
Que le pays étoit autrefois peuplé par des gens
aifez. Paflé Tocat on n'entend plus parler de Cur-
es; maisbien de Twrcmans , ceft à dire d'une
autre efpece de voleurs encore plus dangereux ,
€n ce queles Curdes dorment la nuit , & que les
Turcmans volent jour & nuir. Nous campâmes
5 Eee fans crainte dans la plaine à une demi
es & au-deffous de Turdl. On entrale lende-
Main dans une vallée affez étroite, borné
#
Une montagne confidérable d’où lon defcend
dans une autre vallée étranglée & cortuë où
5 1
- Tocat tire versie Nord à Turcal , & va fe jerter
308 VoyAGE a
nôtre Caravane s'arrêta. Tout le pays eftagréæ à
ble & couvert de bois , mais les Pins & les Chè 2
nes y font plus petits qu'ailleurs. La riviere de
dans le Cafalmac vers Amafia. Nous la laiffèmes
à droite pour fuivre la route d’Angora , & ne
trouvâmes rien de confidérable pendant le refte
du chemin jufques à la ville. On entendoit chan-
ter les perdfix , & le gibier de toutes les efpeces
y eft rès-abondant , de même que dans tout le
refte de la Narolie.
Le lendemain nous ne vimes que des Chênes
& des Pins pendant neuf heures de marche. Tan-
toc ce font de petites vallées , & tantôt des
montagnes d’une hauteur confidérable. On ny
voit qu'une plaine affez jolie où eft le village de:
Geder lux une petite riviere du méme nom. Pal
fé le village ce ne font plas que rochers elcarpez
droite & à gauche , garnis de quelques bouquets
de bois:
ve
minée par une pointe obtufe. La bouche
de certe coquille eft plus remarquable que cout le
refte , car elle eft tournée à droite; longue de
deux lignes & demi #ipointuë en bas, arro
vers le haut & garnie de deux ou crois dens. Cet:
te coquille eft commune dans les Iles de FArchf:
pel, & Columna en a fair graver une qui refiema
pu LevANT. Lettre XXI, 309
ble fort à celle dont nous parlons, Quoiqu'il ne
roiffe pas extraordinaire qu’une coquille ait la
Due tournée à droite ou à gauche, cependant
il eft certain que l’Aureur de la nature a fait fi
peu de coquilles avec la bouche & les pas du li-
maçon tournez à droite, que les curieux les re.
cherchent avec foin. Parmi tant d’efpeces de
Buccinum qui font dans mon Cabinet , il n’y en
a que trois ou quatre dont la bouche & les pag
de la vis foient tournez dans ce fens-là ; fcavoir
la petite dont nous parlons , une autre efpece
d'environ deux pouces de long fur un pouce d’é-
pais , jaune-luifant , ou marbrée par: bandes
obliques fauves & jaunâtres avec le tour de la
bouche blanc. La plus confidérable eft toute fau.
ve, haute de cinq pouces fur deux pouces d’é-
rs avec la bouche fans rebord , au lieu que
és autres ont la bouche relevée d’un rebord, &
que leur limaçon eft à huit ou neuf pas.
Le 15. Oûtobre on marcha dans des défilez
horribles qui aboutiffent à une plaine aflez belle,
Après huit heures de marche on campa au deffous
de Siké, Le lendemain nous fimes dreffer nos
Tentes auprès de Tekia autre village à 4. heures du
Premier & dans la même plaine. Tout le pays eft
ant& bien cultivé. Les Poiriers fauvages y
Ont couverts de G#y, & j'oblervai {ur leurs
_ Moncs, quelque dure qu’en füt l'écorce , la pre.
Mere germination de leurs graines , que je cher-
noIS depuis long-temps & que je n'avois pas eû
OCcafion de voir en France, où cette plante eft fi
_ mmune, Ces graines , qui ont la figure d’un
“4
attachées par leur glu fur les troncs & fur les
Oranches de ces arbres, dans le temps que les
# CA LU : . ? É
ur, étoient horsde leurs coëffes, & s’étoient
NME --V O0 Y À GE
vents ou quelqu’autre caufe les faifoit tomber.
. Chaque graine étoit couchée fur le côté , de telle
forte que la pointe de la radicule commençoit à
{e planter dans l’écorce , tandis que les yeux de
. la même graine fe développoient & germoient.
Tour cela me confirma dans la penfée que j'ai
propofée touchant la multiplication du Guy dans
mon Æiffoire des Plantes qui naïffent aux envi-
rons de Paris. |
La marche du 17. Oétobre fut d'environ dou-
ze heures, Nous ne paffämes ce jour-là que par
de petites vallées couvertes de Chênes & de Pins,
Le lendemain la décoration fut bien differente ,
car nous marchâmes pendant neuf heures dans un
pays allez plat, peu cultivé, (ans bois ; ni brof-
ailles , & relevé de quelques buttes remplies de ,
{el foflile. Ce fel qui fe criftallife dans les fonds
où l’eau de la pluye croupit , affaïfonne le fuc de
la terre, & lui fait produire des plantes qui ai-
ment le bord de la mer, comme font les efpeces
de Soude & de Limoninm. }’ay remarqué la même
chofe fur la montagne de Cardonne, firuée {ur
les frontieres de Catalogne & d'Aragon, laquelle
n’eft qu'un effroyable bloc de fel.
* Le 19. Otobre nous quitrâmes le pays falé
pour rentrer dans des vallées & des plaines cou-
vertes de plufieurs fortes de Chênes. On campa
tout près du village de Beglaife après fept heures É
de marche. La route du lendemain fur de 12.
heures dans des plaines entrecoupées de burtes
garnies de bois de chênes, qui ont les feuilles
femblables aux nôtres, quoiqu'ils ne montent
guerre plus haut que ceux de nos taillis. Nous
pañfämes ce jour-là à gué [a riviere d’alys où le
Cafilrimac des Turcs, qu’une montagne toute
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DU LEVANT. Lettre XXI !
oppolée au grand chemin oblige de prendre
cours vers le Nord. Le Cafilrimac n’eft pas p
fond, mais il nous parut auffi large que la 8
à Paris, & l’on nous aflüra qu'il ne pafloit
une journée de Cefarée. Du haut de la m
nous tombâmes, pour ainfi dire, dans un |
fond, & nous nous atretâmes au village de
baga. De là jufques à deux lieues d’Angora
eft rude & defagréable, Nous arrivämes dans.
celebre ville le 22, O&tobre, après quatre heu
de marche, par une vallée aflez-bien cultivé
en quelques endroits, ee
Angora Où Angori, comme prononcent: quel-
. Ques-uns ,; & que les Turcs appéllent Ego
nous réjouit plus qu'aucune autre ville dû Eevanr,
Nous nous imaginions que le fang de ces braves
Gaulois qui ocenpoient autrefois les environs de
Touloufe & le pays qui eft entre les Cevenes &
“les Pyrenées | couloir encore dans les veines.des’
habirans de certe pa Ces génereux Gaulois
Je
. Latins l'appellent Lutarins du :
À quel répond bien mieux à nos ancie
haïfons gauloifes, <a
VO TAG? :
312 1
Ces deux Chefs foumirent tout le pays jufques |
à Byzance , & defcendirent fur l’Hellefpont, Ra-
vis de ne trouver PAfe féphrée de l'Europe que
par un bras de mer , ils députérent à Antipater,
qui commandoit fur lacôte d’Afie, & qui pou-
voit s’oppofer à leur paflage. Comme la chofe
trainoit, & qu'apparemment Antipater #le Cro-
yoit pas pouvoir s’accommoder de tels hoftes,
les deux Roys fe féparérent. Leonorius retourna
à Byzance. Lutarius reçùt quelque temps après
!
une Ambaffade de Macedoniens , députez par
Antipater fur deux vaifleaux & trois ee ee
Pendant qu’ils obfervoient les troupes Gauloiles,
Lutarius ne perdit pas de temps, & les fit paf
{er jour & nuic en Afie fur ces bâtirmens, Leono-
rius ne tarda pas d'entrer en Bichynie avec les
fiennes , invité par le Roy Nicomede, qui {e
| fervit fort utilement de ces deux corps de Gau-
lois pour combattre Zipœtes , qui occupoit une
partie de fes Etats.
Les Gaulois jertérent la terreur par toute PA-
fie, jufques vers le Mont Taurus , comme nols
V'apprend Tite-Live que je fuis pas à pas dans
cette expedirion, Des vingt mille Gaulois qui
étoient partis de Grece , iln’en reftoit
gueres plus de la moitié , mais rout edoi
valeur, ils mirent tout le pays
Enfin comme il y avoit trois fortes de G
mi eux, ils partagérent leurs conquêtes de celle
forte , que les uns s’arrêcerent fur
l'Hélle(pont ; les autres habirérent l'Eolide& Flo-
nie ; & les plus fameux, qu'on appelloit les
Teëlofages , penétrant plus avant s’étendirent ju
que au Fleuve Halys, à une journée d’Angora
qui cft l’ancienne ville d’Ancyre. Ce F
cr à leur
pourtant
Jeuve elt
à contribution.
aulois pat
les côtes de
RS SES
rÀ Æ SA 1
me.
1
3. pu LavANT. Leitre XXI 313.
reprefenté [ur une Médaille de Geta , fous la for-
me d’un vieillard à demi couché, tenant un
rofeau de la main droite. Ainfñ nos Touloufains
occupérent la grande Phrygie jufques à la Cappa-
doce & à la Paphlagonie,& tout le pays où ils s’é-
tablirent fut. nommé Galatie ou Gallo Grece,
comme qui diroit L4 Grece des Gaulois, Strabon
aflüre qu'ils diviférent leurs conquêtes en qua-
tre parties , que chacune avoit fon Roy & fes
Officiers de Juftice & de Guerre ; & fur tout
qu'ils n’avoient pas oublié de rendre la Juftice au
milieu des boisde Chênes , fuivant la coùtume
de leurs ancèrres : il ne manquoit pas de ces for-
tes d'arbres autour d’Ancyre. Pline fait mention
de plufieurs peuples qui fe trouvoient parmi les
Gaulois , & qui peut-être portoient les noms de
leuts Chefs ; il y a apparence que c’évoient plutôt
e gros Regimens de la même nation.
Memnon rapporte que les Gaulois Trocmiens
bâtirent la ville d’Ancyre, mais je crois que le
pallage de cet Auteur eft corrompu dans l'extrait
que Phorius en a laiffé ; car outre qu’ils s’éroient
… établis fur les côtes de la Phrygie, Pline dit pré-
cifément qu’Ancyre étoit l'ouvrage des Teétofa-
ges. L'Infcription fuivante qui fe lit‘ fur une co-
lomne enchaflée dans la muraille de cette ville,
entre la porte de Smyrne & celle de Conitantino-
ple , ne Éic mention que des Teétofages , & leur
kit beaucoup d'honneur.
- H BOYAH-KAI O AH- Senatus populufque
MOS 3EBASTH- Sebajtenorum
_, NON TEKTOSAs Teitofagum :
FUN ETIMHSEN honoravit
…
Y A G E
M. KOKKHION ‘M. Cocceium
AAEEANAPON TON Alexandrum
- EATTON TOAITHN Cvem fuum
_ ANAPA SEMNON KAI virum honorabilem
TON HEQN KOYMIO- Et morum elegantia
THTI AOKIMATATON Spetlabiliffimum.
D'ailleurs quand Manlius Conful Romaïn eut
deffait une partie des Gaulois au Mont Olympe,
il vint attaquer les Teétofages à Ancyre, Ilya
apparence que ces Tectofages n’avoient fait que
rétablir cette ville, puifque long-temps avant
. leur venué en Afe , Alexandre le Grand y avoit
donné audiance aux Députez de Paphlagonie. Il
cft furprenant que Strabon qui étoit d’Amala ,
n'ait parlé d’Ancyre que comme d’un Château
des Gaulois, lui qui vivoit fous-Augufte , au-
uel on’ avoit confacré au milieu d’Ancyre ce bel
édifice de marbre dont on parlera plus bas. Ap-
paremment que Strabon n’étoit pas content des
Gaulois , qui peut-être avoient maltraité les ha-
bitans d’Amafa. Tite-Live rend plus de juftice à
Ancyre, & l'appelle une Vïlle illuftre
De tous les Roys d’'Afe, Attalus fur le feul
_ qui s’oppofa vigoureufement aux entrepriles des
Gaulois , & qui eut l'avantage de les battue,
mais ils fe foutinrent puiffamment jufques à la
deffaite d’Antiochus par Scipion. Les Gaulois
compoloient la meilleure partie des troupes de :
ce Prince, & fe flartoient même que les Ro-
mains ne penétreroïient pas juiques dans leurs
terres ; mais le Conful Manlius , fous prétexte
qu’ils avoient aflifté Antiochus, leur déclara !à
guerre, & les déffit au Mont Olympe. Il penc-
tra jufques à Ancyre qu’il prit, felon Zonaït »
Tom.3-pay-343
UUITZ.
Monumenturtr À
eue » m. ee nn
N 4!
ms
se EVA NT. Lettre XAT FT
à & Le ‘obliges d’ âcccpter la Paix aux conditions
ss yo Les - Provi
nt rédi _ trois |
faire à à ire , puis à un feul Royaume ,
cjotarus fur pourveu par Îles Romains ; fon fils
imyntas lui fucceda. Enfin Lelius Marcus fab-
jugua la Galatie fous Augufte; elle fut réduire
en Province & Pylemenc "Als d'Amyneas en-fur:i ?
dépoüillé, Le nom de Pylemene ; étroit ficommun …
aux Roys de Paphlagonie , que cette Province : :
avoit été appellée Pylemenie. Ainf finit l Empi-
1e Le nes qui avoient rendu tributaires juf- à
ux Roys de Syrie ; ces Galates fans lefe
dr se Roys d’Afe ne pouvoient pas faire la
guerre , & qui confervoient la majefté des Roys » F4
pour me fervir des termesde Juftin,
L'Empereur Augufte avoit fans doute embelli
Ancyre , puilque 7 XerXes l'en appelle fe fonda-
teur, & ce fut apparemment par reconnoiflance
que re habitans lui confacrérent le plus grand
Donne qui foir encore en Afie. Vous juges.
rez, Ms , dela beauté de cer édifice par | le
“delein que Vous m'avez ordonné d’en me Le 7
“er Il éroit tout de marbre blancà gros q À
& Les encoigneures du Veftibule qui fu ke € É
core, font alternativement d’une feule piece à
ñgle rentrant en manicre d’équerre , dont les
Ôtez ont trois où quatre pieds de long. Ces pier-
tes d’ailleurs font attachées Énlernbles par des
<rampons de cuivre ; comme il paroït par les
où. is étoient cer à les maitreiles
M:
arme
Lu
16. Voyacrs
quarrée , a 24. pieds de haut fur 9. pieds 2.
pouces de largeur, & fes montans qui font cha :
cun d’une feule piece , font épais de 2. pieds 3.
pouces. C’eft à côté de cetre porte qui elt route
Sa d’ognemens , que l’on grava il ya plus de
dix-fept cens ans , la vie d’Augulte en beau la-
tin, & en beaux cara@teres, L’Infcription eft à
trois colomnes à droite & à gauche ; mais outre
les lettres effacées , cout eft plein de grands trous
femblables à ceux qu’auroient pü faire des bou-
lets de canon ; & ces trous que les payfans ont
fair pour arracher les crampons , ont emporté
_ la moitié des caracteres. Les paremens de pier=
res {ont des quarrez barlongs fort propres, &
d’un pouce de faillie. Sans compter le Veftibu-
le, cer édifice eft dans œuvre de $2. pieds de
long , fur 36. pieds & demi de large. Il y refte
encore trois fenêtres grillées, de marbre à grands
carreaux femblables à ceux de nos fenêtres. Je
ne fçai pas de quelle matiere ces carreaux éroient
garnis, fi c'étoit de pierre tranfparente où de
verre,
On voit dans l'enceinte de cet edifice les ruines
d’une pauvre Eglife de Chrétiens , auprès de
eux ou trois méchantes maifons , & de quel-
ques efcuries à vaches. Voilà à quoi fe réduir le
monument d’Ancyre , lequel n'étoir pas Un
- Temple d’Augufte, mais une maifon publique
ou le Prytanee où fe failoent les repas lors des
grandes fêtes des jeux publics que l’on celebroit
fouvent dans certe ville, comme îl paroït par
les Médailles de Neron , de Caracalla, de Dect,
de Valerien le vieux, de Gallien & de * Salo-
2 nr@lA, Pychia, CQTHPEIA , Soxeria,
ACKABTEÏA , Afclepia. 1@MIA, 1fthmia.
pu LevANT. Lettre XXI. 317
nine, Les legendes marquent les jeux aufquels
on s’exerçoit,
On découvriroit peut-être quelque chofe de
plus particulier touchant cer édifice , fi l’on pou-
voit. déchifrer plufieurs Infcriptions grecques
que l’on avoit gravées fur les murailles en de-
hors, car ce bâtiment étoit fans doute ilolé, On
trouve préfenrement ces Infcriptions dans les che-
minées de quelques maifons de particuliers ; où
elles font couvertes de fuye ; ces maifons fonc
adoffées à la maîtrefle muraille à droite.
L’Infcription dont nous avons parlé ci-devant ,
où la vie d’Augufte eft décrite, fe crouve dans
le AMonumentum Ancyranum Gronovit ; on la
peut voir aufli dans Gruter, Leunclaw la reçüt
de © Cinfins | qui outre la grande connoiflance
qu'il avoit des Plantes , poffedoit bien aufli l'An
tiquité ; & Fauftus Verantius qui communiqua
ce precieux morceau à Clufus , l’avoit reçü de
fon oncle Antoine Verantius Evêque d’Agria &
Ambaffideur de Ferdinand II. à la Porte. Ce
Prélat la fit tranfcrire en palfant par Angora.
usbeque la fit copier , & croit que la maïlon ,
dont on a parlé , écoic un Pretoire , pluroft qu’une
Maïfon deftinée pour les Feftins pendant les jeux
publics.
Tout ce que l’on vient de dire montre affez
qu’Ancyre éroit une des plus illuftres villes du
Levant, Ses habitans éroient les principaux Galas
tes que Saint Paul honora d’une de fes Lettres ;
& les Conciles qu’on y a tenus ne la rendent
PaS moins recommandable parmiles Chrétiens ; .
que les autres actions qui sy font pañées. Il
paroït par les Médailles d’Ancyre , qu'elle fe fous
* Charles de l'Eclufs. a
18 RS SV OC Y AG 1
tint avec honneur fous les Empereurs Romains.
+ Il yena de frappées aux rêces de Neron, de
_ Lucius Verus , de Commode , de ? Caracalla,
de Geta , de Dece, de Valerien , de Gallien,
de RS tobtues Ancyre prit le nom d Anse
en reconnoiflance des bienfaits dont Antonin Ca-
racalla l’avoit comblée. Elle fut déclarée Metro-
pole , c’eft-à-dire Capitale de. Galarie fous Ne-
ron, & n’a jamais quitté ce titre. Il en eft fait
mention fur une Médaille d’Antinoüs , de Jules
Saturnin l’un de fes Gouverneurs. Il eft nommé
dans l Infcriprion fuivanre qui eft fur un marbre
enclavé dans les murailles de ceste ville. Gruter
la rapporte ainf :
ATAGHI TYXHI Bone fortune
H MHTPOTIOAIE Metropolis
IOYAION . ,
- ZATOPNEINON Saturninnm
TON HIEMONA, Ducem.
* Mcdaille de Caracalla , de la legende ef ft AN:
TONEINIANHC ANKYPAS MATrO. C'eft un Efcu-
lape debout appuyé fur un bâcon, autour duquel ft
tortillé un ferpen
as
ru
pu LrvANT. Lettre XXI. 319
Le nom de Metropole fe trouve aufli {ur un
tombeau dans le Cimetiere des Chrèriens hors de
‘la ville, =
A. DOYAOYION POY Zucium Fuluinm
ZTIKON - AIMIAIA- Rufficum Æmiianuns
NON TIPESB, 3EBA., Legatione funilum
THE ? TPAYIIATON H BOY ter Proconfulem
AH KAI AHMOS THE MH Senatus Populufque”
TPOTOAEQZ AFKY-
metropoleos Ancvræ
PAE TON FAYTON P y
* EYEPYETHN ETIME» Benefatlorem [uum 3
AOYMENOY Curante Trebio
TPEBIOY AAEÆANAPOTY. Alexandro.
La fuivante eft gravée fur un piédeftal qui fert
d’auge dans le Caravanferai où nous logions.
AII HAIQ METAAN SAPAÏHAI KAI TOIS EYN-
* AIOY KOMMOAOT KAI TOY SYMMIANTOS
AYTAON OIKOY KAI YTEP BOYAHE KAI
AHMOY TH MHTPONOAENE AITKYPAË.
ATIOAANNIOË ATOAAQNIOT.
Lovi Soli magno Sarapidi © ejnfdem
Templi Dis ; fervatores Diofcures
Pro falute Imperatorum
Et villoris © perennitate
M. Aureliÿ Antonin G M, Aure-
Bi Commodÿ & pro aniverfs
* Pour Ts AsSiraren
- | route une Province & dans lefquels
o VovaAcr
iplorum domo © pro Senatu
Populoque metropoleos Ancyre ,
Apollonins Apollonii EF.
6
On trouve celle-ci fur les murailles d’une
Tour quarrée entre la porte des Jardins &e la
*
porte d’Efler,
Caracylæam KAPAKTAAIAN
. Sacerdotum principem ; | HOroNON BA
ex regibus ortam ,
L2 T
fliam Metropoleos ; TIOAEQZ FYNAI-
KA IOYAIOY ZE
s > OYHPOY TOY [PQ
euers TOY TON EAAH-
Gracorum primi, . NON * YNEPPA,
Vxorem Fulii
2 La legende d’une Médaille du vieux Valerien
marque qu’Ancyre éroit deux fois Neocore. Elle
reçût cette dignité pour la premiere fois fous Ca-
racalla, & pour la feconde fois fous Valerien le
vieux. Le revers de cette Médaille réprefentetrois
Urnes,de chacune defquelles fortent deux palmes. :
On appelloit Mvcocores , chez les Grecs , eux
qui prenoient le foin des Temples communs .
. tout on s’aflem-
bloit à Foccafon des jeux publics. La Charge de
Neocorc répondoit à peur près à celle de Aarg#il- -
Lier ; mais comme dans la fuite on s’avifa de dé
fer les Empereurs , les villes qui demandérent
qu’il leur füt permis de leur dreffer des Temples »
aquirent aufli le nom de Neocores.
# ANKIPAC MAT. B,N. Aneyre Metropolis bis at
pu LEvVAN#. Lettre XXL. 35
La fituation d’Ancyre , au milieu de l’Afe
fnineure , l’a fouvent expofée à de grands rava.
ges. elle fur prife par les Perfes en 61 r. du temps
d'Heraclius ; & ruinée èn r101. par cette effro-
yable armée + de Normands bu de Lorñbards ,
comme veut M' du ? Cange, commandée par
Tzitas & par le Coïnte dé S: Gilles, qui fue
enfuite connu fous Le nom de Raimond Comté.
de Touloufe & de Pioÿence ; du temps que
Baüdoüin frere de Godefroy de Bouillon fut
élà Rôy de Jetufalem. Certe armée , qui éroit de
cent mille Hommes d’infanrerie & de cinquante
mille hommies de cavalerie , après l’expeditiont
d'Angôra pafla le fleuve Halys ; mais elle fut fi
bien batruë par les Mähôrnerans ; que les Géne-
faux eurent de la peine ä fe retirer à Conftatino-
ple auprès d’Alexis Corfinene. * | S
Les Tartares fe rendirènt les raîtres d’Antyre
ên 1239: Elle fut enfuicé le premier fiege. des
Othoratis , cit Orthogul pere du fameux
Othomans vint $ÿ établir , & non feulemenc
fes fücceffeurs s’emparérenr de la Galatie :
hais encore de là Cappadoce & de la Pamphi-
He. Angora fur funefte aux Ochomans ; & la ba
taille que Tamerlan ÿ rémporta fur Bajazet ;
faillit à détruire leur Empire. Bajazer le plus fier
des hommes , trop plein de confiance pour lui-
même ; abandonna fon camp pour aller fe di.
vertit à la chafle. Tamerlan dont les troupes com-
thençoient à manquer d’eau , profita de certe fau-
te & s’érant rendu maître de la petite riviere |
qui couloït entre les deux armées, obligea trois
jours jrs Bajazet d’en venir aux mains, pour
ne pas laifer perit fon armée de foif ; certe ar=
*8 Alexiad. lib. X I. 5 Norx in Alexiad.
Tome III, x
st
Miss. VOSTACS
mécyfut taillée en pieces , & le Sultan fait pri.
fonnier le 7. Août 1401. Après la retraite de Ta-
merlan , les enfans de Bajazet fe cantonnérent
où ils pürent, Mahomet s’affeüra de la Galatie
que fon frere Efes lui. difputoit ; il. fe fervit de
Temirte, ancien Capitaine qui avoit fervi fous
Bajazet ; & Temirte bait Efes à Angora & lui
fit couper la tête. , :
Angora préfenrement eft une des meilleures
villes d’Anatolie , & montre par tout des mar-
ques de fon ancienne magnificence. On ne voit
dans les ruës que colomnes & vieux. marbres ,
parmi lefquels on diftingue une efpece de Porphy-
te rougeatre piqué de blanc, femblable à celui
qui eft aux Pennes proche de Marfeille, On trous
ve auffi à Angora quelques morceaux de Jafpe
rouge & blanc à grofles taches, approchant de
celui de Languedoc, La plufpart des colomnes
font Jifles & cilindriques , quelques-unes cançlées
en fpire ; les plus fingulicres font ovales ÿ Ornces
d’une plate-bande par devant & par derriere ;
laquelle regne aufli cout le long du piédeftal &
du chapiteau. Elles me parurent affez belles pour
les faire graver ; il me {emble qu'aucun Archi
tecte n’a parlé de cetordre. Il n’y a rien de fi fur-
prenant que le perron de la porte d’une Mol
_quée : ileft de 14. degrez compofez uniquement
les autres, Quoique les maifons prefen-
tement ne foient que de boùc , on ne laille
de bafes de colomnes de marbre, pofées les unes
as d’y voir de fort belles pieces de marbre.
. LE Les muraillés de la ville font bafles & termi-
nées par de méchans creneaux ; maïs on y ae
ployé indifféremment, colomnes , architraves »
chapiteaux , bafes & autres morceaux antiques
cntremélez avec de la maçonnerie, principale-
z Î 1!
ee (nn LL in :
ESS
———
— =
LH nn To
nn
ne LE
pu LavANT: Lettre XXI 333
iñént aux tours & aux portes lefquelles;smalgré ce:
la n’en font pas plus belles;car les tours font quar-
rées & les portes toutes fimplès. Quoiqu’on ait
engagé dans ces murailles beaucoup de morceaux
de marbre du côté où font les Infcriptions , on
ne laiffe pas d’en lire plufieurs qui font là plü-
part grecques , quelques-unes latines, Arabes où
Turques. L’Infcription fuivante eft tout auprès
de quelques Lions de matbre foit défigurez , à
le porte de Kefaria.
KAIPE NAPOAEITA Salve viator:
Au deffous de ces paroles il-y a une tête en bas
telief, où l’on ne connoïit plus rien ; mais au
deflous il y a lcs paroles fuivantes.
MAPKEAAOC Marcellus
CTPATONEIKH Stratonicé
TAYKYTATHT Dulciffime
TN ::.. MNHMHC Conjugi memoris
XAPI caufa
À la porte des Jardins on lit l'Infeription qui fuir,
ATA@HI TYXHI
TOPNEITOPIANON ; ETITPOfION TAN KYPI4
HMQM ETrII AEYTAON + à
TON AIKAION KAI ZEMNON K AIAÏOS
ATHXIAAOZ TON EAYTOY IAON KAÏ
LS 8 PT
- Bone fortuna
Tornitorianum curatorem Domi=.
norum noffrorum . .. se.
juflum © illuffrem. C; Ælius
Agefilaus amicum fuum
- beneficum,
X ij
id
324 VôvraAGEe |
Nous ümes au delà de la Tour , où l'on paflé
pour aller à la Porte d’Eflet, fur une colomne
enchaflée dans la muraille , les mots fuivans.
IMP. CÆSs.
ET’ IMPR O..
GALLIENO
Le refte eft écrit fur la partie de [a colomie
qui eft engagée dans la muraille.
Il nous refte trois Médailles frappées à la téte
de cet Empereur, & à la legende d’Ancyre,
où cette ville eft traitée de Metropole. Le revers :
de la premiere reprefente trois Urnes avec des
palmes. Celui de la feconde, une Lonve que
omulus & Remus tetent. Sur la troifiéme, eft
* la figure d’Apollon debout & tour nud , tenant
de la main droite une couronne & appuyé du
coude gauche fur une colomne qui foûtient fa
lyre, On en voit une quatriéme chez le Roy;
au même revers que la premiere ; mais la le
gende exprime que la ville eft Neocore pour la
feconde fois. LA
. Les trois Lions qui font à la porte de Smyr=
ne font affez beaux. On lit fur un bout d'ar-
chitraye caffée , laquelle fert de linteau à la
porte , cette ligneïimparfaice écrite en gros €2*
raéteres,
See BAZTO EYSEBEL EVTY...
pu LEvawr. Zetrre XXI. 325
Voici quelques autres sions qui font
fur les mêmes murailles entre la porte de Smyrne
& celle de Conftantinople,
Sur ün picdeftal,
GEOTZ KATAXOONI-
OIZ KAI KAIITONI
Dis Manibus
TASIKPATOYE Paficratis F.
ANAPI TENNAIQ Viro generofo
- KAI ATAO@Q TOY & probo Pu«
BAIOS AAEAQOS blius frater
AYTOY KAI [AI jus © Paft-
KPATHE KAI MH» crates © Mee
NOAQPOZ TIOI _ aodorus fili
ATTOY HEPTINH LeNS sfr
? MNHMH EIXA, Memoris gratia,
Sur un autre piédeftal orné d’ün fefton,
D M
VENTIDIA CAR
ni P EB:L"A;: ES
VIXIT ANNIS
XXXIII M: VIII
Devis «Po
PRET ENS CARPVS.
PATER E:he, 29 71.7
DIONYSIVS VXORI CARISSIMEÆ
+ Pour ES. drag | .
sit 2 si: 00 4:63
Sur les mêmes murailles du côté de la ville, :
AIOTEIMOC AI- Diotimus Dio-
OTEIMO KAI AO timo © Lotatio
TATIO JAIOIC propriis
TONEYSI MNH- parentibus
MHC XAPIN, memoriæ gratid.
Dans le même endroit {ur une pierre en-
chañge, Ge j-
EVTYCH VS
_NEREI
CAESARIS
Le Château d’Angora eft à triple enceinte ;
& (es murailles font à gros quartiers de mar-
bre blanc & d'une pierre qui approche du
rphyre. On nous permit d'entrer: par fout
& l’oh nous conduifit dans la premiere encein-
te à une Eglife Armenienne bâtie , à ce que
l'on FT fous: le: nom de /4 PR
1209 ans. Elle eft fort petite & “fort obicure
Éclaicée ef part par = fenêtre, qui ne ré-
. goit le jour qu'au travers d’une piece quaf-
rée de marbre femblable x de lalbaftre poli
& luifant comme du Tale, maisil eft cerne en
dedans & 1a lumiere qui pafle au. travers ef
fenfblement rougeâtre & rire fur la cornalint.
pu LEevANT. Leÿre XXI. 317
Le foleil ne donnoir pas deffus quand nous lobe.
fervämes ; c’eft peut-être du marbre fphergite de
‘Pline. Toute cetre premiere enceinte eft pleine
de piédeftaux & d’Infcriptions ; où eft-ce qu'il
n’y cn a pas dans Angora ? un habile Antiquaire
y wouveroit à tranfcrire pendant un an. Voici
celles que nous copiâmes.
L’Infcriprion qui fait mention de Julien l'A-
= eft fur une pierre maçonnée & platrée ,
caracteres en font mal formez , |
DOMINO TOTIVS ORBIS
JVLIANO AVGVSTO.
EX OCEANO BRI
TANNICO * VIS PER,
BARBARAS GENTES
STRAGE RESISTENTI
VM PATEFACTIS...
L3 e - [2 . L]
« . . . s LR . °
. Ê *. . . à °
, D , , 0] e ° L
V
e , El . . # . a
Rire qu’elle fut faite dans le temps
que cet Empereur féjourna à Ancyre,
? Pour VIIS,
X tj
18 E
Sur un piédefal #4 l'obceinré d’une Mof
quée du même Château.
.: TA®ON TON +
EN@A MAHESI- Sepulchrum bac
ON PAMON A@ € aram fimul
MA EIEYE KA- 0 excitaVit in terra
TA THE KAAYAIA H Claudia , Dexas
KAI AEZAË ACH item VOCAIA ,
NIQN FAYKYTATO ÆAthenioni duleiffi mo
KAI @IATATQ AINO © amabiliffimo
PR ge Caftoque conjugi s
BI MNHMHY » memoriæ corn
Sur un piédeftal dans Le enceinte du Châtean,
ATIOAAQNIOC- EXTY- é Apollonins Euty=
XOY KAAYAIA JOT= chis EF. Claudié Fu-
littæ conjugi opti-
ma banc aram
ë hoc monumen-
PIN ANECTH= tum memorit _canfa
CEN,. afuir.
Sur un autre piédeftal dans le même Château
_ APXHEANIA |
KAÏI. AZT Y.N O-
MHÈ ANTAKAI
IEPA3AMENON
Ai @FAS:AHMH< |
TPOS TIMH@EN. :, ,
TA EN EKKAHS3I
; AIZ HOAAAK BATTEIS
®TAH ÉNATH .. :
TEPA BOTAAITA.
TON EAŸYTHE
EYEPTETHN,
a
pu LEVANT, Eetrre XXL 329
ur une pierre d’un ancien bâtiment que les
Turcs appellent Meferefail.
D. M.
Q. AQVUILIO LVCIO
LEG 11 AUG
SEVERIA MAPTINV
LA CONIVNX. ET
AQUILIA SEVERINA
FILIA ET HERES
HET 4 .
Dans la chambre d’un particulier qui loge dans
cette maifon, , fur une pierre derriere la porte 3
.
G. Longino Pau T. AONTEINQ IAT-
lino G. Longi- AEINQ T, AONTEI-
nus Sagaris ; © NOË ZSATAPIZ. KAL
T. AONTEINQE
G, . Longinus
Clandianus ; KAATYAIANOE
Patri, me- FMATPI MNH-
MHE XAPIN.
mOri& taufé,
Dans le méme bâtiment fur une pierre de la
muraille.
Flavio Sabi- DAAOTIQ SABEI=
no genère Nica NQ TENEI NEIKO®
medienfi | Filia MHAEIH @YTATHP
Cippum Cpple, ofuit). THN ZSTHAHN. -;
. MNEJAZ XAPINe. >
mnemorie can(a..
33° Voyac E
_ OSAN À EXKYAHTO Qui expilaverit
Sepulchrum dabie
MNHMA ANGEI EIS
rS ad fifcum denaria bis
TON ®IEKON B, LOS mille quingenta.
Sur trois differentes pierres du même bâtiment,
D, M.
C, JVL. CANDIDO
PP. LEG. XVIL GEM,
HEREDES EX TES
TAMENTO FECE
R V
AOYKIOE Lucius
ZEPHNIA £YNBIQ Serenia conjugi
ANESTHÈA MNH erexi, memori4
MHE XAPIN gratia : profpere
I EYTYXITE agite,
D. M,
C SECVNDH
NIO IVLIANO
EQYVITI LE.G
HERES ET CONLEGA
br. €, |
Le Cimetiére des Chrétiens eft inépuifable en
Infcriptions Grecques & Latines ; mais la plû-
part font des Epitaphes de perfonnes pour Icf-
quelles on ne s’interefle plus,
Du LevANT. Lettre XXZ suc
Sur un Tombeau. es
D. M. ++
AS TTO RTC
L'LB'PAR
VENNONIA AETETE
CONIVGI
PIENTISSIMO FECIT.
Sur un autre Tombeau,
Valens € San- OYAAHC KAI EAN-
batus proprie m& BATOE ® THE AIA MHe
tri hanc aram * TPI © AECTHCAN TON
erexerunt memori& BOMON MNHMHC
canfa, XAPIN,
Sur un autre Tombeau,
€ FVF SENECIO
NEM:VE
PROC PROV: GA
LAT. ITEM VICEPRAE
‘ SIDIS EIVSD. PROV
: ET PONTI
PROY:EIVSD: PRÆPO
SITO INCOMPARABILI.
Hors la ville autour du Couvent de Sainte
Marie .des Armeniens , parmi. beaux; mar-
res antiques , .des colomnes , architrâves , 7.
» chapiteaux qui font auprès de la perice ris,
a
Pour 77 idie. b Pour éGrisurar,
Re ee RNA RME 13 à 1 mn |
vierce : Chibouboujon , = re Hole In-
{criptions, dont la plus remarquable eft celle de
M. Aurele,
I M P. CAESARI
DA E LE ÆCEN VS vV.L
DEVOTISSIMVS
+ NVMINI EIVS.
Peut-être même que le er qui eft auprès »
eft celui de cet Empereur. C’eft un Bufte de
front , de deux pieds de haut{ur vingt pouces de
largeur ; mais il eft fort malrraité. Le marbre
eft gris vin de blanc, de méme que le piédefs
tal qui le foutenoit. |
Voici une Infcription qui fe trouve fur un au-
tre nes couc é far ün tombeau auprès du
Couvent.
T.AIA “DAAOTIANON Gun Ælium Flavianun
ZOYAITKION ATET..
at-
AATAPXHN TON A! | Sulpicius re _
INOTATON Kaï ài © archen cafliffimwi"
KAIOTATON : 18 5 077 È
SAAOTIANOE Er 34f 17;
EYTTYXHE DIS … Flavianus
TON 'ATEYTATON _.. .. Æstyches
Tom.#.pag.427
DY LEevANT. Lettre XXŸYI. 333
Ces deux Epiraphes modernes font dans le mê:
me Cimetiere. |
HIC IACET INTERRATVS
D. IOANNES ROOS
SCOTVS QVI OBIIT IN AN
GORA DIE 2112. IVNII ANNO
DOMINI M. DC. LXVIII
ÆTATFIS SYVÆ- XXXY,
ANNORVM
HODIE MIHI: CRAS TIBI.
HIG tTACET
SAMVEL FARRINTON …
ANGLVS. ACID W-ALLI
FARRINGTON MERCA
TORIS LONDINENSIS
FILIVS: OBDORMIVIT
IN CHRISTO, ANNO
ÆTATIS XXLIL
SALVTIS MDCLx.
Vous trouverez ici, M'8' , le deffein d’une co-
lomne affez jolie qui eft dreffée près du monu-
ment d’Augufte , dont j’ai eu l’honneur de vous
Entretenir, Cette colomne eft à 15. ou 16. tam-
bours de marbre blanc ,; hauts d’environ 20.pou-
ces , la bafe & le chapiteau font de même pierre.
_ Ce chapiteau , qui eft quarré , eft orné à chaque
Coin d’une feüille d’Acanthe, & d’une efpece.
d'écuflon entre deux, dont les ornemens font
cflacez. On n’y trouve aucune infcriprion. Les
Turcs appellent certe colomne le AMinaret des …
filles, parce qu'ils s’imaginent qu’elle foutenoie
le Tombeau d’une fille. sai
[UT RSR SCS ŒNUE Eee
-.Le Pacha d’Angora joüit de 30. ou 34. bourfes
de revenu, Les Janiflaires y font commandez par
un Sardar ; mais il n’y en a qu'environ trois cens,
On compte dans certe ville, quarante mille ames
parmiles Tutcs, quatte ou cinq mille Arme-
niens , & fix cens Grecs. Les Armeniens y. ont
fept Eglifes , fans compter le Monäftere de Ste
Marie. Les Grecs n’ont qu'üne Eglife dans la
ville , & une dans le Château:
Ahoora eft à quatre grandes journées de la mer
Noïte par le plus couit chemin. La Caravane
d’Angora à Smyrne met 10. jouts, & l’ancienne
ville de Coryeum ; à qui les Turcs ont confervé
le nom de Caraye , eft à moîtié chemin. Les Ca-
+ favanes vont d’Angora à Prufe dans dix jours ;
d’Angora à Kelarie en huit ; d'Angora à Sinope
en dix ; d’Angôra à Ifmith ; ou l’ancienne Nico-
: medie en neuf jours : enfin d’Angora à Affamboul
en douze ou treize jours,
On nourrit les plus belles Chevres du morñde
dans la campagne d’Angora. Elles ébloüiffent pat
leur blancheur , & leur poil qui eft aufli fin que
ki foye , frifé naturellement par trefles de huit
ou neuf pouces de long , eft la matiere de plu-
fieurs belles étoffes , & fur rour du Camelot; mais
on nepermer gueres de tranfporter cette toifon
… … fanéla filer, parce que les gens du pays y 82
| : Leur vie, Il femble que Strabon ait parle
de ces belles Ghevres, Aux environs dé la rivieré
falys , dit-il , on nourrit des moutons dont la lait
«ff fort épaiffe © fort douce ; cr de plus il y 4 des
= Cheures qui ne fe trouvent pas ailleurs. Quoiqu il
+ enfoir, ces belles Chevres d'aujourd'hui ne le
voyent qu'à quatre ou cinq journées d’Angora &
de Beibafar ; leurs portées dégénerenr quand of
| bu LEevYANT. Leitre XXI. 335
les tranfporte plus loin. Le fil de Chevre fe vend
depuis 4, livres jufques à 12. ou 15. livres l'O-
que ; il y en a même de 20: ou 25. écus l'Oque,
mais ce dernier eft deftin£ uniquement pour Je
Camelot que l’on fait pout le Serrail du Grand
Seigneur, Les ouvriers d’Angora emplôyent le fil
de Chevre tout pur dans leurs Camelots , au lieu
qu'à Bruxelles , je ne fçai par quelle raifon, on
cft obligé d'y méler du fil de laine. En Angle-
terre on mêle cette toifon dans les Perruques ;
mais il ne faut pas qu’elle foit filée : elle fait la
tichefle d’Angora , tous les bourgcois s’appli-
quent à ce commerce. On a raifon de préferer le
poil de Chevre d’Angora , à celui de Cougna,
qui eft l’ancienne ville d’Zconium où Ciceron fit
affembler l’armée Romaine ; car les Chevres de
Cougna font toutes ou brunes on noires,
Le 2. Novembre nous partimes d’Angora pour
Prufe où Brouffe , comme difenc les Francs ace
compagnez feulement d’un voirurier Turc & d’un
valet Grec qui n’entendoit pas le Franc, ainfi
nous fûmes obligez de nous fervir nous-mêmes.
On ne marcha ce jour-là que pendant quatre heu»
res , dans un beau pays plat & bien cultivé. Nous
Couchâmes à Sowfous méchant M 2 où nous
joignimes quelques perfonnes de Kefarie qui al-
loient à Prufe, Le 3. Novembre on marcha pen-
nt fept heures , dans de belles plaines relevées
d’une ue colline , en deçà d’Æias ville aflez
jolie , dans un fond dont les Jerdins font agréa-
les & où il ne manque pas de vieux marbres. Le
lendemain nous arrivames à Beibazar après neuf
heures de marche,
. BeibaYar eft une petite ville bâtie fur trois cols
lines à peu. près égales , dans une vallée aflez re-
326 Voracr? ne
ferrée. Les maifons font à deux étages, couvers
tes aflez proprement avecdes planches ; mais il
faut toûjours monter ou defcendre. Le ruilleau
de Bcibazar fe jette dans lAiala après avoit fait
moudre quelques moulins & porté la ferrilicé
dans plufieurs campagnes partagées en’ fruiriers
& en potagers. G’elt de là que viennent ces ex-
cellentes poires que l’on vend à Conftantinople;
fous le nom de Poire d’Angora 3 mais elles font
fort tardives & nous n’eûmes pas le plaifir d'en
gouter. Tout ce quartier eft fec & pelé ; excepté
les fruitiers. Les Chevres n’y brouttent que dés :
brins d’herbes , & c’eft peut-êrre, comme remafs
que Busbeque ; ce qui contribué à conferver la
beauté de leur toifon, qui fe perd quand elles
changent de climar & de pâturage, Les Bergers
de Beibazar & d’Angora les peignent fouvent ;
& les lavent dans les ruiffeaux; Ce pays me fait
fouvenir de la Terre fans bois ; dont parle Tite-
Live, laquelle ne deyoic pas être éloignée de
Beïbazar , puifque le fleuve Sangaris y rouloit fes
eaux ; on n’y brüloit que de la bouze de vache ;
comme l’on fait en plufeurs endroits de l’Afe..
Nous partimes de Beibazar le 6. Novembre {ur
les neufheures du matin , & nous retirämes vers
les quatre heures du foir dans un vieux bâciment
abandonné & fans couvert .; cependant la cam
pagne eft belle & bien cultivée, quoique relevée
de buttes aflez efcarpées. On y pale la riviere
d’Aiala dans un gué profond , Ée eaux inondent
les terres quand on veut , mais c’eft pour y ©
ver de très-bon ris, Elle va fe jetter dans la mer
Noire, & nous avions déja campé à fon embou-
chûre en allant à Trebifonde, é
On monta à cheval fur les fix heures du pee
r*
C2
pu Levant: Leitre XXI. 33ÿ
Pour arriver le 7. Novembre à une heure &
demi, proche le village de Kahé, dans un Kan
fans banquette , ou pour mieux dire ; dans une
grande écuirie, La campagne commence à s’é-
lever en montagnes couvertes de Pins & de Chês
nes que l’on ne coupe jamais ; & qui neanmoins
ne font gueres plus hauts que nos taillis ; tant
les terres y font maigres & ingrates. Le 8. nous
couchâmes à Caragamons après une traite de dix
heures ; au travers d’une des plus belles plaines
d'Afie , inculte pourtant ; fans arbres , aflez fe:
che , quoique marécagenfe en quelques endroits
& entrecoupée de collines affez bafles. Les vieux
Marbres » qui font dans les Cimetiéres ; marquent
ien qu’il ÿ avoit là anciennement quelque fa:
meule ville ; mais comment en découvtir le noms
fappofé qu’il {e puille trouver encore dans quel+
que Infcription >? On ne s’y repole nulle part , &
les voituriers ne fongent qu’à éviter les vo:
Ursa |
Le 9. Novembre nous pourfuivimes nôtre
route pendant fept heures dans la même plaines
On y découvre plufeurs villages, dont les champs
{ont arrofez par une petite riviere qui fe
t© agréablement, :On s'arrêta à ÆAounptalat.
ans un mauvais Kan au lieu d’aller , comme
nous le fouhaitious ; à Eskifar qui eft à une
licüe de là, Tous les lieux que les Turcs appel-
lent Eskiffar font remarquables par leur antiqui-
» de même-que ceux que les Grecs nomment
P. aleocaftron | car ces deux mots ifient un
Vieux Château, On nous affèra qu'Eskiflar étoir
Une affez bonne ville remplie de vieux marbres :
elle eft à gauche du grand chemin de Prufe ; ne
feroit-ce point la celebre Pefinnnte ? La mareh:
ome II » à
}
“4 \
338 Va :y A 02.
= du 10. Novembre fut de 12. heures ; parmi de
belles plaines bordées de petits bois, Nous fümes
logez agréablement à Bourdouc dans un Caravan-
ferai couvert de plomb, de même que le dôme
de la Mofquée. Les Cimetiéres n’y manquent pas
de colomnes ; & l'on ne voit que vieux marbres
dans le village , mais fans Infcriptions. La mar
che du 11, Novembre fut pareille à celle du
jour precedent ; on fe retira à Kowrfounon dans
un aflez beau Caravanferai au delà d'une petite
riviere ; c’eft un pays de bois & fur tout de Ché-
nes, Le 12. Novembre on arriva à Açfou , qui
fignifie une Ean blanche. C'eft un village ; à cinq
heures de Prufe , dans une plaine bien cultivée
& bien peuplée ; après laquelle on ne trouve que
des bois de Chênes grands & petits de differentes
efpeces. Nous laïllames tout ce jour-là le mont
Olympe à nôtre gauche. C’eft une horrible chai-
ne de montagnes , fur le fommer defquelles il
ne paroiffoit encore que de la vicille neige & en
fort grande quantité. |
Il y a long-remps, MS, que je n’ai eû l’hon-
neur de vous parler Botanique , quoique nous
ayions vû de très-belles Plantes depuis Tocat ,
inêlées avec la plüpart de celles que nous avions
ebfervées en Armenie, & avec plufieurs autres
qui ne font pas rares en Europe. En approchant
du monr Olympe on ne voir que des Chênes ;-
num, d’une autre belle efpece de Cifte , que
. # Cifius ledon Creticum latifolinm. X.B,
PT
nas pe
eu
A DR Tres
ER
EU. ne ce à Leitre_ ENT.
ie Belon l°
& ais Bauhin l'a Less avec le Cifte
um , dont Bclon & Profper Alpin ont
ntion, L’Aune ; l’Icble , le Cornoüiller
melle ; la Digitale : à fleur ferruginée ;
énlit, la Ckicorés, le petit Houx , la Ron:
nt communes aux environs du mont Olyma
mais combien d’autres chofes rares n’y a-t-il
al faut {es referver pour lAHiffoire des Plan-
éLevant ; à laquelle j'efpere travailler quel
Lrriylees enfin à Prufe ; après cinq
de marche dans des défilez couverts. de
qui eft au Nord du mont Olÿmpe: On
imence à y voir des Plantes & des Chatai-
aufh hauts que les Sapins qui font fur lé”
le. À la Verité, les Landes font un peu
gâtées par les piérres que les eaux charrient ;
à mefure qu'on approche de Prufe ; ns
; font couverts. de Meuriers & de vigno-
La plüparc des Meuriers font bas & ER
lantez par pepinieres. Les plus grands font
rez les uns près des autres ; & forment de pe.
dites forêts entrecoupées. pat de grandes broffail
fquelles naît une efpece d’Apocir s
utayes.. Le plus bel endroit de cette ire F
1120 quartier du Serrail , ne paroît pas ; c'eft
K< a ai l'honneur de vous en envoyer deux
differens, Le premier a été defliné au
d-Eft fur le chemin HE ; à Fautre
339
à obfervé-fur le mont
M : : PNR —$
ë des Bains au Nord - Nord - Oüeff,
fe; capitale de l’ancienne Bithynie, eft la
plus grande & la plus magnifique ville d’Afie.
-Certe Place s'étend du Couchant au Levant au
_ . pied des premieres collines du mont Olympe,
dont là verdure eft admirable. Ces collines font,
“pour ainfi dite , autant de dégrez pour aller fur
cette fameufe montagne, Du côté du Nord la
Ville fe trouve à l'entrée d’une grande & belle
plaine où l’on ne voir que Meuriers & arbres
fruitiers. Il femble que Prufe ait été faire exprès
— pour les Turcs , car fe mont Olympe lui fournit
tantde fources, que chaque maifon a fes fon-
_ raincs ; & je n'ai point yü de ville qui en air au-
tant, fi ce n’eft Grenade en Éfpagne. La plus
> confidérable des fources de Prufe , eft au Sud-
— Oùüeft auprès d’une petite Mofquée. Cette four-
ce qui fournit de l'eau , de la grofleur du corps
— d’un homme , coule dans un canal de marbre &
va fe diftribuer dans la ville. On aflüre qu’on ?
compte plus de trois cens Minarets. Les Mol-
PSE GES
= quées font très-belles, la plüpart font couvertes :
de plomb , embeljies de dômes, de même que
les Caravanferais, Au delà de la ruë des Juifs,
à main gauche en allant aux Bains , eft une Mol-
_quée Royale , dans la cour. de laquelle font les
_ Maufolées de quelques Sultans , dans des cha-
pelles folidement bâties & feparées les unes des
s. Nous ne trouvâmes perfonne aflez inf-
+ +
AIO)
… truit pouf nous apprendre les noms de ces Sul-
_ fans On peur ‘confulter Leunclaw qui a fait
mn fort beau traité * des Tombeaux des Sul-
Re |
- b Le nouveau Serrail eft fur une colline efcar-
2 a. Libitinarins Index Ofmanidarum, Francofurii, 15914
.. Lennél, Hif. Mufilm, Lib, $.
EFRUSA,
du MontOlympe :
| pu LEVANT. Lettre XXI. 341
carpée dans le même quartier ; c’eft l'ouvrage de
Mahomet 1 V, carle vieux Serrail fut bâti du
temps d’Amurat ou Mourat I. Les Caravanferais
de la ville font beaux & commodes. Le Bezeftein
eft une grande maifon bien bâtie, où font plu-
fieurs magazins & boutiques femblables à celles
du Palais de Paris, & l’on y trouve toutes les
marchandifes du Levant, outre celles que l’on
travaille dans cette ville. Non feulement on y
confomme la foye du pays, qui paffe pour la
plus belle foye de Turquie, mais encore celle
de Perfe , qui n’eft ni fi chere ni fi eftimée. La
foye de Prule vaut jufques à 14. ou 15. piaftres
l'Oque & demi. Toutes ces foyes y font bien em- *
ployées , car il faut convenir que les meilleurs
Ouvriers de Turquie font à Prufe , & qu'ils exe-
cutent admirablement les defleins de Tapilleries
qu'on y envoye de France ou d’Iralie.
La ville d’ailleurs eft agréable, bien payée,
propre , fur tout dans le quartier du Bazar, On
y boit d’aflez bon vin à trois parats l'Oque. Le
pain & le {el y {fonc à fort bon marché, La vian-
€ de boucherie y eft bonne. On y mange d’ex-
cellentes Truites & de bons Barbeaux. Les Car-
pes y font d’une grandeur & d’une beauté fur-
Prenante , mais fades & mollafles à quelque fau-
ce qu'on Jes mette. En venant d’Angora à Prufe
on pafle un beau ruiffeau , fur un pont affez bien
âti ; ce ruifleau coule enfuite dans des vallées
de Chênes , du côté du midi. Je crois que c’eft
le Loufer qui va paler vers Montania. Il y a
dix ou douze mille familles de Turcs dans Prt
fe > lefquelles font plus de quarante milleames,
4 ne compter que quatre perfonnes par famille.
On y compte quatre cens cafes ou familles <
par > Vo Fr zac'r ? va
Juifs , cinq cens cafes d’Armeniens , &£ trois céns
familles de Grecs. Néanmoins cette ville neñous
parut pas fort peuplée , & fon enceinte n'a pas
olus de trois milles de tour. Les murailles font
S moitié ruines & n’ont jamais été belles, quoi:
que fortifiées par des Tours quarrées. On n'y
remarque ni vieux matbres ni Infcriptions. On
ne voit même que peu de marques d’antiquité
dans la ville; parce qu'elle a éré rebâtie plu-
_ fieurs fois. Sa fituation n’eft pas fi avanragéule
qu'elle paroît , puifqu’elle eft dominée par des
collines du côté du mont Olympe, 11 n’eft pér-
is qu'aux Mufulmans de Lions dans la ville,
Les fauxbourgs qui font incomparablement Jus
‘grands, plus beaux , 8 mieux peuplez ; font
remplis de Juifs, d’Armeniens & de Grecs. Les
Plaranes y {ont d’une beauté furprenante & font
un païfage admirable, entremêlez avec des mai-
fons dont les terrafles ont une vie rout-à-fait
charmante,
Les Tombeaux d'Orcan, de fa femme & de
fes enfans , font dans une Eglife grecque cor
verte en Mofquée, qui n’eft ni grande ni belle,
A l'entrée font deux groffes colomnes de mar”
bre, & tout au fond quatre petites qui ferment
le Chœur , auquel les Turcs n’ont pas ‘touché ;
ainfi leurs bafes ne font pas à la place de leurs
chapiteaux , ni les chapiteaux à la place des ;
fes, comme M'° Spon & Weheler l'ont rit:
Ce Chœur, quoique revéru de marbre ; n'a
mais été beau ; la pierre eft d’un blanc’ fale,
fombre , & jafpée en quelques endroits. Le Sanc-
tuaire y fublifte encore avec un perron à q
marches, On fait voir aux étrangers , dans le
Vecitibule de la Molquée , le prérendu Tambour
;
pu LevANT. Lettre XXI. 343
d'Orcan , lequel eft trois fois plus grand que les
Tambours ordinaires, Quand on le remuë il
fait beaucoup de bruit, parle moyen de quel-
ques boules de bois où d’aütre matiere qui le
font raifonner , au grand étonnement des gens :
du pays. Le Chapeler de ce Sulran eft aufli dans
le même lieu , fes grains en font de jay & gros:
comme des noix, Ilrefte encore à la porte de
cette Mofquée une piece de marbre fur laquelle
on lifoit autrefois une Infcription grecque , car
e 2 Pape on n’y connoît plusrien, Outre
es Mofquées dont j'ay parlé, il ya dans Prufe
plufeurs Colleges d’Inftitution Royale , où les
Ecoliers font nourris & inftruits gratuitement
dans la Langue Arabe & dans la connoiïffance de
l’Alcoran, On les diftingue par la feffe blanche
de leurs Turbans , laquelle forme des nœuds
gros comme le poing , difpofez en étoiles. On
garde dans une Chapelle Turque , auprès dela
ville , une ancienne épée fort large, que l’on
prétend être l'épée de Roland. La Chapelle eft
fur une eminence du côté du Sud-Oüeft,
Il y a un Pacha dans Prufe, un Janiffaire Aga
qui commande environ 250. Janiffaires , & un
Moula ou grand Cadi qui eit le plus puiffant
‘Officier dela ville. Dans le rems que nous y
étions , c’étoit le fils du Moufti de Conftantino-
ple qui occupoir cette place, & même il avoit
la furvivance de la charge de Moufti, qui eft
une chofe fans exemple en Turquie. Il fuivit peu
de tems après le fort de fon pere ; non feulement
le fils fur dépoïillé de {es biens & honneurs, mais
mis à mort dans le tems que le. pere fut trainé
fur une claye à Andrinople. M
Les Armeniens n'ont qu’une moe
iüij
344 Vo vaes Fr
fe. Les Grecs en ont trois. Les Juifs y ont qua-
tre Sinagogues, Nous, fümes furpris, en nous
promenant dans cette ville , d’y entendre parle
aufli bon Efpagnol que dans Madrid, Les Juifs
à qui je m'adreflai, m'aflurerent qu’ils avoient
toûjours confervé leur langue naturelle, depuis
que leurs peres s’étoient retirez de Grenade en
Afie, Il eft vrai qu'ils choifirent la ville
monde, qui par fa fituation & par fes fontaines,
reffemble le plus à Grenade , comme je l’ay dit
ci-devant,
21, Novembre nous partimes à fept heu-
xes du matin pour aller voir le mont Olympe;
: dont la montée eft affez douce ; mais. après trois
heures de marche à cheval, nous ne trouvâmes
que des Sapins & de la neige ; deforte que, fu
les onze heures , nous fümes obligez de nous.
arrêter près d’un petir lac dans un lieu fort éle-
vé. Pour aller delà au fommet dela montagne,
qui eft une des plus grandes d’Afie , & femblable
aux Alpes & aux Pyrenées’, il faudroit que les
neiges fullent fonduëés, & marcher encore pen:
dant route une journée. La faifon ne nous : pef-
mit pasd’y voir les Plantes les plus curieules.
Les Heftres , les Charmes, les Trembles; Les
aie n’y font pas rares, Les Sapins ne dif-
erent point dés nôtres, car nous en examiné”
mes les feuilles & les fruits avec exactitude. Apres
tout nous ne fümes pas trop contens de notre
herborifation , quoique nous y euffions remar-
qué-quelques Plantes fingulieres, parmi beau
coup d'autres qui font commanes fur les mo
tagnes d'Europe. C’eft près de ce mont 9 Lo
pe, que nos pauvres Gaulois furent défaits A
Manlius qui, {ous prétexte qu’ils avoient Juivi
RE HAE VA SEL ES TASSE
à FRS LES « ÿ :
pu LEVANT. Lettre XEL 36
Le parti d’Antiochus , voulur fe vanger fur eux
des maux que leurs peres avoient faits en Italie. :
+ Le 23. Novembre nous allâmes voir les nou-
veaux Bains de Capliza, au Nord-Nord.Oueft à
un mille de la ville & à main droite du chemin
de Montania. Les Turcs les appellent Jai.
Capliza, c'eft à dire Nouveaux Bains, Ce font
deux bâtimens tout près l’un de l’autre, dont le
plus grand eft magnifique , relevé de quatre
grands dômes couverts de plomb , percez com-
-me en‘écumoire , s’il m’eft permis de me fervir
de cette comparaifon ; & tous les trous de ces
dômes font fermez par des cloches de verre fem
blables à celles dont ies Jardiniers fe fervent pour
couvrir les Mclons. Toutes les fales de ce Bain
font pavées de marbre. La premiere eft fort gran-
de & comme partagée en deux par une arcade
gothique. Le milieu de cette Sale eft occupé par
une belle fontaine à plufieurs ruyaux d’eau froi-
de, & le tour des murailles eft relevé d’une ban-
quete de deux pieds, couverte de nattes, fur
lefqueiles on quitte {es habits, A droite fonc les
Salons où Fon fe baigne , éclairez par des dô-
mes percez de même que les grands. On cempe-
re dans ces appartemens les fources d’eau chau-
de avec celles d’eau froide. Le refervoir de mar-
bre où l’on fe baigne , & où Fon nage fi l’on veur,
€f dans la derniere Sale. On fume dans cette
maifon, & lon y boit du Caffé & du Sorbec ;
ce dernier n’eff que de l’eau à laglace, dans la-
quelle on délaye quelques cucillerées de Raïfiné.
Ce Bain n’eft deftiné que pour les hommes , les
femmes fe baignent dans l’autre ; mais il n’eft
pas fi beau , les dômes en font, petits & couverts
de ces tuiles creufes , qu’on appelle des Fegwieres
\
à Paris.
£ Fe
En fources d’eau chaude coulent fur le che-
min quicft entre les deux Bains. Leur chaleur
eft f grande, que les œufs y deviennent molles
dans dix ou douze minutes, & tout-à-fait durs
en moins de vingt ; ainfi l’on n’y fçauroit fouffrit
le bout du doigt. L’eau qui eft douce, ou plütôt
fade, fent un peu la teinture du cuivre ; elle fus
me continuellement, Les parois des canaux font
‘couleur de roüille , & la vapeur de ces eaux fent
les œufs couvis. Ces Bains nt fur une colline
qui fe perd dans la grande plaine de Prufe. Sur
la même croupe entre [e chemin de Montania &
de Smyrne, il y a deux autres Bains dont lun ef
nommé Cuchurtli, à caufe que fes eaux fentent
le foufre, 2 C’eft Ruftom Pacha ; gendre de So-
lyman 11, quien a fait faire le bâtiment.
A deux milles de Prufe, & à un mille des
Bains nouveaux , fur le chemin qui va de Smyr-
ne à la ville de Cechirgé , font les anciens Bains
de CapliXa , que les Turcs appellent Eski-capliz4.
Le Docteur Marc Antoine Cerci nous y accom-
pagna & nous fit remarquer que dans ce village
il y avoit un bels Imaret ; c’eft fans doute celui
qui fut fondé par ? Mourat I. Les caux du vieux
.Capliza font fort chaudes , & quoique le bâti-
“ment foit à peu près comme celui des nouveaux
Bains , & par confequent peu ancien ; il y 4
beaucoup d'apparence que ce font les eaux chau-
des Royales dont fe fervoient les Grecs, du tems
que leur Empire florifloit , & dont < Conftantin
& 4 Eftienne de Byzance ont fait mention. Ma-
? Leuncl. Ind. Libiti , Ta de cv Dipoura Baoihxà X1-
b Leuncl. Hiff. Muful. lib. yodua.
v. nr Murat Chan Gafi. d Stephan, ad vocem Oig
© De adminiftr. Imp.cap.50 pæ,
pu LevaAnrT, Leitre XXI 34?
homet I. les fit rétablir & mettre dans l’état où
elles font. Outre ce grand Bain , il y 4 dans le
même village un autre Bain plus petit, que les
Turcs frequentent aufi & où ils {e font donner
la douche, Les eaux de tous ces Bains, tant
vieux que nouveaux , blanchiffent l'huile de
Tartre , & ne font rien avec le papier bleu,
Nous connûmes deux Herboriftes à Prufe
lun Emir & l’autre Arimenien , qui pafloient
pour de grands Doéteurs. Ils nous fournirent des
racines du veritable Eliebore noir des anciens ;
autant que nous voulumes pour en faire l'ex:
trait. C'eft la même efpece que celle des Anti
cyres & des côtes de la mer Noïre. Cette Plante
que les Turcs appellent Zopléme & qui eft très
commune au pied du mont Olympe, a pour
facine un trognon ; gros comme Îe pouce ; cou-
ché en travers , long de trois ou quatre pouces ;
dur , ligneux, divifé en quelques racines plus
menués & tortués, Toures ces parties poullent
des jers de deux ou trois pouces de long ; termi-
nez par des œillerons ou des bourgcons rouge.
tres ; mais le trognon & les fubdivifions font noie
_ tâtres en dehors, & blanchâtres en dedans. Les
fibres qui les accompagnent font touffuës , lon-
gues de huit ou dix pouces , grofles depuis une
ligne jufques à deux ; peu ou point du tout che-
veluës, Les plus vieilles font noirâtres en dedans,
* d’autres brunes ; les nouvelles font blanches ; les
urfes &les autres ont la chair caflante, fans
acreté ni odeur , & font traverfées d’un nerf
rouffätre, Elles fentent comme le lard quand elles
üillent dans l’eau.
De 25. livres de ces racines, nous en tirâmes
deux livres & demi d'extrait ; brun, très-amer &
348 YAGE es
xéfineux. Il purge étant pris feul depuis vingt
grains jufques à demi gros. Trois Armeniens à
qui nous en donnâmes , fe plaignirent tous d'a
voir été fatiguez] par des naufées , des tiraille-
mens d’entrailles, d’une impreflion de feu, &
d’acreté dans l’eftomac , le long de l’'efophage ,
dans la gorge & au fondement ; de crampes, de
mouvemens convulfifs ; joints à des élancemens
violens dans la tête, qui venoient comme par
fulées, & qui fe renouvelloient quelques jours
après. Ainfi nous commençames par rabbattre la
moitié de l’eftime que nous avions pour ce grand
remede, A l'égard dés racines , il faut en ufer
cornme de celles de nôtre Ellebore , les faire
boüillir à la quantité d’un gros , ou d’un gros &
demi dans du lait , les laifler infufer pendant la
nuit ; faire chauffer le lait le lendemainau matin
& le pafler par un linge,
Les Turcs attribuent de grandes vertus à cette
Plante , mais nous ne pûmes les apprendre. Le
S" Antoine Cerci qui a pratiqué long-tems la
Medecine à Conftantinople , à Curaye & à Pru-
fe, nous affüra qu'il ne s’en fervoit plus à
caufe des accidens qu’elle caufe aux malades.
nous apprit qu'on amafloit de la Gomme Adrae
ant, à Caraiffar, ou Chareau-noir ; à Quatre
journées de Prufe. Quoiqu'il foit homme d’ef-
prit ; iln’a point de goût pour l'antiquité: il fe
moquoit de nous quand- nous parlions de la belle :
Grece & nous renvoyoit à Nicée & à Cutayt-
# o 1 4 É
Nicée n’eft qu'à une journée de Prufe, maisau.
delà d’une montagne fi occupée par les voleurs »
qu'on n’ofe y pañer fans une bonne efcort:
Cutaye n'eft qu’à trois journées de Prufe. On,
accufoit le Pacha qui y commandoit , de se
|
bu LEVANT. Lettre XXI 343
‘téndre avec les voleurs & d’en tirer une rétrie
bution confidérable, Les Caravanes mettent cinq
jours de Cutaye à Prufe ; c’eft leur chemin pour
venir de Satalié ou Attalia ancienne ville de Ca
ramanie. On va de Prufe à ÆMontania dans qua-
tre heures , & de Montania à Conftantinople par
au dans une matinée ; ainfi il ne faut qu’une
journée pour aller de Prufe à Conftantinople,
Les gens à cheval mettent trois jours pour aller -
de Prufeà Scutari. Le mont Olympe s'appelle
en Turc Anatolai.-dag. Les Grecs l'ont autrefois
nommé , L4 Montagne des Caloyers , à caufe qu’il
y avdit plufieurs folitaires qui s’y étoient retirez.
Le nom de Prufe & fa fituation au pied du
mont Olympe , ne permettent pas de douter que
cette ville ne foit l’ancienne Tpeüsa bâtie par
Annibal , s’il faut s’en rapporter à Pline, ou
Plûtôt par Prufias Roy de Bithynie qui fit la guer-
re à Crœfus & à Cyrus , comme l’aflürent Stra-
bon & fon Singe Étienne de Byzance. Elle feroit
même plus ancienne , s’il eft vrai qu’Ajax s’y
foit percé la poitrine avec fon épée , comme il
ft réprefenté fur une Médaille de Caracalla. IL
eft furprenant que Tite-Live qui a fi bien décrit
les environs du mont Olympe , où les Gaulois
furent défaits par Manlius , n’ait point parlé de
cette Place. Après que Lucullus. eur batu Mithri:
date à Cyzique , Triarius vint affiéger Prufe &
la prit, Les Médailles de cette ville , frapées aux
têtes des Empereurs Romains , montrent bien
qu’elle leur fut attachée fidélement, Les Empe-
feurs Grecs ne la pofledérent pas fi tranquille-
ment. Les Mahometans la pillerent & la ruine-
rent fous Alexis Comnene, L'Empereur Andronic
Comnene , à ce que dit Nicetas, la fit faccager
PO: © VoyAëée…s Se 0
à l’occafion d’une révolre qui s’y étoit excitée,
Après la prife de Conftantinople par le Comte de
Flandres, Theodore Lafcaris , Defpote de Ro-
manie , s’empara de Prufe à l’aide du Sultan
d'Iconium ; fous prétexte de conferver les places
d'Afie à fon beau-pere Alexis Comnene , farnom-
mé Andronic, Prufe fat aflicgée par Bem de Bra:
cheux qui avoit mis en fuite les troupes de Theo-
dore Lafcaris, Les Citoyens firent une fi belle ré-
fiftance , que les Latins furent contraints d’aban-
donner le fiége , & La Place refta à Lafcaris par
la Paix qu'il fiten 1214, avec Henri 11. Empes
reur de Conftanrinople & frere de Baudoüin,
* Prufe fut le fecond fiége de l'Empire Ochoman
en Afie, car il faut convenir qu’Angora fut la
premiere Place où les Turcs s’établirent ; ils fe
endirent les maîtres de Prufe par famine ; &
jus négligence des Empereurs Grecs. Cer il-
üftre Ochoman, que l’on peut compater aux
plus grands Heros de l'antiquité, fic bloquer la
ville par deux Forts qui l’empêcherent de rece-
voir aucunes provifons, L'un étoir aux vieux
Bains de Capliza avec uhe forte garnifon de gens
choifis , commandez par fon frere Actemur gran
homme de guerre. L'autre qui étoit fur une des
collines du mont Olympe, qui divifoient la villes
fe nommoit le Fort de Balabanfouc ; il écoit com
mandé par un Officier général de grande réputa-
tion, Comme Prufe s’affamoit tous les jours »’
Othoman que la goutte artachoit dans fon bes
ordonna à fon fils Orcan d’en faire le fiége, D'au-
tres aflürent qu'il s’y trouva en perfonne. Quoi-
qu’il’en foit , Beroles Gouverneur de la Place;
capitula le plus honorablement qu’il pût en 13274
Calvifius rapporte La prife de Prufa en 1326+ ”
| LEVANT. Lettre XXI jf
Après la défaire de Bajazet , Tamerlan vint à
Profs où il trouva les threfors que cet Empe-
reur y avoit amaflez , & dont il avoit dépouillé
les Princes voifins. On y mefuroit , à ce quedit
Ducas , les Pierres précicufes & les Perles par
boifcaux. Mais quand Tamerlan fut defcendu
du côté de Babylone , le Sultan Mahomet, fils
de Bajazet qui regna dans la fuite fous le nom
de Mahomet I, prit poffeffion de Prufe , quoi-
qu'il eût: établi le fiége de fes Etats à Tocat,
Ha-beg , un de fes freres, fe prefenta devant la
ville, mais les habitans l’abandonnérent pour fe
retirer dans Le Château , & s'y défendirent avec
tant de fermeté , qu’Ifa-beg ne pouvant l'empor-
ter , fit brûler & razer la ville. Elle fut rétablie
quelque tems après par Mahomet qui battit les
troupes de fon frere. Il femble que cette Place
étoit deftinée à fervir de joüer aux Othomans.
Solyman qui étoit un autre fils de Bajazet , fe
aifit du Château de Prufe par une faufle lettre
qu'il fit donner au Gouverneur, de la part:de
fon frere Sultan Mahomet , par laquelle il lui
otdonnoit de remettre ce Château à Solyman ;
Mais Mahomet le recouvra par le moyen du mé-
me Gouverneur, qui par un remords de con-
fcience de s’être laiffé tromper , la fit pañler entre
es mains de fon prémier maître , dans le tems
que Solyman fut obligé de pañler en Europe pour
aller défendre fes Evars qu'un autre de fes freres
avoit envahis ; & par un malheur bien extraor-
_ dinaire cette Place qui ne s’attendoit pas à chan-
ger de maître , fe vit encore expofée aux infultes
de Caraman , Sultan d’Iconium , qui la prit &
pilla en 1413. Il fit déterrer les’ os de Bajazet
& les fit brûler ; pour fe vanger de ce que cet
$ VoTritce
Empereut avoit fait couper la tête à fon pere,
Leunclaw ajoûte, que Caraman fit brûler Prufe
ên 141$. £
* Après la mort de Mähiomet I. fon fils Mourat
ôu Amurat I 1. qui fe tenoit à Amañ4, vint à
Prufe pour fe faire déclarer Empereur. On lit
dans les Annales des Sultans , qu’il y eût un fi
grand incendie à Péufe en 1490. que les 25.
Regions en furent confumées ; & c’eft pe à
que nous apprîmes que la ville étroit divilée en
plufieuts Regions. Zizimé cet illuftte Prince
Othoman , fils de Mahomet 1 I. difputant l’Em-
pire à fon frere Bajazet , faifit la ville de Prufe
pour s’aflürer de l’Anatolie ; mais ayant été batttt
deux fois pat Acomathe Général de Bajazer, il
fut obligé de fe tetirer chez le Grand Maître dé
Rhodes. C'eft ée même Zizime qui vint en Ita-
lie chez le Pape Innocent 1 V, & qui mourut à
Terracine, en accoïmpagriant le Roy Charles
VIHI. dans fon voyage de Naples,
J'ay l'honneur d’être avec un profond refpett ;
&xc. ,
pu Levant Lettre XXL, à:
RER Eden deb dd sde dede dei de dede de
LEertrRrEe XXIL
A Monfeigneur le Comte de Pontchartrain ; Secres
- taire d'Etat © des Commandemens de Sa Mas
jefté , re.
Ne
Dans l'incertitude où nous étions, fi nous ati Voÿaces
rions meilleur marché des voleurs qui font {ur de pu
| eg,
phefe.
le grand chemin de Conftantinople , ou de ceux
* qui courent fur la route de Smyrne ; nous pre-
ferâmes le voyage de cette derniere ville, dans
l'efperance non feulement de trouver des Plantes
plus rares que nous n'avions fait fur le canal
€ la mer Noire ;mais encore pour nous appro>
cher de la Syrie dont nous avions deffein de. voir
les côtes. … | hs
Nous partimés donc le 8, Decembre de Prufe.
pour Smyrne , & couchâmes. à Tarrali ; village à
trois heures & demi de marche, On palle par
Cechirgé où font les vieux Bains de Capliza, &
de là fur le pont dn Losferou Aferapli petite ri-
viere qui tombe du mont Olympe , & qui va fe
jetter dans la mer près de Aontania, Les Truites
du Loufer {ont excellentes & tour ce pays eft
beau & bien cultivé. A gauche regne une chaine
de collines, fur laquelle eft Phifidar bourgade
confidérable habitée par des Grecs, qui pour
avoir le plaïfir d’être feuls chez eux Fe se més
lange d’aucuns Turcs , payent double Capitation,
Tome III, D
s4 LE Be 3: 0
& ne voyent qu'une fois l’année un Cadi ame
bulant. fr
Le 9. Decembre après une marche de:9. heus
res , on commença à découvrir le lac d’ Abouillo-
na qui a2s. milles de tour, & fepr où huit
milles de largeur en quelques endroits, entre»
coupé de plufieurs Ifles & de quelques penin{u-
les ; c’eft proprement le grand égoût du Mont
Olympe. La plus grande de ces Ifles a trois milles .
de circonfsrence & s'appelle _Abonillona de mê-
me que le village, qui eft fans doute lPancienne
ville d’Apollonia , puifque c’eft de ce Lac que
fort la riviere de Rhyndacus qui va pañler à Ze-
padi où Lonbar. Caragas elt encore un village
de Grecs dans une autre Ifle du même Lac;
mais il s'eft mêlé quelques Turcs parmi eux.
Les uns & les autres palent d’une Ifle à l'autre
fur des Caïques à voile, pour les aller culti-
ver. Les Carpes de ce Lac pefent 12. où 1f-
ivres ; mais nous ne les trouvâmes pas meilleu-
res que celles que nous avions mangées à Pru-
e. Ce Lac s’appelloit anciennement - Sr4#4m
Artynia, Le Rhyndacus fe nommoït Lyc#ss &
peut-êtte que Lopadi petite ville à une lieue au
deflous ; eft a ville de ÆAerellopolis dont Pline
a fait mention ; mais il ne faur pas la conton-
dre avec la Æerellopolis de Strabon. “Suivant
cet Autheur le Lac d’ Abouillona s’appelloit
Apolloñiatiss & la ville qui s’y trouvoits PO’
toit le nom d'Apollonia. La Médaille de Septie
mé Severe , dont le revers reprefente uñ Va:
feau à la voile | marque bien que les habf
rans s’addonnoient fort à la navigation , & que
la ville devoir “étréréonfidéréble Gétieide" M
Aurele , au revers de laquelle fe voit le Rhyn-
de pu Livas ant XVII. #5
dâcus à longue barbe , couché & appuyé fur
_ fon urne , tenant un rofeau de la main gau-
che & pouflant de la droite un bateau , fait en-
tendre. que cette riviere étoit navigable dans ce
tems-là,
M° Vaillant affure qu'il a vû la ville d’4p-
pollonia ; & la place fur une colline ,: au pied.
de laquelle coule le Rhyrdaçus à 15. milles dé
a mer ; mais fans doute que ce fcavant hom-
me prit Lopadi pour Appollonia , laquelle né
fçauroit être que le village d’Abouillona, Apol-
lon étoit fans doute reveré dans cette ville, car
outre qu'elle en portoit le nom, ce Dieu eft
réprefenré fur une Médaille de M. Aurele de-
bout devant un trepié, autour duquel eft tors
tillé un ferpent ; Apollon y eft couronné par
Diane chaflerefle. La Médaille de Lucius Verus
reprefente aufli un Apollon debout ; le bras:
gauche appuyé {ur une colomne & tenant une
branche de laurier de la main droite, Le mé
me culre paroïît fur une Médaille de Caracalla ;
où Apollon eft debout au milieu de quatre co-
lomnes du frontifpice de fon Temple, Le mè-
Me type eft fur la Médaille de Gordien Pie. La
ville d’Apollonia étroit encore confidérable fous
l'Empereur Alexis Gomnene ; Anne {a fille rap
porte qu’elle fut, comine Prufe, pillée par les
Turcs,
On laiffe toûjours le Lac d’Abouillona à gau-
Che pour aller à Lopadi où nous couchâmes ce
jour-là, après avoir craver{é une belle plaine.
. La riviere fort du Lac, environ deux milles
à de la ville ; mais clleeft profonde &
Porte bateau , quoique depuis long-tems per-
fonne ne Hanos Le de la noyer. On la
3}
356 VoyaAaAceE
- pañle à Lopadi fur un pont de bois, à la gauche
duquel font les ruines d’un ancien Pont de
pierre qui paroït avoir été bien bâti. Lopadi
que les Turcs appellent Vimbat , les Francs Lons
bar , & les Grecs Lopadion , n’a qu'environ 100,
maifons d’aflez mauvaife apparence ; cependant
ce lieu a été confiderable fous les Empereurs
Grecs. Ses murailles , qui font prefque ruinces,
étoicnt deffenduës par des tours , les unes rons
des , les autres pentagones , quelques - unes
triangulaires ; l'enceinte de la Place eft pref-
que quarrée. On y voit des morceaux de mar-
bre antique , des colomnes , des chapiteaux ,
des bas-relicfs & des architraves , mais le tout
brizé & très-maltraité, Le Caravanferai où nous
logeâmes étoit fort fale & fort mal bâti , quoi-
qu'il y ait quelques vieux chapiteaux & quel-
ques bafes de marbre,
L'Empereur Jean Comnene qui parvint à
FEmpire en 1118 , fit bâtir le Châreau de
Loubat dans le tems qu'il alloit combatre les
Perles ; il eft prefque rout démoli préfente-
ment, Nicetas aflüre que ce même Empereur
avoit fait bâtir la ville de Lopadion lorfqu’il
voulut aller reprendre Caffancone {ur les côtes de
a mer Noire. Tout cela fe peut aifément conci-
lier , en difant que Jean Comnene avoir-faic e
bâtir le Château dans un de fes voyages les
il ft
murailles de la ville dans Pautre ; car
Certain que cette ville eft encore plus ancien
ne, puifqu'elle fut pillée par les. MahometanS
ous l'Empereur Andronie Comnene qui regnoit
en 1081. Lesreftes des marbres qui S'Y trou
vent, marquent encore qu’elle eft plus an€léPe
ne que les Comnenes , à moins qu'on RE 7
FE
FA
3%
nd
pu LEVANT, Lettre XXII 357
añt fait venir par eau, des ruines d’Apollonia,
_ En effet , il y a quelque apparence que les ha-
bitans de cette ville , pour la-commodité de leur
commerce , s’étoient infenfiblement tranfpor.
te à l'endroit où eft Loubat , & qu'ils l’avoienr
appelléce Apollonia | après avoir abandonné l'an.
cienne Apollonia qui eft dans la plus grande
Ifle dont on vient de parler ; car Anne Com-
nene rapporte , que fous Alexis Comnene ,
Helian fameux Général Mahometan , s'étant
faifi de Cyzique & d’Apollonia , l'Empereur y
envoya Euphorbene Alexandre pour l'en chaf-
fer. Alexandre fe rendit le maître d’Apollonia,
en forte qu'Helian fur contraint de fe retirer
dans le Château ; maïs le fecours ayant paru,
les Chrétiens leverent le fiége, & comme ils
vouloient fe retirer par la mer , Helian qui étoit
e maître du pont , les enferma dans la riviere
& les tailla en pieces. Opus qui commandoit
l’armée , après la défaite d’Euphorbene, répara
cette perte ; non feulement il reprit Apollonia,
mais il obligea Helian de fe rendre , & le fe
pañler à Conftantinople où 1l fe fit Chrêtien avec
deux de fes plus fameux Généraux. 11 femble que
cela prouve que Lopadi avoit pris lenom d’4-
Pollonia dans ce tems-là.
Andronic Comnene envoya une armée à Lo-
Padi pour ramener à leur devoir les habirans
ui , à l'exemple de ceux de Nicée & de Pru-
Æ, avoient abandonné fon parti. Après la pri-
fe de Conftantinople par le Comte de Flandres,
Pierre de Bracheux mit en fuite les troupes de
Theodore Lafcaris , à qui Lopadi refta par la
paix qu'il fit avec Henri, fuccefleur de Bau-
Zip 17
TC SERRE
F fie
GNT
358 _ % s
doùin Comte de Flandres & premier Empereur
Latin d'Orient, :
Après que le grand Othoman eût défair le
Gouverneur de Prufe , & les Princes voifins
qui s’éroient liguez pour arrêter le cours de fés
conquêtes , il pourfuivit le Prince de Tecx ju£-
ques à la tête du pont de Lopadi , & fir dirg
au Gouverneur de [a Place , que s’il ne luien-
voyoit fon ennemi égorgé , il pafleroit le pont
& mettroit tout à LE & à fang, Le Gouver-
neur répondit qu'il le fatisferoic , pourveu qu'il
jurât que ni lui ni: fes fuccefleuts ne pafleroient
jamais le pont. En effec, depuis ce tems-là les
Othomans ont roûjours paflé cette riviere Eh
bateau, Othoman fit hacher en morceaux le
Prince de Teck à la vüc de la Citadelle, & fe
faifit de la Place, Lopadi eft auffi fameux dans
l'Aifloire Turque -pax la défaite de Muftapha , que
de: Rhyndacus left dans l'Aiffoire Romaine PA
cche de Mithridate, ,
… Ce Général qui venoit d’être battu à Cyzi-
que, ayant appris que Lucullus affiégeoïr tin
Château en Bithynie, y pañla avec fa cavale-
tie & le refte de fon infanterie , dans le deffein
de le furprendre ; mais Lucullus averti de fa
marche le furprit lui-même malgré la neige &
Ja rigüeur de la faifon. H le bacrir à la riviere
4e Rhyndacus ,; & fit un figrand carnage de fes
roupes, que Îles femmes d'Apollonia fortirent
de leur ville pour dépoüiller les morts & pou”
piller le bagage. Appien qui convient: dé cette
viétoire , a oublié la plûpart des circonftances
dont Plutarque nousa inftruits,
À l'égard de Ia bataille qu'Amurat rempor”
tafur fon Oncle Muftapha , les Aûteurs la rap-
ne pu LEevANT,. Lettre XXII, 359
portent diverfement. Ducas & Leunclaw pré-
tendent qu'Amurat fit mettre à bas Le pont de
Lopadi , pour empêcher fon Oncle de venir à
lui. Nous en avons vû les reftes ; & depuis ce
tems-là on a fait le pont de bois fur lequel on
palle pour aller à la ville. Muftapha fe voyant
abandonné de fes alliez , ne fongea qu’à pañler
en Europe. Calcondyle aflüre qu’Amurat fit jer-
ter un pont fur la riviere. On peut lire Leun-
claw fur les autres particularitez de l’aétion , car
il prétend qu'il y eût un fanglant combat , & que
Muftapha fut l’agrefleur.
M'Spon n'a pas eû raifon de prendre le Lac
de Lopadi pour le Lac Afcanius, non plus que
d’affürer que la riviere de Lopadi fe jette dans
le Granique. Le Lac 4/canius eft le Lac de Ni
cée , que les Grecs appellent Nixaca , & les
Turcs mich. M! Tavernier dir, que ce Lac
fe nomme Chabangioul , à caufe de la ville de
Chabangi qui eft fur fesbords, à $. ou 6.wil-
les de Nicée. Strabon place le Lac Afcanius
près de cetre ville, Pour ce qui eft du Grani-
. que, il eft affez éloigné de Lopadi , comme nous
J'allons voir, & l’on reconnoît l'embouchure di
Rhyndacus par une Ile que les anciens ont nom-
mée Besbicos.
On féjourna à Lopadi le lendemain 10. De-
cembre, parce que cinq marchands Juifs de
Prufe ,.. qui. avoient le même voiturier que
nous ; avoient mis dans leur marché qu'on fe
repoferoit le jour du Sabbat ; ainfi nous quittä-
mes Ja grande Caravane, & nous ne nous trou-
vâmes plus que fix perfonnes avec des fufils,
fçavoir nous trois , deux voiruriers , & les Juifs
qui tousenfemble n’avoientqu’un méchant mouf-
tij
;
36e . Voy Rs
queton à rouet , plein de crafle , & qu'on ne
ouvoit pas charger faute de baguerte, Ces
Dress gens apprehendoïent fi fort les Turcs,
qu'ils fe cachoient du plus loin qu'ils en appere
cevoient.; quand ils ne pouvoient pas fe cacher,
ils quittoient leurs Turbans à fefle blanche. Nous
avions pris des Turbans blancs à Angora , afin
de n'être pas connus pour Francs par les vo-
leurs , qui les dépoïillent impitoyablement.
Nous en rencontrâmes pourtant çinq , armez de
lances , entre Prufe & Lopadi ; mais tout fe pafñla
honnêtement de leur part,
Le lendemain 11, Decembre nous continuâ-
mes nôtre route dans la Afichalicie, laquelle
fait une partie dela Afifie des anciens , & mar .
châmes jufques fur les deux heures dans une
grande plaine, bien cultivée , relevée de quel-
ques «A bes couvertes de bois ; mais on n€
voit fur le chemin que Sgwericui méchant vil-
age à droite, On laifle à gauche un puits 3 bal
cule pour la commodité des palfans, Enfuite on
pañle une petite riviere qui va fe jetrer dans le
Granique ; après quoi nous nous trouvämes IF
le bord de cette riviere, Ce Granique , dont on
n'oublicra jamais le nom tant qu’on parlera d'A-
Îexandre , coule du Sud-Eft au Nord, & €n-
fuire vers le Nord-Oücft avant que de romber
dans Ja mer ; fes bords font fort élevez du cote
qui regarde le couchant, Ainfi les troupes #
Darius avoient un grand avantage , fi elles ©
avoient fcû profiter. Cette riviere fi fameue
par la premiere bataille que le lus grand Ca-
pitaine de l'antiquité gagna fur És bords, s'ap-
pelle à prefent Soufonghirli , qui eft le no”.
d'un village où elle pañle ; & S'oufonghirii veut
. DU LEvANT. Lettre XXII, 361.
dire le Village des Bufles d’eau. Nous palmes
Je Granique fur un pont de bois qui ne nous
parut pas trop für, Les Caravanferais de Sou-
foughirli font de vilaines écuries dont la ban-
quette, qui n’a que deux pieds de haut, n’eft
large qu'aurant qu’il le faut pour fe coucher en
travers , mal pavée & pleine d’ordures , avec
de méchantes cheminées à cinq ou fix pieds les
unes des autres. On voit pourtant quelques co-
lomnes & quelques vicux marbres dans le vil
lage , mais fans iufcriprions. L’Agnus caflus ,
& |’ Afphodele jaune font communs fur les bords
du Granique. ‘M: W/cheler a pris cette efpece
d'Afphodele pour celle qui a les feuilles fftu.
leufes ; mais je ne comprens pas comment il en-
“tend qu’Alexandre rencontra l'armée de Darius
fur le Granique en deca du Mont Taurus proche
lEuphrate, -
+ Le 12. Decembre nous partimes à quatre
heures & demi du matin , & n’arrivimes qu'a-
près douze heures de marche à Afardragoia mé-
chant village fur qui on ne jetteroit pas les yeux
s’il n’y avoit quelques vieux'marbres ; les Pro a
nes du Caravanferai où nous logeâmes , quelque
antiques qu’elles foient, ne font que dégroffies ;
& fuivant les apparences elles refteront long-tems
<h cet état. Frs
Ces reftes d’antiquicez ont fait conjetturer à
*Spon, que AMandragoia pourroit bien être
la ville de A£andrapolis dont Pline a fait men-
tion, Pour aller de Soufoughirli à Mandragoia,
On traverfe une montagne que M'Wecheler a
prife pourle font Timnus 3 & nous ne pümes
découvrir les mafures de cette ancienne Cita-
delle, que l’on prétend qu’Alexandre fit bâtir
362 . EN 0 Y-A-c 3
après la bataille du) Granique, parce que nous
-partimes avant le jour. Le mont Timnus n'eft
-pas fort haut , mais il eft fort étendu , & fes
coteaux font couverts de perits Chênes, de Ge-
nets d'Efpagne ; &d' Adrachne. La Porte de Fer
ft un méchant Caravanferai abandonné , dans
une de fes vallées ; fur un ruifleau qui coule vers
le Levant ; heureufement nous palmes tous ces .
défilez dans une faifon où les voleurs ne fçau-
soient tenir la campagne.
.: Le 13. Decembre après une route de dix
heures , par des défilez remplis de Chênes, de
Pins, & de Phillipea, que lon brûle fouvent
pour multiplier les pâturages ; nous couchâmes
à Conrougoulgi , & nous trouvâmes à moitié che-
min de Mandragoia le village de Tchoumlekechi.
On ne voit que nids de Cigognes fur les Cara-
vanferais de la route ; ces nids font comme de
grands paniers creufez en baflin , tiffus confu-
-fément de branches d'arbres, Les Cigognes ne
manquent pas d’y revenir cous les ans faire leurs
petits, &: les gens -du pays ; bien loin de les
-chafler , ont ces Oyfeaux en fi grande venéra-
tion, qu'ils n’oféroient toucher à leurs nids.
:Un étranger feroir mal reçü s’il s’aviloit de nd
-deflus. DÉS |
Pour ce qui eft du ruilfeau qui palle à une
promenade de Mandragoia , & que M' Spon
‘pôit pour le Granique, c’eft le Fourtiffar qui
defcend du mont Timnus , & qui pourroit bien
être le Caïcus des anciens, Nous mangeämes
ce jour-là , pour la premiere fois ,, du fruit d'4-
drachne ; ice fruit eft clair-femé fur des grp-
pes branchuës & purpurines ;. prefque -ovale»
dong de demi pouce, chagriné à grains appla-
.
pu LEVANT? Leñre XYYII. 63
tis , ‘au lieu que ceux de lÆrboufier font à grains
pointus.. Celui de PAdrachne finit par un petit
bec noirâtre, long de demiligne ; la chair en
eft rougcârre, tirant fur l’orangé , jatinâtre en
dedans , plus ou moins agréable au goût ; fui-
vant que les fruits font conditionnez ; ils me
parurent-plus âpres que ceux de lArboufier ,
cependant ils font de même ftruéture , divifez
en cinq loges, remplies chacune d’ün placen-
ta charnu , chargé de graines longues d’une li-
gne , brunes, pointuës par les deux bouts’; in
peu coürbes & comme triangulaires; dans leur
longueur ; ce fonc des pepins dont la chair eft
blanchâtre,
L'Origan que M° W/cheler marque dans le
mont Sypila , eft fort commun dans tous ces
quartiers-là.; dé mêmeque la Sage de Candie
de Clufus, le Thym de Crete des anciens , le
Terebinthe ; l'Echinophorade Columna. L’ Affer
tomentofus , Verbafci folio. La Valeriana tubero[a
mp. & plufieurs autres belles Plantes,
Le 14. Decembre nous ne marchâmes qu'en.
Viron fix heures, & paflâmes fur une autre mon.
tagne moins clevée & moins rude, érenduë &
entrecoupée de plufieurs vallons pleins dé Ché-
nes grands & petits , entremélez de quelques
Pins de Tarare , de Phillyrea, d'Adrachme , de
Terebinthes. Nous arrivâtnes à Bashelambai ,
urgade aflez jolie où nous mangeñmes de
bons Melons d’hyver , auffi longs que ceux de
Vera en Efpagne ; mais leur chair eft blanche,
“point vineufe , quoique d'ailleurs affez agrca-
ble, On pañe deux ruifleaux avant que d'arriver
: à Baskelambai ; ce lieu eft fitué dans une plaine
L
364 VoyaAcer ee =
— biencultivée, & l’on y fair un grand, commerce
de Coton, us
Le 15, Decembre nous continuâmes de mar
- Cher dans la plaine de Baskelambai où pañfé une
petite riviere. On monte enfuite fur une mon-
tagne aflez plate 3 &: Fon entre dans la grande
plaine de Balamont où l'on cultive beaucoup de
Coton, Balamont fut nôtre gîte après une mar®
che de huit heures. C’eft un aflez beau lieu fur
un ruifleau qui va vers le Sud-Oücft. On voit
plufieurs colomnes brifées dans cette plaine, &
les deux . Caravanferais de Balamont , qui ne font
féparez entre eux que par une grande cour ; font
pleins de colomnes de marbre & de Granit qui
en. foûtiennent les poutres ; on y.a même en-
taflé des bouts de colomnes , Cntremêlez de cha-
piteaux & de bafes, ce qui fait un très-mau-
vais effet. Nous découvrimes dans ce village un
chapiteau fi bien travaillé, que je n’ai pû m’em.
pêcher de le faire graver, Les collines qui font
à droite & à.gauche laiflent entre elles de belles
plaines femées de Coton. Achiffar ou l’ancien-
ne Thyatire, qui eft une des fept Eplifes de l'A-
pocalyple , eft à gauche du chemin de Balamonr.
Kircagan eft une grande montagne à une heure
& demi de. Basrelambai ; OÙ il y a une autre
ville me Les Turcs donnent aifément les
47 oui de Karaifar, c'elt à dire
pe Me Ou de Château noir ; d'Eskiffer
ou de eni * Re 7,
> Chatean vieux ou Chätean neuf ;
fuivant leur caprice, :
Le 16, Decembre nous marchâmes depuis
trois heures du matin jufqu’à midi, dans un
pays aflez plat , terminé Par cette grande plaine
Tom-3 . pre s6s |
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CT
Magnëie ; bornée au Sud par le mo Sypi-
; & éctre montagne , quoique fort étenduë
haute que le mont Olympe. Le plus haut fom-
que par leur fituation ; car on ne voit ni bel.
_ les Eglifes ni beaux Caravanferais dans Magne-
fie, & l’on n’y fait commerce qu’en Coton,
La plüpart de fes habitans font Mahometans.
Ecs Juifs qui y font en plus grand nombre que
- les Grecs ni les Armeniens, y ont trois Syna=
| gogues. La Citadelle eft f négligée qu’elle tom-
€ en ruine, de même que le Serrail , dont tout
— Fornement confifte: en quelques vieux Cyprés.
_ La verdure eft incomparablement plus belle aux
, environs de Prufe ; & le mont Sypilus n’eft pas
* comparable au mont Olympe! ; mais aufli la
> rivicre d'Æermus, qui nous parut beaucoup plus
… Brande que le Granique , eft d’un grand orne
nent à tour le pays, Certe riviere en reçoit deux
autres, dont l’une vient du Nord ,& l'autre de
: FER, Elle pafle à demi lieuë de Magnefe fous
.Unpont dé bois , foutenu par des piles de pier-
re. Après avoir travet{é la plaine du Nord Nord.
lt vers le Sud , elle fait un-grand coude avant
> de venir au pont ; & cirant fur le couchant
fe jetter dans la mer entre Smyrne & Phocée,
: Va fort bien remarqué Strabon ; au lieu
tous nos Geographes la font dégorger dans
lphe de Smyrne , en deçà de la
Sn Ti
chôre de grands bancs de fable, à l’oc=
defquels les
vaiffeaux qui entrent dans le
Dé LevANT, Lettre XXII. 365
le l'Eft à l'Oüeft ; nous parut beaucoup moins
as Aa Cérie ciridhé Portié"à: fon.
T.A GE
366 .
& de venir pañler à la vuë du Château de la
arine,
On pañle les Marais qui font entre l’Hermus
& Magncfie fur une belle jertée d’un quart de
licuë de long ; dans laquelle on a employé quan-
tité de marbres & de jafpes antiques ; il yen
a quelques-uns dans les murailles de la ville,
mais nous n’y découvrimes aucune Infcription,
La plaine de Magnefe, quoique d’une beauté
furprenante , eft prefque toute couverte de T4-
maris, & n'eft bien cultivée que du côté du
Levant : la fertilité en eft marquée par une
Médaille du Cabinet du Roy ; d’un côté c’eft
Ja tête de Domitia, femme de Domitien ; de
l’autre un fleuve couché , lequel de ia main
droite tient un rameau & de la gauche une corne
d’abondance, Patin en a donné une d’un fembla-
ble type ; aufli Strabon remarque-t-il que l’Her-
mus eftun de ces fleuves qui engraïflent les ter-
res par leur limon,
On ne brüle dans cette ville que du bois d’A-
drachne que le mont Sypilus fournit, Les mare
chands Juifs de nôtre Caravane nous obligerent
d'y féjourner le 17. Decembre ; & pour nous
dédommager du rems perdu , nous firent trou-
ver d’excellent vin chez leurs confreres , à huic
parats les mille dragmes ; comme üls parlent;
ces mille dragmes : pelent deux Oques , c’eft à
dire cinq livres. Le froid éroit rude , & la
tramontane fouffloit cruellement , mais ilne gela
as. | Te
Nous nous amusâmes ce jour-là à herborifer
fur le mont Sypilus qui eft tour efcarpé du côté
du Nord, & parmi des roufes de Lawriers-rofes
= - v ”
"deSmyrne font obligez de ranger la côte
LEVANT. Lettre XXII. 367
& d’'Adrachne nous trouvâmes dans les précipis
ces quelques plantes rares que nous avions vüés
en Candie , fur tout la Faces.
La Decfle Sypilene avoit pris fon nom de cet.
te montagne , ou pour mieux dire Cybele la me-
re des Dieux ; avoit été nommée Sypilene, par-
ce qu’on la reveroit d’une maniére particuliere
dans le mont Sypilus ; ainfi il n’eft pas furpre-
nant qu’on voye tant de Médailles de Magnefe,
fur le revers defquelles certe Deefle eft répre-
entée , tantôt fur le frontifpice d’un Temple à
quatre colomnes , tantôt dans un char. On ju-
roit même, dans les affaires les plus importan-
tes , par la Deefle du mont Sypilus, commei
paroît par ce précieux marbre d'Oxford où eft
gravée la ligue de Smyrne & de Magnefe fur
le Meandre , en faveur du Roy Seleucus Calli-
MICUS,
Du haut du mont Sypilus, la plaine paroït
admirable & l’on découvre avec plaifir tout le
cours de la riviere. Tantôt nous nous reprefen-
tions ces grandes armées d’Agefilaus &cide Tifs
apherne , tantôt celles de Scipion &"d’Antio-
chus , qui difputoient l’Empire d’Afie dans &es
vafles campagnes. Paufanias aflüre qu’Agefilaus
battit l’armée des Perfes le long de l'Hermus;
& Diodore de Sicile rapporte, que: ce fameux
Général des Lacedemoniens , cendant du
mont Sypilus , alla ravager tous les environs
de Sardes. Xenophon prétend que la baraillefe
donna le long du Paétole , lequel fe jette ‘dans
FHermus. RTE
À légard de la bataille de Scipion & d’An-
tiochus , elle fe donna entre Magneñe: & la xi-
viere d'Hermus , que Tite-Live & Appien ap-
368 . Vo races
pellent le Fleuve de Phrygie, Cette grande ac>
tion qui donna une fi haute idée de la vertu
Romaine en Afie , fe pafla fur le chemin de Ma-
sg à Thyatire, dont les ruines font à Ackif-
at ou Chateau blanc. Scipion avoit fait avan
cer fes troupes de ce côté-là ; mais comme il aps
pri qu’Antiochus étoit venu camper avantageu-
ement autour de Magnelie , il fit pañler la ri-
viere à fon armée & obligea les ennemis de for-
tir de leurs retranchemens , & de combattre, On
voyoit, dit Florus, dans l’armée de ce Roy,
des Elephans d’une grandeur épouvantable , qui
brilloient par l'or , l'argent ; l’ivoire & la pour-
pre dont ils étoient couverts, Cette bataille , qui
fut la premiere que les Romains gagnerent en
Afie , leur affüra le pays jufques aux guerres de
Mithridate,
… Après la prie de Conftantinople par le Com-
te de Flandres? Fezx Ducas VaratXe , gendre &
des villes de Lydie, | :
. La guerre de Sicile étant finie entre le Comte
de Valois & Frideric Roy de Sicile , fils de Pier-
re d’Arragon ; les Catalans, qui avoient fervi
fous' Frideric , palérent dans les troupes d’An-
dronic Empereur de Conftantinople , qui éroie
en guerre avéc les Turcs, Roger de Flor, Vice-
Amiral de Sicile, vint en Afie à la têce des
troupes Catalanes, & bactie les Mahometans en
1304,
BR mppnditans sb < “à
[VO APCE
r
pu LEevanr. Lettre X NII. 369
1304. & 130$, mais les defordres & les violen-
ces que les Catalans commertoient contre les
Grecs, ayant obligé ceux de Magnefie , fou-
tenus d’Ataliote leur Gouverneur , de fe foule.
ver contre la garnifon Catalane & de lPégor.
er ; Roger qui y avoit laiflé fes chréfors ,
vint mettre le fiége devant la Place , laquelle
fe deffendic fi bien , qu’il fut contraint de fe
retirer.
Amurat II. choifit Magnefe pour y pafler en
repos le’refte de fes jours, après avoir mis fur
le Throne des Othomans fon fils Mahomet I I,
néanmoins les guerres que le Roy de Hongrie
ean Hunniade lui fufcitérent en Europe,
l'obligérent de quitter fa folitude, car fon fils
étoit trop jeune pour foûtenir un fi grand far.
deau, Amurat paffa le canal de la mer Noire à
Neocaftron , vint à Andrinople , & marcha con.
tre les Princes Chrétiens. : le Roy d'Hongrie fur
tué, Hunniade mis en fuite,
Après certe fignalée viétoire , les Vifirs par
leurs inftances obtinrent que le Sultan repren-
droit le foin des affaires, & Mahomet fe retira
à Magnefe. Les Turcs firent des environs de
cette Place une petite Province , dont Magnefie
étoit la capitale & où Corcut fils de Bajazer IT,
a regné. Le grand Solyman II. fit aufli fa ré
fidence à Magnefie jufques à la mort de fon pere,
Sultan Selim s’en rendit le maître & en chafla un
autre Corcut Prince Othoman, Il n’y a point
de Pacha dans Magnefie , mais un Afoufelin &
un Sardar y commandent, Les Grecs y font pau-
vres & n’y ont qu'une Eglife.. - |
Le 18. Decembre nous montâmes encore fur
le mont Sypilus pour alle à Smyrne. Le che>
Tome III, ; Aa
e
ES Es" L ë za NE Se srl
; V o :
din eft rude & la montagne fort efcarpée : auffi
Plurarque dit qu'elle s’appelloit la Afonragre de
a Fondre, parce qu'il y tonnoit plus (Énvése
que fur les autrés qui {ont aux environs ; &
c’eft apparemment pour cela qu'on a frappé à
Magnefie des Médailles de M, Aurele , du vieux
Philippe, d’'Herénnia , & d’Etrufcilla, dont les
revers réprefentent Jupiter armé de fa foudre.
Apres huit heures de marche nous arrivâmes à
Smyrne, 1] n’y a rien de plus commun fur certe
route que lAdrachne ; on en chauffe les fours,
on en-couvre même le haut des murailles des
jardins & des vignes , pour fes garentir de la
pluye.
+ Smyrne eft la plus belle porte par où l'on
ë puiflé entrer en Levant ; bâtie au fond d’ane
… baye capable de contenir la plus grande armée
_ navale du monde, Des Sept Egliles de FApo-
“calypfe , c’eft la feule qui fubfilte avec honneur;
elle doit cer avantage à Saint Polycarpe, à qui
* Saint Jean, quil'avoit formé dans lEpifcopar,
écrivit par ordré du Seigneur. Soyez fidéle juf-
ques à La rmbrt | je vous donnerai La couronne de
; die. Les autres villes que S. Jean avertit per
ordre du Seigneur, font ou de miferables vil- |
lages , Ou d’autres rout-à-fair ruinez, Cette ik
Juftre ville de Sardes | fi renommée par les f,
guerres des Perles & des Grecs ; PergameCa*
pitale d’un heaw Royaume ; Ephefe qui fe glos
rifioit d’être la Metropole’ de toute l’Afe ; Ces
trois celebres villes font de petites bourgades bâ-
ties de boue & de vieux marbres. Thyatire ; Phi-
Jadelphic , Laodicée, ne font connuës que Par
quelques reftesd’Infcriprionsoù il eft fait méRe
tion de leurs noms, : |
proche le Girque
de
î
à
À,
S
À
%
ÿ5
à:
LEevAN‘T. Lettre XX 71. 372
Smyrne eft une ‘des plus grandes & des plus
riches villes du Levant. La bonté de fon Port 3
fi néceffaire pour le commerce ; Fa confervée &
fait rebâtir plufieurs fois ; après avoir été ren-
verfée par les tremblemens de terre, C’eft com-
me le rendez-vous des marchands des quatre
parties du monde , & l’entrepôr des marchan
difes qu’elles produifent, On compte quinze
mille Turcs dans cette ville ; dix mille Grecs,
dix-huit cens Juifs, deux cens Armeniens , au
tant de Francs. Les Turcs y ont dix-neuf Mof-
quées , les Grecs deux Egliles, les Juifs huit
Synagogues , les Armeniens-une Eglife , &les
Latins trois Couvens de Religieux, L’Evèque”
Latin n’a que centécus Romains de rente ; ce:
lui des Grecs a mille cinq cens piaftres, Quoi-
que celui des Armenïiens ‘ne fubffte que par les
aumOnes de fa nation , il eft le mieux partagé
de rous les Prélats Chrêriens.: On amafle ces
aumOnes les Fêtes & les Dimanches ;: & on)
affüre qu’elles montent à fix ou fepr bourfes
par an, Le: abri 3ia8t-Bnir
… La fituation de Smyrne eft admirable La ville :
s'étend tout le long de la marine ;: atipiedi d’u- !
ne colline qui domine le. Port. Les ruës!y font :
mieux percées , mieux payées & les maifons
mieux bâties que dans les autres villes. de rerte :
rme. La ru des Francs, qui eft le plus bel
€ndroit de Smyrne , regne tout le long-du Port.
On peut dire que c’eft un des. plus riches niaga: »
zins du monde: ; aufli la ville eft placée com
me au centre du commerce du Leganc ; à huït :
journées de Conftantinople par rerre & à 400.
milles par eau, à 2 $. journées d'Alep par Caras 4
HR QUE RS NAS |
Ludr
a - Vo: y AGE |
vanés, à fix journées de Cogna , à fept de Cutaye,
& à fix journées de Satalie. |
Il ny à point de Pacha dans Smyrne , mais
feulement un Sardar qui commande deux milles
Janiflaires logez dans la ville ou aux environs
La Juftice y eft adminiftrée par un Cadi. La ne-
tion Françoife éroit composée. en 1702. d'envi-
_ron 30. marchands bien établis, fans compter
plufeurs autres François qui y faifoient un come
merce moins confidérable, ‘La nation Angloile ÿ
étoit nombreufe auf, & leur negoce étoit flo
rilante int, est 231! but
Dans le temsque nous érions à &myrne: la
nation Hollandoife n’étoir compofée que de 18:
où 20, marchands bien établis & fort eftimez.
IL n'y avoit que deux Génois ; qui ñegocioient .
fous la Banniere.de France. 11 y réfidoit un Con-
ful. de: Venife-,-quoiqu'il n'y eût auçun MA
. chand de-cette nation. C’étoir le Signor Lap#%*
Yolo véncrablel-vicillard de 118. ans ; qui fe van
tait d'être. dans le troifiéme. fiécle de fa ie»
puilqu'il étoit né fur la fin de 1500. & nousié
regardions comme le Doyen du genre humain.
Il étoit d’une taille moyenne & quarrée ; il mou-
| run quelque tems après. On aflüroit qu'il av0/
cù près de 65, cnfans de cinq femmes qu'il AvOIF
_époufées fans. éomprer fes. maîtrefles m2
plexion
efélaves., car le bon homme étoit de com
amoureufe.… Ce qu'il y a de plus certain ; c'e
que le plus vieux de fes garçons eft mort avant
lui, âgé de 85.'ans, & la plus jeune de fes filles
n'en avoir que feize pour lors. :
Les Caravanes de Perfe ne ceffent d'arriver à
Smyrne ; depuis la Touffaints jufques en May
& Juin. On y porte quelquefois jufques à deu*
nds nie à
RON et A de ae GR de de UT Ge a One à ve ss cé dou te EL, QE
"pv Levant. ete XXII. 373
filles balles de foye par an, fans compter les
drogues & les toiles. Nos François y portent de
là Cochenille ; de l'Indigo ; de la Salfepareille,
du bois de Brefil & de Campech; du Verd de
Gris, des Amandes, du Tartre , du Poivre,
de la Canelle , du Girofle , du Gingembre, de
la Mufcade, Les Draps de Languedoc ; les Sera
ges de Beauvais ; les Cadis dé Nifmes, les Pin
chinats, les Satins de Florence , le Papier ; l'E:
tain fin, le bon Acier & les Emaux de Nevers
ÿ font de bonne débire. Avant que nôtre com-
merce y füt bien établi; les marchands des au-
trés nations nous appelloient Æ4ercanti di Bar-
retti, parce que nous fourniflions; de mêmé
qu'aujourd'hui , prefque tous les bonnets & les
calotes de laines. Nous y portions aufli de là
Fayance ; mais la plus grande quantité eft en-
voyée d’Ancone, On eftime à Smyrne les Foüi-
nes de France , & fur tout celles du Dauphiné 3°
dont on fe fert pour les fourrures. Une four-
ture de vefte s'y vend depuis ço. jufques à 80:
écus ; on mêle les plus foncées en couleur , avec
le Samour qui eft la Marre Zibeline ou la Fouirié
de Mofcovie. On craploye beaucoup plus de ces
peaux de Foüines qui viennent par la Sicile , que
de celles de France , mais elles y font moins che-
res , parce que celles de France pañlent fur le
pied des Foüines d’Armenie & de Georgie.
Outre les foyes de Perfe & le fil de chevre
d'Angora & de Beibazar ; qui font les plus xi-
Ches marchandifes du Levant; nos marchands
tirent de Smyrhe le Coton filé ou Caragach , le
oton eti rame , les Laines fines ; les Laines bâ-
tardes, & celles de Merelin, les Noix de Gale,
Cire, la Scamoriée , laRhubarbe, lOpium,
Aa iij
374 FE VO YA ER
l'Aloës , la Tutie , le Galbanum , la Gomme
Arabique ; la Gomme Adragant ; la Gomme
Ammoniac , le Semen contra, V'Encens , la Za-
doavia , & des Tapis grands & communs.
Toutle commerce fe fait par l’entremife des
Juifs, & on ne fçauroit rien vendre ni acheter
qui ne pañle par leurs mains. On a beau les rrai-
ter de Chifous & de malheureux, rien ne {e
meut que par leurs organes.Il faut leur rendre ju-
ftice , ils ont plus d’habileté que les autres mar-
chands ; ils vivenc d’ailleurs à Smyrne d’une
maniere aflez aifée, & ils y font une dépenfe
fort honorable , ce qui paroît très-extraordinai-
re parmi une nation qui n'étudie que l’art de
leziner, Les marchands étrangers vivent entr'eux
avec beaucoup de politefle, & ils ne manquent
à aucune vifite de céremonie ou de bienféance.
Les Turcs paroiflent rarement dans la ruë des
- Francs, qui eft de coure la longueur de la ville.
Il femble , quand on eft dans cetre ré , que
lon foit en pleine Chrêtienté ; on n'y parle
qu'iralien , François , Anglois , Hollandoïs.
Tout le monde fe découvre en fe faluanr. On
y voit des Capucins, des Jefuires, des Reco-
lets. La langue Provençale y brille fur routes
les autres , parce qu’il y a beaucoup plus de Pro-
vençaux que d’autres nations, On chante publi-
quement dans les Eglifes, on pfalmodie, 0
Prêche , ony fait le fervice Divin fans aucun
trouble ; mais d’un autre côté on n’y garde P25
affez de mefures avec les Mahometans ; caf les
Cabarets ÿ font ouverts à toutes les heures du
jour & de la nuit. On y joüe, on y fair bon-
ne chere , on y danfe à ia Françoife , à le Gree
que, à la Turque, Ce quartier feroit crès-bealt
bu LEvANT: Lettre XXII. :33$
sil y avoit un Quay fur le Port, imais la mer
vient battre jufques au derriere des maifons, : &
les batteaux entrent, pour ainfi dire; dans les
Magazins,
. M' Royer nôtre Conful foûrient très-digne=
ment l'honneur de fa nation ; ileft dans un pe:
tit Palais où les honnêtes gens font reçûs fort
agréablement ; il eft avec. cela forr bien fait,
fcavant, habile, bienfaifant , {ur-touc très-apa
pliqué à tour ce qui regarde l'honneur & l'as
vantage des François. Comme il avoir eü la
complaifancé de nous loger chez lui, nous nous
y trouvâmes lorfque les negocians Anglois &
Hollandois vinrent lui fouhairer les bonnes Fè.
tes. Son Buffec étoit fort bien garni , car outré .
les vins du pays , il y avoir abondamunent de
ceux de France , d'Italie & d’Efpagne ; les li
queurs , &. les differens fruits fuivanit la faifon ;
n'y étoient pas épargnez : voici comment. fe
paf la Fêre où nos principaux marchands étoient
invitez pour foûtenir l’honneur. de là nation,
Après les complimens ordinaires ; on. prefenta à
Oire à tout le monde ; & il falur faire raifon,
ou du moins en faire le femblant en portant le
verre à la bouche. M'le Conful fur condamné
ce jour-là à boire à plus de cent reprifes diffes
rentes , de toutes forres de vins, Quand.les
glois & les Hollandois fe furent retirez, les Grecs,
es Armeniens & les Juifs parurent à leur tour,
Nos marchands vonit aufli faire leurs compli-
mens aux Confuls d'Angleterre &.de Hollande;
chez qui ils font teçûs à peu près de la même
“maniere ; c’eft à dire au RE des bouteilles &
des flacons ; mais heuteufement ce n’éft pas le
Même jour ; parce. qu’ils- comptent fuivant le
* Aa ii
376: GE
; vieux ftyle, Les Confuls ne fe vifitent pas dans
+ es fortes d’occafions ; ils fe contentent de fe
* faire complimenter reciproquement par leurs
ue Interpretes. |
\ Après nous être délaflez pendant quelques
jours chez M° Royer, où l’on trouve rout ce
qu'on peut fouhaiter pour fe dédommager de ce
qu'on'a fouffert dans “ grands voyages, c'eft
à dire fort bonne chere , une converfation char-
mante , toutesles Gazettes & même une Biblio-
theque ; nous allämes nous promenér du co
du Château de la Märine avec le Chancelier de
la nation , & quelques-uns de fes amis bien
armez, de même que leurs valets : cette prés
caution eft néceffaire quand il y a des vaifleaux
de Barbarie aux environs de Smyrne ; car les
foldars & les 'marelots qui courent les côtes ;
_ tirent fur les chaffeurs dès qu'ils voyent qu'ils
ont déchargé leurs fufils fur quelque piece de
gibier.
_. Le Château de la Marine, dont j'ay l’hor-
eur de vous envoyer le Plan, eft un Fort quar-
ré, dont les côtez ontenviron cent.pas de long,
flanqué de quatre mauvais baftions, & défen-
du par une Tour quarrée qui en occupe le mi-
lieu ; l’enceinté en eft bafle & seéelés ; l’ar-
tillerie qui eft fans affüt, eft aufli grofle que
celle. des Châteaux des Dardanelles. Cette Pla-
ce eft entourée de marais pratiquables & pleins
de Beccaflines. Après avoir paflé une petite fo-
rêt d’Oliviers, on trouve , au pied, d’une des
collines dont là rade eft bordée , des Bains
d’eau chaude prefque abandonnez. Peur - être
ce font ceux dont Strabon a parlé en fai-
fant la defcription des lieux qui fe souvent ef
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pu LEevANT. Lettre XXII 339
Venant de Clazomene à Smyrne : cet Auteur
aflüre que l’on y rencontre le Temple d’Apollon,
& les eaux chaudes. De l’ancien bâtiment des
Bains, qui étoit aflez beau , s’il en faut juger
par les ruines, il ne refte aujourd’hui qu’un ca-
veau où eft le refervoir dans lequel fe vuidenc
deux tuyaux , l’un d’eau chaude , & l’autre d’eau
froide, Ces Bains font au Sud-Eft de Smyrne,
mais [l’eau nous parut moins chaude que celle
de Milo. Pour le Temple d’Apollonilne devoit
pas être bien loin de là, & le Chapelain de
M le Conful d'Angleterre m'aflura qu’il en avoit
découvert les ruines. C’eft un galant homme,
habile Antiquaire, à qui je communiquai les
- AInfcriptions que j’avois copiées à Angora. Nous
devions à mon retour d’Ephefe avoir une con-
ference fur nos recherches , mais il partit pen
dant mon abfence pour aller joindre Mylord Pa-
get à Conftantinople, & fe retirer enfuite en
Angleterre , ainfi je n’ai pas appris d’autres nou-
velles du Temple d’Apollon. J'effere que M
Sherard qui eft préfentement Conful de la même
nation, nous éclaircira de toutes les Antiquitez
-de Smyrne & des environs ; car c’eft un très-
fçavant homme , de mes bons amis , & tout
plein de zéle pour la perfeétion des Sciences ; il
m'a & iq ! ] lq 1 . pour la fitua-
tion de Cla%omene & de fes Ifles. :
Clazomene , que l’on prend pour le village de
Vourla , étoit une ville illuftre du tems de la
belle Grece, & elle eût beaucoup de part à la
guerre du Peloponnefe. Les Perles le jug
fi néceffaire à leurs deffeins , que non feulement
ils s’en faifirent, mais qu'ils la confervérent
par
la fameufe Paix d’Antalcidas. Augufte eft appellé
370 - Vo + A © Ÿ s 2
fondateur de cette ville , fur une Médaille dit
Cabinet de l'Elcéteur de Brandebourg ;imais cer
Empereur ne fut que le reftaurateur de la Pla-
ce. Clazomene autrefois tenoit fi bien en rai
fon Smyrne & tout le pays qui eft autour de
la Baye, que Tzachas , fameux Corfaire Ma-
hometan , fut obligé de s’en emparer lorfqu'il
s'établit à Smyrne fous l'Empereur Alexis Com
nene.
On ne fçauroit mieux défigner la fituation de
Clazomene, que par les Ifles qui font à l'en-
trée de la Baye de Fe ; après avoir doublé le
Cap de Carabouron, Strabon en compte jufques
à huit. Pline ne parle que de quatre ; elles font
près de la côte en deça du Château de la Marine.
Les Tures les connoiffent fous le nom des Ifles
de Vourla.
Paufanias aflüre que Clazomene étoir en terre
ferme , & que les Ioniens la fortifiérent pour af-
rêter les conquêtes des Perfes ; cependant ils fu-
rent fi épouvantez de leur progrés, après la pri
fe de Sardes , qu’ils paflerent dans uné des Iles
qui éroit vis-à-vis de la ville ; s’y croyant beau
coup plus en füreté, parce que les Perfes n'a
voient pas encore de Flotte, Enfuite Alexandre
le Grand en fit une Peninfule par une jerrée de
, 250. pas delong, fur laquelle on alloit de l'Ifle à
la terre ferme. Pour éviter le grand & dange-
reux tour de Carabouron, ce grand Prince h£
ouvrir une plaine au travers du mont A4im4s s
Jaquelle conduifoit à Erythrée, fameufe ville
- & port de mer vis à vis Scio ; en forte qu'ayanf
débarqué à Erychrée ,: on pafloir par. ce nouvé2®
chemins à Clazomene , de même. que l'on dés
barque aujourd'hui à Seagi poux venir par (6fFS
DU LevaAnT. Lettre XXII. 379
à Smyrne ; fans entrer dans la Baye. Peut-être
que Seagi et un nom corrompu de Teus ; car la
Plufpart des Grecs prononcent le T comme un
S ; de Zeus ona fair Seus , & puis Seagi. C'eft le
pays du bon vin ; nous avons une Médaille d’Au- |
ufte à la legende de cette ville, dont le revers
réprefente Bachus debout, véru en femme , te-
nant une cruche de la main droite , & le Thyrfe
de la gauche : on a marqué par flaterie autour
de la tête d'Auguite, qu’il étoit le fondateur de
cette ville.
Les anciens appelloient eas toute la chaine
de montagnes. , qui occupe la Peninfule qu'ils
‘nommoient AMyonnefe où lifle aux Mulots , dont
. toute la côte d’Afie eft infeétée. Les deux princi-
paux fommets de certe montagne s'appellent es
Freres ; parce qu'ils paroiflent égaux, & qu'ils
font l’un contre l’autre comme deux jumeaux,
: Les Provençaux leur ontdonné le nom de Pouffos ,
c’eft à dire Mamelles , fuivant l’idée des anciens
Grècs qui regardoient les pointes des montagnes
comme des mamelles, M° Morel qui a furpañlé
les plus grands Antiquaires de fon temps , par la
correction admirable de fes deffeins , a crü que
Clazomene étoit l’ancienne ville de Gryrée qui
avoit donné le furnom de Grynéen à Appollon.
Cybele, la mere des Dieux , étoir fort venerée
à Clazomene & portoit le nom de la ville , com-
.me on le voir fur les Médailles de Valerien. On
y adoroit aufli Diane aux blancs fourcils, com
me nous apprenons par quelques Médailles de
Gallien. Il y auroic plaifir d’aller fouiller dans les
ruines de Vourla, | sg
Quelques jours après nous allâmes au vieux
Château de Smyrne , fitué fur la colline qui do-
SS
ip Et Ÿ or À cu \
e Es Rs ESS STSESS à s * DE se L | Le !
mine la Ville, Les Turcs ont achevé de démolir
frappoit ‘pour
LA
marquer les alliances des Smyrnéens
voifins. IPN
& I n’y a rien dans ce Château qui merite d'êtie
Eve
vec leurs
ae A
-pa7-380. |
om 3
myrrre.
4S7
martnre à
we
LAmazone de Smyrne .
Teste de
OS + MOSS te 2 UN DOME
pu LEevaANT, Lettre XXII: 38%
veû : les Turcs y ont bâti une méchante Mof-
quée. Sur la porte du Nord ; il y a deux Aigles
fort mal. deffinées & une Infcription fi haute
qu'on né fçauroit la lire. La Piace de ce Château
étoit occupée , dans le temps de la belle Grece ,
par une Citadelle fous la protection de Jupiter
Acrée où qui préfidoit aux lieux élevez. Paufa-
nias afleûre que le fommet de la montagne de
Smyrne , appellé Coryphe, avoit donné le nom
de Coryphéen à Jupiter qui y avoit un Temple. .
M: de Camps a un beau Médaillon où ce Dieu
Acrée eft réprefenté aflis , aufli bien que {ur une
Médaille de Vefpañen où le même Dieu aflis,
tient de la main droite une Victoire & une Haîte
de l’autre,
* Plufeurs autres Médailles de Smyrne fervent à
nous faire connoitre le rang qu’elle tenoit parmi
les places d’Afie. Ses Ciroyens fe vantoient , dit
Tacite, d’être les premiers de tous les peuples
d’Afie qui avoient dreflé dans leur ville un Tem-
ple à Rome , fous le nom de Rome La Deeffe , dans
le temps même que Carthage fubfftoit , & qu'il
y avoit de puiffans Roysen Âfie , qui ne connoi(-
{oient pas encore la valeur des Romains. Smyr-
ne fut faite Neocore fous Tibere avec beaucoup
de diftinétion ; & les plus fameufes villes d’Afie
ayant demandé la permiflion à cer Empereur de
lui dédier un Temple , Smyrne füt prefere. Elle
devint Neocore 'des Cefars , aulieu qu'Ephefe ne
l'étoit encore que de Diane ; & dans ce temps-là
les Empereurs étoient bien plus craints,& parcon-
_ féquent plus honorez que les Deefles, Smyrne fut
déclarée Neocore pour la feconde fois fous Adrien,
comme le marquent les marbres d'Oxford ; enfin
elle cût encore le même honneur & prit le titre
_ 382 VovyaAc®z
de Premiere ville d’ Afie fous Caracalla ; qu'elle |
conferva fous Julia Mæfa , fous Alexandre Se-
vere , fous Julia Mammæa , fous Gordien Pie,
fous Otacilla , fous Gallien & fous Salonine.
En {ortant du Château , nous allâmes voir les
reftes du Cirque , qui fonc x-gauche. On pale au
devant d’une Chappelle à moitié ruinée , où l'on
montre les débris du tombeau de Saint Polycarpe
premier Evêque de Smyrne, qui non feulement
eut le bonheur d’être Difciple de Saint Jean Bap-
tifte, maisqui fut établi Evêque par les Apôrres
mêmes, Après avoir gouverné fon Eglife pendant
long temps , il fut brûlé vif à l’âge de cent moins
quatre ou cinq ans, fous M. Aurele ou fous An-
tonin Pie: Les aétes de fa vie portent qne cette
fainte Tragedie fe pañla dans l’Amphiteatre de
Smyrne ; ainfi il y a plus d'apparence que ce fut
. dans le Theatre dont on vient de parler, que dans
le Cirque où nous allons entrer.
Ce Cirquecft fi fort détruit qu'il m'enrefte ,
pour ainfi dire que le moule ; on en a empoñté
tous, les marbres , mais le creux a retenu fon
ancienne figure, C’eftune efpece de vallée de
465$. pieds de long , fur 120. de large
€ haut eft terminé en demi cercle , & le bas ef
ouvert en quarré, Cet endroit préfentement ft
fort agréable par fa peloufe, car les eauxny ne
piflenr point, Il ne faut pas juger de la verirable
grandeur du Cirque ou-du ftade , par les mefures
que nous avons rapportées ; on fçait que CCS for-
tes de lieux n’avoient ordinairement que 12$°
“pas de Jong , & qu’on les appelloït Déaules quand
ils avoient le doubie, : On découvre de cette
colline tonte la campagne de Smyrne qui cftqur
faitement belle , & dont les vins étoient clti-
_mez du tenps de Strabon & d’Athenée.
pu LEVANT. Lettre XXII. 383
Rien ne donne une plus belle idée de la magni-
ficence de l’ancienne Smyrne , que la defcription
que Strabon en a laiflée. Lorfque les Lydiens ; dit
cet Auteur , ewrent détruit Smyrne , roufce quar=
lier , pendant environ 400. ns , ne fut peuple que
Par bowrgades ; mais Anrigonus la-rétablir., €.
enfuite Lyfimachus. C’eft aujourd'huy La plus belle
Ville dAfie, Une partie eff barie [ur La montagne,
mais La plus grande partie eff dans la plaine fur le
Port , vis-à-vis Le Temple de Cybele © du Gymna-
fe. Les ynës font les plus belles qu'on ait pa faire,
tirées à ingles droits @ pavées de belles pierres. 1
} 4 dégrands € beaux Portiques , une Biblioreque
Publique, Sun: Portique quarré où eff La ffatuë
d'Homere ; car ceux de Smyrne [ont fort jaloux de
ce qu'Homere à pris naiflance parmi eux ; © ils
ont fait frapper un Medailion de cuivre qw'ils ap-
Pellent Homerion. La riviere Meles coule le long
de fes murailles, Entre Les autres commodirez de
la ville ; il y 4 un Port que l'on ferme quand on
veut. fs: HN) ire 3
Telle écoit Smyrne-du temps d’Augute, & fui-
vant Îles apparences an n’avoit encore bâti ni le
Theatre ni le Cirque , car Strabon neles auroit
pas oubliez, Ainfi M" Spon a conjecturé avec rai=
fon, que le Theatre-fur bâti fous Claude, puis
qu'on trouva le nom de-cet Empereur fur un pic»
deftal, Strabon nous apprend que les Lydiens a
voient détruit une ville encore plus ancienne que
celle qu'il décrir , & c’eft de celle dont parle He-
rodote ; lorfqu’il aflure que Giges Roy de Lydie
déclara la guerreanx Smyrnéens , & qu'Halyat-
tes fon perit fils; la prit. Elle: fur enfuite mal-
traitée par les Joniens , furprife par ceux de Co-
laphon ; enfin renduë à fes prapres Citoyens, mais
FFT VovyaAcez
démembrée de l’Eolide, M" Spon écrit que certe
- ancienne Smyrne étoit entre le Château de la Ma-
rine , & la ville d’aujourd’hui ; il en refte encore
quelques ruines fur le rivage. (4
Les Romains pour fe conferver la plus belle
porte d’Afe , ont toûjouts traité les Ciroyens de
Smyrne fort humainement ; & ceux-ci pour né»
tre pas expolez aux armes des Romains, les ont
beaucoup ménagez , & leur ont été fidelles. Ils
fe mirent fous leur protection pendant la guerre
d’Antiochus ; il n’y a que Craflus Proconful Ro- -
main qui fut malheureux auprés de cette ville.
Non feulement il y fut battu par Ariftonicus ;
mais pris & mis à mort ; {a rête fut prelentée à
fon ennemi , & fon corps enfeveli à Smyrne. Per-
penna vangea bientôt les Romains, & fit capt
Ariftonicus, Dans les guerres de Cefar& de Pom-
pée , Smyrne fe déclara pour ce dernier, & lui
fournit des vaifleaux, Après la mort de Cefar ,
Smyrne qui penchoit du côté des conjurez ; fe
- Fufa l'entrée à Dolabella, & receut le Conful Tre-
bonius l’un des principaux auteurs de la moït du
Dictateur ; mais Dolabella lPamufa fi à propos;
qu’étant entré la nuit dans la ville il s’en tail
& le fit martyrifer pendant deux jours. Dolabelle
cependant ne put pas conferver la Place ; Caflus
& Brutus s’y affemblerent pour y prendre leurs
mefures, | ,
. On oublia tout le paffé quand Augufte fur pai-
fible potfefleur de l'Empire. Tibere honora SMyE"
ne de fa bienveillance & regla les droits d’Alile
de la ville, M. Aurele la fit rebârir après un gra
tremblement de terre, Les Empereurs Grecs qu
l'ont poffedée après les Romains,la perdirent fous
Alexis Comnene, Tzachas fameux Corfaire
hometall »
DU LEVANT. Lettre XXII 38%
hometan, voyant les affaires de l’Empiré fort em-
broüillées , fe faifit de Clazomene, de Smyrne &
de Phocée, L'Empereur y envoya fon beaufrere
Jean Ducas avec une armée de terre , & Cafpax
avec une flotte. Smyrne fe rendit fans coup ferir;
le gouvernement en fut donné à Cafpax , qui re-
venant à la ville après avoir accompagné Ducas,
reçüt un coup d’épée de la main d’un Sarrafin ;
ce malheureux avoit volé une groffe fomme d’ar-
gent à un bourgeois de la ville , & voyant fa con-
damnation inévicable , il déchargea fa ragesfut
le Gouverneur,
Les Mahometans, fous Michel Palcologue qui
chaffa les Latins de Conftantinople , {e faifirent
. de prefque toute l’Anatolje. Atin un de leurs
principaux Généraux prit Siiyrne , fous Andronic
e,vicux. Homur {on fils lui fucceda ; & comme il
étoit occupé à ravager les côtes de la Propontide,
les Chevaliers de Rhodes s’emparérent des envi.
rons de Smyrne & y bâtirent le Fort Saint Pierre,
Homur revint à Smyrne , & voulant reconnoitre
ce Fort qui n’étoit pas fini , il reçût un coup de
fléche dont il mourut. Pendant la vie d'Homur
qu'on appelloit le Prince de Smyrne , les Latins
brülerent {a flotte, & fe faifirent de la ville, Le
Patriarche de Conftantinople qui avoit été fait
par l'élection du Pape , ayant jugé à propos de
dige la Meffe dans la principale Églife, y fuc fur-
Pris par les Troupes d’'Homur , lefquelles ayant
mis les Latins en fuite, le décollerent tout revé-
tu defes habits Pontificaux , & maffacrérent la
Noblefle qui étoit autour de lui. Quelques Hifto-
riens Genoïis rapportent à l’année 1346. uné €x-
pos que les Genois firent fur ces côtes, fous
le Doge Wignofi, par laquelle ils ajoürerent à léur
s00: LIL: Bb ;
386 & V0 067 ;
domaine Scio , Smyrne & Phocée. Suivant les
apparences ils ne garderent pas long-tems Smyr-
ne, puifque Morbaffan l’afliégea par ordre d'Or-
can II. Empereur des Turcs, qui avoit époufé
une des filles de l'Empereur Cantacuzene,
Après la bataille d’Angora , Tamerlan afliégea
Smyrne , & campa tout près du Fort Saint Pierre,
que les Chevaliers de Rhodes avoient fait bâtir,
& où la plûpart des Chrétiens d’Ephefe s’étoient
retirez, Ducas qui a fait la relation de ce fiége,
en a rapporté deux circonftances bien fingulieres.
1°, Que Tamerlan fit combler l'entrée du Poit ;
- €n ordonnant à tous fes foldats d’y jetter chacun
une pierre. 2°, Qu'il y avoit fait conftruire une
Tour d’un nouvel ordre d'architecture , compo: ,
fée en partie de pierfÆ & de rêres de morts, ran-
gées comme des pieces de marqueterie, tantôt
de front & tantôt de profil, Après la retraite des
Tartares , Smyrne reffa à Cincires fils de Caralu-
pafñ Commandant d’Ephefe, & qui avoit été Gou-
verneur de Smyrne fous Bajazer. Cependant Mu-
fulman , l’un des fils de Bajazet, jaloux de la gran-
deur de Cineites , pafla en Aficen 1404. dans le
deflein de l’abaïfler. Cineites fit une puiffante li-
gue avec Caraman Sultan d’Iconium, & avec
Carmian autre Prince Mahometan ; mais ils firent
la Paix fans en venir aux mains, Cineites n'eut
pas fi bon marché de Mahomet I. autre fils de Ba-
jazet, Mahomet vint affiégcr Smyrne que l'on
avoit bien fortifiée & bien munie, Cineires fe re-
tira à Ephefe, & le Grand Maître de Rhodes fit
travailler avec toute la diligence poffible à gta
blir Le Fort Saint Pierre que Tamerlan avoir. fait
ra(er ; la ville fe rendit après dix jours de ses
Mahomet en fit démolir Les murailles & mettre
bas une Tour que le Grand Maître faifoir con=
pt Levant. Leirre XXII. 387
ftrüire à l’éntrée du Port, Depuis ce rems-là les
Turcs font reftez paifbles pofleffeurs de Smyrne,
& ont fait relever cette Tour, ou pour mieux
dire , ils ont bâti une efpece de Château à gauche
en entrant dans le Port des galeres , qui eft l’ans
cien Port de la ville,
Nous allâmes nous promener à l'autre extre-
mité de Smyrne , tout au bout de la ruë des
Francs , vers les Jardins que le ruifleau ÆMeles ax
rofe, C'eft le plus noble ruifleau du monde, dans
la Republique des Lettres, Le plus fameux des 4
Poëtes eft né fur fes bords ; & comme on n’en
connoifloic pas le pére, il porta le noim de ce
tuifleau. Une belle avanturiere nommée Critheïs,
chaffée de la ville de Cumes , par la honte de (e
voir enceinte , fe trouvant fans logement , y vint
faire fes couches. Son enfant perdit la vûë dans
la fuite , & fur nommé Homere , c’eft à direl’4«
veugle. Il n’eft pas néceflaire de dire que fa mere
époufa Phanius Maître d’Ecole & de Mufique de
la ville, Jamais fille d’efprit n’a manqué de mari,
Non feulement Smyrne glorieufe de la naiffance
de ce grand Poëre , lui fit dreffer une Sratuë &
un Temple , mais elle fit frapper des Médailles à
fon nom. Amaltris & Nicéefes alliées en firent
de même , l’une à la cête de M. Aurele, & l’autre
à celle de Commode, Pour le ruifleau Meles,
quoiqu’à peine il fafle moudre deux moulins , je
vous Life à penfer s’il fuc oublié fur les Medail-
les ; il eft devenu bien chetif , depuis le tems de
Paufanias qui l'appelle wr beau Fleuve. Ce ruif-
feau , à la fource duquel Homere travailloit dans
une caverne; eft reprefenté fur une Médaille de
Sabine, fous la figure d'un vicillard appuyé de la
* Mulefigene né fus les bords de Meles.
De FA Bb ï
138. 2 VO Y AGE: |
main gauche fur une Urne , tenant de la droite
une Corñe d’abondance. 1l eft aufli réprefenté
fur une Médaille de Neron, à la fimple legende
de la ville, de même que fur celles de Tite &
de Domitien,
A un mille ou environ au delà de Meles, fur
le chemin de Magnefie à gauche au milieu d'un
champ , on montre encore les ruines d’un bâti-
ment que l’on appelle /e Temple de Janus ; & que
M Spon foupçonnoit être celui d'Hoimere ; mais
depuis le départ de ce voyageur, on la mis tout
à fait à bas, & rouc ce quartier eft rempli de
beaux marbres antiques, À quelques pas de là
coule une fource admirable qui fait moudre con-
tinuellement fept meules dans le même moulin.
ucl dommage que la mére d'Homere ne vinrpas
accoucher auprès d’une fi belle fontaine ? On.y
voit les debris d’un grand Edifice de marbre, nont=
mé Les Bains de Diane; ces débris font encore
magnifiques , ‘mais il n’y a point d’Infcriptions.
Si des Bains de Diane on veur aller dans les
campagnes de Aenemé ; outre qu’elles font fer-
tiles en Melons, en Vins, & en toutes fortes de
fruits , on y trouve une terre remplie de fel fixe
naturel , dont on fe fert au lieu de foude pour fai
re du favon,
Le 25, Janvier nous partimes de Smyrne POU*
Ephefe fur les neuf heures du matin. En fortant
de la ville on entre dans la voye Militaire » la-
quehlereft encore pavée de grands quartiers de.
pierre , coupez Dreee en lofanges. À trois heu»
res de Smyrne on pafle un affez beau ruifleau qui
va fe rendre dans la mer ; mais nous en rencon*
trâmes un autre, à près de quatre heures de là
qui peut pafler pour une petite riviere. Le payS
eft plat , inculte, couvere en quelques endi0!
pu LEVANT. Lettre XXII, 389
de petits bois femblables à des taillis entremêlez
de Pins, Nous bümés du Caffé fur le chemin dans
une prairie où un Turc avoic établi une échope ,
ou petite maifon de bois ambulante. Nous arrivä-
mes fur les quatre heures & demie, à Tcherpicui
méchant village dans une grande plaine toute in-
culte , où l’on voit les reftes d’une grande & an-
cienne muraille de maçonnerie, laquelle a fervi
‘aqueduc , comme prétendent les gens du pays,
pour conduire les eaux à Smyrne.
De la plaine de Tcherpicui jufques à Ephefe,
ce n'eft qu’une chaîne de montagnes dont les
bois & les défilez font pleins de voleurs dans la
belle faifon. Nous n’y trouvämes que des Cerfs
& des Sanglicers ; mais nous fumes furpris agréa-
blemenc de voir des collines couvertes naturelles
ment de beaux Oliviers , lefquels fans culture
produifent d’excellens fruits , & ces fruics fe per-
dent faute de gens quiles. amaflent. En appro-
chant d’Ephefe {ur la droite , ces montagnes font
horriblement taillées à plomb , & font un fpeéta-
cle affreux. On pale le Cayffre à demi lieuë en
decà d'Ephefe. Cette riviere , qui eft fort rapide,
coule fous un pont bâti de marbres antiques ,
fait moudre quelques moulins. On entre enfuite
dans la plaine'd’Ephefe, c’eft à dire dans un grand
baflin enfermé de montagnes de tous les côtez,
fi ce n’eft vers la mer ; le Cayftre ferpente dans
cette plaine, mais il s’en faut bien que fes con-
tours ne foient aufli frequens que dans le deflein
que M' Spon en a donné ; & ceuwsdu Afeandre
qui font bien plus entortillez, n’approchent pas
d=s contours que la Seine fait au deilous de Paris;
je fuis furpris que nos Poëtes ne les ayent jamais
décris, Le Cayitre a été D pi? de des Mé-
“Bb tj
MN QY AGE
en : =>
dailles ; onen voit aux têtes des Empereurs Come
- mode , Septime Severe , Valérien & Gallien.
. - - Nous cherchâmes inutilement une autre rivie=.
se, dont les anciens onrparlé;daquelle arrofoit les
environs d'Ephefe ; fans doute qu’elle fe jette dans
Je Cayltre, plus haut que‘le Pont. En-eflec on
nous aflüra à Ephefe que le Cayftre récevoit une
riviere aflez confidérable , au delà des montagnes
du Nord'Elt ; ce qui s’accommode fort bien avec
une Médaille de Seprime Severe , {ur laquelle le
Cayftre eft reprefenté fous a forme d’un homme,
#
< comme ‘érant un Fleuve qui fe dégorge dans la
mer ; & le Kerchrios , qui eft la riviere dont il
s’agit ; fous la figure d’une femme, pour marquer
qu'elle fe jerre dans l’autre. Outre ces deux figu-
res , lä Diane 4 plufieurs mamelles eft reprefentée
… d'un-côté für le même revers , & de l’autre eft une
Æ a — » à je /
corne d’abondance, Tout cela marque la fertilité
querces deux rivieres procuroient au terroir d'E-
phefes La Seine & La Marne qui amenent tant de
richeffes à Paris, meriteroient bien , ce me fems
ble ,une Médaille, ; rer
C’eft une 'chofe piroyable de voir aujourd'hui ie
Ephefe , certe ville autrefois fi illuftre, qu'Eftien-
ne de Byfance âppelle Epiphaneftate, réduite à un
miferable village habité par 30. où 40. familles ‘
grecques , lefquelles certainement, comme re-
Marque M'Spon, ze font pas capables d'entent-
dreles Lettres que S, Paul leur a écrites. La me-
nace du Seigneur a été accomplie {ur elle. J'ores
rai votre chandelier de {on lieu , ff vous ne vous re-
penteX.. Ces pauvres Grecs font parmi de vieux
marbres & contre un bel aqueduc bâti des me-
mes pierres, La Citadelle , où les Turcs fe font
retirez, eft fur un tertre qui s’érendant du Nord
- au Sud , domitie toute la plaine ; c’eft peut-êrre le
18: Lapriron de purs
27 sure
Marais alaterte duquel étoit le
Temple de Diane .
| Nu Et deDiane. |
(L Et pen ee
Ru etquartiers de marbre :
cheure du Caistre .
121.Lac .
BMairon de pecheur.
La Bac ou lon passe la riviere pour _
aller de Scalanova a frurne .
LS Pont etchemin d'Ephese a fmurne :
L£.Chemin dEphese a Scalaneva.
Le Ruines et Colonnes vers lEmbou:
Bas reliefs qu
Je Voy
en€e Jur la Porte CRETE - Re | Tom. PTT. “F4
|
|
= ||
|
|
| pu LevaAnrT. Lettre XXII, 393
Mont Pion de Pline. L’enceinte de cette Citadel- .
le, qui eft fortifiée par pluñeurs Tours , n’a rien
: de magnifique ; mais à quelques pas de là du côté
du Midi , on voit les reftes d’une autre Citadelle
plus ancienne , beaucoup plus belle & dont les
ouvrages étoient revêcus des plus beaux marbres
de l’ancienne Ephefe. -&
Il y refte encore une Porte de fort bon goût,
_ bâtie des mêmes débris. Jene fçai par quelle rai
_ fon on l'appelle la Porte de la Perfecution. Elle
— eft remarquable par trois bas reliefs encaîtrez fur
_ fon cintre. Celui qui eft à la gauche a étéle plus
- beau de tous , mais il eft le plus maltraité. left
d'environ cinq pieds de long fur deux pieds & de-
mi de haut, & reprefente. une Bacchanale d’en-
fans qui fe roulent fur des pampres. de vigne. Ce
lui du milieu Ca un picd de hauteur plus l'au- L -
tre, & le double de longueur. Le dernier eft pre.
que aufli haut, mais il n’a qu'environ quatre
pieds de long. La Porte de la Perfecution décline
du Sud au Sud-Sud-Eft ; cette Porte étoit défense
duë par des ouvrages aflez irréguliers que l’on
avoit aggrandis fuivant le befoin | comme on le
connoît par les ruines ; car à mefure qu'ils s'é-
boulent , ils laiffent voir d’autres ouvrages de
marbre qui ont été recouverts.
Au Sud & au pied de la colline où eft bâti le
Château, eft fituée l'Eglife de S. Fear convertie
en Mofquée. Je ne fçai fi c’eft celle que Juftinien
y fit bâtir;mais il eft certain que c’eft de ce grand:
Evangelifte que vient le nom d’Aiæ/aloué, fous
lequel Ephefe cft connué des Grecs & des Turcs.
Les Grecs appellent Saint Jean Aios Sco'ogos , au
lieu d’ Agios Theologos , le Saint Theologien, parce
qu’ils prononcent le Thets comme un Sigma,
}
PE Le En th SR 2:
d'Aios fcologos ils ont fait Aiafalone. Le dehors
de cette Eglife n’a rien d’extraordinaire, On dit
qu’il y a de belles colomnes en dedans ; mais ou.
tre que les plus belles pieces des ruines d’Ephefe
ont été emportées à Conftantinople pour les Mof-
quées Royales,le Turc qui en gardoit la clefétoit
abfent lorfque nous y fâmes. On croir qu'après la
mort de Jefus-Chrift , S. Jean choifit Ephefe pour
y faire fa réfidence , & que la Sainte Vierge s’y
retira aufli. Saint Jean après la mort de Domi-
tien vint reprendre le foin de l'Eglife d'Ephefe, &
trouva que Saint Timothée , fon premier Evé-
que , y avoit été martyrilé.
L’Aqueduc qui fubffte encore aujourd’hui ,
quoyqu’à moitié ruiné, eft à l'Eft; c’étoit l’ou-*
vrage des Empereurs Grecs , de même que la Ci-
tadelle ruinée. Les piliers qui foutiennent les ar-
cades , font bâtis de tres belles pieces de marbre,
encremélées de morceaux d’architeéture , & l'on
y lit des Infcriptions qui parlent des premiers Ce-
fars. Ces piliers font quarrez,plus où moins hauts
fuivant que le niveau de l’eau le demandoit ; mais
les cintres font rous de brique. Cet Aqueduc fer-
voit à conduire à la Citadelle & à la ville, les
eaux de la fontaine Halitée, dont a parlé Paula-
nias, Elles {e diftribuoient à la ville par des tu-
yaux de brique , pratiquez dans de petites tours
quarrées & appuyées contre quelques-uns des pi-
liers. -Certe vilie s’étendoit principalement du c0-
té du midi, & tout ce quartier n’eft rempli que
de ruines ; mais Ephefe à été renverfée tant de
fois qu’on n’y connoît plus rien. ‘
Pour ce qui regarde les Infcriptions nous n en
copiâmes aucune, car outre qu’on n’en fçauroit
lire qu’une partie , les autres font fi hautes qu'if
cft impofhble de les déchifrer ; on ne trouve ni
+
DU LEevANtT. Leître XXII 393
échelles , ni chevalets chez les Grecs. ke
. Le lendemain nous traverfämes la plaine pour
aller reconnoître les ruines de cé fameux Tem-
ple de Diane , qui a paflé pour une des. merveil-
les du monde. Ce grand Edifice étoit fitaé au pied
d'une montagne & à la tête d’un marais. Pline
croit qu’on choilit ce lieu marécageux , comme
moins expolé aux tremblemens de rerre ; mais
auffi l’on-s’engagea ä-une dépenfe effroyable , car:
il falluc faire des caves pour vuider les eaux qui
s’écouloient de la colline , les jetter dans le ma.
rais & de là dans le Cayftre. Ce font ces caves
que Pon prend mal x propos pour un labirinthe ;
on eft convaincu par l’infpeétion des lieux, qu’el-
les n’ont jamais (ervi qu’à vuider les eaux.Ma pen-
fée eft confirmée par Philon de Byzance , qui con-
vient qu’on fut obligé d’y faire des foflez tres pro-
fonds,& des conduits où l’on employa une fi gran-
de quantité de pierres, qu’on épuifa prefque routes
les carrieres du pays. Pour mieux aflurer les fon-
derens de ces conduits qui devoient fourenir un
Edifice d’un poids fi effroyable : Pline rapporte
qu'on employa quelques couches de charbons pi-
lez & quelques autres couches de laine. Ce mer-
veilleux Temple conftruir aux dépens des plus
puiflantes villes d’Afe, deux cens ans avant que
Pline en parlât, avoit 425. pieds de long, fur 220.
rs de large. On y voyoit 127. colomnes , dont
s Roys d’Afie avoient fait la dépenfe, & ces co-
lomnes-avoienr chacune 60. pieds de haut. Ilyen
avoit 36. couvertes de bas-relicfs ; & parmi cel-
les-ci il s’en trouvoit une de la main de Scopas
Sculpteur fameux. Cherfiphron fut l’Archirecte
de cet Edifice. Il n’en refte aujourd’hui que quel-
ques gros quartiers qui n’ont rien de furprenant
que leur épaifleur;la plufpart font de brique,revêtus
= N° 0% A:c.17x 7
394
de marbre , tous percez de ces'trous de crampons. ”
des plaques de bronze dont on croit qu’ils étoient
ornez. On ne voir plus , parmi ces débris , que 4.
ou $. colomnes caflées. Fat
Ce n’étoit pas là le premier Temple que les
Ephefens avoient dreflé en l’honneur de Diane.
Denys le Geographe nous apprend que ce premiet
Temple éroit une efpece de niche d’une beauté fin-
guliere , que les Amazones ; maîtreffes d'Ephefe,
avoient fait creufer dans le tronc d’un Ormeau ,
où apparemment la figure de la Déeife éroit placée.
Ce n’eft pas fans doute de cet ouvrage des Ama=
zones qu'entend parler Pindare , lorfqu'il avance
qu’elles firent bâtir le Temple d’Ephefe dans le
temps : sereu failoient la guerre à Thefée. Pau-
fanias foutient que c’étoit lPouvrage de Crœfus &
d'Ephefus fils de Cayftre,& qu’il étoit celebre avant :
le EE de Nileus , fils de Codrus, en Afie. Cela
étant , le Temple étoit plus ancien que la ville ;
car Strabon croit qu’Androclus, fils de Codrus ,
bâtit Ephefe ; & Paufanias parle de ce même An-
droclus qui en chaffa les Cariens.
Le Temple que ce fou d'Heroftrate brüla ; le
jour de la naiffance d'Alexandre , n’étoit pas le
même que celui qui fubfftoit du remps de Pline »
puifque Alexandre voulut le faire bâtir quandi
paila à Ephefe. Ce grand Prince fit propoler aux
phefiens , qu’il en feroit volontiers la dépene
“Pourveñ qu'on mit fon nom fur le frontilpice ;
mais ils répondirent avec beaucoup de politeffe ;
qu'il ne convenoit pas à un Dieu de dreffer des Tem-
ples à d'autres Divinitez, Strabon , qui rapporte
ce trait, aflüre que Cherfiphron fur bien le pre-
imier Architecte du Temple de Diane , mais qu'un
autre Architeéte l’augmenta. Après l'incendie d'He-
roitrate,non feulement les Ephefiens vendirent les
pu Levanr. Lettre XXII. 395
colomnes qni avoient fervi au premier;mais tous
les bijoux des Dames de la ville furent êncor con-
vertis en argent, & cet argent employé pour fai-
re un Edifice beaucoup plus beau que celui qu’on
avoit brûlé. Cheiromocrate en fur l’Architecte ;
c’eft lui qui fic bâtir la ville d'Alexandrie, & qui
du Mont Athos voulut faire la Statue d’Alexan-
dre. On voyoit dans ce Temple des ouvrages des
plus fameux Sculpreurs de Grece, L’'Autel étoic
prefque rout de la main de Praxitele. Strabon en
parle pour l’avoir veñ du temps d’Auguite; & le
droit d’Azyle , dit cet Auteur , s’écendoic jufques
à 125$, pieds aux environs. Michridare avoit re-
glé cet Azyle , à un trait de fleche. M. Antoine
doubla cet efpace, & y ajoûta une partie de la vil-
le ; mais Tibere , pour évier les abus qui fe com-
mettoient à l’occalion de ces fortes de droirs, abo-
lit celui d'Ephefe. On ne marqua l’Azyle fur les
Médailles de cette ville , qu'après que l'Empereur
Philippe le vieux y eût paflé ; encore ce ne fur que
fur -celles d’Otacilla ; le revers reprefentoit la Dia-
ne d’Ephele avec fes attributs ; le Soleil d’un coté,
& la Lune de l’autre. Nous avons une Médaille
de Philippe le jeune au même type,;mais la legende
eft differente. Celle qui eft frappée à la rére d’E-
trufcilla réprefente Diane avec fesattributs, & des
cerfs ; la legende -eft la même- que celle de la Mé-
daille d'Oracilla. Pour ce qui eft de l’arrivée de
Philippe à Ephele, elle eft marquée {ur une Mé-
daille de cet Empereur , dont le revers eft chargé
d'un vaiffeau qui va à la rame & à la voile,
Du temps d’Herodote , lawille d’Ephefe éroit
éloignée du Temple de Diane , mais cet Auteur ne
parle pas de la Statuë d’or que l'on y avoit placée,
fuivant Xenophon. Strabon aflüre que les Ephe-
fiens , par reconnoiffance , avoient dreffé dans leur
396 VoyaAcz
Temple une Statuë d’or à Artemidore.Syncelle qui
üre quË ce Temple fut brülé,parle apparemment
d’uncincendie particuliere, dont onrépara le dom-
mage fans en changer le deflein ; ainfile Temple
‘que PEne a décrit, étoit le même que celui que
Strabon avoit veñ. Ce même Temple fut dépoüillé
& brûlé parles Scythes en 263. Les Goths le pil«
lerent fous l'Empereur Gallien. Nous avons plu-
fieurs Médailles, fur les revers defquelles ce Tem-
ple eft reprefenté avec un frontifpice tantôt à deux
colomnes,à quatre , à fix & même jufques à huit,
aux têtes des Empereurs Domirien , Adrien , An-
tonin Pie , M. Aurele, Lucius Verus, Septime Se-
vere , Caracalla, Macrin, Elagabale , Alexandre
Severe, Maximin.
Outre les bas reliefs & les ftatuëés , ce Temple
devoir être orné de Tableaux merveilleux ; cat
Apelles & Parrhañus , les deux plus fameux
. Peintres de l’antiquité, étoient d’Ephefe. Au-
tour des ruines de ce Temple’, fe voyent les débris
de plufieurs maifons bâties de briques , dans lef-
quelles logeoïent peut-être les Preftres de Diane»,
qui venoient fouvent de bien loin pour être hon-
norez de cetre digniré.On leur conte le foin des
Vierges Preftrelles , mais ce n'étoir qu'après les
avoir fait eunuques, Nous avons peu de ville dont
il refte autant de Médailles. Les unes nous appren-
nent qu’elle fut trois fois Neocore des Cefars , &
unc fois de Diane. Les autres , qu’elle fut bârie à
Poccafion d’un Sanglier, On prouve par quelques-
unes que fes Citoyens fe qualifioient de premiers
peuples d'Afie. Lalufpart de ces pieces reprefen-
tent Diane ou Chafferefle , ou à plufieurs mametr
les, ou parée de fes artributs. “
On ne voit plus de belles ruines aujourd'hui à
Ephefe , celles qui reftent font même affez clait-
|
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D. ou LEVANT. étre XYIT.
= femées. Les débris de quelques Châteaux bâtis de
” Marbre, ne montrent rien qui foit digne de l’an-
ïenne ville. J'ai fair graver une Porte qui eft à
* gauche fur le chemin de Scalanova. Le cintre
Qui en eft beau , n’eft pas proportionné aux jam-
Bages qui le fouriennent., car il fait plus ‘que le
- démi cercle; les frifes font entaillées proprement ,
- &c'eft fur ce refte de bâtiment qu’on lit,en dedans
. & en dehors , un bout d’Infcription que voici,
€lle eft en caracteres Romains , où lon ne com-
RE-NST-ET ASTÆ “
Les Arphodeles à fleur jaune, à tige droite &fans
canelure , brillent parmi plufieurs autres plantes
rares,
Le Château qu’on appelle /4 Prifon de S, Paul,
n'elt pas ancien & n’a jamais été beau, La Grotte
dés fept Dormans merireroit d'être veüé, fi l’on étroit
bien affüré de la verité de certe Hiftoire.En fortant
des ruines du Temple, on entre dans un, vilain
| Marais rempli de joncs & de rofeaux, lequel fe
dégorge dans le Cayftre. Au delà de cette riviere
eftun Lac affez bourbeux ; peut-être qu'il nous
parut tel à caufe des grandes pluyes qui tomboient;
1 faut que ce foi le Lac de Selinufia de Strabon.
allant au Port, on voit fur le bord de Ia rivie.
re beaucoup d’anciennes ruines & de vieux mar-
‘bres: C’étoit là proprement le quartier d'Ephele
SH AGS ME peu DEEE 4 NS : ee
que Lyfimachus avoit fait bâtir.& où fe trouvoient
les Arlenaux donc parle Strabon.On pañlele Caÿ£
tre à quelques pas de là dans un Bac à cot Dur
aller de Scalanova à Smyrne ; fans venir paller
* fur le Pont. C’eft encore l’ancien chemin d'Ephefe
.. 4Smyrne, car c’eft le plus court, & Strabo aff
_ fequ'ilalloit en droiture d’une deces villes à
æ
à
398 OYAGE |
Vautre ; c’eft aujourd’hui le chemin Île plus dan-
gereux.
- Quoique la plaine d’Ephefe foit belle , néan-
moins la fituation de Smyrne a quelque chofe de
plus grand ; & la colline qui en termine le gol-
phe , eft comme un theatre deftiné pour repreen-
ter une belle ville ; au lieu qu'Ephefe eft dans un
‘baflin. D'ailleurs quoique cette ville air éréle fié-
e du Proconful Romain, & le rendès-vous des
étrangers qui alloient en Afie, fon Port n’a jamais
été comparable à celui de Smyrne. Celui d’'Ephe-
. fe, à l’occafion duquel on a frappé tant de Mé-
dailles, n’eft qu’une rade découverte & expolée ;
il-n’eft plus frequenté à préfent. Autrefois les bâ-
timens entroient dans la riviere , mais la barre 4
été depuis comblée de fable.
Rien n’eft fi ennuyeux que de chercher les fon-
dateurs d’Ephefe dans les anciens livres.Que nous
importe de fçavoir comment elle s’appelloit du
temps de la guerre de Troye ? ou fi elle a pris {on
nom d'Ephefus fils de Cayftre & de l’' Amazone
Ephefe ? Il n’eft guere plus important de fçavoir
li c’eft l'ouvrage des Amazones , ou d’Androclus ;
un des fils de Codrus Roy d’Athenes ; cela ne peut
{ervir qu’à éclaircir un endroit de Syncelle, où
il eft dit que ce fut Andronic,au lieu d’Androclus,
qui fit bâtir Ephefe. Qui eft-ce qui s’embaralle de L
lçavoir s'il ÿ avoit un quartier de certe ville Le
intereflent plus \ mais il y a plaifir de fe fouvenir
que pendant les guerres des Atheniens & des La-
cedemoniens , Ephefe avoit la politique de vivre
en bonne intelligence avec le parti le plus fort ?
Que le jour de la naïffance d'Alexandre, les devins
de cette ville fe prirent tous à crier que le deftrue”
teur de l'Afie toit venu ax monde : Qu'Alexan
4
. pu LEevANT, Lettre XXII. 399
le Grand , fur lequel la prophetie étroit rombée , :.
vinc à Ephefe après la bataille du Granique,& qu’il
y rétablit la Democratie : is la place fut prile
par Lyfimachus l’un de fes fucceffeurs : Qu’enfin
Antigonus l’occupa à fon tour , & y faifit les thre-
fors de Polyfperchon. É
Peut-on ignorer qu’Annibal ne fe foit abouché
à Ephefe avec Antiochus, poar prendre de concert
des mefures contre les Romains ? Que le Procon-
ful Manlius y pafla l'hyver , après la deffaite des
Galates > Tous ces evenemens renouvellent les
grandes idées qu’on a de l'Hiftoire ancienne. Rien
n'eft plus effroyable que le maffacre des Romains
en cette ville par les ordres de Mithridate, Lucul-
lus fit de grandes feftes à Ephefe. Pompée & Ciccs
ron ne manquérent pas de voir cette celebre vil-
le, Ciceron ne failoit aucun pas dans la Grece ,
qu’il n’y trouvât de nouveaux Ras d’admiration,
Scipion le beau-pere de Pomæte eut un peu moins
de refpeét pour Ephele , car il fe faifit des threfors
du Temple ; mais rien n’eft fi confolant pour les
Chrétiens , que de fuivre S. Paul à Ephefe. Au-
gufte honora cette Place d’une de fes vifites , &
l'on y dreffa des Temples à Jules Cefar & à la vil-
le de Rome. Ephefe fur rebâtie par les foins de
Tibere, D’un autre côté les Perfes la pillerent
dans le troifiéme fiécle , & les Scyches ne lépar-
gnérent pas quelque temps après. 11 y a beaucoup
‘apparence que le fameux Temple de Diane fut
détruit fous Conftantin , enfuite de l’Edir par le-
quel cet Empereur ordonna de renverfer tous les
Temples des Payens.. ;
Ephefe éroit une Place top confidérable pour
n'être pas expofée à fon tour aux ravages des Ma-
tans. Anne Comnene ra
pporte , que les In-
fidelles s’écant rendus les maitres d'Ephefe , fous Le
400 ta VO-YACE
regne de fon pere Alexis , il y envoya Jean Ducas
fon beaupere , qui deffit Tangriperme & Marace
Generaux des Mahometans. La bataille fe donna
dans la plaine au deflous de la Citadelle ; ce qui
fait connoître que la plus belle partie de la ville
étoit déja détruite pour lors. Les Chrétiens eurent
tout l’avantage, on fit deux mille prilonniers æ
le gouvernement de la Place fur donné à letzeas,
Il ÿ a apparence que la Citadelle,dont parle Com-
nene , étroit J’ancien Château de marbre aban-
donné. Theodore Lafcaris fe rendit le maître d’E-
phefe en 1206. Les Mahomerans y revinrent fous
Andronic Paleologue, qui commença à regner en
1283. Mantachias , un de leurs Princes; conquit
toute la Carie , & Homur fils d’Afin , Prince de
Smyrne , luifucceda. Tamerlan , après la bataille
- d’Angora , ordonna à tous les petits Princes d'A-
natolie de le venir joindre à Ephefe , & s'occupa
pendant un mois à faire piller la ville & les envi-
, rons. Ducas affeûre que tout fut épuilé, or,argent,
Dore enleva même jufques aux habits. Après
départ de ce conquerant, Cineires grand Capi
taine Turc , fils de Carafupafñ qui avoir été Gou-
verneur de Smyrne fous Bajazet , déclara la guer-
re aux enfans d’Afin à qui s'étoient venus écablir
à Ephefe. Il ravagea d’abord la campagne à la tête
de 500. hommes ; enfuite il fe préfenta devant la
Citadelle avec un plus grand nombre d’autres
Troupes , & l’emporta facilement : mais quelque
temps après , un autre fils d’Afin qui s’appelloit
Homur, du même nom que fon frere , qui venoit
de mourir, fe joignit à Mantachias Prince de Ca-
rie, qui l’accompagna à Ephefe avec une armée de
6000. hommes, Carafupañ , pere de Cineites ;
commandoit dans la ville , où ce même Cineites »
a: qw
L 1
»
+
pe Levant. Lettre XXIL 4ox
qui étoit dans Smyrne , n’avoit laiffé que 3000.
hommes, Malgré la vigoureufe defenfe des Ephe.
fiens ; les afliégeans mirent le feu à la ville, & dans
deux jours tout ce qui étoit échappé à la fureur
des Tartares fut réduit en cendres, Carafupaf
s'étant retiré dans la Citadelle , en foutint le fige
jufques en Automne ; mais ne pouvant être fecou-
ru par {on fils, il fe rendit à Manrachias qui remit
le pays d'Ephele à Homur, & fitenfermer dans le
Château de Mamalus , fur les côtes de Carie , Ca-
rafupañ & fes principaux Officiers, Alors Cineires
partit de Smyrne avec une galere ,& fit fçavoir à
_ on pere fon arrivée à Mamalus. Les prilonniers
firent tant boire leurs gardes , qu’ils les enyvre-
rent , & profitant de cette rufe ils defcendirent
avec des cordes & fe fauverent à Smyrne. Au com.
mencement de l’hiver,ils entreprirent le fiege d’E-
efe. Homur à fon tour fe retira dans la Ciradel=
le. La ville fut livrée aux foldats ; ony commit
toutes fortes de crimes & de cruautez, Au milieu’
de tant da malheurs, Cineites fe réconcilia avec
Homur , & lui donna fa fille en mariage. Ephefe
enfuite tomba entre les mains de Mahomet I. qui
ayant vaincu non feulement tous {es freres ; mais
encore tous les Princes Mahometans qui l’embar-
rafloient , refta paifble poffeffeur de l'Empire. De-
ss ce temps-là Ephefe eft reftée aux Turcs ; mais
on commerce a été tranfporté à Smyrne & à
Scalanova.
… Nous partimes d’Ephefe le 27. Janvier pour
aller voir cette derniere place que les Turcs ap-
pcllent Coufada , & les Grecs Scalanova , nom
Ialien que les Francs lui donnerent peut-être
ss la deftruction d'Ephefe. Ce qu'il y a de plais
ant dans ce changement de nom, c’eft qu'il re-
Tome III. €
ii Vovac |
da en nom de la Ville qui eft la Neäpolis
lefiens. Malgré une tres grande pluye nous y
tivämes dans crois heures, Quand on eft près des
* ruines du Temple d'Ephefe il faut tirer droit au
ud,. enfuite au Sud-Oueft pour gagner la Marine,
Dei on prend fur là gauche au pied des collines,
; “à où eft la prifon de & Paul ,-laifant à droite le
marais qui. fe dégorge dans le Cayftre. Ce che-
inéft fort étroit en plufieurs endroits ; à caufe
de la riviere qui ferpente & qui vient ns au
ied des: montagnes ; après quoi elle tire droit à
- la mer, A peine diftingue-t-onle chemin à. caufe
le la quantité des Tamaris & des. Agnus. caflur.
. La rade d'Ephéfe eft rerminée dans cet endroit-là ,
à fer à dote, & fur lequel on pale pour prendre
Je chemin. ce Scalanova;, On vient enfuite à la
latine d’où l’on découvre le Çap de Scalanova
4 qui avance beaucoup plus dans la mer. A deux
iles enideçède la ville, on pafle par là breche
… d'uncgrande muraille, laquelle, à ce qu'on pré-
“vend; a fervi d'aqueduc pour. porter les eaux à
Ephefe; ÿ mais il n’y a -point d’ arcadgs. On voit
pourcant la fuite de la muraille qui approche dela
ville en! fuivant le contour des collines. Les ave-
_nuës de Scalanova font agréables par leurs vigno-
bles; On: ÿ fair ain negoce conhdérable.en vins
ee ; de en raifins fecs ; 3: on y: prépare
pavés és er s crel
de nos villes de Pronite . enceinte cft prefque
quarrée, & telle que les Chrériens l'ont-bâtie. Il
n’y loge ‘qué des Turcs & des Juifs. Les Grecs &
les Arméniens en-occhpent les faux-bourgs. On
DIRAIT
191 Ds j) \ÿ A
1) NN PEL
d )
QU:
SCALANOVA .
Gr TS nd NS 2 TE TE dé
se
us
pu LrvANT. Lettre XXII, 403
voit beaucoup de vieux matbres dans cette ville,
L'Eglife de S, George des Grecs eft dans le
fauxbourg fur la croupe de la colline qui fait le
tour du Port; vis-à. vis eft l’écueil fur lequel on a
bâti un Châreau quarré où l'on tient une vintaine
de foldats en garnifon. Le Port de Scalanova eft
un Port d'armée, il regarde le Ponant & le Mif-
tral: Ilyaenviron mille familles de Turcs dans
cette ville, fix cens familles de Grecs, dix famil-
les de Juifs, & foixante d’Armeniens. Les Grecs
y ont l'Eglife de Saint George, les Juifs une Sy
nagooue , les Arméniens n’y ont point d’Eglife,
Les Mofquées ÿ font petites. On n’entretient dans
la ville & aux environs , qu’environ cens Janiflai-
res, Pour le commerce , il n’eft pas confiderable ,
parce qn'il eft deffendu d’y charger des marchan-
difes deftinées pour Smyrne ; ainfil’on n’y va char-
ger que du blé & des haricots. Il ÿa dans certe
Place un Cadi , un Difdar & un Sardar, Onne
compte qu’une journée de Scalanova à 7yre , au-
tant à Guerliffar où Beau Chateau ; qui eft la fa-
meule Æ{agnefie [ur le Meandre , à une journée
& demie des ruines de Miler. is
Le 25, Mars en revenant de Samos, nous al-
lâmes de Scalanova à Ephefe. Le lendemin nous
Partimes pour revenir à Smyrne , & nous couchä-
mes ce jour-là à Tourbalé qui eft à fix heures de
Smyrne, Tourbalé-eft un méchant village dans le-
quel on voit plufieurs vieux marbres qui font plai-
r aux étrangers ; car d’ailleurs les Turcs qui y
habitent {ont peu gracieux. On voit encore dans
‘le Caravanferai , des colomnes de. Granit ou de
marbre blanc, A trois mille de Tourbalé , au pied
; \ : ‘ :
+ de la montagne près d’un cimetiere , font les dé-
bris d’une ancienne ville, mais on n’y trouve rien
| Cc i
Lo
où: | VovyaAGeE
qui puifle en apprendre le nom. Tout ce quartier
eft plein de Leontopetalon , & d’Anemones fatinées
couleur de fen. Nous ne trouvâämes à manger à
Tourbalé que du pain de Dora, qui eft fort pe-
fant , fans être pourtant defagréable. Le 27. nous
arrivâmes à Smyrne où nous féjournâmes en at-
tendant une occafion pour nous embarquer,
Le Jeudy Saint 13. Avril 1702. nous mîmes à
la voile avec-un vent de Sud-Eft , fur le vaifleau
nommé /e Soleil d’or , commandé par le Capitaine
Laurent Guerin de la Cioutad armé de fix pieces de
conons de fer, & de huit pierriers ; il étoit char-
é pour Livournes de Soye , de Coton , de Fil
de Chevre, & de Cire. Le vailfeau étoit d’envi-
ron 6000. quintaux. Après une navigation de 40.
jours , pendant laquelle nous effuyämes du gros
temps & des vents affez contraires qui nous obli.
gerent de prendre à Malthe des rafraichiflemens ;
nous arrivames à Livournes le 23. May, & nous
entrâmes dans le Lazaret. Le 27. nous a È du
du Lazaret & nous nous embarquâmes fur une
felouque qui nous conduifit à Marfeille le 3. Juin
veille de la Pentecofte ,.où nous rendimes graces
à Dieu de nous avoir confervez pendant le cours
de nôtre voyage. -
Fin du Tome troifiéme.
TABLE
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DES MATIERES PRINCIPALES
:CONTENUES
DANS LES TROIS TOMES.
, À :
B1iME du Mont
Ararat , Tome III.
Lettre x1x. page
227.
Ablutions des Turcs,
Tom.ll, Ler.x1v.p.
2334. G fuiv.
Aboüillona, lac, ville &
Ifle ; defcription &
hiftoire critique ,
Tom. HE, Ler.xxrr.
P.354.
Abraham , s'il a bâti le
Temple de la Me-
Lo ae IL. Ett.
Afin: inte pistes y EVA
cription de cetre
Plante, Tom. 111.
: Ler, xv1x, p. 51.
Abydos & Seftos, leur
fituation , Tom. II.
Let. x 1. p.162...
Achille époule Deida-
cap . 11. Let,
+ A es
Adrachne , defcriphion
du fruit de cet arbre,
Tom. tIl. Let, xx14,
p. 362. 363.
Adraman Pacha , fon
Frope — Il.Let.
Alitfiss, ae quelle ma-
niere ce crime eft
puni à Skyros, Tom.
II. Let. x, p. 159.
En Turquie, Fom.il.
Let.xrv.p. 370.371:
Agenr. Noy. Perfe.
Agimbrat, ou Agimon-
rat ficuation de cette
â
TABLE
ville, Tom. II,
Let. xx1. p.293.
Aiman, Mines d’Aiman
- enF M de —— *
Tom. Let. iv,
p. 214
Aix , ville de Prdren
; y les grands hom-
mes qu’elle a pro-
duit, Tom.I. p. 5.
& fuiv
Albanoifes. Tom, II.
Let, vrit. P- 43.
coran; contient les
© Joix. des : Mahome-
tans, Tom. I, Ler.
Kavi por3a7
Alhegi . M nrorum del.
cription de cette
Planté., Tom, Il,
Let, virt. ps 4.
Alone , ou village des
dix Saints en Can-
die, Tom. I. Let.at,
P- 70
Alun , comment il. fe
Gties Tom. I. Let, .
IV: p. 186. Mines
d'Alun, en Fifle de
Milo,p, 196: € faiv.
Ses qualitez & fa a ge-
neration, P- ; 97 +
HV,
© f#
A mandier ; delcription
d'un Amandier fau-
vage ;,
Let. XX1:p.291e
Amafiro & Amaftris ,
Reine d'Heraclée ,
Tom. Ill. Let. x vi.
Ps 31. & 32. Ville
du mêmé nom fon-
dée par certe Reyne,
pe 36.
Amazones , leur pais,
Hs III, Let, x V11.
APhéqideurs Relation
‘ de ce qui fe pa a
à l’Audiance qu ’eut
«MF, de Ferriol du
Grand Vilir , & È
celle qui eftoir pré-
parée pour le Grand
Seigneur , Tom. I.
Eet; x13,
dernier reflort des
Marchands François
: RP p-
Comment les
PR .
introduits ez
=
à
° Grand Seigneur »
Tom: II, Ler. XII:
Ù p. 302. cd fuiv.
Ambaffadeurs envo-
yez au Roy de Perle
fonc entretenus ss -
DES MATIERES.
dépens de ce Prince,
js Ler. x1x,
P-2
Antriqié , ficelle n'eft
point un refte de l'ifle
Atlantide, Tom, III,
* Let. xv.p. 409.
Amianthe , ou pierre .
incombuftible, Tom,
à. 199 |
Amifus , hiftoire de
cetre ville, Tom, II,
Let. xViI, p. 56.
x
fuiv.
Amorgos , hiftoire de
cetre lile, Tom. I,
Let, vi1.p. 276. €
. fuit. fa doibdon A
p. 278. fon Urne
merveilleufe ; pag,
281.
er Roy des By-
thiniens,fes qualitez
& {a mort, Tom. If.
_. XV. p. 425. G’
pe Grecs,Tom,
L Let, 141. p, 127.
Anaphe Voy. Nanfo.
Ancyre , fi cette ville a
Gaulofs ; Tom. III.
Ler. xxx. p. 313.
es és infcriptions, pag.
I. Let, 1V,pag. 197.
cfté bâtie par les
313. 318.@'fuiv fon
hiftoire , p. 320. &
niv
Arr: ee =
cette Ifle, Tom. I
Let. vVirr, p.33. d
friv. {on hifloire ,
P. 34. 40. © fuiv,
R chigion de fes ha-
Biräns, p. 37. fes an-
tiquitez, p. 38. &
HI.
Anemones , fleurs de
l’Archipel, Tom, I,
Ler. 1v, p. 189. leur
hiftoire , Tom. EI,
. XII, pag. 250,
Angirs, Hilloire de cet-
te ville, Tom. III,
Let. xxr.p. $11° ©
fuiv. fa defcription ,
pes 322. celle de
on château, p. 326,
voyage d’ Angora. P.
286. & 306. bataille
d’ Angora. p. 321.
Année des Turcs. Tom.
IL, Let. x1V.p. 342.
Æntiochus vaincu par
Scipion, Tom. IH.
Let LA P; 307.
Œ fuiv.
Antiparos ; defcription
de cerre ifle, Tom. I.
« à
TABLE
Le. V:p« 221. d'une
£averne curieufe, p.
213. d' Juiv. infcri-
pique, ARTS À
16.
prit de Siphan-
to. Tom. I. Let LV.
Bar É fuiv de
Naxie,Let.v.p.26r.
de Delos, Let, vire
Gi 348.€ Sr Fe
ros, Tom, DAS
. Vus p. 38. &
de Samos. Tom. À.
Let, XD 1 6. :
Lfuiu, &136..@ fuiv.
de ÇConftantinople.
Tom. IT. Let. xs.
_..P. 226.9 fuiv. d'He-
sir Tom, IL.
Ler. xvi. p. 24, ©
_Juiv. : de ‘ Smyrne.
Let, xx11 p es
d’Ephefe, p. 391, &
39
7°
Apium Gracum , def-
“ cription de certe
Plante. Tom. L Let.
DOTE maïfon où
S. Jean écrivit FApo-
calyple. Tom. II
Let. x Pr45. 8 146,
Apollon, ruines de plu-
ficurs de festemples,
Tom.L.Let,y1,p. 8
& 329. Let. vir: p.
357. & 358. Tom.Il.
Lec. 1x. p. 92. Tom,
XIL, Ler.xx11,p.377.
fa ftatuë de Delos,
Tom. I. Let. vir, p
358. pourquoy fur-
nommé Swinthien.
sus IE. Let: 1%
DS baies Fe Abouil-
lona ; & Lopadi
Apôtres = ‘reliques des
Apôtres dans le Cou-
vent des Trois Egli-
fes, Tom: Frs Ler.
XI£S: D:
Aptere,hi c ref cequ’ on
nomme à prefent Pa-
leocaftro en Candie,
Tom, I. Let.i. p.96.
fes ruines -& fesin-
fcriptions. p. 97:
quilon ; comment les
‘ fils d’ Aquilon déli-
vrerent Phinée des
. Harpies.. Tom. Il
Let. xv.p.436
Ararat, di culrez de
monter cette mon-
tagne, Tom. ll
Let x1x.p 223.224
d'en defcendre. pag:
228, defcription de
PT
DES MÂTIERES.
Cette montagne, p.
- 206. Z1$ & jure.
_ Araxe, Où ai riviere
prendfa fource Tom:
DE . XIX, P. 230.
PR qui naillent
dans les ifles de Can-
die. Toi. I. Ler. 1.
p. 57:58. 59. & 60.
-de Naxie. Let. v.p.
- 254. & 261.d Amor-
gos. Let. v1, p. 287.
de Zia, Tom.Il, Let,
Vixr, p. 18. &C 73.
d’Andros. p, 35.
36.de Tine, p 46. dc
Scio.Ler. 1x. p. 62.
ë& 65. dé Samos, Let,
X,P. 111.128. 133.
fur les Cotes de la
Mer noire, Tom. III,
Lerxvir. p.56. 62.
* 83. &. 84. én Arme-
nie,Let. xvi1t, p.91.
100.8 to1. Let.xix.
pe 184, & 185. en
Georgie , Ler. xvuus.
- pag. 136.8 158. Let.
x1x- pag. 242, fur le
chemin d’Erzeron à
Tocar, Let. xx1. pag:
291. € fiv. 294. €
fniv.dans FAnatolie,
+ Let.xxr, p. ee 310,
336. 338. 344. Ler.
XXII. P. 362. 363,
366. 370. 389.
Arcadi , autrefois Are
cadiæ, à prefent Mo-
naftere, Tom. 1. Let. Ie
p- $9. & Go, pricre
que Pon recite tous
les ans pour benit là
Cave déce Monaftz-
te, 2 67,
ATGangis 3. Fanéffhé
Turcs, pen IH, Lèt,
XIII D.
Arcenäl de Conftanti:
nople , _—. Il. Let,
x
Arche RPAr Ar ie de Noé
s’arrefta fur lé mont
Ararat, Tom. III
Let. x1x. p. 192. 197
ie Relss a efté
veie ; p. 203:
Arébibihs } “TO ï,
Le, v. p 146.
Archipel, religion de
fes habitans, Tom.I.
Let. v. p. Fe hs
+ Ler. xv. pag. 407e
d fuiv. corament on
ä iii
TAB
y fait le vin, Tom.
L. Let, 1v. p. 191.
Cartes de l’Archipel
critiquées ou approu-
vées, Tom.!ll. Ler.
VIII, p. 32. © (uiv.
Ardachat , ville d’Ar-
menie, Tom. 111.
Let. x1x, p. 212. fon
hiftoire , p. 213.
Argent , mines d'argent
dans lifle de l’Ar-
gentiere , Tom. I.
Let. 1v, p.170. en
Armenie, Toi, ILE,
Let. xv111. p. 130,
Argentiere , Dvd n
de certe ifle, Tom.
I Let. 1v. p. 169,
© fuiv. religion de
fes habitans, p 171.
Ærgoñautes | ces heros
furent jettez dans:
lil de Nanfo ,
Tom. J, Let. vr. pag.
328. leur pieté, Tom.
I. Ler, xv, p. 420.
430. de quelle ma-
niere jls furent re-
. us de Phinée, p.,
435. Confeils que ce
Prince eur donna ,
p 432.437. fi c’efloit
des Marchands , P.
437
LE -:
Argos , vailleau des Ât:
gonautes , Tom, II,
Let. xv. p.432.
Ariftoloche, defcription
d’üne efpece d’Ati-
ftoloche , Tom, II.
Let. 1x. p, 79.
Ariffote, il eut le foin
de retoucher Les Poë-
mes d’Homere, Tom.
11," Let. 1x: p.:77s
bon mot de ce Philo-
fophe, pag. 85. ;
Armenie , defcription
e ce pays, Tom,
JII Ler. xvur. p.
86. G fuiv. les Oli-
viers n’y croiflent
point, Let. x1x, pe
192. :
Armeniens,\eurs mœurs;
Tom. IIL. Let, xx.
p. 251. @ fuiv. tar
blifemenc de leur
commerce , pe 2$3e
eur commerce » Pe
251. 256. 257. eur
maniere de vendre ;
259. leur traité
avec le grand Duc de
Mofcovie , p.2$7-
leur religion, p-259-
fuiv.:s'ils font Eu-
tychiens , p. 2604
leur Clergé , ps 266e
.
DES MATIERE S.
leurs preftres & leurs
teligieux, p. 271:
leurs Sacremens , &c
la maniere res on
les adrminiftre , pag.
273 fuiv: leur
troïance {ur lPEucha-
riftie, p. 276. 177.
* fur la creation des
Ames & fur le Juge-
ment dernier, p.164.
leur charité & leur
frugalité , pag- 255:
@ fuiv. leurs jeûnes
& leur Cäreme, p.
272.8 273. leur ma-
po de faire l'Eau
Emite ; pag. 185.
contes. tirez de leur
- petit: as EL
261. © fuiv. deux
fortes de langues en
ufage ;. p. 170.
” fniv. averfion des Ar-
meniens fchifmati-
ques contre les La-
tins , p.278.
ZÆrmoife ; defcription
d’une ‘efpece d’Ar-
moile, Tom, 111.
$e XIX. pe 245.
isa ; village d’An-
Fos: ; "Tom. 'Ti,
Let, vur: p, 36,
Afparagus Creticus à
. defcription de cette
> 54 ss [.Let,
VE P.2
Afarcalé Ê Tortetee
de la plaine d’Affan-
calé, Tom. II Ler,
X1X, p, 243. 8 244
Affragale ; defcriptiont
d’une efpece d’Aftra-
gale ; Tom. IL. Let,
XVII: P:1 101.
Atmeidanjdefcription de
PAtmeïdan de Con-
flantinople, Tom. IE,
Eet. x1 pag. 194
Ler, xÿx. p. 246,
Artze , deftrüétion de
cette place; Tom,
Das Let, XVIII, Pa
12$.
Atlantide ; ce que peuë
eftre que l’ifle Atlane
tide, Tom, Il. Let.
409
Fete RER le
voyage du Levant
avec M. Tournefort,
Tom. I. p. 2. & 3.
Augufte , defcription
du Monument d’Au-
guite à Ancyre ;
Fe III, Let. xxr.
cornée
iiij
P-315-
Aunmone
Et
“
A
aux Turcs, Tom.
II, Let, x1v. p. 348.
& li
Hiv.
ÆAutel de Bacchus ,
Ton E Lt: NY
P: 377:
AXamoglans ; jeunes
gens élevez dans le
Serrail ; leur éduca-
tion , Tom. Il, Ler,
XLIT Ps 284, -C
Hiv. |
fuiv.
AYapes , Fantaflins
Turcs ,;: Tom: ET.
Let. x1u. p. 315. &
316.
Axarolier ; defcription
: de deux efpeces d’A-
zarolier , Tom. HIT,
= Let, xxi p. 295. &
296.
B
Acchns , pourquoy
il ordonna de fe
fervir de cannes de
Ferule , Tom. I. Ler.
VI. p.291, enquel
- lieu il fur élevé,
Tom. I. Let.v. pag,
1$1-25 2/00 252
Bagno, prifon où font
. senfermez les efcla-
ves à Conftantino-
BL
E ;
ple, Tom, 11. Er
XII, P. 217.
Bajazer ; défaite de ce
Prince , Tom, HE
Let, xx1.p. 322. &
3224
Bains, defcription des
Bains de Turquie, ,
Tom, 11. Let. x1v.
p. 360. @" fuiv.d'Ar-
zerum , Tom, HE.
Let. xviit. p. 106.
de Teflis p. 170.
d’eau chaude auprés
de Smytne ; Let,
xx11, pag. 376. d'E-
lija, Let. xx1. page
286. de Capliza, p.
345. & fuiv
Bairam , defcription de
cette fefte, Tom. I.
Let, r. p. 53. & 52.
Tom.\ Hi. Let. xiVe
p.345. © Juin.
Bandits de l'Archipel
Tom. I Let. vs P:
301.
Baptême des Grecs >
-. Tom, I. Ler. #17 P°
147. des ArmenienS» -
Tom. II: Let. XX-
bis niVe
Barberouffe ; fon éleva-
tion, Tom, Il. L
XV, p. 4484
DES MATIÈRES.
Bafar , defcription des
Bafars de Conftanti-
nople , Tom, 11,
Ler: x11. p 231. &
ES2.
Bandran critiqué, Tom.
IT. Let. vrit. p. 32,
à. :
Beibazar , defcription
de cette ville & de
fes environs, Tom.
ET, Let. xx1. pe 235.
& 2136.
Berecynthe pe
de esse 5 _—
Let
Bignon t ù Labbé )
approuve le Voyage
du Levant, Tofn. I.
P- 3e
Bifni, monaftere, Tom,
ET le Het: Az, P.
187.
Blatraria Orientalis ,
de cription de cette.
Plante, Tom, 111,
Let, xvi. p.20. ,
Bled de Samos, Tom.
I Let: x 4 109.
maniere de le faire
venir dans differens
pais , Tom. III Let,
pe OS
& 1
hs ; de piee des
Boghas de Samos ,
_ IE Let. pe
oi. © fuiv.
Bol d'Efpagne, Tom.
pes Let, xvVI11, pe
Barrage Conftantinopoli-
tana , defcription de
cette “Plante; Tom,
IL. Let. x11. p. 242.
Bofphore, pourquoy .
nommé, Tom. I
Ler. x11. pag. és
defcriprion du Bof-
phore de Thrace ,
Tom. 11. Let. xv.
p. 397. © fuiv. com-
ment il s’eft formé,
P. 403. © fuiv. Pont
jetté par Darius fur
ce Bofphore , p.424
Boftangi-Bachi, {es fon=
tions ; Tom. IT.
Let. x111, p. 285. &c
286.
Botanique cultivée dans
le dernier fiecle ,
Tom. III. Let. xvur.
p. 149. & 150.
Boxillon blanc ; defcri-
ption d'une € pece
de Boüillon blanc,
Tom. IL Let. VIII.
+ 19.
_.
Bourrean ; en _ Georgio
les gens de qualité
exercent la charge de
Bourreau ; Tom. II,
Let. xV111, p: 165:
Bgyer d’Aicuilles , {on
cabinet ; Tom, I.
ei P Se
Brouffe. Voÿ, Prufe:
Buccinum efpece re-
marquable de Bueci-
num ; Tom. III, Let;
XXI. p. 308, L
Byfance , hiftoire des
Byfantins, Tom. II.
Et. XI11, p.206,
& 205.
G
TAdi & Moulacadi ,
leurs fonctions ,
Tom, 1, Let.
:p. 180. 187.
IL. Let. x1v. p. 386.
Cadilefquers ; leurs fon-
: ions , Tom. II.
Let, x1v. p. 385.
Cyilloux merveilleux ,
Tom, Ill, Let. xx1.
. Cains , ce que c’eft,
Tom, L Letsir: p.110:
BLE
Caïque , ce que c’eft ;
Tom. III, Let. xvi:
Re
Cakile, defcription d’u-
ne cfpece de Cakile ,
Tom. I. Let. vi. p:
302. :
Caloyero ; defcription
de ce rocher, Tom.
I. Ler. vi: p:287.
Caloyews ; ce font les
Religieux Grecs ;
* Tom.I. Let: 111 p:
121. Voy. Religieux.
Camargre ; fertilité de
&e païs: Etimologie
de ce nom, Tom.
IT, Let: xÿus. p.
135.
ae (e fait de fil de
Chevre, Tom. Hl.:
Let. xx1.p.235..
Campanula Orientalis ;
defcriprion de certe
Plante, Tom. ll:
Let, x1x. p. 238.
Campanula faxarilis
defcriprion de cette
Planre , Tom. I.
Let. vi, p. 289.
. Campanule , defcription 5
d’une efpece de Cam-
panule, Tom, I. Let:
V1.p, 309.
Canal, defcription du
DES MATIÈRES.
< s {
Canal qui eft entre
les ifles de Delos ,
. Tom. Il. Let. vit. pi
343. © fuiv.
Candie , defcription de
cette Ifle, Tom. I.
Let, 1. p. 22.45. ©
fuiv. du Labyrinte ,
Let. 11, Pe 77: cara-
étere & mœurs defes ”
habitans , p. 100.
101, 106. fes ache-
vaux , p. 112. fes
chiens, p. 113. fes
richefles & fes vins,
p. 107, & 108. les
villages y font bâtis
de marbre, pag. 109.
les meilleures terres
de Fifle appartien-
nent aux Papas &
aux Caloyers , p.
106. fa diftance de
Marfeille & de quel-
ques autres lieux ,
p.98. fon étendu£,
p. 98. & 99. fon hi-
foire critique , p.
46.
Canée ; hifloire abre-
gée de la Canée , fa
defcription, fes Éor-
and Tom. I. Ler, 1.
p.22. © fuiv. faute
RE des Ve-
nitiens à l'attaque de
cette Place, p. 23.
fon port, p. 24.
Canne ; defcriprion d’u-
ne éfpece de Canne,
Tom. III, Let. x1x.
181, pourquoy
Bacchus ordonna de
fe {ervir de Cannes
de Ferule |; Tom. I.
Let. vi, p.291.
Canoniers Turcs, Tom.
11, Let, x111. p. 314.
Capigis du Serrail ,
om. II, Let. xtrr.
«291.
Caps an Pacha , privi-
leges de la Charge
; à es Pacha ,
HI. Let, X111,
; ra temps où il
fait fa ronde , p.324.
Capitation exigée par
les Turcs, Tom. II.
Let.1x, p.73. Tom.
IT, Ler, xvirr. p«
112. maniere de dis
ftiñiguer ceux qui la
doivent, Tom. 11.
Let. 1x. p. 73.
Capots de Zia, Tom.
IL. Let. var. Je 22,
GE + _ ines ,
Le Y- Pe
er
TA
Caprifcation de lAr-
chipel , Tom. 11.
Ler, vi, p. 13: ©
niv.
Capfi Roy de Milo ,
pendu à Conftanti-
nople , Tom. I. Let.
IV. p. 176.
Capucins de la Canée ,
Tom, 1, Let. 1: p.
\-24.:de Milo’; Let.
iv. p. 178. de Geor-
gie, Tom. I, Let.
XVII, p. 172. rapel-
lez dans Andros ;,
Tom. II. Ler. vrix,
p. 38.
Caravane ; defcription
. des Caravanes, Tom.
HE, Let, xvir. p.
86. maniere dont les
Turcs prient dans les
Caravanes, Tom. 1{.
Let. x1v. p. 347.
Caravanferai ," defcri-
ption d’un Caravan-
- ferai, Tom. IL Let.
= XXI. p. AD 293.
, N° 3l
Cds Orientalis ; de-
.fcription de
Plante, Tom.
Let, x1x, p. 206.
Carême des Grecs ,
Tom. I, Let, at, p.
cette
Il,
341. ©
fuiv. des ‘Armeniens, ss
Tom.'su1. Let. xx.
p:272.8t 27;.
Carrieres de Granit .
Tom. I. Let. vis. p:
365. & fuiv. de Jaf-
pe, Tom. LE. Lét.
1X. p. $9.
Cars , defcription de
cetre Place , Tom.
IIT. Ler. xvrir. p.
142. s mr cii=
tique ,
Carthée , éctioi de
certe Villes Tom. Il.
rRrÀ Vitse P T4
caf re defcription d'u-
ne efpece e Cafh
- Tom. IL, Let. ir
p- 159.
Cavalerie Turque, To.
EH, Let. x111. p. 316,
d fiv
Cavernes d Milo, Tom.
k, Let, 1v. pe19
G° fuiv. de Samos ;
Tom. Il. Ler. x. p-
119, d'Antiparos »
Tom.1. Let. V. P«
223
Caviar, Tom, IX, Let.
DES :MATIERES.
XX. p. 258. &25$9.
Cayftre , riviere d’Ana-
tolie, Tom, III. Le.
XX11.p.389.
Cerafonte , cipion
._ & hiftoire de cette
ville, Tom. IL, Let,
XVI1.p.6$.
Cerifiers ApOrsF à Ro-
me Eucullus ,
re LI, Let.xvr1.
Er de Cappadoce,
: Tom.lIll. Let, xxr,
.-30$;:
Celle , ce que c’eft ,
Hi IT. Let. xv.p.
Ch Abbas, hiftoire de
ce Ro: #& Perfe ,
Tom,Ill. Ler de
.2$2. © fniv. mo-
yen a il Fe LS
pour établir le com-
_merce de Perfe, P.
Chabar: Apoticaire à |
Conftantinople!, To.
HE. Let, xv 1.p.11.
EPS > fes ports,
Tom. Il. Ler.xv. p.
413.prodige qui em-
pef cha Conftantin de
rérablir cette ville,
P. 414.
Camærhododendros pan-
tica , defcription de
deux efpeces de ce
genre de Plante ,
Tom. IL. Let.xv1 1.
P. 69. € fuiv.
Chamean , privilege du
Chameau porteur de
FAlcoranà la Meque,
Tom. IL Let. XIV,
P- 359.
Chapelles , pourquoi il
y a un grand nombre
de Chapelles en Gre-
ce, Tom.l. Let.rxr.
…P.134.
Chapeler des Turcs ,
Tom.l. Let. xr, p.
193. du Sulran Or-
can, Tom. Ill, Let,
XXI. Ps343e
Charité des Mahome-
tans, Tom. Il. Ler.
X1V.P:354-
Chafe des Candiors s
Tom, I, Let. 11. p.
IE IE.
Chat , les Chats font ai-
mez des Turcs, &
pourquoi, Tom. Jl.
Let. xiv. p.355.
Chateau des Sept Tours,
Tom. Il, Let.x11.p.
234. {ur le Bofpore,
Tom, Il. Let. xv. p.
FABLE
421.428. 440. 443.
Œ fuiv. de la Mari-
ne auprès de Smyr-
ne, Tom,lll. Let.
XX11, p. 376. de
Smyrne , p.379. @
Hiv
Chanderonniers d'Erze-
ron , Tom, II, Let,
XVIII, p.209.
Chaumete (M: dela) a
inventé une maniere
de charger un fufil,
Tom.illi, Let. x1x.
p.249.
Cheiro , defcription de
cette Ifle, Tom. I.
Let.vi. p.188.
Ebêne , defcription de
. deuxefpeces de Ché-
ne, Tom. Il. Ler.
Virr, p.18.& Tom.
If. Let.xxr, p.297.
Cheval , Le
queue
eft le figne militaire
des Othomans, Tom.
IL, Let. x111.p.294.
chevaux de Turquie,
p. 290. de Candie,
Tom.l. Ler. 11, p.
112,8 113.
Chevres d’Angora , To,
IT, Lec. xx1, p.334.
de Bcibazar, p.3 36.
Chiaoux du Serraïl, leurs
employs , Tom, II,
Let, x113, p.297.
Chien ,. pourquoi Îles
Chiens font bien .
traitez des Turcs,
Tom.Hl. Eet: xiv.
«355. particularitez
d’un Chien du Con-
ful de Candie, Tom,
- JL Let, 11. p.124.
Chimoli, Noy. Argen-
iere.
Chrème , de quelle ma-
niere le Saint-Chré-
me eft diftribué en
Armenie , Tom. HE.
Let. xx. p 268. en
quel temps & com-
ment les Patriarches
Armeniens le prépa-
rent, p.268. ;
Chrétiens vivent en li-
berté dans Galata,
Tom, II, Ler.x11.p.
223.
Chryfopolis. Voy. Scu-
tari,
Giboulette , defcription
d'une efpece de Ci-
boulette , Tom. HI.
Let, xx, p.183.
Cigognes reverées, Tom.
IH, Let,xxr1.p.362-
Cimetiere des Turcs »
BES MATIERES.
Tom. I. Let, 1.p.29.
- Tom.Il, Ler, x1v.
399.
. Voy, Arger-
tiere
Cimolée, verre , ce que
c'eft,; Tom: Let,
1V. p.172.
Cimon , {on expedition
en lifle de Sxyros,
Tom,M, Let, x. p.
I
Fa , croyance
des Turcs à l'égard
de la Circoncifion ,
Tom. 1. Let.x1v, p.
329 9. 330. ceremo-
nies qu’ils LE obfer-
vent, P. 331. © fuiv.
Cirque de Smyrne , To,
HI. RS p.382,
: Cl ete ,; hiftoire &
fituation de cette
ville , Tom.I. Let,
xXx11. p.377. © fuiv.
Clenrque , Tyran d'He-
ne” F5 ll. Ler.
Chers à fine de Na-
xie , Tom, I. Let.v.
p-259.
Cloches , ce qui a été
fabftitué à lufage
des Cloches dans les
Eglifes Grecques ,
Tom. E. Ler, r11.p.
137. & 138.
Cochon ; cet animal
eftoit facré chez les
anciens Cretois, To.
‘I. Let. 11. p.113.
Een de Turquie,
Tom. IL, Lec xrv. p.
2
Colonis , (le Pere de)
Jefuite favant anti-
quaire , Tom. I.
pe 4.
Colomne aux trois Ser-
pens , Tom. IL. Ler,
xi1,p. 228. fi c'eft
un Talifman , p.
129. colomne brü.
lée , p.230. colomne
hiftorique , p. 231.
colomne de Marcian,
p. 231. defcription
de là Colomne de
Pompée ,’ Tom. IL.
Let. xv. p. 433. &
434, de celle À tu
gora, Fe 1. Let.
XXI, P. 33
ce LE à c'éft,
m.E Lec. lux, p.
Fe
Comnenes Empereurs de
Trebifonde , Tom.
* JL, Let. XV HT. p.77.
Fe TABLE
Commerce ,; Chambre Tom. II. Let, xr. p.
du Commerce. à 173. © Jhiv. in{cri-
Marfeille, Tom, I.
-p. 15. de quelle ma-
niere le Commerce
fe fait dans le Le-
vant, p. 16. Com-
merce de Naxie ,
Let, v. p. 255. &
256. de Smyrne ,
- Tom. Il, Let, xxu.
p. 372. O'fuiv.
Cimmunion des Grecs,
. Tom. I. Let, 11, p.
144, les Armeniens
cominunient fous les
deux efpeces, Tom,
II, Let. xx. p. 276.
Tom, I. Let. ax. p.
146. & 147. des Ar-
meniens , Tom. li,
Let, xx. p.279.
Confirmation des Grecs,
om, I Let.111. p.
148, des Armeniens,
Tom, HI. Ler,.xx.
p.274 & 275.
Confecraiion , ignoran-
ce des Grecs au fujet
de la Confecration ,
ns LL... Le ir
Canfantsorlé , defcri-
. ption de cette ville,
_ Confeil,
Confelr ion des Grecs ,
. ptions,p.176 © fuiv.
la pefte & les Leven-
tis la ravagent , p
180, © fuiv. pour
quoi elle eft fi peu-
plée, p.185. defcri
ption du port , Let,
XII, p.203, © fuiv.
du Serrail, p. 208.
fuiv. fes obelif- |
ques , p.126, fes co-
lomnes , p. 218, @
fuiv. {es marchez, p.
232, eines de
Galata, p.1
JET du
Confeil parmi les
Turcs , Tom.Il, Le.
X111.P.2974 & faiv.
Confuls du Levant »
+ Tom. Il. Let, 1V. Pe
180, fniv
Coquille, dos fort re-
marquable de Bucci.
num , Tom. I, Let.
XXI, p.308.
Corail , en quel endroit
on Le pêche , Tom.l,
p.17. ily en a de dif-
ferentes couleurs ; P.
17. c'eft Fe Plante
marine , p
Cordeliers Ée _ Ga-
CE
DES. MATIERES.
arts. Toi: ik ler,
xII, p.222. & 223.
Corvirap ; Monaftere
d’Armeniens , Tom.
IH. Let.x1x. p.206,
Coton de Milo , Tom.I,
Let.1v. p.188.
Cotta détruit Heraclée,
Tom. Ill, Let, xvi,
P-34-
Courans dans le Canal
de la Mer noire, To,
If, Let.xv. p.400.€
ui.
Coufada. Voy. Scalano-
VA,
Craye qui fert à blan-
chir, Tom.l, Let.iv.
Pe17%
Crete, Voy. Candie.
Cretois , leur caractere
& leurs mœurs , To.
ELer ti. p.00. 6
1o1. leur habille.
ment, p. 102«
Croiffanr , pourquoi
fymbole de Byzance,
FOR EH. Ler, xp.
197.& 198.
… Cuivre, mines & vail-
felle de Cuivre, To.
HE. Let. xviur. p,
109.130. & Let.xxr,
p.301.
Cuperlis, Grands Vilrs,
Tom,li.Let.x111.p.
292.caractere de Nu-
man Cuperli, Tom.
XII, Let.x vi. p.5. fu-
jer des converfations
qu’il eut avec lPAu-
teur , P..6.
Curdes , peuples d’'Ar«
menie, Tom.lll.Ler.
XVII, P.115.118.S
fuiv. defcription de
leurs païs, p.120.
Curé , friponneries des …
Curez Grecs , Tom,
L Let.rur. p.167.
Cufcute , defcriprion de
cette Plante , Tom:
II, Let. x1x.p.209.
Cyanées,defcriprion des
Ifles Cyances, Tom:
IT, Let, x. p 432.
433.
Cydonia , en quel lieu
étoic cette ville, To,
HE. Ler. 1. p. 34 fon
hiftoire , p.35.
Cynthe, montagne con-
facrée à Apollon ,
Tom.l, Let, vr1.p.
365. -
Cyprés croiflent parmi
la neige auprès de la
Canée , Tom... Let,
1, P.32+
Æ
G
TABLE
D
yes du Serrail,
Æ_/Tom.l. Let.xr11.
p.288.
Darfe, la danfe eft la
" principale occupa-
tion des Dervis, To,
EL. Let.x1V. p.394.
Dardanrelles, differens
noms du détroit des
Dardannelles, Tom.
11. Let.x1.p.160. def-
cription & hiftoire
de ce Canal , p.rGr.
foiblefle & fituarion
des Châteaux,p.162,
; 163.
Darius , pañlage des
Perfes fur le Bofpho-
re, Tom. IL, Let.xv,
p- 413. de quel en-
droit il confidera le
Pont Euxin , p 431.
Delis, Gardes du Grand æ
Vifir, Tom.il. Ler,
. 3 FH Pr294-
Delos, defcription de
fes ports , Tom. I,
Let. vit. p.370. &
371. fes differens
poms,, p.372. hiftoi-
re & defcriprion des
deux Delos, p. 343.
345.374. © fuiv. an°
tiquitez , p. 348. ©
fuiv:
Denys Ray d'Heraclée,
Tom. HE, Let. xvi.
p. 31.
Dervis , ordre de Reli:
gieux Turcs, Lom.
11. Let, x1W.p. 391.
Œ fuiv. la danfe eft
leur principale occus
tion, p.394. |
Divne é Eu &
_ hiftoire du Temple
de Diane , Tom.lIll.
Ler.xx11. p. 393e0
fuiv. fes prêtres» Pe
6
r3 90:
Diogene le Cinique eft
né à Sinope, Tom.
JL Lec. xvir. P.f3e
{on épitaphe, p.54
Divorce , pour quels
_ fujets le divorce eft
en ufage chez les
Turcs, Tom.ll. Ler.
XLV. p.363
Doileurs , comment on
recoit Les Docteurs
- en Armenie , Tom.
HI. Lert.xx. pes
Dodartia , delcription
” de certe Plante , To.
HI, Let,xix. p.108.
Doliman , ce quecelts
DES MATIERES.
Tom.Il Let.xiv.p.
373°
Drogues qui {e vendent
à Marfeille |, Tom.l,
p.18. difhculté qu'il
y a à faire une hiftei-
re des drogues, Tom,
LIT, Let.x1x.p.248.
E
An, qualitez des
Eaux de Milo , To.
I. Let. 1v p.192.
193. & 195. fources
d'Eau chaude , Tom,
III, Let. xx1. p.346.
Let, xx11. P-377:
Eau benite des Grecs,
Tom, IL. Let.:111,p
133. des Armeniens,
Tôrm. HE, . Let, xx.
p.285.
Eau de vie du Levant
Tom I.Let.r1.p108.
Ecclefiafliques , igno-
rance des Ecclefiafti-
ques Grecs, Tom, I.
Let. 1117. p. 116, &
117.
Echelle , étymologie de
ce mot , & pourquoi
le Golfe de FEchelle
eft ainfi nommé, To.
LL. Let.xv, p, 445.&
446,
Echos extraordinaires,
Tom, IL. Let. xv. p.
439.
Echium , defcription de
deux efpeces d’E-
chium , Tom, 111
Let, xV111. p. 94.
& 139. 2
Ecole , defcription de
d'Homere ,
Tom. H, Let, 1x. p.
76.
Ecritures qui {e trou-
vent au fond du La-
byrinte de Candie,
Tom.I Ler.11.p.78.
Ecurie du Serrail, om,
Hi, Let. x11.p. 213.
Egée , pourquoi la Mer
Egée fut ainfi nom-
mée , Tom. Ii. Let.
Vin1. p.54. Voy.4r-
chipel.
Eglife , état prefent de
PEglife Grecque ,
Tom. I. Let.r11. p.
1:16, fuiv. hicrar-
chie de certe Eglife,
p.r2r, fes differens
ordres, p.121.8122,
fi les Prêtres Grecs
peuvent fe marier, p,
122, & 123. defcri-
ption des Eglifes de
Grece,p.136.@ fuiv.
é ij
… ffentrée en eft
dire aux femmes en
certains tems, p.136.
. defcription de l'Egli-
fe de Parechia en
l'Ifle de Paros , Let.
V. p.244. & 245. de
VEglife: de Prufe ,
om. HIT. Let. xx1.
p. 342. Egliles de
Gortyne , Tom. I.
Let. 11, p.72. & 73.
de Milo, Let,1v. p.
183.de Naxie, Let.
y. p.258. & 259, de
Mycone , Let, v1.p.
355.& 356 de Tefis,
Tom. HI, Let.xvur.
p.177.
Elephant , defcription
- de deux efpeces d’E.
lephant, Tom. IE,
Ler. xvi1. pag 59.
Let.xvrrr ptss
Ellcbore, defcription de
FEllebore noir des
Anciens ,; Tom, II,
Leuxx1.p347.
ÆEmeril de Naxie, Tom.
LLer v. p.163.
ÆEmpaler , jdelcription
de ce fupplice, Tom,
I. Let.11.p.110,
Æmpereurs » Ceremo-
nies du couronne-
T AB
inter-
LE
ment des Empereurs
Turcs , Tom.ll.Let.
X1. p.201
Empire,pourquoi l’'Eme
pire Ochoman et:
appellé la Porte , To.
11, Lec.xs1. p.210.
& 211. fon origine,
Let. x111, p.267. &C
268. . |
Enfants, les enfans font .
fujets à une pefte
dans-le Levant, To.
I. Let,1v, p.202. ce-
remonies de leur cir-
concifion , Tom.lIl.
Let.x1v.p,330.C'f#iv.
Enfer, croyance des
- Grecs touchant l'En-
fer, Tom. I. Let. 111.
\p. 165. des Turcs ,
Tom. 11, Let, xiv.
Fpes88.
Ençour. Voy. An£or4.
Ephefe , defcription &
hiftoire de cette vil-
le, Tom. 1IL Let,
xxI1 p.390. O'fHiv
396. fniv.du Tem-
ple de Diance,p. 393:
€ fniv. :
Epine vinette , defcrie
ption de cette Plante,
Tom. IL. Let, xx.
p. 287.
DES MATIÈRES.
Epitaphe dans lle de
Delos ; Tom I; Ler,
Vi. p. 376.
Eregri. Voy. Heraclée.
Erivan, defcriprion de
cétte ville & de fes
environs , Tom. II,
Let x1%, D 197% ©
fuiv. fes Egliles , p.
202, fon. hiftoire ;
‘p.199, 502,
ÆEriXXo capitaine Veni-
tien empalé, & pout-
- quoy , Fom. IL. Let.
XV. P. 444.
Erzeron, defcription de
certe. ville & de fes
environs , Tom. IT.
Let. xvi11: p. 106,
Œ fiv. revenus que
le Gouvernement
d’Erzeron rend au
Grand Seigneur ; p.
z11. fi c’eft la même
que Theodofiopolis ;
_ p.125:
Efcalier d’üne ftruéture
finguliere,; Tom. IL,
Let, xvur, p. 83.
Efclave ; comment fe
vendent les Efciaves
à Conftantinople ;
Tom. I, Ler, xri,
pag. 232,8 233.
Effrapade ; maniere dé |
… donner l’Efträpade en
_ Turquie; Tom, À
. Let. Iris P. 1114
Etoffe d’Amorgos efti-
mée, Torû.l, Let.vri
p.277:
Evanpile ; ce due c’eft
- que le petit Evangilé:
des Armeniens, Toi,
III, Let. xx. p. 261%
En [uiv.
Euchariflie ; croÿatice
des Grecs touchähé
l'Euchariftie; Torñ.ls
Let, r11. p. 165$. des
Armeniens, Tom.Hl
Let, xx: p. 276. &
Evphrate ;
des fources de l’Eus
phrate , Tom, HL:
Let, xvVi111, pa114: 6
124.
Eutrope ; port d'Eutro-
pe dans le Canal dé
la Mer noire ; Toma
IL. Let.xv. p.413:
Excrements dés Forçats
fervent à fumer le
_térroir de Marfeille,
Tom.Ef, p.19.
Extreme - onéffon des
Grecs, Tom, I, Let,
€ üij
re TAB
114, p.149. des Ar-
meniens , Tom, il,
Let.xx, p.180.
F
F::: ; premier Me-
decin du Roy +0
EL. p.4.
Femmes , habit des fem-
mes de Candie , To,
I. Let. 11. p.103. de
Milo , Let.1v.p.179.
de Mycone, Lét. vr.
p.337. © Juiv. des
. Turques, Tom, II,
SE: XV PART.
© fuiv. qualitez de
Corps & d’efprit de
celles-cy , p.368. &
369. leurs intrigues ,
p.369. & 370. ma-
niere de les débar.
quer, Tom.Ill, Ler,
XV:.p.16. © fuiv.leurs
voyages dans les Ca-
ravanes , Let.xvrtr,
p-88.s'ilya un Pa-
radis pour elles, To,
IL. Let.x1. p184.va-
nité des femmes de
Patmos , Let. x. p
143. de Naxie, Tom,
LE Let.v, p.257. les
Greques prennent
LE:
leurs beaux habics
pour aflifter à un
convoy ; Let. 111.
pag. 153. tendrefle
des L'acedemonien-
nes pour leurs maris,
Let.va. pag, 312. les
Turcs ont trois for-
tes de femmes,Tom.
1 Let.xiv.p 364.
fuiv. portrait d’une
femme des Curdes,
Tom.ll, Let.xvsit ,
123.
Pe
Fer, Mines de Fer en
l’Ifle de Milo, Tom.
1. Let, sv. p. 185$. la
limaille de fer mêlée
avec de leau s'é-
chauffe, p.186.
Ferriol, (M.de) Am-
bafladeur de France
à la Porte: fa magni-
ficence, Tom.ll.Lert.
x1, p.182. prefens
qu'il fit au Grand”
Vifhr, Let, x11. page
255. au Grand Sti-
gneur , p.258. rela-
tion de ce qui fe paf-
fa à laudiance qu'il
eut du Grand Vi-
fir , & à celle qui
étoir préparée pour
le Grand Seigneur »
DES MÂTIERES.
pag. 2$12 fie.
Ferula Orientälis ; de-
fcription de certe
Plante, Tom. I i I.
Let.xix. p 239.
Férule , dsiption de
la Ferule des anciens,
Tom. 1. Ler;v:, pag.
290 fon ufage,p.291.
& 192
Fêtes des Grecs ; Tom,
L. Ler. 111; p 166: des
Turcs , Tom.il. Let.
X1V.D. 348,
Feu ; are fe Conferve
dans la tige du Mur
theca Tom.l. Let,
VI. p. 291.
Figues de Samios, Tom,
VW, Lec x: p.109,
Figuier trois fortes de
ruit du Figuier fau-
vage , Tom. H. Let,
VI11 p.23, comment
en fait meurir les
fruits du Figuier do-
> meftique , p.14.
Fleur ; hiftoire de plu-
fieurs Fleurs appor-
tées en France, Tom.
IL. Let.xtr: pi so.
Fontaine dôt l’eau avoit
le gout du vin, Tom.
Bi, Let yuit. p.39 qui
gucrit la ficyre des *
Grecs F Let, x11, p
5 tes
Fonines de France elti-
méesen Levant, T6:
Hi, Let. xx17: pags
174:
Fourures en ufagé par
ini les Turcs ; Tom;
IL Ler x1v. p. 3744
fourüres d’Erzeron;
Tom Hi, Ler,xvims
p.1 10,
France; le Roÿ de Fran
ce cft fort eftimé des
Mahometans ; Tom,
ILE. Lec, xv 111: pags
114
Fufil ! maniere de chars
ger les fuñls en Le:
vant ; Tom.lil. Ler:
k1x p.249. nouvelle
maniere de charget
un fufl ; ibid.
G
Alata, étymolo:.
TJ gie dece mot,To;
HE, Let x17, p:21 8:
hiftoire de ce faux-
bourg ; tbid: {a de-
fcription ; mé 1.les
mailons y font fou-
vent confommées par
le feu , Ler.x1.p180,
é iiij
TAB
— es Chrétiens ‘y vi-
vent-en liberté , Let.
. XI p.223.
Galarie , ainfi nommée
par les Gaulois , To.
IL Ler, xx1, p.313.
fon hiftoire , p 314.
€ [uiv,
Galeres Turques, Tom,
IL. Let,xtr1. p.323.
Gallipoli | hiftoire de
Gallipoli , Tom. II,
Let,x1,p 169, {a fi-
tuation, p.171.
Ganche, le Ganche eft
unc efpece d’eftrapa-
de, Tom.lI. Let. 1,
SOMIER
Garderobe | ceremonies
que les Turcs font
étant à [a garderobe,
* Tom. II, Let,xiv.p.
236;
Gaulois , leurs conqué-
es en Afie, Tom.Ill.
Eér, xx. p.312. ©
fuiv. :
Geographes ; s'ils doi-
vent s'appliquer à
l’Aftronomie, Tom.
HIT. Let. xv11, p.44.
leur erreur fur [a po-
fition de Sinope, p.
45. fur le cours du
fleuve Halys, p.55.
EE
Geographie,ftations Geo
graphiques faites à
Naxie, Tom. Il. Let,
v. p.267 à Raclia,
Let.vi. p.294 à Nio.
p.303.à Sikino,p.3074
à Policandro, p.310.
à Mycone , p. 340.
Delos,Let.vr1.p.373«
à Syra, Tom.H, Let.
V LIL. p.7.à Thermie,
p.13. à Zia; p.26. à
Tinc, p.54. à Samos,
Ler. x. p.140. à Pat-
IMOS » Psl47+
Georgie, defcription de
ce pays ; Tom. HI,
Let.xvi11. p.134. fon
hiftoire , & revenus
du Prince , p.16 s,les
gens de qualité y
exercent la Charge
de Bourreau,fbid.tout
s’y faic par échange»
p.t54.fi le Paradister-
reftre étoit en Geoï-
gie, Lers x1x. pe179e
portrait des Geor=
giennes ; Let XVIIE
p.155: |
Georgiens, leurs MŒUS»
Tom.ll.Let.xv111e
p.166. @ fiv. leur
commerce ; p. 179+
leur Patriarche : P*
DES-MATIERES.
i72. leur religion,p.
1748 175$.
Geranium Orientale, de-
fcriprion de cette
Plante , Tom.li.Let,
XL. P.245,
Geum Orientale, defcri-
ption de cette Plan-
te, Tom.Ill.Lert.xix,
.220,
Gingidium Diofcoridis ,
defcription de cette
Plante, Tom.ll Let,
XXI. p.298.
Girapetra , ville de
Candie , {es differens
noms , fon hiftoire ,
Tom.L Let,r. p.55.
fa defcriprion , p 56.
Goiffon à fait un recüeil
des Plantes qui naïf-
fent dans les Alpes ,
Tom. I. p. 4.
adragant du
mont Ida, Tom. I.
Let. 1. p. 64
Gortine , ville de Can-
die , fon origine ,
Tom. I. Let, 11, p.
68: defcriprion de fes
précieufes ruines , p.
69. fuiv.fes ports,
p. 76.
Grabufes , Cap & Fort
de Grabufes, Tom,
… 1. Ler. 11. p. 94. hi- :
_ floire critique de ce
Cap. p. 95.
Graines du Guy. Tom.
HI. Ler. xx1.p,309.
fi les Plantes fontren-
fermées dans leurs
graines , Let, x1x.
CA
Grand Seigneur , rela-
tion de ce quife paffa
à l’audiance accordée
à M, de Ferriol pour
le grand Seigneur ,
Tom, IL. 'Ler, xr1, p.
256. € fuiv,
Granique,riviere, Tom.
IT. Let xx11. p.360.
Granit , carrieres de
Granit, Tom. I. Ler.
Vi. p. 366. :
Grece , defcription des
Eglifes & des Mona-
fteres de Grece, Tom.
L'Lct. MED 26.
Œ [uiv.
Grec, difference entre
les Turcs & les
Grecs, Tom. Il. Let.
XIV. P. 3778 378
habit des Grecs; To.
E -Hets 46 pe'102,
leur caraétere,p.103.
leurs Patriarches &
Jeurs Prelats les ran+
TABLE
çonnent, Let; 111, P:
120. & 121. hierar-
_chie de leur Eglife ;
pag, 121. fi les Pre
tres Grecs peuvent fe
marier , p: 122, &
123. leur maniere
d’adminiftrer les Sa-
cremens , P, 144.
faiv: leurs enterre:
mens, p.1f1.@ fuiv,
leurs ceremonies de
la Melle, p, 140; leur
ignorance au fujet de
la confecration, p:
143. leurs jeunes &
leur nourriture pen:
dant ces jours de jeu-
nes , p. 129. & 130;
leurs jours d’abiti-
nence ; p. 132, ils
bâtiflent un grand
nombre de Chapel…
les, pag, 134. igno- :
rance des Ecclefiafti-
ques Grecs, pag.116.
117. 164. ils croyent
que le Diable ranime
le corps , ibid, leur
croyance fur l'Eu-
chariftie , l'Enfer , &
le Purgatoire, p.165.
leur maniere de ce-
lebrer les Dimanches
& les Fetes, p. 166,
. leur devotion envers
les images de la Vier=
ge , pag. 165. &
Let; vr. pag. 2754
leur maniere de pef-
cher au Trident ,
p. 287. ceremonies
qu'ils font le jour
de la Transfigura-
tion, Tom, Il; Let:
XII; p. 21$: COM
ment on doit pro
noncer le Grec , pi
” 240;
Grenonilles de Serpho ;
Toin, I; Let: 1v: ps
Guerre , premiere guer*
re de Religion, Tom:
IL. Let, xx,p. 265$.
Gundelia ; defcription
dé cette Plante, Tom:
111, Ler: xviar
p: 98. se
Gundelcheimer Entre
rend le voyage du
Le vantavec M Tour-
nefort, Tom.L.p.2:
|. APRES
Guy RES le Guy
fe mulriplie, Tom:
HI, Let, xx1: pe 309:
Gymnafe de Delos ;
Tom, 1, Let, VI}
Pi 3924
DES MATIERES.
H
Abit , defcription
des habits des Da-
mes de Micone,
. I, Let. vas pe
7: © fiv
Ad packs F Me
Vifir, & depuis Vi-
ceroy deCandie , fon
hiftoire , Tom. I.
Let. L p. 49.
Halys , defcription de
cette riviere , Tom.
LIT, Let. xvi1. p.55.
Harpyes , de quelle ma-
niere Phinée en‘fut
Helene , femme de Me-
nelaüs a donné fon
nom à une ifle de
l’Archipel | Tom. If.
Let. vus. p. 28. Voy.
Macronifi.
Hellefpont , pourquoy
ainfi nommé, Tom.
Il. Let. tr. p. 160.
Heliotropium ; defcri=
ption de cette Plan
te, Tom, 1. Let. v.
p.265.
Heraclée | ruines de
cette ville, Tom. LIL,
Let. xv1, p. 24. fon.
hiftoire & Les forces ,
._p. 26, © fuiv. Plante
qui croift auprés de
cette ville, p. 25.
pe y _ fort
honoré, p. 2
freres frap-
ées à l'honneur
d’Hercule, Term. IL,
Ler. xv1. p. 28.
Hermitages affreux de
Samos, Tom. Il, Let,
x. p. 128. © fuiv.
Hermites Grecs, Tom,
1, Let, 1. p.127.
Hermus , riviere, Tom.
IL. Ler. xx11, p.365.
Hero , {es amours avec
Leandre , Tom, IL
Let, x1. p.163.
Hippodrome de Con-
ftantinople, Tom. II,
Let. xur. p. 216.
Homere | avantures de
{a mere en le mettant
au monde, Tom, III,
Ler. xxur. p. 387.
quel eft le lieu de (a
naïiflance , shid. &
Tom. Il, Let, 1x. p.
75. © fuiv. fon tom-
beau , 8 I; Ler.
VI, P. 29
Hopitanx di Turquie L
>
Tom. IE, Let, XIV,
Ps 3$ 1. é
dotellerie dé Turquie ;
Tom, I et. XIV.
p.351 Cfniv.
Huet ; fon opinion fur
le Paradis terreftre
refutce, Tom.111.
EPS
le de Lentifque ,
Tom. I. Let, v, p.
256,
I
cipline ; Tom. 1
Ler, xni1. p. 308. ©
fuiv. leurs infolen-
ces ; p. 270, leur tre-
{or , p. 313. ils ba-
lancent la puiflance
du Sultan, p.270.
Jardin, le Jardin Royal
, contient plus de trois
mille Plantes, Tom,
IL, Lec. x11, p. 240.
defcription du Jardin
du Gouverneur de la
Canée, To.l.Let.1.p.
28. Jardins du Grand
Seigneur ; Tom. II,
Let, xv. p.421,
TAriffaires , leur dif-
I
BLE :
Jafides , voleurs d'A:
menie , Tom. 111;
“Let, xViIrT pp. 11$3
& 118.
Talon, chef des Argo-
nautes, Tom. I. Let.
XV: p. 430. 6 447.
Zafpe, carrieres de Jal
pe, Tom. I, Let,
1x: pe $9..
Zberien , hiftoire des
Iberiens, Tom. IL.
Let, xvH1, p. 161:
Œ fuiv. leur conver-
fion. p.163.
Icaria, Voy. Nicaria.
Ichoglans ; leur éduca-
tion , Tom. Il. Let:
XII. P. 277. cd fuiv.
Ida , defcriprion du
mont da, en Caï-
die, Tom I. Let. 1.
p. 61. © fuiv. ty-
mologic de cé mot ;
p- 63. |
feux des Turcs Tom.
IL. Let. x1V: pe 329
& 382.
Infanterie Turque; Tos
Hi, Le. xr11, pe 308
© fuiv.
Inopus , fource dans la
petite Delos , Tom,
}, Let. vi. p. 347°
Infériprions ; de GONY=
{
/
DES MATIERES.
ne, Tom. li. Let. 11.
p. 72. & 75. de la
Caverne de Melido-
ni, p.91. d'Aptere,
pag. 97. d'Antipae
ÆOS ; Let. à'Æ P- 22$.
226. & 130. de Na-
xie, pag. 263. de
Santorin , Let, wr.
p. 323. © fuiv. de
Delos ; Let. vi. p.
354 © fuiv. 360.
363.& 36$.de Conf
tantinople , Tom. IT.
Eet. x4, p.. 176. ©
fuiv.d'Heraclée , To.
«HE Ler, xv 1. p. 24.
de Trebifonde, Let.
XVII. p.80. & 81.
d’Ancyre, Let. xxr.
p.313: 318: er
d’Angora , p. 323
Œ fniv. d’Éphefe ; :
Let. xx11.p, 397.
Jos. Voy. Nio,
.Joura ; defcription de
cette Ifle, Tom, II,
Let. var. p
«39
Ie, quelles. fonc les
1
es qui «ont paru
dans l Archipel, To.
. Ler. vr, p.315;
Œ fniv.
Zuifs , les Marchez paf-
fenc par leurs. mains
: Lo Seprail ;
… dansle Levant, Tom.
+ pag. 16. Juifs de
Smyrne , Tom, III,
Let. xx11,p.374. fi
les femmes Juives
peuvent entrer dans
Tom, IH,
Let, x111, p. 289.
pulfa ; Colonie d’Ar-
meniens , Tom, III,
Let, xx. p. 252:
Junon , fon Temple &
miracle de fa ftatuë ,
Tom. II, Ler, x, p.
121. fes attributs ,
pag. 12$: Medailles
où elle eft reprefen-
/
tee
> P: 124
upiter ; bacle de la
ftatuë de Jupiter de
Tom: EEE
Let, x
Ep 49:
Fuffice , As Chevaliers
e Malte rendent
bonne juftice dans
FArchipel ; Tom. I.
Lert:1v. p.210. com-
ment on la-rend en
Pifle de Milo, p. 18r.
parmi les Turcs,
Tom. 11, Let. xn.
passe Let” Xi.
_P- 297. fuiv. abus
qu'on y commet , p.
AO MRRRS
TA
K
Eñtro , montagne
ZA de Candie, Tom.
EL. Lec. 15. p. 83.
Kermés , le Kermés,
croift en Candie fur
les montagnes cou-
vertes de neige, Tom.
Let hp: 57
L
Abyrinthe de Can-
die, fa defcriprion,
Tom.l, Let. 11, p.
76. & fniu. écritu-
rés qui fe trouvent
au fond , p. 78, fi
c'eft un ouvrage de
l'art ou de la nature,
P. 79. © fuiv. {on
ifloire critique, p.
82. & 83, propheties
écrites fur fes mu-
_‘railles, p.84.
Ladarum ; defcription
de cet Arbriffeau à
Tom. I. Let. 11, p.
89. maniere d’amaf-
fer le Ladanum , p.
88, & 89.
Lappa, ce que ceft,
Tom, I{, Let, xiv. P.
378.
à #4 à
Lazuli, où fe trouve
cette pierre, Tom.
III Lec.xviss. p.
tE
Leandre , {es amours
avec Hero , Tom.il.
Let, x1, p. 163.
Lentifque , defcriprion
de cet Arbre , Tom.
II. Let. 1x. p.66.
fuiv.comment il don-
ne le maftic, p. 69.
Lepidium , defcription
-_ d’une efpece de Lepi-
dinm , Tom. HI. Let,
XIX, p. 195.
Lesbos. Voy. Mitelin.
Lethé, ruifleau de Can-
die, Tom.l. Let, 11. de.
p.71. 8& 72.
Leventis,{oldats Turcs,
Tom. II, Let, x1. P.
181. & Let, xt11.
p. 308.
Levriers , ils font com-
muns en Âfie, & aux
environs de Conftan-
tinople, Tom.I. Let.
ÉE D, EF
Lexards de Delos ; To.
1. Lec var. p. 372%
373
Lichen, defcription de
cette Plante, Tom.
LE Let, vi1.p:27
\
DES MATIERES.
Lierre , oi & def-
cription du fruit du
Lierre jaune, Tom.
IL. Let, x11.p. 246.
247.
Limaçon , defcription
des
VI. p.270. & 271.
Lit des Turcs, Tom.
II. Let. x1v.p. 381.
Livre des Orientaux ,
combien elle pele ,
Tom. L Let.r.p. 26
Loy , trois fortes de
loix enfeignées par
Mahomet, Tom. Il.
es XIV. p. 326. &
= ; defcription de
cette ville, Tom. III,
Let. xx11. p.356. fi
c’eft l’ancienne Apol-
lonia, fon hiftoire,
Sa défait Mithri-
date , Tom. II. Let.
XVI. p. 23. & 34
Lumiere qui paroit (ur
le Cap de Samos ,
Tom. HI. Let. x. p.
139. |
Lunaria fruticofa , def-
cription de certe
Plante, Tom, I. Let,
VI. p. 288.
LupaXXolo , Conful de
Smyrne, âgé de 118,
ans , Tom. III. Let.
XXFL D, 372
Lychnis Orienialis, def.
cription de cette
Plante, Tom. Ill,
Let. xix. p. 220. &
249.
M
Acris & Macro-
nifi, hifloire &
defcription de
cette Ile, Tom. II,
Let. virt.
Magnefie , defcription
de cette ville , Tom.
ILE Ler.xx 11, p.365.
de fes environs , p,
366. fon hiftoire , p.
367. © fuiv.
Mahomet , fa naiïllance
& fon genie, Tom.
IL Let. x1v. p.325.
Mahometans , ils font
divifez en quatre {e-
tes , leur creance,
Tom, II, Let. xiw.
p- 328. C'fnivd
Malades amenez à l’Au-
teur pour les guerir ,
Tom. I, Let, #1, p.
104.
T
Malthe , les Chevaliers
de Malte rendent
_ bonne juftice dans
FArchipel, Tom, I,
Ler. 1v. p.210.
Mandrocles , ingenieur
de Darius , Tom. II,
Let, xv. p.423.
ÎManne , ce que c’eft
que cette drogue ,
Tom. IE Lec. vit,
6
cit , l'Empereur
Manüel a fait bâtir
la Tour de Leandre,
Tom. 11, Let, xv. p.
418.
Miibre , montagnes de
. Marbre, Tom. 11.
Let RE p.213, 8
Tom. II. Let. xxr.
P- 291. 299. 306, &
307. Marbre de Pa-
ros , Tom. I. Let. v.
. p. 239. les villages
de Candie font bâtis
de Marbre , Let, 1r,
p 109. blec de Mar-
bre enté fur des pier-
res ponces ; Let. vr.
P#323. ;
Marchand , V'Ambaffa-
deur de France eft
juge en dernier. ref-
fort des Marchands
ABLE
François à Conftan
tinople ; Tom. IE, :
Let. x11. p.265. gain
des Marchands du
Levant {ur la loye ”
Tom. IL, Let. xxk
p. 302.
Marché , defcription
du Marché de Con-
ftantinople, Tom.1Ir.
Let. xi1, p. 231% @
iv,
Mariage des Turcs,
om, II, Let. x1V.
p.363. S' fuiv. des
Preftres Grecs, Tom,
I Let.111,p. 122.
123. ceremonies du
Mariage chez les
Grecs , p. 150. ©
fuiv. chez les Arme-
niens , Tom. I1L
Let. xx, p. 280. ©
uiv.
Maroniers d'Inde , par
- quiapportezenFran-
ce, Tom.Il, Let.xtr.
. 2$0. ES
Maféille , hiftoire ê&
éloge de cette ville »
Tom, I. p. 8. fu.
fon commerce, p. 16:
€ fuiv.
Maflic de Scio, Tom.
II, Let, 1x, P. fr
DES MATIERES.
69. fes ufages, p. 70,
Maurocardato , Lelles
qualitez de çe Grét ,
Tom. Il: Let. x11.p.
239. © fuiv.
Maufolée de quelques
Princes Othomans ,
Tom, 11. Let, xx
p. 192. de Solyman
II. p. 196.
Meañdre , riviere d’'A-
natolie, Tom. III,
Ler, xxx1. p. 389.
Medailles de Girapetra,
To Let. 1. p.
$5. de Trajan, Let.
11, pe 95+ de Gorty-
ne, pe 73. & 74, de
Siphanto , Let. 1v.
p. 207. de Nio , Let,
VI, p. 299. d'Amor-
gos, p. 276. de De-
los, Let. v11.p. 377.
des Teniens, Tom.
IL, Let. virt. p. 45.
de Mytilene , Ler.
1x. p. 82. & 83.de
Scio, p. 64. de Te-
nedos , p. 89, & 90.
de Samos, Let. x, p.
125.@ faiv.&138. de
Sxyros , p. 152. de
By ance » Let ts
p. 198. & Let, x11.
p. 205, d'Heraclée,
Tom. 1, Let, xvr,
p.26.28.& 29.d’A-
maftris, p. 38. & 39.
de Sinope, Let. xyur.
p. 47. d'Amilus; p.
58. de Cerafonte ; p..
66, d’Ancyre, Let:
XXI, P.316.318. 6
320. d'Angora , pag.
324. d’Aboüillona ,
Let xx11, p. 354:
355, de Clazomene,
p. 378. & 379. de.
Seagi , p. 379. de
Srayrne , p. 385. de
Magnefie , p.366, &
367, du Cayftre, p.
370. & 389, d'Ephe=
fe, p. 390. 395. &
396,
Medecins du Levant ,
om. I. Let. iv. p,
202. © fuiv. ilsne
peuvent târer le poux
des femmes Turques
qu’à travers une ga-
ze, Tom. Il. Let.
XIII, p. 285.
Medecine,maniere dont
on la pratique dans
le Levant , Tom, I.
Let. 1v. p.203. ©
fui. elle y eft exer-
cée par Les Religieux,
Ect, v. p. 259. fon
i
T A
utilité à Tom, III
Let. X1X, P. 237. &
238.
Me igene ; pourquoy
ce nom fut donné à
Homere, Tom, LT,
Let, xx11. p. 387.
Melier,Cap de Candie,
Tom. F. Ler. 1. p, 39.
Menagerie du Grand
Seigneur , Tom. IT.
Let. x1, p. 193.
Mendians : pourquoy
“iln’ya point de Men.
dians en Turquie ,
ie IL Let. XIVe
P. 3
Meque “todo du
pelerinage de la Me-
que parkes Turcs,
om. I. Lec.x1v. P-
. 357. 0 Ji.
Mer , Mer noire, {on
ébotdesierc dans
FArchipel, Tom. I,
Let. v. p.252. def.
cription du Canal de
la Mer noire, Tom.
- IL Let. xv. P. 397.
> C fuiv. courans fin.
guliers qui s'y trou-
_ vent, p 400, © fuiv.
comment il s’eft for-
mé, p.4 ;s É fiv.
pourquoy 5 caux &
BLE
_ celles de la Mer Caf:
pienne font falées ,
pag. 410, fi elles fe
glacent , pag. 411.
defcription fe la Mer
AR JIl. Let.
.p. LL Ô fuiv.
defcription de fes
coftes, Let. XVII. pe
44. g fuiv. Plantes
qui y naiflent, Let.
“XVI. p. 19,20 K1$e
si Égée, Voy. Ars
32h RÉ Grecs, Tom,
I. Let. 111. p. 140e
S'fuiv. Melle de mi-
nuit celebrée dans la
grotte d’Antiparos ;
et. v. p. 229. ©
ii uiv. Melle des Ar-
meniens , Tom: JL.
Let, xx. p. 276. ils
la difent rarement »
p.273: d
Metelin , antiquitez dé
cette Ille , Tom. Il.
Let. 1x.p. 81.& 82.
les grands hommes
* qu’elle a produits »
" p.82. G" fui. Rae
habitans, p. 84. fes
“ins, p. 85.
-MATIERES.
DE
| ue sm de
mos , Tom. II,
Let, x. p 135$.
Micoconlier , defcrip-
tion d'un Micocou-
hier, Tom, IIL Let,
XXI. P. 292.
Micouli, Noy. Mycone.
Miel , file miel des
coftes dela Mer noi-
re rend infenfé, Tom,
III, Ler. xvur, pe 73.
CS fuiv.
Mindres: ce que c'eft,
Ts : IT Let. x1. p.
194.
Minerve ; protectrice
des Argonautes,
+ It. Let, xv. p. 4
Mines de fer & d’ 4
en Milo, Tom, I.
Let. iv. p. 185. &
196. d’or ; d'argent
& de plomb en Si-
phanto , Let. 1v, p.
208. & 109 de fér &
d’Aiman en Serpho,
P. 214. d’or, d’ar-
gent & d’émeril en
Naxie , Let v. p.
263. de fer & de bol
en Samos , Tom. II.
et. >x. p. ‘rt €
113. de cuivre à Gu.
mifcana & Caftam-
L)
boul , Tom, HI. Ler
XXI. p. 30
Miliotes, be. quali-
tez, Tom." 5, Ler,
LV» D. 179.
Milo , Mle de lArchi-
pel , fa defcription &
fon hiftoire, Tom, I.
Roy de cette He,
pendu à Çonftanti-
nople ,» P. 176, def
cription de la ville,
p. 177. d’où elle a
pris fon nom, p.180.
impots , gouvérneh
ment & adminiftra-
tion de la Juftice , p.
Pr 'fuiv.fes Evel-
ques, p. 182. fes
glifes & fes es
fieres ,. p. r83.
184. Arbres qui “
naïflenc, p. 185. {es
mines de Ë & d'a
lun, & fes mineraux,
p. 185.186. 195.
fuiv. fes. richeifes ,
ns , p.71
niére y blanchir :
fes eaux & fes bains,
p. 191. ©* friv, {es
4
TABLE
cavernes s Ps 201.
Millepertuis ; defcrip-
‘ gion de cetre Plante ,
Tom, I, Let. xvir,
p. 63. &G
Miliiades afliege Paras,
; Mie XI. Ler, V. p.
Mirabeau , defcription
dé cette vallée en
Candie, Tom. I, Let,
1. p: $4. fituiation dé
la rade. je mefme
nom, p.5
Miracle de Minage de
se Georges à Sxyros,
nr IL Ler. X+ Pe
Mic pridare receu dans
: Heraclée, ea If,
Let. XVI. i0033.
fa défaite és Tnt
lus, Let. xx11.p.358.
Mocenigo , General des
Venitiens , fit une
faute confderable à
Pattaque de la Ca=
: née ; Tom, I. Let, ,
P- 2
Mae Voy.Religienx.
Monaftere , defcription
des Monafteres. de
Grece, Tom. I Let,
111, p. 137. de Milo,
Let, 1v. p. 184, de
3
: Paros , Let.v. p.244.
Œ fuiv. de Naxie, p.
259. fuiv. d’Amor-
gas, Let, vr.p. 279
G fuiv. de Mycone ;
p. 336. de Neamoni
en Scio, Tom, II,
Letix. p.58, @fuiv.
de Patmos , Let. x.
p. 141. de Skyros, p.
156, de Galata, Let,
311 P: ALI: € J
Jean auprés de Fre-
bifonde,. Tom. =
Let. xvir. p.83. ©
fuiv. de Bifni, Let. |
x1X, p. 186, des trois
Egliles, p. 187.
fuiv. de D oiviraps >
… Let. x1x. p, 206: u
lac d'Erivan, aufte-
rité es Religieux »
jrPez
un da Levant ;
Tom.lil. Let. XVII.
p. 165. & 166,
Mirine , defcriprion de
cette Plans ,; Tom,
III Let. XVI, Be
132,
Mort , maniere d’en-
terrer les morts par-
mi Les Grecs , me
Ï Ler,irt. pis 1.
fuiv, bifoire d' me
at
DES MATIERE S.
mort qu’on difoit re-
. venir en l’Ifle de My-
cone, p.158. € fuiv.
les Turcs enterrent
les morts fur les
. grands chemins, Let.
1. p.29. leur croyan-
ceau fujet des morts,
. Tom Il. Let, x1.p.
. 196.Let:x1V.p 387.
leurmäniere d’enter.
… rer les morts, p. 389.
les Armeniens prient
pour les morts, Let.
XX. p.263.
Basique à de Sainte So-
rs 3 Tom. Il. Let:
fée , der
:Mofquées de
le To.
H. Let: X1.p. 179.
18$.@ fuiv.des prin-
. cipales villes ; Let.
_XLV, p. 3$0; revenu
des Mofquées Roya-
les , & à quelle occa-
Éôn tin Empereur en
péut bâtir , Lét. xt.
si P: 221 | #4
Moufti ; {on autorité
.… éft la plus grande qui
_foit dans l'Empire ; j
Tom. II: Let, xiv.
p.383.@ fait: Mouf-
k trainé fur uné
claye; Torh. Al: Let. |
XXI, p, 343.
Moulin ; défcription
d’ane forte de Mou-
sr Tom; I;
Let x. p: 99.
Abiat, ; Sultan, (oil
avaricé ; Tom, IT:
Ler. xiu.p.283..
Mautarde., defcriptioi
d’üne efpece de Mou-
. tarde , Hi IL Let;
VI P:3 ;
Muets du VS Toni:
HI. Let: x111. p. 287.
Mufi que des Turcs ;
3 de III, Let, xviti.
res. Voy. Turts:
Mycali Lg re d’A-
+. , Tom. 1 k- Let.
ra Helfption dé
cette Ile, Tom, Li
Ler. VI. pe 330 «æ
{uiv. fün F Ab
- pag. 331: n hiftoi-
re ; pe 334: Wabit
des re de Myco-
he
Bye ‘or M etebn:
+
TABLE
N
À TJ Ains du Serrail ,
Tom,li.Let,x:rr,
p. 287. |
Nanfio, hiftoire & def-
cription de cette Ifle,
Tom, I. Ler, vi. p,
326, © fuiv.
Nartheca | defcription
dé cette Plante, Tom.
1. Let. v1. p. 290.
MNaxie | maniere de
pefcher en Naxie ,
Tom, 1, Let, v.
248. hiftoire de cette
le, p.249. 0 fuiv.
fa defcription, p.254.
fon chateau , p.157.
fon Clergé & fes
Egliles , p.258. fes
“ Monafteres, p. 260,
fes antiquitez p.167,
& 262.
Neocore ; ce que c’eft,
Tom. III, Let, xx1.
p.320.
Nicaria, def cription de
cette Ifle, Tom.lt.
Let, 1x. p. 94, reli-
gion de fes habitans,
p. 56.
Nicouria , defcription
de cer écüeil, Tom,
I, Let. v1 pag: 72:
Nicfara ou Neocæfarea,
! ville d’Anatolie, To,
IN, Ler. xx1. p. 300:
Nio ; Ile celebre par le
tombeau d’Homere,
fa defcription, Tom,
I. Let. vi. p. 297.
Nitre d’Armenie, Tom.
III. Let, xx. p. 248.
Nobleffe de lifle de Na-
xie ; Tom. 1; Leté
V. p.257.
Noces des Turcs, Tom.
II. Let. x1V. p. 364.
C fuiv.
Noël, M. de Nointel
fit celebrer la Mefle
de minuit dans la
grotte. d'Antiparos ;
Tom. I, Let. v. p«
229, © fuiv.
Noms ; par qui impo-
{ez aux enfans, Tom.
IL, Let, x1v. p. 333°
O
O Belifques de Con.
ftanrinople , Tom.
A. Ler, xn1,p.226+
C fuiv. |
Ocean , files eaux de
lPOcean fe fonc ou-
vert un paffage
DES MATIÈRES.
PA Kéditemadée: To.
sh XV. p. 408,
& de “Bob ; defcri-
. P. 294. © Juiv.
Oeiller de Serpho ; fa
defcription ; a E
… Ler. 1v. p.2
Oenfs cuits dis des
fourteés d’eau boüil-
\ lante, Tom. I. Éer.
-, AVS D. 193{ 8 194:
Officiers du Serrail ,
Tom, II. Let: xuri.
:274: © fuir:
O rade du Colyvä ;
om. I. Let. 11: p:
EG Re
Oyfeau,defcription d'un
oÿ{cau d’Armenie ;
de IL. Let. xix,
TR “Toni, I. Let.
Ÿ. pag. 234. Voy.
Antiparos.
Oliviers ; les oliviers
fonc ei. abondance
26.& 27. iln’yena
pe en Armenie ;
om, If, Let. xix:
P. i9z.
_
Olympe; Montägne d'A
natolie , Tom. II:
te XXL. p. 338, &
A U: vertu , Toni:
IL -Ler xivi,p
… 392. rie
Oque , ce que c'eft ;
Fo: Lerr h 46:
Orangers de “ner j
Tom, l; Lct.1:p
28.
Orcan; Tombeau de cé
Sultän , ; Tom. 111,
Let. xxr. p. 341. fon
tambour & ét cha-
pelet; p.443.
Orchis Cretica deferis
ption de certe Plan-
te; Tom.I. Let, 14
p. - 77: Orientalis 5
Tom. Il. fee. X11, pe
248;
Ordre , commént üf
confefe les ordres
chez les ÂArmrieniens ; è
Tom. Il. er. xx: p.
283: & 284.
Origanim Diélamni Crez
tici facie , “defcription
de cetre Plante
Éd Let. Vi. Pi
Bb, Voÿ. Tarot,
î tif
AA BL Ë
P2
P
| Palespolis , ville d'Ans
ros , Tom, IL, Let,
PT |
Acha , avarice des Papas ; noms des Prefs :
Pachas, Tom. L
Let. 1, pag. so, &
$ 1.leur dépotille ap.
partient au Grand
Seigneur , Tom. IL,
êt, XIII, pag. 271,
. prefents qu'ils luy
ONPE DATI d 2,
- 282.& 283.fonétions
des Pachas à trois
queües & pourquroy
ainfi nommez , p,
296. defcription de
la marche d’un Pa-
cha, Tom, I, Let.
XVi21.p. 85.
Page, éducatioggles Pa-
ges du Grand Sei-
tres Grecs fecüliers ,
Tom, I, Let. 111. p.
122, comment ils
font diftinguez des
Caloyers ; p. 123.
Paques, ceremonies que
les Grecs obfervent à
la fefte de Pâques,
Tom. I. Ler, 111. ps
ii
Paradis des Turcs, To,
I, Let, x1v. p. 388.
© fuiv. s'il y en a
un pour les femmes
Turques, Ler. x 1.
p. 184. où eftoir le
Paradis Terreftre ,
Tom. IL Let; x1x,
gneur, Tom. IL. Let. , p.178. © fiuv.
X111.P.277.@ fuiv, Parat, ce que c'elt,
Pages ur ME Tom. I, Let. 1. p. 27:
297. _
& s2,
Parechia, Voy: Paros.
Paroife. Voy.E glife, ou
Chapelle.
Paros ; hiftoire de le
ville & de lfle de
Paros,, Tom, I. Let.
V. p. 233. © fuiv.
defcriprion de la
ville, p. 238, fon
Palais de Conftantin ,
Tom. IL. Ler. xr. p.
201. de Teflis, Tom,
HT, Let, xvris. p.
169. du Grand Sei-
. gneur, Voy. Serrail,
Paleocaftro,fi c’eft l'Ap-
tere des Anciens, To,
I. Ler, 11, p. 96.
DES MATIERES.
inarbre & fes anti-
uitez , ibid. Œ fuiv.
És Plantes, p. 239:
fon port, p. 244. fes
Æglifes & fes Mona-
fteres, p. 244.6 fniv.
Partheni ; defcription
de cette riviere ;
Tom. Il. Let, xvi
. P: 36:
Paffeport de la Porte,
Tom. a GE et. XVI.
p.10
Patelara " at
de France à Rerimo,
‘ fonhiftoire , Tom. L
Let. 1. p. 43.
Parino & Patmos , def-
cription de cette Ifle,
& du Couvent des.
us Tom. 11. Let,
141. © fuiv,
fe oè ; ibid. {on
gouvernement ;
P-
144 fes antiquitez,
145:
Pairiarchai ; cette di-
gnité fe vend aux
Grecs, Tom. I. Let.
Fit p.118, & 119.
Pc D les Patriar-
. ches Greëk fe détro-
nent les uns -les au.
tres, Tom, I. Let,
111, P. 118, Ceremo-
nies qu’on obferve à :
eur reception 5 Pi
119.& 110. ils ran
çonnent les Evel:
ques, p.120. 121;
ps que Maho:
met II. fit au Pa-
triarche des Grecs,
P. 116. Patriarche des
Armeniens, Tom. IL,
Let. xx, p: 266. 6. dé
quelle maniere l Au-
_teur en fut receu';
Let. xix, p. 202, 6°
fiv: revenu & pou-
voir du, Patriarche
| FREE Let,
xx: 7. & "2680
Pavot , deu he.
ne efpece de Pavot ;
Tom. III, Ler, xvrux,
PAT
Penderachi, Voy. Hera-
clée.
Pera, d’où ce fauxbourg
a pris ce nom, Tom:
H:Lét.xur. p.223.
- fa defcriprion & ce
Fe ’il renferme ,. p.
Perd font en abon-
dance dans Nanño,
Tom,I, Let. vs. p.
327. Perdrix privées,
. Tom.i].Let.rx.p.79,
TABLE
re leur religion; TT nee Let, yirip:
om, IL. Let.x1v, p.
T & fuiv leur po-
litefle, Tom. I1F1,
Let, xvr1i: p: 156,
Perfe ; difficulrez qu'on
36
phinée en quel lieu ce
Prince tenoit {a cour;
Tom, II: Let: x v:
p.434. de quelle ima-
t à l'Auteur pour le
laifler pañler en Pér-
fe, Tom. 111, Let.
XVI11, p.143. fuiv.
le Roy de Perfe en-
tretient les Ambaffa-
deurs qui luÿ fonten-
voyez ; Let. x1x.p:
201. hiftoire de Cha-
Abbas Roy de Perle ;
Let, xx: p.352.
hiere il receut les
Argonautes ; ; & fur
délivré des Harpyés ;
436, & 437. {es
file aux Ag
. hautes, Ps 437
Phrigie ; occupée pat
les Gaulois ; Tom
II, Let, xx, p.313:
Pierre incombuftible ;
Tom. I: Let.1v. page
197. & 199. pierre
ponce de Santorin 3
Éet. vi. p:311.pier-
re équitable; Tom.
I1,-Let. xv. p. 441:
pierre d’Armenie ;
Ro FLE XVIII
Perfe= Armenie ; def.
cription de ce pays;
er _ Let,xvitr:
pass Gide des Per-
es; fur le pont du
Bofphore ; Fe LR
Let. xv. :
Peffe ss Le contre
Let, xr: pag. 181.
lesenfans dans le Le- Pilan y ce que © c'e ;
vant y font SR om, FE Let; XiVi
oran AE can à S 2 ru
DIS ui naiffent
Philippe. , reftes du pot- dans l’Ifle de Candie;
tique de Philippe Tom. I. Let, i.p 29°
dans la petite Delos,
30. 33. 37 38 39°
DÉS MATIÉRES.
4e 43, 44: 45. 64:
© fuie. Let. 11. p.
89. de Milo , Let.
IV. P: 190. (6 fuiv.
de Serpho, p.219.
d’Antipatos , Let. v,
“p.232. de Paros, p.
239. de Naxie, p.
264. fuiv, de Sre-
nofa, Let. vr.p. 269.
271. de Nicouria, p.
273. d'Amorgos , p.
277.285. de Caloye-
10 , p.288.de Chei-
ro, p.289. de Skino-
fa , p. 290. de Nio,
p. 302. de Sikino,
p. 305. de Polican-
dro, p. 308. 309.
320, de Nanfo, p.
330, de Mycone , p.
340. de Syra, Tom.
IL, Let, vitt, p, 4. de
- Zia & de Thermie,
p. 19. 25. de Macro-
hifi, p. 29. d’An-
dros ,p. 35. de Tine,
pag. 46. 53. de Scio ;
Ler. 1x. p. 80. de Sa-
mos , Let, x, p. 109.
110. 134. de S, Mi-
nas, p.i 5o.de Sxy- Pleureufes ,
rOS sp 1I$f. 156.
aux environsde Con-
ftantinople, Let, x1x,
É 242. © fniv. fur
coftes de la Mer
noîré, Tom: Ill, Let.
XVI. P. 19, 20. 25:
37. 42, Let, xvir.
pag. s1.$9. 63. 69.
70. en Armenie, Let:
XV11J, Ps 92: 93. 04.
96, 98. 99: 101.103.
120. 127. 131; en
Georgie, p. 137.139.
141, 149. 1$1,1$9.
170. Let. x1x. p. 181.
| 182. 183. 186, 192.
19 $: 196. 106. 108,
209, 214, 219, 220.
227.231.238. 239,
240, 243. 14f. en
Anatolie , Let, xxr.
p. 287. 291, 298.
309. 338. 342. 347e
Let. xx11. pag. 361,
363, 366. 397. 402
404. pourquoy les
Turcs culrivent les
Plantes, Tom. II.
Let. x1V, p. 356. fi
les Plantes font con-
tenués dans leurs
graines , Tom, 11H
Let. x1x, pag. 210,
ttes
loüées pour pleurer
_ lés morts dans la
Grece , Tom. I. Let,
MRLEE à
TT, pe 152.
blumnier (le Pere )Mi- -
nime, grand Bota-
. nifte, OR ILLLet,
XVIII: ps 150. fa
mort , Tom. f. «P::.9.
pa du Levant, Tom:
IT. Ler, xvaix, p.
de
Poiffor , poiffons en üfa-
ge chez les Grecs les
jouis de jeune, Tom.
LE. Let. 113. p. 130.
maniere de pefcher
. en Naxie & en Pros
vence , Let, v. Ps
Lies on: Let,
1. p.2
fins don
u cette “Ille ; Tom,
a VE p. 307:
Police Se Turcs, Tom.
Il. Let, xt11. p. 306,
C° fuiv.
Pollux , fon combat
… Contre Amycus, To,
. I. Let. xv. p:426.
Polpgonider, defcription
de cette Plante, To.
5e LR RTE TP
nu. fa conquefte
de F ed ; Tom,
IX, Let.xvuu, p.r62.
& 163. colonie de
Res »s Tom. IE,
Let. xv. p.434
Pop Voy. Ami-
in jetté par. Darius
fur le Bofphore de
ee $ TOMTE
Le Ct: Vs P. 423
ar Voy. Mer
noire.
Port de Paros ; Tom, L
X.P.11 a de Conftan-
tinople, Let. x14. p.
203. © fiv: |
Porte , Pourquoy l'Em
… pire Ochoman eft ap-
pellé la Porte, Tom.
IL. Let. x1 14 pi 210%
& 211. hiftoire de la
Porte dorée de Con:
ftantinople, p: 234:
Feed Serrail, To.
11, Ler. x111,p. 291:
Poffes , cftablillement
des. poites par Jufti-
nien , Tom: il, Let,
XV, p.415 ;
Poudre Armenie s Toi
IL. Let, xix. pe 247°
BES: ‘MATIERES.
Prefcot , Conful pr
menie , Tom.
Let. xviit. P. ee.
Prefire, (i les Preftres
Grecs peuvent fe ma-
riér ;/Tomi:l. Let,
F1 1. Pe. 122 & 123.
leur ordination ,p.
149.emploi des Pref-
tresiTurcs , Fom.ll. -
.: Ler. x1v. p.386. &
337. fi les Preftres
Armeniens fe ma-.
.-:rient, Tom. HT, Ler,
XX. p.271. leur ordi-
“nation , p. 285. &
fuiv. entrée des: Pref-
tres d’Apollon dans
Flfle de Delos, Tom,
1. Let. vit, p, 344.
345+
Prieres des T urcs, Tom.
- IE Ler, xiV.p. 333.
337. © /niv.
Prifon , defcription du
- Bagno de Conftanti-
nople , Tom.II, Let.
XI} p. 2 217 7°
Procés , les procés font
+ bientôt vuidez chez
les Turcs , Tom. IL,
Let. x111. p.298.
Promethée ; pourquo
on l'accule d’avoir
volé le feu du ciel,
Tom, I. Let: VI. 4
291.
Propheties € écrites fur les
murailles du Laby-
rinthe, Tom: I. Let.
II,
p.24.
Prufe ; defcription de
cette ville, Tom. IL.
Ler. xxr. p. 340.
fuiv. fon hiftoire; p.
349. © fuiv.
Ptarmica , defcriprion
d’une efpece de Prar-
re Tom, I, Ler,
ls p.271:
bis , fa vie & fes ou-
_ vrages , Tom. I. p. 9.
n
iv.
Pugilat, ce que c’eft,
Tom. If, Let, xv, p,
426,
Purgatoire ; croyance
des Grecs {ur le Pur-
gatoire, Tom.I. Let,
111,P.165
R
R Aclia, defcription
de ce rocher, Lom®
E ee LS 2 293.
fuiv
Raifin d'ours , defcri-
prion de cer Atbrif.
{eau , Tom, I, Let.
TABLE
XVII, P. 67.
RamaYan , comment les
Turcs pañent leur
Ramazan, Tom. Il.
Let. x1V. pe 342.
Renoncule , defcription
de cette Plante, Tom.
LII, Let. xvr15, p.
92. hiftoire des Re-
noncules , Tom. I I.
Let, x11,p. 249, C
fuiv
Religieux Grecs, leurs
diftinétions, TomL.
Let.111.p.126. leurs :
jeunes , p, 127. leurs
vœux, p. 124 leur
noviciat , 5bid, leur
“genre de vie , p.125.
& r27.ilsexercent la
Medecine dans l’Jfle
de Naxie, Tom. E
Le. v.p. 259, Reli-
_.gieux Armeniens ,
Tom. HI, Let, xx. p.
271. aufteritez des
Religieux fase d'E-
rivan, Let. x1x, p.
200, |
Religieufes Greques ,
Tom. I. Ler. 111. p.
128.
Religion des habitans de
FArchipel, Tom. I,
Let. 1v. p, 171. état
de la Religion en
Scio, Tom. Il. Let,
1x. p. 56. G fui. la
Religion Chreftien-
ne eft publique à
Smyrne, Tom. HI.
_ Éet.xx11. p. 374.
Retimo , ville de Can-
je, fa defcription,
Tom. I. Ler. 1. p.42.
fes richefles , p. 43.
Rhenée, Voy. Delos,
Rhyndacus ; riviere »
Tom. II. Let, xxa1.
P: 354.358
Ris , trois manieres d’a-
prefter Le ris chez les
Turcs , Tom. 1
Let. x1V. p. 378.
Riva , defcription de
cette riviere, Tom.
JL, Let. x vi. p. 16+
Rome , alliance des Ro-
mains avec les Hera-
“ciens, Tom. 1H.
Let, xv1. p. 33- POT-
fidie des Heracliens »
TE |
Rokai qui fert de plue
me, Tom. HE, Eer.
XIX. p.11 81.
Royer ; Conful de Fran-
ce à Smyrne, To. ii,
Let, gxir, p.375
DES MATIERES.
_S$
Y Abine, defcription
D d’une efpece de Sa-
bine, Tom. 11H,
Ler. x1x. p. 184.
Sacremens des Grecs ,
Tom, I. Let. ut, p.
144. © fuiv. des Ar-
meniens , Tom. III,
Ler, xx. p.273.
S. George, RE de
Sxyros , Tom, ET.
Ecr, x. p. 156. mira-
cle de l'image de S.
Georges, p.157.
. Gregoire l'Illumina-
teur , honoré en Ar-
menie, Tom. III.
Ler, x1x. p. 189, €
fuiv.hiftoire des deux
Saints Gregoires, To,
UT. Ler. xx. p. 265.
& 266.
. jean, Monaftere de
Candie, Tom. I, Let.
7, p. 38. de Patmos,
Tom. LI. Let, x, p.
141: Hermitage où
CA
"ta
S. Jean écrivit l'Apo-
calyple , p, 145, &
6
146.
S: Minas , defcriprion
de cette Ifle, Tom,ll,
Let. x. p. 149.
S, Polycarpe, fi {on bä-
ton à pris racine ,
… Tom. II, Let, xxu,
p. 380, fon tombeau,
p- 382,
Sainte Sophie , hiftoire
de cette Eglife chan
gée en. Mofquée ,
Tom, Il, Ler. xx, p,
187, 190, © fuiv.
Saluer , maniere de [a-
luer des Turcs, Tom,
IT. Let. x1v. p. 376.
Samos , defcription de
‘ cette Ile, Tom. IE,
Ler. x, p. 103. G*
fuiv. gouvernement
& Religion de fes has
bitans , p.105. &
106, couture au fu
jet des fucceflions ,
p. 107, fon commer=
ce, p. 109. & 1104
elle eft abondante en
gibier, p. 112, fes
Mines , p. 112. {es
mi p.113. © fiv,
on ancienne ville,
P. 115. © fuiutles :
antiquitez , p. 116.
Œ fniv. {es cavernes,
P: 119. Œ fuiv. def-
cription de deux af-
freufes folitudes , p.
TAE
r29. & 130. defcri-
ption de fes Boghas ,
pag. 101. fuiv.
Sañfon critiqué , Tom.
IL, Let, xvir1. p.
142.& 148.
Sant-erins & Santorin ,
commerce de certe
- Ifle, Tom.l. Let.vr.
« p. 320. fon clergé,
p. 321. fes infcri-
.—-ptions , p.323. ©
… fuiv. defcription &
hiftoire de Ja ville,
311, S'fuiv.
Sapin, defcription d’ane
efpece de Sapin, To.
- AN, Let, xvrr, p. 84,
Sangede Candie, fa def-
cription, Tom.l, Let,
ri 08.
Scalanova , defcriprion
de cette ville, Tom,
«‘ IX, Ler,xxr1. p.402.
Scamonée de Samos ,
Tom. II, Let, x. p.
*251.É0@% ne
Scio , hiftoire de cette
ville, Tom, IH, Ler.
1x. P. F5. |
écat de la Religion,
p.56. Jniv. defcri-
ption de l'Ifle & de la
: ville, p.60, & fuiv.
fes vins, p. 62. fon
. #5. OC fhiv.
| A À *
comimerce , p. 64. fes
villages , p. 65. fon
gouvernement , p.
72, fes fontaines , p,
74. à 75. |
ScorXonera Graca , del-
cription de cette
Plante, Tom.l.Let.
v. p. 266.
Schifmatiques , averfion
des Armeniens Schif.
matiques contre les
Eatins, Tom. IIE
Let, xx. p. 278.
Scrophulaire ; defcri-
ption d’une efpece de
Scrophulaire ; Tom,
I. Let. v. p. 2644
SChtari , PA &
hiftoire du Cap de
Scutari, Tom. I L |
Let. xv. p. 416. ©.
iv.
Sel Ammoniac, fi ce {el
entretient les neiges,
Tom. IIE, Let, x VIE
p. 117. {el foflile,
Ler. x1x. p. 194 &
Let, xx1. p. 310.
Serpho , defcriprion de
cette Ifle, Tom. I.
Let iv. p. 214. es
Mines , ibid. fon hi-
ftoire,p.2 1 7. fes gre=
nouilles, p.218.
Serrail »
51 : DEN MEATIFRES.
Serrail , defcription du
_ Serrail de Conftan-
_ tinople, Tom. II.
Ler. x11, pag. 208.
Œ fuiv. Let. xt.
P. 274. © fiv. ef-
clavage des Dames
qui y fonc renfer-
mées, p.188. & fuiv.
Serrail de Mehemet
Bey, Tom. II. Let.
XVI. p. 12. C fuiv.
Serrail de Prufe, Let.
XXI. p. 341. ufage
_ du vieux Serrail ,
Tom, II. Ler. x11. p.
233
Seffos & Abydos, leur
fituarion , Tom. II.
Let. x. pag. 162.
Sicandro , fi c’eft une
Ifleimaginaire, Tom,
LE Let. 1v.p. 170,
Sikino , defcription &
hiftoire de cette Ifle ,
Tom. I. Let. vr, p.
303. & 304.
Sinope , fituation & hi-
oïrede cette ville ,
Toi, LI, Let, xvrr,
P: 45; © fui, fa def.
cription , p. so. fi la.
terre de Sinope eft
VÉTIe , Di 54...
Siphanto, defcriprion de
cette Ifle, Tom, I.
Let. 1v. p. 105. &
feiv. fes richeifes, p.
206, fes Médailles ,
pag. 207. fes Mines ,
p.208.€ fuiv. fes an.
; tiquitez , p.21. ©
Hi. |
Sirenes , en quel lieu
_ elles furent vaincuës
par les Mufes , Tom,
Tom. III, Ler, xx1,
p. 303.
Skinofa ; defcription de
ce rocher , Tom. I,
Let. vi. p. 290.
Skyros ; hiftoire de cette
Jfle, Tom, II. Let,
x, p. 150. fa defcrie
ption, pag. 1 $ 5. Éty-
mologie de ce nom ,
ibid.
Smyrne , defcription de
cette ville , Tom.IIf,
Let. xx11. p, 371. &
385. {on cormerce,
. 373. fes antiqui-
P- 37 Con Z.
Solitaire retiré à Delos,
Tom. I, Ler,vz1.p.
. 369. Fe
6
TAB
Solitude, defétiption de
_deux nRcreles foliru-
_des ; Tom.ll, Let, x.
= Mb A9:
Solyrian ; (on paflage en
Grece, Tom. Li. Let
Xl p. 165: : dr fuiv,
Vase ss Solyman
IL p
PVR A RATE de le
fire ; Tom. I. Let.
pe 64
Sonfre.; comment Île
{oufre eft produit ,
Tom. I. _Ler. av. P-
186, foufre de Milo,
p: 187 & 200.
Source d'eau chaude,
Tom; I. Let, sv. P.
are qui
. purge, p.
Soye de Ti. j homn. IT,
… Ler, vint, p. 47:
Spahis , cavalerie Tur-
que, Tom. ll, Let
x111: p. 316. fuid.
ils balancent la pui-
_ ss su Sei-
eme
| Sphondilian Ortiz +
defcription de certe
Plante, Tom. I1L
Let. xvi, p.25.
Spor NA à ÿ Tom,
J1 ha Let, XX: P:
Ps
se be, SL def-
cription , Tom, I,
Let, 1, p, 33.
Sultan , L puiflance ,
Toi, , Let, xunt,
P: en à 270. fes
revenus, p: 3706, &
371.cômment il rend
la juftice , p. 304.
de quelle manieré il
celebre le Baïram ,
Let, x1V.p. 345. Sul-
tans Et Ect,
XI 1, p.
Suplice Mroaté: par Ta-
merlan, Tom, III,
Let, xxr.p, 303.
Symphitum. Couftantino-
poliranum ; defcri-
prion de certe Plan-
te, Re IL. Let, xt,
Sy ne noi de Cy-
be le, Tom. HI, Le
xX11, p, 367:
Les >; montagne »
ma Lec. xx11.
Syra , icfesipc ion de
cette Ifle , do Ii,
Let. von, p. 3. Re”
ligion des habirans,
Pag: le
DES MATIERES.
TL -
Abac , le Tabagtn
fumée eft en ufage
chez les Turcs ,
Tom. IL. Le, xiv. p.
376. & 38
Table, maniere de fe
mettre à table chez
les is , Tom, I},
Let, x1y. p. 380.
Fee pr , de quelle
maniere il prit la
ville de Sivas, Tom,
HI, Let. xx1. p. 303.
fa viétoire d’Angora,
P- 321.
Taurus , fi l'Euphrate
fort du mont Taurus,
Tom. LL, Let.xvir11
P. 124,
Tihorba , ce que c’eft,
Tom IL Let, xrv.p.
… 379:
Techellis fameux Maho-
metan, Tom.IIl. Let.
XXI P. 307:
Te£tofages, s'ils ont bâti
a ville d’Ancyre ,
Tom. Let. xxt
pag
Tefiis , see de
… certe ville, Tom. III,
Let, xvurr, p, 168,
C° fuiv. de {on palais
& de fes bains , p.
169. & 170. incon-
ne d’un Prince de
Teñlis, p. 164.
Teinture , maniere de
teindreen jaune dans
l'Ifle de Samos, Tom,
IL, Let, x: p. 135.
Tendours , ce que c’eft,
Tom, II, Let. x1v,
P. 377. © fuiu,
Tenedos , hiftoire. de
cette le, Tom. Il,
, Let, 1x, p: 87. fon
vin mufcat , p. 93.
Tennés, hiftoire de ce
Princé Tom. 11.
Let. 4%, p. 87. ©
Hiv,
Tente , dloritallé des
Tentes de Turquie ,
Tom. III. Let, xva.
P. 7° ?
Terebentine, maniere de
la recücillir , es
ges , Tom, II, Let,
Trebinbes defcription
de cet Arbre . Tom,
IL. Let, 1x. ps 71
Terre cimolée , ce que
c'eft , Tom, L Let.
IV: P. ? 172. d'où vient
la differente culture
à
_ des Terres , Tom.
III. Let. xvux. p.
nr 40
Thafpie,defcription d'u.
| neefpece de Thafpie,
Tom. II, Let, xx1.
Pe 298.
Theatre de la petite De-
” os, Tom.’ {f. Let,
VIL. P. 363. © fuiv.
-Theodofiopolis ; fi c’eft
la même ville qu'Er-
zeron, Tom.lIl, Let,
XWEIL P. 125
Theras donna fon nom
"à l'ifle de Santorin,
FOR D LEE ViD
‘311, ue
Thermie , hiftoire &
defcriprion de cette
Ile, Tom IH. Let.
Vin. p.7. © fuiv.
Religion des tree
tans, p. 10. fes eaux
chaudes , p. 11.
efée ; fa mort, Tom.
Il Let. x. pag. rç0.
fon AA k ne
ro pes “
Threfor , defcription du
Threlor Royal du
Grand Seigneur , To,
H, Let, x111. p. 272,
é fiv. Threfor des
ires ; p.313.
TAB
LE
Thymelæa Pontica ; def-
cription de cette
Plane, Tom. III,
Letxy1.p.19. & 20,
Tigres du mont Ararar ,
Tom. III. Let. x1xe
p.216,
Timariots. , cavaliers
Turcs, Tom, II, Let,
XIII, P. 318.
Timothée ; Roy d'Hera-
clée , Tom. LIT, Let.
XVI. p. 30.
Tine , hiftoire de cette
Ifle, Tom. II. Let.
Vill, p. 44, 51. ©
fuiv. fa defcription,
pag. 46. fa forterefle,
p.47. fes principaux
villages , pag. 48.
clergé & privilege de
l'Evefque Latin, p.
49, € fuiv. ;
Tocat , fituation , def
cription & gouverne=
ment de cette ville,
Tom. II1. Ler. xx1.p.
299, 302. fon hiftoi-
re, p. 304. voyage
de Tocat, p.286. ©.
niv.
Tombeau , defcription
d’un Tombeau dans
l’Ifle de Delos, Tom.
1, Let, V11, p. 376e
DES MATIERES,
. du Sultan Orcan ,
. Tom, HI, Ler, xxr.
PT ER
Ton , pelche des Tons
auprés de Chalce-
doine , Tom.Il, Let,
.: XV.p.416,
Topana , d’où ce faux-
bourg a pris ce nom:
fa sitio ; Tom,
, JE. Le, xt4. p. 225.
Tour de Leandre, Tom,
II. Let. xv. p. 418,
Tournefort ( Jofeph Pit-
ton de ) elt propblé
au Roy pour. un
voyage du Levant,
Tom. L p. 2. fon def-
fein dans ce voyagé ;
pe t. il choïfit fes
Compagnens ,p. 2.
fon départ de Paris ;
p..4. fon arrivée à
Lyon , p. 4. à Mar-
. {eille, p. 7.en Can-
die, p. 20, à l’Ar-
gentiere ». Ler. 1 v:
pag. 169, à Milo, p.
174. à Syphanto, p.
20$4 à Serpho ; p.
+414" 2 Antiparos ,
Let. v. p.221, à Pa-
10S , p.233. à Naxie,
. P- 247. à Stenofa ,
Let, v1. p.269. à Ni.
couria ; pp: 272; à
Amorgos, p.276.à
Caloyero ; p. 287. à
Cheïro ; p. 288, à
Racliä ,_p. 293. à
Nio , p.297: à Siki-
no , p. 303. à Poli:
candro , p. 307 à
Delos, Let. vis pe
346, & 374. à Syra ;
Tom. Il, Let. virts
. p.2. à Thermie, p:
za Zia, p.33 à
Macronifi , p: 27: à
Joura , p. 30. à An-
dros, pag. 33.à Ti-
he, pag. 44. à Mes
. telin, Ler. 1x. p. 8:
\
à Samos ; Lers x.
pag. 103 128. à Pat:
: mos, p.141 à Sinos
pe >; Tom; HI. Ler,
XVI. p. 43. à Trebis
fonde, Let. xvas. pa
63. à Erzeron ; Let;
XVIII+ pag. 106. à
Gars, :pag.-142. à
Teflis, pag. 160, aux
Trois Églifes, Ler,
xix, p. 187. à Erivan,
P: 197. au mont Ara-
TAGS DAME à TO
cat, Let. xx1.p.299:
à Angora , p. 311. à
Prufe , p 339. à
6 ii
TABLE
Simyrné, Let. xx1,
p. 370. fon embar-
quément fur la Mer
noire, Let. xv1,p.
$, € fniv: fon voya-
ge d’Armenie , Let.
xV111; p.86. du Cur-
diftan , p. 118. de
Gcorgie , p. 134, des
Trois Egliles, Ler.
X1X. p. 178. de Tocat
& d’Angora , Let.
XXI. pag. 286. d’Ane
gora à Prufe , p.435.
de Smyrne & d’E-
phefe , Let. xxir,
pag. 353. & 388.fon
Hébert d’Ephefe pour
Scalanova, pag.4or,
fon retour à Ephefe
& à Smyrne , p.403.
fon retour en Fran.
ce, pag. 404 dan-
3e où il fut expolé
Thérmie, Tom, II,
Let. viir. pag. 8,
Samos , Let, x. P.
Le
148. au paflage d'u.
LE dat Tom. III,
ae à > (D. “222.
diffcaltez pe la
fitpour le laifler sal
fer en Perfe ; Let.
XVA IT, p. 443. d
fiv. (a converfarion
avec Maurocordato ;
- Tom, 11. Let xr1.
pag. 238. fniv. de
quelle maniere il fue
receu du Patriarche :
des Armenieris, Tom,
I, Let, x1x,p. 202.
Hiv.
Toutebonne , defcription
d'une efpece de Tou-
tebonne , Tom. 111.
Ler, xvI11. p. 103,
Trebifonde , hiftoire de
cette ville, Tom. III,
Let. xvir. p. 68. €”
fuiv. {a SfCiptéo .
p.79. infcriptions ,
Trinité |, Couvent de
Candie, Tom.l. Ler,
1, p. 36* /
Trois Eglifes, defcri-
ption de ce Monañtes
re & des environs,
Tom. HI. Let. xixe
p- 187,€ fuiv.
Troupes ; . dénombre-
ment des Troui
qui font dans les Pla-
. cesde guerre en Tur-
quie ; Tor. £L Let.
. p. 49.-& 49.
Truilhart'; Conful de
le Canée, Tom. IL
Lex, 1, p. 26,
DES MATIÈRES,
Turban ; ce-que c’eft ,
& d’où vient ce mot,
Tom, HA Let, x1v.
PRE: 375.
Turc ; de quelle ma-
niere les Turcs paf-
fent Ja vie, Tom. I,
Ler. 1. p, 21. com-
ment ils exigent la
capitation, Let. v.
222. firatageme
des Turcs, Tom. I I.
Le. x1. pag. 167. ils
font accroire à leurs
femmes qu'il n’y 4
point de Paradis pour
elles ; pag. 184. ils
ctoyent que les prie-
res foulagenr les
Morts , p, 196..com-
ment ils rendent .la
juftice chez éux, Let,
Xit.p. 214, ils haïf-
fent le negoce du
vin ; pag, 222, pour:
quoy ils n’ont point
de goût pour le def:
ein; p.225. adreffe
des jeunes Turcs , ps
226: &t:227. Origine
de leur Empire, leur
gouvernement , leur
politique , Let. xurr.
P. 267. 268. & 169;
Puiflance de leurs
Sultans , pag: 269.
& 270; reyenus du
Grand Seigneur ; ps
2-0. & 271, defcri-
pion du Threfori
Royal, p.272. def.
cription du Serrail ,
pag. 274. Éducation
des Pages , Ps 277:
Officiers du Serrail ,
pag.274. leur Divan,
p. 297. leur police ,
P. 306. leur infanté-
rie, p.308. leur ca
valerie ; p. 316. leut
Marine , pag. 320:
leur . refpeét pout
PAlcoran , Let. x1v.
p-327.leur Religion,
pP-326.leur croyance
fur la circoncifion ,
P. 330: ceremonies
qu'ils y obfervent ,
pag. 334. leurs prie+
LES 5 Ps 3434:È 3340
leuts ablutions ; p:
338. leur carème ,
(PAS. 34:24 leur Baie
AM, .p. 345: leur ans
née, p. 342. leurs
feltes, p. 348, pours
.quoy il n’y a point
de mendians en Turs
Quie ; pag, 350. leurs
Mofquées, b idleurs
© üi
T'A BL E
hôpitaux , leurs col-
leges , leurs hôtelle.
ries, pag, 351. éten-
due de leur charité
envers les animaux
& les Plantes, pag.
354. ils font obligez
au voyage de la Me.
que , p. 357. em-
ploys de leurs Pref.
tres , p. 386. leur
creance au fujet des
Morts , p. 387. leur
Paradis & leur Enfer,
p- 338. &.389. leur
maniere d’enterrer
les Morts , p. 389.
leurs cimetieres, To.
Æ Lec, 1. p. 29. &
Tom. Il, Let. x1v. p.
390. leurs Dervis, p.
391. leur eftime pour
… Jefus-Chrift, p. 395.
& 396. leurs bains &
: la maniere de s’y la-
- ver , pag. 360, leur
mariage , p. 363. ha-
Pe 14
Turcal ,
sep de manger ;
p. 380. de fe cou-
ner, P. 335. Cercu
monies qu'ils font à
la garderobe, p. 326.
leurs jeux , p« 329.
& 382, le vin leur eft
détendu ; p: 329.
leurs occupations :,
p. 382. & 383. leur
ignorance au fujet de
la Marine, Tom III,
Let: xvi. p. 3. leur
mufique, Let. xvr1.
p. 89. leur maniere’
de voyager , pag. 86.
leurs exrorfows à l’é-
gard des étrangers,
pe
fituation de
cette ourgade, To.
EIE Let, x x1. p.
307.
Turcmars, voleurs d’A-
natolie, Fons, III. |
Let. xx1.p. 307.
bit des femmes Tur- TXans , defcriprion du
ques, p. 367. habit
des Turcs ;-p.:372.
leur manicre de fa-
Juer & de fe vifiter ,
p.376.difference en-
tre les Turcs & les
Grecs, p. 377. leur
. pays des Tzans ; To.
- DH, Let, XVII 1 P-
158.
DES MATIERES.
v
Aillant critiqué ,
Tom.lILt, Let.xxzr.
P- 355.
Vaivode, malice d’un
Vaivode | Tom, I,
Let. ri. p.85.
Validée , defcriprion de
cette Mofquée, Tom,
IL. Let. x1, p. 196.
Varrouil, fauxbourg au-
prés de la Canée , où
l’on voit le jardin du
Gouverneur de cetre
Place, Tom, I, Let.
s. P. 27,
Vaux marins, Tom.ll.
Let. vin, p. 28.
Velani ; ce que c’eft,
& le commerce que
l'on en fait, Tom II,
Let, vrir, pag, 18,
20,
Vegetation des pierres , :
Tom. I. Let. v. pag. :
228.
Venitiens,en quel temps
ils acquirenc Candie,
Tom, I: Ler, 1, p
22, faute confidera.
ble qu'ilsfirent à lat-
taque de la Canée,
pag. 23.
Vent du Sud dangereux ,
en Candie ;, Tom, k
Éec, 11: p.109.
Vernon, Mathematicien
Anglois , fa mort,
Tom. Ill, Ler:xvrrr.
Vertabiets {ont les Doc-
teurs Armeniens ,
Tom. III, Let. xx.
p. 269.
Veficaria , defcription
de cette Plante, Tom.
FIT;: Eers :xvitr,
P: 99: dE
Viande ; fes qualirez &c
là maniere de la faire
cuire en Turquie ,
Tom, IL, Let. x1v, ps
379.
Vierge ; devotion des
Grecs aux Images de
la Sainte Vierge ,
Tom. I. Let. vi. pag.
275. Image miracu-
leufe de la Vierge,
p.280.
Villages, ils font bâtis
de marbre en Candie,
Tom. I, Let, 11,-p«
10
9. Be
Vins ,; comment il fe
fait dans lArchipel ,
Tom. 1. Let. 1y. p.
191. vins de Candie,
T A
Let, 11, p. 107. de
Scio, Tom. Il. Let,
1x, p. 62. de Lesbos,
p. 85. de Georgie,
Tom, IL. Let, xvrix.
P. 167. vin mufcat
de Tenedos, Tom,
IT. Lec.1x, p. 93, de
Samos , Let, x, p.
108.
Vipere, VIfle aux Ni-
peres. Voy. Argen.
tiere.
Vifir ; le Grand Vifi
ft juge fouverain
chez les Turcs, Tom.
IL. Let. xu, P+ 214
ileft le premier Mi.
niftre du Grand Sei-
gneur , {a puiflance,
Let, x311. p, 292.6
cr se de ce
{e pafla à l’Au-
iance que le Grand
Vifr as à M. de
Ferriol , LÉ
Grand 236.
Vilirs du Banc ou du
Confeil , Tom. IL
Let. xir1..p. 296.
75 ifiter maniere defe vi-
fixer parmi les Turcs,
E
Tom. 11, Let, xt,
P+37 6.
Voleurs , comment pu=
nis en Turquie, To;
I. Let, 11. p. 101.
voleurs des coîtes
d’Afie ,; Tom. 1L
Ler.x, p. 102, d’Ar-
menje , Tom. 11L
Let, x vin. pag. 86,
& 115. de Georgie ,
p. 138; d’Anatolie ;
Let, xx1, pag. 290.
296. 307.
Éée: Voy. pe a
’. Ja ; de quelle ma-
niere les Turcs voya:
gent ; Tom IH. Let.
XVIH. p.86,
Vriner , maniere d’uri-
ner des Turcs, Tom,
LE Let. :x1v. ps
Sfr
Vrne fameule d'Amor-
-.gos , Tom, I, Let.
VI, p. 2814
Vroucolacas , bhiftoire
d'un Vroucolacas s
… Tom.l. Let, 114. P«
s 158. Œ five
DES M ATEBRES.
x Zia, hiftoire & defcri«
ption de cette Ile,
Xe , en quel © Tom.Il. Ler, vin
endroit de l’Hel. pag. 13. defcription
lefpont ce Prince de la ville de Zia,
fit jetter un Pont, Pr 14. d’loulis ,
Tom. IL Ler.x1.p. p. 15. fes Eglifes &
163, _ Monafteres , p.
Z
Zoplème, Voy. Elle-
Ains , cavaliers bore,
Turcs, Tom, Il.
__ Let. x111, pag.
3 18
Fin dn Tome troifiéme,
ABPROBATION.
É sn Ieü par l’ordre de Monfeigneur le
Chancelier, le Voyage du Levant , fait par
ordre du Roy; Cet ouvrage eft digne de la
curiofité du Public, & ‘repond à l’idée que
1. Tournefort 2 laiflée de luy-mefme. Fait à
Paris ce 3. Decembre 1714. RAGUET.
Privilege du Roy.
| émerge par la Grace de Dieu Roy de
France & de Navarre : À nos amez &
feaux Confeillers les Gens tenans nos Cours
de Parlement, Maiftres des Requeftes ordinai-
res de noftre Hoftcl, grand Confeil, Prevoft
de Paris, Baillifs, Senefchaux, leurs Lieute-
nans Civils & autres nos Jufticiers qu'il ap-
partiendra , SALUT. Noftre bien amé le Sieur
Claude Rigaud Direéteur de noftre Imprime-
rie Royale du Louvre, Nous ayant fait re-
montrer qu’il fouhaitteroit faire imprimer &
donner au public 44 Relation d'un Voyage du
Leyant, fait par noftre ordre, s’il Nous plaifoit
luy accorder nos Lettres de Privilege fur ce
necéflaires. Nous avons permis & permettons
“
=
par ces prefentes audit Sieur Rigaud de fai-
re imprimer ledit Voyage en telle forme,
marge, caracteres, en un ou plufeurs volu-
mes, conjointement ou feparement & autant
de fois que bon luy femblera, Et de le ven-
dre, faire vendre & dcbiter par tout noftre
Royaume pendant le temps de douze années
confecutives, à compter du jour de la datte
defdites prefentes. Faifons deffenfesӈ toutes
fortes de perfonnes, de quelque qualité &
condition qu’elles foient, d’en introduire d’im-
preffion eftrangere dans aucun lieu de noftre
. obéïffance, Et à tous Imprimeurs, Libraires
& autres d'imprimer, faire imprimer, vendre,
faire vendre, debiter ni contrefaire ledit Voya-
ge en tout ni en partie, ni d’en faire aucuns
xtraits fans le confentement par écrit du-
dit Sieur Expofant ou de ceux qui auront
droit de luy, à peine de confifcation des Exem-
plaires contrefaits, de Trois mille livres d’a-
mende contre chacun des contrevenans, dont
un tiers à Nous, un tiers à | Hoftel Dieu de
Paris, l’autre tiers audit Sieur Expofant, Et de
tous dépens dommages & interefts; A la char-
ge que ces Prefentes feront Enregiftrées tout au
long fur le Regifire de la Communauté des
Imprimeurs & Libraires de Paris, & ce dans
trois mois de la date d’icelles, que l'impreflion
dudit ivre fera faite dans noftre Royaume &
non ailleurs en bon papier & en beaux carac-
icres conformément aux Reglemens de [a Li-
brairie, Et qu’avant que de l’expofcr en vente,
il en fera mis deux Exemplaires dans noftre
Bibliotheque publique, un dans celle de noître
Chafteau du Louvre, & un dans cellé de nof-
tretres cher & feal Chevalier Chancelier de
France le Sieur Voyfin Commandeur de nos
ordres; le tout à peine de nullité des Prefentes,
du contenu defquelles vous mandons & en-
joignons dé faire jouir ledit Sieur Expofant,
ou fes ayans caufe, pleinement & pailiblement,
fans fouffrir qu’il leur foit fait aucun trouble
ou empefchement. VOULONS que la Copie
defdites Prefentes qui fera imprimée au com-
mencement ou Îa fin dudit Livre, foit tenu
pour deüëment fignifiée & qu’aux copies col-
lationnées par l’un de nos amez & feaux Con-
feillers & Secretaires foy foit ajouftée comme
à Original : Eommandons au premier noftre
Huiflier ou Sergent, de faire pour l’Execution
d’icelles tous Actes requis & neceflaires, fans
demander autre permiffion & nonobftant Cla-
meur de Haro, Charte Normande & Lettres à
ce contraires, Car tel eft noftre plaifir. Donné
à Verfailles le douziéme jour du mois de De-
cembre, l’an de gace mil fept cens quatorze, Et
de noftre Regne le foixante-douziéme. Par le
Roy en fon Confeil, Signé FOUQUET.
Jay cedé le Privilege cy-deflus du Voya-
ge du Levant par M. Tournefort aux Sieurs
Aviflon & Pofuel Libraires de Lyon, pour
en joüir fuivañt Les conventions faites entre
mous, à Paris le 14. Decembre 1714 Signé
RIGAUD.
Repi tes rer la Cfim fi ur le Regiffre
AVS SE la Communauté des Libraires &
Bite de Paris, page 888: No 1112.
conformément aux Reglemens ér notamment à
d'Arreff du 13. Aouff 170 3." A Paris le 17.
LL ea 1714: Signé ROBUSTEL, Syndic.
à :