Full text of "Monaco"
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MONACO
SES ORIGINES ET SON HISTOIRE
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MONACO
SES ORIGIXES ET SOX HISTOIRE
d'apres les documents originaux
PAR
G u s tav e S A I G E
CORRESPONDANT DE L INSTITL'T
Monaco e sempre slato la corona vostra
e qtiello the vi ha dato name e gloria.
(Le doge Pierre Fhegosf a
Jean Grimalm, 12 !>}v. 1451).
IMPRIMERIE DE MONACO
1897
■ ^ffrrET-HCMg
Depuis le commencement de la publication
des Documents historiques ?*elatifs a la Princi-
paute de Monaco, nous avons ete' frequemment
sollicite de donner sous une forme commode et
accessible au grand public le resume des intro-
ductions place'es en tete de chacun des volumes
de cette collection, oil nous avons mis en oeirvre
les pieces originates qui s'y trouvent reunies.
On voulait bien nous encourager a tenter cette
ceuvre de vulgarisation devenue necessaire pour
mettre 1 'histoire de Monaco en harmonie avec
les exigences de la critique historique.
Nous avons longtemps hesite devant une en-
treprise qui, de prime abord , peut paraitre
facile, mais qui n'est pas moins herissee de ditfi-
cultes tres reelles. Condenser la matiere de plus
de quinze cents pages de nos introductions e'tait
une operation delicate, et nous avons, en accom-
plissant ce travail, reconnu encore une fois com
bien il est difficile de « faire court ». Nous nous.
86; 402
Vl
etions impose la tache de ne rien omettre des
faits quelque peu importants survenus dans un
petit pays dont les annates sont liees si intime-
ment a l'histoire ge'ne'rale ; mais, par contre,
nous avons du nous astreindre a supprimer tout
ce qui etait etranger au recit pur et a 1'exposi-
tion historique ; nous nous sommes en particu-
lier abstenu de toute annotation, de tout renvoi
aux sources. Nous n'entendons pourtant pas etre
cru sur parole; mais nous voulons ici — et une
fois pour toutes — indiquer qu'il n'est pas un
seul fait avance' qui ne soit appuye sur un docu
ment original place a sa date dans l'un des volu-
mes de notre grand recueil , ou le lecteur, de'sireux
de controler, pourra se reporter avec la certitude
de le trouver.
Nous sommes cependant oblige de demander
un credit de quelques mois encore en ce qui re-
garde les deux tomes qui restent a publier pour
terminer les Documents. Ce qui concerne la pe-
riode anterieure a la fin du quatorzieme siecle
depuis l'antiquite se trouve compris dans le
volume dont nous terminons en ce moment l'im-
pression et qui paraitra dans le courant de 1897.
VII
Quant a la partie relative a l'histoire des evene-
ments qui se sont deroule's depuis le traite d'Ho
nore II avec la France en 1641 jusqu'au regne
actuel, la publication, des a present entiere-
ment prete, se fera dans un delai egalement tres
court.
Cette omission syste'matique de toute annota-
tion devait cependant subir une exception pour
les premiers chapitres de cette histoire, par
suite de la nature des mate'riaux qui nous ont
servi. Notre recueil de documents ne contient
de titres qu'a partir de la legende de sainte De-
vote et du onzieme siecle. Ce qui est relatif aux
temps antiques se refere aux textes, aux monu-
ments que les historiens, les dcrivains anciens et
les archeologues ont conserves ou etudies; la
nous avons cite nos sources. On remarquera
du reste que l'antiquite occupe dans cette histoire
une place relativement restreinte ; c'est que Mo-
naco ne fut, dans cette periode, mele qu'a de
rares e'venements. A part les mentions des geo-
graphies tels que Strabon, Pline et Ptolemee, a
part surtout, et tout a fait a l'origine, la place
importante assignee a ce port et a son site dans
VIII
le mythc dc l'Hercule TyrienMelqart, personni-
rkation de la race colonisatrice des Pheniciens,
le port d'Hercule Monoecus ne joue d'autre role
que celui d'un lieu d'embarquement frequente
des un temps tres recule ; c'est a l'occasion
d'incidents de cette nature qu'il est parfois cite
a l'epoque oil les Romains mettent le pied dans
les Alpes Liguriennes; il ne figure ensuite que
daus trois ou quatre circonstances pendant tout
le cours de la domination de Rome.
Monaco disparait alors pour plusieurs siecles
et il faut l'ambition de Genes et ses visees sur
ce coin de terre prove'ncale pour que I'interet
historique s'v attache se'rieusement.
C'est la, en effetj le reel point de depart de sa
singuliere destine'e.
De nombreux essais ont ete publies sur l'his-
toire de Monaco depuis une trentaine d'annees ;
c'est-a-dire depuis l'epoque ou cette region pri-
vilegiee, restee jusqu'alors davantage en dehors
de l'attention des vo}^ageurs et des touristes, est
devenue, par les transformations des voies de
communication et la vogue mondaine, un des
i X
points les plus connus de l'Europe; mais ces
etudes, faites de seconde main, avaient toutes, ou
a peu pres, pour base le systeme historique que
les genealogistes avaient, depuis trois siecles,
impose a l'histoire des Grimaldi, suivant la
mode alaquelle les grandes maisons sacririaient,
a cette epoque, surtout en Italie, de recher-
cher leurs origines, soit dans une ascendance
remontant aux families illustres de Tantiquite
romaine, soit dans des attaches avec les chefs
conquerants des grandes invasions.
Cette preoccupation avait alors un inte'ret poli-
tique considerable pour les maisons puissantes
telles que celle des Grimaldi; chez eux 1'utilite
de trouver leur berceau dans les regions pro-
vencales, oil ils eurent de tres bonne heure
des possessions, les avait amenes a inscrire dans
leurs fastes un he'ros des guerres sarrasines
qu'une similitude de nom leur permettait de
considerer comme un ancetre. Les actes du quin-
zieme siecle nous montrent, en effet, l'origine
commune des Grimaldi et des seigneurs de
Grimaud, les tils du vainqueur du Fraxinet
au dixieme siecle, deja formellement affirme'e.
X
Plus tard, les souvenirs des Grimoald de Bene-
vent, meles a ceux des princes normands des
deux Siciles, disposerent les Grimaldi a recon-
naitre comme se rattachant a eux une grande
famille de Normandie portant des armes identi-
ques aux leurs ; les relations qui s'e'tablirent,
au milieu du dix-septieme siecle, entre l'heri-
tiere des du Bee Crespin, la marechale de Gue-
briant, et la famille d'Honore II, apres l'etablis-
sement du protectorat francais, acheverent de
donner un corps a ces pretentions.
Ces traditions artificielles avaient pris a la
longue une apparente solidite , et l'ouvrage
publie en 1646 par Charles deVenasque, Genea-
logica et historica Grimaldae gentis arbor, les
avait coordonnees avec un reel talent; elles voi-
lerent les causes veritables et autrement glo-
rieuses qui ont provoque l'independance de
Monaco et constitue une souverainete que les
Grimaldi ont conquise a la pointe de l'epee et
qu'ils ont su maintenir par l'effort heureux
d'une rare succession de politiques de premier
ordre.
Notre etude n'a d'autre merite, d'autre origi-
XI
nalite que d'exposer dans toutc sa rigueur la
verite' historique; et cette verite n'a rien a envier
aux legendes dont elle avait ete recouvertc.
Monaco, terre provencale, enlevee au douzieme
siecle aux comtes de Provence et attribute par
la politique des empereurs d'Allemagne a leurs
allies les Genois, fut separee de Genes par la
rupture survenue entre les deux grands partis
qui se disputaient le pouvoir. Les Grimaldi, chefs
des Guelfes dans la Riviere de Ponent, s'en ren-
dirent maitres et s'y constituerent independants.
Bien des fois leur singuliere audace tit trembler
Genes elle-meme, alors que dans le courant du
quatorzieme siecle les galeres monegasques se
faisaient redouter jusque dans les mers du
Levant et y poursuivaient contre les Gibelins
et la marine venitienne, une guerre sans merci.
De'posse'des cependant de leur conquete pendant
pres de trois quarts de siecle, les Grimaldi y
rentraient au commencement du quinzieme
siecle a la faveur des dissensions de Genes, et
avec 1'appui de la seconde dynastie d'Anjoudont
ils furent les champions fideles a Naples et en
Provence, comme ils l'avaient ete de la pre-
XI I
miere. II fallut ensuite en disputer la possession
aux dues de Milan, et aux embuches des
dues de Savoie devenus voisins a Nice; mais
a la fin de ce siecle, Milan et la Savoie avaient
reconnu tour a tour l'autonomie et l'entiere
independance des Grimaldi de Monaco.
Le champ politique allait bientot s'elargir,
et, coup sur coup, la France d'abord, l'Espagne
ensuite, apportaient a la petite souverainete de
Ligurie l'appoint de leur reconnaissance solen-
nelle.
Admis successivement a Talliance et a la pro-
tection de Tune et de Tautre de ces puissances,
Monaco figure des lors dans tous les traite's qui
marquerent au seizieme et au dix-septieine sie-
cles les e'tapes de la grande lutte entre les heri-
tiers de Francois Ier et ceux de Charles-Quint ; en
sorte que ce lambeau de terre de Provence, uni
a Genes, puis bientot violemment separe par les
convulsions intestines de sa nouvelle me'tropole,
se trouve etre , au milieu des grands etats
modernes, le te'moin unique et isole du dechi-
rement provoque au treizieme siecle par la
rivalite des Guelfes et des Gibelins; — et e'est
XIII
une singuliere fortune que de signer ce resume
ridele des annates des Grimaldi le jour anniver-
saire six fois seculaire de I'audacieuse entre-
prise qui, le 8 Janvier 1297, fit tomber au pou-
voir de Francois Grimaldi la forteresse destinee
a rester le chef de souverainete de sa famille.
Monaco, 8 Janvier 1897.
G. S.
Un certain nombre de portraits et de dessins
Jignrent dans cet onvrage: nous devons an crayon
distingue de M. Charles David, professeur a VEcole
des Arts decoratifs, I 'interpretation des portraits
des membres de la famille souveraine qui sont
conserves au Palais de Monaco, et dont le plus
ancien. du a I'un des maitres de lecole lombarde.
remonte aux dix premieres annees du sei^ieme
siecle.
Pmir les temps anterieurs, les sceaux des Gri-
maldi tiennent dans cette iconographie la place des
XIV
portraits absents; lew reproduction est, avec quel-
ques vues de monuments, I'oeuvre de MM. Copello,
Robella^ et Lancelevee.
Notons en/in quen reservant dans cette etude line
part au resume de fhistoire met alii que de la Princi-
paute; nous Vavons completee par les dessins d'un
certain nombre de types de monnaies. Plusieurs
d'entre eux ont ete empruntes aux planches des
Monete dei Grimaldi de M. le Cher Girolamo Rossi
et aux ouvrages sur la numismatique monegasque
de M. Charles Jolivot.
MONACO
SES ORIGINES ET SON HISTOIRE
CHAPITRE PREMIER
SITUATION GEOGRAPHTQUE TEMPS PREHTSTORIQUES
LES IBERES LES LIGURES
Orographie de la region. — A Tendroit oil
les Alpes, en se rapprochant de la Mediterranee, se
recourbent vers Test pour aller se souder plus loin
aux Apennins, un massif montagneux, continuant la
direction nord-sud de la grande chaine, vient plonger
brusquement dans la mer par des escarpements
abrupts ne laissant a leur pied que des rives etroites
fortement inclinees et souvent interrompues par des
falaises verticales.
Ce massif, dont les grandes lignes sont dessinees
par le bassin du Var et de la Tinee a l'ouest, par le
cours de la Roya descendant du col de Tende a Test,
-- 2 '— r
est resserre encore dans sa paytie centrale par trois
vallees am v nai.ss,ent. et 'A6. d.ecbupent. Ce sont, au
couchant, celle du Paillon, qui arrose la plaine de
Nice, au levant, pres de Menton, celles du Care'i et
du Borrigo.
Le mont Agel, le pic le plus eleve du chainon sur
le rivage, se dresse au-dessus de la mer a une altitude
de plus de onze cents metres ; il determine Tarete de
deux versants, celui qui descend du cote de Tltalie,
et celui qui s'etend vers les regions occidentales.
Une montagne moins elevee de cinq cents metres
epaule ce pic au sud-ouest ; ses pentes raides sont
brusquement interrompues aux deux tiers du sommet
par un escarpement vertical de forme circulaire qui
lui donne un aspect caracteristique ; c'est la Tete de
Chien.
Au dela de la Tete de Chien commence, en se
prolongeant sur une longueur de plusieurs kilome-
tres, une serie de falaises verticales et sans rives qui
barrent toute communication par le bord de la mer.
La disposition orographique de cette contree offre
une particularite remarquable ; tandis qu'a Test et
au sud, c'est-a-dire vers Tltalie et la mer, il n'existe
que les versants abrupts que nous venons de decrire,
les revers occidental et septentrional ont leurs pentes
allongees et adoucies, creusees de profondes vallees,
et dont les sommets s'adossent sur certains points a
la crete meme des escarpements qui, de Tautre cote,
dominent le rivage.
Cette situation fait du col qui se trouve entre le
mont Agel et la Tete de Chien un peu en arriere de
la ligne de crete, le seul passage praticable pour
mettre en relations par le littoral les deux cotes du
massif extreme des Alpes-Maritimes ; ce passage
est du reste facile, car il peut etre gravi par line
montee douce le long des declivites de l'Agel, tandis
que sur l'autre versant les vallees allongees condui-
sent d'une facon commode et directe vers les plaines
formees aux debouches du Paillon et du Var.
Le littoral. — La configuration des cotes le long
de cette region augmente encore Timportance de ce
point topographique. Les rives, suivant une direc-
tion generale de sud-ouest au nord-ouest, sont
marquees aux deux extremites par des promontoires
etendus et relativement bas, qui se detachent en
provoquant a leur racine la formation de rives en
terrasses ou de rivages en plaine de quelques cen-
taines de metres de profondeur seulement. Celui
de Touest, en deca de la vallee du Paillon, est la
presqu'ile de Saint-Hospice, qui encadre d'un cote
la belle rade de Villefranche en menageant d'autre
part la plaine basse de Beaulieu ; celui de Test est
le Cap-Martin qui, en separant les baies de Menton
et de Roquebrune, a permis aux atterrissements du
Caret et du Borrigo de former, en avant de Menton,
la plaine de Carnoles.
— 4 —
Le port, la presqu ile et le site de Monaco. —
Entre ces deux presqu'iles s'en presente une troisieme
tres inferieure aux deux autres comme etendue ;
fortement recourbee en croissant, elle embrasse une
baie resserree entre sa concavite et un promontoire
plus bas de la rive a Topposite; elle dessine ainsi un
port naturel qu'elle couvre entierement du cote du
midi et de Touest, tandis qu'il est garanti du cote du
nord et du nord-est par le massif des montagnes, en
sorte que les vents du sud-est seuls peuvent s'y
faire sentir.
Ce port naturel, si bien abrite, est directement situe
au pied du col que nous avons decrit ; il en complete
Fimportance, puisque celui qui tiendrait en raerae
temps ces deux points se trouverait maitre des com-
munications de toute la region.
Aussi, le port de Monaco et le col de la Turbie,
intimement lies Tun a l'autre, ont-ils, des les temps
les plus recules, attire l'attention des peuples navi-
gateurs et conquerants.
La presqu'ile qui enserre le port, et sur laquelle
s'eleve depuis le xmc siecle la forteresse et la ville de
Monaco, est situee par 43° 43' 521,de latitude nord
et par 5° 5' 21" de longitude a Test du meridien de
Paris ; elle est formee par un rocher completement
isole, supportant a une hauteur variant de soixante a
soixante-dix metres, un plateau presque horizontal
de six cents metres de longueur sur une largeur
moyenne de deux cents metres.
Du cote de la mer, les escarpements de ce rocher
plongent a pic sur presque tout son pourtour, sauf
du cote du port, ou se trouve une declivite diffici
lenient accessible. Du cote de terre, il se rattache par
une depression tres basse a la Tete de Chien. A cet
endroit, Tacces du plateau etait favorise par des pen-
tes plus douces; des travaux de sape ont abaisse le
terrain, et des fortifications en ont barre la montee ;
en sorte que Taspect aussi bien que les conditions de
defense de ce point ont etc profondement modifies
par la main de Thomme.
Au fond du port regne une petite plaine semi-
circulaire, inclinee en amphitheatre vers celui-ci,
qui a recu le nom de Condamine. En avant et au
nord-ouest de cette plaine, les eaux du ravin, descen-
dues du col de la Turbie, se sont fraye un chemin
en entaillant profondement un petit plateau qui
forme comme un premier gradin, une premiere sta-
tion sur le chemin direct de la Turbie. Ce plateau a
du tres anciennement recevoir des habitations, d'ou
son nom de « petit Monaco » Monaguet, Moneghetti.
Au-dela du ravin, les contreforts abrupts qui sup-
portent la haute pyramide de TAgel, dominent un
promontoire triangulaire, dont Tun des cotes forme
la rive scptentrionale du port de Monaco et qui se
deploie en une large terrasse doucement inclinee.
Son sol caverneux lui a fait donner le nom de Spe-
lugues ; c'est la qu'a ete recemment construit le
quartier de Monte Carlo.
— 6 —
Tel est le site de Monaco. Son territoire propre
commence le long du rivage a l'ouest sous les escar-
pements de la Tete de Chien, a six cents metres en
arriere du rocher et forme, sur les declivites de cette
montagne et celles de l'Agel, une bande longue et
etroite,dominee au nord par le territoire de laTurbie,
jusqu'a Tun des ravins descendus de cette derniere
montagne, celui de Saint-Roman, qui le separe du
territoire de Roquebrune.
Habitants des cavernes, troglodytes. — II est
facile de s'expliquer qu'une region aussi bien pro-
tegee contre les vents du nord par les plus hautes
montagnes de TEurope ait attire, des une epoque
qui defle jusqu'a present tout calcul historique,
quelques-unes de ces premieres families humaines
qui vivaient a Tetat sauvage, cherchant des abris au
pied de parois de rochers surplombant en saillie,
et dans les cavernes.
Ces cavernes leur servaient de retraite, de maga-
sins et de lieu de sepulture. C'est la surtout qu'on
rencontre leurs traces ; de la le nom d'hommes des
cavernes, de troglodytes qui leur a ete donne.
A Nice, a Beaulieu, a Eze, des abris sous roche
ont ete trouves ; mais ils n'approchent pas pour Tim-
portance des cavernes des Baousse Rousse, sur le
bord de la mer, au dela de Menton. Des squelettes
en ont ete exhumes entoures des ornements dont ils
avaient ete pares sur leur couche funebre.
/
Dans la Principaute meme de Monaco, au pro-
montoire des Spelugues, sur lequel s'est eleve le
quartier de Monte Carlo, une grotte a moitie com-
blee, remise au jour par une tranchee du chemin
de fer, a rendu les ossements de plusieurs individus
appartenant a une race posterieure a celle des tro-
glodytes des Baousse Rousse.
Ces peuplades qui n'avaient entre elles aucun lien
social, ne durent pas opposer d'obstacle aux immi-
grants plus civilises qui vinrent successivement
occuper ces contrees.
Les Iberes. — Les Ligures. — La plus ancienne
migration connue dans les regions occidentales de
TEurope est celle des Iberes qui apparurent d'abord
en Espagne a une epoque extremement reculee; de
la ils se repandirent jusqu'en Italie, le long des Alpes
et des Apennins.
Les Iberes durent etre de bonne heure debusques
par les Ligures, qui, apres avoir occupe la vallee du
Danube, penetrerent en Italie et se repandirent des
deux cotes des Alpes; mais, presses a leur tour par
de nouveaux conquerants, ils se resserrerent peu a
peu, en sorte qu'au vie siecle avant Fere chretienne,
a l'epoque de la fondation de Marseille, le territoire
qui leur restait, et qui se reduisit encore, ne s'eten-
dait plus que du Rhone aux Alpes et le long de la
cote au pied des Apennins.
— 8 —
Bientot, ils seront repousses de la vallee du Rhone
jusqu'aux Alpes-Maritimes, dans la region ou ils
sont restes le fond de la population et qui a garde
leur nom, le long du littoral depuis le Var jusqu'au
golfe de la Spezzia.
Les Ligures, lors de leur arrivee, apportaient la
connaissance des cereales et Part de les cultiver; lcurs
instruments et leurs armes sont plus perfection-
nes que ceux des peuples qu'ils remplacent ; leur
civilisation se developpa, en sorte qu'a Taurore des
temps historiques, Torganisation de la nation s'etait
perfectionnee, elle se divisait en tribus ayant leurs
lieux de refuges, leurs camps, leurs oppida fortifies,
jeurs villes; leurs territoires avaient deja sur beau-
coup de points la forme et Tetendue de celui des cites
qui leur suecederent.
— 9 -
CHAPITRE II
MONACO, COLONIE PHENICIENNE ET PUNIQUE
Le mythe d'Hercule, fondation de Monaco. —
Tandis que les migrations des Iberes et des Ligures
peuplaient successivement les regions occidentales
de TEurope, la Mediterranee etait sillonnee par les
vaisseaux d'un peuple essentiellement civilisateur.
Le souvenir des conquetes des Pheniciens s'est
perpetue par les legendes relatives au dieu de Tyr,
Melqart, dont Tantiquite grecque et romaine a fait
Hercule et la personnification de leur race ; ces
legendes ont conserve Tordre dans lequel l'occident
fut temoin des exploits du conquerant. Le mytho-
graphe Apollodore nous le montre exterminant
en Espagne le brigand Geryon, puis venant de-
truire en Ligurie Alebion et Dercunos (i). Tima-
gene, a son tour, modifie la legende pour Taccor-
der avec la repartition des peuples telle qu'elle
existait au premier sieele avant notre ere (2) ; il
lui donne pour adversaire, apres Geryon, qui deso-
(1) Fragm. histor. Grcec, edit. Didot, II, c. 5, g 10, n° 9.
(2) Ibidem, III, 323.
— 10 —
lait l'Espagne, Taurisque, personnitication des Celtes
repandus sur les deux versants des Alpes (i). Denis
d'Halicarnase et Diodore de Sicile repetent ces
traditions (2); enfin, Ammien Marcellin les resume;
apres avoir reproduit le fragment de Timagene, il
ajoute qu'Hercule, pour atteindre Taurisque, cons-
truisitdans les Alpes-Maritimes une route et con-
sacra a sa memoire la montagne et le port de
Monaco (3).
II est facile de reconnaitre ce que recouvre cette
legende tres transparente : les Pheniciens, apres la
conquete de TEspagne, creerent des etabiissements
au norddes Pyrenees et tracerent une route le long
des Alpes-Maritimes dont la construction a sou-
vent occupe les historiens et frappe* Timagination
des poetes. Or, il est a remarquer que, de tous
les etabiissements pheniciens transpyreneens, a part
la ville de Pyrene, construite egalement a l'extremite
maritime d'une grande chaine, Monaco est la seule
ville dont les ecrivains antiques fassent mention, et
qu'ils lient sa fondation a la construction d'une
route a travers les Alpes; notons surtout que ce
(1) D'Arbois de Juhainvillc, Les premiers habitants de VEu-
rope, p. 369 et suiv.
(2) Den. d'Hal. I, 41.— Diod. IV, iq, 3.
(3) Ammien Marcellin, xv. 9, 10. — « Arcem et portum con-
secravit » ; « Arcem » se rapporte ici a une montagne et 11011
a une citadelle, autrement l'auteur eut dit: « dedicavit ».
qu'ils entendent par montagne de Monaco, ce n'est
pas la presqu'ile a qui ce nom est attache de nos
jours, mais le massif montagneux de la cote, a tra-
vel's lequel Hercule se fraie sa route sous les yeux
etonnes des dieux (i).
Le sanctuaire de Melqart Menouakh au port.
— Le site de Monaco remplissait du reste les meil-
leures conditions que les Pheniciens recherchaient
pour leurs etablissements : un port commode et
abrite, puis, a defaut d'iles voisines du rivage, un
rocher isole bien dispose pour la securite de leurs
entrepots, entin, sur la cote, une serie de hau-
teurs escarpees^'une occupation facile, particuliere-
ment utile ici pour la possession du passage de leur
route au col, a Tendroit le plus rapproche du port.
Un sanctuaire fut fonde au port meme ; c'est la que
Strabon indique sa place (2) ; il devait se trouver sur
le petit plateau du Monaghet (Moneghetti), bien en
vue du port, formant le premier echelon vers Tacro-
pole que nous alions etre amene a fixer sur les
hauteurs de la Turbie. Ce sanctuaire etait dedie a
Melqart Menouakh, et le nom de Monaco, portus
Herculis Monceci, a conserve a t ravers les siecles
(1) Diodore de Sicile, I, 41. — Silius Italicus, De hello Pu-
nico, I. — Claude Mamertin, Geneatl. Maximiani, IV., 2.
(2) Strabon IV, 6, 3.
le souvenir du dieu « qui donne le repos ou qui
donne asile (i) ». Les Grecs traduisirent, en ne
tenant compte que de Tassonnance, ce qualincatif
Menouakh sans le comprendre , par le vocable
Movoixo?, d'un sens tout different isenl habitant), en
sorte qu'on a vu dans THercule de Monaco, non
pas le dieu du repos, le dieu hospitalier, mais celui
qui ne permettait aucun autre culte a cote du sien.
II serait loin d'en etre ainsi et en appliquant la
methode suivie ailleurs pour cet ordre de recher-
ches (2), il serait, pensons-nous, possible de retrouver
dans la region les traces d'autres dieux du pantheon
phenicien. L/etude de cette question si interessante
est trop speciale pour etre abordee ici ; nous nous
bornerons a relever les traces materielles que les
Pheniciens ont pu laisser sur le sol.
Vestiges pheniciens. — Sur le rocher ou s'eleve
maintenant la ville de Monaco, on n'a jamais trouve
de constructions ni d'objets antiques, a part quel-
ques monnaies romaines de la basse epoque, pro-
(1) L'abbc Barges a le premier fixe l'etymologie exacte du
nom de Monaco. II cite, d'apres Gronovius {Antiquitates
Greece, V. p. 283 1), une ville de Sicile egalement dediee au
Melqart Menouakh : Heraclea Minoa. ■ — (Recherches sur les
colonies pheniciennes de la Celtoligurie, p. 53J
(2) Vov. la Phenicie, de MM. Renan et Ph.Berger ; — Le dieu
Satrape et les Pheniciens dans le Peloponese, de M. Clermont
Ganneau ; — Mythologie iconologique, du me me auteur; —
Victor Berard, De Vorigine des cultes arcadiens.
bablement apportees de la Condamine, avec les
terres vegetales lors de la creation des jardins.
Au contraire, dans la plaine de la Condamine. le
long des pentes qui moment vers le col, sur le pla-
teau des Moneghetti, sur les terrasses des Spelugues,
de nombreux restes antiques se sont retrouves, ac-
compagnes de monnaies, parmi lesquelles un grand
nombre de pieces puniques, dont quelques-unes ont
Monnaie punique, portant une marque inedite, trouvee
au Carnier, au-dessus de Monte Carlo (i)
un certain interet numismatique. Elles ont ete re-
cueillies, les unes pres du port, lors de la construc-
tiou des gazometres, les autres dans les quartiers
superieurs, aux Spelugues, au lieu dit « le Carnier »,
jalonnant ainsi Tun des principaux chemins montant
a la Turbie.
Tous ces vestiges nous ramenent done vers le col
de la Turbie; et si Ton considere qu'on peut evaluer
(i) D'apres le Bulletin dc la Societe des antiquaires de
France, 1880, p. 141.
— i4 —
a cinq siecles au moins la periode pendant laquelle
les Pheniciens etles Carthaginois, leurs successeurs,
occuperent le port de Monaco et se servirent de la
voie commerciale qu'ils avaient construite, on s'ex-
plique la presence du grand nombre de restes de
constructions anterieures a la periode romaine repan-
dues sur toute Tetendue du plateau supcrieur et
le long des declivites de la montagne,dont beaucoup
peuvent etre legitimement attributes a l'occupation
phenicienne. La cime la plus elevee de la region, le
mont Agel, porte a son sommet les vestiges d'un lieu
consacre sur un plateau nivele qui a du etre une
enceinte de sanctuaire. II semble que le massif mon-
tagneux ait ete alors converti en un vaste camp
retranche ; une veritable forteresse s'elevait sur la
crete denommee dans les anciens titres le Mure, et
dans un ancien plan monegasque dresse au seizieme
siecle, a Tepoque de la domination espagnole, las
Muras « les murailles »; elle est imprqprement dite
actuellement les Mules. Ce poste fortifie domine le
Carnier; on y trouve une enceinte et un reduit carre
flanquant un gros mur : il commande sur son revers
nord le vallon par lequel descendait la voie Hera-
cleenne.
En arriere du col, derriere TAgel, dans la region
qu'il etait indispensable d'occuper pour defendre le
passage de la route si laborieusement tracee a tra-
vers la montagne, une enceinte encore mieux con-
servee que celle des Mules, dite en langue vul-
gaire lou Casteu, gardait le chemin vers Peille, cou-
ronnant, au sommet du vallon de Laghet, la colline
de Colle del Castello. Elle forme une ellipse reguliere,
et, sur quelques parties de son portour, le rempart
atteint quatre a cinq metres de hauteur.
¥r':iCM
Enceinte de « lou Casteu »
sur le chemin de la Turbie a Peille
L'acropole de Monaco a la Turbie. — Ces
constatations rendraient vraisemblables la conjecture
qui placerait Tacropole de Monaco a la Turbie, en
un lieu merveilleusement choisi pour dominer le port
et la voie Heracleenne. C'est la que plus tard, par
une substitution dont il y a de nombreux exemples,
les Trophees d'Auguste auraient ete eriges sur un
lieu precedemment consacre au dieu Tyrien, mais
distinct en tout cas du hieron d'Hercule Monoecus,
que Strabon place formellement au port.
II aurait done existe, du port au sommet de TAgel,
— 16 —
plusieurs sanctuaires superposes dedies a Melqart,
et ceci n'a rien d'insolite dans les habitudes religieuses
des Pheniciens : c'etait sur de hauts lieux, souvent
meme assez eloignes de la mer, mais bien en vue des
navigateurs, com me au mont Ida, qu'ils placaient
leurs enceintes sacrees. De meme sur une seule mon-
tagne ils les multipliaient ; le mont Lycee en Arcadie
en possedait trois successivement etages (i).
La decouverte faite il y a une trentaine d'annees
entre Eze et la Turbie, de pateres du me siecle avant
J.-C, representant le triomphe d'Hercule, confirme
en tous cas ce que les legendes ont rapporte de la
consecration du massif montagneux au dieu deTyr.
Domination de Carthage. — L'empire maritime
de Tyr disparut au vje siecle a la suite de Tinvasion
des Perses de Cyrus. Sa principale colonie, Carthage,
herita de ses possessions occidentals ; Monaco fut
de ce nombre, et son port aurait etc, au milieu de ce
meme siecle, le point d'appui de la marine carthagi-
noise dans sa lutte victorieuse contre Marseille (2).
On a vu d'autre part que les monnaies puniques ont
laisse sur le sol des traces certaines de cette occu-
pation ; elles sont les temoins les plus antiques de la
civilisation phenicienne dans ces parages.
(1) Berard op. cit. y. -2-- 3.
(2) Perrot et Chipicz, Histoire de fart dans Vantiquite,
t. m., p. 46.
CHAPITRE III
LES GRECS DE MARSEILLE ET LA VOIE HERACLEENNE
ADMINISTRATION ROMAINE
Les Grecs de Marseille. — S'il parait tres pro-
bable que, suivant le sort des autres etablissements
pheniciens etpuniques sur le littoral, le port cTHer-
cule devint une colonie marseillaise, aucun document
ne raffirme; il ne dut tomber, en tout cas, entre les
mains des Phoc^ens qu'apres la defaite d'Amilcar
par Gelon en 480; Fecrivain grec qui l'a le premier
nomme, au ve siecle avant notre ere, Hecatee de
Milet, dit que « Monaco est une ville de Ligurie ».
II eut ajoute, s 'il en eut ete deja ainsi, que Monaco
etait une colonie grecque ou massaliote.
La voie Heracleenne aux mains de Marseille
et des Romains. — Quel qu'ait ete le sort de Mo-
naco lors de la disparition de la domination de
Carthage, les Massaliotes utiliserent Tantique route
construite par les marchands de Tyr le long du litto-
ral. Dans leurs mains la voie Heracleenne vit s'aus-
— i8 —
menteret se regulariser sa circulation. Au quatrieme
siecle avant Fere chretienne, Thistorien grec Timee,
qui a fourni au pseudo Aristote le chapitre 85 du
traite De mirabilibus auscultationibus (i), et qui
ecrivait vers Tan 3oo, la depeint, des cette epoque
reculee, comme protegee par une police dont les
habitants des pays traverses assumaient la respon-
sabilite. Elle conduisait de son temps d'ltalie en
Espagne; un siecle et demi plus tard Diodore de
Sicile en vantait encore la commodite (2).
Le conquete de l'Espagne par les Romains, apres
la seconde guerre punique, fut pour Marseille une
cause de relations continuelles avec Rome; les voies
romaines, pendant cette periode, s'avancaient vers
les Alpes dans la Cisalpine ; cependant jusqu'au regne
d'Auguste leur construction dans la direction des
Alpes-Maritimes ne depassa pas Vado ; la voie Hera-
cleenne suffisait aux communications; des incidents
releves par les historiens demontrent son activite
pendant le second siecle.
II est certain qu'alors les legions suivent le litto-
ral. Tite Live nous montre, des 189 avant J.-C, le
preteur L. Boebius, se rendant en Espagne, attaque
(1) Aristote, De mirabilibus auscultationibus, lxxxv, edition
Didot-Muller, tome IV, page 88. — Cette attribution a Timee
du chapitre lxxxv est donnee par Mullenhoff, Deutsche Altes-
tummskandc; t. I, p. 87, 440 et suiv.
(2) Diodore de Sicile, IV, 19, 3.
— i9 —
en pays de Ligurie, et venant mourir de ses blessures
trois jours apres a Marseille; le preteur Fabius
devalt y succomber egalement, ayant suivi la meme
route en ij3 (i). La turbulence des Llgures obligea
les legions du consul Q. Opimius, en Tan 154, a
venir combattre les Oxybiens et les Deciates aux
environs d'Antibes.
Si les communications au-dela des Alpes sont
alors interrompues, il n'en est pas de meme jusqu'au
col de la Turbie, sur le revers italien ; les troupes y
suivent la voie Heracleenne. Polvbe nous montre le
consul Opimius franchissant les Apennins pour
deboucher par le littoral dans les plaines du Var (2).
Monaco devient alors le port d'embarquement pour
les legions envoyees en Espagne. L'an \3j le consul
Mancinus y vient prendre la mer, apres avoir gagne
ce port par terre, lorsqu'un prodige lui fait rebrous-
ser chemin jusqu'a Genes (3).
Cette partie orientale de la voie semble moins
parcourue dans le siecle qui suit, tandis que
la fraction au-dela des Alpes, rendue a la securite
par la soumission des Ligures, est, au contraire, tres
activement pratiquee. II en resulte que le port de
Monaco qui, precedemment, servait de point d'em-
(1) Liw xxxvii, b~, xlii, 4.
(2) Polybe, Excerpta legationum, xxx, xxxix.
(3) Valere Maxime, I, 6. — Julius Obsequens, De prodigiis.
— 20
barquement pour gagner d'ltalie les regions occi-
dentales, voit les passagers arriver maintenant par
terre d'Occident pour traverser la mer dans le sens
oppose. Jules Cesar, au debut de la guerre civile, y
prend en revenant des Gaules le navire qui le portera
en Italie (i). II se peut qu'a cette epoque la voie
fut devenue peu praticable de Monaco a Vado. Les
communications directes etablies depuis les guerres
des Gaules a travers les Alpes centrales avaient pu
faire negliger l'entretien des voies sur le littoral.
Decimus Brutus, dans une lettre a Ciceron (2),
s'etend sur le mauvais etat des routes de ce cote et
sur la situation de Vado, dont Faeces etait des plus
difficiles lorsque Marc-Antoine battit en retraite vers
la Province apres sa defaite a Modene.
La voie Heracleenne allait bientot disparaitre,
absorbee par la nouvelle voie Julia Augusta.
Les Trophees d'Auguste. — Les populations des
Alpes, depuis TAdriatique jusqu'a la Mediterranee,
restees jusque-la presque independantes furent sou-
mises par Auguste, et le souvenir de cet evenement
fut consacre en Tan 7 avant J.-C, par l'erection d'un
monument dont on choisit Templacement au col de
la Turbie, oil Ton a vu que nous avons ete amene a
(1) Virgile, sEneid., VI, vers 8:>o.
(2) Ciceronis epistolce, xi, lettre i3.
Ruines des Trophees d'Auguste a la Turbie.
placer l'acropole phenicienne, dominant a la fois la
voie Heracleenne et l'escarpement au-dessus du port
de Monaco.
Les Trophees d'Auguste, sur YAlpe Summa ou
YAlpe Maritima, la ou les geographes anciens pla-
cerent la limite de l'ltalie et de la Gaule, devinrent,
lors de l'invasion des barbares, une forteresse sur la
forme de laquelle les archeologues sont loin d'etre
d'accord. Nous inclinerons a penser que ce devait
etre soit un monument entierement circulaire comme
le trophee de Trajan recemment retrouve en Rou-
manie, soit un edifice de meme type que le mausolee
d'Hadrien.
C'est la qu'etait placee la celebre inscription conser-
ved par Pline, relatant le nom des quarante-cinq peu-
ples soumis dans les Alpes, depuis TAdriatique.
Le nom du trophee d'Auguste : Trophea Augusti,
degenere en Torpea ou Torpia, est devenu celui du
village de la Turbie, et les mines d'un des pluscele-
bres monuments de l'antiquite dominent encore le
port d'Hercule et les pentes abruptes de ce site dont
les poetes ont decrit la sauvage grandeur.
Voies romaines, voie Julia - Augusta, voie
Aurelienne. — On a vu que les voies romaines de
la Cisalpine n'avaient pas depasse Vado a l'avene-
d'Auguste; elles etaient jusqu'a ce point terminees
depuis un siecle.
La via Flaminia, conduite de Rome a Rimini,
— 23 —
avait ete prolongee en 187 jusqu'a Plaisance par le
consul /Emilius Lepidus (1), et cette section prit de
son constructeur le nom de via sEmilia. La via
Postumia lui succeda jusqu'a Tortone. D'autre part,
Monument d'Auguste transforme en forteresse au moyen age
(Etat anterieur a la destruction partielle de iyo5)
la via Aurelia, tracee de Rome vers Pise a travers
TEtrurie, fut continuee par .Emilius Scaurus par la
Lunigiane; elle aboutissait egalement a Tortone, et,
par la vallee de la Bormida, regagnait le littoral de
(1) Tite Live, xxxix, 2.
— 24 —
la Ligurie en franchissant une seconde fois les
Apennins a leur point de jonction avec les Alpes
liguriennes, a Vado. Cette voie JEmilia Scanri ne
fut achevee qu'en Tannee 1 1 1 ( i).
Auguste opera une restauration complete a partir
de Plaisance et de la Trebbia, reprenant la via Pos-
tumia, puis la partie de la voie ^Emilia Scauri qui
lui faisait suite jusqu'a Vado. De ce point, une voie
nouvelle se substitua a Tantique voie Heracleenne,
dont elle suivit le trace. Elle recut le nom de via
Julia Augusta, continuant depuis Plaisance la voie
•/Emilia d'^Emilius Lepidus, qui prolongeait elle-
meme depuis Rimini la voie Flaminia. En conse-
quence, le numerotage de ses milliaires prit la suite
de ceux des voies Flaminia et ^Emilia Lepidi, et
ainsi s'explique comment ceux qui se sont con-
serves entre Vintimille et Cimiez portent les numeros
589 a 608, chiffres qui impliquent Titineraire par
Rimini et la voie Flaminia au depart de Rome,
quoiqu'il soit plus long de cinquante-deux milles
que celui qui passait par lEtrurie.
Hadrien fit restaurer la voie depuis la Trebbia;
et ses bornes, qui doublent en beaucoup d'endroits
celles d'Auguste, nomment la voie Julia Augusta,
mais, en outre des numeros des milliaires partant
(1) Strabon V, II, pait. II. — Aurclius Victor : De vii-is illus-
tribus, lxxii.
de Rome, elles portent en tete un chiffre indiquant
les milles restaures depuis la Trebbia.
Une nouvelle restauration, oeuvre de CaracallaT
reproduit encore ce numerotage sur les bornes sura-
joutees a celles d'Auguste et d'Hadrien.
Les appellations donnees a ces series de voies ne
furent done modifiees qu'apres l'epoque de Caracalla
probablement au temps oil fut redige Vltineraire dit
d'Antonin^cQS\-Q.-d'uQ vers la fin du troisieme siecle.
Le nom de la voie Julia Augusta disparut et Titine-
raire ayant ete regie par TEtrurie et la Ligurie
orientale, la voie directe prit d'un bout a Tautre le
nom de celle qui lui servait de tete a la sortie de
Rome, la via Aurelia, et e'est ce nom qui lui est
reste attach^ a travers le moyen age jusqu'a nous.
Administration romaine. — Les Alpes-Mariti-
mes recurent sous Auguste une organisation particu-
liere. Ce fut une zone militaire defendue en partie
par des troupes recrutees dans le pays. Elle etait
administrce par un procurateur etabli a Cimiez.
Le port d'Hercule devint un centre important,
atteste par des inscriptions, des tombeaux, et surtout
par la decouverte faite en 1879 de bijoux, medailles
et monnaies d'une grande valeur, tres probablement
enfouis pendant la guerre des Trente Tyrans.
Toutefois peu d'evenements ont rappele le nom
du Port d'Hercule pendant la periode de Tempire
— 26 —
romain. Lors de la guerre civile qui suivit la mort
de Neron en Tan 69 de Jesus-Christ, le littoral de
Ligurie fut la region oil les armees d'Othon et Vitel-
lius se rencontrerent d'abord ; Tengagement serieux
eut lieu entre le Var et Antibes.
Quelques mois plus tard Vittellius, dans sa lutte
contre Vespasien (decembre 69) envoya des renforts
dans les Alpes-Maritimes ; Valens, qui les comman-
dait pousse" par la tempete, debarqua a Monaco.
Le passage par le port d'Hercule de Tempereur
Maximien, revenant de Gaule en Italie apres avoir
etouffe l'insurrection des Bagaudes, est le dernier
evenement a Toccasion duquel se trouve rappele le
nom de ce lieu; il lVest plus cite que par le gram-
mairien Servius dans ses Commentaires sur Virgile.
CHAPITRE IV
LE CHRISTIANISME LES INVASIONS DES BARBARES
LES SARRASINS
Evangelisation de la Ligurie, Sainte Devote.
— La Ligurie aurait ete evangelisee par saint Na-
zaire et saint Celse qui,arretes a Vintimille,auraient
subi le martyre a Rome sous Neron.
Aucun fait relatif aux chretientes de la region
n'est, du reste, a relever jusqu'aux persecutions de
Decius et de Diocletien.
Monaco a sa patronne particuliere, sainte Devote,
dont quelques parties de la legende ont conserve
des traces de redaction d'une haute antiquite :
Une jeune ascete, a laquelle la tradition a attache
le nom de Devote, qui designait dans la primitive
eglise une categorie de vierges vouees au service
de Dieu, subit le martyre en Corse vers Tan 3 04.
Son corps fut pieusement recueilli par un pretre et
un marinier qui resolurent de le transporter secre-
tement en Afrique. Le vent contraire poussa leur
barque vers le nord. Dans un reve,la sainte apparait
au pretre et lui ordonne de choisir pour sa sepul-
— 28 —
ture le port de Monaco, au lieu qu'une colombe,
sortie de sa bouche, lui indiquera. La colombe s'ar-
reta a l'entree du vallon des Gaumates.
Quoi qu'il en soit de la date extremement antique
que cette legende assignerait a Toratoire du ravin
des Gaumates, il est certain qu'il existait a Tepoque
la plus ancienne oil Ton rencontre des titres relatifs
a la region de Monaco, c'est-a-dire au onzieme
siecle , et qu'il formait un prieure dependant de
Tabbaye de Saint-Pons.
Invasions des barbares^ve-viiie siecles). — Apres
la chute de l'empire romain, il faut descendre cinq
siecles, avant de retrouver trace de Monaco. Seul
le geographe anonyme de Ravenne en cite, vers le
vme siecle, le nom defigure, comme il mentionne, en
le qualirlant de ville (civitas), le point frontiere du
col de la Turbie sous le nom d'Alpe Maritima.
Monaco subit la destinee miserable de la contree
au milieu des invasions dont la derniere ne cessa
ses desastreux effets qu'a la fin du xe siecle. La route
qui menait des Gaules en Italie vit en effet passer les
Hots de barbares Vandales, Alains, Goths, Sueves,
Burgondes, qui envahirent Tempire romain au
ve siecle et ravagerent la Ligurie.
Dans le cours du sixieme siecle, les victoires de
Belisaire sous le regne de Tempereur Justinien, firent
revivre pendant quelques annees le nom de Tempire
— 2Q —
romain sur les rivages d'Occident (540); puis appa-
rut un nouvel et terrible envahisseur; maitres du
Milanais, les Lombards se repandirent jusqu'au dela
des Alpes. Nice fut saccagee, tandis que Cimiez etait
completement detruit et ne se relevait pas de ses
ruines [SyS).
Charlemagne mit fin a la domination des Lom-
bards. II fonda Tabbaye de Saint-Pons, au dessus
de Nice (777), qui recut en dotation la plus grande
partie des biens de Tancien diocese de Cimiez.
Les Sarrasins (ixe-xe siecles). — Les Sarrasins,
en s'abattant a la fin du xie siecle sur le littoral,
apporterent de nouveau la misere et la barbarie.
Depuis que Charles Martel avait purge le territoire
de Tancienne Gaule de Toccupation des Arabes en
les rejetant en Espagne (735-740), I'ere des grandes
invasions musulmanes etait terminee. Ce n'etait plus
par voie de terre que les incursions etaient a redou-
ter, mais du cote de la mer.
Les Sarrasins exercaient avec fureur leurs depre-
dations sur les cotes: les chroniqueurs rapportent
un evenement fortuit qui leur donna pied en Pro-
vence. Un de leurs vaisseaux fit naufrage vers 890
entre Hyeres et Frejus; Tequipage se retrancha dans
la region accidentee ou il avait aborde, en atten-
dant des secours qui ne tarderent pas a venir augmen-
ter leur nombre. lis eleverent alors une forteresse
— :>o —
au-dessus de Saint-Tropez, dans le massif monta-
gneux qui a conserve d'eux Tappellation de monta-
gnes des Manres. Elle recut le nom dc Fraxinet,
venu, non pas, comme la consonnance semblerait
Tindiquer, d'une foret de frenes qui n'aurait existe
en cet endroit, mais d'un mot de leur langue, desi-
gnation generique de tous leurs postes retranches
sur la cote et dans les Alpes.
De la, ils penetrerent jusque dans le Piemont, la
Savoie et la Bourgogne.
Pour ne nous occuper que de la region voisine de
Monaco, la presqu'ile de Saint-Hospice, en commu-
nication avec le lieu escarpe d'Eze et, a Test, la mon-
tagne de Saint-Agnes, au-dessus du Cap Martin,
devinrent leurs principaux repaires.
Ils n'avaient pu negliger un point aussi important
que la Turbie, ou il est probable qu'il ne restait plus
alors d'habitants, ni autour du port de Monaco.
Les pays ravages par les Sarrasins offraient le spec-
tacle de la plus complete devastation ; le mal etait a
son comble lorsque Hugues, roi d'ltalie, parvint a
les refouler jusqu'au Fraxinet, qu'il enleva d'assaut
en 945; mais, presse par son competiteur Berenger,
Hugues faisait bientot une coupable alliance avec
ceux qu'il venait de vaincre.
Le comte Guillaume de Provence eut la gloire de
s'emparer du Fraxinet en 975 et de le detruire.
CHAPITRE V
MONACO DEPUIS l'eXPLLSION DES SARRASINS
FOXDATIOX DE LA FORTERESSE
(xie-XJIIe SIECLES)
Monaco aux XPetXIP siecles; les eglises de
Sainte Devote et de Sainte Marie-du-Port. —
II faut descendre jusqu'au dernier tiers du xie siecle
pour trouver mention du port et du rocher de
Monaco qui a cette epoque faisaient partie de la
seigneurie de la Turbie. En ioj5, l'eglise de
Sainte-Devote au vallon des Gaumates, avait ete
comprise dans les restitutions que les seigneurs de
Niceavaient faites al'abbayede Saint-Pons ; en 1078,
quelques habitants de la Turbie fondaient, au port
meme de Monaco, une autre eglise sous le vocable
de Sainte-Marie, qu'ils donnaient a Archambaud,
eveque de Nice. Ce lieu etait probablement rede-
venu un petit centre de population.
En 1 149, Guilhelme, femme de Feraud, seigneur
d'Eze, a qui appartenait la seigneurie de la Turbie,
dotait Sainte-Marie-du-Port de rentes et de terres.
— 32 —
Ambition de Genes ; ses visees sur Monaco. —
L'importance du port de Monaco ne devait pas
tarder a attirer 1'attention de Genes, dont la politique
tendait a soumettre toute la Ligurie; desle commen-
cement du xne siecle les actes de sa chancellerie
indiquent les limites entre lesquelles elle pretendait
exercer « la Seigneurie de la Mer »; ce sont, a Test,
tant6t Porto Pisano, tantot Porto Venere, a l'ouest,
tantot Nice , tantot Vintimille, tantot et surtout
Monaco.
La Republique parvint, en 1162, a donner a ses
pretentions une sanction reguliere. Au nombre des
privileges que Tempereur Frederic Barberousse lui
concede, a la condition de preter hommage a TEm-
pire, figure la domination maritime depuis Porto
Venere jusqu'a Monaco ; mais cet acte reserve les
droits des seigneurs riverains ; ce n'est qu'une pre-
dominance sur la mer.
Cependant Genes avait des visees plus vastes
encore dans l'ouest. En 1 174, le comte de Toulouse,
Raimond de Saint-Gilles , competiteur de la maison
dAragon pour la succession de Provence, ayant fait
confederation avec la commune, lui promit, en cas
de succes, la cession de tous les ports depuis Nar-
bonne, d'une partie de Nice, enfin celle du port et du
rocher de Monaco pour y construire un fort.
Cette alliance n'aboutit pas; mais Genes continua
ses tentatives dont Nice etait surtout Tobjectif.
— 33 —
L'empereur Henri VI concede Monaco a
Genes (i 191). — Aucune position n'etait plus favo-
rable a ces desseins que celle de Monaco. L'occasion
se presenta pour en obtenir la possession d'une
autorite superieure a celle du comte de Provence
lui-meme; l'empereur Henri VI recherchait le con-
cours des Genois pour ses revendications sur la
Sicile; mais ses pretentions sur le royaume d'Arles,
toujours contestees par les comtes de Provence, lui
rendaient egalement precieuse Talliance de la Repu-
blique. Les Genois en proriterent pour se faire
donner le 3o mai 1191, sous reserve de vassalite a
TEmpire, le port et le rocher de Monaco, avec obli-
gation d'y construire une forteresse qui resterait a la
disposition d'Henri VI pour agir contre la Provence.
Des le 2 juillet suivant, la Republique se hatait
d'entrer en possession; les commissaires imperiaux
et les delegues de Genes firent entre eux la tradition
sur place par Techange des rameaux d'oliviers.
La commune acquit ensuite, en 1 197, de Tabbaye
de Saint-Pons et des habitants de Peille, la propriete
privee du rocher qui leur appartenait en partie.
Fondation de la forteresse de Monaco —
Les Genois allies de Frederic II (12 15-1239). —
Genes laissa vingt-quatre ans le rocher de Monaco
sans le fortifier. Elle ne s'en occupa que lorsqu'elle
put s'appuyer de nouveau sur TEmpire, a l'avenement
3
- 34 -
de Frederic II. Tandis que pour concourir a la poli-
tique imperiale elle construisait a grands frais la
darse de son port, elle envoyait, le 6 juin 1 2 1 5, a
Monaco, Tun de ses consuls, Fulco del Castello,
avec trois galeres et de nombreux navires charges de
materiaux. Les travaux entrepris le 10 juin furent
pousses avec activite; on eleva sur le plateau de la
presqu'ile quatre tours reliees par un rempart de
trente-trois palmes genoises de hauteur qui forment
encore le perimetre du palais de Monaco.
Les comtes de Provence ne firent aucune demons-
tration pour s'opposer a l'etablissement de la
Commune. L'alliance de Frederic II avec celle-ci les
contenait ; l'empereur avait en effet confirme la dona-
tion d'Henri VI en 1220 et 1226.
Les comtes de Provence abandonnent leurs
droits sur Monaco (1 241-1262). — La rupture de
Frederic II avec la papaute le separa de la republique
de Genes qui se rapprocha du comte de Provence
et fit avec lui confederation par un traite conclu le
2 juillet 1 24 1, dans lequel le comte de Provence fit
Tabandon de ses droits sur Monaco.
Lorsqu'apres la mort de Raymond Berenger V, en
1245, sa fille Beatrice eut apporte a son epoux
Charles de France, comte d'Anjou, frere de saint
Louis, le comte de Provence, celui-ci, aspirant a
dominer en Italie en se faisant chef des Guelfes, traita
— 35 —
dans ce but avec quelques-uns des seigneurs qui
portai ent par indivis le tirre de comtes de Vintimille ;
il s'assura ainsi le passage dans le haut Piemont,
qu'il conquit en 1257.
En cedant ainsi leurs droits a Charles d'Anjou, les
comtes de Vintimille violaient leurs traites anterieurs
avec la republique de Genes; mais le comte de Pro-
vence et la Commune avaient Tun et Tautre intcret a
rester unis ; le 22 juillet 1262, un traite vint couper
court a tout conflit. Charles conserva les acquisitions
qu'il avait faites dans le comte, tandis que Genes se
faisait reconnaitre de nouveau la possession de
Monaco et assurer celle de Roquebrune et de la ville
de Vintimille.
Cette nouvelle confirmation des droits de la
commune de Genes sur Monaco rendit definitive
Talienation du port et du rocher.
Etat de Monaco au milieu du XIIIe siecle ; la
forteresse. — Au moment du traite de 1262, pres
d'un demi-siecle s'etait ecoule depuis la construction
de la forteresse par Fulco del Castello. Les cons-
tructions elevees en 121 5 paraissent s'etre d'abord
reduites a Tenceinte et aux tours du chateau primitif ;
mais, avant le milieu du xme siecle, la place fut
entouree d'une enceinte continue, et une seconde
citadelle fut elevee du cote de Tentree du port. Elle
recut le nom de Chateau Neuf et dominait le point
— 36 —
cTabordage, tandis que le Chateau Vieux harrait, du
cote de terre, les declivites en pente assez douce
regnant au-dessus de la gorge, en face de la Tete-de-
Chien i .
La ville s'etait elevee entre ces deux forts : on y
accedait par une montee commandee par la princi-
pale tour du Chateau Vieux.
Eglises. — A cette epoque, une chapelle dedice it
saint Martin avait ete edifiee sur le plateau, pres du
Chateau Neuf, et une bulle d'Innocent IV en confir-
mait, en 1247, la possession a Tahhaye de Saint-Pons
cnvertu de ses anciens droits sur le rocher. La meme
annee, le meme pape autorisait Terection dans le
Chateau Vieux d'une autre chapelle reservee aux
Genois habitant Monaco ou y etant de passage, dont
le chapelain etait a la nomination de Tarcheveque
de Genes. Dediee a Saint Jean-Baptiste et deplacee
dans l'interieur de Tedifice sous Honore II, cette
chapelle est encore la chapelle du Palais.
Ces eglises, ou plutot ces oratoires, y compris
Sainte-Marie, au port de Monaco, devinrent bientot
trop etroits pour la population. II fallut y pourvoir,
et le commencement de la construction de Saint-
Nicolas, qui devaitdevenirle Pantheon monegasque,
remonte a la seconde moitie du xme siecle.
(1) Voyez plus bas, page G7, la vue restituee de Monaco au
milieu du siecle suivant.
Eleve d'apres le type apporte de France en Italic
par les moines de Citeaux, cet edirice se composait
d'une nef a deux bas cotes, aboutissant a un large
transept sur lequel s'ouvrait une grande abside rlan-
quee de deux absidioles a droite et a gauche.
Grande nef de Saint-Nicoias de Monaco
(D'apres une photographie prise pendant la demolition, en 1874.
Commune. — La commune de Genes avait donne
a Monaco une administration semblable a celle
de ses autres possessions. Des castellans y exercaient
— 38 —
Tautorite militaire et y administraient la justice. II
y avait un castellan dans chacun des chateaux, mais
les pouvoirs judiciaires n'etaient attribues qu'a Tun
des deux. Ce chef superieur porta aussi le titre de
podestd; quelquefois, il y eut a la fois un podesta et
un castellan; ce dernier, dans ce cas, lVavait plus
que des fonctions militaires.
L'universite des habitants deliberait en parlement
general, puis elle delegua radministration a un
conseil de dix membres, qui parait en 1 3 1 9. Quatre
consuls centraliserent ensuite Tautorite au dessus du
conseil; mais au xme siecle cette organisation etait
encore imparfaite.
Des 1246, la population, reunie en assemblee
generale, figura dans des conventions avec les sei-
gneurs de la Turbie. Les Monegasques proprietaires
dans la seigneurie durenty reconnaitre la juridiction
des seigneurs; il leur fut, en outre, defendu dV
acquerir de nouveaux biens , sans la permission
expresse de ceux-ci.
C'etait la premiere phase de confiits qui devaient
constamment se repeter durant les siecles suivants.
En 1262, la commune de Genes accordait aux
habitants de Monaco les memes exemptions que
celles precedemment octroyees a Porto Venere et
a Bonifacio.
- 3q -
CHAPITRE VI
LES GUELFES ET LES G1BELINS LES GRIMALDI
OCCUPATION DE MONACO PAR LES GRIMALDI
SIEGE ET REDDITION DE LA PLACE
RAINIER GRIMALDI.
I 2 JO- I 3I4J
Les Guelfes sont expulses de Genes (1270). —
Les discordes qui eclaterent a Genes dans la seconde
moitie du xme siecle, donnerent un role Important a
Monaco, dispute par les partis guelfe et gibelin.
Genes, sous 1 influence des Guelfes, avait active-
ment coopere a la conquete du royaume de Naples
par Charles d'Anjou (i265). Mais une reaction contre
ce parti, qui avait pour chefs les deux grandes
families des Fieschi et des Grimaldi, amena entre
ceux-ci et les Gibelins, diriges par les Spinola et les
Doria, une rupture violente, a la suite de laquelle les
Guelfes furent bannis en 1270.
Appuyes par le roi de Naples, les exiles entrent en
campagne contre la Commune; les troupes du
senechal de Provence s'emparent de Roquebrune,
— 4o —
apres avoir occupe Menton, et la paix rfest retablie
qu'en 1276, par l'intervention du pape Innocent V.
Les Guelfes rentrent alors a Genes; ils y fomentent
de nouveaux complots, sans pouvoir arriver a repren-
dre le pouvoir; ils s'efforcent alors de s'assurer la
domination a Texterieur de la cite ; les Fieschi
dominent dans la riviere du Levant; les Grimaldi
sont particulierement puissants dans la riviere du
Ponent, ou ils occupent de nombreux fiefs, ainsi que
dans le comte de Nice.
Origine des Grimaldi. — Nous void arrives au
moment ou Thistoire de Monaco se lie intimement
a celle de la famille Grimaldi, dont il nous faut,
en consequence, exposer l'antique origine et le
remarquable developpement.
Otto Canella. — Otto Canella, le plus ancien
ascendant connu de cette famille, etait ne vers le
milieu du xie siecle, car son fils aine, Bellamuto, fut
consul de Genes en 1 124. Otto fut lui-meme revetu
de cette dignite neuf ans plus tard, en 1 1 3 3 . II mou-
rut en 1 iq3.
Grimaldo, le plus jeune des fils d'Otto Canella,
occupa dans la Republique les postes les plus eleves :
trois fois consul de 1162 a 1 1 84, il fut successive-
ment envoye comme ambassadeur aupres de Tempe-
— 4i —
reur Frederic Barberousse, du roi de Maroc et de
l'empereur d'Orient. C'est lui qui a donne son noni
a sa descendance com me riom patronymique.
Oberto Grimaldi, tils de Grimaldo, remplit
comme son pere de hautes missions et fut un des plus
grands personnages de la Republique. II fonda,avec
son beau-frere, Oberto Spinola, l'eglise Saint-Luc a
Genes et il a ete surnomme le pere des Grimaldi
parce que ses quatre fils Grimaldo, Ingo, Oberto et
Nicolas, sont les ancetres de tous les personnages de
ce nom, devenus un siecle plus tard h ce point nom-
breux qu'en 1 3 3 3 il en existait cent dix vivants,
sans compter les femmes.
Les branches issues de Grimaldo et d'Ingo ont
surtout marque ; leurs representants furent les plus
devoues partisans de Charles d'Anjou. — Gabriel
Grimaldi, petit-fils d'Ingo, recut du roi de Naples une
ceinture d'honneur pour ses services militaires
en 1269. Ses fils, et principalement.Rrt&e//d! et Caspar
Grimaldi et les fils de celui-ci Gabriel, Percival et
surtout Antoine Grimaldi, conserverent la plus
etroite union avec leurs cousins issus de Grimaldo ;
ils se retrouveront associes intimement a toutes leurs
affaires et a tous leurs interets.
Grimaldo Grimaldi, fut un des huit nobles de
Genes et signa, comme commissaire de la Republi-
— 42 —
que, le traite de paix avec Tortone et les conventions
avec les marquis de Cravesana. II eut trois tils dont
le second, Luchetto, etait, des avant 1266, seigneur
de Prela, au-dessus de Port Maurice. Les descendants
de Luchetto firent de grands etablissements dans
le comte de Nice oil Tun d'eux, son petit-fils, Andre
ou Andarone, devint par mariage seigneur de Beuil ;
c'est Tancetre de la puissante famille des Grimaldi
de Beuil, reservee a une haute et tragique destinee.
Le troisieme tils de Grimaldo Grimaldi, Antoine,
fut le grand-pere de Francois ou Franceschino Gri-
maldi, qui recut le surnom de Mali^ia, Ma\\a ou di
Ma\ia et que la surprise de Monaco devait rendre
celebre.
Lanfranco, l'alne des trois tils de Grimaldo Gri-
maldi occupa lui aussi de hautes charges. II signa
comme ambassadeur de Genes le traite conclu en
i23j avec la ville d'Arles. II etait, en i25i, podesta
de Plaisance.
II fut le pere de Rainier Grimaldi, Tauteur de la
branche qui devait s'illustrer au service de Naples et
de la France et fonder la dynastie des Grimaldi de
Monaco.
Sedition de 1296, les Guelfes chasses de
Genes pour la seconde fois. — La plupart de ces
Grimaldi avaient deja leur point d'attache a Nice et
— -p —
aux environs, lorsque le 3o decembre 1295 une
sedition terrible ensanglanta la ville de Genes. La
batailledans les rues dura quarante jours et quarante
nuits sans discontinuer ; de nombreux edifices furent
incendies ou detruits. Les Guelfes furent encore
vaincus et expulses.
Cette nouvelle rupture derangeait gravement la
politique de Charles II, fils et successeur de Charles
d'Anjou dans le royaume de Naples, alors en guerre
avec la dynastie d'Aragon qui s'etait etablie en Sicile
depuis les Vepres Siciliennes (1282). Recherchant
l'alliance de Genes, le roi donna des ordres pour
empecher sur les frontieres de Provence les mouve-
ments des Guelfes.
Monaco pris par les Guelfes ; Francois Gri-
maldi (1297). — Ces mesures, mal obeies paries
agents royaux du comte de Nice, n'empecherent pas
les Guelfes de s'emparer par un audacieux coup de
main d'une forteresse ou ils allaient se rendre extre-
mement redoutables.
Monaco, enclave dans les terres provencales, etait
a l'abri d'une attaque ouverte; on ne pouvait compter
que sur les chances d'une surprise pour s'en rendre
maitre ; Tetat des lieux s'y pretait d'autant mieux que
la garnison devait alors se reduire a quelques hom-
mes, car aucune agression n'etait a redouter du cote
de la mer, dominee par la marine de Genes ; en outre,
— 44 —
la Republique etant en paix avec le roi Charles II,
comte de Provence, il ne semblait pas y avoir de
dangers a courir du cote de terre ; et il est probable
que les Guelfes s'etaient, depuis les evenements ne
de Genes, menages des intelligences dans la place.
La conduite de l1afFaire fut confiee a un homme
connu par sa resolution et son sang-froid ; Frances-
chino ou Francois Grimaldi, dit Mali\ia ou di
Ma^ia, payant audacieusement de sa personne, eut
recours a un stratageme reste celebre dans les fastes
de Monaco.
Dans la nuit du 8 Janvier 1297, un m°ine se
presentait aux portes de Monaco : on le laissait passer
sans defiance ; c'etait Francois Grimaldi. A peine
l'enceinte depassee, le faux moine se jetait sur les
gardes, vraisemblablement peu nombreux, et, a la
faveur de lalutte,introduisait une nombreuse troupe
guelfe qui le suivait, dissimulee dans la nuit, et qui
s'emparait des portes avant que les gardes massacres
aient pu etre secourus.
Monaco tombait ainsi,pour la premiere fois, entre
mains des Grimaldi et de leurs partisans.
Bientot, la marine guelfe monegasque, a laquelle
se joignirent des galeres amenees a Nice et aux envi-
rons, infestait les mers de Genes, de Provence et
de Catalogne, faisant une chasse sans merci aux
navires et au commerce des Gibelins de toute Tltalie
jusque dans les ports du Languedoc.
— -p —
Charles II de Naples, abandonne les Guelfes
genois (1298). — Charles II vit avec deTaveur un
incident qui genait ses negociations avec Genes. II
n nesita pas a abandonner ces Guelfes genois, dont
le devouement avait tant servi la cause de son pere
et avait contribue a lui assurer sa couronne.
La Commune ayant decide le siege de Monaco, le
roi de Naples autorisa, comme comte de Provence,
les troupes genoises a venir asseoir du cote de terre
des approches sur le territoire provencal de laTurbie
qui s'etendait jusqu'aux pieds des escarpements de la
place ; il s'engagea par la meme convention, conclue
le 23 juillet 1298, a interdire toute communication
entre ses sujets et les assieges et meme a expulser
les bannis genois de Provence.
Siege de Monaco (1299-13001. — Le blocus de
Monaco commenea dans les premiers jours de 1299,
mais n'interrompit par les ravages que les galeres
monegasques continuaient sur mer.
Cependant tout tournait contre les Guelfes ; les
Pisans qui, par un singulier retour de la politique,
leur avaient prete une aide que leur refusait le roi
angevin, faisaient bientot la paix avec la Commune,
tandis que Boniface VIII imposait a celle-ci Talliance
de Charles II, mais se faisait, par contre, son inter-
mediaire pour reclamer du roi son concours direct
afin d'arriver a la restitution de Monaco.
- 46 -
Traite de Charles II avec Genes (i3oo). — Par
traite du 2 juin i3oo, le roi s'engagea a faire remettre
par les Guelfes la place de Monaco, a abolir toutes
les poursuites contre les Genois dans ses etats et a
leur y garantir une liberte absolue pour y habiter et
y commercer.
De son cote, la commune de Genes, moyennant la
restitution prealable de Monaco, s'obligeait a rappeler
ceux de ses sujets qui combattaient sous les bannieres
du roi Frederic de Sicile, a retablir dans leurs biens
et leurs honneurs les Guelfes et a les rappeler, sauf
un certain nombre deceptions, dans la ville de
Genes.
Attaque de Genes par les Grimaldi; les Guel-
fes evacuent Monaco (i3oi). — Charles II avait
promis plus qu'il ne pouvait tenir ; a ce moment merae
les Grimaldi tentaient un effort desespere ; ils arri-
vaient de nuit devant Genes, montes sur cinq galeres,
debarquaient au mole, et s'etaient deja empares du
port et d'une partie de la ville, lorsque les Gibelins,
rapidement reunis, les entourerent et les firent pri-
sonniers.
L'echec de cette tentative enlevait tout espoir aux
Guelfes ; ils consentirent done a traiter avec Char-
les II et a remettre Monaco en depot entre les
mains du roi, qui s'engagea a leur restituer la place
si, dans le delai de quatre mois, la Commune ne les
— 47 —
avait pas retablis dans tous leurs droits. De longues
clauses assurerent a ceux d'entre eux qui voudraient
rester sur les domaines du roi des faveurs et des
privileges particuliers.
Cette convention fut signee a Nice le 10 avril i 3oi;
le lendemain la place fut remise aux officiers du roi
de Naples et la paix, contenant toutes les conditions
exigees par les Guelfes, ayant ete juree a Genes, le
senechal de Provence livra, le 4 mai, Monaco aux
commissaires de la Commune. L'instrument derlnitif
du traite fut dresse le 9 mai.
Les Spinola a Monaco. — Charles II avait
rachete aux Guelfes les biens qu'ils possedaient soit
a Monaco, soit aux environs, soit a Nice. II en fit
don, sous reserve d'une redevance feodale, en octo-
bre 1 3o 1 , a Ughetto Spinola, de Genes, et a son tils
Nicoloso, en echange d'une rente qu'il leur avait
precedemment octroyee sur son tresor. Trois ans plus
tard il supprimait cette reserve et Nicoloso posseda
dorenavant ces biens « comme les autres proprietaires
non feodaux et roturiers ou non nobles ».
L'etablissement de Spinola a Monaco n'eut done
aucun caractere seigneurial ; mais leurs possessions
dans la forteresse les rendirent maitres de fait, et
lorsque les guerres intestines eurent recommence a
Genes, les galeres de Monaco a leur solde firent une
rude guerre a leurs adversaires.
-48 -
Rainier Grimaldi. — Apres la sortie des Guelfes
de Monaco, le roi Charles II veilla rigoureusement
a Texecution de ses obligations a leur egard ; ce
n'etait que justice; ils n'avaient cesse de lui rendre
les plus fideles services, meme a Tepoque ou sa
politique le forcait a les abandonner.
De tous les Grimaldi, Rainier, fils de Lanfranco,
se distinguait par son activite et ses talents militaires.
Ne vers 1267, il avait deja, en 1296, rendu de grands
services au roi Charles II. Son devouement ne Tern-
pecha point de prendre unepart active aux campagnes
maritimes des Guelfes de Monaco. II alia attaquer
les navires Gibelins, avec des galeres qu'il avait armees
a Nice, jusque dans le port dWigues-Mortes et dans
les Baleares.
Sa reputation d'habile marin le designa au roi de
France quand, a la reprise de la guerre de Flandres,
Philippe le Bel songea a renfoncer sa marine d'auxi-
liaires genois.
En 1 304 Rainier Grimaldi detruisait a Zeriksee
la flotte fiamande. Cette victoire lui valait le titre
d'amiral general de France, et il figura Tannee sui-
vante comme caution au traite de mariage de Jeanne,
fille de Charles de France, comte de Valois, avec le
comte de Hainaut.
II s'etait rendu dans la Manche et la mer du Nord
aussi redoutable que dans la Mediterranee, et le lien
qui unissait les Grimaldi a la dynastie francaise de
— 49 —
Naples se doubla, par ses services, d'une nouvelle
attache avec la France elle-meme.
Revenn a Naples, il y jouit aupres du roi Robert,
tils et successeur de Charles II, d'un credit au moins
aussi grand qu'aupres de celui-ci. II possedait deja
la baronnie de San Demetrio, dans les Calabres ; il
recut, en Provence, la seigneurie de Cagnes, entre
Sceau de Rainier Grimaldi, amiral general de France
Antibes et Nice, et la chatellenie du chateau royal de
Villeneuve, dans la meme region.
En 1 3 12, pendant la guerre entre l'empereur
Henri VII et le roi Robert, apres avoir detruit sur
mer Tescadre pisane, chargee de ravitailler Tempe-
reur s'avancant vers Rome, il commanda les troupes
qui opererent dans la campagne romaine.
4
_ 5o —
Ce fut sa derniere action militaire ; il mourut au
commencement de 1 3 14, age de moins de cinquante
ans, laissant d'une Salvatico, sa premiere femme,
un fils, Charles Grimaldi ; de la seconde, Andriola
Grillo, il eut un autre fils, Vinciguerra Grimaldi, a
qui revint en partage la baronnie de San Demetrio,
et une iille, Salvagia Grimaldi, mariee a Gabriel
Vento.
— 0 I
CHAPITRE VII
REPRISE, NOUVELLE PERTE
ET TROISIEME OCCUPATION DE MONACO PAR LES GUELFES
CHARLES GRIMALDI, SEIGNEUR DE MONACO
(i3 17-1357)
Rentree des Guelfes a Monaco (i3 17). — Les
Guelfes avaient peu a peu repris a Genes une
influence preponderante, grace a la division survenue
entre les Doria et les Spi'nola. En 1 3 17, Charles
Fieschi et Gaspar Grimaldi, fils de Gabriel, furent
faits capitaines du peuple. Mais , impuissants a
resister par leurs propres forces aux Gibelins qui
mirent le siege devant la ville, ils appelerent le roi
Robert de Naples et le rirent proclamer seigneur de
Genes.
Monaco etait tombe eette meme annee 1 3 1 7 entre
les mains des Guelfes, ce qui valut aux habitants, en
1 3 19, la faveur d'etre, par deliberation des syndics,
declares exempts de toutes les taxes a Genes. En 1 3 1 9
egalement, le roi Robert ordonnait la repartition
entre les Guelfes monegasques des biens confisques
— 52 —
sur les Gibelins et Nicoloso Spinola. Cette repar-
tition fut executee avec le concours du conseil
communal de dix membres dont c'est la premiere
manifestation.
C'est egalement sous l'administration guelfe, que
la grande eglise de saint Nicolas dut etre achevee. On
consacra son cimetiere le 26 decembre i322.
Cette meme administration termina en 1324 une
nouvelle phase des conflits toujours renaissants
avec la Turbie. On regla les amendes qui seraient
dues pour les dommages causes sur le territoire tur-
biasque, et il fut reconnu aux Monegasques le droit
de pecher une fois devant la rive des Spelugues
lorsque les habitants de la Turbie y auraient peche
deux fois.
Les Gibelins reprennent Monaco (1327). — La
nouvelle occupation de Monaco par les Guelfes dura
dix ans. En i32~, la forteresse etant mal gardee, une
attaque de nuit, executee par les Gibelins en grandes
forces, leur livra le Chateau Vieux. Les Guelfes se
refugierent au Chateau Neuf.
A la nouvelle de cette surprise des secours arri-
verent de tous les environs, tandis que le viguier
royal de Nice s'emparait de vive force de la porte du
Chateau Vieux situee du cote de terre. Le combat fut
rude et les Gibelins offraient de se rendre, lorsqu'un
conflit s'eleva ; le viguier pretendait posseder la place
— 53 —
au nom du roi Robert, les Guelfes voulaient la retenir
au nom de la commune de Genes. Pendant cette
querelle, trois galeres gibelines armees a Savone et
un grand nombre de petits navires portant plus de
quatre mille hommes debarquaient au port, et les
renforts etaient hisses a la corde dans la citadelle.
La place resta aux mains des Gibelins. Les Guelfes
de Monaco exiles prirent service dans la marine du roi
Robert, tandis que les biens confisques a leur profit
en i 3 19 revenaient aux Spinola et a leurs partisans.
Siege de Monaco par le senechal de Pro-
vence, traites de 1330. — Cependant les gens de
Monaco exercaient de serieux ravages sur mer. Le
senechal de Provence vint assieger la place. Pour
completer Tinvestissement, il fit construire un fort
sur le plateau des Moneghetti. Monaco capitula.
Par le traite signe dans l'eglise de Sainte-Devote
le 6 Janvier i33o, les assieges s'engagerent a s'abste-
nir de rapports avec le parti gibelin, et d'attaques
coutre les Guelfes et les sujets du roi Robert. La
banniere royale dut etre constamment arboree sur
la premiere porte de la forteresse et sur chacun des
deux chateaux. Tout peage sur les sujets du roi fut
interdit; e'est la premiere mention que Ton trouve
du droit de mer de Monaco.
Cette capitulation ayant ete violee, une nouvelle
convention fut conclue en novembre i33o.
- 54-
Rentree des Grimaldi a Monaco. — Attaque
des Catalans ( 1 33 1 ). — A ce moment, par ['inter-
vention du roi Robert, une reconciliation s'operait
entre les Guelfes et les Gibelins ; ces derniers purent
rentrer dans Genes, tandis que les Grimaldi %ren-
traient dans Monaco.
On avait alors a se defendre contre les Catalans,
sujets du roi d'Aragon, qui ravagaient la Riviere.
Le territoire de Menton fut cruellement maltraite,
mais Monaco se trouva en etat de resister a une
attaque de vive force.
Le roi Robert perd Genes. — Charles Gri-
maldi ( 1 335). — En 1 33 5 , les Gibelins s'etant ren-
dus maitres de Genes, les Guelfes aiderent le roi
Robert a se maintenir dans la riviere de Ponent.
Charles Grimaldi etait a cette epoque le chef incon-
teste de sa maison. Du vivant de son pere, Rainier
Grimaldi, il avait, fort jeune, activement figure au
service du roi Robert. En 1 3 14, il commandait une
galere au siege de Girgenti. La mort de son pere
le rendit proprietaire de la seigneurie de Cagnes,
castellan de Villeneuve et conseiller du roi. D'une
extreme activite, on le trouve a Paris en 1 3 1 6, reglant
les interets que Rainier avait en France. A son
retour il sert constamment le roi Robert ; il assiste
notamment, en i3 19, au siege et a la capitulation de
Dolceaqua, defendue par Morruel Doria.
— 55 —
La ville de Vintimille etant, avec le concours des
troupes provencales , tombee en 1329 entre les
mains des Guelfes, il en fut elu recteur et exerca le
pouvoir d'une facon toute seigneuriale, jusqu'au jour
ou Genes ayant retabli le gouvernement gibelin, il
remit la ville ou il commandait au roi Robert, auquel
celle-ci se donna (1 335).
Monaco restait en son pouvoir ; il en fit la cita
delle et l'arsenal maritime des Guelfes.
Incursions de la marine de Monaco jusque
dans les mers du Levant "(1 336 - 1 33g). — La
marine guelfe de Monaco prit a cette epoque un
developpement redoutable ; de 1 336 a 1 33p, elle fit la
chasse, sur la Mediterranee, aux navires des Gibe-
lins. Deux fois ses galeres vinrent menacer Genes.
Elles se montrerent jusque dans les mers du Levant,
faisant des prises sur les cotes d'Egypte et de Syrie,
et dans les mers de Grece. Le commerce venitien fut
surtout maltraite ; les hostilities etaient sans merci ;
de part et d'autre on massacrait les equipages pris,
on pendait jusqu'aux hommes tues dans le combat,
et les iles de l'Archipel voyaient se dresser les gibets
eleves par les deux adversaires.
Venise finit par recourir a Fintervention du pape
BenoitXII et chercha a rendre le roi Robert respon-
sable des depredations des Monegasques. Le roi
repondit qu'il n'etait pas le maitre de Monaco.
— 56 —
Revolution de Genes. Le doge Simon Bocca-
negra negocie avec Monaco (i 341). — Pendant
que la marine de Monaco se montrait ainsi sur les
tners, la situation politique s'etait profondement
modifiee a Genes. Le peuple, fatigue des continuelles
querelles des grandes families qui se disputaient le
pouvoir, se souleva et fonda un gouvernement popu-
laire en dehors des anciens partis. Simon Boccane-
gra fut proclame doge en i33g, et les deux rivieres
l'avaient en entier reconnu en 1 341 , sauf Vintimille,
reste entre les mains du roi Robert, et ou les nobles
genois se retirerent en grand nombre, sauf egale-
ment Monaco et Roquebrune, occupes par les Gri-
maldi. Une negociation fut tentee avec ces derniers;
Charles et Antoine Grimaldi devaient conserver
pour cinq annees la possession des deux piaces et
recevoir une indemnite pour les depenses d'entretien
qu'ils y avaient faites depuis 1 335 ; mais le traite ne
fut pas mene a fin. Les Grimaldi avaient trop interet
a la conservation de leurs possessions militaires et
maritimes, dans lesquelles ils s'etaient solidement
etablis par des acquisitions importantes.
Gampagnes de Charles Grimaldi en France
( 1 338-j 343J. — Charles Grimaldi n'avait pas assiste
a ces evenements. II avait tourne son activite du
cote de la France. Le roi Philippe de Valois avait
recrute des auxiliaires pour sa marine aussi bien a
Genes qu'a Monaco, Deux flottes, rune guelfe,
commandee par Charles Grimaldi, l'autre gibeline,
commandee par Ayton Doria, furent equipees au
commencement de 1 338, portant un grand nombre
de troupes de pied.
Charles, des Touverture des hostilites contre les
Anglais, surprit en i33o, Southampton qu'il saccagea.
Sceau de Charles Grimaldi
Philippe VI, en recompense de leurs services, donna
a Charles Grimaldi et a Ayton Doria, et sous condi-
tion de proteger les vaisseaux marchands contre les
pirates, le privilege du commerce par le port d'Ai-
gues-Mortes ; mais cette concession fut rapportee en
1340 sur les remontrances de la ville de Montpellier.
De 1 341 a 1343 Charles Grimaldi continua ses
campagnes en France : il commanda avec Ayton
— 58 —
Doria un corps de douze mille arbaletriers genois
envoyes par Philippe de Valois au secours de Charles
de Blois pendant la guerre de succession de Bre-
tagne ; il se distingua a la prise de Chantoceaux,
au siege et a la prise de Rennes ; il se signala surtout
a la bataille navale livree a la flotte anglaise dans les
eaux de Guernesey et passa tout le reste de la cam-
pagnea tenir la mer devant Vannes et sur les cotes
de Bretagne.
Charles Grimaldi acquiert les biens des Spi-
nola a Monaco. — Sa coseigneurie avec les
autres Grimaldi ( i 338 - 1 341 ). — Pendant son
absence, Charles, par 1'intermediaire de son cousin
Rabella, fils de Gabriel Grimaldi et frere de Gaspar,
celui qui avait ete capitaine de Genes en 1 3 1 7, avait
rachete en 1 3 38 les biens que Nicolas Spinola avait
recouvres dans Monaco apres la rentree des Gibelins
en 1327. La vente ne fut definitive que le 14 mai 1 341 ;
Rabella, mis en possession, declara avoir acquis
pour le compte de Charles.
Quoique ces biens ne fussent revetus d'aucun
caractere seigneurial , leur possession augmentait
necessairement Tautorite personnelle de Charles
Grimaldi dans la place. La forteresse devint alors
une seigneurie de fait, indivise entre Charles et les
descendants de la branche d'Ingo Grimaldi, les fils
de Gaspar : Gabriel, Antoine et leur neveu Lucien.
- 59 —
Cette coseigneurie finit par se reduire a Charles et
a Antoine, si intimement unis dans la suite que des
actes de la chancellerie de Naples leur donnent la qua-
lification de freres, restee par erreur attachee aux deux
cousins, fondateurs Tun de la branche des Grimaldi
de Monaco, l'autre de celle des seigneurs d'Antibes.
Droit de mer de Monaco — Conflit avec Nice
( 1 339-1 341 ). — Des lors, la volonte d'assurer Tinde-
pendance de la nouvelle seigneurie s'affirme chez ses
possesseurs. Un peage etait etabli a Monaco sur les
navires passant devant la place. Les Nicois, se pre-
tendant exempts de cette exaction, avaient obtenu en
1 339,un mandement dans ce sens du roi Robert. On
n'en tint pas compte : les habitants de Nice renouve-
lerent leurs plaintes et, en i3q2, un envoye vint a
Monaco porter les injonctions du senechal de Pro-
vence pour Texecution des lettres royales. Les cosei-
gneurs de Monaco presents, Gabriel et Antoine, assis-
ted du viguier de la place, Luchino Grimaldi dit le
Rouge, de la branche des seigneurs de Prela, repon-
dirent que le peage etait indispensable pour subvenir
a Tentretien de la forteresse et des galeres destinees a
assurer contre les pirates sarrasins la securite de la
mer et qu'une exception en faveur des Nicois n'aurait
d'autre effet que de favoriser la fraude des marchan-
dises etrangeres chargees sur leurs navires.
On a vu dans le traite de i33o la premiere mention
— 60 —
de ce droit de mer de Monaco dont la reconnaissance
par les puissances maritimes fut le but constant des
efforts diplomatiques des Grimaldi.
Conventions de subsides avec Naples et avec
Florence ; Charles et Antoine, viguiers de Pro-
vence (i343). — Cette merae preoccupation d'assurer
Tindependance de Monaco amena Charles et Antoine
a negocier avec les etats guelfes des conventions de
subsides pour maintenir la forteresse dans leur
alliance et procurer a leurs allies la securite dans la
region maritime. lis reussirent d'abord avec la reine
Jeanne Ire de Naples, petite-fille et successeur du roi
Robert, dont un mandement de juin 1 343 accorda
dans ce but, aux deux Grimaldi, une rente annuelle
de cinq cents florins.
Vers la meme epoque, une convention identique
fut conclue avec la seigneurie de Florence.
C'etaient les premiers pas dans la voie des alliances
qui devaient constituer Tetat autonome de Monaco.
La meme annee, la reine Jeanne crea Charles et
Antoine viguiers de Provence en commun.
Armements contre Genes (1 345- 1346). — La
guerre contre Genes n'avait fait que s'envenimer ;
Lucien Grimaldi se signalait par Tactivite de ses
courses ; aussi en 1 345, dans l'arbitrage fait a Genes
pour la rentree des families nobles, Lucien fut nomi-
— 61 —
nativement inscrit parmi les exclus avec son oncle
Antoine et Charles Grimaldi.
Cette exclusion determina les Grimaldi a tenter
contre Genes une action decisive : trente galeres et
dix mille hommes de pied furent reunis a Monaco.
Genes avait son tresor epuise ; il fallut recourir a
l'argent des particuliers pour armer des vaisseaux.
Cet emprunt fut Torigine de la celebre banque de
Saint-Georges. Lorsque la flotte de Charles Grimaldi
parut devant le port, elle trouva devant elle vingt-
neuf galeres et un corps imposant d'arbaletriers. Les
Guelfes se retirerent.
Charles Grimaldi conduit son armee en
France. — II est grievement blesse au desastre
de Crecy (1346). — Charles Grimaldi accepta dans
ces conjunctures les propositions de Philippe de
Valois pour amener en France sa flotte et son armee
contre les Anglais ; il lit voile pour la Normandie :
mais peu des hommes de ce puissant armement
devaient survivre.
A la journee de Crecy, le corps des arbaletriers
genois que Charles commandait se trouva engage sur
le front de l'armee francaise ; la fatigue d'une longue
marche ralentissait Pattaque, d'autant plus qu'une
forte pluie avait distendu les cordes des arcs. Loin de
lui accorder quelques instants de repos, la gendar-
merie passa sur le corps a cette ribaudaille bonne a
— 62 —
tuer, et Pecrasa pour aller s'aneantir elle-meme sous
les coups des Anglais, dans Tun des plus grands
desastres militaires qu'ait subis la France.
Charles Grimaldi fut laisse pour mort sur le champ
de bataille.
Expedition de Majorque (1349). — Remis dc
ses blessures, Charles pretait, en 1349, son concours
a don Jaime, seigneur de Montpellier, roi depossede
de Majorque, pour la recouvrance de son royaume
contre le roi Pierre d'Aragon. De grands armements
se firent a Monaco, a Genes et sur tout le littoral.
L'entreprise echoua : don Jaime, debarque dans Tile
de Majorque, fut tue dans un engagement. II avait
distribue a Tavance des fiefs dans le royaume a recou-
vrer a ses auxiliaires, notamment a Charles et a
Antoine Grimaldi.
Les Grimaldi et le pape Clement VI (1349). —
Les Grimaldi, reunis en grand nombre pour Texpe-
dition de Majorque, se separerent sans participer a
la croisade du roi Alphonse de Castille contre les
Maures d'Espagne, a laquelle le pape Clement VI
les avait convies par une lettre adressee en juin 1349
a Charles et a Antoine, consideres comme les chefs de
leur maison.
Cette demarche du Saint-Siege dit assez la puis-
sance militaire dont ils disposaient alors.
— 63 —
Rentree des Grimaldi a Genes. — Defaite
navale d'Antoine par les Catalans (i 349-1 353).
— En 1 35 1, un rapprochement qui se negociait
depuis pres de deux ans retablit les Grimaldi dans
leurs droits de cite a Genes. Une guerre violente
sevissait alors avec les Catalans, envahisseurs de l'ile
de Sardaigne. Antoine Grimaldi fut choisi pour
commander contre euxune des plus belles flottesque
Genes ait armees ; mais, malgre les plus habiles
dispositions, il essuya une defaite complete et les
Genois, s'etant jetes dans les bras de Jean Visconti,
archeveque de Milan, une nouvelle rupture se fit
entre la Commune et les Grimaldi, de nouveau
exiles, qui recommencerent leurs courses contre les
navires de la republique.
Charles Grimaldi, gouverneur de Vintimille
pour la reine Jeanne (1354). — Cette reprise des
hostilites co'incida avec l'entree en campagne dans
le comte de Vintimille des forces de la reine Jeanne
de Naples. En 1 353, le comte de Tend:, qui refusait
de rendre Thommage a la reine, fut oblige, a la suite
d'une expedition vigoureusement menee, de se sou-
mettre a sa suzerainete. L'annee suivante, la ville
de Vintimille, que les Genois, abusant des embarras
de Jeanne lui avaient, en 1 35o, arrachee par un pacte
frauduleux, pendant qu'elle etait assiegee dans Naples
par le roi de Hongrie, fut, grace a des intelligences
-64-
dans Tinterieur de la place, occupee par les Proven-
caux. Charles Grimaldi y rentra pour la seconde fois
comme gouverneur au nom de la reine.
Nouvelles campagnes en France — Traite
avee Pise ( 1 35 5-i 3 56). — L'infatigable Charles ne
tarda pas a retourner en France mettre ses galeres et
ses arbaletriers au service du roi Jean II. II y
montra la meme activite qu'il avait deployee pour
Philippe de Valois et il fit ainsi campagne pendant
les annees 1 3 5 5 et 1 3 56.
II etait revenu a Monaco a la fin de 1 356, et signait
en decembre un traite d'alliance et de navigation avec
la republique de Pise.
Puissance de Charles Grimaldi — Acquisition
de Menton, Gastillon et Roquebrune ( 1 346-1 3 55).
— Charles se trouvait alors tout puissant dans
rextremite de la riviere du Ponent. Depuis dix ans,
par des acquisitions successives, il avait etendu lar-
gement sa situation seigneuriale. Le igavril 1346,
pendant la campagne de Crecy, la seigneurie de
Menton avait ete acquise en son nom de la famille
Vento, dont les ancetres en etaient seigneurs depuis le
milieu du xme siecle ; deux ans plus tard, il achetait la
seigneurie de Castillon ; il acquerait enfin, en 1 3 5 5,
la seigneurie de Roquebrune, de Guillaume-Pierre
Lascaris, des comtes de Vintimille. Ces seigneuries,
— 65 —
jointes a la possession de Vintimille, qu'il tenait au
nom de la reine de Naples, lui constituaient done
tin vaste domaine, sur des territoires attenant les
uns aux autres.
Franchises accordees a Monaco. — Au milieu
de ces acquisitions, Monaco restait la place privilegiee
de Charles Grimaldi. A lui parait remonter l'organi-
sation definitive de son administration communale
avec son conseil et ses consuls. II Tavait dotee de
franchises dont le souvenir resta populaire, en sorte
qu'un siecle plus tard leur retablissement « telles
qu'elles existaient du temps de Charles Grimaldi »
etait encore le but des revendications des Monegas-
ques.
Prise de Monaco par les Genois. Mort de
Charles Grimaldi \i35y . — Quelques mois suffi-
rent pour aneantir une puissance constitute au prix
de tant d'efforts et de luttes.
En i35j, Genes ayant chasse les Visconti, avait
reelu doge Simon Boccanegra, quichoisit habilement,
pour en finir avec les Grimaldi, le moment oil la
revoke dirigee par le seigneur des Baux, aide des
compagnies d'Arnaud de Cervole, dit VArchipretre,
ne permettait pas aux lieutenants de la reine Jeanne
de porter secours a ses allies.
Vintimille fut d'abord surprise et occupee ; quel-
5
— 66 —
ques semaines plus tard, vingt galeres et quatre
mille hommes de pied investirent Monaco par terre
et par mer. Apres une energique resistance, les
Grimaldi, ayant toutes leurs communications cou-
pees et n'attendant aucun secours, capitulerent le
1 5 aout i357, moyennant une indemnite de vingt
mille florins pour les fortifications elevees dans la
forteresse depuis vingt-six ans.
Roquebrune fut comprise dans la capitulation.
Charles Grimaldi n'assista pas a la destruction de
son ceuvre ; il etait mort au commencement de Fete
de i357, peut-etre pendant le siege, apres avoir
rempli une carriere glorieuse qui lui a valu le
surnom de Charles le Grand.
CHAPITRE VIII
OCCUPATION GENOISE A MONACO
RAINIER GRIMALDI, SEIGNEUR DE MENTON.
(I357-I4I9)
Tentative des Grimaldi sur Monaco; hosti-
lites ; affaires de la Turbie (1 35j- 1 365). —
Inoccupation genoise de Monaco ne se fit pas sans
provoquer des troubles pendant les premieres annees.
En i359, les Grimaldi retires a Nice tenterent d'en-
lever la place ; pour se venger de cette attaque, les
troupes genoises de Vintimille s'emparerent du
chateau de Castillon appartenant a Rainier Grimaldi.
Le senechal de Provence intervint et des hostilites de
voisinage se continuerent pendant plusieurs annees
sur cette frontiere. Apres une premiere pacification
juree a Menton, dans l'eglise Saint-Michel, le 5 sep-
tembre 1 363, en presence de Rainier Grimaldi, mais
qui resta sans effet, la paix ne fut definitivement
conclue qu'en 1 365 .
Cette meme annee 1 365 vit se derouler un nouvel
- 69 -
episode des conflits toujours renaissants entre Monaco
et les habitants de la Turbie. Cette Ibis, les Munc-
gasques emettaient la pretention de ne pas contribuer
aux charges communes et aux taxes avec les Tur-
biasques pour les terres qu'ils possedaient sur le
territoire de ceux-ci. Une injonction du senechal de
Provence etant restee sans resultat, l'affaire fut
instruite, par le juge-mage de Nice, qui se transporta
dans ce but a la Turbie. Apres avoir oppose des
moyens dilatoires, les delegues de Monaco finirent
par faire defaut, et la sentence qui condamnait leurs
compatriotes a participer aux charges de la Turbie,
fut rendue en leur absence.
Administration genoise (i357-i3o,5). — Apres
cet incident, aucun fait ne vient plus troubler Toccu-
pation genoise a Monaco jusqu'en 1395.
La forteresse cesse de jouer un role historique,
entrainee dans Torbite de la politique de Genes, dont
les doges se plaisent a confirmer, les uns apres les
autres, les franchises et les privileges commerciaux
des Monegasques.
L'organisation interieure de la place reprit la forme
qu'elle avait avant l'occupation des Grimaldi ; la
Republique y entretint deux castellans ; celui du
Chateau-Neuf cumulait habituellement les fonctions
judiciaires du podesta et etait assiste d'un scribe,
— 7o —
Rainier Grimaldi, fils de Charles; ses pre-
mieres armes (i353-i355). — Le fils de Charles,
Rainier Grimaldi, n'avait pu prendre part a la
defense de Monaco. II etait alors prisonnier de
guerre a Genes, et ce fut sa femme Illaria, fille de
Georges del Caretto, marquis de Savone, qui fut son
mandataire pour la remise de Roquebrune aux
Genois.
Rainier avait deja montre dans de nombreuses
campagnes une valeur militaire digne de son nom.
En 1 353, il faisait partie des troupes de la reine
Jeanne operant contre le comte de Tende ; il fut fait
prisonnier et fut rendu contre rancon.
L'annee suivante, il etait au service de France, et
en 1 3 55, il conduisait en Languedoc un nombreux
corps d'auxiliaires lors de Tinvasion du Prince noir.
Rainier senechal du Piemont. — Reduit par la
perte de Monaco et de Roquebrune aux seigneuries
de Menton et de Castillon, Rainier consacra les
annees suivantes au service de la reine Jeanne, et
pendant vingt mois il remplit la charge de senechal
de Piemont, c'est-a-dire de cette partie du haut
Piemont conquise par Charles d'Anjou, et qu'il eut
a disputer au marquis de Saluces.
En compensation des depenses de son gouverne-
ment, la reine Jeanne lui donna en 1364 les seigneu-
ries de Bouyon, Bonson etTourettes dans la viguerie
de Vence.
— 7 1 —
Ce fut probablement pendant ce commandement,
c'est-a-dire vers 1 3 58 ou 1 359, qu'il epousa en
secondes noces Isabelle Asinari, appartenant a Tune
des plus nobles families d'Asti.
Rainier prend parti en Provence pour Louis
d'Anjou ( i 368). — Rainier Grimaldi avait d'abord
coopere en 1 368 a la defense d'Arles pour la reine
Jeanne, lorsque Louis, comte d'Anjou, frere de
Charles V et gouverneur du Languedoc, avait atta-
que la Provence et s'etait empare de Tarascon ; mais,
Sceau de Rainier Grimaldi, seigneur de Menton
dans ce conrlit, ses affections se trouvaient necessai-
rement partagees entre la maison de France et celle
de Naples qu'il avait egalement servies. Ges sym-
pathies et une ancienne confraternite d'armes l'ame-
nerent bientot a prendre parti pour Louis d\Anjou,
qui le fit amiral du Languedoc, lui donna la
baronnie de Lunel ainsi que plusieurs autres do-
maines voisins, et lui assura d'autres avantages
considerables en lui laissant pleins pouvoirs pour La
conquete de la Provence.
Cette entreprisc n'eut aucun succes. Par suite
Rainier Grimaldi eut ses biens confisques en Pro-
vence; mais le traite de paix conclu en 1 3 7 1 entre
Jeanne et Louis d'Anjou les lui restitua.
Rainier figure a la tin de la meme annee i368,
dans les affaires du Piemont ; fait prisonnier par
Amedee VI,comte de Savoie, il est relache sur Pinter-
vention du comte d'Anjou.
Campagnes sur rner de Rainier Grimaldi
contre les Anglais ( 1 36q- 1 374), — A partir de la
rupture du traite de Bretigny, en 1 36p, Rainier, qui
devient chambellan de Charles V, ne cesse de guer-
royer en Languedoc, puis dans le nord de la France.
Les galeres qu'il commande ont alors pour ports
d'attache Rouen et Harfleur, et il fait contre les
Anglais d'actives campagnes.
Un jour de Tele de 1372, pendant lequel il avait
fait de fortes prises, sa galere echoue sur les cotes de
Tile de \Yight ; on le somme de rendre son navire a
Edouard, roi de France et d'Angleterre. « Je ne
connais, dit-il, d'autre roi de France que le roi
Charles, et a lui seul rendrai mon navire ». II se
defend heroiquement et oppose une resistance assez
longue pour attendre la maree qui le renfloue.
Cessions de Cagnes, de Castillon et de la
moitie indivise de Menton ( 1 3 7 1 - 1 378). — Conti-
nuellement absent de Menton. on ne IV voit rentre
— 7^ —
qu'en 1378. Les difficultes d'argent, consequence
d'une existence militaire, oil il donnait plus de coups
d'epee qu'il ne recevaitde solde, I'avaient deja oblige*
de ceder. en 1 5 7 1 , la seigneurie de Cagnes a ses
cousins Marc et Luc Grimaldi, his d'Antoine ; en
1375 c'etait le tour de Castillon. qu'il vendait a
Perino Grimaldi ; enrin, il alienait, en 1 378, la moitie
de la seigneurie de Menton a Georges del Caretto,
auquel quatre annees plus tard se substituerent Marc
et Luc Grimaldi.
Rainier fait arreter a Menton les cardinaux
du parti de Clement VII 1378!. — Lorsqu'eclata
le grand schisme d'Occident, Rainier resta d'abord
dans l'obedience d'Urbain VI, elu a Rome; il lit
meme arreter a Menton, en 1378, les cardinaux du
parti dissident se rendant a Avignon aupres de Cle-
ment VII, emportant avec eux d'insignes reliques,
parmi lesquelles la verge de Moise; mais il ne tarda
pas a se rallier au pape d'Avignon, comme ses cou-
sins Marc et Luc, qui en obtinrent la seigneurie
d'Antibes en 1 385 .
Rainier fait capitaine general de la mer au
royaume de Naples par Louis d'Anjou (i38q). —
Louis d'Anjou, l'agresseur de la Provence en 1 368,
avait ete adopte par la reine Jeanne de Naples quand
elle eut rompu avec son premier fils adoptif Charles
de Duras. Deposee par sentence d'Urbain VI en i38o.
— 74 —
Jeanne perissait bientot, mise a mort par ordre de
Charles. Louis Ier d'Anjou, pendant l'expedition
qu'il vint conduire pour disputer le royaume de
Naples a son competiteur, fit Rainier Grimaldi,
capitaine general de ses armees navales ; il lui con-
ceda en fief, en 1 384, les iles des cotes de Grece
dependant du royaume : Cephalonie, Zante, Leucate;
mais la mort prematureede Louis d'Anjou ne permit
pas a Rainier Grimaldi de prendre possession de cette
part de conquete.
Ses biens confisques par le parti de Duras
( 1 385). — Les populations du comte de Nice et des
territoires voisins de la rive droite du Var s'etaient
prononces contre Louis d'Anjou et avaient embrasse
avec energie le parti de Charles de Duras. Les
seigneuriesde Bouyon, Bonson, Tourettes, ainsi que
tous les biens situes dans le comte furentde nouveau
confisques sur Rainier qui ne conserva plus aucun
autre domaine que Menton. Ces biens firent 1'objet
de nombreuses lettres portant restitutions successi-
vement edictees par la reine Marie, tutrice du roi
Louis II d'Anjou en 1 385 et par Louis en personne,
en 1398; mais ces lettres n'eurent aucun effet; les
districts oil avaient ete operees les confiscations ne
furent jamais recouvres par la maison d'Anjou.
Dans l'intervalle, cette partie de la Provence
demeuree fidele a la maison de Duras avait prefere se
- 75 -
dormer au comte de Savoie, plutot que d'accepter les
princes de la seconde maison d'Anjou, et Jean Gri-
maldi de Beuil avait joue comme senechal un grand
role dans cette revolution, accomplie de 1 388 a 1390.
Monaco occupe par les Grimaldi de Beuil
(i3q5-i40i). — L'esprit remuant de Jean de Beuil
en lit bientot un mecontent. II voulut se rendre in-
dependant du maltre qu'il venait de donner a son
pavs en s'emparant des places voisines de ses domai-
nes hereditaires.
L'etat de faiblesse ou les dissensions intestines
continuelles mettaient les Genois, lui lit jeter les
veux sur les places de la Riviere. Grace a des intel-
ligences menagees dans Monaco, il s'en empara avec
son frere Louis au commencement de 1295. Les deux
freres se porterent ensuite sur Vintimille dont ils pri-
rent la citadelle par escalade le 19 decembre suivant.
Assieges par les Genois, ils furent separes, pendant
une sortie, de leurs troupes. Faits prisonniers et
menes a Genes, ils y furent retenus pendant deux
ans.
Pendant leur captivite, une revolution nouvelle
eclatait; la republique, epuisee par ses discordes,
se mettait sous la protection de la France , et
demandait un gouverneur a Charles VI. Le comte
de Saint-Pol, envove par le roi, remit en mai 1397
les deux freres Grimaldi de Beuil en liberte, en
- 76-
leur faisant promettre de restituer, aussitot libres,
Monaco, reste aux mains de leurs partisans, condi-
tion qu'ils ne remplirent pas.
Rainier recouvre Roquebrune; sa mort (i3g5-
1407). — II n'estpas probable que Rainier Grimaldi
retire a Menton, ait directement coopere a Tentre-
prise de ses cousins ; cependant, comme a partir
de 1395 on le voit prendre dans les actes le titre de
seigneur de Menton et de Roquebrune, il est possible
qu'il ait profite de raffaiblissement cause aux Genois
par les luttes intestines et la perte de Monaco pour
s'emparer de cette seigneurie si voisine de Menton.
Rainier Grimaldi mourut en 1407, laissant d'lsa-
belle Asinari quatre fils : Ambroise, Gaspar, qui
mourut peu d'annees apres, Antoine, Jean, et une
rille, Griffetta, mariee a Louis Lascaris, seigneur de
la Briga.
Monaco enleve aux Grimaldi de Beuil par
Boucicaut — Sejour de Tantipape Benoit XIII
(1401-1409). — L'occupation de Monaco par les
Grimaldi de Beuil prit fin en 140 1 ; la place fut
enlevee par surprise par le marechal de Boucicaut,
gouverneur de Genes; Louis Grimaldi, qui s'y trou-
vait, put se retirer sans etre inquiete ; pardon et
oubli fut accorde a tous les habitants, et le gouver-
neur se plut a accorder a la ville la confirmation de
ses anciens privileges, a l'imitation des doges.
/ /
Pendant cette periode un seul incident est a
noter. Lors du voyage que I'antipape d'Avignon
Benoit XIII, executa en 1405 a Genes, il s'arreta a
Monaco ou il fut recu avec de grands honneurs.
Mais, a son retour en 1406, la peste y ayant emportc
un de ses cardinaux, il se hatade quitter la forteresse.
Monaco independant, ville alliee de Louis II
d'Anjou — Restauration des Grimaldi (1409-
141 9). — La revoke de Genes contre le marechal de
Boucicaut, en 1409, fut suivie du soulevement des
Guelfes dans la Riviere, et certaines villes, comme
Vintimille, opposerent une resistance acharnee au
nouveau gouvernement genois. Monaco avait reclame
le secours du roi Louis II d'Anjou, qui y envoya
une compagnie de routiers a sa solde, mais laissa a la
ville son autonomic ; e'est, en effet, comme alliee et
non comme sujette de la maison d'Anjou que Monaco
figure dans les traites de paix entre Genes et la
Provence, qui se succederent de 141 2 a 141 8. Cette
situation dura dix ans ; mais, apres le retour des
Guelfes au pouvoir a Genes avec Thomas Fregose,
une entente avec la reine Yolande permit aux fils de
Rainier de rentrer, apres soixante deux ans de depos-
session, dans la forteresse toute pleine encore des
souvenirs de Charles Grimaldi (juin 1419).
CHAPITRE IX
COSEIGNEURIE DES TROIS FILS DE RAINIER GR1MALD1
JEAN" Ier ET SON FILS CATALAN GRIMALDI
(I4I9-I457)
Coseigneurie des flls de Rainier Grimaldi
(141 9-1427!. — Les trois tils de Rainier Grimaldi
survivant en 141 9, Ambroise, Antoine et Jeanavaient
eu jusqu'alors une existence effacee. Deux ans avant
leur restauration dans Monaco, ils avaient perdu leur
mere. Isabelle Asinari avait ete constitute par Rai-
nier legataire universelle au detriment de ses tils.
Son heritage comprenait done tout ce qui restaitdes
biens de Rainier en meme temps que des siens. Elle
les legua par indivis a ses trois fils, les substituant les
uns aux autres, a Texclusion des femmes.
Les trois freres, une fois maitres de Monaco, y
pratiquerent la meme indivision ; ils y commandaient
chacun une annee a tour de role.
Traites avec Florence et la reine Yolande
( 1 42 1 - 1 42 2) . — Leur premier soin f ut de faire revivre
avec les etats voisins les conventions autrefois con-
— 79 -
clues par Charles Grimaldi pour assurer l'indepen-
dance de leur place. En 1421, un traite de subsides et
de navigation etait signe avec Florence; en 1422 un
acte semblable, negocie avec la reine Yolande, reta-
blissait vis-a-vis de la Provence Tancienne situation
existant du temps de la reine Jeanne Ire de Naples.
Des trois freres, Jean etait le plus actif et le plus
entreprenant. Ilaccompagna en 1420 le roi Louis III
d'Anjou dans son expedition a Naples; d'autre part,
il fut Tun des plus ardents partisans du doge Thomas
Fregose dans sa lutte contre le due de Milan, Philippe-
Marie Visconti ; lors du desastre de Jean-Baptiste
Fregose, battu sur mer par les flottes de Visconti et
des Catalans, il revint, a peu pres seul, sain et sauf
avec ses galeres.
Ligue des Guelfes contre le due de Milan ;
participation de Monaco aux traites (1424- 142 8).
— Thomas Fregose, retire dans sa seigneurie de
Sarzane, devint Tame de la coalition des Guelfes
contre Visconti maitre de Genes. Jean, qui epousa
a cette epoque une proche parente de Thomas,
Pomelline Fregose, prit activement part a cette coa-
lition. II ht en 1424 un traite particulier d'alliance
avec Florence par lequel il obtint la reconnaissance
expresse du droit de mer de Monaco par la republi-
que. En 1426, Monaco participait nominativement a
Taccession du due de Savoie a la lisme.
— 8o —
Le due de Milan eut cependant raison de ces efforts
combines; il resta maitre de Genes, et en 1428 ses
troupes s'avancerent dans la riviere de Ponent pour
y reduire les dernieres resistances.
Jean Grimaldi, seul seigneur de Monaco, est
force de ceder sa place au due de Milan (1428).
— Jean etait depuis une annee devenu seul maitre de
Monaco, ayant par partage abandonne a Ambroise,
son frere et a son neveu, tils d'Antoine, decede,
Menton et Roquebrune, lorsque les generaux de
Visconti, apres avoir occupe Vintimille, se porterent
sur Menton, dont les coseigneurs se reconnurent ses
vassaux lis se presenterent ensuite devant Monaco et
Jean, reste isole, dut se resoudre a accepter les con-
ditions qui lui furent imposees ; il ceda la forteresse
achetee par le due de Milan, comme seigneur de
Genes, moyennant un prix de vente soldc par un
impot leve sur les villes de la Riviere.
Occupation milanaise — Gonfiits avec la
Turbie — Le due de Savoie demande la destruc-
tion de Monaco (1428- 1435). — Uad ministration
milano-genoise s'installa dans Monaco, encore une
fois perdu pour les Grimaldi ; elle prit soin d'accorder
aux Monegasques la confirmation de toutes leurs
franchises, « telles qu'elles existaient du vivant de
Charles Grimaldi ». Mais les conflits avec les habi-
— 8i —
tants de la Turbie troublerent cette administration;
les violences des soldats de la garnison ctaicni en
outre un sujet de plaintes continuelles de la part des
autorites de Nice; elles en arriverent au point
qu'en 1434 le due de Savoie, profitant d'une entente
avec Philippe-Marie Visconti, lui proposait formel-
lement de raser Monaco, ce que celui-ci refusa
peremptoirement.
Jean Grimaldi, au service de Philippe-Marie
Visconti, bat les Venitiens snr le P6 (143 1). —
Pendant ce temps, Jean Grimaldi retire a la cour
de Milan y jouissait d'une influence considerable, et
son renom d'audacieux marin lui assurait un com-
mandement qui attacha son nom a un des plus
brillants faits d'armes du regne de Philippe-Marie
Visconti.
La guerre avec Florence et Venise avait eclate
en 143 1 ; tandis que Piccinino et Francois Sforza
contenaient sur terre l'armee des Venitiens, comman-
dee par le celebre Carmagnola, Jean Grimaldi fut
oppose sur le P6 a la flotte venitienne qui etait par-
venue, en remontant le fleuve, dans les environs de
Cremone. L'ayant, par une habile manoeuvre, separee
de la rive gauche, ou elle eut pu s'appuyer sur Car-
magnola, il lit monter a bord de sa flotille improvised
une partie de la lourde infanterie milanaise. L'attaque
commenca au point de jour, le 23 mai 148 1 ; les
6
vaisseaux venitiens, disposes pour la guerre maritime
et evoluant difficilement dans le fleuve, furent pris
d'assaut par les cuirassiers de Piccinino et par les
marins genois. Deux mille cinq cents hommes tues,
huit mille prisonniers, vingt-huit galeres prises sur
trente-sept, quarante-deux vaisseaux de transport et
un butin immense, tel fut le resultat de cette journee.
Jean Grimaldi se mit pendant les annees suivantes
au service de l'empereur Sigismond, descendu en
Italie, et organisa a Nice des armements contre les
pirates sarrasins.
Rentree de Jean Grimaldi a Monaco (iqSo). —
Le soulevement de iq35 lit perdre a Philippe-Marie
Visconti la seigneurie de Genes; Monaco etant reste
entre ses mains, il le rendit a Jean Grimaldi en 1436
sous reserve de Thommage. Jean rentra done dans la
forteresse comme vassal du due de Milan ; puis mele
a des negociations en Provence, il laissa la garde de
la place a sa femme Pomelline Fregose.
Traite de Pomelline Fregose avec Genes.
Captivite de Jean Grimaldi (1437- 1440). — Pen-
dant son absence, les menaces des officiers du due
de Savoie, qui armaient a Nice pour une agression
sur Monaco, determinerent Pomelline a signer une
alliance defensive avec Genes. Quoique ce traite ne
visat pas directement Visconti, Jean revenu a Milan
y tut, au mepris d'un sauf conduit, ancle avec son
jeune fils Catalan.
Cependant, par suite de la perte de Genes, Philippe-
Marie etait devenu plus indifferent a la possession de
Monaco; il consentit a la fin de 1438 a ceder son
prisonnier au prince du Piemont, gouvernant au nom
du due Amedee VIII, pour permettre a ce prince
d'obtenir du captif la cession de la place a la Savoie.
Jean amene inutilement a la Turbie pour
forcer Pomelline a remettre Monaco a la
Savoie (1439). — -Non seulement Jean resta inebran-
lable, mais il fit enjoindre a Pomelline de se refuser
a toute capitulation, dut-il etre mis a mort aux pieds
des remparts.
La courageuse Pomelline etait digne de recevoir
de tels avis ; lorsque lesofficiers de Savoie amenerent
sous escorte Jean a la Turbie pour peser sur les
decisions de la dame de Monaco, les parlementaires
trouverent chez elle de telles dispositions et dans la
place un armement si redoutable qu'il fallut repasser
les monts, sans retirer de cette violence aucun
resultat.
Liberation de Jean Grimaldi (1440). — Jean
vit finir sa captivite en 1440 et la vassalite du due de
Milan ne dura pas longtemps sur sa seigneurie ; elle
disparut par le traite dont Francois Sforza fut l'arbitre
— 84 —
en 1 44 1, en vertu duquel chaque parti fut retabli
dans Tetat ou il etait en 1435.
Jean Grimaldi recouvra done sa pleine indepen-
dance. La mort de son frere Ambroise qui se noya
vers 1433 a Menton, et celle de son neveu, tils
dAntoine, lui avaient deja rendu la possession
integrale de Theritage de sa famille.
Politique de Jean Grimaldi ; expedition a
Naples au service du roi Rene (1441-1442). —
Malgre la detention qu'il avait subie, Jean resta
jusqu'a la mort de Philippe-Marie Visconti fidele-
ment attache a sa politique, quelle qu'en fut la versa-
tilite.
Neanmoins, il put de suite donner a la maison
dAnjou des preuves actives de son devouement.
Pendant les trois annees de sa captivite, le sort des
armes avait d'abord favorise Rene d'Anjou dans la
conquete du royaume de Naples contre Alphonse
d'Aragon ; puis la fortune du prince angevin avait
decline. Jean Grimaldi prit part en 1441 et 1442 avec
la fiotte genoise, a laquelle il s'etait joint, aux derniers
combats et a Fevacuation de Naples. II convoya le
roi a son retour avec ses galeres.
Situation vis-a-vis de Genes ; traite avec
Eugene IV (1442- 1444). — La situation se compli-
qua de 1442 a 1444 par la chute a Genes de Thomas
— 85 —
Fregose, remplace par Raphael Adorno. Jean fut
tour a tour l'allie ou l'ennemi du nouveau doge,
suivant les variations de Visconti dont les fluctua-
tions politiques dicterent sa conduite.
(Test ainsi qu'il fut en 1444 entraine a conclure
avec le pape Eugene IV un traite qui le fit entrer dans
la ligue contre Francois Sforza, ou il se trouva range-
sous la meme banniere quAlphonse d Aragon ; il fit
a cette occasion une campagne maritime desastreuse
pour sa marine.
Conflits avec Nice, traites de protection et
d'alliance avec Genes 1 442-1 447 . — La pro-
tection attentive de Visconti avait ete une necessite
pour dejouer les embuches du cote de Nice qui,
depuis 1440, ne cessaient de tenir Jean Grimaldi en
alerte. Le conseil de Savoie n'avait pas, en effet,
abandonne le dessein de s'emparer de Monaco. Le
gouverneur de Nice, Nicodo de Menthon, tenta a
plusieurs reprises de mettre ce projet a execution. II y
avait la une cause continuelle d'inquietude et une
menace sans cesse renouvelee d'agression ; aussi, a
mesure que la politique de Visconti se desinteressa
des affaires genoises, cette situation devint plus dan-
gereuse, quoique la prise de Genes par les Fregose et
le renversement d'Adorno, qui precederent de quel-
ques mois la mort du due de Milan (1447) aient
fourni un element relatif de securite. Jean fit
— 86 —
aussitot avec Janus Fregose un traite renouvele trois
annees de suite, qui liait Monaco a Genes dont il
stipula la protection et des subsides pour sa place.
Jean se rend vassal de la Savoie pour
Menton et Roquebrune (1448). — Neanmoins, la
disparition de Visconti le laissait tellement a decou-
vert du cote de la Savoie que Jean, arrive a un grand
age, jugea qu'il n'avait d'autre moyen de conjurer
le peril que de se jeter dans les bras du due de
Savoie et de rendre ainsi son adversaire interesse a
sa conservation ; il reussit a detourner Tambition du
due en lui offrant, non la domination sur Monaco,
mais la suzerainete sur Roquebrune et sur Menton.
La negociation aboutit a la fin de 1448. Par deux
actes successifs, Jean ceda au due la moitie indivise
a lui appartenant de la seigneurie de Menton et
Jatotalite de Roquebrune; immediatement, par un
second acte, le due lui rendit les deux seigneuries,
sous la reserve que dorenavant Jean les tiendrait
comme son vassal et lui en preterait l'hommage ; en
sorte que la seigneurie de Menton se trouva dans
cette situation singuliere d'etre indivisement vassale
de la Savoie pour la moitie, tandis que l'autre
moitie ,restait independante entre les mains des
heritiers de Luc et Marc Grimaldi.
Cette donation fut faite sous la condition qu'il
serait fourni par le suzerain une rente perpetuelle
— o~ —
sur la gabelle de Nice ; le defaut presque continuel
d'execution de cette clause a, par la suite, servi de
base au refus qu'au bout de trois generations les sei-
gneurs de Monaco et de Menton opposerent syste-
matiquement a la reconnaissance des droits de
suzerainete concedes par Jean Grimaldi sur les
deux seigneuries.
Relations avec le roi Rene — Cession de
Monaco au Dauphin 1449-143 1 ). — La mort de
Visconti avait rendu a Jean Grimaldi la liberte de
chercher ses alliances du cote ou l'attiraient le plus
naturellement ses sympathies et ses traditions. Ce
fut done vers le roi Rene et la Provence qu'il se
porta et a qui il preta le concours de son activite et
de ses bons offices.
A ce moment le Dauphin, fils de Charles VII,
celui qui devait etre Louis XI, retire en Dauphine,
tournait son ambition du cote de Tltalie. Jean entra
en relations avec ce prince. De plus en plus preoc-
cupe de la situation precaire de Monaco, il en etait
venu a en considerer Talienation comme le moven
d'en finir avec les dangers auxquels il etait expose
dans une place dont la seule ressource, le droit de
mer, etait continuellement contestee. II s'entendit
done avec le Dauphin, et, apres plusieurs annees de
negociations, il lui vendit Monaco, en 145 1, moyen-
nant quinze mille ecus d'or. II resterait maitre de la
place jusqu'au paiement integral.
Ce traite ne devait pas aboutir ; pendant trois
amices, en vertu des clauses de la convention inter-
venue, le pavilion delphinal rlotta en vain sur les
tours de Monaco, a cote de la banniere des Gri-
maldi, en attendant la realisation du marche. Le
Dauphin ayant dans Tintervalle abandonne ses pro-
jets d'intervention en Italic, le premier acte de
Catalan Grimaldi, apres la mort de son pere, fut de
denoncer le traite.
Dernieres campagnes de Jean Grimaldi
avec le roi Rene (1449-1453). — L/issue de cette
affaire n'avait pas du longtemps faire doute pour
Jean Grimaldi et les siens. L'alienation avait du
reste ete vivement combattue par le doge de Genes,
Pierre Fregose, qui avait epouse, en 1445, Bartho-
lomew, la fille de Jean Grimaldi, et dont l'influence
devint preponderante a Monaco dans les dernieres
annees de la vie de Jean, sans cependant entraver les
relations toujours plus ctroites de celui-ci avec le
roi Rene et la Provence.
En 1453, Jean Grimaldi suivait encore Rene a
Genes, lorsque celui-ci prit pour le compte du roi de
France le commandement de Tarmce francaise des-
tinee a cooperer en Lombardie avec celle de Francois
Sforza contre Venise ; Jean resta presque touteTannee
absent pour le service du roi.
- 89 -
Mort de Jean Grimaldi — Substitutions
pour la succession de Monaco edictees dans
son testament (1454). — La same de Jean declinait
rapidement; rentre a Monaco, il rit son testament
par lequel il substituait a son fils les enfants males
de celui-ci, par ordrede primogeniture, a Texclusion
des femmes; a leur defaut seulement les femmes
etaient appelees, mais a la condition expresse que
leurs descendants prendraient le nom et les armes
des Grimaldi.
Ce testament constitue la charte fondamentale qui
depuis quatre siecles a servi de base au reglement de
la succession dans la maison de Monaco.
Jean mourut le 8 mai iqSq et fut inhume dans
Teglise de Saint-Michel a Menton.
Catalan Grimaldi — Influence de Pierre
Fregose (1454- 1436). — Catalan ne devait jouir
que trois annees de la succession de son pere, et ces
trois annees furent entierement absorbees par sa
participation a la guerre acharnee que son beau-frere
Pierre Fregose soutenait contre Alphonse d'Aragon ;
il subit alors exclusivement Tinfluence de celui-ci,
entraine dans cette voie par les inspirations de sa
mere, Pomelline Fregose.
Traite de Pierre Fregose avec Charles VII;
reconnaissance du droit de mer de Monaco
(iq56 . — Pierre avait ete exclu de la paix generale
— go —
en Italie, conclue a Lodi ; il etait sans allies, il se
rejeta du cote de Charles VII, et par un traite
anterieur de deux ans a celui qui devait amener
la domination francaise a Genes, il s'etait deja lie
en 1456, par Tintermediaire du duc^de Calabre, fils
du roi Rene. En vertu d'une des clauses de ce traite,
Catalan obtenait la reconnaissance par la France du
droit de mer de Monaco.
Testament etmort de Catalan Grimaldi (1456-
1457). — A la fin de 1456 Catalan, age cependant de
quarante-deux ans a peine, etait mourant. II s'occupa,
des lors, d'assurer la succession a la seigneurie, car
des trois enfants qu'il avait eus de son manage avec
Marguerite del Caretto, une fille survivait seule,
Claudine Grimaldi, encore en bas age.
Cette situation donnait lieu aux substitutions
edictees au testament de Jean pour Taccession des
femmes a defaut des males ; Catalan les renouvela ;
mais il fit sa mere heritiere, lui substituant sa fille
Claudine, et a defaut de celle-ci, sa soeur Bartholomee
Grimaldi et ses enfants, fils de Pierre Fregose, tou-
jours sous la condition expresse de l'adoption exclu-
sive du nom et amies des Grimaldi. Enfin, il desi-
gnait comme epoux de Claudine Lambert Grimaldi,
frere de Gaspar seigneur d'Antibes.
Catalan s'eteignit au mois de juillet 1457.
Qi —
CHAPITRE X
CLAUDINE ET LAMBERT GRIMALDI
(I457~I494)
Lambert Grimaldi choisi pour epoux de Clau-
dine Grimaldi (1457). — L/epoux choisi par Catalan
pour sa rille Claudine, etait le fils cadet de Nicolas
Grimaldi, seigneur d'Antibes, le petit-tils de Luc
Grimaldi et l'arriere petit-tils de cet Antoine, qui
avait si brillamment partage la direction du parti
guelfe et la seigneurie de Monaco avec Charles Gri-
maldi, et que les genealogies de la maison de Grimaldi
designent a tort comme frere.
On a vu qu'en 1384 Marc et Luc Grimaldi avaient
acquis la moitie indivise de Menton. Les partages
successifs entre leurs heritiers avaient divise cette
moitie de seigneurie en six parts ou six douziemes
indivis; mais, par heritage ou acquisitions, Lambert
se trouvait en posseder, en 1437, les deux tiers ou
quatre douziemes.
A la suite de longues negociations auxquelles
— 92 —
donnerent lieu l'execution du testament de Nicolas
Grimaldi, son pere, la part d 'heritage devolue a
Lambert avait ete reservee sur les douziemes indivis
de Menton.
Lambert avait done entre les mains la plus forte
partie de Tindivision, en sorte que son union avec
Claudine reconstituait la presque totalite de ce
qu'avait aliene Rainier Grimaldi, sauf deux douzie-
mes facilement rachetables.
Sceau de Nicolas Grimaldi, coseigneur d'Antibes et de Menton
pere de Lambert Grimaldi.
Lambert annihile par le testament de Catalan
au profit de Pomelline et de Pierre Fregose
(1457). — Lechoix de Lambert, qu'ilsn'avaientproba-
blement pu empecher, ne pouvait certainement etre
agreable ni a Pomelline, ni a Pierre Fregose ; aussi,
sous leur pression, toutes les dispositions du testament
de Catalan furent dirigees contre le futur epoux de
— gi —
Claudine. Pomelline, en effet, comme legataire,
primait les droits de Thcritiere naturelle et succedait
aux seigneuries deson tils, au mepris de l'ordre regu-
lier de succession et des clauses du testament de Jean
Grimaldi; bien plus, en cas de deces de Pomelline,
la tutelle de Claudine etait attribute non a son mari,
mais a Pierre Fregose, jusqu'a sa majorite.
Convention de partage d'autorite imposee a
Pomelline ; intervention des habitants des sei-
gneuries 1 45 7 '. — Des dispositions si anormales
provoquerent immediatement un conflit ou Ton voit
pour la premiere fois les habitants des trois seigneu-
ries intervenir activement dans la succession de leurs
seigneurs. Lambert, energiquement appuye par la
population, imposa a Pomelline, le 20 octobre 1457,
une convention qui renversait tout Techafaudage de
restrictions dirigees contre lui. Pomelline dut le
traiter comme tils adoptif et partager avec lui Tauto-
rite et le commandement. Les habitants de Monaco,
Roquebrune et Menton, hgurerent au contrat pour
se porter garants de son execution.
Gomplot de Pomelline (iq58). — Pomelline
avait souscrit par contrainte a cette abdication,
n'ayant pu s'appuyer sur Pierre Fregose, alors
absorbe a Genes par les difficultes qui precederent
Pappel des Francais ; elle nourrissait le dessein de
~ 94 —
revenir au plus tot sur ses concessions. Elle provo-
qua, dans ce but, une entente entre Pierre Fregose
et Pierre Grimaldi, seigneur de Beuil a qui on
promit la main de Claudine pour son his Georges
Grimaldi, aussitot que cette derniere serait tombee
entre les mains des conjures.
Le complot eclata en mars iq58. Des troupes
debarquerent au port de Monaco; mais Lambert,
prevenu a temps, put echapper a un guet-apens ou il
devait perdre la vie. A la tete des hommes de Menton
et de Roquebrune, il se jeta dans le chateau de
Monaco et repoussa l'attaque des soldats de Fregose.
Le surlendemain, il se faisait reconnaitre seigneur,
per-sonnellement et comme maitre des droits de
Claudine, et il recevait en cette qualite le serment
des habitants des trois seigneuries.
Lambert se contenta de confiner Pomelline dans sa
maison de Menton; il ne devait pas avoir lieu de se
feliciter de cette moderation.
Lambert, seigneur de Monaco ; son mariage
avec Claudine (1458). — Des ce moment Lambert
se considera comme seigneur effectif de Monaco,
non pas seulement en qualite de mari designe de
Claudine, mais par le fait qu'il avait conquis les
armes a la main et au peril de sa vie la seigneurie sur
Pomelline, ce qui creak en sa faveur, pretendait-il,
un droit personnel.
— q5 —
Claudine n'avait que six ans lors de la mort de son
pere; Lambert en avait quarante-deux : la celebra-
tion du mariage dut etre remise a Tepoque oil Tenfant
serait nubile ;elleeut lieu a Vintimillele 20 aout 1465.
Malgre la disproportion d'age, I'union laplusparfaite
ne cessa de regner entre les deux epoux.
Protection du gouvernement francais de
Genes 14? 9- 1460 . — La consolidation de Lambert
dans la seigneurie avait coincide avec Tetablissement
a Genes du pouvoir royal de Charles VII, en vertu
du traite conclu avec Pierre Fregose. Le due de
Calabre, gouverneur pour le roi de France, accorda
sa protection et des secours dans deux circonstances
ou Monaco subit des attaques de vive force.
Agression de la marine napoiitaine 14591. —
Une premiere fois, en avril 1459, le territoire tut
entierement devaste par les equipages des galeres de
Villamarina, amiral au service du roi d'Aragon, qui
ayant brusquement debarque, brulerent les navires
dans le port, detruisirent les maisons situees en
dehors de la place et ravagerent le territoire.
Attaque de Monaco par Pierre de Beuil et
le comte de Tende 4460:. — L'hiver suivant fut
marque par une attaque autrement grave. Les intri-
gues de Pomelline avaient amene une nouvelle
— 96 —
entente entre Pierre de Beuil et le comte de Tende.
Dans la nuit de la Saint-Sebastien, 20 Janvier 1460,
des corps de troupes leves par les deux seigneurs
tenterent la surprise de Monaco par escalade.
Cette agression fut repoussee vigoureusement par
les Monegasques. Deux des assaillants, faits prison-
niers, furent impitoyablement precipites du haut des
escarpements a pic au pied desquels des roches a
moitie submergees bordent la mer.
Perte de Genes par les Francais ; expedition
de Rene d'Anjou (1460-1461). — La possession de
Genes par les Francais ne dura que deux annees. lis
en furent chasses, en mars 1460, par les Adorni et
les Fregose reunis. Charles VII donna le comman-
dement au roi Rene d'une expedition destinee a
recouvrer la citee perdue. Cette campagne, dont le
resultat fut desastreux, fut la derniere entreprise du
roi Rene.
Sur ces entrefaites, Charles VII vint a mourir.
Lambert envoye par le roi Rene a Louis XI
(146 1 ). — Une profonde inimitie regnait entre Rene
dAnjou et le nouveau roi de France, Louis XI depuis
l'epoque ou celui-ci avait sejourne en Dauphine.
Rene, voulant tenter une reconciliation, chargea de
ce soin Lambert Grimaldi, auquel il n'avait cesse
d'accorder toutes sortes de privileges et d'aide pour
assurer la securite de sa place de Monaco.
— 97 —
Reconnaissance par Louis XI du droit de mer
de Monaco (1462 . — Lambert reussit dans sa mis-
sion, qifil fit servir aux interets de sa seigneurie.
Louis XI qui, pendant quelques mois encore,
chercha a reprendre 1'ofTensive contre Genes, trouva
en lui un agent aetif et devoue; il Ten recompensa
en reconnaissant, par lettres patentes d'avril 1462,
le droit de mer du port de Monaco, et cet acte est le
plus explicite de ceux qui avaient jusqu'alors consa-
cre la reconnaissance de ce droit.
Lambert acquiert la seigneurie de Vinti-
mille ; il aide a la conquete de Genes par
Francois Sforza 146' . — En 146?, les habitants
de Vintimille s'etaient donnes a Lambert et lui
avaient prete serment commealeur seigneur, lorsque
le roi de France, par un revirement subit, renoncant
a tout nouveau projet sur Genes, abandonna ses
droits au due de Milan, Francois Sforza.
Les lieutenants du due prirent possession, au com-
mencement de 1464, des villes restees entre les mains
des Francais. Lambert, qui embrassa immediatement
la cause du due, fit demission de la seigneurie de
Vintimille ; il recut, en echange, la charge de com-
missaire ducal dans la riviere du Ponent, conserva
la possession de Vintimille pour cinq annees comme
gouverneur. et obtint une confirmation du droit de
mer de Monaco. II participa de tout son pouvoir a
7
- 98 -
la conquete de Genes et il entra dans la ville a cote
du gouverneur milanais, Conrad de Foliano.
Ce rapprochement avec Sforza devait le brouiller
pendant de longues annees avec le roi Rene et la
Provence, ou les exiles de Genes trouverent unappui
constant pour la guerre a outrance qu'ils firent a
leur patrie soumise a la domination milanaise.
Sceau de Lambert Grimaldi
Lambert devint, par ce revirement, Fallie du roi
Ferdinand de Naples, successeur dAlfonse d'Ara-
gon, avec lequel il devait conserver de longues et
amicales relations.
Inimitie constante des Genois et des officiers
milanais a Genes eontre Lambert (1464- 1466). —
Le credit et la faveur dont Lambert jouissait aupres de
Francois Sforza furent cependant de suite traverses
par les conflits que les Genois susciterent a propos
du droit de mer, et leurs griefs trouverent un echo
complaisant aupres de Conrad de Foliano. A chaque
— 99 —
instant les bonnes dispositions de Francois Sforza
faisaient place a des actes dnostilite de ses agents;
Foliano en arriva a autoriser une tentative d'assassi-
nat contre le seigneur de Monaco, a Oneille, pendant
une expedition organisee en 1465, pour reprimer des
troubles, a laquelle Lambert etait venu prendre part
en conduisant des troupes.
Revolte de Menton (1466). — De son cote
Pomelline Fregose ne cessait pas ses intrigues ;
elle travaillait sourdement les habitants de Menton,
au milieu desquels Lambert avait eu l'imprudence
de la laisser habiter. Ceux-ci, mecontents des charges
que Tadministration de la seigneurie leur causait, se
souleverent, chasserent les officiers des coseigneurs
et appelerent le gouverneur de Nice. Leur exemple
fut suivi par Roquebrune. Le gouverneur, secrete-
ment d'accord avec les revokes, accueillit au nom
du due de Savoie la requete par laquelle les deux
villes demandaient a passer sous la domination
directe d'Amedee IX, recut leur serment de fidelite
et signa un traite ou il reconnaissait les privileges
de Menton.
Reprise de Menton et convention avec la
Savoie (1466-1467). — Tandis que Lambert et son
cousin Luc Grimaldi, coseigneur avec lui de Menton,
protestaient aupres du due de Savoie contre la
conduite du gouverneur de Nice, ils recevaient du due
de Milan le concours le plus actif pour reprendre les
villes revoltees. La mort de Francois Sforza, qui
survint dans l'intervalle, n'arreta pas les preparatifs,
et, pendant que la diplomatic milanaise intervenait
avec energie aupres d'Amedee IX, les troupes de la
Riviere, soutenues par la marine du roi Ferdinand
de Naples, aidaient Lambert et Luc a reprendre
Menton. Le gouverneur de Nice, venu au secours
des assieges, ayant ete mis en deroute, la ville ouvrit
ses portes et fut recue a merci par les deux cosei-
gneurs, le ier juin 1466.
La reprise de Menton ne mit pas fin aux hostilites :
le gouverneur continua ses attaques sur Monaco
du cote de la Turbie et tenta d'enlever la place,
tandis que par mer Lambert avait besoin de l'in-
tervention active de la marine napolitaine pour
tenir tete aux agressions des Nicois.
A la fin, la pression de Milan sur la cour de Savoie
determina le conseil du faible Amedee IX a envoyer
des commissaires pour regler le differend. Lambert
accepta les clauses d'un accord aux termes duquel
les seigneuries seraient remises en depot entre les
mains des commissaires, qui en feraient la restitution
aussitot que, pour la partie infeodee au due, Clau-
dine aurait renouvele le serment de fidelite comme
vassale de la Savoie.
Tout etait regularise le 26 Janvier 1467.
Surprise de Menton par le baron de Beuil
et le comte de Tende (1468). -- Deux anndes ne
s'etaient pas ecoulees depuis la reprise de Menton que
cette ville echappait encore une fois a Lambert ; les
Mentonnais les plus compromls dans la premiere
revoke s'etaient refugies aupres de Jacques de Beuil
et du comte de Tende. lis n'eurent pas de peine a les
decider a tenter l'occupation de la seigneurie sur
laquelle le comte de Tende pretendait avoir des
droits autrefois meconnus dans les partages de la
branche d'Antibes dont sa maison, par suite d'une
alliance, avait eu une part d'heritage.
La surprise reussit grace a un affide, Jean-Jacques
Trenca, jusque la considere comme serviteur ridele
des Grimaldi, qui s'etant introduit dans le chateau
sous un pretexte, s'assura du castellan et ouvrit aux
gens de Beuil la poterne donnant du cote de Cas-
tellar.
Le due de Milan occupe Menton et le retient
sans le rendre a Lambert (1468). — Ce nouvel
incident atteignait Lambert au moment ou les conti-
nuelles embuches imaginees contre lui par les Genois
et Conrad de Foliano n'avaient pu arreter les servi-
ces qu'il rendait sur mer a la cause de Galeas Sforza
et de Ferdinand de Naples. Neanmoins le parti hos-
tile parvint a Temporter contre lui a Milan, en sorte
qu'au lieu d'agir pour Taider a reprendre Menton, les
— 102 —
officiers de Galeas le leurrerent pendant des mois, se
firent remettre la ville par le comte de Tende et fini-
rent par* lui notifier de cesser toute tentative, les
Mentonnais etant devenu sujets du due de Milan.
Lambert menace fortifie Monaco et Vinti-
mille (1468-1469). — Dans une situation aussi diffi-
cile Lambert ne perdit pas son sang froid ; il ne cessa
de reclamer la restitution de sa seigneurie, feignant
de croire que le due de Milan avait agi a Menton dans
son interet et il evita de rompre. Cependant, eclaire
sur les desseins de ses ennemis qui, pour s'emparer
de sa personne, chercherent inutilement a Tattirer
hors de sa seigneurie sous pretexte d'une visite a Ga-
leas Sforza, il finit par suivre les avis de son ener-
gique frere, Louis Grimaldi, chevalier de Saint-Jean
de Jerusalem et se mit en defense a Monaco, oil a
plusieurs reprises le gouverneur de Genes avait
secretement envoye des ingenieurs pour etudier les
moyens d'enlever la place ; il fortifia en meme
temps Vintimille dont il s'attendait a voir Sforza lui
reclamer la restitution, le terme des cinq annees de
son commandement allant echoir.
Siege et prise de Vintimille par les Milanais
(1469). — Ce fut du cote de Vintimille en effetque les
hostilites eclaterent. A la sommation de rendre la
place, Louis Grimaldi qui la defendait repondit par
— I0:> —
un refus peremtoire. II fallut entamer un siege en
regie et, la ville une fois occupee, s'attaquera la cita-
delle vigoureusement defendue. L'armee milanaise
se servit de formidables pieces d'artillerie dont plu-
sieurs furent coulees expres a Genes et amenees a
grand frais : elles lirent bientot breche en boulever-
sant les defenses.
Les Milanais en penetrant dans la forteresse trou-
verent le cadavre de Louis Grimaldi qui s'etait fait
tuer heroi'quement sur les remparts.
Rapprochement entre Lambert et la Savoie
1469-1477). — La crainte qu'eprouvait le due de
Milan d'une rupture avec la Savoie sauva Lambert
apres la prise de Vintimille, comme elle avait jusque
la empeche une attaque directe contre Monaco. Un
revirement en sa faveur s'etait en effet opere dans
les conseils du due ; Toccupation de Menton lesait
les droits de suzerainete d'Amedee IX ; Lambert
avait su proliter de cette situation pour reclamer
les bons offices et l'intervention du suzerain de sa
femme Claudine ; mais les divisions qui regnaient
dans le conseil ducal avaient retarde renvoi d'un
secours qui arrive a temps eut pu degager Vintimille ;
cependant les Nicois avaient concouru a la defense
en secondant energiquement Lambert sur mer et en
travaillant a intercepter les communications des
assiegeants avec Genes.
— 104 —
Les Grimaldi de Genes se font solidaires de
Lambert vis-a-vis de Milan ( 1 469- 1 477) . — Galeas
Sforza resista done aux excitations des Genois qui
voulaient en finir avec Monaco. Ceux-ci, decides a ne
reculer devant aucun moyen, provoquerent un corn-
plot contre la personne de Lambert. Le due de
Milan, jugea imprudent de le pousser a bout. II sen-
tait derriere lui l'appui de la Savoie et aussi celui de
la Provence, d'oii venaient au seigneur de Monaco
de pressantes offres de service.
Pendant les annees qui suivirent, Lambert reprit
peu a peu avec Milan des relations fortement
patronnees par les membres de la famille Grimaldi,
dont quelques-uns rendaient alors au due d'eminents
services diplomatiques. Grace a ce concours qui,
pendant cette periode, temoigna dune facon ecla-
tante de Tadmirable solidarite entre les membres les
plus eloignes de cette famille, il fut dorenavant
moins moleste par les tracasseries haineuses de ses
ennemis de Genes. Revendiquant sans cesse la resti-
tution de Menton, sans se laisser decourager par
des. refus, il espera, a force de bons offices, obtenir
a titre gracieux cet acte de justice. Lors du premier
soulevement de Genes contre Galeas, en 1476, il
ne preta aucun concours aux insurges et refusa
de recevoir les fugitifs, comptant trouver en echange
la recompense souhaitee. II eprouva encore une
deception.
ICO —
Lambert assiege et prend Menton 1477). —
L'assassinat de Galeas Sforza, au commencement de
1477, et ^a revoke de Genes qui suivit, fournirent a
Lambert une occasion propice pour reprendre
Menton de vive force ; il Feffectua avec le concours
des officiers de Savoie qui arreterent dans le comte
de Nice les secours envoyes aux assieges par la
comtesse de Tende ; au bout de neuf jours de siege
Menton rentrait aux mains des Grimaldi.
Lambert se fait vassal de la Savoie pour sa
part de Menton 1477 • — La Savoie avait mis a son
concours une condition que Lambert s'empressa de
remplir. Possesseur de quatre des six douziemes de
la seigneurie de Menton non soumis a la suzerainete
de la Savoie, il avait acquis en 146 5, des heritiers
de son cousin Honore Grimaldi d'Antibes, un des
deux douziemes qu'il ne possedait pas. II ceda ces
cinq douziemes au due dans la meme forme emplo-
yee en 1448 par Jean Grimaldi et en recutl'investiture.
Un seul douzieme, aux mains de Luc Grimaldi,
echappa desormais a la suzerainete de la Savoie.
Traite d' alliance entre Monaco et la duchesse
de Milan 1477 . — Cette cession irrita la cour de
Milan autant que la reprise de Menton; mais au
milieu des embarras nes de la regence de son tils Jean
Galeas Sforza, la duchesse Bonne, sentant sa situation
IOt) —
ebranlee a Genes, malgre la compression de la revolte
du printemps precedent, se laissa facilement amener
par les Grimaldi a renoncer a une intervention par la
force et les negociations avec Lambert aboutirent a
un traite dontla conclusion fut de la partdu seigneur
de Monaco un chef-d'oeuvre d'habilete.
Ne pouvant plus ceder de droits sur Menton, il
offrit de faire alliance avec Milan pour sa place de
Monaco. Mais, afin de bien etablir que cette alliance
n'entrainait aucune alienation de Tautonomie de la
forteresse, le traite n'etait conclu que pour cinq ans ;
il devait etre accompagne d'un serment de fidelite a
la duchesse prete par Lambert, non comme seigneur
de Monaco mais comme citoyen de Genes; en sorte
que de cet acte, qui retablit entierement la bonne
harmonie avec Milan, ressortait plus clairement
encore que d'aucune autre convention diplomatique
precedente le caractere entierement independant
de la seigneurie, aussi bien vis-a-vis de Milan que
vis-a-vis de Genes.
Lambert allie fidele de Milan (1477-1479). —
A partir de Fannee 1477, Lambert remplit rigoureu-
sement ses obligations d'allie de la duchesse regente
de Milan. II en donna des preuves lorsqu'apres
l'emancipation de Genes, il contribua a maintenir
dans l'obeissance la ville de Vintimille. Sa fidelite a
ses engagements ne varia pas jusqu"au jour oil, par
- io7 —
une entente de Bonne et de Jean-Galeas Sforza avec
Baptiste Fregose, doge de Genes, la domination
milanaise disparut de la Riviere.
Lambert fait campagne pour Charles III
cTAnjou en Provence, contre Rene II de Lor-
raine (1480). — Les causes qui avaient enchaine
Lambert a la politique des dues de Milan disparais-
saient au moment oil les evenements de Provence
sollicitaientson retour a une alliance avec des princes
vers lesquels Tattiraient ses aspirations hereditaires.
Le roi Rene etait mort et son neveu, Charles d'Anjou,
appele par testament a l'heritage de la Provence
et aux droits sur le royaume de Naples, voyait se
dresser devant lui la competition de Rene de Lorraine,
petit-fils defunt. Rene fit surtout des progres dans
le sud-ouest de la Provence. Lambert se jeta
dans Antibes, et l'occupation de cette place, qui
contribua puissamment a retablir dans la region les
affaires de Charles d'Anjou, rendit d'un seul coup a
Lambert Tinfluence que lui avaient enlevees les dix-
sept annees pendant lesquelles il etait reste etranger
aux affaires provencales et s'etait trouve par instants
en etat d'hostilite avec la maison d'Anjou (1480).
Charles III, en mourant prematurement apres un
court regne, voulut donner au seigneur de Monaco
un temoignage de sa gratitude en lui leguant deux
galeres (1481).
— 108 —
Relations avec Louis XI apres la reunion de
la Provence a la France ( 148 1- 1482). — La
reunion de la Provence a la France remit Lambert
en contact avec Louis XI, dont il avait autrefois
docilement suivi la politique jusqu'a se rallier a
Francois Sforza ; il nCgociait avec le roi par Pinter-
mediaire de son frere Jean-Andre Grimaldi, eveque
de Grasse, un traite d'alliance aussi favorable que la
convention avec Milan de 1477 pour la protection et
l'autonomie de Monaco, lorsqueleroimourut (1482).
Mariage de Jean, fils aine de Lambert, avec
Antoinette de Savoie (1487). — Les relations avec
Charles VIII, menagees par Jean-Andre Grimaldi
envoye du Saint-Siege a la cour de France, aboutirent
a un traite de manage qui allia les Grimaldi avec la
maison de Savoie. Le fils aine de Lambert epousa
Antoinette de Savoie, fille naturelle de Philippe,
comte de Bresse, qui devait devenir due quelques
annees plus tard. Antoinette etait elevee a la cour de
France aupres de Charlotte de Savoie, femme de
Louis XL Le manage fut celebre en 1487.
Protection de Charles VIII — Lambert capi-
taine general de la Riviere de Ponent (i486
1489). — Cette alliance assura la securite de Lambert
lorsqu'une nouvelle revolution ayant ramene en 1488
la domination milanaise a Genes, il eut a craindre
IOQ
les agressions des agents milanais; a eette occasion,
le gouvernement de Charles VIII accorda au seigneur
de Monaco un subside et une confirmation nouvelle
des droits du port, il le crea son capitaine general
dans la Riviere de Ponent et le grand senechal de
Provence enjoignit au due de Milan de s'abstenir de
tout mauvais procede a son egard.
La souverainete de Monaco reeonnue par la
Savoie 1489. — Ces bons offices se renouvelerent
encore en 1489 et Lambert obtint en meme temps de
la cour de Savoie. des lettres de sauvegarde dont le
dispositif etait pour lui une importante victoire
diplomatique. Le due entendait que Lambert, les
siens, ses sujets et ses domaines fussent a Fabri de
toute insulte, en consideration de la vassalite a
laquelle Menton et Roquebrune etaient assujettis a
son egard et aussi en raison de ce que Monaco,
place dansle voisinage immediat des terresde Savoie,
« ne reconnait aucun suzerain. »
C'etait la reconnaissance la plus formelle qui eut
encore ete libellee dans un acte de chancellerie pour
affirmer I'independance et le caraetere souverain de
Monaco.
Lambert acquiert le dernier douzieme indivis
de Menton 1 49 1 . — A la meme epoque, Lambert
racheta de son cousin Luc d'Antibes le dernier
— I 10 —
douzieme des parts de Menton qu'il ne possedait pas
encore; il devint ainsi seul seigneur de Menton avec
sa femme Claudine et comrae ni lui, ni ses succes-
seurs ne firent jamais abandon de la suzerainete sur
cette part aux dues de Savoie, ce douzieme resta par
la suite comme le temoin de Tantique independance
de la seigneurie.
Relations avec Genes — Traite avec Ferdi-
dinand et Isabelle, roi et reine d'Aragon et de
Castille (1492-1494). — Les dernieres annees de
Lambert furent occupees par ses relations tantot
cordiales, tantot tendues, avec le due de Milan, sei-
gneur de Genes ; il continuait en meme temps des
rapports amicaux avec le roi de Naples Ferdinand
d'Aragon, qui lui envoya en 1491, le collier de
son ordre du Griffon.
La guerre de Genes avec l'Aragon, qui s'evissait
depuis la rentree des Milanais a Genes, provoquait
les courses de corsaires dont les depredations devin-
rent telles qu'une entente generale s'etablit entre
des etats riverains, entente qui fut accentuee en 1493
par la conclusion de la paix entre Genes et les roi et
reine dAragon et de Castille, Ferdinand et Isabelle.
Lambert acceda a cette paix, mais refusa d'etre
simplement compris dans un acte diplomatique
commun avec les Genois ; il entendit traiter a part
avec les rois catholiques par un instrument special.
Le traite fut signe par son fonde de pouvoir aValla-
dolid, le 19 fevrier 1494.
Mort de Lambert — Son testament 1494 . —
La conclusion de ce traite qui fut la premiere mani-
festation des relations diplomatiques de Monaco avec
l'Espagne, couronna la carriere de Lambert. II
mourut un mois apres ii Menton, le i5 mars 1494.
Lambert avait regie sa succession par deux actes ;
un testament date de 1487. suivi d'un codicile en date
du 14 mai 1493. Les substitutions qu'il edictait, en
tout conformes aux dispositions de Jean Ier Grimaldi
et de Catalan, etaient regulieres et il avait legitime-
ment le droit de disposer des seigneuries, car en 1483
il avait regularise la situation anormale oil il se
trouvait comme seigneur de Monaco, en obtenant
une donation en regie de Claudine de tous ses droits,
a la condition de n'en disposer qu'en faveur des
enfants nes de leur mariage.
Tel fut le regne de Lambert qui, apres de terribles
epreuves supportees avec un courage sto'ique, eut la
gloire, grace a sa rare habilete diplomatique, de voir
le principe de Tindependance et de la souverainete
de Monaco, non plus seulement servir de base a ses
traites et a ses alliances, mais faire l'objet d'une
reconnaissance explicite dans les actes et dans les
formules des chancelleries etranseres.
CHAPITRE XI
JEAN II ET LUCIEN GRIMALDI
(1494-1523)
Jean II Grimaldi ; sa participation a l'expe-
dition de Charles VIII a Naples (1494- 1495). —
Jean II Grimaldi, his aine de Lambert et de Clau-
dine, succeda directement a Lambert du vivant de
sa mere, en vertu de Tabandon que celle-ci avait
fait de ses droits a son mari et, apres lui, aux enfants
males nes de leur union.
Jean devenait seigneur de Monaco au moment oil
le roi Charles VIII achevait les preparatifs de Texpe-
dition organisee pour revendiquer les droits qu'il
tenait de Theritage de la maison d'Anjou sur le
royaume de Naples (1494'. En meme temps que les
troupes de terre se rassemblaient, les armements
maritimes se poursuivaient a Marseille, a Villefranche
et a Genes et Monaco servit de point de ralliement
pour les navires amies dans les deux premiers ports.
Jean Grimaldi, gendre de Philippe comte de
Bresse, et bientot apres due de Savoie, en grand
credit aupres de Charles VIII, inaugurait done
son regne sous de brillants auspices, et son avene-
ment avait ete accueilli avec sympathie par Ludovic
Sforza qui prenait alors une grande part a la poli-
tique de Charles VIII.
Jean participa a la campagne maritime dans le
rovaume de Naples avec ses galeres.
Fidelite de Jean II a Charles VIII ; traite de
Verceil ; complot de Gaspar del Giudice (1495-
1498). — Lorsque le roi, apres la rapide con-
quete de Naples, dut faire retraite devant la ligue
italienne et la defection de Ludovic Sforza, Jean
Grimaldi resta fidele a la cause francaise ; il recut
alors de Charles VIII le titre de capitaine general de
la Riviere de Ponent, figura en nom au traite de
Verceil, comme allie du roi de France, et obtint, le
17 octobre 1493, la confirmation par le roi du droit
du port de Monaco.
Cette fidelite lui suscita Tinimitie de Ludovic
Sforza, et il se trouva pendant les annees suivantes
en butte aux attaques de ses voisins, si bien qu'il dut
recourir plusieurs fois a la protection du due de
Savoie ; il n'echappa que par suite de circonstances
fortuites a tin complot ourdi contre sa vie par les
agents milanais et dirige par Gaspar del Giudice,
de Vintimille (1498). 8
— ii4 —
Services rendus par Jean II a Louis XII ; il
devient gouverneur de Vintimille (1499-1 5 00). —
Ce dernier evenement coi'ncidait avec Tarrivee au
trone de France du due d'Orleans qui, devenu le roi
Louis XII, entreprit la revendication de ses droits
sur le duche de Milan, eomme heritier de sa bisa'ieule
Valentine Visconti, femme de Louis due d'Orleans,
frere de Charles VI (1499).
Pendant la rapide conquete du Milanais, Genes se
declara pour le roi de France, et lors du retour
offensif de Ludovic Sforza, Jean Grimaldi s'emplova
avec succes a recruter des troupes pour renforcer la
garnison de laville, ce qui permit d'attendre la ren-
tree victorieuse de Louis XII en Italie et la fin de la
lutte par suite de la captivite de Ludovic Sforza.
Jean fut alors cree conseiller et chambellan de
Louis XIl ; il en obtint une nouvelle confirmation
du droit du port de Monaco ; quelque temps apres,
il devenait gouverneur de Vintimille pour le roi,
seigneur de Genes (i5oo).
Jean II a la cour de Louis XII (i5oi-i5o3). —
En i5oi, Jean coopera a la nouvelle expedition de
Naples avec ses galeres, dont il donna le comman-
dement a Barthelemy Grimaldi, de Nice ; il figura
brillamment cette meme annee a la cour tenue a
Milan par le cardinal Georges d'Amboise, dont il
rechercha quelque temps en secondes noces la niece,
1 1 D
Catherine de Clermont-Lodeve. Antoinette de Savoie
etait morte en effet en i5oo, ne lui laissant qu'une
fille, Marie Grimaldi.
Le souvenir du faste deploye en 002 par Jean
Grimaldi a l'entree de Louis XII a Genes, a ete
enregistre par les chroniqueurs contemporains.
On retrouve encore le seigneur de Monaco a la
cour du roi de France a Lyon en 1 5o3.
Embellissements aux chateaux de Monaco
et de Menton (i5oo-i5o4) — ■ Le gout des arts qui
s'etait developpe chez Jean Grimaldi, l'amena a
restaurer et a decorer le chateau de Monaco. II
agrandit en meme temps celui de Menton et en fit
une demeure somptueuse. Des artistes furent attires
dans ses seigneuries; Ludovic Brea de Nice, le pere
de l'ecole de peinture de Genes, peignait en i5oo le
grand retable de Saint-Nicolas de Monaco et plu-
sieurs autres tableaux encore conserves a la Cathe-
drale.
Conflit avec Vintimille — Contestations avec
la Provence pour le droit de mer (i5o2-i5o5). —
Cependant, un caractere violent, emporte, une nature
peu maitresse de ses passions, suscitaient a Jean
Grimaldi de serieux embarras ; des actes arbitraires
et des exces de plus d'un genre provoquerent des
seditions dans Vintimille, et l'affaire dut etre portee
— i ib —
devant le gouverneur de Genes sur les plaintes du
conseil de ville.
A la raeme epoque, Jean rencontrait des difficultes
graves en Provence au sujet du droit du port de
Monaco. Le Parlement d'Aix, sur les reclama-
tions des Marseillais, s'etait emu de la perception
d'un peage extremement genant pour le commerce.
Le roi avait evoque l'affaire, mais Jean desirait la
faire trancher par un arbitre etranger, notamment
par le Pape. En attendant, il recevait avec une
extreme hauteur Temissaire que la ville de Marseille
lui avait adresse, marquant dans sa reponse qu'il
n'oubliait pas le caractere independant de sa sei-
gneurie : « Vois-tu, avait-il repondu^'e ne depends
« ni de la France, ni de Genes, ni de I'Espagne; je
« serai Vami de qui voudra etre le mien, autrement
« je reste che\ moi ».
C'etait presque une menace de defection vis-a-vis
de la France et en ce moment, il aurait meme
negocie pour vendre sa forteresse aux Venitiens.
Mort tragique de Jean II Grimaldi (i5o5). —
Dans la nuit du 10 au 11 octobre i5o5, Jean II
Grimaldi perissait de mort violente, frappe par
son frere Lucien, au chateau de Menton. II est
difficile de discerner la verite sur les causes et les
responsabilites de ce sombre drame; Timpatience et
Tavidite du pouvoir auraient-elles arme le bras de
— 117 —
Lucien, ou bien faut-il accepter les justifications
qu'il invoquarOn rfa malheureusement pour faire
la lumiere, que les explications interessees du meur-
trier.
Suivant Lucien une querelle se serait engagee
entre les deux freres au sujet des negociations entre-
prises par Jean pour la cession de Monaco aux
Venitiens, cession qui cut etc faite au prejudice de
ses freres, puisque Jean n'avait qu'une rille. Trans-
porte de colere, Jean aurait tire son poignard et
Lucien s'etant mis en defense, Taurait, dans la lutte,
frappe d'un coup mortel.
Ce reck parait vraisemblable etant connu le
caractere des deux freres : Tun est emporte sans
mesure et pret a toutes les violences ; l'autre se
montra constamment dans les actes posterieurs de sa
vie un homme modere, doux, humain et maitre de
lui-meme ; ajoutons que, d'apres la tradition, Clau-
dine Grimaldi aurait ete presente a cette sanglante
querelle, et que tout en continuant a marquer dans
la suite une douloureuse et tendre affection a la
memoire de la victime, elle conserva jusqu'a la fin,
et avec elle tous ses autres enfants, v compris
Augustin recemment elu eveque de Grasse, un atta-
chement inalterable au meurtrier.
Ce sont des arguments en faveur de Lucien, mais
ils ne suffisent pas a lever le doute terrible qui pesera
toujours sur sa memoire.
— i iS —
Avenement de Lucien Grimaldi (i5o5). — La
reconnaissance du nouveau seigneur par les habi-
tants des trois seigneuries se fit sans diflficulte des
le lendemain de la mort de Jean II ; mais sa situa-
tion etait dangereuse vis-a-vis de la Savoie au point
de vue de la vassalite de Menton et de Roquebrune ;
le meurtre de Jean etait en effet, d'apres le droit
feodal, un cas de perte du fief et de confiscation au
profit du suzerain. Lucien obtint cependant l'inves-
titure et des lettres ducales de remission interdisant
toute procedure a Toccasion du drame de Menton.
Louis XII se montra plus severe; il refusa de
donner a Lucien la succession de Jean au gouverne-
ment de Vintimille. Cependant, dans le courant de
l'annee suivante, les dispositions royales devinrent
plus favorables et le nouveau seigneur de Monaco
fut cree chambellan du roi.
Revolte de Genes, siege de Monaco par les
Genois (i5o6-i5o7). — Ce retour de faveur fut en
partie provoque par la revolte de Genes ; la prise de
Monaco etait devenue le principal objectif des revoltes.
Une armee, forte selon les uns de quatorze mille
hommes, suivant les autres de quatre mille, munie
d'une puissante artillerie et d'un materiel de siege
considerable, vint, apres avoir occupe Menton et
incendie Roquebrune, dresser son camp au Carnier,
en vue de la place. Lucien ayant refuse de se rendre,
— I IQ —
sa tete fut mise a prix, et le siege, dirige" par un
ingenieur pisan, Tarlatino, commenca le 7 decern-
bre i5o6 ; toutefois, pendant les premieres semaines
l'investissement ne fut pas complet, et l'attaque
n'etant dirigee que du cote de la Condamine, le ravi-
taillement des assieges put se continuer.
Le 18 decembre un corps francais debusqua les
Genois de la tour de la Turbie : quelques jours
apres une sortie furieuse jetait le desordre dans les
ouvrages de siege a la Condamine et les canons
encloues restaient hors de service pendant pres d'un
mois.
L'attaque fut alors resserree et les ingenieurs
genois porterent leurs etforts sur la face du rempart
et des fortifications du Chateau-Vieux, au lieu dit de
Serravalle, accessible par les declivites qui forment
le col en face de la Tete-de-Chien. Les batteries
genoises dominant les defenses purent facilement
les bouleverser. Mais l'energie de Lucien, de son
jeune frere Charles et de Barthelemy Grimaldi surent
parer a tous les dangers, et la ou les remparts etaient
renverses un systeme habile de contre-mines tint les
assaillants en respect.
Le siege se continua ainsi durant deux longs
mois ; pendant ce temps les amis de Lucien ne
restaient pas inactifs ; le devouement d'Augustin
Grimaldi. eveque de Grasse, et de Francoise Gri-
maldi. dame de Dolceaqua, frere et sceur de Lucien,
■ — -120 —
provoquait I'organisation de secours en faveur des
assieges. Leurs efforts aboutirent au moment ou la
place etait reduite a la derniere extremite et la breche
de Serravalle praticable.
Assaut infructueux de Serravalle. — Levee
du siege \i5oy). — Les Genois avises de l'arrivee des
troupes de secours commandees par Yves dAlle-
gre, livrerent Tasssaut dans la nuit du 19 mars
i5o~, tandis qu'un corps debarque a TEperon, a
l'extremite de la presqu'ile, a Tentree du port, ope-
rait une diversion.
La lutte corps a corps se poursuivit pendant cinq
heures avec un acharnement incroyable ; le mur de
Serravalle etait deja domine, mais les assieges, replies
sur des ouvrages de seconde ligne eleves a la hate,
finirent par repousser les assaillants apres un grand
carnage.
Des le lendemain, les Genois levaient precipitam-
ment leur camp, poursuivis par Lucien, qui reprit de
suite Roquebrune et Menton et lit sa jonction avec
les troupes d'Yves d'Allegre, arrivees sur ces entre-
faites.
Le siege de Monaco avait dure cent deux jours et
la forteresse, grace a rheroi'sme de ses defenseurs,
avait echappe au plus terrible danger qu'elle eut
couru depuis 1298 et 1469.
Louis XII veut s'emparer de Monaco — Cap-
tivite de Lucien (i 507-1 5o8). — Lucien avait suivi
l'armee royale et assiste a l'entree de Louis XII
Lucien Grimaldi, seigneur de Monaco
(D'apres un p rtrail d'Andrea Solari, aii Palais de Monaco
a Genes, lorsqu'en arrivant a Milan a la suite de
la cour, i! fut arrete et enferme dans le chateau.
Le siege de Monaco et sa brillante defense en
— 122
avaient revdle Pimportance a Louis XII, en meme
temps que le danger de sa possession par un sei-
gneur independant. D'autre part, les doleances des
Provencaux au sujet du droit de mer avaient trouve
de Techo dans les conseils du roi. On espera obtenir
de Lucien l'abandon de sa place ou tout au moins
la reconnaissance de la suzerainete du roi en le rete-
nant captif.
Pendant cette detention, Augustin et Barthelemy
Grimaldi avaient mis a la hate la forteresse en de-
fense; mais elle n'etait pas en etatdesubir un nou-
veau siege; il fa lint negocier.
On chercha une solution par un echange que le
roi eut fait en accordant aux Grimaldi une grande
seigneurie dans des conditions d'independance et
cTautonomie analogues a la situation de Monaco.
Cela n'etait pas compatible avec les constitutions
du royaume de France ; il fallut abandonner cette
combinaison.
Liberation de Lucien — Convention pour le
droit de mer (i5o8-i5oc)). — Grace a sa tenacite,
Lucien fut remis en libertc au mois de mai i5o8
en fournissant caution ; mais il dut se rendre a la cour
pour regler en personne le conflit suscite par les
exigences royales. Toutefois, avant son deparr, il
protesta par devant notaire contre les concessions
que pourraient lui arracher de nouvelles violences.
— i2r> —
Louis XII, du reste, rendit ses conditions relati-
vement acceptables : il renonca a s'emparer de
Monaco et meme a y imposer sa suzerainete ; mais,
en vertu de lettres royales du 6 mars 1D09, Lucien
dut s'engager sous serment a rester a perpetuity
I'allie et le serviteur de la couronne de France ; et,
tout en reconnaissant lc caractere indiscutable du
droit de mer, on l'obligea a se soumettre a la juri-
diction du chancelier de France, pour les conflits
qui surviendraient avec les sujets du roi.
Cette restriction ne devait pas durer longtemps;
mais Lucien, apres avoir conjure de si graves perils,
sentit la necessite de chercher a Texterieur des appuis
pour en eviter le retour. Dans le cours de Pannee 1 5 1 1 ,
il terminait dans ce but deux negociations heureuses.
Traite de Lucien avec Florence ; Nicolas
Machiavel a Monaco i5u). — Une difficulte avec
des navires florentins a propos du droit de mer
aboutit a un traite d'alliance et de navigation avec
la seigneurie de Florence. Ce traite fut signe a
Monaco par le celebre Nicolas Machiavel, ambassa-
deur de la seigneurie, au mois de mai 1 5 1 1 .
Privileges accordes par Ferdinand le Catho-
lique a Lucien ( 1 5 1 1 ). — A la suite d'une negocia-
tion du meme genre avec Ferdinand le Catholique,
Lucien obtint de ce monarque, maitre du royaume de
— 124 —
Naples en merae temps que de l'Espagne, des privi-
leges particulierspour le commerce des Monegasques ;
et si Ton remarque que ces faveurs coincidaient avec
la formation de la grande ligue contre Louis XII
entre TEmpereur, Venise, Rome et l'Espagne on peut
y voir le premier symptome des tendances du
seigneur de Monaco a se separer de la France dont
il avait recu un traitement si rigoureux.
Reconnaissance solennelle de la souverainete
de Monaco par Louis XII — Retrait de la con-
vention de 1509 ( i 5 1 2). — ■ II est possible que le
rapprochement de Lucien avec FEspagne ait con-
tribute a la modification radicale apportee par la
chancellerie de Louis XII au traite impose en i5oo.
a Lucien. Ce fut en tout cas une veritable victoire
diplomatique obtenue par Tinfluence d'Augustin
Grimaldi et de ses puissants amis a la cour.
Les lettres patentes du 20 fevrier 012 ont dans
rhistoire de Monaco une importance exceptionnelle.
Les droits souverains de la seigneurie y sont carac-
terises d'une facon parfaitement nette et definie, qui
ne laisse prise a aucune equivoque.
Le roi, a la requete de Lucien, fondee sur ce que
« la seigneurie de Mourgues nest tenue que de Dieu
et de lepee, » sans que ses seigneurs aient jamais fait
de reconnaissance « d souverain, roi, ne prince, fors
que a Dieu », declare nulle et de nul effet la conven-
— [2D —
tion du 6 mars i5oo. reconnatt le droit de mer et
supprime Fobligation de la juridiction du chancelier;
cependant le droit ne pourra a l'avenir etre augmente
pour les sujets du roi de France sans acquiescement
prealable. D'autre part, Lucien s'obligera a jurer
amine et alliance perpetuelle avec le roi de France.
Ces lettres patentes recurent en i5i5 la confirma-
tion de Francois Ier.
Un subside roval permit d'entretenir a Monaco
une garnison de deux cents mortes-paies.
Mariage de Lucien i 5 i _j. . — Lucien s'absorba
des lors dans ses affaires interieures; et ses relations
avec les plus grandes families de Provence, notam-
ment avec les Villeneuve, determinerent son ma-
nage, celebre le 25 septembre 1 5 14, avec Jeanne de
Ponteves, rille de Tannequin de Ponteves - Cabanes
et de Honorate de Villeneuve-Flayosc.
Mariage de Marie Grimaldi 1 5 1 5 ). — La meme
annee, Lucien mariait la rille de Jean II, Marie
Grimaldi, avec Jerome de la Rovere, seigneur de
Vinovo, et le contrat stipula la renonciation formelle
de Marie aux droits qu'elle pourrait invoquer contre
ses oncles sur la succession de Monaco.
De cette union devait naitre, entre autres enfants,
Anne de la Rovere qui fut la grandniere de saint
Louis de Gonzasue.
120
Mort et testament de Glaudine Grimaldi ;
substitutions pour la succession de Monaco
(i 5 1 5). — Dans les dernieres semaines de 1 5 1 5
survint la mort de Claudine Grimaldi.
On a vu que par suite de l'abandon de ses droits
a son mari, Lambert Grimaldi, deux de ses rils
avaient deja succede de son vivant a leur pere dans
le gouvernement des trois seigneuries.
Par cet abandon elle n'avait pas entendu cepen-
dant prejudicier a son droit de regler par testament
l'ordre de succession parmi les siens et elle voulut
exercer ce droit dans sa plenitude.
Des quatorze enfants qu'elle avait eus de son
mariage, plusieurs etaient morts en basage. D'autres,
outre Jean II, notamment Lambert, decede a Blois
en i5io, et Charles, le valeureux compagnon de
Lucien pendant le siege de Monaco, etaient morts
arrives a l'age d'homme. II lui restait encore trois
fils : Louis, qui vivait relegue en etat de demence,
enfin Lucien et Augustin, eveque de Grasse. L'ainee
de ses filles, Francoise, etait veuve de Luc Doria,
seigneur de Dolceaqua ; la seconde, Blanche, avait
epouse Honorat de Villeneuve-Tourettes ; la troi-
sieme, Sestarina, avait ete unie a Charles de Ceva,
seigneur de Garessio. Les deux dernieres n'etaient
pasmarices : Tuned'elles, Isabelle Grimaldi, epousa
plus tard Antoine de Chateauneuf-Randon, seigneur
de Tournoel.
Deux testaments successifs, de i5io et 1 5 14, refe-
rent sa succession entre ses enfants: par une deroga-
tion formelle au principe d'heredite, Claudine stipula
qu'Augustin succederait viagerement a son frere
Lucien avant les enfants de celui-ci ; en cas d'extinc-
tion de la' descendance male de Lucien, la descen-
dance de ses rilles est appelee : a son defaut, naissent
les droits de Marie Grimaldi et de ses descendants
males, puis femelles, par ordre de primogeniture,
ensuite, et dans le meme ordre. les descendants de
Francoise, dame de Dolceaqua, de Blanche, dame
de Tourettes, de Sestarine, dame de Garessio, et
ccux des autres rilles, si elles en ont.
Toutes ces substitutions sont faites avec la clause
imperative, pour les heritiers issus d'une fern me,
d'ahandonner, suivant les prescriptions du testament
de Jean Ier, leurs noms et armes propres pour prendre
ceux des Grimaldi. Enrin, defense est faite a perpe-
tuite d'aliener la seigneurie de Monaco.
Le testament de Claudine, completant celui de
Jean Ier, est reste, avec celui-ci, la charte fondamen-
tale de la succession aux trois seigneuries et a servi
de base aux dispositions qui se sont repetees dans les
dispositions testamentaires de ses successeurs.
Travaux legislatifs de Lucien (i5o5-i5ii). —
Peu enclin aux aventures, porte au contraire par ses
gouts vers les etudes juridiques, Lucien a marque
— 128 —
les annees qui s'ecoulerent entre 1 5 1 1 et i 52 3 par
des travaux qui l'isolerent des evenements exterieurs.
Deja, des le commencement de son regne, cette
propension s'etait fait jour dans ['institution de
juges a Menton, afin de rendre plus rapide et plus
simple radministration de la justice. Preoccupe de
la situation des et rangers dans ses seigneuries, il
prit en 1 5 1 1 Tinitiative d'une convention qui suppri-
mait entre ses sujeis et les habitants de Sospel, de
Castillon et du Moulinet, le systeme harhare des
represailles en matiere de dettes civiles, systeme en
vertu duquel les individus, compatriotes d'un debi-
teur insolvable, se trouvaient solidairement tenus
sur leurs biens vis-a-vis des creanciers celui-ci.
Statuts de Menton 1 5 1 6). — Ces diverses
dispositions n'etaient qu\m prelude a la promulga-
tion, faite le 27 mai \3 16, des statuts donnes a la
seigneurie de Menton, ceuvre de legislation qui
contient, en matiere penale, de police rurale et sur-
tout en ce qui concerne la simplification des proce-
dures, des innovations inspirees par 1111 veritable
esprit de progres.
Droit de battre monnaie ; ecu au soleil de
Lucien. — ■ Lucien porta cet esprit eclaire dans
toutes les branches de radministration des trois
seigneuries; constamment preoccupe d'affirmer Tau-
— 1 29 —
tonomie de Monaco, il aurait manifeste son droit
souverain en battant monnaie sur le type monetaire
de Louis XII. Un seul exemplaire de cette monnaie
nous est parvenu ; c'est un ecu d'or au soleil, dont
Tauthenticite parait etablie, malgre la qualification
insolite a cette epoque de Prince donne dans
Texersue a Lucien.
Ecu d'or de Lucien Grimaldi
Coniiits pour le droit cle mer avec Nice et la
Provence (i 5 1 7). — Cette periode ne fut troublee
que par un conflit, ne en 1 5 17 des abus que les
Nicois faisaient de l'immunite de leur pavilion pour
passer devant Monaco, en fraude du droit de rner,
des marchandises etrangeres. Lucien ayant opere des
saisies, les Nicois obtinrent du due de Savoie sa
comparution devant le tribunal du gouverneur de
Nice comme vassal de Menton et Roquebrunc. Cette
procedure violait non seulement le droit souverain
de Monaco, mais Fautonomie judiciaire de Menton
et Roquebrune, formellement reservee dans Pinfeo-
9
— I 00 —
dation de 1448. Lucien declina la competence du
gouverneur, et protesta de son droit souverain a
Monaco ; il fut alors menace de saisie feodale sur
les deux seigneuries vassales. L'affaire aboutit a un
arbitrage d'ou son droit sortit une fois encore intact.
Une tentative du meme genre contre le droit de
mer egalement portee la meme annee par les Pro-
vencaux au conseil du Roi, n'eut pas plus de succes.
Difficultes financieres de Lucien (1 5 1 7-1 5 2 '3 .
— Cependant, Lucien etait aux prises avec de serieux
embarras ; malgre des promesses reiterees, le roi de
France n'avait pas regie les enormes depenses du siege
de 1 5o6 ; les pensions et les subsides pour la garnison
etaient suspendus 011 retardes. D'autre part, le paie-
ment de la dot de Marie Grimaldi et les obligations
souscrites envers le comte de Tende pour racheter
les pretentions des Lascaris sur Menton, achevaient
de rendre la situation fortement oberee ; elle devint
encore plus difficile lorsqu'apres la declaration de
guerre entre Francois Ier et Charles-Quint, Genes
tomba en 022 entre les mains des lieutenants de
TEmpereur.
Triple negociation avec Francois Ier, Genes
et Charles-Quint 11 522-1 523). — Expose aux coups
des belligerants, Lucien se trouva accule a la necessite
de parer a une situation aussi dangereuse ; il tenta a
— 1 0 1 —
la fois trois combinaisons ; tandis que par Augustin
il reprenait avec la cour de France les pourparlers
entames en iSoy p. air I'echange ou la vente de
Monaco, il en suivait secretement de semblables avec
Genes et en meme temps, encourage par les Grimaldi
de Genes qui passaient alors au parti de Charles-
Quint, il faisait offrir aux lieutenants de I'Empereur
de se placer sous la protection imperiale.
Un crime odieux, terrible et providentielle expia-
tion du meurtre de Jean Grimaldi. vint couper court
a ces negociations.
Visees d'Andre Doria sur Monaco 1 522-1 523).
— Apres la prise de Genes. Monaco avait ete le refuge
des Genois du parti francais et entre autres du celebre
marin Andre Doria. L importance pour sa marine
de la possession dun port ne dependant de personne,
pas meme de Genes, n'avait pu echapper a ce dernier
et il rencontra, dans la plus etroite parente de Lucien
un de ses proches parents dont les ambitions per-
verses etaient trop bien d'accord avec son interet
pour qu'une entente ne s'etablit pas de suite entre
eux.
Complot de Barthelemy Doria de connivence
avec Andre Doria , 1 5 2 3 ) . — Barthelemy Doria,
seigneur de Dolceaqua, etait le fils aine de Francoise
Grimaldi; il etait traite par ses oncles Lucien et
— 1^2 —
Augustin avec une affection particuliere ; il y repon-
dait par une haine secrete et hypocrite. Quoique le
testament de Claudine ne l'appelat, a defaut des
enfants de Lucien, a la succession de Monaco qu'apres
Marie Grimaldi, il ne reculait pas devant la pensee
de s'assurer cet heritage en supprimant ceux qui Ten
separaient le plus directement.
Quels qu'aient ete les mobiles qui firent agir
Barthelemy, ces mobiles etaient domines par Finteret
superieur d'Andre Doria. Sa faiblesse d'esprit le
mettait a la discretion d'une volonte plus ferme que
la sienne ; aussi, jamais complot organise d'une facon
plus habile, n'echoua plus piteusement par suite des
defaillances de celui qui en avait assume Texecution.
Se defaire de Lucien et de ses enfants, et se rendre
maitre du chateau de Monaco, tel etait le role
qu'avait accepte Barthelemy; mais, la reussite n'etait
possible qu'a la condition d'une diversion exterieure
qui tint en respect la population et procurat imme-
diatement aux conjures un puissant secours. Ce fut
la part reservee aux galeres d'Andre Doria, dont les
equipages debarques devaient etre introduits dans la
forteresse ; Texecution fut done suspendue jusqu'a
leur arrivee dans les parages de Monaco.
Assassinat de Lucien Grimaldi (22 aout i523).
— Lorsque Barthelemy eut ete informe de Tapproche
des galeres, il fit part a Lucien d'un pretendu projet
— 1:0 —
de voyage en France, ou il voulait prendre du service,
en se faisant accompagner d'une vingtaine d'hommes,
ses proteges, exiles de San Remo pour une rixe, et
pour lesquels il demandait Thospitalite au chateau
de Monaco. On eut l'imprudence de les accueillir.
Le 22 aout 1 5 2 3 , Barthelemy arrive a Monaco
avant Theure de la messe. Deja trouble, il refuse d'y
accompagner Lucien, et pendant le repas son air
egare frappe les assistants. II se retire ensuite avec
son oncle dans une piece au fond d'une galerie,
pour se faire remettre des lettres de recommandation
a la cour. II eloigne les officiers et une partie du
personnel du chateau sous pretexte d'aller au port
recevoir les galeres d'Andre Doria, a ce moment
signalees. Lucien se trouve alors isole au milieu des
assassins et il est frappe sans defense de quarante-
deux coups de poignard.
Les conjures sont maitres du premier etage du
chateau ; mais ils ont oublie de s"assurer de Tetage
superieur, en sorte que le signal pour avertir les
galeres ne peut etre fait du haut de la tour d'ou il
est attendu ; execute d'une autre place, il n'est pas vu
ou pas compris.
Echec du complot ; fuite des assassins. — La
diversion indispensable des galeres ne se faisant pas,
la population attirce par les cris des gens refugies a
Tetage superieur du chateau, force la porte de la
- 134 —
grande cour. La vue du cadavre traine* sanglant sur
les marches de Tescalier de la grande galerie. excite
non la stupeur mais une indignation generate. On fait
taire Barthelemy lorsqu'il veut expliquer son crime
en pretendant avoir agi pour les droits de Marie
Grimaldi ; on lui retorque, au milieu de cris de
mort, que Lucien disparu Theritage appartient a
Augustin et aux enfants de la victime. Mais les
assassins ont entre leurs mains la veuve du seigneur
assassine, Jeanne de Ponteves et ses enfants ; c'est le
gage de leur impunite. Les principaux officiers
s'interposent et, movennant la vie sauve, Barthelemy
et ses complices consentent a se retirer. lis sont
reconduits hors des portes, a grand peine defendus
contre une foule exasperee.
A ce moment Augustin Grimaldi venantde Cannes,
debarquait inopinement au port, apres avoir traverse
les galeres de Doria sans avoir cte reconnu ; la chasse
s'organise a travers les senders de la montagne, et
Barthelemy Doria est fait prisonnier pres de la
Turbie. Mais cette prise constitue une violation de
territoire et les autorites de Savoie font relacher
Tassassin.
CHAPITRE XII
AUGUSTIN GRIMALDI LE PROTECTORAT ESPAGNOL
f 1 523- 1 532)
Augustin Grimaldi, eveque de Grasse, sei-
gneur viager de Monaco 1 5 2 3 . — Augustin Gri-
maldi, qui succedait avant ses neveux et a titre viager
dans les seigneuries de sa maison en vertu des dis-
positions de sa mere Claudine, n'avait cesse d'etre
pour son frere, depuis le siege de 1 5o6, le plus devoue
des negociateurs a la cour de France. Mais il s'etait
surtout consacre a son diocese de Grasse et a son
abhave de Lerins, dans lesquels il avait succede a
son oncle Jean-Andre Grimaldi. A Lerins, il avait
entrepris la reforme de la regie de l'abbaye et avait
appele dans ce but 1'illustre religieux, depuis cardi-
nal. Gregorio Cortese. Ses gouts et ses aptitudes le
portaient vers les belles-lettres, et les remarquables
qualites qu'on trouve dans sa correspondance avec
quelques-uns des plus eminents personnages de son
temps montrent qu'il eut conquis dans cette voie une
place tres distinguee.
- i36 —
A Tissue de la derniere session du concile de
Latran, en 1 5 17, qui co'incida avec la prise de Jeru-
salem par les Turcs sur les califes d'Egypte, il
n'avait pas craint d'entreprendre le pelerinage des
Lieux-Saints dans des conditions particulierement
perilleuses, au moment oil se reveillait plus violent
le fanatisme musulman.
Reconnaissance de la souverainete de Mo-
naco par Clement VII. — Les tragiques evenements
de Monaco arracherent pour toujours Augustin
a ses occupations favorites. II trouva, des le debut,
aupres du pape Clement VII, elu sur ces entre-
faites, et qui avait apprecie ses qualites au concile de
Latran, un concours des plus precieux. Une bulle du
19 fevrier 024, par laquelle il obtint les dispenses
canoniques pour le gouvernement des seigneuries,
consacra expressement l'autonomie de Monaco, « son
« seigneur ne reconnaissant aucun superieur au point
« de vue tempore! ».
Les assassins de Lucien laisses impunis en
France ( 1 5 23 ). — Des lors, Augustin n'eut plus
qu'une pensee : celle de venger son frere et de pour-
suivre la punition des assassins ; mais, malgre les
ordres donnes par Francois Ier pour Farrestation de
Barthelemy Doria et de ses complices, ceux-ci, cou-
verts par la protection d'Andre Doria , alors tout
- i37-
puissant a la cour de France, ne furent nullement
inquietes; bien plus, les sujets monegasques furent
impunement maltraites dans les ports de Provence
par les marins d'Andre* Doria.
Occupation par Augustin des seigneuries de
Barthelemy Doria [523 . — Par contre, Augustin
trouva a Genes un grand empressement pour mettre
Monaco a Tahri d'un coup de main de la part des
galeres de Doria, et la marine genoise contribua
meme, par ses equipages, a Toccupation effectuee
de vive force de Dolceaqua et des autres seigneuries
appartenant a Barthelemy Doria, dont les habitants
vinrent. le 3 novembre i523, a Monaco, preter ser-
ment de fidelite entre les mains du seigneur-eveque,
comme vassaux des Grimaldi.
Augustin attire dans Talliance de Charles-
Quint par les Grimaldi de Genes i 524'.— Maitre
en fait des seigneuries du meurtrier, Augustin tendit
des lors avec opiniatrete a faire donner une sanction
reguliere a cette conquete dont il faisait une satis-
faction pour l'attentat dont sa famille avait ete victime.
II fallaitdonc obtenir de TEmpereur la devolution de
ces fiefs a la maison de Monaco, et cette consideration,
habilement exploitee par les Grimaldi de Genes,
Tamena a reprendre avec' les lieutenants de Charles-
Quint les ncgociations entameesquelquesmois aupa-
ravant par Lucien.
— 1 38 —
Hesitations d' Augustin, ses avances repous-
sees en France (1524). — Neanmoins le seigneur-
evfique hesita longtemps avant de prendre le parti
d'une defection complete vis-a-vis de la France.
Apres la defaite de Bonnivet a Gattinara, il offrait
encore a Francois Ier de mettre sa place a son ser-
vice; les conditions inadmissibles par lesquelles on
repondit a ses avances equivalaient a un refus. En
meme temps les violences contre les sujets de
Monaco continuerent en Provence et les galeres
dAndre Doria vinrent canonner Menton ou Augus-
tin faillit etre tue ; enfin, le gentilhomme charge de
porter les plaintes du seigneur-eveque au Roi fut
arrete en Provence et on ne recut a Monaco aucune
reponse ni satisfaction.
Augustin passe a Taliiance de FEmpereur ;
influence du connetable de Bourbon (1524). —
Ces precedes determinerent Augustin a se jeter dans
les bras de I'Empereur. La presence a Genes du
connetable de Bourbon, traitre a sa patrie et passe
au service de TEmpereur, exerca des lors sur sa
volonte une action decisive et Leonard Grimaldi de
Nice, son fonde de pouvoir en Espagne, recut l'ordre
de traiter avec la chancellerie imperiale.
C'etait le moment ou Tarmee commandee par le
connetable de Bourbon prononcait son mouve-
ment sur la Provence ; le port de Monaco servait de
— i3g —
base au ravitaillemt de Farmee imperiale. Alors
seulement on comprit en France la faute dlavoir
dedaigne les propositions d'Augustin ; un emissaire
lui fut envoye avec « carte blanche ». II etait trop
tard et les engagements etaient definitivement pris
avec Charles-Quint.
Traite de Burgos ; protestation d'Augustin
contre la clause de vassalite (juin 1524). —
Cependant Leonard Grimaldi, outrepassant ses
pouvoirs, avait conclu avec la chancellerie un traite
signe" le 7 juin a Burgos, qui ne stipulait pas seule-
ment la protection imperiale accordee a la seigneurie ;
le premier article obligeait le seigneur de Monaco et
ses heritiers a faire horn mage a I'Empereur et trans-
formait ainsi en vassalite l'autonomie jusque-la
formellement reconnue a la seigneurie de Monaco
entre les mains des Grimaldi.
Uu rescrit de TEmpereur enjoignit done a Augus-
tin de rendre l'hommage feodal. Quoiqu'en ce
moment it la merci des armees et des flottes impe-
riales dont il etait entoure, celui-ci n'hesita pas a
protester et a desavouer son mandataire ; sa protes-
tation eut un plein su.cces, grace surtout a Tinter-
vention du connetable de Bourbon et aux services
que le seigneur-eveque continua de rendre pendant
la retraite des imperiaux de Provence a la suite de
1'heroique resistance de Marseille.
— 140 —
Declaration de Tordesillas, reconnaissance
de la souverainete de Monaco par le traite
de protectorat (novembre 1 5 34). — On ne redigea
pas cependant un nouveau traite, mais la ratification
du traite de Burgos, donnee par Charles-Quint le
1 5 novembre 1524, a Tordesillas, visa la protestation
d'Augustin ; elle etablit explicitement que Monaco
etait un etat absolument independant de tout supe-
rieur et declara en consequence non ecrites les
clauses qui prescrivaient Thommage feodal. Une
alliance ou confederation etait seule stipulee entre le
protecteur et le protege, et ce lien laissait a celui-ci
sa plus complete autonomic ; un subside en temps de
guerre lui etait assure pour la defense de sa place
dont il restait entierement maitre, avec une garnison
recrutee et commandee par lui ; enfin, des avantages
lui etaient formellement promis en indemnite des
biens et des benefices qui lui etaient confisques en
France par suite de sa defection. Le protege devait
en outre figurer nominativement dans tous les traites
de paix conclus par TEmpereur.
Une serie de rescrits accorderent, en outre, a Au-
gustin, une pension comme conseiller de TEmpereur
et le privilege de tirer des bles de Sardaigne et de
Sicile pour Falimentation des seigneuries. Enfin, le
connetable de Bourbon etait delegue comme com-
missaire pour proceder a la devolution des fiefs de
Barthelemy Doria a la maison de Monaco.
— 141 —
Augustin ratifia definitivement a son tour, par des
lettres patentes scellees Le 10 avril i525, un acte qui,
pendant cent dix-huit ans, allait entrainer Monaco
dans Torbite de la politique espagnole.
Sceau d'Augustin Grimaldi
Services rendus par Augustin pendant la
campagne de Pavie ( i 525). — Les services qu'Au-
gustin ne cessa de rendre, pendant l'hiver de 1 525,
en assurant les communications par Monaco de
TEspagne avec rarmee imperiale du Milanais, justi-
rierent les concessions de TEmpereur ; ces services
furent tellement apprecies qu'apres la victoire de
Pavie, Charles- Quint s'empressa de remercier,
dans les termes de la plus vive gratitude, le seigneur-
eveque de bons offices qui avaient eu tine action
importante sur le succes inespere de la campagne.
Arrestation de Barthelemy Doria a Monaco
au mepris d'un sauf-conduit ; sacondamnation;
il est relaehe ( i 525). — Neanmoins la regularisa-
— 142 —
tion de l'occupation des fiefs de Doria subissait des
retards qui desesperaient Augustin. De son cote Bar-
thelemv, reduit a la situation la plus critique, trouva
dans l'entourage du seigneur-eveque des interme-
diaires qui chercherent a provoquer un rapproche-
ment entre l'oncle et le neveu. Augustin consentit a
recevoir ce dernier ; mais, au mepris d'un sauf-conduit
qu'il lui avait accorde, il le fit arreter presque aussitot
apres son arrivee, et le proces criminel, interne par le
baile de Monaco, aboutit a une condamnation capi-
tale et a une sentence portant confiscation des biens.
L'intervention energique de Clement VII empecha
Texecution du meurtrier. II paraitrait, du reste,
qu'Augustin n'avait pas Tintention de pousser jus-
qu'au bout sa vengeance sur la personne de Barthe-
lemy. II aurait voulu seulement obtenir une sentence
contradictoire qui, en prononcant la confiscation des
biens, eut rendu, pensait-il, la devolution de ces
biens aux Grimaldi plus facile. Cette sentence obte-
nue, il relacha Tassasin. Mais le connetable de
Bourbon, delegue pour les formalites de cette devo-
lution, mourut avant d'avoir pu remplir le mandat
qu'il avait recu de TEmpereur.
Mort tragique de Barthelemy Doria. — Bar-
thelemy Doria, redevenu libre, trouva quelque temps
apres la mort dans une attaque de nuit contre
le chateau de Penna, dont Augustin avait la garde.
— 143 —
Precipite au pied des escarpements qu'il avait esca-
lades, il perit, providentiellement chatie par Faflfreux
genre de mort qu'il avait cyniquement regrette de
rf avoir pu intiiger a la veuve et aux enfants de Lucien
Grimaldi, lors de son odieux forfait.
Augustin compris dans le traite de Madrid
^i 52b1. — - Le traite de Madrid, arrache a Francois Ier
captif parson vainqueur, fut Toccasion pour Charles-
Quint d'executer une des clauses de la declaration
de Tordesillas. Les interets du petit allie de TEmpe-
reur font Tobjet d1un des articles de ce traite :
Augustin dut etre restitue par le roi de France dans
tous ses biens et ses benefices confisques depuis sa
defection. Mais le traite devait rester lettre morte ;
l'envoye du seigneur de Monaco charge de hater
I'execution de ce qui concernait son maitre, assista a
Tarrivee de Francois Ier a Cognac ; d'abord Tobjet
de quelques attentions de la part d'anciens amis
d'Augustin, son refus de preter Toreille a des propo-
sitions pour le retour de son maitre a Talliance fran-
caise le fit bientot traiter en ennemi, et il dut se
retirer sans avoir rien obtenu, mais non sans avoir
risque de se voir arretc.
Dangers courus par Monaco apres la rup-
ture du traite ; Augustin archeveque d'Oris-
tano (i52b). — Les hostilites ne reprirent pas
— i44 —
ouvertcment entre Charles-Quint et Francois Ier
apres la rupture du traite de Madrid, mais la ligue
italienne, formee contre TEmpereur par le Pape,
Venise, Florence et le due de Milan Francois Sforza,
ne cessa pendant le reste de l'annee i 520, d'insulter
les allies de TEspagne. Andre Doria, amiral de la
ligue, fut recu avec enthousiasme a Vintimille, et
Augustin eut a subir toute espece d'avanies du cote
de Nice.
L'Empereur dut accorder sauvegarde a la place de
Monaco dont il reconnut le droit du port ; il com-
pensa en meme temps les pertes faites en France par
Augustin en lui donnant Tarcheveche d'Oristano,
en Sardaigne, et 'des revenus sur plusieurs dioceses
en Espagne, notamment sur ceux de Burgos et de
Badajoz.
Inexecution des engagements financiers de
TEspagne; mort du connetable de Bourbon
(i 526-1 527). — Neanmoins l'ere des mecomptes etait
venue pour Augustin ; la mauvaise organisation
de Tadministration financiere de Charles-Quint met-
tait obstacle a Textcution des engagements pris a
Tegard de Monaco ; la place restait sans subsides, les
envois des bles etaient arretes par Tincurie ou la
mauvaise volonte des agents de Sicile et du royaume
de Naples, et le seigneur-eveque, menace a la fois du
cotes des etats de Savoie et du cote de la mer, se
— 145 —
debattait dans line situation dangereuse, souffrant
de cette penurie d'argent dont il n'etait pas seul vic-
time et qui, au commencement de 027, precipita
rarmee imperiale sur Rome, la ou le connetable de
Bourbon devait trouver la mort.
Augustin cherche a vendre ou a echanger
Monaco ; perte des seigneuries de Barthelemy
Doria (1527). — Le connetable de Bourbon avait
exerce sur Augustin Grimaldi une influence fascina-
trice ; sa disparition rejeta le seigneur ev&que dans
une politique d'indecisions, resultat des mecomptes
dont il avait si grandement a souffrir. L'etat de guerre
avait depuis plusieurs annees presque entierement
supprime en fait le droit de mer, le seul revenu de
la seigneurie, et l'incertitude de Tissue de la lutte
entre la France et Charles-Quint augmentait encore
les angoisses d'Augustin en lui faisant craindre de se
trouver isole et sans defense. II songa done a revenir
au projet de Lucien de ceder la place contre un
echange de seigneuries. II s'adressa d'abord a la
Savoie, mais lorsque Genes fut tombee entre les
mains des partisans de la France (aout 1527), il recut
de ceux-ci des ouvertures bientot interrompues par
le fait des Doria qui chasserent des anciennes sei-
gneuries de Barthelemy les officiers du seigneur de
Monaco, tandis qu'Andre Doria ravageait cruelle-
ment Menton de concert avec ses parents.
10
— 146 —
Augustin attire vers la France par son en-
tourage de famille ; pourparlers avec Lautrec
(1527). — Les tendances de rapprochement vers la
France etaient habilement exploitees par Tentou-
rage d'Augustin reste ouvertement francais. Sa soeur
ainee, mariee a Honore de Villeneuve, seigneur de
Tourettes, faisait son sejour habituel a Monaco, oil
les Grimaldi d'Antibes avaient toujours acces avec
d'autres families provencales alliees a eux. Mais c'etait
surtout la veuve de Lucien, remariee a un prince de
la maison de Savoie, le comte de Pancalieri, qui
avait avec son mari, tout devoue a la cause de la
France, le plus d'action sur son esprit. Or, dans les
derniers mois de Tannee 1527, le marechal de Lau-
trec avait passe les Alpes avec une armee francaise. Ce
fut par son intermediate que Pancalieri fit parvenir
les conditions auxquelles Monaco eut fait retour au
protectorat de Francois Ier. Mais une fois encore la
puissance francaise allait subir une eclipse en Italie
et Taneantissement de Tarmee de Lautrec, detruite
par la peste devant Naples, mit fin a cette nego-
ciation.
Reprise de negociations pour l'echange de
Monaco avec la Savoie, l'Empereur et Genes
(1 528-1 529). — Les pourparlers pour la vente de
Monaco reprirent avec la Savoie ; mais, en meme
temps, Augustin faisait des ouvertures analogues a
— H7 —
l'Empereur lui-meme, puis bientot apres a la rcpu-
blique de Genes.
La defection d'Andre Doria, qui venait de passer
au service de Charles-Quint, n'avait pas altere les rap-
ports de Monaco avec la chancellerie imperiale qui
usa de bons procedes pour attenuer ce que cet inci-
dent pouvait susciter d'ombrages chez Augustin. Du
reste celui-ci, tout entier a ses projets d'alienation de
la forteresse, n nesita pas a choisir ce moment meme
pour proposer a Genes, alors dominepar son ennemi,
la vente de la place. Les chefs des deux branches
principales des Grimaldi de Genes, l'opulent An-
saldo, alors le principal financier de Charles-Quint, et
Nicolas, qui marchaient en tout d'accord avec Andre
Doria, furent les agents ecoutes de ce rapprochement.
Augustin recherchait l'echange de Monaco contre
la souverainete de la ville de Vintimille, a laquelle on
aurait joint les anciens fiefs de Barthelemy Doria
rachetes a cet effet par la Republique. Le seigneur-
eveque eut ainsi constitue avec Menton et Roque-
brune un domaine d'une etendue relativement consi-
derable et homogene, qu'il pensait encore augmenter
en faisant, a la fin de Tannee 1229, I'acquisition de
la seigneurie de Sainte-Agnes, au-dessus de Menton.
Ces projets n'arriverent pas a realisation; en ce qui
concerne en particulier Sainte-Agnes, les habitants
refuserent, les armes a la main, de changer de sei-
gneur, et le due de Savoie dut resilier le marche.
— 148 —
Conventions relatives aux galeres et aux
subsides (1 528-1 529). — Cependant lesembarrasqui
mettaient Augustin aux prises avec tant de difficulties
et Pamenaient a des tentatives en sens si divers,
s'etaient attenues a la fin de 1 528 ; les subsides de
Tannee courante furent payes ainsi que les pensions ;
et les galeres monegasques furent admises dans la
flotte imperiale ou elles durent etre entretenues aux
frais de TEmpereur. En meme temps lesnegociations
avec la France qui aboutirent au traite de Cambrai
donnaient Tespoir de voir bientot restitues les bene-
fices et les biens confisques en Provence.
Au mois de juillet 1529 une nouvelle convention
signee a Monaco, regla la question des arrieres de
subsides et de pensions remontant a 024. En paie-
ment de ces arrieres et aussi en remplacement de ces
subsides supprimes a Tavenir, il fut attribue a
Augustin et a ses successeurs 1111 grand domaine
titre dont il serait investi dans le royaume de Naples.
Visite de Charles-Quint a Monaco (1529).—
Une derniere satisfaction, celle-la toute d'amour-
propre, etait reservee a Augustin. La convention de
juillet 1 529 ne precedait que de quelques jours la
visite de l'Empereur en personne a Monaco.
Convoye par la flotte commandee par Andre Doria,
Charles-Quint, quittant TEspagne pour venir se
faire couronner a Bologne, debarqua a Monaco le
— 149 —
5 aout i 5-2o, le jour meme de la signature du traite
de Cambrai, et y sejourna jusqu'au 9 du meme mois.
Lorsqu'il se rembarqua pour Genes il y fut accom-
pagne par Augustin Grimaldi et par le neveu et
heritier de celui-ci, le jeune Honore. fils de Lucien,
alors age de sept ans.
Contraste entre la bonne volonte de l'Empe-
reur et les actes de ses agents 1 529-1 532 . —
Les bonnes dispositions de Charles-Quint rfetaient
pas douteuses, mais elles etaient continuellement
contrecarrees par l'incurie ou la mauvaise volonte
de ses agents ; aussi, apres quelques mois d'exacti-
tude dans rexe^ution des engagements contracted,
les memes difficultes se representaient, des la tin
de 029, et Tinvestiture stipulee d'un grand fief dans
le rovaume de Naples subissait delais sur delais.
Augustin propose comme cardinal par Char-
les-Quint 1 53 1 . — Un incident marque mieux que
tout le reste cette contradiction entre la bienveillance
imperiale et Texecution des volontes les plus for-
melles de TEmpereur. An commencement de Tan-
nee 1 53 1 Charles-Quint postulait pour Augustin le
chapeau de cardinal ; il avait donne dans ce but des
ordres formels a ses ambassadeurs a Rome. La
negociation rencontra de nombreux obstacles, preci-
sement par suite de Topposition des membres du
— i5o —
Sacre-College de son propre parti, tandis que la
candidature du seigneur-eveque etait appuyee par les
cardinaux du parti francais et ouvertement sympa-
thique au pape Clement VII lui-meme. Cette oppo-
sition se prolongea assez pour que la mort frappat
Augustin avant qu1il cut revetu la pourpre.
Negociations secretes <T Augustin pour son
retour a la France ; samort mysterieuse (i532).
— Par suite des stipulations du traite de Cambrai,
le seigneur-eveque put librement poursuivre la res-
titution de ses biens et de ses benefices en France. Ce
fut pour lui une occasion nouvelle de se rapprocher
des amis qu'il avait conserves en Provence, et cette
circonstance devait l'amener fatalement a revenir a
l'alliance francaise. Son entourage y travaillait,
surtout sa sceur, Blanche, dame de Tourettes ; on
s'entendit avec le comte de Tende, gouverneur de
Provence, sur la base d\in manage entre une de ses
filles et le jeune Honore Grimaldi.
Au commencement de Tannee 1 532, Taccord
paraissait definitivement conclu, lorsque Augustin
Grimaldi mourut subitement et, selon toute proba-
bility, empoisonne.
C'est ainsi que les trois fils de Claudine, qui
avaient successivement gouverne son heritage, de-
vaient terminer prematurement leur vie par une
mort violente.
1 D I
CHAPITRE XIII
HON'ORK I e r GRIMALDI
( i 532-1 58i )
Les Grimaldi de Genes mettent en echee la
dame de Tourettes, tutrice d'Honore Ier i 5 32).
— La tutrice legitime du jeune Honore Ier, sa tante,
Blanche Grimaldi, veuve cTHonore de Villeneuve,
seigneur de Tourettes, se trouva, immediatement
apres la mort d'Augustin, a la merci des agents des
Grimaldi de Genes et d'Andre Doria, tandis que tous
les serviteurs provencaux etaient a l'instant meme
expulses. Ces mesures montrent par quels ressorts
avait ete amene l'evenement inopine qui entravait le
retour de Monaco a ralliance francaise.
D'accord avec les delegues des trois seigneuries,
tout devoues a Genes et a TEspagne, on simula
d'abord Texistence d'un testament de Lucien, qui
aurait autrefois contie la tutelle eventuelle de ses
enfants a Ansaldo Grimaldi, puis on s'appuya sur
une declaration d'Augustin qui aurait appele Nicolas
Grimaldi au partage de la tutelle avec la dame de
— ID2 —
Tourettes. Celle-ci, du rcste, se montra au debut
coirecte vis-a-vis de l'Empereur; non seulement
elle reclama de la chancellerie imperiale Pexecution
des engagements pris envers Augustin, mais elle
chercha a obtenir pour les siens, et pour son fils en
particulier, les faveurs imperiales. De son cote,
Charles-Quint s'etait, au premier avis, empresse de
confirmer toutes les concessions et tous les avantages
qu'il avait souscrits ; il fit plus, il conceda de nouveau
des subsides pour Tentretien de la place, quoique
leur suppression eut ete, en i 529, la cause principale
de la donation d'un grand fief dans le royaume de
Naples. Un commissaire imperial vint, en outre, a
Monaco apporter les secours financiers les plus
presses et surveiller de pres les evenements.
Expulsion de la dame de Tourettes (juin 1 532).
— Les managements envers la dame de Tourettes
ne durerent pas longtemps. Nicolas Grimaldi avait
fait agreer son frere Etienne pour le representer, ou
plutot le remplacer, dans le conseil de tutelle. Des
bruits de conspiration francaise s'acceditaient; on
profita du premier confiit souleve avec les delegues
des trois seigneuries pour eloigner Blanche Grimaldi.
Une galere monegasque la transporta dans son
domaine de la Napoule, tandis que les derniers
confidents d'Augustin, maintenus jusque-la dans la
place, etaient contraints de se retirer.
— i 53 —
Etienne Grimaldi seul tuteur. — Le terrain ctait
entierement deblaye au profit des Grimaldi de Genes
et d'Etienne Grimaldi. Ce personnage qui allait pen-
dant pres de trente ans devenir Farbitre des destinees
de Monaco, ctait un esprit absolu, autoritaire et
resolu, capable de toutes les audaces et qui n'cnten-
dait partager le pouvoir avec personne.
La prise du pouvoir par Etienne fut accueillie
avec satisfaction par Tambassadeur d'Espagne a
Genes et par Andre Doria; bientot apres s'effectuait
enfin la donation du domaine concede par le traite
de 1 529 dans le rovaume de Naples. Le 23 juil-
leti532 Honore Ier recevait la seigneurie de Cam-
pagna erigee en marquisat, et celles de Terlizzo,
Canosa, Garagnone et Ripacandida. En meme
temps Etienne obtint une pension et la promesse
d'importants benefices ecclesiastiques.
Valenzuela institue resident imperial (decem-
bre 1 532). — La protection imperiale etait du reste,
en ce moment, tout a fait nccessaire pour aider a
dejouer les entreprises qui s'organisaient au grand
jour dans le comte de Nice contre Monaco au profit
des Francais ; mais, d'autre part, Etienne montrait
deja une energie, une initiative personnelle et une
jalousie du pouvoir qui demontrerent a la chancel-
lerie espagnole Tutilite de placer pres de lui dans la
seigneurie un controleur en etat de le contenir ; il
— 1 54 —
avait, en effet, acquis des le debut une grande force
en flattant les instincts tres particularistes des habi-
tants.
A la tin de decembre i 5 3 2, un resident imperial,
Francisco de Valenzuela, fut accredite a Monaco. II
fut bien vite evident que la bonne harmonie entre
deux hommes egalement d'humeur tres entiere ne
pourrait durer longtemps, mais un conliit survenu
avec la Savoie assoupit pendant quelque temps les
querelles intestines.
Pretentions du due de Savoie repoussees avec
Tappui imperial ( 1 533). — En juillet i533, le due
de Savoie, alors a Nice, envoya un gentilhomme a
Monaco, porteur destructions qui exigeaient la
visite d'Honore Ier et de son tuteur, et la prestation
du serment de ridelite et de Thommage feodal pour
Menton et Roquebrune. Le tuteur refusa la visite et,
appuve par la chancellerie imperiale et le resident, il
declina, par une raison tiree de la minorite d'Ho-
nore, la prestation de 1 nommage.
Conflits entre Etienne et Valenzuela; retraite
de ce dernier (1 533-1 534). — Cette difficulte apla-
nie, Etienne ne se fit plus faute de temoigner son
mecontentement au sujet du controle qu'on lui avait
impose; les retards devenus chroniques dans Texe-
cution des obligations linancieres et surtout celui
apporte a la concession des benefices qui lui avaient
etc personnellement promis, avaient ouvert la voie
aux premiers tiraillements. Les manoeuvres de Valen-
zuela pour s'emparer par des familiers interieurs de
l'esprit du jeune Honore, provoquerent tin eclat.
D'accord avec les delegues des seigneuries, Etienne
expulsa le precepteur et les serviteurs devoues au
resident. Celui-ci se lia alors avec quelques mecon-
tents, parmi lesquels figuraient le capitaine des gale-
res, Canobio, et le castellan de Roquebrune, Benzo.
II travailla desormais a renverser Etienne et chercha
a obtenir pour cette entreprise l'intervention de la
chancellerie imperiale. Etienne repondit a ces menees
en se faisant confirmer et proroger ses pouvoirs par
les delegues jusqti'a ce qu'Honore eut atteint l'age
de vingt-cinq ans et, a la suite d'un nouveau conflit,
il mit Valenzuela dans l'obligation de quitter Monaco
et de se retirer a Genes (mai i53q).
Ce coup d'audace fut execute avec une resolution
telle que FEmpereur ne crut pas devoir, en prenant
fait et cause pour son resident, s'exposer a pousser
Etienne a quelque extremite, et le tuteur du petit
protege de Charles-Quint eut la gloire singuliere de
tenir en echec la diplomatic du plus grand monarque
du siecle.
Conspiration d'Honore Bordini et de Canobio
(i 533-i534'. — Les evenements favorisaient du reste
— 1 56 —
Etienne ; aussitot apres le depart de Valenzuela, il
avait fait arreter ceux qui s'etaient montres ses plus
ardents partisans; mais, alors que le tuteur comptait
sevir contre des ennemis personnels, il trouva dans
les papiers saisis chez Canohio et Benzo la preuve de
l'existence d'une conspiration en sens tout oppose a
leur conduite apparente. Les pretendus complices du
resident imperial etaient les agents d'un complot qui
devait livrer la place aux Francais, a la faveur des
dissensions intestines de la seigneurie.
Depuis la mort d'Augustin, en effet, des negocia-
tions secretes n'avaient pas cesse d'etre entretenues
avec le comte de Tende sur les bases acceptees par
Augustin ; Tagent actif de ces manoeuvres, Tancien
baile de Monaco, Honore Bordini, avait obtenu,
dans le courant de 1 5 3 3 , des pouvoirs de Francois Ier
pour traiter defmitivement des conditions du retour
de Monaco a TalHance francaise. Diverses circons-
tances avaient retarde Texecution du coup de main
qui devait livrer la forteresse aux Francais dans les
premieres semaines de i 5 34.
L'arrestation du capitaine des galeres et du castellan
de Roquebrune revela tous les details de Tarfaire.
Supplice de Canobio et de ses complices
(1534). — Canobio fut etrangle dans sa prison sans
forme de proces, avec son gendre, un Provencal;
Benzo subit le meme sort apres un interrogatoire
oil Ton se complut a insister sur ses revelations
de nature a compromettre la perspicacite de Valen-
zuela, si singulierement prise en defaut.
Les corps destroissupplicies furent suspendus a un
gibet dresse a la pointe de la presqu'ile, et ce spectacle
sinistre montra pendant de longues semaines com-
ment Etienne etait resolu a ne plus tolerer ce qui
viendrait mettre obstacle a son pouvoir.
Attitude independante d'Etienne vis-a-vis de
l'Espagne 1 334- 1 5'3S. — Des lors, Etienne se
montre de plus en plus reserve vis-a-vis de la chan-
cellerie imperiale, et ses revendications prennent un
ton tous les jours plus hautain et plus independant.
La campagne malheureuse de Charles-Quint en
Provence, en 1 5 36, est pour le tuteur d'Honore Ier
Toccasion d'accentuer encore cette attitude; il laisse
defiler sous ses yeux l'armee imperiale d'invasion
sans ouvrir ses portes, refuse de sortir pour aller
saluer TEmpereur et se contente d'envoyer un de ses
familiers faire cet office a Saint-Laurent-du-Var.
Etienne refuse de reeevoir Charles-Quint a
Monaco — Sejour de Paul III ; visite du due de
Savoie (1 538). — Lorsqu'en 1 538 la ville de Nice
devint le centre des conferences provoquees par le
pape Paul III pour etablir la paix entre Charles-
Quint et Francois Ier, Etienne refusa le dangereux
— i58 —
honneur de recevoir l'Empereur dans la place de
Monaco pendant les negociations. Par contre, il y
accueillit pendant quelques jours le Souverain-Pon-
tife, auquel le due de Savoie vint faire visite
(mai i 538).
Domination d'Etienne ; sa politique partieu-
lariste. — (Test ainsi qu'Etienne donnait une
existence propre a Monaco en Tisolant de plus en
plus de l'exterieur, rendant le protectorat de l'Espa-
gne purement nominal et consolidant la liberte et
Tautonomie de la seigneurie.
La majorite d'Honore Ier ne changea rien a la
situation; le jeune seigneur s'etait habitue a vivre
sous la domination de son tuteur et se preta docile-
ment a un partage d'autorite, auquel une convention
d'une forme tout a fait insolite et singuliere donna
bientot un caractere definitif.
Etienne se fait attribuer par Honore Icr la
qualite de pere adoptif avec le pouvoir a vie
(1540). — Honore avait a peine atteint Tage de
dix-huit ans, quand, par un acte solennel du 6 decem-
bre 040, il reconnut son ancien tuteur comme pere
adoptif, en lui attribuant en cette qualite le gouverne-
ment en commun et a vie. Les delegues des seigneu-
ries intervinrent dans Tacte et jurerent obeissance
au seigneur Honore et a son pere elu.
— i 5q —
Cette communaute de pouvoirs devait durer pen-
dant toute la vie d'Etienne Grimaldi sans que, dans
aucune circonstance, l'ancien pupille ait laisse percer
quelque regret de cette absorption de Tautorite a ses
depens par celui dont le souvenir est reste populaire
sous le nom de Gubernant.
Un signe materiel de cette deference d'Honore a
Tegard de son ancien tuteur, se perpetua memeapres
la mort de celui-ci. Le sceau portant a la fois sur son
3»
Sceau commun a Honore Pr et a Etienne Grimaldi.
exergue le nom du seigneur et celui du gouverneur
a vie, continua, vingt annees apres la mort d'Etienne
et jusqu'a la mort d'Honore Ier, de servir pour les
actes de la chancellerie monegasque.
Negligence systematique de TEspagne dans
l'execution de ses obligations ; danger de Mo-
naco pendant le siege de Nice ( 1 543). — Depuis
qu'Etienne avait pris Tattitude independante qui
— ibo —
caracterisa sa conduile depuis ['expulsion de Valen-
zuela, la chancellerie imperiale avait reduit au plus
strict Texecution dc ses engagements, toujours si mal
tenus surtout en ce qui regardait l'entretien des
galeres qui avaient cependant coopere a l'expedition
de Tunis en r 535, et a celle d'Alger en i 5qi.
Cette attitude eut pu avoir les plus funestes conse-
quences lorsque le siege de Nice fut enfrepris,
en i5q3, par Taction combinee de Francois Ier etdes
Turcs de Barberousse ; Etienne pourvut alors a la
defense avec la plus grande activite ; il devint meme,
dans ces conjonctures, le correspondant le plus utile
du gouverneur espagnol du Milanais.
Tentatives de Gaspar Grimaldi d'Antibes
pour negocier un retour a la France ( i 5 4 3 ) . —
On pouvait s'attendre a ce qu'aussitot que les troupes
franchises seraient etablies dans le comte de Nice, des
tentatives seraient faites pour s'emparer de Monaco
par surprise ou par une negociation ; quant a une
surprise, Etienne etait sur ses gardes. Les tentatives
amiables yinrent de Gaspar Grimaldi, seigneur
d'Antibes. Au debut de la campagne, Gaspar avait
obtenu de Barberousse que la place serait respectee ;
mais, cette intervention n'etait que le prelude de
pourparlers relatifs a un retour a la France que le
cousin d'Honore chercha a engager. lis n'eurent
aucun succes et Monaco se tira sans encombre de
— 101 —
cette terrible crise, mais non sans d'enormes depenses
auxquelles le protecteur ne vint pas contribuer.
Monaco compris dans le traite de Crepy
i 544). — Lapaixsigneea Crepy le iSseptembre 1 544,
entre Charles-Quint et Francois Ier, oil le seigneur
de Monaco fut nomme parmi les allies de TEmpe-
reur, permit a Etienne de se consacrer exclusivement
a l'administration interieure de la seigneurie.
Mariage d'Honore Ier avec Isabelle Grimaldi
1545). — L'annee suivante Fancien tuteur liait
plus etroitement encore Honore a sa personne en lui
faisant epouser sa niece, Isabelle Grimaldi, rille de
son frere Jean-Baptiste. Le mariage par procuration
fut celebre a Genes, en mai 1345, et l'ambassadeur
d'Espagne y representa le fiance.
Ouvertures de Henri II repoussees (1349 . —
Des lors et jusqu'a la mort d'Etienne Grimaldi,
aucun incident exterieur n'est a signaler. Fideles a
TEspagne, le seigneur et le gouverneur repousserent
en 1 549 une nouvelle tentative faite pour un retour de
Monaco a l'alliance francaise. Un agent monegasque,
accredite a la cour de Henri II pour sollicker dans
un proces relatif a la succession de la mere d'Honore,
Jeanne de Ponteves, morte a Aries en 1347, s'etait
laisse circonvenir; il fut nettement desavoue.
1 1
— 102
Travaux d'Etienne dans Monaco ; fortifica-
tions. — Etienne employa ces annees de paix a des
travaux de fortifications, de constructions et d'em-
bellissement, qui transformerent la vieille forteresse.
Le plus apparent fut la refection et Tagrandissement
des fortifications.
Depuis le siege de i5o6 on n'avait cesse de
renforcer les parties dont la faihlesse avait alors
failli amener la chute de la place. Lucien et Augustin
s'en etaient occupes. Le front qui domine la Con-
damine avait ete double ; en avant de la face du
Chateau Vieux de ce cote, on avait eleve tine nou-
velle ligne de remparts commandant la montee du
port. Des portes avancees avaient ete construites et
un systeme de souterrains aboutissant a des contre-
mines couvrait toutes les parties restees libres.
Charles-Quint avait visite en detail ces travaux
en i 529.
Sur la partie la plus accessible de la presqu'ile,
sur la declivite qui regne du cote du col domine par
la Tete-de-Chien, Etienne completa la defense en
elevant deux grands bastions reunis par de hautes
courtines, qui rendirent inaccessible ce front dit de
Serravalle. Le perimetre tout entier du plateau fut,
en outre, muni d'ouvrages rempares garnis de para-
pets avec des places menagees pour des batteries de
canons, dont un grand nombre furent fondus a
Monaco raeme.
— i63 —
Le Chateau Vieux transforme en palais. —
L'embellissement du Chateau Vieux, qui devint alors
le Palais, fut la consequence des travaux de fortifica-
tion exterieure.
On construisit au centre de la vieille forteresse
genoise une grande citerne en etat de pourvoir a
l'alimentation de la place en temps de siege. Cette
Grande citerne du Palais de Monaco terminer en i55*
citerne, qui regne sous une grande partie de la cour
d'honneur, est formee de voutes supportees par
neuf piliers ; elle peut contenir 1 700 metres cubes
d'eau de pluie. Elle fut terminee en 1 5 52.
Depuis le treizieme siecle, Tenceinte comprise entre
les tours et les remparts c|ue Fulco di Castello avait
eleves, s'etait successivement garnie a l'interieur de
batiments adosses aux constructions primitives ; le
logement des seigneurs ou des commandants de
. — 164 —
Monaco avait frequemment ete fixe, jusqu'au regne
de Lambert, dans un batiment exterieur au Chateau
Vieux, place contre le rempart dominant le port de
l'autre cote de la place et qiTon nommait le Petit
Palais; mais, la grande aile du sud-ouest, 011 sont
actuellement les grands appartements et notamment
la grande salle ou salle Grimaldi, existait deja a la fin
du xive siecle et fut habitee, selon toute apparence,
par le pape Benoit XIII en iqo5.
Le flanc dominant la Condamine n'etait occupe a
Tinterieur que par des salles voutees soutenant, en
arriere du rempart, unc longue terrasse.
Du cote de Serravalle la cour interieure etait
fermee par la grosse tour et son rempart; sur le
reste du pourtour, les batiments s'elevaient sans ordre.
Etienne, qui apportait de Genes des habitudes
fastueuses et des tendances artistiques, resolut de
donner un caractere monumental a cet ensemble
incoherent de constructions. Dans ce but il eleva, en
avant du mur des grands appartements, un poriique
formant deux-galeries superposees de douze arcades
ornees a Tetage superieur de balustrades en marbre
blanc. Un escalier semi-circulaire accedait a cet etage.
La necessite d'augmenter le nombre des logements
donna l'idee d'utiliser de l'autre cote de la cour la
grande terrasse, sur laquelle on eleva une aile en
construisant une facade nouvelle sur arcades, en avant
des grandes salles voutees. Quelques annees apres la
— 1 65 —
mort d'Etienne, cntre i 5 7 5 et i58o, le grand peintre
genois, Luca Cambiaso, devait venir peindre une
fresque qui couvrit toute la surface de cctte facade.
Perspective de la ville et du Palais de Monaco
d'apres un plan du xvie siecle.
La cour du Palais se trouva des lors dans Tetat
actuel, sauf au nord-ouest, oil la tour de Serravalle
et son rempart resterent visibles.
— ibb —
A Fexterieur, du cote de la place, quelques bati-
ments avaient deja deborde au-dela de l'ancien
rempart par des constructions elevees sous Lambert
et Jean II, mais les trois tours etaient toujours appa-
rentes et le resterent jusqiTa Tepoque d'Honore II,
ainsi qu'en temoigne un plan figure de la fin du
xvie siecle, dont nous reproduisons plus haut la
reduction, et qui montre la disposition des fortifi-
cations de la ville de Monaco, celle des tours du
Chateau Vieux, l'aspect de la cour avec ses ailes
ornees d'arcades, ainsi que la tour de Serravalle et
la grande place d'armes qui avait ete formee en avant
de son rempart jusqu'aux nouveaux bastions,
i
Restauration de 1'eglise Saint-Nicolas. —
L'eglise Saint-Nicolas participa elle aussi aux travaux
d'embellissement entreprispar Etienneet Honore Ier.
La chapelle Saint-Scbastien, elevc'e par Lambert
Grimaldi en souvenir de Tattaque du comte de
Tende repoussee le 20 Janvier 1460, etait devenue la
sepulture des seigneurs. On construisit successive-
ment sur les bas-cotes d'autres chapelles, dont Tune
fut dediee par un Monegasque, Jean Vignali, qui
avait fait avant 1 5q8 le voyage du Nouveau-Monde,
ainsi que le constatait Tinscription qu'il y avait fait
placer.
Les travaux de refection generale de Teglise furent
poursuivis apres la mort d'Etienne par Honore Ier
- i67 -
ct surtout par sa femme Isabelle Grimaldi ; ils ne
furent termines que sous Honore II.
Conflit relatif aux galeres saisies a Genes et
perdues a Zerni ( i 5 58- 1 56 1 ). — Tandis que par
son administration interieure Etienne renouvelait la
face de la seigneurie, les embarras crees par Tadmi-
nistration espagnole n'avaient fait que croitre ; les
subsides arrieres etaient arrives a un chiifre enorme,
les traites de ble se trouvaient entravees dans le
rovaume de Naples, tandis queTentretien des galeres
etait entitlement neglige. II arriva un instant oil
Jean-Baptiste Grimaldi, beau-pere d'Honore, et son
nls Georges, capitaine de ses galeres, se trouverent
creanciers pour leurs avances de ce chef, d'une
somme de 65,ooo ecus d'or; a bout de patience,
eni558, ils saisirent les galeres, alprs dans le port
de Genes, en chasserent les equipages monegasques
et figurerent danslaflotte espagnole pour leurpropre
compte avec ces navires, malgre les protestations
d'Etienne et d'Honore, qui firent executer Georges
Grimaldi en effigie a Monaco. Un nouvel incident
vint, en i56i, compliquer le conflit; les galeres peri-
rent dans la malheureuse campagne de Tile de
Zerbi, qui fut cette annee reprise par les Turcs.
Monaco figure au traite de Cateau-Cambresis
(i559'. — Dans Tintervalle, Honore Ier avait figure
— 168 —
une seconde fois en nora dans le traite de paix signe
entre l'Espagne et la France, a Cateau-Cambresis,
en i 559.
Mort d'Etienne Grimaldi (i56i). — Au mois de
juin de l'annee i56i, le Gubernant Etienne Grimaldi
mourut, apres avoir administre les seigneuriesde son
ancien pupille jusqu'a son dernier jour, et vecu dans
les liens du plus etroit attachement avec celui dont il
avait entierement absorbe l'autorite.
Decadence de la marine militaire de Monaco
— Les Mentonnais a Lepante (1 56 1-1 573). — Le
desastre de Zerbi marque la decadence de la marine
militaire de Monaco ; quelque temps apres la mort
d'Etienne, Honore, reconcilie avec ses parents de
Genes, retablit sa marine. Les trois galeres mone-
gasques figurerent en 1 565 au secours reuni pendant
le siege de Malte; mais en 1569, decourage par les
retards toujours apportes aux paiements des subsides
par l'Espagne, le seigneur de Monaco vendit ses
galeres a des Genois, en sorte que celles qui figuraient
a la bataille de Lepante sous le pavilion de Grimaldi
et qui etaient commandees par deux capitaines origi-
naires de Mentori, appartenaient aux Grimaldi de
Genes; huit Mentonnais succomberent dans cette
journee celebre.
— 169 —
Relations d'Honore avec la Savoie ; franchi-
ses reciproques concedees (i56i-i58i). — La tin
du regne d'Honore Ier fut marquee par les rapports
pleins de courtoisie qui s'etablirent avec l'adminis-
tration du comte de Nice et avec le due de Savoie,
Emmanuel- Philibert. Des franchises reciproques
furent edicte'es qui etablirent pour quelques annees
les meilleurs rapports entre la seigneurie et son plus
proche voisin.
Mort d'Honore Icr (i58i). — Pendant Tannee i 58 1
la same d'Honore declina rapidement ; il mourut le
7 octobre, laissant neuf enfants survivants, quatre
tils et cinq filles, sur les quatorze qui etaient nes de
son mariage avec Isabelle Grimaldi.
— I/O —
CHAPITRE XIV
LES FILS d'hONORE Ier CHARLES II ET HERCULE Ier
( I 58l-lb04)
Charles II Grimaldi ( 1 58 1 ). — Le successeur
d'Honore Ier, son fils aine Charles II Grimaldi, etait
un jeune homme de vingt-sept ans, d'un tempera-
ment fougueux, entier et absolu, qui contrastait avec
les qualites de prudence et de circonspection de son
pere.
Gonflit avec Genes pour le droit demer (i58i).
— Des le debut de son regne, Charles II se crea les
plus grandes difficultes avec la republique de Genes
par suite d'un incident maritime. II ne se contentait
pas de faire rigoureusement appliquer le droit de
mer en saisissant les navires qui se refusaient a ce
peage dans les eaux de Monaco, il les faisait pour-
suivre hors des eaux monegasques. II prit ainsi, tout
pres de Vintimille, un navire genois revenant d'Es-
pagne. La commune de Genes s'emut et Charles II
ayant refuse toute reparation, fut decrete de bannis-
sement. L'intervention de Tambassadeur d'Espagne
empecha seule Taffaire de s'envenimer davantage.
Conflit avec la Savoie pour la vassalite de
Menton et de Roquebrune (i 583- 1 589). — Les
rapports avec la Savoie devinrenta cette epoque tout
differents de ceux qui avaient regne entre Honore Ier
et Emmanuel-Philibert. Le tils et successeur de ce
■
Charles II Grimaldi
(D'apres un portrait du Palais de Monaco)
dernier, Charles -Emmanuel, entendit obtenir de
Charles Grimaldi rhommage feodal pour Menton
— 17- —
et Roquebrune, qu'Honore Ier n'avait pas prete et
qui, en fait, n'avait plus ete obtenu depuis Lucien,
en i5ob. Charles resista a ce qu'il soutenait etre une
pretention injustifiable du due de Savoie ; mais, au
lieu d'opposer des arguments serieusement invo-
cables, tels que la suppression, depuis plus d'un
siecle, de la pension sur !a gabelle de Nice, qui avait
ete une des conditions de Tinfeodation consentie
en 1448 par Jean Ier, il fournit des defenses insoute-
nables, niant le fait raeme de Tinfeodation, qu'il
arguait de faux.
Bientot, le conflit prit un caractere tout a fait
aigu. Au mois de Janvier 1 5 83 un envoye ducal appor-
tait a Monaco une sommation adressee au seigneur
de Menton et de Roquebrune, pour avoir a preter
Thommage et a recevoir Tinvestiture de son suzerain.
On arreta l'emissaire et les lettres dont il etait porteur
furent bruk'es publiquement en sa presence, sans
avoir ete ouvertes; onle renvoya ensuite en menacant
d'un pire traitement, lui 011 ses pareils, qui se
chargeraient a Tavenir de semblables messages.
Charles II declare dechu de ses fiefs; inter-
vention de l'Espagne (1 583). — Les consequences
de ce coup d'eclat ne se firent pas attendre. Le
26 avril 1 583, la Chambre ducale prononcait la
dechea"nce de Charles II pour ses fiefs et leur devo-
lution au due de Savoie.
Cette procedure n'eut pas de suites; son execution
se heurta, heureusement pour Charles II, a la pro-
tection dont I'Espagne couvrait son petit allie et
l'affaire prit, grace a cette intervention, une allure
diplomatique.
Les bons offices de la chancellerie espagnole com-
pensaient, dans cette circonstance, Tabandon dans
lequel elle laissait les affaires de Monaco aussi bien
dans le royaume de Naples que dans la seigneurie
€tle-meme ; et cependant, malgre ces negligences, la
place etait bien gardee, ce que prouva sur ces entre-
faites un audacieux coup de main.
Attaque de Monaco par le capitaine Cartier
( 1 585). — Le 9 mars i 585, trois tartanes, portant,
dissimules sous des tentes, cent cinquante soldats
francais et corses, abordaient au port de Monaco.
Munis d'echelles et de petards, les assaillants se
jeterent sur la porte fortiriee, a mi-chemin de Ten-
tree de la forteresse. Quelques coups d'arquebuse
et une grele de pierres lancees du haut des murailles,
surlirent pour disperser cette poignee d'hommes qui
avait du, pour oser tenter une attaque aussi temeraire,
compter sur des intelligences dans la place.
Le capitaine provencal Cartier, qui commandait
cette expedition, parvint it s'echapper apres avoir ete
blesse. L'affaire n'avait pas dure plus d'une demi-
heure et demontra avec quel soin la place se gardait,
— i/4 —
consideration que Charles Grimaldi sut fairc valoir
a Madrid.
Mediation de l'Espagne dans le conflit avec
la Savoie — Mort de Charles II (i 588-i58o^. —
Dans les annees qui suivirent, les difficultes nees du
conflit relatif auxdeux seigneuries se compliquerent.
Le due de Savoie, devenu le gendre du roi d'Espa-
gne, en 1 588, avait accepte la mediation de Phi-
lippe II. Charles Grimaldi chercha des lors a eluder
Tacceptation d'un arbitrage dont il pouvait suspecter
Tissue, et il etait parvenu pendant plus d'une annee
a eviter de prendre une decision, lorsqu'il mourut
subitement, le 17 mai 1289, a Tage de trente-quatre
ans, sans avoir ete marie.
Hercule Ier Grimaldi ( 1 589). — Hercule Grimaldi,
que la mort de son frere Charles II appelait a la
succession dans la seigneurie, etait le troisieme des
quatre his qui avaient survecu a Honore Ier. Destine
d'abord a Teglise, il avait pris ses grades de docteur
a Tuniversite de Pavie, mais il avait abandonne la
carriere ecclesiastique a la mort de son frere Fran-
cois, decede en 1 586 a Madrid, ou il etait accredite
aupres de Philippe II par son frere aine Charles II.
Hercule etait, a la mort de Charles, gouverneur
du marquisat de Campagna. II ne put arriver a
Monaco que le 7 juin et, dans Tintervalle, les
syndics, que des menaces degression de la part des
Provencaux inquietaient, avaient demande et obtenu
la protection de Genes. Cette circonstance etablit de
bonnes et durables relations entre Hercule et la
Republique.
Detresse causee par l'inexecution des obli-
gations de l'Espagne (i 589-1 D97). — Mais la
situation oil TEspagne laissait son protege etait
lamentable, et les embarras qu'Hercule rencontra
des le debut ne firent que s'aggraver. L'inexecution
passee a l'etat permanent de tous les engagements
afifamait la population, qui ne recevait plus les bles
du royaume de Naples, et ruinait le seigneur qui
ne touchait aucun revenu; il avait fallu emprunter
a des taux enormes pour parer aux depenses neces-
saires, et les deux tiers des produits du marquisat de
Campagna etaient absorbes par des assignations
garantissant ces emprunts. On en etait arrive a un
veritable etat de detresse, et les mesures prises pour
v remedier restaient tout a fait illusoires.
Mariage d'Hercule Ier avec Maria Landi de
Valdetare 1 5q5). — II n'y avait pourtant pas contre
Hercule Grimaldi de mauvaise volonte de la part
des agents espagnols, et *s relations avec les gouver-
neurs generaux du Milanais eurent meme pour
consequence de lui menager une illustre alliance
- i76-
qui le mit dans la parente du roi d'Espagne. II
epousa, en octobre 1 5 g5 , Maria Landi de Valdetare,
nlle de Claudio Landi, prince de Valdetare, et de
Jeanne d'Aragon, descendant par sa mere des rois
d'Aragon et de Portugal. Cette union ne dura que
quatre annees ; Maria Landi mourut en 099, en
donnant le jour a son troisieme enfant.
Visees du due de Guise sur Monaco (1596). —
Les appuis que ce manage procura au seigneur de
Monaco ne suffirent pas cependant pour amener la
solution des embarras dans lesquels il se debattait, et
qui devinrent graves lorsque le gouvernement de
Henri IV fut fortement etabli en Provence, dont le
due de Guise etait gouverneur. Le due avait jete les
yeux sur Monaco et parait avoir eu alors la pensee
•de faire servir cette place a un dedommagement
a offrir au grand-due de Toscane, maitre, depuis les
dissensions de la Ligue, des iles de Marseille.
Tentative d'escalade de Cesar Arnaud (1596).
— Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1 5g6, une
troupe de sept cents hommes, portee sur une flottille
provencale, debarqua a l'anse de Mala, a Touest de
Monaco, et investit brusquement la place du cote de
terre. Elle etait commaniee par un Monegasque,
Cesar Arnaud, devenu capitaine en Provence. La
vigoureuse resistance qui repondit a cette agression
fitechouer l'entreprise. Repousses surtous les points,
les soldats prirent la fuite au point du jour, abandon-
nant leurs amies ainsi que des engins et des muni-
tions de toute sorte, notamment des echelles assez
hautes pour atteindre le sommet des remparts.
La tete de Cesar Arnaud fut mise a prix, et son
pere, Honore Arnaud, convaincu d'avoir participe
au complot et avoir etabli des intelligences dans la
forteresse, fut pendu ; son corps fut ensuite attache
par les pieds aux murailles du chateau.
L'annee suivante, les Provencaux executaient une
nouvelle attaque sur Roquebrune dont le territoire
fut cruellement ravage.
Hercule refuse de payer le subside a l'Em-
pereur et afflrme la souverainete de Monaco
(1596). — Cependant, Hercule n'avaitpas seulement
a tenir tete des agressions materielles, il s'etait trouve
oblige de repousser une autre genre d'entreprise sur
le terrain diplomatique.
En 1396, lors de Tinvasion des Turcs en Hongrie,
un commissaire de l'empereur d'Allemagne etait
venu lever en Italie des subsides sur les fiefs impe-
riaux. Dans l'ignorance des termes formels de la
declaration de Tordesillas, il avait compris Monaco
au nombre des seigneuries tenues a ce devoir feodal.
Hercule, apres avoir laisse une premiere sommation
sans reponse, affirma la souverainete et rindepen-
12
- i78-
dance dc la seigneurie d'une facon tcllement nette
que le commissaire n'insista pas.
Reprise du conflit avec la Savoie — Affai-
res de La Turbie (i 591-1599). — Du cote de
la Savoie, les premieres annees du gouverneraent
d'Hercule avaient etc marquees par une detente, et
jusqu'en i5q5 la chancellerie ducale avait laisse
sommciller raffaire de la vassalite de Menton et de
Roquebrune; a cette epoque le seigneur de Monaco
fut de nouveau mis en demeure d'acceder a l'arbi-
trage dont le roi d'Espagne avait assume la charge.
Hercule resista quelques mois; mais sous la pres-
sion de Philippe II, il dut se resigner et il avait
fini par donner son adhesion, lorsqu'tine collision
grave, survenue entre les habitants de Monaco et
ceux de la Turbie, vint irriter encore davantage les
rapports avec la Savoie. Cette fois les torts etaient
si evidemment du cote des sujets du due, que le
seigneur de Monaco profita habilement de ce conflit
pour interesser a sa cause la chancellerie espagnole
et les deux affaires devinrent connexes.
L'attaque de Cesar Arnaud rendait en ce moment
l'Espagne plus favorable a son protege; aussi l'arbi-
trage fut renvoye a Pexamen de juristes milanais qui
hrent trainer la question en longueur, en sorte que
la sentence n'etait pas encore prononcee quand la
mort frappa Philippe II.
— 179 —
Le seigneur de Monaco nomine au traite de
Vervins [598). — Pendant cet intervalle le traite
de paix de Vervins, dans lequel le seigneur de Monaco
figura au nombre des allies de l'Espagne, avait mis
fin, le 2 mai 1 5q8, aux dangers d'attaque que la place
avait eu jusque-la a redouter de la part des Pro-
ven caux.
Amelioration puis nouvelle aggravation des
rapports avec la Savoie (1 599-1 604). — Les em-
harras que causerent, a partir de 009, au due de
Savoie ses demeles avec Henri IV firent negliger les
revendications de sa chancellerie sur Menton et
Roquebrune ; d'autre part, un compromis rink par
retablir la paix, en 1602, entre Monaco et la Turbie
apres plusieurs annees d'hostilites qui avaient pro-
voque de veritables combats sous les murs de la
place.
A la fin de 1604, les relations entre Monaco et le
gouvernement de Charles-Emmanuel s'etaient de
nouveau aigris et les rapports s'etaient fortement
tendus. Hercule, qui depuis quelque temps etait
Tobjet d'avances de la part de Henri IV et du due de
Guise, etait formellement mis en garde par ce dernier
contre les manoeuvres des agents de Savoie. Le
tragique evenement qui mit tin a la vie du seigneur
de Monaco allait promptement demontrer le bien
fonde de ces avis.
— i8o —
Complot de Boccone (1603-1604). — Un notaire
de Monaco plusieurs fois suspendu de sa charge,
Stefano Boccone, s'etait fait, depuis la fin de i6o3,
Tagent actif de la Savoie ; il avait, dans des concilia-
bules tenus a la Turbie, pris Tengagement de livrer
la forteresse aux officiers du comte de Nice a la
faveur d'une emeute pendant laquelle on se serait
debarrasse d'Hercule Grimaldi.
II avait ete malheureusement facile a Boccone de
recruter des adherents dans Monaco, par suite du
mecontentement que certains actes tyranniques et
le dereglement des mceurs du seigneur avaient
provoque; en ecoutantles excitations duconspirateur,
il se peut que beaucoup de Monegasques entres dans
le complot aient ignore a quoi tendait en realite
Boccone et s'imaginassent tirer simplement ven-
geance de griefs prives. Gette circonstance explique
comment un evenement fortuit ayant precipite l'exe-
cution du meurtre, les agents de Savoie aient ete
surpris avant d'avoir pris leurs mesures, ignorees de
la plupart des conjures.
Boccone avait ete incarcere pour un mefait etranger
au complot ; ses affides craignirent quelque revela-
tion de sa part et se deciderent a agir.
Assassinat d'Hercule Grimaldi (21 novembre
1604). — Le dimanche 21 novembre 1604, vers
dix heures du soir, Hercule Grimaldi traversait la
ville suivi d'un seul serviteur; il passait dans la
Grande Rue, aujourd'hui rue du Milieu), lorsque
cinq homines, embusques dans un passage etroit, le
frapperent de quarante coups de poignard.
A la faveur du soulevement prepare par les meur-
triers, le corps du seigneur assassine etait jete a la
mer et le palais envahi. Quelques homines devoues
eurent beaucoup de peine a soustraire aux coups des
conjures le jeune tils et les deux lilies d'Hercule.
Avortement du complot avec les agents de
Savoie (1604). — Des ce moment, une scission
se manifesta ; tandis que les uns, satisfaits d'avoir
assouvi leurs rancunes par la mort du seigneur,
se groupaient autour de ses enfants pour con-
server la seigneurie aux Grimaldi, ceux qui etaient
au courant du hut reel de la conspiration s'erTor-
caient de prevenir par des signaux les autorites de
Nice et de Villefranche, surprises par revenement
avant d'avoir acheve leurs preparatifs.
La presence fortuite d'une escadre genoise dans le
port de Monaco sauva la place. Devant Tattitude que
prit le general des galeres Lercaro, a la demande des
syndics de Monaco, les troupes de Savoie n'oserent
bouger. D'autre part, les habitants, deciderent,
conformement aux volontes connues d'Hercule Gri-
maldi, d'appeler a la tutelle Tonclc maternel du jeune
Honore II, le prince de Valdetare.
— l82 —
Traite de Boccone avec Genes 1604. —
Boccone, sorti dc prison, vovant son entreprise
manquee, se tit charger dc la mission d'aller prevenir
le luteur designe. A peine etait-il eloigne que l'arres-
tation et I'interrogatoire de ses complices faisaient
connaitre son role et la connivence des agents de
Savoie.
Boccone, au lieu de se rendre aupres de Valdetare,
s'arreta a Genes et, simulant des pouvoirs qui ne lui
avaient pas ete attribues, amena le conseil de la
Republique a signer un traite pour Taccession de
Monaco a la Republique.
Les Monegasques repoussent les ofires de
Genes et dvi due de Guise, et restent fideles aux
Grimaldi (1604). — Les Monegasques desavouerent
la convention et repousserent les avantages que le
gouvernement genois leur consentait, de memequ'ils
declinaient au meme moment les otfres du due de
Guise qui vint en personne leur proposer l'appui,
la protection et Talliance du roi de France. lis
resterent fideles a la maison de Grimaldi, dont la ban-
niere fuselee fut solennellement relevee a Monaco,
a Menton et a Roquebrune aux cris de « Vive Gri-
maldi ! »
i83 —
CHAPITRE XV
MINORITE d'hONORE II
TUTELLE ET TRAITE DE VALDETARE
AGGRAVATION DU l'ROTECTORAT ESPAGNOL
SITUATION DIFFICILE D'HONORE II APRES SA MAJORITE.
( i 604-1630)
Le prince de Valdetare tuteur d'Honore II
11604^. — Les Monegasques, en appelant le prince
de Valdetare et en s'ingerant ainsi dans le choix du
Le Prince de Valdetare
d'apres le type de sa monnaie
tuteur d'Honore II comme ils l'avaient fait pour celui
d'Honore Ier, avaient espere retrouver un nouvel
Etienne Grimaldi ; ils revinrent vite de leur illusion.
- i84-
Le prince Frederic de Valdetare, entierement a la
devotion du gouverneur general du Milanais, le
comte de Fuentes, ne devait pas separer les interets
de son neveu de ceux de la domination espagnole.
II arriva a Monaco accompagne de soldats, mais il
se heurta dans ce premier voyage a Topposition
formelle des habitants, qui refuserent de laisser
entrer son escorte; il fallut atermoyer. Pour avoir
raison de ces resistances, il impliqua les principaux
de la seigneurie dans les poursuites a Toccasion de
Fassassinat de son beau-frere, et il se debarrassa
ainsi des opposants plus genants.
Traite de Valdetare avec le comte de Fuentes ;
aggravation du protectorat (26 fevrier i6o5 . —
Revenu a Milan, Valdetare s'empressa de conclure
avec Fuentes un traite qui bouleversait et aggravait
les conditions dans lesquelles le protectorat etait
pratique depuis Augustin Grimaldi.
Sous pretexte d'en finir avec les embarras dont
Tirregularite de paiement des subsides etait cause, il
fut stipule qu'une compagnie de troupes regulieres
espagnoles serait introduite dans la forteresse, 011
elle se trouverait sous le commandement du seigneur
de Monaco.
Cette combinaison avait pour but d'enlever au
seigneur la preoccupation de la solde des troupes.
En outre, des assignations sur l'etat de Milan regie-
— i85 —
rent les arrieres en souffrance, et les traites de bles
du royaume de Naples furent confirmees et assurees ;
enfin, la souverainete de Monaco et le droit de mer
etaient formellement garantis.
C'etaient la des avantages plus specieux que solides ;
en realite, la seigneurie etait livree directement a
l'Espagne, car l'autorite du seigneur sur des soldats
qui ne dependaient, meme pour les delits de droit
commun, que des juridictions militaires de Milan,
etait tout a fait illusoire.
Opposition de la chancellerie espagnole a la
modification du protectorat (1605-1607). — En
concluant ce traite avec Valdetare, le gouverneur
general Fuentes avait agi par son initiative exclusive,
si bien que, pendant plus de deux ans, le conseil d'Etat
d'Espagne, plus soucieux des interets du seigneur de
Monaco que son tuteur lui-meme, apres s'etre oppose
d'abord a tout changement dansle protectorat, retarda
la ratification, qui fut settlement obtenue de Phi-
lippe III a la fin de 1607.
Conflit avec Horace Grimaldi, frere d'Her-
cule Ier ( 1 boS-iOop). — Les hesitations de la cour
d'Espagne avaient ete entretenues par une opposition
des plus vives que Valdetare rencontra dans Horace
Grimaldi, dernier frere d'Hercule Ier, qui avait
reclame la tutelle et proteste contre le choix, d'apres
— I 80 —
lui, irregulier, du tuteur ; et cette opposition, venant
s'ajouter aux resistances des habitants, avait failli
causer de serieux embarras. D'autre part, le traite
avait recu a Genes le plus mauvais accueil, et les
Grimaldi avaient meme obtenu de la Republique
main-forte au profit des habitants contre son execu-
tion.
Introduction de la garnison espagnole a
Monaco. — Cependant, Valdetare etait parvenu a
briser tous les obstacles et, le 7 mars 1 6o5, en depit de
la non ratification par la cour d'Espagne, un premier
detachement de cent homines venus de Finale, bien-
tot suivi d'une troupe tiree des garnisons espagnoles
de Bardi et de Compiano, fiefs de Valdetare dans le
duche de Parme, entra dans Monaco et consomma
l'aggravation apportee au protectorat.
Des le lendemain on procedait au desarmement
des habitants, dont les reunions en parlement general
cesserent desormais. Celui qui, apres la decouverte
du testament d'Hercule Grimaldi, confirma en 1607
la tutelle attribuee a Valdetare, fut le dernier qui ait
ete reuni. C'en etait fait des vieilles franchises et des
prerogatives communales de Monaco, sur lesquelles
les Grimaldi s'etaient appuyes depuis Torigine de la
seigneurie.
Quelques jours apres l'entree des troupes espa-
gnoles, le jeune Honore II et ses deux sueurs etaient
- i87 -
emmenes a Milan pour v etre eleves sous les veux de
leur tuteur.
Relations avec la Savoie [i6o5-i6og . — Pendant
les annees qui suivirent, l'affaire toujours pendante
de la vassalite de Menton et de Roquebrune fut, it
la suite d'une nouvelle tentative de la Savoie, pour
longtemps assoupie par ['intervention de l'Espagne.
Sans donner absolument raison aux pretentions des
Grimaldi, les legistes etablirent que les conditions
de I'infeodation primitive non remplies par la Savoie
justifiaient dans une certaine mesure la resistance
des seigneurs, qu'en consequence la decheance pro-
noncee depassait le droit du suzerain et, qu'en outre,
il v avait lieu de surseoir a lnommage tant que le
jeune Honore II serait mineur.
Les rapports de Monaco et de la Savoie devinrent
excellents a partir de ce moment, sauf pendant les
rares epoques oil I'etat de guerre exista entre les
dues et l'Espagne, et la question ne devait plus
etre soulcvcc pendant tout le regne d'Honore II.
Abandon de Monaco aux Espagnols pendant
la tutelle 1605-1614 . — Valdetare reparut a peine
a Monaco pendant la minorite de son pupille; la place
resta a la merci de la garnison espagnole, et le gou-
verneur du Milanais pronta meme de cette situation
pour meconnaitre le droit reserve au seigneur de
— i88 —
choisir son lieutenant dans la place. Le conflit qui
s'en suivit n'etait pas encore vide au moment de
la majorite d'Honore II.
Education d'Honore et de ses sceurs — Ma-
nage de Marie Grimaldi (i6o5-i6i5). — Mais, si
les affaires de la seigneurie vis-a-vis de l'Espagne
etaient ainsi abandonnees, il n'en fut pas de meme
de l'education d'Honore II et de ses deux sceurs,
chez qui on developpa d'une facon remarquahle
le gout des arts et du faste. Valdetare reva pour
Fainee de ses nieces d'importants etablissements
et Jeanne Grimaldi epousa, en septembre i6i5, le
chef d'une des premieres families du Milanais, le
comte Theodore Trivulce qui, veuf en 1620, devait
prendre le chapeau de cardinal et devenir un des
hommes d'Etat les plus considerables de la monar-
chic espagnole.
Mariage d'Honore II (1616). — Le mariage de
Jeanne Grimaldi fut suivi d'un premier retour d'Ho-
nore II a Monaco, apres dix ans et demi d'absence;
quelques mois plus tard le seigneur de Monaco
epousait a son tour la soeur de son beau-frere, Hip-
polyte Trivulce ; ce mariage fut le signal de son
etablissement definitif dans la seigneurie.
— 189 —
Monaco pendant la guerre de la succession
de Mantoue (161 5-idi -;. — Dans I'intervalle, la
guerre pour la succession de Mantoue brouillait,
en 1614, l'Espagne et la Savoie. Monaco joua un
role dans cette guerre : tandis que le due de
Savoie faisait etudier serieusement les moyens de
s'emparer de la place, les galeres espagnoles, ayant
le port pour point d'appui, inquieterent Nice et
Yillefranche ; elles ruinerent, au commencement de
161 5. les approvisionnements qui se faisaient a I'em-
bouchure du Var pour la construction d'un fort sur
la presqu lie de Saint-Hospice.
Les hostilities reprirent en 161 7 et Monaco servit
encore de point de ravitaillement pour l'escadre qui
alia bombarder Oneille. La paix de Pavie retablit
bientot la bonne entente avec la Savoie.
Role efface impose a Honore II dans le cora-
mandement a Monaco '1616-1625). — ■ Honore II
n'eut done, apres son installation a Monaco, a
s'occuper que peu de mois de cette guerre et encore
dans la mesure etroite oil les Espagnols, au mepris
des clauses du traite de i6o5, admettaient son auto-
rite dans la place. Impuissant a faire prevaloir ses
prerogatives, expose a toutes sortes de suspicions, il se
resigna a s'effacer tout a fait dans les affaires exte-
rieures, et s'adonna exclusivement au soin interieur
de ses domaines. II s'efforca de rechercher des lors
— 190 —
du cote du rang et de l'etiquette l'affirmation de sa
souverainete : e'est a ce moment qu'il abandonna la
qualification de Seigneur pour prendre cellede Prince.
Honore II prend le titre de Prince de Monaco
(1612-1619). — Des la tin du xvie siecle, Hercule Ier
s'etait dit seigneur « par la grace de Dieu » en vertu
de son droit souverain. II avait meme tente de chan-
ger le titre de Seigneur pour celui de Prince en fai-
sant eriger son domaine de Terlizzo, dans le rovaume
de Naples, en principaute. Les deux denominations
etaient du reste a I'origine synonymes, et la seconde
habituellement portee par les possesseurs des grandes
seigneuries du royaume de Naples, sans entrainer,
pour son titulaire, un caractere de superiority ; peu
a peu cependant l'acception avait pris un caractere
plus special, et les Grimaldi avaient vu avec jalousie
d'autres maisons, entre autres les Doria, investies de
principautes napolitaines.
L'usage s'etait etabli depuis une generation, dans
les relations privees, d'attribuer la qualification de
Prince aux membres de la famille de Monaco.
En 1 61 2 le titre s'introduisit dans la formule des
actes notaries, a la suite du nom d'Honore Grimaldi.
En 16 1 9 la reforme fut complete ; le nom patronv-
mique disparait alors pour etre remplace par le chiflFre
dynastique : « Honore II, Prince et Seigneur de
Monaco » ; elle fut entierement consommee et consa-
— 1 9 1 —
cree lorsqu'a partir de 1 633 elle fut admise dans le
protocole de la chancellerie espagnole.
C'est ainsi que la vieille fortercsse devint une
Principautd, qualification qui, dans l'etiquette des
temps, semblait mieux correspondre a son caractere
souverain.
Droit de battre raonnaie. — A cette epoque, on
rencontre le premier type de monnaie de Monaco
frappee depuis Lucien Grimaldi. Le grand talaro
Grand talaro d'Honore II, anterieur a 162b
d'Honore II indique par la disposition des armoiries,
que sa frappe fut contemporaine de l'influence du
prince de Valdetare, puisque l'ecu est ecartele des
armes de celui-ci, e'est-a-dire des amies maternelles
d'Honore II. Cette monnaie est certainement ante-
— I92 —
rieure a 1625, puisqiTelle ne porte pas les insignes
de la Toison d'or. II ne devait cependant pas y avoir
encore d'atelier monetaire a Monaco, et il est proba-
ble qu'elle fut frappee a Tatelier de Valdetare a Corn-
piano, d'ou est sorti l'ecu de ce prince que nous
donnons plus haut.
Honore recoit la Toison d'or — Embarras
crees par la non execution des engagements de
l'Espagne (i625-i63o). — L'Espagne accordait des
honneurs et des faveurs personnelles a Honore II,
qui recut en 162 5 la Toison d'or ; mais, la negligence
dans Texecution des engagements souscrits avait
survecu aux modifications apportees par le traite
de i6o5. Les arrieres s'accumulaient toujours sans
solution; la solde des troupes regulieres n'etait pas
plus payee qu'autrefois les subsides; a de nombreuses
reprises il fallut que le Prince en fit Tavance, et mal-
gre ces sacrifices, la garnison mecontente montrait
chaque jour plus d'arrogance. Monaco finit par etre
traite comme un pays conquis, ou le Prince n'avait
plus d'autre prerogative que le ruineux bonneur
d'accueillir a grand frais les visites princieres, qui
trouvaient dans le palais de Monaco une fastueuse
hospitalite.
Visites de Tarchiduc Charles d'Autriche, du
due de Saxe-Lauembourg, de la reine de Hon-
grie ( 1 624-1630). — Deux de ces visites ont marque
— ig3 —
dans Thistoire de la Principaute; celles de I'archiduc
Charles d'Autriche et du due de Saxe-Lauembourg,
en octobre 1624. eelle de Marie-Anne d'Autriche,
mariee au roi de Hongrie, le futur empereur Ferdi-
nand III. au printemps de i63o; elles coincident
avec Tepoque oil le palais de Monaco, transforme par
Honore II, etait devenu une habitation splendide,
remplie d'une multitude d'objets d'art et du mobilier
le plus somptueux.
Grands trava-ux d'Honore II — Transforma-
tion du Palais de Monaco 1 620-1 656). — Honore,
en effet, qui avait, des son retour a Monaco, fait
restaurer et reconstruire en partie Tcglise Saint-
Michel de Menton, et termine les travaux de celle
de Saint-Nicolas a Monaco, s'etait surtout occupe de
rornementation et de rembellissement du Palais. II
ne cessa jusqu'a sa mort d'y apporter des soins
constants ; il v consacra trente annees et des sommes
considerables.
La necessite d'augmenter le nombre des apparte-
ments Tamena a doubler l'aile du cote de la place en
elevant des batiments en avant de l'ancien rempart;
les tours genoises, jusqu'alors restees apparentes,
furent ainsi masquees derriere ces constructions.
Deux etages d'arcades superposees formerent cette
nouvelle facade, dans laquelle on ouvrit une grande
porte et un guichet communiquant directement de la
i3
— 1 94 —
cour d'honneur a la place. Gette porte devint des lors
Tentree principale du Palais, jusqu'a ce moment
restee maintenue dans le batiment attenant a la tour
dite de Sainte-Marie ou du Pavilion, dans Tangle
faisant face a la montee du port.
Sur la cour interieure les grands appartements de
Taile sud-ouest furent prolonges jusqu'au rempart
du cote de Serravalle, dont la tour disparut derriere
un batiment, au centre duquel fut elevee, en 1 656, la
nouvelle chapelle du Palais en remplacement de
Tantique oratoire de Saint-Jean, construit dans la
forteresse par les Genois en i25j.
En merae temps, des galeries a arcades furent
baties au devant de la longue aile dominant la Con-
damine et rendit plus commode de ce cote le service
des appartements.
Ces amenagements devaient etre completes, a la
fin du regne, par la construction d'un edifice dit des
Bains, eleve en avant des grands appartements, sur
le parterre en terrasse dominant Tescarpement au-
dessus de l'anse du Canton. Les revetements de
marbre et les sculptures de cet edifice completerent un
ensemble qui, avec les richesses artistiques accumu-
lees a Tinterieur, fit du Palais de Monaco, au milieu
du xvne siecle, une des demeures les plus renommees
et les plus celebrees par les poetes, les artistes et les
voyaseurs.
— IQO
CHAPITRE XVI
NEGOCIATIONS SECRETES d'hONORE II AVEC LA FRANCE
TRAITE D E P E R O X N E
EXPULSION DES ESPAGNOLS — ■ PROTECTORAT FRANCAIS
I 630-l662)
Ouvertures secretes d'Honore II a Louis XIII
et a Richelieu ; uegociations avec M. de Sabran
(i63o-i63i). — Tandis qu'Honore II ne trouvait
dans le protectorat de TEspagne que des causes
d'embarras et d'amoindrissement d'autorite, l'in-
rluence francaise renaissait en Italie sous l'impulsion
de la politique de Richelieu. Pendant la seconde
guerre de la succession de Mantoue, en 1629, des
agents pareouraient la peninsule en tous sens; le
cardinal visait a la formation, contre la domination
espagnole et Taction de i'empire d'Allemagne, d'une
ligue des petits Etats.
Honore II sentit alors que le temps etait venu oil
il pourrait s'appuyer sur la France pour secouer une
alliance devenue une source continuelle de deboires.
Deux hommes etaient les confidents de ses projets :
le procureur fiscal, Orazio Rossi, habitant a Menton,
— 196 —
et un capucin du couvent de cette derniere ville,
originaire du Montferrat, le pere Gianupero de
San Salvatore qui, comme beaucoup de religieux de
son ordre, etait peut-etre un agent du pere Joseph,
le celehre collaborateur de Richelieu.
Ces deux homines s'aboucherent avec un gentil-
homme francais qui traversa la Principaute dans les
premiers mois de i63o. Les ouvertures faites par
cette voie furent accueillies avec faveur a la cour de
France, et le commandant d'Antibes fut charge de
suivre les negociations ; mais les circonstances en
firent presque aussitot passer la direction a un autre
personnage.
La France venait de retablir un resident a Genes ;
le diplomate envoye a ce poste, Melchior de Sabran,
ayant ete oblige, par suite du mauvais temps,
de relacher deux jours a Monaco, v avait recti, par
ordre du Prince, l'accueil le plus empresse ; a peine
arrive a Genes, Sabran fut secretement saisi par
Rossi et Gianupero de 1'offre de faciliter le passage
de ses depeches a travers la Principaute, la voie du
Piemont etant coupee par l'etat de guerre avec la
Savoie. Les relations entamees sous ce pretexte
amenerent le fiscal de Menton a renouveler les
ouvertures deja faites quelques semaines auparavant
a la cour de France. Sabran fut autorise a suivre
Taffaire. Les deux agents d'Honore II finirent par
presenter un projet de convention d'apres lequel
— 197 —
le Prince fut passe sous le protectorat de la France,
en recevant une indemnity pour les biens qu'il
perdrait dans les pays de domination espagnole. Le
roi etablirait a sa solde a Monaco une garnison de
deux cents hommes en temps de paix, de cinq cents en
temps de guerre ; six galeres seraient entretenues aux
frais du roi dans le port pour faire respecter le droit
de mer.
On discutait sur ces bases et on attendait que
Rossi et Gianupero fournissent les pouvoirs en vertu
desquels ils etaient autorises a traiter, lorsqu'en
mars i63i, a la suite de la paix de Cherasco avec la
Savoie, les negociations furent interrompues; Riche-
lieu ne jugeant pas opportun de donner en ce
moment d'ombrages a la chancellerie ducale par
Tacquisition d'une forteresse enclavee si complete-
ment dans les domaines du due.
La peste a Monaco (i63i). — Une horrible
calamite vint s'abattre sur Monaco cette meme annee
1 63 1. La peste, apres avoir ravage la Lombardie et
la Provence, avait envahi le comte de Nice. Des
precautions energiques et intelligentes mirent Men-
ton a Tabri ; mais, malgre des mesures analogues, la
contagion se communiqua a Monaco par un lavoir
situe sur territoire monegasque, oil des habitants de
la Turbie avaient apporte des linges contamines. Le
mal se propagea avec une rapidite foudroyante. On
— 198 —
rfhesita pas a combattre le fleau par les moyens les
plus radicaux. La population entiere fut mise en
quarantaine et un lazaret etabli au Chateau Neuf.
Personne ne pouvait sortir de sa maison ; la cloche
de Feglise faisait connaitre Theure des offices; le soir
seulement les fenetres s'ouvraient; on y posait des
lumieres et Ton pouvait quelques instants communi-
quer de la voix d'une maison a l'autre. On ne
rencontrait par la ville que les agents charges de
pourvoir aux provisions des reclus, ou le cure Pac-
chiero qui portait le viatique aux mourants, escorte
du podesta Pierre-Paul Terrazzani.
Le mal augmentait cependant, lorsque deux moines
venus de Nice, convaincus que la propagation de
l'epidemie etait due a Tinsalubrite et au defaut de
proprete des habitations, resolurent de faire executer
avec la derniere rigueur des mesures de disinfection.
Les maisons furent entierement videes et on y opera
des fumigations tellement intenses que de quelques
jours on n'y put sojourner sans suffoquer ; en meme
temps les meubles, transportes a Tanse du Canton,
etaient lessives et plonges longuement dans la mer.
La population elle-meme fut soumise a des mesures
analogues : a un certain jour, la quarantaine fut
suspendue, tous les habitants se rendirent en proces-
sion au bord de la mer et, apres un bain prolonge,
reprit sa claustration.
La peste s'arreta tout a coup, le 26 novembre,
— 199 —
grace a ces mesures d'hygiene secondees par une
pluie diluvienne, qui succeda pendant plusieurs jours
a sept mois de secheresse.
Un quart de la population avait succombe.
Embarras grandissants causes par les negli-
gences de l'Espagne ( 1 63o-i 635). — Apres Techec
des negociations entreprises par Tintermediaire de
M. de Sabran avec la France, Honore II se retrouva
en presence d'embarras toujours croissants. Dans
les annees qui suivirent, rien autre chose que des
promesses vaines ou des ordres restes inexecutes ne
vinrent lui porter de soulagement ; au commence-
ment de 1 633 il v avait quinze annees que le Prince
etait oblige de faire de ses deniers des avances a
la garnison non payee ; les revenus du marquisat
de Campagna et ceux des terres possedees dans le
Milanais etaient de plus greves de taxes qui les
absorbaient en majeure partie, tandis que le droit de
mer etait annihile.
Nouvelles negociations avec la France par
rintermediaire du marquis de Gorbons ( 1 634-
1 635). — Le Prince put se convaincre qu'il se trouvait
dans une situation inextricable et meme dange-
reuse ; de la a se tourner encore du cote de la France
il n'y avait qu'un pas; il trouva, pour peser sur son
esprit dans ce sens, un de ses cousins de la branche
— 200 —
cTAntibes avec lequel des relations suivies avaient
commence vers cette epoque, Jean-Henri Grimaldi,
marquis de Corbons et de Cagnes.
Pendant l'ete de 1684 Corbons, avec l'assentiment
d'Honore II, avait mis le marechal de Vitry, gouver-
neur de Provence, au courant des intentions du
Prince. Penetre de l'importance d'une pareille acqui-
sition, le marechal envoya l'emissaire d'Honore
aupres du cardinal de Richelieu. C'etait le moment
oil la France se substituait a la Suede dans la lutte
contre l'Empire et la guerre allait eclater avec
l'Espagne. Corbons negocia pendant plusieurs mois
et ses demarches aboutirent a un traite en regie,
signe par le roi le 25 fevrier 1 633, dont la redaction
etait due au pere Joseph en personne.
Preparatifs pour l'enlevement de Monaco ;
abandon de l'entreprise (i635-i 636). — Pour
assurer l'execution du traite, c'est-a-dire pour arriver
.a l'expulsion des Espagnols, deux voies se presen-
taient; Tune eut consiste en une attaque de vive
force au moyen d'une escadre et d'une troupe inves-
tissant brusquement la place par terre ; c'etait le
procede patronne par Vitry, qui en eut eu la direc-
tion; l'autre, qui souriait davantage a Honore II,
cut consiste en une attaque interieure contre les
postes espagnols de la forteresse qu'aurait conduitc
le Prince et ses partisans, reunis secretement au
201
Palais dans ce but. II cut fallu etre alors secouru
immediatementdel'extgrieur, etau printempsde 1 635
l'operation etait facile, le port etant vide de vais-
seaux espagnols et la garnison tres reduite. Les
retards mis aux preparatifs dans les ports de Provence
firent echouer l'operation. Au mois de juin. au
moment de I'execution, plusieurs navires charges de
troupes, faisant partie d'une flotte equipee a Naples
pour les ports du nord de i'ltalie, furent chasses
par la tempete dans les parages de la Corse et se
refugierent dans le port de Monaco. Le coup de
main devint impossible et bientot la situation se
compliqua par l'occupation des iles de Lerins. qu'ope-
rerent les Espagnols en septembre i635.
La reprise des iles devint Fobjectif le plus instant
des efforts de Richelieu ; la flotte de I'Ocean, com-
manded par Sourdis, archeveque de Bordeaux, fut
envoyee dans la Mediterranee, et les officiers fran^ais
se rendirent alors compte de l'extreme importance de
Monaco qui servait de base a la defense des iles. La
prise de cette place eut certainement entraine la retraite
des Espagnols, de meme que, sans sa possession, ils
n'eussent pu tenter le coup de main qui les leur avait
livrees. On traita avec le due de Savoie pour obtenir
la faculte de construire sur le territoire de la Turbie
des fortifications qui eussent domine la place. Mal-
heureusement, quoique allie de la France, le due ne
mit aucun empressement a procurer a celle-ci les
— 202
moyens de s'emparer d'une forteresse enclavee dans
ses terres ; il se preta, par contre, a une combinaison
qui aurait abouti a supprimer Timportance de Monaco
en comblant son port. Le temps perdu dans des
negociations infructueuses et les discussions qui
s'eleverent entre Vitry et Sourdis, rirent manquer le
moment opportun pour une attaque. La place recut
un supplement de garnison et les operations mili-
taires se bornerent a un combat maritime dans la
baie de Menton, a la suite duquel l'escadre espagnole
se retira sur Final. Les Francais ne chercherent pas
a attaquer Monaco (septembre 1 636).
Projets d'Honore II pour le port de Monaco;
continuation des embarras financiers avec
l'Espagne (i 636- 1637). — L'occasion etait encore
manquee ; lors de la reprise des lies de Lerins, il ne
fut pas davantage fait de tentative sur Monaco. II
semblerait, du reste, malgre les assurances donnees
a Richelieu par le marquis de Corbons, qui ne cessa
pas ses relations avec Honore, que ce dernier ait pen-
dant quelque temps abandonne ses projets du cote de
la France. En tous cas, il ne cessait de chercher des
combinaisons pour interesser a sa situation la chan-
cellerie espagnole; il avait propose, dans le cours
de 1 636, de consacrer une partie des sommes qui lui
etaient dues a des travaux destines a mettre le port
de Monaco en etat d'abriter par tous les temps plus
— 2o:> —
de quara'nte galeres par la construction d'un mole.
Quoique cette affaire cut eu pour TEspagne un interet
direct et malgre le bon accueil que le projet avait
recu du conseil roval, il n'aboutit pas plus que les
autres combinaisons destinees a procurer au Prince la
rentree dans une partie de ses creances.
Conflit avec Genes pour les debarquements
de sel a Menton 1 636- 1642). — Un conflit avec
Genes vint dans ce temps brouiller Honore II et la
Republique. La banque de Saint-Georges emit tout
a coup la pretention d'interdire, en vertu de preten-
dues anciennes capitulations, les debarquements de
sel a Menton, notamment celui des gabelles de Nice.
Honore ayant resiste a toutes les sommations, des
galeres genoises vinrent canonner dans les eaux
Mentonnaises des navires occupes au debarquement.
Ces violences amenerent l'intervention de TEspa-
gne et celle de la Savoie. L'affaire traina en longueur ;
on craignait a chaque instant de nouvelles hostilites,
et ces inquietudes se prolongerent depuis 1 638 jus-
qu'en 1642.
Situation intolerable faite par les Espagnols
a Honore II 1 638-1 641). — Cependant, malgre
Tassistance que Monaco avait recue de la chaneel-
lerie espagnole dans cette affaire, les procedes dont
Honore avait a souffrir ne cessaient pas; rien
— 204 —
n'avait modifie les mesures qui, en outre* des non
paiements, avaient atteint les revenus des terres de
Naples et de Lombardie. On retenait de plus au fils du
Prince, a Hercule, marquis de Campagna, la solde de
la compagnie d'infanterie qui lui avait ete donnee,
etles revenus de la commanderie de l'ordre de Cala-
trava dont il etait titulaire en Espagne ; il fallait
merae, pour toucher quelques sommes sur les arrie-
res, donner quittance des deux tiers en sus. D'autre
part, la solde de la garnison n'etant pas payee, la
discipline des soldats subissait les plus facheuses
atteintes ; leur insolence n'avait d'egale que la negli-
gence des officiers a la reprimer. Un placard des plus
injurieux contre le Prince, excitant a attenter a sa
liberte, a celle de son fils et poussant au pillage du
Palais, fut un jour affiche au principal corps de garde ;
le magistrat de Monaco evoqua Taffaire et prononca
une condamnation a mort contre le coupable ; mais le
soldat condamne n'etait, en vertu du traite de i6o5,
justiciable que des autorites militaires de Milan.
Malgre les representations d'Honore, ce fait inoui
d'insubordination resta impuni. C'en etait trop ; des
lors le Prince se determina a chercher resolument le
moyen de secouer un joug intolerable et avilissant.
L'annee 1640 se passa pourtant sans que le gou-
vernement francais ait ete avise des projets secrets
d'Honore II.
Fondation de l'atelier des monnaies 1640. —
Cette meme annee 1640 compte dans Thistoire
monetaire de la Principaute par la creation de Tate-
lier des monnaies de Monaco.
Florin
Demi-florin
Piece de quatre patacchi
Types de monnaies frappees a l'atelier de Monaco
sous le protectorat de 1'Espagne
Les premieres frappes furent executees suivant le
systeme monetaire usite dans la region.
— 2o6 —
Mariage d'Hercule, marquis de Campagna,
fils d'Honore II — Reprise des negoeiations
secretes avec la France (1641). — La conclusion
du mariage du marquis de Campagna avec Aurelia
Spinola, fille du prince de Molfetta et niece du grand
Ambroise Spinola, le heros de Breda et de Casale,
semblait devoir enchainer davantage Honore II a
la politique espagnole. Ce mariage fut pourtant
Toccasion qui permit au Prince de pousser plus
activement et avec plus de securite ses pourpar-
lers avec la France. A la faveur des preparatifs
d'une union celebree avec la plus grande pompe,
des communications plus frequentes s'etablirent avec
Corbons sans dormer l'eveil, d'autant plus que ce
dernier, retire dans son chateau de Cagnes, se faisait
passer depuis quelque temps pour mecontent de la
cour de France et tombe en disgrace.
On agit cependant avec la plus grande prudence,
car Poccupation de Nice par le cardinal de Savoie,
qui s'y soutenait contre sa belle-sceur, la regente
Christine de France, avec Tappui de TEspagne,
faisait que de ce cote on pouvait s'attendre a ce que
les moindres allees et venues seraient surveillees.
Conclusion des negoeiations; traite de Pe-
ronne (juillet-septembre 1641). — Des la fin du mois
d'avril 1641, le cardinal de Richelieu avait ete avise
par Corbons des nouvelles propositions d'Honore 1 1 ;
— 207 —
elles etaient identiques aux clauses du traite signe
en 1 63 5 ; quelques points nouveaux, surtout relatifs
aux interets du marquis de Campagna, y avaient etc
ajoutes, et le 8 juillet, c'est-a-dire le lendemain
me me de la celebration a Monaco du manage d'Her-
cule Grimaldi avec Aurelia Spinola, le roi Louis XIII
avait signe a Peronne les conditions accordees au
prince de Monaco et destinees a devenir definitives
par la ratification de celui-ci.
Cette ratification fut donnee le 12 aout par Honore,
mais accompagnee de quelques demandes qui firent
l'objet de decisions supplementaires signees par le
roi a Peronne, le 14 septembre. Le texte delinitif du
traite fut dresse le meme jour.
Dans le preambule de cet acte qui devait regir
pendant cent cinquante ans les rapports de la Prin-
cipaute et de la France, le roi Louis XIII commence
par declarer que, sur Tappel du Prince, dont les
droits souverains sont violes par les Espagnols, il lui
accorde sa protection.
Une garnison de cinq cents homines, entretenue
aux frais du tresor royal, sera etablie a Monaco ; le
roi en nommera les officiers ; elle sera sous les ordres
du Prince et de ses successeurs, gouverneurs a perpe-
tuite de la place a qui les officiers preteront serment.
La liberte et la souverainete de Monaco, de Menton
etdeRoquebrunesontgaranties formellement : la gar-
nison ne pourra jamais s'ingerer dans la souverainete
— 2o8 —
sur terre et sur mer, et moins encore dans les choses
du gouvernement et de la justice.
Le Prince sera compris dans tous les traites de
paix faits par le Roi ; en compensation des biens qui
seraient confisques dans les pays espagnols, il lui
sera donne, jusqu'a concurrence de vingt-cinq mille
ecus de revenus, des fiefs en France, dont une partie
sera erigee en duche-pairie, I'autre en marquisat
pour le fils du Prince, la troisieme en comte.
Le Prince et son fils recevrontles ordres du Roi en
echange de la Toison d'or et de Tordre de Calatrava.
Tous les privileges anciennement accordes par la
couronne de France seront confirmes, notamment le
droit de mer. Quelques galeres devront stationner
dans le port de Monaco et les commandants obeiront
au Prince.
Preparatifs pour Fexpulsion des Espagnols
(septembre-novembre 1641). — II n'y avait plus qu'a
executer le coup de main qui devait mettre hors la
place la garnison espagnole ; le plan convenu etait
le meme que celui propose par Honore II et Corbons
en 1 635 : s'emparer des postes aFinterieur et appeler
immediatement les troupes francaises, tenues pretes
pour Tevenement a Antibes.
Par une suite de circonstances favorables, la place
etait degarnie de troupes au commencement d'oc-
tobre. Le cardinal de Savoie avait demande au
— 20Q —
gouverneur du Milanais line partie de la garnison
de Monaco pour renforcer la defense de Nice; cent
hommes v avaient ete envoyes.
Le moment etait done tout a fait propice et cepen-
dant Honore atermovait. Pendant plus de six semai-
nes il etait reste sans agir, lorsque apres avoir fixe
definitivement l'executionde l'entreprise au 6 novem-
bre, il v renonca tout a coup, se croyant trahi, el
decommanda les preparatifs que dirigeaient Corbons
et le comte d'Alais, gouverneur de Provence, a
Antibes. Les protestations de Corbons firent alors
moins pour le ramener a des resolutions energiques
que la decouverte d'une lettre du lieutenant de la
garnison de Monaco, le capitaine Callente, au gou-
verneur du Milanais en reponse a des avis qui le
mettaient en garde contre les menees du Prince.
Callente repondait de la ridelite d'Honore II, mais il
ajoutait qu'au premier signe il s'assurerait de sa
personne et de celle de son rils et les enverrait
enchaines a Milan.
Coup de main du 17 novembre 1641. — Honore
ne prit pas le temps de prevenir de nouveau Corbons
et le comte d'Alais et prorita d'un nouvel incident,
qui vint sur ces entrefaites reduire Peifectif de la
garnison.
Une sedition, secretement provoquee, avait eclate
a Roquebrune; une trentaine de delinquants furent
14
amenes prisonniers au palais de Monaco, pen-
dant que soixante-quinze soldats espagnols etaient
envoyes en garnisaires chez les emeutiers. A ces
gens, introduits ainsi sous pretexte de poursuites
judiciaires, s'etait ajoute ua certain nombre d'autres,
embauches soi-disant pour les constructions du
Palais ou pour les preparatifs d'une expedition du
marquis de Campagna contre les corsaires barba-
resques. On avait ainsi reuni dans les salles basses
une centaine d'hommes sans eveiller l'attention.
Les mesures etaient entierement prises lorsqu'au
dernier moment un incident qui pouvait tout perdre
se produisit; un page espagnol avait ramasse des
papiers perdus par Honore; e'etaient les dernieres
lettres de Corbons et du comte d'Alais; le bonheur
voulut que ce page ne sut pas lireet que la trouvaille
fut remise au majordome Jerome Rey.
Ceci se passait le 17 novembre dans la soiree,
tandis qu'Honore II avait convie les officiers espa-
gnols a un repas et fait distribuer du vin aux soldats.
La nuit venue, et la surveillance des Espagnols entie-
rement endormie par la bonne humeur dont le prince
avait fait preuve pendant le repas, Honore, suivi de
son fils, de Jerome Rey et du secretaire Brigati, se
rend dans les salles basses. II decouvre a ceux qui y
sont renfermes le stratageme employe pour les reunir ;
il leur lit la lettre intercepted qui le menace prochai-
nement des fers ; il leur propose de saisir Toccasion
2 11 —
de se delivrer eux-memes en delivrant leur souverain.
Tous se precipitent sur les armes qu'on leur distribue,
et, comme si, jusqiTa la tin, les accidents qui eussent
pu faire echouer l'entreprise dussent etre conjures,
le bruit des detonations de deux ou trois pistolets,
manies maladroitement par ces soldats improvises,
se perd dans le fracas du vent soufflant en ce moment
en tempete et n'arrive pas jusqu'aux oreilles des
Espagnols.
Le prince partage alors sa troupe en trois groupes :
Tun d'eux, conduit par le marquis de Campagna,
emporte le poste de Serravalle, tandis que Jerome
Rev avec vingt hommes se rend facilement maitre du
corps de garde du palais et, saisissant les commu-
nications avec Texterieur, renferme dans le quartier
des soldats le reste de la garnison, qu'il tient en
respect en la dominant par les galeries superieures.
Pendant ce temps, Honore II avec cinquante
hommes se jette sur le grand poste a la porte de la
ville ; la se trouvait le capitaine Callente avec Telite
des soldats. II fallut trois attaques successives, et le
poste ne fut enleve qu'apres une defense hero'ique.
Expulsion des Espagnols. — Un coup de canon
tire des remparts avertit alors le capitaine de Men-
ton, Jerome de Monleon, embusque en vue de la
place avec cent soixante hommes, qui furent intro-
duits et contribuerent a faire capituler le quartier des
— 212 —
soldats. Une fois le succes obtenu, on se contenta
d'expulser de la forteresse les Espagnols sans les
maltraiter.
Ce resultat n'avait coute la vie a aucun des assail-
lants ; du cote des Espagnols il y eut cinq tues dont
l'enseigne, et une dizaine de blesses dont trois mou-
rurent.
Garnison francaise (24 novembre 1641). —
La nouvelle du coup de main surprit Corbons et le
comte d'Alais au moment ou ils avaient donne les
ordres pour faire cesser les preparatifs ; aussi, les
troupes francaises n'arriverent que le 24 novembre.
Pendant ces sept jours, la place setrouva uniquement
confiee a la garde des sujets du prince, sous le com-
mandement de Jerome de Monleon.
Honore II, apres avoir pourvu au renvoi des Espa-
gnols desarmes et sortis de la place, chargea le
capitaine Callente de reporter au gouverneur du
Milanais les insignes de la Toison d'or. Dans la lettre
qui en accompagnait le renvoi, le prince exposait
comment, fidele serviteur du Roi Catholique, il avait
supporte jusqu'au bout les mauvais traitements qui
Tavaient enfin oblige a rompre avec l'Espagne. II ne
pouvait, en consequence, conserver des honneurs qui
etaient le signe de ces liens.
Le « Rubicon etait passe », suivant la reponse que
le prince fit aux emissaires du cardinal de Savoie
— 2 10 —
avant Tentree de la garnison francaise ; sa decision
parut des lors si formelle que son beau-frere, le
cardinal Trivulcc, accouru pour apporter une partie
des sommes d'argent si longtemps attendues en vain
et pour proposer les modifications les plus avanta-
geuses au regime du protectorat, comprit Tinutilite
de ses efforts et rebroussa chemin apres s'etre avance
jusqu'a Savone.
Intervention de la France a Genes pour la
protection d'Honore II (decembre 1641). — L'effet
de la protection francaise se fit aussitot sentir : le
coup de main du 17 novembre avait cause une si vive
irritation a Genes qu'on y avait mis a prix la tete du
prince. Une lettre de Louis XIII, du h/\. decembre, fit
reflechir; elle enjoignait aux Genois, dans des termes
qui n'admettaient pas de replique, d'avoir a traiter
Honore II comme devait Tetre le protege du Roi
Tres-Chretien. Cette intervention amena la Republi-
que a regler, au commencement de 1642, le conrlit
qui durait encore entre elle et le prince de Monaco
au sujet de l'affaire du sel.
Fin du protectorat espagnol. — L'alliance de
l'Espagne avait ete pour les Grimaldi une longue
suite de deceptions ; sa rupture fut un grave echec
pour la politique de l'Espagne, echec que le bailli de
Forbin caracterisait lorsqu'il ecrivait a Richelieu en
— 214 —
le felicitant de l'evenement du 17 novembre « qui
avait donne un coup de pied aux Espagnols qui les
recule de deux cents milles pour leur trajet d'Espagne
en Italie ».
Confiscation des biens d'Honore II en pays
espagnols (1642). — Les consequences prevues de
la rupture d'Honore II avec FEspagne se realiserent
immediatement ; ses biens en pays soumis au Roi
Catholique , furent saisis et confisques. Hercule
Sigaldi, gouverneur general du marquisat de Cam-
pagna, fut meme pendant plusieurs mois retenu
prisonnier.
Le reglement des indemnites a recevoir en France
en compensation des domaines perdus donna lieu
a des negociations que Gorbons conduisit a la cour
de novembre 1641 jusqu'en fevrier suivant.
Gomplots espagnols pour la reprise de Mo-
naco (1642- 1644). — Pendant ce temps, Honore II
avait a se defendre contre des tentatives que les
Espagnols renouvelerent a plusieurs reprises pour
rentrer en possession de Monaco. Tandis que leurs
manoeuvres a l'exterieur etaient etroitement surveil-
lees par le comte d'Alais, gouverneur de Provence,
le prince dejouait plusieurs complots dont les au-
teurs furent, dans la place meme, rigoureusement
chaties.
— 2 I D
Entrevue d'Honore II avec Louis XIII a
Perpignan; il est cree chevalier du Saint-
Esprit (1642). — Honore II avail hate de paraitre a
Honore II
(d'aprcs une gravure contemporaine)
la cour de France et d'y jouir des honneurs qui l'y
attendaient. La conquete du Roussillon, entreprise
au printemps de 1642, en rapprochant le roi et
— 2i b —
Richelieu des bords de la Mediterranee, lui permit
d'effectuer facilement eette premiere entrevue. Au
mois de mai, le prince debarque a Marseille s'ache-
mina vers Perpignan, alors assiege par les troupes
royales. La maladie qui frappa Louis XIII sur ces
entrefaites retarda la visite, et obligea Honore d'at-
tendre quelque temps a Beziers le moment favorable
pour son audience. Elle eut lieu le 22 mai. Le roi
l'invita a le suivre a la chapelle et lui dit en lui
remettant les insignes de Tordre du Saint-Esprit :
« Mon cousin, je ne vous traite pas a Tordinaire et
« ne recherche point toutes les ceremonies requises
« afaire un chevalier; aussi n'etes-vous pas consi-
« dere dans le commun, et je me contente qu'on sache
« que votre merite et mon inclination me portent a
« faire ceci de la sorte pour honorer Tun et vous
<c donner une entiere assurance de Tautre. Surtout,
« souvenez-vous que le roi d'Espagne n'a jamais
« donne Tordre de la Toison d'Or en France, comme
« je vous donne celui du Saint-Esprit en Espagne,
« et que Techange que vous en avez fait pour l'autre
« que vous avez renvoye a Sa Majeste Catholique,
« est assez beau pour rendre votre aventure et votre
« qualite considerables. »
Donation du duche-pairie de Valentinois, du
marquisat des Baux et du comte de Garladez
(1642- 1 643). — Le Roi fit immediatement delivrer
— 2I7 —
des lettres patentes, datees du camp meme sous
Perpignan, qui conferaient au souverain de Monaco,
en echange du marquisat de Campagna, le Valen-
tinois erige en duche-pairie, avec les peages de
Valence, de Vienne et de Montelimar.
La terre des Baux, en Provence, fut en meme
temps erigee en marquisat en faveur du fils d'Ho-
nore II, Hercule Grimaldi, en compensation de la
commanderie de Calatrava et des autres biens qu'il
perdait en pays espagnols ; d'autres lettres, poste-
rieuresde quelques mois, arrondirent les domaines
du duche de Valentinois par radjonction de plusieurs
terres contigues. Une derniere concession attribua
a Honore le comte de Carladez, en Auvergne, dont
les revenus completerent le chiffre stipule par le
traite de Peronne.
Voyage d'Honore II a Paris; il est recu due
etpair au Parlement (1642-1643). — Honore II
put surveiller par lui-meme rexecution de ces dons
royaux. Revenu en juin a Monaco, il en repartit le
6 novembre suivant pour Paris accompagne du nou-
veau marquis des Baux. II v sejourna jusqu'au mois
d'avril suivant. Le petit allie de la France fut l'objet
d'une curiosite bienveillante et empressee de la part
de la cour et de la ville, et tandis que les cours
souveraines enregistraient le traite de Peronne et les
donations de territoires qui en etaientla consequence,
— 2l8 —
il prenait seance au Parlement comme due et pair de
Valentinois. L'audience solennelle cut lieu le ig fe-
vrier 1643. L'avocat general Oraer Talon prononca
a cette occasion une de ces harangues alors a la
mode ou les vertus du prince etaient exaltees.
Naissance de Louis, comte de Carladez, fil-
leul de Louis XIV et d'Anne d'Autriche (1642-
1643). — Dans rintervalle des voyages a Perpignan
et a Paris, Aurelia Spinola avait donne le jour,
le 2 5 juillet 1642, a un premier-ne que Louis XIII
et Anne d'Autriche avaient accepte de nommer au
bapteme. La mort du Roi,qui expira le i4mai 1643,
survint quelques semaines apres le retour du Prince
a Monaco, avant que les ceremonies aient eu lieu.
Honore II recut bientot avis que le jeune roi
Louis XIV remplacerait son pere pour cette faveur
insigne. Le i3 novembre 1643, le comte dAlais,
gouverneur de Provence, et la comtesse sa femme,
representant le roi et la reine-mere, furent recus
en grande pompe a Monaco et le bapteme de Louis
Grimaldi. a qui on donna le titre de comte de Carla-
dez, fut preside par Teveque de Nice au milieu d'un
brillant concours de noblesse.
Les fetes qui celebrerent cette consecration de Tal-
liance de Monaco et de la France, egalerent en eclat
celles qui, deux ans auparavant, avaient marque le
mariage d'Hercule Grimaldi et dAurelia Spinola.
— 219 —
Faveurs et privileges accordes par Louis XIV
(1643). — La bienveillance royale s'etendit aux servi-
teurs d'Honore qui avaient joue un role actif dans
l'expulsion des Espagnols. Le majordome Jerome
Rev, le secretaire Brigati, le capitaine de Menton
Jerome de Monleon, recurent du roi de France des
lettres de naturalite francaise et de noblesse avec des
gratifications.
Ces faveurs furent bientot suivies de privileges
importants dans Tordre economique. La difficulte
des approvisionnements etait une des questions les
plus dedicates pour Fexistence de la Principaute ; il
fallait compenser les traites de Sicile maintenant sup-
primees ; une ordonnance royale accorda au Prince
la faculte de tirer en franchise de Provence et de
Languedoc vingt-cinq mille charges de ble pour
l'alimentation de ses sujets.
Monnaies de Monaco (1643). — Le 16 octo-
bre 1643, des lettres patentes autoriserent l'intro-
duction et la circulation en France des monnaies
d'or, d'argent et de billon fabriquees a Thotel des
monnaies de Monaco, a la condition qu'elles seraient
de meme titre et aloi que les especes ayant cours en
France.
Ce privilege ne fut pas execute sans avoir pro-
voque de vives resistances de la part des cours
des monnaies et des autres cours souveraines du
— 220
Royaume. II fallut, pour vaincre ces obstacles,
recourir a de nouvelles lettres confirmatives, qui
furent delivrees par le roi de France, en 1645 et
1646.
Quadruple
Pistole
Demi-Pistole
Types des monnaies d'or
frappees par Honore II depuis le traite de Peronne
— 221 —
m^:^sm^ $r %r<
Demi-ecu
4mb
Piece de cinq sous
Types des monnaies d'argent
frappees par Honore II depuis le traite de Peronne
222
Des lors, Tatelier des monnaies de Monaco fonc-
tionna regulierement et avec activite.
Ce n'est pas ici le lieu de nous etendre en detail
sur la monnaie de Monaco, ni de faire l'historique
des fermiers qui prirent la direction de Tatelier
monetaire et dont les marques particulieres ou diffe-
rents se retrouvent sur les frappes successives qui
furent faites pendant ce regne ; nous donnons ici
seulement quelques-uns des principaux types des
especes d'or et d'argent emises.
Cette monnaie etait fort belle ; les exemplaires des
pieces d'or sont remarquables ; ils sont devenus
d'une extreme rarete.
L'ecu d'argent, que son module trop grand nous
empeche de reproduire ici, est, sauf la dimension,
exactement semblable au demi-ecu dont nous don-
nons le dessin.
Role militaire du port de Monaco ( 1 644- 1 647).
— La guerre maritime continuait cependant dans la
Mediterranee, et le port de Monaco eut un role tres
important dans les campagnes entreprises par la
France pendant les annees 1644 a 1647. ^ etait de
premiere importance d'y reunir des forces serieuses
pour intercepter les communications entre TEspagne
et ses possessions de la haute Italie qui se faisaient
par Finale depuis la perte de Monaco.
En outre, on decouvrait a chaque instant des
intelligences que les Espagnols cherchaient a renouer
dans Monaco et les preoccupations que causaient ces
menees firent projeter un moment, en 1646, aux
autorites militaires francaises de rattacher la place au
gouvernement de Provence. La regente, ridele obser-
vatrice du traite de Peronne, repoussa cette idee.
« Ce rattachement n'etait pas possible, vu le carac-
« tere d'etat independant de la forteresse et le droit
« souverain de son prince ». (Septembre 1646.)
Le port devint, des lors, un centre d'armements
qui servit surtout dans Tattaque des presides de
Toscane : Orbitello, Piombino, Porto Longone. Une
escadre entretenue par le roi y fut placee en perma-
nence sous le commandement du prince.
Des armements particuliers d'Honore II vinrent
encore augmenter cette force navale, et plusieurs
galeres, dont trois achetees au grand-due de Toscane,
firent flotter dans la Riviere Tetendard fusele des
Grimaldi.
Poursuite des pirates barbaresques ( 1 644-
1647). — Honore II n'oubliait pas du reste le role
assume par ses predecesseurs dans la chasse a
dormer aux pirates barbaresques qui continuaient a
infester la Mediterranee et dont la poursuite avail
ete la cause premiere de Tetablissement du peage
maritime ou droit du port de Monaco destine a
Tentretien de ces armements.
— 224 —
L'audace des Barbaresques et leurs depredations
etaient devenus extremes dans les dernieres annees
a la faveur des guerres ; a chaque instant des razzias,
operees sur les cotes de la Riviere, venaient jeter la
desolation dans les populations qui osaient a peine
s'aventurer hors des villes.
Honore II demanda et obtint l'intervention du roi
de France; par une depeche adressee, en 1644, a
son ambassadeur a Constantinople, La Haye Ven-
xelaye, Louis XIV fit inviter expressement le Grand-
Seigneur a exiger de ses vassaux de Tunis et d'Alger
le respect du territoire du prince de Monaco devenu
son protege.
Visite de la marechale de Guebriant (1646).
— Les nouveaux liens qui unissaient Honore a la
France provoquaient de nombreuses visites de per-
sonnages de marque a Monaco. La plus celebre pen-
dant cette periode fut celle de la marechale de Gue-
briant, lors de son retour de Pologne oil, avec le
litre d'ambassadrice, elle avait conduit en 1646 la
princesse Marie de Gonzague-Nevers, mariee au roi
Vladislas. Elle etait accompagnee par Thistorien du
marechal de Guebriant, Jean Le Laboureur, dont la
relation de voyage contient la plus ancienne des-
cription imprimee du palais de Monaco et des details
tres precis sur les richesses artistiques qu'il renfer-
mait alors.
2 2 3
Publication de Thistoire genealogique de
Venasque (1647). — La visite de madame de Gue-
briant a beaucoup contribue a la publication d'unc
genealogie historique de la maison de Grimaldi qui
est devenue depuis ce temps la base officielle de
Thistoire de Monaco. UHistorica et genealogica
Grimaldce gentis arbor est signee de Charles de
Venasque Ferriol, le secretaire d'Honore II, maison
y reconnait facilement la main experte de Jean Le
Laboureur.
Ce livre donna une forme definitive aux preten-
tions des Grimaldi qui, dcja depuis deux siecles,
tendaient a chercher en dehors de Genes les origines
de leur maison. Leurs relations avec la Provence les
avaient amenes, des le commencement du xve siecle,
a se rattacher, grace a une identite de nom, a la
seigneurie de Grimaud {de Grimaldo) dans le golfe
de Saint-Tropez, donnee par le comte de Provence
au onzieme siecle a un heros de la guerre contre les
Sarrazins, Giballin, en recompense de ses services.
Plus tard, sous Louis XII et Francois Ier, ils trou-
verent a la cour de France une famille normande
alors puissante, les du Bee Crespin, dont les armoi-
ries etaient identiques aux leurs et avec laquelle ils
se reconnurent une origine commune.
A la fin du xvie siecle, suivant la mode qui attri-
buait alors aux grandes maisons des origines anti-
ques ou fabuleuses, on chercha des ascendants des
i5
— 220 —
Grimaldi dans les Grimoald, dues de Benevent, ou
dans les rois Normands du sud de Tltalie.
Fondant ensemble ees pretentions diverses, Charles
de Venasque, ou plutot Jean Le Lahoureur, assigna
uneorigine carlovingienne aux ancetres d'Honore II
et des du Bee Crespin, dont etait la marechale de
Guebriant, en les faisant descendre de Grimoald, tils
de Pepin d'Heristal ; il imagina une filiation qui
comprit Giballin de Grimaud et un frere fabuleux de.
celui-ci, Grimaldus, auquel, d'apres un manuscrit
apocrvphe exhume a la bibliotheque Ambroisienne
a Milan, I'empereur Othon aurait donne vers 960 la
souverainete de Monaco.
L'ouvrage de Venasque a, depuis deux siecles et
demi, fait devier de la verite historique les annales
de Monaco et des Grimaldi, sans creer une legende
plus glorieuse que la realite.
Nouveau voyage d'Honore II a la cour de
France (1 646-1 647). — Honore II executa, a la fin
de 1646, peu de semaines apres le passage de la mare-
chale de Guebriant , un nouveau voyage a Paris.
II etait encore accompagne de son his, le marquis
des Baux. Son absence se prolongea plus de six
mois ; il fut temoin pendant ce temps de fetes bril-
lantes a la cour de France.
Son gout pour les arts lui fit rechercher ce qui
existait alors a Paris d'artistes renommes. Ce fut a
•1 • ■> -
cette epoque qu'il fit executer son portrait par Phi-
lippe de Champaigne et qu'il commanda deux series
de splendides tapisseries it la manufacture royale.
Le roi fit a sa demande quatre chevaliers de Saint-
Michel; Honore en recut lui-meme les titulaires dans
la chapelle privee de son hotel a Paris, ce furent :
Jerome Rev, son majordome, un gentilhomme de
San Remo, Fabiani, enfin, detail caracteristique, Jean
Le Laboureur « tres ami de Son Excellence », dit la
relation, et, celui-ci, Charles de Venasque-Ferriol,
dont le livre paraissait en ce moment.
Demarches au congres de Munster (1646-
1648). — Le congres de Munster, qui devait aboutir
au traite de Westphalie, etait alors reuni ; depuis b
traite de Peronne, Honore II employait tous les
movens pour etablir devant l'Europe la legitimite de
sa conduite en rompant avec TEspagne. II fit pre-
senter au congres des memoires justificatifs, accom-
pagnes de consultations qu'il alia chefcher jusqu'a
Rome.
Armements maritimes a Monaco — Projets
du due d'York sur son port (1648-1 653). — Mais
le traite de Westphalie ne pouvait avoir d'effet direct
sur la situation de Monaco, puisque la guerre avec
TEspagne continua et, par consequent, les hostilitcs
dans la Mediterranee. La revolution d'Angleterre, en
- %28 —
jetant en exil la famille des Stuart, faillit alors donner
un role particulier au port des Grimaldi ; le due
d'York, depuis le roi Jacques II, pensa en i65o a en
faire le point de concentration d'une marine royale
anglaise destinee a combattre les flottes du Protec-
teur. Cela lit Tobjet de negociations a Toccasion
desquelles le prince se conduisit a l'egard du due avec
une courtoisie qui provoqua les remerciements de la
cour de France.
Pendant les annees qui s'ecoulerent de 1648 a 1 653
Teffectif des navires de guerre francais fut encore
augmente a Monaco ; il en resulta des depenses qui
furent en partie cause du nouveau voyage qu'Honore
fit a la cour, en i65i, pour obtenir le reglement de
ses avances au moment de la proclamation de la
majorite de Louis XIV.
Mort aecidentelle du marquis des Baux ( 1 65 1 ).
— Cette nouvelle absence du prince fut troublee par
un douloureux evenement; dans la journee du
2 aout 1 65 1 le marquis des Baux, qui s'etait rendu
pour un pelerinage a Menton avec sa femme et leur
fils aine, le jeune Louis, comte de Carlades, s'exer-
cait au tir dans un jardin pres de Carnoles ; un des
gardes places pres de lui laissa decharger par
maladresse un pistolet d'une fafon si malheureuse,
qu'Hercule Grimaldi recut la charge dans les reins et
expira au bout de quelques heures et apres de cruelles
souffrances. II n'avait que vingt-sept ans.
2 2Q
Louis Grimaldi, comte de Carlades, devint L'heri-
tier de son grand -pere; Aurelia Spinola eut son
douaire assigne sur le duche de Valentinois.
Aurelia Spinola
Duchessc douairiere de Valentinois, belle -rille d'Honore II
(d'apres une gravure conlemporaine)
Etat brillant de la Covir de Monaco i65o-
i658). — Cependant Monaco etait devenu une cour
brillante, dont ce deuil interrompit seulement quel-
— 23o —
que temps l'animation. Elle trouvait un aliment
dans la presence des officiers frangais et des nom-
breux representants de la noblesse provencale des
environs, alliee aux Grimaldi d'Antibes. Le marquis
de Corbons, lieutenant du prince dans le gouverne-
ment de la place, etait Tame de ces reunions. A
limitation de la cour de France, les seigneurs et
gentilshommes organisaient des fetes oil on dansait
des ballets dont Tun, ecrit par le secretaire d'Ho-
nore II, Charles de Venasque Ferriol, et qui a ete
imprime : Les Entretiens de Diane et d'Apollon, fut
donne le 12 fevrier ibSq. On y vit paraitre, a cote du
jeune comte de Carladez, sa mere Aurelia Spinola.
Nouveaux embellissements et collections
artistiques au Palais (1 642-1 658). — Ces fetes
devenaient plus frequentes a mesure qu'Honore II
poursuivait rembellissement du Palais. On a vu
qu'en 1 656, la reconstruction de la chapelle Saint-
Jean avait ete terminee au fond de la cour d'honneur.
Une vaste salle contigue, construite entre la cha-
pelle et les grands appartements, recut comme deco-
ration une quantite de tableaux de maitres, tandis
que la galerie voisine, traversant dans toute sa
largeur l'aile donnant sur la mer, etait ornee de
meubles en marqueterie rehausses d'or et d'argent,
sur lesquels etaient disposes des bijoux precieux et
des objets en cristal de roche dont la collection eut,
— 2 .-> I
pendant pres de deux siecles, une grande celebrite.
Honore II avait constitue a Genes et dans le reste
de Tltalie des agents charges de l'acquisition des
oeuvres de peinture et des objets d'art qui figurent
a.u nombre de plusieurs centaines dans I'inventaire
de sa succession. II entretint egalement des artistes
dans son palais. Outre le peintre toulousain Hilaire
Pader, auteur d'un poeme didactique sur la peinture,
qui prenait le titre de « Peintre ordinaire de Son
Altesse le Prince de Mourgues », on y vit travailler
pendant plusieurs annees Orazio Ferrari, de Genes,
auquel le prince, par commission -de Louis XIV,
confera l'ordre de Saint-Michel.
De cette epoque date egalement la construction de
Thotel de ville que le corps de commune de Mo-
naco eleva pres de l'eglise Saint-Nicolas, et qui fut,
en 1660, decore a Tun des angles d'un buste du
Prince et d'une inscription commemorative.
Mariage de Tainee des petites-filles d'Ho-
nore II (i65j). — Les negociations pour le mariage
de ses petits-enfants occuperent les dernieres annees
du regne d'Honore II. L/ainee de ses petites-filles
epousa, en 1657, Philibert de Simiane, marquis de
Livourne, qui, quelques annees plus tard, devenu
marquis de Pianezze, devait jouer un role considerable
a la cour de Turin, sous la regence de Marie-Jeanne-
Baptiste de Nemours, mere de Victor-Amedee II.
Louis XIV avait suivi avec sollicitude Tetablisse-
ment de la petite-fille d'Honore II. II apportait au
sort des petits enfants du prince « un interet aussi
grand, » dit une depeche du secretaire d'Etat Lo-
menie de Brienne, « que s'il se fut agi de ses propres
parents. »
Mariage de Louis, due de Valentinois, avec
Charlotte de Gramont (1659- 1660). — A la
fin de Tannee 1 658 les bons offices du cardinal
Mazarin, unis a ceux de la marechale de Guebriant,
avaient menage -une grande alliance a l'heritier de la
maison de Monaco. Le comte de Carladez, qui avait
pris le titre de due de Valentinois, fut fiance, au
commencement de 1659, a la fille du marechal de
Gramont. En l'absence du prince, retenu par la
maladie a Monaco, et de son petit-fils, le contrat de
mariage, dresse par le secretaire d'Etat de Guene-
gaud, fut signe le 28 avril 1.659 dans la chambre du
Roi, au chateau du Louvre. La marechale de Gue-
briant et son frere le marquis de Vardes y represen-
terent le futur epoux et son grand-pere. Le roi, la
reine, la famille royale, les principaux seigneurs y
figurerent.
Le voyage de la cour dans le midi, l'ambassade
du marechal de Gramont, charge d'aller a Madrid
demander officiellement la main de Tinfante Marie-
Therese pour Louis XIV, la conclusion du traite
des Pvrcnccs et le mariage du roi retarderent la
calibration du mariage du due de Valentinois qui
eut lieu seulement le 3o mars de Tannee suivante,
a Pau, dans la chapelle de Thotel du due de Gramont.
II fut celebre par Feveque de Lescar.
Dispositions du traite des Pyrenees relatives
a Monaco ; elles restent inexe cutees ( 1 6 5 9- 1 7 1 o) .
— Le traite des Pyrenees venait de mettre fin a la
longue guerre entre la France et TEspagne. Ho-
nore II y fut nommement designe parmi les allies
du roi de France dans Particle 122. Mais en outre,
et en vertu des engagements pris par le roi de France
a son egard, Particle 104 du traite stipula formelle-
ment la restitution au prince de Monaco de ses biens
confisques en pays soumis a TEspagne.
L'execution de cette clause avait pour le prince un
grand interet, mais en meme temps elle pouvait
entrainer pour lui des consequences tout a fait desa-
yantageuses par suite des dispositions du traite de
Peronne. L'article 9 de ce traite stipulait, en effet,
que le roi de France serait decharge des compen-
sations territoriales accordees par lui dans la propor-
tion de la yaleur des restitutions faites par TEspa-
gne; en sorte qu'un traite intervenant et la restitution
consentie et executee, le prince de Monaco eut pu,
par suite d'une nouvelle confiscation suryenant lors
d'une guerre posterieure, se trouver prive a la fois de
- 234-
ses anciens domaines et des biens recus en echange.
C'etait la le cote perilleux des stipulations du traite
de Peronne puisqu'elles rendaient conditionnelles
et precaires les possessions acquises en France.
Honore II avait longtemps combattu ces disposi-
tions, et cette difficulte avait ete cause en grande
partie de ses hesitations du dernier moment lors de
F expulsion des Espagnols.
La cour d'Espagne ne mit pas le prince et la
France dans le cas de revenir sur les donations
territoriales concedees depuis 1641 ; elle se refusa
toujours a Texecution de Particle 104 du traite des
Pyrenees ; et cependant, a Toccasion des differents
traites de paix qui furent ensuite conclus entre les
deux couronnes, la question fut de nouveau debattue
diplomatiquement ; les negociations avorterent suc-
cessivement. Elle n'eut pas plus de succes lorsqu'un
fils de France fut monte sur le trone des rois catho-
liques. Le gouvernement de Philippe V ne fit pas
meilleur accueil que celui de ses predecesseurs aux
requetes du prince de Monaco qui etaient encore
presentees sans succes en 1710.
Mort d'Honore II (1662). — L'annee qui suivit le
mariage du prince Louis vit naitre un rejeton de la
maison princiere. Le 2 5 Janvier 1661 Charlotte de
Gramont mit au monde a Paris un premier-ne qui
fut le .prince Antoine. Le due et la duchesse de
Valentinois quitterent la cour dans Tautomne de 1 66 1
paur se rendre a Monaco. L'etat de same d'Honore
dcclinait alors rapidement; gravement atteint de la
goutte, il expira au milieu de cruelles souffrances, le
10 Janvier 1662, a l'age de soixante-cinq ans.
Honore II a laisse a Monaco une trace ineffacable;
il a etc le Louis XIV de la Principaute. Prince d'une
grande intelligence, il se lit aimer de ses sujets au
bien-etre desquels il travaillait avec un soin paternel;
doux et pacitique, maitre de lui-meme et patient, il
avait montre que cette douceur pouvait s'allier aux
plus males resolutions et au plus grand courage; il
avait etonne son temps par Tenergie avec laquelle il
avait secoue le joug sous lequel il gemissait.
Mais e'est du cote des arts que se portaient ses
gouts; son education, dirigee par le prince de Valde-
tare, avait ete tout artistique ; aussi renouvela-t-il
Taspect de la Principaute et Ton peut dire qu'il
laissa, au point de vue des embellissements, peu a
faire a ses successeurs. Actuellement encore, apres
tant de transformations et le merveilleux developpe-
ment que Monaco arecu sous le regnede Charles III,
la marque du regned'Honore II se retrouve a chaque
pas dans la vieille forteresse des Grimaldi.
— 236 —
CHAPITRE XVII
LOUIS Ier
( 1662-I7OI )
Le due et la duchesse de Valentinois a la cour
de France apres leur mariage (1 660-1 661). —
L'heritier d'Honore II n'avait pas vingt ans lorsqu'il
succeda a son grand-pere. Eleve a Monaco jusqu'a
son mariage, il s'etait trouve tout a coup, a Tage de
moins de dix-huit ans, jete dans le milieu le plus
brillant mais aussi le plus rempli d'embuches de la
cour de France. L'intimite du marechal de Gramont
avec Mazarin avait cimente la liaison de sa fille, la
duchesse de Valentinois, avec les nieces du cardinal.
Cetait le moment ou l'ainee d'entre elles, la comtesse
de Soissons, Olympe Mancini « de chez qui le roi ne
bougeait », avait fait de sa maison le centre de la
cour. La beaute, l'esprit de Charlotte de Gramont
lui avaient de suite assigne une place a part au milieu
de jeunes femmes avides de plaisir et d'intrigues.
Mariee contre son gre a un prince inexperimente,
etranger par son education aux moeurs de la cour et
— 237
'/
plus jeunc qiTelle de trois ans, il fut facile des Tabord
de juger que cette union serait bientot traversee de
nombreuses epreuves et de profonds dissentiments.
Faut-il attribuer a un moment de decouragement
le retour inopine que Louis de Valentinois executa
seul, quelques mois apres son mariage, a Monaco
pendant l'automne de 1660 ? En tous cas, ce voyage
n'eut qu'une courte duree; la naissance attendue de
son premier enfant le ramena bientot a Paris.
C'etait au commencement de cette annee 1661
qui vit se derouler tant d'evenements. La mort de
Mazarin fut suivie, quelques semaines plustard, du
mariage de Monsieur, frere du Roi, avec Henriette
d'Angleterre, et cette jeune princesse apporta un
nouvel element d'activite au tourbillon de fetes qui
entrainait alors la cour.
Faveur de madame de Valentinois aupres
d'Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orleans
( 1 66 1 ). — Monsieur avait une affection particuliere
pour la famille du marechal de Gramont et la duchesse
de Valentinois lui etait surtout sympathique. Cette
inclination, partagee par Madame Henriette, fit
bientot place chez cette princesse a des sentiments
d'etroite amitic.
Des lors, la duchesse de Valentinois fut de toutes
les parties les plus choisies, et son nom se trouva
mele aux incidents qui firent alors le plus de bruit.
— 238 —
Disgrace du comte de Guiche ; madame de
Valentinois est eloignee de la com* (1661). —
Cependant , Tun de ces incidents vint bientot, non pas
alterer une faveur declaree, mais compromettre la
situation de Charlotte de Gramont a la cour. Son
frere, le romanesque comte de Guiche, s'etait epris
d'une passion temeraire et indiscrete pour Madame;
Teclat cause par cette aventure obligea le comte a
s'exiler par ordre du roi, et quoique la duchesse
semble n'avoir en rien participe a cette intrigue et s'y
etre meme activement opposee, la Reine-Mere jugea
opportun de la faire eloigner elle aussi.
Le due et la duchesse de Valentinois a Mo-
naco (1661). — Le due de Valentinois saisit avec
empressement cette occasion de soustraire sa femme
a uii milieu dans lequel il avait lui-meme une
situation aussi effacee qu'embarrassante. II l'emmena
a Monaco en septembre 1661, pendant le voyage
de la cour a Nantes qui fut temoin de la disgrace et
de l'arrestation de Fouquet.
Avenement de Louis Ier ; sejour a Monaco
(1662-1664). — La mort d'Honore II, survenue,
ainsi qu'on Fa vu plus haut, peu de semaines apres
l'arrivee de son petit-nls, obligea le nouveau prince
et la princesse a resider longtemps dans leurs etats ;
ils y passerent sans interruption les annees 1662,
— 2:>q —
1 663 et 1664. Durant cette periode, Charlotte mit
au monde trois filles dont la dernierc naquit en
juillet 1664.
Fondation du couvent de la Visitation de
Monaco (i663). — Ce long sejour, pendant lequel
le prince et la princesse partagerent leur temps entre
Monaco et Menton, fut marque par la fondation d'un
couvent dont Charlotte de Gramont prit l'initiative.
En vertu d'une convention passee entre Louis Ier et
le cardinal Grimaldi, archeveque d'Aix, cinq reli-
gieuses et une converse du couvent de Notre-Dame
de la Visitation d'Aix vinrent s'etablir a Monaco
en 1 663. Les batiments du nouveau monastere de la
Visitation s'eleverent sur la partie orientale du
rocher, en arriere de ce qui restait alors du Chateau
Neuf et toutpres de Tantique eglise de Saint-Martin.
Une dotation considerable rendit bientot cet etablis-
sement prospere ; Tune des filles de Louis Ier y fit
profession plus tard, et Charlotte de Gramont, qui
conserva toujours une grande affection pour cette
maison, voulut qu'apres sa mort son coeur y fiit
transporte.
L'atelier des monnaies sous Louis Ier (i663-
j-O!). — Deja fort actif sous le regne d'Honore II,
Tatelier des monnaies prit sous Louis Ier une exten-
sion plus considerable encore. Les premieres mon-
— 240 —
naies frappees different, pour plusieurs pieces, du type
adopte par Honore II. On revint quelques annees
plus tard aux modeles du regne precedent. Sans nous
Or — Double Pistole
Argent — Quart d'Ecu
Types de mommies
frappees dans les premieres annees de Louis I"
etendre sur ce sujet, nous ajouterons que Tatelier ne
se contenta pas, sous le regne de Louis Ier, de frapper
des especes monegasques; a limitation d'un grand
— 241 —
nombre d'ateliers monetaires. on y joignit la fabri-
cation de jetons ct memo de pieces etrangeres de
differents types, dont la plus grande partie etait
destinee aux transactions dans les pays orientaux ou
Ardent — Demi-ecu
Cuivre — Denier
Types de monnaies
frappecs au milieu et a la fin du regne de Louis ler
africairts. Cette fabrication provoqua des representa-
tions adressees par le conseil aulique de Vienne ,
mais cette intervention n'eut pas de suites.
16
— 24-2 —
Louis Ier est le dernier prince qui ait fait frapper
de la monnaie d'or jusqu'a Charles III.
Travaux au Palais de Monaco; le grand
escalier (1662). — L/installation au Palais de Mo-
naco d'une princesse qui y apportait les habitudes et
le gout dela cour de France entraina de nombreuses
modifications dans les amenagements interieurs
et la decoration; mais la seule oeuvre architecturale
importante executee sous cette influence fut le grand
escalier de la cour d'honneur construit en 1662 sur
le modele du celebr e fer a cheval du palais de Fon-
tainebleau.
Retour de madame de Monaco a la cour; elle
est faite surintendante de la maison de Ma-
dame; sa faveur (1664- 1668). — Charlotte de
Gramont revint a la cour vers la fin de 1664. Mon-
sieur avait pris l'initiative de son rappel ; l'aventure
du comte de Guiche n'avait pas altere ses sentiments
d'attachement pour les Gramont ; plusieurs mem-
bres de cette famille occupaient les principales
charges dans la maison de sa femme.
A son retour, la princesse Charlotte retrouva
aupres d'Henriette d'Angleterre une faveur et une
affection qui semblaient s'etre accrues pendant une
si longue absence ; elle fut nommee surintendante
de la maison de Madame, charge eminente creee
— 243 —
pour die. Le roi donnait a sa belle-sceur, par cette
creation, une marque singuliere de consideration
puisque cette dignite avait ete jusque la exclusive-
ment reservee a la maison de la reine et le fut
encore depuis.
Les memes cabales qui avaient marque les annees
precedentes se renouvelerent autour de madame de
Monaco; un parti a la cour chercha meme un
instant a lui faire jouer un role dans des tentatives
faites pour detacher le roi de mademoiselle de
La Valliere. Chaque jour amenait un nouvel inci-
dent ; a un moment la princesse dut demander au
roi protection contre les attaques d'un gentilhomme
des plus envue, Puyguilhem, celui quidevait bientot
rendre celebre le nom de Lauzun. Proche parent
des Gramont, Puyguilhem avait affiche une passion
bruvante pour sa cousine des le temps de son ma-
nage. Le depit l'avait brouille avec die ; sur la
plainte de madame de Monaco, il fut mis quelque
temps a la Bastille (25 juillet i665).
Louis Iei prend du service en Hollande (1666).
— Ces evenements et ce dernier eclat s'etaient pro-
duits avant le retour de Louis Ier a la cour. Le prince
ne quitta en effet Monaco qu'a la fin de Tannee 1 665 .
Peu dispose a se meler aux intrigues dans les-
quelles il deplorait de voir la princesse si complete-
ment entraince, il prefera s'eloigner de nouveau.
— 244 —
II n'avait pas encore servi ni fait la guerre ; il avait
alors vingt-quatre ans. L'occasion se presenta d'oc-
cuper son activite et d'acquerir de la gloire ; il la
saisit. Le comte de Guiche qui, pour la seconde fois,
s'etait fait exiler de la cour, etait passe, com me volon-
taire, au service de la Hollande, alors en guerre avec
TAngleterre. Louis alia rejoindre son beau-frere au
moment oil les amiraux Ruvter et Tromp se prepa-
raient au choc le plus terrible qui se fut encore
donne sur mer.
Bataille du Texel (juin 1666). — Les deux
beaux-freres firent assaut de bravoure a la batailleidu
Texel, ou cent navires de chaque cote et dix mille
bouches a feu firent rage pendant quatre journees
consecutives.
lis etaient montes sur le vaisseau du capitaine
Terlon, second de Ruvter, qui aborda si vivement le
vice-amiral anglais du « Pavilion Rouge », quele com-
bat corps a corps s'engagea immediatement et dura
plus de deux heures. Au plus fort de Faction le; feu
prit a leur navire ; il fallut se jeter a l'eau avant qu'il
ne sautat. A ce moment un des vaisseaux hollandais,
la Petite Hollande, s'accrocha au leur; ils purent y
monter et y combattre encore trois heures, jusqu'au
moment ou la Petite Hollande fut a son tour entie-
rement desemparee. Ils furent alors transportes
presque nus sur le navire de Ruvter qui leur
— 2_p —
fit donner des vetements et les recut avec de grandes
demonstrations de joie. Guiche avait recu trois bles-
sures ; trois de ses domestiques ainsi que Tecuyer
du marechal de Gramont avaient ete tues; Louis de
Monaco s'en tira sans une.egratignure.
Louis Ier, mestre de camp, fait la campagne
de Flandres (1067'. — La paix conclue a Breda
entre les Provinces-Unies et l'Angleterre fut suivie,
l'annee suivante, 1667, de la guerre declaree par
Louis XIV a TEspagne. En une seule campagne la
Flandre wallonne fut conquise.
Des le debut, Louis Ier avait leve un regiment de
cavalerie; il avait ete cree mestre de camp le i5 mars
1667. II assista a la prise de Lille, oil son beau-pere,
le marechal de Gramont, se couvrit de gloire dans
la tranchee a la tete du regiment du roi. II suivit
ensuite jusqu'a la fin les operations et fit partie du
corps qui prit Alost au mois de septembre.
A son retour de Tarmee, Louis ne s'arreta pas a la
cour et partit directement pour Monaco au mois de
novembre 1667; il en revint au printemps suivant.
Son regiment fut licencie, le 18 mai 1668, sauf la
compagnie colonelle que le roi fit maintenir.
Sejour a Monaco de Louis et de Charlotte de
Gramont; naissance de leur second fils ( 1 668-
1669). — Louis reprit alors le chemin de Monaco ou
— 246 —
il etait de retour avec Charlotte de Gramont a l'au-
tomne de 1668. lis y firent ensemble un sejour
continu de pres de deux ans sans retourner a la cour.
La princesse donna le jour Tannee suivante, le 3 1 de-
cembre j 669, a Genes, a son dernier enfant, Francois-
Honore Grimaldi, fait a son berceau chevalier de
Malte et qui devint par la suite Tabbe de Monaco,
arche-weque de Besancon.
Conflit relatif au territoire entre Monaco
et la Turbie ; arbitrage des cardinaux Impe-
riali et d'Este (1668- 1670). — Le conflit seculaire
et jamais regie entre Monaco et la Turbie fut a
cette epoque la cause de serieuses preoccupations.
Nous avons deja plusieurs fois fait allusion aux
phases de cette affaire.
Depuis que Monaco avait ete fonde, les Monegas-
ques avaient, avec une patience tenace, toujours tendu
a elargir leurs possessions autour de la forteresse
aux depens de la Turbie. Peu a peu ils avaient pro-
fite de leurs droits de propriete pour chercher
d'abord a se soustraire aux charges communes dans
le territoire de la Turbie, puis pour soutenir que
leurs biens ne faisaient pas partie de ce territoire.
La question n'avait jamais ete resolue complete-
ment, les Monegasques declinant la competence des
juridictions du comte de Nice et reciproquement les
Turbiasques n'accordant aucune valeur aux deci-
— z4> —
sions des magistrats de Monaco. Cependant il etait
intervenu a diverses reprises, depuis le quinzieme
siecle, des compromis qui avaient cherche a creer
un modus vivendi reconnaissant l'etat de fait sans
toucher au fond.
En somme les Monegasques avaient beneficie de
la possession seculaire qu'ils avaient acquise tout
autour de la forteresse, depuis la pointe de la Vieille,
a Test, jusqu'au torrent Saint-Laurent, au-dela du
cap d'Ail, a Touest, et en remontant tres haut. du
cote de terre, sur le versant de la montagne. Dans
cette etendue, une partie de leurs acquisitions etait
plus recente que les autres ; il se forma ainsi une
zone qui prit d'une facon plus speciale le nom de
territoire conteste.
En 1668, la question fut soulevee a nouveau et la
pretention formulee par le Senat de Nice, qui vint a
Tappui des revindications des Turbiasques, fut que
Monaco n'avait par lui-meme aucun territoire et se
trouvait limite a son rocher et a sa rive sur le port.
La chancellerie deTurin semblait cette fois decidee
a pousser les choses jusqu'au bout ; Louis Ier fit appel
a Tintervention de Louis XIV. L'affaire fut remise a
Tarbitrage des cardinaux Imperiali et d'Este avec
lesquels le prince avait ou allait avoir des relations
d'alliance, sa seconde soeur ayant epouse Andre
Imperiali en 1662, tandis que la troisieme allait
bientot entrer dans la maison d'Este.
— 248 —
L'arbitrage des cardinaux ne satisfit aucune des
deux parties ; ils avaient decide de partager en deux
le territoire conteste. Ni les Turbiasques ni les Mone-
gasques ne voulurent acquiescer a cette decision, et
TafTaire fut encore une fois assoupie. II en fut de
meme d'une revendication des droits de suzerainete
sur Menton et Roquebrune que la Savoie tenta de
rendre connexe a Tatfaire du territoire. Louis Ier
etait trop bien en cour et Louis XIV trop puissant
pour que les reclamations du due de Savoie devins-
sent dangereuses.
Mort d'Aurelia Spinola. Sejours a Genes
(1670- 1 671). — Louis Ier perdit sa mere au prin-
temps de 1670. Aurelia Spinola mourut a Genes ou
elle s'etait depuis longtemps retiree ; une de ses lilies
y avait pris le voile au couvent de Sainte-Therese.
A la fin d'aout, le prince et la princesse firent un
voyage a Paris. Madame Henriette etait morte quel-
que temps avant leur arrivee, le 29 juin.
Leur sejour ne se prolongea que jusqu'au prin-
temps suivant. Ils etaient de retour en avril 1671,
et jusqu'a Tete de 1672, ils continuerent a partager
leur temps entre Monaco et Genes, ou les attirait
leur parente avec les plus grandes maisons d'ltalie.
Madame de Grignan a Monaco (1672). — Dans
cet intervalle, Charlotte de Gramont recut a Monaco,
— 249 —
en avril 1672, La visite de la comtesse de Grignan.
Madame de Sevigne, a conserve le souvenir de ce
voyage de sa lille dans Tune de ses lettres les plus
Charlotte de Gramont, princesse de Monaco
(D'apres un portrait attribue a Se'bastien Bourdon, au Palais de Monaco)
vives et les plus spirituelles. Elle y montre madame
de Monaco supportant impatiemment Feloignement
continu de la cour auquel elle etait astreinte.
— 2D0 —
En juin suivant elle rendit a madame de Grignan
sa visite en Provence : elle reprenait a ce moment le
chemin de Paris. La guerre de Hollande rappelait
alors Louis Ier a l'armee. Aussitot la campagne
terminee, il revint a Monaco ou il etait rentre au
commencement du mois d'octobre.
Charlotte de Gramont, premiere dame d'hon-
neur de la nouvelle duchesse d'Orleans (1673-
1678). — De cette epoque date la separation qui se fit
entre Louis et sa femme. Tandis que le prince conti-
nuait a sojourner a Monaco ou a Genes, preludant a
un grand monument legislatif par des series d'ordon-
nances sur de nombreuses matieres de droit civil
ou d'administration, Charlotte reparaissait a la cour
d'ou elle ne devait plus sortir. Peu de temps apres
son retour, le second mariage de Monsieur lui fit
retrouver une situation analogue a celle qu'elle avait
occupee aupres de la premiere femme de ce prince.
Elle fut nommee le 29 avril 1673 premiere dame
d'honneur de la nouvelle duchesse d'Orleans; mais
les sentiments de la rigide Palatine n'eurent jamais
pour elle la vivacite ni le caractere affectueux qu'elle
avait trouves aupres d'Henriette d'Angleterre. Elle
ne pouvait, du reste, s'habituer a voir les allures
galantes d'autrefois bien modifiees a la cour de Mon-
sieur. Elle faisait cependant montre d'un zele et d'un
attachement dont se scandalisaient quelque peu ses
2!U
anciennes amies qui, comme madame de La Fayette,
Tavaient vue en possession de Taffection sincere de la
premiere Madame.
Sejours prolonges de Louis I r a Monaco 1 6j3-
1676). — Le prince Louis ne quitta Monaco que
pour figurer dans Tarmee qui conquit la Franche-
Comte en 1674. II assista alors a la capitulation de
Besancon puis a celle de Dole, et revint presque
aussitot apres dans la Principaute. II ne la quitta
plus que pour faire des sejours a Genes jusqu'a Thiver
de 1675 a 1676 qu'il passa en partie a Rome et a
Venise.
II tit ensuite campagne pendant Tete de 1676, dans
les Pays-Bas.
Aventures romanesques de Louis Ier ( 1676-
1678). — II resta alors absent de Monaco pendant
pres de deux ans, suivant la cour ou faisant de nom-
breux voyages a Tetranger. L'un d'eux l'amena a Lon-
dres et la passion chevaleresque qu'il afficha dans le
courant de Tannee 1677, pour la belle Hortense Man-
cini, duchesse de Mazarin, alors refugiee a la cour de
Charles II, est restee celebre. On sait comment
il rivalisa de faste et de generosite avec le roi d'An-
gleterre. D'autre part, il se fit aupres des ministres
de France et de la cour le defenseur des interets de
madame de Mazarin, et ses demarches inspirerent
les defiances et les inquietudes de l'ami le plus etroit
de la duchesse, le celebre ecrivain Saint-Evremont.
Cette periode de la vie de Louis fut celle oil il
deploya la plus grande activite. II avait fait la cam-
pagne de 1677 et assiste au siege et a la prise de
Valenciennes; au printemps de 1678 il se trouva a
la prise d'Ypres.
Mort de Charlotte de Gramont (1678). — Louis
etait a Paris, lorsqu'au mois de juin 1678 Charlotte
de Gramont, qu'il ne revitplusdepuis i672,succomba
prematurement a Tage de trente-neuf ans, au Palais
Royal, oil elle occupait un appartement en vertu de
sa charge.
Promulgation des Statuts de Monaco (1678).
— De grands interets rappelaient Louis Ier a
Monaco ; son absence avait suspendu la publication
d'un corps de lois prepare avec soin pendant les
annees precedentes, et auquel le nom du prince est
reste attache.
Les Statuts de la Principaute de Monaco, qui ont
recu aussi le nom de Code Louis, furent promulgues
a Monaco le 23 decembre 1678.
Cette oeuvre legislative est divisee en quatre livres,
s'occupant des matieres civiles, des matieres crimi-
nelles, de la police, et de la legislation rurale. Ce tra-
vail de codification rassembla en un seul corps, en les
— 2 53 —
ameliorant, les dispositions qui regissaient la Prin-
cipaute; quelques-unes des innovations qu'il contient
Louis I"
(D'apres nn dessin des portefeuilles de I'Ordre du Saint-Esprit)
et qui sont en grande partie Toeuvre personnelle de
Louis Icr, ont un singulier caractere d'avance sur les
idees juridiques alors en faveur.
— 234 —
Organisation politique et judiciaire de la
Principaute — L'apparition cTun monument legis-
latif de cette importance, formant comme le couron-
nement et la consecration des institutions en vigueur
depuis des siecles, nous donne Toccassion d'entrer
dans quelques details necessaires pour faire connaitre
Torganisation de la Principaute; et quoique nous
visions specialement Monaco dans cet expose, nous
ferons remarquer que les institutions suivirent une
marche identique a Menton et a Roquebrune.
Juridictions, police. — On a vu que lors de la
fondation de Monaco la forteresse fut, comme toutes
les villes de la riviere de Genes, placee sous le com-
mandement de castellans, chefs militaires charges en
meme temps de la justice et de la police. II y en eut
un au Chateau-Vieux et un autre au Chateau-Neuf ;
mais Tun d'eux seulement devait exercer les fonctions
judiciaires de podesta, comme cela se pratiqua de
nouveau lors de la reprise de Monaco par les
Genois en i35j.
Sous les Guelfes les deux fonctions militaire et
judiciaire furent separees : le podesta fut distinct du
recteur ou gouverneur. Pendant la seigneurie de
Charles Grimaldi et de ses cousins, on retrouve le
castellan ayant a cote de lui un viguier et un podesta.
Lors de Toccupation genoise, les deux castellans
reparaissent, et celui du Chateau Neuf a exclusive-
— 255 —
ment les attributions judiciaires. Au retour des Gri-
maldi, en 141 9, le castellan, qui prend le litre
de capitaine sous la domination milanaise, parait
reunir les deux fonctions militaire et de justice, et
cette confusion se maintient sous Jean Ier et Catalan
en ce sens que, sous le nom de podesta, ce chef a
le commandement militaire uni a sa charge de judi-
cature.
A partir du xvie siecle la separation entre le podesta
et le castellan est definitive a Monaco.
Le podesta presidait aux deliberations de la com-
mune et la representait dans les circonstances solen-
nelles avec les syndics; il avait la police, il etait juge
ordinaire et criminel; quelquefois il fut supplee par
un juge pour la justice civile. II etait assiste
d'officiers elus par la commune ; e'etaient des mestrali,
preposes a la police, des arbitres charges d'expedier
rapidement les procesde peu d'importance, enfin des
pacificateurs, institution d'ou sont sortis nos juges de
paix modernes.
A cote du podesta hgurait, des le xve siecle, un
officier qui procedait par requisitions devant la cour
de celui-ci pour les affaires criminelles et qui, de
plus, etait charge de la defense des interets du sei-
gneur; e'est le procureur fiscal dont la juridiction
devait des lors s'etendre sur les trois seigneuries.
Les appels de la cour du podesta et ceux des
sentences des arbitres etaient portes devant le sei-
— 256 —
gneur qui jugeait en dernier ressort, ordinairement
assiste d'assesseurs formant la cour du seigneur.
Sous Augustin apparait un magistrat superieur
nomme baile a sa creation, denomme depuis la
regence d'Honore Ier auditeur general.
Suivant les pratiques italiennes, l'auditeur devait
etre etranger ; cependant il y eut a Monaco des
exceptions a cette regie.
L'auditeur avait la plenitude des pouvoirs judi-
ciaires et administratifs et pouvait evoquer les affaires
pour en connaitre directement ; il etait de plus juge
d'appel du podesta et des sentences des arbitres.
Le procureur fiscal devint Tauxiliaire de l'auditeur.
Au-desssus de ces juridictions la Cour supreme,
qui prit aussi le nom de Congres, continua la cour
du seigneur jugeant en dernier ressort; l'auditeur
general en etait le principal assesseur.
Telle fut l'organisation judiciaire qui fonctionna
dans la Principaute jusqu'a la fin du xvme siecle.
La Commune. — Nous avons montre des la fon-
dation de Monaco les habitants s'administrant par
eux-memes en assemblees generales ou intervenant
aux contrats par des delegues. De tres bonne heure
un conseil de douze membres fut elu pour repre-
senter les interets communs, et on connait deja les
privileges qu'en 1262 et 1 3 1 9 la republique de Genes
accorda aux habitants. Charles Grimaldi etendit,
reglementa et parait avoir organise la commune telle
qu'elle fonctionna depuis, avec quatre syndics elus
au-dessus du conseil. Mais la deliberation de Tassem-
blee ou parlement general resta en vigueur et la com-
munaute decida toujours sur les questions impor-
tantes en reunions plenieres.
Sceau de la commune de Monaco depuis la rin du xvi8 siecle
On a vu quelle action decisive eut l'assemblee des
habitants des trois seigneuries dans les moments diffi-
ciles que les Grimaldi traverserent, lors du complot
de Pomelline contre Lambert, lors de la minorite
d'Honore Ier, lors de l'assassinat d'Hercule.
A plusieurs reprises le parlement general edicta
des reglements de police; il assuma merae en i552
de veritables attributions legislatives en matiere de
droit civil, lorsqu'il modifia l'ordre des successions
ab intestat en excluant les filles, auxquelles on ne
reserva qu'une dot.
J7
— 258 —
L'organisation de la commune etait complete au
xvie siecle. Elle avait a sa tete, pour la representer, le
podesta, sous lequel se groupaient les officiers com-
munaux, elus tous les ans le jour de la saint Michel ;
c'etaient les quatre syndics et les douze conseillers
qui, avec les syndics sortants de l'annee precedente,
formaient le conseil, les deux mestrali, les deux
arbitres, les deux pacificateurs. Deux sanbarbani ou
gardes du port, preposes au droit de mer, et un cais-
sier completaient cette organisation.
La commune, au moyen de ces officiers, adminis-
trait ses biens et revenus qui consistaient principa-
lement dans la banalite de ses moulins a huile et a
farine, dans les gabelles publiques du vin, du ble, du
pain, etc., dans les droits de courtage et de la bou-
cherie. Par contre, elle entretenait a ses frais un
medecin, un chirurgien, un maitre d'ecole.
Cette vie municipale recut une profonde atteinte
sous la regence du prince de Valdetare ; les assem-
blies generales disparurent ; celle de 1608, ou furent
ratifies les pouvoirs de tuteur dont ce prince etait
investi, fut la derniere ; en merae temps, le conseil
des douze etait egalement supprime, et les quatre
syndics passerent a la nomination du prince.
L'administration de Louis Ier fit une nouvelle
breche dans ces prerogatives communales. Tout ce
qui restait des attributions de police revint aux offi-
ciers du prince et en meme temps on engloba dans les
— 2^9 —
finances de la Principaute les differentes gabelles qui
furent annexees des lors aux fermes princieres. Les
revenusde la commune furent alors a peu pres reduits
a la banalite des moulins.
A partir de la fin du regne d'Antoine Ier, la deno
mination de consuls, souvent employee depuis le
siecle precedent, se substitua definitivement a celle
de syndics.
Louis Ier recherche le rang de prince etran-
ger a la cour de France 1680- 1688). — Pendant
les dix annees qui suivirent la promulgation des
statuts de Monaco, Louis Ier, qui ne servit plus dans
les guerres de Louis XIV apres la campagne de 1678,
partagea a peu pres en deux parts son temps entre la
cour et Monaco.
Quoiqu'il evitat le bruit autour de sa personne, il
etait cependant tres jaloux d'occuper a la cour la place
due a sa naissance et a sa position de prince souve-
rain. Par une singuliere anomalie, lui qui etait en
possession d'une souverainete effective, se trouvait
moins bien partage que plusieurs families dont les
membres obtenaient, en consideration de leur descen-
dance de races antiques, un rang superieur et a part
comme princes etrangers. Ce n'etait qu'une question
d'etiquette, mais question d'un interet capital dans
un temps et a une cour ou l'etiquette primait tout.
II eut ete facile au moment du traite de Peronne,
— 200 —
cTobtenir pour la maison souveraine de Monaco ces
privileges particuliers ; mais Honore II, satisfait
d'assurer la protection de son etat, n'avait pas soup-
conne a quel point Texistence de ses descendants se
trouverait un jour absorbee par la vie de cour en
France ; il avait neglige de stipuler des prerogatives
qui, du reste, n'avaient pas encore pris Timportance
qu'elles acquirent sous le regne du grand roi par les
« entreprises » ambitieuses de plusieurs families.
Louis Ier voulut done mettre le rang de cour de sa
maison d'accord avec la realite de sa situation. Les
circonstances lui permirent d'arriver a une satisfac-
tion complete.
Mariage d'Antoine, due de Valentinois, avec
Marie de Lorraine (1688). — Un caractere d'une
entiere droiture et un commerce absolument surs,
avaient cree a Louis Ier de solides et puissantes ami-
ties, aussi bien parmi les dues que parmi les minis-
tres. Depuis longtemps lie avec Louvois, il entra par
celui-ci en relations amicales avec le grand ecuyer
de France, Louis de Lorraine, comte d'Armagnac,
dont la faveur et le credit aupres du roi furent
inebranlables pendant toute sa vie.
Son fils aine, le prince Antoine, due de Valentinois,
approchait alors de sa vingt-huitieme annee et faisait
bonne figure a la cour par son grand air, par un
esprit d'une tournure tout a fait originale et par sa
— 201 —
prestance superbe ; on l'avait surnomme « Goliath »
a cause de sa grande taille.
Louis de Lorraine, « Monsieur le Grand » comme
on le nommait habituellement, l'agrea pour gendre
et ce choix recut Tapprobation tres vive du roi.
Le 8 juin 1688, le contrat du due de Valentinois
et de Marie de Lorraine fut signe a Versailles dans la
chambre du Roi, en presence de la famille royale et
d'un grand nombre des personnages les plus marques
la cour.
Louis Ier admis aux prerogatives de prince
etranger; il est fait chevalier du Saint-Esprit
(1688). — En meme temps que par le manage de
son fils Louis unissait sa maison a Tune des plus
illustres families de TEurope, il vit son ambition
realisee. Le roi lui accorda a cette occasion le rang et
les prerogatives de prince etranger pour lui et ses
descendants.
Quelques mois plus tard, Louis Ier fut compris
dans la grande promotion de Fordre du Saint-Esprit,
la plus nombreuse du regne, declaree le 3 1 decem-
bre 1688. Le Prince v fut inscrit a son rang d'an-
ciennete de pairie, mais des reserves expresses, con-
senties par le roi et formellement enregistrees,
sauvegarderent les privileges particuliers de la mai-
son de Monaco. II obtint en outre, etant absent, des
dispenses pour sa reception.
— 2b2
Premier sejour dela duchesse de Valentinois
a Monaco ; la cliambre royale (1692). — Le due
et la duchesse de Valentinois ne firent qu'en 1692
un premier voyage a Monaco. En Thonneur de
Marie de Lorraine la chambre de Tappartement royal
recut alors la somptueuse decoration qu'elle a con-
servee et a laquelle vinrent travailler, corame nous
Tavons deja dit, Gregorio Deferrari de Genes et
Federico Haffner de Bologne.
Mariage d'Anne-Hippolyte Grimaldi avec le
due d'Uzes (1696). — Quelques annees apres, le
prince de Monaco concluait de nouveau une grande
alliance dans sa famille : sa fille Anne-Hyppolvte
epousa le due d'Uzes, premier pair de France.
Chagrins interieurs de Louis Ior ; demeles
entre le due de Valentinois et Marie de Lor-
raine (1692- 1 698). — Ces manages, dont Louis Ier
s'etait promis de grandes satisfactions, furent au
contraire pour lui la source de cuisants chagrins.
La duchesse d'Uzes, fort malheureuse avec son
mari, mourut prematurement, et d'autre part, Tunion
du due de Valentinois et de Marie de Lorraine etait
traversee de continuels demeles. Le prince An-
toine, d'humeur fort irritable, ne tarda pas a faire
scission avec les parents de sa femme. De son
cote, Marie de Lorraine, elevee par un pere et une
— 20? —
mere qui la cherissaient et avaient toujours cede a
ses fantaisies, ne supportait pas la pensee d'etre,
memc momentanement, eloignee de la cour ou elle
Marie de Lorraine, duchesse de Valentinois
femme du prince Antoine I"
( D'apies one gravure contemporaine)
brillait aussi bien par sa grace et son esprit que par
son rans. Pour arriver a ses fins et eviter des sejours
2 64
a Monaco qu'elle prenait pour des exils insupporta-
bles, elle rThesita pas a recourir a un eclat et a une
rupture publique avec son mari et son beau-pere. Le
monde ne se trompa pas sur la valeur des griefs
imagines par la capricieuse princesse, qui dut a la fin
capituler, apres des negociations dont toute la cour
eut le spectacle.
L'ordre apparent, sinon la paix, revint dans ce
menage trouble ; mais le prince Louis resta profon-
dement affecte de ces penibles incidents, qui contri-
buerent a ebranler sa same.
Le prince Louis I ' nomme ambassadeur de
France a Rome; importance de ce poste au mo-
ment de l'ouverture de la succession d'Espagne
(1698). — Au mois d'avril 1608 Louis de Monaco
fut choisi comme ambassadeur de France pres le
Saint-Siege. Ce poste, qui exigeait en tout temps des
qualites de premier ordre chez son titulaire, pouvait
devenir en ce moment singulierement difficile et im-
portant. La succession a la couronne d'Espagne
allait s'ouvrir; Charles II valetudinaire n'avait pas
d'enfants. En prevision d'un evenement d'une telle
gravite, toutes ies chancelleries d'Europe etaient en
mouvement; TEmpereur, comme representant de la
branche cadette de la maison d'Autriche, pretendait a
cette succession; Louis XIV, du chef de sa femme,
Marie-Therese, soutenait les droits du Dauphin et de
— 203 —
sesenfants. D'apres les constitutions del'Espagne, ces
droits eussent ete incontestables sans les renoncia-
tions faites par Marie-Therese en vertu des clauses du
traite des Pyrenees, renonciations arguees du reste
de nullite, depuis la guerre de 1667, par suite de la
11011 execution par l'Espagne de certaines clauses
du traite. Cependant, malgre les droits qu'il pouvait
pretendre pour les siens a Tintegralite de la succes-
sion, le roi de France, arm d'eviter une conflagration
generate et aussi pour se garantir contre Teventualite
d'un testament de Charles Hen faveurde l'Empereur,
avait conclu avec les Provinces-Unies et TAngleterre
des traites qui eussent entraine le demembrement de
la monarchic espagnole.
Hautes relations de Louis Ier a Rome 1698).
— Dans ces circonstances, le poste d'ambassadeur
de France a Rome, la ou aboutissaient ordinaire-
ment les efforts de la politique europeenne, meritait
d'etre conrie a un personnage qui eut un credit per-
sonnel et des attaches amour du Souverain-Pontife,
Plusieurs des cardinaux les plus influents, appartenant
a de grandes maisons d'ltalie, etaient de Tetroite
parente ou des alliances du Prince de Monaco,
notamment deux cardinaux Spinola, un Pallavicini,
un Durazzo, un Imperiali, un Spada. Ces conside-
rations furent certainement pour beaucoup dans le
choix fait de sa personne.
— 2bb —
Faste deploye par Louis Ier (1699). — Autant
Louis Ier cherchait peu, comme nous l'avons dit, a
attirer Tattention sur sa personne dans le courant de
la vie ordinaire, autant il entendait ne rien negliger
pour soutenir son rang et sa dignite lorsque des cir-
constances solennelles paraissaient devoir Texiger;
on retrouvait alors en lui le grand seigneur qui n'avait
pas hcsite a rivaliser avec le roi d'Angleterre lui—
meme.
Sous ce rapport, son ambassade a Rome a compte
parmi 1'une des plus fastueuses dont le souvenir ait
ete conserve. L'entree des ambassadeurs etait, pour
les representants des puissances, une occasion de
faire entre eux assaut de luxe. Celle du prince de
Monaco depassa tout ce qu'on avait encore vu, par
sa pompe et sa prodigalite. On connait ce detail des
chevaux des carrosses et de Fescorte, ferres de fers en
argent, retenus par un seul clou arm qu'ils puissent
plus facilement tomber et etre ramasses par le peuple.
Cet evenement n'eut lieu qu'en 1699. Le prince
de Monaco avait mis un an a preparer son voyage.
Ses carrosses avaient ete construits a Paris; il etait
arrive a Civita Vecchia escorte d'une escadre de
galeres royales. II rassembla dans son palais, qui
etait celui autrefois habite par la reine Christine de
Suede, des meubles, des tentures, des objets du plus
grand prix. Le train de sa maison fut a Tavenant; des
sommes enormes y furent englouties.
— 2o; —
Charles II consulte le Pape ; testament du
roi d'Espagne 1700). — Cependant les traites de
partage etant connus a Madrid, les membres du
conseil roval etaient en majorite convaincus que
l'unique moven d'eviter le demembrement de la
monarchic consistait a entrainer le roi a tester en
faveur de Tun des petits-fils de Marie-Therese. lis
deciderent Charles II a demander l'avis du pape
Innocent XII pour lever ses scrupules. Le Souverain
Pontile fit examiner la question par trois cardinaux
amis averes de la France: Spinola, Spada et Albani;
ce dernier allait bientot devenir Clement XI. La con-
sultation fut favorable aux droits de la maison de
Bourbon, et quelques semaines apres Charles II
appelait le second tils du Dauphin, Philippe due
d'Anjou, a sa succession.
Role du prince de Monaco (1700). — II suffit de
nommer les cardinaux qui furent les conseillers
d'Innocent XII pour mesurer Tinfluence de la diplo-
matic francaise dans cette circonstance. Cependant
ni le prince Louis, ni le cardinal de Janson, charge
des affaires ecclesiastiques de France, ne furent mis
dans la confidence de la demarche du roi d'Espagne.
On sut la convocation des trois cardinaux faite a la
suite d'une audience de Tambassadeur d'Espagne,
mais on n'en demela pas Tobjet.
Les instructions de Louis ne porterent a aucun
— 268 —
moment sur autre chose que sur Tagrement a
obtenir du Pape en faveur des traites de partage. Le
Saint-Siege y avait, en effet, un interet direct par
suite de son droit d'investiture du royaume de Na-
ples, et le roi de France cherchait a faire accepter par
avance le choix d'un de ses petits-fils pour cette partie
des etats espagnols a partager.
Le prince de Monaco rencontrait des dispositions
favorables ; mais il constatait chez Innocent XII une
insistance singuliere a manifester sa preoccupation
de Tembarras oil les traites mettraient Louis XIV si
Charles II finissait par fixer ses irresolutions et porter
son choix sur un fils de France, pour recueillir
Theritage integral de la couronne d'Espagne.
Affaire du prince Vaini (i 700). — Peu de temps
apres ces importants evenements et lorsque Cle-
ment XI avait ete eleve au souverain pontificat,
surgit un grave incident. Un noble romain, protege
par la France, mais devenu tres impopulaire, le prince
Vaini, suscita une emeute par ses provocations
imprudentes. Son palais fut saccage ; il se refugia a
Tambassade de France qui fut a son tour envahie par
les emeutiers parmi lesquels se trouverent des sol-
dats et meme des employes des administrations
pontificales. Le prince Louis fut lui-meme expose
a des violences et a des insultes;il dut armer ses
domestiques ; des coups de feu furent echanges et le
sang coula.
— 269 —
L'ambassadeur sortit de Rome, reclamant un eha-
timent exemplaire pour cette violation du droit des
gens ; on parlementa.
Louis cependant ne voulut pas pousser les choses
a rextreme vis-a-vis d'un pape dont les dispositions
etaient toutes favorables a la France ; il consentit
a rentrer dans la ville au bout dequelques jours pour
surveiller directement les suites donnees a Tenquete
ordonnee par le Souverain Pontife ; cette attitude
conciliatrice recut l'entiere approbation du roi.
Mort de Louis Ier (1701). — Cette affaire etait a
peine reglee que Louis Ier, dont la sante etait profon-
dement alteree depuis longtemps, etait frappe de
mort subite au mois de Janvier 1701, a Tage de
cinquante-neuf ans et quelques jours avant d'entrer
dans la quarantieme annee de son regne.
2 70 —
CHAPITRE XVIII
ANTOIXE Ier LOU1SE-H1PPOLYTE
I70I-I7^>I
Avenement cTAntoine Ier (1701). — Le due dc
Valentinois, qui succeda a son pere sous le nom
d'Antoine Ier, etait alors age de quarante ans. II
avait recu au college de Clermont une instruction
des plus soignees qui avait developpe en lui le gout
des arts d'une maniere remarquable. II avait regu-
lierement servi depuis Tannee 1 683, ou il avait
obtenu, le 23 juillet, tin brevet de lieutenant au regi-
ment du Roi infanterie. L'annee suivante, le 12 sep-
tembre 1684, il avait ete fait colonel du regiment
de Soissonnais, forme au moyen de compagnies
distraites du regiment du Dauphin.
A peine son mariage celebre avec Marie de Lor-
raine, il avait ete designe pour suivre le Dauphin a
l'armee en juin 1688; il assista au siege de Philips-
bourg et a la campagne d'Allemagne. En 1690, il
fiffura a la tete de son regiment a la bataille de
— 271 —
Fleurus; en 1691, il etait au siege de Mons, en
1692 a celui de Namur.
Non compris dans l'avancement, il se retira du
service en 1694.
7 M 1
Antoine Ier
(D'apres le portrait d'Hyacinthe Rigaud, au palais de Monaco)
Antoine Ier succedait a son pere dans des circons-
tances difficiles. Les prodigalites de Louis Ier avaient
— 272 —
gravement ebranle la fortune de sa maison ; pour la
retablir, le nouveau prince dut se resoudre a faire un
sejour presque continuel a Monaco et a renoncer a
vivre a la cour de France. Aussi, sauf un voyage de
quelques mois en 1702 et 1703, pendant lequel il
prit seance au Parlement comme due et pair, on ne
le vit plus reparaitre ni a Paris ni a Versailles.
Un abandon si complet de la cour eut eu pour
tout autre les plus serieux inconvenients ; il y sup-
plea en entretenant avec les ministres et avec un
grand nombre de hauts personnages, dont beaucoup
etaient ses parents par les Gramont ou ceux de sa
femme, une correspondance des plus actives qu'il
sut, avec une extreme habilete, faire tourner a l'avan-
tage de ses interets, de son etat et de sa situation
politique.
Deux affaires fort dedicates necessitaient a ce mo-
ment ses soins les plus attentifs ; e'etaient les diffi-
cultes de la perception du droit du port de Monaco,
et la contestation relative au territoire avec la Turbie
qui s'etait depuis trois ans reveillee.
Affaire du droit de mer de Monaco (1 665-
1704). — Les reclamations du commerce de Marseille
avaient, sous le regne d'Honore II, provoque au
profit des Marseillais une convention en vertu de
laquelle le droit de deux pour cent sur la cargaison
des navires avait ete remplace par une redevance fixe.
Cette perception se faisait au prealable a Marseille
meme, ou le prince avait un bureau regulierement
etabli. Neanmoins, les Marseillais d'une part, et
surtout les autres riverains de Provence, qui ne
jouissaient pas des franchises accordees aux premiers,
se plaignaient vivement de ce droit, d'autant plus qu'il
se cumulait pour eux avec celui etabli a Villefranche,
dans le voisinage immediat. Cela avait amene en
1 665 des negociations suivies entre le premier presi-
dent du Parlement de Provence et un fonde de pou-
voirs de Louis Ier. Le droit du prince avait bien ete
reconnu mais avec toutes sortes de limitations.
En 1669, un edit roval obtenu paries Provencaux
supprima entierement pour les Francais le droit dn
port; ce droit se trouva reduit ainsi a la perception
surles navires etrangers ; il fut encore diminue par
suite d'une convention faite en 1673 avec le due de
Savoie qui exempta les Monegasques du droit de
Villefranche, tandis que, par reciprocity, les sujets
de Savoie etaient exempts de celui de Monaco.
Le revenu du droit de mer tomba ainsi a moinsdes
trois quarts de son rendement, et encore les frau-
deurs trouvaient-ils le moyen d'y echapper en se
couvrant du pavilion des etats exempts.
Les fraudes commises par les marchands de Mar-
seille, expediant des marchandises etrangeres sous
leur couvert au prejudice du droit, finirent par deve-
nir si nombreuses que le prince Louis Ier, et le prince
18
— 274 —
Antoine depuis son avenement, durent s'appliquer
a leur severe repression; plusieurs navires furent
saisis dans ces conditions en 1699, 1701 et 1702, et
cela amena un conflit dont le prince Antoine profita
pour remettre sur le tapis la question meme du droit
par rapport aux navires francais. II lVeut pas de
peine a fonder ses reclamations sur les privileges for-
mels autrefois concedes par Louis XI, Charles VIII,
Louis XII et Francois Ier; il etablit en outre que
Tedit de 1669, donne en faveur des franchises de
Marseille, ne pouvait en aucune facon prejudicier
aux termes formels du traite de Peronne, qui avait
reconnu et garanti le droit de Monaco.
Cependant, malgre ses reclamations, il n'obtint
que des ordres plus severes de l'administration fran-
caise pour interdire les fraudes et pour aider a la
perception sur les navires etrangers. Les galeres
royales recurent Tordre de preter, au besoin, main-
forte aux agents du prince.
Reprise du conflit avec la Turbie (1 696-1705).
— Restreint dans son action sur mer, l'etat mone-
gasque se debattait toujours vis-a-vis de la Turbie
dans les memes dimcultes et les memes confiits rela-
tifs au territoireque le compromis de 1669 n'avait fait
qu'assoupir. De frequentes querelles surgissaient;
elles devinrent apres la paix de Rvswick, en 1697,
tellement aigues, que d'un commun accord le prince
- 275 —
Antoine et lc due de Savoie Victor-Amedee recou-
rurenta l'arbitrage de Louis XIV pour reglerle diffe-
rend. L'ambassadeur de France a Turin, M. de
Briord, et l'intendant de Provence, M. Le Bret,
furent commis pour cet objet ; ils firent dresser, en
presence des commissaires de Savoie, une carte des
territoires designant les limites adoptees ; mais
F affaire n'etait pas terminee lorsque la guerre eclata
entre la France et la Savoie. En ijo5 les lettres
patentes qui donnerent la Turbie au prince Antoine
delimiterent les territoires en litige entre les deux
communes; mais tout fut remis en question lorsque
Antoine dut restituer a la paix d'Utrecht la seigneu-
rie de la Turbie au comte de Nice, et cette delimita-
tion ne fut pas maintenue.
Guerre de la succession d'Espagne — Neu-
tralite de Monaco (i/o3). — La guerre de la
succession d'Espagne mettait TEurope en feu; mais
les regions de la Riviere n'en recurent serieusement
le contre-coup qu'a la fin de ijoB, lorsque le due de
Savoie, d'abord allie de Louis XIV, fit defection.
Cet evenement placait la principaute de Monaco
dans une situation qui s'etait deja presentee pendant
la guerre terminee en 1697 Par ^a Pa^x ^e Ryswick.
Quoique la place fut gardee par une garnison fran-
caise, une entente s'etait faite alors entre la Savoie et
Louis Ier, par laquelle les relations s'etaient mainte-
-276-
nues entre le comte de Nice et les etats du prince,
dont la neutralite avail ete ainsi de part et d'autre
respectee. Dans ces conditions, la garnison francaise
n'avait qu'a tenir Monaco en etat de repousser une
attaque si elle venait a se presenter.
Des que les arrestations en masse des Francais
dans les etats de Savoie au mois d'octobre 1703
eurent montre le parti-pris de Victor-Amedee de
rompre avec la France, les ministres francais avise-
rent le prince de Monaco des intentions du roi ten-
dant a maintenir le raeme regime de neutralite dans
la mesure ou la Savoie Tobserverait de son cote.
Conquete du comte de Nice par les Francais
— Siege de Nice (1 704-1 705). — Antoine Ier etait
retourne depuis le printemps de 1703a Monaco; il
y fut rejoint au mois de decembre suivant par Marie
de Lorraine.
Pendant toute Fannee 1704 les flottes anglaises
faisant des demonstrations dans la Mediterranee, la
place se vit exposee a plusieurs reprises a un bom-
bardement.
Au commencement de 1705 les operations par
terre furent inaugurees dans la region par le siege de
Nice, et le comte fut entierement conquis par les
Francais. La place de Monaco rendit pendant cette
periode de grands services; le prince Antoine ne
cessait d'envoyer aux generaux francais des indica-
tions et des renseignements. II eut vivement souhaite
que les troupes francaises occupassent la Turbie.
Le marechal de La Feuillade se contenta de faire
sauter le fort, et Ton puisa dans les provisions de
poudre accumulees a Monaco ce qui fut necessaire
pour detruire la forteresse formee au moyen age avec
le monument d'Auguste. L'explosion ne laissa plus
debout que la moitie de la haute tour telle qu'elle
subsiste aujourd'hui.
Donation a Antoine Ier de la seigneurie de la
Turbie (1705). — Cette destruction consommee, le
roi fit du prince Antoine le gardien interesse du
passage en lui concedant, par lettres patentes d'avril
ijo5, la seigneurie de la Turbie.
Les armes frangaises etaient alors triomphantes, et
l'heritier des Grimaldi put croire que cette acquisi-
tion fermait definitivement Fere des difficultes et des
conflits incessants qui avaient constitue pendant tant
de siecles Thistoire des relations de Monaco et de sa
voisine.
Le 9 mai 1705 les habitants de la Turbie, repre-
sentes par leurs syndics, vinrent preter Thommage
et le serment de fidelite entre les mains de leur
nouveau seigneur.
La seigneurie, dont le roi de France se reserva la
suzerainete, fut rattachee, pour les appels de juridic-
tion, au parlement de Provence.
-278-
Services rendus a la France par le prince
Antoine; organisation de correspondancespoli-
tiques et militaires ( r joS-i 71 3). — Les hostilities
avec le due de Savoie coupaient les communications
entre la France et le Milanais. Des ce moment on
voit grandir le role du prince Antoine ; grace aux
intelligences que, par ses relations de famille, il
entretenait en Italie, il devint un auxiliaire des plus
precieux pour les communications entre le cabinet
de Versailles, les armees operant au dela des Alpes
et les etats italiens restes fideles aux deux couronnes
de France etd'Espagne.
La correspondance du prince prit alors une singu-
liere activite qu'elle conserva meme apres la paix
et jusqu'a sa mort. Elle etait devenue tellement im-
portante, qu'il avait du en diviser le travail entre
deux chancelleries : Tune francaise,l'autre italienne.
II ne secontentait pas d'aviserla cour de Versailles
des evenements politiques d'ltalie, il correspondait
directement avec les generaux franyais, leur trans-
mettant les avis de ses emissaires, repandus jusqu'en
Piemont et dans les regions centrales.
Ce role grandit encore lorsque le desastre de
Turin eut aneanti la puissance francaise en Italie.
II fallait assurer les communications avec le prince
de Vaudemont qui commandait dans le Milanais
les forces espagnoles. Le prince Antoine depecha
dans ce but a Parme le plus habile et le plus actif
— 2-9 —
de ses agents, Tauditeur general Bernardoni, qui
centralisa sur ce point toutes les informations, les
transmettant d'une part a Vaudemont, se faisant de
Tautre l'intermediaire sur de celui-ci avec l'ambas-
sadeur d'Espagne a Genes, Monteleon, et Monaco.
Les allies dans le comte de Nice et devant
Toulon (1707'. — Cependant, comme consequence
de la perte de la bataille de Turin, les austro-piemon-
tais entrerent en 1707 dans le comte de Nice: ils ne
respecterent pas la neutralite de la Principaute; ils
firent leur premier bivouac pres de Menton. Le
prince obtint que la garnison de Monaco fut ren-
forcee ; du reste, l'ennemi defila sans insulter la place,
envahit la Provence et vint encore une fois echouer
devant Toulon, defendu par Tesse, trouvant ainsi
sur terre provencale le meme insucces qui a marque
toutes les invasions tentees de ce cote.
Fortifications a Menton (1707- 1709). — Apres
la retraite, on prit le parti de s'occuper serieusement
de mettre en defense non seulement Monaco, mais
encore Menton. Cette derniere ville recut des fortifi-
cations qui la mirent a l'abri d'une attaque brusque ;
on v introduisit une garnison francaise que le roi
mit sous le commandement du gouverneur pour le
prince, un ancien officier francais, Adhemar de
Lantasnac.
— 280 —
Le prince ne cessait d'insister pour qu'on fermat
entierement la frontiere de ce cote par Toccupation
des Balzi Rossi, defile situe aux portes de Menton.
Le roi s'y refusa, malgre Tinsecurite que le defaut
de possession de ce point pouvait causer, ne voulant
pas violer le territoire genois dans lequel se trou-
vaient les Balzi Rossi.
L'annee 1708 se passa en alertes ; les generaux
francais esperaient se maintenir dans le comte de
Nice ; on fit des postes fortifies sur le territoire de
Menton et celui de la Turbie, apres en avoir demande
l'agrement au prince Antoine.
Grands travaux de fortifications a Monaco
(1709-17131. — Cette attitude entierement devouee
a la France devenait par la meme une cause de
dangers en exposant le prince a des represailles, lors
d'un retour offensif de l'ennemi. Le cas se presenta,
lorsqu'en 1709 les Francais durent reporter la defense
de la Provence derriere la ligne du Var et evacuer
le comte de Nice.
Alors on vit la necessite de proceder a une refection
generale des fortifications de la place de Monaco
restees dans Tetat ou les avait mises Etienne Gri-
maldi, lors du siege de Nice par Barberousse.
Deux ingenieurs militaires concoururent a ces
travaux; le premier, Guiraud, eleve de Vauban, apres
avoir trace le plan general, fut rappele a Toulon,
— 2»I —
dont il dirigea les grands travaux; il fut remplace
par Lozieres d'Astier.
Du cote de terre la place etait dominie, a portee
de canon, par les hauteurs servant de base a la mon-
tagne de la Tete de Chien. II etait facile de renverser
les bastions et les courtines et de faire breche ; cet
inconvenient etait rachetable en sapant les declivites
aux pieds des rempartsde facon a faire l'escarpement
inaccessible, ce qui eut rendu inutile toute breche
pratiquee au soramet de cet escarpement.
Le meme danger existait du cote du port ; sur cette
face il n'y avait qu'un mur peu resistant dominant
les pentes. Du plateau faisant face de Tautre cote du
port, on pouvait sans peine le detruire. II etait pos-
sible d'y remedier au moven d'un enorme travail de
sape qui embrasserait toute cette face de la montagne,
Antoine Ier ne recula pas devant une si grande entre-
prise et pendant quatre annees une veritable armee
d'ouvriers bouleversa les approches du rocher et en
redressa les pentes. Deux cents mineurs travaillaient
sans relache pendant que le rlanc du palais etait mis
a couvert par une construction avancee, masquant
le dernier lacet de la montee de la place, qui fut
encore dominee par une construction avec esplanade,
destinee a former une batterie. De vastes souterrains
furent mis en etat de recevoir la garnison et la popu-
lation a Tabri du bombardement ; des ouvrages de
renforcementprotegerentles citernes et les magasins.
— 282 —
L'ensemble de ces travaux ne fut termine qu'en
171 3 par la construction cTun fort a deux etages de
batteries, eleve a la pointe de la presqu'ile, en face
du promontoire des Spelugues; il commanda Ten-
tree du port et remplaca TEperon ; il prit le.nom de
Fort Antoine.
Enormes depenses supportees par le prince
Antoine ; il envoie sa vaisselle a la fonte et en-
gage ses bijoux (1 709-1 71 3). — Une oeuvre aussi
considerable entraina des depenses qui ne s'eleverent
pas a moins de quatre cent mille livres ; malgre les
assurances qu'il recut du gouvernement francais, la
charge en retomba presque completement sur le
prince Antoine par suite du desarroi ou la guerre
avait mis les finances.
II fallut envisager de cruelles necessites. Antoine se
resigna a un sacrifice analogue a celui auquel il avait
vu Louis XIV reduit en 1689. De meme qu'alors
Versailles avait ete depouille de ses richesses et de
ses objetsd'art ciseles sur metaux precieux, il envoya
a la fonte la plus grande partie de Targenterie qui
etait une des merveilles du palais des Grimaldi, et
jusqu'aux ornements d'argent et d'or garnissant les
meubles. II engagea en meme temps ses pierreries et
ses bijoux a Genes.
II put parer, par ce moyen, au plus presse des de-
penses et poussa les travaux au point de provoquer
— 283 —
les eloges du marechal de Berwick qui put, dans sa
visite en 171 1, reconnaitre que la place etait, au prix
de si grands efforts et de tant de sacrifices, devenue
imprenahle.
Traite d'Utrecht : la France refuse de sacri-
fier Monaco a la Savoie (171 3). — La guerre tou-
chait a sa fin ; le prince faillit payer cher sa fidelite
indomptable a la France : le due de Savoie, qui ne
put pardonner au petit souverain, son voisin, son
activite pendant la lutte, demanda formellement dans
les negociations du traite d'Utrecht, la cession de
Monaco, movennant une indemnite pour le prince,
qui serait a la charge du roi de France.
Les plenipotentiaires francais repousserent cette
proposition en repondant que leur maitre ne pouvait
disposer de ce qui n'etait pas a lui.
Arbitrage de Louis XIV et d'Anne d'Angle-
terre pour la vassalite de Menton et de Roque-
brune (1712-1714). — Le traite d'Utrecht reservait
a Antoine un cruel deboire. Battu dans ses preten-
tions sur Monaco, le due de Savoie obtint de faire
prendre en consideration ses revendications si sou-
vent renouvelees, relatives a sa suzerainete sur
Menton et Roquebrune.
II y avait alors plus de deux siecles que, depuis
Lucien, en i5o5, les Grimaldi etaient parvenus,
— 284 —
grace aux incidents que nous avons exposes, a eluder
tout acte direct ou indirect de vassalite. L'occasion
etait trop bonne, par suite de la situation oil les eve-
nements mettaient la France, pour que le due de
Savoie ne tentat pas un effort decisif. Un des articles
du traite remit la decision du litige a Tarbitrage du
roi de France et de la reine d'Angleterre.
Deux commissaires furent nommes par les royaux
arbitres pour examiner les droits et les raisons res-
pectivement invoques par les parties.
II fautreconnaitre que, dans la defense de sa cause,
ou les apparences semblaient d'avance le condamner,
le prince Antoine sut mediocrement faire valoir ses
arguments les plus serieux, notamment le defaut
continu des Torigine et malgre des mises en demeure
formelles, du paiement de la rente stipulee en faveur
du vassal, condition essentielle de Tinfeodation de
1448, dont Tinexecution rendait cette infeodation
caduque. Les titres qu'il pouvait invoquer furent
meme produits d'une facon si peu raisonnee qu'on
ne s'apei^ut qu'apres le jugement rendu de la valeur
d'un document entierement neglige, et qui eut pu
serieusement modifier la conviction des commissaires :
e'etaient des lettres patentes donnees par Louis XII
comme due de Milan, en i5o2, declarant l'acte de
1448 au profit de la Savoie, faitau mepris de l'infeo-
dation de Menton, conclue avec Philippe-Marie
Visconti, due de Milan, vingtans auparavant,en 1428.
— 285 —
Antoine Ior oblige de reconnaitre la vassalite
de la Savoie pour Menton et Roquebrune (1714-
1716). — Les commissaires donnerent raison au due
de Savoie, par jugement du 21 juin 1714, ratine par
Louis XIV et la reine Anne.
Antoine Ier dut negocier avec Victor-Amedee, de-
venu roi de Sicile par le traite d'Utrecht, afin de
sVviter la mortification supreme d'aller rendre en
personne l'hommage comme vassal a Turin. II y fut
represent^, le 12 aout 1716, par le president de
Gourdon.
Situation de famille d1 Antoine Ier sans en-
fants males ; cas d'application des substitutions
de Monaco ( 1 7 1 2). — Tandis que la fin de la guerre
de la succession d'Espagne apportait au prince An-
toine une cause si grande de preoccupations et de
soucis, la situation de sa famille l'avait entraine dans
une serie de negociations et de difficultes qui amene-
rent de profondes discordes interieures.
De son manage avec Marie de Lorraine An-
toine Ier n'avait eu que des filles ; trois etaient vivan-
tes en 1712. L'ainee, Louise-Hippolyte, avait alors
quinze ans. La succession de Monaco se presentait
done dans des conditions analogues a celle ou elle
s'etait trouvee lors de la mort de Catalan Grimaldi,
avec cette complication que le prince Antoine avait
un frere pretre, l'abbe de Monaco, qui, malgre son
— 286 —
caractere sacerdotal, etait apte a lui succeder avant
sa fille.
II y avait done lieu d'appliquer pour le raariage de
Louise-Hippolyte les regies formelles des substitu-
tions qui, depuis les testaments de Jean Ier et de
Claudine, reglaient Taccession eventuelle d'une
femme a la succession de Monaco. En outre, il fal-
lait parer a l'extinction de la pairie de Valentinois,
qui s'eteignait avec le prince Antoine et son frere, le
duche simple sans pairie etant transmissible aux
femmes.
D'autres considerations preoccupaient encore An-
toine Ier dans Tetablissement de sa fille ainee. II etait
gravement obere par les enormes depenses de son
pere non encore reglees et par celles oil 1'avait en-
traine la mise en etat de defense de Monaco. II avait
encore a pourvoir au manage et a la dot de ses
deux autres filles, dont la seconde etait son enfant
preferee.
II fallait done obtenir d'abord du roi la transmis-
sion de la pairie de Valentinois a sa fille ainee et au
gendre qu'il choisirait, ce qui ne pourrait etre de-
mande qu'apres la demission de ses droits consentie
par Tabbe de Monaco. Resterait alors a trouver un
gentilhomme de grande maison qui acceptat d'aban-
donner absolument son nom et ses armes pour
prendre ceux des Grimaldi, et qui fut en etat de
concourir, par une grande fortune, aux necessites
financieres dans Lesquelles se trouvait le prince
Antoine.
Candidature du prince Charles de Lorraine
Armagnac (1712). — Le programme que s'etait
trace le prince Antoine avait recu l'approbation de
son beau-pere Louis de Lorraine, avec Tarriere-
pensee de faire passer dans sa famille la souverai-
nete de Monaco en mariant sa petite-nllle a son
propre fils, le prince Charles, deja pourvu de la sur-
vivance de la charge de grand ecuyer de France.
Antoine vit le danger; il sentit qu'un prince de la
maison de Lorraine etait dans une situation trop
eminente pour qu'il put esperer, raeme par les clauses
les plus formelles d'un contrat,le maintenir a perpe-
tuite, lui et ses descendants, dans Tobligation de
renoncer absolument a son nom et a ses armes. II
parvint a eluder cette candidature; mais, des cet
instant, il dut s'attendre a voir ses combinaisons
contrecarrees par sa fern me et la famille de celle-ci.
Candidatures du fils du due de Chatillon et
du comte de Roye (17 12). — La combinaison du
prince Charles de Lorraine se trouvant ecartee, deux
candidatures se trouverent en presence, paraissant
reunir les conditions exigees : e'etaient celledu comte
de Lux, fils du due de Chatillon, de la maison de
Montmorency, age a peine de seize ans, qui rut
— 288 —
ouvertement accueillie par la famille de Lorraine
et cellc du comte de Roye, fils du comte de Roucy,
de la maison de La Rochefoucault.
Antoine accepte le comte de Roye (17 12-17 14).
— Le comte de Roye etait le neveu par alliance du
comte de Pontchartrain ; celui-ci et son pere, le chan-
celier, avaient depuis longues annees les plus etroites
relations avec le prince Antoine. lis se firent les
patrons de cette candidature au mois de mai 1712.
Le prince Antoine entra avec empressement dans
cette combinaison; le comte de Roye, age de 23 ans,
ayant deja servi avec distinction comme colonel,
etait precisement dans les conditions de famille qui
realisaient ses visees. II donna son agrement, et
cette negociation fut serieusement engagee.
Opposition de Marie de Lorraine et de sa fa-
mille au comte de Roye; violences d' Antoine Ier
(171 3). — Tout sembla d'abord marcher sans en-
combre et sans opposition; mais il fallait obtenir le
desistement prealable de Tabbe de Monaco a ses
droits eventuels, en cas de survie, sur la Principaute
et sur le duche de Valentinois. L'abbe vint a Monaco ;
c'etait sur lui que comptaient Marie de Lorraine et les
siens pour faire echec a ce projet.
Soit qu'ils voulussent se venger du refus oppose a
la candidature du prince Charles, soit qu'ils prissent
— 289 —
ombrage de I'influence de la maison de La Rochefou-
cault et des Ponchartrain qui, du reste, ne cachaient
par leur hostilite a leur egard, les Lorrains montre-
rent des lors la plus vive hostilite au comte de Roye,
et l'abbe de Monaco refusa formellement de se de-
mettre en faveur de cette union.
II faut reconnaitre que les arguments invoques a
l'appui de cette resistance etaient serieux ; la situation
rinanciere du comte de Roucy, pere du comte de
Roye, etait brillante en apparence, mais rien moins
que solide. Cependant le prince Antoine, cedant a
rentrainement de son caractere imperieux et excessif,
s'enteta dans son projet et ne tarda pas a se donner
les torts les plus facheux en perdant toute mesure.
Marie de Lorraine poussait Louise-Hippolyte a
manifester la plus nette antipathie pour l'alliance
projetee par son pere : cette resistance exaspera
celui-ci. Apres avoir une premiere fois separe la
jeune fille de sa mere en Pemmenant avec lui a Men-
ton, il resolut de la soustraire entierement a I'in-
fluence maternelle en l'envoyant au couvent de la
Visitation d'Aix et en l'y sequestrant.
Rupture et depart de Monaco de Marie de
Lorraine. — Le comte de Roye ecarte (171 3-
1714). — Marie de Lorraine repondit a ce coup
d'autorite en quittant Monaco et en se retirant a
Paris aupres de son pere.
'9
— 2 go —
Quelqu'appuye que tut le prince Antoine a la
cour par les La Rochefoucault et les Ponchartrain,
il etait evident qu'il ne pourrait pas lutter contre la
famille cle sa femme a laquelle s'etait joint son
propre frere. L'accueil fait a Versailles a son projet
d'alliance, etait loin d'etre encourageant; sans lui
donner formellement tort, le roi lui avait fait savoir
qu'en presence du trouble que la candidature du
comte de Rove apportait dans sa famille, il entendait
rester neutre. Bientot, sur l'invitation qu'il recut
de la cour , il dut faire sortir Louise-Hippolyte
du couvent d'Aix ; on s'opposa en outre a son inten-
tion d'envoyer sa fille a Genes pres de ses tantes ; il
dut se contenter de la tenir enfermee sous bonne
garde a la Visitation de Monaco.
Les mois s'ecoulerent sans amener de solution; a
la fin le marquis de Torcy insinua qu'il y aurait
avantage a abandonner une alliance au sujet de
laquelle on rencontrait des resistances si absolues.
La violence de ses procedes avaient amoindri son
autorite ; Antoine sentit qu'il fallait ceder et renoncer
a l'alliance qu'il avait voulu imposer.
Candidature du chevalier de Grimaldi 1714).
— Le Prince reprit alors un projet qu'il avait tout
d'abord concu et caresse, celui de marier sa fille avec
le chevalier de Grimaldi, I'heritier de la branche
d'Antibes. Ce jeune homme avait ete eleve sous ses
— 2<)I —
yeux, et quoique cette alliance ne satisfit pas aux con-
ditions financieres qu'il recherchait, il lui trouvait
le merite de maintenirla Principaute dans la maison
de Grimaldi, dont le chevalier representait la branche
aince. Cent ete en tout la repetition de Tuition de
Claudine et de Lambert. Dans la situation violente
oil se trouvait Antoine, il embrassa avec ardeur cette
combinaison, et sa fille ayant paru y souscrire, il la
rit sortir de la Visitation et publia ses intentions.
L'attitude de Louise-Hippolyte n'etait qu'une
feinte pour recouvrer sa liberte et communiquer avec
sa mere; au bout de quelques semaines le roi noti-
riait une disapprobation formelle, le chevalier de
Grimaldi n'offrant aucune des conditions acceptables
pour recevoir l'agrement royal; de son cote Louise-
Hippolvte se retractait et se declarait entierement
opposee au chevalier ; elle fut aussitot reconduite
au couvent de Monaco.
Autres candidatures (1714). — Cependant de
nombreux candidats surgissaient; la plupart etaient
etrangers. Le prince Alexandre Lanti, neveu de la
princesse des Ursins, etait celui qui orl'rait le plus
d'avantages. Le roi d'Espagne, pres duquel la prin-
cesse etait toute puissante, accordait, en considera-
tion de cette union, la grandesse et la restitution des
biens autrefois confisques sur Honore II en pays
espagnols et non restitues.
2 0 2
Antoine fit sa cour a Louis XIV en ecartarit cette
alliance, voulant que sa fille fin unie a une famille
francaise. Cependant, passant d'un extreme a l'autre,
il prenait quelque temps apres en consideration des
propositions relatives au due del Sesto, puis au
prince Alexandre Sobieski, le tils du roi de Polognc.
La situation devenait cependant pour lui des plus
difficiles ; il etait abreuve de degouts. La princessse
Marie de Lorraine et sa famille sentirent que le
moment etait proche oil la lassitude succedant chez
lui a Temportement , on pourrait produire , avec
toutes chances de reussite, un candidat dont on avait
prepare de longue main Tintervention.
Ouvertures relatives au comte d'Eu (1714). —
Sur ces entrefaites le prince reeut des ouvertures
faites pour flatter innniment son amour-propre, mais
que son esprit pratique silt ecarter.
Depuis longtempslie avecTabbe de Fleurv, eveque
de Frejus, il Tavait fait le confident de ses projets, de
sesesperances et de ses traverses. Or, M. de Frejus,
apres etre reste de longues annees confine dans son
diocese, briguait en ce moment la charge de precep-
teur du jeune Dauphin depuis Louis XV, et il avait
pour appui dans cette recherche le due du Maine,
fils legitime de Louis XIV; il devint ainsi I'inter-
mediaire d'une proposition qui fut faite dans les
conditions du plus grand secret.
— 293 —
Le due de Maine, dont le tils alne etait deja pourvu
d'une souverainete, la principaute de Domhes, avait
pense a l'heritage de Monaco pour faire son second
his, lui aussi, prince souverain.
Le prince Antoine recut eette communication a
Frejus, ou il etait venu au mois d'aout 1714 visiter
Fleurv, au moment ou de part et d'autre on etait
oblige de se rendre parole avec les comtes de Roucy
et de Rove.
Antoine repondit que ce serait certes Line glorieuse
tin. pour les Grimaldi de Monaco, que de s'£teindre
dans une alliance avec 1111 prince de la maison
royale; mais une union pareille serait la violation
absolue des substitutions de Monaco, car ce qu'il
n'avait espere pouvoir obtenir d'un prince de la
maison de Lorraine, il ne pouvait encore moins
penser a Timposer a un membre de la maison de
Bourbon.
II se confondit en protestations de gratitude et
d'humilite, mais il declina un honneur trop grand
pour lui et une alliance trop puissante pour son
petit etat.
Candidature de Jacques de Matignon, comte
de Thorigny [1714). — Cependant les Lorrains,
persuades que le prince Antoine mettrait systema-
tiquement obstacle a toute proposition d'alliance
qui paraitrait venir d'eux, s'ingenierent a faire enta-
— 294 —
merdes pourparlers en faveur du choix qu'ils avaient
fait en se servant de parents du prince qui, comme la
duchesse de Lude, sa tante par son premier mari le
comte de Guiche, ne pouvaient lui inspirer d'ombrage.
Le comte deThorigny etait 1 neritier d'une grande
fortune et sa situation etait peut-etre la premiere
parmi les families francaises non ducales. C'etait un
candidat des plus sortahles et ce n'etait pas, du reste,
la premiere fois que son nora etait prononce. II avait
ete deja question de lui pour la seconde fille du
prince Antoine, mademoiselle de Carladez; mais il
avait ete ecarte, le prince entendant que ses filles
cadettes ne perdissent pas par leur mariage le rang et
les prerogatives de filles de due et pair.
La comhinaison qui reportait la pairie sur la tete
du mari de Louise-Hippolyte rendait au contraire
le choix possible pour l'ainee, puisque le rang de son
mari emanerait d'elle.
La famille de Matignon; son illustration, ses
alliances. — Jacques-Francois-Leonor de Goyon
Matignon, comte de Thorigny, etait Taine d'une des
plus antiques maisons de Bretagne, les Gouyon ou
Goyon, qui, au commencement du xme siecle, s'etait
alliee a la derniere heritiere des sires de Matignon.
On pouvait citer, parmi les illustrations de cette
race, Jean de Matignon, proche parent de Du
Guesclin, qui avait combattu a cote de lui a Cocherel.
— 2cp —
Jean avait ensuite epouse la fille d'un des com-
panions les plus glorieux du connetable, Olivier de
Mauny, seigneur de Thorigny, dont l'heritage tit les
Matignon puissants en basse Normandie, allies aux
plus grandes families de la province et de la Bretagne.
Au commencement du xvie siecle Joachim de
Matignon devint lieutenant-general de Normandie;
mais sa haute renommee tut Sclipsee par celle de son
his, le marechal Jacques de Matignon. Jacques, pri-
sonnier a la bataille de Saint-Quentin, ou il s'etait
couvert de gloire, avait succede a la lieutenance
generate de son pere ; on sait combien sa conduite
fut honorable lorsqu'a la Saint -Barthelemy il se
refusa a executer dans son gouvernement les ordres
sanguinaires qu'il avait recus. Son habilete consom-
mee et sa haute prudence le fit choisir, en 1 58o, pour
aller commander la Guienne dont le gouverneur
titulaire, le roi de Navarre, etait en meme temps le
chef des protestants. Dans ce poste difficile, qu'il
occupa jusqu'a sa mort, le marechal de Matignon sut
s'attirer l'amitie du Bearnais qu'il e'tait oblige de
contenir et souvent de combattre. Lors de l'avene-
ment de Henri IV, il sut manoeuvrer avec tant
d'adresse, en meme temps qu'il deploya tant d'acti-
vite et d'intelligent devouement qu'il s'attira Thon-
neur de porter, au sacre du roi, Tepee de connetable.
II avait acquis la principaute de Mortagne-sur-
Gironde, tandis que sa terre de Thorigny avait etc
erisee en sa faveur en comte..
— 290 —
Son lils Charles, comte de Thorigny, epousa Leo-
nore de Longueville, fille du due et de Marie de
Bourbon Saint-Paul, heritiere du duche d'Estou-
teville et cousine germaine par son pere du roi
Henri IV.
Echec du comte de Matignon dans sa pre-
tention au duche d'Estouteville (171 1). — Cette
illustre alliance eut du porter les Matignon aux
premieres dignites du royaume ; cependant il n'en
fut pas ainsi et il fallut attendre l'extinction des
Longueville pour les mettre en situation d'aspirer a
elever leur maison, lorsqu'ils eurent, a la rin du
siecle, herite d'une grande partie des biens de cette
famille. Les terres qui formaient le duche d'Estou-
teville etaienttombees dans leur lot; le comte Jacques
de Matignon, le pere du comte de Thorigny, emit la
pretention d'en relever la duche-pairie; maisquoique
les lettres d'erection de cette pairie Talent declaree
transmissible aux femmes, on lui opposa un nombre
de degres qui ne permettait plus la devolution, et il
echoua devant la coalition des dues dont il flit devenu
le plus ancien.
Ce deboire etait tout recent lorsque sa liaison avec
Chamillard, le ministre tombe, qui etait en meme
temps dans les rapports les plus intimes avec le
prince de Monaco, donna a Matignon la pensee de
retrouver poursa maison et pour son filsune duche-
— 297 —
pairie par une alliance avec la maison souveraine de
Monaco, memc au prix d'une substitution qui leur
fit faire le sacrifice de leur nom et de leurs amies.
Action secrete de la famille de Lorraine;
Antoine Ier agree le comte de Thorigny (1714). —
Des les premieres ouvertures, le prince Antoine,
dupe encore cette fois et jusqu'au bout des Lorrains,
exigea du comte de Matignon le secret, vis-a-vis de
Marie de Lorraine et de sa famille; et comme en ce
moment le marechal de Villeroy, beau-frere de
« Monsieur le Grand», se faisait rintermediaire d'une
reconciliation, le prince mit a cette pacification la
condition absolue que sa femme reconnaitrait formel-
lement ses torts et que, de plus, elle et ses parents
accepteraient par avance, sans condition et sans en
connaitre le nom, le gendre qu'il avait choisi. On
souscrivit sans hesiter a ces conditions, et Ton se
rendit en apparence a discretion; e'etait une satis-
faction d'amour-propre qui adoucit singulierement
pour le prince Tamertume de ses successives defaites.
Negociations du mariage (171 5) — Les nego-
ciations furent done activement menees sous la
direction du marechal de Villeroy, avec le concours
du conseiller du prince, Tauditeur general Bernar-
doni.
L'immense fortune des Matignon rendit possible
l'acceptation des conditions qu'avait d'avance for-
mellement exigees le prince Antoine pour regler sa
situation et pour la rendre independante. de facon
a pouvoir, sur ses biens disponihles, assurer sans
embarras Tetablissement de ses deux plus jeunes
filles.
Les plus grandes difhcultes a regler furent celles
qui resulterent des pretentions excessives de l'abbe
de Monaco. Le frere cadet d'Antoine Ier fit acheter,
au prix d'enormes avantages en sa faveur, son desis-
tement sur la Principaute et le duche de Valentinois.
Les Matignon en passerent par toutes ces exigences
et on arriva a s'entendre pour un traite de mariage
ou toutes les eventualites de l'avenir etaient prevues
avec le soin le plus meticuleux.
Le but du prince Antoine etait atteint ; mais tout
etait subordonne a Tobtention de Tagrement royal
pour la transmission du duche.
Louis XIV consent & une nouvelle erection
de la duche-pairie de Valentinois en faveur de
Louise-Hippolyte et de son futur mari ( 1 7 1 5). —
Le credit de la maisonde Lorraine realisa, etaudela,
la partie du programme qui dependait de la volonte
du roi. Non settlement Louis XIV consentit a eriger
en nouvelle duche-pairie le Valentinois au profit du
gendre et de la fille d'Antoine Ier, non seulement
il accepta que cette erection eut lieu immediatement
— 299 —
par la demission simultanee du prince Antoine et de
son frere, mais il ajouta la clause tout a fait insolite
que, dans le cas oil un enfant male surviendrait au
prince de Monaco, le rang de la pairie primitive
revivrait en faveur d'Antoine et de son fils; le gendre
ne conservant, dans ce cas, qu'un titre viager.
Nouvelles exigences d'Antoine Iei ; interven-
tion du roi (171 5).— Cependant, malgre les enormes
concessions du comte de Matignon, le prince, exclu-
sivement occupe des interets de sa fille cadette,
ajoutait chaque jour de nouvelles exigences. A plu-
sieurs reprises les negociations furent enrayees, et au
mois de juillet tout se trouva remis en question. Le
roi intervint alors et fit comprendre au prince Antoine
qu'apres les graces qu'il avait accordees, il etait
inadmissible qu'on aboutit a une rupture. Antoine
se soumit et la negociation fut definitivement close.
Le marquis de Torcy accepta la procuration du
prince pour le representer, ainsi que Louise-Hippo-
lvte, au contrat de mariage.
Mariage de Louise-Hippolyte et du comte de
Thorigny, due et duchesse de Valentinois ( 1 7 1 5).
— La signature de cet acte fut retardee par la mort
de Louis XIV ; on y proceda le 5 septembre 171 5.
La signature de Louis XV et celte du due d'Orleans
qui y furent apposees sont des premieres que don-
nerent le jeune roi et le regent.
— :>oo —
Marie de Lorraine rentra a Monaco, conduisant
avec elle le mari de sa rille ; elle eut le bon gout de
Jacques-Francois-Leonor de Matignon
due dc Valcntinois, prince de Monaco sous le nom de Jacques Ie
(D'apres le portrait de Largiliiere, au palais de Monaco I
triompher modestement ; la reception fut en appa-
rence cordiale
— 3oi —
Le mariage du due et de la duchesse de Valentinois
fut celebre a Monaco le 20 octobre 171 5.
Louise-Hippo! vte
duchesse de Valentinois, princesse de Monaco
(D'apres le portrait de J.-B. Van Loo. an palais de Monaco)
Apres un sejour assez court, le due de Valentinois
dut revenir a Paris pour Tenregistrement des diffe-
rentes lettres patentes relatives a la transmission de
la pairie ; mais des complications, provoquees par
des querelles entre les princes dn sang et les legiti-
mes, rirent ajourner cette formalite. Le due deValen-
tinois ne fut recu au Parlement qu'en decembre 1 716.
Relations d'Antoine Ier avec le regent et avec
Fleury. — Le changement de regne en France
ne pouvait qu'etre favorable au credit du prince
Antoine ; malgre la difference d'age, une liaison
ancienne et tres affectueuse s'etait etahlie entre le
due d'Orleans et le fills de Charlotte de Gramont.
Les affaires politiques et les interets de la Princi-
paute se ressentirent de cette amitie.
D'autre part, Fleury etait devenu precepteur du
jeune roi; sa faveur et son credit avancaient d'un pas
sur pour aboutir rapidement a la dignite de cardinal,
au poste de premier ministre et au long gouverne-
ment de la France.
Fleury fut le plus ferine appui du prince Antoine
qui parvint malheureusement, au grand dommage de
la Principaute et de la famille princiere, a lui faire
partager ses preventions contre Louise-Hippolyte et
surtout contre le mari de celle-ci. On en verra les
consequences facheuses.
Mariage de M!le de Carladez avec le prince
d'Isenghien (1720). — Aussitot le mariage de sa
00 3
fille ainee conclu, Antoine ne songea plus qu'a assu-
rer a sa fille preferee, M!le de Carladez, un grand
etablissement en cherchant a frustrer par tous Les
moyens la duchesse de Valentinois.
Cette conduite et l'humeur inquiete du prince ne
tarderent pas a reveiller les querelles assoupies, et
Antoine passa vite d'une certaine sympathie pour
son gendre a une veritable haine. Le due de Valenti-
nois et Louise-Hippolyte s'y soustrayaient en habi-
tant presque constamment Paris.
Un projet de manage de Mlle de Carladez avec le
due de Richelieu negocie en 1717, n'aboutit pas,
quoique les pourparlers aient etc tres avances entre
Tauditeur general Bernardoni et M. d'Oremieulx,
le conseil du due.
Mlle de Carladez epousa en 1720 le prince d'lsen-
ghien.
Proces suscites an due et a la duchesse de
Valentinois; role du cardinal de Fleury (1720-
1735I. — Madame d'Isenghien vint a la cour; excitee,
elle et son mari par son pere, elle s'y plut a susciter
a sa soeur ainee et au mari de celle-ci de nombreux
ennuis, pour lesquels elle trouva un appui complai-
sant aupres du cardinal de Fleury. Un long proces
sur rinterpretation du contrat de manage du due
de Valentinois commenca une serie de procedures
qui ne se terminerent qu'apres la mort du prince
- 3o4 -
Antoine; le due de Valentinois eut alors a tenir tete
egalement a l'insatiable abbe de Monaco qui, dans
1'intervalle, avait obtenu, grace au cardinal de Fleury,
l'archeveche de Besancon.
Mort de Marie de Lorraine (1724). — Marie
de Lorraine mourut en 1724; sa succession fut une
nouvelle cause de conflits; et celle de sa troisieme
fille, Mlle de Chabeuil, decedee en 1726, a qui le
prince Antoine tit faire un testament en sa faveur,
vint encore compliquer ces difficultes.
Administration interieure de la Principaute.
— Cependant, au milieu de ces tiraillements, qui
n'eurent pas de contre-coup en dehors de sa famille,
Antoine Ier poursuivait son regne de facon a assurer
a ses su[ets une existence paisible et heureuse ; et il
profita de la paix, qui ne fut plus troublee jusqu'a
sa mort, pour ameliorer l'etat de ses domaines.
En 1624 il ouvrit une route carrossable entre
Monaco et Menton.
Monnaiesdu prince Antoine. — Les transactions
commerciales s'etaient accrues depuis le commen-
cement de ce regne et avaient eu pour consequence
d'augmenter Tactivite de l'atelier monetaire de Mo-
naco. La frappe prit surtout de Timportance a partir
de 1720; cependant, des les annees precedentes, elle
300 —
s'etait developpee et cette epoqXie est celle ou Ton ren-
contre le plus de types differents dans cette monnaie.
Billon — Pie'cette
m
Cuivre — Huit deniers
Types de monnaies frappees a Monad)
si us le regne d'Antoine I"
— :>ob —
Relations avec les etats etrangers i 725-1 73 i)
— Les relations avec les etats etrangers autres que la
France, surtout avec les etats cTItalie, etaient favo-
risees non seulement par les liens de parente qui
unissaient le prince avec les premieres families de
Genes et avec la maison d'Este, mais aussi par le
role d'intermediaire politique qu'il conserva soit a
Rome, ou son intimite avec le cardinal Gualterio lui
menageait les plus utiles relations, soit en Espagne.
Neutrality pendant la guerre d'Espagne (1719)
— En 1 719, lors de la guerre fratricide suscitee par
les cardinaux Dubois et Alberoni entre la France et
TEspagne, il fit reconnaitre la neutralite de la Prin-
cipautc.
Ce fut peut-etre a cet instant qu'il fit preuve de la
plus grande sagacite politique dont ses lettres adres-
sees a Gualterio, aux marechaux de Berwick, de
Tesse, au due de Roquelaure portent la trace.
Relations avec le comte de Nice ; affaire des
barrieres pendant la peste (1722). — Du cote de
la Savoie, ses rapports continuels avec le comtc de
Nice etaient souvent troubles par les entreprises aux-
quelles donnait lieu la dispute pour le territoire
avec les habitants de La Turbie. Les ravages causes
par la peste, en 1720, furent Toccasion d'un conflit
qui eut degenere si le prince n'avait pu compter sur
— 3o~ —
I'appui funnel de la cour de France. Les autorites du
comte voulurent couper les communications avec
les domaines du prince et proriter de l'occasion pour
faire un precedent a propos des limites. On vint
placer des barrieres sur les chemins jusque sous les
murs memes de Monaco. Cette pretention qui, si
elle avait ete admise, eut eu les plus grands inconve-
nients pour la securite de la place, lit immediate-
ment Tohjet cTune protestation des plus vives, a
laquelle le gouvernement de Versailles se joignit.
Les barrieres furent reportees a l'extremite des terri-
toires contestes. Ce fut line petite revanche du prince
dans sa lutte incessante avec ses voisins.
Traite avec le roi Victor -Amedee pour la
restitution reciproque des deserteurs (1728). —
Les relations s'ameliorerent ; la situation topogra-
phique de Monaco rendait on ne peut plus facile la
desertion reciproque des soldats. A chaque instant,
des deserteurs ou des condamnes aux galeres s'echap-
pant de Villefranche ou de Nice se refugiaient a
Monaco ou reciproquement. Le roi Victor-Amedee
pretendait que la convention conclue avec la France
suffisait pour regler les rapports avec la Principaute
et entendait obtenir, de ce chef, la restitution des
fugitifs sur territoire de Monaco ; e'etait line facon
indirecte d'amoindrir les droits de souverainete du
prince protege par la France. Antoine Ier resista et
— 3o8 —
finit par amener le gouvernement de Turin a conclure
un traite pour la restitution reciproque des deserteurs
et des condamnes aux galeres, qui fut signe en 1728
par le comte de Chamousset, gouverneur de Ville-
franche, et Antoine d'Adhemar de Lantagnac, premier
gentilhomme de la chambre du prince et gouverneur
de Menton.
Antoine Ir recoit l'ordre du Saint-Esprit et
la grand'croix de Tordre de Saint-Louis (1724-
1729). — Dans rintervalle, le prince recut les mar-
ques successives de la consideration dont il etait
l'objet a la cour de France; en 1724, il fut fait che-
valier du Saint-Esprit; en 1729, le roi , voulant
recompenser les services militaires si considerables
qu'il avait rendus, lui envoya la grand'croix de Saint-
Louis.
Gouts artistiques d' Antoine Ier; Jean-Baptiste
Vanloo au palais de Monaco. — Condamne a une
vie sedentaire par de precoces infirmites, Antoine Ier
s'en etait dedommage en se livrant au gout des arts
pour lesquels il avait un veritable entrainement. II
avait, en 1712, attire a Monaco, au debut de sa
carriere, le celebre Jean-Baptiste Vanloo qui peignit,
outre le charmant portrait de Louise-Hippolyte, une
grande toile oil le prince et la princesse etaient repre-
sentes au milieu de leurs enfants.
— 3og —
Retire definitivement a Monaco, Antoine entretint
pres de lui deux peintres locaux, ses sujets, Joseph
de Bressan et Augustin Vento, par lesquels il faisait
reproduire, pour Tornement du palais de Monaco, les
plus belles toiles du temps, les oeuvres de Lebrun,
de Van der Meulen, etc.
Passion d' Antoine Ier pour la musiexue ; sa
troupe d'opera a Monaco. — Mais e'etait surtout
la musique qui etait sa passion dominante. II avait
ete lie dans sa jeunesse avec Lulli ; il avait meme
herite de la canne avec laquelle le celebre artiste
dirigeait ses musiciens. Antoine la fit servir au meme
usage a Monaco, oil il entretint un orchestre complet
et une troupe de chanteurs d'opera dont le recrute-
ment provoqua pendant quinze ans une curieuse
correspondance avec le directeur de TOpera de Paris,
Destouches. On representa avec succes, dans les
grands appartements du palais, les pieces les plus en
vogue des compositeurs contemporains.
Creation du domaine de Carnoles. — II parta-
geait son temps entre Monaco et Carnoles, sa resi-
dence favorite, qu'il avait batie dans la plaine voisine
de Menton, abritee par le cap Martin. II avait rachete
ce domaine, en 171 7, du monastere de Lerins, qui le
possedait depuis le xie siecle; il en fit un sejour d'ete
qu'il se plut a decorer et a rendre agreable.
— .110 —
Mort d'Antoine Ier ( i j3 j ). — Antoine Ier suc-
comba a ses infirmites le 21 fevrier ij3i.
Son souvenir est reste populaire a Monaco, car les
defauts de caractere, qui causerent aux siens et a
lui-meme tant de chagrins, n'eurent pas de contre-
coup sur une administration ou il se montra, comme
il le fut egalement sur le terrain politique, un
prince d'un esprit superieur et d'une remarquable
intelligence.
Avenement de Louise-Hippolyte ( 1 7 3 1 ) . — A
la nouvelle de la mort de son pere, Louise-Hippolyte
accourut a Monaco ou elle fut aussitot reconnue
princesse souveraine. Elle et son mari s'intitulerent
en commun prince et princesse de Monaco. Le
prince Jacques, retenu par Touverture du testament
du prince Antoine et les difficultes de la succession
resta pendant les premiers mois a Paris.
L'union la plus grande n'avait cesse d'exister entre
eux depuis leur mariage, d'ou etaient provenus sept
enfants dont six etaient alors vivants. En partant, la
princesse ne manifestait pas d'autre intention, et sa
correspondance en fait foi, que de partager entiere-
ment le gouvernement avec son mari; ce fut une
grande faute de la part de celui-ci que de laisser sa
femme seule, exposee a Tinfluence des agents infe-
rieurs qui avaient ete les has executeurs des rancunes
du prince Antoine.
■ — 3 1 1 —
Dissentiments entre Louise-Hippolyte et son
mari , i — 3 i ) . — Quand le prince Jacques arriva au
commencement de l'ete, il put mesurer Tetendue de
son imprudence. La princesse avait pris de Tombrage
et de la jalousie pour son autorite ; elle aurait eu
meme la faiblesse de coder aux conseils de ceux qui
l'engageaient a se servir de sa soeur, la princesse
d'Isenghien, pour obtenir du ministere francais, a
Tegard du prince Jacques, certaines reserves dans le
gouvernement militaire de la place et des ordres aux
officiers francais de nature a gener son action. Celui-
ci n'entra pas en conflit et se retira a Paris profon-
dement blesse.
Mort de Louise-Hippolyte ( i y3 1). — Cette
demi-brouille durait encore lorsque Louise-Hippo-
lyte, atteinte de la petite verole, succomba prematu-
rement a Monaco a l'age de trentre-quatre ans, le
29 decembre 1 7 3 1 , apres onze mois et neuf jours de
resne.
— 3 12
CHAPITRE XIX
JACQUES Ier — HONORE III
(i-3i-i793)
Avenement du prince Jacques Ier (173 1). —
A la nouvelle de la mort de Louise-Hippolyte le
le prince Jacques vint immediatement dans la Prin-
cipaute, et y fut, sans la moindre opposition, reconnu
comme prince souverain sous le nom de Jacques Ier.
Relations de Jacques Ier avec la cour de
Turin ; il fait reconnaitre la neutrality de
Monaco (1731-1733). — Son premier soin fut de
regler la situation feodale par rapport a Menton et a
Roquebrune avec la cour du Turin; d'autre part,
lorsqu'en ij33, la guerre de la succession de Pologne
mitde nouveau TEurope en armes, il obtint du gou-
vernement de Versailles les ordres les plus formels
pour faire respecter et maintenir la neutrality de la
Principaute.
Menees coutre Jacques Ier. — Cependant Jac-
ques Ier, mine par les nombreux cnnemis que le
prince Antoine lui avait suscites, en proces avec le
prince et la princesse d'Isenghien unis a Fleury et au
garde des sceaux Chauvelin, se trouvait dans une
situation fort penible. En effet, s'il cut gain de cause
au point de vue des interets contre les dispositions
defavorables du testament du prince Antoine, il ne
put eviter personnellement l'effet de l'animosite de
ses adversaires.
Avanies provoquees par les ministres fran-
cais et les cabales de la princesse d'Isenghien
( i j 3 i — i j3 3). — Le ministere, s'ingerant sans droit
dans les affaires interieures de la Principaute, refusa
de faire rendre, dans la place de Monaco, les hon-
neurs souverains par les troupes franchises, au prince
Jacques, en pretendant que son fils etait le veritable
successeur de Louise Hippolyte.
En meme temps on insinuait que la population
repugnait a etre gouvernee par un prince qui n'etait
pas du sang des Grimaldi. Cette assertion n'avait
d'autre fondement que les menees sourdes des anciens
agents du prince Antoine, perfidement exploites par
la princesse d'Isenghien et ses amis.
Le chevalier de Grimaldi, gouverneur de la
Principaute (173 1- 1784). — Cependant Jacques Ier,
— 314 —
atin d'eviter de plus grandes difficultes, quitta Monaco
en y instituant corame gouverneur general un fils
naturel du prince Antoine, le chevalier de Grimaldi,
qui administra la Principaute d'une facon remarqua-
ble pendant plus d'un demi-siecle.
Animosite du cardinal de Fleury; ses funestes
consequences pour l'etat de la maison souve-
raine (i 731- 1743). — La mauvaise volonte du
ministere francais se manifestait sous toutes les for-
mes; et cette attitude de Fleury, n'eut pas seulement
pour effet de nuire a Jacques Ier, elle rejaillit sur la
situation a la cour des enfants issus de son mariage,
vis-a-vis desquels on prit pour regie de denier peu a
peu les privileges accordes aux Grimaldi et laborieu-
sement conquis par le prince Louis Ier et le prince
Antoine, privileges qu'on pretendit n'avoir pu passer
avec la substitution a Jacques de Matignon.
Abdication de Jacques Ier (8 novembre 1733). —
Mais la resistance du prince ne pouvait pas se conti-
nuer sans inconvenient. Au mois de novembre 1733
Jacques Ier abdiqua ; il fit reconnaitre son fils comme
prince souverain et, pour eviter toute chicane sur le
titre de prince de Monaco, qu'il avait pense d'abord
a conserver, il reprit celui de due de Valentinois,
conservant seulement jusqu'a la majorite de son fils
aine, la tutelle et Tadministration de ses etats.
— 3 1 5 —
Jacques Ier, redevenu due de Valentinois, fait
reconnaitre Honore III (i 730-1734). — En mars
1734,10 due vint a Monaco presenter au peuple le
nouveau souverain ; on donna a Tentrce du jeune
prince la plus grande pompe, et les manifestations
qui se firent en lnonneur de son pere tendirent
toutes a affirmer retrospectivement le caractere regu-
lier du regne de Jacques Ier et Tunanimite avec
laquelle il avait ete pendant deux annees accepte
comme le souverain legitime.
Le due de Valentinois depuis son abdication
(1733-175 1 ). — A partir de ce moment, le due de
Valentinois ne reparut plus dans la Principaute ;
d'une part il se consacra a Teducation de ses enfants,
de l'autre il se livra a son gout tres vif pour les arts.
Ses enfants. — Des six enfants que lui avait
laisses Louise-Hippolyte, l'alnee etait une fille qui
entra en religion a la Visitation a Paris. Le prince
Honore III, le second, etait ne en 1720; sur les
quatre autre enfants, une fille mourut jeune, ainsi
qu'un rils. Deux princes arriverent a l'age d'homme:
le comte de Matignon mourut a son regiment en
Roussillon, a Prats de Mollo, en 1747 ; nous allons
bientot retrouver l'autre, d'abord designe sous le titre
de chevalier de Monaco, puis sous celui de comte de
Valentinois.
— 3i6 —
Collections artistiques du due de Valentiuois
a Paris — I/Hotel de Matignon-Monaeo. — Le
due de Valentinois avait rassemble dans sa maison
de Passv une collection d'objets d'art qui fut celebre
au siecle dernier et qu'il transporta ensuite dans
l'hotel de Matignon, rue de Varennes, commence
par son pere, qu'il lit decorer par les plus grands
artistes et qui devint une des plus belles demeures de
Paris, oil Honore III s'installa apres sa mort.
Minorite d'Honore III ; administration du
chevalier de Grimaldi a Monaco (1734-1740). —
Les six annees qui suivirent la proclamation d'Ho-
nore III jusqu'a sa majorite n'ont ete marquees par
aucun evenement a Monaco. L'administration din-
gee par le chevalier de Grimaldi s'organisa ; les edits
et les rescrits, ainsi que la plus grande partie des
mesures administratives, emanerent des lors du gou-
verneur. En meme temps, les fermes des impots
f urent centralisees ; la tresorerie fonctionna avec la
plus grande regularity. Un conseil, compost du gou-
verneur, de l'auditeur general, du patrimonial, ma-
gistral qui remplissait une partie des fonctions du
procureur fiscal et des principaux officiers, fut charge
de la solution des difficultes qui pouvaient s'elever
en matiere d'administration et de finances.
La paix qui se maintint pendant cette periode
permit a la Principaute de developper sa prosperity
et ses rapports commerciaux, non-seulement avec la
Provence, mais avec toute la Riviere; elle tirait du
Piemont ses approvisionnements de viande et d'au-
tres denrees ; en outre, le transit du sel de Nice par
Menton pour le Piemont ctait tine source conside-
ble de revenus.
L'atelier des monnaies sous Honore III. —
L'atelier des monnaies de Monaco se ressentit de
Piecette
Demi-piecette
Types des monnaies au commencement du regne d'Honore III
cette activite. Pendant Tannee 1 63 5 , la frappe a reffi-
gie d'Honore III prit un grand developpement; mais
— 3i8 —
elle tie fut pas continuee pendant le cours du regne.
II y cut arret; Honore III etudia des projets pour la
fabrication, dejainaugureesous le regne de Louis Ier,
de monnaies pour Importation en Orient et en
Afrique ; mais il ne parait pas qu'il ait ete serieuse-
ment donne suite a ces projets.
Education militaire d'Honore III, sa majorite
(1736-1740). — Honore III atteignit sa vingtieme
annee en 1740; le due de Valentinois lui remit aus-
sitot Tadministration de la Principaute.
Le jeune prince avait recu une instruction toute
militaire ; entre dans les mousquetaires a cheval le
22 Janvier 1786, il passait lieutenant en second au
regiment du roi-infanterie en 1738, et enseigne a la
compagnie colonelle le 24 fevrier 1739. La meme
annee, au mois d'octobre, il fut autorise par le roi a
acheter le regiment de Tallard, qui prit des lors le
nom de regiment de Monaco.
Le prince passa presque constamment les annees
qui suivirent en garnison a son corps.
Des les premiers mouvements auxquels donnerent
lieu la guerre dela succession d'Autriche, le regiment
de Monaco se trouva en premiere ligne. Le prince
fut alors fait brigadier.
Le chevalier de Monaco blesse a Fontenoy
(1745). — Son frere, Charles-Maurice, chevalier de
— 3 ig —
Make, le tils prefere* du due de Valentinois, capitaine
au regiment de Saluces-cavalerie en 1744, passa, au
commencement de 1740, dans les gendarmes de la
garde du roi. A la bataille de Fontenoy, les deux
freres se conduisirent de la facon la plus brillante ;
le chevalier de Monaco y eut la cuisse percee d'une
balle. Deja distingue dans le monde par son esprit
et son elegance, sa blessure lui attira de nombreux
temoignages de sympathie ; on connait le vers que
lui consacra Voltaire dans son Poeme de Fontenoy :
Monaco perd son sang et l'Amour en soupire.
Honore III a Fontenoy, Raucoux et Lawfeld;
il est fait mareehal de camp (1745 -1748). —
Honore III, qui avait ete epargne a Fontenoy, fut
blesse a la terrible bataille de Raucoux Tannee sui-
vante ; il eut encore un cheval tue sous lui en enle-
vant sa brigade a Lawfeld, oil le regiment de Monaco
se signala tellement que six de ses capitaines recurent
la croix de Saint-Louis.
La paix d'Aix-la -Chapelle mit tin a la guerre
en 1748. Honore III recut alors le prix de ses
services ; il fut fait mareehal de camp le 26 decem-
bre 1748.
Monaco pendant la guerre de la succession
d'Autriehe ; neutrality (1742-1748). — ■ Tandis
que le prince et son frere prenaient une part si hono-
— 3 20 —
rable aux campagnes dans les Pays-Bas, la Princi-
paute avait etc pendant cette meme guerre soumise
a toutes les fluctuations que le sort des batailles fit
subir a la region des Alpes.
Suivant soigneusement les traditions etablies a
Monaco depuis le regne de Louis Icr, la Principaute
avait, des le debut de la guerre, nettement accentue
sa neutralite ; les ordres les plus formels furent don-
nes par la cour de Versailles pour que la garnison de
Monaco observat cette situation de la facon la plus
rigoureuse.
D'autre part, cette meme neutralite fut reconnue
par les escadres anglaises qui, des 1742, opererent
dans la region. L'amiral anglais Mathews donna des
instructions pour laisser librement s'exercer sur mer
le droit de Monaco par les navires monegasques pro-
poses a ce soin. De son cote, par reciprocity, le che-
valier de Grimaldi lit secourir avec empressement
plusieurs navires de l'escadre anglaise en perdition
sous le rocher de Monaco pendant une violente
tempete.
La Principaute occupee par les belligerants
(1744- 1 748). — II etait pourtant bien difficile que
le territoire de la Principaute fut epargne et que la
neutralite fut constamment respectee par les belli-
gerants. Deja, au mois d'avril 1744, lorsdeTinvasion
des Francais dans le comte de Nice, quatre cents
— 021 —
hommes de la garnison de Monaco commandes par
M. de Montcalm, avaient fait jonction avec les
autres corps francais a la Turbie. Lc gouverneur de
Monaco protesta; le ministere francais s'excusa et
repeta ses ordres pour la stride observation de la
neutrality.
Cependant au mois de decembre suivant le che-
valier de Grimaldi etait encore oblige de faire de
nouvelles representations contre le projet d'envoyer
douze cents espagnols a Menton. D'autre part, en-
visageant les embarras ou se trouverait Monaco par
suite de la rupture des communications avec le Pie-
mont, il insistait pour faire comprendre que la
Principaute, recevant sa subsistance en viandes et
en denrees de tout genre de cette region, la suppres-
sion des transactions avec les etats du roi Charles-
Emmanuel la mettrait dans une situation que les
allies franco-espagnols ne sauraient compenser.
On passa outre a ces protestations et les relations
commerciales avec le Piemont furent interrompues
par les generaux francais, lorsqu'apres la perte de la
bataille de Plaisance, le theatre de la guerre fut, a la fin
de 1745, reporte dans le comte de Nice. Les Franco-
Espagnols occuperent alors la Principaute ; seule-
ment, par une convention tacite, ils n'entrerent ni a
Menton, ni a Roquebrune; ils camperent a Texte-
rieur; un camp fut etabli a Carnoles et la garnison
de Monaco se tint strictement sur la reserve.
Danger de bombar dement couru par Menton
(1746). — On n"en etait pas moins rempli de crainte
sur Tattitude que prendrait la marine anglaise ; la
place de Vintimille etait, au mois de septemhre,
vigoureusement assiegee par les Austro-Sardes ,
tandis que la none de leurs allies maltraitait impi-
toyablement les villes du littoral. Le voisinage du
camp franco-espagnol faisait courir a Menton de
veritables dangers.
Antoine-Louis d'Adhemar de Lantagnac, qui avail
succede a son pere dans la charge de gouverneur,
sauva la ville par le sang-froid avec lequel il affirma
devant les Anglais la neutralite de Tetat monegasque.
Tandis que le camp de Carnoles etait canonne, trois
vaisseaux et une bomharde se presenterent devant
Menton. Le gouverneur envoya immediatement a
bord les consuls de la ville avec le capitaine du
port offrir des rafraichissements en excipant de la
neutralite de la Principaute. Les emissaires furent
gracieusement recus; on but a la same du Prince, et,
par consideration pour sa souverainete neutre ,
l'amiral anglais declara que les barques francaises
mouillees dans le port et leurs equipages ne seraient
pas inquietes.
Ravages causes par les allies austro-sardes ;
neutralite meconnue par les Anglais (1747). —
Cependant, apres la bataille de Gorbio et Toccupa-
— :>2J> —
tion du comte de Nice par les Austro-Sardcs, en 1 747,
cette situation changea. Monaco fut bloque par terre
et par mer, le pays ravage par les Croates et les Pan-
dours de Tarmee imperiale, et, malgre Thospitalite
que les navircs portant les vivres destines a Farmee
du roi de Sardaigne avaient recue, it la fin de 1746
dans le port de Monaco, les Anglais capturerent,
corame prise de guerre, le navire monegasque pro-
pose au droit de mer, sous pretexte que la neutralite
avait ete enfreinte. Les protestations du chevalier de
Grimaldi aupres de l'amiral Bing et du ministre
d'Angleterre a la cour de Toscane resterent sans
resultat.
Le mouvement en avant des Francais degagea la
Principaute, et la paix conclue en 1748 retablit le
calme dans la Riviere.
En somme, Monaco, meme neutre, avait rendu de
reels services a la France, puisque pendant le cours
des operations des belligerants, les Austro-Sardes
furent obliges d'immobiliser toujours quelques corps
d'observation dans la crainte de voir la place, sortant
tout a coup de sa neutralite apparente, devenir la
base de quelque mouvement oftensif sur le flanc de
leurs armees.
Mariage du comte de Valentinois avec made-
moiselle de Ruffec Saint-Simon (1749). — Pendant
Tannee qui suivit la paix d'Aix-la-Chapelle, le due
— 324 —
de Valentinois realisa pour son tils de predilection
un mariage qui, par une singularite du sort, fit
eteindre dans la maison souveraine la lignee de
l'illustre duc-ecrivain qui s'est montre, dans ses Me-
moires, particulierement acerbe contre la maison de
Monaco et la maison de Matignon. Le chevalier de
Monaco avait rendu, en 1747, sa croix de Malte
pour prendre le titre de comte de Valentinois. II
epousa, en 1749, mademoiselle de Ruffec, dont le
pere, le due de Ruffec, etait le dernier survivant des
enfants du due de Saint-Simon.
Le due de Valentinois obtint du roi, a Toccasion
de ce mariage, de faire passer a son fils puine la lieu-
tenance generate de basse Normandie et le gou-
vernement des places du Cotentin, dont les Mati-
gnon etaient depuis plusieurs generations titulaires :
celles de Cherbourg, de Grandville, de Saint-L6 et
des lies Chausey.
Mort du due de Valentinois [17S1). — A partir
de ce moment, le due de Valentinois vecut de plus
en plus dans la retraite. II mourut en 1 j5 1 , et fut
inhume, suivant ses dernieres volontes, a Thorigny,
aupres des Mauny et des Matignon, ses ancetres.
Voyages d'Honore III a Monaco ( 1 749- 1 754). —
Dans le courant de l'annee 1749, Honore III fit un
voyage a Monaco. Ce fut Toccasion de demonstra-
tions chaleureuses de la part de la population.
^2D
On forma, pour la garde du prince, deux compa-
nies d'honneur, Tune de cadets a Monaco, Tautre
de grenadiers a Menton.
A partir de cette epoque, le prince prit Line part de
plus en plus active a Tad ministration de la Princi-
paute ou il fit un nouveau voyage en 1734.
Le pavilion monegasque et les armements en
course (1750-1762). — Plusieurs questions dedicates
furent soulevees pendant cette periode ; la plus impor-
tante fut celle relative a Tusage et a Tabus qui se
faisait du pavilion de Monaco.
L'abus, contre lequel Tadministration monegasque
ne cessait de protester, consistait en l'usurpation du
pavilion par des navires etrangers qui, sous ce cou-
vert, cherchaient a jouir en France des privileges
qui y etaient attaches ; d'autres armaient en course
et, par une usurpation semblable, cherchaient a faire
des prises au prejudice du prince qui se trouvait
par la meme compromis.
Mais la veritable question, qui souleva de longs
conflits, fut la reprise par Honore III des traditions
de ses ancetres, lorsqu'il fit revivre le droit, dont ses
predecesseurs avaient toujours joui, de donner des
lettres de course pour faire, sous son pavilion, la
chasse, dans les mers du Levant, contre les Turcs et
leurs sujets non cbretiens.
Le pavilion de Monaco n'avait point paru a Make
— 020 —
depuis les dernieres annees du regne du prince An-
toine, lorsqu'un corsaire nouvellement commis-
sionne v arriva en i~5o; ce fut l'occasion d'un
^change de correspondances entre le prince, le
grand-maitre de TOrdre et le ministre de la marine
en France.
Le droit ne pouvait etre conteste ; dans ces con-
jonctures, le chevalier de Viguier, capitaine des
gardes du grand maitre, offrit de se charger de la
conservation des interets du pavilion et de veiller a
ce que les armateurs se renfermassent dans leurs
obligations.
En consequence il fut etabli que les corsaires ne
pourraient courir que contre les Turcs et leurs sujets
non chretiens ; qu'ils ne pourraient entrer dans
TAdriatique, ni dans les eaux de France et d'ltalie
sans rester eloignes de trente mille des cotes ; qu'ils
ne pourraient arreter de batiments chretiens, meme
charges de marchandises appartenant aux infideles,
ni surtout troubler la navigation des Grecs.
Plusieurs corsaires prirent, dans ces conditions, le
pavilion de Monaco; mais leurs actes donnerent
frequemment lieu a des plaintes graves, notamment
de la part des autorites du royaume de Naples et de
la republique de Venise. Le gouvernement francais,
d'autre part, deniait au prince le droit de faire expc-
dier les commissions a Malte par son representant;
il voulut memeexiger, mais cette restriction n'eut pas
cTeffet, que les patentes fussent delivrees a Monaco
meme par le gouverneur general.
Les armements continuerent ; cependant, en 1762,
a l'occasion de la construction de navires a Nice
pour le compte du prince et pour la course aux
Turcs, le gouvernement de Louis XV fit de nou-
velles remontrances. On demontra a Honore III
l'inconvenient de ces armements qui pouvaient etre
tres prejudiciables aux Francais ; le Grand Seigneur
ne voulait voir, en effet, dans les Monegasques que
des regnicoles ou des sujets du roi; cette situation
exposait les marchands francais a des represailles; le
due de Praslin, ministre de la marine, engageait
done Honore III a abandonner ses armements.
La course sous pavilion monegasque finit par
tomber de nouveau en desuetude.
Projets de mariage pour Honore III; M!les du
Maine et de Bouillon (1740' — Le voyage d'Ho-
nore III a Monaco en 1754 l'avait amend a Genes,
et, de cette epoque, date une negociation de mariage,
qui n'aboutit qu'apres trois longues annees.
Avant la majorite du prince, son pere avait echange
des pourparlers pour son union avec la fille du due
du Maine; cette premiere affaire n'avait pas eu de
suite. Au commencement de 1740, il fut question de
la fille du due de Bouillon; cette fois, on discuta
serieusement ; le contrat fut redige, l'agrement du
roi demande et obtcnu ; mais Honore III rompit
brusquement.
Cette conduite excita le plus vif mecontement
chez le due de Valentinois ; il en porta plainte au
roi, et le jeune prince fut, par punition, enferme
quelque temps a la citadelle d'Arras. Remis en liberie
au bout de plusieurs mois, il fut envoye a son regi-
ment avec defense de s'en eloigner.
Aucun nouveau projet de manage ne fut remis sur
le tapis du vivant du due de Valentinois.
Mademoiselle de Brignole (1754). — Pendant
son voyage a Genes, le prince fut recu dans la
famille de Brignole dont le chef avait ete doge de
la Republique, quelques annees auparavant. II fut
seduit par la beaute de Catherine, fille du marquis
de Brignole Sale.
Cette union etait des plus convenables par l'illus-
tration de la famille de Brignole et par ses grands
biens ; mais elle etait disproportionnee, etant donnee
l'extreme jeunesse de Catherine, alors qu'Honore III
avait trente quatre ans. Dans l'automne de Tannee
suivante, i75 5,madame de Brignole amena sa fille a
Paris; les negociations commencees l'annee prece-
dente se poursuivirent ; mais elles rencontrerent une
vive opposition de la part du marquis ; au bout de
dix-huit mois, en juin 1756, Honore jugea qu'il y
fallait renoncer.
— 329 —
Negotiations relatives a la fllle du due de
La Valliere ; affaire du rang a la cour de
France (\j56). — Dans ces conjunctures, le prince
preta Toreille a un projet d'union avec la fille du due
de la Valliere. II trouvait dans cette combinaison
le moyen d'affirmer a la cour son rang et ses prero-
gatives qui, on Ya deja vu, etaient, depuis la guerre
sourde faite par le cardinal de Fleury au due de
Valentinois, contestes comme n'ayant pas passe aux
Matignon avec la substitution de Monaco.
II fit de la reconnaissance de ces honneurs la con-
dition sine qua non de son mariage, et le due de
Valliere s'y employa activement. On chercha a y
interesser madame de Pompadour, et Ton obtint
d'abord un demi succes; le roi promit de retablir
«le prince et ses enfants seulement » dans l'ancien
rang de la maison de Monaco. Mais cette decision,
qui ne satisfaisait pas le prince, fut, avant d'avoir ete
regulierement libellee, traversee par une coalition des
dues des qu'elle fut connue. On circonvint madame
de Pompadour, et le roi revint meme sur la grace
incomplete qu'il avait d'abord accordee.
Mariage d*Honore III avec Mlle de Brignole
(1757). — Honore, du reste, conservait Tespoir de
reprendre les negociations avec la famille de Bri-
gnole. Elles furent en effet renouees, et elles abou-
tirent au mois de mai 1757.
— d:o —
Rien n'egala les minuties avec lesquelles on r£gla
les points d'etiquette pour la celebration de ce ma-
riase.
Honore III
(D'aprcs le portrait tie Louis Toeque an p'alais de Monaco)
Honore III, prince souverain, ne se rendit pas a
Genes; il s'y fit representer par son gentiihomme
de la chambre, Honore de Monleon, tandis que son
— 33 1 —
cousin, don Marcello Durazzo, epousait par pro-
curation mademoiselle de Brismole. La nouvelle
I:'
Marie-Catherine de Brignole, princesse de Monaco
(D'aprcs le portrait de Raphael Mengs au palais tie Monaco.)
princesse fut conduite avec ses parents et une bril-
lante suite de gentilshommes, sur une flottille de la
republique, jusqu'au port de Monaco.
— 33 2 —
Les questions cTetiquette qui avaient ete, a Genes,
rigoureusement observees, prirent, a l'arrivee a
Monaco, une si grande importance, qu'elles faillirent
faire tout rompre. Madame de Brignole emit la
pretention que le prince vint en personne au devant
de la princesse a bord de la galere, et non pas seule-
ment jusqu'au pont jete sur la rive pour le debar-
quement. Honore III, n'ayant pas voulu acceder a
cette exigence, laflotille genoise, apres d'infructueux
pourparlers, remit a la voile, se retira sur Bordighera.
Cependant, apres deux jours d'attente, madame de
Brignole sentit ce que sa conduite avait de singulier
etd'inacceptable; elle depecha secretement son frere
le comte Balbi a Monaco. On finit par s'arreter a un
moyen terme ; il fut entendu qu'un second pont serait
construit sur le bord de la galere, de facon qu'au
moment de Tabordage les deux epoux pourraient
s'avancer au devant Tun de l'autre jusqu'au point
d'intersection des deux ponts.
L'amour propre des Brignole fut ainsi sauvegarde,
et les ceremonies du mariage s'accomplirent au
milieu de la plus grande pompe.
Naissance a Monaco du fils aine d'Honore III
(1758). — Honore III fit a Monaco un sejour continu
de pres de trois ans apres son mariage ; son premier
fils, Honore-Anne-Charles-Maurice, celui qui fut
Honore IV, y naquit en ij58.
— 333 —
Traite avec la Sardaigne pour les limites
entre Monaco et la Turbie (1760). — Ce long
sejour fut marque par la fin du contiit qui, depuis le
xme siecle, divisait Monaco et ses voisins de la Tur-
bie. Les disputes de voisinage s'etaient continuees ;
le roi Charles-Emmanuel resolut de mettre fin a
cette situation. II eut Tart d'y interesser le gouverne-
ment francais; la chancellerie de Sardaigne sut, en
meme temps, meler a cette question plusieurs autres,
d'une importance vitale pour la Principaute, entre
autres celle du transit du sel par Menton, d'ou le
prince tirait un de ses principaux revenus.
Attaque et menace dans ses interets de plusieurs
cotes a la fois, Honore III se laissa intimider.
La negociation engagee de cette facon devait fata-
lement aboutir aux conditions les plus desavanta-
geuses en ce qui concernait le territoire. On ne tint
compte d'aucune des solutions provisoires qui etaient
autrefois intervenues ; les pretentions sardes n'allaient
pas a moins qu'a reduire le prince a ne plus pouvoir
sortir de Monaco pour se rendre a Menton et a
Roquebrune sans passer par terre de la Turbie. Tout
ce qu'Honore III put obtenir, avec l'appui plus que
douteux de la France, devenue indiflerente a cette
question, fut que les limites fussent reportees au
minimum d'etendue des terres possedees par les
proprietaires monegasques autour de la forteresse.
Au lieu d'embrasser une ligne de rivages limitee a
— 334 —
Touest par le cap d'Ail, la frontiere occidentale ne
fut plus etablie qu'a une portee de fusil de la forte-
resse; elle suivit, de la, une ligne sinueuse ami-cote,
ou nulle part la forme du terrain ne servit de base a
la limite, qui coupa le ravin de Sainte-Devote, sans
meme en atteindre le fond, et qui, apres s'etre deve-
loppee en arriere du plateau des Spelugues, finit par
aboutir au ravin de Saint-Roman, limitrophe de
Roquebrune, par une bande de terre qui, sur certains
points, ne depassait pas quatre-vingt toises. Les
chemins frontieres resterent meme la propriete de la
Turbie.
Quelque defavorable que fut cette solution, elle eut
cependant le merite de mettre un terme aux conflits
dont on avait vu trop souvent le retour ; mais il
parait certain qu'avec un peu plus de dexterire et en
employant des agents habiles, Honore III, qui eut le
tort de vouloir conduire en personne une negociation
dont il ne connaissait pas suffisamment les details,
eut pu arriver a un resultat moins desavantageux.
Pretentions du marquis de Grimaldi de Ca-
gnes sur la succession a la Principaute (1760-
1792). — Une autre difficulte vint encore troubler
Honore III a cette epoque. Apres le mariage de
Louise-Hippolyte les meilleures relations avaient
continue avec les Grimaldi de la branche d'Antibes et
de Cagnes ; Tun des representants de cette branche
— o5d —
etait meme et resta intimement lie avec le prince
Honore et son frere le comte de Valentinois. G'etait
Fabbede Grimaldi, qui devint a cette epoque eveque
du Mans, et fut ensuite transfere a Noyon.
Cependant le chef de la famille, le marquis de
Grimaldi, pretendit tout a coup faire valoir les droits
de sa branche sur la Principaute et sur la seigneurie
de Menton par suite de l'extinction des males de la
branche de Monaco.
Reservant d'abord la question relative a la Prin-
cipaute , le marquis commenca par revendiquer,
comme tomhant sous le coup de certaines substitu-
tions testamentaires edictees par le pere de Lambert,
Nicolas Grimaldi, les parts de Menton venues a
celui-ci dans la succession paternelle. II assaillit de
reclamations Honore III jusqu'au jour ou ilfinitpar
s'adresser au roi. Quoique la question ne dependit
en aucune facon de la France, le prince suivit son
adversaire sur ce terrain ; il sollicita Parbitrage royal
qui fut accorde.
Apres un examen minutieux par les commissaires
nommes a cet effet, la decision du roi, qui prit la
forme d'un arret duConseildu 19 mars i702,repoussa
les pretentions de la branche d'Antibes et les declara
sans fondement.
Le marquis de Grimaldi se soumit dans les termes
les plus humbles vis-a-vis d'Honore III, mais il ne
desarma point.
Eii 1775, il reprit une nouvelle action, cette fois
au sujet de la succession a la Principaute. Se fon-
dant sur la pretendue donation de Pempereur Othon
en faveur du legendaire Grimaldus du dixieme siecle,
il soutenait que Monaco etait un fief imperial qui,
par consequent, eut du, a l'extinction des Grimaldi
de Monaco, passer aux Grimaldi collateraux, a i'ex-
elusion de Louise-Hippolyte et de ses enfants.
Cet argument pechait historiquement par la base ;
mais Honore III, qui, lui aussi, croyait a l'exacti-
tude de la donation d'Othon, dut etre embarrasse.
Cependant le marquis de Grimaldi rfosa plus por-
ter en France sa revendication ; il s'adressaauconseil
aulique a Vienne. Honore III se garda d'engager une
action contradictoire. Le marquis, grace a la produc-
tion de documents tronques ou incomplets, surprit
un arret du conseil aulique ordonnant Tenquete.
Pour donner un exemple de la bonne foi de cette
procedure, il faut noter qu'on avait produit le traite
de Burgos, dont l'article premier faisait Augustin
Grimaldi vassal de Charles-Quint, en passant sous
silence les dispositions de la declaration de Torde-
sillas qui avaient annule cet article du traite.
En 1792, a Toccasion de Tindemnite alors stipulee
en faveur d'Honore III pour les revenus supprimes
sur les terres de France, le marquis chercha sans
succes a introduire de nouveau Taffaire aupres du
ministre Dumouriez.
— 337 —
Les Grimaldi de Cagnes,dontla brancheestdepuis
peu d'annees £teinte, apres avoir usurpe sans aucun
droit la qualification de « Grimaldi, des Princes de
Monaco » ont maintenu pendant un siecle, par des
protestations periodiques, leurs droits supposes et
insoutenables aussi bien au point de vue du droit
que de la verite historique.
Mort du due d'York a Monaco; voyage d'Ho-
nore III en Angleterre (1767- 1768). — Honore III
se trouvait a Monaco pendant Fete de 1767, lorsque
le due d'York, frere de Georges III, se rendant de
Marseille a Genes, tomba subitement maladeen mer.
II fallut relacher, et le due recut au Palais les soins
les plus empresses; mais son mal etait mortel et il
succomba, au bout de onze jours, le 14 septembre.
Des honneurs extraordinaires furent rendus au frere
du roi d'Angleterre. Une fregate vint chercher peu
de temps apres son corps.
Le roi Georges ne se contenta pas de remercie-
ments pour les bons offices et la courtoisie dont le
prince de Monaco avait fait preuve vis-a-vis de son
frere; il insista pour qu'Honore III fit a la cour
d'Angleterre une visite que celui-ci accomplit pen-
dant le coursde 1768. Le prince fut l'objet, de la part
de la famille royale et de l'aristocratie du Royaume-
Uni, d'attentions et d'honneurs faits pour flatter son
amour-propre. Parmi les presents qu'il recut du roi
— 338 —
et de son frere, le due de Glocester, celui d'un cer-
tain nombre de chevaux de race anglaise, ne fut
pas le plus indifferent. Honore III avait la passion
des chevaux ; le cadeau royal alia enrichir le haras
qu'il avait fonde a Thorignv.
Separation entre Honore III et Catherine de
Brignole (1770). — Cependant le prince se trouvait
aux prises avec de penibles difficultes de famille.
Son manage avec Catherine de Brignole avait etc
heureux dans les premieres annees ; un second fils,
le prince Joseph, etait ne a Paris en 1763 ; mais Thu-
meur ombrageuse d1 Honore III, jointe a un carac-
tere entier et autoritaire, qui avait par certains cotes
beaucoup d'analogie avec celui dAntoine Ier, amena
de profonds dissentiments. La princesse, de vingt-
deux ans plus jeune que son mari, etait tres entouree
et tres fetee ; au lieu de trouver appui et conseil
aupres du prince, elle subit de mauvais procedes qui
paraissent avoir ete sans excuse a cette epoque. Elle
prit le parti d'une rupture et Honore III se donna
assez de torts pour que le parlement de Paris pro-
noncat contre lui la separation de corps en 1770,
malgre les protestations par lesquelles il opposa en
vain l'incompetence de cette juridiction a l'egard d'un
prince souverain.
Les efforts qu'il lit par la suite pour enlever a sa
fern me Tappui du roi n'eurent pas plus de succes.
— 33g —
II cut la mortification de voir Catherine de Brignole
figurer a la cour,malgre les demarches repetees qu'il
tit pour obtenir a son egard rexclusion ou du moins
un traitement moins favorable.
Cette rupture devait avoir de facheuses conse-
quences pour les tils d'Honore III. En 1798 Cathe-
rine de Brignole. apres la mort de son mari, epousa
pendant Temigration le prince de Conde. La grande
fortune dont elle avait herite de sa famille et qui de-
passait dix-huit cent mille livresde rente, fut engloutie
dans les depenses de 1'armee de Conde.
Elle mourut en Angleterre en 181 3.
Traite avec la France pour la suppression
reciproque du droit daubaine 1770. — Apres
ces evehements, Honore III s'absorba dans les
affaires de la Principaute. II conclut, en 1770, un
traite qui supprimait reciproquement entre ses etats
et la France, le droit d'aubaine. C'etait le resultat
d'un mouvement general cTopinion qui tendait a
effacer du droit international une coutume barbare
en vertu de laquelle les biens de tout etranger venant
a mourir etaient acquis au souverain du pays ou il
decedait. L'application de cette regie avait, au point
de vue du credit geMteral, les plus facheuses conse-
quences; depuis quelques annees des conventions
en amenaient la suppression successive. Le traite
entre la France et la Principaute, signe par Tordonna-
— 340 —
teur frangais de la garnison de Monaco, Daniel et lc
chevalier de Grimaldi, le 18 juillet 1770, fut ratine-
par le roi et le prince les 18 et 20 aout suivants.
Prosperity de la Principaute depuis la paix
d'Aix-la-Chapelle ; affaires relatives a la neu-
trality.— Depuis la fin de la guerre de la succession
d'Autriche, la Principaute avait joui d'un repos que
n'avait pas trouble la guerre de Sept Ans. Le seul
incident qu'avait amene cette guerre avait ete cause
par une nouvelle affirmation de la neutralite de Mo-
naco. A la suite de la prise de Mahon, en 1756, des
ordres avaient ete envoyes au lieutenant de roi dans
la place, comme a tous les commandants des forte-
resses royales,pour faire chanter le Te Deum et pro-
ceder a des rejouissances publiques. Le prince fit
decliner ces ordres ; il etablit que la neutralite mettait
Monaco dans une situation particuliere et que la
presence de la garnison francaise ne pouvait entrai-
ner aucune demonstration publique a l'occasion de
faits de guerre. Apres un echange de correspon-
dances,le ministere reconnutle bien fonde des obser-
vations d'Honore III, justifiees par les precedents
pendant les guerres anterieures.
Commerce, industrie. — L'administration de la
Principaute s^ffoi^ait de developper tout ce qui
pouvait aecroitre la richesse economique, soit par des
— 341 —
favours accordees au commerce, soit par des crea-
tions d'industrie. Les reglements relatifs aux limons
et citrons, la plus grande source de revenus du pays,
furent a plusieurs reprises modifies et ameliores.
On tenta ['introduction du murier et l'elevage des
vers a soie, et le prince consacra a cet essai des
sommes considerables.
Imprimerie ; « Gazette » ou « Courrier de
Monaco ». — A la meme epoque, une imprimerie
fut creee; elle eut pour origine l'impression d'une
Gazette ou Courrier de Monaco, qui continua une
publication fondee d'abord a Avignon et que les edi-
teurs transporterent a Monaco. Le prince favorisa
le developpement de cette imprimerie, malgre les
entraves qu'a plusieurs reprises le gouvernement
francais mit a la circulation du Courrier.
La Societe typographique tit sortir, pendant la
fin du regne, un grand nombre de travaux de ses
presses, principalement des factums concernant des
affaires judiciaires ou contentieuses relatives a la
region.
Mort du chevalier de Grimaldi; ses succes-
seurs jusqu'a la Revolution (1784- 1793) — Le
chevalier de Grimaldi, qui gouvernait la Principaute
depuis 1 73 1, mourut presque nonagenaire en 1784;
ce fut une grande perte pour le prince, quoique
— 342 —
depuis 1774, on eut ete oblige de dormer des adjoints
au gouverneur. II fut successivement remplace, de
1784 a 1793, par MM. d'Adhemar de Lantagnac, de
Mevronnet de Saint-Marc, Honore de Monleon et
Pretti de Saint-Ambroise.
Le marechal de camp de Millo ; notabilites
monegasques. — A partir de ce moment, Honore III
correspondit tres activement,surtout lorsque la situa-
tion politique devint difficile, avec un de ses sujets
qui compta les plus longs et les plus brillants etats
de services militaires. M. de Millo avait ete fait
lieutenant de roi a Monaco, commandant en second
la place; il devint, en 1770, marechal de camp. En
1793, lorsqu'il fut violemment depossede de son
commandement, il avait soixante annees de service ;
il etait chevalier de Saint-Louis.
D'autres Monegasques, officiers dans Tarmee fran-
caise, recurent a cette epoque la croix de Saint-Louis,
notamment MM. Gastaldi et de Sigaldi. successive-
ment majors de la place.
Du reste, par un privilege tout special, les ecoles
rovales etaient ouvertes en France aux jeunes sujets
du prince, et plusieurs des membres des families
dont nous venons de citer les noms eurent leurs
enfants recus aux ecoles militaires et de marine, et
meme au nombre des demoiselles de Saint-Cyr.
La Principaute vit a la fin du siecle naitre dans
— 343 —
son sein un certain nombre d'hommes distinguds,
non seulement dans les armes, mais aussi dans 1 i
litterature et dans les arts.
Monaco a ete le berceau du compositeur Langle,
le maitre de Dalayrac, du celebre sculpteur Bosio ct
de son frere, peintre d nistoire distingue.
Un ecrivain qui fut I'un des principaux collabora-
teurs de la Biographic universelle de Michaud et qui
a ecrit une Histoire de la Vendee estimee, Alphonse
de Beauchamp, petit-tils d'un secretaire d'Antoine Ier,
etait egalement ne a Monaco en 1767.
Honore III, comme Antoine Ier, avait favorise de
tout son pouvoir les dispositions artistiques de ses
sujets. De meme que son grand-pcre avait entretenu
a Rome le monegasque Joseph de Bressan, il y avait
egalement eu comme pensionnaire Vignali, d'une
famille qui, au seizieme siecle, fournit le premier
monegasque qui fit, avant 1 538, le voyage du Nou-
veau-Monde, et qui depuis compta des musiciens et
des artistes. Un autre Vignali fut Peleve du celebre
peintre Raphael Mengs, qui figure en 1770 comme
parrain d'une de ses soeurs. Ce Jean-Baptiste Vignali
remporta le prix de TAcademie de peinture a Paris.
Neanmoins, la faveur qui permettait Tacces des
ecoles royales aux Monegasques n'alla pas jusqu'a
maintenir le prix de Rome a Vignali; on excipa de
son caractere etranger pour attribuer cette recom-
pense a celui qui etait classe apres lui.
— 344 "
Mariage du due de Valentinois avec la du-
chesse de Mazarin (1777). — Pendant les vingt
annees qui s'ecoulerent a partir de 1770, Honore III
s'isola de plus en plus de la cour de France. Le ma-
nage de ses fils fut Toccasion de s'en separer davan-
tage encore. I^aine, celui qui devait etre le prince
Honore IV, fut marie en 1776 a Louise-Felicite-Vic-
toire, rille unique du dernier due d'Aumont de la
branche ainee. Mademoiselle d'Aumont etait, par sa
mere, Theritiere du titre et des biens des dues de
Mazarin, biens tres considerables encore, malgre la
gestion imprudente qu'avait subie depuis un siecle
l'immense fortune laissee par le cardinal Mazarin
a sa niece Hortense Mancini, lorsqu'il l'avait mariee
au fils du marechal de la Meilleraye.
La duche-pairie de Mazarin avait ete, ainsi que le
nom, substitute a Hortense Mancini et a son mari,
avec clause de transmissibilite aux femmes. Elle
passa dans ces conditions a la petite-fille du dernier
due de Mazarin mort en 1738, issue du mariage de
mademoiselle de Mazarin, decedee avant son pere,
avec le due de Duras. Celle-ci epousa le due d'Au-
mont, et e'est ainsi que, par une double application
des substitutions, la duchesse dAumont-Mazarin,
sa fille, apporta dans la maison de Monaco, tous
les biens des deux maisons dont elle portait le nom,
e'est-a-dire, outre le duche de Mazarin, celui de
Mayenne, egalement releve en 1660 par le cardinal,
- 345 -
la principality de Chateau-Porcien, les terres d'Alsace
donnees a la suite du traite de Westphalie au cardi-
nal, comprenant le comte de Belfort, les seigneuries
de Delle, Ensisheim, Altkirch, etc., le marquisat
de Chilly et le comte de Longjumeau venus des
Effiat et des La Meilleraye, enfin le marquisat de
Guiscard , provenant d'une alliance de la maison
d'Aumont.
A l'occasion de ce manage, Honore III se demit en
faveur de son lils aine de la duche-pairie de Valen-
tinois, titre que le prince cumula avec celui de Maza-
rin du chef de sa femme. Deux enfants naquirent de
cette union ; le premier, qui fut le prince Honore V
en 1778, le second qui fut le prince Florestan
en 1785.
Mariage du prince Joseph et de mademoi-
selle de Choiseul-Stainville.— Le prince Joseph,
second fils d'Honore III, s'allia en 1782 a la fille du
due de Choiseul-Stainville dont il eut deux filles,
qui devinrent la marquise de La Tour du Pin, et la
marquise de Louvois.
On verra bientot la fin tragique et heroique de la
princesse Joseph.
Revolution francaise; concessions accordees
aux habitants de la Principaute (1 790-1 791). —
La Revolution francaise eut son contre-coup dans la
— 346 —
Principaute. En 1790 les habitants des trois villes
reclamerent des reformes. Le prince v consentit et
des conseils elus furent etablis a Monaco, a Menton
eta Roquebrune. L'annee suivante, Honore III, mal
conseille, revint sur ces decisions par un edit qui
apportait des dispositions restrictives. Neanmoins il
n'y eut pas de mouvements, mais des societes popu-
laires se formerent et durent etre tolerees. C'etait le
prelude des evenements qui allaient bientot entralner
la Principaute et aboutir a la perte de son autonomic
pendant vingt-deux ans.
Honore III previt que la situation deviendrait
bientot dangereuse lorsqu'il quitta Monaco et revint
a Paris, oil Tappelait la defense de ses interets grave-
ment compromis en France.
Indemnite accordee a Honore III pour la
suppression de ses revenus des terres de
France (1790-92). — L'Assemblee constituante, en
supprimant les droits feodaux, avait aneanti les
revenus que le prince de Monaco tirait de ses domai-
nes francais ; et cependant ces revenus n'etaient que
la juste indemnite accordee a ses ancetres pour avoir
embrasse le parti de la France. Se fondant sur le
traite de Peronne et sur la non execution de l'arti-
cle 123 du traite des Pyrenees, Honore III demon-
tra que sa situation n'avait aucune analogie avec
celle des seigneurs feodaux ordinaires et que ses
— 347 —
droits, etant le resultat d'un engagement interna-
tional, donnaient tout au moins ouverture a son
profit a une indemnite ou plutot a une compensation,
L'Assemblee nationale prit en consideration la
reclamation du prince. Elle declara qu'il y avait lieu
a regler une indemnite dont la valeur devrait etre
contradictoirement etablie. Ce chiffre fut fixe a
273,786 livres de rente qui devaient etre consolides
en faveur du prince en biens fonds.
Le 10 aoiit et la decheance de Louis XVI survin-
rent avant que cette indemnite fut liquidee.
Lutte diplomatique dHonore III pour la de-
fense de ses droits souverains (1 791-1793). —
La gravite de la situation n'ebranla pas un instant
lafermete d'Honore III dans sa lutte pour la defense
de ses droits ; apres les avoir fait reconnaitre pour
ses biens prives en France, il sut les faire valoir avec
une energie singuliere et une admirable Constance
comme prince de Monaco ; et Ton peut dire que,
jusqu'au bout, sur le terrain diplomatique, il ne se
laissa pas entamer.
Des le commencement de 1792 il obtenait des
ministres de la guerre et des affaires etrangeres des
declarations formelles pour le respect de la neutra-
lity de la Principaute ; en meme temps il protestait
contre ['application de la loi qui supprimait les
etats-majors ; il parvint a faire maintenir celui de
— 348 —
Monaco comme institute par le traite de Peronne et
resultant par consequent d'engagements internatio-
naux.
Le 10 aout, la chute de Louis XVI, la proclama-
tion de la Republique ne changerent rien a Tattitude
respective du prince et du gouvernement francais ; a
propos d'un proces au sujet duquel un particulier
voulait traduire Honore devant les tribunaux a
Paris, celui-ci faisait nettement reconnaitre sa qua-
lite de souverain etranger, vis-a-vis duquel la justice
etait incompetente, et il est interessant de noter que le
ministre qui faisait cette declaration etait Danton,
et ceci a la date du ier septembre 1792.
L'administration du prince a Monaco et les
elements revolutionnaires ( 1 792- 1793). — L'admi-
nistration princiere continuait cependant a etre obeie
a Monaco; quelque nombreux que fussent a Pinte-
rieur les esprits liberaux enclins aux idees nouvelles,
les elements d'agitation revolutionnaire vinrent du
dehors. La situation empira en effet a la fin d'octo-
bre 1792, apresl'arriveedes bataillonsdes volontaires
du Var ; et cependant, malgre cet appoint, qui donna
plus d'activite a la societe populaire, celle-ci pro-
testait encore le 27 octobre de son attachement au
prince, et M. de Millo, qui ne cessa d'en faire partie,
s'y faisait non seulement ecouter, mais v conservait
tout son ascendant.
— 34'.) —
Ouverture des hostilities avec la Sardaigne ;
neutrality de Monaco (i 792-1 793). — Cependant
l'ouverture des hostilites avec la Sardaigne et l'entree
des troupes francaises dans le comte de Nice etaient
l'occasion d'incessantes infractions a la neutralite. Le
prince s'en plaignait; mais loin de songer encore a
1'inquieter dans sa souverainete, le ministere conti-
nuait a le traiter comme tin allie de la France; seule-
ment dans la neeessite oil Ton se trouvait d'employer
toutes les troupes disponihles, le ministre des affaires
etrangeres, Le Brun, notiriait a Honore III que le
protectorat resultant du traite de Peronne ayant
ete cree dans Tinteret exclusif du prince, du moment
que son execution ne semblait plus d'accord avec
les interets de celui-ci, la France reprendrait sa
liberte et retirerait ses troupes.
Cette explication du traite, a beaucoup d'egards
correcte, est tres interessante a relever, puisqu'elle
montre le caractere que le protecteur reconnaissait
aux droits qui en resultaient en sa faveur.
Honore III se garda de pousser dans unc voie qui,
pensait-il, aurait, dans les circonstances presentes,
provoque tine catastrophe.
La revolution a Monaco (1 792-1793. — Le
decret de la Convention du i5 decembre 1792, qui
ordonnait aux generaux de la Republique d'organiser
dans tous les pays ou ils entreraient des administra-
ODO
tions libres calqueessur cellcs de la France, dechalna
To rage.
Le general Brunet tit, au mepris de la neutrality,
appliquerle decret a Menton, ou un arbre de la liberte
fut plante par les patriotes. Monaco suivit le mouve-
mentmalgre les protestations des officiers du prince,
soutenant qu'un decret edicte pour les pays dont les
souverains etaient en guerre avec la France, ne
pouvait s'appliquer aux etats d'un ami et d'un allie
reconnu par la Convention elle-meme.
Dans cette occurrence, M. de Millo, M. de Mon-
leon et apres celui-ci M. Pretti de Saint-Ambroise
defendirent courageusement les droits du souverain.
Le 4 Janvier 1793, M. de Millo protestait encore,
mais en vain, contre la destruction des armoiries et
des emblemes princiers.
Assemblies primaires ; convention nationale
monegasque ; decheance du Prince (1793. —
Toute resistance devint inutile; avec l'appui des,
generaux francais, les assemblees primaires furent
convoquees le i3 Janvier; elles se formerent en
convention nationale monegasque et prononcerent
la decheance du prince. Le lendemain le general
Brunet se chargeait de transmettre a la Convention
francaise le voeu emis pour la reunion de la Princi-
paute a la France.
Reunion de Monaco a la France [ijq? . — Ce
vceu tut entendu ; le 14 fevricr 1793 Carnot presen-
tait a la Convention un rapport ou il proposait la
reunion de I'antique heritage des Grimaldi ; mais il
est interessant de noter combien encore, au moment
ou Ton depouillait le souverain de ses droits sous
pretexte de condescend re au vceu populaire, le rap-
porteur, tout en cherchant a etablir la legitimite de
cette annexion par des arguments historiques, abso-
lument errones du reste, prenait vis-a-vis d'Ho-
nore III de singuliers managements. Carnot recon-
naissait que le prince avait ete toujours I'ami sincere
et l'allie de la France, qu'i] s'etait sans cesse reclame
de sa protection et qu'en consequence, quoique
depouille de ses prerogatives, il devait obtenir de la
loyaute du peuple francais protection et sauvegarde
personnelle comme simple citoven.
La Convention rendit son decret le lendemain
1 5 fevrier. et le 4 mars suivant, les commissaires dans
le comte de Nice, Tabbe Gregoire et Jagot, vinrent a
Monaco notirler le decret. La convention monegas-
que tut dissoute, et I'ancienne Principaute reunie
au departement des Alpes-Maritimcs.
CHAPITRE XX
DE LA DECHEANCE d'hONORE III
A LA RESTAURATI0N D'HONORE IV
MONACO ET LES PRINCES
PENDANT LA REPUBLIQUE ET L 'EMPIRE
(I793-I8I4)
Situation d'Honore III apres sa decheance
(1793). — La perte de la souverainete de Monaco
avait inaugure une periode de desastres et de perils
pendant laquelle la resolution et la fermete dont
Honore III avait fait preuve jusqu'alors se montre-
rent toujours egales.
A plusieurs reprises, depuis le 10 aout, il avait ete
Tobjet de denonciations de la part de la section de la
Croix Rouge (devenue « du Bonnet Rouge ») surle
territoire de laquelle se trouvait Thotel de Monaco.
II avait subi des visites domiciliaires; chaque fois il
avait evite de plus gros ennuis par son empressement
a verser largement des sommes importantes a la
caisse des dons patriotiques et en abandonnant ses
chevaux et ses equipages pour le service de l'armee.
— 353 —
Arrestation d'Honore III 179 3). — II put ainsi
atteindre sans encombre l'automne de 1 793 ; mais la
loi des suspects ne respecta pas celui auquel, par la
voix de Carnot, securite et protection avaient ete
garanties au nora de la nation. Onze jours apres la
promulgation de cette loi, le 28 septembre, il fut
arrete et ecroue a la caserne de la rue de Sevres.
Detention du due de Valentinois et de la
duchesse de Mazarin (1793- 1794). — Tous les
membres de la famille d'Honore III restes en France
furent incarceres. Son fils aine, le due de Valentinois,
suivant son exemple, n'avait quitte ni la France ni
meme Paris; il fut arrete comme son pere et subit
une detention de quinze mois.
D'autre part, la duchesse de Mazarin, qui avait
depuis quelque temps divorce avec son mari, fut
conduite a la prison du couvent des Anglaises; elle
fut sauvee par le courageux devouement du medecin
des princes, le docteur Desormeaux qui, ayant surpris
au peril de sa vie un ordre d'elargissement, la cacha
chez lui avec son second fils, le jeune Florestan.
qu'elle avait conserve aupres d'elle.
Condamnation et mort heroique de la prin-
cesse Joseph de Monaco (1794). — La princesse
Joseph devait payer de sa tete le sanglant tribut de
la maison souveraine aux fureurs revolutionnaires.
— :>:>4 —
Le prince Joseph s'etait absente depuis Tannee
1 790, mais il etait a plusieurs reprises rentre, confiant
ooAvro
Le prince Joseph de Monaco
d'aprcs une miniature appartenant a son arriere petit-fils
M. le comte Fortune de Chabrillan
dans les declarations des ministres qui lui avaient
reconnu, comme a son pere, le caractere de prince
etranger. II se retira definitivement lorsque le retour
des evcncments fut devenu tout a fait menacant. La
princesse, sa femme,apres avoir suivison mari, ctait
Francoise-Therese de Choiseul Stainville
femme du prince Joseph de Monaco
d'apres la miniature apparlenant a son arriere |iHit-iils
M. le comte Fortune de Ghabrillan
rentree ostensiblementa Paris, ne pouvant supporter
l'eloignement de ses deux lilies qui y etaient restees.
Elle avait etc ane premiere fois arretee au prin-
— 356 —
temps de 1793 comme fern me cTemigre et elle-meme
emigree rentree. L'intervention d'Honore III avait
eu alors pour resultat de faire reconnaitre sa qualite
d'etrangere ; elle avait ete remise en liberte sous
caution. Elle fut de nouveau incarceree apres Tar-
restation de son beau-pere et subit une longue
detention; elle passa enfin devant le tribunal revolu-
tionnaire le 7 thermidor an 11, et fut condamnee a
mort en meme temps que la princesse de Chimay, le
baron de Trenck, les freres Trudaine, les poetes
Roucher et Andre Chenier.
Par une triste coincidence, le meme jugement
frappait aussi le secretaire et intendant general d'Ho-
nore III, Tintegre Viotte.
La constance et la serenite de la princesse, qui ne
s'etaient pas dementis avant sa condamnation, ne
Tabandonnerent pas. Elle vit approcher le supplice
avec le calme stoi'que que montrerent presque toutes
les victimes de cette sanglante epoque. Un instant,
cependant, au souvenir de ses lilies, son coeur mollit
et elle parut se rattacher a la vie. On lui suggera le
moyen de retarder tout au moins l'execution en se
declarant enceinte, mais Tabsence de son mari
faisait de ce subterfuge le deshonneur ; elle n'y
eut pas plus tot recouru qu'elle se reprit. Apres avoir
envoyg a ses enfants ses cheveux qu'elle avait scies
avec un eclat de vitre, ne voulant pas qu'ils fussent
profanes par la main du bourreau, elle se retracta
- 357,-
par une lettre restee celebre adressee a l'accusateur
public Fouquier-Tinville.
Dans la crainte que sa paleur ne fit croire a de la
faiblesse, elle mit du rouge sur ses joues, et elle
fut portee a la guillotine, le 9 thermidor, sur la
derniere charrette.
Sans la sublime protestation que lui avait dicte
son honneur, elle eut ete sauvee ! Elle avait vingt-
sept ans.
Mise en liberte d'Honore III (1794). — Ho-
nore III, cependant, subissait une captivite aggravee
par les plus cruelles souffrances physiques ; il etait
age de soixante-quinze ans, accable d'infirmites. II
ne cessait de protester contre la violation du droit des
gens faiteensa personneen adressant des memoires a
la Convention, aux Comites de salut public et de
surete generale.
Cependant le prisonnier recevait de ses anciens
vassaux de touchants temoignages d'attachement qui
honorent grandement sa memoire. La societe popu-
laire de Thorignv, par un vote unanime, fit transmet-
tre a la Convention, le 1 1 frimaire an n, au plus fort de
la Terreur, le proces-verbal d'une enquete par temoins
011 les services rendus au pavs par Tancien seigneur,
sa bonte, sa generosite, le bien qu'il avait repandu
autour de lui etaient courageusement rapportes.
Cependant, malgre ces appels, la revolution de
— 358 —
thermidor elle-meme ne sufrit pas pour remettre le
prince en liberie. Traite comme pere d'emigre, a
cause du prince Joseph, il restait exclu du decret qui
avait delivre les suspects ; il ne fut enrin relache que
le 5 octobre 1 794.
Mort d'Honore III (1795). — Mais ses forces
s'etaient epuisees dans une si longue lutte; la douleur
qu'il ressentit de la mort de sa helle-rille vint s'ajouter
a ses souffrances physiques et lui porta le dernier
coup. Honore III s'eteignit six mois apres avoir
recouvre la liberte, le 12 mai 1792, dans son hotel
de la rue de Varennes.
Moderation relative de la Revolution a Mo-
naco 11793). — Tandis que la famille princiere etait
victime de ces evenements tragiques, Tancienne sou-
verainete des Grimaldi traversait la periode aigue de
la revolution francaise sans trop grandes secousses.
II faut reconnaitre. en effet, a Thonneur de Monaco,
que si les mesures revolutionnaires y furent appli-
quees comme dans tout le reste du territoire fran-
cais, les violences contre les personnes y furent rares,
et il nV eut aucune execution. Bien plus, un signe
frappant de Tetat des esprits fut Telection comme
maire de M. de Millo. Cette demonstration faillit
cependant entrainer de graves consequences. Sur la
denonciation du commandant de la place, etranger
— 35g —
au pays, le marechal de camp de Millo et tous ses
parents, hommes et femmes, entre autres les Sigaldi,
furent arretes. Le tribunal charge de 1'enquete, pre-
cedant la comparution des accuses devant le jury,
s'honora en reconnaissant courageusement leur inno-
cence. M. de Millo et les siens furent relaches et ne
furent plus inquietes.
Saisie des biens du prince; sequestre et pil-
lage dupalais de Monaco (1793- 1795). — Mais si
l'on rencontra a Monaco de la moderation a regard
des personnes, les biens du prince y furent Tobjet
d'une entiere devastation.
Des la reunion de l'assemblee primaire, le seques-
tre avait ete mis sur le palais, et une commission
avait ete chargee de dresser Tinventaire de ses riches-
ses au profit de la nation. On fit d'abord main basse
sur l'argenterie considerable qui s'y trouvait; puis la
necessite d'installer les administrations amena un
premier demenagement du mobilier.
D'abord conduit avec une certaine methode, ce
demenagement et l'inventaire furent bientot menes
avec la plus grande precipitation et le plus complet
desordre. Le palais, dans les parties non occupees
par les fonctionnaires du district ou les comman-
dants militaires, devint une caserne et un hopital
ou refluerent en grand nombre les blesses et les ma-
lades de l'armee d'ltalie.
— 36o —
Cependant, le mobilier et les objets d'art de cette
somptueuse demeure furent, pendant les annees qui
suivirent, disperses et detournes ; une partie fut ven-
due a vil prix, a Tencan, au profit du domaine natio-
nal. Lorsqu'on chercha a mettre un terme a cette
dilapidation, ce qui fut juge digne de conservation au
point de vue de Tart ou de l'utilite* fut enferme dans
la chapelle du palais ; mais les objets reunis dans ce
depot mal garde et mal surveille disparurent a leur
tour piece a piece, pour la piupart.
Sous l'Empire, les batiments furent affectes a un
depot de mendicite dont l'installation achevade rendre
meconnaissable Tancienne demeure des Grimaldi.
. Monaco denomme Fort d'Hercule (1793). —
En meme temps que son autonomic, Monaco avait
perdu jusqu'a son nom, qui fut remplace par celui
de Fort d'Hercule pendant la periode revolution-
naire. Le siege du district de Menton y fut transporte
et la place servit de depot et de magasin aux corps de
troupes qui operaient dans les Alpes-Maritimes, oil
les hostilites se continuerent jusqu'a ce que les armees
republicaines aient repousse les forces du roi de
Sardaigne et des Autrichiens au-dela du col deTende
pendant la campagne de 1794.
Attaque des Barbets sur Monaco (1793). —
Eloigne des voies de communication, Monaco n'eut
— 36i —
pas a enregistrer dc faits militaires pendant cette
periode, a part des attaques des Barbets, partisans
qui tenaient campagne dans les Alpes-Maritimes con-
tre les troupes republicaines, et qui, une fois, surpri-
rent et occuperent la place pendant quelques heures.
Le ii juin 1793, un detachement de ces bandes,
conduit par deux hommes de la Turbie, entra par
surprise dans la forteresse. II s'en suivit une scene
de desordre et de pillage ; le drapeau tricolore fut
abattu, Tarbre de la liberte plante sur la place du
palais renverse et brise; mais Tapparition des soldats
francais mit les envahisseurs en fuite.
Tranquillite de la place pendant les guerres
d'ltalie ( 1 796- 1 799). — Monaco vit defiler le long des
flancs du Mont-Agel les troupes de Farmee d'ltalie,
lorsqu'au printemps de 1796 Bonaparte transporta
son quartier general de Nice a Albenga. Suivant la
tradition, une maison isolee, situee sur la route, entre
la Turbie et Roquebrune, aurait abrite une nuit le
general, qui s'arreta a Menton, d'oii il data plusieurs
ordres et depeches.
Le theatre de la guerre s'eloigna de ces parages
pour ne plus s'en rapprocher qu'apres la perte de la
bataille de Novi, en 1799.
Attaques des Anglais (1 800-1 81 3). — Lors du
siege de Genes, les escadres anglaises bloquaient alors
— 362 —
les cotes ; Tetat de siege fut proclame a Monaco,
ou la direction d'artillerie d'Antibes avait reuni un
materiel important et un grand nombre de munitions.
Mais on negligeait la garde de la place, laissee a
quelques hommes seulement, et cela faillit amener la
perte de la forteresse.
Une fregate anglaise debarqua a Timproviste le
23 mai 1800; Tequipage tit main basse sur les
approvisionnements, en obligeant les habitants a
aider au transport. On porta les poudres a bord,
on jeta les canons non transportables a la mer, puis
les assaillants ayant constate Timpossibilite de se
maintenir dans la place, a cause de la proximite des
troupes francaises cantonnees entre Villefranche et
Nice, se rembarquerent, mais non pas sans occasion-
ner une derniere catastrophe. Le feu prit aux pou-
dres repandues sur le sol pendant Tenlevement et fit
trainee; une formidable explosion des magasins
s'ensuivit.
Aucun fait de guerre ne se produisit plus a Monaco
a part une alerte causee en 181 3, par une attaque
des Anglais sur Bordighera, a Toccasion de laquelle
le general Eberle, commandant a Nice, fit mobiliser
les gardes nationales.
Affaires municipales — Le port, la prome-
nade Saint-Martin ( 18 10-1 81 3). — En dehors de
ces quelques incidents militaires, contre-coup affaibli
— 363 -
des grandes guei res de la Republique et de TEmpire,
la vie interieure de Tancienne Principaute s'ecoula
dans le plus grand calme.
Le port de Monaco, quoique prive du droit de
mer, continuait a etre le centre d'un assez grand
mouvement. Sous TEmpire, on etudia serieusement
le moyen d'assurer son entiere securite par tous les
temps au moyen de la construction d'un mole ; c'etait
la reprise d'un projet bien souvent caresse par les
Monegasques depuis Honore II; les promoteurs de
Tentreprise proposaient de se servir pour sa cons-
tructon des materiaux provenant de la demolition du
palais, qui eut ete detruit de fond en comble, et on
aurait pourvu a la depense par une taxe d'octroi.
L'idee n'etait pas pratique; on se borna alors a pro-
jeter Tetablissement d'une caisse flottante. Apres
mure enquete sur Timportance du port et son de-
veloppement eventuel, Tadministration superieure
n'agrea ni Tune ni l'autre de ces combinaisons et le
palais des Grimaldi echappa a cette nouvelle menace
de destruction.
On se contenta d'effectuer quelques travaux de
quai au lieu du debarquement.
La commune, sous l'administration de M. de
Sigaldi, qui fut maire pendant treize annees conse-
cutives, entreprit en 1 8 1 3 une ceuvre d'embellissement
terminee beaucoup plus tard en transformant en
promenade les parties du plateau de Monaco non
— 364 —
couvertes de constructions ; la creation des jardins
Saint-Martin fut ainsi commencee.
Passage du corps de Pie VI a Monaco ; mani-
festations lors du retour de Pie VII en Italie
(1802-18 14). — Deux seuls faits notables meritent
d'etre releves pendant ces annees de vie municipale.
Le 1 2 fevrier 1 802, le navire qui rapportait a Rome
le corps du pape Pie VI, decede a Valence, fut force
par la tempete de relacher au port de Monaco. Le
cercueil fut descendu a terre et depose pendant un
jour et une nuit dans l'eglise Saint-Nicolas. Une
inscription, qui a ete retablie dans la nouvelle cathe-
drale, rappelle les honneurs rendus aux restes du
pape mort prisonnier du Directoire.
Le passage de Pie VII, revenant a Rome apres sa
longue captivite a Savone et a Fontainebleau, fut
pour la population de Tancienne Principaute une
occasion de manifester la vivacite de ses croyances
religieuses. Le pape passa par la Turbie le 1 1 Jan-
vier 1 8 14. Les habitants de Monaco se porterent en
foule sur la route; Menton a son tour se signala par
des demonstrations qui furent le prelude des mani-
festations dont le Souverain-Pontife fut Tobjet par
toute Tltalie jusqu'a son arrivee a Rome.
Construction de la route de la Corniche (1808-
181 2). — Le fait vraiment important pour la region
— 365 —
qui se produisit pendant la periode imperiale fut la
creation de la superbe voie que Napoleon fit cons-
truire pour assurer la communication entre Nice et
Genes et dont Tachevement eut lieu en avril 1812.
La construction de la route de la Corniche qui
traversa une partie de Tancienne Principaute eut
surtout une influence favorable pour Menton ; la
chaussee, contournant le pied de la vieille ville,
forma le quai menage le long du port.
L'ingenieur qui construisit cette route celebre
accumula entre Nice et le Cap Martin les travaux les
plus hardis. Dans le but de soustraire cette partie de
la voie au feu desflottes embossees devant la cote, et
aussi, hante par le souvenir de la voie Aurelienne, il
ne suivit pas entre ces deux points le bord de la mer,
comme on le fit pour le trace adopte au-dela de
Menton jusqu'a Genes; il la suspendit a plusieurs
centaines de metres de hauteur aux flancs de la
montagne, en s'elevant depuis Nice jusqu'a la Turbie
par une rampe continue de pres de vingt kilometres.
De cette facon, la region littorale depuis Ville-
franche resta privee de communications, et Monaco
continua a n'avoir pas d'autre acces carrossable que
la route de Menton, construite en 1720 par An-
toine Ier, qui se souda a la Corniche au-dessus du
Cap Martin.
La vieille forteresse devait attendre Tetablissement
du chemin de fer pour etre reliee avec Nice et Touest
par des communications directes.
— 366 —
Penible situation de la famille princiere a la
mort d'Honore III (1793- 1800). — Pendant que la
Principaute etait ainsi unie a la France et partageait
ses destinees, les princes de la famille souveraine,
reduits a l'etat de simples citoyens, avaient a subir
de dures epreuves resultant du bouleversement que
la revolution avait apporte dans leur condition.
La mort d'Honore III avait laisse ses heritiers
dans la situation la plus mauvaise; sa fortune avait
suivi dans le desastre son rang et sa souverainete.
L'anarchie, qui avait preside a l'etablissement de la
liste des emigres avait, dans nombre de cas, atteint
des personnes qui auraient du, en fait, n'y etre
jamais inscrites; c'est ainsi qu'Honore III et son
tils aine, qui n'avaient pas un instant quitte la
France ni meme Paris, avaient tous leurs biens mis
sous sequestre comme biens d'emigres en Normandie,
dans les departements de Seine-et-Oise, des Arden-
nes, ailleurs encore. Or, quel que fut le bien fonde
evident des reclamations en cette matiere, on se
butait, lorsqu'on cherchait a rentrer en possession,
meme apres avoir ete raye de la liste, a une serie de
formalites inextricables, de reglements confus et
contradictoires, de mesures administrates arbi-
traires que les bureaux, d'accordtrop souvent avecles
administrateurs des sequestres, accumulaient de facon
a rendre les solutions d'une lenteur decourageante et
surtout ruineuse pour les interesses.
- 367-
En ce qui concerne les heritiers d'Honore III, il
leur fallut une suite d'efforts incessants pour aboutir
a des decisions incompletes, et ce fut seulement au
bout de sept annees, pendant lesquelles de hautes
influences durent etre mises en action, qu'une partie
des biens de leur famille fut restituee au due de
Valentinois et au prince Joseph, apres que ce dernier
eut obtenu sa radiation definitive de la liste des
emigres, le 10 fructidor an x.
Le prince Joseph etait rentre en France des 1795;
il v avait rencontre les bons offices de Talleyrand,
qui allait bientot devenir ministredes relations exte-
rieures, et, grace a cette intervention, il avait cbtenu
l'autorisation de sejour en attendant sa radiation.
La loi de fructidor l'avait oblige a s'expatrier de
nouveau pour ne rentrer definitivement que sous le
Consulat.
Pendant les longues annees ou tout revenu fut
supprime, les princes durent recourir a l'interme-
diaire des gens d'affaires qui exploiterent cruelle-
ment et sans scrupule leur situation. La position
etait particulierement dure pour le due de Valenti-
nois, dont Tetat des affaires, deja mal gerees plusieurs
annees avant la Revolution, etait encore aggrave par
la liquidation de son mariage avec la duchesse de
Mazarin.
L'histoire de la fortune de la maison princiere fut,
du reste, celle du plus grand nombre des families de
— 368 —
la haute aristocratie pendant cette periode. Ne pou-
vant se procurer de ressources qu'en aband onnant le
plus clair de leurs droits sur les biens en litige a des
financiers speculateurs, les heritiers d'Honore III
virent leur echapper presqu'entierement les im-
menses possessions terriennes que ce prince avait
administrees et augmentees avec prudence et sagesse.
Ce qui resta leur arriva greve de charges qui ache-
verent d'aneantir leur fortune.
Maladie du due de Valentinois qui le force
a vivre dans la retraite (1799-18 14). — Dans ces
conditions, le due de Valentinois, atteint d'une
maladie grave qui Tobligea a vivre dans la retraite,
passa dans Tobscurite toute la periode du Consulat
et de TEmpire. Sans cette circonstance, le his aine
d'Honore III eut certainement trouve quelque com-
pensation, alors que Napoleon cherchait a s'attacher
les representants des grandes families francaises.
L'attitude d'Honore III des le debut de la Revolution
laissait prevoir que ses fils se rallieraient facilement
au nouveau regime.
Le prince Joseph a la cour de Napoleon ( 1 807 -
1 8 14). — Ce que le due de Valentinois n'etait pas en
etat de faire, le prince Joseph Texecuta en demandan t
a prendre du service. II fut, au mois d'avril 1807,
cree Tun des quatre capitaines des gendarmes d'elite
— 369 —
de la garde- imperiale et il rejoignit 1'armee a Var-
sovie. Au mois de juin l'Empereur le minima Fun
de ses officiers d'ordonnance et le chargea de rap-
porter a Josephine la nouvelle officieile de la paix
de Tilsitt. II devint quelque temps apres chambellan
de I'lmperatrice et fut fait membre de la Legion
d'honneur le 3 decembre 1807.
Denominations prises par les Princes sous
l'Empire [1804-1814). — Les princes cesserent alors
de se faire designer par leur nom patronymique de
Grimaldi. dont ils avaient use pendant la Revolu-
tion : ils reprirent soit le nom attache a leur ancien
titre ducal, soit celui de la Principaute. Le due de
Valentinois s'appela « M. de Valentinois »; le prince
Joseph fut connu a la cour de l'Empereur sous le
nom de « M. de Monaco »; Timperatrice Josephine
le nomme ainsi dans une lettre du 19 juillet 1807
a la reine Hortense, oil elle annonce son arrivec
porteur des nouvelles de l'Empereur. II en fut de
meme du prince Honore-Gabriel, dont il nous reste
a faire connaitre la destinee sous le regime imperial.
Services militaires du prince Honore-Gabriel,
fils aine du due de Valentinois, 1 800-1809). —
L'aine des deux fils du due de Valentinois, le prince
Honore-Gabriel, ne en 1778, s'etait engage, des qu'il
avait atteint Tage de vingt ans, dans un regiment de
24
— 3jo —
cavalerie. Devenu sous-lieutenant le i3 germinal
an vin , il fut aussitot detache au service cTetat-
major et employe aupres du general Grouchy.
Le general distingua vite les qualites de son jeune
aide de camp qu'il chargea a plusieurs reprises de
missions particulieres.
A Tautomne de Tan ix (1800), Honore- Gabriel
partit avec son general pour les Grisons ; mais
presqu'aussitot la division Grouchy rejoignit 1'armee
de Moreau des que celui-ci eut force les lignes de la
vallee du Danube. On sait la part hero'i'que et prin-
cipal que Grouchy prit a Feclatante victoire de
Hohenlinden puisqu'il soutint, au centre de Tarmee
francaise, tout F effort de Tarmee autrichienne.
Dans son rapport, le general rend hommage aux
services rendus par ses aides de camp, surtout a
ceux du jeune Grimaldi, qui eut le bras droit perce
d'une balle et qui fut propose pour le grade de
lieutenant, dont il recut quelques semaines apres
le brevet. II vit a cette occasion ses fonctions d'aide
de camp confirmees.
Cependant sa blessure, aggravee par des fatigues
qui avaient altere sa same, Tobligea a suspendre
son service ; il ne put prendre part a la campagne
d'Austerlitz, et ne reprit ses fonctions aupres de son
general que pendant Tautomne de 1806.
Dans les journees qui suivirent Iena et Auestaerdt,
le corps de cavalerie de Murat, dont faisait partie la
division de Grouchy fut lance a la poursuite du
prince de Hohenlohe, qui faisait marches forcees
pour eviter d'etre coupe clans sa retraite. 11 atteignit
l'ennemi le 26 octobre a Zehdenick. Cette action
valut encore au prince Honore-Gabriel une mention
dans le rapport de son general.
Deux jours apres, le 28 octobre, le combat de
Prenzlaw consommait la mine du corps de Hohen-
lohe. Pendant la lutte acharnee qui remplit toute la
journe'e « mon aide de camp Monaco », dit Grouchy,
contribua par sa valeur et sa presence d'esprit au
succes de Taction ; on sait les charges superbes que
firent les dragons dans ce rude combat : a la tete
d'une poigneede cavaliers, Honore-Gabriel ht mettre
bas les armes a un bataillon tout entier; il contribua
ensuite par son energie a empecher Fincendie du
village apres la bataille.
II fut, pour ce fait d'armes, promu capitaine et
propose pour la Le'gion d'honneur.
Au mois de decembre, il quittait ses fonctions d'aide
de camp pres de Grouchy et rejoignait le 25e chas-
seurs. II lit avec son regiment la campagne de Silesie
et assista a la bataille d'Eylau (8 fevrier 1807).
Dix jours apres, il etait designe comme aide de
camp de Murat, grand-due de Berg, avec lequel il
sejourna a Varsovie. En avril et en mai il fit la
campagne de Friedland et assista a la reddition de
Koenigsberg. Au combat de Guttstadt, il recut une
- 372 -
grave blessure d'un coup de bafonnette en taisant
des prisonniers de sa main; il fut cite a 1'ordre du
jour ei fait chevalier de la Legion d'honneur a la
demande du grand-due de Berg, le 3 juillet 1807.
11 suivit Murat en Espagne, oil il accomplit uae
serie de missions des plus dangereuses ; il etait revenu
en France au rnois d'aout 1808.
Murat, cree roi de Naples, lui fit alors les proposi-
tions les plus avantageuses pour entrer dans Forga-
nisation de son armee; Honore-Gabriel refusa; ii
voulut rester au service de la France.
Le prince Honore-Gabriel a la com* de Napo-
leon : il devient premier eeuyer de Fimperatrice
Josephine (1809- 18 14). — Au mois de juin 1809, le
prince Honore-Gabriel fit partie de la rnaison de
TEmpereur en qualite d'ecuver.
Lors de la constitution de la rnaison de Josephine
apresle divorce, le ier Janvier 1810, il devint premier
eeuyer de Tlmperatrice.
II reprit quelque temps du service et fit une
mission en Espagne; mais il etait, en avril 181 2,
revenu aupres de Josephine, dont il n'avait pas du
reste cesse d'etre le premier ecuver.
Napoleon avait cree Honore-Gabriel baron de
TEmpire le 1 5 aoiit 1810; a partir de 181 1 il figure
sous Tappellation de « baron de Monaco » dans
V Almanack imperial.
— 373 —
II resta des lors attache sans discontinuity a Jose-
phine jusqu'a la mort de l'lmperatrice. Ties jaloux
de son rang il ne cessait, malgre le litre inferieur
dont il etait revetu dans la noblesse imperiale, de
prendre dans le mondc celui de prince, exigeant
meme de ses subordonnes cette qualification. Ami du
faste, il mettait tous ses soins a former des equipages
irreprochables, et il se fit une place a cette epoque
parmi les personnages cites pour leur train et leur
elegance. Les memoires du temps le representent
affectant de ne venir de la Malmaison a Paris qu'en
voiture a six chevaux precedee d'un piqueur et d'un
courrier.
Negociations pour la restitution des biens
prives des princes dans lancienne Principaute
(1809-1814). — La famille princiere jouissait done de
la faveur imperiale, tout en restant dans une situation
relativement reservee. D'autre part, une negociation
qu'elle entama montre a quel point elle considerait
alois comme definitive la perte de ses droits souve-
rains.
Toujours aux prises avec des difficultes d'ordre
financier, le due de Valentinois et son frere penserent
en 1809 a tirer parti des biens qui pouvaient etre
consideres comme biens prives dans rancienne Prin-
cipaute. Des demarches, qui avaient pour but la
revendication de ceux de ces biens existant encore
-374-
entre les mains de TEtat, ou l'obtention d'une
indemnite pour ceux qui avaient ete alienes, furent
suivies tres activement aupres du prefet des Alpes-
Maritimes, le baron Dubouchage. En vertu des
instructions obtenues du ministere, un arrete prefec-
toral autorisa la recherche et l'etude des moyens de
donner suite a cette reclamation. Outre le palais de
Monaco, la Condamine, differentes maisons sur le
rocher, les moulins etles fabriques alimentees autre-
fois par les deniers personnels d'Honore III, on
v comprenait des immeubles a Menton et aux
environs, notamment le domaine de Carnoles, le
jardindeSaint-Roch, etc. L"estimation s'eleva a plus
de neuf cent mille francs ; mais la negociation, a
l'occasion de laquelle le prince Joseph fit plusieurs
voyages a Nice, etait encore pendante lorsqu'en 1 8 1 4,
la chute de l'Empire amena la restauration des
princes.
CHAP1TRE XXI
RESTAURATION DES GRIMALDI A MONACO
HONORE IV HONOR!: V
1814-1841)
Invasion des allies, gouvernement provisoire
a Monaco (avril-mai 1814). — Le 17 avril 18 14.
les Monegasques apprirent de Nice, ou un mouve-
ment populaire venait d'eclater, l'entree des allies a
Paris et la chute de Napoleon. Le jour meme, sur
l'initiative de plusieurs anciens officiers au service de
France sous Louis XVI, entr'autres du chevalier
de Sigaldi, la population prit la cocarde blanche. On
resta cependant sans nouvelles et dans l'incertitude
au sujet du sort qui serait reserve a Tancienne
Principaute. II n'etait pas question, de prime abord,
de la restauration des Grimaldi, et comme le retour
de Nice au roi de Sardaigne etait deja connu, on
apprehendait I'annexion au comte.
Cette situation se prolongea pendant un mois
entier; le 17 mai, les quelques autorites francaises
— 3;6 —
restees encore a Monaco evacuerent la place qui fut
consignee a un commissaire autrichien ; un corps de
hussards prit le lendemain possession de la ville.
Cependant les chefs allies continuerent a tolerer
le drapeau francais a cote duquel on laissa tiotter
le pavilion des Grimaldi ; la plupart des habitants,
suivantrexemple de M. de Millo-Terrazzani, chef du
gouvernement provisoire, avaient ajoute du rouge
a la cocarde blanche et restaure ainsi les couleurs
monegasques.
L'esperance de voir les princes restaures prit corps
quelques jours apres ; le 28 mai on rendit publique
une lettre d'Honore IVaM. de Millo-Terrazzani,
qui annoncait son prochain retablissement.
Demarches du prince Joseph aupres de
Talleyrand (mai 18 14). — Une habile intervention
sauvegardait en ce moment les droits des Grimaldi.
Lorsque les allies etaient entres a Paris et que les
representants des puissances coalisees, sous pretexte
de retablir l'Europe dans Tetat ou elle etait avant les
evenements des vingt dernieres annees, effectuaient
en fait un partage oil les plus puissants s'arrondis-
saient aux depens des droits des plus faibles, il etait
a supposer que la petite souverainete des Grimaldi
serait sacrifice au profit des convoitises de sa voisine
immediate, alors surtout que la Sardaigne avait assez
de credit pour se faire adjuger les territoires de Tan-
— -1 / / —
cienne republique de Genes. Le prince Joseph fit
preuve en ces circonstanccs d'une intelligente acti-
vity. II n'avait jamais cesse ses relations anciennes
avec Talleyrand ; il I'interessa a la cause de sa
famille et les droits des princes de Monaco trouve-
rent dans le prince de Benevent un puissant defen-
seur.
Honore IV retabli par le traite de Paris (mai
i S 1 4 . — Le retablissement d'Honore IV fut con-
sacre par une phrase ajoutee au paragraphe 8 de
Tarticle premier du traite de Paris : la France re-
noncait a tout droit de souverainete, suzerainete et
possession sur les territoires situes en dehors des
frontieres e]ui lui etaient fixees; la Principaute de
Monaco etant toutefois replacee dans les rapports oil
elle se trouvait avant le i" Janvier ij'j^.
C'etait la remise en vigueur des stipulations du
traite de Peronne.
Situation de la famille princiere. — Les infir-
mites dont Honore IV etait accable depuis si long-
temps et qui, avec Tage, s'etaient tristement aggravees,
rendaient impossibles pour lui les fatigues et les
soins du gouvernement. On a vu qu^il s'etait confine
dans une retraite profonde, et les embarras finan-
ciers que nous avons precedemment fait connaitre
avaient rendu par moments sa vie tres dure. II vivait
— 378 —
dans ' un douloureux isolement; son rils aine,
Honore-Gabriel, retenu par les obligations de sa
carriere et de sa charge, se trouvait habituellement
OJ5AM 'p
Honore IV, prince de Monaco
eloigne de lui ; d'autre part, en vertu des conven-
tions de famille qui avaient suivi la rupture de
son mariage, Teducation de son second fils avait ete
- -V9 -
confiee aux soins de la duchesse de Mazarin ; le prince
Florestan avait done grandi presque etranger a son
pere. Ajoutons, pour completer le tableau de la triste
hi ■■ ■> ..
QDAV1B.
Louise-Felicite-Victoire d'Aumont, duchesse de Mazarin
femme du prince Honore IV
D'apres une mini i Naples en 1787 parVivanl Denon)
situation de presque tous les membres de la famille
souveraine a cette epoque, que la duchesse de
Mazarin elle-meme, quoiqu'ayant sauvegarde avec
— 38o —
plus de bonheur sa fortune et ses biens pendant la
crise, soutenait peniblement depuis de longues annees
de nombreux proces qui peu a pen reduisirent dans
des proportions graves ce que les confiscations revo-
lutionnaires avaient epargne; et cette existence
difficile devait se prolonger pour la duchesse jusqu'a
sa mort, survenue en 1826.
Le Prince Joseph, delegue a Fadministration
de la Principaute (juin 18 14). — Honore IV avait
trouve de grands soulagements a ses maux dans le
devouement que lui temoignait le prince Joseph,
toujours pret a y faire diversion, et e'est dans ces
conditions, qu'apres le succes des demarches de
celui-ci aupres de Talleyrand, le souverain restaure
confia a son frere le soin de le suppleer dans lYeuvre
de reconstitution de la Principaute.
Le 3 juin 1814, un rescrit d'Honore IV deleguait
le prince Joseph dans Texercice du pouvoir souve-
rain. Le prince confirma immediatement en qualite
de gouverneur general M. de Millo-Terrazzani qui,
depuis deux mois, etait le chef du gouvernement
provisoire a Monaco; e'etait le his du marechal de
camp dont nous avons retrace le role honorable au
debut de la Revolution.
Penetre de la necessite de reorganiser radminis-
tration de la Principaute sur le pied le plus modeste
et le plus economique, le prince Joseph voulut en
retablir les organes tels qu'ils existaient avant [792,
en se bornant a les modifier suivant les besoins nou-
veaux que la pratique ferait successivement connal-
tre. En outre, dans les premiers temps, il ressort de
sa correspondence avec M. de Millo qu'il eut desire
eluder le retablissement de la garnison francaise,
persuade qu'il pourrait creer dans la Principaute
meme une force capable d'assurer sa securite. Sur
ses instructions. M. de Millo fit meme enlever le
drapeau blanc qui. depuis les evenements d'avril,
flottait a cote du pavilion des Grimaldi, laissant ce
dernier seul arbore sur les murs de la place.
Tentative d'occupation de Monaco par les
troupes alliees du comte de Nice juillet 18 14).
— Un incident qui se produisit au commencement
du mois de juillet vim demontrer combien ces vel-
leites d'emancipation etaient alors prematurees et
combien il etait indispensable au contraire d'appuyer
les droits de la maison souveraine sur la lettre rigou-
reusement observee des traites qui venaient de re-
constituer les relations internationales en Europe.
Le 5 juillet 18 14, un detachement des troupes
autrichiennes cantonnees dans le comte de Nice fut
envove a Monaco par le comte Bubna, commandant
au nom des allies. M. de Millo protesta en s'en refe-
rant au traite de Paris, qui avail retabli le Prince
souverain, ainsi que le protectorat du roi de France.
— 382 —
Ces protestations furent portees au gouvernement
francais ; quelques jours apres, grace a l'intervention
sollicitee, les Autrichiens evacuaient la place.
L'exerciee du protectorat neglige par la
France (aout 1S14 — mars 181 5). — II etait neces-
saire, pour eviter le retour de faits semblables, de
hater le r^tablissement du protectorat francais;
neanmoins, le gouvernement du roi Louis XVIII
negligea pendant toute cette annee de remplir ses
obligations et d'exercer son droit. On se contenta de
nommer le prince Joseph commandant militaire de
la place de Monaco pour le roi de France, suivant
les stipulations du traite de Peronne, avec le grade
de marechal de camp, qui lui fut confere le
3o aout 1 8 14. Le seul appui effectif accorde fut la
concession de deux bailments de cent tonneaux,
armes d'artillerie, dont le roi lit cadeau au Prince
et qui furent destines a la police des cotes.
Aucune troupe de garnison ne fut envoyee. Cet
abandon devait avoir prochainement, et pour les
droits de la France, et pour les conditions d'exis-
tence de la Principaute, les plus facheuses conse-
quences.
Visees de la Sardaigne (octobre 18 14). — La
Sardaigne suivait attentivement ce qui se passait
a Monaco; ses agents n'avaient pas ete ctrangers a la
tentative de reoccupation du comte Bubna ; Tabsten-
tion de la France enhardit sa chancellerie. Au
moment ou, au mois d'octobre 1814, le congres de
Vienne reunissait aux anciens domaines de la maison
de Savoie la Ligurie gcnoise, on ne se cachait pas
a la cour de Turin d'emettre, devant les agents
monegasques envoyes pour regler des questions de
voisinage,la pretention d'annexer purementet simple-
ment Menton et Roquebrune, en vertu du principe
qui prevalait au congres d'attribuer aux etats suze-
rains le domaine utile des territoires autrefois sou-
mis a leur vassalite.
II fallut en referer de nouveau a la cour de France
et a Talleyrand ; les termes du traite de Peronne,
qui comprenaient dans le protectorat francais les
deux villes convoitees, sauverent encore une fois la
domination des Grimaldi sur cette partie la plus
considerable deleurs domaines.
Cet incident est utile a relever ; de meme qu'il
montre des Torigine les visees de la Sardaigne sur
les deux seigneuries dependantes des princes de
Monaco, il temoigne de la situation toute particulicre
que le nouveau droit europcen creak aux deux
anciennes vassalles de la Savoie.
Le pavilion monegasque et les Barbaresques
(novembre 18 14). — Ce danger conjure, le prince
Joseph dut encore s'adresser au gouvernement
— 384 —
francais afin d'obtenir la reconnaissance du pavilion
monegasque meconnu par les Barharesques qui in-
festaient les cotes. Ce fut le dernier acte important
de son gouvernement.
Retraite du prince Joseph ; le due de Valen-
tinois, prince hereditaire, charge de l'adminis-
tration de la Principaute (Janvier 1 8 1 5 ). — Le
prince Joseph avait retarde jusqu'a I'hiver son depart
pour Monaco; Tattente d'une haute dignite, qui lui
etait promise a la cour de France, l'avait retenu a
Paris. Au moment de partir pour la Principaute, ou la
presence d'un membre de la famille souveraine de-
venait urgente, il en fut definitivement empeche par
les reclamations du fils aine d'Honore IV; celui-ci
soutenait qifune delegation des pouvoirs souverains
a tout autre qu'a lui etait une violation de ses droits
de prince hereditaire.
Le prince Honore-Gabriel avait ete revetu de la
dignite de pair de France par Tordonnance du
4 juin 1814; Honore IV, en meme temps qu'il avait
delegue son frere dans dans Tadministration de la
Principaute, avait abandonne a son fils le rang qu'il
avait en France ainsi que son titre de due de Valen-
tinois. Le nouveau due et pair ne s'etait pas contente
de ses prerogatives franeaises, il avait revendique
ce qu'il affirmait etre son droit a Monaco; il avait
porte jusqu'a Louis XVIII ses protestations. Une
— 385 —
intervention des parents les plus proches amena
une entente; le prince Joseph se retira et, en vertu
d'une procuration signee chez le due d'Aumont, par
devant notaire, suivant les usages du vieux ^tyle
monegasque, Honore IV confera, le 18 Janvier i8i5,
a son fils la delegation du pouvoir souverain dans la
Principaute.
"Voyage du prince hereditaire, sa rencontre
avec I'empereur Napoleon au retour de Hie
d'EIbe mars 181 5). — Un incident, dont le souvenir
est reste populaire, marqua le voyage du prince here-
ditaire de Monaco. Le ier mars i8i5, versonze heures
du soir, la chaise de poste qui le portait sortait de
Cannes, lorsqu'elle fut brusquement arretee par une
troupe armee, a la tete de laquelle le prince recon-
nut le general Cambronne. Quand le prince eut fait
connaitre sa qualite, il tut invite a se rendre a quelque
distance oil se trouvait, bivouaquant dans un bois
d'oliviers, I'empereur Napoleon, qui venaitde debar-
quer, revenant de File d'EIbe, et avail donne Tordre
d'intercepter les communications afin d'evifer de
donner Teveila la place d'Antibes.
L'entrevue fut cordiale ; suivant la legende qui
s'est faite, le prince ayant repondu a une question
de l'Empereur : « Je vais chez moi, a Alonaco »
Napoleon aurait riposte : « Et moi aussi, aux Tui-
leries ».
20
— 386 —
Le lendemain, de tres bonne heure, le prince pou-
vait continuer son voyage : il arriva dans la meme
journee a Monaco, pouvant prevoir, a la suite de
cette rencontre fortuite, les complications interna-
tionales dont le contre-coup allait bientot lui causer
de graves soucis.
Occupation de Monaco par les troupes anglo-
sardes (mars i8i5). — Des que le retour de
Napoleon eut ete connu, la Sardaigne songea a
profiter de l'occasicn pour chercher a mettre la
main sur la place de Monaco, considerant deja
les stipulations du traite de Paris comme compro-
mises; elle s'appuyait sur les Anglais qui tenaient
la mer et qui entretenaient un regiment anglo-italien
recrute dans la Riviere. Le i3 mars, un corps de
troupes debarqua au port de Monaco. Le colonel
Burke, qui le commandait, ayant ete introduit aupres
du prince hereditaire, lui remit une lettre du
comte d'Azorgue, gouverneur du comte de Nice, qui
notifiait la decision prise par son gouvernement de
faire occuper Monaco par suite de la rentree en
France de Bonaparte.
Le prince, dans l'impossibilite oil il se trouvait de
resister, ne put que protester contre la pretention de la
Sardaigne de faire occuper une place neutre au mepris
des droits du souverain de Monaco et des traites;
cette protestation fit Tobjet d'un proces-verbal, signe
- 38- -
du prince etdu colonel Burke, puis les troupes anglo-
sardes furent introduces dans la place.
Le prince Honore fit parvenir a Paris sa protesta-
tion ; mais les evenements allerent si vite et prirent
une telle tournure qu'il tut bientot clair qu'aucun
secours ni aucune intervention diplomatique utile ne
viendraient a l'appui de son bon droit.
Le desastre de Waterloo survint, puis le regle-
ment nouveau en vertu duquel la France dut expier,
par de nouvelles pertes de territoire, Theroique folie
des Cent-Jours.
Le protectorat de la Principaute devolu par
le traite de Vienne a la Sardaigne (novembre
1 8 1 5). — La Sardaigne obtint sa part dans les
resultats de la victoire definitive de ses allies; elle
acquit enfin ce que la maison de Savoie convoitait
depuis si longtemps : la mainmise sur la place de
Monaco, mainmise pourtant incomplete puisque la
souverainete des Grimaldi n'etait pas atteinte ; seule-
ment la Principaute etait separee de la France. Le
protectorat changea de main, et le nouveau protecteur
etait Tambitieux voisin contre lequel Monaco et ses
souverains avaient soutenu depuis tant de siecles
une lutte presque permanente.
Le traite de Vienne du 20 novembre 181 5 stipula
dans la section 4e de son article premier que « les
« rapports retablis par le traite de Paris du 3o mai
— 388 —
« i8i4entre la France et la principaute de Monaco
« cesseraient a perpetuite » et que « ces memes rap
« ports existeraient entre cette principaute et le roi
« de Sardaigne. »
La decision du congres de Vienne laissait en appa-
rence intacte la situation de la Principaute, puisque
les conditions du protectorat restaient les memes
avec le nouveau protecteur; mais au fond, la mo-
dification etait des plus graves. Au lieu de la
convention librement consentie, par laquelle, depuis
trois siecles, les Grimaldi avaient, dans la plenitude
de leur volonte, assure la securite de leur Etat, en
choisissant successivement, pour la garantir, l'Espa-
gne, puis la France, l'Europe substituait un protec-
torat impose, manifestement constitue au profit de
la Sardaigne et dans Tinteret de la domination
exclusive de cette puissance sur les cotes de Ligurie,
telles qu'elle les possedait maintenant du Var a la
Spezzia.
La Sardaigne exige la reconnaissance de sa
suzerainete sur Menton et Roquebrune ( 1 8 1 5 -
1 8 1 6). — La rupture avec la France devenait com-
plete et les Grimaldi restaient isoles, a la merci du
voisin dans les possessions duquel leurs domaines
etaient enclaves.
Les consequences ne se firent pas attendre ; la
chancellerie de Turin entendit tirer de la situation
— 389 —
tous les avantages qifelle comportait, et sous toutes
les formes : elle ne se contenta pas seulement du
protectorat qu'elle venait d'acquerir, et qui, suivant
les termes du traite de Peronne, s'etendait sur Men-
ton et sur Roquebrune aussi bien que sur Monaco.
Elle ressuscita les anciens droits de suzerainete sur
ces deux villes et exigea d'Honore IV la reconnais-
sance de sa vassalite pour la totalite de Roquebrune
et pour les onze douziemes de Menton, autrefois
infeodes par Jean Ier et Lambert Grimaldi.
Si Ton se reporte a ce que nous avons fait remar-
c[uer plus haut, cette pretention semblait en contra-
diction avec les principes qui avaient prevalu au
congres de Vienne, et en vertu desquels on avait
systematiquement reuni aux etats suzerains les terri-
toires autrefois soumis au vasselage. Si Menton et
Roquebrune avaient ete exceptes de cette regie, c'est
que leur situation, par suite des origines de la vassa-
lite de ces deux seigneuries, tVetait pas dans les con-
ditions ordinaires des etats vassaux et que de plus
elles etaient comprises dans un protectorat retabli par
le traite de Paris et alors entre les mains d'une autre
puissance. Cette situation double avait autrefois
permis aux Grimaldi d'eluder les obligations de
cette vassalite sous le regime du protectorat de TEs-
pagne d'abord, de la France ensuite; la Savoie,
on se le rappelle, n'avait reussi a faire prevaloir ses
pretentions qu'en profitant des embarras de la
— 390 —
France lors des traites d1 Utrecht, comme elle le fai-
sait de nouveau et plus completement encore en
i8i5.
Maintenant qu'il detenait les droits de prorecteur,
il semhlait que le gouvernement sarde n'eut pas du
chercher a retablir une suzerainete qui paraissait
faire double emploi ; mais la cour de Turin etait
alors en Europe une des plus ardentes a recons-
tituer tout ce qui touchait au droit public de Tancien
regime ; aussi exigea-t-elle le retablissement des liens
feodaux pour les deux villes, avant meme de regula-
riser les conditions du transfert a son profit des
stipulations du traite de Peronne.
Prestation de 1'hommage pour Menton et
Roquebrune (novembre 181 6). - Le prince admi-
nistrateur de la Principaute eut pu resister, et il eut
vraisemblablement trouve aupres des puissances le
moyen de faire entendre ses defenses. II prefera se
resigner; ce fut une lourde faute dont la Sardaigne
devait un jour abuser.
Tres preoccupe de la situation economique faite
par les cvthiements a la Principaute, il ne tendit
qu'a obtenir du gouvernement sarde des concessions
avantageuses, et le 3o novembre 1816, M. de Millo,
fonde de procuration d'Honore IV, rendit Thom-
mage et preta le serment feodal a Turin entre les
mains du roi Victor-Emmanuel Iei.
— ?Q I
Regularisation du protectorate traite de
Stupiniggi (novembre 1817). — Une annee s'ecoula
avant que le protectorat fit l'objet d'une convention
nouvelle destinee a remplacer le traite de Peronne.
Get instrument diplomatique fut signe a Stupiniggi
le 8 novembre 181 7; c'est la reproduction litterale
de l'acte de 1641 ; mais on introduisit dans le texte,
en ce qui concerne Menton et Roquebrune, une
reserve qui vise la vassalite de ces villes en conse-
quence de rhommage du 3o novembre de Tannee
precedente. De plus, un article special eut trait a la
nouvelle situation creee aux princes de Monaco et a
leurs sujets par suite du transfert du protectorat au
royaume dont la Principaute est enclave : le roi de
Sardaigne declare que toutes faveurs, rangs et dignites
seront accordes aux princes et a la famille princiere,
que leurs sujets seront accessibles aux emplois, et
recevront pour leurs interets et leurs biens des
faveurs particulieres dans le royaume.
En vertu de ces dispositions, une convention
intervint trois jours apres pour regler les points les
plus importants des relations de voisinage.
Concessions facheuses consenties par le
prince hereditaire (novembre 181 7). — Le prince
hereditaire s'etait rendu en personne a Turin afin de
negocier les conditions favorables qu'il desirait
obtenir : il fut a la cour de Sardaigne Tobjet des
— 3q2 —
plus grands egards; mais les honneurs qu'il recut
n'eurent aucune influence sur le resultat des nego-
ciations. Loin d'obtenir les avantages esperes, ce
fut lui qui dut abandonner quelques-uns de ses
droits, et de ceuxqui constituaientlesrevenus les plus
serieux de son domaine. La plus grave fut la supres-
sion de la manufacture des tabacs de Monaco, qui,
etablie sous Honore III, avait eu une situation
prospere; le prince dut s'engager a tirer a Tavenir
les tabacs pour la consommation de la Principaute
des manufactures de Nice; de meme, il consentit
l'importation du sel des gabelles rovales.
La convention, d'autre part, tendait a etablir
l'identite la plus complete entre les sujets des deux
etats ; elle regla le regime des postes ; mais, comme
dispositions favorables, elle rfaccorda guere que la
suppression des droits de transit a travers le royaume
pour les produits agricoles de la Principaute; c'etait
peu aupres des concessions faites par le prince et
dont quelques-unes constituaient une lourde faute.
Sa diplomatic n'etait pas plus heureuse que ne
l'avait ete celle d'Honore III lors du traite des limites
en 1760 ; dans les deux cas, Tappui de la France avait
manque, mais maintenant cet appui avait definiti-
vement disparu.
Reorganisation administrative et judiciaire
de la Principaute (181 D-1817). — Tandis que le
prince hereditaire ne rencontrait guere dans ses
— 3g3 —
negociations exterieures que des deceptions, il s'etait
applique avec zele a reorganiser les services publics
de la Principaute. Le systeme que le prince Joseph
voulait appliquer en reconstituant les rouages admi-
nistratifs tels qu'ils existaient sous l'ancien regime
ne lui parut pas praticable; il prefera creer une
administration en rapport avec les temps nouveaux. II
fit du gouverneur general le chef de tous les services:
il etablit a cote de lui, et place sous sa presidence, un
Conseil d'Etat compose de quelques hauts fonction-
naires dont les avis pouvaient etre demandes sur les
questions relatives a Tadministration generate.
En ce qui concerne l'organisation judiciaire, le
prince suivit d'aussi pres que possible Texemple de
la France ; il etablit des juridictions a trois degres.
Un tribunal de premiere instance fut institue a Men-
ton, avec appel a un tribunal superieur seant a
Monaco. Dans les trois villes de la Principaute, les
fonctions de magistrats de premier degre furent
remplies par les consuls, officiers municipaux mis
a la tete des communes. Un avocat general pres le
tribunal superieur devint le chef du parquet.
II fallut songer a etablir un corps de lois; la
encore on adopta comme modele les lois francaises -
legerement amendees; une commission de juriscon-
sultes y travailla; en ce qui concerne le code civil,
cette commission se contenta de prendre pour base
le code frangais et de reformer quelques-uns de ses
— 394 —
articles par les dispositions conformes a la pratique
et aux anciennes coutumes locales. Le travail tres
consciencieux de cette commission fut acheve en
quelques semaines.
Les communes furent administrees par des consuls
a la nomination du prince ; les conseils elus disparu-
rent, le prince hereditaire n'entendant partager
l'autorite a aucun degre.
Situation fmanciere ( 1 8 1 5- 1 8 1 6). — C'est sur-
tout dans Torganisation des impots et les institutions
fiscales que se montrerent les tendances exclusives et
systematiques de Tesprit du prince.
La situation, au point de vue des finances, etait
des plus dedicates et difficiles ; la disparition pres-
que complete des biens patrimoniaux des princes
devait modifier profondement les rapports faciles
qu'ils avaient%eus avec leurs sujets sous Tancien
regime, alors que les impots etaient relativement
tres faibles et que le souverain depensait meme une
bonne partie de ses gros revenus en secours ou en
subventions a l'industrie dans la Principaute.
Une circonstance, consequence directe du fatal
transfert du protectorat a la Sardaigne, vint, au mo-
ment meme ou le prince Honore elaborait ses plans
financiers, aggraver singulierement la situation.
On se rappelle que rAssemblee nationale avait
reconnu qu'il y avait lieu a indemnite pour la
- 395 -
suppression des offices seigneuriaux et droits feodaux
concedes en France, en vertu du traite de Peronne,
comme compensation des confiscations subies par
Honore II en pays espagnols. Les evenements revo-
lutionnaires en avaient empeche le reglement, dont
la poursuite fut reprise en 1 8 1 b. Le gouvernement
francais, tout en reconnaissant le bien fonde de la
demande, objecta que les compensations n'avaient ete
consenties qu'en echange du protectorat ; en conse-
quence e'etait au roi de Sardaigne que revenait la
charge de les regler, maintenant que le protectorat lui
etait acquis. On ne reconnut comme dus que les
arrerages pour la periode de 1 8 14- 1 8 1 5, pendant
laquelle le protectorat francais avait ete retabli.
Cette reponse etait de tous points refutable,
puisque la compensation avait ete accordee par
Louis XIII en vue du renvoi des Espagnols et de
ralliance avec la France ; ces conditions avaient ete
remplies par Honore II et aucune reserve pour Tave-
nir n'avait ete stipulee, sauf le cas ou TEspagne eut
restitue les biens confisques par elle. Si Ton eut ete
logique, on eut done conteste au due de Valentinois
le maintien de son titre de due et sa pairie? et dans
le cas oil la Resolution n'eut pas supprime leurs
domaines francais, on eut done egalement repris aux
princes les biens concedes en i6q3 ?
La France promit bien ses bons offices aupres de
la Sardaigne pour le reglement de Tindemnite; mais
— 396 —
le cabinet de Turin, avec lequel le prince Honore
debattait alors les questions de voisinage, declina la
reconnaissance de toute charge a cet egard et la
diplomatic du prince hereditaire, qui parait avoir
ete tres peu eclairee sur les antecedents politiques de
la Principaute et qui fut en tous cas fort mal dirigee,
se trouva, dans cette circonstance, encore en defaut.
Mesures financieres du Prince Hereditaire
( 1 8 1 5-1817). — II fallut done chercher les ressources
necessaires a l'administration et a la maison souve-
raine uniquement dans la Principaute; le prince en
rixa la quotite a une somme annuelle d'environ trois
cent mille francs; e'etait le quadruple de ce que
Honore III avait tire de ses etats. Pour atteindre un
pareil chiffre, le prince agit, en outre, avec une
rigueur qui, des l'abord, troubla et indisposa les
esprits, notamment lorsqu'il reunit au domaine les
biens des communes et les revenus des etablissements
religieux et hospitaliers.
L'une des mesures qu'il edicta etait cependant
intelligente ; il abolit Timpot foncier ; il le remplaca
par des droits a la sortie sur les produits agricoles ;
or, ces produits se composant presqu'exclusivement
d'huiles et de citrons pour l'exportation, Timpot
etait facilement percu ; mais l'exageration des tarifs
nuisit aux avantages de ce systeme, d'autant plus que,
dans leur application, il s'introduisil bientot les
pratiques les plus vexatoires.
— 397 —
Le vice principal du regime fiscal qui prevalut fut
la multiplicity des taxes; elles s'accumulerent, se
greffant les unes sur les autres et atteignant plusieurs
fois la matiere imposee. On fit revivre en raemc
temps les dispositions les plus rigoureuses des
anciennes ordonnances; c'est ainsi que des amendes
excessives et laissees a Tarbitraire de Tadministration
punissaient les declarations les plus legerement
inexactes. On eut surtout recours a un systeme
economique qui n'etait que trop en faveur aupres du
prince, celui des monopoles. La boucherie y fut
assujetie ; la fabrication des huiles fut concentree
entre les mains des agents du gouvernement ; les
particuliers, possesseurs de moulins prives, durent les
fermer sans indemnite, et les olives furent triturees,
moyennant un droit, dans les moulins repris par le
prince aux communes.
Le monopole ou « exclusive » des grains ( 1 8 1 6).
— Une cause etrangere vint malheureusement a ce
moment ajouter encore aux mecontentements qui
commencaient a se faire jour. L'annee 1 8 1 6 fut
marquee par un tel bouleversement des saisonsqu'une
disette generale s'ensuivit. Etouffee entre les lignes
de douane de la Sardaigne, la Principaute etait obligee
cependant de chercher au dehors ses approvisionne-
ments, surtout en bles ; elle n'avait plus la ressource
que lui avait autrefois assure le privilege de tirer en
— 398 —
franchise du Languedoc et de la Provence les cerea-
les necessaires a sa consommation.
Dans ces circonstances, le prince preta Toreille aux.
propositions d'un negociant de Marseille qui exigea,
pour assurer la fourniture des bles, le monopole de
cette fourniture et celui de la fabrication du pain.
II n'y avait pas d'autre moyen de sortir d'embarras ;
le -prince accepta. A ce moment, ce fut un reel
bienfait pour le pays ; mais les procedes employes
dans Texercice du monopole revetirent de suite un
caractere facheux.
Mecontentements souleves par « Texclusive »
(i 8 1 6- 1 841). — On avait affecte a la manutention
des grains de grands moulins a huile, autrefois de-
pendant de la commune de Menton, dans la vallee
du Carei; unetaxe etablie pour la construction d'une
route d'acces a ces moulins vint augmenter les
mauvaises dispositions des habitants.
Le concessionnaire ne fit du reste aucun effort
pour modifier les preventions de la population, bien
au contraire. On ne tarda pas a avoir a se plaindre
de la mauvaise qualite des bles fournis ; mais le mu-
nitionnaire se sentait assure contre les consequences
de sa gestion incorrecte ; le prince, rentre a Paris, et
qui ne fit plus que de rares apparitions dans la Prin-
cipaute, emit plutot irrite qu'ebranle par les plaintes
de ses sujets. Mai eclaire par des fonctionnaires-
— ^99 —
que son caractere entier intimidait et qui n'osaient
dire la vcritc, il ne tenait compte d'aucune observa-
tion, qu'elle se presentat sous forme d'humbles
petitions ou de petites emeutes ; il ne songea qu'a en
reprimer Texpression, et les reclamations elles-memes
devinrent un delit. Les ordonnances qu'il edicta
sous l'empire de ces idees vinrent encore accroitre
les mecontentements.
On aurait pu esperer qu'a l'echeance du contrat
le monopole si lourd sur le pain ne serait pas renou-
vele ; mais les idees economiques du prince etaient
entierement acquises au systeme des monopoles, et il
n'etait plus sur les lieux pour juger des resultats
pernicieux de cette institution.
Mort d'Honore IV: regne d'Honore V (1819-
1 84 1 ) . - — • Honorc IV etait mort au mois d'avril 181 9;
le prince Honore-Gabriel gouverna a partir de cette
epoque sous le nom d'Honore Y. Ce ne fut que la
continuation de son regne commence, en realite,
quatre annees auparavant.
Revoite de Menton; sa repression (1821). —
Cependant le sourd mecontentement provoque par
les mesures que nous venons d'exposer et qui s'etait
fait jour publiquement des 181 8 par des libelles, eut
Toccasion d'eclater en 1821. Le mouvement d'idees
liberates inaugure par les Cortes d'Espagne, s'etait
— 4°° —
repercute en Italie; Naples s'etait prononcee, le Pie-
mont avait suivi, Menton se souleva. Les insurges,
s'etant rendus maitres du gouverneur, lui firent signer
la constitution des Cortes et proclamerent leur reu-
nion aux liberaux d'ltalie.
La repression energique exercee en Sardaigne
etouffa pour un temps le mouvement mentonnais.
Cette insurrection irrita profondement le prince
Honore V; mais la facilite de la repression le main-
tint dans l'illusion sur la gravite de la disaffection qui
s'accentuait entre lui et ses sujets.
Travaux publics ; les jar dins Saint-Martin
( 1 8 1 5 1 817). — A cote des institutions purementfisca-
les, ou dans lesquelles le rise avait une part directe,
Honore V s'occupa tres serieusement de l'etat mate-
riel de la Principaute ; il avait trouve sous le rapport
des travaux publics tout a faire oh. a refaire ; plusieurs
entreprises d'une reelle importance furent executees
sous son regne; THotel-Dieu, resserre dans un local
insuffisant, fut transportc sur remplacement du
Chateau-Neuf, dans une situation mieux aeree et
commode.
Lors de la disette de 1 8 1 6, le prince s'etait preoccupe
de donner du travail a la population : il fit alors
transformer par des plantations toute la partie du
rocher de Monaco qui regarde la pleine mer et
acheva ainsi les jardins Saint-Martin, a peine com-
— 4oi —
mences dans les annees precedentes, creation qui a
dote Monaco d'une des plus belles promenades du
littoral.
Demolitions au Palais de Monaco 1816). —
II fut moins heureux et moins bien inspire au palais
de Monaco; la Revolution et FEmpire avaient boule-
verse ce monument; les interieurs etaient dans un
etat de delabrement complet apres les transforma-
tions successives de l'edifice en hopital, en caserne,
puis en depot de mendicite. Le prince fut effraye du
travail de restauration que comporteraient d'aussi
vastes batiments ; cedant a un courant qui n'etait
alors que trop a la mode, il decida de restreindre
l'etendue du palais, et les Monegasques trouverent
de l'ouvrage pendant cette meme annee 18 16 par
la demolition de Taile en bordure sur les allees
Sainte-Barbe, en continuation de la facade, conte-
nant les salles historiques temoins de Tassassinat de
Lucien, et par celle du batiment des Bains qui
avait emerveille auxvne siecle les notes d'Honore II.
Ce fut une mutilation regrettable de deux parties
du palais tres interessantes par leur style ou par
le cote pittoresque de leurs vieilles constructions.
Construction de la route carrossable de la
Condamine a Monaco (i835-i837). — La refection
26
— 4°2 —
de la route de Monaco a Menton, la construction
par l'ingenieur Fortier d'un pont suspendu sur le
Care'i, preluderent a un travail qui modifia comple-
tement non seulement Taspect, mais encore les
conditions d'existence de la ville de Monaco.
Les communications avec le port avaient conti-
nue a se faire uniquement par la rampe rapide, deux
fois repliee sur elle-meme, qui aboutit a la place
entre la grosse tour Sainte Marie du chateau et la
batterie commandant la Condamine; c'etait Tan-
tique montee creee par les Genois au xme siecle,
abordable seulement pour les pietons et les betes de
somme. II y avait la aux relations de la ville avec
l'exterieur un obstacle d'autant moins justifiable q ue
depuis les progres de Fartillerie, la place avait
perdu ses qualites de forteresse imprenable.
Honore V resolut de relier le plateau a la marine
de la Condamine par une route carrossable ; cette
route, tracee a pente constante, s'eleva en ligne
droite sur les flancs du rocher du cote du port jus-
qu'a la pointe au-dessus du fort Antoine. Elle se
relia a cet endroit a la grande avenue de la promenade
Saint-Martin aboutissant a la rue qui debouche au
sud de la place du palais.
Tentatives de creation d'industries locales
(i 817- 1 841). — Le developpement materiel de la
Principaute ne comportait pas seulement des tra-
— 4°3 —
vaux a executer ou hamelioration des moyens de
communication ; le prince eut desire y stimuler
le commerce et l'industrie. II suivait en cela les
traditions d'Honore III, dont les tentatives avaient
eu un certain succes intcrrompu par les evenements
de la Revolution. Penetre de Tutilite de faire naitre
des sources de richesse, il pensa y parvenir en orga-
nisant, de son initiative propre et a ses frais, plusicurs
fahriques. L1entreprise etait-elle bien pratique ? pou-
vait-elle aboutir a autre chose qu'a des creations
vouees a une existence artificielle et ephemere dans un
pays etrangerpar ses mceurs a desemblables etablis-
sements ?
Au siecle precedent Honore III Tavait bien
compris ; il avait cherche a developper, dans ce pays
essentiellement agricole, un genre d'exploitation
industrielle compatible avec les habitudes de la
population; il avait introduit dans ce but la culture
du murier et Televage des vers a soie. Honore V se
trompa, au contraire, en installant des fabriques de
toile et de dentelles, des ateliers pour le tressage de
la paille et la confection deschapeaux. II n'avait pas,
en outre, assez calcule que, ces industries resserrees
dans les lignes des douanes sardes, et privees de
debouches du cote de la France , ne pouvaient
prendre de developpement, puisqu'elles se trouvaient
forcement reduites a la consommation locale. II
espera cependant assurer la vie a ces fondations en
— 4o4 —
les defendant a l'interieur par des dispositions pro-
hibant Timportation des produits similaires. La
encore, en genant les transactions, en forcant les
habitants a se fournir de produits inferieurs en qua-
lite, il provoqua de nouveaux griefs.
Echec des etablissements d'Honore V. Son
esprit systematique. — Les principes qui presi-
daient aux creations du prince frappaient de sterilite
les entreprises oil il apportait le desir incontestable
de faire le bien, et ses institutions economiques
et financieres, malheureusement basees sur la prohibi-
tion et le monopole, etaient d'autant plus dange-
reuses qu'il s'y melait toujoursun cote fiscal plus ou
moins avoue. Ce fut la pierre d'achoppement du
regne d'Honore V et ce qui prepara lentement une
catastrophe qu'il ne devait pas voir. Travailleur infa-
tigable, il ne cessait de s'occuper des affaires de la
Principaute ; sa correspondance avec ses agents fut
d'une extreme activite. II s'etait habitue a tout faire
par lui-meme; mais il apportait a Texecution de ses
moindres decisions comme al'applicationdes mesures
dont il rfenvisageait pas suffisamment la nature
oppressive, une raideur qui n'admettait ni tempera-
ment, ni conseil ; il se refusait a toute attenuation
et mettait autant d'aprete dans les questions secon-
dares, que dans celles qui touchaient au regime
general de son administration.
J\.OD
On pent ainsi comprendre, par l'etude de son
caractere, comment lc soin du detail avait fini par
alterer, chez un esprit absolu et systematique, la
i
Honore V, prince de Monaco
r,,
W
saine perception des consequences de ses institutions
les plus impopulaires et dans lesquelles il persista
avec tenacite, malgre les appreciations severes dont
son administration etait Tohjet hors de ses Etats.
— 406 ~
Etudes et travaux d'Honore V sur les institu-
tions de secours. — Honore V ne fut cependant pas
un tyran comme on l'a dit; si les preoccupations
financieres l'amenerent a des mesures fiscales
facheuses et surtout mal entendues, on vient de voir
que les oeuvres economiques destinees a favoriser le
bien-etre des travailleurs, tenaient une place princi-
pale dans son esprit.
Cette antinomie singuliere entre le but poursuivi
et les moyens critiquables employes pour y atteindre
est surtout apparente en une matiere oil le prince eut
a faire Implication de ses idees dans deux pays tres
differents. La recherche des moyens pour Textinction
du pauperisme etait Tune des questions qui preoccu-
paient le plus vivement a cette epoque beaucoup de
bons esprits. Honore Y parait avoir ete amene a la
poursuite de ce probleme par Tetude approfondie
d'une autre question egalement a Tordre du jour de
son temps , celle des transformations du regime
penitentiaire. Dans sa vie parlementaire en France,
il eut Toccasion de prendre une part active aux tra-
vaux de la Chambre des Pairs et dV faire des com-
munications specialement sur ces matieres.
Maisons de secours dans la Principaute. —
Afin d'appliquer ses idees dans la Principaute, le
prince avait fonde, d'abord a Menton, puis a Mo-
naco, des maisons de secours; mais, procedant tou-
— 4°7 —
jours par le meme systeme qu'il appliqua constam-
ment dans ses etats, il entendit alimenter les revenus
de ces etablissements par une taxe destinee a y pour-
voir. Organisees dans ces conditions et avec cette
attache fiscale, ces maisons de secours donnerent
des resultats extremement mediocres, tout en deve-
nant une nouvelle cause de charges et de griefs.
Livre sur le pauperisme ; societes de secours
fondees par Honore V en Normandie (i 838). —
Cet echec modifia ses idees, et il est interessant de
suivre le travail qui se fit dans son esprit pendant les
dernieres annees de sa vie sur ces questions et dont
la manifestation se retrouve dans un ouvrage qu'il
publia a cette epoque sur le pauperisme.
Le prince se refuse a voir dans la mendicite un
delit; il s'eleve surtout contre l'institution des
depots de mendicite qui privent les pauvres de leur
liberte. II veut combattre ce mal par des institutions
de secours pour les inrirmes et par le travail a pro-
curer a Tindigent valide ; il reconnait ensuite que
l'industrie et les fabriques ne peuvent fournir utile-
ment ce travail et que c'est a Tagriculture qu'il faut
le demander ; mais ces institutions doivent, pour etre
fecondes, emaner d'associations libres.
Or, tandis qu'a Monaco ses essais avaient abouti
a un avortement, le prince eut la satisfaction de voir
ses idees reformees obtenir des resultats prosperes
— 408 —
dans la partie de la Normandie oil il lui restait des
domaines, du cote de Vlre. Peut-etre Techec de Mo-
naco Teclaira sur les veritables conditions de Toeuvre
qu'il avait entreprise ; il s'apercut que, pour reussir
en cette matiere, il fallait, non pas employer les
movens de contrainte ou l'intervention administra-
tive, mais mettre en oeuvre les forces vives de l'ini-
tiative privee. Les resultats extremement remarqua-
bles qu'il obtint par la constitution de societes de
secours dans la region de Basse-Normandie durent
a la fois le consoler de ses mecomptes et Teclairer
sur les vrais moyens d'actions en matiere economi-
que. On ne peut s'empecher, en lisant son livre :
Le Panperisme et les moyens de le detruire^ publie
en 1 838, de considerer cette ceuvre comme un aveu
« in extremis » des fautes commises la ou il n'avait
rien laisse a la liberte et a l'initiative individuelle.
La monnaie d'HonoreV (1839- 1840). — II nous
reste a parler d1une autre erreur economique d1Ho-
nore V, celle de toutes qui a eu le plus de retentis-
sement a Texterieur : le retablissement de Thotel
des monnaies de Monaco.
On frappa en 1 83j, 1 838 et 1 840 des pieces de cinq
francs en argent et de cinq centimes en cuivre.
En battant monnaie, le prince usait d'un droit re-
galien incontestable, mais il ne se rendit pas compte
des conditions nouvelles dans lesquelles les traites
de 181 5 Tavaient place.
— 409 —
Creer une monnaic qui maurait necessairement
cours que dans Tinterieur de la Principaute c'etait
s'exposer a la voir rapidement tomber en discredit;
il eut fallu s'entendre avec les etats voisins. Or, on
n'avait plus avec la Sardaigne les privileges qu'autre-
fois Louis XIV avait accordes a Honore II, pour le
cours legal des pieces monegasques en France.
Du reste, le prince eut du remarquer que, si
des emissions avaient eu lieu jusque sous le regne
d'Honore III, elles avaient ete de plus en plus rares,
de types de basse valeur, en quantite extremement
restreinte, et par consequent reservees a Tusage local.
Honore V negligea completement de s'entendre
avec la Sardaigne pour Tadmission de sa monnaie;
il eut de plus le tort de laisser les concessionnaires
jeter les pieces de Monaco, surtout celles de cuivre,
sur les marches voisins. II en fut ecoule brusque-
ment une telle quantite a Marseille que leur presence
y causa une veritable emotion populaire.
— 4IQ —
Cette importation de numeraire etait contraire a la
loi francaise ; la circulation en fut interdite ; les sous
de Monaco provoquerent des reclamations et des
plaintes, et quoique leur valeur intrinseque fut
rigoureusement egale et merae superieure a celle des
monnaies franchises de meme type, la reputation
monetaire de Tatelier de Monaco en fut atteinte.
L'accusation d'emission de fausse monnaie etait
absolument injuste, mais elle fut la tres facheuse
consequence d'une double erreur economique.
Mort d'Honore V (1841 . — Honore V mourut a
Paris, le 2 octobre 1841. II laissait a son frere cadet,
le prince Florestan, une succession pleine de perils,
accumules par vingt-cinqanneesd'une administration
qui avait souleve de profonds mecontentements.
Nous croyons cependant rester strictement equi-
table envers la memoire d'Honore V en repetant ce
que nous avons deja dit : ce prince fut victime
d'opinions absolaes et systematiques qui paralyse-
rent ses meilleures intentions, en sorte que celui qui
put avec une bonne foi sincere demander qu'on
ecrivit sur sa tombe : « Ci git qui voulut faire le
bien », n'a guere laisse que le souvenir de ses insti-
tutions tyranniques.
411
CHAPITRE XXII
FLORESTAN Ier
( I 84 I - I 8 5 6 )
Le prince Florestan et la princesse Caroline.
— Le nouveau souverain n'avait ete prepare ni par
son education ni par ses gouts au role difficile auquel
la mort de son frere l'appelait. Tout semblait, en
effet, faire presager qu'Honore V, un des homraes
les plus accomplis et les plus en vue de son temps,
finirait par faire une grande alliance et laisserait des
heritiers directs. Cette perspective avait favorise les
predilections du prince Florestan pour la vie privee.
Eleve par sa mere, la duchesse de Mazarin, il avait
temoigne de bonne heure de gouts et d'aptitudes
exclusivement litteraires. II avait cependant, par
deux fois, aborde la carriere militaire; nomme en
Tan xii eleve de Tecole de Fontainebleau, il n'avait
pas persevere dans cette voie ; plus tard il avait
repris du service. Fait prisonnier pendant la cam-
pagnedeRussie, iln'etaitrentreen France qu'en 18 14.
— 412 —
Son mariage avec la descendante d'une vieille
famille de Champagne lui donna pour compagne
unefemme de grande intelligence. Laprincesse Caro-
^ ' 1
ODXVID
Florestan Icr, prince de Monaco
f
line etait appelee a occuper la place dominante qui
repugnait aux habitudes de retraite et d'obscurite ou le
prince aimait a se confiner. Elle prit done dans la
famille le role principal qui devait grandir lorsqu'au
- 4i 3 -
recueillement de la vie privee succeda Texercice du
pouvoir souverain. II y cut la une initiation a
laquelle die s'adonna avec une resolution d'autant
Caroline, princessc de Monaco
plus meritoirequ'Honore V avait laisse les siens entie-
rement etrangers aux affaires de la Principaute, en
sorte que 1'eVenement de sa mort les surprit dans une
ignorance complete des embarras qui les attendaient.
— 4i4 —
Difficulties de la situation; reformes neces-
saires (1841). ■ — Ce fut le malheur des debuts du
nouveau regne : tous les elements manquaient pour se
diriger au milieu dudedaleinextricabled'ordonnances
et de reglements qui constituaient les instruments de
gouvernement du prince defunt. En outre, lecaractere
absolu d'Honore V n'avait admis aucun conseil,
aucun collaborateur ; il n'avait forme que des agents
passifs et sans initiative ; personne ne se trouva pres
de son successeurassez eclaire pour montrer les vices
du re'gime, ni assez independant pour peser sur sa
volonte en le persuadant de la ne'cessite de mesures
radicales etd'une transformation complete de Tad mi-
nistration.
Une reforme entiere du systeme fiscal s'imposait;
elle eut ete facile au debut; les habitudes modestes
d'existence des nouveaux souverains la rendaient
praticable; mais il eut fallu pour Textcuter une plus
sure connaissance des vrais principes e'conomiques
meconnus par Hon ore V et une science de gouver-
nement plus certaine pour les appliquer. La bonne
volonte n'y pouvait supple'er. Aussi, les premieres
annees du regne furent-elles marquees par une suite
de demi-mesures , le pire des systemes en presence
d'une population si longtemps pressuree, et que la
perspective d1un sort meilleur, incompletement ob-
tenu, fit bientot passer de l'esperance enthousiaste a
la mefiance et a Tombrage.
— 4i5 —
Accueil fait au nouveau souverain ; abolition
de T « exclusive » (1841). — L'avenement de Flo-
restan fut salue com me le signe de la delivrance
et son arrivee dans la Principaute accueillie par
les plus vives demonstrations. On lui tit a Menton
une reception particulierement chaude ; la voiture
princiere fut detelee et trainee triomphalement par le
peuple. On etait heureux, apres le gouvernement
d'un prince devenu depuis longtemps invisible, de
se trouver en contact avec des souverains accessibles
et desireux de vivre dans le pays au milieu de leurs
sujets. Mais si le sentiment populaire se traduisait
par des acclamations sinceres, il s'y melait l'articu-
lation tres nette des besoins et des esperances de la
population au sujet de la suppression des monopoles.
Des le lendemain de cette journee, le 24 novem-
brc 1 841 , une ordonnance abolissait la plus impopu-
laire des institutions du regne passe; l1 « exclusive »
des grains disparut; quelques droits sur les douanes
furent abaisses, ceux qui entravaient le plus lourde-
ment les transactions sur les produits agricoles ;
divers reglements vexatoires furent egalement sup-
primes.
Reaction et maintien du systeme fiscal (1841-
1842). — Ce premier pas fait dans la voie desreformes
n'eut malheureusement que des lendemains intermit-
tents et il fut bientot apparent quele regime resterait
— 416 —
le meme, puisque le systeme d'apres lequel etaient
etablis les impots n'etait pas abandonne et que, par
consequent, a la disparition de Tun d'eux il faudrait
toujours suppleer par la substitution d1un autre,
base d'une facon analogue. En effet, la breche faite
aux revenus de la Principaute par les concessions
de la premiere heure causait deja aux gouvernants
de serieux soucis ; on s'arreta dans la voie des
suppressions de taxes parce qu1on ne vit pas le
moyen de les transformer ou qu'on recula devant
des mesures pour Texecution desquelles il eut fallu
plus d'entente et plus d'experience.
Les relations ne tarderent done pas a se refroidir
avec la population qui, de son cote, attendait impa-
tiemment la suite des reformes; on put s'en aperce-
voir moins d'un an apres la reception triomphale de
Menton. Le 5 novembre 1842, une delegation des
habitants de cette ville vint apporter au prince une
adresse qui exposaitdans les details les plus circons-
tancies et les plus pressants la situation penible dans
laquelle se trouvaient les interets materiels du pays.
L'embarras du prince etait grand; il connaissait la
realite de la situation, mais il n'y trouvait pas de
solution; la delegation fut econduite et les doleances
resterent sans reponse.
Trois mois plus tard, une ordonnance du i3
Janvier 1843 reglementait les delais accordes pour
le paiement des droits d'entree sur les grains et
— 4*7 —
les farines. Des lors, le mecontement se tit jour et
Ton commenca a reprocher au prince de reprendre
d'une main ce qu'ii avait concede de l'autre.
Defiance systematique coutre les aetes du
prince (i 841-1845). — La plupart des actes de
Florestan ne furent plus accueillis qu'avec defiance
et defaveur, et la tendance a rechercher le cote criti-
quable dans toutes les mesures du souverain amenaa
mdconnaitre les ameliorations les plus reelles. Cette
disposition d'esprit etait malheureusement explicable:
meme en laissantde cote les causes d'excitation venues
de Fexterieur, dont nous allons parler et dont Taction
etait deja sensible, il etait evident que le maintien du
statu quo, ence qui concernait le regime fiscal, devait
avoir pour resultat d'entrainer la population a ne tenir
qu'un compte presque mil de ce qui n'apportait pas
un soulagement direct aux charges contre lesquelles,
au debut du regne, elle avait manifeste ses doleances
avec tant d'ensemble et d'energie.
Quelques incidents de l'histoire administrative
du regne feront ressortir l'etat des esprits a cette
epoque.
Organisation des ecoles (1843). — L'injustice
des critiques, qu'on reunit plus tard en un faisceau
pour incriminer en bloc l'administration du succes-
seur d'Honore V, est surtout saillante en ce qui
— 4i« —
concerne Teducation des enfants, lesecoles primaires
et le college qui furent organises par ordonnance du
24 Janvier 1843.
Des salles d'asile furent creees dans les trois
villes; cette fondation, qui repondait a un besoin des
plus serieux, occasionna des depenses auxquelles on
fit face en etablissant une taxe dont le produit devait
etre applique a son entretien. Quelque infime que fut
cette contribution, on n1y vit qu'un nouvel impot.
Florestan etait tres en avance sur son temps en
matiere d'instruction populaire. S'il n'etablit pas la
gratuite absolue, il l'accorda par une disposition
formelle aux enfants des families dont l'indigence
etait constatee, et la retribution imposee aux autres
ne depassa pas cinquante centimes par mois. On eleva
toutes sortes de plaintes contre cette retribution.
Le prince etait tout particulierement preoccupe du
vagabondage des enfants; les moyens cherches pour
remedier a ce mal firent Tobjet de dispositions cu-
rieuses introduites dans Tordonnance de reformation
des maisons de secours. Tout enfant age de plus de
neuf ans devait trouver dans des ateliers oil les
travaux etaient adaptes a leur age, une petite paie de
quelques centimes et une soupe. S'il v avait la un
essai de mise en pratique d'idees utopiques alors en
faveur, l'initiative n'en etait pas moins louable: mais
la population ne voulut voir que les charges resul-
tant de cette reglementation.
— 4in —
Fondation du college de Menton (184LV. —
En meme temps qu'il cherchait a assurer le sort des
enfants des families necessiteuses, le prince voulut
doter la Principaute d'etablissements oil l'instruction
secondaire fut donnee de facon que ses sujets ne
fussent plus tributaires de I'etranger. II avait projete
deux colleges. Fun a Menton, l'autre a Monaco;
celui de Menton fut seul organise. Ce fut sa creation
favorite; il en regla lui-meme lesplus infimes details.
Ilinstitua une classed"instructionprimairesuperieure
dans laquelle un cours supplementaire d'elements de
la langue latine etait facultatif, et deux classes des-
truction secondaire.
Loin d'etablir, comme on l'a dit, des droits sco-
laires excessifs, ceux-ci furent relativement des plus
modestes; et quoique le cadre de cette etude ne
comporte pas de tels details, nous pensons qu'il est
bon de rappeler qu'ils s'elevaient a six francs par
mois pour la classe primaire superieure, plus deux
francs pour Tenseignement facultatif du latin; ils
furent fixes a cent cinquante et deux cents francs par
an pour les classes d'instruction secondaire.
Les critiques au sujet des frais scolaires etaient
done sans fondement; mais on reprocha plus juste-
ment au prince Florestan les mesures qu'il prit pour
empecher que les enfants recussent l'instruction hors
de l'etablissement qu'il avait fonde.
L'enseignement primaire independant, ne fut
— 42° —
soumis qu'a une automation administrative; mais
I'enseignement libre des matieres comprises au pro-
gramme des colleges fut interdit dans les villes ou
ces etablissements existaient.
II faut, pour juger ces mesures avec equite, les
comparer au regime restrictif qui reglementait alors
Tinstruction secondaire dans les etats voisins, notam-
ment en France; neanmoins Tordonnance de 1845,
dont les termes permettaient de poursuivre jusqu'au
precepteur dans l'interieur des families, etait une
imitation des plus malheureuses de ce systeme de
protection a outrance instaure par Honore V pour
faire vivre ses etablissements industriels.
Affaire du moulin a huile de Menton ( 1 S44-
1 845). — L'etat d'esprit de la population se manifesta
d'une facon particulierement serieuse a Toccasion
d'une entreprise dans laquelle on vit une nouvelle
menace pour la liberte des transactions, et cette affaire
est restee une de celles qui furent avec moins de
justice amerement reprochees a radministration de
Florestan.
Le prince avait etc frappe de Tetat rudimentaire
des procedes pour le pressage des olives et la fabri-
cation de Thuile, en sorte qu'il s'y produisait des
dechets, qu'avec des engins mecaniques perfectionnes
on pourrait reduire dans des proportions tres favo-
rables pour lesproducteurs et partantpour leTresor.
— 421 —
II lit, en consequence, etablir dans la vallee du Carei
une grande usine ou des machines construites en
Angleterre devaient donner un debit ires superieur.
On sait combien il etait alors difficile de faire accepter
les applications mecaniques modernes par les popu-
lations agricoles; l'etablissement nouveau avait de
plus le dcsavantage de se rapporter a un genre d'in-
dustrie deja frappe d'un droit fiscal ; aussi lorsqu'une
ordonnance eut etabli un tarif pour Tachat direct aux
producteurs par le Tresor des olives destinees a etre
triturees dans le nouveau moulin, on ne vit plus
dans cette creation qu'un acheminement a Tacca-
parement de Tune des principales productions du
pays. Une emotion tres vive se manifesta; on fit un
grief a la princesse Caroline de Tinteret personnel
qu'elle avait pris a Tetablissement et les reclamations
furent telles que, cedant aux observations du gouver-
neur general de Villarey, le prince se resigna a le
fermer.
Un progres reel eut etc accompli avec l'usine
modele, si les mesures qui avaient accompagne sa
creation n'en avaient rendu d'avance le fonctionne-
ment impopulaire.
Affaire du traite de commerce franco-sarde
— Convention avec la France (1844). — Cepen-
dant un acte habile et heureusement inspire, du a
l'initiative du prince, etait venu montrer en 1844
— 422 —
la voie dans laquelle on cut pu facilement provoquer
unc detente dans les dispositions de la population.
La Sardaigne avait conclu un traite de commerce
avec la France ; en vertu des stipulations qui avaient
accompagne le traite de Stupiniggi, la Principaute
cut dii y ctre comprise; e'etait une question vitale
puisque autrement ses produits, semblahles a ceux
de la Riviere, allaient se trouver prives par les tarifs
douaniers de Fecoulement qu'ils avaient toujours
trouve en France. Mais la Sardaigne n'avait que trop
d'interet a voir se compliquer les difhcultes econo-
miques dont souffrait son protege; aussi, malgre les
engagements formels de 1817, elle se refusa a le faire
admettre au benefice du traite franco-sarde.
Dans ces circonstances, Florestan prit le parti de
faire supporter par le Tresor les consequences de la
situation faite a ses sujets. Une ordonnancc prescrivit
lc remboursement des droits de sortie pour une
somme egale a la difference entre les droits percus
en France sur les produits de la Principaute et
ceux qui atteignaient les importations des pays
soumis a la Sardaigne.
D'autre part, des negociations entreprises avec le
cabinet des Tuileries aboutirent, le 17 avril 1844, a
une convention directe qui accorda les memes tarifs
que ceux stipules avec la cour de Turin.
Formation dun parti sarde separatiste a
Menton. — Cet incident eut pu avoir les consequences
— -J-2'0 —
les plus favorables s'il eut ete le prelude dc degrevc-
ments sagement et systematiquement suivis; cepen-
dant, le mecontentement, pour etre en 1844 peu
apparent, rfen etait pas moins profond deja; et il y
avait lieu d'en tenir d'autant plus de compte qu'un
groupe s'etait forme depuis quelques annees qui nc
craignait pas de tourner les yeux hors de la Princi-
paute et d'envisager la possibility d'une rupture avec
la maison de Grimaldi, favorisee par les ambitions
toujours eveillees du gouvernement sarde.
II faut reconnaitre aussi que tout conviait a desi-
gner la Sardaigne comme le point d'appui naturel
des mecontents. Les imprudentes conventions con-
clues par Honore V en 1817 avaient place la Prin-
cipaute dans une situation telle que les sujets du
prince, admis a jouir dans les etats sardes des memes
droits que les regnicoles et rendus accessibles aux
emplois publics, pouvaient arriver a considerer
Tallegeance envers la Savoie comme egale sinon
superieure a celle envers les Grimaldi; ce sentiment
devait se faire jour surtout a Menton et a Roque-
brune, oula chancellerie de Turin avait habilement
mele ses droits resultant de Tancienne suzerainete
avec ceux nouvellement acquis par le transfert a son
profit du protectorat francais.
Les families principales de Tetat monegasque
avaient profite de cette situation; bon nombre d'entre
elles, et des plus attachees a la maison princiere,
— 424 —
avaient quelqu'un de leurs membres soit dans Tarmee
soit dans la marine sardes. Elles trouvaient de ce cote
des carrieres et des debouches qui leur manquaient
dans la Principaute pour leurs enfants; on s'habituait
peu a peu a considerer le Piemont comme la grande
patrie, embrassant dans son sein la petite; on com-
prend par consequent comment, en se laissant guider
par ce dangereux mirage, il etait facile de glisser sur
la pente et combien aisement le mecontent pouvait
se transformer en separatiste ; ce fut le cas d'un assez
grand nombre de notables mentonnais.
Imprudente negligence des princes au sujet
du commandement militaire. — Sous le regne
d'Honore V cette action du Piemont etait restee
inapercue ou plutot elle avait ete completement
negligee ; c'est a peine si dans une occasion le prince
avait paru s'en preoccuper : un jeune officier, appele
a jouer quelques annees plus tard le role preponde-
rant dans la rupture avec les Grimaldi, Charles
Trenca, se vit prive de son grade de capitaine des
carabiniers pour avoir depasse la mesure dans la
manifestation de ses sympathies pour la Sardaigne
lors du service commemoratif du roi Charles-Felix.
Mais cette disgrace fut passagere; non seulement
M. Trenca fut par la suite retabli dans son grade,
mais on l'appela suecessivement a des fonctions
importantes et de confiance.
— 423 —
Cct incident n'avait ete qu'un episode isole;
Honore V, si jaloux de ses droits dans son adminis-
tration interieure, s'etait montre d'une singuliere
incurie pour la sauvegarde de ses prerogatives vis-a-
vis de la Sardaigne ; apres avoir fait des le debut, ainsi
qiTon Ta vu, les concessions les plus graves, il avait
abandonne par la suite jusqu'aux garanties essentielles
que le traite de Stupiniggi, reproduisant les termes
memes du traite de Peronne, lui avait assurees. L'ar-
ticle 2 de ce traite avait etabli dans la place de Mo-
naco un lieutenant entierement subordonne au
prince, gouverneur militaire hereditaire, auquel il
devait preter serment en entrant en charge. Honore V
s'etant desinteresse absolument du commandement,
avait laisse son lieutenant prendre directement les
ordres des autorites militaires sardes qui l'avaient,
au mepris des traites, revetu de la qualite de « lieu-
tenant des armes de S. M. le roi de Sardaigne ».
En 1843, Florestan ayant adresse a cet officier,
qui etait en outre son sujet, des observations pour
un voyage fait a Turin sans son autorisation, celui-ci
ne craignit pas de renvoyer son souverain au roi de
Sardaigne, s'il crovait avoir des plaintes a articuler.
Le prince ne se sentit pas en etat d'elever un conflit
pour ce veritable attentat a ses droits. On verra
comment la chancellerie sarde sut proriter de Tim-
prudence et de I'inertie des princes et abuser de la
situation usurpee par le lieutenant pour en faire
Tagent actif de sa politique de secession.
— 426 —
Tentatives de la Sardaigne pour la cession
de la Prineipaute ; son attitude devient hostile
( 1 841 - 1 847). — A la mort d'Honore V, la Sardaigne
crut entrevoir la possibilite d'amener le successeur
du prince defunt a la cession de ses etats.
Au debut du nouveau regne, en erTet, Florestan et sa
famille, effrayes de la difficulte de la situation inte-
rieure, envisagerent cette eventualite assez serieuse-
ment ; ils etaient encore sous cette impression lorsque,
pendant Tannee 1842 le prince Charles, prince here-
ditaire, se rendit a Turin pour saluer le roi au nom
de son pere. Le choix comme aide de camp dans cette
mission de M. Trenca, dont les sympathies pour la
Sardaigne etaient notoires, indique qu'a ce moment
Florestan ne repoussait pas enccre Tidee de la cession.
II en fut question a la cour de Turin, ou le prince
Charles fut Tobjet des attentions les plus empressees
et son aide de camp traite avec une faveur marquee.
Mais le prince, malgre sa jeunesse, envisageait deja
l'avenir d'un coeur trop haut pour se laisser seduire
par un rang, quelque rapprocne qu'il fut de la famille
royale, et par une alliance qui Teut rattache a la
maison de Savoie. Le droit d'heredite le destinait a
etre souverain, il ne se fut pas resigne a la situation
de prince mediatise. Sa volonte coupa court a des
tentatives qui ne prirent cependant entierement fin
qu'apres la visite faite en 1 844 a Genes au roi Charles-
Albert par Florestan et sa famille.
— 4-'7 —
La chancellerie de Sardaigne'n'avait pas attendu
cette epoque pour susciter des embarras au gouver-
nement monegasque, comme le montre I'affaire du
traite franco-sarde ; on peut voir des lors egalement
I'esprit d'acrimonie s'exalter a Menton contre les
actes de radministration princiere, et se dessiner le
parti qui recherchera jusqu'a la separation Tappui
de la Sardaigne.
Mariage du prince hereditaire Charles avec
mademoiselle deMerode (1846. — Cet etat latent
n'attendait qu"une occasion pour se reveler ; nean-
moins le loyalisme de la population se manifesta
d'une maniere eclatante lorsqu'a la fin de 1846 le
prince hereditaire vint dans la Principaute apres
la celebration de son mariage avec mademoiselle
Antoinette de Merode, accompli a Bruxelles, le
28 septembre de cette annee.
Mouvement liberal enltalie; premiere mani-
festation et petition des Mentonnais (novembre
1 847 . — Cependant, le moment etait proche oil le
mouvement liberal qui suivit l'exaltation de Pie IX
et qui bouleversa tous les etats d'italie, allait fournir
Toccasion attendue a Menton. Le roi Charles-Albert
et ses conseillers avaient compris I'avenir reserve au
royaume de Sardaigne si la maison de Savoie se
mettait a la tete du mouvement liberal et de grandes
reformes venaient d'etre promulguees.
— 428 —
La repercussion de ces evenements produisit a
Menton une agitation qui ne fit que grandir pendant
le mois d'octobre 1847. Le 4 novembre, a Toccasion
de la fete de Charles-Albert, une manifestation fut
organisee ; on illumina, on promena le buste du
roi de Sardaigne dans les rues aux cris de : « Vive
Pie IX! Vive le Roi ! », auxquels se melaient cepen-
dant ceux de « Vive Florestan ! ». L'abstention de
M. Trenca fut ce jour-la remarquee ; malgre les
clameurs et les injonctions de la foule, il refusa
d'illuminer sa maison.
Le surlendemain, 6 novembre, une deputation
apportait au gouverneur general une petition adressee
au prince reclamant la promulgation destitutions
politiques semblables a celles de la Sardaigne.
Cette manifestation etait un svmptome d'autant
plus serieux qu'on ne pouvait se faire illusion sur ses
tendances separatistes ; Tabstention de M. Trenca.
revetu de fonctions publiques et qui, par cette raison,
voulut rester correct, soulignait encore le caractere
du mouvement.
La grande majorite de la population, a Texemple
des plus notables de la vieillearistocratie, etait encore
lidele ; mais elle s'accordait avec les esprits les plus
remuants pour desirer l'obtention des reformes. II
suffisait done d1une fausse manoeuvre, d'une resis-
tance mal inspiree ou de la persistance dans les demi-
mesures pour grossir brusquement le nombre des
manifestants d'une masse importante de decourages.
— 429 —
Hesitations du prince Florestan (novembre
1847. — En transmettant la petition, le gouverneur
general de Villarey, quelque timideet timore qu'ilfut,
ne laissa pas de montrer la gravite de la situation;
il insistait sur la necessite absolue de concessions
tres larges qui separassent immediatement des me-
neurs la partie ridele de la population.
Ces conseils ne furent pas ecoute.-. ; le prince se
meprit sur le caractere des evenements dont il crut
pouvoir conjurer le danger par des moyens dila-
toires; des ordres contradictoires se succederent : en
meme temps qu'il faisait repondre verbalement aux
consuls de Menton par le gouverneur que des son
arrivee prochaine il s'occuperaitdes reformes deman-
ded, il envovait a M. de Villarey une ordonnance,
signee le 16 novembre, annoncant la mise a Tetude
d'une organisation communale et d'un projet de
transformation de Tassiette des impots sur la base du
retablissement de Timpot foncier; en attendant, il
annoncait une reduction d'un tiers sur les tarifs.
Cependant, en meme temps que Tordonnance qui
contenait le maximum de ce que le souverain enten-
dait conceder, le gouverneur recevait pour instruc-
tions de ne la promulguer qu'a la derniere extremite
et, d'autre part, il lui etait enjoint de s'opposer par
la force aux manifestations en faisant arreter les
chefs, soit en se servant des carabiniers, soit meme
en ayant recours aux troupes piemontaises de la
garnison de Monaco.
— _|.3 u —
Ces ordres consternerent le gouverneur; il sentait
que le mouvement etait devenu si intense que les
promesses et les demi-concessions de Tordonnance
allaient causer un eflfet desastreux et peut-etre provo-
quer une explosion; aussi, usant de la faculte que le
prince lui laissait. dans une intention il est vrai
diametralement opposee, il ne publia pas Tordon-
nance et il insista afin d'obtenir de nouveaux ordres,
ne craignant pas de declarer que l'arrivee de la
famille souveraine, sans qu'il ait etc davantageaccorde
aux petitionnaires, ne ferait qu'accentuer l'expression
du mecontentement general et provoquer des mani-
festations de plus en plus serieuses.
Florestan demande renvoi des troupes pie-
montaises a Mentou [novembre 1847 • — Cette
insistance d'un vieux et devoue serviteur n'obtint
aucun succes. Florestan resta convaincu qu'il serait
facile de reprimer des menees qui n'avaient pas encore
pris le caractere d'une sedition; a sa demande un
detachement des troupes sardes de Monaco vint
occuper Menton, le 2 5 novembre, pour y assurer la
securite.
Le prince ne pouvait prendre une decision plus
dangereuse ni plus contraire a ses interets ; elle n'est
explicable que par la persuasion oil il demeurait que
la situation n'etait pas serieuse. Mais, ce qui etait de
la derniere gravite, e'est qu'il erfacait ainsi de sa propre
-43 1 -
main les clauses inscrites dans le traite de protectorat
qui etaient la sauvegarde de son independance et de
ses droits souverains : celles d'apres lesquelles le
protecteur ne devait s'immiscer en aucunefacondans
les affaires interieures de la Principaute; et cette
decision etait d'autant plus imprudente quelle remet-
tait la repression d'un mouvement politique aux mains
des troupes d'une puissance dont les visees etaient
notoires, et sur laquelle les meneurs comptaient
ouvertement. Cetait, en tous cas, placer ces troupes
et ceux qui les commandaient dans une situation
fausse, qui eut suffi pour paralyser Taction toujours
hesitante d'une force militaire au debut d'un mouve-
ment revolutionnaire.
Publication de Tordonnance ; mauvais effet
produit (decembre 1847). — Le 3o novembre,
Florestan annoncait son depart de Paris et les refor-
mes qu'il concedait, et le 3 decembre on affichait
enfin, par son ordre, Tordonnance du 16 novembre.
11 se produisit alors un phenomene qui se renou-
vela pendant toute cette periode et qui temoigne de
Taction occulte a laquelle des Torigine obeit le mou-
vement ; les decisions princieres furent d'abord
accueillies par des demonstrations de joie ; mais lors-
que le soir la population en fete sortit dans les rues
illuminees, on iTentendit plus que les cris mena-
cants de a Vive Charles-Albert! ». On verra les choses
— 432 —
se passer ainsi pendant toute la crise; a une explo-
sion spontanee de loyalisme succedera quelque
desordre immediat ou prochain en sens tout oppose.
L'effet de rordonnance avait du reste ete ce que le
gouverneur avait prevu ; des promesses vagues ne
pouvaient compenser, meme aux yeux des Menton-
nais fideles, Tinsuffisance de la diminution concedee
sur les tarifs. Des reunions furent tenues chez
M. Trenca, qui commencait a sortir d'une reserve
calculee; on convint de reclamer au moins une
reduction de moitie et non pas seulement une reforme
communale, mais des institutions concues dans le
sens du nouvel etat politique inaugure dans le
royaume de Sardaigne.
Arrivee du prince; destitution de M. Trenca;
effervescence populaire (decembre 1847). — Le
prince et sa famille arriverent a Monaco le 9 decem-
bre; les dispositions que Florestan apportait etaient
rien moins que favorables aux reclamations, qui
allaient se produire; la deputation mentonnaise qui
se presenta aussitot, fut congediee sans etre recue.
M. Trenca, qui parvint a penetrer aupres du souve-
rain et rit ce qu'il considerait comme une supreme
demarche de conciliation, se retira apres qu'on lui
eut notifie la destitution de toutes ses charges et
fonctions.
Cette mesure etait au plus haut degre impolitique.
- 433 -
M. Trenca, reste* fonctionnaire, cut ete contenu ; sa
revocation en tit le chef cTune opposition d'autant
plus redoutahle qu'elle apportait aux adversaires le
concours d'une intelligence des plus souples et d'un
credit deja ancien a la cour de Turin. A ce moment,
on eut pu encore se seryir de ce personnage comme
d'uii moderateur; on en fit un irreconciliable. Une
semaine ne sY-tait pas ecoulee que le prince recon-
naissait lui-meme L'etendue de la faute commise.
L'ordonnance relative aTorganisationcommunale,
promulguee le lendemain 10 decembre, ne produisit
aucun effet et reffervescence ne fit que croitre a
Menton.
Le prince hereditaire a Menton; manifesta-
tions (decembre 1847). — Des le 12, on passait au
palais de Monaco d'un optimisme aveugle a une
comprehension plus nette de la situation ; on se
decida a envoyer le prince hereditaire a Menton;
Taccueil qu'il avait recu Tannee prccedente faisait
presager une bonne journee; on ne se trompait pas;
la belle prestance et le grand air du prince Charles
eurent encore le meme succes.
Une imposante manifestation, composee de plu-
sieurs milliers de personnes, prit la route de Carnoles ;
le cure de Menton, Tabbe Carles, se fit Tinterprete
des sentiments loyaux des habitants, mais en meme
temps de leurs revendications. La reponse qui fut faite
28
— 434 —
provoqua les plus vives acclamations ; la foule lit au
prince hereditaire une escorte triomphale a Thotel de
ville;au retour, on traina sa voiture detelee jusqu'a
Carnoles.
Le jour suivant, les consuls reunis au palais de
Monaco commencaient la discussion des reformes
concedees; on pouvait croire a un accord; mais on
s'apercut bien vite que le mouvement avait trouve un
chef : a leur rentree a Menton, les delegues allerent
conferer chez M. Trenca.
Nouvelles concessions; retraite du gouver-
neur general de Villarey (decembre 1847). —
Le prince Florestan et sa famille vinrent, le 14 de-
cembre, a Carnoles; de la ils se rendirent a l'hotel de
ville de Menton, oil se renouvelerent des manifesta-
tions semblables a celles qui avaient accueilli le
prince hereditaire deux jours auparavant. On avait
compris la necessite d'etendre les concessions ; une
ordonnance du 18 decembre prescrivit une diminu-
tion de moitie sur les tarifs des douanes et retablit
Fimpot foncier a la place du systeme des taxes ; enfin,
le conseil d'Etat, oil l'element electif serait represente,
preparerait desormais les lois.
Par une derniere disposition, le prince acceptait la
demission du gouverneur general de Villarey; les
meneurs avaient impose cette mesure. Le gouverneur
portait tout le poids de l'impopularite du systeme
— 435 —
qui sombrait; sa clairvoyance et ses conseils dans
les derniers temps ne le sauverent pas de la disgrace.
II lui etait indifferent d'emporter dans sa retraite
l'animosite qu'il s'etait attiree par son obeissance
passive aux ordres souverains, il devait etre plus
sensible a Taccusation, dont il fut plus tard Tobjet,
d'avoir etc un serviteur suspect des princes pour
lesquels il s'etait constamment devoue. On chargea
M. de Villarey des fautes contre lesquelles il s'etait
precisement eleve. L'impartiale histoire veut que jus-
tice soit rendue a la memoire de ce loyal gentilhomme
qui, reste a Menton temoin desole des evenements,
fut a plusieurs reprises expose a des attentats contre
lui ou contre ses plus proches, de la part de ceux
dont on voulut retrospectivement le faire le secret
complice.
Aggravation du desordre; role des troupes
sardes (decembre 1847). — L'accueil fait aux con-
cessions fut loin d'etre celui que Florestan espe-
rait; accordees quinze jours plus tot, elles eussent
provoque une detente; le degrevement et une ordon-
nance en matiere communale eut pu suffire ; mais le
conflit s'etait elargi sur le terrain politique et la
reforme du conseil d'Etat promise paraissait devoir
etre timide et restrictive.
Les agitateurs n'eurent pas de peine a faire sentir ce
defaut a une population rendue defiante par de trop
— 4'36 —
longues hesitations ; on vit alors les rumeurs s'accen
tuer, les attroupements se constituer menacants ; le
prince hereditaire tenta de renou veler , le 2 o decembre,
la demarche qui, la semaine precedente, avait bien
reussi ; accueilli d'abord avec une deference froide
dans la promenade a cheval qu1il fit de Carnoles a la
frontiere sarde du pont Saint-Lonis, il se trouva au
retour devant Thotel de ville entoure, apostrophe et
meme insulte par un groupe d'individus qu'on retrou-
vera desormais dans toutes les manifestations. Cette
scene se passait sous les yeux du poste piemontais
sorti pour rendre les honneurs au prince; malgre
Tappel fait aux chefs, les troupes n'intervinrent pas
et assisterent impassibles au desordre. L'attitude
de la garnison se dessinait. Le major general Gonnet,
commandant la place de Monaco sous le prince et
etabli a Menton depuis la demarche imprudente de
Florestan, objecta qu'il n'avait qu'a assurer la securite
publique et non a intervenir dans une manifestation
politique.
Voyage du prince hereditaire a Turin; mani-
festations tumultueuses a Menton ; attitude de
la Sardaigne (decembre 1847-janvier 1848). — II
etait clair qu'il y avait entente, au moins person-
nels, entre les chefs piemontais a Menton et les
opposants ; on ne voulut pas croire a la connivence
de la cour de Turin et Taveuglement de Florestan
— -P7 —
etait si grand sous ce rapport, que, des l'origine,
desireux d'imiter les reformes faites dans le royaume,
il avait demande a la chancellerie royale des indica-
tions et des documents pour operer les memes mo-
difications politiques chez lui.
Le prince hereditaire se rendit a la cour de Pie-
mont et y porta les plaintes contre Tattitude du
general. Comme toujours, il recut un accueil des
plus courtois, on consentit a remplacer les troupes
venues de Monaco par un nouveau bataillon tire de
Nice, mais le general Gonnet ne fut pas remplace;
c'etait Tapprohation donnee a la singuliere facon
d'assurer Tordre dont le prince hereditaire avait ete
victime. Le nouveau bataillon, comme cela se passe
toujours dans les temps revolutionnaires, fut accueilli
avec les marques les plus vives de sympathie a
Menton ; les manifestants allerent au-devant de lui
en portant triomphalement le buste de Charles-
Albert; les nouvelles troupes fraterniserent de suite.
Cependant les manifestations continuerent sous
l'oeil bienveillant de la garnison sarde ; elles devinrent
journalieres; ce fut un jeu sans danger auquel
la population s'habitua; Tesprit revolutionnaire fit
des recrues.
Le gouvernement sarde sentit neanmoins la neces-
site de ne pas accentuer trop vite sa sympathie pour
les manifestants vis-a-vis de l'Europe et surtout de
la France. II savait que si les menees separatistes de
— 438 —
Menton pouvaient irouver des approhateurs a Paris
aupres de la presse de l'opposition, habilement pre-
venue par l'intermediaire de quelques personnages
d'origine mentonnaise, ces menees etaient jugees
avec severite par le cabinet des Tuileries, qui y
voyait une atteinte a Tintegrite de la principaute,
garantie par les traites de 1 8 1 5 . Le ministere sarde
du roi Charles-Albert resolut en consequence de
prendre une attitude en apparence plus favorable
au maintien de Tordre et Tonprescrivit l'envoi d'une
brigade de carabiniers qui, venue de Nice, fut installee
le i g Janvier, et dont la presence suffit pour retablir
le calme pendant quelques jours.
Les Mentonnais demandent la constitution
sarde ; octroi d'une charte trouvee insuffisante
(io-i3 fevrier 1848). — Dans l'intervalle, le mouve-
ment liberal avait realise en Italie de nouvelles
conquetes : le roi de Sardaigne avait complete les
concessions de Tannee precedente par Toctroi d'une
constitution ; le 10 fevrier, on redigea a Menton une
nouvelle petition ou etait demandeeTapplication a la
principaute de la constitution sarde.
Assailli par cette nouvelle revendication, Florestan
espera encore pouvoir eluder ; il fit remarquer aux
delegues tout ce qu'il avait deja accorde depuis deux
mois et tout ce que ses sujets avaient acquis par ses
concessions : la reforme des tarifs, Tabaissement des
— 4^9 —
taxes, l'imp6t foncier, Forganisation communale;
les autres concessions etudiees n'etaient pas encore
pretes; il demandait un peu de temps pour les
accomplir avec maturite. Neanmoins, Tattitude
des manifestants devenant plus menacante, il se
resolut a repondre a leur requete. Cette reponse
parut le i3 fevrier sous forme de « charte ». Elle
contenait Forganisation promise d'un conseil d'Etat
dans lequel Telement electif comptait six delegues
elus par les trois villes, a cote d'un egal nombre de
membres nommes par le prince.
Les esprits etaient trop exaltes pour que cette
institution eut chance d'etre bien accueillie. En fait
les conseillers elus se trouveraient en minorite con-
tre les voix preponderantes du president nomme par
le souverain et du prince hereditaire ajoutees a celles
des membres choisis directement par le prince. De
plus, les delegues de Monaco, dont les habitants
n'avaient manifeste aucun interet pour les reformes,
n'appuiraient pas les revendications de Menton.
Florestan oblige de laisser entiere liberte
d'action au general Gonnet.— La « charte » fut done
consideree comme une deception; M. Trenca donna
personnellementlesignaldes protestations; letumulte
devint de plus en plus grand. Invite par le prince a
faire respecter Tordre, le general Gonnet repondit
qu'il ne pourrait Tassurer qu'en obtenant une entiere
— 44o —
liberte d'action. Le prince s'y resigna ; le comte
d'Adhemar de Lantagnac, investi des pouvoirs de
delegue general a Menton, donna sa demission
et les carabiniers princiers furent retires; au surplus,
la force publique etait deja de fait entre les mains
du commandant des troupes soi-disant protectrices.
Reception par Charles-Albert, comme suze-
rain de Menton et de Roquebrune, d'une adresse
des Mentonnais (22 fevrier 1848). — Une notifica-
tion faite par le general le 22 fevrier, montrait
comment cet officier et son gouvernement enten-
daient cette liberte d'action. II annonyait l'accueil
favorable fait par le roi Charles-Albert a une petition
des Mentonnais reclamantsa protection. Le roi avait
promis d'etudier les dispositions qu'il aurait a prendre
en sa qualite de suzerain, pour aviser a la situation.
Yoila le dernier mot de cette campagne; les
masques se soulevaient, et le droit de suzerainete, si
imprudemment reconnu par Honore V, devenait
l'arme dont on entendait se servir pour legitimer
jusqu'au bout la rebellion, sous pretexte des regies
surannees du droit feodal.
Florestan concede une constitution calquee
sur celle de la Sardaigne (25 fevrier 1848). —
Le prince Florestan recoltait malheureusement le
fruit de ses hesitations ; encore une fois il s'etait
— 44i —
laisse arracher des concessions qui, faites quelques
semaines plus tot, eussent retenu les moderes dans
la fidelite ; a Theure presente, la « charte » n'etait
plus qu'une demi-mesure. Etait-il encore possible de
sauver la situation ? oui peut-etre, puisque aucune
parole de rupture definitive n'avait ete prononcee.
Florestan se decida, le 25 fevrier, a promulguer
une constitution calquee sur celle de la Sardaigne.
Situation et role de M. Trenca fevrier 1848).
— Le terrain etait deblaye; le souverain avait fait
des concessions qui allaient jusqu'a Tabandon le plus
complet de ses prerogatives; M. Trenca et ses amis
dominaient exclusivement ; aucune reaction n'etait a
redouter, et, si le prince Florestan et sa famille en
eussent caresse l'arriere-pensee, ils n'eussent eu aucun
moyen present de la tenter et ils lVen pouvaient
envisager dans Tavenir le plus eloigne la possibility.
En ce cas, du reste, il leur eut fallu compter meme
avec leurs partisans les plus devoues, en commu-
naute de sentiment avec les esprits avances pour le
maintien destitutions liberales desirees de tous.
M. Trenca eut done ete, s'il Teut voulu, Tarbitre
de la principaute tout entiere et Monaco eut fini par
le suivre comme Menton et Roquebrune. A ce mo-
ment, il pouvait veritablement bien meriter de la
patrie en mettant d'accord son amour du bien public
avec le lovalisme envers les Grimaldi. S'il n'embrassa
— 442 —
pas cette ligne de conduite, c'est que M. Trenca n'etait
plus libre et que ses engagements etaient formels.
Entrevit-il meme Tissue glorieuse oil pouvaitaboutir,
par sa volonte, la campagne menee depuis trois mois
et qui eut revele en lui un veritable homme d'etat?
(Test peu probable; Tesprit de parti Tempecha de
percevoir la voie qui eut assure le bien-etre, la liberte
et la securite de son pars sans briser des liens quatre
fois seculaires, sans sacrifier son autonomic, sans
provoquer son demembrement ; il eut ainsi evite
d'engager pendant douze annees les deux villes dans
une situation fausse, tandis que ses efforts les plus
intelligents, commc ceux du gouvernement sarde
auquel il s'etait associe, se heurterent a la resistance,
pourtant facile a prevoir, de la diplomatic sur le
terrain du respect des traites
Revolution de fevrier ; avantage qu'en tirent
les dissidents mentonnais (fevrier-mars 1848). —
Les concessions faites par le prince mettaient les me-
neurs dans Talternative ou d'accepter la situation
faite par le souverain, et dans ce cas tout rentrait
dans l'ordre, ou de demasquer leurs veritables ten-
dances, lis n'hesiterent pas ; au surplus les evene-
ments qui bouleversaient TEurope apportaient a ce
moment a leur cause un appoint singulierement
favorable, et la revolution qui venait d'eclater a Paris
etait de nature a encourager leur audace.
— 443 —
Jusqu'alors la Sardaigne avait agi avec line pru-
dence relative ; nous avons deja dit comment le
gouvernement du roi Louis-Philippe, rigoureux
observateur des traites de i8i5, etait encore moins
porte a les laisser impunement violer au detriment
de l'ancien et fidele protege de la France. Le prince
hereditaire etait a Paris ; il avait obtenu une audience
du Roi et avait eu plusieurs entrevues avec M. Gui-
zot et le general Trezel, ministre de la guerre ; les
dispositions qu'il avait rencontrees ne laissaient
aucun doute sur Timminence de remontrances effi-
caces a la cour de Turin. La chute inopinee de la
monarchie de Juillet aneantit ces esperances. Les
vainqueurs de fevrier devaient etre en effet enclins a
ne voir dans raffaire de Menton qu'un episode de
cette crise de Emancipation des peuples qui provo-
quait en France un courant de dangereuses illusions
et de sympathies trop peu raisonnees.
Le prince hereditaire avait assiste a Paris, le
22 fevrier au soir, dans le salon du ministere des
affaires etrangeres, aux scenes qui furent le debut de
la revolution. II partit aussitot pour Monaco, se
rendant compte du contre-coup desastreux que les
evenements allaient avoir dans la principaute.
Une detente avait paru cependant se produire dans
les journees qui avaient suivi l'octroi de la consti-
tution sarde ; les moderes avaient accueilli avec
faveur cette mesure et le mouvement loyaliste s'etait
— 444 —
un moment assez accentue pour que, malgre un
premier refus donne sous la pression des meneurs,
le cure de Menton eut ete oblige de celebrer un Te
Beam.
La Sardaigne retire ses troupes de Menton
(mars 1848). — Mais pendant cette meme semaine le
parti d'action avait pris position: les manifestations
hostiles aux Grimaldi devinrent continuelles; publi-
quement excites par M. Trenca en personne, les
meneurs protestaient contre cette meme constitution
imperieusement reclamee par eux trois semaines
auparavant, et, fait plus grave, on voyait des officiers
de la garnison sarde, prendre une part active et vio-
lente a ces desordres et les diriger. Le moment parut
bientot favorable; l'accord s'etait completement fait
avec le general Gonnet; on arma sous main la frac-
tion de la population sur laquelle on pouvait comp-
ter, sous pretexte d'organiser la garde nationale;
les partisans de la Sardaigne furent mis ainsi en
possession de moyens de resister a toute tentative de
la part de la force armee du prince. Le general Gon-
net, a la suite d'un rapport a son gouvernement ou
il declarait ne plus pouvoir maintenir l'ordre, c'est-
a-dire le pouvoir nominal du souverain de Monaco
sans effusion de sang, se fit prescrire de retirer ses
troupes; il remit les postes a la garde nationale et
rentra a Monaco, ou il continua a remplir ce role de
— 4-P —
lieutenant de la place, soi-disant sous les ordres du
prince, dont la Sardaigne avait fait, en violation du
traitc de protectorat, l'agent de la rebellion inte-
rieure.
Revolte de Menton iermars 1848'. — Tout avait
ete trop bien combine pour que le retablissement de
Tautorite du prince a Menton fut possible. Lorsque
le colonel Bellando se presenta le 1" mars a la tete
des carabiniers princiers, il trouva la ville en etat de
defense; apres avoir vainement parlemente, il dut se
retirer.
Le lendemain un gouvernement provisoire etait
proclame.
Le double jeu des agents sardes apparaissait au
grand jour; la chancellerie de Turin assuma du reste
ouvertement la responsabilite des actes du general
Gonnet. Le prince avait fait parvenir ses protesta-
tions contre la constitution du gouvernement provi-
soire et ses plaintes contre le general qui s'etait fait
depuis le commencement de la crise le complice des
aghateurs. Le gouvernement de Charles-Albert se
contenta de repondre en justifiant la retraite des
troupes par cette consideration que le protecteur
n'etait tenu, de par les traites, au devoir de protec-
tion que contre une attaque exterieure; ces traites
eux-memes lui interdisaient de s'immiscer dans les
affaires interieuresde la principaute ; en consequence,
— 446 —
apres avoir, par courtoisie envers le prince, consenti
a permettre renvoi des troupes pour rctablir Tordre,
ce resultat n'ayant pas ete obtenu, le roi les avail
retirees afin de decliner toute responsabilite dans les
evenements ulterieurs. Cette reponse semblait cepen-
dant donner une apparence de satisfaction a certaines
reclamations du souverain de Monaco; en vertu du
principe que visait la depeche, la chancellerie recon-
naissait que Tadresse envoyee par les Mentonnais
quelques semaines auparavant, se rapportait a des
faits politiques d'ordre interieur dans lequels le roi
rfavait pas le droit d'intervenir.
Moins d'un mois ne s'etait pas ecoule qu'on pou-
vait constater de qu'elle fagon le gouvernement sarde
entendait cette politique de non intervention et
d'abstention qu'il opposait aux protestations du
prince.
Formation du Gouvernement provisoire (mars
1848;. — La proclamation par laquelle le gouverne-
ment provisoire avait revele son existence rejetait
naturellement sur le prince la responsabilite des
evenements. II ne faut pas attendre de bonne foi
dans les luttes des partis; mais il n'est pas possible
de concevoir rien de plus sciemment inexact et de
plus contraire a l'evidence que les accusations arti-
culees dans cet acte, au sujet des faits les plus recents
du conflit mentonnais. Outre le reproche d'avoir
— 447 —
provoque le depart de la garnison piemontaise, reti-
ree par le gouvernement de Turin sous le pretexte
que nous avons expose plus haut, on faisait grief a
I'administration princiere de toutes les mesures im-
posees depuis six semaines par les meneurs eux-
memes, notamment la retraite des carabiniers, la
demission du delegue general d'Adhemar, etc. On
ne craignait pas d'alleguer que toute autorite avait
disparu, alors qu'on venait de refuser l'entree au
colonel Bellando et a ses carabiniers; on signalait
enfin l'absence du prince lui-meme; on le represen-
tait comme fugitif ; on abusait ainsi d'une miserable
equivoque : Florestan avait fait, le ier mars, une
course de quelques heures a Nice.
Le prince hereditaire nomme administrateur
general de la Prineipaute (mars 1848). — Malgre
cette situation, le prince Florestan et sa famille se
fiaientencorealapossibilitederevenir su rune rupture
qu'on ne pouvait se resigner a croire definitive. II y
avait a Menton assez d'elements fideles pour qu'on
put esperer un de ces revirements dont les derniers
mois avaient fourni plusieurs exemples. On compta
sur la popularite du prince hereditaire; une ordon-
nance du 10 mars l'investit des fonctions d'adminis-
trateur general de la prineipaute ; le prince Flores-
tan remettait a son fils de pleins pouvoirs, aussi
bien pour la mise en pratique de la constitution
- 448 -
nouvelle que pour rechercher les moyens d'entente
avec les revokes de Menton.
Le prince Charles se mit aussitot a Toeuvre ;
l'application a Monaco des reformes concedees
depuis le mois de decembre dernier, la creation de
la garde nationale, les mesures qui assuraient le
fonctionnement de la constitution ne devaient pas
laisser de dome sur les intentions du nouvel admi-
nistrateur.
Du cote de Menton, le prince prit aussitot Tinitia-
tive d'une demarche de conciliation. Dans la matinee
du 20 mars il se rendit a Garnoles : une lettre
adressee a M. Trencainvitait celui-ciaune entrevue;
cette invitation fut declinee. Le prince attendit en
vain quelque manifestation favorable ; les bandes
armees, maitresses de Menton, avaient commence le
regime d'intimidaiion qui, dans les periodes revolu-
tionnaires, a si facilement raison des moderes.
Echec des tentatives de conciliation ; Men-
ton et Roquebrune constitutes en villes libres
(mars 1848). — Neanmoins M.Trenca et ses amis
sentirent la necessite de couper court au plus tot a
toute tentative nouvelle de conciliation et de dormer
a la rupture avec les Grimaldi un caractere definitif.
II fallait payer d'audace et brusquer les evenements.
Ce n'etait pas cependant qu'il n'y eut a craindre
quelques resistances ; dans le conseil de gouverne-
— 449 —
ment lui-meme plusieurs personnes n'entendaient
pas suivre jusqu'a cette extremite les meneurs dont
ils subissaient l'entrainement.
On se resolut a exercer une pression sur l'as-
semblee; on organisa une manifestation soi-disant
populaire. Le 20 mars, le jour meme ou le prince
hereditaire s'etait transporte a Carnoles, les memes
individus qui avaient ete les fauteurs habituels des
emeutes depuis trois mois, furent apostes autour de la
maison commune oil le conseil etait rassemble ; ils
reclamaienta grands cris la decheance des Grimaldi.
La comedie preparee suivit son cours ; M. Trenca et
ses amis feignirent de ceder aux exigences de la popu-
lation ; un colloque s'etablit entre les gens ameutes
sur la place et les chefs du conseil. On parlementait
au balcon ; M. Trenca portait a Tassemblee les
injonctions de la foule, il rapportait a celle-ci les
resolutions prises dans de pareilles conditions. Des
observations et des protestations courageuses se
produisirent pourtant de la part de quelques mem-
bres au cours de cette deliberation tumultueuse;
mais tout etait d'avance prepare et un decret du
conseil provisoire de gouvernement, proclama la
decheance de Grimaldi et Terection de Menton et de
son satellite Roquebrune en « villes libres » sous la
protection du roi de Sardaigne.
29
— -po —
Role de la Sardaigne; elle prend les villes
insurgees sous sa protection. Le general Gonnet
(mars-avril 1848). — Les nouveaux maitres de Men-
ton notifierent immediatement les resolutions votees
dans la journee du 20 mars a la Sardaigne et au gou-
vernement provisoire de Paris. La reponse de Turin
ne se fit pas longtemps attendre ; le 3 1 mars, le
comte Balbo, ministre des affaires etrangeres, avisait
le conseil des nouvelles villes libres que le roi de
Sardaigne « continuerait a proteger Menton »; c'etait
la un singulier abus de termes qui avaient, dans les
rapports entre la Principaute et Tetat protecteur, un
sens net et determine tout different.
En consequence, Tordre fut donne au general
Gonnet de reoccuper Menton avec ses troupes, et,
le 3 avril, on put voir cet officier faire solennelle-
ment son entree dans la ville revoltee contre le sou-
verain dont il etait le subordonne d'apres les traites,
et assister en grande pompe au Te Deum chante en
actions de graces pour « l'heureuse delivrance » des
villes libres. Malgre le scandale d'une telle mani-
festation, le general resta toujours maintenu dans son
poste de lieutenant des amies a Monaco ; la chancel-
lerie de Turin se considerait comrae tenue a sipeu
d'egards envers le souverain legitime, qu'ellelaissale
meme homme cumuler deux f onctions militaires aussi
completement incompatibles.
De ce jour date la responsabilite formelle et defi-
— 45i —
nitive de la Sardaigne; die violait publiquement et
sans excuse les traites qui la liaient vis-a-vis de
TEurope aussi bien que vis-a-vis de la Principaute,
sans qu'il y eut dans ses engagements internationaux
rien qui lui permit de modifier la nature du pro-
tectorat, encore moins de le diviser. Des lors, die
se trouva virtuellement dechue des droits qu'elle
tenait des traites de 1 8 1 5 par le fait de Tabus de pou-
voir qu'elle avait commis au detriment de son pro-
tege, par son ingerance dans les affaires interieures
de la Principaute, au mepris de Tarticle 6 du traite
de Stupiniggi, enfin par Taide apporte a la rebellion
et a la secession d'une partie du territoire a Tintegrite
duquel TEurope Tavait preposee.
Constitution des villes libres ; decheance et
b annissement des princes (avril-mai 1848). —
Les chefs du gouvernement provisoire se haterent de
pourvoir a Torganisation politique des deux villes.
Une assemblee, elue d'apres une loi dectorale pro-
mulguee le 4 avril, elabora la constitution qui fut
votee le 3o avril suivant; d'apres ses termes, la sou-
verainete residait dans la chambre ou grand conseil,
et le pouvoir executif etait exerce par cinq membres
sous la direction de M. Trenca, qui prit le titre de
« president du gouvernement ».
Ces mesures ne suffirent pas, au gre des nouveaux
gouvernants, pour assurer leur securite contre une
— 4:)2 —
reaction dynastique qu'ils feignaient de craindre
afin de tenir en haleine le zele de leurs partisans. On
fit courir des bruits alarmants sur les projets hostiles
de la cour de Monaco ; le but qu'on cherchait c'etait
de legitimer, vis-a-vis de l'opinion, le decret de ban-
nissement a perpetuite du prince et de la famille
Grimaldi, qui fut promulgue le 28 mai.
Ce decret provoqua chez beaucoup de mentonnais
des sentiments tres differents de ceux que ses auteurs
avaient espere. Malgre les tracasseries policieres et
Tintimidation deployees sous toutes les formes,
une adresse avait ete redigee et envoyee au prince;
elle protestait contre les faits accomplis et les vio-
lences dont les loyaux serviteurs des Grimaldi etaient
chaque jour victimes.
L'envoi de cette adresse irrita profondement les
chefs du gouvernement; ils redoublerent de recri-
minations contre les projets qui se tramaient a
Monaco: on parlait d'une surprise armee ; c'etait
absolument invraisemblable, mais on entretenait
ainsi l'irritation populaire. Le prince Florestan crut
devoir protester en publiant une proclamation concue
dans les termes les plus conciliants oil il s'elevait
contre toutepensee derecoursa la force: ilnevoulait,
disait-il, devoir le retour de ses sujets egares qu'a
eux-memes et a leur raison. On mit tout en ceuvre
pour empecher la divulgation de cette proclamation,
qui fut, des son arrivee a Menton, saisie a la poste.
- 453 -
Vote pour l'annexion a la Sardaigne (juin
i 848). — Cet incident decida les partisans de la Sar-
daigne a provoquer la signature d'une adresse deman-
dant la reunion definitive de Menton et Roquebrune
au Royaume de la Haute-Italie, sous la dynastie de
Savoie. C'etait le moment oil la peninsule entiere
etait en feu et soulevee, des Alpes a la Sicile, par
un mouvement d'emancipation irresistible. Les pro-
moteurs se chargerent de recueillir eux-memes les
suffrages. II n'est pas necessaire d'insister sur la
facon dont les adhesions etaient obtenues et sur la
pression dont les electeurs etaient l'objet.
On reunit ainsi, sur environ douze cents menton-
nais en etat de voter, cinq cent soixante-huit repon-
ses favorables. Pas une seule voix ne fut comptee en
sens contraire. Pour arriver a un pareil resultat les
meneurs n'avaient recule devant aucun moyen d'in-
timidation. On avait meme incarcere quelques indi-
vidus qui avaient fait mine de manifester en sens
contraire par leurs votes.
Neanmoins,l'administrationdes villes libresneput
empecher une protestation formelle de se produire.
Malgre le danger qu1il y avait pour les adherents a
prendre part a cette manifestation, 370 signatures
furent apposees sur un document que les partisans
des Grimaldi, les « Principistes » comme on les desi-
gnait, se transmettaient en secret. II fallut, pour faire
parvenir l'adresse a Monaco et depister la surveil-
— 454 —
lance des adversaires, tout le devouement de quel-
ques sujets fideles.
Nous insistons sur la valeur de cette manifestation
d'autant plus touchante qu'elle fut Foeuvre de gens du
peuple et que les representants des families de Taris-
tocratie et de la haute classe restees devouees, trop
surveilles pour y prendre part, ne figurent pas sur
ces listes pieusement conservees dans les archives
des Grimaldi.
Observations du gouvernement francais;
ajournement de l'annexion (juillet-octobre 1848).
— La votation des 22-26 juin devint la base sur
laquelle le ministere sarde s'appuya pour dresser un
projet de loi ordonnant Tannexion des deux villes.
Une deputation conduite par M. Trenca etait venue
sollicker cette mesure. La Sardaigne etait encouragee
par les evenements d'ltalie dont Charles-Albert assu-
mait la direction; elle ne redoutait plus de ce cote
Topposition de TAutriche qui reculait partout devant
Feffort du patriotisme italien. Elle croyait pouvoir
egalement compter au moins sur Tabstention de la
France. L'accueil favorable fait par M. de Lamar-
tine, au nom du gouvernement provisoire, a la
demande des Mentonnais pour l'admission de leur
nouveau pavilion dans les ports francais , avait
fait esperer que, de ce cote, on trouverait une
approbation entiere des actes de la revolution men-
— 4:>:' —
tonnaise. Mais le ministere du general Cavaignac,
quelque peu favorable qu'il fut a la maison prin-
ciere, s'opposa formellement a la violation des traites.
Le ministre de France a Turin recut l'ordre de faire
des representations tres nettes eontre toute annexion
au rovaume d'une partie quelconque du territoire de
la Principaute.
M. Trenca, dans le vovage qu'il fit quelque temps
apres a Paris, ne put, malgre les influences qu1il mit
en oeuvre, obtenir une modification a cette attitude
de la diplomatic francaise.
II fallut se resigner a un moyen terme et rester
dans le provisoire. Un decret royal du 18 septem-
bre edicta que les villes de Menton et de Roque-
brune « seraient occupees par le gouvernement
sarde pour etre provisoirement tenues et gouvernees
suivant les lois qui v sont en vigueur ».
En consequence un commissaire royal fut envoye
a Menton et ce fonctionnaire fit ce que le gouverne-
ment mentonnais n'avait pas osc executer encore :
on avait mis les biens particuliers du prince sous
sequestre et appose les scelles au palais de Carnoles ;
l'agent piemontais fit briser les scelles et violer cette
propriete privee ou il s'installa.
Attitude de Monaco ; fidelite et protestation
de la population (octobre-novembre 1848). — Les
mauvais procedes auxquels les autorites militaires
— 456 —
sardes se livraient a l'egard du prince, ne se bor-
naient pas a Menton seulement. A Monaco, sous
Tinfluence du general Gonnet, on tentait chaque
jour quelque entreprise qui preludat a la main-
mise sur la principaute entiere . Le general fit
elever sur les murailles de la forteresse le drapeau
royal de Sardaigne ; cette nouvelle violation de Tin-
dependance des etats des Grimaldi persista malgre
toutes les protestations du prince. On esperait par
ces manoeuvres provoquer quelque coup militaire,
et faire sabir a la famille princiere, dans sa capitale,
un sort semblable a celui qui avait frappe son pou-
voir a Menton.
En attendant, toutes relations avaient ete inter-
cepted entre les villes revoltees et Monaco. Un
instant les liberaux mentonnais avaient meme eu
Tillusion de croire qu'ils arriveraient a entrainer
leurs voisins dans la revoke et que les monegasques
se laisseraient seduire, eux aussi, par la perspective
des avantages de l'annexion a la Sardaigne; mais ils
hasarderent a peine dans ce sens une tentative, a
laquelle, du reste, le general Gonnet, connaissant
bien les sentiments de la population monegasque,
ne dut certainement pas encourager ses amis des
villes separees.
Monaco se souvenait de ce que la Principaute
avait eu a souffrir depuis des siecles du voisin
dont le jeu de la diplomatie avait fait le protecteur. On
— 457 —
avait ete perpetuellementen lutte avec Nice et avec la
Turbie et cette lutte avait resserre les liens qui unis-
saient la cite a la famille souveraine. Loin de preter
Toreille a quelque combinaison revolutionnaire, les
habitants de la vieille forteresse des Grimaldi saisis-
saient toutes les occasions pour marquer leur anti-
pathie contre les agents de la secession, et la garnison
sarde affectait de se plaindre de manifestations inte-
rieures qui l'obligeaient a rester continuellement sur
le qui-vive.
Le decret du 18 septembre, Tannonce de la pro-
chaine annexion des deux villes simplement ajournee
furent pour Monaco Toccasion d'une manifestation
dont le caractere unanime et Tesprit politique n'ont
pas ete mis assez en relief.
Lorsqu'on connut les demarches que M. Trenca
et ses amis tentaient aupres des chancelleries, lors-
qu'on sut les accusations et les griefs qu'ils allaient
articuler a Paris, les principaux monegasques prirent
l'initiative d'une petition adressee au gouvernement
francais.
La Sardaigne, disait ce document, en abusant de
sa situation pour entrainer la rebellion d'une partie
de la Principaute, etait,par ce fait, dechue de tous les
droits qu'eile tenait des traites. En consequence, les
monegasques, rappelant Theureux etat dans lequel
ils avaient vecu sous la protection des rois de France,
demandaient au gouvernement francais de prendre
— 458 —
toutes les mesures necessaires pour leur permettre
de revenir sous le protectorat de la puissance qui
avait assure pendant un siecle et demi la securite et
la prosperite de leur pays. Cette adresse, redigee par
devant notaire, recut les signatures de Tunanimite
des monegasques; plusieurs d'entre eux, absents du
pays, envoyerent leur adhesion notariee.
Une souscription fut en meme temps organisee,
pour laquelle tous se cotiserent jusqu'aux sommes
les plus infimes afin de pourvoir aux frais de vovage
de deux emissaires charges d'aller soutenir les voeux
de leurs concitovens.
Quoiqu'on ait ensuite renonce a faire cette
demarche, il n'est pas impossible que cette demons-
tration, connue a Paris, ait eu quelqu'influence sur
Techec subi aupres du gouvernement francais par
M. Trenca.
Le projet de loi d' annexion presente aux
Chambres piemontaises (fevrier 1849). — Le
projet d'annexion, ajourne par Tintervention de la
France, etait loin d'etre abandonne ; a Turin, les
actives et incessantes sollicitations de M. Trenca
etaient ecoutees avec une faveur toujours plus
marquee.
Au mois de fevrier 1849, ^e gouvernement sarde
se crut en etat de reprendre TarTaire ; le 12 fevrier, le
projet de loi, prepare depuis le mois de juillet pre-
— 4^9 —
cedent, fut presente aux Chambres : le ministere,
fondait encore sa proposition « sur le vote popu-
laire unanime des 22-26 juin 1848. »
Desastre de Novare. Le retablissement de
prince a Menton, inscrit dans le projet du
traite de paix (avril-juin 1849). — Cette nouvelle
tentative fut cette fois interrompue par une catas-
trophe qui mit en peril le royaume de Sardaigne et
la dvnastie de Savoie et qui recula de dix annees les
esperances d'emancipation des Italiens. L'armee pie-
montaise, retrogradant devant Radetsky, etait ecra-
see a Novare ; Charles-Albert etait oblige d'abdiquer
et un traite de paix, que le jeune roi, son successeur,
dut se considerer comme heureux de ne pas trouver
plus dur, fut impose a la Sardaigne.
La victoire des Autrichiens avait pour resultat la
restauration de tous les princes italiens que le mou-
vement revolutionnaire avait chasses depuis Tannee
precedente. Depossede sinon pour les memes causes,
du moins dans le meme temps d'une partie de ses
etats, le prince Florestan pensa que le moment etait
bon a saisir pour obtenir le retablissement de son
pouvoir sur les deux villes revoltees avec la conni-
vence de la Sardaigne. Le prince hereditaire se
rendit a Milan et obtint de faire inserer dans
Tarticle 9 du projet du traite de paix presente par
M. de Bruck, la stipulation de Tevacuation de
— 4b0 —
Menton et de Roquebrune par les troupes sardes,
en meme temps que rengagement par le roi Victor-
Emmanuel II de faire retirer le drapeau sarde
arbore depuis quelque temps sur les remparts de
Monaco.
La chancellerie de Turin profita habilement des
retards apportes par Intervention des puissances a
la conclusion de la paix ; elle discuta avec succes le
droit que s'arrogeait l'Autriche de traiter au nom des
princes depossedes ; elle obtint enfin, sur la pro-
messe de retirer ses troupes, que l'article concer-
nant la principaute de Monaco, ne fut pas insere.
Le prince hereditaire, a son passage a Turin enten-
dit repeter ces promesses par le nouveau roi lui-
meme dans les termes les plus formels.
Reprise du projet de loi d' annexion, qui est
vote par la Chambre des deputes (octobre-
novembre 1849). — Toutes ces affirmations n'abou-
tirent qu1a un changement de tactique. En presence
de la reaction qui s'accentuait partout contre le cou-
rant d'emancipation populaire vaincu a Novare, on
comprit qu'il n'etait pas prudent de continuer a
s'appuyer sur ces principes dans TarFaire de Menton,
et dans la seance du 27 octobre 1849, le ministere
sarde reconnut que a la foi due aux traites ne per-
mettait pas de prendre pour base de Tannexion le
vote de juin 1848 ». •
— 461 —
On avait trouve un autre terrain pour fonder les
pretentions de la maison de Savoie sur les deux
villes.
Deja une premiere fois,dans sa reponse a Tadresse
des Mentonnais, au mois de fevrier 1848, le roi
Charles-Albert avait fait allusion aux devoirs qui
lui incombaient, vis-a-vis de Menton et de Roque-
brune, en sa qualite de suzerain. Cette facon d'envisa-
ger sous sa forme feodale les droits de la Sardaigne
sur les deux villes autrefois infeodees par Jean Ier
Grimaldi au due Louis Ier, avait ete completement
negligee dans la premiere phase des relations de
la chancellerie sarde avec le gouvernement revolu-
tionnaire de Menton. On y revint au mois d'octobre
1849: ce n'etait plus une usurpation sur le terri-
toire d'un prince voisin qu'on proposait aux cham-
bres piemontaises de sanctionner, e'etait le retour
au seigneur dominant, et en vertu des regies du droit
feodal, de fiefs repris sur un vassal en etat de com-
mise. Cette theorie, habilement exposee par le
ministere reussit a la Chambre des deputes: le
10 novembre 1849, la loi qui declarait Menton et
Roquebrune partie integrante du royaume fut votee.
L'annexion refusee par le Senat piemontais
(1849). — ^e gouvernement de Victor -Emma-
nuel n'eut pas un succes semblable au Senat du
rovaume et cette resurrection des procedures du droit
— 462 —
feodal en plein dix-neuvieme siecle ne put y reunir
une majorite. De vives protestations furent meme
portees a la tribune contre les procedes de la chan-
cellerie. Les membres de la chambre haute, les plus
inities aux affaires de Monaco depuis i8i5, ceux
memes qui envisageaient comme utile aux interets du
royaume l'acquisition de la Principaute, ne consenti-
rent pas a sanctionner une violation des traites dissi-
mulee sous des sophismes, alors qu'ils eussent favo-
rablement accueilli cette acquisition comme le resul-
tat des negociations amiables. La loi presentee fut
repoussee.
Organisation administrative des vilies libres
decreteeparlaSardaigne (i 849-1850). — II fallut
se resigner a rester a Tetat de « Vilies Libres » ; mais,
en fait etpar des moyens detournes,legouvernement
piemontais se passa de la sanction legislative.il realisa
par voie administrative, ce qu'il ne pouvait operer
par une loi. Des le premier mai 1849, au lendemain
meme des assurances que le prince hereditaire avait
recues a Turin, un decret avait reuni les deux com-
munes de Menton et Roquebrune a Tintendance de
Nice. Toutes les lois du royaume y furent appli-
quees, sauf la loi electorale, et un syndic nomme
par le roi y fut installe. Cette maniere indirecte
d'arriver au but poursuivi fut le resultat de de-
marches incessantes dans lesquelles M. Trenca
— 463 —
deploya une tenacite et une habilete incontestables.
Lorsqu'il mourut, le 20 juin 1 853, il put voir le succes
assure a la politique dont il avait ete l'infatigable
agent.
Tentatives de conciliation avec la Sardaigne
patronnees par la France ( 1 852-53). — Cependant
le prince Florestan, seconde avec une energie et une
Constance admirables par les conseils de la princesse
Caroline et ceux de son fils, le prince hereditaire,
ne cessait de porter devant les chancelleries de l'Eu-
rope ses protestations et ses revendications. En i852
le voyage du prince Louis-Napoleon, comme presi-
dent de la Republique, dans le midi de la France,
avait ete marque par une demarche qu'une delegation
de mentonnais, avait faite a Toulon. L'accueil du
prince-president avait ete courtois. II s'en suivit des
insinuations discretes faites par le cabinet des Tuile-
ries : on fit comprendre au gouvernement piemon-
tais que s'il proposait au prince une indemnite con-
venable, la France ne mettrait plus d'obstacle a
l'union definitive des deux villes a la couronne de
Sardaigne.
Le prince Florestan fut invite a consentir a des
pourparlers, dont le ministre des affaires etrangeres
de France, M. Drouyn de Lhuys, se fit l'interme-
diaire. Malgre son extreme repugnance a traiter ainsi
avec la chancellerie sarde, le prince Florestan ne
declina pas cette invitation; mais les negociations
— 464 —
trainerent en longueur et finirent par etre abandon-
ees sans avoir amene aucun resultat.
Etat des esprits a Menton; projets de mani-
festation (1854). — Pendant ces annees, l'adminis-
tration sarde avait continue a traiter les deux vilies
libres au raerae titre que les autres vilies du royaume.
Le grave incident qui marqua le printemps de 1854
demontra a quel point les agents sardes avaient entie-
rement confondu, surce territoire soi-disant protege,
leurs pouvoirs et leurs droits.
Depuis longtemps un groupe considerable de
mentonnais fideles, bien au courant des regrets
qu'une bonne partie de la population professait a
Tegard de ses anciens souverains, faisait parvenir a
la cour de Monaco des encouragements pour une
tentative dont ils auguraient une issue favorable.
L'entreprise, en presence des troupes piemontaises
occupant la ville, etait delicate, mais non pas au-
dessus de Tenergie et de la resolution du prince here-
ditaire. Une circonstance favorable se presenta a la
fin de 1 853. Des inquietudes, nees de Tattitude de
TAutriche au moment de la question d'Orient, avaient
decide le roi Victor-Emmanuel a renforcer l'effectif
de Tarmee piemontaise sur la frontiere de Lombar-
die. Pendant plusieurs semaines, Menton, comme
Nice du reste, se trouva prive de garnison et meme
de carabiniers. Les partisans du prince demontrerent
— 4-65 —
combien il leur paraissait opportun de profiter de
•cette circonstance inesperee pour tenter une restau-
ration. Le prince Charles avait accueilli avec faveur
des ouvertures qui lui fournissaient Toccasion de
payer de sa personne ; malheureusement, de nom-
breuses considerations rirent hesiter le prince Flo-
restan et la princesse Caroline a donner leur consen-
tement, et, dans l'intervalle, le retour des troupes
sardes enleva les chances les plus favorables a l'en-
treprise. Le prince Charles resolut neanmoins de
repondre au devouement des amis rideles de sa
famille et de tenter Taventure, dans des conditions
certainement moins bonnes qu'elles eussent ete
quelques semaines auparavant. Le plan concu pour
['execution du coup de main se ressentit du reste des
indecisions qui avaient traverse la volonte du prince,
et Tincertitude qui regna jusqu'au bout etait un
mauvais element de reussite. Depuis longtemps le
prince avait projete un voyage a Genes et a Rome :
il fut entendu que si, a son passage a Menton, il
trouvait un groupe assez considerable de partisans
prets a Taccueillir, il se mettrait a leur tete et s'enga-
gerait avec eux ; dans le cas contraire, il continuerait
sa route.
Le prince hereditaire a Menton (6 avril 1854).
— Le 6 avril 1 85q, a six heures du matin, une chaise
de poste s'arretait pour relayer a Menton ; le prince
3o
— 466 —
Charles l'occupait, aocompagne* de son aide de camp,
le lieutenant Bellando et du docteur Chevalet, son
medecin; aussitdt reconnu,il futentoure d'un groupe
assez nombreux de personnes qui racclamerent. 11
mit pied a terre, et se dirigea, au milieu d'une foule
toujours grossissante, vers Thotel de ville.
La devait s'arreter le succes de l'entreprise. Une
troupe de carabiniers se presenta brusquement, et,
fondant sur les manifestants, les dispersa, tandis que
le prince lui-meme etait apprehende au corps. Les
partisans de la Sardaigne revenaient en meme temps
de la stupeur que leur avait cause ce coup d'audace.
Bientot debouchaient sur la place de Thotel de ville
des gens armes qui se precipiterent sur le prince et
ses amis. Ce fut au milieu de ces furieux, dont quel-
ques hommes devoues, notamment MM. Charles de
Monleon et Imberty, eurent beaucoup de peine a
parer les coups, que le prince Charles fut conduit
a la caserne des carabiniers oil il resta prisonnier.
Le prince Charles, prisonnier des autorites
sardes, est remis en liberte par Tintervention
de la France (4-7 avril i85q). — L'intendant-general
de la province de Nice etait accouru a Menton a la
premiere nouvelle des evenements. II confirma Tar-
restation du prince, et apres lui avoir fait traverser
a pied un assez long espace, expose aux outrages
d'une populace exasperee, il le fit transporter d'abord
- 467 -
a Nice, puis au fort de Villefranche ou le lieutenant
Bellando et le docteur Chevaletpartagerentsa capti-
vite. Pendant ee temps, une cinquantaine de per-
sonnes etaient arretces et transferees de Menton
dans les prisons de Nice.
L'intendant-general ne se contenta pas de cette
etrange intervention et de ces sequestrations hors du
territoire des villes libres de personnes sur lesquelles
le gouvernement piemontais n'avait aucune juridic-
tion; il decerna publiquement des eloges aux gens
qui, sous ses veux. s'etaient livrcs a des violences sur
le prince et ses amis: il felicita egalement par une
proclamation les troupes de Menton de la nfermete
et de la generosite » qu'elles avaient montrees.
Des procedes aussietranges souleverent en Europe
une reprobation generale. A la premiere nouvelle des
evenements, Tempereur Napoleon III ne se borna
pas a exiger la mise en liberte immediate du prince,
retenu en violation des plus simples regies du droit
des gens, il obligea le gouvernement sarde a rela-
cher les personnes detenues pour leur participation
a 1'evenement de Menton et que Tadministration
piemontaise emettait Tinsoutenable pretention de
poursuivre criminellement devant ses propres tri-
bunaux pour le soi-disant crime commis contre la
surete d'un gouvernement qui lui etait etranger.
MM. Imberty, Charles de Monleon et les autres
personnes incarcerees durent etre remis en liberte.
— 468 —
Nouvelles tentatives d'arrangement par la
mediation de la France et de l'Angleterre (1854
1 85 5). — On put penser un moment que cette
scandaleuse affaire aurait des suites favorables a la
cause du droit et de la justice. A la suite de Tattentat
dont lneritier de Monaco avait ete victime, le
prince Florestan avait adresse a toutes les chancel-
leries europeennes ses doleances et ses protesta-
tions ; les reponses temoignerent de la sympathie
des puissances; ce n'etait plus seulement lAutriche
qui faisait connaitre son interet, Tempereur de
Russie lui-meme, quoique aux prises avec les diffi-
cultes de la guerre d'Orient, fit parvenir Texpression
de ses sympathies, de meme que le roi de Prusse
et le ministere anglais. De son cote Tempereur
Napoleon III, mis au courant de la situation par
le prince Charles, etait convaincu qu'il fallait
arriver a regulariser une situation aussi anormale.
A ce moment, Thabilete diplomatique de M. de
Cavour avait araene la Sardaigne a participer a la
guerre d'Orient. LAngleterre se joignit a la France
pour amener leur nouvel allie, Victor-Emmanuel, a
accepter un reglement. Malgre son peu d'empresse-
ment, la chancellerie de Turin consentit a se preter
a des pourparlers qu'elle parvint du reste a laisser
sans solution; l'affaire fut oubliee au milieu des
preoccupations de la guerre de Crimee.
— 469 —
La question de Menton au congres de Paris
(avril 1 856). — Le congres de Paris, qui mit fin a
cette grande lutte, vi't pour la premiere fois, depuis
les evenements de 1848, la question de Menton
soumise a l'examen de la diplomatic europeenne.
Dans la seance du 8 avril iS56, M. de Cavour avait
proteste contre Toccupation d'une partie des Etats
Romains par TAutriche, qu'il avait montree pretant
la main a des persecutions politiques dans ces pro-
vinces.
« 11 n'y a pas que les Etats Romains en Italie qui
« soient occupes par les troupes etrangeres, repondit
« M. de Hubner ; les communes de Menton et de
« Roquebrune, faisant partie de la principaute de
« Monaco, sont depuis huit ans occupees par la
« Sardaigne; la seule difference qu'il y a entre les
« deux occupations, e'est que les Autrichiens et les
« Francais ont ete appeles par les souverains du pays,
« tandis que les troupes sardes ont penetre sur le
« territoire du prince de Monaco contrairement a ses
« voeux et s'y maintiennent malgre ses reclama-
« tions ».
Le plenipotentiaire sarde declara que son gouver-
nement etait pret a retirer ses troupes du territoire
des villes separees si le prince etait en etat d'y rentrer
sans s'exposer aux plus graves dangers. Ce n'etait
plusl'attitude prise lorsde la manifestation du prince
Charles a Menton; force etait, devant TEurope, de
reconnaitre les droits des Grimaldi.
— 47° —
L'insertion de cet incident aux protocoles du
congres n'etait qu'une satisfaction platonique; mais
elle presageait plus d'un embarras dans Tavenir pour
le cabinet de Turin.
Mort du prince Florestan I"r (i 856). — Le
prince Florestan ne survecut que quelques mois aux
negociations du traite de Paris; il mourut a Paris le
26 juin 1 856, a Tage de soixante et onze ans.
La relation des douloureux evenements qui mar-
querent le regne de Florestan Ier Font montre comme
un prince rempli de bonnes intentions, accessible aux
idees nouvelles, preoccupe de les appliquer dans son
etat. Les soucis de la lutte contre ses sujets revoltes
ne le detournerent pas de son application a etablir des
reglements utiles dans la partie reduite de la souve-
rainete qu'il avait conservee. On a vu a quel point il
s'interessait a Tinstruction ; il ne cessa jusqu'a la tin
d'accorder a cette branche de son administration ses
soins les plus attentifs et c'est la, pour ainsi dire, ce
qui est reste la dominante de son regne.
4?i
CHAPITRE XXIII
CHARLES III
I 856- I 889)
Dispositions et tendances du Prince Char-
les III an debut de son regne (1 856). — Le prince
Charles III avait trente-sept ans lorsqu'il succeda a
son pere le prince Florestan. Son education, serieu-
sement dirigee par sa mere, la princesse Caroline, sa
participation de tres bonne heure a la pratique du
gouvernement, les relations suivies qu'il cultiva dans
de hauts milieux politiques de TEurope, enrln et
surtout, le role actif qu'il avait ete appele a jouer
dans les huit dernieres annees du regne de son
pere, avaient muri son esprit et developpe en lui une
singuliere aptitude aux affaires publiques aussi bien
qu'une habilete remarquable dans la conduite des
questions diplomatiques.
Lors des evenements si graves auxquels il avait
du prendre part, il avait ete surtout frappe de
la situation inferiorisee a laquelle ses predecesseurs
s'etaient laisse acculer depuis 181 5 ; d'autre part il
— 472 —
avait constate sans peine, que tous les embarras subis
par sa famille depuis 1847, tousles dangers qu'elle
avait courus, procedaient de la faiblesse et de la
negligence inexplicables dont avait fait preuve le
prince Honore V dans la defense de ses droits souve-
rains, abandonnes a la merci des entreprises et des
usurpations de la Sardaigne. Plus tard, la modestie
des habitudes et la timidite naturelle du prince Flo-
restan avaient perpetue une situation que, du reste,
les graves difficultes^et les terribles epreuves de ce
dernier regne avaient aggravee.
Des le debut, Charles III tendit a retablir dans
toute leur etendue, et en premiere ligne vis-a-vis du
gouvernement sarde, ses prerogatives et le caractere
souverain de son pouvoir.
Les consequences de cette attitude ne tarderent pas
a se faire jour ; les tracasseries du gouvernement
piemontais dans Toccupation militaire de la Princi-
paute firent bientot place a desprocedes plus corrects.
Le prince tint la main a ce que, dans la place de
Monaco, Tingerence sarde fut ramenee a la stricte
pratique des stipulations du protectorat.
Le retablissement de la Principaute dans son rang
et celui du prince dans l'exercice de tous les attributs
de la souverainete furent la pensee dominante du
regne de Charles III. II avait recu l'etatde ses ancetres
reduit a sa plus faible extension, a ce qu'etait en 1346
le domaine de Charles Grimaldi avant Tacquisition de
* 6\
■\
CH . DAVID "'
Charles III, Prince de Monaco
Xe a Paris le 8 ilecembre 1818
Mori au chateau de Marchais le 10 septembre 1889
— 474 —
Menton ; iltenditparses efforts etilreussit a luirendre
dans le monde une situation et une consideration
superieures a celles dont elle avait joui aux epoques
les plus brillantes de son histoire, sous les regnes
d'Honore II et d'Antoine Ier.
Creation de l'Ordre de Saint-Charles (i858).
— II resolut de creer un signe tangible de raffirma-
tion de ses prerogatives souveraines : Tordrede Saint-
Charles, institue par ordonnance du i5 mars 1 858,
fut la manifestation la plus remarquee de cette pen-
see, et l'accueil fait des Torigine par les souverains
et les plus hauts personnages politiques a ce nouvel
ordre de chevalerie, qui fut toujours parcimonieu-
sement et judicieusement confere, prouva la justesse
de l'idee qui avait preside a sa creation.
Traite d'extradition avec TEspagne (1859).
■ — Poursuivant la nouvelle attitude qu'il entendait
prendre, le prince voulut user de son droit de rela-
tions directes avec les puissances etrangeres, et la
conclusion d'un traite d'extradition des malfaiteurs
avec TEspagne, signe le 16 juin 1809, fut le premier
des actes diplomatiques qui allaient relier successi-
vement, au point de vue de la repression penale, la
Principaute de Monaco a presque tous les etats civi-
lises du monde.
On verra plus loin comment, dans la modification
— 475 —
et dans I'amelioration des institutions interieures, la
meme pensee dicta les mesures dont le souverain prit
I'initiative et qu'il sut accomplir avec une singuliere
perseverance.
Reprise des negociations relatives a Menton
et a Roquebrune (1857). — La revendication des
droits sur Menton et Roquebrune etait Tobjet inces-
sant de ses preoccupations. Les relations particulie-
rement sympathiques du nouveau prince avec Tempe-
reur Napoleon Illavaient beaucoup contribuea ren-
dre plus corrects les procedes de la Sardaigne a son
egard. Au commencement de l'annee iSSy, la situa-
tion fausse dans laquelle les villes separees conti-
nuaient a subsister devenait de plus en plus appa-
rente; il resultait pour elles de cet etat anormal
des embarras et des difficultes nuisibles a leur pros-
perity : des troubles assez frequents en etaient la
consequence.
La tentative, par deux fois faite sans succes, d'une
conciliation, fut de nouveau reprise; Napoleon III,
que cette question preoccupait, insista encore pour
amener par ses bons offices les deux parties a une
entente. Malgre ses repugnances, Charles III con-
sentit a articuler les conditions auxquelles il ferait
abandon de ses droits.
Avant tout, il demandait le retrait de la garnison
et la disparhion en fait, com me il n'existait plus en
— 476 —
droit, du protectorat sur Monaco. Jusqu'a la consti-
tution d'une force armee nationale, la securite de la
place resterait assuree par un corps de troupes de-
mande a une puissance etrangere.
II serait attribue une indemnity d'au moins
quatre millions au prince, pour la cession de ses
droits regaliens sur les deux villes.
Entin, il serait fait une rectification des frontieres
du territoire de Monaco, si arbitrairement tracees en
1760. Ces nouvelles limites, partant du cap d'Ail a
l'ouest, eussent suivi Tarete qui monte droit jusqu'a
Tescarpement de la partie superieure de la Tete de
Chien ; longeant ensuite le pied de cet escarpement,
elles eussent pris pour trace au dessous de la Turbie
l'ancienne voie romaine ou la route de la Corniche,
jusqu'a l'anse de Roquebrune.
Cette delimitation semblait d'autant plus ration-
nelle, qu'en fait la presque totalite des proprietes
comprises dans ce perimetre appartenait a des
habitants de Monaco, sujets du prince.
Echec des negociations ( 1 85 7). — Les preten-
tions de la chancellerie sarde etaient bien loin de
correspondre a de semblables ouvertures. La Sar-
daigne considerait le protectorat comme un avantage
exclusif a elle accorde par les traites pour la garantie
de sa securite. La possession de Monaco etait, pre-
tendait-elle, une necessite de defense ; encore moins
— 477 —
eut-elle consent! a une extension de territoire qui
eut augmente la zone echappant ainsi derinitivement
a son action militaire.
II n'v avait pas de base d'entente possible, les
negociations ne purent aboutir.
Guerre d'ltalie, annexion du comte de Nice
a la France 1 859-1860). — Le moment approchait
cependant ou le conflit d'ou sortit la guerre d'ltalie
allait provoquer, dans des conditions toutes ditie-
rentes, la solution de la question mentonnaise.
Pour un spectateur desinteresse de la grande
querelle qui allait se denouer dans les plaines de la
Lombardie, il etait evident que Tissue de cette lutte,
quelle qu'elle fut, provoquerait, par contre-coup, un
changement dans la situation de Menton et de
Roquebrune, soit que la France victorieuse imposat
a son allie le Piemont des conditions pour lui laisser
realiser en Italie les agrandissements qu'il revait,
soit que l'Autriche, defendant avec succes les droits
des souverains de la peninsule contre les efforts
d'emancipation des liberaux italiens, obligeat cette
Ibis la Sardaigne a une restitution au prince de
Monaco qui n'avait pas ete jusqu'au bout exigee
apres Novare.
A Monaco, les sympathies etaient toutes fran-
chises : elles eclaterent lors du passage des troupes
qui recurent du prince et de la populatiou un
- 47§ ~
accueil fait pour demontrer combien les souvenirs de
Tancienne union avec la France etaient toujours
vivaces. Aussi Temotion y fut-elle grande pendant
toute la campagne, alors qu'on recut coup sur coup
la nouvelle des victoires et celle des preliminaires de
paix de Villafranca.
Cette emotion grandit encore lorsqu'au commen-
cement de Tannee i860, le bruit se repandit que le
roi Victor-Emmanuel cedait a Tempire francais la
Savoie et le comte de Nice.
Situation faite a Menton et a Roquebrune
par Tannexion du comte de Nice ;i86o). — Le
traite signe a Turin le 24 mars i860 sanctionna cette
cession; mais il en subordonnait Teffet a Tacquies-
cement des populations formellement consultees :
Tannexion ne serait definitive qu'apres un plebiscite
favorable et en vertu d'une convention posterieure,
qui, en meme temps qu'elle constaterait les resultats
du vote, reglerait dans ses details les delimitations
entre les deux etats.
Quel allait etre, dans ces conjonctures, le sort de
la principaute de Monaco?
II fut de suite evident que, dans les intentions du
cabinet des Tuileries, les deux villes de Menton et
de Roquebrune devraient faire partie de Tannexion;
lors des premieres negociations, la ligne de la Rova
avait ete indiquee comme la limite qui, de la mer au
— 479 —
coldeTende, devaitservir de nouvelle frontiere. Cette
ligne englobait precisement la Principaute tout
entiere. Cependant rEmpereur ne pouvait recon-
naitre a Victor-Em manuelqualite pour retroceder a la
France des territoiressur lesquels le roi n'avait qu'un
droit de protectorat : et sous ce rapport, la situation
de la Sardaigne etait identiquement la meme aux
veux du gouvernement francais, en ce qui concernait
Monaco, que par rapport aux villes separees : d'autre
part, il eut repugne au gouvernement sarde de recon-
naitre, dans les dispositions du traite, les droits du
prince de Monaco sur les villes libres ; c'eut ete le
desaveu de la politique suivie depuis treize annees
dans cette question.
Depart des agents sardes des villes libres ;
evacuation de Monaco. — On resolut en conse-
quence, d'un commun accord, de n'introduire dans
les actes diplomatiques a intervenir pour regler deri-
nitivement la situation de la region anncxee, aucune
stipulation speciale qui visat les territoires sur les-
quels la Sardaigne exercait seulement un protectorat;
Victor-Emmanuel retira ses troupes et ses agents
aussi bien des villes libres que de Monaco, et, ce
qui caracterise d'une facon tres nette que telle fut
la procedure convenue entre les deux puissances,
c'est qu'a Monaco, ce ne fut pas au prince que le
commandant des troupes sardes notifia, le iS juil
„ _ 48o —
let i860, l'evacuation de la place, mais au consul
de France dans cette ville.
La Sardaigne, en se retirant, laissait a la France
le soin de prendre avec le prince Charles III les
arrangements qui lui conviendraient, et sans inter-
venir elle-meme ni pour les villes libres ni pour
Monaco. C'est ce qui fut execute.
Mouvement populaire a Menton ; les villes
libres sont comprises dans le vote d'annexion.
— Des que le traite du 24 mars avait ete connu a
Menton, un mouvement populaire s'etait manifeste.
Dans Tignorance ou Ton etait des intentions des deux
gouvernements, par defaut de toute allusion aux
villes libres dans le traite, les habitants voulurent
affirmer publiquement leur resolution de sortir
de la situation ambigue dans laquelle ils vivaient
depuis treize ans. Deux courants d'opinion se for-
merent : les tins, par une adresse envoyee a TEmpe-
reur le ier avril, demandaient la reunion a la France;
d'autres, par une seconde petition posterieure de
quelques jours, reclamaient le retablissement du
gouvernement des Grimaldi. Le gouverneur provi-
soire du comte de Nice crut pouvoir trancher la
question : continuant a suivre les errements en
usage dans l'administration sarde en ce qui concer
nait les villes separees, il comprit les communes
de Menton et de Roquebrune parmi celles qui
etaient appelees a voter sur Tannexion a la France.
— 48 1 —
Protestation de Charles III. — Cette mesure
etait la negation des droits du prince. Charles III
protesta immediatement ; le vote n'en eut pas moins
lieu ; une cinquantaine de voix seulement refuserent
l'annexion, et, il taut le reconnaitre, les partisans
les plus attaches au prince et a la maison princiere
ne suivirent pas, dans cette circonstance, les conseils
qu'ils recurent de Monaco ; ils virent surtout dans le
vote une manifestation contre le regime piemontais;
ils se fierent a la loyaute du gouvernement francais
pour un reglement qui sauvegardat les droits du
souverain legitime.
Cession a la France par Charles III de ses
droits sur Menton et Roquebrune (2 fevrier 1861)
— Cependant la protestation de Charles III fut
entendue a Paris; on y reconnut sans peine que le
vote de Menton et de Roquebrune, provoque par
une autorite qui n'avait pas caractere pour Tor-
donner, ne pouvait servir de base a une annexion
reguliere de ces territoires. Au prince de Monaco
seul appartenait le droit de ceder une partie inte-
grante de ses etats, quelles que fussent les circons-
tancesquireussentdepossedeenfait.Desnegociations
furent entamees; elles aboutirent le 2 fevrier 1861 a
un traite en vertu duquel, et moyennant une indem-
nite, Charles III cedait a la France ses droits sur
Menton et Roquebrune.
3i
-482 -
De ce jour seulement datent les droits de la France
sur les deux villes.
La negociation avec le prince Charles III termi-
nait les operations preliminaires au reglement de la
nouvelle frontiere entre Tempire francais et les
etats du roi Victor-Emmanuel ; on pouvait des lors
proceder a la conclusion du traite de delimitation
definitive qui fut signe le 9 mars a Turin, et cette
frontiere eut pour trace, depuis la mer dans la direc-
tion des grandes Alpes, Tancienne limite qui avait
borne la principaute de Monaco et le territoire de
Vintimille. La Sardaigne, par le fait de Tacceptation
de cette limite, reconnaissait formellement la cessa-
tion de ses droits de protectorat sur la Principaute,
les seuls qu'elle put ceder sur les territoires qui
devaient desormais confiner a sa frontiere.
Fin du protectorat de la Sardaigne sur Mo-
naco (1861). — Ainsi prit fin le protectorat sarde,
supprime par le simple jeu de la procedure con-
venue entre les cabinets de Paris et de Turin pour
la cession du comte de Nice. Cette procedure rendit
inutile une denonciation explicite qui eut ete sen-
sible a Famour-propre de Victor-Emmanuel.
Ce protectorat, le troisieme sous lequel avait vecu
Monaco, avait ete plus desastreux pour la Princi-
paute que celui des Espagnols lui-meme, puisqu'elle
en sortait mutilee et diminuee des quatre cinquiemes ;
— q83 —
mais , d'autre part, les conditions dans lesquelles
s'opererent sa supression eurent pour resultat de ne
pas provoquer de retrocession des droits de la Sar-
daigne a la France, en sorte qu'avec le depart du der-
nier soldat piemontais disparut le regime par lequel
les princes avaient cherche a assurer, pendant trois
cent trente-six ans, leur securite materielle.
Consequences du traite du 2 fevrier 1861 ;
vues de Charles III sur l'avenir de Monaco.
— Le prince Charles III se garda d'intervenir dans
les negotiations ; il avait tout a gagner a laisser les
questions se resoudre en dehors de lui ; il eut, autre-
ment, etc expose a accepter quelque obligation vis-
a-vis de la France; il echappa a ce peril. II vit ainsi
se consolider rautonomie de son etat, se simplirier
sa situation politique internationale et disparaitre le
dernier vestige d'entrave a son pouvoir souverain.
D'autre part, le traite du 2 fevrier 1 86 1 realisait
^ks principales conditions qu'il avait articulees en
1857 pour Tabandon de ses droits surles villes sepa-
rees. L'une d'elles, cependant, n'y figura pas,et son
omission regrettable est surtout sensible depuis
Textraordinaire developpement qu'a pris Monaco
a la suite de ces evenements. II n'y fut pas question
de rectification des limites avec la commune de la
Turbie, en sorte qu'elles resterent ce que les avait
faites le traite de 1760. Le gouvernement francais,
- 484 -
quelque peu d'importance qu'eut eu pour lui une
semblable cession, ne crut pas pouvoir consentir a
l'abandon de ces parcelles de terres et a Talienation
d'une fraction aussi faible qu'elle fut du territoire de
la commune de la Turbie qui venait de se donner a
la France par un vote unanime.
L'annexion du comte de Nice allait etre le point
de depart d'un accroissement rapide de la prosperite
sur le littoral. Le mouvement qui portait les hautes
classes a venir profiter du climat exceptionnel de
cette region privilegiee, prit, a partir de i860, un
developpement imprevu pour beaucoup d'esprits.
Le prince Charles III fut un des premiers a mesurer
toute l'etendue de cette expansion future; il comprit
dans quelle proportion l'achevement des lignes de
chemin de fer, le long de la cote de Ligurie, allait
en favoriser l'essor. II envisagea de suite la part
principale qu'allait recueillir son etat, grace au site
de Monaco et sa position rapprochee des frontieres
de France et d'ltalie. II fallait assurer a la Princi-
paute les moyens les plus commodes et les plus
simplifies pour les communications internationales ;
le prince tendit vers la realisation de ce but toutes
les forces de son esprit.
Stipulations du traite du 2 fevrier 1861 rela-
tives aux relations de Monaco avec la France.
— La prevision de cette heureuse revolution econo-
— 485 —
mique dans l'etat de la contree avait deja dicte
diverses stipulations du traite du 2 terrier 1861, et
l'etude de ces dispositions introduites par l'initiative
de Charles III, temoigne de la haute clairvoyance de
son jugement. L'article 5 du traite contient l'obliga-
tion pour la France d'entretenir et de rectifier a ses
frais la route entre Monaco et Menton, depuis la
frontiere monegasque jusqira sa jonction avec la
route de la corniche. D'autre part,le passage du che-
min de fer projete de Nice a Genes a travers la Prin-
cipaute dut bientot rendre rapides les communi-
cations jusque-la si longues entre Monaco et le chef-
lieu des Alpes-Maritimes. L/etablissement de cette
grande voie ne parut pas encore suffire aux besoins
futurs de la circulation entre les deux villes ; on previt
l'etablissement d'une voie carrossable par le bord
de la mer, qui. partant de Beaulieu, assurat des
relations directes le long du rivage entre Monaco,
Villefranche et Nice. Cette route, que la configu-
ration du terrain et les escarpements de la rive
rendaient d'une construction extremement difficile,
vit en outre son execution retardee par suite des eve-
nements survenus en France a la suite de la guerre
de 1870 ; elle ne put etre achevee qu'au bout de vingt
ans, a la fin de Tannee 1 88 1 .
Le prince Charles avait egalement stipule dans le
meme traite le principe d'une union douaniere avec
la France, qui supprimat des causes perpetuelles
— 486 —
d'embarras dans les rapports de voisinage. Le peu
d'extension du territoire monegasque rendait en effet
le maintien des lignes des douanes des plus dom-
mageable pour le commerce de Monaco, tandis
qu'elles deviendraient, d'autre part, extremement
genantes pour la France dans ses communications
par voie ferree avec les communes a Test de la Prin-
cipaute, particulierement Menton et Roquebrune.
Traite d'union douaniere, postale et telegra-
phique avec la France (9 novembre 1 865). — Les
bases d'un accord en cette matiere, stipulees dans
Tarticle 6 du traite de 1 86 1 , furent le point de depart
de negociations qui aboutirent a la conclusion d'un
traite signe a Paris le 9 decembre i865. Le prince y
etablissait une union avec la France, comprenant
Tunification avec Tempire francais des services des
douanes, des postes et des telegraphes, qui seraient
a Tavenir devolus aux administrations trancaises,
moyennant une retribution fixe attribuee au prince
et le partage des recettes au-dela de cette retribution.
D'autres dispositions avantageuses pour la Princi-
paute reglaient la fourniture des poudres, du sel
et des tabacs. Enfin certaines clauses speciales se
rapportaient a la police internationale, telles que
Tinterdiction reciproque de sejour aux expulses de
France a Monaco et celle du departement des Alpes-
Maritimes aux expulses de la Principatue.
- 4*7 -
Enfin la France s'obligeait a recevoir dans ses eta-
blissements penitentiaires, pour y subir leur peine,
les individus condamnes a Monaco.
Le traite de novembre 1 865, successivement pro-
roge par Taccord tacite des deux gouvernements
depuis trente et un ans, a realise tous les avantages
qu'en avait espere son auteur.
Le casino de Monaco ; creation de Monte
Carlo ,i858-i866;. — La preoccupation d'assurer a
la Principaute une part considerable dans le deve-
loppement des ricbesses qu'allaient procurer a la
region transformed les milliers d'etrangers de toutes
les nations qui prenaient de plus en plus Thabitude
d'v venir hiverner, avait amene, des l'annee 1 858, le
Prince Charles Ilia autoriser l'ouverture d'un casino
organise sur le modele de ceux qui faisaient alors
la fortune de plusieurs villes d'Allemagne. Cette ins-
titution devait, dans son esprit, compenser Tabsence
de toute industrie a Monaco et Timpossibite d'en
creer qu'avaient jusqu'alors confirme tant d'essais
infructueux ; du reste, nul pays n'etait mieux appro-
prie pour un etablissement de ce genre avec le mini-
mum des inconvenients qu'ils peuvent entrainer. La
region tout entiere de la cote se transformait a Texem-
ple de Nice et de Cannes en un pays de grand luxe
international, et s'appretait a en vivre presqu'exclu-
sivement; Monaco pouvait devenir, dans ces condi-
tions, un centre merveilleux detraction.
— 488 —
Cependant les premiers essaiscfun casino interna-
tional ne furent pas heureux; plusieurs societes
avaient vu leurs affaires successivement pericliter,
et avaient du abandonner leurs concessions, lors-
qu'au commencement de Tannee 1 863 M. Francois
Blanc se rendit acquereur du privilege.
M. Blanc etait doue d'un esprit d'initiative qui en
fit un veritable createur; il avait compris Tavenir
prochain de Monaco des qu'au lieu des dimciles
communications par mer, les seules qui fussent pra-
tiquement possibles avec Nice, l'ouverture du chemin
de fer rendrait les relations avec toutes les villes
et stations hivernales du voisinage extremement com-
modes.
Nous n'avons pas a nous etendre sur le succes
du casino de Monaco, bientot transporte par son
createur dans Tedifice eleve sur le plateau des
Spelugues, devenu en 1866 le quartier de Monte
Carlo; la reputation de cet etablissement estdevenue
non seulement europeenne, elle est universelle ;
quant au resultatet a ses consequences economiques
en ce qui concerne la Principaute, il se manifeste par
ce fait, qu'il n'est pas une seule famille monegasque,
qui, grace au developpement croissant de la prospe-
rite du pays, n'en ait tire, pour sa fortune ou son
bien-etre materiel, de singuliers avantages.
C'est ainsi que moins de quinze ans apres Inau-
guration de casino de Monte Carlo, le sol entier de
-489-
la Principaute sVtait transform^ en un pare magni-
fique oil les plus somptueuses villas se sont elevees,
tandis que deux ou trois centres populeux et commer-
cants, crees soit a la Condamine, soit a la Colle, soit
aux Moulins, venaient s'ajouter, au dehors des rem-
parts de Tantique forteresse, aux quartiers trop res-
serres de la vieille ville.
Mariage de la princesse Florestine avec le
prince Guillaume de Wurtemberg ( 1 863). —
Tandis que le prince Charles preludait par son ini-
tiative aux nouvelles destinees de Monaco et a la
transformation de ce petit coin de terre jadis couvert
de rochers deserts et steriles en un lieu bientot
devenu le plus civilise de TEurope, un evenement
considerable se produisait dans la famille princiere.
Le i 5 fevrier 1 863 on celebra a Monaco le mariage
de la princesse Florestine, soeur du prince, avec le
prince Guillaume de Wurtemberg, cree quelque
temps apres due d'Urach. Le prince Guillaume
etait veuf en premieres noees d'une fille du prince
Eugene de Beauharnais due de Leuchtemberg; la
sante d'une de ses filles, la princesse Marie, qui devait
mourir a Monaco le 17 Janvier 1864, Tavait attire
dans la Principaute pendant plusieurs hivers. Cette
circonstance fut Torigine d'etroites relations avec le
prince Charles III et les siens, qui aboutirent a Ten-
tree dela descendante des Matignon et des Grimaldi,
— 49° —
dans une des maisons souveraines les plus illustres
de l'Europe. La princesse Florestine etait entouree
de la plus vive et de la plus respectueuse affection
de la part des monegasques au milieu desquels elle
avait grandi. Son manage fut Toccasion des manifes-
tations les plus touchantes et les plus sinceres de la
part de la population.
Mort de la princesse Antoinette (1864). —
Moins d'un an apres le mariage de la princesse
Florestine, un deuil cruel et inattendu frappait la
famille princiere. La princesse Antoinette, femme
de Charles III mourait a Monaco le i4fevrier 1864,
emportee apres quelques jours de maladie. Quoique
depuis plusieurs annees la sante de la princesse fut
devenue chancelante, rien ne faisait prevoir un si
prochain et si brusque denoument.
La princesse Antoinette avait brille parses grandes
qualites d'esprit et par sa distinction aussi hien a
Paris que dans les differentes cours oil elle avait
accompagne son mari lors des premieres annees de
son mariage. L'eclat des fetes donnees a Paris pen-
dant plusieurs annees par le due et la duchesse de
Valentinois, titre que leprince et la princesse porte-
rent jusqu'a Tavenement de Charles III, est reste
dans le souvenir du monde parisien. C'etait surtout
pendant le congres de Paris que les reunions poli-
tiques et mondaines de Thotel de Monaco avaient
attire davantage Tattention publique.
— 49 ' —
Le mal qui devait Fern porter avait oblige la prin-
cesse a vivre pendant plusieurs annees dans la
retraite. Sa disparition fut pour le prince et la maison
Antoinette Ghislaine de Merode
princesse de Monaco
femme du prince Charle III
princiere une perte cTautant plus ressentie qu'a ce
moment la sante ebranlee du prince Charles assom-
brissait deia l'interieur de la famille souveraine.
— 492 —
Le prince Charles perd la vue. — Le prince
Charles, en effet, ressentait alors les graves atteintes
d'un mal contre lequel il devait courageusement
lutter pendant vingt-cinq ans. La perte de la vue fut
pour cette nature energique et vaillante une occasion
nouvelle de prouver une Constance et une impertur-
bable serenite.Loin d'etre abattu, il trouva dans cette
cruelle epreuve le stimulant le plus energique pour
s'appliquer avec une ardeur infatigable aux amelio-
rations nouvelles que son esprit trouvait tous les
jours a accomplir dans l'administration de la Princi-
paute. Sa main devait se porter successivement sur
toutes les branches des services publics ; mais ce qui
le preoccupait surtout, c'etait l'amelioration des ins-
titutions qui affirmaient davantage l'autonomie de la
Principaute.
Traites et conventions avec les etats etran-
gers ; creation d'un corps diplomatique et eon-
sulaire. — On a vu que, des 1869, Charles III, sous
le regime de protectorat de la Sardaigne, avait inau-
gure une politique de relations directes avec les etats
etrangers. En 1864 deux instruments diplomatiques
lierent la principaute avec le grand-duche de Mec-
klembourg-Schwerin et avec Tunis. Ce dernier acte
etait un traite d'amitie, de commerce et de naviga-
tion; il fut l'occasion de rejouissances publiques a
Monaco lors de la visite d'un ambassadeur envoye
par le bey au prince Charles.
— 4Q1 —
Si Tannee suivante, par suite de Tunion douaniere
conclue avec la France, le prince n'eut plus a traiter
avec les puissances etrangeres de conventions com-
merciales, la situation de la Principaute, oil Taffluence
des etrangers croissait sans cesse, demontra l'utilite
de conventions d'extradition contenant les disposi-
tions les plus rigoureuses pour atteindre les individus
sous le coup de poursuites dans d'autres pays, qui
seraient tentes,par les facilitesde communication, dV
venir chercher un refuge. En dehors de la France, la
premiere puissance qui negocia avec Monaco un
traite de cette nature, ce fut le royaume d'ltalie ;
etant donnes les evenements recents et la nature des
rapports qui avaient existe entre la Principaute et la
Sardaigne, dont le nouveau royaume continuait les
droits, la conclusion d'une telle convention est carac-
teristique. Elle fut signee au mois d'avril 1866.
De cette epoque date egalement la creation d'un
grand nombre de consulats; la plupart furent etablis
en Italie, en France, en Espagne. Des ministres ou
des charges d'affaires furent, a la meme epoque, accre-
dites a Paris, a Bruxelles, pres du roi d'ltalie, pres
du Saint-Siege.
Les conventions d'extradition ou relatives a Teta-
blissement d'agents diplomatiques et consulaires,
devaient, par la suite, s'etendre a Tempire d'Autriche-
Hongrie, a la Roumanie, a la Suede, au Portugal, a la
Hollande, a la Russie, aux differents etats d'Amerique
— 494 —
et enfin a FAngleterre. Toutes ces puissances furent
d'autre part successivement representees a Monaco
par des consuls.
Autonomic religieuse de Monaco ; creation
d'une abbaye « nullius » ( 1 868). — Mais parmi
les institutions qui affirmaient le caractere nouveau
de la Principaute, il en etait une qui fixait davantage
Tattention du prince Charles et a laquelle il conti-
nua, pendant tout le cours de son regne, d'accorder
une place preponderante dans ses preoccupations ;
e'etait la question de Tautonomie de Monaco au
point de vue religieux.
On a vu que, depuis les temps les plus anciens
Monaco dependait du diocese de Nice; de longues
et habiles negociations furent entreprises a Rome
pour en amener la separation et la creation pour la
Principaute d'une circonscription distincte et inde-
pendante.
II ne fut pas alors juge qu'il y eut lieu de creer
un eveche ; Tetat de la population a cette epoque,
et sa repartition sur un territoire aussi restreint, ne
parurent pas comporter une pareille institution.
On s'arreta a la combinaison d'un diocese relevant
directement du Saint-Siege, par la fondation d'une
abbaye nullius dioccrsis ; un abbe mitre, investi de la
plenitude de Tautorite episcopale, fut place a sa tete,
et cette abbaye fut donnee aux Benedictins de la
reforme de Subiaco.
- 49--1 —
Le 24 mai 1868 Ms' Romarico Flughi, abbe de
Saint-Nicolas de Monaco, fut solennellement installe
dans Tantique eglise monegasque, qui devint la
cathedrale de ce nouveau diocese, en attendant la
construction d'un nouvel et somptueux edifice des
lors projete.
On verra comment, par la suite, Torganisation
religieuse de la Principaute subit denouvelles modi-
fications.
Ouverture du chemin de fer de Nice ; pros-
perity de Monaco; abolition des impots directs
( 1 868- 1 869 . — L'annee 1868 est une grande date
dans Thistoire de la prosperite de Monaco ; le chemin
de fer de Nice a Menton, dont la construction avait
presente de grandes difficultes, fut ouvert le 2 5 octo-
bre, et, des les premiers jours, on put se rendre
compte de rafrluence des etrangers qui allaient
envahir la Principaute.
Des lors, il fut evident que les previsions de
Charles III seraient atteintes et meme depassees, et
que les elements de richesse ne feraient que se de-
velopper. En presence d'un etat si florissant, le
prince pensa qu'il devait faire participer ses sujets
dans une large mesure aux avantages nes pour le
Tresor de cette situation exceptionnelle ; il n'avait
pas oublie que la question des impots avait failli
perdre la maison souveraine et avait ete la cause pre-
miere de la mutilation de la Principaute ; leur supres-
— 496 —
sion devait etre, dans son esprit, le couronnement de
la revolution economique provoquee par son initia-
tive. Une ordonnance souveraine du 8 fevrier 1869
abolit les quatre impots directs.
Cette mesure habile et intelligente,qui fut accueillie
avec enthousiasme a Monaco, eut en TEurope un
grand retentissement ; elle etait hardie au moment
011 elle fut prise et de nature a grever serieusement
les finances du prince; plus clairvoyant que ses con-
seillers, Charles III entrevit que Taugmentation
croissante des etrangers, l'activite commerciale, et
la circulation des biens qui en seraient le resultat
feraient grossir les impots indirects et parmi ceux-ci
surtout, les taxes sur certains produits imposes en
France et que celle-ci avait demande au prince de
frapper pour eviter la fraude de voisinage; ces
mesures etaient la consequence necessaire de Tunion
douaniere et de la suppression de tout cordon de
douane interieur.
L'evenement a montre combien le point de vue
auquel s'etait place le prince Charles etait a la fois
sagace et sagement raisonne.
Mariage du prince hereditaire ; naissance du
prince Louis (1869- 1870). — L'annee 1869 fut mar-
quee par un evenement considerable dans la famille
souveraine : on celebra le 21 septembre au chateau
de Marchais le mariage du prince Albert, prince here-
— 497 —
ditaire avec la princesse Marie Victoire, fille du due
d' H amilton et de la princesse Marie de Bade ; ce ma-
nage rapprochait les Grimaldi de la famille imperiale
de France, la fiancee etant la petite-fille de la duchesse
Stephanie de Bade, nee de Beauharnais. Le prince
Louis est ne de cette union, le 12 juillet 1870.
Guerre de 1870 ;le prince Albert prend ser-
vice dans la marine francaise. — Quelques mois
apres cet evenement le prince Albert allait donner
un nouveau gage des sentiments d'attachement et
d'atfection que les Grimaldi ont tant de fois temoignes
a la France depuis six siecles. Le prince hereditaire
avait recu une education entierement dirigee vers la
marine ; il avait rang, a cette epoque, de lieutenant
de vaisseau dans la marine espagnole et il avait deja
fait plusieurs croisieres. II demanda, des le debut de
la guerre de 1870, a etre admis a Thonneur de servir
sous le pavilion francais. G'est ainsi qu'il fit la cam-
pagnede la mer du Nord et que sa conduite pendant
cette terrible et desastreuse guerre lui valut la deco-
ration de chevalier de la Legion d'honneur, que sa
modestie considera comme une precieuse faveur.
On sait comment, depuis la paix. le prince Albert,
toujours passionne pour les choses de la marine, n'a
pas tarde a trouver sa voie et a prendre un rang a
part parmi les oceanographes et les naturalistes.
3a
-498 -
Travaux de gouvernement de Charles III. —
La guerrede 1 870 n'interrompit que pendant quelques
mois Tetat croissant de la prosperite de la Principaute
de Monaco. Aucun evenement politique ne vint plus
troubler sa parfaite securite et le prince Charles III
put continuer a poursuivre le cours des ameliorations
qu'il avait concues pour tenir son gouvernement en
harmonie, par des perfectionnements successifs,avec
les progres materiels des autres etats.
Emission de monnaies du type de Charles III;
timbres-poste (1 878-1 885). — Le developpement
des institutions interieures etait Tobjet des soins
du prince a Tegal de ses relations avec les etats
etrangers. et c'est ainsi qu'a la fin de son regne
il devait laisser toutes les branches de Tadministra-
tion reformees et mises en harmonie, non seulement
avec les progres accomplis dans les differents pays de
TEurope, mais aussi, et surtout, avec les conditions
speciales d'existence de la Principaute. Cependant
avant d'aborder Texpose de ces travaux interieurs, il
nous reste a signaler la creation par laquelle le prince
acheva d'affirmer ses prerogatives souveraines. II
avait reserve, par Tarticle 17 du traite de 1 865 , la
faculte d'emettre des monnaies qui obtinssent en
France le cours legal; il usa de ce droit, a partir de
1878, par des emissions de pieces d'or de cent et de
vingt francs qui furent immediatement admises au
— 499 —
libre cours dans les etats faisant partie de Funion
latine ; les monnaies au type de Monaco furent bientot
recues de la meme faeon en Autriche-Hongrie.
Piece de cent francs de Charles III
La creation de timbres-poste a son effigie pour le
service des bureaux de la Principaute devait, en
1 885, completer l'ensemble des mesures qu'avait
etudiees le prince dans cet ordre d'idees.
Type des timbres-poste de Charles III
GEuvre legislative de Charles III; revision
des codes. — L'oeuvre legislative de Charles III a
ete considerable : les diverses ordonnances qui re-
— 5oo —
glerent l'organisation administrative furent elaborees
par le Conseil d'Etat, auquel incomba principale-
ment l'accomplissement de l'oeuvre a laquelle il atta-
chait une importance capitale, celle de l'organisation
judiciaire et de la reforme des codes. Des l'annee
1 859, le prince avait introduit dans l'institution de la
magistrature le principe de Tinamovibilite des juges,
qui n'y avait pas ete inscrit jusque-la ; mais cette
mesure n'etait que le prelude d'une entreprise plus
importante et de longue haleine: l'ensemble des lois
qui regissaient la Principaute devait etre l'objet
d'une refonte indispensable; le travail effectue lors
de la restauration des princes apres 1 8 1 5 etait rempli
de lacunes, malgre le soin intelligent que ses au-
teurs avaient apporte a leur compilation; le code
civil surtout portait les traces de la hate qu'il avait
fallu apporter a sa confection.
L'ordonnance sur Torganisation judiciaire, la re-
daction d'un nouveau code de commerce, d'un code
penal modifie et coordonne, furent le fruit d'etudes
longues et approfondies.
La refonte du code civil acheva la serie de ces tra-
vaux legislatifs. Le prince avait trouve,pour mener a
bien ces oeuvres de legislation , le concours de
conseillers d'une competence exceptionnelle ; This-
toire de Monaco doit retenir les noms de ceux qui
eurent a cette elaboration une part principale : le
premier qui recut dans cet ordre d'idees l'impulsion
— DOl
de la volonte souveraine fut le baron Imberty. Une
longue pratique avait donne une connaissance appro-
fondie des coutumes et des usages locaux a cet
habile et devoue magistrat qui presida le tribunal
superieur depuis le commencement du regne jusqu'a
ce qu'il fut appele aux fonctions de gouverneur gene-
ral ; apres sa mort et au bout de quelques annees, la
preparation du code de commerce et du code civil
echut a un jurisconsulte distingue, M. Alauzet, que
des ouvrages de jurisprudence, des plus apprecies
avaient signale a Tattention du prince.
Organisation administrative. — Le detail de
Torganisation administrative avait ete Tobjet des
reglementations tout aussi muries et etudiees.
Des Tannee 1 858. une ordonnance avait reforme,
dans des conditions tres ameliorees, Tinstruction pri-
maire et les conditions d'existence de Tinstruction se-
condaire.
Ces reformes eurent pour consequence la construc-
tion de vastes batiments d'ecole necessites par un
accroissement rapide de la population ; ces edifices
eux-memes devaient, du reste, en moins de vingt
annees, devenir trop etroits. Un service d'inspection
fut place sous le controle d'un comite de Tinstruc-
tion publique, charge d'assurer la bonne direction
de Fenseignement.
D'autre part, et sous Tautorisation souveraine,
D02
deux colleges d'enseignement secondaire libre, Fun
italien, Tautre francais, s'etablirent dans la vieille
ville de Monaco.
Le service des travaux publics fut egalement reor-
ganise par une ordonnance de 1 858 et ses attribu-
tions successivement etendues en out fait un des
rouages administratifs les plus importants.
En dehors de l'execution des ouvrages d'utilite
generale, du controle et de la surveillance de la
voirie et de l'etablissement d'un reseau d'egouts
executes suivant les types les plus perfectionnes, ce
service eut la haute main sur tous les travaux dans
lesquels les regies de Thygiene publique pouvaient
donner lieu a une application utile. C'est ainsi que
le comite des travaux publics, auquel durent aboutir
toutes les mesures etudiees par le service technique,
fut investi des pouvoirs les plus etendus pour le con-
trole et la surveillance des constructions privees dont
Tautorisation prealable fut imposee apres avis du
comite. Dans un pays ou la configuration topogra-
phique fait que presque chaque maison, chaque villa,
se trouve en perspective et contribue a Taspect gene-
ral, il etait indispensable d'apporter une attention
presque aussi rigoureuse a la forme exterieure de ces
constructions qu'a leurs conditions de salubrite
imposees par le climat.
La preoccupation constante d'assurer a la Princi-
paute un caractere d'elegance et de richesse a dicte
— 5o3 —
toutes les mesures administratives qui en ont fait
un petit etat modele et la perle de la Ligurie. L'or-
ganisation de la police et de ses divers services
annexes, les dispositions prises pour la bonne tenue
des voies publiques et la surete de la ciiculation,
aussi bien que pour la surveillance rigoureuse des
milliers d'etrangers qui se renouvellent sans cesse
sur ce point privilegie du littoral, etait une ceuvre
extremement delicate. D'autre part, la direction de
services aussi complexes necessitait la presence a la
tete de l'administration de fonctionnaires devoues
et d'une competence eprouvee.
Pour Texecution de ce programme, le prince Char-
les III trouva des collaborateurs habiles et distin-
gues: nous avons deja fait connaitre le role du baron
Imberty comme jurisconsulte ; dans les fonctions de
gouverneur general, qui lui furent devolues en 1 863,
il presida avec une sagacite remarquable a la pre-
miere phase du developpement de la Principaute, et
sa connaissance du pays rendit son action des plus
utiles ; mais Taccomplissement definitif de l'ceuvre
d'organisation appartient a son successeur, au baron
de Boyer de Sainte-Suzanne.
M. de Sainte-Suzanne joignait a une profonde
experience des hommes et de l'administration une
rare fermete, une grande droiture et un sentiment
eleve de gout et de recherche artistiques; ces qualites
etaient precieuses au moment ou la vogue mondaine
— 504 —
adoptait definitivement Monaco et portait a son apo
gee la prosperite du pays.
Commerce, industrie. — Cette affluence des
etrangers appartenant aux classes les plus riches et
les plus distinguees de toutes les nations devait
avoir pour resultat, non pas seulement d'accroitre le
commerce local, mais aussi de provoquer la crea-
tion d'industries qui jusqu'alors n'avaient pu s'y
implanter.
Dans un pareil milieu c'etait par les industries de
luxe que cette transformation economique devait
etre inauguree; deux d'entre elles ont joui de la
faveur publique.
Une poterie artistique fondee en 1872 s'est distin-
guee par l'originalite de ses produits, et surtout par
les riches ornementations de fleurs en grand relief
qui obtinrent de suite un grand succes.
A la meme epoque, un laboratoire et une distillerie,
011 Ton prit a tache de reunir les procedes les plus
perfectionnes, furent crees pour la fabrication des
parfums, acclimatant ainsi a Monaco une industrie
qui fait la richesse d'une contree voisine.
Si Tun de ces etablissements,apres avoir fourni une
carriere qui n'a pas ete sans eclat, a fini par dispa-
raitre par suite de circonstances speciales, son succes
n'en a pas moins temoigne de ce que peut attendre a
Monaco le developpement des arts industriels diriges
par des hommes intelligents et doues de persistance.
— D03 —
Participation de Monaco aux expositions
universelles (1873- 1889). — L'entree de la Prin-
cipaute dans la voie de Tindustrie fut, des le debut,
fort remarquee lors de Imposition universelle de
Vienne en i8j3; et les succes qui ont accueilli la
participation de Monaco aux expositions de Paris
en 1878, de Nice en 1884, d'Anvers en i885, enfin
de Paris en 1889 ont marque les etapes des singu-
liers progres ohtenus sous Tinrluence du prince
Charles III.
Mort de la princesse Caroline (1879A — La
princesse Caroline qui avait eu une si grande part
au salut de la Principaute dans les jours de peril et
qui, apres avoir ete sous le prince Florestan Tins-
piratrice de toutes les resolutions viriles, etait restee
le conseil ecoute de son fils, put voir dans tout son
eclat la resurrection de Tetat de Monaco ; parvenue
a un grand age, elle fut enlevee a l'affection des siens,
au respect et a Tattachement des Monegasques, le
24 novembre 1879. Sa trace restera surtout dans
les travaux qu'elle mena avec une persistante tena-
cite pour la restauration et la decoration du palais
de Monaco.
Restauration du palais de Monaco. — Le
palais des Grimaldi, si inutile par la Revolution, etait
reste lamentablement delaisse pendant le regne d'Hu-
— 5o6 —
nore V. La princesse Caroline, sous le regne de
Florestan, proceda a de premiers travaux dont les
principaux furent la construction de la facade sur la
terrasse qui domine Tanse du Canton, facade qui
n'avait jamais ete regularisee, et par l'amenagement
de jardins sur Templacement des fortifications de
Serravalle. Ces jardins suspendus ont acquis une
reputation europeennne par leur situation incompa-
rable et aussi par leur admirable tenue. Les travaux
du palais, diriges avec un soin particulier par la prin-
cesse Caroline, furent continues sous son inspiration
pendant le regne de son fils. En quelques annees, la
vieille demeure des Grimaldi fut retablie en un etat
qui rappela les splendeurs d'Honore II.
L'achevement de cette oeuvre ne put cependant se
faire sous le regne de Charles III, et il etait reserve
a son successeur dV accomplir a son tour des recons-
tructions qui ont rendu au palais, avec un aspect
imposant et pittoresque, le caractere militaire de la
vieille forteresse guelfe.
Construction de la cathedrale (1874).— Pen-
dant que les travaux entrepris par le prince Charles
rajeunissaient, de nombreux edifices d'utilite publi-
que s'elevaient, soit dans la vieille ville de Monaco,
soit dans le reste du territoire. Le principal a ete la
cathedrale. Des que Tautonomie religieuse avait ete
assuree, nous avons vu que le projet en avait
— 5t>7 —
ete concu. La premiere pierre d'un monument gran-
diose fut posee en 1874 et vingt annees de travail
n'ont pas suffi pour le terminer. II est concu sur le
plan romano-auvergnat, identique a celui de Notre-
Dame-du-Port, de Clermont-Ferrand; mais Ten-
semble a surtout une grande analogie avec l'eglise
Saint-Paul d'Issoire. L'artiste distingue qui a eleve
cette construction, M. Charles Lenormand, apres
s'etre inspire ainsi du plan des eglises d'Auvergne,
a su appliquer avec autant de bonheur que d'origi-
nalite a Tornementation generale la somptueuse
decoration des eglises provencales. La cathedrale de
Monaco, dont Tachevement tire a sa fin, sera Tedirice
le plus remarquable eleve dans le style roman sur le
littoral pendant la seconde moitie de ce siecle.
On ne peut cependant assez regretter que Templa-
cement choisi pour Tediricaiion de ce monument
ait necessite la destruction de Tantique eglise Saint-
Nicolas, si venerable par la place qu'elle tient dans
les annales monegasques et si interessante par son
style particulier et son caractere architectural.
Edification de l'eglise Saint-Charles de Monte
Carlo (1880). — La construction dans le quartier
Monte Carlo d'une seconde eglise a ete provoquee
par le mouvement de population qui se portait sur
cette partie de la Principaute. Elevee dans le style
de la Renaissance, elle est egalement Tceuvre de
— 5o8 —
M. Tarchitecte Lenormand. Elle est sous le vocable
de Saint-Charles Borromee.
Erection de l'eveche de Monaco (1887). — Ces
fondations d'edifices religieux, temoignant de l'im-
portance chaque jour plus grande que prenait la
population de la Principaute, ont precede la modifi-
fication qui s'est operee a la fin du regne de Char-
les III dans Tetat de Feglise monegasque. reorgani-
sation de Tabbaye nullius n'avait pas donne tous les
fruits qu'on esperait. A la suite de difficultes d'ordre
special, l'abbe mitre, Msr Flughi, s'etant retire, des
negociationsintervenues entre le prince et la cour de
Rome aboutirent a la nomination d'un administra-
teur de Tabbaye, qui fut d'abord l'eveque de Vinti-
mille. A la mort de Msr Biale, l'administration fut
devolue a M«r Theuret, grand aumonier du prince,
preconise en 1878 eveque titulaire d'Hermopolis.
Cette situation s'est prolongee jusqu'en 1 887, epoque
a laquelle le territoire ayant ete divise en trois
circonscriptions paroissiales, en outre de la paroisse
palatine, Fabbaye nullius de Monaco a ete erigee en
eveche, dont M6r Theuret est devenu le premier
eveque.
Publications scientifiques (1 885- 1889). — Dans
les dernieres annees de son regne, l'attention du
prince Charles III avait ete appelee sur 1'importance
— 509 —
des papiers historiques renfermes dans les archives
de tant de families illustres dont il etait l'heritier et
le representant. II prescrivit en 1 88 1 le classement
de ce depot considerable, et ce travail fit decouvrir
des documents d'une si haute valeur, que le prince
concut, en 1 885, le projet de mettre en lumiere
les parties les plus precieuses de ces archives.
L'accueil fait des le debut montra au prince tout
l'interet que le monde savant prenait a cette liberale
initiative.
Cette publication fut bientot suivie d'une entre-
prise de meme nature qui devait avoir un reten-
tissement plus grand encore et l'apparition suc-
cessive des fascicules publies sous la direction du
prince hereditaire, comme resultats de ses campa-
gnes de recherches relatives a l'oceanographie et a la
zoologie marine, fixa definitivement la reputation
scientifique de la Principaute.
L'imprimerie de Monaco, d'ou sont sortis les
beaux travaux typographiques necessites par ces
ouvrages, a conquis ainsi une place honorable,
consacree par les recompenses obtenues aux exposi-
tions universelles de Paris en 1878, d'Anvers en
1 885 et de Paris en 1889.
Mort de Charles III (1889). — Le succes de la
Principaute a cette derniere exposition a marque le
terme du regne de Charles III. Malgre des souffran-
— 3 IO —
ces devenues presque continuelles, le prince rfavait
cesse de diriger lui-meme, avec une serenite et une
Constance heroi'ques, les affaires de son etat, jusqu'au
jour ou, succombant au mal, il s'eteignit le i o septem-
bre 1889, au chateau de Marchais, ayant, en trente-
trois ans de regne, ramene la Principaute de la
situation morale et materielle la plus precaire a une
eclatante prosperite.
Avenement cT Albert Ier. — Le prince Albert Ier a
recu le 2 1 octobre 1 889, dans un « parlement general »
tenu au palais de Monaco par Tunanimite des Mone-
gasques, convoques suivant les vieilles coutumes et
le ceremonial ressuscite du xv" siecle, le serment de
ridelite de ses sujets.
Le 3 1 octobre suivant, le prince a epouse Madame
la duchesse de Richelieu, nee Marie-Alice Heine.
Le role de Thistoire doit s'arreter avec le nouveau
regne ; apres avoir deroule les annales de la Princi-
paute depuis tant de siecles, il lui reste seulement a
constater que, sous la conduite du successeur de
Charles III, Monaco continue a realiser les progres
inaugures depuis trente-cinq ans.
Tout entier a la pensee d'ameliorer chaque jour
l'heritage qu'il a recu de ses ancetres, le prince
— DM
Albert Ier s'attache avec une egale perseverance a
augmenter par de nouvelles creations les sources de
la prosperite publique, et a affirmer, en payant large-
ment de sa personne, le bon renom scientifique de
Monaco.
Dans l'exercice de sa souverainete il a fait deux
parts, et il a laisse a la princesse Alice le soin de pre-
sider aux oeuvres de bienfaisance et de charite, aussi
bien qu'au developpement et a la protection des lettres
et des arts dans un pays si heureusement dispose
pour leur assurer un fecond essor.
TABLE DES MATIERES
Pages
Chapitre Premier
Situation geographique, temps prehistoriques , les Iberes,
les Ligures i
Orographic de la region, p. i — Lc littoral, 3 — Lc
port, la presqu'ile, lc site, 4 — Habitants des caver-
nes, troglodytes, 6 — Les Iberes, les Ligures, 7.
Chapitre II
Monaco colonic phenicienne et punique 9
Le mythe d'Hercule, fondation de Monaco, q — Le
sanctuaire de Melqart Menouakh au port, 1 1 — Vesti-
ges pheniciens, 12 — L'acropole de Monaco a la Tur-
bie, i5 — Domination de Carthage. 16.
Chapitre III
Les Gvccs de Marseille ct la voic Heracleenne, adminis-
tration romaine 17
Les Grecs de Marseille, 17 — La voie Heracleenne
aux mains de Marseille et des Romains, 17 — Les Tro-
phees d'Auguste, 20 — Voies romaines, 22 — Adminis-
tration romaine, 25.
33
— 3i4 —
Pages
Chapitre IV
Le Christianisme, les invasions des barbares, les Sarrasins 27
Evangelisation de la Ligurie, sainte Devote, 27 —
Invasions des barbares (ve-vi° siecle), 28 — Les Sarra-
sins (ix"-xe s.), 29.
Chapitre V
Monaco depuis Vexpulsion des Sarrasins, fondation de la
forteresse 3 1
Monaco aux xi° et xn" siecles; les eglises de Sainte-
Devote et de Sainte-Marie au port, 3 1 — Yisees de Genes,
sur Monaco, 32 — L'empereur Henri VI concede Monaco
a Genes (1 191), 33 — Fondation de la forteresse de Mo-
naco, les Genois allies de Frederic II (I2i5-i23gj, 33 —
Les comtes de Provence abandonnent leurs droits sur
Monaco (1241-1262), 34 — Etat de Monaco au milieu
du xme siecle : la forteresse, 35; eglises, 3b; com-
mune, 37.
Chapitre VI
Les Guelfes et les Gibelins; les Grimaldi ; occupation de
Monaco par les Grimaldi, siege et reddition de la
place; Rainier Grimaldi (1 270-1 3 14) 39
Les Guelfes expulses de Genes (1270), 39 — ■ Origine
des Grimaldi: Otto Canella; Grimaldo, 40; Oberto
Grimaldi, 41; Lanfranco, 42 — Sedition de 1296, les
Guelfes de nouveau chasses de Genes, 42 — Monaco
pris par Francois Grimaldi ( 1 297), 43 — Siege de Monaco,
traite de Charles II de Naples, avec Genes (1 297-1 3oo), 43
— ■ Attaque de Genes par les Grimaldi, evacuation de
Monaco (i3oi), 46 — Les Spinola a Monaco (i3oi-
1 3 1 7), 47 — Rainier Grimaldi, amiral de France et de
Naples, ses campagnes (1 296-1 3 14), 48.
Chapitre VII
Reprise, nouvelle perte et troisieme occupation de Monaco
par les Guelfes ; Charles Grimaldi, seigneur de Mo-
naco (i3 1 j-i35j) 5 1
— D I ? —
Pages
Rentree des Guelfes a Monaco (1317), 5i — Les Gi-
belins repreunent Monaco, siege de la place et traites
avec le senechal de Provence (i 327-1 33o), 52 — Ren-
tree des Grimaldi a Monaco, attaque des Catalans
(i33i), 54 — Le roi Robert perd Genes, Charles Gri-
maldi, incursions maritimes des Monegasques (i 335-
i33g . 3 4 — Negociations du doge Boccanegra avec
Monaco (1340), 56 — Campagnes de Charles Grimaldi
en France (1 338-r 343), 56 — Charles acquiert les biens
des Spinola a Monaco, coseigneurie avec les autres
Grimaldi, droit de mer, conrlit avec Nice ( 1 338- 1 341 . 58
— Conventions de subsides avec Naples et Florence,
Charles et Antoine, viguiers de Provence ( 1 343), 60 —
Armements contre Genes (1 345- 1348), (5o — Charles
conduit son armee en France, il est grievement blesse a
Crecv [1 34.6), 61 — -Expedition de Majorque, les Gri-
maldi et le pape Clement VI '1349), 62 — Rentree des
Grimaldi a Genes, Antoine defait par les Catalans
1 341)- 1 353), 63 — Charles, gouverneur de Vintimille
pour la reine Jeanne (1 354), 63 — Traite avec Pise
(1 356), 64 — Charles achete Menton, Castillon et Roque-
brune ' 1 3_j.r>_ 1 355), 64 — II accorde des franchises a
Monaco, 65 — Mort de Charles Grimaldi, prise de
Monaco par les Genois, ( 1 35j), 65.
Chapitre VIII
Occupation genoise a Monaco; Rainier Grimaldi, sei-
gneur de Menton (i35~-i4.ii)) 68
Tentatives des Grimaldi sur Monaco, affaires de la
Turbie ( 1 35y-i 365), 68 — Administration genoise (1 3 5 7-
1 396), 69 — ■ Premieres armes de Rainier Grimaldi, il
devient senechal du Piemont, 70 — II prend parti en Pro-
vence pour Louis d'Anjou (i368), 71 — Ses campagnes
maritimes contre les Anglais (1 369-1374), 72 — II cede
Cagnes, Castillon et la moitie de Menton ( 1 371- 1 378), 72
— Son role dans le schisme d'Occident, 73 — Capitaine
general de la mer a Naples, pour Louis d'Anjou, 73 —
— 5 ib —
Pages
Ses hiens scquestres par le parti dc Duras; il recouvre
Roquehrunc; sa mort (i 395-1407), 76 — Monaco occupe
par les Grimaldi de Beuil (i3g5-i4oi), j5 — Sejour dc
I'antipape Benoit XIII a Monaco (1405), 77 — Monaco
independant allie dc Louis II d'Anjou; restauration des
Grimaldi (1409-1419), 77.
ClIAPITRE IX
Coseigneurie des trois fils de Rainier Grimaldi; Jean I";
Catalan ( 141 q-ij.5j ) 78
Coseigneurie d'Ambroise, Antoine et Jean Grimaldi;
traites avec Florence et les rois angevins de Naples
(1419-1427), 78 — Guerre contre Milan; Jean Ior seul
seigneur, est oblige de ceder Monaco au due de Milan
(1427-1428), 79 — Occupation milanaise (1428-1435), 80
■ — Jean I" au service de Milan bat les Venitiens sur le
P6 (143 1), 81 — Sa restauration a Monaco (1436), 82 —
Sa captivite, heroi'sme de sa femme Pomelline Fregose
(1437-1440), 82 — Jean au service du roi Rene, 84 —
Traite avec le pape Eugene IV (1444), 84 — Contlits
avec Nice, alliance avec Genes (1442- 1447), 84 — Jean
se rend vassal de la Savoie pour la moitie de Menton
et pour Roquebrune (1448), 86 — Relations avec le roi
Rene, cession de .Monaco au dauphin Charles (1449-
1453), 87 — Mort de Jean Ior, substitutions de son tes-
tament pour la succession de Monaco (1454), 89 —
Catalan Grimaldi; influence de Pierre Fregose, recon-
naissance du droit de mer par Charles VII; mort de
Catalan Grimaldi (1455-1457), 90.
ClIAPITRE X
Clandine et Lambert Grimaldi (1 4.5-j-i 4q4) 91
Lambert Grimaldi choisi pour epoux de Claudine
(1457), ()\ ■ — Conflits avec Pomelline Fregose, conspi-
rations ( 1 437-1458), 92 — Protection de la France,
attaques des napolitains, du baron de Beuil et du comte
de Tende ( 1459- 1 4 60), g5 — Lambert envoye par Rene
Page
d'Anjou a Louis XI ; reconnaissance par celui-ci du droit
de mer ( 1461-1462), 96 — Lambert, seigneur de Vinti-
mille, aide a la conquete de Genes par Francois Sforza;
conflits avec le gouverneur de Genes (1463-1466), 97
— ■ Revolte de Menton a l'instigation de la Savoie, sa
reprise ( 1466-1467), 99 — Menton surpris par le baron
de Beuil et le comte de Tende, puis occupe par le due
de Milan qui 11c le rend pas (1468), 101 — Siege par
les Milanais de Vintimille defendu par Lambert (1469),
102 — Rapprochement avec la Savoie, Lambert reprend
Menton et se rend vassal de la Savoie pour ses parts de
Menton: traite d'alliance avec Milan (1469-1477), 104 —
Lambert prend en Provence parti pour Charles III
d'Anjou; relations avec la France; manage de son his
aine avec Antoinette de Savoie, protection de Charles VI 1 1
(1480-1489), [ 07- 108 — Souverainete de Monaco recon-
nue par la Savoie ( 1489), 1 09— Acquisition par Lambert
du dernier douzieme de Menton (1491), 109 — Traite
avec l'Aragon et la Castille, mort de Lambert, substi-
tutions de son testament (1492-1494), no.
Chapitre XI
Jcjii II et Lucien Grimaldi l12
Participation de Jean II a l'cxpedition de Charles VIII
a Naples; complots de Caspar del Giudice, Jean est fait
gouverneur de Vintimille; cmbellissemcnts aux cha-
teaux de Monaco et Menton (1 495-1 504), 112 — Conflits
avec Vintimille; conflits avec la Provence pour le droit
de mer (i5o2-i5o5), n5 — Mort tragique de Jean II
(i5o5), 1 17 — Avenement de Lucien, siege de Monaco
par les Genois (i5o5-i5o6), 118— Captivite de Lucien,
ses traites avec Louis XII (1507-1509), 121 —Traite
avec Florence, Machiavel a Monaco ; convention avec
Ferdinand le Catholique ( i5 1 1), 123 — Reconnaissance
de la souverainete de Monaco par Louis XII (i5i2), 124
— Mariage de Lucien; mort et testament de Claudine
_ 5i8 —
Pages
sa mere, substitutions edictees ( 1 5 1 5) i 2 5 — Travaux
legislatifs de Lucien, statutsde Menton(i5i i-i5i6j, 127
Monnaie de Lucien, 128 — Conflits du droit de mer
avec la Provence et Nice (1617), 129. — Difficultes
financieres; negotiations secretes pour la vente de Mo-
naco (1 522-1 523), i3o — Complot d'Andre et de Bar-
thelemy Doria, assassinat de Lucien (i523), i3i.
Chatitre XII
Augustin Grimaldi; protectorat espagnol 1 35
Augustin Grimaldi, eveque de Grasse, seigneur
viager de Monaco f 1 5 23), i35 — Reconnaissance de la
serverainete de Monaco par Clement VII (1524), 1 36 —
Augustin attire dans Palliance de Charles-Quint par
les Grimaldi de Genes et le connetable de Bourbon
( 1 523-i 524), 1 30 — Traite du protectorat de Burgos
complete par la declaration de Tordesillas sur la souve-
rainete de Monaco (1524), i3g — Augustin compris
dans le traite de Madrid (i526) 145 — Mort de Bar-
thelemy-Doria, 142 — Inexecution des conditions finan-
cieres du protectorat, Augustin cherche a vendre
Monaco (1 527) 146 — Charles-Quint a Monaco; Monaco
figure au traite de Cambray (i52o), 148 ■ — Augustin
designe pour un chapeau de cardinal (i53i), 149 —
Negociations secretes d'Augustin avec la France, sa
mort mysterieuse (i53i), i5o.
Chapitre XIII
Honore I" (i532-i58i) 1 5 1
Avenement d'Honorc I" fils de Lucien Grimaldi; les
Grimaldi de Genes s'emparent de la tutelle; Etienne
Grimaldi seul tuteur (i532), i5i — Conflit avec le re-
sident imperial qui est expulse (i532-i534), 1 53 —
Conspiration de Bordini et Canobio ( 1 533- 1 534), '55
— Attitude independante d'Etienne vis-a-vis de Charles-
Quint ( 1 554- 1 538), 07 — II est reconnu comme pere
adoptif par Honore Ier a sa majorite (040), 1 58 —
— 5 ig -
Pages
Monaco pendant Ie siege de Nice, ouvertures francaises
repoussees, (154?), i5g — Monaco nomine au traite de
Crepy (i543), 161 — Mariage d'Honore I" (i545), 161
— Tentative de negotiations de la France ( 1 549), 161 —
Travaux d'Etienne a Monaco, fortifications, palais,
Saint-Nicolas 162 — Affaire des galeres perdues a Zerbi
( 1 558- 1 56 1 ), 1 67 — Monaco nomme au traite de Cateau-
Cambresis (i55g), 167— Mort d'Etienne (1 56 1). 1 b8 —
Decadence de la marine militaire de Monaco; les Gri-
maldi a Lepante 1 1 5<">i-i 57?), 168 — Relations avec la
Savoie; mort d'Honore I" (i56i-158i), 169.
Chapitre Xl\'
Les Jils d'Honore I" : Charles II, Hercule I" (i5Xi-
1 ''04 1 70
Charles II ; conflit pour le droit de mcr avec Genes;
conflit avec la Savoie pour la vassalite de Menton et
Roquehrune (i58i-i 58g . 1711 — Attaque de Monaco par
le capitaine Cartier ( 1 585 j, i~3 — Mort de Charles II:
Hercule I" (i58g), 174 — Detresse causee par le defaut
de paiement des subsides de l'Espagne (1 589-1597), 175
— Mariage d'Hercule avec Maria Landi de Valdetare
(i5q5), 175 — Tentative d'escalade de Cesar Arnaut
(i5o'J), 176 — Hercule affirme sa souverainete a I'en-
contre de l'empereur d'Allemagne (1596), 177 — Monaco
nomme au traite de Vervins ( 1 5g8), 170 — Aggravation
du conflit avec la Savoie, affaires de la Turbie (i5oi-
1 594), 178 — Complot de Boccone, assassinat d'Hercule
Grimaldi (1604), 180.
Chapitrk X\"
Minorite d'Honore II; tutelle du prince de Valdetare ;
aggravation du protectorat espagnol ; situation difficile
d'Honore II aprcs sa majorite f 1 604-1 63oJ i83
Le prince de Valdetare tuteur d'Honore II; son traite
avec les Espagnols qui aggrave les conditions du pro-
tectorat; conflit avec Horace Grimaldi, frere d'Hercule
— 520 —
Pair?
(1604-1609), 1. S3 ■ — Conflit avec la Savoie, 187 — Ma-
riage d'Honore II; son role efface a Monaco domine par
les Espagnols (i6i6-i(>25), 188 — Honore prend le titre
de prince de Monaco (161 2-1G19), 190 — Premier essai
de sa monnaie, 191 — II recoit la Toison d'or; visites
princieres a Monaco (i625-i63o), i<i2 — Transformation
du palais de Monaco (1620-1656), up.
Chapitre X\'I
Negotiations secretes d'Honore II avec la France; traite
de Peronne: expulsion des Espagnols: protectorat fran-
cais ( 1 63 0-1 662) 1 <p
Premieres negociations secretes avec la France, M. de
Sabran (i63o-i63i), ig5 — La peste a Monaco (i63 1), 197
— Nouvelles negociations par l'intermediaire du mar-
quis de Corbons, traite redige par le pere Joseph, avor-
tement du projet (i634-i636), 199 — Projets d'Honore II
pour le port de Monaco; contlit avec Genes; situation
intolerable faite au prince (1 636- 1640), 202 — Fonda-
tion de l'hotel des Monnaies (1640), 2o5 — Mariage
d'Hercule tils d'Honore II; reprise des negociations avec
la France, traite de Peronne, expulsion des Espagnols
(1(141), 206 — Protectorat francais; complots espagnols
(1641-1644), 212 — Honore II due et pair de Valenti-
nois, chevalier du Saint-Esprit, voyage a Paris (1642-
1644), 214 — Les monnaies de Monaco recues en France
(1643), 2K) — Role militaire du port de Monaco (1644-
1647), 222 — La marechale de Guebriant a Monaco;
genealogie de Charles de Venasque (1646-1647), 224 —
Monaco au congres de Munster (1(34(3-1648), 227 — ■
Projet du due d'York de faire de Monaco le port royal
de Charles II d'Angleterre ( 1 648-1 (333), 227 — Mort
d'Hercule Grimaldi (i65i), 228 — Etat brillant de la
cour de Monaco (i652-i(36o), 23o — Mariage du due de
Valentinois, petit-rils d'Honore II, avec Charlotte de
Gramont (i65g), 232 — Clauses du traite des Pyrenees
relatives a Monaco restees inexecutees (1659-1700)? 233
— Mort d'Honore II (1662), 234.
— D2I
Pages
Chapitre XVII
Louis I" ( i 662-1 7 n 1 ) 236
Louis Icr ct Charlotte dc Gramont a la cour de France;
faveur de la princesse aupres de Madame Henriette
d'Angleterre, 236 — Sejour a Monaco, fondation du
couvent de la Visitation (1662-1664), 238 — Atelier
des monnaies; travaux an palais (1663-1701), 2.mj —
Retour de la princesse a la cour de France exploits de
Louis Ior en Hollande, ses campagnes (1664-1667), 242
— Contlit relatif a la Turbie (1668-1670), 24G — Ma-
dame de Grignan a Monaco; retour definitif de la prin-
cesse Charlotte a la cour de France, sa mort (1672-
1678), 248 — Aventures romanesques de Louis F'r
(1676-1678), 25 1 — Son retour a Monaco; travaux legis-
latifs, statuts de Monaco (1678), 252 — Organisation
politique et judiciaire de la Principaute, commune, 254
■ — Louis Icr recoit en France le rang de prince etran-
ger; il est fail chevalier du Saint-Esprit (1 680-1 688), 25g
— Manage du prince Antoine avec Marie de Lorraine
(1688), 26G — Louis Fr ainbassadeur de France a Rome,
son faste, son role dans les negociations de la succes-
sion d'Espagne; sa mort (1698-1701), 264.
Chapitre XYI1I
Antoine I"; Louise-Hippolyte (ijoi-ij3i) 270
Avcnement d'Antoine Icr; affaires du droit de mer
avec Marseille (1701-1704)1 270 — Reprise du contlit
avec la Turbie (1699-1705), 274 — Guerre de la suc-
cession de l'Espagne, neutralite de Monaco (170?), 275
— Lonis XI\* donne la Turbie a Antoine (1705), 277 —
Services rendus par Antoine pendant la guerre; dangers
courus par Monaco, fortifications ( 1 7"5- 1 71 j>), 278 —
Monaco echappe a la Savoie an traite d'Utrecht, mais
l'arbitrage de Louis XIV et de la reine Anne conclut a
la vassalite de Menton et de Roquebrune que le prince
Antoine est oblige de reconnaitre (1712-1716), 28? —
Page
Succession feminine de Monaco, negociations de ma-
nage pour Louise-Hippolyte, conflit de famille, candi-
datures : le comte de Rove, le chevalier de Grimaldi, le
comte d'Eu, etc. (171 2- 17 14), 285 — Jacques de Ma-
tignon, comte de Thorigny, est choisi; famille de
Matignon (17 14). 2g3 — Negociations du mariage, nou-
velle erection du duche de Valentinois pour Jacques
de Matignon, mariage de Louise-Hippolyte (1714-
171 5), 297 — Relations du prince Antoine avec le
Regent et le cardinal Fleury; mariage de la princesse
d'Isenghien; demeles avec le due et la duchesse de
Valentinois (1715-1730), 3o2 — Mort de Marie de Lor-
raine (1724), 304 — Administration d' Antoine; mon-
naies, 3o5 — Neutralite pendant la guerre d'Espagne;
relations avec Nice, traite de restitution de deser-
teurs avec Victor-Amedee (1719-1728), 3o6 — Antoine
chevalier du Saint-Esprit (1724), 3o8 — Ses gouts
artistiques, Carnoles, 3o8 — Sa mort ( 1 y3 1 ), 3 10 —
Louise-Hippolyte, son court regne, sa mort prema-
turee ( 1 y3 1 ), 3 10.
Chapitre XIX
Jacqiies I" ; Honore III (ij3i-ijg3) 3 1 2
Le due de Valentinois regne sous le nom de Jac-
ques I"; relations avec la Sardaigne; neutralite de
Monaco dans la guerre de succession de Pologne;
menees contre le prince en France, son abdication
( 1 731-1733), 3 12 — Minorite d'Honore III sous la tutelle
deson pere redevenu due de Valentinois; administration
du chevalier de Grimaldi; monnaies (1733-1740), 3 14
— Education militaire d'Honore III et de son frere;
leur role a Fontenoy, Raucoux et Lawfeld ( 1 7 ?<">-
1748), 3 18 — Neutralite de Monaco pendant la guerre
de la succession d'Autriche, la principaute occupee par
les belligerants, ravage des allies (1742- 1747), 3 iq —
Mariage du comte de Valentinois avec Ml]o de Ruft'ec;
mortdu due de Valentinois (1 749-1751), 323 — Sejours
— 523 —
Page
d'Honore III a Monaco; le pavilion monegasque et les
armements en course (1749-1762), 324 — Projets do
mariage pour Honore III: M""s du Maine, de Bouillon,
de la Valliere; mariage avec M"° de Brignole (1740-
1757), 327 — Traite de limites avec la Sardaigne
(1760), 333 — Pretentions sur la Principaute du mar-
quis de Cagnes (1760- 1792), 334 — Mort du due d'York
a Monaco, voyage d'Honore III en Angleterre (1767-
1768), 337 — Separation cntre le prince et la princcsse
(1770), 338 — Traite d'abolition du droit d'aubaine
avec la France (1770), 33q — Prosperite de la princi-
paute, neutralite, commerce, Industrie, imprimerie,
« Gazette de Monaco », 340 — Mort du chevalier de
Grimaldi; gouverneurs generaux jusqu'a la revolution;
notabilites monegasques, le marechal de camp de Millo,
341 — Mariage du due de Valentinois avec la duchesse
de Mazarin et du prince Joseph avec MUo de Choiseul
Stainville (1777-1782), 344 — Revolution francaise;
concessions octroyees aux habitants de la Principaute;
indemnite accordee en France pour les droits feodaux
supprimes; lutte diplomatique d'Honore III pour la
defense de ses droits souverains, la revolution a Monaco,
decheance, reunion a la France (1789-1793), 345.
Chapitre XX
De la decheance d'Honore III a la restanration d'Ho-
nore IV ': Monaco et les princes pendant la Republique
et I'Empire (ijq3-i8i4) 352
Arrestation d'Honore III; detention de ses tils et de
ses belles rilles; mort heroi'que de la Princesse Joseph;
mise en liberte et mort d'Honore III (i-jq'5-iyqb), 352
— La revolution a Monaco, saisie des biens princiers,
pillage du palais, Monaco denomme « Fort d'Hercule »;
attaque des Barbets (1703-1799), 35q — Attaques des
Anglais (1 800-181 3), 36 1 — Affaires municipales, port,
promenade Saint-Martin (i8io-i8i3j, 362 — Passage
- 524 -
Page
du corps de Pie VI, manifestation an retour de Pie VII
a Rome (1802-18 14), 364 — Route de la Corniche
I [808-1814), 334. — Situation des princes pendant cette
periode; maladie du due de Valentinois, 366 — Le
prince Joseph a la cour de Napoleon (1807- 18 14), 368
— Carriere militaire d'Honore-Gabriel, fils aine du due
de Valentinois; il devient premier ecuyer de Josephine
1800-1814), 368 — Negociations pour la restitution des
biens prives (1809-1814), 3j3.
Chapitre XXI
Restauvation des Grimaldi; Honore IV; Honore V (1814-
1S41).. 3;5
Gouvernement provisoire; intervention de Talleyrand,
Honore IV, retabli par le traite de Paris, sous le pro-
tectorat francais; le prince Joseph administrateur
(1814), 375 — Tenlatives d'occupation par les Anglo-
Sardes, visees de la Sardaigne (1814), 38i — Retraite
du prince Joseph, remplace par le prince hereditaire;
rencontre de celui-ci et de Napoleon pres de Cannes
(i8i5), 384 — Occupation de Monaco par les Anglo-
Sardes (181 5), 386 — Le protectorat donne a la Sardai-
gne par le traite de Vienne (181 t), 38y — La Sardaigne
exige la reconnaissance de sa suzerainete sur Menton
et Roquebrune (181 5- 18 17), 388 — Traite de Stupi-
niggi, concessions du prince hereditaire (1817), 3()i —
Reorganisation du gouvernement; situation financiere
(i8i5 — 1817), 3g2 — Monopole ou « exclusive » des
grains, ses consequences (181 7), 397 — Mort d' Ho-
nore IV, avenement d'Honore V (1819), 399 — Revolte
de Menton (1821), 399 — Travaux publics, demolitions
au palais, route carrossable de la Condamine a Mo-
naco ( 1 S 1 5 - 1 8 3 7 ) , 400 — Tentatives de creations d'in-
dustries, 403 — •■ Institutions de secours, etudes du
piince sur le pauperisme, 406 — Monnaie d'Honore V
(1839-1840), 406 — Mort d'Honore V, 410.
— 525 —
Page
Chapitre XXII
Florestan I" ( i S41-1 856) 411
Lc prince Florestan et la princesse (.aniline ; diffi-
culte des reformes, abolition du monopole des grains
( 1 84 1 ), 41 1 — Maintien de I'ensemble du systeme fiscal,
mecontentements (1841-1842), 41 5 — Organisation des
ecoles et du college (1843), 417 — Affaire du moulin a
huile ( 1 844- 1 845), 420 — Convention dc commerce avec
la France (1844), 421 — Formation d'un parti sarde
separatiste a Menton; imprudence des princes qui
negligent le commandement militaire; visees dc la
Sardaigne (1844-1847), 422 — Mariage du prince here-
ditaire Charles avec M"c de Merode (184G), 427 —
Mouvement liberal en Italic, manifestations a Menton,
hesitations du prince (1847), 427 — ^ demande l'envoi
des troupes piemontaises a Menton (1847), 4?o —
Mauvais accueil fait aux concessions, destitution de
M. Trenca, le prince hereditaire a Menton, retraite
du gouverneur general de \"illarey (1847), 4^° — Role
des troupes sardes ; octroi d'une charte jugee insuffi-
sante ; le general piemontais Gonnetexige toute liberte
d'action ; concession de la constitution sarde; role de
M. Trenca (1848), 4-M — Consequences de la revolution
de feviicr; la Sardaigne retire ses troupes de Menton;
revolte de Menton, gouvernement provisoire (1848), 442
— Le prince hereditaire administrateur general ; Men-
ton et Roquebrune constitutes envilles libres (1848), 446
— La Sardaigne prend les villes insurgees sous sa pro-
tection (1848), 430 — Decheance et bannissement des
princes, vote pour l'annexion a la Sardaigne, obser-
vations du gouvernement francais, ajournement de
l'annexion (1848), 461 — Fidelite et protestation de Mo-
naco (1848), 455 — Le desastre de Novare empeche les
chambres piemontaises de voter l'annexion (18411), 458
— Reprise du projet vote par la chambre des deputes,
repousse par le Senat (1849), 460 — Organisation admi-
— D2t> —
Page
nistrative des villes lihrcs (i 849-1850), 462 — Tenta-
tives de conciliation patronnees par la France (i852-
1 853), 463 — Manifestation du prince Charles a Men-
ton; il est retenu prisonnier par les autorites sardes;
intervention de la France (1854), 464 — Nouvelles ten-
tatives d'arrangement; la question de Menton et Roque-
brune au congres de Paris (i854-i856), 468 — Mort de
Florestan I" ( 1 856), 466.
Chapitre XXIII
Charles III (1856-1 S89) 472
Caractere du regne de Charles III; creation de l'ordre
de Saint-Charles; traite d'extradition avec l'Espagne
( 1 858- 1 859), 472 — Negociations relatives a Menton et
Roqucbrune (1857), 475 — Guerre d'ltalie, annexion du
comte de Nice a la France, situation faite a Menton et
a Roquebrune, depart des agents sardes, evacuation
de Monaco (i860), 477 — - Vote des villes libres pour
l'annexion; protestation de Charles III; cession de ses
droits a la France, tin du protectorat sur Monaco
(1861), 480 — Vues de Charles III sur l'avenir de Mo-
naco; relations avec la France, traite d'union doua-
niere, postale et telegraphique (i86i-i865), 482 —
Casino de Monaco, Monte Carlo (1 858- 1860), 487 —
Mariage de la princesse Florestine avec le prince Guil-
laume de Wurtemberg; mort de la princesse Antoinette;
le prince Charles perd la vue (1 863- 1864), 489 —
Traites et conventions avec les puissances etrangeres,
creation d*un corps diplomatique et consulaire, 492 —
Creation de l'abbaye « nullius » de Monaco (1868), 494
— Ouverture du chemin de fer deNice; prosperite de
Monaco, abolition des impots directs (1868-1869), 495
Mariage du prince hereditaire, naissance du prince
Louis (1869-1870), 496 — Le prince hereditaire prend
service dans la marine francaise (1870), 497 — Travaux
de gouvernement de Charles III; monnaies, timbres-
poste,4<)8 — Travaux Iegislatifs, revision dcs codes, 499
— Organisation administrative, instruction publique,
travaux publics, police, 499 — Le baron Imbertv, le
baron de Sainte-Suzanne, 5o3 — Commerce, Industrie,
participation aux expositions universelles, 5o5 — Mort
de la princesse Caroline (1879), 5o5 — Restauration du
palais de Monaco, 5o5 — Cathedrale, 5o6 — Saint-
Charles de Monte Carlo, 507 — Erection de l'eveche
de Monaco, 5o8 — Publications scientiriques, 5o8 —
Mort de Charles III, 5og — Avenement d'Albert Idr, 5io.
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