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Full text of "Monographie de Notre-dame de Chartres"

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COLLECTION 


DE 


DOCUMENTS    INEDITS 

SUR  L'HISTOIRE  DE  FRANCE 


PUBLIES   PAR   LES  SOINS 


DU   MINISTRE  DE  L'INSTRUCTION  PURLIQUE. 


Par  arrêté  du  a5  juin  1877,  le  Ministre  de  l'Instruction  publique,  sur  la  proposition 
de  la  Section  d'archéologie  du  Comité  des  travaux  historiques  et  des  Sociétés  savantes,  a 
ordonné  la  publication  de  Y  explication  des  planches  de  la  Monographie  de  Notre-Dame  de  Chartres. 
rédigée  par  M.  Paul  Durand,  membre  non  résidant  du  Comité. 

M.  Anatole  de  Montaiglon ,  membre  du  Comité,  a  suivi  l'impression  de  celle  publication  en 
qualité  de  commissaire  responsable. 


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MONOGRAPHIE 


DE 


NOTRE-DAME  DE  CHARTRES. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


PAR 


M.    PAUL    DURAND, 

MEMRRE  NON  RESIDANT  DU  COMITE  DES  TRAVAUX  HISTORIQUES 
ET  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 


PARIS. 

IMPRIMERIE  NATIONALE. 


M  DCCC  LXXXI. 


THE  LIBRARY 

BRIGHAM  YOUNG  UNIVERSITE 

PROYO,  UTAH 


APERÇU  CHRONOLOGIQUE 

SUR  LES  DIFFÉRENTES  PHASES 

DE  L'HISTOIRE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 


Nous  donnons  cet  Aperçu  sans  entrer  dans  la  discussion  des  dates  antérieures  aux  ivc  et 
ve  siècles.  Nous  enregistrons  purement  et  simplement  les  traditions  acceptées  par  les  chro- 
niqueurs du  moyen  âge,  et  nous  leur  en  laisserons  la  responsabilité.  C'était  l'opinion  de  leur 
temps;  ils  l'ont  adoptée  et  suivie,  et  nous  la  donnons  dans  le  seul  but  de  faire  comprendre 
les  auteurs  de  ces  anciennes  chroniques. 

Vers  le  milieu  du  i"  siècle  de  notre  ère,  saint  Saviuien  et  saint  Potentien  sont  envoyés 
dans  les  Gaules. 

A  Chartres,  saint  Potentien  élève  le  premier  temple  chrétien  au-dessus  de  la  grotte  drui- 
dique; saint  Aventin  en  fut  le  premier  évêque. 

Sous  la  protection  des  lois  romaines  concernant  les  sépultures,  cette  première  église  se 
maintint  jusqu'à  la  dernière  persécution,  appelée  l'ère  des  martyrs,  sous  Dioctétien,  en 
3o3  ;  elle  fut  alors  renversée  de  fond  en  comble. 

Dès  que  Constantin  eut  accordé  la  paix  à  l'Eglise ,  l'évêque  de  Chartres ,  Castor,  s'empressa 
de  reconstruire  le  sanctuaire  de  Notre-Dame,  en  3i3.  11  est  à  croire  qu'à  cette  époque  ce 
n'était  encore  qu'un  modeste  oratoire  élevé  sur  les  ruines  du  monument  primitif. 

Il  est  question  d'un  sinistre  en  5go;  rien  ne  constate  son  importance. 

En  7^3,  Hunald,  duc  d'Aquitaine,  révolté  contre  Pépin,  brûla  l'église  de  Chartres, 
sous  l'épiscopat  de  Godessald. 

L'église  épiscopale  de  Chartres  est  relevée  l'année  même  de  -jko  par  l'évêque  Godessald. 

Le  12  juin  858,  Hastings ,  à  la  tête  des  Normands,  assiège  la  ville  de  Chartres  et  incendie 
la  cathédrale. 

L'évêque  Gislebert,  successeur  de  saint  Frobold,  ne  larde  pas  à  relever  les  ruines  de  sa 
cathédrale. 

En  876,  le  don  de  la  sainte  tunique  de  Notre-Dame,  fait  au  sanctuaire  de  Chartres  par 
Charles  le  Chauve,  fut  une  raison  de  donner  plus  de  splendeur  à  l'édifice. 

Le  5  août  963,  les  Normands  et  les  Danois,  conduits  par  Richard,  duc  de  Normandie, 
alors  en  guerre  aVec  Thibault  le  Tricheur,  comte  de  Chartres,  incendient  la  cathédrale  sous 
l'épiscopat  de  Hardouin ,  qui  ne  survécut  pas  à  ce  désastre. 


ii  APERÇU  CHRONOLOGIQUE. 

Le  nouvel  évêque ,  Wulfard ,  réédifie,  dès  la  même  année  963,  son  église  cathédrale.  Son 
désir  était  qu'elle  fût  la  plus  belle  église  du  monde. 

Le  7  septembre  1020,  le  feu  du  ciel  réduisit  en  cendres  le  sanctuaire  élevé  par  Wul- 
fard. 

Saint  Fulbert  était  alors  évêque  de  Chartres. 

Aidé  par  plusieurs  princes  de  l'Europe  auxquels  il  avait  fait  appel,  saint  Fulbert  se  hâta 
de  reconstruire  sa  cathédrale  sur  un  plan  plus  vaste.  Thierry,  son  successeur,  continua 
l'œuvre  de  Fulbert  et  en  fit  la  dédicace  le  17  octobre  1087. 

Plus  tard,  de  1090  à  1 1 1 5 ,  saint  Ives  agrandit  et  embellit  l'œuvre  de  ses  prédéces- 
seurs. Le  jubé  de  saint  Ives  fut  célèbre. 

Le  sinistre  que  des  chroniqueurs  attribuent  à  l'année  io3o  est  sans  doute  le  même  que 
celui  de  1020. 

Un  grand  incendie  dévasta  la  ville  de  Chartres  en  11 34  (magnum  urbis  excidium);  mais 
le  texte  ajoute  :  reservatâ  per  Dei  grattant  Eccksiâ. 

Voici  ce  qu'on  lit  dans  une  lettre  de  Hugues  d'Amiens ,  archevêque  de  Rouen  :  cr  C'est  à 
Chartres  que  les  hommes,  par  esprit  d'humilité,  ont  commencé  à  traîner  des  charrettes  et 
des  chariots  pour  aider  à  la  construction  de  la  cathédrale.  C'est  là  aussi  que  Dieu  a  surtout 
fait  éclater  des  miracles  pour  récompenser  l'humilité  de  ses  serviteurs.  Le  bruit  s'en  est 
répandu  au  loin  et  a  mis  la  Normandie  en  émoi.  Les  fidèles  de  notre  province  sont  d'abord 
allés  à  Chartres  porter  le  tribut  de  leurs  vœux  à  la  Mère  de  Dieu  ;  puis  ils  se  sont  habitués  à 
prendre  leurs  propres  cathédrales  pour  but  de  ces  pieux  pèlerinages.  Ils  forment  ainsi  de 
pieuses  confréries  dans  lesquelles  personne  n'est  admis  sans  confesser  ses  fautes ,  sans  rece- 
voir une  pénitence  et  sans  se  réconcilier  avec  ses  ennemis.  Les  confrères  se  donnent  un  chef, 
à  la  voix  duquel  tous,  soumis  et  silencieux,  traînent  sur  des  charrettes  les  offrandes  qu'ils 
portent  aux  églises  et  qu'ils  sanctifient  par  leurs  larmes  et  leurs  mortifications.  Pleins  de  con- 
fiance en  la  bonté  de  Dieu,  ils  se  font  accompagner  de  leurs  malades,  qui  souvent  reviennent 
guéris  de  toutes  leurs  infirmités.') 

Haimon,  abbé  de  Saint-Pierre-sur-Dive ,  confirme  de  point  en  point  les  assertions  de 
l'archevêque  de  Rouen.  Comme  le  prélat,  il  atteste  que  l'église  de  Chartres  fut  le  premier 
édifice  à  la  construction  duquel  on  vit  s'associer  des  pèlerins  accourus  de  différents  côtés.  11 
ajoute  que  cet  usage  ne  tarda  pas  à  s'introduire  en  Normandie,  et  que,  dans  celte  province, 
il  n'y  eut  bientôt  pas  de  sanctuaire  dédié  à  la  Sainte  Vierge  qui  ne  devînt  le  but  de  pareils 
témoignages. 

Pour  les  moines  de  Saint-Pierre-sur-Dive,  ce  mouvement  religieux  fut  un  excellent 
moyen  d'achever  leur  église,  dont  les  travaux  étaient  interrompus  depuis  de  longues  années. 
Assurés  que  la  foi  enfanterait  chez  eux  les  mêmes  prodiges  que  dans  les  pays  voisins,  ils 
firent  solennellement  bénir  des  chariots  à  l'imitation  de  ceux  de  Chartres.  Leur  confiance  ne 
fut  pas  trompée.  De  toute  part  on  répondit  à  leur  appel.  Chacun  était  jaloux  d'aller  rendre 
hommage  à  la  Vierge  dans  une  église  à  peine  ébauchée,  mais  où  les  cérémonies  du  culte 
s'accomplissaient  déjà  avec  pompe  et  régularité.  C'était  un  généreux  élan  qui  se  commu- 
niqua avec  une  merveilleuse  rapidité  dans  toutes  les  classes  de  la  société.  Les  femmes  comme 
les  hommes,  les  riches  comme  les  pauvres,  les  puissants  comme  les  faibles,  tous  s'attelaient 


APERÇU  CHRONOLOGIQUE.  hi 

aux  chars  sur  lesquels  on  portait  à  Saint-Pierre-sur-Dive  la  chaux,  la  pierre,  le  hois  et  les 
vivres  destinés  aux  ouvriers.  Les  populations  s'ébranlaient  en  masse  :  chaque  paroisse  se 
mettait  en  route  avec  ses  vieillards  et  ses  enfants;  on  emmenait  même  les  malades,  dans 
l'espérance  de  leur  faire  miraculeusement  recouvrer  la  santé.  Les  bannières  ouvraient  la 
marche;  des  trompettes  donnaient  le  signal  des  manœuvres.  Les  fardeaux  étaient  énormes  : 
parfois  il  fallait  les  efforts  d'un  millier  de  pèlerins  pour  imprimer  le  mouvement  à  un  seul 
char.  Le  convoi  s'avançait  au  milieu  d'un  religieux  silence.  Dans  les  halles,  on  n'entendait 
que  les  confessions,  les  prières  et  les  chants  des  pénitents.  A  la  voix  des  prêtres,  les  haines 
s'apaisaient  et  la  bonne  harmonie  renaissait  dans  les  cœurs.  Si  un  pécheur  obstiné  refusait 
de  pardonner  à  ses  ennemis,  on  le  chassait  ignominieusement  après  avoir  jeté  à  terre  i'of- 
frande  qu'il  avait  mise  sur  le  char. 

Arrivés  au  terme  du  voyage,  les  pèlerins  rangeaient  les  voitures  autour  de  l'église  et 
formaient  une  sorte  de  camp  dans  lequel  ils  passaient  la  nuit  en  prières.  Ils  illuminaiant 
leur  char  et  faisaient  retentir  au  loin  le  chant  de  psaumes  et  des  cantiques.  Ils  demandaient 
à  la  Vierge,  avec  une  aveugle  confiance,  la  guérison  de  leurs  malades,  et,  si  leurs  vœux 
tardaient  à  être  exaucés,  on  les  voyait,  eux  et  leurs  enfants,  se  dépouiller  de  leurs  habits, 
se  traîner  en  gémissant  jusqu'au  pied  des  autels  et  supplier  leurs  prêtres  d'être  sans  pitié  et 
de  leur  donner  la  discipline  en  expiation  des  fautes  qu'ils  pouvaient  avoir  commises.  D'or- 
dinaire, aux  gémissements  et  aux  supplications  succédaient  des  cris  d'allégresse.  C'est  que  la 
Vierge  s'était  laissé  fléchir;  des  miracles  venaient  de  s'accomplir.  Un  malheureux  infirme 
qu'on  avait  amené  sur  un  char  s'était  tout  à  coup  senti  guéri.  Plein  de  vigueur,  il  courait 
remercier  sa  bienfaitrice.  De  toutes  parts  on  criait  au  miracle  ;  de  longues  files  de  pèlerins  se 
rendaient  processionnellement  à  l'autel,  baisaient  la  terre,  mettaient  les  cloches  en  branle 
et  entonnaient  des  chants  de  triomphe. 

Tels  furent  les  actes  de  foi  qui  s'accomplirent  en  1 1 45  dans  l'abbaye  de  Saint-Pierre-sur- 
Dive  et  dans  beaucoup  d'autres  églises  de  France.  Mais  ce  ne  fut  pas  seulement  en  1 1 45  que 
la  construction  des  édifices  religieux  donna  naissance  à  de  pareilles  manifestations.  Les 
mêmes  transports  d'enthousiasme  durent  souvent  éclater  sur  différents  points  de  la  chré- 
tienté pendant  le  cours  du  xn"  et  du  xiuc  siècle. 

Un  sinistre  à  l'église  de  Chartres  est  indiqué  à  la  date  de  1188,  mais  sans  aucun  détail  ; 
on  peut  en  conclure  qu'il  eut  peu  de  gravité. 

Mais  en  no4,  sous  le  règne  de  Philippe-Auguste  et  l'épiscopat  de  Regnault  de  Mouçon, 
dans  la  nuit  du  22  au  23  juin,  un  incendie  accidentel  anéantit  l'œuvre  de  saint  Fulbert, 
de  Thierry  et  de  saint  Ives,  à  l'exception  de  la  crypte  et  des  clochers. 

La  cité  Chartraine  revit  alors  des  processions  de  pèlerins  apportant  leurs  pieuses  contri- 
butions sur  de  lourds  chariots.  Un  trouvère  du  xiii"  siècle,  Jean  Le  Marchant',  s'est  complu 
à  parler  de  ces  processions  dans  un  poème  dont  le  manuscrit  est  conservé  à  la  bibliothèque 
de  Chartres  et  qui  a  été  imprimé  par  M.  Gratet-Duplessis  en  i855. 

Soutenu  par  les  encouragements  du  légat  du  pape  Mélior,  et  surtout  par  la  conservation 

1  Jean  Le  Marchant  n'a  fait  que  traduire  en  vers  fiançais  une  relation  latine,  dont  le  texte,  en- 
core inédit,  se  conserve  à  la  Bibliothèque  du  Vatican. 


iv  APERÇU  CHRONOLOGIQUE. 

miraculeuse  de  la  relique  insigne  de  la  Tunique  de  Notre-Dame,  Regnault  de  Mouçon  se 
mit  en  devoir,  dès  Tannée  1  îgi ,  de  reconstruire  sa  cathédrale  dans  le  vaste  plan  et  avec 
la  splendeur  que  nous  lui  voyons  encore  aujourd'hui. 

La  dédicace  de  cet  édifice  eut  lieu  le  17  octobre  1260,  en  présence,  dit-on,  de  saint 
Louis ,  sous  l'épiscopat  de  Pierre  de  Mincy.  Un  nouveau  jubé  fit  oublier  celui  de  saint  Ives 
(1260-1276).  Une  vaste  sacristie  fut  ajoutée  à  la  fin  du  xiii'  siècle. 

L'incendie  de  Chartres,  en  1286,  n'avait  pas  atteint  la  cathédrale  :  reservata  majori 
ecclesia. 

La  chapelle  de  saint  Piat  fut  construite  en  i34g,  la  chapelle  de  Vendôme  en  iui3. 

Incendie  du  clocher  gauche  du  portail  occidental,  le  26  juillet  i5o6. 

Le  clocher  neuf  s'élève  en  1 5 1 3. 

La  clôture  du  chœur  est  commencée  en  i5i  h  et  ses  grandes  sculptures  ne  sont  terminées 
qu'au  xvne  siècle. 

i5  novembre  1670.  Commencement  d'incendie  au  clocher  neuf,  par  le  feu  du  ciel. 

1763.  Destruction  du  jubé,  qui,  suivant  certains  auteurs,  tombait  en  ruines. 

Les  bas-reliefs  du  chœur  sont  placés  de  1763  à  1789;  le  groupe  de  l'Assomption,  de 
Rridan,  en  1773. 

179/1.  Enlèvement  des  plombs  de  la  couverture,  conformément  à  une  loi  du  6  août 
1793.  Les  voûtes  se  trouvèrent  ainsi  pendant  deux  ans  exposées  aux  injures  de  la  pluie. 

Le  h  juin  i836,  incendie,  par  l'imprudence  des  plombiers,  de  la  Forêt,  célèbre  char- 
pente en  bois  qui  couvrait  toute  la  cathédrale  depuis  le  xivc  siècle;  les  charpentes  des  deux 
clochers  furent  alors  aussi  incendiées.  Les  principaux  désastres  étaient  réparés  en  1 84 1  ; 
une  charpente  en  fer  remplaça  la  charpente  en  bois. 

Nous  n'avons  pas  à  donner  ici  une  bibliographie  des  manuscrits  et  des  livres  relatifs  à 
l'histoire  et  à  la  description  de  la  cathédrale  de  Chartres.  Deux  érudits  chartrains,  MM.  Merlet 
et  Lecoq,  la  préparent  en  ce  moment,  et  comme  leurs  travaux  doivent  tous  les  deux  être 
très  considérables,  nous  ne  pouvons  que  les  annoncer  et  en  espérer  la  prochaine  publication. 


PRÉFACE. 


La  Monographie  de  la  cathédrale  de  Chartres  devait  être  le 
commencement  d'une  série  de  travaux  archéologiques  sur  tous 
les  monuments  anciens  et  curieux  de  la  France  ;  chacun  d'eux 
devait  avoir  son  histoire  et  sa  description  à  part.  On  voulait 
procéder  par  département,  pour  arriver  à  former  par  l'ensemble 
de  ces  travaux  une  collection  qui  fût  aux  monuments  d'architecture 
de  notre  pays  ce  que  la  collection  des  documents  inédits  était  à 
son  histoire. 

M.  de  Salvandy  s'exprimait  ainsi  dans  un  rapport  au  Roi  à  la 
date  du  3i  décembre  1  83 8  : 

«Le  Comité  des  arts  et  monuments  a  poursuivi  ses  travaux  avec 
un  zèle  particulier.  Préoccupé  de  la  pensée  de  sauver  d'une  des- 
truction entière  ce  qui  nous  reste  de  monuments  intacts  ou  de 
ruines  appartenant  à  l'architecture  nationale,  il  s'est  proposé  de 
faire  des  statistiques  de  tous  les  monuments  et  des  monographies 
des  plus  importants.  Par  ce  double  moyen ,  il  a  espéré  dérober  au 
temps  et  aux  chances  d'accidents  ces  nobles  reliques  du  génie  fran- 
çais, et,  en  même  temps  qu'il  conservera  les  formes  et  les  pro- 
portions par  le  dessin,  les  monographies  devront  apprendre  aux 
plus  ignorants  à  les  respecter.  Il  se  prépare  en  ce  moment  d'ex- 
cellents travaux  dans  les  deux  genres,  qui  ont  été  confiés  à  des 
mains  habiles,  n 


vi  PRÉFACE. 

M.  le  Ministre,  pour  montrer  l'importance  qu'il  attachait  à  ces 
travaux,  ajoutait  qu'il  s'était  réservé  le  soin  d'écrire  l'histoire  de 
la  cathédrale  de  Chartres. 

Le  plan  de  publication,  en  ce  qui  concerne  ce  monument,  était 
celui-ci  : 

i°  Les  dessins  d'architecture  devaient  être  faits  par  M.  Lassus; 

3°  Le  dessin  des  statues,  par  M.  Amaury  Duval,  peintre; 

3°  La  description  archéologique,  par  M.  Didron; 

li°  L'histoire  proprement  dite  de  la  cathédrale,  par  M.  le  Mi- 
nistre. 

La  cathédrale  de  Chartres  lut  désignée  la  première,  dans  l'ordre 
des  travaux  indiqués  par  M.  le  Ministre,  à  cause  non  seulement  de 
l'importance  et  de  la  beauté  du  monument,  mais  par  une  circon- 
stance qui  rendit  ce  choix  naturel. 

Le  Ministère  de  la  justice  venait  d'ordonner  des  travaux  dans 
cette  cathédrale;  c'était  au  moment  où  la  partie  supérieure  de 
l'édifice  venait  d'être  endommagée  par  un  incendie. 

On  sait  que,  pour  les  monuments  religieux,  le  soin  des  travaux 
de  restauration,  en  ce  qui  touche  l'appropriation  et  la  solidité, 
appartenait  alors  à  M.  le  Ministre  de  la  justice,  chargé  aussi 
de  l'administration  des  cultes.  C'était  lui  qui  en  appréciait  la 
nécessité  et  en  décidait  l'exécution  lorsqu'il  y  avait  lieu.  Un  crédit 
était  ouvert  à  cet  effet  sur  le  budget  de  son  administration  pour 
la  partie  des  dépenses  qui  doit  être  supportée  par  l'Etat,  car  une 
partie  doit  rester  à  la  charge  du  département  ou  de  la  commune, 
suivant  que  l'édifice  qu'il  s'agit  de  réparer  est  considéré  comme 
appartenant  à  1  un  ou  à  l'autre. 

D'après  les  ordres  de  M.  le  Ministre  de  la  justice,  les  travaux 
venaient  de  commencer.  On  avait  dressé  les  échafaudages.  M.  Las- 
sus,  architecte,  appliqué  depuis  longtemps  à  l'étude  et  à  la  res- 


PREFACE.  vu 

taurationde  nos  édifices,  jugea  l'occasion  favorable  pour  s'occuper 
de  la  cathe'drale  de  Chartres.  Il  connaissait  les  intentions  du  Co- 
mité au  sujet  des  anciens  monuments  de  la  France.  La  Monogra- 
phie de  l'église  de  Chartres  devant  tôt  ou  tard  prendre  place  dans 
la  suite  des  publications  qu'on  préparait,  il  valait  mieux,  disait-il, 
l'entreprendre  immédiatement  pour  éviter  de  nouveaux  frais,  les 
constructions  d'échafaudages  déjà  faites  pouvant  servir  aux  dessi- 
nateurs en  même  temps  qu'aux  ouvriers  employés  pour  les  res- 
taurations. Si  l'on  attendait  que  les  travaux  ordonnés  par  le  Mi- 
nistère de  la  justice  fussent  terminés,  on  s'exposait  à  arriver  lorsque 
les  échafaudages  auraient  disparu.  Il  faudrait  de  toute  nécessité  en 
établir  d'autres,  vu  la  distance  et  le  point  d'élévation  des  objets  à 
dessiner.  Ce  seraient  des  dépenses  inutiles,  puisqu'on  pouvait  pro- 
fiter dès  aujourd'hui  de  ce  qui  était  fait.  Il  s'étendait  dans  sa  lettre, 
assez  curieuse,  sur  la  magnificence  du  monument,  la  beauté  de  ses 
dispositions  architecturales,  son  intérêt  archéologique,  le  mérite 
et  la  variété  des  détails  qui  se  recommandent  à  l'attention  de 
l'artiste  et  du  savant.  La  proposition  de  M.  Lassus  fut  accueillie 
presque  immédiatement.  Un  arrêté,  rendu  le  29  août  1837,  le 
chargeait  de  publier  la  Monographie  complète  de  la  cathe'drale  de 
Chartres. 

Il  était  dit  que  M.  Lassus  ne  pourrait  s'aider  d'aucun  artiste 
sans  en  avoir  référé  préalablement  au  Ministre  et  avoir  obtenu 
son  autorisation. 

Il  est  à  remarquer  que  cette  lettre  et  l'arrêté  qui  la  suit  ne 
concernent  que  M.  Lassus.  La  lettre  n'est  signée  que  de  lui,  et  il 
ne  parle  d'aucune  autre  personne  pour  exécuter  le  travail  avec 
lui.  L'arrêté  également  ne  désigne  que  lui.  Toutefois,  dans  la  lettre 
qui  lui  fut  écrite  pour  lui  notifier  la  décision  du  Ministre,  on  lui 
annonce  que  M.  Amaury  Duval  lui  est  adjoint  à  titre  égal.  La  lettre 
en  effet  dit  «  conjointement  »,  ce  qui  emporte  ce  sens. 


vin  PRÉFACE. 

C  est  M.  le  Ministre  lui-même  qui  ajouta  cette  phrase  relative  à 
M.  Amaury  Duval,  ce  qui  prouve  que  ce  n'est  que  quelques  jours 
après  avoir  donné  ses  ordres  touchant  M.  Lassus  qu'il  songea  à  lui 
adjoindre  un  collaborateur.  Mais  il  oublia  de  faire  la  même  recti- 
fication sur  l'arrêté;  on  ne  la  fit  pas,  ce  qui  aurait  pu  donner  lieu 
peut-être  à  des  difficultés  entre  ces  deux  artistes,  en  admettant 
que  l'arrêté  dût  faire  foi  plutôt  que  la  lettre, .si  d'autres  arrêtés 
rendus  un  peu  plus  tard  à  propos  d'indemnité  n'établissaient 
clairement  leur  position  en  les  nommant  tous  les  deux. 

L'ouvrage  porte  leurs  noms.  On  doit  croire  que  M.  Amaury  Du- 
val avait  prié  ou  fait  prier  M.  le  Ministre  de  l'associer  à  M.  Lassus. 
car  il  n'existe  de  lui  aucune  demande  au  dossier. 

On  doit  supposer  également  que  la  pensée  de  M.  le  Ministre, 
en  ce  qui  touchait  le  plan  de  cette  publication,  n'était  pas  encore 
bien  arrêtée  au  moment  où  il  rendit  sa  décision,  puisqu'il  est  dit. 
ainsi  qu'on  vient  de  le  voir,  que  M.  Lassus  sera  chargé  de  la  Mo- 
nographie complète  de  la  cathédrale  de  Chartres.  Ce  terme,  qui  est 
absolu,  indique  évidemment  l'ensemble  du  travail  sans  distinction 
de  ses  parties.  Ce  n'est  que  plus  tard,  en  effet,  que  M.  le  Ministre 
songea  à  se  réserver  la  partie  du  texte  relative  à  l'histoire  géné- 
rale et  à  charger  M.  Didron  de  la  description  archéologique.  L'ar- 
rêté qui  nomme  M.  Lassus  est  du  29  août  i83y  et  celui  qui 
nomme  M.  Didron  du  3i  mai  1 838.  Le  rapport  adressé  au  Roi, 
où  M.  le  Ministre  désigne  la  tâche  qu'il  s'est  attribuée,  n'est  que 
du  3i  décembre  suivant. 

En  chargeant  M.  Lassus  de  ce  travail,  M.  le  Ministre  fit  écrire 
au  Ministre  de  la  justice,  l'avertissant  du  choix  qu'il  avait  fait  de 
cet  artiste  pour  la  Monographie  de  Chartres.  M.  le  Ministre  insis- 
tait sur  le  mérite  de  M.  Lassus;  sans  demander  expressément  à  son 
collègue  de  lui  laisser  diriger  les  travaux  exécutés  par  l'ordre  du 


PRÉFACE.  ix 

Ministère  de  la  justice,  il  le  représentait  comme  très  en  état  de  les 
surveiller.  Il  le  priait,  dans  tous  les  cas,  de  vouloir  bien  l'autori- 
ser à  faire  les  observations  que  lui  suggérerait  son  expérience  dans 
ces  sortes  de  travaux,  ajoutant  quelles  ne  pourraient  que  profiter 
à  l'œuvre  de  restauration  entreprise  par  le  Gouvernement. 

Il  y  avait  donc  deux  architectes  employés  en  ce  moment  à  l'église 
de  Chartres,  l'un  par  le  Ministère  de  la  justice  pour  les  travaux 
de  restauration,  l'autre  parle  Ministère  de  l'instruction  publique 
pour  la  Monographie.  Leurs  attributions  étaient  clairement  défi- 
nies. Ils  n'avaient  aucune  action  officielle  l'un  sur  l'autre,  et 
s'il  leur  convenait  de  demander  ou  de  recevoir  des  conseils,  c'était 
uniquement  à  titre  de  confrères  qui  se  consultent,  mais  non  à  titre 
d'agent  autorisé  à  les  donner  ou  obligé  de  s'y  soumettre.  Leur 
conduite  sur  ce  point  ne  dépendait  que  de  leurs  relations  person- 
nelles; elle  ne  regardait  qu'eux,  sans  toucher  à  leur  indépendance 
vis-à-vis  l'un  de  l'autre. 

M.  Lassus  ayant  demandé  un  auxiliaire  et  indiqué  pour  cette 
fonction  M.  Suréda,  élève  de  M.  Labrouste,  on  fit  droit  à  sa  de- 
mande, et  ce  jeune  architecte  se  mit  aussitôt  à  l'œuvre. 

Après  une  série  de  lettres  et  de  rapports  au  Ministre,  qui  lui 
furent  adressés  pendant  l'espace  de  trois  ans,  le  travail  de  M.  Las- 
sus  continuait  à  s'avancer,  mais  rien  n'avait  encore  paru;  l'on 
n'avait  même  encore  rien  arrêté  au  sujet  de  la  publication  qui  de- 
vait en  être  le  résultat.  Il  n'avait  été  question  ni  de  l'étendue  de 
l'ouvrage,  ni  du  nombre  de  planches  qui  le  composeraient,  ni  du 
plan  à  suivre  pour  le  texte.  Il  est  vrai  qu'on  ne  pouvait  rien  ap- 
précier à  l'avance.  Il  fallait  attendre  que  les  travaux  de  M.  Lassus 
fussent  arrivés  à  un  certain  point  pour  juger  et  décider. 

Le  2  3  octobre  18&0,  on  le  pria  de  donner  des  explications. 
Le  Ministre  désirait  un  rapport  complet  sur  ce  qui  était  fait  et  sur 
ce  qui  restait  à  faire.  On  demandait  de  combien  de  livraisons  se 


x  PRÉFACE. 

composerait  l'ouvrage  et  quel  serait  le  prix  de  chacune  des  livrai- 
sons. 

M.  Lassus  envoya  trois  rapports  et  trois  devis.  Il  est  impossible 
de  donner  une  idée  exacte  de  ces  devis,  hérissés  de  détails  techni- 
ques :  rosaces,  corniches,  chapiteaux,  bas-reliefs,  etc.,  avec  le  prix 
de  chaque  chose  en  regard.  M.  Lassus  ne  paraît  pas  se  de- 
mander s'il  sera  compris  des  personnes  étrangères  à  sa  profession  ;• 
il  semble  faire  un  mémoire  pour  un  confrère  ou  pour  un  entre- 
preneur capable  de  suivre  ces  détails  et  au  fait  de  la  langue  par- 
ticulière qui  sert  à  les  exprimer.  Ce  qu'on  peut  apercevoir  au  mi- 
lieu de  cette  multitude  de  chiffres,  de  désignations  de  toutes  sortes, 
c'est  que  l'ouvrage,  d'après  le  troisième  devis,  aura  79  planches, 
formant  12  livraisons  de  6  planches  chacune,  lesquelles  coûteronl 
ensemble  122,77/1  fr.  57  cent.,  tirées  sans  doute  à  1,0 2 5  exem- 
plaires, suivant  l'usage. 

Consulté  en  1868  sur  le  pian  de  son  ouvrage,  il  fixa  le  chiffre 
à  12  livraisons  de  8  planches,  ou  96  planches,  sk  planches  de 
plus  que  dans  sa  dernière  appréciation.  Il  n'indique  pas  de  prix. 
On  relevait  ces  détails  pour  faire  voir  la  confusion  qui  avait  régné 
dans  cette  affaire,  et  l'on  ajoutait  :  Peut-être  serait-il  à  propos 
d'arrêter  enfin,  après  tant  d'essais,  un  plan  qui  permit  de  savoir 
où  l'on  va  et  à  quoi  s'en  tenir. 

Nous  avons  vu ,  par  le  rapport  au  Roi  (  3 1  décembre  1 8 3 8  ) ,  que 
M.  de  Salvandy  s'était  chargé  d'écrire  l'histoire  de  la  cathédrale 
de  Chartres  pour  être  jointe  à  la  Monographie  publiée  sous  les 
auspices  du  Gouvernement. 

M.  de  Salvandy  n'avait  pas  encore  eu  le  temps  de  s'occuper  de 
ce  travail  en  18/11.  Il  venait  d'être  nommé  ambassadeur  en  Es- 
pagne, et  il  écrivit  une  lettre  pour  annoncer  que  les  obligations 
de  sa  nouvelle  position  ne  lui  permettent  pas  de  remplir  la  tâche 
qu'il  s'était  imposée.  Ne  prévoyant  pas  qu'il  ait  désormais  assez  de 


PRÉFACE.  xi 

loisirs  pour  s'en  acquitter,  il  l'abandonne  volontiers  à  la  personne 
que  M.  le  Ministre  jugera  convenable  de  choisir. 

Mgr  Pie,  alors  correspondant  du  Comité'  à  Chartres,  s'était 
chargé  de  faire  ce  travail;  mais,  quand  il  eut  été  appelé  à  l'évêché 
de  Poitiers,  ses  nouvelles  fonctions  le  détournèrent  aussi  de  l'en- 
treprendre, et  rien  ne  fut  fait. 

M.  Didron  fut  chargé,  par  arrêté  du  3i  mai  1889,  de  rédi- 
ger le  texte  descriptif  qui  devait  accompagner  la  monographie  de 
la  cathédrale  de  Chartres.  Il  avait  fait  connaître  son  plan  dans  un 
rapport  imprimé  très  étendu  et  adressé  à  M.  le  Ministre  à  la  date 
du  17  novembre  1 838. 

ce  Mon  travail,  à  l'image  de  la  cathédrale,  disait  M.  Didron,  se 
divise  en  trois  parties  distinctes  :  en  description  de  l'architecture, 
de  la  sculpture  et  de  la  peinture.  La  description  de  l'architecture 
formera  un  volume,  celle  de  la  sculpture  un  volume,  celle  de  la 
peinture  un  volume,  tous  trois  in-^°,  dans  le  format  des  publica- 
tions historiques  de  votre  Ministère.^ 

Tous  ces  beaux  projets  ont  fini  par  s'évanouir,  sans  laisser 
même  une  page  de  texte  historique.  Seul,  M.  Didron  avait  fait 
un  texte  descriptif,  qui  ne  parut  jamais,  et  dont  la  préface  seule 
fut  imprimée,  après  sa  mort,  dans  le  dernier  volume  des  Annales 
archéologiques. 

Pendant  ce  temps-là  cependant,  les  dessinateurs  continuaient 
sans  un  ordre  bien  déterminé  les  travaux  qui  leur  avaient  été  con- 
fiés, les  uns  pour  l'architecture,  les  autres  pour  la  sculpture  et 
d'autres  enfin  pour  la  peinture  (les  vitraux). 

Enfin,  l'un  des  Ministres  de  l'instruction  publique,  M.  Rou- 
land,  considérant  la  longue  expectative  où  l'on  était  au  sujet  de 
cet  ouvrage,  ne  pouvant  en  prévoir  la  fin,  et  effrayé  des  dépenses 
qu'entraînaient  principalement  les  chromolithographies  reprodui- 
sant les  vitraux,  décida  que  l'ouvrage  serait  interrompu  et  en  res- 


xn  •  PRÉFACE. 

terait  au  point  où  l'avait  laissé  M.  Lassus,  qui  était  mort  depuis 
déjà  un  certain  temps. 

Ce  fut  alors  que  l'on  chargea  M.  Paul  Durand  de  faire  une 
simple  description  des  planches  déjà  parues  et  de  celles  qui  étaient 
en  cours  d'exécution.  C'est  cette  description  qu'on  va  lire. 


MONOGRAPHIE 

DE 

LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES, 


EXPLICATION   DES  PLANCHES. 


PLANCHE  I. 

PLAN   DE  LA  CRYPTE. 

Quoique  dans  la  table  in-folio  des  planches  ce  plan  soit  indiqué 
sous  le  n°  II,  nous  croyons  devoir  commencer  par  lui  notre  description , 
parce  qu'il  représente  le  fondement  sur  lequel  repose  tout  l'édifice,  et 
parce  que  ces  parties  inférieures  et  souterraines,  plus  anciennes  que 
l'église  haute,  ont  eu  une  grande  influence  sur  les  dispositions  de  celle- 
ci.  C'est  là,  en  effet,  que  se  trouvent  des  restes  considérables  des  fonda- 
tions delà  cathédrale  antérieure  à  celle  qui  existe  aujourd'hui  et  dont 
nous  avons  à  nous  occuper;  c'est  là  que  l'on  peut  étudier  diverses  ques- 
tions d'antiquité  et  de  construction  qui  ont  déjà  exercé  la  sagacité  des 
antiquaires,  et  qui  cependant  sont  restées  obscures.  Longtemps  encore, 
probablement,  les  archéologues  seront  embarrassés  pour  expliquer 
certaines  difficultés  sur  lesquelles  on  est  loin  d'être  d'accord  l. 

1  Avant  d'entrer  en  matière ,  et  pour  rendre  citerai  pas  à  chaque  endroit  qu'ils  ont  écîairci 

justice  à  qui  de  droit,  je  dois  faire  connaître  et  expliqué;  mais  je  préviens  d'une  manière 

dès  à  présent  que  les  auteurs  modernes  qui  générale  ceux  qui  voudraient  approfondir  les 

m'ont  été  le  plus  utiles  dans  ce  travail  sont  choses  qu'ils  trouveront  dans  les  travaux  de 

M.  l'ahbé  Bulteau  et  M.  Ad.  Lecocq.  Je  ne  les  ces  auteurs  les  meilleurs  renseignements. 


2  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Il  est  à  regretter  que  ce  plan  ne  porte  aucun  signe,  aucune  marque,  ni 
chiffres  ni  lettres,  qui  puissent  servir  de  points  de  repère  à  celui  qui 
l'examine  ou  à  celui  qui  veut  le  décrire.  Faute  de  ce  secours,  il  nous 
sera  difficile  de  nous  faire  comprendre  facilement;  nous  serons  obligé 
de  revenir  à  plusieurs  reprises  sur  les  mêmes  points  et  d'entrer  dans 
de  fastidieuses  explications.  Que  le  lecteur  veuille  bien  nous  pardonner 
ces  redites  indispensables. 

Jetons  d'abord  un  coup  d'oeil  général  sur  l'ensemble  de  cette  planche. 
Les  parties  blanches  indiquent  les  vides,  et  les  parties  teintées  celles 
remplies  par  des  maçonneries  ou  par  le  terrain.  H  sera  bon  de  faire 
cet  examen,  en  ayant  en  même  temps  sous  les  yeux  la  planche  II,  ou 
le  plan  au  niveau  du  sol. 

H  est  indispensable,  avant  tout,  de  bien  se  représenter  la  forme  de 
la  crypte  du  xic  siècle,  parce  que  son  plan  a  déterminé  d'abord  celui 
de  l'église  supérieure  bâtie  à  cette  époque,  et,  plus  tard,  a  eu  une 
grande  influence  sur  celui  de  l'église  du  xni°  siècle. 

Or,  si  nous  faisons  abstraction  des  constructions  postérieures  qui 
ont  modifié  cette  église  primitive,  voici  ce  que  nous  trouvons  : 

i°  Deux  galeries  latérales,  partant  des  deux  clochers  situés  à  l'ouest; 
—  2°  trois  chapelles  apsidales,  à  l'est;  les  quatre  autres  sont  du 
xiuc  siècle;  —  3°  deux  transepts;  —  h°  le  martyrium  ou  confession, 
à  l'extrémité  orientale  du  terre-plein  occupant  le  milieu  de  l'église; 
il  est  antérieur  au  xie  siècle. 

Les  deux  massifs  latéraux  que  l'on  voit  de  chaque  côté  sont  formés 
par  les  substructions  des  transepts  de  l'église  du  xmc  siècle  ;  comme 
ils  n'existaient  pas  dans  l'origine,  aucune  fenêtre  de  la  crypte  ne  se 
trouvait  obstruée,  et  l'intérieur  de  ce  monument  était  éclairé  dans 
toutes  ses  parties,  d'autant  plus  que  le  terrain  avoisinant  l'église  s'est 
exhaussé  par  la  suite  des  siècles. 

Tel  est,  en  résumé,  l'ensemble  de  cette  crypte,  la  plus  grande  que 
l'on  trouve  en  France.  Nous  allons  maintenant  la  suivre  dans  toute 
son  étendue,  ajoutant  chemin  faisant  quelques  réflexions  sur  les  endroits 
intéressants  et  sur  les  particularités  que  nous  rencontrerons. 


PLANCHE  I.  —  PLAN  DE  LA  CRYPTE.  3 

L'escalier,  d'une  vingtaine  de  marches,  partant  au-dessous  du  clocher 
neuf  (côté  du  nord),  nous  introduit  dans  la  longue  galerie  qui  suit  le 
côté  nord  de  l'église.  A  chaque  travée,  nous  remarquerons  des  voûtes 
d'arêtes,  sans  nervures,  reposant  sur  des  pilastres  engagés,  fort  peu 
saillants,  terminés  à  leur  partie  supérieure  par  un  tailloir  extrêmement 
simple.  Les  fenêtres  sont  petites  et  en  plein  cintre.  Ces  caractères  nous 
font  reconnaître  une  construction  du  xic  siècle ,  et  sont  conformes  avec 
les  documents  historiques  qui  nous  apprennent  que  l'évêque  Fulbert 
fit  bâtir  cette  crypte  immédiatement  après  l'incendie  de  1020. 

La  partie  de  cette  galerie  située  au  bas  des  marches  est  l'endroit 
désigné,  dans  les  anciennes  descriptions  et  sur  les  anciens  plans,  de  la 
m'anière  suivante  :  Lieux  où  demeurent  les  sœurs  pour  la  garde  des  saints 
lieux. 

Suivant  l'historien  Roulliard,  rcc'estoient  au  commencement  des 
r  hommes  ecclésiastiques  qui  gardoient  ce  S.  Lieu,  lesquels  couchoient 
rr  et  levoient  dans  icelui  et  demeuroient  en  de  petites  chambres  qui 
«sont  encores  à  l'entrée  de  la  Grotte.  Du  depuis  y  furent  mises  des 
«filles  dévotes  qui  s'appeloient  les  filles  des  SS.  Lieux-forts.  A  présent 
^(1609)  y  a  une  seule  fille,  ou  veuve  dévote,  qui  a  des  servantes 
(rsoubselle,  et  gardent  assiduellement  ensemble  les  dicts  SS.  Lieux, 
«  faisant  leur  perpétuelle  résidence  es  dictes  chambrettes,  dressées  à 
rr  cet  effet.  Elle  est  vulgairement  nommée  la  Dame  des  SS.  Lieux-forts, 
«ou  des  Grottes,  et  a  un  fort  beau  revenu  de  fondation  pour  sa  nourri- 
wture  et  entretenement.  Aussi  est-elle  tenue  d'avoir  le  soing  des  orne- 
mnens  de  la  dicte  chapelle  de  Nostre-Dame,  de  fournir  de  tous  orne- 
cr mens, pour  célébrer  la  messe,  à  tous  les  prebstres,  quels  qu'ils  soient, 
rr  qui  vont  chanter  au  dict  lieu,  de  leur  bailler  pain  et  vin,  et  autres 
rr  choses  nécessaires  à  ce  divin  service. 

trJe  trouve  par  les  anciennes  chartres  que  les  dictes  personnes 
rrestoient  commises  à  la  garde  des  dictes  Grottes  aussi  pour  autres 
rr  occasions,  sçavoir  :  pour  y  recevoir  les  pellerins  et  malades  qui  y 
«alloient  en  dévotion,  comme  on  y  ha  toujours  abordé  de  tous  les 
rr  coings  du  monde.  Et,  tant  pour  cette  cause  qu'autres  jà  dessus  dictes , 


k  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

cria  dicte  Grotte  auroit  été  qualifiée  Yhospital  du  S.  Lieu-fort,  comme 
cr  appert  par  un  filtre  du  3  octobre  i/io3,  auquel  sont  nommées  les 
«  sœurs  du  dict  hospital  en  cette  sorte  :  Perrine  la  Martinelle,  Mais- 
ff  tresse,  Jehanne  Laffidée,  Laurence  la  Verrière  et  Julliote  la  Herbe- 
rt relie,  sœurs  de  l'hospital  du  S.  Lieu-fort,  en  l'église  de  Chartres. 

crCet  hospital  étoit  pour  recevoir  les  malades  du  feu  sacré,  qui 
fc  couroit  fort  en  ce  temps  là,  que  l'on  appeloit  la  maladie  des  ardents. 
ce  Ces  malades  estoient  retenus  durant  neuf  jours  pour  faire  leurs  dévo- 
uions, puis  ils  s'en  retournoient  guéris.  11 

Nous  avons  cité  ces  passages  pour  montrer  l'importance  que  l'on 
attachait  au  sanctuaire  de  Notre-Dame-sous-terre,  dont  nous  appro- 
chons. H  faut  remarquer  que  les  anciens  auteurs  emploient  toujours 
l'expression  de  Grotte  quand  ils  parlent  de  ce  sanctuaire,  ce  qui  est 
l'indice  de  traditions  suivant  lesquelles  l'emplacement  de  la  cathédrale 
était  occupé  par  des  grottes  remontant  à  l'époque  druidique.  On  ne 
trouve  aujourd'hui  aucun  vestige  de  celte  église  souterraine. 

Ces  appartements,  où  demeuraient  les  sœurs  pour  la  garde  des 
saints  lieux,  étaient  construits  en  bois;  ils  se  composaient  dune  cellule 
à  gauche  et  de  six  autres  à  droite.  Il  ne  reste  aujourd'hui  presque 
rien  de  ces  petites  chambres,  indiquées  dans  les  auteurs  anciens  et 
figurées  sur  les  vieux  plans  de  la  cathédrale,  si  ce  n'est  un  système 
assez  singulier  de  serrures  et  de  petits  guichets  pratiqués  dans  les  pan- 
neaux de  la  porte  placée  au  bas  de  l'escalier,  et  qui  indique  qu'on  ne 
pouvait  pénétrer  dans  l'église  souterraine,  de  ce  côté,  sans  la  permis- 
sion de  ces  gardiennes. 

Continuant  à  suivre  notre  route,  nous  passons  devant  les  cinq  fenê- 
tres qui  sont  à  gauche,  en  face  desquelles  sont  des  murs  pleins,  sans 
aucun  ornement  architectural.  Dans  l'une  des  premières  travées, 
M.  Lassus  fit  pratiquer  une  excavation  horizontale  d'environ  deux 
mètres,  s'enfonçant  sous  le  sol  de  la  nef  de  l'église  haute  ;  on  reconnut 
que  c'était  un  massif  de  terre  sans  aucune  construction  ni  excavation 
souterraine. 

Après  les  cinq  fenêtres  dont  nous  venons  de  parler  se  trouve  (à  la 


PLANCHE  I. —  PLAN  DE  LA  CRYPTE.  5 

sixième  (ravée)  une  grande  arcade  ou  porte,  qui,  avant  le  xme  siècle, 
devait  être  une  des  entrées  latérales  de  la  crypte.  Aujourd'hui,  cette 
porte  donne  dans  un  corridor  voûté,  qui  règne  sous  un  des  bas  côtés 
du  transept  nord  de  l'église  haute  et  aboutit  à  un  escalier  menant  au 
dehors.  Il  faut  remarquer  que  cet  escalier  est  pratiqué  dans  l'épaisseur 
d'un  contrefort,  vice  de  construction  qui  est  atténué  par  l'extrême  ré- 
sistance et  par  la  dureté  de  la  pierre  dont  la  cathédrale  est  construite. 

Après  cette  arcade  on  rencontrait,  avant  i85o,  une  grille  et  une 
porte  en  bois  qui,  au  xvne  siècle,  formaient  la  limite  ouest  de  l'espace 
consacré  dans  la  crypte  au  pèlerinage  de  Notre-Dame-sous-terre. 

Les  trois  travées  suivantes,  la  septième,  la  huitième  et  la  neuvième, 
ont  leurs  fenêtres  obstruées  par  l'emmarchement  du  porche  septen- 
trional; on  aperçoit  leurs  contours  sous  l'enduit  de  maçonnerie  et  sous 
les  peintures  qui  les  recouvrent.  Derrière  la  troisième  de  ces  fenêtres 
bouchées  il  existe  un  corridor  semblable  à  celui  dont  nous  avons 
parlé  un  peu  plus  haut  ;  il  est  sans  usage,  et  forme  un  souterrain  ou 
une  cave  à  l'usage  de  l'église. 

L'endroit  où  nous  arrivons  ensuite  n'a  rien  de  particulier  ni  de 
remarquable  sous  le  rapport  de  l'architecture.  C'est  à  un  autre  point 
de  vue  qu'il  mérite  de  fixer  l'attention  ;  il  a  été  pendant  plusieurs 
siècles  le  point  le  plus  important  de  l'église  souterraine,  parce  que 
c'est  là  que  se  trouvaient  le  sanctuaire  et  l'autel  du  pèlerinage  de 
Notre-Dame  de  Chartres,  dont  la  statue  était  placée  en  ce  lieu. 

Remarquons  d'abord  que  la  dixième  travée  a  subi  une  grande  mo- 
dification. Il  y  avait  précédemment  à  cette  place  une  fenêtre  semblable 
aux  autres;  au  xvue  siècle,  le  mur  fut  largement  ouvert  pour  former  une 
communication  avec  le  dehors  et  donner  accès  au  sanctuaire  de  Notre- 
Dame-sous-terre.  Les  architectes  qui  firent  ce  changement  laissèrent 
visible  le  haut  de  l'ancienne  fenêtre.  Plus  bas,  et  sur  les  côtés,  ils  dis- 
posèrent la  maçonnerie  de  manière  à  imiter  une  grotte  taillée  dans 
un  rocher,  afin  de  rappeler  et  de  maintenir  l'idée  et  le  souvenir  de  la 
grotte  druidique,  dont  on  ne  trouve  cependant  aujourd'hui  aucun 
vestige  dans  la  crypte,  ainsi  que  nous  l'avons  dit. 


6  MONOGRAPHIE  DE  LA.CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

En  face  de  celte  porte,  et  faisant  aussi  partie  de  la  dixième  travée,  il 
y  a  un  renfoncement  pratiqué  dans  le  terre-plein  central  :  c'est  la  cha- 
pelle des  Saints-Forts,  Savinien,  Potentien  et  leurs  compagnons,  pre- 
miers apôtres  du  christianisme  dans  cette  partie  des  Gaules. 

C'est  dans  la  onzième  travée  que  se  trouvaient  le  sanctuaire  et 
l'autel  de  l'antique  pèlerinage  de  Notre-Dame  de  Chartres.  Une  tra- 
dition, dont  l'origine  se  perd  dans  la  nuit  des  temps,  faisait  remonter 
la  statue  de  la  Sainte  Vierge  tenant  le  divin  Enfant  sur  ses  genoux  à 
l'époque  druidique.  Elle  était  accompagnée  de  la  célèbre  inscription  : 
VIRGINI  PARITVRAE  rappelant  la  prophétie  d'Isaïe  :  Ecce  virgo 
concipiet  el  parietjilimn.  Pareille  tradition  existait  en  Orient  :  sur  le  mont 
Carmel,  pays  voisin  de  la  Phénicie,  il  y  avait,  avant  1ère  chrétienne, 
un  antique  sanctuaire  dédié  à  la  vierge  qui  devait  enfanter  et  avec  la 
même  inscription. 

Tout  l'espace  compris  entre  la  septième  et  la  onzième  travée  avait  été 
orné  avec  beaucoup  de  luxe  en  l'année  1690.  L'autel  avait  été  refait 
et  accompagné  d'une  balustrade  en  marbre,  les  murs  revêtus  de 
plaques  de  marbres  variés  et  les  voûtes  enrichies  de  peintures,  où,  au 
milieu  de  rinceaux  sur  fond  d'or,  on  voit  encore  des  médaillons  où 
sont  représentées  des  scènes  de  l'ancien  et  du  nouveau  Testament. 
Deux  artistes  chartrains,  ÎNicolas  Pauvert  et  Pierre  delà  Ronce,  avaient 
exécuté  les  peintures,  qui  existent  encore,  quoique  fort  détériorées. 
Quant  aux  marbres  et  aux  autels  de  la  Sainte  Vierge  et  des  Saints-Forts, 
ils  ont  été  détruits  à  la  fin  du  dernier  siècle;  mais  la  piété  des  Char- 
trains  s'occupe  depuis  plusieurs  années  à  rétablir  ces  lieux  dans  leur 
première  splendeur. 

Le  musée  de  Chartres  possède  une  ancienne  et  rare  gravure  du 
commencement  du  xvme  siècle  qui  donne  une  idée  de  l'ensemble  de  la 
décoration  du  sanctuaire  de  Notre-Dame-sous-terre  tel  qu'il  était  à 
cette  époque. 

Nous  avons  dit  que  la  onzième  travée  contenait  le  sanctuaire  et  l'au- 
tel du  pèlerinage.  Le  passage  et  la  circulation  auraient  donc  été  inter- 
ceptés si  l'on  n'eût  pratiqué  un  couloir  en  perçant  les  murs  sur  le 


PLANCHE  I.  —  PLAN  DE  LA  CRYPTE.  7 

côté,  comme  nous  le  voyons  sur  cette  planche.  Nous  suivrons  ce  pas- 
sage, qui  se  courbe  autour  de  l'autel  et  nous  permet  de  passer  derrière 
le  mur  transversal  (non  marqué  sur  notre  planche)  et  de  pénétrer 
dans  la  douzième  travée. 

Celle-ci,  placée,  comme  nous  venons  de  le  dire,  derrière  le  siège 
vénéré  du  pèlerinage,  est  aujourd'hui  complètement  obscure,  parce 
que  les  constructions  de  la  grande  église  du  xme  siècle  ont  obstrué 
toutes  les  fenêtres.  Cet  endroit,  et  celui  qui  y  correspond  du  côté  du 
midi,  ont  subi  de  tels  changements  et  de  telles  modifications,  qu'il  est 
fort  difficile  de  se  rendre  compte  de  leur  état  primitif.  Nous  en  sommes 
réduits  à  faire  des  suppositions,  sans  pouvoir  rien  établir  de  certain. 
L'examen  de  ces  parties,  fait  sur  place,  conduit  à  penser  qu'il  y  avait 
ici  un  transept  se  reproduisant  à  l'étage  supérieur  dans  la  cathédrale 
du  xic  siècle.  Aujourd'hui  cette  partie  carrée,  dans  laquelle  est  pris 
le  corridor  recourbé  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure,  est  aménagée 
en  caves  et  en  magasins  pour  le  service  de  l'église  ;  il  y  a  là  aussi  un  ré- 
duit fort  petit,  entouré  de  murs  qui  lui  sont  propres,  où  sont  percées 
des  fenêtres  garnies  de  barreaux  de  fer  comme  le  cachot  d'une  prison. 

Immédiatement  après,  à  gauche,  est  une  porte  qui  dans  l'origine 
conduisait  au  dehors.  Aujourd'hui ,  l'escalier  que  nous  trouvons  là 
conduit  à  d'autres  caves  et  à  des  réduits  du  xivc  siècle,  situés  sous  la 
grande  sacristie,  et  à  un  second  escalier  menant  à  cette  sacristie  et  au 
couloir  par  lequel  elle  communique  avec  la  cathédrale. 

Mais  reprenons  notre  excursion  sous  terre.  Nous  voici  arrivés  main- 
tenant à  la  partie  semi-circulaire  formant  l'apside  de  la  crypte. 

La  première  chapelle,  que  nous  rencontrons  à  gauche,  est  sous  le 
vocable  de  sainte  Véronique;  elle  sert  aujourd'hui  de  sacristie  pour  le 
service  de  la  crypte.  C'est  une  adjonction  construite  au  xme  siècle.  Elle 
se  trouve  placée  entre  ce  que  nous  regardons  comme  un  ancien  tran- 
sept du  xie  siècle  et  la  chapelle  suivante,  qui  est  de  cette  même  époque. 
Les  fenêtres  sont  grandes  et  en  ogives;  la  voûte  est  renforcée  par  de 
grosses  nervures  carrées.  Sur  cette  voûte  et  sur  les  murs  sont  des  ves- 
tiges de  peintures  du  xuie  et  du   xive  siècle;  elles  sont  fort  détério- 


8  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

rées,  et  les  sujets  ne  peuvent  plus  se  comprendre.  On  voit  des  hommes 
conduisant  des  chevaux  encore  assez  visibles;  sur  des  bandeaux  tracés 
horizontalement  on  peut  aussi  distinguer  des  chevrons  et  des  zigzags; 
sur  les  nervures,  des  cercles  entrelacés;  sur  les  voûtes,  un  semis  de 
grandes  fleurs  de  lis  et  de  tours  de  Castille,  et,  au-dessus  de  l'endroit 
où  se  trouvait  l'autel,  un  buste  de  Jésus-Christ  bénissant,  entre  deux 
anges  thuriféraires. 

En  face  de  cette  chapelle,  sur  la  droite  du  chemin  que  nous  par- 
courons, il  y  a  une  porte  par  laquelle  on  descend  dans  une  petite 
crypte  plus  basse  et  plus  profondément  enfoncée  sous  le  sol. 

11  faut  examiner  attentivement  cet  endroit.  11  est  très  intéressant 
pour  les  archéologues,  car  c'est  là  que  se  trouvent  les  constructions  les 
plus  anciennes  de  la  cathédrale,  et  tout  porte  à  croire  que  plusieurs 
des  murs  de  ce  souterrain  ont  fait  partie  de  substructions  gallo-romaines 
appartenant  à  l'ancienne  enceinte  de  la  cité  des  Carnutes.  Sur  une 
portion  notable  de  ces  murs,  la  construction  est  en  petit  appareil  ac- 
compagnée de  bandes  horizontales  de  briques  larges  et  épaisses. 

Ce  caveau  a  été  bien  probablement  le  martyrium  ou  la  confession 
des  cathédrales  qui  ont  précédé  celle  du  xie  siècle.  Nous  allons  donner 
un  aperçu  des  particularités  qu'on  y  rencontre. 

Il  faut  savoir  d'abord  que  la  porte  par  où  nous  venons  de  passer 
n'existait  pas  dans  l'origine.  On  descendait  dans  cette  petite  crypte  par 
l'escalier  que  l'on  voit  sur  la  droite  de  la  gravure  et  qui  communiquait 
avec  le  sanctuaire  de  l'église  supérieure.  Cet  escalier  et  la  porte  que 
l'on  rencontre  vers  le  milieu  de  son  parcours  paraissent  du  xiue  siècle. 
H  fut  supprimé  et  muré  danssapartie  supérieure  lors  des  changements 
que  subit  le  chœur  de  la  cathédrale  à  la  fin  du  siècle  dernier.  Au  bas 
de  cet  escalier,  à  gauche,  le  pilier  engagé  dans  le  mur  offre  tous  les 
signes  d'une  construction  romane  primitive;  à  sa  partie  supérieure  est 
un  tailloir  orné  de  moulures  feuilletées  comme  on  en  trouve  dans  les 
monuments  du  vme  au  xe  siècle.  Ce  pilastre  engagé,  les  deux  piliers 
carrés  isolés  qui  supportent  la  voûte,  et  la  grosse  colonne  engagée  qui 
est  au  milieu  contre  le  mur  ouest,  sont  attribués  à  une  époque  anté- 


PLANCHE  I.  — PLAN  DE  LA  CRYPTE.  9 

rieure  au  xie  siècle.  On  y  remarque,  en  effet,  un  caractère  architecto- 
nique  qui  n'existe  qu'à  cette  époque.  C'est  une  brique,  quelquefois 
deux ,  placées  verticalement  çà  et  là  dans  l'appareil  entre  deux  pierres 
de  taille  et  accompagnées  de  joints  fort  épais.  M.  Alfred  Ramé  l  a  dé- 
montré que  ces  briques  ainsi  disposées  n'avaient  jamais  été  observées 
dans  une  construction  postérieure  ou  antérieure  au  xc  siècle ,  et  que  cette 
particularité,  rapprochée  delà  forme  particulière  du  tailloir,  donnait 
ainsi  la  date  précise  de  l'époque  où  avaient  été  construits  les  monuments 
qui  offraient  ce  signe  caractéristique. 

Le  mur  plan  devant  lequel  eSt  la  grosse  colonne  engagée  est  une 
construction  gallo-romaine.  H  est  formé  d'une  maçonnerie  de  moellons 
noyés  dans  du  mortier,  interrompue  de  distance  en  distance  par  des 
bandes  de  briques  s'étendant  horizontalement;  cette  construction  peut 
remonter  au  vc  ou  au  vie  siècle. 

Dans  le  mur  circulaire  qui  est  en  face,  du  côté  de. l'est,  sont  creu- 
sées de  grandes  et  profondes  niches  ou  arcades  en  plein  cintre ,  sem- 
blables à  celles  que  l'on  rencontre  dans  tous  les  monuments  des  époques 
primitives;  ce  sont  probablement  des  arcs  de  décharge. 

Les  voûtes  et  la  partie  supérieure  des  différents  piliers  de  ce  caveau 
ont  été  refaites  à  neuf  et  surhaussées  dans  le  siècle  dernier  afin  de  leur 
donner  une  solidité  capable  de  supporter  le  poids  du  nouvel  autel  et 
du  groupe  colossal  de  l'Assomption,  placés  dans  le  nouveau  chœur  de 
la  cathédrale.  Peut-être  avant  cette  époque  les  piliers  étaient-ils  ornés 
à  leur  partie  supérieure  de  sculptures,  ou  au  moins  de  moulures,  qui 
eussent  pu  nous  fournir  une  indication  précisant  une  époque  d'une 
manière  certaine.  Ce  caveau  central,  avons-nous  dit,  était  le  martyrium 
des  cathédrales  primitives  détruites  par  les  incendies  ou  par  d'autres 
causes  de  ruine;  mais  cette  ancienne  destination  était  depuis  long- 
temps tombée  en  désuétude,  car  la  plupart  des  auteurs  nomment  cet 
endroit  le  Trésor. 

De  ce  caveau  central  on  passe,  en  allant  à  droite,  dans  un  autre  un 
peu  plus  petit,  et  l'on  aperçoit  en  face,  sur  le  côté  ouest,  un  pare- 

'   Voir  Bulletin  monumental  de  M.  de  Cauniont,  année  1860. 


JO  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

ment  de  mur  où  le  petit  appareil  romain  et  les  bandes  horizontales  de 
briques  se  montrent  parfaitement  conservés,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
plus  haut.  C'est  le  seul  endroit  de  la  ville  de  Chartres  où  l'on  voie  ce 
système  de  construction,  qui  nous  fait  remonter  peut-être  jusqu'au 
ive  siècle.  Dans  ce  même  caveau  il  y  a  une  fosse  où  l'on  ne  peut  des- 
cendre qu'à  l'aide  d'une  échelle.  C'était  une  cachette,  où  l'on  pouvait, 
pendant  les  sièges  ou  les  troubles  si  fréquents  au  moyen  âge,  déposer 
avec  sécurité  la  Sainte-Châsse  et  les  autres  reliquaires  précieux  qui 
faisaient  la  richesse  de  la  cathédrale  et  composaient  le  trésor  de  Notre- 
Dame.  Cette  fosse  était  alors  recouverte  d'une  dalle,  et  l'entrée  étroite 
qui  nous  introduit  ici  étant  murée,  il  était  bien  difficile  de  pénétrer  en 
cet  endroit.  Ce  caveau  communique  aujourd'hui  avec  la  crypte  de  Ful- 
bert par  la  porte  que  nous  avons  prise  pour  y  entrer,  laquelle  est 
située  en  face  de  la  chapelle  de  Sainte-Véronique.  Cette  porte  n'existait 
pas  dans  l'origine;  les  caveaux  que  nous  venons  de  quitter  n'étaient 
accessibles  que  par  l'entrée  donnant  dans  le  sanctuaire  de  l'église  haute. 
Quand  cette  entrée  fut  supprimée  par  suite  des  travaux  qui  ont  modi- 
fié le  chœur,  on  perça  grossièrement,  par  une  trouée  dans  la  muraille, 
le  mur  d'enceinte  du  martyrium  afin  de  pouvoir  y  accéder;  ce  n'est 
que  depuis  quelques  années,  lorsque  l'on  fit  ici  une  chapelle  dédiée  à 
saint  Lubin ,  que  l'on  régularisa  l'ouverture,  que  l'on  plaça  des  marches 
et  qu'on  y  adapta  une  grille  qui  puisse  se  fermer;  mais,  ne  l'oublions 
pas,  c'est  une  disposition  entièrement  moderne. 

Reprenant  la  galerie  circulaire,  que  nous  avons  quittée  pour  visiter 
le  martyrium,  nous  trouvons  après  la  chapelle  de  Sainte-Véronique 
(xme  siècle)  une  seconde  chapelle  dont  la  forme  est  différente.  Elle 
est  allongée,  voûtée  en  berceau  et  terminée  en  cul-de-four;  c'est  une 
construction  du  xie  siècle.  Ses  fenêtres  sont  petites  et  en  plein  cintre. 
Au  fond  de  cette  chapelle,  à  gauche,  il  y  a  une  très  petite  fenêtre  qui 
est  d'une  époque  antérieure;  auprès  on  voit  des  briques  debout  dans 
les  joints:  c'est  un  reste  d'une  église  antérieure.  Les  murs  offraient, 
d'un  côté,  des  scènes  de  pèlerins  presque  entièrement  effacées  et,  de 
l'autre,  des  assises  de  pierre  tracées  eu  ocre  rouge;  on  les  a  rétablies 


PLANCHE  I. —  PLAN  DE  LA  CRYPTE.  11 

semblables  il  y  a  peu  de  temps,  ainsi  que  les  semis  de  fleurs  sur  la 
voûte,  telles  qu'on  les  voit  sur  la  planche  LXXII.  Cette  chapelle  est 
aujourd'hui  dédiée  à  saint  Joseph. 

La  troisième  chapelle,  dite  de  Saint-Fulbert,  est  de  celles  ajoutées  au 
xuic  siècle.  Sa  forme  est  polygonale;  elle  ne  présente  rien  de  particulier. 

La  quatrième  chapelle,  dédiée  à  saint  Jean-Baptiste,  est  la  chapelle 
qui  se  trouve  dans  l'axe  de  l'église;  elle  est  du  xie  siècle  et  semblable 
à  celle  de  Saint-Joseph ,  dont  nous  avons  parlé  précédemment,  et  à  celle 
de  Sainte-Anne,  que  nous  verrons  tout  à  l'heure.  Ce  sont  les  trois  cha- 
pelles faisant  partie  de  la  construction  primitive;  leur  forme  suffit  sur 
le  plan  pour  les  caractériser  et  les  faire  reconnaître. 

Entre  la  chapelle  de  Saint-Jean  et  la  suivante  on  voit,  au  delà  de  la 
cathédrale  et  plus  à  l'est,  les  parties  inférieures  de  la  chapelle  de 
Saint-Piat,  dont  nous  parlerons  ailleurs. 

La  cinquième  chapelle,  dite  de  Saint-Yves,  est  du  xiu6  siècle,  comme 
nous  le  reconnaissons  à  ses  fenêtres  en  ogives,  aux  nervures  de  sa 
voûte  et  à  sa  disposition  sur  notre  plan. 

La  sixième  est  celle  de  Sainte-Anne;  elle  remonte  au  xie  siècle, 
comme  nous  l'avons  dit  il  y  a  un  instant.  C'est  une  des  chapelles  pri- 
mitives. 

La  septième  chapelle  est  la  dernière  de  la  partie  apsidale  ;  elle  est 
du  xnic  siècle,  ainsi  que  nous  le  montrent  ses  fenêtres  en  ogives  et  ses 
autres  accessoires  de  cette  époque.  Dans  le  coin,  à  droite  en  entrant,  on 
trouve  quelques  vestiges  d'une  construction  du  xe  siècle. 

Ici  finit  la  partie  semi-circulaire  de  la  crypte,  et  nous  retrouvons, 
comme  du  côté  opposé,  une  galerie  droite,  que  nous  allons  aussi  par- 
courir. 

La  première  chose  que  nous  rencontrons  à  gauche  est  une  des  en- 
trées de  l'église  souterraine  du  côté  méridional.  La  porte  extérieure 
est  ornée  d'une  arcade  avec  une  décoration  dans  le  style  du  xie  au 
xnc  siècle.  Elle  est  accompagnée  de  deux  colonnettes  avec  chapiteaux 
richement  sculptés,  surmontés  d'un  tore  et  d'une  moulure  garnie  de 
dents  de  scie. 


12  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES.       • 

Vient  ensuite  un  espace  carré  ayant  formé,  comme  nous  l'avons  dit 
en  parlant  de  l'autre  côté,  un  transept  primitif.  Aujourd'hui,  c'est  la 
chapelle  de  Saint-Martin. 

On  a  déposé  dans  cette  chapelle  les  fragments  de  sculpture  de  l'an- 
cien Jubé,  détruit  pendant  le  siècle  dernier.  Ce  sont  de  précieux  échan- 
tillons de  l'art  au  xme  siècle.  Nous  verrons  plus  loin  (pi.  XXXVII)  les 
dessins  et  reproductions  de  plusieurs  de  ces  fragments  de  la  sculpture 
française  au  xme  siècle. 

C'est  dans  cette  chapelle  aussi  que  se  trouve  un  sarcophage  méro- 
vingien dans  lequel  avait  été  inhumé  le  corps  de  Chalétric,  évêque  de 
Chartres,  mort  au  vie  siècle  (en  567). 

On  lit  sur  le  couvercle  du  sarcophage  une  des  plus  anciennes  in- 
scriptions chrétiennes  qui  soient  dans  cette  partie  des  Gaules  : 

f  hic  reqyiekit  chaljtricy;  epiicopy;  cviy;  dy^ci;  memoria 
pridie  nona;  octobri;  vitam  tran;portavit  in  coeij; 

et  sur  laquelle  on  peut  voir  M.  Edmond  Le  Blant,  Inscriptions  chrétiennes 
de  la  Gaule  avant  le  vme siècle,  I,  p.  3o&  à  307. 

Lors  de  la  démolition  de  l'église  de  Saint-Nicolas-au-Cloîlre,  portant 
aussi  le  nom  de  Saint-Serge  et  Saint-Bacche,  on  trouva  sous  le  maître 
autel  ce  précieux  et  antique  monument.  Après  avoir  occupé  divers 
emplacements,  il  fut  déposé  ici  il  y  a  une  quinzaine  d'années. 

Continuant  notre  exploration,  nous  rencontrons  plus  loin,  du  même 
côté  gauche,  une  chapelle  carrée,  disposée  dans  un  endroit  remanié  à 
une  époque  assez  rapprochée.  C'est  aujourd'hui  la  chapelle  de  Saint- 
Nicolas.  Elle  est  en  correspondance  de  symétrie  avec  l'escalier  du  côté 
du  nord. 

En  face,  sur  le  côté  droit,  dans  le  renfoncement  qui  pénètre  dans 
le  massif  central,  est  la  chapelle  de  Saint-Clément,  où  se  trouve  la 
peinture  reproduite  en  chromolithographie  sur  la  planche  LXXI. 

En  cet  endroit,  nous  rencontrons  une  barrière  formée  par  une 
grille  et  par  une  porte  en  bois  du  temps  de  Louis  XIII.  Nous  ne  savons 


PLANCHE  I.  — PLAN  DE  LA  CRYPTE.  13 

à  quelle  occasion  elle  a  été  placée  là,  car  elle  gêne  la  circulation  dans 
les  cérémonies  qui  se  font  sous  terre. 

Après  cette  porte  il  y  a,  à  gauche,  une  piscine  en  pierre  où  l'on 
jette  l'eau  qui  a  servi  à  laver  les  linges  de  l'église.  Au-dessus  est  une 
peinture  à  fresque  du  xnc  au  xme  siècle  représentant  la  Nativité  du 
Sauveur;  Jésus-Christ,  la  Sainte  Vierge  et  saint  Joseph  remplissent  le 
tableau.  Une  petite  draperie  orne  et  complète  cette  peinture  dans  le 
soubassement. 

Viennent  ensuite  les  fenêtres  de  l'église  primitive ,  qui  ont  été  bouchées 
par  la  construction  du  porche  méridional.  La  première  donne  sur  un 
souterrain  dans  lequel  on  accède  par  le  dehors.  La  troisième  est  fort 
curieuse  :  c'est  encore  un  de  ces  échantillons  où  les  signes  caractéris- 
tiques du  xe  siècle  se  manifestent  à  la  vue.  On  remarquera  qu'elle  n'est 
pas  de  la  même  forme  que  les  autres;  elle  est  beaucoup  plus  petite  et 
très  étroite. 

Nous  rencontrons  plus  loin,  à  gauche,  une  porte  qui,  comme  du 
côté  nord,  entre  dans  un  corridor  sortant  au  dehors  par  une  porte 
pratiquée  aussi  dans  l'épaisseur  du  contrefort,  comme  nous  pouvons  le 
remarquer  sur  le  plan  que  nous  avons  sous  les  yeux.  C'est  la  quatrième 
qui  ait  cette  disposition. 

Le  reste  de  cette  galerie,  semblable  à  celle  du  nord,  présente  à 
notre  observation  une  belle  cuve  baptismale  du  xie  au  xne  siècle.  Elle 
est  flanquée  de  quatre  colonnettes  surmontées  de  chapiteaux  variés  et 
très  élégants.  Des  bancs  en  maçonnerie  sont  disposés  le  long  des  murs. 

L'escalier  où  nous  arrivons,  au  bout  de  cette  galerie,  tout  à  fait  à 
l'ouest,  débouche  au  bas  du  vieux  clocher. 

En  résumé,  si  nous  examinons  d'un  coup  d'œil  cette  belle  crypte, 
nous  reconnaîtrons  qu'elle  a  la  forme  d'un  fer  à  cheval  allongé,  formé 
par  les  deux  galeries  se  réunissant  du  côté  de  l'est  par  une  partie 
courbe;  elle  est  accompagnée,  avons-nous  dit,  de  chapelles  et  de  tran- 
septs, mais  le  noyau  ou  massif  central  est  plein  et  ne  contient  pas  de 
traces  d'une  ancienne  nef. 


\k  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  II. 

(  Indiquée  comme  planche  I  dans  la  table  in-folio.  ) 
PLAN   AU-DESSUS   DU   SOL. 

Cette  planche  nous  fait  voir  d'un  seul  coup  d'oeil  la  disposition 
complète  de  la  cathédrale.  Quoique  ce  plan  soit  facile  à  comprendre 
et  s'indique  lui-même  à  la  simple  vue,  nous  devons  cependant  faire 
quelques  remarques  et  donner  plusieurs  explications. 

Et  d'abord,  le  titre  gravé  au  has  de  la  gravure  nous  indique  que 
ce  plan  n'est  pas  pris  au  niveau  du  sol,  comme  on  le  fait  ordinaire- 
ment, mais  un  peu  plus  haut.  H  en  résulte  que,  la  base  des  murs 
n'étant  pas  marquée  en  noir,  il  faut  une  certaine  attention  pour  dis- 
tinguer la  place  des  portes  de  celle  des  fenêtres.  Nous  aurons  soin 
tout  à  l'heure  de  donner  cette  indication  d'une  manière  exacte. 

Au  premier  abord,  l'unité  de  ce  plan  nous  paraît  parfaite  et  nous 
donne  la  preuve  qu'un  seul  architecte  en  est  l'auteur.  Sauf  les  addi- 
tions peu  importantes  que  nous  mentionnerons  plus  loin,  la  disposi- 
tion symétrique  de  toutes  les  parties  tracées  sur  le  sol  semble  indiquer 
que  rien  n'a  gêné  le  maître  de  l'œuvre  dans  ses  conceptions  gran- 
dioses. Il  n'en  est  pas  cependant  tout  à  fait  ainsi,  et  nous  devons,  dès 
à  présent,  faire  une  remarque  qu'il  ne  faudra  pas  oublier  quand  nous 
parlerons  de  la  façade  occidentale.  L'incendie  de  119^,  après  lequel 
fut  commencée  l'église  actuelle,  avait  laissé  subsister  des  parties  im- 
portantes de  la  cathédrale  antérieure;  la  crypte  tout  entière  avait 
été  épargnée  parle  feu,  ainsi  qu'une  portion  considérable  de  la  façade 
occidentale,  à  savoir  les  trois  portes  principales,  la  partie  inférieure 
du  clocher  neuf  et  le  clocher  vieux,  depuis  la  base  jusqu'au  sommet. 
Au  lieu  d'avoir  le  champ  parfaitement  libre  pour  s'étendre  suivant  la 
liberté  de  sa  pensée,  l'architecte  du  xme  siècle  se  trouvait  donc  enserré 
dans  un  espace  déterminé,  dans  lequel  il  devait  se  circonscrire.  C'était 
une  sorte  de  problème  proposé  à  la  science  et  à  la  sagacité  de  l'artiste. 


PLANCHE  11.  —  PLAN  AU-DESSUS  DU  SOL.  15 

On  verra  plus  loin  comment  ce  problème  a  été  résolu. 

L'ensemble  de  l'édifice  est  tourné  vers  le  levant,  non  pas  cepen- 
dant d'une  manière  parfaitement  exacte;  il  s'incline  de  65  degrés  vers 
le  nord  et  regarde  la  limite  que  le  soleil  atteint  au  solstice  d'été.  Un 
usage  fort  ancien  prescrivait  cette  orientation  des  églises,  que  les  règle- 
ments ecclésiastiques  ont  sanctionné.  H  ne  faudra  pas  perdre  de  vue 
cette  mention  de  l'orientation,  parce  que  nous  emploierons  fréquem- 
ment, dans  nos  explications,  les  diverses  appellations  des  points  car- 
dinaux, afin  que  le  lecteur  puisse  facilement  comprendre  nos  indi- 
cations. Du  reste,  l'orientation  des  églises  n'a  jamais  été  assujettie  à 
une  précision  absolue. 

Puisque  nous  parlons  de  cette  direction  des  églises,  faisons  encore 
une  autre  observation.  On  sait  que,  dans  un  grand  nombre  d'édi- 
fices religieux,  l'axe  du  cbœur  n'est  pas  la  prolongation  exacte  de 
l'axe  de  la  nef  et  que  le  chevet  semble  s'infléchir  d'une  manière  plus 
ou  moins  appréciable  (vers  le  nord  le  plus  souvent).  On  a  voulu  voir 
dans  cette  disposition  l'expression  d'une  idée  symbolique,  et  l'on  a 
pensé  que  les  architectes  du  moyen  âge  voulaient  représenter  par  là 
l'inclination  de  la  tête  du  Sauveur  au  moment  de  sa  mort  sur  la  croix. 
Quelques  auteurs  modernes  ont  d'autre  part  attribué  cette  inclinaison 
à  l'imperfection  des  moyens  scientifiques  employés  à  ces  époques  re- 
culées. Ils  ont  pensé  que,  ces  grands  édifices  étant  souvent  commencés 
à  la  fois  par  les  deux  extrémités,  il  se  produisait  quelque  erreur  dans 
le  tracé  du  monument  sur  le  terrain  et  que,  les  deux  parties  de  la 
construction  venant  à  se  rapprocher  et  à  se  rejoindre,  les  axes  ne 
se  raccordaient  pas  suivant  une  ligne  parfaitement  droite,  mais  for- 
maient un  angle  plus  ou  moins  prononcé.  Cependant  il  faut  re- 
marquer : 

i°  Qu'il  serait  injuste  d'accuser  d'impuissance  les  architectes  du 
moyen  âge;  ils  ont  donné  assez  de  preuves  de  leur  science,  ils  ont 
résolu  des  problèmes  bien  autrement  compliqués  et  difficiles  que 
celui  de  tracer  d'une  manière  exacte  sur  le  sol  l'assiette  d'un  monu- 
ment; 


16  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

2°  Que  les  idées  symboliques  étaient  singulièrement  en  faveur  et 
qu'elles  étaient  suivies  même  en  beaucoup  de  points  dont  les  textes 
anciens  ne  font  pas  mention; 

3°  Enfin  que  clans  plusieurs  églises  dont  les  dimensions  ne  sont 
pas  considérables,  comme,  par  exemple,  celle  du  Blanc  (Indre),  où 
le  travail  des  entrepreneurs  était  certainement  peu  compliqué,  on 
observe  cette  singulière  particularité  de  construction.  L'inclinaison  du 
chevet  nous  semble  montrer  là  avec  évidence  l'intention  formelle  du 
constructeur  d'agir  ainsi  de  propos  délibéré. 

La  cathédrale  de  Chartres  ne  s'est  pas  soustraite  à  cet  usage,  qu'il 
soit  intentionnel  ou  non.  Les  mesures,  relevées  avec  un  soin  minu- 
tieux et  rigoureux,  ont  montré  que  le  chœur  s'infléchit  d'une  manière 
très  faible;  car  ce  n'est  que  d'environ  un  mètre  que  l'axe  du  chœur 
s'éloigne  de  la  ligne  droite. 

Jetons  maintenant  un  coup  d'œii  sur  l'ensemble  de  ce  plan;  exami- 
nons ses  dispositions. 

Suivant  l'usage  à  peu  près  général  de  cette  époque,  il  dessine  sur 
le  sol  la  forme  d'une  croix  s'étendant  de  l'ouest  vers  l'est.  De  chaque 
côté  du  pied  de  cette  croix,  sont  les  substructions  massives  qui  servent 
de  base  aux  deux  grands  clochers.  Du  côté  du  sud,  c'est  le  clocher 
vieux;  du  côté  du  nord,  le  clocher  neuf  ;  ils  contiennent,  comme  l'indi- 
cation le  fait  voir,  l'entrée  des  deux  escaliers  descendant  dans  l'église 
souterraine.  C'est  entre  eux  que  se  trouve  l'entrée  principale  de  la  ca- 
thédrale, formée  par  trois  portes,  donnant  toutes  les  trois  dans  la  nef 
centrale,  disposition  remarquable  et  même  unique.  Vient  ensuitela  grande 
nef,  accompagnée  d'un  bas  côté  simple ,  lequel  se  pourtourne  le  long  des 
deux  transepts,  puis  le  chœur,  autour  duquel  le  bas  côté  est  doublé, 
et  enfin  le  chevet  de  l'église,  entouré  par  sept  chapelles.  La  cathé- 
drale du  xie  siècle  ne  devait  en  avoir  que  trois,  comme  la  crypte  pri- 
mitive et  comme  les  églises,  voisines  de  Chartres,  Saint-Père-en-VaUée, 
Saint-Cheron  et  Saint-Martin-au-Val.  Ce  nombre  de  trois  chapelles  à 
l'apside  se  rencontre  presque  toujours  aux  xie  et  xue  siècles;  on  pense 
qu'il  avait  rapport  à  la  Sainte  Trinité.  Un  peu  plus  tard,  comme  ici 


PLANCHE  II.  —  PLAN  AU-DESSUS  DU  SOL.  17 

et  dans  un  grand  nombre  d'églises,  c'était  le  nombre  sept  qui  était 
suivi,  tant  pour  les  chapelles  des  apsides  que  pour  les  fenêtres  hautes 
du  chœur;  il  symbolisait  les  sept  esprits  de  Dieu,  entourant  la  tête  du 
Sauveur  comme  on  le  voit  dans  les  représentations  de  l'arbre  de  Jessé. 
Notons  encore  en  passant,  au  sujet  des  chapelles  apsidales,  qu'on  en 
trouve  quelquefois  neuf,  autre  nombre  mystique,  et  qu'enfin  dans  la 
cathédrale  du  Mans  il  y  en  a  douze,  en  l'honneur  des  douze  apôtres. 

Les  églises,  pendant  les  premiers  siècles,  n'avaient  pas  de  bas  côtés 
autour  du  chœur;  ils  apparaissent  seulement  vers  le  xe  siècle,  et  ils  ne 
sont  plus  rares  au  xnc.  Du  reste,  au  xme  siècle,  où  les  bas  côtés  prennent 
plus  d'ampleur,  ils  sont  rarement  doubles  dans  tout  le  pourtour  du 
sanctuaire,  comme  nous  le  voyons  ici.  On  peut  penser  que  le  maître 
des  œuvres,  voulant  permettre  à  la  foule  nombreuse  des  pèlerins  de 
circuler  facilement  dans  cette  enceinte,  a,  pour  cette  raison,  diminué 
la  grandeur  des  chapelles.  Au  xive  siècle,  lors  de  la  construction  de  la 
chapelle  de  Saint-Piat,  une  des  sept  chapelles  fut  supprimée  pour  faire 
place  à  l'escalier  qui  y  conduit. 

La  nef  et  le  chœur  ont  seize  mètres  de  largeur;  cette  dimension 
surpasse  celle  des  plus  grandes  églises  du  moyen  âge.  Le  chœur,  sous 
le  rapport  de  sa  longueur,  l'emporte  aussi  sur  les  autres  cathédrales, 
et  l'on  n'a  jamais  été  ici  dans  la  nécessité  d'empiéter  sur  le  transept  et 
sur  la  nef  pour  augmenter  le  chœur,  ainsi  que  cela  s'est  fait  dans 
plusieurs  églises  cathédrales  et  abbatiales. 

A  peu  près  au  milieu  de  la  nef  on  voit  un  labyrinthe,  dont  les  cir- 
convolutions en  méandres  en  pierre  noire  se  dessinent  sur  le  sol  de 
l'église.  Son  développement  est  de  près  de  3oo  mètres;  les  Chartiains 
le  nomment  la  lieue,  le  vulgaire  lui  donnant  une  dimension  exagérée. 
Ce  labyrinthe  et  celui  de  la  Collégiale  de  Saint-Quentin,  beaucoup  plus 
moderne,  sont  les  rares  exemples  subsistant  encore  aujourd'hui  d'un 
usage  ancien  sur  lequel  on  n'est  renseigné  par  aucun  document  con- 
temporain. On  croit  généralement  que  cela  avait  rapport  au  pèle- 
rinage de  Terre-Sainte,  si  en  vogue  aux  siècles  des  Croisades.  D'autres 
renseignements  les  font  regarder  comme  se  rapportant  aux  maîtres  des 

3 


18  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

œuvres  de  l'édifice  où  ils  se  trouvent;  leur  adresse  et  leur  science 
étaient  assimilées  aux  talents  merveilleux  de  Dédale.  La  pierre  qui 
l'orme  le  centre  de  ce  labyrinthe  offrait  une  représentation  qui  nous 
eût  peut-être  livré  un  secret  bien  précieux;  malheureusement,  une 
mutilation  regrettable  a  effacé  à  tout  jamais  ce  renseignement.  Sur 
cette  pierre  était  scellée  une  plaque  de  métal,  en  cuivre  probablement, 
sur  laquelle  était  figuré  un  personnage.  D'après  les  clous  de  scelle- 
ment et  des  contours  indécis,  cependant  encore  visibles,  on  peut,  en  y 
faisant  bien  attention,  distinguer  la  silhouette  d'un  cavalier  sur  sa  mon- 
ture et  se  présentant  devant  un  objet  aujourd'hui  méconnaissable,  que 
je  suis  porté  à  regarder  comme  une  porte.  Est-ce  le  maître  des  œuvres 
arrivant  au  but  désiré  de  l'achèvement  de  ses  travaux?  N'est-ce  pas 
plutôt  le  pèlerin  chrétien  arrivant  comme  un  voyageur  devant  la  porte 
de  la  Jérusalem  terrestre,  image  de  la  Jérusalem  céleste? 

Les  voûtes  qui  recouvrent  cette  immense  surlace  de  la  cathédrale 
reposent  sur  les  points  d'appui  que  lui  fournissent  les  murs,  renforcés 
par  d'énormes  contreforts ,  et  sur  cinquante-deux  piliers  isolés  qui 
s'élèvent  dans  l'enceinte  de  l'église. 

Ces  piliers  isolés  affectent  différentes  formes  et  différents  diamètres, 
suivant  les  parties  qu'ils  ont  à  supporter.  Au  centre  de  la  croisée,  il  y  en 
a  quatre  très  volumineux  qui  semblent  formés  par  un  faisceau  de  colon- 
nettes  soudées  entre  elles  et  formant  un  massif  unique;  elles  s'élèvent 
d'un  seul  jet  jusqu'à  la  voûte  et  permettent  de  supposer,  vu  la  masse  con- 
sidérable qu'elles  contribuent  à  former,  qu'elles  auraient  pu  servir  de 
base  à  une  lanterne  ou  coupole  s'élevant  au  milieu  de  l'édifice.  Les  piliers 
de  la  nef,  ceux  des  transepts  et  une  partie  de  ceux  du  chœur  sont  com- 
posés alternativement  d'une  colonne  ronde,  flanquée  de  quatre  piliers 
engagés,  de  forme  octogonale,  et  d'un  pilier  octogonal  flanqué  de  quatre 
colonnes  de  forme  cylindrique.  A  l'extrémité  orientale  du  chœur  les 
piliers  sont  uniques  et  continuent  leur  alternance  octogonale  et  cylin- 
drique. On  remarquera  que  la  rangée  de  supports  qui  forme  les  bas 
côtés  du  chœur  est  interrompue  de  chaque  côté  par  deux  piliers,  de 
forme  et  de  dimensions  pareilles  à  ceux  de  la  nef  et  d'une  partie  du 


PLANCHE  II. —  PLAN  AU-DESSUS  DU  SOL.  19 

chœur.  Ces  piliers  supplémentaires  sont  destinés  à  soutenir  les  tours 
qui,  du  côté  du  Nord  et  du  Midi,  flanquent  le  chœur  de  la  cathédrale. 

Nous  avons  dit  que  ces  piliers,  soit  isolés,  soit  composés,  étaient  dis- 
posés suivant  le  système  d'alternance;  or  il  faut  savoir  que,  soit  pour 
la  forme,  soit  pour  la  couleur,  ce  mode  estime  suite  des  habitudes  de 
l'architecture  romane. 

Pour  ce  qui  est  de  la  sculpture  des  chapiteaux  et  des  bases,  des 
moulures,  ainsi  que  pour  tous  les  détails  que  nous  offrent  partout  les 
divers  membres  de  l'architecture,  le  vaisseau  intérieur  de  la  cathé- 
drale de  Chartres  est  entièrement  de  la  même  époque,  c'est-à-dire  de 
la  première  moitié  du  xme  siècle.  Les  chapiteaux  sont  peu  variés;  ce 
sont  des  feuilles  recourbées  en  forme  de  crochets  et,  quoiqu'ils  soient 
tous  variés,  on  ne  s'aperçoit  pas  à  première  vue  de  leur  différence.  Com- 
bien la  sculpture  du  xf  et  du  xne  siècle  était-elle  plus  riche,  plus  variée 
et  plus  vivante!  Les  animaux  fantastiques  et  l'élément  humain  tenaient 
alors  une  grande  place  dans  la  décoration  monumentale  H  y  a  cepen- 
dant une  chose  où  la  sculpture  chartraine  du  xme  siècle  l'emporte  de 
beaucoup  sur  celle  des  autres  cathédrales  :  ce  sont  les  clefs  de  voûte. 
Quoique  exécutée  en  pierre  de  Berchère,  pierre  fort  dure  et  peu  facile 
à  travailler,  chacune  des  clefs  de  voûte  est  ici  très  remarquable,  et  la 
grande  clef  qui  reçoit  le  faisceau  réuni  des  nervures  du  chœur  à  son 
extrémité  Est  est  un  vrai  chef-d'œuvre.  On  remarquera  de  plus  que 
c'est  là  seulement  que  s'est  réfugiée  la  dernière  trace  de  polychromie 
dans  notre  cathédrale;  ces  clefs,  et  une  petite  partie  de  la  nervure, 
sont  peintes  et  dorées  avec  un  goût  qui  semble  perdu  aujourd'hui. 

Le  chœur  a  été  entouré  au  xvie  siècle  par  une  clôture  en  pierre, 
commencée  par  Jean  de  Beauce,  architecte  du  clocher  neuf.  H  eût 
produit  là  aussi  une  autre  merveille  de  goût,  de  finesse  et  de  délicatesse 
s'il  eût  pu  finir  ce  qu'il  avait  entrepris.  Après  lui  cette  clôture  fut  conti- 
nuée jusqu'à  une  époque  où,  le  style  gothique  n'étant  plus  en  usage,  on 
ne  put  lui  donner  la  même  originalité,  ni  pour  l'architecture  ni  pour  la 
statuaire.  Cette  clôture  du  chœur  contient  dans  son  intérieur  une  suite 
de  chambrettes  et.de  chapelles,  aujourd'hui  abandonnées;  elles  sont 

3. 


20  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

remplies  de  détails  sculptés  avec  une  extrême  délicatesse.  Il  était  im- 
possible d'indiquer  sur  le  plan  ces  petits  réduits;  la  dimension  de  la 
gravure  ne  le  permettait  pas. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  l'entrée  principale  de  la  cathédrale  se 
trouve  entre  les  deux  clochers.  Nous  avons  fait  remarquer,  en  parlant 
de  la  façade  occidentale,  que  les  trois  portes  étaient  primitivement  en 
retraite  de  toute  l'épaisseur  des  clochers;  c'est  après  la  seconde  travée 
actuelle  que  se  trouve  cet  emplacement.  L'ancien  porche  à  jour  ayant 
été  détruit,  on  avança  la  nef  vers  l'Ouest,  augmentant  ainsi  de  deux 
travées  la  longueur  de  l'église.  Néanmoins  la  face  interne  de  chacun 
des  clochers,  se  trouvant  maintenant  dans  l'intérieur  de  l'église ,  ne 
put  être  appropriée  d'une  manière  semblable  aux  autres  parties  de  la 
nef.  H  y  a  là  une  disparate  qu'il  eût  été  impossible  de  faire  disparaître 
sans  causer  de  grands  dommages  à  ces  faces  de  clochers;  le  moyen 
âge  a  renoncé  à  corriger  cette  irrégularité,  et  probablement  les  temps 
modernes  en  feront  autant. 

On  voit  sur  le  plan  du  clocher  neuf  (Nord)  une  porte  percée  dans 
son  côté  Nord;  le  clocher  Sud  en  a  une  pareille  dans  sa  paroi  Sud,  que 
la  gravure  n'a  pas  reproduite,  parce  qu'étant  murée  aujourd'hui  elle 
a  échappé  au  dessinateur.  La  partie  basse,  ouïe  rez-de-chaussée  des 
deux  clochers,  servait  primitivement  de  vestibule.  Ce  n'est  que  depuis 
une  trentaine  d'années  qu'on  y  a  établi  des  chapelles. 

A  l'extrémité  et  à  l'extérieur  de  chacun  des  transepts  il  y  a  un  vaste 
porche,  dont  nous  aurons  occasion  de  parler  un  peu  plus  loin.  Conten- 
tons-nous de  faire  remarquer  qu'ils  donnent  accès  dans  l'église,  chacun 
par  trois  grandes  portes.  En  avant  de  ces  portes ,  on  voit  la  base  des  piliers 
et  des  colonnettes  qui  supportent  les  arcades  formant  ces  vastes  por- 
tiques, l'une  des  choses  les  plus  remarquables  de  la  cathédrale  de 
Chartres;  plus  en  avant  encore  est  l'indication  de  leur  emmarchement. 

Outre  ces  grandes  et  belles  portes,  qui  livrent  passage  au  public  lors- 
qu'il pénètre  dans  ce  monument,  il  y  en  a  d'autres  qui  servent  au  service 
privé  de  l'église.  En  voici  l'énumération  : 

La  porte  de  la  sacristie; 


PLANCHE  II.  —  PLAN  AU-DESSUS  DU  SOL.  21 

Une  petite  porte,  plus  à  l'Est,  conduisant  à  une  sacristie  accessoire 
et  de  petites  dimensions,  portant  le  nom  de  chapelle  des  Sourds; 

Deux  petites  portes  basses,  percées  dans  le  mur  du  chevet  et  con- 
duisant, l'une  dans  le  palais  épiscopal  et  l'autre  dans  la  bibliothèque 
du  Chapitre,  par  de  petites  galeries  pratiquées  avec  science  et  avec  goût 
dans  l'épaisseur  du  mur. 

Enfin,  deux  portes  ont  été  percées  au  xive  siècle  pour  aller,  l'une  à 
la  chapelle  de  Saint-Piat,  au  premier  étage  de  cette  construction, 
l'autre  dans  la  salle  capitulaire,  occupant  le  rez-de-chaussée  de  ce 
même  édifice;  celle-ci  est  aujourd'hui  murée. 

Outre  ces  différentes  portes  qui  desservent  l'église,  il  y  en  a  neuf 
pour  des  escaliers  conduisant  aux  parties  supérieures  de  l'église,  aux 
galeries  et  aux  combles. 

Nous  ferons  remarquer,  en  terminant  l'examen  de  cette  planche,  que 
les  années  et  les  siècles  ont  fort  peu  modifié  la  simplicité  primitive  de 
ce  vaste  monument. 

Du  côté  du  Nord,  on  a  ajouté  une  sacristie  au  xive  siècle.  Elle  est  for- 
mée d'une  grande  et  haute  salle  à  deux  travées,  éclairée  par  de  larges 
fenêtres  à  meneaux  découpés  avec  élégance  dans  leur  partie  supérieure. 

Du  côté  de  l'Est,  au  commencement  du  xive  siècle,  les  chanoines 
firent  élever  la  chapelle  de  Saint-Piat,  édifice  considérable  et  à  deux 
étages,  qui  contient  la  salle  capitulaire  au  rez-de-chaussée  et  une 
chapelle  au  premier  étage. 

Enfin,  du  côté  du  Sud,  est  la  chapelle  de  Vendôme,  qui  fut  con- 
struite en  1 4 1 3  par  Louis  de  Bourbon,  comte  de  Vendôme,  pour  ac- 
complir un  vœu  qu'il  avait  fait  à  la  Sainte  Vierge.  Roulliard  prétend 
que  sa  statue  et  celle  de  sa  femme  étaient  contre  le  mur  en  face  de 
l'autel;  la  description  qu'il  nous  fait  de  ces  sculptures  nous  fait  penser 
qu'il  faut  entendre  par  là  les  deux  statues  de  ce  comte  et  de  Blanche 
de  Roucy,  sa  femme,  qui  se  voient  encore  aujourd'hui  contre  la  face 
extérieure  de  cette  chapelle. 

Cette  chapelle  a  été  construite,  entre  deux  contreforts,  en  hors- 
d'œuvre  de  la  cathédrale. 


22  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Le  petit  édifice  que  nous  voyons  indiqué  au  Nord  au  pied  du  clo- 
cher neuf  contient  le  mouvement  de  l'horloge.  Sa  base  est  du  xme 
siècle,  et  la  partie  supérieure,  formant  premier  étage,  date  du  com- 
mencement du  xvie  siècle. 

Les  grandes  et  profondes  citernes  qui  occupaient  presque  tous  les 
angles  rentrants  de  ce  plan  de  l'église,  et  qui  se  voient  sur  les  plans 
anciens,  ont  toutes  été  supprimées,  à  cause  des  infiltrations  qui  se  pro- 
duisaient dans  la  crypte  et  dans  les  substructions  de  l'édifice. 


PLANCHE  III.  —  PLAN  A  LA  HAUTEUR  DES  GALERIES.     23 


PLANCHE  III. 

(Planche  II  de  la  table  in-folio.) 
PLAN    A    LA    HAUTEUR    DES    GALERIES. 

Après  les  détails  dans  lesquels  nous  venons  d'entrer  au  sujet  de  la 
planche  précédente,  nous  aurons  peu  de  chose  à  dire  sur  ce  second  plau. 

Ce  qui  frappe  au  premier  coup  d'ceil,  c'est  la  forme  si  visihle  de 
la  croix,  résultant  de  la  rencontre  de  la  nef  et  du  choeur  avec  les 
transepts.  L'intention  symbolique  étant  connue  et  certaine,  nous 
n'avons  pas  à  en  parler. 

Les  contours  de  cette  croix  sont  accompagnés  dans  toute  leur  étendue 
par  un  triforium  ou  petite  galerie  garnie  de  colonnettes,  supportant 
des  arcs  en  ogive  et  formant  une  décoration  élégante  tout  autour  de 
l'intérieur  du  monument.  Au  moyen  de  cette  galerie,  fort  étroite  du 
reste ,  on  peut  suivre  avec  sécurité  le  contour  de  la  nef,  des  transepts 
et  du  chœur,  parties  qui  sont  toutes  de  la  même  époque. 

Ce  triforium  s'arrête  à  la  grande  façade  Ouest,  à  l'extrémité  de  la 
nef,  du  côté  de  l'Ouest.  Là  se  trouve,  à  la  même  hauteur,  la  grande 
rose  occidentale,  devant  laquelle  la  galerie  fait  défaut,  et  l'on  ne  peut 
passer  d'un  clocher  à  l'autre. 

Nous  trouvons  sur  cette  planche  l'indication  des  nervures  des  voûtes 
hautes,  qui  n'ont  point  été  indiquées  dans  la  planche  précédente.  Nous 
reconnaissons  que  la  nef  est  formée  de  neuf  travées,  puis  d'un  carré 
central,  ensuite  du  chœur  à  quatre  travées  et  d'un  rond-point;  enfin 
des  transepts,  ayant  chacun  trois  travées. 

En  dehors  de  ces  parties,  nous  voyons  le  dessus  des  toits  situés 
au-dessous  de  ce  plan.  Les  bas  côtés  de  la  nef  et  la  première  portion 
du  chœur  sont  simples  et  à  une  seule  pente. 

Les  chapelles  et  la  seconde  portion  des  bas  côtés  du  chœur  sont 
recouverts  de  toits,  dont  plusieurs  sont  de  forme  pyramidale. 


24  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Enfin,  l'on  domine  la  toiture  des  deux  porches  latéraux,  celle  de  la 
sacristie  et  celle  de  la  chapelle  de  Saint-Piat. 

Les  contreforts  et  les  arcs-boutanls,  tranchés  par  les  sections  faites  à 
une  hauteur  déterminée,  ne  paraissent  point  ici  avec  le  volume  consi- 
dérable qu'ils  nous  ont  montré  plus  bas. 

Cette  même  planche  nous  permet  de  saisir  la  disposition  et  l'empla- 
cement des  huit  tours  et  des  clochers  qui  accompagnent  le  vaisseau 
de  la  cathédrale.  On  en  voit  ici  la  section  qui,  à  chacune  des  tours, 
interrompt  l'indication  des  pentes  des  toits,  des  bas  côtés  et  des  cha- 
pelles. En  voici  lénumération  : 

Les  deux  grands  clochers  à  la  façade  occidentale;  leurs  dimensions 
sont  bien  plus  considérables  que  celles  des  six  autres  tours,  comme  le 
plan  le  fait  bien  comprendre  ; 

Deux  tours  à  l'extrémité  du  transept  Sud  ; 

Deux  tours  à  l'extrémité  du  transept  Nord  ; 

Et  enfin  deux  tours  placées  sur  les  deux  flancs  du  chœur. 

Ces  tours  nombreuses ,  si  elles  eussent  toutes  été  terminées  et  surmon- 
tées de  flèches  pyramidales,  eussent  produit  un  effet  merveilleux.  Elles 
n'avaient  pas  pour  unique  but  la  décoration  ou  l'embellissement  du 
monument.  Dans  l'intention  du  constructeur,  elles  avaient  une  véri- 
table fonction  d'utilité  :  c'était  de  fournir,  par  des  masses  résistantes, 
des  points  d'appui  robustes  qui  venaient  renforcer  les  contreforts  et  les 
arcs-boutants.  La  hauteur  considérable  où  s'élèvent  les  voûtes  de  la 
cathédrale  el  leur  immense  largeur  réclamaient  des  moyens  énergiques 
et  d'une  grande  puissance  pour  résister  à  leur  poussée  considérable. 
En  ceci,  comme  en  tant  d'autres  points ,  il  faut  reconnaître  combien,  à 
cette  époque  reculée,  la  science  de  l'art  de  bâtir  était  perfectionnée  en 
France,  et  combien  la  disposition  savante  de  ces  différents  membres 
d'un  monument  avait  pour  résultat  d'obtenir  une  solidité  durable  et 
un  aspect  satisfaisant  pour  la  vue.  Ces  deux  conditions  ne  sont  jamais 
séparées  dans  les  œuvres  du  moyen  âge  comme  dans  celles  de  l'anti- 
quité ;  en  est-il  de  même  dans  les  œuvres  modernes  ? 


PLANCHE  IV. —  GRAND  PORTAIL.  25 

PLANCHE  IV. 

GRAND  PORTAIL. 

La  porte  d'un  édifice  est,  de  toutes  ses  parties  extérieures,  la  plus 
importante.  C'est  dans  sa  construction,  dans  sa  disposition  et  dans  sa 
décoration  que  l'architecte  met  en  œuvre  toutes  les  ressources  de  la 
science  et  de  l'art.  C'est  là  que  se  trouvent  toujours  les  inscriptions 
capitales;  c'est  là  que  la  sculpture  et  la  peinture  déploient  toutes  leurs 
richesses  et  captivent  notre  attention  pour  nous  plaire  et  pour  nous 
instruire.  Le  nom  même  de  façade  donné  à  l'ensemble  d'un  portail  ex- 
prime bien  l'idée  que  l'on-attache  à  cet  ensemble  de  constructions;  car, 
de  même  que  la  face  d'un  personnage  exprime  et  représente  à  elle 
seule  ce  personnage  tout  entier  parce  que  c'est  sur  le  visage  que  se 
peignent  les  passions  et  le  caractère  de  chaque  individu,  de  même  sur 
la  façade  d'un  monument  nous  trouvons  de  suite  des  indications  et  des 
avertissements,  sorte  de  préparation  nécessaire  à  quiconque  va  péné- 
trer dans  son  intérieur. 

La  grandeur  et  la  beauté  d'une  porte  ont  donc  été,  de  tout  temps  et 
en  tout  pays,  l'indice  de  l'usage  et  de  l'importance  du  monument  auquel 
elle  donne  accès.  Le  moyen  âge  en  ceci,  principalement  en  France,  nous 
offre  des  exemples  d'une  incomparable  beauté.  Cette  époque,  vraiment 
extraordinaire,  a  produit  à  son  origine  des  ouvrages  qui  l'emportent 
sur  tout  ce  que  nous  connaissons  des  œuvres,  justement  vantées,  de  l'an- 
tiquité profane,  grecque  ou  romaine.  H  nous  semble  permis  d'affirmer 
que,  dans  le  monde  occidental,  rien  ne  saurait  entrer  en  comparaison 
avec  les  portails  des  cathédrales  de  Paris,  de  Reims  ou  d'Amiens. 
Lorsque ,  par  un  faible  effort  de  notre  esprit,  l'on  se  représente  ces  belles 
constructions,  telles  que  les  avaient  conçues  leurs  auteurs  et  avant 
qu'elles  n'eussent  subi  les  outrages  du  temps  et  les  injures,  encore  plus 
funestes,  de  la  main  des  hommes,  notre  imagination  ne  peut  rien  se 

h 


26  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

figurer  de  plus  splendide  et  de  plus  magnifique  que  ces  belles  pages 
d'architecture  avec  leurs  innombrables  statues  et  leurs  décorations, 
répandues  avec  abondance  et  profusion  sur  d'immenses  surfaces. 

La  cathédrale  de  Chartres  n'est  pas  de  celles  qui  frappent  la  vue  par 
la  magnificence  et  la  splendeur  de  leur  grand  portail;  ce  sont  les  deux 
porches  latéraux  qui  exciteront  notre  admiration.  Ici,  la  façade  occi- 
dentale forme  comme  un  hors-d'œuvre  à  l'ensemble  si  harmonieux  et  si 
homogène  que  le  xme  siècle  a  produit.  L'incendie  qui  avait  dévoré  la  pré- 
cédente cathédrale  (celle  du  xic  et  xnc  siècle)  n'avait  point  endommagé 
la  façade  primitive;  elle  était  encore  en  place,  accompagnée  des  deux 
clochers  :  l'un  était  entièrement  achevé  depuis  une  vingtaine  d'années 
seulement  et  devait  être  fort  admiré;  le  second  était  privé  d'une  flèche 
terminale.  Quelque  goût  que  l'on  eût  pour  la  nouveauté,  on  ne  pou- 
vait pas  raisonnablement  penser  à  refaire  à  neuf,  au  moins  immédia- 
tement, des  constructions  aussi  énormes,  et  le  maître  des  œuvres  songea 
plutôt  aux  moyens  de  souder  ces  portions  de  l'ancienne  église  à  celle  dont 
il  avait  conçu  le  plan  et  qu'on  devait  désirer  voir  s'élever  au  plus  tôt. 

Quelles  que  soient  les  raisons  qui  nous  aient  conservé  ces  portions  de 
l'église  du  xuc  siècle,  nous  devons  nous  en  féliciter,  car  nous  trouvons  là 
des  détails  très  précieux  et  pleins  d'intérêt  pour  l'histoire  de  l'art  et  du 
symbolisme  à  ces  époques  reculées.  Le  public  et  surtout  les  antiquaires 
trouvent  ici  des  compensations  et  sont  amplement  dédommagés;  ils  ne 
songent  pas,  en  présence  de  tels  objets  d'étude,  à  s'affliger  de  la  disparate 
qui  existe  entre  le  frontispice  de  la  cathédrale  et  le  reste  du  monument. 

Examinons  sommairement,  en  les  énumérant,  les  différentes  parties 
que  reproduit  cette  gravure  d'ensemble.  D'autres  planches  nous  donne- 
ront des  détails;  nous  pourrons  les  examiner  alors  avec  plus  de  facilité. 

La  façade  entière  peut  se  diviser  en  trois  parties  :  une  médiane,  et 
deux  latérales  formées  par  les  clochers. 

Les  trois  grandes  portes  que  nous  voyons  au  milieu ,  et  les  trois 
hautes  fenêtres  qui  les  surmontent,  faisaient  partie  de  la  façade  de 
l'église  du  xne  siècle.  Il  faut  savoir  tout  d'abord  que  cette  façade,  beau- 
coup moins  élevée  que  celle  qui  existe  aujourd'hui,  n'était  pas  alors  au 


PLANCHE  IV. —  GRAND  PORTAIL.  27 

nu  des  faces  antérieures  des  clochers.  Elle  était  reportée  en  arrière  de 
toute  l'épaisseur  de  ces  clochers,  c'est-à-dire  d'une  dizaine  de  mètres. 
Entre  ces  deux  clochers  se  trouvait  à  rez-de-chaussée  un  porche  pro- 
fond ,  s'ouvrant  au  dehors  par  trois  arcades  à  jour,  semblable  aux  porches 
de  Vézelay,  de  Saint-Benoît-sur-Loire,  de  Paray-le-Moniai  et  d'autres 
églises  du  xicet  du  xnc siècle.  C'est  au  fond  de  ce  vestibule,  et  à  l'abri  des 
intempéries  atmosphériques,  que  s'ouvraient  les  trois  belles  portes, 
entourées  de  statues,  de  bas-reliefs  et  d'ornements  sans  nombre,  aujour- 
d'hui pâles  et  décolorés,  mais  apparaissant  autrefois  resplendissants  d'or 
et  enluminés  des  couleurs  les  plus  vives  et  les  plus  harmonieuses.  Des 
traces  nombreuses  en  sont  encore  visibles. 

Lorsque  l'on  peut  examiner  le  monument  sur  place,  on  reconnaît 
avec  évidence  comment  cette  portion  de  façade  a  été  transportée  de  sa 
première  place  à  celle  qu'elle  occupe  aujourd'hui.  Les  assises  de  pierre 
ne  se  suivent  pas  avec  exactitude  et  n'ont  aucune  liaison  avec  les  clo- 
chers; on  retrouve  à  l'intérieur  de  l'église,  sur  les  clochers,  les  mêmes 
moulures  et  les  mêmes  ressauts  qu'à  l'extérieur. 

Au-dessus  des  trois  portes  règne  une  corniche  supportée  par  des 
modillons  sculptés  suivant  le  style  du  xne  siècle;  ce  sont  des  têtes 
humaines  ou  des  animaux  fantastiques. 

Sur  cette  corniche  reposent  les  bases  de  deux  faisceaux  de  colonnettes 
engagées,  qui  encadrent  les  trois  fenêtres  placées  au-dessus  des  portes. 
De  plus,  de  chaque  côté  de  la  fenêtre  du  milieu ,  il  y  a  aussi  des  pilastres 
et  des  colonnettes  qui  supportent  des  groupes  de  sculptures  à  leur  partie 
supérieure.  D'un  côté,  on  voit  un  lion  dévorant  une  tête  humaine  qu'il 
tient  entre  ses  griffes;  de  l'autre  côté,  il  ne  reste  plus  qu'une  énorme 
tête  de  taureau.  Ce  sont  des  imitations,  lourdes  et  grossières  de  ces  repré- 
sentations si  fréquentes  en  Italie  à  la  porte  des  églises,  mais  rares  en 
France.  La  tradition  et  l'usage  vonts'affaiblissant;  ils  existent  cependant 
encore  ici,  et  rappellent  à  notre  esprit  l'avertissement  de  l'apôtre  saint 
Pierre  :  Sobrii  eslote  et  vigilate  quia  adversarius  vester  Diabolus  lanquam  ko 
rugiens  circuit,  qucerens  quem  devorel,  avertissement  que  les  Offices  de 
l'Eglise  nous  rappellent  souvent  et  sous  des  formules  variées. 

u. 


28  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

Les  trois  grandes  fenêtres  nous  montrent  aujourd'hui  de  grandes 
surfaces,  sans  aucune  division  ni  aucun  compartiment.  Ordinairement, 
à  cette  époque,  l'armature  en  fer  qui  supporte  les  panneaux  est  placée 
en  dehors  et  forme  une  sorte  de  décoration ,  ôtant  à  une  grande  super- 
ficie la  nudité  qu'on  peut  blâmer  ici.  Nous  attribuons  cette  imperfec- 
tion à  quelque  restauration  inintelligente  faite  autrefois  à  ces  fenêtres  : 
le  démon  de  la  restauration  a  passé  par  là. 

C'est  à  cette  hauteur  que  se  termine  la  partie  de  la  façade  apparte- 
nant au  xne  siècle.  Avant  de  nous  élever  plus  haut,  remarquons  la 
suite  des  claveaux  qui,  de  chaque  côté,  se  voient  près  des  clochers.  Ce 
n'est  pas,  comme  on  pourrait  le  penser,  le  commencement  d'inclinaison 
du  pignon  primitif;  il  devait  être  un  peu  plus  haut.  C'est  plutôt,  pen- 
sons-nous, un  arc  de  décharge  destiné  à  reporter  en  dehors,  contre 
la  masse  des  clochers,  le  poids  des  constructions  supérieures  et  à  pro- 
téger les  arcs  formant  le  haut  des  fenêtres. 

Au-dessus  du  bandeau  ou  corniche  qui  est  au-dessus  devait  être  le 
pignon  de  la  façade  primitive ,  qui  laissait  ainsi  dégagée  de  toute  construc- 
tion la  portion  des  clochers  placée  à  cette  hauteur.  Qu'on  se  figure 
combien  le  clocher  vieux,  ainsi  isolé,  devait  paraître  élancé  et  élégant. 

A  la  place  de  ce  pignon  primitif  on  a  placé  une  grande  rose,  des- 
tinée à  éclairer  la  nef  de  la  nouvelle  cathédrale,  dont  la  hauteur  sur- 
passe de  beaucoup  celle  de  l'église  du  xnc  siècle,  soit  que  celle-ci  eût  une 
voûte  en  pierre,  soit,  ce  qui  est  plus  probable,  qu'elle  fût  surmontée, 
comme  l'église  de  Saint-Remy  à  Reims  et  d'autres  églises  contempo- 
raines, d'une  voûte  en  bois. 

Nous  aurons  à  nous  occuper  plus  loin  de  cette  rose,  œuvre  du  com- 
mencement du  xmc  siècle,  en  examinant  la  planche  IX  sur  laquelle  sont 
réunis  les  détails  de  son  architecture  et  de  sa  sculpture.  Nous  ferons 
ici  quelques  remarques  seulement.  Ces  immenses  fenêtres  circulaires 
qui  se  voient  aux  extrémités  des  nefs  de  nos  grandes  églises  en  sont  un 
des  plus  beaux  ornements.  Celle-ci  peut  être  mise  au-dessus  de  tout  ce 
que  nous  montrent  nos  monuments  du  moyen  âge.  Nulle  part  on  n'en 
voit  une  aussi  robuste,  aussi  ferme,  et  décorée  avec  autant  de  goût; 


PLANCHE  IV.  —  GRAND  PORTAIL.  29 

nulle  part  on  n'en  voit  une  offrant,  comme  celle-ci,  les  conditions  de 
solidité  et  de  durée  aussi  savamment  et  aussi  artistement  combinées. 
Ce  ne  sont  pas  de  ces  meneaux  grêles  et  délicats  qui  nous  surprennent 
par  leur  élégance  et  leur  légèreté;  c'est  une  réunion  de  petites  ouver- 
tures, richement  brodées  sur  les  bords,  dont  l'ensemble  forme  à  l'exté- 
rieur une  immense  décoration,  circonscrite  dans  un  grand  cercle  de 
moulures  et  de  feuillage  sculpté,  tandis  qu'à  l'intérieur  les  vitraux  qui 
garnissent  ces  ouvertures  semblent,  par  un  effet  d'optique,  ne  former 
qu'une  seule  fenêtre. 

H  faut  noter  que  le  centre  de  cette  rose  n'est  pas  exactement  au- 
dessus  de  la  porte  principale.  Il  est  reporté,  d'une  manière  fort  ap- 
préciable à  la  vue ,  sur  le  côté  gauche  ;  on  ne  saurait  expliquer  la  cause 
de  cette  irrégularité. 

Au-dessus  de  la  rose  règne  une  corniche  formée  par  des  fleurons  qui 
datait  du  xive  siècle.  Depuis  peu  d'années,  on  les  a  refaits  complètement 
en  se  conformant  au  motif  existant.  Cette  corniche  supporte  en  encor- 
bellement une  balustrade  derrière  laquelle  est  un  passage  qui,  à  cette 
hauteur,  met  en  communication  les  deux  clochers. 

Au-dessus  de  ce  passage  se  trouve  la  galerie  des  Rois.  Cette  rangée 
de  statues  est  un  accessoire  important  et,  pour  ainsi  dire,  obligé  des 
portails  des  grandes  cathédrales.  Elle  se  compose  ici  de  seize  statues, 
placées  chacune  sous  une  arcature  ogivale  et  trilobée  reposant  sur  des 
colonnes.  H  faut  convenir  qu'ici  l'effet  est  loin  d'égaler  celui  de  la  galerie 
des  Rois  de  l'église  Notre-Dame  à  Paris.  Nos  statues  paraissent  placées 
à  une  trop  grande  hauteur;  elles  cachent  une  partie  du  pignon  supé- 
rieur et  coupent  d'une  manière  disgracieuse  la  base  du  grand  triangle  ou 
pignon  qui  termine  ordinairement  les  façades  des  églises  du  moyen  âge. 

Ces  statues  royales  ont  suscité  bien  des  discussions  et  des  contro- 
verses. Quels  sont  les  rois  qu'elles  représentent?  Les  archéologues  ne 
sont  pas  d'accord  pour  répondre  à  cette  question.  Pour  les  uns,  ce 
sont  des  rois  de  France;  pour  les  autres,  ce  sont  des  rois  de  l'ancien 
Testament,  ancêtres  de  Jésus-Christ.  On  a  souvent  cité  le  passage  d'un 
manuscrit  du  xmc  siècle  dans  lequel  un  paysan,  prenant  la  parole  en 


30  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

regardant  les  rois  de  la  cathédrale  de  Paris  :  r  Voilà,  dit-il,  Pépin,  voilà 
Charlemagnen;  mais  on  peut  supposer  qu'il  faut  prendre  ces  paroles 
dans  un  sens  ironique  et  qu'on  a  voulu  rappeler  une  erreur  populaire. 
Le  roi  terrassant  un  lion  serait  alors  David,  et  le  roi  tenant  une  croix 
serait  Salomon  prophétisant  le  supplice  du  Sauveur,  et  non  Pépin  le 
Bref  ou  Philippe  Auguste. 

11  nous  semble  que  nous  trouvons  à  Chartres  même,  dans  la  cathé- 
drale, une  représentation  iconographique  qui  doit  nous  faire  regar- 
der ces  statues  comme  des  rois  de  Juda.  La  grande  rose  septentrio- 
nale nous  montre  peints  sur  verre  douze  de  ces  rois;  leurs  noms  écrits 
auprès  d'eux  ne  laissent  à  cet  égard  aucune  incertitude,  aucun  doute 
possible.  Ces  rois,  solennellement  rangés  en  cercle,  entourent  dans 
les  espaces  célestes  Jésus-Christ  enfant,  reposant  sur  les  genoux  de 
sa  sainte  mère,  la  Vierge  Marie. 

Ne  devons-nous  pas  voir  dans  cette  galerie  seize  rois  de  Juda,  for- 
mant un  cortège  d'honneur  auprès  de  Jésus-Christ  et  de  la  Sainte 
Vierge,  qui  sont  placés  au-dessus  d'eux,  sous  un  édicule,  renfermant 
aussi  deux  anges? 

Il  faut  noter  que,  parmi  ces  statues,  la  septième  (en  commençant 
par  la  gauche)  est  moderne.  Un  accident  avait  fait  disparaître  celle 
qui  se  trouvait  là.  Or,  entre  les  mains  de  ce  nouveau  roi  on  a  mis  un 
rouleau  sur  lequel  on  lit  :  CAPITULARIA,  donnant  à  entendre  que  la 
statue  représentait  Charlemagne,  la  restauration  voulant  consacrer 
l'opinion  qui  voit  ici  les  rois  de  France.  Cette  restitution  pourra,  dans 
l'avenir,  être  une  cause  d'erreur  pour  les  antiquaires,  ce  qui  est  certai- 
nement regrettable. 

Puisque  je  suis  en  train  de  censurer  les  restaurations,  j'ajouterai 
quelque  chose  encore  à  ce  propos.  La  statue  de  la  Sainte  Vierge  por- 
tant l'Enfant  Jésus,  et  les  deux  anges  qui  les  accompagnent,  et  dont 
nous  venons  de  parler,  sont  aussi  une  œuvre  moderne.  Ces  statues 
étaient  dans  un  tel  état  de  destruction  qu'il  fallut,  dans  ces  dernières  an- 
nées, les  refaire  à  neuf.  Il  faut  convenir  que  ce  travail  a  été  fait  avec 
grand  soin  et  par  un  artiste  de  talent.  Je  me  permettrai  seulement  de 


PLANCHE  IV. —  GRAND  PORTAIL.  31 

demander  pourquoi  l'on  a  mis  des  flambeaux  entre  les  mains  des 
anges  au  lieu  des  encensoirs  que  tenaient  les  statues  anciennes?  Il  y 
avait  ici  une  particularité  qu'il  faut  consigner  dans  notre  travail.  Ces 
encensoirs  étaient  en  cuivre,  et  leurs  cordons  formés  par  de  fines  tiges 
de  fer.  On  trouvait  là  un  exemple  de  l'association  du  métal  et  de  la 
pierre  dans  la  sculpture,  association  que  les  artistes  contemporains 
pourraient  considérer  et  imiter  utilement.  Aux  meilleures  époques  de 
l'antiquité,  et  aussi  assez  fréquemment  au  moyen  âge,  ce  procédé  était 
employé.  Certains  détails,  certains  accessoires  des  statues  ou  des  bas- 
reliefs  présentent  une  grande  fragilité  et  se  cassent  facilement  s'ils  sont 
exécutés  en  pierre  ou  en  marbre;  l'emploi  du  métal  permet  d'exécuter 
ces  parties  avec  légèreté  et  solidité.  Pourquoi  l'art  moderne  n'admet-il 
point  cette  ressource  ingénieuse?  L'exemple  que  nous  donnent  les  âges 
précédents  ne  pourrait-il  pas  être  imité? 

La  pointe  du  pignon  de  cette  façade  supporte  une  grande  statue  de 
Christ.  Il  est  debout,  enveloppé  d'une  simple  draperie,  qui  laisse  aper- 
cevoir la  plaie  de  son  côté.  Les  mains  ouvertes  et  étendues  montrent, 
la  trace  des  clous  dont  elles  furent  transpercées.  Lorsque  l'on  considère 
cette  belle  et  simple  figure  du  Sauveur,  la  mémoire  vous  rappelle  une 
strophe  de  la  Prose  que  l'on  chantait  il  y  a  peu  d'années  dans  nos  églises 
le  jour  de  l'Ascension,  avant  le  regrettable  changement  de  liturgie, 
cause  de  l'anéantissement  de  nombreuses  traditions  antiques  dans  les 
églises  de  France.  Le  sculpteur  du  xivc  siècle  qui  avait  exécuté  cette 
statue  avait  probablement  présente  à  l'esprit  cette  strophe,  que  nous 
transcrivons  ici  : 

Patri  monstrat  assidue 
Quœ  dura  tulit  vulnera  , 
Et  sic  pacis  perpetuœ 
Nobis  exorat  fœdera. 

Après  avoir  examiné  la  partie  médiane  de  la  planche  IV,  nous  allons 
porter  nos  regards  sur  les  clochers  qui  l'accompagnent. 

A  droite,  ou  du  côté  méridional,  est  le  clocher  vieux.  C'est  une 
des  plus  belles  productions  de  l'architecture  du  xne  siècle,  et  parmi 


32  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

les  nombreux  clochers  se  terminant  par  une  flèche  en  pierre,  c'est 
incontestablement  celui  de  France  qui  occupe  le  premier  rang. 

Depuis  sa  base,  qui  repose  sur  un  soubassement  garni  de  moulures 
d'une  exécution  fort  remarquable,  jusqu'au  sommet  de  la  pyramide, 
on  peut  suivre  une  gradation  de  décorations  qui  accompagnent  avec 
goût  et  avec  intelligence  la  construction  et  la  disposition  de  l'intérieur. 

L'étage  inférieur,  ou  rez-de-chaussée,  contient  une  vaste  salle,  dans 
laquelle  prend  naissance  un  des  deux  escaliers  descendant  dans  l'église 
souterraine.  On  entre  dans  ce  vestibule  par  une  porte  située  du  côté 
du  Midi  et  par  deux  autres  situées  côté  du  Nord.  A  l'extérieur,  sur  la 
face  occidentale,  sont  deux  petites  fenêtres  et  deux  arcades  aveugles 
s'élevant  assez  haut  et  indiquant  au  dehors  la  hauteur  de  cette  salle. 

L'escalier  dans  sa  partie  supérieure  est  en  hors-d'œuvre  du  côté  Est. 

Au-dessus  de  la  corniche,  ornée  de  modillons,  est  le  sol  d'un  pre- 
mier étage  où  se  trouve  encore  une  grande  salle,  dont  la  hauteur 
s'élève  jusqu'à  la  seconde  corniche  accompagnée,  comme  la  première, 
d'une  rangée  de  modillons  ou  de  corbeaux.  Sur  sa  face  extérieure  nous 
remarquons  deux  fenêtres  encadrées  dans  des  arcades  supportées  par 
des  colonnettes  avec  leurs  chapiteaux;  au-dessus,  sont  des  arcades 
appliquées  contre  un  mur  plein,  et  dont  la  destination  est  d'orner  avec 
simplicité  une  grande  surface  dont  la  nudité  n'aurait  rien  de  satisfai- 
sant pour  la  vue. 

Depuis  le  sol,  que  supporte  la  voûte  de  cette  salle,  jusqu'au  sommet 
de  la  flèche,  l'intérieur  de  ce  clocher  est  entièrement  vide.  Avant  les 
restaurations  qui  ont  été  faites  après  l'incendie  de  1 836 ,  l'œil  étonné 
plongeait  dans  les  profondeurs  de  ce  cône  immense  sans  rencontrer 
aucun  arrêt,  aucun  obstacle,  aucun  point  saillant.  Les  parties  infé- 
rieures étaient  éclairées  par  les  fenêtres  basses  et  par  les  grandes  lu- 
carnes situées  au-dessus;  mais,  toute  la  partie  haute  dans  l'intérieur 
de  la  grande  pyramide  étant  dans  l'obscurité,  on  restait  frappé  d'éton- 
nement  par  l'aspect  fantastique  de  cette  immense  construction.  Depuis 
l'incendie  de  i836,  un  plancher  en  fer  et  en  poterie,  établi  au  bas  de 
la  pyramide,  s'oppose  à  ce  coup  d'œil  extraordinaire. 


PLANCHE  IV. —  GRAND  PORTAIL.  33 

Si  nous  examinons  l'extérieur  de  ces  parties  élevées,  nous  ne  pouvons 
qu'admirer  l'ingénieuse  disposition  des  fenêtres  et  de  leurs  accessoires. 
Des  lucarnes ,  surmontées  de  pyramidions  et  de  gables  percés  à  jour,  s'élè- 
vent plus  haut  et  accompagnent  avec  grâce  la  base  de  la  grande  pyramide. 

Les  faces  de  cette  pyramide  sont  décorées  d'écaillés  et  de  gros  cordons, 
fort  saillants,  interrompus  de  distance  en  distance  par  des  têtes  de 
monstres  dévorants;  ils  se  terminent  à  leur  partie  supérieure  par  des 
fleurons  en  forme  de  lis.  Les  angles  sont  aussi  garnis  de  ces  cordons,  sur 
lesquels  la  lumière  est  comme  accrochée,  ce  qui  produit  un  effet  des 
plus  heureux  pour  la  vue. 

La  sculpture  des  chapiteaux,  des  animaux  fantastiques  et  des  ornements 
les  plus  originaux,  tout  à  fait  remarquable,  mérite  d'attirer  l'attention. 

Nous  sommes  ici  en  présence  d'une  des  merveilles  de  l'architecture 
française  au  xne  siècle,  et  nous  devons  tous  admirer  sans  réserve  ces 
beautés  extérieures;  pour  l'homme  de  l'art  et  pour  le  théoricien  pou- 
vant se  rendre  compte  des  difficultés  de  construction  et  d'exécution  qui 
se  sont  rencontrées  pendant  qu'on  élevait  dans  les  airs  cette  flèche 
gigantesque,  l'étonnement  et  l'admiration  ne  peuvent  se  lasser  dans 
leur  contemplation. 

La  solidité  de  ce  clocher  n'est  pas  moins  surprenante  que  sa  beauté. 
Voici  près  de  huit  siècles  qu'il  affronte  les  injures  destructives  des  in- 
tempéries, si  violentes  dans  ces  régions  élevées  de  l'atmosphère,  et 
pendant  ce  laps  de  temps  il  a  subi  les  épreuves  de  deux  incendies 
effroyables  sans  être  ébranlé. 

Lorsqu'on  regarde  attentivement  sa  partie  supérieure,  on  aperçoit 
au  sommet  des  indices  d'une  restauration  qui  ne  semble  pas  fort  an- 
cienne. La  pierre  n'est  pas  de  la  même  couleur  et  les  écailles  ne  sont 
pas  d'un  travail  aussi  soigné  que  dans  la  partie  inférieure  de  la  pyra- 
mide. Nous  avons  pu  nous  convaincre  de  ce  fait,  et  nous  pouvons  en 
donner  la  date. 

Après  l'incendie  de  i836,  on  fit  faire  à  l'intérieur  de  cette  flèche 
des  échafaudages  afin  d'examiner  si  la  construction  n'avait  pas  subi 
quelque  avarie.  J'eus  la  curiosité  de  monter  sur  ces  échafaudages,  et 

5 


M  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

arrivé  presque  au  sommet,  à  la  hauteur  où  se  trouve,  du  côté  de  l'Est, 
une  petite  fenêtre  et  où  commence  l'échelle  de  fer  qui  va  de  ce  point 
au  pied  de  la  croix,  j'ai  pu  copier  l'inscription  suivante,  gravée  sur 
une  des  pierres  qui  font  partie  de  la  construction  : 


MDE-MONTIGNI- 
ABBÉ  •  D'IGNI  •  ET 
DOYEN  DE- CETTE 
ÉGLISE  -M 'A  -POSÉE  • 
LErJUILLETi753- 


Je  n'ai  pu  avoir  la  mesure  exacte  de  la  partie  du  clocher  refaite  à 
cette  époque;  on  peut  l'évaluer  à  environ  12  mètres. 

Nous  n'avons  pas  mentionné  au  rez-de-chaussée  de  ce  clocher  une 
statue  d'ange,  tenant  un  cadran  solaire,  parce  qu'elle  appartient  autant 
à  la  face  Sud  qu'à  celle  du  couchant.  La  statue  est  du  xup  siècle,  mais 
le  cadran  a  été  refait  au  xvie.  Il  ne  faut  pas  le  passer  sous  silence. 

Du  côté  gauche  de  la  façade,  ou  au  Nord,  s'élève  le  clocher  neuf. 
La  salle  du  rez-de-chaussée,  comme  celle  du  clocher  que  nous  venons  de 
décrire,  sert  aussi  de  vestibule  et  contient  un  des  deux  grands  esca- 
liers par  où  l'on  descend  dans  les  cryptes,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
ailleurs.  Les  deux  étages  inférieurs  sont  contemporains  du  clocher 
vieux  et  les  dispositions  en  sont  pareilles.  La  décoration  des  fenêtres  et 
des  arcades  qui  les  entourent  est  semblable  aussi,  quoique  moins 
riche  et  moins  élégante. 

A  la  hauteur  de  la  galerie  des  Rois,  la  tour  reste  carrée,  mais  la 
date  de  la  construction  n'est  plus  la  même;  à  partir  de  ce  niveau 
jusqu'à  l'arc  de  la  grande  fenêtre  que  nous  voyons  ici,  c'est  une  œuvre 
du  xiv"  siècle.  Puis,  le  sommet  de  cette  fenêtre  et  le  haut  de  ce  même 
étage  ont  été  exécutés  au  xvc  siècle  et  font  partie  de  la  flèche  qui 
termine  ce  clocher.  Précédemment,  un  clocher  en  bois,  recou- 
vert de  plomb,  occupait  ce  sommet  du  clocher  Nord.  Il  fut  dévoré 
par  un  incendie  en   i5o6,  comme   cela  se  lit  encore  sur  une  table 


PLANCHE  IV. —  GRAND  PORTAIL.  35 

de  pierre  placée  à  l'intérieur,  sur  laquelle   est  gravée  l'inscription 
suivante  en  trois  strophes  de  huit  vers  : 

Je  •  ftt  •  tabis  •  be  •  plomb  •  et  ♦  bogs  •  conffrmt  • 
grant  •  banli  •  et  «  bean  *  tre  ♦  fomptnenx  •  onoraïae  • 
m  fanes  •  ab  •  ce  •  qne  •  tonnerre  •  et  •  oratge  • 
m'a  •  confnme  •  beaate  •  et  •  befrnit  ♦ 
le  •  tonr  •  Mainte  •  2tnne  •  uers  ♦  ftx  ♦  genres  •  be  ♦  nngt . 
en  •  lanee  *  mtl  •  cinq  •  cens  ♦  et  •  fix  • 
le  •  fn  •  brnle  •  bemolg  •  et  •  reengf  • 
et  •  auec  •  moi  ♦  be  •  groffes  •  cloches  •  fix  • 
après  •  mefftents  •  en  •  plant  ♦  cfcajpiire  •  affts  • 
ont  ♦  orbonne  •  be  •  pierre  »  me  ♦  reffatre  ? 
a  •  grant  •  oonltes  •  et  •  pilhers  •  bien  •  mafCifs  • 
par  •  Jeban  ♦  be  *  25eanffe  ♦  maçon  *  qm  ♦  le  •  fnt  •  faire  * 
l'an  •  beffn  •  biff  *  après  *  ponr  ♦  l'encre  •  fatre  • 
affonar  ♦  firent  •  le  *  oint  •  qnatrtcme  •  tonr  • 
bn  ♦  mogs  ♦  be  ♦  mars  ♦  ponr  ♦  le  ♦  premier  ♦  affaire  • 
première  •  pierre  •  et  ♦  antres  »  fans  •  ce  •  tonr '  • 
et  •  en  *  aoril  •  bntttefme  •  lonr  •  exprès  • 
Vent  •  b'Jliers  •  eoefqne  •  be  •  regnon  • 
parbiff .  la  •  Die  ♦  an  •  lien  •  bnqnel  •  après.  • 
fenst  •  érarb  •  mis  •  par  ♦  poflnlacion  ? 
en  ♦  ce  •  temps  •  la  •  qne  •  nons  •  aoons  •  neciffite(?)  • 
aooit  •  bes  •  gens  •  qni  ♦  ponr  •  mog  •  lors  •  oeilloienï  • 
bn  ♦  bon  •  bn  •  coenr  •  fenft  •  gocr  •  on  ♦  effe  • 
XHcn  •  le  •  parbont  •  et  •  a  •  cenlx  *  qm  •  Tg  *  emploient 

1 506 

C'est  sur  le  sol  qui  recouvre  la  voûte  de  cet  étage  ou  de  cette  salle 
que  prend  naissance  la  flèche  du  clocher  neuf2.  A  cet  endroit  et  der- 


1  C'est-à-dire   sans  séjour.  —  -  Les  cloches   de  la   cathédrale  sont  aujourd'hui  à  cet 
étage. 


36  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

rière  la  seconde  balustrade  elle  a  pour  bases  ou  pour  points  d'appui 
huit  piliers,  qui  déterminent  sa  forme  octogonale  et  que  renforcent 
quatre  autres  piliers,  un  à  chaque  angle  de  la  tour.  Chacun  de  ces 
quatre  piliers  angulaires  reçoit  deux  arcs-boutants,  qui  vont  en  remon- 
tant s'appliquer  contre  la  grande  flèche  et  affermissent  sa  base.  La  flèche , 
depuis  cet  endroit  jusqu'au  sommet,  est  construite  avec  une  extrême 
élégance,  et  toutes  ses  surfaces,  fort  compliquées,  sont  couvertes  de 
sculptures  à  jour  d'une  extrême  délicatesse.  Au  milieu  de  ces  petites 
pyramides,  de  ces  clochetons  et  de  ces  pinacles,  où  les  motifs  d'archi- 
tecture les  plus  variés  sont  répandus  à  profusion,  on  remarquera  crue 
l'élément  hagiographique  n'est  pas  absent  et  qu'il  vient  là,  comme  dans 
toutes  les  productions  du  moyen  âge,  apporter  la  vie  et  la  pensée. 
Chacun  des  quatre  piliers  angulaires  dont  nous  venons  de  parler  abrite, 
sous  des  dais  très  finement  sculptés,  trois  statues  de  saints  :  ce  sont  les 
Apôtres,  accompagnés  des  signes  caractéristiques  qui  les  font  recon- 
naître. Toutefois,  il  y  a  ici  une  infraction  à  la  nomenclature  habi- 
tuelle; car,  parmi  les  personnages  figurés,  on  reconnaît  saint  Jean- 
Baptiste  à  son  agneau  et  à  la  légende  ecce  agnus  Dei  qu'il  tient  en 
main.  Saint  Jean  étant  l'un  des  grands  patrons  de  la  cathédrale,  on 
l'a  mis  à  cet  endroit  à  la  place  de  l'un  des  douze  Apôtres;  il  remplace 
saint  Jude.  Aux  pieds  de  chaque  saint,  il  y  a  les  écussons  portant  les 
armoiries,  fort  mutilées  aujourd'hui,  d'un  donateur. 

Ce  n'est  pas  tout.  Si  vous  élevez  votre  regard  un  peu  plus  haut, 
vous  pourrez  distinguer,  sur  cette  planche  IV,  la  statue  de  Jésus- 
Christ,  complétant  cette  assemblée  sacrée.  Cette  statue  est  placée  sur 
le  gable  à  jour  qui  surmonte  l'arcade  du  milieu.  Le  Sauveur  est  repré- 
senté bénissant  de  la  main  droite,  et  de  la  gauche  tenant  le  globe 
du  monde.  Sur  ce  globe  est  implantée  une  croix  en  fer,  garnie  de  pointes 
sur  lesquelles  on  peut  assujettir  des  cierges.  Il  est  peu  probable 
que  le  vent,  qui  règne  toujours  avec  violence  à  cette  hauteur,  ait  ja- 
mais permis  d'y  faire  une  illumination  durable.  Les  pieds  du  Christ 
écrasent  un  démon ,  dont  la  figure  énergique  et  violente  est  sculptée 
à  cette  place.  Sur  le  soubassement  de  cette  statue,  à  sa  partie  pos- 


PLANCHE  IV. —  GRAND  PORTAIL.  37 

térieurc,  on  lit,  écrite  en  beaux  et  grands  caractères  gothiques,  cette 
inscription  : 

'S  '3 

Jeftau  te  25eance  maçon  qtu 

a  faxct  ce  clocher  m'a  faict  faire 

Que  n'avons-nous  pu  trouver  aussi  en  quelque  coin  la  signature  du 
maître  des  œuvres,  de  l'architecte  de  la  grande  cathédrale  du  xiue  siècle? 

Malgré  ce  qui  a  été  avancé  au  sujet  de  cette  prétendue  humilité  si 
fort  admirée  chez  les  artistes  du  moyen  âge,  je  suis  convaincu,  pour  ma 
part,  qu'il  y  a  ici  erreur  et  exagération.  En  aucun  temps,  en  aucun  pays, 
un  homme  de  génie  et  de  talent  ne  s'est  soustrait  aux  justes  éloges  que 
ses  œuvres  méritaient.  Que  ces  hommes  aient  donné  des  preuves  de 
désintéressement,  on  ne  peut  en  douter;  car,  pour  eux,  les  richesses  de 
ce  monde  n'étaient  point  ce  qu'ils  enviaient  le  plus  :  ils  en  faisaient  bien 
souvent  le  sacrifice  avec  générosité;  ce  dont  ils  étaient  avares,  c'était 
de  la  gloire  et  des  louanges,  prœter  laudem  nullius  avari.  Ces  louanges 
et  cette  honorable  réputation,  on  en  était  aussi  désireux  au  moyen 
âge  que  dans  l'antiquité,  et  plus  que  de  nos  jours,  où  l'on  met  le  profit 
en  première  ligne.  Nous  accordons  volontiers  que  parmi  ces  artistes  la 
vertu  d'humilité  et  d'abnégation  fut  pratiquée  par  eux  :  mais  comment 
leurs  contemporains  ne  les  ont-ils  loués  et  célébrés?  Dès  les  temps  les 
plus  anciens,  nous  voyons  Moïse  inscrire  dans  les  livres  saints  et  nous 
transmettre  avec  de  magnifiques  éloges  les  noms  des  artistes  Beséléel 
et  Ooliab,  qui  travaillèrent  à  la  construction  du  tabernacle  et  de  ses 
accessoires.  L'Italie  du  moyen  âge  nous  a  conservé  avec  un  soin  jaloux 
beaucoup  de  noms  de  ses  artistes  et  nous  les  cite  avec  orgueil.  Comment 
expliquer  que  nous  n'avions  de  notre  moyen  âge,  et  surtout  de  la  belle 
époque  des  xue  et  xme  siècles ,  le  nom  de  presque  aucun  de  ces  hommes  de 
génie  qui  ont  produit  alors  tant  de  chefs-d'œuvre  dans  tous  les  genres.  Par 
quelle  inexplicable  fatalité  la  France  a-t-elle  laissé  tomber  dans  le  gouffre 
ténébreux  de  l'oubli  le  souvenir  de  ses  artistes  et  de  ses  poètes,  à  la 
plus  belle  période  de  sa  gloire!  Voilà  un  sujet  d'études  et  de  médita- 


38  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

tions  bien  digne  d'occuper  les  philosophes,  et  je  ne  puis  douter  que  ces 
questions  ne  soient  éclaircies  quand  on  daignera  s'en  occuper. 

Achevons  cependant  notre  description,  en  nous  élevant  dans  les 
plus  hautes  parties  du  clocher  neuf. 

L'étage  qui  se  trouve  à  la  même  hauteur  que  la  statue  du  Christ 
est  un  chef-d'œuvre  d'élégance  et  de  légèreté  qui  séduit  les  regards; 
le  mérite  de  cette  construction  a  d'autres  avantages  que  de  plaire 
aux  yeux.  La  science  et  l'art  qui  ont  inventé  et  exécuté  cette  œuvre 
satisfont  notre  esprit  et  augmentent  notre  admiration.  Cette  planche, 
et  d'autres  que  nous  verrons  plus  loin,  permettent  de  se  rendre  compte 
des  combinaisons  et  des  moyens  employés  par  Jean  de  Beauce  dans 
cette  création  de  son  génie.  Toutefois,  il  nous  semble  indispensable,  si 
l'on  veut  en  connaître  tout  le  mérite ,  de  venir  faire  cette  étude  sur 
place,  en  présence  du  monument  lui-même. 

L'étage  où  nous  sommes  contient  une  salle  octogonale,  dont  la  voûte 
en  pierre  a  pu  arrêter  l'incendie  de  1 836  et  l'empêcher  d'atteindre  le 
beffroi  auquel  est  suspendu  le  timbre  de  l'horloge.  H  y  a  dans  cette 
salle  une  grande  cheminée,  dont  le  tuyau,  disposé  avec  intelligence,  tra- 
verse les  sculptures  et  les  ornements  supérieurs,  sans  se  dissimuler  et 
sans  nuire  aux  décorations  environnantes.  Une  cheminée  est  indispen- 
sable en  cet  endroit,  car  c'est  là  que  se  tiennent  les  guetteurs;  ils  sont 
exposés  pendant  les  longues  nuits  d'hiver  à  la  rigueur  du  froid  et  du 
vent,  qui  ne  seraient  pas  supportables  sans  le  secours  d'un  peu  de 
feu.  En  167/1,  la  négligence  de  ces  hommes  occasionna  un  incendie 
dont  on  a  voulu  conserver  le  souvenir  dans  l'inscription  suivante, 
fixée  au  mur  : 

OB  VINDICATAM  SINGULARI  DEI  MUNERE 
ET  A  FLAJV1MIS  ILLyESAM  HANC  PYRAMIDEM  _ 
ANNO  1674  NOVEMB.  15  PER  INCURIAM  VIG1LÛ 
HIC  EXCITATO  AC  STATIM  EXTINCTO  INCENDIO 
TANTI  BENEFICII  MEMORES  SOLEMNI  POMPA 
GRATIIS  DEO  PRIUS  PERSOLUTIS  DECANUS 
ET  CAPITULUM  CARNOTENSE  HOC  POSTERI 
TATI  MONUMENTUM  POSUERE 


PLANCHE  IV. —  GRAND  PORTAIL.  39 

On  a  aussi  gravé,  au-dessus  d'une  des  deux  portes  de  cette  salle, 
cette  pensée  que  contient  le  psaume  CXXVI  (verset  1),  et  dont  le  sens 
est  bien  applicable  à  ceux  qui  occupent  ce  poste  d'observation  : 

NISI  DOMINUS  CUSTODIERIT 
CIVITATEM  FRUSTRA  VIGILAT 
QUI  CUSTODIT  EAM 

Au-dessus  de  cette  salle  est  le  dernier  étage,  formé  par  une  lanterne 
ou  galerie  à  jour,  dans  laquelle  est  une  cbarpente  supportant  le  timbre 
de  l'horloge.  C'est  une  belle  cloche,  pesant  environ  5,ooo  kilogrammes, 
et  dont  la  circonférence  dépasse  six  mètres;  à  sa  partie  inférieure,  on 
lit  sur  deux  lignes  l'inscription  suivante,  composée  de  trois  distiques 
écrits  en  beaux  caractères  gothiques  : 

jFacïa  afo  fignatttros  Coïts  hmcqne  labotts 

(3t>efcor  afr  ïattïe  cttlmitta  eelfa  torons 
2Unn«s  rrat  Confît  millcfimns  aî>k  pnort 

(iUtttttgenïos  mtmero  hf  qttoqne  mage  team 
JIIo  qnigre  antto  qno  Jfranctts  conuemï  3lttglnm 

Perpetttaqne  fttnnl  hlcnïmcrr  fik 

Au-dessus  est  le  nom  du  fondeur  :  Pelrus  Savyet  mefecit.  On  voit 
aussi ,  entre  les  vers,  des  ornements,  tels  que  des  monogrammes  de  Jésus 
et  de  Marie,  les  armes  de  France,  des  dauphins,  et  la  tunique  de  Notre- 
Dame,  telle  quelle  fut  adoptée  au  xvc  siècle  pour  les  armes  du  Chapitre. 

Cette  inscription  ne  nous  donne  pas  seulement  la  date  de  la  cloche; 
elle  fait  allusion  à  un  fait  historique,  l'entrevue  du  Camp  du  drap  d'or 
entre  François  Ier  et  Henri  VIII;  elle  nous  apprend  le  nom  du  fondeur 
et  se  pare  d'ornements  royaux  et  ecclésiastiques. 

C'est  au-dessus  de  cette  lanterne  à  jour  que  commence  la  flèche 
aiguë  qui  s'élance  dans  les  airs  avec  élégance-  et  légèreté.  Ses  faces 
sont  recouvertes  d'imbrications  à  nervures  comme  des  feuilles,  et  les 
angles  sont  renforcés  par  des  cordons,  d'où  sortent  de  distance  en  dis- 
tance des  expansions  végétales,  en  forme  de  crochets  recourbés,  qui 
ôtent  à  cette  pyramide  l'uniformité  de  la  ligne  droite. 


40  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

La  pointe  extrême  de  ce  clocher  ayant  été  ébranlée  et  fort  endom- 
magée par  un  violent  ouragan  le  12  octobre  1690,  on  fut  obligé  de  la 
refaire  à  neuf,  ainsi  que  nous  l'apprend  Sablon ,  l'un  des  historiens  de 
la  cathédrale.  En  1691,  cette  pointe  du  clocher  fut  rétablie,  en  pierre 
de  Vernon,  sous  la  conduite  de  Claude  Auger,  artiste  lyonnais,  qui 
l'éleva  de  hi  pieds  plus  haut  qu'elle  n'était,  et,  pour  affermir  davan- 
tage son  ouvrage,  il  reprit  et  reposa  les  assises  à  plus  de  20  pieds  au- 
dessous  de  la  fracture.  Le  même  artiste  fit  exécuter  un  support  en 
cuivre  pour  la  croix  qui  est  au  sommet  du  clocher.  Autour  de  ce  sup- 
port, des  serpents  s'entrelacent  et  forment  une  garniture  à  jour.  Sur 
le  renflement  de  ce  support  il  y  a,  d'un  côté ,  une  Vierge  assise  sur  des 
nuages,  portant  l'Enfant  Jésus  sur  ses  genoux  :  le  relief  est  assez  peu 
saillant;  du  côté  opposé  on  lit  l'inscription  suivante  : 

OL1M  LIGNEA  TECTA  PLVMBO  DE  CCELO  TACTA  DEFLAGRAVIT  ANNO  M  D  VI   YIGILAN- 

TIA  VASTINI  DES  FVGERAIS  SVCCENTORIS 
ARTE  JOANNIS  DE  BELSIA  M  D  XVII  AD  SEXPEDAS  LXII  OPERE  LAP1DEO  EDYCTA  STETIT 

AD  ANNVM  M  D  C  LXXXX  QVO  VENTORVM 
VI   CYRVATA   AC   PCENE  DISJECTA   SED   INSEQVENTI   ANNO   M  DC   LXXXXI   PARI   MENSE 

DIE  PROPE  PARI  QYATVOR  PEDIBVS  AI.TIOR  OPERE 
MVNITIORI   REFECTA  JVSSV  CAPITVL1   D.  HENR1CO  GOAVLT  DECANO  CVRA  ROBERTI   DE 

SALORNAY  CANONICI  ARTE  CLAVDI  AVGÉ  LVGDVNENSIS 
CONFERENTE    IN    SVMPTVS  MILLE   LIBRAS   PHILIP.   GOVPIL   CLERICO    FABRICA    SACRYM 

NYBIBVS   CVLMEN   INFERT   QYOD   FAXIT   DEYS   ESSE  DIVTVRNYM 
IGNACE  GABOIS   FONDEYR 

Cette  inscription  est  formée  de  cinq  lignes  superposées.  Les  carac- 
tères sont  en  relief,  excepté  la  signature  du  fondeur,  qui  est  gravée  en 
creux. 

Après  avoir  ici  examiné  étage  par  étage  les  dispositions  et  la  con- 
struction de  ces  deux  clochers,  et  après  avoir  passé  plusieurs  années  à 
leur  pied,  je  demande  la  permission  de  résumer  en  peu  de  mots  l'im- 
pression qu'ils  produisent  sur  notre  esprit. 

Premièrement  :  ces  deux  clochers,  d'époques  fort  différentes,  sonl 
chacun  dans  leur  genre  une  démonstration  manifeste  de  la  supériorité 
de  l'art  français  au  moyen  âge  sur  celui  des  autres  pays.  Strasbourg, 
Vienne,  Anvers,  ont  des  flèches  beaucoup  plus  élevées  que  celle  de 


PLANCHE  IV.  —  GIIAND  PORTAIL.  SI 

Chartres,  on  ne  peut  le  nier;  en  Angleterre  et  en  Suisse,  on  voit  des 
clochers  tout  à  jour  et  d'une  légèreté  de  sculpture  extraordinaire.  Cela 
n'est  pas  contestable;  mais  sous  le  rapport  du  bon  goût  et  du  bon 
sens  nous  ne  connaissons  rien  qui  l'emporte  sur  les  œuvres  françaises, 
dont  la  cathédrale  de  Chartres  nous  donne  des  exemples  si  précieux. 

Secondement  :  le  clocher  du  xue  siècle,  œuvre  simple,  robuste  et 
inébranlable,  rappelle  à  notre  pensée  la  puissance  épiscopale  et  ecclé- 
siastique aux  époques  où  cette  puissance  était  si  grande  et  si  respectée, 
aux  époques  où  les  sciences,  les  lettres  et  les  arts  étaient  cultivés  avec 
ardeur  et  désintéressement  dans  les  écoles  et  dans  les  monastères.  Le 
monde  traversait  en  ce  moment  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  phase  de 
l'autorité  et  de  la  théocratie.  Les  hommes  de  ces  temps  héroïques 
étaient  soulevés  et  emportés  par  un  enthousiasme  qui  leur  a  fait  pro- 
duire des  merveilles  en  tout  genre.  C'est  le  siècle  des  grands  poèmes, 
des  grands  monuments  et  des  Croisades! 

Le  clocher  du  xve  siècle,  construction  élégante  et  légère,  mais  fra- 
gile, nous  transporte  à  ce  moment  brillant  où  toutes  les  connaissances 
humaines,  s'émancipant  et  secouant  le  joug  de  toute  autorité,  ont  pro- 
duit des  œuvres  élégantes  et  légères  aussi,  comme  les  monuments  com- 
temporains,  dont  le  charme  et  la  grâce  captivent  et  enchantent  ceux 
qui  les  voient;  mais  elles  ne  présentent  plus  les  mêmes  conditions  de 
stabilité  et  de  durée.  Le  monde  s'est  transformé;  il  se  vante  de.  renaître. 
Les  traditions  antiques  sont  abandonnées;  elles  tombent  dans  le  dédain 
et  l'oubli.  En  pratique,  en  réalité  elles  ont  cessé  d'exister,  quoiqu'on 
théorie  elles  conservent  une  apparence  de  vie  ;  mais  ce  n'est  qu'une  vie 
factice,  et  seulement  un  sujet  d'occupation  et  de  discussion  pour  les 
savants  et  les  érudits. 

Pour  nous,  hommes  du  xixc  siècle,  faut-il  se  réjouir  de  cette  évolu- 
tion dans  les  habitudes  humaines,  ou  faut-il  en  gémir?  C'est  une  ques- 
tion à  laquelle  je  ne  me  permettrai  pas  de  répondre.  Je  laisse  à  nos 
maîtres  la  tâche  de  prononcer  un  jugement.  Mais  tous,  nous  sommes 
obligés  de  méditer  sur  ces  questions  intéressantes. 

H  nous  reste  à  examiner  sur  cette  planche,  avant  de  la  quitter,  les 

G 


42  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

deux  parties  que  l'on  aperçoit  de  chaque  côté  des  clochers  :  ce  sont  les 
extrémités  des  transepts  qui  se  projettent  en  dehors  du  corps  de  la 
cathédrale. 

A  chacun  de  ces  deux  côtés,  nous  voyons  une  des  tours  non  terminées 
qui  flanquent  les  portails  latéraux.  Le  parti  de  décoration  adopté  par 
l'architecte  n'est  pas  identique,  comme  l'examen  le  fait  reconnaître. 

Plus  au  dehors  sont  les  profils  des  deux  porches  latéraux,  pour  les- 
quels aussi  la  variété  de  composition  existe  pareillement.  Le  porche  du 
Midi  est  orné  de  statues  et  de  clochetons  sur  sa  partie  supérieure  :  cela 
n'a  jamais  existé  du  côté  du  Nord;  il  est  vrai  que  ce  dernier  n'est  pas 
terminé. 

Au  sujet  de  ces  deux  porches,  nous  ferons  deux  remarques  : 

i°  Par  une  exception  fort  rare  (je  n'en  connais  pas  d'autre  exemple 
dans  l'architecture  du  moyen  âge)  on  trouve  en  ces  deux  constructions, 
si  remarquables  à  tous  égards,  l'emploi  de  la  plate-bande  remplaçant 
l'arc  en  plein  cintre  ou  l'arc  en  ogive; 

2°  Le  contrefort  qui  s'élève  jusqu'au  haut  de  l'édifice  est  en  porte- 
à-faux  et  s'interrompt  au  niveau  du  toit  des  deux  porches.  Par  ce 
système  d'allégement,  la  lourde  masse  de  ces  contreforts  se  trouvant 
supprimée  en  approchant  du  sol,  les  sculptures  avoisinant  les  portes 
prennent  une  expansion  et  une  importance  que  rien  ne  vient  arrêter. 

Du  côté  du  Sud,  on  aperçoit  au  pied  du  clocher  vieux  la  statue  d'un 
ange,  surmontée  d'un  dais  et  soutenant  un  cadran  solaire:  nous  en 
avons  fait  mention  plus  haut. 

Du  côté  du  Nord,  est  un  petit  édicule  refait  au  xvic  siècle,  contenant, 
comme  nous  l'avons  dit,  le  mouvement  de  l'horloge.  Tout  à  fait  à  gauche 
on  aperçoit  le  bâtiment  de  la  sacristie,  dont  on  voit  une  des  deux  fenêtres. 

N'oublions  pas  de  mentionner,  tant  à  droite  qu'à  gauche,  deux  de 
ces  petites  portes,  signalées  dans  notre  description  de  la  crypte,  les- 
quelles sont  percées  au  bas  dans  le  massif  des  contreforts. 

Enfin,  par  une  dernière  observation,  nous  signalerons  la  crête  qui 
couronne  le  haut  du  toit  dans  cette  planche  et  dans  d'autres  de  ce 
même  ouvrage;  c'est  une  chose  projetée  et  non  exécutée. 


PLANCHE  V.  —TYMPAN  DE  LA  PORTE  CENTRALE.  Û8 

PLANCHE  V. 

TYMPAN  DE  LA  PORTE  CENTRALE. 

On  ne  voit  dans  cette  gravure  que  le  tympan  de  la  porte  du  milieu 
de  la  façade  occidentale  représentant  ce  qu'au  moyen  âge  on  appelait 
une  MAJESTAS.  C'est  Jésus-Christ  dans  sa  splendeur,  bénissant  le 
monde  de  la  main  droite  et  soutenant  de  la  gauche  le  livre  des  Evan- 
giles posé  sur  ses  genoux.  La  tête  est  entourée  d'un  large  nimbe  crucifère  ; 
le  Sauveur  est  assis  sur  un  trône  fort  simple  et  sans  dossier;  les  pieds 
sont  posés  sur  un  scabellum.  Une  auréole  de  forme  elliptique  entoure 
le  personnage  tout  entier  et  figure  la  splendeur  de  la  gloire  divine.  Les 
quatre  signes  des  Évangélistes  accompagnent  cette  grande  figure  et  sont 
placés  près  de  lui.  Tout  autour  de  ce  bas-relief  on  remarquera  ces 
ondulations  que  les  artistes  du  moyen  âge  employaient  pour  représenter 
les  nuages;  ils  nous  montrent  ici  que  la  manifestation  glorieuse  qui  nous 
apparaît  est  dans  le  ciel. 

Ces  sculptures  étaient  primitivement  peintes  et  dorées.  On  en  trouve 
encore  aujourd'hui  des  traces  évidentes,  et  l'on  peut  apercevoir  près 
des  nuages  des  bandes  parallèles  et  ondulées  ainsi  disposées,  allant  de 
dedans  en  dehors  :  une  bande  bleue,  une  rouge,  une  jaune,  une  rouge. 
Elles  sont  nuancées  et  figurent  l'arc-en-ciel,  comme  le  dit  l'Apocalypse: 
Iris  erat  in  circuitu  sedis,  similis  visioni  smaragdinœ. 

La  partie  inférieure  de  ce  tympan  forme  une  bande  horizontale  dans 
laquelle  sont  les  douze  Apôtres.  Ils  sont  assis  et  rangés  trois  par  trois  sous 
de  petites  arcades  richement  ornées  et  s'appuyant  sur  cinq  colonnettes. 
Leur  tête  est  entourée  du  nimbe  et  leurs  pieds  sont  nus.  Aux  deux  bouts 
de  cette  zone  de  personnages,  il  y  a  deux  autres  statuettes  de  même 
dimension,  représentant  des  hommes  debout,  non  nimbés  et  les  pieds 
chaussés;  aucun  signe  ne  les  caractérise.  L'ensemble  de  ces  figures, 
rangées  d'une  manière  hiératique,  rappelle  la  disposition  que  nous  trou- 

6. 


U  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

vous  sur  les  sarcophages  chrétiens  des  premiers  siècles.  H  y  a  là  une 
tradition  d'usages  antiques  que  nous  croyons  importante  à  signaler. 

Dans  les  voussures  qui  entourent  ce  grand  bas-relief  on  voit  des 
anges  et  les  vingt-quatre  vieillards  de  l'Apocalypse  tenant  un  vase  et 
un  instrument  de  musique.  Ils  forment  la  cour  céleste  qui  environne 
Je  trône  de  Dieu  et  célèbrent  sa  gloire. 

La  sculpture  de  cette  partie,  comme  celle  des  autres  tympans  et  des 
statues  de  ce  portail,  mérite  d'attirer  notre  attention  d'une  manière 
toute  spéciale  par  son  style  hiératique  et,  au  premier  abord,  étrange. 
Les  têtes  sont  pleines  d'expression  et  vivantes.  Les  draperies  sont  traitées 
avec  un  soin  minutieux;  les  étoffes  souples  et  légères  forment  des  plis 
fins  et  serrés  ayant  la  plus  grande  analogie  avec  la  sculpture  grecque 
des  temps  primitifs.  Nous  sommes  fort  porté  à  croire  que  les  sculp- 
teurs qui  ont  exécuté  toute  cette  statuaire  ont  eu  pour  modèles  des 
dessins  et  des  types  fournis  par  des  artistes  grecs  ou  byzantins;  cepen- 
dant cela  ne  suffit  pas  pour  expliquer  comment  ces  œuvres  ont  une 
ressemblance  si  grande  avec  le  style  éginétique  qui  se  montre  ici  d'une 
manière  si  frappante.  La  grande  figure  du  Christ  et  la  gloire  elliptique 
qui  entoure  sa  personne  sont  taillées  dans  un  seul  bloc  de  pierre,  laquelle 
est  plus  dure  et  d'un  grain  plus  fin  que  les  autres  parties  de  ce  bas-relief. 

On  retrouve  en  plusieurs  endroits,  en  France,  des  statues  de  ce 
style  singulier.  Il  y  en  a  dans  le  Midi,  à  Saint-Gilles,  et,  dans  le  Nord, 
au  Mans,  à  Bourges  et  à  Angers.  Il  y  en  a  quelques  échantillons  à  l'ab- 
baye de  Saint-Denis;  mais,  pour  la  finesse  de  l'exécution,  nous  ne 
connaissons  rien  de  comparable  à  ce  que  nous  voyons  à  Notre-Dame 
de  Paris  (porte  Sainte-Anne)  et  à  la  cathédrale  de  Chartres.  Nous 
ajouterons  que  pour  nous,  comme  nous  espérons  le  démontrer  dans 
un  travail  spécial,  ce  sont  les  mêmes  sculpteurs  qui  ont  exécuté  ces 
statues,  à  Chartres  et  à  Paris.  Il  y  aurait  à  ce  sujet  des  recherches  cu- 
rieuses à  faire  et,  aujourd'hui  où  la  photographie  a  fait  de  grands  pro- 
grès, il  serait  à  désirer  qu'elle  fût  largement  employée  à  reproduire  ces 
types,  qu'aucun  dessinateur  ne  saurait  parvenir  à  copier  d'une  manière 
satisfaisante. 


PLANCHE  VI. —  TYMPAN  DE  LA  PORTE  DE  GAUCHE.     &5 

PLANCHE  VI. 

TYMPAN  DE  LA  PORTE  DE  GAUCHE. 

Le  sujet  que  nous  offre  cette  planche  est  encore  aujourd'hui  inex- 
pliqué. C'est  une  composition  symbolique,  dont  nous  n'avons  pas  la 
clef  et  dont  nous  ne  connaissons  pas  un  second  exemple  dans  les  mo- 
numents du  moyen  âge.  On  ne  le  trouve  ni  en  France,  ni  en  Italie, 
ni  en  Grèce,  dans  les  peintures  ou  les  sculptures  des  églises.  Les  mi- 
niatures des  manuscrits,  mine  si  riche  et  si  abondante,  ne  montrent 
rien  de  semblable.  Nos  recherches  dans  les  textes  et  nos  informations 
auprès  de  savants  capables  de  nous  renseigner  n'ont  pu  nous  donner 
la  signification  de  ce  bas-relief.  Nul  doute  que  dans  l'origine  une  page 
de  sculpture  aussi  importante,  et  par  elle-même  et  par  la  place  qu'elle 
occupe,  n'ait  été  accompagnée  d'inscriptions;  mais  tracées  simplement 
au  pinceau,  le  temps  les  a  fait  disparaître  avec  le  reste  de  la  coloration 
qui  rehaussait  les  sculptures.  L'interprétation  est  devenue  par  suite 
fort  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible.  Espérons  cependant  qu'un 
jour  quelque  texte  ignoré  de  nous  tombera  sous  les  yeux  d'un  érudit 
travailleur,  et  nous  rendra  la  connaissance  de  ce  que  lisaient  clairement 
les  fidèles  au  xne  et  au  xuie siècle,  lorsqu'ils  s'arrêtaient  devant  ce  portail 
pour  en  admirer  la  beauté  et  se  pénétrer  de  l'enseignement  que  leur 
offraient  ces  splendides  images.  En  attendant,  nous  devons  signaler 
cette  lacune  dans  la  science  des  symboles  à  tous  ceux  qui  par  leurs 
études  se  trouvent  en  présence  fréquente  des  œuvres  du  moyen  âge; 
nous  souhaitons  qu'ils  puissent  la  combler,  et  nous  avouons  tout  d'abord 
notre  ignorance  à  ce  sujet. 

Tous  les  auteurs  qui  ont  décrit  cette  partie  de  la  sculpture  char- 
traine  ont  cru  voir  ici  la  représentation  d'une  Ascension.  Je  vais  essayer 
de  montrer  que  cette  explication  n'est  pas  admissible.  La  composition 
que  nous  avons  sous  les  yeux  diffère  complètement  de  toutes  les  As- 
censions connues,  et  le  nombre  en  est  grand  cependant.  On  sait,  en 


46  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

effet,  que  ce  sujet  est  l'un  de  ceux  qui  ont  été  Je  plus  fréquemment 
reproduits  sur  les  monuments  ecclésiastiques  et  dans  les  tableaux.  Les 
fidèles  attachaient  une  grande  importance  à  placer  devant  leurs  yeux 
cette  scène  qui  termina  la  mission  de  Jésus-Christ  parmi  les  hommes. 
Depuis  les  premiers  siècles  de  l'Eglise  jusqu'à  la  fin  du  moyen  âge,  on 
s'est  conformé  pour  cette  représentation,  comme  pour  bien  d'autres  du 
reste,  à  une  sorte  de  type  dont  l'uniformité  est  digne  de  remarque. 
L'ensemble  de  la  composition  et  les  détails  sont  à  peu  près  identiques. 
L'invention  première  appartient  à  la  Grèce,  et  l'Occident  l'a  adoptée 
sans  l'altérer  d'une  manière  notable.  La  cathédrale  de  Chartres  ne 
nous  en  offrant  aucun  autre  exemple,  il  ne  sera  pas  inutile  d'exposer 
ici  en  quelques  mots  l'ordonnance  de  cette  composition,  afin  qu'on 
puisse  la  mettre  en  parallèle  et  la  comparer  avec  le  bas-relief  que  nous 
avons  sous  les  yeux. 

Il  faut  donc  savoir  qu'aux  époques  primitives  et  dans  le  haut  moyen 
âge  on  trouve  deux  manières  de  représenter  l'Ascension. 

La  première  est  le  type  oriental  ou  byzantin.  Voici  en  peu  de  mots 
quelle  marche  suivaient  ici  les  peintres  et  les  sculpteurs: 

Sur  une  sorte  de  montagne,  indiquée  par  une  légère  éminence 
du  sol  dans  sa  partie  médiane,  on  voit  les  personnages  suivants  :  au 
milieu  la  Sainte  Vierge  debout,  les  bras  étendus  en  signe  d'admiration 
et  détonnement;  elle  lève  la  tête  pour  regarder  le  ciel,  que  semblent 
indiquer  d'un  geste  énergique  deux  hommes  ou  deux  anges  placés 
à  ses  côtés.  De  droite  et  de  gauche  :  les  douze  Apôtres  formant  deux 
groupes;  derrière  eux,  des  arbres.  Dans  la  partie  haute  du  tableau, 
Jésus-Christ,  assis  sur  un  trône  ou  sur  un  arc-en-ciel,  entouré  d'une 
auréole,  soutenue  par  des  anges  qui  l'enlèvent  dans  les  cieux. 

Dans  la  seconde  manière,  que  nous  pourrions  appeler  latine  ou 
carlovingienne,  on  voit  Jésus-Christ  s'élevant  (ordinairement  de  profil) 
et  quittant  le  sommet  d'une  colline ,  tenant  d'une  main  une  petite  croix 
et  élevant  l'autre  vers  le  ciel ,  d'où  l'on  voit  sortir  des  nuages  la  main 
puissante  de  Dieu  le  Père,  qui  saisit  celle  de  son  fils  pour  l'introduire 
dans  le  séjour  de  la  gloire. 


PLANCHE  VI.  —  TYMPAN  DE  LA  PORTE  DE  GAUCHE.      kl 

Tels  étaient  les  deux  principaux  systèmes  figurant  l'Ascension  dans 
les  temps  les  plus  anciens.  A  une  époque  plus  récente,  ne  remontant 
pas  plus  haut  que  le  vnic  ou  le  ixe  siècle,  les  artistes  employèrent  une 
troisième  manière,  à  laquelle  se  conformèrent,  en  Occident,  les  siècles 
suivants.  Le  Christ,  au  lieu  de  monter  avec  majesté  entouré  d'une  au- 
réole de  gloire,  fut  représenté  au  moment  où  il  disparaît  dans  les 
nuages;  on  aperçoit  encore  ses  pieds  et  le  bas  de  son  vêtement,  mais 
la  tête  et  la  partie  supérieure  du  corps  ont  déjà  disparu  dans  la  nuée 
céleste.  Cette  modification  semble  moins  conforme  au  récit  évangélique 
et  n'a  pas  autant  de  dignité  que  la  première  manière. 

Trouvons-nous  dans  le  bas-relief  que  nous  examinons  quelque  res- 
semblance avec  les  tableaux  ou  compositions  que  nous  venons  de  dé- 
crire? Non,  certainement.  Et  cependant  l'espace  où  le  sculpteur  pouvait 
représenter  cette  composition  était  bien  favorable  pour  la  disposition 
de  ses  personnages;  rien  ne  le  gênait  pour  suivre  dans  son  travail  les 
prescriptions  auxquelles  les  artistes  se  soumettaient  habituellement,  par 
suite  d'un  accord  tacite,  ou  plutôt  pour  obéir  à  la  règle  imposée  par 
l'autorité  ecclésiastique.  Dans  le  haut  moyen  âge,  les  mêmes  scènes 
sont  représentées  d'une  manière  tellement  identique,  qu'il  est  impos- 
sible de  ne  pas  les  reconnaître  au  premier  coup  d'œil. 

Décrivons  le  bas-relief  qui  nous  occupe,  et  nous  pourrons  mieux 
nous  convaincre  qu'il  n'a  aucun  rapport  avec  le  type  consacré  pour 
figurer  une  Ascension. 

L'ensemble  de  ce  bas-relief  est  formé  par  trois  zones  de  sculptures. 
Dans  la  partie  supérieure,  au  sommet  de  l'ogive,  on  voit  trois  per- 
sonnages :  au  milieu,  le  Christ;  au-dessus  de  sa  tête,  une  colombe  (le 
Saint-Esprit),  et  à  ses  côtés  deux  anges.  Ces  trois  figures  sont  enca- 
drées par  une  bande  étroite  de  nuages,  pour  montrer  que  la  scène 
se  passe  dans  le  ciel.  Dans  la  seconde  zone,  placée  au-dessous,  quatre 
anges  émergent  avec  symétrie  d'une  bande  horizontale  de  nuages.  Us 
semblent  par  leurs  gestes  et  par  l'expression  de  leurs  figures  mettre  en 
communication  la  scène  supérieure,  où  se  trouve  le  Christ,  avec  les  per- 
sonnages qui  occupent  la  zone  inférieure;  ceux-ci,  en  effet,  élèvent 


48  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

leurs  têtes  en  se  détournant  comme  pour  jouir  de  cette  apparition  et 
pour  écouter  les  voix  célestes  qui  les  inspirent.  Ce  sont  dix  Prophètes 
ou  dix  Apôtres  assis  sur  une  sorte  de  banc  ou  de  trône  continu.  Leur 
tête  est  nimbée,  leurs  pieds  sont  nus;  ils  tiennent  dans  leurs  mains  ou 
une  banderole,  ou  un  volumen,  ou  un  livre.  Ces  détails  iconogra- 
phiques caractérisent  les  personnages  sacrés  de  l'ancienne  et  de  la 
nouvelle  loi.  Les  petites  arcades  ornées  de  feuillage  sous  lesquelles 
s'abrite  leur  tête  forment  une  suite  de  dais  honorifiques  et  confirment 
leurs  prérogatives  de  sainteté.  Voilà  ce  que  nous  présente  ce  superbe 
tympan;  nous  demandons  encore  une  fois  si  Cela  nous  rappelle  le  type 
d'une  Ascension,  et  encore  une  fois  nous  répondons  négativement. 

H  est  nécessaire  maintenant  d'étudier  en  détail  la  partie  supérieure 
du  bas-relief.  Nous  reconnaissons  que  de  regrettables  mutilations,  suite 
des  injures  du  temps,  ont  fait  disparaître  les  mains  et  une  partie  des 
avant-bras  des  trois  personnages.  Cette  altération  de  la  sculpture  con- 
tribue à  rendre  le  sujet  plus  difficile  à  expliquer,  puisque  l'on  ne  peut 
plus  voir  comment  les  membres  étaient  disposés,  ni  savoir  ce  que  les 
deux  anges  tenaient  dans  leurs  mains.  La  mutilation  des  mains  du 
Christ  et  des  avant-bras  des  anges  cause  une  lacune  qui  rend  bien 
difficile  l'explication  du  bas-relief.  L'examen  attentif  et  minutieux  de 
certains  détails  techniques  et  matériels  auxquels  nous  sommes  réduits 
va  nous  fournir  des  indications  précieuses.  En  effet,  lorsque  l'on  re- 
garde avec  soin  les  œuvres  d'art  de  ces  époques  reculées,  on  reconnaît 
que  les  peintres  et  les  sculpteurs  avaient  adopté  certains  procédés  de 
pure  convention,  dont  ils  se  servaient  pour  représenter  les  accessoires 
de  leurs  compositions.  Les  arbres,  les  terrains,  et  surtout  ces  deux 
choses  mobiles  et  insaisissables,  les  eaux  et  les  nuages,  étaient  repré- 
sentés, dans  la  peinture  et  dans  la  sculpture  ou  la  ciselure,  d'une  ma- 
nière imaginaire  et  conventionnelle,  mais  toujours  la  même.  Cette 
similitude  dans  les  procédés  manuels.et  matériels,  semblables  aux  ex- 
pressions d'un  langage  particulier,  permettait  de  reconnaître  les  choses 
sans  peine  et  sans  confusion.  Ainsi,  à  partir  du  xne  siècle,  les  nuages 
sont  figurés  sous  la  forme  d'ondulations  interrompues  de  distance  en 


PLANCHE  VI.  —  TYMPAN  DE  LA  PORTE  DE  GAUCHE.  U9 

distance  par  des  nœuds  ou  replis  imitant  d'une  manière  approximative 
des  trèfles  ou  des  quatre-feuilles.  L'eau  est  représentée  aussi  par  des 
lignes  ondulées,  mais  sans  replis  ni  festons;  elles  se  suivent  dune 
manière  à  peu  près  parallèle  et  concentrique,  imitant  vaguement  les 
fluctuations  d'une  eau  courante,  tandis  que  les  nuages  présentent  les 
inégalités  arrondies  des  cumulus  ou  des  cirrhus  tels  qu'ils  apparaissent 
dans  le  ciel.  Si  nous  portons  notre  attention  sur  certaines  parties  de 
la  sculpture  qui  nous  occupe,  nous  pourrons  nous  convaincre  que 
les  ondulations  dans  lesquelles  plonge  le  Christ  sont  fort  différentes  de 
celles  qui  représentent  ici  les  nuages,  soit  dans  l'encadrement  de  la 
partie  supérieure  du  bas-relief,  soit  dans  la  zone  placée  au-dessous 
et  d'où  l'on  voit  émerger  les  quatre  anges.  D'autres  planches  de  la 
Monographie  de  la  cathédrale  de  Chartres  offrent  des  exemples  qui 
achèveront  de  nous  convaincre.  Ainsi,  au  sommet  du  grand  vitrail 
du  xue  siècle  (la  vie  de  Jésus-Christ,  planche  LU,  pi.  B,  feuille  e),  on 
voit,  au  bas  de  l'auréole  entourant  la  Vierge  et  son  Fils,  plusieurs 
couches  de  nuages;  les  figures  du  soleil  et  de  la  lune  sont  aussi  en- 
tourées de  nuages.  Or  ces  nuages,  on  peut  facilement  s'en  convaincre 
en  examinant  la  planche  indiquée-,  ou  le  vitrail  lui-même,  sont  exé- 
cutés de  la  même  manière  dans  le  vitrail  et  dans  la  sculpture.  Si 
l'on  examine  ensuite  les  ondes,  dans  lesquelles  est  placée  la  figure  de 
Jésus-Christ,  au  panneau  qui  représente  son  baptême  (même  fenêtre, 
planche  LI,  pi.  B ,  feuille  d) ,  et  si  on  les  compare  avec  les  ondes  placées 
sous  le  Christ  du  tympan,  on  sera  frappé  de  leur  ressemblance.  Prenons 
encore  comme  points  de  comparaison  plusieurs  panneaux  du  vitrail 
de  Saint-Eustache;  nous  en  trouverons  (PI.  LXV)  deux  dans  lesquels  le 
peintre  a  dû  représenter  des  nuages  et  des  eaux;  la  différence  est  sen- 
sible, on  ne  peut  s'empêcher  de  la  reconnaître.  On  pourrait  multiplier 
les  exemples;  les  œuvres  du  moyen  âge  en  offrent  un  grand  nombre, 
et  l'on  ne  peut  s'empêcher  de  regarder  avec  surprise  cette  persistance 
dans  le  mode  des  procédés  graphiques.  Jusqu'à  la  Renaissance,  dans 
les  gravures  sur  bois  des  incunables  les  nuages  ont  conservé  cette 
même  apparence  caractéristique  de  méandres  repliés,  festonnés  ou 

7 


50  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

frisés,  qui  contribue  souvent  à  former  une  sorte  d'ornementation  dans 
les  compositions  de  cette  dernière  période  du  moyen  âge. 

Cette  petite  étude  des  procédés  des  artistes  nous  permet  donc  d'éta- 
blir que,  dans  le  bas-relief  de  Chartres ,  le  Christ  n'est  pas  sur  un  nuage 
pour  monter  au  ciel  ou  pour  en  descendre,  mais  qu'il  est  placé  dans 
les  ondes  aqueuses  dune  fontaine  ou  d'un  fleuve.  D'où  viennent  ces 
eaux?  Quelle  est  la  signification  de  cette  scène?  Si  nous  ne  pouvons 
répondre  d'une  manière  satisfaisante  à  cette  double  question,  du  moins 
nous  essayerons  de  mettre  sur  la  voie  d'une  interprétation. 

i°  D'où  vient  cette  eau,  avons-nous  demandé?  Suivant  toute  pro- 
babilité, elle  sortait  des  amphores  qui  se  trouvaient  entre  les  mains  des 
anges  placés  aux  côtés  du  Christ.  La  position  ou  la  posture  de  ces  anges 
est  à  remarquer;  on  ne  reconnaît  pas  là  des  anges  encensant  ou  s'in- 
clinant  pour  adorer  le  Seigneur.  Ils  semblent  se  renverser  en  arrière  et 
en  dehors  du  tableau  comme  pour  faire  contrepoids  à  un  objet  pesant 
qu'ils  auraient  tenu  dans  leurs  bras,  et  cet  objet,  comme  nous  venons 
de  le  dire,  était  probablement  une  de  ces  urnes  semblables  à  celles 
que  nous  voyons  dans  la  représentation  des  quatre  fleuves  du  paradis 
terrestre,  personnifiés  et  répandant  leurs  ondes  sur  la  terre. 

20  Quelle  est  la  signification  de  cette  scène?  Voilà  un  problème 
dont  la  solution  serait  bien  intéressante.  Le  champ  est  ouvert  aux 
suppositions.  Je  vais  exposer  celle  qui  m'a  été  suggérée  par  un  anti- 
quaire de  mérite,  l'abbé  Launay,  ancien  vicaire  de  la  Couture  au  Mans 
et  depuis  curé  de  la  Ferté-Bernard.  Nous  examinions  ensemble  les 
sculptures  de  l'église  de  Chartres;  arrivés  devant  la  porte  où  se  trouve 
notre  bas-relief,  je  lui  témoignais  mon  embarras  et  mon  éloignement 
à  le  regarder  comme  une  Ascension,  suivant  l'opinion  commune.  Je 
lui  demandais  ce  qu'il  fallait  penser?  et  Comment!  me  dit-il  à  l'instant 
même,  comment  pouvez-vous  hésiter?  Ne  reconnaissez-vous  pas  ici 
Jésus-Christ  porté  sur  les  eaux  du  fleuve  de  vie?  C'est  le  signe  de  la 
fin  des  temps  et  l'accomplissement  des  dernières  phases  qui  viendront 
clore  la  série  des  siècles;  c'est  la  consommation  de  l'univers.  Ce  bas- 
relief  est  la  traduction  en  sculpture  du  dernier  chapitre  de  l'Apoca- 


PLANCHE  VI. —  TYMPAN  DE  LA  PORTE  DE  GAUCHE.  51 

lypse.  -n  Cette  explication  me  parut  singulière  et  je  me  proposai  de  de- 
mander plus  tard  des  éclaircissements  à  mon  savant  interprète,  puis 
nous  continuâmes  notre  exploration  de  la  cathédrale.  Hélas  !  peu  de 
temps  après,  ce  prêtre  érudit  fut  enlevé  pour  toujours  à  ses  travaux  de 
symbolisme  et  de  liturgie.  Livré  à  moi-même  pour  chercher  le  sens 
complet  de  cette  sculpture,  je  ne  pus  trouver  les  raisons  qui  avaient 
donné  à  l'abbé  Launay  l'idée  qu'il  m'exposa  brièvement,  comme  je 
viens  de  le  raconter.  Le  texte  de  saint  Jean  est  fort  court  pour  ce  qui 
nous  occupe,  et  les  commentaires  que  j'ai  pu  lire  ne  m'ont  rien  appris. 
Le  texte  sacré  ajoute,  cependant,  quelque  chose  qui  s'accorde  un  peu 
avec  notre  sculpture  et  l'interprétation  de  l'abbé  Launay,  lorsqu'il  dit 
que  de  chaque  côté  du  fleuve  est  l'arbre  de  vie  portant  douze  fruits 
suivant  les  douze  mois  de  l'année,  et  en  effet,  sur  les  voussures  en- 
tourant notre  bas-relief,  on  voit  les  douze  signes  du  zodiaque  et  les 
occupations  des  hommes  pendant  ces  douze  parties  de  l'année. 

Espérons,  comme  nous  l'avons  dit  en  commençant,  que  les  textes  du 
moyen  âge  ou  les  commentaires  de  l'Ecriture  sainte  nous  fourniront  un 
jour  l'explication  de  la  sculpture  que  nous  venons  d'étudier.  C'est  sur- 
tout dans  les  auteurs  contemporains  qu'on  pourrait  avoir  l'espérance  de 
trouver  ce  que  nous  cherchons.  UHot-tus  deliciarum  de  l'abbesse  Herrade , 
célèbre  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Strasbourg,  était  rempli  de 
dissertai  ions  symboliques  et  mystiques  sur  des  sujets  semblables  à 
celui-ci.  Le  xne- siècle  a  été  fécond  eu  auteurs  dont  la  piété  et  l'ima- 
gination se  livraient  avec  un  abandon  plein  de  poésie  au  sens  figuré 
et  allégorique  qu'ils  apercevaient  dans  l'Ecriture  sainte.  Leurs  pensées, 
leurs  idées  ingénieuses  et  originales,  s'élevaient  au-dessus  des  réalités  de 
la  lettre  et  transportaient  dans  les  régions  les  plus  élevées  de  la  théo- 
logie et  du  mysticisme  les  âmes  des  fidèles  qu'ils  voulaient  toucher  et 
instruire. 


52  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  VII. 

CÔTÉ  OCCIDENTAL. 

PORTE   LATÉRALE  DE  DROITE  (xll*  SIECLE). 

Le  tympan  de  cette  porte  est  partagé  en  trois  parties.  Il  y  a  d'abord  deux 
zones  ou  bandes  horizontales  de  bas-reliefs,  qui  sont  surmontées  par  un 
grand  tableau,  de  forme  ogivale,  où  l'on  voit  la  Vierge  entre  deux  anges. 

Dans  la  première  zone,  ou  l'inférieure,  on  voit  les  scènes  suivantes  : 

L'Annonciation.  L'archange  salue  et  bénit  Marie,  qui  est  devant  lui: 
un  livre  ouvert  est  posé  à  terre  entre  eux. 

La  Visitation.  La  Sainte  Vierge  et  sainte  Elisabeth  s'embrassent;  on 
remarquera  ici  une  particularité  fort  rare  dans  cette  scène  évangé- 
lique  :  la  Vierge  Marie  y  porte  une  couronne  royale. 

La  Nativité  du  Sauveur.  Sa  sainte  Mère  est  couchée  sur  un  lit,  imita- 
tion élégante  d'un  meuble  en  bois  semblable  à  ceux  du  xuc  siècle.  L'en- 
fant, enveloppé  de  langes,  est  dans  un  berceau  placé  sur  le  ciel  du  lit. 
Le  bœuf  et  l'âne  sont  brisés  et  détruits  ;  ils  adhéraient  au  mur,  sur  lequel 
ils  ont  laissé  leurs  traces.  Saint  Joseph  se  tient  à  la  tête  du  lit. 

L'Adoration  des  bergers.  Ils  arrivent  conduits  par  un  ange;  l'un  d'eux 
joue  de  la-  flûte  de  Pan;  leurs  brebis  les  accompagnent. 

La  seconde  zone  ne  contient  qu'une  seule  scène  :  c'est  la  Présentation 
de  Jésus  au  temple.  Au  milieu,  sur  un  autel,  on  voit  le  divin  Enfant 
entre  sa  Mère  et  le  vieillard  Siméon.  Derrière  ces  deux  personnages 
arrivent,  de  chaque  côté,  les  membres  de  la  famille;  ils  portaient  des 
cierges  et  des  couples  de  tourterelles  que  le  temps  a  détruits. 

La  dernière  statuette,  à  droite,  a  la  tête  brisée.  A  la  richesse  et 
aux  formes  de  son  costume  on  reconnaît  que  c'est  un  roi.  Ayant  eu 
occasion  de  monter  sur  les  échafaudages  pendant  les  travaux  de  res- 
tauration de  ces  sculptures,  j'ai  pu  voir  que  ce  roi  tient  dans  sa  main 
droite  une  pièce  de  monnaie.  Est-ce  un  donateur  que  nous  voyons  ici  ? 
Quel  est-il?  Je  suis  porté  à  croire  que  c'est  le  roi  Louis  VII  qui  s'est 


PLANCHE  VII.  —  CÔTÉ  OCCIDENTAL.  53 

fait  représenter  ici,  comme  nous  le  voyons  aussi  à  la  cathédrale  de  Paris, 
sur  le  tympan  de  la  porte  Sainte-Anne.  Il  y  a,  en  effet,  une  telle 
ressemblance  entre  la  sculpture  de  ces  deux  portes  des  cathédrales  de 
Paris  et  de  Chartres,  qu'il  semble  à  peu  près  certain  qu'elles  sont  de 
la  même  époque  et  décorées  par  les  mêmes  artistes.  Pourquoi  ne  se- 
raient-elles pas  dues  à  la  générosité  du  même  roi?  C'est  surtout  après 
avoir  eu  l'avantage  de  voir  de  près  et  de  toucher  de  la  main  ces  bas- 
reliefs  des  deux  églises  que  j'ai  pu  me  convaincre  de  cette  similitude 
parfaite.  Je  n'en  citerai  que  quelques  détails.  Les  mêmes  ornements  se 
retrouvent  sur  le  lit  dont  nous  venons  de  parler  et  sur  les  trônes  de  la 
Sainte  Vierge  à  Paris  et  à  Chartres.  Le  vêtement  de  dessous  est  iden- 
tique en  deux  endroits  sur  la  personne  du  roi  Louis  VII,  et  sur  l'un  des 
Gémeaux  qui  se  trouvent  dans  les  voussures  que  nous  examinerons  toul 
à  l'heure.  Enfin  il  y  a  une  parfaite  ressemblance  entre  les  grandes 
statues  ou  bas-reliefs  de  la  Sainte  Vierge  et  de  l'Enfant,  au  sommet  de 
chacun  des  tympans  de  Chartres  et  de  Paris. 

Il  est  important  de  remarquer  que  ces  deux  zones  de  bas-reliefs  que 
nous  venons  d'examiner  sont  d'un  travail  de  sculpture  très  différent  et 
très  inférieur  aux  différentes  parties  de  ce  portail.  Elles  ont  dû  avoir  été 
refaites  après  coup,  et  copiées  d'après  un  modèle  ancien  auquel  on 
se  conforma,  car  elles  sont  complètement  pareilles  aux  scènes  que  l'on 
voit  dans  le  tympan  de  la  porte  Sainte-Anne,  à  Notre-Dame  de  Paris. 

Le  troisième  tableau  occupant  le  haut  de  l'ogive  est  un  magnifique 
bas-relief  représentant  l'Enfant  Jésus  assis  sur  les  genoux  de  sa  Mère. 
La  Sainte  Vierge  est,  à  son  tour,  assise  sur  un  trône  richement  décoré. 
Elle  est  figurée  dans  cette  position  hiératique  et  symétrique  qui  ex- 
prime en  sculpture  l'un  des  plus  beaux  titres  que  l'Église  lui  a  décer- 
nés: Sedes  sapientiœ,  et  que  viennent  confirmer  ces  paroles  : 

In  gremio  matris  sedet  sapientia  patris, 

que  nous  fournit  une  ancienne  représentation  de  Notre-Dame  et  de  son 
Fils.  C'est  le  plus  ancien  type  des  représentations  de  la  Mère  de  Dieu; 
c'est  ainsi  qu'on  la  trouve  à  Rome  dans  les  catacombes,  dès  les  pre- 


54  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

miers  siècles  du  christianisme.  Les  plus  anciennes  images  de  Notre- 
Dame,  celles  du  pèlerinage  de  Chartres  entre  autres,  sont  exécutées 
suivant  ce  modèle,  qui  est  le  plus  beau,  nous  dirions  volontiers  le  seul , 
que  l'art  chrétien  devrait  reproduire. 

Un  dais  supporté  par  des  colonnes  protégeait  autrefois  ces  deux  pré- 
cieuses figures.  On  voit  encore,  à  gauche,  une  des  bases  de  colonnes 
supportant  ce  dais  ou  ciborium,  aujourd'hui  brisé. 

Enfin,  deux  anges  fléchissent  le  genou  devant  le  divin  Enfant  et  sa 
Mère  et  les  encensent. 

Les  voussures  qui  encadrent  ce  tympan  contiennent  des  anges  thu- 
riféraires et  les  sept  Arts  libéraux,  personnifiés  par  une  suite  de  femmes 
tenant  en  main  les  accessoires  qui  les  caractérisent. 

Chacune  d'elles  est,  en  outre,  accompagnée  d'un  écrivain  rappelant 
l'inventeur  ou  le  savant  le  plus  célèbre  dans  l'art  près  duquel  il  est 
placé.  Nous  allons  en  faire  l'énumération,  prenant  soin  d'indiquer  leurs 
caractéristiques  lorsqu'ils  sont  conservés  dans  la  sculpture. 

i°  Musica.  —  Musica  sum  late  doclrix  artis  varietate1.  La  femme  qui 
personnifie  la  musique  tient  dans  la  main  gauche,  sur  ses  genoux,  une 
sorte  de  petite  harpe  et,  de  la  droite,  frappe  sur  les  clochettes  d'un 
carillon  fixé  au  mur,  où  l'on  voit  aussi  accrochés  divers  instruments. 

Au-dessous  de  la  musique,  Pythagore,  penché  sur  son  pupitre,  écrit 
sur  cet  art.  Il  se  sert  d'un  grattoir  pour  effacer  un  mot;  près  de  lui, 
on  voit  contre  le  mur  un  petit  râtelier  avec  une  éponge  et  des  plumes , 
ou  calami,  pour  écrire. 

2°  Grammatica.  —  Per  me  quis  discit  vox,  liltera,  sijllaba,  quid  sit.  La 
Grammaire  tient,  d'une  main ,  un  livre  ouvert  et,  de  l'autre,  une  poignée 
de  verges  pour  stimuler  les  deux  enfants  accroupis  auprès  d'elle,  s'ils 
n'étudient  pas  avec  zèle.  Au-dessous  d'elle,  Chilon  écrit. 

3°  Dialectica.  —  Argumenta  sino  concurrere  more  canino.  La  Dialec- 

'  C'est  dans  un  précieux  manuscrit  de  la  manuscrit  du  xu"  siècle  a  péri  en  1870  dans 

bibliothèque  de  Strasbourg  que  j'ai  autre-  l'incendie  allumé  dans  la  bibliothèque  par 

fois  copié  les  vers  léonins  caractérisant  ici  les  bombes  prussiennes, 
les   sept  Arts   libéraux.   Cet  inappréciable 


PLANCHE  VII. —  CÔTÉ  OCCIDENTAL.  55 

tique,  placée  au  bas  à  gauche  (les  deux  précédentes  sont  à  droite),  tien  l 
d'une  main  un  dragon  ailé  et,  de  l'autre,  une  sorte  de  sceptre  avec 
des  feuillages.  Au-dessous  d'elle  est  le  prince  des  philosophes,  Arislole, 
écrivant  sur  un  petit  pupitre. 

k°  Rhelorica.  —  Causarum  vires  per  me,  Rhelor,  aime  requires.  Son 
geste  est  oratoire;  on  ne  voit  aucun  symbole.  Quintilien  est  au-dessous 
d'elle;  il  taille  une  plume. 

5°  Arithmetica.  —  Ex  numeris  conslo  quorum  discrimina  monslro. 
L'Arithmétique  ne  présente  plus  aujourd'hui  aucun  signe  qui  puisse  la 
faire  reconnaître.  Dans  les  manuscrits,  elle  tient  en  mains  une  sorte  de 
bande  avec  des  divisions,  comme  serait  une  toise.  Près  d'elle  est  le 
savant  Gerbert,  qui  passe  pour  avoir  rapporté  de  chez  les  Maures  d'Es- 
pagne les  chiffres  arabes. 

6°  Geometria.  —  Terrœ  mensuraspei'  multas  dirigo  curas.  La  Géométrie , 
assise  devant  une  table,  devait  tracer  des  figures  à  l'aide  d'un  compas, 
comme  on  le  voit  sur  d'autres  monuments.  C'est  Archimède  qui  lui  tient 
compagnie. 

7°  Astronomia.  —  Ex  aslris  nomen  traho,  per  quœ  discitur  omen.  L'As- 
tronomie contemple  le  ciel;  elle  tient  un  objet  que  l'on  regarde  comme 
un  boisseau  ?  Ptolémée  est  l'écrivain  que  nous  voyons  au-dessous. 

Outre  les  sujets  que  nous  venons  d'énumérer,  on  trouve  encore 
ici  deux  signes  du  zodiaque  qui  complètent  la  série  des  douze  signes, 
dont  les  dix  autres  se  trouvent  à  la  porte  de  gauche  de  cette  façade 
occidentale.  Ceux  qui  se  trouvent  ici  sont  les  Gémeaux  et  les  Poissons. 

Au  sommet  de  l'ogive  contenant  ces  représentations  allégoriques 
nous  voyons  un  petit  nuage  d'où  émerge  la  colombe  figurant  le  Saint- 
Esprit.  Le  manuscrit  d'Herrade,  d'où  nous  avons  tiré  les  vers  cités  plus 
haut,  s'exprime  ainsi  :  Spirilus  sanctus  invenlor  estseptem  liberalium  urlium. 
Nous  voyons  par  là  combien  toutes  les  sciences  et  les  connaissances 
humaines  étaient  en  honneur  au  moyen  âge.  Elles  étaient  regardées 
comme  un  don  de  Dieu  :  Omnis  sapientia  à  Domino  Deo  est.  La  théologie 
et  la  philosophie  faisaient  alors  l'objet  d'études  dirigées  dans  les  monas- 
tères et  dans  les  universités  où  les  écoliers ,  ainsi  qu'on  le  sait ,  se  rendaient 


56  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES, 

par  milliers.  C'est  là  que  se  formaient  ces  légions  de  savants  et  d'artistes 
qui  n'oubliaient  jamais  l'importance  de  la  philosophie  et  l'influence 
qu'elle  conservait  pendant  toute  la  durée  de  la  vie  humaine  sur  notre  in- 
telligence et  nos  œuvres  :  Philosophia  omnium  mater  artium.  L'histoire  du 
pays  Chartrain  nous  apprend  qu'au  moyen  âge  l'étude  de  la  philosophie 
y  était  cultivée  avec  grand  soin. 

Le  dernier  cordon  qui  contourne  ces  voussures  est  décoré  d'un  rin- 
ceau extrêmement  élégant;  il  était  dans  un  tel  état  de  dégradation  qu'il 
a  fallu  le  refaire  à  neuf.  Après  avoir  moulé  ce  qui  existait,  on  a  pu,  en 
se  conformant  à  ces  précieux  vestiges,  obtenir  un  résultat  satisfaisant. 

Ce  magnifique  tympan  et  ces  voussures  sont  supportés  de  chaque 
côté  de  la  porte  par  des  colonnes  contre  lesquelles  sont  soudées  de 
grandes  statues. 

D'autres  statues  semblables  sont  de  chaque  côté  des  deux  autres 
portes  et  forment  un  ensemble  admirable  de  décoration.  Aucun  in- 
dice, aucune  inscription,  ne  nous  apprend  d'une  manière  certaine  quels 
sont  les  personnages  ici  représentés.  Les  antiquaires  s'accordent  à 
penser  qu'il  faut  voir  ici  les  ancêtres  de  Jésus-Christ  et  les  person- 
nages les  plus  célèbres  de  l'ancien  Testament  qui  ont  annoncé  ou 
figuré  le  Messie.  Il  ne  serait  pas  impossible  que  parmi  ces  person- 
nages on  eût  aussi  placé  quelques-uns  des  bienfaiteurs  de  l'Église 
ou  de  ceux  qui  ont  aidé  à  sa  construction.  Dès  l'antiquité,  et  dans  les 
hautes  époques  de  l'ère  moderne,  on  a  des  exemples  de  cet  usage, 
comme  on  le  voit  dans  les  monuments  primitifs  de  l'Italie,  où  les  noms 
se  lisent  encore  auprès  d'images  de  rois,  de  reines  et  de  princes, 
bienfaiteurs  des  monuments.  La  dernière  figure,  à  droite,  est  celle 
d'une  princesse  dont  le  costume  est  fort  élégant.  C'est  la  seule,  de  ce 
côté,  qui  ne  soit  pas  nimbée.  Le  nimbe  est  un  caractère  iconographique 
dont  on  devra  toujours  tenir  compte  dans  les  recherches  archéolo- 
giques. Les  dais  placés  au-dessus  des  têtes  sont  tous  variés  et  res- 
semblent beaucoup  à  l'architecture  byzantine.  . 

Les  chapiteaux  des  colonnes  contre  lesquelles  s'appuient  ces  statues 
sont  ornés  par  des  scènes  de  la  vie  de  Jésus-Christ  et  surmontés  par  des 


PLANCHE  Vil.  —  CÔTÉ  OCCIDENTAL.  57 

motifs  d'architecture  très  délicats.  Nous  sommes  au  plus  beau  moment 
de  l'architecture  du  xne  siècle.  Ce  n'est  qu'à  cette  période  que  l'on 
trouve  un  pareil  luxe  de  sculptures  dans  les  chapiteaux.  Ils  sont  variés 
à  l'infini,  et  la  vie  s'y  manifeste  de  toute  façon.  Ce  ne  sont  pas  seule- 
ment des  animaux  fantastiques  que  nous  pouvons  y  observer;  l'élément 
humain  y  tient  une  grande  place,  et  les  chapiteaux  offrent  ici  une  suite 
de  scènes  de  la  vie  de  Jésus-Christ,  rendues  avec  un  talent  et  avec  une 
patience  des  plus  remarquables.  Parmi  les  sujets  représentés  sur  les 
chapiteaux  de  cette  planche,  nous  distinguons  :  la  dernière  Cène;  — 
le  baiser  de  Judas,  et  saint  Pierre  coupant  l'oreille  de  Malchus;  —  le 
triomphe  de  Jésus-Christ,  le  jour  des  Rameaux;  —  Jésus  mis  dans  le 
tombeau;  —  le  sépulcre  gardé  par  les  soldats,  et  les  saintes  femmes 
apportant  des  aromates.  Du  côté  droit  de  la  porte,  on  voit  :  Jésus  lavant 
les  pieds  de  ses  apôtres;  —  les  disciples  d'Emmaùs;  — Jésus  appa- 
raissant à  ses  apôtres,  Thomas  étant  présent;  —  Jésus  donnant  à  ses 
Apôtres  ses  derniers  avis  avant  de  monter  au  ciel.  Ces  sujets  ne  se 
suivent  pas  exactement  dans  l'ordre  historique. 

Entre  chacune  des  grandes  statues  que  nous  venons  d'examiner  il 
y  a  de  minces  colonnettes,  couvertes  d'ornements  exécutés  avec  une 
finesse  et  une  verve  incomparables.  Ce  sont  des  rinceaux  dans  lesquels 
s'enlacent  des  figurines  d'un  travail  qui  semble  exécuté  par  le  burin 
d'un  orfèvre  plutôt  que  par  le  ciseau  d'un  sculpteur.  Sur  l'une  de  celles 
que  nous  entrevoyons  il  y  a  une  série  des  signes  du  zodiaque. 

L'ébrasement  ou  l'épaisseur  de  la  porte  est  décoré  de  chaque  côté 
par  des  figurines  assises  :  l'une  d'elles  a  gardé  sa  tête  intacte;  sur  la 
banderole  qu'elle  tient  entre  les  mains  on  lit  :  JEREMIAS. 

Sur  la  gauche,  nous  apercevons  d'autres  statuettes  qui  peuvent 
représenter  des  artisans.  On  voit  un  armurier;  près  de  lui  un  sabre 
est  suspendu  au  mur  avec  son  fourreau;  —  un  marchand  portant  un 
ballot  bien  ficelé,  qu'un  autre  petit  personnage  semble  perforer  avec  un 
couteau.  Un  boucher,  assommant  un  bœuf,  est  au  haut  de  ce  pilastre, 
et  derrière  sa  tête  on  lit  :  ROGERVS.  On  a  voulu  voir  dans  ce  nom  le 
souvenir  d'un  des  maîtres  de  l'œuvre.  Cela  nous  semble  fort  douteux. 


58  MONOGKAI'HIK  DB  bH  CATHÉDRALE  DE  GHARTI1ES. 

C  est  plutôt  un  artisan  donateur  :  car  ces  figurines  nous  font  penser 
aux  nombreuses  représentations  de  corporations  de  métiers  qui  se 
voient  au-dessous  des  vitraux  dans  l'intérieur  de  l'église  et  qui  ont 
donné  ces  vitraux. 

Enfin,  sur  le  bord  à  gauche  de  cette  planche,  se  voient  une  des 
grandes  statues  de  la  porte  centrale  et  les  premières  statuettes  des 
voussures. 


PLANCHE  VIII. —  GROUPE  DE  LA  PORTE  ROYALE.  59 


PLANCHE  VIII. 

GROUPE  DE  LA  PORTE  ROYALE. 

Cette  gravure  représente  l'ébrasemeut  de  l'un  des  côtés  de  la  porte  à 
gauche  de  la  grande  façade  et  permet  d'en  examiner  facilement  le  sys- 
tème décoratif. 

Après  ce  que  nous  avons  dit  dans  l'explication  de  la  dernière  planche, 
nous  avons  peu  de  choses  à  ajouter.  Les  trois  statues  que  nous  avons 
sous  les  yeux  sont  sans  nimbe  et  nous  font  persister  dans  la  pensée  de 
voir  ici  des  bienfaiteurs  de  la  cathédrale,  et  non  des  saints  ou  des  pa- 
triarches, comme  les  autres  statues  de  cette  façade. 

A  gauche,  ce  sont  deux  rois1;  leur  costume  est  presque  identique: 
la  tête  porte  la  couronne  royale,  leurs  mains  droites  tiennent  un  long 
sceptre,  et  dans  la  gauche  est  une  tablette,  indiquant  quelque  charte 
de  donation. 

La  statue  à  droite  est  celle  d'une  princesse,  ainsi  que  nous  l'indique 
la  richesse  de  son  costume,  dont  on  retrouve  l'analogue  dans  les  pein- 
tures sur  verre  et  dans  les  manuscrits*  du  xitc  siècle.  La  sculpture  nous 
fait  comprendre  que  ses  vêtements  sont  d'une  étoffe  très  fine  et  très 
souple.  Les  galons,  les  broderies  et  la  passementerie  sont  ici  rendus 
avec  un  soin  minutieux.  Les  manches  de  la  robe  de  dessus  sont  si  lon- 
gues et  si  amples  qu'il  a  fallu  les  raccourcir  en  faisant  un  nœud  à  leur 
extrémité  pour  les  empêcher  de  traîner  à  terre.  La  coiffure  est  aussi 
fort  curieuse  à  examiner  :  ce  sont  de  longues  mèches  de  cheveux  entre- 
lacées avec  des  rubans;  elles  pendent  sur  les  côtés  du  corps. 

Cette  princesse  tient  entre  ses  mains  une  banderole,  sur  laquelle 

'  La  première  statue  à  gauche  ayant  eu  puisqu'au  lieu  d'une  tête  d'homme  cou- 
la tête  brisée  a  été  restaurée  à  une  époque  ronnée  on  a  placé  ici  une  tête  provenant 
ancienne,  d'une  manière  assez  maladroite,        d'une  statue  de  Vierge  datant  du  xm°  siècle. 


60  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

existait  probablement  une  inscription  peinte,  que  le  temps  a  effacée, 
emportant  avec  elle  un  renseignement  qui  nous  serait  aujourd'hui  bien 
précieux. 

L'expression  des  deux  têtes  anciennes  est  d'une  nature  élevée  et 
d'une  grande  vérité;  ce  sont  bien  probablement  des  portraits. 

La  gravure  ne  peut  arriver  à  rendre  d'une  manière  satisfaisante  les 
qualités  d'exécution  savante  et  originale  des  artistes  primitifs.  La  pho- 
tographie seule  pourrait  donner  un  résultat  sans  reproche.  Espérons 
qu'un  jour  ses  procédés  perfectionnés  permettront  de  répandre  dans 
le  public,  et  surtout  parmi  les  antiquaires  et  les  artistes,  ces  vestiges 
si  précieux  de  l'art  au  xnc  siècle  dans  notre  pays. 

Sous  les  pieds  de  ces  trois  statues  sont  les  personnifications  des  vices 
dont  ces  personnages  ont  triomphé  :  ce  sont  des  monstres,  des  animaux 
bizarres  et  même  des  figures  humaines.  Sous  la  première  statue  on 
voit  un  personnage  presque  nu  que  plusieurs  serpents  enlaçaient; 
cette  sculpture  est  fort  mutilée.  Sous  la  seconde  statue  est  une  femme, 
portant  sur  la  tête  un  diadème  orné  de  pierreries.  Sa  coiffure  est 
formée  de  deux  tresses  de  cheveux  et  son  vêtement  semble  recherché. 
De  la  main  droite  elle  tient  la  queue  d'un  dragon,  qui  passe  sous  ses 
pieds,  et  dont  la  tête  se  redresse  et  va  mordre  le  bout  d'une  manche 
de  cette  princesse;  de  la  main  gauche,  elle  saisit  l'une  des  tresses  de  sa 
chevelure.  Enfin,  sous  la  troisième  statue  est  un  singe  faisant  des  efforts 
pour  se  débarrasser  des  hideux  vampires  dont  il  est  environné.  Sur  sa 
poitrine  est  un  crapaud,  que  saisissent  deux  dragons;  l'une  de  ses  jambes 
est  prise  par  la  gueule  d'un  quadrupède  fantastique,  que  vient  mordre 
un  autre  dragon  aux  formes  hideuses.  Ces  statues  sont  surmontées  par 
des  dais,  formant  des  monuments  à  jour  d'une  exécution  aussi  ingé- 
nieuse qu'originale. 

Plus  haut,  les  chapiteaux  des  colonnes  contre  lesquelles  ces  statues 
sont  placées  sont  décorés,  comme  nous  l'avons  fait  remarquer  dans  la 
planche  précédente,  par  des  scènes  de  l'Evangile.  Dans  la  plupart  de 
ceux  que  nous  pouvons  voir  ici,  on  reconnaît  plusieurs  épisodes  du 
massacre  des  Innocents.  Le  personnage  d'Hérode,  que  l'on   ne  fait 


PLANCHE  VIII. —  GROUPE  DE  LA  PORTE  ROYALE.  61 

qu'entrevoir,  est,  malgré  ses  petites  dimensions,  superbe  de  fierté  et 
de  brutalité.  La  dernière  scène  à  gauche  est  la  Fuite  en  Egypte. 

Les  colonnettes  entre  les  grandes  statues  sont  semblables  à  celles 
du  reste  de  la  façade  quant  à  la  disposition  générale,  car  pour  les 
détails  les  motifs  sont  tous  variés. 

Contre  l'épaisseur  de  la  porte,  une  série  de  statueltes  superposées 
de  bas  en  haut  représentent  divers  personnages  presque  tous  assis. 
11  est  impossible  de  leur  imposer  un  nom;  toutes  sont  mutilées  et  pri- 
vées d'inscriptions. 

Remarquons  enfin  que  le  soubassement  des  statues  porte  un  orne- 
ment tout  à  fait  pareil  à  celui  qui  décore  la  base  des  colonnettes  à  l'entrée 
de  l'église  de  Saint-Germain-des-Prés,  à  Paris,  et  nous  indique  une 
époque  contemporaine  de  cette  partie  de  la  vieille  basilique. 


62  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE   IX. 

FAÇADE   OCCIDENTALE. 

DÉTAILS  DE  LA  ROSE. 

Dans  un  des  articles  précédents  (planche  V),  lorsque  nous  avons 
décrit  la  façade  occidentale,  nous  avons  déjà  dit  quelques  mots  sur 
cette  grande  Rose  qui  en  fait  un  des  principaux  ornements. 

Nous  voyons  ici  le  quart  de  sa  superficie  dessinée  à  une  échelle  qui 
permet  de  l'étudier  avec  facilité,  d'autant  plus  que  des  détails  de  sa 
construction,  dans  une  proportion  plus  grande  encore,  sont  dessinés 
et  gravés  sur  les  marges  de  cette  planche. 

Ce  qu'il  faut  remarquer  ici,  c'est  que  le  principe  qui  a  guidé  l'archi- 
tecte n'est  pas  le  même  que  celui  que  l'on  observe  dans  les  autres  grandes 
Roses  que  nous  observons  ailleurs,  ni  même  dans  les  deux  autres  que 
nous  offre  la  cathédrale  de  Chartres  à  l'extrémité  des  deux  transepts. 
En  effet,  dans  toutes  ces  grandes  fenêtres  circulaires,  c'est  au  moyen 
de  meneaux  ajustés  avec  une  singulière  recherche  d'élégance  et  de  lé- 
gèreté que  l'on  a  obtenu  cet  effet  extraordinaire  produit  sur  le  regard 
et  sur  l'imagination  par  les  grandes  Roses  de  Notre-Dame  de  Paris,  par 
exemple.  Ici,  au  contraire,  les  pierres,  de  petites  dimensions  et  fort 
épaisses,  sont  disposées  de  manière  à  former  un  mur  solide  et  résistant, 
malgré  les  ouvertures  dont  il  est  ajouré.  Si  l'on  y  fait  bien  attention, 
cette  Rose  est  formée  par  un  oculus  festonné,  contre  le  cercle  duquel 
viennent  s'appuyer  douze  cdlounettes  trapues  qui  reçoivent  une  série 
d'arcades:  c'est  là  la  partie  vraiment  légère  de  cette  grande  fenêtre, 
car  les  douze  petites  rosaces  à  huit  divisions  qui  sont  autour,  ainsi  que 
les  quatre-feuilles  intermédiaires,  sont  en  réalité  beaucoup  moins  ajou- 
rées qu'elles  ne  paraissent;  ce  sont  les  diverses  moulures  et  les  sculp- 
tures dont  ces  parties  sont  couvertes  qui  les  font  paraître  aussi  légères. 
Tous  les  détails  de  cette  fenêtre  sont  encore  empreints  de  ce  principe 


PLANCHE  [X.  —  FAÇADE  OCCIDENTALE.  63 

de  force  et  de  solidité  qui  caractérise  les  constructions  du  xne  siècle. 
Nous  pensons,  en  effet,  que  cette  grande  Rose  date  des  premières  années 
du  xuie  siècle  et  qu'elle  est  une  des  plus  anciennes  qu'il  y  ait  en  France. 

Si  vous  examinez  les  deux  autres  et  que  vous  les  compariez  à  celle- 
ci,  vous  reconnaîtrez  facilement  combien  elles  sont  déjà  différentes. 
Ce  n'est  plus  cette  grâce  forte  et  robuste  qui  nous  étonne  ici,  mais  une 
recherche  et  une  élégance  toutes  particulières  qui  en  font  le  mérite. 

Il  est  intéressant  de  remarquer  le  croquis  tracé  dans  l'album  de  Vil- 
lard  de  Honnecourt;  c'est  un  dessin  de  convention  qui  nous  fait  com- 
prendre comment  cet  architecte  a  compris  le  sens  de  notre  Rose.  Ce 
qui  l'a  frappé,  c'est  son  apparence  de  légèreté,  et,  en  effet,  son  croquis 
n'a  pas  la  même  fermeté  que  l'original;  il  représente  une  découpure  à 
jour  telle  qu'on  l'observe  à  la  fin  du  xiue  siècle  et  aux  xivc  et  xve  dans 
les  fenêtres  analogues. 


64  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  X. 

FAÇADE   MÉRIDIONALE. 

VUE  GÉOMÉTRALE. 

Cette  belle  planche  nous  donne  la  vue  complète  de  tout  le  côté  ou 
flanc  méridional  de  l'église. 

Nous  l'examinerons  en  détail.  Commençant  à  gauche,  au  clocher 
vieux,  et  nous  dirigeant  à  droite  vers  la  chapelle  de  Saint-Piat,  qui  se 
trouve  à  l'extrémité  de  la  planche,  nous  examinerons  successivement 
les  diverses  parties  que  nous  rencontrerons. 

Après  ce  que  nous  avons  dit  (planche  IV)  sur  le  vieux  clocher,  nous 
n'avons  pas  besoin  d'y  revenir,  et  nous  ne  ferons  que  de  courtes  re- 
marques sur  certaines  particularités  de  sa  partie  inférieure. 

A  l'angle  ouest,  nous  voyons  la  statue  d'ange  dont  nous  avons 
déjà  parlé.  Il  est  placé  sur  une  console,  la  tête  abritée  sous  un  dais. 
Le  cadran  solaire  primitif  n'existe  plus.  Il  était  probablement  circulaire 
comme  celui  qui  est  entre  les  mains  d'un  ange  semblable  et  du  même 
temps  placé  dans  une  position  pareille  contre  l'angle  de  la  façade  de 
la  cathédrale  de  Gênes.  Le  cadran  actuel  porte  la  date  de  l'année  1  578. 

Deux  autres  statues  sont  placées  à  une  même  hauteur,  sur  la  droite. 
Ce  sont  de  ces  statues  que  le  moyen  âge  nous  offre  quelquefois,  dans 
lesquelles  on  entremêlait  des  idées  salyriques  et  symboliques  dont  le 
sens  nous  échappe  aujourd'hui.  On  les  appelle  à  Chartres  l'âne  qui  vielle 
et  la  truie  qui fde.  C'est,  en  effet,  d'un  côté  un  âne  se  tenant  appuyé 
sur  les  jambes  de  derrière  et  tenant  entre  celles  de  devant  une  sorte 
de  harpe.  Quant  à  l'autre  animal  qui  lui  fait  pendant,  on  reconnaît 
aisément  que  le  sculpteur  a  représenté  ici  un  verrat;  il  se  tient  aussi 
debout  sur  ses  pattes  de  derrière,  mais  sa  quenouille  et  ses  pattes  de 
devant  sont  brisées.  Bien  des  suppositions  ont  été  émises  au  sujet  de 
ces  deux  animaux;  aucune  ne  nous  paraît  admissible.  Ils  personnifient 


PLANCHE  X.  — FAÇADE  MÉRIDIONALE.  65 

certainement  quelque  idée,  quelque  proverbe  ayant  cours  parmi  la 
population  chartraine  au  moyen  âge.  Nous  ferons  observer  que  ces 
deux  sculptures  faisaient  partie  d'un  ensemble  qui  n'existe  plus;  elles 
sont  sur  les  côtés  d'une  arcade  aveugle,  au-dessus  de  laquelle  il  y  en 
a  une  autre,  aveugle  aussi.  Or  ce  second  arc,  placé  un  peu  plus  haut, 
nous  montre  à  chacun  de  ses  angles  inférieurs  une  console,  et  de  plus 
il  porte,  sur  sa  partie  médiane,  une  large  pierre  faisant  saillie,  et 
brisée  aujourd'hui.  On  ne  peut  douter  que  ces  trois  pierres  saillantes 
n'aient  formé  dans  l'origine  une  composition  complète,  dont  le  sens 
était  connu  aux  époques  anciennes1.  Quant  à  l'âne  musicien,  les  re- 
présentations au  moyen  âge  et  aussi  dans  l'antiquité  en  sont  fré- 
quentes; les  Latins  avaient  même  un  proverbe  bien  connu  :  Asinus  ad 
lyram. 

Le  dessinateur  a  commis  une  erreur  à  la  base  du  clocher  que  nous 
examinons.  L'arcade  placée  entre  l'ange  à  cadran  solaire  et  l'âne  mu- 
sicien est  une  ancienne  porte  qui  est  murée  aujourd'hui  et  est  indiquée 
comme  telle  dans  la  gravure;  mais  elle  servait  autrefois  de  passage.  H 
y  a  aussi  dans  la  construction  un  léger  indice  à  l'angle  inférieur,  à 
droite,  qui  n'a  pas  pu  être  indiqué  ici,  et  nous  porterait  à  croire  que, 
dans  l'origine,  le  clocher  était  séparé  de  l'église. 

Plus  à  droite  s'étend  la  masse  imposante  de  la  cathédrale,  que  nous 
diviserons  en  trois  sections  :  i°  la  nef;  2°  le  transept  et  le  porche  méri- 
dional; 3°  le  chœur,  les  chapelles  de  l'apside  et  celle  de  Saint-Piat. 

i°  La  nef.  —  Au  bas  sont  les  fenêtres  de  la  crypte  en  plein  cintre 
(deux  ont  été  omises  par  le  dessinateur  aux  deux  premières  travées); 
plus  haut,  à  chaque  travée,  sont  les  fenêtres  des  bas  côtés.  Parmi 
celles-ci  se  font  remarquer  les  modifications  apportées  par  la  construc- 
tion de  la  chapelle  de  Vendôme.  Cette  chapelle  est  plus  saillante  que 

1  La  face  sud  du  vieux  clocher  se  trou-  tations  des  pièces  ou  des  moralités  qui  se 

vant  à  l'une  des  plus  larges  parties  du  cloître  jouaient  devant  le  peuple  auprès  des  églises. 

Notre-Dame,  où  se  tenait  au  moyen  âge  une  Ces  figures  bizarres  et  satyriques  pouvaient 

grande  foire  à  l'époque  de  la  fête  de  la  Na-  bien  servir  de  décoration  à  ce  naïf  système 

tivité  de  la  Sainte  Vierge ,  m'a  toujours  paru  de  théâtre  en  plein  vent. 
un  endroit  très  favorable  pour  les  représen- 


66  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

les  autres;  elle  a  été  bâtie  entre  deux  contreforts;  un  arc  surbaissé 
en  supporte  le  sol,  et  deux  petites  fenêtres  éclairent  les  places  où  se 
tenaient  les  seigneurs  à  l'intérieur.  La  fenêtre  est  ornée  de  meneaux 
et  de  découpures  garnies  de  vitraux.  Sur  les  deux  montants  qui  ac- 
compagnent la  fenêtre  et  l'encadrent  il  y  a  plusieurs  statues.  Les  deux 
inférieures  sont  intéressantes,  parce  qu'elles  représentent  des  person- 
nages historiques  :  c'est  Louis ,  comte  de  Vendôme,  et  sa  femme,  Blanche 
de  Roucy,  tous  deux  les  mains  jointes  et  les  regards  tournés  vers 
d'autres  personnages  placés  au-dessus  d'eux  et  représentant  une  Annon- 
ciation; l'ange  est  d'un  côté,  la  Sainte  Vierge  de  l'autre,  et  au  sommet 
du  pignon  la  statue  du  Père  éternel  bénit  l'ensemble  de  cette  composition. 

Au-dessus  des  fenêtres  des  bas  côtés,  on  voit  le  toit  qui  les  re- 
couvre, les  contreforts,  garnis  de  statues  d'Evêques,  et  les  fenêtres 
hautes  de  la  nef.  Une  balustrade  est  au  bas  du  toit  des  bas  côtés  et  au 
bas  du  toit  supérieur,  lequel  est  garni  d'une  crête,  fantaisie  de  dessi- 
nateur qui  n'a  jamais  existé.  A  l'extrémité  orientale  du  toit  (sur  la 
droite)  une  statue  d'ange  en  bois  revêtue  de  cuivre  doré  tourne  sur 
un  pivot  et  indique  la  direction  du  vent. 

Nous  voyons  ensuite  le  porche  sud,  qui  se  présente  dans  son  entier. 
Ses  trois  portes  sont  richement  sculptées  :  au-dessus,  cinq  fenêtres 
surmontées  d'une  grande  Rose.  Tout  en  haut,  un  pignon  avec  une 
balustrade  et  une  arcature  aveugle  et,  dans  le  fronton,  la  statue  de  la 
Sainte  Vierge  entre  deux  anges  thuriféraires  placés  tous  les  trois  dans 
un  édicule  de  style  gothique;  ces  parties,  depuis  le  dessus  de  la  ba- 
lustrade, sont  du  xive  siècle.  Sur  les  côtés  sont  les  deux  tours  non 
finies  dont  nous  avons  parlé  en  examinant  le  plan;  elles  sont  accom- 
pagnées de  leurs  escaliers,  dont  les  toits  se  terminent  par  des  pyra- 
mides aiguës. 

Les  sculptures  du  porche  que  nous  avons  sous  les  yeux  sont  dis- 
posées de  la  manière  suivante.  Sur  le  trumeau  de  la  porte  du  mi- 
lieu est  Jésus-Christ  debout,  bénissant  de  la  main  droite  et  tenant  de 
la  gauche  le  livre  des  Evangiles;  à  chacun  de  ses  côtés  est  un  groupe 
composé  de  six  Apôtres.  Dans  le  tympan  est  représenté  le  Jugement 


PLANCHE  X.  — FAÇADE  MÉRIDIONALE.  67 

dernier  et  le  pèsement  des  âmes,  avec  les  élus  d'un  côté  et  les  damnés 
de  l'autre;  dans  les  voussures,  les  neuf  chœurs  des  anges. 

La  porte  à  gauche  est  décorée  de  grandes  statues  sur  ses  côtés  : 
saint  Théodore,  saint  Etienne,  saint  Clément  et  saint  Laurent,  d'un 
côté;  de  l'autre,  saint  Vincent,  saint  Denis,  saint  Piat  et  saint  Georges. 
Dans  le  tympan,  l'histoire  de  saint  Etienne. 

La  porte  à  droite  est  décorée,  sur  les  côtés,  des  grandes  statues  qui 
suivent  :  saint  Laumer,  saint  Léon,  saint  Ambroise,  saint  Nicolas,  saint 
Martin,  saint  Jérôme,  saint  Grégoire  le  Grand  et  saint  A  vit.  Dans  le 
tympan,  quelques  sujets  de  la  vie  de  saint  Martin  et  de  saint  Nicolas. 

Sur  les  piliers  qui  supportent  en  avant  les  voussures  profondes  de 
ce  porche  sont  de  petits  bas-reliefs,  d'un  travail  délicat,  représentant 
des  sujets  pris  dans  la  vie  des  martyrs  et  d'autres  saints;  puis  une 
psychomachie  ou  personnification  des  Vertus  combattant  et  terrassant 
les  Vices. 

La  toiture  de  ce  porche  est  surmontée  d'arcatures  et  de  clochetons 
abritant  les  statues  des  Rois  de  Juda;  parmi  eux  on  distingue  David, 
sous  lequel  est  Jessé  couché  et  donnant  naissance  à  l'arbre  généalogique 
du  Sauveur. 

Un  volume  entier  et  des  planches  nombreuses  seraient  nécessaires 
pour  expliquer  et  représenter  toutes  les  sculptures  de  ce  porche,  auquel 
nous  ne  pouvons  consacrer  que  ces  courtes  indications.  Nous  n'avons, 
en  effet,  aucun  moyen  de  les  montrer  aux  yeux  comme  cela  serait  in- 
dispensable pour  une  étude  sérieuse.  L'expression  de  ces  centaines  de 
figures  est  si  pénétrante  qu'elles  remplissent  de  sentiments  de  foi  et 
de  piété  ceux  qui  les  considèrent  avec  attention,  et  depuis  plusieurs 
siècles  elles  font  éprouver  au  peuple  fidèle  cette  profonde  et  salutaire 
émotion.  Semblables  à  ces  sources  bienfaisantes  qui,  depuis  des  siècles 
aussi,  apaisent  la  soif  des  générations  qui  se  succèdent,  la  vue  de  ces 
sculptures  procure  un  sentiment  de  bien-être  et  de  satisfaction  dont 
l'âme  altérée  s'abreuve  et  se  rassasie  avec  bonheur.  N'est-ce  pas  le  vé- 
ritable but  où  doivent  tendre  les  arts  de  la  peinture  et  de  la  sculpture, 
et  le  moyen  âge  ne  l'a— t-il  pas  atteint? 

9- 


68  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Après  le  porche  méridional,  on  voit  s'étendre  vers  l'Est  le  chœur  et 
les  chapelles  du  chevet. 

Les  trois  premières  fenêtres  des  bas  côtés  du  chœur  sont  doubles 
et  surmontées  d'une  petite  Rose.  Celles  des  chapelles  sont  simples  et 
en  ogive. 

Les  toits  de  ces  bas  côtés  et  de  ces  chapelles  sont  de  formes  variées, 
comme  leur  aspect  nous  le  fait  voir. 

Vers  le  milieu  du  chœur,  on  voit  la  base  d'une  de  ces  tours  qui 
viennent  donner  plus  d'assiette  et  donnent  une  grande  résistance  à 
cette  partie  du  monument;  elle  n'est  pas  terminée,  non  plus  que  celles 
qui  accompagnent  le  transept. 

Les  contreforts  de  la  cathédrale  du  côté  de  l'Orient  sont  plus  lé- 
gers que  ceux  de  la  nef  et  présentent  une  différence  dans  leur  partie 
à  jour. 

Enfin,  tout  à  fait  à  droite,  cette  grande  planche  nous  donne  une 
élévation  de  la  chapelle  de  Saint-Piat  vue  du  côté  méridional.  Nous 
comprenons  plus  facilement  ici  ce  que  nous  avons  expliqué  ailleurs. 
Cette  construction  a  deux  étages.  Au  rez-de-chaussée,  c'est  la  salle  ca- 
pitulaire,  dans  laquelle  on  entre  par  le  porche  qui  est  sous  l'escalier. 
Au-dessus  est  proprement  la  chapelle  dédiée  à  saint  Piat;  on  y  accède 
de  l'intérieur  de  la  cathédrale  par  cet  escalier  à  jour  dont  nous  voyons 
ici  les  fenêtres.  La  chapelle  a  quatre  travées  et  se  trouve  flanquée  à 
son  extrémité  par  deux  tours.  Avant  1793,  un  petit  clocher  en  bois 
surmontait  sa  toiture. 


PLANCHE  XI.  —  PORCHE  DU  MIDI.  69 


PLANCHE  XL 

PORCHE  DU  MIDI. 

STATUES  DU  CHRIST  ET  DES  APÔTRES. 

Cette  superbe  planche  nous  permet  d'étudier  une  partie  des  sculp- 
tures qui  enrichissent  le  portail  méridional. 

A  droite,  nous  voyons  le  trumeau  de  la  porte  centrale  contre  lequel 
est  appuyée  une  magnifique  statue  de  Jésus  Christ. 

Il  est  debout,  bénissant  de  la  main  droite  et  tenant  l'Évangile  de  la 
main  gauche.  Ses  pieds  sont  posés  sur  un  lion  et  sur  un  dragon  sui- 
vant le  texte  du  Psalmiste  :  Conculcabis  leonem  et  draeonem.  11  est  vêtu 
d'une  robe  au  bas  de  laquelle  on  distingue  encore  deux  bandes  de  cou- 
leur, traces  des  anciennes  peintures  qui  décoraient  cette  statue,  et  d'un 
ample  manteau  d'une  étoffe  fort  souple  :  c'est  une  des  plus  belles 
statues  du  xinc  siècle  que  nous  trouvions  sous  les  porches  de  Chartres; 
elle  représente  avec  noblesse  et  dignité  la  figure  du  Sauveur. 

Sous  ses  pieds,  nous  voyons  superposés  deux  groupes  de  person- 
nages. Le  groupe  supérieur  nous  montre  Pierre  de  Mauclerc,  comte 
de  Dreux  et  duc  de  Bretagne,  à  genoux  aux  pieds  de  Jésus-Christ,  et 
faisant,  avec  l'assistance  d'un  serviteur,  une  distribution  de  pains 
placés  dans  une  corbeille  devant  lui.  C'est  probablement  une  allusion 
ayant  trait  à  quelque  générosité  qu'il  fit  à  celte  époque.  Le  groupe 
inférieur  est  la  suite  du  même  fait.  Alix  de  Bretagne,  femme  du  pré- 
cédent personnage,  accompagnée  d'un  serviteur,  est  assise  devant  une 
table  couverte  de  pains  et  les  distribue.  Les  costumes  et  les  détails 
d'habillements  de  ces  personnages  sont  très  intéressants  à  étudier: 

C'est  à  l'aide  des  générosités  de  ces  deux  seigneurs  de  Dreux-Bre- 
tagne que  le  porche  méridional  et  peut-être  même  tout  le  transept 
de  ce  même  côté  ont  été  construits.  Leurs  effigies  et  celles  de  leurs 
enfants,  ainsi  qu'un  grand  écu  à  leurs  armes,  se  trouvent  dans  les  fe- 
nêtres du  transept  sud. 


70  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

A  la  droite  du  Christ  sont  six  statues  d'Apôtres.  Le  premier  est  saint 
Pierre,  tenant  les  deux  clefs  qui  le  caractérisent  :  .  .  .tibi  dabo  claves 
regni  cœlorum.  Les  autres  Apôtres  portent  l'instrument  de  leurs  supplices 
et  foulent  aux  pieds  leurs  persécuteurs. 

Les  six  autres  Apôtres  sont  en  face  et  en  pendant  de  ceux-ci;  nous 
ne  pouvons  les  voir.  Ils  sont  disposés  de  même;  le  premier  est  saint 
Paul,  reconnaissable  à  l'épée  qui  lui  sert  de  signe  caractéristique. 

Ces  statues  sont  placées  sur  des  colonnes  torses  d'un  travail  très 
beau  et  très  original. 

Au-dessus  de  la  tête  du  Christ,  sur  la  gauche,  on  aperçoit  une 
petite  portion  du  tympan  de  la  porte  du  milieu,  sur  lequel  est  repré- 
senté le  Jugement  dernier  et  le  pèsement  des  âmes.  Ce  sont  les  élus 
qui  sont  ici;  la  composition  se  continue  sur  les  voussures  de  la  porte, 
où  nous  voyons  des  anges  emmenant  les  élus  pour  les  déposer  dans 
le  sein  d'Abraham. 

En  avant  du  porche,  du  côté  gauche,  est  la  face  Est  d'un  des  piliers 
de  ce  porche,  et  nous  pouvons  en  remarquer  l'extrême  élégance.  Les 
bas-reliefs  que  nous  voyons  sont  six  des  vingt-quatre  Rois  de  l'Apoca- 
lypse. Les  autres  sont  sur  d'autres  faces  du  pilier  ou  de  son  pendant; 
ils  sont  assis  sur  des  trônes  et  tiennent  un  instrument  de  musique  et 
un  vase,  conformément  au  texte  :  ...  in  circuitu  sedis  sedilia  viginti  qua- 
lu<n%  et  super  thronos  viginti  quatuor  seniores  sedentes,  circumamicti  vesti- 
mentis  albis. . .  habentes  singuli  citharas  etphialas  aureas,  plenas  odoramen- 
torum,  quœ  sunt  orationes  sanctorum.  Les  six  Rois  qui  sont  ici  sont  placés 
sous  des  édicules  extrêmement  intéressants  et  fort  richement  composés, 
et  l'ensemble  de  ces  bas-reliefs  est  encadré  dans  des  bordures  de  feuil- 
lages qui  enrichissent  encore  les  détails  de  cette  ornementation. 

Les  quatre  personnages,  assis  sur  des  trônes,  que  l'on  voit  sous  la 
voussure  font  partie  d'une  suite  de  vingt-huit  Prophètes  situés  en 
avant  de  ces  nombreuses  figures  hiératiques, 

La  grosse  tête  qui  est  à  côté,  à  gauche,  est  celle  d'une  gargouille 
pour  l'écoulement  des  eaux  supérieures. 

Par-dessous  la  plate-bande  qui  est  au  milieu  de  cette  planche  nous 


FLANCHE  XI.  —  PORCHE  DU  MIDI.  71 

apercevons  plusieurs  statues  delà  porte  de  gauche  de  ce  même  porche. 
La  première  grande  statue  à  gauche  est  celle  de  saint  Théodore;  la 
seconde  est  saint  Etienne,  et  la  troisième,  dont  on  ne  voit  qu'une 
partie,  est  saint  Clément.  Nous  les  avons  déjà  mentionnées  plus  haut. 
Au-dessus,  dans  les  voussures,  commence  une  série  de  Martyrs. 


1-2  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  XII. 

PORCHE  DU  MIDI. 

QUATRE  STATUES. 

Ces  statues  ornent  l'ébrasement  droit  de  la  porte  à  gauche  du  porche 
méridional. 

La  première,  à  gauche,  représente  saint  Vincent,  vêtu  en  costume 
de  diacre  ;  il  tient  un  livre  dans  ses  mains.  La  légende  des  saints  nous 
apprend  qu'il  subit  le  martyre  et  qu'après  son  supplice  on  le  jeta  dans 
les  flots  une  meule  au  cou;  son  corps  fut  repoussé  sur  la  rive,  où  les 
animaux  sauvages,  au  lieu  de  le  dévorer,  veillèrent  à  sa  conservation. 
On  représente  ordinairement  un  aigle  et  un  lion  auprès  de  lui;  ce 
sont  ces  animaux  qui  se  voient  sous  ses  pieds. 

La  seconde  statue  est  celle  de  saint  Denis,  évêque  de  Paris.  11  porte 
le  costume  pontifical,  bénit  de  la  main  droite  et  tient  de  la  main  gauche 
une  crosse.  Sa  tête  est  couverte  avec  la  mitre.  Sous  ses  pieds  un  lion, 
rappelant  qu'il  fut  exposé  à  la  fureur  de  ces  animaux,  qui  n'osèrent  le 
toucher. 

La  troisième  statue  est  celle  de  saint  Piat,  en  aube  et  en  chasuble. 
H  tient  à  deux  mains  le  livre  des  Evangiles.  Sous  ses  pieds  le  proconsul 
Rictius  Varius,  qui  ordonna  son  supplice. 

La  quatrième  statue  représente  saint  Georges  en  costume  de  guerrier, 
une  cotte  de  mailles  par-dessus  laquelle  est  une  tunique  d'étoffe  légère 
et  souple.  Un  large  glaive  pend  au  ceinturon  qui  est  attaché  à  son  côté; 
sa  main  gauche  est  appuyée  sur  un  bouclier  sur  lequel  est  une  croix 
accompagnée  d'un  fleuron  central;  sa  main  droite  tient  la  hampe  d'un 
guidon  dont  le  haut  est  brisé. 

Sous  ses  pieds  est  représenté  son  supplice  ;  deux  bourreaux  le  tor- 
turent sur  une  roue. 


PLANCHE  XIII.  —  PORCHE  DU  MIDI.  73 


PLANCHE  XIII. 

PORCHE  DU  MIDI. 

QUATRE  STATUES. 

Ces  quatre  grandes  statues  se  dressent  sur  le  côté  droit  de  la  porto 
à  droite  du  porche  méridional. 

La  première  à  gauche  est  celle  de  saint  Martin,  évêque  de  Tours. 
H  bénit  de  la  main  droite,  et  la  main  gauche,  recouverte  de  son  gant 
brodé,  tient  une  crosse,  dont  le  bout  va  percer  deux  chiens  qui  sont 
sous  ses  pieds.  C'est  pour  rappeler  que  le  saint,  comme  le  rapportent 
ses  biographes,  avait  un  pouvoir  miraculeux  sur  les  animaux,  qui  lui 
obéissaient  lorsqu'il  leur  commandait  quelque  chose.  Jacques  de  Vora- 
gine  raconte  :  qu'un  jour  ayant  vu  des  chiens  poursuivre  un  lièvre,  il 
leur  ordonna  d'abandonner  cette  pauvre  bête;  aussitôt  les  chiens  s'ar- 
rêtèrent et  restèrent  comme  liés  à  leur  place. 

La  seconde  statue  est  celle  de  saint  Jérôme,  habillé  avec  des  vêle- 
ments sacerdotaux.  Sous  ses  pieds  est  la  Synagogue  personnifiée,  qui 
lui  présente  un  rouleau  que  l'on  voit  s'élever  vers  le  saint;  c'est  le 
texte  hébreu  de  la  Bible,  que  la  Synagogue  ne  comprend  plus  :  c'est 
pour  cela  qu'elle  a  les  yeux  bandés.  Saint  Jérôme  présente  aux  fidèles 
un  livre  ouvert  :  c'est  sa  traduction  latine  de  l'Ecriture  sainte  ou  la 
Vulgate,  qu'il  a  répandue  dans  le  monde  occidental. 

La  troisième  statue  est  saint  Grégoire  le  Grand,  Pape.  Il  porte  sur 
la  tête  la  tiare ,  telle  qu'on  la  voit  figurée  au  xuf  siècle  ;  ce  n'est  pas 
encore  la  triple  couronne,  qui  ne  parut  qu'au  xive  siècle.  Ses  vêtements 
et  son  pallium  sont  aussi  de  précieux  renseignements  sur  les  ornements 
que  portait  alors  le  Pape.  Sur  son  épaule  on  voit  une  colombe  dont  la 
tête  (brisée)  se  dirigeait  vers  son  oreille.  On  lit,  en  effet,  dans  sa  Vie 
que,  lorsqu'il  composait  ses  commentaires  sur  l'Ecriture  sainte,  son  se- 
crétaire, étonné  de  la  lenteur  avec  laquelle  il  les  dictait,  eut  la  curiosité 


74  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

de  soulever  un  rideau  qui  le  séparait  du  saint,  et  qu'il  vit  alors  une 
colombe  placée  sur  son  épaule  et  semblant  inspirer  le  saint  docteur. 
Sous  ses  pieds  est  ce  secrétaire,  relevant  la  tête  pour  voir  ce  fait  mira- 
culeux. 

La  quatrième  statue  est  saint  Avit,  abbé  de  Micy,  en  costume  sa- 
cerdotal. Dans  la  main  droite  il  tient  un  livre  fermé,  et  dans  la  main 
gauche  sa  crosse  d'abbé.  Le  petit  groupe  qui  est  au-dessous  représente 
saint  Avit  donnant  le  froc  à  saint  Lubin.  Cette  statue,  d'un  style  plus 
large  et  plus  près  de  la  nature,  est  du  xive  siècle.  On  sent  que  l'art  se 
modifie  et  produira  bientôt  ces  gracieuses  statues  que  l'on  voit  au 
\v' siècle.  Les  trois  premières,  au  contraire,  nous  montrent  les  tradi- 
tions des  époques  hiératiques  où  l'imitation  de  la  nature  ne  préoccupait 
pas  encore  les  sculpteurs.  Leurs  vêtements  sont  traités  avec  un  soin 
extrême,  et  les  détails  des  galons  et  des  broderies  rendus  avec  une 
patience  et  un  talent  qui  méritent  qu'on  les  examine  avec  soin.  C'est  le 
beau  moment  de  l'art  au  xiue  siècle;  les  têtes  ont  un  caractère  grave 
et  sérieux  qu'on  ne  saurait  trop  admirer.  Ce  sont  des  modèles  d'une 
valeur  inappréciable  pour  les  artistes  chargés  de  décorer  les  monuments 
religieux,  et  pour  le  public  c'est  un  sujet  inépuisable  de  réflexions  et 
de  méditations. 


PLANCHE  XIV. —  PORCHE  DU  MIDI.  75 


PLANCHE  XIV. 

PORCHE  DU  MIDI. 

VERTUS  ET  VICES. 

Sur  la  partie  médiane  de  la  gravure  on  voit  en  haut  le  profil  des 
soubassements  des  piliers  sur  lesquels  sont  ces  sculptures,  et  au- 
dessous  une  coupe  d'un  de  ces  piliers  avec  les  colonnettes  qui  l'envi- 
ronnent. 

Les  bas-reliefs  gravés  sur  cette  planche  sont  ceux  qui  ornent  la  face 
antérieure  des  deux  piliers  du  milieu  du  porche  méridional.  Ils  font 
partie  d'une  Psychomachie  qui  se  suit  sur  deux  autres  faces  de  ces 
mêmes  piliers. 

A  côté  des  bas-reliefs  de  Chartres  on  a  eu  la  pensée  de  placer  les 
sujets  analogues  qui  se  trouvent  peints  sur  verre  dans  la  grande  Rose 
occidentale  de  Notre-Dame  de  Paris,  où  le  combat  entre  les  Vertus  et 
les  Vices  est  figuré  d'une  manière  plus  évidente,  puisque  chaque  Vertu 
perce  d'un  coup  de  lance  le  Vice  qui  lui  est  opposé.  A  Paris,  les  Vertus 
sont  des  reines  couronnées,  et  leur  bouclier  a  plutôt  la  forme  d'un 
disque  que  celle  d'un  écu,  comme  on  le  voit  ici.  Du  reste,  au  moyen 
âge,  on  a  souvent  représenté  des  boucliers  ronds;  alors  ce  ne  sont  ordi- 
nairement pas  ceux  des  chrétiens  qui  ont  cette  forme.  Dans  le  vitrail  de 
la  vie  de  Charlemagne  (voir  pi.  LXVIII),  les  Français  ont  des  boucliers 
allongés  en  forme  d'écu  héraldique,  et  les  Sarrasins  des  boucliers  ronds. 

Nous  allons  donc  décrire  successivement  ces  Vertus  et  ces  Vices 
comme  ils  se  suivent  sur  ces  piliers,  en  commençant  à  gauche  et  par  le 
haut  : 

La  Chasteté,  femme  voilée,  tenant  d'une  main  une  palme  et  de  l'autre 
un  écu  sur  lequel  est  un  oiseau  dans  les  flammes.  Le  panneau  du 
vitrail  de  Paris  offre  le  même  symbole.  Cette  personnification  de  la  Chas- 
teté est  opposée  à 


70  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

La  Luxure.  C'est  un  groupe  composé  d'un  jeune  élégant  qui  lie  con- 
versation avec  une  femme  mise  avec  recherche. 

Le  panneau  de  Paris  représente  une  femme  richement  vêtue  et  se 
regardant  avec  complaisance  dans  un  miroir. 

La  Prudence  a  pour  emblème  un  serpent,  et  le  panneau  du  vitrail 
est  semblable. 

La  Folie.  C'est  une  femme  aux  vêtements  en  désordre,  brandissant 
une  massue  et  faisant  mine  de  manger  une  pierre. 

Le  vitrail  de  Paris  (restauration)  est  semblable. 

L'Humilité.  Sur  son  écu,  un  oiseau  s'élève  dans  les  airs,  suivant  les 
paroles  de  l'Evangile  :  Quiconque  s'abaisse  sera  élevé. 

Le  panneau  de  Notre-Dame,  à  Paris,  est  pareil. 

L'Orgueil,  vice  opposé  à  la  vertu  d'Humilité.  C'est  un  cavalier  tom- 
bant à  terre  avec  son  cheval. 

Le  vitrail  (restauration)  représente  le  même  sujet. 

Du  côté  droit,  les  six  bas-reliefs  représentent  les  sujets  suivants  : 

La  Patience,  que  symbolise  un  bœuf  dans  le  panneau  de  Notre-Dame 
de  Paris  gravé  à  côté.  Probablement  c'était  la  même  chose  dans  notre 
sculpture,  mais  l'écu  est  complètement  fruste. 

L'Impatience,  opposée  à  la  Patience,  est  une  femme  avec  un  costume 
de  princesse,  menaçant  d'un  glaive  un  vieillard  (un  moine  probable- 
ment) qui  lui  fait  quelques  réprimandes  et  lui  montre  le  livre  de  la  Loi. 

Le  vitrail  reproduit  la  même  composition. 

La  Douceur  a  pour  insigne  un  agneau,  dans  le  vitrail  et  dans  le  bas- 
relief.  Le  vice  qui  lui  est  opposé  est  : 

La  Colère,  représentée  à  Chartres  et  à  Paris  par  une  femme  de  haut 
rang,  à  en  juger  par  son  costume,  et  renversant,  d'un  coup  de  pied 
dans  le  ventre,  un  serviteur  qui  lui  apporte  à  boire. 

Le  Courage.  Cette  vertu  est  représentée  vêtue  comme  un  guerrier; 
elle  a  une  cotte  de  mailles  et  un  casque; sa  main  droite  tient  un  glaive, 
et  sur  son  écu  est  l'image  d'un  lion.  Dans  le  manuscrit  d'Herrade,  toutes 
les  Vertus  étaient  des  femmes  costumées  comme  des  guerriers,  ainsi 
que  le  personnage  représenté  ici. 


PLANCHE  XIV.  —  PORCHE  DU  MIDI.  77 

A  Notre-Dame  de  Paris,  le  symbole  que  tient  cette  Vertu  est  une 
tête  de  taureau. 

La  Lâcheté,  opposée  à  la  Vertu  précédente.  Ce  Vice  est  représenté 
sous  la  figure  d'un  jeune  guerrier,  comme  l'indique  son  costume.  Frappé 
de  terreur  par  le  cri  d'une  chouette,  il  fuit  devant  un  lièvre  et  jette  à 
terre  le  glaive  dont  il  était  armé.  Le  bas-relief  est  mutilé;  on  voit 
mieux  ce  sujet  dans  le  panneau  du  vitrail  de  Notre-Dame  de  Pans, 
qui  est  à  côté. 

Les  Vertus  et  les  Vices  non  représentés  dans  la  gravure  sont  ie.u 
suivants  : 

La  Persévérance,  opposée  à  l'Inconstance; 

La  Tempérance,  opposée  à  l'Intempérance; 

La  Concorde,  opposée  à  la  Discorde; 

La  Foi,  opposée  à  l'Idolâtrie; 

L'Espérance,  opposée  au  Désespoir; 

La  Générosité,  opposée  à  l'Avarice. 


78  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  XV. 

DÉTAILS  DU  PORCHE  MÉRIDIONAL. 

XIIIe  SIÈCLE. 

Voici  des  détails  de  la  sculpture  du  porche  du  midi.  Nous  voyons 
en  haut,  au  milieu,  une  tiare  papale:  c'est  celle  de  saint  Grégoire  le 
Grand,  dont  la  statue  se  voit  sur  une  des  planches  précédentes.  Telle 
était,  au  xiue  siècle,  la  coiffure  donnée,  dans  les  peintures  et  les  sculp- 
tures, aux  papes.  Us  ne  portaient  pas  encore,  avons-nous  dit,  le  tri- 
règne  qui  a  été  employé  au  xivc  siècle.  Ces  tiares  primitives  semblent 
faites  en  osier. 

De  chaque  côté  de  cette  tiare  est  une  mitre  épiscopale ,  dont  l'orfroi 
est  d'une  richesse  de  broderie  exécutée  avec  un  grand  soin  et  un  goût 
parfait. 

Au-dessous  sont  trois  livres  dont  la  reliure  est  couverte  d'ornements 
d'un  goût  exquis.  Le  livre  du  milieu  représente  celui  que  Jésus-Christ 
tient  dans  la  main  gauche.  Dans  les  petits  trous  qui  sont  pratiqués  en 
plusieurs  endroits,  il  y  avait  des  incrustations  de  pierres  de  couleur  ou 
des  émaux.  Les  deux  autres  livres,  d'une  dimension  moins  grande, 
nous  offrent  des  exemples  de  reliures  d'une  grande  richesse.  On  com- 
prend que  ces  sculptures  imitent  ces  couvertures  de  livres  que  le 
moyen  âge  exécutait  avec  un  art  très  raffiné.  C'étaient  des  lames  de 
métal  travaillées  au  repoussé  et  garnies  de  cabochons  et  d'émaux  qui 
en  faisaient  des  objets  splendides,  comme  on  en  voit  de  rares  exemples 
dans  quelques  trésors  ou  dans  les  bibliothèques  et  les  musées. 


PLANCHE  XVI.  —  PORCHE  DU  NORD.  79 

PLANCHE  XVI. 

PORCHE  DU  NORD. 

Cette  belle  gravure  nous  représente  en  perspective  le  porche  dont 
nous  verrons  l'ensemble  dessiné  en  géométral  dans  les  planches  XVIII 
et  XIX. 

Nous  allons  examiner  et  énumérer,  en  allant  de  gauche  à  droite, 
les  diverses  parties  de  l'architecture  qui  sont  sous  nos  yeux,  et  nommer 
les  statues  dont  elles  sont  enrichies. 

A  gauche  le  grand  bâtiment,  avec  une  fenêtre  ornée  de  meneaux. 
est  la  sacristie  de  la  cathédrale;  la  petite  porte  qui  est  au  bas  conduit 
dans  les  souterrains  dont  nous  avons  l'ait  mention  dans  l'explication 
des  plans. 

Viennent  ensuite  les  trois  arcades  qui  composent  le  porche. 

La  première,  à  gauche,  étant  fort  en  raccourci,  ne  laisse  voir  qu'une 
très  petite  partie  de  ses  voussures.  C'est  là  que  se  trouvent  les  plus 
extérieures,  où  sont  les  béatitudes  célestes  et  les  travaux  manuels  de 
la  vie  active,  comme  nous  le  verrons  à  la  planche  XVIII. 

L'arcade  centrale  qui  suit  permet  d'apercevoir  en  entier  les  vous- 
sures extrêmes  du  côté  gauche;  c'est  une  partie  de  l'histoire  de  la 
création  et  les  premières  phases  de  la  vie  de  l'homme,  après  que  Dieu 
l'eut  placé  dans  le  paradis  terrestre. 

Les  deux  grandes  statues,  du  côté  gauche  de  cette  arcade  centrale,  sont 
celles  de  Philippe,  comte  de  Boulogne,  et  de  la  clame  Mahaut,  son  épouse. 
Ces  deux  statues  sont  reproduites  en  lithographie  (planches  XXII 
et  XXIII),  d'après  les  dessins  de  M.  Amaury  Duval.  Ici,  nous  voyons 
quelle  place  occupent  dans  le  porche  ces  deux  personnes  et  comment 
elles  s'arrangent  sur  leur  piédestal.  Au-dessous,  de  petites  statuettes 
dans  des  arcatures  élégantes  représentent  l'histoire  de  David. 

Après  ces  statues,  on  en  voit  une  du  côté  droit,  mais  elle  nous  tourne 


80  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

le  dos;  c'est  un  Prophète  dont  le  nom  n'est  pas  indiqué  et  qui  nous 
est  inconnu. 

Nous  arrivons  maintenant  à  l'arcade  de  droite,  et  les  sculptures  dont 
elle  est  garnie  se  présentent  dans  une  dimension  plus  grande. 

Nous  voyons  les  deux  cordons  des  voussures  extérieures,  où  sont 
sculptés  les  signes  du  zodiaque  et  les  occupations  mensuelles  qui  y 
correspondent. 

Plus  bas,  deux  grandes  statues,  un  roi  et  un  prophète.  Le  personnage 
royal  est  Ferdinand  de  Castille. 

Ces  deux  statues  offrent  la  même  disposition  que  celles  du  comte  de 
Boulogne  et  de  Mahaut.  Les  petits  sujets  au-dessous  nous  montrent 
Dieu  (personnage  en  pied),  Abel,  Cain,  Juhal  et  Tubalcaïn. 

En  face  de  ces  grandes  figures,  nous  en  voyons  une  autre  du  côté 
droit  qui  se  montre  tout  à  fait  de  côté  :  c'est  un  Prophète;  à  côté  de 
lui  il  y  en  a  une  autre  qu'on  regrette  de  ne  pas  voir  du  tout,  car 
elle  est  fort  importante  :  c'est  saint  Louis;  nous  en  parlerons  à  la 
planche  XIX. 

Plus  à  droite,  la  partie  antérieure  de  cette  gravure  nous  représente 
parfaitement  bien  l'effet  pittoresque  et  savant  de  ce  morceau  d'archi- 
tecture. Le  pilier  angulaire  que  nous  voyons  en  avant  est  d'une  élé- 
gance qu'on  ne  peut  se  lasser  d'admirer.  Les  colonnettes,  les  statues,  les 
parties  à  jour,  sont  disposées  avec  infiniment  de  talent.  C'est  une  con- 
struction remplissant  les  conditions  de  construction  solide  et  légère, 
avec  une  grande  perfection,  et  comme  le  porche  tout  entier,  c'est  un 
sujet  d'étude  des  plus  importants  pour  l'histoire  de  l'architecture  et  de 
la  sculpture. 

Les  deux  statues  que  nous  voyons  au  premier  plan  sont  celles  de 
saint  Savinien  et  de  sainte  Modeste;  elles  ont  été  lithographiées  en 
grand,  et  nous  les  retrouverons  à  la  planche  XXL 

Un  peu  plus  à  droite,  nous  apercevons  en  arrière,  par-dessous  la 
plate-bande,  les  statues  qui  accompagnent  la  porte  de  droite,  savoir  : 
Samson,  la  reine  de  Saba  et  Salomon,  et  au-dessus  d'elles  le  commence- 
ment des  voussures  qui  encadrent  la  porte. 


PLANCHE  XVI.  —  PORCHE  DU  NORD.  81 

Les  motifs  d'architecture  qui  s'offrent  à  notre  étude  sont  fort  inté- 
ressants. On  remarquera,  à  droite,  une  colonne  cannelée  qui  contribue 
au  soutien  de  la  plate-bande;  c'est  une  chose  rare  au  xme  siècle,  sur- 
tout dans  le  nord  de  la  France. 


82  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  XVII. 

PORCHE  DU  NORD. 

Cette  vue  perspective  peut  nous  donner  une  idée  suffisante  de  la 
disposition  architecturale  de  ce  porche,  que  nous  reverrons  un  peu  plus 
loin  dessiné  en  géométral  (voir  planches  XVIII  et  XIX). 

Nous  sommes  sous  la  grande  arcade  centrale  dont  nous  voyous,  en 
haut  de  la  planche,  la  partie  inférieure  venant  reposer  sur  une  plate- 
bande,  disposition  fort  rare  et  peut-être  unique  dans  les  monuments 
du  xme  siècle. 

En  haut,  et  à  gauche,  sont  les  dernières  figures  des  voussures  qui 
encadrent  la  porte  médiane.  On  y  reconnaît  des  rois  d'un  arbre  de  Jessr 
et  des  personnages  de  l'Ancien  Testament. 

Puis,  nous  dirigeant  sur  la  droite,  il  faut  remarquer  an  fragment, 
de  voûte  visible  ici.  Il  est  décoré  de  cordons  de  figures  assises,  alter- 
nant avec  des  bandes  de  petites  arcades  que  l'on  pourrait  appeler,  en 
se  servant  des  termes  de  l'architecture  antique,  des  caissons  ou  com- 
partiments. 

Tout  à  fait  à  droite  sont  quelques-uns  des  sujets  de  la  création  qui 
apparaissent  dans  les  deux  cordons  extérieurs  :  nous  y  reconnaissons  la 
suite  du  péché  de  nos  premiers  parents;  comment  ils  sont  chassés  du 
paradis  terrestre  et  comment  Dieu  les  condamne  à  gagner  leur  pain 
à  la  sueur  de  leur  front. 

Les  grandes  statues  qui  sont  plus  bas  sont  les  suivantes  : 

A  gauche,  c'est  le  vieillard  Siméon  tenant  dans  ses  bras  l'Enfant  Jésus. 
Sous  ses  pieds,  un  homme  accroupi. 

Saint  Jean-Bapliste.  Il  tient  dans  un  disque  un  agneau  triomphant 
qui  figure  Jésus-Christ  ressuscité;  il  le  montre,  en  disant  :  t: Voici 
l'agneau  de  Dieu ,  »  etc.  Sous  ses  pieds,  un  dragon  ailé,  image  du  démon 
vaincu  par  le  Messie. 


PLANCHE  XVII.  —  PORCHE  DU  NORD.  83 

Saint  Pierre.  Revêtu  du  costume  papal,  il  porte  devant  sa  poitrine 
le  rational,  ce  qui  est  l'insigne  du  souverain  pontife  dans  l'ancienne 
loi,  lequel  était  une  figure  prophétique  du  chef  de  l'Église  ou  du  Pape. 
Sous  ses  pieds,  un  rocher  [Tu  es  Petrus,  etc.). 

Le  prophète  Elie.  H  a  les  pieds  posés  sur  un  char  de  flammes  contre 
lequel  s'appuie  son  disciple  Elisée  qui  reçoit  le  manteau  que  le  pro- 
phète lui  abandonne. 

Ces  statues  sont  placées  contre  des  colonnes  dont  le  chapiteau  est 
accompagné  d'un  dais  recouvrant  les  grands  personnages,  et  reposent 
sur  des  colonnes  torses  et  des  bases  fortes  et  robustes. 

Du  côté  droit,  nous  trouvons  les  statues  suivantes  : 

Le  grand  prêtre  Zacharie ,  que  caractérise  un  encensoir. 

Isabelle  de  France,  fille  de  Louis  VIII  et  de  Blanche  de  Castille,  ab- 
besse  et  fondatrice  de  l'abbaye  de  Longchamp.  Elle  est  en  costume  de 
religieuse.  La  guimpe,  le  bandeau  et  le  voile  couvrent  sa  tête;  elle 
porte  une  longue  robe  et  tient  dans  la  main  gauche  le  livre  renfermant 
la  règle  de  son  monastère. 

Le  roi  Louis  VIII,  père  de  saint  Louis,  en   costume  royal. 

Un  prophète. 

Ces  statues  surmontent  des  pilastres  d'une  forme  singulière  et  qui 
ne  se  rencontrent  dans  aucun  autre  monument.  C'est  une  suite  de  mo- 
tifs variés  entourant  à  diverses  hauteurs  toute  la  partie  inférieure  de 
ces  piliers.  Sur  un  soubassement  polygonal  reposent  des  bases  à  plu- 
sieurs faces  et  cylindriques.  Un  de  ces  motifs  est  formé  de  petites 
arcatures  trilobées  dans  lesquelles  sont  des  scènes  de  l'Ancien  Testa- 
ment. 

Au-dessous  du  grand  prêtre  Zacharie  et  de  la  statue  d'Isabelle  est 
représentée  l'histoire  de  l'arche  d'alliance  lorsqu'elle  fut  prise  par  les 
Philistins,  et  l'histoire  de  Samuel  à  qui  Dieu  prédit  la  mort  d'Héli. 
Ces  sujets  sont  accompagnés  d'inscriptions,  maison  ne  saisit  pas  faci- 
lement quel  rapport  ces  sujets  de  l'Ancien  Testament  ont  avec  l'his- 
toire moderne.  Au  moyen  âge,  la  connaissance  et  l'usage  perpétuel  de 
l'Ecriture  donnaient  occasion  d'y  faire  de  continuelles  allusions. 


8li  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

On  aperçoit,  par-dessous  cette  partie  que  nous  venons  de  décrire, 
une  petite  portion  de  l'arcade  à  droite  du  porche  du  nord  et  les  deux 
dernières  statues  qui  sont  à  droite  de  la  porte  de  cette  même  arcade  : 
c'est  Judith  et  Gédéon. 


PLANCHE  XVIII.  -  ELEVATION  DU  PORCHE  NORD.  85 


PLANCHE  XVIII. 

ÉLÉVATION  DU  PORCHE  NORD. 

Cette  planche  représente  en  géométral  le  porche  qui  forme  la  partie 
inférieure  de  la  façade  septentrionale,  laquelle  termine  le  transept 
Nord. 

C'est  une  œuvre  splendide  et  l'une  des  plus  helles  pages  que  l'ar- 
chitecture du  moyen  âge  ait  produites.  La  richesse  de  l'ornementation, 
la  quantité  innombrable  de  statues  de  diverses  dimensions,  frappent 
d'étonnement  et  excitent  au  plus  haut  degré  l'admiration.  Les  pensées 
pleines  d'imagination  et  de  poésie  qui  ont  inspiré  ces  sculptures  et  leur 
disposition  nous  montrent  chez  les  auteurs  de  ce  monument  un  génie 
vaste  et  profond,  soutenu  par  un  enthousiasme  que  nous  comprenons  à 
peine ,  tant  il  est  au-dessus  de  nos  idées  actuelles ,  et  que  nous  ne  pouvons 
voir  sans  en  être  émerveillés.  Les  noms  de  ces  artistes  prodigieux  sont 
tombés  dans  l'oubli,  mais  ce  qu'ils  ont  inventé  et  créé  existe  encore  et 
attestera  pendant  bien  des  siècles  leur  mérite,  leur  science  et  leur  con- 
naissance des  arts  qu'ils  ont  élevés  à  un  degré  aussi  supérieur.  H  n'y  a 
que  les  pensées  religieuses  rapprochant  l'homme  de  la  divinité  qui 
soient  capables  de  le  porter  aussi  haut  et  de  le  maintenir  dans  les 
régions  idéales  de  cette  vie  intellectuelle  si  féconde  et  si  puissante. 

Nous  trouvons,  représentée  dans  ces  nombreuses  sculptures,  l'his- 
toire abrégée  du  monde  entier  :  sa  création,  l'œuvre  des  six  jours,  la 
chute  de  l'homme  et  sa  rédemption  par  le  Messie,  point  capital  de 
notre  religion.  Les  prophètes  et  les  hérauts  qui  l'ont  annoncé  et  figuré 
dans  l'ancienne  loi  sont  ici  présents.  Nous  voyons  sa  généalogie  remon- 
tant aux  premiers  âges  du  monde  et  la  suite  de  ses  ancêtres  se  suivant 
de  génération  en  génération  et  se  terminant  à  la  bienheureuse  Marie, 
Mère  du  Sauveur.  Comme  c'est  à  elle  que  l'église  cathédrale  est  dé- 


86  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

diée,  les  artistes  du  moyen  âge  lui  ont  donné  ici  la  place  la  plus  im- 
portante, puisque  son  triomphe  dans  le  ciel  occupe  le  tympan  de  la 
porte  du  milieu  et  attire  immédiatement  les  yeux  de  celui  qui  va  pé- 
nétrer dans  son  temple. 

Sur  le  trumeau  de  la  porte  centrale  il  y  a  une  grande  statue  de 
sainte  Anne  portant  dans  ses  bras  la  Sainte  Vierge  encore  enfant  qui 
tient  dans  ses  mains  le  Livre  de  la  loi.  Au-dessous,  un  bas-relief  mu- 
tilé représentait  Joachim  auquel  apparaissait  un  ange  lui  annonçant 
la  naissance  de  la  Sainte  Vierge. 

Sur  les  côtés  de  cette  porte  médiane ,  on  voit  à  gauche  les  statues 
suivantes  : 

Melthisedech ,  roi  de  Salem,  en  costume  sacerdotal.  De  la  main 
droite  il  tient  un  encensoir,  et  de  la  gauche,  un  calice  et  un  pain 
pour  en  faire  offrande  à  Dieu,  car  il  était  prêtre  du  Très  Haut,  dit  la 
Genèse.  (Cettestatue  n'est  pas  visible  sur  notre  planche;  elle  est  cachée 
derrière  une  autre.) 

Abraham.  11  tient  devant  lui,  debout,  pieds  et  mains  liés,  son  fils 
Isaac  et  lève  sa  main  armée  d'un  glaive  pour  immoler  ce  fils  qu'il  ai- 
mait tant.  Un  ange  placé  au-dessus  dans  un  dais  arrête  la  main 
d'Abraham.  Sous  ses  pieds,  dans  le  socle,  on  voit  le  bélier  qui  va  être 
immolé;  il  est  embarrassé  dans  un  buisson. 

Moïse.  Il  est  reconnaissable  aux  Tables  de  la  loi  qu'il  supporte  et  au 
serpent  d'airain  placé  sur  le  sommet  d'une  colonne.  Sous  ses  pieds  est 
le  veau  d'or. 

Samuel.  Vieillard  vénérable  à  longue  barbe;  il  tient  un  agneau  et 
le  couteau  avec  lequel  il  va  consommer  le  sacrifice.  Sur  le  socle  est 
David  enfant. 

David,  en  costume  royal,  la  tête  couronnée  et  tenant  en  la  main 
droite  une  lance.  Dans  la  main  gauche,  il  tenait  les  instruments  de 
la  passion  du  Sauveur  à  cause  de  ses  prédictions  sur  ce  douloureux 
événement.  Sur  le  socle  est  un  lion. 

Du  côté  droit,  on  voit  les  statues  suivantes  : 

haïe  tenant  en  main  la  fleur  qui  sortira  de  la  tige  de  Jessé,  comme 


PLANCHE  X.VIII.  —  ÉLÉVATION  DU  PORCHE  NORD.  S7 

il  est  annoncé  dans  la  prophétie  :  Et  egredielur  virga  de  radice  Jesse  et 
flos  de  radice  ejus  ascendel.  H  tient  aussi  une  banderole  sur  laquelle  sont 
les  traces  de  cette  inscription  :  Isaïas  projeta. 

Urémie  portant  dans  la  main  droite  l'image  d'une  croix  environnée 
d'un  cercle  richement  sculpté,  à  cause  de  ses  prophéties  sur  la  passion 
de  Jésus-Christ.  Sous  ses  pieds,  un  personnage  qui  doit  être  un  de  ses 
bourreaux. 

Siméon.  Le  saint,  vieillard  porte  l'Enfant  Jésus  et  le  montre ,  en  disant  : 
Ecce  positus  est  hic,  in  ruinam  et  in  resurrectionem  mullorum  in  Israël. 
Sous  ses  pieds,  un  bourreau  probablement. 

Saint  Jean-Baptiste.  Sa  robe  est  faite  d'une  peau  de  chameau,  les 
poils  en  dehors;  la  ceinture  est  en  cuir;  sa  barbe  est  longue;  la  figure 
et  toute  la  personne  amaigries  par  les  jeûnes.  Il  porte  un  disque  sur 
lequel  est  un  agneau  tenant  dans  une  patte  l'étendard  de  la  résur- 
rection; il  le  montre  du  doigt  et  semble  dire  :  Ecce  agnus  Dei  qui 
lollit  peccata  mundi.  Sous  ses  pieds,  un  dragon  ailé  figure  le  démon 
vaincu. 

Saint  Pierre.  Il  est  vêtu  en  pape;  il  porte  sur  la  tête  une  tiare  pointue 
et  sur  la  poitrine  le  rational  comme  le  grand  prêlre  des  Juifs.  De  son 
bras  droit  pendent  les  deux  clefs,  symbole  de  son  pouvoir,  pour  ouvrir 
ou  fermer  les  portes  de  la  vie  future.  Sa  main  gauche  soutient  une 
croix  (aujourd'hui  brisée)  à  longue  hampe  suivant  l'usage  du  moyen 
âge.  Sous  ses  pieds,  un  rocher,  allusion  aux  paroles  de  Jésus-Christ  : 
Tu  es  pierre  et  sur  celte  pierre  je  bâtirai  mon  église. 

Un  peu  plus  loin  de  la  porte  et  du  même  côté  est  la  statue  à'Elie, 
sous  lequel  on  voit  son  char  de  flammes  et  son  disciple  Elisée  recueil- 
lant son  manteau.  La  planche  XVII  nous  a  montré  plusieurs  des  statues 
que  nous  venons  de  décrire. 

Ces  deux  statues  sont  cachées  par  les  parties  placées  en  avant  de  la 
porte.  On  les  voit  sur  la  planche  suivante  (XX),  dans  la  partie  de  la 
gravure  qui  est  à  droite. 

Les  voussures  qui  encadrent  cette  porte  se  voient  et  se  comprennent 
mieux  dans  la  planche  suivante,  à  laquelle  il  faut  recourir  pour  un  rao- 


88  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

ment1.  Cette  planche  XX  (marquée  X V 1 1 1  par  erreur)  nous  permet  de 
comprendre  la  disposition  des  voussures  de  la  porte  centrale.  H  y  a  cinq 
cordons  de  ces  voussures  qui  sont  adhérents  à  la  porte.  Les  autres 
sont  plus  en  dehors;  nous  en  parlerons  plus  loin.  Le  premier  cordon, 
ou  le  plus  intérieur,  est  formé  par  une  suite  d'anges  superposés.  Les 
quatre  autres  sont  ou  des  personnages  de  l'Ancien  Testament  qu'il 
est  impossible  de  préciser,  ou  plutôt  des  ancêtres  de  Jésus-Christ; 
ils  sont  disposés  dans  des  rinceaux  comme  pour  former  un  arbre  de 
Jessé. 

Le  tympan  au-dessus  de  la  porte  est  divisé  en  deux  parties  super- 
posées. Au  bas  et  à  gauche ,  on  voit  la  Vierge  sur  son  lit  rendant  son 
âme  à  Dieu;  Jésus  son  lils  est  présent;  il  est  accompagné  des  douze 
apôtres  et  de  plusieurs  anges.  Au  bas  et  à  droite,  la  Vierge  est  dans 
son  tombeau;  mais  les  anges  descendant  du  ciel  soulèvent  son  corps 
posé  sur  un  linceul  et  se  disposent  à  l'enlever  dans  les  cieux.  A 
l'étage  supérieur,  formant  le  tableau  principal  de  cette  porte,  on  voit 
Jésus-Christ  bénissant  la  Sainte  Vierge  assise  sur  un  trône  auprès  de 
celui  de  son  divin  Fils;  elle  porte  sur  la  tête  une  couronne  de  reine, 
Regina  cœli,  Regina  angelorum,  et  se  baisse  par  respect  en  recevant  ces 
témoignages  de  gloire.  Des  anges  sont  prosternés  à  ses  côtés,  d'autres 
plus  haut  encensent  cette  scène  de  glorification,  qui  est  encadrée  par 
une  sorte  d'édicule  d'une  architecture  élégante. 

Nous  avons  encore  plusieurs  choses  importantes  à  noter  sur  cette 
partie  centrale  du  porche  nord.  Ce  sont  les  deux  rangées  les  plus  exté- 
rieures des  voussures,  les  deux  qui  sont  intermédiaires,  et  enfin  les 
groupes  de  grandes  statues  que  nous  laisserons  pour  le  moment;  nous 
n'en  parlerons  que  plus  loin. 

Les  deux  rangées  intermédiaires  (voir  la  planche  XX)  sont  formées 

1  II  y  a  ici  une  erreur  dans  la  table  des  dont  on  a  retranché  les  piliers  et  les  statues 

planches  :  la  planche  marquée  XVIII  doit  qui  sont  en  avant.  Ces  deux  dessins  ont  in- 

ètre  la  planche  XX.  Elle  contient  deux  des-  duit  en  erreur  pour  la  notation  des  planches, 

sins  :  i°  une  coupe  du  porche  nord;  a"  une  La  planche  XVIII  n'existe  pas. 
élévation  de  la  partie  droite  de  ce  porche, 


PLANCHE  XVIII.  —  ÉLÉVATION  DU  PORCHE  NORD.  89 

chacune  de  vingt-deux  statuettes  assises  tenant  des  banderoles  et  sem- 
blant chanter  les  louanges  de  Marie. 

Les  deux  derniers  cordons  (les  plus  extérieurs)  de  la  grande  ogive 
centrale  représentent  l'histoire  de  la  création.  Les  sujets  sont  au  nombre 
de  dix-huit  : 

i°  La  création  du  ciel  et  de  la  terre.  —  20  La  création  du  jour  et 
de  la  nuit.  Le  jour  est  un  jeune  homme  tenant  une  torche  enflammée; 
la  nuit  est  une  femme  tenant  un  croissant.  —  3°  Création  du  firma- 
ment et  des  anges.  —  U°  Création  des  plantes.  —  5°  Création  des 
astres.  —  6°  Création  des  poissons  et  des  oiseaux.  —  70  Création  des 
quadrupèdes.  —  8°  Création  du  paradis  terrestre.  —  90  Création 
d'Adam. 

Vient  ensuite  l'histoire  d'Adam  et  d'Eve  : 

i°  Adam  considère  les  animaux  de  la  terre,  auxquels  il  impose  des 
noms.  —  20  Les  quatre  fleuves  du  paradis  terrestre  personnifiés,  te- 
nant leurs  urnes  d'où  sortent  des  ondes.  —  3°  Dieu,  tenant  un  livre, 
place  Adam  dans  le  paradis  terrestre.  —  h°  Création  de  la  femme. 
Adam  est  endormi  ;  Dieu  lui  ôte  une  côte  et  tient  la  femme  par  la  main. 
—  5°  Adam  et  Eve  près  de  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal  : 
c'est  un  pommier  couvert  de  fruits.  Le  serpent  enlacé  dans  l'arbre 
présente  un  fruit  à  Eve ,  qui  l'accepte  et  en  offre  à  son  mari.  —  6°  Dieu 
debout  appelle  Adam ,  mais  celui-ci  se  cache  sous  un  arbre  avec  sa 
femme.  —  70  Ils  sont  devant  Dieu,  cachant  leur  nudité  avec  des 
feuilles.  Dieu  semble  les  réprimander  ;  ils  se  disculpent  et  accusent  le 
serpent.  —  8°  Un  ange  armé  d'un  glaive  chasse  Adam  et  Eve  du  pa- 
radis terrestre.  —  90  Dieu  condamne  nos  premiers  parents  à  gagner 
leur  pain  à  la  sueur  de  leur  front.  Adam  bêche  la  terre;  Eve  file  avec 
une  quenouille. 

Le  grand  fronton,  ou  pignon  du  milieu,  contient  au  sommet  le  Père 
éternel  donnant  sa  bénédiction  à  toutes  les  personnes  et  à  toutes  les 
choses  contenues  dans  la  porte  centrale  tout  entière.  Des  anges  l'en- 
censent. 

Passons  maintenant  à  la  droite  de  la  porte.  Les  grandes  statues  qui 


90  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

sont  à  gauche  sont  les  suivantes  (on  les  voit  mieux  sur  la  planche  XX 
que  sur  la  planche  XIX  )  : 

Samson.  C'est  l'un  des  personnages  de  l'Ancien  Testament  qui  figure 
et  symbolise  le  Sauveur.  Au-dessous  est  un  âne,  pour  rappeler  que 
c'est  avec  une  mâchoire  d'âne  que  Samson  tua  mille  Philistins. 

La  Reine  de  Saba.  Son  costume  est  riche  et  élégant.  Sous  ses  pieds, 
un  esclave  nègre  porte  un  vase  et  un  sac  rempli  de  pièces  de  monnaie. 

Salomon.  Est  aussi  une  figure  de  Jésus.  Il  en  rappelle  la  sagesse  et 
la  puissance.  Au-dessous  de  ses  pieds,  un  personnage  fantastique  et  gro- 
tesque :  c'est  la  folie  opposée  à  la  sagesse. 

De  l'autre  côté  de  la  porte,  c'est-à-dire  à  droite,  il  y  a  les  statues 
suivantes  : 

Jésus,  fils  de  Sirach.  C'est  l'auteur  de  l'Ecclésiastique.  Il  tient  une  ban- 
derole sur  laquelle  on  lisait  encore  au  siècle  dernier  :  IHS  FILIVS 
SYRAG.  Ce  personnage  est  regardé  comme  une  figure  de  Jésus- 
Christ.  Au-dessous  de  ses  pieds  on  voit  un  maçon  ou  un  architecte 
tenant  un  fil  à  plomb  et  placé  sur  un  petit  temple  en  construction,  par 
allusion  à  un  autre  Jésus,  fils  de  Josedec,  qui  rebâtit  la  maison  du 
Seigneur  et  releva  son  saint  temple. 

Judith.  Elle  fut  la  libératrice  du  peuple  d'Israël,  comme  le  Sauveur 
a  été  le  libérateur  et  le  rédempteur  des  hommes.  Elle  est  couronnée 
comme  une  reine.  Sous  ses  pieds  est  un  chien,  symbole  de  la  fidélité, 
ou  par  allusion  à  quelque  fait  que  nous  ne  connaissons  pas. 

Gédéon.  Homme  jeune,  portant  les  insignes  de  l'autorité  suprême. 
Il  fut  juge  du  peuple  de  Dieu,  et  figure  aussi  le  Christ.  Sous  ses  pieds, 
un  dragon  parle  à  l'oreille  d'une  femme  qui  semble  écouter  ses  mau- 
vais conseils. 

Le  bas  du  tympan  de  cette  porte  représente  la  scène  du  jugement 
de  Salomon,  exprimée  avec  un  talent  et  un  naturel  que  l'on  ne  saurait 
trop  admirer,  et  que  nos  deux  planches  donnent  dans  des  dimensions 
qui  ne  permettent  pas  de  l'apprécier. 

Au-dessus  est  Job,  étendu  sur  son  fumier,  représenté  avec  vérité 
conformément  aux  expressions  du  texte  sacré.  .  .  Satan.  .  .  percussit  Job 


PLANCHE  XVIII.  —  ÉLÉVATION  DU  PORCHE  NORD.  91 

ulcère  pessimo  a  planta  pedis  usque  ad  verlicem  ejus,  qui  testa  saniem  ra- 
debat  sedens  in  sterquilinio.  On  voit  sa  peau,  couverte  de  pustules  ou 
d'ulcères,  qu'il  racle  avec  un  tesson,  et  Satan  met  ses  griffes  sur  la  tête 
et  sous  les  pieds  de  sa  victime.  La  femme  et  les  amis  de  Job  sont  là  lui 
adressant  leurs  reproches. 

Au-dessus,  dans  la  partie  supérieure  du  tympan,  Dieu  apparaît  dans 
les  nuages  tenant  une  banderole  et  une  palme;  deux  anges  sont  à  ses 
côtés. 

Les  voussures  qui  encadrent  ce  tympan  sont  composées  de  scènes 
ayant  rapport  à  l'histoire  de  Samson  et  de  Gédéon,  types  figuratifs 
de  Jésus-Christ.  On  y  trouve  aussi  divers  traits  de  la  vie  d'Esther,  de 
Judith  et  de  Tobie,  qu'il  est  impossible  de  distinguer  dans  cette  gra- 
vure, où  ces  sculptures  sont  peu  visibles. 

Le  cordon  le  plus  intérieur  est  formé  par  une  suite  d'anges  placés 
les  uns  au-dessus  des  autres. 

Sur  l'extrémité  la  plus  extérieure  du  porche  il  y  a  encore  une  vous- 
sure sur  laquelle  sont  représentés  les  signes  du  zodiaque  et  les  tra- 
vaux ou  occupations  des  mois  de  l'année.  Nous  avons  exposé,  dans  une 
des  planches  de  la  façade  occidentale,  quelle  était  la  signification  de 
ces  représentations  zodiacales  et  quelles  étaient  les  idées  qu'elles  de- 
vaient inspirer  aux  chrétiens.  Il  est  inutile  d'y  revenir  en  ce  moment. 
Nous  ferons  remarquer  seulement  que  les  signes  que  nous  voyons  ici 
sont  placés  :  à  gauche,  au-dessous  de  l'Hiver;  à  droite,  au-dessus  de 
l'Eté.  L'Automne  et  le  Printemps  n'ont  pas  été  figurés. 

Nous  allons  nous  transporter  maintenant  à  la  porte  de  gauche  de 
ce  porche  septentrional. 

Les  grandes  statues  qui  accompagnent  la  porte  sont,  à  gauche  : 
haïe.  Il  tient  une  banderole  sur  laquelle  on  lit  :  Esaias  prophâ.  H  pré- 
dit que  la  Vierge  enfantera  un  fils.  Sous  ses  pieds  un  dragon,  image 
du  démon  que  le  Christ  doit  vaincre  par  son  arrivée  dans  le  monde. 

L'archange  Gabriel.  Il  prononce  la  salutation  angélique  en  se  tour- 
nant vers  la  Sainte  Vierge  ;  sa  tête  est  brisée.  Sous  le  socle  est  un  démon , 
ange  de  ténèbres  opposé  à  l'ange  de  lumière. 


92  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

La  Vierge  Marie.  Elle  écoute  les  paroles  de  l'ange  Gabriel,  et  par  son 
consentement  va  devenir  la  mère  du  Sauveur  des  hommes  et  parti- 
ciper au  grand  mystère  de  l'incarnation.  Sous  ses  pieds,  un  serpent, 
enlacé  sur  un  pommier  couvert  de  feuilles  et  de  fruits,  rappelle  la 
chute  d'Eve  dans  le  paradis  terrestre,  que  doit  réparer  Marie,  la  nou- 
velle Eve. 

A  droite,  sont  les  statues  suivantes  : 

La  Sainte  Vierge  et  sainte  Elisabeth  formant  un  groupe  qui  représente 
la  Visitation.  Sous  la  Vierge  est  l'image  du  buisson  ardent,  et  sous 
sa  cousine  Elisabeth,  un  individu  verse  de  l'eau  dans  une  urne;  il  peut 
avoir  rapport  aussi  à  la  Sainte  Vierge,  et  fait  penser  au  miracle  de 
Gana. 

La  troisième  statue  est  un  Prophète  dont  le  nom  n'est  plus  lisible. 
Sous  ses  pieds,  un  dragon  ailé,  qui  peut  indiquer  que  le  prophète  est 
Daniel. 

Ces  trois  personnages  se  voient  en  grand  sur  la  gravure,  planche  XXI. 

Le  tympan  au-dessus  de  la  porte  est  divisé  en  deux  parties.  Au 
bas  :  la  Nativité  et  l'Annonciation  aux  bergers.  Le  bas-relief  placé 
plus  haut  représente  l'Adoration  des  Mages,  à  gauche;  et  à  droite,  les 
Mages  avertis  en  songe  par  un  ange  de  s'en  retourner  par  un  autre 
chemin.  Au  sommet  de  l'ogive,  l'étoile  miraculeuse  et  des  anges. 

Dans  les  voussures  qui  encadrent  cette  porte  on  a  sculpté  des  anges, 
puis  les  vierges  sages  et  les  vierges  folles  avec  leurs  lampes  ;  les  vertus 
foulant  aux  pieds  les  vices;  ce  sont  :  la  prudence  ou  la  sagesse  écrasant  la 
folie,  la  justice  opposée  à  l'injustice,  la  force  opposée  à  la  lâcheté,  la 
chasteté  et  la  luxure,  Y  humilité  et  Yorgueil,  la  générosité  et  Y  avarice,  Yes- 
pérance  et  le  désespoir,  la  foi  foulant  aux  pieds  Y  incrédulité. 

La  voussure  suivante,  suivant  l'abbé  Bulteau,  représente  les  douze 
fruits  du  Saint-Esprit  qui  ont  orné  l'âme  de  Marie  et  qui  sont,  suivant 
saint  Paul  :  la  charité,  la  joie,  la  paix,  la  patience,  la  longanimité,  Y  hu- 
milité, la  honte,  la  douceur,  Infidélité,  la  modestie,  la  continence  et  la  chas- 
teté. 

Sur  une  autre  voussure  on  a  représenté  d'un  côté  les  travaux  ma- 


PLANCHE  XVIII. —  ÉLÉVATION  DU  PORCHE  NORD.  93 

nuels  et  de  l'autre  les  travaux  de  l'esprit,  ou  la  vie  active  et  la  vie  con- 
templative, qui  étaient  personnifiées  et  représentées  en  grandes  statues 
à  l'entrée  de  l'arcade  placée  en  avant  de  cette  porte,  à  gauche. 

Enfin,  le  dernier  cordon,  celui  qui  est  tout  à  fait  en  avant  et  en  de- 
hors des  autres,  représente  une  suite  fort  intéressante  de  statuettes  qui 
ont  été  décrites  et  interprétées  par  Mme  d'Ayzac.  Elles  personnifient  les 
béatitudes  célestes,  c'est-à-dire  les  joies  spirituelles  et  corporelles  dont  les 
justes  seront  comblés  dans  la  vie  future.  Plusieurs  auteurs  anciens  les 
ont  décrites  et  exposées  dans  des  traités  spéciaux.  Saint  Anselme,  saint 
Thomas  et  Vincent  de  Beauvais  en  ont  fait  mention  d'une  manière  spé- 
ciale. Les  peintres  et  les  sculpteurs  les  font  paraître  dans  leurs  œuvres, 
et  nous  les  trouvons  ici  avec  leurs  attributs  et  leurs  noms. 

i°  La  première  béatitude  est  la  Beauté,  Pulcriludo.  Elle  tenait  un 
étendard  de  la  main  droite;  sa  main  gauche  s'appuie  sur  un  bouclier 
sur  lequel  sont  quatre  roses  largement  épanouies. 

2°  La  Liberté,  Libertas.  Main  droite  brisée;  deux  couronnes  sur  son 
écu. 

3°  L'Honneur,  Honor,  Main  droite  manque;  deux  mitres  sur  son 
bouclier. 

U°  C'est  la  Joie  céleste,  Gaudium.  Sur  son  bouclier,  un  ange  sortant 
d'un  nuage  et  tenant  un  livre. 

5°  La  Volupté,  Voluptas.  Sur  son  bouclier,  un  ange  tenant  un  en- 
censoir. 

6°  La  Vélocité,  Velocitas.  Sur  son  bouclier,  trois  flèches  sifflent  en 
abîme  suivant  le  langage  héraldique. 

7°  La  Force,  Forlitudo.  Sur  son  bouclier,  un  lion. 

8°  La  Concorde,  Concordia.  Sur  son  bouclier,  deux  couples  de  co- 
lombes. 

9°  L'Amitié,  Amicitia.  Sur  son  bouclier  on  voit  aussi  deux  couples 
d'oiseaux. 

î  o°  La  Longévité,  Longevitas. Sur  son  écu ,  un  aigle  tenant  un  sceptre 
dans  ses  griffes. 

il"  la  Puissance,  Polentia.  Sur  son  écu,  trois  sceptres  fleuronnés. 


94  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

1  2°  La  Santé,  Sanilas.  Sur  son  bouclier,  trois  poissons.  Mmc  d'Ayzac 
cile  le  proverbe  :  Sain  comme  un  poisson,  comme  pouvant  avoir  donné 
l'idée  de  le  prendre  pour  symbole  de  la  Santé. 

1 3°  La  Sécurité,  Securitas.  Sur  son  écu ,  un  château  fort. 

ih°  La  Sagesse,  Sapientia.  Un  dragon  est  sur  son  bouclier.  Le  dra- 
gon, au  moyen  âge  et  dans  l'antiquité,  a  plusieurs  sens.  On  peut  sup- 
poser qu'il  garde  avec  vigilance  les  trésors  de  la  Sagesse,  qu'on  ne  peut 
acquérir  qu'avec  des  peines  et  des  travaux  pénibles. 

Sous  le  cordon  se  trouvaient  autrefois  deux  grandes  statues  :  la  Sy- 
nagogue et  l'Eglise,  accompagnant  celles  citées  plus  haut  :  la  Vie  active 
et  la  Vie  contemplative.  Les  piédestaux  de  ces  quatre  statues  nous  re- 
présentent encore  une  fois  la  série  des  vertus  terrassant  des  vices, 
personnifiés,  les  vertus  par  de  petites  statuettes  et  les  vices  par  des 
animaux. 

Les  piliers  isolés  placés  en  avant  de  ce  porche,  comme  on  le  voit 
dans  la  planche  XX,  sont  ornés  de  grandes  statues  représentant  des 
princes  et  des  princesses  dont  la  générosité  a  contribué  à  faire  élever 
ce  porche  magnifique.  Dans  les  vitraux  de  la  cathédrale  on  retrouve 
plusieurs  de  ces  grands  personnages,  avec  leurs  armoiries,  ce  qui  per- 
met de  les  désigner  par  leurs  noms.  Au-dessous  de  ces  statues  sont 
des  scènes'  de  héros  de  l'Ancien  Testament  auxquels  on  les  a  assimilés , 
à  cause  de  leurs  hauts  faits  ou  de  leurs  vertus.  A  la  base  centrale 
nous  trouvons,  en  commençant  par  la  gauche  : 

i°  Philippe  comte  de  Boulogne,  oncle  de  saint  Louis; 

2°  Mahaut,  comtesse  de  Boulogne,  près  de  son  époux. 

(Ces  deux  figures  ont  été  reproduites  en  lithographie,  planches XXIJ 
et  XXII  bis.) 


PLANCHE  XIX.  —COUPE  DU  PORCHE  NORD.  95 

PLANCHE  XIX. 

COUPE   DU  PORCHE  NORD. 

Nous  plaçons  sous  le  n°  XIX  la  planche  qui  contient  à  gauche  une 
coupe  du  porche  nord,  prise  dans  l'axe  d'avant  en  arrière,  et  à  droite 
une  coupe  transversale  de  la  moitié  de  ce  même  porche. 

Nous  allons  énumérer  simplement  les  diverses  parties  que  ces 
coupes  nous  permettent  de  voir  et  que  nous  avons  déjà  indiquées  pour 
la  plupart  dans  la  planche  précédente.  Nous  comprendrons  mieux,  par 
ces  répétitions,  la  place  occupée  par  chacune  des  statues. 

Tout  à  fait  à  gauche,  nous  voyons  une  partie  de  l'intérieur  de  la 
cathédrale.  Vient  ensuite  la  coupe  du  porche,  suivant  son  axe,  ce  qui 
nous  permet  d'en  voir,  en  allant  de  gauche  à  droite ,  les  diverses  par- 
lies,  qui  se  suivent  dans  l'ordre  suivant  : 

i°  Les  cinq  voussures  de  la  porte  médiane  :  la  première  est  occupée 
par  des  anges;  la  seconde,  par  des  personnages  de  l'Ancien  Testament; 
la  troisième  et  la  quatrième,  par  les  ancêtres  de  Jésus-Christ,  disposés 
dans  des  rinceaux  et  formant  un  arbre  de  Jessé;  la  cinquième  est  oc- 
cupée par  une  nouvelle  série  de  personnages  de  l'Ancien  Testament. 

2°  La  voûte  médiane  du  porche  reposant  sur  un  appareil  en  plate- 
bande.  Elle  est  ornée  de  caissons  ou  compartiments  interrompus  par 
deux  cordons  de  figurines  assises,  qui  n'ont  aucun  attribut  pouvant 
les  faire  reconnaître;  puis,  tout  à  fait  à  droite,  deux  autres  cordons  ou 
voussures,  représentation  de  l'œuvre  des  six  jours,  la  faute  d'Adam,  etc. 

3°  Au-dessous,  la  statue  de  sainte  Anne  sur  le  trumeau  (vue  en 
coupe);  puis  les  statues  du  côté  de  la  porte,  savoir  :  Isaïe,  Jérémie, 
le  vieillard  Siméon,  saint  Jean-Baptiste  et  saint  Pierre,  en  pape. 

h°  Un  premier  pilier  portant  les  statues  d'Isabelle  et  du  grand 
prêtre  Zacharie. 

5°  Tout  à  fait  à  droite,  les  statues  de  Louis  VIII  et  d'un  prophète. 


96  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Sur  le  côté  droit  de  la  même  planche  il  y  a  une  coupe  transversale 
du  porche  nord.  Nous  y  voyons  une  seconde  fois  les  sculptures  et  les 
statues  que  nous  avons  examinées  ailleurs. 

A  gauche,  c'est  la  moitié  de  la  porte  centrale.  Son  tympan  et  ses 
voussures  sont  coupés  par  la  moitié,  et  ses  statues  se  présentent  sous 
un  autre  aspect,  mais  la  statue  du  prophète  Elie  paraît  ici  en  son 
entier. 

A  droite,  la  porte  de  gauche  du  même  porche,  avec  son  tympan, 
ses  voussures  et  ses  statues  que  nous  avons  décrits  dans  les  planches 
précédentes. 

Tous  les  accessoires  des  bases  et  des  colonnes  supportant  les  statues 
sont  dessinés  ici  de  manière  à  pouvoir  s'en  rendre  compte  complète- 
ment. Les  colonnes  cannelées  sur  lesquelles  j'ai  attiré  l'attention  sont 
aussi  très  visibles. 


PLANCHE   XX. 

Dans  la  table  in-folio  elle  porte  ce  titre  :  Porche  Nord  (Elévation).  C'est 
une  erreur.  Parmi  les  planches  de  la  Monographie  il  n'y  en  a  aucune 
qui  réponde  à  cette  indication. 


PLANCHE  XXI. —  PORCHE  DU  NORD  97 


PLANCHE  XXI. 

PORCHE  DU  NORD. 

GROUPE    DE    LA    VISITATION. 

La  porte  à  gauche  du  porche  septentrional  est  accompagnée  de  six 
grandes  statues  (trois  de  chaque  côté). 

A  gauche,  elles  représentent  l'Annonciation;  on  y  voit:  i°  l'archange 
Gabriel  annonçant  à  Marie  qu'elle  sera  la  mère  du  Sauveur  des 
hommes;  a0  la  Sainte  Vierge  acceptant  cette  mission  divine;  3°  Isaïe, 
qui  prophétisa  ce  mystère:  on  lit  son  nom ,  Isaias  prophâ. 

A  droite,  nous  voyons  les  trois  statues  qui  font  face  aux  précédentes. 
C'est  la  Visitation.  La  Sainte  Vierge  vient  trouver  sa  cousine  Elisabeth. 
Ces  deux  grandes  statues  paraissent  vivantes  et  sont  pleines  d'expres- 
sion :  elles  semblent  converser  entre  elles.  La  troisième  est  celle  d'un 
prophète;  aucun  signe  ne  le  caractérise,  et  son  nom,  qui  se  lisait  au- 
trefois sur  la  banderole  qu'il  tient  entre  ses  mains,  n'est  plus  lisible. 

Sous  les  pieds  de  la  Sainte  Vierge  est  le  buisson  ardent  figurant, 
suivant  les  anciens  commentaires,  la  virginité  de  Marie;  car,  de  même 
que  ce  buisson  était  entouré  de  flammes  sans  en  ressentir  l'ardeur  et 
sans  être  consumé,  de  même  Marie  devait  enfanter  sans  cesser  d'être 
vierge.  Sous  les  pieds  de  sainte  Elisabeth  un  homme  remplit  une 
cuve  avec  de  l'eau,  et  sous  le  prophète  un  dragon  ailé  figure  comme 
à  l'ordinaire  le  démon  foulé  aux  pieds  et  vaincu  par  l'arrivée  du 
Messie. 

On  remarquera  les  chapiteaux  et  les  dais  qui  surmontent  ces  person- 
nages; ils  montrent  combien  sont  variés  les  motifs  employés  par  les 
sculpteurs  du  xme  siècle.  Plusieurs  de  ces  chapiteaux  offrent  de  petits 
personnages  au  milieu  des  feuillages  entourant  cette  partie;  c'est  une 
chose  assez  rare  au  xme  siècle. 


i3 


98  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  XXII1. 

PORCHE  DU  NORD. 

GROUPE. 

Ces  deux  belles  statues  ont  été  dessinées  avec  beaucoup  de  soin 
par  M.  Amaury  Duval ,  et  reproduites  en  lithographie  avec  une  scru- 
puleuse exactitude. 

La  première  représente  (suivant  les  descriptions  anciennes  complé- 
tées par  M.  l'abbé  Bulteau)  Philippe  kHurepel,  comte  de  Boulogne-sur- 
Mer,  fils  de  Philippe -Auguste  et  d'Agnès  de  Méranie,  frère  de 
Louis  VIII  et  oncle  de  saint  Louis,  mort  en  1233  et  enterré  à  Saint- 
Denis.  Bon  .et  faible,  il  se  laissa  mettre,  en  1227,  à  la  tête  des  mécon- 
tents :  ff  Et  pour  ce  li  baron  de  France  -n,  dit  le  sire  de  Joinville, 
revirent  le  roy  enfant  et  la  royne,  sa  mère,  femme  estrange,  firent-ils 
d'un  comte  de  Bouloingne,  qui  estoit  oncles  le  roy,  lour  chièvetain 
(leur  chef)  et  le  tenoient  aussi  comme  pour  signour2.  u 

Philippe  est  vêtu  fort  simplement  :  il  porte  une  cotte  ou  tunique  et 
un  manteau.  Sa  main  gauche  tient  un  sceptre,  et  sa  droite,  placée 
contre  la  poitrine,  est  un  peu  mutilée  et  incomplète. 

Sa  femme,  la  comtesse  de  Boulogne,  est  Mahaut,  fille  de  Renaud 
de  Dammartin.  Cette  statue  est  magnifique  et  d'un  naturel  plein  de 
vie.  Il  faut  remarquer  la  noble  simplicité  de  son  costume  et  la  sou- 
plesse des  étoffes  de  sa  robe  et  de  son  manteau.  Elle  porte  une  coiffure 
particulière  aux  femmes  nobles  du  xme  siècle  et  qu'on  retrouve  plu- 
sieurs fois  dans  les  vitraux  de  la  cathédrale.  Sa  main  gauche  relève  les 
plis  de  sa  robe,  et  la  droite,  suivant  une  mode  que  les  sculpteurs  du 
xinc  siècle  ont  suivie ,  a  un  doigt  passé  dans  le  cordon  de  son  manteau. 

1  Elle  porte  en  petits  caractères  le  n"  XXVI.  —  s  Natalis  de  Wailly,  Histoire  de  saint 
Louis. 


PLANCHE  XXII»".  —  PORCHE  DU  NORD.  99 


PLANCHE  XXIPS1. 

PORCHE  DU  NOBD. 

GROUPE. 

C'est  la  partie  inférieure  de  la  planche  précédente.  Elle  nous  donne 
dans  des  proportions  assez  grandes  les  détails  singuliers  des  bases 
et  supports  des  deux  statues  que  nous  venons  d'examiner.  Au-dessus 
d'un  soubassement  posant  sur  le  sol,  et  dont  on  ne  voit  ici  que  la  partie 
haute ,  il  y  a  une  partie  présentant  les  faces  d'un  polygone  irrégulier.  Sur 
ce  polygone  s'appuient  les  deux  colonnes  contre  lesquelles  se  soudent 
plus  haut  les  statues  du  comte  et  de  la  comtesse  de  Boulogne.  Elles  com- 
mencent par  une  base  garnie  de  pattes,  sur  laquelle  repose  sans  aucun 
intermédiaire  un  chapiteau,  lequel  à  son  tour  supporte  une  sorte  d'édi- 
cule  circulaire  entouré  de  colonnettes  sur  lesquelles  sont  des  arcs  trilobés. 
Entre  ces  colonnettes  sont  de  petites  statues  (ici  elles  représentent  des 
scènes  de  la  jeunesse  de  David).  Cet  édicule  est  recouvert  par  un  toit  à 
cannelures  d'où  sort  une  partie  cylindrique  ornée  de  moulures  et  de 
petites  cavités  de  diverses  formes  et  surmontée  de  grosses  côtes  en 
spirales  et  très  saillantes  ;  puis  vient  au-dessus  de  ces  divers  membres 
d'ornementation  un  dernier  chapiteau  garni  de  deux  rangs  de  feuilles  , 
les  unes  profondément  découpées,  les  autres  en  forme  de  crochets. 

Ces  ornements,  se  superposant  et  se  succédant  avec  une  liberté  pleine 
de  fantaisie  et  de  caprice,  forment,  sous  nos  belles  statues,  les  supports 
les  plus  originaux  qu'on  puisse  imaginer.  Nous  avons  là  une  nouvelle 
preuve  de  la  fécondité  et  de  la  variété  extraordinaires  du  génie  des 
architectes  et  des  sculpteurs  du  xmc  siècle. 

'  Elle  porte  en  petits  caractères  le  n°  XXIII. 


i3. 


100  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  XXIII. 

PORCHE  DU  NORD. 

GROUPE  DE  SAINT  SAVINIEN  ET  SAINTE  MODESTE. 

Ces  deux  statues  rappellent  au  peuple  chartrain  les  anciennes  tra- 
ditions qui  avaient  cours  au  moyen  âge  sur  l'origine  du  christianisme 
dans  leur  pays.  Les  légendes  locales  leur  apprenaient  en  effet  que  dès 
le  icr  siècle  saint  Potentien,  saint  Savinien  et  saint  Altin  avaient  été 
envoyés  de  Rome  par  saint  Pierre  pour  évangéliser  cette  partie  de  la 
Gaule.  Après  avoir  répandu  la  lumière  de  l'Evangile  à  Sens  et  à 
Orléans,  ils  étaient  venus  à  Chartres,  où  ils  consacrèrent  au  vrai  Dieu, 
sous  l'invocation  de  la  sainte  Vierge,  la  première  église  chrétienne. 
«Le  nombre  des  adeptes  de  cette  nouvelle  religion  étant  devenu  fort 
grand,  l'empereur  Glaudius  fit  un  édit  contre  les  chrétiens.  Cet  édit 
ayant  été  envoyé  à  Quirinus,  président  ou  gouverneur  de  la  province 
chartraine,  par  l'Empereur  susdit,  il  se  mit  incontinent  à  persécuter 
lesdits  saints  martyrs,  les  ayant  surpris  dans  la  grotte  où  ils  faisaient 
leur  sacrifice.  .  .  La  rage  fut  grande,  puisque  ce  gouverneur  n'épar- 
gna pas  sa  propre  fille  convertie  à  la  foi,  et  appelée  Modeste  par  les 
archives  de  la  susdite  église.  Si  la  rage  fut  grande  et  l'impétuosité 
véhémente,  le  procès  fut  court  et  l'exécution  prompte  et  précipitée; 
car  il  fit  massacrer  sa  fille  avec  beaucoup  d'autres  de  l'un  et  l'autre 
sexe,  forts  et  fermes  en  leur  foi,  et  furent  leurs  corps  jetés  dans  le 
puits  attenant  à  l'autel  de  la  Vierge  qui  toujours  depuis  en  a  été 
nommé  le  puits  des  Saints  forts  l.n 

La  statue  à  gauche  représente  saint  Savinien  en  vêtements  ponti- 
ficaux et  la  mitre  en  tête.  Sa  main  droite  est  brisée;  la  main  gauche 
tenait  une  crosse  qui  n'existe  plus  aujourd'hui.  Au-dessous   de  ses 

'  Sébastien  Roullinrd ;  Parthénie,  I,  118. 


PLANCHE  XXIII.  —  PORCHE  DU  MORD.  101 

pieds,  de  petites  statuettes  rappellent  des  scènes  de  sa  mission  dans  les 
Gaules.  On  voit  en  avant  saint  Savinien  administrant  le  baptême  à 
Victorin,  qui  est  plongé  dans  la  cuve  baptismale.  Un  acolyte  est  à 
droite. 

La  seconde  statue  (adroite)  est  celle  de  sainte  Modeste.  Elle  porte 
une  robe  longue  et  tort  simple,  un  manteau  et  un  voile  qui  laisse  aper- 
cevoir ses  cheveux  flottants  sur  les  épaules  ;  sa  main  droite  a  le  geste 
de  l'étonnement  et  la  main  gauche  relève  son  manteau  et  tient  un 
livre.  Elle  semble  écouter  le  saint  évêque  Savinien.  Au-dessous  de  ses 
pieds,  la  sainte  est  représentée  jetée  dans  le  puits  des  Saints  forts 
et  deux  anges  élevant  au  ciel  son  âme  sous  la  forme  d'une  petite 
figure  nue. 

Les  dais  qui  surmontent  ces  deux  admirables  statues,  ainsi  que  les 
feuillages  des  chapiteaux  et  autres  parties  de  ce  fragment  d'architec- 
ture, méritent  d'être  étudiés  avec  soin.  Nous  avons  là  un  des  meilleurs 
exemples  de  la  statuaire  au  xme  siècle. 


102  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  XXIV. 

PLANS   DU   VIEUX   CLOCHER. 

Le  plan  marqué  n°  i  sur  la  gravure  est  le  rez-de-chaussée  du  vieux 
clocher. 

Les  deux  ouvertures  en  avant  sont  les  deux  fenêtres  que  nous  voyons 
sur  la  façade. 

Du  côté  gauche  sont  les  baies  ou  arcades  qui  donnent  aujourd'hui 
dans  la  nef;  primitivement  elles  donnaient  dans  le  porche  de  la  façade 
occidentale. 

Du  côté  droit,  entre  les  trois  contreforts,  il  y  a  deux  parties  en 
retraite.  La  plus  éloignée  est  une  maçonnerie  pleine  ;  celle  qui  est  en 
avant  est  percée  par  une  arcade  qui  donnait  accès  dans  cette  partie 
du  clocher.  Elle  est  murée  par  des  matériaux  de  petites  dimensions, 
et  c'est  par  erreur  que  cette  porte  n'est  point  indiquée  sur  notre  planche. 

Le  côté  opposé  à  la  façade  contient  l'escalier  donnant  dans  l'é- 
glise; la  partie  à  droite  est  extérieure,  et  dans  l'angle  rentrant  qui  se 
trouve  en  cet  endroit  on  a  découvert  il  y  a  peu  de  temps,  en  arra- 
chant quelques  pierres  ajoutées  après  coup,  des  indices  qui  donne- 
raient à  penser  que  cette  belle  pyramide  ne  touchait  peut-être  pas  à 
l'église  du  xne  siècle  et  qu'elle  en  était  séparée,  ainsi  que  cela  a  lieu  pour 
le  clocher  de  l'église  de  la  Trinité,  à  Vendôme. 

Le  plan  marqué  n°  2  est  le  premier  étage  de  notre  clocher.  Les 
ouvertures  qui  sont  en  avant  et  à  droite  indiquent  les  fenêtres  telles 
que  nous  les  voyons  sur  la  façade  occidentale  et  la  façade  méridio- 
nale. Les  deux  ouvertures  à  gauche  étaient  primitivement  aussi  des 
fenêtres  donnant  au  dehors;  aujourd'hui  elles  donnent  dans  l'intérieur 
de  la  nef.  Le  côté  opposé  à  la  façade  nous  montre  la  suite  de  l'esca- 
lier et  le  commencement  de  la  balustrade  au  bas  du  toit  des  bas 
côtés,  ainsi  qu'une  porte  conduisant  sous  les  combles  de  ces  bas  côtés. 


PLANCHE  XXIV.  —  PLANS  DU  VIEUX  CLOCHER.  103 

Le  plan  marqué  n°  3  est  l'étage  au-dessus  du  précédent.  En  avant 
et  à  droite  sont  les  fenêtres  que  nous  voyons  aussi  dans  les  façades 
occidentale  et  méridionale.  Le  côté  gauche  contient  un  petit  escalier 
qui  conduit  sur  les  combles  de  la  grande  toiture,  et  la  face  extérieure 
du  clocher  à  ce  même  niveau  se  trouve  noyée  dans  les  constructions 
du  xuie  siècle  ajoutées  pour  allonger  la  nef,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  plus  haut. 

La  face  postérieure  de  cet  étage  contient  un  petit  réduit,  causé  par 
les  adjonctions  dont  nous  venons  de  parler,  et  la  fin  de  l'escalier  du 
clocher  vieux  qui  finit  ici;  car,  à  partir  de  cet  étage,  le  clocher  et  la 
pyramide  jusqu'à  son  sommet  sont  entièrement  vides  et  ne  contiennent 
ni  enrayement  ni  accessoire  d'aucune  sorte. 

11  y  a  aussi  une  fenêtre  percée  sur  le  côté  droit  de  cette  face. 

Le  plan  n°  h  est  une  coupe  horizontale  de  cette  partie  du  clocher, 
là  où  commencent  ces  grandes  lucarnes  garnies  de  frontons  et  de  clo- 
chetons, comme  nous  l'apercevons  sur  les  élévations  de  la  flèche  du 
clocher  vieux  dans  les  planches  où  sont  données  les  façades  occiden- 
tale et  méridionale. 


104  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  XXV. 

PLANS  ET   DÉTAILS   DU   VIEUX  CLOCHER. 

Nous  voyons  sur  cette  planche  deux  autres  plans  ou  plutôt  deux 
tranches  horizontales  du  clocher  vieux.  L'une  de  ces  coupes  horizon- 
tales est  prise  près  du  sommet  des  grandes  lucarnes,  et  l'autre,  à  la 
hauteur  des  fenêtres  percées  dans  chacun  des  pignons  sur  les  quatre 
faces  principales.  Il  faut  faire  ici  une  remarque  importante.  Les  côtés 
de  la  base  de  la  pyramide  ne  sont  pas  égaux  et,  par  suite,  les  faces  de 
l'octogone  sont  de  dimensions  différentes  ainsi  que  l'inclinaison  de  ces 
faces.  Il  en  résulte  une  singulière  déformation  dans  toute  la  flèche. 
Malgré  leur  grande  habileté,  les  architectes  du  xnc  siècle  n'ont  pas  su 
éviter  la  difficulté  qui  se  présentait  à  eux,  et  toute  la  partie  moyenne 
de  la  pyramide  est  irrégulière.  Du  bas  du  clocher,  on  s'aperçoit  que 
les  arêtes  du  clocher  ne  sont  pas  rectilignes,  urais  présentent  un  certain 
angle  dans  la  partie  supérieure ,  les  appareilleurs  ayant  rectifié  et 
redressé  le  sommet  afin  de  le  rendre  plus  régulier. 

Cette  planche  contient  aussi  une  coupe  perpendiculaire  de  l'une 
des  grandes  lucarnes  et  les  profils  de  diverses  moulures  et  colonnes 
engagées  dans  les  parties  hautes  du  même  clocher1. 

1   11  ne  sera  pas  inutile  de  consulter  ici  André  Féhbien  ,  etc.,  publies  par  M.  A.  de 

les   renseignements  donnés   par    Félibien.  Montaiglon  pour  la  Société  de  l'histoire  de 

Voir  :  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  l'art  français,  année  187 4,  p.  81. 
maisons  royalles  et  baslimeus  de  France ,  par 


PLANCHE  XXVI. —  DETAILS  DU  VIEUX  CLOCHER.  105 

PLANCHE  XXVI. 

DÉTAILS   DU    VIEUX   CLOCHER. 

Les  chapiteaux  représentés  ici  sont  pris  à  différentes  hauteurs  de 
notre  vieux  clocher.  Us  sont  tous  variés  et  composés  avec  goût.  Hs  nous 
montrent  la  fécondité  d'imagination  dont  les  artistes  de  cette  époque 
étaient  doués.  On  remarquera  qu'ils  conservent  une  certaine  ressem- 
blance avec  ceux  de  l'architecture  romaine.  Plusieurs  feuilles  rappel- 
lent l'acanthe  antique,  et  la  volute  à  plusieurs  circonvolutions  s'y  montre 
en  plusieurs  endroits. 


i4 


106 


MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  XXVII. 


DETAILS   DU    VIEUX    CLOCHER. 


Cette  planche  renferme  des  fragments  de  construction  et  d'orne- 
mentation. On  y  voit  les  soubassements  du  vieux  clocher,  ainsi  que 
des  bases  et  des  chapiteaux ,  puis  des  modillons  et  des  profils  de  mou- 
lures et  de  corniches.  Tous  ces  détails  appartiennent  au  xue  siècle  et 
sont  empreints  de  ce  caractère  simple  et  grandiose  qui  caractérise 
cette  belle  époque  de  l'architecture  en  France. 


PLANCHE  XXVIII.  —  DETAILS  DU  VIEUX  CLOCHER.  107 

PLANCHE  XXVIII. 

DÉTAILS  DU   VIEUX   CLOCHER. 

Nous  voyons  ici  une  collection  de  têtes  fantastiques  formant  des 
gargouilles  ou  des  modillons,  décorant  la  base  de  la  pyramide  du  clo- 
cher vieux;  elles  sont  remarquables  par  leur  caractère  d'énergique 
sauvagerie  et  semblent  vivantes.  On  remarquera  aussi  deux  chapiteaux 
à  feuillage  ingénieusement  disposé,  et  des  moulures  ornées  de  cavités  en 
forme  de  tètes  de  clous,  accompagnées  de  rangées  de  dents  de  scie, 
ornements  simples  et  faciles  à  exécuter,  mais  dont  l'effet  est  toujours 
heureux. 

On  trouve  encore  sur  cette  planche  la  copie  d'une  inscription 
placée  sur  l'épaisseur  d'une  des  fenêtres  des  lucarnes,  à  la  base  du 
clocher  vieux,  en  face  du  clocher  neuf.  Ainsi  qu'on  peut  le  voir,  cette 
courte  inscription  nous  donne,  en  lettres  de  forme  romaine,  le  nom 
d'un  certain  HARMANDV  et  la  date  de  116&  en  chiffres  arabes. 
Est-ce  le  nom  d'un  des  maîtres  de  l'œuvre,  et  l'indice  que  le  clocher 
était  arrivé  à  cette  hauteur  en  l'année  indiquée  en  ce  lieu  ?  Au  mo- 
ment où  ces  inscriptions  furent  signalées  on  crut  avoir  fait  une  intéres- 
sante découverte;  mais  une  observation  plus  attentive  et  surtout  l'opi- 
nion des  paléographes  ne  permettent  pas  d'admettre  que  ce  nom 
d'Harmandus,  grossièrement  gravé  sur  la  pierre,  ni  que  cette  date  de 
11 6k  d'une  lecture  douteuse,  puissent  être  acceptés  avec  certitude. 
L'emploi  des  chiffres  arabes  est  à  noter.  Quoiqu'ils  ne  fussent  pas 
usuels  à  celte  époque  ,  ils  étaient  cependant  connus.  M.  Michel  Chasles, 
de  l'Académie  des  sciences,  admet  le  fait,  comme  on  peut  le  voir 
dans  ses  travaux  insérés  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences. 


ik. 


108  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  XXIX. 

DÉTAILS   DU   VIEUX   CLOCHER. 

ORNEMENTS  DIVERS. 

Ce  sont  des  têtes  de  monstres,  des  sommets  et  couronnements  de 
pinacles  remarquables  par  leur  originalité,  des  fragments  des  cordons 
qui  régnent  sur  les  angles  de  la  flèche  ou  sur  le  milieu  des  faces. 
Ces  êtres  imaginaires  et  bizarres  sont  pleins  d'expression  et  de  vie. 


PLANCHE  XXX. —  CHAPITEAUX  DU  CLOCHEP.  NEUF.     109 

PLANCHE  XXX. 

CHAPITEAUX  DU  CLOCHER  NEUF. 

On  a  réuni  sur  cette  planche  plusieurs  groupes  de  chapiteaux  du 
xuc siècle,  provenant  de  la  partie  ancienne  du  clocher  neuf.  On  y  trouve 
encore  la  feuille  d'acanthe  peu  altérée,  persistance  des  traditions  an- 
tiques. La  volute  n'est  pas  complètement  abandonnée;  seulement  elle 
s'éloigne  de  la  forme  que  lui  donnait  la  sculpture  romaine.  Le  sol 
chartrain  et  ses  environs  devaient  offrir  au  xne  siècle  de  nombreux 
fragments  d'architecture  antique  dont  les  sculpteurs  des  églises  ne 
pouvaient  manquer  de  s'inspirer. 


HO  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  XXXI. 

DÉTAILS  DU  CLOCHER  NEUF. 

A  gauche,  et  en  haut  de  cette  planche,  est  le  plan  du  clocher  neuf 
pris  à  l'étage  qui  est  au  niveau  de  la  galerie  des  Rois.  Ce  plan  offre 
la  coupe  des  piliers  prise  à  deux  hauteurs  différentes,  comme  l'in- 
diquent les  deux  teintes  de  la  gravure. 

L'escalier  que  nous  voyons  en  avant  est  celui  qui  conduit  depuis 
le  tas  du  clocher  jusqu'à  la  hase  de  la  pyramide,  comme  on  le  voit 
sur  la  planche  XXXV,  représentant  la  coupe  longitudinale  de  la  cathé- 
drale. 

L'autre  escalier,  en  haut  et  à  gauche,  conduit  de  ce  même  étage 
à  la  balustrade  qui  se  voit  sous  la  galerie  des  Rois. 

Au-dessous  de  ce  plan,  il  y  a  un  détail  à  une  plus  grande  échelle 
de  la  pile  marquée  A.  C'est  l'un  des  quatre  pilastres  qui  sont  aux  angles. 
Ils  sont  tous  les  quatre  semblables.  Ce  sont  des  constructions  de  la  fin 
du  xme  siècle,  modifiées  au  xivc. 

Le  côté  droit  de  la  même  planche  est  occupé  par  un  plan  de  l'étage 
au-dessus  du  précédent;  il  fait  partie  de  la  construction  de  Jean  de 
Beauce  (xve  siècle).  Nous  y  voyons  les  huit  piliers  qui  supportent  la  py- 
ramide, et  les  quatre  pilastres  sur  lesquels  s'appuient  les  arcs-boutants 
qui  vont  s'appliquer  plus  haut  contre  cette  pyramide  afin  de  la  ren- 
forcer. 

L'escalier  fait  suite  à  celui  que  nous  avons  vu  sur  l'autre  plan.  En 
avant,  l'on  voit  à  une  échelle  plus  grande  les  détails  d'un  des  huit 
piliers  de  la  pyramide  et  de  l'un  des  quatre  pilastres  qui  occupent  les 
angles  de  la  partie  carrée  du  clocher. 


PLANCHE  XXXII.  —  DETAILS  DU  CLOCHER  NEUF.  111 

PLANCHE  XXXII. 

DÉTAILS   DU   CLOCHER   NEUF. 

Ce  sont  les  deux  derniers  étages  du  clocher  neuf  qui  sont  ici  repré- 
sentés. 

A  gauche,  c'est  l'étage  qui  passe  derrière  les  gables  de  ces  pignons 
à  jour  qui  surmontent  les  huit  fenêtres  ou  arcades  supportées  par  les 
huit  piliers  que  nous  avons  vus  dans  la  planche  précédente,  à  droite. 
A  cette  hauteur,  la  construction  forme  une  retraite  et  la  pyramide  de- 
vient plus  étroite.  La  partie  extérieure  de  cet  étage  forme  une  petite 
galerie  qui  permet  de  circuler  tout  autour  du  noyau  rétréci  de  la  py- 
ramide. On  voit  en  dehors  le  haut  de  l'escalier  du  clocher,  et  en  dedans, 
un  autre  escalier  qui  conduit  à  l'étage  où  se  trouve  le  timbre  de  l'hor- 
loge. 

Au-devant  de  ce  plan,  et  sur  les  côtés,  sont  des  détails,  à  une  échelle 
plus  importante,  de  diverses  parties  de  la  construction  de  ce  même 
étage. 

Sur  la  droite  de  la  planche  est  le  plan,  ou  plutôt  la  coupe  hori- 
zontale, de  la  lanterne  de  l'étage  supérieur  à  jour,  que  l'on  aperçoit 
dans  la  grande  façade  occidentale.  En  décrivant  cette  façade,  nous 
avons  fait  remarquer  qu'à  sa  partie  supérieure,  immédiatement  au- 
dessous  de  la  flèche  terminale,  il  y  a  un  espace  où  se  trouve  sus- 
pendu le  timbre  de  l'horloge;  c'est  cette  partie  que  nous  voyons  in- 
diquée ici,  d'abord  d'une  manière  complète,  avec  ses  seize  piliers, 
puis,  au-dessous,  à  une  échelle  plus  grande,  un  détail  de  trois  de  ces 
petites  piles  aux  points  d'appui  de  la  flèche. 


112  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  XXXIII. 

CHAPELLE  DE  SAINT-PIAT. 

La  chapelle  de  Saint-Piat  date  du  commencement  du  xive  siècle 
et  lut  ajoutée  en  hors-d'œuvre  au  chevet  de  l'église  cathédrale.  On 
a  voulu  en  donner  ici  la  porte,  avec  quelques  détails,  parce  que 
c'est  une  œuvre  fort  élégante,  et  afin  de  montrer  comment  le  goût 
si  pur  et  si  sévère  du  xme  siècle  s'est  modifié  dans  le  courant  d'un 
siècle. 

Cette  porte  a  été  ouverte  au-dessous  d'une  fenêtre  dont  elle  a  dé- 
truit la  partie  inférieure;  car  le  bas  de  la  fenêtre  que  l'on  aperçoit 
aujourd'hui  est  beaucoup  plus  haut  que  n'était  l'ancien. 

Les  colonnes  que  nous  apercevons  à  droite  et  à  gauche  font  partie 
des  bas  côtés  de  l'église  et  datent  du  xme  siècle,  ainsi  qu'il  est  facile 
de  le  reconnaître  à  leurs  détails  et  au  style  de  la  sculpture. 

Un  perron  de  sept  marches  conduit  à  l'ébrasement  de  la  porte,  dont 
l'ouverture  supérieure  est  carrée,  l'ogive  étant  remplie  par  un  tympan 
décoré  de  statues.  Au  milieu  est  la  Sainte  Vierge  debout,  portant  1  En- 
fant Jésus;  de  chaque  côté  est  un  ange  thuriféraire  :  ces  trois  statues 
sont  posées  sur  des  consoles  ornées  de  feuillage.  Les  deux  angles  infé- 
rieurs du  tympan  sont  aussi  supportés  par  des  consoles  semblables.  Au 
commencement  du  siècle,  on  enleva  les  vantaux  primitifs  et  on  les 
remplaça  par  une  porte  du  xvnc  siècle  provenant  de  la  crypte.  L'ou- 
vrage sur  les  monuments  français,  par  Willemin,  reproduit  l'ancienne 
disposition,  et  j'ai  vu  chez  un  amateur  chartrain  le  marteau  en  fer 
forgé  et  ciselé  que  présente  la  planche  de  Willemin.  Le  fronton  ou 
gable  et  les  pinacles  qui  forment  le  haut  de  cette  porte ,  disposés  sui- 
vant le  style  de  cette  époque,  sont  sculptés  avec  goût  et  disposés  d'une 
manière  qui  fait  prévoir  ce  que  deviendra  l'architecture  légère  du 
xve  siècle. 


PLANCHE  XXXIII.  —  CHAPELLE  DE  SAINT-PIAT.  113 

Le  sommet  du  pignon  est  surmonté  par  une  statue  du  Christ.  H  est 
debout  et  vêtu  d'une  simple  draperie,  comme  s'il  sortait  de  son  tom- 
beau à  la  résurrection;  il  est  tellement  semblable,  pour  la  pose  et  pour 
le  sens  qu'il  présente  à  la  vue  et  à  l'intelligence,  à  la  statue  placée  au 
pignon  occidental  de  la  cathédrale,  qu'il  serait  possible  que  ces  deux 
statues  fussent  du  même  artiste.  Toutes  les  deux  montrent  les  plaies 
du  côté,  la  draperie  étant  écartée  à  dessein  de  cette  partie  du  corps. 
De  chaque  côté,  sur  le  sommet  des  pyramidions  qui  terminent  les 
montants  de  la  porte,  sont  deux  anges  qui  tiennent  les  instruments  de 
la  Passion  :  la  croix,  les  clous,  la  lance  et  la  couronne  d'épines  (un 
peu  mutilés).  L'ensemble  de  cette  décoration  représente  donc  ces  su- 
jets que  le  moyen  âge  aimait  à  reproduire  si  souvent,  savoir  :  Jésus 
fait  homme,  dans  les  bras  de  sa  mère;  le  supplice  de  la  croix  et  la 
résurrection  précédant  le  Jugement  dernier. 

Les  marches  que  l'on  aperçoit  par  le  vide  de  la  porte  conduisent 
à  la  chapelle  de  Saint-Piat,  dont  on  voit  le  plan  à  plusieurs  élévations 
sur  les  planches  de  cette  monographie  donnant  les  plans  de  la  cathé- 
drale à  diverses  hauteurs. 

Les  murs  de  cet  escalier  sont  formés  par  une  claire-voie  fort  élé- 
gante. Au  sommet,  après  avoir  monté  une  trentaine  de  marches,  on 
arrive  à  un  palier  et  à  une  seconde  porte,  qui  donne  entrée  dans  une 
belle  et  vaste  chapelle,  dont  les  ravages  du  temps  et  l'ignorance  des 
hommes  ont  enlevé  toutes  les  décorations  accessoires  à  la  maçonnerie. 
Il  ne  reste  que  des  lambeaux  d'une  vitrerie  qui  font  regretter  ce  qui 
manque,  car  c'était  une  œuvre  d'une  grande  finesse.  Au  fond  de  la 
chapelle,  du  côté  de  l'Est,  une  grande  fenêtre  à  meneaux  fort  décou- 
pés laisse  pénétrer  largement  la  lumière.  De  chaque  côté  de  l'autel, 
une  porte  donne  accès  à  des  chambres  placées  dans  des  tours  qui 
renforcent  les  angles  de  cette  construction  du  côté  de  l'Est. 

Au-dessus  de  la  voûte  à  nervures  il  y  a  une  superbe  charpente,  et 
à  l'étage  inférieur  se  trouve  la  salle  capitulaire,  dans  laquelle  on  pou- 
vait se  rendre  de  la  chapelle  absidale  de  l'église  même  par  une  porte 
située  sous  une  des  fenêtres  de  la  cathédrale. 

i5 


114  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

On  devra  remarquer  aussi,  en  examinant  l'extérieur  de  cette  belle 
construction,  que  le  mur  oriental  est  concave,  afin  de  présenter  du 
côté  de  la  vallée,  peu  éloignée  de  ce  côté,  une  force  de  résistance  ca- 
pable de  résister  à  la  poussée  de  cette  chapelle,  qui  n'est  pas  appuyée 
sur  des  contreforts. 


PLANCHE  XXXIV.  —  CHAPELLE  DE  SAINT-PIAT.  115 

PLANCHE   XXXIY. 

CHAPELLE  DE  SAINT-PIAT. 

Cette  planche  représente  à  une  plus  grande  échelle  les  détails  de 
sculptures  que  nous  avons  déjà  vus  et  décrits  dans  la  planche  pré- 
cédente : 

Le  Christ  enfant  entre  les  bras  de  la  Sainte  Vierge  ; 

Lin  des  anges  thuriféraires; 

Le  Christ  ressuscité  et  montrant  les  plaies  de  son  côté,  de  ses  mains 
et  de  ses  pieds; 

L'ange  portant  la  lance  et  la  couronne  d'épines  et  celui  qui  tient  la 
croix,  et,  sur  un  voile",  les  clous  de  la  crucifixion.  Ils  apparaissent  ici 
comme  dans  les  représentations  du  Jugement  dernier. 

Nous  voyons  de  plus  ici  des  détails  de  la  sculpture  d'ornement, 
dont  la  finesse  et  la  délicatesse  sont  d'un  goût  aussi  pur  qu'élégant, 
caractère  particulier  de  l'art  français  au  moyen  âge. 


i5. 


116  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE   XXXV. 

COUPE  LONGITUDINALE. 

Ce  dessin,  représentant  le  monument  d'une  manière  géométrale, 
est  excellent  pour  celui  qui  veut  se  rendre  compte  des  dimensions  et 
des  rapports  des  diverses  parties  qui  le  constituent;  mais  il  a  l'inconvé- 
nient de  ne  pas  présenter  aux  yeux  l'aspect  réel  que  donne  la  per- 
spective lorsqu'on  se  promène  sous  ses  voûtes,  au  niveau  du  sol.  Pour 
ne  signaler  que  quelques-uns  des  inconvénients  de  ce  système,  nous 
ferons  remarquer  que  le  haut  des  fenêtres  des  bas  côtés  ne  s'aperçoit 
pas.  Il  en  est  de  même  pour  les  petites  roses  surmontant  les  fenêtres 
hautes  et  la  grande  rose  septentrionale  :  elles  sont  tronquées  et  mas- 
quées par  les  nervures  et  une  partie  des  voûtes,  ce  qui  produit  un 
effet  disgracieux  que  nous  sommes  obligé  de  rectifier  par  le  raisonne- 
ment; d'un  autre  côté,  nous  avons  l'avantage  de  voir  d'un  seul  coup 
d'œil  toute  l'étendue  de  l'église  et  d'en  saisir  la  belle  économie. 

Pour  l'étudier  avec  ordre,  nous  examinerons  successivement  et  sé- 
parément, en  allant  de  l'Ouest  à  l'Est  :  i°  le  clocher;  —  2°  l'église  du 
xme  siècle; —  3°  la  crypte  de  Fulbert  et  celle  qui  fut  le  marlyrium. 

i°  Le  clocher.  C'est  celui  du  nord,  dont  nous  voyons  ici  une  des 
faces,  au  bas  dans  l'église  :  c'est  la  partie  que  le  xmc  siècle  engloba 
dans  l'intérieur  pour  allonger  la  nef,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit, 
et  au  haut  il  dépasse  la  toiture  et  nous  montre  une  de  ses  faces,  ainsi 
que  l'escalier  situé  par  derrière;  sur  cette  tourelle  on  a  rétabli  une 
statue  d'un  ange  debout,  tenant  en  main  une  croix  longue  et  fine. 

La  partie  inférieure  (du  xuc  siècle),  qui  se  voit  aujourd'hui  dans 
l'église  et  en  a  augmenté  la  longueur  de  deux  travées,  n'offre  pas  un 
raccordement  bien  satisfaisant  pour  la  vue. 

A  la  hauteur  des  fenêtres  de  la  nef,  on  a  simulé  par  un  motif  d'ar- 
chitecture la  forme   de  deux  de  ces  fenêtres;  mais,   outre  qu'elles 


PLANCHE  XXXV.  —  COUPE  LONGITUDINALE.       117 

s'élèvent  à  une  plus  grande  hauteur  et  changent  la  forme  des  voûtes, 
elles  sont  aveugles  et  dépourvues  de  toute  ornementation.  Un  faisceau 
de  colonnes  engagées  a  été  ajouté  sur  le  milieu  par  des  pierres  lancées 
dans  un  contrefort  et  supporte  la  retombée  des  nervures  de  ces  deux 
nouvelles  travées;  ces  colonnes  ne  descendent  pas  jusqu'au  sol,  comme 
dans  le  reste  de  l'église  :  elles  s'arrêtent  au  niveau  du  premier  étage 
du  clocher.  On  voit  à  côté  les  deux  fenêtres  du  xue  siècle,  qui  n'ont 
subi  aucune  modification  et  sont  restées  comme  des  baies  donnant  à 
l'extérieur  et  destinées  à  être  vues  du  dehors;  elles  ne  semblent  pas 
faites  pour  orner  l'intérieur  de  l'église. 

Plus  bas  sont  deux  arcades  aveugles,  qui  paraissent  une  modifica- 
tion faite  à  cette  face  de  la  tour  après  son  achèvement  au  xnc  siècle. 

Enfin,  à  la  partie  inférieure,  au  niveau  du  sol,  sont  deux  arcs 
ouverts  et  en  plein  cintre  qui  communiquent  avec  le  rez-de-chaussée 
de  cette  tour  et  donnent  accès  à  l'escalier  de  la  crypte,  du  côté  du 
nord.  Les  chapiteaux  de  ces  deux  arcades  ont  des  sculptures  du 
xue  siècle  avec  des  personnages  et  des  êtres  fantastiques  ;  ils  sont 
considérés  comme  des  sujets  symboliques,  mais  n'ont  pu  être  expli- 
qués l  et  sont  restés  rebelles  aux  interprétations  des  antiquaires. 

On  voit  à  gauche  de  cette  partie  du  clocher,  faisant  partie  de 
l'église,  la  coupe  de  la  porte  principale,  avec  ses  statues  et  ses  vous- 
sures; au-dessus  est  la  fenêtre  du  milieu,  et  au-dessus  encore  la  grande 
rose  occidentale. 

Mentionnons  ici,  plutôt  pour  mémoire  que  comme  objet  d'étude,  la 
charpente  en  fer  qui  a  partagé  en  deux  ces  deux  parties  du  clocher  et 
qui  s'étend  d'un  bout  à  l'autre  de  l'édifice.  C'est  une  œuvre  moderne 
qui  a  remplacé  la  célèbre  charpente  en  chêne ,  du  xive  siècle ,  surnommée 
la  forêt  et  qui  fut  détruite  par  l'incendie  de  i836. 

2°  L'église  du  xme  siècle.  Au  niveau  de  la  face  postérieure  du  clo- 
cher, là  où  devaient  se  trouver  la  façade  et  la  porte  principale  de  l'église 

1  Le  P.  Cahier,  dans  ses  Mélanges  d'ar-        parle  de  ces  chapiteaux  de  la  manière  la  plus 
chéologie ,  volume  des  Curiosités  mystérieuses,        instructive. 
1874,  pages  191   à  195,  est  l'auteur  qui 


118  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

du  xne  siècle,  un  faisceau  de  colonnes  engagées  monte  jusqu'à  la 
hauteur  de  la  voûte  pour  recevoir  un  grand  arc-doubleau;  c'est  là, 
véritablement,  que  commence  la  grande  église,  ce  chef-d'œuvre  que 
le  génie  d'un  architecte  du  xme  siècle  a  conçu  et  dont  il  a  pu  diriger 
la  construction. 

Après  ce  faisceau  de  colonnes,  on  voit  se  suivre  les  arcades  de  la 
nef:  elles  ne  sont  pas  toutes  de  même  largeur;  au-dessous  d'elles  on 
aperçoit  les  fenêtres  des  bas  côtés.  Nous  avons  mentionné,  dans  la 
planche  I,  la  forme  et  la  disposition  des  piliers  qui  les  séparent;  il  est 
inutile  d'y  revenir  ici  :  le  dessin,  du  reste,  le  fait  bien  comprendre. 

Au-dessus,  le  triforium,  ou  petite  galerie  de  service,  permet  de  cir- 
culer autour  de  l'église,  et  plus  haut  encore  sont  les  voûtes  et  les 
fenêtres  hautes,  formées  à  chaque  travée  par  deux  ogives  jumelles  et 
par  une  petite  rosace. 

Continuant  notre  examen  vers  la  droite,  nous  rencontrons  le  tran- 
sept nord,  dans  lequel  est  une  grande  porte  (ouverte  dans  la  gravure) 
à  laquelle  des  arcs  aveugles  servent  d'accompagnement.  Le  haut  de  ce 
transept  est  formé  par  cinq  hautes  fenêtres  et  par  une  grande  rose 
dont  le  tracé  est  fort  singulier;  nous  voyons  apparaître  là  cette  légèreté 
qui  plus  tard  deviendra  le  but  principal  des  architectes  pour  ces 
grandes  fenêtres  circulaires. 

A  gauche  de  cette  porte,  on  voit  par-dessous  la  dernière  arcade  de 
la  nef  une  des  portes  latérales  du  porche  nord  (représentée  ici  fermée); 
celle  du  côté  opposé  se  trouve  cachée  par  la  clôture  du  chœur  et  par 
les  stalles. 

Après  le  transept,  s'étendent  le  chœur,  le  déambulatoire  postérieur 
et  les  chapelles  de  l'abside ,  au-dessus  desquelles  apparaissent  les  parties 
extérieures,  c'est-à-dire  les  contreforts  du  chœur,  qui  sont  à  double  volée. 

Dans  le  chœur,  on  n'a  indiqué  ni  l'autel,  ni  le  trône  épiscopal,  ni 
aucune  partie  du  mobilier  sacré  du  sanctuaire,  parce  que,  tous  ces  ac- 
cessoires ayant  été  refaits  à  la  fin  du  dernier  siècle,  on  ne  trouvait 
pas  d'intérêt  à  reproduire  ici  ce  qui  n'avait  aucun  rapport  avec  les 
œuvres  du  moyen  âge. 


PLANCHE  XXXV.  —  COUPE  LONGITUDINALE.  119 

N'omettons  pas  de  remarquer  que  les  fenêtres  des  bas  côtés  du 
chœur  sont  différentes  de  celles  de  la  nef;  elles  sont  ici  plus  larges  et 
formées  de  deux  ogives  simples,  au-dessus  desquelles  sont  des  oculus 
de  petites  dimensions. 

Ce  dont  la  gravure  que  nous  venons  d'examiner  ne  peut  donner  la 
plus  faible  idée,  ce  qu'elle  n'a  pas  même  essayé  d'indiquer  par  un  trait 
incolore,  c'est  la  collection  de  vitraux  qui  remplissent  toutes  les  fenêtres 
et  produisent  un  effet  dont  la  splendeur  est  incomparable.  Le  plus  grand 
nombre  est  de  la  meilleure  époque  du  xme  siècle  ;  quelques-uns  seule- 
ment peuvent  être  attribués  au  commencement  du  xive. 

3°  La  crypte  de  Fulbert  et  le  martyrium  primitif. 

Nous  voyons  peu  de  choses  de  ces  deux  cryptes.  Pour  l'une,  cest 
une  portion  de  sa  galerie  circulaire,  et  la  chapelle  absidale  dans  toute 
sa  longueur;  pour  l'autre,  c'est  une  section  dans  le  sens  de  l'Ouest  à 
l'Est. 


120 


MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  XXXVI. 


COUPE   SUR   LE   TRANSEPT   ET   LES   PORCHES. 


Au  milieu  de  cette  planche  nous  voyons  l'extrémité  orientale  du 
chœur;  sa  disposition  architecturale  est  semblable  à  celle  dont  nous 
avons  aperçu  le  commencement  sur  la  planche  précédente.  On  com- 
prend mieux  ici  la  forme  des  fenêtres  :  les  arcades  du  chœur  étant 
fort  étroites  à  l'abside,  les  fenêtres  n'ont  pu  avoir  la  même  largeur; 
elles  sont  simples  et  ne  sont  pas  surmontées  de  roses.  Il  y  en  a  sept  ainsi 
disposées. 

La  partie  inférieure  du  chœur  ne  présente  aucune  particularité  à 
observer.  Il  ne  reste  pas  le  moindre  vestige  de  la  décoration  ancienne 
du  sanctuaire.  Son  autel  avec  ses  accessoires,  dont  les  descriptions 
nous  font  une  peinture  intéressante,  a  complètement  disparu.  L'insta- 
bilité du  goût  et  l'admiration  sans  bornes  de  la  nouveauté  ont  causé  ces 
destructions  à  tout  jamais  regrettables. 

De  chaque  côté  nous  voyons  les  bras  des  deux  transepts  qui  s'éten- 
dent vers  le  Sud  et  vers  le  Nord,  semblables  en  tout  à  la  nef  que  nous 
avons  vue  dans  la  planche  précédente. 

Puis  en  dehors,  de  chaque  côté,  nous  apercevons  en  coupe  les  deux 
porches  immenses  et  profonds,  œuvre  de  la  fin  du  xme  siècle;  ils  en 
sont  certainement  une  des  plus  merveilleuses  productions. 

Nous  avons  vu  dans  quelques-unes  des  planches  de  cet  ouvrage 
un  certain  nombre  de  ces  belles  statues  sur  lesquelles  la  louange  est 
intarissable. 

Rappelons  en  deux  mots  que  le  porche  Nord  contient  principalement 
des  faits  ayant  rapport  à  l'Ancien  Testament,  et  le  porche  Sud  les  mer- 
veilles de  la  nouvelle  loi  et  le  jugement  dernier,  ou  la  consommation 
des  siècles. 


PLANCHE  XXXVII.  —  JUBÉ.  121 

PLANCHE  XXXVII. 

JUBÉ. 

Ce  sont  des  fragments  du  jubé  du  xme  siècle,  démoli  d'une  manière 
si  regrettable  à  la  fin  du  siècle  dernier.  Au  bas  de  la  planche  est  un 
bas-relief  représentant  la  Nativité  du  Sauveur.  L'Enfant  Jésus,  emmail- 
loté avec  soin  au  moyen  d'une  élégante  bandelette  qui  serre  ses 
langes,  est  étendu  dans  une  crèclie  entre  le  bœuf  et  l'âne.  Sa  Sainte 
Mère  est  couchée  sur  un  lit  dont  la  surface  supérieure  est  inclinée  en 
avant  d'une  manière  exagérée.  Cette  disposition,  outrée  et  contraire  à  la 
réalité,  avait  été  adoptée  avec  intention  par  le  sculpteur  afin  de  per- 
mettre aux  fidèles  de  voir  le  personnage  de  N.  D.,  qui,  placée  sur  une 
surface  horizontale,  aurait  complètement  disparu  aux  yeux,  le  bas- 
relief  étant  placé  à  une  hauteur  trop  grande.  Au  pied  du  lit,  saint 
Joseph  s'approche  en  s'inclinant  vers  N.  D.  et  lui  présente  une  sorte 
de  voile.  La  crèche  est  supportée  par  de  petites  colonnettes  alternati- 
vement cylindriques  et  octogones,  suivant  le  système  suivi  dans  l'église 
haute,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué.  Le  travail  de  sculpture  de 
ce  morceau  est  exécuté  avec  une  extrême  perfection,  dans  une  pierre 
de  liais  fort  dure.  Les  deux  figures  de  l'Enfant  Jésus  et  de  sa  Mère  ont 
des  traits  pleins  de  grâce  et  sont  animées  des  sentiments  d'une  douce 
sympathie  exprimés  de  la  manière  la  plus  touchante.  11  faut  remarquer 
avec  quelle  finesse  sont  élaborés  les  minuscules  chapiteaux  qui  suppor- 
tent la  crèche,  et  les  liens,  sculptés  à  jour,  du  bœuf  et  de  l'âne.  L'un 
des  deux  n'a  été  cassé  que  fort  récemment,  après  avoir  échappé 
pendant  plus  de  quatre  cents  ans  à  mille  chances  de  destruction.  Je 
suppose  que  la  tête  de  saint  Joseph  aura  été  brisée  par  un  de  ces  stu- 
pides  collectionneurs  d'œuvres  d'art,  pour  satisfaire  son  goût  particu- 
lier au  détriment  des  vrais  amateurs  et  admirateurs  du  moyen  âge. 

Le  sommet  de  cette  planche  nous  montre  une  des  clefs  de  voûte  du 


122  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

même  jubé.  Au  centre  est  la  Vierge  assise  sur  un  trône  et  portant  son 
Fils  sur  ses  genoux.  Elle  est  couronnée  et  n'a  point  de  nimbe;  elle  se 
détache  sur  un  disque  concave  entouré  de  feuillages,  et  dans  les  inter- 
valles des  quatre  nervures  qui  aboutissent  à  la  clef  de  voûte  sont 
quatre  anges  qui  s'agenouillent  devant  leurs  maîtres  et  les  encensent. 
Comme  au  précédent  bas-relief,  les  personnages  ne  sont  pas  nimbés. 
Quoique  les  artistes  du  moyen  âge  fussent  fort  habiles  à  triompher 
des  difficultés,  ils  ont  souvent  omis,  lorsque  le  bas-relief  est  fort  sail- 
lant, de  placer  des  nimbes  autour  de  la  tête  des  personnages  qui  de- 
vaient en  être  accompagnés,  soit  que  cette  trop  grande  saillie  de  la 
sculpture  rendit  la  chose  difficile  à  exécuter,  soit  qu'ils  n'apportassent 
pas  à  cet  accessoire  symbolique  la  même  importance  que  leurs  con- 
frères les  peintres,  soit  pour  toute  autre  raison  qui  nous  échappe. 

Au-dessous  de  cette  clef  de  voûte  présentée  de  face  on  en  voit  une 
coupe.  La  partie  supérieure,  celle  qui  est  derrière  le  dos  du  groupe  de 
la  Sainte  Vierge  et  de  son  Fils,  est  creusée  profondément  afin  d'obtenir 
par  cet  évidement  une  grande  diminution  dans  le  poids  du  bloc  de 
pierre. 

Puis  d'un  côté,  à  droite,  est  un  des  quatre  anges  thuriféraires  que 
nous  voyons  plus  haut  de  profil,  et  de  l'autre,  à  gauche,  un  des  cha- 
piteaux faisant  partie  de  l'architecture  de  notre  jubé.  Les  feuillages 
qui  entourent  et  forment  ce  chapiteau  sont  travaillés  avec  la  plus 
grande  habileté  et  avec  un  goût  exquis. 

De  ce  précieux  monument  il  reste  de  nombreux  fragments,  mais  ils 
sont  tellement  incomplets  et  mutilés  qu'il  est  presque  impossible  d'en 
essayer,  même  sur  le  papier,  une  restauration  satisfaisante.  Ces  mor- 
ceaux concassés  excitent  au  plus  haut  point  les  regrets,  car  ils  ap- 
prennent que  nous  avions  là  un  véritable  chef-d'œuvre,  où  l'architecture 
et  la  sculpture,  accompagnées  de  tous  les  charmes  de  la  peinture,  se 
réunissaient  avec  une  parfaite  harmonie  pour  la  satisfaction  de  nos 
yeux  et  de  notre  esprit. 


PLANCHE  XXXVII. —  JUBÉ.  123 

Avant  d'aller  plus  loin,  nous  interromprons  nos  explications  pour 
parler  de  deux  immenses  fenêtres  dont  on  regrette  de  ne  pas  trouver 
la  reproduction  parmi  les  planches  publiées  :  ces  deux  fenêtres  sont 
celles  qui,  en  forme  de  Roses,  terminent  les  transepts  Nord  et  Sud. 
Les  artistes,  les  archéologues,  les  savants,  les  contemplent  avec  admi- 
ration; leur  aspect  enchante  la  vue  par  la  beauté  et  l'harmonie  des  cou- 
leurs; leur  examen  ne  peut  laisser  indifférent,  et  l'on  se  trouve  en- 
traîné à  chercher  le  sens  de  leur  composition  iconologique. 

La  Rose  septentrionale  représente  la  glorification  de  Jésus-Christ 
sur  la  terre  et  dans  le  temps,  et  celle  du  côté  méridional  la  glorifica- 
tion de  Jésus-Christ  dans  les  cieux  et  dans  l'éternité. 


ROSE  SEPTENTRIONALE 


Au  centre  de  cette  grande  fenêtre,  clans  un  cercle  entouré  de  festons 
fleuronnés,  nous  voyons  l'Enfant  Jésus,  le  Messie,  le  Désiré  des  nations, 
bénissant  de  la  main  droite  le  globe  du  monde,  qu'il  tient  en  sa  main 
gauche.  Il  est  assis  sur  les  genoux  de  Marie,  sa  mère,  qui  le  soutient 
de  la  main  gauche.  La  couronne  qu'elle  porte  sur  la  tête,  le  sceptre 
qu'elle  tient  en  sa  main  droite  et  le  trône  sur  lequel  elle  est  assise  nous 
indiquent  ses  prérogatives  de  Reine  des  Cieux  et  des  Anges,  ainsi 
que  la  proclame  la  croyance  de  l'Eglise. 

Autour  du  médaillon  central,  où  sont  Jésus  et  sa  Mère,  sont  rangés 
circulairement  douze  compartiments  de  forme  ovoïde  et  terminés  en 
trèfle.  Dans  chacun  d'eux,  sur  un  fond  en  mosaïque,  est  un  petit  cercle. 
Les  quatre  plus  élevés  contiennent  des  colombes  avec  nimbe  croisé  ; 
elles  se  dirigent  à  tire-d'aile  vers  les  deux  figures  centrales  de  Jésus 
et  de  Marie.  Ces  colombes  symbolisent  l'Esprit  Saint  et  rappellent  ces 
textes  :  Spirilum  meum  ponam  super  cum;  Spirùus  Sanctus  superveniel  in 

1  Si  l'on  veut  avoir  une  idée  de  la  ma-        Rose,  vue  par  le  dedans,  apparaît  presque 
nière  dont  les  panneaux  de  cette  Rose  sont        entière.  On  voit  aussi  sur  cette  planche  les 
disposés  et  suivre  notre  description  sur  un        cinq  fenêtres  placées  au-dessous  et  dont  nous 
dessin,  on  aura  recours  à  la  coupe  longitu-        parlerons  plus  loin. 
dinale  de  la  cathédrale  (pi.  XXXV),  où  cette 

16. 


124  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

te.  Les  quatre  compartiments  au-dessous  des  précédents  —  ils  occu- 
pent les  côtés  du  cercle  central  —  renferment  quatre  Anges  agenouillés; 
deux  tiennent  des  flambeaux  allumés,  et  deux  encensent  Notre-Sei- 
gneur  et  Notre-Dame.  Dans  chacun  des  quatre  petits  cercles  inférieurs 
on  voit  la  représentation  hiératique  d'un  Ange  qui  fait  partie  du  pre- 
mier ordre  de  ces  esprits  célestes  et  porte  le  titre  de  Trône.  Chacun 
d'eux  paraît  ici,  comme  en  plusieurs  endroits  de  la  cathédrale,  sous  la 
forme  d'un  jeune  homme  nimbé  dont  le  corps  est  enveloppé  de  six 
ailes.  Les  deux  ailes  supérieures  entourent  la  tète;  deux  autres  ailes, 
partant  au  niveau  du  cou,  descendent  sur  les  côtés  jusqu'aux  pieds; 
deux  autres  ailes  enfin,  partant  aussi  de  la  région  cervicale,  se  croisent 
devant  la  partie  antérieure  de  son  corps,  qu'elles  recouvrent  presque 
entièrement,  car  de  ce  personnage  on  ne  voit  que  les  deux  bras  nus, 
étendant  les  mains  à  la  manière  des  figures  auxquelles  on  donne  à  tort 
le  nom  à'Orantes.  On  voit  aussi  les  jambes  de  ce  même  personnage, 
qui  sont  nues  ainsi  que  les  pieds,  lesquels  sont  posés  sur  une  roue. 
Cet  Ange  porte  chez  nous  une  cravate  nouée  autour  du  cou,  laissant 
pendre  deux  bouts  d'étoffe  jusqu'au  bas  de  la  poitrine.  Ces  Trônes,  ou 
Intelligences  célestes,  sont  occupés,  suivant  les  anciens  textes,  à  chanter 
la  gloire  de  Dieu  dans  un  Hosanna  sans  fin.  Dans  les  églises  Grecque  et 
Russe  on  les  peint  sous  la  forme  de  roues  ocellées,  ailées,  enflammées 
et  entrelacées,  sans  y  joindre  rien  de  la  forme  humaine. 

Autour  de  ces  douze  compartiments  on  voit  rayonner,  circulairement 
aussi,  douze  panneaux  de  forme  carrée  et  plus  grande.  C'est  là  que  sont 
rangés  douze  des  Rois  de  Juda,  ancêtres  ou  précurseurs  du  Messie,  et 
formant  autour  du  médaillon  central  de  cette  Rose  une  auréole  de 
figures  royales,  analogue  à  la  galerie  des  Rois  des  grands  portails  de 
nos  cathédrales,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut.  Ils  forment  là 
comme  une  cour  d'honneur  autour  du  Roi  des  Rois.  Tous  sont  assis 
sur  des  trônes,  portent  la  couronne  en  tête  et  le  sceptre  dans  la  main 
gauche.  La  plupart  indiquent  de  leur  main  droite,  avec  un  geste  éner- 
gique, les  figures  centrales  de  Jésus  et  de  sa  Sainte  Mère.  Leurs  noms 
se  lisent  derrière  eux  dans  un  ordre  conventionnel  et  sans  exactitude 


PLANCHE  XXXVII. —  JUBE.  125 

orthographique.  Ces  noms,  en  allant  de  droite  à  gauche,  sont  :  David. 
Salomon.  Abia.  Josaphat.  Osias.  Acaz.  Manases.  Ezechias.  Joatam.  Joram. 
Aza.  Roboam. 

La  grande  circonférence  extérieure  de  cette  Rose  est  garnie  de  douze 
demi-cercles  entourés  de  fleurons,  et  portant  sur  un  fond  de  mosaïque 
douze  cercles  de  petites  dimensions,  dans  lesquels  on  voit  les  figures 
des  douze  petits  Prophètes.  Ils  sont  debout,  portent  sur  la  tête  un 
bonnet,  et  leur  costume  consiste  en  une  robe,  avec  une  ceinture,  et  en 
un  manteau  ;  ils  tiennent  en  main  une  banderole  comme  un  rouleau  de 
papyrus  et  indiquent  leurs  prophéties.  Derrière  eux  se  lisent  leurs 
noms,  écrits  sans  ordre  et  sans  orthographe  :  Ozias.  Johel.  Abdias.  Mi- 
cheas.  Abbacuc.  Ageus.  Machias.  Zacharias.  Sepenias.  Nahum.  Jonas.  Amos. 

Entre  les  carrés,  où  sont  rangés  les  Rois,  et  les  derniers  cercles,  où 
sont  les  douze  petits  Prophètes,  il  y  a  une  suite  de  douze  quatre-feuilles 
où  brillent  sur  un  fond  d'azur  les  Lis  d'or  de  France. 

La  partie  du  mur  qui  supporte  cette  Rose  est  percée  immédiatement 
au-dessous  de  petites  ouvertures  trilobées,  quatre  de  chaque  côté. 
Elles  sont  remplies  de  vitrages  offrant  alternativement  les  armoiries  de 
France  et  de  Castille,  afin  de  rappeler  la  mémoire  des  royaux  dona- 
teurs de  toute  cette  face  septentrionale  de  la  cathédrale,  le  roi  saint 
Louis  et  sa  mère  Blanche  de  Castille.  Sur  la  planche  XXXV,  à  laquelle 
nous  avons  renvoyé,  ces  petites  fenêtres  n'ont  pas  été  indiquées  par  le 
graveur. 

LES  CINQ  GRANDES  FENETRES  DU  TRANSEPT  SEPTENTRIONAL. 

Au-dessous  de  la  grande  Rose  septentrionale  il  y  a  cinq  hautes  fe- 
nêtres, formées  chacune  d'une  simple  ogive.  Toutes  les  cinq  sont  garnies 
de  splendides  vitraux,  dont  l'éclat  après  six  siècles  est  encore  merveil- 
leux. Quatre  des  personnages  qui  y  sont  peints  appartiennent  à  l'An- 
cien Testament  et  personnifient  une  Vertu,  ayant  au-dessous  d'eux 
en  petites  dimensions  la  personnification  d'un  Vice  qu'ils  foulent  aux 
pieds. 

La  cinquième  fenêtre  renferme  un  personnage  placé  sur  la  limite  et 


126  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

le  point  de  contact  des  deux  Testaments.  Nous  le  décrirons  de  suite, 
en  renvoyant  à  la  planche  lithographiée  qui  en  donne  une  reproduc- 
tion :  c'est  sainte  Anne  (pi.  LIX).  Elle  est  debout,  ayant  une  couronne 
royale  sur  la  tête  et  tenant  un  sceptre  fleuri  dans  sa  main  droite;  de 
la  main  gauche,  elle  porte  la  Sainte  Vierge,  encore  petite  enfant  et 
qui  tient  entre  ses  mains  le  Livre  de  la  Loi  :  «  Lex  tua  meditatio  mea  est-n , 
répétait  cette  humble  servante  de  Dieu,  dont  les  destinées  devaient 
être  si  illustres. 

Au-dessous  de  sainte  Anne  portant  la  Sainte  Vierge  est  un  grand 
écu  où  se  voient  glorieuses  les  grandes  Fleurs  de  lis  d'or  sur  fond 
d'azur  qui  pendant  des  siècles  ont  symbolisé  le  Royaume  de  France 
et  accompagnaient  sa  gloire  dans  le  monde  entier. 

Les  quatre  personnages  de  l'Ancien  Testament  qui  garnissent  les 
autres  fenêtres  sont  disposés  de  la  manière  suivante  :  à  gauche,  dans 
la  première  fenêtre,  est  Melchisédech  avec  un  vêtement  moitié  royal, 
moitié  sacerdotal.  Sur  sa  tête  est  une  couronne  surmontée  d'une  tiare. 
Prêtre  et  Roi,  il  porte  d'une  main  un  encensoir,  et  de  l'autre  une 
coupe  ou  ciboire  contenant  le  pain  et  le  vin  qu'il  offrait  au  Seigneur. 
Au-dessous  de  ce  personnage  de  taille  héroïque  on  voit  le  Roi  Nabu- 
choclonosor,  d'une  taille  beaucoup  plus  petite,  s'agenouillant  pour 
adorer  la  Statue  d'or,  d'argent  et  de  bronze.  Nous  pensons  que  ces 
deux  personnages  expriment  la  Foi  au  vrai  Dieu  et  l'Idolâtrie. 

Dans  la  seconde  fenêtre  est  David  en  costume  royal  et  tenant  une 
harpe.  C'est  la  force,  le  courage  et  la  confiance  en  Dieu  qui  vivent  en 
lui.  Il  foule  aux  pieds  Saùl,  qui  se  transperce  le  corps  avec  un  large 
glaive  :  c'est  l'image  du  Désespoir. 

De  l'autre  côté,  en  pendant  avec  ces  deux  grandes  images,  nous 
voyons  d'abord  le  Roi  Salomon  qui  se  montre  dans  sa  gloire  et  sa  ma- 
jesté avec  le  costume  que  les  rois  portaient  en  ce  temps-là,  et  tenant 
un  sceptre  en  sa  main  droite.  Il  présente  à  nos  yeux  la  personnification 
de  la  Sagesse  dont  il  fut  rempli.  Au-dessous  de  lui  Roboam,  prosterné 
devant  deux  Veaux  d'or,  symbolise  la  Folie  humaine  adorant  des  ani- 
maux en  place  du  vrai  Dieu. 


PLANCHE  XXXVII. —  JUBE.  127 

La  dernière  fenêtre  nous  offre  l'image  d'Aaron  portant  ie  costume 
sacerdotal  du  grand  prêtre  des  Juifs;  il  tient  dans  une  main  le  livre 
de  la  Loi  et  dans  l'autre  la  tige  verdoyante  de  la  tribu  de  Lévi  (Nom- 
bres, XVII).  Au-dessous  de  lui  est  le  roi  d'Egypte  Pharaon  tombant  de 
cheval.  Ces  personnages  figurent  l'Humilité  et  l'Orgueil. 

ROSE  MÉRIDIONALE  K 

Cette  immense  fenêtre  circulaire  représente  la  glorification  de  Jésus- 
Christ  dans  les  siècles  futurs  et  l'éternité.  Il  nous  semble  entrevoir,  en 
levant  les  yeux  et  en  considérant  cette  grande  et  belle  verrière,  une 
faible  esquisse  des  Visions  d'Ezéchiel  et  de  saint  Jean  dans  son  Apoca- 
lypse. Ce  sont  leurs  paroles  qui  ont  inspiré  cette  belle  peinture,  et 
nous  ne  pourrons  nous  empêcher  de  citer,  en  les  décrivant,  quelques 
fragments  du  texte  sacré. 

Au  centre  est  Jésus-Christ,  assis  sur  un  trône  royal.  Ses  deux  bras 
sont  levés  et  étendus.  De  la  main  droite  il  bénit  le  monde,  et  de  la 
gauche  il  tient  une  grande  coupe  d'or,  indice  de  son  sacerdoce  éternel  : 
Ckristus  rex  et  sacerdos.  Deux  grands  flambeaux  qui  sont  auprès  de  lui 
rappellent  les  lampes  que  l'Apôtre  Jean  voyait  allumées  dans  les  cieux  : 
«Autour  du  trône,  —  dit  saint  Jean,  —  il  y  en  avait  vingt-quatre 
autres  sur  lesquels  étaient  assis  vingt-quatre  vieillards  avec  des  cou- 
ronnes d'or  sur  leurs  têtes,  ayant  chacun  des  harpes  et  des  coupes 
d'or  pleines  de  parfums,  qui  sont  les  prières  des  saints,  r,  Nous  retrou- 
vons tout  ceci  dans  notre  vitrail. 

Vis-à-vis  et  près  du  trône,  il  y  avait  quatre  Animaux  :  le  premier 
animal  était  semblable  à  un  Lion,  le  second  était  semblable  à  un  Veau,  le 
troisième  avait  le  visage  comme  celui  d'un  Homme  et  le  quatrième  était 
semblable  à  un  Aigle  qui  vole.  Dans  notre  vitrail,  chacun  de  ces  êtres 
mystérieux  tient  une  banderole  figurant  les  rouleaux  des  Evangélistes 
dont  ils  sont  le  symbole.  Ces  quatre  Animaux  ne  cessaient  jour  et  nuit 
de  crier  :  Saint,  Saint,  Saint  est  le  Seigneur  Dieu  tout-puissant,  qui  était, 

1  On  peut  voir  sur  la  planche  X  (face  méridionale)  l'ensemble  de  cette  Rose  et  les  cinq 
grandes  fenêtres  qui  sont  au-dessous. 


128  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

qui  est  et  qui  doit  venir.  Et  lorsque  ces  Animaux  rendaient  gloire,  honneur 
et  actions  de  grâces  à  Celui  qui  est  assis  sur  le  trône  et  qui  vit  dans  les  siècles 
des  siècles,  les  vingt-quatre  vieillards  se  prosternaient  devant  Celui  qui  est 
assis  sur  le  trône,  et  ils  adoraient  Celui  qui  vit  dans  l'éternité  en  lui  disant  : 
«Nous  vous  rendons  grâces ,  Dieu  tout-puissant,  de  ce  que  vous  êtes  entré  en 
possession  de  votre  grande  puissance  et  de  votre  règne,  v 

Près  des  quatre  Animaux,  nous  voyons  dans  la  Rose  quatre  Anges: 
deux  tiennent  des  flambeaux  et  deux  autres  parfument  l'air  avec  l'en- 
cens dont  la  fumée  sort  de  leurs  encensoirs.  Ces  Anges,  à  genoux,  sont 
l'indication  et  la  figure  des  anges  nombreux  qui  paraissent  dans  ces 
scènes  pleines  de  mystères,  en  même  temps  que  les  vingt-quatre  Rois 
et  les  quatre  Animaux  ou  symboles  évangéliques.  Tous  ces  êtres,  dé- 
peints dans  l'Apocalypse,  sont  représentés  ici  dans  des  compartiments 
circulaires  qui  forment  de  grands  cercles  concentriques  autour  du 
médaillon  central  où  se  trouve  Jésus-Christ. 

Dans  les  intervalles  des  compartiments  où  sont  les  Rois,  il  y  a  douze 
petits  Oculus,  en  forme  de  quatre-feuilles,  où  sont  peintes  les  armes  de 
Dreux-Bretagne,  rappelant  les  hauts  et  puissants  seigneurs  à  qui 
l'on  doit  la  construction  de  la  plus  grande  partie  du  transept  méri- 
dional et  dont  nous  trouverons  les  effigies  au  bas  des  grandes  fenêtres 
publiées  dans  une  des  planches  que  nous  aurons  bientôt  à  décrire. 

Terminons  la  description  de  cette  Rose  en  faisant  remarquer  que  la 
beauté  et  l'éclat  de  ses  verres  multicolores  sont  encore  un  souvenir 
apocalyptique.  Saint  Jean,  en  effet,  nous  fait  connaître  que  les  murs  de 
la  cité  de  Dieu  étaient  formés  des  pierreries  les  plus  précieuses  et  les 
plus  brillantes.  Le  jaspe,  le  saphir,  l'émeraude,  la  topaze,  l'améthyste, 
etc.,  composaient  la  clôture  de  la  nouvelle  Jérusalem,  où  les  justes 
serviront  Dieu  et  verront  sa  face  pendant  tous  les  siècles. 

ROSE   OCCIDENTALE. 

Elle  représente  le  Jugement  dernier. 

Ces  trois  roses  n'ont  pas  été  reproduites;  leur  importance  dans  le 
monument  ne  permettait  pas  de  n'en  pas  parler. 


PLANCHES  XXXVIII-XLI.  —  LES  QUATRE  EVANGELISTES.       129 

PLANCHES  XXXVIII,  XXXIX,  XL,  XLI. 

LES  QUATRE  GRANDS  PROPHETES  ET  EVANGELISTES. 

Ces  belles  et  grandes  lithographies  reproduisent  quatre  des  fenêtres 
placées  sous  la  grande  Rose  méridionale1.  Elles  contiennent  chacune 
un  groupe  de  deux  personnages.  Mais,  comme  dans  la  publication  ces 
diverses  planches  sont  coupées  en  deux,  il  est  nécessaire,  pour  rétablir 
l'ensemble  de  chacune  des  fenêtres,  de  faire  réunir  et  coller  leurs  par- 
ties supérieures  avec  les  inférieures  :  on  aura  pour  résultat  deux  plan- 
ches doubles  (en  hauteur),  contenant  chacune  deux  groupes  de  figures. 
Ces  deux  grandes  planches  offriront  alors  aux  regards  un  tableau  dont 
l'invention  et  la  composition  paraîtront  d'une  singulière  hardiesse. 
L'artiste  a  voulu  représenter  d'une  manière  figurée  que  l'ancienne  loi 
est  le  fondement  et  le  support  de  la  loi  nouvelle,  et  voici  le  moyen 
qu'il  a  employé  pour  que  sa  peinture  présentât  cette  pensée  aux  yeux 
et  à  l'esprit.  Il  a  dessiné  chacun  des  quatre  grands  Prophètes  de  la  loi 
de  Moïse  portant  sur  ses  épaules  un  des  quatre  hérauts  de  l'Evangile 
de  Jésus-Christ.  Cet  énoncé  n'a  rien  en  lui  qui  justifie  les  mots  de 
singulière  hardiesse  employés  plus  haut,  et  cependant  ne  pourrait-on 
pas  être  choqué  de  voir  dans  ces  vitraux  les  Evangélistes  à  califourchon 
sur  les  épaules  des  Prophètes?  Car  on  ne  peut  se  servir  d'une  autre 
expression  pour  la  posture  commune  et  triviale  dans  laquelle  ils  se 
montrent  à  nos  yeux.  Cependant  rien  ici  n'est  inconvenant  ni  ridicule, 
parce  que  les  poses  sont  naturelles  et  décentes,  et  que  la  dignité  des 
personnages  n'est  point  altérée.  L'expression  de  leurs  figures  est  sé- 
rieuse, calme  et  tranquille;  rien  dans  leur  attitude  n'éloigne  notre 
esprit  de  la  gravité  d'une  peinture  religieuse,  malgré  le  mode  vulgaire 
et  peu  relevé  employé  par  le  peintre.  C'est  une  des  prérogatives  des 

'   La  cinquième  fenêtre,  contenant  la  Vierge  et  l'Enfant  Jésus,  se  trouve  sur  la  planche  LX. 

>7 


130  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

âges  primitifs  que  cette  naïveté  et  cette  simplicité  enfantines  qui  per- 
mettaient d'employer,  dans  les  arts  comme  dans  la  littérature,  des 
tournures  desprit  ou  de  pensée  dont  nos  époques  modernes  et  raffinées 
n'oseraient  pas  se  servir  lorsqu'il  s'agit  d'exposer  certaines  pensées 
morales  et  religieuses. 

Ces  figures  de  Prophètes  et  d'Apôtres  ainsi  réunies  sont  encore  une 
manière  de  nous  montrer  la  connexion  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament. C'était  au  moyen  âge  un  sujet  que  l'on  aimait  à  montrer  aux 
fidèles,  et  dont  nous  trouvons  de  nombreux  exemples.  Cette  allégorie 
de  la  réunion  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  se  retrouve  non 
seulement  dans  les  œuvres  savantes  des  théologiens,  mais  aussi  dans 
une  foule  de  compositions  littéraires  et  artistiques  à  l'usage  du  public 
moins  lettré.  Elle  s'y  montre  quelquefois  développée  avec  des  détails 
fort  étendus.  Ainsi,  dans  les  calendriers  qui  sont  au  commencement 
de  plusieurs  magnifiques  manuscrits  de  livres  d'Heures  dans  notre  Bi- 
bliothèque nationale  à  Paris,  on  voit  les  Prophètes  et  les  Apôtres  tenant 
en  main  des  portions  de  texte  où  les  deux  Lois  sont  mises  en  parallèle. 
Dans  un  autre  manuscrit,  où  sont  renfermées  grand  nombre  d'histoires 
et  de  moralités  tirées  de  la  Bible  et  de  la  Vie  des  Saints,  on  lit  au  com- 
mencement que  ce  livre  va  nous  parler  du  plus  bel  du  Vieil  Testament 
et  du  Nouvel  conjont  ensemble.  VHortus  deliciarum  de  l'abbesse  Herrade. 
précieux  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Strasbourg,  détruit  en  1870 
parles  bombes  ennemies,  contenait  une  grande  miniature  qui  portait 
pour  titre  :  Velus  Testamentum  cum  novo  conjunctum,  et  j'ai  pu  copier 
dans  ce  même  manuscrit  quatre  Médaillons  dans  lesquels  on  voit, 
deux  par  deux,  un  Prophète  et  un  Évangéliste  (ou  plutôt  son  symbole) 
semblant  converser  ensemble  :  Isaïe,  en  face  de  l'Ange  de  saint  Mat- 
thieu; —  Jérémie,  en  face  de  l'Aigle  de  saint  Jean;  —  Ézéchiel  et  le 
Lion  de  saint  Marc;  —  Daniel  avec  le  Bœuf  de  saint  Luc. 

Chacune  des  grandes  cathédrales  de  France  contenait  autrefois  un 
vitrail  dans  lequel  on  pouvait  contempler,  dans  une  suite  de  compar- 
timents, les  principaux  événements  du  Nouveau  Testament  mis  en  pa- 
rallèle avec  les  événements  de  l'Ancien  Testament  qui  en  étaient  la 


PLANCHES  XXXVIII-XLI.  —  LES  QUATRE  ÉVANGÉLISTES.       131 

figure  et  l'annonce.  Ces  peintures,  exposées  aux  regards  du  public, 
présentaient  aux  fidèles,  d'une  manière  quotidienne  et  perpétuelle,  les 
principales  vérités  de  la  religion  que  les  faits  historiques  gravaient  dans 
leurs  mémoires.  Un  semblable  vitrail  existe  à  Chartres;  malheureuse- 
ment il  est  incomplet.  Il  en  existe  un  autre  à  la  cathédrale  de  Bourges. 
Les  RR.  PP.  Cahier  et  Martin  ont  écrit,  dans  leur  ouvrage  sur  les  vi- 
traux de  Bourges,  une  savante  dissertation  sur  ce  vitrail.  Ils  lui  ont 
donné  le  titre  de  Vitrail  de  la  nouvelle  alliance,  expression  théologique 
qui  semble  moins  à  la  portée  du  public  que  celle  de  Vêtus  Testamentum 
cum  novo  conjunclum,  dont  se  servent  habituellement  les  auteurs  an- 
ciens dans  leurs  livres,  et  qui  a  été  adoptée  par  les  artistes  dans  les 
peintures  et  les  sculptures  où  ils  nous  ont  montré  ces  diverses  phases 
de  notre  histoire  religieuse. 

Nous  avons  encore  quelques  mots  à  dire  pour  terminer  la  descrip- 
tion de  ces  quatre  fenêtres  et  pour  indiquer  la  place  occupée  par  les 
divers  personnages  qui  s'y  voient  représentés. 

A  la  droite  de  la  fenêtre  médiane  (pour  celui  qui  est  tourné  vers 
elle)  est  le  Prophète  Ezéchiel,  portant  saint  Jean.  Au-dessous  d'eux 
est  Pierre  Mauclerc,  comte  de  Dreux,  à  genoux,  les  mains  jointes,  et 
tourné  vers  l'image  de  Notre-Dame. 

La  fenêtre  plus  à  droite  nous  montre  le  Prophète  Daniel  portant 
saint  Marc,  et,  au-dessous  d'eux,  un  jeune  Prince  priant  aussi  la  Sainte 
Vierge.  Il  est  debout. 

Du  côté  opposé,  c'est-à-dire  à  gauche  du  spectateur,  on  voit  en 
premier  lieu  Isaïe  portant  saint  Matthieu,  et,  au  bas  de  la  fenêtre,  Alix 
de  Thouars,  duchesse  de  Bretagne,  à  genoux,  les  mains  jointes,  et 
tournée  vers  la  Sainte  Vierge. 

Dans  la  dernière  fenêtre  à  gauche  est  Jérémie  portant  saint  Luc,  et, 
au  bas  de  la  même  fenêtre,  une  jeune  Princesse  debout,  regardant 
aussi  Notre-Dame,  vers  laquelle  elle  se  tourne  en  joignant  les  mains. 

Dans  les  monuments  du  moyen  âge,  jusqu'au  xvie  siècle,  on  voit 
ainsi  dans  les  vitraux  des  familles  de  donateurs  qui  se  sont  fait  peindre, 
père  et  mère  avec  tous  leurs  enfants,  se  prosternant  à  genoux  vers 

«7- 


182  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Jésus- Christ  ou  sa  Sainte  Mère,  en  l'honneur  desquels  ils  ont  fait 
quelque  libéralité  à  l'église. 

La  lithographie  n'ayant  pas  reproduit  ici  les  couleurs  des  blasons 
qui  couvrent  les  habits  des  quatre  seigneurs  dont  nous  venons  de  parler, 
on  ne  peut  voir  l'aspect  original  que  leur  donnent  ces  échiquiers  d'or  et 
d'azur  et  ce  quartier  d'hermine  qui  enveloppent  tout  le  corps  de  ces 
princes  et  de  ces  princesses. 

Ces  vitraux  sont  exécutés  très  largement,  avec  une  énergie  un  peu 
sauvage,  comme  il  convient  à  des  figures  décoratives  placées  à  une 
grande  hauteur  dans  l'immense  édifice  de  la  cathédrale.  Les  yeux  des 
personnages  sont  d'une  grandeur  exagérée,  et  il  ne  faut  pas  s'en 
plaindre  puisqu'on  a  l'avantage  de  les  voir  du  bas  de  l'église.  Ce  re- 
gard pénétrant  fait  une  grande  impression  sur  le  spectateur,  avantage 
qu'il  ne  trouve  jamais  devant  les  pâles  et  insignifiantes  figures  que  nous 
montrent  trop  souvent  les  peintures  et  les  vitraux  dans  les  édifices 
modernes.  Il  ne  faut  pas  oublier  de  faire  remarquer  que  les  noms  des 
Prophètes  et  des  Apôtres  sont  écrits  en  grandes  lettres,  ainsi  qu'on  peut 
le  voir  sur  les  planches  lithographiées. 


PLANCHE  XLII-XLIV.  —  ARBRE  DE  JESSÉ.  133 


PLANCHES  XLII,  XLIII,  XLIV. 

ARBRE   DE   JESSÉ   OU   GÉNÉALOGIE   DE   JÉSUS-CHRIST. 

XIIe  SIÈCLE. 

Le  premier  sujet  que  nous  offre  l'iconographie  chrétienne,  dans 
l'ordre  qu'elle  a  coutume  de  suivre  pour  les  représentations  évangéliques, 
est  l'arbre  de  Jessé.  Dans  ce  tableau,  reproduit  très  fréquemment  au 
moyen  âge  dans  les  manuscrits  et  dans  les  peintures  murales,  dans  les 
vitraux  et  dans  les  sculptures  des  édifices,  on  ne  fait  ordinairement 
remonter  la  généalogie  du  Sauveur  qu'à  son  ancêtre  Jessé;  puis,  le 
plus  souvent  aussi,  la  descendance  de  ce  personnage  jusqu'à  l'avène- 
ment du  Messie  est  représentée  d'une  manière  abrégée,  et  non  suivant 
la  série  complète  des  générations.  Le  vitrail  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  et  qui  remplit  trois  planches,  nous  montre  en  premier  lieu, 
au  bas  de  la  fenêtre,  Jessé  comme  point  de  départ  et  souche  de  cette 
tige  mystérieuse  prophétisée  par  Isaïe;  au-dessus  s'échelonnent  quatre 
rois,  puis  apparaît  la  \ierge;  plus  haut  encore  enfin  est  le  Christ  ou 
le  Messie,  entouré  de  la  septuple  manifestation  de  l'Esprit  de  Dieu. 
Ces  personnages  forment  une  bande  verticale  ou  colonne  qui  occupe 
le  milieu  de  la  fenêtre;  elle  est  accompagnée  de  chaque  côté  par  deux 
autres  colonnes  plus  étroites  où  s'étage  une  suite  de  quatorze  Prophètes; 
enfin  ce  brillant  et  lumineux  tableau  tout  entier  est  encadré  par  une 
bordure  d'une  grande  richesse. 

Tel  est  l'ensemble  de  cette  composition  symbolique;  mais  il  ne  sera 
pas  inutile  d'entrer  dans  quelques  détails  et  d'ajouter  quelques 
remarques. 

Nous  voyons,  dans  le  panneau  placé  au  milieu  et  au  bas  de  la  fenêtre, 
Jessé  couché  sur  un  lit  très  simple  et  garni  d'une  ample  draperie 
blanche.  Il  est  revêtu  d'habillements  bordés  de  galons  d'or;  sur  sa 
tête  est  une  sorte  de  bonnet  phrygien;  ses  pieds  sont  nus;  il  semble 


134  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

plongé  dans  ce  sommeil  surnaturel  pendant  lequel  les  Prophètes 
recevaient  les  inspirations  divines,  et  paraît  plutôt  enfoncé  dans  de 
sérieuses  réflexions  que  dormir  véritablement;  le  Prophète  Nahum, 
placé  près  de  lui,  témoigne  par  un  geste  d'étonnement  la  part  qu'il 
prend  à  ces  visions.  En  haut  du  panneau,  une  arcade  s'étend  au-dessus 
du  lit  du  prophète;  une  lampe  et  un  rideau  y  sont  suspendus;  la  bor- 
dure supérieure  de  ce  rideau  est  formée  par  un  galon  où  l'on  voit  une 
vague  imitation  de  caractères  arabes;  c'est  du  milieu  du  corps  de 
Jessé  que  s'élance  la  tige  qui  doit  porter  à  son  sommet  le  Désiré  des 
nations.  C'est  de  cette  végétation  robuste,  dessinée  avec  fantaisie,  que 
s'épanouiront  dans  les  panneaux  supérieurs  des  branches  et  des  rameaux 
garnis  de  feuillages  fantastiques,  mais  fort  gracieux.  Au  milieu  de  ces 
rameaux  supérieurs  sont  assis  successivement  quatre  rois  occupant 
quatre  compartiments.  Ils  ont  la  couronne  royale  sur  la  tête;  leurs 
mains  saisissent  deux  branches  latérales  et  leurs  pieds  chaussés  s'ap- 
puient sur  de  grosses  nodosités  ou  renflements  de  cet  arbre  mystique. 
La  Sainte  Vierge  dans  la  même  disposition  occupe  le  septième  panneau, 
et  au-dessus  de  sa  tête  apparaît  dans  de  plus  grandes  proportions 
son  divin  Fils,  celui  que  l'Ecriture  appelle  le  Soleil  de  Justice,  qui  vient 
éclairer  l'univers  plongé  jusqu'alors  dans  les  ténèbres  de  la  mort.  Sa 
tête  est  entourée  du  nimbe  crucifère  et  de  sept  colombes  figurant  les 
sept  dons  du  Saint-Esprit;  elles  sont  placées  dans  des  cercles  autour 
desquels  se  lisent  leurs  noms  : 

SAPIENTIA 

INTELLECTUS 

CONSILIUM 

FORTITUDO 

SCIENTIA 

PIETAS 

TIMOR 

Le  Sauveur  tient,  comme  les  personnages  qui  le  précèdent,  deux 
branches  de  l'arbre  qui  l'a  produit,  une  de  chaque  main,  et  ses  pieds 
sont  nus. 


PLANCHE  XLII-XLIV.  —  ARBRE  DE  JESSÉ.  135 

Cette  colonne  médiane  qui  est  formée  par  l'indication  des  générations 
précédant  le  Christ  et  se  terminant  à  lui  est  flanquée,  avons-nous  dit, 
de  deux  autres  bandes  verticales,  où  l'on  voit  se  succéder  des  Prophètes 
et  d'autres  personnages  de  l'Ancien  Testament  qui  ont  symbolisé  le 
Messie. 

Du  côté  gauche,  allant  de  bas  en  haut,  nous  voyons  : 

Nahum,  Samuel,  Ezéchiel,  Zacharias,  Moyses,  Isaïas,  Abacuc; 

Du  côté  droit  : 

Osée,  Amos,  Michée,  Joël,  Balaam,  Daniel,  Sophonias. 

Ces  personnages  se  succèdent  sans  ordre  ;  le  peintre  ou  celui  qui  a 
mis  les  vitraux  en  place  n'a  tenu  compte  ni  de  leur  importance  rela- 
tive ni  de  l'ordre  où  sont  rangées  leurs  œuvres  dans  la  Bible.  Tous  tien- 
nent en  main  une  banderole  figurant  le  texte  de  leurs  prophéties,  sur 
laquelle,  ainsi  que  cela  se  faisait  souvent,  on  s'est  contenté  d'écrire  leurs 
noms  ;  ils  ont  tous  le  titre  de  prophète ,  quoiqu'ils  ne  soient  pas  du  nombre 
des  seize  indiqués  dans  la  Bible,  mais  ce  n'est  pas  une  erreur  :  Moïse, 
Samuel  et  Balaam  ont  prophétisé.  Souvent  leur  geste  semble  montrer 
le  fait  de  cette  génération  de  Jésus-Christ  que  figurent  ses  ancêtres  et 
qu'ils  ont  sous  les  yeux.  La  tète  de  plusieurs  d'entre  eux  est  ceinte  d'une 
bandelette,  vestige  de  la  coiffure  orientale,  ou  du  turban,  dont  les 
anciens  monuments  nous  fournissent  de  fréquents  exemples. 

Au-dessus  de  leurs  têtes,  et  sortant  du  ciel,  une  main  divine,  ou  bien 
une  colombe,  avec  ou  sans  nimbe,  indique  l'inspiration  qu'ils  reçoivent 
d'en  haut. 

Les  ornements  qui  forment  la  bordure  et  remplissent  tous  les  inter- 
valles du  vitrail  méritent  de  fixer  l'attention;  ils  sont  d'une  forme  et 
d'une  composition  riche  et  gracieuse,  et  sont  exécutés  avec  une  extrême 
finesse.  Je  ne  puis  m'empêcher  de  réclamer  les  louanges  que  mérite 
M.  Emile  Beau,  dont  la  patience  est  parvenue  à  vaincre  les  difficultés 
que  présentait  ce  travail  d'une  délicatesse  et  d'une  ténuité  sans  pareilles. 

J'ajouterai  encore  quelques  mots  au  sujet  de  ces  belles  planches  en 
chromolithographie.  J'ai  fait  remarquer  plus  haut  que  Jessé  avait  les 
pieds  nus  :  dans  l'état  actuel  du  vitrail,  Jessé  n'a  conservé  intact  que  le 


136  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

pied  gauche;  celui  du  côté  droit  est  brisé.  Nous  avons  pensé  qu'on  pou- 
vait dans  le  dessin  refaire  ce  dernier  et  le  mettre  nu  comme  le  premier; 
cependant  nous  ne  pouvons  affirmer  que  ce  premier  ne  soit  pas  lui-même 
une  restauration,  cette  fenêtre  en  ayant  subi  une  considérable  au 
xive  siècle,  comme  cela  est  évident  pour  des  fragments  de  vêtements, 
pour  des  inscriptions  et  pour  plusieurs  têtes  que  nous  avons  aussi  mo- 
difiées et  restaurées  dans  notre  dessin.  Dans  le  Psautier  ou  livre  d'heures 
de  saint  Louis,  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  le  Jessé,  d'une  sem- 
blable généalogie  du  Sauveur,  a  les  deux  pieds  chaussés;  mais  dans 
le  dessin  d'un  arbre  de  Jessé  à  Cologne,  publié  par  le  P.  Martin,  Jessé 
a  les  pieds  nus  comme  celui  de  notre  planche.  Le  vitrail  de  l'abbaye  de 
Saint-Denis,  qui  est  fort  semblable  au  nôtre  pour  la  composition  et  la 
disposition  des  figures,  nous  montre  aussi  un  Jessé  avec  les  pieds  nus; 
mais  les  nombreuses  restaurations  que  ce  vitrail  a  subies  lui  ont  enlevé 
toute  autorité  dans  les  questions  d'iconographie,  et  lui  ont  fait  perdre 
complètement  le  prix  attaché  à  une  œuvre  originale  et  pure  de  toute 
altération.  Le  vulgaire,  ne  connaissant  pas  le  mérite  de  l'authenticité 
d'une  œuvre  d'art  ou  de  science,  approuve  ces  raccommodages;  mais 
le  connaisseur  sérieux  n'y  trouve  plus  son  compte  et  déplore  cette 
détestable  manie  qui  lui  fait  prendre  en  haine  et  en  dégoût  même  les 
choses  anciennes,  car  il  lui  est  impossible  alors  de  pouvoir  étudier  les 
monuments  avec  confiance  puisqu'il  ne  peut  distinguer  ce  qui  est  an- 
cien de  ce  qui  est  moderne.  Il  y  aurait  long  à  en  dire  sur  ce  sujet.  Bor- 
nons-nous à  cette  sortie  contre  les  restaurations  et  à  demander  grâce 
pour  celles,  peu  importantes  du  reste,  faites  seulement  sur  le  papier; 
elles  n'altèrent  pas  l'original,  et  le  public,  étant  prévenu,  pourra  par- 
donner, car  il  sera  possible  à  un  autre  de  faire  mieux.  On  trouvera  tou- 
jours les  originaux  dans  l'état  où  les  injures  du  temps  les  auront  mis. 


PLANCHE  XLV-XLVII.  —  ARBRE  DE  JESSE.  137 

PLANCHES  XLV,  XLVI,  XLVII. 

ARBRE  DE  JESSÉ. 

Ces  trois  planches  représentent  le  même  vitrail  que  les  trois  pré- 
cédentes, mais  sans  les  couleurs.  Elles  sont  imprimées  en  bistre  à  deux 
teintes,  ce  qui  permet  à  l'œil  de  mieux  apprécier  le  dessin.  On  échappe 
ainsi  à  la  séduction  de  la  couleur  et  à  l'éclat  du  verre  coloré,  qui  peut 
quelquefois  nous  induire  en  erreur.  Nous  savons,  en  effet,  que  quelques 
auteurs  et  critiques  sur  le  moyen  âge  font  bon  marché  du  dessin  des 
vitraux  anciens,  et  sont  portés  à  croire  que  tout  leur  mérite  consiste 
dans  leurs  brillants  reflets  colorés.  Pour  celui  qui  pourra  voir  de  près 
ces  vitraux,  il  lui  sera  facile  de  reconnaître  que,  sous  le  rapport  du 
dessin  comme  sous  celui  de  la  couleur,  les  vitraux  du  xue  siècle  sont 
d'une  beauté  parfaite  et  irréprochable. 

Malheureusement,  par  un  oubli  fort  regrettable  de  l'imprimeur  litho- 
graphe, il  manque  ici  une  partie  des  traits;  une  planche  de  plus  était 
nécessaire  pour  indiquer  les  plis  de  certaines  parties  des  vêtements  et 
les  nervures  de  la  tige  de  Jessé.  L'absence  de  ce  détail  produit  un 
fâcheux  effet;  on  est  obligé  d'avoir  recours  à  la  planche  en  chromo- 
lithographie pour  rectifier  cette  erreur,  qui  ôte  à  cette  reproduction 
du  vitrail  une  grande  partie  de  son  charme. 


18 


138  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHES  XLVIII,  XLIX,  L,  LI,  LU. 

VITRAIL   DE  LA  VIE   DE  JÉSUS-CHRIST. 

XIIe  SIÈCLE. 

Voici  la  plus  grande  et  la  plus  belle  fenêtre  de  la  cathédrale.  On 
n'a  rien  épargné  pour  la  reproduire  fidèlement,  et  l'on  doit  convenir 
que  les  efforts  ont  été  couronnés  de  succès.  Cette  fenêtre,  qui  occupe 
le  milieu  du  mur  occidental,  comme  on  peut  le  voir  sur  la  planche 
représentant  la  façade  occidentale,  a  plus  de  dix  mètres  de  hauteur 
et  renferme,  en  vingt-neuf  panneaux,  les  principaux  faits  de  la  vie  de 
Notre-Seigneur  et  sa  glorification.  Ils  sont  bien  reconnaissables,  quoi- 
qu'il n'y  ait  pas  d'inscription.  Nous  ne  pensons  pas  qu'on  puisse  hési- 
ter à  les  nommer.  En  voici  la  liste,  commençant  par  en  bas  et  suivant 
chaque  tranche  horizontale.  Ils  ne  sont  pas  disposés  dans  un  ordre 
parfaitement  conforme  à  la  vie  du  Sauveur;  les  artistes  du  moyen 
âge,  à  toutes  les  époques,  ont  commis  de  ces  erreurs  et  de  ces  négli- 
gences : 

Annonciation. 

Visitation. 

Nativité  de  Jésus-Christ. 

Les  anges  apparaissent  aux  bergers. 

Le  roi  Hérode  avec  les  Savants  de  la  synagogue. 

Les  Mages  arrivant  devant  Hérode. 

Les  Mages  en  route  vers  Bethléem;  l'étoile  apparail. 
La  Vierge  et  l'Enfant  Jésus  recevant  les  Mages. 
Les  Mages  s'en  retournant,  dirigés  par  l'étoile. 


La  Chandeleur. 

La  présentation  de  Jésus  au  vieillard  Siméon. 

L'ange  avertissant  les  Mages  pendant  leur  sommeil. 


PLANCHES  XLVIII-LII.  —  VIE  DE  JÉSUS-CHRIST.  139 

Hérode  ordonnant  aux  soldats  de  massacrer  les  enfants. 
Le  massacre  des  innocents. 
Suite  du  même  sujet. 

La  fuite  en  Egypte  (la  Sainte  Famille). 

Le  retour  d'Egypte  (populations  allant  au-devant  de  la  Sainte  Famille). 

Le  retour  d'Egypte  (la  Sainte  Famille). 

Les  idoles  d'Egypte  tombant  à  l'arrivée  de  Jésus  en  ce  pays. 
Le  baptême  de  Jésus-Christ  par  saint  Jean. 
Joseph  averti  en  songe  par  un  ange. 

Les  Rameaux  :  groupe  d'apôtres  suivant  Notre-Seigneur. 
Les  Rameaux  :  apôtres  et  Jésus-Christ  sur  l'ânesse. 
Les  Rameaux  :  les  habitants  de  Jérusalem  sortant  de  la  ville  et  venant  au- 
devant  du  Sauveur. 

Enfin,  au  sommet  de  la  fenêtre,  plusieurs  panneaux  sont  occupés  par  une 
grande  figure  de  la  Sainte  Vierge  tenant  son  Fils  sur  ses  genoux,  entre 
des  anges  qui  les  saluent  et  leur  présentent  des  sceptres;  le  Soleil  et  la 
Lune  personnifiés  paraissent  aussi  sur  les  côtés. 

Nous  ne  décrirons  pas  en  particulier  chacun  de  ces  nombreux 
tableaux;  on  peut  les  étudier  sur  ces  planches  aussi  exactement  que 
sur  l'original.  Nous  nous  bornerons  à  quelques  remarques,  pour  fixer 
l'attention  sur  quelques  points  de  détails. 

Dans  le  panneau  où  les  Mages  arrivent  devant  la  Vierge  et  son  Fils 
pour  leur  offrir  des  présents,  ils  tiennent  chacun  dans  leurs  mains 
une  sorte  de  pièce  de  monnaie  ou  un  disque  sur  lequel  sont  des  carac- 
tères qui  simulent  des  lettres  arabes. 

Le  panneau  des  idoles  égyptiennes  tombant  de  leur  piédestal  nous 
montre  de  petites  figures  dont  l'anatomie  fort  remarquable  est  exécutée, 
sinon  avec  une  parfaite  exactitude,  au  moins  avec  une  singulière 
apparence  de  vérité. 

La  ville  de  Jérusalem  à  la  fête  des  Rameaux,  avec  ses  murailles  et 
la  foule  de  peuple  paraissant  par-dessus  les  murs  et  sortant  des  portes, 
pleine  de  mouvement  et  d'enthousiasme,  forme  un  tableau  très 
original. 

18. 


MO  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

Est-il  nécessaire  de  recommander  à  l'admiration  le  groupe  de  la 
Vierge  et  de  son  Fils  ?  Leur  pose  hiératique  est  pleine  de  grandeur  et 
de  majesté;  malheureusement,  au  xive  siècle,  une  désastreuse  restau- 
ration a  remplacé  les  deux  têtes  anciennes  et  la  couronne  posée  sur  la 
tête  de  Notre-Dame.  L'Enfant  Jésus  tient  l'évangile  d'une  main,  et  de 
la  droite  élevée  il  donne  sa  bénédiction.  La  Vierge,  avec  une  symétrie 
un  peu  exagérée  et  très  rare ,  tient  en  chacune  de  ses  mains  un  sceptre 
fleuri  d'une  forme  tout  à  fait  insolite. 

Quant  aux  draperies,  qui  dans  tous  les  tableaux  inférieurs  de  cette 
grande  fenêtre  offrent  ces  petits  plis  fins  et  serrés  que  nous  avons  re- 
marqués sur  les  statues  de  la  porte  Royale,  elles  sont  plus  faciles  à  voir 
et  à  étudier  ici  parce  que  les  figures  sont  plus  grandes. 

Les  deux  anges  qui  accompagnent  ce  groupe  s'inclinent  avec  grand 
respect  vers  leur  souverain  Seigneur  et  vers  la  Reine  du  ciel  et  des 
anges  :  Regina  cœli,  Regina  Angelorum;  ils  leur  présentent  des  sceptres 
et  tendent  leurs  mains  vers  eux.  Ce  ne  sont  pas,  comme  on  le  verra 
dans  les  siècles  suivants,  des  anges  thuriféraires  ou  céroféraires;  ce 
sont  véritablement,  comme  on  le  voit  dans  les  églises  grecques  en 
Orient,  les  deux  archanges  Michel  et  Gabriel  prononçant  toujours  ces 
paroles  :  rcNous  vous  saluons,  vous  qui  êtes  notre  Reine  et  aussi  Celui 
que  vous  avez  enfanté,  u 

Le  Soleil  est  figuré  sortant  des  nuages,  par  la  tête  radiée  d'un 
jeune  homme  qui  semble  admirer  Notre-Seigneur  et  sa  Mère. 

La  Lune,  du  côté  opposé,  nous  apparaît  sous  la  forme  d'un  croissant, 
que  tient  dans  les  replis  de  son  manteau  un  buste  de  femme  voilée, 
sortant  aussi  des  nuages. 

La  bordure  qui  enserre  et  encadre  ce  vaste  et  immense  tableau  est 
d'un  travail  qu'il  faut  admirer.  Entre  ses  entrelacs,  pleins  d'originalité 
et  d'une  admirable  finesse,  apparaissent  des  animaux  fantastiques,  des 
dragons  à  tête  humaine,  des  oiseaux  imaginaires  et  des  échantillons 
variés  de  cette  faune  que  les  artistes  du  moyen  âge  créaient  et  répan- 
daient autour  d'eux  dans  toutes  leurs  œuvres. 

Je  ferai  remarquer  aussi  que  le  verre  et  l'exécution  de  la  peinture , 


PLANCHES  XLVI1I-LII.  —  VIE  DE  JÉSUS-CHRIST.  141 

matériellement  parlant,  sont  d'une  qualité  bien  supérieure  aux  vitraux 
des  xme  et  xivc  siècles;  ayant  passé  plusieurs  mois  en  présence  de  ces 
œuvres  précieuses,  lorsque  j'en  faisais  la  copie,  j'ai  pu  me  convaincre, 
surtout  dans  les  parties  hautes  de  ces  trois  fenêtres,  de  leur  supério- 
rité sous  tous  les  rapports. 

La  ferrure  de  ces  trois  fenêtres  du  xne  siècle  est  placée  à  l'intérieur. 
Je  ne  saurais  dire  pourquoi;  mais  le  fait  est  regrettable  pour  deux 
raisons  :  ce  réseau  de  barres  de  fer  partage  en  panneaux  cette  grande 
surface,  qui,  dans  son  état  actuel,  paraît  vue  au  dehors  nue  et  vide,  au 
lieu  de  montrer  des  compartiments  multiples  ;  puis  ces  barres  de  fer 
placées  à  l'intérieur  dérobent  aux  yeux  les  bords  inférieurs  et  latéraux 
de  tous  les  tableaux.  C'est  peut-être  au  xivc  siècle  que  l'ancienne  dis- 
position a  été  altérée,  car  à  cette  époque  la  fenêtre  que  nous  étudions 
a  subi  de  grandes  et  importantes  restaurations. 


142  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHES  LUI,  LIV,  LV. 

VITRAIL  DE  LA  PASSION   DE  JÉSUS-CHRIST. 

La  troisième  fenêtre  à  gauche,  au-dessous  de  la  grande  Rose  occi- 
dentale, représente  quatorze  scènes  de  la  vie  de  Jésus-Christ,  ayant 
rapport  principalement  à  la  Passion. 

Ce  sont,  en  allant  de  bas  en  haut  : 

t.  La  transfiguration. 

2.  Jésus-Christ  descendant  du  Thabor  avec  les  trois  apôtres  qui  avaient 

eu  le  privilège  d'assister  à  ce  prodige. 

3.  La  cène. 

k.  Jésus-Christ  lave  les  pieds  des  apôtres. 

5.  Jésus-Christ  trahi  par  Judas  et  saisi  par  les  envoyés  du  Grand  Prêtre. 

6.  La  flagellation. 

7.  La  crucifixion. 

8.  La  descente  de  croix. 

9.  Jésus-Christ  mis  au  tombeau. 

10.  Les  saintes  femmes  au  tombeau. 

1 1 .  Jésus-Christ  apparaît  à  sa  mère. 

12.  Le  Noli  me  tangere. 

i3.  Jésus-Christ  avec  deux  disciples  à  la  porte  de  l'auberge  d'ËmmaÙ9. 
\h.  Jésus-Christ,  à  table,  se  fait  reconnaître  à  ces  deux  disciples. 

Peu  de  mots  suffiront  pour  faire  quelques  remarques  sur  ces  sujets 
que  tout  le  monde  connaît.  Et  d'abord  je  ferai  remarquer  que  la  plu- 
part des  panneaux  de  cette  fenêtre  accusent  une  influence  grecque  ou 
byzantine  des  plus  manifestes.  Le  premier  sujet,  en  bas  à  gauche,  la 
transfiguration,  est  tout  à  fait  semblable  aux  nombreuses  transfigura- 
tions, ou  métamorphoses,  qui  se  voient  en  Orient  et  à  celles  qui  nous 
viennent  de  ces  contrées.  On  peut  en  voir  un  exemple  au  Louvre,  dans 
les  salles  où  sont  les  objets  provenant  de  la  collection  Sauvageot.  C'est 
un  petit  tableau  exécuté  en  mosaïque  à  fond  d'or.    Cette  œuvre  peut 


PLANCHES  LIII-LV.  —  LA  PASSION  DE  JESUS-CHRIST.  143 

remonter  au  xne  siècle.  Le  Cabinet  impérial  et  royal  des  médailles  à 
Vienne  possède  un  petit  bas-relief,  vrai  bijou,  en  jaspe  sanguin;  on 
voit,  comme  ici,  les  personnages  disposés  de  cette  manière  hiératique 
que  les  Grecs  ont  adoptée,  et  de  plus,  comme  ici,  huit  grands  rayons 
partant  du  corps  de  Jésus-Christ  et  formant  une  sorte  de  monogramme 
à  huit  branches  et  semblant  indiquer  une  croix  placée  sur  la  lettre 
grecque  X,  ainsi  qu'on  en  trouve  des  exemples  fort  anciens  à  Rome,  à 
Venise,  à  Ravenne,  etc.  La  tête  de  Moïse  ne  porte  pas  les  deux  rayons 
mentionnés  dans  l'Ecriture;  ils  sont  rares  en  Grèce,  et  ne  sont  pas 
indiqués  dans  les  Guides  de  la  peinture  sacrée. 

Au  panneau  de  la  cène,  il  faut  remarquer,  ce  qui  est  très  fréquent 
en  Orient,  qu'il  y  a  un  poisson  dans  le  plat  et  non  un  agneau  pascal. 
N'est-ce  pas  pour  figurer  le  symbolique  1X0T2? 

A  la  descente  de  croix,  le  personnage  qui,  à  l'aide  de  tenailles, 
arrache  les  clous  des  pieds  du  divin  crucifié  ne  manque  jamais  en 
Grèce  dans  cette  image  et  est  figuré  de  la  même  manière. 

Le  tombeau  dessiné  dans  l'apparition  de  l'ange  aux  saintes  femmes 
n'est  point  une  grotte  ou  un  monument  rond  comme  dans  les  ou- 
vrages du  ixe  siècle  ou  antérieurs  :  c'est,  comme  en  Occident,  un  sar- 
cophage seul  et  vu  indépendamment  du  monument  dans  lequel  il 
était  renfermé. 

Les  derniers  sujets,  et  surtout  le  Noli  me  tangere,  sont  tout  à  fait  de 
style  byzantin,  ainsi  que  bien  des  détails  de  cette  verrière. 

Est-il  encore  nécessaire  d'attirer  l'attention  sur  la  richesse  et  le 
goût  si  pur  et  si  fin  des  ornements  dont  l'artiste  a  fait  preuve  dans  la 
bordure  et  dans  les  interstices  qui  séparent  les  cercles  renfermant 
chaque  sujet?  On  doit  faire  une  mention  particulière  et  spéciale  sur 
l'exécution  de  cette  fenêtre,  aussi  bien  que  sur  sa  reproduction. 


144  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHES  LVI,  LYII,  LVIII. 

VITRAIL   DE    NOTRE-DAME   DE   LA   RELLE   VERRIÈRE. 

XIIIe  SIÈCLE. 

Cette  fenêtre  présente  à  nos  yeux,  dans  sa  partie  supérieure,  la 
glorification  de  la  Sainte  Vierge.  La  Reine  du.  ciel  et  des  anges  se 
montre  tenant  son  Fils  sur  ses  genoux;  elle  est  assise  sur  un  trône  que 
les  anges  soutiennent  daiis  les  airs,  et  entourée  d'autres  anges  dont  les 
uns  la  saluent  à  la  manière  grecque;  les  autres  l'encensent  et  d'autres 
lui  présentent,  en  signe  d'honneur,  des  flambeaux  avec  des  cierges. 
L'Esprit  Saint,  sous  la  forme  d'une  colombe,  descend  sur  ces  person- 
nages et  semble  les  sanctifier  par  des  rayons  sortant  de  son  bec  :  Spiri- 
lus  Sanctus  superveniet  in  te,  et  virtus  altissimi  obumbrabit  tibi  (Luc,  i,  35). 
Spiritus  Domini  super  me  (Luc,  iv,  18).  Un  dais  d'une  grande  richesse 
et  non  symétrique  forme  une  sorte  de  pavillon  d'honneur  et  repose  sur 
deux  légères  colonnettes.  La  Vierge  et  son  Fils  sont  groupés  suivant  le 
très  ancien  usage  dont  nous  avons  déjà  parlé  ;  ils  sont  vus  parfaite- 
ment de  face;  cette  manière  hiératique  fut  abandonnée  pendant  le 
xme  siècle.  La  Vierge  présente  son  Fils  aux  fidèles  en  le  soutenant  par 
les  deux  épaules.  L'Enfant,  d'une  taille  svelte  et  élancée,  bénit  de  la 
main  droite  et,  de  la  gauche,  il  tient  appuyé  sur  son  genou  l'évangile 
ouvert;  les  lettres  sur  les  pages  de  ce  livre  n'ont  aucun  sens. 

Il  sera  utile,  pour  l'étude  iconographique,  de  comparer  cette  figure 
de  Notre-Dame  avec  celles  qui  se  voient  en  d'autres  endroits  de  la  ca- 
thédrale, savoir  : 

i°  A  la  porte,  à  droite  du  grand  portail,  au  sommet  du  tympan; 

20  A  la  scène  de  l'adoration  des  Mages,  au  grand  portail  aussi,  parmi 
les  bas-reliefs  des  chapiteaux; 

3°  Au  sommet  de  la  fenêtre  médiane  de  la  façade  occidentale; 

h°  Au  vitrail  du  chœur  au  milieu  et  au  fond  du  sanctuaire; 

5°  Et  enfin,  à  l'un  des  vitraux  du  chœur,  du  côté  nord. 


PLANCHES  LVI-LVIII.  —  N.-D.  DE  LA  BELLE  VERRIÈRE.        S&5 

Toutes  ces  images  reproduisent  le  plus  ancien  type  de  Jésus-Christ 
enfant,  assis  tout  à  fait  de  face  sur  les  genoux  de  sa  Mère,  à  laquelle 
ont  été  donnés  les  titres  de  Trône  de  Dieu,  Siège  de  la  sagesse,  etc.,  etc. 

Il  faut  savoir  que  dans  notre  vitrail  la  figure  de  la  Vierge  n'est  pas 
ancienne;  la  plaque  de  verre  sur  laquelle  étaient  peints  ses  traits 
vénérés  s'est  trouvée  altérée  par  le  temps;  probablement  une  cuisson 
insuffisante  n'avait  pas  fixé  sur  la  surface  de  ce  verre  le  dessin  du  verrier, 
et  le  dessin  que  nous  voyons  reproduit  un  simple  trait  peint  à  l'huile. 

Les  couleurs  de  ce  tableau  sont  d'une  harmonie  des  plus  agréables 
et  des  plus  brillantes.  Il  est  à  regretter  que  la  chromolithographie 
n'ait  point  été  employée  pour  en  donner  une  reproduction  complète. 

Cette  belle  Vierge,  avec  son  entourage  angélique,  eût  suffi  pour  la 
décoration  d'une  fenêtre  moins  haute.  Ici,  il  était  nécessaire  de  rem- 
plir la  partie  inférieure  et  d'y  joindre  d'autres  scènes. 

Le  peintre  a  placé  dans  l'espace  inférieur  :  i°  l'histoire  des  noces  de 
Cana,  qui  occupe  six  compartiments;  2°  trois  scènes  de  la  tentation  de 
Jésus-Christ  dans  le  désert  après  son  jeûne  de  quarante  jours.  Un  théo- 
logien pourra  seul  nous  faire  comprendre  pourquoi  ces  sujets  sont  ici  re- 
présentés. L'abbé  Bulteau  nous  fait  remarquer  d'abord  qu'auprès  d'une 
représentation  de  la  Sainte  Vierge  on  a  eu  raison  de  placer  l'histoire 
du  miracle  de  Cana.  C'est,  en  effet,  à  la  prière  de  sa  Mère  que  Jésus 
changea  l'eau  en  vin;  secondement,  c'est  à  l'intercession  de  cette  puis- 
sante Mère  de  Dieu  qu'il  nous  faut  avoir  recours  pour  triompher  des 
tentations  du  démon. 

La  troisième  planche  faisant  partie  de  ce  vitrail  nous  donne  des 
détails  en  couleurs  de  plusieurs  de  ses  parties.  Un  sujet  entier  de  l'his- 
toire des  noces  de  Cana:  c'est  celui  où  l'on  voit  Jésus-Christ  se  dirigeant 
avec  quelques  apôtres  vers  la  salle  du  festin.  Puis  des  têtes  de  grandeur 
d'exécution ,  qu'il  est  facile  de  retrouver  sur  les  deux  planches  précé- 
dentes; et  enfin,  des  ornements  du  petit  tapis  placé  sous  les  pieds  de 
la  Sainte  Vierge  (ornements  omis  sur  la  planche  LVl)  et  un  détail  de  la 
broderie  de  son  vêtement. 

»9 


146  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  LIX. 

VITRAIL  DE  SAINTE  ANNE  PORTANT  LA  SAINTE  VIERGE. 

Cette  fenêtre,  qui  fait  ici  pendant  à  la  planche  LX,  est  formée 
par  la  baie  centrale  au-dessous  de  la  grande  Rose  septentrionale.  Elle 
nous  montre,  dans  la  peinture  qui  la  décore,  sainte  Anne  portant  la 
Sainte  Vierge,  sa  fille.  C'est  véritablement  une  image  de  stature  colos- 
sale, et  dans  toute  la  cathédrale  il  n'y  a  pas  dans  les  vitraux  une 
seule  figure  d'une  aussi  grande  dimension.  La  tête  seule,  depuis  le 
sommet  du  crâne  jusqu'au  menton,  a  60  centimètres.  Peut-être  a-t-on 
voulu  indiquer  par  une  taille  aussi  élevée  l'importance  sacrée  de  cette 
seconde  patronne  de  la  cathédrale,  qui  possède  des  reliques  importantes 
de  cette  sainte. 

Elle  est  représentée  debout;  la  Vierge,  encore  jeune  enfant,  est  sur 
son  bras  gauche,  et  sa  main  droite  tient  un  sceptre  qui  s'épanouit  à 
son  sommet  en  trois  roses  blanches.  La  Sainte  Vierge  tient  entr'ou- 
vert  dans  ses  mains  le  livre  de  la  Loi,  qu'elle  médita  dès  sa  plus 
tendre  jeunesse.  C'est  probablement  de  cet  usage,  dans  les  temps  an- 
ciens, démettre  un  livre  entre  les  mains  de  la  Vierge  enfant,  qu'est 
venue  l'habitude  moderne  de  toujours  représenter  sainte  Anne  mon- 
trant à  lire  à  la  Sainte  Vierge. 

Comme  dans  l'image  placée  en  face,  où  l'on  voit  la  Sainte  Vierge 
soutenir  sur  son  bras,  enveloppé  de  draperie,  le  divin  Enfant  Jésus, 
ici  sainte  Anne  soutient  aussi  sa  petite  Fille  avec  une  main  cachée  sous 
son  manteau.  Dans  les  deux  tableaux,  les  vêtements  sont  fort  sem- 
blables. La  Sainte  Vierge  dans  l'un,  sainte  Anne  dans  l'autre,  ont  cha- 
cune une  robe  fort  longue  recouvrant  les  pieds,  puis  une  autre  robe 
assez  courte  garnie  d'un  large  galon  orné  de  pierreries,  et  enfin,  par- 
dessus ces  deux  robes,  un  ample  manteau  qui  recouvre  la  tête  comme 
un  voile  et  descend  ensuite  aussi  bas  que  l'extrémité  inférieure  de  la 


PLANCHE  LIX.  —  LA  VIERGE  ET  SAINTE  ANNE.       «7 

robe  de  dessus.  Au-dessus  de  sa  tête,  un  motif  d'architecture  forme  le 
dais  honorifique  qui  accompagne  toujours  les  représentations  des 
saints  au  moyen  âge.  Deux  consoles  supportent  ce  dais;  la  place  était 
trop  restreinte  pour  y  placer  des  colonnes  latérales.  Sous  les  pieds  de 
la  sainte,  nous  avons  mis  l'inscription  :  SANCTA  ANNA.  L'in- 
scription ancienne  avait  été  remplacée  au  xive  siècle  par  une  autre  qui 
est  aujourd'hui  fort  mutilée  et  qui  semble  contenir  ces  mots  :  Ave  mater 
Anna. 

Au  bas  de  la  fenêtre  est  placé  un  écu  de  France  de  grandes  dimen- 
sions :  d'azur  semé  de  fleurs  de  lis  d'or  sans  nombre;  il  repose  sur  un 
terrain  verdoyant,  garni  de  plantes  et  recouvert  par  une  petite  arcade. 
Ce  blason  se  trouve  ici  probablement  à  cause  du  roi  saint  Louis,  que 
l'on  sait  avoir  largement  contribué  à  la  construction  et  à  la  décoration 
du  transept  septentrional  de  notre  cathédrale. 

Je  pense  qu'il  est  superflu  de  recommander  à  l'attention  les  bor- 
dures de  ces  deux  fenêtres;  leurs  motifs  sont  simples  et  fermes  comme 
les  ornements  de  la  belle  époque  du  xme  siècle. 


•9' 


148  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  LX. 

VITRAIL   DE   LA  VIERGE   PORTANT   L'ENFAIN  T  JÉSUS  '. 

Cette  grande  figure  de  Notre-Dame  debout,  portant  l'Enfant  Jésus 
sur  son  bras  gauche  et  tenant  de  la  main  droite  un  sceptre  terminé 
par  des  feuillages,  occupe  la  fenêtre  médiane  qui  est  sous  la  Rose  du 
midi.  Enveloppée  d'amples  vêtements  et  portant  sur  sa  tête  une  cou- 
ronne royale,  cette  image  est  placée  sous  un  dais  supporté  par  des 
colonnes  engagées.  Elle  présente  aux  hommages  des  fidèles  son  Fils 
encore  enfant,  mais  dont  la  puissance  se  manifeste  déjà  par  la  béné- 
diction qu'il  nous  envoie  de  la  main  droite,  la  main  gauche  étant  ap- 
puyée sur  ses  genoux.  C'est  le  type  ordinaire  employé  au  xmc  siècle 
pour  représenter  la  Vierge  et  son  Fils;  il  se  trouve  maintes  fois  dans  la 
cathédrale,  en  peinture  sur  verre  et  en  sculpture.  Il  faut  remarquer 
qu'à  cette  époque  ce  n'est  plus  cette  reine  majestueuse  assise  sur  un 
trône  et  les  pieds  sur  un  marchepied  honorifique;  les  personnages  de- 
viennent moins  imposants  et  les  têtes  se  ressentent  de  cette  décadence. 
Sous  les  pieds  de  la  Vierge  on  voit  un  écu  où  sont  les  armoiries  des 
seigneurs  décrits  aux  planches  XXXVIII  et  suivantes.  Le  champ  de 
l'écu  est  échiqueté  d'or  et  d'azur  (Dreux),  au  franc  quartier  d'hermine 
(Bretagne),  le  tout  entouré  d'un  ourlet  de  gueules.  Par  suite  d'une 
erreur  de  lithographie,  ce  quartier,  qui  se  voit  ici  à  droite,  est  en 
réalité  à  gauche  dans  le  vitrail.  On  remarquera  la  forme  des  queues 
d'hermine,  qui  depuis  ont  singulièrement  changé.  Cet  écu  est  censé 
attaché  avec  une  courroie  à  l'arcade  qui  le  surmonte;  deux  vases 
exhalent,  en  l'honneur  de  Dieu  et  de  sa  Mère,  des  vapeurs  de  parfum, 
genre  d'ornement  fort  rare  au  xiu1'  siècle. 

1   H  y  a  une  erreur  dans  la  table  in-t'olio.  Cette  planche  y  porte  à  tort  le  titre  de  Vitrail 
de  la  Vierge  et  de  sainte  Anne. 


PLANCHE  LXI.  —  HISTOIRE  DE  L'ENFANT  PRODIGUE.  149 


PLANCHE   LXI. 

VITRAIL  DE   L'ENFANT   PRODIGUE. 

XIIIe  SIÈCLE. 

Parmi  les  vitraux  de  la  cathédrale  de  Chartres,  il  y  en  a  plusieurs 
qui  offrent  un  intérêt  particulier,  parce  que  les  sujets  qu'ils  repré- 
sentent sont  assez  rares  dans  l'iconographie  chrétienne;  ils  ne  se  rap- 
portent ni  à  l'Ancien  ni  au  Nouveau  Testament,  ni  à  la  vie  des 
saints,  comme  les  autres  peintures  qui  se  voient  sur  les  murs  des 
églises,  mais  ils  nous  offrent  sous  une  forme  allégorique  des  ensei- 
gnements moraux  :  telles  sont,  par  exemple,  les  paraboles  du  bon 
Samaritain  et  de  l'Enfant  prodigue.  On  trouve  ici  la  preuve  que 
l'enseignement  des  vérités  chrétiennes  formait  un  corps  de  doctrine 
universellement  répandu  qui  n'était  pas  sujet  au  caprice  individuel,  car 
ces  mêmes  sujets  se  retrouvent  aussi  dans  d'autres  églises,  peints 
sur  verre  ou  sur  mur,  et  les  idées  qu'ils  expriment  se  trouvent  con- 
signées dans  les  auteurs  ecclésiastiques.  Les  savants, auteurs  de  la  des- 
cription des  vitraux  de  Bourges,  les  RR.  PP.  Cahier  et  Martin,  nous 
ont  fait  connaître,  ta  l'aide  de  textes  et  de  citations,  combien  ces  idées 
étaient  répandues  au  moyen  âge  et  combien  elles  étaient  familières. 

Dans  chacun  des  petits  tableaux  qui  composent  l'ensemble  du  vi- 
trail il  faut  voir  non  seulement  le  fait  réel  qu'il  représente,  mais 
encore  une  idée  dont  le  sens  est  enveloppé  sous  cette  apparence, 
et  que  le  commentaire  vient  nous  expliquer  et  graver  dans  notre 
pensée. 

Cette  parabole  de  l'Enfant  prodigue  (Luc,  xv),  qui  se  déploie  dans 
la  fenêtre  que  nous  avons  sous  les  yeux,  a  donc  un  double  sens.  Elle 
nous  montre,  d'un  côté,  les  différents  événements  racontés  dans  le  texte 
évangélique  et,  de  l'autre,  elle  symbolise  le  sens  caché  de  chacun  de 
ces  événements. 


150  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Elle  représente  les  félicités  de  l'homme  en  son  innocence,  les 
malheurs  et  misères  qui  l'ont  suivi  après  son  péché,  et  les  grâces  et 
laveurs  qu'il  reçoit  en  sa  justification;  en  d'autres  termes,  nous  pou- 
vons observer  dans  ce  tableau  les  divers  états  dans  lesquels  les  théolo- 
giens divisent  la  nature  humaine.  Le  premier  est  celui  de  la  justice 
originelle,  appelé  Status  naturœ  integrœ;  le  second  est  celui  du  péché, 
qui  se  nomme  Status  naturœ  lapsœ,  et  le  troisième  celui  de  la  grâce, 
qui  porte  pour  titre  Status  naturœ  reparatœ  ou  restauratœ.  Ces  trois 
états  sont  vivement  et  distinctement  représentés  en  la  peinture  de  l'En- 
fant prodigue.  Car  qu'est-ce  autre  chose  que  cet  enfant  demeurant 
paisible  en  la  maison  paternelle,  sinon  l'homme  en  l'état  d'innocence? 
Qu'est-ce  de  voir  ce  prodigue  manger  misérablement  avec  les  porcs, 
si  ce  n'est  l'état  de  la  nature  viciée  et  corrompue  par  le  péché?  Et 
qu'est-ce  que  cet  enfant  embrassé  et  chéri  de  son  père  à  son  retour 
à  la  maison,  sinon  l'état  de  la  nature  réparée  par  la  grâce? 

Homo  quidam  habuit  duosjilios,  nous  dit  le  texte  évangélique  en 
commençant  cette  histoire.  Que  signifient  ces  deux  enfants?  Suivant 
saint  Jérôme,  c'est  le  peuple  judaïque  et  le  peuple  gentil.  Suivant 
saint  Athanase,  par  le  premier  enfant  il  faut  entendre  les  justes,  et 
par  le  prodigue  les  pécheurs,  car  les  justes  peuvent  bien  dire  à  Dieu, 
comme  le  fils  aîné  :  Numquam  mandatum  tuum  prœterii. 

L'homme,  ayant  donc  reçu  de  Dieu  toutes  les  perfections  du  monde, 
s'en  va  dans  une  région  éloignée,  en  un  pays  étranger,  et  dissipe  toutes 
ses  richesses  dans  le  désordre  et  la  débauche.  H  nous  représente  l'état 
infortuné  et  déplorable  du  pécheur,  qui  ne  se  contente  pas  de  sortir 
de  la  maison  de  Dieu  par  son  vice,  mais  gagne  les  champs  et  s'éloigne 
de  lui  par  ses  erreurs  et  par  ses  affections  dépravées,  par  lesquelles  il 
adhère  aux  créatures. 

Facta  est  famés  valida  in  regione  Ma.  Ce  sont  les  suites  du  péché  ori- 
ginel qui  nous  privent  des  grâces  et  des  bénédictions  dont  nous  de- 
vrions être  comblés,  qui  sont  la  véritable  nourriture  de  notre  âme  et 
peuvent  l'entretenir  en  l'amour  de  Dieu. 

Abiit  et  adhœsit  uni  civium  regionis  illius.  Ce  malheureux  prodigue, 


PLANCHE  LXI.  —  HISTOIRE  DE  L'ENFANT  PRODIGUE.  151 

ce  pauvre  pécheur,  va  trouver  un  habitant  de  ce  pays  lointain  et  se 
met  à  son  service.  Or  cet  homme  dont  il  devient  le  valet  et  l'esclave, 
c'est  le  démon,  auquel  il  va  se  confier.  Non  seulement  il  a  quitté  le 
royaume  de  Dieu,  son  père,  et  la  compagnie  des  anges,  mais  il  se  livre 
tout  entier  à  Satan  et  se  rend  le  compagnon  des  diables.  Son  sort 
devient  de  plus  en  plus  malheureux  et  pitoyable.  Il  manque  de  (oui 
et  porte  envie  aux  animaux  immondes  qu'on  lui  a  donné  à  garder. 

La  miséricorde  et  la  bonté  de  Dieu  lui  sont  rappelées  à  la  mémoire 
par  l'inspiration  du  Saint  Esprit;  il  s'écrie: 

Surgam  et  ibo  adpalrem  meum,  et  dicam  ei  :  *  Pater,  peccavi  in  cœlum  et 
coram  te.n  Un  saint  désir  de  faire  pénitence  s'empare  de  son  cœur;  il 
veut  abandonner  les  folies  mondaines  dans  lesquelles  il  était  plongé; 
il  va  se  jeter  dans  le  sein  de  la  miséricorde  de  Dieu  et  lui  demander 
pardon  en  reconnaissant  qu'il  était  justement  irrité  contre  lui.  Voici 
notre  prodigue  entrant  dans  la  voie  de  la  pénitence.  Il  reconnaît  les 
justes  jugements  de  Dieu,  qui  l'affligeaient  temporellement  pour  lui 
ouvrir  les  yeux  et  lui  faire  reconnaître  son  désastre.  H  conçoit  dans 
son  âme  une  espérance  certaine  que  Dieu,  qui  est  le  père  de  la  miséri- 
corde, ne  lui  refusera  pas  son  pardon  et  sa  grâce.  H  se  décide  à  re- 
tourner vers  lui  en  lui  confessant  ses  fautes.  Il  ne  faut  pas  avoir  honte 
de  sortir  de  son  vice,  mais  de  l'avoir  commis.  Et  ici,  les  commentaires 
nous  développent  l'importance  et  la  nécessité  de  la  confession,  de  la 
contrition  et  de  la  satisfaction. 

Et,  cum  adhuc  longe  esset,  vidit  illum  pater  illius ,  et  misericordia  motus 
est,  et  accurrens  cecidit  super  collum  ejus  et  osculatus  est  eum.  Tels  sont  les 
sentiments  de  compassion  et  de  pitié  que  Dieu  ressent  pour  l'homme 
coupable  et  telle  est  l'affection  qu'il  ressent  pour  sa  malheureuse  créa- 
ture déchue  que  la  seconde  personne  de  la  Sainte  Trinité  descend 
sur  la  terre  et  se  fait  homme.  Le  mystère  de  l'incarnation  est  le  résultat 
de  cette  immense  affection  de  Dieu  pour  le  genre  humain  coupable  : 
Sic  Deus  dilexit  mundum  utjîlium  nuigenitum  daret. 

Cito  proferte  stohm  primam  et  induite  illum.  La  grâce  lui  rend  son 
innocence  et  ses  vêtements  sans  tache. 


152  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

Adducite  vitulum  saginalum,  et  occidite,  et  manducemus  et  epulemur.  Ce 
banquet  nous  représente  la  parfaite  liberté  et  l'affranchissement  du  ser- 
vage et  de  l'esclavage  auxquels  notre  prodigue  s'était  asservi  par  sa  dé- 
bauche. Cette  renaissance  surpasse  la  première,  car  la  naissance  d'Adam 
lui  avait  donné  seulement  l'être;  la  seconde  le  fait  enfant  de  Dieu;  il 
retrouve  la  grâce  spirituelle  et  devient  digne  de  participer  au  festin 
céleste  :  Beati  qui  ad  cœnam  nuptiarum  agni  vocali  sunl.  Beatus  qui  man- 
ducabit  panem  in  œternum.  Justi  epulenlur,  et  exultent  in  conspectu  Dei  et 
delectentur  in  lœtitia. 

Tel  est  le  sens  caché  que  recèlent  les  diverses  petites  compositions 
si  artistement  disposées  dans  ce  vitrail,  et  que  représentent  successive- 
ment les  scènes  suivantes  dans  la  suite  des  panneaux  de  cette  fenêtre  : 

Le  jeune  homme  demande  à  son  père  sa  légitime. 

Le  père  la  lui  donne;  c'est  un  vase  précieux  et  de  l'argent  qu'il  tire 
d'un  coffre. 

Deux  scènes  le  représentent  à  cheval  et  partant  en  voyage. 

Des  courtisanes  l'invitent  à  entrer  dans  leur  maison. 

U  est  à  table  avec  elles. 

Des  serviteurs  et  des  servantes  préparent  les  mets  et  les  apportent. 

Les  deux  courtisanes  couronnent  de  fleurs  le  jeune  prodigue  et  l'em- 
brassent. 

Le  prodigue  perd  son  argent  en  jouant  aux  échecs. 

Il  est  presque  nu  sur  un  lit  d'où  l'on  veut  le  chasser. 

Une  courtisane  le  met  à  la  porte  à  peine  vêtu. 

Une  autre  le  chasse  à  coups  de  bâton. 

11  va  trouver  un  homme  riche  pour  entrer  à  son  service. 

Il  abat  des  glands  pour  les  pourceaux  qu'on  lui  a  donné  à  garder. 

Il  est  assis  auprès  de  ces  animaux  et  médite  sur  son  triste  sort. 

Il  se  met  en  route  pour  revenir  à  la  maison  paternelle. 

Il  demande  pardon  à  son  père. 

On  lui  apporte  une  robe  neuve. 

On  tue  le  veau  gras. 

On  fait  rôtir  le  veau  et  l'on  apprête  le  festin. 


PLANCHE  LXI. -^HISTOIRE  DE  L'ENFANT  PRODIGUE.  153 

Le  fils  aîné  faisant  des  reproches  à  son  père. 

Le  père  à  table  avec  ses  enfants. 

Des  serviteurs  apportent  les  mets,  et  des  musiciens  jouent  des  in- 
struments et  chantent. 

Au  sommet  du  vitrail,  Dieu,  assis  sur  un  trône,  bénit  de  la  main 
droite  la  boule  du  monde  qu'il  tient  dans  la  main  gauche;  de  chaque 
côté,  il  est  salué  et  adoré  par  un  ange. 

Au  bas  de  la  fenêtre,  nous  voyons  des  marchands  de  bœufs  qui  se 
sont  fait  représenter  comme  donateurs  du  vitrail. 


154  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE   LXII. 

VITRAIL    DE   SAINT   JACQUES. 

XIIIe  SIÈCLE. 

Saint  Jacques  le  majeur,  fils  de  Zébédée,  fut  un  des  apôtres  de  Jésus- 
Christ.  Après  l'Ascension,  il  prêcha  l'évangile  en  Judée,  puis  partit 
pour  l'Espagne,  afin  d'y  porter  la  bonne  nouvelle.  Cette  mission 
ne  fut  pas  heureuse,  et  l'on  prétend  qu'il  ne  fit  en  ce  pays  qu'une 
seule  conversion.  Il  s'était  attaché  neuf  disciples  et,  en  laissant  deux 
en  Espagne,  il  revint  en  Judée  avec  les  sept  autres,  et  continua  à  ré- 
pandre chez  les  Juifs  la  doctrine  évangélique,  malgré  les  persécutions 
qu'ils  lui  faisaient  subir.  Après  une  vie  laborieuse  et  pénible,  il  fui 
décapité  à  Jérusalem  par  ordre  d'Hérode  Agrippa.  Ses  disciples  lui 
érigèrent  plus  tard  une  très  belle  église  dans  le  lieu  où  il  subit  son 
supplice,  mais  la  crainte  des  Juifs  empêcha  de  donner  la  sépultur.e  à 
son  corps.  On  le  mit  dans  un  navire  que  l'on  abandonna  sur  les  flots 
aux  soins  de  la  Providence.  Le  vaisseau,  guidé  par  un  ange,  vint  abor- 
der en  Galice,  où,  après  plusieurs  événements  miraculeux,  le  corps 
du  bienheureux  apôtre  trouva  enfin  un  lieu  de  repos.  Les  prodiges 
qui  se  firent  sur  son  tombeau  attirèrent  la  foule  des  fidèles  en  cet  en- 
droit, qui  devint  le  siège  du  célèbre  pèlerinage  de  Compostelle.  Le 
récit  des  miracles  de  saint  Jacques  remplit  des  livres  entiers  et  leur 
renommée  se  répandit  par  toute  la  terre. 

Les  sujets  qui  sont  représentés  dans  ce  vitrail  se  rapportent  pour 
la  plupart  aux  aventures  d'un  magicien  juif,  nommé  Hermogène  ou 
Almoginès,  qui  persécuta  le  Saint,  et  qui  finit  par  être  converti  par  lui 
au  christianisme  et  être  martyrisé  avec  lui,  suivant  la  légende. 

Nous  allons  énumérer  ces  divers  sujets ,  faisant  observer  d'abord  qu'ils 
ne  se  suivent  pas  régulièrement,  ainsi  qu'il  arrive  quelquefois  dans 
les  monuments  du  moyen  âge,  les  artistes  se  permettant  souvent  des 
licences  dans  la  disposition  des  panneaux. 


PLANCHE  LXII.  —  LA  VIE  DE  SAINT  JACQUES.  155 

Dans  les  deux  angles  inférieurs  on  voit  deux  tableaux  représen- 
tant les  donateurs  de  la  fenêtre  :  ce  sont  des  pelletiers  et  des  mar- 
chands d'étoffes  pour  habillements.  Ces  scènes,  d'une  vérité  et  d'une 
naïveté  remarquables,  nous  fournissent  de  précieux  renseignements 
sur  les  costumes  civils  au  xmc  siècle.  Dans  celle  de  gauche,  un  jeune 
bourgeois  est  revêtu  du  costume  habituel  à  cette  époque,  une  robe  de 
dessous,  un  pardessus  à  manches  qu'on  laissait  pendre  et  garni  d'un 
capuchon  ;  il  porte  des  gants.  Le  marchand  lui  montre  une  pièce  de 
fourrure,  tandis  que  le  commis  du  magasin  ouvre  un  grand  bahut  pour 
y  chercher  des  étoiles. 

A  droite,  un  acheteur  vient  choisir  des  étoffes,  et  pendant  que  le 
maître  du  magasin  en  fait  valoir  la  qualité,  son  serviteur  applique  une 
mesure  (une  aune?)  sur  la  pièce  qu'il  déploie.  On  remarquera  que 
la  robe  de  ce  commis  est  mi-partie  de  rouge  et  de  vert,  ce  que  ne 
peut  représenter  une  gravure;  derrière  lui  sont  des  piles  d'étoffes  en 
pièces  placées  sur  une  table. 

Les  sujets  qui  sont  disposés  sur  le  reste  de  la  fenêtre  sont  la  repré- 
sentation des  faits  relatifs  à  la  vie  de  saint  Jacques. 

Au  bas  du  vitrail,  on  voit  le  saint  apôtre  entre  les  mains  duquel  le 
Christ  remet  un  objet  qu'on  ne  peut  déterminer;  un  ange  est  derrière 
le  Christ. 

Almoginès,  sur  l'épaule  duquel  est  un  démon,  ordonne  à  son  dis- 
ciple Filetus  d'aller  convertir  saint  Jacques. 

Saint  Jacques  assis  discute  avec  un  groupe  d'auditeurs. 

Filetus  présente  à  saint  Jacques  le  livre  de  la  fausse  doctrine. 

Filetus,  en  présence  de  son  maître  Almoginès,  que  conseille  le 
démon. 

Saint  Jacques,  emmené  la  corde  au  cou,  guérit  un  paralytique  sur 
son  chemin. 

Saint  Jacques  envoie  à  Filetus  son  manteau  pour  le  délivrer  des 
liens  dont  les  démons  l'ont  lié. 

On  revêt  Filetus  du  manteau  de  saint  Jacques;  le  démon  est  mis 
en  fuite. 


156  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

Almoginès,  par  la  force  de  ses  enchantements,  envoie  deux  démons 
se  saisir  de  saint  Jacques. 

Les  démons  arrivent  devant  saint  Jacques,  qui  leur  ordonne  à  son 
tour  de  s'emparer  du  magicien. 

Les  démons  emmènent  Almoginès. 

Us  l'amènent  devant  saint  Jacques. 

Saint  Jacques  discute  avec  Almoginès. 

Almoginès  brûle  ses  livres  de  magie. 

H  se  prosterne  devant  saint  Jacques. 

Saint  Jacques  est  conduit  avec  Almoginès  devant  Hérode. 

Almoginès,  en  présence  de  saint  Jacques,  brise  une  idole. 

Saint  Jacques  est  mis  en  prison. 

Almoginès  parle  à  un  groupe  de  Juifs. 

Almoginès  visite  saint  Jacques  dans  sa  prison. 

Filetus  subit  le  joug  des  démons  par  l'incantation  d'Almoginès 
(sujet  qui  devrait  se  trouver  dans  une  autre  place). 

Almoginès  maltraité  par  les  Juifs,  après  sa  conversion. 

Saint  Jacques  ordonne  à  Almoginès  de  jeter  ses  livres  de  magie 
dans  la  mer. 

Saint  Jacques  et  Almoginès  sont  emmenés,  la  corde  au  cou,  vers 
le  lieu  du  supplice;  en  chemin,  saint  Jacques  guérit  des  boiteux  et  des 
infirmes. 

Autre  sujet  semblable  :  Saint  Jacques  et  Almoginès,  attachés  avec 
des  cordes,  sont  menés  au  supplice. 

Saint  Jacques  décapité  par  un  bourreau. 

Almoginès  a  la  tête  tranchée  en  présence  de  l'empereur. 

Au  sommet  de  la  fenêtre,  Dieu,  assis  sur  les  nuages  entre  des  flam- 
beaux, tient  le  globe  du  monde  d'une  main  et,  de  l'autre,  le  bénit. 


PLANCHE  LXIII.  —  LA  VIE  DE  SAINT  JACQUES.  157 

PLANCHE  LXIII. 

VITRAIL    DE    SAINT    JACQUES. 

Cette  gravure  reproduit  à  une  échelle  beaucoup  plus  grande  huit 
des  panneaux  que  nous  venons  de  voir  rangés  à  leur  place  dans  cette 
verrière  :  ce  sont  ceux  qui  forment  le  bas  de  la  fenêtre. 

Les  plus  inférieurs  représentent,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
les  marchands  d'étoffes  et  de  fourrures  au  milieu  de  leurs  marchan- 
dises, pelleteries,  etc.,  et  les  faisant  voir  à  des  acheteurs. 

Au-dessus  sont  quatre  panneaux  où  nous  voyons  : 

i°  Jésus-Christ,  debout  et  accompagné  d'un  ange,  remet  entre  les 
mains  de  saint  Jacques  une  sorte  de  masse  ou  de  foulon  ; 

9°  Le  magicien  Almoginès  (le  démon  sur  les  épaules)  envoie  son 
disciple  Filetus  vers  saint  Jacques  :  on  lit  leurs  noms; 

3°  Saint  Jacques  faisant  une  allocution  à  plusieurs  personnages 
assis  devant  lui  :  il  leur  présente  un  vase  (qui  semble  une  restauration): 

6°  Filetus  présente  à  saint  Jacques  un  livre  de  magie. 

En  haut  de  la  planche  il  y  a  deux  autres  panneaux.  Dans  l'un,  on 
voit  Filetus  revenant  vers  Almoginès  lui  rendre  compte  de  sa  commis- 
sion. Dans  l'autre,  saint  Jacques  est  emmené,  la  corde  au  cou,  par 
Almoginès  :  il  rencontre  un  boiteux  qui  se  jette  à  ses  genoux  et  qu'il 
semble  guérir. 


158  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHES  LXIV,  LXV,  LXVL 

VITRAIL   DE   SA1JNT  EUSTACHE.. 

XIIIe  SIÈCLE. 

Nous  trouvons  représentés  sur  les  panneaux  qui  composent  cette 
fenêtre  les  traits  principaux  de  la  vie  merveilleuse  de  saint  Eustache, 
et  nous  allons  les  suivre  et  les  décrire  dans  l'ordre  où  ils  se  trouvent. 

Eustache  se  nommait  d'abord  Placidas  et  commandait  les  gardes  de 
l'empereur  Trajan,  mais  il  était  païen  et  adorait  les  idoles;  cependant, 
comme  il  était  fort  miséricordieux,  Dieu  voulut  l'appeler  à  lui  et  lui 
faire  connaître  la  véritable  religion.  Un  jour  il  était  à  la  chasse  et  pour- 
suivait une  troupe  de  cerfs,  comme  cela  est  représenté  dans  le  grand 
panneau  au  bas  de  la  fenêtre:  on  le  voit  avec  son  arc  et  ses  flèches, 
monté  sur  un  cheval  et  accompagné  d'un  écuyer  qui  sonne  du  cor; 
auprès  sont  les  chiens  et  les  cerfs;  les  quatre  petits  panneaux  qui  sont 
autour  contiennent  des  piqueurs  tenant  en  laisse  plusieurs  couples  de 
chiens.  Cependant  un  des  cerfs  entraîna  Placidas  dans  un  endroit 
écarté  et,  étant  monté  sur  un  rocher,  il  se  retourna  vers  le  chasseur, 
qui  aperçut  entre  ses  bois  l'image  du  crucifix;  frappé  d'étonnement  à 
l'aspect  de  cette  vision,  il  se  précipite  à  bas  de  son  cheval  et  s'age- 
nouille devant  la  sainte  image  de  Jésus.  Le  Christ  alors  lui  parla,  lui 
ordonna  de  se  faire  baptiser  et  lui  annonça  qu'il  aurait  beaucoup  à 
souffrir  pour  conserver  la  foi,  mais  qu'il  ne  devait  pas  perdre  courage, 
parce  qu'il  obtiendrait  par  ce  moyen  la  faveur  d'une  vie  éternellement 
heureuse;  nous  voyons  cette  scène  représentée  dans  le  panneau  plus 
haut  et  à  gauche.  Plus  loin,  nous  assistons  au  baptême  de  notre  chas- 
seur, qui  prend  alors  le  nom  d'Eustacius,  comme  cela  est  écrit  au  bas 
de  ce  tableau.  L'évêque  est  accompagné  de  ses  acolytes  et  bénit  le 
saint,  qui  est  plongé  dans  la  cuve  baptismale  et  sur  lequel  descend 
sous  forme  de  rayons  la  grâce  céleste. 


PLANCHES  LXIV-LXVI.  —  LÉGENDE  DE  SAINT  EUSTACHE.      159 

Dans  le  panneau  en  forme  de  losange  qui  est  au-dessus,  Eustache 
(on  lit  Eustacius)  quitte  sa  ville  natale,  accompagné  de  sa  femme  Théo- 
pista  et  de  ses  deux  fils  Agapitus  et  Théopislus,  après  avoir  perdu 
tous  ses  biens. 

Les  quatre  petits  panneaux  circulaires  renferment  les  images  des 
marchands  d'étolfes  et  de  fourrures,  donateurs  de  ce  vitrail. 

Plus  haut,  sur  le  panneau  à  gauche,  le  saint,  portant  des  hardes  sur  un 
bâton  de  voyage  et  suivi  de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  se  présente 
devant  le  patron  d'un  navire  pour  faire  marché  avec  lui  :  on  lit  Eus- 
tacius. Dans  le  tableau  suivant,  ils  s'embarquent  tous  les  quatre  et 
montent  sur  le  navire  :  on  lit  Euslacius. 

Dans  le  compartiment  placé  au-dessus,  les  deux  enfants  sont  déjà  à 
terre,  et  le  patron  du  navire  en  expulse  le  pauvre  Eustache  en  lui  as- 
sénant des  coups  de  poing,  tandis  qu'il  retient  sa  femme  qu'il  convoite 
et  dont  il  veut  s'emparer. 

Les  quatre  petits  sujets  qu'on  voit  autour  ne  sont  pas  assez  précis 
pour  que  l'on  puisse  dire  ce  qu'ils  représentent;  sur  l'un,  un  roi 
donne  des  ordres  à  deux  serviteurs. 

Le  saint,  ayant  ensuite  rencontré  un  fleuve  qu'il  lui  fallut  traverser, 
laisse  un  de  ses  enfants  sur  la  rive  et  se  mit  à  transporter  l'autre  de 
ses  fils;  lorsqu'il  l'eut  déposé  sur  le  bord  opposé,  il  revint  chercher  le 
second,  et  lorsqu'il  fut  arrivé  au  milieu  du  fleuve,  un  lion  accourut 
tout  à  coup,  saisit  dans  sa  gueule  l'enfant  qu'il  venait  de  quitter  et 
l'emporta.  Eustache,  désespéré,  se  hâta  de  se  diriger  vers  son  autre  en- 
fant, mais  un  loup  survint  et  emporta  de  son  côté  le  pauvre  petit.  Le 
malheureux  père  au  désespoir  étend  les  bras  vers  le  ciel  et  implore 
le  secours  de  Dieu.  Des  pasteurs,  voyant  le  lion  emporter  un  enfant 
vivant,  le  poursuivirent  avec  de  grandes  clameurs,  et  Dieu  permit  que 
le  lion  abandonnât  l'enfant  sans  lui  avoir  fait  de  mal.  De  leur  côté,  des 
laboureurs  poursuivirent  le  loup  avec  leurs  chiens  et  lui  arrachèrent 
aussi  l'autre  enfant  sain  et  sauf. 

Dans  le  tableau  qui  est  au-dessus  de  ces  scènes  extraordinaires,  la 
femme  d'Eustache,  à  genoux  devant  son  mari,  lui  raconte  comment  elle 


160  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

a  échappé  à  la  méchanceté  et  aux  mauvais  desseins  du  maître  du  na- 
vire, et  les  deux  fils  miraculeusement  sauvés  se  présentent  aussi  devant 
leur  père;  des  spectateurs  émerveillés  assistent  à  cette  scène. 

Puis,  deux  petits  panneaux  représentent  Théopista  allant  retrouver 
son  mari,  et  cette  famille  réunie  se  réjouit  de  ce  bonheur,  qu'elle 
célèbre  dans  un  festin. 

Cependant  l'empereur  avait  fait  rechercher  son  ancien  capitaine  à 
cause  des  services  qu'il  lui  avait  rendus  autrefois  et  qu'une  nouvelle 
guerre  lui  rendait  nécessaires.  On  l'avait  retrouvé  à  grand'peine,  et 
grâce  à  Eustache  l'empereur  remporta  la  victoire.  L'empereur  voulut 
la  célébrer  en  offrant  aux  idoles  des  sacrifices  de  louanges;  il  ordonna 
à  Eustache  de  l'accompagner  au  temple.  Le  saint,  n'ayant  pas  voulu 
sacrifier  aux  faux  dieux,  fut  condamné  à  périr  avec  toute  sa  famille. 
Ils  furent  enfermés  dans  un  taureau  d'airain  qui  fut  exposé  sur  le  feu, 
où  ils  restèrent  pendant  trois  jours.  C'est  ainsi  qu'ils  méritèrent  la  cou- 
ronne du  martyre,  que  la  main  divine,  sortant  du  ciel  au  sommet  du 
vitrail,  dépose  sur  la  tête  d'Eustache. 


PLANCHE  LXVII.  —  VITRAIL  DE  SAINT  GEORGES.  161 


PLANCHE  LXVII. 

VITRAIL  DE  SAINT  GEORGES. 

XIIIe  S1KCLE. 

Ce  vitrail  se  trouve  dans  une  des  hautes  fenêtres  de  la  nef.  du  côté 
du  nord. 

Le  saint  est  debout  et  revêtu  d'un  costume  fort  riche  de  guerrier; 
une  cuirasse  d'écaillés  très  ornementées  enveloppe  tout  le  haut  de  son 
corps,  la  poitrine  et  les  bras;  au-dessous,  une  sorte  de  jupe  ou  de 
fustanelle  recouvre  les  cuisses;  les  avant-bras  et  les  jambes  sont  plus 
à  la  légère.  Il  tient  dans  sa  main  droite  un  glaive,  avec  le  ceinturon; 
la  gauche,  appuyée  sur  un  bouclier  qui  repose  à  terre,  tient  en  même 
temps  une  lance  au  sommet  de  laquelle  est  attachée  une  flamme;  la 
tête  est  nue.  Dans  les  tableaux  grecs,  dont  ce  vitrail  semble  une  copie 
légèrement  altérée,  le  casque  est  suspendu  au  côté  du  personnage. 
Par  derrière  on  lit  le  nom  du  saint,  et  le  haut  de  la  fenêtre  est  garni 
d'un  motif  d'architecture  riche  et  compliqué,  formant  le  dais  qui  sur- 
monte ordinairement  les  images  des  saints  au  moyen  âge. 

Au  bas  de  la  fenêtre,  on  voit  le  saint  que  deux  hommes  sont  en 
train  de  lier  sur  une  roue  pour  le  supplicier  ;  les  jantes  de  cette  roue 
sont  formées  par  des  glaives,  dont  quelques-uns  semblent  pénétrer 
clans  le  corps  du  saint. 


162  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 


PLANCHE  LXVIII. 

VITRAIL    DE    CUARLEMAGNE. 

XIII*  SIÈCLE. 

Voici  l'un  des  vitraux  les  plus  intéressants  de  la  cathédrale.  11  re- 
présente une  partie  de  la  légende,  bien  connue  au  moyen  âge,  de  Char- 
lemagne  et  de  son  neveu  Roland.  La  renommée  du  grand  empereur 
remplissait  le  monde.  Ses  hauts  faits  pendant  la  guerre,  ses  institutions 
civiles  et  ses  occupations  littéraires  pendant  la  paix  avaient  une  célé- 
brité qui  l'entourait  d'une  auréole  de  merveilleux  et  même  de  sain- 
teté. Les  poëtesle  célébraient  ainsi  que  les  héros  de  sa  cour.  Le  temps,  au 
lieu  d'affaiblir  après  la  mort  ces  souvenirs,  allait  en  les  augmentant  et 
en  les  embellissant.  Les  arts,  les  sciences  et  les  lettres  avaient  été  cul- 
tivés avec  grande  faveur  à  la  cour  de  Gharlemagne  et  leur  bienfaisante 
influence  s'était  continuée  après  lui  avec  grand  succès  pendant  plu- 
sieurs siècles;  mais  à  l'époque  de  la  Renaissance  cette  ancienne  gloire 
de  la  France,  qui  avait  rempli  le  monde,  cesse  de  briller  et  finit  par 
tomber  dans  le  discrédit,  et  plus  tard  dans  le  mépris  et  l'oubli.  Ce 
n'est  que  depuis  peu  d'années  que  les  érudits  ont  fait  sortir  de  la  pous- 
sière des  bibliothèques  notre  ancienne  littérature  et  ses  merveilles, 
tandis  que  les  antiquaires  et  les  archéologues  nous  dévoilaient,  comme 
un  nouveau  monde, les  mérites  et  les  beautés  de  notre  art  national. 

Rien  des  poëmes  ont  été  écrits  sur  Gharlemagne  et  ses  pairs.  L'un 
des  plus  célèbres  est  celui  qui  porte  pour  titre  :  La  Chanson  de  Roland. 
Ce  n'est  cependant  pas  elle  qui  a  servi  au  peintre  de  modèle  pour 
les  représentations  que  nous  voyons  ici;  c'est  dans  Vincent  de  Reauvais 
et  dans  la  chronique  de  Turpin  qu'il  a  été  chercher  ses  inspirations. 

Le  vitrail  a  été  donné  par  les  pelletiers  fourreurs;  au  bas  de  la  fenêtre 
l'on  voit  un  de  ces  marchands  qui  exhibe  à  un  bourgeois  de  Chartres 
une  grande  robe  doublée  de  vair. 


PLANCHE  LXVIII.  —  HISTOIRE  DE  GHARLEMAGNE.  163 

Dans  le  panneau  au-dessus,  adroite,  Constantin,  Empereur  d'Orient, 
est  couché  et  dort;  un  ange  l'avertit  en  songe  d'avoir  recours,  pour 
combattre  les  Sarrasins  de  Palestine,  à  Charlemagne,  et  en  même 
lemps  l'on  aperçoit  celui-ci  à  cheval,  revêtu  de  son  coslume  de  combat. 
le  casque  en  tête,  le  grand  bouclier  sur  le  côté,  et  portant  la  cotte  de 
mailles. 

Charlemagne  assis  entre  deux  évêques  s'entretient  avec  eux.  Il  est 
nimbé,  car  on  lui  donne  le  titre  de  saint  à  cette  époque. 

Charlemagne  reçu  aux  portes  de  Constantinople  par  l'Empereur 
d'Orient. 

Combat  des  Français  et  des  Sarrasins.  Il  faut  remarquer  la  forme  un 
peu  déprimée  du  casque  des  Français,  leurs  boucliers  longs  se  ter- 
minant en  pointe  à  la  partie  inférieure  et  leurs  cottes  de  mailles,  tandis 
que  les  infidèles  ont  un  casque  conique,  un  bouclier  rond  et  des  cottes 
formées  par  des  lamelles.  Le  combat  est  terrible.  Le  roi  franc,  recon- 
naissable  à  la  couronne  qui  accompagne  son  casque,  tranche  la  tête  du 
roi  son  adversaire,  tandis  qu'un  Sarrasin  va  assener  un  coup  de  hache 
d'armes  sur  Charlemagne,  que  protègent  ses  compagnons.  Le  mouve- 
ment rapide  des  chevaux  est  bien  exprimé;  ils  sont  au  grand  galop. 

Dans  le  cours  de  ce  vitrail,  on  rencontre  plusieurs  panneaux  où  les 
guerriers  se  montrent  dans  un  costume  fort  intéressant  à  étudier.  Les 
sujets  militaires  sont  rarement  représentés  d'une  manière  aussi  précise 
et  aussi  détaillée  que  dans  cette  légende  de  Charlemagne.  H  y  a  ici 
des  observations  très  utiles  à  faire  sur  le  costume  des  guerriers  francs 
et  sarrasins  et  sur  la  manière  dont  les  chevaux  sont  équipés. 

Charlemagne  pour  prix  de  ses  services  reçoit  des  reliques  précieuses, 
renfermées  dans  trois  châsses  que  lui  offre  l'Empereur  d'Orient  :  c'est 
un  morceau  de  la  vraie  croix,  un  suaire  du  Sauveur  et  une  tunique  de 
la  Sainte  Vierge. 

Charlemagne  offre  ces  trois  châsses  et  la  couronne  du  roi  sarrasin  à 
l'abbaye  de  Saint-Denis  et  les  fait  porter  à  l'église  de  ce  monastère. 

Charlemagne  assis  à  côté  de  deux  personnages.  Ils  regardent  dans  le 
ciel  la  voie  lactée,  nommée  au  moyen  âge  le  chemin  de  saint  Jacques. 


m  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

Toutes  les  nuits  Charles  revoyait  ce  chemin  d'étoiles,  qui,  commençant 
à  la  mer  de  Frise  et  se  dirigeant  entre  la  Germanie  et  l'Italie,  passait 
à  travers  la  Gascogne,  le  pays  des  Basques,  la  Navarre  et  l'Espagne, 
jusqu'en  Galice,  où  reposait  le  corps  du  bienheureux  saint  Jacques. 
Comme  notre  héros  était  préoccupé  de  cette  vision,  saint  Jacques  lui 
apparut  en  songe,  lui  annonçant  que  ce  chemin  d'étoiles  signifie  qu'il 
doit  aller  en  Galice,  avec  de  grandes  armées,  combattre  la  race  perfide 
des  Sarrasins  et  délivrer  son  tombeau. 

Charles  part  avec  l'archevêque  de  Reims  Turpin  et  avec  plusieurs 
autres  cavaliers. 

En  présence  de  son  armée,  Charlemagne,  descendu  de  cheval  et  à 
genoux,  implore  la  protection  de  Dieu. 

Prise  de  Pampelune.  Le  roi  franc  poursuit  à  cheval  le  chef  ennemi, 
qui  s'enfuit  au  galop;  au  moment  où  il  passe  la  porte  de  la  ville,  le 
Sarrasin  reçoit  dans  l'aisselle  un  coup  de  lance;  un  héraut  sur  les 
remparts  sonne  de  la  trompe. 

Charlemagne  fait  construire  une  église  en  l'honneur  de  saint  Jacques. 
Il  est  à  cheval  et  montre  le  ciel  aux  ouvriers.  A  cette  époque,  les  trois 
églises  les  plus  vénérées  dans  le  monde  étaient  l'église  de  Saint-Pierre 
à  Rome,  de  Saint-Jean-1'Evangéliste  à  Ephèse  et  de  Saint-Jacques  à' 
Compostelle.  Nous  ferons  remarquer  que  le  petit  nuage  qui  est  dans 
le  ciel  à  ce  panneau  est  un  vestige  de  l'ancien  usage  des  peintres  litur- 
giques de  représenter  dans  le  ciel  la  main  divine  figurant  la  formule 
Digitus  Dei  est  hic.  Le  dessinateur  employait  ce  moyen  pour  montrer 
la  puissance  de  Dieu,  qui  présidait  à  tout  ce  qui  arrivait  sur  la  terre. 
Au  xiuc  siècle  l'on  commença  à  abandonner  cet  usage,  mais  on  me! 
encore  un  petit  nuage  dans  le  ciel. 

Retourné  une  seconde  fois  en  Espagne,  Charles  se  prépare  à  com- 
battre Aigoland.  La  veille  de  la  bataille,  les  guerriers  fichèrent  leurs 
lances  en  terre  auprès  d'eux  et  se  couchent  dans  leurs  grands  bou- 
cliers. Le  lendemain,  ils  trouvèrent  leurs  lances  couvertes  d'écorce  et 
de  feuillages,  ce  qui  présageait  qu'ils  devaient  recevoir  dans  la  bataille 
la  palme  du  martyre  pour  la  foi  de  Jésus-Christ.  Comblés  de  joie 


PLANCHE  LXVIII.  —  HISTOIRE  DE  GHARLEMAGNE.  165 

par  un  si  grand  miracle,  ils  arrachèrent  leurs  lances  de  terre,  s'élan- 
cèrent au  combat  et  périrent  ensemble  au  nombre  de  quatre  mille, 
après  avoir  tué  un  grand  nombre  de  Sarrasins. 

La  bataille  est  représentée  un  peu  plus  loin;  on  y  voit  le  roi  sarrasin 
renversé  de  cheval  et  traversé  par  la  lance  de  Charlemagne. 

Le  médaillon  suivant  nous  montre  par  anticipation  l'archevêque 
Turpin  célébrant  la  messe  en  présence  du  roi  et  recevant  d'un  ange 
qui  lui  apparaît  la  nouvelle  de  la  mort  de  Roland. 

Roland  est  vainqueur  du  géant  Ferragus  et  lui  passe  son  épée  au 
travers  du  corps. 

Charlemagne  et  sa  suite  traversent  les  Pyrénées. 

Roland  veut  briser  son  épée  Durandal  et  fend  le  rocher  sur  lequel  il 
frappe  ;  Roland  sonne  du  cor  pour  rappeler  Charlemagne  à  Roncevaux. 

Roland,  sur  le  point  de  mourir,  est  secouru  par  Thierry,  qui  lui 
apporte  à  boire  dans  un  casque.  Tous  ces  faits  et  détails  se  retrouvent 
en  partie  dans  la  Chanson  de  Roland. 

Thierry  annonce  la  mort  de  Roland. 

Au  sommet  du  vitrail,  on  a  placé,  entre  deux  anges  encenseurs,  le 
combat  de  Roland  et  de  Ferragus,  que  la  disposition  du  travail  n'a  pas 
permis  de  mettre  plus  bas.  Ces  inversions  sont  fréquentes  dans  les 
œuvres  d'art  à  cette  époque.  Ainsi  se  termine  ce  vitrail,  dont  l'exécution 
superbe  répond  à  l'importance  du  sujet. 


166  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  LXIX. 

VITRAIL    DU    TRANSEPT    MÉRIDIONAL. 

Cette  grisaille  est  précieuse  parce  qu'elle  donne  un  échantillon  de 
l'état  de  la  peinture  sur  verre  au  moyen  âge  avec  une  date  cerlaine. 

Un  certain  chanoine  de  la  cathédrale  fit  une  fondation  pour  un 
autel  qui  fut  placé  en  cet  endroit.  Le  lieu  ne  paraît  pas  choisi  d'une 
manière  satisfaisante,  mais  à  cette  époque  il  restait  peu  de  place 
libre.  Il  y  avait  des  autels  contre  les  murs  et  contre  les  piliers  pres- 
que sans  intervalle.  Les  renseignements  écrits  ne  nous  laissent  aucun 
doute  sur  un  état  de  choses  dont  il  ne  reste  aujourd'hui  aucune  trace 
matérielle.  Voici  un  petit  tableau  peint  sur  verre  qui  nous  sert  de 
témoin  dans  une  question  bien  oubliée.  Le  chanoine  ,  sans  autre  gêne, 
fit  supprimer  le  bas  d'un  vitrail  du  xmc  siècle  dans  toute  sa  largeur 
—  c'est  celui  qui  représente  la  vie  de  saint  Appolinaire  —  et  fit  placer 
dans  cet  endroit  un  motif  de  grisaille  avec  les  images  des  saints  et 
saintes  envers  lesquels  il  avait  une  dévotion  particulière.  Au  milieu, 
le  chanoine  s'est  fait  représenter  à  genoux,  élevant  les  mains  vers  une 
Sainte  Vierge  debout  et  tenant  l'Enfant  Jésus,  qui  se  tourne  vers  son 
adorateur.  Les  traits  du  chanoine  nous  montrent  qu'il  était  fort  jeune  : 
un  ancien,  un  vieillard,  eût  respecté  la  peinture  du  xuie  siècle,  qui  fut 
ainsi  odieusement  mutilée,  et  qui  fut  alors  remplacée  par  une  œuvre 
charmante,  mais  qui  console  à  peine  des  parties  anciennes  qu'elle  fit 
disparaître. 

A  gauche,  on  voit  sainte  Julitte  tenant  par  la  main  son  fils,  saint 
Cyr,  qui  n'avait  que  trois  ans  et  parlait  à  peine,  dil  sa  légende; 

Puis  saint  Maur,  semblant  converser  avec  sainte  Hadegondc,  tous 
deux  en  costume  monacal  :  il  a  la  crosse  d'abbé  dans  la  main  droite. 

A  droite,  saint  Sulpice  en  vêtement  épiscopal,  avec  la  crosse  et  la 
mitre,  est  en  face  d'un  saint  Mathurin,  berger  avec  sa  panetière  et 


PLANCHE  LXIX.  —  TRANSEPT  MERIDIONAL.  167 

sa  houlette;  près  de  lui  des  animaux  paissent;  une  chèvre  se  dresse 
sur  ses  pattes  pour  brouter  les  feuilles  d'un  arbre,  qui  parait  un  chêne; 
le  chien  du  troupeau  se  tient  en  observation  aux  pieds  de  son  maître. 

Plus  à  droite  est  saint  Liphart,  vêtu  en  ermite  et  tenant  de  la 
main  gauche  un  livre,  tandis  que  de  la  droite  il  perce  avec  une  béquille, 
ou  canne  monacale,  la  gueule  d'un  énorme  dragon.  Bien  des  saints 
sont  ainsi  représentés,  pour  marquer  leur  triomphe  sur  le  démon  el 
leur  puissance  bienfaitrice  sur  les  populations,  près  desquelles  ils 
vivaient.  L'orthographe  de  tous  les  noms  est  ici  fort  altérée. 

Au-dessous  de  cette  zone  de  saints,  et  accompagnée  des  deux  côtés 
par  un  motif  d'une  élégante  et  légère  décoration  de  feuillages,  on  lit 
I  inscription  suivante,  qui  est  presque  intacte  : 

$)onfeign  •  <ê>  •  (Tgern  •:  chanoine  •  ï>e 

céans  •  Ceign  *  île  •  ïog  :  ton&a  •  ce 

fï  •  atitel  •  en  •  lanenr  •  îre  •  J2fè  i  HDatne  •  eti 

atns  •  et  •  ïies  :  Catnïes  ♦  qt  :  ex  •  %> 

anï  *  l'an  •  île  l  grâce  ♦  mil  :-  ecc  :  xx  ♦  mit 

le  •  lonr  i  be  •  fton;  :  Ceins  :  p  *  n  • 

chapelains  i  pcrpeïnes  • 

C'est-à-dire  «Monseigneur  Guillaume  Thyerry,  chanoine  de  céans, 
seigneur  de  Loens,  fonda  cest  autel  en  l'oneur  de  Notre-Dame  et  aussi 
des  saints  et  des  saintes  qui  ci  sont,  l'an  de  grâce  MGCCXXVIII.  h* 
jour  de  tous  saints  pour  deux  chapelains  perpétuels.  » 


168  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  LXX. 

VITRAIL  DU   PASSAGE   DE  LA   SACRISTIE. 

La  sacristie  de  la  cathédrale  de  Chartres  est  une  vaste  et  grandiose 
salle,  dont  la  construction,  ainsi  que  l'indique  son  style  d'architecture, 
remonte  au  xive  siècle.  Ses  hautes  et  larges  fenêtres  n'offrent  plus 
aucun  vestige  d'ancienne  vitrerie;  plusieurs  même,  celles  du  côté  du 
Nord,  ont  été  murées  et  ne  laissent  apercevoir  que  le  dessin  de  me- 
neaux fort  déliés. 

L'étroit  passage  qui  met  l'église  en  communication  avec  la  sacristie 
est  éclairé  par  une  fenêtre  garnie  de  vitraux  dont  cette  planche  donne 
plusieurs  parties,  les  unes  réduites,  les  autres  de  grandeur  réelle,  ce 
qui  permet  d'apprécier  l'exécution  du  dessin.  Il  est  composé  de  rin- 
ceaux que  forme,  en  s'élevant  et  en  s'épanouissant,  la  tige  d'une  plante 
dont  les  feuilles  et  les  fleurs  ressemblent  à  celles  d'une  ombellifère  qui 
croît  tout  près  de  là.  Nous  ne  sommes  plus  au  temps  où  la  flore  et  la 
faune  qui  apparaissent  dans  la  décoration  des  monuments  étaient  le  pro- 
duit de  l'imagination  des  artistes.  Nous  sommes  à  l'époque  où  l'imitation , 
exacte  et  spirituelle  cependant,  des  plantes  et  des  animaux  va  fournir 
aux  peintres  et  aux  sculpteurs  les  modèles  qu'ils  suivront  désormais. 

Pour  en  revenir  à  notre  vitrail ,  on  remarquera  dans  le  milieu  de 
chaque  panneau  un  fleuron  de  couleur  plus  intense  que  le  reste,  et  au 
centre  du  quatre-feuilles  qui  est  placé  au  sommet  de  la  fenêtre  est  une 
Vierge  assise  sur  un  trône  et  tenant  son  fds  sur  ses  genoux.  Ce  petit 
groupe  est  exécuté  avec  une  grande  finesse;  malheureusement  il  est 
fort  détérioré.  La  bordure  qui  encadre  ce  vitrail  est  composé  de  rin- 
ceaux et  de  fleurons  en  grisaille  comme  le  reste,  et  au  bas  des  pan- 
neaux elle  se  termine  par  de  petites  figures  dont  plusieurs  sont  dessi- 
nées ici.  Ce  vitrail  est  contemporain  de  celui  du  transept  méridional, 
donné  planche  LXIX. 


PLANCHE  LXX.  —  PASSAGE  DE  LA  SACRISTIE.  169 

On  trouve  dans  ce  couloir  une  particularité  qu'il  est  bon  de  noter 
en  passant.  Un  faisceau  de  colonnettes,  engagées  dans  le  mur  et  sup- 
portant les  nervures  de  la  voûte,  est  taillé  dans  une  seule  pièce  de  bois. 
Les  fûts  et  les  chapiteaux  sont  pris  dans  le  même  morceau,  et,  le  tout 
étant  peint  couleur  de  pierre,  ce  n'est  que  par  hasard  que  nous  nous 
sommes  aperçu  de  ce  fait,  qui  du  reste  se  rencontre  au  xve  et  au 
xvie  siècle  assez  fréquemment. 


170  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  LXXI. 

PEINTURES   DE  LA   CRYPTE. 

On  a  réuni  sur  cette  planche  des  fragments  de  peintures  qui  se 
voyaient  encore  il  y  a  quelques  années  dans  la  chapelle  dite  aujourd'hui 
de  Saint- Joseph. 

Les  enduits,  dans  cette  partie  de  l'église  souterraine,  étaient  dans  le 
plus  déplorable  état;  presque  partout  ils  se  détachaient  du  mur,  em- 
portant avec  eux  ces  restes  intéressants  d'une  décoration  des  âges  an- 
ciens, et  des  réparations  indispensables  en  firent  disparaître  les  der- 
niers vestiges.  On  a  pu  néanmoins  en  conserver  le  souvenir  par  le 
dessin.  Au  fond  de  la  chapelle,  on  voyait  de  chaque  côté  de  la  fenêtre 
ces  deux  anges  thuriféraires  qui  jadis  avaient  dû  encenser  un  Christ 
placé  au-dessus,  ainsi  qu'on  en  a  des  exemples  dans  les  chapelles  voi- 
sines. Autour  de  ces  anges  sont  semées  des  fleurs  de  lys  et  des  roses. 
En  s'éloignant  du  fond  de  la  chapelle  on  voyait  deux  grands  saints, 
représentés  sur  cette  même  planche,  et  déjà  détruits  en  grande  partie. 
Nous  supposons  que  l'un  était  un  saint  Jean  d'après  notre  planche , 
mais  d'après  mes  notes  on  lisail  encore .  .  .  .  COB'  (Jacobus?)  L'autre 
saint  était  un  autre  Jacques,  celui  de  Compostelle,  à  en  juger  d'après 
les  coquilles  qui  l'entourent  et  qui  rappellent  son  célèbre  pèlerinage. 

Les  murs  de  la  chapelle,  du  côté  droit,  représentaient  des  scènes 
devenues  tout  à  fait  méconnaissables  :  des  personnages  s'avançaient 
vers  le  sanctuaire;  quelques  petits  fragments  sont  indiqués  ici.  Du  côté 
gauche,  un  figuré  de  pierres  de  taille,  portant  une  rose  au  milieu  de 
chacune  d'elles,  formait  la  décoration.  Sur  la  voûte,  il  y  avait  un 
semis  de  fleurs  de  lys  renversées,  ou  de  campanules,  alternant  avec 
des  rosettes.  On  a  reproduit  exactement  ces  mêmes  décorations  dans 
la  restauration  des  murs  et  de  la  voûte.  Quant  aux  figures,  on  ne  s'est 
pas  aventuré  à  une  imitation,  qui  n'eût  pu  être  que  fort  imparfaite  et 
fort  contestable. 


PLANCHE  LXXI.  —  PEINTURES  DE  LA  CRYPTE.  171 

Ces  peintures  avaient  été  exécutées  à  la  hâte  et  sans  aucune  re- 
cherche par  des  décorateurs  qui  n'avaient  d'autre  but  que  de  cacher 
la  nudité  des  murs.  Pour  cela,  ils  avaient  employé  les  couleurs  les  plus 
grossières  et  les  plus  communes,  de  l'ocre  rouge,  de  l'ocre  jaune,  du 
blanc  et  du  noir,  et  par  les  procédés  les  plus  simples,  de  l'eau  alu- 
minée  probablement.  Cependant,  au  moyen  de  ressources  aussi  bor- 
nées, ils  avaient  obtenu  un  effet  décoratif  et  monumental  bien  suffisant 
dans  ces  galeries  peu  éclairées  et  dans  ces  chapelles,  où,  depuis  le 
xine  siècle,  la  lumière  ne  pénétrait  qu'à  certains  moments  de  la  journée. 

Dans  toutes  les  parties  de  cette  vaste  crypte  on  a  trouvé  des  traces 
de  peintures  décoratives.  En  plusieurs  endroits,  elles  consistent  en 
sujets  qui  font  penser  à  des  scènes  de  pèlerinage  vers  Notre-Dame  de 
Chartres. 

Dans  le  fond  de  ces  chapelles,  sur  la  voûte  au-dessus  de  l'au- 
tel, on  voit  toujours  un  Christ  entre  deux  anges  qui  lui  rendent  hom- 
mage, ou  qui  l'encensent  :  les  uns  sont  en  pied,  comme  ceux  de  la 
planche  LXXI;  les  autres  sont  en  buste  et  sortent  des  nuages.  De  ces 
Christs  glorieux,  nous  avons  pu  en  conserver  un.  Il  a  été  calqué,  ainsi 
que  les  anges,  et  sera  reproduit  en  sa  même  place. 

Ailleurs  est  la  grande  fresque  que  donne  la  planche  LXXII;  un  peu 
plus  loin,  on  respecte,  sans  oser  y  toucher,  une  autre  fresque  de  petite 
dimension  représentant  une  nativité  de  Jésus-Christ. 

Dans  une  chapelle  remise  à  neuf  il  y  a  peu  d'années,  la  décoration 
consistait  en  l'imitation  d'une  tenture  formée  de  lais  d'étoffes  dont  la 
couleur  alternait  en  suivant  les  murs  et  figurait  des  bandes  rouges  et 
jaunes. 

Il  faut  remarquer  aussi  que  partout,  dans  les  chapelles  comme 
dans  les  galeries,  les  voûtes,  sans  aucune  exception,  étaient  à  fond 
blanc.  Quant  au  procédé,  il  était  fort  simple  et  semblait  consister  en 
une  simple  détrempe  de  couleurs  dans  de  l'eau  aluminée,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit.  Ces  couleurs,  simples  oxydes  métalliques  ou  terres 
ocreuses,  n'avaient  subi  aucun  changement;  elles  n'ont  péri  que  parce 
que  les  enduits,  rongés  par  le  salpêtre,  se  sont  détachés  des  murs. 


172  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHEDRALE  DE  CHARTRES. 

PLANCHE  LXXII. 

PEINTURE   D'UNE   CHAPELLE  DANS  LA   CRYPTE. 

La  décoration  peinte  que  reproduit  cette  planche,  et  qui  remonte 
à  la  fin  du  xuc  ou  au  commencement  du  xme  siècle,  se  trouve  dans  la 
chapelle  de  l'église  souterraine  consacrée  sous  le  vocable  de  saint  Clé- 
ment (voir  le  plan).  Elle  doit  sa  conservation  à  un  retable  en  boi- 
serie qui  fut  placé  au-devant  à  l'époque  où  les  peintures  anciennes 
n'attiraient  que  l'indifférence  ou  le  mépris.  Cette  fresque  représente 
une  suite  de  saints  placés  sous  des  arcades,  surmontées  de  motifs  d'ar- 
chitecture :  ce  sont  des  toits  quadrillés,  des  faîtages  avec  des  tourelles 
et  des  clochetons  de  diverses  formes  et  dimensions.  Sur  ces  hauteurs, 
de  petits  guerriers  se  livrent  des  combats  et  des  assauts,  tandis  que 
près  d'eux  des  oiseaux  se  jouent  dans  les  airs.  Les  grands  saints,  rangés 
au-dessous  d'une  manière  hiératique,  sont  debout  et  se  présentent  aux 
fidèles  pour  recevoir  leurs  hommages  et  leurs  invocations.  Leurs  noms 
sont  effacés  :  on  lit  seulement  encore  celui  de  saint  Nicolas.  Près  de 
lui  est  saint  Jacques,  reconnaissable  aux  coquilles  qui  sont  sur  son 
manteau.  Il  est  placé  dans  une  niche  plus  haute  que  celle  de  ses  voi- 
sins. Peut-être  a-t-on  voulu  indiquer  par  là  une  plus  grande  dévotion 
à  ce  saint  apôtre,  dont  le  pèlerinage  était  à  cette  époque  en  très  grande 
faveur. 

Remarquons  maintenant  le  dernier  personnage  dessiné  à  gauche 
sur  cette  planche.  Il  est  en  dehors  des  arcades  sous  lesquelles  sont  les 
autres  saints.  C'est  un  prêtre  qui  semble  célébrer  la  messe  devant  un 
petit  autel  placé  devant  lui.  Sur  cet  autel,  recouvert  d'un  parement 
richement  orné,  sont  posés  deux  flambeaux.  Notre  saint  prêtre  (le 
nimbe  qui  entoure  sa  tête  nous  indique  que  c'est  un  saint)  tient  de 
la  main  gauche  une  banderole  qui  se  déroule  vers  sa  droite.  Au- 
dessous,  tout  à  fait  à  gauche  et  au  bas  de  cette  planche,  il  y  a  un 


PLANCHE  LXXII.  —  UNE  CHAPELLE  DANS  LA  CRYPTE.    173 

personnage  à  genoux,  portant  une  couronne  sur  la  tête,  et  paraissant 
diriger  des  regards  suppliants  vers  les  saints  que  nous  voyons  ici. 
Mais  comme  la  partie  du  mur  où  il  se  trouve  est  fort  enfumée  et  cou- 
verte de  poussière  incrustée,  on  ne  distingue  ce  roi  que  pendant  les 
courts  instants  de  la  matinée  où  le  soleil  vient  l'éclairer.  Il  n'est  donc 
pas  surprenant  que  le  dessinateur  ne  l'ait  pas  aperçu  et  qu'il  ne  l'ait 
pas  copié,  non  plus  que  les  petites  lampes  qui  pendent  au-dessus  de 
sa  tête,  près  de  la  main  droite  (si  singulière!)  de  notre  prêtre  et  au- 
dessus  de  la  banderole  qu'il  tient  en  main.  Cette  banderole  portait 
une  inscription  assez  confuse;  il  y  a  peu  d'années,  on  en  lisait  très 
distinctement  le  dernier  mot  :  R6X ,  en  caractères  du  xnc  siècle.  Les 
mots  précédents  disparaissaient  sous  une  couche  de  poussière  et  de 
salissure,  mais  on  pouvait  espérer  de  les  faire  reparaître  au  moyen 
de  quelque  procédé  chimique.  Nous  hésitions  à  faire  des  tentatives,  de 
peur  de  tout  perdre.  Mais  un  touriste  moins  scrupuleux,  ayant  aussi 
remarqué  cette  inscription,  eut  la  malheureuse  idée  de  gratter  avec  un 
canif  dans  l'espoir  de  découvrir  quelque  chose.  Ce  moyen  n'eut  d'autre 
résultat  que  de  faire  disparaître  non  seulement  le  mot  R6X,  mais  en- 
core le  nom  qui  le  précédait  et  qui  peut-être  nous  eût  révélé  quelque 
fait  historique  ou  personnel.  Etait-ce  Carolus,  Ludovicus,  Philippus, 
Henricus,  etc.?  Cela  est  d'autant  plus  regrettable  que  c'est  chose  peu 
commune  dans  les  monuments  de  cette  époque  reculée  de  trouver  une 
signature  ou  une  indication  précise  d'un  personnage.  Nous  voyons  ici 
un  roi  prosterné  à  genoux  devant  les  saintes  images  qu'il  implore  et 
dont  la  générosité  avait  dû  se  répandre  sur  la  cathédrale  en  quelqu'une 
de  ses  parties. 

Sous  le  rapport  de  l'exécution,  cette  peinture  paraît  fort  grossière 
et  négligée;  mais  il  faut  observer  que  les  injures  du  temps  l'ont  bien 
défigurée.  Ce  n'était  pas,  il  faut  en  convenir,  une  œuvre  fort  soignée, 
ni  très  délicate;  mais  si  nous  pouvions  la  restituer  dans  son  état  pri- 
mitif, nous  pourrions  y  reconnaître  un  dessin  ferme,  grandiose  et 
d'une  grande  justesse  de  pose  et  de  maintien.  Ces  saints,  qui  nous 
paraissent  aujourd'hui  si  mal  exécutés,  devaient  être  fort  semblables  à 


174  MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  CHARTRES. 

ceux  qui  décorent  les  vitres  hautes  de  la  cathédrale.  Ils  atteignaient 
parfaitement  le  but  que  se  proposaient  les  peintres  d'offrir  aux  yeux 
une  décoration  large  et  imposante,  et  des  personnages  dont  les  traits 
du  visage  fortement  accentués  agissaient  principalement  sur  le  public 
par  des  regards  d'une  expression  pénétrante.  Gela  existe  encore  dans 
les  vitraux,  mais  a  complètement  disparu  ici. 

Le  soubassement  de  ces  peintures  est  décoré  d'un  motif  de  dra- 
perie. 

Le  mur  en  retour  imite  une  tenture  qui  serait  faite  avec  une  étoffe 
orientale,  byzantine  ou  persane;  on  y  voit,  dans  des  cercles  formés 
par  des  palmettes,  des  lions  affrontés,  d'un  aspect  sauvage  et  original, 
comme  le  sont  les  animaux  dont  on  trouve  la  représentation  sur  les 
objets  venant  du  Levant  et  dont  le  commerce  ou  les  pèlerinages  nous 
ont  apporté  de  si  nombreux  spécimens. 


FIN. 


TABLE    DES    PLANCHES. 


(Comme  la  monographie  de  la  cathédrale  de  Chartres  avait  été  dès  l'origine  comprise  sur  un  plan  plus 
vaste,  celles  des  planches  qui  ont  été  exécutées  ont  des  numéros  se  rapportant  à  un  ordre  qui  a  été 
modifié  à  plusieurs  reprises.  Il  a  donc  été  utile  dans  cette  table  de  lenir  compte  de  ces  diverses 
indications.) 


ARCHITECTURE   ET  SCULPTURE. 

Plan  de  la  crypte  ;  feuille  double.  —  Gravure PI.    2 

Plan  au-dessus  du  sol  ;  feuille  double.  —  Gravure PI.    3 

Plan  à  la  hauteur  des  galeries  ;  feuille  double.  —  Gravure PI.     4 

Grand  portail  de  la  façade  occidentale.  (La  hauteur  du  clocher 
neuf,  du  sol  à  l'extrémité  supérieure  de  la  croix,  est  de 

no"",  17.)  —  Gravure PI.    A 

Tympan  de  la  porte  centrale.  —  Gravure PI.  28 

Tympan  de  la  porte  de  gauche.  —  Gravure PI.  27 

Porte  latérale  de  droite.  —  Héliogravure // 

Trois  statues  de  la  porte  de  gauche.  —  Gravure PI.  30 

Détails  de  la  rose.  —  Gravure PI.  44 

Ensemble  et  portail  de  la  façade  méridionale.  Vue  géométrale; 

feuille  double.  —  Gravure PI.    5  X  64 

Porche  du  midi.  Porte  du  milieu,  avec  le  Christ  et  six  Apôtres 

à  sa  droite.  —  Gravure PI.  19  XI  Ou 

Porche  du  midi.  Porte  de  gauche;  les  cruatre  statues  à  gauche. 

—  Gravure PI.  20         Xll  72 

Porche  du  midi.  Porte  de  droite  ;  les  quatre  statues  à  droite. 

—  Gravure PI.  21         XIII  73 

Porche  du  midi.  Vertus  et  Vices,  éclaircis  par  des  exemples 

empruntés  à  des  verrières  de   Notre-Dame  de  Paris.  — 

Gravure PI.  22        XIV  75 

Porche  du  midi.   Détails  de  sculpture  du  xiue  siècle  (tiares, 

mitres,  couvertures  de  livres).  —  Héliogravure »  XV  78 


PLANCHES. 

PACKS. 

III 

1 

1 

li 

H 

2  3 

IV 

y  5 

V 

A3 

VI 

45 

VII 

5a 

VIII 

S9 

IX 

69 

176  TABLE  DES  PLANCHES. 

Grand  portail  de  la  façade  septentrionale.  Porche  du  nord.  Vue 

perspective  (extérieur).  —  Gravure PI.  38 

Porche  du  nord.  Vue  perspective  prise  de  l'intérieur  du  porche. 

—  Gravure PI.  39 

Façade  septentrionale.  Élévation  du  porche  du  nord  (mar- 
quée XIX  sur  la  table  in-folio).  —  Gravure a 

Coupe  du  porche  du  nord  (marquée  XVIII  sur  la  table  in- 
folio). —  Gravure « 

Porche  du  nord.  Elévation.  (La  planche  n'a  pas  été  faite.). ...         è 

Porche  du  nord.  La  Visitation  (statues).  —  Gravure PI.  40 

Porche  du  nord.  Le  comte  de  Boulogne  et  Mahaut  (groupe, 

deux  statues).  —  Lithographie g 

Porche  du  nord.  Soubassement  des  deux  statues  précédentes. 

—  Lithographie s 

Porche  du  nord.  Saint  Savinien  et  sainte  Modeste  (groupe). 

—  Lithographie n 

(  Il  conviendrait  d'appeler  cette  planche  XXII  bis.  ) 
Plans  du  vieux  clocher.  (Plans  n"  i,  a,  3  et  4.)  —  Gravure.  .     PI.  48 
Plans  et  détails  du  vieux  clocher.  (Chapiteaux  et  plans  de  la  flèche 

à  deux  étages  différents.)  —  Gravure PI.  49 

Détails  du  vieux  clocher.  (Chapiteaux.)  —  Gravure PI.  46 

Détails  du  vieux  clocher.  (Chapiteaux,  corniches,  etc.)  —  Gra- 
vure      PI.  47 

Détails  du  vieux  clocher.  (Modillons,  gargouilles,  inscriptions.) 

—  Lithographie PI.  50 

Détails  du  vieux  clocher.  (Pinacles,  fleurons,  fragments  de  cor- 
dons sculptés.  )  —  Gravure PI.  51 

Chapiteaux  du  clocher  neuf.  —  Gravure PI.  45 

Détails  du  clocher  neuf.  (Plans  à  deux  étages  différents.)  —  Gra- 
vure      PI.  42 

Détails  du  clocher  neuf.  (  Etage  de  la  galerie  au  bas  de  la  flèche. 

Etage  de  la  lanterne.  Détails  d'architecture.)  —  Gravure  .  .     PI.  43 

Chapelle  de  Saint-Piat.  (Elévation  de  la  porte.)  —  Gravure.  ...     PI.  15 

Chapelle  de  Saint-Piat.  (Détails  de  la  sculpture.)  —  Litho- 
graphie      PI.  53 

Coupe  longitudinale  de  la  cathédrale  ;  feuille  double.  —  Gravure.        » 

Coupe  sur  le  transept  et  les  porches  latéraux.  —  Gravure // 

Détails  du  jubé  :  la  Nativité  (bas-relief);  une  clef  de  voûte;  un 

ange.  —  Sculpture u 


l'LISUL-, 

PACSS, 

XVI 

79 

XVII 

82 

XVIII 

85 

XIX 

95 

XX 

96 

XXI 

97 

XXII 

98 

XXIU. 

99 

XXIII 

100 

XXIV 

102 

XXV 

io4 

XXVI 

io5 

XXVII 

106 

XXVIII 

107 

XXIX 

108 

XXX 

109 

XXXI 


XXXII 

111 

XXXIII 

113 

XXXIV 

n5 

XXXV 

116 

XXXVI 

120 

XXXVII 


TABLE  DES  PLANCHES. 


177 


VITRAUX. 


Les  quatre  grands  Prophètes  portant  les  quatre  Evangélistes. 
—  Lithographies,  bistre  à  a  teintes. 


!  Feuille  A.  j  j  PI.  58 

Feuille  B.  >   Chromolithographies <         // 
_,                l                      °    r  j 

Feuille  C.  I         * 

i   Lithographies,  bistre  à  deux  teintes 1         « 

(         « 

/  Feuille  A.  \  /     PI.  B 

Vi  •   1    de    la    vie)  FeUiHe  B"  I 

{  Feuille  C.  >   Chromolithographies 

de  Jésus-Christ.    1  „     .„    ^  i 

/  Feuille  D.  t 

I  Feuille  E.  J 

„.     ..  ,   ,    _     .     (  Feuille  A.  )             , . ,          , .  /  PI.  H 

Vitrail  de  la  Passion \  ^    ...    n  I              Lithographies,  \  „.    rn 

,    i ,       ™   •       \  Feuille  B.  }                 ,    ,          •  J  PL  58 

de  Jésus-Lhnst.    /  ^    •„    r,  l  bistre  a  deux  teintes.  1  „,   „. 

[  Feuille  C.  j  (  PI.  61 

Notre-Dame  de    la(  Feuille  A  (haut).  )        Lithographies.        j         « 
belle  Verrière.     |  Feuille  B  (bas).    )  bistre  à  deux  teintes.   |         n 

—  Détails  du  même  vitrail.  —  Chromolithographie » 

Vitrail  de  sainte  Anne  portant  la  Sainte  Vierge  et  de  la  Sainte 
Vierge  portant  l'Enfant  Jésus.  Feuille  A  (le  bas  des  deux 
sujets).  —  Lithographie  à  deux  teintes PI.  D 

—  Feuille  B  (le  haut  des  deux  sujets).  —  Lithographie  à  deux 

teintes » 

Vitrail  de  l'Enfant  prodigue.  —  Gravure  au  trait PI.  65 

Vitrail    de    saint    (  Gravure  au  trait PI.  68 

Jacques.  j  Détails.  —  Gravure  au  trait PI.  69 

in 
h 

Vitrail  de  saint  Georges.  —  Gravure i 

Vitrail  de  Charlemagne.  —  Gravure » 


W.HCIB. 

PAG8S. 

(XXVIII 

129 

XXXIX 

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XL 

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XLI 

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XLII 

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XLIII 

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XLIV 

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LXI 

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LX11 

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LXIII 

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LXIV 

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LXV 

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LXVI 

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LXVI1 

161 

LXVIII 

i6â 

23 

178  TABLE  DES  PLANCHES. 

PLANCHES.  PAGSS. 

Vitrail  du  transept  méridional  ;  grisaille  du  xiv*  siècle.  —  Chro- 
molithographie          '/  LX1X        166 

Vitrail  du  passage  de  la  sacristie;  grisaille  du  xiv"  siècle.  — 

Chromolithographie PI.  66        LXX        168 

Peintures  de  la  crypte  ;  images  de  saints  sous  des  arcades  ;  cha- 
pelle de  Saint-Clément.  —  Chromolithographie PL  56        LXXI        170 

Peintures  dans  une  chapelle  de  la  crypte.  —  Chromolithographie.    Pi.  57       LXXII       17a 


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