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Full text of "Mosaïques romaines des musées de Lyon"

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MOSAIQ^UES   ROMAINES 

DES 

MUSÉES  DE  LYON 


mosaïques  romaines 
des  musées  de  lyon 


PAR 

PHILIPPE  'FABIA' 

PROFESSEUR       A        L'UNIVERSITÉ        DE        LYON 
CORRESPONDANT         DE         L   '   I  N   S    i    I  T    U  T 


LYON 


M  CM   XXIII 


AVANT-PROPOS 


La  belle  collection  de  mosaïques  romaines  que  possèdent  les  musées  de 
Lyon,  commencée  sous  François  Artaud,  le  véritable  initiateur  de  la  transfor- 
mation du  Palais  Saint-Pierre  en  Palais  des  Arts,  s'est  accrue  au  temps  de  ses 
successeurs  Comarmond  et  Martin-Daussigny,  et  encore  dans  les  dernières 
années.  Non  seulement  donc  la  série  des  notices  d'' Artaud  est  aujourd'hui 
incomplète,  mais  même  celle  de  Comarmond.  Il  s'agissait  d'abord  de  les  complé- 
ter. Il  s'agissait  aussi  et  surtout  de  compléter  chacune  de  leurs  notices  et  de  les 
corriger,  en  tenant  compte,  pour  l'historique,  des  documents  que  le  parti-pris  de 
l'un  et  la  paresse  de  l'autre  ont  négligés,  pour  la  description,  du  progrès  des 
connaissances  archéologiques. 

Toutes  les  pièces  qui  composent  notre  collection  ne  sont  pas  d'origine  lyon- 
naise ;  plusieurs,  la  moitié  presque,  furent  découvertes  à  Vienne  ou  dans  le 
faubourg  antique  de  Vienne,  à  Sainte-Colombe  et  Saint- Romain-en-Gal. 
Quelques  morceaux  sont  de  provenance  inconnue  ou  incertaine. 

Outre  les  mosaïques  lyonnaises  recueillies  et  conservées  dans  nos  musées,  il 
existe  ou  il  existait  dans  le  sous-sol  de  Lyon  un  nombre  considérable  de  pave- 
ments romains  qui  ont  été  détruits  ou  laissés  en  place,  un  nombre  beaucoup  plus 


considérable  qu'on  ne  le  croirait  d'après  la  liste  fournie  par  /'Inventaire  des 
mosaïques  de  la  Gaule,  f  espère  pouvoir  publier  bientôt  Vensemble  des  rensei- 
gnements que  je  me  suis  procurés  sur  ces  monuments  perdus  ou  abandonnés,  mes 
Recherches  sur  les  mosaïques  romaines  de  Lyon. 


LA   MOSAÏQUE   MACORS 

(Jeux  du  Cirque' 


Bibliographie.  —  Archives  municipales  de  Lyon,  série  R^,  Musées  (acquisi- 
tions, recherches  archéologiques,  travaux,  collections)  =  Arch.  mun., 
R2  a.  —  Ibid.,  série  M^  Palais  des  Arts  (architecture,  restauration  et 
travaux  divers)  =  Arch.  mun.,  M^  a.  — Ibid.,  même  série,  Palais  des 
Arts  (architecture,  secours  contre  l'incendie.  École  des  Beaux- Arts, 
Musées,  collection  Bernard)  =  Arch.  mun.,  M  ^  b.  — Ibid.,  même  série. 
Palais  des  Arts  (architecture,  expositions  et  réunions,  toiture,  continua- 
tion du  Palais  sur  la  rue  de  l'Hôtel-de- Ville)  =  Arch.  mun.,  M^  c.  — 
Ibid.,  même  série.  Palais  des  Arts  (correspondance)  =  Arch.  mun., 
M^  e.  —  F.  Artaud,  Histoire  abrégée  de  la  peinture  en  mosaïque,  suivie  de 
la  description  des  mosaïques  du  Midi  de  la  France,  in-4,  et  Mosaïques 


de  Lyon  et  des  départemens  méridionaux  de  la  France  (album),  in-folio, 
Lyon,  1835  =  Artaud,  1835.  —  Idem,  Description  de  la  mosaïque  de 
M.  Macors,  in-8,  1806  =  Artaud,  1806,  in-8.  —  Idem,  Description 
d'u?îe  mosaïque  représentant  des  jeux  du  cirque,  in-folio,  Lyon,  1806  = 
Artaud,  1806,  in-fol.  —  B.  Vermorel,  Historique  et  statistique  des 
voies  publiques  comprises  dans  les  quartiers  de  Bellecour,  Ainay,  Perrache 
et  presqu'île  Perrache,  2  vol.  gr.  in-8  (manuscrit  déposé  aux  archives 
municipales  de  Lyon)  =  Vermorel,  Historique.  —  Idem,  plusieurs 
volumes  de  notes  manuscrites,  aux  mêmes  archives  =  Vermorel, 
Notes.  —  CoMARMOND,  Description  des  antiquités  et  objets  d'art  contenus 
dafis  les  salles  du  Palais  des  Arts  de  la  ville  de  Lyon,  in-4,  Lyon,  1855- 
1857  =  CoMARMOND,  Description...  —  Le  surplus  de  la  bibUographie 
sera  donné  dans  les  notes. 


I 


I.  Il  y  a  un  siècle,  Lyon  ne  dépassait  point,  au  midi,  entre  Rhône  et 
Saône,  la  ligne  des  vieux  remparts  d'Ainay.  Encore  les  espaces  non  bâtis, 
des  remparts  à  Bellecour,  étaient-ils  nombreux  et  vastes.  Parmi  ceux  que  les 
constructions  neuves  entamaient  déjà,  se  trouvait  le  clos  Macors.  Vers  1821, 
Fortis  ï  écrit  que,  si  l'on  pénètre  dans  la  ville  par  la  rue  de  Puzy  —  portion 
médiane  de  l'actuelle  rue  Auguste-Comte  — ,  on  aperçoit  à  l'entrée  deux 
pavillons, dont  «l'un  était  celui  d'une  habitation  agréable,  appelée  pendant 
plusieurs  années  jardin  des  Mosaïques  «,  parce  que  le  propriétaire  y  avait 
découvert,  en  1806  et  1809,  quelques-uns  de  ces  pavements,  vestiges  du 
passé  romain,  entr'autres  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  et  celle  de  Méléa- 
gre.  Il  ajoute  :  <(  Le  jardin  a  été  détruit  et  l'on  y  a  élevé  des  maisons  ».  Quelles 
étaient  l'origine  et  l'étendue  de  ce  domaine  ? 

Lorsque  les  Jésuites  furent  expulsés  du  royaume,  en  1762,  ils  possé- 
daient à  Lyon,  dans  le  quartier  d'Ainay,  une  grande  propriété,  le  noviciat 
de  Saint- Joseph  et  ses  dépendances,  bâtiments  et  jardins,  laquelle,  avec 


I.  Voyage  pittoresque  et  historique  à  Lyon,  1, 182 1,  p.  130  et  suiv. 


—  3  — 

l'établissement  des  Chevaliers  de  l'Arc  en  main,  ou  maison  de  la  Flèche, 
qui  la  confinait  au  sud,  avait  pour  limites  au  nord  la  rue  Sainte-Hélène,  au 
couchant  la  rue  d'Auvergne,  au  midi  les  remparts  de  la  ville  —  plus  tard  rue 
Laurencin,  maintenant  rue  des  Remparts-d'Ainay  — ,  au  levant  un  mur  de 
clôture  correspondant  à  l'actuelle  rue  de  la  Charité  ou  plus  exactement  à  la 
face  postérieure  de  ses  maisons  occidentales.  Les  biens  des  Jésuites  furent 
d'abord  mis  sous  séquestre,  puis  vendus  en  1775  à  la  Compagnie  Pierre 
Rogé.  Les  créanciers  de  celle-ci,  par  suite  de  la  transaction  du  23  vendé- 
miaire an  XI  (15  octobre  1802)  avec  M.  de  Laurencin,  représentant  la  Com- 
pagnie Perrache,  les  revendirent  en  neuf  lots,  en  y  comprenant  la  maison  de 
la  Flèche  ^  et  réserve  étant  faite  du  terrain  nécessaire  à  l'ouverture  ou  au 
prolongement  de  certaines  rues.  Le  16  brumaire  an  XII  (8  novembre  1803), 
Paul  Macors,  pharmacien,  acquit  les  quatre  lots  II,  III,  V  et  VI,  c'est-à-dire 
tout  le  terrain  compris  entre  les  bâtiments  des  Jésuites  au  nord,  la  rue 
d'Auvergne  au  couchant,  les  remparts  au  midi,  au  levant  la  rue  Neuve- 
Saint- Joseph,  ou  rue  de  Puzy,  ouverte  dès  1803.  Mais,  le  jour  de  l'adjudica- 
tion, il  «  élut  en  amis  »  pour  les  lots  II  et  III  Cohert  ou  Couhert  et  pour  le  lot 
V  Boirié  2.  Donc,  à  vrai  dire,  il  ne  possédait  que  le  lot  VI,  l'espace  entre  la 
rue  de  Puzy,  les  remparts  et  le  tracé  idéal  des  deux  rues  projetées,  au  nord 
la  rue  Rogé  —  maintenant  portion  orientale  de  la  rue  Jarente  — ,  au  cou- 
chant la  rue  de  la  Direction,  plus  tard  partie  de  la  rue  Bourbon  et  mainte- 
nant de  la  rue  Victor-Hugo. 

Néanmoins  nous  verrons  bientôt  qu'il  agissait  en  propriétaire  dans  le 
lot  III,  et  que  les  contemporains  regardaient  ce  lot  comme  lui  appartenant, 
puisqu'ils  désignaient  sous  les  noms  de  clos  Macors  et  jardin  des  Mosaïques 
tout  l'espace  entre  la  rue  de  Puzy,  les  remparts,  la  rue  d'Auvergne  et  la  rue 
projetée  Rogé  ou  mieux  la  lisière  nord  de  celle-ci,  Macors  jouissant  précai- 
rement du  terrain  réservé  pour  la  rue  Rogé,  de  même  qu'il  jouissait  de  la 


1.  Voir  le  plan,  fig.  i.  L'original  de  ce  plan  est  aux  arcli.  mun.,  série  O',  rues,  acquisitions  ;  dossier  de  la 
rue  Bourbon,  liasse  Dépierre. 

2.  Arch.  mun.,  série  dossier  et  liasse  cités  :  9  avril  1812,  cahier  des  charges  rédigé  par  Desgranges  aîné...; 
18  décembre  181 8,  mémoire  pour  les  s's  Dépierre  ;  1824  (?)»  analyse  des  pièces  fournies  par  les  s''^  Dépierre. 
—  Vermorel,  Historique,  p.  433  et  suiv.,  468  et  suiv.  ;  Notes,  5,  p.  994  et  suiv.  —  L'assertion  de  Comarmond, 
Description...,  p.  686,  est  totalement  fausse  :  «  Ce  jardin  dépendait  du  clos  du  couvent  Saint-Michel,  avant 
1793/  époque  où  il  fut  vendu  comme  propriété  nationale  •>. 


4  — 


—  5  — 

rue  future  Bourbon  ^  C'est  ce  qui  explique  l'assertion  de  Cochard,  en  18172^ 
que  la  rue  des  Mosaïques  —  ainsi  nomme-t-il  la  rue_Rogé  3  —  «  vient  d'être 
percée  à  travers  le  jardin  de  M.  Macors  ».  S'il  fallait  en  croire  Artaud,  ce 
jardin  aurait  été  beaucoup  plus  grand  et  aurait  compris  pour  le  moins  l'en- 
semble des  quatre  lots  ;  car  il  situe  4  «  dans  le  jardin  de  M.  Macors  »  la 
mosaïque  Vial  qui  se  trouvait,  nous  le  verrons,  sur  le  lot  II,  au  nord  de  la 
rue  Rogé,  et  affirme  5  que  sa  planche  XVII,  où  figurent  des  mosaïques  pla- 
cées à  l'est  de  la  rue  de  Puzy  et  à  l'ouest  de  la  rue  d'Auvergne,  <■<  offre  le  plan 
des  mosaïques  que  l'on  voyait  près  d'Ainay,  sous  le  règne  de  Napoléon, 
dans  le  clos  de  M.  Macors,  appelé  jardin  des  Mosaïques  ».  En  ce  qui  con- 
cerne la  mosaïque  Vial,  Cochard  le  contredit  formellement,  puisqu'il  la 
situe  ,  ^en  18 10,  «  dans  le  jardin  attenant  à  celui  de  M.  Macors  »  et  7,  en 
181 7,  dans  «  le  jardin  Vial  ».  D'autre  part.  Dépierre,  acquéreur  du  seul  lot 
VI  après  le  décès  de  Macors,  exagérait  en  sens  inverse,  quand  il  s'intitulait 
«  propriétaire  du  jardin  dit  des  Mosaïques  »  s. 

2.  C'est  sur  le  lot  VI  que  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  fut  remise  au 
jour,  «  le  18  février  1806,  par  des  ouvriers  qui  faisaient  un  réservoir  ;  elle 
était  à  un  mètre  (3  pieds)  de  profondeur,  sous  un  lit  de  terre  végétale,  sans 
indices  de  ruines.  Nous  avons  remarqué  qu'elle  avait  été  recouverte,  avec 
intention  de  la  conserver.  On  a  trouvé  à  sa  surface  une  légère  couche  de 
gravier  rougeâtre,  provenant  d'un  ciment  décomposé,  et,  par  dessus,  un 


1.  Voir  le  plan  du  lot  VI,  fig.  2.  L'original  de  ce  pian  est  aux  Archives  municipales  (série  et  liasse  citées). 

2.  Description  historique  de  Lyon,  p.  46.  C'est  sans  doute  aussi  pour  cela  que  (Petites  Affiches  de  Lyon, 
7  mars  1810,  p.  7),  «  les  jardiniers  du  jardin  des  Mosaïques  »,  offrant  de  recevoir  et  soigner  tous  arbustes 
en  pots  et  en  caisses,  indiquent  l'entrée  de  la  rue  d'Auvergne,  '<  vis-à-vis  la  rue  Jarente  >,  dont  la  rue  Rogé 
sera  l'exact  prolongement. 

3.  «  On  ne  saurait  donner  un  nom  plus  convenable  à  la  rue  qui  vient  d'être  percée...  ».  Il  y  insiste  dans  le 
Guide  du  voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon,  1826,  p.  549  :  «  Rue  des  Mosaïques...  conserve  le  souvenir  de  la 
découverte  faite  dans  ce  local...  de  la  mosaïque  des  jeux  du  cirque...  et  de  celle  représentant  Atalante  et 
Méléagre...  '. 

4.  1835,  p. 63. 

5.  Ibid.,  p.  77. 

6.  Indicateur  de  Lyon  pour  1810  ;  Curiosités...,  p.  12.  Cette  notice  n'est  pas  signée  ;  mais  Cochard  s'en 
déclare  l'auteur  dans  la  préface  de  la  Description  historique  de  Lyon. 

7.  Description  historique...,  p.  47.  Dans  «  le  jardin  Vial  qui  aboutit  également  à  la  rue  des  Mosaïques...  n 

8.  Arch.  mun.,  série  R-'a,  15  novembre  1815,  lettre  de  Dépierre  au  maire. 


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rang  de  débris  de  tuiles  romaines  à  rebords  ».  Ainsi  parle  Artaud  ^  Un 
autre  témoin  contemporain,  Delandine,  qui,  dans  le  Bulletin  de  Lyon  ^, 
informa  le  premier  le  public  de  la  découverte,  nous  apprend  que  les  fouilles 
étaient  dirigées  par  un  architecte  «  plein  de  douceur  et  de  lumières,  M. 
Querville  ».  D'après  Artaud,  la  conservation  du  pavement  était  «  entière  à 
part  quelques  légères  dégradations  qui  ne  nuisent  cependant  point  au  déve- 
loppement du  sujet  »  ;  mais  d'une  grecque  ou  méandre  qui  l'entourait  et 
«  servait  à  l'agrandir  »,  il  n'y  avait  plus  que  des  «  restes  infiniment  dégra- 
dés »  3.  Il  ajo.ute  que  «  sa  direction  est  du  nord  au  sud  avec  une  légère  décli- 
naison sud-ouest  »  4,  ce  qui  veut  dire  que  les  grands  côtés  du  rectangle 
qu'elle  forme  avaient  sensiblement  la  direction  nord-sud.  Delandine  spéci- 
fie que  le  petit  côté  où  l'on  voit  «  la  barrière  du  cirque  »,  les  carceres,  était  au 
nord  5. 

Le  témxoignage  d'Artaud  ne  fournit  qu'uae  indication  approximative 
du  lieu  de  la  découverte  s...:  «  dans  son  jardin  »  —  le  jardin  de  M.  Macors  — 
«  situé  près  de  l'abbaye  d'Ainay...  La  place  qu'elle  occupe  est  à  deux  cents 
pas  du  local  où  s'élevait  jadis  le  temple  d'Auguste  à  l'ancien  confluent  du 
Rhône  et  de  la  Saône  »,  c'est-à-dire  à  deux  cents  pas  de  l'église  d'Ainay  que 
Ton  croyait  alors  bâtie  sur  l'emplacement  du  temple  de  Rome  et  d'Auguste. 


1.  Sur  la  date,  le  lieu  et  toutes  les  circonstances  de  la  découverte,  voir  Artaud,  i8o6,  in-8°  (=  Magasin 
encyclopédique,  i8o6,  IV,  p.  i6o  et  suiv.)  ;  i8o6,  in-fol  ;  1835,  p.  41  et  suiv.  Les  variantes  de  ces  trois  textes, 
en  ce  qui  concerne  la  découverte,  sont  négligeables. 

2.  8  mars  1806,  p.  74  et  suiv.  Voir  aussi  ibid.,  p.  82  et  suiv.  La  mention  de  l'architecte  Querville  est  à  la 
p.  84. 

3.  L'architecte  Querville,  qui  avait  promis  et  commença,  mais  n'acheva  point,  devancé  par  Artaud,  une 
description  détaillée  de  la  mosaïque,  écrit,  après  en  avoir  donné  les  mesures  :  «  Le  surplus  de  son  étendue  se 
termine  par  des  dégradations  qui  n'ont  pas  permis  de  découvrir  les  véritables  limites  de  son  premier  état  » 
(Bulletin  deLyon,  1806,  p.  175). 

4.  De  même  Querville,  ibid.  Voir  aussi  Delandine,  ibid.,  p.  76. 

5.  Ibid.,  p.  83. 

6.  M.  Adrien  Blanchet  la  reproduit  en  substance  dans  son  Inventaire,  n°  712,  et  ajoute,  ce  qui  est  faux  : 
«  sur  l'emplacement  de  la  rue  des  Remparts-d'Ainay  ".  La  source  directe  de  l'erreur  est  sans  doute  Duruy, 
Histoire  des  Romains,  IV,  1882,  p.  43,  note  i  :  «  sur  l'emplacement  de  la  rue  des  Remparts-d'Ainay  «  ;  la  source 
indirecte,  Comarmond,  Description...,  p.  686  :  «  dans  ce  jardin  qui  appartenait  à  M.  Macors...  ;  il  était  situé 
dans  le  pâté  de  maisons  compris  entre  les  rues  Rogé  et  des  Remparts-d'Ainay,  au  nord  et  au  sud  ;  à  l'est  et  à 
l'ouest,  entre  celles  de  Puzy  et  de  Bourbon  >.  Ces  limites,  d'ailleurs,  ne  sont  pas  celles  du  jardin  Macors,  mais 
du  lot  VI  seulement.  Martin-Daussigny,  Dissertation  sur  l'emplacement  de  l'autel  d'Auguste,  2*=  édit.,  1853, 
p.  9,  situe  la  propriété  Macors  «  rue  du  Rempart  -,  désignation  aussi  insuffisante  que  celle  de  Cochard, 
Indicateur  de  1810  ;  Curiosités,  p.  12  :  «  Dans  le  jardin  de  M.  Macors  sur  les  remparts  d'Ainai  •<.  Comarmond 
ajoute  que  «  la  mosaïque  était  vis-à-vis  la  maison  Micoud  '.  Il  veut  dire  la  maison  Michoud,  rue  de  Puzy. 


—  8  — 

Mais  le  plan  du  même  Artaud  ^  permet  de  préciser  :  la  mosaïque  y  est  placée 
dans  l'angle  sud-est  des  rues  Bourbon  (Victor-Hugo)  et  Rogé  (Jarente). 
Steyert  ^  la  localise  sous  l'actuel  n"  24  de  la  rue  Jarente,  et  Vermorel  3  sous 
le  n"  39  de  la  rue  Victor-Hugo.  La  première  localisation  est  sans  doute  la 
plus  exacte,  quoique  l'avantage  paraisse  revenir  à  la  seconde,  quand  on  exa- 
mine et  le  plan  d'Artaud  et  le  plan  inédit  du  lot  VI  que  j'ai  cité  plus  haut 
(fig.  2).  Mais  il  faut  savoir  que,  postérieurement  à  la  date  de  celui-ci,  l'axe 
de  la  rue  Bourbon  fut  reporté  de  façon  définitive  à  une  quinzaine  de  mètres 
vers  l'ouest  4.  Si  donc  le  plan  inédit  met  à  bon  droit  la  mosaïque  presque 
en  bordure  de  la  rue  projetée,  Artaud  n'aurait  pas  dû  la  mettre  presque  en 
bordure  de  la  rue  ouverte.  Le  mieux  serait  peut-être  de  dire  qu'elle  était 
située  sous  la  partie  occidentale  du  vaste  immeuble  que  désigne  Steyert. 

3.  «  Pharmacien  distingué  »  5,  Paul  Macors,  au  jugement  d'Artaud, 
était  aussi  «  un  ami  éclairé  des  arts  '.  Ami  zélé,  tout  au  moins.  Il  le  prouva 
d'abord  en  s'apphquant  à  procurer  la  conservation  sur  place  de  sa  mosaïque 
et  à  lui  donner  le  cadre  qu'il  estima  digne  d'elle.  Il  fit  élever  pour  l'abriter 
«  un  petit  temple  d'ordre  dorique  grec  »  dédié  «  aux  amis  des  arts  »  ^.  Elle  lui 
valait,  en  échange,  des  satisfactions  d'amour-propre  auxquelles  il  n'était 
pas  insensible.  Sa  belle  découverte,  que  la  double  monographie  d'Artaud  fit 
promptement  connaître  hors  de  Lyon,  avait  été,  affirme-t-il  au  début  d'une 
lettre  écrite  en  1809  7,  «  honorée...  de  la  visite  de  tous  les  grands  personna- 
ges »  qui  passaient  dans  cette  ville.  U Indicateur  de  18 10  s,  parlant  des  deux 
mosaïques  alors  exposées  dans  le  clos  Macors,  celle  des  Jeux  du  cirque  et 
celle  de  Méléagre,  lui  décernait  cet  éloge  :  «  Il  n'a  épargné  non  plus  aucune 
dépense  pour  en  assurer  la  conservation...  Aussi  voit-on  chaque  jour  des 


1.  1835,  planche  XVII. 

2.  Nouvelle  histoire  de  Lyon,  I,  p.  262. 

3.  Historique,  p.  862. 

4.  Idem,  p.  861  Pt  suiv.,  Notes,  5,  p.  996. 

5.  Voir  sa  biographie  dans  Poidebard,  Baudrier  et  Galle,  Armoriai  des  bibliophiles  du  Lyonnais,  1907, 
p,  336.  Sur  le  sirop  de  Macors,  voir  Bull,  de  Lyon,  1807,  p.  233. 

6.  Artaud,  1806,  in-fol.,  note  24;  cf.  1835,  p.  55;  Indicateur  de  Lyon  pour  1810,  Curiosités...,  p.  13  ; 
Cochard,  Description  historique  de  Lyon,  p.  46. 

7.  Celle  qui  sera  analysée  un  peu  plus  bas. 

8.  Ci'rio<-''é';...,  p.  13. 


—  9  — 

étrangers  et  des  savans  ))  se  rendre  pour  les  admirer  dans  ce  jardin  «  dessine 
avec  goût  »  I.  Le  public  lyonnais  y  fut  admis  une  première  fois  du  5  au  20 
juin  18065  moyennant  «  une  modique  rétribution  »  destinée  en  partie  «  aux 
ouvriers  qui  ont  travaillé  et  travaillent  encore  ^  à  la  conservation  du  précieux 
monument,  et  en  partie  aux  œuvres  paroissiales  d'Ainay.  La  journée  du 
26  juin,  un  jeudi,  fut  réservée  aux  maîtres  de  pension,  instituteurs  et  insti- 
tutrices, ainsi  qu'à  leurs  élèves  ;  chaque  chef  ou  conducteur  de  groupe  reçut 
gratuitement  un  exemplaire  de  la  petite  monographie  d'Artaud,  en  vente 
pour  le  public  «  chez  le  jardinier  de  M.  Macors  )>  -.  Puis,  le  jardin  est  fermé, 
afin  que  la  mosaïque  reçoive  «  les  dernières  réparations  dont  elle  est  suscep- 
tible »  3.  Il  s'agit  sans  doute  de  la  construction  du  temple.  Les  entrées 
payantes  recommencèrent-elles  ensuite  ?  Probablement.  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  15  octobre  1808  4,  «  M.  Macors  prévient  qu'à  compter  du  i^^'  novembre 
jusqu'au  i^r  mai  prochain,  on  ne  pourra  se  présenter  pour  voir  sa  mosaïque  ; 
que  pendant  ce  temps  il  sera  fait  de  nouvelles  fouilles  derrière  sa  maison,  sur 
les  ci-devant  remparts  d'Ainai  et  dans  les  jardins  dont  la  vente  a  été  annon- 
cée par  affiches  5,  et  que  la  dite  vente  sera  différée  jusqu'au  retour  de  la 
belle  saison  ». 

Le  plan  du  lot  VI  (fig.  2)  montre  la  maison  en  question  presque  en 
bordure  de  la  rue  projetée  nord-sud  (rue  Bourbon  ou  de  la  Direction),  la 
façade  tournée  à  l'est.  Macors  se  dispose  donc  à  explorer  le  terrain  du  lot 
III.  Sur  la  marche  et  les  résultats  de  ces  fouilles,  autre  manifestation  de  son 
zèle  pour  les  arts,  nous  sommes  renseignés  par  lui-même.  Dès  le  16  novem- 
1808,  il  écrit  6  au  maire,  M.  Fay  de  Sathonnay  :  «  Depuis  quatre  jours  j'ai 


1.  «  Le  jardin  où  elles  sont  a  été  dessiné  avec  goût  >.  Pour  le  rédacteur  des  Curiosités,  Cochard,  les  deux 
mosaïques,  l'une  dans  le  lot  VI,  l'autre,  nous  allons  le  voir,  dans  le  lot  III,  sont  dans  un  seul  et  même  jardin. 
Il  a  dit  un  peu  plus  haut,  parlant  des  fouilles  qui  ont  produit  la  découverte  des  deux  mosaïques  :  <  On  ne  peut 
que  savoir  gré  à  M.  Macors  du  zèle  avec  lequel  il  s'est  livré  à  faire  des  fouilles  dans  sa  propriété  '. 

2.  Bulletin  de  Lyon,  1806,  p.  173  et  199. 

3.  Ibid.,  p.  199. 

4.  Ibid.,  1808,  p.  329.  —  Le  12  mai  1808,  «  en  présence  des  sociétés  savantes,  dans  le  jardin  de  M.  Macors, 
rue  de  Pusy,  à  la  Mosaïque  >,  il  y  avait  eu  des  expériences  de  <  dépuration  et  prompte  bonification  des  eaux 
même  les  plus  corrompues  «  par  les  fontaines  à  filtres  Smith  et  Ducommun.  Ibid.,  p.  148  et  153. 

5.  Les  Petites  Affiches  de  Lyon,  20  juillet  1808,  p.  2,  contiennent  l'annonce  suivante  relative  sans  doute  à 
ce  projet  de  vente  :  <  Terrain  à  Saint- Joseph,  quartier  d'Ainai,  qui  pourra  être  divisé  en  huit  lots  ;  s'adresser  à 
Me  Desgranges,  notaire,  place  des  Carmes,  n"  85  «.  Il  s'agissait  apparemment  des  lots  II  et  III,  les  anciens  lots 
Cohert,  possédés  alors  par  sa  fille,  la  dame  Laurent. 

6.  Arch.  mun.,  R-a. 


-  10  — 

commencé  mes  fouilles  dans  le  jardin  faisant  suite  aux  prisons  de  Saint- 
Joseph  ^  Huit  hommes  sont  employés  à  cet  ouvrage  et,  à  l'instant  où  j'ai 
l'honneur  de  vous  écrire,  une  nouvelle  mosaïque  se  présente  à  nos  regards. 
Je  n'en  connais  pas  encore  le  sujet  ;  mais  j'ai  cru  devoir  vous  en  prévenir  le 
premier.  Je  continuerai  mon  travail  avec  le  même  zèle,  espérant  de  votre 
justice  et  de  la  parole  que  vous  avés  bien  voulu  me  donner  que  vous  en  par- 
tageriés  les  frais...  ».  Le  24  février  1809  2,  il  adresse  un  rapport  détaillé  au 
préfet,  M.  d'Herbouville,  qui  lui  envoie,  le  i^''  mars  3,  ses  remerciements  et 
ses  félicitations.  Macors  atteste  qu'il  a  fait  ces  nouvelles  fouilles  entraîné 
par  le  zèle  que  lui  inspirèrent  les  désirs  du  préfet  et  du  maire,  «  autant  que 
par  un  penchant  naturel  à  les  seconder  ».  Il  a  soulevé  la  terre  à  dix  pieds  de 
profondeur  «  sur  une  surface  présentant  dans  sa  longueur  deux  cents  pieds 
et  dans  sa  largeur  cinquante-six  »,  suivant  de  l'est  à  l'ouest  la  route  que  lui 
avait  tracée  sa  première  découverte,  jusqu'au  mur  de  la  rue  d'Auvergne. 
Quant  aux  résultats  de  l'investigation  et  aux  hypothèses  de  l'investigateur, 
ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  les  exposer  en  détail  ;  disons  seulement  que  sa 
découverte  la  plus  intéressante  fut  celle  de  la  mosaïque  de  Méléagre,  à 
l'extrémité  occidentale  du  terrain  fouillé.  Bientôt,  par  ses  soins,  un  pavillon 
la  garantit  des  «  injures  de  l'air  »  4. 

4.  Si  le  maire  de  Lyon  «  partagea  »,  comme  il  l'avait  promis,  les  frais  des 
fouilles  de  1 808-1 809,  nous  l'ignorons.  Mais  un  article  de  journal  5,  évidem- 
ment inspiré  par  Macors,  nous  prouve  que,  tout  ami  des  arts  qu'il  était, 
une  aide  pécuniaire  lui  semblait  indispensable.  Les  découvertes  passées 
en  laissent  prévoir  d'autres,  «  lorsque  la  munificence  du  gouvernement 
suppléera  à  l'insuffisance  de  la  fortune  d'un  particulier  ».  En  attendant, 
Macors  fait  appel  au  concours  des  Lyonnais.  «  C'est  pour  conserver  ce 
monument  national  »  —  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  —  «  à  la  ville  de 


1.  Les  prisons  de  Saint- Joseph  n'étaient  autre  chose  que  les  anciens  bâtiments  des  Jésuites.  Voir  Ver- 
morel,  pass.  cités  plus  haut. 

2.  Bulletin  de  Lyon,  1809,  p.  66  et  suiv.  Rapport  reproduit  textuellement,  mais  non  daté,  dans  le  Ma(;asin 
encyclopédique  de  1809,  II,  p.  364  et  suiv.  ;  abrégé  par  Fortis,  Voyage...  à  Lyon,  II,  1822,  p.  137  et  suiv.,  qui  le 
date  de  février  1809. 

3.  Bulletin  de  Lyon,  1809,  p.  71. 

4.  Indicateur  de  Lyon  pour  1810,  Curiosités,  p.  13  ;  Cochard,  Description...  deLyon,  p.  47. 

5.  Bulletin  deLyon,  1809,  p.  185  ;  cf.  203. 


—  11  — 

Lyon,  que  M.  Macors  a  conçu  le  projet  de  faire  de  son  jardin  un  lieu  de 
réunion,  une  promenade  agréable  et  bien  décorée,  où  les  amis  des  lettres 
et  des  arts  viendront  cultiver  les  sciences,  objet  de  leurs  études,  où  les 
citoyens  trouveront  un  délassement  dans  les  belles  soirées  de  l'été,  où  les 
voyageurs  savans  et  curieux  recevront  accueil...  ».  Ce  projet  a  rencontré 
l'approbation  d'une  société  nombreuse  «  et  choisie  qui  s'est  réunie  le  7  » 
juin  1809  «  dans  la  maison  attenant  au  jardin  ».  Ainsi  fut  constitué  le 
«  Cercle  du  Jardin  des  Mosaïques  »,  lequel,  durant  l'unique  année  de  son 
existence  (i^^  juillet  1809 — 30  juin  18 10),  fut  en  fait  beaucoup  moins  un 
Athénée  qu'un  lieu  de  plaisance  dont  les  attractions  ne  différaient  pas 
essentiellement  de  celles  que  les  grandes  brasseries  du  voisinage  offraient 
alors  à  leur  clientèle  ^ 

Exploité  par  l'artificier  Arban,  le  lieu  de  plaisance  survécut  au  cercle 
deux  ou  trois  mois  seulement.  Le  décès  de  Paul  Macors,  arrivé  le  12  mars 
181 12,  entraîna  bientôt  la  disparition  du  jardin  lui-même  des  Mosaïques. 

5.  Quelques  jours  après,  le  26  mars  181 1  3,  le  préfet,  comte  de  Bondy, 
écrit  au  maire  de  Lyon  que  la  «  mort  du  sieur  Macors  doit  occasionner  la 
vente  du  jardin  des  Mosaïques  »  ;  le  conseil  municipal  est  invité  à  délibérer 
«  sur  la  conservation  de  ces  mosaïques  intéressantes  sous  le  rapport  de  l'art 
et  de  l'histoire  de  Lyon  ».  Le  pluriel,  que  nous  retrouverons  assez  souvent 
dans  les  pièces  du  dossier  des  archives,  désigne  évidemment  la  mosaïque 
de  Méléagre  et  Atalante  avec  celle  des  Jeux  du  cirque  :  tout  le  monde  ne 
savait  pas  que  la  première  n'était  point  la  propriété  de  Macors.  Dans  la 
séance  du  29  mai,  M.  de  Vauxonne,  premier  adjoint,  «  fait  lecture  »  de 
cette  lettre  préfectorale  «  relative  aux  mosaïques  du  jardin  Macors,  qui, 
par  la  mort  de  ce  particulier,  peuvent  être  alHénées  (sic)  et  perdues  pour 
la  ville,  si  une  acquisition  de  sa  part  ne  lui  conservait  ce  monument  ». 
Le  conseil  renvoie  l'examen  de  la  question  à  une  commission  «  chargée  de 
lui  faire  un  rapport  sur  la  convenance  d'acquisition,  le  prix  et  le  placement 


1.  Voir  Ph.  Fabia,  le  Jardin  des  mosaïques  au  quartier  d'Ainay,  à  Lyon  {1806-1812),  dans  ;  Comptes  ren- 
dus des  séances  de  l'Acad.  des  Inscriptions  ",  1917,  p.  262  et  suiv. 

2.  Arch,  munie,  registres  de  l'état-civil.  Notice  nécrologique  dans  le  Journal  deLyon,  14  mars  181 1,  p.i. 
La  date  donnée  par  le  journal  est  à  peine  inexacte  :  1 1  mars  ;  Macors  mourut  le  12,  à  une  heure  du  matin. 

3.  Arch.  munie,  R-'a. 


—  12  — 

de  cette  mosaïque  »,  entendons  celle  des  Jeux  du  cirque  K  Dans  la  séance 
du  5  juillet,  la  commission  propose  d'ajourner  à  la  session  de  1812  «  le 
projet  d'acquisition  des  mosaïques  du  défunt  s'"  Macors  ~  >k  Le  26  octobre, 
le  préfet  écrit  de  nouveau  au  maire,  le  priant  de  l'informer  si  le  conseil 
municipal  a  délibéré  «  sur  les  mosaïques  qui  existent  dans  le  jardin  du 
s^  Macors  et  les  moyens  de  les  conserver  »  3.  Le  maire,  qui  avait  donc 
négligé  de  tenir  le  préfet  au  courant,  répond,  le  5  novembre,  que  l'affaire  a 
été  ajournée  4.  Arrive  la  session  de  1812.  Dans  la  séance  du  20  avril, 
«  M.  de  la  Chassagne  fait  lecture  d'un  rapport  ou  projet  de  délibération 
sur  la  proposition  qui  a  été  faite  d'acheter,  au  nom  de  la  ville,  les  mosaï- 
ques découvertes  dans  le  jardin  de  M.  Macors.  Le  conseil,  conformément 
au  rapport...  ajourne  l'acquisition  qui  lui  a  été  proposée» 5.  Nous  avons  la 
minute  du  rapport  La  Chassagne  ^  ;  il  envisage  à  la  fois  un  projet  d'achat 
de  la  mosaïque  —  des  Jeux  du  cirque  —  au  prix  de  5.000  francs,  et  un 
projet  d'achat  des  terrains.  Ce  deuxième  ajournement  est  un  renvoi  sine 
die.  Le  maire  ne  se  hâte  point  d'en  aviser  le  préfet,  qui,  par  une  troisième 
lettre,  celle-ci  du  29  avril  18 12  7,  l'invite  à  lui  soumettre  la  délibération, 
dès  qu'elle  aura  été  prise. 

Les  choses  en  étaient  là,  lorsque  fut  vendue,  non  pas  la  totalité  du 
jardin  des  Mosaïques,  mais  la  partie  seule  dont  Macors  était  véritable- 
ment propriétaire,  l'ancien  lot  VI,  subdivisé  lui-même,  cette  fois,  en  deux 
lots  s,  qui  comprenaient,  l'un,  au  sud,  la  maison  d'habitation,  l'autre,  au 
nord,  '<  un  temple  renfermant  une  belle  mosaïque  »  9.  L'adjudication 
préparatoire  est  annoncée  pour  le  12  mai  18 12  ;  l'adjudication  définitive 


1.  Registre  des  délibérations  du  conseil  municipal. 

2.  Ibid. 

3.  Arch.  mun.,  R-a. 

4.  Ibid. 

5.  Registre  des  délibérations... 

6.  R-a. 

7.  Ibid. 

8.  Cf.  le  plan,  fig.  2. 

9.  Le  cahier  des  charges  rédigé  par  M''  Desgranges  (Arch.  mun.,  O',  rues  ;  dossier  de  la  rue  Bourbon  ; 
liasse  Dépierre)  et  l'annonce  légale  spécifient  que  l'ensemble  est  confiné  à  l'occident  par  les  terrains  et  bâti- 
ments de  Madame  Laurent  —  fille  et  héritière  de  Cohert,  élu  en  ami  pour  le  lot  III — ,1a  rue  projetée  sous  le 
nom  de  la  Direction  entre  deux  ;  au  nord,  par  la  propriété  ci-devant  Boirier  —  ou  Boirié,  élu  en  ami  pour  le 
lot  V.  Voir  V annonce  dans  Petites  Affiches  de  Lyon,  2,  mai  1812,  p.  7  etsuiv.  ;  30  mai,  p.  9  ;  2  septembre,  p.  7. 


—  13  — 

pour  le  10  juin  ;  mais  celle-ci  n'a  lieu  que  le  i8  septembre  ^  Les  deux  lots 
sont  adjugés  à  Vincent  Dépierre  père  et  Charles  Dépierre  fils,  domiciliés 
grande-rue  Sainte-Catherine,  n^  4,  à  Lyon  2.  Les  nouveaux  propriétaires 
firent  une  offre,  par  l'entremise  d'Artaud,  à  la  Ville,  s'il  faut  les  en  croire  3, 
mais  plus  exactement,  sans  doute,  à  l'administration  préfectorale,  sur 
laquelle  Artaud  comptait  pour  vaincre  le  mauvais  vouloir  du  conseil 
municipal.  C'est,  selon  toute  vraisemblance,  à  la  suite  de  cette  démarche 
que  le  préfet,  le  19  novembre  18 12  4,  écrivit  au  maire  qu'on  pourrait 
acquérir  et  transporter  les  belles  mosaïques  5  du  jardin  Macors  pour 
6.000  francs,  et  le  pria  d'inscrire  cette  somme  au  projet  de  budget  de 
l'année  181 3,  afin  de  «  ne  pas  laisser  échapper  l'occasion  de  conserver  à  la 
Ville  ce  précieux  monument  de  l'art  ».  En  outre,  le  22  décembre  6,  il  lui 
fit  savoir  que  le  ministre  de  l'Intérieur  aurait  égard  aux  propositions 
contenues  dans  le  budget  de  1813  «  pour  l'acquisition  et  le  transport  au 
musée  de  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque».  A  cette  date,  il  ignorait  donc 
que,  l'adjoint  de  Vauxonne  ayant  saisi  le  conseil  de  sa  lettre  du  19  novembre 
dans  la  séance  du  25  et  proposé,  dans  celle  du  17  décembre,  au  nom  de  la 
commission  du  budget,  l'achat  «  de  la  mosaïque  ancienne  découverte,  il  y 
a  quelques  années,  dans  les  jardins  dus^  Macors  »,  acquisition  qui  n'excé- 
derait pas  6.000  francs,  y  compris  le  transfert  au  musée  de  la  mosaïque 
intacte  aux  frais  et  risques  des  vendeurs,  «  le  conseil,  à  la  grande  majorité  », 
vu  l'état  des  finances  de  la  Ville  et  les  difficultés  du  déplacement,  avait 
encore  une  fois  ajourné  la  question  7.  Le  rapport  sur  le  compte  adminis- 


1.  Voir  ibid.  Vermorel,  Historique,  p.  442,  donne  à  tort  la  date  du  10  juin  pour  celle.de  l'adjudication. 
Cf.  au  surplus  les  pièces  citées  à  la  note  suivante. 

2.  Arch.  mun.,  R-'a  :  traité  du  15  octobre  181 3  entre  le  maire  d'une  part,  Riffaut  et  Rivoiron,  d'autre  part  ; 
ihid.,  G',  rues  ;  dossier  de  la  rue  Bourbon,  liasse  Dépierre  :  extrait  (sans  date)  de  l'adjudication  au  profit  de 
MM.  Dépierre  ;  analyse  (1824?)  des  pièces  fournies  par  les  s''*  Dépierre  ;  1818,  mémoire  des  s""  Dépierre 
au  préfet. 

3.  Arch.  mun.,  R^a  :  Dépierre  au  maire,  25  août  181 3. 

4.  R-a. 

5.  Pluriel  bizarre,  ici  et  plus  bas  :  le  préfet  et  le  maire  devraient  savoir  maintenant  que  la  mosaïque  de 
Méléagre  ne  va  pas  avec  celle  des  jeux  du  cirque.  Le  pluriel  s'appliquerait-il  à  la  mosaïque  des  jeux  du  cirque 
et  au  petit  pavement  de  péristyle  qui  la  précédait  vers  l'occident  ? 

6.  R»a. 

7.  R-a  et  registres  des  délibérations  du  conseil. 


—  14  — 

tratif  de  1813  constate  que  le  préfet  inscrivit  d'office,  au  budget  de  cette 
année,  le  crédit  refusé  et  que  le  gouvernement  le  maintint  ^ 

Mais  la  Ville  arriva  trop  tard  pour  traiter  avec  les  Dépierre  et  pour 
payer  la  mosaïque  seulement  6.000  francs.  Elle  avait  été  vendue,  le  10 
août  1813,  à  Victor  Riffaut,  architecte,  grande-rue  des  Capucins,  et 
Jacques  Rivoiron,  place  des  Jacobins,  au  prix  de  4.900  francs  2.  Ceux-ci 
avaient  déjà  fait  démolir  le  temple  et  se  disposaient  à  faire  enlever  le 
pavement  pour  le  faire  transporter  à  Paris,  lorsque  le  maire,  M.  d'Albon3, 
en  vertu  de  la  loi  du  8  brumaire  an  III  pour  la  protection  des  monuments, 
et  en  vertu  des  droits  que  pouvait  avoir  la  Ville  sur  cette  découverte,  prit, 
le  16  août,  un  arrêté,  revêtu  de  l'approbation  préfectorale  le  20  4,  inter- 
disant «  l'enlèvement  des  deux  mosaïques  qui  existent  dans  le  jardin 
Macors  »,  et  chargeant  M.  Artaud,  directeur  du  musée,  de  pourvoir  aux 
mesures  pour  en  assurer  la  conservation.  Les  sieurs  Dépierre  accusent 
réception  de  cet  arrêté  au  maire  le  25  août,  et,  dès  le  10  septembre,  le 
charpentier  Barbara  présente  un  devis  pour  la  construction  d'un  hangar 
destiné  à  remplacer  le  temple.  Le  15  octobre,  le  maire  d'Albon  signe,  avec 
Riffaut  et  Rivoiron,  un  traité  par  lequel  ceux-ci  cèdent  à  la  Ville  leurs 
droits  (sur  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque)  moyennant  une  somme  de 
7.000  francs,  4.900  qui  représentent  le  prix  payé  aux  propriétaires  du 
terrain,  et  2.100  «  à  titre  de  remboursement  des  frais  et  indemnité  conve- 
nable ».  La  Ville  s'engage  à  déplacer  la  mosaïque  dans  les  trois  mois  ou  à 
prendre  arrangement  avec  les  sieurs  Dépierre.  Le  préfet  approuve  ce 
traité  le  16  octobre  et  autorise  le  maire  à  disposer  d'une  somme  de  i.ooo 
francs  pour  compléter  le  crédit  de  6.000  inscrit  au  budget  de  1813.  Le 
compte  administratif  nous  montre  qu'il  fut  déboursé  sur  les  fonds  de  cet 
exercice,  non  pas  7.000,  mais  7.535  francs,  le  surplus  s'appliquant  au 
hangar  de  Barbara  et  à  d'autres  ouvrages  ou  travaux  exécutés  par  le  même 
pour  la  préservation  de  la  mosaïque  5. 

1.  Registres  des  délibérations  (séance  du  13  janvier  1815). 

2.  R-a. 

3.  /ftic/.  ;  y  voir  aussi  la  lettre  de  Dépierre  au  maire  (15  novembre  181 5). 

4.  Ibid.,  ainsi  que  les  pièces  suivantes. 

5.  Registres  des  délibérations,  séance  du  13  janvier  1815.  D'après  le  dossier  R-a,  le  28  octobre  1813,  la 
préfecture  autorisait  le  paiement  à  Barbara  de  300  fr.  du  hangar  ;  le  20  novembre  et  le  i''"'  décembre,  Barbara 
présentait  deux  devis,  l'un  de  177  fr.  53,  l'autre  de  197  fr.  29  ;  le  21  juillet  1814,  la  préfecture  autorisait  le 
paiement  de  175  fr.  (travaux  exécutés  pour  préserver  la  mosaïque  des  eaux). 


—  15  — 

Il  n'était  pas  superflu  de  remonter  jusqu'aux  sources,  je  veux  dire 
aux  archives  municipales,  afin  de  connaître  exactement  cette  histoire  de 
l'acquisition.  Les  quelques  lignes  que  lui  consacre  Comarmond  sont  rem- 
plies de  grosses  erreurs  :  «  M.  Macors...  ayant  vendu  cet  emplacement  à 
un  entrepreneur,  en  1814,  pour  y  élever  des  constructions,  cet  entrepre- 
neur céda  la  mosaïque  à  la  ville  en  18 15  «  K  Artaud  était  mieux  à  même 
que  personne  de  savoir  la  vérité  ;  il  ne  l'altère  pas,  à  proprement  parler, 
dans  sa  notice  de  1835  2,  mais  on  y  voudrait  un  peu  plus  de  précision  : 
«  M.  Macors...  A  la  mort  de  cet  amateur  distingué,  la  propriété  fut  vendue 
et  même  divisée  3  ;  le  lot  de  la  mosaïque  échut  en  partage  à  un  artisan  qui 
la  vendit  à  un  architecte.  Celui-ci  voulut  la  déplacer  pour  en  faire  un  objet 
de  spéculation.  Le  temple  fut  abattu.  Déjà  on  procédait  à  l'exécution  du 
déplacement  du  pavé  ;  mais,  comme  alors  on  ne  connaissait  pas  les  procé- 
dés de  M.  Belloni,  la  Ville  craignit  un  essai  infructueux  et,  partant,  la 
perte  de  ce  précieux  monument  ;  elle  proposa  un  bénéfice  à  l'architecte  et 
le  marché  fut  conclu  ».  Outre  les  dates  et  les  noms  propres,  ce  que  cette 
narration  nous  laisse  ignorer,  c'est  que,  si  la  Ville  intervint  au  dernier 
moment,  elle  avait  longtemps  refusé  d'intervenir,  et  qu'un  homme  joua 
un  rôle  considérable  dans  toute  l'affaire,  soit  spontanément,  soit,  hypo- 
thèse beaucoup  plus  probable,  à  son  instigation  à  lui  Artaud,  le  préfet  de 
Bondy.  Une  note  rédigée  par  le  même  Artaud  4  en  1821,  mentionne  ce 
rôle,  mais  d'une  façon  inexacte  :  «  Déjà  le  temple  venait  d'être  abattu, 
lorsqu'un  préfet  passionné  pour  les  arts,  M.  le  comte  de  Bondy,  employa 
tout  son  crédit  pour  en  faire  faire  l'acquisition  au  conseil  municipal  ».  Le 
comte  de  Bondy  n'attendit  pas  la  démolition  du  temple  pour  s'intéresser  à 
la  mosaïque  et  tâcher  d'y  intéresser  le  conseil  municipal  ;  il  employa  non 
seulement  tout  son  crédit,  mais  aussi  les  pouvoirs  que  lui  conférait  la  loi, 
pour  en  faire  faire  l'acquisition.  Disons  le  mot  qu'Artaud  n'a  pas  osé  dire  : 
il  l'imposa. 

1.  Description.,.,  p.  686.  De  là  l'erreur  de  Steyett,  Nouvelle  histoire  de  Lyon,  I,  p.  262,  et  du  Catalogue 
sommaire  des  Musées  de  Lyon,  1887,  p.  132,  n°  9  =  1899,  p.  204,  n»  11  :  «  Acquise  en  1815  ', 

2.  P.  55. 

3.  Inexact,  nous  l'avons  vu  :  le  lot  III  se  sépara  du  lot  VI,  mais  non  par  une  vente  qui  n'avait  pas  raison 
d'être. 

4.  La  minute  sans  date  de  cette  note  est  à  la  bibliothèque  de  l'Académie  de  Lyon,  M  201,  fol.  517-518. 
Elle  fut  écrite,  lorsque  la  mosaïque  Michoud  était  déjà  posée,  lorsque  la  mosaïque  Cassaire  ne  l'était  pas 
encore,  c'est-à-dire  dans  les  derniers  mois  de  1831  ou  les  premiers  de  1822. 


—  16  — 
II 

I.  Acquise  en  1 813,  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  fut  enlevée,  non 
pas  dans  les  trois  mois  qui  suivirent  la  vente,  comme  le  prévoyait  le  traité, 
mais  seulement  en  1818  ;  et,  l'arrangement  amiable  qu'il  prévoyait,  pour 
le  cas  d'un  retard,  avec  les  propriétaires  du  terrain  n'ayant  jamais  été 
conclu,  ce  laps  de  temps  fut  troublé  par  de  nombreux  incidents.  Dès  le 
16  avril  1814  ^  Artaud  signale  au  maire  des  agissements  nuisibles  à  la 
mosaïque  :  les  Dépierre  comblent  les  fossés  établis  pour  la  préserver  de 
l'humidité  ;  ils  ont  la  prétention  de  clore  le  terrain  qui  la  contient.  Le  17, 
Dépierre  écrit  au  maire  pour  l'inviter  à  le  débarrasser  le  plus  tôt  possible 
de  la  mosaïque.  Le  9  juillet,  un  vieux  soldat  invalide  que  la  Ville  a  chargé 
de  la  garder  se  plaint  au  préfet  d'être  molesté  et  menacé  par  Dépierre, 
plainte  que  le  préfet  transmet  au  maire  le  18.  Il  est  encore  question  de  ces 
«  difficultés  "  entre  Dépierre  et  le  gardien  Monnard  dans  une  lettre  d'Ar- 
taud au  maire,  en  date  du  14  mai  1815.  De  son  côté.  Dépierre,  dans  une 
lettre  du  15  novembre,  récrimine  auprès  du  maire  contre  cette  mosaïque 
toujours  en  place  qui  lui  suscite  des  ennuis  avec  son  voisin.  Le  21  septem- 
bre 18 16  2,  Dépierre  père  et  fils  adressent  une  pétition  au  maire  pour 
réclamer  à  la  fois  l'ouverture  de  la  rue  de  la  Direction  (rue  Bourbon, 
aujourd'hui  rue  Victor-Hugo)  et  l'enlèvement  de  la  mosaïque  qui  «paralise 
la  propriété  des  exposants,  les  gêne  dans  les  constructions  qu'ils  vou- 
draient faire,  les  empêche  de  se  clorre  chez  eux,  et  en  résultats  (sic)  ne 
profitte  qu'au  sieur  Arthaud,  directeur  du  musée,  qui  en  tire  seul  un 
excellent  parti  '.  La  situation  s'aggrave  en  18 17.  Le  26  juillet  3,  par 
acte  extrajudiciaire.  Dépierre  père  et  fils  font  signifier  à  la  Ville  qu'à 
défaut  d'enlèvement  dans  la  quinzaine,  ils  considéreront  la  mosaïque 
comme  objet  abandonné  et  continueront  la  construction  qu'ils  ont  entre- 
prise sur  leur  terrain.  Cette  construction  menaçait  évidemment  l'existen- 
ce du  pavé,  puisque,  le  i^^  août,  le  préfet,  accusant  réception  au  maire  de 


1 .  Voir  R-'a,  ainsi  que  pour  les  pièces  suivantes. 

2.  Arch,  mun.,  série  O',  rues  ;  dossier  de  la  rue  Bourbon  ;  liasse  Dépierre. 

3.  Ibid.,  R'i,  ainsi  que  les  pièces  suivantes. 


—  17  — 

ses  deux  lettres  du  25  et  du28  juillet,  relatives  au  différend  de  la  Ville  avec 
les  Dépierre,  lui  annonce  un  arrêté  «  qui  remplira  le  but  que  se  propose 
l'administration  dans  l'intérêt  des  arts  et  de  l'histoire  ».  Cet  arrêté  préfec- 
toral est  aussi  en  date  du  i^^  août.  Il  vise  d'abord  l'acte  de  vente  avec 
délai  de  trois  mois  pour  l'enlèvement  ;  puis  un  rapport  du  25  juillet,  où  le 
maire  constate  qu'il  a  été  «  reconnu  par  des  personnes  de  l'art  que  l'enlè- 
vement ne  pouvait  se  faire  sans  détériorer  entièrement  n  la  mosaïque  ; 
ensuite  l'acte  extrajudiciaire  ;  enfin  la  loi  du  8  brumaire  an  III  pour  «  la 
protection  des  monuments  d'arts  et  de  sciences  »,  et  celle  du  8  mars  18 10 
concernant  l'expropriation  pour  cause  d'utilité  publique.  Il  considère  que 
les  tentatives  faites  par  la  Ville  pour  amener  Dépierre  à  vendre  le  terrain 
nécessaire  à  la  conservation  de  la  mosaïque  ou  accepter  en  échange  un 
terrain  adjacent  ont  échoué.  Il  porte  :  1°  interdiction  formelle  de  conti- 
nuer provisoirement  les  travaux  ;  2^  avis  que  sommation  sera  faite  par  le 
maire  à  Dépierre  de  vendre  à  la  ville  une  parcelle  du  terrain  dont  les 
dimensions  sont  fixées  ;  3°  qu'à  défaut  de  soumission  dans  les  trois  jours 
l'autorisation  royale  de  poursuivre  l'expropriation  pour  cause  d'utilité 
publique  sera  immédiatement  sollicitée  et  qu'en  attendant  il  ne  sera  rien 
changé  à  l'état  des  choses.  Le  5  août,  l'arrêté  est  signifié  par  le  commissaire 
de  police  à  Dépierre  père  et  fils  qui  «  ont  dit  qu'ils  feraient  incessamment 
connaître  l'expert  choisi  par  eux  avec  leurs  observations  ».  Celles-ci  font 
l'objet  d'une  lettre  au  maire,  où  ils  exposent  les  désagréments  que  le  man- 
que de  clôture  les  oblige  à  subir,  la  rue  de  Bourbon  étant  alors  ouverte.  Ils 
demandent  qu'il  leur  soit  permis  de  se  clore  sur  cette  rue  et  que  la  Ville 
fasse  clore  la  partie  du  terrain  qu'elle  réclame,  en  attendant  la  décision. 
L'affaire  s'arrangea  sans  vente  forcée  ou  expropriation,  la  Ville  ayant  trouvé 
moyen,  en  18 18,  comme  nous  allons  le  voir,  de  déplacer  sa  mosaïque,  mais 
non  avant  que  les  Dépierre  eussent  adressé  au  préfet  un  nouveau  mémoire 
où  ils  récapitulaient  tous  leurs  griefs  ^  «  La  Ville,  devenue  propriétaire  de 
cet  objet,  disaient-ils,  au  lieu  de  remplir  les  conditions  de  la  vente,  a  com- 
mencé par  s'emparer  de  la  propriété  des  s"  Dépierre,  leur  a  deffendu 
aucuns  travaux,  a  établi  des  agens  pour  surveiller,  a  fait  combler  les  travaux 


I,  Arch.  mun.,  O',  rues  ;  dossier  de  la  rue  Bourbon  ;  liasse  Dépierre. 


—  18  — 

d'enlèvement  commencés  par  Riffaut  et  Rivoiron,  fait  construire  un  bâti- 
ment en  bois  pour  clorre  et  mettre  à  couvert  cette  mosaïque  et  en  a  remis  les 
clefs  à  un  gardien  pour  la  montrer  aux  amateurs,  qui,  à  tel  effet,  sont  obligés 
pour  y  parvenir  de  traverser  en  entier  la  propriété  des  s"  Dépierre  ».  Ils 
supportent  «  depuis  cinq  années  la  stagnation  de  cette  antiquité  sur  leur 
propriété  «.  Ce  ne  fut  pas  encore,  à  notre  connaissance,  la  dernière  manifes- 
tation de  leur  caractère  peu  conciliant.  L'enlèvement  commencé,  trouvant 
que  les  choses  n'allaient  pas  assez  vite,  ils  firent,  le  23  octobre  ^,  signifier  par 
huissier  au  maire  qu'ils  se  réservaient  de  demander  indemnité  pour  le 
retard. 

La  prolongation  interminable  du  délai  prévu  dans  l'acte  de  vente  ne 
fut  pas  seulement  une  cause  permanente  de  tracas  pour  la  préfecture  et  la 
mairie  ;  elle  fut  aussi  une  source  de  dépenses  supplémentaires.  Nous  avons 
déjà  noté  les  plus  anciennes.  A  la  date  du  12  février  181 7,  on  trouve  au 
dossier  -  un  état  estimatif,  dressé  par  l'architecte  Flacheron,  «  des  ouvrages 
les  plus  urgents  à  faire  pour  la  conservation  de  la  mosaïque  représentant  les 
jeux  du  cirque  »  ;  il  se  monte  à  i.ooo  francs  3.  Mais  ceci  n'était  rien  en 
comparaison  du  dommage  de  plus  en  plus  grave  infligé  à  la  mosaïque.  Le 
hangar  de  Barbara,  comme  le  temple  de  Macors,  la  laissait  «  encore  exposée 
aux  intempéries  des  saisons  »,  parce  qu'elle  gisait  «  dans  un  endroit  profond 
et  humide,  sujet  à  recevoir  en  outre  les  eaux  pluviales  »  4.  Artaud  afiirme, 
dans  sa  note  de  1821,  qu'«  exposée  aux  dégradations,  presque  toute  décom- 
posée, elle  allait  périr  »,  lorsque  le  moyen  de  l'enlever  apparut  enfin.  «  Si  on 
eût  attendu  encore  une  année  pour  la  déplacer,  elle  aurait  été  entièrement 
perdue  ,  écrit-il,  en  1835  5.  Même  s'il  exagère  un  peu  le  mal  pour  augmenter 


i./èi<f.,R-a. 

2.  Ibid. 

3.  Le  hangar  de  Barbara  est  solide  :  Artaud  le  certifie  au  maire  le  14  mai  181 5.  Il  n'aura  besoin  que  d'une 
serrure  de  rechange,  fournie  par  Aguettant,  le  6  février  1818,  au  prix  de  9  francs,  «  pour  la  porte  de  la  grande 
mosaïque  d'Enay  ".  —  Le  gardien  Monnard  ne  reçoit  aucun  traitement  et  il  se  plaint  que  la  générosité  des 
visiteurs  compense  mal  la  parcimonie  de  la  ville  ;  il  demande  (19  septembre  1818)  qu'elle  tienne  au  moins 
sa  promesse  d'un  logement  gratuit  dans  le  voisinage. 

4.  Artaud,  1835,  p.  55. 

5.  Comp.  Cochard,  Description  historique  de  Lyon,  1817,  p.  46  :  «  Ce  morceau  précieux  disparaîtra  bien- 
tôt, si  l'administration  ne  se  hâte  de  le  soustraire  aux  ravages  du  temps  '.  Il  ne  parle  pas  de  la  démolition  du 
temple  ;  il  dit  seulement  qu'  "  on  néglige  de  le  réparer  ->. 


—  19  — 

le  mérite  de  celui  qui  en  conjura,  selon  lui,  les  effets  irréparables,  «  M.  le 
baron  Rambaud  »,  il  y  a  sans  doute  une  bonne  part  de  vérité  dans  son  asser- 
tion. L'on  n'avait  pu  prolonger  impunément,  cinq  années  durant,  le  séjour 
en  cette  excavation  d'une  mosaïque  déjà  soumise  depuis  sept  ans  à  la  même 
épreuve,  avec  une  protection  insuffisante,  non  seulement  contre  les  tempé- 
ratures extrêmes,  mais  aussi  contre  la  curiosité  indiscrète  de  visiteurs  dont 
beaucoup,  pour  la  mieux  voir,  ne  se  privèrent  pas  de  la  piétiner. 

2.  Comment  expliquer  ce  long  et  si  fâcheux  retard  ?  Dans  son  livre  de 
1835,  Artaud  ne  l'explique  pas  ;  dans  sa  note  de  1821,  il  met  en  cause  «les 
circonstances  politiques  »,  excuse  qui  serait  spécieuse  si  elle  s'appliquait 
seulement  aux  années  i8i4eti8i5.La  véritable  raison  nous  est  donnée  par 
l'arrêté  préfectoral  du  i^r  août  18 17  :  des  «  personnes  de  l'art  »  reconnurent 
«  que  l'enlèvement  ne  pouvait  se  faire  sans  détériorer  entièrement  »  la 
mosaïque.  M.  de  Bondy  avait  affirmé  à  la  légère  que  «  pour  6.000  francs  on 
pourrait  acquérir  et  transporter  les  belles  mosaïques  du  jardin  Macors  »,  et 
M.  de  Vauxonne  avait  risqué  l'affirmation  devant  le  conseil  municipal  que, 
pour  un  prix  qui  n'excéderait  pas  6.000  francs,  la  mosaïque  des  Jeux  du 
cirque  serait  acquise  et  transportée  intacte  aux  frais  et  risques  des  vendeurs. 
La  grande  majorité  du  conseil  avait  très  sagement  prévu  «  les  difficultés  du 
déplacement  ».  Les  tentatives  que  l'on  fit  sans  doute  après  l'acquisition 
démontrèrent  que  sa  résistance  n'était  pas  le  moins  du  monde  déraisonna- 
ble; les  «personnes  de  l'art  »  reconnurent  la  justesse  de  sa  prévision.  Faut-il 
donc  penser  qu'Artaud,  dont  M.  de  Bondy  n'avait  fait,  selon  toute  vraisem- 
blance, que  reproduire  l'avis  optimiste,  était  dupe  d'une  illusion  ?  Non  ;  car 
il  ne  connaissait  encore  qu'un  procédé  pour  l'enlèvement  des  mosaïques, 
celui  de  Schneyder,  applicable  seulement  «  lorsque  le  ciment...  est  sain  »  ;  et 
il  avait  tout  lieu  de  croire  que  le  ciment  de  la  mosaïque  Macors  n'était  pas 
sain,  même  en  18 13.  Rappelons-nous,  en  effet,  qu'il  avait  constaté  que  le 
temple  garantissait  mal  le  monument,  depuis  1806,  contre  «  les  intempéries 
des  saisons  ».  Mais  il  s'était  pris  d'un  bel  amour  pour  sa  mosaïque  ;  il  en 
désirait  passionnément  l'acquisition  ;  les  obstacles  qui  se  rencontreraient 
ensuite,  il  affectait  de  les  ignorer  et  il  s'efforçait  de  les  dissimuler  à  autrui. 


—  20  — 

Voicij  du  reste,  exposé  par  lui,  le  procédé  de  Schneyder  ^  :  «  Il  com- 
mençait par  miner  le  terrain  sur  lequel  reposait  la  mosaïque  ;  il  étayait  le 
pavé  au  fur  et  à  mesure  ;  il  avait  un  grand  cadre  en  bois  de  sapin,  de  la 
grandeur  de  la  mosaïque,  qu'il  serrait  à  volonté  ;  il  passait  en  dessous  deux 
traverses  en  forme  de  croix  qu'il  faisait  adhérer  au  cadre  par  de  grosses 
chevilles  ;  il  coulait  sur  la  mosaïque  une  couche  de  plâtre  fort  mince  pour 
contenir  les  cubes  ;  il  en  mettait  une  autre  très  épaisse  en  dessous  du  pavé 
après  l'avoir  bien  balayé  ;  il  le  relevait  à  moitié  pour  le  faire  porter  de  champ 
et  pour  le  placer  sur  le  sol  qui  devait  le  recevoir  ;  il  mouillait  le  plâtre  de 
dessus  ;  puis,  avec  un  ciseau,  il  le  faisait  disparaître  entièrement  ».  Artaud 
ajoute,  reprenant  et  précisant  sa  réserve  initiale,  que  ce  «  procédé  un  peu 
hasardeux  ne  peut  réussir  que  quand  le  ciment  des  mosaïques  n'a  pas  été 
altéré  par  l'humidité  ». 

III 

I.  Voici  maintenant,  exposé  par  le  même  Artaud  2,  «  le  procédé  de 
M.  Belloni  »,  celui  dont  Belloni  fit  lui-même  l'application  aux  mosaïques 
Macors  et  Cassaire,  et  que  les  marbriers  lyonnais  appliquèrent  ensuite  à 
beaucoup  d'autres,  en  premier  lieu  à  la  mosaïque  Michoud  :  «  Déterminez 
les  panneaux  ou  bandes  que  vous  voulez  diviser.  Tâchez  que  ce  soit  dans 
les  endroits  où  il  y  a  le  plus  de  lacunes  et  qui  sont  les  plus  faciles  à  restaurer. 
Enlevez  avec  un  petit  ciseau  un  rang  de  cubes  autour  de  la  pièce  que  vous 
voulez  détacher  ;  mettez-les  à  part  pour  les  replacer  ensuite.  Faites  tailler 
des  feuilles  d'ardoise  épaisses  ou  des  tablettes  de  marbre  minces  en  raison 
de  la  surface  du  panneau  que  vous  voulez  enlever,  c'est-à-dire  dans  les 
mêmes  formes  ou  contours.  Préparez  le  ciment  ci-joint...  :  cire  jaune, 
térébenthine,  sable  fin  ou  plutôt  ocre  jaune  ;  faites  fondre  le  tout  ensemble; 
chauffez  la  mosaïque  et  le  marbre  ou  l'ardoise  qui  doit  couvrir  les  panneaux 
désignés  et  contenir  les  cubes  ;  sciez  ensuite  avec  une  sciotte  de  marbrier 
tout  autour  ;  faites  un  fossé  en  dehors  ;  minez,  creusez  par  dessous  le 
panneau,  détachez-le  du  sol,  dégagez  le  ciment  avec  un  ciseau  jusqu'à  ce 


1. 1835,  p. 132. 

2.  Ibid./p.  131  etsuiv. 


—  21  — 

que  vous  ayez  atteint  le  dessous  des  cubes.  Brossez,  lavez,  séchez  avec  le 
grillage  en  fer  ;  doublez  encore  la  pièce  en  dessous  avec  un  marbre  plus 
fort  que  vous  mastiquez  à  chaud  comme  ci-dessus  ;  puis  promenez  la  grille 
ardente  dessus  jusqu'à  ce  que  le  marbre  supérieur  se  détache.  Laissez 
refroidir  ;  enlevez  avec  le  ciseau  le  ciment  qui  reste,  passez  la  meule  et 
polissez  comme  on  polit  le  marbre.  Ainsi  vous  pouvez  emmagasiner  vos 
panneaux  et  les  assembler  sur  le  sol  quand  vous  voulez  ;  remettez  les  rangs 
de  cubes  que  vous  avez  détachés  ;  réparez  les  parties  qui  peuvent  être  dégra- 
dées, en  employant  le  même  mastic  chaud  que  nous  avons  indiqué  ». 

2.  Comment  vint-il  à  la  connaissance  d'Artaud  que  Belloni,  directeur 
de  la  manufacture  royale  de  mosaïques  à  Paris,  avait  inventé  ^  un  procédé 
nouveau  pour  l'ablation  de  ces  pavés  ?  Nous  ne  le  savons  pas.  Toujours  est-il 
que,  consulté  par  le  maire  de  Lyon,  qui  était  alors  le  comte  de  Fargues,  sur 
la  possibilité  de  l'enlèvement,  du  transport  et  de  la  repose,  en  ce  qui  concer- 
nait la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque,  Belloni  répondit,  au  mois  de  septembre 

1817,  que  l'opération  lui  semblait  délicate,  mais  non  impossible  2.  Le  2  avril 

1818,  le  comte  de  Fargues  informait  le  conseil  municipal  que  «  le  sieur 
Bellony,  antiquaire  de  Paris  )>,  proposait  de  venir  à  Lyon  et  s'engageait, 
pour  une  somme  de  6.000  francs,  frais  de  voyage  compris,  à  enlever,  trans- 
porter et  replacer  intacte  au  Palais  Saint-Pierre  la  mosaïque  Macors,  et  que 
M.  le  préfet,  par  lettre  du  20  janvier,  l'autorisait  à  entretenir  le  conseil  de 
cette  dépense,  lui  promettant  de  l'approuver  ;  à  son  tour  donc,  il  demandait 
au  conseil  l'autorisation  de  traiter  avec  Belloni  et  l'inscription  du  crédit  au 
budget  de  1818.  Plus  docile  cette  fois,  le  conseil  prenait  séance  tenante  une 
déhbération  conforme,  approuvée  par  le  préfet  le  10.  On  était  encore  un  peu 
sceptique,  malgré  les  assurances  de  Belloni  ;  aussi  la  dépense  fut-elle  prévue 
soit  pour  l'enlèvement,  soit  pour  la  conservation  sur  place,  c'est-à-dire  pour 
l'achat  du  terrain.  Après  le  vote  du  conseil  municipal,  Artaud  ayant  été 
chargé  par  l'adjoint  Nolhac  d'écrire  à  Belloni  «  qui  s'était  flatté  d'enlever 
ce  pavé  sans  le  dégrader,  quoique  le  ciment  soit  fort  décomposé  »,  le  mo- 


1.  Ou  mieux  introduit  en  France,  car  ce  procédé  était  déjà  connu  en  Italie. 

2.  Voir  R-a,  ainsi  que  pour  les  pièces  suivantes.  Comp.  Artaud,  note  de  1831. 


—  22  — 

saïstc  avait  répondu,  le  29  mai,  en  répétant  qu'il  croyait  l'opération  possible 
et  acceptait  de  la  faire  pour  6.000  francs  ;  si  cependant,  à  l'épreuve,  il  la 
jugeait  impossible,  il  se  contenterait  de  ses  frais  de  voyage.  Sur  quoi  Ar- 
taud avait  reçu  du  même  adjoint  Nolhac  commission  d'écrire  de  nouveau 
pour  prier  Belloni  de  venir  à  Lyon. 

Les  choses  en  étaient  là,  lorsque  le  baron  Rambaud  prit  les  fonctions 
de  maire.  Dans  une  lettre  du  17  juin,  Artaud  le  met  au  courant  de  l'affaire, 
recommande  «  ce  précieux  monument  à  son  amour  pour  les  arts  »  et  conseille 
de  pourvoir  à  l'ablation  avant  la  saison  pluvieuse  et  froide.  Le  baron  Ram- 
baud et  Belloni  correspondent  ensuite  sans  intermédiaire.  Celui-ci  fait 
savoir  qu'il  accepte  de  venir  à  Lyon  et  que,  si  l'opération  était  jugée  sur 
place  impossible  ou  trop  dispendieuse,  il  se  contenterait  d'une  indemnité 
qui  ne  dépasserait  pas  500  francs.  Celui-là,  prenant  acte  de  ses  offres,  l'in- 
vite à  demander  au  ministre  de  l'Intérieur  le  congé  nécessaire  (15  et  21  juil- 
let). Belloni  a  répondu  le  16  août  qu'il  viendrait  le  plus  tôt  possible  ;  le 
27  septembre,  il  annonce  son  voyage  pour  la  semaine  prochaine  ;  par  une 
lettre  sans  date,  il  avise  le  maire  de  son  arrivée  à  Lyon,  Hôtel  du  Parc,  place 
des  Terreaux.  Entre  le  baron  Rambaud  et  «  François  Bellony,  en  ce  moment 
à  Lyon  > >,  il  est  convenu,  le  26  octobre,  que  Belloni  se  charge  de  restaurer  la 
mosaïque  dans  toutes  ses  parties  à  Paris  ;  qu'il  lui  sera  payé  une  somme  de 
4.000  francs,  dont  un  acompte  immédiat  de  1.500  francs  et  le  solde  après  la 
repose,  pour  frais  du  premier  voyage  et  séjour,  soins  déjà  donnés  au  dépla- 
cement et  à  donner  au  replacement,  restauration  avec  fournitures,  frais  du 
deuxième  voyage  et  séjour  afin  de  présider  au  replacement  ;  que  restent  à  la 
charge  de  la  Ville  les  frais  du  déplacement  et  du  replacement,  ainsi  que  ceux 
de  l'emballage  et  du  transport  à  l'aller  et  au  retour.  Les  travaux  eurent  lieu 
du  8  octobre  au  3  novembre.  Le  total  des  mémoires  produits  par  Janicot 
«  pour  marchandises,  ustensiles,  outils  et  journées  »  ;  par  Duchamp,  Augier, 
Domy,  Raymond  et  Depaulis  pour  fournitures  de  marbres  ;  par  Godiot 
pour  caisses  d'emballage  ;  par  Bernard  et  Jamey,  marbriers,  pour  mise  en 
caisses  après  spéciale  préparation  et  pour  chargement  sur  les  voitures,  s'élève 
à  3.024  fr.  90  et  concorde  donc  à  peu  de  chose  près  avec  un  bordereau  sans 
date  de  3.049  fr.  40  «  des  sommes  dépensées  pour  enlever  la  mosaïque 
représentant  les  jeux  du  cirque  ».  La  facture  du  transport  à  Paris  ne  se 


—  23  — 
trouve  pas  au  dossier  ^.  La  mosaïque  enlevée,  Barbara  offre  80  francs  des 
matériaux  du  hangar  qu'il  se  charge  de  démolir  (20  janvier  18 19)  et  un  arrêté 
du  maire  l'y  autorise  dans  ces  conditions  (8  février). 

«  La  conservation  de  cette  mosaïque  est  due  à  M.  le  baron  Rambaud, 
ancien  maire  de  Lyon  «^  affirme  Artaud  dans  sa  notice  de  1835  2.  Non  ;  elle 
est  due  pour  une  part  seulement,  et  nous  venons  de  voir  laquelle,  au  baron 
Rambaud  ;  mais  elle  est  due  aussi,  nous  l'avons  vu,  à  d'autres  avant  lui. 
Cette  affirmation  absolue  choque  comme  une  inconséquence,  lorsqu'on  se 
rappelle  l'hommage  rendu,  dans  la  même  notice  et  ailleurs,  au  zèle  pieux  de 
Paul  Macors  ;  comme  une  injustice,  quand  on  a  étudié,  toutes  pièces  en 
mains,  l'histoire  de  la  mosaïque,  injustice  envers  le  maire  de  Fay-Sathon- 
nay,  le  préfet  de  Bondy  et  Artaud  lui-même,  Artaud  que  le  dossier  des  ar- 
chives nous  a  souvent  montré  en  scène  et  nous  a  laissé  constamment  deviner 
dans  la  coulisse. 

3.  Au  bout  de  huit  ou  neuf  mois,  Belloni  avisa  le  maire  et  Artaud  que  la 
restauration,  plus  longue  et  plus  difficile  qu'il  ne  l'avait  prévu,  était  achevée 
ou  presque  et  très  bien  réussie.  Il  demandait,  d'une  part,  qu'une  personne 
compétente  fût  désignée  pour  examiner  le  travail  dans  ses  ateliers  et  faire 
emballer  les  pièces  ;  d'autre  part,  qu'à  Lyon,  où  il  ne  pourrait  séjourner  que 
le  temps  strictement  nécessaire,  tout  fût  préparé  pour  la  repose  avant  son 
arrivée,  le  sol  bétonné  et  bien  sec,  les  bandes  de  bordure,  etc.  (18  septembre 
1819).  Artaud,  informé  quelques  jours  avant  le  maire,  le  prie  d'inviter 
l'architecte  à  faire  diligence  et  se  met  à  la  disposition  du  baron  Rambaud 
pour  surveiller  les  préparatifs  (17  septembre)  ;  celui-ci  lui  répond  qu'il  a 
chargé  l'architecte  Flacheron  de  s'entendre  avec  lui  pour  le  choix  du  sol  et 
des  marbres  d'entourage  et  pour  l'établissement  des  devis  de  repose.  Il  lui 
confie  la  surveillance  des  travaux  et  la  mission  de  vérifier  la  restauration  à 
Paris,  de  présider  à  la  mise  en  caisses,  de  traiter  du  transport  par  voitures 
qui  devront  aller  directement  des  ateliers  de  Belloni  au  Palais  Saint-Pierre, 
sans  manutention  intermédiaire  (18  septembre).  Artaud,  ne  pouvant  se 


1.  Mais  on  va  voir  que  nous  avons  celle  du  transport  au  retour. 

2.  J.  B.  Dumas,  Hist.  de  l'Académie  royale  de  Lyon,  II,  1839,  p.  360,  constate  simplement  qu'elle  fut 
transportée  au  Musée  sous  ^<  l'administration  et  par  les  soins  de  M.  le  baron  Rambaud,  maire  ». 


—  24  — 

rendre  lui-même  à  Paris,  confiera  la  mission  à  «  un  de  ses  amis  »  (25  septem- 
bre). L'entreprise  de  roulage  veuve  Souplet  et  Cie  fournit,  le  29  octobre,  un 
compte  de  1526  fr.  74,  dont  667  pour  matériel  et  pour  main-d'œuvre  de 
l'emballage  en  24  caisses,  et  879,74  pour  transport  et  timbre. 

L'emplacement  fut  préparé  dès  septembre  par  Janicot,  «  au  milieu  de 
la  salle  des  Antiques  «,  dit  Flacheron  \  Artaud  dira,  dans  sa  note  de  1821  : 
«  La  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  vient  d'être  fixée  sur  le  plancher  de  la  salle 
des  Antiques  >>,  et  son  inventaire  de  18332  la  situera  dans  le  «  Cabinet  des 
Antiques  ».  Cette  salle  était  à  l'extrémité  orientale  de  l'aile  sud  ;  elle  s'éten- 
dait depuis  la  façade  sur  la  rue  Clermont,  où  elle  prenait  jour,  jusqu'à  ce 
qui  est  maintenant  le  mur  occidental  du  grand  escalier  neuf  ;  là  elle  com- 
muniquait par  trois  hautes  ouvertures  à  plein  cintre  avec  la  «  grande  galerie  » 
proprement  dite  3.  Comarmond4  s'exprime  donc  inexactement  :  «  Elle  fut 
placée  dans  la  grande  salle  du  musée  ».  Vers  1823,  une  momie  ayant  été 
exposée  dans  la  salle  des  Antiques,  on  l'appela  «  salle  de  la  Momie  ».  La 
suite  du  dossier  relatif  à  notre  mosaïque  nous  fournira  des  exemples  de 
cette  appellation.  La  repose  se  fit  en  décembre  18 19  et  janvier  1820.  Le 
total  des  factures  présentées  par  Janicot  pour  préparation  du  sol  et  pour 
pose  et  réparation  de  la  mosaïque,  par  Bernard  et  Jamey,  marbriers  à  Lyon, 
pour  «  restauration  de  la  mosaïque  placée  au  Palais  des  Arts  ;  »  par  Grimes, 
marbrier  à  Montpellier,  pour  fourniture  et  transport  de  la  bordure  en 
marbre  griote,  s'élève  à  3.367  fr.  50,  à  quoi  il  faut  ajouter  le  coût  de  la 
balustrade  fabriquée  et  posée  par  Despierre,  serrurier,  i.ooo  francs. 

4.  Le  crédit  de  6.000  francs  que  le  conseil  avait  voté  en  1817  était  de 
beaucoup  dépassé.  Le  prélèvement  de  1.500  francs  que  le  préfet  autorisa  le 
maire,  le  25  mars  1820,  à  faire  sur  le  budget  de  cette  année-là,  au  chapitre 
des  dépenses  imprévues,  «  pour  complément  de  la  dépense  de  restauration 
de  la  mosaïque  Macors  »,  ne  représentait  qu'une  partie  du  dépassement. 


1.  Devis  du  20  septembre  1819  (R-a). 

2.  P.  32  (manuscrit  aux  archives  de  la  conservation  des  Musées). 

3.  Voir  Eug.  Vial,  dans  les  Musées  de  Lyon,  Lyon,  1906,  p.  14. 

4.  Description...,  p.  686.  —  Martin-Daussigny,  dans  Revue  du  Lyonnais,  1867,  I,  p.  172,  dit  qu'elle  fut 
placée  "  dans  la  troisième  travée  de  la  grande  galerie  de  peinture  \  La  première  travée,  en  partant  de  l'ancien 
grand  escalier  occidental,  était  l'ancien  chauffoir  (cf.  Vial,  ibid.),la  deuxième  la  «  grande  galerie  >,  la  troisième 
la  salle  des  Antiques. 


—  25  — 

Mais  la  satisfaction  de  tous  était  si  grande,  on  admirait  tellement  le  tour  de 
force  réalisé  par  «  le  talent  merveilleux  de  M.  Belloni  «  s  que  le  baron  Ram- 
baud  soumit  au  préfet  l'idée  de  voter  à  celui-ci  une  gratification  de  500 
francs  «  pour  soins  particuliers  donnés  à  la  restauration  de  la  mosaïque 
Macors  ').  Le  préfet,  comte  de  Lezay-Marnesia,  approuve  volontiers  cette 
idée  et  le  conseil  municipal  vote  avec  empressement  ce  crédit  supplémen- 
taire, le  4  décembre  18 19.  Plus  tard,  lorsque  le  premier  émerveillement  fut 
passé,  lorsque  d'autres  acquisitions  coûteuses  de  mosaïques  eurent  grevé  le 
budget  de  la  Ville,  il  se  trouva  sans  doute  des  gens  pour  récriminer  contre 
cette  sorte  de  dépenses,  et  surtout  contre  le  prix  excessif  auquel  revenait, 
tout  compte  fait,  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque.  Artaud,  qui  se  sentait 
responsable  et  visé,  ne  recula  pas  devant  un  gros  mensonge  afin  de  donner 
le  change  à  l'opinion  publique.  Il  affirma,  dans  sa  notice  de  1835  2,  que  le 
prix  d'achat  et  de  restauration  avait  été  de  huit  mille  francs,  et  il  ajouta  que 
le  roi  de  Prusse,  ayant  vu  la  mosaïque  restaurée  chez  Belloni,  en  avait  offert 
dix  fois  plus,  quatre- vingt  mille  francs.  Croira  qui  voudra  à  l'offre  du  roi  de 
Prusse.  Pour  ce  qui  est  du  coût  total,  à  quelques  centaines  de  francs  près, 
Artaud,  en  1835,  le  connaissait  aussi  bien  que  nous  après  notre  examen  du 
dossier.  Il  ne  fut  pas  sensiblement  inférieur  à  vingt-trois  mille  francs,  sans 
y  comprendre  les  frais  de  la  seconde  repose,  dont  il  me  reste  à  parler. 

IV 

Le  18  mai  1863,  le  préfet  du  Rhône  approuve  un  devis  de  l'architecte 
Desjardins  (23  avril),  qui  concerne,  pour  une  somme  de  1.445  francs,  le 
déplacement,  la  restauration  et  le  replacement  de  la  mosaïque  «  à  l'orient  du 
musée  »,  dans  la  partie  à  démolir  pour  l'agrandissement  du  Palais  Saint- 
Pierre  sur  la  rue  de  l'Impératrice  (aujourd'hui  rue  de  l'Hôtel-de- Ville)  3.  Il 
semble  bien  que,  dès  lors,  on  n'avait  pas  l'intention  de  rendre  sa  place  à 
cette  mosaïque,  le  jour  où  les  réparations  seraient  terminées.  Du  moins,  le 
7  mai,  le  préfet  transmet-il  à  l'architecte  de  la  ville.  Desjardins,  une  lettre 


1.  Artaud,  1835,  p.  55  ;  cf.  note  de  1821. 

2.  P.  55. 

3.  Arch,  mun,,  M'b.  —  Cf.  Martin-Daussigny,  dans  Revue  du  Lyonnais,  1867, 1,  p.  172. 


—  26  — 
du  conservateur  des  Musées  archéologiques,  Martin-Daussigny,  sur  l'inté- 
rêt qu'il  y  aurait  à  exposer  dans  les  salles  toutes  les  mosaïques  acquises  à 
diverses  époques,  et  lui  fait  part  d'une  combinaison,  nous  ne  savons  laquelle, 
qui  réaliserait  ce  dessein,  en  le  priant  de  prévoir  dans  les  travaux  d'aména- 
gement du  palais  restauré  les  moyens  de  la  mettre  à  exécution.  L'architecte 
répond,  le  i6  mai,  que  les  emplacements  désignés  lui  paraissent  convena- 
bles et  que  l'ensemble  du  projet  pourra  être  exécuté  sans  trop  grands  frais  K 
Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  ne  vint  pas 
reprendre  sa  place  dans  la  nouvelle  salle  de  la  Momie.  Le  4  février  1867, 
Martin-Daussigny  annonce  aux  lecteurs  de  la  Revue  du  Lyonnais  qu'elle  sera 
placée  «  dans  la  salle  des  statues  antiques,  au  milieu  de  deux  autres  fort 
remarquables  >>  ;  nous  allons  voir  lesquelles  -. 

Un  rapport  de  l'architecte  Desjardins  au  sénateur  préfet,  du  26  avril 
1869,  constate  que  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque,  autrefois  placée  dans  la 
grande  salle  des  tableaux,  «  dans  la  partie  dite  de  la  Momie  )^,  mais  déplacée 
«  au  moment  de  la  construction  du  prolongement  du  palais  sur  la  rue  de 
l'Impératrice  »,  a  été  remplacée,  les  travaux  achevés,  par  «  la  grande  mosaï- 
que de  Vienne  »,  qui,  en  raison  de  ses  dimensions,  ne  pouvait  être  mise 
ailleurs  3.  Nous  verrons  plus  tard  que  la  mosaïque  ainsi  désignée  est  celle  de 
V Ivresse  de  Bacchus  et  qu'elle  fut  posée  dans  la  salle  de  la  Momie  en  1867. 
Le  même  rapport  contient  un  devis  et  une  demande  de  crédits  spéciaux 
pour  la  restauration  préalable  et  la  pose  de  deux  mosaïques,  celle  des  «Jeux 
d'enfants  »  ou  de  la  palestre  et  celle  des  Jeux  du  cirque,  la  dépense  prévue 
pour  celle-ci  étant  de  1.570  francs.  Du  devis  de  1863,  nous  ne  devons 
retenir,  pour  l'ajouter  à  cette  somme,  que  le  prix  de  la  dépose  ;  nous  le 
connaissons  exactement  par  une  pièce  d'un  autre  dossier  4,  475  francs.  Le 
nouvel  emplacement  proposé  est  dans  la  salle  des  plâtres  antiques,  installée 
depuis  1839  au  premier  étage  de  l'aile  orientale  et  communiquant  avec  la 
salle  de  la  Momie  5. 


1.  Arch.  mun.,  Me. 

2.  Revue  du  Lyonnais,  pass.  cité.  Le  i*^""  février,  il  avait  annoncé  au  Comité  lyonnais  des  travaux  archéo- 
logiques qu'elle  avait  été  mise  en  état  de  conservation  '  et  qu'elle  serait  prochainement  rétablie  dans  une 
autre  salle  ;  voir  Travaux  archéologiques  extraits  des  mémoires  de  l'Académie  de  Lyon,  p.  158. 

3.  Arch.  mun.,  M'a.  Même  raison  invoquée  par  Martin-Daussigny,  dans  Revue  du  Lyonnais,  pass.  cité. 

4.  M'e.  Devis  de  E.  Mora  père  et  fils,  20  octobre  1882. 

5.  Voir  Eug.  Vial,  dans  les  Musées  de  Lyon,  p.  16. 


—  27  — 

Le  préfet  transmet  le  rapport  le  7  juin  ^  à  la  commission  des  Musées, 
qui  est  saisie  de  la  question  dans  sa  séance  du  12  juin  -.  Martin-Daussigny 
rappelle  les  nombreuses  réclamations  venues  de  Lyon,  de  Paris,  de  l'étran- 
ger, contre  l'interminable  relégation  aux  dépôts  d'une  œuvre  d'art  si  inté- 
ressante, et  son  espoir  déçu  de  la  placer  dans  l'ancienne  salle  des  cours 
demandée  comme  annexe  du  musée  archéologique.  Ces  deux  mosaïques, 
«  des  courses  de  chars  »  et  «  des  jeux  d'enfants  »,  qui  se  dégradent  chaque 
jour  davantage  et  sont  menacées  de  ruine,  iront,  si  le  projet  est  approuvé, 
dans  la  salle  des  plâtres  antiques  fermée  depuis  six  ans.  La  commission 
reconnaît  sur  les  lieux  mêmes  la  parfaite  possibilité  et  l'urgence  de  réaliser 
ce  projet.  Mais  elle  s'estime  incompétente  pour  discuter  les  prix  du  devis 
fourni  à  l'architecte  par  le  mosaïste  Mora,  «  le  seul  qui  peut  mettre  en  place 
les  deux  mosaïques  et  les  réparer  ».  Le  16  septembre,  le  budget  étant 
approuvé,  le  préfet  prie  l'architecte  de  faire  procéder  aux  travaux  et  il 
lui  renouvelle  cette  invitation  le  30  octobre  3,  Le  20  mars  1870,  Mora  père 
et  fils  signent  le  reçu  d'une  somme  dont  une  partie  est  à  valoir  sur  la  restau- 
ration des  deux  mosaïques  posées  dans  la  salle  des  plâtres  4.  Mais  les 
travaux  ne  sont  pas  terminés  ;  car  Martin-Daussigny  écrit  le  21  juin  5  : 
«  Vous  savez  peut-être  que  nos  mosaïstes  nous  ont  abandonnés,  il  y  a  trois 
semaines...  »,  et  déplore  ce  retard  fâcheux. 

Lorsque  la  mosaïque  Macors  vint  prendre  place  dans  cette  salle,  il  y  en 
avait  déjà  une  autre,  la  mosaïque  Cucherat  ou  des  Poissons,  posée  en  1845. 
Celle-ci  et  la  mosaïque  des  Jeux  de  la  palestre  quittèrent  le  premier  étage  de 
l'aile  orientale  pour  le  rez-de-chaussée  de  l'aile  méridionale,  pour  l'ancien 
réfectoire,  lorsque  la  transformation  de  la  salle  des  plâtres  en  musée  Ber- 
nard nécessita  la  division  de  la  galerie  en  compartiments.  Mais  celle  des 
Jeux  du  cirque  y  resta  ;  elle  y  est  encore  aujourd'hui.  Le  nom  seul  du  local  a 
changé  :  c'est  maintenant  la  galerie  des  peintres  contemporains. 


I.  Arch.mun.,R-a. 

3.  Registre  de  la  commission  des  Musées  (i  847-1870),  aux  archives  de  la  Conservation. 

3.  Arch.mun.,  M'e. 

4.  M'a. 

5.  M'e. 


28 


I.  Artaud  a  publié  trois  fois,  avec  des  variantes,  la  même  description 
détaillée  de  la  mosaïque  Macors,  dans  ses  deux  monographies  de  1806  ï, 
dans  son  livre  de  1835  2  ;  description  à  peu  près  complète,  mais  diffuse  et 
mal  ordonnée,  condensée  par  A.  de  Caumont  dans  son  Abécédaire  d'Archéo- 
logie 3.  Celle  que  Comarmond  a  insérée  dans  son  luxueux  et  médiocre 
ouvrage  de  1857  4,  outre  qu'elle  ne  distingue  pas  Tétat  primitif  et  la  restau- 
ration, renferme,  avec  beaucoup  d'erreurs  et  de  sottises,  très  peu  de  chose 
qui  soit  à  retenir.  Le  Bulletin  monumental  de  1861  5  lui  a  fait  l'honneur  bien 
immérité  de  la  reproduire.  Les  notices  descriptives,  plus  courtes  ou  très 
courtes,  de  Delandine  dans  le  Bulletin  de  Lyon  ^,  de  Millin  dans  son  Voyage7 
—  celle-ci  contenant  des  erreurs  graves  — ,  d'Artaud  lui-même  dans  son 
Inventaire  de  1833  s,  de  Bazin  dans  Vienne  et  Lyon  gallo-romains  9,  d'Adrien 
Blanchet  dans  V Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  ^°,  du  Catalogue  som- 
maire des  Musées  de  Lyon  ^^  sont  toutes  insignifiantes. 

La  belle  planche  en  couleurs,  dessinée  et  gravée  par  Artaud  pour  sa 
monographie  in-folio  de  1806,  figure  en  tête  de  son  album  de  1835,  où  cette 
image  d'ensemble  est  suivie  de  trois  autres  reproduisant  des  détails,  en 
couleurs  aussi  et  en  grandeur  réelle  :  un  quadrige,  le  deuxième  de  la  série 
inférieure  à  partir  de  la  gauche  ;  un  angle  de  la  tresse  ;  un  lobe  du  rinceau. 
Une  mauvaise  réduction  polychrome  de  la  première  planche  se  trouve  dans 
Duruy,  Histoire  des  Romains  ^~,  et  se  retrouve  dans  Meynis,  Grands  souve- 


1 .  Voir  la  bibliographie  initiale. 

2.  P.  41  etsuiv. 

3.  Ère  gallo-romaine,  z"  édit.,  1870,  p.  278  et  suiv 

4.  Description...,  p.  683  etsuiv. 

5.  i86i,p.  115  etsuiv. 

6.  1806,  p.  74  et  suiv. 

7.  Voyage  dans  les  départemens  du  midi  de  la  France,  1 807, 1,  p.  467  et  suiv. 

8.  P.  32. 

9.  P.  380.  A  la  p.  327,  Bazin  donne  en  frontispice  une  partie  de  la  bordure. 

10.  N**7i2. 

11.  1887,  p.  132,  n^g;  1899,  p.  204,  n"  11. 

12.  IV,  1882,  p.  44. 


—  29  — 

nirs  de  F  Eglise  de  Lyon  ^  ;  le  dessin  en  est  inexact  et  le  coloris  faux.  Une 
bonne  réduction  en  noir  se  voit  dans  Steyert,  Nouvelle  histoire  de  Lyon  2. 
Directement  ou  indirectement,  la  planche  d'Artaud  a  fourni  le  modèle  de 
plusieurs  im.ages  au  trait,  plus  ou  moins  fidèles,  dont  la  meilleure,  à  ma 
connaissance,  est  celle  du  Dictionnaire  des  Antiquités  grecques  et  romaines  3  ; 
elle  ne  représente  que  le  tableau  central  ;  de  même  celles  de  la  Grande 
Encyclopédie'^  et  de  Camille  Jullian,  dans  sa  Gallia^.  De  Caumont  a  dessiné 
par  à  peu  près  ce  tableau  central  avec  la  tresse  qui  lui  sert  de  première 
bordure  ;  mais  il  a  eu  l'idée  bizarre  de  rétablir,  d'après  la  restauration,  le 
cavalier  mutilé  de  la  série  inférieure  ^.  Le  Bulletin  monumental  1  a  pris  l'image 
telle  quelle  dans  V Abécédaire.  Pareille  bizarrerie  nous  choque  et  provient 
sans  doute  de  la  même  source  dans  les  dessins  au  trait  du  tableau  central 
sans  bordure  de  Mùller-Wieseler  ^  et  de  Guhl-Koner9.  Comarmond  a  don- 
né une  médiocre  image  noire  et  blanche  de  toute  la  mosaïque  restaurée  ï°. 
Allmer  fils  a  fait  un  bon  dessin  au  trait  du  tableau  central  restauré,  pour  le 
Trion  d' Allmer  et  Dissard  "  ;  il  a  été  reproduit  dans  le  Musée  de  Lyon  ^^,  des 
mêmes,  et  dans  le  Catalogue  sommaire  des  Musées  de  Lyon  ^3. 

2.  La  première  planche  d'Artaud  est,  en  somme,  le  seul  document 
figuré  qui  nous  fasse  connaître  l'ensemble  de  la  mosaïque  telle  qu'elle  était 
à  l'époque  de  la  découverte.  Si  la  planche  est  bien  exacte,  il  a  eu  le  droit  de 
dire  :  «  Sa  conservation  est  entière,  à  part  quelques  légères  dégradations  qui 
ne  nuisent  cependant  point  au  développement  du  sujet...  ».  Or  il  affirme  ^4 


I.  Nouv.  édit.,  1886,  p.  12. 
2. 1,  fig.  2,  après  la  page  262. 

3.  Article  Circus,  p.  11 92,  fig.  1523. 

4.  XI,  p.  460. 

5.  1892,  p.  167  (sans  l'oppidum). 

6.  Ouv.  cité,  p.  280.  Cf.  Cours  d'antiq.  monnm.,  atlas,  pi.  XLI. 

7.  Pass.  cité. 

8.  Denkmaeler  ah.  Kunst,  I,  pi.  74,  n"  429. 

9.  La  vie  antique,  trad.  Trawinski,  1885,  II,  p.  425. 
10.  Description...,  pi.  25. 

ii.P.CXXXVII. 

12.  Musée  de  Lyon,  Inscriptions  antiques,  II,  p.  301. 

13.  Pass.  cité. 

14.  i8o6,in-fol. 


—  30  — 

qu'elle  est  exacte  :  «  Nous  nous  sommes  appliqué  à  mettre  la  plus  grande 
exactitude  dans  le  dessin  de  cette  mosaïque,  et  nous  avons  en  conséquence 
laissé  subsister  les  incorrections  qui  se  trouvent  dans  la  frise  qui  l'entoure, 
ainsi  que  les  fautes  de  perspective  que  l'on  apperçoit  dans  le  tableau  :  les 
monuments  antiques  doivent  être  considérés  comme  ces  vieillards  vénéra- 
bles dont  on  respecte  même  les  imperfections  ».  Et  après  l'avoir  ainsi 
affirmé  dans  l'avertissement,  il  l'affirme  de  nouveau  en  tête  de  la  descrip- 
tion :  «  L'exactitude  étant  le  principal  mérite  de  ce  genre  d'ouvrage,  nous 
avons  pris  soin  de  dessiner  et  graver  nous-même  ce  monument  avec  la  plus 
scrupuleuse  attention  ».  Seulement  il  ajoute  :  «  Mais  ce  n'est  pas  sans  peine 
que  nous  avons  apperçu  des  figures  et  des  objets  de  détail  qui  se  trouvent 
détériorés  ou  mal  rendus  ;  dans  ce  cas,  si  un  dessinateur  n'est  pas  un  peu 
antiquaire  S  loin  de  jeter  du  jour  sur  certaines  parties,  il  ne  fait  que  les 
obscurcir  ».  Il  avoue,  en  d'autres  termes,  que  sa  reproduction  com- 
porte une  part  de  divination  et  d'interprétation.  L'aveu  revient  deux  fois, 
s'appliquant  à  deux  points  précis,  au  cours  de  la  description  :  là  où  nous 
voyons  en  entier  le  cocher  bleu  du  quatrième  quadrige  de  la  série  inférieure, 
il  n'y  avait  que  «  des  traces  de  couleur  bleue  »  ;  là  où  nous  voyons  en  partie 
l'homme  qui  manœuvre  les  œufs  de  la  spina,  il  n'y  avait  que  «  quelques 
pierres  bleues  »  2.  Habile  dessinateur  encore  plus  que  docte  archéologue,  à 
la  tentation  de  combler  dans  ses  images  les  lacunes  de  ses  originaux  Artaud 
ne  savait  pas  bien  résister.  Ce  qu'il  reconnaît  avoir  fait  ici  en  petit,  nous 
constaterons,  malgré  son  silence,  qu'il  l'a  fait  en  grand  dans  ses  planches 
des  mosaïques  Cassaire  et  Montant.  Son  respect  de  la  vérité  ne  tenait  pas 
toujours  devant  son  horreur  du  vide.  Pour  défendre  contre  ces  raisons  et 
ces  présomptions  la  fidélité  de  sa  première  planche,  on  ne  peut  invoquer  la 
ressemblance  parfaite  de  la  mosaïque  actuelle  avec  cette  image,  partout  où 
le  rapprochement  est  possible  :  elle  signifie  que  l'auteur  de  la  restauration  a 
utilisé  la  planche.  Quoi  de  plus  naturel?  Lorsque  la  mosaïque  vint  aux 
mains  de  Belloni,  en  1818,  après  douze  années  de  dégradation  croissante. 


1.  Cf.  1835,  p.  41  :  "  Si  un  dessinateur  n'est  pas  instruit  dans  les  usages  antiques...  '.  Le  passage  est 
identique  pour  l'essentiel  dans  1806,  in-8,  p.  4,  et  dans  1806,  in- fol,  p.  i. 

2.  La  comparaison  de  la  planche  I  (ensemble)  avec  la  pi.  II  (deuxième  quadrige  de  la  série  inférieure  en 
grandeur  réelle)  permet  de  constater  une  autre  inexactitude  qui  ne  saurait  être  que  le  résultat  d'une  négli- 
gence :  l'aurige  n'a  pas  dans  la  première  la  ceinture  qui  faisait  partie  du  costume  normal. 


—  31  — 

elle  était  à  coup  sûr  beaucoup  moins  complète  qu'en  1806,  lorsqu'elle  fut 
dessinée  par  Artaud.  A  qui  demander  la  notion  des  éléments  perdus  depuis, 
sinon  à  l'image  contemporaine  de  la  découverte  ?  La  prudence  nous  conseille 
donc  de  tenir  pour  un  minimum  le  dégât  qu'elle  nous  montre. 

3.  Ces  réserves  faites,  je  vais  décrire  la  mosaïque  d'après  la  planche 
d'Artaud^  en  m'aidant  de  sa  notice  2.  Pour  éclairer  la  description,  j'aurai 
recours,  comme  Artaud,  mais  dans  de  meilleures  conditions  grâce  aux 
progrès  des  recherches  sur  l'antiquité  classique,  à  la  connaissance  générale, 
que  nous  devons  aux  textes  et  aux  monuments,  des  cirques  et  des  courses  de 
chars  de  l'époque  romaine  3. 

«  Sans  y  comprendre  les  restes  infiniment  dégradés  d'une  grecque  ou 
méandre  »  qui  l'entourait  et  qui  ne  fut  pas  enlevée,  ses  dimensions  étaient, 
selon  Artaud  qui  les  avait  mesurées  sur  place,  5  m.  035  et  3  m.  086,  ou 
15  pieds  6  pouces  et  9  pieds  6  pouces.  Les  deux  évaluations  sont  données 
dans  la  grande  monographie  de  1806  4,  la  seconde  seule  dans  le  livre  de 
1835.  Comarmond,  qui  les  mesura  dans  la  salle  de  la  Momie,  avait  trouvé 
4  m.  97  et  3  m.  02,  dimensions  reproduites  par  M.  Adrien  Blanchet.  Le 
Catalogue  sommaire  donne  4  m.  97  et  3  m.,  mesures  prises  sans  nul  doute 
sur  la  deuxième  repose  et  qui  concordent,  à  un  centimètre  près,  avec  celles 
que  j'y  ai  prises  moi-même. 

Le  champ  rectangulaire  de  la  mosaïque  est  noir,  le  décor  polychrome. 
L'encadrement  du  tableau  principal  comprend,  du  dehors  au  dedans,  une 
rangée  de  denticules  blanches  ;  un  filet  blanc  de  deux  pierres  ;  un  grand 
rinceau  dont  les  lobes  sont  garnis  de  fleurs  à  quatre  pétales,  plus  large  sur  le 
petit  côté  droit  au  milieu  duquel  il  aboutit  à  un  riche  motif  d'ornementa- 
tion végétale,  et  sortant  d'une  coupe  évasée  au  milieu  de  l'autre  petit  côté  ; 


I.  Voir  fig.  3  (hors  texte),  une  réduction  de  cette  planche. 

3.  Sauf  avis  contraire  les  citations  textuelles  d'Artaud  sont  empruntées  à  la  grande  monographie  de  1806. 

3.  Voir  l'article  Circus,  dans  le  Dictionnaire  des  antiq.  gr.  et  rom.,  de  Daremberg  et  Saglio  ;  —  Fried- 
laender,  dans  Mommsen  et  Marquardt,  Manuel  des  antiq.  romaines,  trad.  française,  XIII,  p.  274  et  suiv.  ;  — 
E.  Huebner,  Musaico  di  Barcellona  raffigurante  giuochi  circensi,  dans  Annali  delV  Institato  di  Corrisp.  ar- 
cheologica,  1863,  p.  i35etsuiv.;  — K.Z2ingii.mzistzt,RilievodiFolignorappresentante  giuochi  circensi ;ihid., 
1870,  p.  232  et  suiv. 

4.  La  petite  donne,  p.  5,  14  pieds  1/2  P^r  9  pieds  y2.  L'architecte  Querville,  qui  présidait  aux  fouilles, 
avait  mesuré  14  pieds  9  pouces  de  longueur  et  9  pieds  de  largeur  (Bulletin  de  Lyon,  1806,  p.  175).  Ces  mesu- 
res sont  reproduites  par  J.-B.  Dumas,  Hist,  de  l'Académie  royale  de  Lyon,  II,  1839,  p.  359. 


—  32  — 

puis  un  filet  blanc  de  trois  pierres,  une  grande  tresse,  un  autre  filet  pareil. 
Le  tableau  principal  représente,  non  pas  un  cirque  tout  entier  —  les  monu- 
ments où  l'on  voit  l'ensemble  d'un  cirque  avec  les  gradins  des  spectateurs 
sont  très  rares — ,mais  seulement  l'arène  avec  V oppidum,  c'est-à-dire  avec  la 
partie  de  l'édifice  qui  contenait,  au  rez-de-chaussée,  les  remises  des  chars 
ou  carceres  et,  au-dessus,  la  loge  (pulvinar)  du  président  des  jeux.  Encore 
faut-il  remarquer  que,  dans  la  réalité,  cette  partie  du  cirque  reposait,  non 
pas  comme  ici  sur  un  rectangle,  mais  sur  une  base  dont  les  deux  grands 
côtés  étaient  des  lignes  droites  parallèles,  le  petit  côté  de  V oppidum  une  ligne 
légèrement  concave,  l'autre  petit  côté  une  demi-circonférence.  Cette  double 
déformation  de  la  réalité  est  normale  dans  les  monuments  figurés.  Le  côté 
de  V oppidum  y  occupe  d'ordinaire  la  gauche,  comme  dans  notre  mosaïque. 

Mais  il  est  ici  en  charpente,  non  en  maçonnerie,  singularité  sans  autre 
exemple,  je  crois.  Au  milieu  du  rez-de-chaussée  s'ouvre  la  grande  entrée,  la 
porta  pompae,  par  laquelle  pénétrait  dans  le  cirque  la  procession  religieuse 
qui  précédait  les  jeux.  Deux  piliers  la  limitaient  ;  celui  de  gauche  a  disparu, 
compris  dans  une  lacune  étroite  qui  se  prolonge  en  fissure  jusque  sous  le 
vase  du  rinceau.  Devant  le  pilier  droit  se  tenait  debout  un  piéton,  dont  il  ne 
reste  que  la  tête  coiffée  d'une  calotte  rouge  et  les  jambes  vêtues  de  braies 
bleues.  «  Il  est  à  présumer,  conjecture  Artaud,  que  c'était  l'inspecteur  des 
jeux  ou  le  héraut  qui  devait  proclamer  le  vainqueur  ».  Aucune  autre  repré- 
sentation ne  comporte  un  personnage  qui  lui  corresponde  exactement.  A 
droite  et  à  gauche  de  l'entrée,  il  y  a  quatre  carceres,  en  tout  huit,  nombre 
égal  à  celui  des  chars  qui  courent  sur  la  piste,  mais  nombre  anormal  dont  je 
ne  connais  que  deux  autres  exemples  ^  Le  nombre  varie  dans  les  monu- 
ments ;  dans  les  cirques  de  Rome  il  était  de  douze  à  la  fin  de  l'époque  impé- 
riale et  même,  sans  doute,  dès  le  temps  de  Domitien,  mais  probablement  de 
huit  jusqu'à  cet  empereur,  les  quatre  remises  de  droite  servant  pour  le 
départ  des  quatre  chars  qui  composaient  une  course  normale,  et  les  quatre 
de  gauche  pour  leur  arrivée  ;  ce  qui  n'est  point  le  cas  dans  notre  mosaïque. 


I.  Voir  Zangemeister,  p.  237.  Ces  deux  monuments,  un  relief  et  une  lampe,  qui  ne  représentent  qu'une 
moitié  du  cirque,  ont  quatre  carceres.  Zangemeister  affirme  faussement  que  le  cirque  du  relief  de  Foligno 
n'en  avait  que  huit.  Il  n'y  en  a  que  huit  sur  le  relief,  mais  il  ne  représente  pas  toute  la  façade  de  l'oppidum  ; 
cf.  la  planche  LM. 


—  33  — 
Au  dessus  de  la  porte,  la  loge  présidentielle,  surmontée  d'une  draperie  à 
festons,  est  occupée  par  trois  personnages,  les  trois  juges  de  la  course, 
trinité  exceptionnelle  ^  :  presque  toujours  le  président  est  seul  dans  sa 
tribune.  Il  tient  ici,  dans  sa  main  droite,  la  mappa,  le  linge  qu'il  lançait 
dans  l'arène  pour  donner  le  départ  (missus)  aux  concurrents.  Il  est  en  toge 
bleue,  comme  l'assesseur  de  droite.  L'assesseur  de  gauche  est  réduit  à  son 
contour.  De  part  et  d'autre  de  la  loge  s'étend  une  galerie  ;  celle  de  gauche 
est  vide  ;  dans  celle  de  droite,  il  n'y  a  qu'un  personnage  en  tunique  bleue, 
«  penché  sur  un  bâton...,  que  nous  avons  soupçonné  devoir  représenter 
celui  qui  vient  de  fermer  les  barrières  »,  en  manœuvrant,  au  moyen  d'un 
levier,  la  machine  qui  permettait  de  les  ouvrir  et  de  les  fermer  toutes  à  la 
fois.  Ce  personnage  est  une  nouvelle  singularité  sans  autre  exemple.  Il  est 
coiffé  de  la  même  calotte  rouge  que  les  juges. 

La  spina,  le  massif  de  maçonnerie  qui  partageait  dans  presque  toute  sa 
longueur  l'arène  des  cirques  romains,  est  formée  ici  de  deux  parallélipipè- 
des,  le  plus  rapproché  des  carceres  un  peu  plus  long  que  l'autre  et  portant 
vers  son  extrémité  droite  l'obélisque  qui  se  trouve  ainsi  au  milieu  de  la 
spina.  L'obélisque  ne  manque  presque  jamais  dans  les  monuments  ;  mais  de 
la  spina  divisée  en  deux  parties  je  ne  connais  qu'un  autre  exemple,  celui  du 
sarcophage  de  Foligno,  où  la  plus  longue  est  à  droite  avec  l'obélisque  à  son 
extrémité  gauche  2.  Dans  le  passage  qui  sépare  les  deux  parties  de  la  nôtre 
se  tiennent  deux  personnages,  coiffés  de  rouge  et  vêtus  de  bleu,  dont  il  ne 
reste  que  les  bustes;  l'un  des  deux  porte  une  palme.  Ces  personnages  sont 
une  troisième  singularité  de  la  mosaïque  lyonnaise.  Deux  autres  passages 
étroits  séparent,  selon  la  règle,  la  spina  proprement  dite  des  bornes,  metae, 
qui  se  présentent  sous  la  forme  habituelle  d'une  base  arrondie  en  dehors  et 
servant  de  piédestal  à  trois  cônes  allongés  ;  d'où  leur  nom  de  tribornes.  La 
décoration  de  notre  spina  proprement  dite  est  anormale.  «  On  n'y  voit  pas 
cette  multitude  d'autels,  de  statues  et  de  petits  temples  qui  se  trouvent  sur 
celle  des  cirques  de  Rome  »  ;  disons  mieux,  sur  celle  d'à  peu  près  tous  les 
monuments  figurés.  Cette  anomalie  est  expliquée  par  une  autre  anomalie  : 


I.  On  la  retrouve  dans  le  relief  de  Foligno. 

3.  Zangemeister,  p,  248,  affirme  à  tort  que  c'est  la  plus  courte. 


—  34  — 

au  lieu  d'être  pleins,  les  deux  parallélipipèdes  sont  ici  creusés  en  bassins. 
Des  spinae  de  cette  sorte  ont  certainement  existé  dans  les  cirques  romains 
après  la  suppression,  sous  Néron,  de  l'euripe  ou  canal  qui  entourait  l'arène 
et  fournissait  l'eau  nécessaire  à  l'arrosage  de  la  piste  ;  le  nom  d^euripus  est 
même  plus  fréquent  que  celui  de  spina  pour  cet  élément  du  cirque.  Mais 
sur  aucun  autre  monument  il  n'est  manifeste  que  la  spina  soit  un  bassin. 
Nos  deux  bassins  sont  traversés,  du  côté  des  tribornes,  par  une  architrave 
que  soutiennent  trois  piliers  et  qui  supporte  une  rangée  de  sept  dauphins 
jetant  de  l'eau,  et,  plus  près  du  centre  de  la  spina,  par  deux  barres  horizon- 
tales fixant  à  mi-hauteur  et  en  haut  sept  piliers  qui  portent  une  rangée  de 
sept  boules  ovales  ;  plus  exactement,  les  deux  rangées  de  dauphins  sont 
intactes,  mais  la  charpente  qui  supporte  celle  de  droite  est  mutilée;  de  même 
les  deux  charpentes  qui  portent  les  œufs  ;  en  outre,  à  la  rangée  de  gauche,  il 
manque  trois  œufs.  Sous  cette  dernière,  on  voit  le  haut  d'un  personnage, 
mais  Artaud  n'avait  vu  qu'un  fragment  bleu  «  qui  paraît  avoir  fait  partie 
d'une  figure  que  nous  soupçonnons  être  Verector  ovorum  »,  celui  qui  manœu- 
vrait les  œufs.  Ces  boules  ovales,  comme  les  dauphins,  servaient,  d'après  les 
textes,  à  marquer  le  nombre  des  tours  (curricida)  déjà  courus  ou  com- 
mencés ;  pour  chaque  tour,  on  abaissait  un  œuf,  nous  le  savons,  et  certains 
monuments  nous  induisent  à  croire  qu'on  faisait  pivoter  un  dauphin.  La 
représentation  des  dauphins  et  celle  des  œufs  sont  très  fréquentes  ;  leur 
nombre  varie,  mais  il  est  souvent,  comme  ici,  de  sept  qui  était  le  nombre 
normal  des  tours  d'une  course.  Notre  mosaïque  se  distingue  de  tous  les 
autres  monuments,  d'abord  en  ce  qu'elle  nous  montre,  non  pas  une  rangée, 
mais  deux,  soit  de  boules,  soit  de  dauphins  ;  puis  en  ce  que,  si  la  restitution 
d'Artaud  est  juste,  nous  y  voyons  l'employé  chargé  de  la  manœuvre,  celui 
qu'il  appelle  Verector  ovorum,  comme  si  chaque  tour  était  marqué  par 
l'érection  d'un  œuf,  et  qu'il  aurait  dû  appeler  Vereptor  ovorum.  S'il  y  avait, 
sous  la  rangée  droite  des  boules  ovales  un  autre  personnage  pareil,  nous 
l'ignorons,  la  place  qu'il  aurait  pu  occuper  étant  comprise  dans  une  assez 
grande  lacune  dont  nous  aurons  à  reparler. 

Du  sommet  de  la  spina  le  plus  proche  des  carceres,  une  ligne  blanche 
coupe  la  piste  normalement  au  grand  côté  du  rectangle.  Au  droit  de  l'obé- 
lisque, une  autre  ligne  blanche  tombe  parallèlement  à  la  première.  Encore 


—  35  — 
une  singularité  de  notre  monument  lyonnais.  Longtemps,  semble-t-il,  le 
départ  eut  lieu  des  carceres  mêmes.  Cependant  Cassiodore  ^  atteste  qu'à  son 
époque  il  avait  lieu  d'une  ligne  blanche  située  non  loin  des  portes  ;  ce  serait 
notre  première  ligne.  Quant  à  l'arrivée,  en  l'absence  de  tout  témoignage 
précis,  on  est  amené  à  supposer  qu'elle  avait  lieu  sur  une  ligne  prolongeant 
celle  du  départ  de  l'autre  côté  de  la  piste  ;  et  Cassiodore  dit  en  effet  que  la 
ligne  blanche  était  tirée  dans  toute  la  largeur  du  cirque,  in  utrumque  podium. 
Ce  n'est  pas  le  cas  ici.  Notre  seconde  ligne  pourrait  donc  bien  être  la  ligne 
d'arrivée  ;  remarquons  que  l'homme  qui  porte  la  palme  destinée  au  vain- 
queur se  tient  tout  près  de  cette  ligne,  chose  naturelle  dans  la  dernière 
hypothèse,  bizarre  dans  la  première  2.  On  peut  aussi  conjecturer  que  c'était 
une  autre  ligne  de  départ,  que  les  quadriges  étaient  divisés  en  deux  groupes 
et  rangés  sur  deux  lignes,  quand  on  en  faisait  courir  à  la  fois,  comme  ici, 
huit,  course  double,  au  lieu  de  quatre,  course  simple. 

Notre  course  est  donc  un  certamen  hinarum  ( quadrigarum  )  ;  deux  qua- 
dTiges  y  représentent  chacune  des  quatre  factions,  la  blanche,  albata,  la 
rouge,  russata,  le  verte,  prasina,  le  bleue,  veneta,  qui  existaient  dans  tous  les 
cirques  de  l'époque  impériale  romaine  et  que  l'on  nommait  ainsi  parce  que 
leurs  cochers  (aurigae,  agitatores)  portaient  respectivement  ces  quatre  cou- 
leurs. La  course  double  est  une  exception  rare  dans  les  monuments  figurés. 
Des  chevaux  du  quadrige  réel,  les  deux  moyens  étaient  sous  le  joug  du 
timon,  les  deux  extrêmes  attelés  seulement  par  des  traits  ;  les  uns  s'appe- 
laient jugales,  les  autres  fimales.  Les  artistes  ont  quelquefois  rendu  avec 
exactitude  ce  détail  de  la  réalité  ;  le  plus  souvent  leurs  œuvres  ne  montrent 
pas  distinctement  l'attelage  ;  sur  notre  mosaïque  il  n'est  visible  que  pour  le 
quatrième  quadrige  de  la  série  inférieure  où  le  cheval  de  droite  est  fimalis, 
les  trois  autres  étant  jugales.  Artaud  a  remarqué  justement  que  tous  nos 
chevaux  ont  la  queue  coupée  très  court  ;  la  remarque  convient  à  tous  les 
chevaux  de  course  que  nous  connaissons  par  les  monuments.  Quant  à  la 
couleur,  «  presque  tous  les  chevaux,  dit-il,  sont  d'un  bai  pâle  ou  plutôt 


1.  Far.,  m,  51. 

2.  Le  relief  de  Foligno  nous  montre  un  piéton  en  toge  adossé  à  la  spina  un  peu  à  droite  de  l'obélisque  et 
tenant  peut-être  une  palme  ;  dans  le  relief  Vescovati,  vers  la  même  place,  il  y  a  un  piéton  vêtu  en  anriga  qui 
tient  une  grande  palme.  Cf.  Zangemeister,  p.  255  et  suiv. 


—  36  — 

couleur  de  chair,  quelques-uns  sont  blancs,  d'autres  gris,  selon  que  l'artiste 
l'a  jugé  nécessaire  pour  faire  fuir  ou  détacher  ses  groupes  ».  Les  cochers  ont 
tous,  à  la  couleur  près,  le  même  costume,  casquette  avec  visière  occipitale  ; 
double  tunique,  celle  de  dessus  sans  manches  ;  ceinture  ^  ;  braies  collantes  ; 
ils  ne  diffèrent  pas  essentiellement  de  ceux  que  nous  voyons  partout  ail- 
leurs 2. 

Le  premier  quadrige,  sur  la  ligne  même  de  départ,  est  de  la  faction 
verte  ;  il  a  sans  doute  heurté  la  borne  en  tournant  :  les  chevaux  se  sont 
abattus,  le  char  est  fracassé,  le  cocher  renversé.  La  localisation  d'un  acci- 
dent plus  ou  moins  grave  à  cet  endroit  de  l'arène  est  de  règle  dans  les  monu- 
ments figurés.  Le  second  quadrige  (faction  rouge)  et  le  troisième  (faction 
blanche)  3  courent  en  bon  ordre,  presque  de  front,  celui-ci  un  peu  en  avant, 
plus  près  de  la  spina  sur  la  deuxième  linea  alba.  Un  cavalier  dont  nous 
n'apercevons  plus  que  la  jambe  droite  avec  l'arrière-train  et  le  ventre  de  son 
cheval,  précède  le  troisième  quadrige.  Le  quatrième,  au  bout  de  la  spina, 
était  détérioré  dans  sa  partie  postérieure.  Il  semblait  «  appartenir  à  la 
faction  bleue  par  les  traces  de  couleur  bleue  »  qui  subsistaient  et  Artaud  l'a 
restitué  en  conséquence.  Outre  Vagitator  proprement  dit,  un  piéton,  vêtu 
à  peu  près  comme  les  auriges  4,  stimule  les  chevaux,  courant  à  côté  d'eux, 
un  fouet  dans  la  main  droite,  dans  la  gauche  «  un  instrument  blanc  à  deux 
pointes  »,  peut  être  «  des  forces  pour  couper  les  traits  en  cas  d'accident  ».  Le 
cinquième  quadrige  (faction  rouge),  à  la  même  hauteur,  mais  au-delà  de  la 
spina:,  vient  de  verser  en  tournant  ;  cependant  le  mal  n'est  pas  irréparable  et 
le  cocher,  tombé  sur  ses  chevaux  abattus,  paraît  vouloir  les  remettre  sur 
pieds.  Le  sixième  quadrige  (faction  bleue)  est  le  seul  dont  le  cocher  soit 
démuni  de  fouet  ;  il  court  en  bon  ordre.  A  sa  droite,  et  le  dépassant  un  peu, 
galope  un  cavalier  vêtu  d'une  tunique  verte  et  monté  sur  un  cheval  blanc. 


1.  Hormis  le  blanc  (série  inférieure)  et  le  bleu  (série  supérieure).  Nous  avons  noté  plus  haut  que  dans 
la  planche  I  Artaud  l'avait  omise  par  négligence  pour  le  rouge  de  la  série  inférieure. 

2.  D'ordinaire  les  auriges  portent,  non  des  braies,  mais  des  bandes  molletières  et  jambières.  Quand  ils 
n'ont  qu'une  tunique  visible,  elle  est  à  manches. 

3.  De  ces  deux  quadriges,  Artaud  l'a  déjà  noté,  on  n'aperçoit  pas  les  chars,  que  l'artiste  a  supposés 
cachés  par  les  jambes  des  chevaux. 

4.  Artaud  dit  que  sa  tunique  est  blanche  et  languetée  en  bas,  dans  la  monographie  in-8,  p.  ii.  Blanche 
manque  dans  la  monographie  in-fol.,  p.  9.  Il  nous  semble  bien  qu'elle  est  mi-partie  blanc  et  verdâtre.  Il  n'a  ni 
tunique  de  dessous  ni  braies. 


—  37  — 

Le  septième  quadrige,  au  droit  de  l'obélisque,  est  mutilé  ;  le  cocher  a 
complètement  disparu.  Du  huitième,  mutilé  aussi,  on  ne  voit  plus  guère 
que  les  têtes  des  quatre  chevaux,  avec  une  jambe  et  un  arrière-train,  à 
l'extrémité  de  la  spina,  tout  près  de  la  borne.  Ces  deux  derniers  concurrents 
étaient,  sans  aucun  doute,  l'un  de  la  faction  blanche,  l'autre  de  la  faction 
verte.  En  avant  du  huitième  et  à  sa  droite,  un  piéton  court  dans  le  même 
sens  que  les  chars,  vêtu  d'une  tunique  verte  et  tenant  des  deux  mains  un 
vase  plat  :  c'est  un  sparsor,  un  arroseur,  chargé  de  jeter  de  l'eau  soit  sur  les 
roues,  pour  les  empêcher  de  prendre  feu,  soit  sur  les  chevaux,  pour  les 
rafraîchir.  La  présence  de  cette  sorte  de  comparses  est  fréquente  dans  les 
monuments  ;  mais  leur  place  et  leur  nombre  varient. 

S'ils  étaient  partout,  comme  sur  le  relief  de  Foligno,  en  nombre  égal  à 
celui  des  factions  y  on  les  tiendrait  pour  des  employés  de  celles-ci  ;  tel  n'étant 
pas  le  cas,  il  vaut  peut-être  mieux  les  ranger  parmi  les  employés  de  la 
présidence  des  jeux,  circensium  ministri.  A  cette  catégorie  appartenaient 
certainement  l'homme  qui  referme  les  barrières,  celui  qui  est  debout  près 
de  la  porte,  celui  qui  manœuvre  les  boules,  celui  qui  tient  la  palme  et  son 
compagnon  ;  probablement,  puisque  sa  couleur  n'est  pas  celle  du  quadrige 
qu'il  stimule,  notre  agitator  à  pied,  et  les  piétons  plus  ou  moins  analogues 
d'autres  monuments  figurés.  Comme  les  sparsores,  les  cavaliers  sont  parfois 
en  nombre  égal  à  celui  des  factions.  Dans  ce  cas,  l'hypothèse  est  spécieuse 
que  c'étaient  des  entraîneurs,  lesquels,  à  la  fin  de  la  course,  si  la  victoire 
favorisait  leur  faction,  acclamaient  joyeusement  le  vainqueur  (jubilatores ) . 
Mais,  le  plus  souvent,  ils  sont  en  nombre  inférieur  ;  on  a  donc  proposé  de 
les  ranger  parmi  les  circensium  ministri  :  ce  seraient  des  commissaires  et 
surveillants  de  la  course,  moratores  ^  ludi.  Notons  que  la  couleur  du  cavalier 
intact  de  notre  mosaïque  n'est,  pas  plus  que  celle  de  Vagitator  à  pied,  la 
couleur  du  quadrige  qu'il  accompagne.  On  a  conjecturé  enfin,  mais  sans 
grande  vraisemblance,  que  c'étaient  des  champions  se  disputant  le  prix 
d'une  course  montée,  accessoire  de  la  course  attelée  :  leur  attitude  signifie 
presque  toujours  assez  clairement  qu'ils  s'occupent  en  quelque  façon  de 
celle-ci  et  non  d'autre  chose. 


I.  Moderatores  serait  d'une  bien  meilleure  latinité. 


—  38  — 

4-  Quel  moment  de  la  course  notre  mosaïste  a-t-il  voulu  figurer  ?«  Cette 
peinture,  dit  Artaud,  indique  le  commencement  de  la  course,  si  l'on  en  juge 
par  le  signal  du  départ  ;  mais  il  semble  que  le  premier  tour  est  presque 
terminé,  cette  disposition  ayant  paru  nécessaire  à  l'artiste  pour  l'ordonnance 
et  l'intérêt  de  son  tableau  »  ^  Les  deux  assertions  sont  contradictoires  :  si  le 
premier  tour  est  presque  terminé,  ce  n'est  plus  le  commencement  de  la 
course.  D'ailleurs,  elles  sont  évidemment  fausses  toutes  les  deux  :  les 
concurrents  ne  se  répartissent  sur  toute  la  longueur  de  la  piste,  ni  au  com- 
mencement de  la  course,  ce  qui  veut  dire,  en  bon  français,  au  moment  du 
départ,  ni  lorsque  le  premier  tour  s'achève  pour  le  premier  concurrent  ;  une 
telle  répartition  à  la  queue  leu  leu  ou  peu  s'en  faut  n'est  possible  qu'après 
plusieurs  tours.  Au  surplus,  pourquoi  serait-ce  le  com.mencement  de  la 
course?  Parce  que  le  président  des  jeux  tient  encore  la  mappa  qu'il  lançait 
dans  l'arène  pour  donner  le  départ.  A  ce  compte,  ce  ne  serait  même  pas  le 
commencement,  mais  l'instant  qui  le  précédait.  Artaud  incline  aussi  à 
croire,  quoiqu'il  appelle  erector  ovorum  le  préposé  à  la  manœuvre  des  bou- 
les, que  chaque  tour  était  marqué  par  l'ablation  d'une  boule  ;  or  elles  sont 
toutes  en  place.  N'attachons  pas,  comme  lui,  une  importance  excessive  à  ces 
détails  et  nous  ne  tomberons  pas  dans  cet  embarras  inextricable.  Le  tableau 
représente  la  course  vers  son  milieu  ou  vers  son  terme  ^  ;  le  peintre  ne  pou- 
vait pas  en  figurer  le  début.  Mais  il  a  sacrifié  sur  deux  ou  trois  points 
l'exactitude  minutieuse  à  la  convenance  artistique  :  il  a  estimé  que  les 
rangées  d'œufs  seraient  d'un  meilleur  effet,  si  elles  étaient  complètes  3,  et 
les  rangées  de  dauphins,  s'ils  étaient  tous  dans  le  même  sens  ;  que  le  prési- 
dent serait  mieux  caractérisé  comme  tel,  s'il  avait  en  main  l'insigne  de  sa 
fonction  4. 

Ce  n'est  pas  la  seule  fantaisie  qu'il  se  soit  permise.  Il  a  réduit  le  cirque 


1.  i8o6,  in-fol.,  p.  g. 

2.  Comarmond,  Description...,  p.  685  :  «  La  course  est  commencée  ;  peut-être  en  est-on  déjà  au  deuxième 
ou  au  troisième  tour  .  —  De  Caumont,  p.  279  :  «  Trois  œufs  sont  plus  élevés  que  les  autres,  ce  qui  paraît 
annoncer  que  déjà  trois  tours  ont  été  faits  par  les  chars  ■.  S'il  est  vrai  qu'on  ôtait  ou  qu'on  abaissait  un  œuf  à 
chaque  tour,  c'est  quatre  tours  qu'il  eût  fallu  dire.  Mais  cette  particularité  de  la  rangée  droite,  qui  a  frappé  de 
Caumont,  n'est  sans  doute  qu'une  incorrection  du  dessin,  un  effet  de  perspective  mal  calculé  :  de  la  rangée 
gauche,  il  reste  quatre  œufs  seulement  et  tous  sont  à  la  même  hauteur. 

3.  Elles  sont  complètes  dans  tous  les  monuments  figurés  qui  en  comportent  ;  cf.  Zangemeister,  p.  254. 

4.  Dans  la  mosaïque  de  Girone  (voir  plus  bas)  le  président  tient  aussi  en  main  la  mappa. 


—  39  — 

à  une  échelle  bien  moindre  que  les  occupants,  quadriges  ou  personnages. 
L'esthétique  l'obligeait  à  ne  point  garder  les  proportions  réelles.  S'il  les 
avait  gardées,  ceux-ci,  presque  imperceptibles,  eussent  tenu  dans  celui-là 
une  place  infime  et  la  piste  aurait  paru  vide.  Puisque  le  plan  cavalier  a 
déformé  en  parallélogramme  le  double  rectangle  de  la  spina^  il  aurait  dû 
faire  subir  la  même  déformation  au  rectangle  de  l'arène  et  —  pour  ne  point 
parler  de  l'autre  petit  côté  du  cirque,  qu'il  faut  supposer,  ainsi  que  les 
deux  grands  côtés,  hors  des  limites  du  tableau  —  la  bande  des  carceres 
devrait  être  parallèle  au  petit  côté  de  la  spina,  la  double  ligne  blanche  qui 
coupe  la  piste  devrait  être  perpendiculaire  au  grand  côté  de  la  spina.  Afin 
d'éluder  ces  conséquences,  la  première  surtout,  qui  eût  imposé  au  tableau  la 
figure  disgracieuse  d'un  trapèze,  le  peintre  s'est  soustrait  à  l'unité  du  point 
de  vue.  La  spina  et  la  course  qui  se  développe  autour  d'elle  sont  vues  d'un 
point  surplombant  la  droite  du  grand  côté  inférieur,  ou  droit  par  rapport  aux 
juges,  lequel  était  le  grand  côté  occidental  de  la  mosaïque  en  place.  Car 
rappelons-nous  que,  selon  le  témoignage  d'Artaud  ^  et  de  Querville  -,  le 
grand  axe  était  dirigé  du  nord  au  sud  et,  selon  le  témoignage  de  Delandine  3, 
le  petit  côté  où  se  voient  les  carceres  situé  au  nord.  Donc,  «  d'après  le  sens 
général  du  tableau  »,  comme  parle  Artaud,  c'est-à-dire  pour  bien  suivre  le 
développement  de  la  course,  «  le  spectateur  »  devait  «  avoir  la  face  tournée 
vers  l'Orient  »  4.  Et  il  ajoute  :  «  Il  paraît  que  cette  position  appartenait  à 
l'entrée  principale  du  lieu  où  était  ce  pavé,  puisque  l'on  trouve  vis-à-vis,  et 
à  quelques  pas  de  là,  du  côté  du  couchant,  un  petit  carré  de  mosaïque  qui 
semble  en  avoir  formé  le  péristile  »  (sic)  5,  Mais  V oppidum,  y  compris  le 
piéton  debout  à  la  porte,  est  vu  en  perspective  d'un  point  surplombant  le 
milieu  du  petit  côté  opposé,  du  petit  côté  sud.  C'est  pourquoi  les  poutrelles 
horizontales  qui  désignent  la  galerie  au  dessus  des  carceres  font  deux  grou- 
pes symétriques  et  convergents  de  parallèles.  Telles  étaient,  à  coup  sûr,  les 
«  fautes  de  perspective  »  qu'Artaud,  dans  l'avertissement  de  sa  monographie 


1.  i8o6,  in-fol.,  p.  I. 

2.  Bulletin  de  Lyon,  1806,  p.  175. 

3.  Ibid.,  1806,  p.  83. 

4.  Cf.  Gay,  ibid.,  p.  78  :  «  Pour  regarder  le  tableau  qui  en  fait  le  milieu,  il  faut  avoir  le  visage  tourne  au 
soleil  levant,  preuve  certaine  que  la  principale  entrée  de  cet  endroit  était  à  l'occident  ». 

5.  C'est  la  mosaïque  de  la  planche  XIV  bis. 


—  40  — 

in-folio,  affirmait  avoir  respectées  et  qu'il  mentionnait  encore,  sans  préciser 
non  plus,  dans  sa  notice  de  1835  ^  :  «  On  pourrait  avec  raison  reprocher 
quelques  défauts  de  perspective  à  ce  bel  ouvrage  ;  mais  on  s'aperçoit  que 
l'artiste  n'a  pas  eu  l'intention  de  l'observer  partout,  afin  de  présenter  son 
tableau  sous  deux  points  de  vue  différents,  occasionnés  vraisemblablement 
par  deux  entrées  de  l'appartement  ').  L'existence  de  l'entrée  principale  à 
l'occident  paraît  bien  démontrée  ;  quant  à  celle  de  l'entrée  secondaire,  au 
sud,  elle  est  hypothétique.  L'architecte  Querville  constate  lui  aussi,  mais 
sans  expliquer  pourquoi,  que  l'unité  du  point  de  vue  manque  à  notre 
mosaïque  :  «  Le  dessin  qui  la  compose,  dit-il,  appartient  à  trois  points  de 
vue  différents.  L'un  exige  que  le  spectateur,  en  la  regardant,  ait  la  face 
tournée  vers  le  midi,  l'autre...  vers  l'orient  et  le  troisième  enfin...  vers  le 
nord.  Le  premier  aspect  est  pour  le  cadre,  le  second  pour  les  objets  princi- 
paux du  cirque  et  le  troisième  pour  la  galerie  où  se  trouvent  placés  les 
magistrats  qui  président.»  Mais  il  n'est  pas  vrai  que  l'on  doive  se  poster  face 
au  midi  pour  regarder  le  cadre  :  dans  cette  position  on  verrait  à  l'envers  le 
vase  qui  occupe  l'extrémité  nord  du  grand  axe.  Le  premier  «  aspect  »  de 
Querville  n'existe  pas  :  si  l'on  veut  bien  voir  tous  les  détails  du  cadre,  il  faut 
se  déplacer  autour  du  tableau,  et  spécialement  se  porter  à  un  bout  du  grand 
axe  pour  bien  voir  le  vase,  à  l'autre  pour  bien  voir  la  touffe  d'acanthes. 

«  Les  figures  et  les  chevaux  ont  de  l'élégance  et  du  mouvement.  Sans 
doute  le  trait  en  eût  été  plus  correct  sans  la  difficulté  de  l'exécution  ;  néan- 
moins, on  y  reconnaît  toujours  un  bon  principe  de  dessin...  »  2.  Nous  pou- 
vons souscrire  à  cette  appréciation  d'Artaud,  et  à  la  suivante  aussi  :  «  La 
composition  du  sujet  annonce  du  goût  et  de  l'intelligence,  soit  dans  la 
disposition  et  le  balancement  des  groupes,  soit  dans  la  manière  dont  sont 
remplis  les  angles  du  tableau  ».  Mais  nous  la  voudrions  plus  précise.  Les 
huit  quadriges  sont  répartis  autour  de  la  spina  avec  un  souci  de  la  symétrie 
qui  n'exclut  pas  celui  de  la  variété  :  à  chaque  bout,  de  part  et  d'autre,  un 
quadrige,  les  deux  intacts  et  les  deux  renversés  en  diagonale  ;  les  quatre 
autres  garnissent  la  région  moyenne  ;  mais  ceux  d'en  bas  courent  presque 


1.P.42. 

2.  1806,  in-fol.,  p.2. 


—  41   — 

sur  la  même  ligne,  ne  font  qu'un  groupe  ;  ceux  d'en  haut  sont  nettement 
séparés  ;  un  cavalier  garnit  le  vide  qui  les  sépare,  en  bas  un  autre  cavalier 
l'intervalle  assez  long  entre  les  deux  chars  groupés  et  le  quatrième  ;  les  deux 
piétons  de  la  piste,  Vagitator  et  le  sparsor,  se  correspondent  en  diagonale. 
Les  quatre  factions  sont  représentées  de  part  et  d'autre  de  la  spina,  mais 
dans  un  ordre  différent  :  en  bas,  de  gauche  à  droite,  nous  voyons  la  verte,  la 
rouge,  la  blanche,  la  bleue  ;  en  haut,  de  droite  à  gauche,  la  rouge,  la  bleue.  Il 
est  probable  que  la  verte  venait  ensuite,  puis  la  blanche  ;  car,  avec  l'ordre 
relatif  inverse,  les  deux  auriges  verts  se  seraient  fait  pendant,  et  les  deux 
auriges  blancs  auraient  eu  la  même  place,  la  troisième,  dans  les  deux  séries, 
ce  qui  n'est  point  le  cas  pour  les  bleus  et  les  rouges.  Dans  la  plupart  des 
monuments  qui  montrent  les  deux  côtés  de  la  spina,  la  course  est  divisée, 
comme  ici,  en  deux  parties  égales,  équilibre  un  peu  factice,  mais  recom- 
mandé par  une  raison  de  convenance  artistique  ^ . 

5.  Après  avoir  décrit  la  mosaïque  selon  la  planche  d'Artaud,  jetons  un 
coup  d'oeil  sur  la  mosaïque  restaurée  2.  Voici  quelles  sont  les  parties  com- 
plétées ou  refaites.  Pour  ce  qui  est  de  Voppidum,  Belloni  a  refait  le  juge  de 
gauche  en  suivant  le  contour  visible  ;  il  a  complété  les  tentures  et  le  devant 
de  la  loge,  le  personnage  qui  masque  le  bas  du  pilier  droit  de  la  porte,  mais 
sans  lui  mettre  aux  mains  aucun  objet,  la  porte  elle-même  par  la  réfection 
du  pilier  gauche,  mais  sans  y  adosser,  comme  Artaud  le  suggérait,  un  per- 
sonnage analogue  à  celui  du  pilier  droit.  Sur  le  parallélipipède  gauche  de  la 
spina,  il  a  complété  la  rangée  des  boules  ovales  et  leurs  supports  ;  il  a  pres- 
que totalement  refait  Vereptor  ovorum  dont  la  planche  d'Artaud  lui  présen- 
tait déjà  une  image  retouchée  ;  sur  le  parallélipipède  droit,  il  a  complété  la 
charpente  des  dauphins  et  celle  des  œufs,  il  a  supposé  un  second  ereptor 
ovorum  et  il  l'a  fait  de  toutes  pièces  ;  pour  les  deux  parallélipipèdes,  il  a 
complété  les  margelles  et  l'eau  des  vasques  ;  dans  l'intervalle  des  deux  il  a 


I.  Pourtant  le  relief  de  Foligno  nous  présente  une  course  de  huit  chars  composée  d'une  autre  manière  : 
sept  chars  d'un  côté,  en  bas,  un  seul  en  haut,  distribution  qui  donne  un  tableau  moins  régulier,  mais  sans 
contredit  plus  naturel  et  plus  vivant.  Si,  malgré  cette  inégale  distribution,  l'espace  au-dessus  de  la  spina  ne 
paraît  pas  vide,  c'est  d'abord  qu'il  fuit  à  l'arrière  plan  et  ensuite  que,  le  cirque  étant  vu  de  biais,  la  masse 
importante  de  V oppidum  garnit  l'angle  supérieur  gauche  du  tableau,  celui  où  manquent  les  chars. 
'  2.  Voir  fig.  4  (hors  texte),  d'après  une  photographie  toute  récente.  Les  conditions  du  local  où  se 
trouve  la  mosaïque  n'ont  pas  permis  d'obtenir  les  bords  extrêmes  des  deux  petits  côtés. 


—  42  — 

complété  les  deux  personnages  debout  et  aux  mains  de  l'un  il  a  mis  une 
couronne,  à  bon  droit  sans  doute,  la  couronne  étant,  concurremment  avec 
la  palme,  le  prix  honorifique  du  vainqueur.  Dans  la  région  inférieure  de 
l'arène,  il  a  complété  le  cavalier,  auquel  il  a  donné,  mais  en  bleu,  le  costume 
de  l'autre,  complété  son  cheval  et  le  char  du  quatrième  quadrige  ;  il  a  refait 
presque  totalement,  suivant  l'exemple  d'Artaud,  le  cocher  de  ce  quadrige. 
Dans  la  région  supérieure,  il  a  complété  le  septième  et  le  huitième  quadri- 
ges, attribuant  fort  raisonnablement  le  septième  à  la  faction  verte,  le  huitiè- 
me à  la  blanche.  Enfin,  il  a  comblé  les  lacunes  du  champ  noir  de  la  spina  et 
réparé  deux  fissures  de  l'encadrement,  l'une  qui  prolongeait  l'étroite  lacune 
de  la  porte  et  de  la  loge  ;  l'autre,  dans  le  grand  côté  du  haut,  un  peu  en 
arrière  du  sparsor.  Notre  énumération  ne  représente,  bien  entendu,  qu'un 
minimum.  Nous  avons  déjà  remarqué  qu'entre  1806,  date  de  la  planche 
d'Artaud,  qui  est  notre  seul  terme  de  comparaison,  et  18 18,  époque  où 
Belloni  enleva  la  mosaïque,  elle  avait  subi  certainement  un  surcroît  considé- 
rable de  dommage.  Pour  le  surplus  de  restauration  correspondant  à  ce 
surcroît  que  nous  ne  pouvons  préciser,  Belloni  s'est  conformé  à  la  planche 
d'Artaud,  nous  l'avons  déjà  constaté.  C'est  justice  de  dire  qu'il  a  rempli  sa 
tâche  avec  autant  de  discrétion  que  d'habileté,  qu'il  n'a  pas  amoindri  sensi- 
blement la  valeur  documentaire  de  notre  mosaïque. 

VI 

I.  Martin-Daussigny  regardait  la  mosaïque  de  Lyon  comme  le  seul 
monument  qui  retraçât  les  jeux  du  cirque  et  en  donnât  l'explication  vraie  ^ 
Il  commettait  une  double  erreur  grossière  :  cette  mosaïque  ne  suffit  pas, 
hélas!  à  donner  l'explication  vraie  des  jeux  du  cirque  ou,  pour  mieux  dire, 
des  courses  de  chars,  dans  tous  leurs  détails  ;  elle  n'est  pas,  et  tant  s'en  faut, 
le  seul  monument  qui  les  retrace.  Ces  monuments  sont  très  nombreux  et 
très  variés,  fresques,  mosaïques,  reliefs,  monnaies  et  contorniates,  pierres 
gravées  2.  Artaud,  qui  le  savait,  s'est  exprimé  avec  beaucoup  plus  de  mesure 


1.  Selon  un  procès-verbal  de  la  Commission  des  Musées,  séance  du  12  juin  1869  (Archives  de  la  Conser- 
vation). 

2.  On  en  trouvera  l'énumération  dans  les  ouvrages  cités  plus  haut,  spécialement  dans  les  articles  de 
Hùbner  et  de  Zangemeister. 


—  43  — 
que  Martin-Daussigny  :  «  La  mosaïque  nouvellement  découverte  à  Lyon... 
donne  l'idée  des  jeux  du  cirque,  qui  ne  nous  étaient  pas  entièrement  con- 
nus ».  Elle  nous  en  donne,,  il  est  vrai,  une  idée  ;  mais,  aujourd'hui  encore,  ils 
ne  sont  pas  entièrement  connus,  malgré  bien  des  découvertes  et  des  études 
ultérieures.  De  Caumont  va  trop  loin,  quand  il  affirme  qu'elle  «  jette  un 
grand  jour  sur  les  Jeux  du  cirque  ».  Elle  a,  certes,  son  originalité,  dont  je 
me  suis  appliqué  à  dégager  les  traits  au  cours  de  la  description  ;  mais  ils 
sont  tels  qu'on  n'en  saurait  déduire  avec  certitude  aucun  renseignement 
nouveau  d'une  portée  générale.  La  plupart  des  singularités  qui  distinguent 
notre  cirque  des  cirques  par  ailleurs  connus,  je  veux  dire  la  matière  et  la 
forme  de  V oppidum,  le  nombre  des  carceres,  la  manœuvre  des  barrières  et  des 
œufs,  la  décoration  si  simple  et  même  si  pauvre  de  la  spina,  la  double  rangée 
de  dauphins  et  de  boules,  ne  doivent  pas  être  tenus  pour  des  fantaisies  de 
l'artiste  ;  elles  furent  des  cas  réels,  mais  aussi  des  cas  exceptionnels.  Où 
existèrent-elles  ?  A  Lyon  ?  Vraisemblablement.  Ailleurs,  dans  d'autres  cir- 
ques provinciaux  ?  C'est  possible.  La  double  ligne  blanche  de  l'arène,  que 
l'artiste  n'a  pas  non  plus  inventée,  à  coup  sûr,  n'existe  point  toujours  et 
partout,  nous  le  savons.  Et  que  signifie-t-elle  au  juste  ;  que  signifie  la  double 
rangée  de  dauphins  et  d'œufs  ?  Problèmes  nouveaux  que  pose  la  mosaïque 
de  Lyon.  Qui  sont  ces  cavaliers  galopant  avec  les  quadriges?  Problème 
ancien  que  la  mosaïque  de  Lyon  ne  résout  point.  Parce  qu'elle  est  très 
agréable  à  voir,  pardonnons-lui  de  n'être  pas  aussi  instructive  à  consulter 
que  nous  le  voudrions,  et  gardons-nous  surtout  d'y  trouver  ce  qu'elle  ne 
contient  pas.  Les  juges  et  presque  tous  les  comparses  sont  vêtus  de  bleu  ; 
Artaud  en  conclut  sans  hésitation  que  «  cette  couleur  était  celle  de  l'uni- 
forme national  des  Gaules  »,  et  de  Caumont  adopte  sa  conclusion.  N'est-il 
pas  plus  sage  de  croire  que,  pour  le  choix  des  couleurs,  l'artiste  a  suivi 
seulement  son  goût,  hormis  les  morceaux  dont  la  couleur  lui  était  imposée, 
comme  la  tunique  des  auriges?  Voilà  sans  doute  pourquoi  la  tunique  du 
sparsor  est  verte,  celle  de  Vagitator  à  pied  mi-partie. 

2.  On  ne  s'attend  pas  à  lire  ici  une  description,  même  sommaire,  de 
tous  les  monuments  qui  peuvent  être  comparés  avec  notre  mosaïque.  Je  ne 
m'occuperai  que  des  autres  mosaïques  représentant  les  jeux  du  cirque  ou. 


—  44  — 
pour  mieux  dire,  une  course  de  chars  dans  un  cirque.  Je  négligerai  donc 
celles  où  sont  figurés  quelque  personnage  isolé  ou  quelque  épisode  d'une 
course,  par  exemple  la  mosaïque  de  Sainte-Colombe  ^  qui  est  ornée  à  ses 
quatre  angles  d'un  quadrige.  Comme  tableau  d'ensemble  répondant  à  ma 
définition,  Artaud  ne  connaissait  et  ne  pouvait  connaître  que  la  mosaïque 
d'Italica,  découverte  aux  environs  de  Séville,  vers  la  fin  du  xviii^  siècle, 
très  gravement  détériorée  à  l'époque  de  l'exhumation  et  détruite  depuis. 
Par  bonheur,  Alexandre  de  Laborde  en  avait  fait  l'objet  d'une  belle  mono- 
graphie illustrée  2.  Le  tableau  central,  entouré  d'une  vaste  et  riche  bordure 
dont  la  surface  était  de  beaucoup  supérieure  à  la  sienne,  reproduisait  le  plan 
exact  du  cirque  romain,  moins  les  gradins  des  spectateurs.  Il  se  terminait 
donc,  à  une  extrémité,  par  un  demi-cercle,  à  l'autre  par  la  ligne  concave  de 
V oppidum.  Cet  oppidum^  la  partie  la  mieux  conservée  du  tableau,  était  un 
édifice  en  pierre,  comprenant  onze  carceres,  six  à  gauche  de  l'entrée,  cinq  à 
droite.  Au  dessus  de  l'entrée,  le  président  siégeait  seul  dans  sa  loge,  la  main 
droite  levée  à  hauteur  de  la  tête.  L'unique  vestige  de  la  spina  était  le  sommet 
d'une  colonne  surmontée  d'un  génie  tenant  une  couronne  et  un  rameau. 
Dans  l'arène  il  ne  restait  aucun  quadrige  intact  ;  on  y  voyait  en  bas,  de 
gauche  à  droite,  deux  cavaliers  à  casaques  vertes,  l'un  galopant,  l'autre  — 
desulîor  ou  voltigeur  —  renversé  sous  deux  chevaux  ;  puis  les  débris  d'un 
quadrige  mis  en  pièces  ;  en  haut,  de  droite  à  gauche,  un  sparsor  vêtu  d'une 
longue  souquenille  à  larges  manches,  portant  un  vase  de  ses  deux  bras 
tendus  ;  un  cocher  blessé,  un  vert,  soutenu  par  deux  hommes  à  tunique 
rouge  ;  un  homme  à  tunique  verte  conduisant  en  main  un  cheval  ;  un  char 
retourné,  avec  un  seul  cheval  attelé  au  timon  en  l'air  ;  un  autre  piéton  vêtu 


1.  Georges  Lafaye,  Inventaire,  n"  217  (^sans  nul  doute  n"  232)  ;  Héron  de  Villefosse,  dans  Bulletin 
archéologique  du  Comité,  1894,  p.  224  et  pi.  XIV  (reproduite  dans  l'album  de  l'Inventaire) . —  Je  néglige  aussi 
la  mosaïque  de  Sans,  près  Sennecey-le-Grand  (Saône-et-Loire),  dont  le  tableau  central  représente  quatre 
chars  se  poursuivant  dans  un  lieu  désigné  comme  un  cirque  simplement  par  une  borne  ;  voir  Héron  de 
Villefosse,  dans  Comptes  rendus  de  l'Acad.  desinscr.,  1898,  p.  16  ;  Adrien  Blanchet,  Inventaire,  n^  785.  -  J'ai  à 
peine  le  droit  de  négliger  un  petit  tableau  de  celle  de  Horkstow-Hall  (Grande-Bertagne  )  ;  voir  Gauckler, 
art.  I'  Musivum  ,  dans  Dict.  des  antiq.  ,çr.  et  rom.,  p.  2.1 10,  fig.  5.247.  Il  n'y  manque  que  Voppidum.  Autour 
de  la  spina,  simple  mur  terminé  par  de  doubles  bornes,  courent  en  bas  trois  biges  ;  en  haut  l'on  voit,  de  droite 
à  gauche,  deux  cavaliers  et  un  quatrième  bige.  L'un  des  cavaliers,  ayant  mis  pied  à  terre,  se  porte  au  secours 
du  cocher  de  ce  bige,  victime  d'un  accident. 

2.  Description  d'un  pavé  en  mosaïque  découvert  dans  l'ancienne  ville  d'Italica  (Descripcion  d'un  pavimento 
de  mosayca  descubierto  en  las  ruinas  d'Italica),  Paris,  Didot,  1803. 


—  45  — 
comme  le  sparsor  et  qui  tendait  vers  la  droite  un  morceau  d'étoffe.  Cette 
mosaïque,  telle  quelle,  donnait  mieux  que  la  nôtre  l'idée  d'un  cirque,  moins 
la  spina  ;  mais  elle  ne  donnait  pas  l'idée  de  l'ensemble  d'une  course  dans  le 
cirque. 

En  1860,  on  découvrit,  à  Barcelone,  et  l'on  y  conserve  depuis  après 
réparation,  une  mosaïque  ^  de  sujet  analogue,  représentant,  non  pas  toute 
une  arène  de  cirque,  mais  une  moitié  longitudinale  de  l'arène  avec  la  spina 
au  dessus.  L'oppidum,  qui  était  figuré  à  gauche,  comme  dans  celles  de  Lyon 
et  d'Italica,  manque  entièrement.  La  spina  est  du  type  normal,  maçonnerie 
pleine  avec  une  décoration  très  riche,  très  singulière  d'ailleurs  par  certains 
de  ses  détails  que  je  ne  saurais  mentionner  ici.  Elle  ne  ressemble  presque  en 
rien  à  la  spina  de  Lyon.  Cependant  l'on  y  voit  un  obélisque  ;  sur  le  toit  plat, 
où  l'on  accède  par  une  échelle,  d'une  édicule  de  la  moitié  droite,  reposent 
sept  boules  ;  sur  une  architrave  de  la  moitié  gauche,  portée  par  deux  colon- 
nes, trois  dauphins  vomissent  de  l'eau.  Les  bornes  sont  séparées  de  la  spina  ; 
celle  de  droite,  très  ornée,  est  seule  intacte.  Dans  l'arène,  quatre  quadriges. 
Le  premier  à  gauche,  mutilé  à  l'arrière,  est  renversé  ;  il  appartenait  à  la 
faction  bleue.  Le  deuxième,  le  blanc,  mutilé  à  l'avant,  court  en  bon  ordre  et 
le  cocher  regarde  vers  le  concurrent  malheureux  ;  du  troisième,  le  rouge, 
l'aurige  fait  effort  pour  retenir  les  chevaux,  tandis  que  celui  du  quatrième, 
le  vert,  lève  le  bras  pour  fouetter  les  siens.  L'attelage  du  troisième  et  sans 
doute  aussi  celui  du  deuxième  étaient  conformes  à  la  règle  :  les  deux  che- 
vaux du  milieu  jugales,  les  deux  extrêmes  funales  ;  celui  des  deux  autres 
chars  ne  se  distingue  pas.  Des  noms  de  cochers  et  de  chevaux  sont  inscrits 
dans  le  champ.  A  la  tête  des  chevaux  du  quatrième  char,  gesticule  un 
sparsor  vert  muni  d'une  amphore.  Plus  loin,  presque  au  delà  de  la  borne,  un 
autre  piéton,  en  tunique  longue,  abaisse  de  la  main  gauche  une  banderolle 
blanche,  rouge  et  bleue,  et  fait  flotter,  de  la  droite,  une  banderole  verte,  la 
couleur  du  quadrige  qui  tient,  à  notre  connaissance,  la  tête  de  la  course.  On 
remarquera  que  le  quadrige  renversé  occupe  dans  la  série  la  même  place  que 
sur  notre  pavement.  Pour  le  surplus,  cette  moitié  d'arène  ne  rappelle  guère 
la  moitié  correspondante  de  la  nôtre  que  par  le  nombre  des  concurrents. 


I.  Voir  E.  Hûbner,  article  cité  plus  haut. 


—  46  — 
Une  troisième  mosaïque  ^  des  jeux  du  cirque  fut  découverte  dans  une 
localité  d'Espagne  aussi,  à  Girone,  en  1876,  ou  plus  exactement  une  mosaï- 
que dont  l'un  des  deux  grands  tableaux  a  pour  sujet  les  jeux  du  cirque.  Ce 
tableau  est  un  rectangle,  comme  dans  les  trois  mosaïques  précédentes  ; 
mais  ici  Voppidum  en  garnit  le  petit  côté  à  notre  droite.  C'est  un  édifice 
rectiligne,  en  pierre,  qui  comporte,  au  rez-de-chaussée,  six  carceres  et 
l'entrée,  laquelle,  par  une  maladresse  de  l'artiste,  se  confond  avec  la  loge  où 
siège  tout  seul  le  président  qui  élève  la  mappa  de  sa  main  droite.  Au  dessus 
des  carceres^  il  y  a,  non  pas  des  galeries,  mais  deux  reliefs.  On  voit  que  cet 
oppidum  ne  ressemble  en  rien  au  nôtre.  L'artiste  a  si  mal  pris  ses  mesures 
que  l'espace  libre  entre  les  carceres  et  la  borne  apparaît  beaucoup  trop 
étroit  pour  le  passage  des  chars.  La  spina,  massif  plein,  est  ornée  de  statues 
et  d'autres  objets,  parmi  lesquels  l'obéHsque  qui  nous  y  rappelle  seul  la 
spina  de  Lyon.  Les  bornes  sont  normales.  Quatre  quadriges  prennent  part 
à  la  course  ;  les  chars  et  les  cochers  sont  nommés.  En  haut,  à  droite,  c'est-à- 
dire  à  la  place  habituelle,  puisque  ce  quadrige  serait  en  bas,  à  gauche,  si 
Voppidum  était  orienté  comme  dans  les  précédentes  mosaïques,  le  quadrige 
de  la  faction  verte  est  renversé  :  chevaux,  char,  aurige  ont  roulé  pêle-mêle. 
En  haut,  à  gauche,  le  quadrige  de  la  faction  bleue  court  en  bon  ordre. 
Devant  lui,  à  la  hauteur  de  la  borne,  galope  un  cavalier  dont  la  partie  anté- 
rieure du  cheval  manque,  tout  le  petit  côté  gauche  du  tableau  étant  fort 
endommagé.  Manque  aussi  le  char  du  troisième  quadrige,  celui  de  la  faction 
rouge  ;  le  cocher  fait  effort  pour  retenir  ses  chevaux  devant  lesquels  un 
piéton  gesticule,  pour  l'y  aider,  sans  doute.  Ce  groupe  garnit  la  région 
inférieure  gauche.  La  région  inférieure  droite  appartient  au  quatrième  qua- 
drige, celui  de  la  faction  blanche  ;  le  cocher  retient  lui  aussi,  de  toutes  ses 
forces,  les  chevaux  et  regarde  les  spectateurs.  Son  attelage,  le  seul  qui  se 
voie  nettement,  est  régulier  :  deux  jiigales  au  milieu,  denxfunales  aux  extrê- 
mes. Devant  ce  quadrige,  à  la  hauteur  de  la  borne,  un  piéton,  tourné  vers  le 
public  comme  le  cocher  qu'il  acclame  peut-être.  A  part  l'accident  et  le 
cavalier  qui  précède  l'un  des  concurrents,  la  course  n'offre  pas  de  ressem- 
blance notable  avec  celle  de  notre  mosaïque. 

I.  Voir  J.  de  Laurière,  "  la  mosaïque  romaine  de  Girone  >  (Espagne),  dans  Bulletin  monumental,    53, 
1887,  p.  236etsuiv. 


—  47  — 
Je  dois  mentionner  enfin  une  mosaïque  découverte  à  Gafsa  (Tunisie) 
en  1888,  «  travail  naïf  et  grossier  de  l'époque  byzantine  «,  dit  Gauckler  qui 
la  décrit  sommairement  ainsi  ^  :  «  Vue  intérieure  d'un  cirque,  au  moment 
d'une  course  de  chars.  En  haut  et  en  bas,  sur  les  côtés  de  l'arène,  les  gradins, 
sous  arcades,  garnis  de  spectateurs  ;  à  droite,  au  fond  de  l'arène,  les  carceres, 
à  la  porte  desquels  se  tiennent  des  palefreniers  nègres  ;  au  milieu,  la  spina 
avec  les  metae  et  les  cages  des  lions,  entourée  de  l'arène  ovale  où  circule  le 
personnel  à  pied  et  à  cheval,  et  où  courent  quatre  quadriges  aux  couleurs 
des  quatre  factions  du  cirque  ».  L'originalité  de  ce  pavement,  par  rapport 
aux  autres  mosaïques  du  même  sujet  et  à  presque  tous  les  monuments 
figurés  qu'on  en  peut  rapprocher,  consiste  dans  la  représentation  des  gra- 
dins et  des  spectateurs.  Il  ne  ressemble  en  rien,  de  façon  frappante,  au 
nôtre. 

VII 

I.  On  a  déjà  vu  que  la  mosaïque  Macors,  malgré  les  singularités  qui  la 
distinguent,  n'enrichit  d'aucune  donnée  sûre  la  connaissance  imparfaite, 
dont  l'archéologie  romaine  a  dû  se  contenter  jusqu'ici,  des  cirques  et  des 
courses  de  chars  en  général,  mais  que  cette  mosaïque  fournit  sans  doute  une 
image  vraie,  sinon  complète,  du  cirque  de  Lyon  à  une  certaine  époque  et 
des  courses  de  chars,  telles  qu'elles  s'y  pratiquaient  alors  2.  La  simplicité 
originale,  mais  peu  décorative,  de  Voppidum  et  de  la  spina^^  se  conçoit  fort 
bien,  si  l'artiste  a  peint  la  réalité  contemporaine  et  locale.  Au  contraire,  si 
elle  avait  été  plus  riche,  pourquoi  l'aurait-il  appauvrie  ou  bien  négligée  en 
faveur  d'un  autre  monument  moins  spécieux,  exposant  son  œuvre  à  pâtir 
d'une  comparaison  désavantageuse  ?  Quant  à  suivre  Delandine  3  et  Artaud  4 


1.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  et  l'Afrique  (II,  Afrique  proconsulaire,  n"  321,  fig.)-  Cf.  Bull.  arch. 
du  Comité,  1906,  p.  1 3,  n°  39  et  pi.  26. 

2.  Opinion  formulée,  d'abord  dubitativement,  puis  catégoriquement,  par  AUmer  et  Dissard,  Trion, 
p.  CXXXVI  =iW^usee  de  Lyon,  II,  p.  301  :  <  Si  c'est  le  cirque  de  Lyon...  Sans  doute,  il  est  représenté  tel  qu'il 
aura  été  reconstruit  après  le  sac  de  Lyon,  l'an  197  >,  sous  Septime  Sévère.  —  Trion,  CXLVI  =  Musée,  II, 
p.  320:  «...la  précieuse  mosaïque  qui  représente  le  cirque  de  Lyon  >.  Voir  encore  Bazin,  Vienne  et  Lyon  gallo- 
romains,  p.  213. 

3.  Bulletin  de  Lyon,  1806,  p.  75  etsuiv. 

4.  1806,  in-fol.,  p.  10  ;  1835,  p.  52  et  suiv. 


—  48  — 

plus  loin,  dans  l'arbitraire  des  conjectures  où  leur  imagination  les  emporte, 
je  m'en  garderai  bien,  quoique  l'une  d'elle  ait  séduit  Allmer  lui-même. 

«  Caligula  résida  longtemps  à  Lyon,  où  il  institua  des  jeux.  Il  aimait 
passionnément  les  chevaux  :  comme  Néron,  il  excellait  à  conduire  un  char 
dans  la  carrière.  Il  serait  à  présumer  qu'ayant  fait  ériger  un  cirque  pour  son 
amusement,  on  ait  voulu  en  consacrer  le  souvenir  par  une  peinture  inalté- 
rable. Qui  sait  même  si  le  prince  ne  s'y  trouve  pas  représenté  ?  ».  Artaud,  à 
qui  Delandine  avait  suggéré  l'hypothèse,  écrivait  ces  lignes  en  1806  ;  en 
1835,  il  n'avait  renoncé  à  aucune  partie  de  son  idée.  Se  rappelant  que  Cali- 
gula, comme  Néron,  était  de  la  faction  verte,  il  soupçonnait  que  le  cavalier  à 
tunique  verte  monté  sur  un  cheval  blanc  représentait  l'empereur.  Ce  qui  lui 
fit  toujours  paraître  vraisemblable  le  surplus  de  la  conjecture,  c'est  qu'il 
croyait  pouvoir,  nous  le  verrons  bientôt,  dater  notre  mosaïque  du  premier 
siècle  et  de  l'époque  antérieure  à  Domitien.  Or  nous  verrons  aussi  qu'elle 
est,  selon  toute  probabilité,  du  second  siècle,  par  conséquent  d'un  temps  où 
personne,  à  coup  sûr,  ne  se  souciait  plus  de  commémorer  les  excentricités 
lyonnaises  de  Caligula.  D'ailleurs,  Artaud  jugeait  plus  vraisemblable  enco- 
re ^  l'autre  hypothèse  de  Delandine  :  «  Ce  savant  pense  que  cette  mosaïque 
a  dû  appartenir  à  la  demeure  de  Ligurius,  intendant  des  jeux  à  Lyon  et 
souverain  pontife  du  temple  d'Auguste,  dont  elle  ne  devait  pas  être  éloignée. 
On  sait  que  Ligurius  donna  des  jeux  du  cirque  à  toutes  les  corporations  de 
la  ville,  qui,  en  reconnaissance,  lui  firent  graver  une  inscription  très  curieuse 
que  nous  possédons  encore,  où  l'on  remarque  ces  mots  :  Item  liidos  circen- 
ses  dédit  ». 

A  la  traduction  déjà  fautive  de  Menestrier,  qu'il  cite  pour  faciliter 
l'intelligence  de  ce  texte  épigraphique  «  aux  personnes  qui  ne  sont  pas  fami- 
lières avec  le  style  lapidaire  »,  Artaud  ajoute  plusieurs  autres  erreurs  dont 
trois  favorisent  son  opinion.  Il  fait  de  Ligurius  l'intendant  des  jeux  à  Lyon  ; 
d'après  le  texte  -,  Ligurius  était  summiis  curator  c(iviiim)  r(omanorum) 
prov(inciae)  Liig  ( dunensis ) ,  curateur  suprême  des  citoyens  romains  de  la 
province  lyonnaise.  Il  fait  de  Ligurius  le  souverain  pontife  du  temple 


I.  En  1806.  Il  ne  la  mentionne  plus  en  1835. 

a.  Allmer  et  Dissard,  Musée  de  Lyon,  II,  p.  361  ;  Corp.  inscr.  lat.,  XIII,  n°  1.921. 


—  49  — 

d'Auguste  ;  d'après  le  texte,  Ligurius  n'était  nullement  prêtre  de  ce  temple 
ou  mieux  de  cet  autel,  situé  hors  du  territoire  de  Lugudunum  et  dont  le 
sacerdoce  n'avait  rien  de  commun  avec  ceux  de  la  colonie  lyonnaise  ; 
Ligurius  était  pontife  perpétuel  de  la  colonie  (oh  honorent  perpetiii  pontif- 
(icatus).  Si  Ligurius  n'était  pas  intendant  des  jeux,  est-il  vrai  du  moins  que 
toutes  les  corporations  de  la  ville  lui  firent  graver  une  inscription  en  recon- 
naissance des  jeux  du  cirque,  mémorables  par  conséquent,  exceptionnelle- 
ment beaux,  qu'il  leur  avait  donnés  ?  Non  ;  le  texte  dit  que  Ligurius,  en 
reconnaissance  de  l'honneur  à  lui  conféré  du  pontificat  perpétuel,  fait  don  à 
la  cité  d'un  monument  —  nous  ignorons  lequel  — ,  le  monument  qui  portait 
l'inscription,  et  qu'à  l'occasion  de  la  dédicace  il  fait  une  largesse  pécuniaire  à 
tous  les  ordres  et  offre  —  à  tout  le  peuple,  évidemment  —  des  jeux  du 
cirque  :  oh  honorem...  dat,  cuius  dont  dedicatione...  dédit.  Telle  étant  la 
vérité,  rien  ne  nous  invite  à  localiser  la  demeure  de  Ligurius  dans  le  voisi- 
nage de  l'autel  d'Auguste,  aucune  raison  plausible  ne  nous  recommande 
l'hypothèse  d'une  mosaïque  des  jeux  du  cirque  dans  la  demeure  de  Ligu- 
rius. D'ailleurs,  si  nous  donnions  à  Ligurius  la  qualité  de  prêtre  de  l'autel  et 
si  nous  admettions  qu'en  cette  qualité  il  résidait  non  loin  de  l'autel,  l'hypo- 
thèse n'en  vaudrait  pas  mieux,  au  contraire,  puisque  nous  savons  aujour- 
d'hui que  l'autel  n'était  pas  dans  la  région  d'Ainay.  Néanmoins  elle  a  trouvé 
grâce  devant  Allmer  qui,  dans  sa  traduction  et  son  commentaire  du  texte 
épigraphique,  n'a  commis,  cela  va  sans  dire,  aucune  des  bévues  de  Menes- 
trier  et  d'Artaud.  «  On  a  à  se  demander,  dit-il  s  si  Ligurius  Marinus 
n'aurait  pas  habité  la  ville  basse,  et  si  la  mosaïque  qui  représente  une 
course  de  chars  dans  le  cirque  de  Lyon  et  qui  a  été  découverte  près  de 
l'église  d'Ainay  n'aurait  pas  décoré  son  habitation  en  souvenir  des  ludi  cir- 
censés  qu'il  avait  donnés  ». 

2.  Artaud  2  fixe  «  le  temps  où  cette  mosaïque  a  été  faite  à  peu  près  vers 
le  milieu  du  i^^  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Auguste  décora  d'un  obélisque  la 
spina  des  cirques,  et,  dans  le  même  temps.  Agrippa  y  fit  rétablir  les  dau- 
phins. Cette  peinture  ne  peut  être  postérieure  à  Domitien,  puisqu'elle 


1.  Ouvr.  cité,  p.  365. 

2.  1806,  in-fol.,  p.  g  ;  1835,  p.  51  et  suiv. 


—  50  — 

n'offre  que  quatre  livrées,  et  l'on  sait  que  cet  empereur  en  fit  ajouter  deux 
aux  précédentes,  la  pourpre  et  la  dorée  ».  Il  n'était  pas  besoin  de  démontrer 
que  la  mosaïque  n'est  pas  antérieure  à  Auguste  :  avant  Auguste,  et  même 
sans  nul  doute  sous  son  règne,  l'actuel  quartier  d'Ainay  ne  comptait  que 
des  constructions  trop  simples  et  trop  pauvres  pour  avoir  de  tels  pavements, 
les  canabae,  huttes  ou  baraques,  dont  le  nom  lui  resta,  même  après  qu'il  se 
fut  couvert  de  riches  habitations.  Mais  Artaud,  nous  venons  de  le  voir,  y 
situait  le  temple  d'Auguste  et  ses  dépendances,  c'est-à-dire  de  beaux  édifi- 
ces qui  existaient  déjà  au  début  de  notre  ère.  Quant  à  la  raison  que  l'innova- 
tion de  Domitien  lui  fournit  d'affirmer  que  la  mosaïque  n'est  pas  postérieure 
à  cet  empereur,  elle  est  de  valeur  nulle.  Les  deux  nouvelles  factions,  la 
piirpurata  et  Vaureay  n'eurent  qu'une  existence  éphémère  ;  Domitien  une 
fois  mort,  «il  n'en  est  plus  question.  Nous  avons,  par  contre,  une  raison 
excellente  de  croire  que  notre  mosaïque  ne  remonte  pas  à  l'époque  augus- 
téenne,  ce  qui  veut  dire  au  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne  :  la  nature  du 
tableau  central  et  ses  dimensions  relativement  à  celles  de  la  bordure  ^  Au 
premier  siècle,  les  tableaux  sont  des  pièces  de  rapport,  des  embîemaîa, 
établis  sur  dalles  de  marbre  ou  de  brique,  en  très  petites  pierres,  très  variées 
de  forme  (opus  vermiculatum),  puis  encastrés  dans  un  pavement  décoratif 
fait  de  cubes  plus  gros  (opus  tessellatum),  ce  pavement  couvrant  une  surface 
beaucoup  plus  vaste  que  celle  de  Vemhlema  ou  des  emblemata  qu'il  contient. 
Au  début  de  l'époque  antoninienne,  le  vermiculatum  et  le  tessellatum  se 
mélangent,  le  tableau  n'est  plus  une  pièce  de  rapport,  il  s'agrandit  aux 
dépens  du  décor  ornemental  qui  l'encadre  et  il  le  réduit  à  une  simple  bor- 
dure. Tels  sont  bien  les  caractères  de  notre  mosaïque.  Elle  fut  composée, 
selon  toute  vraisemblance,  dans  la  première  moitié  du  second  siècle.  Plus 
tard,  et  surtout  à  partir  des  Sévères,  c'est  de  nouveau  le  décor  ornemental 
qui  s'agrandit  aux  dépens  du  tableau,  qu'il  rétrécit,  qu'il  pénètre  même  et 
morcelle.  La  suite  de  ces  études  nous  fera  connaître  plusieurs  spécimens 
remarquables  de  cette  espèce.  Sous  les  premiers  Antonins,  la  virtuosité  des 
mosaïstes  romains  est  très  grande  ;  elle  dépasse  parfois  celle  des  maîtres  de 


I.  Voir  Gauckler,  article  "  Musivum  •,  dans  le  Dict.  des  ant.  gr.  et  rom.,  p.  2.096  et  suiv.  —  L'encadre- 
ment de  noire  tableau  était  un  peu  plus  large  à  l'origine  qu'aujourd'hui,  puisqu'à  l'extérieur  il  y  avait,  d'après 
e  témoignage  d'Artaud,  ■  une  grecque  ou  méandre  ». 


—  51  — 

l'époque  précédente.  Notre  mosaïque  des  jeux  du  cirque,  par  la  finesse  du 
travail,  se  révèle  tout  à  fait  digne  de  l'âge  que  nous  lui  assignons  ^  Hûbner  ^ 
prétend  qu'elle  n'est  certainement  pas  antérieure  au  troisième  siècle,  à  cause 
du  style,  de  l'exécution  grossière.  Mais  le  contexte  de  son  jugement  prouve 
qu'il  n'a  vu  ni  l'original  ni  même  la  planche  d'Artaud. 

La  destruction  de  l'édifice  qui  abritait  la  mosaïque  serait  imputable, 
d'après  Artaud  3,  soit  à  l'incendie  qui  ravagea  la  ville  sous  Néron,  soit  «  aux 
malheurs  qu'elle  éprouva  sous  Sévère  ».  Nous  mettons  l'incendie  hors  de 
cause,  puisque  nous  le  croyons  antérieur  à  la  confection  du  pavement,  et 
nous  le  mettrions  hors  de  cause  même  sans  cette  raison  chronologique  :  il 
ravagea  la  ville  proprement  dite,  Lugudunum,  la  colline  de  Fourvière4; 
mais  traversa-t-il  la  Saône,  atteignit-il  le  quartier  des  Canabae  ?  C'est  bien 
improbable.  Contre  la  seconde  hypothèse  d'Artaud,  je  ne  vois  aucun  argu- 
ment péremptoire.  Mais  que  l'abri  de  la  mosaïque  se  soit  écroulé  au  temps 
de  Septime  Sévère  ou  seulement  plus  tard,  il  était  dupe  d'une  illusion  quand 
il  croyait  que  «  des  barbares  ou  des  ignorants  »  s'acharnèrent  à  la  dégrader 
parmi  les  ruines  pour  satisfaire  leur  cupidité.  «  Ce  qui  nous  a  confirmé  dans 
cette  idée,  c'est  que  tous  les  vêtements  formés  avec  des  pierres  précieuses 
ont  été  enlevés,  tandis  que  le  reste  est  intact  »  5.  La  phrase  est  équivoque. 
Artaud  n'a  sans  doute  pas  voulu  dire  que  tous  les  vêtements  avaient  été 
enlevés,  ce  qui  le  mettrait  en  contradiction  avec  sa  planche  et  nous  oblige- 
rait à  tenir  son  témoignage  ou  celle-ci  pour  outrageusement  infidèle  ;  il  n'a 
pas  voulu  opposer  les  vêtements  au  reste.  Il  a  voulu  opposer  au  reste  une 
partie  des  vêtements  formée,  selon  lui,  de  pierres  précieuses,  et  dire  que 
toute  cette  partie  avait  été  enlevée  ;  assertion,  d'ailleurs,  émise  à  la  légère  et 
qu'un  simple  coup  d'oeil  jeté  sur  la  planche  réduit  à  néant.  Par  exemple, 


1.  Artaud,  1835,  ?•  55  '  «  Pour  ce  qui  est  du  mérite  de  l'exécution,  M.  Belloni  prétend  qu'elle  est  sem- 
blable à  celle  des  Centaures  du  Vatican  ». 

2.  Article  cité,  p.  138  et  suiv. 

3.  1806,  in-fol.,  p.8. 

4.  Sénèque,  Lettres  à  Lucilius,  91,  10  :  Civitas  arsit...  uni...  imposita...  monti.  Les  assertions  de  Steyert, 
ouv.  cité,  I,  p.  236,  sont  manifestement  fausses.  Cf.  Revue  d'histoire  de  Lyon,  III,  1904,  p.  18. 

5.  1806,  in-fol.,  p.  8  ;  cf.  in-8,  p.  13  :  «  Ce  qui  m'a  confirmé  dans  cette  idée,  c'est  que  tous  les  vêtements 
formés  avec  des  pierres  précieuses  ont  été  dégradés,  surtout  les  bleus,  en  lapis,  tandis  que  tout  le  reste  est 
intact  ».  Au  bas  de  ce  passage,  reproduit  dans  le  Mag.  encycl.  de  1806,  IV,  p.  165,  Millin  se  demande  en  note 
s'il  est  bien  sûr  que  ce  soit  du  lapis  et  non  pas  plutôt  de  l'émail,  le  lapis  n'étant  pas  assez  dur  pour  être  foulé 
aux  pieds. 


—  52  — 

tandis  que  le  président  et  l'assesseur  de  droite  sont  intacts,  l'assesseur  de 
gauche  a  disparu  :  admettrons-nous  que  les  vêtements  de  celui-ci  seul 
étaient  en  pierres  précieuses  ?  Admettrons-nous  que  la  tunique  détruite  du 
cavalier  d'en  bas  était  d'une  autre  matière  que  celle  du  cavalier  d'en  haut, 
intacte  ?  Il  n'est  pas  vrai  non  plus,  si  l'on  s'en  rapporte  à  la  planche,  que, 
hormis  les  vêtements  ou  une  partie  des  vêtements,  le  reste  soit  intact  ;  par 
exemple,  les  quadriges  et  le  champ  ont  souffert  à  plusieurs  endroits.  A  la 
réflexion,  Artaud  se  rendit  compte  qu'il  avait  dit,  en  1806,  une  sottise  ;  il  ne 
la  répéta  point  en  1835.  Il  ne  croyait  plus  alors  aux  pierres  précieuses  de  la 
mosaïque  ;  aussi  corrigea-t-il  une  autre  phrase  erronée  de  1806  ^  :  «  Elle  est 
composée  de  petits  cubes  de  marbre  et  quelquefois  de  pierres  précieuses  », 
par  la  substitution  à  ce  dernier  mot  du  mot  «  factices  »  2. 

En  vérité,  la  mosaïque  des  jeux  du  cirque  subit,  comme  tant  d'autres, 
les  conséquences  d'accidents  fortuits  ou  de  méfaits  dont  les  auteurs  ne  la 
visaient  pas  spécialement.  D'abord  l'édifice  qui  la  contenait  s'écroula  ou 
fut  démoli,  et  des  blocs  de  maçonnerie  tombèrent  sur  elle  d'une  chute  lour- 
de. Puis  les  pans  de  murs  qui  l'entouraient  et  le  tas  de  pierres  qui  la  cou- 
vrait furent  exploités  pour  de  nouvelles  constructions,  si  bien  qu'à  l'époque 
où  Paul  Macors  l'exhuma,  il  n'y  avait  plus  là  «  indices  de  ruines  »  3.  Non 
seulement  nous  n'avons  aucun  motif  de  croire  que  des  barbares  ou  des 
ignorants  s'acharnèrent  jadis  contre  elle,  mais  nous  apprenons  d'Artaud 
lui-même  qu'après  les  mains  brutales  qui,  sans  parti  pris  de  la  détruire, 
n'eurent  néanmoins  aucun  égard  pour  elle,  vinrent  des  mains  pieuses  qui 
la  protégèrent  :  «  Nous  avons  remarqué,  dit-il,  qu'elle  avait  été  recouverte 
avec  intention  de  la  conserver.  On  a  trouvé  à  sa  surface  une  légère  couche  de 
gravier  rougeâtre...  et,  par  dessus,  un  rang  de  tuiles  romaines  à  rebords  j;  4. 


i.p.  2. 
2. p.  41. 

3.  1806,  p.  I  ;  1835,  p.  41 

4.  Ibid. 


—  53 


II 


mosaïque  cassaire 

(Lutte  de  l'Amour  et  de   Pan) 

Bibliographie.  —  Ajouter  seulement  à  la  bibliographie  du  chapitre  I  : 
Archives  municipales  de  Lyon,  série  M^^  Palais  des  Arts,  travaux  ;  an  III 
—  1820  =  Arch.  mun.,  M^f  ;  et,  pour  le  surplus,  voir  les  notes. 

I 

I .  Spon  est  le  premier  témoin  qui  parle  de  cette  mosaïque,  à  laquelle,  peu 
d'années  après  la  découverte,  il  consacra  deux  notices  presque  identiques, 
l'une  en  français  dans  ses  Recherches  curieuses  d'antiquités  S  l'autre  en  latin 
dans  ses  Miscellanea  eruditae  antiquitatis  2.  La  principale  différence  entre  les 
deux  porte  sur  la  date  de  l'exhumation  :  1676,  selon  le  texte  français, 
1670,  selon  le  texte  latin  ;  elle  résulte  sans  doute  d'une  faute  d'impression 
dans  celui-ci.  Depuis  lors  jusqu'à  nos  jours,  les  auteurs  ont  donné,  d'après 
lui,  tantôt  l'une,  tantôt  l'autre  de  ces  dates  3.  Car  Spon  est  notre  source 
unique  pour  le  temps,  pour  le  lieu  et  les  circonstances  de  la  découverte.  Il 
indique  le  lieu  un  peu  trop  vaguement,  «  dans  la  vigne  de  M.  Cassaire  4^ 
pharmacien  de  Lyon  »,  —  «  ad  collem  Divi  Justi  »,  ce  que  Colonia  5  traduira  : 


1.  Lyon,  1683,  p.  39  et  suiv. 

2.  Lyon,  1685,  p.  15. 

3.  1676  :  Colonia,  Millin,  Steyert,  ouv.  cités  plus  bas;  Cochard,  Indicateur  de  1810,  Curiosités,  p.  12, 
Description  historique  de  Lyon,  p.  298,  le  Guide  du  voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon,  p.  1 19  ;  Artaud,  Inventaire 
de  1833,  p.  32;  1670:  Montfaucon,  Comarmond,  Bazin,  Blanchet,  ouv.  cités  plus  bas  ;  Artaud,  1835; 
Catalogue  sommaire  des  Musées  de  Lyon,  pass.  cité  plus  bas. 

4.  Cochard,  Description,  p.  298,  et  Guide,  p.  119,  l'appelle  Vital  Cassaire  ;  de  même  Artaud,  Inventaire 
de  1833,  p.  32.  Vital  Cassaire  participe,  en  qualité  d'ancien  juré  de  la  communauté  des  «  maistres  apoticaires  » 
de  Lyon,  à  un  acte  du  18  juin  1682  (Arch.  mun.,  série  HH,  Arts  et  Métiers  :  Apothicaires).  Il  figure  dans  la 
liste  des  «  maistres  apoticaires  »  de  Lyon  en  1660,  annexée  aux  Statuts  et  règlemens  des  marchands  et  maistres 
apoticaires  de  la  ville  de  Lyon,  Lyon,  1700,  p.  30  ;  mais  il  ne  figure  plus  dans  la  même  liste  pour  1697  (ihid., 
p.  31). 

5.  Histoire  littéraire  de  la  Ville  de  Lyon,  1728,  l,  p.  237  et  suiv.  ;  Antiquités  de  la  Ville  de  Lyon,  1733, 
II,  p.  394  et  suiv.  Colonia  n'est  que  l'écho  de  Spon.  De  même  Furietti,  De  Masivis,  1752,  p.  59- 


—  54  — 
«  au  pié  de  la  montagne  de  Fourvière  ».  Mais,  facilement,  d'autres  ont  pu 
le  préciser.  Artaud  ^  situe  la  maison  de  M.  Cassaire  «  au  milieu  de  la  montée 
du  Gourguillon  »  ;  Comarmond^,  «  dans  le  haut  du  Gourguillon,  à  gauche 
en  montant  et  au-dessus  de  la  montée  des  Épies  ».  Steyert^  identifie  la  vigne 
Cassaire  avec  le  clos  Vendôme,  montée  du  Gourguillon.  Enfin  l'acte  de 
vente  conservé  aux  archives  municipales  4  constate  que  la  mosaïque  se 
trouvait  «  dans  la  maison  dite  de  Vendôme,  montée  du  Gourguillon,  n"  33  »  5. 
Des  ouvriers  remuant  la  terre,  continue  Spon,  découvrirent  là,  à  cinq 
ou  six  pieds  de  profondeur,  un  pan  de  muraille  revêtu  ^  et  un  pavé  tout 
orné  de  mosaïque.  Dans  leur  travail  ils  rompirent  et  gâtèrent  le  revêtement 
mural,  mais  le  pavé  resta  entier,  long  d'environ  20  pieds  et  large  de  10.  Le 
propriétaire,  pour  le  conserver  et  le  montrer  aux  curieux,  le  fit  recouvrir 
d'une  voûte  7. 

Il  était  toujours  en  place  sous  la  même  voûte  au  commencement  du 
xix^  siècle,  mais  non  pas  en  sûreté.  «  Ce  local,  explique  Artaud  s,  après 
avoir  servi  de  loge  à  des  francs-maçons,  fut  destiné  à  l'usage  d'un  cellier. 
Nous  l'avons  vu  plusieurs  fois  inondé  de  vin  dans  les  parties  les  plus  basses, 
ce  qui  n'a  pas  peu  contribué  à  le  dégrader  ;  d'autre  part,  une  demoiselle 
Mine,  qui  avait  ensuite  acquis  cette  maison,  persuadée  que  le  sol...  renfer- 
mait quelque  trésor,  cherchait  de  temps  en  temps  à  l'interroger  avec  une 


1 .  1835,  p.  60.  —  Bazin,  Vienne  et  Lyon  gallo-romains,  p.  380  :  «  A  Fourvière,  dans  le  haut  de  la  montée 
du  Gourguillon  >-  ;  Ad.  Blanchet,  Inventaire  des  mosaïques,  II,  n°  709  :  «  Montée  du  Gourguillon,  à  la  maison 
Cassaire  ;  Catalogue  sommaire  des  Musées  de  Lyon,  1887,  p.  133,  n°  10  =  1899,  p.  206,  a9  12  :  «  Dans  le  haut 
de  la  montée  du  Gourguillon  ». 

2.  Comarmond,  Description...,  p.  690. 

3.  Nouvelle  histoire  de  Lyon,  I,  262.  Déjà  Cochard,  Indicateur  de  1810,  Curiosités,  p.  12  :  «  A  la  descente 
du  Gourguillon,  dans  les  jardins  de  la  maison  de  Vendôme  >  ;  cf.  Description,  p.  298. 

4.  R'a,  6  décembre  1819. 

5.  Aujourd'hui,  n°  39. 

6.  Artaud,  1835,  p.  60,  fait  sans  doute  allusion  à  ce  revêtement  mural  signalé  par  Spon  :  «  La  mosaïque 
dont  il  est  ici  question  semble  d'autant  mieux  avoir  appartenu  à  une  salle  de  bains,  que  les  parois  des  murs 
qui  restaient  étaient  également  incrustées  de  cubes  de  mosaïques...  ».  Cf.  Allmer  et  Dissard,  Musée  de  Lyon, 
II,  307  :  «  De  cette  salle  de  bains  provient  la...  mosaïque...  qui  représente  une  lutte  entre  Éros  et  un  Satyre  ». 

7.  Toujours  d'après  Spon.  Cf.  Cochard,  Description.. .,  p.  298  :  «  Vital  Cassaire...  fit  jeter  une  voûte  sur 
cette  mosaïque  - .  —  Par  acte  du  20  avril  1768,  la  Dlle  Lavetizon,  héritière  indirecte  de  Cassaire,  vend  plu- 
sieurs immeubles  en  un  seul  tènement,  dans  l'angle  de  la  montée  des  Épies  et  du  Gourguillon,  entre  autres  la 
«  maison  appellée  de  Vendosme  »  qui  a  parmi  ses  dépendances  «  une  cave  pavée  en  mosaïque,  ouvrage  des 
Romains  ■  (Arch.  dép.  du  Rhône,  fonds  Saint- Jean,  armoire  Adam,  vol.  10,  pièce  17). 

8.  1835,  p.  60. 


—  55  — 
sonde  ».  Millin  ^3  qui  vit  la  mosaïque  en  1804,  dans  «  la  maison  Cassaire 
qui  appartient  aujourd'hui  à  M.  Mine  »,  écrit  :  «  La  chambre  où  est  cette 
mosaïque  est  ordinairement  embarrassée  par  des  tonneaux  qui  la  dégra- 
dent. Il  faut  espérer  que  le  préfet  du  département  obtiendra  la  permission 
de  Tenlever  pour  la  placer  au  Musée  ».  Effectivement,  le  conseiller  de 
préfecture  faisant  fonction  de  préfet  mandait,  le  4  vendémiaire  an  XIV 
(26  septembre  1805),  à  M.  de  Fay-Sathonay,  maire  de  Lyon  2  :  «  Il  existe 
chez  les  demoiselles  Minet,  à  la  montée  du  Gourguillon,  une  pièce  de 
mosaïque  qu'on  m'assure  être  un  monument  curieux.  Il  paraît  que  cet 
ouvrage...  qui  représente  des  figures  et  même  des  tableaux,  pourrait  être 
placé  avec  avantage  soit  au  musée  de  cette  ville  soit  dans  quelque  autre 
établissement  public...  Je  vous  donne  cet  avis.  Monsieur,  afin  que  vous  en 
tiriez  le  parti  que  réclament  l'intérêt  des  arts  et  le  bien  de  la  ville  ».  Pour  des 
motifs  que  nous  ignorons,  la  démarche  n'eut  aucun  résultat.  Les  Petites 
Affiches  du  4  juin  1808  3  contiennent  une  offre  de  vente  qui  se  rapporte 
certainement  au  clos  Vendôme  et  à  sa  mosaïque  :  «  Maison  rue  des  Farges, 
au  dessus  du  Gourguillon,  n^  128,  avec  cour,  mosaïque,  parterre,  terrasses, 
tonnelles,  jardin,  verger,  pavillon...  ».  Cette  annonce  fait  commencer  4  la  rue 
des  Farges,  qui  prolonge  le  Gourguillon,  un  peu  plus  bas  qu'aujourd'hui. 
C'est  également  au  n^  128  de  la  rue  des  «  Farches  »  que  Millin  a  vu  notre 
mosaïque  5.  Cochard,  dans  V Indicateur  de  1808  et  dans  sa  Description  de 
1817  ^,  la  signale  toujours  en  place. 

2.  Plus  efficace  que  la  démarche  préfectorale  fut,  heureusement,  l'in- 
tervention d'Artaud  en  18 19.  «  Affligé,  dit-il  7,  devoir  une  mutilation  sem- 
blable, nous  engageâmes  M.  le  baron  Rambaud,  maire  de  Lyon,  à  la  faire 


1.  Voyage  dans  les  départemens  du  Midi  de  la  France,  1807, 1,  p.  466.  Millin  arrive  à  Lyon  le  10  mai  1804 
(ibid.,  p.  410  et  suiv.). 

2.  Arch.  mun.,  R-a. 

3.  P.  2. 

4.  A  tort  ;  d'après  les  recensements  annuels  (Arch.  mun.,séTieF\  années  1808  à  1811,  Ouest,  t.  2,  5® 
section),  le  n"  128  appartenait  à  la  montée  du  Gourguillon.  Les  maisons  étaient  alors  numérotées  par  section 
ou  quartier. 

5.  Pass.  cité.  Exactement  :  «...  dans  la  vigne  de  la  maison  Cassaire...  Elle  est  située  rue  des  Farches,  au 
Gourguillon,  n°  Y  128  ».  J'ignore  ce  que  signifie  cet  Y. 

6.  Pass.  cités. 

7.  1835,  p.  60. 


—  56  — 
acheter  par  la  ville  ».  Le  traité  S  signé  le  6  décembre  1 8 19  et  approuvé  par  le 
préfet  le  13  janvier  1820,  confirme  le  prix  de  vente  indiqué  par  Artaud, 
3.000  francs,  prévoit  que  l'enlèvement  aura  lieu  dans  les  six  mois  et  nous 
apprend  que  le  propriétaire  était  alors  Million  André,  marchand  chapeHer, 
rue  Sirène,  i,  à  Lyon  ~.  Le  succès  tout  récent  des  opérations  concernant  la 
mosaïque  des  Jeux  du  cirque  n'avait  pas  seulement  fait  naître  chez  Artaud 
une  passion  durable,  une  prédilection  peut-être  excessive,  pour  ce  genre  de 
monuments  antiques  ;  il  lui  avait  donné  en  cette  matière  une  grande  auto- 
rité, et  il  avait  impressionné  de  la  façon  la  plus  favorable  l'opinion  lyon- 
naise 3.  Aussi,  tandis  que  l'administration  préfectorale  avait  dû  imposer 
l'achat  de  la  première  mosaïque  au  conseil  municipal  de  18 13,  celui  de 
1820,  dans  sa  séance  du  4  janvier,  émit  d'emblée  le  vœu  qu'une  somme  de 
10.000  francs,  laquelle  d'ailleurs,  nous  le  verrons  bientôt,  se  trouva  fort 
insuffisante,  fût  affectée  à  l'acquisition,  à  l'enlèvement,  à  la  restauration  et  à 
la  repose  de  la  mosaïque  du  Gourguillon.  Bien  entendu,  la  préfecture  se- 
conda de  son  mieux  ce  bon  vouloir.  Le  préfet  était  alors  le  comte  de  Lezay- 
Marnesia,  «  adorateur  des  beaux-arts  »,  au  témoignage  d'Artaud,  et  qui  ne 
cessait  «  d'enrichir  leur  temple  »  4. 

L'enlèvement  se  fit  cette  fois  dans  le  délai  prévu,  ou  peu  s'en  faut  5, 
grâce  à  l'expérience  acquise.  Le  dossier  des  archives  contient  un  état  esti- 
matif, dressé  par  la  mairie,  des  plaques  de  marbre  nécessaires  à  l'ablation 
(27  avril  1820)  ;  une  soumission  sur  laquelle  Bernard  et  Jamey  sont  déclarés 
adjudicataires  de  cette  fourniture  au  prix  de  1.365  francs  63,  au  lieu  de 
1.500,  prix  prévu  (18  mai);  un  mémoire  des  journées  des  mêmes  pour  le 
déplacement  et  le  transport,  soit  1708  francs  (22  août)  ;  deux  comptes  sans 
date  de  l'entrepreneur  Janicot  pour  l'enlèvement,  2038  fr.  69  et  227  fr.  13. 


1.  Arch.  mun.,  R-a.  Toutes  les  pièces  d'archives  citées  plus  bas  sont  de  la  même  série,  sauf  avis  contraire. 

2.  Ce  nouveau  propriétaire  apparaît  pour  la  première  fois  dans  le  recensement  annuel  de  1811  (Arch. 
mun.,  F').  Il  avait  acheté  de  la  veuve  Vert  qui  figure  aux  recensements  de  1810,  1809,  1808.  Ici  la  série  de 
ces  documents  s'interrompt. 

3.  Artaud,  ihid.  :  «  On  fut  d'autant  plus  encouragé  à  cet  achat  que  M.  Belloni  venait  de  déplacer  et  de 
réparer  d'une  façon  merveilleuse  la  mosaïque  des  jeux  du  cirque  % 

4.  Artaud,  note  manuscrite  de  1821,  déjà  citée  à  propos  de  la  mosaïque  Macors. 

5.  Dans  son  inventaire  de  1833,  p.  32,  Artaud  dit  faussement  :  «  Déplacée  en  1822  ».  C'est  "  replacée  » 
qu'il  aurait  dû  dire.  La  même  erreur  est  déjà  dans  Cochard,  le  Guide  du  Voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon, 
1826, p. 119. 


—  57  — 

Mais  Comarmond  se  trompe,  et  se  trompe  doublement,  lorsqu'il  affirme  ^ 
que  cette  mosaïque  fut  «  restaurée  par  des  marbriers  lyonnais,  sous  l'ins- 
pection de  M.  Belloni,  qui  avait  restauré  les  deux  premières  ».  D'abord, 
elle  fut  restaurée  à  Paris  par  Belloni,  la  notice  d'Artaud  pouvait  le  lui 
apprendre  2  ;  puis,  Belloni  avait  jusque-là  restauré  pour  le  musée  de  Lyon 
une  seule  mosaïque,  celle  des  Jeux  du  cirque  ;  car  la  seconde  qui  entra  au 
palais  Saint-Pierre,  achetée  après  celle  du  Gourguillon,  mais  reposée  avant, 
fut,  nous  le  verrons,  restaurée  par  les  marbriers  lyonnais,  non  «  sous  l'ins- 
pection )),  mais  selon  les  procédés  et  les  leçons  de  Belloni.  C'était  la  mosaï- 
que Michoud,  de  Sainte-Colombe,  qui  ressemble  à  la  mosaïque  Cassaire 
par  le  sujet  du  tableau  central.  D'où  la  méprise  de  Comarmond. 

Au  début  d'août  1820,  Belloni  informe  le  maire  qu'il  se  charge  «  de 
prendre  soin  de  la  restauration  ».  Mais,  avant  de  fixer  un  prix,  il  voudrait 
examiner  si  l'opération  de  l'enlèvement,  à  laquelle  il  n'a  point  présidé  cette 
fois,  a  été  faite  avec  toute  la  précision  nécessaire.  Il  connaît  la  mosaïque, 
non  seulement  par  la  gravure  d'Artaud  3,  mais  aussi  par  l'original,  et  il  se 
souvient  que  la  conservation  de  celui-ci  est  beaucoup  moins  bonne  que  ne 
le  laisserait  croire  celle-là.  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  ce  passage  très 
intéressant  de  sa  lettre.  Le  10  août,  Artaud  avise  le  maire  que  la  mosaïque 
est  toute  prête  à  être  «  encaissée  »  en  vue  de  son  expédition  à  Paris.  Bernard 
et  Jamey  présentent  le  4  septembre  une  facture  de  85  francs,  réduite  par 
l'architecte  Flacheron  à  79  fr.  05,  pour  la  mise  en  caisses.  Le  transport  à 
Paris  de  ces  24  caisses,  par  Dupré  et  Lambert,  coûte  492  fr.  99.  Belloni, 
ayant  pu  examiner  la  mosaïque,  s'engage  à  la  restaurer  dans  ses  ateliers  et  à 
venir  présider  au  placement  pour  5.000  francs,  frais  de  voyage  et  de  séjour 
compris.  Le  baron  Rambaud  signe  le  traité  à  Lyon  le  24  janvier  1821, 
Belloni  à  Paris  le  i^r  février  4.  Plusieurs  mois  se  passent.  Enfin,  le  15  no- 
vembre, Belloni  annonce  au  maire  que  la  mosaïque,  restaurée  en  58  mor- 
ceaux et  emballée  dans  27  caisses,  a  été  chargée  sur  la  voiture  qui  doit  la 


1 .  Description..,,  p.  690. 

2.  1835,  P-  60  :  «  Comme  cette  première  (la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque),  elle  fut  envoyée  à  Paris  dans 
1  es  ateliers  de  cet  habile  artiste  (Belloni)  «. 

3-  Fig-  5- 

4.  Bernard  et  Jamey  envoient  à  Belloni  des  marbres  pour  la  restauration  (47  fr.  40;  mémoire  du  ai  mars 
1821). 


—  58  — 

transporter  à  Lyon  '.  Il  prie  qu'on  le  prévienne  quand  tout  sera  prêt  pour  la 
repose.  Le  2  décembre,  il  écrit  qu'il  ne  pourra  venir  avant  le  15  janvier  1822 
et  demande  que  les  travaux  de  pose  soient  commencés  en  attendant.  Ces 
travaux  furent  non  seulement  commencés,  mais  achevés  en  son  absence.  Le 
10  janvier,  Artaud  lui  faisait  savoir  que  la  mosaïque,  parfaitement  restau- 
rée, était  arrivée  à  Lyon,  que  l'assemblage  des  58  morceaux  avait  été  facile 
et  qu'il  allait  la  faire  poser  selon  ses  indications.  Des  lettres  ultérieures 
d'Artaud  2  l'informèrent  que  tout  marchait  bien  et  que  sa  présence  n'était 
pas  nécessaire.  La  repose  fut  exécutée  par  Bernard  et  Jamey  au  prix  de 
3.400  francs  3.  Le  29  mai  1822,  Belloni  demande  le  paiement  de  la  somme 
convenue,  et  le  3  juin  Artaud  certifie  que  la  mosaïque  a  été  parfaitement 
restaurée.  Le  dossier  renferme  deux  autres  pièces  relatives  à  la  repose,  une 
note  de  1750  francs,  réduite  à  1.625,  pour  la  balustrade  par  Benoît  (14  juin 
1823),  et  une  note  de  71  fr.  05  pour  la  main-courante  en  bois  de  noyer  par 
Godiot(2mai  1824)4. 

Le  règlement  de  comptes  avec  Belloni  donna  heu  cette  fois  à  un  mar- 
chandage long  et  fâcheux  5.  Le  baron  Rambaud  prétendit  lui  imposer  une 
réduction  de  1.500,  puis  seulement  de  i.ooo  francs,  sur  le  prix  convenu, 
parce  qu'il  s'était  affranchi  de  la  clause  qui  l'obHgeait  à  présider  en  per- 
sonne au  placement.  Belloni  alléguait  qu'en  fait  la  perfection  de  son  travail 
avait  rendu  sa  présence  inutile,  ce  qui  était  vrai  ;  qu'en  droit  il  s'était  cru 
dispensé  de  venir,  puisque  le  directeur  du  musée  lui  avait  répondu  à  plu- 
sieurs reprises,  quand  il  offrait  de  le  faire,  que  sa  présence  n'était  pas  néces- 
saire; ce  que  Rambaud  ne  contestait  pas  non  plus,  mais  refusait  de  tenir 
pour  une  excuse  légitime,  Artaud,  qui  avait  écrit  sans  l'ordre  du  maire, 
n'ayant  pas  eu  qualité  pour  délier  Belloni  de  son  obligation  et  ne  l'ayant 
d'ailleurs  pas  formellement  déUé.  A  vrai  dire,  le  caractère  administratif  des 


1.  La  facture  du  transport  au  retour  n'est  pas  dans  le  dossier  des  archives. 

2.  Visées  dans  une  lettre  de  Belloni  au  maire  (13  juin  1822). 

3.  D'après  le  bordereau  récapitulatif  des  sommes  votées  et  dépensées  pour  cette  mosaïque.  Les  mar- 
briers en  question  avaient  présenté  deux  devis  estimatifs,  l'un  de  3.614  fr.  10,  l'autre  de  3.751  fr.  50,  tous 
deux  sans  date. 

4.  Ces  deux  pièces  sont  dans  une  autre  série  des  Arch.  mun.  :  M'f. 

5.  R'a;  lettres  de  Belloni  au  maire,  13  juin,  26  juin,  11  septembre  1822  ;  14  janvier,  21  janvier  i823" 
cttrcs  (minutes)  du  maire  à  Belloni,  6  juin,  19  juin  1822,  et  sans  date  en  réponse  à  celle  de  Belloni  du 
II  septembre  1822. 


—  59  — 
lettres  d'Artaud,  la  valeur  officielle  des  communications  faites  par  lui  à 
Belloni  n'étaient  guère  niables  ;  mais  le  mosaïste,  qui  manifestement  n'était 
point  désireux  de  venir,  avait  forcé  volontiers  le  sens  de  ces  communica- 
tions pour  y  trouver  une  dispense  formelle.  Restait  en  outre  contre  lui  qu'il 
avait  économisé  les  frais  du  voyage  et  du  séjour.  Sans  doute,  arguait-il, 
mais  il  avait  appris  à  la  ville  de  Lyon  son  secret,  le  mécanisme  pour  enlever 
les  mosaïques  les  plus  compliquées,  la  méthode  pour  les  replacer,  si  bien 
que  la  ville  avait  déjà  pu,  sans  son  intervention,  en  faire  enlever  et  replacer 
une  —  la  mosaïque  Michoud,  évidemment  —  ;  et  cela  valait  bien  les  4  ou 
500  francs  économisés.  Néanmoins,  pour  prouver  son  désintéressement  et 
non  par  crainte  d'une  décision  de  l'autorité  compétente,  il  consentait  à 
subir  ce  minimum  de  réduction.  Le  bordereau  récapitulatif  nous  apprend 
que  cette  offre  fut  acceptée.  Belloni  reçut  4.500  francs  au  lieu  de  5.000.  Il 
remboursait  ainsi  la  gratification  qu'il  avait  touchée  pour  la  mosaïque  des 
Jeux  du  cirque. 

3.  D'après  ce  bordereau,  le  total  des  crédits  votés  pour  la  mosaïque 
Cassaire  fut  de  20.500  francs,  dont  10.000  au  budget  de  1820  et  10.500  au 
budget  de  1823  ;  le  total  des  dépenses  fut  de  19.414  fr.  40,  comprenant, 
avec  des  variantes,  celles  que  nous  avons  énumérées  et  quelques  autres 
moindres. 

La  mosaïque  avait  pris  place  «  dans  la  grande  salle  des  tableaux  », 
«  dans  la  grande  salle  du  musée  »,  disent  respectivement  avec  imprécision 
Artaud  et  Comarmond.  Elle  y  venait  après  la  mosaïque  Michoud,  posée 
quelque  temps  auparavant  dans  la  partie  de  cette  salle  qui  communiquait 
par  trois  arceaux  ^  avec  la  salle  de  la  Momie  où  se  trouvait  alors  la  mosaïque 
des  Jeux  du  cirque.  Elle  n'a  jamais  été  délogée  de  son  emplacement,  non 
plus  que  sa  voisine  à  l'occident,  la  mosaïque  d'Orphée.  On  la  voit  donc 
aujourd'hui  dans  la  deuxième  section  de  la  galerie  des  peintres  lyonnais, 
lorsqu'on  y  accède  par  le  grand  escalier  oriental,  le  nom  et  l'aménagement 
des  lieux  ayant  changé  depuis  son  entrée  au  Musée.  Artaud  avait  un  mo- 
ment destiné  la  place  qu'elle  occupe  à  la  mosaïque  de  Méléagre  et  Atalante.^ 
qui  en  définitive  ne  fut  point  acquise  2. 

1.  Voir  Eugène  Vial,  dans  les  Musées  de  Lyon  en  1906,  p,  14. 

2.  Note  manuscrite  de  1821,  déjà  citée. 


-  60   - 

II 

I.  Je  vais  d'abord  décrire  la  mosaïque  Cassaire  telle  que  nous  la 
voyons  après  la  restauration  de  Belloni.  C'est  un  rectangle  très  allongé,  qui 
mesure  8  m.  57  et  4  m.  07  ^  Le  décor,  polychrome  sur  champ  blanc,  com- 
prend, au  centre,  un  petit  tableau  à  personnages,  au  pourtour,  un  vaste 
encadrement  ornemental  qui  se  divise  en  une  bordure  et  un  système  de 
panneaux  carrés.  L'élément  principal  de  la  bordure  est  un  rinceau,  plus 
large  sur  les  deux  petits  côtés  au  milieu  desquels  il  rejoint  deux  motifs 
pareils  de  végétaux  stylisés,  tandis  qu'au  milieu  des  grands  il  sort  de  deux 
vases  pareils.  Le  long  des  grands  côtés,  ses  lobes  sont  garnis  alternative- 
ment d'une  fleur  à  quatre  pétales  et  d'une  feuille  cordiforme  qui  garnit 
aussi  les  lobes  extrêmes  des  petits  côtés,  dont  les  quatre  autres  lobes  présen- 
tent symétriquement  soit  une  feuille  en  forme  de  pelte  terminée  par  deux 
volutes,  soit  un  fruit  en  forme  de  boule  écartelée  par  deux  diamètres.  Le 
rinceau  court  entre  deux  filets  noirs  d'une  seule  pierre,  au  dehors,  et  trois 
filets  noirs,  au  dedans,  le  premier  et  le  troisième  d'une  seule  pierre,  le  se- 
cond de  deux  pierres.  Le  reste  de  la  surface,  hormis  le  tableau  central,  est 
quadrillé  par  une  tresse  qui  délimite  dix  rangées  transversales  et  quatre 
rangées  longitudinales  de  caissons,  soit  trente-six  caissons,  le  tableau  central 
occupant  la  place  de  quatre.  Tous  ces  panneaux  carrés  ont  pour  cadre 
intérieur  un  double  filet  noir  d'une  pierre  et  pour  ornement  une  rosace. 
Huit  rosaces,  presque  toutes  avec  des  différences  de  coloris,  apparaissent 
deux  fois,  trois  apparaissent  trois  fois,  mais  sans  symétrie  de  places  ni 
régularité  d'intervalles.  Pour  les  désigner  plus  commodément,  je  numé- 
roterai en  chiffres  romains  les  rangées  longitudinales  de  gauche  à  droite,  en 
chiffres  arabes  les  rangées  transversales  de  haut  en  bas.  Les  rosaces  à  double 
exemplaire  sont  :  I,  i=IV,  7  ;  I,  6=111,  8  ;  1,7=111,  7  ;  I,  8=11,2  ;  II,  1  = 
IV,  2  ;  II,  7=111,  4  ;  II,  9=111, 10  ;  II,  io=IV,  6  ;  les  rosaces  à  triple  exem- 
plaire :  1, 10=111,  3=IV,  I  ;  III,  i=IV,  4=IV,  9  ;  III,  3=111,  9=IV,  10. 


I.  Artaud  n'a  pas  mesuré  la  mosaïque  ;  il  répète,  sans  les  donner  comme  approximatives,  les  mesures  de 
Spon,  20  pieds  par  lo  (1835,  p.  60).  Comarmond,  Description...,  p.  690,  et,  d'après  lui,  Bazin,  le  Catalogue 
sommaire,  l'Inventaire  des  mosaïques,  pass.  cités,  donnent  8  m.  57X4  m.  12. 


—  61  — 

Le  cadre  intérieur  du  tableau  central  est  aussi  un  double  filet  noir  ;  un 
troisième  filet  pareil  existe  à  la  base,  avec  deux  brefs  retours  verticaux.  Les 
figures  sont  posées  sur  un  terrain  inégal.  Au  premier  plan,  à  notre  gauche, 
un  enfant  nu,  ailé,  l'Amour,  se  présente  la  poitrine  et  le  visage  de  trois 
quarts,  le  pied  gauche  en  avant,  les  deux  bras  étendus  vers  la  taille  de  son 
adversaire  ;  à  droite.  Pan,  barbu,  cornu,  capripède,  le  dos  de  trois  quarts,  le 
visage  de  profil,  le  pied  gauche  en  avant,  la  main  gauche  ramenée  sur  les 
reins  et  attachée  par  un  lien  qui  fait  le  tour  de  son  corps,  atteint  de  sa  main 
droite  l'épaule  de  l'enfant.  Au  deuxième  plan,  un  peu  à  gauche  de  l'Amour, 
se  dresse  un  hermès,  le  front  ceint  d'une  bandelette  dont  les  bouts  retom- 
bent sur  sa  poitrine  ;  un  peu  à  droite  de  Pan,  Silène,  vu  de  face,  la  tête 
couronnée  de  feuillage,  pampre  ou  Herre,  la  barbe  grise,  le  torse  nu,  les 
jambes  drapées  dans  un  manteau  que  supporte  son  bras  gauche,  tient  dans 
sa  main  gauche  une  palme  et  du  bras  droit,  étendu  horizontalement  au-des- 
sus de  Pan,  fait  un  geste  d'exhortation.  Le  haut  du  tableau,  dans  son  miheu, 
est  décoré  d'un  demi-médaillon  circulaire  contigu  au  cadre,  renfermant  une 
face  de  bélier,  et  d'où  pendent,  flottants,  les  deux  bouts  d'une  bandelette. 

2.  Dans  quelle  mesure  cette  mosaïque  a-t-elle  été  restaurée?  Des 
textes  et  des  images  vont  nous  l'apprendre.  Examinons  d'abord  la  planche 
V  d'Artaud  S  dessinée  en  1 815,  lorsque  le  pavement  était  encore  à  sa  place 
primitive.  Avant  cette  planche,  qui  est  une  image  d'ensemble,  il  n'existait 
qu'une  reproduction  partielle,  la  gravure  de  Spon  2,  représentant  avec  une 
exactitude  approximative  le  tableau  central  intact,  et  plusieurs  répliques  de 
cette  gravure,  l'une  3  fidèle  au  point  d'avoir  gardé  les  inscriptions  ajoutées 
par  Spon  sur  le  cadre,  en  haut  la  légende  Musivum  antiquum  Lugduni  apud 
D.  Cassaire,  en  bas  les  noms  qu'il  attribuait  aux  personnages,  Herma, 
Genius,  Satyrus,  Silvanus  ;  les  autres  4  sans  ces  inscriptions.  La  planche 
d'Artaud  5  nous  montre,  elle  aussi,  le  tableau  central  intact,  de  même 


i.Fig.5. 

2.  Recherches...,  p.  27  ;  Miscellanea...,  p.  15  et  38. 

3.  Colonia,  Histoire  littéraire...,!,  p.  2^(j. 

4.  Montfaucon,  l'Antiquité  expliquée,  2°  éd.,  Paris,  1722  ;  I,  2p  partie,  pi.  CLXXVII,  n°  4  ;  Bergier, 
Histoire  des  grands  chemins  de  l'empire  romain,  éd.  de  Bruxelles,  1736,  I,  p.  191  ;  Ciampini,  Opéra,  Rome, 
1747, 1,  pi.  XXX,  fig.  2  ;  cf.  p.  81,  col.  I. 

5.  Reproduite  partiellement  en  noir  dans  Steyert,  ouv.  et  pass.  cités  (le  tableau  central,  les  caissons  qu 
le  flanquent,  une  rangée  de  caissons  au  dessus,  deux  au  dessous,  pas  de  rinceau). 


—  62  — 

toute  la  décoration  ornementale  au-dessous  de  lui  et  à  son  niveau.  En  haut 
manque  la  partie  médiane  de  la  bordure,  lacune  considérable  qu'une  brèche 
irrégulière  prolonge  parmi  les  trois  premières  Hgnes  transversales  de  cais- 
sons. Sur  les  douze  panneaux  de  cette  région,  quatre  sont  intacts,  I,  3  ; 
IV,  I  et  2  (moins  la  tresse  verticale  gauche  du  quadrillage)  ;  IV,  3  ;  —  six 
détruits  en  majeure  partie,  I,  i  et  2  ;  II,  2  et  3  ;  III,  2  et  3  ;  —  deux  entière- 
ment détruits,  II,  i  et  III,  i.  Dans  cette  image  nous  ne  trouvons  plus  aucu- 
ne rosace  à  triple  exemplaire  ;  nous  en  trouvons  dix  à  double  exemplaire  : 
I,  I  (mutilée,  mais  reconnaissable)=IV,  5  ;  I,  6=111,  8  ;  I,  7=111,  7  ;  1, 10= 
IV,  I  ;  II,  3  (mutilée)=IV,  7  ;  II,  7=111,  4  ;  II,  9=111,  10  ;  II,  io=IV,  6  ; 
III,  9= IV,  10  ;  IV,  4= IV,  9.  On  remarquera  que  deux  de  ces  identités 
n'existent  pas  dans  la  mosaïque  actuelle,  I,  i=IV,  5  ;  II,  3=IV,  7.  En 
outre,  le  caisson  II,  8  de  la  mosaïque  a  permuté  dans  l'image  avec  IV,  8. 

Comarmond  avait  vu  la  planche  d'Artaud;  mais  il  ne  prit  pas  la  peine 
de  la  revoir,  lorsqu'il  eut  à  écrire  sa  notice  ;  c'est  pourquoi  sa  définition, 
d'ailleurs  vague,  du  dommage  renverse  les  termes  de  la  réalité  ^  :  «  Le  haut 
était  bien  conservé,  mais  la  partie  centrale  du  bas  était  dégradée...  ».  Quant 
à  la  notice  d'Artaud  2,  elle  se  contente,  pour  les  manques,  de  signaler  que 
Belloni  dut  refaire  «  à  neuf  quelques  panneaux  dont  l'exécution  se  confond 
avec  celle  des  artistes  des  temps  antiques  »  ;  mais  on  y  lit,  pour  le  surplus, 
l'indication  d'un  fait  que  la  planche  ne  laisse  point  soupçonner  :  «  Il  nous  a 
paru  que  ce  pavé  avait  été  réparé  anciennement  dans  quelques  parties  avec 
peu  de  succès.  Il  appartenait  à  M.  Belloni  de  faire  disparaître  cette  mauvai- 
se restauration...  ».  S'agit-il  bien,  à  vrai  dire,  d'un  fait?  Nous  venons  de 
constater  que  deux  panneaux  de  la  mosaïque  actuelle  ne  concordaient 
point  pour  la  rosace  avec  ceux  qui  occupent  les  places  correspondantes 
dans  la  planche  ;  nous  constaterons  tout  à  l'heure  d'autres  discordances  du 
même  genre  qui  ne  se  rencontrent  que  dans  la  partie  supérieure  du  pave- 
ment, aux  abords  de  la  grande  lacune.  Cette  prétendue  mauvaise  restaura- 
tion ancienne  que  Belloni  fit  disparaître,  ne  serait-elle  pas  une  restauration 
moderne,  opérée  non  sur  le  pavement,  mais  sur  son  image  ?  Artaud  ne  pro- 


1.  Description...,  p.  690. 

2.  1835,  p. 60. 


—  63  — 

teste  pas  cette  fois  de  la  rigoureuse  exactitude  de  son  dessin  ^  ;  nous  allons 
fournir  la  preuve  qu'il  est  sérieusement  inexact  ;  nous  allons  trouver  dans 
cette  inexactitude  certaine  l'explication  vraie  des  différences.  Artaud  en  a 
imaginé  pour  le  public  une  autre  explication  qui  lui  épargnait  un  aveu  trop 
pénible  pour  son  amour-propre. 

C'est  Belloni  lui-même  qui  dénonce  l'infidélité  de  l'image.  Il  avait  vu 
la  mosaïque  Cassaire  à  la  montée  du  Gourguillon,  lors  de  ses  voyages  pour 
l'enlèvement  et  la  repose  de  la  mosaïque  Macors.  Il  se  souvient,  dit  en 
substance  sa  lettre  au  maire  plus  haut  citée  2,  que  tout  un  côté  de  la  bordure 
était  enterré  dans  le  mur,  tandis  que  la  gravure  de  M.  Artaud  montrait 
cette  bordure  entière  ;  il  se  souvient  qu'en  outre  plusieurs  lacunes  exis- 
taient dans  diverses  parties  du  pavé,  comme  dans  le  milieu  du  tableau  et 
dans  le  centre  (?)  3  de  quelques  rosaces  ;  que  la  mosaïque  dont  on  lui 
propose  la  restauration,  était  en  somme,  plus  dégradée  que  la  mosaïque 
déjà  restaurée  par  lui.  Le  témoignage  de  cette  pièce  inédite  s'accorde  si  bien 
avec  celui  d'une  seconde  image  4  du  pavement  non  restauré,  qu'il  garantit 
la  ressemblance  de  celle-ci.  C'est  un  dessin-aquarelle  anonyme  que  j'ai  en 
ma  possession,  provenant  de  la  collection  Grisard.  Le  dommage  figuré  y  est 
sensiblement  plus  grave  que  dans  la  planche  d'Artaud.  Un  trait  oblique  à 
peu  près  droit,  au-delà  duquel  le  dessinateur  n'a  pas  même  indiqué  le 
ciment  de  support  par  la  teinte  rougeâtre  dont  il  se  sert  ailleurs,  coupe  la 
mosaïque  dans  le  haut,  de  sorte  que  l'angle  gauche  et  presque  tout  le  petit 
côté  supérieur  de  la  bordure  manquent.  Ce  trait  n'est  autre  chose  que  là 
limite  de  la  maçonnerie  dans  laquelle,  d'après  Belloni,  était  enterré  tout  un 
côté  de  la  bordure.  Au-dessous,  la  surface  nue,  mais  teintée,  représente  une 
lacune  plus  large  et  plus  longue  que  la  brèche  d'Artaud.  Elle  intéresse  non 
pas  huit,  mais  douze  panneaux.  Trois,  et  non  pas  deux,  manquent  totale- 
ment :  I,  I  ;  II,  I  ;  III,  i  ;  six  sont  détruits  à  très  peu  de  chose  près  :  I,  2  ; 


1.  Mais  Cochard,  Description  historique  de  Lyon,  1817,  p.  298,  s'en  porte  garant  :  «  (M.  Artaud)  l'a  fait 
graver  avec  la  plus  grande  exactitude  »  Comp.  Indicateur  de  Lyon,  1810,  p.  12  :  «  M.  Artaud  grave  dans  ce 
moment  (cette  mosaïque)...  avec  beaucoup  de  soin  et  d'exactitude  ». 

2.  Lettre  du  début  d'août  1820  :  "  Depuis  plusieurs  années  je  connaissais  le  pavé  antique  en  mosaïques 
représentant  le  combat  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan,  qui  se  trouvait  à  Lyon  à  la  montée  du  Gourguillon...  ; 
...  quoique  j'aie  vu  cette  mosaïque  plusieurs  fois  pendant  mon  séjour  à  Lyon...  ». 

3.  Belloni  a  écrit  ceintre.  La  correction  cintre  n'aurait  pas  de  sens. 

4.  Fig.  6. 


—  64  — 

II,  2  ;  3  et  4  ;  IH?  2  et  3  ;  trois  sont  mutilés  à  gauche  :  III,  4  ;  I V,  i  et  2,  dont 
la  tresse  verticale  seule  aurait  souffert  d'après  Artaud.  La  pointe  de  la 
brèche  entame  ici  jusqu'à  la  tresse  supérieure  du  tableau  central.  En  outre, 
cinq  caissons  de  la  région  inférieure  sont  détériorés  :  II,  8  et  10  ;  III,  7  et  10  ; 
IV,  10.  L'angle  inférieur  gauche  est  écorné  jusqu'au  double  filet  du  pan- 
neau correspondant.  Dans  le  grand  côté  droit  de  la  bordure,  à  la  hauteur  de 
IV,  3,  il  y  a  un  vide  exigu.  Enfin,  dans  le  tableau  central,  deux  lacunes  ont 
emporté,  l'une  l'épaule  et  le  bras  gauche  de  Silène,  laissant  subsister  seule- 
ment en  bas  une  partie  de  la  main,  en  haut  le  sommet  de  la  palme  ;  l'autre  la 
base  de  l'hermès,  toute  la  jambe  droite  de  l'Amour,  sa  jambe  gauche  jus- 
qu'au-dessus du  genou  et  la  partie  antérieure  de  la  jambe  gauche  de  Pan 
jusqu'au  même  endroit.  Ce  sont,  en  dehors  de  la  principale,  les  brèches  que 
Belloni  se  souvenait  d'avoir  vues  dans  diverses  parties  du  pavé,  spéciale- 
ment dans  le  milieu  du  tableau.  Le  nombre  des  rosaces  à  double  exemplaire 
n'est  plus  ici  que  de  huit  :  I,  6=111,  8  ;  I,  7=111,  7  ;  I,  10= IV,  i  ;  II,  7= 
m,  4  ;  II,  9=111,  10  ;  II,  io=IV,  6  ;  III,  9=IV,  10  ;  IV,  4=IV,  9.  Les 
caissons  II,  8  et  IV,  8  n'ont  pas  échangé  leur  place. 

3.  Nous  voici  donc  en  état  de  distinguer  dans  notre  mosaïque  restaurée 
les  éléments  primitifs  et  la  restauration.  Belloni  a  refait  presque  tout  le  côté 
supérieur  de  la  bordure  d'après  le  côté  inférieur,  et  les  deux  angles  gauches 
d'après  le  seul  angle  intact,  l'inférieur  droit  ;  il  a  comblé  le  vide  du  grand 
côté  droit.  Dans  la  région  au-dessus  du  tableau,  il  a  complété  quatre  cais- 
sons et  il  en  a  refait  entièrement  ou  presque  entièrement  huit,  sans  comp- 
ter les  morceaux  manquants  de  la  tresse  du  quadrillage.  Dans  la  région 
au-dessous,  il  a  complété  cinq  caissons.  Enfin  il  a  réparé  les  deux  lacunes  du 
tableau.  De  tous  les  caissons  à  compléter,  hormis  un  seul,  la  reconstitution 
ne  risquait  pas  d'être  arbitraire,  plus  de  la  moitié  de  la  rosace  étant  connue  ; 
or,  un  quartier  eût  suffi,  les  rosaces  étant  toutes  à  huit  pièces  de  deux  sortes 
qui  alternent.  Pour  celui  qui  ne  remplissait  pas  cette  condition,  l'incertitude 
concernait  le  cœur  seulement  de  la  rosace.  Il  s'agit  de  II,  4.  Belloni  l'a 
reconstitué  en  tenant  compte  des  éléments  conservés,  au  lieu  qu'Artaud 
l'avait  refait  à  peu  près  de  fantaisie.  Il  a  négligé  de  même  toutes  les  sugges- 
tions d'Artaud  pour  la  réfection  des  panneaux  entièrement  ou  presque 
entièrement  détruits.  Elles  s'appliquaient  à  six  panneaux.  Du  caisson  I,  2, 


—  65  — 

subsistait,  d'après  le  dessin  anonyme,  à  l'angle  inférieur  gauche,  une  amorce 
de  rosace  que  nous  voyons  développée  verticalement  dans  la  planche  d'Ar- 
taud ;  la  rosace  que  Belloni  a  construite  presque  de  toutes  pièces  sur 
l'amorce  n'emprunte  rien  à  cette  addition.  Pour  le  caisson  I,  i,  Artaud 
avait  amorcé  arbitrairement  une  réplique  de  IV,  5  ;  Belloni  y  a  mis  une 
réplique  de  IV,  7.  Pour  le  caisson  II,  3,  Artaud  avait  amorcé,  non  moins 
arbitrairement,  toujours  si  l'on  s'en  réfère  au  dessin  anonyme,  une  répli- 
que de  IV,  7;  Belloni  y  a  mis  une  réplique  de  I,  io=IV,  i,  sans  tenir 
compte  d'ailleurs,  s'il  les  a  vus,  des  vestiges  insignifiants  que  présente  le 
dessin  anonyme.  Avec  une  répHque  del,  8,  il  a  comblé  la  lacune  de  II,  2  ;  avec 
une  réplique  de  III,  9= IV,  10,  la  lacune  de  III,  3  ;  avec  une  rosace  inven- 
tée de  toutes  pièces,  la  lacune  de  III,  2,  sans  tenir  compte  des  vestiges  insi- 
gnifiants, mais  différents,  indiqués  par  le  dessin  et  par  la  planche.  Restaient 
à  combler  les  lacunes  de  II,  i  et  III,  i,  les  seules  qui  soient  totales  dans  la 
planche  ;  Belloni  a  mis  dans  la  première  une  réphque  de  IV,  2,  dans  la  se- 
conde une  réplique  de  IV,  4= IV,  9.  En  somme,  des  huit  caissons  à  refaire, 
six  l'ont  été  au  moyen  d'une  répétition,  un  au  moyen  d'une  invention 
presque  totale,  un  au  moyen  d'une  invention  totale.  En  répétant  une  rosace 
et  assignant  au  nouvel  exemplaire  une  place  quelconque,  le  mosaïste  mo- 
derne n'a  pas  méconnu  l'esprit  de  la  composition  primitive  ;  mais,  selon 
toute  vraisemblance,  il  l'a  méconnu  en  répétant  une  rosace  déjà  répétée, 
en  créant  des  cas  de  triples  exemplaires.  Ce  détail  à  part,  la  restauration  n'a 
diminué  ni  la  valeur  artistique  du  monument,  les  praticiens  de  Belloni  s'étant 
montrés  les  égaux  de  leurs  confrères  gallo-romains,  ni  son  intérêt  docu- 
mentaire, telles  étant  les  lacunes  du  tableau  central  qu'elles  furent  for- 
cément réparées  sans  arbitraire  appréciable  K 

III 

I.  Pour  le  sujet  de  ce  tableau  central,  Spon  2  ne  propose  ou  n'enregistre 
pas  moins  de  trois  explications,  non  sans  avoir  prévenu  le  lecteur  qu'elles 

I.  Notre  figure  7  montre  le  tableau  central  et  ses  abords  tels  qu'ils  sont  aujourd'hui.  Ce  tableau  n'avait 
jamais  été  photographié,  à  notre  connaissance.  La  photographie  toute  récente  dont  notre  figure  est  une  repro- 
duction réduite  n'a  pu  malheureusement  atteindre,  et  tant  s'en  faut,  la  limite  de  la  mosaïque,  vu  les  condi- 
tions du  local  où  elle  est  fixée. 

3.  Recherches  curieuses,  p.  49  et  suiv.  ;  Miscellanea,  p.  41  et  suiv. 


—  66  — 

sont  toutes  conjecturales  :  «  Quelques  personnes  ont  travaillé  à  expliquer 
cet  emblème  ;  mais  ces  sortes  de  peintures  énigmatiques  sont  ordinaire- 
ment comme  des  nés  de  cire  que  l'on  peut  tourner  du  côté  que  l'on  veut.  En 
attendant  quelque  explication  plus  plausible...  ».  Rappelons  d'abord  les 
noms  qu'il  attribue  aux  figures  :  Herma  —  «  Terme  ou  Herme  »  —  ;  Genius 
—  on  croirait  que  c'est  «  un  Cupidon,  s'il  avait  quelqu'une  des  marques  de 
cette  divinité  ;  je  le  crois  plutôt  un  génie  »  —  ;  Satyrus  —  «  un  satyre  ou  le 
dieu  Pan  »  —  ;  Silvanus.  Voici  maintenant  sa  première  interprétation  :  «  Il 
semble  que  l'action  de  ce  génie  est  d'amener  ou  d'inviter  le  satyre  qui  est 
près  de  lui  à  venir  adorer  le  dieu  Mercure  ou  Hermès...  Tout  doit  céder  à 
l'éloquence  dont  Mercure  était  le  symbole  ;  elle  entraîne  les  hommes  à  elle 
malgré  eux-mêmes  ».  Quant  à  Silvain,  «  qui  était  un  dieu  des  champs  et  du 
bestail  »,  sans  doute  exhorte-t-il  le  satyre  à  suivre  l'invitation  du  génie. 
Mais  Spon  continue  :  «  On  pourrait  aussi  penser  que  les  anciens  Romains 
qui  ont  fait  ce  tableau  voulaient  marquer  par  là  le  respect  qu'on  devait  avoir 
pour  les  termes  et  les  limites  dont  Mercure  et  Silvain  étaient  les  protecteurs, 
puisque  les  satyres  eux-mêmes  étaient  contraints  d'avoir  pour  eux  de  la 
vénération  et  qu'ils  leur  venaient  rendre  hommage  les  mains  liées  ».  Spon  ne 
cache  pas  sa  préférence  pour  la  seconde  interprétation.  Cependant  la  meil- 
leure était  la  troisième,  qu'il  mentionne  dubitativement  :  «  Faut-il  penser 
avec  certains  que  le  tableau  signifie  la  toute  puissance  de  l'Amour  ?  Mais 
alors  quel  est  le  rôle  de  Mercure  ?  ». 

Menestrier  ^  rejette  ces  trois  explications  :  «  C'est  un  emblème  que 
M.  Spon  n'a  pu  démêler.  Il  représente  le  combat  de  l'amour  lascif  et  de 
l'amour  honnête.  Le  lascif  est  représenté  par  un  satyre...  L'Hermathène... 
représente  la  partie  supérieure  de  l'âme  ou  la  raison  et  l'étude  des  bonnes 
lettres,  comme  le  Silvain  figure  le  travail  corporel,  deux  moyens  de  répri- 
mer l'amour  lascif...,  n'y  ayant  rien  qui  porte  plus  aux  passions  scandaleuses 
que  l'oisiveté  ».  —  Colonia  2  n'a  pas  d'opinion  personnelle  ;  il  juxtapose 
simplement  la  première  explication  de  Spon  et  celle  de  Menestrier  :  «  Il  y  en 
a  qui  l'expliquent  de  la  force  de  l'éloquence  à  qui  tout  doit  céder  et  qui  est 


1 .  Histoire  civile  ou  consulaire  de  la  ville  de  Lyon,  1 696.  p.  38. 

2.  Histoire  littéraire...,  p.  240. 


—  67  — 

ingénieusement  représentée  par  l'Hermathène.  D'autres  croient  qu'on  a 
voulu  représenter  le  combat  de  l'amour  honnête  avec  l'amour  déréglé  ». 

Montfaucon  ^  ne  s'occupe  pas  de  trouver  un  sens  allégorique  à  la 
scène  ;  mais  il  identifie  avec  justesse  tous  les  personnages,  un  seul  excepté  : 
«  Silvain  en  forme  humaine  est  à  l'extrémité,  tenant  d'une  main  une  bran- 
che et  étendant  la  droite  vers  un  Herme  qui  est  à  l'autre  extrémité...  Entre 
l'Herme  et  le  Silvain  sont  un  Cupidon  et  le  dieu  Pan  dans  l'attitude  de  deux 
athlètes  qui  vont  lutter  ensemble  ». 

Il  y  a  une  grande  part  de  vérité,  mais  aussi  des  erreurs,  dans  l'exégèse  de 
Millin  2.  Spon,  dit-il,  n'a  pas  bien  compris  le  sujet  qui  est  très  simple.  ((  C'est 
une  espèce  de  caricature  des  exercices  gymnastiques.  On  y  voit  une  Herme 
de  Mercure,  dieu  de  la  palestre,  et  dont  les  images  décoraient  les  gymnases. 
Auprès  de  cette  Herme  sont  deux  lutteurs.  L'un  est  un  génie  ailé,  sans  doute 
Acratus  ou  Ampelus,  compagnons  assidus  de  Bacchus...  Il  lutte  contre  un 
vieux  Silvain  chévripède  et  cornu.  Auprès  est  un  homme  grave  vêtu  du 
pallium,  costume  qui  indique  suffisamment  Silène  ;  il  fait  l'office  de  gymna- 
siarque  ou  maître  des  exercices.  Il  étend  la  main  droite  pour  exciter  les 
combattants  et  tient  la  palme  qu'il  doit  présenter  au  vainqueur  ». 

Artaud  intitule  sa  notice  et  sa  planche  :  «  Combat  de  l'Amour  et  du 
dieu  Pan  >  ;  et  c'est  le  titre  donné  à  la  mosaïque  dans  toutes  les  pièces  du 
dossier  des  archives  où  on  veut  la  désigner  par  le  sujet  du  tableau  principal  3, 
en  particuHer  dans  la  lettre  de  Belloni  4  ;  d'où  il  résulte  clairement  que 
Belloni  et  Artaud  s'étaient  trouvés  d'accord  pour  définir  ce  sujet  à  l'époque 
de  l'ablation  et  de  la  repose.  Le  début  de  la  notice  5  nous  laisserait  croire 
qu'en  1835  Artaud  n'avait  pas  changé  d'opinion,  j'entends  le  titre  lui-même 
et  le  commentaire  qui  le  suit  immédiatement.  Rien  n'est  plus  fréquent, 
nous  dit  l'auteur,  que  les  monuments  antiques,  peintures  et  reUefs,  «  où  l'on 


1.  Ouv.  cité,  p.  274. 

2.  Voyage...,  I,  p.  466. 

3.  Traité  entre  le  maire  et  Million  André  (6  déc.  1819)  ;  traité  entre  le  maire  et  Belloni  (24  janvier  — 
févirer  1821)  ;  comptes  des  marbriers  Bernard  et  Jamey  ;  note  de  Belloni,  29  mai  1822  (Arch.  mun.,  R-a). 

4.  Août  1820  (ibid.). 

5.  Artaud,  1835,  p.  56  et  suiv. 


—  68  — 

voit  le  dieu  Pan  capripède  qui  combat  avec  Cupidon  »  S  et  il  cite  un  autre 
exemple  de  «  ce  sujet  allégorique  et  gymnique  tout  à  la  fois  )>,  une  fresque 
d'Herculanum,  dont  nous  aurons  à  reparler,  tableau  qui  appelle  en  effet 
une  comparaison  avec  le  nôtre.  «  Excepté  l'Hermès,  la  composition  est  la 
même  »  ;  affirmation  inexacte  ;  non  seulement  l'Hermès  est  absent,  mais 
deux  autres  personnages  sont  présents,  Bacchus  et  Ariane.  Pour  le  surplus, 
le  rapprochement  est  juste  :  «  Le  vieux  Silène  est  drapé  de  la  même  maniè- 
re ;  c'est  un  combat  entre  Pan  et  l'Amour,  dont  Silène  paraît  être  le  juge  ». 
Comment,  après  avoir  vu  la  vérité,  après  l'avoir  affirmée  de  façon  si  nette, 
Artaud  en  vient-il,  dans  la  suite  de  sa  notice  2,  à  connaître  la  perplexité  et  à 
se  décider  pour  une  interprétation  fausse?  Ayant  fait  une  enquête,  très 
superficielle  d'ailleurs,  sur  les  opinions  de  ses  devanciers,  il  n'a  pas  su  main- 
tenir la  sienne  contre  leur  autorité.  L'erreur  qui  l'a  séduit  et  qu'il  attribue  à 
Spon  est  celle  de  Menestrier  3  :  «  Spon  est  le  premier  qui  a  expliqué  la 
peinture  de  cette  mosaïque...  Il  a  cru  voir  dans  le  sujet  le  combat  de  l'amour 
divin  et  de  l'amour  profane...  Revenant  donc  à  la  première  idée  de  Spon, 
nous  aimerions  bien  voir  dans  le  sujet  de  notre  peinture  le  combat  de 
l'amour  divin  et  de  l'amour  profane,  c'est-à-dire  le  génie  du  bien  et  le  gé- 
nie du  mal  sous  les  traits  d'Éros  et  d'Antéros  ».  Lorsqu'il  s'exprimait  ainsi, 
Artaud  avait  oublié  le  nom  de  son  auteur  et  le  texte  exact  de  Menestrier 
que  sa  glose  défigure  ;  on  se  demande  même  s'il  n'avait  pas  oublié  qu'il 
parlait  de  la  mosaïque  Cassaire,  non  de  la  mosaïque  Seguin,  celle  des  Jeux 
de  la  palestre,  où  nous  verrons  en  effet  la  lutte  d'Éros  avec  un  autre  génie 
auquel  le  nom  d'Antéros  convient  certainement  mieux  qu'au  monstre 
capricorne  et  capripède  du  tableau  maintenant  en  question.  Avant  d'adop- 
ter, non  sans  l'avoir  altérée,  cette  prétendue  première  idée  de  Spon,  Artaud 
lui  en  prête  une  autre  qui  rappelle  vaguement  sa  véritable  première  idée 


1.  Comp.  Cochard,  Description  historique  de  Lyon,  p.  298  :  »...  tableau  sur  lequel  on  a  représenté  la  lutte 
de  l'Amour  avec  Pan  ;  une  divinité  faisant  les  fonctions  de  gymnasiarque  tient  d'une  main  la  palme  destinée 
au  vainqueur,  tandis  qu'elle  montre  de  l'autre  l'Hermathène  en  face  . .  De  même,  à  peu  près  textuellement. 
Guide  du  voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon,  p.  119.  Comp.  aussi  Indicateur  de  1810,  Curiosités...,  p.  12. 

2.  P.  57etsuiv. 

3.  Avec  cette  différence,  pourtant,  que  Menestrier  avait  dit:  «Combat  de  l'amour  lascif  et  de  l'amour 
honnête  .  Delandine,  qui  adoptait  la  même  opinion,  la  traduisait  plus  fidèlement  (Bulletin  de  Lyon,  1806, 
p.  74)  :  Le  tableau  ■'■  offre  l'emblème  de  l'amour  déréglé  et  de  l'amour  pudique  >.  La  définition  de  Bazin  en 
est  une  variante  assez  libre  (Vienne  et  Lyon...,  pass.  cité)  :  i;  On  a  cru  reconnaître  dans  cette  représentation, 
qui  d'ailleurs  n'est  pas  rare,  la  lutte  des  penchants  bons  et  mauvais  u 


—  69  — 

que  «  tout  doit  céder  à  l'éloquence»;  mais  bien  vaguement,  on  va  le  voir  : 
«  D'autre  part,  il  a  pensé  que  ce  combat  pouvait  avoir  trait  aux  jeux  et  aux 
disputes  d'éloquence  fondés  par  Caligula  devant  l'autel  d'Auguste.  Il  y 
reconnaît  même,  selon  les  règles  d'Aristote,  les  trois  genres  d'éloquence  et 
de  poésie  ».  Le  démonstratif  serait  représenté  par  le  satyre,  le  délibératif 
par  Silène,  le  judiciaire  par  l'Amour;  Minerve  ou  Hermathène,  déesse  de 
l'éloquence,  présiderait  le  concours.  J'ignore  à  qui  appartiennent  réellement 
ces  sottises  qu'Artaud  met  au  compte  de  Spon.  Pour  le  sien  propre,  il  pré- 
sente ensuite  comme  une  addition  une  idée  toute  différente  :  «  Notre 
archéologue  aurait  pu  ajouter  encore  que  les  jeux  inventés  par  Caligula  se 
faisaient  en  l'honneur  du  dieu  Silvain,  que,  ce  dieu  étant  présent,  le  génie 
de  l'éloquence  a  vaincu  la  nature  sous  les  traits  du  dieu  Pan  qu'on  voit 
enlacé  ^  et  l'Hermès  ou  le  dieu  de  la  palestre  serait  la  statue  qu'on  avait 
coutume  de  placer  dans  les  Ueux  du  combat...  ».  Ne  retenons  de  toute  la 
divagation  que  ce  dernier  détail  -. 

La  notice  de  Comarmond  3,  dont  la  partie  descriptive  n'est  point  mau- 
vaise, constitue  pour  l'exégèse  une  aberration  non  moins  déplorable.  Il 
commence  par  se  déclarer  très  embarrassé  ;  il  conclut,  son  explication 
donnée  :  «  Cette  scène  allégorique  est  difficile  à  interpréter  et  nous  devons 
laisser  le  lecteur  libre  de  l'expUquer  à  sa  manière.  «  Son  idée  à  lui,  la  voici. 
L'Amour  est  aux  prises  avec  un  satyre;  mais  il  s'agit  d'une  rencontre  «sen- 
timentale »  plutôt  que  d'une  lutte  ;  il  s'agit  «  de  l'expansion  d'une  passion 
que  fait  naître  Cupidon  et  qu'il  encourage  de  tous  ses  efforts».  L'Amour 
porte  ses  deux  bras  en  avant,  «  non  dans  le  geste  de  la  défense  ou  de  l'atta- 
que, mais  dans  celui  d'accorder  une  faveur  ».  Le  satyre,  son  partenaire, 
«  est  dans  une  pose  à  lui  demander  une  faveur  plutôt  qu'à  vouloir  entrer  en 
lutte  ».  Rien  ne  prouverait  que  le  personnage  debout,  à  droite,  soit  Silène  ou 


1.  Plus  loin,  p.  59,  en  expliquant  pourquoi  «  le  satyre  capripède  qui  combat  avec  l'Amour  paraît  n'avoir 
qu'une  main  libre  »,  Artaud  propose  une  nouvelle  interprétation  du  tableau,  qui  est  une  variante  de  celle-ci  : 
«  Pan  ou  la  nature,  enchaîné  et  vaincu  par  l'amour  honnête,  semblerait  le  caresser  de  la  main  qui  lui  reste 
libre,  et  le  sujet  serait  bien  rendu  par  le  vers  d'Ovide  :  Omnia  vincit  amor,  et  nos  cedamus  amori  ».  Nous 
verrons  que  ce  vers  n'est  pas  d'Ovide  et  qu'il  faut  l'appliquer  à  la  toute  puissance  de  l'amour  sans  épithète. 

2.  Mazade  d'Aveize,  Lettres  à  ma  fille  sur  mes  promenades  à  Lyon,  1810, 1,  p.  136,  affirme  que  la  mosaïque 
du  Gourguillon  «  donne  des  lumières  sur  le  culte  que  les  anciens  Celtes  rendaient  à  Mercure  et  à  Minerve, 
unis  ensemble  sous  le  nom  d'Herm-Athènes  ». 

3.  Description,..,  p.  688  et  suiv. 


—  70  — 
Silvain  ;  ce  serait  peut-être  un  bacchant  quelconque.  Pourquoi  tient-il  une 
palme  ?  Comment  son  bras,  étendu  au-dessus  du  satyre  vers  le  «  personna- 
ge de  gauche  »,  pourrait-il  faire  le  geste  d'indiquer  à  l'Amour  et  à  ce  satyre 
que  ce  personnage  est  juge  «  de  leur  différend  »,  puisqu'il  n'y  a  pas  entre  eux 
de  différend,  puisque  l'Amour  accorde  la  faveur  que  le  satyre  demande  ? 
Comarmond  a  négligé  ces  deux  difficultés.  Dans  l'herme,  non  «  coiffé  du 
pétase  ailé  »,  il  refuse  de  reconnaître  Mercure  «  plutôt  qu'une  autre  divini- 
té »,  par  exemple  le  dieu  Terme.  Puis,  à  cause  de  «  ses  mamelles  volumi- 
neuses »,  il  préfère  l'identifier  avec  Hermaphrodite.  Mais  ce  choix  n'est  pas 
définitif.  «  Ne  pourrait-on  pas  avancer  que  c'est  une  figuration  du  dieu 
Priape,  dont  les  ailes  de  l'Amour  masquent  le  bas  de  la  ceinture  et  cachent 
le  caractère  spécial  ?  ». 

L'influence  de  Comarmond,  heureusement  très  atténuée,  persiste  — 
j'ai  souligné  les  mots  qui  en  marquent  la  trace  —  dans  les  brèves  notices  du 
Catalogue  sommaire  des  Musées  et  de  VInventaire  des  Mosaïques,  où  d'ailleurs 
les  deux  adversaires  sont  bien  identifiés.  Voici  l'essentiel  de  la  première  : 
«  Mosaïque  dite  du  Combat  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan...  Cette  belle 
mosaïque  se  compose  de  trente-six  caissons...  autour  d'un  tableau  central 
représentant  la  rencontre  de  l'Amour  et  de  Pan,  en  présence  d'un  Terme  et 
de  Silvain..  »  ;  et  de  la  seconde  :  «  Au  centre,  carré  avec  lutte  de  l'Amour  et 
du  dieu  Pan  devant  un  terme  et  Silvain  ».  On  s'étonne  de  lire  encore,  dans 
l'une  et  dans  l'autre,  comme  aussi  dans  celle  de  Steyert  S  Silvain  au  lieu  de 
Silène.  La  confusion  de  ces  deux  personnages  mythologiques  n'est  plus 
permise  aujourd'hui.  Qu'il  s'agisse  en  l'espèce  de  Silène  et  non  de  Silvain, 
d'un  hermès  et  non  d'un  terme,  de  Pan  et  non  d'un  satyre,  de  l'Amour  et 
non  d'un  génie  quelconque,  l'étude  approfondie  et  comparative  -  des  nom- 
breux monuments,  fresques,  mosaïques,  bas-reliefs,  pierres  gravées,  qui 
représentent  la  même  scène,  a  supprimé  toute  incertitude  sur  ces  identifica- 


1.  Steyert,  au  surplus,  définit  très  bien  le  sujet  :  -  lutte  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan  '.Pour  l'interprétation 
symbolique,  il  s'inspire  à  la  fois  de  Spon  (troisième  hypothèse)  et  d'Artaud  (dernière  hypothèse)  :  •■  Cette 
allégorie  indique  que  l'Amour  rivalise  avec  les  forces  de  la  nature  ou  triomphe  de  tout...  >  (Ouv.  et  pass. 
cités). 

2.  Voir  O.  lahn,  Ueber  ein  romisches  Deckengemalde  des  Codex  Pighianus,  dans  Berichte...  der  K.  sàch- 
sischen  Gesellschaft  der  Wissenschaften  zu  Leipzig;  Philol.  histor.  Classe;  21,  1869,  p.  i  et  suiv.  ;  O.  Bie, 
Ringkampf  des  Pan  und  Eros,  dans  Jahrbuch  der  k.  d.  archaeol.  Instituts,  IV,  1889,  p.  129  et  suiv.  ;  Wernicke, 
dans  Roscher,  Lexikon  der  gr.  und  rom.  Mythologie,  III,  i,  col.  1456  et  suiv. 


—  71  — 

tions,  comme  sur  la  nature  propre  et  le  sens  allégorique  de  l'action  qui  met 
en  présence  les  quatre  figures  de  notre  tableau. 

2  Le  thème  du  combat  d'Éros  et  de  Pan  est  une  invention  de  la  poésie 
et  de  l'art  hellénistiques  pour  illustrer  au  moyen  d'un  exemple  concret  la 
vérité  générale  formulée  en  style  lapidaire  par  le  poète  latin  ^  :  Omnia 
vincit  amor,  rien  ne  résiste  à  l'Amour.  Les  deux  adversaires  sont  inégaux; 
l'inégalité  paraît  être  en  faveur  de  Pan,  le  plus  grand,  le  plus  robuste  ;  il 
semble  raisonnable  de  prévoir  la  défaite  de  l'Amour,  et  Pan  se  croit  telle- 
ment sûr  de  vaincre  qu'il  rend  des  points,  que,  comme  un  champion  plein 
de  force  et  d'expérience  devant  un  concurrent  faible  et  novice,  il  s'engage  à 
lutter  d'un  bras  seulement,  à  tenir  l'autre  immobile  sur  ses  reins,  ou  même 
à  se  le  laisser  attacher  2.  Mais  le  plus  petit,  le  moins  bien  doué  en  apparence, 
est  aussi  le  plus  rusé  3.  L'inégalité  réelle  est  en  sa  faveur  ;  le  dénouement 
du  combat  sera  sa  victoire  paradoxale.  On  comprend  que  cet  épisode  nou- 
veau, inséré  dans  la  légende  mythologique  par  les  poètes  4  et  les  artistes 
alexandrins  ait  eu  chez  eux  le  plus  grand  succès  et  soit  devenu  populaire 
chez  les  Romains.  Outre  qu'elle  contient  une  allégorie  très  expressive,  la 
fiction  avait  toute  la  vraisemblance  requise  en  l'espèce.  Pan,  querelleur, 
batailleur,  était  souvent  représenté  en  lutte  avec  un  bouc,  son  demi-sem- 
blable, et  baissant  comme  lui  le  front  pour  cosser  5.  Qu'un  jour  il  provoquât 
l'Amour  ou  qu'il  acceptât  le  défi  de  l'Amour,  rien  de  plus  naturel.  Enfin,  la 
mise  en  œuvre  de  l'idée  comportait  un  mélange  très  piquant  d'éléments 
fournis  les  uns  par  la  fable,  les  autres  par  la  réahté,  par  la  vie  contemporai- 
ne. C'était  un  exercice  de  la  palestre  transposé  dans  le  domaine  de  la 
mythologie.  Les  acteurs  et  les  spectateurs  de  la  scène  appartenaient  au 
monde  légendaire,  mais  le  jeu  se  faisait  selon  les  principes  de  l'école,  sous 
la  direction  d'un  gymnasiarque,  parfois  même  devant  l'effigie  du  dieu  des 


1.  Virgile,  fîuco/.,  IX,  69. 

2.  Fresque  d'Herculanum  ;    cf.  Helbig,  Campanische  Wandgemàlde,  n°  404  ;  mosaïques  Cassairc, 
Michoud  et  de  la  Déserte,  voir  plus  bas. 

3.  Coupe  d'Atalanti  (Éros  paralyse  son  adversaire  en  lui  accrochant  la  jambe  droite  et  lui  enserrant  le 
bras  droit  dans  ses  deux  mains)  ;  voir  O.  Bie,  ouv.  cité,  p.  129,  fig. 

4.  Servius,  à  Virg.,  BucoL,  II,  31  :  «Pan...  poetis  fingitur  cum  amore  luctatus  et  ab  eo  victus...  ».  De  cette 
littérature  il  ne  reste  qu'une  épigramme  grecque  au  bas  d'une  fresque  campanienne  ;  voir  O.  Bie,  p.  131. 

5.  O.  lahn,  ouv.  cité,  p.  2  et  suiv. 


—  12  — 

gymnases  K  Nous  disons  transposition,  il  serait  excessif  de  dire  caricature 
des  exercices  de  la  palestre.  Le  caractère  palestrique  devint  de  plus  en  plus 
manifeste,  semble-t-il.  La  lutte  se  passa  d'abord,  sans  doute,  en  présence 
soit  d'un  autre  Amour  et  d'un  autre  Pan  2,  soit  de  Vénus  3,  témoins  tout 
désignés  par  leur  qualité,  ceux-là  de  frères  et  compagnons  familiers  des 
lutteurs,  celle-ci  de  mère  de  l'Amour.  De  spectatrice,  Vénus  se  transforma 
en  directrice  du  combat  4  et  reçut  le  bâton,  insigne  de  l'agonothète.  Puis 
répisode  fut  transféré  dans  le  cycle  de  Bacchus,  ce  qui  n'était  pas  illogique, 
Pan  faisant  partie  de  son  cortège,  du  thiase.  Le  dieu  se  donnait  5  un  diver- 
tissement palestrique  et  en  confiait  la  direction  à  Silène  ^.  La  plupart  de 
nos  monuments  figurent  la  lutte  à  son  début  ou  dans  son  plein,  mais  on  y 
voit  aussi  d'autres  phases  de  l'aventure,  la  défaite  de  Pan,  la  punition  du 
vaincu,  la  réconciliation  des  adversaires  7.  Certains  nous  montrent  tout  ce 
qu'il  faut  de  personnages  pour  que  la  scène  soit  complète,  les  deux  lutteurs,  le 
gymnasiarque,  un  ou  plusieurs  spectateurs  ;  ailleurs  elle  est  réduite  aux  trois 
personnages  principaux  ;  ailleurs  encore  aux  deux  personnages  essentiels. 

3.  De  tous  ces  monuments,  y  compris  les  mosaïques,  les  deux  qui 
offrent  la  plus  grande  ressemblance  avec  notre  tableau  central,  une  ressem- 
blance frappante,  non  pas  au  point  cependant  qu'elle  puisse  nous  faire 
songer  à  une  communauté  d'archétype,  sont  un  camée  de  Berlin  ^  et  une 
fresque  d'Herculanum  9,  L'un  et  l'autre  différent  du  tableau  lyonnais  par 
l'absence  de  la  tête  de  béher,  qui,  avec  le  buste  de  Mercure  auquel  cet 
animal  est  consacré,  sert  à  signifier  le  caractère  palestrique  de  la  scène  ;  et 
surtout  par  la  présence  de  Bacchus  et  d'Ariane,  spectateurs  attentifs  de  la 
lutte,  au  centre  du  second  plan.  Sur  le  camée,  Ariane  tient  dans  sa  main 

1.  Mosaïque  Cassaire  et  camée  de  Berlin  ;  voir  plus  bas.  Sur  l'emploi  de  Thermes  dans  les  monuments 
pour  signifier  la  palestre,  voir  O.  lahn,  p.  30,  note  79. 

2.  Sarcophage  de  Naples  ;  voir  O.  lahn,  p.  28. 

3.  Coupe  d'Atalanti,  déjà  citée  ;  coupe  de  Calène,  voir  Bulletino  delV Imtituto  di  Corrisp.  archeol.,  1874, 
p.  88. 

4.  Fresque  pompéienne,  Annali  delVInstituto,  1876,  p.  294,  et  Monumenti  dell'Inst.,  X,  pi.  36. 

5.  Sarcophage  de  Salerne,  Annali,  1856,  p.  34,  pi.  6  ;  fresque  d'Herculanum,  Helbig,  n'^  404  ;  camée  de 
Berlin,  voir  plus  bas. 

6.  Outre  la  mosaïque  Cassaire,  fresque  de  Pompei,  Helbig,  406  ;  fresque  d'Herculanum,  Helbig,  404; 
camée  de  Berlin  et  mosaïque  de  Baccano,  voir  plus  bas. 

7.  Voir  O.  lahn,  p.  32,  34  et  suiv. 

8.  Annali  dell'Instituto,  1856,  pi.  6. 

9.  Helbig,  n"  404.  C'est  la  fresque  citée  par  Artaud. 


—  73  — 

droite  la  palme  destinée  au  vainqueur,  que  porte  notre  Silène,  à  la  fois 
directeur  et  juge  du  combat.  Ainsi  que  le  nôtre,  le  Silène  du  camée  et  celui 
de  la  fresque  occupent  la  droite,  en  arrière  de  Pan  ;  ils  ont  le  torse  nu  et  les 
jambes  drapées.  Celui-ci  tient  dans  sa  main  gauche  le  bâton,  insigne  de  son 
autorité,  que  l'on  ne  saurait  confondre  avec  la  palme,  et  pose  sa  main 
droite  sur  la  tête  de  Pan,  comme  pour  le  ramener  vers  soi.  Celui-là  vient, 
ainsi  que  le  nôtre,  de  donner  le  signal  ;  son  bras  droit,  dirigé  vers  les  lut- 
teurs, achève  le  geste  dont  s'est  accompagnée  l'invitation  orale  ;  mais  ce 
bras  est  armé  du  bâton.  L'hermès  de  notre  mosaïque  se  retrouve  sur  le 
camée  seul,  à  la  même  place,  à  gauche,  en  arrière  de  l'Amour.  Quant  aux 
personnages  du  premier  plan,  aux  lutteurs,  ceux  du  camée  se  tiennent  les 
bras  étendus  l'un  vers  l'autre  ;  ils  commencent  à  peine  la  lutte,  en  quoi  le 
groupe  ressemble  au  nôtre  ;  mais  Pan  a  les  deux  mains  libres.  Le  Pan  de  la 
fresque  a  rendu  le  bras  gauche,  comme  celui  de  notre  mosaïque  ;  la  lutte  est 
plus  avancée  ;  de  sa  main  droite  il  saisit  l'Amour  à  la  nuque  ;  il  termine  le 
mouvement  commencé  par  notre  Pan  dont  la  main  droite  n'a  pas  encore 
atteint  l'épaule  de  son  adversaire. 

Le  camée  et  la  fresque  appartiennent  à  la  première  des  trois  catégories 
plus  haut  définies,  la  mosaïque  du  Gourguillon  à  la  deuxième.  La  mosaïque 
de  Baccano  ^  rentre  dans  la  première  ;  car  la  lutte  y  a  un  spectateur,  un 
satyre  peut-être.  Elle  est  déjà  engagée  et  l'Amour  prend  l'avantage  ;  sou- 
riant d'un  air  malicieux  et  triomphant,  il  tient  par  une  corne  son  rival  qu'il 
attire  à  soi  et  qui,  de  douleur  et  de  frayeur,  écarquille  les  yeux.  Les  deux 
mains  de  Pan  sont  libres  ;  Silène  surveille  le  combat.  Dans  la  troisième 
catégorie,  se  rangent  les  deux  autres  mosaïques  de  même  sujet  :  la  scène  y 
est  réduite  aux  lutteurs.  La  mosaïque  Michoud  2,  découverte  à  Sainte- 
Colombe  et  conservée  au  musée  de  Lyon,  ressemble  à  celle  de  Baccano,  en 
ce  qu'elle  montre  aussi  la  lutte  engagée.  Mais  Pan  saisit  de  la  main  gauche,  à 
la  tête,  son  adversaire  qui  étend  les  deux  bras  vers  lui  sans  l'atteindre  ;  il 
paraît  avoir  momentanément  l'avantage.  Son  bras  droit  est,  non  pas  atta- 
ché, mais  ramené,  immobiHsé  derrière  son  dos.  Sur  la  mosaïque  de  la 
Déserte  (place  Sathonay,  à  Lyon)  3,  dont  il  existe  des  fragments  au  palais 

1.  Bulletino  delVInstituto,  1873,  p.  133 

2.  Artaud,  pi.  VI  ;  G.  Lafaye,  Inventaire  des  mosaïques,  I,  n°  199.  Voir  le  chapitre  suivant. 

3.  Adrien  Blanchet,  Inventaire  des  mosaïques,  II,  n"  734. 


—  74  — 

Saint-Pierre  et  dans  l'église  Saint-Martin-d'Ainay,  mais  dont  le  tableau 
central  est  perdu,  au  moins  en  partie,  la  scène,  si  l'on  s'en  rapporte  à  la 
planche  LII  d'Artaud,  rappelait  celle  de  la  mosaïque  Michoud  par  le  nombre 
des  personnages,  leur  position  relative.  Pan  à  gauche,  l'Amour  à  droite,  et 
l'immobiHsation  du  bras  droit  de  Pan  —  encore  verrons-nous  plus  loin  2  que 
ces  deux  derniers  points  ne  sont  pas  bien  certains  —  ;  celle  de  la  mosaïque 
Cassaire,  par  le  geste  du  bras  libre  de  Pan  dirigé  vers  l'épaule  de  l'Amour 
et  par  la  bandelette  liant  son  autre  bras,  laquelle  forme  ceinture  autour  de 
sa  taille.  Les  deux  poses  de  l'Amour,  dans  les  mosaïques  Michoud  et  Cas- 
saire, sont  presque  symétriques  ;  elles  seraient  presque  identiques,  dans  les 
mosaïques  de  Sainte-Colombe  et  de  la  Déserte,  si  le  dessin  d'Artaud  faisait 
foi  pour  la  seconde  ;  mais  la  silhouette  par  laquelle  il  a  complété  ce  person- 
nage fragmentaire  n'est  que  vraisemblable  3. 

4.  Je  ne  crois  pas  que  personne  ait  encore  assigné  une  époque  à  la 
mosaïque  du  Gourguillon.  Elle  est  sans  doute  moins  ancienne  que  la  mo- 
saïque Macors.  Si  l'on  veut  bien  se  reporter  aux  indices  chronologiques 
mentionnés  à  propos  de  celle-ci,  peut-être  jugera-t-on  que  l'autre  fut 
composée  au  milieu  ou  vers  la  fin  du  deuxième  siècle,  lorsque  les  mosaïstes 
de  la  période  antoninienne,  qui  avaient  d'abord  restreint  l'encadrement  au 
profit  du  tableau,  eurent  laissé  celui-là  se  développer  derechef  au  préjudice 
de  celui-ci.  Elle  est  antérieure  à  l'âge  des  Sévères,  au  troisième  siècle,  si  l'on 
estime  justes  ces  observations  de  Gauckler  4  :  «  Au  temps  des  Antonins,  les 
mosaïstes  d'Italie,  de  Provence,  de  Bétique  et  d'Afrique  s'en  tiennent  pres- 
que toujours  au  type  quadrangulaire  »  (pour  le  tableau  et  les  panneaux  qui 
l'encadrent)  «  et  subordonnent  encore  l'encadrement  au  tableau  en  donnant 
au  carré  central  un  côté  double  ou  triple  ou  quadruple  de  celui  des  carrés 
qui  l'entourent  ».  La  mosaïque  d'Orphée  nous  fournira  bientôt  l'exemple 
d'un  type  qui  fut  en  grande  vogue  au  siècle  suivant,  le  type  octogonal. 


2.  Au  chapitre  sur  les  mosaïques  composites  du  vestibule  des  Antiques  ;  on  y  verra  également  pourquoi 
je  ne  mentionne  pas  ici  le  Pan  de  la  collection  personnelle  d'Artaud,  «  tableau  en  mosaïque  représentant  le 
dieu  Pan  dans  l'action  de  combattre  ". 

3.  L'un  des  six  tableaux  latéraux  d'une  mosaïque  de  Lambése  (Inventaire  des  mosaïques...,  III,  n°  191) 
représentait  une  lutte  de  l'Amour  et  de  Pan.  Mais  il  en  reste  peu  de  chose  ;  voir  Héron  de  Villefosse,  dans 
Bull,  archéol.  du  Comité...,  1905,  p.  CLXXXV,  et  1906,  p.  CCIX,  pi.  LXXXVI.  Pan  était  à  droite,  comme 
dans  la  mosaïque  Cassaire. 

4.  Article  Musivum,  dans  Diction,  des  Antiq.  gr.  et  rom.,  p.  21 1 1. 


75  — 


III 


mosaïque  michoud 

(Lutte  de  l'Amour  et  de   Pan) 

Bibliographie.  —  Ajouter  à  la  bibliographie  du  chapitre  I  :  Archives  muni- 
cipales de  Lyon,  série  M^,  Palais  des  Arts  :  travaux  divers,  faculté  des 
lettres,  musées  et  autres  =  M^d.  Pour  le  surplus,  voir  les  notes. 

I 

I .  Sur  la  découverte  de  cette  mosaïque  nous  avons  deux  témoignages, 
celui  de  Cochard  et  celui  d'Artaud,  le  premier  plus  précis  quant  au  lieu,  le 
second  quant  à  la  date.  Elle  fut  trouvée,  nous  apprend  la  Statistique  de 
Sainte-Colombe,  par  Cochard,  publiée  en  1 813  ^  «  il  y  a  quelques  années, 
dans  une  terre  sur  Saint- Jean  »  —  quartier  de  la  dite  commune  —  «  appar- 
tenant à  M.  Michoud  père,  à  un  mètre  du  sol  »  ;  et,  d'après  la  notice  d'Ar- 
taud 2  «  en  1803,  à  Sainte- Colombe-lès- Vienne,  à  quatre  pieds  de  profon- 
deur, dans  une  vigne  située  près  du  Rhône,  appartenant  à  Mlle  Michoud  ». 
Michoud  père  et  Mlle  Michoud  sont  évidemment  les  deux  propriétaires 
successifs  du  terrain  ;  mais  Artaud  se  trompe,  nous  allons  le  voir,  lorsqu'il 
affirme  que  Mlle  Michoud  voulut  bien  céder  la  mosaïque  au  musée  de 
Lyon  :  ni  le  terrain  ni  la  mosaïque  ne  lui  appartenaient  plus  au  moment  de 
l'achat.  Savigné,  dans  son  Histoire  de  Sainte-Colombe  3,  et  Georges  Lafaye, 
dans  l'Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  4,  ont  emprunté  leurs  indications 
sur  la  découverte  à  la  notice  d'Artaud.  Si  Comarmond  avait  pris  la  peine  de 
la  lire,  au  heu  de  s'en  tenir  à  un  catalogue  5  où  Artaud  ne  donne  ni  l'année. 


1.  Dans  VAlmanach  de  la  ville  de  Lyon  pour  l'année  1813,  p.  LXXIII.  Cf.  Guide  du  voyageur  et  de  l'ama- 
teur à  Lyon,  1826,  p. 119. 

2.  1835,  p.  61. 

3.  P.  186. 

4.  N"  199. 

5.  Inventaire  manuscrit  de  1833,  p.  32. 


—  76  — 

ni  l'endroit  précis,  il  n'aurait  pas  eu  besoin  de  s'en  rapporter  à  ses  souve- 
nirs et  il  n'aurait  pas  défiguré  le  nom  du  propriétaire  ^ 

2.  «  C'est  encore,  continue  Artaud  ^^  à  M.  le  baron  Rambaud,  ancien 
maire  de  Lyon,  que  Ton  doit  l'achat  de  ce  pavé  >\  Il  néglige  modestement  de 
dire  que  la  chose  fut  faite  à  son  instigation,  mais  nous  n'en  douterions 
point,  même  si  le  dossier  des  archives  municipales  3  ne  nous  révélait  qu'il  y 
eut  un  rôle.  L'acquisition  est  en  projet  dès  1820,  quelques  mois  après  celle 
de  la  mosaïque  Cassaire.  Le  22  septembre,  Artaud  informe  Évesque, 
adjoint  au  maire,  que  le  propriétaire  de  la  mosaïque  de  Sainte- Colombe, 
M.  Revel,  fabricant,  «  rue  Puits- Gaillot,  à  côté  de  M.  PhiHppon,  au  2^  », 
demande  un  modèle  de  compromis  ;  il  y  serait  stipulé  que  l'enlèvement 
n'aurait  Heu  qu'après  la  Saint- Jean,  par  conséquent  en  1821  ;  que  le  pro- 
priétaire s'engagerait  à  faire  déblayer  lui-même  et  à  fournir,  pendant  toute 
l'opération,,  les  abris,  planches  ou  toiles.  Le  23,  nouvelle  lettre  à  Évesque 
pour  lui  envoyer  le  devis  estimatif  des  marbriers  qui  feraient  l'enlèvement 
et  la  repose.  Mais  les  pourparlers  n'aboutirent  que  Tannée  suivante.  Le 
30  mars  1821,  entre  le  maire  de  Lyon,  baron  Rambaud,  et  Louis  Revel,  rue 
de  l'Enfant-qui-pisse,  n^  11,  propriétaire  d'un  domaine  à  Sainte-Colombe- 
lès- Vienne,  il  est  convenu  que  celui-ci  cède,  pour  la  somme  de  1.500  francs, 
la  mosaïque  située  dans  sa  vigne  et  représentant  le  combat  de  l'Amour  et  du 
dieu  Pan  ;  le  propriétaire  fera  déblayer  lui-même  ;  si  la  mosaïque  ne  semble 
pas  en  état  d'être  enlevée,  restaurée  et  transportée  au  musée,  question  dont 
le  maire  sera  seul  juge,  la  Ville  ne  payera  que  les  frais  du  déblayage  et  du 
remblayage,  évalués  à  l'amiable  ou  par  experts;  si  elle  est  jugée  acceptable, 
elle  sera  dès  ce  moment  au  compte  et  aux  risques  de  la  Ville.  Selon  le  désir 
déjà  connu  de  Revel,  l'enlèvement  n'eut  lieu  qu'après  la  Saint- Jean. 

C'était  l'époque  où  Belloni  restaurait  à  Paris,  dans  ses  ateliers,  la  mo- 
saïque Cassaire.  Quoiqu'en  dise  Comarmond  4,  qui,  nous  l'avons  vu,  inter- 
vertit le  cas  de  cette  mosaïque  et  celui  de  la  mosaïque  Michoud,  la  seconde 


1.  Description,  p.  686  :  <  Autant  que  nos  souvenirs  peuvent  nous  le  rappeler,  c'est  en  1803,  dans  une 
vigne  appartenant  à  M.  Micoud,  qu'elle  a  été  trouvée  ». 

2.  1835,  p.  63. 

3.  Série  R'a. 

4.  Description...,  p.  690. 


—  11  — 

ne  fut  point  restaurée  par  Belloni.  Il  n'intervint  directement  ni  pour  l'abla- 
tion ni  pour  la  repose,  mais  les  marbriers  lyonnais  qui  en  furent  chargés 
avaient  été  ses  collaborateurs  pour  les  mêmes  opérations  concernant  la 
mosaïque  des  Jeux  du  cirque,  et  mettaient  ses  leçons  à  profit.  C'est  sans 
doute  ce  que  veut  dire  Artaud  :  «  Les  sieurs  Bernard  et  Jamey,  marbriers 
distingués  de  cette  ville,  l'ont  déplacé  et  replacé  (ce  pavé)  d'après  les  docu- 
ments de  M.  Belloni  »  ^  Le  3  août  1821,  Bernard  et  Jamey  signaient  avec  le 
maire  un  traité  par  lequel  ils  s'engageaient  à  enlever,  transporter  par  eau  et 
placer  au  musée  la  mosaïque  représentant  le  combat  de  l'Amour  et  du  dieu 
Pan,  d'environ  huit  pieds  sur  six,  pour  la  somme  de  1.800  francs,  tous  frais 
et  fournitures  compris,  sauf  les  plates-bandes  en  marbre  dont  on  voudrait 
l'entourer.  Le  traité  constate  qu'elle  est  en  très  bon  état  et  sans  dégradation. 
Pour  le  transport,  elle  sera  divisée  en  six  parties  au  plus.  La  réparation  de 
toutes  les  «  écornures  »,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  incombera  aux  marbriers. 
L'ensemble  des  opérations  sera  fait  selon  les  procédés  de  Belloni.  Le  30 
août  2,  la  fourniture  des  plates-bandes  d'entourage  en  marbre  griote  fut 
adjugée  aux  mêmes  marbriers  pour  325  francs,  et  le  14  décembre  ils  pro- 
duisirent un  compte  de  388  fr.  37,  visé  le  16  par  l'adjoint  Évesque,  réglé  le 
21  à  380  francs  par  l'architecte  Flacheron,  pour  la  pose  de  cette  bordure  et 
les  raccords  au  pavé  de  la  salle.  La  récapitulation  de  toutes  les  sommes  ci- 
dessus  mentionnées  fait  ressortir  le  coût  de  la  mosaïque  en  place,  balustra- 
de 3  non  comprise,  à  4.505  francs. 

Elle  entra  donc  au  musée  dans  les  derniers  mois  de  182 1,  un  peu  avant 
la  mosaïque  Cassaire.  Cela  résulte  non  seulement  des  pièces  analysées,  mais 
aussi  de  la  place  qui  lui  fut  assignée.  Bien  que  les  indications  d'Artaud 
soient  vagues,  comme  d'habitude  —  «  sur  le  sol  de  la  galerie  des  tableaux  », 
dit  la  notice  de  1835  4  ;  «  dans  la  grande  salle  des  tableaux  »,  dit  l'inventaire 
de  1833  5  —  nous  savons  qu'elle  fut  placée  dans  la  partie  de  cette  salle  la 


1. 1835,  p.  63. 

2.  D'après  cette  pièce,  la  mosaïque  représente  «  un  combat  entre  l'Amour  et  le  dieu  Pan  ». 

3.  Le  28  février  1823,  Artaud  écrit  à  l'adjoint  Évesque  :  «  On  ne  s'est  point  encore  occupé  de  la  balus- 
trade de  la  petite  mosaïque  ni  de  la  peinture  de  celle  (<)  qui  est  achevée  »  (Arch.  mun.,  série  R-,  Conservation 
des  Arts,  administration). 

4.  P.  62. 

5.  P.  32. 


—  78  — 

plus  rapprochée  de  la  salle  des  Antiques  ou  de  la  Momie,  dans  celle  qui 
est  aujourd'hui  le  premier  compartiment  oriental  de  la  galerie  des  peintres 
lyonnais  (ancienne  galerie  Chenavard)  et  qui  contient  la  mosaïque  de 
VIvresse  de  Bacchus.  L'emplacement  est  défini  avec  toute  la  précision  dési- 
rable dans  le  dossier  d'une  seconde  repose  dont  nous  allons  parler.  Par 
conséquent,  l'inventaire  de  1833  énumère  les  trois  pavements  qui  déco- 
raient alors  le  sol  de  la  grande  salle  des  tableaux,  mosaïques  Michoud, 
Cassaire  et  Montant,  ces  deux  dernières  encore  à  la  même  place,  en  allant 
de  l'est  à  l'ouest  et  en  suivant  l'ordre  chronologique  de  la  pose.  La  note 
manuscrite  d'Artaud,  déjà  plusieurs  fois  citée  au  cours  de  ces  études,  ne 
mentionne  que  deux  mosaïques  au  musée,  celle  des  Jeux  du  cirque,  «  fixée 
sur  le  plancher  de  la  salle  des  Antiques  »,  et  celle  de  l'Amour  et  de  Pan, 
«  qui  est  dans  la  galerie  des  tableaux  ».  Lorsqu'il  écrivait  cette  note,  Artaud, 
avons-nous  vu  S  songeait  pour  faire  pendant  à  la  mosaïque  Macors  de 
l'autre  côté  de  la  mosaïque  Michoud,  non  à  la  mosaïque  Cassaire,  qui  prit 
effectivement  cette  place,  mais  à  la  mosaïque  de  Méléagre  et  Atalante,  qui 
n'entra  jamais  au  musée.  Il  n'oubliait  certainement  pas  la  mosaïque  Cassai- 
re ;  mais,  sachant  que  les  réparations  à  y  faire  étaient  considérables,  il 
croyait  qu'elle  séjournerait  encore  de  longs  mois  2  dans  l'ateHer  de  Belloni 
et  lui  destinait  sans  doute  la  place  que  la  mosaïque  de  Méléagre,  beaucoup 
moins  vaste,  eût  laissée  disponible  à  l'extrémité  occidentale  de  la  galerie.  La 
rédaction  de  la  note  et,  par  conséquent,  la  mise  en  place  de  la  mosaïque 
Michoud,  ont  précédé  l'arrivée  à  Lyon  de  la  lettre  en  date  du  15  novembre 
1821  3j  où  Belloni  annonçait  que  la  mosaïque  Cassaire,  restaurée,  avait  déjà 
quitté  son  ateUer. 

3.  Nous  aurons  à  raconter,  dans  le  chapitre  de  la  mosaïque  Contamin, 
pourquoi  la  mosaïque  Michoud  fut  déplacée  et  transférée  là  où  elle  est 
maintenant,  sur  le  sol  jusqu'alors  inoccupé  du  quatrième  compartiment  de 
la  galerie,  l'ancien  chauflFoir  des  Dames  de  Saint-Pierre  4.  Disons  seulement 


1.  Chap.  II,  §1,1103. 

2.  La  mosaïque  Macors,  beaucoup  moins  grande  et  moins  endommagée,  y  avait  séjourné  huit  ou  neuf 
mois. 

3.  ATch.  mun.,  R-'a. 

4.  Voir  Eug.  Vial,  dans  les  Musées  de  Lyon  en  1906,  p.  1 3  et  suiv. 


—  79  — 
ici  que  le  transfert,  projeté  dès  1882,  fut  exécuté  en  1888  ;  que  deux  pièces 
du  dossier  ^  indiquent  avec  précision  la  place  primitive  —  «  dans  la  premiè- 
re salle  de  la  galerie  Chenavard  »  —  et  la  place  nouvelle  —  «  dans  la  quatriè- 
me et  dernière  salle  de  la  même  galerie  »  — ;  que,  par  un  premier  devis  des 
mosaïstes  Mora  2,  la  surface  de  notre  pavement,  la  surface  du  Faune,  est 
évaluée  à  5  m.  20,  et  la  dépense  pour  l'ablation  et  la  repose  à  245  fr.  80,  non 
compris  les  frais  de  restauration,  soit  une  somme  de  300  francs  d'après  une 
note  au  crayon  ;  que,  par  un  deuxième  devis  des  mêmes  3,  la  surface  est 
évaluée  en  nombre  rond  à  6  mètres  et  la  totalité  des  frais  à  672  francs  ;  par 
un  troisième  devis  4,  cette  dépense  totale  à  726  francs. 

II 

I.  Nous  avons  déjà  parlé  du  tableau  central  de  la  mosaïque  Michoud 
pour  le  comparer  avec  d'autres  tableaux  de  sujet  pareil  et  spécialement  avec 
celui  de  la  mosaïque  Cassaire  5.  Décrivons-le  maintenant  pour  lui-même  et 
décrivons  le  surplus  de  la  pièce.  Elle  est  rectangulaire,  à  champ  blanc  et 
décor  polychrome.  Dans  un  médaillon  circulaire,  sur  un  sol  inégal,  deux 
personnages  sont  en  présence,  la  poitrine  et  la  face  vues  de  trois  quarts,  un 
enfant  ailé,  l'Amour,  le  pied  droit  en  avant,  les  deux  mains  étendues  vers 
son  adversaire  ;  un  homme  imberbe,  à  cornes  et  jambes  de  bouc.  Pan,  le 
pied  gauche  en  avant,  la  main  droite  ramenée  derrière  le  dos,  la  gauche 
touchant  la  tête  de  l'Amour.  Celui-ci  occupe,  par  rapport  à  nous,  la  droite 
du  tableau.  Pan  la  gauche.  Leur  combat  déjà  commencé  n'a  pas  de  témoin. 
Qu'il  s'agisse  d'une  lutte,  que  les  deux  lutteurs  soient  l'Amour  et  Pan,  Ar- 
taud 6,  dont  l'interprétation  de  la  même  scène  dans  la  mosaïque  Cassaire 


1.  Arch.  mun.,  M'd  et  M'e  ;  rapport  d'Aynard,  8  juillet  1887  ;  soumission  de  Mora  père  et  fils, 
8  novembre  1887. 

2.  Ibid.,  M'e,  28  octobre  1882.  D'après  ce  devis,  le  «  Faune  »  doit  être  reposé  «  à  l'entrée  de  la  galerie  du 
côté  du  grand  escalier  ».  Il  s'agit  du  grand  escalier  occidental  ou  escalier  de  la  Minerve.  Le  grand  escalier 
oriental  était  alors  de  construction  récente. 

3.  Ibid.,  M^d  et  M'e,  19  octobre  1887. 

4.  Ibid.,  27  octobre  1887. 

5.  Chap.  II,  §  III,  nP  2. 

6.  Outre  que  sa  notice  a  pour  titre  :  «  Mosaïque  Michoud  —  Autre  combat  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan  » 
(1835,  p.  61),  on  y  lit  que  le  tableau  central  contient  «  le  groupe  de  Cupidon  et  du  dieu  Pan  dans  l'action 
de  combattre  »  (p.  62). 


avait  mis  l'esprit  à  la  torture,  ne  semble  pas  en  douter,  et  cette  fois  il  ne 
s'inquiète  pas  de  découvrir  le  sens  allégorique  de  la  scène.  Comarmond  S 
sans  dire  formellement  qu'il  s'agit  selon  lui  d'une  «  rencontre  sentimenta- 
le »,  entendons  erotique,  le  laisse  aisément  comprendre  à  qui  connaît  sa 
notice  sur  la  mosaïque  Cassaire.  «  Ce  n'est  point  une  lutte,  comme  le  dit 
Artaud.  L'Amour,  en  s'approchant,  étend  le  bras  gauche  sur  la  tête  du 
satyre  avec  un  geste  protecteur  ;  tout  indique  un  parfait  accord.  Nous  ne 
pensons  point  non  plus  qu'on  ait  voulu  représenter  le  dieu  Pan  ».  Outre  sa 
persévérance  dans  l'erreur,  on  remarquera  ici  encore  sa  négligence  ;  il 
décrit  le  tableau  de  mémoire,  sans  se  donner  la  peine  de  le  revoir,  si  bien 
qu'il  attribue  à  l'Amour  le  geste  de  Pan.  Le  rédacteur  du  Catalogue  som- 
maire des  Musées  ~  a  subi  cette  fois  encore  son  influence  :  «  Mosaïque  dite  de 
la  lutte  de  l'Amour  et  de  Pan...  Au  centre,  médaillon  de  forme  ronde  repré- 
sentant un  satyre  debout  en  face  de  l'Amour  ». 

2.  Le  médaillon  central  est  dessiné  par  un  filet  noir  et  encadré  par  une 
torsade  sur  fond  noir.  La  même  torsade  délimite  plus  loin  un  grand  carré 
et,  dans  l'intervalle  qui  sépare  le  médaillon  de  ce  grand  carré,  sur  les  diago- 
nales quatre  pentagones  à  base  curviligne,  sur  les  axes  quatre  triangles,  cha- 
cnn  des  pentagones  contenant  un  pentagone  semblable,  chacun  des  triangles 
un  triangle  semblable,  à  filet  noir.  Les  triangles  sont  vides.  Dans  les  penta- 
gones nous  voyons  quatre  oiseaux  3,  qui,  d'après  Artaud,  symboHseraient 
les  quatre  saisons,  et  seraient,  pour  le  printemps,  une  perdrix  mangeant 
des  cerises  \  pour  l'été,  un  étourneau  devant  une  noix  ;  pour  l'automne, 
une  pintade  becquetant  une  figue  ;  pour  l'hiver,  un  pic-vert  et  une  petite 
branche  de  bois  mort  4.  L'identification  des  oiseaux  est  plausible,  quoique 
Comarmond  ne  l'accepte  pas  5.  Quant  au  symbole,  on  se  sent  beaucoup 
moins  disposé  à  l'admettre  :  ni  les  oiseaux  ni  les  fruits  ne  semblent  caracté- 


1.  Description...,  p.  687. 

2.  1887,  p.  135,  n°  18  =  1899,  p.  207,  n'^  19. 

3.  Le  Catalogue  sommaire  dit  avec  une  double  inexactitude  :  »  A  chaque  angle,  dans  un  espace  triangw 
laire,  un  oiseau  devant  un  fruit  ,  et  ne  mentionne  pas  le  surplus  du  décor.  De  même  Bazin,  Vienne  et  Lyon 
gallo-romains,  p.  381. 

4.  1835,  P-  62  :  "  ...  un  pic-vert  que  l'on  pourrait  prendre  pour  une  perruche,  si  la  branche  morte  qui 
raccompagne  n'annonçait  la  saison  rigoureuse  '. 

5.  Pass.  cité.  Il  prétend  que  les  quatre  oiseaux  sont  :  une  perruche,  une  autruche,  un  oiseau  de  la  famille 
des  loriots  et  un  autre  de  celles  des  gallinacées. 


—  81  — 

ristiques  des  saisons  auxquelles  Artaud  les  assigne.  D'ailleurs,  cette  figura- 
tion allégorique  des  quatre  saisons  serait,  à  ma  connaissance,  un  cas  sans 
autre  exemple.  Le  nombre  des  mosaïques  où  elles  sont  figurées  symboli- 
quement est  très  grand  ;  nous  en  trouverons  deux  dans  la  suite  de  ces 
études  K  Mais  toujours  ce  sont  des  personnages  qui  les  représentent,  quel- 
quefois en  pied,  le  plus  souvent  en  buste.  Au  delà  du  carré  de  torsade,  et 
seulement  sur  ses  deux  côtés  verticaux,  règne  une  large  bande  formée  par 
deux  lignes  contigûes  de  fleurs  noires  à  quatre  pétales  ovales,  posées  en 
biais,  une  croisette  de  quatre  points  rouges  ornant  les  vides.  Enfin,  les 
quatre  faces  ont  pour  bordure  une  tresse  en  chaînette  -.  Si  l'on  s'en  rap- 
porte à  la  planche  VI  d'Artaud  3,  cette  bordure  aurait  été  elle-même  enca- 
drée d'un  carrelage  de  rectangles  alternativement  jaunes  et  bleus,  sur  une 
seule  ligne,  quatre  carreaux  pour  les  petits  côtés,  six  pour  les  grands. 
«  Nous  ignorons,  dit  Comarmond  4,  si  c'est  un  caprice  de  l'artiste  »,  du  des- 
sinateur de  la  planche,  «  ou  si  cette  bande  a  réellement  existé  >\  Il  suppose,  si 
elle  a  existé,  qu'elle  était  trop  gravement  endommagée  pour  être  restaurée. 
Rappelons-nous  que  tel  avait  été  le  cas  de  la  grecque  qui  agrandissait  la 
mosaïque  des  Jeux  du  cirque  5. 

3.  Artaud,  dans  sa  notice  ^,  affirme  que  la  mosaïque  Michoud  était 
«  d'une  conservation  parfaite  »,  et  sa  planche  la  montre  intacte.  Son  double 
témoignage  est  corroboré  par  le  traité  entre  le  maire  et  les  marbriers,  où  la 
mosaïque  est  dite  «  en  bon  état  et  sans  dégradation  ».  Comarmond,  qui  ne 
connaissait  pas  ce  document,  met  en  doute  qu'elle  ((  n'ait  pas  nécessité  quel- 
ques restaurations  ».  Intacte  au  moment  de  l'exhumation,  elle  a  pu  souffrir 
un  léger  dommage  par  le  fait  de  l'enlèvement  et  du  transport.  Mais  le 
travail  de  réparation,  si  réparation  il  y  eut,  fut  à  coup  sûr  très  peu  de  chose 
et,  comme  il  se  fit  à  Lyon,  le  délai  de  l'enlèvement  à  la  repose  se  trouva 


1.  Une  des  mosaïques  de  la  Déserte  et  la  mosaïque  de  Bacchus  et  des  Saisons. 

2.  La  notice  de  l'Inventaire  des  mosaïques,  I,  n°  199,  définit  bien  le  sujet  du  tableau  central  :  «  Au  centre, 
dans  un  médaillon  circulaire,  combat  de  Pan  et  d'Éros  ».  Pour  le  surplus,  elle  ne  donne  qu'une  idée  vague, 
incomplète  et  parfois  même  fausse  de  la  mosaïque  :  «  Dans  les  angles  quatre  oiseaux  divers.  Torsades  en 
bleu,  blanc,  rouge.  Rosaces  blanches  et  noires  en  haut  et  en  bas  ». 

3.  Reproduite  en  format  réduit  dans  l'album  de  l'Inventaire  des  mosaïques  et  par  notre  figure  8. 

4.  Pass.  cité. 

5.  Chap.  I,  §  I,  n»  2. 

6.  1835,  p. 61. 


—  82  — 

beaucoup  plus  court  que  pour  les  mosaïques  Macors  et  Cassaire,  si  court 
qu'enlevée  plusieurs  mois  après  la  mosaïque  Cassaire  elle  était  reposée  plu- 
sieurs semaines  avant. 

Comarmond  ^  donne  les  dimensions  de  la  mosaïque  avec  et  sans  la 
bordure  en  marbre  dont  elle  fut  entourée  par  Bernard  et  Jamey.  Sans  la 
bordure,  elle  a  2  m.  63  de  longueur  et  i  m.  94  de  largeur  ;  avec  la  bordure, 
2  m.  91  et  2  m.  22.  Comme  ces  plaques  de  marbre  ne  font  en  aucune  façon 
partie  du  pavement,  les  dernières  mesures  n'ont  aucun  intérêt.  On  s'étonne 
donc  de  les  trouver  reproduites,  au  lieu  des  autres,  celles  de  la  mosaïque, 
dans  le  Catalogue  sommaire  des  Musées  et  VInventaire  de  M.  Georges  La- 
faye  2.  En  surface,  elle  n'excède  guère  5  mètres  que  d'un  dixième  ;  la  pre- 
mière évaluation  des  mosaïstes  Mora,  5  m.  20,  était  presque  exacte,  la 
seconde,  6  mètres,  beaucoup  trop  forte. 


2.  De  même,  Bazin^  Vienne  et  Lyon  gallo-romains,  p.  38] 


83 


IV 


LA  MOSAÏQUE  MONTANT 

(ORPHÉE  CHARMANT  LES  ANIMAUX) 

BIBLIOGRAPHIE.  —  Voir  Celle  du  chapitre  I  et  les  notes. 

I 

I.  Le  témoignage  le  plus  précis  que  je  connaisse  relativement  à  la 
découverte  de  cette  mosaïque  est  celui  de  Cochard,  dans  le  manuscrit  de 
sa  notice  sur  St-Romain-en-Galles  ^  Il  y  rapporte  qu'au  mois  d'octobre 
1 822  un  habitant  de  la  commune,  le  nommé  Montant,  dit  Paret,  rencontra 
dans  le  sous-sol  de  sa  vigne,  qui  faisait  partie  de  la  Chantrerie,  une  fort 
belle  mosaïque  à  environ  deux  pieds  de  profondeur.  Il  en  donne  les  mesu- 
res et  la  description.  Dans  la  même  notice  imprimée  2  la  date  de  la  décou- 
verte manque.  C'est  pourquoi  elle  manque  aussi  dans  Savigné  3  plagiaire 


1.  Bibliothèque  municipale  de  Lyon,  carton  2.381,  liasse  3  ;  p.  13  (addition  marginale.  Une  première 
rédaction  avait  été  lue  en  1818  à  la  Société  d'Agriculture  de  Lyon;  voir  les  Comptes  rendus  de  cette  société, 
année  1818,  p.  155  et  163,  et  la  Revue  du  Lyonnais,  1836,  III,  p.  469. 

2.  P.  13.  Je  connais  cette  notice  imprimée  par  deux  exemplaires  d'un  tirage  à  part  sans  lieu  ni  date  com- 
pris dans  deux  recueils  factices  (Biblioth.  mun.  de  Lyon,  n°  353270  et  n°  450683).  L'imprimeur  est  celui  de 
VAlmanach  historique  et  statistique  de  la  ville  de  Lyon,  c'est-à-dire  Rusand  ;  la  justification  et  les  caractères 
sont  ceux  de  VAlmanach.  Cochard  a  publié  dans  VAlmanach,  de  1813  à  1825,  ses  autres  notices  sur  les  com- 
munes du  canton  de  Sainte-Colombe.  Celle-ci  n'aurait  pu  être  insérée  que  dans  VAlmanach  de  1823,  parce 
qu'elle  est  visée  dans  celui  de  1824  (P-  XXXIII  et  suiv.)  et  à  cause  de  son  contenu  qui  en  situe  la  publication 
entre  octobre  1822,  date  de  la  découverte,  et  mai  1823,  date  de  l'acquisition  par  la  ville.  Or,  je  ne  l'ai  trouvée 
dans  aucun  des  exemplaires  que  j'ai  pu  consulter.  Destinée  peut-être  à  y  figurer,  elle  en  aura  sans  doute  été 
exclue  pour  une  raison  quelconque  après  composition  et  publiée  à  part.  J.  B.  Dumas  n'en  donne  la  date  ni 
dans  son  Éloge  historique  de  N.  F.  Cochard,  p.  22  (lu  dans  la  séance  publique  du  23  juin  1834  à  l'Académie  de 
Lyon),  ni  dans  son  Histoire  de  l'Académie  de  Lyon,  Lyon,  1839,  II,  p.  64  ;  et  il  a  tout  l'air  de  l'ignorer.  Col- 
lombet.  Étude  sur  les  historiens  du  Lyonnais,  2*^  série,  Lyon,  1844,  P-  254  et  suiv.,  affirme  faussement  qu'elle 
parut  avec  les  notices  sur  Saint-Cyr  et  Loire  dans  VAlmanach  de  1824.  —  J'exprime  ici  ma  reconnaissance  à 
M.  Marius  Audin,  grâce  à  l'érudition  et  au  zèle  obligeant  de  qui  j'ai  pu  conduire  cette  recherche  bibliogra- 
phique. 

3.  Histoire  de  Sainte-Colombe  -Jès-VienncVienne,  1903  ;  p.  187.  Si  Savigné  avait  lu  un  peu  plus  attenti- 
vement la  brochure  de  Cochard,  dont  il  n'indique  même  pas  le  titre,  il  n'aurait  pas  dit  qu'elle  parut  »  vers 
1815  ».  A  la  page  11  est  mentionnée  une  découverte  de  1822. 


—  84  — 

de  Cochard.  Quant  au  lieu  de  la  découverte,  on  croirait,  à  lire  Savigné, 
qu'elle  fut  faite  sur  Ste- Colombe,  comme  on  le  croirait  pour  plusieurs 
autres,  cet  écrivain  ayant  fondu,  sans  avis  préalable,  l'histoire  de  St-Romain 
avec  celle  de  la  commune  limitrophe.  D'ailleurs,  le  langage  courant  désigne 
inexactement  par  le  nom  de  Ste-Colombe  tout  l'espace  que  couvrait  le 
faubourg  antique  de  Vienne.  Comarmond  S  pour  la  date,  indique  simple- 
ment 1822  et,  pour  le  lieu,  exactement,  à  une  faute  d'impression  près, 
«  St-Romain-en-Gal,  dans  la  propriété  de  M.  Montant  >\  Artaud  n'a  pas 
commis  l'inexactitude  vulgaire  dans  son  inventaire  de  1833  -,  mais  il 
l'a  commise  dans  son  livre  de  18353:  «...territoire  de  Ste-Colombe,  chez 
un  agriculteur  nommé  Montant  ».  De  la  part  d'un  contemporain,  qui  fut, 
nous  allons  le  voir,  mêlé  à  toute  l'affaire  de  l'acquisition,  la  date  qu'on  y 
lit,  1830,  serait  une  erreur  bizarre,  s'il  en  était  tout  à  fait  responsable  ; 
mais  son  manuscrit  4  laisse  en  blanc  la  place  des  deux  derniers  chiffres. 
Quelque  typographe  ne  les  a-t-il  pas  ajoutés  d'office  sur  une  épreuve  que 
l'auteur  n'a  pas  vue  ou  n'a  pas  assez  attentivement  corrigée  ? 

2.  «  M.  le  comte  de  Tournon,  préfet  du  Rhône,  sentant  la  nécessité 
de  conserver  un  monument  aussi  précieux  par  son  antiquité,  la  délicatesse 
du  travail  et  le  choix  du  sujet,  avait  donné  l'ordre  d'en  faire  l'acquisition, 
afin  de  le  placer  au  musée  de  Lyon,  à  côté  de  ceux  qui  y  sont  déjà  déposés. 
Il  faut  espérer  que  son  successeur  s'empressera  de  remplir  une  intention 
aussi  louable  et  que  les  arts  n'auront  pas  à  gémir  d'un  abandon  qui  en 
entraînerait  la  ruine  prochaine  >  5.  Une  lettre  du  nouveau  préfet,  le  comte 
de  Brosses,  au  baron  Rambaud,  maire  de  Lyon,  en  date  du  24  janvier 
1823  6,  confirme  cette  assertion  de  Cochard  et  montre  que  son  espoir 
n'était  pas  vain.  En  décembre  1822,  y  est-il  dit,  le  maire  de  St-Romain 
en  Gai  ayant  informé  le  préfet  du  Rhône  qu'un  habitant  de  sa  commune, 


1.  Description...,  p.  690.  —  Le  Catalogue  sommaire  des  Musées  de  Lyon,  1887,  p.  135,  n"  17-^1899,  p.  207, 
n"  18,  dit  d'après  Comarmond  :  "  ...  trouvée  en  1822,  à  Saint-Romain-en-Gal  (Rhône)  '. 

2.  P.  32. 

3.  P.  121. 

4.  Bibliothèque  de  l'Académie  de  Lyon,  M  106,  f.  100. 

5.  Cochard,  p.  13  (de  la  notice  imprimée). 

6.  Cette  pièce  et  tout  le  dossier  concernant  la  mosaïaue  d'Orphée  sont  aux  archives  municipales,  série 
R^a. 


—  85  — 

le  nommé  Montant^  avait  découvert  dans  sa  vigne  une  mosaïque  très 
intéressante,  Orphée  attirant  les  animaux  au  son  de  sa  lyre,  M.  de  Tournon 
promit  à  ce  propriétaire  peu  fortuné  une  indemnité  de  loo  francs,  à  con- 
dition de  déblayer  la  mosaïque  et  de  la  laisser  en  état  jusqu'à  ce  que  la 
ville  de  Lyon  en  pût  conclure  l'achat  pour  son  musée.  Artaud  se  trans- 
porta sur  les  lieux,  fit  faire  un  dessin  de  la  mosaïque,  la  jugea  fort  digne 
d'être  acquise  et  fut  autorisé  à  négocier  l'achat.  Les  choses  en  étaient  là 
au  départ  du  comte  de  Tournon.  Le  comte  de  Brosses,  par  la  même  lettre 
et  une  autre  du  12  février  1823,  priait  le  maire  d'envoyer  de  nouveau 
Artaud  à  St-Romain  pour  traiter  de  l'acquisition,  le  propriétaire  devant 
recouvrir  la  mosaïque  ou  la  détruire,  si  elle  ne  trouvait  pas  acquéreur. 
Il  autorisait  en  même  temps  le  paiement  de  l'indemnité  promise  et  celui 
des  honoraires  du  dessinateur  (25  francs). 

On  voit  déjà,  et  l'on  verra  mieux  encore  tout  à  l'heure,  que,  comme 
il  était  bien  naturel,  Artaud  eut  un  rôle  important  dans  cette  affaire  ;  mais 
il  en  exagère  l'importance,  lorsque,  se  mettant  seul  en  scène,  il  affirme  ^  : 
«  La  ville  de  Lyon,  à  notre  persuasion,  l'acheta...»,  affirmation  reproduite 
et  aggravée  par  Comarmond^:  «  Ce  ne  fut  qu'en  1823  que,  sur  les  instances 
d'Artaud,  elle  fut  achetée  par  la  ville  ». 

La  démarche  du  préfet  de  Brosses  eut  pour  résultat  l'envoi  à  St- 
Romain,  non  pas  d'Artaud  lui-même,  mais  de  marbriers  qui,  ayant  exa- 
miné le  pavement,  jugèrent  qu'il  n'était  pas  possible  d'en  tirer  parti. 
Artaud  protesta  contre  cette  condamnation.  Il  n'avait  pas  revu  la  mosaïque  ; 
mais  il  avait  sous  les  yeux  le  dessin  exécuté  par  ses  soins.  D'après  ce  dessin, 
il  écrivit  au  maire,  le  15  février  1823,  que  l'on  pourrait  sauver  le  tableau 
central  et  les  animaux  les  moins  endommagés  pour  en  faire  un  tout  de  la 
même  grandeur  que  la  mosaïque  de  Ste-Colombe  (Lutte  de  V Amour  et 
de  Pan),  à  laquelle  il  servirait  de  pendant.  Au  lieu  de  600  francs  dont  il 
avait  été  question,  300  suffiraient  pour  l'acquisition,  si  elle  était  partielle. 
C'est  évidemment  à  des  pourparlers  concernant  cette  affaire  que  Cochard 
fait  allusion,  quand  il  écrit  au  baron  Rambaud,  le  10  février,  qu'il  se  rend 


1. 1835, p. 121. 

2.  Description,..,  p.  690. 


—  86  — 
à  Ste-Colombe,  «  dans  l'unique  objet  de  remplir  la  mission  dont  il  vous 
a  plu  m'honorer  par  votre  lettre  du  7  au  sujet  d'un  monument  qui  ne  le 
cède  en  rien  à  ceux  de  même  nature  qui  décorent  le  musée  de  Lyon  ». 
Mais  ces  pourparlers  n'aboutirent  pas,  puisque,  le  17  mars,  le  préfet  écrit 
au  maire:  «  M.  Cochard  m'informe  que  la  belle  mosaïque  d'Orphée,  de 
St-Romain-en-Gal,  n'a  pas  été  enlevée,  quoique  offerte  pour  500  francs  ». 
Si  la  ville  ne  traite  pas,  la  perte  de  ce  monument  est  certaine.  Il  invite  le 
baron  Rambaud  à  lui  faire  part  des  dispositions  prises  pour  en  assurer 
la  possession  à  la  ville. 

Cette  fois,  sur  l'ordre  du  maire,  Artaud  lui-même  se  déplace  avec 
les  marbriers.  Il  revoit  la  mosaïque  et  constate  que  les  gelées  de  l'hiver 
lui  ont  fait  perdre  «  au  moins  un  quart  de  sa  conservation  »,  et  que,  si  on 
en  veut  tirer  parti,  on  doit  l'enlever  sans  délai.  On  n'en  pourra  d'ailleurs 
tirer  parti  que  dans  les  Hmites  déjà  indiquées  par  lui  et  qu'il  précise  davan- 
tage, c'est-à-dire  en  la  composant  de  treize  panneaux,  le  grand  tableau 
central  et  quatre  petits  tableaux  sur  chaque  face,  avec  les  entrelacs, 
bordures,  etc.  Pour  la  reconstituer  en  entier,  il  faudrait  l'envoyer  à  Paris 
(chez  Belloni)  et  en  refaire  la  moitié  ;  pour  la  rétablir  aux  trois  quarts, 
il  y  aurait  beaucoup  de  panneaux  à  refaire,  dont  les  fonds  et  les  entrelacs 
sont  noirs  comme  charbon.  Le  rapport  d'Artaud  sur  cette  mission  est 
du  29  avril  1823.  L'acte  de  vente  fut  signé  dès  le  7  mai  à  Lyon  par  le 
baron  Rambaud,  et  le  13  mai  à  St-Romain-en-Gal  par  Montant.  Il  fut 
revêtu  de  l'approbation  préfectorale  le  20  mai.  L'acquisition  était  conclue 
au  prix  de  500  francs,  non  compris  les  100  francs  d'indemnité  promis  par 
M.  de  Tournon  et  déjà  versés.  Le  propriétaire  s'engageait  à  donner  toutes 
facilités  pour  l'enlèvement  qui  se  ferait  aux  frais  et  par  les  soins  de  la  ville. 
Artaud  insista  ^  pour  que  l'opération  eût  lieu  le  plus  tôt  possible,  à  cause 
de  la  gêne  subie  jusque  là  par  Montant  et  du  surcroît  de  dommage  que 
les  intempéries  inffligeaient  chaque  jour  à  la  mosaïque. 

3.  Il  avait  tout  de  suite  préparé  un  projet  de  compromis  avec  les 
marbriers  et  un  plan  pour  la  reconstitution  -.   Le  9  juin  les  marbriers 


1.  Note  écrite  sur  l'exemplaire  même  de  l'acte  de  vente. 

2.  Artaud  à  Rambaud,  25  mai  1823.  Voir  ce  plan,  fig.  9. 


87  — 


lyonnais  Bernard  et  Jamey  s'engagent  envers  le  maire  à  déplacer  la  mosaïque, 
à  la  transporter,  à  la  replacer  au  musée,  le  tout  selon  les  procédés  de  Bello- 
ni.  La  totalité  des  pièces  et  des  cubes  utilisables  ou  non  sera  transportée  à 
Lyon.  Les  cubes  des  parties  non  utilisées  serviront  à  réparer  les  autres. 
S'il  y  en  a  trop,  le  surplus  restera  la  propriété  de  la  ville  -,  s'il  n'y  en  a  pas 


Fig.  9.  —  Projet  d'Artaud  pour  la  réduction  de  la  mosaïque  Montant 


assez,  les  marbriers  combleront  le  déficit  à  leurs  frais.  Ils  fourniront  aussi 
les  plates  bandes  de  bordure,  pareilles  à  celles  des  mosaïques  qui  sont 
déjà  dans  la  galerie  du  musée,  et  ils  feront  les  raccords  au  pavé  de  la  salle. 
Rétablie,  la  mosaïque  aura  dix  pieds  sur  chaque  face.  Elle  comportera. 


—  88  — 

au  milieu,  Orphée  ;  autour  de  lui,  douze  animaux,  ceux  qui  figurent  sur 
le  dessin  d'Artaud  contresigné  par  eux  et  annexé  à  l'acte.  La  restauration 
sera  conforme  en  tout  au  dit  dessin.  Le  prix  forfaitaire  pour  le  travail  et 
les  fournitures  est  fixé  à  6.000  francs,  réduction  d'un  devis  estimatif  de 
6413  francs.  Les  marbriers  en  avaient  fait  un  autre  pour  l'éventualité 
d'une  restitution  intégrale  ;  il  s'élevait  à  14.972  francs.  Le  9  juillet,  Artaud 
certifiait  que  l'enlèvement  avait  été  opéré  avec  succès  et  que  Montant 
avait  rempli  toutes  ses  obligations. 

La  mosaïque,  réduite  et  restaurée,  prit  place  «  dans  la  grande  salle  du 
musée  >',  dit  vaguement  Comarmond  ^  «  à  l'entrée  de  la  galerie  du  musée  », 
selon  l'indication  plus  précise  d'Artaud  ~.  Mais,  pour  la  bien  comprendre, 
il  faut  se  rappeler  qu'on  accédait  alors  dans  cette  galerie  par  le  grand 
escalier  occidental  ou  escalier  de  la  Minerve,  et  qu'avant  la  galerie  pro- 
prement dite,  il  y  avait  une  petite  salle,  l'ancien  chauffoir,  laquelle  forme 
aujourd'hui  le  premier  compartiment  de  la  «  galerie  des  peintres  lyonnais  », 
le  quatrième,  si  l'on  part  du  grand  escalier  neuf  ou  oriental.  La  mosaïque 
d'Orphée  se  trouve  dans  le  compartiment  suivant,  à  la  place  même  où  elle 
fut  posée  en  1823.  Par  rapport  à  la  mosaïque  Cassaire,  elle  faisait  alors, 
comme  l'avait  projeté  Artaud,  pendant  à  la  mosaïque  Michoud.  Mais 
nous  avons  déjà  vu  3  que  cette  symétrie  n'existe  plus  depuis  1888  et  pour- 
quoi. Balustrade  non  comprise,  la  mosaïque  Montant  a  coûté  6625  francs, 
somme  qui  se  décompose  ainsi:  indemnité  au  propriétaire  et  salaire  du 
dessinateur,  125  ;  achat,  500  ;  enlèvement,  restauration  et  repose,  6000. 

II 

I .  La  mosaïque  primitive,  selon  Cochard  4  et  selon  Artaud  dans  son 
inventaire  de  1833,  avait  plus  de  20  pieds  de  long  sur  12  à  15  de  large.  Le 
compromis  du  baron  Rambaud  avec  Bernard  et  Jamey  lui  en  attribue 
19  sur  13  ;  Artaud,  dans  son  livre  de  1835,  21  sur  14.  Comarmond  dit 


1.  Description...,  p  .  690. 

2.  1835,  p. 121. 

3.  Chap.III,§II,n"3. 

4.  Ouv.  cité  et  Guide  du  voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon,  p.  120. 


—  89  — 

qu'elle  mesurait  plus  de  7  mètres  sur  5.  Cochard  l'a  décrite  d'après  nature, 
mais  incomplètement  ;  le  plagiaire  Savigné,  d'après  Cochard  ;  Artaud  et 
Comarmond,  d'après  la  planche  LVIII  d'Artaud  \  dont  l'original  fut  le 
dessin  levé  par  les  soins  de  celui-ci  ^,  lorsqu'elle  était  encore  à  St-Romain. 
C'est  d'après  la  même  planche  que  je  la  décrirai  à  mon  tour,  aucune  de 
leurs  descriptions  ne  me  semblant  satisfaisante. 

Le  pavement  était  rectangulaire,  à  décor  polychrome  sur  champ 
jaunâtre.  Le  tableau  central  représentait  Orphée,  nu,  de  profil,  coiffé  du 
bonnet  phrygien,  assis  sur  un  rocher  entre  deux  arbres  et  pinçant  les 
cordes  de  sa  lyre  que  soutenait  sa  cuisse  gauche.  Autour  de  ce  panneau 
carré  que  limitaient  deux  filets,  l'un  noir,  l'autre  rouge,  une  torsade  divi- 
sait le  champ  de  la  mosaïque,  qu'elle  bordait  aussi,  en  six  rangées  longi- 
tudinales et  huit  rangées  transversales,  de  caissons  octogonaux,  soit  48 
octogones,  dont  quatre  échancrés  par  les  angles  du  tableau  central  et 
44  complets.  Tous  ces  caissons  avaient,  en  deçà  de  la  torsade,  le  filet  noir 
et  le  filet  rouge.  Les  intervalles  des  octogones  et  de  la  bordure  étaient  de 
petits  triangles  vides  ;  ceux  qui  séparaient  les  octogones,  de  petits  carrés 
garnis  d'une  fleur  à  quatre  pétales;  les  uns  et  les  autres  limités  par  un 
simple  filet  noir.  Un  rinceau  identique  décorait  tous  les  octogones  tron- 
qués ;  chacun  des  octogones  complets  encadrait  un  animal  différent  posé 
sur  une  étroite  bande  de  sol.  L'orientation  des  animaux  était  symétrique 
par  rapport  aux  deux  axes  de  la  mosaïque,  c'est-à-dire  que  ceux  des  quatre 
rangées  transversales  inférieures  étant  posés  dans  le  même  sens  que  le 
personnage  du  milieu,  ceux  des  quatre  rangées  transversales  supérieures 
étaient  posés  en  sens  contraire,  et  que,  pour  les  rangées  longitudinales,  les 
animaux  de  droite  regardant  à  gauche,  ceux  de  gauche  regardaient  à  droite. 
Ainsi  les  44  animaux  avaient  la  tête,  non  seulement  tournée  du  côté 
d'Orphée,  mais  aussi  proche  que  possible  d'Orphée  ;  disposition  dont 
Cochard  n'a  ni  saisi  l'ensemble  ni  compris  le  dessin  pourtant  manifeste. 
«  Par  une  bizarrerie,  dit-il,  dont  il  est  difficile  de  se  rendre  compte,  plu- 
sieurs des  sujets  sont  disposés  en  sens  contraire  des  autres  )^  Il  y  a  20 


1.  Fig.  10. 

2.  Voir  Artaud  à  Rambaud,  15  février  1823. 


—  90  — 

quadrupèdes  et  24  oiseaux  ^  Artaud  -  croit  avoir  remarqué  qu'en  général 
les  animaux  amis  de  l'homme  sont  plus  rapprochés  d'Orphée.  C'est  une 
illusion.  L'entourage  immédiat  d'Orphée  comprend  douze  quadrupèdes, 
parmi  lesquels  le  renard,  le  cerf,  l'hyène,  le  sanglier,  le  loup  et  le  tigre. 
Ce  qu'il  faut  noter,  c'est  que  les  quadrupèdes  et  les  oiseaux  ne  sont  pas 
mélangés.  Ceux-ci  occupent  les  deux  lignes  transversales  du  haut  et  les 
deux  lignes  longitudinales  extrêmes  ;  les  quadrupèdes  ont  les  six  autres 
lignes  transversales,  moins,  dans  chacune  d'elles,  les  deux  places  extrêmes. 
Dans  ces  conditions,  quadrupèdes  et  oiseaux  ne  pouvaient  être  en  nombre 
égal  3,  mais  on  a  réduit  l'écart  au  minimum.  Cochard  observe  que  le 
mouton  «  paît  tranquillement  entre  le  loup  et  le  sanglier,  allégorie  extrê- 
mement ingénieuse  et  qui  peint  la  puissance  de  la  musique  même  sur  les 
animaux  »  4.  Après  la  torsade  par  laquelle  était  dessiné  le  grand  rectangle, 
la  mosaïque  avait  pour  bordure  un  rinceau  à  tiges  grêles  et  très  allongées, 
dont  les  lobes  étaient  tous  garnis  de  la  même  petite  feuille  cordiforme. 
Sur  la  face  d'en  haut  ses  enroulements  avaient  plus  d'ampleur  ;  il  était 
double  dans  la  partie  moyenne  de  cette  face,  au  miheu  de  laquelle  il 
jailHssait  d'une  sorte  de  vase. 

2.  Examinons  maintenant  si  la  planche  d'Artaud  est  une  image  bien 
fidèle  de  la  mosaïque  telle  qu'on  l'exhuma.  Autour  du  tableau  principal 
elle  nous  montre  44  petits  tableaux  et  nous  trouvons  sa  notice  exphcative 
d'accord  avec  sa  planche.  Mais  ce  double  témoignage  est  en  désaccord 
avec  tous  les  autres.  Dans  le  compromis  entre  le  maire  de  Lyon  et 
les  marbriers  il  est  dit  que  la  mosaïque  présente  au  milieu  Orphée, 
«  autour  de  lui  quarante-huit  animaux  de  diverses  espèces,  chacun  dans 
un  encadrement  ou  tableau  séparé  ».  Artaud  lui-même,  dans  son  inventaire 
de  1833,  parle  de  «  50  petits  tableaux  accompagnant  le  tableau  principal  ». 
Comarmond  affirme  qu'elle  se  composait  primitivement  de   cinquante 


1.  Artaud,  1835,  p.  121  et  suiv.,  énumère  les  20  quadrupèdes  ,mais  seulement  18  oiseaux,  n'ayant  pu 
<'  reconnaître  les  autres  ■ . 

2.  1835, p. 122. 

3.  Ils  seraient  en  nombre  égal,  si  le  tableau  du  centre  ne  réduisait  pas  deux  rangées  transversales  à   quatre 
animaux  et,  par  conséquent,  à  deux  quadrupèdes,  chacune. 

4.  Comp.  Artaud,  1835,  p.  121  (note)  :  -  Il  paraît  que  c'est  avec  intention  qu'on  a  mis  en  opposition  le 
loup  avec  l'agneau  ;  bien  avant  les  Romains,  Isaïe  avait  déjà  dit  :  Habitabit  lupus  inter  agnos  (XI,  6-9)  ». 


—  91  — 

caissons,  dans  le  centre  de  chacun  desquels  était  représenté  un  animal  S 
et  il  ajoute  :  «  Nous  ne  retrouvons  aucune  des  six  rosaces  qui  existaient  dans 
le  bas  ».  Cochard  avait  écrit  d'abord:  «  Le  reste  du  pavé  «,  hormis  le  tableau 
principal,  «  est  occupé  par  50  tableaux  2  représentant  des  rosaces,  des 
oiseaux  et  des  quadrupèdes»  ;  texte  qu'il  a  ainsi  modifié  en  l'imprimant: 
«  Le  reste  du  pavé  comporte  cinquante  tableaux  plus  petits,  offrant  quel- 
ques-uns des  rosaces,  d'autres  des  oiseaux  et  les  autres  des  quadrupèdes» 3. 
Écartons  d'emblée  le  nombre  48,  qui  est  impossible  :  s'il  y  avait  plus 
de  44  animaux,  il  y  en  avait  au  moins  50,  une  rangée  transversale,  soit  six 
de  plus,  les  seules  rangées  transversales  à  quatre  places  se  trouvant  à  la 
hauteur  du  tableau  central  et  ne  pouvant  être  que  deux.  Non  seulement 
l'erreur  est  certaine,  mais  sa  cause  est  évidente  :  la  mosaïque  comportait 
bien  48  octogones,  complets  ou  tronqués.  Restent  donc  contre  le  nombre 
44  trois  témoignages  seulement,  ceux  d'Artaud,  de  Cochard  et  de  Comar- 
mond.  Notons  d'abord  que  les  deux  premiers  ne  concordent  pas  avec  le 
troisième.  Artaud  parle  de  50  petits  tableaux  accompagnant  le  grand, 
Cochard  de  50  panneaux  secondaires,  animaux  ou  rosaces,  Couiarmond 
de  50  caissons  contenant  un  animal  et  de  six  rosaces,  ce  qui  ferait 
56  panneaux  secondaires.  Outre  que  celui-ci  est  le  seul  garant  du  nombre 
56,  le  contexte  de  son  témoignage  nous  le  révèle  sans  valeur.  C'est  d'après 
la  planche  d'Artaud  qu'il  décrit  la  mosaïque.  «  Il  entrait  ,  dit-il,  dans  sa 
composition  première  cinquante  caissons,  dans  le  centre  de  chacun  des- 
quels, était  représenté  un  animal.  Des  rinceaux  décoraient  la  bordure  qui 
l'entourait.  Artaud,  qui  l'avait  fait  dessiner,  l'a  représentée  ainsi  dans  son 
ouvrage.  Nous  remarquons  même  que  dans  la  restauration  de  cette 
mosaïque  il  y  a  des  caissons  ou  médaillons  qui  ont  été  transposés  et  que 
ceux  qui  se  trouvaient  le  moins  dégradés  sont  venus  prendre  la  place  de 
ceux  qui  l'étaient  davantage.  On  peut  s'en  rendre  compte  en  comparant 
la  planche  qui  nous  montre  le  monument  dans  l'état  où  il  était  lors  de  sa 


1.  De  même,  et  d'après  lui,  le  Catalogue  sommaire. 

2.  Dans  son  Guide  du  voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon,  p.  130,  il  donne  ce  même  nombre. 

3.  Savigné,  après  avoir  reproduit  dans  son  texte  cette  phrase  de  Cochard,  non  sans  la  défigurer,  écrit 
dans  une  note,  p.  188  :  •  Des  58  panneaux  il  n'en  reste  pas  même  la  moitié  ■.  Je  néglige  de  discuter  ce  nom- 
bre, qui  n'est  qu'un  lapsus.  Bazin,  Vienne  eï  Lyon  ga/Zo-romains,  p.  381,  fait  entrer  le  tableau  central  dans  le 
compte  des  50  panneaux.  Comment  s'y  prendrait-il  pour  distribuer  les  49  animaux  autour  d'Orphée  ^ 


—  92  — 

découverte  et  celui  où  il  est  actuellement.  La  bordure  n'existe  plus  et  on  a 
supprimé  trente-huit  caissons  ;  nous  ne  retrouvons  aucune  des  six  rosaces 
qui  existaient  dans  le  bas  ».  En  fait,  Comarmond  n'a  vu  ni  les  cinquante 
animaux  ni  les  six  rosaces.  Ses  souvenirs  le  trompent,  comme  ils  le  trompe- 
ront un  peu  plus  loin,  lorsque,  décrivant  sans  l'avoir  sous  les  yeux  l'entou- 
rage d'Orphée  réduit  à  douze  animaux,  il  le  subdivisera  en  cinq  quadrupè- 
des et  sept  oiseaux.  Je  ne  discerne  pas  l'origine  de  son  erreur  en  ce  qui  con- 
cerne les  six  rosaces.  Quant  au  nombre  50,  il  avait  pu  le  lire  dans  l'inventaire 
de  1833  par  Artaud  ;  sa  mémoire  lui  aurait  ainsi  joué  le  double  mauvais  tour 
de  retenir  le  nombre  faux  après  avoir  oublié  le  nombre  juste.  Le  cas  d'Ar- 
taud rédigeant  cet  inventaire  fut  sans  doute  pareil.  Pas  plus  que  Comar- 
mond il  ne  prit  la  peine  de  se  reporter  à  la  planche,  ce  qu'il  eut  soin  de  faire 
lorsqu'il  rédigea  sa  notice  de  1835  ;  et  je  croirais  volontiers  que  le  nombre 
50  lui  a  été  suggéré  par  Cochard,  avec  lequel  sa  notice  de  l'inventaire  offre 
une  autre  concordance  frappante,  l'évaluation  des  mesures,  «  plus  de  20 
pieds  par  12  à  15  ».  Cochard,  lui,  a  vu  la  mosaïque  primitive.  Mais  l'a-t-il 
bien  vue  ?  L'a-t-il  regardée  aussi  attentivement  et  détaillée  aussi  soigneuse- 
ment que  le  dessinateur  d'Artaud  ?  Ce  qui  prouve  que  non,  c'est  sa  remarque 
bizarre  que  quelques-uns  des  animaux  —  et  non  pas  la  moitié  des  animaux 
—  sont  disposés  en  sens  contraire  des  autres.  A-t-il  compté  les  caissons  ?  De 
leur  nombre  il  ne  semble  pas  avoir  été  bien  sûr,  car  il  avait  d'abord  écrit 
'(  une  quarantaine  de  tableaux  )-.  Quant  aux  rosaces,  dont  il  a  cru  voir  qu'une 
partie  des  caissons  étaient  ornés,  il  aura  pris  pour  telles  les  fleurs  qui  gar- 
nissaient les  intervalles  des  octogones  ou  bien  les  rinceaux  qui  décoraient 
les  quatre  octogones  tronqués  par  le  tableau  central.  Bref,  44  me  paraît 
infiniment  plus  probable  que  50,  pour  ne  pas  dire  certain. 

3.  Au  reste,  la  planche  d'Artaud  laisse  beaucoup  à  désirer  sous  le  rap- 
port de  la  fidélité.  Elle  nous  montre  dans  un  état  parfait  de  conservation  le 
pavement  que  les  marbriers  jugèrent  à  première  vue  inutilisable  ;  dont  on 
ne  pouvait,  de  l'aveu  même  d'Artaud,  sauver  que  le  tableau  central  et  les 
animaux  les  moins  endommagés  ;  dont,  toujours  d'après  Artaud,  on  aurait 
eu,  si  on  avait  voulu  le  rétablir  intégralement,  à  refaire  la  moitié.  Entre  le 
moment  où  elle  fut  exhumée  et  celui  où  elle  fut  enlevée,  la  mosaïque  eut  à 
souffrir  des  intempéries  ;  sans  doute  :  Artaud  affirme  que  pendant  l'hiver 


—  93  — 

1 822-1 823,  par  suite  de  la  gelée,  elle  perdit  «  au  moins  un  quart  de  sa  con- 
servation ))  ;  soit.  Mais  ce  n'étaient  pas  la  gelée  et  les  pluies  de  cet  hiver  seul 
qui  avaient  rendu  noirs  comme  charbon  les  fonds  et  les  entrelacs  d'un  grand 
nombre  de  panneaux.  Le  demi-aveu  du  mauvais  état  primitif  est  dans  un 
autre  passage  d'Artaud  ^  :  «  Malheureusement,  on  l'avait  laissée  trop  long- 
temps exposée  à  la  pluie  dans  un  lieu  bas,  et  le  ciment  qui  était  déjà  décom- 
posé en  partie,  le  fut  encore  davantage,  lorsqu'on  voulut  la  détacher  du  sol" . 
Quand  le  ciment  d'une  mosaïque  est  décomposé  en  partie,  il  n'y  a  guère 
chance  qu'on  la  découvre  intacte  et  il  est  bien  difficile  qu'on  ne  la  dégrade 
pas  davantage  en  la  découvrant.  Artaud  a  donc  réparé  sur  l'image  les  dom- 
mages subis  par  l'objet.  Nous  savons  déjà  qu'il  est  coutumier  de  ces  hber- 
tés  2.  La  comparaison  des  panneaux  utihsés  pour  la  restitution  avec  les 
parties  correspondantes  de  la  planche  nous  fournit  une  autre  raison  de 
croire  que  cette  image  n'est  pas  exacte  dans  le  détail.  Entre  la  figure  et 
l'objet,  animal  ou  sol,  il  y  a  souvent  de  sensibles  différences.  Inexactitude 
plus  grave,  tous  les  animaux  n'occupent  point  dans  l'image  la  place  qu'ils 
avaient  dans  l'original.  La  chouette,  qui  n'a  pas  été  utiHsée  pour  la  restitu- 
tion, mais  existe  encore,  je  dirai  tout  à  l'heure  où,  regarde  à  droite,  quand  elle 
est  posée  normalement.  Par  conséquent,  dans  l'original,  elle  faisait  partie, 
soit  de  la  moitié  inférieure  gauche,  soit,  posée  en  sens  inverse,  de  la  moitié 
supérieure  droite.  Or,  sur  la  planche,  elle  est  le  troisième  animal,  en  partant 
du  bas,  de  la  première  rangée  longitudinale  droite  ;  elle  regarde  à  gauche. 

De  même  qu'il  nous  trompe,  dans  son  album,  en  nous  faisant  voir 
intacte  la  mosaïque  à  peine  remise  au  jour,  de  même  Artaud,  dans  sa  notice 
de  1835,  exagère  le  délabrement  de  la  mosaïque  sur  le  point  d'être  enlevée. 
«  Nous  ne  pûmes  sauver  que  le  tableau  du  milieu  et  quelques  panneaux 
dont  nous  fîmes  une  moins  grande  mosaïque...  >.  Si  l'on  prenait  ce  témoi- 
gnage à  la  lettre,  douze  panneaux  seulement  auraient  été  sauvés,  les  douze 
qui,  dans  la  mosaïque  réduite,  entourent  le  tableau  central.  Or,  en  considé- 
rant le  dessin  annexé  au  traité  de  Bernard  et  Jamey  avec  la  ville,  dessin 
conformément  auquel  ils  s'engagent  à  effectuer  la  restauration,  nous  consta- 


1.  1835,  p.  131  ;  comp.  Comarmond,  Description...,  p.  690. 

2.  Chap.  I,  §  V,  no  2,  et  surtout  chap.  II,  §  II,  n"  2. 


—  94  — 

tons  qu'il  diffère  notablement  de  la  mosaïque  actuelle.  Celle-ci  comporte 
huit  oiseaux  et  quatre  quadrupèdes  ;  le  dessin  nous  présente  quatre  oiseaux 
et  huit  quadrupèdes.  Des  douze  animaux  qui  figurent  dans  ce  projet  de  res- 
tauration, neuf  ne  figurent  pas  dans  la  restauration.  Il  y  avait  donc  plus  de 
douze  animaux  utiHsables  ;  il  y  en  avait  au  moins  vingt  et  un.  Il  y  en  avait 
même  vingt-deux,  puisque  la  chouette,  qui  n'est  comprise  ni  dans  le  projet 
ni  dans  la  restauration,  existe  cependant  encore,  dégradée  sans  doute,  mais 
réparable.  Elle  fut  appliquée  telle  quelle,  parmi  d'autres  débris  de  mosaï- 
ques, sur  le  soubassement  ^  du  couloir  qui  sépare  les  salles  de  la  sculpture, 
lorsque  Martin-Daussigny  le  fit  décorer  en  1877.  Des  neuf  animaux  compris 
dans  le  projet  d'Artaud,  et  en  définitive  éliminés,  huit  n'existent  plus,  à  ma 
connaissance  ;  le  lion,  remis  à  neuf,  se  voit  dans  la  décoration  composite 
que  le  même  Martin-Daussigny  imagina  pour  le  vestibule  des  Antiques,  en 
1868  :  il  est  au-dessus  de  la  porte  qui  met  ce  vestibule  en  communication 
avec  la  galerie.  Du  grand  rinceau  de  pourtour,  dont  il  n'y  a  trace  ni  dans  le 
dessin  d'Artaud  ni  dans  la  mosaïque  actuelle,  il  ne  reste  rien  ailleurs,  que  je 
sache. 

III 

I.  La  mosaïque  actuelle  2  forme  un  carré  parfait.  Le  côté,  approximati- 
vement évalué  à  10  pieds  dans  le  compromis  des  marbriers  avec  le  maire, 
est  exactement  de  2  m.  58  3.  La  surface  n'atteint  donc  pas  sept  mètres, 
tandis  que  celle  de  la  mosaïque  primitive  dépassait  35  mètres.  Le  pavement 
comporte,  ainsi  qu'il  avait  été  prévu  et  convenu,  le  tableau  central  et  douze 
animaux,  mais  non  pas,  nous  venons  de  le  voir,  tous  les  douze  animaux 
qu'Artaud  avait  choisis  et  désignés.  La  torsade  qui  encadre  les  octogones 
est  aussi  la  seule  bordure  de  la  mosaïque  restituée.  La  restitution  est-elle, 
comme  l'affirme  Artaud  4,  «  une  moins  grande  mosaïque  toujours  dans  le 
même  esprit  »  que  la  primitive  ?  Oui,  en  ce  sens,  et  c'est  l'essentiel,  que  les 
douze  animaux,  quatre  sur  chaque  face,  sont  posés  symétriquement  par 
rapport  aux  deux  axes  et  ont  ainsi  tous  la  tête  dirigée  vers  le  tableau  central. 


1.  A  gauche  en  venant  du  cloître  et  dans  la  partie  qui  précède  la  porte  de  l'ancien  réfectoire. 

2.  Voir  fig.  II. 

3.  Mesure  donnée  par  le  Catalogue  sommaire.  Comarmond  :  2,60  X2,58. 

4.  1835,  p. 121. 


—  95  — 

vers  Orphée,  semblant  donc  «  se  plaire  à  entendre  l'harmonie  de  ses  sons  »  ^ 
Non,  en  ce  sens  que  les  deux  catégories  sont  numériquement  très  inégales, 
huit  oiseaux  contre  quatre  quadrupèdes  ;  que  leur  disposition  relative  n'a 
aucune  régularité  géométrique  ;  bien  plus,  qu'elles  ne  forment  pas  deux 
groupes  distincts,  l'un  des  quadrupèdes  se  trouvant  isolé  parmi  les  oiseaux. 
Rien  n'était  plus  facile,  cependant,  avec  les  ressources  dont  nous  connais- 
sons l'existence,  que  de  se  conformer  en  tout  point  aux  principes  qui  avaient 
réglé  la  composition  originale.  Pour  réahser  l'égalité  numérique  des  deux 
catégories,  il  suffisait  de  remplacer  deux  oiseaux  par  deux  des  six  quadru- 
pèdes disponibles.  On  aurait  pu  effectuer  la  séparation  des  deux  catégo- 
ries, soit  dans  le  cas  de  l'égalité  numérique,  en  assignant  aux  oiseaux  la 
moitié  supérieure  et  aux  quadrupèdes  la  moitié  inférieure  ;  soit,  dans  le 
cas  de  l'inégalité  actuelle,  en  alignant  tous  les  quadrupèdes  sur  la  rangée 
transversale  la  plus  basse.  Mais  notons  que,  même  dans  ce  cas,  il  aurait 
fallu  avoir  recours  aux  disponibilités,  afin  de  substituer,  si  on  ne  voulait 
pas  enfreindre  la  règle  essentielle  de  l'orientation,  deux  des  quadrupèdes 
éliminés  à  deux  des  quadrupèdes  choisis  :  car  ceux-ci  regardent  tous  à 
gauche  dans  la  position  normale  ;  et  deux  oiseaux  regardant  à  gauche  dans 
cette  position  aux  deux  oiseaux  délogés  de  la  plus  basse  ligne  transversale, 
lesquels  regardant  à  droite,  ne  pouvaient  occuper,  un  coup  d'oeil  jeté  sur 
la  figure  le  démontre,  les  deux  places  devenues  vacantes  hors  de  cette 
ligne. 

2.  Si  l'on  se  demande  pourquoi  Artaud  ne  veilla  point  à  ce  que,  dans 
la  restitution,  les  règles  secondaires  fussent  respectées  comme  la  règle 
essentielle,  on  ne  trouve  à  la  question  qu'une  réponse  plausible:  il  n'avait 
pas  étudié  la  composition  originale  d'assez  près  pour  les  apercevoir.  On 
peut  se  demander  aussi  pourquoi  une  restitution  plus  grande  ne  fut  ni 
exécutée  ni  projetée,  puisque  la  comparaison  de  la  mosaïque  restituée  avec 
le  projet  d'Artaud  nous  a  prouvé  l'inexactitude  de  son  affirmation  réitérée  2, 
que  l'original  fut  réduit  à  un  si  petit  nombre  de  caissons  outre  le  tableau 
du  milieu,  parce  qu'il  n'était  pas  possible  d'en  sauver  davantage.  Nous 


5. 1833,  p.  32. 

I.  1835,  pass.  cités  ;  cf.  Inventaire  de  1833,  où  il  est  dit  que  les  petits  tableaux  de  la  mosaïque  ont  été 
'réduits  à  douze  à  cause  de  son  état  de  dégradation  ». 


—  96  — 

savons  qu'il  existait,  non  pas  douze,  mais  au  moins  vingt-deux  animaux 
utilisables,  douze  oiseaux  et  dix  quadrupèdes.  Onze  de  ces  animaux  étaient 
tournés  à  droite  dans  la  position  normale,  dont  sept  oiseaux  et  quatre 
quadrupèdes  ;  onze  à  gauche,  dont  cinq  oiseaux  et  six  quadrupèdes.  D'où 
il  résulte  qu'en  tenant  compte  de  toutes  les  règles  auxquelles  l'auteur  de 
la  composition  originale  s'était  astreint,  seize  animaux  pouvaient  prendre 
place  dans  la  restitution,  les  huit  oiseaux  sur  une  ligne  simple  au-dessus  et 
une  ligne  double  aux  côtés  d'Orphée,  les  huit  quadrupèdes  sur  une  ligne 
double  au-dessous  ;  arrangement  qui  n'aurait  pas  nui  à  la  beauté  de  l'en- 
semble et  qui  lui  aurait  rendu  la  forme  rectangulaire  de  l'original.  Et  si 
l'on  n'avait  observé,  comme  l'auteur  de  la  restitution,  que  la  règle  essen- 
tielle de  la  double  symétrie,  on  aurait  pu  aller  jusqu'au  nombre  de  vingt 
animaux,  c'est-à-dire  en  placer  deux  rangées  transversales  et  au-dessus  et 
au-dessous  d'Orphée,  outre  les  deux  couples  latéraux.  L'unique  et  mau- 
vaise raison  donnée  par  Artaud  ^  éveillait  déjà  la  légitime  défiance  de 
Comarmond  ^  :  il  soupçonne  que  deux  considérations  non  avouées  inter- 
vinrent, d'abord  le  parti  pris  de  faire  une  mosaïque  qui  pût  servir  de  pen- 
dant à  la  mosaïque  Michoud  3  ,ensuite  le  souci  de  restreindre  les  frais  : 
la  ville  de  Lyon  venait  de  dépenser  beaucoup  d'argent  pour  les  autres 
mosaïques  du  musée.  Quant  au  rinceau,  cadre  extérieur  du  pavement 
primitif,  Artaud  n'en  prévoyait  pas  l'utilisation  et  il  fut  effectivement 
supprimé,  soit  parce  qu'il  était  dans  son  ensemble  en  trop  mauvais  état, 
soit  plutôt  parce  que  sa  largeur  parut  en  disproportion  avec  la  surface 
réduite  au  cinquième. 

3.  Lorsqu'il  dessina  son  projet  de  restauration,  Artaud  ignorait,  non 
seulement  les  règles  secondaires,  mais  la  règle  essentielle,  en  un  mot  tout 
«  l'esprit  »  de  la  composition  primitive  4.  Non  seulement  donc  ses  quatre 
oiseaux  et  ses  huit  quadrupèdes  sont  mélangés,  mais  les  six  animaux  de  la 


1.  C'est  la  seule  aussi  que  donne  Cochard,  Guide  du  voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon,  p.  120  :  «  Son  état 
de  dégradation  a  déterminé  l'artiste  qui  l'a  rétablie  à  réduire  à  12  les  50  petits  tableaux  qui  accompagnaient  le 
tableau  principal  ". 

2.  Description...,  pass.  cité. 

3.  Voir  Artaud  à  Rambaud,  15  février  et  29  avril  1823;  compromis  entre  Rambaud  et  les  marbriers, 
9  juin  1823  ;  toutes  pièces  déjà  citées. 

4.  Notons  en  outre  que  dans  les  petits  carrés  qui  séparent  les  octogones  Artaud  a  dessiné  par  inadver- 
tance, au  lieu  d'une  fleur  à  quatre  pétales  ,un  nœud  de  torsade. 


—  97  — 

moitié  supérieure  ne  sont  pas  posés  à  l'envers  et  sept  animaux  sur  douze, 
mal  orientés,  semblent  s'éloigner  d'Orphée,  comme  si  sa  musique  n'avait 
pas  le  don  de  les  charmer.  Ce  grossier  contre-sens,  Artaud  l'aperçut  à  la 
réflexion,  avant  qu'il  fut  trop  tard.  Mais  ceci  n'explique  pas,  tant  s'en  faut, 
toute  la  différence  entre  la  mosaïque  du  dessin  et  celle  du  musée.  Cinq 
animaux  de  la  première  regardent  à  droite  et  sept  à  gauche.  Donc,  pour 
obtenir  le  résultat  que  nous  avons  sous  les  yeux  au  musée,  la  double  symé- 
trie des  poses,  il  n'aurait  pas  suffi  de  changer  l'ordre  relatif  des  animaux 
d'abord  choisis  ;  il  aurait  été  nécessaire,  mais  suffisant  aussi,  de  remplacer 
un  de  ces  animaux.  Pourquoi  en  a-t-on  remplacé,  non  pas  un,  mais  neuf? 
Sans  doute,  parce  que  les  mosaïstes,  en  les  examinant  de  près,  trouvèrent 
qu'ils  n'étaient  point,  comme  l'avait  cru  Artaud,  parmi  les  mieux  conservés. 
Ainsi  seulement  nous  concevons  qu'on  ait  éliminé,  par  exemple,  le  lion 
dont  nous  pouvons  apprécier  l'effet  décoratif  dans  le  vestibule  des  An- 
tiques ;  et  le  coq,  alors  que,  selon  Cochard,  «  le  paon  et  le  coq  se  distin- 
guaient par  l'éclat  de  leurs  plumages  ».  Le  dossier  des  archives  ne  renferme 
aucune  pièce  qui  mentionne  les  nouvelles  instructions  données  aux  mosaïstes 
qu'il  fallut  bien  délier  de  leur  engagement  strict  :  elles  furent,  selon  toute 
vraisemblance,  verbales. 

IV 

I.  Dans  V Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  S  une  planche  de 
l'album  reproduit  en  noir  la  mosaïque  telle  qu'elle  est  au  musée,  avec 
renvoi  au  n°  242  du  texte,  dont  la  notice  est  ainsi  conçue:  «  St-Romain-en- 
Gal...,  1822.  La  composition  primitive  comprenait  cinquante  caissons, 
dans  le  centre  de  chacun  desquels  était  représenté  un  animal  différent^ 
Reste  le  sujet  principal,  Orphée  assis  jouant  de  la  lyre,  et  un  entourage 
composé  de  douze  médaillons  (2  m.  58X  2  m.  58).  Musée  de  Lyon  (1823)»  2. 
Mais  d'après  le  même  Inventaire ^  nous  aurions  au  musée  une  autre  mo- 
saïque d'Orphée,  le  n^  201  :  «Ste-Colombe.  Dans  la  vigne  de  Montant  3 


1.  I.  Narbonnaise  et  Aquitaine,  par  M.  Georges  Lafaye. 

2.  Bibliographie  :  »  Comarmond,  op.  cit.,  p.  690-691  ;  Catalogue  sommaire  des  Musées  de  Lyon,  1887 
p.  135,  n»  17». 

3.  M.  Lafaye  a  laissé  passer  la  même  faute  d'impression  que  Comarmond.  I  s'agit  bien  d'une  faute 
d'impresson,  puisque  cette  notice  dérive  ,non  de  Comarmond,  mais  de  Savigné  qui  a  imprimé  correctement 
Montant. 


—  98  — 

dit  Paret,  à  o  m.  60  de  profondeur  ;  environ  7  m.   <  4  ou  5  m.  Le  tableau 
central  et  quelques-uns  des  autres  ont  été  rétablis  ;  mais  ce  n'est  pas  la 
disposition  primitive.   Orphée   assis   entre  deux  arbres   sur  un  rocher. 
Quarante-quatre  compartiments  octogonaux  séparés  par  une  torsade  et 
ornés  chacun  d'un  animal  différent.  «  Nous  ne  pûmes  sauver  que  le  tableau 
du  milieu  et  quelques  panneaux  (Artaud).  Musée  de  Lyon»  ^  La  pre- 
mière notice  dérive  directement  du  Catalogue  sommaire,  indirectement  de 
Comarmond.  Or,  si  l'auteur  avait  pris  la  peine  de  remonter  jusqu'à  cette 
source,  il  aurait  vu  que  le  passage  et  la  planche  d'Artaud,  auxquels  il  se 
réfère  pour  la  seconde  notice,  sont  clairement  visés  par  Comarmond,  et 
reconnu  tout  de  suite  l'identité  du  tïP  201  avec  le  n"  242,  malgré  certaines 
divergences  insignifiantes  des  témoignages.  Artaud  et  Savigné,  le  deuxième 
témoin  cité  pour  le  n^  201,  donnent  comme  lieu  de  la  découverte  Ste- 
Colombe,  et  Comarmond  St-Romain-en-Gal,  mais  Artaud  ajoute  :  «chez  un 
agriculteur  nommé  Montant  »  :  Comarmond,  avec  une  faute  d'impression, 
«dans  la  propriété  de  M.  Montant  »,  Savigné  précise:  «  Le  nommé  Mon- 
tant ditParet  rencontra  dans  sa  vigne...  ».  Artaud  et  Savigné  s'expriment  avec 
l'inexactitude  du  langage  courant  où  Ste-Colombe,  la  plus  peuplée  des  deux 
communes   limitrophes,   supplante   St-Romain  pour  la   désignation   de 
faubourg  de  Vienne  antique.  La  divergence  relative  au  nombre  des  petits 
tableaux  aurait  paru  néghgeable,  en  ce  qui  concerne  la  question  d'identité, 
si  l'on  avait  remarqué  que  Savigné  lui-même  donne  50  pour  la  prétendue 
mosaïque  de  Ste-Colombe.  Le  désaccord  des  témoignages  quant  à  la  date 
n'a  non  plus  aucune  valeur,  puisque  le  1830  d'Artaud  est,  comme  nous 
l'avons  vu  en  commençant,  une  erreur  manifeste.  Que  l'on  ne  cherche 
donc  pas,  sur  la  foi  de  V Inventaire:,  une  seconde  mosaïque  d'Orphée  au 
musée  de  Lyon. 

2.  Notre  pavement  n'est  d'ailleurs  pas  la  seule  représentation  en  mo- 
saïque d'Orphée  charmant  les  animaux,  qu'ait  rendue  le  sol  de  Vienne  et 
de  sa  banlieue  romaine.  Une  autre  fut  découverte  à  Vienne,  dans  le  Champ 
de  Mars,  en  1859  ;  elle  est  conservée  en  grande  partie  au  musée  de  cette 


Bibliographie  :  «  Artaud,  op.  cit.,  p.  121-122,  pi.  LVIII,  en  couleur  ;  Savigné,  op.  cit.,  p.  187- 


—  99  — 

villes  Elle  comportait  primitivement  cinq  rangées  de  trois  caissons  séparés 
par  un  cadre  riche  et  complexe,  les  uns  octogonaux,  les  autres  carrés, 
disposés  en  damier,  sept  octogones  et  huit  carrés,  ceux-là  beaucoup  plus 
grands  que  ceux-ci,  mais  tous  égaux  entre  eux.  Dans  l'octogone  central, 
Orphée,  de  face,  vêtu,  assis  sur  un  rocher  entre  deux  arbres  et  jouant  de 
la  lyre  ;  dans  chacun  des  six  autres  un  quadrupède  ;  dans  chacun  des  carrés 
un  oiseau  ;  ea  tout  quatorze  animaux.  Une  troisième  fut  exhumée  à  Ste- 
Colombe,  dans  la  propriété  Grange,  en  1899,  puis  recouverte  2.  Orphée, 
dans  un  cadre  hexagonal,  y  est  entouré  de  six  animaux  dans  des  hexagones 
aussi.  L'ensemble  de  ces  caissons  a  comme  bordure  un  cercle  de  torsade 
inscrit  dans  un  carré.  Entre  la  torsade  et  le  carré,  aux  quatre  angles,  on 
voit  les  bustes  des  quatre  saisons.  Pour  les  autres  régions  de  la  Gaule,  fron- 
tière germanique  comprise,  nous  connaissons  sept  mosaïques  de  ce  même 
sujet  3.  Hors  de  ce  domaine,  nous  en  connaissons  sept  également  pour 
l'Afrique  4,  deux  pour  l'Allemagne  et  l'Autriche,  quatre  pour  l'Italie, 
six  pour  l'Angleterre  5.  Tous  ces  pavements  appartiennent  à  l'époque 
impériale  —  le  plus  ancien  paraît  être  la  mosaïque  de  Pérouse,  qui  remon- 
terait à  l'âge  augustéen^  — ;  tous  aux  contrées  occidentales  de  l'empire. 
Tantôt  Orphée  et  les  animaux  forment  un  seul  tableau,  par  exemple  dans 
la  mosaïque  d'Aix-en-Provence  ;  tantôt,  comme  dans  la  nôtre,  ils  sont 
séparés  de  lui  et  isolés  chacun  dans  son  cadre,  au  préjudice  du  naturel, 
au  bénéfice  de  l'effet  décoratif  7. 

«  Il  n'est  point  de  sujet  qui  ait  été  plus  souvent  répété  sur  les  mosaï- 
ques des  anciens»,  dit  à  bon  droit,  dès  1835,  Artaud  ^;  puis,  après  avoir 
cité  quelques  exemples,  il  affirme  que  celle  de  St-Romain  est  «  une  des 


1.  Inventaire  des  Mosaïques  de  la  Gaule,  I,  n"  i8i  (tableau  central  dans  l'album). 

2.  Ibid.,  n°  2ig. 

3.  Ibid.,  n°  55  (Aix-en-Provence)  ;  1032  (forêt  de  Bretonne,  Seine-Inf.)  ;  1 122  (Blanzy-Iez-Fismes,  Aisne)  ; 
1386  (Yverdon,  Suisse);  1387  (Yvonand,  Suisse);  1403  (Avenches,  Suisse)  ;  1611  (Rottweil,  Wurtemberg). 
Je  ne  compte  pas  le  n°  223  qui  est  un  double  de  181,  et  je  rappelle  que  201=242  (notre  mosaïque). 

4.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  et  de  l'Afrique,  II,  n°"  88,  374,  381,  32a  ;  III,  n'^'  221, 440, 458. 

5.  Roschet ,  Lexikon  der  griech.  und  rœm.  Mythologie' ,  III,  i,  col.  1189  et  suiv. 

6.  Notizie  degliscavi,  1877,  pi.  XI  ;  Bulletino  delV  Instituto  di  Corrisp.  archeoL,  187Ô,  p.  234. 

7.  Parfois  aussi,  il  y  a  des  animaux  et  dans  le  même  tableau  qu'Orphée  et  dans  les  tableaux  séparés 
p.  ex.,  mosaïque  d'Yvonand. 

8.  1835,  p. 119' 


—  100  — 

plus  capitales  et  des  plus  belles  qui  soient  »  à  sa  connaissance  ^  ;  jugement 
plausible,  si  on  le  rapporte  au  pavé  primitif,  remarquable  par  ses  dimen- 
soins,  tout  au  moins,  et  le  nombre  de  ses  tableaux  ;  mais  que  l'on  ne  saurait 
appliquer  à  notre  mosaïque  réduite.  L'œuvre  était  d'une  époque  assez 
tardive,  du  iii^  siècle  sans  doute,  et  plutôt  de  sa  fin  que  de  son  début. 
Alors  le  système  hexagonal,  puis  le  système  octogonal,  ont  remplacé  le 
système  quadrangulaire  ;  le  cadre  géométrique  a  pénétré  et  morcelé  le 
tableau  central.  «  A  mesure  que  ses  lignes  se  multiplient  et  s'étalent,  les 
motifs  qu'elles  isolent  se  rétrécissent  et  se  simplifient...  Comme  les  figures 
ne  sont  plus  assemblées,  l'artiste  cède  à  la  tentation  de  les  isoler  tout  à  fait, 
même  quand  elles  font  partie  d'un  ensemble.  Par  exemple,  il  n'hésite  pas 
à  séparer  par  un  large  tresse  d'encadrement  deux  gladiateurs  qui  se  meu- 
vent l'un  contre  l'autre  ou  un  chasseur  et  la  bête  qu'il  poursuit  »  ;  ici,  le 
chanteur  et  les  animaux  qu'il  attire  vers  lui.  «  Tantôt  le  mosaïste  dissémine 
les  images  analogues  dans  les  divers  compartiments  d'un  vaste  casier  géo- 
métrique, tantôt  il  les  aligne  sur  des  registres...  ou  bien  les  dispose  en 
frises  concentriques  autour  du  motif  principal  »  -. 

3.  Si  le  thème  d'Orphée  charmant  les  animaux  semble  avoir  été  fami- 
lier surtout  aux  peintres  en  mosaïque,  il  n'a  pas  été  négligé  dans  les  autres 
sortes  de  monuments.  «  C'est  de  beaucoup  la  plus  populaire  de  toutes  les 
scènes  où  figure  le  héros.  Elle  est  reproduite  par  des  centaines  de  monu- 
ments qui  datent  presque  tous  de  l'époque  hellénistique  on  gréco-romaine: 
des  fresques,  des  bas-reliefs  et  des  sarcophages,  des  patères  à  libations,  des 
miroirs,  des  plaques  de  bronze,  des  lampes,  des  pierres  gravées,  des  mon- 
naies de  Thrace  et  d'Alexandrie...  3  ».  Bien  que  le  sujet  fût  tiré  de  la  légende 
païenne,  l'art  chrétien  primitif  se  l'est  approprié.  «  Les  chrétiens...  n'ont 
pas  craint  d'avoir  recours  à  la  fable  d'Orphée  pour  faire  de  ce  poète  subli- 
me la  figure  symbohque  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ  attirant  à  lui 
les  cœurs  les  plus  endurcis  et  les  plus  rebelles  par  l'harmonie  de  ses  divines 
paroles  »  4. 


1.  Ibid.,p.i2i. 

2.  Gauckler,  article  Musivum,  dans  Dict.  des  Antiq.  gr.  et  romaines,  IV,  p.  2.1 12. 

3.  Monceaux,  article  Orpheus,  Ibid.,  IV,  p.  244.  Voir  aussi  Roscher,  Lexikon  der  griech.  und  rœm.  Mytho- 
logie, III,  I,  col.  1.172, 1.177,  i.iSgetsuiv.,  1.201. 

4.  Artaud,  1835,  p.  120.  Comp.  Monceaux,  ifcjJ.,  p.  245  et  suiv.  ;  Roscher,  iiic/.,  col.  1.202  etsuiv. 


—  101  — 
V 

LA  MOSAÏQUE  SEGUIN 

(ÉROS  ET  ANTÉROS  OU  LES  EXERCICES  DE  LA  PALESTRE) 
BIBLIOGRAPHIE.  —  Voir  celle  du  chapitre  I  et  les  notes. 

I 

I.  Cette  mosaïque,  découverte  quelques  mois  avant  la  mosaïque  d'Or- 
phée, fut  acquise  et  enlevée  à  la  même  époque,  mais  ne  trouva  que  beau- 
coup plus  tard  une  place  dans  les  salles  du  musée. 

Le  22  janvier  1822,  Artaud  écrivait  au  baron  Rambaud,  maire  de 
Lyon,  qu'on  venait  de  découvrir  à  Vienne  une  mosaïque  de  16  pieds  sur  11, 
très  fine,  très  soignée,  n'ayant  que  de  légères  dégradations.  Elle  compor- 
tait un  labyrinthe  avec  des  figures  «  relatives  au  combat  de  l'Amour  »  et 
analogues  à  celles  des  mosaïques  de  Ste- Colombe  (Michoud)  et  du  Gour- 
guillon  (Cassaire).  Le  propriétaire  la  céderait,  pensait-il,  pour  1000  ou 
1.500  francs.  Mais  on  devait  se  hâter,  de  peur  que  M.  de  Forbin  ne  l'acquît 
pour  la  Capitale.  Point  ne  serait  besoin  de  la  faire  restaurer  à  Paris,  comme 
les  mosaïques  Macors  et  Cassaire.  La  dépense  totale  à  prévoir  pouvait  se 
calculer  d'après  celle  qu'avait  causée  récemment  la  mosaïque  Michoud. 
Une  seconde  lettre  du  même  au  même  (i^^  mars)  nous  fait  connaître 
qu'il  était  alors  en  pourparlers  avec  le  propriétaire.  Celui-ci  demandait 
1500  francs,  Artaud  en  offrait  600.  Autorisé  par  le  maire,  il  se  transportait 
à  Vienne  pour  négocier  et  aussi  pour  constater  quelques  dégâts,  que, 
depuis  l'exhumation,  les  curieux  avaient  faits  au  pavement.  Dans  ces  deux 
lettres,  l'endroit  précis  de  la  découverte  n'est  pas  indiqué  et  le  propriétaire 
n'est  pas  nommé.  Nous  avons  ces  renseignements  par  les  lettres  ulté- 
rieures d'Artaud  et  par  d'autres  pièces  du  dossier  des  archives  munici- 
pales ^  :  la  mosaïque  fut  trouvée  dans  la  vigne  d'un  nommé  Seguin,  au 
plan  de  l'Aiguille.  Artaud  fournit  une  désignation  équivalente  du  lieu  en 
sa  notice  de  1835  2,  avec  un  détail  nouveau,  mais  sans  indication  de  date: 

1.  R-a. 

2.  P.  85. 


—  102  — 

«  Ce  beau  pavé...  a  été  trouvé  dernièrement  près  de  la  Pyramide  de  Vienne, 
dans  la  vigne  d'un  nommé  Seguin,  à  quatre  pieds  de  profondeur  ».  V In- 
ventaire des  mosaïques  de  la  Gaule  ^  reproduit  ces  données,  mais  en  y  rem- 
plaçant l'adverbe  de  temps,  vague  et  inexact,  par  la  date  qu'il  doit  à 
Cochard  2.  Quoique  celui-ci  appelle  le  propriétaire  d'un  autre  nom,  sim- 
ple lapsus  sans  doute,  le  surplus  du  passage  prouve  qu'il  s'agit  bien  de  la 
même  mosaïque  :  «  Près  de  là  (de  la  Pyramide)  le  nommé  Charlin  en  a 
déterré  une  dans  sa  vigne  en  1822,  représentant  un  labyrinthe.  Elle  a  été 
acquise  pour  le  musée  de  Lyon  >. 

Un  an  après  le  voyage  d'Artaud  à  Vienne  en  vue  de  négocier,  le  mar- 
ché n'était  pas  encore  conclu.  M.  de  Mirmont,  maire  de  cette  ville,  avait 
obtenu  de  Seguin,  moyennant  une  somme  de  i  .000  francs,  une  promesse  de 
vente  en  faveur  du  musée  local.  Mais,  faute  de  pouvoir  déplacer  la  mosaï- 
que, il  lui  donne  décharge  de  sa  promesse,  et  Seguin,  le  5  février  1823,  vient 
à  Lyon  reprendre  les  pourparlers  avec  Artaud.  Il  demande  1.200  francs, 
Artaud  estime  toujours  qu'on  pourra  traiter  à  600.  La  lettre  3  par  laquelle  il 
met  le  baron  Rambaud  au  courant  de  ce  qui  précède  annonce  qu'il  lui 
envoie  les  deux  planches  déjà  gravées  qui  portent  dans  son  album  de  1835 
les  numéros  30  et  31.  Pour  le  moment  il  ne  s'agirait,  dit-il,  que  d'enlever  la 
mosaïque  sur  plaques  de  marbre,  selon  le  procédé  de  Belloni,  afin  de  la 
mettre  en  réserve  dans  les  dépôts  du  musée.  On  la  reposerait,  quand  la 
nouvelle  salle  des  Antiques,  au  premier  étage  de  l'aile  orientale,  serait  ter- 
minée. Le  baron  Rambaud  hésitait-il  encore  ?  Peut-être  :  la  ville  avait  déjà 
beaucoup  dépensé,  plus  de  40.000  francs,  pour  les  mosaïques  de  son  musée. 
Quoi  qu'il  en  soit,  dans  sa  lettre  du  29  avril,  Artaud  vante  la  beauté  «  de  la 
mosaïque  Seguin,  au  plan  de  l'Aiguille  à  Vienne  »,  et  sa  conservation  par- 
faite. Deux  personnes,  assure-t-il,  ont  fait  des  offres.  Comme  il  fallait  se 
hâter,  sauf  approbation  du  maire  il  a  conclu  pour  600  francs  et  un  louis 
d'étrennes  à  la  femme  Seguin. 

L'acte  de  vente  «  de  la  mosaïque  du  labyrinthe,  récemment  décou- 
verte »  par  Seguin  «  dans  sa  vigne  du  plan  de  l'Aiguille  à  Vienne  »,  fut  signé 


i.N°i6i. 

a.  Dans  Chorier,  Recherches  sur  les  antiquités  de  Vienne  ;  nouv.  éd.,  1828,  p.  3,  note  i. 

3   5  février  1823. 


—  103  — 

le  7  mai  à  Vienne,  le  13  à  Lyon,  c'est-à-dire  les  mêmes  jours  que  l'acte 
concernant  la  mosaïque  d'Orphée.  Le  prix  est  fixé  à  600  francs,  plus  40 
francs  d'étrennes  pour  la  femme  Seguin.  Le  propriétaire  donnera  toutes 
facilités  aux  ouvriers  chargés  par  la  ville  de  l'enlèvement.  A  la  même  date 
aussi  que  pour  la  mosaïque  d'Orphée,  le  9  juin  1823,  les  marbriers  Bernard 
et  Jamey  s'obHgent  à  enlever,  emballer,  transporter,  préparer  selon  les 
procédés  Belloni  et  déposer  au  musée  de  Lyon,  la  mosaïque  Seguin.  Le  prix 
convenu  pour  toutes  ces  opérations,  fournitures  comprises,  est  de  1.600 
francs.  Si  la  ville  veut  ensuite  la  faire  placer,  ils  s'engagent  à  la  restaurer, 
poser  dans  le  pavé,  entourer  d'une  bordure  de  marbre,  etc.,  pour  2.600 
francs  ^  La  stipulation  restera  valable  trois  ans.  Le  9  juillet,  Artaud  certifie 
que  les  deux  mosaïques  Seguin  et  Montant  ont  été  enlevées  avec  succès  et 
que  les  propriétaires  ont  rempli  leurs  obligations.  Il  n'exagérera  pas  cette 
fois  l'importance  de  son  rôle,  quand  il  écrira  dans  sa  notice  de  1835  2  : 
«  Cette  belle  mosaïque  de  Vienne,  que  nous  avons  fait  acheter  par  la  ville  de 
Lyon,  se  trouve  maintenant  dans  les  dépôts  du  Palais  des  Arts,  prête  à  être 
placée  par  panneaux  dans  une  des  salles  du  musée  ». 

2.  Mais  les  trois  années  du  compromis  avaient  passé  sans  qu'elle  quit- 
tât les  dépôts,  et  beaucoup  d'autres  devaient  passer  encore.  Pendant  plus  de 
quarante  ans  il  n'est  même  pas,  d'une  façon  certaine,  question  d'elle  dans 
les  dossiers  des  archives.  Le  récolement  d'inventaire  de  183 1  3  la  mentionne 
peut-être  :  «  Dans  les  dépôts  du  musée  sont  quelques  fragments  de  mosaï- 
ques trouvées  à  Vienne  et  à  la  Déserte...  ».  Elle  est  sans  doute  parmi  celles 
que  l'on  transfère  au  rez-de-chaussée  en  1834.  Le  marbrier  Domy  reçoit 
alors  44  francs,  «  pour  temps  employé  à  assembler  les  mosaïques  du  nou- 
veau musée,  les  avoir  changées  de  place,  etc.  »  ;  et  l'architecte  explique  qu'il 
s'agissait  d'enlever  les  mosaïques  placées  —  en  dépôt,  évidemment,  la 


1.  Ce  prix  global  comprend  les  1.600  francs  stipulés  pour  la  première  série  d'opérations.  La  restaura- 
tion, la  repose,  etc.,  sont  donc  évaluées  à  i.ooo  francs,  évaluations  que  nous  retrouverons  plus  loin  dans  un 
devis  du  mosaïste  Mora. 

2.  P.  86.  —  Cochard  écrit  en  1826,  dans  son  Guide  du  voyageur  et  de  l'amateur  à  Lyon,  p.  120,  après  avoir 
énuméré  les  quatre  mosaïques  qui  ornent  «  le  pavé  de  la  salle  du  Musée  >  :  On  doit  encore  placer  une  autre 
mosaïque  venue  de  Vienne,  dont  les  compartiments  offrent  la  forme  d'un  labyrinthe.  On  est  occupé  dans  ce 
moment  à  la  restaurer  '. 

3.  Récolement  de  l'inventaire  fait  le  11  juillet  1831  ;  R'a. 


—  104  — 

dépense  minime  le  prouve  —  au  premier  étage  du  palais,  dans  l'aile  orien- 
tale, pour  débarrasser  la  partie  du  bâtiment  destinée  à  la  nouvelle  salle  des 
Antiques  K  Cette  salle,  où  nous  avons  vu  que,  dès  1823,  Artaud  projetait  de 
placer  la  mosaïque  Seguin,  fut  achevée  en  1836  et  inaugurée  en  1839  2.  Mais 
on  n'y  plaça,  dans  les  années  qui  suivirent  immédiatement,  que  la  seule 
mosaïque  Cucherat  ou  des  Poissons,  en  1845.  Enfin,  notre  mosaïque  est, 
sans  aucun  doute,  au  nombre  de  ces  «  mosaïques  acquises  par  la  ville  à 
diverses  époques  »  qu'en  1 863  un  rapport  du  conservateur  signale  au  préfet 
comme  devant  être  «  mises  en  évidence  dans  les  salles  du  musée  »  et  pouvant 
y  être  installées  sans  trop  de  frais  3.  C'est  l'époque  où  le  prolongement  du 
Palais  des  Arts  sur  la  nouvelle  rue  de  l'Impératrice  (rue  de  l'Hôtel-de- Ville) 
exige  des  modifications  considérables  et,  en  particulier,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut  4,  le  déplacement  de  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque.  Celle-ci 
est  comprise  avec  la  mosaïque  Seguin  dans  une  combinaison  —  sur  laquelle 
nous  n'avons  aucune  donnée  précise  —  proposée  par  le  conservateur,  que 
l'architecte  de  la  ville  examine  à  la  demande  du  préfet,  juge  convenable  et 
croit  réalisable  sans  trop  de  frais. 

Pour  la  première  fois,  en  1867,  nous  rencontrons  une  mention  expli- 
cite de  notre  pavement.  Un  devis  d'Edouard  Mora  père  et  fils,  daté  du 
17  juillet  5,  concerne  la  «  mosaïque  trouvée  à  Vienne  par  M.  Arthaud  »,  qu'il 
s'agit  de  réparer  et  de  poser  dans  la  «  galerie  des  Statues  »,  autre  appellation 
de  la  nouvelle  salle  des  Antiques  ou  salle  des  Plâtres  ou  musée  des  Moula- 
ges. La  dépense  est  évaluée  à  i.ooo  francs,  dont  694  pour  la  mosaïque  et 
306  pour  la  balustrade.  Le  moment  approche,  mais  il  n'est  pas  encore  venu. 
Le  26  avril  1869  ^,  l'architecte  de  la  ville,  sans  indiquer  d'emplacement  ni 
pour  l'une  ni  pour  l'autre,  soumet  au  préfet  la  proposition  de  replacer  la 
mosaïque  des  Jeux  du  cirque,  déplacée  en  1863,  et  de  placer  la  mosaïque 
«  des  Jeux  d'enfants  »,  qui  n'a  jamais  été  posée  faute  de  place  ou  d'argent. 


1.  Même  série. 

2.  Voir  Vial,  dans  les  Musées  de  Lyon  (en  1906),  p.  16. 

3.  Arch.  mun.,  M'c.  Le  préfet  à  l'architecte  en  chef,  7  mai  ;  l'architecte  au  préfet,  16  mai. 

4.  Chap.  I,  §  IV. 

5.  M'a. 

6.  M'a. 


—  105  — 

Le  crédit  demandé  pour  la  restauration  et  la  pose  de  celle-ci  s'élève  à  1.502 
francs,  le  devis  comprenant  cette  fois  les  travaux  supplémentaires  qui  n'in- 
comberont pas  aux  spécialistes.  La  question  des  emplacements  dut  être 
résolue  entre  l'architecte  et  le  préfet  ;  car,  ce  dernier,  le  7  juin,  transmet  au 
président  de  la  commission  des  musées  un  rapport  du  premier  —  M.  Des- 
jardins —  tendant  à  faire  placer  «  dans  la  salle  des  Plâtres  «  deux  mosaïques 
—  les  mêmes,  à  coup  sûr  —  dont  la  restauration  et  la  pose  coûteront  3.300 
francs  ^  Nous  avons  vu,  dans  le  chapitre  sur  la  mosaïque  Macors,  que  la 
commission  prit  le  12  juin  une  déHbération  favorable  ;  que,  le  16  septembre 
et  le  30  octobre,  le  préfet  invita  l'architecte  à  faire  placer  sans  retard  à  l'en- 
droit convenu  «  les  mosaïques  des  Jeux  du  cirque  et  des  Jeux  d'enfants  »  ; 
mais  que  le  travail  fut  exécuté  néanmoins  avec  une  certaine  lenteur,  puis- 
que, le  21  juin  1870,  le  conservateur  Martin-Daussigny  se  plaignait  qu'il  ne 
fût  pas  encore  achevé. 

3.  La  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  n'a  pas  quitté  depuis  cette  place,  sa 
seconde  place  au  musée;  mais  la  mosaïque  des  «Jeux  d'enfants  «  eut  bientôt 
à  subir  un  déplacement.  Lorsque  la  salle  des  Plâtres  fut  transformée  en 
musée  Bernard  2,  il  fallut,  pour  installer  les  innombrables  ta  bleaux  de  cette 
collection  médiocre,  diviser  la  galerie  en  compartiments,  et  certaines  cloi- 
sons eussent  coupé  les  deux  pavements  qui  flanquaient  la  mosaïque  Macors. 
M.  Bernard,  qu'ils  intéressaient  beaucoup  moins  que  ses  toiles,  proposait 
tout  simplement  de  les  couvrir.  Martin  Daussigny  3  fit  remarquer  que  ce 
sacrifice  n'irait  pas  sans  soulever  les  justes  protestations  des  archéologues, 
et  l'architecte  de  la  ville  soumit  au  préfet  4,  qui  l'approuva  le  8  janvier  1875, 
le  projet  d'enlever  les  deux  mosaïques  Seguin  et  Cucherat  pour  les  reposer 
dans  l'ancienne  salle  de  la  Bourse,  au  rez-de-chaussée,  transformée  en  gale- 
rie des  Bustes  5.  Le  mosaïste  Mora  présentait,  dès  le  28  décembre  1874  ^, 
pour  la  réparation  et  la  repose  des  deux  pièces,  un  devis  global  de  4.100. 


1.  R-a. 

2.  Vial,  i&îcf.,  p.  17. 

3.  M'b,  32  décembre  1874,  Martin-Daussigny  à  l'architecte  en  chef. 

4.  Ibid.,  29  décembre  1874. 

5.  Vial,z6id. 

6.  M'a. 


—  106  — 
L'architecte  avait  prévu  pour  la  mosaïque  Seguin  une  dépense  égale  à  celle 
de  187O5  soit  1.800  francs.  Le  23  avril  1875,  les  deux  pavés  ne  sont  pas  enco- 
re replacés.  Le  24  janvier  1876,  ce  travail  est  terminé,  puisque  nous  trou- 
vons à  cette  date  une  lettre  de  Mora  père  et  fils  relative  au  règlement  de 
comptes. 

II 

I.  Les  planches  XXX  et  XXXI  d'Artaud,  qui  furent  gravées  au  plus 
tard  dans  les  premiers  jours  de  1823  S  nous  montrent,  l'une  l'ensemble, 
l'autre  le  tableau  principal  intacts.  Elles  ne  sont  donc  pas,  au  moins  celle-là, 
d'une  exactitude  rigoureuse.  Car,  si  dans  une  de  ses  lettres  au  baron  Ram- 
baud  2,  il  vante  la  conservation  parfaite  de  la  mosaïque,  c'est  pour  les  besoins 
d'une  cause  :  dans  deux  lettres  antérieures  3,  il  constatait  qu'au  moment  de 
la  découverte  elle  avait  «  quelques  légères  dégradations  »  et  que,  depuis,  les 
curieux  lui  avaient  fait  subir  «  quelques  dégâts  ».  Par  une  approximation 
fortement  exagérée,  il  en  évaluait  la  surface  à  16  pieds  sur  11  4.  Les  dimen- 
sions indiquées  dans  le  compromis  des  marbriers  et  du  maire  5, 14  pieds  sur 
9,  sont  plus  justes.  Martin  Daussigny,  qui  a  dû  prendre  les  mesures  dans  la 
salle  des  Plâtres,  donne  4  m.  81  x  3  m.  24,  avant  la  seconde  repose  ^  ;  le 
rédacteur  du  Catalogue  sommaire  des  Musées  7,  qui  les  a  prises  dans  l'ancien 
léfectoire,  et,  d'après  lui,  celui  de  V Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  8, 
4  m.  82  :<3  m.  30.  J'y  ai  mesuré  moi-même  4  m.  86  x 3  m.  28.  Toutes  les 
descriptions  jusqu'ici  publiées  sont  trop  sommaires  ;  aucune  n'est  suffisam- 
ment exacte.  Artaud  9  après  avoir  dit  en  général  :  «  Dans  chaque  carré  qu'en- 
tourent les  entrelacs  du  labyrinthe,  on  voit  un  sujet  gymnastique,  c'est-à-dire 
des  génies  dont  les  uns  s'exercent  à  la  lutte,  d'autres  au  pugilat,  d'autres  à  la 


1.  Artaud  les  envoie  au  baron  Rambaud  le  5  février  :  R-a 

2.  29  avril  1823  ',ibid. 

3.  22  janvier  et  i"'  mars  1882  ;  ibid. 

4.  Lettre  du  22  janvier  1822. 

5.  Cité  plus  haut. 

6.  Martin-Daussigny  à  l'architecte  en  chef,  23  avril  1875  ;  M'b. 

7.  1887,  p.  135,  n"  16^^1899,  p.  207,  n"  17. 

8.  Pass.  cité. 

9.  1835,  p.  85  ;  cf.  sa  lettre  du  22  janvier  1822  :  «  ...labyrinthe  avec  figures  relatives  au  combat  de 
l'amour...  ». 


—  107  — 

chasse,  etc.  »,  signale  spécialement  «  un  des  tableaux  où  l'on  voit  Éros  et 
Antéros  dans  l'action  de  combattre,  comme  s'ils  étaient  au  milieu  du  gym- 
nase ».  La  description  du  Catalogue  sommaire  n'est  qu'un  extrait  de  celle-là, 
sans  mention  particulière  du  tableau  principal  :  «  Dessin  formant  labyrin- 
the ;  dans  chaque  carré  qu'entourent  des  entrelacs,  des  génies  s'exercent  à 
la  lutte,  au  pugilat  ou  à  la  chasse  »  ^  Celle  de  V Inventaire  des  mosaïques  ne 
dérive  ni  de  l'une  ni  de  l'autre  et  n'est  pas  meilleure  :  <(  Lutte  d'Hros  et 
d' Antéros.  Scènes  de  chasse.  Labyrinthe  (?)  formé  de  triangles  noirs  et 
blancs  séparés  par  des  torsades.  Bordure  formée  par  une  torsade  polychro- 
me ». 

Le  champ  2  est  blanc,  le  décor  polychrome.  Dans  le  double  labyrin- 
the d'une  suite  de  triangles  noirs  ou  têtes  de  diamants  et  d'une  torsade, 
l'une  et  l'autre  bordées  de  filets  noirs,  s'encadrent,  posés  en  damier  sur 
trois  lignes  longitudinales  et  cinq  lignes  transversales,  huit  petits  tableaux 
carrés,  déhmités  par  un  filet  noir  et  par  une  torsade  identique  pour  tous, 
mais  différente  de  celle  du  labyrinthe.  Les  deux  panneaux  de  la  base  con- 
tiennent des  rosaces  différentes  ;  les  six  autres,  des  figures  humaines  ou  ani- 
males ;  les  deux  panneaux  que  traverse  le  grand  axe,  et  ceux-là  seulement, 
des  génies  ;  le  panneau  supérieur,  deux  génies  qui  luttent,  Éros  et  Antéros, 
si  l'on  veut  ;  le  panneau  inférieur,  un  génie,  dans  l'attitude  du  lutteur  vain- 
cu qui  demande  grâce,  le  genou  gauche  à  terre,  la  main  gauche  derrière  le 
dos,  la  main  droite  en  l'air  ;  les  deux  panneaux  que  traverse  le  petit  axe, 
celui  de  droite,  un  jeune  chasseur,  le  pedum  dans  la  main  gauche,  le  bras 
droit  allongé  horizontalement,  accompagné  d'un  chien  et  courant  vers  la 
gauche  ;  celui  de  gauche,  la  bête  qu'il  poursuit,  un  lièvre,  avec  l'arbre  que  le 
lièvre  va  dépasser  dans  sa  fuite  ;  enfin,  les  deux  tableaux  du  sommet,  deux 
figures  presque  symétriques,  chacun  un  enfant,  lutteurs  isolés  qui  se  font 
face.  Toute  cette  décoration  est  entourée  d'abord  par  une  hgne  de  triangles 
noirs  identiques  à  ceux  du  labyrinthe,  bordée  également  de  filets  noirs  ; 
puis  par  une  Hgne  de  dents  de  scie  noires  ;  ensuite  par  une  tresse  entre  deux 
filets  noirs  ;  enfin  par  une  étroite  bande  noire. 


1.  Comp.  Bazin,  Vienne  et  Lyon  gallo-romains,  p.   382  :   «  Elle  représente,  avec  les  attitudes  les  plus 
variées,  dans  les  détours  d'un  labyrinthe,  des  petits  génies  s'exerçant  à  la  lutte,  au  pugilat,  à  la  chasse  ». 

2.  Voir  la  fig.  12,  qui  est  une  réduction  en  noir  de  la  planche  XXX  d'Artaud. 


—  108  — 

2.  Quel  titre  faut-il  donner  à  la  mosaïque  Seguin?  L'appeler  «  mosaï- 
que du  labyrinthe  »  ^  dire  qu'elle  représente  un  labyrinthe  2,  c'était  choisir 
pour  la  désigner  un  élément  accessoire  et  banal.  Artaud  l'intitule  dans  sa 
notice  «  mosaïque  des  exercices  de  la  palestre  »  et  le  Catalogue  sommaire  3 
reproduit  cette  appellation  qui  est  doublement  impropre,  d'abord  en  ce 
qu'elle  ne  convient  pas  à  deux  des  tableaux,  la  chasse  n'étant  pas  un  exerci- 
ce de  la  palestre,  puis  en  ce  qu'elle  n'indique  pas  le  caractère  fantaisiste  des 
exercices  :  une  palestre  où  luttent  des  génies  est-elle  une  palestre  réelle  ?  Le 
titre  adopté  par  M.  Héron  de  Villefosse  4,  «  les  Lutteurs  «,  a  le  premier  de 
ces  défauts  :  tous  nos  personnages  ne  sont  pas  des  lutteurs  ;  en  outre,  il  est 
par  trop  vague.  Celui  qu'on  rencontre  plusieurs  fois  dans  le  dossier  des 
archives  municipales,  «  mosaïque  des  Jeux  d'enfants  »,  n'a  pas  non  plus 
toute  la  précision  désirable  :  les  jeux  sont-ils  quelconques  ou  bien  la  nudité 
de  tous  les  personnages  est-elle  spécifique?  Les  joueurs  sont-ils  tous  de  la 
même  sorte,  du  même  monde  ?  Peut-être  faudrait-il  dire  «  exercices  gym- 
nastiques  de  génies  et  d'enfants  »  5.  Non  seulement  ce  titre  serait  une  défi- 
nition à  peu  près  complète  du  sujet,  mais  il  en  indiquerait  le  manque  d'unité 
rigoureuse,  le  rapprochement  bizarre  des  deux  mondes,  humain  et  divin. 

Je  dis  rapprochement  et  non  pas  mélange,  le  divin  occupant  la  place 
d'honneur,  toute  la  région  centrale  de  la  composition.  A  ce  point  de  vue,  on 
peut  comparer  notre  mosaïque  avec  celle  d'Oudna  ^,  dont  le  grand  tableau 
pittoresque  nous  montre  aux  quatre  angles  des  hommes  péchant  à  la  ligne, 
assis  sur  les  rochers  du  rivage,  et,  au  centre,  sur  la  mer,  des  barques  mon- 
tées par  des  Amours  rameurs  et  pêcheurs.  Ici  encore  il  y  a  juxtaposition  et 
non  mélange  des  deux  mondes  ;  mais  ce  n'est  point  un  cadre  qui  les  sépare  : 
à  chacun  son  élément,  au  divin  la  mer,  qui  est  aussi  la  place  d'honneur,  à 
l'humain  la  terre.  Tout  le  sujet  ne  forme  donc  qu'un  tableau,  tandis  qu'il  en 
forme  plusieurs  dans  la  nôtre. 


1.  Traité  du  maire  avec  les  marbriers,  cité  plus  haut. 

2.  Cochard,  pass.  cité. 

3.  De  même  Bazin,  pass.  cité. 

4.  Dans  Bulletin  archéologique  du  Comité,  1894,  p.  227. 

5.  Encore  la  chasse  n'est-elle  pas  un  exercice  gymnastique,  au  sens  ancien  du  mot.  «  Sportifs  »  vaudrai  t 
mieux,  si  le  mot  était  français. 

6.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule  et  de  l'Afrique,  II,  n°  402. 


—  109  — 
Disons  même  qu'il  en  forme  plus  que  de  raison.  Le  chasseur  et  la  bête 
qu'il  poursuit  en  font  deux  et  n'en  devraient  faire  qu'un.  Je  n'ose  affirmer 
catégoriquement  que  tel  est  aussi  le  cas  des  deux  athlètes  du  sommet;,  qui 
ont  l'air  de  s'affronter  par  delà  leurs  cadres  et  les  méandres  :  on  peut  les 
concevoir  comme  une  paire  de  lutteurs  et  c'est  sans  doute  la  conception  la 
plus  naturelle  ;  mais  on  peut  à  la  rigueur  soutenir  qu'ils  se  livrent  chacun 
pour  soi  à  l'exercice  d'entraînement  qui  consistait  en  la  manœuvre  des 
poings  dans  le  vide  ^  Il  n'en  restera  pas  moins  que  l'artiste  a  isolé,  une  fois 
sinon  deux,  des  figures  faites  pour  être  réunies.  C'est  la  seconde  bizarrerie 
de  notre  mosaïque,  beaucoup  moins  rare  que  la  première.  Nous  avons  déjà 
constaté  dans  les  mosaïques  d'Orphée  charmant  les  animaux  l'usage  fré- 
quent de  ce  procédé  arbitraire,  absurde,  mais  jugé  favorable  à  l'effet  déco- 
ratif. La  célèbre  mosaïque  des  promenades  de  Reims  2  nous  en  fournit  un 
autre  exemple  tout  à  fait  caractéristique  :  les  trente-cinq  panneaux  dont  elle 
se  compose  renferment,  soit  un  bestiaire  séparé  par  un  double  cadre  du 
fauve  qu'il  combat,  soit  un  gladiateur  que  le  même  obstacle  éloigne  de  son 
adversaire  ;  soit  un  chasseur,  deux  chiens  et  les  deux  bêtes  qu'ils  poursui- 
vent, répartis  en  cinq  cases  contiguës,  mais  distinctes.  Les  mosaïstes  ro- 
mains n'ont  pu  en  venir  à  ce  dédain  de  la  vraisemblance  qu'assez  tard,  après 
avoir  pris  l'habitude  mauvaise  de  développer  outre  mesure  le  cadre  orne- 
mental, qui  exigeait  beaucoup  moins  de  savoir-faire,  au  détriment  du 
tableau  pittoresque,  lequel  fut  tantôt  seulement  rétréci,  comme  dans  notre 
mosaïque  Cassaire,  tantôt  seulement  morcelé,  comme  dans  notre  mosaïque 
Montant,  parfois  rétréci  tout  ensemble  et  morcelé,  comme  dans  notre 
mosaïque  Seguin,  où  la  surface  totale  des  six  tableaux  à  figures  est  infime  par 
rapport  à  celle  que  garnissent  les  méandres  et  les  bordures.  S'étant  laissé  aller 
à  fragmenter  la  scène  pittoresque,  à  disperser  les  figures,  à  les  isoler,  à  traiter 
chaque  groupe  ou  chaque  figure  comme  un  tout  indépendant,  le  peintre  en 
mosaïque  finit  par  ne  plus  se  faire  scrupule  de  séparer  même  ce  qui  était 
logiquement  inséparable  3.  Bref,  la  mosaïque  Seguin  appartient  sans  doute, 
comme  la  mosaïque  Montant,  au  déclin  du  iii^  siècle. 


1.  Dict.  des  antiq.  gr.  et  rom.,  art.  pugilatus,  IV,  p.  755. 

2.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule,  n^  1072.  Figure  dans  A.  de  Caumont,  Abécédaire  d'archéologie, 
Ère  gallo-romaine,  z^  éd.,  p.  67. 

3.  Voir  Gauckler,  art.  Musivum,  dans  Dict.  des  antiq.  gr.  et  rom.,  III,  p.  21 13. 


—  110  — 

Nombreux  sont,  en  Afrique  surtout  S  les  pavements  où  l'on  voit  des 
scènes  de  chasse  ;  rares,  au  contraire,  ceux  qui  représentent  des  scènes  de 
lutte.  Les  combats  de  l'Amour  et  de  Pan  mis  à  part  ainsi  que  d'autres  sujets 
mythologiques  2,  V Inventaire  des  mosaïques  n'en  cite  qu'un  exemple  3,  outre 
celui-ci,  pour  l'ensemble  des  Gaules,  une  mosaïque  de  Reims,  dont  le 
tableau  central,  médaillon  circulaire,  contient  deux  pugilistes  aux  prises.  Il 
n'en  cite  que  cinq  pour  l'Afrique  4.  La  figuration  la  plus  importante  et  la 
plus  curieuse  des  jeux  de  la  palestre,  dans  le  domaine  de  la  peinture  en 
mosaïque,  est  le  pavé  de  Tusculum  ^.  Elle  comprend  la  lutte  proprement 
dite,  ou  lutte  à  mains  plates,  représentée  par  plusieurs  couples  ;  le  pugilat 
ou  boxe  avec  cestes  ou  gantelets  ;  le  pancrace,  lutte  qui  tient  de  la  boxe  en 
ce  que  les  coups  de  poing  y  sont  permis,  mais  les  coups  de  poing  nu  ;  la 
course,  le  saut,  le  jet  du  disque;  en  un  mot  la  série  à  peu  près  complète  des 
exercices  palestriques  ^  ;  et,  outre  les  acteurs  de  ces  divers  jeux,  des  gymna- 
siarques,  des  athlètes  au  repos,  des  accessoires  qui  signifient  clairement  le 
lieu  de  la  scène.  Dans  notre  pavement,  les  deux  petits  athlètes  du  tableau 
principal  sont  des  lutteurs.  Nous  devrions,  en  bonne  règle,  appeler  pancra- 
tiastes  ceux  de  la  rangée  la  plus  haute,  qui  ont  les  poings  fermés  et  nus.  Mais 
ce  sont  plutôt  des  pugilistes  dont  le  peintre  aura  négligé  ou  ne  se  sera  pas 
cru  capable  de  figurer  les  cestes.  L'athlète  agenouillé  de  la  quatrième  ran- 
gée transversale  n'a  pas  non  plus  les  poings  armés  ;  cependant,  son  attitude 
ne  convient  qu'à  un  pugiliste  7. 

On  ne  saurait  dire,  à  la  nudité  près,  que  notre  chasseur  enfant,  qui, 
avec  son  chien,  court  le  lièvre,  sa  houlette  ^  à  la  main,  soit  un  personnage  de 
fantaisie.  C'est  aussi  la  réalité  qui  a  fourni  le  prototype  de  nos  petits  athlètes 


1 .  Voir  les  tables  de  l'Inventaire  des  mosaïques. 

2.  P.  ex.,  le  combat  des  boxeurs  Darès  et  Entelle  (Inventaire  des  mosaïquei  de  la  Gaule,  n°^  44  et  104). 

3.  Ibid..  n°  1077. 

4.  Inv.  des  mos.  de  la  Gaule  et  de  l'Afrique,  II,  i,  18,  71  /,  929  ?  ;  III.  409. 

5.  Annali  dell'  Instituto,  1863,  p.  397  et  suiv.  ;  Monumenti  delV  Instituto,  VI,  pi.  82. 

6.  Voir  les  articles  Gymnastica,  Gymnasium,  Lucta,  Pugilatus,  du  Dict.  des  ant.  gr.  et  rom. 

7.  An.  pugilatus,  p.  758. 

8.  «  Le  pedum  n'était  d'abord  qu'une  massue  moins  lourde  et  légèrement  recourbée,  à  laquelle  son 
affectation  particulière  à  la  chasse  au  lièvre  a  valu  en  grec  le  nom  de  lagobolon...  Son  nom  indique  qu'on 
pouvait  la  lancer  sur  la  bête  pour  l'assommer  ou  l'étourdir  <  (Art.  Venatio,  p.  684,  dans  le  Dict.  des  ant 
gr.  et  rom.  ;  comp.  ibid.,  art.  Pedum,  p.  369,  fig.  5539,  chasseur  armé  du  pedum). 


—  111  — 

sans  ailes.  Les  Grecs  se  livraient  dès  l'enfance,  du  moins  dans  les  palestres 
privées,  aux  exercices  gymnastiques,  et  dans  plusieurs  de  leurs  grandes 
solennités  nationales  il  y  avait  des  concours  d'athlètes  enfants  K  Au  do- 
maine de  la  fiction  sont  empruntés  seulement  les  deux  génies  lutteurs  et  le 
génie  pugiliste.  Des  génies  en  lesquels  s'est  multiplié  l'Amour,  fils  de  Vénus, 
on  sait  que  l'art  hellénistique  et  gréco-romain  a  fait  l'usage  le  plus  large, 
pour  représenter  sous  une  forme  badine  et  gracieuse,  ou  plutôt  transposer 
dans  un  monde  imaginaire,  toutes  les  occupations,  toutes  les  distractions  de 
la  vie  humaine.  Les  amours  abondent,  par  exemple,  dans  les  fresques  cam- 
paniennes  et  les  mosaïques  africaines,  amours  musiciens,  danseurs,  auriges, 
gladiateurs,  bestiaires,  cavaliers,  chasseurs,  vendangeurs,  pêcheurs,  ra- 
meurs, artisans  de  tous  les  métiers.  Les  sculpteurs  et  les  peintres  ont  aussi 
transformé  en  Éros  les  acteurs  des  divers  exercices  de  la  palestre,  spéciale- 
ment ceux  de  la  lutte.  Nous  connaissons  un  bas-rehef  qui  figure  une  scène 
palestrique  à  plusieurs  personnages,  parmi  lesquels  un  couple  de  lutteurs, 
où  tous  les  rôles  sont  joués  par  des  amours  2.  Mais  les  groupes  réduits  à 
deux  amours  lutteurs  sont  la  règle  3.  Des  exemples  que  j'ai  vus  aucun  n'est 
une  peinture  en  mosaïque.  Aucun,  les  attitudes  y  étant  variées,  ne  ressem- 
ble exactement  ni  approximativement  au  groupe  de  notre  tableau,  où  le 
lutteur  de  droite,  porté  par  sa  seule  jambe  gauche,  le  pied  droit  en  avant  et 
en  l'air,  serre  dans  sa  main  gauche  la  droite  et  avec  sa  droite  repousse  la  tête 
de  son  rival,  tandis  que  le  lutteur  de  gauche,  posé  sur  ses  deux  pieds,  le 
gauche  en  avant,  semble  vouloir  de  son  bras  hbre,  invisible  en  partie  der- 
rière la  cuisse  de  l'adversaire,  atteindre  la  taille  de  celui-ci. 

3.  Faut-il  admettre  que  l'un  des  deux  —  dans  l'affirmative  il  sera  im- 
possible de  dire  lequel  —  figure  Antéros?  Et  d'abord  qui  est,  au  juste,  ce 


1.  Dict.  des  a  nt.gi.it  rem.,  art.  Athleta,  l,  p.  517. 

2.  Schœne,  Griechùche  Reliefs,  pi.  XIV,  n°  70.  Le  lutteur  de  gauche  a  une  attitude  de  pancratiaste,  celui 
de  droite  une  attitude  de  pugiliste.  —  Dans  le  relief  cité  comme  exemple  par  Clarac,  Musée  de  sculpture, 
pi.  187,  n°  223,  la  scène  palestrique   (Hermès  juge,  discobole,  lutteurs,  pancratiastes,  pugilistes)  est  jouée 
par  des  enfants,  non  par  des  génies. 

3.  Reliefs  :  du  Louvre,  Clarac,  pi.  187,  n^  223  ;  de  Métaponte,  Gazette  archéologique,  1883,  p.  68  ;  — 
miroir  à  reliefs  trouvé  en  Russie  méridionale.  Comptes-rendus  de  St-Petersbourg,  1869  ;  pi.  I,  29  ;  Dict.  des 
antiq.  gr.  et  rom.,  Lucta,  p.  1432,  fig.  4618  ;  —  terres  cuites,  Pottier  et  Reinach,  La  nécropole  de  Myrina,  I, 
p.  337  et  suiv.  ;  pi.  XVII,  4  ;  catalogue  n'^  82,  83  ;  84  ;  —  etc. 


—  112  — 

personnage  ^  ?  Étymologiquement,  suivant  la  valeur  que  l'on  donne  au  pré- 
fixe, Antéros  signifie  soit  le  réciproque  de  l'amour,  l'amour  qui  répond  à 
l'amour,  l'amour  partagé  ;  soit  l'adversaire  de  l'amour,  c'est-à-dire  ou  bien 
la  résistance  à  l'amour,  ou  bien  un  amour  qui  s'oppose  à  un  autre,  les  deux 
pouvant  être  de  même  espèce,  comme  lorsque  deux  amants,  l'éraste  et 
l'antéraste,  se  disputent  la  posesssion  d'une  amante,  mais  aussi  l'un,  Éros, 
pouvant  être  l'amour  naturel  de  l'homme  pour  la  femme,  l'autre,  Antéros, 
l'amour  contre  nature  de  l'homme  pour  l'homme.  La  première  signification, 
garantie  par  les  textes,  ne  se  révèle  dans  aucun  monument.  Ceux  qui  repré- 
sentent d'une  façon  certaine  cette  allégorie  mythologique  se  rapportent  à  la 
seconde  et,  selon  toute  probabilité,  à  sa  dernière  variante,  à  la  passion  vicieu- 
se si  commune  dans  le  monde  grec  et  si  impudemment  avouée.  C'est  dans 
les  gymnases,  parmi  la  jeunesse  masculine,  que  le  culte  d' Antéros  semble 
avoir  pris  naissance  et  avoir  prospéré.  La  tradition  écrite  et  peut-être  la  tra- 
dition monumentale  ^  attestent  un  troisième  sens,  Antéros  vengeur  de 
l'amant  dédaigné,  moins  conforme  à  l'étymologie,  mais  qu'on  y  peut  ratta- 
cher avec  quelque  effort  :  le  vengeur  se  dresserait  contre  Éros  pour  châ- 
tier son  dédain,  sa  cruauté.  Amour  étant  tenu  responsable  du  mauvais 
accueil  fait  à  l'amoureux. 

Les  monuments  qui  représentent  d'une  façon  certaine  Antéros  sont 
fort  rares,  si  l'on  applique  la  règle  qu'on  doit  le  reconnaître  là  seulement  où 
il  se  distingue  d'Éros  par  un  caractère  spécifique,  la  forme  de  ses  ailes,  con- 
tournées et  recoquillées,  comme  celles  des  sphynx,  des  harpyes,  des  grif- 
fons, etc.  Qu'une  convention  artistique  lui  ait  d'abord  assigné  cet  attribut, 
cela  n'est  point  douteux.  Tel  nous  le  voyons  sur  un  relief  d'Ischia  3  où  il 


1.  Voir  Boettiger,  Éros  und  Antéros,  dans  ses  Kleine  Schriften,  I,  p.  159  et  suiv.  ;  Welcker,  Griechische 
Gœtterlehre,  II,  727  ;  III,  195  et  suiv.  ;  Furtwaengler,  dans  Roscher,  Lexikon  d.  gr.  mythol.,  I,  col.  1343  et 
1 367  et  suiv.  ;  Wernicke,  dans  Pauly-Wissowa,  Real.  EncycL,  I,  col.  2354  et  suiv. 

2.  Si  l'on  admet  qu'Antéros  châtie  Éros  pour  ce  motif,  et  non  pour  quelque  autre,  sur  la  gemme  citée 
par  Hinck,  dans  Annali  delV  Instituto,  1866,  p.  92,  note  2  ;  sur  les  autres  gemmes  citées  par  Hinck,  p.  85, 
note  4,  p.  91,  note  7,  p.  92,  note  i,  les  deux  génies  dont  l'un  châtie  l'autre  ayant  des  ailes  pareilles,  on  ne 
saurait  dire  au  juste  si  l'un  est  Antéros  ou  si  l'un  et  l'autre  sont  des  Éros.  Même  observation  pour  la  fresque 
pompéienne  (ibid.,  pi.  EF'  ;  Helbig,  Campanische  Wandgemslde,  n"  827)  où  un  Éros  assiste  moqueur 
au  châtiment  d'un  autre. 

3.  Museo  borbonico,  XIV,  pi.  34  ;  Mueller-Wieseler,  Denkmxler,  II,  pi.  52,  n»  664  ;  Braun,  Antike 
Marmorreliefs,  2,  5  6  ;  Baumeister,  Denkmœler,  fig.  542.  Cf.  Montîaucon,  Antiquité  expliquée,  I,  i"^  partie 
p.  194,  pi.  après  la  planche  122. 


—  113  — 

dispute  une  palme  à  Éros,  réplique  du  même  type  que  le  monument  con- 
templé par  Pausanias  ^  dans  le  gymnase  d'Élis  ;  tel  sur  un  relief  du  palais 
Colonna  2,  où  il  court  avec  Éros  la  course  du  flambeau  ;  tel  sur  une  gemme  3 
où  il  attache  Ëros  au  tronc  d'un  arbre,  soit  après  l'avoir  vaincu  à  la  lutte 
soit  pour  le  punir  de  quelque  méfait.  Mais,  sur  tous  les  autres  monuments  4, 
et  ils  sont  assez  nombreux,  qui  nous  montrent  deux  Éros  aux  prises,  leurs 
ailes  sont  pareilles.  Ou  bien  donc  la  distinction  conventionnelle  fut  négligée 
avec  le  temps,  ce  qui  est  fort  vraisemblable,  ou  bien  ces  figures  sont,  non 
pas  Éros  et  Antéros,  mais  deux  Éros,  mis  en  conflit,  non  par  quelque  anti- 
pathie de  nature,  mais  par  le  simple  caprice  d'un  artiste.  Le  tableau  princi- 
pal de  notre  mosaïque  étant  l'un  de  ces  monuments,  le  nom  que  chacun 
donnera  aux  lutteurs  dépendra  du  choix  qu'il  aura  fait  entre  les  deux  hypo- 
thèses. 

A  supposer  qu'ils  soient  Éros  et  Antéros,  le  sol  romain  de  Vienne  a-t-il 
rendu  un  autre  exemplaire  de  la  même  lutte,  comme  le  pense  M.  Héron 
de  Villefosse  ?  5  Ce  serait  le  groupe,  détruit  dans  l'incendie  de  la  bibliothè- 
que, mais  connu  par  un  moulage,  des  deux  enfants  qui  se  disputent  une 
colombe,  oiseau  de  Vénus,  présent  usuel  de  l'éraste  à  l'éromène,  de  l'amant 
à  l'aimé.  La  conjecture  est  spécieuse,  mais  improbable.  Selon  toute  vrai- 
semblance, non  seulement  l'un  de  ces  deux  rivaux,  qui  n'ont  pas  d'ailes, 
notons  le  bien,  ne  figure  pas  Antéros,  mais  tous  deux  figurent  des  enfants 
quelconques  ^. 


1.  VI,  23, 4.  Passage  connu  d'Artaud,  1835,  p.  58. 

2.  Braun,  2,  5a  ;  Baumeister,  fig.  541 . 

3.  Hinck,  ouv.  cité,  p.  92,  note  2. 

|.  Cités  plus  haut,  à  part  notre  mosaïque. 

5.  Gazette  archéologique,  1878,  p.  115,  pi.  XX.  Dans  ce  même  article,  p.  iio  et  suiv.,  M.  Héron  de 
Villefosse  identifie  avec  Antéros  l'un  des  Amours  qui,  selon  lui,  donnent  à  Vénus  la  représentation  du  retour 
d'Adonis  blessé  après  l'accident  de  chasse,  sur  la  pyxis  de  Vaison  {ibid.  pi.  XIX),  et  l'un  de  ceux  qui  figurent 
sur  la  fresque  pompéienne  (Helbig,  n"  340,  pi.  C)  d'Adonis  mourant  entre  les  bras  de  Vénus.  Sur  la  pyxis  de 
Vaison,  Allmer  (Bull,  de  la  société  départ,  d'archéol.  et  de  stat.  de  la  Drôme,  1876,  p.  300)  avait  cru  recon- 
naître l'issue  de  la  lutte  entre  Éros,  vainqueur,  mais  blessé  à  la  jambe,  et  Antéroj.  La  parité  du  ailes  rend 
toutes  ces  hypothèses  très  fragiles. 

6.  C'est  l'opinion  de  Millin,  Voyage  dans  les  départemens  du  midi  de  la  France,  II,  p.  55. 


—  114  — 


VI.  MOSAÏQUE  CUCHERAT  (LES  POISSONS) 

Bibliographie.  —  A  celles  des  chapitres  précédents  ajouter  :  Archives 
municipales,  série  M^  Palais  des  Arts  (travaux,  dossiers  de  Tarchitec- 
ture,  1850- 1870)  -=^  Arch.  mun.,  M^g  ;  et,  pour  le  surplus,  voir 
les  notes. 


I.  Selon  le  témoignage  de  Comarmond  ^,  alors  conservateur  des 
musées  archéologiques,  ce  pavement  fut  découvert  «  à  Lyon,  en  1843,  dans 
la  rue  Jarente,  n^  4,  près  de  la  rue  Vaubecour,  en  creusant  la  cave  de  la 
maison  de  M.  Cucherat,  avocat,  qui  a  eu  la  générosité  d'en  faire  hommage  à 
la  ville...  Cette  mosaïque  se  trouvait  à  quelques  centimètres  au-dessous 
d'une  cave  de  la  maison  en  construction,  dont  les  fondations  ne  l'avaient 
heureusement  pas  coupée  ;  elle  occupait  les  deux  tiers,  en  superficie,  de 
cette  cave  et  était  enfouie  à  environ  cinq  mètres  de  la  surface  du  sol  «.  Elle 
«  fut  transportée  au  musée  peu  de  temps  après  sa  découverte  et  placée  dans 
la  grande  salle  des  plâtres  moulés  sur  l'antique  ».  Comarmond  ajoute  2  : 
«  Quelques  parties  de  cette  mosaïque  avaient  été  dégradées  avant  sa  décou- 
verte ;  elles  ont  été  restaurées  avec  soin  et  l'œil  ne  peut  démêler  la  partie 
moderne  d'avec  la  partie  ancienne  )>.  Le  dossier  des  archives  municipales 
est  ici  exceptionnellement  pauvre.  D'un  mémoire  du  maître  maçon  Quin- 
ty  3,  il  résulte  que  l'ablation  eut  lieu  en  juin-juillet  1844.  Ce  mémoire,  qui 
concerne,  non  l'ablation  elle-même,  mais  la  remise  en  état  de  la  cave. 


1.  Description...,  p.  691.  La  découverte  est  annoncée  dans  le  Revue  du  Lyonnais,  1843,  l,  p.  499.  Le 
pavement  gisait,  d'après  l'auteur  de  la  note,  à  «  environ  3  mètres  de  profondeur  ".  «  Il  serait  à  désirer, 
ajoute-t-il,  que  cette  mosaïque...  soit  achetée  par  la  ville  et  conservée  pour  notre  musée...  ». 

2.  P.  693. 

3.  R^a. 


—  115  — 
s'élevait  à  304  fr.  80.  L'architecte  de  la  ville,  Dardel,  le  réduisit  à  93  fr.  70, 
alléguant  que  la  majeure  part  des  travaux  représentait  des  améliorations 
faites  par  le  propriétaire  à  son  local.  Or,  «  la  ville  n'a  accepté  la  mosaïque  de 
M.  Cucherat  qu'à  titre  gratuit  et  aux  seules  conditions  de  réparer  les  dom- 
mages causés  par  son  enlèvement  ».  Cucherat  protesta  ^  contre  «  une  erreur 
dont  il  ne  pouvait  être  dupe  »  et  menaça  de  recourir  à  la  justice.  Mais  le 
maire  l'informa  2  qu'après  nouvel  examen  du  mémoire  la  ville  consentait  à 
lui  payer  une  somme  de  260  fr.  52,  et  son  acceptation  3  mit  fin  à  l'incident. 
Comarmond  ne  donne  pas  la  date  de  la  repose.  Elle  aurait  eu  lieu  au  com- 
mencement de  1845,  d'après  une  annotation  marginale  à  la  lettre  du  5  août 
1856  4  par  laquelle  le  préfet  annonce  à  l'architecte  que  le  conseil  municipal 
a  ouvert  au  budget  un  crédit  de  600  francs  pour  entourer  d'une  barrière  «  la 
mosaïque  Cucherat  dans  la  grande  salle  des  plâtres  ».  C'est  la  date  la  plus 
probable,  quoique  deux  autres  pièces  indiquent  1 847,  le  devis  de  Mora,  du 
28  décembre  1874  5^  pour  le  déplacement  dont  nous  allons  parler,  et  la 
lettre  de  l'architecte  ^  transmettant  le  lendemain  ce  devis  au  préfet. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  fut  la  première  mosaïque  posée  dans  cette  galerie 
installée  en  1839  au  premier  étage  de  l'aile  orientale  7.  Nous  avons  vu  que  la 
mosaïque  des  Jeux  du  cirque  et  celle  des  Exercices  de  la  palestre  vinrent  l'y 
rejoindre  en  1870  ;  mais  qu'une  des  trois  seulement,  la  mosaïque  des  Jeux 
du  cirque,  se  trouve  encore  aujourd'hui  dans  cette  partie  du  palais  Saint- 
Pierre  s,  devenue  la  galerie  des  peintres  contemporains  après  avoir  été  le 
musée  Bernard  9.  Lorsque  la  première  transformation  s'accomplit,  il  fallut 
diviser  le  local  en  plusieurs  compartiments  et  certaines  des  cloisons  eussent 
coupé  les  deux  autres  mosaïques.  L'inconvénient  paraissait  négligeable  à 
M.  Bernard,  qui  proposait  tout  simplement  de  les  couvrir.  Mais  le  direc- 
teur, Martin-Daussigny,  fit  observer  que  ce  sacrifice  n'irait  point  sans  pro- 


1.  /6ii.,  7avril  1845. 

2.  Ibid.,  5  mai  1845. 
3. /ôid., -26  juin  1845. 

4.  Mig. 

5.  M«a. 

6.  M'b. 

7.  Voir  Eug.  Vial,  dans  les  Musées  de  Lyon  (en  IQ06),  p.  16 

8.  Voir  ch.  I,  §  IV. 

9.  Vial,  ibid.,  p.  17  et  30.  - 


—  116  — 

voquer  le  mécontentement  des  archéologues  ^  et  une  solution  plus  favorable 
fut  adoptée.  La  mosaïque  des  Jeux  du  cirque,  qui  tenait  le  milieu,  gardant 
sa  place,  les  deux  autres  furent  enlevées  pour  être  reposées  au  rez-de-chaus- 
sée de  l'aile  méridionale,  dans  l'ancien  réfectoire  du  monastère,  lequel 
avait  été,  depuis  1795,  la  salle  de  la  Bourse  et  devenait  la  galerie  des  bustes, 
ouverte  au  public  vers  la  fin  de  1877  2.  Le  devis  de  Mora  père  et  fils,  pour 
l'enlèvement  des  deux  pièces,  s'élève  à  4.100  francs.  Il  est  du  28  décembre 
1874  3.  En  le  transmettant  au  préfet,  le  29  décembre  4,  l'architecte  réduit  la 
dépense  à  4.000  francs,  dont  1.800  francs  pour  la  mosaïque  des  Exercices  de 
la  palestre  et  2.200  pour  celle  des  Poissons.  Il  résulte  d'une  lettre  de  Martin- 
Daussigny  à  l'architecte  5,  que  la  repose  n'est  pas  encore  faite  le  23  avril 
1875,  et,  d'une  lettre  de  Mora  ^,  concernant  le  règlement  de  comptes, 
qu'elle  est  faite  le  24  janvier  1876. 

2.  La  mosaïque  Cucherat  est  un  rectangle  assez  voisin  du  carré.  Mais 
les  dimensions  données  par  Comarmond  7,  3  m.  73  x  3  m.  63  ;  par  Mar- 
tin-Daussigny  ^,  3  m.  75  X  3  m.  64;  par  le  Catalogue  sommaire  des  Musées  9 
et  r Inventaire  des  Mosaïques  ^°,  3  m.  75  et  3  m.  63,  ne  sont  pas  exactes  ;  du 
moins  ne  conviennent-elles  point  au  pavement  tel  qu'il  existe  dans  la  salle 
du  rez-de-chaussée.  Les  grands  côtés  mesurent  4  m.  08  et  4  m.  06  ;  les 
petits,  3  m.  66.  Comarmond  en  a  fait  une  description  presque  complète  ", 
la  meilleure  sans  conteste  parmi  ses  descriptions  de  mosaïques,  lesquelles 
sont,  en  général,  confuses  et  diffuses,  bien  qu'elle  ne  soit  ni  tout  à  fait 
exempte  de  ce  double  défaut,  ni  assez  précise  sur  la  plupart  des  points.  Par 
contre,  l'auteur  du  Catalogue  sommaire  néglige  entièrement  la  presque 
totalité  de  l'œuvre  et  ne  donne  même  pas  une  idée  pleine  de  la  seule  partie 
dont  il  s'occupe  :  «  La  décoration  de  cette  ;9lie  mosaïque  comprend  deux 


I.  M'b  ;  Martin-Daussigny  A  l'architecte  en  chef  de  la  ville,  22  décembre  1874. 
a.  Vial,  ibid,,  p.  17  et  suiv. 

3.  M'a. 

4.  Mib. 

5.  Mia. 

6.  Ibid. 

7.  P.  693.  Le  chroniqueur  de  la  Revue  du  Lyonnais  dit  qu'elle  a  4  mètres  de  enté.. 

8.  Lettre  du  23  avril  1875,  arch.  mun.,  MIa. 

9.  1887,  p.  133,  n°  II     1899,  p.  206,  n°  13. 

10.  I,  n°  728. 

11.  Le  chroniqueur  de  la  Revue  du  Lyonnais  l'a  décrite  fort  sommairement  :  «  Elle  est  composée  d'une 
rosace  autour  de  laquelle  régnent  des  ornements  de  différente  nature  et  une  bordure  où  se  jouent  des  pois- 
sons, des  dauphins  et  des  canards  becquetant  des  cerises  «. 


—  117  — 

chevaux,  un  bœuf  et  un  griffon  marins,  trente  et  un  poissons,  sept  dau- 
phins, deux  sarcelles,  un  crabe,  une  crevette,  quatorze  coquillages  et  sept 
oursins  ».  Au  lieu  de  recourir  à  Comarmond,  s'il  ne  pouvait  examiner  l'ori- 
ginal, le  rédacteur  de  V Inventaire  des  mosaïques  s'est  contenté  de  cette 
source  ^  et,  en  outre,  il  a  omis  par  mégarde  un  mot  nécessaire,  l'aajectit 
marins.  Nous  allons  voir  que  la  mosaïque  des  Poissons  constitue  un  ensem- 
ble très  complexe  où  tiennent  leur  place,  avec  les  animaux  ci-dessus  énu- 
mérés,  mais  non  situés,  beaucoup  d'autres  éléments  2. 

Le  décor,  polychrome  sur  champ  blanc,  se  compose  de  cinq  parties. 
Au  milieu,  un  espace  circulaire,  délimité  par  une  torsade  entre  deux  cou- 
ples symétriques  de  filets  noirs,  renferme  deux  motifs  séparés  par  un  filet 
noir  :  une  rose  centrale  formée  de  quatre  boutons  de  lotus  alternant  avec 
quatre  feuilles  cordiformes,  puis  sept  zones  concentriques  de  triangles 
curvilignes,  les  uns  noirs,  les  autres  blancs,  disposés  en  damier.  Entre  la 
première  torsade  et  une  deuxième  accompagnée  d'un  seul  filet  noir  de  part 
et  d'autre,  celle-ci  parallèle  aux  côtés  de  la  mosaïque,  sauf  qu'elle  dessine 
des  quarts  de  cercle  rentrants  aux  quatre  coins  et  des  demi-rectangles 
rentrants  vers  ses  intersections  avec  les  deux  axes,  se  répètent  en  diagonale, 
d'une  part,  deux  cratères,  accostés  chacun  d'une  palme,  et  une  double 
feuille  d'acanthe  qui  les  relie  ;  d'autre  part,  un  rinceau  à  feuilles  cordifor- 
mes, qui  se  replie  sur  lui-même,  avec  une  double  feuille  d'acanthe  analogue  à 
la  précédente  et  posée  symétriquement.  Tous  les  quarts  de  cercle  dessinés 
par  la  deuxième  torsade  contiennent,  dans  le  cadre  d'un  filet  noir,  un  motif 
en  éventail  qui  paraît  être  la  stylisation  d'une  grande  nageoire,  tous  les  demi- 
rectangles  un  autre  motif  qui  paraît  être  la  stylisation  d'un  aviron  de 
gouverne.  Au-delà  règne  une  large  bande  rectangulaire,  bordée  à  l'inté- 
rieur d'une  tresse  en  chaînette,  à  l'extérieur  d'une  troisième  torsade,  l'une 
et  l'autre  comprises  entre  deux  filets  noirs  ;  cette  bande  figure,  sur  les 
quatre  faces  de  la  mosaïque,  une  portion  continue  de  mer  dans  laquelle 
nagent  les  animaux  que  le  Catalogue  et  l'Inventaire  se  bornent  à  énumérer  : 
au  milieu  d'un  grand  côté,  un  cheval  marin  adossé  à  un  bœuf  marin  ;  au 


I.  Hipp.Bazin,  Vienne  et  Lyon  gallo-romains,  p.  380,  s'en  est  contenté  aussi  et  l'a  reproduite  encore  moins 
exactement. 

3.  Voirnotrefig.  13. 


—  118  — 

milieu  de  l'autre,  un  griffon  marin  adossé  à  un  cheval  marin  ;  le  reste 
des  animaux  est  distribué  sans  symétrie  ;  les  deux  sarcelles  vont  ensemble  ; 
des  trente  et  un  poissons,  vingt-deux  ont  la  taille  d'une  petite  carpe, 
neuf  sont  de  taille  moindre.  Après  la  troisième  et  dernière  torsade,  mais 
seulement  sur  les  deux  petits  côtés  de  la  mosaïque,  se  développe,  enca- 
drée d'un  filet  noir,  une  étroite  frise  rectangulaire  dont  le  décor  est  un 
rinceau  de  feuilles  cordiformes. 

Ce  qui  fait  l'originalité  de  la  mosaïque  Cucherat,  c'est  sa  composition. 
Les  divers  motifs  ornementaux  qu'on  y  trouve,  se  retrouvent  dans  d'autres 
mosaïques  ;  par  exemple,  on  en  retrouve  même  deux  —  le  cratère  et  la 
nageoire  stylisée  —  dans  la  mosaïque  de  Sainte-Colombe  qui  figure  l'enlè- 
vement d'Hylas  \  Mais  aucune,  à  ma  connaissance,  ne  présente  un  ensem- 
ble rappelant  de  près  celui  que  borde  ici  la  mer  poissonneuse.  Les  pavements 
à  monstres  marins,  à  poissons  et  autres  bêtes  aquatiques,  sont  nombreux  en 
Gaule  2  et  en  Afrique.  Par  la  densité  ou  le  pêle-mêle  des  animaux  qui  peu- 
plent la  nappe  liquide,  plusieurs  peuvent  être  rapprochés  du  nôtre,  ceux  de 
Sousse  et  de  Dougga  (Tunisie)  3,  ceux  de  Jurançon  (Basses-Pyrénées),  de 
Theus  (Lot-et-Garonne),  de  Gée-Rivière  (Gers)  %  celui  de  Saint- Cricq-de- 
Maureilhan  (Landes),  fond  de  piscine  avec  «  monstres  marins,  poissons  et 
insectes  de  mer  posés  dans  tous  les  sens  comme  un  semis  »  5.  La  nappe 
d'eau  sous  la  forme  d'un  cadre  rectangulaire  est  plus  rare.  Dans  une  mosaï- 
que de  Pompéi  6,  elle  entoure  un  carré  central  à  dessins  géométriques  ;  dans 
une  mosaïque  de  Fourvière  7,  que  nous  avons  découverte  en  19 14,  M.  Ger- 
main de  Montauzan  et  moi,  elle  entourait  jadis  un  tableau  détruit  avant  nos 
fouilles.  Mais  les  animaux  qui  nagent  dans  celle  de  Pompéi  sont  tous  des 
monstres  marins,  tandis  que  dans  celle  de  Fourvière,  comme  au  pourtour 
de  la  mosaïque  Cucherat,  se  mêlent  monstres,  poissons  et  coquillages.  Ce 


1.  Inventaire  des  mosaïques,  1,  224  ;  cf.  l'album. 

2.  Voir  Héron  de  Villefosse,  la  Mosaïque  de  Rouquet  près  de  Tarascon,  dans  Bulletin  archéologique  du 
Comité,..,  1908,  p.  138  et  suiv. 

3.  Inventaire  des  mosaïques,  II,  142  et  560  ;  cf.  l'album. 

4.  Ibid.,  l,  409  (cf.  l'album),  444  et  529. 
5. /6zd.,I,435. 

5.  Gauckler,  article  Musivum,  p.  2.105,  fig.  5.245,  dans  Dict.  des  Antiq.  gr.  et  rom. 

7.  Voir  Germain  de  Montauzan,  les  Fouilles  de  Fourvière  en  1913-1914  ;  Lyon-Parts,  1915  (Annales  de 
V  Université  de  Lyon,  nouv.  série,  II,  fasc.  30),  p.  42  et  suiv. 


—  119  — 

qui  la  distingue  de  ce  pourtour,  ce  sont  les  coupes  marquant  les  extrémités 
des  axes,  et  les  bateaux,  montés  par  des  pêcheurs,  qui  occupent  les  angles. 

3.  N'oublions  pas  de  noter  qu'il  y  avait  une  deuxième  mosaïque  Cuche- 
rat.  Au-dessous  de  celle  que  nous  avons  décrite,  Comarmond  ^  remarqua 
sur  le  sol  vierge  «  un  pavé  cyclopéen  en  granité  »,  puis,  à  quelques  centi- 
mètres plus  haut,  «  un  carrelage  en  briques  romaines  »  ;  à  côté  de  la  mosaï- 
que, mais  à  deux  mètres  environ  en  remontant  vers  le  niveau  moderne, 
«  une  seconde  mosaïque  mutilée  d'une  assez  grande  dimension,  d'un  travail 
grossier  et  qui  nous  a  paru,  dit-il,  ne  dater  que  du  très  bas  empire  ;  les 
ornements  en  cubes  de  marbre  noir  étaient  placés  sur  un  fond  blanc  et 
représentaient  des  filets  et  la  tige  d'une  plante  formant  des  rinceaux  >k  Cette 
superposition  2  est  sans  nul  doute  l'une  des  deux  auxquelles  il  faut  rapporter 
ce  témoignage  du  même  :  «  Nous  avons  vu  à  Ainay  et  à  la  Déserte  ...des 
mosaïques  du  viii®  ou  ix^  siècle,  superposées  chacune  à  une  distance  d'un 
mètre  et  demi  environ  sur  une  mosaïque  des  deux  premiers  siècles  »  3. 


1.  Description...,  p.  683. 

2.  Il  y  avait  eu  superposition  ;  mais,  seule,  la  partie  débordante  du  pavement  supérieur  existait  encore, 
une  excavation  moins  profonde  que  celle  de  1843  ayant  déjà  fait  disparaître  le  reste.  Le  chroniqueur  de  la 
Revue  du  Lyonnais  affirme  inexactement  que  la  mosaïque  des  Poissons  était  «  recouverte  à  un  demi  -mètre 
d'une  autre  mosaïque  d'un  travail  grossier  ». 

3.  Nous  faisons,  bien  entendu,  toutes  réserves  quant  aux  assertions  chronologiques  de  Comarmond, 


—  120 


VII.  MOSAÏQUE  CONTAMIN  (L'IVRESSE  DE  BACCHUS) 

Bibliographie.  —  A  celles  des  chapitres  précédents  ajouter  :  Archives 
municipales,  série  R^,  Musées  (règlement,  conseil  d'administration, 
fouilles,  affaires  diverses)  =  Arch.  mun.,  R^b.  Pour  le  surplus,  voir  les 
notes. 

I 

I.  Le  7  septembre  1 841,  le  Congrès  scientifique  de  France,  qui  tenait  à 
Lyon  sa  neuvième  session,  fit  à  Vienne  l'excursion  d'usage  et  presque  de 
rigueur.  «  Deux  mosaïques  remarquables  avaient  été  reconnues,  en  1840, 
dans  les  propriétés  de  M.  Claude  Contamin...,  lieu  dit  des  Gargattes  »• 
Mais  c'est  à  l'époque  de  cette  visite  «  qu'elles  furent  entièrement  mises  à 
découvert  par  les  soins  bienveillants  de  M.  Donat,  maire  de  Vienne,  et  ceux 
du  propriétaire...  Ces  deux  mosaïques  reposent  dans  le  sol,  à  environ  un 
mètre  et  demi  de  profondeur  ;  elles  se  trouvent  placées  sur  un  même  plan  et 
distantes  l'une  de  l'autre  de  cinq  à  six  mètres.  »  Ainsi  parle  Comarmond  S 
témoin  oculaire.  Le  Courrier  de  Lyon  du  9  septembre  1841  confirme  son 
témoignage  et  le  complète  sur  deux  ou  trois  points  :  «  A  une  heure  les 
mosaïques  de  M.  Contamin  ont  été  découvertes.  Ces  mosaïques  sont  à 
quelques  pas  seulement  l'une  de  l'autre,  au  midi  du  Champ  de  Mars,  au 
milieu  d'un  pré,  et  enterrées  à  un  mètre  et  demi  environ  au-dessous  du  sol... 
La  première,  la  plus  rapprochée  du  Champ  de  Mars,  est  la  moins  remar- 
quable »  2. 


1.  Quelques  explications  sur  des  mosaïques  de  Vienne  et  en  particulier  sur  celle  dont  la  lithographie  se  trouve 
dans  ce  volume,  dans  Congrès  scientifique  de  France,  g*^  session,  tenue  à  Lyon  en  septembre  1841  ;  t.  II,  p.  440  et 
suiv.  —  Comp.  Martin-Daussigny,  dans  Travaux  archéologiques  extraits  des  mémoires  de  l'Académie  de  Lyon, 
1859-1867  ;  Lyon,  1868  ;  p.  165  :  «  ...  la  grande  mosaïque  trouvée  à  Vienne  en  1840  au  quartier  des  Gargat- 
tes •;  —  Catalogue  sommaire,  1887,  p.  135,  n°  15  1899,  p.  207,  n°  16  :  «  Trouvée  en  1841,  à  Vienne  (Isère), 
au  quartier  des  Gargattes  ;  — Georges  Lafaye,  Inventaire  des  Mosaïques,  I,  n°s  173  et  174  :  «  Vienne.  Aux 
Gargattes,  dans  la  propriété  de  M.  Claude  Contamin,  septembre  1841,  à  l'époque  de  l'excursion  du  Congrès 
scientifique  à  Vienne  5. 

2.  J.  Leblanc,  les  Mosaïques  de  Vienne,  dans  Bull,  monum.,  33,  1867,  p.  383,  se  trompe  manifestement  : 
«  La  première  mosaïque,  qui  est  aussi  la  plus  petite...,  a  spécialement  attiré  leur  attention  »  (il  parle  des 
congressistes). 


—  121  — 

Nous  sommes  fort  mal  renseignés  sur  cette  première  mosaïque,  acquise 
comme  l'autre,  on  le  verra  tout  à  l'heure,  par  la  ville  de  Lyon,  enlevée  et 
transportée  en  même  temps,  mentionnée  dans  VInventaire  de  M.  Georges 
Lafaye  ^  comme  étant  au  Musée,  mais  dont  je  n'ai  point,  jusqu'à  présent, 
retrouvé  la  trace  certaine.  J'en  connais  trois  descriptions  extrêmement 
vagues  et  qui  ne  se  ressemblent  d'ailleurs  guère  entre  elles.  Comarmond  ^ 
affirme  qu'elle  était  en  général  mieux  conservée  que  la  seconde,  qu'elle 
mesurait  6  mètres  en  longueur  et  2  m.  33  en  largeur  3,  qu'elle  était  «  décorée 
de  médaillons  à  masque  de  théâtre  avec  des  ornements  variés  de  vases,  de 
tiges  de  plantes  »,  et  qu'une  grecque  entourait  «  les  principaux  sujets  ». 
Branche  4  lui  attribue  32  caissons  contenant  «  des  losanges,  des  têtes  de 
Bacchus  couronnées  de  pampre  et  de  Cybèle  couronnées  de  tours  ».  Le 
Courrier  de  Lyon  dit  que  «  son  dessin  est  une  suite  de  petits  compartiments, 
des  losanges,  des  carrés,  des  circonférences,  s'enchassant  entre  des  lignes 
parallèles  qui  se  croisent  ».  Je  conjecture,  surtout  d'après  cette  dernière 
description,  qu'une  bonne  partie  de  ses  morceaux  utilisables  est  entrée  dans 
la  décoration  composite  de  notre  vestibule  des  Antiques,  et  que  presque 
tous  les  éléments  dont  l'identification  m'échappe  lui  appartiennent,  toute  la 
frise  de  la  paroi  qui  fait  face  à  la  Table  Claudienne,  toute  celle  de  la  paroi 
qui  porte  cette  table,  hormis  le  caisson  central  où  il  est  facile  de  reconnaître 
le  Pan  d'Artaud,  enfin  celle  de  la  paroi  intermédiaire,  hormis  les  trois  pan- 
neaux du  milieu  qui  sont  le  lion  à^ Orphée  charmant  les  animaux  et  deux 
rosaces  de  la  Déserte  5. 

2.  La  seconde  mosaïque,  la  plus  grande  et  la  plus  remarquable,  telle 
qu'elle  était  au  moment  de  la  découverte,  ne  nous  est  guère  connue  que  par 
la  médiocre  notice  de  Comarmond  et  par  la  figure  qui  l'accompagne,  litho- 
graphie de  Storck  d'après  un  dessin  de  Drivet  et  Pirouelle  ^.  La  comparai- 


1.  N° 173. 

2.  P.  441.  Reproduit  par  G.  Lafaye. 

3.  La  Revue  archéologique,  XV,  1858,  p.  187,  donne  inexactement  6  m.  X  4. 

4.  Compte  rendu  de  l'excursion  que  le  Congrès  a  faite  à  Vienne  (Isère),  le  7  septembre  1841,  dans  Congrès 
scientifique...,  p.  436.  Ce  compte  rendu  a  été  imprimé  aussi  dans  la  Revue  du  Lyonnais,  XIV,  1841,  p.  366  et 
suiv.,  et  dans  le  Bulletin  monumental,  VII,  1841,  p.  618  et  suiv. 

5.  Voir  le  chapitre  IX,  §  II,  n"  2. 

6.  Mentionnée  par  G.  Lafaye  dans  le  texte  de  son  Inventaire,  n"  174,  et  réduite  au  sixième  environ  dans 
l'album  où  cette  planche  porte  le  sous-titre  erroné  :  d'après  Artaud.  Notre  fig.  14  en  est  aussi  une  réduction. 


122  

son  de  la  figure  avec  ce  qui  reste  aujourd'hui  de  l'original  montre  déjà, 
comme  il  fallait  bien  s'y  attendre,  qu'elle  n'a  pas  la  fidélité  rigoureuse  d'une 
photographie  :  le  tableau  central  est  traité  fort  librement  et  on  relève  un 
grand  nombre  de  détails  inexacts  dans  les  motifs  accessoires  de  l'ornemen- 
tation, laquelle  était  fort  riche  et  compliquée.  De  plus,  au  témoignage  de 
Comarmond  ^  la  conservation  de  la  petite  mosaïque  était  en  général  meil- 
leure que  celle  de  la  grande  ;  donc  celle  de  la  grande  laissait  beaucoup  à 
désirer.  Or,  si  les  dessinateurs  ont  marqué  le  vide  du  seul  caisson  entière- 
ment détruit,  ils  ont  négligé  toutes  les  menues  dégradations,  qui  devaient 
être  nombreuses.  Mais  cette  comparaison  et  les  données  précises  de  la 
notice  montrent  aussi  que  la  lithographie  nous  offre  pour  l'ensemble  une 
image  suflftsamment  fidèle. 

La  mosaïque,  à  champ  blanc  et  décor  polychrome,  rectangulaire  hor- 
mis qu'elle  avait  sur  un  de  ses  petits  côtés  un  seuil  qui  en  bordait  la  partie 
médiane,  les  deux  tiers  environ,  était  entourée  et  quadrillée  par  un  double 
chapelet  de  petits  losanges  noirs  qui  la  divisait  en  cinq  rangées  longitudi- 
nales et  neuf  rangées  transversales  de  compartiments,  ou  plutôt  44  de  ces 
compartiments  avaient  ce  cadre,  un  seul,  ne  l'ayant  pas,  dépassait  ainsi 
quelque  peu  l'étendue  des  autres,  celui  qui  contenait  le  sujet  principal  et 
qui  occupait  la  place  du  milieu  dans  la  septième  rangée  transversale  à  partir 
du  seuil.  Les  autres  cases  quadrangulaires  contenaient  toutes  un  sujet  orne- 
mental différent,  avec  alternance  des  sujets  dérivant  du  cercle  et  du  carré. 
Quelques-uns  de  ces  caissons  comportaient  des  effigies  humaines  ou  anima- 
les, la  plupart  seulement  des  figures  géométriques  ou  des  ornements  divers. 
Des  motifs  accessoires  très  variés,  masques,  vases,  fleurs,  oiseaux,  etc., 
garnissaient  les  écoinçons  des  panneaux  à  sujets  circulaires.  Un  seul  pan- 
neau manquait  complètement,  le  premier  à  gauche  de  la  cinquième  ligne 
transversale.  Une  rangée  de  deux  sortes  alternantes  de  fleurons  décorait  le 
seuil  que  soulignait  un  rang  de  peltes.  Les  dimensions  du  pavement,  non 
compris  ce  seuil  qui  l'excédait  d'environ  o  m.  58  -^  étaient  10  m.  33  3  et 


1.P.441. 

2.  Nous  verrons  plus  loin  que  ce  seuil  existe  encore  dans  le  vestibule  des  Antiques. 

3.  La  différence  entre  la  longueur  primitive  et  la  longueur  actuelle  de  la  mosaïque  (lo  m.  33  —  9  m.  56 
o  m.  77)  représente  une  rangée  transversale  de  caissons  (  celle  qui  fut  supprimée,  nous  le  verrons,  lors  de 

la  deuxième  repose)  et  une  double  ligne  de  losanges  du  quadrillage.  —  Le  Rhône  du  9  sept.  1841  et  la  Revue 
archéoL,  pass.  cité,  donnent  par  approximation  10  m.  et  6  m. 


—  123  — 
6  mètres.  Il  mesurait  donc,  à  très  peu  de  chose  près,  62  mètres  en  surface, 
auxquels  on  peut  ajouter  approximativement  deux  mètres  et  un  tiers  pour 
le  seuil  ^ 

Comarmond  2  croit  avoir  observé  que  «  les  caissons  les  plus  mar- 
quants »  occupaient  la  rangée  longitudinale  du  centre.  Pour  que  l'observa- 
tion soit  juste,  il  faut  la  corriger  ainsi  :  la  plupart  des  caissons  les  plus  mar- 
quants occupaient  cette  rangée  au-dessus  du  tableau  principal.  Immédiate- 
ment au-dessus,  il  y  avait  un  sujet  circulaire  accosté  de  quatre  petits  oiseaux; 
dans  le  milieu,  un  satyre  accroupi  tenait  un  enfant  enchaîné  qui  s'appuyait 
sur  ses  épaules  ;  une  zone  de  bustes  et  de  sphinx  qui  les  séparaient  for- 
maient le  pourtour.  Puis,  en  remontant,  on  voyait  d'abord  un  lion  parmi 
six  oiseaux  ;  ensuite,  un  Silène  portant  sur  son  épaule  gauche  un  bâton  avec 
deux  cistes  de  vendange  aux  extrémités  ;  plus  haut,  six  poissons  dans  un 
encadrement  à  rinceaux  et  rosaces  ;  plus  haut  encore,  un  oiseau  dans  un 
cercle  de  biges  et  de  cariatides  avec  quatre  oiseaux  différents  aux  écoinçons  ; 
enfin,  les  bustes  des  sept  divinités  de  la  semaine  dans  une  bordure  quadran- 
gulaire  commune  et  sept  médaillons  octogonaux  de  torsade.  A  droite  et  à 
gauche  de  ce  dernier  caisson,  il  s'en  trouvait  deux  autres  assez  marquants  : 
à  droite,  dans  une  couronne  de  chêne,  deux  oiseaux  accouplés  ;  à  gauche,  un 
labyrinthe  circulaire,  le  labyrinthe  de  Crète,  avec  les  têtes  de  Thésée  et 
d'Ariane  au  centre.  En  dehors  de  la  rangée  médiane  que  nous  venons  de 
suivre,  on  remarquait  aussi,  à  gauche  des  six  poissons,  un  panneau  à  sujet 
circulaire  dont  le  motif  central  était  une  tête  de  Méduse.  Quant  à  l'affirma- 
tion de  Comarmond  3  que  tous  les  caissons  les  plus  marquants  «  se  ratta- 
chent à  la  pensée  de  l'artiste  »,  que  «  tous  les  objets  représentés  se  rapportent 
plus  ou  moins  au  sujet  principal  »  4,  elle  est  manifestement  fausse  sous  cette 
forme  générale.  Quelques-uns  des  sujets  secondaires  étaient  bien  dans  ce 
cas  ;  mais  l'artiste,  pour  le  surplus,  ayant  donné  carrière  à  sa  fantaisie, 
n'avait  pas  eu  souci  de  ramener  tous  les  détails  de  la  composition  à  l'unité. 


1.  o  ,58  X4(puisque  le  seuil  bordai  environ  les  deux  tiers  de  la  largeur  du  pavé)=^-2,32. 

2.  P.  443. 

3.  Ibid. 

4.  P.  444. 


—  124  — 

3-  Quel  était  le  sujet  principal?  Le  jour  de  la  découverte,  séance  te- 
nante, d'après  le  Rhône  du  9  septembre  1841,  il  fut  «  expliqué  par  un  mem- 
bre de  l'Académie  de  Lyon  ^  et  par  M.  Thierriat^  d'une  manière  qui  a  reçu 
l'assentiment  de  M.  le  sous-préfet,  de  M,  Delorme  3  et  de  toutes  les  autres 
personnes  présentes.  La  force  vaincue  par  le  vin  et  la  volupté^  tel  est  le  sujet 
de  ce  tableau  allégorique  où  l'on  voit  Hercule  ivre  et  fléchissant  au  milieu  de 
bacchantes  dont  les  unes  cherchent  à  lui  ôter  sa  massue  qu'il  tient  de  la 
main  gauche,  tandis  qu'une  d'elles,  excitée  par  Silène,  lui  passe  la  main 
sous  le  menton  et  donne  à  l'autre  une  direction  qu'un  reste  de  pudeur,  chez 
le  héros,  lui  fait  détourner  de  la  main  droite.  Une  foule  de  bacchantes 
armées  de  thyrses  aux  bandelettes  de  toutes  couleurs  remplissent  le  fond  du 
tableau  et  regardent  en  riant  la  dernière  résistance  d'Hercule  ».  La  même 
explication  est  proposée,  avec  une  variante  malencontreuse,  par  Dominique 
Branche  \  l'un  des  assistants  :  «  Le  principal  tableau  semble  représenter  le 
désarmement  d'Hercule,  tandis  que,  du  haut  de  l'Olympe,  regardent  les 
dieux  étonnés  ».  Comarmond  5  refuse  à  bon  droit  de  l'accepter.  Selon  lui, 
«  on  a  voulu  tout  simplement  représenter  une  scène  de  bacchanale  ;  le  héros 
de  la  scène  est  Bacchus  ivre,  soutenu  par  le  jeune  «  Empélus  »  ^.  Si  sa 
description  n'est  pas  toujours  fidèle,  ni  son  interprétation  juste  de  tout 
point,  en  somme  il  a  raison  sans  doute  et  son  opinion  a  prévalu  7.  Un  seul 
détail  du  tableau  peut  faire  songer  à  Hercule  plutôt  qu'à  Bacchus,  la  massue 
que  porte  le  personnage.  Mais  le  surplus  révèle  d'une  façon  manifeste 
Bacchus  et  son  cortège.  «  Bacchus  chancelant  et  soutenu  par  un  groupe  de 
bacchantes  »,  telle  est  la  définition,  fort  inexacte  d'ailleurs,  que  donne  la 
Revue  archéologique  ^  :  le  cortège  de  Bacchus  ne  se  compose  pas  ici  de 


1.  M.  Grandperret  (Revue  du  Lyonnais,  XIV,  1841,  p.  266,  note). 

2.  Conservateur  des  Musées  de  Lyon. 

3.  Inspecteur  des  monuments  historiques  de  l'Isère  et  conservateur  du  Musée  de  Vienne. 

4.  Compte  rendu...,  p.  426. 

5.  P.  441  etsaiv. 

6.  J.  Leblanc,  dans  Bulletin  monumental,  1867,  p.  383,  reproduit  cette  explication  avec  la  graphie  vicieuse 
«  Empélus  ". 

7.  Cependant  M.  Héron  de  Villefosse.  dans  Bulletin  archéologiçue  du  Comité.  1804,  p.  327,  intitule 
notre  mosaïque  l'Ivresse  d'Hercule. 

8.  Pass.  cité. 


—  125  — 

bacchantes  seulement.  Celle  de  M.  Georges  Lafaye  ^  n'est  pas  exacte  non 
plus  :  «  Bacchus  soutenu  par  le  jeune  Ampélus  et  entouré  de  bacchantes  et 
de  faunes  »  :  dans  le  cortège  de  Bacchus,  il  n'y  a  ici  aucune  faune.  C'est,  à 
ma  connaissance,  Martin  Daussigny  2,  bientôt  suivi  par  Allmer  3,  qui  a,  le 
premier,  formulé  le  titre  reproduit  dans  le  Catalogue  sommaire  des  Musées 
de  Lyon  et  en  tête  de  notre  notice  :  «  L'ivresse  de  Bacchus  ». 

Le  tableau  4  comprend  deux  groupes  de  personnages,  huit  au  premier 
plan,  huit  à  l'arrière-plan,  tous  couronnés,  les  uns  de  pampre  et  de  lierre, 
les  autres  de  lierre  seulement,  plusieurs  portant  le  thyrse.  Au  premier  plan, 
Bacchus  se  présente  de  face,  nu,  hormis  que  la  pardaHde,  ou  peau  de  pan- 
thère, nouée  à  son  cou,  retombe  sur  son  dos,  une  massue  dans  sa  main 
gauche.  Il  se  démène  et  titube  en  proie  au  transport  de  l'ivresse.  Un  jeune 
bacchant,  nu  aussi  —  Ampélus,  si  l'on  veut  — ,  le  soutient  sous  le  bras 
gauche  ;  à  sa  droite,  une  bacchante  vêtue,  de  même  que  presque  tous  les 
autres  personnages  des  deux  groupes,  mais  plus  richement  parée  qu'aucun 
autre,  un  voile  sous  la  couronne,  un  rang  de  perles  au  cou,  —  Ariane  peut- 
être  —  essaie  de  le  calmer  en  lui  caressant  le  menton  de  la  main  gauche.  Il 
l'a  saisie  par  le  poignet  droit  pour  l'écarter  de  son  chemin  ou  pour  prendre 
appui  sur  elle.  Trois  autres  comparses  regardant  vers  lui  se  tiennent  à  sa 
droite,  derrière  Ariane,  dont  un  vieillard  drapé  dans  son  manteau,  le  thyrse 
en  main.  Silène  sans  doute  ;  deux  autres  à  sa  gauche,  regardant  aussi  vers 
lui,  un  bacchant  nu  qui  soutient  la  pardalide,  une  bacchante  vêtue,  le  corps 
vu  de  dos,  la  tête  de  profil,  élevant  une  torche  de  sa  main  droite  invisible  et 
portant,  de  sa  gauche  abaissée,  un  tympanum.  Au  second  plan,  derrière  un 
pli  très  nettement  indiqué  du  terrain  accidenté,  émergent  les  bustes  de  huit 
figurants,  en  groupe  compact,  qui  contemplent  la  scène.  Devant  ce  deuxiè- 
me groupe,  un  grand  thyrse  enrubanné,  que  nulle  main  ne  supporte,  garnit 
diagonalement  l'angle  supérieur  droit  par  rapport  à  nous  ;  à  l'angle  supé- 


1.  Inventaire  des  mosaïques, ,  n°  174. 

2.  Revue  du  Lyonnais,  1867, 1,  p.  173. 

3.  Bulletino  delV  Instituto  arch.  rom.,  1867,  p.  193. 

4.  Je  le  décris  d'après  l'original,  tel  qu'on  le  voit  au  musée  .  Cf.  fig.  15.  La  lithographie  de  Storck  le 
traite,  ai-je  dit  plus  haut,  fort  librement.  Quant  à  l'aquarelle  communiquée  par  le  commandant  Espérandieu 
et  reproduite  dans  l'album  de  V Inventaire  des  mosaïques,  le  dessin  en  est  inexact,  le  coloris  faux. 


—  126  — 
rieur  gauche,  un  rhyton  est  placé  au-dessus  d'un  canthare,  celui-là  sur  un 
socle  en  l'air,  celui-ci  sur  une  base  taillée  dans  la  crête  même  du  pli  de 
terrain. 

Comarmond  n'a  pas  vu  que  la  pardalide  était  nouée  par  les  deux  pattes 
antérieures  au  cou  de  Bacchus  et  lui  servait  de  manteau.  Il  affirme  que  «  des 
bandelettes  nouées  sur  le  devant  lui  servent  de  collier  »  et  que  l'un  des 
comparses  «  tient  une  peau  de  tigre  ou  de  panthère  sur  laquelle  doit  s'éten- 
dre le  héros  ».  Il  a  cru  voir,  à  la  droite  du  dieu,  «  deux  bacchantes  armées  de 
leur  thyrse  et  deux  faunes  ».  Il  a  pris  la  torche  du  dernier  comparse  à  sa 
gauche  pour  «  une  espèce  de  trident  »  et  le  tympanum  pour  «  un  bouclier  à 
tête  de  Méduse  ».  Il  a  situé  le  prétendu  trident  derrière  le  personnage 
—  «  l'autre  porte  derrière  lui  ))  —  et  le  prétendu  bouclier  dans  sa  main 
droite.  Bref,  il  a  fait  preuve  ici  de  l'inattention  et  de  la  négligence  que  nous 
avons  eu  déjà  souvent  à  lui  reprocher.  En  outre,  une  fois  de  plus,  sa  manie 
de  la  signification  erotique  a  faussé  son  exégèse.  Bacchus  «  semble  attirer  à 
lui  dans  sa  chute  une  jeune  bacchante  qu'il  tient  par  le  bras  droit  ;  un  senti- 
ment d'amour  semble  n'être  point  étranger  entre  lui  et  cette  femme  dont  la 
main  gauche  lui  caresse  le  menton...  On  se  dispose  à  l'étendre  sur  une  peau 
de  panthère...  Il  semble  savourer  les  plaisirs  du  vin  et  ne  point  oublier  ceux 
de  l'amour  ».  Si  Comarmond  a  mieux  identifié  que  Grandperret,  Thierriat 
et  Branche  le  personnage  principal,  il  a  eu  le  tort,  comme  les  deux  premiers, 
de  le  croire  «  vaincu  »,  non  seulement  par  l'ivresse,  mais  aussi  par  «  la 
volupté  ». 

Deux  motifs  dont  les  monuments  figurés  de  l'antiquité  grecque  et 
romaine  offrent  bien  des  exemples  se  combinent  dans  le  tableau  que  nous 
venons  de  décrire  :  d'une  part,  le  thiase  ou  cortège  de  Bacchus  ^  ;  d'autre 
part,  Bacchus  ivre,  appuyé  tantôt  sur  une  seule,  tantôt  sur  deux  béquilles 
vivantes  2.  Pour  l'ensemble,  je  ne  connais  aucune  peinture  en  mosaïque  ni 
même  aucun  autre  monument,  qui  rappelle  de  façon  frappante  la  scène 
pittoresque  de  notre  mosaïque  Contamin.  Mais  notre  Bacchus,  avec  les 
deux  personnages  qui  le  flanquent,  est  à  rapprocher  du  trio  analogue  qui 


1.  Voir  dans  Daremberg  et  Saglio,  Dictionnaire  des  Antiquités  grecques  et  romaines,  l'article  Maenades 
(vol.  III,  p.  1479  et  suiv.). 

2.  Voir  ibid.,  l'art.  Satyri  (vol.  IV,  2,  p.  1.095). 


—  127  — 

décore  le  panneau  central  d'un  pavement  de  Carthage  ^  :  Bacchus  ivre, 
tenant  d'une  main  un  gros  cep  de  vigne  en  guise  de  thyrse,  un  canthare  de 
l'autre,  et  appuyé  à  sa  gauche  sur  un  acolyte  masculin  nu,  à  sa  droite  sur  une 
femme  drapée. 

II 

I.  La  pensée  de  faire  acquérir  par  la  ville  de  Lyon  les  mosaïques  Conta- 
min,  surtout  la  plus  grande,  dut  venir  sur  le  champ  à  l'esprit  des  personnes 
qualifiées.  L'œuvre  était  de  première  valeur,  et  il  y  avait  les  précédents  des 
mosaïques  Seguin,  Michoud  et  Montant,  acquises  pour  le  Musée  de  Lyon  à 
Vienne  ou  sur  le  territoire  de  son  ancien  faubourg  romain.  Comarmond,  le 
9  juin  1842  2,  adresse  au  maire  un  certain  nombre  d'exemplaires  de  la  litho- 
graphie Storck,  ((  en  attendant  que  ce  monument  digne  de  figurer  au  musée 
de  Lyon  vienne  se  placer  à  côté  de  celle  de  l'hyppodrome  ».  Quelles  raisons 
retardèrent  plus  de  seize  ans  l'acquisition,  je  l'ignore.  Elle  fut  négociée  à  la 
fin  de  1857  et  conclue  officiellement  au  début  de  1858.  Le  27  novembre 
1857,  les  négociations  étaient  assez  avancées  pour  que  le  sénateur  préfet 
Waïsse,  les  considérant  comme  réellement  terminées,  informât  l'architecte 
en  chef  de  la  ville  Des  jardins  que  les  deux  mosaïques  «  dont  le  congrès 
scientifique  avait  fait  l'objet  de  son  examen»,  étaient  acquises.  Le  21  décem- 
bre, il  lui  rappelait  qu'il  l'avait  informé  de  l'acquisition  et  l'avait  invité  à  se 
rendre  sur  place  afin  de  prendre  ses  mesures  en  vue  de  «  l'extraction  »  qui 
pouvait  se  faire  tout  de  suite.  Mais  le  crédit  ne  fut  voté  par  le  conseil  muni- 
cipal que  le  19  février  1858.  Le  20,  le  préfet  en  avisait  l'architecte  et  le  priait 
de  s'occuper  le  plus  tôt  possible  des  mosaïques  achetées.  Le  6  mars,  il  lui 
écrivait  :  «  Vous  avez  dû  prendre  les  dispositions  nécessaires  pour  mettre 
sans  retard  la  ville  en  possession  de  ces  mosaïques  »,  et  lui  renouvelait  au 
besoin  l'invitation  de  procéder  d'urgence  à  leur  enlèvement  3.  Le  26  mai,  le 
conservateur  Martin-Daussigny  4  enregistrait  l'arrivée  au  Palais  des  Arts 


1.  Inventaire  des  mosaïques,..,  II,  n"  744;  fig.  dans  l'album.  —  Comp.  Bulletin  archéologique  du  Comité.,. 
i9o8,p.CCXII. 

2.  Arch.  mun.,  R'-a. 

3.  Arch.  mun.,  M'b.. 

4.  Musées  archéologiques.  Achats  ,dons  et  notes  particulières  (Archives  de  la  conservation  des  Musées). 


—  128  — 

«  des  deux  mosaïques  de  Vienne  vendues  par  M.  Contamin  aîné,  rue  des 
Gargattes  ».  Le  vendeur  est  aussi  appelé  Contamin  dans  les  deux  lettres 
préfectorales  des  20  février  et  6  mars.  Par  contre,  dans  le  devis  estimatif  de 
l'architecte  Desjardins  (29  décembre  1857),  il  est  dit  que  les  mosaïques  ont 
été  «  acquises  de  M.  Joufïray  cadet  fils,  chemin  de  Vimaine,  près  le  Champ 
de  Mars,  à  Vienne  »  ^  C'est  sans  doute  une  méprise  :  JoufFray  intervint 
dans  l'affaire  à  un  autre  titre.  Le  15  décembre  1857,  il  réclame  une  indem- 
nité pour  les  dommages  qui  lui  seront  causés  par  l'enlèvement  de  Tune  des 
mosaïques.  Le  9  mars  1858,  entre  Desjardins  et  lui  il  est  convenu  que  la 
ville  de  Lyon  lui  paiera  une  indemnité  de  900  francs  pour  tous  dégâts  cau- 
sés par  l'enlèvement  à  faire  des  deux  mosaïques,  dont  une  se  trouve  dans 
son  terrain  même,  et  pour  remise  en  état  de  ce  terrain  2.  D'où  semble 
résulter  que  Jouffray  était  devenu  propriétaire  d'une  partie  de  l'emplace- 
ment occupé  par  les  deux  mosaïques,  mais  non  des  mosaïques  elles-mêmes?. 
Le  prix  d'achat  fut,  pour  les  deux,  1.700  francs,  d'après  Waïsse,  Des- 
jardins et  Martin-Daussigny  4.  L'acte  de  vente  ne  figure  pas  au  dossier. 
Pour  l'enlèvement,  le  transport  et  la  mise  en  place  au  Palais  des  Arts,  on  y 
trouve  5  deux  devis,  l'un  sans  date,  de  Mora  frères,  mosaïstes,  s'élevant  à 
6.754  francs  18  ;  l'autre,  de  l'architecte  Desjardins,  en  date  du  29  décembre 
1857,  approuvé  par  l'administration  préfectorale  le  25  février  1858, 
s'élevant  à  6.757  fr.  96.  Il  est  spécifié  dans  ce  dernier  que  l'indemnité 
à  Jouffray  et  tous  les  travaux  quelconques  y  sont  compris.  Les  opéra- 
tions relatives  à  la  grande  mosaïque  sont  évaluées  à  3.080  francs  pour  une 
surface  approximative  de  1 1  mètres  par  7,  celles  qui  concernaient  la  petite  à 
2.053  francs  pour  une  surface  des  deux  tiers.  L'exécution  du  devis  resta 
partielle.  Enlevées  et  transportées  à  Lyon,  les  mosaïques  ne  furent  ni 
l'une  ni  l'autre  réparées  et  reposées.  Pourquoi?  La  raison  n'est  pas  dou- 
teuse, du  moins  en  ce  qui  regarde  la  grande,  la  seule  dont  la  repose  fût  d'un 
réel  intérêt  :  on  ne  trouva  pas  dans  les  salles  du  musée,  tel  qu'il  était  alors. 


1.  Arch.mun.,  M'b, 

2.  Ibid. 

3.  Comp.  J.  Leblanc,  dans  Bail,  monum.,  1867,  p.  384  :  «  A  quelques  mètres  au  sud  (des  mosaïques  de 
1841),  et  dans  la  même  propriété,  achetée  quelque  temp'.  après  par  M.  Joufïray,  mécanicien...  ». 

4.  La  Revue  archéologique,  pass.  cité,  donne  inexactement  le  chiffre  de  r.500  francs. 

5.  Arch.mun.,  M'b. 


—  129  — 

une  place  à  sa  mesure.  Ce  qu'il  y  a  de  bizarre,  c'est  que  ni  l'architecte  ni  le 
conservateur  ne  paraissent  avoir  songé,  au  moment  où  furent  établis  les 
devis,  à  cette  difficulté,  manifeste  pourtant  non  moins  que  capitale. 

2.  Une  dizaine  d'années  plus  tard,  la  question  d'emplacement  fut  enfin 
résolue  pour  la  grande  mosaïque  ;  solution  médiocre  :  car,  si  elle  ramenait  de 
l'ombre  à  la  lumière  une  œuvre  intéressante,  c'était  au  préjudice  d'une  autre 
également  digne,  sinon  plus  digne,  du  grand  jour,  et  que  les  circonstances 
avaient  condamnée  à  une  rélégation  provisoire  dans  les  dépôts.  Le  7  mai 
1 863,  le  préfet  communique  à  l'architecte  de  la  ville  un  rapport  du  conser- 
vateur des  musées  archéologiques  sur  l'opportunité  de  mettre  en  évidence 
toutes  les  mosaïques  acquises  à  diverses  époques  et  non  encore  exposées. 
Martin-Daussigny  indiquait  une  combinaison  que  l'architecte,  dans  sa 
réponse  au  préfet  (16  mai),  estime  convenable  et  réalisable  sans  trop  de 
frais  ^  Laquelle,  nous  ne  savons  pas.  C'était  le  temps  où  des  travaux  impor- 
tants étaient  entrepris  afin  de  prolonger  le  Palais  des  Arts  sur  la  rue  de 
l'Impératrice  (rue  de  l'Hôtel- de- Ville).  Ces  travaux  affectant  spécialement 
l'angle  sud-est  du  palais,  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  avait  dû  quitter  la 
salle  de  la  Momie  et  entrer  aux  dépôts.  Nous  avons  déjà  vu  ^  qu'elle  y  resta, 
le  remaniement  de  l'édifice  terminé,  et  fut  «  remplacée  par  la  grande  mosaï- 
que de  Vienne,  qui,  en  raison  de  ses  dimensions,  ne  pouvait  être  mise 
ailleurs  «  3. 

Cette  opération  se  fit  en  1867.  Le  4  février,  Martin-Daussigny  4  an- 
nonce que  la  «  célèbre  mosaïque  des  Gargattes  de  Vienne  »  va  prendre  la 
place  autrefois  occupée  par  celle  des  Jeux  du  cirque  et  qu'elle  sera  «  un  des 
plus  beaux  ornements  de  notre  grande  galerie  »  ;  le  21  juin  5,  qu'elle  est 
«  établie  dans  la  grande  salle  des  tableaux  ».  Il  aurait  pu  dire,  avec  plus  de 
précision,  à  l'extrémité  orientale  de  la  grande  galerie.  Le  dossier  renferme  ^ 
un  mémoire  des  mosaïstes  Edouard  Mora  et  fils,  en  date  du  19  juillet  ;  il 


1 .  Arch.  mun.,  M'c. 

2.  Chap.  I,  §  IV. 

3.  Arch.  mun.,  M'a,  l'architecte  de  la  ville  au  préfet,  26  avril  iSSg  ;  et.  Martin-Daussigny,  dans  Revue 
du  Lyonnais,  1867, 1,  o.  173. 

4.  Ihid. 

5.  Travaux  archéologiques...,  p  165. 

6.  Arch.  mun.,  M'b. 


—  130  — 

s'élève  à  la  somme  de  5.319  fr.  75.  Les  travaux  des  spécialistes  sont  achevés  ; 
il  ne  reste  plus  qu'à  poser  la  balustrade  et  à  raccorder  avec  la  mosaïque  le 
pavé  de  la  salle.  Un  devis  estimatif  de  la  même  année  ^  prévoit  pour  la  ba- 
lustrade une  dépense  de  1.960  francs  et  une  autre  dépense  de  i.ooo  francs 
pour  les  raccords  du  pavé. 

3.  La  mosaïque  ainsi  rétablie  différait  sensiblement  de  la  mosaïque 
primitive.  D'abord  elle  n'avait  plus  son  seuil  ;  nous  verrons  qu'il  servit,  en 
1868,  à  décorer  le  vestibule  des  Antiques.  Puis  elle  avait  perdu  une  partie  de 
ses  tableaux  secondaires.  «  Il  a  fallu  la  réduire  de  plus  d'un  tiers  «j  dit  Mar- 
tin-Daussigny  2  ;  ,(  elle  existe  dans  toute  sa  longueur  ;  mais  un  rang  de 
médaillons  a  été  supprimé  de  chaque  côté  ;  ce  qui  en  réduit  le  nombre  de 
45  à  27  ».  On  pourrait  même  croire  qu'il  avait  été  question  de  l'amoindrir 
encore  davantage,  à  lire  cette  assertion  d'Allmer  3  :  «  Dans  quelques  jours, 
réduite  à  18  tableaux,  elle  se  verra  dans  une  des  salles  du  Palais  Saint- 
Pierre  «.  Mais  il  y  a  sans  doute  ici  une  faute  d'impression  :  AUmer  avait 
écrit  :  «  réduite  de  18  tableaux  ».  Ainsi  corrigé,  son  témoignage  concorde 
avec  celui  de  Martin-Daussigny.  Ils  sont  contredits  par  celui  de  l'architecte 
Hirsch,  écrivant  au  maire,  le  23  juillet  1887  %  quand  on  préparait  la  seconde 
repose  :  «  La  mosaïque  de  Vienne,  qui  comportait  primitivement  45  cais- 
sons d'après  la  Hthographie,  n'en  avait  plus  que  24,  quand  elle  figurait  dans 
l'ancienne  salle  de  peinture  ».  Mais  Hirsch  ajoute  :  «  Elle  mesurait  alors 
10  m.  60  par  4  m.  20  ».  Ce  sont  approximativement  la  longueur  primitive  de 
la  mosaïque,  hormis  le  seuil,  et  sa  largeur  après  suppression  d'un  rang  de 
médaillons  à  droite  et  à  gauche.  Hirsch  aura  mal  compté  les  caissons  sub- 
sistants. Le  devis  du  mosaïste  Claudius  Mora  pour  cette  seconde  repose  5 
donne,  à  quelques  centimètres  près,  les  mêmes  dimensions,  10  m.  50  par 
4  m.  23,  mesures  qui  n'ont  pu  être  prises  que  sur  la  première  restitution.  Il 
faut  donc  tenir  pour  certain  le  chiffre  de  Martin-Daussigny  :  la  mosaïque  de 
r Ivresse  de  Bacchus  reconstituée  dans  la  salle  de  la  Momie  avait  27  caissons. 


1.  Arch.mun.,  M'a. 

2.  Travaux  archéologiques...,  p.  165. 

r?.  BuUetino  delV  Imtitato  arch.  rom.,  1867.  d.  193. 

4.  Arch.  mun.,  M'd.      ■ 

5.  Ibid. 


—  131  — 

neuf  rangées  transversales  de  trois  caissons,  trois  rangées  longitudinales  de 
neuf  caissons. 

Pour  expliquer  la  réduction,  Martin- Daussigny  n'allègue  qu'une  rai- 
son :  «  Elle  avait  subi  de  telles  avaries  qu'il  a  fallu  la  réduire  de  plus  d'un 
tiers  )).  Son  affirmation  est  corroborée  par  le  mémoire  du  mosaïste  Edouard 
Mora  S  ainsi  que  par  le  témoignage  oral  de  Claudius  Mora.  Beaucoup  de 
parties  étaient  endommagées  à  tel  point,  qu'elles  parurent  bonnes  seule- 
ment à  fournir  des  cubes  pour  la  réparation  des  parties  mieux  conservées. 
Et  cela  se  conçoit  aisément.  Nous  avons  vu  que  la  conservation  de  la  mosaï- 
que laissait  à  désirer,  lorsqu'elle  fut  exhumée,  en  1841.  Mal  garantie  sans 
doute  contre  les  intempéries  pendant  le  laps  de  temps  fort  long  qui  s'écoula 
jusqu'à  l'enlèvement  (1858),  elle  eut  encore  à  souffrir  d'un  séjour  prolongé 
(i 858-1 867)  dans  les  dépôts  du  musée.  Il  fallait  donc  ou  refaire  à  peu  près 
de  toutes  pièces  les  panneaux  hors  d'usage  ou  réduire  l'ensemble.  Mais 
cette  première  raison  ne  suffit  pas  à  tout  expliquer.  Combien  y  avait-il  au 
juste  de  panneaux  hors  d'usage?  Ce  qui  me  fait  douter  que  le  mauvais  état 
du  pavement  à  reconstituer  ait  été  seul  responsable  des  dimensions  relative- 
ment restreintes  du  pavement  reconstitué,  c'est  que  nous  retrouverons 
remployés  ailleurs  2,  sans  compter  le  seuil,  des  panneaux  éliminés  de  la 
reconstitution,  et  qui  étaient  donc  réparables.  On  aurait  eu,  semble-t-il,  le 
moyen  de  moins  réduire  et  peut-être,  par  exemple,  de  ne  réduire  qu'en 
longueur.  La  réduction  en  longueur  pouvait  ne  supprimer  que  cinq,  dix, 
quinze  panneaux,  une,  deux,  trois  rangées  transversales,  tandis  que  la 
réduction  en  largeur,  qui  fut  adoptée,  en  supprimait  nécessairement  à  elle 
seule,  vu  les  exigences  de  la  symétrie,  un  minimum  de  dix-huit.  Cette 
réduction  avait  l'inconvénient  esthétique  d'allonger  encore  et  jusqu'à  le 
rendre  disgracieux,  le  rectangle  déjà  très  prononcé  de  la  mosaïque  primi- 
tive, tandis  que  la  réduction  en  longueur  l'aurait,  sans  dommage  au  même 
point  de  vue,  rapproché  du  carré. 

Il  y  eut  donc  une  seconde  cause,  et  ce  fut  l'exiguité  relative  de  l'empla- 
cement destiné  à  recevoir  la  mosaïque.  La  salle  de  la  Momie  était  plus 


1.  Arch.mun.,  M^h. 

2.  Dans  la  décoration  du  vestibule  des  Antiques. 


—  132  — 

longue  que  celle  où  VIvresse  de  Bacchus  figure  maintenant,  mais  elle  n'était 
pas  plus  large  ;  elle  n'était  pas  assez  large  pour  que  le  pavement  y  fût  placé 
dans  toute  sa  largeur  primitive  sans  gêner  la  circulation  du  public  autour  de 
la  barrière  qui  le  protégerait.  Je  n'attribue  pas,  bien  entendu,  à  cette  secon- 
de cause  une  importance  excessive  :  elle  ne  suffirait  pas  plus  que  la  première 
à  tout  expliquer.  Si  elle  avait  agi  seule,  on  se  serait  naturellement  borné, 
pour  rentrer  dans  les  limites  voulues,  à  supprimer  les  caissons  qui  compo- 
saient les  deux  rangées  longitudinales  extrêmes.  Et  la  comparaison  de  la 
mosaïque  actuelle  avec  la  lithographie  montre  qu'on  est  bien  parti  de  cette 
idée  très  simple,  mais  aussi  qu'on  n'a  pu  la  réaliser  jusqu'au  bout.  La 
plupart  des  caissons  que  leur  place  désignait  pour  être  maintenus,  l'ont 
gardée  ;  si  quelques-uns  l'ont  cédée  à  d'autres  pris  dans  les  rangées  sacri- 
fiées, c'est  apparemment  qu'ils  ne  semblèrent  pas  utilisables.  «  Il  a  fallu, 
constate  le  mémoire  d'Edouard  Mora,  déplacer  plusieurs  carrés  de  mosaï- 
que..., scier  certaines  parties  qui  ont  été  placées  dans  les  parties  man- 
quantes y<. 

Nous  ne  possédons  aucun  dessin  de  cette  première  reconstitution. 
M.  Claudius  Mora  m'a  raconté  qu'elle  fut  faite  d'après  un  schéma  de 
l'architecte  Desjardins  indiquant  les  caissons  à  maintenir  et  la  place  à  leur 
donner.  Ce  plan  n'existe  pas  au  dossier  des  archives  municipales.  Mais 
nous  connaissons  tous  les  27  caissons  qui  la  composaient  :  il  en  reste  24 
dans  la  seconde  reconstitution  et  j'ai  retrouvé  les  trois  autres  dans  les  dé- 
pôts. Nous  sommes  donc  en  mesure  d'affirmer  que  dès  lors  la  mosaïque 
avait  perdu  quatre  de  ses  panneaux  les  plus  intéressants  :  le  labyrinthe  de 
Crète,  les  sept  divinités  de  la  semaine,  l'oiseau  dans  un  cadre  de  biges  et  de 
cariatides,  le  lion  parmi  les  six  oiseaux.  Trois  autres  panneaux,  qui  sont 
aujourd'hui  dépourvus  de  leur  motif  central,  n'ont  vraisemblablement  pas 
souff'ert  ce  dommage  depuis,  trois  panneaux  à  décor  circulaire,  ceux  qui 
contenaient  la  tête  de  Méduse,  le  Silène  portant  deux  cistes  de  vendange  et 
le  satyre  avec  l'enfant  enchaîné.  Le  vide  a  été  comblé  dans  tous  les  trois 
par  un  champ  de  cubes  rougeâtres. 


-  133 


III 


I.  De  la  place  qu'elle  avait  usurpée  en  1867,  notre  mosaïque  fut  délo- 
gée en  188O5  lors  de  la  construction  du  grand  escalier  oriental  destiné  à 
desservir,  outre  les  salles  du  premier  étage  que  desservait  déjà  l'escalier 
occidental,  les  nouvelles  salles  du  deuxième  étage.  La  cage  de  Tescalier  à 
construire  devait  en  effet  couper  la  salle  de  la  Momie.  L'Ivresse  de  Bacchus 
fut  donc  enlevée  et  rangée  provisoirement  au  rez-de-chaussée,  dans  l'an- 
cienne salle  de  la  Bourse  ^  Ce  provisoire  dura  sept  ou  huit  ans.  Il  s'agissait 
encore  une  fois  de  résoudre  la  question  d'emplacement,  toujours  difficile, 
même  après  la  réduction  déjà  opérée.  Des  quatre  compartiments  actuels  de 
la  galerie  qui  sépare  les  deux  escaliers  et  qui  est  aujourd'hui  la  galerie  des 
peintres  lyonnais  après  avoir  été  la  galerie  Chenavard,  le  premier  à  l'est 
était  alors  occupé  par  la  mosaïque  Michoud,  le  suivant  par  la  mosaïque 
Cassaire,  représentant  l'une  et  l'autre  la  lutte  de  l'Amour  et  de  Pan,  le  troi- 
sième par  la  mosaïque  Montant  (Orphée  charmant  les  animaux).  Le  qua- 
trième était  libre  2.  Dès  1882,  on  envisage  le  transfert  de  la  mosaïque  Mi- 
choud dans  ce  dernier,  beaucoup  plus  petit  que  celui  qu'elle  occupait,  mais 
largement  suffisant  pour  elle,  et  la  repose  de  VIvresse  de  Bacchus  dans  le 
premier.  Ce  dessein  ressort  du  rapprochement  d'un  devis  de  Mora  père  et 
fils,  en  date  du  28  octobre  1882  3,  pour  le  déplacement  de  la  mosaïque  du 
«  Faune  »,  avec  une  lettre  du  conservateur  Dissard  au  président  de  la  com- 
mission des  Musées,  en  date  du  4  avril,  transmise  par  celui-ci  au  maire  le 
8  avril  4.  Une  somme  de  5.000  francs  est  nécessaire,  y  est-il  dit  en  sub- 
stance, si  l'on  veut  assurer  la  conservation  de  la  belle  mosaïque  antique  qui 
était  placée  avant  les  travaux  dans  l'ancienne  salle  de  la  Momie  et  repré- 
sente «  le  triomphe  de  Bacchus  ».  Mais  il  ne  fut  donné  suite  au  projet  qu'en 
1887. 


1.  Arch,  mun.,  M'd.  Aynard,  président  du  conseil  des  Musées,  au  maire,  8  juillet  1887  ;  ibid.,  R-b 
Dissard,  conservateur  du  Musée  archéologique,  au  président  de  la  commission  des  musées,  4  avril  1882. 

2.  Voir,  Arch.  mun..  M'd,  le  double  plan  du  22  août  1878  (avant  la  restauration  et  projet  de  restaura- 
ion), 

3.  Arch.  mun.,  Mie 

4.  Arch.  mun.,  R*b. 


—  134  — 

2.  Le  8  juillet,  le  président  du  conseil  d'administration  des  Musées 
écrivait  au  maire  que,  dans  sa  séance  du  5,  le  conseil  avait  été  saisi  d'un 
rapport  du  conservateur  des  Antiques  signalant  l'urgence  de  replacer  la 
grande  mosaïque  de  Vienne  «  autrefois  à  l'extrémité  de  la  galerie  du  musée 
de  peinture  »,  qui  s'effritait  chaque  jour  davantage.  Le  conservateur  propo- 
sait de  l'installer  dans  la  première  salle  de  la  galerie  Chenavard,  à  la  place  de 
la  mosaïque  Michoud  qui  serait  transférée  dans  la  quatrième.  Le  devis 
approximatif  était  de  7.000  francs  pour  l'ensemble  de  ces  opérations. 
Consulté  par  le  maire,  l'architecte  Hirsch  répondait  le  23  juillet  que  la  salle 
indiquée  était  suffisamment  large,  mais  longue  seulement  de  15  mètres, 
qu'il  serait  donc  peut-être  bon  de  raccourcir  la  mosaïque  d'une  rangée 
transversale  en  éliminant  «  trois  des  panneaux  les  moins  précieux,  soit 
comme  composition,  soit  comme  conservation  ».  Sa  longueur  étant  ainsi 
réduite  de  10  m.  60  à  9  m.  40  —  mesures  approximatives  —  elle  serait 
«  plus  en  harmonie  avec  les  dimensions  de  la  salle  »  et  la  réduction  «  permet- 
trait de  réserver  tout  autour  un  passage  pour  la  circulation  du  pubHc  )>.  Sur 
le  premier  devis  de  Claudius  Mora  (19  octobre  1887)  Hirsch  a  corrigé  au 
crayon  10  m.  50  en  9  m.  40,  et  sur  le  second  (27  octobre)  il  a  inscrit  cette 
note  :  «  Ce  devis  est  fait  pour  la  mosaïque  à  24  y>  —  lisons  27  —  «  motifs  ;  il 
est  probable  qu'elle  sera  réparée  seulement  à  21  >'  —  lisons  24.  Ainsi  fut-il 
fait.  Dans  son  rapport  au  maire,  pour  justifier  cette  nouvelle  mutilation, 
l'architecte  allègue  subsidiairement  que  plusieurs  panneaux  sont  en  mau- 
vais état.  Mais  l'excuse  ne  vaut  rien  :  j'ai  retrouvé  les  trois  panneaux  suppri- 
més lors  de  la  seconde  repose  ;  ils  sont  aujourd'hui  encore  en  très  bon  état. 
Cette  fois  l'exiguité  relative  de  l'emplacement  fut  donc  seule  cause  de  tout 
le  dommage.  Jugée  d'abord  trop  large  et  plus  tard  trop  longue,  la  victime' 
subit,  en  définitive,  l'épreuve  d'un  lit  de  Procuste  à  deux  dimensions. 

Le  crédit  de  7.000  francs  fut  voté  par  le  conseil  municipal  le  20  sep- 
tembre. Après  avoir  présenté  les  deux  devis  légèrement  différents  que  je 
viens  de  mentionner,  Claudius  Mora  et  son  fils  firent  le  8  novembre  une 
soumission  de  4.500  francs  pour  l'ensemble  des  opérations  concernant  les 
deux  mosaïques,  «  les  Joies  de  Bacchus  »  et  «  le  Faune  ».  En  proposant  au 
maire  de  l'accepter,  le  10  novembre,  l'architecte  remarquait  que  la  somme 
de  4.500  francs  représentait  seulement  les  travaux  de  ces  spécialistes  et  que 


-   135  — 

le  surplus  du  crédit,  soit  2.500  francs,  serait  applicable  aux  raccords  des 
parquets  et  autres  travaux  à  exécuter  par  les  entrepreneurs  ordinaires  de 
l'entretien  du  palais.  Toutes  formalités  accomplies,  le  maire  prie  l'archi- 
tecte, le  19  décembre,  de  faire  passer  le  plus  tôt  possible  à  l'exécution,  et 
celui-ci  note  au  crayon  sur  la  pièce  :  «  M.  Mora  a  commencé  le  travail  des 
mosaïques  sur  place  le  13  février  1888  »  ^  La  deuxième  restitution  ne  diffé- 
rait de  la  première  que  par  la  suppression  de  trois  panneaux,  nous  le 
savons  ;  mais  nous  ignorons  si  les  trois  panneaux  supprimés  constituaient  la 
plus  haute  rangée  transversale  ou  s'ils  furent  pris  ça  et  là.  Pour  résoudre  ce 
petit  problème,  il  n'y  a  rien  à  tirer  du  passage  où  l'architecte  suggère  qu'on 
pourrait  supprimer  «  trois  des  panneaux  les  moins  précieux,  soit  comme 
composition  soit  comme  conservation  )>.  Les  trois  panneaux  alors  éliminés 
et  retrouvés  récemment  dans  les  dépôts  sont,  je  l'ai  déjà  dit,  en  très  bon 
état  ;  ils  n'offrent  ni  plus  ni  moins  d'intérêt  que  plusieurs  autres  qui  furent 
maintenus.  De  toute  façon,  il  fallait  éUminer  deux  panneaux  à  motif  circu- 
laire et  un  panneau  à  motif  quadrangulaire  ;  car,  vu  la  règle  de  l'alternance, 
certainement  la  plus  haute  rangée  transversale  était  ainsi  constituée.  La 
mosaïque  actuelle  mesure  9  m.  56  par  4  m.  25. 

3.  On  a  déjà  vu  que  certains  éléments  exclus  de  la  première  ou  de  la 
seconde  restitution  existent  encore  ;  mais  il  convient  de  compléter  et  de 
préciser  ici  les  indications  données  incidemment  plus  haut.  Le  seuil, 
d'abord,  s'étale  en  bonne  lumière  dans  le  vestibule  de  la  galerie  des  Anti- 
ques, au-dessous  de  la  Table  Claudienne,  tel,  à  fort  peu  de  chose  près  que 
le  représente  la  lithographie,  si  ce  n'est  qu'on  a  cru  devoir  prolonger  sur 
ses  deux  petits  côtés  le  rang  de  peltes  qui  le  soulignait.  Il  fait  partie  de  la 
décoration  composite  qu'en  1868  Martin-Daussigny  imagina  pour  les 
parois  de  ce  vestibule.  Quatre  caissons  de  notre  pavement,  moins  bien 
placés  et  moins  faciles  à  reconnaître,  y  figurent  aussi  depuis  la  même  épo- 
que, en  totalité  ou  partiellement  ;  ils  forment  la  frise  de  la  paroi  où  s'ouvre 
la  porte  d'entrée.  Trois  autres  caissons,  ceux  qui  furent  éliminés  lors  de  la 
deuxième  repose  et  que  j'ai  retrouvés  dans  les  dépôts,  les  viendront-ils 
rejoindre  quelque  jour?  Les  deux  caissons  à  décor  circulaire  pourraient 


1.  Le  dossier  de  la  seconde  repose  existe  en  double,  arch.  man.,  M'd  — M'e. 


—  136  — 
être  posés  à  mi-hauteur  de  part  et  d'autre  de  l'entrée,  le  caisson  à  décor 
quadrangulaire  posé  de  même  en  face  de  la  Table  Claudienne  ;  si  bien  que, 
dans  ce  vestibule,  serait  enfin  rassemblé  tout  ce  qui  reste  de  la  mosaïque 
primitive  en  dehors  de  la  reconstitution  actuelle,  hormis  cependant  des 
fragments  de  cinq  caissons  que  l'on  discerne,  non  sans  quelque  peine,  dans 
le  pêle-mêle  de  débris  dont  Martin-Daussigny  fit,  en  1877,  revêtir  le  sou- 
bassement du  couloir  qui  sépare  l'ancien  réfectoire  des  autres  salles  de  la 
sculpture,  hormis  aussi  un  fragment  retrouvé  par  moi  dans  les  dépôts,  qui 
complète,  ou  peu  s'en  faut,  l'un  de  ces  derniers  caissons.  Toutes  déductions 
faites,  le  total  des  panneaux  entièrement  disparus  depuis  1841  s'élève  donc 
seulement  à  huit. 

Le  schéma  ci-après  (fig.  16)  fait  voir  le  rapport  de  l'original  et  de  la 
reconstitution  actuelle,  en  même  temps  qu'il  indique  quelles  parties  n'ont 
pas  été  comprises  dans  celle-ci  et  ce  que  chacune  d'elles  est  devenue.  Les 
compartiments  de  la  mosaïque  primitive  y  sont  numérotés  de  gauche  à 
droite  et  de  haut  en  bas,  en  chiffres  arabes  ;  les  chiffres  romains  désignent 
les  places,  numérotées  selon  le  même  ordre,  que  les  panneaux  conservés 
occupent  dans  la  mosaïque  actuelle.  Les  panneaux  perdus  sont  marqués 
d'une  croix,  accompagnée  de  la  date  1841  pour  celui  qui  manquait  lors  de  la 
découverte.  La  lettre  A  marque  les  éléments  utilisés  pour  la  décoration  du 
vestibule  des  Antiques  ;  la  lettre  D  les  trois  panneaux  supprimés  lors  de  la 
seconde  repose  et  retrouvés  intacts  aux  dépôts  ;  la  lettre  S  les  caissons  dont 
les  débris  ornent  le  soubassement  du  rez-de-chaussée  ;  enfin  les  lettres  DS 
celui  que  j'ai  en  partie  reconnu  sur  ce  soubassement,  en  partie  retrouvé  aux 
dépôts. 


—  137  — 


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Fig.  i6.  —  La  mosaïque  Contamin 

Schéma 


—  138  — 
VIII 

MOSAÏQUE    DES    CHAZEAUX 

Bibliographie.  —  Voir  celle  du  chapitre  I  et  les  notes. 

I.  La  découverte  d'une  mosaïque  «  au  clos  des  Chazeaux,  dépendant 
de  l'hospice  de  l'Antiquaille  «,  montée  Saint-Barthélémy,  fut  annoncée  à 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  par  Martin-Daussigny,  alors 
conservateur  des  Musées  archéologiques,  dans  une  communication  du 
21  juin  1865  ^  Mais  le  fait  datait  déjà  de  plusieurs  semaines.  Le  3  juin,  le 
même  Martin-Daussigny  avait  donné  au  Comité  lyonnais  d'histoire  et 
d'archéologie  «  quelques  détails  sur  la  mosaïque  trouvée  aux  Chazeaux  »  2. 
Dès  le  20  mai,  on  lisait  dans  le  Courrier  de  Lyon  :  <(  Les  travaux  récemment 
entrepris  vers  le  haut  de  la  montée  Saint-Barthélémy  pour  réunir  le  dépôt 
de  mendicité  des  Chazeaux  à  l'hospice  de  l'Antiquaille  par  un  nouveau  mur 
de  clôture,  ont  fait  découvrir  dans  les  jardins  qui  séparent  les  deux  établis- 
sements »  une  mosaïque  romaine  sous  «  une  couche  de  terre  assez  mince  ». 
Le  23  mai,  ce  journal  indiquait,  avec  plus  de  précision  encore,  le  lieu  de  la 
découverte.  «  C'est  en  creusant  les  fondations  d'un  mur  de  soutènement 
destiné  à  supporter  la  côte  Saint-Barthélémy,  qui  doit  être  élargie  à  l'est 5 
que  l'on  a  fait  cette  découverte.  La  mosaïque  gît  en  un  point  très  rapproché 
du  mur  à  remplacer,  au  sud  des  bâtiments  du  dépôt  de  mendicité,  dont 
elle  n'est  séparée  que  par  une  distance  de  quelques  mètres,  et  à  une 
profondeur  d'environ  quatre  mètres  3.  Le  26  mai,  l'administrateur  de 
l'Antiquaille  informait  le  conservateur  des  Musées  qu'on  pouvait  procéder 
à  l'enlèvement  de  la  «  grande  mosaïque  des  Chazeaux  >>  et  le  priait  d'y  faire 
procéder  d'urgence  4. 


1 .  Académie  des  Inscriptions  ;  Comptes  rendus  des  séances,  1865,  p.  210. 

2.  Travaux  archéologiques  extraits  des  mémoires  de  l'Académie  de  Lyon,  1859-1867  ;  Lyon,  1868,  p.  139. 

3.  Les  deux  articles  du  Courrier  de  Lyon  sont  reproduits  presque  en  entier  dans  la  Revue  du  Lyonnais, 
1865,  n,  p.  160  et  suiv.  (livraison  d'août).  Dans  la  livraison  de  juin,  1865,  l,  p.  506,  il  est  annoncé  vague- 
ment :  1  Des  découvertes  archéologiques  importantes  ont  eu  lieu  ces  temps  derniers...  On  a  mis  au  jour  des 
mosaïques  très  belles  près  du  dépôt  de  mendicité...  -. 

4.  Arch,  mun.,  M'b. 


—  139  — 

Le  Courrier  de  Lyon  avait  affirmé  à  bon  droit  que  l'acquisition  par  la 
ville  se  ferait  sans  obstacle,  puisque  la  mosaïque  était  la  propriété  des 
hospices  communaux.  Sans  obstacle  et  gratuitement  :  la  ville  n'aurait  à 
débourser  que  la  dépense  des  travaux  d'enlèvement,  de  transport  et  de 
réparation.  Il  semblait  ignorer,  ce  que  savent  bien  les  lecteurs  de  nos  précé- 
dents chapitres,  que  l'achat  d'une  mosaïque  romaine  à  rétablir  dans  un 
musée  représente  la  part  de  beaucoup  la  moindre  des  frais  à  prévoir.  Le 
journal  affirmait  ensuite,  mais  non  plus  à  bon  droit,  que  cette  mosaïque  des 
Chazeaux  «  ornerait  à  souhait  le  plancher  d'une  des  nouvelles  salles  du 
Palais  Saint-Pierre  »,  du  corps  de  bâtiment  qui  venait  d'être  édifié  sur  la  rue 
de  l'Impératrice  (rue  de  l'Hôtel-de- Ville),  et  il  exprimait  l'espoir  que  «  l'édi- 
Uté  lyonnaise  »  prendrait  sans  doute  des  mesures  afin  que,  «c  onvenablement 
restaurée,  »  elle  reçut  «  une  place  honorable  dans  les  galeries  lyonnaises  ». 
Martin- Daussigny,  qui  avait,  nous  allons  le  voir,  de  ce  pavement  romain 
une  opinion  moins  avantageuse  et  plus  juste  que  le  journaUste,  voulant  le 
préserver  cependant  «  d'une  ruine  imminente  »,  mais  n'ayant  pas,  ou  faisant 
comme  s'il  n'avait  pas,  de  place  pour  lui  dans  les  locaux  du  musée,  le  desti- 
nait, après  entente  avec  l'architecte  en  chef  de  la  ville,  à  décorer  «  un  des 
vestibules  du  nouveau  palais  des  Facultés  des  sciences  et  des  lettres  »  S 
c'est-à-dire  précisément  du  corps  qui  venait  d'être  ajouté  au  Palais  Saint- 
Pierre  sur  la  rue  de  l'Impératrice,  et  qui,  depuis  1896,  depuis  que  s'est 
achevé  le  transfert  des  deux  Facultés  dans  les  bâtiments  neufs  du  quai 
Claude-Bernard,  est  affecté  à  divers  services  municipaux.  L'emplacement 
choisi  fut,  en  somme,  non  pas  un  vestibule,  mais  un  palier  du  grand  escalier, 
celui  de  l'entresol.  La  mosaïque  s'y  trouve  encore  aujourd'hui,  en  assez 
mauvais  état,  parce  que  le  passage  est  très  fréquenté.  Elle  y  fut  posée  dès  le 
commencement  de  1867  2,  bien  que  le  devis  estimatif  3  qui  prévoit  une 
dépense  de  1.790  francs  «  pour  rétablir  à  neuf  la  mosaïque  du  vestibule  du 
grand  escalier  des  Facultés  »  soit  du  17  juillet.  Le  20  mars  1870  4,  Mora  père 


I.  rrayattx.^.,  pass.  cité. 

a.  Martin- Daussigny,  lettre  du  4  février  1867,  dans  Revue  du  Lyonnais,  1867, 1,  p.  173  :  "  La  mosaïque 
qui  décore  le  vestibule  de  l'escalier  du  Palais  des  Facultés,  rue  de  l'Impératrice,  a  été  découverte,  il  y  a  deux 
ans,  dans  les  bâtiments  des  Chazeaux,  montée  Saint-Barthélémy  . 

3.  Arch.  mun,,  M'a. 

4.  Jhid, 


—  140  — 

et  fils  signent  un  reçu  de  2.612  francs,  en  partie  solde  de  travaux  relatifs  à 
«  la  mosaïque  du  vestibule  des  lettres  »,  en  partie  somme  à  valoir  sur  la  res- 
tauration et  la  pose  des  deux  mosaïques  qu'ils  plaçaient  alors  dans  la  salle 
des  Plâtres,  celle  des  Jeux  du  cirque  et  celle  des  Exercices  de  la  palestre  K 
Le  Catalogue  sommaire  des  Musées  ne  mentionne  pas  la  mosaïque  des  Cha- 
zeaux,  vu  qu'elle  se  trouve  dans  une  partie  du  Palais  Saint-Pierre  affectée  de 
tout  temps  à  d'autres  services. 

Martin- Daussigny  ne  la  décrit  point.  Il  se  contente  de  dire  2,  et  M. 
Adrien  Blanchet  de  le  répéter  à  peu  près  textuellement  3,  qu'elle  est  «  d'un 
mérite  ordinaire,  mais  assez  bien  conservée  ".  «  C'est  une  œuvre  d'art  de 
quatrième  ordre  »,  déclare  le  premier  au  Comité  archéologique  de  Lyon  4. 
Ni  l'intérêt  du  sujet  ne  la  recommande,  en  effet,  ni  la  finesse  du  travail  ;  elle 
n'a  pour  elle  que  son  antiquité.  L'appréciation  admirative  du  journal 
nommé  plus  haut  démontre  l'incompétence  ou  la  légèreté  de  son  rédacteur, 
comme  aussi  la  description  qu'il  donne  du  pavement  ;  mais  celle-ci  contient 
quelques  renseignements  utiles.  La  mosaïque  n'était  certes  pas  «  un  magni- 
fique spécimen  du  luxe  artistique  de  notre  ancienne  cité  gallo-romaine  »,  ni 
«  un  des  plus  beaux  vestiges  d'antiquité  romaine  »  qui  eussent  été  «  depuis 
plusieurs  années  exhumés  des  entrailles  du  vieux  Lugdunum  ».  Il  est  même 
exagéré  de  dire  qu''<  elle  se  fait  remarquer  par  l'élégance  du  dessin  de  sa 
décoration  autant  que  par  l'harmonieux  coloris  de  sa  marquetterie  de  mar- 
bres ,  et  que  '<  l'intérieur  est  occupé  par  des  caissons  qui,  sans  être  d'une 
ornementation  recherchée,  sont  d'un  bon  style  et  ne  sont  pas  sans  élégance  ». 
La  description  suivante  n'est  ni  complète  ni  exacte  :  ^<  Le  pourtour  est  orné 
de  deux  larges  bordures,  l'extérieure  en  forme  de  grecque  et  l'intérieure 
en  forme  d'enroulements  ou  de  postes.  Le  champ  renfermé  dans  ce  double 
cadre  est  divisé  en  compartiments  arrondis  groupés  avec  symétrie  ».  Nous 
la  trouvons  dans  le  n°  du  20  ;  celle  que  nous  trouvons  dans  le  n^  du  23  est 
encore  moins  bonne,  sauf  pour  un  détail  :  «  Sa  bordure  extérieure  ne  pré- 


1.  Voirchap.I,  §IV. 

2.  Dans  sa  note,  citée  plus  haut,  à  l'Académie  des  Inscriptions. 

3.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule,  I,  n°  755. 

4.  Travaux...,  pass,  cité.  Dans  la  Revue  du  Lyonnais,  pass.  cité  :  «  Elle  est  de  quatrième  ou  cinquième 
ordre  >. 


—  141  — 

sente  aucun  dessin.  En  dedans  de  celle-ci,  un  ornement  en  volute  est 
encadré  entre  deux  filets.  L'intérieur  est  occupé  par  des  caissons  à  rosaces  ». 
Le  journaliste  annonce  d'abord  que  la  mosaïque  avait  «  environ  3  mètres  de 
largeur  sur  4  de  longueur  ».  Mais  il  corrige  son  erreur  :  «  Mesurée  dans  la 
partie  mise  à  nu  par  les  fouilles  exécutées,  elle  a  six  à  sept  mètres  de  côté. 
Mais,  comme  la  partie  la  plus  rapprochée  de  la  côte  Saint-Barthélémy,  qui 
passe  au-dessus,  est  encore  enfouie  sous  les  terres...,  comme  il  est  permis  de 
croire  qu'elle  formait  un  carré  parfait,  on  peut  estimer...  que  sa  superficie 
totale  était  de  40  à  45  mètres  carrés  ».  Quant  à  la  conservation  de  la  mosaï- 
que, elle  était  «  presque  parfaite,  sauf  une  légère  dépression  au  milieu  »,  ou 
plus  exactement  :  <(  La  partie  centrale  présente  une  dépression  sensible  et 
quelques  autres  offrent  des  traces  de  détérioration  faciles  à  réparer  -. 

La  mosaïque  des  Chazeaux  est  un  carré  de  6  m.  35  de  côté,  à  champ 
blanc  et  décor  discrètement  polychrome.  Le  décor  se  compose  de  neuf 
panneaux  quadrangulaires  ornés  d'une  rosace,  alignés  sur  trois  rangs  dans 
les  méandres  d'un  double  filet  noir,  qui  renferment  aussi,  entre  les 
panneaux  et  sur  tout  le  pourtour  de  l'ensemble,  des  carrés  moindres 
du  même  filet  noir.  Un  autre  double  filet  noir  encadre  chaque  panneau. 
Une  seule  rosace  est  unique,  celle  du  centre  ;  les  autres  se  répètent  deux  à 
deux.  Un  grand  rinceau  à  tige  grêle  et  feuilles  oblongues  borde  ce  décor  ; 
il  est  déUmité  au  dedans  et  au  dehors  par  un  filet  noir.  Un  dernier  filet 
noir  termine  le  champ. 

L'une  des  mosaïques  découvertes  à  Fourvière,  dans  le  clos  du  Calvaire, 
vers  la  fin  de  19 12,  par  M.  Germain  de  Montauzan  ^  et  moi,  offre  une  res- 
semblance assez  grande  avec  la  mosaïque  des  Chazeaux  ;  elle  est  en  quelque 
sorte  une  variante  réduite  du  même  type  :  au  lieu  de  neuf  caissons  à  rosaces, 
les  méandres  du  double  filet  noir  n'en  contiennent  ici  que  cinq,  et  ils  ne 
contiennent  pas  de  petits  carrés  au  pourtour  de  l'ensemble  ni  dans  les  inter- 
valles des  caissons.  L'insignifiance  du  décor  est  la  même  ;  le  travail  est  sen- 
siblement plus  fin. 


I.  Voir  Germain  de  Montauzan,  les  Fouilles  deFourvière  en  1913  et  1914  ;  Lyon-Paris,  1915  (Annales  de 
V  Université  de  Lyon,  nouv.  séria,  II,  fasc.  30),  p.  8  et  suiv. 


—   142  — 


IX 


mosaïques    composites 
et  fragments 


Bibliographie.  —  A  celle  du  chapitre  I  ajouter  :  Archives  municipales, 
série  R^,  Musées  (administration,  personnel,  aménagements,  dons, 
acquisitions,  divers)  =  Arch.  mun.  R^e  et,  pour  le  surplus,  voir  les 
notes. 

I.  On  voit  aujourd'hui,  dans  le  vestibule  de  la  galerie  des  Antiques,  au 
Palais  des  Arts,  une  table  à  dessus  de  mosaïque  représenté  par  la  planche 
XXVII  (en  bas)  d'Artaud  et  sur  lequel  sa  notice  ^  nous  renseigne  ainsi  : 
«  Cette  table  en  mosaïque  a  été  faite  avec  des  morceaux  provenant  d'un 
pavé  antique  trouvé  à  Vienne,  qu'on  brisa  en  voulant  le  déplacer.  Profitant 
de  l'expérience  qu'avaient  acquise  les  sieurs  Bernard  et  Jamet,  marbriers  de 
Lyon,  sous  la  direction  de  M.  Belloni,  je  leur  fis  exécuter  ce  dessus  de  table 
que  je  possède  dans  mon  cabinet  d'antiquités  ».  Son  catalogue  2  le  mention- 
ne, «  une  belle  table  en  mosaïque  antique  »,  et  en  donne  les  dimensions, 
longueur  4  pieds  8  pouces,  largeur  3  pieds  et  demi.  En  voici  l'exacte 
desciiption.  Dans  un  carré  de  filet  noir  est  inscrite  une  étoile  à  huit  pointes 
du  même  filet,  au  milieu  de  laquelle  un  médaillon  circulaire  pareillement 
dessiné  contient  un  vase  à  deux  anses.  Un  papillon  opposé  à  un  autre  papil- 
lon, un  scarabée  à  un  serpent,  deux  fleurs  cruciformes  à  deux  autres  fleurs 


1.  1835,  p. 84. 

2.  Catalogue  des  antiquités  du  Cabinet  de  M.  Artaud,  ancien  directeur  du  Musée  de  Lyon,  p.  8  (Archives  de 
la  Conservation  des  Musées  ;  manuscrit). 


—  143  — 

cruciformes,  ornent  les  branches  de  l'étoile  et  font  cercle  autour  du  médail- 
lon central.  Les  petits  carrés  dont  l'étoile  achève  le  dessin  aux  quatre  angles 
du  grand  sont  garnis,  en  diagonale,  par  deux  rosaces  différentes  et  par  deux 
dauphins,  l'un  avec  un  coquillage,  l'autre  posé  sur  un  trident.  Les  quatre 
triangles  dont  elle  achève  le  dessin  aux  axes  sont  garnis  respectivement  par 
une  feuille  cordiforme,  une  fleur  en  bouton,  deux  demi-rosaces  différentes. 
Un  cadre  de  torsade  entoure  tout  ce  décor.  Au  delà,  mais  sur  deux  côtés 
seulement,  s'ajoute  une  bande  rectangulaire  ornée  d'un  rinceau  en  sa  partie 
médiane  et  dont  les  deux  extrémités  sont  un  damier  carré  de  plaques  de 
marbre.  Le  champ  est  blanc,  la  décoration  polychrome. 

Personne,  jusqu'ici,  n'a  soupçonné  le  mensonge  d'Artaud  sur  la  prove- 
nance de  sa  table.  Co'marmond  ^  note  seulement  qu'il  tait  l'endroit  précis  et 
l'époque  de  la  découverte.  «  Ce  n'est,  conjecture-t-il,  qu'une  portion  d'un 
pavé  en  mosaïque  dont  on  a  sans  doute  restauré  l'un  des  caissons  les  moins 
dégradés  ».  Certains  détails  de  la  décoration  lui  paraissent  indiquer  «  qu'il 
existait  sur  cette  mosaïque  un  sujet  principal  placé  dans  le  centre,  où  figu- 
raient Neptune  et  Vénus  ».  M.  Georges  Lafaye  compte  cette  pièce  au  nom- 
bre des  mosaïques  de  Vienne,  et  même  la  compte  deux  fois  2.  H  suffisait 
cependant,  pour  apercevoir  la  supercherie,  de  confronter  soit  l'objet,  soit  la 
planche  XXVII,  qui  le  représente,  avec  la  planche  XXVIII,  datée  de  182 1  : 
Mosaïque  de  Lyon  trouvée  à  la  Déserte  en  MDCCCXX. 

2.  Le  II  juillet  1820  3,  Louis  Flacheron,  architecte  de  la  mairie,  lit 


1.  Description...,  p.  693.  Il  traduit  ainsi  les  mesures  données  par  Artaud  :  i  m.  437  x  1,087. 

2.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule,  n°  163  :  «  Étoile  à  six  rais  »  (erreur)  «  dans  un  panneau  carré 
entouré  d'une  torsade.  Vase  au  centre  de  l'étoile.  Dauphins  et  rosaces  dans  les  angles.  Fragments  réunis  par 
Artaud  dans  sa  collection  particulière  >'  (avec  renvoi  à  la  notice  et  à  la  planche  d'Artaud)  ;  —  n"  179  :  <  i  m.43 
X  1,08.  Vases,  papillons,  reptiles.  Fragment.  Musée  de  Lyon  '•  (avec  renvoi  à  la  notice  de  Comarmond). 

3.  Artaud,  reproduisant  (1835,  p.  109-112)  le  mémoire  de  Flacheron,  le  date  du  11  juillet  1830,  faute 
d'impression  certaine,  puisque  le  manuscrit  même  d'Artaud  (Bibliothèque  de  l'Académie  de  Lyon,  M  106, 
p.  79)  donne  la  date  vraie.  Entre  cette  donnée  fautive  et  celle  de  la  planche,  lorsque  je  ne  connaissais  encore 
ni  le  manuscrit  de  Flacheron  (voir  note  suivante)  ni  celui  d'Artaud,  j'ai  malencontreusement  choisi  la 
première  (Journal  des  Savants,  1916,  p.  274,  note  4).  Égaré  par  la  même  coquille  et  par  le  tait  qu'Artaud 
insère  le  mémoire  de  Flacheron,  non  dans  sa  notice  de  la  pi.  XXVIII,  mais  dans  celle  de  la  planche  LU,  qui 
représente  les  trois  mosaïques  superposées  découvertes  en  1823,  au  voisinage  immédiat  de  la  mosaïque 
Flacheron,  M.  Adrien  Blanchet,  Inv.  des  mos.  de  la  Gaule,  a  décrit  celle-ci  deux  fois,  d'abord  sous  le  n°  733  : 
«  La  Déserte,  en  1820.  Cercles  à  fond  noir  avec  étoile  blanche  à  six  pointes  ;  carrés  à  fond  blanc  avec  rosaces, 
bouquets  ou  vases  polychromes  entre  bandes  blanches  et  noires  ;  —  puis  sous  le  n°  735  :  «  Ibid.  :  15  juin 
1830,  en  construisant  un  bâtiment  municipal,  à  l'extrémité  de  la  place,  sur  un  des  côtés  du  nouveau  perron 
du  Jardin  des  Plantes...  Losanges,  rosaces  et  dauphins.  Torsade  formant  une  bordure  ;  deuxième  bordure 
constituée  par  une  plate-bande  de  marbre  blanc  ».  Et,  cette  seconde  fois,  il  l'a  prise,  nous  le  verrons  plus  loin, 
pour  l'une  des  mosaïques  superposées  de  1823. 


—  144  — 
devant  l'Académie  de  Lyon  une  note  ^  relative  à  deux  pavés  mis  au  jour  «  en 
creusant  les  fondations  du  bâtiment  que  l'administration  municipale  fait 
élever  à  l'entrée  de  la  place  de  Sathonay,  sur  un  des  côtés  du  nouveau  per- 
ron du  Jardin  des  Plantes  )>.  Le  15  juin  d'abord  2,  «  une  mosaïque,  remar- 
quable par  la  beauté  du  travail  et  par  le  choix  des  marbres,  a  été  découverte. 
Cette  mosaïque  était  d'une  grande  étendue;  car,  bien  que  la  surface  décou- 
verte eût  environ  cinq  mètres  dans  un  sens  et  quatre  dans  l'autre,  on  n'a  pas 
trouvé  le  tableau  historique  qui  devait  orner  le  centre  de  cet  ouvrage,  dont 
la  richesse  ne  permet  pas  de  conjecturer  qu'il  ne  fût  embelli  d'un  tableau, 
comme  les  autres  mosaïques.  Dans  cette  hypothèse,  on  n'aurait  pas  encore 
découvert  le  quart  de  la  surface.  Des  compartiments  d'étoiles,  de  losanges, 
de  rosaces,  de  dauphins  et  de  tridents,  se  répètent  symétriquement  et  sont 
renfermés  par  une  bordure  d'entrelacs  bien  conservée  dans  les  deux  parties 
qui  se  rattachent  à  l'angle  sud-est,  les  seules  apparentes  à  présent.  La 
bordure  elle-même  est  environnée  d'une  large  plate-bande  formée  de  ré- 
seaux de  marbre  blanc.  D'un  côté  la  bordure  s'engage  dans  le  mur  d'un 
escaher  et  de  l'autre  sous  la  terrasse  du  Jardin  des  Plantes...  «.  Le  pavement 
ainsi  décrit  par  Flacheron  est  celui  que  représente  la  planche  XXVIII  d'Ar- 
taud. L'indication  du  lieu  de  la  découverte  a  besoin  d'être  précisée.  De 
quel  côté  du  perron  en  question  veut  parler  Flacheron  ?  Du  côté  droit  ou 
oriental,  puisque,  d'après  la  notice  d'Artaud  3,  la  mosaïque  était  située 
«  derrière  la  maison  Giraudon  > ,  c'est-à-dire,  nous  y  reviendrons  plus  loin, 
derrière  le  n"  3  de  la  place  Sathonay.  Pour  que  le  pavement  fût  derrière  la 
maison  Giraudon  et  que  sa  bordure  s'engageât  d'une  part  sous  la  terrasse 
du  Jardin  des  Plantes,  nous  devons  le  localiser  à  l'angle  des  rues  Savy  et 
Poivre. 


1.  Bibl.  de  r  Acad.  de  Lyon,  manuscrits  sur  Lyon,  M  139.  toi.  183-184. 

2.  La  mosaïque  gisait  à  i  m.  76  du  sol  moderne.  Flacheron  put  constater  ensuite  à  o  m.  27  au-dessous  la 
présence  d'un  second  pavement  '  composé  d'un  cailloutage  brisé,  bien  assemblé,  bien  poli,  dont  toutes  le? 
parties  sont  unies  entre  elles  par  un  excellent  mortier...  . 

3.  1835,  p.  108.  —  Fortis,  Voyage  pittor.  et  hist.  à  Lyon,  Paris,  1822,  II,  p.  212  :  '  En  1820,  M.  Flacheron 
a  découvert  une  belle  mosaïque...  dans  l'endroit  où  est  le  perron  du  Jardin  des  Plantes  . 


—  145  — 

La  description  de  Flacheron  n'en  donne  pas  une  idée  complète  ni  très 
exacte  ^  La  planche  d'Artaud  nous  montre  un  grand  fragment,  à  peu  près 
rectangulaire,  avec  un  seul  angle  intact,  d'une  mosaïque  polychrome  à 
champ  blanc.  La  bordure  est  une  torsade  entre  deux  filets  noirs.  Des  ran- 
gées contiguës  de  carrés  posés  en  losanges  alternant  avec  des  cercles  aux- 
quels ils  sont  tangents  par  un  de  leurs  sommets,  et  des  rangées  intermédiai- 
res de  carrés  plus  petits  tangents  par  leurs  quatre  sommets  à  deux  des 
grands  carrés  et  à  deux  des  cercles,  garnissent  tout  le  champ,  hormis  que,  le 
long  du  filet  noir  qui  le  limite  avant  la  bordure,  au  lieu  de  losanges,  il  y  a  des 
demi-losanges,  au  lieu  de  cercles,  des  demi-cercles.  Toutes  ces  figures  géo- 
métriques sont  dessinées  par  un  filet  noir.  Tous  les  petits  carrés  contien- 
nent un  carré  noir  ;  tous  les  cercles  un  cercle  noir,  orné  d'une  fleur  blanche 
à  six  pétales  ;  tous  les  grands  carrés  un  carré  orné  d'un  motif  en  couleurs. 
La  plupart  de  ces  motifs  sont  des  rosaces  ou  des  bouquets  ;  quatre  sont  des 
vases  ;  deux  sont  des  dauphins,  l'un  avec  un  coquillage,  l'autre  croisé  par 
un  trident  ;  un  seul  est  une  nageoire  stylisée.  Dans  l'un  des  deux  sens,  on 
ne  distingue  entre  les  motifs  aucune  symétrie  et  l'on  n'a  aucun  indice  du 
nombre  des  rangées,  qui  se  réduisent  maintenant  à  huit,  la  demi-rangée 
contiguë  à  la  bordure  non  comprise.  Dans  l'autre  sens,  chaque  rangée 
compte  deux  motifs  qui  alternent,  hormis  la  quatrième,  celle  des  dauphins, 
et  la  sixième  ;  d'où  la  conjecture  probable  que  l'axe  passait  par  la  cinquiè- 
me. Comme  il  y  en  a  neuf,  la  seule  demi-rangée  du  bas  manquerait  dans  ce 
sens.  Nous  ne  voyons  aucune  raison  sérieuse  de  croire,  avec  Flacheron,  que 
le  pavement  avait  une  très  grande  étendue  et  qu'il  comportait,  en  son  milieu 
ou  ailleurs,  un  tableau  pittoresque.  Artaud  ^  lui  compare  très  justement  la 
mosaïque  des  Capucins  de  Vienne  3,  représentée  par  sa  planche  XXIII, 
mais  va  peut-être  trop  loin  en  affirmant  «  qu'elles  ont  été  faites  toutes  les 
deux  par  les  mêmes  ouvriers  ».  La  «  disposition  )  est  semblable  ;  elle  n'est 
pas  «  exactement  semblable  «.  Les  motifs  polychromes  sont  plus  variés  dans 


1.  Les  deux  descriptions  de  M.  Blanchet,  la  deuxième  surtout,  sont  insuffisante?  ;  de  inlme  celle 
d'Artaud,  1835,  p.  85. 

2.  1835,  p. 85. 

3.  Cf.  Inventaire  des  mosaïques  de  la  Gaule,  n^  :  =;g. 

10 


—  146  — 

la  mosaïque  de  Vienne,  et  la  loi  de  leur  retour,  s'il  y  en  a  une,  est  beaucoup 
moins  simple.  Les  carrés  noirs  des  petits  carrés  y  sont  inscrits  en  losange.  La 
bordure  est  différente. 

3 .  «  Cette  mosaïque  ^>,  dit  Flacheron  parlant  de  celle  de  la  Déserte,  «  a 
été  enlevée  par  les  ordres  de  M.  le  maire  et  transportée  au  Palais  des  Arts  )>. 
Artaud,  qui  a  reproduit,  dans  son  texte  de  1835  S  tout  le  mémoire  dont  je 
n'ai  cité  que  des  extraits,  met  cette  note  sous  le  passage  relatif  à  l'enlève- 
ment et  au  transport  :  «  C'est-à-dire  que,  l'autorité  n'ayant  pas  jugé  à 
propos  de  faire  des  frais  pour  enlever  cette  mosaïque  par  le  procédé  de 
M.  Belloni,  on  l'a  portée  au  Palais  des  Arts  toute  brisée  et  incapable  de 
servir  >.  Bien  qu'elle  fût  «  incapable  de  servir  »,  comme  il  dit  en  son  langage, 
la  confrontation  de  sa  planche  XXVIII  avec  sa  planche  XXVII  (en  bas)  ou 
avec  sa  table  plus  haut  décrite,  montre  qu'il  trouva  le  moyen  de  l'utiliser 
pour  son  usage  personnel.  Dans  sa  table,  le  vase  du  miUeu  est  le  motif  2  ou  4 
de  la  cinquième  rangée  2  ;  l'une  des  rosaces  d'angle  le  motif  i  ou  3  de  la 
même  rangée,  l'autre  le  motif  i  ou  3  de  la  septième,  les  deux  dauphins  sont 
ceux  de  la  quatrième.  La  demi-rangée  du  haut  a  fourni  (motif  i  ou  4)  la 
feuille  cordiforme,  (motif  3)  la  fleur  en  bouton,  (motif  2)  la  demi-rosace,  qui 
décorent  trois  des  triangles  de  la  table  ;  la  demi-rosace  du  quatrième  trian- 
gle est  la  moitié  d'une  rosace  (m.otif  2  ou  4)  de  la  deuxième  rangée.  La 
torsade  du  cadre  n'a  très  probablement  pas  une  autre  origine  que  les  élé- 
ments du  décor.  J'ignore  la  provenance  du  surplus.  Quand  elle  acheta  ce 
dessus  de  table,  avec  tout  le  cabinet  d'Artaud?,  la  ville  ne  fit  guère  qu'acheter 
son  propre  bien. 


Il 


I.  Dans  ie  voisinage  immédiat  de  la  mosaïque  de  Flacheron  furent 
trouvées,  peu  de  temps  après,  trois  mosaïques  superposées,  celles  que 


i.p.  109-113. 

2.  Dans  le  deuxième  sens  de  ma  description. 

3.  Voir  Lechat,  dans  les  Musées  de  Lyon  en  1906,  p.  31 


—  147  — 

représente  la  planche  LU  d'Artaud.  Sa  notice  ^  très  confuse  ne  fournit 
aucune  date  et  laisse  deviner  seulement  que  cette  découverte  fut  postérieure 
à  celle  de  Flacheron  2.  Les  documents  inédits  des  archives  municipales  3 
nous  font  connaître  que  le  17  juillet  1823,  le  maire,  baron  Rambaud,  con- 
vient, avec  les  marbriers  Bernard  et  Jamey  d'un  prix  forfaitaire  de  400 
francs  pour  l'enlèvement  selon  les  procédés  Belloni  et  le  transport  au 
musée  d'une  partie  de  mosaïque  «  qui  vient  d'être  découverte  en  fouillant 
l'emplacement  vendu  par  la  ville  aux  sieurs  Godiot  et  Giraudon  dans  l'an- 
cien claustral  de  la  Déserte  ».  Le  croquis  annexé  au  compromis  ne  laisse 
aucun  doute  sur  l'identité  du  pavement  :  c'est  la  mosaïque  intermédiaire  de 
la  planche  LU  et  de  la  notice  d'Artaud.  La  surface  portée  au  devis  estimatif 
est  de  5  m.  8.  Le  29  août,  Artaud  informe  le  baron  Rambaud  que  Giraudon 
et  Godiot  viennent  de  mettre  à  découvert  la  troisième  et  dernière  mosaïque 
et  que  ce  pavé  mérite  d'être  enlevé  avec  soin.  Le  30  août,  le  maire  et  les 
marbriers  traitent  au  prix  de  550  francs  pour  l'enlèvement  et  le  transport 
des  parties  ci-après  désignées  de  cette  mosaïque  :  «  Tête  de  Bacchus,  tête  de 
Gérés,  trois  rosaces  et  trente  pieds  de  bordure,  dont  l'assemblage  fait  une 
mosaïque  de  sept  pieds  sur  toutes  les  faces  '.  Une  note  d'Artaud,  conservée 
dans  les  manuscrits  de  l'Académie  de  Lyon  4,  confirme  que  la  troisième 
mosaïque  fut  découverte  le  29  août  1823  et  précise  qu'elle  gisait,  à  sept 
pieds  du  sol,  dans  la  cour  de  la  maison  Giraudon  et  Godiot.  «  Elles  ont  été 
découvertes,  dit  la  notice  de  1835  5,  dans  la  cour  de  la  maison  de  M.  Girau- 
don, entrepreneur  de  bâtiments  ».  C'est  l'immeuble  qui  porte  aujourd'hui 


1.  1835,  p.  108-112.  —  Guerre,  Nouvelles  preuves  de  l'existence  de  la  ville  de  Lyon  avant  la  présence  de 
L.  M.  Plancus  dans  les  Gaules  (très  faible  dissertation,  et  remplie  d'erreurs,  insérée  dans  Congrès  scientifique 
de  France,  g^  session,  1841,  t.  II,  p.  411  etsuiv.),  se  sert  d'Artaud,  mais  de  mémoire. 

2.  Comme  sa  notice  désigne  pour  celle-ci  l'année  1830,  Steyert,  Nouv.  hist.  de  Lyon,  I,  p.  276,  dupe  de  Ig 
laute  d'impression  que  nous  avons  signalée  plus  haut,  place  l'autre  découverte  vers  1830,  approximation  que 
M.  Blanchet  reproduit,  Inv.  des  mos.  de  la  Gaule,  n°  734.  L;  rédacteur  du  Catalogue  so-rnivre  des  Musées  da 
Lyon,  1887,  p.  133,  n°«i2  et  13  =  1899,  p.  206,  n°'  14  et  15,  donne  1820  qu'il  emprunte  sans  doute  A  la 
légende  de  la  planche  XXVIII.  De  même  Bazin,  Vienne  et  Lyon  gallo-romaine,  p.  381 . 

3.  Série  R^a. 

4.  M  loi,  notes  manuscrites  d'Artiud,  I,  fol.  147 
5.P.  108. 


—  148  — 

le  n^  3  de  la  place  Sathonay.  Giraudon  et  Godiot  en  avaient  acquis  l'empla- 
cement le  12  janvier  1821  ^ 

La  plus  récente  des  trois  mosaïques  est  figurée  sur  la  planche  d'Ar- 
taud 2,  en  bas,  à  gauche.  Il  ne  la  décrit  pas  dans  sa  notice  et  le  dossier  des 
archives  ne  la  mentionne  pas  expressément.  «  Champ  orné  de  méandres 
parallèles  en  forme  de  marches  d'escalier  ;  bordure  de  rinceaux  à  feuilles 
cordiformes  »,  dit  M.  Adrien  Blanchet  3.  H  faut  ajouter  que  la  figure  nous 
montre  seulement  un  angle  de  mosaïque,  une  surface  beaucoup  moindre 
que  pour  les  deux  autres  pavements  ;  le  champ  est  blanc,  le  décor  noir  ;  le 
champ  est  limité  par  une  large  bande,  une  seconde  bande  avant  la  bordure, 
la  bordure  entre  deux  bandes. 

La  mosaïque  intermédiaire,  celle  que  M.  Blanchet  a  cru  décrire  sous  le 
no  735  en  décrivant  la  mosaïque  Flacheron  4^  n'est  pas  décrite  non  plus  dans 
la  notice  d'Artaud.  Elle  est  figurée  sur  la  planche,  en  bas,  à  droite  5.  Nous  y 
voyons  un  angle  de  mosaïque  noire  et  blanche.  Un  quadrillage  de  filets 
noirs  divise  le  champ  blanc  en  compartiments  carrés  ornés  de  dessins  géo- 
métriques. Des  rangées  longitudinales  et  transversales  de  ces  caissons  ornés 
de  losanges  encadrent  d'autres  caissons  à  décor  plus  riche.  Ceux-ci,  au  nom- 
bre de  quatre,  comportent  tous  en  leur  milieu  le  même  carré  noir  avec  une 
fleur  blanche  à  six  pétales  et  un  cercle  de  points  blancs  où  elle  est  inscrite, 


1.  Vermorel,  notes,  II,  p.  243.  Vermorel  situe  exactement  la  maison  Giraudon  •  à  la  droite  du  Jardin  des 
Plantes  ,  mais  date  la  découverte,  avec  une  légère  inexactitude,  de  septembre  1823  (p.  244).  Le  20  avril  1820 
(Vermorel,  p.  243),  la  ville  avait  vendu  à  Raymond  l'emplacement  de  l'actuel  n°  5,  séparé  du  n°  3  par  la  rue 
Poivre.  Pourquoi  Steyert,  et  d'après  lui  M.  Blanchet  (dont  les  passages  vont  être  cités)  affirment-ils  que  les 
trois  mosaïques  superposées  furent  trouvées  "  en  construisant  la  maison  Giraudon  et  Raymond,  place 
Sathonay,  n""^  3  et  5  «*  .  Elles  n'étaient  pas  assez  vastes  pour  s'étendre  depuis  la  cour  Giraudon,  à  travers  la 
rue,  jusqu'à  l'emplacement  Raymond.  Mais  Artaud,  dans  son  Lyon  souterrain  (p.  q5  et  suiv.),  compilation 
indigeste  et  négligée,  où  le  récit  des  trouvailles  de  la  Déserte  est  encore  plus  confus  que  dans  la  notice  de 
1835,  semble  localiser  les  trois  mosaïques  ■  chez  M.  Raymond  >  et  y  localise  formellement  les  emblemaia  dont 
nous  reparlerons  tout  à  l'heure,  trouvés,  d'après  la  notice,  sur  la  plus  ancienne  des  trois.  La  formule  de 
Steyert  ne  doit  pas  être  autre  chose  qu'une  conciliation,  simple,  mais  illusoire,  des  deux  témoignages  d'Ar- 
taud. 

2.  Image  réduite  dans  Steyert,  ouv.  cité,  p.  455. 

3.  Ouv.  cité,  n°  736. 

4.  Voir  plus  haut,  §  i,  n°  2,  note.  —  Méprise  dont  aurait  dû  le  garder  la  précision  du  renseignement 
topographique.  Le  pavement  découvert  <  en  construisant  un  bâtiment  municipal...  sur  un  des  côtés  du 
nouveau  perron  du  Jardin  des  Plantes  ne  pouvait  pas  être  superposé  au  pavement  découvert  <  en  construi- 
sant les  maisons  Giraudon  et  Raymond,  n"*  3  et  5  de  la  place  -.  Il  suffisait  d'ailleurs  à  M.  Blanchet  de  reo;ar- 
der  la  planche  LU,  à  laquelle  il  renvoie. 

5-  Image  réduite  dans  Steyert,  ouv.  cité,  p.  455. 


-    149  — 

mais  ce  carré  noir  central  a  pour  cadre  soit  une  grecque,  soit  une  ligne  de 
têtes  de  diamants,  soit  une  ligne  de  carrés  posés  en  losanges,  soit  un  système 
très  dense  de  triangles  semblables,  cadre  toujours  limité  par  un  filet  noir. 
Les  caissons  plus  simplement  ornés,  au  nombre  de  douze,  sont  la  juxtaposi- 
tion de  deux  rectangles,  dans  chacun  desquels  est  inscrit  un  losange  décom- 
posé en  neuf  petits  losanges  et  accosté  de  quatre  triangles  noirs.  La  position 
des  couples  de  grands  losanges  constituant  ces  douze  caissons  alterne  :  ils 
sont  debout  dans  un  caisson,  couchés  dans  l'autre.  Avec  les  seize  caissons 
complets,  qui  viennent  d'être  définis,  il  y  en  a  huit  incomplets.  La  bordure 
consiste  en  deux  lignes  adossées  de  postes  ou  flots  entre  deux  bandes  noires. 
La  mosaïque  la  plus  ancienne  ^  la  plus  belle  de  beaucoup,  est  figurée 
sur  la  planche,  en  haut.  «  On  y  remarque  »,  dit  la  notice  d'Artaud  2,  «  une 
répétition  du  combat  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan,  dont  nous  avons  parlé  » 
—  mosaïques  Cassaire  et  Michoud  —  «  ainsi  que  les  images  de  Bacchus  et  de 
Vertumne,  qui  devaient  être  en  regard  de  deux  autres  figures  formant 
ensemble  les  quatre  saisons  ».  Description  inexacte  du  tableau  principal,  tel 
qu'il  est  sur  l'image,  et  partielle  du  surplus.  Sans  être  complète,  celle  de 
Steyert  3  est  beaucoup  moins  incomplète  :  la  mosaïque  «  se  composait  d'un 
labyrinthe  de  grecques  enlacées  encadrant  onze  carrés  dont  six  à  rosaces  et 
cinq  représentant,  celui  du  centre,  la  lutte  de  l'Amour  et  du  dieu  Pan,  les 
quatre  autres,  les  saisons.  Le  printemps  et  l'hiver  ont  été  détruits,  ainsi  que 
trois  des  caissons  à  rosaces.  M.  Blanchet  4,  qui  reproduit  à  peu  près  Steyert, 
ajoute  :  «  Entourage  avec  ornements  composés  de  S  adossés,  rouges  ».  La 
mosaïque  est  à  champ  blanc  et  décor  polychrome.  Sur  ce  champ  rectangu- 
laire, limité  du  dedans  au  dehors  par  une  torsade,  puis  par  une  bordure  en 
S  adossés  précédée  d'un  filet  noir,  enfin  par  une  Hgne  de  festons  noirs  et  un 
filet  noir,  les  méandres  d'une  torsade  pareille  à  la  première  et  soulignée  d'un 
filet  noir  enfermaient  onze  panneaux  carrés  égaux,  posés  en  damier,  un 


1.  C'est  à  elle  sans  nul  doute  et  à  la  plus  récente,  l'intermédiaire  étant  oubliée,  que  fait  allusion  Comar- 
mond,  en  même  temps  qu'aux  deux  mosaïques  superposées  de  la  rue  Jarente,  n"  4  (cf.  chap.  VI)  :  Nous 
avons  vu  à  Ainay  et  à  la  Déserte...  des  mosaïques  du  viii^  ou  ix'-  siècle  '  (date  au  moins  contestable)  <'Super- 
posées  chacune  à  une  distance  d'un  mètre  et  demi  environ  sur  une  mosaïque  des  deux  premiers  siècles  » 
(Description...,  p.  683). 

2.  P.  109. 

3.  Ouv.  cité,  p.  276,  avec  réduction  en  noir  de  la  fiçure  d'Artaud. 

4.  Ouv.  cité,  n»  734. 


—  150  — 

tableau  central  représentant  la  lutte  de  TAmour  et  de  Pan,  réduite  aux  deux 
personnages  essentiels,  comme  dans  la  mosaïque  Michoud  ;  à  droite  et  à 
gauche  de  ce  tableau,  quatre  caissons  ornés  d'un  buste  symbolisant  une  des 
saisons,  ces  bustes  posés  perpendiculairement  aux  figures  du  tableau,  le 
sommet  de  la  tête  vers  le  dehors  ;  au  dessus  et  au  dessous  du  tableau,  six 
caissons  ornés  de  rosaces.  Ceux-ci  avaient  pour  cadre  un  filet  noir  et  une 
torsade  pareille  à  celle  des  méandres  ;  les  caissons  à  figures  deux  filets  noirs, 
l'un  qui  leur  était  propre,  l'autre  formé  par  les  Hgnes  du  labyrinthe.  L'ima- 
ge nous  montre  le  pavement  mutilé.  Si  nous  sommes  orientés  dans  le  sens 
du  panneau  central,  elle  se  termine  en  haut,  sans  vraisemblance  aucune,  par 
une  ligne  droite  qui  paraît  due  au  souci  de  ne  pas  envahir  la  marge  ;  à  droite 
par  une  ligne  brisée.  Le  petit  côté  inférieur  du  rectangle  est  intact  ;  la  plus 
grande  partie  du  côté  gauche  est  conservée  avec  une  petite  partie  du  côté 
droit.  Des  onze  panneaux,  il  reste  les  trois  rosaces  d'en  bas,  les  deux  bustes 
de  gauche,  c'est-à-dire  Bacchus  ou  l'automne  et  Cérès  ou  l'été,  la  partie 
gauche  du  tableau  central.  Pan  marchant  vers  la  droite,  le  pied  droit  en 
avant,  la  main  gauche  attachée  sur  ses  reins  par  une  bandelette  qui  fait  le 
tour  de  sa  taille,  le  tronçon  de  son  bras  gauche  dirigé  sans  doute  vers  la  tête 
de  l'Amour,  dont  on  ne  voit  plus  que  la  jambe  droite  et  l'avant-bras  gauche, 
si  l'on  ne  tient  pas  compte  de  la  silhouette  dessinée  sur  le  ciment  de  sup- 
port. 

Artaud  affirme  ^  que  cette  mosaïque  «  rappelle  les  piemiers  temps  de 
l'empire  romain  >  et  voit  des  «  signes  évidents  de  l'incendie  général  arrivé 
sous  Néron  »  dans  les  débris  «  de  charbon,  de  tuileaux  et  de  bois  brûlés  » 
dont  elle  était  recouverte.  Il  attribue  la  destruction  de  la  mosaïque  inter- 
médiaire à  Septime  Sévère.  «  La  troisième,  dit-il,  annonce  un  temps  de 
décadence  et  doit  avoir  été  détruite  sous  le  cruel  Attila  ».  Pour  la  première 
il  se  trompe  certainement,  et  pour  les  deux  autres  sa  conjecture  est  bien 
aventureuse.  Dans  leur  naïveté,  les  vieux  historiens  de  Lyon  et,  après  eux, 
Artaud  ont  cru  reconnaître  un  peu  partout  les  traces  du  terrible  incendie 
commenté  plutôt  que  raconté  par  Sénèque  2.  Us  oublient  que  notre  ville, 


I.  p.  108. 

a.  Lettres  à  Lucihus,  91 


—  151  — 
comme  toutes  celles  de  l'antiquité,  comme  toutes  celles  des  temps  moder- 
nes, eut  à  souffrir,  au  cours  des  siècles,  de  bien  des  sinistres  paitiels.  En 
l'espèce,  nous  avons  deux  raisons  péremptoires  de  n'incriminer  point  le 
désastre  arrivé  sous  le  règne  de  Néron.  D'abord,  ainsi  que  nous  l'avons  fait 
observer  à  propos  de  la  mosaïque  Macors,  le  feu  ne  ravagea  point  cette  fois, 
selon  toute  probabilité,  les  quartiers  situés  hors  de  la  ville  coloniale  propre- 
ment dite,  au  delà  de  la  Saône  ;  il  ne  ravagea  que  Lugudunum,  la  ville  bâtie 
sur  une  seule  colline,  uni  imposita  monti  ^  sur  la  colline  de  Fourvière.  Puis, 
la  mosaïque  en  question  n'existait  pas  au  temps  de  Néron  :  elle  est  à  coup 
sûr  de  l'époque  antoninienne,  d'une  époque  où  la  fusion  du  tessellatum  et  du 
vermiculatiim  était  accomplie,  et  non  pas  même  du  commencement  de  cette 
époque,  mais  d'un  âge  où  le  cadre  ornemental  s'était  développé  au  préjudice 
du  tableau  pittoresque,  où  le  tableau  s'était  morcelé,  où  l'unité  de  sujet  ne 
préoccupait  guère  les  artistes  2.  Y  a-t-il  le  moindre  rapport  entre  les  saisons 
et  ce  combat  de  l'Amour  avec  Pan,  qu'elles  flanquent?  Notre  mosaïque 
appartient  à  une  espèce  nombreuse,  où  quatre  figures  allégoriques,  en  par- 
ticulier celles  des  quatre  saisons,  «  servent  à  meubler  les  coins  des  pave- 
ments carrés  «  ou  rectangulaires,  «  quels  que  soient  le  sujet  et  la  disposition 
du  tableau  central  )^  3.  La  mosaïque  du  Verbe  Incarné  nous  fournira  l'occa- 
sion d'en  parler  plus  longuement.  Bref,  le  plus  ancien  des  trois  pavés  su- 
perposés de  la  Déserte  ne  remonte  pas  au  delà  du  second  siècle.  Steyert  4 
conjecture  qu'il  fut  enseveli  sous  les  décombres  après  la  victoire  de  Septime 
Sévère  sur  Albin,  en  197  ;  quant  à  l'édifice  qui  abritait  le  pavé  intermédiaire, 
les  soldats  d'Aurélien  l'auraient  détruit  en  273.  Ces  deux  hypothèses  ne 
sont  pas  invraisemblables,  et  l'assertion  du  même  auteur  qui  place  la  ruine 
du  troisième  édifice  «  dans  la  suite  des  temps  »  est  aussi  sage  que  vague. 

2.  Que  sont  devenues  ces  trois  mosaïques  fragmentaires,  et  d'abord 
quelles  parties  en  furent  sauvées  au  moment  de  la  découverte?  Steyert  5 
prétend  que  tout  tut  sauvé,  puisqu'il  prétend  que  la  plus  ancienne  fut 
«  réservée  pour  le  musée  avec  les  deux  autres  débris  ».  Des  deux  témoigna- 

1.  Sénèque,  ouv.  cité,  §  lo. 

2.  Voir  Gauckler,  article  Mmivum,  dans  Dict.  des  Antiq.  gr.  et  rom.,  p.  2.1  lo-a.i  12. 
3. /ôid.,  p.  2.119. 

4.  Ouv.  cité,  p.  455. 
5. /ftid.,  p.a76. 


—   152  — 

ges  d'Artaud,  l'un,  celui  du  Lyon  souterrain  S  est  imprécis  :  «  De  grands 
panneaux  de  ces  pavés  précieux  ont  été  recueillis  avec  soin  et  sont  conser- 
vés dans  les  dépôts  du  Musée  ».  L'autre,  celui  du  livre  de  1835  ^,  est  in- 
exact :  «  Cette  mosaïque  ayant  été  abandonnée  3,  nous  avons  recueilli  pour 
le  musée  ces  deux  portraits  grands  comme  nature  »  —  les  «  images  de 
Bacchus  et  de  Vertumne  ■,  entendons  Cérès.  Les  pièces  des  archives  nous 
renseignent  mieux  et  cependant  ne  nous  apprennent  pas  toute  la  vérité. 
Elles  ne  mentionnent  pas  la  mosaïque  la  plus  récente,  dont  il  ne  semble  pas 
qu'on  ait  songé  à  rien  recueillir.  Le  croquis  des  parties  à  enlever  de  la 
mosaïque  intermédiaire  présente  un  carré  de  i  m.  90  de  côté,  ou  3  m.  60  de 
surface,  comprenant  neuf  panneaux,  huit  à  losanges  et  un  seul  à  décor  plus 
riche.  Nous  n'en  retrouverons  pas  davantage.  Le  devis  estimatif  pour  l'en- 
lèvement indique  une  surface  de  5  m.  8.  La  différence  correspond  sans  nul 
doute  à  la  surface  des  morceaux  de  la  bordure  ou  double  ligne  de  postes, 
qui  ne  sont  pas  marqués  sur  le  croquis,  mais  existent  encore,  nous  allons  le 
voir.  Pour  la  mosaïque  la  plus  ancienne,  on  est  surpris  que  même  l'énumé- 
ration  la  plus  complète,  celle  du  traité  entre  le  maire  et  les  marbriers,  ne 
contienne  pas,  avec  la  «  tête  de  Bacchus,  la  tête  de  Cérès  et  les  trente  pieds 
de  bordure  »,  le  Pan  du  tableau  central,  figure  à  peu  près  intacte,  facilement 
réparable,  et  qui  valait  la  peine  d'être  conservée.  Rapprochons  de  cette 
omission  bizarre  le  silence  non  moins  bizarre  d'Artaud  sur  la  provenance 
d'une  pièce  qui  faisait  partie  de  son  cabinet  et  que  son  catalogue  4  désigne 
ainsi  :  «  Tableau  en  mosaïque  représentant  le  dieu  Pan  dans  l'action  de  com- 
battre ;  hauteur  i  pied  5  pouces,  largeur  10  pouces  ».  Au  temps  de  Comar- 
mond,  qui  traduit  5  ces  mesures  —  0  m.  44  x  0  m.  27  ^  — ,  ce  tableau, 
incorporé  aux  collections  de  la  ville  en  1835  avec  l'ensemble  du  cabinet 
d'Artaud,  était  dans  un  cadre  de  bois  doré.  Aujourd'hui,  débarrassé  de  ce 


1.P.97. 

2.  p.  109. 

3.  C'est  comme  entrepreneurs,  et  non  comme  propriétaires,  pour  l'enlèvement  et  non  pour  la  vente,  que 
Giraudon  et  Godiot  présentent,  le  27  octobre  1823,  un  compte  réglé  par  l'architecte  de  la  ville  à  75  fr.  96 
(Arch.  mun.,  Raa). 

4.  P.  3. 

5.  Description...,  p.  694. 

6.  Égal  à  ceux  qui  le  flanquent,  le  tableau  central  de  la  mosaïque  avait  (voir  plus  bas  les  mesures  de  la 
Cérès  et  du  Bacchus)  o  m.  50  de  côté,  à  un  centimètre  près,  y  compris  le  filet  noir  de  son  cadre  propre. 


—  153  — 

cadre,  il  est  inséré  dans  la  décoration  murale  du  vestibule  des  Antiques.  Le 
maître  mosaïste  Claudius  Mora,  qui  l'a  mis  en  place,  avait  remarqué  que  les 
cubes  sont  collés  sur  marbre  ou  ardoise,  selon  le  procédé  de  Belloni.  La 
double  bizarrerie  que  nous  venons  de  constater  nous  sera  expliquée  par  la 
comparaison  de  ce  Pan  avec  celui  de  la  planche  LIL  La  ressemblance  des 
deux  personnages  est  frappante,  jusque  dans  les  moindres  détails,  la  forme 
de  la  barbe  et  des  cornes,  les  mèches  de  cheveux  qui  tombent  sur  la  nuque, 
la  touffe  de  poils  qui  pend  entre  les  jambes,  la  couleur  bleu  pâle  du  lien  qui 
entoure  la  taille.  Bref,  ils  seraient  identiques,  s'ils  n'étaient  symétriques.  Le 
Pan  de  la  Déserte  marche  vers  la  droite,  c'est-à-dire  que  la  position  relative 
des  lutteurs  est  la  même  que  sur  la  mosaïque  Michoud  ;  celui  d'Artaud 
marche  vers  la  gauche,  c'est-à-dire  que  les  lutteurs  étaient  placés  l'un  par 
rapport  à  l'autre  comme  sur  la  mosaïque  Cassaire.  Le  Pan  de  la  Déserte 
marche  vers  la  droite  d'après  l'image  d'Artaud  ;  mais,  en  réalité,  il  marchait 
vers  la  gauche,  comme  le  Pan  du  vestibule  des  Antiques.  Artaud  a  retourné 
le  dessin  du  personnage  pour  dissimuler  la  fraude  par  laquelle  il  s'était 
adjugé  ce  morceau  qui  aurait  dû,  avec  le  reste,  entrer  directement  au  musée. 
En  tout  état  de  cause,  l'affirmation  serait  extrêmement  probable  ;  elle  est 
certaine,  le  cas  de  la  mosaïque  Flacheron  nous  ayant  révélé  une  supercherie 
équivalente. 

Voyons  maintenant  ce  que  sont  devenus  les  morceaux  recueillis  pour 
le  musée.  Steyert  S  parlant  de  la  plus  ancienne  mosaïque,  affirme  qu'elle  ne 
figure  dans  aucune  des  salles  du  Palais  des  Arts.  Son  livre  étant  de  1895,  il 
se  trompe  :  cela  n'était  vrai  qu'avant  1868.  Le  Catalogue  sommaire  aurait  pu 
lui  apprendre  que  les  bustes  de  Cérès  et  de  Bacchus  (de  l'Été  et  de  l'Au- 
tomne) sont  dans  le  vestibule  des  Antiques.  Mais  il  ne  lui  aurait  appris  ni 
que  les  fragments  de  la  mosaïque  intermédiaire  y  figurent  aussi,  ni  que  les 
deux  bustes  n'y  représentent  point  seuls  la  première,  ni  qu'il  en  existe  ail- 
leurs, hors  du  musée,  un  autre  fragment,  ni  certains  détails  curieux  de  son 
histoire  depuis  le  temps  où  ses  débris  quittèrent  le  terrain  de  la  Déserte 
jusqu'à  celui  où  ils  reçurent  la  place  qu'ils  occupent  aujourd'hui. 

La  présence  de  «  quelques  fragments  de  mosaïques  trouvées  à  Vienne 


I.  Ouv.  cité,  p.  276. 


—  154  — 

et  à  la  Déserte  »  est  constatée  dans  les  dépôts  par  un  récolement  d'inven- 
taire signé  le  II  juillet  1831  K  Le  30  mai  1834  2,  l'architecte  de  la  ville, 
Dardel,  réduit  à  quarante-quatre  francs  un  compte  du  marbrier  Domy 
pour  temps  employé  à  transférer  les  mosaïques  placées  —  c'est-à-dire 
évidemment  déposées  —  au  premier  étage  de  l'aile  orientale.  Cette  partie  du 
palais  étant  destinée  à  la  nouvelle  salle  des  Antiques  ou  salle  des  Plâtres,  les 
fragments  de  la  Déserte  furent  sans  doute  parmi  ceux  qui  descendirent 
alors  au  rez-de-chaussée.  A  une  date  que  je  ne  puis  fixer  3,  après  1840  et 
avant  1850,  Comarmond  fit  transporter  pour  réparations  toutes  les  pièces 
de  mosaïques  rassemblées  dans  les  dépôts  chez  un  marbrier  de  la  rue  Sainte- 
Hélène,  le  nommé  Baratta,  en  qui,  fort  légèrement,  il  avait  mis  sa  confiance. 
Elles  y  séjournèrent  longtemps  et  ne  rentrèrent  pas  toutes  au  musée.  Barat- 
ta négligeait  parfois  de  distinguer  ce  qui  était  chez  lui  de  ce  qui  était  à  lui. 
Il  essaya  de  vendre  le  buste  de  Cérès  au  mosaïste  Edouard  Mora,  son  voi- 
sin ;  il  le  vendit  avec  une  des  trois  rosaces  au  curé  de  Saint-Martin  d'Ainay, 
voici  à  quelle  occasion.  En  octobre  1850,  dans  une  cour  de  l'hospice  des 
Jeunes  filles  incurables,  on  exhuma  une  mosaïque  fragmentaire  qui  fut 
offerte  à  la  ville  4,  mais  que  Comarmond  ne  jugea  pas  digne  du  musée.  Il 
écrivit  au  maire  que  le  curé  d'Ainay  voulait  la  faire  placer  «  comme  devant 
d'autel  »  dans  la  chapelle  de  la  Vierge  et  qu'il  lui  paraissait  bon  «  de  l'entre- 
tenir dans  cette  pensée  »  5 .  La  pensée  se  réalisa  :  la  mosaïque  des  Incurables 
servit  à  paver  le  chœur  de  la  chapelle  consacrée  le  8  décembre  1851,  après 
réfection,  par  le  cardinal  de  Bonald  ^.  Mais  elle  ne  comportait  que  six  pan- 
neaux '7,  et  pour  entourer  les  trois  côtés  de  l'autel  il  en  fallait  neuf.  Le  buste 
de  Cérès  et  la  rosace  vendus  par  Baratta  comblèrent  les  deux  tiers  de  cette 
lacune.  Cérès  eut  la  place  d'honneur,  devant  le  tabernacle  ;  la  rosace  fut 


1.  Arch.mun.fR^z. 

2.  Ibid. 

3.  Tout  ce  qui  suit,  d'après  Procès-verbaux  du  Conseil  de  fabrique  de  Saint-Marlin  d'Ainay  (inédits, 
archives  de  la  paroisse)  ;  séance  du  14  mars  1858  :  lettre  de  Martin-Daussigiiy  et  délibération  du  conseil.  Je 
dois  la  connaissance  de  ce  registre  à  mon  savant  ami,  le  regretté  docteur  Birot,  qui  avait  fait  de  l'archéologie 
et  de  l'histoire  d'Ainay  sa  province.  J'ai  pu  préciser  quelques  détails  grâce  au  témoignage  oral  du  maître 
mosaïste  Claudius  Mora. 

4.  Lettre  de  Madame  Garnier-Aynard  au  maire,  7  octobre  1850  (Arch.  mun.,  R2a). 

5.  Lettre  de  Comarmond  au  maire,  11  octobre  1850  ;  ibid. 

6.  Procès-verbaux,..,  8  décembre  1851. 

7.  Comarmond,  lettre  cité*. 


—  155  — 
posée  à  droite  de  l'autel,  là  où  elle  est  encore  ;  une  autre  rosace  pareille, 
fabriquée  de  toutes  pièces,  lui  fit  pendant  à  gauche  ^  Un  détail  révèle 
d'emblée  la  contrefaçon  :  les  deux  rosaces  ont  un  double  cadre  en  torsade  ; 
mais  dans  la  rosace  moderne,  le  cadre  extérieur  est  continu  comme  le  cadre 
intérieur  ;  dans  la  rosace  antique,  il  est  discontinu  à  deux  angles,  parce  qu'il 
représente  simplement  les  tronçons  de  la  grecque  où  ce  panneau  était  jadis 
encastré. 

Lorsque  Martin-Daussigny  eut  à  faire  vider  les  dépôts,  en  1863,  il 
constata  la  double  disparition  qui  avait  échappé  à  l'insouciance  de  son  pré- 
décesseur. Mais  en  1868  seulement,  lorsqu'il  combinait  la  décoration  com- 
posite du  vestibule  des  Antiques  et  regrettait  tout  haut  l'absence  de  la 
Cérès,  qui  aurait  si  heureusement  fait  pendant  au  Bacchus,  il  apprit  par  le 
mosaïste  Claudius  Mora,  lequel  tenait  le  renseignement  de  son  père,  où  se 
trouvaient  les  deux  panneaux  manquants.  Le  conseil  paroissial  d'Ainay, 
mis  au  courant,  s'empressa  de  restituer  la  Cérès,  que  le  conservateur  récla- 
mait seule  et  qu'il  offrait  de  remplacer,  aux  frais  du  musée,  «  par  un  médail- 
lon de  mosaïque  antique  plus  en  harmonie  avec  la  sainteté  du  Heu  qu'une 
divinité  païenne  «.  Ce  médaillon  est  une  rosace  à  deux  cadres,  l'intérieur  en 
torsade,  l'extérieur  en  chapelet  de  triangles  ou  têtes  de  diamants.  Je  crois 
pouvoir  l'identifier  avec  un  caisson  de  la  mosaïque  figurée  sur  la  planche  X 
d'Artaud  et  trouvée  par  Paul  Macors  dans  son  jardin,  vers  l'angle  sud-est 
des  rues  d'Auvergne  et  de  Jarente  2.  Elle  passait  jusqu'ici  pour  entièrement 
perdue.  Quant  à  la  Cérès,  comme  autrefois  dans  le  pavement  de  la  Déserte, 
elle  voisine,  depuis  1868,  avec  le  Bacchus  dans  le  vestibule  des  Antiques,  à 
mi-hauteur  de  la  paroi  qui  confronte  la  porte  d'entrée.  Mais  au  Heu  qu'ils 
s'encastraient  jadis  dans  la  torsade  de  la  grecque,  avec  un  filet  pour  seul 
cadre,  ils  ont  maintenant  l'un  et  l'autre,  au  delà  de  ce  filet,  un  cadre  continu 


I.  Le  pavé  du  sanctuaire  de  la  Vierge  est  une  mosaïque  imitée  de  l'antique  et  faite  d'après  le  dessin  de 
fragments  trouvés  dans  le  local  de  l'hospice  des  Incurables...  Les  artistes  peuvent  y  admirer  une  tète  de  Cérès 
en  mosaïque  découverte  à  Vienne,  et  que  M.  le  Curé  a  fait  placer  dans  la  partie  qui  correspond  avec  le  milieu 
de  l'autel  (Abbé  J.  Roux,  dans  Revue  du  Lyonnais,  nouv.  série,  II,  1850,  p.  438).  La  première  affirmation  est 
gravement  inexacte,  la  seconde  est  fausse  et  reproduit  sans  doute  un  mensonge  de  Baratta. 

a.  Au  cours  des  fouilles  qu'il  fit  après  la  découverte  de  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  ;  voir  chap.  I, 


—  156  - 

ae  torsade  S  qu'ils  doivent  à  quelque  Baratta  2.  Les  deux  rosaces  que  celui 
de  la  rue  Sainte-Hélène  n'a  point  vendues,  se  voient,  depuis  la  même  épo- 
que, dans  la  frise  de  cette  paroi,  à  droite  et  à  gauche  du  beau  lion,  débris  de 
la  mosaïque  d'Orphée  charmant  les  animaux,  qui  en  occupe  le  centre.  La 
mosaïque  intermédiaire  a  fourni  tout  le  soubassement  de  la  paroi  :  à  gauche, 
entre  deux  panneaux  à  losanges,  le  seul  panneau  à  décor  plus  riche  qui  fut 
enlevé,  celui  où  le  carré  noir  à  fleur  blanche  avait  pour  cadre  un  chapelet  de 
petits  carrés  ;  à  droite,  deux  autres  panneaux  et  un  demi-panneau  à  losan- 
ges. Elle  a  fourni  aussi  la  moitié  du  soubassement  de  la  paroi  opposée,  la 
moitié  droite  par  rapport  à  l'entrée,  trois  autres  panneaux  à  losanges.  Donc, 
des  neuf  panneaux  enlevés,  huit  et  demi  se  retrouvent  ici.  Ce  n'est  pas  tout  : 
la  partie  sauvée  de  la  double  Hgne  de  postes  qui  bordait  cette  mosaïque 
ayant  été  scindée,  une  ligne  couronne  aujourd'hui  le  soubassement  de  la 
première  paroi,  une  autre  sert  de  cadre  à  la  Table  claudienne  sur  la  paroi 
gauche  par  rapport  à  l'entrée  3.  La  torsade  que  l'on  voit  à  la  cimaise  des 
parois  est,  nord  et  ouest,  a  été  fournie,  sans  doute,  par  les  «  trente  pieds  de 
bordure  »,  c'est-à-dire  de  torsade,  qui  furent  sauvés  avec  le  Bacchus  et  la 
Cérès  de  la  plus  ancienne  mosaïque. 

3.  Un  devis  estimatif,  dressé  en  date  du  14  mars  1867  4  par  l'architecte 
Desjardins  pour  la  restauration  du  vestibule  des  Antiques,  contient  une 
prévision  de  cent  francs,  «  somme  à  valoir  sauf  règlement  »,  applicable  à  la 
pose  d'une  mosaïque  romaine.  Il  ne  s'agissait  pas,  en  réalité,  d'une  seule 
mosaïque,  mais  des  fragments  de  plusieurs  mosaïques,  entrés  dans  les 
dépôts  du  musée  à  diverses  époques  et  au  moyen  desquels  le  conservateur 
Martin-Daussigny  avait  combiné  pour  le  vestibule  une  décoration  murale 
que  les  mosaïstes  Edouard  et  Claudius  Mora  exécutèrent  en  1868.  Je  tiens 
du  second  que  la  durée  des  travaux  fut  de  huit  ou  neuf  mois.  Ainsi  le  coût 
dépassa  certainement  et  largement  la  somme  à  valoir  du  devis  estimatif. 


1.  Voir  les  fig.  17  et  1 8. 

2.  Avec  ce  cadre,  les  deux  panneaux  ont  les  dimensions  indiquées  dans  le  Catalogue  sommaire  des  Musées 
et  l'Inventaire  des  mosaïques,  o  m.  97  en  hauteur  et  en  largeur  ;  mais  le  carré  limité  par  le  filet  n'a  que  o  m.  51 
de  côté. 

3.  Le  surplus,  qui  est  fort  peu  de  chose,  des  lignes  de  postes  enlevées  a  été  employé,  nous  le  verrotîs 
plus  bas,  dans  le  soubassement  du  couloir  entre  les  salles  de  la  sculpture. 

4.  Arch.  mun.,  M'a.  La  pièce  se  retrouve  dans  la  série  Mie,  M'g. 


—  157  — 

Martin-Daussigny  nous  apprend  lui-même  ^  à  quelle  date  fut  ouverte  au 
public  «  la  salle  de  Claude  »,  ce  vestibule  des  Antiques  où  il  avait  fait  trans- 
férer la  Table  claudienne.  «  Une  nouvelle  application  de  Vopus  musaïvum 
antique  »  —  il  veut  dire  musivum  —  «  vient  d'être  réalisée  au  Palais  des  Arts. 
De  nombreux  et  magnifiques  fragments  de  mosaïques  romaines  ont  été 
utilisés  pour  la  décoration  de  la  salle  de  Claude,  ouverte  au  public  depuis  le 
25  avril  dernier  »  (1869).  Cette  salle  «  que  sa  décoration...  rend  unique  en 
Europe  »  est,  affirme-t-il,  «  d'un  aspect  tout  à  fait  Pompéien  >,  parce  qu'elle 
est  «  décorée  de  mosaïques  antiques  incrustées  dans  les  murailles  à  l'imita- 
tion des  peintures  pompéiennes  ».  L'énumération  précise  des  morceaux 
employés  aurait  mieux  valu  que  cette  annonce  vague  et  emphatique.  Dans 
le  contexte  antérieur  de  ces  études,  nous  les  avons  déjà  mentionnés  pres- 
que tous  ;  mais,  si  nous  avons  pu  identifier  les  uns  avec  certitude,  pour  les 
autres  nous  en  avons  été  réduits  aux  conjectures.  Ce  qu'il  nous  reste  à  faire 
ici  n'est  d'ailleurs  pas  une  simple  récapitulation  :  nous  avons  à  décrire 
l'ensemble,  tel  que  Martin-Daussigny  l'avait  conçu  et  le  fit  exécuter. 

Il  comprenait,  sur  chacune  des  quatre  parois,  une  frise  et  un  soubasse- 
ment ;  de  plus,  sur  la  paroi  nord,  celle  qui  confronte  la  porte  d'entrée,  deux 
caissons  fixés  au  centre  des  panneaux  du  mur.  Analysons  d'abord  le  revête- 
ment de  la  paroi  sud,  pour  lequel  on  utiUsa  les  morceaux  les  plus  endomma- 
gés et  les  moins  décoratifs,  parce  qu'elle  est  mal  éclairée.  Tout  ce  côté  de  la 
frise,  que  la  porte  d'entrée  coupe  en  deux  et  qui  a  moins  de  hauteur  que  les 
frises  des  autres  parois,  a  été  fourni  par  la  primitive  mosaïque  de  VIvresse  de 
Bacchus  :  ce  sont  les  restes  de  quatre  caissons  non  employés  dans  la  premiè- 
re reconstitution  réduite,  et  numérotés  i,  6,  15,  31,  sur  notre  schéma  2. 
Quant  au  soubassement,  celui  de  droite  par  rapport  à  l'entrée  consiste,  nous 
venons  de  le  dire,  en  six  demi-caissons  à  losanges  de  la  mosaïque  intermé- 
diaire de  la  Déserte,  celui  de  gauche  comprend  quatre  panneaux  ou  débris 
de  panneaux  quadrangulaires  que  je  suppose  identiques  avec  une  partie  des 
huit  fragments  donnés  au  musée  par  l'hospice  des  Incurables  d'Ainay,  en 


I.  La  salle  de  Claude  au  Palais  des  Arts,  dans  Rei'.ie  du  Lyo.ii  li?,  1869, 1,  p.  436. 
3.  Fig.  12.  Voir  chap.  VII,  §  III,  n°  2. 


—  158  — 

1867  ^  Le  deuxième  panneau  en  partant  de  la  porte  a  été  rapiécé  :  Tune  des 
pièces  a  été  fournie  par  la  mosaïque  Flacheron,  de  la  Déserte  ;  elle  garnit 
l'angle  inférieur  droit  du  panneau  ;  c'est  le  motif  2  de  la  sixième  rangée  2. 

La  frise  des  trois  autres  parois  fut  constituée  de  telle  sorte  que  l'en- 
semble eût  son  unité.  Le  fond  est  blanc.  Deux  bandes  rectangulaires  déli- 
mitées par  un  filet  forment,  en  haut  et  en  bas,  une  bordure  horizontale, 
interrompue  seulement  deux  fois.  Une  série  de  bandes  pareilles  aux  premiè- 
res divisent  verticalement  la  surface.  Les  parties  libres  des  unes  et  des 
autres  sont  des  rectangles  garnis  d'un  losange  en  filet  noir  avec  un  petit 
losange  noir  au  milieu  et  quatre  triangles  noirs  aux  écoinçons  ;  leurs  inter- 
sections sont  des  carrés  garnis  d'un  carré  noir  posé  en  losange  et  marqué 
d'une  croix  gammée  blanche.  Les  bandes  verticales  alternent  avec  des 
caissons  que  nous  aurons  à  décrire,  hormis  qu'aux  deux  angles  est  et  ouest 
de  la  pièce  deux  d'entre  elles  sont  reliées  par  une  bande  d'égale  dimension, 
mais  dont  le  rectangle  libre  est  garni  d'un  losange  blanc  sur  champ  noir,  et  les 
deux  carrés  d'intersection  d'un  carré  blanc  posé  en  losange  sur  champ  noir. 

Dans  la  frise  de  la  paroi  orientale,  qui  fait  face  à  la  Table  claudienne, 
les  bandes  encadrent  sept  panneaux  carrés  à  petit  motif  central  polychrome, 
les  panneaux  impairs  ayant  pour  cadre  intérieur  un  chapelet  de  triangles" 
noirs  ou  têtes  de  diamants,  les  pairs  un  chapelet  de  carrés  noirs  en  losanges, 
tous  chapelets  compris  entre  deux  filets  noirs.  Dans  la  frise  de  la  paroi  occi- 
dentale, où  la  Table  claudienne  est  encastrée,  il  n'y  a  que  six  de  ces  pan- 
neaux —  deux  groupes  de  trois  — ,  les  cadres  intérieurs  correspondant  pour 
le  groupe  de  droite  à  ceux  des  panneaux  d'en  face,  puisque  le  deuxième  a  le 
chapelet  de  carrés,  le  premier  ainsi  que  le  troisième  le  chapelet  de  triangles  ; 
mais  ne  leur  correspondant  pas  pour  le  groupe  de  gauche,  puisque  le  pre- 
mier et  le  troisième  ont  le  chapelet  de  carrés  et  le  deuxième  le  chapelet  de 
triangles.  Entre  les  deux  groupes,  la  place  du  milieu  est  occupée  par  un 
morceau  rectangulaire  assez  haut  pour  interrompre  les  bandes  horizontales  : 
le  Pan  d'Artaud  3,  débarrassé  de  son  cadre  en  bois  et  encadré  par  les  mosaïs- 


1.  Arch.  mun.,  R^a  :  lettre  de  Martin-Daussigny  au  préfet  (26  juillet  1867).  Le  reste  de  ces  débris  a  dû 
servir  pour  le  soubassement  du  rez-de-chaussée  ;  voir  plus  bas,  n"  4. 

2.  Voir  plus  haut,  §  i,  n°  2. 

3.  Voir  plus  haut,  n"  2. 


—  159  — 

tes  modernes  d'une  bande  rectangulaire  noire  avec,  au-dessus  et  au-dessous 
de  la  figure,  une  ligne  de  carrés  blancs  posés  en  losanges.  La  frise  de  la 
paroi  septentrionale,  qui  regarde  la  porte  d'entrée,  est  la  plus  complexe. 
Au-dessus  de  la  porte  qui  met  le  vestibule  en  communication  avec  la  gale- 
rie, les  bandes  horizontales  sont  interrompues  par  trois  panneaux  rectan- 
gulaires couvrant  toute  la  hauteur  de  la  frise.  Celui  du  milieu  renferme  le 
lion  de  la  mosaïque  d'Orphée,  sur  son  fond  jaunâtre  et  dans  son  double 
cadre  octogonal,  filet  rouge,  filet  noir  ^  ;  quatre  triangles  de  la  même  cou- 
leur jaunâtre  accostent  l'octogone  qu'ils  ramènent  à  un  carré  au-dessus  et 
au-dessous  duquel  se  développe  une  ligne  de  petits  carrés  noirs  posés  en 
losanges.  Les  panneaux  de  droite  et  de  gauche  présentent  deux  rosaces  qui 
ont  appartenu  à  la  plus  ancienne  des  trois  mosaïques  superposées  de  la 
Déserte  2,  dans  leur  cadre  authentique  de  torsade  et  un  cadre  extérieur  mo- 
derne de  filet  noir.  Au-dessus  et  au-dessous  des  rosaces  ainsi  encadrées, 
une  ligne  de  carrés  noirs  posés  en  losanges,  plus  petits  que  ceux  du  panneau 
central,  complète  le  décor  du  rectangle.  Ces  deux  panneaux  sont  séparés  du 
panneau  central  par  une  bande  verticale  identique  à  celles  que  nous  avons 
décrites.  A  droite  et  à  gauche  de  ce  groupe  moyen  nous  retrouvons,  non 
seulement  les  bandes  verticales,  mais  aussi  les  bandes  horizontales.  Elles 
encadrent,  à  gauche  trois,  à  droite  deux  panneaux  ornés  d'une  belle 
rosace  polychrome  dans  un  filet  noir.  La  plus  originale  de  ces  rosaces  est 
constituée  par  quatre  cornes  alternant  avec  quatre  coupes. 

Des  cinq  derniers  panneaux  de  cette  paroi,  non  plus  que  des  panneaux 
à  petits  motifs  polychromes,  fleur,  feuille,  fruit,  oiseau,  vase,  etc.,  des  deux 
parois  précédentes,  je  n'ai  pu  faire  qu'une  attribution  conjecturale  à  la 
seconde  mosaïque  Contamin,  de  Vienne,  découverte  et  acquise  en  même 
temps  que  la  grande  mosaïque  de  VIvresse  de  Bacchus  3.  De  là  provien- 
draient également  les  bandes  qui  quadrillent  l'ensemble  des  trois  frises,  ou 
au  moins  l'idée  du  dessin  et  ane  partie  de  ce  quadrillage.  J'ignore  absolu- 
ment la  provenance  du  grand  rinceau  polychrome,  où  de  grosses  fleurs 


i.Chap.IV,  §II,n''2àlafin. 

2.  Voir  plus  haut,  n°*  i  et  2. 

3.  Chap.VII,  §i.n"T. 


—  160  — 

oblongues  alternent  avec  des  feuilles  en  forme  de  peltes,  qui  sert  de  soubas- 
sement à  la  paroi  orientale^  et  je  ne  vois  aucun  moyen  de  la  conjecturer  avec 
la  moindre  probabilité.  Facilement  reconnaissable  est,  au  contraire,  celui 
qui  fait  le  soubassement  de  la  paroi  occidentale,  sous  la  Table  claudienne  : 
c'est  le  seuil  de  la  première  mosaïque  Contamin  S  modifié  seulement  par 
l'addition,  à  droite  et  à  gauche,  d'un  rang  vertical  de  peltes  prolongeant 
celles  qui  le  soulignaient  dans  l'original.  Quant  au  soubassement  de  la 
paroi  septentrionale,  la  mosaïque  intermédiaire  de  la  Déserte  en  a  fait  tous 
les  frais  :  à  gauche  de  la  porte,  deux  panneaux  à  losanges  flanquant  un 
panneau  plus  orné,  à  droite  cinq  demi-panneaux  à  losanges  posés  verticale- 
ment. Le  rang  de  flots  ou  postes  qui  couronne  ce  soubassement  des  deux 
côtés  de  la  porte  a  la  même  origine,  ainsi  que  le  cadre  pareil  de  la  Table 
claudienne.  Rappelons  enfin  que  la  plus  ancienne  des  trois  mosaïques  super- 
posées a  fourni  sans  doute  la  torsade  qui  règne  à  la  cimaise  de  toutes  les 
parois  hormis  celle  de  la  porte  d'entrée,  et  sans  aucun  doute  possible  les 
deux  caissons  appHqués  de  part  et  d'autre  de  la  porte  qui  conduit  à  la 
galerie,  Bacchus  ou  l'Automne,  Cérès  ou  l'Été,  sauf  qu'ils  n'avaient  jadis 
qu'un  cadre  continu  de  filet  noir  auquel  les  mosaïstes  modernes  ont  ajouté 
un  cadre  extérieur  de  torsade  fait  avec  des  fragments  du  labyrinthe  où  ils 
s'encastraient  ^. 

4.  Dans  la  mosaïque  composite  qui  revêt  les  deux  soubassements  du 
couloir  séparant,  au  rez-de-chaussée,  les  salles  de  la  sculpture,  les  morceaux 
de  provenance  inconnue  sont  en  très  grande  majorité.  Je  conjecture  qu'il  y 
a  parmi  eux  le  surplus  des  huit  fragments  donnés  au  musée  par  l'hospice 
des  Incurables  en  1867  et  employés  en  partie,  je  l'ai  supposé  du  moins, 
pour  la  décoration  du  vestibule  des  Antiques  3,  Voici  tout  ce  que  je  puis 
identifier  avec  certitude  dans  ce  double  soubassement  qui  comprend  huit 
panneaux  :  dans  le  deuxième  panneau  du  côté  gauche  en  venant  du  cloître, 
la  chouette  ai! Orphée  charmant  les  animaux  ;  dans  celui-ci  et  celui  qui  lui  fait 


i.lbid.,  §11,  n"  3,  et  §111,  n"  2. 

2.  A  la  fin  du  chapitre  VII,  j'ai  exprimé  l'espoir  que  les  trois  panneaux  retranchés  de  la  mosaïque  Conta- 
min lors  de  la  seconde  repose  viendraient  un  jour  rejoindre  dans  ce  vestibule  des  Antiques  les  parties  de  la 
même  pièce  qui  y  sont  déjà.  Il  y  a  place  pour  eux  :  les  deux  panneaux  à  décor  circulaire  feraient  face  au 
Bacchus  et  à  la  Cérès  ;  le  panneau  à  décor  quadrangulaire  confronterait  la  Table  claudienne. 

4.  Voir  plus  haut,  n"  3. 


—  161  — 

face  de  Tautre  côté,  quelques  débris  du  double  chapelet  de  triangles  noirs 
qui  encadrait  les  caissons  de  VIvresse  de  Bacchus  ;  dans  ce  dernier  et  son 
voisin,  c'est-à-dire  dans  les  deux  premiers  du  côté  droit,  quelques  débris  de 
la  double  rangée  de  flots  ou  postes  qui  bordaient  la  mosaïque  intermédiaire 
de  la  Déserte  ;  dans  les  troisième  et  quatrième  du  côté  gauche  et  dans  le 
quatrième  du  côté  droit  plusieurs  fragments  des  caissons  9,  lo,  17,  30,  36  ^, 
de  VIvresse  de  Bacchus.  A  remarquer  le  premier  panneau  du  côté  gauche, 
que  composent  en  majeure  partie  deux  assez  grandes  pièces,  le  reste  d'un 
vaste  caisson  circulaire  avec  zones  de  triangles  concentriques,  et  la  presque 
totalité  d'un  caisson  quadrangulaire  ayant  au  centre  une  fleur  à  quatre 
pétales  dans  un  cadre  de  filet  noir  entouré  par  un  chapelet  de  têtes  de 
diamants.  C'est  le  même  Martin-Daussigny  qui  fit  exécuter  ce  revêtement 
composite,  en  1877,  lorsqu'il  achevait  l'organisation  des  salles  de  la  sculp- 
ture 2.  Le  dossier  des  archives  municipales  3  mentionne  à  la  date  du  21  juin 
une  somme  de  640  francs  pour  réparation  et  pose  de  mosaïques  ^(  dans  le 
petit  vestibule  du  rez-de-chaussée  ». 


III 

I.  Dans  le  vestibule  des  Antiques,  au-dessus  de  la  porte  qui  communi- 
que à  gauche  avec  le  cabinet  du  conservateur,  on  a  fixé  récemment  un  petit 
tableau  que  M.  Dissard  enregistre  ainsi  au  livre  d'entrées,  n^  123, 13  janvier 
1883  :  «  Don  de  M.  Louis  Carrand.  Un  compartiment  de  mosaïque  antique 
dans  un  cadre  en  bois  doré  ».  Compartiment  est  trop  vague  :  il  s'agit  d'un 
emblema,  c'est-à-dire  d'une  mosaïque  destinée  à  être  encastrée  dans  un 
pavement  plus  vaste,  d'où  ce  nom,  et  directement  exécutée  sur  la  tuile  qui 
la  porte.  Nous  pouvons  ajouter  qu'il  s'agit  de  la  plus  ancienne  pièce  de 
mosaïque  romaine  que  possède  le  musée  de  Lyon.  Car  à  l'époque  augus- 
téenne  seulement,  au  premier  siècle  de  notre  ère,  quand  Vopus  vermiculatum 


1.  Voir  le  schéma,  fig.  i6.  J'ai  retrouvé  au  dépôt  des  mosaïques,  dans  une  cave,  un  autre  débris  du  cais- 
son 36 . 

2.  Voir  Eug.  Vial,  dans  les  Musées  de  Lyon  (en  1906  J,  p.  17  et  suiv. 

3.  Série  Mia. 

H 


—  162  — 

ne  s'était  pas  encore  mêlé  avec  Vopus  tessellatum,  les  mosaïstes  composèrent, 
dans  l'atelier  même,  sur  dalles  de  marbre  ou  de  tuf  ou  encore  sur  tuiles, 
enduites  d'un  ciment  très  fin  à  prise  lente,  ces  petits  tableaux  en  pierres 
d'une  extrême  petitesse  et  de  formes  très  variées,  portatifs,  pouvant  être 
insérés  à  volonté  dans  un  pavé  en  cubes  plus  gros,  exécuté  directement  sur 
le  sol  ^  C'est  bien  dans  cette  catégorie  que  le  range  M.  Gauckler  ^  qui  en 
indique  les  dimensions  et  le  sujet  :  «  Au  musée  de  Lyon,  mosaïque  inédite 
de  0,50  sur  0,50,  venant  d'Italie  et  donnée  en  1883  par  L.  Carrand.  Triton 
et  Néréide  donnant  à  boire  à  un  tigre  marin  ».  «  Venant  d'Italie  ;  n'est  sans 
doute  qu'une  conjecture  probable  :  à  l'époque  augustéenne,  on  ne  rencon- 
tre que  très  peu  de  pavements  historiés  hors  de  l'Italie  3  ;  cependant  les 
provinces  en  ont  rendu  quelques-uns,  le  sol  de  Lyon  romain  en  a  rendu 
deux  4.  Au  témoignage  d'Artaud  5,  dans  le  remblai  qui  séparait,  à  la  Déser- 
te, la  mosaïque  intermédiaire  de  la  plus  ancienne,  on  trouva  «  deux  pièces  de 
mosaïque  établies  sur  des  briques  taillées  en  biseau  y>.  Le  propriétaire  du 
terrain  les  lui  remit.  «  On  y  voit,  dit-il,  des  poissons  et  le  bas  d'une  draperie, 
dont  le  fini  est  admirable,  attendu  que  les  cubes  sont  extrêmement  petits  ». 
Ces  morceaux  ne  figurent  pas  dans  le  catalogue  de  son  cabinet  ;  nous 
ignorons  ce  qu'ils  ont  pu  devenir.  Les  dimensions  exactes  de  Vemhlema 
Carrand  sont  0,525  sur  0,515.  En  voici  la  desciiption  précise.  A  gauche  le 
tigre,  vu  de  face,  tête,  encolure  et  poitrail  ;  au  miHeu  la  Néréide,qui  lui 
présente  la  coupe  de  la  main  gauche  et  tient  de  sa  droite  invisible  un  rameau 
déployé  horizontalement  vers  la  tête  du  tigre  ;  la  tête  de  profil  vers  le  tigre, 
elle  est  au  surplus  vue  de  dos,  parée  d'un  collier  et  de  bracelets,  nue  hormis 
que  ses  jambes  sont  enveloppées  dans  une  draperie  qui  s'envole  en  arc 
devant  elle .  Cette  draperie  couvre  aussi,  sauf  une  extrémité  de  nageoir  e 
caudale,  l'arrière-train,  sur  lequel  la  Néréide  est  assise,  du  Triton  dont  le 


1.  Sur  les  emblemata  voir  Gauckler,  dans  Dict.  des  antiq.  gr.  et  rom.,  art.  Mmivum,  p.  2.098  et  suiv. 

2.  /6id.,  p.  2.099,  ntoe  5  ;cf.  2.101,  note  11. 

3.  Ibid.,  p.  2.097,  surtout  note  14. 

4.  M.  Adrien  Blanchet  les  a  omis  dans  son  Inventaire  ;  mais  ils  n'ont  pas  échappé  à  M.  Gauckler,  ihid., 
p.  2.099,  note  5  :  '  A  la  Déserte,  près  Lyon,  fragment  (poissons  et  draperie)  -. 

5.  1835,  p.  109.  Cf.  Lyon  souterrain,  p.  97  :  «  Chez  M.  Raymond  ■  (inexact  ;  voir  plus  haut  §  II,  n»  i) 
«  on  a  déterré  des  fragments  de  briques  taillées  en  bizeau,  sur  lesquelles  on  voit  des  poissons  en  mosaïque, 
dont  les  pièces  de  rapport  n'ont  pas  deux  lignes  de  surface  '. 


—  163  — 
torse  s'érige  à  droite,  de  face,  nu  ;  il  regarde  vers  la  nymphe  ^  sa  tête  porte 
des  cornes  de  homard,  sa  main  gauche  tient  un  roseau.  L'eau  de  la  mer  est 
figurée  au  bas  du  tableau.  Le  décor  polychrome  s'enlève  sur  fond  noir.  Le 
nombre  est  considérable,  surtout  en  Afrique,  des  mosaïques  romaines 
représentant  des  scènes,  sinon  identiques,  du  moins  analogues,  Néréides 
associées  à  des  Tritons  et  à  des  animaux  marins  ^ 

2.  Dans  ce  même  vestibule  des  Antiques  est  déposé  un  panneau  hexa- 
gonal de  mosaïque  appliqué  sur  une  épaisse  dalle  de  ciment.  Un  double 
filet  noir  y  encadre,  sur  champ  blanc,  un  buste  polychrome,  coupé  aux 
épaules,  vu  de  face,  les  yeux  regardant  vers  la  gauche,  le  visage  imberbe,  la 
tête  couronnée  de  feuillage,  de  fleurs  et  de  fruits,  un  thyrse  appuyé  à  l'épau- 
le gauche.  C'est,  comme  le  panneau  de  la  Déserte  appliqué  sur  une  paroi  de 
ce  vestibule,  Bacchus  ou  l'Automne.  D'un  sommet  de  l'hexagone  au  som- 
met opposé,  on  mesure  extérieurement  au  cadre  o  m.  485,  intérieurement 
o  m.  37.  Je  n'ai  trouvé  nulle  part  aucune  indication  sur  la  provenance  de  ce 
fragment  ;  je  conjecture  qu'il  appartenait  à  la  petite  mosaïque  Contamin, 
dans  laquelle,  selon  la  description  de  Branche,  on  voyait  «  des  têtes  de 
Bacchus  couronnées  de  pampres  et  de  Cybèle  couronnées  de  tours  w^. 

3.  Dans  une  cave  qui  sert  de  dépôt,  M.  Focillon,  directeur  des  Musées, 
m'ayant  donné  le  moyen  de  l'explorer  en  1916,  je  découvris  trois  caissons  de 
la  grande  mosaïque  Contamin,  ceux  qui  furent  supprimés  lors  de  la  deuxième 
réduction  3  et  qui  sont  maintenant  au  pied  de  l'escalier  de  la  Minerve,  et  en 
outre  un  fragment  du  caisson  36.  J'y  découvris  aussi  une  trentaine  de  dalles 
en  ciment,  la  plupart  entières,  quelques-unes  brisées,  entoilées  sur  une  de 
leurs  faces,  où,  la  toile  arrachée  et  cette  face  nettoyée,  je  reconnus  sans 
peine,  en  rapprochant  d'un  double  rapport  de  Martin-Daussigny  4  un 


I 

P  I.  Voir  les  tables  de  l'Inventaire  des  Mosaïques.  Je  citerai  seulement  :  I,  209  (Sainte-Colomba)  :  Triton, 

Néréide  sur  un  dauphin  ;  fig.  dans  Bazin,  Vienne  et  Lyon  gallo-romains,  p.  9  ;  —  376  (Saint-Rustice)  :  Nym- 
phe et  Triton  ;  —  1382  (Orbe)  :  Néréide  et  Triton  ;  —  III,  437  (Cherchel)  :  Triton  porteur  du  pedum  ei 
Néréide  assise  sur  une  panthère  marine  (enblemj)  ;  cf.  Gauckler,  ibid.,  p.  2.097,  note  13,  et  2.1 19,  note  2  ;  — 
et  surtout  II,  798  (Carthage)  :  Triton  vêtu,  couronné  de  roseaux,  portant  une  corbeille  et  un  pedan  ;  Néréide 
assise  sur  un  des  replis  de  sa  queue,  vêtue,  parée  de  bijoux,  tenant  une  corne  à  boire  (embleina). 

2.  Voir  ch.  VII,  §  I  ;  cf.  plus  haut,  §  II,  n»  3. 

3.  Voir  le  schéma,  fig.  16. 

4.  Arch.  mon.,  R2  c,  13  juillet  et  18  août  1876. 


—  164  — 

dessin  annoté  du  mosaïste  Claudius  Mora  ^,  ce  qui  fut  sauvé  d'une  des 
mosaïques  exhumées  place  des  Célestins,  au  mois  de  juillet  1876.  M.  Focil- 
lon  a  fait  depuis  transférer  ces  dalles  dans  les  sous-sol  de  la  Faculté  des 
lettres,  quai  Claude-Bernard.  Il  y  avait  enfin,  dans  la  même  cave  du  Palais 
Saint-Pierre,  plusieurs  fragments  de  mosaïque  arrachés  à  la  pioche  avec  le 
bloc  volumineux  du  béton  de  support.  L'identification  de  ceux-ci  ne  sau- 
rait être  que  conjecturale.  Ils  n'appartiennent  pas  tous  à  la  même  pièce.  Les 
uns  proviennent,  je  pense,  d'une  mosaïque  découverte  place  des  Célestins 
tout  de  suite  avant  la  précédente  et  que  Martin-Daussigny  fit  également 
enlever  en  partie  ^  ;  les  autres,  d'une  ou  plusieurs  mosaïques  vues  en  1884 
dans  la  tranchée  des  égouts  de  la  rue  Jarente,  entre  les  rues  d'Auvergne  et 
Vaubecour  3  :  Claudius  Mora  se  souvenait  d'en  avoir  fait  arracher  et  trans- 
porter au  Palais  Saint-Pierre  des  morceaux  considérables.  Comme  les 
divers  fragments  retrouvés  dans  cette  cave  ne  figurent  pas  et  ne  semblent 
pas  destinés  à  figurer  jamais  dans  les  salles  du  Musée,  je  me  borne  à  les 
signaler  ici,  me  réservant  d'en  parler  avec  plus  de  détail  dans  une  autre 
partie  de  ces  études  4. 


1.  Je  n'ai  plus  à  ma  disposition,  malheureusement,  ce  dessin  que  le  regretté  maître  mosaïste  m'avait 
communiqué. 

2.  Rapport  du  13  juillet  1876.  Cf.  Inv.  des  mos.  de  la  Gaule,  n°  7  ^.5. 

3.  Témoignage  oral  de  Claudius  Mora  ;  cf.  Salut  public  du  5  avril  1884. 

4.  Celle  qui  aura  pour  titre  Recherches  sur  les  mosaïques  romaines  de  Lyon.  —  De  la  mosaïque  en  relief 
appelée  par  .'Artaud  (1835,  p.  84  ;  album,  pi.  37)  l'Espérance,  je  ne  parlerai  ni  ici  ni  ailleurs  ;  car  elle  n'est 
pas  romaine.  Voir  Engelmann,  Ueber  Mosaïkrehefs,  dans  Rheinisches  Muséum,  n.  f.,  ag  (1874),  p.  561  et  suiv.; 
cf.  Gauckler,  p.  2.089,  avec  la  note  2. 


—  165  — 


X 


mosaïques  du  verbe  incarné 


I 

1 .  A  Fourvière,  rue  du  Juge-de-Paix,  24,  dans  le  clos  du  Verbe-Incar- 
né, ainsi  appelé  aujourd'hui  à  cause  d'une  congrégation  religieuse  qui  le 
possède  depuis  1833,  mais  connu  auparavant  sous  le  nom  de  clos  Monta- 
land,  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon  a  pratiqué,  dei9iiài9i4,  des  recher- 
ches archéologiques  sur  l'emplacement  d'une  vaste  et  riche  demeure  qui 
bordait  jadis  la  voie  d'Aquitaine.  Elles  ont  procuré,  entre  autres  découver- 
tes, celle  de  neuf  mosaïques  romaines  ^  Deux  seulement  doivent  être 
étudiées  ici,  parce  que  l'une  figure  déjà,  l'autre  est  destinée  à  figurer  pro- 
chainement dans  les  musées  de  la  ville. 

2.  La  première  fut  exhumée  au  mois  de  juin  191 1,  dans  la  cour  d'entrée, 
parmi  beaucoup  de  vestiges  moins  intéressants.  Elle  gisait  à  deux  mètres 
environ  du  niveau  actuel.  Intacte  2,  elle  avait  formé  un  carré  dont  le  côté 
mesurait  3  m.  85.  Un  autre  carré,  mesurant  0  m.  75  de  côté,  en  occupe  le 
centre,  tableau  polychrome  à  fond  noir  qui  représente  Bacchus  adolescent, 
couronné  de  lierre  ou  de  pampre,  le  torse  et  les  jambes  nus,  le  milieu  du 
corps  couvert  par  la  nébride  ou  peau  de  faon,  le  thyrse  dans  la  main  droite, 
le  bras  gauche  abandonné  sur  l'encolure  de  la  panthère  qui  porte  le  dieu. 
Celle-ci,  ramassée  et  prête  à  bondir,  tient  entre  ses  pattes  de  devant  le 
sistre  ou  tambourin.  Aux  quatre  angles,  quatre  tableaux  carrés  dont  le  côté 
ne  mesurait  que  0  m.56,  polychromes  aussi,  mais  à  fond  blanc  comme  tout  le 
surplus  du  champ,  présentaient  quatre  bustes  plus  grands  que  nature  et 


1.  Voir  les  comptes  rendus  détaillés  de  ces  fouilles,  par  M.  Germain  de  Montauzan,  dans  Annales  de 
V  Université  de  Lyon,  nouv.  série,  II,  fasc.  25, 28  et  30. 

2.  Notre  figure  19  la  montre  telle  qu'elle  fut  exhumée. 


—  166  — 

s'encadrant  d*abord  dans  un  étroit  filet  noir,  puis  dans  les  méandres  d'un 
double  labyrinthe  constitué  par  une  torsade  multicolore  et  un  large  filet 
rouge.  La  même  torsade  et  le  même  large  filet  servaient  de  cadre  à  l'ensem- 
ble du  décor  et  une  ample  bande  noire  de  bordure  aux  quatre  faces  de  la 
mosaïque.  Au-delà  de  cette  bordure  régnait,  à  la  droite  du  tableau  central 
par  rapport  au  spectateur,  un  bourrelet  de  ciment  qui  raccordait  autrefois 
le  pavement  à  une  paroi  détruite.  Au-dessous  du  tableau,  ce  pavement  était 
prolongé  par  un  carrelage  noir,  blanc  et  rouge,  en  mosaïque  aussi.  Sur  les 
deux  autres  côtés,  il  avait  de  graves  lacunes  :  tout  le  bord  supérieur  man- 
quait, presque  tout  le  bord  gauche  et  une  grande  partie  de  l'angle  supérieur 
gauche.  Outre  des  éléments  du  labyrinthe,  un  des  quatre  petits  tableaux 
était  complètement  détruit,  celui  qui  avait  occupé  cet  angle,  et  de  celui  qui 
avait  occupé  l'angle  supérieur  droit  il  ne  restait  qu'un  vestige  de  front  et  de 
coiffure.  Ce  vestige  suffit  pour  montrer  que  le  buste  de  ce  panneau  et,  par 
conséquent,  aussi  celui  du  panneau  entièrement  effacé  étaient  en  hauteur^ 
le  sommet  de  la  tête  tourné  vers  le  tableau  principal.  Au  contraire,  les  deux 
bustes  des  panneaux  conservés,  qui  garnissent  les  angles  inférieurs,  sont  en 
longueur  et  s'opposent  par  leurs  sommets.  Quelques  endroits  du  tableau 
principal  étaient  endommagés  :  l'angle  supérieur  gauche  du  fond,  le  front 
de  Bacchus,  la  tête  et  le  corps  de  la  panthère,  mais  sans  qu'il  manquât  rien 
aux  lignes  de  contour.  En  somme,  la  mosaïque  avait  perdu  un  quart  à  peu 
près  de  sa  surface  primitive  qui  était  d'un  peu  moins  de  15  mètres. 

Le  sujet  des  tableaux  secondaires  est  aussi  certain  que  celui  du  tableau 
principal  :  c'était  une  figuration  symbolique  des  quatre  saisons.  Le  buste  de 
femme  au  visage  austère,  voilée  et  couronnée  d'un  feuillage  rigide,  qui 
occupe  l'angle  inférieur  droit  ^  c'est  l'Hiver  ;  le  buste  de  jeune  homme  au 
visage  langoureux,  à  la  blonde  chevelure  tombant  en  boucles  sur  le  cou  et 
les  épaules,  couronné  de  feuillages  brillants,  l'épaule  droite  nue,  la  gauche 
couverte  par  les  plis  du  manteau,  c'est  l'Automne  2,  figure  semblable,  sinon 
exactement  pareille,  à  celle  du  Bacchus  de  notre  vestibule  des  Antiques, 
symbole  qui  représentait  la  même  saison  dans  la  mosaïque  de  la  Déserte  3 


I.  Fig.  20. 
3.  Fig.  21. 
5.  Voir  chap.  IX,  §  II,  et  tig.  i8. 


—  167  — 

Au-dessus  de  lui  il  y  eut,  dans  la  mosaïque  du  Verbe-Incarné,  l'Été,  un 
buste  de  femme  blonde,  couronnée  d'épis,  analogue  à  la  Cérès  du  même 
vestibule  des  Antiques,  qui  représentait  cette  saison  dans  la  même  mosaï- 
que de  la  Déserte  \  Et,  au-dessus  de  la  femme  voilée,  il  y  eut  jadis  un  buste 
d'adolescent  couronné  de  fleurs,  le  Printemps.  Bacchus  et  les  Saisons,  tel 
est  donc  dans  son  ensemble  le  sujet  de  notre  mosaïque. 

3.  Si  la  représentation  allégorique  des  quatre  saisons  n'était  point  pro- 
pre à  la  seule  peinture  en  mosaïque  —  on  la  retrouve  dans  les  œuvres  de  la 
sculpture,  de  la  glyptique,  de  la  céramique  — ,  elle  y  était  particulièrement 
fréquente.  M.  Héron  de  Villefosse  ^  a  dressé  en  1879  une  liste  de  vingt-trois 
pavements  qui  comportaient  cette  représentation,  et  M.  Gauckler  3  y  a  fait 
depuis  un  nombre  considérable  d'additions.  Toutes  les  provinces  de  l'em- 
pire romain  ont  fourni  leur  contingent  ;  celui  des  régions  comprises  dans 
Vlnventaire  des  mosaïques.  Gaule  et  Afrique,  est  d'une  quarantaine.  Le  plus 
souvent  les  saisons  sont  figurées  par  quatre  bustes,  beaucoup  plus  rarement 
par  des  personnages  en  pied  ou  quelque  autre  symbole  4.  Presque  jamais  elles 
ne  sont  le  sujet  principal  du  pavement  ou  n'en  occupent  le  centre  5.  Parfois 
elles  sont  rangées  sur  une  ligne,  seules  ou  avec  une  autre  figure  ^.  En  général, 
elles  garnissent  les  quatre  angles,  que  le  panneau  central  soit  un  tableau 
pittoresque,  ce  qui  est  l'ordinaire,  ou  qu'il  soit  un  motif  ornemental  ou  un 
dessin  géométrique  7.  Le  sujet  du  tableau  pittoresque  autour  duquel  on  les 
a  placées  est  variable  :  dans  notre  mosaïque  de  la  Déserte  s,  elles  accompa- 
gnaient une  lutte  de  l'Amour  et  de  Pan  ;  dans  une  mosaïque  de  Sainte- 
Colombe  9,  le  sujet  principal  est  Orphée  charmant  les  animaux  ;  dans  une 
autre  de  la  même  localité  ï°,  un  jeune  homme  en  pied  avec  un  chien  couché  ; 


1.  /6id.  etfig.  17. 

2.  La  mosaïque  des  quatre  Saisons  à  Lambèse  (Algérie),  dans  Gazette  archéologique,  V,  p.  144  et  suiv. 

3.  Dans  Dict.  des  antiq.  gr.  et  rorn.,  art.  Musivum,  p.  2.1 19,  note  10. 

4.  Par  exemple,  Saint-Romain-en-Gal,  Inv.  des  mos.,  1,  207  =  243  (quatre  génies  en  pied)  ;  Henchir- 
Thina,  ibid.,  II,  18  (quatre  amours  à  cheval)  ;  même  localité,  ibid.,  II,  29a  (quatre  cochers  de  cirque). 

5.  Exceptions  :  Saint-Romain-cn-Gal,  ibid.,  1, 246  ;  Timgad,  ibid.,  II,  166  ;  etc. 

6.  Exemple  :  Saint-Romain-en-Gal,  i6id.,1, 198. 

7.  Exemple  :  ibid.,  II,  73a,  3°,  El-Djem  (corbeille  de  fleurs)  ;  II,  18A,  11,   Henchir-Thina  (décor 
géométrique). 

8.  Ibid.,  1, 734.  Voir  chap.  IX,  §  II. 

9.  Inv.  des  mes.,  1, 219  ;  cf.,  ibid.,  1 .032  (Forêt  de  Bretonne). 
10.  Ibid.,  220. 


dans  une  mosaïque  de  ChebbaS  Neptune  sur  son  quadrige;  dans  une  mosaï- 
que de Sentinum 2,  Apollon;  etc.  Mais  souvent,  plus  souvent  qu'à  aucun  autre 
sujet,  cette  place  d'honneur  est  réservée  à  Bacchus  3.  D'ailleurs,  cette  même 
place  est  aussi  réservée  à  Bacchus  dans  beaucoup  de  mosaïques  où  ne  figu- 
rent pas  autour  de  lui  les  saisons  4  ;  et  dans  certaines  de  ces  mosaïques, 
comme  dans  la  nôtre  du  Verbe-Incarné,  le  dieu  est  représenté  avec  une 
panthère  ou  un  tigre  5.  Deux  mosaïques  spécialement  doivent  être  rappro- 
chées de  la  nôtre,  parce  que  les  saisons  y  entourent  Bacchus  et  que  le  dieu  y 
est  représenté  avec  une  panthère  ou  des  panthères  :  une  mosaïque  de  Trê- 
ves ^  montrant,  au  centre,  Bacchus  sur  un  char  attelé  de  panthères  et 
conduit  par  un  satyre  ;  aux  angles,  les  saisons  en  des  médaillons  ovales, 
d'autres  sujets  dans  des  carrés  entre  ces  médaillons  ;  et  surtout  une  mosaï- 
que d'El-Djem  7,  où  l'on  voit,  au  centre,  Bacchus  nu,  un  voile  flottant 
derrière  lui,  la  tête  couronnée  de  pampre,  tenant  des  deux  mains  le  thyrse 
et  allongé  sur  le  dos  d'une  panthère  qui  court  vers  la  droite. 

4.  Que  la  mosaïque  du  Verbe-Incarné,  malgré  le  grave  dommage  subi, 
méritât  d'être  conservée,  c'est-à-dire  détachée  du  sol  où  elle  gisait,  puis, 
après  discrète  restauration,  rétabHe  dans  un  musée,  c'était  l'évidence  même. 
Depuis  la  mosaïque  des  Jeux  du  cirque,  nul  pavement  romain  qui  l'empor- 
tât sur  celui-ci,  du  moins  par  la  beauté  de  l'exécution,  n'avait  été  remis  au 
jour  à  Lyon.  La  mosaïque  de  Méléagre  et  Atalante  s,  plus  intéressante  par 
le  sujet,  n'offrait  point,  si  l'on  s'en  réfère  à  la  planche  d'Artaud,  la  même 
finesse  de  travail.  La  mosaïque  du  Berger  9,  connue  elle  aussi  seulement 
grâce  à  l'album  d'Artaud,  si  elle  égalait  la  nôtre  sous  ce  rapport,  ne  la  sur- 
passait point.  Œuvre  de  techniciens  habiles,  reproduisant  des  modèles 
excellents  et  travaillant  à  la  bonne  époque,  à  cette  époque  antoninienne  où 


i./fcid.,II,86,7''a. 

2.  Héron  de  Villefosse,  pass.  cité,  p.  151  et  153. 

3.  Gauckler,  pass.  cité,  p.  2.1 18,  note  9. 

4.  Ibid. 

5.  Ibid. 

6.  Inv.  des  mos.,  1, 1.241. 

7.  Ibid.,  Il,  73. 

8.  Artaud,  1835,  p.  64,  pi.  9  ;  Inv.  des  mos.,  I,  n°  720. 

9.  Artaud,  ibid.,  p.  106,  pi.  5 1  ;  Inv.  des  mos.,  aP  719. 


—  169  — 

la  virtuosité  des  mosaïstes  romains  fut  incomparable  S  la  mosaïque  lyon- 
naise de  Bacchus  et  des  Saisons  se  recommandait  par  des  qualités  manifes- 
tes de  composition,  de  dessin  et  de  polychromie,  qui  frappèrent  d'emblée 
tous  nos  visiteurs.  Les  juges  les  plus  compétents  trouvèrent  à  y  louer,  par- 
tout, la  sûreté  savante  de  lignes  et  de  teintes  qui  donnent  l'illusion  du  relief; 
dans  le  tableau  principal,  l'aisance  élégante  des  attitudes  et  du  mouvement  ; 
dans  les  deux  tableaux  secondaires,  l'expression  des  physionomies  et  leur 
contraste  que  relève  la  différence  du  coloris,  si  sobre  dans  la  figure  de 
l'Hiver,  si  riche  dans  celle  de  l'Automne.  Que  Ton  rapproche  ces  figures  de 
celles  qui  représentaient  les  mêmes  saisons  dans  la  célèbre  mosaïque  de 
Saint-Romain  ^  et  que  nous  connaissons  par  la  planche  d'Artaud  ;  que  l'on 
rapproche  surtout  l'Automne  de  la  Déserte,  tel  qu'on  le  voit  dans  le  vesti- 
bule des  Antiques  3  et  celui  du  Verbe-Incarné  :  la  finesse  des  traits,  la 
noblesse  du  visage,  la  perfection  du  travail  matériel  rendent  sans  conteste 
nos  répliques  de  ces  types  supérieures  à  ces  autres  répHques. 

5.  La  découverte  fut  portée  à  la  connaissance  et  signalée  à  l'attention 
du  conseil  municipal  de  Lyon  par  un  rapport  de  M.  l'adjoint  Joseph  Vial  ; 
puis,  dans  la  séance  du  31  juillet  191 1,  M.  le  maire  Herriot  demanda  et 
obtint  l'autorisation  de  négocier  l'achat  pour  la  ville  4.  Une  expertise 
amiable  confiée  à  M.  Sainte-Marie  Perrin,  architecte  de  Fourvière,  et  au 
maître  mosaïste  Claudius  Mora,  avait  estimé  la  valeur  de  l'œuvre  à  5.000 
francs.  La  Faculté  des  lettres  qui,  en  vertu  d'une  convention  avec  M.  Egger, 
avocat  à  Fribourg  (Suisse),  agissant  au  nom  des  propriétaires  du  clos,  était 
copropriétaire  pour  moitié  de  tous  les  objets  précieux  provenant  des  fouil- 
les, fit  cession  de  ses  droits  sur  la  mosaïque  à  la  ville,  laquelle  devait  donc 
verser  2.500  francs  à  M.  Egger.  Dans  sa  séance  du  25  septembre  5  le  conseil 
municipal,  sur  rapport  du  maire  en  date  du  22  août,  vota  un  crédit  de  3.500 
francs  pour  cette  dépense  et  celle  de  l'ablation  et  du  transport.  Quant  au 


1.  Gauckler,  p.  2.112. 

2.  1835,  album,  pi.  XVIII  ;  cf.  Inv,  des  mos.,  1, 198  ;  reproduction,  dans  l'album,  de  la  planche  d'Artaud. 

3.  Voir  chap.  IX,  §  II,  n°  2,  et  le  fig.  17. 

4.  Conseil  municipal.  Procès-verbaux  des  séances,  2' semestre  191 1,  p.  m. 
5. /&t(f.,  p.  iSaetsuiv. 


—  170  — 

coût  de  la  restauration,  il  était  impossible,  disait  le  rapport  ^,  de  l'évaluer 
alors,  même  approximativement. 

6.  L'ablation,  qui  était  urgente,  fut  faite  au  cours  de  Tété,  sous  la  direc- 
tion de  Claudius  Mora,  selon  le  procédé  de  Belloni  perfectionné.  J'ai  cité, 
dans  le  chapitre  relatif  à  la  mosaïque  Macors  2,  la  définition  donnée  par 
Artaud  de  ce  procédé  lui-même.  Voici  celle  que  mon  collaborateur  M.  Ger- 
main de  Montauzan  ^,  qui  suivit  le  travail  de  Mora,  donne  de  cette  méthode 
telle  que  l'appliquent  aujourd'hui  les  spécialistes,  héritiers  de  Belloni  : 
«  Après  un  bon  lavage  de  la  surface  et  un  séchage  dont  le  degré  absolu  est 
indispensable,  la  mosaïque  fut  cirée  et  frottée  soigneusement  à  la  façon 
d'un  parquet.  Puis  on  détermina  différentes  lignes  de  sectionnement,  divi- 
sant la  surface  en  un  assez  grand  nombre  de  rectangles  inégaux  —  une 
quarantaine  pour  ce  qui  reste  de  la  mosaïque  et  qui  se  réduit  à  12  mètres 
carrés  — ,  ces  rectangles  étant  calculés  par  la  nécessité  de  ne  couper  aucun 
motif  essentiel  et  de  suivre  autant  que  possible...  les  zones  neutres.  Puis 
chaque  rectangle  fut  recouvert,  d'abord  d'une  bande  de  papier  Joseph 
coupée  exactement  à  sa  mesure,  enduite  d'une  colle  forte  appliquée  à  chaud, 
(gomme  arabique  et  farine  de  seigle  cuite).  Quand  ce  fut  bien  sec,  le  papier 
fut  doublé  d'une  bande  de  toile,  de  la  même  dimension,  soigneusement 
étirée  et  collée  par-dessus.  Toute  la  surface  étant  ainsi  garnie,  on  découpa 
avec  un  petit  ciseau  très  tranchant  le  pourtour  des  rectangles,  détachant  et 
conservant  à  part  une  rangée  de  cubes  le  long  de  chaque  ligne,  et  entamant 
ensuite  le  ciment  sous  cette  ligne...  Puis,  par  le  côté  ou  les  côtés  libres  dès 
l'abord  ou  déjà  dégagés,  on  creusait  pour  chaque  rectangle  sous  le  ciment, 
de  manière  à  dégager  le  bloc  formé  par  la  portion  de  mosaïque  et  son  sup- 
port découpés  ;  ce  bloc  enlevé  et  retourné,  le  ciment  était  décapé  au  ciseau 
jusqu'à  la  face  de  dessous  des  cubes.  A  l'exception  de  quelques  dizaines  sur 
des  milliers,  les  cubes  restèrent  parfaitement  adhérents  à  leur  carapace  de 
papier  entoilé...  Le  moment  venu,  on  étendra,  à  l'emplacement  désigné,  un 
ciment  préparé  à  cet  effet.  On  enfoncera  chacune  de  ces  larges  galettes  dans 


I.  Ce  rapport  est  inséré  au  Bulletin  municipal,  191 1,  a"  semestre,  p.  141. 

a.  Chap.I,  §III,n<'i. 

3.  Ann.  de  V  Univ.  de  Lyon,  nouv.  série,  II,  25,  p.  65  et  suiv. 


I 

i 


—  171   — 
la  pâte  avant  qu'elle  ait  fait  prise.  La  toile,  chauffée,  se  décollera  ensuite, 
ainsi  que  le  papier.  Il  ne  restera  plus  qu'à  rajuster  les  petits  cubes  des  lignes 
de  contour  et  à  faire  les  quelques  restaurations  indispensables  ;-. 

7.  Dans  son  rapport  du  22  août,  le  maire  annonçait  que  la  mosaïque  de 
Bacchus  et  des  Saisons  était  «  destinée  au  futur  plancher  du  nouveau  Musée 
Guimet  ».  Un  conseiller  demanda,  dans  la  séance  du  25  septembre,  pour- 
quoi elle  n'irait  pas  au  Palais  des  Arts.  Il  lai  fut  répondu  qu'aucun  emplace- 
ment n'était  disponible  dans  ce  musée  et  que,  d'ailleurs,  elle  serait  bien 
placée  au  Musée  Guimet  ;  car  elle  avait  trait  au  culte  dionysiaque.  On  ne 
peut,  en  vérité,  prendre  au  sérieux  ni  l'une  ni  l'autre  assertion.  La  place  ne 
manquait  pas,  à  la  seule  condition  de  la  chercher  avec  le  désir  de  la  trouver, 
dans  les  salles  du  Palais  des  Arts,  pour  un  monument  qui  n'est  point  du 
tout  à  sa  place  dans  une  salle  du  Musée  Guimet  \  Quoi  qu'il  en  soit,  la 
chose  fut  décidée  et  faite.  Il  suffit  de  lire,  au  Guide  illustré  du  Musée  Guimet, 
la  légende  de  la  planche  III  :  Tombeau  de  Ramsès  I^^  et  Mosaïque  de  Four- 
vière,  pour  sentir  l'inconvenance  de  cet  exil  inutile.  Sans  doute,  il  y  a  autre 
chose  qu'elles  dans  les  locaux  du  Palais  Saint-Pierre  où  les  mosaïques 
romaines  ont  été  reposées  ;  mais  elles  y  sont  ensemble,  elles  y  forment  une 
collection  dont  il  ne  fallait  pas  séparer  la  dernière  rendue  au  jour  2. 

J'ai  demandé  ou  fait  demander  s'il  existait  un  dossier  concernant  cette 
mosaïque,  soit  à  l'architecture  municipale,  soit  au  bureau  ou  au  contrôle  des 
travaux  de  la  ville.  Partout  la  réponse  a  été  négative.  Je  n'ai  pu  avoir  les 
papiers  ni  de  l'architecte  Blein  qui  dirigea  la  transformation  du  Palais  de 
Glace  en  nouveau  Musée  Guimet,  ni  du  maître  mosaïste  Claudius  Mora 
qui  fut  chargé  de  l'enlèvement  3.  Si  le  crédit  de  i  .000  francs  voté  pour  cette 
opération  suffit  ou  non  à  la  dépense,  je  l'ignore.  Mais  je  connais  le  coût 
exact  de  la  restauration  et  de  la  repose,  grâce  au  mémoire  que  m'a  commu- 


I.  Galerie  du  rez-de-chaussée,  salle  égyptienne.  Cf.  Guide  illustré  du  Musée  Guimet  de  Lyon,  1913,  p.  35 
et  suiv.  Il  est  dit  dans  la  notice  que  les  «  torsades  se  croisent  à  angle  droit  de  manière  à  figurer  des  swasticas, 
symboles  de  lumière  ,  que  «  ces  cordons  qui  s'enchevêtrent  et  n'ont  ni  commencement  ni  fin  sont  des  sym- 
boles d'éternité  ".  Pareille  intention  symbolique  ne  fut  certainement  pas  dans  l'esprit  des  mosaïstes  romains, 
qui  voulurent  donner  un  cadre  élégant  à  leurs  tableaux,  et  ne  voulurent  rien  de  plus. 

I.  On  va  voir,  §  II,  qu'elle  n'est  plus  maintenant  la  dernière  ou,  pour  parler  plus  exactement,  la  dernière 
de  celles  qui,  rendues  au  jour,  ont  pris  ou  vont  prendre  place  dans  les  collections  de  la  ville  ;  mais  aussi  que 
1  a  dernière  n'aura  pas  à  subir  un  exil  de  cette  sorte . 

a.  Ils  sont  décédés  l'un  et  l'autre. 


—  172  — 

nique  obligeamment  M.  Bertin.  Avec  son  associé,  M.  Ciancia,  il  fut,  du 
vivant  même  de  Mora,  le  successeur  de  celui-ci  pour  ces  deux  parties  du 
travail.  Le  devis  se  monte  à  1.662  francs  70.  Il  est  daté  du  20  août  1913.  La 
mosaïque  était  déjà  reposée  en  mai,  lorsque  se  fit  l'inauguration  solennelle 
du  nouveau  musée  ;  il  ne  restait  plus  qu'à  substituer  sur  place,  aux  grands 
cubes  verts  dont  les  vides  du  tableau  central  avaient  été  garnis  provisoire- 
ment, ceux  de  la  restauration  définitive.  C'était,  pour  les  mosaïstes  moder- 
nes, la  phase  la  plus  délicate  de  leur  travail,  non  pas  en  ce  qui  regardait  le 
dessin,  puisque  toutes  les  lignes  essentielles  subsistaient,  mais  en  ce  qui 
tenait  aux  nuances  du  coloris.  Rien  n'était  plus  facile,  au  contraire,  que  de 
compléter  la  torsade  et  le  filet  du  cadre  et  du  labyrinthe.  Quant  aux  deux 
tableaux  d'angle,  dont  l'un  manquait  tout  entier,  l'autre  presque  tout  entier, 
on  a  comblé  les  lacunes  avec  des  cubes  blancs  pareils  à  ceux  du  champ.  En 
somme,  la  mosaïque  a  été  restaurée  habilement  et  discrètement.  Elle  est  de 
la  sorte  plus  agréable  à  voir  pour  le  commun  des  visiteurs  d'un  musée  que 
si  on  l'avait  reposée  telle  quelle  ou  à  peu  près,  c'est-à-dire  en  garnissant  de 
cubes  blancs  tous  les  vides  intérieurs  et  en  laissant  les  lignes  brisées  du 
pourtour  se  dessiner,  comme  ses  lignes  intactes,  sur  le  pavé  de  la  salle.  Les 
esprits  rigoureusement  scientifiques  eussent  préféré  cependant  cette  solu- 
tion. 


II 

I.  La  mosaïque  dont  il  me  reste  à  parler  fut  découverte  en  juin  et 
juillet  191 3,  dans  le  même  clos  du  Verbe-Incarné,  mais  dans  la  partie  de  ce 
clos  qui  est  située  entre  les  bâtiments  modernes,  au  sud,  et  le  terrain  mili- 
taire de  la  Sarra,  au  nord.  Elle  gisait,  à  une  quarantaine  de  mètres  de  la 
précédente  mosaïque,  sous  trois  et  quatre  mètres  de  remblai.  Nous  pûmes 
constater  dès  lors,  par  des  sondages  latéraux,  qu'elle  n'était  pas  isolée. 
Nos  recherches,  poursuivies  à  l'automne  de  191 3  et  achevées  au  printemps 
de  191 4,  démontrèrent  qu'elle  était  flanquée,  à  l'ouest,  de  deux  autres,  à 
l'est,  de  quatre  autres  pavements,  moins  beaux  ou  moins  bien  conservés. 
Tous  ceux-ci  furent  laissés  en  place  et  remblayés,  hormis  quelques  frag- 


—  173  — 
ments  enlevés,  mais  non  pour  entrer  aux  Musées  de  Lyon.  Avant  le  rem- 
blayage et  les  ablations  partielles,  tous  ont  été  photographiés.  Le  plan  géné- 
ral de  la  fouille  permettrait  d'ailleurs  de  les  retrouver  sans  peine,  au  besoin. 
2.  La  seule  mosaïque  de  ce  groupe  qui  parut  digne  d'être  enlevée  tota- 
lement et  rétablie  dans  un  musée,  était  un  rectangle,  long  de  ii  m.  80  dans 
la  direction  nord-sud,  large  de  7  m.  30  dans  la  direction  est-ouest,  couvrant 
dont  une  surface  d'environ  85  mètres,  lorsqu'il  était  intact.  Mais  nous  le 
retrouvâmes  fort  endommagé  dans  sa  partie  sud,  ayant  perdu  en  somme  à 
peu  près  un  tiers  de  sa  surface  ^  Dans  le  cadre  d'une  bordure  à  bandes 
noires  et  blanches  et  d'une  frise  à  rinceaux  dont  les  lobes  contenaient  alter- 
nativement une  feuille  cordiforme  noire  et  une  fleur  polychrome  è  huit 
pétales,  double  série  interrompue  aux  quatre  angles  de  la  mosaïque  et  aux 
quatre  bouts  de  ses  axes  par  deux  autres  motifs  plus  riches,  le  champ  blanc 
était  coupé  par  huit  bandes  longitudinales  et  quatorze  bandes  transversales, 
les  plus  extérieures  contiguës  à  la  frise,  toutes  à  fond  blanc  et  de  la  même 
largeur,  limitées  par  des  filets  noirs  et  divisées  en  cases  alternativement  qua- 
drangulaires  et  rectangulaires,  celles-ci  inscrivant  toujours  des  losanges 
allongés,  celles-là,  c'est-à-dire  les  entrecroisements,  des  carrés  posés  en 
losanges  ;  à  l'exception  pourtant  des  deux  bandes  longitudinales  les  plus 
intérieures  où  chaque  losange  était  placé  entre  un  motif  à  huit  fleurons  et 
une  rose  à  huit  pétales.  Il  y  avait  314  de  ces  cases.  Les  figures  des  seules 
bandes  longitudinales  i,  2,  7  et  8,  c'est-à-dire  des  deux  couples  les  plus 
extérieurs,  étaient  toutes  ou  bien  noires  ou  bien  noires  et  blanches  ;  celles 
des  autres  bandes  longitudinales,  presque  toutes  polychromes  et  d'une 
polychromie  de  plus  en  plus  riche  à  mesure  que  l'on  s'éloignait  des  côtés. 
Dans  les  91  grands  compartiments  quadrangulaires  que  délimitaient  les 
deux  séries  de  bandes,  tels  les  caissons  d'un  plafond  à  poutres  entrecroi- 
sées, des  motifs  ornementaux  circulaires  ou  dérivant  du  cercle  alternaient 
avec  des  motifs  carrés  ou  dérivant  du  carré,  hormis  qu'à  l'une  des  extrémi- 
tés du  grand  axe,  il  y  avait  deux  motifs  carrés  de  suite.  Les  27  sujets  de  ce 
grand  axe,  c'est-à-dire  la  rangée  des  grandes  et  des  petites  cases  comprise 


I.  Elle  est  figurée,  telle  qu'elle  fut  exhumée,  dans  Germain  de  Montauzan,  ouv.  cité,  fasc.  30,  p.  25, 
tt  dAtts  Revue  d'histoire  de  Lyon,  19 14,  p.  403. 


—  174  — 

entre  les  deux  bandes  longitudinales  les  plus  intérieures,  4  et  5,  sont  tous 
différents  et  aucun  ne  se  retrouve  ailleurs  dans  le  pavement.  Au  contraire^ 
dans  le  petit  axe,  rangée  comprise  entre  les  bandes  transversales  7  et  8,  par 
rapport  au  huitième  sujet,  grand  compartiment  qui  est  à  l'intersection  des 
deux  axes  et  forme  donc  le  centre  de  la  mosaïque,  les  14  autres  sujets  se 
répartissent  symétriquement  en  deux  groupes.  Du  reste,  le  grand  axe  divise 
toute  la  composition  en  deux  parties  symétriques  ;  mais  il  n'en  est  pas  de 
même  du  petit  axe.  L'extraordinaire  variété  des  motifs  ornementaux  défie 
et  décourage  la  description.  Le  dessin,  exécuté  au  moyen  de  pierres  dont 
aucune  n'a  un  centimètre  de  côté,  est  partout  d'une  régularité  remarquable. 
La  polychromie,  à  la  fois  riche  et  sobre,  parfaitement  harmonieuse,  com- 
porte, avec  le  noir  et  le  blanc,  le  rouge  sombre,  le  jaune  foncé,  le  violet,  le 
vert.  Un  détail  mérite  d'être  signalé  :  comme  beaucoup  de  pavements 
romains,  la  mosaïque  a  subi  dès  l'antiquité  une  réparation  maladroite. 
Dans  l'une  des  bandes  qui  bordent  le  petit  axe,  le  carré  de  la  case  7  occupe 
indûment  la  place  d'une  fleur  pareille  à  celle  de  la  case  symétrique  9,  et 
le  losange  de  la  case  6  n'est  pas  identique,  ainsi  qu'il  devrait  l'être,  à  celui  de 
la  case  symétrique  10. 

3.  Malgré  l'absence  d'un  tableau  pittoresque  parmi  la  multitude  et  la 
vaiiété  de  ses  motifs  ornementaux,  cette  mosaïque  était  manifestement  une 
belle  œuvre  d'art,  tout  à  fait  digne  de  quitter  l'excavation,  où  elle  n'aurait 
pu  séjourner  longtemps  à  découvert  sans  péril,  pour  l'abri  sûr  et  clair  d'une 
salle  de  musée.  Sur  la  proposition  de  M.  l'adjoint  Joseph  Vial  (23  juin)  et 
conformément  à  un  rapport  de  M.  le  maire  Herriot  (7  juillet),  le  conseil 
municipal  de  Lyon,  dans  sa  séance  du  18  août  1913,  vote  un  crédit  de 
2.000  francs  pour  l'achat  «  d'une  nouvelle  mosaïque  romaine  provenant  des 
fouilles  opérées  à  Fourvière  par  la  Faculté  des  lettres  ».  Cette  fois  encore  la 
Faculté  abandonne  à  la  ville  sa  part  de  propriété  et  le  crédit  représente 
celle  de  M.  Egger.  Comme  l'enlèvement  est  urgent,  dans  la  même  séance, 
conformément  à  un  second  rapport  du  maire  (6  août),  le  conseil  vote  un 
autre  crédit  de  2.980  francs,  480  francs  pour  le  hangar  qui  protégera  le  pa- 
vement et  les  ouvriers,  2.500  francs  pour  l'ablation  elle-m!me  et  le  trans- 
port dans  l'atelier  des  mosaïstes  Claudius  Mora,  Bertin  et  Ciancia,  chargés 
en  outre  de  la  restauration  et  de  la  repose.  Les  crédits  nécessaires  pour  cette 


—  175  — 

double  opération  seront  demandés  en  temps  utile  ^  L'enlèvement  se  fit 
avec  plein  succès,  sinon  sans  difficulté  —  car  le  béton  de  support  était  d'une 
solidité  vraiment  romaine  —  avant  la  mauvaise  saison,  ainsi  que  le  rem- 
blayage de  l'excavation  qui  aurait  rendu  impossible  la  suite  de  nos  recher- 
ches. Par  une  soumission  du  i8  avril  191 4  2,  le  maître  mosaïste  Ciancia 
s'engageait,  moyennant  une  somme  forfaitaire  de  8.000  francs,  à  reconsti- 
tuer sur  dalles  de  ciment  encadrées  de  fer,  transporter  à  l'Exposition  inter- 
nationale de  Lyon  — ,  où  il  avait  été  décidé  qu'elle  figurerait  avant  d'aller 
prendre  sa  place  définitive  au  musée  — ,  poser,  enlever,  transporter  et  repo- 
ser à  cette  place  définitive,  la  mosaïque  qui  était,  depuis  l'ablation,  dans  ses 
ateliers,  rue  de  la  Villardière,  8.  La  reconstitution,  qui  pouvait  se  faire  à 
coup  sûr,  en  raison  de  la  symétrie  du  décor,  et  qui  fut  faite  avec  beaucoup 
d'art  et  de  soin  sous  la  direction  de  Claudius  Mora,  était  déjà  terminée,  la 
mosaïque  reconstituée  se  voyait  déjà,  en  très  bonne  lumière,  mais  verticale- 
ment ou  presque,  à  l'Exposition  internationale,  lorsque  le  maire  présenta 
cette  soumission  au  conseil,  dans  la  séance  du  29  juillet  1 914,  et  lui  demanda 
de  régulariser  la  dépense  3.  Après  la  clôture  si  malheureusement  prématu- 
rée de  l'Exposition,  la  mosaïque  fut  transportée  dans  l'ancienne  église 
Saint-Pierre,  devenue  annexe  du  Palais  des  Arts  ;  c'est  là,  dans  le  pavé  du 
chœur,  que  doit  avoir  lieu,  mais  que  les  circonstances  n'ont  pas  encore 
permis,  sa  repose  définitive.  Le  30  juin  1920,  le  mosaïste  Ciancia  fournis- 
sait un  mémoire  conforme  à  sa  soumission,  réglé  le  10  août  sur  certificat  de 
paiement  délivré  à  cette  date  par  l'architecte  en  chef  de  la  ville  et  rappelant 
que  la  repose  définitive  était  comprise  pour  une  somme  de  300  francs  dans 
le  devis  total  de  8.000  francs  4.  Enfin,  le  26  octobre  1920,  l'architecte  en 
chef,  M.  Meysson,  écrivait  à  M.  Focillon,  directeur  des  Musées,  pour  que 
l'emplacement  exact  lui  fût  désigné,  où  la  mosaïque  devait  être  placée  5.  Il 
est  désirable  qu'elle  redevienne  visible  au  public  le  plus  tôt  possible  ;  mais 
elle  a  été  reconstituée  de  telle  sorte  qu'il  n'y  a  point  péril  en  la  demeure. 


1.  Conseil  municipal,  1913,  i^""  semestre,  p.  274  et  suiv.  ;  2*  semestre,  p.  79  et  suiv. 

2.  Dossier  communiqué  par  l'architecture  municipale. 

3.  Conseil  municipal,  1914, 2®  sem.,  p.  39. 

4.  Dossier  de  l'architecture  municipale. 
5.1bid. 


TABLE    DES    MATIÈRES 


TABLE   DES    MATIÈRES 

Avant-propos vu 

Chapitre  premier.  —  La  mosaïque  Macors  (Jeux  du  cirque). 

^I.  La  découverte  ;Vacqmsitwn  par  la  Ville  {1806-1S13) 2 

1 .  Le  clos  Macors  ou  jardin  des  mosaïques 2 

2.  Date  et  lieu  de  la  découverte  ;  orientation  de  la  mosaïque 5 

3.  Le  temple  ;  les  fouilles  ultérieures  de  Macors 8 

4.  Le  cercle  du  jardin  des  mosaïques  ;  décès  de  Macors    . 10 

5.  Tergiversations  du  conseil  municipal  ;  vente  du  terrain  et  de  la  mosaï- 

que par  les  héritiers  de  Macors  aux  Dépierre  ;  vente  de  la  mosaïque 
par  les  Dépierre  à  Riffaut  et  Rivoiron  ;  acquisition  de  la  mosaïque  par 

la  Ville II 

^  II,  La  mosaïque  reste  cinq  années  de  plus  en  place  {iSi^-1818) 16 

1.  Difficultés  avec  les  Dépierre 16 

2.  Causes  du  retard  ;  le  procédé  Schneyder  inapplicable  pour  l'ablation .  .  19 

\lll.  U  ablation,  la  restauration  et  la  repose  par  Belloni  {1818-1820) 20 

1.  Le  procédé  Belloni  pour  l'ablation 20 

2.  Belloni  se  charge  de  l'enlèvement  et  l'opère  avec  plein  succès 21 

3.  Il  repose  la  mosaïque  après  l'avoir  restaurée  à  Paris 23 

4.  Coût  total  ;  mensonge  d'Artaud 24 

^IV, La  seconde  repose 25 

La  mosaïque  quitte  la  salle  de  la  Momie,  sa  première  place  au  Musée 

(1863)  ;  elle  est  reposée  dans  la  salle  des  Plâtres  antiques  (1870)  .    .    .  25 

^V ,  Notice  descriptive  et  appréciation  esthétique 28 

1.  Bibliographie  des  notices  et  des  images 28 

2.  La  planche  I  d'Artaud  ne  représente  pas  avec  une  exactitude  absolue  la 

mosaïque  telle  qu'elle  était  avant  la  restauration 29 

3.  Description  de  la  mosaïque  d'après  la  planche  d'Artaud 31 

4.  Quel  moment  de  la  course  le  peintre  a  voulu  figurer  ;  quelles  fantaisies 

il  s'est  permises,  spécialement  la  duahté  du  point  de  vue.  Le  dessin, 

la  composition  du  tableau 38 

5.  La  restauration  de  Belloni.  . 41 


—  i8o  — 
^  VI.  La  mosaïque  de  Lyon  et  les  autres  mosaïques  des  Jeux  du  cirque 43 

1.  Malgré  son  originalité,  la  mosaïque  de  Lyon  n'enrichit  pas  sensible- 
ment notre  connaissance  générale  des  jeux  du  cirque 43 

2.  La  mosaïque  d'Italica  ;  celle  de  Barcelone  ;  celle  de  Girone  ;  celle  de 

Gafsa 44 

§  VIL  La  mosaïque  des  Jeux  du  cirque  et  Vhistoire  de  Lyon .         47 

1.  La  mosaïque  représente  sans  doute  le  cirque  de  Lyon  à  une  certaine 

époque,  mais  non  pas  les  jeux  de  Caligula  ou  ceux  de  Ligarius,  selon 

la  double  hypothèse  d'Artaud 47 

2.  Artaud  se  trompe  aussi  en  l'assignant  au  premier  siècle  ;  elle  est  de  la 

période  antoninienne.  Il  se  trompe  donc  aussi  en  imputant  par  con- 
jecture son  ensevelissement  à  l'incendie  contemporain  de  Néron.  Si 
elle  fut  ensevelie  au  temps  de  Septime  Sévère  ou  plus  tard,  nous 
l'ignorons 49 


Chapitre  ii.  —  La  Mosaïque  Cassaire  (Lutte  de  l'Amour  et  de  pan). 

^l.  Notice  historique. .         53 

1.  Le  double  témoignage  de  Spon  sur  la  découverte  ;  désignation  plus 
précise  du  lieu.  La  mosaïque  en  place  au  début  du  xix^  siècle 53 

2.  Acquisition  par  la  Ville  (1819)  ;  ablation  par  les  marbriers  lyonnais 

Bernard  et  Jamey  (1820)  ;  restauration  par  Belloni  à  Paris  (1821)  ; 
repose  par  les  marbriers  lyonnais  (1822)  ;  le  règlement  de  comptes 
avec  Belloni 55 

3.  Coût  total  ;  la  mosaïque  occupe  toujours  la  place  qu'elle  prit  alors  au 

Musée  (deuxième  salle  actuelle  de  la  grande  galerie) 59 

§  IL  Notice  descriptive 60 

1.  Description  de  la  mosaïque  restaurée 60 

2.  La  planche  V  d'Artaud  n'est  pas  une  image  fidèle  de  la  mosaïque  avant 

la  restauration 61 

3.  La  restauration  de  Belloni 64 

§  III.  Exégèse  du  tableau 65 

1.  Définitions   et   interprétations    de   Spon,    Menestrier,    Montfaucon, 

Millin,  Artaud,  Comarmond 65 

2.  Le  thème  du  combat  d'Éros  et  de  Pan  dans  l'art  hellénistique  et  romain 

3.  La  mosaïque  Cassaire  comparée  avec  un  camée  de  Berlin  et  une  fresque         71 

d'Herculanum  ;  avec  les  autres  mosaïques  de  même  sujet 72 

4.  Elle  fut  composée  au  milieu  ou  vers  la  fin  du  deuxième  siècle 74 


—  i8i  — 
Chapitre  III.  —  La  Mosaïque  Michoud  (Lutte  de  l'Amour  et  de  Pan). 

^l.  Notice  historique 75 

1.  Lieu  et  date  (1803)  de  la  découverte 75 

2.  Acquisition  par  la  Ville  ;  enlèvement  et  repose  par  les  marbriers  lyon- 

nais Bernard  et  Jamey(i82i) 76 

3.  De  la  première  salle  de  la  grande  galerie,  la  mosaïque  est  transférée 

dans  la  quatrième  (1888) 78 

§  II.  Notice  descriptive 79 

1.  Le  tableau  central 79 

2.  Le  surplus  de  la  mosaïque,  spécialement  les  quatre  oiseaux  qui  symbo- 

liseraient, d'après  Artaud,  les  quatre  saisons 80 

3.  Si  la  mosaïque  a  subi  une  restauration 81 

Chapitre  iv.  —  La  Mosaïque  Montant  (Orphée  charmant  les  animaux). 

^L  Notice  historique 83 

1.  Lieu  et  date  (1822)  de  la  découverte 83 

2.  Acquisition  par  la  Ville  (1823) 84 

3.  Enlèvement,  réduction  et  repose  par  les  marbriers  lyonnais  Bernard  et 

Jamey  (1823).  La  mosaïque  réduite  prit  place  dans  le  troisième  com- 
partiment actuel  de  la  grande  galerie 86 

§11.  La  mosaïque  primitive 88 

1 .  Description  de  la  mosaïque  primitive  d'après  la  planche  LVIII  d'Artaud       88 

2.  La  mosaïque  comportait  quarante-quatre  petits  tableaux  autour  du 

tableau  central,  ainsi  que  le  montre  cette  planche,  et  non  pas  cinquan- 
te          90 

3.  Mais  la  planche  d'Artaud  ne  tient  aucun  compte  des  dégradations, 

tandis  que  sa  notice  les  exagère 92 

§  III.  La  mosaïque  réduite 94 

1.  En  quoi  la  restitution  est  et  n'est  pas  une  mosaïque  «  dans  le  même 

esprit  »  que  Toriginal 94 

2.  Pourquoi  une  restitution  moins  réduite,  qui  était  possible,  ne  fut  ni 

exécutée  ni  projetée 95 

3.  La  restitution  actuelle  et  la  restitution  d'abord  projetée  par  Artaud   .    .         96 

§IV.  Les  mosaïques  de  même  sujet 97 

I.  Il  n'y  a  qu'une  mosaïque  d'Orphée  au  musée  de  Lyon 97 


—   l82  — 

2.  La  mosaïque  de  Vienne  ;  celle  de  Sainte-Colombe.  Statistique  et  carac- 

téristique des  mosaïques  d'Orphée 

3.  Le  mythe  d'Orphée  charmant  les  animaux  dans  l'art  païen  et  dans  l'art 

chrétien. 


Chapitre  v.  —  La  Mosaïque  Seguin 
(Éros  et  Antéros  ou  les  exercices  de  la  palestre) 

§1.  Notice  historique loi 

1.  Lieu  et  date  (1822)  de  la  découverte  ;  acquisition  par  la  Ville  (1823); 

enlèvement  par  les  marbriers  lyonnais  Bernard  et  Jamey 10 1 

2.  La  mosaïque  dans  les  dépôts  du  musée  jusqu'en  1870  ;  première  repose 

dans  la  salle  des  Plâtres. 103 

3.  Deuxième  repose  dans  la  galerie  des  Bustes,  au  rez-de-chaussée  (1875) .       105 

§  IL  Notice  descriptive 106 

1.  Description  de  la  mosaïque 106 

2.  Quel  titre  faut-il  lui  donner  î"  Sujet  sans  unité  rigoureuse,  morcelé  en 

trop  de  petits  tableaux;  personnages  empruntés,  les  uns  au  monde 

réel,  les  autres  au  domaine  de  la  fiction 108 

3.  Les  deux  génies  qui  luttent  sont-ils  Éros  et  Antéros  î* m 

Chapitre  vi.  —  Mosaïque  Cucherat  (Les  poissons). 

1.  Lieu  et  date  (1843)  de  la  découverte;  la  mosaïque,  donnée  à  la  Ville,  fut  enle- 

vée en  1844,  posée  dans  la  salle  des  Plâtres  en  1845,  reposée  dans  la  galerie 

desBustes,  aurez-de-chaussée,  en  1875 114 

2.  Description,  rapprochements. 116 

3.  La  deuxième  mosaïque  Cucherat 119 

Chapitre  vu.  —  Mosaïque  Contamin  (l'  Ivresse  de  Bacchus). 

^l.  La  mosaïque  primitive 120 

1.  Lieu  et  date  (i  841)  de  la  découverte  des  deux  mosaïques  Contamin  ;  ce 

que  nous  savons  de  la  plus  petite 120 

2.  Description  de  la  plus  grande  mosaïque,  hormis  le  tableau  principal, 

d'après  une  lithographie  qui  la  représente  approximativement  telle 
qu'elle  était  lors  de  la  découverte 121 

3.  Le  tableau  principal  :  l'ivresse  d'Hercule  ou  l'ivresse  de  Bacchus  î*.   .    .       124 


-  i83  - 

§11.  La  mosaïque  réduite;  première  repose 127 

1.  Acquisition  des  deux  mosaïques  par  la  Ville  (1858);  enlèvement  et 

transport  à  Lyon 127 

2.  Repose  de  la  grande  mosaïque  à  l'extrémité  orientale  de  l'aile  sud  (1867)  129 

3.  En  quoi  et  pourquoi  elle  fut  alors  réduite 180 

§111.  Deuxième  repose; nouvelle  réduction 133 

1.  Le  déplacement  (1880) 133 

2.  La  repose  dans  le  premier  compartiment  de  la  galerie  Chenavard(i888); 

importance  et  cause  de  la  nouvelle  réduction 134 

3.  Éléments  exclus  de  l'une  et  de  l'autre  restitution,  qui  existent  encore    .  135 


Chapitre  viii.  —  La  mosaïque  des  Chazeaux. 

La  mosaïque  des  Chazeaux  :  découverte  (1865)  ;  repose  (1867)  dans  l'escalier 

des  Facultés,  rue  de  l'Hôtel-de-Ville  ;  description 138 


Chapitre  .IX.  —  Mosaïques  composites  et  fragments. 

§L  La  table  d'Artaud 142 

1.  La  table  d'Artaud 142 

2.  La  mosaïque  Flacheron  (1820) 143 

3.  La  mosaïque  Flacheron  et  la  table  d'Artaud 146 

§  IL  Décorations  murales » 146 

1.  Les  trois  mosaïques  superposées  de  la  Déserte  :  découverte  (1823)  f 

description  d'après  la  planche  d'Artaud  ;  hypothèses  chronologiques.  14Ô 

2.  Ce  que  sont  devenues  les  parties  conservées  des  deux  plus  anciennes 

mosaïques  ;  le  Pan  d'Artaud  est  un  fragment  de  la  plus  ancienne.   .    .  151 

3.  La  décoration  murale  du  vestibule  des  Antiques  ;  description  de  l'en- 

semble ;  éléments  fournis  par  les  mosaïques  superposées  de  la 

Déserte  ;  autres  éléments  ;  certitudes  et  conjectures 156 

4.  Soubassement  d'un  couloir  du  rez-de-chaussée 160 

§  111.  L'emblemaCarrand;  les  fragments 161 

i.L'emblemaCarrand 161 

2.  Buste  de  Bacchus  ou  de  l'Automne 163 

3.  Fragments  qui  étaient  en  1916  ou  sont  encore  aux  dépôts 163 


—  i84  — 
Chapitre  x.  —  Mosaïques  du  verbe-incarné. 

§  I.  La  mosaïque  de  Bacchus  et  des  Saisons 165 

1 .  La  maison  des  neuf  mosaïques 165 

2.  Découverte  (191 1)  et  description  de  la  mosaïque  de  Bacchus  et  des  Sai- 

sons     165 

3.  Rapprochements  ;  figuration  des  Saisons,  de  Bacchus,  de  Bacchus  avec 

les  Saisons,  dans  les  mosaïques  romaines 167 

4.  Appréciation  esthétique  de  la  mosaïque  du  Verbe-Incarné 168 

5.  Acquisition  par  la  Ville 169 

6.  L'ablation  par  le  procédé  de  Belloni  perfectionné 170 

7.  La  repose  au  musée  Guimet  (1913)  après  discrète  restauration  ....  171 

^11.  La  grande  mosaïque  ornementale 172 

^.^  Elle  faisait  partie  d'un  groupe  de  sept  mosaïques 172 

2.  Découverte  (191 3)  et  description 173 

3.  Acquisition  par  la  Ville  ;  ablation  ;  restauration  ;  repose  provisoire  à 

l'Exposition  de  19 14  ;  transport  dans  l'ancienne  église  Saint-Pierre  où 

aura  lieu  la  repose  définitive 174 

Table  des  matières 177 


ILLUSTRATION   HORS  TEXTE 


ta 


Fig.  5.  —  La  Mosaïque  Cassaire  non  restaurée 

(D'après  la  planche  d'Artaud). 


Fig.  6.  —  La  Mosaïque  Cassaire  non  restaurée 
(D'après  un  dessin  anonyme). 


Fig.  7.  —  Le  tableau  central  de  la   Mosaïque  Cassaire  restaurée 
(D'après  un  cliché  Silvestre). 


3     < 


an 


Fig.  lo.  —  La   Mosaïque   Montant  complète 
(D'après  la  planche  d'Artaud). 


Fig.  II.   —  La  Mosaïque  Montant  réduite 

(D'après  la  planche  de  l'Inventaire  des  mosaïques). 


Fig.  12.  —  La  Mosaïque  Seguin 

(D'après  la  planche  d'Artaud). 


Fig.  13.  —  La  Mosaïque  Cucherat 
(D'après  un  cliché  Silvestre) 


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Fig,  14.  —   La  Mosaïque  Contamin  entière 
(D'après  la  lithographie  de  Storck). 


Fig.  15.  —  Le  tableau  de  la  Mosaïque  Contamin 

(D'après  un  dessin  de  M.  Amable  Audin). 


Fig.  17.  —  Cérès  ou  l'Été 


Fig.  18.  —  Bacchus  ou  l'Automne 

Mosaïque    de   la   Déserte 
(D'après  un  cliché  Silvestre). 


^'j^u,3!l^if.t!Jgr.M-J>^yi.-J.JIJ.'J^.g 


Fis".  20.  —  L'Hiver 


Fig.  21.  —  L'Automne 
Mosaïque  du  Verbe    Incarné 

(D'après  un  cliché  Silvestre). 


Fig.  19.  —  Bacchus  et  les  Saisons 

Mosaïque  du  Verbe  Incarné 
(D'après  un  cliché  Silveslre  . 


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