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PURCHASED FOR THE
UN1VERSITY OF TORONTO LIBRARY
FROM THE
CANADA COUNCIL SPECIAL GRANT
FOR
HISTORÏ OF ART
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MUSEE
1»E
PEINTURE ET DE SCULPTURE
VOLUME PREMIER
PiatS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET; RUE MIGNON,
MUSEE
DE
PEINTURE ET DE SCULPTURE
ou
RECUEIL
DES PRINCIPAUX TABLEAUX
STATUES ET BAS-RELIEFS
I PUBLIQUES ET PARTICULIÉ1
DESSINÉ ET GRAVÉ A l'eaU -FORTE
par réveil
AVEC DES NOTICES DESCRIPTIVES, CRITIQUES ET HISTORIQUES
Par LOUIS et RENÉ MÉNARD
VOLUME PREMIER
PARIS
V- A. MOREL & O, LIBRAIRES-ÉDITEURS
43, RUE BONAPARTE
1812
MUSÉE EUROPÉEN
PEINTURE ANTIQUE
On a dit souvent que la sculpture était l'art du paga-
nisme, mais que le christianisme seul convenait à la pein-
ture. Cependant, lorsqu'on voit Raphaël s'inspirer des
arabesques des bains de Titus, le Poussin reproduire les
Noces aldobrandines, lorsqu'on voit tous nos grands artistes
étudier avec ardeur les peintures effacées de Pompéi, on
est forcé de convenir que la peinture antique, si elle est
demeurée inférieure à celle des modernes, sous le rapport
de l'expression, du clair obscur et de la couleur, renferme
néanmoins en elle un principe de beauté, de convenance et
de disposition dont les résultats féconds n'ont jamais été
dépassés. Nous sommes, au surplus, parfaitement injustes,
quand nous voulons faire celte comparaison, puisque nous
possédons intacts tous les grands chefs-d'œuvre de l'art
moderne, tandis qu'aucun de ceux de l'art antique n'a pu
arriver jusqu'à nous.
A la rarelé des ouvrages peints que nous pouvons étudier,
se joint la rarelé des documents sur la marche même de la
peinture. Les origines surtout sont enveloppées d'une obscu-
rité profonde. Les Grecs racontaient qu'une jeune fille ayant
i. — 1
2 PEINTURE ANTIQUE,
dessiné sur le mur la silhouette de son amant, l'art de
représenter, sur une surface plate, les formes vivantes, fut
ainsi découvert. Mais cette anecdote, si conforme à l'esprit
grec, a tous les caractères d'une légeude.
A défaut d'histoire, on peut du moins, par des déductions
philosophiques, reconnaître les causes qui ont pu donner à
l'art grec son prodigieux développement. Nous nous pro-
posons en parlant de la sculpture de traiter à fond cette
question.
La peinture ne paraît pas avoir eu chez les Grecs la
même importance que la statuaire, du moins comme art
religieux ; les principaux types divins semblent avoir été
fixés par les sculpteurs et adoptés par les peintres. Les
peintures de laLeschède Delphes, par Polygnote deThasos,
sont les premiers ouvrages dont nous puissions nous faire
une idée, très-imparfaite il est vrai, puisque nous ne les
connaissons que par la description qu'en a laissée Pausa-
nias. Elles représentaient, d'un côté, la prise de Troie, et
de l'autre le séjour des morts. Les figures se développaient
sur un seul plan à la façon d'une frise et d'après des conve-
nances architectoniques. Ce genre de composition a toujours
été adopté dans les tableaux antiques où la scène se déroule
de droite à gauche, comme dans les bas-reliefs, sans jamais
avoir la profondeur perspective que recherchent les artistes
modernes.
Le peintre Apollodore passe pour être le premier qui se
soit occupé de la dégradation des tons et de la décoloration
des ombres; mais Zeuxis poussa encore plus loin la science
des effets de lumière. L'anecdote des raisins de Zeuxis et
du rideau de l'arrhasios, peut au moins prouver l'impor-
tance que les Grecs attachaient à la vérité du ton, car l'il-
lusion n'est possible que par la couleur. Toutefois, il est
PEINTURE ANTIQUE. 3
probable que le dessin a toujours eu le pas sur la couleur
et l'effet, dans les peintures de l'antiquité.
Il est bien difficile de classer les artistes grecs et de
caractériser les écoles d'après quelques phrases des auteurs :
ils vantent Zeuxis pour la fraîcheur des tons alliée à une
pureté de formes qui rappelait son contemporain Praxitèle,
ils vantent les figures de Dieux et de héros de Parrhasios et
d'Euphranor, la sévérité de dessin de Pamphile, les compo-
sitions historiques de Nicias, les fleurs et les animaux de
Pausias. Mais cette série de noms, couronnée par ceux en-
core plus illustres d'Apelle et de Protogène, nous apprend
bien peu de choses.
Les Romains apprirent des Grecs la peinture, comme les
autres arts ; mais, dès la formation de l'empire, nous la
voyons perdre son caractère sérieux. Ludius, qui vivait
sous Auguste, introduisit dans la décoration des apparte-
ments la mode des petits paysages de fantaisie, et peu à peu
on vit disparaître les conceptions grandioses qui avaient
fait la gloire des siècles précédents. C'est à cette période,
qui précède immédiatement la décadence, qu'on rapporte
les peintures antiques parvenues jusqu'à nous. Quelques-unes
ont été découvertes dans les ruines de Rome, mais elles
sont en très-petit nombre; la plupart viennent de Pompéi.
Nous sommes donc pour juger la peinture antique dans la
situation où seraient nos arrière-neveux, pour juger l'art
moderne, si toutes les grandes collections de nos capitales
ayant disparu , ils retrouvaient tout à coup un musée
de province; ils auraient encore déplus que nous les es-
tampes qui, à défaut de la couleur, donnent au moins la
composition.
4 PEINTURE ANTIQUE.
NOCE ALDOBRANDINE.
Pi. 4.
(Hauteur, 60 cent., largeur, 2">,50 cent.)
Rome.
L'époux, presque nu, est assis sur une estrade; sa tête
est couronnée de feuillages. L'épouse, revêtue d'un voile
très-ample, est assise au bord du lit, et reçoit les avis d'une
des femmes qui ont dirigé la cérémonie. Près de là, une
femme brûle des parfums, et une prêtresse met la main
dans un bassin d'eau lustrale destinée à l'aspersion de la
chambre. De l'autre côté, trois femmes, dont l'une joue de
la lyre, sont occupées d'un sacrifice. Cette précieuse pein-
ture, trouvée à la fin du xvie siècle dans l'endroit où étaient
les jardins de Mécène, a été transportée, par ordre de Clé-
ment VIU, au palais Aldobrandini. De là lui vient son nom.
MARCHANDE T) AMOURS.
1*1. 2.
(Hauteur, 60 cent., largeur, 85 ceut.)
Musée de Naples.
Deux jeunes filles semblent embarrassées de faire leur
choix entre les Amours qui leur sont présentés. La mar-
chande en tient un par les ailes; un autre est resté au fond
du panier. Cette composition a été fréquemment imitée par
les artistes modernes.
PEINTURE ANTIQUE. 5
SILENE ET BACGHUS ENFANT
PI. 3.
(Hauteur, 80 cent., largeur, 05 cent.)
Musée de Naples.
liacclius, dans les bras du vieux Silène, cherche à prendre
une grappe de raisin que lui présente une Nymphe. Ce
groupe n'est qu'un fragment de la composition antique,
découverte à Portici en 1747, et dans laquelle on voyait,
en outre, Mercure assis tenant sa lyre, puis un Satyre et
deux Nymphes. L'âne de Silène était couché sur le devant,
à côté d'une panthère.
LA RENAISSANCE ITALIENNE
Les causes de l'engourdissement de l'esprit humain pen-
dant la longue et triste période qui sépare l'antiquité de la
Renaissance ont été diversement appréciées par les histo-
riens de l'art. Les auteurs italiens ont généralement attribué
la décadence moins à l'invasion des barbares qu'à une in-
fluence religieuse. En condamnant la chair, en interdisant
l'étude des formes du corps humain, en détruisant les œu-
vres de la sculpture antique, on avait rendu l'art impos-
sible. La conséquence de cette manière de voir, c'est que
l'art s'élève d'autant plus qu'il s'écarte davantage des tra-
ditions du moyen âge pour retourner à celles de l'antiquité.
En France, il s'est produit de nos jours une opinion toute
contraire. L'art, a-t-on dit, se mourait d'impuissance dans
les derniers temps du paganisme. Un art nouveau allait
sortir des catacombes ; les artistes chrétiens remplaçant la
recherche de la beauté matérielle par celle de l'expression
morale, entraient résolument, quoique avec inexpérience,
dans une voie très-supérieure à celle où il avait marché
dans l'antiquité. Si cette tentative de renaissance a avorté,
il n'en faut accuser que les terribles catastrophes qui se
sont succédé dans cette époque malheureuse. Ce sont les
LA RENAISSANCE ITALIENNE. 7
barbares qui, en se ruant sur l'empire, ont arrêté le déve-
loppement normal de la civilisation.
On peut supposer que, sans les grandes invasions qui
font du Ve siècle l'époque la plus désastreuse de l'histoire,
il se serait produit en Gaule et en Italie un art analogue à
l'art byzantin, mais rien de plu-;. Une véritable renaissance
n'était pas possible au lendemain de la chute du paganisme,
quand on repoussait avec horreur tous les souvenirs du
passé ; seulement elle aurait pu se produire plus tôt si les
monuments de l'art antique n'avaient pas été détruits.
Cette destruction avait commencé bien avant l'anivée
des barbares, qui ne purent que l'achever. Us enlevèrent
les vases d'or et d'argent dans les églises, et toutes les
richesses d'un transport facile, mais ils n'eurent pas le
temps de démolir les édifices. Les Wisigoths évacuèrent
Home le sixième jour, les Vandales le quinzième, et leur
fureur précipitée aurait eu peu d'effet sur les solides con-
structions de l'antiquité. D'ailleurs l'Italie fut mieux parta-
gée que la Gaule, sous le rapport de ses conquérants. Les
Ostrogoihs étaient ignorants comme tous les barbares, mais
leurs chefs comprenaient du moins l'importance de l'art.
Une partie des désastres de Rome fut réparée sous l'in-
fluence bienfaisante de Symmaque et de Boèce, ministres
romains du roi goth Théodoric, qui créa un comte spécia-
lement chargé de la garde et de la réparation des monu-
ments. Malheureusement la domination des Goths fut de
courte durée. Rome eut beaucoup à souffrir des guerres de
UiMisaire, dans lesquelles les statues du mole d'Hadrien
servaient de projectiles aux Grecs assiégés. L'Italie, sou-
mise quelque temps à l'empire byzantin, fut conquise par
les Lombards, et les traditions de l'antiquité se perdirent de
plus en plus.
8 LA RENAISSANCE ITALIENNE.
Quelques chroniqueurs croyant faire un grand éloge du
pape Grégoire I , prétendent qu'il brûla la bibliothèque
palatine et fit jeter dans le Tibre un grand nombre de
statues, mais ces assertions sont regardées comme dou-
teuses. En général, les papes s'opposèrent à la destruc-
tion des monuments antiques. Cette destruction n'en con-
tinua pas moins pendant les désordres du moyen âge. Les
temples, les palais, les théâtres servaient de carrières pour
les constructions nouvelles. Les marbres étaient brûlés pour
faire de la chaux, et au xve siècle, le Pogge, qui décrit
les ruines de Home, n'y vit que six statues antiques, une
en bronze, trois en marbre et les deux statues équestres
du Monte-Cavallo. Pétrarque se plaint avec indignation des
dévastations qui continuaient encore de son temps, et une
épigramme d'Énéas Sylvius, qui devint pape sous le nom
de Pie II, annonce la crainte qu'il ne restât plus un seul
monument de l'antiquité. La Renaissance approchait : mal-
heureusement on avait attendu dix siècles pour rendre
justice à la civilisation antique.
L'art chrétien, né dans les catacombes de Rome, ne dis-
parut jamais complètement en Italie. Les artistes byzantins
qui s'y réfugièrent pendant les querelles des iconoclastes,
puis à l'époque du grand schisme et à celle de la conquête
musulmane, furent comme autant d'alluvions successives
qui y déposèrent les idées des Grecs du bas empire. Il est
vrai qu'ils n'y apportaient pas le génie de l'invention ; leurs
figures, exécutées d'après des types fixés d'avance, étaient
peu variées, mais elles ont quelquefois une certaine allure
grandiose. Dans les mosaïques à fond d'or des anciennes
églises de Ravenne, de Venise, de Paîerme, il y a, malgré
l'insuffisance de l'exécution, un caractère de majesté qui
rappelle les monuments de l'anlique Egypte. Cet art hiéra-
LA RENAISSANCE ITALIENNE. 9
tique, expression d'une pensée collective, devait prompte-
ment dégénérer en un simple métier, mais les Byzantins
conservaient du moins les procédés techniques et les trans-
mettaient à l'Occident.
De même dans l'architecture italienne, le style oriental
se môle plus ou moins au vieux style latin sous la double
influence des Byzantins et des Sarrasins. Venise et Ravenne
ont entretenu avec l'empire grec des relations fréquentes,
dont la trace se retrouve dans le caractère de leurs monu-
ments ; le goût arabe se montre dans un grand nombre
d'édifices de la Sicile. La Renaissance, qui n'a été en prin-
cipe qu'une réaction du génie latin contre l'influence orien-
tale, s'est accomplie principalement dans les parties de
l'Italie qui correspondent à l'ancienne Étrurie. Trois monu-
ments célèbres marquent les phases successives de celle
grande rénovation : le dôme de Pise, celui de Florence et
Saint-Pierre de Rome.
On peut rattacher la Renaissance aux Byzantins, puisque
Busehetlo. l'architecte du dôme de Pise, était un Grec de
Constantinople; mais les innovations qui ont eu lieu en
Italie, du xne au xvie siècles, se sont accomplies dans le
sens d'un retour progressif aux traditions latines, modifiées
pour les besoins nouveaux. La peinture et la sculpture se
sont transformées de la même manière : Giolto renouvela
complètement l'art, et le fit latin de grec qu'il était.
Quand une transformation se produit à la fois dans toutes
les branches de l'art, il est naturel de la rattacher à un
mouvement général des idées et des mœurs. Si le milieu
géographique exerçait sur l'art l'influence qu'on lui attribue
quelquefois, rien n'expliquerait la fécondité de l'art à cer-
taines époques et sa stérilité dans d'autres ; et de plus toutes
les productions du génie d'un même peuple auraient un
1.
10 LA RENAISSANCE ITALIENNE,
caractère uniforme. On ne peut donc attribuer le mouve-
ment d'où est sortie la civilisation moderne qu'à des in-
fluences purement morales. En Italie, ce mouvement com-
mence à se produire dans l'art en même temps que les
républiques se constituent. Dès que le sentiment du droit
s'est dressé en face de la force brutale, les nouveaux besoins
moraux font naître des institutions nouvelles, et cette trans-
formation sociale se traduit par un art nouveau. L'histoire
de l'art est inséparable de l'histoire politique, et on ne peut
comprendre ces deux évolutions parallèles qu'en les ratta-
chant à un môme principe moral, qui fit succéder à l'inertie
intellectuelle du moyen âge la prodigieuse activité de la
Renaissance.
La Renaissance italienne a son point de départ dans les
luttes des Guelfes et des Gibelins, comme l'art du siècle de
Périclès se rattache aux guerres Médiques. Mais en Grèce il
n'y a jamais eu de scission entre la religion et la politique,
le but de l'activité sociale était simple, et c'est ce qui ex-
plique l'imposante unité de l'art grec. Dans l'Italie du moyen
âge, au contraire, on voit toujours deux principes contra-
dictoires en présence l'un de l'autre. Les républiques ita-
liennes, qui s'étaient formées à la faveur des querelles du
sacerdoce et de l'empire, ne pouvaient conserver leur indé-
pendance qu'en s'appuyant soit sur le pape, soit sur l'em-
pereur. Cette opposition existait dans l'intérieur de chaque
ville ; le parti aristocratique et féodal était généralement
gibelin et partisan de l'empire; le petit peuple était guelfe
et dévoué au saint-siége. Chaque fois qu'un des deux partis
devenait dominant, la ville se faisait guelfe ou gibeline, et
ces petites républiques, n'ayant dans leur politique exté-
rieure aucune ligne déterminée, n'hésitaient pas à appeler
l'étranger à leur aide,
LA RENAISSANCE ITALIENNE. H
Les mômes oppositions se retrouvent dans l'art italien.
Cet art, plus vivant et p'Us passionné que l'art grec, n'en a
jamais eu la simplicité ni l'unité. Les traces de la lutte sont
écrites partout dans ses œuvres. L'observation de la réalité
y lutte contre la recherche de l'idéal; les traditions chré-
tiennes du moyen âge y luttent contre les souvenirs de
l'ârltiquité. Dès l'origine, l'impulsion imprimée en môme
temps à la peinture et à la sculpture a deux points de
départ différents : c'est en revenant à l'étude de la nature
que Cimahué et Giotto fondent la peinture moderne ; c'est
dans l'étude d'un bas-relief antique que Nicolas de Pise
trouve les lois de la sculpture. La Henaissance n'a pas été
le produit d'une idée, mais d'un croisement, ou plutôt d'un
choc d'idées opposées; et si Raphaël en représente le point
culminant, c'est parce qu'il a su, mieux qu'au un de ses
devanciers et de ses suece seurs, concilier les principes
différents et fondre les traditions contraires.
Les papes favorisèrent de tout leur pouvoir les études sur
l'antiquité ; lettrés eux-mêmes, pour la plupart, ils voulaient
faire de l' Eglise la source de toutes les vérités et de toutes
les beautés, dans la science et dans l'art, aussi bien que
dans le dogme et dans la politique. Mais la cour de Home,
si instruite et si brillante sous la Renaissance^ montrait
souvent l'exemple de désordres qui scandalisaient la chré-
tienté. Dans les monastères, où les mœurs austères des
premiers âges s'étaient maintenues davantage, il se formait
un parti d'hommes énergiques très-opposés aux innovations
païennes de l'art, qu'ils regardaient comme complice de
l'immoralité toujours croissante. Ils réagissaient, au nom
de l'Évangile, contre tout ce qui paraissait un retour à
l'antiquité : le bûcher de Savonarole marque là dernière
étape de cette lutte. Le grand réformateur italien n'était pas
42 LA RENAISSANCE ITALIENNE,
comme Luther indifférent à l'art : il voulait, au contraire,
le régénérer en lui rendant sa pureté primitive, et une
foule de grands artistes mirent leur talent au service de ses
idées. Le dérèglement des mœurs du temps se colorait
d'un vernis d'art et d'antiquité, et plusieurs grands person-
nages qui se faisaient protecteurs des arts et des lettres, ne
voyaient dans la mythologie qu'un prétexte pour justifier
les nudités dont ils aimaient à s'entourer. Quand l'austérité
farouche de Savonarole voulut brûler toutes ces impuretés
dans un autoda-fé célèbre, il y eut des destructions regret-
tables, mais il dut disparaître aussi bien des images licen-
cieuses, déshonorant l'art par des intentions qu'un ciseau
grec eût certainement répudiées.
Il faut prendre la Renaissance comme elle est, avec ses
aspirations contradictoires. Parmi ses artistes, les uns pro-
cèdent du cloître, et se renferment dans des conceptions
purement religieuses; les autres suivent le courant, et de-
mandent au paganisme et à ses traditions toutes leurs
inspirations. Quand cette lutte de principes fut arrivée à son
point extrême, il y eut un moment d'épanouissement, où
l'art créa simultanément des chefs-d'œuvre en tout genre :
mais ce moment fut bien court : Léonard de Vinci, Michel-
Ange, Raphaël, Titien, Corrége sont contemporains. Chacun
d'eux a son caractère propre, et jusqu'à eux les écoles sont
très- nettement caractérisées par une tendance distincte,
ijuand ils sont morts, leurs élèves immédiats brillent encore
un moment, puis il semble qu'il va se faire une nuit com-
plète. L'art, à ce moment, n'est plus le résultat d'une ori-
ginalité propre, mais il obéit à des préceptes d'école. Les
Carraches et leurs illustres élèves, le Guide, le Dominiquin
et tant d'autres sont assurément des maîtres; mais on
chercherait en vain chez eux ce souffle créateur, cette inspi-
LA RENAISSANCE ITALIENNE. 13
ration spontanée qui est le cachet de la Renaissance. Leurs
principes sont excellents, mais ce sont des principes d'école
qui tendent à dégénérer en recettes.
Si l'on veut connaître la cause de celte transformation,
c'est dans les changements survenus dans l'esprit public
qu'il faut la rechercher. L'abaissement de l'art en Italie
répond à l'abaissement des caractères. Florence était un
centre d'activité qui rayonnait sur toute l'Italie. Après la
chute de la république, elle devint une ville de province et
perdit toute prépondérance. Les corps de métier n'avaient
plus de vie propre, et la population s'intéressait peu à des
querelles politiques dont elle supportait les coups sans tirer
aucun profit. Les armées étrangères sillonnaient l'Italie en
tous sens, et le sac de Rome par le connétable de Bourbon
causa à la ville éternelle un dommage dont elle ne se releva
pas. La religion triompha partout des innovations et des
hérésies, et l'Église vit ses rites observés sans contestation,
mais mécaniquement et sans enthousiasme, car il n'y avait
plus de lutte dans les idées. L'art se réfugia à la cour de
ces petils princes italiens, toujours au service de l'étran-
ger. Comme l'emphase et la vanité sont toujours les traits
dominants de courtisans sans grandeur, qui vivent autour
d'un chef sans puissance, l'art se fit brillant et pompeux, et
l'apparat remplaça l'expression. Puis, comme il n'était plus
un besoin, mais seulement une mode, comme il n'était plus
vivifié par l'esprit public, il s'abaissa toujours jusqu'à ce
qu'il finit par ne plus exister du tout.
ECOLE FLORENTINE.
Florence a été le berceau de la Renaissance italienne. Sa
constitution républicaine élait fort ancienne, et bien qu'un
très-grand nombre de villes, dans l'Italie centrale et sep-
tentrionale, aient possédé au moyen âge des institutions ana-
logues, la suprématie commerciale et politique de Florence
lui donne un rôle tout à fait spécial dans le mouvement
d'idées qui s'est traduit par la Renaissance. Pise, sa rivale,
après avoir longtemps lutté, a fini par succomber, et son
rôle dans l'histoire des arts s'arrête au xve siècle. Mais ces
deux villes, Florence et Pise, sont les premières qui, par
l'importance qu'elles ont donnée aux monuments des arts,
ont déterminé ce mouvement intellectuel qui a fait de l'Italie
la nation la plus civilisée de l'Europe.
La peinture n'avait jamais cessé d'être cultivée en Italie,
mais elle était tombée presque partout dans un élat complet
de dégradation. Les rapports commerciaux qui avaient de
tout temps existé avec l'empire de Byzance, avaient amené
en Italie un très grand nombre de produits des manufactures
byzantines, qui étaient, en général, fort supérieurs à tout
ce qui se faisait en Occident. Mais cet art byzantin, avec
ses formes hiératiques, ses plis roides, ses attitudes conven-
tionnelles, était lui-même fort dégénéré, et reposait bien
moins sur une série ùe principes, tirés de l'imitation de la
nature, que sur des recettes et des procédés conservés par
tradition. Beaucoup de peintres byzantins étaient venus se
fixer en Italie, où ils exerçaient leur profession. Un de leurs
ÉCOLE FLORENTINE. 15
élèves, Gimabué, est indiqué par Yasari comme le premier
qui s'écarta des routines admises et recourut à l'étude de la
nature. 11 est démontré aujourd'hui que des tentatives de
progrès et d'innovation ont eu lieu sur plusieurs points à la
fois dans le même temps, et la gloire de Cimabué consiste
moins à avoir fait des recherches que d'autres faisaient
comme lui, qu'à s'être élevé au-dessus d'eux.
11 est très-difficile, quand on est habitué à la peinture
contemporaine, de comprendre le mérite de Cimabué, et
pour être équitable envers lui, il faut le comparer aux ar-
tistes qui l'ont précédé. 11 appartient à une période d'efforts
et de tâtonnements ; pour en apprécier la portée, il faut
déjà être initié à l'histoire de l'art.
Giotto et ses élèves marquent la seconde étape de l'École
florentine. Ceux-ci sont déjà dégagés de la vieille tradition,
et prennent leur point de départ dans l'imitation de la na-
ture. Jamais peut-être, à aucune époque de l'art, les pein-
tres n'ont traduit aussi nettement les préoccupations de
leur temps. La pensée lugubre du moyen âge est surtout
marquée dans la décoration du Campo-Santo, où travail-
lèrent (iiotto, Orcagna, Buffamalco, et tous les grands
maîtres de celte époque. L'inspiration est sérieuse, pro-
fonde, originale, et l'artiste peint ce que lui dicte son cer-
veau, avec une incorrection naïve qui fait sourire, mais
avec une force de sentiment qui commande l'admiration.
Presque tous les ouvrages de ce temps sont religieux, et,
parmi les peintres, un grand nombre sont des moines.
Pourtant on voit apparaître quelques sujets païens, traités
d'une façon étrange, mais qui rend bien l'idée qu'on avait
alors de l'antiquité.
La troisième période de l'École florentine s'ouvre avec
Masaccio : c'est le moment décisif de la Renaissance, le
16 ÉCOLE FLORENTINE.
moment des suprêmes efforts, des grandes découvertes.
Avec Masaccio et Filippo Lippi, on voit le corps humain
correctement dessiné, les draperies bien ajustées. Paolo-
Uccello et Brunelleschi fixent les lois de la perspective;
Pollajuolo et Signorelli font des études anatomiques qui font
pressentir Michel-Ange. La gravure est découverte parFini-
guerra, et la peinture à l'huile est apportée en Italie par
Antonello de Messine. L'imprimerie, venue d'Allemagne,
commence à se répandre, et donne au choc des idées
qui se croisent, en tous sens, dans les lettres, dans les
sciences , dans la philosophie , dans la politique , une
impulsion extraordinaire. Aucune époque de l'histoire ne
montre une activité intellectuelle aussi grande, et dans
aucune ville du monde cette activité n'est aussi énergique
qu'à Florence.
Trois artistes marquent la fin de cette période : Veroc-
chio, le maître de Léonard de Vinci, Ghirlandajo, le maître
de Michel- Ange, Pérugin le maître de Raphaël. Ici com-
mence le siècle d'or. Toute l'Italie est venue étudier à
Florence, et partout l'art atteint en même temps le plus
haut point où il soit parvenu : Titien est à Venise, Corrége
ù Parme. Comme un enfant prodigue dissipe en un jour les
richesses accumulées par une longue suite d'aïeux prudents,
l'Italie, préparée depuis trois cents ans, donne au monde le
spectacle des plus magnifiques génies dans tous les genres,
et des plus merveilleux chefs-d'œuvre que la pensée hu-
maine puisse concevoir; puis elle s'affaisse sur elle-même
et tombe épuisée.
Aux petites républiques qui avaient couvert l'Italie de
leurs mouvements, succèdent des cours sans grandeur dont
le prince est vassal de l'étranger. Florence, en 1530,
succomba sous les coups du pape et de l'empereur réunis
ÉCOLE FLORENTINE. 17
contre elle. L'activité intellectuelle cessa avec l'activité
politique, et les derniers Médicis, devenus grands-ducs par
la force des armes, tirent oublier par leurs vices les talents
que leurs aïeux avaient montrés sous la république. La
gloire artistique de Florence avait été intimement liée au
nom de Laurent le Magnifique, à une époque où la liberté,
déjà compromise, était encore vivante. Savonarole , qui
comprenait ce que ce génie avait de dangereux pour Flo-
rence, s'était dressé en face de lui de toute la hauteur
d'une grande conviction morale. Mais quand Florence ne
fut plus que la capitale d'un duché, personne ne trouva à
redire aux vices qui s'étalaient effrontément sacs avoir le
talent pour excuse.
Le caractère de l'École florentine est la force et l'ex-
pression. Venise a le patrimoine de la couleur : à Florence,
la pensée a toujours eu le pas sur la sensation. Le dessin
de l'École florentine consiste moins dans la grâce des
formes que dans leur grande tournure. Depuis Giotto et
Orcagna, jusqu'à Michel-Ange, la partie pratique de l'art a
sans cesse progressé, mais l'inspiration, toujours puissante,
dédaigne les charmes du sourire. Après Michel-Ange, quand
vient la décadence, la peinture ne tourne pas à l'afféterie,
comme cela s'est fait ailleurs, toute l'école, au conlraire,
exagère le principe violent du maître, et tombe dans les
convulsions et la manière.
C1MABUÉ (GIOVANNI).
1240-1303?
Le Florentin Cimabué est regardé par Vasari comme le
père de l'École italienne et le plus ancien peintre de ce
18 ÉCOLE FLORENTINE,
pays 11 est absolument démontré aujourd'hui que, depuis
l'antiquité jusqu'à nos jours, on n'a jamais cessé de faire de
la peinture en Italie. Les types byzantins, après avoir eu la
prépondérance pendant tout le moyen âge, furent peu à peu
abandonnés, et Gimabué fut un de ceux qui contribuèrent
le plus à faire entrer l'art dans une voie nouvelle. Il avait
eu des prédécesseurs, mais il les surpassa, surtout dans ses
têtes d'hommes et de vieillards. Ses madones sont roides et
ses têtes d'anges uniformes. Le Dante a beaucoup contribué
à la célébrité de Cimabué ; mais, outre sa valeur person-
nelle, on lui doit un tribut de reconnaissance pour avoir
découvert, dans les essais du berger Giotto, le g.ésie qui
devait renouveler la peinture.
LA. VIERGE ET l' ENFANT JÉSUS.
PI. 4.
(Musée de Florence).
■(Hauteur. 411,30 cent., largeur, %™,%Q cent.)
La Vierge, assise sur un trône avec trois anges de chaque
côté, tient dans ses bras l'enfant Jésus. Ce tableau fut trouvé
si beau qu'on le porta processionnellement au son des fan-
fares, depuis la maison du peintre jusqu'au couvent de
Sainte-Marie-Nouvelle, auquel il était destiné. Quand Charles
d'Anjou traversa Florence pour aller prendre possession du
royaume de Naples , il voulut le voir et se rendit chez
Gimabué.
Il existe au musée du Louvre une répétition de ce tableau
avec quelques changements. — Gravé par Carboni.
ÉCOLE FLORENTINE. 19
GIOTTO (Dl BONDONE).
1276-1336.
Fils d'un pauvre laboureur, Giolto gardait les moutons :
un jour qu'il dessinait une brebis sur une pierre, Cimabué
l'aperçut, et conçut de lui une si bonne opinion qu'il l'em-
mena et se chargea de son instruction. Giotlo imita d'abord
son maître, mais il le surpassa bientôt, opéra dans l'art
une immense révolution, et posa les fondements de la pein-
ture moderne en abordant directement l'étude de la nature.
Il renonça à l'emploi exclusif de l'or, dans le fond des ta-
bleaux, et le remplaça par des ciels et des paysages, dont
la vérité est parfois surprenante. Dans la figure, il recher-
cha les traits particuliers de chaque personnage, et put
ainsi donner de la ressemblance à ses portraits : c'est par
lui que les traits du Dante nous ont été conservés. Giotto
voyagea beaucoup, et partout où il est allé, à Florence,
Rome, Milan, Padoue, Avignon, il a laissé de ses œuvres.
11 élait en outre sculpteur et architecte : il éleva le beau
clocher de la cathédrale de Florence. Il a été l'ami des plus
grands hommes de son siècle : Dante, Pétrarque, Boccace,
l'historien Villani, etc.
20 école florentine.
saint pierre marchant sur les eaux
(la navicella).
PI. 5.
Mosaïque à Rome.
(Hauteur, 3«,30 cent., largeur, 2 mètres.)
Giotto a suivi ponctuellement le récit de l'Évangile, au
moment où Jésus étend la main vers saint Pierre, et lui
dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as- tu douté? » Au
fond, on voit la barque avec les Apôtres. Les figures qui
sont en l'air ont été ajoutées ainsi que celles des pêcheurs.
— Gravé par Bealricet.
BUFFAMALCO.
1262-1340.
BulTamalco (Buonamico de Chistofano, dit) était élève de
Tafi, et reforma son style en cherchant à suivre les traces
de Giotto. Son esprit facétieux, vanté parBoccace, contribua
autant que ses peintures à le rendre célèbre. Ses meilleurs
ouvrages ont été détruits, et il est connu surtout par ses
peintures du Campo Santo, dont notre gravure reproduit
une des principales. Appelé par l'évêque d'Arezzo pour
décorer la façade de son palais, il reçut ordre d'y repré-
senter la défaite des Florentins, ses compatriotes, et l'aigle
arétin, vainqueur du lion de Florence. Mais ayant eu soin
de travailler en cachette, il fit, au contraire, le lion étouf-
ÉCOLE FLORENTINE. 21
fant l'aigle, et se sauva avant que la peinture fût décou-
verte. Ce irait lui attira dans Florence une grande considé-
ration. Le dessin de Buffamalco est très -incorrect, mais il
met souvent du naturel et de l'expression dans ses figures.
CONSTRUCTION DE l' ARCHE.
PI. 6.
Fresque au Campo Santo de Pise.
(Hauteur, 3 mètres, largeur, 21^60 cent.)
Plusieurs scènes sont représentées dans ce tableau, sui-
vant un usage fort commun à ce temps. Au premier plan,
Noé surveille la construction de l'arche, tandis qu'au fond
on le voit tourné vers un ange qui descend du ciel en tenant
une banderole avec une inscription tirée de la Bible. Dans
l'arche qu'on bâtit, on voit la femme et les brus de Noé, qui
regardent les travaux avec curiosité. — Gravé par Lasiano.
FRA GIOVANNI DA F1ESOLE, dit ANGELICO.
1387-1455.
Fra Giovanni (dit Beato Angelico de Fiesole) était entré
de bonne heure dans les ordres. Il apprit à orner de minia-
tures les manuscrits pieux que l'on fabriquait alors dans tous
les couvents. Mais il se livra bientôt à de grands travaux
décoratifs ; ses ouvrages dans la cathédrale d'Orvieto, dans
le couvent de Saint-Marc, à Florence, et dans une chapelle
du Vatican le placèrent au premier rang parmi les artistes
s
22 ÉCOLE FLORENTINE,
contemporains. L'inspiration profondément religieuse de
ses peintures est en harmonie avec la piété austère de ce
maître, qui mourut en odeur de sainteté après avoir refusé
par humilité l'archevêché de Florence, et passé sa vie dans
la prière, l'étude et la méditation.
JUDAS RECEVANT LE PRIX DE SA TRAHISON.
PI. 7.
(Hauteur, 27 cent., largeur, b5 cent.
Ce petit tableau est peint en détrempe sur le devant
d'une armoire à huit compartiments, qui servait autrefois à
serrer l'argenterie du couvent des frères servites à Florence.
Ces panneaux sont encore conservés dans le couvent. —
Gravé par C. Lasinio et Carboni.
MASACCIO.
1401-1443.
Masaccio (Thomas Guidi, dit), élève de Masolino de
Panicale, étudia la perspective avec Brunelleschi, se péné-
tra des ouvrages de Ghiberli et de Donatello, et ouvrit à la
peinture une voie nouvelle. Pour la première fois, on vit
les formes du corps humain correctement dessinées, les
draperies accuser leurs plis avec souplesse, les figures
montrer une expression toujours appropriée à la situation.
Vasari dit, en parlant de Masaccio, « que tout ce qui a été
fait avant lui était peint ; mais que tout ce qu'il a fait est
ÉCOLE FLORENTINE. 23
rrai et animé comme la nature môme. » Les fresques de
l'église des Carmes à Florence, qui furent commencées par
Masaccio et terminées par Philippino Lippi, ont été étudiées
par tous les grands maîtres du siècle d'or : Léonard de
Vinci, Michel-Ange, André del Sarlo, etc. Masaccio est
mort subitement à quarante-deux ans : on pense qu'il a été
empoisonné.
MARTYRE DE SAINT PIERRE.
PI. 8.
L'histoire de saint Pierre couvre les murs de l'église des
Carmes à Florence, et le morceau qu'on voit ici représente
le jugement et le martyre du prince des Apôtres. Les groupes
sont bien distribués, les plis des draperies sont grandement
jetés, et les figures nues sont traitées avec un talent et une
vérité qui n'ont guère été surpassés. — Gravé par Charles
Lasinio.
SAINT PIERRE ET SAINT PAUL RESSUSCITANT
UN ENFANT.
PI. 9.
Église des Carmes à Florence.
Cette fresque renferme encore un double sujet, car on
voit d'un côté le miracle opéré par les saints au milieu d'un
grand concours de peuple, et de l'autre des moines à
genoux devant une image de saint Pierre. — Gravé par
Charles Lasinio.
24 ÉCOLE FLORENTINE.
BOTTICELLI.
1447-1515.
Alessandro Filipepi (dit Sandro-Botticelli) étudia d'abord
sous un orfèvre nommé Botticelli dont il joignit le nom au
sien, puis chez Filippo Lippi. Le pape Sixte IV l'appela a
Rome pour peindre dans sa chapelle, et le nomma surinten-
dant des travaux qu'il y fit exécuter. Il a fait beaucoup de
gravures et composa les dessins qui ornent la nrécieuse
édition de Dante, imprimée à Florence en 4 488. Partisan
déclaré du moine Savonarole, il passa ses dernières années
dans une mélancolie profonde, et mourut dans une extrême
pauvreté.
LA CALOMNIE.
PL 10.
Peint sur bois ; galerie de Florence.
(Hauteur, 2'",90 cent. , largeur, 3">,80 cent.)
Apelle ayant été dénoncé à Ptolémée comme complice
dans une conjuration, ce prince entra dans une violente
colère, et l'eût sans doute fait mourir, s'il n'eût, au der-
nier moment, reconnu son innocence. Apelle, pour démon-
trer les dangers de la calomnie, composa un tableau que
Lucien décrit ainsi : « Sur la droite est assis un homme qui
porte de longues oreilles, semblables à celles de Midas. Il
tend la main à la Calomnie qui s'avance vers lui ; il est
accompagné de deux femmes, dont l'une paraît être l'Igno-
feftlE FLORENTINE. 25
rance, et l'autre le Soupçon. De l'autre côté est la Calom-
nie, sous la ligure d'une femme bien parée, mais agitée par
la colère et la rage. D'une main, elle Iraîne par les cheveux
un jeune homme qui lève les mains au ciel, et semble
prendre les Dieux à témoin de son innocence ; elle est con-
duite par un personnage pâle et défait, d'un regard sombre,
d'une maigreur extrême et que l'on reconnaît aisément pour
l'Envie. La Fourberie et la Perfidie font aussi partie du cor-
tège. Plus loin, parait une personne enveloppée dans une
grande draperie noire, c'est le Repentir, détournant la tête
et regardant la Vérité qui parait la dernière. » Cette des-
cription de Lucien a servi de programme à Botticelli pour la
composition de son tableau.
GHIRLANDAJO.
1449-1498.
dhirlandajo (Domenico) fut orfèvre avant d'être peintre.
11 est le premier qui tenta de rendre avec la couleur les
ornements qu'on faisait ordinairement dorer. Il exécuta des
peintures dans la chapelle Sixline, et fut le professeur de
Michel-Ange.
NATIVITÉ DE LA VIERGE.
Pl.lt.
(Hauteur, -4 mètres, largeur, 6 mètres.)
Domenico Chirlandajo fut chargé de peindre le cloître
de Sainle-Marie-Nouvellc à Florence, et y traça l'histoire
i. — 2
26 ÉCOLE FLORENTINE,
de la Vierge en plusieurs tableaux. Dans celui-ci, on voit
plusieurs femmes occupées à donner des soins à l'enfant
Jésus, et d'autres qui semblent, rendre hommage à la mère
de Dieu.
La scène se passe dans un appartement somptueux
décoré en style du xve siècle. — Gravé par Charles Lasinio.
LÉONARD DE VINCI
1452-1519.
Léonard de Vinci, fils naturel de Piero Antonio, notaire
de la seigneurie de Florence, naquit au château de Vinci,
dans le Val d'Arno, et fut mis de bonne heure en appren-
tissage chez Andréa Verocchio, un des plus grands sculp-
teurs de l'Italie, et de plus très-habile peintre. On raconte
que VerocchiOj son maître, l'ayant chargé de peindre
un ange dans un tableau, trouva ce morceau si supé-
rieur à ce qu'il faisait lui-même , qu'il renonça désor-
mais à peindre. La jeunesse de Léonard de Vinci est peu
connue. A Milan, on le voit paraître à la cour dans une
lutte de poêles et de ménestrels, et remporter le prix
avec des vers de sa composition qu'il chantait en s'accom-
pagnant d'une lyre d'argent qu'il avait fabriquée lui-même.
Le duc de Milan l'occupa comme ingénieur militaire. En
même temps il creusait des canaux qui font encore aujour-
d'hui la richesse du pays, et il était chargé de l'achèvement
de la cathédrale, dont le couronnement était un problème
à résoudre. Tous ces travaux sont un peu oubliés, et c'est
surtout comme peintre que Léonard de Vinci est célèbre.
T . 1
P . 1
LEONARD DE VINCI
IJCONARDO DA VINCI .
LEONARDO MS VINCI.
ÉCOLE FLORENTINE. 27
Jl avait fait une statue équestre et de proportion colossale
de François Sforza ; malheureusement cet ouvrage qui pas-
sait pour le chef-d'œuvre de la statuaire italienne n'était
pas encore coulé en bronze quand Louis XII vint à Milan,
et le modèle servit de cible aux arbalétriers et fut ainsi perdu
pour la postérité. C'est pendant son séjour à Milan que
Léonard de Vinci peignit son fameux tableau de la Gène, et
fonda son école de peinture qui devait avoir tant de célé-
brité. Après la prise de Milan par les Français, il retourna
à Florence, et explora l'Italie en qualité d'ingénieur de
César Borgia. En 1503, il fit, en concurrence avec Michel-
Ange, le fameux carton de la bataille d'Anghiari, dont la
peinture ne fut pas terminée. Il vint ensuite à Rome, où il
ne fut pas très-bien vu à cause de sa liaison avec les Fran-
çais, et finit par accepter l'offre de François Ier qui l'appe-
lait en France. Mais il fut presque toujours malade dans ce
pays, et mourut au château de Cloux, dans les bras de son
élève Melzi, et non pas, comme on l'a dit dans ceux du roi
qui était alors à Saint-Germain. La fatalité s'est acharnée à
détruire les œuvres de Léonard de Vinci : il ne nous r.jste
plus rien de la statue équestre de François Sforza, son
chef-d'œuvre comme sculpteur; le palais du duc de Milan,
son chef-d'œuvre comme architecte, est détruit. Nous ne
connaissons qu'un fragment de son fameux carton de Flo-
rence, et la Cène est en ruine. Mais les rares ouvrages du
maître, qui nous restent, ont tous été pieusement recueillis
dans nos musées, et ils suffisent à lui assurer le premier
rang. Un dessin fin et savant, une recherche constante de
la perfection, une grâce inexprimable qui n'appartient qu'à
lui seul ; enfin l'étonnante puissance de son clair-obscur,
répandent sur toutes ses œuvres un charme mystérieux.
Des générations d'artistes sont venues tour à tour se près-
28 ÉCOLE FLORENTINE,
ser devant la Joconde, et le chef-d'œuvre tant de fois inter-
rogé est toujours demeuré inimitable. Les nombreux dessins
de Léonard de Vinci attestent autant que ses livres la pro-
digieuse activité de son esprit. Les savants l'admirent
comme les artistes , et l'étonnante variété de ses con-
naissances suffirait pour en faire un homme exception-
nel. Le Traité de la peinture est le seul de ses ouvrages
qui ait été publié dans son entier. Il a fait aussi un traité
de la lumière et des ombres, un traité du mouvement,
un traité des proportions du corps humain, un traité de
perspective, un traité de l'anatomie du cheval, etc. 11 a
laissé un très-grand nombre de manuscrits dont une partie
est perdue. « Ce qui nous en reste, dit M. Libri (Histoire
des sciences mathématiques en Italie), ce sont des espèces de
carnets où il écrivait ses pensées, ses projets, sur toutes
sortes de sujets ; où il esquissait le plan d'une église, le
dessin d'une tête qui l'avait frappé, ou d'une machine qu'il
avait imaginée en se promenant. Souvent on trouve dans le
même feuillet un apologue politique, qu'on croirait dicté de
Machiavel ; des maximes philosophiques ou morales, dignes
des philosophes de la Grèce ; des préceptes qui sembleraient
tirés de Bacon, des recherches sur le vol des oiseaux, des
problèmes d'algèbre, des fragments de géologie, des obser-
vations de botanique, des questions de mécanique ou de
balistique, des théorèmes d'hydraulique, des sonnets, des
dessins d*architecture et des caricatures. Si l'on ajoute à
cela beaucoup de faits relatifs à la vie et aux travaux de
l'artiste, des tableaux synoptiques d'ouvrages qu'il avait
écrits ou qu'il voulait composer, des contes badins, des
recherches sur les langues, on aura une idée encore fort
imparfaite de ses manuscrits. » Tel fut cet homme extraor-
dinaire qui apparaît comme un phare à l'entrée de l'époque
que l'Italie a si justement appelée le siècle d'or.
ÉCOLE FLORENTINE. 2»
LA VIERGE, l/ENFANT JÉSUS ET SAINTE ANNF.
PI. 12.
Musée du Louvre.
(Hauteur, 1m,70 cent., largeur, t"i,29 cent.)
La Vierge, presque de profil, est assise sur les genoux
de sainte Anne, et se baisse pour prendre l'enfant Jésus,
qui caresse un agneau. Le sujet de ce tableau, qui semble
un peu étrange, se rapporte à une image miraculeuse qui,
dans l'église de San Celso à Milan, parut un jour resplen-
dissante de lumière devant les fidèles. L'image de San Celso
devint l'objet de la dévotion populaire, et fut reproduite par
différents artistes avec des variantes. L'authenticité de ce
tableau a été contestée et a donné lieu à une polémique
très-ardente ; les pieds et plusieurs parties ne sont pas ter-
minés ; le mouton est incorrect, mais comment ne pas
reconnaître le peintre de la Joconde, dans ce sourire dont
il a seul possédé le secret? Plusieurs tableaux de Léonard,
très-achevés dans certaines parties, sont inachevés dans
d'autres ; celui-ci est du nombre. Vasari et les historiens
parlent des dessins que fit Léonard sur ce sujet, et ne men-
tionnent pas les tableaux : il en existe plusieurs répétitions
généralement inférieures à celle du Louvre : une au musée
Brera à Milan, qui diffère par le fond; une autre à Munich
(galerie Leuchtemberg) ; une autre dans la galerie de Flo-
rence, attribuée à Luini. L'académie des beaux- arts de
Londres possède un dessin de LéonarJ, du même tableau,
mais avec des différences assez notables. — Gravé par
Laugier et par Cantini, de Florence.
2.
30 ÉCOLE FLORENTINE.
SAINTE FAMILLE.
JM. 13.
(Hauteur., 75 cent., largeur 60 cent.)
La. Vierge, assise, embrasse l'enfant Jésus. Derrière
elle, on voit un fond d'architecture, et dans le lointain un
paysage.
LA VIERGE, i/ENFANT JÉSLS ET DEUX SAINTES.
PL 14.
Peint sur bois, musée de Vienne.
(Hauteur, 85 cent , largeur, 70 cent.)
La Vierge tient l'enfant Jésus qui s'approche pour
prendre un livre. Derrière elle, on voit sainte Barbe, recon-
naissable à une tour, et sainte Catherine reconnaissable à
une roue. La roue et la tour sont placées sur un médaillon
que les saintes portent sur la poitrine. Elles tiennent cha-
cune une palme. — Gravé par Steinmuller.
LA CÈNE.
Pi. 15.
Couvent de Sainte-Marie des Grâces, ù Milan.
(Hauteur 2m, 00 cent., largeur 6 mètres.)
Léonard de Vinci a voulu rendre le moment où le Christ
prononce ces paroles ; « En vérité, je vous le dis, l'un
ÉCOLE FLORENTINE. 31
de vous nie trahira. » Ce tableau est considéré comme
le chef-d'œuvre de Léonard de Vinci. Cette vaste peinture
est disposée sur un seul plan et sur une même ligne
qui fait face au spectateur, selon l'usage des anciens ta-
bleaux hiératiques. Mais le Christ n'a pas d'auréole, et les
Apôtres n'ont aucun des emblèmes qui les caractérisent
habituellement. Tous les types, depuis le visage ineffable
du Christ, jusqu'à l'ignoble figure de Judas, sont expressifs
et individuels, et l'œil suit avec une netteté parfaite les senti-
ments les plus vrais en même temps que les plus variés.
Malheureusement la Cène de Léonard de Vinci est horrible-
ment dégradée. Ce tableau a été peint à l'huile à une époque
où ce procédé était encore peu connu en Italie, et il s'est
écaillé si promptement qu'il a fallu le réparer plusieurs fois.
En outre, les moines du couvent percèrent le mur, dans le
milieu même du tableau, pour faire communiquer le réfec-
toire avec la cuisine. Enfin on accuse les soldats français et
autrichiens de l'avoir fort maltraité. Il en existe plusieurs
copies, dont une fort belle par Marco Oggione. — Gravé
par Morghen.
SALOMÉ, FILLE DHÉRODTADF.
PI. 16.
Peint sur bois.
(Hauteur lm,40 cent., largeur 90 rent.)
Salomé, ayant dansé devant Hérode, lui plut tellement
qu'il promit avec serment de lui accorder ce qu'elle vou-
drait, et elle demanda la tête de saint Jean-Baptiste. Dans
32 ÉCOLE FLORENTINE,
le tableau de Léonard, Salomé, avec un très-grand calme,
montre la tête du saint que le bourreau tient par les
cheveux. — Gravé par Eisner.
FRA BARTOLOMMEO.
H69-1517.
Bartolommeo (dit Baccio délia Porta, ou il Frate) entra
à l'école de Cosimo Roselli, étudia les antiquités rassem-
blées dans les jardins de Laurent le Magnifique, et obtint
un grand succès. 11 devint un auditeur enthousiaste de
Jérôme Savonarole, et après la prédication du fougueux
dominicain sur les livres et les peintures indécentes, il ap-
porta toutes ses études nues et tous ses dessins sur des
sujets mythologiques, pour être brûlés dans cet auto-da-fé
célèbre où un zèle irréfléchi fit périr tant de chefs-d'œuvre.
Lorsque Savonarole fut arraché par ses ennemis du couvent
où il s'était réfugié, Baccio délia Porta qui l'accompagnait
fut si frappé de la scène dont il avait été témoin, qu'il fit
vœu d'entrer dans les ordres, et depuis ce temps il a été
connu sous le nom de Fra Bartolommeo. Le chagrin que lui
causa le supplice de son ami l'absorba tellement qu'il passa
quatre années sans pouvoir travailler, et ne se décida à
reprendre ses pinceaux que sur l'ordre de son supérieur.
Bartolommeo a été l'ami de Raphaël, et, dans ses dernières
années, il chercha encore à agrandir son style en étudiant
les ouvrages de Michel-Ange. C'est à lui qu'on doit l'inven-
tion du mannequin dont on se sert pour les draperies.
ÉCOLE FLORENTINE. 33
PRÉSENTATION DE JÉSUS-CttRIST AU TEMPLE.
PI. 17.
Peint sur bois, galerie de Florence.
(Hauteur lm,15 cent., largeur 80 cent.)
Le prêtre prend l'enfant que lui amène sa mère. Près
de lui sont deux saintes femmes en prière, et un person-
nage debout en face la Vierge. — Gravé par Massard.
LA VIERGE ET l' ENFANT JÉSUS.
VI. 18.
Peint sur bois, galerie de Vienne.
(Hauteur 85 cent., largeur 70 cent.)
La Vierge, vue à mi-corps et avec la tête de profil, em-
brasse l'enfant Dieu, qui regarde le spectateur en enlaçant
ses bras au cou de sa mère. — Gravé par Van Stien et
C. Pfeiffer.
SAINT MARC.
1-1. 19.
Galerie de Florence.
(Hauteur 2'",90 cent., largeur 2111,15 cent.)
Le saint est assis tenant un livre. Cette figure, très-
célèbre, marque la dernière et la plus baute période du
talent de Fra Bartolommeo. — Gravé par Langlois.
43 ÉCOLE FLORENTINE.
MICHEL ANGE.
1475-1564.
Michel-Ange Buonarolti naquit près d'Arezzo en 1475.
Gondivi et Vasari le fond descendre de l'antique famille des
Canossa, et lui donnent ainsi une origine presque royale.
Ce fait, qui n'a d'ailleurs aucune importance pour l'art, a
été contesté de nos jours, mais les contemporains n'en
doutaient pas, et l'amitié que témoigna à Michel-Ange Lau-
rent de Médicis pouvait bien s'adresser autant au rejeton
d'une illustre famille, qu'à l'apprenti du Ghirlandajo. Ce fut
chez ce maître que Michel-Ange, malgré la répugnance de
son père, apprit les premiers éléments de l'art. Comme il
était très-assidu à aller étudier dans les jardins de Médicis,
où était réunie une très-riche collection de statues antiques,
Laurent le Magnifique le remarqua et prit du plaisir à le
faire causer. Un jour Michel-Ange copiait une tête de faune,
à laquelle il manquait la mâchoire inférieure ; il cherchait
à la faire telle qu'elle avait dû être primitivement, quand
Laurent vint à passer. « Tu lui mets toutes ses dents, ne
sais-tu pas qu'il en manque toujours quelqu'une aux vieil-
lards ? » lui dit-il amicalement,
Michel-Ange brisa une dent et creusa la gencive. Laurent,
qui s'amusait à le regarder faire, lui proposa de venir de-
meurer chez lui, et Michel-Ange, profitant des leçons du sa-
vant Politien et des lettrés qui composaient la cour des
Médicis, devint le compagnon d'études du jeune homme
qui devait être Léon X.
T . 1
P . II
MICHEL- ANGE BUONAROTI
1CCKF.T.A LO BUONARROT
MICEL-ANGEL BUONAROTI.
ÉCOLE FLORENTINE. 35
Bq même temps qu'il était l'obligé des .Médit is et dînait à
leur table, Michel-Ange était un auditeur assidu de Savo-
narole, dont les doctrines républicaines riaient en oppo-
sition directe avec les maximes de la cour. Quand Laurent
le Magnifique se sentit au lit de mort, il fit venir l'austère
pn'dicaleur, qui lui refusa l'absolution, s'il ne rendait pas
la liberté à Florence. Savonarole, chrétien convaincu, vou-
lait rendre à la morale sa pureté primitive, et condamnait
hautement ces mœurs faciles et dissolues, dont les cours
italiennes offraient alors l'exemple. De pareilles doctrines
convenaient parfaitement à Michel-Ange qui , d'un autre
côté, était lié aux Médicis par la reconnaissance. Cette situa-
tion n'était pas tenable, et Michel-Ange quitta Florence.
Les Médicis furent renversés et la liberté rétablie, puis
les Médicis revinrent de nouveau pour être encore une fois
renversés. Michel-Ange se tint complètement à l'écart de
ces mouvements, car il eût été obligé de sacrifier ou les
devoirs que lui imposait sa conscience de citoyen, ou les
liens d'affection qu'il conservait pour la famille de son pro*
tecteur. Mais après de longues années de repos, les événe-
ments politiques qui se pressaient en Italie vinrent arracher
brusquement l'artiste à ses travaux et le forcer à prendre
un parti. Une armée étrangère investit Florence, et les
citoyens de cette ville firent sommation à Michel-Ange de
consacrer à sa patrie ses talents comme ingénieur militaire.
11 s'y rendit, et éleva autour de la ville ces fortifications
célèbres qui firent plus tard l'admiration de Vauban. Ces
passions fiévreuses, ces luttes intérieures qui divisaient
l'Italie à la veille de sa décadence, ne pouvaient manquer
d'être vivement ressenties par un homme tel que Michel-
Ange. Elles se trahissent dans ses œuvres, qui n'ont jamais
cette sérénité calme qu'on admire dans les ouvrages de
36 ÉCOLE FLOEENTIINE.
l'antiquité. Sculpteur pendant la première moitié de sa vie,
il devient peintre dans la seconde, et les travaux d'archi-
tecture occupent en grande partie sa vieillesse. Dans les
trois arts il est au premier rang : comme sculpteur, on lui
doit le Moïse , les Esclaves et le Tombeau des Médicis ;
comme peintre, la chapelle Sixtine ; comme architecte, le
dôme de Saint-Pierre. Quand il ne voit plus clair, il se fait
poëte, et ses sonnets attestent l'amertume de ses dernières
années. On ne lui a pas connu d'amour, car on ne peut
guère appeler de ce nom l'attachement profond , mais
purement moral, qu'il a eu pour Vittoria Colonna, qui avait
passé cinquante ans lorsqu'il l'a connue.
Michel-Ange était de taille moyenne, large des épaules et
un peu taillé à coups de hache. 11 avait le front spacieux, les
yeux bruns tachetés de jaune et le nez écrasé, par suite
d'un coup de poing que lui avait donné, lorsqu'il était ap-
prenti, le sculpteur Torregiano. Sa jeunesse studieuse n'a
jamais connu le plaisir; ses études profondes sur l'anatomie
et la perspective, ses vastes connaissances dans toutes les
sciences, son caractère sombre et réfléchi, les événements
auxquels il a été mêlé et qu'il a ressentis plus que personne;
ont contribué à donner à son œuvre un cachet de grandeur
et d'originalité, qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Il
avait dit : « Ma manière enfantera des maîtres ignorants, » et
sa prédiction s'est trouvée vraie. La fin de sa vie marque le
commencement de la décadence de l'art. 11 est mort très-
vieux à Rome, et le pape voulait lui élever un tombeau ;
mais des citoyens de Florence enlevèrent son corps pendant
la nuit et l'emportèrent dans sa patrie où on lui fit de
magnifiques funérailles.
ÉCOLE FLORENTINE. 37
SAINTE FAMILLE.
PI. 20.
(Hauteur 40 cent., largeur 27 cent.)
11 existe plusieurs répétitions de cette sainte famille, dont
la composition est de Michel-Ange. Il y en a une dans la
galerie du belvédère à Vienne, une en Angleterre, et une
troisième qui faisait partie de la galerie du Palais-Royal, et
qui se trouve maintenant en Allemagne. — Gravé par
Bonasone.
SAINT JEAN BAPTISTE.
PI. 21.
Galerie de Vienne.
(Hauteur 45 cent., largeur 30 cent.)
Le saint, enlièrement nu, est assis sur un rocher. Le
geste de la main gauche semble indiquer qu'il prêche devant
un auditoire qn'on ne voit pas. L'attribution de ce tableau
a été fort contestée : M. Duchesne le considère comme une
œuvre de Jean-Baptiste Mola. — Gravé par Prenner.
LES TROIS PARQUES.
PL 22.
Peint à l'huile, palais Pitti. Florence.
(Hauteur 8'2 cent., largeur 61 cent.)
Michel-Ange n'a pas suivi dans cette composition la Ira •
dition de l'antiquité, qui représentait les Parques jeunes et
î. — 3
38 ÉCOLE FLORENTINE,
belles ; mais avec ces trois vieilles femmes, il a trouvé une
conception pleine de cette grandeur sauvage qui est le
propre de son génie. La composition de cet admirable ta-
bleau est incontestablement de Michel-Ange ; mais l'exé-
cution est souvent attribuée au Rosso. — Gravé par Marais.
LES VICES ASSIÉGEANT LA VERTU.
PI. 23.
Celte peinture à fresque, exécutée dans la villa Raphaël,
et qui est aujourd'hui dans la galerie Rorghèse, passe pour
avoir été peinte par Raphaël, ce qui est très- douteux.
Le dessin original de Michel-Ange se trouve dans la col-
lection royale d'Angleterre, et le musée Brera de Milan
en possède un très-beau lavis. C'est d'après cette compo-
sition que le tableau a été peint, non par Raphaël, mais par
un de ses élèves, probablement Perino dei Vaga. La Vertu,
représentée par un Terme, est garantie par un bouclier
contre les traits que lui décochent les Vices. C'est un sujet
assez obscur; mais il existe une ancienne gravure, d'après
un dessin perdu, où la tête du Terme est un portrait de
Michel-Ange lui-même , ce qui semblerait indiquer une
allusion aux attaques dont l'artiste a été souvent l'objet de
la part de ses ennemis. Celte pièce est connue sous le nom
des Tireurs d'arc.
FLORENTINS ATTAQUÉS PAR LES PISANS.
PI. 24.
L'an 1503, les magistrats de Florence chargèrent Léo-
nard de Vinci de peindre un des côtés de la salle du palais
vieux, et Michel-Ange fut chargé de peindre l'autre côté.
ÉCOLE FLORENTINE. 39
La peinture de Léonard de Vinci fut commencée et demeura
inachevée, mais il y en eut un dessin célèbre dont un frag-
ment copié par Rubens a été gravé par Edelinck ; le carton
de Michel -An?e périt pendant les troubles de 1512, et
Vasari accuse Bandinelli de lavoir détruit par une basse
jalousie contre un rival plus fort que lui. Ces deux cartons
perdus aujourd'hui, ont eu, sous la Renaissance, une im-
mense célébrité : tous les artistes les étudiaient, et quand
on disait d'un jeune peintre : il a étudié les cartons, cela
voulait dire, il a fait de fortes études. Benvenuto Gellini dit
que ce dessin de Michel-Ange, et celui de Léonard, sont
dignes d'être « l'École de l'univers. » C'est d'après une
copie en grisaille par San Gallo, que la composition de
Michel-Ange est connue.
Le sujet choisi par Michel-Ange est un épisode de la
guerre de Pise. Les soldats florentins, en train de se bai-
gner dans l'Arno, vont être surpris par l'ennemi. Les
trompettes sonnent l'alarme, les soldats gagnent les bords
du fleuve et s'habillent précipitamment. Cette scène tumul-
tueuse se prêtait admirablement au talent de Michel-Ange
qui, dans ces figures nues et en mouvement, pouvait dé-
ployer à l'aise ses connaissances anatomiques et son goût
pour les attitudes violentes. Le dessin original n'existe
plus, mais la copie de Bastien de San Gallo, d'après la-
quelle on peut connaître la composition, est maintenant
en Angleterre. — Gravé par Schiavonetti.
CHAPELLE SIXTINE.
La chapelle Sixtine est une grande salle longue éclairée
de chaque côté par six fenêtres, qui fut bâtie sous le ponti-
ficat de Sixte IV. Ce fut par suite d'une intrigue que Michel-
40 ÉCOLE FLORENTINE.
Ange fut chargé de l'immense travail qui l'a immortalisé et
qui est peut-être le plus prodigieux monument qu'ait jamais
enfanté l'esprit humain. Bramante, l'architecte de Saint-
Pierre, craignait qu'on ne découvrît certaines erneurs com-
mises dans ses constructions récentes ; on parlait de mal-
versations et on désignait déjà Michel-Ange comme devant
le remplacer.
En proposant à Jules II de confier à Michel-Ange la déco-
ration de la voûte, il espérait le voir échouer et déconsi-
dérer son rival aux yeux du pape; car Michel-Ange était
sculpteur, mais n'avait encore fait aucune peinture à cette
époque, si ce n'est peut-être dans le temps qu'il était ap-
prenti chez Ghirlandajo. L'artiste florentin sentit le coup et
s'excusa, disant qu'il n'était pas peintre, et que c'était
Raphaël qu'on devait charger de celte hesogne. Mais le pape
fut inflexible, et Michel-Ange, pour se mettre au courant
d'un genre de travail qu'il connaissait très-imparfaitement,
fit venir, pour l'aider, d'anciens camarades plus expéri-
mentés que lui dans la pratique de la fresque. Il fut toutefois
si peu satisfait de leur ouvrage, qu'il les congédia bientôt,
et résolut de faire tout par lui-même. Des difficultés im-
prévues l'arrêtèrent dès le début : ses peintures en séchant
se couvraient d'une moisissure dont il ne pouvait découvrir
la cause. Désespéré, il alla dire au pape que tout le travail
qu'il avait fait était perdu, et, qu'ainsi qu'il l'avait prévu,
la peinture n'était pas son affaire. Jules II envoya Julien
de San Gallo, qui expliqua à Michel-Ange la cause de son
accident, et celui-ci se remit à l'œuvre avec une ardeur
extrême. Il s'isola absolument, et personne n'eut l'autori-
sation de voir le travail en train, L'impatience pourtant
s'empara du pape qui voulut le voir avant que Michel-Ange
y eût mis la dernière main. Il fut transporté d'admiration,
ÉCOLE FLORENÏ1M.. 41
et en dépit do Michel-Ange, qui prétendait n'avoir pas ter-
miné , il fit abattre l'échafaudage, a Rome entière , dit
Vasari, se précipita dans la Sixtine ; Jules s'y porta le pre-
mier, avant que la poussière produite par la chute des
cehafauds fût tombée, et y célébra la messe la même
jour. » Le pape, malgré son enthousiasme, aurait voulu un
peu plus de richesse : « Il faudrait leur mettre un peu d'or,
dit-il à Michel-Ange : ma chapelle paraîlra bien pauvre.
— Ceux que j'ai peints là, -répondit l'artiste, étaient de
pauvres gens. »
Ce ne fut que trente ans après avoir peint la voûte,
que Michel-Ange termina le Jugement dernier qui lui avait
été commandé par Paul III. Cette immense peinture de-
vait faire pendant à la Chute des anges rebelles qui ne
fut pas exécutée, mais pour laquelle Michel- Ange a fait
plusieurs études. L'immense fresque du Jugement dernier
est placée au fond de la chapelle; dans la naissance des
voûtes, entre les fenêtres, sont les figures des prophètes :
Zacharie, Jérèmie, Joël, Daniel, Isaïe, Ezéchiel et Joras,
et celles de cinq Sibylles, la Persique, la Libyqu?, la Dcl-
phique, celle d'Erythrée et celle de Cumes. Aux ang'es, on
voit quatre compositions : David, vainqueur de Goliath, le
Serpent d'airain, la Punition d'Aman, et Judith coupant la
tête à Holopherne. La partie supérieure de la voûte est
décorée de neuf sujets en huit tableaux : Dieu le père,
porté par les anges, la Création ds la lumière, la Création
de l'homme, la Création de la femme, la Tentation d'Adam
et d'Eve, et leur Expulsion du paradis, le Sacrifice de Noé,
le Déluge et V Ivresse de Noé. Le reste de la chapelle est
décoré par les plus grands artistes de l'époque précédente :
Lucas Signorelli, le Ghirlandajo , le Pérugin, Boticcelli,
Roselli, etc.
42 ÉCOLE FLORENTINE.
DiLU ANIMANT L'HOMME.
PI. 25.
(Hauteur 3in,20 cent., largeur 6 mètres.)
Michel-Ange a représenté Adam au moment où, animé
par la volonté de Dieu, il va se lever et marcher. L'Éter-
nel, porté dans l'espace par les anges, étend le bras vers
l'homme pour lui donner la vie. — Gravé par Dominique
Cunége.
CRÉATION J)'ÈVE.
PI. 20.
(Hauteur 3m,20 cent., largeur 4m,70 cent.)
Le Créateur, debout, anime du geste Eve qui l'adore en
joignant les mains, tandis qu'Adam est endormi. — Gravé
par Capellaro.
ADAM ET EVE.
PI. 27.
(Hauteur 3m, 20 cent., largeur 0 mètres.)
Le péché d'Adam et Eve, et leur expulsion du paradis,
sont ici représentés sur le même tableau. Le serpent qui
s'enroule autour de l'arbre de la science présente, dans
sa partie supérieure, un corps de femme, qui le fait res-
sembler à une sorte de sirène. Ce Satan à tête de femme
ÉCOLE FLORENTINE. 43
se rapporte à une très-ancienne tradition : on le trouve
fréquemment figuré de la sorte sur les anciens manuscrits,
ainsi que sur les anciennes peintures murales.
LE JUGEMENT DERNIER.
rl.28.
(Hauteur 10 mètres, largeur 6m, 50 cent.)
Le jugement dernier est l'œuvre la plus importante de
Michel-Ange. En haut du tableau, le Christ, irrité et tout-
puissant, juge les hommes. Près de lui, la Vierge intercède
pour fléchir la colère céleste. Les élus et les saints occu-
pent le haut du tableau. Les damnés sont au bas, où les
morts ressuscitent au son de la trompette des anges. Charon,
dans sa barque, frappe les réprouvés avec sa rame. Ce
personnage mythologique, introduit dans une scène chré-
tienne, figure aussi dans un tableau de Signorelli, antérieur
à celui de Michel-Ange, et l'on en a conclu que Michel-Ange
avait pris cette idée à Signorelli ; mais c'est une erreur.
Charon se trouve très-souvent représenté dans les scènes de
l'enfer; on le voit sculpté sur le tombeau de Dagobert et
sur une foule de bas-reliefs et de peintures du moyen âge.
Michel- Ange et Signorelli, n'ont fait que se conformer à
une tradition qui durait encore de leur temps. Cette im-
mense fresque avec ses nudités, ses violences d'attitude, ses
développements de muscles et de formes fut très-admirée des
artistes, mais souleva dans le public des critiques assez
nombreuses. Le maître des cérémonies, Biagio de Cesena,
s'était plaint au pape que l'artiste eût osé introduire, dans
un endroit si respectable, tant- de ligures qui montraient
sans honte leur nudité, disant que cela conviendrait mieux
hk ÉCOLE FLORENTINE,
dans une salle de bain ou dans un cabaret que dans la
chapelle pontifica'e. Michel-Ange, pour se venger, repré-
senta ce personnage en enfer, enlacé par un serpent.
Comme la ressemblance était parfaite, et que Biagio ne
jouissait pas d'une réputation excellente comme moralité,
l'histoire courut bientôt la ville qui s'amusa aux dépens du
malheureux maître des cérémonies. Celui-ci alla se plaindre
au pape, qui lui demanda, en riant, où Michel-Ange l'avait
placé. « Dans l'enfer », répondit-il. — «Hélas ! reprit le
pape, s'il ne t'avait mis qu'en purgatoire, je t'en tirerais ;
mais puisque tu es en enfer, mon pouvoir ne va pas jus-
que-là. »
Néanmoins, l'avis du maître des cérémonies prévalut par
la suite, et il fut même question d'effacer le jugement der-
nier. On prit un moyen terme, et Daniel de Volterre,
chargé de mettre des draperies en certains endroits, reçut,
à cause de cela, le surnom de culollier.
RIDOLFO GHIRLANDAJO.
1482-1560!
Ghirlandajo (Ridolfo), fils de Domenico Ghirlandajo, fut
l'ami de Raphaël et de Bartolomméo, travailla au dôme de
Sienne, exécuta un grand nombre de tableaux à Florence,
et fit des portraits très-estimés.
T , 1
P , III
ANDRE VANUCCI DIT ANDRE DEL SARTE .
.ANDHSA VANTCCl, DETTO ANDREA DXh SARTO
ANDREAS VANUCCI.LLAMAPO DEL SARTE
ÉCOLE FLORENTIN!-. 45
SAINT ZANOBE RESSUSCITANT UN ENFANT.
PL 29.
Galerie de Florence.
(Hauteur lui, 87 cent., largeur l'",30 cent.)
Une dame, se rendant à Rome, laissa son fils malaJc à
Florence, et le confia aux soins de saint Zanobe, évoque de
cette ville au vie siècle. L'enfant étant mort, on l'amena sur
la place publique où le prélat vint prier avec tant de ferveur
qu'il le rappela à la vie.
ANDREA DEL SARTO.
Pi.. TII.
f 488-1530.
Andréa Vanucchi, dit Andréa del Sarto, fut j lacé chez un
orfèvre qu'il quitta bientôt pour se mettre sous la direction
de Giovani Rarile, très-liabile sculpteur en bois, mais peintre
médiocre. 11 travailla ensuite avec Pietro di Cosimo, étudia
avec ardeur les fresques de Masaccio et les carions de
Léonard de Vinci et de Michel-Ange, et passa bientôt pour
un des plus habiles maîtres de l'Italie. Il exécuta des tra-
vaux importants pour la confrérie dello Scalzo, pour l'église
San Gallo, dan? le couvent des Servîtes, dans le monastère
de San Salvi, et ailleurs. Un tableau d'Andréa del Sarto
ayant été présenté à François Ier, ce prince le trouva si
3.
46 ÉGQLE FLORENTINE,
beau, qu'il fit venir l'artiste à Fontainebleau, et rétribua
magnifiquement ses ouvrages qu'on appréciait bien à Flo-
rence, mais qui lui étaient fort mal payés. La fortune com-
mençait à lui sourire, lorsqu'il repartit brusquement pour
son pays, rappelé par une lettre de sa femme qui n'avait
pu le suivre en France et qu'il aimait passionnément. Le
roi lui confia une somme considérable, destinée à faire en
Italie des acquisitions d'œuvres d'art, et lui fit jurer de
revenir. Mais cédant aux sollicitations de sa femme, le
malheureux artiste la laissa follement dissiper en plaisirs
l'argent qu'il avait reçu du roi de France , et retomba
bientôt dans une gêoe extrême. La peste s'étant déclarée
à Florence, il mourut à quarante-deux ans, privé de tout
secours, et abandonné de sa femme et de ses médecins que
la peur de la contagion avait fait fuir de sa maison.
SAINTE FAMILLE (AU CHARIOT)
PI. 30
(Hauteur 1 m, 70 cent., largeur 2m,25 cent.)
La Vierge, assise auprès de sainte Elisabeth, tient sur ses
genoux l'enfant Jésus : saint Joseph approche un chariot
dont on faisait usage autrefois pour apprendre à marcher
aux petits enfants. Ce tableau, qui a appartenu au duc de
Modène, est maintenant dans la galerie de Dresde. —
Gravé par Moitte.
ÉCOLE FLORENTINE. 47
SAINTE FAMILLE (AVEC DEUX ANGES).
PI. 31.
Musées du Louvre et de Vienne.'
(Hauteur l'",40 cent., largeur lni,06 cent.)
La Vierge, à genoux, lient l'enfant divin ; près d'elle,
sainte Elisabeth est accompagnée de saint Jean. Deux anges
sont derrière la Vierge.
SAINTE FAMILLE (LA VIERGE AU SAC).
PI. 32.
Fresque à Florence.
(Hauteur lm?65 cent., largeur 3'",25 cent.)
La Vierge tient sur ses genoux l'enfant Jésus, tandis que
saint Joseph, occupé à lire, est accoudé sur un sac. —
Gravée par Morghen.
SAINTE FAMILLE.
PI. 33.
Angleterre.
(Hauteur lm,85 cent., largeur 1^,10 cent.)
La Vierge, assise, tient l'enfant Jésus. Près d'elle, sainte
Elisabeth retient d'une main le petit saint Jean qui pop-
temple le Sauveur.
48 ÉCOLE FLORENTINE.
JÉSUS -CHRIST AU TOMREAU (AVEC SAINT PIERRE
ET SAINT PAUL).
PI. 34.
Galerie de Florence.
(Hauteur 2'", 30 cent., largeur 2 mètres.)
La Vierge tient le bras de son divin fils dont le corps est
soutenu en arrière par saint Jean : sainte Madeleine est en
prière. « Les figures de saint Pierre et saint Paul, qui sont
introduites là contre l'autorité de l'histoire, dit Lanzi, ne
s'y trouvent point par l'ignorance du peintre qui les repré-
senta d'une manière si admirable, mais par l'erreur de ceux
qui ordonnèrent l'exécution du tableau. » On peut croire,
néanmoins, que cette erreur fut volontaire et tenait à
quelque dévotion particulière, puisqu'on voit dans le même
tableau sainte Catherine : ce tableau, chef-d'œuvre d'ex-
pression, est un des plus célèbres d'Andréa del Sarlo. —
Gravé par Pauquet et Forster.
LE CHRIST MORT.
PI. 35. •
Peint sur bois; galerie du Belvédère, à Vienne.
(Hauteur 1 mètre, largeur lm^O cent.)
Le Christ, mort, est accompagne de la Vierge, qui joint
les mains en pleurant, et de deux anges dont l'un soutient
le corps du Sauveur, tandis que l'autre porte les instru-
ments de la passion. — Gravé par Nofel.
ÉCOLE FLORENTINE. 49
SACRIFICE n'ARRAIIAM.
PL 30.
(Hauteur 2"», 45 cent., largeur l'",S5 cent.)
Le patriarche tient le couteau levé sur son fils et tourne
la tète vers l'ange qui descend du ciel ; à côté est un bélier :
ce tableau, que le peintre destinait à François Ier, comme
compensation des sommes qu'il avait dissipées, fut refusé
par le roi de France et acquis par le duc de Mode ne. 11 est
aujourd'hui dans la galerie de Dresde. — Gravé par
Surugue.
LA CHARITÉ.
PI. 37.
Musée du Louvre.
(Hauteur lm,85 cent., largeur lm,37 cent.)
La Charité est représentée par une femme tenant deux
enfants sur les genoux : un troisième dort à ses pieds : ce
tableau a été exécuté en France pour François Ier ; c'est un
des premiers qui, exécuté primitivement sur bois, ait été
transporté sur toile : cette opération délicate, que fil, sous
la direction de Coypel, un très-habile restaurateur, M. Pi-
cault, réussit parfaitement, et c'est à cette heureuse inven-
tion qu'on doit la conservation d'une foule de chefs-
d'œuvre dont le panneau était vermoulu. Malheureusement
des restaurations moins heureuses, exécutées depuis, ont
altéré la couleur de ce tableau. — Gravé par Audoin,
Massard, Normand.
50 ÉCOLE FLORENTINE.
MORT DE LUCRÈCE.
PI. 38.
(Hauteur lm,40 cent., largeur lm,05 cent.)
Lucrèce est représentée nue et tenant le poignard dont
elle va se frapper : ce tableau, qui a fait partie de la galerie
du Palais-Royal, est aujourd'hui en Angleterre. — Gravé
par Lemire.
PRIMATICE.
150/1-1570.
François Primatice naquit à Bologne d'une famille aisée.
Il entra d'abord chez Innocent de Imola, et passa ensuite
à l'école de Bagna Cavallo, élève de Raphaël. Il fut bientôt
employé par Jules Romain, et, après être resté plusieurs
années à Mantoue, il fut appelé en France par François Ier,
et fonda avec Rosso une école célèbre, connue sous le nom
d'école de Fontainebleau, qui eut une grande influence sur
l'art français jusqu'à l'époque du Poussin. Primatice a
exécuté ou dirigé un très-grand nombre d'ouvrages en
peinture, en sculpture et en architecture. Malheureusement
la plus grande partie de ses travaux ont été détruits, et il
ne reste plus de lui v à Fontainebleau, que la galerie de
Henri II, la porte dorée et la chambre dite d'Alexandre,
dont les peintures ont déjà subi de nombreuses restau-
rations,
ÉCOLE FLORENTINE. 51
l'amour INSPIRANT ROCAGE.
P!. 39.
Musée du Louvre (sous le titre de Concert, attribué
à Primatice).
(Ila-.iteur lm,38 cent., largeur lm,40 cent.)
Une femme est assise par terre de chaque côté du tableau :
celle de gauche a deux enfants couchés sur elle. Au second
plan, on voit deux autres femmes dont Tune pose la main
sur une espèce de clavier placé sur une table. Au fond,
l'Amour cherche à entraîner un vieillard enveloppé de lon-
gues draperies, et un satyre joue du tambour de basque
pivs d'une femme qui tient un luth. D'après une ancienne
tradition, le vieillard, attiré par l'Amour, serait Boccace, et
le satyre serait là pour indiquer le caractère licencieux de
ses livres. L'une des deux femmes du premier plan serait
Diane de Poitiers, accompagnée de ses deux enfants; et
l'autre Marguerite de Valois. M. Villot pense que cette
peinture est une copie libre d'une fresque exécutée par Nic-
colo dell' Abbate sur les dessins du Primatice. — Gravé
par Normand.
SAINTE ADÉLAÏDE DEMANDE JUSTICE A OTHON Ier.
PL 40.
Sainte Adélaïde présente à Othon 1er, empereur d'Alle-
magne, la tête de Lothaire, roi d'Italie, son époux, empoi-
sonné (950) par Béranger. Celui-ci» pour assurer la cou-
52 ÉCOLE FLORENTINE,
ronne à son fils, voulait lui faire épouser la veuve de Lothaire.
Mais Othon, frappé de la beauté d'Adélaïde, la demanda
aussi, et ayant été agréé, obtint par ce mariage la soumis-
sion de la Lombardie. Ce petit tableau, peint sur bois, a
fait partie de la collection de Lucien Bonaparte. — Gravé
par Fabri.
DANIEL DE VOLTERRE.
1509-1566.
Daniel Ricciarelli, né à Vollerra, d'où lui vient son sur-
nom, fut d'abord élève du Sodoma, et travailla ensuite avec
Baldassare Peruzzi et Perino del Vaga. On le range néan-
moins parmi les disciples de Michel-Ange, qui eut pour lui
une véritable affection, et non-seulement l'aida de ses
conseils, mais lui fournit des dessins pour ses tableaux. Il
fut chargé par Paul III de décorer la salle des rois au Vati-
can, mais ce travail est resté inachevé. Le pape Paul IV,
choqué des nudités que Michel-Ange avait introduites dans
la chapelle Sixtine, voulait faire détruire la grande fresque
du Jugement dernier. On réussit à lui persuader d'en recou-
vrir seulement quelques parties par des draperies, et Daniel
de Volterre qui fut chargé de ce travail, reçut, à cause de
cela, le surnom de Braghettone. Daniel de Volterre était
sculpteur en même temps que peintre, et ce fut à lui qu'on
s'adressa pour la statue équestre de Henri II, que Catherine
de Médicis avait d'abord demandée à Michel-Ange, mais
que celui-ci avait refusé d'exécuter, à cause de son grand
âge. La statue devait être faite en bronze, mais le cheval
seul fut fondu, car Daniel de Volterre fut atteint, pendant
ÉCOLE FLORENTINE. 53
l'opération, d'une fluxion de poitrine dont il mourut à l'Age
de cinquante-sept ans.
DESCENTE DE CKOJX.
PL 41.
Rome (église de la Trinité-du-Mont).
Jésus est descendu de la croix par ses disciples, tandis
que les saintes femmes se pressent autour de la Vierge
évanouie. Ce tableau passe pour le chef-d'œuvre du maître,
mais la composition est attribuée à Michel-Ange. — Gravé
par Dorigny.
DAVID TUANT GOLIATH.
PL 42 et 43.
Louvre (peint sur ardoise des deux côtés).
(Hauteur lm?33 cent., largeur l«o,7î cent.)
David tient son glaive pour trancher la tête de Goliath
qu'il vient de terrasser. Ce tableau fut présenté à Louis XIV
comme une œuvre de Michel-Ange ; mais comme Vasari
rapporte que Daniel de Volterre fut chargé de modeler en
terre un David, et de peindre les deux faces opposées de la
composition sur les deux côtés d'un tableau, on admet gé-
néralement qu'il s'agit du tableau du Louvre. Au reste, il
faut reconnaître que si le même modèle en terre a servi
à l'artiste pour les deu\; tableaux, il a introduit dans
Tune ou l'autre représentation des changements assez
notables. — Gravé par Audran (avec attribution à Michel-
Ange) .
54 ÉCOLE FLORENTINE.
VASARI.
1512-1574.
Né à Arezzo, dans une famille d'artistes, Giorgio Vasari
reçut les premiers principes de l'art chez Guillaume de
Marseille, peintre verrier, se perfectionna avec Michel-Ange,
Andréa del Sarto et le Rosso. Emmené à Rome par le car-
dinal Hyppolite de Médicis, il étudia Raphaël, sans cesser
d'avoir une prédilection marquée pour les œuvres de Mi-
chel-Ange. Vasari a exécuté d'immenses travaux de pein-
ture et d'architecture pour Clément VII, Paul III, Jules IN,
Alexandre et Côme de Médicis, Pie V, Grégoire XIII, etc.
Ses ouvrages se voient dans une foule d'églises et de mo-
nastères. 11 abusa de sa prodigieuse facilité, et comme il
érigea souvent en système la rapidité dans l'exécution,
et que ses ouvrages portent la trace de ses nombreuses
négligences, il est regardé comme un des promoteurs de
la décadence, malgré ses qualités décoratives. Ses peintures
murales sont très-nombreuses et quelques-unes ont de la
célébrité ; tous les musées de l'Europe possèdent de ses
œuvres. Vasari a rendu un immense service aux arts, en
écrivant la vie des artistes : son ouvrage, malgré de nom-
breuses erreurs, est le recueil le plus intéressant qu'on ait
sur les artistes de la Renaissance. La première édition
(très-rare) est de 1 550 ; la seconde, avec beaucoup de
changements, parut en 1566.
ÉCOLE FLORENTINE. 53
LA CÈNE DU PAPE SAINT GRÉGOIRE.
PI. 44.
Peint sur bois, pour le réfectoire du monastère de Saint-Michel
en Bosco, actuellement au musée de Bologne.
(Hauteur 4 mètres, largeur l'",70 cent.)
Il est d'usage en souvenir de la sainte cène, que le jeudi
saint le pape réunisse douze pauvres à sa table. « J'ai
peint, dit Vasari, saint Grégoire à table avec douze pauvres,
parmi lesquels ce saint pontife représente Jésus-Christ. La
cène a lieu dans un couvent d'Olivétains; je l'ai fait des-
servir par les moines de cet ordre, afin de les rassembler
autour de la table, selon la place qu'ils voulaient y occuper.
Le pape est représenté sous les traits de Clément VII. Plu-
sieurs grands personnages sont près de lui ; de ce nombre
est le duc Alexandre de Mèdicis, à qui j'ai voulu témoigner
ma reconnaissance et mon admiration. J'ai représenté aussi
plusieurs de mes amis. Parmi les domestiques, on retrouve
quelques frères lais qui me servaient ; puis d'autres person-
nes attachées au couvent, telles que le dépensier et le
sommeiller. Enfin, on y distingue l'abbé Séraglio, le général
don Cyprien de Vérone, et le cardinal Bentivoglio. » —
Gravé par Tomba.
NICCOLO DELL' ABBATE.
1512.
Niccolo Abati, dit Nicolo dell' Abbate, né à Modène, où il
fît ses premières études, vint en France en 4 552, où il
56 ÉCOLE FLORENTINE,
travailla avec Primatice : ce fut lui qui peignit à fresque
les peintures de la galerie d'Ulysse à Fontainebleau, au-
jourd'hui détruite. Il concourut aussi à la décoration de
l'ancien château de Meudon, et orna de ses ouvrages la
chapelle de l'hôtel Soubise. Il est mort à Paris dans un âge
très-avancé.
ENLÈVEMENT DE PROSERPINE.
PI. 45.
Galerie particulière (Angleterre).
(Hauteur 2 mètres, largeur 2m,20 cent.)
Pluton emporte dans ses bras Proserpine dont il était
devenu amoureux en la voyant cueillir des fleurs dans la
campagne d'Enna en Sicile. Les nymphes, compagnes de
Proserpine, expriment leur étonnement, et, sur le premier
plan, on voit la nymphe Cyanè, qui avait voulu arrêter
Pluton dans sa course, métamorphosée en fontaine. —
Gravé par Alix.
CIGOLI.
1559-1613.
Ludovico CarJi da Cigoli fut placé à l'école d'Alessandro
Allori, et se livra avec passion à l'étude de l'anatomie. Son
coloris l'a fait surnommer le Corrége florentin. Il exécula
d'importants travaux à Rome pour le pape Paul V. P>astiano
son frère a gravé les figures du traité de perspective et
d'architecture laissé par Ludovico.
ÉCOLE FLORENTINE. 57
SAINTE MARIE MADELEINE.
PI. 46.
Galerie de Florence.
(Hauteur im,90 cent., largeur lm,15 cent.)
La sainte, assise, et sans autre vêtement que sa longue
chevelure, pose une main sur un livre et l'autre près d'une
tête de mort. — Gravé par Guttemberg.
ALLORÏ (CRISTOFANO).
1577-1621.
Élève d'Alessandro Allori, son père, il s'éloigna du goût
michelangesque de l'École florentine, et se livra surtout à
l'étude de la couleur. Ses portraits sont très-estimés. Cris-
tofano Allori a exécuté des travaux importants pour les
églises de Florence et le palais des Môdicis.
JUDITH.
PI. 47.
Musée de Florence.
(Hauteur 28 cent., largeur 22 cent.)
Judith tient d'une main la tète d'Holopherne, de l'autre
une épée. Derrière elle est une servante, sous les traits de
58 ÉCOLE FLORENTINE,
la mère du peintre, qui a fait son propre portrait dans la tête
d'Holopherne. Enfin la figure de Judith passe pour avoir été
faite d'après une femme nommée Mazzafirra, célèbre à Flo-
rence par sa beauté, et dont Allori était, dit-on, amoureux.
— Peint sur cuivre, gravé par Al. Tardieu et Gandolfi.
SUZANNE AU BAIN.
l'I. 48.
Galerie de Florence.
(Hauteur 30 cent., largeur 25 cent.)
Suzanne, assise, a un pied dans l'eau, et ôte le vête-
ment qui la recouvrait. Dans le fond, une servante s'enfuit,
tandis que les deux vieillards placés dehors, dans un
jardin, regardent en s'appuyant derrière une colonne. —
Gravé par Dequevauviller.
l'amour désarmé.
PI. 49.
(Hauteur i mètre, largeur 2m, 15 cent.)
Vénus, couchée à l'ombre d'un rocher, retient l'Amour
d'une main et de l'autre lui prend son arc et sa flèche.
Ce tableau, qui faisait partie de la galerie du Palais-
Royal, est maintenant en Angleterre. — Gravé par Trière
et Carattoni.
ÉCOLE FLORENTINE. 59
MANOZZI.
1600-1648.
Jean Manozzi, né à San Giovanni, près de Florence, fut
élève de Mathieu Roselli. Ses tableaux sont assez rares;
mais il a exécuté des fresques importantes à Florence et à
Rome.
ARLOTTO ET DES CHASSEURS.
PI. 50.
Galerie de Florence.
(Hauteur 1 mètre, largeur 2 mètres.)
Arlotto était connu à Florence par ses bons mots et ses
saillies. On raconte que des chasseurs ayant passé chez lui
plusieurs jours, le quittèrent sans lui rien laisser de leur
chasse, en le priant cependant de vouloir bien garder leurs
chiens, parce qu'ils reviendraient dans quelques jours.
Arlotto, au lieu de bien nourrir les chiens, leur fit apporter
du pain, mais les fit frapper impitoyablement dès qu'ils en
approchaient , et quand les chasseurs revinrent, il leur
déclara que ces animaux étaient bien certainement malades,
puisqu'ils refusaient toute nourriture. Ceux-ci furent frappés
de la maigreur de leurs chiens qui, dès qu'Arlolto leur fit
présenter de la nourriture, s'enfuirent aussitôt, craignant un
sort pareil à celui des jours précédents. Telle est l'anecdote
sur laquelle on prétend que Manozzi, qui était un ami d'Ar-
lotto, a composé son tableau. Mais il est fort difficile d'y
60 ÉCOLE FLORENTINE,
reconnaître cette scène. Arlotto est représenté assis au
milieu des chasseurs qui tiennent en main du gibier. —
Gravé par Forster.
FURINI (FRANCESCO).
1604-1649.
Élève de Roselli, il a dans sa manière quelque rapport
avec le Guide et l'Albane qu'il avait connus à Rome. Furini
fut ordonné prêtre à quarante ans, mais n'en continua pas
moins à peindre. Il mettait fort longtemps à chercher la
composition d'un tableau et à en préparer les éludes, et
l'exécutait ensuite très-rapidement. Ses ouvrages les plus
connus sont une Thétis qu'il peignit à Venise pour servir de
pendant à un tableau du Guide, un Hylas ravi par lesNymphes,
les trois Grâces, saint François recevant les stigmates, la
Conception de la Vierge, et la Madeleine dont nous donnons
la gravure.
SAINTE MADELEINE.
PI. 51.
Galerie du Relvédère; à Vienne.
(Hauteur 1 m ,70 cent., largeur 1,54 cent.)
Madeleine, entièrement nue, est retirée dans un lieu
désert : un rayon descend du ciel sur Ja sainte. Le goût des
sujels mythologiques a entraîné souvent les artistes de ce
temps à traiter les sujets pieux dans un goût absolument
païen. — Gravé par Gutlemberg et Axmann.
ÉCOLE FLORENTINE. 61
DOLCI (CARLO).
1616-1686.
Élève de Jacopo Vignali, Carlo Dolci occupe dans l'École
florentine la môme place que Sasso Ferrato dans l'École
romaine. Ses demi-figures de Christ, de vierges, de saints
et de saintes, peintes d'une façon moelleuse et agréable à
l'œil, se vendent à des prix très-élevés. Carlo Dolci a été
imité avec succès par sa fille, Agnèse Dolci, qui fut son
principal élève.
LA VIERGE ET L' ENFANT JÉSUS.
l'I. 52.
Galerie du Belvédère , à Vienne.
La Vierge, vue à mi-corps, tient l'enfant Jésus debout et
montre le ciel d'une main. — Gravé par David Weiss.
1. —
ÉCOLE VÉNITIENNE.
Si la forme et Vidée occupent la plus haute place dans
l'art, l'École florentine mérite d'être regardée comme la
première ; le rôle spécial de l'École vénitienne a été de
produire la sensation, mais ce rôle moins élevé, elle l'a
rempli avec une supériorité qui la laisse sans rivale. Le
charme irrésistible de la sensation ne vient pas seulement
d'une imitation parfaite ; autrement l'École hollandaise
serait au moins l'égale de l'École vénitienne ; mais l'exacti-
tude rigoureuse des Hollandais attache l'esprit plutôt
qu'elle ne l'élève ; les Vénitiens, sans atteindre l'idéal des
autres écoles italiennes, ne descendent jamais jusqu'à la
trivialité. Pour retrouver les impressions intimes de la vie,
ce n'est pas à Venise qu'il faut aller ; pas davantage pour
sentir l'élan des passions politiques ou religieuses, ni pour
suivre un rêve de beauté noble et calme à travers la tradi-
tion de l'art grec : mais ceux qui devant un tableau ne
pensent ni à l'histoire, ni à la morale, ni au but philoso-
phique, mais à la peinture elle-même, trouveront à Venise
ce qu'ils cherchent. Quand on a mis au premier rang>
comme ils le méritent, les Raphaël et les Michel-Ange, et
qu'on arrive devant Titien et Véronèse, l'admiration s'impose
tellement qu'on ne peut les placer au second : leur
terrain est différent, mais toute hiérarchie est impossible.
Peut-on expliquer, par une cause géographique * les
ÉCOLE VÉNITIENNE. 03
caractères de la peinture vénitienne? « Quelques-uns, dit
Lauzi, en ont attribué la cause au climat, en soutenant
qu'à Venise et dans le territoire qui l'environne, la nature
même colore les objets de teintes plus vives qu'ailleurs :
faible raison que l'on peut anéantir d'un seul mot, puisque
les Flamands et les Hollandais, qui vivent sous un ciel si
différent, ont acquis des droits aux mêmes éloges. » Un
écrivain contemporain pourtant a cru voir des rapports
frappants entre les lagunes de Venise et les canaux de
Zuiilerzée, et de ce rapprochern nt il en conclut que c'est à
la nature du sol qu'il faut attribuer la tendance commune
aux deux écoles. Le principe de l'École hollandaise est
l'observation exacte et minutieuse ; celui de l'École véni-
tienne, la fantaisie grandiose et décorative; leur seul point
commun c'est la préoccupation du coloris. Or, la même
préoccupation existe dans l'École espagnole. Pourtant
l'Espagne n'a ni canaux, ni lagunes, c'est le pays le plus
sec de l'Europe ; nous sommes donc obligés de reconnaître
que le milieu géographique n'a eu dans tout cela qu'une
influence très-subalterne.
La croyance religieuse étant la même à Venise qu'à
Florence, c'est plutôt par des différences dans le milieu
moral et politique qu'on pourrait chercher à expliquer l'op-
position de l'École florentine et de l'École vénitienne.
Le gouvernement de Venise a été démocratique, dans
l'origine, comme ceux de toutes les républiques italiennes.
C'est même durant cette période, trop négligée par les
historiens, que Venise a conquis sa prépondérance. Venise
était, par sa position exceptionnelle, moins exposée que les
autres villes de l'Italie à subir les désastres d'une invasion
étrangère ; elle sortit une des premières de la torpeur du
moyen âge, et manifesta sa vitalité par les monuments des
64 ÉCOLE VÉNITIENNE,
arts. La basilique de Saint-Marc, commencée en 976 sous
le doge Orsoolo, était terminée en 1071, à une époque où
le mouvement de la civilisa'ion commençait à peine en
Europe. La puissance de Venise atteignit son apogée au
xme siècle, sous le doge Henri Dandolo, Après la prise de
Constantinople, où ce vieillard octogénaire avait conduit
40 000 guerriers dont il dirigea l'attaque, il refusa la
couronne impériale qu'on lui offrait, et assura à son pays
une suite d'établissements qui s'étendaient de l'Adriatique
à la mer Noire. Quoique moins mêlée que Florence aux
lutlfs du sacerdoce et de l'empire, Venise, au temps de
sa démocratie, fut généralement guelfe, et s'arma contre
l'empereur Barberousse dont elle battit la Hotte.
En 1297, à la suite d'un coup d'Étal dirigé avec une
extrême habileté, les membres du conseil représentatif de la
nation, jusque-là élus partout le peuple, décidèrent qu'à l'ave-
nirle pouvoir appartiendrait exclusivement à eux et à leurs des-
cendants. Le gouvernement de cette aristocratie héréditaire,
qui ne date que. du xive siècle, ne fut pas avantageux à la
république; elle commença dès lors à perdre une à une ses
conquêtes en Orient ; mais les relations commerciales qui
l'enrichissaient n'ayant pas cessé brusquement, le déclin de
sa puissance ne fut définitif qu'après le xvie siècle.
Il faut donc voir dans l'histoire de Venise d.ux périodes
distinctes : l'une d'accroissement politique , qui est la
période démocratique, l'autre de richesse commerciale,
qui est celle où fleurit l'École vénitienne. Durant la pre-
mière, Venise, par ses rapports fréquents avec l'Orient,
subit l'influence des Byzantins. Cette influence fut double-
ment marquée lorsque Henri Dandolo, après la prise de
Constantinople, eut envoyé dans son pays une multitude
immense d'objets d'art, presque tous relatifs au culte, et
ÉCOLE VÉNITIENNE. 65
même dos ouvriers instruits, capables d'en fabriquer de
nouveaux. Dès le xnr' siècle, Venise avait une compagnie
d'artistes régie par des statuts qui lui étaient propres. Us
travaillaient principalement la mosaïque, et l'église Saint-
Marc, pour laquelle on en a fait à peu près dans tous les
temps depuis sa fondation, est, à cause de cela, un véritable
musée historique de l'art.
On est étonné de voir le peu d'importance de Venise dans
l'histoire des arts au xive et au \ve siècle. Cette époque est
précisément celle où Florence acquit son grand développe-
ment. Si, comme on le dit souvent, la marche des arts
était seulement en raison de la prospérité et du repos public,
Venise avec un gouvernement aristocratique fonctionnant
régulièrement, avec une police rigoureuse, une adminis-
tration dont aucun bouleversement n'entravait la marche,
Venise, avec son commerce immense, son amour du luxe
et sa tranquillité intérieure, aurait dû être le centre du
mouvement intellectuel et artistique de l'Italie. Pourtant
elle a été, sous ce rapport, très-inférieure non-seulement
à Florence, mais encore à une foule d'autres villes. L'École
vénitienne s'est élevée tout d'un coup, elle a jeté subite-
ment un éclat nouveau et resplendissant sur l'art italien,
mais elle n'a pas connu les tâtonnements, elle n'a pas eu
d'enfance ; on peut s'adresser à elle pour admirer des
résultats, mais non pour constater la marche progressive
de l'art. Entre ses maîtres archaïques et ses grands maîtres
il n'y a pas eu d'intermédiaire, et Jean Bellin, le père de
l'École vénitienne, appartient, par la première partie de sa
vie d'artiste, à l'école primitive, par la seconde au siècle
d'or.
Presque toutes les villes de l'Italie centrale avaient une
existence assez analogue à celle de Florence ; mais Venise,
4
66 ÉCOLE VÉNITIENNE.
par sa situation géographique, aussi bien que par la nature
spéciale de son gouvernement, resta toujours ;i part. Tandis
que les récits enflammés du Danle passionnaient toute
l'Italie, l'aristocratie vénitienne les faisait traduire en latin
pour son usage personnel ; mais la population les ignorait
à peu près. Qu'y aurait-elle trouvé, d'ailleurs? Ce ne sont
pas les beautés littéraires d'un livre qui sont appréciables
pour la multitude, mais les sentiments qu'il renferme. Les
idées politiques de la Divine comédie ne pouvaient pas
môme être discutées sous une ombrageuse aristocratie dont
les actes étaient délibérés dans le secret du conseil, et dont
les principes étaient acceptés sous peine de mort. Car si la
police était mieux faite à Venise qu'ailleurs, si la sécurité
privée y était plus grande, si le commerce et les intérêts de
chacun y étaient mieux protégés, c'était toujours par une
application de la maxime d'un homme d'État contemporain :
Tout pour le peuple, rien par le peuple. Chacun pouvait se
livrer à ses plaisirs ou à ses affaires, sous la seule condition
de ne pas s'occuper de celles de la république.
Aussi l'art y surgit comme une mode et y dura ce que
durent les modes. 11 ne pouvait avoir ni les lugubres inspi-
rations d'Orcagna, ni les colères et les désespoirs de Michel -
Ange, parce que personne ne ressentait rien d'analogue ;
il se fit décoratif et sensuel, parce que le luxe et le plaisir
absorbaient seuls le sentiment public. Le reproche qu'on a
fait aux artistes vénitiens, d'avoir manqué par le cœur,
d'avoir suppléé à l'expression par l'aspect, à la pensée par
la sensation, doit s'appliquer à la société vénitienne, dont
ces artistes faisaient partie. Mais l'histoire a offert plus
d'une fois le spectacle d'un peuple dont toutes les aspira-
tions sont tournées vers le luxe et le plaisir, Venise seule a
eu la gloire de leur donner une signification artistique de
premier ordre,
ÉCOLE VÉNITIENNE. 67
I/abîme qui sépare l'Ecole florentine de l'École véni-
tienne vient de ce que, dans la première, l'expression ac-
compagne et suit l'idée, tandis que dans la seconde tout le
génie de l'artiste est employé à la conlexture du tableau et
ne voit rien en dehors de sa toile. Quand Raphaël s'entre-
tient avec fra Bartolomméo sur les types divins, celui-ci lui
montre le ciel, source de l'inspiration ; Angelico de Fiesole
jeune et se prosterne avant d'oser peindre le Christ ; Michel-
Ange, sans cesse assiégé par l'idée de Florence qui tombe,
entraînant l'Italie dans sa chute, sculpte et peint avec des
rages concentrées; son émotion qui déborde prépare la voie
au maniérisme, qui voudra imiter les résultats sans avoir
puisé aux mêmes sources. Suivons maintenant Giorgione et
Titien, Paul Véronèse et le Tintoret, ces merveilleux artistes
dont toute la vie n'a obéi qu'à une seule et unique convic-
tion, le désir de bien peindre. Tout ce que nous savons de
leurs entretiens, tout ce que révèlent leurs letti es les plus
intimes, atteste la préoccupation qui les a absorbés. C'est
toujours l'opposition des couleurs , la dégradation des
teintes, l'harmonie ou l'éclat de la lumière, l'observation
constante de la nature, étudiée non en vue d'en rendre
l'expression intime, ni pour exprimer une pensée par le
langage des formes, mais comme base de ces grandes con-
structions décoratives qui ont pour principe la fantaisie,
pour moyen l'exécution savante, pour but l'éblouissement.
On s'est étonné souvent qu'un artiste comme le Titien
ait été l'ami sincère et dévoué de l'Arélin, et ait toujours
professé pour ses jugements la plus grande déférence. On
ne voit généralement dans l'Arélin que l'homme licencieux
et cynique, pour qui le scandale était une habitude, et
l'écrivain dont la plume vénale prodiguait indifféremment
l'injure ou l'éloge. 11 faudrait y voir aussi le critique sûr,
68 ÉCOLE VÉNITIENNE,
l'amateur* passionné qui n'a cru qu'à l'art, et qui a toujours
employé l'immense crédit dont il jouissait à faire sortir de
l'obscurité les talents méconnus, et à s'attaquer sans pitié
aux réputalions les mieux acquises lorsqu'elles produisaient
un engouement dangereux pour l'avenir de l'art. Avait-il
absolument tort, lorsqu'après avoir exalté Michel-Angevet
glorifié Titien, il signalait dans la fougueuse intempérance
du Tintoret un germe malsain qui pourrait bien devenir
mortel? Celui-ci se trouva blessé de certains propos de
l'Arétin, et lorsqu'il fit son portrait, il s'avisa de prendre
sa mesure avec un pistolet; l'Arétin se le tint pour dit.
Malgré la tendance générale que nous avons signalée
dans l'École vénitienne, il y aurait injustice à n'en voir
que le côté ornemental décoratif. Plusieurs compositions
religieuses de Jean Bellin montrent , par l'élévation du
sentiment, qu'en abandonnant la tradition archaïque, il n'a
pas renoncé aux inspirations de la piété. Le Titien, homme
de plaisir, dont la vie heureuse et facile n'a été qu'une
longue suite de triomphes, ne pouvait apporter dans ses
conceptions cette austérité qui vient des combats intérieurs
et des longues méditations. Mais ce qu'il n'a pas ressenti,
il Ta compris, car l'art supplée à tout, et dans plusieurs de
ses tableaux religieux l'émotion gagne le spectateur, et la
pensée fait presque oublier la peinture. Néanmoins son
véritable élément est bien plutôt la mythologie : c'est dans
ses Nymphes, ses Bacchantes, ses Vénus ; c'est dans ses pay-
sages où courent les satyres, dans ses groupes d'enfants qui
font le cortège obligé deBacchus, qu'il peut déployer son vrai
tempérament et montrer des chairs palpitantes, des épaules
nues qu'ombragent des cheveux dorés, des belles femmes
voluptueusement cambrées. 11 était peu scrupuleux pour la
chasteté du pinceau, et le matérialisme décidé de sa pein-
ÉCOLE VÉNITIENNE. 69
ture répond à une des tendances que nous avons signalées
dès le début delà Renaissance. Peu soucieux de l'exactitude
ijuantl i! traite des sujels historiques, il est pourtant un des
premiers artistes à étudier pour connaître la physionomie
de son temps. Ses admirables portraits ne sont pas seule-
ment des représentations, mais des types de caractères,
ceux des hommes les plus éminents de son siècle, qui tour
à tour sont venus poser devant lui. Durant sa longue car-
rière, toute dévouée au travail, le Titien a abordé tous les
sujets et les a tous traités avec supériorité. Mais il est plus
poêle que philosophe, et plus peintre que poète. Si le but
suprême de la peinture était seulement d'exprimer la vie et
de charmer les sens, il serait incontestablement au-dessus
de tous les autres. Mais dans le vaste domaine de l'art le
but est multiple comme les chemins qui y conduisent; et
quand un artiste se place au premier rang, il y a encore
place à côté de lui pour un autre.
Avec moins d'élévation, Paul Yéronèse a peut-être plus
de grandeur réelle : c'est un vrai Vénitien, l'incarnation la
plus complète de l'école ; ces magnifiques ordonnances ar-
chitecturales où se meut tout un peuple richement vêtu, ces
vases précieux, ces brillantes étoffes, ces jardins enchantés
qu'on entrevoit au travers des colonnades de marbre, n'est-
ce pas là ce que rêvait Venise, la ville des fêtes, des repas
somptueux où la musique, les fleurs, l'amour et les festins
étaient l'occupation quotidienne d'une société qui ne connut
jamais l'ennui ni la passion ? Ce rêve suivait Paul Véronèse
jusque dans ses scènes, religieuses. Comme les anciens
Crées, qui pensaient honorer les dieux par la joie et le rire,
l'artiste vénitien se pla:gnait dans ses lettres de l'aspect lu-
gubre sous lequel les peintres ont coutume de représenter
une croyance qui promet tant de bonheur aux élus : ce
70 ÉCOLE VÉNITIENNE,
bonheur, il le plaçait, comme tous les Vénitiens, dans la
magnificence et l'éclat radieux de la mise en scène ; si le
Christ est apparu aux hommes dans une étable, s'il a vécu
pour la souffrance, le but de l'art n'est-il pas de montrer
aux hommes ce paradis de délices, où il convie tous ceux
qui savent l'aimer? Nulle philosophie, nul mysticisme dans
cette façon un peu orientale de concevoir le bonheur; Paul
Véronèse n'est ni un mystique, ni un philosophe, il se
contente d'être un admirable peintre, et quel est celui qui,
sans méconnaitre l'absence d'expression et de pensée, ne
se trouvera désarmé en face de son œuvre, comme l'aréo-
page devant Phryné ?
Tous ces peintres heureux, Giorgione, Titien, Palme le
vieux, Paris Bordone, Sébastien del Piombo, Paul Véro-
nèse, Tintoret, ne cherchèrent dans l'art que l'art lui-même,
chacun d'eux a donné à son œuvre un cachet particulier,
mais tous ont un point commun, c'est la vie vénitienne.
L'École vénitienne s'est donné pour mission de peindre la
société dont elle est l'expression, et de la peindre non telle
qu'elle était, ce serait l'École hollandaise, mais telle qu'elle
aurait voulu être. L'idéal s'y mêle partout à la réalité, la
fantaisie à l'observation, les artistes ont emprunté au milieu
où ils vivaient des formes et des couleurs, des étoffes et
des colonnes; mais ce qui les a faits grands, c'est d'avoir
revêtu tout cela d'une pensée qui est la leur, et d'avoir
traduit par des chefs-d'œuvre le rêve et les aspirations de
la ville du carnaval et du plaisir.
ÊCOfel \r;MHK>M;. 71
BELLINI (JEAN
1421-1507.
Les deux frères Bellini sont fils de Jacopo Bellini, qui fut
aussi leur premier maîlre; ils reçurent également des con-
seils de Mantegna, leur beau- frère. Après qu'ils eurent
travaillé tous les deux à décorer la salle du grand conseil
à Venise , le sénat décida que Gentile serait envoyé à
Conslantinople, auprès de Mahomet II, qui avait demandé à
la république un bon peintre. Gentile y fit beaucoup de por-
traits et les dessins de la colonne de Théodose, qui ont été
gravés plusieurs fois. Quand il fut revenu à Venise, il reprit
ses travaux du palais ducal, qui périrent dans l'incendie de
1577, et fit un grand nombre de peintures pour diverses
confréries. Jean Rellin , son frère , est souvent regardé
comme le père de l'École vénitienne, parce qu'il fut le
professeur de Giorgion et de Titien. Il fut un des premiers
à faire usage de la peinture à l'huile, invention rapportée
de Flandre en Italie par Antonello de Messine. La vie de
Jean Bellin présente cette particularité, que ses élèves ont
exercé sur lui une grande influence. Les premiers ouvrages
ont encore toutes les allures de la peinture primitive, tandis
que ceux de sa vieillesse peuvent le ranger à côté de Titien.
Le musée du Louvre renferme un très-beau portrait des
deux frères.
72 jÉCOLE VÉNITIENNE.
JÉSUS-CHRIST A EMMAUS.
i PL 53.
(Hauteur 1 mètre, largeur 2 mètres.)
(La figure à genoux est le portrait de Jean Bellin,
auteur du tableau.)
Le Christ étant à table avec deux de ses disciples qui ne
l'avaient pas reconnu, prit du pain, le bénit, le rompit et
le leur présenta. Aussitôt leurs yeux furent ouverts et ils le
reconnurent.
MANTEGNA.
1431-150G.
Andréa Mantegna, après avoir été pâtre dans sa jeunesse,
devint élève de Squarcione qui eut pour lui tant d'amitié,
qu'il l'adopta et lui légua tout son bien. A dix-huit ans,
Mantegna peignit le tableau du maître-autel de Sainte-
Sophie de Padoue. Il alla à Venise, épousa la fille de
Jacques Bellin , et fit un grand nombre de tableaux à
Mantoue, où il avait été appelé par le duc Louis de Gon-
zague. Ce fut pour lui qu'il exécuta une suite de pein-
tures coloriées en détrempe sur toiles , représentant le
triomphe de César. Cette suite, qui est très-célèbre, se
voit [maintenant à Londres dans le palais de Hampton-
Court. Mantegna est un des premiers artistes qui aient l'ait
de la gravure en Italie; ses ouvrages en ce genre sont
ÉCOLE VÉNITIENNE. 73
fort recherchés. Son style, qui porte encore l'empreinte
de la peinture primitive, montre aussi des réminiscences de
la statuaire antique, qu'il aimait avec passion.
LE PAUNASSE. •
PI. 54.
(Hauteur, lm,60 cent., largeur lm,92 cent.) t
Musée du Louvre.
Apollon, assis à gauche au premier plan, tire des sons
harmonieux de sa lyre, et les Muses dansent devant lui en
se donnant la main. Sur un rocher percé, on voit Vénus
debout, près de Mars armé de sa lance et revêtu de son
armure, tandis que Vulcain, au milieu de sa forge, est
agacé par l'Amour, et menace la Déesse et son rival. Dans
le coin, à droite, Mercure, appuyé sur Pégase, lient le
caducée. — Gravé par Ghataigner dans le musée Filhol.
GIORGION.
1477-1511.
Giorgio Barlarelii, dit le Giorgion, naquit à Castel Franco,
<3ans la province de Trévise. Vasari prétend que ce fut la vue
des ouvrages de Léonard de Vinci qui forma son talent. Ce qui
est sûr, c'est que Giorgion fut très-jeune considéré comme un
grand maître , et qu'il exerça une très-grande influence sur
l'école vénitienne, et, en particulier, sur Titien, son condis-
I. — 5
74 ÉCOLE VÉNITIENNE,
cipleetson admirateur. 11 a surtout travaillé à Venise, où il
concourut à la décoration du palais ducal, et où il exécuta un
grand nombre de fresques, dont beaucoup n'existent plus.
Ses tableaux à l'huile sont assez rares, mais lui assignent
une place au premier rang. Cet admirable artiste est mort
à trente-trois ans.
MOÏSE SAUVÉ DES EAUX.
I'I. 55.
(Hauteur lni,60 cent., largeur 3m,25 cent.)
Musée de Milan.
La fille de Pharaon, entourée d'une suite nombreuse,
regarde l'enfant qu'on vient de retirer de la corbeille. Tous
les personnages sont vêtus du costume des grands sei-
gneurs vénitiens du xvie siècle. Au premier plan, deux
pages tiennent des chiens en laisse, un autre agace un
singe. — Gravé par Aveline et Giberti.
TITIEN.
Pi.. IV.
1477-1576.
Tiziano Vecellio naquit au bourg de Piève, dans l'ancienne
province de Gadore. Son premier maître fut Sébastien Zuc-
cato, le père des deux célèbres mosaïstes, mais il le quitta
bientôt pour entrer à l'école de Jean Bellin. Il commença
T , 1
P . IV
TIZIANO VECELLI.
T1ZIANO VECELLIO.
T1CIANO VECELIO.
ÉCOLE VÉNITIENNE. 7.>
par imiter sou maître et peignit, dans celte première ma-
nière très-lerminée, un assez grand nombre de tableaux et
de portraits. Mais bientôt il agrandit sa manière en prenant
pour modèle son ancien condisciple Giorgion. Ils furent
chargés de peindre ensemble l'extérieur de la maison d'une
corporation, il fondaco de Tedeschi. Giorgion avait une grande
réputation; Titien commençait à peine à se faire un nom.
La façade principale fut donnée à Giorgion, mais Titien,
dans le triomphe de Judith, se plaça dans l'opinion publique,
à côté, sinon au-dessus de son rival. Après la mort de Gior-
gion, Titien fut chargé de terminer les peintures laissées
inachevées dans le palais ducal, et après la mort de Jean
Bellin il reçut du sénat de Venise un titre équivalent à celui
de premier peintre, dont l'une des prérogatives était de
faire le portrait de chaque nouveau doge. Le fameux tableau
de Y Assomption fut pour le Titien ce qu'avait été pour Ra-
phaël la Dispute du Saint-Sacrement, le signal d'une ère
nouvelle, dans laquelle il est toujours demeuré sans rivaux.
Il refusa les otîres de Léon X et de François Ier, mais devint
le peintre favori de Charles-Quint, qui posa trois fois pour
lui et le combla d'honneurs. Titien n'a pas d'«égal pour le
portrait, et il a représenté tous les plus grands personnages
de son temps, entre autres les papes Jules II, Clément VII,
Paul III, François Ier (de France) et Philippe II (d'Espagne)*
A l'âge de soixante-dix ans, il accompagna l'empereur en
Allemagne ; quelques biographes assurent même qu'il vint
en Espagne, mais ce fait a été contesté. Ce fut seulement
dans sa vieillesse qu'il visita Rome, où il fut reçu par Michel-
Ange ; Raphaël n'existait plus.
Titien peignit jusqu'à sa dernière heure, et en mourant
de la peste, à quatre-vingt-dix-neuf ans, il laissa des ta-
bleaux sur le chevalet. Il est au premier rang parmi les
76 ÉCOLE VÉNITIENNE.
peintres d'histoire, et n'a jamais été surpassé dans le por-
trait ni dans le paysage. Sa longue carrière ne fut qu'une
suite de triomphes. Tous les hommes éminenls par leur-
génie ou leur naissance furent ses amis ou ses prolecteurs.
LA VIERGE TENANT L'ENFANT JÉSUS ADORÉ
PAR PLUSIEURS SAINTS.
PI. 56.
(Hantent lm,80 cent., largeur lm,12 cent.)
A Rome (palais de Monte Cavallo).
La Vierge, tenant l'enfant Jésus, paraît dans le ciel es-
cortée de deux anges. Au bas du tableau on voit saint Sébas-
tien percé de ses flèches, saint François et saint Antoine de
Padoue en habits monastiques; saint Nicolas, en habits
pontificaux, tenant une crosse, et sainte Catherine avec
une palme. — Gravé par G. Saiter.
JÉSUS-CHRIST PORTÉ AU TOMBEAU.
l'I. 57.
(Hauteur lm;48 cent , largeur 2 m ,05 eut.)
Musée du Louvre.
Le corps du Christ, soutenu par Joseph d'Arimalhie et
deux autres disciples , est déposé dans le sépulcre ; la
Vierge, accablée de douleur est soutenue par saint Jean,
— Gravé par Roussel?
ÉCOLE VÉNITIENNE. 77
JÉSUS-CHRIST COURONNÉ D'ÉPINES.
PI. 58.
(Hauteur 3m, 03 cent., largeur 1 m, 80 cent.)
Musée du Louvre.
Le Christ, un roseau à la main, est assis sur les degrés
ju prétoire et insulté par les soldats. Au-dessus de la porte
Je la prison on voit un buste de Tibère. Ce tableau, dont
Tintoret possédait l'esquisse, a été peint en 15S3, pour le
couvent de Sainle-Marie-des-Grâces des Dominicains de
Milan. Titien avait soixante-seize ans. — Gravé par Sca-
maruccia, Lefebre, etc.
JÉSUS-CHRIST PRÉSENTÉ AL PEUPLE.
PI, 59.
(Hauteur 3m,65 cent., largeur 2n\4Gcent.)
Vienne.
Pilate, monté sur une estrade à la porte du prétoire, pré-
sente au peuple le Christ couronné d'épines. Parmi les
assistants, on croit reconnaître le Titien, et auprès de lui
sa fille. — Gravé par Venceslas Nollar.
78 ECOLE VENITIENNE.
MARTYRE DE SAINT-PIERRE LE DOMINICAIN.
PI. 60.
(Hauteur 5m,76 cent., largeur 3m, 45 cent.)
Saint Pierre le Dominicain, né à Vérone vers 1205, de
parents hérétiques, se fit catholique malgré son père, entra
dans les ordres, et fut nommé, en 1232, directeur de l'in-
quisition dans cette partie de l'Italie, où les hérétiques
étaient fort nombreux. Il y fut, selon l'expression d'un de
ses historiens, « semblable à un lion parmi des bêtes fé-
roces, il ne laissa nul repos aux hérétiques». Ceux de
Milan conspirèrent contre sa vie, et le saint fut assassiné
dans un bois, ainsi qu'un Frère qui l'accompagnait. Cette
scène a inspiré au Titien un de ses chefs-d'œuvre les plus
célèbres. Il l'a exécuté en 1528, à la suite d'un concours
où il avait eu pour antagonistes Pordenone et Palme le
vieux, pour l'église de Saint-Jean et Saint-Paul, apparte-
nant à l'ordre de Saint-Dominique. L'importance du paysage
dans cet immense tableau en fait une œuvre à part : c'est
le premier exemple du paysage historique. L'admiration
qu'excita ce chef-d'œuvre fut telle, qu'un édit défendit qu'il
sortît jamais de Venise, sous quelque prétexte que ce fût.
Bonaparte, comme on pense, n'en tint aucun compte, et le
fit venir à Paris. Le panneau était complètement vermoulu,
et la peinture dans un état effrayant de dégradation. Il fut
transporté sur toile et rendu à son état primitif a?es un
succès inoui, par M. Haquin, l'an VII (1799). 11 est retourné
à Venise après 1815. Après tant de tribulations, ce chef-
d'œuvre vient d'être détruit dans un incendie. — Gravé
par Rota, Lefebre, Laurent.
ÉCOLE VÉNITIENNE. 79
MARTYRE DE SAINT LAURENT.
Pi. 61.
(Hauteur 5 mètres, largeur 2m,70 cent.)
Il en existe deux répétitions avec variantes, une à Venise,"
et une en Espagne.
Saint Laurent, l'un des sept diacres de l'église de Rome,
fut martyrisé en 258, sous l'empereur Valérien. Le palais
de l'Escurial a été bâti sous son invocation, et le roi d'Es-
pagne commanda au Titien le tableau de son martyre. Il en
existe une répétition originale dans l'église des Jésuites à
Venise. Dans le tableau de Madrid, la fumée du bûcher rem-
plit le fond du tableau, et l'on voit descendre du ciel deux
anges qui ne se trouvent pas dans celui de Venise. — Gravé
par Cort, Sadeler (celui d'Espagne), par Oortman (celui
de Venise).
VÉNUS ANADYOMÈNE.
PI. 62.
Ce tableau, après avoir appartenu à la reine Christine
de Suède, passa dans la galerie du Palais-Royal, .et se
trouve maintenant en Angleterre.
La Déesse, sortant de la mer, presse sa chevelure pour
en faire sortir l'eau. Ce tableau est connu sous le nom de
Vénus à la coquille. — Gravé par Aug. de Saint-Aubin.
80 ÉCOLE VÉNITIENNE,
VÉNUS COUCHÉE.
M. 03.
j (Hauteur l^^O cent., largeur 2m,30 cent.)
Musée de Florence (Tribune).
La Déesse est couchée nue sur un lit ; dans le fond de
l'appartement, deux servantes sont occupées à ranger des
vêtements dans un bahut. Cette célèbre figure paraît être un
portrait. — Gravé par Strange.
VÉNUS ET ADONIS. ;
PI. 64.
(Hauteur lm,75 cent., largeur 1iij,90 cent.)
Musée Britannique.
Vénus cherche à retenir Adonis qui part pour la chasse •
La tête d'Adonis passe pour être le portrait de Philippe 11^
roi d'Espagne. — Gravé par Strange.
VÉNUS BANDE LES YEUX DE i/ AMOUR.
PI. 65.
(Hauteur lm,75 cent., largeur lm,90 cent.)
Rome (palais Borghèse).
Vénus, assise, est en train de bander les yeux à l'Amour,
tandis que deux servantes apportent l'une un arc, l'autre
ÉCOLE VÉNITIENNE. 81
le carquois et les flèches. La figure de Vénus est évidem-
ment un portrait. — Gravé par Strange.
Fig. à mi-corps.
VÉNUS SE MIRANT.
PI. G5.
(Hauteur lm,20 cent., largeur 1 mètre.)
A appartenu à la reine Christine de Suède, puis à la galerie
du Palais-Royal ; est maintenant en Angleterre.
La Déesse, debout, la poitrine nue et l'arc à la main, se
regarde dans un miroir que lui présente l'Amour. — Gravé
par Leybold.
DIANE ET CALISTO.
PI. 67.
(Hauteur lm,90 cent., largeur 2«»M0 cent.)
Ancienne galerie du Palais-Royal, maintenant en Angleterre.
Gravé par Alyamet.
Il en existe une répétition au musée de Madrid,
gravée par Corneille Coit.
Diane, entourée de ses nymphes, voit Calisto qui, crai-
gnant de laisser apercevoir sa grossesse, avait refusé de se
baigner avec ses compagnes.
5.
82 ECOLE VÉNITIENNE.
DIANE ET AGTÉON.
PI. 68.
(Hauteur lm,40 cent., largeur lm,25 cent.)
Musée de Madrid.
La Déesse, entourée de ses nymphes, est dans un bos-
quet touffu, près d'un portique voûté sous lequel est une
fontaine circulaire en marbre, ornée de bas-reliefs. Au mo-
ment où Actéon paraît, accompagné de son chien, Diane,
surprise, cherche à se dérober à la vue du chasseur
indiscret. — Lithographie par Blanco.
JUPITER ET ANTIOPE.
PI. 69.
En Angleterre.
Jupiter, sous la forme d'un satyre, s'approche d'Antiope
et l'embrasse. Titien a donné au satyre la forme d'un jeune
homme, et l'a caractérisé seulement par l'allongement de
l'oreille et les poils qui recouvrent les cuisses. — Gravé
par Raimbach.
DANAÉ.
PI. 70.
(Hauteur lm?38 cent., largeur lm,54 cent,)
Deux reproductions à Vienne, à Naples.
Danaé est couchée sur un lit. Près d'elle, une servante
ÉCOLE VÉNITIENNE. 83
recueille sur un plat la pluie merveilleuse qu'attirent les
charmes de sa maîtresse. Jupiter apparaît dans la nuée,
répandant l'or à pleine main. — Gravé par Lisbetius, Ri-
;her, Desplace.
Amours des Dieux.
Gr. de chaque tableau.
(Hauteur 4 mètres sur 2m,40 cent, environ.)
Les six tableaux suivants, peints sur cuir, ont été donnés
par le roi de Sardaigne au duc de Marlborough. Château de
Blenheim en Angleterre. — Gravés par Smilh.
MARS ET VÉNUS.
PI. 71.
Le Dieu de la guerre caresse la Déesse qui se" regarde
dans un miroir. A leurs pieds, l'Amour joue avec son arc.
Le lit et la draperie dont il est orné rappelle le goût des
étoffes en usage au xvie siècle.
l'amour et psyché.
PL 72.
L'Amour contemple Psyché endormie et vue de dos. Un
enfant ailé soulève un rideau, un autre tient un flambeau
allumé.
84 ÉCOLE VÉNITIENNE.
VULCAIN ET GÉRÉS.
PI. 73.
Vulcain ayant à ses pieds son marteau, embrasse Cérès,
reconnaissable à sa couronne d'épis, et assise près de la
forge. Le Titien, en traçant cette composition dans laquelle
il a introduit l'Amour, n'a obéi qu'à une fantaisie de son
imagination, car aucune tradition de l'antiquité ne parle
d'union entre Cérès et Vulcain.
HERCULE ET DÉJANIRE.
PI. 74.
Déjanire est assise sur les genoux d'Hercule. La peau du
lion de Némée, dont Hercule est habituellement revêtu, est
disposée de manière que la partie postérieure de l'animal
se trouve élevée au-dessus de la tête des personnages, et
que la queue du lion tombe dans la main de Déjanire. Un
Amour joue avec la massue d'Hercule,
APOLLON ET DAPHNÉ.
PI. 75.
Apollon poursuit Daphné qui commence à se mélamor-
phoser en laurier. Au premier plan, le fleuve Penée est
accoudé sur une urne d'où s'échappent ses eaux.
ÉCOLE ÊN1TÏENNE. 85
JUPITER ET JUNON.
Pi. 76.
Titien a représenté ici Jupiter au moment où il vient de
métamorphoser la nymphe Io en vache, pour tâcher de la
soustraire aux recherches de la jalouse et vindicative
Junon.
NEPTUNE ET AMPH1TRITE.
PI. 77.
Neptune ayant près de lui son trident, caresse son épouse
Amphitrite. A leurs pieds, un Amour, porté sur un dauphin,
joue avec une flèche.
BACCHUS ET ARIADNE.
PI. 78.
Bacchus est auprès d'Ariadne qui indique du geste l'ho-
rizon de la mer, où l'on aperçoit le vaisseau qui emporte
Thésée. Le tigre de Bacchus est couché aux pieds du Dieu :
devant le groupe est placé l'Amour debout et tenant une
grappe de raisin.
PLUTON ET PROSERPINE.
PI. 79.
Pluton ayant à ses pieds le chien Cerbère, enlève Pro-
serpine qu'il va conduire aux enfers. Sur les roues du char,
86 ÉCOLE VÉNITIENNE,
ua Amour à califourchon s'apprête à décocher une flèche.
Ce tableau ne se trouve plus maintenant à Blenheim, dans
la pièce où était la suite des amours des Dieux peinte par
le Titien.
CHARLES -QUINT.
PI. 80.
(Hauteur 2m,05 cent., largeur lm,20 cent.
A appartenu à Charles Ier d'Angleterre, maintenant au musée
de Munich.
L'empereur est assis dans un fauteuil ; son vêtement
noir est bordé de fourrures. Ce tableau est signé avec la
date de \ 548. — Lithographie par W. Flachnecker.
L EMPEREUR CHARLES Y.
PI. 81.
(Hauteur 2 mètres, largeur 1 mètre.)
Musée de Madrid.
L'empereur est debout ; de la main gauche il flatte son
chien favori, et de l'autre main il tient un chasse-mouches.
La tête est couverte d'une toque noire ornée d'une plume
blanche. La tunique est en drap d'or avec des manches
tailladées; son pardessus, en soie blanche brochée d'or,
est doublée de fourrure ; ses bras et ses souliers sont éga-
lement en soie blanche. Le fond du tableau est noir avec
un rideau vert à gauche. — Lithographie par Palmaroli.
ECOLE VÉNITIENNE. 87
PHILIPPE II ET SA MAITRESSE.
PI. 82.
(Hauteur lin, 50 cent., largeur 2 mètres.)
A appartenu à la reine Christine de Suède, puis a passé dans
la galerie du Palais-Royal.
Maintenant à l'Université de Cambridge.
La maîtresse du roi est représentée nue, tenant une
flûte à la main. Près d'elle sont des instruments de mu-
sique. Philippe II est assis à ses pieds, vu de dos, et joue
de la mandoline.
ALPHONSE D'AVALOS ET SA MAITRESSE.
PI. 83.
(Hauteur lm,21 cent., largeur 4m,07 cent.)
Musée du Louvre.
Alphonse d'Avalos, marquis de Guast, lieutenant général
des armées de Charles V en Italie, s'était distingué à la
bataille de Pavie, mais il fut complètement battu à Ceri-
soles par les Français, commandés par François de Bour-
bon, duc d'Enghien (1544). D'Avalos est représenté ici
avec une armure et posant la main sur le sein d'une jeune
femme qui tient sur les genoux une boule de verre. Cette
femme serait, suivant la version généralement adoptée, la
maîtresse du général ; d'autres veulent y voir le portrait de
88 ÉCOLE VÉNITIENNE.
son épouse, Marie d'Aragon. L'Amour, Flore et Zéphir lui
rendent hommage, c'est du moins le sens qu'on donne
habituellement aux figures que Titien a placées devant
elles. Cette allégorie est assez obscure. — Gravé par
Natalis.
TITIEN ET SA MAITRESSE.
PI. 84.
(Hauteur 96 cent., largeur 70 cent.)
Musée du Louvre.
Ce tableau est connu sous le nom de Titien et sa maîtresse,
mais c'est là un titre de fantaisie que rien ne justifie. D'après
des médailles et des portraits authentiques, on croit y re-
connaître Alphonse Ier, duc de Ferrare, et Laura de Dianti.
Dans une répétition de ce tableau qui se trouve à Ferrare, la
femme est représentée presque nue, ce qui fait supposer
que Titien l'a peinte lorsqu'elle était la maîtresse du duc,
et que lorsqu'elle fut son épouse, la môme composition fut
reproduite avec un vêtement. La jeune femme tient d'une
main ses cheveux et de l'autre une fiole de parfums. Placé
derrière elle, l'homme lui présente deux miroirs. Il existe
une autre répétition de ce tableau qui, après avoir appar-
tenu à Christine de Suède, a passé dans la galerie du Pa-
lais-Royal. — Gravé par Forster et Daucken.
PALME LE VIEUX.
1480-1548.
Jacopo Palma, dit Palme le Vieux, naquit à Cerinalta
ÉCOLE VÉNITIENNE. 89
dans le ttergamasque. Enthousiasmé de la manière du
Giiorgion, il chercha ensuite à se rapprocher de celle du
Titien. Le caractère général de ses productions, dit Lanzi,
est l'exactitude, le fini, l'union des teintes, au point que
l'on ne saurait y distinguer le coup de pinceau. Il a souvent
reproduit dans ses tableaux le portrait de Violante sa fille,
qui fut, dit-on, aimée du Titien.
VÉNUS ET L'AMOUR.
PI. 85.
(Hauteur lm,16 cent., largeur 2m, 08 cent.;
Collection particulière.
Vénus, couchée négligemment sur un terrain couvert de
fleurs, présente une flèche à l'Amour. Au fond, on aperçoit
une ville. Ce tableau, après avoir appartenu à la reine de
Suède, a fait partie de la galerie du Palais -Royal.
PORDENONE.
1484-1540.
Jean-Antoine Licinio Corticelli, surnommé le Pordenone,
à cause de sa ville natale, fut un des plus habiles imitateurs
de Giorgion et de Titien, et fut même quelquefois posé
comme rival de ce dernier. La plupart de ses peintures se
voient dans les châteaux et maisons de plaisance de son
pays. « Dans cette province (le Frioul), ditVasari, il y
avait eu de son temps une infinité d'habiles peintres qui
90 ÉCOLE VENITIENNE,
n'avaient jamais vu Florence ni Rome ; mais celui-ci avait
été le plus étonnant et le plus célèbre pour avoir surpassé
ses prédécesseurs par rapport à l'invention des sujets, au
dessin, à la hardiesse, à la distribution des couleurs; et il
ne déploya pas moins de supériorité dans la peinture à
fresque, par la rapidité de son pinceau, par le relief de ses
figures et par tous les autres détails qui appartiennent à son
art. » Pordenone est quelquefois appelé Regillo, nom qu'il
prit après la condamnation de son frère qui avait tenté de
l'assassiner.
SAINTE JUSTINE.
PI. 80.
(Hauteur 2 mètres, larçeur lm^O cent.)
Musée de Vienne.
Ce tableau est un ex-volo. Un homme, qu'on croit être
le duc de Ferrare, est aux pieds de sainte Justine, patronne
de Padoue. Dans le fond, on voit la ville de Pordenone où
naquit le peintre. — Gravé par Axmann et Martin Frey.
SÉBASTIEN DEL PIOMBO.
1485-15/17.
Luciano di Sebastiano, dit Sebastiano del Piombo, cultiva
d'abord la musique, puis entra à l'école de Jean Bellin et
ensuite à celle du Giorgion. Les ouvrages qu'il fit à Venise
lui firent grand honneur, et le banquier Chigi le fit venir à
ECOLE VÉNITIENNE. 91
Home pour travailler dans son palais en concurrence avec
Raphaël. Il devint l'ami de Michel-Ange, qui l'aida de ses
conseils et de ses dessins. Après le sac de Rome par le
connétable de Bourbon, il fut chargé de réparer les dégâts
qu'avaient subis les fresques de Raphaël dans les chambres
du Vatican. Mais quand le Titien visita les chambres, en
compagnie de Sebastien del Piombo, il fut frappé de ces
retouches qu'il trouva malheureuses , et comme il en
ignorait l'auteur, il s'écria : « Quel est donc l'ignorant
assez présomptueux pour avoir touché à cela?» Ce fut
alors, dit Dolce, avec un jeu de mots, que Sebastiano devint
vraiment del piombo (de plomb). Sebastien del Piombo
n'avait pas une grande imagination, et s'est presque tou-
jours fait aider pour la composition de ses tableaux, mais
son talent de coloriste le place parmi les grands maîtres
de l'École vénitienne. Il a fait surtout d'admirables
portraits.
RÉSURRECTION DE LAZARE.
l'I. 87.
Peint sur bois et reporté sur toile»
(Hauteur 4 mètres, largeur 3 mètres. ^
Jésus-Christ ayant ordonné d'ôler la pierre qui couvrait
le sépulcre, cria à haute voix : a Lazare, sortez !» et le mort
sortit, la tête enveloppée d'un suaire. Le miracle s'accom-
plit au milieu d'une foule nombreuse ; un homme est
en train de délier les bandes qui liaient les jambes du mort
revenu à la vie. La composition de ce tableau est due à
Michel-Ange, et Sébastien del Piombo l'a exécuté sous sa
92 ÉCOLE VÉNITIENNE,
direction. Il fut donné à la cathédrale de Narbonne, en
dédommagement de la Transfiguration de Raphaël qui lui
était destinée et qui resta à Rome. Il y resta fort longtemps,
mais les chanoines manquant de fonds pour réparer leur
église, le vendirent au duc d'Orléans. Il fit partie de la
galerie du Palais-Royal jusqu'en 1791 , et se trouve mainte-
nant au musée de Londres. — Gravé par Delaunay et
Sievier.
BORDONE.
1500-1570.
Paris Bordone, né à Trévise en 1 500, fut élève du Titien,
mais fut encore plus un imitateur du Giorgion. Il fut appelé
en France, où il exécuta de nombreux portraits, entre
autres ceux du duc de Guise, du cardinal de Lorraine et de
plusieurs dames de la cour. Il a moins de puissance que le
Titien et les chefs de l'École vénitienne, mais il possède
un charme et une grâce particulière qui lui assignent, dans
cette école, une place honorable.
l'anneau de saint marc.
PI. 88.
(Hauteur 3"i,67 cent., largeur 2 n ,90 cent.)
Venise.
L'an 1340, une terrible inondation menaça de submer-
ger Venise. Un pêcheur vint annoncer au sénat qu'étant en
ÉCOLE VÉNITIENNE. 93
nier il avait vu un vaisseau rempli de démons, qui s'était
englouti sous ses yeux par l'intercession de saint Marc, et
présenta l'anneau que le saint évangéliste lui avait remis
en témoignage de la protection qu'il accordait à Venise.
Le vent ayant subitement changé, le présage fut reconnu
bon et l'événement regardé comme miraculeux : le pêcheur
reçut une pension du sénat. C'est cet événement que
P. Bordone a représenté ici. Ce tableau, qui ornait une des
salles de la confrérie de Saint-Marc à Venise, a été pris par
les Français, et rendu aux Autrichiens en 1815. — Gravé
au trait par Lenormand.
BASSAN.
1510-1592.
Jacopo da Ponte, dit II Bassano ou Jacques Bassan, fut
d'abord élève de son père, travailla quelque temps avec
Bonifazio à Venise, étudia ensuite les œuvres de Parmesan
et de Titien. Ses premiers ouvrages montrent une aspira-
lion vers l'élévation du style , qu'on ne retrouve plus
ensuite. Retiré dans sa ville natale, il se créa un genre
qu'on appellerait aujourd'hui réaliste. Son caractère dis -
tinctif n'est pas l'invention, mais une savante interprétation
de la nature, et une étonnante magie dans les effets de la
lumière. Titien et le Tintoret avaient une grande estime
pour son talent, et Paul Véronèse, dit Lanzi, lui rendit le
plus flatteur des hommages en lui donnant pour élève
Carlollo, son fils, afin qu'il l'instruisît en plusieurs choses,
et surtout dans « celte juste distribution de lumière de l'un
à l'autre objet, et dans l'art de produire ces heureuses
9A ÉCOLE VÉNITIENNE,
oppositions par lesquelles les objets représentés luisent
véritablement » . Avec le Bassan cesse le goût de ces belles
architectures qui étaient comme le signe distinctif de l'École
vénitienne. Ce sont, en général, des cabanes, des paysages,
des bestiaux, des natures mortes, des marchés, ou des
travaux rustiques, qu'il se plaît à représenter; et quand il
fait des sujets religieux, ils dilîèrent peu des sujets pro-
fanes. Enfin, c'est de Bassan que date, dans le nord de
l'Italie, ce naturalisme absolu, dont le Caravage s'est fait
le représentant dans l'Italie centrale. Il enseigna son art à
ses quatre fils, qui firent eux-mêmes d'autres élèves, de
sorte que son école dura près d'un siècle.
LA MOISSON.
PI. 89.
(Hauteur 4n>,04 cent., largeur 6m, 60 cent.)
Au pied d'un arbre, sur lequel un homme est monté
pour cueillir des fruits, on voit un groupe de femmes; au
fond un charriot traîné par des bœufs. Il existe deux répé-
titions de ce tableau : l'une au musée du Belvédère à
Vienne; l'autre, beaucoup plus petite et avec des diffé-
rences, au musée du Louvre. — Gravé par Troyen.
TÏNTORET,
Pu V.
1512-1594.
Jacopo llobust', dit leTintoret, parce que son père était
teinturier, montra de bonne heure de grandes dispositions.
T , I
P , V
JACÇUES ROBUSTI DIT TINTORET
GIACOMO ROBUSTI, DCTTO IL TINTORETTO.
JACOBO ROBUSTI LLAMADO EL TINTOilETO.
ÉCOLE VÉNITIEN NE. 96
et entra à l'école du Titien, où il ne resta que peu de
temps. Mais il demeura toujours son grand admirateur, et
il avait écrit sur le mur de son atelier, comme une maxime
qui résumait tout : « Le dessin de Michel-Ange et le coloris
du Titien. » Travailleur infatigable, Tintoret c tait en outre
doué d'une prodigieuse facilité, dont il abusa quelquefois,
surtout à la fin de sa vie. Tintoret n'arrive pas à la majesté
du Titien, il cherche le mouvement et l'énergie plutôt que
la noblesse; le nombre de ses œuvres est immense. Il avait
une fille, nommé Marietta Robusti, qui peignit avec une
grande habileté, et mourut à la fleur de l'âge.
NOCES DE CANA.
PI. 90.
(Hauteur 5 mètres, largeur 6 mètres environ.)
Venise.
Des personnages , vôtus selon la mode vénitienne du
xvie siècle, sont assis autour d'une table vue en perspec-
tive. La figure du Christ est placée au fond, tout au bout de
la table. Ce tableau est placé dans l'église Sainte-Marie-du-
Salut, à Venise. — Gravé par Volpato.
La femme adultère.
PI. 91.
(Hauteur 2m, 10 cent., largeur 4 mètres.)
Galerie de Dresde.
Jésus-Christ, assis au pied d'une colonne, est entouré
par les Pharisiens qui amènent la femme adultère. On voit
06 ÉCOLE VÉNITIENNE.
aussi plusieurs malades qui attendent leur guérison. Ce ta-
bleau fait pour le comte de Vidmani, fit ensuite partie de la
collection réunie à Prague. Après la prise de celte ville en
1620, lorsque la galerie fut dispersée, il se trouva compris
dans le lot qui échut à l'électeur de Saxe. — Gravé par
P. A. Kilian.
SAINT MARC DÉLIVRE UN ESCLAVE.
PL 92.
(Hauteur 4ro, 30 cent., largeur 5'»,50 cent.)
Venise.
Un Vénitien avait été fait prisonnier par les Turcs et
réduit en esclavage. Condamné au supplice par son maître,
il invoqua saint Marc qui lui apparut dans les airs, et aussitôt
toutes les cordes dont le patient était garrotté se trouvèrent
rompues, ainsi que les instruments du supplice. Ce célèbre
tableau, connu sous le nom de Miracle de saint Marc, est
considéré comme le chef- d'oeuvre du Tintoret. Il fut ap-
porté à Paris en 4 799, et retourna à Venise en 4 815. —
Gravé par J. Mathan.
JUNON ALLAITANT HERCULE.
PI. 93.
(Hauteur dn>,60 cent., largeur lm,65 cent.)
Collection particulière.
Jupiter présenta Hercule enfant à Junon, et le jeune héros
serra le sein avec (ant de force que le lait qui s'échappa
ÉCOLE VÉNITIENNE. 97
violemment se répandit dans le ciel et forma la voie lactée.
La manière dont cette composition est agencée semble in-
diquer que le tableau était destiné à décorer un plafond,
ce tableau a fait partie de la galerie du Palais-Royal. —
Gravé par Delaunay.
JUPITER ET LÉDA.
PL 91.
'Hauteur 1111,65 cent., largeur 2 »,20 cent.)
Collection particulière.
Lcda, couchée sur un lit, joue avec le cygne placé près
d'elle. Au second plan, une suivante pose la main sur une
cage dans laquelle un canard est agacé par un chat. —
Gravé par G. Mondet.
MUZIANO.
1530-1590.
Girolamo Muziano fit ses premières études à Brescia, sa
ville natale, et se perfectionna à Venise en étudiant les
ouvrages du Titien. Il était fort habile dans le paysage,
mais étant venu à Rome, il se livra à l'étude de l'antique,
et fit beaucoup de tableaux dans les églises, et de portraits.
Nommé par Grégoire XI11 surintendant des travaux du
Vatican, Muziano fut un des fondateurs de l'Académie de
Saint-Luc, et enrichit la nouvelle institution par ses dispo-
sitions testamentaires.
28 ÉCOLE VÉNITIENNE.
LE LAVEMENT DES PIEDS.
PU 93.
(Hauteur 3m,45 cent., largeur 4m. 82 cent.)
Église de Reims.
Jésus-Christ lave les pieds à saint Pierre, au milieu d'un
concours nombreux de disciples. Ce tableau, où les figures
sont de grandeur naturelle, a été fait pour le cardinal de
Lenoncourt, alors archevêque de Reims. Les chanoines,
depuis, en firent présent au régent, mais son fils en fit
faire une copie par Vanloo, et rendit l'original à l'église. —
Gravé par Desplac£.
VÉRONÈSE (PAUL),
Pu VI.
1528-1588.
Pàolo Cagliari, dit Véronèse, du nom de Vérone, sa ville
natale, était fils d'un sculpteur avec lequel il fit ses pie
mières éludes. Son oncle, Antonio Badile, qui était peintre,
l'aida aussi de ses conseils et lui fit copier, pendant plu-
sieurs années, des gravures d'Albert Durer, alors fort en
honneur à Venise. Le cardinal Hercule de Gonzague, ap-
préciant la valeur du jeune peintre, l'emmena à Manlouc
et le chargea de différents travaux. A la suite d'un concours
établi par les procurateurs de Saint-Marc pour la peinture
T . 1
P. VI
PAUL CALIARI DIT PAUL VERONESE.
PAOLO CAGLIARI DETTO PAOLO VERONESE .
ÉCOLE VENITIENNE. 99
des plafonds de la hibliolhèque, les rivaux de Paul Véronèse
lui décernèrent eux-mêmes la chaîne d'or destinée au vain-
queur. Paul Véronèse fit un voyage à Rome, où l'étude de
Raphaël, de Michel-Ange, et surtout des chefs-d'œuvre de
l'antiquité, agrandit encore sa manière et, à son retour à
Venise, il se trouva tellement recherché, que, malgré sa
prodigieuse facilité, il pouvait à peine suffire aux travaux
publics ou particuliers qu'on lui demandait de toutes parts.
Le sénat le créa bientôt chevalier de Saint-Marc, et il était
au comble de la gloire, lorsque ayant suivi une procession
dans un jour très-chaud, il contracta une maladie dont il
mourut à l'âge de cinquante-six ans. Paul Véronèse a plus
d'imagination que de sentiment. Il émeut rarement par
l'expression, mais il éblouit par la magnificence de ses con-
ceptions. Son dessin, toujours correct, est plein de noblesse
et de grandeur, et sa couleur a un éclat sans égal. C'est le
grand décorateur de l'Ecole vénitienne et le seul maître qui
ait possédé l'art de représenter, sans confusion ni sacrifice
apparent, de nombreuses figures enveloppées d'une atmo-
sphère également lumineuse.
LE CHRIST MORT.
PI. 96.
(Hauteur lm,30 cent., largeur 1 mètre.)
Galerie de l'Ermitage (Saint-Pétersbourg).
Le Christ, mort, est soutenu par la Vierge ; près de lui
est un ange qui tient la main du Sauveur. Ce tableau avait
été fait pour l'église Saint-Jean et Saint-Paul, à Venise. Il
avait été acquis par Charles Ier d'Angleterre; après la mort
100 ÉCOLE VÉNITIENNE.
de ce prince, il passa en différentes mains et enfin en
Russie. — Gravé par Aug. Carrache, Duchange.
JÉSUS- CHRIST GUÉRISSANT UNE MALADE.
PI. 97.
(Hauteur 1 mètre, largeur lm,35 cent.)
Galerie de Vienne.
Une femme, affligée depuis douze ans d'une perte de sang,
s'approcha de Jésus-Christ par derrière et toucha le bord
de son manteau. Jésus s'étant tourné, la regarda en disant :
« Ayez confiance, votre foi vous a sauvée», et à l'instant
même son mal cessa. La scène se passe sur le perron d'un
escalier. — Gravé par Troyen, Blaschker.
NOCES DE CANA (DU LOUVRE).
PI .-HP.
(Hauteur 6 »,6fi cent., largeur 9m, 90 cent.)
Le Christ et la Vierge, la tête entourée d'une auréole,
sont assis au centre d'une immense table autour de laquelle
se pressent les convives dont un grand nombre sont des
portraits. Le premier personnage à gauche , auquel un
nègre présente une coupe, est Alphonse d'Avalos, marquis
de Guast, à côté duquel sont Éléonore d'Autriche, reine de
France, et François Ie% coiffé d'une façon bizarre. Viennent
ÉCOLE VÉNITIENNE. 101
ensuite Marie, reine d'Angleterre, Soliman Ier, empereur
des Turcs, Victoire Colonna, marquise de Pescaire, qui
tient un cure- dent, et à l'angle de la table Charles V, por-
tant la décoration de la Toison d'or. Les personnages qui
font de la musique, au milieu, sont les artistes les plus
célèbres de Venise : Paul Véronèse joue de la viole, ainsi
que le Tintoret placé denrière lui ; Titien tient une basse,
et Bassan une flûte. Le personnage debout qui tient une
coupe est Benedetto Cagliari, frère de Paul Véronèse. Ce
célèbre tableau, fait pour le réfectoire du couvent de Saint-
Georges-Majeur à Venise, vint en France 5 la suite des
campagnes d'Italie; en 181 5, le gouvernement autrichien
consentit, vu la difficulté du transport, à l'échanger contre
une peinture de Lebrun, et c'est ainsi qu'il est resté à la
France. — Gravé par Mitelli, Jakson.
NOCES DE CANA.
PI. 99.
(Hauteur 2m,35 cent., largeur 5n>,20 cent.)
Galerie de Dresde.
Jésus-Christ, la tête environnée d'une auréole de lumière,
îst assis à une table somptueuse au milieu de ses disciples,
dans le costume des grands seigneurs vénitiens du xvi sièc'ie;
au fond, des monuments d'une riche architecture. Ce ta-
bleau a fait partie de la collection du duc de Modène, d'où
il est passé dans la galerie de Dresde. — Gravé par Jacob.
o.
102 ECOLE VÉNITIENNE
JÉSUS CHEZ LÉVI.
PI. 100.
(Hauteur 5m,67 cent., largeur 13-n.65 oent.)
Venise.
Un grand repas a lieu sous les arcades d'un palais.
Jésus-Christ est au milieu : à travers les arcades, on aper-
çoit divers monuments d'une riche architecture. Ce tableau
fut peint en 1573, pour décorer l'église de Saint- Jean et
Saint-Paul, en remplacement d'une cène peinte par Titien,
qui avait été la proie des flammes. Le frère quêteur du
couvent, André Buoni, avait demandé à P. Véronèse d'exé-
cuter ce tableau en échange de ses petites épargnes, et
P. Véronèse, sans s'inquiéter de la modicité du prix, ac-
complit cet immense travail, qui est une de ses œuvres les
plus importantes. Ce tableau est venu à Paris en 1798, et
est retourné à Venise en 1816.
JÉSUS CHEZ SIMON.
PI. 10t.
(Hauteur 3m,25 cent., largeur 4m,55 cent.)
Gènes (Palais Durazzo").
Le repas a lieu près d'un portique d'ordre corinthien.
La pécheresse verse des parfums sur les pieds du Christ
placé au coin du tableau, et répondant à ses disciples qui
semblent le questionner. — Gravé par Volpalo.
ÉCOLE VÉNITIENNE. 103
SUZANNE AU BAIN.
PI. 102.
(Hauteur lm,75 cent., largeur 2na,10 cent.)
Musée de Madrid.
Suzanne cherche à s'envelopper dans une draperie de
soie blanche brochée d'or, tandis qu'elle est obsédée par
les deux vieillards. Au fond du tableau on aperçoit un palais.
*— Lithographie par P. Guglielmi.
JUPITER ET LÉDA.
PI. 103.
(Hauteur lm,15 ceut., largeur 1 mètre.)
Collection particulière.
Léda, assise sur un lit entouré de rideaux, reçoit les
caresses de Jupiter, métamorphosé en cygne. — Gravé par
Saint-Aubin.
PERSÉE ET ANDROMÈDE.
M. 104.
(Hauteur 3 mètres, largeur 2m, 00 cent.)
Andromède est enchaînée a un rocher et voit arriver le
monstre marin qui doit la dévorer. Persée descend d'un
104 ÉCOLE VÉNITIENNE.
nuage pour combattre le monstre et délivrer Andromède. —
Gravé par L.Jacob.
ENLÈVEMENT I)'eUROPE.
PI. 105.
(Hauteur 2m,45 cent., largeur 3 mètres.)
Venise.
Europe, entourée de ses compagnes, est assise sur le
taureau blanc dont Jupiter a pris la forme. Les cornes du
taureau sont ornées de fleurs, et un Amour paraît vouloir
lui servir de guide, tandis que d'autres voltigent autour
d'Europe en tenant des couronnes. Au second plan, on voit
la promenade du taureau, et au fond du tableau on le re-
trouve fuyant avec Europe au milieu de la mer. — Gravé
par Lefebvre.
PALME LE JEUNE
• 1544-1628.
Jacopo Palma, dit le jeune, petit-neveu de Palme {r
vieux, fut d'abord élève de son père, peintre peu connu,
et se forma par l'étude des maîtres vénitiens. Lanzi l'ap-
pelle le a dernier peintre de la bonne époque et le pre-
mier de la mauvaise ». Le duc d'Urhin le protégea et
l'envoya à Rome, où il demeura huit ans. Revenu à Venise,
il se lia avec Vittoria, architecte et sculpteur très-accrédité,
qui lui fit avoir de nombreux travaux aux dépens de Tintoret
ÉCOLE VÉNITIENNE. 105
et de Paul Véronèse. Ses tableaux très-nombreux et souvent
faits trop à la liâte, trahissent, dans le style, ce maniérisme
qui devenait alors le caractère dominant de la peinture en
Italie.
SAINT SÉBASTIEN.
PI. 100.
(Hautenr 40 cent., largeur 30 cent.)
Le saint, que les bourreaux sont en train de lier à un
arbre, aperçoit l'ange qui descend du ciel avec une palme
et une couronne. Au fond, on voit, d'un côté les archers de
Ihoclétien, de l'autre, des chrétiens qui s'entretiennent du
saint martyr. — Gravé par Gilles Sadeler.
JUPITER ET ANTIOPE.
PI. 107.
Jupiter, sous la forme d'un Satyre, lève la draperie qui
recouvre Antiope. L'Amour est endormi à côté d'elle. —
Gravé par Perini.
VÉNUS ET L'AMOUR.
PI. 108.
(Hauteur lm,60 cent., largeur lm,15 cent.)
Galerie de Cassel.
Vénus, entièrement nue et placée devant une glace, ca-
resse l'Amour qui voltige autour de sa tête. Sur une cas-
106 ÉCOLE VÉNITIENNE.
sette ciselée, placée au premier plan, on lit la signature du
peintre.
VAROTARI.
1590-1650.,
Alessandro Varotari, dit le Padouan, reçut de son père
les premiers éléments de la peinture, étudia les ouvrages
du Titien et de Paul Véronèse, et se créa bientôt une ma-
nière parfaitement originale. Bien qu'il ait beaucoup pro-
duit, ses tableaux ne se trouvent guère qu'à Padoue et ù
Venise. Clara Varotari, sa sœur, se fit une grande réputa-
tion en peignant le portrait.
LA FEMME ADULTÈRE.
PI. 109.
(Hauteur lni,80 cent., largeur 2,40 cent.)
Vienne (galerie du Belvédère).
Les Scribes et les Pharisiens amènent la femme adultère
devant Jésus-Christ, et l'un d'eux montre du doigt le texte
de la loi qui ordonne de la faire mourir. Il se trouve en
Angleterre une ancienne copie de ce tableau.
ÉCOLE VÉNITIENNE. 107
VÉNUS ET L'AMOUK.
PI. 110.
(Hauteur im,20 cent., largeur im,70 cent.)
Louvre.
Vénus, couchée sur un lit de repos, joue avec l'Amour.
Ce tableau, où les figures sont de grandeur naturelle, a fait
partie de la galerie de Lucien Bonaparte, et ne vint au
Louvre qu'en 1829. — Gravé par Folo.
TURCO (ALEXANDRE).
1582-1648.
Alessandro Turcbi , ou Turco , est surnommé tantôt
Alexandre Véronèse, à cause de sa ville natale, tantôt
VOrbclto, parce que, dans son enfance, il avait servi de
guide à son père aveugle. 11 fit ses premières études avec
Ricci, vint ensuite à Venise, puis à Rome, où il se rangea
parmi les imitateurs des Carrache, et travailla en concur-
rence avec Pierre de Cortone : ce maître, dont l'exécution
pleine de charme annonce pourtant la décadence où était
tombée la peinture au xvnc siècle, a été fort apprécié de
son vivant, et on l'a même comparé à Annibal Carrache^
108 ÉCOLE VÉNITIENNE.
LE DÉLUGE.
PL lit.
(Hauteur 74 cent., largeur 96 cent.)
Musée du Louvre.
Les habitants de la terre cherchent un refuge sur les hau-
teurs. Un homme, au premier plan, fait entrer sous une
tente sa femme et son enfant, d'autres s'accrochent aux
branches d'un arbre. Au fond , on aperçoit l'arche qui
Hotte sur les eaux. — Gravé par Edelinck.
MORT DADOINLS.
l'I. 1 11.
(Hauteur 3m;2o cdot , largeur 4 mètres.)
Musée de Dresde.
Vénus soutient Adonis mourant ; derrière eux, l'Amour
regarde la scène. — Gravé par Beauvarlet.
T , 1
P .Vil
ANTOINE ALLEGRI dit LE CORREGE.
ANTONIO ALLEGEI DETTO IL CORREGGIC.
ANTONIO ALLEGRI. luumdo EL CORKEJIO.
ÉCOLE DE PARME. 109
ÉCOLE DE PARME.
La classification des peintres par écoles est toujours un
peu arbitraire. On entend par école une succession d'ar-
tistes se transmettant les uns aux autres un enseignement
et une suite de principes qui donnent à leurs ouvrages un
lien et une sorte de parenté. Il n'y a, en réalité en Italie,
que trois écoles : l'école Florentine, l'école Vénitienne et
l'école Romaine, car l'école Bolonaise représente une fusion
de principes plutôt qu'un caractère propre. Pourtant d'autres
villes ont fourni des groupes d'artistes éminents qui se sont
tenus en dehors des centres principaux et occupent dans
l'histoire de l'art une place très-importante. Parme est de
ce nombre : le Corrége a une originalité si tranchée qu'il
est impossible de le rattacher à un des trois grands rameaux
de l'art italien. Son caractère propre est la grâce, et il est
aussi éloigné de la fierté de dessin de l'école Florentine que
du coloris éclatant de l'école Vénitienne. Le Parmesan a
marché dans une voie qui a quelque analogie avec la ma-
nière du Corrége ; ces deux maîtres constituent donc à eux
seuls ce qu'on a appelé l'école de Parme.
CORRÉGE.
Pl. VII.
U94-1534.
Antoine Allegri, surnommé le Corrége, du nom de sa ville
natale, est un des artistes sur la biographie desquels on a le
i. — 7
110 ÉCOLE DE PARME,
moins de renseignements. On en est réduit à de simples
conjectures sur ses premières études , et le nom de son
maître est demeuré inconnu. Mais il faut croire que ses pro-
grès furent rapides, puisqu'à vingt ans il jouissait déjà d'une
réputation assez grande pour que les religieux du couvent de
Saint-François lui confiassent l'exécution du tableau destiné
à orner le maître-autel de leur église. En 1 520, il entreprit
de peindre, dans la coupole de Saint-Jean des bénédictins
de Parme, l'assomption du Christ, et acheva son travail en
1524. Mais son œuvre capitale fut la décoration du dôme de la
cathédrale de Parme, qui fut terminée en 1 530 et qui repré-
sente l'assomption de la Vierge. Dans cet immense travail,
le peintre a représenté les Apôtres et les bienheureux, et
une multitude d'anges de diverse grandeur, les uns soute-
nant et accompagnant la Vierge, d'autres chantant et jouant
des instruments, d'autres enfin tenant des flambeaux et des
cassolettes sur lesquelles brûlent des parfums. Cette fresque
a été gravée en dix-neuf planches par Jean-Baptisle Vanni,
à Florence, 1642: elle avait été payée à Corrége une somme
équivalente à 4200 francs. Les caractères distinctifs du
Corrége sont la grâce, une grande intelligence du clair-
obscur et un coloris inimitable. L'audace des raccourcis
donne à son dessin un caractère particulier; il est le pre-
mier artiste qui osa faire des ligures vues de bas en haut,
écueil que Raphaël évita. Vasari rapporte que, pauvre et
chargé de famille, Corrége mourut pour s'être fatigué à
porter de Parme à Corregio une somme de 60 écus qu'on
lui aurait payée en monnaie de cuivre. Cette anecdote,
accréditée pendant longtemps, est aujourd'hui tout à fait
abandonnée par la critique, et les biens laissés par le père
de l'artiste, mort après lui, sont loin de confirmer les récits
qu'on a fails sur sa pauvreté. Il est certain, néanmoins, que
ÉCOLE DE PARME. I | |
Gorrége fut loin d'avoir pendant sa vie une position bril-
lante comme celle de Raphaël et de Titien.
LA VIERGE ET l/ENFANT JÉSUS.
PI. 113.
(Hauteur 52 cent., largeur 40 cent.)
fc ,Musée de Naples (plusieurs répétitions avec variantes/ .
La Vierge, assise dans le bois, tient l'enfant Jésus enlie
ses bras. Des anges descendent du ciel au-dessus de sa tête.
Ce tableau est connu à Naples sous le nom de la Zingarella.
— Gravé par Rossi, Porporati.
SAINTE FAMILLE.
PI. 114.
DITE LA VIERGE AU RABOTEUR OU VIERGE AU PANIER.
Petit tableau conservé sous glace, musée de Londres.
(Hauteur 31 centimètres, largeur 27 centimètres.)
La Vierge, assise, tient sur ses genoux l'enfant Jésus.
La figure de saint Joseph qu'on aperçoit dans le fond lui a
fait donner le nom de Vierge au raboteur ; on l'appelle aussi
Vierge au panier, à cause du panier qu'on voit sur le pre-
mier plan. — Gravé par Faccioli.
LA VIERGE, L'ENFANT JÉSUS ET PLUSIEURS SAINTS.
Pi. 115.
(Hauteur 3m, 30 cent., largeur 2m, 15 cent.)
Galerie de Dresde.
i.a Vierge, assise sur une estrade au fond du tableau,
112 ÉCOLE DE PARME,
tient sur ses genoux l'enfant Jésus ; à droite sont saint Jean-
Baptiste et saint Geminien, patron de Modène; à gauche
saint Pierre le Dominiquin, et saint Georges posant son
pied sur la tête du monstre qu'il a vaincu. Près de lui, des
enfants jouent avec son casque et son épée. Ce tableau,
peint pour la confrérie de Saint-Pierre à Modène, fut acquis
depuis par le duc de Modène, et passa ensuite dans la galerie
de Dresde. — Gravé par Bertelli, Giovanini, Beauvais.
NATIVITÉ.
DITE LA NUIT DU CORRÉGE.
PI. 116.
(Hauteur 3 mètres, largeur 2m,15 cent.)
Galerie de Dresde.
La naissance de Jésus-Christ eut lieu la nuit dans une
étable. Le Corrége a représenté l'enfant resplendissant de
lumière et répandant son éclat non-seulement sur les per-
sonnages de la sainte famille, mais encore sur les anges
descendus du ciel pour fêter la venue du Sauveur. Ce célèbre
tableau, peint sur bois, avait été destiné à orner un autel
dans l'église de Saint-Prosper de Reggio. Il passa ensuite
dans la galerie des ducs de ModAne, et de là dans celle du
roi de Pologne. Il est aujourd'hui considéré comme l'un des
ouvrages les plus importants du musée de Dresde. — Gravé
par Mitelli, Surugue.
ÉCOLE DE PARME 113
SAINT JÉRÔME.
PI. 147.
(Hauteur 2 mètres, largeur 1 m, 40 cent.)
Musée de Parme.
Ce tableau représente la Vierge et l'enfant Jésus avec
plusieurs personnages : saint Jérôme accompagné de son
lion est placé au premier plan. Peint en 1524 par ordre
de Briseis Cossa, veuve d'Octa e Bergonzi, gentilhomme
de Parme, il fut donné au couvent de Saint-Antoine de
Parme, où il resta jusqu'en 1749; à cette époque, le
roi de Portugal en ayant fait offrir 40 000 sequins (plus
de 400 000 francs), et l'abbé de Saint-Antoine élant dis-
posé à le céder, l'Infant don Philippe le fit enlever de
l'abbaye et déposer à la cathédrale où il resta jusqu'en
1756 : il fut alors placé à l'Académie de peinture. En 1798,
le duc de Parme fit offrir un million à Bonaparte pour pou-
voir conserver ce chef-d'œuvre, mais le général en chef
refusa, et le tableau vint à Paris où il resta jusqu'en 1815.
Il avait été payé au Gorrége 47 sequins du temps (environ
522 francs), la nourriture pendant six mois qu'il y travailla,
plus deux voitures de bois, un cochon gras et quelques
mesures de froment. — Gravé par Aug. Carrache, Strange.
LE CHRIST MORT.
PI. 118.
Parme.
Le corps de Jésus-Christ , descendu de la croix , est
appuyé sur les genoux de la Vierge, prête à s'évanouir et
114 ÉCOLE DE PARME,
soutenue par saint Jean. Aux pieds du Sauveur est Marie-
Madeleine, et, dans le fond, on voit Joseph d'Arimathie qui
descend de l'échelle. Ce tableau a été peint pour le couvent
des Bénédictins de Saint-Jean à Parme. — Gravé par
Rosaspina.
SAINTE MADELEINE.
PL 119.
(Hauteur 35 cent., largeur 46 cent.)
Galerie de Dresde.,
Marie-Madeleine, couchée, dans un bois et couverte d'une
draperie bleue, a la tête appuyée sur la main, et tient avec
l'autre un livre dans lequel elle lit. Ce tableau, peint sur
cuivre, après avoir appartenu aux princes de la maison
d'Esté, devint ensuite la propriété des rois de Pologne, et
fait maintenant partie du musée de Dresde. — Gravé par
Daullé, Morghen, Niquet.
MARIAGE DE SAINTE CATHERINE.
PI. 120.
(Hauteur lm,05 cent., largeur lm,02 cent.)
Louvre.
L'enfant Jésus, assis sur les genoux de la Vierge, passe
un anneau au doigt de sainte Catherine, derrière laquelle
on voit saint Sébastien debout et tenant des flèches. Ce
tableau, qui a appartenu au cardinal Barberini et à Maza-
rin, fut acquis ensuite par Louis XIV. — Gravé par Picart,
Giovanni Folo.
ÉCOLE DE PARME. 115
DANAÉ.
Pi. 121.
(Hauteur lm,60 cent., largeur lm,90 cent.)
Collection particulière.
Danaé, assise sur son lit, paraît aider l'Amour qui clierche
à étendre la draperie dont elle est en partie couverte, aGn
«le recevoir avec plus d'abondance la pluie d'or qui tombe
d'un nuage au-dessus d'elle Ce tableau appartint à la reine
Christine de Suède : il fit ensuite partie de la galerie du
Palais- Royal, et passa de là en Angleterre. — Gravé par
Duchange, Trière.
JUPITER ET LÉDA.
PI. 122.
(Hauteur lm,60 cent., largeur 2 mètres.)
Berlin.
Jupiter, sous la forme d'un eygne, s'approche de Léda,
assise au pied d'un arbre. Ce tableau, après avoir appartenu
à la reine Chriatine de Suède, et être retourné en Italie,
fut acheté par le duc d'Orléans , régent. Le fils de ce
prince, dont la dévotion était extrême, coupa la têle de
Léda et mutila le tableau en plusieurs endroits. Ce fut dans
cet état qu'il fut acquis par Frédéric le Grand, après toute-
fois que Coypel eût restauré les parties endommagées et
repeint la tête qui manquait. — Gravé par Duchange.
116 ÉCOLE DE PARME.
VÉNUS ET L'AMOUR.
PI. 123.
(Hauteur 48 cent., largeur 30 cent.)
Collection particulière.
Vénus, assise et vue de dos, est occupée à mettre un
bandeau sur les yeux de l'Amour.
VÉNUS ET L'AMOUR.
PI. 124.
Collection particulière.
Vénus, assise, embrasse l'Amour qu'elle tient dans ses
bras.
VÉNUS ET L'AMOUR.
PI. 125.
(Hauteur 40 cent., largeur lm,30 cent.)
Collection particulière.
Vénus, couchée sur un lit, cherche à désarmer l'Amour,
tout en jouant avec lui.
ENLÈVEMENT DE GANYMÈDE.
PI. 120.
(Hauteur lm,65 cent , largeur 72 cent.)
Galerie de Vienne.
Jupiter, sous la forme d'un aigle, enlève Ganymède.
Au bas du tableau, on voit le chien avec lequel le jeune
ÉCOLE DE PARME. 117
berger gardait son troupeau ; ses aboiements semblent ex-
primer les regrets que lui fait éprouver la perte de son
maître. — Gravé parStecn, Eisner.
VÉNUS ET UN SATYRE.
PI. 127.
(Hauteur lm,90 cent., largeur lm,24 cent.)
Au Louvre (sous le titre de Sommeil cTAntiope).
Au milieu d'un paysage, un Satyre soulève la draperie
qui recouvre Vénus, près de laquelle est l'Amour endormi
sur une peau de lion. Ce tableau, qu'on désigne tantôt sous
celui de Vénus endormie , tantôt sous celui de sommeil
d'Antiope, faisait partie de la galerie des ducs de Mantoue,
d'où il est passé dans celle de Charles Ier, roi d'Angleterre.
Il appartint ensuite au banquier Jabach, puis à Mazarin, et
enfin à Louis XIV. — Gravé par Basan, Gaudefroy.
JUPITER ET 10.
I'I. 128.
(Hauteur lm, 40 cent., largeur 85 cent.)
Berlin.
Jupiter rencontra Io lorsqu'elle sortait de chez son père,
le fleuve Inachus. Il voulut l'entraîner dans la forêt voisine,
mais elle s'enfuit avec précipitation : Jupiter alors couvrit
la terre d'un nuage épais qui remplit d'obscurité les lieux
où se trouvait la nymphe, et par ce moyen parvint à se
rapprocher d'elle. Ce tableau, après avoir appartenu à la
reine Christine, passa dans la galerie du Palais-Royal, fut
7.
118 ÉCOLE DE PARME,
donné an peintre Coypel par le duc d'Orléans, fils du
régent, et devint ensuite la propriété du grand Frédéric
qui le plaça à Sans Souci. Il en existe plusieurs répétitions.
— Gravé par Desroches et Bartolozzi.
PARMESAN.
Pi.. VIII.
1503-1540.
Francesco Mazzuoli, dit le Parmesan, du nom de sa ville
natale, perdit son père de bonne heure, et travailla sous la
direction de ses oncles qui étaient peintres. Il étudia surtout
le Corrége et en reçut quelques conseils. Étant venu à Rome,
Je pape Clément VII le chargea de travaux considérables.
Après le sac de Rome par le connétable de Bourbon, il
s'enfuit à Bologne et ensuite à Parme où il exécuta de nom-
breuses peintures. Comme il ne se pressait pas assez de
ter.niner celles qu'il avait commencées pour l'église de la
Steccata, il fut incarcéré sur la requête des religieux Après
sa sortie de prison, il s'enfuit à Casalmaggiore, où il mourut
dans un état voisin de la misère. Le Parmesan est le pre-
mier peintre itatien qui ait gravé à l'eau-forte.
LA VIERGE ET l' ENFANT JÉSUS
AVEC SAINTE MARGUERITE ET AUTRES SAINTS.
PI. 129.
(Hauteur 2m, 20 cent., largeur lm,45 cent.)
Bologne.
L'enfant Jésus, placé sur les genoux de la Vierge, est
T . 1
P .VIII
FRANÇOIS MAZZUOLI DIT PARMESAN.
FKAWCMCO MAZZUOLI. DITTO, IL RMUCIOLAmHO.
FRANCISCO MAZZUOLI . LLAMADO BL PARMESANO
1
ÉCOLE DE PARMI . 119
adoré par sainte Marguerite , reconnaissable au monstre
placé près d'elle. Saint Jérôme tenant un crucifix, un autre
saint, coiffé de la mitre, qu'on croit être saint Benoît ou
saint Augustin, et un ange placé derrière la Vierge, adorent
aussi l'Enfant Dieu. — Gravé par Bonasone, Traballessi,
MARIAGE DE SAINTE CATHERINE.
PI. 130.
(Hauteur G5 cent., largeur 56 cent.)
Angleterre (collection particulière).
Sainte Catherine, une main placée sur la roue, tend
l'autre à l'enfant Jésus assis sur les genoux de sa mère.
Dans un coin du tableau est placée, d'une façon assez
malheureuse, la tête de saint Joseph dont le corps se trouve
hors du tableau. — Gravé par Bonasone, Tinti, Agard.
MOÏSE.
PI. 131.
Rome.
Moïse étant descendu de la montagne , aperçut les
Israélites qui adoraient le veau d'or, et ayant jeté les tables
de la loi qu'il tenait entre ses mains, les brisa au pied de
la montagne. — Gravé par Volpato.
120 ÉCOLE DE PARME.
L AMOUR TAILLANT SON ARC.
PI. 132.
(hauteur lm,40 cent., largeur 68 cent.)
Galerie de Vienne.
L'Amour, debout et vu de dos, est occupé à tailler son
arc ; son pied est posé sur deux livres dont l'un est ouvert.
Plus loin, un autre Amour tient embrassée une petite fille
qui pleure. — Gravé par Bartolozzi, Van den Steen.
FIN DU TOME PREMIER.
TABLE DES MATIÈRES
PEINTURE ANTIQUE.
Planches, pu ça*
Noce aldobrandine 1 4
Marchande d'amours] 2 4
Silène et Bacchus enfant 3 5
LA RENAISSANCE ITALIENNE
ÉCOLE FLORENTINE 14
ClMABOÉ 17
La Vierge et l'enfant Jésus 4 18
Giotto (di Bondone) 19
Saint-Pierre marchant sur les eaux (la
Navicella) 5 20
BUFFAMALCO 20
Construction de l'arche 6 21
Fra Giovanni da Fiesole (dit Angelico) 21
Judas recevant le prix de sa trahison. . . 7 22
Masaccto 22
Martyre de saint Pierre 8 23
Saint Pierre et saint Paul resssuscitant
un enfant 9 23
Boticelli 24
La Calomnie 10 24
Ghirlandajo (Domenico). 25
Nativité de la Vierge 11 25
Léonard de Vinci (portrait), I 26
La Vierge, l'enfant Jésus et sainte Anne. 12 29
Sainte Famille 13 30
La Vierge, l'enfant Jésus et deux saintes 14 30
La Cène 15 30
Salomé, fille d'Hérodiade 16 31
122 TABLE DES MATIÈRES.
Plancbes. Pages
Fra Bartolommeo 32
Présentation de Jésus- Christ au temple .17 33
La Vierge et l'enfant Jésus 18 33
Saint Marc 19 33
Michel-Ange (portrait), II 34
Sainte Famille 20 37
Saint Jean-Baptiste 21 37
Les trois Parques 22 37
Les Vices assiégeant la Vertu 23 38
Florentins attaqués par les Pisans 24 38
Chapelle Sixline 39
Dieu animant l'homme 25 42
Création d'Eve 26 42
Adam et Eve 27 42
Jugement dernier 28 43
RlDOLFO GHIRLANDAJO 44
Saint Zanobe ressuscitant un enfant. ... 29 45
Andréa del Sarto (portrait), NI 45
Sainte Famille (au chariot) 30 46
Sainte Famille (avec deux anges) 31 47
Sainte Famille (la Vierge au sac) 32 47
Sainte Famille 33 47
Jésus-Christ au tombeau (avec saint Pierre
et saint Paul) 34 48
Le Christ mort 35 48
Sacrifice d'Abraham 36 49
La charité 37 49
Mort de Lucrèce 38 50
Primatice 50
L'amour inspirant Boccace 39 51
Sainte Adélaïde demandant justice ,à
Othon Ier 40 51
Daniel de Volterre 52
Descente de croix 41 53
David tuant Goliath 42 et 43 53
TABLE DES MATIÈRES. 123
Planches. Pages
Vasari 54
La Cène du pape saint Grégoire 44 55
NlCCOLO DELL' ABBATE 55
Enlèvement de Proserpine 45 56
Cigoli 56
Sainte Marie-Madeleine 46 57
Allori (Cristofano) 57
Judith 47 57
Suzanne au bain 48 58
L'amour désarmé 49 58
Manozzi 59
Arlotto et des chasseurs 50 59
Furini (Francesco) 60
Sainte Madeleine 51 60
Dolci (Carlo) 61
La Vierge et l'enfant Jésus 52 61
ÉCOLE VÉNITIENNE 62
Jean Bellini 71
Jésus-Christ à Emmaiis 53 72
Mantegna 72
Le Parnasse 54 73
Ciorgion 73
Moïse sauvé des eaux 55 74
Titien (portrait), IV 74
La Vierge tenant l'enfant Jésus adoré par
plusieurs saints 56 76
Jésus-Christ porté au tombeau 57 76
Jésus-Christ couronné d'épines 58 77
Jésus-Christ présenté au peuple 59 77
Martyre de saint Pierre le dominicain. . 60 78
Martyre de saint Laurent 61 79
Vénus anadyomène 62 79
Vénus couchée 63 80
Vénus et Adonis. 64 80
124 TABLE DES MATIÈRES.
Planches. Pages
Vénus bande les yeux de l'Amour .... 65 80
Vénus se mirant 66 81
Diane et Calisto 67 81
Diane et Actéon 68 82
Jupiter et Antiope 69 82
Danaé 70 82
Amours des Dieux 83
Mars et Vénus 71 83
L'Amour et Psyché . . 72 83
Vulcain et Cérès 73 84
Hercule et Déjanire 74 84
Apollon et Daphné 75 84
Jupiter et Junon 76 85
Neptune et Amphitrite 77 85
Bacchus et Ariadne 78 85
Pluton et Proserpine , 79 85
Portraits *
Charles Quint 80 86
L'empereur Charles V 81 86
Philippe II et sa maîtresse 82 87
Alphonse d'Avalos et sa maîtresse 83 87
Titien et sa maîtresse 84 88
Palme le vieux 88
Vénus et l'Amour 85 . 89
PORDENONE 89
Sainte Justine 86 90
SÉBASTIEN DEL PlOMBO 90
Résurrection de Lazare 87 91
Bordone 92
L'anneau de saint Marc 88 92
BASSAN 93
La moisson 89 94
Tintoret (portrait), V 94
Noces de Cana 90 95
La femme adultère 91 95
TABLE DES MATIE! 125
Planche. Papes
Sainl Marc délivre un esclave 92 96
Junon allaitant Hercule 93 96
Jupiter et Léda 94 97
Muziano 97
Le lavement des pied» 95 98
Véronèse (Paul) (portrait), VI 98
Le Christ mort • 96 99
Jésus-Christ guérissant une malade. ... 97 100
Noces de Cana (du Louvre) 98 100
Noces de Cana 99 101
Jésus chez Lévi 100 102
Jésus chez Simon 101 102
Suzanne au bain 102 103
Jupiter et Léda 103 103
Persée et Andromède 104 103
Enlèvement d'Europe 105 104
Palme le jeune 104
Saint Sébastien 106 105
Jupiter et Antiope 107 105
Vénus et l'Amour 108 105
Varotari 106
La femme adultère 109 106
Vénus et l'Amour 110 107
Turco (Alexandre) 107
Le déluge 111 108
Mort d'Adonis 112 108
ÉCOLE DE PARME 109
Corrége (portrait), VII 109
La Vierge et l'enfant Jésus 113 111
Sainte Famille (dite la Vierge au Rabo-
teur ou Vierge au panier) 114 111
La Vierge, l'enfant Jésus et plusieurs
saints 115 111
Nativité (dite la Nuit du Corrége) 116 112
126 TABLE DES MATIÈRES.
Planches. Pages
Saint Jérôme 117 113
Le Christ mort 118 113
Sainte Madeleine 119 114
Mariage de sainte Catherine 120 114
Danaé 121 115
Jupiter et Léda 122 115
Vénus et l'Amour. , 123 116
Vénus et l'Amour 124 116
Vénus et l'Amour . 125 116
Enlèvement de Ganymède 126 116
Vénus et un satyre 127 117
Jupiter et Io 128 117
Parmesan (portrait), VIII 118
La Vierge et l'enfant Jésus, avec sainte
Marguerite et autres saints 129 118
Mariage de sainte Catherine 130 119
Moïse 131 119
L'Amour taillant son arc 132 120
FIN DE LA TABLE DU TOME PREMIER.
Taris. — Imprimerie de E. Martinet, rue Mignon, 2.
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LA VIERGE. L' ENFANT JÉSUS ET PLUSIEURS SAINTS.
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VENUS ET L'AMOUH.
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LA VIERGE ET L ENFANT JÉSUS
AVEC S™ MARGUERITE ET AUTRES SAINTS.
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MARIAGE DE S™ CATHERINE
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L'AMOUR TAILLANT SON ARC
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