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Full text of "Musée de peinture et de sculpture; ou, Recueil des principaux tableaux, statues et bas-reliefs des collections publiques et particulières de l'Europe. Dessiné et gravé à l'eau-forte par Réveil, avec des notices descriptives, critiques et historiques par Louis et Réné Ménard"

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PURCHASED  FOR  THE 

UN1VERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 

FROM  THE 

CANADA  COUNCIL  SPECIAL  GRANT 

FOR 

HISTORÏ  OF  ART 


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MUSEE 


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PEINTURE  ET  DE  SCULPTURE 


VOLUME   PREMIER 


PiatS.     —     IMPRIMERIE     DE     E.    MARTINET;     RUE     MIGNON, 


MUSEE 


DE 


PEINTURE  ET  DE  SCULPTURE 


ou 


RECUEIL 


DES  PRINCIPAUX  TABLEAUX 

STATUES   ET   BAS-RELIEFS 

I  PUBLIQUES  ET  PARTICULIÉ1 

DESSINÉ    ET    GRAVÉ    A    l'eaU -FORTE 

par  réveil 

AVEC    DES    NOTICES    DESCRIPTIVES,     CRITIQUES    ET     HISTORIQUES 

Par  LOUIS  et  RENÉ   MÉNARD 


VOLUME    PREMIER 


PARIS 

V-  A.  MOREL  &  O,  LIBRAIRES-ÉDITEURS 

43,    RUE    BONAPARTE 
1812 


MUSÉE   EUROPÉEN 


PEINTURE  ANTIQUE 


On  a  dit  souvent  que  la  sculpture  était  l'art  du  paga- 
nisme, mais  que  le  christianisme  seul  convenait  à  la  pein- 
ture. Cependant,  lorsqu'on  voit  Raphaël  s'inspirer  des 
arabesques  des  bains  de  Titus,  le  Poussin  reproduire  les 
Noces  aldobrandines,  lorsqu'on  voit  tous  nos  grands  artistes 
étudier  avec  ardeur  les  peintures  effacées  de  Pompéi,  on 
est  forcé  de  convenir  que  la  peinture  antique,  si  elle  est 
demeurée  inférieure  à  celle  des  modernes,  sous  le  rapport 
de  l'expression,  du  clair  obscur  et  de  la  couleur,  renferme 
néanmoins  en  elle  un  principe  de  beauté,  de  convenance  et 
de  disposition  dont  les  résultats  féconds  n'ont  jamais  été 
dépassés.  Nous  sommes,  au  surplus,  parfaitement  injustes, 
quand  nous  voulons  faire  celte  comparaison,  puisque  nous 
possédons  intacts  tous  les  grands  chefs-d'œuvre  de  l'art 
moderne,  tandis  qu'aucun  de  ceux  de  l'art  antique  n'a  pu 
arriver  jusqu'à  nous. 

A  la  rarelé  des  ouvrages  peints  que  nous  pouvons  étudier, 
se  joint  la  rarelé  des  documents  sur  la  marche  même  de  la 
peinture.  Les  origines  surtout  sont  enveloppées  d'une  obscu- 
rité profonde.  Les  Grecs  racontaient  qu'une  jeune  fille  ayant 

i.  —  1 


2  PEINTURE  ANTIQUE, 

dessiné  sur  le  mur  la  silhouette  de  son  amant,  l'art  de 
représenter,  sur  une  surface  plate,  les  formes  vivantes,  fut 
ainsi  découvert.  Mais  cette  anecdote,  si  conforme  à  l'esprit 
grec,  a  tous  les  caractères  d'une  légeude. 

A  défaut  d'histoire,  on  peut  du  moins,  par  des  déductions 
philosophiques,  reconnaître  les  causes  qui  ont  pu  donner  à 
l'art  grec  son  prodigieux  développement.  Nous  nous  pro- 
posons en  parlant  de  la  sculpture  de  traiter  à  fond  cette 
question. 

La  peinture  ne  paraît  pas  avoir  eu  chez  les  Grecs  la 
même  importance  que  la  statuaire,  du  moins  comme  art 
religieux  ;  les  principaux  types  divins  semblent  avoir  été 
fixés  par  les  sculpteurs  et  adoptés  par  les  peintres.  Les 
peintures  de  laLeschède  Delphes,  par  Polygnote  deThasos, 
sont  les  premiers  ouvrages  dont  nous  puissions  nous  faire 
une  idée,  très-imparfaite  il  est  vrai,  puisque  nous  ne  les 
connaissons  que  par  la  description  qu'en  a  laissée  Pausa- 
nias.  Elles  représentaient,  d'un  côté,  la  prise  de  Troie,  et 
de  l'autre  le  séjour  des  morts.  Les  figures  se  développaient 
sur  un  seul  plan  à  la  façon  d'une  frise  et  d'après  des  conve- 
nances architectoniques.  Ce  genre  de  composition  a  toujours 
été  adopté  dans  les  tableaux  antiques  où  la  scène  se  déroule 
de  droite  à  gauche,  comme  dans  les  bas-reliefs,  sans  jamais 
avoir  la  profondeur  perspective  que  recherchent  les  artistes 
modernes. 

Le  peintre  Apollodore  passe  pour  être  le  premier  qui  se 
soit  occupé  de  la  dégradation  des  tons  et  de  la  décoloration 
des  ombres;  mais  Zeuxis  poussa  encore  plus  loin  la  science 
des  effets  de  lumière.  L'anecdote  des  raisins  de  Zeuxis  et 
du  rideau  de  l'arrhasios,  peut  au  moins  prouver  l'impor- 
tance que  les  Grecs  attachaient  à  la  vérité  du  ton,  car  l'il- 
lusion n'est  possible  que  par  la  couleur.  Toutefois,  il  est 


PEINTURE  ANTIQUE.  3 

probable  que  le  dessin  a  toujours  eu  le  pas  sur  la  couleur 
et  l'effet,  dans  les  peintures  de  l'antiquité. 

Il  est  bien  difficile  de  classer  les  artistes  grecs  et  de 
caractériser  les  écoles  d'après  quelques  phrases  des  auteurs  : 
ils  vantent  Zeuxis  pour  la  fraîcheur  des  tons  alliée  à  une 
pureté  de  formes  qui  rappelait  son  contemporain  Praxitèle, 
ils  vantent  les  figures  de  Dieux  et  de  héros  de  Parrhasios  et 
d'Euphranor,  la  sévérité  de  dessin  de  Pamphile,  les  compo- 
sitions historiques  de  Nicias,  les  fleurs  et  les  animaux  de 
Pausias.  Mais  cette  série  de  noms,  couronnée  par  ceux  en- 
core plus  illustres  d'Apelle  et  de  Protogène,  nous  apprend 
bien  peu  de  choses. 

Les  Romains  apprirent  des  Grecs  la  peinture,  comme  les 
autres  arts  ;  mais,  dès  la  formation  de  l'empire,  nous  la 
voyons  perdre  son  caractère  sérieux.  Ludius,  qui  vivait 
sous  Auguste,  introduisit  dans  la  décoration  des  apparte- 
ments la  mode  des  petits  paysages  de  fantaisie,  et  peu  à  peu 
on  vit  disparaître  les  conceptions  grandioses  qui  avaient 
fait  la  gloire  des  siècles  précédents.  C'est  à  cette  période, 
qui  précède  immédiatement  la  décadence,  qu'on  rapporte 
les  peintures  antiques  parvenues  jusqu'à  nous.  Quelques-unes 
ont  été  découvertes  dans  les  ruines  de  Rome,  mais  elles 
sont  en  très-petit  nombre;  la  plupart  viennent  de  Pompéi. 
Nous  sommes  donc  pour  juger  la  peinture  antique  dans  la 
situation  où  seraient  nos  arrière-neveux,  pour  juger  l'art 
moderne,  si  toutes  les  grandes  collections  de  nos  capitales 
ayant  disparu  ,  ils  retrouvaient  tout  à  coup  un  musée 
de  province;  ils  auraient  encore  déplus  que  nous  les  es- 
tampes qui,  à  défaut  de  la  couleur,  donnent  au  moins  la 
composition. 


4  PEINTURE  ANTIQUE. 

NOCE    ALDOBRANDINE. 
Pi.  4. 

(Hauteur,  60  cent.,  largeur,  2">,50  cent.) 

Rome. 

L'époux,  presque  nu,  est  assis  sur  une  estrade;  sa  tête 
est  couronnée  de  feuillages.  L'épouse,  revêtue  d'un  voile 
très-ample,  est  assise  au  bord  du  lit,  et  reçoit  les  avis  d'une 
des  femmes  qui  ont  dirigé  la  cérémonie.  Près  de  là,  une 
femme  brûle  des  parfums,  et  une  prêtresse  met  la  main 
dans  un  bassin  d'eau  lustrale  destinée  à  l'aspersion  de  la 
chambre.  De  l'autre  côté,  trois  femmes,  dont  l'une  joue  de 
la  lyre,  sont  occupées  d'un  sacrifice.  Cette  précieuse  pein- 
ture, trouvée  à  la  fin  du  xvie  siècle  dans  l'endroit  où  étaient 
les  jardins  de  Mécène,  a  été  transportée,  par  ordre  de  Clé- 
ment VIU,  au  palais  Aldobrandini.  De  là  lui  vient  son  nom. 

MARCHANDE    T)  AMOURS. 
1*1.  2. 

(Hauteur,  60  cent.,  largeur,  85  ceut.) 

Musée  de  Naples. 

Deux  jeunes  filles  semblent  embarrassées  de  faire  leur 
choix  entre  les  Amours  qui  leur  sont  présentés.  La  mar- 
chande en  tient  un  par  les  ailes;  un  autre  est  resté  au  fond 
du  panier.  Cette  composition  a  été  fréquemment  imitée  par 
les  artistes  modernes. 


PEINTURE  ANTIQUE.  5 

SILENE     ET    BACGHUS     ENFANT 
PI.  3. 

(Hauteur,  80  cent.,  largeur,  05  cent.) 

Musée  de  Naples. 

liacclius,  dans  les  bras  du  vieux  Silène,  cherche  à  prendre 
une  grappe  de  raisin  que  lui  présente  une  Nymphe.  Ce 
groupe  n'est  qu'un  fragment  de  la  composition  antique, 
découverte  à  Portici  en  1747,  et  dans  laquelle  on  voyait, 
en  outre,  Mercure  assis  tenant  sa  lyre,  puis  un  Satyre  et 
deux  Nymphes.  L'âne  de  Silène  était  couché  sur  le  devant, 
à  côté  d'une  panthère. 


LA    RENAISSANCE   ITALIENNE 


Les  causes  de  l'engourdissement  de  l'esprit  humain  pen- 
dant la  longue  et  triste  période  qui  sépare  l'antiquité  de  la 
Renaissance  ont  été  diversement  appréciées  par  les  histo- 
riens de  l'art.  Les  auteurs  italiens  ont  généralement  attribué 
la  décadence  moins  à  l'invasion  des  barbares  qu'à  une  in- 
fluence religieuse.  En  condamnant  la  chair,  en  interdisant 
l'étude  des  formes  du  corps  humain,  en  détruisant  les  œu- 
vres de  la  sculpture  antique,  on  avait  rendu  l'art  impos- 
sible. La  conséquence  de  cette  manière  de  voir,  c'est  que 
l'art  s'élève  d'autant  plus  qu'il  s'écarte  davantage  des  tra- 
ditions du  moyen  âge  pour  retourner  à  celles  de  l'antiquité. 
En  France,  il  s'est  produit  de  nos  jours  une  opinion  toute 
contraire.  L'art,  a-t-on  dit,  se  mourait  d'impuissance  dans 
les  derniers  temps  du  paganisme.  Un  art  nouveau  allait 
sortir  des  catacombes  ;  les  artistes  chrétiens  remplaçant  la 
recherche  de  la  beauté  matérielle  par  celle  de  l'expression 
morale,  entraient  résolument,  quoique  avec  inexpérience, 
dans  une  voie  très-supérieure  à  celle  où  il  avait  marché 
dans  l'antiquité.  Si  cette  tentative  de  renaissance  a  avorté, 
il  n'en  faut  accuser  que  les  terribles  catastrophes  qui  se 
sont  succédé  dans  cette  époque  malheureuse.  Ce  sont  les 


LA  RENAISSANCE  ITALIENNE.  7 

barbares  qui,  en  se  ruant  sur  l'empire,  ont  arrêté  le  déve- 
loppement normal  de  la  civilisation. 

On  peut  supposer  que,  sans  les  grandes  invasions  qui 
font  du  Ve  siècle  l'époque  la  plus  désastreuse  de  l'histoire, 
il  se  serait  produit  en  Gaule  et  en  Italie  un  art  analogue  à 
l'art  byzantin,  mais  rien  de  plu-;.  Une  véritable  renaissance 
n'était  pas  possible  au  lendemain  de  la  chute  du  paganisme, 
quand  on  repoussait  avec  horreur  tous  les  souvenirs  du 
passé  ;  seulement  elle  aurait  pu  se  produire  plus  tôt  si  les 
monuments  de  l'art  antique  n'avaient  pas  été  détruits. 
Cette  destruction  avait  commencé  bien  avant  l'anivée 
des  barbares,  qui  ne  purent  que  l'achever.  Us  enlevèrent 
les  vases  d'or  et  d'argent  dans  les  églises,  et  toutes  les 
richesses  d'un  transport  facile,  mais  ils  n'eurent  pas  le 
temps  de  démolir  les  édifices.  Les  Wisigoths  évacuèrent 
Home  le  sixième  jour,  les  Vandales  le  quinzième,  et  leur 
fureur  précipitée  aurait  eu  peu  d'effet  sur  les  solides  con- 
structions de  l'antiquité.  D'ailleurs  l'Italie  fut  mieux  parta- 
gée que  la  Gaule,  sous  le  rapport  de  ses  conquérants.  Les 
Ostrogoihs  étaient  ignorants  comme  tous  les  barbares,  mais 
leurs  chefs  comprenaient  du  moins  l'importance  de  l'art. 
Une  partie  des  désastres  de  Rome  fut  réparée  sous  l'in- 
fluence bienfaisante  de  Symmaque  et  de  Boèce,  ministres 
romains  du  roi  goth  Théodoric,  qui  créa  un  comte  spécia- 
lement chargé  de  la  garde  et  de  la  réparation  des  monu- 
ments. Malheureusement  la  domination  des  Goths  fut  de 
courte  durée.  Rome  eut  beaucoup  à  souffrir  des  guerres  de 
UiMisaire,  dans  lesquelles  les  statues  du  mole  d'Hadrien 
servaient  de  projectiles  aux  Grecs  assiégés.  L'Italie,  sou- 
mise quelque  temps  à  l'empire  byzantin,  fut  conquise  par 
les  Lombards,  et  les  traditions  de  l'antiquité  se  perdirent  de 
plus  en  plus. 


8  LA  RENAISSANCE  ITALIENNE. 

Quelques  chroniqueurs  croyant  faire  un  grand  éloge  du 
pape  Grégoire  I  ,  prétendent  qu'il  brûla  la  bibliothèque 
palatine  et  fit  jeter  dans  le  Tibre  un  grand  nombre  de 
statues,  mais  ces  assertions  sont  regardées  comme  dou- 
teuses. En  général,  les  papes  s'opposèrent  à  la  destruc- 
tion des  monuments  antiques.  Cette  destruction  n'en  con- 
tinua pas  moins  pendant  les  désordres  du  moyen  âge.  Les 
temples,  les  palais,  les  théâtres  servaient  de  carrières  pour 
les  constructions  nouvelles.  Les  marbres  étaient  brûlés  pour 
faire  de  la  chaux,  et  au  xve  siècle,  le  Pogge,  qui  décrit 
les  ruines  de  Home,  n'y  vit  que  six  statues  antiques,  une 
en  bronze,  trois  en  marbre  et  les  deux  statues  équestres 
du  Monte-Cavallo.  Pétrarque  se  plaint  avec  indignation  des 
dévastations  qui  continuaient  encore  de  son  temps,  et  une 
épigramme  d'Énéas  Sylvius,  qui  devint  pape  sous  le  nom 
de  Pie  II,  annonce  la  crainte  qu'il  ne  restât  plus  un  seul 
monument  de  l'antiquité.  La  Renaissance  approchait  :  mal- 
heureusement on  avait  attendu  dix  siècles  pour  rendre 
justice  à  la  civilisation  antique. 

L'art  chrétien,  né  dans  les  catacombes  de  Rome,  ne  dis- 
parut jamais  complètement  en  Italie.  Les  artistes  byzantins 
qui  s'y  réfugièrent  pendant  les  querelles  des  iconoclastes, 
puis  à  l'époque  du  grand  schisme  et  à  celle  de  la  conquête 
musulmane,  furent  comme  autant  d'alluvions  successives 
qui  y  déposèrent  les  idées  des  Grecs  du  bas  empire.  Il  est 
vrai  qu'ils  n'y  apportaient  pas  le  génie  de  l'invention  ;  leurs 
figures,  exécutées  d'après  des  types  fixés  d'avance,  étaient 
peu  variées,  mais  elles  ont  quelquefois  une  certaine  allure 
grandiose.  Dans  les  mosaïques  à  fond  d'or  des  anciennes 
églises  de  Ravenne,  de  Venise,  de  Paîerme,  il  y  a,  malgré 
l'insuffisance  de  l'exécution,  un  caractère  de  majesté  qui 
rappelle  les  monuments  de  l'anlique  Egypte.  Cet  art  hiéra- 


LA  RENAISSANCE  ITALIENNE.  9 

tique,  expression  d'une  pensée  collective,  devait  prompte- 
ment  dégénérer  en  un  simple  métier,  mais  les  Byzantins 
conservaient  du  moins  les  procédés  techniques  et  les  trans- 
mettaient à  l'Occident. 

De  même  dans  l'architecture  italienne,  le  style  oriental 
se  môle  plus  ou  moins  au  vieux  style  latin  sous  la  double 
influence  des  Byzantins  et  des  Sarrasins.  Venise  et  Ravenne 
ont  entretenu  avec  l'empire  grec  des  relations  fréquentes, 
dont  la  trace  se  retrouve  dans  le  caractère  de  leurs  monu- 
ments ;  le  goût  arabe  se  montre  dans  un  grand  nombre 
d'édifices  de  la  Sicile.  La  Renaissance,  qui  n'a  été  en  prin- 
cipe qu'une  réaction  du  génie  latin  contre  l'influence  orien- 
tale, s'est  accomplie  principalement  dans  les  parties  de 
l'Italie  qui  correspondent  à  l'ancienne  Étrurie.  Trois  monu- 
ments célèbres  marquent  les  phases  successives  de  celle 
grande  rénovation  :  le  dôme  de  Pise,  celui  de  Florence  et 
Saint-Pierre  de  Rome. 

On  peut  rattacher  la  Renaissance  aux  Byzantins,  puisque 
Busehetlo.  l'architecte  du  dôme  de  Pise,  était  un  Grec  de 
Constantinople;  mais  les  innovations  qui  ont  eu  lieu  en 
Italie,  du  xne  au  xvie  siècles,  se  sont  accomplies  dans  le 
sens  d'un  retour  progressif  aux  traditions  latines,  modifiées 
pour  les  besoins  nouveaux.  La  peinture  et  la  sculpture  se 
sont  transformées  de  la  même  manière  :  Giolto  renouvela 
complètement  l'art,  et  le  fit  latin  de  grec  qu'il  était. 

Quand  une  transformation  se  produit  à  la  fois  dans  toutes 
les  branches  de  l'art,  il  est  naturel  de  la  rattacher  à  un 
mouvement  général  des  idées  et  des  mœurs.  Si  le  milieu 
géographique  exerçait  sur  l'art  l'influence  qu'on  lui  attribue 
quelquefois,  rien  n'expliquerait  la  fécondité  de  l'art  à  cer- 
taines époques  et  sa  stérilité  dans  d'autres  ;  et  de  plus  toutes 
les  productions  du  génie  d'un  même  peuple  auraient  un 

1. 


10  LA  RENAISSANCE  ITALIENNE, 

caractère  uniforme.  On  ne  peut  donc  attribuer  le  mouve- 
ment d'où  est  sortie  la  civilisation  moderne  qu'à  des  in- 
fluences purement  morales.  En  Italie,  ce  mouvement  com- 
mence à  se  produire  dans  l'art  en  même  temps  que  les 
républiques  se  constituent.  Dès  que  le  sentiment  du  droit 
s'est  dressé  en  face  de  la  force  brutale,  les  nouveaux  besoins 
moraux  font  naître  des  institutions  nouvelles,  et  cette  trans- 
formation sociale  se  traduit  par  un  art  nouveau.  L'histoire 
de  l'art  est  inséparable  de  l'histoire  politique,  et  on  ne  peut 
comprendre  ces  deux  évolutions  parallèles  qu'en  les  ratta- 
chant à  un  môme  principe  moral,  qui  fit  succéder  à  l'inertie 
intellectuelle  du  moyen  âge  la  prodigieuse  activité  de  la 
Renaissance. 

La  Renaissance  italienne  a  son  point  de  départ  dans  les 
luttes  des  Guelfes  et  des  Gibelins,  comme  l'art  du  siècle  de 
Périclès  se  rattache  aux  guerres  Médiques.  Mais  en  Grèce  il 
n'y  a  jamais  eu  de  scission  entre  la  religion  et  la  politique, 
le  but  de  l'activité  sociale  était  simple,  et  c'est  ce  qui  ex- 
plique l'imposante  unité  de  l'art  grec.  Dans  l'Italie  du  moyen 
âge,  au  contraire,  on  voit  toujours  deux  principes  contra- 
dictoires en  présence  l'un  de  l'autre.  Les  républiques  ita- 
liennes, qui  s'étaient  formées  à  la  faveur  des  querelles  du 
sacerdoce  et  de  l'empire,  ne  pouvaient  conserver  leur  indé- 
pendance qu'en  s'appuyant  soit  sur  le  pape,  soit  sur  l'em- 
pereur. Cette  opposition  existait  dans  l'intérieur  de  chaque 
ville  ;  le  parti  aristocratique  et  féodal  était  généralement 
gibelin  et  partisan  de  l'empire;  le  petit  peuple  était  guelfe 
et  dévoué  au  saint-siége.  Chaque  fois  qu'un  des  deux  partis 
devenait  dominant,  la  ville  se  faisait  guelfe  ou  gibeline,  et 
ces  petites  républiques,  n'ayant  dans  leur  politique  exté- 
rieure aucune  ligne  déterminée,  n'hésitaient  pas  à  appeler 
l'étranger  à  leur  aide, 


LA   RENAISSANCE  ITALIENNE.  H 

Les  mômes  oppositions  se  retrouvent  dans  l'art  italien. 
Cet  art,  plus  vivant  et  p'Us  passionné  que  l'art  grec,  n'en  a 
jamais  eu  la  simplicité  ni  l'unité.  Les  traces  de  la  lutte  sont 
écrites  partout  dans  ses  œuvres.  L'observation  de  la  réalité 
y  lutte  contre  la  recherche  de  l'idéal;  les  traditions  chré- 
tiennes du  moyen  âge  y  luttent  contre  les  souvenirs  de 
l'ârltiquité.  Dès  l'origine,  l'impulsion  imprimée  en  môme 
temps  à  la  peinture  et  à  la  sculpture  a  deux  points  de 
départ  différents  :  c'est  en  revenant  à  l'étude  de  la  nature 
que  Cimahué  et  Giotto  fondent  la  peinture  moderne  ;  c'est 
dans  l'étude  d'un  bas-relief  antique  que  Nicolas  de  Pise 
trouve  les  lois  de  la  sculpture.  La  Henaissance  n'a  pas  été 
le  produit  d'une  idée,  mais  d'un  croisement,  ou  plutôt  d'un 
choc  d'idées  opposées;  et  si  Raphaël  en  représente  le  point 
culminant,  c'est  parce  qu'il  a  su,  mieux  qu'au  un  de  ses 
devanciers  et  de  ses  suece  seurs,  concilier  les  principes 
différents  et  fondre  les  traditions  contraires. 

Les  papes  favorisèrent  de  tout  leur  pouvoir  les  études  sur 
l'antiquité  ;  lettrés  eux-mêmes,  pour  la  plupart,  ils  voulaient 
faire  de  l' Eglise  la  source  de  toutes  les  vérités  et  de  toutes 
les  beautés,  dans  la  science  et  dans  l'art,  aussi  bien  que 
dans  le  dogme  et  dans  la  politique.  Mais  la  cour  de  Home, 
si  instruite  et  si  brillante  sous  la  Renaissance^  montrait 
souvent  l'exemple  de  désordres  qui  scandalisaient  la  chré- 
tienté. Dans  les  monastères,  où  les  mœurs  austères  des 
premiers  âges  s'étaient  maintenues  davantage,  il  se  formait 
un  parti  d'hommes  énergiques  très-opposés  aux  innovations 
païennes  de  l'art,  qu'ils  regardaient  comme  complice  de 
l'immoralité  toujours  croissante.  Ils  réagissaient,  au  nom 
de  l'Évangile,  contre  tout  ce  qui  paraissait  un  retour  à 
l'antiquité  :  le  bûcher  de  Savonarole  marque  là  dernière 
étape  de  cette  lutte.  Le  grand  réformateur  italien  n'était  pas 


42  LA  RENAISSANCE  ITALIENNE, 

comme  Luther  indifférent  à  l'art  :  il  voulait,  au  contraire, 
le  régénérer  en  lui  rendant  sa  pureté  primitive,  et  une 
foule  de  grands  artistes  mirent  leur  talent  au  service  de  ses 
idées.  Le  dérèglement  des  mœurs  du  temps  se  colorait 
d'un  vernis  d'art  et  d'antiquité,  et  plusieurs  grands  person- 
nages qui  se  faisaient  protecteurs  des  arts  et  des  lettres,  ne 
voyaient  dans  la  mythologie  qu'un  prétexte  pour  justifier 
les  nudités  dont  ils  aimaient  à  s'entourer.  Quand  l'austérité 
farouche  de  Savonarole  voulut  brûler  toutes  ces  impuretés 
dans  un  autoda-fé  célèbre,  il  y  eut  des  destructions  regret- 
tables, mais  il  dut  disparaître  aussi  bien  des  images  licen- 
cieuses, déshonorant  l'art  par  des  intentions  qu'un  ciseau 
grec  eût  certainement  répudiées. 

Il  faut  prendre  la  Renaissance  comme  elle  est,  avec  ses 
aspirations  contradictoires.  Parmi  ses  artistes,  les  uns  pro- 
cèdent du  cloître,  et  se  renferment  dans  des  conceptions 
purement  religieuses;  les  autres  suivent  le  courant,  et  de- 
mandent au  paganisme  et  à  ses  traditions  toutes  leurs 
inspirations.  Quand  cette  lutte  de  principes  fut  arrivée  à  son 
point  extrême,  il  y  eut  un  moment  d'épanouissement,  où 
l'art  créa  simultanément  des  chefs-d'œuvre  en  tout  genre  : 
mais  ce  moment  fut  bien  court  :  Léonard  de  Vinci,  Michel- 
Ange,  Raphaël,  Titien,  Corrége  sont  contemporains.  Chacun 
d'eux  a  son  caractère  propre,  et  jusqu'à  eux  les  écoles  sont 
très- nettement  caractérisées  par  une  tendance  distincte, 
ijuand  ils  sont  morts,  leurs  élèves  immédiats  brillent  encore 
un  moment,  puis  il  semble  qu'il  va  se  faire  une  nuit  com- 
plète. L'art,  à  ce  moment,  n'est  plus  le  résultat  d'une  ori- 
ginalité propre,  mais  il  obéit  à  des  préceptes  d'école.  Les 
Carraches  et  leurs  illustres  élèves,  le  Guide,  le  Dominiquin 
et  tant  d'autres  sont  assurément  des  maîtres;  mais  on 
chercherait  en  vain  chez  eux  ce  souffle  créateur,  cette  inspi- 


LA  RENAISSANCE  ITALIENNE.  13 

ration  spontanée  qui  est  le  cachet  de  la  Renaissance.  Leurs 
principes  sont  excellents,  mais  ce  sont  des  principes  d'école 
qui  tendent  à  dégénérer  en  recettes. 

Si  l'on  veut  connaître  la  cause  de  celte  transformation, 
c'est  dans  les  changements  survenus  dans  l'esprit  public 
qu'il  faut  la  rechercher.  L'abaissement  de  l'art  en  Italie 
répond  à  l'abaissement  des  caractères.  Florence  était  un 
centre  d'activité  qui  rayonnait  sur  toute  l'Italie.  Après  la 
chute  de  la  république,  elle  devint  une  ville  de  province  et 
perdit  toute  prépondérance.  Les  corps  de  métier  n'avaient 
plus  de  vie  propre,  et  la  population  s'intéressait  peu  à  des 
querelles  politiques  dont  elle  supportait  les  coups  sans  tirer 
aucun  profit.  Les  armées  étrangères  sillonnaient  l'Italie  en 
tous  sens,  et  le  sac  de  Rome  par  le  connétable  de  Bourbon 
causa  à  la  ville  éternelle  un  dommage  dont  elle  ne  se  releva 
pas.  La  religion  triompha  partout  des  innovations  et  des 
hérésies,  et  l'Église  vit  ses  rites  observés  sans  contestation, 
mais  mécaniquement  et  sans  enthousiasme,  car  il  n'y  avait 
plus  de  lutte  dans  les  idées.  L'art  se  réfugia  à  la  cour  de 
ces  petils  princes  italiens,  toujours  au  service  de  l'étran- 
ger. Comme  l'emphase  et  la  vanité  sont  toujours  les  traits 
dominants  de  courtisans  sans  grandeur,  qui  vivent  autour 
d'un  chef  sans  puissance,  l'art  se  fit  brillant  et  pompeux,  et 
l'apparat  remplaça  l'expression.  Puis,  comme  il  n'était  plus 
un  besoin,  mais  seulement  une  mode,  comme  il  n'était  plus 
vivifié  par  l'esprit  public,  il  s'abaissa  toujours  jusqu'à  ce 
qu'il  finit  par  ne  plus  exister  du  tout. 


ECOLE  FLORENTINE. 

Florence  a  été  le  berceau  de  la  Renaissance  italienne.  Sa 
constitution  républicaine  élait  fort  ancienne,  et  bien  qu'un 
très-grand  nombre  de  villes,  dans  l'Italie  centrale  et  sep- 
tentrionale, aient  possédé  au  moyen  âge  des  institutions  ana- 
logues, la  suprématie  commerciale  et  politique  de  Florence 
lui  donne  un  rôle  tout  à  fait  spécial  dans  le  mouvement 
d'idées  qui  s'est  traduit  par  la  Renaissance.  Pise,  sa  rivale, 
après  avoir  longtemps  lutté,  a  fini  par  succomber,  et  son 
rôle  dans  l'histoire  des  arts  s'arrête  au  xve  siècle.  Mais  ces 
deux  villes,  Florence  et  Pise,  sont  les  premières  qui,  par 
l'importance  qu'elles  ont  donnée  aux  monuments  des  arts, 
ont  déterminé  ce  mouvement  intellectuel  qui  a  fait  de  l'Italie 
la  nation  la  plus  civilisée  de  l'Europe. 

La  peinture  n'avait  jamais  cessé  d'être  cultivée  en  Italie, 
mais  elle  était  tombée  presque  partout  dans  un  élat  complet 
de  dégradation.  Les  rapports  commerciaux  qui  avaient  de 
tout  temps  existé  avec  l'empire  de  Byzance,  avaient  amené 
en  Italie  un  très  grand  nombre  de  produits  des  manufactures 
byzantines,  qui  étaient,  en  général,  fort  supérieurs  à  tout 
ce  qui  se  faisait  en  Occident.  Mais  cet  art  byzantin,  avec 
ses  formes  hiératiques,  ses  plis  roides,  ses  attitudes  conven- 
tionnelles, était  lui-même  fort  dégénéré,  et  reposait  bien 
moins  sur  une  série  ùe  principes,  tirés  de  l'imitation  de  la 
nature,  que  sur  des  recettes  et  des  procédés  conservés  par 
tradition.  Beaucoup  de  peintres  byzantins  étaient  venus  se 
fixer  en  Italie,  où  ils  exerçaient  leur  profession.  Un  de  leurs 


ÉCOLE  FLORENTINE.  15 

élèves,  Gimabué,  est  indiqué  par  Yasari  comme  le  premier 
qui  s'écarta  des  routines  admises  et  recourut  à  l'étude  de  la 
nature.  11  est  démontré  aujourd'hui  que  des  tentatives  de 
progrès  et  d'innovation  ont  eu  lieu  sur  plusieurs  points  à  la 
fois  dans  le  même  temps,  et  la  gloire  de  Cimabué  consiste 
moins  à  avoir  fait  des  recherches  que  d'autres  faisaient 
comme  lui,  qu'à  s'être  élevé  au-dessus  d'eux. 

11  est  très-difficile,  quand  on  est  habitué  à  la  peinture 
contemporaine,  de  comprendre  le  mérite  de  Cimabué,  et 
pour  être  équitable  envers  lui,  il  faut  le  comparer  aux  ar- 
tistes qui  l'ont  précédé.  11  appartient  à  une  période  d'efforts 
et  de  tâtonnements  ;  pour  en  apprécier  la  portée,  il  faut 
déjà  être  initié  à  l'histoire  de  l'art. 

Giotto  et  ses  élèves  marquent  la  seconde  étape  de  l'École 
florentine.  Ceux-ci  sont  déjà  dégagés  de  la  vieille  tradition, 
et  prennent  leur  point  de  départ  dans  l'imitation  de  la  na- 
ture. Jamais  peut-être,  à  aucune  époque  de  l'art,  les  pein- 
tres n'ont  traduit  aussi  nettement  les  préoccupations  de 
leur  temps.  La  pensée  lugubre  du  moyen  âge  est  surtout 
marquée  dans  la  décoration  du  Campo-Santo,  où  travail- 
lèrent (iiotto,  Orcagna,  Buffamalco,  et  tous  les  grands 
maîtres  de  celte  époque.  L'inspiration  est  sérieuse,  pro- 
fonde, originale,  et  l'artiste  peint  ce  que  lui  dicte  son  cer- 
veau, avec  une  incorrection  naïve  qui  fait  sourire,  mais 
avec  une  force  de  sentiment  qui  commande  l'admiration. 
Presque  tous  les  ouvrages  de  ce  temps  sont  religieux,  et, 
parmi  les  peintres,  un  grand  nombre  sont  des  moines. 
Pourtant  on  voit  apparaître  quelques  sujets  païens,  traités 
d'une  façon  étrange,  mais  qui  rend  bien  l'idée  qu'on  avait 
alors  de  l'antiquité. 

La  troisième  période  de  l'École  florentine  s'ouvre  avec 
Masaccio  :  c'est  le  moment  décisif  de  la  Renaissance,  le 


16  ÉCOLE  FLORENTINE. 

moment  des  suprêmes  efforts,   des  grandes  découvertes. 

Avec  Masaccio  et  Filippo  Lippi,  on  voit  le  corps  humain 

correctement  dessiné,  les  draperies  bien  ajustées.  Paolo- 

Uccello  et  Brunelleschi  fixent  les  lois  de  la  perspective; 

Pollajuolo  et  Signorelli  font  des  études  anatomiques  qui  font 
pressentir  Michel-Ange.  La  gravure  est  découverte  parFini- 

guerra,  et  la  peinture  à  l'huile  est  apportée  en  Italie  par 
Antonello  de  Messine.  L'imprimerie,  venue  d'Allemagne, 
commence  à  se  répandre,  et  donne  au  choc  des  idées 
qui  se  croisent,  en  tous  sens,  dans  les  lettres,  dans  les 
sciences ,  dans  la  philosophie  ,  dans  la  politique  ,  une 
impulsion  extraordinaire.  Aucune  époque  de  l'histoire  ne 
montre  une  activité  intellectuelle  aussi  grande,  et  dans 
aucune  ville  du  monde  cette  activité  n'est  aussi  énergique 
qu'à  Florence. 

Trois  artistes  marquent  la  fin  de  cette  période  :  Veroc- 
chio,  le  maître  de  Léonard  de  Vinci,  Ghirlandajo,  le  maître 
de  Michel- Ange,  Pérugin  le  maître  de  Raphaël.  Ici  com- 
mence le  siècle  d'or.  Toute  l'Italie  est  venue  étudier  à 
Florence,  et  partout  l'art  atteint  en  même  temps  le  plus 
haut  point  où  il  soit  parvenu  :  Titien  est  à  Venise,  Corrége 
ù  Parme.  Comme  un  enfant  prodigue  dissipe  en  un  jour  les 
richesses  accumulées  par  une  longue  suite  d'aïeux  prudents, 
l'Italie,  préparée  depuis  trois  cents  ans,  donne  au  monde  le 
spectacle  des  plus  magnifiques  génies  dans  tous  les  genres, 
et  des  plus  merveilleux  chefs-d'œuvre  que  la  pensée  hu- 
maine puisse  concevoir;  puis  elle  s'affaisse  sur  elle-même 
et  tombe  épuisée. 

Aux  petites  républiques  qui  avaient  couvert  l'Italie  de 
leurs  mouvements,  succèdent  des  cours  sans  grandeur  dont 
le  prince  est  vassal  de  l'étranger.  Florence,  en  1530, 
succomba  sous  les  coups  du  pape  et  de  l'empereur  réunis 


ÉCOLE  FLORENTINE.  17 

contre  elle.  L'activité  intellectuelle  cessa  avec  l'activité 
politique,  et  les  derniers  Médicis,  devenus  grands-ducs  par 
la  force  des  armes,  tirent  oublier  par  leurs  vices  les  talents 
que  leurs  aïeux  avaient  montrés  sous  la  république.  La 
gloire  artistique  de  Florence  avait  été  intimement  liée  au 
nom  de  Laurent  le  Magnifique,  à  une  époque  où  la  liberté, 
déjà  compromise,  était  encore  vivante.  Savonarole  ,  qui 
comprenait  ce  que  ce  génie  avait  de  dangereux  pour  Flo- 
rence, s'était  dressé  en  face  de  lui  de  toute  la  hauteur 
d'une  grande  conviction  morale.  Mais  quand  Florence  ne 
fut  plus  que  la  capitale  d'un  duché,  personne  ne  trouva  à 
redire  aux  vices  qui  s'étalaient  effrontément  sacs  avoir  le 
talent  pour  excuse. 

Le  caractère  de  l'École  florentine  est  la  force  et  l'ex- 
pression. Venise  a  le  patrimoine  de  la  couleur  :  à  Florence, 
la  pensée  a  toujours  eu  le  pas  sur  la  sensation.  Le  dessin 
de  l'École  florentine  consiste  moins  dans  la  grâce  des 
formes  que  dans  leur  grande  tournure.  Depuis  Giotto  et 
Orcagna,  jusqu'à  Michel-Ange,  la  partie  pratique  de  l'art  a 
sans  cesse  progressé,  mais  l'inspiration,  toujours  puissante, 
dédaigne  les  charmes  du  sourire.  Après  Michel-Ange,  quand 
vient  la  décadence,  la  peinture  ne  tourne  pas  à  l'afféterie, 
comme  cela  s'est  fait  ailleurs,  toute  l'école,  au  conlraire, 
exagère  le  principe  violent  du  maître,  et  tombe  dans  les 
convulsions  et  la  manière. 

C1MABUÉ  (GIOVANNI). 

1240-1303? 

Le  Florentin  Cimabué  est  regardé  par  Vasari  comme  le 
père  de  l'École  italienne  et  le  plus  ancien  peintre  de  ce 


18  ÉCOLE  FLORENTINE, 

pays  11  est  absolument  démontré  aujourd'hui  que,  depuis 
l'antiquité  jusqu'à  nos  jours,  on  n'a  jamais  cessé  de  faire  de 
la  peinture  en  Italie.  Les  types  byzantins,  après  avoir  eu  la 
prépondérance  pendant  tout  le  moyen  âge,  furent  peu  à  peu 
abandonnés,  et  Gimabué  fut  un  de  ceux  qui  contribuèrent 
le  plus  à  faire  entrer  l'art  dans  une  voie  nouvelle.  Il  avait 
eu  des  prédécesseurs,  mais  il  les  surpassa,  surtout  dans  ses 
têtes  d'hommes  et  de  vieillards.  Ses  madones  sont  roides  et 
ses  têtes  d'anges  uniformes.  Le  Dante  a  beaucoup  contribué 
à  la  célébrité  de  Cimabué  ;  mais,  outre  sa  valeur  person- 
nelle, on  lui  doit  un  tribut  de  reconnaissance  pour  avoir 
découvert,  dans  les  essais  du  berger  Giotto,  le  g.ésie  qui 
devait  renouveler  la  peinture. 

LA.    VIERGE    ET    l' ENFANT    JÉSUS. 

PI.  4. 

(Musée   de   Florence). 

■(Hauteur.  411,30  cent.,  largeur,  %™,%Q  cent.) 

La  Vierge,  assise  sur  un  trône  avec  trois  anges  de  chaque 
côté,  tient  dans  ses  bras  l'enfant  Jésus.  Ce  tableau  fut  trouvé 
si  beau  qu'on  le  porta  processionnellement  au  son  des  fan- 
fares, depuis  la  maison  du  peintre  jusqu'au  couvent  de 
Sainte-Marie-Nouvelle,  auquel  il  était  destiné.  Quand  Charles 
d'Anjou  traversa  Florence  pour  aller  prendre  possession  du 
royaume  de  Naples ,  il  voulut  le  voir  et  se  rendit  chez 
Gimabué. 

Il  existe  au  musée  du  Louvre  une  répétition  de  ce  tableau 
avec  quelques  changements.  —  Gravé  par  Carboni. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  19 

GIOTTO  (Dl  BONDONE). 

1276-1336. 

Fils  d'un  pauvre  laboureur,  Giolto  gardait  les  moutons  : 
un  jour  qu'il  dessinait  une  brebis  sur  une  pierre,  Cimabué 
l'aperçut,  et  conçut  de  lui  une  si  bonne  opinion  qu'il  l'em- 
mena et  se  chargea  de  son  instruction.  Giotlo  imita  d'abord 
son  maître,  mais  il  le  surpassa  bientôt,  opéra  dans  l'art 
une  immense  révolution,  et  posa  les  fondements  de  la  pein- 
ture moderne  en  abordant  directement  l'étude  de  la  nature. 
Il  renonça  à  l'emploi  exclusif  de  l'or,  dans  le  fond  des  ta- 
bleaux, et  le  remplaça  par  des  ciels  et  des  paysages,  dont 
la  vérité  est  parfois  surprenante.  Dans  la  figure,  il  recher- 
cha les  traits  particuliers  de  chaque  personnage,  et  put 
ainsi  donner  de  la  ressemblance  à  ses  portraits  :  c'est  par 
lui  que  les  traits  du  Dante  nous  ont  été  conservés.  Giotto 
voyagea  beaucoup,  et  partout  où  il  est  allé,  à  Florence, 
Rome,  Milan,  Padoue,  Avignon,  il  a  laissé  de  ses  œuvres. 
11  élait  en  outre  sculpteur  et  architecte  :  il  éleva  le  beau 
clocher  de  la  cathédrale  de  Florence.  Il  a  été  l'ami  des  plus 
grands  hommes  de  son  siècle  :  Dante,  Pétrarque,  Boccace, 
l'historien  Villani,  etc. 


20  école  florentine. 

saint  pierre  marchant  sur  les  eaux 
(la  navicella). 

PI.  5. 
Mosaïque  à  Rome. 

(Hauteur,  3«,30  cent.,  largeur,  2  mètres.) 

Giotto  a  suivi  ponctuellement  le  récit  de  l'Évangile,  au 
moment  où  Jésus  étend  la  main  vers  saint  Pierre,  et  lui 
dit  :  «  Homme  de  peu  de  foi,  pourquoi  as- tu  douté?  »  Au 
fond,  on  voit  la  barque  avec  les  Apôtres.  Les  figures  qui 
sont  en  l'air  ont  été  ajoutées  ainsi  que  celles  des  pêcheurs. 
—  Gravé  par  Bealricet. 

BUFFAMALCO. 

1262-1340. 

BulTamalco  (Buonamico  de  Chistofano,  dit)  était  élève  de 
Tafi,  et  reforma  son  style  en  cherchant  à  suivre  les  traces 
de  Giotto.  Son  esprit  facétieux,  vanté  parBoccace,  contribua 
autant  que  ses  peintures  à  le  rendre  célèbre.  Ses  meilleurs 
ouvrages  ont  été  détruits,  et  il  est  connu  surtout  par  ses 
peintures  du  Campo  Santo,  dont  notre  gravure  reproduit 
une  des  principales.  Appelé  par  l'évêque  d'Arezzo  pour 
décorer  la  façade  de  son  palais,  il  reçut  ordre  d'y  repré- 
senter la  défaite  des  Florentins,  ses  compatriotes,  et  l'aigle 
arétin,  vainqueur  du  lion  de  Florence.  Mais  ayant  eu  soin 
de  travailler  en  cachette,  il  fit,  au  contraire,  le  lion  étouf- 


ÉCOLE  FLORENTINE.  21 

fant  l'aigle,  et  se  sauva  avant  que  la  peinture  fût  décou- 
verte. Ce  irait  lui  attira  dans  Florence  une  grande  considé- 
ration. Le  dessin  de  Buffamalco  est  très -incorrect,  mais  il 
met  souvent  du  naturel  et  de  l'expression  dans  ses  figures. 

CONSTRUCTION   DE   l' ARCHE. 
PI.  6. 

Fresque  au  Campo  Santo  de  Pise. 

(Hauteur,  3  mètres,  largeur,  21^60  cent.) 

Plusieurs  scènes  sont  représentées  dans  ce  tableau,  sui- 
vant un  usage  fort  commun  à  ce  temps.  Au  premier  plan, 
Noé  surveille  la  construction  de  l'arche,  tandis  qu'au  fond 
on  le  voit  tourné  vers  un  ange  qui  descend  du  ciel  en  tenant 
une  banderole  avec  une  inscription  tirée  de  la  Bible.  Dans 
l'arche  qu'on  bâtit,  on  voit  la  femme  et  les  brus  de  Noé,  qui 
regardent  les  travaux  avec  curiosité.  —  Gravé  par  Lasiano. 

FRA  GIOVANNI  DA  F1ESOLE,  dit  ANGELICO. 

1387-1455. 

Fra  Giovanni  (dit  Beato  Angelico  de  Fiesole)  était  entré 
de  bonne  heure  dans  les  ordres.  Il  apprit  à  orner  de  minia- 
tures les  manuscrits  pieux  que  l'on  fabriquait  alors  dans  tous 
les  couvents.  Mais  il  se  livra  bientôt  à  de  grands  travaux 
décoratifs  ;  ses  ouvrages  dans  la  cathédrale  d'Orvieto,  dans 
le  couvent  de  Saint-Marc,  à  Florence,  et  dans  une  chapelle 
du  Vatican  le  placèrent  au  premier  rang  parmi  les  artistes 


s 


22  ÉCOLE  FLORENTINE, 

contemporains.  L'inspiration  profondément  religieuse  de 
ses  peintures  est  en  harmonie  avec  la  piété  austère  de  ce 
maître,  qui  mourut  en  odeur  de  sainteté  après  avoir  refusé 
par  humilité  l'archevêché  de  Florence,  et  passé  sa  vie  dans 
la  prière,  l'étude  et  la  méditation. 

JUDAS  RECEVANT  LE  PRIX  DE  SA  TRAHISON. 

PI.  7. 

(Hauteur,  27  cent.,  largeur,  b5  cent. 

Ce  petit  tableau  est  peint  en  détrempe  sur  le  devant 
d'une  armoire  à  huit  compartiments,  qui  servait  autrefois  à 
serrer  l'argenterie  du  couvent  des  frères  servites  à  Florence. 
Ces  panneaux  sont  encore  conservés  dans  le  couvent.  — 
Gravé  par  C.  Lasinio  et  Carboni. 


MASACCIO. 

1401-1443. 

Masaccio  (Thomas  Guidi,  dit),  élève  de  Masolino  de 
Panicale,  étudia  la  perspective  avec  Brunelleschi,  se  péné- 
tra des  ouvrages  de  Ghiberli  et  de  Donatello,  et  ouvrit  à  la 
peinture  une  voie  nouvelle.  Pour  la  première  fois,  on  vit 
les  formes  du  corps  humain  correctement  dessinées,  les 
draperies  accuser  leurs  plis  avec  souplesse,  les  figures 
montrer  une  expression  toujours  appropriée  à  la  situation. 
Vasari  dit,  en  parlant  de  Masaccio,  «  que  tout  ce  qui  a  été 
fait  avant  lui  était  peint  ;  mais  que  tout  ce  qu'il  a  fait  est 


ÉCOLE  FLORENTINE.  23 

rrai  et  animé  comme  la  nature  môme.  »  Les  fresques  de 
l'église  des  Carmes  à  Florence,  qui  furent  commencées  par 
Masaccio  et  terminées  par  Philippino  Lippi,  ont  été  étudiées 
par  tous  les  grands  maîtres  du  siècle  d'or  :  Léonard  de 
Vinci,  Michel-Ange,  André  del  Sarlo,  etc.  Masaccio  est 
mort  subitement  à  quarante-deux  ans  :  on  pense  qu'il  a  été 
empoisonné. 

MARTYRE   DE    SAINT    PIERRE. 

PI.  8. 

L'histoire  de  saint  Pierre  couvre  les  murs  de  l'église  des 
Carmes  à  Florence,  et  le  morceau  qu'on  voit  ici  représente 
le  jugement  et  le  martyre  du  prince  des  Apôtres.  Les  groupes 
sont  bien  distribués,  les  plis  des  draperies  sont  grandement 
jetés,  et  les  figures  nues  sont  traitées  avec  un  talent  et  une 
vérité  qui  n'ont  guère  été  surpassés.  —  Gravé  par  Charles 
Lasinio. 

SAINT   PIERRE    ET  SAINT    PAUL   RESSUSCITANT 
UN    ENFANT. 

PI.  9. 

Église  des  Carmes  à  Florence. 

Cette  fresque  renferme  encore  un  double  sujet,  car  on 
voit  d'un  côté  le  miracle  opéré  par  les  saints  au  milieu  d'un 
grand  concours  de  peuple,  et  de  l'autre  des  moines  à 
genoux  devant  une  image  de  saint  Pierre.  —  Gravé  par 
Charles  Lasinio. 


24  ÉCOLE  FLORENTINE. 

BOTTICELLI. 

1447-1515. 

Alessandro  Filipepi  (dit  Sandro-Botticelli)  étudia  d'abord 
sous  un  orfèvre  nommé  Botticelli  dont  il  joignit  le  nom  au 
sien,  puis  chez  Filippo  Lippi.  Le  pape  Sixte  IV  l'appela  a 
Rome  pour  peindre  dans  sa  chapelle,  et  le  nomma  surinten- 
dant des  travaux  qu'il  y  fit  exécuter.  Il  a  fait  beaucoup  de 
gravures  et  composa  les  dessins  qui  ornent  la  nrécieuse 
édition  de  Dante,  imprimée  à  Florence  en  4  488.  Partisan 
déclaré  du  moine  Savonarole,  il  passa  ses  dernières  années 
dans  une  mélancolie  profonde,  et  mourut  dans  une  extrême 
pauvreté. 

LA    CALOMNIE. 
PL  10. 

Peint  sur  bois  ;  galerie  de  Florence. 

(Hauteur,  2'",90  cent. ,  largeur,  3">,80  cent.) 

Apelle  ayant  été  dénoncé  à  Ptolémée  comme  complice 
dans  une  conjuration,  ce  prince  entra  dans  une  violente 
colère,  et  l'eût  sans  doute  fait  mourir,  s'il  n'eût,  au  der- 
nier moment,  reconnu  son  innocence.  Apelle,  pour  démon- 
trer les  dangers  de  la  calomnie,  composa  un  tableau  que 
Lucien  décrit  ainsi  :  «  Sur  la  droite  est  assis  un  homme  qui 
porte  de  longues  oreilles,  semblables  à  celles  de  Midas.  Il 
tend  la  main  à  la  Calomnie  qui  s'avance  vers  lui  ;  il  est 
accompagné  de  deux  femmes,  dont  l'une  paraît  être  l'Igno- 


feftlE  FLORENTINE.  25 

rance,  et  l'autre  le  Soupçon.  De  l'autre  côté  est  la  Calom- 
nie, sous  la  ligure  d'une  femme  bien  parée,  mais  agitée  par 
la  colère  et  la  rage.  D'une  main,  elle  Iraîne  par  les  cheveux 
un  jeune  homme  qui  lève  les  mains  au  ciel,  et  semble 
prendre  les  Dieux  à  témoin  de  son  innocence  ;  elle  est  con- 
duite par  un  personnage  pâle  et  défait,  d'un  regard  sombre, 
d'une  maigreur  extrême  et  que  l'on  reconnaît  aisément  pour 
l'Envie.  La  Fourberie  et  la  Perfidie  font  aussi  partie  du  cor- 
tège. Plus  loin,  parait  une  personne  enveloppée  dans  une 
grande  draperie  noire,  c'est  le  Repentir,  détournant  la  tête 
et  regardant  la  Vérité  qui  parait  la  dernière.  »  Cette  des- 
cription de  Lucien  a  servi  de  programme  à  Botticelli  pour  la 
composition  de  son  tableau. 


GHIRLANDAJO. 

1449-1498. 

dhirlandajo  (Domenico)  fut  orfèvre  avant  d'être  peintre. 
11  est  le  premier  qui  tenta  de  rendre  avec  la  couleur  les 
ornements  qu'on  faisait  ordinairement  dorer.  Il  exécuta  des 
peintures  dans  la  chapelle  Sixline,  et  fut  le  professeur  de 
Michel-Ange. 

NATIVITÉ    DE    LA    VIERGE. 

Pl.lt. 
(Hauteur,  -4  mètres,  largeur,  6  mètres.) 

Domenico  Chirlandajo  fut  chargé  de  peindre  le  cloître 
de  Sainle-Marie-Nouvellc  à  Florence,  et  y  traça  l'histoire 

i.  —  2 


26  ÉCOLE  FLORENTINE, 

de  la  Vierge  en  plusieurs  tableaux.  Dans  celui-ci,  on  voit 
plusieurs  femmes  occupées  à  donner  des  soins  à  l'enfant 
Jésus,  et  d'autres  qui  semblent,  rendre  hommage  à  la  mère 
de  Dieu. 

La  scène   se   passe    dans   un  appartement    somptueux 
décoré  en  style  du  xve  siècle.  —  Gravé  par  Charles  Lasinio. 


LÉONARD  DE  VINCI 


1452-1519. 

Léonard  de  Vinci,  fils  naturel  de  Piero  Antonio,  notaire 
de  la  seigneurie  de  Florence,  naquit  au  château  de  Vinci, 
dans  le  Val  d'Arno,  et  fut  mis  de  bonne  heure  en  appren- 
tissage chez  Andréa  Verocchio,  un  des  plus  grands  sculp- 
teurs de  l'Italie,  et  de  plus  très-habile  peintre.  On  raconte 
que  VerocchiOj  son  maître,  l'ayant  chargé  de  peindre 
un  ange  dans  un  tableau,  trouva  ce  morceau  si  supé- 
rieur à  ce  qu'il  faisait  lui-même ,  qu'il  renonça  désor- 
mais à  peindre.  La  jeunesse  de  Léonard  de  Vinci  est  peu 
connue.  A  Milan,  on  le  voit  paraître  à  la  cour  dans  une 
lutte  de  poêles  et  de  ménestrels,  et  remporter  le  prix 
avec  des  vers  de  sa  composition  qu'il  chantait  en  s'accom- 
pagnant  d'une  lyre  d'argent  qu'il  avait  fabriquée  lui-même. 
Le  duc  de  Milan  l'occupa  comme  ingénieur  militaire.  En 
même  temps  il  creusait  des  canaux  qui  font  encore  aujour- 
d'hui la  richesse  du  pays,  et  il  était  chargé  de  l'achèvement 
de  la  cathédrale,  dont  le  couronnement  était  un  problème 
à  résoudre.  Tous  ces  travaux  sont  un  peu  oubliés,  et  c'est 
surtout  comme  peintre  que  Léonard  de  Vinci  est  célèbre. 


T  .  1 


P  .    1 


LEONARD    DE   VINCI 

IJCONARDO  DA  VINCI . 
LEONARDO  MS  VINCI. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  27 

Jl  avait  fait  une  statue  équestre  et  de  proportion  colossale 
de  François  Sforza  ;  malheureusement  cet  ouvrage  qui  pas- 
sait pour  le  chef-d'œuvre  de  la  statuaire  italienne  n'était 
pas  encore  coulé  en  bronze  quand  Louis  XII  vint  à  Milan, 
et  le  modèle  servit  de  cible  aux  arbalétriers  et  fut  ainsi  perdu 
pour  la  postérité.  C'est   pendant  son  séjour  à  Milan  que 
Léonard  de  Vinci  peignit  son  fameux  tableau  de  la  Gène,  et 
fonda  son  école  de  peinture  qui  devait  avoir  tant  de  célé- 
brité. Après  la  prise  de  Milan  par  les  Français,  il  retourna 
à  Florence,  et  explora  l'Italie  en  qualité  d'ingénieur  de 
César  Borgia.  En  1503,  il  fit,  en  concurrence  avec  Michel- 
Ange,  le  fameux  carton  de  la  bataille  d'Anghiari,  dont  la 
peinture  ne  fut  pas  terminée.  Il  vint  ensuite  à  Rome,  où  il 
ne  fut  pas  très-bien  vu  à  cause  de  sa  liaison  avec  les  Fran- 
çais, et  finit  par  accepter  l'offre  de  François  Ier  qui  l'appe- 
lait en  France.  Mais  il  fut  presque  toujours  malade  dans  ce 
pays,  et  mourut  au  château  de  Cloux,  dans  les  bras  de  son 
élève  Melzi,  et  non  pas,  comme  on  l'a  dit  dans  ceux  du  roi 
qui  était  alors  à  Saint-Germain.  La  fatalité  s'est  acharnée  à 
détruire  les  œuvres  de  Léonard  de  Vinci  :  il  ne  nous  r.jste 
plus  rien  de  la  statue  équestre   de  François  Sforza,  son 
chef-d'œuvre  comme  sculpteur;  le  palais  du  duc  de  Milan, 
son  chef-d'œuvre  comme  architecte,  est  détruit.  Nous  ne 
connaissons  qu'un  fragment  de  son  fameux  carton  de  Flo- 
rence, et  la  Cène  est  en  ruine.  Mais  les  rares  ouvrages  du 
maître,  qui  nous  restent,  ont  tous  été  pieusement  recueillis 
dans  nos  musées,   et  ils  suffisent  à  lui  assurer  le  premier 
rang.  Un  dessin  fin  et  savant,  une  recherche  constante  de 
la  perfection,  une  grâce  inexprimable  qui  n'appartient  qu'à 
lui  seul  ;  enfin  l'étonnante  puissance  de  son  clair-obscur, 
répandent  sur  toutes  ses  œuvres  un  charme  mystérieux. 
Des  générations  d'artistes  sont  venues  tour  à  tour  se  près- 


28  ÉCOLE  FLORENTINE, 

ser  devant  la  Joconde,  et  le  chef-d'œuvre  tant  de  fois  inter- 
rogé est  toujours  demeuré  inimitable.  Les  nombreux  dessins 
de  Léonard  de  Vinci  attestent  autant  que  ses  livres  la  pro- 
digieuse activité  de  son  esprit.  Les  savants  l'admirent 
comme  les  artistes ,  et  l'étonnante  variété  de  ses  con- 
naissances suffirait  pour  en  faire  un  homme  exception- 
nel. Le  Traité  de  la  peinture  est  le  seul  de  ses  ouvrages 
qui  ait  été  publié  dans  son  entier.  Il  a  fait  aussi  un  traité 
de  la  lumière  et  des  ombres,  un  traité  du  mouvement, 
un  traité  des  proportions  du  corps  humain,  un  traité  de 
perspective,  un  traité  de  l'anatomie  du  cheval,  etc.  11  a 
laissé  un  très-grand  nombre  de  manuscrits  dont  une  partie 
est  perdue.  «  Ce  qui  nous  en  reste,  dit  M.  Libri  (Histoire 
des  sciences  mathématiques  en  Italie),  ce  sont  des  espèces  de 
carnets  où  il  écrivait  ses  pensées,  ses  projets,  sur  toutes 
sortes  de  sujets  ;  où  il  esquissait  le  plan  d'une  église,  le 
dessin  d'une  tête  qui  l'avait  frappé,  ou  d'une  machine  qu'il 
avait  imaginée  en  se  promenant.  Souvent  on  trouve  dans  le 
même  feuillet  un  apologue  politique,  qu'on  croirait  dicté  de 
Machiavel  ;  des  maximes  philosophiques  ou  morales,  dignes 
des  philosophes  de  la  Grèce  ;  des  préceptes  qui  sembleraient 
tirés  de  Bacon,  des  recherches  sur  le  vol  des  oiseaux,  des 
problèmes  d'algèbre,  des  fragments  de  géologie,  des  obser- 
vations de  botanique,  des  questions  de  mécanique  ou  de 
balistique,  des  théorèmes  d'hydraulique,  des  sonnets,  des 
dessins  d*architecture  et  des  caricatures.  Si  l'on  ajoute  à 
cela  beaucoup  de  faits  relatifs  à  la  vie  et  aux  travaux  de 
l'artiste,  des  tableaux  synoptiques  d'ouvrages  qu'il  avait 
écrits  ou  qu'il  voulait  composer,  des  contes  badins,  des 
recherches  sur  les  langues,  on  aura  une  idée  encore  fort 
imparfaite  de  ses  manuscrits.  »  Tel  fut  cet  homme  extraor- 
dinaire qui  apparaît  comme  un  phare  à  l'entrée  de  l'époque 
que  l'Italie  a  si  justement  appelée  le  siècle  d'or. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  2» 

LA    VIERGE,    l/ENFANT   JÉSUS   ET   SAINTE   ANNF. 

PI.  12. 

Musée  du  Louvre. 

(Hauteur,  1m,70  cent.,  largeur,  t"i,29  cent.) 

La  Vierge,  presque  de  profil,  est  assise  sur  les  genoux 
de  sainte  Anne,  et  se  baisse  pour  prendre  l'enfant  Jésus, 
qui  caresse  un  agneau.  Le  sujet  de  ce  tableau,  qui  semble 
un  peu  étrange,  se  rapporte  à  une  image  miraculeuse  qui, 
dans  l'église  de  San  Celso  à  Milan,  parut  un  jour  resplen- 
dissante de  lumière  devant  les  fidèles.  L'image  de  San  Celso 
devint  l'objet  de  la  dévotion  populaire,  et  fut  reproduite  par 
différents  artistes  avec  des  variantes.  L'authenticité  de  ce 
tableau  a  été  contestée  et  a  donné  lieu  à  une  polémique 
très-ardente  ;  les  pieds  et  plusieurs  parties  ne  sont  pas  ter- 
minés ;  le  mouton  est  incorrect,  mais  comment  ne  pas 
reconnaître  le  peintre  de  la  Joconde,  dans  ce  sourire  dont 
il  a  seul  possédé  le  secret?  Plusieurs  tableaux  de  Léonard, 
très-achevés  dans  certaines  parties,  sont  inachevés  dans 
d'autres  ;  celui-ci  est  du  nombre.  Vasari  et  les  historiens 
parlent  des  dessins  que  fit  Léonard  sur  ce  sujet,  et  ne  men- 
tionnent pas  les  tableaux  :  il  en  existe  plusieurs  répétitions 
généralement  inférieures  à  celle  du  Louvre  :  une  au  musée 
Brera  à  Milan,  qui  diffère  par  le  fond;  une  autre  à  Munich 
(galerie  Leuchtemberg)  ;  une  autre  dans  la  galerie  de  Flo- 
rence, attribuée  à  Luini.  L'académie  des  beaux- arts  de 
Londres  possède  un  dessin  de  LéonarJ,  du  même  tableau, 
mais  avec  des  différences  assez  notables.  —  Gravé  par 
Laugier  et  par  Cantini,  de  Florence. 

2. 


30  ÉCOLE  FLORENTINE. 

SAINTE    FAMILLE. 

JM.  13. 

(Hauteur.,  75  cent.,  largeur  60  cent.) 

La.  Vierge,  assise,  embrasse  l'enfant  Jésus.  Derrière 
elle,  on  voit  un  fond  d'architecture,  et  dans  le  lointain  un 
paysage. 

LA   VIERGE,    i/ENFANT   JÉSLS   ET   DEUX    SAINTES. 
PL  14. 

Peint  sur  bois,  musée  de  Vienne. 

(Hauteur,  85  cent  ,  largeur,  70  cent.) 

La  Vierge  tient  l'enfant  Jésus  qui  s'approche  pour 
prendre  un  livre.  Derrière  elle,  on  voit  sainte  Barbe,  recon- 
naissable  à  une  tour,  et  sainte  Catherine  reconnaissable  à 
une  roue.  La  roue  et  la  tour  sont  placées  sur  un  médaillon 
que  les  saintes  portent  sur  la  poitrine.  Elles  tiennent  cha- 
cune une  palme.  —  Gravé  par  Steinmuller. 

LA    CÈNE. 
Pi.  15. 

Couvent  de  Sainte-Marie  des  Grâces,  ù  Milan. 
(Hauteur  2m, 00  cent.,  largeur  6  mètres.) 

Léonard  de  Vinci  a  voulu  rendre  le  moment  où  le  Christ 
prononce  ces  paroles  ;  «  En  vérité,  je  vous  le  dis,  l'un 


ÉCOLE  FLORENTINE.  31 

de  vous  nie  trahira.  »  Ce  tableau  est  considéré  comme 
le  chef-d'œuvre  de  Léonard  de  Vinci.  Cette  vaste  peinture 
est  disposée  sur  un  seul  plan  et  sur  une  même  ligne 
qui  fait  face  au  spectateur,  selon  l'usage  des  anciens  ta- 
bleaux hiératiques.  Mais  le  Christ  n'a  pas  d'auréole,  et  les 
Apôtres  n'ont  aucun  des  emblèmes  qui  les  caractérisent 
habituellement.  Tous  les  types,  depuis  le  visage  ineffable 
du  Christ,  jusqu'à  l'ignoble  figure  de  Judas,  sont  expressifs 
et  individuels,  et  l'œil  suit  avec  une  netteté  parfaite  les  senti- 
ments les  plus  vrais  en  même  temps  que  les  plus  variés. 
Malheureusement  la  Cène  de  Léonard  de  Vinci  est  horrible- 
ment dégradée.  Ce  tableau  a  été  peint  à  l'huile  à  une  époque 
où  ce  procédé  était  encore  peu  connu  en  Italie,  et  il  s'est 
écaillé  si  promptement  qu'il  a  fallu  le  réparer  plusieurs  fois. 
En  outre,  les  moines  du  couvent  percèrent  le  mur,  dans  le 
milieu  même  du  tableau,  pour  faire  communiquer  le  réfec- 
toire avec  la  cuisine.  Enfin  on  accuse  les  soldats  français  et 
autrichiens  de  l'avoir  fort  maltraité.  Il  en  existe  plusieurs 
copies,  dont  une  fort  belle  par  Marco  Oggione.  —  Gravé 
par  Morghen. 


SALOMÉ,    FILLE    DHÉRODTADF. 

PI.  16. 

Peint  sur  bois. 

(Hauteur  lm,40  cent.,    largeur  90  rent.) 

Salomé,  ayant  dansé  devant  Hérode,  lui  plut  tellement 
qu'il  promit  avec  serment  de  lui  accorder  ce  qu'elle  vou- 
drait, et  elle  demanda  la  tête  de  saint  Jean-Baptiste.  Dans 


32  ÉCOLE  FLORENTINE, 

le  tableau  de  Léonard,  Salomé,  avec  un  très-grand  calme, 
montre  la  tête  du  saint  que  le  bourreau  tient  par  les 
cheveux.  —  Gravé  par  Eisner. 


FRA  BARTOLOMMEO. 

H69-1517. 

Bartolommeo  (dit  Baccio  délia  Porta,  ou  il  Frate)  entra 
à  l'école  de  Cosimo  Roselli,  étudia  les  antiquités  rassem- 
blées dans  les  jardins  de  Laurent  le  Magnifique,  et  obtint 
un  grand  succès.  11  devint  un  auditeur  enthousiaste  de 
Jérôme  Savonarole,  et  après  la  prédication  du  fougueux 
dominicain  sur  les  livres  et  les  peintures  indécentes,  il  ap- 
porta toutes  ses  études  nues  et  tous  ses  dessins  sur  des 
sujets  mythologiques,  pour  être  brûlés  dans  cet  auto-da-fé 
célèbre  où  un  zèle  irréfléchi  fit  périr  tant  de  chefs-d'œuvre. 
Lorsque  Savonarole  fut  arraché  par  ses  ennemis  du  couvent 
où  il  s'était  réfugié,  Baccio  délia  Porta  qui  l'accompagnait 
fut  si  frappé  de  la  scène  dont  il  avait  été  témoin,  qu'il  fit 
vœu  d'entrer  dans  les  ordres,  et  depuis  ce  temps  il  a  été 
connu  sous  le  nom  de  Fra  Bartolommeo.  Le  chagrin  que  lui 
causa  le  supplice  de  son  ami  l'absorba  tellement  qu'il  passa 
quatre  années  sans  pouvoir  travailler,  et  ne  se  décida  à 
reprendre  ses  pinceaux  que  sur  l'ordre  de  son  supérieur. 
Bartolommeo  a  été  l'ami  de  Raphaël,  et,  dans  ses  dernières 
années,  il  chercha  encore  à  agrandir  son  style  en  étudiant 
les  ouvrages  de  Michel-Ange.  C'est  à  lui  qu'on  doit  l'inven- 
tion du  mannequin  dont  on  se  sert  pour  les  draperies. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  33 

PRÉSENTATION   DE   JÉSUS-CttRIST  AU   TEMPLE. 

PI.  17. 

Peint  sur  bois,  galerie  de  Florence. 

(Hauteur  lm,15  cent.,   largeur  80  cent.) 

Le  prêtre  prend  l'enfant  que  lui  amène  sa  mère.  Près 
de  lui  sont  deux  saintes  femmes  en  prière,  et  un  person- 
nage debout  en  face  la  Vierge.  —  Gravé  par  Massard. 

LA   VIERGE    ET    l' ENFANT   JÉSUS. 

VI.  18. 

Peint  sur  bois,  galerie  de  Vienne. 

(Hauteur  85  cent.,  largeur  70  cent.) 

La  Vierge,  vue  à  mi-corps  et  avec  la  tête  de  profil,  em- 
brasse l'enfant  Dieu,  qui  regarde  le  spectateur  en  enlaçant 
ses  bras  au  cou  de  sa  mère.  —  Gravé  par  Van  Stien  et 
C.  Pfeiffer. 

SAINT   MARC. 

1-1.  19. 

Galerie  de  Florence. 

(Hauteur  2'",90  cent.,  largeur  2111,15  cent.) 

Le  saint  est  assis  tenant  un  livre.  Cette  figure,  très- 
célèbre,  marque  la  dernière  et  la  plus  baute  période  du 
talent  de  Fra  Bartolommeo.  — Gravé  par  Langlois. 


43  ÉCOLE  FLORENTINE. 


MICHEL  ANGE. 


1475-1564. 

Michel-Ange  Buonarolti  naquit  près  d'Arezzo  en  1475. 
Gondivi  et  Vasari  le  fond  descendre  de  l'antique  famille  des 
Canossa,  et  lui  donnent  ainsi  une  origine  presque  royale. 
Ce  fait,  qui  n'a  d'ailleurs  aucune  importance  pour  l'art,  a 
été  contesté  de  nos  jours,  mais  les  contemporains  n'en 
doutaient  pas,  et  l'amitié  que  témoigna  à  Michel-Ange  Lau- 
rent de  Médicis  pouvait  bien  s'adresser  autant  au  rejeton 
d'une  illustre  famille,  qu'à  l'apprenti  du  Ghirlandajo.  Ce  fut 
chez  ce  maître  que  Michel-Ange,  malgré  la  répugnance  de 
son  père,  apprit  les  premiers  éléments  de  l'art.  Comme  il 
était  très-assidu  à  aller  étudier  dans  les  jardins  de  Médicis, 
où  était  réunie  une  très-riche  collection  de  statues  antiques, 
Laurent  le  Magnifique  le  remarqua  et  prit  du  plaisir  à  le 
faire  causer.  Un  jour  Michel-Ange  copiait  une  tête  de  faune, 
à  laquelle  il  manquait  la  mâchoire  inférieure  ;  il  cherchait 
à  la  faire  telle  qu'elle  avait  dû  être  primitivement,  quand 
Laurent  vint  à  passer.  «  Tu  lui  mets  toutes  ses  dents,  ne 
sais-tu  pas  qu'il  en  manque  toujours  quelqu'une  aux  vieil- 
lards ?  »  lui  dit-il  amicalement, 

Michel-Ange  brisa  une  dent  et  creusa  la  gencive.  Laurent, 
qui  s'amusait  à  le  regarder  faire,  lui  proposa  de  venir  de- 
meurer chez  lui,  et  Michel-Ange,  profitant  des  leçons  du  sa- 
vant Politien  et  des  lettrés  qui  composaient  la  cour  des 
Médicis,  devint  le  compagnon  d'études  du  jeune  homme 
qui  devait  être  Léon  X. 


T  .  1 


P  .    II 


MICHEL- ANGE   BUONAROTI 

1CCKF.T.A  LO    BUONARROT 

MICEL-ANGEL  BUONAROTI. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  35 

Bq  même  temps  qu'il  était  l'obligé  des  .Médit  is  et  dînait  à 
leur  table,  Michel-Ange  était  un  auditeur  assidu  de  Savo- 
narole,  dont  les  doctrines  républicaines  riaient  en  oppo- 
sition directe  avec  les  maximes  de  la  cour.  Quand  Laurent 
le  Magnifique  se  sentit  au  lit  de  mort,  il  fit  venir  l'austère 
pn'dicaleur,  qui  lui  refusa  l'absolution,  s'il  ne  rendait  pas 
la  liberté  à  Florence.  Savonarole,  chrétien  convaincu,  vou- 
lait rendre  à  la  morale  sa  pureté  primitive,  et  condamnait 
hautement  ces  mœurs  faciles  et  dissolues,  dont  les  cours 
italiennes  offraient  alors  l'exemple.  De  pareilles  doctrines 
convenaient  parfaitement  à  Michel-Ange  qui ,  d'un  autre 
côté,  était  lié  aux  Médicis  par  la  reconnaissance.  Cette  situa- 
tion n'était  pas  tenable,  et  Michel-Ange  quitta  Florence. 

Les  Médicis  furent  renversés  et  la  liberté  rétablie,  puis 
les  Médicis  revinrent  de  nouveau  pour  être  encore  une  fois 
renversés.  Michel-Ange  se  tint  complètement  à  l'écart  de 
ces  mouvements,  car  il  eût  été  obligé  de  sacrifier  ou  les 
devoirs  que  lui  imposait  sa  conscience  de  citoyen,  ou  les 
liens  d'affection  qu'il  conservait  pour  la  famille  de  son  pro* 
tecteur.  Mais  après  de  longues  années  de  repos,  les  événe- 
ments politiques  qui  se  pressaient  en  Italie  vinrent  arracher 
brusquement  l'artiste  à  ses  travaux  et  le  forcer  à  prendre 
un  parti.  Une  armée  étrangère  investit  Florence,  et  les 
citoyens  de  cette  ville  firent  sommation  à  Michel-Ange  de 
consacrer  à  sa  patrie  ses  talents  comme  ingénieur  militaire. 
11  s'y  rendit,  et  éleva  autour  de  la  ville  ces  fortifications 
célèbres  qui  firent  plus  tard  l'admiration  de  Vauban.  Ces 
passions  fiévreuses,  ces  luttes  intérieures  qui  divisaient 
l'Italie  à  la  veille  de  sa  décadence,  ne  pouvaient  manquer 
d'être  vivement  ressenties  par  un  homme  tel  que  Michel- 
Ange.  Elles  se  trahissent  dans  ses  œuvres,  qui  n'ont  jamais 
cette  sérénité  calme  qu'on  admire  dans  les  ouvrages  de 


36  ÉCOLE  FLOEENTIINE. 

l'antiquité.  Sculpteur  pendant  la  première  moitié  de  sa  vie, 
il  devient  peintre  dans  la  seconde,  et  les  travaux  d'archi- 
tecture occupent  en  grande  partie  sa  vieillesse.  Dans  les 
trois  arts  il  est  au  premier  rang  :  comme  sculpteur,  on  lui 
doit  le  Moïse ,  les  Esclaves  et  le  Tombeau  des  Médicis  ; 
comme  peintre,  la  chapelle  Sixtine  ;  comme  architecte,  le 
dôme  de  Saint-Pierre.  Quand  il  ne  voit  plus  clair,  il  se  fait 
poëte,  et  ses  sonnets  attestent  l'amertume  de  ses  dernières 
années.  On  ne  lui  a  pas  connu  d'amour,  car  on  ne  peut 
guère  appeler  de  ce  nom  l'attachement  profond  ,  mais 
purement  moral,  qu'il  a  eu  pour  Vittoria  Colonna,  qui  avait 
passé  cinquante  ans  lorsqu'il  l'a  connue. 

Michel-Ange  était  de  taille  moyenne,  large  des  épaules  et 
un  peu  taillé  à  coups  de  hache.  11  avait  le  front  spacieux,  les 
yeux  bruns  tachetés  de  jaune  et  le  nez  écrasé,  par  suite 
d'un  coup  de  poing  que  lui  avait  donné,  lorsqu'il  était  ap- 
prenti, le  sculpteur  Torregiano.  Sa  jeunesse  studieuse  n'a 
jamais  connu  le  plaisir;  ses  études  profondes  sur  l'anatomie 
et  la  perspective,  ses  vastes  connaissances  dans  toutes  les 
sciences,  son  caractère  sombre  et  réfléchi,  les  événements 
auxquels  il  a  été  mêlé  et  qu'il  a  ressentis  plus  que  personne; 
ont  contribué  à  donner  à  son  œuvre  un  cachet  de  grandeur 
et  d'originalité,  qu'on  ne  retrouve  nulle  part  ailleurs.  Il 
avait  dit  :  «  Ma  manière  enfantera  des  maîtres  ignorants,  »  et 
sa  prédiction  s'est  trouvée  vraie.  La  fin  de  sa  vie  marque  le 
commencement  de  la  décadence  de  l'art.  11  est  mort  très- 
vieux  à  Rome,  et  le  pape  voulait  lui  élever  un  tombeau  ; 
mais  des  citoyens  de  Florence  enlevèrent  son  corps  pendant 
la  nuit  et  l'emportèrent  dans  sa  patrie  où  on  lui  fit  de 
magnifiques  funérailles. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  37 

SAINTE  FAMILLE. 

PI.  20. 

(Hauteur  40  cent.,  largeur  27  cent.) 

11  existe  plusieurs  répétitions  de  cette  sainte  famille,  dont 
la  composition  est  de  Michel-Ange.  Il  y  en  a  une  dans  la 
galerie  du  belvédère  à  Vienne,  une  en  Angleterre,  et  une 
troisième  qui  faisait  partie  de  la  galerie  du  Palais-Royal,  et 
qui  se  trouve  maintenant  en  Allemagne.  —  Gravé  par 
Bonasone. 

SAINT   JEAN  BAPTISTE. 

PI.  21. 

Galerie  de  Vienne. 

(Hauteur  45  cent.,  largeur  30  cent.) 

Le  saint,  enlièrement  nu,  est  assis  sur  un  rocher.  Le 
geste  de  la  main  gauche  semble  indiquer  qu'il  prêche  devant 
un  auditoire  qn'on  ne  voit  pas.  L'attribution  de  ce  tableau 
a  été  fort  contestée  :  M.  Duchesne  le  considère  comme  une 
œuvre  de  Jean-Baptiste  Mola.  —  Gravé  par  Prenner. 

LES   TROIS   PARQUES. 

PL  22. 

Peint  à  l'huile,  palais  Pitti.  Florence. 

(Hauteur  8'2  cent.,  largeur  61  cent.) 

Michel-Ange  n'a  pas  suivi  dans  cette  composition  la  Ira  • 
dition  de  l'antiquité,  qui  représentait  les  Parques  jeunes  et 

î.  —  3 


38  ÉCOLE  FLORENTINE, 

belles  ;  mais  avec  ces  trois  vieilles  femmes,  il  a  trouvé  une 
conception  pleine  de  cette  grandeur  sauvage  qui  est  le 
propre  de  son  génie.  La  composition  de  cet  admirable  ta- 
bleau est  incontestablement  de  Michel-Ange  ;  mais  l'exé- 
cution est  souvent  attribuée  au  Rosso. —  Gravé  par  Marais. 

LES    VICES    ASSIÉGEANT    LA    VERTU. 
PI.  23. 

Celte  peinture  à  fresque,  exécutée  dans  la  villa  Raphaël, 
et  qui  est  aujourd'hui  dans  la  galerie  Rorghèse,  passe  pour 
avoir  été  peinte  par  Raphaël,  ce  qui  est  très- douteux. 
Le  dessin  original  de  Michel-Ange  se  trouve  dans  la  col- 
lection royale  d'Angleterre,  et  le  musée  Brera  de  Milan 
en  possède  un  très-beau  lavis.  C'est  d'après  cette  compo- 
sition que  le  tableau  a  été  peint,  non  par  Raphaël,  mais  par 
un  de  ses  élèves,  probablement  Perino  dei  Vaga.  La  Vertu, 
représentée  par  un  Terme,  est  garantie  par  un  bouclier 
contre  les  traits  que  lui  décochent  les  Vices.  C'est  un  sujet 
assez  obscur;  mais  il  existe  une  ancienne  gravure,  d'après 
un  dessin  perdu,  où  la  tête  du  Terme  est  un  portrait  de 
Michel-Ange  lui-même  ,  ce  qui  semblerait  indiquer  une 
allusion  aux  attaques  dont  l'artiste  a  été  souvent  l'objet  de 
la  part  de  ses  ennemis.  Celte  pièce  est  connue  sous  le  nom 
des  Tireurs  d'arc. 

FLORENTINS   ATTAQUÉS   PAR   LES   PISANS. 

PI.  24. 

L'an  1503,  les  magistrats  de  Florence  chargèrent  Léo- 
nard de  Vinci  de  peindre  un  des  côtés  de  la  salle  du  palais 
vieux,  et  Michel-Ange  fut  chargé  de  peindre  l'autre  côté. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  39 

La  peinture  de  Léonard  de  Vinci  fut  commencée  et  demeura 
inachevée,  mais  il  y  en  eut  un  dessin  célèbre  dont  un  frag- 
ment copié  par  Rubens  a  été  gravé  par  Edelinck  ;  le  carton 
de  Michel -An?e  périt  pendant  les  troubles  de  1512,  et 
Vasari  accuse  Bandinelli  de  lavoir  détruit  par  une  basse 
jalousie  contre  un  rival  plus  fort  que  lui.  Ces  deux  cartons 
perdus  aujourd'hui,  ont  eu,  sous  la  Renaissance,  une  im- 
mense célébrité  :  tous  les  artistes  les  étudiaient,  et  quand 
on  disait  d'un  jeune  peintre  :  il  a  étudié  les  cartons,  cela 
voulait  dire,  il  a  fait  de  fortes  études.  Benvenuto  Gellini  dit 
que  ce  dessin  de  Michel-Ange,  et  celui  de  Léonard,  sont 
dignes  d'être  «  l'École  de  l'univers.  »  C'est  d'après  une 
copie  en  grisaille  par  San  Gallo,  que  la  composition  de 
Michel-Ange  est  connue. 

Le  sujet  choisi  par  Michel-Ange  est  un  épisode  de  la 
guerre  de  Pise.  Les  soldats  florentins,  en  train  de  se  bai- 
gner dans  l'Arno,  vont  être  surpris  par  l'ennemi.  Les 
trompettes  sonnent  l'alarme,  les  soldats  gagnent  les  bords 
du  fleuve  et  s'habillent  précipitamment.  Cette  scène  tumul- 
tueuse se  prêtait  admirablement  au  talent  de  Michel-Ange 
qui,  dans  ces  figures  nues  et  en  mouvement,  pouvait  dé- 
ployer à  l'aise  ses  connaissances  anatomiques  et  son  goût 
pour  les  attitudes  violentes.  Le  dessin  original  n'existe 
plus,  mais  la  copie  de  Bastien  de  San  Gallo,  d'après  la- 
quelle on  peut  connaître  la  composition,  est  maintenant 
en  Angleterre.  —  Gravé  par  Schiavonetti. 

CHAPELLE    SIXTINE. 

La  chapelle  Sixtine  est  une  grande  salle  longue  éclairée 
de  chaque  côté  par  six  fenêtres,  qui  fut  bâtie  sous  le  ponti- 
ficat de  Sixte  IV.  Ce  fut  par  suite  d'une  intrigue  que  Michel- 


40  ÉCOLE  FLORENTINE. 

Ange  fut  chargé  de  l'immense  travail  qui  l'a  immortalisé  et 
qui  est  peut-être  le  plus  prodigieux  monument  qu'ait  jamais 
enfanté  l'esprit  humain.  Bramante,  l'architecte  de  Saint- 
Pierre,  craignait  qu'on  ne  découvrît  certaines  erneurs  com- 
mises dans  ses  constructions  récentes  ;  on  parlait  de  mal- 
versations et  on  désignait  déjà  Michel-Ange  comme  devant 
le  remplacer. 

En  proposant  à  Jules  II  de  confier  à  Michel-Ange  la  déco- 
ration de  la  voûte,  il  espérait  le  voir  échouer  et  déconsi- 
dérer son  rival  aux  yeux  du  pape;  car  Michel-Ange  était 
sculpteur,  mais  n'avait  encore  fait  aucune  peinture  à  cette 
époque,  si  ce  n'est  peut-être  dans  le  temps  qu'il  était  ap- 
prenti chez  Ghirlandajo.  L'artiste  florentin  sentit  le  coup  et 
s'excusa,  disant  qu'il  n'était  pas  peintre,  et  que  c'était 
Raphaël  qu'on  devait  charger  de  celte  hesogne.  Mais  le  pape 
fut  inflexible,  et  Michel-Ange,  pour  se  mettre  au  courant 
d'un  genre  de  travail  qu'il  connaissait  très-imparfaitement, 
fit  venir,  pour  l'aider,  d'anciens  camarades  plus  expéri- 
mentés que  lui  dans  la  pratique  de  la  fresque.  Il  fut  toutefois 
si  peu  satisfait  de  leur  ouvrage,  qu'il  les  congédia  bientôt, 
et  résolut  de  faire  tout  par  lui-même.  Des  difficultés  im- 
prévues l'arrêtèrent  dès  le  début  :  ses  peintures  en  séchant 
se  couvraient  d'une  moisissure  dont  il  ne  pouvait  découvrir 
la  cause.  Désespéré,  il  alla  dire  au  pape  que  tout  le  travail 
qu'il  avait  fait  était  perdu,  et,  qu'ainsi  qu'il  l'avait  prévu, 
la  peinture  n'était  pas  son  affaire.  Jules  II  envoya  Julien 
de  San  Gallo,  qui  expliqua  à  Michel-Ange  la  cause  de  son 
accident,  et  celui-ci  se  remit  à  l'œuvre  avec  une  ardeur 
extrême.  Il  s'isola  absolument,  et  personne  n'eut  l'autori- 
sation de  voir  le  travail  en  train,  L'impatience  pourtant 
s'empara  du  pape  qui  voulut  le  voir  avant  que  Michel-Ange 
y  eût  mis  la  dernière  main.  Il  fut  transporté  d'admiration, 


ÉCOLE  FLORENÏ1M..  41 

et  en  dépit  do  Michel-Ange,  qui  prétendait  n'avoir  pas  ter- 
miné ,  il  fit  abattre  l'échafaudage,  a  Rome  entière  ,  dit 
Vasari,  se  précipita  dans  la  Sixtine  ;  Jules  s'y  porta  le  pre- 
mier, avant  que  la  poussière  produite  par  la  chute  des 
cehafauds  fût  tombée,  et  y  célébra  la  messe  la  même 
jour.  »  Le  pape,  malgré  son  enthousiasme,  aurait  voulu  un 
peu  plus  de  richesse  :  «  Il  faudrait  leur  mettre  un  peu  d'or, 
dit-il  à  Michel-Ange  :  ma  chapelle  paraîlra  bien  pauvre. 
—  Ceux  que  j'ai  peints  là,  -répondit  l'artiste,  étaient  de 
pauvres  gens.  » 

Ce  ne  fut  que  trente  ans  après  avoir  peint  la  voûte, 
que  Michel-Ange  termina  le  Jugement  dernier  qui  lui  avait 
été  commandé  par  Paul  III.  Cette  immense  peinture  de- 
vait faire  pendant  à  la  Chute  des  anges  rebelles  qui  ne 
fut  pas  exécutée,  mais  pour  laquelle  Michel- Ange  a  fait 
plusieurs  études.  L'immense  fresque  du  Jugement  dernier 
est  placée  au  fond  de  la  chapelle;  dans  la  naissance  des 
voûtes,  entre  les  fenêtres,  sont  les  figures  des  prophètes  : 
Zacharie,  Jérèmie,  Joël,  Daniel,  Isaïe,  Ezéchiel  et  Joras, 
et  celles  de  cinq  Sibylles,  la  Persique,  la  Libyqu?,  la  Dcl- 
phique,  celle  d'Erythrée  et  celle  de  Cumes.  Aux  ang'es,  on 
voit  quatre  compositions  :  David,  vainqueur  de  Goliath,  le 
Serpent  d'airain,  la  Punition  d'Aman,  et  Judith  coupant  la 
tête  à  Holopherne.  La  partie  supérieure  de  la  voûte  est 
décorée  de  neuf  sujets  en  huit  tableaux  :  Dieu  le  père, 
porté  par  les  anges,  la  Création  ds  la  lumière,  la  Création 
de  l'homme,  la  Création  de  la  femme,  la  Tentation  d'Adam 
et  d'Eve,  et  leur  Expulsion  du  paradis,  le  Sacrifice  de  Noé, 
le  Déluge  et  V Ivresse  de  Noé.  Le  reste  de  la  chapelle  est 
décoré  par  les  plus  grands  artistes  de  l'époque  précédente  : 
Lucas  Signorelli,  le  Ghirlandajo ,  le  Pérugin,  Boticcelli, 
Roselli,  etc. 


42  ÉCOLE  FLORENTINE. 

DiLU   ANIMANT   L'HOMME. 

PI.  25. 

(Hauteur  3in,20  cent.,  largeur  6  mètres.) 

Michel-Ange  a  représenté  Adam  au  moment  où,  animé 
par  la  volonté  de  Dieu,  il  va  se  lever  et  marcher.  L'Éter- 
nel, porté  dans  l'espace  par  les  anges,  étend  le  bras  vers 
l'homme  pour  lui  donner  la  vie.  —  Gravé  par  Dominique 
Cunége. 

CRÉATION    J)'ÈVE. 

PI.  20. 

(Hauteur  3m,20  cent.,  largeur  4m,70  cent.) 

Le  Créateur,  debout,  anime  du  geste  Eve  qui  l'adore  en 
joignant  les  mains,  tandis  qu'Adam  est  endormi.  —  Gravé 
par  Capellaro. 

ADAM    ET    EVE. 
PI.  27. 

(Hauteur  3m, 20  cent.,  largeur  0  mètres.) 

Le  péché  d'Adam  et  Eve,  et  leur  expulsion  du  paradis, 
sont  ici  représentés  sur  le  même  tableau.  Le  serpent  qui 
s'enroule  autour  de  l'arbre  de  la  science  présente,  dans 
sa  partie  supérieure,  un  corps  de  femme,  qui  le  fait  res- 
sembler à  une  sorte  de  sirène.  Ce  Satan  à  tête  de  femme 


ÉCOLE  FLORENTINE.  43 

se  rapporte  à  une  très-ancienne  tradition  :  on  le  trouve 
fréquemment  figuré  de  la  sorte  sur  les  anciens  manuscrits, 
ainsi  que  sur  les  anciennes  peintures  murales. 

LE    JUGEMENT    DERNIER. 

rl.28. 

(Hauteur  10  mètres,  largeur  6m, 50  cent.) 

Le  jugement  dernier  est  l'œuvre  la  plus  importante  de 
Michel-Ange.  En  haut  du  tableau,  le  Christ,  irrité  et  tout- 
puissant,  juge  les  hommes.  Près  de  lui,  la  Vierge  intercède 
pour  fléchir  la  colère  céleste.  Les  élus  et  les  saints  occu- 
pent le  haut  du  tableau.  Les  damnés  sont  au  bas,  où  les 
morts  ressuscitent  au  son  de  la  trompette  des  anges.  Charon, 
dans  sa  barque,  frappe  les  réprouvés  avec  sa  rame.  Ce 
personnage  mythologique,  introduit  dans  une  scène  chré- 
tienne, figure  aussi  dans  un  tableau  de  Signorelli,  antérieur 
à  celui  de  Michel-Ange,  et  l'on  en  a  conclu  que  Michel-Ange 
avait  pris  cette  idée  à  Signorelli  ;  mais  c'est  une  erreur. 
Charon  se  trouve  très-souvent  représenté  dans  les  scènes  de 
l'enfer;  on  le  voit  sculpté  sur  le  tombeau  de  Dagobert  et 
sur  une  foule  de  bas-reliefs  et  de  peintures  du  moyen  âge. 
Michel- Ange  et  Signorelli,  n'ont  fait  que  se  conformer  à 
une  tradition  qui  durait  encore  de  leur  temps.  Cette  im- 
mense fresque  avec  ses  nudités,  ses  violences  d'attitude,  ses 
développements  de  muscles  et  de  formes  fut  très-admirée  des 
artistes,  mais  souleva  dans  le  public  des  critiques  assez 
nombreuses.  Le  maître  des  cérémonies,  Biagio  de  Cesena, 
s'était  plaint  au  pape  que  l'artiste  eût  osé  introduire,  dans 
un  endroit  si  respectable,  tant-  de  ligures  qui  montraient 
sans  honte  leur  nudité,  disant  que  cela  conviendrait  mieux 


hk  ÉCOLE  FLORENTINE, 

dans  une  salle  de  bain  ou  dans  un  cabaret  que  dans  la 
chapelle  pontifica'e.  Michel-Ange,  pour  se  venger,  repré- 
senta ce  personnage  en  enfer,  enlacé  par  un  serpent. 
Comme  la  ressemblance  était  parfaite,  et  que  Biagio  ne 
jouissait  pas  d'une  réputation  excellente  comme  moralité, 
l'histoire  courut  bientôt  la  ville  qui  s'amusa  aux  dépens  du 
malheureux  maître  des  cérémonies.  Celui-ci  alla  se  plaindre 
au  pape,  qui  lui  demanda,  en  riant,  où  Michel-Ange  l'avait 
placé.  «  Dans  l'enfer  »,  répondit-il.  —  «Hélas  !  reprit  le 
pape,  s'il  ne  t'avait  mis  qu'en  purgatoire,  je  t'en  tirerais  ; 
mais  puisque  tu  es  en  enfer,  mon  pouvoir  ne  va  pas  jus- 
que-là. » 

Néanmoins,  l'avis  du  maître  des  cérémonies  prévalut  par 
la  suite,  et  il  fut  même  question  d'effacer  le  jugement  der- 
nier. On  prit  un  moyen  terme,  et  Daniel  de  Volterre, 
chargé  de  mettre  des  draperies  en  certains  endroits,  reçut, 
à  cause  de  cela,  le  surnom  de  culollier. 

RIDOLFO  GHIRLANDAJO. 

1482-1560! 

Ghirlandajo  (Ridolfo),  fils  de  Domenico  Ghirlandajo,  fut 
l'ami  de  Raphaël  et  de  Bartolomméo,  travailla  au  dôme  de 
Sienne,  exécuta  un  grand  nombre  de  tableaux  à  Florence, 
et  fit  des  portraits  très-estimés. 


T  ,    1 


P  ,  III 


ANDRE  VANUCCI  DIT  ANDRE  DEL  SARTE . 

.ANDHSA  VANTCCl,  DETTO  ANDREA  DXh  SARTO 
ANDREAS  VANUCCI.LLAMAPO  DEL    SARTE 


ÉCOLE  FLORENTIN!-.  45 

SAINT   ZANOBE    RESSUSCITANT   UN    ENFANT. 
PL  29. 

Galerie  de  Florence. 

(Hauteur  lui, 87  cent.,  largeur  l'",30  cent.) 

Une  dame,  se  rendant  à  Rome,  laissa  son  fils  malaJc  à 
Florence,  et  le  confia  aux  soins  de  saint  Zanobe,  évoque  de 
cette  ville  au  vie  siècle.  L'enfant  étant  mort,  on  l'amena  sur 
la  place  publique  où  le  prélat  vint  prier  avec  tant  de  ferveur 
qu'il  le  rappela  à  la  vie. 

ANDREA  DEL  SARTO. 

Pi..   TII. 

f 488-1530. 

Andréa  Vanucchi,  dit  Andréa  del  Sarto,  fut  j  lacé  chez  un 
orfèvre  qu'il  quitta  bientôt  pour  se  mettre  sous  la  direction 
de  Giovani  Rarile,  très-liabile  sculpteur  en  bois,  mais  peintre 
médiocre.  11  travailla  ensuite  avec  Pietro  di  Cosimo,  étudia 
avec  ardeur  les  fresques  de  Masaccio  et  les  carions  de 
Léonard  de  Vinci  et  de  Michel-Ange,  et  passa  bientôt  pour 
un  des  plus  habiles  maîtres  de  l'Italie.  Il  exécuta  des  tra- 
vaux importants  pour  la  confrérie  dello  Scalzo,  pour  l'église 
San  Gallo,  dan?  le  couvent  des  Servîtes,  dans  le  monastère 
de  San  Salvi,  et  ailleurs.  Un  tableau  d'Andréa  del  Sarto 
ayant  été   présenté  à  François  Ier,  ce  prince  le  trouva  si 

3. 


46  ÉGQLE  FLORENTINE, 

beau,  qu'il  fit  venir  l'artiste  à  Fontainebleau,  et  rétribua 
magnifiquement  ses  ouvrages  qu'on  appréciait  bien  à  Flo- 
rence, mais  qui  lui  étaient  fort  mal  payés.  La  fortune  com- 
mençait à  lui  sourire,  lorsqu'il  repartit  brusquement  pour 
son  pays,  rappelé  par  une  lettre  de  sa  femme  qui  n'avait 
pu  le  suivre  en  France  et  qu'il  aimait  passionnément.  Le 
roi  lui  confia  une  somme  considérable,  destinée  à  faire  en 
Italie  des  acquisitions  d'œuvres  d'art,  et  lui  fit  jurer  de 
revenir.  Mais  cédant  aux  sollicitations  de  sa  femme,  le 
malheureux  artiste  la  laissa  follement  dissiper  en  plaisirs 
l'argent  qu'il  avait  reçu  du  roi  de  France ,  et  retomba 
bientôt  dans  une  gêoe  extrême.  La  peste  s'étant  déclarée 
à  Florence,  il  mourut  à  quarante-deux  ans,  privé  de  tout 
secours,  et  abandonné  de  sa  femme  et  de  ses  médecins  que 
la  peur  de  la  contagion  avait  fait  fuir  de  sa  maison. 

SAINTE    FAMILLE    (AU    CHARIOT) 

PI.  30 

(Hauteur  1  m, 70  cent.,   largeur  2m,25  cent.) 

La  Vierge,  assise  auprès  de  sainte  Elisabeth,  tient  sur  ses 
genoux  l'enfant  Jésus  :  saint  Joseph  approche  un  chariot 
dont  on  faisait  usage  autrefois  pour  apprendre  à  marcher 
aux  petits  enfants.  Ce  tableau,  qui  a  appartenu  au  duc  de 
Modène,  est  maintenant  dans  la  galerie  de  Dresde.  — 
Gravé  par  Moitte. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  47 

SAINTE    FAMILLE    (AVEC    DEUX    ANGES). 
PI.  31. 

Musées  du  Louvre  et  de  Vienne.' 

(Hauteur  l'",40  cent.,  largeur  lni,06  cent.) 

La  Vierge,  à  genoux,  lient  l'enfant  divin  ;  près  d'elle, 
sainte  Elisabeth  est  accompagnée  de  saint  Jean.  Deux  anges 
sont  derrière  la  Vierge. 

SAINTE    FAMILLE    (LA    VIERGE    AU    SAC). 

PI.  32. 

Fresque  à  Florence. 

(Hauteur  lm?65  cent.,  largeur  3'",25  cent.) 

La  Vierge  tient  sur  ses  genoux  l'enfant  Jésus,  tandis  que 
saint  Joseph,  occupé  à  lire,  est  accoudé  sur  un  sac.  — 
Gravée  par  Morghen. 

SAINTE    FAMILLE. 

PI.  33. 

Angleterre. 

(Hauteur  lm,85  cent.,  largeur  1^,10  cent.) 

La  Vierge,  assise,  tient  l'enfant  Jésus.  Près  d'elle,  sainte 
Elisabeth  retient  d'une  main  le  petit  saint  Jean  qui  pop- 
temple  le  Sauveur. 


48  ÉCOLE  FLORENTINE. 

JÉSUS -CHRIST   AU   TOMREAU    (AVEC    SAINT   PIERRE 
ET   SAINT   PAUL). 

PI.  34. 
Galerie  de  Florence. 

(Hauteur  2'", 30  cent.,  largeur  2  mètres.) 

La  Vierge  tient  le  bras  de  son  divin  fils  dont  le  corps  est 
soutenu  en  arrière  par  saint  Jean  :  sainte  Madeleine  est  en 
prière.  «  Les  figures  de  saint  Pierre  et  saint  Paul,  qui  sont 
introduites  là  contre  l'autorité  de  l'histoire,  dit  Lanzi,  ne 
s'y  trouvent  point  par  l'ignorance  du  peintre  qui  les  repré- 
senta d'une  manière  si  admirable,  mais  par  l'erreur  de  ceux 
qui  ordonnèrent  l'exécution  du  tableau.  »  On  peut  croire, 
néanmoins,  que  cette  erreur  fut  volontaire  et  tenait  à 
quelque  dévotion  particulière,  puisqu'on  voit  dans  le  même 
tableau  sainte  Catherine  :  ce  tableau,  chef-d'œuvre  d'ex- 
pression, est  un  des  plus  célèbres  d'Andréa  del  Sarlo.  — 
Gravé  par  Pauquet  et  Forster. 

LE   CHRIST   MORT. 

PI.  35.      • 

Peint  sur  bois;  galerie  du  Belvédère,  à  Vienne. 

(Hauteur  1  mètre,   largeur  lm^O  cent.) 

Le  Christ,  mort,  est  accompagne  de  la  Vierge,  qui  joint 
les  mains  en  pleurant,  et  de  deux  anges  dont  l'un  soutient 
le  corps  du  Sauveur,  tandis  que  l'autre  porte  les  instru- 
ments de  la  passion.  —  Gravé  par  Nofel. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  49 

SACRIFICE    n'ARRAIIAM. 
PL  30. 

(Hauteur  2"», 45  cent.,  largeur  l'",S5  cent.) 

Le  patriarche  tient  le  couteau  levé  sur  son  fils  et  tourne 
la  tète  vers  l'ange  qui  descend  du  ciel  ;  à  côté  est  un  bélier  : 
ce  tableau,  que  le  peintre  destinait  à  François  Ier,  comme 
compensation  des  sommes  qu'il  avait  dissipées,  fut  refusé 
par  le  roi  de  France  et  acquis  par  le  duc  de  Mode  ne.  11  est 
aujourd'hui  dans  la  galerie  de  Dresde.  —  Gravé  par 
Surugue. 

LA    CHARITÉ. 

PI.  37. 

Musée  du  Louvre. 

(Hauteur  lm,85  cent.,  largeur  lm,37  cent.) 

La  Charité  est  représentée  par  une  femme  tenant  deux 
enfants  sur  les  genoux  :  un  troisième  dort  à  ses  pieds  :  ce 
tableau  a  été  exécuté  en  France  pour  François  Ier  ;  c'est  un 
des  premiers  qui,  exécuté  primitivement  sur  bois,  ait  été 
transporté  sur  toile  :  cette  opération  délicate,  que  fil,  sous 
la  direction  de  Coypel,  un  très-habile  restaurateur,  M.  Pi- 
cault,  réussit  parfaitement,  et  c'est  à  cette  heureuse  inven- 
tion qu'on  doit  la  conservation  d'une  foule  de  chefs- 
d'œuvre  dont  le  panneau  était  vermoulu.  Malheureusement 
des  restaurations  moins  heureuses,  exécutées  depuis,  ont 
altéré  la  couleur  de  ce  tableau.  —  Gravé  par  Audoin, 
Massard,  Normand. 


50  ÉCOLE  FLORENTINE. 

MORT  DE  LUCRÈCE. 

PI.  38. 

(Hauteur  lm,40  cent.,  largeur  lm,05  cent.) 

Lucrèce  est  représentée  nue  et  tenant  le  poignard  dont 
elle  va  se  frapper  :  ce  tableau,  qui  a  fait  partie  de  la  galerie 
du  Palais-Royal,  est  aujourd'hui  en  Angleterre.  —  Gravé 
par  Lemire. 

PRIMATICE. 

150/1-1570. 

François  Primatice  naquit  à  Bologne  d'une  famille  aisée. 
Il  entra  d'abord  chez  Innocent  de  Imola,  et  passa  ensuite 
à  l'école  de  Bagna  Cavallo,  élève  de  Raphaël.  Il  fut  bientôt 
employé  par  Jules  Romain,  et,  après  être  resté  plusieurs 
années  à  Mantoue,  il  fut  appelé  en  France  par  François  Ier, 
et  fonda  avec  Rosso  une  école  célèbre,  connue  sous  le  nom 
d'école  de  Fontainebleau,  qui  eut  une  grande  influence  sur 
l'art  français  jusqu'à  l'époque  du  Poussin.  Primatice  a 
exécuté  ou  dirigé  un  très-grand  nombre  d'ouvrages  en 
peinture,  en  sculpture  et  en  architecture.  Malheureusement 
la  plus  grande  partie  de  ses  travaux  ont  été  détruits,  et  il 
ne  reste  plus  de  lui v  à  Fontainebleau,  que  la  galerie  de 
Henri  II,  la  porte  dorée  et  la  chambre  dite  d'Alexandre, 
dont  les  peintures  ont  déjà  subi  de  nombreuses  restau- 
rations, 


ÉCOLE  FLORENTINE.  51 

l'amour  INSPIRANT  ROCAGE. 
P!.  39. 

Musée  du  Louvre  (sous  le  titre  de  Concert,  attribué 
à  Primatice). 

(Ila-.iteur  lm,38  cent.,  largeur  lm,40  cent.) 

Une  femme  est  assise  par  terre  de  chaque  côté  du  tableau  : 
celle  de  gauche  a  deux  enfants  couchés  sur  elle.  Au  second 
plan,  on  voit  deux  autres  femmes  dont  Tune  pose  la  main 
sur  une  espèce  de  clavier  placé  sur  une  table.  Au  fond, 
l'Amour  cherche  à  entraîner  un  vieillard  enveloppé  de  lon- 
gues draperies,  et  un  satyre  joue  du  tambour  de  basque 
pivs  d'une  femme  qui  tient  un  luth.  D'après  une  ancienne 
tradition,  le  vieillard,  attiré  par  l'Amour,  serait  Boccace,  et 
le  satyre  serait  là  pour  indiquer  le  caractère  licencieux  de 
ses  livres.  L'une  des  deux  femmes  du  premier  plan  serait 
Diane  de  Poitiers,  accompagnée  de  ses  deux  enfants;  et 
l'autre  Marguerite  de  Valois.  M.  Villot  pense  que  cette 
peinture  est  une  copie  libre  d'une  fresque  exécutée  par  Nic- 
colo  dell'  Abbate  sur  les  dessins  du  Primatice.  —  Gravé 
par  Normand. 

SAINTE    ADÉLAÏDE    DEMANDE   JUSTICE    A   OTHON    Ier. 
PL  40. 

Sainte  Adélaïde  présente  à  Othon  1er,  empereur  d'Alle- 
magne, la  tête  de  Lothaire,  roi  d'Italie,  son  époux,  empoi- 
sonné (950)  par  Béranger.  Celui-ci»  pour  assurer  la  cou- 


52  ÉCOLE  FLORENTINE, 

ronne  à  son  fils,  voulait  lui  faire  épouser  la  veuve  de  Lothaire. 
Mais  Othon,  frappé  de  la  beauté  d'Adélaïde,  la  demanda 
aussi,  et  ayant  été  agréé,  obtint  par  ce  mariage  la  soumis- 
sion de  la  Lombardie.  Ce  petit  tableau,  peint  sur  bois,  a 
fait  partie  de  la  collection  de  Lucien  Bonaparte.  —  Gravé 
par  Fabri. 


DANIEL   DE   VOLTERRE. 

1509-1566. 

Daniel  Ricciarelli,  né  à  Vollerra,  d'où  lui  vient  son  sur- 
nom, fut  d'abord  élève  du  Sodoma,  et  travailla  ensuite  avec 
Baldassare  Peruzzi  et  Perino  del  Vaga.  On  le  range  néan- 
moins parmi  les  disciples  de  Michel-Ange,  qui  eut  pour  lui 
une  véritable  affection,  et  non-seulement  l'aida  de  ses 
conseils,  mais  lui  fournit  des  dessins  pour  ses  tableaux.  Il 
fut  chargé  par  Paul  III  de  décorer  la  salle  des  rois  au  Vati- 
can, mais  ce  travail  est  resté  inachevé.  Le  pape  Paul  IV, 
choqué  des  nudités  que  Michel-Ange  avait  introduites  dans 
la  chapelle  Sixtine,  voulait  faire  détruire  la  grande  fresque 
du  Jugement  dernier.  On  réussit  à  lui  persuader  d'en  recou- 
vrir seulement  quelques  parties  par  des  draperies,  et  Daniel 
de  Volterre  qui  fut  chargé  de  ce  travail,  reçut,  à  cause  de 
cela,  le  surnom  de  Braghettone.  Daniel  de  Volterre  était 
sculpteur  en  même  temps  que  peintre,  et  ce  fut  à  lui  qu'on 
s'adressa  pour  la  statue  équestre  de  Henri  II,  que  Catherine 
de  Médicis  avait  d'abord  demandée  à  Michel-Ange,  mais 
que  celui-ci  avait  refusé  d'exécuter,  à  cause  de  son  grand 
âge.  La  statue  devait  être  faite  en  bronze,  mais  le  cheval 
seul  fut  fondu,  car  Daniel  de  Volterre  fut  atteint,  pendant 


ÉCOLE  FLORENTINE.  53 

l'opération,  d'une  fluxion  de  poitrine  dont  il  mourut  à  l'Age 
de  cinquante-sept  ans. 

DESCENTE    DE    CKOJX. 
PL  41. 

Rome  (église  de  la  Trinité-du-Mont). 

Jésus  est  descendu  de  la  croix  par  ses  disciples,  tandis 
que  les  saintes  femmes  se  pressent  autour  de  la  Vierge 
évanouie.  Ce  tableau  passe  pour  le  chef-d'œuvre  du  maître, 
mais  la  composition  est  attribuée  à  Michel-Ange.  —  Gravé 
par  Dorigny. 

DAVID   TUANT   GOLIATH. 

PL  42  et  43. 

Louvre  (peint  sur  ardoise  des  deux  côtés). 

(Hauteur  lm?33  cent.,  largeur  l«o,7î  cent.) 

David  tient  son  glaive  pour  trancher  la  tête  de  Goliath 
qu'il  vient  de  terrasser.  Ce  tableau  fut  présenté  à  Louis  XIV 
comme  une  œuvre  de  Michel-Ange  ;  mais  comme  Vasari 
rapporte  que  Daniel  de  Volterre  fut  chargé  de  modeler  en 
terre  un  David,  et  de  peindre  les  deux  faces  opposées  de  la 
composition  sur  les  deux  côtés  d'un  tableau,  on  admet  gé- 
néralement qu'il  s'agit  du  tableau  du  Louvre.  Au  reste,  il 
faut  reconnaître  que  si  le  même  modèle  en  terre  a  servi 
à  l'artiste  pour  les  deu\;  tableaux,  il  a  introduit  dans 
Tune  ou  l'autre  représentation  des  changements  assez 
notables.  —  Gravé  par  Audran  (avec  attribution  à  Michel- 
Ange)  . 


54  ÉCOLE  FLORENTINE. 

VASARI. 

1512-1574. 

Né  à  Arezzo,  dans  une  famille  d'artistes,  Giorgio  Vasari 
reçut  les  premiers  principes  de  l'art  chez  Guillaume  de 
Marseille,  peintre  verrier,  se  perfectionna  avec  Michel-Ange, 
Andréa  del  Sarto  et  le  Rosso.  Emmené  à  Rome  par  le  car- 
dinal Hyppolite  de  Médicis,  il  étudia  Raphaël,  sans  cesser 
d'avoir  une  prédilection  marquée  pour  les  œuvres  de  Mi- 
chel-Ange. Vasari  a  exécuté  d'immenses  travaux  de  pein- 
ture et  d'architecture  pour  Clément  VII,  Paul  III,  Jules  IN, 
Alexandre  et  Côme  de  Médicis,  Pie  V,  Grégoire  XIII,  etc. 
Ses  ouvrages  se  voient  dans  une  foule  d'églises  et  de  mo- 
nastères. 11  abusa  de  sa  prodigieuse  facilité,  et  comme  il 
érigea  souvent  en  système  la  rapidité  dans  l'exécution, 
et  que  ses  ouvrages  portent  la  trace  de  ses  nombreuses 
négligences,  il  est  regardé  comme  un  des  promoteurs  de 
la  décadence,  malgré  ses  qualités  décoratives.  Ses  peintures 
murales  sont  très-nombreuses  et  quelques-unes  ont  de  la 
célébrité  ;  tous  les  musées  de  l'Europe  possèdent  de  ses 
œuvres.  Vasari  a  rendu  un  immense  service  aux  arts,  en 
écrivant  la  vie  des  artistes  :  son  ouvrage,  malgré  de  nom- 
breuses erreurs,  est  le  recueil  le  plus  intéressant  qu'on  ait 
sur  les  artistes  de  la  Renaissance.  La  première  édition 
(très-rare)  est  de  1 550  ;  la  seconde,  avec  beaucoup  de 
changements,  parut  en  1566. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  53 

LA    CÈNE   DU    PAPE    SAINT   GRÉGOIRE. 

PI.  44. 

Peint  sur  bois,  pour  le  réfectoire  du  monastère  de  Saint-Michel 
en  Bosco,  actuellement  au  musée  de  Bologne. 

(Hauteur  4  mètres,  largeur  l'",70  cent.) 

Il  est  d'usage  en  souvenir  de  la  sainte  cène,  que  le  jeudi 
saint  le  pape  réunisse  douze  pauvres  à  sa  table.  «  J'ai 
peint,  dit  Vasari,  saint  Grégoire  à  table  avec  douze  pauvres, 
parmi  lesquels  ce  saint  pontife  représente  Jésus-Christ.  La 
cène  a  lieu  dans  un  couvent  d'Olivétains;  je  l'ai  fait  des- 
servir par  les  moines  de  cet  ordre,  afin  de  les  rassembler 
autour  de  la  table,  selon  la  place  qu'ils  voulaient  y  occuper. 
Le  pape  est  représenté  sous  les  traits  de  Clément  VII.  Plu- 
sieurs grands  personnages  sont  près  de  lui  ;  de  ce  nombre 
est  le  duc  Alexandre  de  Mèdicis,  à  qui  j'ai  voulu  témoigner 
ma  reconnaissance  et  mon  admiration.  J'ai  représenté  aussi 
plusieurs  de  mes  amis.  Parmi  les  domestiques,  on  retrouve 
quelques  frères  lais  qui  me  servaient  ;  puis  d'autres  person- 
nes attachées  au  couvent,  telles  que  le  dépensier  et  le 
sommeiller.  Enfin,  on  y  distingue  l'abbé Séraglio,  le  général 
don  Cyprien  de  Vérone,  et  le  cardinal  Bentivoglio.  »  — 
Gravé  par  Tomba. 


NICCOLO   DELL'    ABBATE. 

1512. 

Niccolo  Abati,  dit  Nicolo  dell'  Abbate,  né  à  Modène,  où  il 
fît  ses  premières  études,   vint  en  France  en  4  552,   où  il 


56  ÉCOLE  FLORENTINE, 

travailla  avec  Primatice  :  ce  fut  lui  qui  peignit  à  fresque 
les  peintures  de  la  galerie  d'Ulysse  à  Fontainebleau,  au- 
jourd'hui détruite.  Il  concourut  aussi  à  la  décoration  de 
l'ancien  château  de  Meudon,  et  orna  de  ses  ouvrages  la 
chapelle  de  l'hôtel  Soubise.  Il  est  mort  à  Paris  dans  un  âge 
très-avancé. 

ENLÈVEMENT   DE    PROSERPINE. 

PI.  45. 

Galerie  particulière  (Angleterre). 

(Hauteur  2  mètres,  largeur  2m,20  cent.) 

Pluton  emporte  dans  ses  bras  Proserpine  dont  il  était 
devenu  amoureux  en  la  voyant  cueillir  des  fleurs  dans  la 
campagne  d'Enna  en  Sicile.  Les  nymphes,  compagnes  de 
Proserpine,  expriment  leur  étonnement,  et,  sur  le  premier 
plan,  on  voit  la  nymphe  Cyanè,  qui  avait  voulu  arrêter 
Pluton  dans  sa  course,  métamorphosée  en  fontaine.  — 
Gravé  par  Alix. 

CIGOLI. 

1559-1613. 

Ludovico  CarJi  da  Cigoli  fut  placé  à  l'école  d'Alessandro 
Allori,  et  se  livra  avec  passion  à  l'étude  de  l'anatomie.  Son 
coloris  l'a  fait  surnommer  le  Corrége  florentin.  Il  exécula 
d'importants  travaux  à  Rome  pour  le  pape  Paul  V.  P>astiano 
son  frère  a  gravé  les  figures  du  traité  de  perspective  et 
d'architecture  laissé  par  Ludovico. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  57 

SAINTE    MARIE   MADELEINE. 

PI.  46. 

Galerie  de  Florence. 

(Hauteur  im,90  cent.,  largeur  lm,15  cent.) 

La  sainte,  assise,  et  sans  autre  vêtement  que  sa  longue 
chevelure,  pose  une  main  sur  un  livre  et  l'autre  près  d'une 
tête  de  mort.    —  Gravé  par  Guttemberg. 

ALLORÏ  (CRISTOFANO). 

1577-1621. 

Élève  d'Alessandro  Allori,  son  père,  il  s'éloigna  du  goût 
michelangesque  de  l'École  florentine,  et  se  livra  surtout  à 
l'étude  de  la  couleur.  Ses  portraits  sont  très-estimés.  Cris- 
tofano  Allori  a  exécuté  des  travaux  importants  pour  les 
églises  de  Florence  et  le  palais  des  Môdicis. 

JUDITH. 

PI.  47. 

Musée  de  Florence. 

(Hauteur  28  cent.,  largeur  22  cent.) 

Judith  tient  d'une  main  la  tète  d'Holopherne,  de  l'autre 
une  épée.  Derrière  elle  est  une  servante,  sous  les  traits  de 


58  ÉCOLE  FLORENTINE, 

la  mère  du  peintre,  qui  a  fait  son  propre  portrait  dans  la  tête 
d'Holopherne.  Enfin  la  figure  de  Judith  passe  pour  avoir  été 
faite  d'après  une  femme  nommée  Mazzafirra,  célèbre  à  Flo- 
rence par  sa  beauté,  et  dont  Allori  était,  dit-on,  amoureux. 
—  Peint  sur  cuivre,  gravé  par  Al.  Tardieu  et  Gandolfi. 


SUZANNE   AU    BAIN. 

l'I.  48. 

Galerie  de  Florence. 

(Hauteur  30  cent.,  largeur  25  cent.) 

Suzanne,  assise,  a  un  pied  dans  l'eau,  et  ôte  le  vête- 
ment qui  la  recouvrait.  Dans  le  fond,  une  servante  s'enfuit, 
tandis  que  les  deux  vieillards  placés  dehors,  dans  un 
jardin,  regardent  en  s'appuyant  derrière  une  colonne.  — 
Gravé  par  Dequevauviller. 

l'amour  désarmé. 

PI.  49. 

(Hauteur  i  mètre,  largeur  2m,  15  cent.) 

Vénus,  couchée  à  l'ombre  d'un  rocher,  retient  l'Amour 
d'une  main  et  de  l'autre  lui  prend  son  arc  et  sa  flèche. 

Ce  tableau,  qui  faisait  partie  de  la  galerie  du  Palais- 
Royal,  est  maintenant  en  Angleterre.  —  Gravé  par  Trière 
et  Carattoni. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  59 

MANOZZI. 

1600-1648. 

Jean  Manozzi,  né  à  San  Giovanni,  près  de  Florence,  fut 
élève  de  Mathieu  Roselli.  Ses  tableaux  sont  assez  rares; 
mais  il  a  exécuté  des  fresques  importantes  à  Florence  et  à 
Rome. 

ARLOTTO    ET    DES    CHASSEURS. 

PI.  50. 

Galerie  de  Florence. 

(Hauteur  1  mètre,  largeur  2  mètres.) 

Arlotto  était  connu  à  Florence  par  ses  bons  mots  et  ses 
saillies.  On  raconte  que  des  chasseurs  ayant  passé  chez  lui 
plusieurs  jours,  le  quittèrent  sans  lui  rien  laisser  de  leur 
chasse,  en  le  priant  cependant  de  vouloir  bien  garder  leurs 
chiens,  parce  qu'ils  reviendraient  dans  quelques  jours. 
Arlotto,  au  lieu  de  bien  nourrir  les  chiens,  leur  fit  apporter 
du  pain,  mais  les  fit  frapper  impitoyablement  dès  qu'ils  en 
approchaient ,  et  quand  les  chasseurs  revinrent,  il  leur 
déclara  que  ces  animaux  étaient  bien  certainement  malades, 
puisqu'ils  refusaient  toute  nourriture.  Ceux-ci  furent  frappés 
de  la  maigreur  de  leurs  chiens  qui,  dès  qu'Arlolto  leur  fit 
présenter  de  la  nourriture,  s'enfuirent  aussitôt,  craignant  un 
sort  pareil  à  celui  des  jours  précédents.  Telle  est  l'anecdote 
sur  laquelle  on  prétend  que  Manozzi,  qui  était  un  ami  d'Ar- 
lotto,  a  composé  son  tableau.  Mais  il  est  fort  difficile  d'y 


60  ÉCOLE  FLORENTINE, 

reconnaître  cette  scène.  Arlotto  est  représenté  assis  au 
milieu  des  chasseurs  qui  tiennent  en  main  du  gibier.  — 
Gravé  par  Forster. 

FURINI  (FRANCESCO). 

1604-1649. 

Élève  de  Roselli,  il  a  dans  sa  manière  quelque  rapport 
avec  le  Guide  et  l'Albane  qu'il  avait  connus  à  Rome.  Furini 
fut  ordonné  prêtre  à  quarante  ans,  mais  n'en  continua  pas 
moins  à  peindre.  Il  mettait  fort  longtemps  à  chercher  la 
composition  d'un  tableau  et  à  en  préparer  les  éludes,  et 
l'exécutait  ensuite  très-rapidement.  Ses  ouvrages  les  plus 
connus  sont  une  Thétis  qu'il  peignit  à  Venise  pour  servir  de 
pendant  à  un  tableau  du  Guide,  un  Hylas  ravi  par  lesNymphes, 
les  trois  Grâces,  saint  François  recevant  les  stigmates,  la 
Conception  de  la  Vierge,  et  la  Madeleine  dont  nous  donnons 
la  gravure. 

SAINTE  MADELEINE. 

PI.  51. 

Galerie  du  Relvédère;  à  Vienne. 

(Hauteur  1  m  ,70  cent.,  largeur  1,54  cent.) 

Madeleine,  entièrement  nue,  est  retirée  dans  un  lieu 
désert  :  un  rayon  descend  du  ciel  sur  Ja  sainte.  Le  goût  des 
sujels  mythologiques  a  entraîné  souvent  les  artistes  de  ce 
temps  à  traiter  les  sujets  pieux  dans  un  goût  absolument 
païen.  —  Gravé  par  Gutlemberg  et  Axmann. 


ÉCOLE  FLORENTINE.  61 

DOLCI  (CARLO). 

1616-1686. 

Élève  de  Jacopo  Vignali,  Carlo  Dolci  occupe  dans  l'École 
florentine  la  môme  place  que  Sasso  Ferrato  dans  l'École 
romaine.  Ses  demi-figures  de  Christ,  de  vierges,  de  saints 
et  de  saintes,  peintes  d'une  façon  moelleuse  et  agréable  à 
l'œil,  se  vendent  à  des  prix  très-élevés.  Carlo  Dolci  a  été 
imité  avec  succès  par  sa  fille,  Agnèse  Dolci,  qui  fut  son 
principal  élève. 

LA    VIERGE    ET    L' ENFANT  JÉSUS. 

l'I.  52. 

Galerie  du  Belvédère ,  à  Vienne. 

La  Vierge,  vue  à  mi-corps,  tient  l'enfant  Jésus  debout  et 
montre  le  ciel  d'une  main.  —  Gravé  par  David  Weiss. 


1.  — 


ÉCOLE  VÉNITIENNE. 


Si  la  forme  et  Vidée  occupent  la  plus  haute  place  dans 
l'art,  l'École  florentine  mérite  d'être  regardée  comme  la 
première  ;  le  rôle  spécial  de  l'École  vénitienne  a  été  de 
produire  la  sensation,  mais  ce  rôle  moins  élevé,  elle  l'a 
rempli  avec  une  supériorité  qui  la  laisse  sans  rivale.  Le 
charme  irrésistible  de  la  sensation  ne  vient  pas  seulement 
d'une  imitation  parfaite  ;  autrement  l'École  hollandaise 
serait  au  moins  l'égale  de  l'École  vénitienne  ;  mais  l'exacti- 
tude rigoureuse  des  Hollandais  attache  l'esprit  plutôt 
qu'elle  ne  l'élève  ;  les  Vénitiens,  sans  atteindre  l'idéal  des 
autres  écoles  italiennes,  ne  descendent  jamais  jusqu'à  la 
trivialité.  Pour  retrouver  les  impressions  intimes  de  la  vie, 
ce  n'est  pas  à  Venise  qu'il  faut  aller  ;  pas  davantage  pour 
sentir  l'élan  des  passions  politiques  ou  religieuses,  ni  pour 
suivre  un  rêve  de  beauté  noble  et  calme  à  travers  la  tradi- 
tion de  l'art  grec  :  mais  ceux  qui  devant  un  tableau  ne 
pensent  ni  à  l'histoire,  ni  à  la  morale,  ni  au  but  philoso- 
phique, mais  à  la  peinture  elle-même,  trouveront  à  Venise 
ce  qu'ils  cherchent.  Quand  on  a  mis  au  premier  rang> 
comme  ils  le  méritent,  les  Raphaël  et  les  Michel-Ange,  et 
qu'on  arrive  devant  Titien  et  Véronèse,  l'admiration  s'impose 
tellement  qu'on  ne  peut  les  placer  au  second  :  leur 
terrain  est  différent,  mais  toute  hiérarchie  est  impossible. 

Peut-on  expliquer,    par   une   cause  géographique  *  les 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  03 

caractères  de  la  peinture  vénitienne?  «  Quelques-uns,  dit 
Lauzi,  en  ont  attribué  la  cause  au  climat,  en  soutenant 
qu'à  Venise  et  dans  le  territoire  qui  l'environne,  la  nature 
même  colore  les  objets  de  teintes  plus  vives  qu'ailleurs  : 
faible  raison  que  l'on  peut  anéantir  d'un  seul  mot,  puisque 
les  Flamands  et  les  Hollandais,  qui  vivent  sous  un  ciel  si 
différent,  ont  acquis  des  droits  aux  mêmes  éloges.  »  Un 
écrivain  contemporain  pourtant  a  cru  voir  des  rapports 
frappants  entre  les  lagunes  de  Venise  et  les  canaux  de 
Zuiilerzée,  et  de  ce  rapprochern  nt  il  en  conclut  que  c'est  à 
la  nature  du  sol  qu'il  faut  attribuer  la  tendance  commune 
aux  deux  écoles.  Le  principe  de  l'École  hollandaise  est 
l'observation  exacte  et  minutieuse  ;  celui  de  l'École  véni- 
tienne, la  fantaisie  grandiose  et  décorative;  leur  seul  point 
commun  c'est  la  préoccupation  du  coloris.  Or,  la  même 
préoccupation  existe  dans  l'École  espagnole.  Pourtant 
l'Espagne  n'a  ni  canaux,  ni  lagunes,  c'est  le  pays  le  plus 
sec  de  l'Europe  ;  nous  sommes  donc  obligés  de  reconnaître 
que  le  milieu  géographique  n'a  eu  dans  tout  cela  qu'une 
influence  très-subalterne. 

La  croyance  religieuse  étant  la  même  à  Venise  qu'à 
Florence,  c'est  plutôt  par  des  différences  dans  le  milieu 
moral  et  politique  qu'on  pourrait  chercher  à  expliquer  l'op- 
position de  l'École  florentine  et  de  l'École  vénitienne. 

Le  gouvernement  de  Venise  a  été  démocratique,  dans 
l'origine,  comme  ceux  de  toutes  les  républiques  italiennes. 
C'est  même  durant  cette  période,  trop  négligée  par  les 
historiens,  que  Venise  a  conquis  sa  prépondérance.  Venise 
était,  par  sa  position  exceptionnelle,  moins  exposée  que  les 
autres  villes  de  l'Italie  à  subir  les  désastres  d'une  invasion 
étrangère  ;  elle  sortit  une  des  premières  de  la  torpeur  du 
moyen  âge,  et  manifesta  sa  vitalité  par  les  monuments  des 


64  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

arts.  La  basilique  de  Saint-Marc,  commencée  en  976  sous 
le  doge  Orsoolo,  était  terminée  en  1071,  à  une  époque  où 
le  mouvement  de  la  civilisa'ion  commençait  à  peine  en 
Europe.  La  puissance  de  Venise  atteignit  son  apogée  au 
xme  siècle,  sous  le  doge  Henri  Dandolo,  Après  la  prise  de 
Constantinople,  où  ce  vieillard  octogénaire  avait  conduit 
40  000  guerriers  dont  il  dirigea  l'attaque,  il  refusa  la 
couronne  impériale  qu'on  lui  offrait,  et  assura  à  son  pays 
une  suite  d'établissements  qui  s'étendaient  de  l'Adriatique 
à  la  mer  Noire.  Quoique  moins  mêlée  que  Florence  aux 
lutlfs  du  sacerdoce  et  de  l'empire,  Venise,  au  temps  de 
sa  démocratie,  fut  généralement  guelfe,  et  s'arma  contre 
l'empereur  Barberousse  dont  elle  battit  la  Hotte. 

En  1297,  à  la  suite  d'un  coup  d'Étal  dirigé  avec  une 
extrême  habileté,  les  membres  du  conseil  représentatif  de  la 
nation,  jusque-là  élus  partout  le  peuple,  décidèrent  qu'à  l'ave- 
nirle  pouvoir  appartiendrait  exclusivement  à  eux  et  à  leurs  des- 
cendants. Le  gouvernement  de  cette  aristocratie  héréditaire, 
qui  ne  date  que.  du  xive  siècle,  ne  fut  pas  avantageux  à  la 
république;  elle  commença  dès  lors  à  perdre  une  à  une  ses 
conquêtes  en  Orient  ;  mais  les  relations  commerciales  qui 
l'enrichissaient  n'ayant  pas  cessé  brusquement,  le  déclin  de 
sa  puissance  ne  fut  définitif  qu'après  le  xvie  siècle. 

Il  faut  donc  voir  dans  l'histoire  de  Venise  d.ux  périodes 
distinctes  :  l'une  d'accroissement  politique ,  qui  est  la 
période  démocratique,  l'autre  de  richesse  commerciale, 
qui  est  celle  où  fleurit  l'École  vénitienne.  Durant  la  pre- 
mière, Venise,  par  ses  rapports  fréquents  avec  l'Orient, 
subit  l'influence  des  Byzantins.  Cette  influence  fut  double- 
ment marquée  lorsque  Henri  Dandolo,  après  la  prise  de 
Constantinople,  eut  envoyé  dans  son  pays  une  multitude 
immense  d'objets  d'art,  presque  tous  relatifs  au  culte,  et 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  65 

même  dos  ouvriers  instruits,  capables  d'en  fabriquer  de 
nouveaux.  Dès  le  xnr'  siècle,  Venise  avait  une  compagnie 
d'artistes  régie  par  des  statuts  qui  lui  étaient  propres.  Us 
travaillaient  principalement  la  mosaïque,  et  l'église  Saint- 
Marc,  pour  laquelle  on  en  a  fait  à  peu  près  dans  tous  les 
temps  depuis  sa  fondation,  est,  à  cause  de  cela,  un  véritable 
musée  historique  de  l'art. 

On  est  étonné  de  voir  le  peu  d'importance  de  Venise  dans 
l'histoire  des  arts  au  xive  et  au  \ve  siècle.  Cette  époque  est 
précisément  celle  où  Florence  acquit  son  grand  développe- 
ment. Si,  comme  on  le  dit  souvent,  la  marche  des  arts 
était  seulement  en  raison  de  la  prospérité  et  du  repos  public, 
Venise  avec  un  gouvernement  aristocratique  fonctionnant 
régulièrement,  avec  une  police  rigoureuse,  une  adminis- 
tration dont  aucun  bouleversement  n'entravait  la  marche, 
Venise,  avec  son  commerce  immense,  son  amour  du  luxe 
et  sa  tranquillité  intérieure,  aurait  dû  être  le  centre  du 
mouvement  intellectuel  et  artistique  de  l'Italie.  Pourtant 
elle  a  été,  sous  ce  rapport,  très-inférieure  non-seulement 
à  Florence,  mais  encore  à  une  foule  d'autres  villes.  L'École 
vénitienne  s'est  élevée  tout  d'un  coup,  elle  a  jeté  subite- 
ment un  éclat  nouveau  et  resplendissant  sur  l'art  italien, 
mais  elle  n'a  pas  connu  les  tâtonnements,  elle  n'a  pas  eu 
d'enfance  ;  on  peut  s'adresser  à  elle  pour  admirer  des 
résultats,  mais  non  pour  constater  la  marche  progressive 
de  l'art.  Entre  ses  maîtres  archaïques  et  ses  grands  maîtres 
il  n'y  a  pas  eu  d'intermédiaire,  et  Jean  Bellin,  le  père  de 
l'École  vénitienne,  appartient,  par  la  première  partie  de  sa 
vie  d'artiste,  à  l'école  primitive,  par  la  seconde  au  siècle 
d'or. 

Presque  toutes  les  villes  de  l'Italie  centrale  avaient  une 
existence  assez  analogue  à  celle  de  Florence  ;  mais  Venise, 

4 


66  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

par  sa  situation  géographique,  aussi  bien  que  par  la  nature 
spéciale  de  son  gouvernement,  resta  toujours  ;i  part.  Tandis 
que  les  récits  enflammés  du  Danle  passionnaient  toute 
l'Italie,  l'aristocratie  vénitienne  les  faisait  traduire  en  latin 
pour  son  usage  personnel  ;  mais  la  population  les  ignorait 
à  peu  près.  Qu'y  aurait-elle  trouvé,  d'ailleurs?  Ce  ne  sont 
pas  les  beautés  littéraires  d'un  livre  qui  sont  appréciables 
pour  la  multitude,  mais  les  sentiments  qu'il  renferme.  Les 
idées  politiques  de  la  Divine  comédie  ne  pouvaient  pas 
môme  être  discutées  sous  une  ombrageuse  aristocratie  dont 
les  actes  étaient  délibérés  dans  le  secret  du  conseil,  et  dont 
les  principes  étaient  acceptés  sous  peine  de  mort.  Car  si  la 
police  était  mieux  faite  à  Venise  qu'ailleurs,  si  la  sécurité 
privée  y  était  plus  grande,  si  le  commerce  et  les  intérêts  de 
chacun  y  étaient  mieux  protégés,  c'était  toujours  par  une 
application  de  la  maxime  d'un  homme  d'État  contemporain  : 
Tout  pour  le  peuple,  rien  par  le  peuple.  Chacun  pouvait  se 
livrer  à  ses  plaisirs  ou  à  ses  affaires,  sous  la  seule  condition 
de  ne  pas  s'occuper  de  celles  de  la  république. 

Aussi  l'art  y  surgit  comme  une  mode  et  y  dura  ce  que 
durent  les  modes.  11  ne  pouvait  avoir  ni  les  lugubres  inspi- 
rations d'Orcagna,  ni  les  colères  et  les  désespoirs  de  Michel  - 
Ange,  parce  que  personne  ne  ressentait  rien  d'analogue  ; 
il  se  fit  décoratif  et  sensuel,  parce  que  le  luxe  et  le  plaisir 
absorbaient  seuls  le  sentiment  public.  Le  reproche  qu'on  a 
fait  aux  artistes  vénitiens,  d'avoir  manqué  par  le  cœur, 
d'avoir  suppléé  à  l'expression  par  l'aspect,  à  la  pensée  par 
la  sensation,  doit  s'appliquer  à  la  société  vénitienne,  dont 
ces  artistes  faisaient  partie.  Mais  l'histoire  a  offert  plus 
d'une  fois  le  spectacle  d'un  peuple  dont  toutes  les  aspira- 
tions sont  tournées  vers  le  luxe  et  le  plaisir,  Venise  seule  a 
eu  la  gloire  de  leur  donner  une  signification  artistique  de 
premier  ordre, 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  67 

I/abîme  qui  sépare  l'Ecole  florentine  de  l'École  véni- 
tienne vient  de  ce  que,  dans  la  première,  l'expression  ac- 
compagne et  suit  l'idée,  tandis  que  dans  la  seconde  tout  le 
génie  de  l'artiste  est  employé  à  la  conlexture  du  tableau  et 
ne  voit  rien  en  dehors  de  sa  toile.  Quand  Raphaël  s'entre- 
tient avec  fra  Bartolomméo  sur  les  types  divins,  celui-ci  lui 
montre  le  ciel,  source  de  l'inspiration  ;  Angelico  de  Fiesole 
jeune  et  se  prosterne  avant  d'oser  peindre  le  Christ  ;  Michel- 
Ange,  sans  cesse  assiégé  par  l'idée  de  Florence  qui  tombe, 
entraînant  l'Italie  dans  sa  chute,  sculpte  et  peint  avec  des 
rages  concentrées;  son  émotion  qui  déborde  prépare  la  voie 
au  maniérisme,  qui  voudra  imiter  les  résultats  sans  avoir 
puisé  aux  mêmes  sources.  Suivons  maintenant  Giorgione  et 
Titien,  Paul  Véronèse  et  le  Tintoret,  ces  merveilleux  artistes 
dont  toute  la  vie  n'a  obéi  qu'à  une  seule  et  unique  convic- 
tion, le  désir  de  bien  peindre.  Tout  ce  que  nous  savons  de 
leurs  entretiens,  tout  ce  que  révèlent  leurs  letti  es  les  plus 
intimes,  atteste  la  préoccupation  qui  les  a  absorbés.  C'est 
toujours  l'opposition  des  couleurs  ,  la  dégradation  des 
teintes,  l'harmonie  ou  l'éclat  de  la  lumière,  l'observation 
constante  de  la  nature,  étudiée  non  en  vue  d'en  rendre 
l'expression  intime,  ni  pour  exprimer  une  pensée  par  le 
langage  des  formes,  mais  comme  base  de  ces  grandes  con- 
structions décoratives  qui  ont  pour  principe  la  fantaisie, 
pour  moyen  l'exécution  savante,  pour  but  l'éblouissement. 
On  s'est  étonné  souvent  qu'un  artiste  comme  le  Titien 
ait  été  l'ami  sincère  et  dévoué  de  l'Arélin,  et  ait  toujours 
professé  pour  ses  jugements  la  plus  grande  déférence.  On 
ne  voit  généralement  dans  l'Arélin  que  l'homme  licencieux 
et  cynique,  pour  qui  le  scandale  était  une  habitude,  et 
l'écrivain  dont  la  plume  vénale  prodiguait  indifféremment 
l'injure  ou  l'éloge.  11  faudrait  y  voir  aussi  le  critique  sûr, 


68  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

l'amateur*  passionné  qui  n'a  cru  qu'à  l'art,  et  qui  a  toujours 
employé  l'immense  crédit  dont  il  jouissait  à  faire  sortir  de 
l'obscurité  les  talents  méconnus,  et  à  s'attaquer  sans  pitié 
aux  réputalions  les  mieux  acquises  lorsqu'elles  produisaient 
un  engouement  dangereux  pour  l'avenir  de  l'art.  Avait-il 
absolument  tort,  lorsqu'après  avoir  exalté  Michel-Angevet 
glorifié  Titien,  il  signalait  dans  la  fougueuse  intempérance 
du  Tintoret  un  germe  malsain  qui  pourrait  bien  devenir 
mortel?  Celui-ci  se  trouva  blessé  de  certains  propos  de 
l'Arétin,  et  lorsqu'il  fit  son  portrait,  il  s'avisa  de  prendre 
sa  mesure  avec  un  pistolet;  l'Arétin  se  le  tint  pour  dit. 
Malgré  la  tendance  générale  que  nous  avons  signalée 
dans  l'École  vénitienne,  il  y  aurait  injustice  à  n'en  voir 
que  le  côté  ornemental  décoratif.  Plusieurs  compositions 
religieuses  de  Jean  Bellin  montrent ,  par  l'élévation  du 
sentiment,  qu'en  abandonnant  la  tradition  archaïque,  il  n'a 
pas  renoncé  aux  inspirations  de  la  piété.  Le  Titien,  homme 
de  plaisir,  dont  la  vie  heureuse  et  facile  n'a  été  qu'une 
longue  suite  de  triomphes,  ne  pouvait  apporter  dans  ses 
conceptions  cette  austérité  qui  vient  des  combats  intérieurs 
et  des  longues  méditations.  Mais  ce  qu'il  n'a  pas  ressenti, 
il  Ta  compris,  car  l'art  supplée  à  tout,  et  dans  plusieurs  de 
ses  tableaux  religieux  l'émotion  gagne  le  spectateur,  et  la 
pensée  fait  presque  oublier  la  peinture.  Néanmoins  son 
véritable  élément  est  bien  plutôt  la  mythologie  :  c'est  dans 
ses  Nymphes,  ses  Bacchantes,  ses  Vénus  ;  c'est  dans  ses  pay- 
sages où  courent  les  satyres,  dans  ses  groupes  d'enfants  qui 
font  le  cortège  obligé  deBacchus,  qu'il  peut  déployer  son  vrai 
tempérament  et  montrer  des  chairs  palpitantes,  des  épaules 
nues  qu'ombragent  des  cheveux  dorés,  des  belles  femmes 
voluptueusement  cambrées.  11  était  peu  scrupuleux  pour  la 
chasteté  du  pinceau,  et  le  matérialisme  décidé  de  sa  pein- 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  69 

ture  répond  à  une  des  tendances  que  nous  avons  signalées 
dès  le  début  delà  Renaissance.  Peu  soucieux  de  l'exactitude 
ijuantl  i!  traite  des  sujels  historiques,  il  est  pourtant  un  des 
premiers  artistes  à  étudier  pour  connaître  la  physionomie 
de  son  temps.  Ses  admirables  portraits  ne  sont  pas  seule- 
ment des  représentations,  mais  des  types  de  caractères, 
ceux  des  hommes  les  plus  éminents  de  son  siècle,  qui  tour 
à  tour  sont  venus  poser  devant  lui.  Durant  sa  longue  car- 
rière, toute  dévouée  au  travail,  le  Titien  a  abordé  tous  les 
sujets  et  les  a  tous  traités  avec  supériorité.  Mais  il  est  plus 
poêle  que  philosophe,  et  plus  peintre  que  poète.  Si  le  but 
suprême  de  la  peinture  était  seulement  d'exprimer  la  vie  et 
de  charmer  les  sens,  il  serait  incontestablement  au-dessus 
de  tous  les  autres.  Mais  dans  le  vaste  domaine  de  l'art  le 
but  est  multiple  comme  les  chemins  qui  y  conduisent;  et 
quand  un  artiste  se  place  au  premier  rang,  il  y  a  encore 
place  à  côté  de  lui  pour  un  autre. 

Avec  moins  d'élévation,  Paul  Yéronèse  a  peut-être  plus 
de  grandeur  réelle  :  c'est  un  vrai  Vénitien,  l'incarnation  la 
plus  complète  de  l'école  ;  ces  magnifiques  ordonnances  ar- 
chitecturales où  se  meut  tout  un  peuple  richement  vêtu,  ces 
vases  précieux,  ces  brillantes  étoffes,  ces  jardins  enchantés 
qu'on  entrevoit  au  travers  des  colonnades  de  marbre,  n'est- 
ce  pas  là  ce  que  rêvait  Venise,  la  ville  des  fêtes,  des  repas 
somptueux  où  la  musique,  les  fleurs,  l'amour  et  les  festins 
étaient  l'occupation  quotidienne  d'une  société  qui  ne  connut 
jamais  l'ennui  ni  la  passion  ?  Ce  rêve  suivait  Paul  Véronèse 
jusque  dans  ses  scènes,  religieuses.  Comme  les  anciens 
Crées,  qui  pensaient  honorer  les  dieux  par  la  joie  et  le  rire, 
l'artiste  vénitien  se  pla:gnait  dans  ses  lettres  de  l'aspect  lu- 
gubre sous  lequel  les  peintres  ont  coutume  de  représenter 
une  croyance  qui  promet  tant  de  bonheur  aux  élus  :  ce 


70  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

bonheur,  il  le  plaçait,  comme  tous  les  Vénitiens,  dans  la 
magnificence  et  l'éclat  radieux  de  la  mise  en  scène  ;  si  le 
Christ  est  apparu  aux  hommes  dans  une  étable,  s'il  a  vécu 
pour  la  souffrance,  le  but  de  l'art  n'est-il  pas  de  montrer 
aux  hommes  ce  paradis  de  délices,  où  il  convie  tous  ceux 
qui  savent  l'aimer?  Nulle  philosophie,  nul  mysticisme  dans 
cette  façon  un  peu  orientale  de  concevoir  le  bonheur;  Paul 
Véronèse  n'est  ni  un  mystique,  ni  un  philosophe,  il  se 
contente  d'être  un  admirable  peintre,  et  quel  est  celui  qui, 
sans  méconnaitre  l'absence  d'expression  et  de  pensée,  ne 
se  trouvera  désarmé  en  face  de  son  œuvre,  comme  l'aréo- 
page devant  Phryné  ? 

Tous  ces  peintres  heureux,  Giorgione,  Titien,  Palme  le 
vieux,  Paris  Bordone,  Sébastien  del  Piombo,  Paul  Véro- 
nèse, Tintoret,  ne  cherchèrent  dans  l'art  que  l'art  lui-même, 
chacun  d'eux  a  donné  à  son  œuvre  un  cachet  particulier, 
mais  tous  ont  un  point  commun,  c'est  la  vie  vénitienne. 
L'École  vénitienne  s'est  donné  pour  mission  de  peindre  la 
société  dont  elle  est  l'expression,  et  de  la  peindre  non  telle 
qu'elle  était,  ce  serait  l'École  hollandaise,  mais  telle  qu'elle 
aurait  voulu  être.  L'idéal  s'y  mêle  partout  à  la  réalité,  la 
fantaisie  à  l'observation,  les  artistes  ont  emprunté  au  milieu 
où  ils  vivaient  des  formes  et  des  couleurs,  des  étoffes  et 
des  colonnes;  mais  ce  qui  les  a  faits  grands,  c'est  d'avoir 
revêtu  tout  cela  d'une  pensée  qui  est  la  leur,  et  d'avoir 
traduit  par  des  chefs-d'œuvre  le  rêve  et  les  aspirations  de 
la  ville  du  carnaval  et  du  plaisir. 


ÊCOfel  \r;MHK>M;.  71 

BELLINI   (JEAN 

1421-1507. 

Les  deux  frères  Bellini  sont  fils  de  Jacopo  Bellini,  qui  fut 
aussi  leur  premier  maîlre;  ils  reçurent  également  des  con- 
seils de  Mantegna,  leur  beau- frère.  Après  qu'ils  eurent 
travaillé  tous  les  deux  à  décorer  la  salle  du  grand  conseil 
à  Venise ,  le  sénat  décida  que  Gentile  serait  envoyé  à 
Conslantinople,  auprès  de  Mahomet  II,  qui  avait  demandé  à 
la  république  un  bon  peintre.  Gentile  y  fit  beaucoup  de  por- 
traits et  les  dessins  de  la  colonne  de  Théodose,  qui  ont  été 
gravés  plusieurs  fois.  Quand  il  fut  revenu  à  Venise,  il  reprit 
ses  travaux  du  palais  ducal,  qui  périrent  dans  l'incendie  de 
1577,  et  fit  un  grand  nombre  de  peintures  pour  diverses 
confréries.  Jean  Rellin  ,  son  frère ,  est  souvent  regardé 
comme  le  père  de  l'École  vénitienne,  parce  qu'il  fut  le 
professeur  de  Giorgion  et  de  Titien.  Il  fut  un  des  premiers 
à  faire  usage  de  la  peinture  à  l'huile,  invention  rapportée 
de  Flandre  en  Italie  par  Antonello  de  Messine.  La  vie  de 
Jean  Bellin  présente  cette  particularité,  que  ses  élèves  ont 
exercé  sur  lui  une  grande  influence.  Les  premiers  ouvrages 
ont  encore  toutes  les  allures  de  la  peinture  primitive,  tandis 
que  ceux  de  sa  vieillesse  peuvent  le  ranger  à  côté  de  Titien. 
Le  musée  du  Louvre  renferme  un  très-beau  portrait  des 
deux  frères. 


72  jÉCOLE  VÉNITIENNE. 

JÉSUS-CHRIST   A   EMMAUS. 
i  PL  53. 

(Hauteur  1   mètre,  largeur  2  mètres.) 

(La  figure  à  genoux  est  le  portrait  de  Jean  Bellin, 
auteur  du  tableau.) 

Le  Christ  étant  à  table  avec  deux  de  ses  disciples  qui  ne 
l'avaient  pas  reconnu,  prit  du  pain,  le  bénit,  le  rompit  et 
le  leur  présenta.  Aussitôt  leurs  yeux  furent  ouverts  et  ils  le 
reconnurent. 

MANTEGNA. 

1431-150G. 

Andréa  Mantegna,  après  avoir  été  pâtre  dans  sa  jeunesse, 
devint  élève  de  Squarcione  qui  eut  pour  lui  tant  d'amitié, 
qu'il  l'adopta  et  lui  légua  tout  son  bien.  A  dix-huit  ans, 
Mantegna  peignit  le  tableau  du  maître-autel  de  Sainte- 
Sophie  de  Padoue.  Il  alla  à  Venise,  épousa  la  fille  de 
Jacques  Bellin  ,  et  fit  un  grand  nombre  de  tableaux  à 
Mantoue,  où  il  avait  été  appelé  par  le  duc  Louis  de  Gon- 
zague.  Ce  fut  pour  lui  qu'il  exécuta  une  suite  de  pein- 
tures coloriées  en  détrempe  sur  toiles ,  représentant  le 
triomphe  de  César.  Cette  suite,  qui  est  très-célèbre,  se 
voit  [maintenant  à  Londres  dans  le  palais  de  Hampton- 
Court.  Mantegna  est  un  des  premiers  artistes  qui  aient  l'ait 
de  la  gravure  en  Italie;  ses  ouvrages  en  ce  genre  sont 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  73 

fort  recherchés.  Son  style,  qui  porte  encore  l'empreinte 
de  la  peinture  primitive,  montre  aussi  des  réminiscences  de 
la  statuaire  antique,  qu'il  aimait  avec  passion. 


LE    PAUNASSE.  • 

PI.  54. 

(Hauteur,  lm,60  cent.,  largeur  lm,92  cent.)  t 

Musée  du  Louvre. 

Apollon,  assis  à  gauche  au  premier  plan,  tire  des  sons 
harmonieux  de  sa  lyre,  et  les  Muses  dansent  devant  lui  en 
se  donnant  la  main.  Sur  un  rocher  percé,  on  voit  Vénus 
debout,  près  de  Mars  armé  de  sa  lance  et  revêtu  de  son 
armure,  tandis  que  Vulcain,  au  milieu  de  sa  forge,  est 
agacé  par  l'Amour,  et  menace  la  Déesse  et  son  rival.  Dans 
le  coin,  à  droite,  Mercure,  appuyé  sur  Pégase,  lient  le 
caducée.  —  Gravé  par  Ghataigner  dans  le  musée  Filhol. 


GIORGION. 

1477-1511. 

Giorgio  Barlarelii,  dit  le  Giorgion,  naquit  à  Castel  Franco, 
<3ans  la  province  de  Trévise.  Vasari  prétend  que  ce  fut  la  vue 
des  ouvrages  de  Léonard  de  Vinci  qui  forma  son  talent. Ce  qui 
est  sûr,  c'est  que  Giorgion  fut  très-jeune  considéré  comme  un 
grand  maître  ,  et  qu'il  exerça  une  très-grande  influence  sur 
l'école  vénitienne,  et,  en  particulier,  sur  Titien,  son  condis- 

I.  —  5 


74  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

cipleetson  admirateur.  11  a  surtout  travaillé  à  Venise,  où  il 
concourut  à  la  décoration  du  palais  ducal,  et  où  il  exécuta  un 
grand  nombre  de  fresques,  dont  beaucoup  n'existent  plus. 
Ses  tableaux  à  l'huile  sont  assez  rares,  mais  lui  assignent 
une  place  au  premier  rang.  Cet  admirable  artiste  est  mort 
à  trente-trois  ans. 

MOÏSE   SAUVÉ   DES   EAUX. 

I'I.  55. 
(Hauteur  lni,60  cent.,  largeur  3m,25  cent.) 

Musée  de  Milan. 

La  fille  de  Pharaon,  entourée  d'une  suite  nombreuse, 
regarde  l'enfant  qu'on  vient  de  retirer  de  la  corbeille.  Tous 
les  personnages  sont  vêtus  du  costume  des  grands  sei- 
gneurs vénitiens  du  xvie  siècle.  Au  premier  plan,  deux 
pages  tiennent  des  chiens  en  laisse,  un  autre  agace  un 
singe.  —  Gravé  par  Aveline  et  Giberti. 


TITIEN. 

Pi..  IV. 

1477-1576. 

Tiziano  Vecellio  naquit  au  bourg  de  Piève,  dans  l'ancienne 
province  de  Gadore.  Son  premier  maître  fut  Sébastien  Zuc- 
cato,  le  père  des  deux  célèbres  mosaïstes,  mais  il  le  quitta 
bientôt  pour  entrer  à  l'école  de  Jean  Bellin.  Il  commença 


T  ,  1 


P  .    IV 


TIZIANO     VECELLI. 

T1ZIANO    VECELLIO. 
T1CIANO  VECELIO. 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  7.> 

par  imiter  sou  maître  et  peignit,  dans  celte  première  ma- 
nière très-lerminée,  un  assez  grand  nombre  de  tableaux  et 
de  portraits.  Mais  bientôt  il  agrandit  sa  manière  en  prenant 
pour  modèle  son  ancien  condisciple  Giorgion.  Ils  furent 
chargés  de  peindre  ensemble  l'extérieur  de  la  maison  d'une 
corporation,  il  fondaco  de  Tedeschi.  Giorgion  avait  une  grande 
réputation;  Titien  commençait  à  peine  à  se  faire  un  nom. 
La  façade  principale  fut  donnée  à  Giorgion,  mais  Titien, 
dans  le  triomphe  de  Judith,  se  plaça  dans  l'opinion  publique, 
à  côté,  sinon  au-dessus  de  son  rival.  Après  la  mort  de  Gior- 
gion, Titien  fut  chargé  de  terminer  les  peintures  laissées 
inachevées  dans  le  palais  ducal,  et  après  la  mort  de  Jean 
Bellin  il  reçut  du  sénat  de  Venise  un  titre  équivalent  à  celui 
de  premier  peintre,  dont  l'une  des  prérogatives  était  de 
faire  le  portrait  de  chaque  nouveau  doge.  Le  fameux  tableau 
de  Y  Assomption  fut  pour  le  Titien  ce  qu'avait  été  pour  Ra- 
phaël la  Dispute  du  Saint-Sacrement,  le  signal  d'une  ère 
nouvelle,  dans  laquelle  il  est  toujours  demeuré  sans  rivaux. 
Il  refusa  les  otîres  de  Léon  X  et  de  François  Ier,  mais  devint 
le  peintre  favori  de  Charles-Quint,  qui  posa  trois  fois  pour 
lui  et  le  combla  d'honneurs.  Titien  n'a  pas  d'«égal  pour  le 
portrait,  et  il  a  représenté  tous  les  plus  grands  personnages 
de  son  temps,  entre  autres  les  papes  Jules  II,  Clément  VII, 
Paul  III,  François  Ier  (de  France)  et  Philippe  II  (d'Espagne)* 
A  l'âge  de  soixante-dix  ans,  il  accompagna  l'empereur  en 
Allemagne  ;  quelques  biographes  assurent  même  qu'il  vint 
en  Espagne,  mais  ce  fait  a  été  contesté.  Ce  fut  seulement 
dans  sa  vieillesse  qu'il  visita  Rome,  où  il  fut  reçu  par  Michel- 
Ange  ;  Raphaël  n'existait  plus. 

Titien  peignit  jusqu'à  sa  dernière  heure,  et  en  mourant 
de  la  peste,  à  quatre-vingt-dix-neuf  ans,  il  laissa  des  ta- 
bleaux sur  le  chevalet.  Il  est  au  premier  rang  parmi  les 


76  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

peintres  d'histoire,  et  n'a  jamais  été  surpassé  dans  le  por- 
trait ni  dans  le  paysage.  Sa  longue  carrière  ne  fut  qu'une 
suite  de  triomphes.  Tous  les  hommes  éminenls  par  leur- 
génie  ou  leur  naissance  furent  ses  amis  ou  ses  prolecteurs. 

LA  VIERGE    TENANT    L'ENFANT   JÉSUS    ADORÉ 
PAR   PLUSIEURS   SAINTS. 

PI.  56. 

(Hantent  lm,80  cent.,  largeur  lm,12  cent.) 

A  Rome  (palais  de  Monte  Cavallo). 

La  Vierge,  tenant  l'enfant  Jésus,  paraît  dans  le  ciel  es- 
cortée de  deux  anges.  Au  bas  du  tableau  on  voit  saint  Sébas- 
tien percé  de  ses  flèches,  saint  François  et  saint  Antoine  de 
Padoue  en  habits  monastiques;  saint  Nicolas,  en  habits 
pontificaux,  tenant  une  crosse,  et  sainte  Catherine  avec 
une  palme.  —  Gravé  par  G.  Saiter. 

JÉSUS-CHRIST   PORTÉ   AU   TOMBEAU. 

l'I.  57. 

(Hauteur  lm;48  cent  ,  largeur  2 m ,05  eut.) 

Musée  du  Louvre. 

Le  corps  du  Christ,  soutenu  par  Joseph  d'Arimalhie  et 
deux  autres  disciples ,  est  déposé  dans  le  sépulcre  ;  la 
Vierge,  accablée  de  douleur  est  soutenue  par  saint  Jean, 
—  Gravé  par  Roussel? 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  77 

JÉSUS-CHRIST   COURONNÉ    D'ÉPINES. 

PI.  58. 
(Hauteur  3m, 03  cent.,  largeur  1  m, 80  cent.) 

Musée  du  Louvre. 

Le  Christ,  un  roseau  à  la  main,  est  assis  sur  les  degrés 
ju  prétoire  et  insulté  par  les  soldats.  Au-dessus  de  la  porte 
Je  la  prison  on  voit  un  buste  de  Tibère.  Ce  tableau,  dont 
Tintoret  possédait  l'esquisse,  a  été  peint  en  15S3,  pour  le 
couvent  de  Sainle-Marie-des-Grâces  des  Dominicains  de 
Milan.  Titien  avait  soixante-seize  ans.  —  Gravé  par  Sca- 
maruccia,  Lefebre,  etc. 

JÉSUS-CHRIST    PRÉSENTÉ    AL    PEUPLE. 
PI,  59. 

(Hauteur  3m,65  cent.,  largeur  2n\4Gcent.) 
Vienne. 

Pilate,  monté  sur  une  estrade  à  la  porte  du  prétoire,  pré- 
sente au  peuple  le  Christ  couronné  d'épines.  Parmi  les 
assistants,  on  croit  reconnaître  le  Titien,  et  auprès  de  lui 
sa  fille.  —  Gravé  par  Venceslas  Nollar. 


78  ECOLE  VENITIENNE. 

MARTYRE    DE   SAINT-PIERRE    LE    DOMINICAIN. 

PI.  60. 

(Hauteur  5m,76  cent.,  largeur  3m, 45  cent.) 

Saint  Pierre  le  Dominicain,  né  à  Vérone  vers  1205,  de 
parents  hérétiques,  se  fit  catholique  malgré  son  père,  entra 
dans  les  ordres,  et  fut  nommé,  en  1232,  directeur  de  l'in- 
quisition dans  cette  partie  de  l'Italie,  où  les  hérétiques 
étaient  fort  nombreux.  Il  y  fut,  selon  l'expression  d'un  de 
ses  historiens,  «  semblable  à  un  lion  parmi  des  bêtes  fé- 
roces, il  ne  laissa  nul  repos  aux  hérétiques».  Ceux  de 
Milan  conspirèrent  contre  sa  vie,  et  le  saint  fut  assassiné 
dans  un  bois,  ainsi  qu'un  Frère  qui  l'accompagnait.  Cette 
scène  a  inspiré  au  Titien  un  de  ses  chefs-d'œuvre  les  plus 
célèbres.  Il  l'a  exécuté  en  1528,  à  la  suite  d'un  concours 
où  il  avait  eu  pour  antagonistes  Pordenone  et  Palme  le 
vieux,  pour  l'église  de  Saint-Jean  et  Saint-Paul,  apparte- 
nant à  l'ordre  de  Saint-Dominique.  L'importance  du  paysage 
dans  cet  immense  tableau  en  fait  une  œuvre  à  part  :  c'est 
le  premier  exemple  du  paysage  historique.  L'admiration 
qu'excita  ce  chef-d'œuvre  fut  telle,  qu'un  édit  défendit  qu'il 
sortît  jamais  de  Venise,  sous  quelque  prétexte  que  ce  fût. 
Bonaparte,  comme  on  pense,  n'en  tint  aucun  compte,  et  le 
fit  venir  à  Paris.  Le  panneau  était  complètement  vermoulu, 
et  la  peinture  dans  un  état  effrayant  de  dégradation.  Il  fut 
transporté  sur  toile  et  rendu  à  son  état  primitif  a?es  un 
succès  inoui,  par  M.  Haquin,  l'an  VII  (1799).  11  est  retourné 
à  Venise  après  1815.  Après  tant  de  tribulations,  ce  chef- 
d'œuvre  vient  d'être  détruit  dans  un  incendie.  —  Gravé 
par  Rota,  Lefebre,  Laurent. 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  79 

MARTYRE    DE    SAINT   LAURENT. 

Pi.  61. 
(Hauteur  5  mètres,  largeur  2m,70  cent.) 

Il  en  existe  deux  répétitions  avec  variantes,  une  à  Venise," 
et  une  en  Espagne. 

Saint  Laurent,  l'un  des  sept  diacres  de  l'église  de  Rome, 
fut  martyrisé  en  258,  sous  l'empereur  Valérien.  Le  palais 
de  l'Escurial  a  été  bâti  sous  son  invocation,  et  le  roi  d'Es- 
pagne commanda  au  Titien  le  tableau  de  son  martyre.  Il  en 
existe  une  répétition  originale  dans  l'église  des  Jésuites  à 
Venise.  Dans  le  tableau  de  Madrid,  la  fumée  du  bûcher  rem- 
plit le  fond  du  tableau,  et  l'on  voit  descendre  du  ciel  deux 
anges  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  celui  de  Venise.  —  Gravé 
par  Cort,  Sadeler  (celui  d'Espagne),  par  Oortman  (celui 
de  Venise). 

VÉNUS    ANADYOMÈNE. 

PI.  62. 

Ce  tableau,  après  avoir  appartenu  à  la  reine  Christine 
de  Suède,  passa  dans  la  galerie  du  Palais-Royal,  .et  se 
trouve  maintenant  en  Angleterre. 

La  Déesse,  sortant  de  la  mer,  presse  sa  chevelure  pour 
en  faire  sortir  l'eau.  Ce  tableau  est  connu  sous  le  nom  de 
Vénus  à  la  coquille.  —  Gravé  par  Aug.  de  Saint-Aubin. 


80  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

VÉNUS   COUCHÉE. 
M.  03. 

j (Hauteur  l^^O  cent.,  largeur  2m,30  cent.) 

Musée  de  Florence  (Tribune). 

La  Déesse  est  couchée  nue  sur  un  lit  ;  dans  le  fond  de 
l'appartement,  deux  servantes  sont  occupées  à  ranger  des 
vêtements  dans  un  bahut.  Cette  célèbre  figure  paraît  être  un 
portrait.  —  Gravé  par  Strange. 

VÉNUS  ET  ADONIS.  ; 

PI.  64. 

(Hauteur  lm,75  cent.,  largeur  1iij,90  cent.) 
Musée  Britannique. 

Vénus  cherche  à  retenir  Adonis  qui  part  pour  la  chasse  • 
La  tête  d'Adonis  passe  pour  être  le  portrait  de  Philippe  11^ 
roi  d'Espagne.  — Gravé  par  Strange. 

VÉNUS    BANDE    LES    YEUX    DE    i/ AMOUR. 

PI.  65. 

(Hauteur  lm,75  cent.,  largeur  lm,90  cent.) 

Rome  (palais  Borghèse). 

Vénus,  assise,  est  en  train  de  bander  les  yeux  à  l'Amour, 
tandis  que  deux  servantes  apportent  l'une  un  arc,  l'autre 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  81 

le  carquois  et  les  flèches.  La  figure  de  Vénus  est  évidem- 
ment un  portrait.  —  Gravé  par  Strange. 

Fig.  à  mi-corps. 

VÉNUS    SE    MIRANT. 

PI.  G5. 
(Hauteur  lm,20  cent.,  largeur  1  mètre.) 

A  appartenu  à  la  reine  Christine  de  Suède,  puis  à  la  galerie 
du  Palais-Royal  ;  est  maintenant  en  Angleterre. 

La  Déesse,  debout,  la  poitrine  nue  et  l'arc  à  la  main,  se 
regarde  dans  un  miroir  que  lui  présente  l'Amour.  —  Gravé 
par  Leybold. 


DIANE     ET    CALISTO. 

PI.  67. 

(Hauteur  lm,90  cent.,  largeur  2«»M0  cent.) 

Ancienne  galerie  du  Palais-Royal,  maintenant  en  Angleterre. 
Gravé  par  Alyamet. 

Il  en  existe  une  répétition  au  musée  de  Madrid, 
gravée  par  Corneille  Coit. 

Diane,  entourée  de  ses  nymphes,  voit  Calisto  qui,  crai- 
gnant de  laisser  apercevoir  sa  grossesse,  avait  refusé  de  se 
baigner  avec  ses  compagnes. 

5. 


82  ECOLE  VÉNITIENNE. 

DIANE    ET    AGTÉON. 

PI.  68. 

(Hauteur  lm,40  cent.,  largeur  lm,25  cent.) 

Musée  de  Madrid. 

La  Déesse,  entourée  de  ses  nymphes,  est  dans  un  bos- 
quet touffu,  près  d'un  portique  voûté  sous  lequel  est  une 
fontaine  circulaire  en  marbre,  ornée  de  bas-reliefs.  Au  mo- 
ment où  Actéon  paraît,  accompagné  de  son  chien,  Diane, 
surprise,  cherche  à  se  dérober  à  la  vue  du  chasseur 
indiscret.  —  Lithographie  par  Blanco. 

JUPITER    ET    ANTIOPE. 

PI.  69. 

En  Angleterre. 

Jupiter,  sous  la  forme  d'un  satyre,  s'approche  d'Antiope 
et  l'embrasse.  Titien  a  donné  au  satyre  la  forme  d'un  jeune 
homme,  et  l'a  caractérisé  seulement  par  l'allongement  de 
l'oreille  et  les  poils  qui  recouvrent  les  cuisses.  —  Gravé 
par  Raimbach. 

DANAÉ. 

PI.  70. 

(Hauteur  lm?38  cent.,  largeur  lm,54  cent,) 

Deux  reproductions  à  Vienne,  à  Naples. 
Danaé  est  couchée  sur  un  lit.  Près  d'elle,  une  servante 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  83 

recueille  sur  un  plat  la  pluie  merveilleuse  qu'attirent  les 
charmes  de  sa  maîtresse.  Jupiter  apparaît  dans  la  nuée, 
répandant  l'or  à  pleine  main.  —  Gravé  par  Lisbetius,  Ri- 
;her,  Desplace. 

Amours  des  Dieux. 

Gr.  de  chaque  tableau. 
(Hauteur  4  mètres  sur  2m,40  cent,  environ.) 

Les  six  tableaux  suivants,  peints  sur  cuir,  ont  été  donnés 
par  le  roi  de  Sardaigne  au  duc  de  Marlborough.  Château  de 
Blenheim  en  Angleterre.  —  Gravés  par  Smilh. 

MARS    ET   VÉNUS. 

PI.  71. 

Le  Dieu  de  la  guerre  caresse  la  Déesse  qui  se"  regarde 
dans  un  miroir.  A  leurs  pieds,  l'Amour  joue  avec  son  arc. 
Le  lit  et  la  draperie  dont  il  est  orné  rappelle  le  goût  des 
étoffes  en  usage  au  xvie  siècle. 

l'amour  et  psyché. 

PL  72. 

L'Amour  contemple  Psyché  endormie  et  vue  de  dos.  Un 
enfant  ailé  soulève  un  rideau,  un  autre  tient  un  flambeau 
allumé. 


84  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

VULCAIN    ET    GÉRÉS. 

PI.  73. 

Vulcain  ayant  à  ses  pieds  son  marteau,  embrasse  Cérès, 
reconnaissable  à  sa  couronne  d'épis,  et  assise  près  de  la 
forge.  Le  Titien,  en  traçant  cette  composition  dans  laquelle 
il  a  introduit  l'Amour,  n'a  obéi  qu'à  une  fantaisie  de  son 
imagination,  car  aucune  tradition  de  l'antiquité  ne  parle 
d'union  entre  Cérès  et  Vulcain. 

HERCULE    ET    DÉJANIRE. 

PI.  74. 

Déjanire  est  assise  sur  les  genoux  d'Hercule.  La  peau  du 
lion  de  Némée,  dont  Hercule  est  habituellement  revêtu,  est 
disposée  de  manière  que  la  partie  postérieure  de  l'animal 
se  trouve  élevée  au-dessus  de  la  tête  des  personnages,  et 
que  la  queue  du  lion  tombe  dans  la  main  de  Déjanire.  Un 
Amour  joue  avec  la  massue  d'Hercule, 

APOLLON    ET    DAPHNÉ. 

PI.  75. 

Apollon  poursuit  Daphné  qui  commence  à  se  mélamor- 
phoser  en  laurier.  Au  premier  plan,  le  fleuve  Penée  est 
accoudé  sur  une  urne  d'où  s'échappent  ses  eaux. 


ÉCOLE    ÊN1TÏENNE.  85 

JUPITER    ET    JUNON. 
Pi.  76. 

Titien  a  représenté  ici  Jupiter  au  moment  où  il  vient  de 
métamorphoser  la  nymphe  Io  en  vache,  pour  tâcher  de  la 
soustraire  aux  recherches  de  la  jalouse  et  vindicative 
Junon. 

NEPTUNE    ET    AMPH1TRITE. 

PI.  77. 

Neptune  ayant  près  de  lui  son  trident,  caresse  son  épouse 
Amphitrite.  A  leurs  pieds,  un  Amour,  porté  sur  un  dauphin, 
joue  avec  une  flèche. 

BACCHUS    ET    ARIADNE. 

PI.  78. 

Bacchus  est  auprès  d'Ariadne  qui  indique  du  geste  l'ho- 
rizon de  la  mer,  où  l'on  aperçoit  le  vaisseau  qui  emporte 
Thésée.  Le  tigre  de  Bacchus  est  couché  aux  pieds  du  Dieu  : 
devant  le  groupe  est  placé  l'Amour  debout  et  tenant  une 
grappe  de  raisin. 

PLUTON    ET    PROSERPINE. 

PI.  79. 

Pluton  ayant  à  ses  pieds  le  chien  Cerbère,  enlève  Pro- 
serpine  qu'il  va  conduire  aux  enfers.  Sur  les  roues  du  char, 


86  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

ua  Amour  à  califourchon  s'apprête  à  décocher  une  flèche. 
Ce  tableau  ne  se  trouve  plus  maintenant  à  Blenheim,  dans 
la  pièce  où  était  la  suite  des  amours  des  Dieux  peinte  par 
le  Titien. 


CHARLES -QUINT. 

PI.  80. 

(Hauteur  2m,05  cent.,  largeur  lm,20  cent. 

A  appartenu  à  Charles  Ier  d'Angleterre,  maintenant  au  musée 
de  Munich. 

L'empereur  est  assis  dans  un  fauteuil  ;  son  vêtement 
noir  est  bordé  de  fourrures.  Ce  tableau  est  signé  avec  la 
date  de  \  548.  —  Lithographie  par  W.  Flachnecker. 


L  EMPEREUR    CHARLES   Y. 

PI.  81. 

(Hauteur  2  mètres,  largeur  1  mètre.) 

Musée  de  Madrid. 

L'empereur  est  debout  ;  de  la  main  gauche  il  flatte  son 
chien  favori,  et  de  l'autre  main  il  tient  un  chasse-mouches. 
La  tête  est  couverte  d'une  toque  noire  ornée  d'une  plume 
blanche.  La  tunique  est  en  drap  d'or  avec  des  manches 
tailladées;  son  pardessus,  en  soie  blanche  brochée  d'or, 
est  doublée  de  fourrure  ;  ses  bras  et  ses  souliers  sont  éga- 
lement en  soie  blanche.  Le  fond  du  tableau  est  noir  avec 
un  rideau  vert  à  gauche.  —  Lithographie  par  Palmaroli. 


ECOLE  VÉNITIENNE.  87 

PHILIPPE    II    ET    SA    MAITRESSE. 

PI.  82. 
(Hauteur  lin, 50  cent.,  largeur  2  mètres.) 

A  appartenu  à  la  reine  Christine  de  Suède,  puis  a  passé  dans 

la  galerie  du  Palais-Royal. 

Maintenant  à  l'Université  de  Cambridge. 

La  maîtresse  du  roi  est  représentée  nue,  tenant  une 
flûte  à  la  main.  Près  d'elle  sont  des  instruments  de  mu- 
sique. Philippe  II  est  assis  à  ses  pieds,  vu  de  dos,  et  joue 
de  la  mandoline. 

ALPHONSE    D'AVALOS    ET    SA    MAITRESSE. 

PI.  83. 

(Hauteur  lm,21  cent.,  largeur  4m,07  cent.) 

Musée  du  Louvre. 

Alphonse  d'Avalos,  marquis  de  Guast,  lieutenant  général 
des  armées  de  Charles  V  en  Italie,  s'était  distingué  à  la 
bataille  de  Pavie,  mais  il  fut  complètement  battu  à  Ceri- 
soles  par  les  Français,  commandés  par  François  de  Bour- 
bon, duc  d'Enghien  (1544).  D'Avalos  est  représenté  ici 
avec  une  armure  et  posant  la  main  sur  le  sein  d'une  jeune 
femme  qui  tient  sur  les  genoux  une  boule  de  verre.  Cette 
femme  serait,  suivant  la  version  généralement  adoptée,  la 
maîtresse  du  général  ;  d'autres  veulent  y  voir  le  portrait  de 


88  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

son  épouse,  Marie  d'Aragon.  L'Amour,  Flore  et  Zéphir  lui 

rendent  hommage,   c'est  du  moins  le  sens  qu'on  donne 

habituellement  aux  figures  que  Titien   a  placées  devant 

elles.  Cette  allégorie  est   assez  obscure.    —   Gravé  par 

Natalis. 

TITIEN   ET   SA    MAITRESSE. 

PI.  84. 
(Hauteur  96  cent.,  largeur  70  cent.) 

Musée  du  Louvre. 

Ce  tableau  est  connu  sous  le  nom  de  Titien  et  sa  maîtresse, 
mais  c'est  là  un  titre  de  fantaisie  que  rien  ne  justifie.  D'après 
des  médailles  et  des  portraits  authentiques,  on  croit  y  re- 
connaître Alphonse  Ier,  duc  de  Ferrare,  et  Laura  de  Dianti. 
Dans  une  répétition  de  ce  tableau  qui  se  trouve  à  Ferrare,  la 
femme  est  représentée  presque  nue,  ce  qui  fait  supposer 
que  Titien  l'a  peinte  lorsqu'elle  était  la  maîtresse  du  duc, 
et  que  lorsqu'elle  fut  son  épouse,  la  môme  composition  fut 
reproduite  avec  un  vêtement.  La  jeune  femme  tient  d'une 
main  ses  cheveux  et  de  l'autre  une  fiole  de  parfums.  Placé 
derrière  elle,  l'homme  lui  présente  deux  miroirs.  Il  existe 
une  autre  répétition  de  ce  tableau  qui,  après  avoir  appar- 
tenu à  Christine  de  Suède,  a  passé  dans  la  galerie  du  Pa- 
lais-Royal. —  Gravé  par  Forster  et  Daucken. 


PALME  LE  VIEUX. 

1480-1548. 

Jacopo  Palma,  dit  Palme  le  Vieux,  naquit  à  Cerinalta 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  89 

dans  le  ttergamasque.  Enthousiasmé  de  la  manière  du 
Giiorgion,  il  chercha  ensuite  à  se  rapprocher  de  celle  du 
Titien.  Le  caractère  général  de  ses  productions,  dit  Lanzi, 
est  l'exactitude,  le  fini,  l'union  des  teintes,  au  point  que 
l'on  ne  saurait  y  distinguer  le  coup  de  pinceau.  Il  a  souvent 
reproduit  dans  ses  tableaux  le  portrait  de  Violante  sa  fille, 
qui  fut,  dit-on,  aimée  du  Titien. 

VÉNUS   ET  L'AMOUR. 

PI.  85. 

(Hauteur  lm,16  cent.,  largeur  2m, 08  cent.; 

Collection  particulière. 

Vénus,  couchée  négligemment  sur  un  terrain  couvert  de 
fleurs,  présente  une  flèche  à  l'Amour.  Au  fond,  on  aperçoit 
une  ville.  Ce  tableau,  après  avoir  appartenu  à  la  reine  de 
Suède,  a  fait  partie  de  la  galerie  du  Palais -Royal. 


PORDENONE. 

1484-1540. 

Jean-Antoine  Licinio  Corticelli,  surnommé  le  Pordenone, 
à  cause  de  sa  ville  natale,  fut  un  des  plus  habiles  imitateurs 
de  Giorgion  et  de  Titien,  et  fut  même  quelquefois  posé 
comme  rival  de  ce  dernier.  La  plupart  de  ses  peintures  se 
voient  dans  les  châteaux  et  maisons  de  plaisance  de  son 
pays.  «  Dans  cette  province  (le  Frioul),  ditVasari,  il  y 
avait  eu  de  son  temps  une  infinité  d'habiles  peintres  qui 


90  ÉCOLE  VENITIENNE, 

n'avaient  jamais  vu  Florence  ni  Rome  ;  mais  celui-ci  avait 
été  le  plus  étonnant  et  le  plus  célèbre  pour  avoir  surpassé 
ses  prédécesseurs  par  rapport  à  l'invention  des  sujets,  au 
dessin,  à  la  hardiesse,  à  la  distribution  des  couleurs;  et  il 
ne  déploya  pas  moins  de  supériorité  dans  la  peinture  à 
fresque,  par  la  rapidité  de  son  pinceau,  par  le  relief  de  ses 
figures  et  par  tous  les  autres  détails  qui  appartiennent  à  son 
art.  »  Pordenone  est  quelquefois  appelé  Regillo,  nom  qu'il 
prit  après  la  condamnation  de  son  frère  qui  avait  tenté  de 
l'assassiner. 

SAINTE   JUSTINE. 
PI.  80. 

(Hauteur  2  mètres,  larçeur  lm^O  cent.) 

Musée  de  Vienne. 

Ce  tableau  est  un  ex-volo.  Un  homme,  qu'on  croit  être 
le  duc  de  Ferrare,  est  aux  pieds  de  sainte  Justine,  patronne 
de  Padoue.  Dans  le  fond,  on  voit  la  ville  de  Pordenone  où 
naquit  le  peintre.  —  Gravé  par  Axmann  et  Martin  Frey. 


SÉBASTIEN  DEL  PIOMBO. 

1485-15/17. 

Luciano  di  Sebastiano,  dit  Sebastiano  del  Piombo,  cultiva 
d'abord  la  musique,  puis  entra  à  l'école  de  Jean  Bellin  et 
ensuite  à  celle  du  Giorgion.  Les  ouvrages  qu'il  fit  à  Venise 
lui  firent  grand  honneur,  et  le  banquier  Chigi  le  fit  venir  à 


ECOLE  VÉNITIENNE.  91 

Home  pour  travailler  dans  son  palais  en  concurrence  avec 
Raphaël.  Il  devint  l'ami  de  Michel-Ange,  qui  l'aida  de  ses 
conseils  et  de  ses  dessins.  Après  le  sac  de  Rome  par  le 
connétable  de  Bourbon,  il  fut  chargé  de  réparer  les  dégâts 
qu'avaient  subis  les  fresques  de  Raphaël  dans  les  chambres 
du  Vatican.  Mais  quand  le  Titien  visita  les  chambres,  en 
compagnie  de  Sebastien  del  Piombo,  il  fut  frappé  de  ces 
retouches  qu'il  trouva  malheureuses  ,  et  comme  il  en 
ignorait  l'auteur,  il  s'écria  :  «  Quel  est  donc  l'ignorant 
assez  présomptueux  pour  avoir  touché  à  cela?»  Ce  fut 
alors,  dit  Dolce,  avec  un  jeu  de  mots,  que  Sebastiano  devint 
vraiment  del  piombo  (de  plomb).  Sebastien  del  Piombo 
n'avait  pas  une  grande  imagination,  et  s'est  presque  tou- 
jours fait  aider  pour  la  composition  de  ses  tableaux,  mais 
son  talent  de  coloriste  le  place  parmi  les  grands  maîtres 
de  l'École  vénitienne.  Il  a  fait  surtout  d'admirables 
portraits. 

RÉSURRECTION   DE    LAZARE. 

l'I.  87. 

Peint  sur  bois  et  reporté  sur  toile» 

(Hauteur  4  mètres,  largeur  3  mètres. ^ 

Jésus-Christ  ayant  ordonné  d'ôler  la  pierre  qui  couvrait 
le  sépulcre,  cria  à  haute  voix  :  a  Lazare,  sortez  !»  et  le  mort 
sortit,  la  tête  enveloppée  d'un  suaire.  Le  miracle  s'accom- 
plit au  milieu  d'une  foule  nombreuse  ;  un  homme  est 
en  train  de  délier  les  bandes  qui  liaient  les  jambes  du  mort 
revenu  à  la  vie.  La  composition  de  ce  tableau  est  due  à 
Michel-Ange,  et  Sébastien  del  Piombo  l'a  exécuté  sous  sa 


92  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

direction.  Il  fut  donné  à  la  cathédrale  de  Narbonne,  en 
dédommagement  de  la  Transfiguration  de  Raphaël  qui  lui 
était  destinée  et  qui  resta  à  Rome.  Il  y  resta  fort  longtemps, 
mais  les  chanoines  manquant  de  fonds  pour  réparer  leur 
église,  le  vendirent  au  duc  d'Orléans.  Il  fit  partie  de  la 
galerie  du  Palais-Royal  jusqu'en  1791 ,  et  se  trouve  mainte- 
nant au  musée  de  Londres.  —  Gravé  par  Delaunay  et 
Sievier. 


BORDONE. 

1500-1570. 

Paris  Bordone,  né  à  Trévise  en  1 500,  fut  élève  du  Titien, 
mais  fut  encore  plus  un  imitateur  du  Giorgion.  Il  fut  appelé 
en  France,  où  il  exécuta  de  nombreux  portraits,  entre 
autres  ceux  du  duc  de  Guise,  du  cardinal  de  Lorraine  et  de 
plusieurs  dames  de  la  cour.  Il  a  moins  de  puissance  que  le 
Titien  et  les  chefs  de  l'École  vénitienne,  mais  il  possède 
un  charme  et  une  grâce  particulière  qui  lui  assignent,  dans 
cette  école,  une  place  honorable. 

l'anneau  de  saint  marc. 

PI.  88. 
(Hauteur  3"i,67  cent.,  largeur  2  n ,90  cent.) 

Venise. 

L'an  1340,  une  terrible  inondation  menaça  de  submer- 
ger Venise.  Un  pêcheur  vint  annoncer  au  sénat  qu'étant  en 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  93 

nier  il  avait  vu  un  vaisseau  rempli  de  démons,  qui  s'était 
englouti  sous  ses  yeux  par  l'intercession  de  saint  Marc,  et 
présenta  l'anneau  que  le  saint  évangéliste  lui  avait  remis 
en  témoignage  de  la  protection  qu'il  accordait  à  Venise. 
Le  vent  ayant  subitement  changé,  le  présage  fut  reconnu 
bon  et  l'événement  regardé  comme  miraculeux  :  le  pêcheur 
reçut  une  pension  du  sénat.  C'est  cet  événement  que 
P.  Bordone  a  représenté  ici.  Ce  tableau,  qui  ornait  une  des 
salles  de  la  confrérie  de  Saint-Marc  à  Venise,  a  été  pris  par 
les  Français,  et  rendu  aux  Autrichiens  en  1815.  —  Gravé 
au  trait  par  Lenormand. 


BASSAN. 

1510-1592. 

Jacopo  da  Ponte,  dit  II  Bassano  ou  Jacques  Bassan,  fut 
d'abord  élève  de  son  père,  travailla  quelque  temps  avec 
Bonifazio  à  Venise,  étudia  ensuite  les  œuvres  de  Parmesan 
et  de  Titien.  Ses  premiers  ouvrages  montrent  une  aspira- 
lion  vers  l'élévation  du  style  ,  qu'on  ne  retrouve  plus 
ensuite.  Retiré  dans  sa  ville  natale,  il  se  créa  un  genre 
qu'on  appellerait  aujourd'hui  réaliste.  Son  caractère  dis  - 
tinctif  n'est  pas  l'invention,  mais  une  savante  interprétation 
de  la  nature,  et  une  étonnante  magie  dans  les  effets  de  la 
lumière.  Titien  et  le  Tintoret  avaient  une  grande  estime 
pour  son  talent,  et  Paul  Véronèse,  dit  Lanzi,  lui  rendit  le 
plus  flatteur  des  hommages  en  lui  donnant  pour  élève 
Carlollo,  son  fils,  afin  qu'il  l'instruisît  en  plusieurs  choses, 
et  surtout  dans  «  celte  juste  distribution  de  lumière  de  l'un 
à  l'autre  objet,  et  dans  l'art  de  produire  ces  heureuses 


9A  ÉCOLE  VÉNITIENNE, 

oppositions  par  lesquelles  les  objets  représentés  luisent 
véritablement  » .  Avec  le  Bassan  cesse  le  goût  de  ces  belles 
architectures  qui  étaient  comme  le  signe  distinctif  de  l'École 
vénitienne.  Ce  sont,  en  général,  des  cabanes,  des  paysages, 
des  bestiaux,  des  natures  mortes,  des  marchés,  ou  des 
travaux  rustiques,  qu'il  se  plaît  à  représenter;  et  quand  il 
fait  des  sujets  religieux,  ils  dilîèrent  peu  des  sujets  pro- 
fanes. Enfin,  c'est  de  Bassan  que  date,  dans  le  nord  de 
l'Italie,  ce  naturalisme  absolu,  dont  le  Caravage  s'est  fait 
le  représentant  dans  l'Italie  centrale.  Il  enseigna  son  art  à 
ses  quatre  fils,  qui  firent  eux-mêmes  d'autres  élèves,  de 
sorte  que  son  école  dura  près  d'un  siècle. 

LA   MOISSON. 

PI.  89. 
(Hauteur  4n>,04  cent.,  largeur  6m, 60  cent.) 

Au  pied  d'un  arbre,  sur  lequel  un  homme  est  monté 
pour  cueillir  des  fruits,  on  voit  un  groupe  de  femmes;  au 
fond  un  charriot  traîné  par  des  bœufs.  Il  existe  deux  répé- 
titions de  ce  tableau  :  l'une  au  musée  du  Belvédère  à 
Vienne;  l'autre,  beaucoup  plus  petite  et  avec  des  diffé- 
rences, au  musée  du  Louvre.  —  Gravé  par  Troyen. 


TÏNTORET, 

Pu  V. 
1512-1594. 

Jacopo  llobust',  dit  leTintoret,  parce  que  son  père  était 
teinturier,  montra  de  bonne  heure  de  grandes  dispositions. 


T  ,  I 


P  ,  V 


JACÇUES    ROBUSTI  DIT  TINTORET 

GIACOMO  ROBUSTI,  DCTTO  IL  TINTORETTO. 
JACOBO  ROBUSTI  LLAMADO  EL  TINTOilETO. 


ÉCOLE  VÉNITIEN  NE.  96 

et  entra  à  l'école  du  Titien,  où  il  ne  resta  que  peu  de 
temps.  Mais  il  demeura  toujours  son  grand  admirateur,  et 
il  avait  écrit  sur  le  mur  de  son  atelier,  comme  une  maxime 
qui  résumait  tout  :  «  Le  dessin  de  Michel-Ange  et  le  coloris 
du  Titien.  »  Travailleur  infatigable,  Tintoret  c tait  en  outre 
doué  d'une  prodigieuse  facilité,  dont  il  abusa  quelquefois, 
surtout  à  la  fin  de  sa  vie.  Tintoret  n'arrive  pas  à  la  majesté 
du  Titien,  il  cherche  le  mouvement  et  l'énergie  plutôt  que 
la  noblesse;  le  nombre  de  ses  œuvres  est  immense.  Il  avait 
une  fille,  nommé  Marietta  Robusti,  qui  peignit  avec  une 
grande  habileté,  et  mourut  à  la  fleur  de  l'âge. 

NOCES   DE   CANA. 

PI.  90. 
(Hauteur  5  mètres,  largeur  6  mètres  environ.) 

Venise. 

Des  personnages ,  vôtus  selon  la  mode  vénitienne  du 
xvie  siècle,  sont  assis  autour  d'une  table  vue  en  perspec- 
tive. La  figure  du  Christ  est  placée  au  fond,  tout  au  bout  de 
la  table.  Ce  tableau  est  placé  dans  l'église  Sainte-Marie-du- 
Salut,  à  Venise.  —  Gravé  par  Volpato. 

La  femme  adultère. 

PI.  91. 

(Hauteur  2m,  10  cent.,  largeur  4  mètres.) 

Galerie  de  Dresde. 

Jésus-Christ,  assis  au  pied  d'une  colonne,  est  entouré 
par  les  Pharisiens  qui  amènent  la  femme  adultère.  On  voit 


06  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

aussi  plusieurs  malades  qui  attendent  leur  guérison.  Ce  ta- 
bleau fait  pour  le  comte  de  Vidmani,  fit  ensuite  partie  de  la 
collection  réunie  à  Prague.  Après  la  prise  de  celte  ville  en 
1620,  lorsque  la  galerie  fut  dispersée,  il  se  trouva  compris 
dans  le  lot  qui  échut  à  l'électeur  de  Saxe.  —  Gravé  par 
P.  A.  Kilian. 

SAINT   MARC   DÉLIVRE    UN   ESCLAVE. 

PL  92. 

(Hauteur  4ro, 30  cent.,  largeur  5'»,50  cent.) 

Venise. 

Un  Vénitien  avait  été  fait  prisonnier  par  les  Turcs  et 
réduit  en  esclavage.  Condamné  au  supplice  par  son  maître, 
il  invoqua  saint  Marc  qui  lui  apparut  dans  les  airs,  et  aussitôt 
toutes  les  cordes  dont  le  patient  était  garrotté  se  trouvèrent 
rompues,  ainsi  que  les  instruments  du  supplice.  Ce  célèbre 
tableau,  connu  sous  le  nom  de  Miracle  de  saint  Marc,  est 
considéré  comme  le  chef-  d'oeuvre  du  Tintoret.  Il  fut  ap- 
porté à  Paris  en  4  799,  et  retourna  à  Venise  en  4  815.  — 
Gravé  par  J.  Mathan. 

JUNON   ALLAITANT   HERCULE. 

PI.  93. 
(Hauteur  dn>,60  cent.,  largeur  lm,65  cent.) 

Collection  particulière. 

Jupiter  présenta  Hercule  enfant  à  Junon,  et  le  jeune  héros 
serra  le  sein  avec  (ant  de  force  que  le  lait  qui  s'échappa 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  97 

violemment  se  répandit  dans  le  ciel  et  forma  la  voie  lactée. 
La  manière  dont  cette  composition  est  agencée  semble  in- 
diquer que  le  tableau  était  destiné  à  décorer  un  plafond, 
ce  tableau  a  fait  partie  de  la  galerie  du  Palais-Royal.  — 
Gravé  par  Delaunay. 

JUPITER   ET   LÉDA. 
PL  91. 

'Hauteur  1111,65  cent.,  largeur  2  »,20  cent.) 

Collection  particulière. 

Lcda,  couchée  sur  un  lit,  joue  avec  le  cygne  placé  près 
d'elle.  Au  second  plan,  une  suivante  pose  la  main  sur  une 
cage  dans  laquelle  un  canard  est  agacé  par  un  chat.  — 
Gravé  par  G.  Mondet. 


MUZIANO. 

1530-1590. 

Girolamo  Muziano  fit  ses  premières  études  à  Brescia,  sa 
ville  natale,  et  se  perfectionna  à  Venise  en  étudiant  les 
ouvrages  du  Titien.  Il  était  fort  habile  dans  le  paysage, 
mais  étant  venu  à  Rome,  il  se  livra  à  l'étude  de  l'antique, 
et  fit  beaucoup  de  tableaux  dans  les  églises,  et  de  portraits. 
Nommé  par  Grégoire  XI11  surintendant  des  travaux  du 
Vatican,  Muziano  fut  un  des  fondateurs  de  l'Académie  de 
Saint-Luc,  et  enrichit  la  nouvelle  institution  par  ses  dispo- 
sitions testamentaires. 


28  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

LE    LAVEMENT   DES   PIEDS. 
PU  93. 

(Hauteur  3m,45  cent.,  largeur  4m. 82  cent.) 

Église  de  Reims. 

Jésus-Christ  lave  les  pieds  à  saint  Pierre,  au  milieu  d'un 
concours  nombreux  de  disciples.  Ce  tableau,  où  les  figures 
sont  de  grandeur  naturelle,  a  été  fait  pour  le  cardinal  de 
Lenoncourt,  alors  archevêque  de  Reims.  Les  chanoines, 
depuis,  en  firent  présent  au  régent,  mais  son  fils  en  fit 
faire  une  copie  par  Vanloo,  et  rendit  l'original  à  l'église. — 
Gravé  par  Desplac£. 


VÉRONÈSE  (PAUL), 


Pu  VI. 
1528-1588. 

Pàolo  Cagliari,  dit  Véronèse,  du  nom  de  Vérone,  sa  ville 
natale,  était  fils  d'un  sculpteur  avec  lequel  il  fit  ses  pie 
mières  éludes.  Son  oncle,  Antonio  Badile,  qui  était  peintre, 
l'aida  aussi  de  ses  conseils  et  lui  fit  copier,  pendant  plu- 
sieurs années,  des  gravures  d'Albert  Durer,  alors  fort  en 
honneur  à  Venise.  Le  cardinal  Hercule  de  Gonzague,  ap- 
préciant la  valeur  du  jeune  peintre,  l'emmena  à  Manlouc 
et  le  chargea  de  différents  travaux.  A  la  suite  d'un  concours 
établi  par  les  procurateurs  de  Saint-Marc  pour  la  peinture 


T  .  1 


P.  VI 


PAUL  CALIARI  DIT  PAUL  VERONESE. 


PAOLO  CAGLIARI    DETTO  PAOLO  VERONESE  . 


ÉCOLE  VENITIENNE.  99 

des  plafonds  de  la  hibliolhèque,  les  rivaux  de  Paul  Véronèse 
lui  décernèrent  eux-mêmes  la  chaîne  d'or  destinée  au  vain- 
queur. Paul  Véronèse  fit  un  voyage  à  Rome,  où  l'étude  de 
Raphaël,  de  Michel-Ange,  et  surtout  des  chefs-d'œuvre  de 
l'antiquité,  agrandit  encore  sa  manière  et,  à  son  retour  à 
Venise,  il  se  trouva  tellement  recherché,  que,  malgré  sa 
prodigieuse  facilité,  il  pouvait  à  peine  suffire  aux  travaux 
publics  ou  particuliers  qu'on  lui  demandait  de  toutes  parts. 
Le  sénat  le  créa  bientôt  chevalier  de  Saint-Marc,  et  il  était 
au  comble  de  la  gloire,  lorsque  ayant  suivi  une  procession 
dans  un  jour  très-chaud,  il  contracta  une  maladie  dont  il 
mourut  à  l'âge  de  cinquante-six  ans.  Paul  Véronèse  a  plus 
d'imagination  que  de  sentiment.  Il  émeut  rarement  par 
l'expression,  mais  il  éblouit  par  la  magnificence  de  ses  con- 
ceptions. Son  dessin,  toujours  correct,  est  plein  de  noblesse 
et  de  grandeur,  et  sa  couleur  a  un  éclat  sans  égal.  C'est  le 
grand  décorateur  de  l'Ecole  vénitienne  et  le  seul  maître  qui 
ait  possédé  l'art  de  représenter,  sans  confusion  ni  sacrifice 
apparent,  de  nombreuses  figures  enveloppées  d'une  atmo- 
sphère également  lumineuse. 


LE    CHRIST    MORT. 

PI.  96. 

(Hauteur  lm,30  cent.,  largeur  1  mètre.) 

Galerie  de  l'Ermitage  (Saint-Pétersbourg). 

Le  Christ,  mort,  est  soutenu  par  la  Vierge  ;  près  de  lui 
est  un  ange  qui  tient  la  main  du  Sauveur.  Ce  tableau  avait 
été  fait  pour  l'église  Saint-Jean  et  Saint-Paul,  à  Venise.  Il 
avait  été  acquis  par  Charles  Ier  d'Angleterre;  après  la  mort 


100  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

de  ce  prince,  il  passa  en  différentes  mains  et  enfin   en 

Russie.  — Gravé  par  Aug.  Carrache,  Duchange. 

JÉSUS- CHRIST   GUÉRISSANT   UNE   MALADE. 

PI.  97. 
(Hauteur  1  mètre,  largeur  lm,35  cent.) 

Galerie  de  Vienne. 

Une  femme,  affligée  depuis  douze  ans  d'une  perte  de  sang, 
s'approcha  de  Jésus-Christ  par  derrière  et  toucha  le  bord 
de  son  manteau.  Jésus  s'étant  tourné,  la  regarda  en  disant  : 
«  Ayez  confiance,  votre  foi  vous  a  sauvée»,  et  à  l'instant 
même  son  mal  cessa.  La  scène  se  passe  sur  le  perron  d'un 
escalier.  —  Gravé  par  Troyen,  Blaschker. 

NOCES   DE   CANA    (DU   LOUVRE). 

PI  .-HP. 
(Hauteur  6  »,6fi  cent.,  largeur  9m, 90  cent.) 


Le  Christ  et  la  Vierge,  la  tête  entourée  d'une  auréole, 
sont  assis  au  centre  d'une  immense  table  autour  de  laquelle 
se  pressent  les  convives  dont  un  grand  nombre  sont  des 
portraits.  Le  premier  personnage  à  gauche ,  auquel  un 
nègre  présente  une  coupe,  est  Alphonse  d'Avalos,  marquis 
de  Guast,  à  côté  duquel  sont  Éléonore  d'Autriche,  reine  de 
France,  et  François  Ie%  coiffé  d'une  façon  bizarre.  Viennent 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  101 

ensuite  Marie,  reine  d'Angleterre,  Soliman  Ier,  empereur 
des  Turcs,  Victoire  Colonna,  marquise  de  Pescaire,  qui 
tient  un  cure- dent,  et  à  l'angle  de  la  table  Charles  V,  por- 
tant la  décoration  de  la  Toison  d'or.  Les  personnages  qui 
font  de  la  musique,  au  milieu,  sont  les  artistes  les  plus 
célèbres  de  Venise  :  Paul  Véronèse  joue  de  la  viole,  ainsi 
que  le  Tintoret  placé  denrière  lui  ;  Titien  tient  une  basse, 
et  Bassan  une  flûte.  Le  personnage  debout  qui  tient  une 
coupe  est  Benedetto  Cagliari,  frère  de  Paul  Véronèse.  Ce 
célèbre  tableau,  fait  pour  le  réfectoire  du  couvent  de  Saint- 
Georges-Majeur  à  Venise,  vint  en  France  5  la  suite  des 
campagnes  d'Italie;  en  181 5,  le  gouvernement  autrichien 
consentit,  vu  la  difficulté  du  transport,  à  l'échanger  contre 
une  peinture  de  Lebrun,  et  c'est  ainsi  qu'il  est  resté  à  la 
France.  —  Gravé  par  Mitelli,  Jakson. 

NOCES   DE    CANA. 
PI.  99. 

(Hauteur  2m,35  cent.,  largeur  5n>,20  cent.) 

Galerie  de  Dresde. 

Jésus-Christ,  la  tête  environnée  d'une  auréole  de  lumière, 
îst  assis  à  une  table  somptueuse  au  milieu  de  ses  disciples, 
dans  le  costume  des  grands  seigneurs  vénitiens  du  xvi  sièc'ie; 
au  fond,  des  monuments  d'une  riche  architecture.  Ce  ta- 
bleau a  fait  partie  de  la  collection  du  duc  de  Modène,  d'où 
il  est  passé  dans  la  galerie  de  Dresde.  —  Gravé  par  Jacob. 


o. 


102  ECOLE  VÉNITIENNE 

JÉSUS   CHEZ   LÉVI. 
PI.  100. 

(Hauteur  5m,67  cent.,  largeur  13-n.65  oent.) 

Venise. 

Un  grand  repas  a  lieu  sous  les  arcades  d'un  palais. 
Jésus-Christ  est  au  milieu  :  à  travers  les  arcades,  on  aper- 
çoit divers  monuments  d'une  riche  architecture.  Ce  tableau 
fut  peint  en  1573,  pour  décorer  l'église  de  Saint- Jean  et 
Saint-Paul,  en  remplacement  d'une  cène  peinte  par  Titien, 
qui  avait  été  la  proie  des  flammes.  Le  frère  quêteur  du 
couvent,  André  Buoni,  avait  demandé  à  P.  Véronèse  d'exé- 
cuter ce  tableau  en  échange  de  ses  petites  épargnes,  et 
P.  Véronèse,  sans  s'inquiéter  de  la  modicité  du  prix,  ac- 
complit cet  immense  travail,  qui  est  une  de  ses  œuvres  les 
plus  importantes.  Ce  tableau  est  venu  à  Paris  en  1798,  et 
est  retourné  à  Venise  en  1816. 

JÉSUS   CHEZ   SIMON. 

PI.  10t. 

(Hauteur  3m,25  cent.,  largeur  4m,55  cent.) 

Gènes  (Palais  Durazzo"). 

Le  repas  a  lieu  près  d'un  portique  d'ordre  corinthien. 
La  pécheresse  verse  des  parfums  sur  les  pieds  du  Christ 
placé  au  coin  du  tableau,  et  répondant  à  ses  disciples  qui 
semblent  le  questionner.  —  Gravé  par  Volpalo. 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  103 

SUZANNE    AU    BAIN. 

PI.  102. 
(Hauteur  lm,75  cent.,  largeur  2na,10  cent.) 

Musée  de  Madrid. 

Suzanne  cherche  à  s'envelopper  dans  une  draperie  de 
soie  blanche  brochée  d'or,  tandis  qu'elle  est  obsédée  par 
les  deux  vieillards.  Au  fond  du  tableau  on  aperçoit  un  palais. 
*—  Lithographie  par  P.  Guglielmi. 

JUPITER    ET   LÉDA. 

PI.  103. 
(Hauteur  lm,15  ceut.,  largeur  1  mètre.) 

Collection  particulière. 

Léda,  assise  sur  un  lit  entouré  de  rideaux,  reçoit  les 
caresses  de  Jupiter,  métamorphosé  en  cygne.  —  Gravé  par 
Saint-Aubin. 

PERSÉE    ET   ANDROMÈDE. 

M.  104. 

(Hauteur  3  mètres,  largeur  2m, 00  cent.) 

Andromède  est  enchaînée  a  un  rocher  et  voit  arriver  le 
monstre  marin  qui  doit  la  dévorer.  Persée  descend  d'un 


104  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

nuage  pour  combattre  le  monstre  et  délivrer  Andromède.  — 

Gravé  par  L.Jacob. 

ENLÈVEMENT    I)'eUROPE. 

PI.  105. 

(Hauteur  2m,45  cent.,  largeur  3  mètres.) 

Venise. 

Europe,  entourée  de  ses  compagnes,  est  assise  sur  le 
taureau  blanc  dont  Jupiter  a  pris  la  forme.  Les  cornes  du 
taureau  sont  ornées  de  fleurs,  et  un  Amour  paraît  vouloir 
lui  servir  de  guide,  tandis  que  d'autres  voltigent  autour 
d'Europe  en  tenant  des  couronnes.  Au  second  plan,  on  voit 
la  promenade  du  taureau,  et  au  fond  du  tableau  on  le  re- 
trouve fuyant  avec  Europe  au  milieu  de  la  mer.  —  Gravé 
par  Lefebvre. 

PALME  LE  JEUNE 

•  1544-1628. 

Jacopo  Palma,  dit  le  jeune,  petit-neveu  de  Palme  {r 
vieux,  fut  d'abord  élève  de  son  père,  peintre  peu  connu, 
et  se  forma  par  l'étude  des  maîtres  vénitiens.  Lanzi  l'ap- 
pelle le  a  dernier  peintre  de  la  bonne  époque  et  le  pre- 
mier de  la  mauvaise  ».  Le  duc  d'Urhin  le  protégea  et 
l'envoya  à  Rome,  où  il  demeura  huit  ans.  Revenu  à  Venise, 
il  se  lia  avec  Vittoria,  architecte  et  sculpteur  très-accrédité, 
qui  lui  fit  avoir  de  nombreux  travaux  aux  dépens  de  Tintoret 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  105 

et  de  Paul  Véronèse.  Ses  tableaux  très-nombreux  et  souvent 
faits  trop  à  la  liâte,  trahissent,  dans  le  style,  ce  maniérisme 
qui  devenait  alors  le  caractère  dominant  de  la  peinture  en 
Italie. 

SAINT    SÉBASTIEN. 

PI.  100. 

(Hautenr  40  cent.,  largeur  30  cent.) 

Le  saint,  que  les  bourreaux  sont  en  train  de  lier  à  un 
arbre,  aperçoit  l'ange  qui  descend  du  ciel  avec  une  palme 
et  une  couronne.  Au  fond,  on  voit,  d'un  côté  les  archers  de 
Ihoclétien,  de  l'autre,  des  chrétiens  qui  s'entretiennent  du 
saint  martyr.  —  Gravé  par  Gilles  Sadeler. 


JUPITER    ET    ANTIOPE. 

PI.  107. 

Jupiter,  sous  la  forme  d'un  Satyre,  lève  la  draperie  qui 
recouvre  Antiope.  L'Amour  est  endormi  à  côté  d'elle.  — 
Gravé  par  Perini. 

VÉNUS   ET   L'AMOUR. 
PI.  108. 

(Hauteur  lm,60  cent.,  largeur  lm,15  cent.) 

Galerie  de  Cassel. 

Vénus,  entièrement  nue  et  placée  devant  une  glace,  ca- 
resse l'Amour  qui  voltige  autour  de  sa  tête.  Sur  une  cas- 


106  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

sette  ciselée,  placée  au  premier  plan,  on  lit  la  signature  du 

peintre. 

VAROTARI. 

1590-1650., 

Alessandro  Varotari,  dit  le  Padouan,  reçut  de  son  père 
les  premiers  éléments  de  la  peinture,  étudia  les  ouvrages 
du  Titien  et  de  Paul  Véronèse,  et  se  créa  bientôt  une  ma- 
nière parfaitement  originale.  Bien  qu'il  ait  beaucoup  pro- 
duit, ses  tableaux  ne  se  trouvent  guère  qu'à  Padoue  et  ù 
Venise.  Clara  Varotari,  sa  sœur,  se  fit  une  grande  réputa- 
tion en  peignant  le  portrait. 

LA    FEMME   ADULTÈRE. 

PI.  109. 

(Hauteur  lni,80  cent.,  largeur  2,40  cent.) 

Vienne  (galerie  du  Belvédère). 

Les  Scribes  et  les  Pharisiens  amènent  la  femme  adultère 
devant  Jésus-Christ,  et  l'un  d'eux  montre  du  doigt  le  texte 
de  la  loi  qui  ordonne  de  la  faire  mourir.  Il  se  trouve  en 
Angleterre  une  ancienne  copie  de  ce  tableau. 


ÉCOLE  VÉNITIENNE.  107 

VÉNUS    ET    L'AMOUK. 
PI.  110. 

(Hauteur  im,20  cent.,  largeur  im,70  cent.) 

Louvre. 

Vénus,  couchée  sur  un  lit  de  repos,  joue  avec  l'Amour. 
Ce  tableau,  où  les  figures  sont  de  grandeur  naturelle,  a  fait 
partie  de  la  galerie  de  Lucien  Bonaparte,  et  ne  vint  au 
Louvre  qu'en  1829.  —  Gravé  par  Folo. 

TURCO  (ALEXANDRE). 

1582-1648. 

Alessandro  Turcbi ,  ou  Turco ,  est  surnommé  tantôt 
Alexandre  Véronèse,  à  cause  de  sa  ville  natale,  tantôt 
VOrbclto,  parce  que,  dans  son  enfance,  il  avait  servi  de 
guide  à  son  père  aveugle.  11  fit  ses  premières  études  avec 
Ricci,  vint  ensuite  à  Venise,  puis  à  Rome,  où  il  se  rangea 
parmi  les  imitateurs  des  Carrache,  et  travailla  en  concur- 
rence avec  Pierre  de  Cortone  :  ce  maître,  dont  l'exécution 
pleine  de  charme  annonce  pourtant  la  décadence  où  était 
tombée  la  peinture  au  xvnc  siècle,  a  été  fort  apprécié  de 
son  vivant,  et  on  l'a  même  comparé  à  Annibal  Carrache^ 


108  ÉCOLE  VÉNITIENNE. 

LE  DÉLUGE. 
PL  lit. 

(Hauteur  74  cent.,  largeur  96  cent.) 

Musée  du  Louvre. 

Les  habitants  de  la  terre  cherchent  un  refuge  sur  les  hau- 
teurs. Un  homme,  au  premier  plan,  fait  entrer  sous  une 
tente  sa  femme  et  son  enfant,  d'autres  s'accrochent  aux 
branches  d'un  arbre.  Au  fond ,  on  aperçoit  l'arche  qui 
Hotte  sur  les  eaux.  —  Gravé  par  Edelinck. 

MORT    DADOINLS. 

l'I.  1  11. 

(Hauteur  3m;2o  cdot  ,  largeur  4  mètres.) 

Musée  de  Dresde. 

Vénus  soutient  Adonis  mourant  ;  derrière  eux,  l'Amour 
regarde  la  scène.  — Gravé  par  Beauvarlet. 


T  ,  1 


P  .Vil 


ANTOINE  ALLEGRI  dit  LE  CORREGE. 

ANTONIO  ALLEGEI  DETTO  IL  CORREGGIC. 
ANTONIO  ALLEGRI.  luumdo  EL  CORKEJIO. 


ÉCOLE  DE  PARME.  109 


ÉCOLE  DE  PARME. 


La  classification  des  peintres  par  écoles  est  toujours  un 
peu  arbitraire.  On  entend  par  école  une  succession  d'ar- 
tistes se  transmettant  les  uns  aux  autres  un  enseignement 
et  une  suite  de  principes  qui  donnent  à  leurs  ouvrages  un 
lien  et  une  sorte  de  parenté.  Il  n'y  a,  en  réalité  en  Italie, 
que  trois  écoles  :  l'école  Florentine,  l'école  Vénitienne  et 
l'école  Romaine,  car  l'école  Bolonaise  représente  une  fusion 
de  principes  plutôt  qu'un  caractère  propre.  Pourtant  d'autres 
villes  ont  fourni  des  groupes  d'artistes  éminents  qui  se  sont 
tenus  en  dehors  des  centres  principaux  et  occupent  dans 
l'histoire  de  l'art  une  place  très-importante.  Parme  est  de 
ce  nombre  :  le  Corrége  a  une  originalité  si  tranchée  qu'il 
est  impossible  de  le  rattacher  à  un  des  trois  grands  rameaux 
de  l'art  italien.  Son  caractère  propre  est  la  grâce,  et  il  est 
aussi  éloigné  de  la  fierté  de  dessin  de  l'école  Florentine  que 
du  coloris  éclatant  de  l'école  Vénitienne.  Le  Parmesan  a 
marché  dans  une  voie  qui  a  quelque  analogie  avec  la  ma- 
nière du  Corrége  ;  ces  deux  maîtres  constituent  donc  à  eux 
seuls  ce  qu'on  a  appelé  l'école  de  Parme. 

CORRÉGE. 

Pl.  VII. 

U94-1534. 

Antoine  Allegri,  surnommé  le  Corrége,  du  nom  de  sa  ville 
natale,  est  un  des  artistes  sur  la  biographie  desquels  on  a  le 

i.  —  7 


110  ÉCOLE  DE  PARME, 

moins  de  renseignements.  On  en  est  réduit  à  de  simples 
conjectures  sur  ses  premières  études ,   et  le  nom  de  son 
maître  est  demeuré  inconnu.  Mais  il  faut  croire  que  ses  pro- 
grès furent  rapides,  puisqu'à  vingt  ans  il  jouissait  déjà  d'une 
réputation  assez  grande  pour  que  les  religieux  du  couvent  de 
Saint-François  lui  confiassent  l'exécution  du  tableau  destiné 
à  orner  le  maître-autel  de  leur  église.  En  1 520,  il  entreprit 
de  peindre,  dans  la  coupole  de  Saint-Jean  des  bénédictins 
de  Parme,  l'assomption  du  Christ,  et  acheva  son  travail  en 
1524.  Mais  son  œuvre  capitale  fut  la  décoration  du  dôme  de  la 
cathédrale  de  Parme,  qui  fut  terminée  en  1 530  et  qui  repré- 
sente l'assomption  de  la  Vierge.  Dans  cet  immense  travail, 
le  peintre  a  représenté  les  Apôtres  et  les  bienheureux,  et 
une  multitude  d'anges  de  diverse  grandeur,  les  uns  soute- 
nant et  accompagnant  la  Vierge,  d'autres  chantant  et  jouant 
des  instruments,  d'autres  enfin  tenant  des  flambeaux  et  des 
cassolettes  sur  lesquelles  brûlent  des  parfums.  Cette  fresque 
a  été  gravée  en  dix-neuf  planches  par  Jean-Baptisle  Vanni, 
à  Florence,  1642:  elle  avait  été  payée  à  Corrége  une  somme 
équivalente  à   4200   francs.  Les  caractères  distinctifs  du 
Corrége  sont  la  grâce,   une  grande  intelligence  du  clair- 
obscur   et  un  coloris  inimitable.  L'audace  des  raccourcis 
donne  à  son  dessin  un  caractère  particulier;  il  est  le  pre- 
mier artiste  qui  osa  faire  des  ligures  vues  de  bas  en  haut, 
écueil  que  Raphaël  évita.  Vasari  rapporte  que,  pauvre  et 
chargé  de  famille,  Corrége  mourut  pour   s'être  fatigué  à 
porter  de  Parme  à  Corregio  une  somme  de  60  écus  qu'on 
lui  aurait  payée  en  monnaie  de   cuivre.    Cette  anecdote, 
accréditée  pendant  longtemps,   est  aujourd'hui  tout  à  fait 
abandonnée  par  la  critique,  et  les  biens  laissés  par  le  père 
de  l'artiste,  mort  après  lui,  sont  loin  de  confirmer  les  récits 
qu'on  a  fails  sur  sa  pauvreté.  Il  est  certain,  néanmoins,  que 


ÉCOLE  DE  PARME.  I  |  | 

Gorrége  fut  loin  d'avoir  pendant  sa  vie  une  position   bril- 
lante comme  celle  de  Raphaël  et  de  Titien. 

LA    VIERGE    ET    l/ENFANT    JÉSUS. 

PI.  113. 
(Hauteur  52  cent.,  largeur  40  cent.) 

fc       ,Musée  de  Naples  (plusieurs  répétitions  avec  variantes/ . 

La  Vierge,  assise  dans  le  bois,  tient  l'enfant  Jésus  enlie 
ses  bras.  Des  anges  descendent  du  ciel  au-dessus  de  sa  tête. 
Ce  tableau  est  connu  à  Naples  sous  le  nom  de  la  Zingarella. 
—  Gravé  par  Rossi,  Porporati. 

SAINTE   FAMILLE. 

PI.  114. 
DITE   LA    VIERGE    AU    RABOTEUR    OU    VIERGE   AU    PANIER. 

Petit  tableau  conservé  sous  glace,  musée  de  Londres. 

(Hauteur  31  centimètres,  largeur  27  centimètres.) 

La  Vierge,  assise,  tient  sur  ses  genoux  l'enfant  Jésus. 
La  figure  de  saint  Joseph  qu'on  aperçoit  dans  le  fond  lui  a 
fait  donner  le  nom  de  Vierge  au  raboteur  ;  on  l'appelle  aussi 
Vierge  au  panier,  à  cause  du  panier  qu'on  voit  sur  le  pre- 
mier plan.  — Gravé  par  Faccioli. 

LA    VIERGE,    L'ENFANT   JÉSUS    ET   PLUSIEURS   SAINTS. 

Pi.  115. 

(Hauteur  3m, 30  cent.,  largeur  2m,  15  cent.) 

Galerie  de  Dresde. 
i.a  Vierge,  assise  sur  une  estrade  au  fond  du  tableau, 


112  ÉCOLE  DE  PARME, 

tient  sur  ses  genoux  l'enfant  Jésus  ;  à  droite  sont  saint  Jean- 
Baptiste  et  saint  Geminien,  patron  de  Modène;  à  gauche 
saint  Pierre  le  Dominiquin,  et  saint  Georges  posant  son 
pied  sur  la  tête  du  monstre  qu'il  a  vaincu.  Près  de  lui,  des 
enfants  jouent  avec  son  casque  et  son  épée.  Ce  tableau, 
peint  pour  la  confrérie  de  Saint-Pierre  à  Modène,  fut  acquis 
depuis  par  le  duc  de  Modène,  et  passa  ensuite  dans  la  galerie 
de  Dresde.  —  Gravé  par  Bertelli,  Giovanini,  Beauvais. 

NATIVITÉ. 

DITE  LA  NUIT   DU    CORRÉGE. 

PI.   116. 

(Hauteur  3  mètres,  largeur  2m,15  cent.) 

Galerie  de  Dresde. 

La  naissance  de  Jésus-Christ  eut  lieu  la  nuit  dans  une 
étable.  Le  Corrége  a  représenté  l'enfant  resplendissant  de 
lumière  et  répandant  son  éclat  non-seulement  sur  les  per- 
sonnages de  la  sainte  famille,  mais  encore  sur  les  anges 
descendus  du  ciel  pour  fêter  la  venue  du  Sauveur.  Ce  célèbre 
tableau,  peint  sur  bois,  avait  été  destiné  à  orner  un  autel 
dans  l'église  de  Saint-Prosper  de  Reggio.  Il  passa  ensuite 
dans  la  galerie  des  ducs  de  ModAne,  et  de  là  dans  celle  du 
roi  de  Pologne.  Il  est  aujourd'hui  considéré  comme  l'un  des 
ouvrages  les  plus  importants  du  musée  de  Dresde.  —  Gravé 
par  Mitelli,  Surugue. 


ÉCOLE  DE  PARME  113 

SAINT   JÉRÔME. 

PI.  147. 
(Hauteur  2  mètres,  largeur  1  m, 40  cent.) 

Musée  de  Parme. 

Ce  tableau  représente  la  Vierge  et  l'enfant  Jésus  avec 
plusieurs  personnages  :  saint  Jérôme  accompagné  de  son 
lion  est  placé  au  premier  plan.  Peint  en  1524  par  ordre 
de  Briseis  Cossa,  veuve  d'Octa  e  Bergonzi,  gentilhomme 
de  Parme,  il  fut  donné  au  couvent  de  Saint-Antoine  de 
Parme,  où  il  resta  jusqu'en  1749;  à  cette  époque,  le 
roi  de  Portugal  en  ayant  fait  offrir  40  000  sequins  (plus 
de  400  000  francs),  et  l'abbé  de  Saint-Antoine  élant  dis- 
posé à  le  céder,  l'Infant  don  Philippe  le  fit  enlever  de 
l'abbaye  et  déposer  à  la  cathédrale  où  il  resta  jusqu'en 
1756  :  il  fut  alors  placé  à  l'Académie  de  peinture.  En  1798, 
le  duc  de  Parme  fit  offrir  un  million  à  Bonaparte  pour  pou- 
voir conserver  ce  chef-d'œuvre,  mais  le  général  en  chef 
refusa,  et  le  tableau  vint  à  Paris  où  il  resta  jusqu'en  1815. 
Il  avait  été  payé  au  Gorrége  47  sequins  du  temps  (environ 
522  francs),  la  nourriture  pendant  six  mois  qu'il  y  travailla, 
plus  deux  voitures  de  bois,  un  cochon  gras  et  quelques 
mesures  de  froment.  — Gravé  par  Aug.  Carrache,  Strange. 

LE   CHRIST  MORT. 

PI.  118. 
Parme. 

Le  corps  de  Jésus-Christ ,  descendu  de  la  croix ,  est 
appuyé  sur  les  genoux  de  la  Vierge,  prête  à  s'évanouir  et 


114  ÉCOLE  DE  PARME, 

soutenue  par  saint  Jean.  Aux  pieds  du  Sauveur  est  Marie- 
Madeleine,  et,  dans  le  fond,  on  voit  Joseph  d'Arimathie  qui 
descend  de  l'échelle.  Ce  tableau  a  été  peint  pour  le  couvent 
des  Bénédictins  de  Saint-Jean  à  Parme.  —  Gravé  par 
Rosaspina. 

SAINTE    MADELEINE. 

PL  119. 
(Hauteur  35  cent.,  largeur  46  cent.) 

Galerie  de  Dresde., 

Marie-Madeleine,  couchée,  dans  un  bois  et  couverte  d'une 
draperie  bleue,  a  la  tête  appuyée  sur  la  main,  et  tient  avec 
l'autre  un  livre  dans  lequel  elle  lit.  Ce  tableau,  peint  sur 
cuivre,  après  avoir  appartenu  aux  princes  de  la  maison 
d'Esté,  devint  ensuite  la  propriété  des  rois  de  Pologne,  et 
fait  maintenant  partie  du  musée  de  Dresde.  —  Gravé  par 
Daullé,  Morghen,  Niquet. 

MARIAGE   DE   SAINTE   CATHERINE. 

PI.  120. 
(Hauteur  lm,05  cent.,  largeur  lm,02  cent.) 

Louvre. 

L'enfant  Jésus,  assis  sur  les  genoux  de  la  Vierge,  passe 
un  anneau  au  doigt  de  sainte  Catherine,  derrière  laquelle 
on  voit  saint  Sébastien  debout  et  tenant  des  flèches.  Ce 
tableau,  qui  a  appartenu  au  cardinal  Barberini  et  à  Maza- 
rin,  fut  acquis  ensuite  par  Louis  XIV.  —  Gravé  par  Picart, 
Giovanni  Folo. 


ÉCOLE  DE  PARME.  115 


DANAÉ. 


Pi.  121. 

(Hauteur  lm,60  cent.,  largeur  lm,90  cent.) 

Collection  particulière. 

Danaé,  assise  sur  son  lit,  paraît  aider  l'Amour  qui  clierche 
à  étendre  la  draperie  dont  elle  est  en  partie  couverte,  aGn 
«le  recevoir  avec  plus  d'abondance  la  pluie  d'or  qui  tombe 
d'un  nuage  au-dessus  d'elle  Ce  tableau  appartint  à  la  reine 
Christine  de  Suède  :  il  fit  ensuite  partie  de  la  galerie  du 
Palais- Royal,  et  passa  de  là  en  Angleterre.  —  Gravé  par 
Duchange,  Trière. 

JUPITER   ET  LÉDA. 

PI.  122. 

(Hauteur  lm,60  cent.,  largeur  2  mètres.) 

Berlin. 

Jupiter,  sous  la  forme  d'un  eygne,  s'approche  de  Léda, 
assise  au  pied  d'un  arbre.  Ce  tableau,  après  avoir  appartenu 
à  la  reine  Chriatine  de  Suède,  et  être  retourné  en  Italie, 
fut  acheté  par  le  duc  d'Orléans ,  régent.  Le  fils  de  ce 
prince,  dont  la  dévotion  était  extrême,  coupa  la  têle  de 
Léda  et  mutila  le  tableau  en  plusieurs  endroits.  Ce  fut  dans 
cet  état  qu'il  fut  acquis  par  Frédéric  le  Grand,  après  toute- 
fois que  Coypel  eût  restauré  les  parties  endommagées  et 
repeint  la  tête  qui  manquait.  —  Gravé  par  Duchange. 


116  ÉCOLE  DE  PARME. 

VÉNUS   ET   L'AMOUR. 

PI.  123. 

(Hauteur  48  cent.,  largeur  30  cent.) 

Collection  particulière. 

Vénus,  assise  et  vue  de  dos,  est  occupée  à  mettre  un 
bandeau  sur  les  yeux  de  l'Amour. 

VÉNUS   ET  L'AMOUR. 

PI.  124. 
Collection  particulière. 

Vénus,  assise,  embrasse  l'Amour  qu'elle  tient  dans  ses 
bras. 

VÉNUS   ET   L'AMOUR. 

PI.  125. 

(Hauteur  40  cent.,  largeur  lm,30  cent.) 

Collection  particulière. 

Vénus,  couchée  sur  un  lit,  cherche  à  désarmer  l'Amour, 
tout  en  jouant  avec  lui. 

ENLÈVEMENT    DE   GANYMÈDE. 

PI.  120. 
(Hauteur  lm,65  cent  ,  largeur  72  cent.) 

Galerie  de  Vienne. 

Jupiter,  sous  la  forme  d'un  aigle,   enlève  Ganymède. 
Au  bas  du  tableau,  on  voit  le  chien  avec  lequel  le  jeune 


ÉCOLE  DE  PARME.  117 

berger  gardait  son  troupeau  ;  ses  aboiements  semblent  ex- 
primer les  regrets  que  lui  fait  éprouver  la  perte  de  son 
maître.  — Gravé  parStecn,  Eisner. 

VÉNUS  ET   UN  SATYRE. 

PI.  127. 

(Hauteur  lm,90  cent.,  largeur  lm,24  cent.) 

Au  Louvre  (sous  le  titre  de  Sommeil  cTAntiope). 

Au  milieu  d'un  paysage,  un  Satyre  soulève  la  draperie 
qui  recouvre  Vénus,  près  de  laquelle  est  l'Amour  endormi 
sur  une  peau  de  lion.  Ce  tableau,  qu'on  désigne  tantôt  sous 
celui  de  Vénus  endormie ,  tantôt  sous  celui  de  sommeil 
d'Antiope,  faisait  partie  de  la  galerie  des  ducs  de  Mantoue, 
d'où  il  est  passé  dans  celle  de  Charles  Ier,  roi  d'Angleterre. 
Il  appartint  ensuite  au  banquier  Jabach,  puis  à  Mazarin,  et 
enfin  à  Louis  XIV.  —  Gravé  par  Basan,  Gaudefroy. 

JUPITER   ET    10. 

I'I.  128. 
(Hauteur  lm, 40  cent.,  largeur  85  cent.) 

Berlin. 

Jupiter  rencontra  Io  lorsqu'elle  sortait  de  chez  son  père, 
le  fleuve  Inachus.  Il  voulut  l'entraîner  dans  la  forêt  voisine, 
mais  elle  s'enfuit  avec  précipitation  :  Jupiter  alors  couvrit 
la  terre  d'un  nuage  épais  qui  remplit  d'obscurité  les  lieux 
où  se  trouvait  la  nymphe,  et  par  ce  moyen  parvint  à  se 
rapprocher  d'elle.  Ce  tableau,  après  avoir  appartenu  à  la 
reine  Christine,  passa  dans  la  galerie  du  Palais-Royal,  fut 

7. 


118  ÉCOLE  DE  PARME, 

donné  an  peintre  Coypel  par  le  duc  d'Orléans,  fils  du 
régent,  et  devint  ensuite  la  propriété  du  grand  Frédéric 
qui  le  plaça  à  Sans  Souci.  Il  en  existe  plusieurs  répétitions. 
—  Gravé  par  Desroches  et  Bartolozzi. 

PARMESAN. 

Pi..  VIII. 

1503-1540. 

Francesco  Mazzuoli,  dit  le  Parmesan,  du  nom  de  sa  ville 
natale,  perdit  son  père  de  bonne  heure,  et  travailla  sous  la 
direction  de  ses  oncles  qui  étaient  peintres.  Il  étudia  surtout 
le  Corrége  et  en  reçut  quelques  conseils.  Étant  venu  à  Rome, 
Je  pape  Clément  VII  le  chargea  de  travaux  considérables. 
Après  le  sac  de  Rome  par  le  connétable  de  Bourbon,  il 
s'enfuit  à  Bologne  et  ensuite  à  Parme  où  il  exécuta  de  nom- 
breuses peintures.  Comme  il  ne  se  pressait  pas  assez  de 
ter.niner  celles  qu'il  avait  commencées  pour  l'église  de  la 
Steccata,  il  fut  incarcéré  sur  la  requête  des  religieux  Après 
sa  sortie  de  prison,  il  s'enfuit  à  Casalmaggiore,  où  il  mourut 
dans  un  état  voisin  de  la  misère.  Le  Parmesan  est  le  pre- 
mier peintre  itatien  qui  ait  gravé  à  l'eau-forte. 

LA    VIERGE    ET    l' ENFANT   JÉSUS 
AVEC   SAINTE    MARGUERITE    ET    AUTRES    SAINTS. 

PI.  129. 
(Hauteur  2m, 20  cent.,  largeur  lm,45  cent.) 

Bologne. 
L'enfant  Jésus,  placé  sur  les  genoux  de  la  Vierge,  est 


T   .    1 


P  .VIII 


FRANÇOIS    MAZZUOLI  DIT  PARMESAN. 

FKAWCMCO  MAZZUOLI.  DITTO,  IL  RMUCIOLAmHO. 
FRANCISCO  MAZZUOLI .  LLAMADO  BL  PARMESANO 


1 


ÉCOLE  DE  PARMI  .  119 

adoré  par  sainte  Marguerite  ,  reconnaissable  au  monstre 
placé  près  d'elle.  Saint  Jérôme  tenant  un  crucifix,  un  autre 
saint,  coiffé  de  la  mitre,  qu'on  croit  être  saint  Benoît  ou 
saint  Augustin,  et  un  ange  placé  derrière  la  Vierge,  adorent 
aussi  l'Enfant  Dieu.  — Gravé  par  Bonasone,  Traballessi, 


MARIAGE   DE    SAINTE   CATHERINE. 

PI.  130. 

(Hauteur  G5  cent.,  largeur  56  cent.) 

Angleterre  (collection  particulière). 

Sainte  Catherine,  une  main  placée  sur  la  roue,  tend 
l'autre  à  l'enfant  Jésus  assis  sur  les  genoux  de  sa  mère. 
Dans  un  coin  du  tableau  est  placée,  d'une  façon  assez 
malheureuse,  la  tête  de  saint  Joseph  dont  le  corps  se  trouve 
hors  du  tableau.  —  Gravé  par  Bonasone,  Tinti,  Agard. 

MOÏSE. 

PI.  131. 
Rome. 

Moïse  étant  descendu  de  la  montagne ,  aperçut  les 
Israélites  qui  adoraient  le  veau  d'or,  et  ayant  jeté  les  tables 
de  la  loi  qu'il  tenait  entre  ses  mains,  les  brisa  au  pied  de 
la  montagne.  —  Gravé  par  Volpato. 


120  ÉCOLE  DE  PARME. 

L  AMOUR   TAILLANT   SON   ARC. 

PI.  132. 

(hauteur  lm,40  cent.,  largeur  68  cent.) 

Galerie  de  Vienne. 

L'Amour,  debout  et  vu  de  dos,  est  occupé  à  tailler  son 
arc  ;  son  pied  est  posé  sur  deux  livres  dont  l'un  est  ouvert. 
Plus  loin,  un  autre  Amour  tient  embrassée  une  petite  fille 
qui  pleure.  —  Gravé  par  Bartolozzi,  Van  den  Steen. 


FIN  DU   TOME   PREMIER. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


PEINTURE  ANTIQUE. 

Planches,  pu  ça* 

Noce  aldobrandine 1           4 

Marchande  d'amours] 2           4 

Silène  et  Bacchus  enfant 3           5 

LA  RENAISSANCE   ITALIENNE 

ÉCOLE   FLORENTINE 14 

ClMABOÉ 17 

La  Vierge  et  l'enfant  Jésus    4         18 

Giotto  (di  Bondone) 19 

Saint-Pierre  marchant  sur   les  eaux  (la 

Navicella) 5         20 

BUFFAMALCO 20 

Construction  de  l'arche 6         21 

Fra  Giovanni  da  Fiesole  (dit  Angelico) 21 

Judas  recevant  le  prix  de  sa  trahison. .  .  7         22 

Masaccto 22 

Martyre  de  saint  Pierre 8         23 

Saint  Pierre  et  saint  Paul  resssuscitant 

un  enfant 9         23 

Boticelli 24 

La  Calomnie 10         24 

Ghirlandajo  (Domenico).   25 

Nativité  de  la  Vierge 11         25 

Léonard  de  Vinci  (portrait),  I 26 

La  Vierge,  l'enfant  Jésus  et  sainte  Anne.  12         29 

Sainte  Famille 13         30 

La  Vierge,  l'enfant  Jésus  et  deux  saintes  14         30 

La  Cène 15         30 

Salomé,  fille  d'Hérodiade 16         31 


122  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Plancbes.  Pages 

Fra  Bartolommeo 32 

Présentation  de  Jésus- Christ  au  temple  .17  33 

La  Vierge  et  l'enfant  Jésus 18  33 

Saint  Marc 19  33 

Michel-Ange  (portrait),  II 34 

Sainte  Famille 20  37 

Saint  Jean-Baptiste 21  37 

Les  trois  Parques 22  37 

Les  Vices  assiégeant  la  Vertu 23  38 

Florentins  attaqués  par  les  Pisans 24  38 

Chapelle  Sixline 39 

Dieu  animant  l'homme 25  42 

Création  d'Eve 26  42 

Adam  et  Eve 27  42 

Jugement  dernier 28  43 

RlDOLFO   GHIRLANDAJO 44 

Saint  Zanobe  ressuscitant  un  enfant. ...  29  45 

Andréa  del  Sarto  (portrait),  NI 45 

Sainte  Famille  (au  chariot) 30  46 

Sainte  Famille  (avec  deux  anges) 31  47 

Sainte  Famille  (la  Vierge  au  sac) 32  47 

Sainte  Famille 33  47 

Jésus-Christ  au  tombeau  (avec  saint  Pierre 

et  saint  Paul) 34  48 

Le  Christ  mort 35  48 

Sacrifice  d'Abraham 36  49 

La  charité 37  49 

Mort  de  Lucrèce 38  50 

Primatice 50 

L'amour  inspirant  Boccace 39  51 

Sainte    Adélaïde    demandant   justice  ,à 

Othon  Ier 40  51 

Daniel  de  Volterre 52 

Descente  de  croix 41  53 

David  tuant  Goliath 42  et  43  53 


TABLE  DES  MATIÈRES.  123 
Planches.  Pages 

Vasari 54 

La  Cène  du  pape  saint  Grégoire 44         55 

NlCCOLO   DELL'  ABBATE 55 

Enlèvement  de  Proserpine 45         56 

Cigoli 56 

Sainte  Marie-Madeleine 46         57 

Allori  (Cristofano) 57 

Judith 47         57 

Suzanne  au  bain 48         58 

L'amour  désarmé 49         58 

Manozzi 59 

Arlotto  et  des  chasseurs 50        59 

Furini  (Francesco) 60 

Sainte  Madeleine 51         60 

Dolci  (Carlo) 61 

La  Vierge  et  l'enfant  Jésus 52         61 

ÉCOLE  VÉNITIENNE 62 

Jean  Bellini 71 

Jésus-Christ  à  Emmaiis 53         72 

Mantegna 72 

Le  Parnasse 54         73 

Ciorgion 73 

Moïse  sauvé  des  eaux 55         74 

Titien  (portrait),  IV 74 

La  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus  adoré  par 

plusieurs  saints 56         76 

Jésus-Christ  porté  au  tombeau 57         76 

Jésus-Christ  couronné  d'épines 58         77 

Jésus-Christ  présenté  au  peuple 59         77 

Martyre  de  saint  Pierre  le  dominicain.    .  60        78 

Martyre  de  saint  Laurent 61          79 

Vénus  anadyomène 62         79 

Vénus  couchée 63         80 

Vénus  et  Adonis. 64         80 


124  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Planches.  Pages 

Vénus  bande  les  yeux  de  l'Amour  ....     65  80 

Vénus  se  mirant 66  81 

Diane  et  Calisto 67  81 

Diane  et  Actéon 68  82 

Jupiter  et  Antiope 69  82 

Danaé 70  82 

Amours  des  Dieux 83 

Mars  et  Vénus 71  83 

L'Amour  et  Psyché .  .    72  83 

Vulcain  et  Cérès 73  84 

Hercule  et  Déjanire 74  84 

Apollon  et  Daphné 75  84 

Jupiter  et  Junon 76  85 

Neptune  et  Amphitrite 77  85 

Bacchus  et  Ariadne 78  85 

Pluton  et  Proserpine , 79  85 

Portraits * 

Charles  Quint 80  86 

L'empereur  Charles  V 81  86 

Philippe  II  et  sa  maîtresse 82  87 

Alphonse  d'Avalos  et  sa  maîtresse 83  87 

Titien  et  sa  maîtresse 84  88 

Palme  le  vieux 88 

Vénus  et  l'Amour 85  .  89 

PORDENONE 89 

Sainte  Justine 86  90 

SÉBASTIEN  DEL    PlOMBO 90 

Résurrection  de  Lazare 87  91 

Bordone 92 

L'anneau  de  saint  Marc 88  92 

BASSAN 93 

La  moisson 89  94 

Tintoret  (portrait),  V 94 

Noces  de  Cana 90  95 

La  femme  adultère 91  95 


TABLE  DES  MATIE!  125 

Planche.   Papes 

Sainl  Marc  délivre  un  esclave 92  96 

Junon  allaitant  Hercule 93  96 

Jupiter  et  Léda 94  97 

Muziano 97 

Le  lavement  des  pied» 95  98 

Véronèse  (Paul)  (portrait),  VI 98 

Le  Christ  mort • 96  99 

Jésus-Christ  guérissant  une  malade.  ...     97  100 

Noces  de  Cana  (du  Louvre) 98  100 

Noces  de  Cana 99  101 

Jésus  chez  Lévi 100  102 

Jésus  chez  Simon 101  102 

Suzanne  au  bain 102  103 

Jupiter  et  Léda 103  103 

Persée  et  Andromède 104  103 

Enlèvement  d'Europe 105  104 

Palme  le  jeune 104 

Saint  Sébastien 106  105 

Jupiter  et  Antiope 107  105 

Vénus  et  l'Amour 108  105 

Varotari 106 

La  femme  adultère 109  106 

Vénus  et  l'Amour 110  107 

Turco  (Alexandre) 107 

Le  déluge 111  108 

Mort  d'Adonis 112  108 

ÉCOLE   DE   PARME 109 

Corrége  (portrait),  VII 109 

La  Vierge  et  l'enfant  Jésus 113  111 

Sainte  Famille  (dite  la  Vierge  au  Rabo- 
teur ou  Vierge  au  panier) 114  111 

La  Vierge,  l'enfant  Jésus  et  plusieurs 

saints 115  111 

Nativité  (dite  la  Nuit  du  Corrége) 116  112 


126  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Planches.  Pages 

Saint  Jérôme 117  113 

Le  Christ  mort 118  113 

Sainte  Madeleine 119  114 

Mariage  de  sainte  Catherine 120  114 

Danaé 121  115 

Jupiter  et  Léda 122  115 

Vénus  et  l'Amour.  , 123  116 

Vénus  et  l'Amour 124  116 

Vénus  et  l'Amour .  125  116 

Enlèvement  de  Ganymède 126  116 

Vénus  et  un  satyre 127  117 

Jupiter  et  Io 128  117 

Parmesan  (portrait),  VIII 118 

La  Vierge  et  l'enfant  Jésus,  avec  sainte 

Marguerite  et  autres  saints 129  118 

Mariage  de  sainte  Catherine 130  119 

Moïse 131  119 

L'Amour  taillant  son  arc 132  120 


FIN   DE   LA   TABLE   DU    TOME   PREMIER. 


Taris.  —  Imprimerie  de  E.  Martinet,  rue  Mignon,  2. 


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S™  FAMILLE 

SACRA  rAMIGUA 


LA  VIERGE,  L  ENFANT  JESUS  ET  DEUX  SAINTES 


I.AVKltOUfE.   II.  BAMBIH  OUV  K  UUl   1ANTR  . 


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SALOME  FILLE  D'HEROIMADE. 

SAI.Oint  KICI  Il'OLA  HT.HODIAi)», 


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P.  16 


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LA  VIERGE   ET    1."  KNJ-ANT  JESU! 

LA  VEROini  K  IL  BAM1MNO  G«SO 
LA  npor.N  Y  ML  WD40  JMOS. 


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ST  MARC 

SAN  MARCO. 


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S™  FAMILLE. 
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LA  SACKA  TAK1UA. 


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I.F.S  TROIS   PAR' 

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CEMENT    DERNIER 
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SAN  Z  ' 


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SAINTE    FAMILLE 

MTR  A  FAMIOUA 
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André   ém 


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CRMTO  Al.   srPOICRO 
J.  CW»TO  KM  EL  «BfULCHO 


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MCE    D'ABRAHAM 


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MORT  DE  LUCRECE 

MORTR  W  I.HMIH 
MUEKTE  PJ!  J.LTRErlA. 


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ADELAÏDE    DEMANDE    JUSTICE  A   OTHON    !« 

àOKUJDr.  IMPUMA  GIOSTTHA  lu  OTTOWt  I* 


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Danui  Je  nittrre  f> 


MMMMÈMMl  DBU  okocB 


LA   CENE     PAR    ST  GREGOIRE 


LACBNAPl    S.  OKCOOIIIO 


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P.    46 


S™  MARIE    MADE! 

S*  MARIA  MADAI.ERA 
3TA.  MARIA  MAI)  A  LENA 


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P      ¥2 


C.  Alton  /». 


JUDITH. 

OIIU'ITTA. 


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CJt.^Bari  *»  UBrvrum  . 


SUSANNE    AU    BAIN 

M-  3AKNA  AL  BAONO 
SUHAMA  EH  KL  BAN') 


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P  .    51 


S™  MADELEINE 

S*  MADDAl.ENA 
SANTA  KADALENA 


LA  VIERGE    ET    L  ENFANT  JESUS 

LA  VERCUTF.  E  n.  BAMBIN  GF.SV 


T   .    1 


P.    56 


Tuun  pour 


LA  VIERGE  TENANT  EENFANT  JESUS  ADORE  PAR  PLUSIEURS  SAINTS. 

LA  VEROINE   CHK  REOOB  It.   BAMBIN  OCSÙ  ADORATO  DA  MOLTt  «ANTf . 
LA  TTROEH  EOS'ICNir.mxj  AL  IfMO  JT-8'JS  ADO  «AI»  POB  KUCE08  StSTO3 


UNE  I)  EPINES 

•         H!  5PINK 


T  .   1 


P  .  60 


MARTYRE  DE  Sf  PIERRE  LE  lx~>Mi 

MARTIHIO  Dl  SAM  PIET'i 


T.  1 


P  .  6i 


MARTYI 

MARTIIMO  H  *  LORSKXO 


vkscrx  AnoortA 

VIN' 


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P.  66 


VENUS   SE    MIRANT. 

VT.NERF.  CHF.  SI   SPBCCHIA. 

VHÎDO  VT  KAN'JOSE  AI.  XSE-EJO 


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T  ,    1 


P  .  11 


MARS  ET  VENUS 

MA*TT  E  VKKKRB. 


T  .  1 


r/ AMOUR  ET   PSYCHE 
amu««  p.  r*tcnt . 


T  .  1 


P.  13 


VULCAIN  ET  CERES 
VULCANO  B  I 


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P  .  1* 


Tùu*  jw 


HRRCULE   ET  DËJANIRE 

RRCOUt  E  DM1ANWA. 


T  ,  1 


P  .  15 


APOLLON  ET    DAPHNE. 

ATOLLO  B   DATNB, 


T  .   1 


P.  76 


JUPITER  ET  JUMON 
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P.  16 


BACCHUS  ET  ARIANB. 

BACCO  ID  AR1AKKA  . 


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P    .   19 


PLUTON    I 


T  .  1 


P. 80 


CHARLES    QUINT 

CARLO  QffDITO 


T  .  1 


P  .   81 


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P     *->, 


ALPHONSE  DAVALOS  ET  SA  MAITRESSE 

ALFONao  DAYAUM  ■  LA  «VA  BKI.LA 

ALCWIO  M  AVAIO»  Y  CD  ÇtTlHTPA 


T     1 


P   .   6<ft 


TITIEN  ET    SA  MAITRES  SK 

TITIAKO  P.  LA  »CA  &KLLA 


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T  .  1 


P   .  86 


RtxflUo  dm  Lr  Portitmone   f> 


S™  JUSTINE. 

S?^IUSTINA. 
STA    JUSTINA. 


T  .  1 


p,  ea 


Sr&(iftt/Tt    <aW  Pi/*m6r  y 


RKSURRKCTION     DB      l.A/.AKI 

MSOHRCZIONB  DB  [JtZAKO 
RKSURRECriON  1>E  J.AZAHO. 


T  .   1 


P  .   88 


!    A-.-"  Ij)  !)!  B  KABCI 


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P.  96 


LE  CHRIST  MORT. 

IL  CRISTO  MORTO 


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P  .  103 


Paul  Calian   firmese  p 


JUPITER  ET    LEDA 

GIOVE   E  I.ED4.. 
JCPITEB  YLSDA. 


T  ,  1 


P  ,  104; 


FESSEE  ET  ANDROMEDE. 


T.l  . 


P.  106. 


ST    SEBASTIEN 

SAN  SEBAST1ANO. 


T  .  1 


P  ,  107 


JUPITER  ET  ANTIOPE 

OIOVE  K  ANTIOPK 
JOTTTERT  ANnOPK. 


T   .    1 


P  .    108 


VENUS   ET    L'AMOUR. 


VRNERfc  K  IttOKI 
7INUSTELAM0R. 


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T   ,   1 


P.  115 


Au.AUyri  M.  L*G>rrèfe-  f 


LA  VIERGE    ET    L'ENFANT    JESUS 


LAVEROWE  E  IL  BAMBIN  GE3U. 
LA  YIROBN  Y  EL  NlfiO  J*SUS. 


T.  1 


P.  114 


RIT*  LA  VIERGE  AU  RABOTEUR 
SACRA  rAMTOUA.  DOTA  IA  VTROtltï  DIX  FIAMATORft 
LA  SACRA  r AMU.IA  I.LAMA1  >A  LA  V1R0E1I  BKL  ACrPILLAUOR 


T  .  1 


P.  115 


âUtfri  m  Grrngfi*  p. 

LA  VIERGE.  L'  ENFANT  JÉSUS  ET  PLUSIEURS    SAINTS. 

LA  VERCINE      IL  BAMBIN  CESÙ   T.  MOI.TI   SAN  n 
JA  VIROEN.  EL   NINO  JESDS.T  MUCBOS  SANTOO. 


T.  1 


P.   116 


P  .   117 


3A.N-  CIHOLAMO. 


P  •  120 


- 


T  ,     1 


P  .    123 


VENUS  ET  L'AMOUH. 

YESXRE  E  AMOB£ 


T.l 


P  .  12* 


Corr 


•9eP- 


VENUS  ET   L'AMOUR. 


VENERE  E  AMORE. 


Eh 


T   ,   1 


P.    126 


4RNT    DE  GANIMEDE 

RATTO   M    CANIMf.I'E. 
KAPTO   DE   OAimCBDt» 


T  .  1 


P.  127 


C  orrec/e  p 


VENUS   ET  UN    SATYRE 

VKNF.RV:  I  UN  SATIRO 


T  .  1 


P.    128 


Ant.Mlerri  j*  U  Ce/rive 


JUPITER  ET   10. 
yiovjr.  F  10. 

J1J11TXR  i  10 


T.l 


P  .129 


LA  VIERGE   ET    L  ENFANT  JÉSUS 

AVEC   S™  MARGUERITE    ET  AUTRES    SAINTS. 

ia  vf.ro:ne  ■  11.  «amb; 

LA  VIHGEH  T  EL  NEHO  JESUS. 


T  ,    1 


P.  130 


MARIAGE  DE  S™ CATHERINE 

SPOSALLZJ0  DI  SANTA  •  KTT.niHA 


T  .  1 


P.  131 


T  ,  1 


P  .132 


Fr  MsMtvh  f. 


L'AMOUR  TAILLANT  SON  ARC 

L'  AMORE  SI  FA  IL  SUO  ARCO. 


6  S  *- 


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3 

N 
7510 

1872 
v.l 


Réveil,  Etienne  Achille 

Musée  de  peinture  et  de 
sculpture 


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