s i-j lire année. N" 3 Novembre 1904
Le Semeur ^s&s ))
A L'ŒUVRE
L'Association catholique de la Jeunesse canadienne-fran-
çaise entre dans une phase nouvelle.
Aux tracas du début, aux enthousiastes élans de la pre-
mière heure de vie, succède la période difficile où il faut faire
produire à l'œuvre ce pour quoi elle est née.
Du printemps 1902 à ces deraiers mois, ses directeurs se
préoccupèrent surtout de l'organisation générale et, eu parti-
culier, de la rédaction de leur programme. Ils y firent adhérer
bon nombre déjeunes hommes qui étudient en cette province.
Au mois de juin 1904-, ils invitèrent tous les membres de
l'Association à se réunir en congrès à Montréal, à venir mieux
connaître le drapeau sous les plis duquel on les voulait faire
marcher, l'nanime et empressée fut la réponse. Éclatante a
été la manifestation.
En nos jours, où ces sortes de réunions sont si fréquentes,
on ne croit plus guère à leur efficacité. Aux yeux de certaines
gens, les congrès font l'effet de ces cinquièmes roues aux(iuelles
se refusaient si énergiquement les vieux carrosses, prétendant
qu'ils en avaient bien assez de quatre pour verser. Si les congrès
ne sont pas inutiles, ils peuvent devenir dangereux, en ce sens
qu'ils sont souvent les causes de soubresauts d'enthousiasme
suivis presque toujours, hélas ! d'indifférence et de sommeil.
— SS-
II n'en saurait être ainsi de notre congrès de 1904. Incident
heureux et parfaitement réussi de l'existence de l'Association, il
n'aura point pour conséquence de tuer notre ardeur. Je vous
le promets, moi cjui ai eu la bonne fortune de constater avec
quel ferme et généreux vouloir les congressistes du mois de
juin résolurent de maintenir le groupement de notre jeunesse
en un bataillon unique.
Sans faiblesse et sans relâche, ils vont continuer à ouvrir le
sillon d'où notre pays verra plus tard s'élever des tiges aux
éj)is pleins et dorés.
Le motif créateur de l'Association et les moyens de la rendre
])rati(|uc ne sont pas conijjlexes.
Prci)arer les jeunes gens en vue des grands devoirs de leur
vie, les unir afin que plus sûrement ils acquièrent une complète
formation morale et intellectuelle, voilà le but. Ixs membres
de l'Association sont des catholiques et des canadiens français.
Elle recevra uni(|uement ceux qui se déclarent les fervents du
catholicisme et(|ui, ])oiir le publiquement prati(pier, enré])andre
les merveilleuses influences, sont prêts à ciuckpies sacrifices. Elle
fait aj)pel aux seuls fils de notre race, aux cœurs profondément
épris de son histoire, confiants en ses destinées, soucieux de lui
assurer, sur cette terre canadienne, r.'iccom])lissement d'œuvres
utiles et fortes.
Les membresde l'.Association se recrutent sur tous lesj)oints
de cette province. Lnrs(|ue, dans une ville ou un village, ils
sont en nombre sulîisant pour former lui ]îetit novau, ils se
constituent en grou])e. A l'heure actuelle plusieurs groujjcssont
déjà établis. Chacun de ces derniers peut avoir ses statuts par-
ticuliers et, cpiant à ce tiui regarde sa vie intérieure, il a la liberté
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entière. Il va sans dire que le Comité central de l'Association
les domine tous et qu'il a pour devoir principal de s'intéresser à
leurs efforts, à leurs épreuves, à leurs succès.
Chaque groupe comprend un cercle d'études. Voici la partie
de l'organisation la plus intéressante et celle qui promet les plus
féconds résultats. Ceux qui font partie de ces cercles se donnent
pour tâche d'étudier toutes les questions relatives à notre rou-
age religieux, politique et social.
De ces considérations apparaît clairement le travail à faire :
consolider les groupes établis, faire fonctionner les cercles d'é-
tudes, en créer de nouveaux à mesure que nous enrôlerons
d'autres jeunes gens.
Pour que tout cela ne marche pas trop mal, il faudra en pre-
mier lieu secouer l'apathie des membres, les amener à porter un
intérêt réel et persévérant aux travaux des cercles. Notre race
n'étudie pas. Nous souftVons d'une grande passivité intellec-
tuelle. Sans vouloir calomnier nos camarades, nous osons
croire que les membres de l'Association ne sont pas tous exempts
de ce mal. A ceux qui dirigent ces cercles incombe le devoir
de choisir des sujets capables d'intéresser les esprits appelés à
les approfondir. A ces derniers il importe de poursuivre ces
études avec la hauteur d'intelligence, la largeur de vue dont ne
se doivent jamais départir des croyants et des citoj-ens qui
peinent pour leur pays et leur foi.
Nous disons plus haut que les membres de l'Association sont
disséminés un peu partout en cette province. Les directeurs ont
donc été contraint d'avoir un mcssag-er qui fut ca])able de cir-
culer entre les groupes, de soutenir les courages, de susciter de
nouveaux dévouements, d'être, auprès du public, l'interprète de
tous. Le Semeur aura cette importante misson. Du môme
coup, il répondra à l'un de nos devoirs, celui de propager nos
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idées et communiquer à nos compatriotes ce que nous croyons
la vraie vie du peuple canadien-français. Pour les membres
de l'Association, la nécessité du moment est donc de soutenir
cette petite revue. Qui d'entre nous ne peut contril)uer de
quelque manière à son entretien ? Qui refusera de nourrir ce
5e/newr dont la «gloire sera de jeter dans les âmes neuves de ce
pays la semence des initiatives fécondes et des virils desseins ?
Mais, l'Association étant un foyer de propagande, ce Bulle-
tin de ses faits et gestes ne suffit pas. 11 faut encore que chaque
membre paie de sa personne dans ce travail qui consiste à faire
adhérer les autres à nos idées, à nos aspirations. Que l'on nous
permette de rappeler que pour y atteindre, les actes vaudront
mieux que les paroles. Que le public sache qui nous sommes, à
regarder seulement notre manière d'êtreet d'agir, nos habitudes
de catholiques toujours correctes, notre fidélité à faire le labeur
quotidien sans mise en scène, mais sans veulerie.
Ce dernier devoir prouve que les membres de l'Association
ont sagement fait de mettre en tête de leur programme la for-
mation personnelle.
Au jugement de Berryer, trois conditions manquèrent à
son ami Alfred de Musset pour c|u'il fut un grand poète : un
saint amour, la foi, du caractère.
N'cst-il pas vrai de dire (pie ces armes sont indispensables
non seulement aux maîtres de la poésie, mais encore à (piieon-
(pieveut sur terre eflicacement lutter? Nos camarades le croient.
Aussi vont-ils travailler sans défaillance à aimer de toute l'âme
les ])rinci])es (|ui les rattachent à l'Ivglise catholique et les sou-
venirs qui les lient à la race dont ils sont les fils. Ils étudieront
pour rendre |)lus fermes leurs croyances, non jîour faire des-
cendre des brumes sur les vérités qui leur furent jadis enseignées.
Ils s'applifiueront surtout à se façonner un caractère, c'est-à-
-61
dire à faire d'eux des hommes qui n'ont point peur, des hommes
capables de demeurer fidèles à ce qu'ils croient être le vrai et le
juste.
A l'œuvre donc, mes amis. Que Jésus-Christ bénisse nos ef-
forts et donne à chacun de nous la passion des choses élevées.
Prouvons à tous par des actes que nous voulons être et que
nous travaillons à devenir la collectivité la moins oublieuse de
sa foi et de ses traditions nationales, la plus instruite, la plus
noble qui fut et qui soit en ce pays.
Antonio Perrault
LES CERCLES D'ETUDES
Qu'est-ce qu'un cercle d'études? C'est un groupement de
jeunes gens qui se livrent à des études faites en commun et ])ro-
pres à les préparer aux luttes que l'avenir leur réserve. Plus
spécialement, dans l'Association, c'est une réunion de mem-
bres s'ap])liquant de concert à l'étude des questions marquées
dans le programme de l'Association. Ce qui fait le fond de sa
méthode, c'est une note d'intimité qui bannit toute gêne et tout
formalisme encombrant, et un caractère de franchise et de sin-
cérité qui anime à la recherche de la seule et unique vérité, sans
souci des conventions et des préjugés à la mode, "ces haillons"
dans lesquels gît la vérité misérablement enfouie et méconnue.
Voici le procédé ordinaire du cercle d'études. Un membre,
choisi d'avance, donne une étude ou conférence sur un sujet pro-
posé; il cherche plutôt à exposer clairement son sujet qu'à dé-
ployer une vaine érudition ou à éblouir par son élocpience. Sa
conférence a presque toujours le caractère d'une causerie, dont
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le résultat doit être la possession de la vérité : il s'ag^it de dé-
terminer le point précis où se trouve la vérité vraie sur le point
proposé. La vérité, aussi bien que la vertu, n'est-elle ])as sou-
vent dans un milieu ? Les extrémistes n'ont pas toujous le mo-
nopole du vrai! Une discussion suit cette causerie. Tous les
membres y j)rennent part, sans éclat d'élocjuence, sans passion
oratoii-e. Ils échangent des avis, présentent des difficultés, com-
plètent ou rectifient des assertions moins sûres. C'est alors que
les nouvelles idées surgissent, que celles qu'a développées le con-
férencier font leur chemin, après l'épreuve d'un examen auquel
toutes ne résistent pas.
Vn moyen de faciliter la discussion, c'est de faire faire par
tous une étude préliminaire sur le sujet de la causerie. Certains
cercles arrivent à ce résultat en faisant apporter par leurs mem-
bres à chaque séance des notes, des renseignements, des sugges-
tions sur un sujet proposé à l'avance. Ces notes sont remises
au conférencier que le sort désigne pour traiter la matière. La
question se trouve ainsi connue de tous les menbres avant d'être
exposée en séance.
COLLA TiORATloX DH TOl/S
On devine les avantages d'une telle méthode. D'abord à
chacjue meml)re est ménagé une part active : chacun contribue
à l'organisation, à la discussion, à tous les travaux. Vovant
f|u'ils doivent prendre la parole, qu'on attend d'eux une réponse
à une objection, (|u'on compte toujours sur eux pour nourrir et
animer la discussion, les membres se résignent moins facilement
à manquer aux réunions. N'a-t-on pas ])lusde plaisir de chercher
soi-même une solution, à concourir à la vie d'une séance, qu'à
être un simple auditeur? Dans la séance du cercle, tous sont ac-
teurs, tous sont actifs : la méthode assure ce résultat, la séance
devenant une collaboration de tous les membres.
— 63 —
Ajoutez à cela les avantages immenses de la discussion. La
discussion est le meilleur moyen de fouiller une question dans
tous ses détails. Elle provoque les heurts d'idées d'où jaillira ht
lumière ; non contente de graver les idées dans les esprits, elle
ouvre des vues nouvelles, éveille les initiatives des esprits trop
craintifs et trop défiants, et comminiique aux esprits, même les
plus arides, l'âme et la vie.
Elle seule pourra retenir longtemps les jeunes à l'étude. Le
travail fait en commun les intéressant davantage, il sera plus
persévérant, plus continu que tout autre. Au reste remar-
quons bien que l'aspect sérieux des travaux n'est pas pour éloi-
gner; il attire peu à peu les jeunes, contents de rencontrer les
idées ou de les pressentir et de suivre le raisonnement qui les
amène.
MOYENS DE FONDER UN CERCLE
Venons-en tout de suite à l'organisation. D'abord retenons
bien qu'un cercle d'études ne s'improvise pas. Il est la conclu-
sion naturelle d'un travail quelquefois assez long.
Une personne seule suffit pour commencer le travail de fon-
dation. Si c'est un prêtre, tant mieux. Si c'est un laïque, son
premier soin sera d'v intéresser un prêtre, celui qui paraîtra de-
voir le mieux conduire une entreprise de ce genre. Quoi qu'il en
soit il s'agira d'abord de trouver des membres. C'est là que la
marche devra être plutôt lente. Tous ne sont pas préparés à
faire partie d'un cercle d'études, tous ne sont pas du premier
coup pénétrés de sa nécessité.
Ces premières recrues destinées à former le premier noyau
du cercle doivent être choisies et préparées avec le plus grand
soin. A cause de sa position, c'est le plus souvent au directeur
qu'il appartient de les éclairer et de faire leur "éducation ", car
il V faut une véritable éducation.
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Un tel, par exemple, a tout ce qu'il faut pour être un bon
membre, il est travailleur, instruit, pieux, mais il ne S£iit rien du
mouvement des jeunes, leurs efforts lui sont inconnus ou à peu
])rès. Alors renseignons-le. On lui procure les comjDtes rendus
de nos congrès, les statuts de l'Association ; on lui fera connaî-
tre les travaux des jeunes à l'étranger, etc.
Tel autre est un bon enfant, rempli de bonne volonté, mais
dont tout le catholicisme consiste à bien remplir ses devoirs de
piété. A celui-là le directeur redressera les idées, en l'entretenant
souvent, en lui faisant lire des choses propres à élargir ses vues.
A un autre, c'est le goût du travail qu'il faut donner, et
ainsi de suite. Au bout d'un certain temjis, le terrain est bon et
les esprits préparés à recevoir lacommunication qu'on veut leur
faire. Souvent ce sera inutile, et la nécessité d'un cercle appa-
mîtra si bien à ces jeunes (|u'eux-mêmes le proposeront. En
tout cas la proposition recevra toujours leur assentiment, parce
que toujours elle sera l'expression de leurs idées. Ainsi le cercle
aura répondu à un vrai besoin, il sera la conséquence logique
des travaux antérieurs.
l'AS d'k.mhalle.ment
Au contraire, lorscpie le cercle est fondé du jour au lende-
main, sous remj)ire d'une belle ardeur et d'un zèle irréfléchi, il
n'em])runte ])as à la conviction j)lus calme mais plus solide de
ses membres la force (pii assure son succès. Dans les premiers
temi)S le cercle vivra, puis il végétera et finalement s'éteindra
faute d'aliments. Un emballement imprudent aura compromis
l'œuvre pour bien longtem])s ])eut-êtrc, et découragé ]ilusieurs
bonnes volontés.
l)oiic, dès (pie I'.' diiveleur aura trouvé cin(| ou six membres
ainsi préparés, le cercle peut être fondé, sa base est solide et il
vivra si d'autres obstacles ne l'arrête pas.
— 65 —
Et d'abord on l'organisera, mais le plus simplement possible,
en laissant aux circonstances le soin de faire sa constitution.
Les statuts des cercles similaires pourront le guider non pas le
régir. Car la constitution d'un cercle d'études doit être pour
lui et de lui, répondant à ses vrais besoins et à sa propre
position.
PRÉCAUTIONS À PRENDRE
Je terminerai par quelques conseils pratiques... Ils sont le
fruit d'une étude spéciale des cercles d'études et de la pauvre
expérience qui m'a été donné d'acquérir sur ce sujet...
Le premier a trait à la fondation. Lorsqu'il y a déjà, dans
le lieu où l'on veut former un cercle, quelque organisme existant,
on doit savoir en profiter. Souvent un léger changement suffira
à transformer ces organismes en véritables cercles d'études.
Cela peut arriver surtout dans les collèges, dans lesquels on
n'agira jamais d'ailleurs sans l'approbation préalable des
autorités.
Le nombre des membres dépend surtout de la méthode de
travail : il serait difficile d'établir une règle fixe. Mais il devra
être tel qu'il puisse permettre à chaque membre d'avoir une part
active dans chaque séance. Avec un nombre trop restreint, on
court risque de n'avoir pas de vie ,avec un nombre trop grand,
de membres, l'intérêt diminuera. En général une quinzaine
de membres suffisent toujours ; vo^'ons ce qui est le mieux, étant
donné les circonstances.
De la sorte on évitera bien des obstacles et des difficultés.
LE RÔLE DU DIRECTEUR
Tout cercle aura pour l'aider dans tous ses travaux im di-
recteur.
— 66 —
Le directeur est la première autorité, c'est un prêtre et ce
caractère lui donne dans le cercle une autorité nouvelle, celle de
la vertu, de la science et de l'expérience. Le plus souvent le di-
recteur sera l'âme du cercle. Dans les séances c'est lui qui dirige
la discussion, la ramène au point d'où elle est partie, quand elle
s'en éloigne, et doit quelquefois calmer l'ardeur trop grande des
jeunes discutants. Souvent il interviendra pour juger un point
sur lequel on ne parvient pas à s'entendre. Il fournit les expli-
cations et les développements dont on a besoin. Il aidera ceux
qui ont des travaux à faire, soit en leur indiquant les princi-
pales idées, soit en leur fournissant même les matériaux néces-
saires.
Le directeur, on le voit, a une tâche bien lourde et pas du
tout facile. Il doit pouvoir consacrer du temps au cercle, et être
muni de connaissances étendues.
Il devra connaître bien les jeunes et savoir s'attirer leurs
sympathies. La direction qu'il donne, pour produire tous les
fruits qu'on doit en attendre, doit être habilement ménagée.
Je le répète, la tâche est difficile. Espérons que de nombreux
directeurs vont surgir; nous sommes d'ailleurs certains que le
clergé canadien est capable de faire réussir cette nouvelle œuvre
comme toutes les autres auxquelles il s'est intéressé. D'ailleurs
cet espoir est déjà réalisé, car nos seize groupes n'ont pas été
embarrassés à se trouver des directeurs ])rudents et zélés.
LES ÉTUDES À FAIRE
Une dernière rcmarf|ue sur le choix des études à faire. Il
faut les choisir assez intéressantes pour attirer les membres et
rendre possible le sacrifice d'une autre distraction. D'ordinaire
elles seront intéressantes si elles sont pratiques. Des études
-67-
pratiques, c'est-à-dire des études pouvant s*appliquer immédia-
tement aux faits.
Les études que recommandent l'Association sont pratiques,
car elles répondent à des réalités auxquelles nous nous heurtons
chaque jour. Ces sujets, sans doute, exigent, quand on les étu-
die, que l'on fasse de la théorie bien entendue.
Renseignés soigneusement sur les idées générales, les mem-
bres de nos cercles apprendront vite à employer les connais-
sances acquises et à préciser leurs idées au contact de la réalité.
Veillons aussi à ne rien présenter qui ne soit trop aride, sur-
tout dans les déliuts. Il faut une sage gradation des sujets qui
habitue aux études sérieuses et qui ne prenne personne au dé-
pourv^u. Le cercle choisira lui-même le programme d'étude qui
répond le mieux à sa situation propre et à ses besoins particu-
liers.
Comme conclusion à ce modeste travail sur un sujet qui
appellerait bien d'autres considérations, je propose l'adoption
de la résolution suivante.
Le congrès émet le vœu : 1° que chaque groupe de l'Asso-
ciation organise le plus tôt possible un cercle d'études ; 2° que
Messieurs les directeurs des collèges soient respectueusement
priés d'encourager la formation de cercles d'études dans leurs
institutions.
Ernest Roby
[Congrès du 26 juin 1904.)
->—»—
Association des Jeunes de France
ET LE PAPE
Naguère deux associations françaises envoyèrent des délé-
gués à Rome : " Les jeunes gens du Sillon" et "l'Association
catholique de la Jeunesse française."
Les premiers furent d'abord reçus en audience par le Pape
le 14- septembre dernier. Marc Sangnier, président, lut une
adresse à laquelle le Saint-Père répondit en ces termes :
" Chaque fois (jue les auteurs des Livres inspirés viennent à
parler des jeunes gens, leurs j)aroles sont remplies d'affection et
d'enthousiasme. Sans Nous arrêter, à tant d'autres passages
des Saintes Ecritures que Nous pourrions indiquer, surtout dans
les livres des Machaljces, Nous en avons un exemjile frappant
dans les paroles (pie le disciple de l'amour adressait jadis à une
société de jeunes gens: " Je vous écris, jeunes gens, parce que
vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous, et que
vous avez vaincu l'esprit mauvais." ( L Jean ii, 14. ) Et l'Évan-
gile nous raconte rpie Jésus-Christ, après un entretien avec un
jeune homme, le regardant, l'aima. (Marc x, 21. )
" Eh l)ien, chers jeunes gens, ces mêmes sentiments du divin
Kédem})teur, remplissent aujourd'hui notre cœur après avoir
écouté l'adresse si pleine d'affection que vous Nous avez présen-
tée ; et jniisfpie vous avez su concevoir des pensées aussi nobles
et que vous vous montrez capables d'actions aussi généreuses,
laissez-Nous vous dire que Nous vous aimons, et que désormais
chacun de vous pourra Nous considérer non ])as seulement
comme un père mais comme xm ami.
" Nous nous réjouissons du bien cjue vous faites et de celui
que vous ferez encore, avec la grâce de Dieu, en étendant vos
rangs et en exerçant parmi vos compagnons d'âge, d'étude, de
os
— 69 —
profession, qui ne sont pas encore des vôtres, un apostolat
vraiment fécond.
" Nous nous abstiendrons de vous recommander d'une
façon spéciale de pratiquer la vertu et la piété, et de craindre le
Seigneur, car Nous savons que ces avis ne vous sont pas néces-
saires, persuadés, comme vous l'êtes, que la base de toute bonne
œuvre est la sainte crainte de Dieu. Mais plutôt, avec les
paroles mêmes de saint Jean, le plus jeune des apôtres. Nous
vous renouvelons l'expression de Notre joie parce que " vous
êtes forts " : quia fortes estis. — Oui, il faut de la force et du
courage pour conserver la foi quand tant d'autres la perdent,
pour rester fils dévoués de l'Eglise quand beaucoup d'autres la
combattent, pour garder le trésor précieux de la parole de Dieu
quand tant d'autres l'ont banni de leurs âmes.
" Il faut de la forée et du courage pour se vaincre soi-même,
pour dompter ses propres passions, pour rester fidèle à la vérité
et à la vertu et pour dominer l'esprit du mal qui trompe le
monde par le mensonge. — Tout en Nous réjouissant donc de
votre force. Nous vous exhortons, dans vos œuvres et dans
vos luttes, à placer votre confiance non pas en vos propres
efforts, mais en la toute-puissance de Dieu.
" Ne craignez pas, si vous êtes encore peu nombreux. Kestez
fidèles à votre bannière, et la promesse de l'Évangile s'accom-
plira en vous et vous régnerez: " Nolite timere, pusillus grex,
quia complacuit Patri vestro dare vobis regnum. — Ne craignez
pas, petit troupeau, car il a plu à votre père de vous donner
son royaume."
"Ne vous laissez pas décourager si tous ceux qui professent
les mêmes principes catholiques ne s'unissent pas toujours avec
A^ous dans l'emploi des méthodes qui visent un but commun à
tous et que tous désirent atteindre. Les soldats d'une puissante
armée n'emploient pas tous les mêmes armes ni la même tac-
tique ; tous, cependant, doivent être unis dans la même entre-
prise, maintenir un esprit de cordialité fraternelle et obéir
promptement à l'autorité qui les dirige. Que la charité du
Christ règne donc entre vous et les autres jeunes gens catho-
— 70 —
liques de la France. Ils sont vos frères ; ils ne sont pas contre
vous, mais avec vous. Quand vos torces se rencontrent sur le
même terrain, soutenez-vous les uns les autres, et ne permettez
jamais r|u'unc sainte rivalité dégénère en une opposition inspi-
rée par les passi(jns humaines ou par des vues personnelles et
peu élevées. Il suffit que vous ayez tous une même foi, une
même pensée, une même volonté et la victoire vous sera donnée.
Recevez-en comme gage la bénédiction apostolique.
Une autre association déjeunes "L'Association catholique
de la Jeunesse française" voulut rendre hommage au Saint-
Père et fut reçue avec de grandes marques d'affection. M. Jean
Lerolle, président, lut une protestation de fidélité à la foi
catholique et de dévouement au Saint-Siège. Voici le texte
même de la réponse du Souverain Pontife.
LivSez, camarades, avec attention, le Pape n'eût pas parlé
autrement s'il se fût adressé à déjeunes Canadiens.
' ' Réconforté par les nobles sentiments exprimés dans l'adresse
cjui vient de Nous être lue en votre nom. Nous remercions le Sei-
gneur qui de temps à autre Nous procure de telles c^msolations
et apporte à Notre faiblesse le courage nécessaire dans les com-
l)ats (|ue Nous avons à soutenir.
" Car votre protestation est vraiment consolante pour Nous.
Elle Nous donne l'assurance c|u'au milieu des difficultés dontest
tourmentée l'heure présente. Nous aurons à Nos côtés, dans la
lutte j)our le bien, de très chers jeunes gens qui, iniis d'esprit et
decœur à l'ombre de leur bannière oij se lit la belle devise, /j/été,
étude, action, Nous conduiront à la victoire.
" Vos protestations ne se traduisent pas seulement ])ar des
paroles mais jiar des faits: vous Nous en avezdonné une preuve
élocjuente en venant à Rome, même au jn'ix de sacrifices. Vous
êtes venus dans la \'ille liternelle pour célébrer le cinquantième
anniversaire de la définition du dogme de l'Immaculée Concep-
tion, et jîour mettre sous la ])rotecti()n de la Reine des cieux
votre foi, la pureté de votre vie, vos généreux projets d'action
pour la cause de l'Eglise et de la patrie. Vous êtes venu vénérer
le tombeau des princes des A])ôtres et ceux de tant d'autres
martyrs, afin d'y puiser l'héroïsme qu'exigent de si nobles com-
bats. Vous êtes venus offrir au Vicaire de Jésus-Christ l'hom-
mage de votre amour filial et de votre obéissance absolue, et en
recevoir des directions opportunes dans l'incertitude des choses
humaines et les bouleversements incessants dans les idées et dans
les faits.
"Nous vous remercions donc, bien chers jeunes gens, du
réconfort que vous Nous apportez par vos déclarations et, en
particulier, par votre promesse de garder comme un trésor les
enseignements que nous avons donnés dans notre première encv-
clique. Ils se l'ésumcnt dans le programme de cette associatif )n
catholiciue: piété, étude, action.
"Oh oui! faites-vous un trésor de la piété, mais que votre
piété soit entière, publique, et active ! 11 y a des choses qui ne
peuvent pas être divisées et faites seulement en partie. La piété
est de celles-là. Il en est d'elle comme de Dieu à qui s'adressent
les sentiments d'amour et de respect qui la constituent. Dieu
ne peut être partagé ni diminué : la piété ne se conçoit pas si
elle n'est complète et entière. Ou tout ou rien !
"Que la vôtre soit aussi une piété publicpie! Que votre foi
ait pour témoins non seulement les murs du foyer domestique
ou des réunions privées, mais les églises, les places publiques, les
grandes foules, les assemblées populaires ! Avec cette noble
franchise que nous donne l'inviolable liberté de l'Évangile,
rendez hommage à Dieu en quelque lieu et devant quelque per-
sonne que ce soit. N'ayez jamais la lâcheté de craindre les
railleries de ceux qui voudraient fermer les lèvres ouvertes à sa
louange, enchaîner les pieds en marf^he vers ses temples, retenir
les mains prêtes à déposer sur ses autels leurs offrandes et leurs
voeux.
"La vraie piété doit être éclairée: vous faites donc sage-
ment de lui joiiidre l'étude. Le bien ne peut se trouver là oii
manque la connaissance de ce qui est utile au salut des âmes, à
la réforme des mœurs, à l'acquisition de la vertu. Lhi non est
— 72 —
scientia animœ, ibi non est bonum. (Prov.,19, 2.) Votre étude,
vous n'en doutez pas, doit s'appliquer surtout à la doctrine
révélée de Dieu qui renferme tant de trésors de sagesse surhu-
maine, des ])réceptes d'une si haute morale, des ensei<j:nements
propres à former une vie vertueuse. Ils n'ont jamais découvert
rien de semblable les plus acclamés des savants de ce monde qui,
dans la confusion d'une nouvelle tour de Babel, enseifjnent non
la vérité mais l'erreur, non la vertu mais le vice, non l'ordre
mais l'imarchie, non la reli<^ion mais l'athéisme.
"Et c'est précisément à ce manque d'études reliii^ieuses, à
cette ignorance de la science de Dieu, que la société doit d'être
envahie par cette corruption dont gémissait déjà le ])rophète:
" IvC blasi^hème, le mensonge, l'homicide, le vol, l'adultère inon-
dent le monde parce que la connaissance de Dieu n'y est plus. "
(Osée, iv, i, 2. ) Pour avoir négligé ou méprisé cette étude, des
hommes cependant instruits dans les choses profanes blasphè-
ment ce Cju'ils ignorent et deviennent le fléau corrupteur de la
société.
"Mais vous, chers jeunes gens, vous regardez comme vous
étant adressées à vous-mêmes les exhortations du Saint-
Es]Drit: "Applique-toi à l'étude, ô mon fils, pour réjouir mon
cœur, pour quetujniisses répondre àcpii voudrait te méjjriser",
pour que tu sois capable de défendre les vérités de la foi de-
vant qui oserait les combattre: Stude sapientiœ, £li mi, et laeti-
fica cor mciim ut possis cxprohranti rcspondcrc scrmonem.
(Pkov., 27,11. 1
" Soutenus i>ar votre piété et votre science, jjratiquant le
précepte divin : iiniculquc mandavit Deus de proximo suo,
vous vous livrerez à un apostolat fructueux. En remi)lissant
fidèlement vos devoirs envers Dieu, en vous enrichissant de
toutes les vertus, en défendant la vérité avec courage, vous
inviterez tous les hommes à suivre votre exemj)le, vous vous
imposerez au resjx'ct et à l'admiration de vos adversaires eux-
mêmes. Et après avoir donné à vos frères ce pain s])irituel,
vous achèverez d'accompHr le jjrécepte de la charité en ofTrant
A tous ceux (pli sont dans le besoin leur pain matériel, par les
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institutions économiques et les œuvres de bienfaisance. Alors
vous pourrez courageusement repondre à qui vous méj^rise :
exprobranti respondere sermonem.
" Ces fruits de bénédiction Nous sont assurés par la protes-
tation loyale que vous faites de soumettre à l'autorité é])is-
copale la direction de tous vos actes. L'expérience Nous a
montré que cette direction est pour une œuvre de jeunesse la
condition de sa vitalité chrétienne. Puissent-ils entendre cette
vérité, tant d'aveugles qui se professent catholiques et cepen-
dant réclament une indépendance absolue envers toute autorité,
et veulent une liberté qui ne serait plus celle des fils de Dieu
mais des rebelles de Lucifer ! Si l'obéissance est nécessaire en
tout ordre de choses, ceux-là pourraient-ils s'en affranchir qui
se consacrent à des œuvres dont la dépendance est si intime
avec la charité et la religion ? Fasse le Seigneur que votre
exemple amène à résipiscence tous ces jeunes gens et que Nous
puissions, avec eux comme avec vous. Nous réjouir du bien
accompli, de la victoire remportée et des mérites obtenus !
" En attendant, Nous vous remercions de nouveau des con-
solations que vous Nous avez apportées et Nous exprimons le
souhait que de chacun de vous puisse se répéter l'éloge que le
Saint-Esprit faisait de Tobie. L'un des plus jeunes de la tribu
de Nephtali, Tobie n'eut jamais dans ses actions rien de puéril.
Quand tous couraient aux veaux d'or faits par Jéroboam, lui
se rendait seul au temple et y adorait le Seigneur Dieu d'Israël.
Emmené en esclavage, il visitait ses frères de captivité pour
leur porter des paroles de salut. Autant que le lui permettaient
ses forces, il donnait à manger à ceux qui avaient faim, il
habillait ceux qui manquaient de vêtements, il ensevelissait les
morts. Bien qu'esclave, il i)assa sa vie dans l'allégresse du
cœur, grandissant toujours dans la crainte et l'amour de Dieu
jusqu'à l'âge avancé où il mourut.
" Que la bénédiction apostolique réalise ce souhait ! Nous
vous la donnons degrand cœur et en priant le Seigneur d'exau-
cer Notre vœu, pour vous, pour vos parents, pour vos œuvres,
pour tous ceux qui vous aident à les diriger de leur appui
matériel, ou de leurs conseils."
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Il est une troisième association ; celle-ci, très jeune, ne
peut enY03'er une délégation auprès de Sa Sainteté Pie X, mais
Mgr Bruchési, ce père, cet ami des jeunes, qui assistera au
cinquantenaire de la proclamation du dogme de l'Immaculée
Conception, a promis dans une circulaire à ses diocésains de
parler de l'Association catholique de la Jeunesse canadienne-
française au Saint-Père et de le prier de la bénir :
" Vous savez tout le bien que je pense de cette association
qui s'est formée il n'y a pas longtemps parmi nous. Je serai
heureux d'en parler au Saint-Père et de le prier de la bénir. Je
la recommande à votre plus vive sympathie. Ce sera l'encou-
rager et faire une œuvre excellente de vous abonner au Bulletin
qu'elle vient de fonder et qui a nom Le Semeur. L'abonnement
n'est que de 50 cents par an. "
Le Semeur remercie sa Grandeur de tant de sollicitude et
lui souhaite un bon voyage.
N0TE5
Dans notre précédent numéro, nous avons annoncé la
publication probable des comptes rendus faits par les
journaux à l'occasion dit congrès de juin. 11 nous est
impossible de donner ce plaisir à nos lecteurs et à nous-
mêmes L'espace manque pour citer même des extraits
de ces flatteuses appréciations. Notons seulement pour
les remercier ceux qui les ont publiées, la Vérité, V Union
des Cantons de l'Est, la Patrie, le Journal, la Presse, la
Croix. Alerci encore à ces mêmes confrères qui ont bien
voulu envoyer leurs souhaits au Semeur. Que particu-
lièrement leur vœu de «longue vie» soit exaucé !
Remercîments aux
journaux
L'apparition de notre Bulletin a été l'objet de témoi-
gnages tout à fait bienveillants de la part de NN. SS.
les évêques. En retour, nous les prions de recevoir
l'hommage de notre reconnaissance et de notre dévoue-
ment.
Reconnaissance
àNN. SS.
les évêques.
Il ne suffît pas de naître : il faut vivre. Voilà une
vérité dont se doivent convaincre les membres de l'Asso-
ciation. De cette manière, ils comprendront la nécessité
d'aider au soutien du Semeur. Tous sont invités à col-
laborer à sa rédaction. Tous encore doivent s'intéresser
à la partie administrative puisqu'il est dit dans nos
statuts « que la troisième obligation contractée par les
membres de l'Association est de s'abonner au Bulletin ».
Obligation
de s'abonner
au Bulletin de
l'Association.
Quelques changements ont été récemment faits dans
le comité central de l'Association.
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Le Comité de
l'A. C.J.
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L'un des vice-présidents, le camarade Orner Héroux, &.
été appelé à la rédaction de la Vérité à Québec. Laissant
la position de sous-directeur politique à la Patrie,
M. Héroux est allé s'associer à l'œuvre poursuivie par
M. J.-P. Tardivel. 11 était digne de ce choix et, de tout
cœur, nous l'en félicitons.
Il a été remplacé à la vice-présidence par le camarade
Antonio Perrault.
Au secrétariat, AL Eugène Angers a remplacé AL Ernest
Roby parti pour un monde meilleur... L'excellent Roby
est entré, au mois d'août, au noviciat des Pères de la.
Compagnie de Jésus.