PREMIÈRE ANNEE— No s
âk Pie X
et notre Association.. . .Antonio Perrault
Le Christianisme et la Démocratie . .L. Leroy
La meilleure logique J.-B. Bousquet
lia rie île l'Association.
Chronique A. Dugas
Notes. A ris.
Montréal, 324, rue Ste-Catherine.
AVRIL 1905
LE SEMEUR
Bulletin de l'A. C. J.
PARAIT AU COMMENCEMENT DE CHAQUE MOIS.
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N. B. — Les abonnements partent de septembre et février.
Nos collaborateurs .doivent adresser leurs articles et toutes leurs commu-
nications—notes et nouvelles— à la Rédaction du Semé™ 478, rue St-Denis,
Montréal.
Toutes les lettres concernant l'administration du bulletin, abonnements,
annonces, changements d'adresse, doivent être adressées à M. l'Administrateur
du Semeur, G. -H. Baril, 324, rue Ste-Catheiine. Tel. Bell Est 720.
Pour les renseignements touchant l'Association, l'organisation et l'affilia-
tion des groupes et pour les commandes de brochures de l'A- C. J. écrire au
Uirutt </< VA. C. ./., -17:!, rue St-Denis, Montréal.
Comité de l'Association Catholique de la Jeunesse
canadienne-française.
Antonio Perrault,, président,
Adi'i.aui) Ledit, vice-président,
Jos. Versailles, vice-président,
Eugène Angers, secrétaire,
Edmond Hurtubise, trésorier,
1 74, rue Berri,
24(5, rue Ste-Elisabeth.
127, rue Ontario,
-47:;, rue St-Denis,
79, rue Souvenir,
Montréal
L.-Renaub LaVergne, secr. -correspondant, 444, rue St-Denis,
Armand Dugas, secr. -correspondant, 105, rue St-Hubert,
l: 1'. Charles Chaput, S.,)., aumônier-directeur, 142, rue Bleury
TTP. BT [MP. A ChÉN vlili, 80, RUE [bkrville.
lire année. No 8. Avril 1905.
Le Semeur
PIE X ET NOTRE ASSOCIATION
Une coutume veut qu'à son retour le voyageur remette aux
amis un souvenir des villes qu'il a visitées. C'est une œuvre d'art ou
un objet de fantaisie, un saphir ou un fichu — la valeur intrinsèque du
cadeau comptant peu, puisqu'il porte toujours le prix inestimable de
l'amitié. Ceux qui reviennent prouvant ainsi à ceux qui sont restés
que, sur les rives les plus lointaines, l'absent se souvient encore de
son pays et qu'en son âme demeure l'image des êtres aimés.
De ceci, les membres de l'Association ont aujourd'hui la preuve.
C'est Monseigneur Bruchési qui s'est chargé de la leur fournir. Vous
allez voir avec quelle amabilité et quel succès il y a réussi.
Durant son récent séjour à Rome, Monseigneur l'Archevêque
de Montréal fit parvenir au Souverain Pontife la supplique que voici ;
-158—
Très Saint Père,
Humblement 'prosterné aux pieds de votre Sainteté, f implore
pour V Association catholique de la jeunesse canadienne-française
la Bénédiction Apostolique.
Cette Association a V approbation et la sympathie de tout
Vépiscopat. Fondée à Montréal, elle a eu Van dernier son premier
congrès.
La prière, V étude, V action voilà le programme qu'elle trace à
ses membres, en qui elle se propose de former, pour V avenir, des
catholiques convaincus et militants, des hommes de courage et de
dévouement
Ces jeunes gens, Très Saint Père, se sont solennellement
consacrés au Sacré Cœur de Jésus. Ils veulent de toute leur âme
servir V Église sous la direction de leurs évêques. Ils seront tou-
jours vos fils aimants et soumis.
Je vous les présente, Très Saint Père, ainsi que leurs dévoués
directeurs, et encore une fois, je demande à Votre Sainteté de dai-
gner les encourager et les bénir.
Borne, le 30 décembre 1904.
t Paul, Arch. de Montréal.
A cette demande, Sa Sainteté Pie X fit la plus sympathique
des réponses. Nous reproduisons ici un fac-similé du billet qu'il
écrivit lui-même en langue italienne et que nous faisons suivre d'une
traduction.
—159—
Si
—160—
C'est bien, n'est-ce pas, le plus précieux des souvenirs que
Monseigneur Bruchési pouvait apporter de Rome à V Association catho-
lique de la jeunesse canadienne- française. Le cœur qui donne apparait
tout entier et — disons-le aussi — il est évident que les goûts de ceux
qui reçoivent lui étaient bien connus.
A l'heure où certaines personnes, et non des moindre», mettent
en doute l'utilité de nos efforts, il est bon que la voix la plus autorisée
du monde catholique nous crie : " Bravo !" A l'heure où il ne
manque point de Cassandres — déjà ! — pour nous prédire la banqueroute
et la mort, il est précieux que le premier chef nous dise : ' ' Courage,
jeunes hommes. Si petits qu'ils soient, vos labeurs, l'Eglise, dont j'ai
la garde, compte sur eux et les bénit."
Il conviendrait de répondre à cette preuve de bonté par une
promesse de dévouement et de fidélité. Mais puisque Monseigneur
Bruchési s'est donné la peine de dire lui-même à Pie X les sentiments
qu'entretiennent à l'égard du Saint-Siège les membres de l'Associa-
tion, nous n'y ajouterons rien. Qu'il nous soit seulement permis
d'enregistrer dans les pages du Semeur un merci très sincère au Père
qui nous donne si réelle preuve d'affection.
Nous tenons aussi à marquer notre reconnaissance à l'archevê-
que distingué par l'entremise duquel nous parvient cette faveur.
Monseigneur Bruchési a depuis longtemps montré l'intérêt qu'il porte
à notre Association. Il vient de dire clairement à ses membres que,
pour eux, sa sollicitude est toujours entière. Comment les obligés
pourraient-ils ne pas être sensibles à la générosité de cet attachement?
Du reste, c'est par des actes que notre reconnaissance se doit
manifester aux yeux de nos bienfaiteurs. Nous osons croire qu'ils
seront suffisamment remboursés des largesses dont ils npus gratifient,
:. 461—
si notre œuvre produit des résultats, si elle réalise ce pour quoi elle
a été fondée.
Les quelques lignes tracées à notre adresse par Pie X sont un
encouragement, le meilleur d'entre les bons qui ont été donnés à notre
Association. Il doit être efficace, cet encouragement. Redoubler
d'ardeur au devoir, voilà la résolution que doit nous suggérer la
bonne nouvelle venue du Vatican. Et, puisque votre président,
mes chers amis, a le devoir de profiter de toutes les occasions pour
souffler sur les cendres et attiser le feu, il doit saisir celle-ci pour crier
à tous : ' ' Debout ! Au travail ! ' '
Pour accomplir avec profit notre tâche, disons-nous bien que
l'Association est utile, voire même nécessaire. Les rassurés qui, il y
a quelques mois, ne voyaient nul besoin de promouvoir un tel
mouvement, paraissent maintenant émus dans leur sécurité. Les
dernières semaines leur ont fourni un enseignement. Il est clair que
la race dont nous sommes a toujours besoin de défenseurs désintéres-
sés, d'hommes remarquables surtout par leur foi religieuse et natio-
nale. D'ici à très longtemps encore, sur cette terre canadienne, à nos
côtés, se tiendront des adversaires, des ennemis dont le vouloir est
d'enrouler étroitement autour du peuple canadien-français les bande-
lettes de l'abaissement religieux, de l'infériorité politique pour le con-
duire ensuite au tombeau.
Nous prétendons avoir le droit de vivre sous un ciel libre et
juste. Les soldats qui nous défendent aujourd'hui tomberont. De-
main, il en faudra d'autres. Préparons-nous donc.
Être plus tard des hommes de foi éclairée et féconde, des hom-
mes de science, capables d'agir efficacement et sans peur, voilà ce que
veulent les membres de l'Association. Pour devenir des citoyens de
—162—
cette valeur, étudions ferme chaque jour, conservons intacte notre
dignité personnelle par l'acquisition d'habitudes saines et fortes.
Que chacun d'entre nous y mette beaucoup du sien, se répétant sans
cesse à lui-même le conseil que Pétrarque donnait à son fils : "Efforce-
toi et élève-toi."
Antonio Perkault.
LE CHRISTIANISME ET LA DEMOCRATIE
D'où vient qu'en certains pays, en France et en Italie notam-
ment, il y ait une opposition si marquée, un antagonisme irréducti-
ble, pourrait-on dire, entre la religion chrétienne et le mouvement
démocratique, au point que l'on ne peut se dire démocrate sans être
soupçonné d'une pointe d'hétérodoxie? C'est ce que s'est demandé
M. A. Leroy-Beaulieu dans les Conférences qu'il a données l'année
dernière à l'université Harvard de Boston. L'étonnement est bien per-
mis devant ce fait lorsqu'on réfléchit que les idées dont la démocratie
se prétend la propagatrice, non seulement n'ont aucune opposition
avec le christianisme, mais font partie de son patrimoine moral le
plus intime. L'égalité n'est-elle pas un principe évangélique ? Qui
donc est venu apprendre aux hommes qu'ils avaient tous le même
Père au ciel ? Qui donc a affranchi le monde de la plaie hideuse de
l'esclavage ? Et la fraternité, qui donc l'a prêchée ? Qui donc l'a établie
dans la mesure compatible avec les misères subsistantes de l'égoïsme?
Qui, sinon les apôtres de Celui qui avait dit sur la Montagne de
Galilée : "Aimez- vous les uns les autres." La démocratie moderne se
vante d'améliorer le sort des masses populaires. Mais qui donc
I--163-."
jusqu'ici a travaillé à cette amélioration autrement que par des paroles ?
Qui, sinon ces innombrables fils et filles de l'Eglise qui ont consacré
leur existence à consoler ceux qui pleurent, à secourir les misérables,
à panser les plaies morales et matérielles de l'humanité ? Il faut
reconnaître avec M. Leroy-Beaulieu, que cet antagonisme entre le
christianisme, et la démocratie n'est pas un fait fatal, qu'il n'est ni de
tous les temps, ni de tous les lieux. Les petits cantons de Suisse,
autour du lac de Lucerne, sont à la fois les cantons les plus catholiques
et les plus démocratiques. On pourrait, me semble-t-il, dire de même
de notre Province de Québec.
Aussi ne faut-il chercher les causes du conflit européen entre
le christianisme et la démocratie que dans certaines circonstances
historiques. La démocratie européenne est fille de la Révolution
française, qui procède elle-même de la philosophie du XVIIIe siècle, or
les idées directrices de cette philosophie étaient essentiellement ratio-
nalistes et antitraditionalistes. Les philosophes du XVIIIe siècle, dit
avec justesse M. A. Leroy-Beaulieu, ne virent dans le christianisme et
dans les religions positives en général que des adversaires, des obstacles
sur la voie où ils voulaient engager la France et l'humanité... Ils ne
comprirent ni le christianisme, ni la foi religieuse ; ils en méconnurent
presque tous la râleur morale et la portée sociale. Pour eux la religion,
à commencer par le christianisme, était avant tout une œuvre politi-
que, l'œuvre des rois et des prêtres. Les dogmes imposés aux peuples
avaient pour but de les maintenir dans l'obéissance et dans la servi-
tude, et prêtres ou rois, ceux qui enseignaient ces dogmes asservissants,
ceux du moins qui les avaient inventés ou formulés n'étaient que
des imposteurs. Telle était la doctrine de Voltaire qui entendait
désigner cet instrument d'asservissement et d'imposture, lorsqu'il
—164—
parlait d'écraser V infante.
Ce point de vue de la religion n'était pas seulement impie, il
était enfantin, et il ne compte presque plus de partisans dans les
milieux éclairés. Malheureusement il a pénétré dans les couches
populaires ; il fait le fond du bagage religieux d'un bon nombre de
demi-savants ; voilà pourquoi des démagogues peu scrupuleux vont
encore répétant que les prêtres sont les ennemis du peuple, parcequ'ils
n'ont point d'autre mission que de le tromper afin de l'asservir.
Hélas ! ils ne trouvent que trop de créance. C'est ainsi que pour le
gros des armées démocratiques les religions ne sont que des chaînes
intellectuelles, chaînes forgées à dessein pour assujettir le peuple.
Une seconde cause de l'antagonisme entre l'esprit religieux et
l' esprit démocratique c'est la façon dont la religion s'est présentée aux
hommes qui ont fait la Révolution et à leurs héritiers. Elle leur est
apparue comme une institution d'Etat, liée à toutes les institutions
des temps monarchiques et aristocratiques, en étant même la base ou
le rempart, jouissant en retour de privilèges séculaires. S' attaquant
à tout l'ordre ancien et à tous les privilèges, la Révolution devait
s' attaquer à l' Eglise. De son côté, le clergé ne pouvait rester indifférent
au renversement de l'ancienne constitution, d'autant qu'on vou-
lait lui imposer une constitution civile et schismatique. La lutte
s'est ainsi trouvée engagée des deux côtés à la fois, et elle s'est pro-
longée au-delà de la période révolutionnaire, pendant tout le XIXe
siècle. Sous la Restauration, l'Église s' est de nouveau liée aux puissan-
ces anciennes ; elle a cru que, à l'abri du trône relevé, elle pourrait
recouvrer ses anciens droits et prérogatives. De nouveau les révolu-
tionnaires l'ont confondue, dans leur haine et leurs assauts, avec la
monarchie. La religion a été de nouveau entraînée dans les conflits
—165—
politiques : elle a reçu le contre-coup des luttes de parti, elle en a été
la victime.
La papauté a eu d'autant plus de peine à se dégager de ce qu'on
pourrait appeler le parti conservateur qu'elle avait elle-même à
défendre son pouvoir temporel furieusement assailli par la Révolution.
Pie IX, qui avait tenté une évolution démocratique en 1848, dut y
renoncer à cause de l'abus que la Révolution faisait de sa condescen-
dance pour le renversement de son propre trône. Mais ce trône ayant
été abattu, Léon XIII a sans doute continué à protester contre l'usur-
pation ; toutefois il s'est trouvé les mains libres vis à vis la démo-
cratie ; il a pu lui faire des avances et s'attacher à la convaincre que
l'entente n'était nullement impossible entre elle et l'Eglise catholique,
qu'il pouvait exister une démocratie chrétienne, tout aussi bien qu'il
existait jadis une monarchie très chrétienne, même mieux puisque
l'Eglise s'est toujours inspirée de sentiments démocratiques. En cela
Léon XIII ne faisait que renouer la tradition des vieux âges, alors
que plus d'un de ses prédécesseurs avait lié sa cause à celle du peuple
contre les abus des princes temporels. Mais il était bien à prévoir
qu'une bulle du pape n'allait pas suffire à désarmer les combattants.
Aussi la lutte continue-t-elle acharnée, acharnée de la part des tribuns
socialistes qui se donnent pour les chefs du nouvel ordre de choses, lui
apportent un évangile nouveau, et se distinguent surtout par leur
fureur à excommunier l'Eglise catholique, affirmant avec hauteur que
toute conciliation est chimérique entre la démocratie et la tradition
chrétienne. Cette vieille chanson a pu bercer l'enfance des peuples,
disent-ils, mais il faut un aliment intellectuel à leur maturité. De la
part des catholiques, grâce aux directions ponticales, la lutte a perdu
toute aprêté. Des représentants autorisés de la pensée chrétienne, de
—166—
prêtres, des écrivains ont compris qu'il ne servait de rien de se
lamenter sur le progrès de la démocratie, que ce progrès était fatal,
qu'il fallait en prendre la tête, lui donner une direction chrétienne si
l'on ne voulait pas voir l'Eglise réduite à ne compter pour partisans
que quelques aristocrates mécontents. Ils n'ont pas craint de s'appeler
démocrates chrétiens. Par cette dénomination ils ont simplement
voulu prouver qu'ils allaient franchement au peuple et prenaient en
main ses véritables intérêts ; ils n'ont aucunement pactisé avec les
chefs du mouvement socialiste, dont les principes n'ont rien de
chrétien. Entre eux et les démocrates extrêmes, la discordance sub-
siste complète. Il n'ont ni le même point de départ, ni les mêmes
aspirations, ni les mêmes principes. Les démocrates extrêmes se
réclament de la Révolution et des doctrines de Jean- Jacques Rousseau ;
ils proclament la bonté native de la nature supprimant à l'homme
tout frein ; rendant la société responsables de tout le mal qui peut
exister ici-bas. Il transfèrent l'absolutisme de la monarchie au peuple,
ils mettent la source du droit dans la volonté de majorités éphémères,
ce qui est la pire des tyrannies ; ils détournent nos aspirations de
l'au-delà pour les diriger vers les biens de la terre.... Certes, rien n'est
moins conforme à l'Evangile et rien n'est plus éloigné des tendances
des Démocrates chrétiens.
Pour nous, Canadiens français, la démocratie ne nous effraie pas.
Tous, riches comme pauvres, industriels comme ouvriers, issus de
cette poignée de Français abandonnés en 1760, nous ne sommes pas,
et nous ne serons pas, espérons- le, divisés en castes. Le riche voit
encore un frère dans l'ouvrier, et l'ouvrier un ami dans le riche, il
n'y a pas encore de lutte entre l'esprit démocratique et l'esprit catho-
lique. Mais prenons garde ! Le socialisme et l'irréligion tendent à
—167—
"briser ces relations d'harmonie et de charité. Défions-nous des ten-
dances anti-religieuses et anarchistes de la démocratie européenne ;
éloignons de notre peuple cette démocratie non moins socialiste qui
nous vient de l'autre côté de la ligne 45e. Elle ferait de notre popu-
lation ouvrière un foyer de haine et de matérialisme ; elle aiguiserait
les appétits charnels et sèmerait la discorde et la ruine parmi nos
concitoyens.
Léopold Leroy.
LA MEILLEURE LOGIQUE
"Parler comme on croit et agir comme
on parle: voilà la meilleure logique du
monde, et celle qui produit toujours
grand effet."
Quel est l'inconnu qui a écrit cette sentence si pleine de sagesse
•et de vérité ? Cet homme a tracé tout un programme.
Je crois être utile aux lecteurs du " Semeur " en leur soumet-
tant les quelques réflexions qui me sont venues à l'esprit en méditant
ces deux phrases. Il me semble qu'elles pourraient servir de motto
à la jeunesse intelligente qui apprécie son devoir d'hommes cultivés,
et qui désire prendre le rang qui lui convient dans la société.
C'est à vous, membres de l'Association catholique de la Jeunesse
canadienne-française, qu'il est fait allusion dans la parabole des trois
serviteurs auxquels une somme inégale de deniers a été confiée ; c'est
vous qui avez reçu cinq talents. Comment vous disposez- vous à rendre
dix fois autant ?
—168—
Lorsque vos parents vous ont conduit chez vos percepteurs,
dépositaires du savoir, des principes de la vertu, pour vous initier aux
richesses de la culture de l'âme et du cœur, vous avez commencé à
remplir la première partie du programme plus haut cité ; vous avez
affermi votre foi, vous avez accumulé des connaissances, votre raison,
s'est développée.
Toute cette série d'exercices intellectuels, qu'on nomme V ins-
truction, éclairés par les principes lumineux de la morale chrétienne
se sont classiflés chez vous, ont pris de la cohésion et de la forme et
ont constitué V éducation. Entré au collège, faible, ignorant et indiffé-
rent, vous en êtes sorti au bout de huit ou dix ans, un fort, un croyant,
un homme soucieux de la grandeur de ses responsabilités.
En tout ceci, votre tâche a été plutôt passive ; elle ne consistait
qu'à vous laisser imprimer docilement le travail de formation.
Aujourd'hui vous êtes invité â jouer dans la société un rôle
autrement actif.
Vous devez parler et agir ; c'est la seconde partie de votre
destinée qui se présente à vous. A l'œuvre donc ; efforcez-vous de
tirer profit, sans délai, des cinq talents que le Maître a déposés chez
vous, et dont il vous demandera compte.
Vous serez demain — peut-être l'êtes- vous, déjà — médecin, avo-
cat, fonctionnaire important dans une maison d'affaires, etc. ; traiter
vos patients suivant les règles les plus modernes de l'art, plaider
habilement, tenir les opérations de votre magasin avec précision et
fidélité, est-ce vous acquitter complètement de votre devoir envers la
société ? Non assurément, ce n'est qu'une partie de la dette contractée
envers elle. Vous devez encore au public le bon exemple, les sages
conseils, vous lui devez la parole et V action.
- -169—
Ah! la parole !... c'est elle qui avertit, qui persuade, qui
encourage, qui soutient le combat, qui flétrit le vice, qui reflète dans
l'esprit de l'ignorant la lumière et entretient dans le cœur le dévoue-
ment et la charité.
La parole !... elle édifie et elle détruit, elle élève et abaisse !
à quoi la faites- vous servir? vous qui avez pour mission d'instruire
vos frères, de len conseiller, de leur dire : ceci est bon, prenez-le !
cela est vilain, rejetez-le !
Tous les jours, vous entendez des plaintes et des gémissements
au sujet de la pauvreté intellectuelle de la plèbe ; que faites-vous pour
y remédier ? La nullité, la trivialité de certaine presse humilie votre
fierté de Canadiens français ; exercez-vous de la propagande auprès
de vos parents, de vos connaissances, pour les induire à encourager un
journal sérieux ? Ou encore, employez- vous vos loisirs à écrire quelque
article pour alimenter ce journal, pour augmenter sa circulation afin
de réparer dans la population les ravages causés par les lectures indé-
centes ou anti-sociales ?
Lorsque des gens sans principes viennent jeter le cri de révolte
dans notre ville, semer la discorde au sein de la population ouvrière,
et vanter les beautés du socialisme ou autre pareille absurdité, êtes-
vous là, vous, l'homme* instruit, pour détourner du péril cet ouvrier
paisible, qui a toujours pratiqué le respect de la justice? êtes- vous là
pour lui expliquer la vanité des chimères qu'un démagogue salarié
lui a inspirées.
Vous n'ignorez pas qu'on cherche à répandre de mauvaises
doctrines dans nos populations ouvrières, on veut les exciter contre l'or-
dre social afin de les faire servir de piédestal à l'ambition de réforma-
teurs égoistes et vantards, vous placez- vous en tête du mouvement
— 170 —
ouvrier pour lui éviter cette erreur ? Aidez- vous le travailleur dans ses
efforts pour obtenir de justes revendications? Vous rapprochez-vous de
lui pour causer de ses besoins, de ses aspirations ? de ses souffrances ?
Voilà un champ bien vaste au milieu duquel votre voix doit se
faire entendre ! Resterez-vous muets ?
Et si, de ce domaine social, nous passons à celui du patriotisme,
là encore la parole a de l'influence ! Elle peut contribuer à resserrer
les rangs parmi nos concitoyens, à inspirer le véritable amour de la
patrie, à faire naître ces grandes vertus de désintéressement, d'oubli
de soi, de dévouement, de zèle pour les intérêts publics.
Plutôt que de perdre un temps précienx à flâner, à végéter d'un
théâtre à l'autre, pourquoi ne pas organiser quelque conférence sur
l'histoire du Canada, ne pas écrire dans les journaux et revues du pays !
Ravivons le souvenir des pionniers, des missionnaires, des fondateurs
de notre belle patrie ! Renseignons le peuple sur ces gloires trop
incomprises et mêmeinconnnes ; suggérons-lui ces modèles afin qu'il
reprenne sa fierté et conserve ses libertés.
Dans nos discours, nos conversations, étudions-nous à rappeler
les exploits des héros canadiens, formons le sentiment national,
maintenons les bons principes, défendons l'Eglise, voilà quelques-uns
des services que l'on peut rendre par la parole. *En comptez- vous beau-
coup à votre actif ?
J.-B. Bousquet, L.L. B.
—171—
LA VIE DE L'ASSOCIATION
Chronique.
Les journaux du 11 mars dernier publiaient l'entrefilet suivant :
"LA JEUNESSE ET LES ÉCOLES. "
"Le comité général de l'Association catholique de la Jeunesse
canadienne-française s'est réuni jeudi soir, en assemblée régulière.
Il a été décidé de faire circuler des listes pour être signées par les
membres de l'A. C. J., approuvant les dispositions de la loi qui
garantissent aux nouvelles provinces du Nord-Ouest leurs écoles sépa-
rées et assurent à ces écoles une part proportionnée dans les subsides.
Les listes aussitôt que signées et retournées au secrétaire, M. Eugène
Angers, 473, rue S t- Denis, Montréal, seront envoyées à Ottawa."
En effet, le comité général de l'Association avait cru que la
Jeunesse catholique et canadienne-française ne pouvait rester impas-
sible en présence du fanatisme anti-catholique. Les protestants et les
Orangistes pétitionnent contre les Ecoles séparées que le nouveau bill
assure au Nord-Ouest : pétitionnons en faveur de ces écoles.
Voici la requête qui fut rédigée et envoyée à tous nos amis.
"Nous, soussignés, membres de l'Association catholique de la
jeunesse canadienne-française, profitons de la discussion sur l'article du
bill de la constitution en provinces des Territoires du Nord-Ouest qui
traite de l'éducation, pour protester de nouveau contre le régime ac-
tuel des écoles au Manitoba et nous déclarer publiquement en faveur du
système proposé pour les territoires. Basant notre attitude sur l'acte de
l'Amérique Britannique du Nord, nous considérons que ce sera con-
courir au maintien de la Confédération, si le gouvernement fédéral
T— 172—
fait accorder aux minorités des nouvelles provinces les droits dont
jouit dans Québec la minorité protestante. "
Le nombre des signatures recueillies a dépassé 6000. Le
camarade Dugas est allé lui-même à Ottawa présenter une partie de
ces requêtes avec celles que les Etudiants de Laval à Montréal ont
fait signer séparément.
Cette vie, cette activité du comité général, nous sommes heureux
de le constater, elle existe partout dans tous les groupes de l'A. C. J.
A Joliette — on me pardonnera de parler en premier lieu du
collège où j'ai passé de si heureuses années — le cercle St-Michel fait
toujours bonne besogne. Au premier semestre il a tenu six séances
régulières, voici la liste des travaux qui ont été lus. Définition et But
de l'A. C. J. par le président, A. Manseau. La St-Barthelémy par
le vice-président, A. Lavallée. Le Patriotisme par le sec. -cor. V.
Cardin. L'Agriculture par le trésorier, J. Geoffroy. L'Inquisition
par A. Hamelin (à qui est due en grande partie la fondation du cercle. )
L'Insurrrction de 1837-1838 par A. Dufresne.
Les élections du 2èrae semestre ont eu lieu dernièrement. Ont
été élus président : C. Rondeau, vice-prés. : J.-L. Martin, secr. -cor. :
A. Dufresne, trésorier : H. Ferland.
De Ste-Thérèse les nouvelles sont encore géantes, le camarade
Lambert avantageusement connu par les lecteurs du Semeur, ne
désespère pas de former un cercle.
A Ottawa, toujours la même ardenr, la même exactitude. Deux
séances régulières, les 12 et 26 février. A la Ire, le camarade Lapointe
traita de Sir G.-E. Cartier puis on y discuta la supériorité de l'homme
sur la femme. Les camarades Patry et Boutet firent les frais de la
controverse. Le 26, 0. Dion continua à traiter des Héroïnes de la
— 173—
N.-F. Il parla de Mde de la Peltrie et de la Rév. Mère Marie de
l'Incarnation.
Nos amis de la capitale travaillent femie et donnent un exemple
superbe. Grâce à leur initiative, ils ont l'intention de jouer, vers le temps
de Pâques, une comédie dont le but sera de recueillir des fonds pour
l'A. C. J.
Et celui de Varennes donc ? En janvier, quatre séances régu-
lières. Le 12 février, élection des nouveaux officiers : Prés. R. Pigeon,
v.-p. : Hilaire Roch, Sec. : Cyp. Prévost, bibliothéc. : Arist. Bussières,
conseillers : 0. Langevin et D. Paquin.
Marieville a toujours le même entrain, le même enthousiasme.
Parmi les travaux lus au cercle, citons celui du camarade Huot sur les
Écoles. A la voix de l'orateur, tous décident de se lancer à la propa-
gande et de recueillir le plus de signatures possibles à la requête que
le comité de l'A. C. J. leur a envoyée. Celui du camarade Coderre
sur " Le Concordat," très instructif ; celui du camarade E. Ostiguysur
" Le dénigrement, " défaut auquel nous sommes portés, très pratique ;
l'improvisation de M. le Directeur, "Exhortation au travail," très élo-
quente.
De St-Hyacinthe, les bonnes nouvelles affluent. On y déploie
une grande activité et un travail fructueux s'y accomplit. Qu'il nous
suffise de dire cela pour le moment et d'affirmer que nos renseigne-
ments, s'ils ne peuvent être rendus immédiatement publics, n'en sont
pas moins certains et encourageants.
A Québec, le cercle de St-Sauveur bat son plein. Celui de la Haute
Ville a été reçu en audience privée par Mgr Bégin. Sa Grandeur a
bien voulu exhorter, encourager et bénir nos amis.
A Montréal le cercle de diction Laval a ses séances régulière-
—174—
ment. Le cercle Léon XTII travaille hardiment. Ce dernier espère
pouvoir devenir avant longtemps l'un des plus beaux cercles de l'A.C.
J. Comptant vingtquatre membres, il eut ses élections dernièrement.
Le camarade J.B. Alarie réélu prés., le sec. est J. Alarie, le trésorier,
J. Gauthier, le contrôleur, G. Déry, P. Pitre, P. S. S. aumônier et
A. Marquis, prés. -bon.
Le zèle de ce groupe s'est fait remarquer tout particulièrement
lorsqu'il s'est agi de recueillir des signatures. Le Nationaliste, dès
le dimanche 12 mars, publiait :
LA JEUNESSE S'AGITE.— Le groupe Léon XIII de l'Asso-
ciation catholique de la Jeunesse canadienne-française a institué hier
un comité au No 1279 rue Berri, pour la défense des écoles séparées.
Tous les Canadiens sent invités à passer à cet endroit pour signer la
requête à M. Laurier. Lundi, 13 mars, grande assemblée publique
où plusieurs orateurs influents prendront la parole."
Quelques-uns peut-être ont pu ne pas approuver tout ce que
ces jeunes gens avaient fait ; tous ont du moins applaudi à leurs efforts
et à leur succès. L'A. C, J. trouve en eux de braves cœurs et de
hardis travailleurs.
Lévis vient de nous apporter de grands encouragements. Sous
la direction du Rév. Monsieur Auguste Marcoux, ptre, le cercle St-
Augustin, fort de trente-six membres, vient d'élire ses officiers et de se
joindre à l'A. C. J.
Le président est Léon Paradis, le vice-président Oscar Proulx,
le sec, Joseph Larue, l'assistant-secrétaire, Henri Bernier.
C'est pour l'A. C. J. une acquisition que tous nos amis sauront
apprécier hautement.
-175—
Voici les belles paroles que nous adressait le fondateur de ce
nouveau cercle : " Je vous remercie des éloges que vous m'avez
adressés, je crois n'avoir fait que mon devoir en répondant à votre
appel ; quand des jeunes gens lancés dans la vie publique adoptent
un programme aussi noble que le vôtre et poursuivent avec ardeur un
but aussi cher à la religion et à notre nationalité, je considère aveugle
ou criminel celui qui ne leur tend pas loyalement la main, c'est là
chez moi une conviction profonde et je ne regrette qu'une chose c'est
de n'avoir ni les talents ni les ressources pécuniaires pour faire davan-
tage— je donne ce que j'ai : le cœur ! " — Bravo et merci. — "
J'allais oublier de parler du cercle St-Louis. Le travail et la
vie n'y font pas défaut. Le camarade Prud'homme a lu dernièrement
un beau travail sur la Confédération. Le camarade Dassylva a traité
de main de maître la question ouvrière. A ce sujet le camarade
Benoit ex-président de l'A. C. J. a dit des choses très intéressantes et
très instructives. Il suit fidèlement les conférences données aux
ouvriers par MM. Rodier et St-Martin, et il a pu se convaincre per-
sonnellement de la propagande socialiste exercée par ces prétendus
amis du peuple. Il a exhorté les membres du cercle de se mêler au
mouvement et de tâcher d'en prendre la tête afin de le diriger dans la
bonne voie.
Avant de finir cette chronique je me permettrai de prier une
fois de plus les secrétaires des cercles et des groupes de l'A. C. J.
d'envoyer fidèlement leur rapport mensuel dans la première semaine
du mois. Us nous épargneront ainsi beaucoup d'ennui et d'anxiété.
L'Association catholique de la Jeunesse canadienne-française après
avoir eu la haute approbation et l'appui efficace de son Excellence
Mgr Sbarrettlest heureuse d'avoir à inscrire sur la liste de ses généreux
—176—
pouscripteurs le nom de Mgr Duhamel, archevêque d'Ottawa. Sa
Grandeur a daigné offrir à l'A. C. J. le don gracieux de $25.00. Nous
lui présentons nos plus sincères remerciements.
Un mot encore et je finis. Un arbre qui produit des fruits si
beaux et si abondants est plein de sève et de vie. '"A bon entendeur
salut."
Armand Dugas, sec. -cor.
NOTES
Nos remerciements sincères aux deux bienfaiteurs insignes qui
ont souscrit chacun $10.00.
***
Nous avons eu, il y a quelques jours, la visite du camarade R.
Lapointe, Président du cercle Duhamel formé à Ottewa. Il nous a
apporté d'excellentes nouvelles de nos amis de la capitale.
***
Les membres de l'A. C. J. ont montré, il y a quelques jours,
leur valeur dans l'action. Répondant à l'appel qui leur était fait par
le comité, relativement au bill créant, dans l'Ouest, deux nouvelles
provinces, ils ont retourné au camarade Angers les blancs de requê-
tes couverts de plus de 6000 signatures. C'est un succès : Bravo et
merci, camarades !
AVIS
Prière aux journaux d'adresser les échanges à " Le
Semeur" 324 Ste Catherine, au lieu de 473 St-Denis,
Montréal (ancienne adresse).
***
On voudra bien ne pas nous envoyer de timbres
étrangers comme paiement d'abonnement.
, -x-
* -x-
Tontes les lettres concernant l'administration du
Semeur, abonnements, annonces, changements d'a-
dresse, doivent être adressées à M. l'Administrateur
du Semeur, G. -H. Baril, 324, rue Ste-Catherine.
Tél. Bell Est 720.