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Full text of "Revue du monde musulman"

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REVUE  DU  MONDE 


PS 

Ko  7 

VOLUME  H 


MUSULMAN 


l'ub 


III.-CJ  par 


LA   MISSION    SCIENTIFIQ 


MAI  igoj 


WMERO   y  II 


L'hlam  en  Bosnie  et  Iler-yê^ovine  . 

La  Révolution  persane.      .        . 

Un  sermon  de  A.  Seyyéd  DJémal-ed-Dine 


l.\l/\    .\L\IIFOÙZ 

A.  L.  C. 

A.-L.-.\L   Nicolas 

Cl.   If I  art 

Quelques  aspects  de  i Islam  clw:^  les  Berbères  maro- 

'■'^'"^^ E.   Mic.tArx-RK,,,.v,p,.: 


Le  Droit  de  la  guerre 


Noies  et  Nouvelles. 


Le  Quinzième  Congrès  international  des  Orientalistes.  —  Le  Docteur  Karl  Fov  —  La  Sou- 
mission des  Chrétiens  de  Syrie.  -  \]n  Précurseur  de  la  Société  protectrice  des  animaux  - 
Kesearch  Society  of  India.  -  L'Agitation  au.x  Indes.  —  A  Aiigarh.  -  Chez  les  K-hodias  - 
Invitation  pour  la  tète  du  Prophète,  à  Durban.  -Le  Régime  parlementaire  en  Perse  -Les 
hcoles  persanes.  —  Les  Gouverneurs  de  provinces  en  Perse.  —  La  Banque  nationale  per-^ane 
—  Petites  nouvelles  de  Turquie.  —  Le  Parti  musulman  russe.  —  Le  Mouvement  social 
Russie.  —  Petites  nouvelles  de  Russie.  —  Le  Mad  Muliah  du  (;omal 
rique.  —  Les  Musulmans  d'Australie. 


en 
LIslam  en  Ame- 


La   Presse  Musulmane 


A.  C.  —  L.  Bouv 


\T 


Al-lmam.  —  A  Zan/ibar.  —  Quelques  mots  sur  la  presse  arabe  de  Syrie.  —  \  l'Exposition 
de  Louvain.  —  Sélanik.—  Le  Journalde  Bender-Bouchir.  —Le  Journal  d'Ourmiah  —  Is 
Bey  Gasprinsky.  —  'aIÎ  Mèrddn  Bey  ToptchibachelV.  —  Tà!{è  ILiw^t 
tabas.    —  Le  Habl  oiil-Slatin  à  Téhéran". 


mail 
Tckiàmul.  —  Al-Muk- 


Les  Livres  et  les  Revues 


A.  L.  C.  — A.  Fevri:t.  —  L.  Bouvat. 


U  Croissant  contre  la  Croix.  —  Le  Soudan  égyptien.  —  L'.Uhambra.  —  L'Annuaire  du 
caidat  de  Zaghouan.  —  Vn  nouveau  Calendrier.  —  Un  Jubilé  ma(,-onnique  à  Bombav.  —  Les 
Abdâl  de  Pamàp.  —  Un  .Manuscrit  chinois  en  caractères  arabes,  -     L^s  l'ouillts  duKhotan 


Bibliographie 

Livres.  —  Rcurs. 


2«t) 

3io 
3i3 
33i 

3-17 


A.  L.  C.  —  L.  Amak.  —  L.  B.x  \Ai     35/ 


42t 


b 

PARIS  >T9?^3 

Ernest     LEROUX,     ÉDITEUR,     28,     RUE     BONARVRTE    ^VI«i 

PRIX   DU   NUMÉRO  MENSUEL  :   2  FR.  5o  ;  FRANCO  PAR  i>OSTL  :  ?   FRANCS. 
ABONNEMENT   :   PARIS,    20  FRANCS;   UNION    PO.STALE,   25   FRANCS. 
TOUS  DROITS  RÉSERVÉS 


REVUE     DU     MONDE 
MUSULMAN 

Publiée  par 

LA  MISSION   SCIENTIFIQUE   DL'     MAROC 

Sous  la  direction  de  :  A.  Le  CHATELIER 

COMITÉ    DE    DIRECTION  : 

MM.  O.  HOUDAS.  —  Cl.  HUART.  —  H.  SALADIN 
Julien  VINSON.  —  VISSIÈRE. 

COMITÉ    DE    RÉDACTION  : 

MM.  L.  BOUVAT.  —  A.  CABATON.  —  A.  FEVRET.  —  F.  FARJENEL 

N.  SLOUSCH. 


BUREAU    DE  LA    REVUE  : 
28,      RUE      BONAPARTE,      28 


^ 


Revue  du  Monde  Musulman 


i"»  Année.  MAI  N*»  7. 


L'ISLAM 
EN    BOSNIE    ET    HERZEGOVJNE(') 


I 

Statistique. 


La  Bosnie  et  l'Herzégovine  comptent,  d'après  un  recen- 
sement récent,  587.178  habitants  appartenante  la  religion 
musulmane,  contre  548.(332  en  1895.  Il  y  a  donc  une 
augmentation  d'environ  36. 000  Mahométans.  Mais  l'ac- 
croissement des  Chrétiens  est  proportionnellement  plus 
important.  Il  n'y  a  donc  pas  à  enregistrer  un  progrès  au 
point  de  vue  du  nombre  des  .Musulmans.  La  plupart  vivent 

(i)  Dans  son  numéro  davril  1907  (VI,  pp.  224-225),  la  Revue  du  Monde 
Musulman  a  déjà  signalé  le  mouvement  qui  se  manifeste  chez  les  .Musul- 
mans de  Bosnie  et  d'Herzégovine,  d'après  des  renseignements  Iburnis  au 
Pester  Llovd  par  un  .Musulman  anonyme.  L'auteur  de  l'important  article  que 
nous  donnons  sur  la  même  question,  et  dont  la  collaboration  a  déjà  été 
appréciée  de  nos  lecteurs,  conserve  également  l'anonymat.  Le  «  point  de  vue  » 
auquel  il  se  place  n'a  pas  besoin  d'être  souligné.  La  thèse  en  est  présen- 
tée avec  un  talent  qu'on  ne  manquera  pas  d'apprécier.  Le  remarquable 
ouvrage  publié  par  la  Revue  générale  des  Sciences  :  La  Bosnie  et  l'Her- 
zégovine (Paris,  .\rmand  Colin  ,  présente  le  point  de  vue  opposé,  avec 
une  documentation  dont  on  peut  juger  l'étendue  par  les  clichés  reproduits 
ici.  Sauf"  la  carte,  qui  nous  a  été  adressée  par  l'auteur  de  l'article,  nous  devons 
toutes  ces  reproductions  à  l'aimable  obligeance  de  M.  L.  Olivier,  l'éminent 
directeur  de  la  Revue  générale  des  Sciences. 

M.  '9 


l'islam    en    BOSNIE    ET    HERZEGOVINE 


2gi 


dans  les  villes  et  sont  des  commerçants,  des  ouvriers  ou 
des  propriétaires,  lis  sont  tous  Sunnites-Hanéfi  et,  en 
majorité,  Slaves. 

La  capitale,iSarajévo  (en  turc  :  Bosna-Séraï),  a  41 .543  habi- 


tants,  dont  17.158  xMusulmans.  On  trouve  des  Mahométans 
en  plus  grand  nombre  dans  les  districts  de  Cajnica  (Tchav- 
nitsa),  Foca  (Fotcha),  Rogatica  iRogatitsa  ,  Visoko  (  Visoka';, 
Prjedor  (Priédor),  Bihac  (Bihatch,  Bihké\  Cazin,  Krupa 
et  Dolnja-Tuzla. 

Les  autres  districts  habités  par  un  nombre  plus  ou  moins 


2g2 


REVUE   DU    MONDE   MUSULMAN 


grand  de  Musulmans  sont  :  Brcka,  Gracanica,  Gradacac, 
Maglaj,  Srebrenica(Srebrenik),Zvornik,  Travnik,  Bugojno, 
Konjic  et  Zenica. 

Le  chiffre  de  la  population  musulmane  a  relativement 
diminué  depuis  l'occupation  austro-hongroise,  à  cause  de 
l'émigration.  Beaucoup  de  Mahométans  ne  voulant  pas  se 
laisser   gouverner    par   des  Chrétiens  et   se   soumettre  au 


Cl .  Rev.  C'  des  Sciences 

Musulman  de  Sarajevo. 


Cl.  Rev.  C'  des  Sciences. 
Citadin  musulman. 


gouvernement  austro-hongrois,  une  émigration  en  masse 
se  produisit  pendant  les  premières  années  de  l'occupation. 
Développée  encore  pendant  les  années  1882-1885,  à  la  suite 
du  mouvement  de  1882,  l'émigration  atteignit  son  maxi- 
mum en  1900  et  1901  avec  7.684  et  4.069  émigrants,  en 
raison  de  l'opposition  du  gou\  ernement  local  auxdemandes 
d'autonomie  religieuse  et  intellectuelle  des  Mahométans. 
Presque  tous  les  émigrants  ont  trouvé  une  nouvelle  patrie 


L  ISLAM    EN    BOSNIE    ET    HERZEGOVINE 


2g:> 


en  Asie  Mineure  et  dans  les  provinces  européennes  de 
l'Empire  ottoman,  où  le  gouvernement  turc  les  reçut  avec 
faveur,  en  leur  offrant  les  plus  larges  facilités. 


CL  Riv.  G'«  des  Sciences. 

Turcs  établis  en  Bosnie. 


Cl. lieu.  G"  des  Sciences. 

Viliat'eois  musulman  de  Bosnie. 


Régime  organique. 


Chef  religieux  des  Musulmans,  le  Réïs-ul-riCnua  de  Bos- 
nie et  Herzégovine  est  assisté  par  un  conseil  de  quatre 
membres,  le  «  Medjliss-i-Uléma  ».  La  sphère  d'activité  du 
Réïs-ul-Uléma  embrasse  : 

I"  La  nomination  des  fonctionnaires  ecclésiastiques,  tels 


Mosquée  de  Jijce. 


Cl,  Rev.  G''  des  Sciences. 


L  ISLAM    EN    BOSNIE    ET    HEPZFXOVINE 


295 


que  Imam  (prêtre  d'une  mosquée);  Mouallim  (professeur 
d'instruction  religieuse);  Mudériss  (professeur  de  Mé- 
dressé),  etc.  ; 

2"  L'établissement  de  l'avis  doctrinal  nécessaire  pour  la 
nomination  d'un  professeur  d'instruction  reli^'ieuse    dans 


C'  des  Sciences. 


Mosquée  de  Ustikolina. 


une  école  d'État,  ou  pour  l'admission  des  livres  scolaires  des- 
tinés à  l'instruction  religieuse; 

3«  La  surveillance  générale  de  toutes  les  écoles  musul- 
manes :  «  Mekteb  »  (écoles  la'i'ques)  et  «  Médressé  »  (écoles 
religieuses)  ; 

4"  L'inspection  générale  de  l'instruction  religieuse  dans 
toutes  les  écoles  d'État. 

L'examen  de  Cadi  ou  de  «  Hakim-i-Chér'i  »  (juge  religieux) 
se  passe  devant  le  Réïs-ul-Lléma  et   de\ant  deux  membres 


2g6 


REVUE    DU   MONDE   MUSULMAN 


du  Medjliss-i-Uléma.  Le  Réïs-ul-Uléma  préside  en   ce  cas 
la  Commission  chargée  de  l'examen  des  candidats. 

Le  Réïs-ul-Uléma  et  les  membres  du  Medjliss-i-Uléma 

sont  nommés  à  vie  par  l'Empereur  d'Autriche  et  reçoivent 

leurs  appointements  de  la  caisse  d'État.  Le  Réïs-ul-Uléma 

touche  annuellement  16.000  couronnes,  et 

les   membres  du   Medjliss-i-Uléma  4.000 

couronnes  chacun. 

Il  y  a  5  Muftis  dans  différents  chefs- 
lieux  de  districts  ;  leurs  fonctions  consis- 
tent à  donner  des  «  Fétva  »  (sentences 
religieuses)  et  à  inspecter  les  écoles  mu- 
sulmanes. 

Une  commission,    la   Landes-Wahuf- 
Kommission,  administre  les  biens  de  Va- 
kouf   fondations  pieuses  .  Elle  comprend 
4   membres  du  Medjliss-i-Uléma,   2   Ha- 
kim-i-Chér'i  supérieurs,  et    12   notables, 
choisis  pour  3  ans  par  le  gouvernement 
local,  qui   désigne  deux  des  personnages 
les  plus    marquants   et  les  plus   estimés 
de  chacun  des  six  districts  titulaires 
de  ce  privilège.  Il  y  a  en   outre  un 
président,  un  Muféttich    inspecteur 
et  un  Kiatib  (secrétaire.    Le  prési- 
dent est  nommé  à  vie  par  l'Empereur 
d'Autriche  ;  le  Muféttich  et  le  Kiatib 
sont  nommés  par  le  Ministre  com- 
mun des  Finances,  de  Vienne. 

La  Commission  se  réunit  régulièrement  une  fois  chaque 
année  en  Assemblée  générale  ;  elle  dresse  alors  le  budget, 
et  examine  les  comptes  définitifs  de  l'administration  des 
Vakouf  ou  les  autres  affaires  importantes  se  rapportant  aux 
Vakouf  et  aux  Mekteb-i-Idadié  écoles  préparatoires  musul- 
manes). 


Cl.  Rev.  G'»  des  Sciences. 

Femme  musulmane 
de  Sarajevo. 


l'islam    en    BOSNIE   ET    HERZEGOVINE  297 

L'expédition  des  affaires  courantes  des  Vakouf  est  confiée 
à  plusieurs  fonctionnaires  et  au  Central-A  usschuss  (Comité 
Central),  qui  se  compose  de  4  membres  du  Medjliss-i-Ulé- 
ma,  de  2  Hakim-i-Chér'i  supérieurs  et  de  3  fonctionnaires 
supérieurs  de  la  direction  des  Vakouf. 

Toutes  les  décisions  prises  par  la  Landes-Wakuf-Kom- 
mission,  par  le  Cenlral-Ausschuss  et  par  la  direction  des 
Vakouf  doivent  être  soumises  à  l'approbation  de  la  Landes- 
i-egierung  (Gouvernemenl  de  la  Bosnie  et  de  l'Herzégovine). 
La  Landesregierinig  exerce  un  contrôle  sévère  sur  toutes  les 
opérations  faites  avec  les  biens  Vakouf. 

Tous  les  actes  de  la  direction  des  Vakouf  doivent  être 
contresignés  par  la  Regieriings-Kommission  .Commission 
du  Gouvernement  .  Enfin,  un  commissaire  de  la  Landesre- 
gierung  assiste  à  toutes  les  séances  de  la  Landes-Wakuf- 
Kommission. 


III 

Le  Mouvement  musulman. 

La  population  musulmane  de  la  Bosnie  et  de  l'Herzégo- 
vine n'est  pas  satisfaite  de  ses  institutions  organiques.  On 
leur  reproche  de  laisser  la  communauté  sans  influence  sur 
l'administration  de  ses  affaires  religieuses  et  intellectuelles. 
D'ailleurs,  le  Réïs-ul-Uléma  actuel,  ainsi  que  ses  deux  pré- 
décesseurs, et  le  Medjliss-i-Uléma  se  sont  montrés  impuis- 
sants à  défendre  les  intérêts  locaux  de  l'Islam.  D'un  côté, 
le  Medjliss-i-Uléma  aurait  tout  à  fait  négligé  l'éducation  et 
l'instruction  des  Musulmans,  ne  se  préoccupant  ni  de  la 
fondation  de  nouvelles  écoles  ni  de  la  réforme  des  Mekteb- 
i-Ibtida'iyé  (écoles  primaires)  et  des  Médressés.  D'un  autre 
côté,  il  n'aurait  pas  tenté  de  défendre  les  intérêts  de  l'Islam 
contre  les  empiétements  illégaux  de  la  propagande  catho- 


298 


REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


lique,  ni  même  demandé  l'application  étroite  des  lois 
mises  en  cause.  Comment  en  serait-il  autrement,  puisqu'il 
dépend  de  la  Landesregierung. 


Ci.  Rev.  G''  des  Sciences. 


Mosquée  de  Mostar. 


On  cite  le  cas  d'évêques  avant  baptisé  de  force  des  per- 
sonnes mineures  ou  idiotes,  ou  même  majeures.  Le  gou- 
vernement n'étant  pas  disposé  à  sévir  avec  assez  de  sévérité 


l"iSLAM    en    BOSNIE    ET    HERZEGOVINE 


299 


contre  ces  atteintes  à  la  liberté  religieuse  des  Musulmans, 
le  Medjliss-i-Uléma  n'entreprit  aucune  démarche  active,  se 
bornant  à  de  faibles  protestations.  Le  baptême  illégal  et 
arbitraire  d'une  Mahométane  idiote  a  cependant  provoqué, 
en  1899,  un  mouvement  musulman  en  faveur  de  l'autono- 
mie religieuse  et  intellectuelle. 


Cl.  Rcv  ,G''  des  Sciences. 

Médressé  de  la  Grande  Mosquée  à  Mostar. 


Des  mandataires  élus  à  l'unanimité,  par  l'ensemble  de  la 
population  musulmane,  soumirent  à  la  Lajidesregierung 
un  mémorandum  signalant  les  défauts  les  plus  graves  des 
institutions  actuelles,  avec  un  projet  de  statut  pour  l'admi- 
nistration autonome. 

En  prenant  ce  projet  pour  base,  la  Landesregieriing  en- 
treprit, en  1901,  avec  les  délégués  musulmans,  des  négocia- 
tions, qui,  au  bout  de  trois  mois,  aboutirent  à  un  échec 
complet,  les  deux  parties  n'ayant  pas  pu  se  mettre  d'accord 
sur  quatre  points. 


3  00 


REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


Le  principal  dissentiment  portait  sur  la  sanction  de  la 
nomination  du  Réïs-ul-Uléma  par  le  Cheikh-ul-Islam  de 
Constantinople.  La.  Landesregierung  n'a  pas  voulu  accepter 
une  mesure  qui  eût  subordonné  le  choix  du  chef  religieux 


Cl.  Rev.     C    des   Sciences. 

Turc  établi  en  Bosnie. 


des  Musulmans  de  Bosnie  et  Herzégovine  à  la  confirmation 
du  Cheikh-ul-Islam,  tandis  qu'elle  était  demandée  par  les 
délégués,  au  nom  de  la  population  musulmane.  A  l'appui 
de  cette  prétention,  les  Musulmans  invoquaient  naturelle- 
ment le  fait,  que  les  évêques  des  catholiques  et  ceux  des 
Grecs  orthodoxes  sont  confirmés,  les  premiers  par  le  Pape, 


l'islam   en    BOSNIE    ET    HERZEGOVINE 


3oi 


à  Rome,  les  derniers  par  le  Patriarche,  à  Constantinople. 
Après  la  rupture  des  négociations,  les  délégués  se  rendirent 
à  Constantinople,  pour  y  demander  l'appui  du  «  Khalife  ». 
Ils  se  virent  alors  interdire  de  rentrer  dans  leur  patrie,  et 
restèrent  à  Constantinople,  où  ils  sont  entrés  au  service  du 
Gouvernement  ottoman. 


r" 


Sibian  .Mekteb  à  Trebinje. 


De  nouveaux  représentants  élus,  dans  ces  derniers  temps. 
par  la  population  musulmane,  se  sont  adressés  au  parti 
avancé  de  la  «  Chambre  des  députés  hongroise  ».  Ine  in- 
terpellation a  été  alors  adressée  au  ministre-président  hon- 
grois, qui  a  répondu  que  la  Landesregieriing  était  prête  à 
accorder  aux  Musulmans  une  assez  large  autonomie  reli- 
gieuse et  intellectuelle,  mais  qu'elle  ne  pouvait  point  accep- 
ter  que  le  Réïs-ul-Uléma  dépendît   d'une   influence  étran- 


302  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

gère  quelconque.  La  question  de  l'autonomie  musulmane 
n'a  donc  pas  encore  trouvé  sa  solution. 

Au  mois  de  janvier  1907,  une  assemblée  de  soixante  no- 
tables musulmans,  réunie  à  Sarajevo,  a  examiné  de  nouveau 
la  situation  faite  aux  Musulmans  de  la  Bosnie  et  de  l'Herzé- 
govine. Cette  assemblée  a  désigné,  pour  la  représenter,  un 
grand  propriétaire,  Mahmoud  Bey  Fadilpasi'c,  qui  appar- 
tient à  une  des  familles  les  plus  nobles  et  les  plus  estimées 
du  pavs,  et  un  grand  commerçant,  Ahmed  Agha  Heuda. 
Tous  deux  doivent  organiser,  dans  les  différentes  villes,  des 
comités,  qui  se  feront  représenter  de  même.  Pour  chaque 
ville  de  cercle,  il  y  aura  deux  délégués  et  trois  pour  cha- 
que ville  de  district.  Le  «  comité  populaire  »  formé  ainsi 
devra  élaborer  un  projet  de  réformes  qui  sera  soumis  à  la 
Landesregierung,  et  celle-ci  pourra  employer  l'intermé- 
diaire du  Comité  pour  mettre  les  réformes  à  exécution. 

Ce  mouvement  remarquable  n'a  aucun  rapport  avec  la 
députation  bosniaque  mentionnée  plus  haut,  et  qui  a  subi 
un  échec  complet.  Le  nouveau  Comité  des  Musulmans 
bosniaques  exclut  les  paysans.  Il  ne  se  composera  que  des 
représentants  des  grands  propriétaires,  des  marchands  et 
des  citadins. 


IV 

Organisation  judiciaire,   Vakouf. 

Dans  tous  les  districts,  il  y  a  des  tribunaux  spéciaux  ap- 
pelés «  Mahkémé-i-Chér'ié  »  pour  l'exercice  de  la  juridiction 
concernant  les  mariages,  les  héritages  et  les  fondations 
pieuses. 

Le  Mahkémé-i-Chér'ié  est  présidé  par  un  «  Cadi  ».  Les 
cadis  sont  des  fonctionnaires  d'État.  Ils  sont  nommés  et 
rétribués  par  l'État. 


L  ISLAM    EN    BOSNIE    ET    HERZEGOVINE 


3o3 


Pour  former  ces  juf^es,  on  a  fondé,  en  1887,  une  école 
nommée  «  Mahkémé-i-Chér'ié-Mektebi  »,  avec  cinq  classes. 
Les  futurs  cadis  apprennent  dans  cette  école,  à  côté  du 
Cher'i,'  la  théologie,  les  bases  du  droit  romain  et  d'autres 


'.V.  Rev.  G'°  des  Sciences. 

Mosquée  Pascha  à  Banjaluka. 


sujets  se  rapportant  à  l'instruction  générale.  Les  élèves  qui 
y  achèvent  leurs  études  sont  attachés  pour  quelque  temps 
d'abord  aux  «  Mahkémé-i-Chér'ié  »,  puis  ils  sont  nommés 
cadi,  après  avoir  subi  l'examen  de  «  Hakim-i-Chér'i  ». 

A  Sarajevo,  il  y  a,  avec  deux  cadis  supérieurs,  un  Mahké- 
mé-i-Chér'ié  »  supérieur,  qui   exerce    en  seconde   instance 


3  04 


REVLE   DU    MONDE   MUSULMAN 


la  juridiction  sus-mentionnée.  Le  Conseil  du  Mahkémé-i- 
Chér'ié  est  composé  des  deux  cadis  supérieurs,  de  deux 
conseillers  de  justice  supérieurs  et  du  président  du  trijjunal 
supérieur  de  Sarajevo.  Les  conseillers  et  le  président  ne 
sont  pas  des  Musulmans. 

En  dehors  de  ces  fonctions,  les  Cadis  s'occupent  main- 


ii^s  Scuitces 


Médressé  de  Sarajevo. 


tenant,  dans  quelques  districts,  de  l'adm.inistration  des 
Vakouf. 

Ils  président  en  ce  cas  la  commission  des  \'akouf,  qui  se 
compose  de  deux  notables,  de  l'Imam  et  du  Mudériss  du 
district.  Les  quatre  membres  de  cette  commission  sont 
nommés  par  la  Landesregierung. 

Le  nombre  des  Vakouf  (fondations  pieuses)  s"élève  dans 
tout  le  pays  à  912.  Les  recettes,  après  avoir  été  emplovées 
selon  les  intentions  du  Vakif  (fondateur,  laissent  presque 


l'islam    en    BOSNIE    ET    HERZEGOVINE  3o5 

toujours  un  petit  excédent,  avec  lequel  on  a  formé  les  «  fonds 
centraux  des  Vakouf  ».  Ceux-ci  servent  en  partie  à  l'entre- 
tien des  mosquées  ou  aux  autres  institutions  religieuses 
qui  n'ont  pas  de  recettes  suffisantes  pour  subvenir  à  leurs 
besoins  et  en  partie  à  l'entretien  des  «  Mekteb-i-Ibtida'iyé 
(écoles  primaires). 

Il  faut  ajouter  à  ces  fonds  tous  les  biens  ayant  appartenu 
à  des  mosquées  et  autres  institutions  religieuses  démolies 
ou  détruites. 

Le  budget  de  la  Landes- Wakuf-Kommission  et  des  \'akour 
était,  en  igoS  : 

Dépenses 668.010  couronnes 

Recettes 671.876        — 

Excédent,  3.866        — 


V 

Mouvement  intellectuel. 

Les  habitants  entretenaient  eux-mêmes,  jusqu'à  ces  der- 
niers temps,  les  «  Mekteb-i-Ibtida'iyé  »,  par  souscriptions 
volontaires.  Les  enfants  apprennent,  dans  ces  écoles,  les 
premières  notions  de  la  religion,  surtout  la  lecture  du 
Qoran. 

A  côté  des  Mekteb-i-ibtida'iyé,  dans  lesquelles  on  enseigne 
d'après  une  nouvelle  méthode,  on  trouve  encore,  dans  beau- 
coup d'endroits,  des  «  Sibian-.Mektebi  »,  destinées  également 
aux  enfants,  et  qui  les  instruisent  d'après  une  vieille  méthode 
mo\en-ageuse. 

De  même,  les  Médressés  ont  encore  une  ancienne  organi- 
sation. Les  méthodes  d'enseignement  v  sont  surannées  et 
très  primitives. 

Le  nombre  des  Musulmans  fréquentant  les  écoles  d'État 


3o6 


REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


est  malheureusement  assez  restreint.  Dans  la  plupart  des 
écoles  primaires  et  moyennes,  le  nombre  des  élèves  musul- 


Cl.  Rev.  G'«  des  Scienca. 

Musulman  de  Foïa  en  costume  albanais. 


mans   ne  répond  pas  à   celui  des  Musulmans   habitant  la 
contrée.  On  ne  constate  de  progrès  à  cet  égard  qu'en  Herzé- 


L  ISLAM    EN    BOSNIE   ET    HERZÉGOVINE 


3o7 


govine,  pour  le  lycée  supérieur  de  Mostar,  où  le  nombre  des 
Musulmans  s'élève  au  delà  de  20  p.  100.  Aussi  celte  école 
ferme-t-elle  maintenant  ses  portes  les  jours  des  fêtes  musul- 
manes. 


Cl.  Rev.  C  des  Sciences. 


Paysans  musulmans  de  Bosnie. 


Le  chilTre  restreint  des  lycéens,  dans  le  pays  même, 
explique  qu'on  ne  trouve  que  peu  d'étudiants  musulmans 
aux  Universités  de  Vienne  et  d'Agram.  C'est  en  1906-1907, 
l'année  scolaire  actuelle,  que  ce  chiffre  a  été  le  plus  élevé  : 
il  n'est  que  de  40  étudiants  musulmans,  proportion  bien 
faible  par  rapport  au  nombre  des  étudiants  des  autres  reli- 
gions. 

On  a  fondé,  en  ujoS,  à  Sarajevo,  l'association  «  Gaïret  » 
^Lo  Zèle  ,  pour  aider  les  étudiants  musulmans  pauvres.  La 


3o8  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

fortune  de  l'association  s'élève  à  40.000  couronnes  et  ses 
recettes  annuelles  montent  à  20.000  couronnes.  Elle  a 
donné,  cette  année,  à  environ  5o  jeunes  gens  pauvres  les 
moyens  de  faire  des  études  sérieuses,  en  dépensant  à  cet 
effet  16.000  couronnes. 

On  trouve  à  Sarajevo  quatre  journaux  rédigés  par  des 
Mahométans  : 

i"  Béhar  : 

2°  Mussavat ; 

3"  Bosujak  ; 

4°  Bosansho-hercegovacki  Glasnik. 

Le  journal  Béhar  est  littéraire  et  bi-mensuel,  les  trois 
autres  sont  politiques  et  hebdomadaires. 


VI 

Situation  économique. 

Au  point  de  vue  économique,  on  peut  dire  que  les  Musul- 
mans de  la  Bosnie  et  de  l'Herzégovine  forment  la  partie  la 
plus  forte  de  la  population.  Ils  ont  cependant  perdu  une 
grande  partie  de  leur  fortune  depuis  l'occupation,  d'une 
part,  à  cause  de  l'émigration,  d'autre  part,  à  cause  de  la  mau- 
vaise direction  de  leurs  affaires.  Les  biens  ruraux  appar- 
tenaient pour  la  plus  grande  partie  aux  «  Beys  »  et  aux 
«  Aghas  »,  entre  les  mains  desquels  se  trouve  encore  une 
grande  partie  des  terres  de  labours.  Mais  la  valeur  de  la 
propriété  foncière  a  beaucoup  diminué  depuis  l'occupation, 
parce  que  la  Landesregierung  a  accordé  aux  Kméténs 
(cultivateurs)   un  droit  nommé  le  Kméténrecht,   au  détri- 


l'islam    en    BOSNIE    ET    HERZEGOVINE  SoQ 

ment  des  propriétaires.  Ce  droit  ne  permet  pas  à  ceux-ci  de 
renvoyer  les  premiers. 

Les  différends  entre  propriétaires  et  Kmétén's  doivent  être 
portés  devant  l'Administration  politique,  dont  le  jugement 
n'est  naturellement  pas  indépendant. 

Imzâ  Mahfoûz. 


LA    REVOLUTION    PERSANE 


5  il  est  un  pays,  en  Europe,  où  les  événements  de  Perse 
doivent  être  suivis  avec  une  prof  onde  sympathie,  c'est  assu- 
rément la  France,  non  seulement  parce  que  la  Révolution 
persane  semble,  jusqu'ici,  une  reproduction  fidèle ,  dans  bien 
des  détails,  de  la  Révolution  française,  mais  parce  quelle 
représente  aussi  une  partie  décisive,  peut-être,  pour  Cave- 
nir  de  l'Islam.  Déjà,  dans  tous  les  milieux  musulmans  où 
la  science  moderne  commence  à  revendiquer  ses  droits,  on 
imite  r exemple  des  exégètes  du  christianisme  moderne.  Des 
institutions  de  l'Islam  primitif,  celui  du  Prophète  et  des 
Cheikhîn,  se  dégagent  des  altérations,  qui  les  07it  si  profon- 
dément modifiées  au  cours  des  âges  et  des  dominations 
temporelles .  Ce  mouvement  est  bien  la  marque  des  temps 
qui  viennent  :  partout  l'antagonisme  des  peuples  musul- 
mans contre  leurs  maîtres  s'affirme  dans  la  genèse  des 
natio7ialités.  Bientôt  viendront  les  démocraties. 

On  comprend  l'intérêt  très  vif  avec  lequel  la  Revue 
suit  les  progrès  de  la  Révolution  persane.  On  comprendra 
tous  ses  regrets  des  manifestations  par  lesquelles  les  partis 
de  la  réaction,  de  /'Ancien  Régime,  cherchent  à  entraver 
la  libération  du  peuple  persan,  par  le  désordre. 

En  voici  quelques  exemples  :  Un  attar,  parfumeur,  du 
quartier  de  Tcherandab,  à  Tauris,  Keibelaié  Sadaq, 
passayit  pour  Babi,  était  insulté  presque  chaque  jour  par 
son  voisin,  le  boulanger  Mechhedi  Hassan.  Le   25   avril 


LA    BÉVOLUTION    PERSANE  3ll 

dernier,  celui-ci,  après  avoir  prévenu  uti  autre  voisin, 
épicier,  de  disparaître,  arriva  à  7  heures  et  demie  du  soir 
devant  la  boutique  du  parfumeur.  Il  était  accompagné  de 
son  beau-frère  Khalil,  de  son  Jrère,  d'un  domestique  et 
d'un  ferrache.  Tous  cinq  se  mirent  à  insulter  Kerbelaié 
Sadaq,  qui  vendait  à  un  client. 

Sadaq  les  priant  de  le  laisser  tranquille,  ils  se  précipi- 
tèrent sur  lui,  l'arrachèrent  de  sa  boutique  et,  après  l'avoir 
renversé  et  bâtonné  cruellement,  lui  écrasèrent  la  tète  avec 
une  pierre. 

VEndjouman  et  le  gouverneur,  prévenus,  se  déclarèrent 
iynpuissants  à  rien  faire. 

De  telles  violences  en  appellent  d'autres,  qui  elles-mêmes 
ont  des  répercussions  multiples. 

Si  on  assomme  les  Babis  dans  les  rues  à  l^auris,  les 
Moudjtéheds  ont  été  expulsés  de  la  ville.  Mais  l'Assemblée 
nationale  de  Téhéran,  craignant  qu'ils  n'allassent  ourdir 
des  intrigues  à  Xedjef  et  à  Kerbela.,  écrivit  à  V Endjouman 
de  faire  tous  ses  efforts  pour  les  faire  rentrer.  Ils  répon- 
dirent aux  ouvertures  qu'on  leur  fit  alors,  en  posaiit  les 
conditions  suivantes  : 

1°  Rentrée  à  Tauris  de  tous  les  Oulémas  expulsés,  sans 
exception  ; 

2°  Interdiction  de  traiter  en  chaire  d'autres  questio)is 
que  les  questiois  religieuses  ; 

3"  Obligation  pour  V  Endjouman  de  ne  pas  s'occuper  des 
matières  religieuses: 

4°  Défense  aux  journaux  de  publier  des  articles  hostiles 
à  la  religion  : 

5°  Garantie  que  les  Oulémas  ne  seraient  jamais  forcés 
par  le  peuple  d'assister  aux  séances  de  l' Endjouman. 

Ceci  se  passait  au  commencement  de  mai,  huit  jours 
après  le  meurtre  du  Dabi,  et  voici  maintenant  que,  au 
milieu  de  mai,  les  Bazars  se  ferment  de  nouveau.  La 
poste  est  envahie  par  une  foule  énorme.  On   télégraphie 


3 I 2  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

encore  à  l'Assemblée  nationale  pour  réclamer  que  le  Chah 
confirme  une  fois  déplus  la  Constitution.  — De  Tauris,  di- 
sent les  derniers  télégrammes  'ig  mai],  le  mouvement  s'est 
propagé  dans  d'autres  villes,  à  Recht,  à  Kerman,  à  Chi- 
rac. «  Les  autorités  sont  en  fuite,  mais  les  troupes  sont 
encore  fidèles  »,  dit  la  dépêche.  —  A^e  serait-ce  déjà  plus  89? 

On  lira  avec  un  vif  intérêt,  en  songeant  à  ces  événe- 
ments contemporains  et  à  tous  ceux  dont  ils  rappel- 
lent déjà  ou  préparent  l'évocation,  le  sermon  du  cé- 
lèbre Moudjtéhéd  Djémal-ed-Dine,  de  Téhéran,  dont  nous 
devons  la  traduction  à  Vobligeance  deM.  A  .-L.-M.  Nicolas. 
Le  bruit  fait  par  ce  sermon  eîii  suffi  à  le  rendre  intéres- 
sant. Il  jette  un  jour  particulier  sur  la  psychologie  com- 
plexe du  mouvement  persan. 

A.L.  C. 


UN  SERMON 
DE  A.  SEYYÉD    DJÉMAL-ED-Dl  NE 


Le  mercredi  soir,  14  moharrem  i325  c'est-à-dire  le  jeudi 
soir,  i5,  suivant  le  calendrier  musulman  et  le  27  février, 
suivant  notre  comput),  A.  Seyyéd  Djémal-ed-Dine,  prédica- 
teur très  aimé  des  Téhéranis,  monta  en  chaire  et  prononça 
le  sermon  que  l'on  va  lire.  Un  journal,  El-Djémal,  s'est 
fondé  uniquement  p©ur  publier,  dans  toute  la  Perse,  les 
paroles  de  ce  descendant  de  Mohammed,  et  c'est  cette 
feuille  que  nous  traduisons. 

Au  nom  de  Dieu, 

le  Clément,  le  Miséricordieux, 

le  Créateur  de  l'Univers. 

Je  vous  ai  dit,  ces  jours  passés,  que  le  principe  du  progrès 
et  de  la  prospérité,  de  la  richesse  et  du  pouvoir,  du  bien  en 
ce  monde  et  dans  l'autre,  réside  en  quatre  choses.  Tout 
pays,  tout  peuple,  qui  possède  ces  quatre  choses,  s'avance 
dans  la  voie  du  progrès  et  monte,  des  profondeurs  obscures 
des  ténèbres,  aux  plus  hauts  sommets  resplendissants  de 
lumières. 

Toute  nation,  au  contraire,  où  ne  se  trouvent  pas  ces 
quatre  choses,  tout  pays  où  il  en  manque,  ne  serait-ce 
qu'une,  les  autres  y  étant,  reste  dans  la  ruine  et  la  désola- 


3 14  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

tion,  comme  actuellement  la  Perse.  Les  habitants  en  sont 
pauvres  et  faibles,  ignorants,  ne  sachant  rien.  C'est  l'absence 
de  ces  quatre  choses  qui  fait  l'homme  ignare  et  incapable, 
c'est  elle  qui  le  rend  pauvre  et  misérable,  et,  dans  cet  état, 
l'individu  ne  recherche  plus  rien,  ses  mains  ne  s'occupent 
à  aucun  travail,  et  son  cœur  n'aspire  plus  qu'au  néant. 

Ces  quatre  choses  sont  :  i°  l'égalité  ;  2"  la  sécurité  ;  3°  la 
liberté  ;  4°  le  talent  et  la  science. 

Je  vous  disais,  la  nuit  dernière,  que  le  mot  «  égalité  »  ne 
veut  pas  dire  que  moi,  par  exemple,  je  doive  m'asseoir 
librement  à  côté  du  roi,  protecteur  de  l'Islam  ;  cela  ne  veut 
pas  dire  que  les  appointements  du  soldat  doivent  être  les 
mêmes  que  ceux  du  général  ;  cela  ne  veut  pas  dire  que  vous 
ne  deviez  plus  respecter  les  oulémas,  ni  leur  baiser  les 
mains.  Croire  cela,  serait  errer  profondément.  Il  en  va  de 
même  pour  le  mot  «  liberté  »,  que  d'aucuns  détournent  de 
son  sens  primitif,  et  que  je  vous  expliquerai,  s'il  plaît  à 
Dieu,  en  son  temps. 

Voici  ce  que  signifie  le  mot  «  égalité  »  :  les  lois  de  Dieu 
doivent  s'appliquer  d'égale  façon  à  toutes  les  individualités 
d'une  nation  :  c'est-à-dire  que,  quiconque  a  volé,  doit  avoir 
la  main  coupée;  quiconque  boit  du  vin,  doit  recevoir  son 
châtiment;  quiconque  a  une  propriété  soumise  à  l'impôt  (i) 
doit  paver  cet  impôt  ;  qui  que  ce  soit,  sans  aucune  excuse, 
sans  aucune  exception,  car  dans  le  Qoran  et  dans  les 
«  Hadis  »  il  n'est  établi  aucune  diff'érence  entre  le  Chah  et 
le  mendiant. 

Le  Qoran  dit  :  «  Accomplissez  exactement  la  prière  »  (2). 
Cet  ordre  est  général  et  concerne  chacun  d'entre  nous.  Il 
ne  se  peut  que  l'un  dise  :  «  Je  suis  seyyéd,  donc  je  suis 
exempt  de  prières»,  ou  bien:  «  Je  suis  témoin  de  l'Islam  », 
ou  bien   :  «  Je  suis  prince  ».  Tous  doivent  la  prière,  tous, 

(i)  Les   esprits  malintentionnés  lont   remarquer  que  les   biens  du   clergé 
sont  exemptés  d'impôts. 
(2)  Qoran,  VI,  71. 


LA    RÉVOLUTION    PERSANE  3  i  b 

sauf  les  personnes  qui  sont  explicitement  exceptées  par  la 
loi,  c'est-à-dire,  par  exemple,  les  femmes  à  l'époque  de 
leurs  menstrues.  Quelle  que  soit  la  femme,  si  elle  se 
prostitue,  elle  va  en  enfer,  sauf  en  cas  de  repentir.  Donc 
«  égalité  »  veut  dire  :  l'ordre  de  Dieu  est  égal  pour  tous. 

O  homnie  !  le  Dieu  qui  établirait  des  différences  parmi 
ses  créatures,  ne  serait  pas  Dieu,  la  loi  qui  ne  confondrait 
pas  le  haut  et  le  bas  ne  serait  pas  la  loi  !  Dieu  a  dit  :  «  O 
croyants!  le  jeûne  vous  est  prescrit  »  (i\  et  dès  lors  qui 
que  ce  soit  doit  jeûner,  homme  ou  femme,  jeune  ou  vieux, 
riche  ou  pauvre,  sauf,  bien  entendu,  ceux  qui  sont  exceptés, 
comme  les  malades  ou  les  voyageurs.  Quelle  différence  peut- 
il  y  avoir  entre  moi  malade  et  toi  malade?  11  en  est  de  même 
pour  les  aumônes  obligatoires,  pour  le  pèlerinage,  pour  la 
guerre  sainte  ;  voilà  quel  est  le  sens  du  mot  «  égalité  »! 

Actuellement,  dans  notre  pavs,  dans  la  Perse,  cette  loi 
n'a  plus  cours  :  je  ne  veux  pas  dire  qu'elle  n'y  existe  pas 
cette  année  seulement;  elle  n'v  existe  pas  cette  année,  pas 
plus  qu'elle  n'y  existait  l'année  passée,  ou  il  v  a  dix  ou 
cent  ans.  C'est  pourquoi  nous  nous  appauvrissons  de  jour 
en  jour  et  devenons  de  plus  en  plus  malheureux,  de  plus  en 
plus  misérables. 


Les  philosophes,  les  savants,  ont  tiré  leur  science  du  Pro- 
phète :  tout  ce  que  nous  avons  nous  vient  donc  du  Pro- 
phète. Or  ceux-ci  n'ont  rien  inventé  d'eux-mêmes,  et  tout 
ce  qu'ils  nous  ont  enseigné,  ils  l'ont  appris  de  Dieu. 

Notre  faible  intelligence  ne  peut,  par  le  calcul,  déterminer 
les  choses  ! 

Elle  ne  peut  qu'admettre  le  résultat  de  la  science, 

11  est  certain  que  les  arts  proviennent  de  l'inspiration, 

Celle-ci  paraît  d'abord,  et  l'intelligence  la  Completel 

(  I  )  Qoran,  II,  179. 


3lt)  REVLE    DU    MONDE    MUSULMAN 

L"astronomie,  la  médecine,  viennent  de  la  révélation  faite 
aux  prophètes. 

A  quoi   peuvent  servir  l'intelligence  et  la  sensation  dans 
ce  qui  n'a  pas  de  forme?'' 

Creuser  une  tombe  demande  peu  de  pénétration  : 
Qu'est-ce  que  la  pensée  et  la  science  v  ont  à  voir  'f 
Si  Dieu  n'avait  pas  dit  :  «  Enterrez  vos  morts  »,  nous 
n'eussions  su  que  faire  d'eux,  comme  Cabil  [\  qui,  long- 
temps, ne  sut  que  faire  du  corps  d'Abil  (2).  Ce  fut  Dieu 
qui  lui  apprit  les  rites  de  funérailles.  Si  les  prophètes 
n'avaient  pas  dit  :  «  Lavez  votre  linge  I  »,  nous  n'eussions 
pas  su  le  laver.  Bref,  tout  ce  que  nous  avons  vient  du  Pro- 
phète, et  c'est  de  Dieu  que  celui-ci  l'a  appris  : 

«  Il  ne  parle  pas  par  suite  de  quelque  mou\"ement  de  ses 
passions. 

«  C'est  une  révélation  qui  lui  a  été  faite  (3  •  » 
Dieu  parle  par  allégories,  c'est-à-dire  que,  quand  il  veut 
faire  comprendre  quelque  chose  d'obscur  à  nos  intelli- 
ge«ces,  il  nous  l'expose  sous  la  forme  de  paraboles,  pour 
que  moi,  comme  toi,  nous  comprenions.  Si,  par  exemple, 
il  veut  nous  faire  entendre  que  ce  monde  est  périssable,  il 
allégorise  sa  pensée  et  compare  le  monde  à  une  toile  d'arai- 
gnée : 

«  Y  a-t-il  une  demeure  plus  frêle  que  la  demeure  de 
l'araignée  »  4,  ce  qui  veut  dire  que  ce  monde  est  aussi 
fragile  qu'une  toile  d'araignée. 

Son  Altesse  Jésus,  dans  les  évangiles,  a  beaucoup  usé  de 
l'apologue  ;  de  même  Moïse  dans  ses  livres,  et  Dieu  encore 
dans  son  Qoran  : 

«  Dieu  ne  rougit  pas  d'offrir  en  paraboles  soit  un  mou- 
cheron (5  ...  » 


(1-2)  Cabil  et  Abil,  noms  persans  de  Caïn  et  Abel. 

(3)  Qoran,  LUI,  8-4. 

(4)  Qoran,  XXIX,  40. 

(5)  Qoran,  II,  24. 


LA    RÉVOLUTION    PERSANE  3  I  7 

«.  Je  parle  ouvertement,  en  me  mettant  à  la  portée  des 
intelligences.  » 

«  Et  ce  n'est  pas  là  œuvre  mauvaise  1  car  c'est  l'œuvre  du 
Prophète.  » 

«  Quand  c'est  avec  les  enfants  que  l'on  a  affaire, 

«  II  faut  parler  le  langa^^'e  des  enfants.  » 

Le  premier  qui  employa  le  langage  de  l'allégorie  pour 
nous  expliquer  la  sagesse,  c'est  Dieu,  et  si  nous  voulions 
nous  étendre  sur  ce  point,  cela  nous  entraînerait  trop  loin. 
Par  exemple,  ne  dit-il  pas  : 

«  O  hommes  !  on  vous  propose  une  parabole,  écoutez-la. 
Ceux  que  vous  invoquez  à  côté  de  Dieu  ne  sauraient  créer 
une  mouche,  quand  môme  ils  se  réuniraient  tous;  et  si  une 
mouche  venait  leur  enlever  quelque  objet,  ils  ne  sauraient 
le  lui  arracher  (i  .  » 

Dieu  veut  ici  nous  indiquer  que  l'idolâtrie  est  mauvaise, 
et  c'est  par  cette  parabole  qu'il  nous  l'indique.  La  seconde 
partie  de  ce  verset  fait  allusion  à  la  coutume  qu'avaient  les 
anciens  idolâtres  de  cette  époque  d'enduire  de  moût  leurs 
idoles,  moût  qu'ils  recueillaient  ensuite,  et  dont  ils  se  ser- 
vaient pour  les  maux  de  gorge  et  autres  maladies  ;  et  les 
mouches  venaient  se  poser  sur  ce  moût. 


Un  Arabe,  possédant  une  idole,  alla  un  jour  au  dehors, 
raconte-t-on.  pour  s'occuper  de  ses  affaires.  Quand  il  revint 
chez  lui,  il  vit  un  renard  qui  urinait  sur  cette  idole;  il 
s'écria  : 

«  Est-ce  donc  un  Dieu  que  celui  sur  la  tète  duquel 
viennent  pisser  les  renards  ?  » 

Et  c'est  là  un  exemple  qui  peut  servir  encore  de  nos  jours  ; 
qui  peut  ser\  ir,  surtout  pour  ceux  —  et  je  demande  pardon 

I)  Qoran,  XXII.  72. 


3l8  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

à  Dieu  de  ce  que  je  vais  dire  —  pour  ceux  qui  abandonnent 
la  religion  de  l'émir  des  Croyants  (ij  et  s'en  vont  se  faire 
Babis  !  Grand  Dieu  !  pardonne  !  ils  sont  assez  insensés  pour 
s'imaginer  qu'un  homme  peut  être  Dieu  (2)  I  Par  mon  très 
saint  aïeul,  ceux-là  sont  pires  que  les  impies  du  temps  de 
l'ignorance  ! 

Allons  donc  !  vous  vous  imaginez  qu'un  homme  qui  a 
d'abord  été  semence,  puis  grumeau  de  sang  dans  la  matrice 
de  sa  mère,  qui  sort  du  ventre  de  telle  ou  telle  femme,  qui 
mange  comme  vous  et  moi,  qui  dort,  qui  se  revêt  de  vête- 
ments, qui  peut  tomber  malade,  qui  subira  les  lavements 
que  lui  donnera  l'apothicaire,  vous  croyez  que  celui-là  peut 
être  un  Dieu  I  ! 


Bref,  ces  paraboles,  que  nous  avons  dans  le  Qoran,  et 
auxquelles  les  philosophes  ont  beaucoup  ajouté,  ont  toutes 
été  écrites  dans  les  voies  de  la  sagesse.  Les  matières  sérieu- 
ses ont  été  revêtues  des  vêtements  de  la  fable,  afin  que  cha- 
cun se  plaise  à  les  lire.  Les  premiers  hommes  qui  ont  écrit 
allégoriquement  sont  les  philosophes  de  l'Inde. 

Trois  choses  proviennent  de  l'Inde.  Tout  d'abord,  le  jeu 
d'échecs,  qui  apprend  à  conquérir  des  royaumes,  par  l'inter- 
médiaire de  la  stratégie,  et  qui,  de  ce  fait,  est  de  la  plus 
grande  utilité  pour  les  souverains.  Il  habitue  l'homme  à 
penser  à  bien  des  choses,  et  le  force  à  réfléchir,  avant  d'ef- 
fectuer un  geste,  à  ceux  qu'il  devra  accomplir  beaucoup  plus 
tard.  Mais  ce  jeu,  aux  yeux  de  notre  loi  religieuse,  est  illicite. 


(i)  Le  seul  Émir  des  Croyants,  pour  les  Chiites,  c'est  Ali. 

(2)  Seyyéd  Djémal-ed-Dine  démontre  ici  qu'il  ne  connaît  rien  au  babisme, 
car  les  Babis  font  de  la  Divinité  une  entité  parfaitement  inaccessible  à  la 
nature  humaine.  Le  seul  intermédiaire  qui  existe  entre  Dieu  et  la  créature 
est  la  «  volonté  primitive  »  —  le  Verbe  créateur  du  monde,  mais  créature 
de  Dieu,  un  peu  plus  proche  de  Dieu  que  l'homme,  mais  encore  inllni- 
ment  éloignée  de  lui.  Ils  repoussent  donc  avec  indignation  l'épithète  de 
«  croyants  à  l'incarnation  ». 


LA    RÉVOLUTION    PERSANE  SlQ 

Deuxièmement,  les  mathématiques:  Ce  sont  les  Indiens 
qui  ont  inventé  les  neuf  chiffres,  à  l'aide  desquels  on  peut 
écrire  des  millions  de  nombres.  L'adjonction  d'un  zéro  suf- 
fit à  établir  des  différences  considérables. 

Troisièmement,  les  romans,  c'est-à-dire  les  livres  qui  ca- 
chent les  problèmes  de  la  sagesse  sous  les  vêtements  de 
l'anecdote,  de  sorte  que  même  les  enfants,  même  les  femmes, 
ont  le  plus  vif  désir  de  les  lire.  Le  meilleur  des  romans  est 
celui  de  Kalila  et  Dimnah,  dont  la  traduction  est  VEnveri 
Soheili.  C'est  un  livre  excellent;  sachez  qu'il  a  été  traduit 
dans  toutes  les  langues  du  globe,  et  que  nous  en  devons  la 
version  persane  à  Anouchirévan^  qui  fit  venir  le  volume  à 
grands  frais  des  Indes  en  Perse,  et  en  fit  exécuter  la  traduc- 
tion dans  notre  langue. 

Après  les  philosophes  des  Indes,  les  gens  de  TEurope  et 
du  Frenghistan  ont,  comme  ils  ont  fait  d'ailleurs  arriver 
chaque  chose  à  son  degré  de  perfection,  beaucoup  d'excel- 
lents livres  de  ce  genre,  qu'ils  appellent  «  romans  ». 

Ce  sont  des  livres  profondément  utiles;  prenez-les,  lisez- 
les,  ô  vous  qui  connaissez  les  langues  européennes! 

Vraiment  je  ne  sais  si  les  Européens  sont  allés  plus  haut 
que  cela  dans  la  civilisation. 

Nous  nous  imaginions  que  le  télégraphe  était  le  sum- 
mum de  la  science  :  un  homme,  ici,  à  Téhéran,  remue  la 
main,  et  le  bruit  en  retentit  à  Paris!  Mais  nous  vîmes  bien- 
tôt qu'il  y  avait  quelque  chose  de  plus  haut  encore,  et  c'est 
le  téléphone.  Tu  parles  ici,  et  ta  voix,  ta  voix,  ta  propre 
voix,  se  fait  entendre  à  Casvine  1  Et  ce  n'était  pas  la  fin, 
car  nous  vîmes  quelque  chose  de  plus  merveilleux  encore, 
«  la  télégraphie  sans  fil  ».  Tu  parles  et  l'on  t'entend  à 
Londres,  et  il  n'y  a  ni  fil,  ni  poteau  télégraphique  !  ce  n"est 
pourtant  pas  un  oiseau  qui  te  sert  de  messager  !  ce  n'est  pas 
le  vent  qui  transporte  tes  paroles  ! 

O  hommes!   o  hommes  !   d'où  cela   vient-il  ?  le  savez- 


320  REVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 

VOUS  ?  Eh  bien  !  je  vais  vous  le  dire  :  de  la  Science  !  de  la 
Science  !  !  de  la  Science  I  !  1  de  la  Science  !  1  !  I  et  celle-ci 
n'existe  pas  en  Perse  ! 


Ah  oui!  nous  avons  par  contre,  chez  nous,  une  science 
qui  a  fait  de  singuliers  progrès,  c'est  la  science  de  la  «  ca- 
naillerie  et  du  vol  ».  Ce  soir,  tu  rentres  tranquillement  chez 
toi,  dans  ta  maison,  tu  dors,  et  le  lendemain  on  vient  t'ex- 
pulser,  parce  que  quelqu'un  a  fabriqué  des  titres  de  proprié- 
té et  qu'on  a  vendu  ta  maison  à  autrui.  Combien  existe-il 
de  ces  voleurs  à  Téhéran  !  et  combien  ont-ils  pris  de  peines 
pour  connaître,  apprendre  et  appliquer  toutes  les  ruses  de 
leur  métier  de  voleur  ! 

Les  hommes  de  l'Europe  ont  conduit  toutes  les  choses  à 
leur  point  de  perfection  :  par  exemple,  la  médecine.  Ils  ont 
inventé  un  instrument  par  lequel  on  voit  l'enfant  dans  le 
ventre  de  sa  mère  !  si  elle  est  malade,  on  voit  où  est  son  mal  ! 
où  git  sa  plaie  !  Avec  cet  instrument,  on  voit  ce  qu'il  v  a 
dans  une  boîte  dont  le  couvercle  est  cadenassé,  et  tout  cela 
ne  provient  que  de  la  science,  j'en  jure  sur  Dieu,  de  la 
Science  !  Ce  n'est  pas  une  magie  I  ce  n'est  pas  une  fantasma- 
gorie! ce  n'est  pas  un  miracle  !  Les  sciences  sont  arrivées 
aussi  à  un  degré  élevé  dans  l'économie  politique  et  les  ques- 
tions sociales  et  gouvernementales.  Combien  de  fois  ne 
vous  ai-je  pas  dit  qu'un  pays  qui  a  deux  milliards  d'impôts, 
les  voit  payer  par  les  sujets  mêmes  de  ce  pays  ;  et  si,  de  ces 
sommes  immenses,  un  percepteur  voulait  détourner  cinq 
francs,  on  s'en  apercevrait  aussitôt,  et  cela,  à  cause  du  degré 
de  science  où  en  sont  les  Européens! 

Et  maintenant  que  nous  voulons  une  assemblée  nationale 
délibérative,  ce  n'est  pas  pour  adopter  les  lois  européennes. 
Gloire  à  Dieu  !  nous  avons  les  meilleures  lois  du  monde 
puisque  nous  avons  le  Qoran,   Mais  ce  que  nous  voulons 


LA    REVOLUTION    PERSANE  32  1 

leur  emprunter,  c'est  leur  mode  de  nomination  des  fonc- 
tionnaires, les  règles  de  leurs  ministères,  leur  façon  de  per- 
cevoir les  impôts:  de  telle  sorte  que  personne  ne  subisse 
plus  de  \'iolences. 


Je  vous  avais  promis,  la  nuit  dernière,  de  vous  raconter 
l'histoire  du  ketkhoda  (i)  Xorouz,  et,  plusieurs  personnes 
ayant  insisté  pour  entendre  ce  récit,  je  vais  m'exécuter: 

Le  ketkhoda  Norouz  était  le  ketkhoda  d'un  gros  village  de 
l'Azèrbàïdjân,  qui  possédait  au  moins  mille  familles.  Il  en- 
voya à  la  ville  voisine  chercher  un  professeur  pour  son 
enfant. 

Or,  dans  la  ville,  vivait  un  vieux  MoUa,  très  saint  et  très 
dévot,  nommé  Alolla  Sefer  Ali,  dont  la  réputation  était  ar- 
rivée jusqu'à  notre  ketkhoda.  Celui-ci  donna  Tordre  de  le 
taire  venir  et, "à  son  arrivée,  le  logea  dans  une  chambre  de 
son  biroun.  Dès  le  lendemain,  il  lui  présenta  six  élèves. 
\  oici  la  con\ersation  de  nos  deux  personnages  : 

—  Seigneur  Akhound,  le  salut  soit  sur  vous  ! 

—  Sur  vous  soit  le  salut  !  la  bénédiction  de  Dieu  et  sa 
miséricorde  ! 

—  J'ai  amené  ces  six  enfants  pour  que  vous  les  instrui- 
siez. Celui-ci  est  mon  fils,  et  j'ai  pour  lui  une  très  grande 
artèction,  car  sa  mère  est  ma  bien-aimée  qui  m'aime.  Il  vous 
faudra  prendre  grand  soin  de  lui. 

—  Que  veut  dire:  sa  mère  est  ma  bien-aimée?  Je  ne 
comprends  pas  ! 

—  Cela  veut  dire  que  j'ai  sept  femmes  et  que  celle  que  je 
préfère  par-dessus  toutes  est  sa  mère. 

—  Vous  n'aimez  donc  pas  les  autres  ? 

—  Ma  toi  non,  je  ne  vais  pas  une  fois  par  an  chez  elles. 


'i)  Maire. 


322  PEVL'E    DU    MONDE   MUSULMAN 

—  Malheureux  !  mais  ce  que  vous  faites  est  absolument 
contraire  au  Qoran  !  Le  Prophète  a  recommandé  d'agir 
vis-à-vis  des  femmes  avec  justice.  Donnez  à  chacune  son 
tour!  Regardez-les  toutes  d'un  même  œil.  Si  vous  ne  pou- 
vez agir  justement  avec  elles,  n'en  prenez  pas  deux  ;  si  vous 
ne  pouvez  pas  acheter  des  \êtements  pour  les  deux,  vous 
commettez  un  péché  en  en  achetant  pour  l'une  ;  si  tu  dis  à 
l'une  :  «  Je  suis  ton  sacrifice  !  »  et  qu'à  l'autre  tu  dises  des 
injures,  tu  ne  dois  pas  prendre  deux  femmes. 

Le  Prophète  a  encore  dit  :  «  Vous  ne  pourrez  jamais  trai- 
ter également  toutes  vos  femmes,  quand  même  vous  le  dési- 
reriez ardemment.  Gardez-vous  donc  de  suivre  entièrement 
la  pente  et  d'en  laisser  une  comme  en  suspens  (i).  »  Songez 
que  celle-ci  sera  malheureuse;  pensez  que  c'est  une  musul- 
mane, qu'elle  a  été  vierge,  qu'elle  aussi  a  le  besoin  légitime 
de  son  mari.  Quand  tu  l'as  prise,  ne  l'as-tu  pas  trouvée  à 
ton  goût?''  Eh  bien,  pourquoi  te  déplaît-elle  aujourd'hui? 
Son  haleine  n'est  cependant  pas  devenue  fétide?'' 

Ne  dit-il  pas  «  ne  laissez  pas  l'une  en  suspens  ».  C'est-à- 
dire  que  la  femme  désire  alors  que  son  mari  meure,  car,  ou 
bien  elle  cherchera  à  se  remarier,  ou  bien  elle  restera  tran- 
quillement chez  elle  ;  mais  les  hommes  !  !  ! 

Ne  prends  pas  deux  femmes,  pour  aller  chaque  nuit 
retrouver  l'une  et  abandonner  l'autre  complètement.  Cette 
pauvre  abandonnée  allumera  en  vain,  chaque  nuit,  sa  lampe 
et  fixera  ses  veux  sur  la  porte  de  sa  maison,  attendant  l'ar- 
rivée de  son  mari,  qui  viendra  peut-être,  tout  au  moins,  la 
saluer.  Si  quelqu'un  \"eut  faire  des  observations  à  un  tel 
époux,  il  répondra  :  «  N'épousez,  parmi  les  femmes  qui  vous 
«  plaisent,  que  deux,  trois  ou  quatre  (21.  »  Pourquoi  un  tel 
homme  ne  lit-il  pas  la  suite  du  verset,  afin  de  comprendre 
ce  que  veut  dire  le  Prophète  ? 


(i)  Qoran,  IV,  128. 
(2)  Qoran,  IV,  3. 


LA    HKVOUJTION    PERSANE  323 

Est-ce  que  celui-ci,  durant  la  maladie  dont  il  mourut, 
o  hommes  !  ne  fit  pas  mettre  son  lit,  une  nuit,  dans  la  mai- 
son de  telle  de  ses  femmes,  et  la  nuit  sui\ante  dans  la  mai- 
son de  telle  autre  ? 

—  Mon  cher  Akhound  Molla  Sefer  Ali  !  je  vous  ai  fait 
venir  ici  pour  donner  des  leçons  aux  enfants,  et  non  pour 
faire  le  bel  esprit;  cela  ne  convient  guère  à  votre  caractère. 
Ce  second  enfant  est  le  fils  de  Son  Altesse;  il  faut  donc  lui 
prêter  la  plus  grande  attention! 

—  Qui  est  Son  Altesse?-' 

—  Le  prince  à  qui  ce  \illage  appartient  en  apanage;  il 
l'a  reçu  de  S.  M.  le  Chah,  et  les  impôts  doivent  lui  ser\ir 
d'appointements. 

—  Habite-t-il  à  la  ville  ou  à  la  campagne?'* 

—  11  habite  à  la  ville.  Mon  cher  Akhound  !  notre  maître 
a  une  bonne  habitude  :  dans  chaque  village  que  le  Chah  lui 
donne  en  apanage,  il  se  marie  avec  toutes  les  jeunes  filles 
jolies  et  gracieuses,  pour  ne  pas  rester  seul,  quand  il  \-  va 
passer  quelques  jours.  Après  de  telles  confidences,  \ous 
serez,  certes,  le  tombeau  de  nos  secrets  !  vous  connaîtrez 
toutes  nos  affaires  !  mais  surtout  silence  sur  tout  cela. 
Si  le  bruit  en  revenait  aux  oreilles  de  Son  Altesse,  ma  vie 
ne  pèserait  pas  lourd  dans  la  balance  !  Eh  bien  !  mon  cher 
Akhound,  vous  ne  pouvez  vous  imaginer  ce  que  cette  parenté 
du  prince  nous  occasionne  de  tourments  et  de  maux,  et 
quels  incendies  elle  allume  dans  ce  village!  Personne,  par 
peur  de  Son  .vitesse,  n'ose  s'opposer  à  ces  gens-là.  Me  croi- 
rez-vous  quand  je  \ous  dirai  qu'ici,  personne  n'est  proprié- 
taire de  son  bien,  personne  n'est  maître  de  sa  vie  ou  de  sa 
réputation.  11  v  a  peu  de  temps,  l'un  des  hommes  de  Son 
Altesse  a  tué  un  de  nos  paysans  :  qui  donc  a  eu  l'audace  de 
lui  faire  une  observation  ?  Ce  joli  garçon  est  le  fils  du  khan 
\abet  (  I  ).  Il  faut  aussi  l'entourer  de  tous  vos  soins. 

(i)  Le  klian  zabet  est  le  collecteur  d'impôts,  charge  aussi  de  l'administra- 
tion du  villai'e. 


324  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

—  Qui  est  le  khan  zabet?'' 

—  C'est  le  personnage  chargé  des  villages  de  Son  Altesse. 
C'est  lui  qui  examine  ce  qui  se  passe,  récompense  et  punit, 
et  se  charge  de  percevoir  les  impôts. 

—  Son  Altesse  a  donc  de  nombreux  villages  ? 

—  Une  foule  !  tous  lui  ont  été  donnés  en  apanage  par  le 
Chah;  et  dans  ces  villages,  ce  qui  fait  la  loi,  c'est  la  volonté 
du  khan  zabet!  il  ordonne  ce  qui  plaît  à  sa  fantaisie,  et  tous 
lui  doivent  obéissance  ! 

—  Combien  le  khan  zabet  touche-t-il  d'appointements 
pour  exercer  ses  fonctions  î-* 

—  Il  n'a  pas  d'appointements  ;  il  n"a  que  les  bénéfices  de 
sa  charge  et  les  «  épices  ». 

—  Je  ne  comprends  pas!  Qu'est-ce  que  cela  veut  dire? 

—  Voici  !  Quand  Son  Altesse  prend  un  village  en  apa- 
nage, il  le  remet  au  khan  zabet.  Ils  s'arrangent  pour  prendre 
un  toman  de  plus  par  toman,  comme  impôt  pour  la  bourse 
de  Son  Altesse  ;  le  khan  zabet  prend  donc  deux  tomans 
pour  un  ;  en  outre,  il  prélève  encore,  sur  la  population, 
cinq  krans  par  toman  pour  lui-même  et  un  kran  pour  le 
ferrach. 

—  Oh!  S'il  fait  parvenir  aux  caisses  impériales  l'argent 
qui  leur  revient  ! 

—  Mais  non  !  est-ce  que  je  ne  vous  ai  pas  dit  que  le  ^  il- 
lage  est  l'apanage  de  Son  Altesse.  Elle  raconte  simplement 
qu'on  lui  a  accordé  une  décharge  d'impôt,  et  tout,  tant  en 
argent  comptant  qu'en  nature,  va  à  Son  Altesse. 

—  Combien  prend-elle  en  nature? 

—  Un  kharvar  au  nom  du  Chah,  un  kharvar  au  nom  du 
prince,  cinquante  men  au  nom  du  zabet,  et  dix  à  celui  du 
ferrach. 

—  Fort  bien!  mais  on  remet  au  Chah  ce  qui  lui  revient? 

—  Fichtre  !  vous  êtes  bouché!  ne  vous  ai-je  pas  dit  que  le 
village  est  un  apanage  de  Son  Altesse?  L'impôt  en  nature 
est  donc  pour  elle. 


LA    REVOLUTION    PERSANE  32  5 

Le  quatrième  de  ces  enfants  est  le  fils  de  Akhound  (i) 
Molla  Redjeb  Ali,  le  moujtéhed  du  village,  en  même  temps 
que  le  chef  des  prières.  Vous  aurez  donc  pour  lui  la  plus 
grande  attention. 

—  Sapristi  !  Akhound  et  en  même  temps  moujtéhed  1 
C'est  énorme  ! 

—  Pourquoi  ? 

—  Où  s'est-il  instruit?  auprès  de  qui  'f  est-il  allé  à  Nedjef 
ou  bien  a-t-il  étudié  dans  la  capitale? 

—  Qu'est-ce  que  \ous  chantez  là!  vous  ne  comprenez 
rien  à  rien.  Ce  sont  des  moujtéheds  qui  se  succèdent  de  père 
en  fils  (2);  ils  sont  fils  de  «  maîtres  »  et  moujtéheds  de  nais- 
sance. Le  père  de  lactuel  l'était  et  son  grand-père  et  son 
aïeul  !  Vous  ferez  lire  à  son  fils  la  première  partie  des  trente 
parties  du  Qoran,  et  dès  qu'il  sera  un  peu  plus  grand  et 
qu'il  pourra  lire  dans  les  livres,  nous  le  conduirons  à  la 
mosquée  et  il  sera  moujtéhed  à  la  place  de  son  père. 

—  C'est  le  seul  akhound  qui  soit  moujtéhed? 

—  Oui!  c'est  notre  seul  moujtéhed.  Il  v  a  bien  ici  une 
espèce  dakhound  qui  a  étudié  sept  ans  à  Nedjef:  il  est  arrivé 
ici  un  beau  matin,  et,  comme  nous  ne  le  connaissions  pas, 
nous  n'avons  pas  fait  attention  à  lui.  Il  a  pris  le  sage  parti 
de  se  retirer  dans  son  coin  et  ne  sort  jamais  de  sa  maison. 
Il  étudie  nuit  et  jour  et  donne  des  leçons  chez  lui.  Mais  on 
dit  qu'il  ne  sait  pas  lire  et  qu'il  n'est  pas  moujtéhed. 


Oh!    gens  de  Téhéran!    remerciez   mille    et    mille   fois 
Dieu  de  ce  que  vous  habitez  la  capitale.  Le  Prophète  a  dit  : 

(1,1  Akhound  désigne  un  prêtre  d'un  ordre  inférieur,  et  ce  mot  produit  un 
bizarre  effet  accouplé  avec  le  titre  de  .Moujtéhed. 

(2)  On  ne  devient  moujtéhed  qu'après  soutenance  d'une  ilièse  auprès  de 
m  )ujtéheds  déjà  revêtus  de  ce  titre.  Ceux-ci  accordent  ou  refusent  1'  «  idjazé  >, 
c'est-à-dire  la  licence,  sans  laquelle  on  n'est  pas  moujtéhed. 


320  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

«  Habitez  les  grands  centres,  car  si  quelqu'un  vous  veut 
tyranniser,  vous  pourrez  aller  vous  plaindre  à  un  autre.  » 
Vous  n'êtes  jamais  allés  dans  des  villes  comme  Chiraz  ou 
Esfahan,  pour  voir  que  ce  que  disent  le  ketkhoda  Norouz  et 
Molla  Sefer  Ali  est  la  réalité  même.  Là-bas,  qu'un  Molla 
ait  la  science  de  Allamé  Hélli  et  la  piété  de  Moqaddes  Arde- 
bili,  on  ne  le  laisse  pas  entrer  dans  la  ville.  Ce  n'est  que  par 
héritage  que  se  transmet  la  qualité  de  moujtéhed.  Je  vous 
l'ai  déjà  dit  et  je  vous  le  répète  :  j'en  jure  par  Dieu,  j'en  jure 
par  l'imam  du  temps,  j'en  jure  par  le  Qoran  sacré,  j'en  jure 
par  le  Seigneur  des  confesseurs,  cette  œu^■re  de  l'assemblée 
était  hors  de  la  puissance  de  tous,  et  c'est  l'imam  Mehdi 
qui  l'a  accomplie  en  vous  réveillant  du  sommeil  de  l'insou- 
ciance, pour  que  je  puisse  vous  parler  comme  je  le  fais,  du 
haut  de  la  chaire.  Oh  1  hommes  !  le  molla  doit  être  de  mœurs 
pures,  il  doit  être  religieux,  il  ne  doit  pas  voler  le  bien 
d'autrui,  il  doit  suivre  les  progrès  des  hommes  !  il  doit 
prendre  sur  lui  les  charges  qui  pèsent  sur  les  épaules  de  ses 
ouailles,  au  lieu  d'ajouter  encore  un  faix  à  ce  fardeau. 

Oh  !  gens  de  Téhéran  !  Je  ne  veux  certes  flatter  personne, 
mais  le  développement,  le  progrès  de  cette  assemblée  déli- 
bérative,  sont  dus,  après  le  Sahab  Ouz  Zeman,  aux  efforts 
de  deux  grands  Sevvéds,  tous  deux  témoins  et  preuves  de 
l'Islam  :  je  veux  dire  Agha  Sevyéd  Mohammed  Moujtéhed 
Tabatebahi  et  Agha  Sevyéd  Abd  Oullah,  qui  vous  ont  à 
tout  instant  crié  :  «  O  hommes!  la  tyrannie  remplit  le 
monde;  établissez  une  assemblée  de  justice!  »  Que  Dieu 
augmente  le  rang  de  tout  Molla  qui  est  venu  à  votre  aide, 
n''a  pas  pensé  à  lui-même  et  n'a  pas  songé  à  vous  piller  pour 
établir  son  luxe  sur  vos  ruines. 

Oh!  hommes!  si  vous  entendez  dire  que  certains  traîtres, 
certains  pervers  veulent  marcher  contre  l'assemblée,  ne 
craignez  rien  1  II  en  sera  comme  je  \ous  l'ai  dit  déjà  tant 
de  fois!  Ces  gens  sont  au-dessous  des  moustiques!  Dites- 
leur  :  nous  voulons  rendre  notre  pays  prospère,  nous  voulons 


LA    RÉVOLUTION    PERSANE  3 27 

exécuter  l'ordre  de  Dieu,  nous  voulons  vous  rendre  riches, 
nous  ne  voulons  plus  qu'il  y  ait  tant  de  mendiants,  hommes 
ou  temmes,qui,  nuit  et  jour,  vaquent  en  détresse  dans  les 
rues! 

Un  jour,  les  moustiques  vinrent  trouver  Son  Altesse  Sou- 
léiman,  pour  se  plaindre  à  lui;  ils  lui  dirent  :  «  Ohl  Xébi 
de  Dieu!  que  pouvons-nous  faire  contre  le  vent  qui  nous 
tourmente  et  nous  mart\rise?  Que  quatre  de  nous  se  réu- 
nissent, le  vent  vient  et  les  disperse.  Salomon  alors  appela  : 
«  Oh!  vents!  venez!  »  et  quand  le  vent  vint,  les  moustiques 
disparurent. 

«  Le  \"ent.  dès  qu'il  entendit,  \int  \iolent,  impétueux.  » 
«  Et  ie  moustique,  alors,  prit  la  fuite.  » 
«  Soléiman  l'appela  :  où  vas-tu,  moustique!  » 
«  Demeure  afin  que  je  rende  mon  jugement  entre  vous.  » 
«  xMais  le  moustique  :  oh  roi  !  ma  mort  vient  de  sa  vie.  » 
«  Et  son  souffle  noircit  le  miroir  de  mes  jours.  » 
«  Dès  qu'il  paraît,  comment  lui  résister?  » 
«  Hélas  !  il  me  tourmente  et  me  martvrise.  » 
«  Eh  bien  !    ces   gens    pervers   sont   comme  les    mous- 
tiques !  » 

Oh  !  hommes  !  sachez  que  l'assemblée  délibératrice  chas- 
sera les  pots-de-vin  (i),  elle  enverra  en  enfer  le  père  des 
tripots  où  l'on  joue  ;  personne  n'aura  plus  le  droit  de  don- 
ner des  ordres  injustes;  personne  n'aura  plus  le  droit  de 
ramasser  durant  la  nuit  des  billets  de  banque  pour  jeter,  le 
matin,  le  trouble  dans  la  ville.  Gloire  à  Dieu  !  nous  sommes 
les  serviteurs  de  la  loi  !  Gloire  à  Dieu  !  Nous  sommes  les 
serviteurs  de  la  Perse!  Nous  joignons  tous  nos  efl'orts  pour 
rendre  la  Perse  prospère  et  Tempécher  de  tomber  entre  les 
mains  des  ennemis.  Le  roi,  protecteur  de  l'Islam,  est  par- 
faitement d'accord  avec  l'assemblée,  et  plus  que  tout  autre, 

(i)  [.e  texte  dit:  fera  sortir  du  tombeau  le  père  des  pots-de-vin.  L'expres- 
sion, très  énergique,  est  tout  à  fait  usuelle  :  elle  signifie  persécuter  et  frapper 
quelqu'un  au  point  que  son  père  mort  s'en  émeuve  dans  le  tombeau. 


328  BEVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 

il  connaît  le  fruit  et  le  but  de  cette  institution.  Efforcez- 
vous  donc  de  ne  pas  l'irriter,  et  quand  le  Medjliss  sera 
solidement  établi,  le  moustique  s'en  ira  de  lui-même. 


Je  reprends  mon  récit. 

—  Ketkhoda  ...  Ce  cinquième  enfant  est  le  fils  du 
moutevelli  bachi  :  il  faut  prêter  la  plus  grande  attention  à 
ses  études  ! 

—  Qui  est  le  moutevelli  bachi  ? 

—  Le  moutevelli  bachi  de  l'imam  zadé  ! 

—  D'où  touche-t-il  ses  appointements? 

—  Des  revenus  qui  appartiennent  à  l'imam  zadé  ! 

—  Des  revenus  de  l'imam  zadé? 

—  Mais  oui  !  des  revenus  de  l'imam  zadé;  revenus  qui 
lui  appartiennent.  Son  père  en  faisait  autant  et  son  grand- 
père  de  même. 

—  Ketkhoda  Xorouz  1  que  dites-vous  là  I  Les  revenus 
d'un  imam  zadé  ont  des  destinations  précises.  Celui  qui 
laisse  son  bien  à  un  imam  zadé  veut  que  les  intérêts  en 
soient  dépensés  dans  un  but  spécial,  comme  Roouzé 
Khand  (i  ,  aumônes  aux  pauvres  et  aux  seyyéds,  dépenses 
d'illuminations.  Dès  lors,  comment  le  Moutevelli  peut-il 
dépenser  pour  lui-même  des  revenus  qui  ne  lui  appar- 
tiennent pas  ? 

—  Akhound  1  tu  fais  de  l'esprit.  Ne  t'ai-je  pas  dit  que 
je  t'avais  fait  venir  pour  donner  des  leçons  aux  enfants,  et 
non  pour  faire  le  malin  ? 

—  Le  Moutevelli  Bachi  a-t-il  d'autres  bénéfices? 

—  Oui!  mon  cher  Akhound,  et  j'ai  presque  honte  de 
vous  le  dire.  Mais  comme  vous  êtes  mon  confident,  je  ne 
veux  rien  vous  cacher.   L'un  de  ses  bénéfices    consiste   en 

(i)  Récitation  du  martyrologe  chiite. 


LA    PÉVOLLTION    PERSANE  829 

ceci  :  Quand  on  apporte  un  cadavre  pour  l'enterrer  dans 
rimam  zadé,  si  c'est  le  cadavre  d'un  pauvre  diable,  il 
déclare  :  «  Nous  n'avons  pas  de  place.  »  Mais  si  c'est  celui 
d'un  homme  riche  et  qui  puisse  payer,  alors  il  exi^^e  cinq 
ou  dix  tomans.  Un  autre  de  ses  bénéfices  est  qu'il  s'est 
entendu  avec  les  laveurs  de  morts  de  la  ville  et  le  Darougha, 
et  quand  on  apporte  un  mort  pour  l'enterrer  dans  le  tom- 
beau de  l'imam,  comme  forcément  ces  morts  sont  restés 
longtemps  couchés  dans  leurs  lits  avant  de  mourir,  ils  ont 
le  dos  tout  bleu  ou  tout  meurtri,  ah^rs  il  dit  :  «  Je  ne  puis 
enterrer  ce  cadavre,  car  c'est  celui  d'un  homme  empoi- 
sonné, ou  d'un  homme  assassiné»,  et  le  parent  du  mort, 
dans  la  crainte  de  se  voir  soupçonné  et  compromis,  donne 
la  forte  somme  pour  qu'on  enterre  le  cadavre. 

Vous  avez  compris,  oh  hommes  !  et  ne  crovez  pas  que  je 
vise  ici  certaines  personnes.  Non!  Dieu  m'esttémoin  que  je 
parle  en  général  et  sans  viser  qui  que  ce  soit.  Un  pavs  qui 
n'a  pas  de  loi,  dans  lequel  l'ordre  de  Dieu  ne  s'exécute  pas 
de  façon  égale,  voit  forcément  se  produire  des  choses  de  ce 
genre. 

—  Ce  sixième  enfant  est  orphelin  !  il  n'a  plus  de  père, 
mais  vous  ne  savez  pas,  Akhound,  combien  il  est  mauvais, 
ni  combien  il  a  mauvais  caractère!  Il  est  destiné  à  recevoir 
les  coups  que  mériteront  les  autres  enfants  :  si  ceux-ci  com- 
mettent des  fautes,  tapez  sur  celui-ci.  La  meilleure  preuve 
de  sa  méchanceté  est  que  Dieu  l'a  rendu  orphelin! 

—  Qu'est-ce  que  ces  enfants  ont  appris  ? 

—  Mon  fils  va  depuis  un  peu  plus  d'un  an  à  l'école,  et, 
d'après  ce  qu'on  dit,  il  en  est  arrivé  à  «  er  rahman  er 
rahim  ». 

Le  fils  du  prince,  il  y  a  longtemps  qu'il  va  à  l'école,  et 
maintenant  il  sait  «  bism  illah  »,  et  il  va  commencer  «  er 
rahim  ».  Le  fils  du  khan  zabet  a  suivi  les  mêmes  leçons 
que  mon  fils,  mais  il  ne  lui  arrive  pas  à  la  cheville.  Le  tils 
du  moujtéhed,  non  plus  que  celui  de  moutevelli.  n'ont  pris 


33o  KEVLE    DU    MONDE   MUSULMAN 

de  leçons.  Il  faut  maintenant  que  nous  leur  appreniez 
toutes  les  parties  du  Qoran,  pour  qu'ils  puissent  lire  le  plus 
vite  possible  le  livre  de  la  Souris  et  du  Chat. 

Quant  à  celui  que  je  vous  ai  dit  être  orphelin,  il  est  telle- 
ment méchant  et  mauvais,  qu'il  a  déjà  lu  tout  le  Qoran  et 
a  commencé  le  persan.  C'est  pourquoi  je  vous  ai  dit  qu'il 
faut  le  frapper  à  la  place  des  autres. 


S'il  plaît  à  Dieu,  ô  hommes  !  je  vous  ferai  connaître 
par  la  suite  la  façon  dont  autrefois  on  élevait,  on  instrui- 
sait les  enfants  dans  les  écoles,  et  vous  comprendrez  alors 
combien  nous  avons  été  malheureux  I  Hélas  I  nos  œuvres 
étaient  fautives  et  mauvaises,  et  de  jour  en  jour  nous  avons 
descendu  la  pente,  jusqu'au  point  où  nous  sommes  aujour- 
d'hui. 

Pour  traduction  : 

A.-L.-M.  Nicolas. 


LE  DROIT  DE  LA  GUERRE 


Parmi  les  de\oirs  catégoriques  qui  s'imposent  à  la  cons- 
cience du  Musulman,  il  en  est  un  dont  Timportance  est 
capitale  pour  les  hommes  qui  ne  rentrent  pas  dans  l'en- 
semble de  la  nation  musulmane,  qui  sont  en  dehors  de  la 
société  formée  par  les  adeptes  de  llslam.  et  qui  n'admet- 
tent pas  les  deux  bases  inséparables  de  la  croyance  isla- 
mique :  l'unité  de  Dieu  et  la  mission  de  Mohammed.  C'est 
le  djihâd,  la  guerre  sainte,  non  une  guerre  quelconque,  mais 
la  guerre  en  \  ue  de  contraindre  les  non-croyants  à  em- 
brasser les  doctrines  unitaires,  à  moins  que,  se  trou\ant 
être  de  la  religion  de  Moïse  ou  de  celle  du  Christ,  ils  ne 
soient  autorisés  à  conser\er,  mo\'ennant  le  pa\ement  d'une 
taxe  de  garantie,  le  droit  de  procéder  aux  cérémonies  de 
leur  culte  sur  le  sol  devenu  musulman  par  la  conquête. 
Telle  est  la  théorie  :  l'histoire  nous  enseigne  ce  qu'en  fut 
la  pratique.  Quelle  est  la  guerre  qui  n'est  pas  réputée  guerre 
sainte?  Ou  la  guerre  est  portée  hors  des  limites  du  terri- 
toire, et  c'est  bien  une  guerre  sainte,  puisqu'elle  est  théori- 
quement entreprise  pour  ramener  les  infidèles  dans  le  sein 
de  la  vraie  foi;  ou  bien  elle  a  lieu  sur  le  territoire  même,  et 


(i  Hl-Ahkàm  cs-Soullhàniwi.  irahé  de  droit  public  musulman,  d'ABOiL- 
Hassan  el-Mâwerdî,  traduit  de  l'arabe  et  annoté  par  le  comte  Léon  Ostro- 
rog,  t.  Il,  1"  partie  :  Paris,  Leroux.  1906.  —  Kl-Bolkhâbî,  5j/ij7i.  livre  LVl  ; 
les  Traditiuns  islamiques,  trad.  Houdas  et  .Marçais,  t.  Il,  pp.  280-379. 


332  BEVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 

c'est  encore  une  guerre  sainte,  puisqu'il  s'agit  de  réduire 
des  révoltés  contre  l'autorité  suprême,  contre  le  dépositaire 
des  droits  que  le  Prophète  tenait  de  Dieu  même,  contre  son 
vicaire  ou  khalife,  personnage  qu'en  théorie  on  appelle 
Vimajn,  parce  que  sa  fonction  principale  sera  de  présider  à 
la  prière  canonique  des  fidèles  assemblés. 

Les  guerres  des  Musulmans  contre  les  infidèles  ou  les 
rebelles  sont  donc  des  guerres  saintes.  Lorsque  les  Arabes 
envahissent  la  Syrie,  faiblement  gardée  par  les  légions 
romaines  du  Bas-Empire,  l'Eg\pte  qui  ne  reconnaissait  plus 
guère  que  nominalement  Vautocrator  de  Constantinople, 
la  Perse  défendue  avec  une  constance  malheureuse  par  le 
dernier  des  Sassanides,  l'infortuné  Yezdeguerd  III  ;  lors- 
qu'ils poussent  des  raids  dans  le  Turkestan  et  dans  la  région 
de  rindus;  lorsqu'ils  conquièrent  l'Afrique  du  Nord  et  font 
tomber  en  Espagne  l'édifice  du  rovaume  des  Goths;  lors- 
qu'ils s'établissent  en  Septimanie  et  lancent  de  là  des 
colonnes  aventureuses  jusque  dans  les  vallées  de  la  Loire  et 
du  Rhône;  lorsque,  plus  tard,  les  Turcs  Seldjoukides,  s'in- 
filtrant  sur  les  hauts  plateaux  de  l'Asie  Mineure,  y  créent 
un  Etat  musulman  en  lutte  avec  les  débris  de  l'Empire  grec; 
quand,  après  eux,  les  Turcs  Ottomans  s'emparent  de  la 
péninsule  des  Balkans,  puis  de  Constantinople,  de  la  Hon- 
grie et  vont  assiéger  Vienne  ;  quand  ils  essavent  en  vain  de 
reprendre  l'Egypte  au  général  Bonaparte;  quand  les  pirates 
des  régences  barbaresques  razzient,  non  seulement  la  pleine 
mer.  mais  encore  les  cités  de  la  Méditerranée;  quand  Abd- 
el-Kader  soulève  contre  nous  les  populations  de  l'Algérie, 
et  que  le  Maroc  essaie  une  infructueuse  intervention,  c'est 
toujours  la  guerre  sainte.  Nous  touchons  du  doigt,  pour  en 
avoir  été  victimes,  une  force  historique  permanente,  se 
renouvelant  sans  trêve  à  travers  les  générations,  indépen- 
dante des  races,  des  couleurs,  des  climats,  de  toutes  les  cir- 
constances extérieures,  jamais  abattue,  sans  cesse  renais- 
sante. Cette  force,  c'est  l'intime  conviction,  implantée  dans 


LE    DROIT    DE    LA   GUERRE  333 

l'âme  de  tout  Musulman  sans  aucune  exception,  qu'il  est 
créé  pour  combattre  dans  la  voie  de  Dieu,  et  qu'à  l'appel  de 
l'autorité  suprême  il  doit  se  lever  et  partir,  non  avec  rési- 
gnation, mais  avec  joie,  pour  que  la  parole  de  Dieu  ait  le 
dernier  mot,  pour  que,  suivant  l'expression  coranique,  elle 
soit  toujours  la  plus  haute. 

Les  juristes  musulmans  nous  expliquent  parfaitement  cet 
état  d'âme.  La  guerre  sainte  est  un  devoir  catégorique  pur 
et  simple,  dégagé  de  toute  condition  restrictive,  telle  que 
par  exemple  le  temps  où  il  peut  être  rempli  ou  la  nécessité 
d'une  agression  occasionnelle.  C'est  un  droit  de  Dieu,  cela 
fait  partie  du  culte  qui  doit  lui  être  rendu,  puisque  les  doc- 
teurs classent  ce  devoir  dans  la  catégorie  des  'ibâdâl  ou 
actes  d'adoration.  Le  texte  du  Koran  est  formel.  Il  est  vrai 
que  la  révélation  n'en  est  arrivée  que  par  degrés.  Mohammed 
reçoit  d'abord  l'ordre  de  proclamer  ce  qui  lui  a  été  com- 
mandé et  de  se  détourner  des  infidèles  XV,  94,  puis  de 
discuter  avec  ceux-ci  de  la  façon  la  plus  persuasive,  en  les 
con\iant  à  suivre  la  voie  droite  (X\'I,  126);  ensuite,  les 
croyants  eurent  Tordre  de  combattre  si  on  les  attaquait 
(II,  87),  d'abord  sous  la  condition  que  ce  ne  fût  pas  pen- 
dant les  quatre  mois  sacrés,  ensuite  sans  aucune  espèce  de 
condition;  et  c'est  ce  dernier  texte  (II,  245)  qui  a  depuis 
régi  la  matière,  corroboré  par  une  tradition  du  Prophète 
qui  annonce  que  la  guerre  sainte  durera  jusqu'à  la  résur- 
rection. 

Plus  tard,  à  la  réflexion,  des  scrupules  sont  \enus  aux 
casuistes  musulmans,  et  ils  ont  adopté  une  explication  que 
l'on  trouve  dans  les  traités  spéciaux.  La  guerre  est  mauvaise 
en  soi,  car  elle  comporte  deux  conséquences  indubitable- 
ment mauvaises  :  la  destruction  du  corps  humain  et  la 
dévastation  de  provinces  entières.  Le  corps  humain  est 
l'œuvre  de  Dieu,  qui  Ta  façonné  lui-même  avec  l'argile 
empruntée  à  la  terre;  la  contrée  où  il  habite,  et  qui 
lui  est  nécessaire  pour  sa  nourriture,  lui  a  été  aflectée  par 


334  hevuf;  du  monde  musulman 

la  prescience  divine.  Pri\er  l'homme  de  la  vie  et  des 
moyens  de  l'entretenir,  c'est  aller  contre  la  volonté  de 
Dieu,  encourir  sa  réprobation  et  la  malédiction  de  son  Pro- 
phète. La  guerre  est  donc  un  mal,  et  le  pire  des  maux; 
comment  a-t-elle  pu  devenir  une  chose  bonne  et,  à  ce  titre, 
être  ordonnée  aux  hommes?''  C'est  en  considération  de  sa 
fin.  Cette  fin  étant  l'exaltation  de  la  vraie  foi  et  la  répression 
de  l'iniquité  des  infidèles  (la  véritable  équité  n'existant  en 
théorie  que  dans  la  société  musulmane;,  on  comprend  que 
la  guerre  sainte  soit  un  mal  nécessaire  tant  qu'il  y  aura  sur 
la  terre  des  esprits  qui  ne  se  rendront  pas  à  l'évidence  ni  à 
la  persuasion.  Aussi  les  casuistes  ont-ils  fini  par  ranger  la 
guerre  sainte  parmi  les  actes  de  plélé  par  accident  et  l'ont- 
ils  classée,  en  rang,  après  la  foi,  la  prière,  le  jeûne  et  le 
pèlerinage,  qui  sont  des  actes  de  piété  par  essence. 

Telle  est  la  théorie  des  théologiens  ;  mais  le  peuple  ne  va 
pas  chercher  si  loin.  En  réalité,  le  Musulman  met  la  guerre 
sainte  sur  le  même  pied  que  les  autres  devoirs  primordiaux 
de  sa  religion.  Il  y  est  entraîné  par  l'habitude  des  sacrifices 
sanglants,  consommés  de  sa  propre  main  à  certaines  époques 
de  Tannée.  Le  fanatisme  qui  a  ses  bases  dans  ces  couches 
profondes,  dans  ces  bas-fonds  ténébreux  de  la  conscience 
dont  a  parlé  Taine.  est  plus  fort  que  tous  les  beaux  raison- 
nements des  docteurs.  Enfin  il  y  a  un  appât  puissant,  qui 
fait  que  les  États  musulmans  ont  toujours  trouvé,  pour 
servir  leurs  ambitions,  plus  d'hommes  qu'il  ne  leur  était 
nécessaire:  c'est  celui  du  gain.  Le  butin  pris  à  la  guerre  a 
sa  fonction  légale  dans  la  société  musulmane.  Ce  motif 
puissant  de  l'intérêt  est  celui  qui  a  soulevé  des  populations 
entières,  même  au  début,  alors  que  la  foi  était  toute-puis- 
sante, et  surtout  plus  tard,  quand  on  ne  combattit  plus  pour 
mériter  un  paradis  de  délices  en  mourant  les  armes  à  la 
main.  Il  a  donc,  dans  les  Etats  et  parmi  les  peuples  mu- 
sulmans, un  rôle  sociologique  puissant,  qu'il  convient 
d'étudier  de  près. 


LE    DROIT    DE    LA    GLEPBE  335 


I 


«  Les  Musulmans  forment,  à  l'origine,  une  étroite  asso- 
ciation, basée  sur  la  communauté  religieuse  et  sur  la  com- 
munauté des  intérêts  matériels.  Le  but  de  cette  association 
est  la  propagation  de  l'islamisme.  Le  moven  employé  est  la 
conquête.  Chaque  membre  de  la  communauté  reçoit  sa 
part  des  bénéfices  accordés  par  Dieu,  c'est-à-dire  réalisés 
par  la  conquête.  De  ce  principe  découlent  deux  faits  pri- 
mordiaux relatifs  aux  biens  acquis  par  celle-ci  : 

«  I"  Partage  immédiat,  en  vertu  du  droit  de  la  guerre,  des 
biens  de  tout  genre  conquis  les  armes  à  la  main,  entre  ceux 
qui  ont  pris  part  au  combat;  ces  biens  forment  le  butin 
{ghanîma\  ; 

«  2"  Droit  de  la  communauté  tout  entière  aux  biens  acquis 
par  traité  de  paix,  soit  à  la  suite  d'un  combat,  soit  après 
une  soumission  spontanée.  » 

C'est  en  ces  termes  excellents  que  M.  Max  van  Ber- 
chem  ;' I  a  posé  les  principes  qui  régissent  la  matière.  Nous 
ne  nous  occuperons  ici  que  des  biens  qui  forment  la  pre- 
mière catégorie,  celle  du  butin,  la  seule  qui  puisse  mettre 
en  mouvement  l'intérêt  individuel  ;  car  il  est  bien  clair  que 
personne  ne  trouvera,  pour  enrichir  la  communauté  prise 
en  bloc,  des  motifs  aussi  puissants  que  pour  accroître  sa 
fortune  personnelle. 

Tout  ce  qui  appartient  au  vaincu,  femmes,  enfants,  biens 
meubles  et  immeubles,  de^"ient  la  propriété  du  \ainqueur. 
Seulement  tout  le  butin  individuel,  sans  aucune  exception, 
fait  l'objet  d'un  rapport  à  la  masse  ;  sur  cette  masse,  on 
prélève  d'abord  le  quint,  qui  est  la  part  de  Dieu,  fixée  par 
deux  textes  précis  du  Koran  (LIX,  7,  et  plus  tard  \'II1,  42  1  ; 
cette  part  de  Dieu,  dont  le  Prophète  et  ensuite  son  vicaire  ont 

(i)  La  Propriété  territoriale  et  l'Impôt  foncier  sous  les  premiers  califes. 
Thèse  de  Leipzig,  Genève,   18S6,  p.  8. 


336  REVIE    DU    MONDE    MUSULMAN 

radministration,  reste  indivise  et  forme  un  fonds  d'entretien 
pour  les  parents  du  Prophète,  les  orphelins,  les  pauvres  et  les 
voyageurs;  d'ailleurs,  il  est  absolument  interdit  de  réclamer 
contre  la  manière  dont  ces  revenus  seront  partagés:  «  Re- 
cevez ce  que  le  Prophète  vous  donnera,  et  ne  prétendez 
rien  au  delà  »,  dit  le  texte  sacré.  On  ne  doit  rien  celer  à  la 
masse;  il  est  interdite  tout  combattant  de  s'approprier 
aucun  meuble  avant  le  partage  et  la  désignation  spéciale 
qui  le  rend  propriétaire  légitime  de  la  part  à  lui  affectée  par 
l'autorité  supérieure:  on  n'autorise  tout  au  plus  que  le  pré- 
lèvement de  quelques  aliments  et  de  ce  qui  est  nécessaire  à 
la  nourriture  de  la  monture  du  combattant,  en  vertu  du 
principe  de  nécessité. 

Il  y  a  cependant  une  catégorie  d'objets  qui  ne  peuvent 
faire  partie  du  butin  ;  ce  sont  ceux  dont  la  propriété  est  in- 
terdite au  Musulman,  par  exemple  le  porc,  qui  doit  être 
détruit,  et  le  vin,  qui  peut  être  converti  en  vinaigre. 

Avant  de  procéder  au  partage,  il  est  obligatoire  de  pré- 
le\er  un  certain  nombre  de  frais  communs,  qui  doivent 
être  acquittés  par  la  masse  ;  la  seule  question  qui  se  pose  est 
de  savoir  si  ces  frais  communs  doivent  être  prélevés  sur  la 
masse  avant  que  celle-ci  soit  réduite  d'un  cinquième  par  le 
prélèvement  du  quint,  ou  après  la  réduction  aux  quatre 
cinquièmes  du  total.  La  seconde  théorie  a  pour  elle  la  lettre 
même  du  texte  coranique  ;  la  première  a  toutefois  été 
adoptée  parla  plupart  des  jurisconsultes.  Quels  sont  ces  frais 
communs?  Les  récompenses  particulières  promises  par  le 
chef  de  l'armée  dans  un  but  d'utilité  générale,  pour  Tindi- 
cation,  par  exemple,  des  movens  de  pénétrer  dans  une 
place  ;  l'affectation  par  préciput  hors  part,  à  ceux  qui  ont 
tué  des  ennemis,  des  vêtements  et  des  armes  de  ces  ennemis, 
mais  seulement  si  cette  condition  a  été  stipulée  avant  le 
combat;  les  frais  nécessités  par  le  transport  et  la  garde  du 
butin,  le  salaire  des  gardiens  et  des  convoveurs  ;  une  légère 
indemnité,  en  tout  cas  inférieure  à  la  part  du  combattant. 


LE    DROIT    DE   LA    GUERRE  SSy 

pour  les  femmes,  les  esclaves  et  les  infidèles  qui  ont  pris 
part  au  combat  avec  l'autorisation  du  chef  suprême  ou  de 
son  délégué. 

Les  quatre  cinquièmes  restants  sont,  après  le  prélèvement 
du  quint,  partagés  entre  les  combattants  et  toutes  les  per- 
sonnes du  sexe  masculin  présentes  au  combat,  quoique  n'y 
ayant  pas  pris  part,  tels  que  les  enfants  en  bas  âge  et  les 
auxiliaires  arrivant  dans  le  dessein  de  porter  secours  aux 
Musulmans,  pourvu  que  les  premiers  soient  nés  et  que  les 
seconds  rejoignent  au  plus  tard  dans  Tintervalle  compris 
entre  le  pillage  et  le  partage. 

Le  fantassin  a  droit  à  une  part  de  butin,  le  cavalier  à  deux 
parts,  s'il  n'a  qu'un  seul  cheval  ;  à  quatre  parts,  s'il  en  a 
deux  et  au  delà.  Sont  assimilés  au  fantassin  l'infanterie 
montée  à  chameau,  âne  ou  mulet,  le  cavalier  qui  se  sert 
d'un  cheval  usé,  fourbu,  ou  trop  jeune  ;  au  cavalier  à  deux 
parts,  le  marin. 

Le  partage  du  butin  doit  être  fait  sur  le  champ  de  bataille  ; 
on  doit  éviter,  à  moins  de  nécessité  absolue,  de  le  retarder. 

La  partie  la  plus  importante  de  ce  butin,  ce  sont  les 
esclaves  ;  c'est  pour  s'en  procurer  qu'il  n'y  a  pas  bien  long- 
temps encore,  des  expéditions  franchissaient  l'Amoû-Deryâ 
ou  la  frontière  au  sud  des  steppes  et  ravageaient  les  régions 
orientales  de  la  Perse,  ou  bien  se  lançaient  en  plein  cœur 
de  l'Afrique  inconnue  et  y  mettaient  à  feu  et  à  sang  les  con- 
trées habitées  par  de  paisibles  populations  fétichistes.  La 
règle  du  droit  est  formelle:  «  Il  est  permis  de  réduire  en 
esclavage  tout  infidèle  avec  la  nation  duquel  la  communauté 
musulmane  est  en  guerre,  à  l'exception  des  juifs  et  des 
chrétiens,  admis  à  capituler  et  qui  se  reconnaîtront  tribu- 
taires; mais,  s'ils  violent  la  capitulation,  ils  sont  assimilés 
aux  ennemis  de  la  communauté  et  peuvent  être  réduits  en 
servitude.  »  La  qualité  d'esclave  est  présumée,  jusqu'à 
preuve  du  contraire  :  quiconque  se  déclare  esclave  sera  cru 
sur  sa  déclaration,  s'il  ne  peut  être  constaté  qu'il  est  de  con- 


338  REVLK    DU    MONDE    MUSULMAN 

dition  libre.  Celte  disposition  s'applique  à  tout  enfant  trouvé 
en  pays  ennemi. 

La  conversion  à  Tislamisme  ne  fait  pas  perdre  cette  qua- 
lité, car  la  possession  de  personnes  escla\es  musulmanes 
est  légale.  On  ne  peut  en  sortir  que  par  l'affranchissement, 
qui  est  de  plusieurs  sortes,  énumérées  dans  les  traités  spé- 
ciaux, question  dont  l'examen  sortirait  de  notre  cadre. 

La  conquête  régulière  a  procuré  jadis  à  la  communauté 
musulmane  des  propriétés  immobilières  ;  le  pillage  des 
biens  meubles  a  enrichi  les  soldats  des  khalifes.  La  pour- 
suite des  esclaves  a  entretenu,  pendant  une  longue  suite  de 
siècles,  l'ardeur  guerrière  des  Musulmans  et  a  motivé  d'in- 
cessantes expéditions  hors  des  frontières,  les  raids  des 
âqyndjis  turcs  en  Hongrie  et  dans  le  Frioul,  les  courses  des 
galères  barbaresques  dans  la  Méditerranée.  Quand,  après  la 
bataille  de  l'Islv,  l'armée  française  s'empara,  dans  le  camp 
marocain,  de  ces  carcans  de  fer  conservés  aujourd'hui  au 
Musée  de  l'artillerie,  elle  mettait  la  main  moins  sur  des 
liens  préparés  pour  des  prisonniers  de  guerre  éxentuels  que 
sur  des  chaînes  disposées  pour  les  futurs  esclaves. 


II 


Les  théoriciens  du  droit  musulman  ont  réglé  les  droits  et 
les  devoirs  des  commandants  en  chef.  Le  généralissime, 
muni  de  pleins  pouvoirs  par  délégation  de  l'autorité  suprême 
de  la  nation  (le  khalife  ou  imam),  est  tenu  de  sept  obligations 
envers  les  troupes;  la  première  est  de  conserver,  dans  la 
marche,  une  allure  modérée  et  de  régler  le  pas  sur  le  plus 
mauvais  marcheur,  ce  qui  rappelle  la  vieille  tactique  de  la 
marine  à  voiles,  dans  laquelle,  par  le  fait  même  des  choses, 
on  était  obligé  de  régler  la  marche  sur  celle  du  plus  mau- 
vais voilier,  afin  de  ne  pas  se  laisser  produire,  dans  la  iile 


LE    DHOn     DE    LA    GLEKHE  33() 

navale,  d'interstice  par  où  l'ennemi  se  serait  aisément  glissé. 
Les  auteurs,  pour  expliquer  cette  mauvaise  stratéf^ie,  invo- 
quent des  raisons  d'humanité  appuyées  sur  des  hadïls  du 
Prophète.  Le  soldat  le  plus  faible  doit  pouvoir  suivre,  et  le 
plus  Tort  ne  pas  épuiser  ses  forces.  La  sollicitude  du  chef  ne 
s'étend  pas  seulement  sur  les  hommes,  mais  même  aux 
montures.  «  L'homme  mal  monté  mène  la  troupe  »,  a  dit 
Mohammed,  formulant  en  un  adage  concis  la  règle  mari- 
time dont  je  viens  de  parler. 

Le  général  doit  inspecter  les  che\aux,  tant  les  montures 
que  les  bêtes  de  somme;  rechercher  la  résistance  et  le  fond 
plus  que  la  taille  et  la  grosseur,  rejeter  absolument  les  che- 
vaux malingres,  fourbus  par  l'âge  ou  efflanqués;  quant  aux 
bêles  de  somme,  il  veillera  à  ce  qu'elles  ne  soient  point 
chargées  au  delà  de  ce  qu'elles  peuvent  porter,  moins  par 
compassion  ou  pitié  que  parce  que  des  bêtes  en  mauvaise 
condition  seraient  une  cause  d'infériorité.  Il  doit  s'occuper 
de  nommer  des  ofliciers  aux  soldats  des  di\erses  catégories 
qu'il  a  sous  ses  ordres,  et  de  surveiller  le  paiement  de  la 
solde.  Au  temps  des  khalifes  Abbassides,  on  comptait,  selon 
Mâwerdi,  des  soldats  réguliers  inscrits  sur  les  registres  de 
l'administration  et  soldés  par  le  Trésor  sur  le  produit  des 
taxes  de  capitation  et  de  la  taxe  foncière  des  tributaires 
{kharâdj),  et  des  volontaires  qui  n'étaient  astreints  à  aucune 
obligation  militaire  et  qui  se  composaient,  soit  des  Bédouins, 
soit  des  habitants  sédentaires  des  villes  et  \illages  accourus 
spontanément  à  la  proclamation  de  la  guerre  sainte;  ceux-ci 
étaient  rétribués  sur  le  fond  de  la  dîme  aumônière.  \ersée 
au  Trésor  par  les  seuls  .Musulmans. 

L'institution  d'un  cri  de  ralliement,  la  sur\eillance  étroite 
de  l'armée  au  moyen  des  officiers  qu'il  a  lui-même  choisis, 
afin  d'en  expulser  ceux  qui  poussent  à  la  défection,  sèment 
l'alarme  ou  espionnent  pour  le  compte  de  l'ennemi,  sont 
des  de\()irs  du  général  d'armée  sur  lesquels  il  est  inutile  de 
s'étendre.  Mais  il  est  intéressant  de  constater  que  le  septième 


340  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

devoir  du  commandant  est  de  ne  point  favoriser  ses  parents, 
condamnation  du  népotisme,  toute  platonique  d'ailleurs 
probablement,  et  de  ne  point  favoriser  non  plus  celui  qui 
partage  son  avis  ou  suit  sa  doctrine,  au  détriment  de  quel- 
qu'un de  capable  qui  ne  lui  serait  pas  allié  ou  différerait 
d'avis  avec  lui.  Ces  prescriptions  sont  très  sages  :  elles  n'ont 
certainement  jamais  été  suivies. 

Quels  sont  les  droits  du  générai  en  chef,  relativement  à 
l'ennemi,  en  cas  de  guerre  sainte  ?  Il  faut  distinguer.  11  v  a 
deux  catégories  d'infidèles,  ceux  auxquels  est  parvenue 
l'invitation  à  embrasser  l'islamisme,  qui  Font  dédaignée  et 
s'y  sont  montrés  récalcitrants,  et  ceux  auxquels  cette  invi- 
tation n'est  pas  parvenue.  Contre  les  premiers,  tout  est  per- 
mis :  le  général  a  la  liberté  de  les  combattre  «  de  la  manière 
qu'il  trouve  la  plus  avantageuse  pour  les  crovants  et  la  plus 
nuisible  pour  les  infidèles  »,  comme  par  exemple  de  dévas- 
ter le  territoire  ennemi  par  le  fer  et  le  feu,  en  des  courses 
soudaines  de  nuit  et  de  jour  Y ,  soit  par  des  batailles  ran- 
gées. Aucune  limite  n'est  ainsi  fixée  à  la  destruction  :  biens 
de  l'Etat,  propriétés  particulières,  vie  des  citovens  (il  n'y  en 
a  point  dans  les  Etats  asiatiques,  mais  il  v  en  avait,  au 
moyen  âge,  dans  bien  des  cités  organisées  sur  le  tvpe  ro- 
main), tout  est  à  la  merci  du  vainqueur,  qui  peut  faire 
irruption,  sans  déclaration  préalable  de  guerre,  sur  le  terri- 
toire de  paisibles  populations  coupables  de  préférer  d'anti- 
ques crovances  à  la  religion  nouvellement  prêchée.  L'obser- 
vation du  principe  de  la  déclaration  préalable  de  guerre 
n'est  recommandée  que  si  les  populations  qu'il  s'agit  d'atta- 
quer n'ont  point  encore  été  appelées  à  l'islamisme;  on  doit 
d'abord,  suivant  l'imam  Ech-Châfé'î,  leur  prêcher  l'isla- 
misme, mais  s'ils  refusent  de  se  laisser  convaincre,  ils  se 
mettent  eux-mêmes  dans  le  cas  des  premiers,  c'est-à-dire 
qu'ils  s'exposent  à  voir  leur  territoire  attaqué  par  surprise, 

(1)  MÂwERDi,  trad.  Ostrorog,  II,  16. 


LE    DROIT    DE    LA    GUEPRE  34I 

mis  à  feu  et  à  sang,  sans  autre  sommation  que  l'appel  à 
embrasser  l'islamisme.  L'imam  Mâlek  distingue  entre  les 
infidèles  dont  le  territoire  est  proche  des  États  musulmans, 
et  qu'il  tient  pour  suffisamment  informés  de  la  prédication, 
et  ceux  dont  le  territoire  est  éloigné  :  ceux-ci  devront  être 
sommés  avant  l'attaque,  parce  qu'on  doute  qu'ils  aient  eu 
une  connaissance  suffisante  de  la  prédication,  Abou-Hanîfa 
considère  comme  louable,  suivant  l'exemple  donné  par  le 
Prophète  lui-même,  la  sommation  préalable  dans  tous  les 
cas. 

Le  prisonnier  de  guerre  ne  peut  se  fîatter  de  l'espoir 
d'avoir  la  vie  sauve,  car  il  est  permis  de  tuer  les  infidèles, 
habiles  à  combattre,  tombés  en  la  puissance  des  iMusul- 
mans,  que  ces  infidèles  soient  actuellement  combattants,  ou 
qu'ils  ne  le  soient  point.  Cette  règle  est  générale,  et  on  peut 
dire  qu'elle  domine  l'histoire  des  guerres  musulmanes.  Il 
n'y  a  d'exception  que  pour  les  femmes,  les  enfants,  les  ser- 
viteurs libres  et  les  esclaves,  et  encore  à  la  condition  qu'ils 
n'aient  pas  pris  part  au  combat;  s'ils  combattent,  on  peut 
les  tuer  tant  qu'ils  font  face,  mais  non  quand  ils  tournent 
le  dos  pour  fuir.  En  ce  qui  concerne  les  vieillards  et  les 
moines  des  peuples  infidèles,  il  y  a  controverse  :  les  uns  les 
rangent  dans  la  catégorie  des  femmes  et  des  enfants,  et 
admettent  qu'on  ne  peut  les  tuer  que  s'ils  prennent  part  au 
combat;  les  autres  enseignent  que  leur  mise  à  mort  est 
licite,  môme  s'ils  ne  combattent  pas,  à  cause  des  avis  nui- 
sibles aux  vrais  croyants  qu'ils  seraient  en  mesure  de  donner 
à  leurs  coreligionnaires. 

Le  général  a  encore,  en  matière  de  stratégie  et  de  tac- 
tique, un  certain  nombre  de  devoirs  à  l'égard  de  sa  propre 
armée;  Mâwerdi  les  chitïre  au  nombre  de  dix  et  les  énu- 
mère  sous  la  forme  suivante  :  le  général  doit  éviter  les  em- 
buscades et  \eiller  à  ce  que  les  troupes  se  gardent  bien, 
choisir  un  terrain  favorable  pour  la  bataille,  s'approvision- 
ner de  \  ivres  et  de  fourrage,  se  procurer  des  informations 


342  PF.VUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

sur  les  dispositions  de  Tennemi  et  tâcher  de  pénétrer  ses 
mouvements,  ranger  son  armée  en  bataille  et  envover  à 
propos  des  renforts  sur  le  point  où  porte  l'attaque  de  l'en- 
nemi ;  prononcer  des  discours  de  nature  à  enflammer  Tesprit 
de  ses  soldats,  en  leur  faisant  croire  que  l'ennemi  qu'ils  ont 
devant  eux  est  peu  de  chose,  en  leur  rappelant  leurs  devoirs 
religieux,  les  récompenses  de  l'autre  \ïe  et  celles,  plus  immé- 
diates, à  espérer  sur  le  butin  ;  tenir  conseil  de  guerre  sur  les 
difficultés  qui  l'embarrassent;  veiller  à  ce  que  les  prescrip- 
tions de  la  loi  religieuse  soient  obéies  ;  empêcher  ses  soldats 
de  s'occuper  de  commerce  ou  d'agriculture,  pour  qu'ils 
n'aient  pas  l'esprit  détourné  de  leur  devoir  militaire. 

Quel  est  ce  devoir  militaire  ?  Tenir  contre  l'ennemi  et  ne 
pas  prendre  la  fuite  devant  des  forces  deux  fois  supérieures 
(il  est  admis  que  le  soldat  peut  s'enfuir  quand  ces  forces  sont 
supérieures  de  plus  du  double),  se  proposer  comme  but  le 
triomphe  de  la  religion  (car,  s'il  ne  songeait  qu'au  butin,  il 
serait  privé  des  mérites  attachés  à  la  guerre  sainte  ,  rappor- 
ter intégralement  à  la  masse  commune,  sans  en  rien  dis- 
traire, le  butin  tombé  entre  ses  mains  et  qui,  légalement, 
ne  constitue  qu'un  dépôt  ;  et  ne  pas  trahir  les  droits  de  Dieu, 
supérieurs  à  tous  les  autres,  en  montrant  de  la  faiblesse 
pour  ses  parents  ou  pour  les  amis  qu'il  aurait  dans  les  rangs 
des  infidèles. 


Il  ne  faudrait  pas  croire  qu'une  fois  la  guerre  sainte 
entreprise,  on  puisse  s'en  tirer  à  bon  compte  et  se  contenter 
de  quelques  succès,  qui  pourraient  n'être  que  superficiels. 
Le  Koran  'III,  200;  exige  la  persévérance,  l'endurance  et  la 
fermeté.  Dans  l'interprétation  de  Zéïd  ben  Aslam,  exégète 
de  Médine,  ces  paroles  s'appliquent  à  la  guerre  sainte,  et  ne 
s'appliquent   qu'à   elle;   or,   l'école   de  Médine,   tant    pour 


LE    DROIT    DE    LA    GUEBRE  34? 

Pinterprétaiion  que  pour  la  jurisprudence,  écho  d'une  tra- 
dition qui  remonte  aux  Ansârs,  représente  mieux  que  les 
écoles  rivales  la  véritable  pensée  des  compagnons  du  Pro- 
phète, et,  par  conséquent,  a  plus  de  chances  de  refléter  la 
réelle  idée  de  celui-ci.  El-Hasan  de  Bassora,  dont  on  con- 
naît les  tendances  mystiques,  n'entend  par  ces  mots  que 
l'endurance  et  la  fermeté  dans  la  soumission  à  Dieu,  dans 
la  voie  de  Dieu;  Mohammed  ben  Ka'b.  qui  était  de  Koûfa, 
l'entend  à  peu  près  de  même  et  n'y  ^■oit  que  des  conseils 
de  morale  passive.  Mâwerdi  adopte  l'opinion  de  Médine. 

Quand  la  guerre  sainte,  menée  avec  endurance  et  persé- 
vérance, prend-elle  i\n  ?  Conduite  avec  une  énergie  que  rien 
ne  doit  lasser,  même  si  la  résistance  se  prolonge,  car  le 
croyant  ne  doit  jamais,  tant  qu'il  lui  reste  des  forces,  tour- 
ner le  dos  à  l'ennemi,  à  quel  moment  s'arrête-t-elle  ?  La 
guerre  peut  se  terminer  de  quatre  façons  :  par  la  conversion 
de  l'ennemi  à  l'islamisme,  par  la  conquête  intégraledu  pavs 
ennemi,  par  la  conclusion  de  la  paix,  ou  par  celle  d'une 
trêve.  La  première  des  solutions  est  incontestablement  la 
plus  heureuse.  Devenus  musulmans,  les  ennemis  sont  main- 
tenus dans  la  propriété  de  leurs  territoires  et  de  leurs  biens  ; 
les  lois  islamiques  leur  sont  applicables,  ils  sont  devenus  les 
frères  des  vainqueurs  et  sont  traités  comme  tels.  Mais  si 
l'ennemi  refuse  d'entrer  dans  la  religion  victorieuse,  alors 
on  emmène  les  femmes  et  les  enfants  en  escla\age,  les  biens 
sont  pris  comme  butin,  et  les  hommes  qui  ne  sont  pas  con- 
servés comme  prisonniers,  destinés  à  être  \endus  comme 
esclaves,  on  les  met  à  mort,  à  moins  qu'ils  ne  soient  mis  en 
liberté  moyennant  le  payement  d'une  rançon,  ou  échangés 
contre  d'autres  prisonniers,  ou  même  libérés  purement  et 
simplement;  mais  il  faut  ajouter  qu'Ech-Châfé'ï  est  seul  à 
soutenir  les  deux  dernières  alternatives,  et  qu'Abou-Hanîfa, 
Màlek  et  Ibn-Ilanbal,  ou  tout  au  moins  leurs  disciples, 
n'admettent  que  la  mort  ou  l'esclaNage. 

La  paix  peut  être    accordée   à    l'ennemi,    movennant    le 


344  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

pavement  d'une  somme  d'argent,  soit  versée  une  fois  pour 
toutes  (et  alors  la  sauvegarde,  Vamàn.  n'est  valable  que 
pour  la  campagne  en  cours),  soit  acquittée  tous  les  ans,  ce 
qui  constitue  un  tribut  perpétuel  entraînant  une  sauvegarde 
également  perpétuelle;  le  pacte  se  rompt  par  l'interruption 
du  pavement.  Si  la  paix  est  conclue  sous  la  stipulation 
d'un  tribut,  elle  n'est  plus  qu'une  trêve,  dont  la  durée  la 
plus  longue  n'excédera  pas  dix  ans  ;  mais  pour  qu'on 
accorde  cette  dérogation  au  principe  de  la  lutte  éternelle 
contre  l'infidèle,  il  faut  l'excuse  de  la  nécessité  ;  sinon  il  ne 
peut  y  avoir  qu'un  armistice,  dont  le  plus  long  délai  est  de 
quatre  mois. 


IV 


Comment  la  guerre  doit-elle  être  menée?  Est-il  permis  de 
détruire  les  movens  d'existence  de  l'ennemi,  par  exemple 
les  vignes,  les  plantations  de  palmiers  ?  Oui,  dès  que  le 
général  v  voit  un  nioyen  de  réduire  l'ennemi  et  de  l'amener 
à  composition  ;  non,  s'il  n'y  voit  aucun  avantage,  parce  que 
ce  serait  une  destruction  sans  nécessité.  Le  Prophète  lui- 
même  fit  couper  les  vignes  des  habitants  de  Tâïf,  ce  qui 
détermina  leur  adhésion  aux  doctrines  nouvelles  ;  il  fit 
aussi  couper  les  belles  plantations  de  dattiers  que  la  tribu 
juive  des  Benou-Xadîr  possédait  dans  la  plaine  de  Médine, 
et  qui  fournissaient  une  datte  jaune  transparente,  dont  on 
apercevait  le  novau  à  travers  la  pulpe  ;  les  Musulmans  eux- 
mêmes  ne  procédèrent  à  l'exécution  qu'avec  regrets  :  aussi 
fallut  il  qu'un  serset  du  Koran  LIX.  5;  vînt  justifier  le  Pro- 
phète de  la  mesure  terrible  qu'il  avait  cru  devoir  adopter 
pour  réduire  ses  adversaires. 

On  peut  aussi,  comme  moven  de  contraindre  l'ennemi, 
couper  les  conduits  d'eau  qui  alimentent  les  villes  et  les  for- 
teresses, quand  môme  il  s'y  trouverait  des  femmes  et  des 


LE    DROIT    DE    LA    GLERBE  845 

enfants,    ce  moven   étant   reconnu  excellent   pour  amener 
soit  le  triomphe  à  main  armée,  soit  une  capitulation. 


V 


En  dehors  de  la  guerre  sainte  proprement  dite,  les 
auteurs  reconnaissent  encore  trois  catégories  de  guerre: 
contre  les  apostats,  contre  les  schismatiques  et  contre  les 
rebelles.  Cette  distinction,  qui  avait  une  importance  capi- 
tale aux  premiers  siècles  de  Thégire,  n'est  plus  d'actualité  à 
l'heure  présente.  A  notre  manière  de  voir,  la  guerre  contre 
les  rebelles  rentre  plutôt  dans  l'application  du  Code  pénal, 
et  le  général  chargé  de  diriger  les  hostilités  est  armé  du  pou- 
voir de  punir  selon  le  degré  de  la  faute,  ce  qui  le  constitue 
en  réalité  un  juge.  Les  rebelles  sont  considérés  comme 
voleurs  de  grand  chemin  et  traités  comme  tels. 

La  guerre  contre  les  infidèles  est  au  contraire  une  ques- 
tion actuelle,  partout  où  l'Europe  est  en  contact  avec  des 
populations  musulmanes,  soit  que  celles-ci  aient  été  réduites 
à  l'état  de  sujettes,  soit  qu'elles  forment  encore  des  États 
limitrophes,  indépendants  ou  vassaux.  En  se  soumettant 
à  une  puissance  d'une  religion  différente  de  la  leur,  les 
Musulmans  n'ont  cédé  qu'à  la  force;  à  la  moindre  occasion, 
à  l'appel  d'un  prédicateur  de  rencontre,  mais  convaincu, 
ils  se  soulèveront,  courront  aux  armes  et  mettront  en  pra- 
tique les  droits  de  la  guerre  sainte.  Les  conventions  inter- 
nationales qui  ont  limité  l'exercice  du  droit  de  guerre  n'ont 
aucune  prise  sur  l'âme  musulmane  ;  elle  ignore  et  ignorera 
toujours  le  pacifisme.  L'état  de  paix  lui  est  imposé  par  la 
force  ;  elle  le  subit,  mais  ne  le  connaît  pas,  et  ne  peut  le 
reconnaître  tant  qu'il  }  aura  sur  la  terre  des  mécréants  à 
convertir.  Que  cette  force  vienne  à  faiblir,  par  suite  de 
désastres  extérieurs  ou  d'affaiblissement  de  la  volonté  dans 


346  REVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 

la  conduite  des  affaires  intérieures,  le  devoir  impérieux  se 
réveille,  agit  sur  la  conscience  du  cro\ant  et  le  pousse  aux 
fâcheuses  extrémités  de  la  violence.  Qu'importe  s'il  n'est  pas 
le  plus  fort  ?  Il  a  du  moins  accompli  son  devoir,  et  s'il  doit 
mourir,  il  meurt  content. 


Y  a-t-il  moyen  d'enrayer,  pour  si  puissant  qu'il  soit,  l'ex- 
plosion d'un  sentiment  aussi  profond?  Je  le  crois.  Xos 
amis  de  la  presse  musulmane  peuvent  rendre  à  la  civilisa- 
tion ce  grand  service.  Le  cro\-ant  ne  saurait  considérer 
comme  des  frères  ceux  qui  n'ont  pas  la  même  profession 
de  foi  ;  mais  on  peut  faire  appel  à  la  solidarité,  appuyée 
sur  le  terrain  ferme  de  l'instinct  de  conservation.  Il  est  de 
l'intérêt  bien  entendu  des  peuples  musulmans  de  faire  bon 
accueil  à  ceux  qui,  par  pur  dévouement,  ou  pour  gagner 
leur  vie,  viennent  leur  offrir  ce  qu'ils  ne  possèdent  pas  en- 
core, les  inventions  de  la  mécanique  moderne,  les  bienfaits 
de  la  médecine  et  de  la  chirurgie,  les  m_oyens  puissants  de 
réalisation  fournis  par  le  groupement  des  capitaux,  les  mé- 
thodes d'exploitation  scientifiques,  seules  capables  de  leur 
procurer  un  peu  de  bien-être  et  de  tranquillité.  Il  faut  que 
la  haine  que  ressent  tout  être  peu  cultivé  pour  tout  ce  qui 
est  étranger  et  nouveau  disparaisse  et  fasse  place  à  de  meil- 
leurs sentiments.  L'école  ne  donnera  que  l'instruction  ;  les 
progrès  moraux  dont  je  parle,  il  faut  les  attendre  de  la  dif- 
fusion de  la  presse,  à  la  condition,  bien  entendu,  que  celle-ci 
comprenne  son  de\oir  d'éducatrice,  au  lieu  de  se  borner  à 
refléter  les  passions  de  ses  lecteurs.  On  ne  saurait  attendre 
moins  d'une  foule  de  bons  esprits,  qui  ne  demanderont  pas 
mieux  que  de  contribuer  à  une  œuvre  pacifique  entre  toutes, 
celle  de  l'éducation  de  l'esprit  musulman. 

Cl.    HUART. 


QUELQUES  ASPECTS  DE  L'ISLAM 

CHEZ  LES   BERBÈRES  MAROCAINS 


Toutes  les  religions  sont  plus  ou  moins  altérées  par  les 
coutumes  des  peuples  convertis.  Sans  doute,  le  culte  peut 
modifier,  avec  le  temps,  ceux  qui  le  pratiquent;  mais  il  y  a 
influence  réciproque,  adaptation  d'un  côté  comme  de  l'autre. 
L'Islam  ne  fait  pas  exception  à  cette  règle  générale.  On  ne 
connaît  pas  tous  les  Musulmans  parce  que  Ton  connaît 
ceux  d'un  pavs.  Si  le  dogme  reste  le  même  théoriquement, 
intangible  et  inaltérable,  la  manière  d'en  comprendre  l'ap- 
plication dans  la  vie  se  diversifie  à  l'infini.  Cette  vérité  saute 
aux  veux,  quand  on  étudie  l'Islam  marocain,  et  de  même 
rislam  de  tout  autre  milieu,  à  civilisation  attardée. 

Les  Berbères  ont  abandonné  facilement,  pour  s'islamiser, 
toutes  leurs  anciennes  religions,  sauf  le  Judaïsme,  qui  a 
résisté  en  partie.  Mais,  en  s'islamisant,  ils  sont  restés  Ber- 
bères et  se  sont  fait  un  islam  à  l'image  de  leurs  coutumes 
et  de  leurs  crovances  particulières. 


Les  pratiques  de  sorcellerie  se  retrouvent  encore  à  chaque 
pas  dans  les  traditions  religieuses  actuelles  du  Maghreb. 
On  peut  citer  comme  exemple  l'habitude  d'aller  tirer  à  la 
courte  paille,  Dar^e/ A ouiY,  dans  tel  ou  tel  sanctuaire,  a\ant 
de  prendre  une  décision. 


348  REVLE    DU    MONDE   MUSULMAN 

Voici  comment  se  fait  cette  opération  :  L'intéressé  prend 
deux  bâtons  ;  il  fait  à  l'un  d'eux  une  marque,  de  façon  à  le 
reconnaître;  si  le  sort  lui  fait  choisir  le  bâton  marqué,  il 
donnera  ou  ne  donnera  pas  suite  à  son  projet,  selon  ce  qu'il 
a  décidé  lui-même  à  l'avance.  Il  va  porter  ensuite  ces  deux 
bâtons  dans  le  sanctuaire  du  saint  en  qui  il  a  mis  sa  con- 
fiance, et  les  dépose  sur  le  «  darbouz  »,  balustrade  qui  en- 
toure le  tombeau,  puis,  fait  une  invocation,  récite  quelques 
versets  du  Qoran  et,  selon  la  gravité  du  cas,  reprend  ses 
bâtons  immédiatement  ou  les  laisse  passer  la  nuit  sur  le 
«  darbouz  »,  pour  ne  les  reprendre  que  le  lendemain.  Après 
les  avoir  repris,  il  demande  au  premier  Musulman  qu'il 
rencontre  en  sortant  du  sanctuaire  d'en  retirer  un.  Celui-ci 
prend  un  des  bâtons  et  le  rend  à  l'intéressé,  en  lui  disant  : 
«  Votre  bien  est  dans  ce  bâton.  »  C'est  la  courte  paille 
sanctifiée  :  un  équivalent,  sinon  une  provenance,  de  l'an- 
cienne consultation  du  sort,  chez  les  Arabes  préislamiques, 
par  les  sept  flèches  consacrées  à  l'idole  Hobal. 


La  vénération  des  saints  est  devenue,  au  Maroc  comme 
en  beaucoup  d'autres  pays  d'Islam,  un  véritable  culte,  ins- 
piré, semble-t-il,  par  la  crainte  des  puissances  célestes,  plus 
que  par  le  respect  religieux.  Le  saint  est  considéré  comme 
un  être  investi  du  pouvoir  de  récompenser  et  de  punir, 
plutôt  que  comme  un  intermédiaire  entre  l'homme  et  la 
divinité.  A  cet  égard,  il  rappelle  également,  dans  une  cer- 
taine mesure,  les  divinités  du  Panthéon  arabe. 

L'ignorance  profonde  des  Berbères,  la  défiance  qu'ils 
s'inspirent  mutuellement  et  leur  manque  de  volonté  ont 
contribué,  dans  une  large  mesure,  à  développer  ce  culte.  Le 
saint  est  devenu,  pour  les  Berbères,  l'appui  nécessaire,  qu'ils 
ne  croyaient  pouvoir  trouver  ni  parmi  leurs  semblables,  ni 
dans  la  divinité  trop  lointaine  ou  trop  redoutable.  Dieu  reste 


QUELQUES    ASPECTS    DE    l'iSLAM  849 

bien  la  source  du  pouvoir  des  saints,  mais  une  source 
éloignée,  comme  l'était  Allah  Tâala  dans  la  religion  anté- 
islamique  des  Arabes  (i). 

La  Mecque  aussi  est  loin,  et  c'est  ainsi  que,  de  tous  les 
côtés,  si  le  pèlerinage  légal  conserve  sa  valeur  obligatoire 
pour  les  gens  instruits  et  indépendants  des  passions  locales, 
bien  des  Berbères  se  contentent  de  ceux  qu'ils  ont  à  leur 
portée.  Le  saint  du  Djebel  Alem,  Moulay  Abdesselam,  a 
deux  grands  pèlerinages  (amara)  par  an  :  l'un,  le  jour  de 
«  Enneskha  »,  le  i5  du  mois  de  chaaban,  qui  est  le  plus 
important  :  l'autre,  le  jour  d"  «  'Arafa  »,  neuvième  du  mois. 
«  Dhou  al  Hidja  »,  la  veille  de  l'Aïd  el  Kebir.  Le  pèlerinage 
à  Moulav  Abdesselam,  auquel  on  se  rend  de  tout  le  Maroc, 
s'appelle,  dans  le  pays,  «El  Hadj  Eççaghir».  C'est  le  «  petit 
pèlerinage  »,  ce  qui  implique  au  moins  une  équivalence 
avec  VOmrah,  ou  visite  du  lieu  saint  en  dehors  du  moissacré. 
Le  pèlerinage  à  Moûlay  Bouselham  Abou  Saïd  El-Maçri), 
près  de  TOcéan  et  de  la  Merdja  Ezzerga,  au  sud  de  Larache, 
jouit  du  même  privilège.  Le  terme  de  culte  n'a  donc  rien 
d'exagéré  dans  son  application  aux  saints  du  Maroc. 


Chaque  «  cité  »,  pro\ince,  tribu,  clan,  ville  ou  village,  a 
placé  sa  confiance  dans  le  tombeau  d'un  saint  personnage, 
qui  était,  soit  un  chérif  ou  descendant  du  Prophète  '2\  le 
plus  souvent,  soit  un  oiiali  salih,  homme  saint  jouissant, 
alors  qu'il  vivait,  d'un  pouvoir  surnaturel,  ou  bien  encore 
du  descendant  d'un  ouali.  D'où  la  distinction  usuelle  entre 
le  «  chéri fisme  »,  pour  le  premier  cas,  et  le  «  marabou- 
tisme  »,  pour  les  deux  autres. 

(i)  Cf.  Dozv,  Iissji  sur  l'histoire  de  i'Islamistne. Trud.  Chauvin.  c!i.  1,  p.  4. 

'2)  De  son  vivant,  le  chérîf  baraka  «  qui  procure  la  bénédiction  »  est 
appelé,  d'ordinaire,  sid,  et  ce  nom  est  donné,  après  sa  mort,  à  son  tom- 
beau. 


35o  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

Les  rivalités  de  tribus  ont  multiplié  le  nombre  de  ces 
saints.  Chacune  voulait  avoir  le  sien,  plus  puissant  et  plus 
digne  de  vénération  que  ceux  des  tribus  voisines.  Tous  sont 
respectés;  mais  la  plupart  ne  sont  l'objet  que  d'un  culte 
local.  Ceux  dont  la  renommée  s'étend  au  loin  et  sont  l'objet 
de  pèlerinages  deviennent,  pour  les  habitants,  une  gloire  et 
une  source  de  prolits.  Aussi  a-t-on  vu  des  luttes  sanglantes 
s'engager  entre  Berbères  d'abord,  entre  Arabes  ensuite,  pour 
la  possession  du  cadavre  d'un  saint  en  renom. 

On  cite  mieux  encore,  et  le  fait  suivant,  qui  est  authen- 
tique, montre,  et  la  vénération  qu'inspirent  les  saints  du 
chérifisme  aux  Berbères,  et  la  \"i(jlence  du  désir  qu'ils  ont 
de  posséder,  sur  leur  territoire,  la  koubba  de  l'un  d'eux.  11 
y  a  une  quarantaine  d'années,  Sid  El-Hadj  Abdessalam  El- 
Ouazzani,  étant  en  tournée  de  -yiara  quête  chez  les  Béni 
Mguild,  fut  informé  que,  désirant  passionnément  avoir, 
chez  eux,  la  koubba  d'un  saint  illustre,  ses  hôtes  avaient 
résolu  de  le  tuer.  Ils  avaient  fondu,  dans  ce  but,  une  balle 
d'argent,  une  balle  de  plomb,  à  leur  avis,  ne  pouvant  avoir 
d'action  sur  un  personnage  d'aussi  noble  origine  et  pos- 
sesseur d'une  baraka  aussi  puissante  ('i  ).  El-Ouazzani  eut 
beaucoup  de  peine  à  se  soustraire  au  danger  qui  le  mena- 
çait, et  se  promit  bien  de  ne  plus  revoir  ses  dangereux  ado- 
rateurs. Cette  anecdote,  absolument  authentique,  montre 
la  mentalité  religieuse  de  certaines  tribus  berbères. 

S'il  y  a  lutte  entre  deux  tribus  pour  la  possession  de  la 
dépouille  mortelle  du  saint,  le  don  d'ubiquité  lui  est  parfois 
attribué  miraculeusement  et  fournit  une  solution  pacifique 
au  débat.  C'est  ce  qui  est  arri\'é  pour  Sidi  Qasem  Ellelouchi 
Essefiani,  célèbre  par  ses  deux  tombeaux  également  vénérés 


(i)  Un  talisman  écrit,  dit  tebrid,  protégerait,  dit-on,  contre  les  balles  de 
plomb,  mais  non  contre  celles  d'argent;  Bou  Hamara  n'aurait  été  blessé  que 
par  des  balles  de  ce  métal.  Le  tebrid  est  également  inefficace  contre  les 
balles  des  iMauser,  qui  sont  recouvertes  d'une  enveloppe  de  métal  blanc  ; 
aussi  les  Mauser  sont-ils  extrêmement  recherchés  au  Maroc. 


QUELQUES   ASPECTS    DE    l'iSLAM  35  1 

dans  le  Gharb.  L'un  d'eux  est  sur  la  rive  droite  du  Sébou 
et  l'autre  sur  la  rive  gauche,  plus  au  sud,  près  des  Béni 
Hassen.  De  là  le  nom  de  «;  Sidi  Qasem  Moula  Qoubtein  », 
Sidi  Qasem  aux  deux  Qoubbas. 


N'oublions  pas  le  culte  rendu  aux  Djinns,  aux  génies  mâles 
et  femelles,  bien\eillants  ou  hostiles;  il  joue  un  rôle  impor- 
tant, surtout  dans  la  vie  de  la  femme  marocaine,  et  existait 
bien  avant  rislam,  chez  les  Arabes  polythéistes.  Les  adeptes 
de  ce  culte  sont,  d'ordinaire,  les  Guenaoua,  confrérie  com- 
posée, en  grande  partie,  de  nègres.  On  en  trouve  aussi  chez 
les  Djilala.  Comme  ceux-ci,  les  premiers  font  leurs  cérémo- 
nies sous  l'invocation  de  Moulay  Abdelqader,  fondateur  de 
l'ordre  des  Qadriya,  qui,  d'après  la  légende,  contraignait  les 
démons  à  lui  obéir.  En  leur  qualité  de  nègres,  les  Gue- 
naoua ont  adopté,  pour  patron,  Sidi  Blal.  l'esclave  abvssin 
du  Prophète. 

Ce  culte  n'a  ni  zaou\as  ni  sanctuaires;  on  fait  des  évo- 
cations dans  des  maisons  particulières  où  sont  appelés  les 
Guenaoua  ou  les  Djilala,  lorsque  les  habitants  veulent  se 
rendre  favorable  tel  ou  tel  Djinn  ou  en  conjurer  tel  ou  tel 
autre. 

La  cro\ance  aux  génies  est  très  répandue,  même  parmi 
les  hommes  ayant  une  certaine  instruction.  Dernièrement, 
quelques  Marocains  parlaient  de  la  construction  éventuelle 
de  chemins  de  fer  dans  leur  pays.  «  Les  maîtres  du  sol, 
s'écria  un  chérîf,  naqib  (i)  des  Oulad  El-Baqqal,  ne  le  per- 
mettront pas  !  »  Par  «  les  maîtres  du  sol  »,  El-Moualin  el- 
ard,  il  entendait  les  génies. 


(i)  Chef  de  tribu  de  Cliorfii  ou  de  fraction  de  tribu,  nommé  par  le  Sultan 
et  servant  d'intermédiaire  entre  les  Chorfa  et  le  Makhzen.  Les  fonctions  du 
naqib  (chez  les  Berbères  me^ouar,  sont  purement  administratives  et  n'ont 
rien  de  relitiieux. 


352  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


C'est  à  la  dispersion  des  descendants  de  Moulav  Idris, 
chassés  de  Fez,  au  quatrième  siècle  de  l'hégire,  par  Mousa 
ben  Aby  El-Afya,  qu"il  faut  faire  remonter  Torigine  du  culte 
des  saints  actuels.  Les  chérîfs,  se  répandant  dans  les  pays 
berbères,  y  furent  bien  accueillis;  ils  y  firent  pénétrer  plus 
avant  la  religion  musulmane,  dont  l'action  était  restée,  jus- 
qu'alors, assez  superficielle,  et  leurs  tombeaux  devinrent 
l'objet  de  la  vénération  des  habitants.  Ceux-ci  v  tiennent 
d'autant  plus,  qu'en  défendant  les  privilèges  qu'ils  ont  eux- 
mêmes  attachés  à  ces  tombeaux,  ils  défendent  aussi  leur  in- 
dépendance, et  que  les  offrandes  des  pèlerins,  les  revenus 
des  habous,  leur  constituent  des  trésors  de  guerre   i  . 

Au  sixième  siècle,  lors  de  l'avènement  des  Almohades,  ce 
culte  prit  une  grande  importance.  A  cette  époque,  vivaient, 
en  Orient,  Moulav  Abdelqader  El-Djilani  et,  au  Maroc,  Mou- 
lay  Abdesselam  ben  Mechich,  les  fondateurs  des  «  voies  » 
Qaderya  et  Chadelya,  auxquelles  se  rattachent  presque 
toutes  les  confréries  marocaines.  La  plupart  dépendent  de 
l'ordre  des  Chadelya,  Moulav  Abdesselam  ben  Mechich 
avant  été  l'introducteur  du  soufisme  au  Maroc  (2  . 

Deux  siècles  plus  tard,  aux  débuts  de  la  dynastie  saadienne, 
une  scission  se  produisit  entre  les  Qaderva,  partisans  des 
Turcs  et  des  Mérinides,  et  les  Chadelya,  qui,  au  contraire, 
soutenaient  la  nou\eile  dvnastie.  L'antagonisme  des  deux 
ordres  n'avait,  à  ce  moment,  aucun  caractère  religieux.   Il 


(1)  Aujourd'hui  encore,  chez  les  Djebala,  les  revenus  des  habous  servent  à 
acheter  des  armes  et  des  munitions. 

(2)  Une  nouvelle  confrérie  Qaderya  tente,  depuis  quelques  années,  de  se 
développer  sous  l'autorité  du  chérît"  .Ma  El  'Aïnîn  Ech  Changuî^i.  .Malgré  la  fa- 
veur du  Sultan  et  l'affiliation  des  grands  personnages  de  la  Cour,  elle  a  peu 
de  succès,  L'n  certain  nombre  de  .Marocains  y  étaient  entrés,  croyant  ainsi 
être  dispensés  du  payement  des  impôts:  déçus,  ils  s'en  sont  retirés.  — Cf. 
Reloue  du  Monde  musulman,  n"  3,  p.  348. 


QUELQUES    ASPECTS    DE    l'iSLAM  353 

semble  bien,  aujourd'hui,  que  leur  rôle  politique  ait  pris  fin 
au  point  de  vue  organique  (i).  Quant  à  la  suprématie  des 
Chadelya,  elle  n'a  d'autre  cause  qu'un  sentiment  national,  en 
quelque  sorte,  au  sens  local,  et  n'a  jamais  fait  obstacle  à  la 
popularité  de  Moulay  Abdelqader  El-Djilani.  La  légende 
prétend  même  que  celui-ci  a  passé  au  Maroc  une  partie  de 
son  existence  ;  son  souvenir  et  son  culte  s'v  retrouvent  par- 
tout. Il  faut  être  en  état  de  pureté  et  se  déchausser  pour  en- 
trer dans  la  caverne  du  Djebel  Kourt,  dans  le  Gharb,  qui 
lui  aurait  servi  de  demeure. 

Plusieurs  légendes  font  cependant  du  saint  indigène  Mou- 
lay Abdesselam  l'égal,  sinon  le  supérieur,  d'Abdelqader.  On 
raconte  que,  peu  après  sa  naissance,  le  premier  s'amusait  à 
troubler,  du  dchar  de  Lhasen  (2)  en  Béni  Arous,  l'eau  dans 
laquelle  le  second  faisait  ses  ablutions.  Usant  de  son  pou- 
voir surnaturel,  celui-ci  se  transporta  au  Maroc,  où  il  pria 
Sidi  Mechich,  père  de  Tenfant  miraculeux,  de  mettre  fin  à 
cet  amusement.  Mais  Moulay  Abdesselam  donna  à  son  père 
une  telle  commotion  en  le  touchant  de  sa  petite  main,  que 
celui-ci  tomba  sans  connaissance.  Épouvanté,  Sidi  Mechich 
recommanda  à  sa  femme  de  ne  jamais  allaiter  leur  enfant 
qu'avec  un  seul  sein,  craignant  de  voir  se  développer  une 
force  aussi  redoutable. 

Une  autre  tradition  assure  que  Moulay  Abdesselam,  en- 
core tout   petit,  alla,  à  travers  les   airs,   enlever   un  saint 

(0  Un  personnage  religieux  important,  contemporain  de  la  chute  des  Mé- 
rinides,  à  laquelle  il  fut  mêlé,  Sidi  Ahmed  ben  Yousef  El-.Miliani  Er-Rachidi, 
a  été  revendiqué  pour  chacun  des  deux  ordres;  il  semble  avoir  appartenu 
successivement  à  l'un  et  à  l'autre.  Ses  disciples,  partisans  des  Mérinides,  puis 
des  Turcs,  étaient  accusés  de  pratiques  abadites  et  même  de  tendances  anti- 
religieuses. Cela  explique  les  accusations  portées  aujourd'hui  contre  ses 
descendants,  les  Chorfa  Melaïna,  et  leurs  rapports  avec  les  sectaires  Beda- 
doua,  dont  le  souvenir  évoque  aussi  celui  des  Zekkaras. 

(2)  Ce  village,  où  le  saint  est  né,  et  qui  fait  partie  du  Djebel  .\lem.  contient 
une  source  dite  Aïn  .\bou  El-Hassan  Ech-Cliadeli,  enfermée  dans  la  maison 
construite  au  début  du  dix-neuvième  siècle  par  Moulay  Yazid,  fils  de  Sidi 
.Mohammed  ben  Abdallah,  lorsqu'il  s'était  enfui  devant  Moulay  Sliman.  Cette 
maison  est  aujourd'hui  ruinée. 

".  23 


354  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

d'Orient,  que  les  Pôles  ou  Qotbs,  réunis  au  mont  de  Qaf, 
avaient  choisi  comme  chef.  Il  le  transporta  au  Maroc.  Hu- 
milié de  trouver  chez  cet  enfant  un  pouvoir  surnaturel  si 
supérieur  au  sien,  xMoulay  Abdelqader.  qui  l'avait  poursuivi 
sans  succès,  retourna  tristement  à  Bagdad,  et,  depuis  cette 
époque,  le  Pôle  de  l'Islam  n"est  plus  en  Orient,  mais  au 
Maroc. 


Toute  la  politique  intérieure  des  Saadiens,  comme  des 
Filala,  a  consisté  à  se  ménager  Tappui  des  Chorfa,  en  em- 
pêchant leur  influence  de  trop  grandir. 

Détruire  leur  autorité  afin  de  fonder  une  unité  de  souve- 
raineté était  naturellement  le  programme  de  gouvernement 
des  deux  dynasties. 

Mais,  rebelles  à  toute  organisation  régulière,  les  Berbères 
savent  trouver,  dans  la  religion,  un  prétexte  pour  défendre 
leur  indépendance. 

On  avait  bien  vu,  au  moment  des  luttes  contre  les  chré- 
tiens, naître  tous  ces  «  marabouts  »  d'un  chérifisme  inégal 
et  qui,  issus  de  la  guerre  sainte,  se  mirent  à  la  tête  des  con- 
fréries des  Moudjahidin,  tireurs  «  Errema  »,  cavaliers  «  El- 
khyala  »  et  escrimeurs  «  Msaqrya  ».  Le  tempérament  ber- 
bère n'en  est  pas  moins  opposé  aux  équilibres  d'en- 
semble. 

Il  lui  convient  mieux  de  se  prêter  aux  traditions  indivi- 
duelles du  chérifisme,  soit  que  ses  représentants  se  bornent 
aux  quêtes  de  ^iara,  en  pays  insoumis,  soit  qu'en  territoire 
soumis  au  Makhzen,  ils  perçoivent  les  droits  souverains 
sur  les  a^c^aba  (i). 

Sans  doute,  l'idée  religieuse  existe  au  Maroc;  mais,  loin 
de  faire  Tunité  du  pavs,   elle  favorise  et  entretient  la  divi- 

(i)  Indigènes  des  A^ibs,  concédés  par  Dhaher  aux  Chorfa,  qui  les  admi- 
nistrent au  nom  du  Sultan  et  en  font  toucher  les  impôts  par  des  agents  de 
perception  (Moqaddemin). 


QUELQUES    ASPECTS    DE    l'iSLAM  355 

sion.  Les  tribus  subissent,  en  effet,  surtout  l'influence  lo- 
cale des  Chorfa,  dont  les  intérêts  répondent  aux  préférences 
indigènes.  La  religion  sert  ainsi  de  prétexte  pour  résister  au 
souverain  au  profit  du  chérifisme. 


A  ce  point  de  vue,  on  peut  citer  comme  significatif  le  cas 
du  chérîf  Moulay  Ahmed  Erraisouli,  dont  on  a  tant  parlé  et 
qui,  pour  les  uns,  n'était  qu'un  vulgaire  bandit,  tandis  que 
d'autres  en  faisaient  un  grand  seigneur.  Les  deux  opinions 
étaient  également  inexactes.  Erraisouli  est, en  réalité,  un  ché- 
rîf né  pauvre,  mais  dont  l'origine  noble  n'est  pas  contestée. 
D'une  mentalité  assez  primitive,  comme  les  habitants  de  la 
montagne,  il  a  l'instruction  d'un  taleb  marocain,  celle  d'un 
homme  ayant  appris  le  Qoran  par  cœur.  Certains  person- 
nages, le  sachant  énergique,  ont  voulu  se  servir  de  lui  et, 
grisé  par  ses  premiers  succès,  il  s'est  cru  invincible,  alors 
qu'il  n'était  pas  capable  — les  faits  l'ont  montré  —  de  tenir 
têteplusd'unjouraux  troupes  chérifiennes.Maudit  par  le  Sul- 
tan, il  s'est  vu  d'abord  abandonné  de  tous  et  obligé  de  s'en- 
fuir à  la  zaouya  de  ses  ancêtres,  à  Tazerout.  Il  a  dû  s'v  im- 
poser d'abord,  les  habitants  ne  voulant  pas  le  recevoir.  Mais 
il  n'a  pas  été  livré  et  continue,  jusqu'ici,  à  tenir  la  campagne 
impunément. 

En  etïet,  il  s'était  réfugié  chez  les  Béni  Arous,  sur  le  ter- 
ritoire desquels  se  trouve  le  Djebel  Alem,  avec  le  tombeau 
de  Moulay  Abdesselam.  C'était  territoire  Horm,  d'asile.  En 
livrant  le  fugitif,  les  Chorfa  Béni  Arous  eussent  fait  preuve 
d'un  esprit  politique  s'étendant  au  delà  de  l'horizon  local. 
C'était  le  moment  de  graves  difl^icultés,  dans  lesquelles  le 
«•  point  de  vue  »  marocain  et  musulman  recommandait 
Tobéissance  aux  vues  du    souverain,  de  l'Émir  el  Moumi- 


nm. 


Mais,  pour  arriver  au   Djebel  Alem,  il    faut  traverser  un 


356  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

pays  de  montagnards,  qui,  en  1889,  au  moment  de  la  visite 
de  Moulav  Hassen,  se  montrèrent  désillusionnés  de  ne  pas 
le  trouver  d'une  taille  surnaturelle  ou  avec  plusieurs  têtes, 
en  sa  qualité  de  Sultan.  Puis,  le  respect  du  Horm,  du  droit 
d'asile,  c'était  la  conservation  d'une  foule  de  profits:  offran- 
des des  pèlerins  et  parts  du  butin  des  pillards  de  la  région. 
Raisouli  fut  peut-être  menacé  pour  la  forme.  Il  resta  assez 
maître  de  ses  mouvements  pour  avoir  pu  reparaître  un  mo- 
ment à  Zinat  et  aux  portes  de  Tétouan. 

L'unité  religieuse  du  Maroc  n'est  pas  encore  faite.  Et, 
précisément,  en  raison  de  l'éparpillement  du  culte  des 
saints,  avec  ses  localisations,  on  peut  dire  que,  sous  le  mas- 
que apparent  du  fanatisme,  il  faut  chercher  d'autres  cau- 
ses aux  mouvements  populaires,  aux  agitations. 

On  en  trouvera,  le  plus  souvent,  l'origine  dans  les  agis- 
sements ou  les  conflits  d'intérêts  particuliers  ou  locaux, 

E.  Michaux-Bellaire. 


NOTES    ET    NOUVELLES 


Le  Quinzième  Congrès  international  des  Orien- 
talistes. 

Dans  sa  quatorzième  session,  le  Congrès  international  des  Orienta- 
listes avait,  à  l'unanimité,  exprimé  le  désir  que  la  session  suivante  se 
tînt  à  Copenhague.  Les  savants  danois,  qui  sont  nombreux  et  dont  les 
travaux  sont  universellement  appréciés,  se  sont  empressés  d'accepter  la 
charge  qu'on  leur  confiait  ainsi;  du  reste,  l'appui  de  leur  gouvernement 
et  des  hommes  les  plus   en  vue  de  leur  pays  ne  leur  a  pas  fait  défaut. 

La  quinzième  session  du  Congrès  s'ouvrira  donc  à  Copenhague,  dans 
la  seconde  quinzaine  d'août  1908.  .\L  Vilh.  Thomsen,  l'éminent  lin- 
guiste, est  à  la  tète  du  Comité  d'organisation,  avec  M.  Fr.  Buhl  pour 
vice-président,  AL  Chr.  Sarauw  pour  secrétaire  général  et  M.  J.  Glùcks- 
tadt  pour  trésorier;  les  autres  membres  sont  .\l.\L  Dines  Andersen, 
J.  Ôstrup  et  Valdemar  Schmidt.  Voici  comment  le  Congrès  s'est  orga.- 
nisé,  répartissant  ses  travaux  en  sept  sections  : 

1°  Linguistique,  langues  indo-européennes  (AL  Vilh.  Thomsen); 
2°  Langues  et  archéologie  des  pays  aryens  (.\L  Dines  Andersen  pour 
l'Inde  et  M.  Edv.  Lehmann  pour  l'Iran)  ;  3°  Langues  et  archéologie  de 
l'Extrême-Orient  (.\L  J.  Henningsen  pour  la  Chine  et  le  Japon,. NL  A.  de 
Richelieu  pour  l'Indo-Chine  et  la  .Malaisie)  ;  4°  Langues  et  archéologie 
sémitiques  (AL  Fr.  Buhl  pour  l'araméen,  l'hébreu,  le  phénicien,  l'éthio- 
pien, etc.  ;  AL  Vald.  Schmidt  pour  l'Assyrie  ;  AL  J.  Ôstrup  pour  les 
langues  et  l'archéologie  musulmanes)  ;  5°  Egypte  et  langues  africaines 
(AL  H.-O.  Lange);  6"  Grèce  et  Orient  (.\L  J.-L.  Heiberg)  ;  7"  Ethnogra- 
phie, Folk-lore  de  l'Orient  (.M.  Vilh.  GrOnbech)  (i). 

L.  B. 

(i)  Les  adhésions  doivent  être  adressées  au  trésorier,  M.  J.  Giùckstadt, 
conseiller  intime,  Landmandsbanken,  Holmenskanal,  12.  La  cotisation  est 
fixée  à  18  couronnes,  soit  25  francs. 


358  PEVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 


Le  Docteur  Karl  Foy. 

L'émincnt  professeur  de  turc  du  Séminaire  des  Langues  orientales  de 
Berlin,  le  docteur  Karl  Foy,  est  mort  à  la  fin  du  mois  de  mars.  Né  dans 
le  Mecklembourg,  en  i856,  il  s'était  adonné,  lors  de  ses  débuts  à  l'Uni- 
versité, à  l'étude  du  grec;  puis,  au  bout  d'un  an,  il  se  consacrait  à  la 
langue  turque,  qui  lui  avait  inspiré  une  véritable  passion,  et  partait 
pour  Constantinople,  où  il  séjourna  longtemps.  Il  rentrait  en  Allema- 
gne, en  1890,  pour  occuper  la  chaire  de  turc  du  Séminaire  des  Langues 
orientales.  Les  élèves  qu'il  a  formés  sont  nombreux  ;  ses  travaux,  éga- 
lement nombreux  et  embrassant  presque  tout  le  domaine  des  dialectes 
turcs,  sont  des  plus  importants.  Nous  espérons  avoir  l'occasion  d'en  re- 
parler; en  attendant,  il  est  impossible  de  passer  sous  silence  les  impor- 
tantes études  sur  l'azéri  auxquelles  il  avait  consacré  ses  dernières  an- 
nées, et  qui  ont  été  publiées  dans  les  Mitteiliingen  du  Séminaire  de 
Berlin. 

L.  B. 

La  Soumission  des  Chrétiens  de  Syrie. 

Au  cours  de  travaux  pour  le  Fonds  Salmon  de  la  Mission  scienti- 
fique du  Maroc,  nous  avons  eu  occasion  de  traduire  le  traité  de  paix, 
passé,  au  nom  de  'Oumar  ibn  al-Khattâb,  avec  les  chrétiens  de 
Syrie. 

Cet  important  document,  dont  les  muftis  marocains  citent  fréquem- 
ment les  clauses,  est  considéré  par  eux  comme  un  texte  fondamental, 
qui  doit  s'appliquer,  mutatis  mutandis,  dans  les  circonstances  analo- 
gues à  celles  où  il  était  intervenu. 

Selon  le  faqîh  (jurisconsulte)  Aboû  'Abd-Allah  Mouhammad  ibn 
'Abd-Allah  ibn  'Abd  al-Djalil  At-Tanassi  (mort  en  883  de  l'Hégire  :  1494 
de  J.-C),  ce  traité  est  la  base  des  décisions  de  tous  les  jurisconsultes, 
quant  aux  rapports  des  Musulmans  avec  les  chrétiens. 

Voici  d'ailleurs  ses  propres  paroles,  telles  que  les  reproduit. -l/-A7/'_\-tJr, 
l'ouvrage  de  jurisprudence  d'Ahmad  al-\\'anscharîsi  : 

«  Ce  traité  est  également  mentionné  parl'Imâm.en  matière  de  hadîth 
(tradition)  Aboû  'Oubayd.  Les  f agi hs  de  tous  les  rites  l'ont  pris  aussi 
comme  base  des  règles  applicables  aux  sujets  tributaires  (juifs  ou  chré- 
tiens). C'est  ainsi  qu'on  le  trouve  invoqué  dans  le  rite  malékite,  par  le 
jurisconsulte  Schaykh-oul-Islim   Aboïï-Bakr  a_l-Tortoûschî,   dans  son 

ouvrage  intitulé  :  Sirâdj-al-Mouloûk  (dJ^XJl  <rl,r^  :  le  Flambeau  des 


NOTES    ET    NOUVELLES  35g 

rois);  par  le  Schaykh,  l'Imàm   Aboïï  'Abd  Allah   ibn  al-Munâsif,  dans 

son  ouvrage  intitulé  :  Al-Indjâd  (  :>lf^ VI  :  le  Secours)  ;  par  le  Hàfidh  Ibn- 

Khalaf  de  Grenade,  dans  son  livre  iniiiulé  :  l'anbih  dhaouî-l-Albdb  : 
Avertissement  aux  intelligents);  par  l'historien  et  traditionniste  Aboû-r- 

Rabî  'ibn-Sàlim  al-K.oulâ'î,dans  son  ouvrage  intitulé  :  Al-lktifd(  UlC VI  : 

la  Suffisance)  ;  dans  le  rite  schâfiile,  par  Ibn-al-Moundhir  et  Ibn- 
Boûrân  ;  dans  le  7-ite  dhdhirite,  par  Ibn  Hazni  et  beaucoup  d'au- 
tres. » 


Voici  maintenant  la  traduction  du  texte  même  du  traité,  d'après  le 
même  auteur  : 

«  Ceci  est   un  écrit  adressé  à  'Abd-Allah    'Oumar  ibn   al-K.hattàb, 
émir  des  Croyants,  par  les  chrétiens  de  Svrie  : 

«.  Lorsque  vous  êtes  arrivés  chez  nous,  nous  vous  avons  de- 
mandé Vamdn  pour  nos  personnes,  nos  enfants,  nos  biens  et  nos 
coreligionnaires.  Nous  nous  sommes  engagés  envers  vous  à  ne  pas 
construire,  ni  dans  nos  villes  ni  dans  leur  banlieue,  de  couvent, 
église,  chapelle,  monastère  (littéralement:  retraite  de  cénobite,  de 
moine)  (i)  :  de  ne  pas  réédifier  celles  d'entre  ces  constructions  qui 
tombent  en  ruines  ;  de  n'interdire  à  aucun  Musulman  de  faire  halte 
dans  nos  églises  de  jour  ou  de  nuit;  de  laisser  leurs  portes  grandes 
ouvertes  aux  passants  et  aux  voyageurs. 

«  [Nous  nous  sommes  engagés  également^  à  donner  l'hospitalité  à 
tout  Musulman  qui  passe  par  notre  pays,  pendant  trois  nuits,  en 
lui  fournissant  la  nourriture  ;  à  ne  pas  receler,  dans  nos  églises  ou 
nos  demeures,  aucun  espion  ;  à  ne  pas  garder  rancune  aux  .Musul- 
mans ;  à  ne  pas  enseigner  le  Qoran  à  nos  enfants  ;  à  ne  pas  ma- 
nifester publiquement  notre  religion  ni  y  inviter  qui  que  ce  soit  ; 
à  n'empêcher  aucun  de  nos  parents  d'embrasser  l'Islâm,  s'il  le  dé- 
sire ;  à  respecter  les  .Musulmans  et  à  nous  lever  pour  eux  des 
lieux  de  nos  séances,  s'ils   désirent  s'y  asseoir. 

«[Nous  nous  interdisonsMe  leur  ressembler  par  quoi  que  ce  soit 
de  leur  costume  :  bonnet  (qalansoiiah),  turban,  souliers,  raie  dans 


36o  PEVL'E    DU    iMONDE    MUSULMAN 

les  cheveux;  de  parler  leur  langue;  d'adopter  leurs  kounyah  (i\;  dt 
monter  en  selle;  de  ceindre  les  épées  ;  d'avoir  aucune  arme  ou 
d'en  porter  sur  nous;  de  graver  sur  nos  sceaux  des  inscriptions 
arabes  ;  de  vendre  du  vin. 

«  [De  même,  nous  nous  sommes  engagés]  à  tondre  la  partie 
antérieure  de  nos  tètes  ;  à  conserver  notre  costume  distinctif  par- 
tout  où  nous   nous  trouverons  ;  à  nous  serrer  le  milieu  du  corps 

avec  des  ceintures  (  jlj  pI.^Aj  :;^oundnîr)  ;  à  ne  pas  montrer  pu- 
bliquement nos  croix  et  nos  livres,  dans  aucune  des  rues  des 
Musulmans,  ni  dans  leurs  marchés  (soûqsi  ;  à  ne  pas  sonner  nos 
cloches,  si  ce  n'est  légèrement  :  à  ne  pas  élever  nos  voix  pendant 
la  lecture  dans  nos  églises,  en  présence  des  Musulmans  ;  à  ne  pas 
sortir  en  procession,  le  dimanche  des  Rameaux  (2)  ou  à  la  Pente- 
cote  2)  ;  à  ne  pas  élever  nos  voix  en  accompagnant  nos  morts  ; 
à  ne  pas  laisser  paraître,  dans  aucune  rue  ou  soùq  des  Musulmans, 
les  lumières  avec  lesquelles  nous  accompagnons  nos  morts  ;  à  ne 
pas  porter  ceux-ci  dans  le  voisinage  des  Musulmans  ;  à  ne  pas 
prendre  comme  esclaves  ceux  qui  sont  déjà  tombés  en  la  posses- 
sion des  Musulmans  ;  à  ne  pas  monter  voir  par-dessus  les  maisons 
des  Musulmans.  » 

Lorsque  'Oumar  reçut  cet  écrit,  il  y  ajouta  : 

«  Nous  nous  engageons  aussi  à  ne  léser  aucun  Musulman.  Nous 
nous  soumettons  à  ces  stipulations  en  votre  faveur,  nous  et  nos 
coreligionnaires,  et  acceptons  de  vous  Vamdm  à  ces  conditions.  Si 

(i)  La  kounyah  (<*1;  ;  est  généralement  composée  du  mot  aboû  (  _^',  père 

de^ajouté  au  nom  du  fils  de  l'individu  auquel  s'applique  \di  kounyah.  Mais, 
point  nest  besoin  que  ledit  individu  ait  réellement  un  lils  de  ce  nom.  Ainsi, 
quiconque  se  nomme  'Alî  a  nécessairement  pour  kounyah.  .\boù-I-Hasan, 
sans  qu'on  s'inquiète  de  savoir  s'il  est  réellement  père  d'un  lîls  nommé  Ai- 

Hasan.  Comme  le  laqab  [  .^^,  surnom  honorifique;,  la  kounyah  a  quelque 

chose  de  respectueux. 
(2)    L'exemplaire    lithographie    que    nous  avons   entre    les    mains,   porte 

j»'^pc;  i  j  1^0111^,  ce  qui  ne  donne  aucun  sens.  .Mais  il  est  aisé  de  découvrir 

l'erreur  du  copiste,  qui,  étant  peu  initié  aux  fêtes  chrétiennes,  a  défiguré  le 

mot  /»-'l»^  5c/!a'ânîn.  pl.de  J  k-*-.^  schou'noûn,  rameau,  en    \^U^. 

Quant   au    mot  que,  par  conjecture,  je  suppose  être  la  fête  de   la  Pente 

côte,  il  est  écrit  U-ft^lj   «  notre  Bàghoùth  •». 


NOTES    ET    NOUVELLES  36 1 

nous  contrevenons  à  la  moindre  de  ces  clauses,  dont  nous  nous  por- 
tons garants  personnellement  envers  vous,  nous  cesserons  d'avoir 

droit  à  aucune  protection  (dhimma<*i  ).  Dans  ce  cas,  il  vous  sera 

permis  de  nous  traiter  comme  il  est  permis  de  traiter  les  rebelles  et 
les  révoltés.  » 

É.   A.MAP. 


Un    Précurseur  de  la    Société  protectrice  des 
animaux. 

Dans  une  longue  et  intéressante  fétwa  (i),  relative  à  certains  héré- 
tiques marocains,  le  faqih  (jurisconsulte)  Aboû  'Abd-Allah  Mou- 
hammad  ibn  'Abd-al-Moû'min,  qui  vivait  au  seizième  siècle  à  Taxa, 
petite  ville  marocaine  entre  OudjdaetFès,  énumère  toutes  les  pratiques 
qui,  selon  lui,  constituent  des  «  innovations  blâmables  »  (2)  et  doivent, 
à  ce  titre,  être  sévèrement  réprimées. 

Il  s'élève,  en  particulier,  contre  les  mauvais  traitements  infligés  aux 
animaux.  Voici  la  traduction  du  passage.  On  voit  que  \zfétu>a  de  ce 
juriste  marocain  du  seizième  siècle  aurait  pu,  sans  qu'on  v  changeât 
beaucoup,  figurer,  comme  exposé  des  motifs,  en  tète  de  la  «  loi  Gram- 
mont  ». 

«  Du  nombre  de  ces  pratiques  blâmables  est  le  fait  par  certaines  per- 
sonnes de  considérer,  comme  sans  aucune  importance,  les  mauvais 
traitements  infligés  aux  animaux  et  la  cruauté  envers  les  bêtes  de  somme, 
par  exemple  en  leur  faisant  porter  des  charges  qui  dépassent  leurs  for- 
ces, en  les  accablant  de  coups  et  d'injures  pour  les  faire  courir  et  obte- 
nir d'elles  un  travail  au  delà  de  celui  qu'elles  peuvent  donner.  Telle  est 
aujourd'hui  l'habitude  de  ceux  qui  font  métier  de  transporter  les  ré- 
coltes, les  pierres,  le  gypse,  qu'ils  se  servent  de  mulets  ou  d'autres 
bêtes. 

«  Cette  manière  d'agir  est  du  nombre  des  faits  répréhensibles,  dont  il 

(i)  Voyez  Mi'yAr-al-\yanscharisi  (Recueil  de  fétwas  émanant  de  juris- 
consultes de  l'Afrique  du  Nord,  principalement  du  .Maroc»,  t.  Il,  p.  392. 

(2)  ^^■'Ki    bi'dah,  pi.   P--^   t/^fa',  employé  souvent  dans  le  sens  d'hérésie. 

Dans  la  jurisprudence  religieuse,  cela  s'entend  spécialement  des  pratiques 
qui  n'étaient  pas  en  usage  du  temps  du  Prophète,  de  ses  Ashàb  (compa- 
gnons), des  Tabi'  (disciples  qui  n'ont  pas  connu  personnellement  le  Pro- 
phète), en  un  mot,  de  ces  générations  qu'on  appelle  :  rJLJ^^_J-LJI  as-Sa- 
lafas-Sàlili  (les  pieux  ancêtres). 


302  REVLE    DU    MONDE    MUSULMAN 

faut  demander  compte  à  ceux  qui  s'en  rendent  coupables  et  empêcher 
la  perpétration. 

Le  coupable  invoquera  vainement  son  droit  de  propriété  sur  la  bête, 
car  les  animaux  ont  aussi  droit  au  respect,  et  la  protection  de  la  vie 
s'impose.  Cela  est  si  vrai  que,  si  l'on  voyait  quelqu'un  s'astreindre  lui- 
même  à  un  travail  qui  dépasse  ses  forces  et  faire  ainsi  violence  à  sa 
personne,  montrant  le  peu  de  soins  qn'il  en  prend,  on  devrait  le  mettre 
dans   l'impossibilité   de  ce  faire,  l'astreindre  à  cesser  ce  travail  et,  s'il 

refuse,  l'v  contraindre  par  la  force.  » 

E.  A. 

Research  Society  of  India. 

Dans  son  numéro  du  i5  avril  dernier,  le  Mulk  and  Milliit  donne 
l'organisation,  pour  l'année  1907,  de  la  Research  Society  of  India,  de 
Calcutta.  Cette  société,  qui  a  pour  président  M.  A.-C.  Sen  et  pour  vice- 
président  le  professeur  P.-C.  Ray,  forme  trois  sections  :  1°  du  sanscrit 
et  des  textes  bouddhiques  ;  2»  arabe  et  persane  ;  3°  scientifique.  Ces 
sections  n'existent  que  depuis  l'époque  où  la  Société  a  changé  son 
titre  de  Buddhist  Text  and  Research  Society  contre  le  titre  actuel. 

A  l'avenir,  la  Société  aura  un  organe  dit  :  Research  Reriew,  publié 
chaque  mois  par  deux  «  editors  »,  dont  l'un  peut  être  pris  parmi  les 
secrétaires.  Cet  organe  formera,  chaque  année,  une  volume  grand  in-8 
d'environ  1000  pages  ;  l'abonnement  est  fixé  à  7  roupies. 

Chaque  mois,  la  Société  tient  une  assemblée  générale,  destinée  aux 
communications  littéraires  et  scientifiques,  et  dont  les  procès-verbaux 
sont  publiés  par  le  secrétaire,  Sarachandra  Das. 

La  Société  comprend  deux  catégories  de  membres:  honoraires  et  titu- 
laires. Les  premiers,  dont  le  nombre  est  limité,  sont  dispensés  de 
toute  cotisation  et  reçoivent  franc  de  port  les  publications.  Les  membres 
'titulaires  payent  un  droit  d'admission  et  une  cotisation  annuelle,  dont 
le  montant,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  est  de  10  roupies;  ils  reçoivent 
aussi  les  publications  de  la  Société.  Ceux  qui  ont  fourni  dix  articles  au 
journal  et  payé  une  cotisation  de  100  roupies,  plus  un  droit  d'admission 
de    10  roupies,   deviennent  «  fellows  »  et  membres  à  vie  de  la  Société. 

Les  membres  peuvent  acheter,  à  moitié  prix,  toutes  les  publications 
antérieures  de  la  Société.  Ils  ont  droit  à  la  bibliothèque  et  peuvent  s'en 
faire  adresser,  chez  eux,  les  livres,  les  frais  de  port  étant  à  leur  charge. 

Quand  le  président,  qui  est  nommé  pour  un  an,  est  pris  dans  les 
sections  littéraires,  le  vice-président  doit  appartenir  à  la  section  scienti- 
fique, et  chaque  année  ces  fonctions  alternent.  Les  autres  membres  du 
Conseil  sont  nommés  pour  deux  ans. 


NOTES   ET    NOUVELLES  363 

Les  procès-verbaux  de  la  Société  sont  publiés  séparément.  Les  droits 
d'admission  servent  à  accroître  le  fonds  de  réserve.  Pour  permettre  les 
délibérations  du  Conseil,  il  faut  que  quatre  membres  et  le  secrétaire 
soient  présents  ;  pour  les  séances  générales,  le  quorum  est  de  quinze 
membres.  Du  1*=''  mai  au  i5  juin,  la  Société  est  en  vacances. 

Dans  une  assemblée  générale  e.xtraordinaire,  tenue  à  Darjeeling  le 
1 3  novembre  1899,  et  à  laquelle  assistaient  les  plus  hauts  fonction- 
naires de  l'administration  du  Bengale,  le  directeur  de  l'enseignement 
public,  M.  A.  Earle,  rendait  hommage  à  Rai  Saratchandra  Das  Baha- 
dur,  aujourd'hui  encore  secrétaire  de  la  Société,  qu'il  avait  fondée 
en  1893,  dans  le  but  de  faire  connaître  les  précieux  manuscrits  sans- 
crits et  tibétains  qu'il  avait  rapportés  du  Tibet.  Depuis  cette  époque,  la 
Société  n'avait  cessé  de  prospérer;  elle  avait  reçu  les  encouragements  et 
les  félicitations  de  Max  Mùller,  de  sir  Monier  Williams,  des  professeurs 
Boden  et  Rhys  Davids,  et  la  Smithsonian  Institution  de  New-York 
avait  demandé  à  échanger,  avec  elle,  ses  publications.  Ajoutons  enfin 
que  c'est  Rai  Saratchandra  Das  qui  a  donné,  le  12  février  dernier,  une 
si  intéressante  conférence  sur  l'Islam  dans  la  Haute-.\sie,  à  la  section 
anglaise  du  Mosiem  Institute. 


En  réalité,  nous  dit  d'autre  part  V Homeward  Mail  (4  avril  1907),  la 
nouvelle  InJian  Research  Society eslVaLncienne  Buddhist  Text  Society 
qui  se  développe.  L'aristocratique  et  officieuse  Asiatic  Society  n'a  pas 
su  faire  place  à  l'élément  hindou.  .Aux  séances  de  la  Société  asiatique 
du  Bengale,  on  ne  voyait  jamais  qu'un  ou  deux  membres  hindous.  11 
est  bien  naturel  qu'on  songe  enfin  à  combler  cette  lacune  par  le  déve- 
loppement d'une  société  où  l'élément  indigène  aura  un  rôle  actif.  Ce 
programme  a  eu  pour  sanction,  dés  la  première  séance,  le  1 1  avril,  la 
lecture  par  le  .Moulawi  .Mustafa  Rhan,  d'une  étude  sur  la  «.  Renaissance 
des  études  arabes  et  persanes  ». 

C'est  le  Swadeshisme  intervenant  dans  l'Orientalisme.  Il  se  mani- 
feste aussi  dans  la  Théosophie,  comme  on  le  constate  par  la  campagne 
des  membres  indigènes  de  la  Theosophical  Society  contre  le  choix 
de  Mrs.  Besant  pour  la  présidence,  en  raison  de  sa  qualité  d'étran- 
gère (i). 

A.  L.  C. 

(i)  Humeward  Mail,  4  avril  1907,  p.  568. 


304  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

L'Agitation  aux  Indes. 

On  devait  s'attendre,  depuis  longtemps,  à  voir  l'agitation,  si  soigneu- 
sement entretenue  aux  Indes,  prendre,  un  jour  ou  l'autre,  un  carac- 
tère de  réelle  gravité.  De  la  «  Partition  »  du  Bengale,  au  cinquantenaire 
de  la  grande  Révolte,  il  s'est  produit  une  succession  d'incidents,  dont 
certains  comiques,  comme  le  couronnement  de  M.  Surendra  Nath 
Bannerjee,  et  les  autres  plus  sérieux,  comme  l'organisation  des  «  Vo- 
lontaires nationaux  »,  qui  ont  accentué  peu  à  peu  un  état  de  tension 
générale. 

Sans  songer  à  synthétiser  en  matière  aussi  vaste,  —  puisque,  si  le 
nom  même  de  l'Inde  n'a  que  quatre  lettres,  il  représente,  sans  les  dé- 
pendances, une  population  de  270  millions  d'habitants,  —  on  ne  peut 
s'empêcher  d'être  frappé  de  l'importance  prépondérante  du  milieu 
musulman.  Il  semble  que  les  Hindous  se  sentent  incapables  de  pré- 
parer et  de  réaliser  à  eux  seuls  un  mouvement  organisé  et  durable.  Si 
la  «  Partition  »  du  Bengale  a  déchaîné  leurs  colères,  ils  se  sont  efforcés 
avec  ténacité  d'entraîner  les  jMusulmans.  Mais  la  campagne  libérale, 
dont  Syed  Ahmed  Khan  avait  été  l'initiateur,  s'était  donné  pour  but 
précisément  de  faire  regagnera  l'élément  islamique  l'avance  prise  par 
les  non-Musulmans.  Peut-être  ne  se  tromperait-on  pas  beaucoup  en 
conjecturant  que  ce  précédent  a  grandement  contribué  au  «  loyalisme  », 
dont  les  principales  personnalités  des  groupements  musulmans  avaient 
donné  l'annonce  au  vice-roi,  le  i'^'"  octobre  1906. 

Bien  que  la  grande  majorité  des  Anjumans  et  des  sociétés  de  tout 
ordre  affiliées  aux  «  Congrès  musulmans  de  l'Instruction  »  se  fussent 
ainsi  d'avance  prononcées  contre  les  Hindous,  en  faveur  du  gouverne- 
ment britannique,  malgré  leur  indépendance  coutumière,  on  se  trom- 
perait en  considérant  que  les  Musulmans  sont  restés  unanimement 
étrangers  à  l'agitation  actuelle. 

Depuis  un  an,  on  avait  vu  les  éléments  musulmans  populaires 
prendre  part  aux  désordres  du  Pendjab,  en  s'associant  aux  Mass  Mee- 
tings, et  manifester  leurs  sentiments  «  nationalistes  »  par  des  protesta- 
tions de  dévouement  télégraphiques  au  «  Khalife  ».  Le  choix  de  pro- 
fesseurs d'arabe  allemands  pour  le  Collège  Musulman  d'/Migarh,  par 
ses  «  Trustées  »,  n'avait  pas  laissé  que  de  surprendre  même  l'opinion 
parlementaire  anglaise.  On  avait  pu  s'étonner  en  dernier  lieu  de  voir 
le  Journal  of  the  Moslem  Institute  faire  place,  parmi  les  sujets  intéres- 
sants pour  l'Orient,  à  l'histoire  de  la  maison  de  HohenzoUern  (i). 

(i)  Journal  0/  the  Mostem  Instilute.  \'û1.  II,  n°  3.  —  Janvier-mars    1907. 


NOTES   ET    NOUVELLES  365 

Il  faut  mentionner  aussi,  comme  signe  des  temps,  d'après  \e  Pioneer, 
que  si  l'Émir  d'Afghanistan  parait  lui-même  avoir  pris  plus  de  souci  de 
l'automobilisme  (i)  que  de  l'Islam,  au  cours  de  son  voyage,  quelques 
membres  de  son  entourage  se  seraient,  au  contraire,  convertis  au 
Swadeshisme  religieux.  Un  meeting  de  Mullahs,  saisi  par  eux,  à  Caboul, 
de  la  question  du  sucre  anglais,  en  condamna  l'emploi,  sans  autres 
résultats  d'ailleurs  que  de  faire  interdire  par  le  Sirdar  Inayat  Ullah  les 
meetings  de  ce  genre. 


Dès  le  20  février,  M.  Morley  avait  été  questionné  à  la  Chambre  des 
Communes  sur  l'agitation  qui  se  manifestait  déjà  à  Lahore.  Il  avait 
répondu,  avec  une  ironie  remarquée  depuis,  que  rien  ne  faisait  craindre 
un  mouvement  général. 

Nous  ne  suivrons  pas  ici  les  incidents  qui  ne  concernent  que  les  Hin- 
dous. Mais  bien  des  faits  de  détail  sont  à  citer  pour  caractériser  l'attitude 
des  Musulmans. 

Ils  semblent  tout  d'abord  presqu'oublier  qu'on  s'agite  autour  d'eux. 
Le  29  mars,  la  «  Conférence  musulmane  d'éducation  »  du  district  de 
Barisal  se  réunit  sous  la  présidence  de  M.  Mohammed  Hussain,  fils  du 
Nawab  de  Shaistabad.  Il  est  venu  des  adhérents  un  peu  de  partout, 
Musulmans,  Européens  et  même  Hindous.  Dans  son  discours  d'ou- 
verture, le  président  remercie  MM.  Bell  et  Jack,  bienfaiteurs  de  la  Com- 
munauté musulmane  de  Barisal,  auxquels  on  doit  la  création  d'un 
établissement  d'instruction,  le  BcU-Islami.  Il  recommande  aux  parents 
d'envoyer  leurs  fils  aux  Mektebs,  aux  Médressés,  puis  aux  écoles  et 
collèges  oij  les  enfants  peuvent  recevoir  l'éducation  anglaise  nécessaire, 
mais  à  condition  qu'elle  se  combine  avec  l'éducation  orientale.  Instruc- 
tion technique,  culture  physique,  voilà  qui  est  indispensable,  mais  il 
faut  aussi  savoir  l'arabe,  langue  collective  du  Monde  musulman. 
Quant  aux  filles,  elles  doivent  devenir  de  bonnes   maîtresses  de   mai- 


(i)A  l'exposition  d'automobiles  de  Calcutta.  l'Émir  s'était  assis  dans  toutes 
les  voitures  et  avait  fait  sonner  toutes  les  trompes,  en  annonçant  des  inten- 
tions d'achat,  qui  avaient  mis  tous  les  exposants  en  émoi.  Ne  voulant  pas 
partir  sans  avoir  rien  acheté,  il  fit,  après  réflexions,  l'acquisition  d'une 
lampe  à  acétylène  {Indian  Motor  News).  —  Quoique  l'Émir  puisse  sembler 
ainsi  n'être  pas  très  confirmé  dans  ses  idées,  l'automobile  s'avance  jusque 
dans  les  montagnes  du  pays  Afj^han.  Le  record  du  «  plus  au  nord  »  appar- 
tient actuellement  au  colonel  Godfrey,  agent  politique  de  iMalakand,  qui 
est  arrivé  en  auto  jusqu'au  delà  de  Dir,  sur  la  route  de  Chitral,  plus  au  nord 
que  Caboul,  et  en  pleine  montagne.  Homeward  Mail  (27  avril  1907). 


366  BEVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 

sons,  pourleurs  maris  etieurs  enfants.  Ellesn'ontpas  besoin  de  l'éduca- 
tion anglaise,  et  elles  doivent  conserver  le  Purdah.  Il  n'y  a  besoin  pour 
elles  que  d'écoles  répondant  à  cette  condition  (i). 

Quelques  jours  avant,  il  y  avait  eu,  à  Poona,  une  manifestation  géné- 
rale des  Musulmans  de  la  présidence  de  Bombay,  aux  obsèques  d'un 
■des  principaux  membres  de  la  Communauté,  M.  Ahmed  Hissamuddin, 
mort  le  20  mars.  Sachant  également  l'arabe,  le  persan,  l'ourdou,  l'an- 
glais, il  avait  contribué  à  la  fondation  de  l'Anjumani-Deccan  et  de  l'Hi- 
mayate-Islam  de  Poona.  La  Bibliothèque  des  écoles  ourdoues  de  Poona 
avait  bénéficié  aussi  de  sa  sollicitude.  C'est  lui  qui  avait  organisé  les 
distributions  des  prix  aux  élèves  des  écoles  ourdoues,  dans  la  «  Mecca- 
Mesjid  »  de  la  ville.  D'accord  avec  le  cheikh  Alibhai  Hamadani,  Amil 
des  Bohras,  il  avait  beaucoup  travaillé  au  rapprochement  des  Sunnites 
et  des  Chyytes.  Le  nawab  Mohsin  ul-.\lulk  d'Aligarh  et  quelques  autres 
savants  musulmans  faisaient  de  temps  à  autre  des  conférences  publi- 
ques sur  sa  demande.  Il  avait  lui-même  contribué  au  succès  de  la«  Con- 
férence pour  l'éducation  »  de  Poona  et  était  membre  de  la  «  Mecca- 
Mesjid  Jamat  »  et  du  Comité  de  la  Médressé.  Cette  activité  intellec- 
tuelle et  religieuse  ne  l'avait  pas  empêché  de  se  faire  connaître  aussi 
comme  grand  industriel,  par  la  création  d'une  fabrique  de  soie  très 
prospère.  Ce  n'étaient  pas  les  exemples  donnés  ainsi  aux  Musulmans 
de  la  présidence  de  Bombay  par  AL  Ahmed  Hissamuddin,  dont  un  fils 
continue  son  œuvre  scientifique,  comme  professeur  d'ourdou  et  de 
persan  au  «  Government  maie  training  Collège  »,  qui  pouvaient  provo- 
quer une  agitation  quelconque  (2). 

De  l'autre  côté  de  l'Inde  septentrionale,  à  Calcutta,  l'assemblée  générale 
de  VAnjumani  Khademul  Islam,  tenue  le  12  avril,  sous  la  présidence  de 
Moulana  Zahed  Hossain  Sahed,  ne  dénotait  pas  non  plus  beaucoup  de 
préoccupations  apparentes.  On  y  décida  l'acquisition  d'un  terrain,  pour 
la  construction  d'un  bâtiment  destiné  à  la  Bibliothèque  de  la  Khade- 
mul Islam  ;  puis,  dans  un  discours  qui  s'inspirait  tout  entier  des  souve- 
nirs de  Sir  Syed  Ahmed  Khan,  le  président  proposa  de  demander  au 
gouvernement  la  nomination  d'inspecteurs  musulmans  des  écoles  du 
Bengale,  au  profit  de  la  jeunesse  mahométane  (3).  Là  encore  c'est  le 
calme  et  la  sérénité. 

Un  mois  auparavant,  la  crise  d'Aligarh  avait  causé  une  vive  émotion. 
Elle  venait  de  se  dénouer  de  la  façon  la  plus  heureuse,  le  5  avril,  par  le 
retrait  de  la  démission  du  nawab  Mohsin  ul-Mulk.  11  semble,  en  vérité, 

(i)  Mulk  and  Milliit,  g  avril   1907. 
(2)  Ibid.,   16  avril  1907. 
{3)  Ibid.,  3o  avril  1907. 


NOTES    ET    NOUVELLES  867 

que,  dans  tous  les  milieux  où  le  développement  de  son  œuvre  permet- 
tait de  comprendre  la  valeur  de  sa  doctrine,  le  grand  souvenir  de  Sir 
Syed  Ahmed  Khan,  ait  imposé  le  respect  de  sa  politique,  musulmane 
d'abord,  mais  de  sympathies  anglaises.  Il  maintenait  ainsi  du  côté  de 
l'Angleterre  l'élite  puissante  et  dirigeante  de  la  société  musulmane. 


C'est  ainsi  qu'au  Pundjab,  dès  les  premiers  troubles  de  Lahore  (6  avril), 
un  mass  meeting  musulman  se  prononça  énergiquement  contre  les 
désordres,  en  insistant  même  pour  qu'on  sévît  contre  les  «  intellectuels  ■» 
indigènes  qui  prenaient  part  aux  désordres.  Dans  lesN.  W.  provinces, 
on  avait  vu  avec  satisfaction  le  Sénat  de  l'Université  d'Allahabad  créer 
un  doctorat  és-arts,  dont  l'examen  pourrait  porter  sur  la  philologie 
arabe  (i).  Le  Paisha  akhbar,  quotidien  ourdou  de  Lahore,  prenait  vive- 
ment à  partie,  après  l'affaire  du  Pu;irf/a6j,  les  étudiants  qui  s'étaient 
alors  associés  aux  émeutiers  (2).  Le  V^aA//,  journal  musulman  ourdou 
bi-hebdomadaire  d'Amritsar,  déclarait  de  son  côté  qu'il  n'v  avait  pas  de 
rapports  possibles  entre  Hindous  et  .Musulmans  i3).  .Mêmes  déclarations 
dans  le  Watan,  hebdomadaire  ourdou  de  Lahore  14).  Enfin,  renchéris- 
sant sur  ses  confrères,  la  Shalima  i  Hind,  hebdomadaire  musulman 
ourdou  de  Murut,  donnait,  dans  une  première  réunion,  un  programme 
catégorique  :  tout  en  reconnaissant  sa  médiocrité,  il  défiait  qu'on  le 
dépassât  «en  style»  et  en  loyauté  envers  le  Gouvernement  (5). 


Point  n'est  besoin  d'insister  davantage,  pour  montrer  ce  qu'étaient  les 
paroles.  Mais,  pendant  ce  temps,  qu'étaient  les  actes  ?  On  peut  les  ran- 
ger en  deux  catégories. 

Tout  d'abord,  on  constate  çà  et  là,  chez  les  .Musulmans  des  basses 
classes,  des  sentiments  très  différents  de  ceux  des  hautes  classes  et  une 
véritable  tendance  au  désordre. 

A  Comilla,  oij,  au  commencement  de  mars,  une  tentative  d'attentat 


(i)  Mulk  and  Millut,  16  avril  1007. 

(2)  Ibid.,  24  avril  1907. 

(3)  Ibid.,  27  avril  1907. 

(4)  Ibid.,  20  avril  1907. 

(5)  Ibid.,  27  avril  1907. 


368  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

contre  le  Nawab  de  Dacca  (i)  avait  été  suivie  de  rixes  entre  les  Hindous 
et  les  Musulmans,  qui  eurent  un  des  leurs  tué,  il  semblerait  que  les  se- 
conds aient  pris  leur  revanche  un  peu  plus  tard,  d'après  les  débats  du 
Parlement.  Au  commencement  d'avril,  un  soldat  anglais  est  attaqué,  à 
Calcutta,  par  un  Musulman.  A  peu  près  au  même  moment,  les  Sun- 
nites de  Lucknow  attaquent  et  maltraitent  les  Chyytes,  à  la  mosquée. 
Plus  tard,  les  Musulmans  prennent  part  à  des  troubles  sérieux,  à 
Dewangany.  Une  bande  de  2.000  Dacoïts  armés,  composée  de  Musul- 
mans et  d'Hindous,  se  jette  sur  la  ville,  pille  le  bazar,  brûle  un  temple. 
Des  femmes  hindoues  menacées  doivent  se  réfugier  chez  les  .Musulmans. 
Enfin,  au  commencement  de  mai,  le  bruit  courait  dans  l'Eastem  Ben- 
gal,  que,  comme  les  Hindous,  les  Musulmans  s'armaient  à  Dacca  et 
dans  la  région  de  Mymesingh,  oij  S.  X.  Bannerjee  prêchait  ouvertement 
la  révolte  depuis  des  semaines. 

Il  ne  semble  pas  douteux,  en  résumé,  malgré  l'attitude  des  classes 
supérieures,  que  la  plèbe  musulmane  ait  fourni  spontanément  un  cer- 
tain contingent  aux  troubles,  aussi  bien  au  Bengale  qu'au  Pundjab  et 
dans  les  provinces  voisines.  Mais,  le  plus  souvent,  les  Musulmans  ont 
dû,  au  contraire,  se  tenir  sur  la  défensive  vis-à-vis  des  Hindous  dans 
des  conditions  caractéristiques. 


A  la  fin  de  mars,  dit  VEnglishman,  une  véritable  terreur  régnait  dans 
tout  le  district  du  Brahmanharia.  Les  Hindous  pillent  les  marchan- 
dises des  Musulmans,  et  coulent  même  des  chalands  chargés  de  riz  ou 
de  chanvre  qui  arrivent  par  eau.  En  avril,  des  bandes  armées  parcourent 
quelques  districts,  pillant  et  brûlant  des  villages  et  de  préférence  les 
demeures  des  .Musulmans.  .AJamalpore,  à  Burdwan,  à  Naraigunja,  les 
troubles,  dans  lesquels  les  iMusulmans  sont  molestés,  nécessitent  l'inter- 
vention de  la  force  armée.  Systématiquement  les  Hindous  cherchent  à 
provoquer  les  Musulmans,  et  ceu.t-ci  ne  cessent  de  se  plaindre,  de 
demander  qu'on  les  protège,  d'écrire  aux  journaux  anglais  des  Indes,  à 
la  Civil  and  Military  Galette,  en  particulier,  pour  signaler  le  piège 
tendu  ainsi  au  Gouvernement.  Ne  pouvant  pas  les  entraîner  avec  eux 
de  plein  gré,  les  agitateurs  hindous  cherchent  à  provoquer  des  conflits 
à  main  armée,  dans  l'espérance  qu'une  répression  sans  ménagements 
jettera  les  Musulmans  du  côté  de  la  révolte. 

C'est  là  un  aspect  des  choses,  mais  il  y  en  a  un   autre.   Depuis  deux 

(i)  Voir  Revue  du  Monde  Musulman,  n»  5,  p.  62,  et  n»  6,  p.  233. 


NOTES    ET    NOUVELLES  36q 

mois  le  mouvemeni  swadeshiste  a  repris  très  énergiquement  chez  les  Hin- 
dous, qui  détruisent  les  marchandises  anglaises  mises  en  vente.  Les 
Musulmans  au  contraire  les  préfèrent  aux  produits  indigènes  :  ils  veu- 
lent continuer  à  les  acheter  et  les  vendre  librement.  La  hausse  des 
cours,  due  aux  destructions  swadeshistes,  les  exaspère,  de  même  que 
leur  opposition  au  mouvement  swadeshiste  exaspère  les  Hindous. 

Sur  quelques  points,  cependant,  les  échanges  de  vues  des  personna- 
lités dirigeantes  des  deux  partis  aboutissent  à  une  entente.  C'est  ainsi 
qu'à  Calcutta  on  s'est  mis  d'accord  pour  limiter  le  Swadeshisme  aux 
non-Musulmans.  Il  ne  s'en  manifeste  pas  moins  une  assez  vive 
agitation  dans  les  basses  classes  de  la  communauté  musulmane.  Les  agi- 
tateurs professionnels,  comme  Ajit  Singh,  le  second  de  Lajpat  Rai,  dont 
l'arrestation  avait  semblé  ramener  un  peu  de  calme,  répandent  le  bruit 
que  les  Musulmans  sont  e.xcités  contre  les  Hindous  par  le  Gouverne- 
ment même.  C'est  le  même  Ajit  Singh,  arrêté  lui  aussi  maintenant,  qui, 
au  début  des  troubles  de  Lahore,  avait  exhorté  publiquement  une  bande 
de  5oo  Jat  Sikhs  à  s'armer  avec  des  gourdins  et  à  s'en  servir,  ce  qu'ils 
firent  en  massacrant  cinq  passants.  Au  Bengale,  les  «  Volontaires  na- 
tionaux »  de  M.  Surendra  Xath  Bannerjee  vont  jusqu'à  simuler  des 
agressions  de  Musulmans,  pour  préparer  plus  sûrement  le  conflit  qu'on 
cherche  à  provoquer  par  tous  les  moyens. 

Ces  «  Volontaires  nationaux  »,  dit  VEnglishman{i),  formentdeux  socié- 
tés, les  «  Brathi  Samity  »,  relativement  tranquilles,et  la  «  Bande  Mataram 
Sampradga  »,  très  dangereuse.  Ils  sont  armés  et  ne  reculent  devant 
aucun  coup  de  main.  Ce  sont  probablement  eux  qui,  à  la  fin  d'avril, 
d'après  l'Empire,  se  montraient  à  Jamalpore,  déguisés  en  .Musulmans  de 
Mymensingh,  pour  piller  le  bazar  et  faire  croire  ainsi  à  un  soulèvement 
des  Musulmans  contre  les  Hindous,  puis  tiraient  eux-mêmes  sur  les 
premiers.  Six  mille  Musulmans  des  districts  voisins  se  réunirent  alors 
à  Mymensingh,  et  les  agitateurs  se  le  tinrent  pour  dit.  Mais  ailleurs, 
comme  à  Delhi,  les  Hindous  profitent  de  leur  majorité  pour  attaquer 
eux-mêmes  les  Musulmans. 

La  situation  de  fait  au  20  mai  pouvait  se  résumer  ainsi  :  La  masse 
des  Musulmans,  calme  au  centre  et  dans  le  sud,  où  l'agitation  ne  s'est 
pas  répandue  activement,  témoignait  dans  le  nord  d'une  grande  inquié- 
tude. Dans  les  milieux  religieux,  instruits,  commerçants,  on  était 
presque  unanime  en  faveur  du  Gouvernement.  Les  Hindous  recrutaient 
cependant  çà  et  là  des  auxiliaires  dans  la  foule.  Les  chefs  du  parti  hin- 
dou cherchaient  par  tous  les  moyens  à  entraîner  avec  eux  toute  la 
partie  musulmane,  allant  même  jusqu'aux  provocations  systématiques. 


(i)  Homeward  Mail,  18  avril   1907. 
1 1. 


24 


3/0  BEVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

afin  de  déterminer  un  cunllit,  comptant  sur  la  répression  pour  leur 
donner   les  alliés   sans  lesquels  ils  ne  se  sentent  pas  assez  forts. 

Ils  se  livrent,  d'ailleurs,  à  une  extraordinaire  propagande  de  fausses 
nouvelles.  L'n  jour,  c'est  le  Gouvernement  anglais  qui  fait  empoisonner 
les  puits  et  on  arrête  un  «  empoisonneur  ».  Un  autre  jour,  le  Patrika, 
pour  prouver  les  attentats  des  Musulmans,  publie  une  photographie  re- 
présentant brisées  les  statues  des  dieux  de  Jamalpore,  et  on  distribue 
à  profusion  ce  «  document  »  dans  les  rues  de  Calcutta  (i).  Aussi, 
comme  le  secrétaire  de  !'«  Association  musulmane  »  de  Marainganj  le 
déclarait,  le  i"''  mai,  au  correspondant  de  VEmpire,  les  Musulmans  se 
préparent-ils  à  la  défense. 

Sans  doute  il  ne  faut  pas  s'exagérer  la  gravité  de  ces  nouvelles,  si 
sérieuses  qu'elles  soient.  C'est  le  ii  mai  seulement  que  le  Gouvernement 
des  Indes  a  jugé  nécessaire  de  supprimer  les  meetings  populaires  dans 
la  zone  des  troubles,  et  les  mesures  répressives  prises,  jusqu'ici,  se  sont 
bornées  à  l'arrestation  de  quelques  agitateurs.  Elles  sont  restées  très 
modérées  à  l'égard  des  «  étudiants  hindous»,  qui  semblent  s'exercer  à 
imiter  avec  un  autre  objectif  les  étudiants  russes,  et  forment  le  gros  des 
«  Volontaires  »  de  M.  Surendra  Nath  Bannerjee.  Aux  dernières  nou- 
velles, celui-ci  continuait  à  parcourir  le  Eastern  Bengal  à  la  tète  de 
ses  cohortes. 


Cette  situation  paradoxale  doit  donner  lieu,  en  Angleterre,  à  bien  des 
réflexions.  Les  moins  amères  ne  sont  peut-être  pas  celles  du  membre 
de  la  Chambre  des  Communes  qui,  le  2  mars  1906,  écrivait  à  1'  «.  impé- 
rial »  directeur  du  Bengali  (2): 

«  Cher  Monsieur  Bannerjee, 

«  Continuez  l'agitation  et  rendez-la  effective.  Le   plus  pratique  est  de 

multiplier  les  meetings  populaires.  Vous  avez  la  plus  juste  des  causes 

et  j'espère  que  vous  ferez  le  nécessaire  pour  quevotrevoix  soit  entendue. 

Tout  dépend  de  vous  aux  Indes.   Souvenez-vous   qu'un   \N'hig   ne  fait 

rien  sans  y  être  forcé. 

«  Sincèrement  \'ôtre 

«  C.  J.  O.  D.  » 


(i)  Voir  Homeward  Mail,  18  avril   1907. 

(2)  Cf.  Revue  du  Monde  Musulman,  n"  i,  p.  jb.  Cit.:  Birmingham  Post. 
10  octobre  1906. 


NOTES    ET    NOUVELLES  ■}-, 

Il  n'est  pas  surprenant  que  les  Musulmans  des  Indes  puissent  ne 
pas  b,en  ccnprendre  une  situation  à  laquelle  cette  intervention  "rle- 
menta.re  ajoute,  au  point  de  départ,  quelque  imprévu. 

A.  L.  C. 

A  AJigarh. 

On   sait    que   la  situation   du   Collège   d'Aligarh   a  été  un  peu  trou- 
b  ee  ces  dern.ers  temps.  On   s'en  est  préoccupé   même   à   la   Chambre 

H^eTr?;  n'    ''    ''^:l^-^'  '  '''  ^""^'°""^'   '^    .9  février    p 

'  tVu'st  du  roll         n '"  '  ""  P'"''"""'"  ''^"^^  ^"^--d  P^^ 'es 

trustées  »  du  Collège.  Il  serait  bien  intéressant  de  connaître  la  oartie 
onhdent.elle  du  rapport  adressé,  au  commencement  d'à  r  au  ieu 
tenant-gouverneur  de  la  province,  par  la  commission  spéciale  charge 
de  ,a,re  une  enquête  sur  les  désordres  qui  amenèrent,  semble-.'  I 
dem.ss.on  de  l'honorable  secrétaire  du  Conseil  du  Col  è'e T Va!'! 
Mohsm  ul-Mulk,  sous   prète.xte  dage  et  de  santé.  Il  v  a^ï  's  ns  dTute 

t^'ur  ":?h'  Z  r  '"  """^^'-^^  ''  '^  commission  d  nquTe 
'eu;  n  ^''^^^.  ^^^g' demanda  la  révocation  immédiate  du  pro  : 
eur.  Ln  autre,  le  Nawab  Vicar  ul-Mulk,  estima  qu'il  serait  suffisant  de 
supprimer  ses  appointements.  Mais  ces  conclusions  parurn  te  lè- 
vent iniques  à  un  troisième  membre  de  la  commission  M  Had. 
Ismael  khan,  qu'il  donna  sa  démission  d'administrateur  e^  déclaran 
qui    aurait  voulu  devenir  aveugle,  avant  de  lire  de  telles  monstruô  i"  s 

nélTLTl       '■  ''TT''   ""'''  "   '^   ^^^'^h   Abdullah      ;: 
nerent    qu  .1    convenait  de   laisser  les    choses  en    l'état.   C'est   à  cette 
manière  de  voir  que  se  rangea,  en  fin  de  compte,  le  Xawab  .Mohsin  u 
Mulk  lui-même,  car  il  retira  sa  démission 
Le  Mulk  a,ui  Millut  dit  à  ce  sujet  :  «  Le  principal  et  le  secrétaire  une 

m    ortn!! '•  "   """"'^   "   ^^"^  ^"^^'  '^^"^--  S'   --"^-ant  l'é  at 
majo    anglais  agit  avec  plus  de  sagesse,  se  rapproche  des  élèves,  met 

de   côte  ses  préjuges  insulaires,  son  étroitesse  d'esprit  *  raciale  .    le 
causes  de  frictions  disparaîtront  (i).  » 

A.  L.  C. 

Chez  les  Khodjas. 

Les  meetings  des  Musulmans  Hindous,  qui  devaient  aboutir  à  l'envoi 
de  la  deputation  présentée  au  vice-roi  des  Indes,  le  .«^  octobre  ,900,  à 


(I)  Mulk  and  MitUa,  g  a.sù\;  Ilomeward  Mail.  20  avril. 


372  REVUE    DU    .monde:    MUSULMAN 

Simla  par  sa  Hautesse  l'Aga  Khan  (ij,  n'ont  pas  été  les  seules  réunions, 
tenues,  pendant  le  mois  d'août,  sous  l'inspiration  du  descendant  des 
Fathimites.  A  peu  près  au  même  moment  où  se  tenait  au  Punjab  le 
meeting  du  Khalifa  Pir  Bakhsh,  on  courait,  le  23  août,  à  Poona  la 
coupe  de  l'Aga  Khan,  pour  automobiles  (2). 

L'Aga  Khan  lui-même  partait  peu  après  pour  faire  un  rapide  tour 
du  monde,  au  lieu  de  se  rendre  au  Congrès  de  Dacca,  où  on  pouvait  le 
croire  attendu  (3).  Au  moment  où  paraissait,  dans  la  National  Re- 
view  de  février,  son  dernier  article:  «  Quelques  réflexions  sur  le  mé- 
contentement aux  Indes  »  (4),  il  arrivait  à  Londres,  pour  se  rendre 
compte  de  l'effet  produit  par  ce  nouvel  exposé  d'un  programme  for- 
mulé déjà  par  .\L  Malabari,  en  1897,  et  suggéré  aussi  par  le  Gawkowar 
de  Baroda.  —  Ces  noms  seuls  suffisent  à  montrer  l'importance  d'un 
mouvement  d'idées  tendant  au  remplacement  de  la  vice-royauté 
actuelle  par  une  régence  permanente,  confiée  à  un  membre  de  la 
famille  royale  d'Angleterre,  avec  le  titre  de  «  Prince  Régent  ».  —  C'est 
pendant  la  traversée  de  la  .Mer  Jaune,  nous  dit  une  note  de  l'auteur, 
qu'avait  été  écrit  l'article  de  la  National  Review  i5).  Et  en  effet,  au 
lendemain  de  la  réception  de  Simla,  r.A.ga  Khan  était  parti  pour 
l'Extrême-Orient.  Reçu  solennellement,  en  décembre,  dans  les  ports 
chinois,  malgré  son  goût  pour  l'incognito,  il  se  trouvait  en  janvier  au 
Japon,  pour  une  audience  spéciale  du  .Mikado.  Puis,  après  la  traversée 
des  États-Unis  et  une  courte  visite  à  Londres,  il  quittait  l'Angle- 
terre le  27  février  «  pour  faire  un  tour  sur  le  Continent  et  aller  pro- 
bablement à  Tanger  »  suivant  un  avis  publié  alors.  En  réalité,  après  un 
séjour  dans  le  .Midi  de  la  France,  son  projet  avait  été,  semble-t-il,  de  se 
rendre  en  .Algérie. 

Depuis  quelques  années,  la  «  politique  musulmane  »  des  pays  où  on 
en  fait,  a  mis  à  la  mode,  dans  les  milieux  musulmans  où  on  voyage, 
d'aller  voir  la  «  France  africaine  »  et,  ce  qui  étonnera  peut-être  autant 
les  Musulmans  algériens  que  leurs  amis  français,  on  en  rapporte,  pa- 
raît-il, les  pires  impressions  au  point  de  vue  de  l'Islam.  C'est,  du  moins. 


(  I  )  Revue  du  Monde  Musulman,  n»  i,  p.  79. 

(2)  The  Parsi,  26  août  i  906.  VIII.  n"  i  3,  p.  23  i.  —  Gagnant  de  la  Coupe: 
lieutenant  Rose  du  lo'  hussards  avec  une  ^enaw/ 10-12  H.  P.  —  Second  :  .M. 
Fazuibhai  Laiii,  avec  une  Darracq  12  H.  P.  —  Sur  21  voitures  classées,  12 
de  marques  françaises;  d'autre  part,  10  appartenaient  à  des  propriétaires 
hindous,  dont  plusieurs  conduisaient  eux-mêmes. 

(3)  Revue  du  Monde  Musulman,  loc.  cit.,  p.  85. 

(4)  Ibid.,  n«  5,  p.  61. 

{^)  National  Review,  février  1907,  p.  963. 


NOTKS    ET    NOUVELLES  SjS 

ce  qu'on  ne  manque  pas  de  répéter  dans  les  cercles  «  musulmans  »  en 
contact  avec  des  entreprises  religieuses,  hostiles  à  l'Islam,  auxquelles 
le  régime  français  devient,  assurément,  de  moins  en  moins  favo- 
rable. 

Mais,  fait  curieux,  pour  qui  connaît  l'Algérie,  ces  enquêtes  privées 
sur  la  situation  matérielle  et  morale  de  la  population  indigène  où  se  re- 
crutent les  régiments  de  tirailleurs  et  de  spahis,  sont  tellement  discrètes, 
qu'on   n'en   entend   jamais   parler  sur   piace. 

Quels  étaient  les  motifs  de  l'Aga  K.han  pour  aller  en  Algérie  ?  On  a 
parlé  de  son  désir  d'étudier  sur  place  l'organisation  de  l'instruction  pu- 
blique primaire.  A-t-il  réalisé  son  projet  ?  Nous  ne  saurions  le  dire 
encore.  Peut-être  son  attention  a-t-elle  été  attirée  par  les  dissensions 
qui  se  manifestaient,  à  peu  prés  à  la  même  époque,  chez  les  Khodjas 
de  Zanzibar. 

La  construction  de  V  «  Ismaeli  Jamat  K.hanah  ■»,  dont  la  Galette  de 
Zanzibar  annonce  l'achèvement  dans  son  numéro  du  24  avril  (i),  té- 
moigne de  l'importance  et  de  la  prospérité  delà  communauté  locale  des 
K.hodjas.  Mais  le  Zanzibar  Samachar  du  25  mars  signalait  dans  le  sein 
de  la  communauté  des  antagonismes  assez  vifs,  en  termes  qui  méritent 
une  mention  spéciale. 

Voici  un  résumé  de  l'article  consacré  à  cette  question  par  l'organe 
gudjarati,  qui  a  la  réputation  de  ne  pas  être  une  feuille  d'opposition  : 

—  Le  fameux  Concile  ismaélite  attire  aujourd'hui  l'attention  générale. 
On  se  demande  comment  il  a  été  créé,  quels  sont  ses  pouvoirs  et  ce  qu'il 
peut  juger. 

Les  Khodjas  sont  surtout  des  marchands.  A  l'exception  de  quelques 
redevances  fixes,  ils  sont,  pour  la  plupart,  absolument  libres  au  point 
de  vue  social  et  religieux,  même  après  l'élection  de  l'illustre  Aga  Khan 
comme  leur  chef.  On  les  dit  très  avancés  quant  aux  réformes  et  au 
commerce.  Et,  en  effet,  quelques-uns  ont  reçu  des  titres  nobiliaires 
anglais;  plusieurs  d'entre  eux  sont  avocats,  docteurs,  membres  du  Con- 
seil législatif  et  juges  de  paix.  Un  milieu  social  jouissant  d'une  telle 
liberté  doit  naturellement  chercher  à  améliorer  sa  condition.  Il  se  pro- 
duit cependant,  au  contraire,  un  mouvement  tendant  à  enlever  au.' 
Rhodjas  toutes  leurs  libertés. 

Ce  mouvement,  dont  les  origines  remontent  à  un  an,  n'a  pris  corp- 
que  récemment,  et  il  provoque  des  troubles  non  seulement  chez  les 
Khodjas  cultivés,  mais  aussi  chez  les  autres.  Créé  par  Sa  Hautesse  l'Aga 


(1)  Voir  plus  loin,  p.  405,  Presse  viusutmane. 


374  BEVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

Khan,  le  Concile  ismaélite  veut  maintenant  mettre  en  vigueur  des  lois 
oppressives  pour  les  Khodjas,  auxquels  elles  enlèvent  leur  liberté  reli- 
gieuse et  sociale.  Quoique,  en  principe,  le  Concile  ismaélite  dût  être 
indépendant,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  est  dans  la  dépendance  de 
M.  Mitha  Jessa  et  soumis  à  son  bon  plaisir. 

Cela  tient  à  ce  qu'ayant  été  longtemps  le  bras  droit  d'une  des  princi- 
pales études  d'avoué,  M.  Mitha  Jessa  connaît  bien  la  loi  et  s'entend  en 
politique.  On  croit  que  c'est  lui  qui  a  la  plus  grande  responsabilité 
dans  la  situation  actuelle.  Par  l'orientation  donnée  au  Concile  contre  la 
religion,  il  a  amoindri  toute  la  communauté  khodja  dans  l'estime  des 
-Musulmans.  11  aurait,  d'ailleurs,  mécontenté  les  Khodjas  eux-mêmes, 
par  ses  reproches  envers  ceux  qui  fréquentent  les  mosquées,  les  jamat- 
khanas,  etc.  Il  s'est  également  servi  de  termes  blessants  à  l'égard  de 
ceux  qui  prennent  part  aux  assemblées  commémoratives  de  Sa  Sain- 
teté rimâm  Hossain. 

11  a  ainsi  engagé  le  Concile  dans  une  mauvaise  voie  et  a  compromis 
la  bonne  renommée  de  l'Aga  Khan  parmi  les  Musulmans. 

Si  M.  Mitha  Jessa  avait  le  moindre  dévouement  pour  «  namdar  » 
Aga  Khan,  il  ne  l'aurait  pas  mis  dans  une  situation  aussi  fausse, 
etc.  (I).  - 

Quelle  est  exactement  l'importance  du  parti  d'opposition  qui,  au  mo- 
ment même  où  l'Aga  Khan  était  en  villégiature  à  Beaulieu,  manifestait 
ainsi  son  mécontentement  contre  la  direction  donnée  à  ce  Concile  des 
Ismaéliya,  assez  inattendu  lui-même  ?  nous  l'ignorons.  .Mais  ce  n'est  pas 
seulement  cette  tempête  dans  une  île  (2)  ni  l'envoi  à  Mazagon-Hall  d'un 
lion  offert  par  le  gouvernement  de  Zanzibar,  qui  ont  pu  rappeler  l'at- 
tention du  chef  des  Khodjas  vers  l'Orient. 

Le  21  février,  on  procédait,  à  Bombay,  à  l'élection  de  seize  «  juges 
de  paix  »  compris  comme  magistrats  élus  dans  la  «  .Municipal  Corpo- 
ration ».  Autant  qu'on  peut  se  rendre  compte  d'après  les  débats  d'un 
procès  entamé  devant  la  Cour  de  Bombay  pour  l'annulation  de  cette 
élection,  il  y  avait  deux  partis  principaux  en  présence  :  celui  de  sirPhe- 
rozeshah,  membre  du  Conseil  législatif  de  la  Présidence,  dont  l'in- 
fluence sur  la  municipalité  était  jugée  excessive  par  le  parti  adverse, 
et  celui  de  M.  Harrison,  qui  l'emporta. 

Le  4  avril,  la  Bombay  Government  Galette  publiait  la  nouvelle  liste 
des  juges  de  paix  de  Bombay,  modifiée  par  l'élection.  Presque  aussitôt,  il 

(i)  Tous  les  remerciements  et  tous  les  hommaj^es  respectueux  de  la  Revue 
à  son  aimable  collaboratrice  de  Glascow. 
(2)  Mulk  and  Millut,  9  avril  1907. 


NOTES    ET    NOUVELLES  3^5 

se  manifesta  une  émotion  assez  vive,  car,  le  8  avril,  le  Times  of  India 
s'élève  avec  indignation  contre  un  meeting  de  protestation  tenu  la 
veille. 

Dés  le  12  avril,  néanmoins,  la  llaute-Cour  de  Bombav  était  saisie 
d'une  plainte  en  annulation. 

Klle  se  déclarait  incompétente  en  c:)ndamnant  les  plaignants  aux  dé- 
pens, le  i8  avril.  Mais,  en  même  temps,  la  <.  Cour  des  petites  causes  » 
saisie,  de  son  côté,  d'une  autre  plainte  tendant  à  l'annulation  des  élec- 
tions comme  viciées  par  des  manœuvres  illégales,  procédait  à  une 
enquête  judiciaire. 

Cette  enquête  révéla  que  le  directeur  du  Times  of  India,  .M.  Phaser, 
partisan  de  M.  Harrison,  s'était  adressé,  par  télégraphe,  à  r.\ga  Khan,' 
alors  en  .Vmérique,  et  en  avait  reçu  une  réponse  télégraphique,  à  la- 
quelle on  attribuait  une  certaine  importance  au  point  de  vue  du  résul- 
tat des  élections. 

En  effet,  .M.  Fraser  refusa  tout  d'abord  de  la  communiquer  et  se 
laissa  condamner  à  5o  roupies  d'amende  par  le  tribunal  avant  de  s'y 
tfécider. 

Voici  cet  intéressant  télégramme,  tel  qu'il  a  été  publié  (i)  : 
«  J'approuve  entièrement  la  campagne  électorale  proposée.  Si  ma 
sympathie  peut  avoir  de  l'influence  sur  les  votes,  veuillez  la  publier. 
Pour  ce  qui  est  d'influencer  directement  les  Khodjas,  vous  savez  que 
l'e-vtrème  délicatesse  des  rapports  religieux  demande  un  grand  tact. 
Aussi  me  suis-je  fait  une  loi  de  ne  jamais  user  de  l'influence  religieuse 
pour  les  aflaires  temporelles.  Je  préfère  donner  l'exemple  en  prenant  ou- 
vertement parti  comme  à  .Aligarh.  Cependant,  je  câble  à  Jatfer  Kassam 
Moosa  de  voir  les  juges  khodjas  les  plus  dignes  de  confiance,  et  d'au- 
ires  bons  Musulmans  comme  Adamji,  et  d'agir  sur  eux  de  façon  qu'ils 
vous  suivent  avec  confiance.  » 

Autant  qu'on  peut  s'en  rendre  compte,  d'après  des  débats  qui  parais- 
sent assez  confus  quand  on  m  connaît  pas  le  fond  des  choses,  ce  télé- 
gramme aurait  semblé. avant  sa  publication,  l'indice  d'une  pression  élec- 
torale pouvant  porter  atteinte  à  la  liberté  des  élections.  Mais  le  jugement 
rendu  a  débouté  les  plaignants,  comme  n'ayant  même  pas  fourni  un  com- 
mencement de  preuve  de  leurs  dires  (2).  Inutile  d'ajouter  que  nous 
n'avons  pas  d'opinion  sur  la  question.  Nous  avons  voulu  seulement,  par 
un  exemple  ajouté  à  ceux  qui  précèdent,  indiquer  de  nouveau  ce  que 
devient  réellement,  à  notre  époque,  la  vie  propre  du  monde  musulman. 

(1)  Homeward    Mail,  iS    mai  1907,  p.  620.  Cf.,  pour   les   renselynoments 
qui  précèdent,  llomeward  Mail,  avril  et  mai. 

(2)  Humeward  Mail,  -ib  mai   i  907. 


376  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 


On  se  montre  parfois  disposé,  en  France,  à  perpétuer  la  politique  des 
Bureaux  arabes  et  ses  résultats.  Même  au  «  titre  civil  »  cette  politique 
retarde. 

Challenge  d'automobiles,  meetings  et  députations,  tour  du  monde  de 
Bombay  à  Bombay  par  Hong-K.ong,  Tokyo,  New-York,  Londres,  Paris, 
la  Côte  d'Azur,  la  Méditerranée,  l'Egypte  et  Zanzibar;  Concile  des  Is- 
maéliya,  et  politique  électorale  par  câble  de  New-Nork  aux  Indes  :  voilà 
lé  mouvement  moderne. 

A.  L.  C. 


Invitation  pour  la  Fête  du  Prophète,  à  Durban. 

L'Invitation,  en  hindoustani  et  gudjarati,  pour  la  Fête  de  la  Nais- 
sance du  Prophète,  dont  nous  donnons  une  reproduction  aux  deux  cin- 
quièmes, est  adressée  par  Osman  Ahmed  Eflendi,  au  nom  de  la  Muham- 
medan  Association,  de  Durban  (Natal),  à  ses  coreligionnaires.  Elle  est 
lithographiée  sur  papier  couché,  en  encre  d'or,  sauf  la  vue  de  la  mos- 
quée de  Médine  placée  au-dessous  du  Tughra,  qui  est  en  violet. 

Les  deux  textes  (hindoustani  à  droite  et  gudjarati  à  gauche)  com- 
prennent chacun  deux  parties  :  l'invitation  proprement  dite  en  prose,  et 
quatre  distiques  qui  la  précédent.  Dans  la  partie  de  droite,  ces  vers  sont 
en  hindoustani.  Ils  sont  simplement  transcrits  en  gudjarati  et  non  tra- 
duits dans  l'autre  partie.  Les  deux  caractères  sont  mêlés  dans  les  titres. 

M.  Julien  Vinson,  l'éminent  professeur  de  l'École  des  langues  orien- 
tales, a  bien  voulu  traduire  pour  la  revue  le  texte  hindoustani,  dont 
l'impression  assez  défectueuse  présente  des  caractères  effacés.  Voici  la 
traduction,  que  nous  avons  ainsi  la  bonne  fortune  de  joindre,  avec  ces 
indications  préliminaires,  à  la  reproduction. 


THE    MUHAMIVIEDAN   ASSOCIATION 

RÉUNION  DE  LA  NOBLE  NAISSANCE 

(Distiques).  —  L'amour  d'Ahmed  Mustafa,  dont  le  coeur  ne  serait 
pas  obtenu,  — quand  il  y  aurait  cent  mille  Croyants,  ne^serait  pas  par- 
fait au  sommet  de  la  foi. 

Cette  réunion  aura  lieu  à  la  Muhammedan  Association  ;  il  'y  [aura 
des  chants  pour  l'apôtre  et  des  chants  pour  le  prophète. 


..-         X 


S* 

«{L<^jLl.fl  ^^li5«ll 'VCH.Hl        ■    ^         . 

iniM^  !3<CL  Vil  Âj^Ail  A  Vi  \<.M*k'u\  *n\i:>}.%- 
•ut*Ci»\  W^  (jS-Ht  V-li-i  *ii  •ût-K'.<itf.V,«-ju»^u- 

nO  n"  «l^^lV1Wl<^  fi^<1»ti-u  «l'ut!  I41J1  «ii'n.  u'in 

'H\.V(4l.  ^ï  »ft  -H  •îvtMi.^  .  -i  «in  *ini  K  X 
•fl^i-»A»iii«il»»    i*.  (i^JiHt     M.'<''«  ^u"»*»  IHiu* 

^n  V^tHI  <dLn>i/  Jl\<J  «viu-  >A<ii  J«îl  nii>  •<'^iv  nk* 


«*ii.  *i<i^i  Jn,HJL  Hitu  «tchÀ^ 


"^i  /^J»o  -r^^^  ^'O  e^c,  ^'J^  >-o(w 


^'r-y 


^ 


■-}■ 


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Cr^'i 


/-i-ir* 


^^i-- 


•^^^  -  '-•  u^.j:s^S'isj^^ 


J^>  *'yt^-  >■<•/'. 


Mitft 


r 


^mM)^^wi^v;y;vVV/ivWy^^^^ 


3/8  BEVLE  DU  MONDE  MUSULMAN 

Croyanls,  il  faut  venir  dans  celle  assemblée  sainle  !  Amis  ardenls  de 
Musiafa,  veuillez  l'honorer  de  votre  présence  I 

Amis  ardenls  !  Là  il  convient  de  se  prosterner!  Veuillez  venir!  A  de 
telles  réunions  veuillez  toujours  donner  de  l'extension  ! 

{Prose).  —  O  amis  ardents  de  la  vraie  pensée  sur  la  terre,  ô  vous, 
qui  êtes  prêts  à  sacrifier  votre  vie  innocente,  ô  amis  du  prophète  élu, 
ô  sectateurs  de  Mohammed  Mustafa,  béni  de  Dieu  ! 

Paix  et  salut!  Cent  mille  fois,  cent  mille  bénédictions  I  dix  millions 
de  fois,  dix  millions  de  faveurs  ! 

Le  Seigneur  gracieux  et  miséricordieux  nous  a  mis  parmi  le  peuple 
marqué  du  signe  prophétique;  il  nous  a  accordé  la  bonne  fortune  de  la 
joie  du  jour  de  la  Naissance  de  son  bon  ami,  par  qui  tout  Musulman 
est  favorisé. 

A  roccasion  de  cette  illustre  naissance  du  Prophète,  il  y  aura  une 
réunion  pleine  de  magnificence,  dans  la  ville  de  Durban,  au  numéro  iSy, 
dans  le  local  de  la  Muhammedan  Association,  le  i6  mai  1906,  à  huit 
heures  du  soir.  Tous  les  gens  honnêtes  et  purs  v  assisteront  à  l'expli- 
cation de  la  pure  doctrine  et  à  l'exposition  de  la  foi  musulmane  :  ils 
voudront  donner  de  l'éclat  à  cette  réunion  musulmane  ;  ils  se  rappelle- 
ront qu'on  y  chantera  les  louanges  de  Dieu,  à  la  demande  de  tout  Mu- 
sulman, etc.,  ils  le  proclameront  dans  cette  réunion  pure. 

Le  Président  :  |Ch.\irman)   sic) 
Othman  Ahmed  Effendi. 

Les  Secrétaires  :  Ibrahim  Ahmed  .\L\tim. 
Ghulam  Ahmed  Behari. 

L"envoi  de  ce  document  était  accompagné  d'une  lettre  du  corres- 
pondant auquel  nous  le  devons,  et  que  nous  remercions  ici  une  fois 
de  plus,  en  regrettant  de  nouveau  de  ne  pouvoir  le  faire  autrement. 
Osman  Ahmed,  nous  dit  notre  collaborateur  anonyme  (i),  est  un 
Hindou,  comme  presque  tous  les  Musulmans  du  Natal.  Le  titre 
d'Effendi  qu'il  prend,  mérite  d'être  remarqué,  «  car  il  démontre  avec 
évidence  que  le  système  anglais,  qui  consistée  traiter  les  natifs  d'êtres 
intérieurs,  doit  les  pousser  vers  une  nation  de  leur  religion  qui  ne  fait 
point  de  distinction  entre  les  Européens  et  les  Asiates». 

«  El  Muminouné  ihvetun  —  Tous  les  Croyants  sont  frères  »,  nous  a 
dit  le  Khalife  Eumér.  »  .■\.  L.  C. 

(i)  Auteur  également  de  l'article  sur  la  Bosnie  et  l'her^égovine,  publié  en 
tête  de  ce  numéro,  et  de  renseignements  utilisés  dans  plusieurs  notes  anté- 
rieures. 


NOTES    ET    NOUVELLES  3 79 

Le  Régime  parlementaire  en  Perse. 

Dans  son  numéro  du  3  avril,  le  Mèdjlis,  organe  de  l'Assemblée 
nationale,  commençait  la  publication  d'une  série  d'articles  avant  pour 
but  de  démontrer  qu'en  adoptant  le  régime  constitutionnel,  la  Perse 
n'avait  fait  que  revenir  à  l'ancien  état  de  choses.  Dés  Keyomers,  le 
peuple  nommait  ses  représentants;  sous  Khosro  Perviz,  une  assemblée 
générale  se  tenait  le  jour  du  nauroù^,  et,  aux  débuts  de  l'Islam,  con- 
formément aux  principes  de  cette  religion,  du  reste,  la  nation  intervenait 
dans  le  gouvernement. 

Cette  question  de  la  légitimité  du  nouveau  régime  a  été  plusieurs  fois 
soulevée.  Les  docteurs  de  Téhéran,  consultés,  ont  répondu,  de  la  façon 
la  plus  formelle,  que  le  régime  constitutionnel  était,  en  tout,  conforme 
aux  régies  et  à  l'esprit  de  l'Islam  ;  ses  ennemis  devaient  être  considérés 
comme  des  traîlres  (i).  Peu  après,  ces  docteurs  adressaient  à  l'As- 
semblée nationale  des  requêtes,  dans  lesquelles,  après  les  avoir  remerciés 
et  félicités,  ils  les  priaient  de  donner  au  plus  tôt,  à  la  Perse,  des  tribu- 
naux rendant  réellement  la  justice,  une  bonne  administration  finan- 
cière, des  services  publics  bien  organisés  et  des  représentants  capables 
à  l'extérieur  (2). 

Dans  la  première  quinzaine  d'avril,  l'Assemblée  nationale  a  abordé 
l'examen  de  deux  importantes  questions  :  les  assemblées  provinciales 
et  les  télégraphes.  Les  lois  les  concernant  sont,  de  toutes  parts,  attendues 
avec  impatience.  Le  premier  chapitre  de  la  loi  sur  les  assemblées  pro- 
vinciales avait  été  adopté  ;  mais  l'Assemblé  a  rejeté  le  second,  après 
une  discussion  des  plus  vives.  Les  provinces  étaient  dans  l'attente  : 
l'Azèrbaïdjàn  voulait  que  sa  situation  devînt  légale,  et  les  habitants  de 
Recht,  en  attendant  l'organisation  de  l'assemblée  locale,  réclamaient 
l'envoi  d'un  délégué  chargé  de  leur  donner  satisfaction. 

Quant  au  télégraphe,  les  députés  ne  semblaient  pas  disposés  à  en  laisser 
la  direction  au  gouvernement.  Certains  même  trouvaient  dangereux 
de  la  confier  à  un  seul  homme. 

La  loi  organisant  les  conseils  municipaux  a  été  votée.  Un  pri\ilége  a 
été  accordé  pour  les  manufactures  de  papier.  Les  partisans  de  l'I'nion, 
de  l'Azèrbaïdjàn,  demandent  aux  députés  de  compléter  la  Constitu- 
tion (3). 

Des  nouvelles   relatives  aux  élections   arrivent  de   différents  côtés.  A 


(i)  Ilabl  oui-Matin.  i5  avril   1907. 

(2)  Ibidem,  22  avril. 

(3j  Mèdjlis,  8,  M  et  1 5  avril. 


380  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

Bender-Bouchir,  où  s'est  formée  une  société  dite  Sirr  ol-Matâleb 
«  Secret  des  Demandes  »,  ayant  pour  but  d'organiser  les  élections  et  de 
stimuler  le  zèle  des  électeurs,  des  compétitions  trop  nombreuses  n'ont 
pas  permis  d'aboutir  (i).  A  Kerman,  où  il  ne  restait  plus  à  nommer 
qu'un  seul  député,  celui  du  clergé,  des  électeurs  se  sont  retranchés  dans 
le  bureau  du  télégraphe,  d'où  ils  ont  envoyé  un  télégramme  à  l'Assem- 
blée nationale  ;  celle-ci,  considérant  que  tous  les  autres  députés  avaient 
été  nommés,  a  engagé  les  réfugiés  à  ne  pas  persister  dans  leur  atti- 
tude (2). 

A  Enzeli,  un  groupe  d'électeurs  réclame  le  remplacement,  par  des 
notables,  d'un  certain  nombre  de  députés  des  divers  ordres,  ou  bien,  à 
défaut,  la  création  d'un  Sénat,  qui  serait  la  «  Chambre  de  la  No- 
blesse »  (3). 

Certains  habitants  de  Kazvîn  dont  on  ne  recherchera  pas  les  noms,  leur 
acte  étant  trop  méprisable,  ont  pris  douze  chiens  qu'ils  ont  attachés 
ensemble,  après  avoir  mis  au  cou  de  chacun  d'eux  une  feuille  de  papier 
sur  laquelle  on  lisait  ces  mots,  suivis  d'un  nom  :  «  Nous  ne  voulons 
pas  de  la  Constitution!  »  Puis   ils  les  ont  lâchés   dans  le   marché   (4). 

Des  assemblées  locales  se  sont  formées  dans  plusieurs  provinces  ; 
elles  y  déploient  beaucoup  d'activité.  A  Ispahan,  V Assemblée  Sanctifiée 
tient  ses  séances  chaque  samedi,  à  trois  heures,  dans  le  palais  des 
Quarante-Colonnes.  Elle  comprend  trois  membres  de  chacune  des  caté- 
gories 'suivantes   :    ulémas,    notables,   négociants,  autres    classes  de  la 

société  (5). 

L.  B. 

Les  Écoles  persanes. 

Le  Mè'ârif,  journal  persan  de  l'instruction  publique,  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  publiait,  dans  son  numéro  du  27  mars,  le  nouveau  règle- 
ment sur  les  écoles  primaires.  Nous  en  résumons,  ici,  les  dispositions 
essentielles. 

Les  punitions  corporelles  sont  atténuées  dans  une  large  mesure , 
sauf  dans  les  cas  très  graves,  elles  seront  données  avec  la  main,  sans 
employer  le  bâton,  et  ne  devront  jamais  compromettre  la  santé  des 
élèves  punis. 


il)  Habl  oui-Matin,  i5  avril. 

(2)  Mèdjlis,  2  avril. 

(3)  Ibidem,  3  avril. 

^4)  Tamaddon,  21   moharrem  1325. 
(5)  Mèdjlis,  i3  avril. 


NOTES    ET    NOUVELLES  38 I 

Une  heure  de  récréalion  est  accordée  après  le  déjeuner  ;  de  i  heure 
et  demie  à  2  heures,  repos  complet;  de  même  en  été,  quand  il  fait  plus 
de  25"  dans  les  classes,  et  en  hiver,  quand  le  thermomètre  descend 
au-dessous  de  8°. 

Les  professeurs  doivent  arriver  avant  les  élèves  et  partir  après  eux  ; 
ils  s'efforceront,  par  leur  bienveillance  et  leur  douceur,  de  leur  inspirer 
le  goût  de  l'étude. 

On  évitera,  pour  les  locaux  scolaires,  le  voisinage  des  boutiques  et 
des  endroits  bruyants.  Toutes  les  prescriptions  hygiéniques  y  seront 
observées  ;  le  chauffage  et  l'éclairage  devront  être  suffisants,  et  la  pro- 
preté la  plus  rigoureuse  est  prescrite. 

L'accroissement  continu  du  nombre  des  écoles  nationales  remplit  de 
joie  un  habitant  de  l'Irak;  pour  lui,  les  missionnaires  «  pratiquent  une 
mine  pour  faire  écrouler  le  mur  »,  et  il  a  recueilli  de  la  bouche  de  l'un 
des  directeurs  des  Missions  américaines  un  aveu  précieux.  Pourquoi 
les  Américains  n'avaient-ils  pas  fondé  d'école  à  Senendedj  (?),  petite 
localité  située  entre  F^amadan  et  Kermanchah  ?  «  Parce  que  les  habi- 
tants sont  fanatiques  (?)  et  ne  tombent  pas  facilement  dans  le  piège  qui 
leur  est  tendu  (i).  » 

Chiraz  n'est  pas  en  retard.  On  y  trouve  actuellement  quatre  écoles, 
organisées  d'après  les  méthodes  modernes  :  l'École  Hoseïniyè,  du  nom 
de  son  fondateur.  Hadji  Mohammed  Hoseïn  .\ga  :  l'École  .Mes'oû- 
diyè,  etc. 

En  même  temps  que  de  l'instruction  générale,  on  s'occupe  de  déve- 
lopper le  goût  et  la  pratique  de  toutes  les  langues  musulmanes.  A  Téhé- 
ran, on  vient  d'ouvrir  des  cours  publics  d'arabe  à  l'École  «  Islam  »  et  à 
celle  du  quartier  du  Marché  deKazvin  (2).  — Pourl'École  du  Grand  Quar- 
tier, on  demande  deux  professeurs,  l'un  sachant  le  turc  avec  le  persan, 
la  littérature  et  le  droit  musulman.  L'autre  doit  savoir  le  russe,  la 
géographie,  les  mathématiques.  L'Irchdd  se  charge  de  recevoir  les  can- 
didatures (3). 

L.  B. 

Les  Gouverneurs  de  provinces  en  Perse. 

A  Bender-Abbas,  le  gouverneur  a  fait  afficher  dans  les  cafés  un  arrêté 
interdisant,  de  la  façon  la  plus  formelle,  de  donner  quoi  que  ce  soit 
aux  emplovés  de  l'État,  dont  les  traitements  sont  suffisants.  Toute  pcr- 

(i)  Ilabl  oui-Matin.  8  avril  1907. 

(2)  Mèdjlis,  14  avril  1907. 

(3)  Irchàd,  24  avril   1907. 


382  HEIVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

sonne  ayant  désobéi  à  cet  ordre,  soit  en  recevant  de  l'argent,  soit  en  en 
donnant,  sera  sévèrement  punie,  et  le  gouverneur  donnera  suite  à 
toutes  les  réclamations  qui  lui  seront  adressées  (i). 

Une  longue  lettre,  adressée  au  Habl  oul-Matîn  (2),  fait  un  tableau 
lamentable  du  Louristan.  Avide  et  cruel  au  delà  de  toute  expression, 
le  gouverneur  aurait  complètement  rumé  la  province;  aucune  religion 
n'autorise,  aucun  pays  ne  peut  endurer  des  actes  semblables.  Ses  habi- 
tants comptent  sur  le  journal  de  Calcutta  pour  attirer  l'attention  sur 
ces  faits. 

En  revanche,  le  nouveau  gouverneur  de  Chiraz,  le  prince  .\loayyed 
od-Dooulè,  a  été  bien  reçu  par  ses  administrés,  auxquels  il  inspire 
confiance.  Le  parti  constitutionnel  lui  est  favorable  (3). 

L.  B. 

La  Banque  nationale  persane. 

La  fondation  d'une  Banque  nationale  persane  est  décidée.  Voici  le 
résumé  des  statuts,  d'après  le  décret  de  dhoû'l-hidjdja  1824. 

La  Banque  dépend  d'une  compagnie,  dont  les  membres  sont  tous 
Persans:  chaque  Persan  peut  être  actionnaire.  Elle  reçoit  les  sommes 
pavées  à  l'État  dans  tout  le  royaume,  et  lui  fournit  celles  qui  servent  à 
payer  ses  dépenses.  En  se  coniormant  aux  lois,  elle  peut  prendre  part 
à  des  entreprises  commerciales  ou  agricoles,  prêter  sur  hypothèque. 
Seule,  elle  pourra  émettre  des  billets,  une  fois  le  privilège  de  la  Banque 
impériale  expiré.  Elle  pourra  construire  des  routes  et  des  chemins  de 
fer  dans  tout  le  rovaume,  sauf  là  où  des  concessions  ont  été  accordées 
antérieurement;  à  offre  égale,  on  lui  donnera  la  préférence  sur  ses  con- 
currents. Elle  peut  exploiter  des  mines,  en  payant  10  p.  100  à  l'État. 
La  préférence  lui  est  accordée  pour  la  fourniture  des  métaux  précieux 
à  l'Hôtel  des  Monnaies.  Deux  inspecteurs,  nommés  par  l'Étal,  surveil- 
lent toutes  ses  opérations.  Aucun  étranger  ne  peut  avoir  d'actions, 
même  par  héritage  ;  un  délai  d'un  an  est  accordé  pour  s'en  défaire. 
Dépôt  des  actions  avant  les  assemblées  générales.  Seule,  elle  prête  à 
l'État;  commission  de  1-5.  Le  privilège  est  pour  iio  ans.  renouve- 
lable (4). 


L.  B. 


(i)  Habl  oui-Matin,  22  avril   1907 

(2)  Ibidem. 

(3)  Mo^afferi,  même  date. 

(4)  Habl  oui-Matin,  22  avril  1907. 


NOTES    ET    NOUVELLES  383 


Petites  nouvelles  de  Turquie. 

Les  sports.  —  Chaque  année,  le  14  mai,  onl  lieu  des  luttes  à  Khairé 
Boli,  près  d'Andrinople.  Cette  année,  des  lutteurs  en  renom  sont  venus 
y  prendre  part,  et  les  autres  sports,  course  à  pied,  équitation,  vélocipé- 
pédie,  etc.,  ont  été  représentés  à  la  fête,  particulièrement  brillante  cette 
fois  (i). 

Les  fouilles  archéologiques.  —  Sur  les  instructions  de  Hamdi  Bev, 
directeur  du  Musée  impérial  de  Constantinople,  des  fouilles  sont  exé- 
cutées, pour  le  compte  de  cet  établisement,  sur  divers  points  du  vilavet 
d'Adana,  où  elles  paraissent  devoir  être  fructueuses  (2). 

Ladminisîration  ottomane.  —  Depuis  longtemps  déjà,  quelques 
diplômés  de  l'École  Milkiyè  Châhânè  sont,  tous  les  ans,  attachés  aux 
valis  et  aux  mutesarrifs.  Le  Gouvernement  a  décidé  que  les  diplômés 
de  l'Ecole  préparatoire  bénéficieraient  d'une  mesure  analogue;  ils 
pourront  être  nommés  auxiliaires  des  kaïmakams,  administrateurs  de 
cazas  (3). 

Lue  amnistie.  —  A  l'occasion  de  l'anniversaire  de  la  naissance  du 
Prophète,  le  Sultan  a  amnistié  tous  les  officiers  et  soldats  de  l'armée, 
de  la  gendarmerie  et  de  la  police  qui,  ayant  subi  des  condamnations, 
avaient  accompli  les  deux  tiers  de  leur  peine  (4). 

La  poste.  —  Depuis  le  mois  de  mars,  une  poste  à  cheval  fonctionne 
régulièrement,  chaque  semaine,  entre  Bagdad  et  Damas.  Le  départ  de 
Bagdad  a  lieu  tous  les  jeudis  (5). 

La  Banque  ottomane.  —  La  Banque  ottomane  a  informé  le  Gouver- 
nement de  son  intention  de  fonder  trois  nouvelles  agences,  l'une  pour 
le  vilayet  de  Mossoul,  les  deux  autres  pour  les  sandjaks  de  Kerbéla  et 
de  Ben  Ghazi  (6). 

Les  assurances.  —  Le  Ministère  de  l'Instruction  publique  avait  fait 
assurer  contre  l'incendie  les   bâtiments   de   plusieurs  écoles   officielles, 

(i)  Ikdam,  20  avril  1907. 

(2)  Ibid.,  6  avril  1907. 

(3)  fbid.,  3  avril  1907. 

(4)  Ibid.,  26  avril  1907. 

(5)  Ibid.,  21  avril  1907. 
■Ifi)  Ibid.,  3  mai  1907. 


384  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

telles  que  les  orphelinats  Dâr  ul-Khaïr  Ali  et  Dâr  uch-Chefka.  Il  a  dé- 
cidé d'étendre  cette  mesure  aux  autres  écoles  (i). 

Les  titres  de  propriété.  —  Le  Ministère  de  l'Enregistrement  et  des 
Domaines  a  envoyé  des  instructions  détaillées  prescrivant  d'enregistrer, 
dés  leur  arrivée,  tous  les  titres  de  propriété  foncière  avec  le  plus  grand 
soin,  avant  de  les  remettre  aux  personnes  auxquelles  ils  sont  des 
tinés  (2). 

La  circoncision.  —  Faute  d'observer  les  prescriptions  hygiéniques, 
les  praticiens  chargés  de  circoncire  les  enfants  donnaient  parfois  à 
ceux-ci  des  maladies  contagieuses,  grâce  aux  instruments  malpropres 
dont  ils  se  sen-aient.  Des  instructions  ont  été  envoyées  au  personnel 
médical,  pour  empêcher  le  retour  de  pareils  faits.  Les  médecins  donne- 
ront aux  praticiens  les  avis  nécessaires  pour  prévenir  tout  danger;  ceux 
qui  ne  s'y  conformeront  pas  seront  poursuivis  (3). 

A  Nedjef.  —  Une  lettre  de  Nedjef  signale  la  situation  intolérable  faite 
aux  habitants  de  cette  ville  par  le  gouvernement  turc.  Dix  nouvelles 
taxes  ont  été  arbitrairement  créées  :  droit  de  fumée,  auquel  sont  sou- 
mises toutes  les  maisons  dans  lesquelles  on  fait  du  feu  ;  droit  de 
balayage  ;  droit  sur  le  beurre;  droit  sur  la  glace,  etc.  Et  ces  impôts  sont 
perçus  de  la  façon  la  plus  arbitraire  :  le  contribuable,  auquel  on  ne 
délivre  pas  de  quittance,  n'a  aucune  garantie  (4). 

Les  boulangers  de  Constantinople.  —  La  municipalité  vient  de  faire 
procéder  à  une  enquête  dans  les  boulangeries  de  Constantinople.  Cette 
enquête  avait  pour  but  de  vérifier  si  la  fabrication  du  pain  était  ou  non 
défectueuse,  et  si  la  vente  s'en  faisait  d'une  manière  régulière.  Les  bou- 
langers ont  été  avertis  qu'ils  s'exposent  à  des  poursuites  en  vendant  du 
pain  nuisible  à  la  santé  et  en  débitant  leurs  produits  sans  les  peser  (5), 

La  pêche  des  éponges.  —  Bien  que  l'emploi  du  scaphandre  soit  for- 
mellement interdit,  sur  plusieurs  points  des  individus,  munis  de  ces 
appareils,  se  sont  livrés  à  la  pêche  des  éponges.  Des  ordres  très  sévères 
ont  été  donnés  par  le  ministre  de  la  Marine  à  cet  égard  '6I. 

Les  forêts.  —  Un  article  consacré  aux  forêts,  qui  sont  l'une  des  prin- 

(i)  Ikdam,  2  avril  1907. 

(2)  Terdjumân-i  Haki/iet,  i3  avril   1907. 

(3)  Ibid.,  I  3  avril  1907. 

(4)  Habl  oul-Matïn.  22  avril  1907. 

(5)  Ikdam,  28  avril  1907. 

(6)  Ibid.,  9  mai  1907. 


NOTES    ET    NOUVELLES 


385 


cipales  richesses  de  la  Turquie,  donne  pour 
évaluations  suivantes  : 

llkDliagh 5o 

Ouzoun  Tcham,  Kachli,  Tèpè  Keuy.     . 

Kerpitch  Songik,  Guemlek 

Tchanghal 

K.ara  Dhagh 

Umoijr  Dhaghe 

Derbend  Dhaghe 

Ibrahim  Oghlou  Dhaghe 

Ilghaz  Dhaghe,  environ 

Konkourdan  et  Yaz  Dhaghe    .... 

Kâdî  et  Beuyuk  Dhagh 

Tourna 

Kezel  Yel  et  Aredjak 

Ouran 

Kara  Tèpè 

Khotlidja 

Alaman 

Ala  Dhagh 

Biklidja 

Balakle,  Sare  Toprakie 

Danik 

Guenzi  Dhaghe.     ...  .... 

Aksou  Bachi 


l'ensemble  de  l'Empire  les 


Hectares 
à  55.000 
9.000 
lo.Soo 
22.800 
3.7Ô0 
4.320 

2.652 

1.680 

So.ooo 

3.58o 

6.400 

20.000 

I 5.3oo 

27.000 

4.800 

35.280 

10.800 

21.000 

73.000 

6.3oo 

33.000 

5.600 

36.000 


Bois 

4.722.500  m.  c. 

396.900  — 

577.800  — 

2.280.000  — 

608. 5oo  — 

282.350  — 

149.000  — 

52.920  — 

281.250  — 

105.840  — 

39.200  — 

5o.ooo  — 

3o.6oo  — 

183.600  — 

70.490  — 

705.600  — 

1 56. 600  — 

934.500  — 

1.680.OUO  — 

191. 100  — 

3.060.000  — 

249.200  — 

1.746.000(1) — 


Une  tentative  de  crémation  à  Constantinople.  —  Un  journal  heb- 
domadaire arabe  de  Beyrouth,  El-\Iahabhat,  signale  une  tentative  de 
crémation  à  Constantinople.  Deu.x  Hindous,  le  père  et  le  fils,  y  habitaient 
ensemble.  Le  fils  étant  mort,  le  père  voulut  le  brûler  suivant  les  rites  de 
son  pays,  en  remplaçant,  faute  de  mieu.x,  le  bûcher  de  bois  par  le  gaz, 
ce  qui  décida  le  voisin  à  faire  intervenir  la  police. 

Les  tapis  de  Turquie.  —  L'émotion  causée,  à  Smyrne,  par  la  forma- 
tion du  Syndicat  étranger  des  tapis  est  aussi  vive  qu'au  premier  jour. 
Les  teinturiers  indigènes  sont,  eux  aussi,  très  menacés.  Depuis  vingt 
ans  environ,  ils  avaient  abandonné  les  teintures  végétales  pour  les  tein- 
tures minérales;  or  le  Svndicat  veut  fonder  une  teinturerie  anglaise, 
qui  amènera  leur  ruine;  la  maison  qui  organiserait  cet  établissement, 


I  )  Ikdam,  22  avril   1907. 


25 


386  REVL'E    DU    MONDE   MUSULMAN 

une  des  plus  importantes  de  Smyrne,  fournit  à  elle  seule  774.000  ar- 
choiins  Carrés  sur  une  production  annuelle  de  1. 164.000;  elle  accapare, 
dans  certaines  localités,  la  totalité  des  produits.  Les  fabricants  indigènes 
s'organisent  pour  la  résistance  ;  une  Compagnie  ottomane  des  tapis 
d'Ochak,  qui  se  chargera  de  la  vente  et  de  l'exportation,  tiendra  tète  au 
Syndicat  (i). 

La  médecine  en  Tripolitaine.  —  Jusqu'à  présent,  les  inspecteurs  sa- 
nitaires et  les  médecins  n'avaient  pas  de  locaux  officiels  à  leur  disposi- 
tion. La  municipalité  et  le  gouverneur,  maréchal  Redjeb  Pacha,  se  sont 
entendus  pour  leur  donner  un  local,  servant,  à  la  fois,  de  clinique  et 
de  dispensaire.  L'étage  inférieur  sera  affecté  aux  services  médicaux,  et 
une  pharmacie  installée  au-dessus  (2  . 

L'agriculture.  —  L'Ikdam  continue  de  signaler,  'presque  chaque 
jour,  de  nouvelles  mesures  prises  en  faveur  de  l'agriculture  et  des  in- 
dustries qui  en  dépendent.  C'est  ainsi  que  le  Gouvernement  envoie,  dans 
le  vilayet  de  Khoudavendikiar,  des  alambics  et  d'autres  appareils  pour 
la  fabrication  de  l'essence  de  roses.  Dans  celui  de  Salonique,  il  encou- 
rage la  plantation  des  mûriers,  nécessaires  à  l'élevage  des  vers  à  soie, 
et  dans  celui  d'Adana  il  cherche  à  propager  l'emploi  des  machines 
à  battre  le  grain  (3^. 

La  Banque  agricole  a  avancé,  avec  l'autorisation  du  ministre  du 
Commerce,  une  somme  de  100.000  piastres,  destinée  à  fournir  491  atte- 
lages de  labour  à  autant  de  cultivateurs  nécessiteux  du  sandjak  de 
Kenghri  (4). 

On  étudie  en  ce  moment  la  question  du  dessèchement  des  marais 
d'Ergli;  un  crédit  a  été  accordé  pour  les  travaux  des  enquêteurs.  Le 
dessèchement,  tout  en  donnant  satisfaction  à  l'hygiène,  enrichirait  le 
pays  (5). 

Les  figuiers  sont  un  élément  essentiel  de  prospérité  pour  la  région 
d'Aïdin.  Aussi  la  nouvelle,  reproduite  par  quelques  journaux,  qu'un 
Américain,  M.  West,  après  avoir  fait  étudier  cette  culture  sur  place, 
avait  fait  planter  en  Californie  4  ou  5. 000  figuiers,  qui  allaient  faire  une 
rude  concurrence  à  ceux  d'Aïdin,  a-t-elle  causé  un  vif  émoi.  On  allait 
jusqu'à  dire  que  ces  figuiers  avaient  donné  leur  première  récolte, 
dont  les   Américains   de   Smyrne  avait  reçu    des   échantillons;  le  seul 


(i)  Ikdam,  8  et  i5   avril  1907. 

(2)  Terdjumàn-i  Ilakiket,   i3  avril  1907. 

(3)  Numéro  du  2  avril  1907. 

(4)  3  avril. 

(5)  Terdjumàn-i  Hakiket,   14  mars  1907. 


NOTES   ET    NOUVELLES  3g 

«poir  des  cultivateurs  ottomans  résidait  dans  le  climat  des  ft«.  r   ■ 
qu,,  très  différent  de  celui  dAidin,  ne  donnera  t  qrdesprod^^n;!' 
tours.  M,s  en  cause,  M.  West  a  aussitôt  protesté    Les  es^^s    ^que  " 
uon^remonutent  à  plusieurs  années  et  navaient  donné, ue  IZZ: 

2b  maisons  et  affecte    une  somme  de   20.800  piastres  à  l'achat  d-„n 

^t;':;  tu^d'r  '-  '-'r  ^"  '---  '-'^--^^^^  ----: 

Hamid,  Medjid.ye,  .\âdir  et  Koz  Aghadj  (Ak  Cheher) 
La  création  de  Bourses  de  l'alimentation,  semblables  à  celle  qui  existe 

Z:rtE::r^âT  '-  ^-  ----  -^  -•-  su..antr^::: 

/--e./ra;,.a»A- ;;»6//c..  -  Le  3o  avril  dernier,  VJkdam  publiait  une 
l.s  e  de  souscription  en  faveur  du  chemin  de  fer  du  Hed^^z  le  toTa 
s  eleyau  a  585.0,3  piastres  .8  paras.   Le   ministère  de  la  Marme  ven 

:H;ir7es";n;"o'^  "-^^^^  'T''^  ^"  ''--'^'^^'  paimriLr  î 

1  Empire."  '""^^'^""-^^   ^'^  ^-^   -militaires    de   tous  les   points  de 

ae  source  de  Am  Zobeida,  qui  alimente  la  .Mecque  atteignait 
3.024.45.  piastres  .5  paras.  La  commission  chargée  de  cet';  îou  c  i^ 
t.on  avau,  a  la  même  date,  recueilli  412.689  piastres  pou    les  vie  ,me^ 

L'^r;  iSr^       "^  '"■  "■';•  "^  '''■■■''"  ^^  de^houda^endill     4  .   " 
.tt  :.'"''  ''   ^^'"""'   ^^'"''^'^'  ^^^  adoptée  pour  l'écaira^e 

e     a  traction  des  tramways   à  Smyrne.  Une  convention  a  été   dansée 
bu^  passée  entre  la  Compagnie  des  tramways  et  la  Compagnie  ano 
n   me  delectnate  de  Constantinople  et  de  Salonique.  Le  Gouvernement 
accorde  un   terrain   pour    la  construction   d'une   usine   élec  r  que    a" 
sera  prête  dans  un  an  ;  on  fera  venir  d'Europe  le  matériel  n      s'air^  ,'^ 

1  en  est  de  même  à  Andrinople,  où  on  adopte  l'électr  tTpô  ; 
1  éclairage  et  la  traction  des  tramwavs  (6)  ^ 

Satisfaction  est  donnée  au.x  habitants  de  Konia,  qui  réclamaient 
depuis  longtemps  un  tramway  entre  la  ville  et  la  gare  1  ,Tn  -re 
fait  en  ce  moment  étudier  le  tracé  (7).  -^imistcre 

h)  /kdam,  6  et  7  avril  1907. 

(2)  Terdjumàni  Hakiliet,   14  avril. 

(3)  Ikdam,  5  mai. 

(4)  Ibidem .  ~ 

(5)  Ibidem,  9  avril   1907. 

(6)  Ibidem,  22  avril.  " 

(7)  Ibidem,  5  mai. 


388  REVLE    DU    MONDE    MUSULMAN 

On  va  construire  un  nouveau  palais  pour  le  gouverneur  de  Jérusalem; 
il  sera  situé  à  Kafouriya,  près  de  Bâb  Al-Khalîl,  dans  un  endroit 
agréable  et  salubre,  prés  de  bois  d'oliviers.  Les  propriétaires  du  terrain 
ont  gracieusement  offert  l'emplacement  nécessaire  (i). 

L'administration  des  wakfs  fait  restaurer  la  mosquée  Arab,  une  des 
plus  anciennes  de  Constantinople  (2). 

Pour  donner  aux  élèves-ingénieurs  de  l'École  Milkiyè  Châhâné  l'en- 
seignement pratique  dont  ils  ont  besoin  et  qui  complétera  les  leçons 
théoriques  reçues  à  l'École,  on  leur  fait  visiter,  sous  la  direction  soit  de 
leurs  professeurs,  soit  d'ingénieurs  et  d'architectes  de  l'État,  les  grands 
travaux  en  cours  d'exécution  à  Constantinople  (3|. 

L.  B. 

Le  Parti  musulman  russe. 

La  politique  musulmane  doit,  en  toute  occasion,  s'inspirer  des  prin- 
cipes de  l'Islam;  elle  ne  tiendra  compte,  ni  des  races,  ni  des  langues. 
Quant  au  socialisme,  il  doit  être  désapprouvé  :  telle  est  la  conclusion 
d'une  longue  lettre  adressée  à  VIrchâd  du  21  mars,  3  avril  dernier. 

L'union,  entre  Musulmans,  est  une  question  vitale.  De  nombreux  et 
de  beaux  exemples  de  solidarité  ont  été  donnés;  mais  il  s'en  faut  en- 
core de  beaucoup  que  cette  union  soit  effective,  dit  un  journal  de 
Crimée  (4);  les  députés  musulmans  qui  sont  entrés  dans  les  partis  de 
gauche  ont  donné  un  fâcheux  exemple. 

Union,  déclarait  quelque  temps  après  le  même  organe  (5),  ne  signifie 
pas  assimilation  complète.  Il  est  bien  entendu  que  chaque  groupe 
conservera  sa  langue;  toutefois,  les  Turcs,  qui  sont  20  millions  en 
Russie,  3o  millions  à  l'étranger,  qui  ont  un  passé  glorieux  et  une  civi- 
lisation ancienne,  ont  aussi  une  langue,  des  croyances  et  des  usages 
communs.  Le  sentiment  national  ne  devrait-il  pas  se  développer 
parmi  eux  ? 

Les  députés  faisant  partie  du  groupe  musulman  étudient,  d'une 
manière  active,  les  questions  d'actualité,  celles  des  écoles  et  des  tribu- 
naux musulmans  par  exemple.  Tout  en  formant  un  groupe  distinct, 
ils  agissent,  à  l'occasion,  de  concert  avec  d'autres  partis.  C'est  ainsi 
que,  sur  la  question  de  l'autonomie,  ils  sont  les  alliés  des  Polonais. 

Six  députés  musulmans,   dont  AL  Schahtakhtinsky,  font  partie  de  la 

(i)  Terdjumân-i  Hakiket,  i3  avril. 

(2)  Ikdam,  6  avril. 

(3)  Ibidem,  'i  et  23  avril. 

(4}  Terdjiimân,  6lig  a\Til  1907. 
(5)  Numéro  du  13/27  avril. 


NOTES   ET    NOUVELLES  889 

Commission  agraire  (i).  Sur  cette  question,  le  parti  était  d'accord  avec 
les  cadets,  et  demandait  que  les  terres  arables  fussent  à  la  disposition, 
non  plus  du  Gouvernement,  mais  des  provinces.  Prenez  garde  !  lui  dit 
alors  Ahmed  Bey  Agayeff  :  Il  faut  éviter  le  retour  des  spoliations  dont 
les  Musulmans  ont  été  victimes  (2). 

Dans  son  numéro  du  3o  mars  12  avril,  VIrchàd  publiait  le  compte 
rendu  de  la  dernière  séance  de  la  Douma.  Nous  y  relevons  ces  paroles 
de  M.  .Maksoûdofî  : 

«  Je  déclare,  au  nom  des  Musulmans,  que  notre  parti  juge  inutile  de 
discuter  le  budget  en  séance;  il  propose  d'en  soumettre,  sans  retard,  le 
projet  à  la  Commission  et  se  félicite  de  voir  la  Douma  entrer  tout  à 
fait  dans  la  voie  du  régime  parlementaire.  » 

Le  lendemain,  le  même  organe  recevait  deux  télégrammes  de  la 
Douma.  L'un  deux,  signé  Mahmoûdotî,  annonçait  la  formation,  dans 
cette  assemblée,  d'un  groupement  ayant  pour  but  de  venir  en  aide  aux 
sans-travail  et  aux  indigents  ;  les  députés  qui  en  faisaient  partie  sollici- 
taient le  concours  de  la  presse  et  des  personnes  compétentes:  inutile  de 
dire  que  celui  de  VIrchàd  lui  était  acquis.  Dans  le  second  télégramme, 
les  députés  entrés  dans  les  partis  de  gauche  se  justifiaient  :  séparés  de 
leurs  collègues  par  quelques  dissentiments  politiques,  ils  n'en  restaient 
pas  moins  Musulmans  avant  tout  (3). 

Aga  Ismâ'il  Takiyetî,  député  de  Bakou,  n'avait  pas  rejoint  son 
poste.  Pourquoi  .''  L'argent  lui  manquait.  Ses  électeurs  avaient  promis 
de  lui  avancer  les  sommes  nécessaires  ;  ils  n'ont  pas  tenu  parole.  Le 
député  de  Bakou  devait  aussi  recevoir  de  l'argent  de  son  père,  qui  ne 
lui  a  rien  donné.  Les  électeurs  de  notre  ville,  déclare  VIrchàd  (4),  ne 
peuvent  rester  sans  représentant  à  la  Douma;  qu'ils  fournissent  à  leur 
élu  les  moyens  de  remplir  son  mandat,  ou  bien  qu'ils  lui  demandent  sa 
démission  ! 

L.  B. 

Le  Mouvement  social  en  Russie. 

Le  mouvement  en  faveur  de  l'union  entre  Sunnites  et  Chiites  est 
très  marqué.  A  Khiva,  le  cadi  d'Askhabad,  Hâdjî  Mîr  Ibrahim,  a  pro- 
noncé dans  la  mosquée  une  allocution  dans  laquelle  il  recommandait 
l'union.  Le  Prophète  n'a-t-il  pas  dit  que  tous  les  .Musulmans  sont 
frères  ?  .A.  l'occasion  des  Teaziés,  les  Sunnites  de  K.hiva  ont  comblé  les 

(i)  Terdjuman-i  Hakiket. 

(2)  Irchàd,  16/: 9  avril. 

(3)  Ibidem,  \"!  14  avril. 

(4)  Numéro  du  417  avril. 


3gO  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

Chiites  de  prévenances  et  de  témoignages  d'amitié.  Les  Persans  d'Ask- 
habad  s'organisent.  Ils  ont  tenu  plusieurs  réunions  et  nommé  un  co- 
mité de  douze  membres  'i). 

Les  animosités  de  races,  entre  Musulmans,  tendent  à  disparaître; 
toutefois  on  signale  encore  quelques  heurts.  A  Balakhani,  les  ouvriers 
avaient  réuni  lo.ooo  roubles  pour  construire  une  mosquée  ;  mais  tout 
reste  en  suspens,  les  organisateurs  ne  voulant  pas  que  celle-ci  pût  ser- 
vir aux  natifs  de  certaines  régions  du  Daghestan.  Rien  de  plus  contraire 
à  l'Islam,  leur  fait  observer  Mollâ  Habib  ur-Rahmân  Balakhanî  (2). 

Les  nombreuses  sociétés  fondées  à  Bakou  n'ont  pas  donné  tous  les 
résultats  qu'on  pouvait  en  attendre.  Pourquoi  ?  Vlrchâd  (3)  nous  le 
dira.  Dans  bien  des  cas,  les  hommes  placés  à  la  tète  de  ces  associations 
ne  briguent  leurs  charges  que  par  vanité;  beaucoup  sont  incapables; 
enfin,  et  voici  la  principale  raison,  les  différences  d'opinions,  d'intérêts, 
de  situation  sociale,  sont  trop  accusées  dans  ces  groupements. 

On  ne  doit  cependant  pas  méconnaître  les  services  considérables  ren- 
dus par  certaines  de  ces  sociétés.  Il  faut  citer,  dans  le  nombre,  la  So- 
ciété de  bienfaisance  musulmane,  présidée  par  Hâdjî  Zeïn  ul-'Abidîn  Ta- 
kîveff,  pour  laquelle  la  presse  sollicite  de  nouveaux  adhérents  et  qui 
reçoit,  chaque  jour,  de  nouveaux  dons.  C'est  ainsi  que  les  contremaîtres 
et  les  ouvriers  de  la  Compagnie  Naktalan  (?)  lui  faisaient  p>irvenir,  au 
commencement  du  mois  dernier,  122  roubles  98  kopeks  (4). 

La  Société  pour  la  propagation  de  l'instruction  continue  son  œuvre. 
Elle  fonde  de  nouvelles  écoles,  améliore  les  anciennes,  vient  en  aide 
aa'x  élèves  nécessiteux,  propage  les  méthodes  modernes.  On  sait  qu'elle 
avait  fondé  une  sorte  d'École  normale  :  les  professeurs  de  quatorze 
écoles  de  Bakou,  qui  sont  libres  à  partir  de  trois  heures,  viennent 
maintenant  s'y  perfectionner  chaque  jour,  de  quatre  à  six  (5). 

Guendjé,  on  s'en  souvient,  est  un  centre  actif  de  progrès.  La  salle  de 
lecture  Islam,  où  livres  et  journaux  sont  mis  gratuitement  à  la  di^po- 
sition  du  public, est  fréquentée  et  prospère,  et  la  bibliothèque  Islam  va 
publier  les  oeuvres  du  docteur  Abdullâh  Djevdet  Bey.  Elle  a  des  repré- 
sentants et  des  dépositaires  partout;  mais  c'est  en  Egypte,  de  la  part  des 
Jeunes  Turcs,  qu'elle  rencontre  le  plus  d'appuis.  Il  semblera  peut-être 
singulier  qu'un  ouvrage  relatif  à  Guendjè,  le  Combat  entre  Arméniens 
et  Musulmans,  ait  été  publié  en    Egypte  (t"). 

{\]  Habl  oui-Matin,  22  avril  1907. 

(2)  Irchàd,  2  3  mars/5  avril. 

(3)  Numéro  du  12  26  avril. 

(4)  Ibidem,  27  mars, 9  avril. 

(5)  Ibidem,  3o  mars/12  avril. 
(6;  Ibidem,  \^^;  14  avril. 


NOTES    LT    NOUVELLES  SqI 

L'école  du  village  de  'Alâ,  dans  le  gouvernement  de  Boghoursian  (Sa- 
mara),  possède  une  école  ayant  plus  de  cent  élèves.  Les  professeurs 
ayant  attiré  l'attention  sur  le  sort  de  quinze  de  ceux-ci,  orphelins  et 
sans  ressources,  la  générosité  de  leurs  coreligionnaires  est  aussitôt 
venue  à  leur  aide.  Le  Terdjumân  (i;  a  ainsi  reçu  un  mandat  de 
45  roubles,  dont  le  montant  devait  être  réparti  entre  eux,  à  raison  de 
3  roubles  chacun. 

Les  annonces  de  Vlrchàd  nous  fourniront  encore,  sur  Bakou,  de> 
informations  intéressantes.  Le  12/25  avril,  il  y  était  question  d'une  con- 
férence de  Mohammed  Emîn  Resoùlzâdé,  qui  devait  avoir  lieu,  le  len- 
demain, sur  le  sujet  suivant  :  Autour  de  l'Europe. 

Plusieurs  Musulmans  exercent  la  médecine  à  Bakou.  Ce  sont  les  doc- 
teurs Kara  Bey  Kara  Beyolf,  spécialiste  pour  les  maladies  secrètes, 
Behrâm  Bey  Akhoûndoff  et  Hasan  Bey  Agayeff.  On  y  trouva  aussi  une 
doctoresse,EmînéK.hânoumBehâdourChâhzâdè,  diplômée  de  l'L'niversité 
féminine  de  Saint-Pétersbourg,  ainsi  qu'une  autre  musulmane,  dont  le 
nom  n'est  pas  donné,  et  qui  exerce  la  médecine  dentaire  rue  Kaminsky, 
maison  Hàdjinsky,  en  face  de  la  mosquée  de  la  Coupole  verte  (2). 

Rue  Gobernisky,  s'est  fondée  une  fabrique  de  limonade,  la  fabrique 
Islàmiyè,  qui  n'emploie  que  des  .Musulmans.  Elle  compte  sur  ce  fait, 
ainsi  que  sur  la  bonne  qualité  de  ses  produits,  pour  se  créer  une  nom- 
breuse clientèle  musulmane  (3). 

Deux  hôtels  musulmans  existent  à  Bakou  ;  ils  se  recommandent  par 
leur  confort  tout  moderne  (notons,  en  passant,  qu'ils  emploient  l'éclai- 
rage électrique),  leur  cuisine  orientale  et  européenne.  Ce  sont  les  hôtels 
Islàmiyè,  tenu  par  Ismâ'îl  Mahmoûdzâdè,  et  du  Daghestan,  tenu  par 
Mechhedî  'Alî.  On  trouve  aussi  àTiflis,  rue  Batanitcheskv,  au  centre  de 
la  ville,  l'hôtel  Millet,  tenu  par  Mechhedî  Mohammed  Moûsàyert"  (4). 

Hâdji  Hasan  'Alizâdè  tient,  dans  son  magasin  delà  rue  Nikolayefskie 
la  photographie  des  députés  de  l'Âzèrbaïdjàn  à  l'.Assemblée  national, 
persane,  réunis  aux  notables  de  Bakou.  11  tient  aussi  la  photographie 
des  élèves  de  l'École  persane  Ettehâd  (5). 

Un  tailleur  musulman,  'Ali  Nakî  Aslanoff,  mettait  en  vente,  du 
20  mars  au  10  avril,  à  l'occasion  du  printemps,  un  stock  considérable 
de  vêtements  pour  hommes,  femmes  et  enfants,  en  draps  étrangers  ou 
indigènes  des  meilleures  marques  (6). 


(1)  Irchàd.  i3  26  avril. 

(2)  Numéro  des  23  mars/5  avril  et  25  mars  7  avril  1907. 

(3)  Numéro  des  23  mars  5  avril  et  29  mars,  11  avril  1907. 
'4I  Numéro  du  3o  mars/12  avril  1907. 

(5   Numéro  du  28  mars/io  avril  1907. 
(6)  Numéro  du  28  mars  10  avril  1907. 


L.  B. 


392  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


Petites  nouvelles  de  Russie. 


Un  attentat  à  Bakou.  —  Vers  le  milieu  d'avril,  le  bruit  se  répandait,  à 
Bakou,  que  l'ancien  atabek,  Emîn  os-Sollân,  devenu  si  impopulaire  en 
Perse,  et  cependant  revenu  au  pouvoir  il  y  a  peu  de  temps,  était  arrivé 
dans  cette  ville,  sous  un  déguisement.  Il  se  préparait  à  rentrer  dans  son 
pays,  où,  grâce  à  l'appui  des  étrangers,  il  abolirait  la  Constitution,  sup- 
primerait la  Chambre  et  rétablirait  l'ancien  état  de  choses.  Une  vive 
émotion  se  répandit  alors  à  Bakou. 

11  s'agissait,  en  réalité,  de  l'ingénieur  en  chef  Mîrzâ  'Abbâs  Khân,  an- 
cien élève  de  notre  École  Polytechnique  et  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, qui  revenait  d'un  voyage  en  Europe,  voyage  pendant  lequel  il 
avait  fait  un  certain  séjour  à  Paris.  Descendu  à  l'Hôtel  Musulman,  il 
voyageait  en  compagnie  de  Chehâb  ol-Molk  et  de  Choouket  os-Saltanè, 
les  fils  d'Asef  ol-Molk,  ancien  gouverneur  du  Khorassan,  devenu  odieux 
par  sa  tyrannie  et  par  la  manière  dont  il  s'était  conduit  à  Kotchan,  dit 
Vlrc/idd. 

Mîrzà  'Abbàs  K.hàn  ressemble  beaucoup  physiquement,  parait-il,  à 
Emîn  os-Soltân.  Aussi  les  bruits  les  plus  divers  coururent-ils,  dès  son 
arrivée  à  Bakou.  Un  certain  nombre  de  personnes  crurent  la  Consti- 
tution persane  menacée. 

Le  3/16  avril  dernier,  comme  il  traversait  un  pont,  un  homme  inconnu 
tirait  sur  lui  quatre  coups  de  revolver.  Deux  balles  portèrent,  et,  griève- 
ment blessé,  Mîrzâ  'Abbâs  Khân  était  transporté  au  Consulat  de  Perse, 
où  il  recevait  les  soins  nécessaires.  Un  homme  suspect  a  été  arrêté  par 
la  police,  mais  on  ignore  s'il  est  réellement  l'auteur  de  l'attentat  (i). 

Le  Pèlerinage.  —  Le  journal  Vakt,  d'Orenbourg,  publie,  d'après 
divers  organes  arabes,  les  doléances  des  pèlerins.  Ceux-ci  ont  été  mal- 
traités, et  surtout  exploités,  de  la  façon  la  plus  indigne,  par  le  gouver- 
neur du  Hedjâz,  Râtib  Pacha,  qui,  ayant  acheté  à  Constantinople  la 
permission  de  pressurer  les  pèlerins,  a  tiré  de  ceux-ci  tout  ce  qu'il  a  pu. 
Les  indigents  se  sont  vu  interdire  l'accès  des  lieux  saints.  Pour  le  voyage 
de  Djedda  à  Médine,  les  chameliers,  dont  l'avidité  n'avait  pas  de  limites, 
exigeaient  60  medjidiés.  De  plus,  aucune  sécurité  pour  le  voyage  ;  les 
Bédouins  faisaient  ce  qu'ils  voulaient;  ils  ont  tué  un  Sarte  de  Boukhara, 
sa  femme  et  son  fils  ;  un  autre  pèlerin  a  été  tué,  sa  femme  et  son  enfant 

(i)  Irchàd,  2  i5,  4/17  et  5/i8  avril   1907. 


NOTES    ET    NOl.VELLES  3(^3 

réduits   en   esclavage.    On    réclame  avec   instance   le   départ  de    Râtib 
Pacha  (i). 

Au  retour,  le  service  sanitaire,  dit  le  Terdjumdn  (2),  était  mal  orga- 
nisé ;  on  n'a  pris,  pendant  les  quarantaines,  aucun  soin  des  malades  qui 
rentraient  en  Russie.  Pour  le  seul  mois  de  février,  il  y  a  eu  cinquante 
décès  parmi  les  pèlerins  du  lazaret  de  Caffa. 

Conversions. —  Deux  Jeunes  filles  russes,  nommées  toutes  les  deux 
Yelcaterina,  viennent  d'embrasser  l'Islamisme  et  d'épouser  des  Musul- 
mans. La  première,  originaire  du  village  de  Tchalkak,  dans  le  gouver- 
nement de  Bouri,  s'appelle  maintenant  Durr  ul-.\la'vâ  (Perle  de  la 
Demeure);  l'autre,  devenue  Djennet  u!-Esmà  (Paradis  des  Cieux),  est 
du  village  de  Kalmak  (3). 

♦ 

Le  Khalifat  en  danger!  —  Tel  est  le  titre  d'unelettre  du  docteur 'Ab- 
dullàh  Djevdet  à  VIrchdd  (4),  lettre  dans  laquelleil  faitune  critique  sévère 
du  gouvernement  du  Sultan.  Aucun  parallèle  n'estpossibleentrelesquatre 
khalifes  «  orthodoxes  »,  gloires  de  l'Islam  et  ses  propagateurs,  et  celui 
qui,  maintenant,  s'arroge  ce  titre.  Le  gouvernement  honteux  que  subit 
la  Turquie  ne  rappelle,  en  rien,  celui  des  successeurs  du  Prophète. 

Cette  lettre,  écrite,  en  quelque  sorte,  au  nom  des  habitants  de  Xak- 
hou,  est  accompagnée  d'une  autre  lettre,  dans  laquelle  un  groupe  d'ha- 
bitants de  Chamakhi,  tout  en  déclarant  désirer  avec  ardeur  le  réveil  de 
la  Turquie,  blâment  les  attaques  dont  son  souverain  a  été  précédem- 
ment l'objet  dans  VIrchdd. 

L'alcnolisme  et  les  jeux  de  hasard.  —  Dernièrement,  un  .Musulman 
allait  à  Titlis  pour  affaires.  Passant  dans  le  Bazar  du  Diable,  il  y  voyait 
avec  stupéfaction  cette  enseigne  :  «  Ici  on  vend  toute  sorte  de  boissons, 
de  vins  et  de  spiritueux.  A.  'Ali  Ekber  Oghii.  ■» 

Un  ami  lui  donna  des  renseignements  sur  ce  personnage.  '.Alî  Ekber 
Oghli  avait  loué  la  maison  en  entier  ;  il  faisait  lui-même,  au  rez-de- 
chaussée,  son  commerce  de  spiritueux  ;  l'étage  supérieur  était  occupé 
par  un  tripot  fréquenté  par  les  joueurs  ;  'Alî  Ekber  Oghli  ne  disait  pas 
ce  qu'il  faisait  de  l'étage  au-dessus,  et  avait,  sans  doute,  de  b  mnes 
raisons  de  se  taire.  O  honte  !  (5). 

L.  B. 

(i)  Irchdd,  8  21  avril  1907. 

(2)  Ibidem,  21  mars, 3  avril  1907. 

(3)  Numéro   du  1 124  avril  1907. 

■'4)  Numéro  du  27  mars  9  avril  1907. 
(b)  Ibid.,   i''l\.\ai\nl  1907. 


394  REVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 


Le  Mad  MuUah  du  Çomal, 

Depuis  la  conclusion  de  la  paix  avec  le  Gouvernement  anglais,  le 
Mad  Mullah  du  Çomal  a  cessé  de  ravager  l'hinterland  des  ports  anglais 
de  Berbera,  Bulhor  et  Zeila.  Il  vient,  pour  la  première  fois,  d'envoyer 
des  marchandises  à  Aden.  Une  quinzaine  de  ses  partisans  y  sont  arri- 
vés, avec  environ  3.5oo  peaux  qu'ils  ont  vendues  (i).  Lui-même  s'était 
installé  au  port  d'Illig,  dans  le  pays  des  Méjourtin. 

L'Islam  en  Amérique. 

Un  Hindou,  Mahmoud  Châl  Saghrat  (?),  était  parti  pour  les  États- 
Unis  dans  le  but  d'y  propager  l'Islam.  Arrivé  à  Burnland  (?)  il  y  a  ren- 
contré un  certain  nombre  de  Babis  :  on  sait  que  cette  secte  a  des  adhé- 
rents en  Amérique.  D'accord  avec  ses  coreligionnaires  hindous,  il  s'ef- 
forcera de  les  ramener  à  l'orthodoxie  musulmane  (2). 

Les  Musulmans  d'Australie. 

Le  domaine  de  l'Islam  en  Océanie  n'est  pas  limité  aux  Indes  néer- 
landaises. On  trouve  des  Musulmans  en  assez  grand  nombre,  en  Aus- 
tralie, dans  le  Queensland. 

M.  Hubert  Jansen,  in  Verbreitiing  des  Islams,  en  compte  14.000  pour 
cette  province,  d'après  le  recensement  de  i89[,  avec  un  total  de  17.702 
pour  toute  l'Australie  ou  de  18.402,  y  compris  la  Nouvelle-Zélande  et  la 
Nouvelle-Guinée  anglaise.  Ces  chiffres  sont  inférieurs  au  total  qu'admet 
M.  R.-G.  Corbet,  in  Mohammedanism  and  the  British  Empire  (3;, 
soit  19.500,  pour  l'Australie  et  l'Océanie,  au  même  recensement  de 
iSgi.  On  s'explique  cette  différence,  en  voyant  que  les  chiff"res  donnés 
par  le  recensement  pour  le  Queensland  bloquent  les  .Asiatiques  et  Poly- 
nésiens par  provenances,  sans  distinction  de  religion.  Les  Hindous, 
.Malais,  Chinois,  Polynésiens,  Japonais,  étaient  au  nombre  de  17.434. 
AL  Jansen  admet  14.000  Musulmans.  Il  esta  peu  près  d'accord  avec 
AL  Corbet. 


(1)  Mulk  and  Millut,   16  avril   1907. 

(2)  Irchàd,  11-24  avril  1907. 

(3)  «  British  Empire  »  Séries,  vol.  \',  tir.  à  p..  p.  2. 


NOTES    ET    NOUVELLES  3cjy 

Mais,  d'autre  part,  on  trouve  dans  l'ouvrage  du  premier  les  chiffres 
suivants,  pour  les  autres  provinces  à  colonies  musulmanes  : 

Nouvelle-Galles  du  Sud 1.212 

Victoria 2.340 

Australie  du  Sud 100 

Australie  occidentale 25 

Cesévaluations,  qui  résultent  directement  non  du  recensement  de  1891, 
mais  des  renseignements  du  ScobeTs  Handbuch  de  1896,  semblent  un 
oeu  exagérées.  —  Voici,  en  effet,  les  chiffres  fournis  par  le  recensement 
de  1901  (i): 

\'ictoria ^-j^ 

Australie  méridionale    ........         440 

Australie  occidentale.     .     .  1-2 

!1  n'y  a  pas  d'indication  de  population  musulmane  pour  les  New  South 
Wales.  D'autre  part,  pour  le  Queensland,  le  chiffre  global  est  de 
19.128  pour  les  Musulmans  et  les  païens  ensemble.  En  l'absence  d'in- 
dications sur  la  décomposition  de  ce  total,  il  était  intéressant  de  se 
reporter  à  des  données  plus  précises.  The  Queensland  officiai  year 
Book  i9oi,qui  donne  les  résultats  détaillés  du  recensement  de  1901,  ne 
sépare  pas  les  religions  des  différents  immigrés  asiatiques.  .Mais  voici  la 
répartition  de  leurs  provenances  : 

Chinois g. 3,3 

Indigènes  des  îles  du  Pacitiqui 9-327 

Japonais 2.269 

Hindous  et  Ceylanais gSy 

Autres  Asiatiques ' -Tt^J 

23.635" 

l.esindigénes  australiens, au  nombre  de6.670,ne  sont  pas  compris  dans 
ce  total.  On  voit  que  le  chiffre  global  indiqué  par  VAustralian  Hand- 
hook  représente  sensiblement  le  total  des  Chinois, des  indigènes  des  îles  du 
Pacifique  et  des  Hindous  ou  Ceylanais.  —  La  proportion  du  nombre  des 
Chinois  paraît  rendre  exagérée  la  proportion  du  nombre  des  .Musulmans 
admise  par  .M.  H.  Jansen  pour  189 1.  Sans  plus  ample  informé,  il  ne 
semble  pas  qu'il  faille  compter  pour  le  Queensland  beaucoup  plus  de 
8  à  10.000  .Musulmans,  .Malais  en  majeure  partie. 

(1)  V.  The  Australian  llandbook.  igcS,  p.  179. 


396  BEVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

Cependant  quelques  indices  donnent  à  penser  que  le  Census  de  1901, 
d'une  extrême  minutie  en  ce  qui  concerne  les  sectes  et  les  églises 
chrétiennes  de  tout  ordre,  est  moins  précis  en  ce  qui  concerne  les 
Musulmans.  Le  cas  de  l'Australie  occidentale  nous  en  fournit  la 
preuve. 

Scobel  et,  après  lui,  Jansen  admettent  pour  cette  colonie  25  Musul- 
mans, en  1895,  probablement  d'après  le  recensement  de  1891,  et  le 
Census  de  1901  donne,  d'après  l'Australian  Handbook,  12  Musulmans 
seulement. 

Or,  M.  F.  Martin  nous  apprend,  dans  son  récent  ouvrage  sur  l'Afgha- 
nistan (i),  que  l'introduction  des  chameaux  dans  la  Western  Australia, 
pour  les  transports  de  la  région  désertique,  y  avait  déterminé  l'immi- 
gration d'une  petite  colonie  d'Afghans.  Il  nous  raconte  le  retour  à  Caboul 
d'un  de  ces  Afghans  australiens,  qui  s'était  marié  avec  une  Anglaise  con- 
vertie à  l'Islam  et  qui,  si  elle  ne  savait  ni  lire  ni  écrire,  avait  des 
«Voix  »  l'exhortant  à  persévérer  dans  sa  nouvelle  religion.  Son  époux, 
qui  serait  mort  de  misère  sans  une  petite  pension  obtenue  de  l'Émir,  à 
cause  d'elle,  se  plaignait  d'avoir  quitté  l'Australie,  où  ses  compatriotes 
et  lui  vivaient  facilement  de  leur  métier  de  chameliers. 

Voilà  donc  un  premier  élément  musulman  plus  important,  semble-t-il, 
que  ne  l'indiquent  les  statistiques,  celles  du  moins  auxquelles  nous  avons 
pu  recourir.  Il  existe  encore  un  autre  groupe  de  Musulmans  dans  la 
Western  Australia,  ce  sont  les  Hindous  de  Perth,  capitale  de  la  co- 
lonie. Le  Mulk  and  Millut  (2)  nous  apprend  que  la  communauté 
musulmane  de  la  ville  s'était  préoccupée,  dès  1904,  d'y  construire  une 
mosquée.  Un  comité  présidé  par  .\L\L  Faiz  Mohammed  et  Haffiz  Moha- 
med Hayat,  tous  deux  négociants,  s'entendit  avec  la  municipalité  pour 
l'acquisition  d'un  terrain  bien  situé  dans  William  Street  et  l'érection 
d'une  petite  mosquée,  dont  les  plans,  préparés  par  .\L  Din  Mohammed, 
ont  été  approuvés  par  le  Conseil  de  la  Colonie.  La  mosquée  a  été  cons- 
truite en  1906  et  les  habitants  de  Perth,  après  quelque  surprise  au  début, 
se  sont  habitués  maintenant  à  entendre  régulièrement  l'appel  à  la 
prière. 

Les  Musulmans  de  Perth  n'ont  fait  ainsi  que  suivre  l'exemple  de  ceux 
de  South  Australia,  qui  possédaient  déjà  une  mosquée  construite  et 
en  service. 

(i)  Under  the  absolute  Emir,  p.  283. 
(2)  9  avril  1907,  p.  740. 


NOTES   ET    NOUVELLES  3û7 

On  peut  inférer  de  ces  indications  que  le  mouvement  d'immigration 
des  Musulmans  commerçants  et  résidents,  ou  de  passage,  a  plus  d'acti- 
vité que  ne  l'indiqueraient  des  statistiques  limitées  sans  doute  aux  seuls 
résidents  fixes.  Toutefois,  les  petites  communautés,  comme  celle  de 
Perth,  ont  besoin  d'aide  quand  elles  veulent  s'organiser.  L'article  du 
Mulk  and  Millut  fait  appel  à  la  générosité  des  Musulmans  de  l'Inde, 
en  exposant  que,  pour  construire  la  mosquée,  il  a  fallu  emprunter 
75.000  francs,  indépendamment  de  souscriptions  s'élevant  à  20.000. 

A.  L.  C. 


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A  MOMTHLYPtJBLIOATIOr*        l^ 

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LA    PRESSE    MUSULMANE 


Al -Imam.  jJ^J^  O^y^  jM'-^^-*  r^"^'^ 

.1  Monthly  publication.  Singaporc. 

Uliudm,  dont  nous  venons  de  recevoir  un  assez  volumineux  fasci- 
cule (1  ,,  est  une  revue  panislamique  rédigée  en  malais. 

De  création  assez  récente,  puisque  cette  publication  mensuelle  (2) 
n'en  est  encore  qu'à  sa  première  année,  Vlmâm  est  imprimé  à  Singa- 
pore,  19,  Wild  Road,  à  son  imprimerie  particulière,  sous  la  direction  du 

cheikh  Mohammed  ben  Sàlem  Al-K.elâlî  (  ,j!>vO  I  JL-  ^  -U^m  ^it-tJi). 

Destiné  à  la  propagande,  il  se  vend  25  cents  le  numéro  ;  l'abonne- 
ment n'est  que  de  2  S  40  pour  les  Établissements  du  Détroit  et  3  S  5o 
pour  les  Indes  néerlandaises. 

Son  caractère  religieux  s'affirme  dès  le  titre  intérieur,  encadré  ip.  iqS) 
de  ces  deux  versets  du  Coran,  très  caractéristiques  on  arabe  et  en  malais. 

«  Nous  avons  compté  tout  dans  le  prototype  évident  (3y  »  ;  <*.  Fais 
que  nous  marchions  à  la  tète  de  ceux  qui  craignent  •»  (4). 

La  profession  de  foi  du  journal  s'étale  au  surplus  au  dos  de  la 
couverture,  où  il  est  dit  en  substance  :  Vlmdm  est  la  première  revue 
musulmane  paraissant  dans  nos  contrées  dans  le  but  de  mettre  en 
lumière  notre  religion  par  des  exhortations  variées,  des  enseignements 
et  des  nouvelles  pour  le  plus  grand  profit  des  lecteurs,  s'il  plaît  à  Dieu... 
{'Imdm  se   met  à  la  disposition  de  tous  ceux  qui  voudraient  lui  poser 

(i)  N"  7,  pp.  193-224. 

{2)  Elle  paraît  le  i"  du  mois  arabe. 

(3)  Coran,  .\.\.\VI,  2'--  partie  du  verset  11.  Le  livre  ou  prototype  évident 
€st  celui  où  sont  inscrites  les  actions  de  tout  homme.  Cf.  Kasimirski,  Le  Ko- 
ran,  p.  356,  note  3. 

(4)  Coran,  XXV,  fin  du  verset  74. 


400  BEVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

des  questions  intéressant  l'Islam,  et  s'ert'orcera  de  les  éclairer  :  des 
rubriques  seront  consacrées  aux  réponses.  Vlmdm  fera  de  son  mieux, 
la  pénurie  des  savants  et  de  ressources  scientifiques  en  pays  malais 
étant  connue  de  tous.  Cette  situation  sera  d'ailleurs  étudiée  ultérieure- 
ment... Qu'on  ne  songe  pas  à  voir  dans  Vlmâtn  un  agent  de  désordre  (i)  : 
il  aspire  uniquement  à  porter  la  lumière  dans  les  âmes  par  des  exem- 
ples et  des  paroles  de  vérité.  II  ne  peut  y  avoir  de  trahison  en  ce  qui 
concerne  le  Dieu  Très-Haut  et  digne  d'être  loué,  et  Vlmâm  ne  souhaite 
que  développer  l'enseignement  de  nos  autorités  spirituelles  (sur  elles 
soient  la  prière  et  la  paix  !)  :  «  Quiconque,  parmi  vous,  voit  quelque 
chose  de  répréhensible  doit  le  changer  avec  la  main;  et  si  sa  main  est 
dépourvue  de  vigueur,  qu'il  le  fasse  par  la  langue  (2).  » 

Un  petit  avis  d'ordre  pratique  rappelle  que  Vlmdm  reçoit  les  annonces 
qui  n'ont  rien  de  contraire  à  la  religion,  et  fait  entendre  qu'on  peut 
toujours  en  débattre  le  prix  avec  le  Directeur.  La  revue  paraît  réelle- 
ment chaque  mois  et  le  nombre  des  abonnés  s'élève  déjà  à  plus  de 
mille.  Cet  avis  est  suivi  d'une  annonce,  très  orthodoxe,  où  Tuwan 
(Monsieur)  Seyid  Hasan  bin  Ahvî  offre  aux  gentlemen  un  beau  choix 
d'étotîes  de  Syrie  et  d'Egypte,  à  des  prix  défiant  toute  concurrence,  et 
de  magnifiques  bdtiks  (3). 

L'attitude  confessionnelle  de  la  Revue  ne  pouvait  être  marquée  avec 
plus  de  netteté;  son  but  est  de  réveiller  les  Malais  de  leur  torpeur  reli- 
gieuse et  de  les  enrégimenter  dans  le  mouvement  qui,  de  la  Perse  et  de 
l'Arabie  à  l'Inde  et  à  la  Chine,  du  Maroc  à  la  Turquie,  veut  unir  dans 
une  puissante  fraternité  tous  les  adeptes  de  l'Islam. 

Le  numéro  que  nous  avons  sous  les  yeux  s'ouvre  par  une  sorte  de 
cours  familier  d'histoire  de  l'Islam,  dont  le  ton  sentencieux  participe  à 

(i)  Le  philosophe  Ibn  Sina  (Avicenne)  recommande  au  vrai  croyant  de  ne 
point  se  mêler  de  commérage  ni  d'espionnage,  et  de  ne  pas  se  laisser  entraîner 
par  l'ardeur  de  son  zèle,  mais  de  demandera  la  douceur  et  à  l'amour  de  l'inspi- 
rer dans  l'accomplissement  de  son  devoir.  Cf.  Introduction  de  I.  Goidziher. 
p.  89  (Voir  note  suivante). 

(2;  L'Imâm  ajoute  :  «  Et  jusqu'à  la  fin  du  haditii.  »  Voici  cette  fin  :  «  Si 
cela  encore  lui  est  impossible,  qu'il  le  fasse  avec  le  cœur  :  c'est  le  minimum 
de  la  religion.  »  Cl.  l'Introduction  au  Livre  de  Mohammed  ibn  Toumert  du 
professeur  I.  Goidziher  (traduite  par  Gaudefroy-Demombynes),  p.  86. 

(3)  Toiles  de  coton  pour  langoutis  ornées  de  dessins  d'un  bel  effet  artis- 
tique.Pour  faire  ces  sortes  d'indiennes,  on  enduit  partiellement  i'étolTe  d'une 
mmce  couche  de  cire,  afin  de  préserver  dune  teinture  de  cuve,  où  on  la 
plonge,  l'endroit  voulu.  L'application  successive  de  cire  et  de  couleurs  per- 
met d'obtenir  les  ornements  les  plus  variés.  Voir,  sur  ce  sujet,  le  bel  ouvrage 
suivant:  G.  P.  Rouffaer  et  docteur  Juynboll,  rArt  du  Baliq  aux  Indes  néer- 
landaises et  son  Histoire,  Harlem,  K.leinmann,  1900,  gr.  in  4. 


LA   PRESSE   MUSULMANE 

401 

la  fois  de  l'homélie  et  du  midrasch   I  a  nérp^it^  a 

se  justifie  par  la  tiédeur  de  gens  .  quf  "ou     '  ''T'  T''^^'"''''' 

demeurent  sur  la  route,  de  mTme  pue  d'am"'"^^ 

Mène  à  penser  aux  choses  relieuses  !   ^  ,  ^P^ouvent  une  sorte  de 

demandent  toujours   Tour  c  oi  e   d-         '^^'^     '^'"'''^"'^  ^"^^''  """^  ^^^ 

des  persécutas  i'z^7:^^:T::::::'i: ^^'^T ''^^ 

Im  réclamaient  d'agrandir  leur  n.v    1        7  ^  ^-oreichites,  qui 

apporter  dans  les  rapports  sociauT  e^V  He  !;        °""°"'' * 

-orau.,  presque  .ous'^ppu.vérZVe  "et'df  cZ'^  développements 

cette  question  si  controversée  n-    '  "  °"    P""<'^=  parti  dans 

prise  patronné  p  rf  ^  r  lieuf'.'' r""'"'  """"  ""'  ^"=- 
plus  grand  nombre  de  fidis  d  fa  re  c  V  "  ""LP"-""  *  ™ 
souhaitable  ?  De  l'autre   1  /„,!,„  n'il  P'  "'"âge  de  la  Mecque,  si 

tribus  bédouines  que  ruit^erânof  ""l  '"  ""'"""^  ^'«""  "" 

peu  d'uttlité  dudircheZ  de  fe Tp  rrVs  Cro  '  '?"''"''  """  "^ 
malgré  son  désir  de  s^  n,^„,  ^    /        '^'"J'^n"  asiatiques.  Aussi, 

Picu^  Musulml  ',vr,°    rrrit:e"4terrf  "°''""^-  '"' 
ce  qu'il  sait  sur  la  question  enregistrer,  de  façon  impartiale, 

sousI^thrl^V^tX";::"""'"  '■'''~"^"^'  ^^"-"  -<---'e, 
procèdent  ces  v^r^ d^   Co^nr^^^rraX ^  ^■^  "  ^  '^^  '  -= 

«4°i"nru':èa':o:i;::,;n4:,Lrs::aV:Tbr'  '^  --  - 

vous  serez  heureux.  y>  ^  '  ^^stenez-vous-en  et 

*  Satan  désire  exciter  la  haine  et  l'inimitié  entre  vous  oar  le  vin  ..  . 

Sieir-vr^d-^c^pas  o7":  "  "'-  "  '^  "  -"  ™"-" 

Tu^s tsZ^rZr"  '  ^™^^-  ^eligluse'mùsul^lnr       : 

dupro;r::"o':m\TulrdrC;/eT*.:r  T""^"'^"  '"  "°- 

découler  des  enseignement^de  cli-là  ""  '""'  '"'-"'^1''-"' 

L-n  aperçu  succinct  des  événements  politiques  de  Perse  montre  17,„„„, 

(0  Cl.  U  Koran,  traduction  Kasimirski,  V,  g,-g3,  p.  ,6 
II.  t'    y   • 

26 


402 


REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 


dans  sa  neutralité  voulue,  à  Fartùt  de  toute  évolution  des  puissances 
islamiques.  Enfin,  quelques  brèves  réponses  à  des  questions  d'ordre 
casuistique  posées  dans  les  numéros  précédents,  et  dix  lignes  sur  la  né- 
cessité d'imiter  les  pays  d'Occident,  en  multipliant  les  écoles,  nous  con- 
duisent à  la  rubrique  :  «  Questions  et  réponses  »  qui  clôt  la  Revue,  et 
qui  ont  toutes  trait  à  des  points  de  doctrine  délicats  ou  embarrassants. 

Toutefois,  la  pièce  de  résistance  du  numéro  est  un  article  intitulé  : 
Navires  de  guerre  de  la  Sublime-Porte  ottomane.  Voici  le  résumé 
de  cet  article,  avec  les  états  de  la  Hotte  turque  que  Vlmdm  a  emprun- 
tés à  la  Géographie  politique  et  statistique  de  S.  E.  Ibrahim  Hilmî 
Beg,  «  chefs  des  armées  »  de  l'Empire  ottoman: 

«  Le  Commandeur  des  Croyants,  le  glorieux,  l'illustre,  l'auguste  sultan 
Abd-ul-Hamid  K.han  II»,  a  reconnu  qu'il  était  «  nécessaire,  important 
et  primordial  »  d'imiter  les  autres  rois  et  de  préserver  son  empire  de  la 
défaite  par  l'augmentation  de  son  matériel  de  guerre.  Profitant  de  tout  le 
progrès  moderne,  il  a  rendu  plus  forte  l'armée  de  terre,  puis,  tournant 
ses  regards  vers  l'armée  de  mer,  il  a  voulu  qu'au  point  de  vue  militaire 
et  maritime  la  Turquie  pût  soutenir  la  comparaison  avec  les  puissan- 
ces occidentales. 

Parmi  les  navires  de  guerre  que  possède  la  Sublime-Porte,  la  moitié 
se  compose  de  cuirassés  et  l'autre  moitié  de  torpilleurs.  Les  tableaux 
suivants  permettront  de  se  faire  une  idée  juste  de  la  flotte  ottomane.  Le 
nombre  des  matelots  exercés  s'élève  à  So.ooo  hommes. 


x°> 

ÉTAT  DES  NAVIRES  MODERNES 

AU  PRÉSENT  MOIS  (janvier  1907  ?) 

NOMBRIi: 

DE   NAVIRES 

NOMBRE 

DE    CANONS 

1 

2 

3 

4 

5 

Cuirassés 

2 

4 
4 
18 
2 

61 
88 

44 

73 

Corvettes  |,j:*<"»j^     J 

Croiseurs  rapides.         

Torpilleurs  de  tous  modèles 

Sous-marins 

TOTAC'X 

3o 

266 

Tonnage  total   des  navires  ci-dessus..    ..        36. 680  tonneaux. 

Force  des  machines 102. 2 20 chevaux. 

Lance-torpilles "3 


LA    PRESSE    MUSULMANE 


4o3 


N»< 

NAVIRES 

QUI    SOMT    ENCORE     DANS    LKS    DOCKS 

NOMBRE 

CANONS 

I 

2 

3 

Monitors  blindés 

Croiseurs  cuirassés.. ... 

Torpilleurs  et  navires  diveis 

Totaux 

2 

4 

46 

80 

8. 

206                     ' 

5^ 

370 

Tonnage  total  des  navires  ci-dessus. 


2^.243  lonneau.x. 


N-i 

ÉTAT    DES     NAVIRES    DIVERS 

DE   .MODÈLE  ANCIEN    DU  SLI.TAN 

NOMBRE 

CANONS 

I 

2 
3 

4 

5 
6 

Cuirassés 

Corvettes 

Frégates 

Contre-torpilleurs 

Navires  en  bois  à  batteries 

Monitors 

TOTALX 

3 

4 
I 
2 

4 

5  '") 
35 
108 
12 
8 
34 

i5 

233 

De  ces  derniers  navires,  les  uns  ont  été  transformés  et  réparés  et  les 
autres  sont  en  bon  état,  mais  pourraient  rendre  encore  des  services.  La 
marine  ottomane  possède  encore  di.\  navires  à  aubes,  transformés  en 
magasins  de  vivres  flottants  toujours  armés,  sept  bâtiments  à  roues 
d'arrière  (?),  trente  bateau.x  divers,  si.x  garde-côtes  et  soi.\ante-dix  na- 
vires de  commerce  réquisitionnables  en  temps  de  guerre.  Les  journaux 

turcs  annoncent  qu'il  a  été  commandé  au   Creusot  [jjjy      )  douze 

sous-marins,  et  le  Sultan   se   propose  d'augmenter   de   huit   unités  le 
nombre  de  ses  vaisseau.x. 

«.  Espérons,  après  cela,  ajoute  Vlm.îin,  que  nos  frères  musulmans  se 
garderont  d'écouter  les  gens  malintentionnés  qui  comparent  trop  volon- 
tiers «  notre  »  Sultan  à  la  grenouille  sous  une  noix  de  coco  (i).  * 


(i)  Allusion  au  proverbe  malais:  Duiuh  seperti  katalt  di  bâwah  tempomn. 


404  REVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 

Il  va  là  un  contraste  assez  piquant  entre  cette  justification  des  arme- 
ments formidables  et  coûteux  qui  écrasent  toutes  les  puissances  civi- 
lisées, cette  glorification  de  la  prévoyance  de  la  Sublime-Porte  otto- 
mane et  le  ton  sentencieux  et  dévot  des  rédacteurs  de  Vlmdm. 

Tel  qu'il  se  présente,  Vlmâm  est  une  revue  de  propagande  religieuse 
et,  nous  l'avons  dit,  nettement  panislamique.  Renforçant  son  ortho- 
doxie d'une  couleur  très  moderne  de  progrès,  il  aspire  à  répandre  le 
plus  possible  l'Islam  et  à  éveiller,  particulièrement  chez  les  Musulmans 
malais,  la  fierté  de  leur  religion  et  de  l'énorme  puissance  morale  et 
mondiale  à  laquelle  ils  participent. 

Alors  que  les  Malais,  jusqu'ici,  paraissent  avoir  un  médiocre  recours  à 
la  presse,  pour  faciliter  chez  eux  la  solution  des  questions  pratiques,  et 
n'ont  fondé  qu'un  nombre  très  restreint  de  journaux  en  leur  langue, 
on  pourrait  s'étonner  de  les  voir  subventionner  une  publication  d'un 
caractère  si  exclusif  de  prosélytisme  religieux.  Mais  cette  Revue  nous 
semble  surtout  malaise  par  destination  :  à  en  juger  par  l'esprit,  la 
forme,  la  vénération  accordée  à  «  Notre  Auguste  Sultan  »  dont  le  nom 
apparaît  presque  aussi  souvent  que  celui  du  Prophète,  Vlmam  doit  être 
d'inspiration  turque  et  soutenu  par  les  fonds  de  propagande  panisla- 
mique. 

Ce  qui  permettrait  encore  de  le  croire,  c'est  que  la  rédaction  paraît 
due  surtout  à  des  Arabes  ou  Turcs  savants  en  malais  et  non  à  des 
Malais  de  race.  Une  telle  origine  et  certains  des  sujets  traités  explique- 
raient la  contexture  assez  spéciale  du  style  :  le  inalayou,  d'une  com- 
plexité si  fuyante  et  fluide,  est  débordé  ici  par  des  idées  qui  lui  sont 
trop  étrangères,  d'oi^i  une  orthographe  flottante  et  un  lexique  aussi 
riche  que  disparate,  où  les  vocables  étrangers  étonnent,  à  chaque  ins- 
tant, l'œil  et  l'esprit  :  c'est  d'une  bizarrerie  savoureuse,  mais  très  arti- 
ficielle et  déconcertante  au  fond. 

A.  C. 

A  Zanzibar. 

Nous  devons  aux  obligeants  envois  d'un  ami  de  la  Revue,  qui  nous 
permettra  de  le  remercier  tout  particulièrement  ici,  plusieurs  journau.x 
fort  intéressants  de  Zanzibar. 

Tout  d'abord  The  Ga\ette^  journal  officiel  «  pour  Zanzibar  et 
l'Afrique  orientale  »,  hebdomadaire,  en  anglais.  Il  est  destiné  surtout 
auxrésidents  anglaisde  la  côte  et  comprend,  en  premierlieu,  les  dépèches 

«  Être  comme  la  grenouille  sous  une  noix  de  coco  »,  c'est-à-dire  «  être  plongé 
dans  des  difficultés  d'où  on  ne  sait  comment  sortir  ». 


LA    PRESSE    MUSULMANE 


405 


Reuter,  puis  des  nouvelles  locales,  et  ensuite  des  annonces  en  anglais, 

en  arabe  et  en  gudjarati,  ou  une  partie  documentaire  (tarifs  de  douanes). 

Nous  avons  la  collection  complète  de  mars  et  avril.  On  trouve  çà  et 


là,  dans  les  nouvelles  locales,  quelques  renseignements  à  retenir.  Par 
exemple  : 

6  tnars.  —  M.  Heinrich  Brode,  l'auteur  de  Tippoo  Tib  :  histoire 
d'un  def^pole  africain,  était  consul  d'Allemagne  à  Zanzibar.  11  connais- 
sait bien  Tippoo  Tib,  et  tient  de  celui-ci  les  récits  qu'il  a  reproduits. 

i3  mars.  —  D'après  African  World,  le  bureau  des  voyages  de 
l'Hamburg  American  Line  a  décidé  d'organiser  une  croisière  de  deux 
mois  et  demi  dans  l'Afrique  orientale.  Départ  au  commencement  de 
septembre,  retour  au  milieu  de  novembre.  Coût  probable  du  billet  : 
4.500  francs  environ.  Visite  de  la  cote  et  excursions  dans  le  territoire  de 
la  colonie  allemande. 

27  mar.s.  —  Fêle  et  visite  à  l'école*  Friend's  industrial  Mission  »  de 
Pemba,  pour  la  remise  à  trois  élèves,  arrivés  au  terme  de  leur  instruc- 
tion, de  jeu.x  complets  d'outils  de  charpentiers,  payés  en  partie  avec 
leur  gain  mis  de  côté  à  cet  effet.  Parmi  les  invités  qui  accompagnent 
l'agent  consulaire  d'Angleterre,  tous  les  Arabes  de  haut  rang:  Cheikh 
Soliman  ben  Sa'i'd,  «  Kathi  »  Cheikh  Sa'id,  «  K.athi  Amam  »,  etc.  Après 
le  consul.  Cheikh  Soliman  ben  Sa'i'd  et  «  Mwalimu  »  Mohammed  adres- 
sent quelques  mots  de  félicitations  aux  lauréats,  et  on  se  retire  au.x 
sons  du  God  save  the  King  chanté  en  souahéli. 

17  avril.  —  Mort  à  Bombay  d".\bdul  Aziz,  frère  de  Scyyed  Bargash. 
Il  y  était  interné  depuis  i85g. 

24  avril.  —  On  achève  la  construction  de  la  «  Jamat  Khanah  »  des 
ismaéliya.  C'est  une  vaste  construction  de  dimensions  imposantes, 
située  au  milieu  de  la  vieille  ville,  et  la  plus  belle  de  tout  le  pays,  avec 
sa  fdçade  qui  rappelle  quelque  vieux  palais  de  Venise,  les  énormes 
piliers  de  pierres  du  grand  hall,  et  la  forêt  de  piliers  de  bois  sculptés 
du  hal  I  supérieur. 


»*    »1     S 


*5 


OS 

5 


(V 


LA    PRESSE    MUSULMANE 


407 


Cet  immeuble  esl  destiné  à  servir  aux  Ismaéliya  de  lieu   de  prière   et 
de  centre  de  réunions. 


La  sévère  gazette  officielle  n'est  pas  naturellement  l'organe   attitré  de 
la   population   indigène.   Dominé   aujourd'hui    par  des  éléments  hin- 

The 

WEEKLY    NEWSPAPER. 

WITH  REUTEK'S   lELEGRAMS. 


dous,  son  mouvement  propre  est  représenté  actuellement  par  la  presse 
gudjarati,  qui  est  à  fois  politique  et  illustrée. 

Là  comme  ailleurs,  en  Orient,  les  périodiques  naissent  et  disparais- 
sent rapidement.  Nous  n'avons  pas  pu  nous  procurer  le  Hindi,  qui  a 


Esna  Ashari  meeting  [Praja  Punch  du  20  janvier  1907.) 


4o8 


REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


cessé  d'exister  en  1906,  et  ne  faisait  pas  preuve,  paraît-il, d'une  réserve 
suffisante  dans  ses  propos. 

Nous  avons  du  moins  sous  les  yeux  deux  numéros  récents  du  Zan- 
^ibar  Samachar,  qui,  à  la  fin  de  mars,  en  était  à  son  6^  volume  et  à 
son  660''  numéro,  chiffres  fort  honorables  pour  une  feuille  journalière 
publiée  en  gudjarati  sur  la  côte  d'Afrique.  En  même  temps,  nous  avions 


Le  Gouvernement  de  ZdLnzib&r  iPraja  Punch,  du  20  janvier  1907.; 

eu  la  bonne  fortune  de  recevoir  la  collection  complète  d'un  Punch 
local,  le  Fraja  Punch,  ne  et  disparu  depuis  le  commencement  de  l'an- 
née, après  avoir  fourni  une  carrière  de  six  numéros. 

Les  reproductions  qui  suivent  donnent  une  idée  exacte  de  l'art  sim- 
pliste et  peu  sympathique  aux  Européens  qui  inspirait  le«  Punch  des 
Humbles»  équatorial.  Disons,  pour  être  complet,  quelles  illustrations 
précédaient  une  double  feuille,  donnant  les  dépêches  Reuter  en  anglais 
et  en  gudjarati. 


Le  Zanzibar   Samachar,  comme  la  Gazelle,  fait  une  large  place  aux 


LA   PRESSE  MUSULMANE 


409 


annonces  et  aux  dépêches.  On  y  trouve  cependant  aussi  des  articles 
de  fondsquile  rendent  particulièrement  intéressant.  Citons,  entre  autres, 
dans  le  numéro  du  25  mars,  un  curieux  article  sur  les  antagonismes 
qui  se  manifestent  au  sein  de  la  communauté  K.hodja,  et  dont  nous 


W^- 


Distribution  de  présents  à  propos  de  la  Fcte  Bénie.  La  part  faite  aux  mu- 
sulmans ' Praja  Punch  du  27  janvier  l'.tojJ 

parlons  d'autre  part  (i).  puis,  dans  le  numéro  du  2tjmars,  la  reproduc- 
tion du  discours  prononcé  à  Lahore  par  l'honorable  M.  Gokkale  pour 
amener  à  s'entendre  les  Musulmans  et  les  Hindous,  ou  encore  des 
«  conseils  à  ceux  qui  veulent  surpasser  l'exemple  du  Japon  ■*  (2),  etc. 

(i;  V.  p.  373. 

(2)  Tous  les  hommages  respectueux  de  la  Revue  avec  tous  ses  remercie- 
ments aux  deux  savantes  traductrices  de  Paris  et  de  Glasgow,  qui  ont  bien 
voulu  suppléer  à  la  lacune  provisoire  que  son  organisation  présentait  pour  le 
gudjarati. 


410  BEVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

Quelques  mots  sur  la  presse  arabe  de  Syrie. 

Les  débuts  de  la  presse  arabe,  en  Syrie,  remonienl  à  cinquante  ans. 
C'est  en  iSSy  que  fut  fondé,  à  Beyrouth,  le  Hadikat  al-Akhbdr  «  Jardin 
des  nouvelles  »,  organe  hebdomadaire  qui  paraît  encore  aujourd'hui  en 
français  et  en  arabe  :  ce  doyen  de  la  presse  syrienne  fut  le  journal  offi- 
ciel du  vilayet  jusqu'en  1869,  époque  à  laquelle  parut  Bayroût  Af-Ras- 
miya  «  Beyrouth  officiel  ».  La  même  année,  l'Imprimerie  catholique 
éditait  le  Bachir  «  Porteur  de  bonne  nouvelle  »,  organe  hebdomadaire 
religieu.x  et  d'informations.  L'année  suivante,  paraissaient  les  Djanân 
«  Jardins  »,  revue  littéraire  et  scientifique  dirigée  par  M.  Boutros  Bos- 
lani,  et  le  Djanna  «  Paradis  »,  journal  politique  dont  les  informations, 
pendant  la  guerre  franco-allemande,  étaient  particulièrement  goûtées, 
et  dont  le  succès  fut  tel  que,  dans  le  Liban,  le  moi  Djanna  était  devenu 
synonyme  de  «  journal  »  (i). 

Beyrouth  a  été,  non  seulement  le  pays  d'origine  de  la  presse  sy- 
rienne, mais  encore  sa  terre  de  prédilection.  En  1897,  M.  W'ashington- 
Serruys,  dans  l'ouvrage  que  nous  venons  de  citer  (2),  énumérait  neuf 
journaux  paraissant  alors  dans  cette  ville.  C'étaient,  par  ordre  chro- 
nologique :  Hadîkat  al-Akhbâr  (1857);  Al-Bachîr  (1869);  Bayroût  Ar- 
Rasmiya  (1869);  Thamarât-al-founoùn  «  Fruits  des  sciences  »,  jour- 
nal politique  (1874)  ;  Lisân-al-hdl  «  Langage  de  la  situation  »  (1877), 
organe  quotidien  ;  Al-Misbâh  «  le  Flambeau  »,  hebdomadaire  1880); 
Nachrat-al-ousboû'iya  «  le  Bulletin  de  la  semaine  »,  feuille  protes- 
tante (1880),  et  Bayj-oùt  «  Beyrouth  »,  journal  politique  (i885). 
L'année  suivante,  l'Université  Saint-Joseph  fondait  sa  revue  arabe  bi- 
mensuelle, religieuse,  littéraire  et  scientifique,  Al-Machriq  «  l'Orient», 
bien  connue,  non  seulement  en  pays  arabe,  mais  aussi  en  Europe. 

On  trouvait,  à  la  même  époque,  les  journau.v  suivants  dans  d'autres 
villes  de  Syrie  :  à  Damas,  Soùriya  «  Syrie  »  (i865),  organe  officiel,  et 
Ach-Cliam  «  la  Syrie  »  (1896),  politique;  à  Alep,  Fourdt  «  Euphrate», 
officiel,  et  Ach-Chahbd  «  la  Grise  »,  surnom  donné  à  Alep,  poli- 
tique, fondés  tous  les  deux  en  1866,  et  à  Tripoli  de  Syrie,  Tardbou- 
loiis  ach-Cham,  journal  politique  (1892),  dit  maintenant  Tardboxilous. 

Nous  emprunterons  encore   à   AL  W'ashington-Serruys  (3)  quelques 
détails  sur   l'arrangement  des   journaux  syriens.  Ceux-ci   commencent^ 
par  un  article   de  fonds  ou  une   chronique,  suivi  de  nouvelles   de  l'in- 

(0  Washington-Sebruys,  L'Arabe  moderne,  p.  XIV. 

(2)  P.  XIX,  XX. 

(3)  P.  XVI. 


LA    PRESSE    MUSILMANE  4II 

térieur  oj  locales,  correspondant  à  nos  faits  divers,  dans  lesquelles  on 
trouve  les  faits  les  plus  saillants,  soit  de  la  semaine,  soit  de  la  journée  : 
arrivées  et  départs,  nominations  officielles,  crimes,  sinistres,  etc.  Les 
dépêches  télégraphiques,  les  correspondances,  et  enfin  les  «  Régions  » 
ou  «  D.rections»  (i),  c'est-à-dire  les  nouvelles  venues  des  divers  pomts 
du  vilayet,  viennent  ensuite;  elles  précédent  les  nouvelles  de  l'extérieur 
ou  Divers,  qui  ne  sont  autre  chose  que  des  traductions  de  journaux 
européens. 

Cette  presse,  ancienne  et  importante,  qui  a  à  sa  tète  des  hommes  de 
valeur,  parmi  lesquels  se  recrute,  depuis  longtemps  déjà,  une  partie  du 
personnel  des  journaux  égyptiens,  mériterait  d'être  l'objet  d'une  longue 
étude.  Nous  aurons  à  parler,  plus  d'une  fois,  des  organes  qui  la  com.- 
posent;  aujourd'hui,  nous  ne  nous  occuperons  que  de  quelques-uns 
de  ses  plus  importants  organes,  dont  le  R.  P.  Jalabert,  recteur  de 
l'Université  Saint-Joseph,  à  Beyrouth,  a  bien  voulu  nous  envover  des 
spécimens. 

Bayroùt,  l'organe  officiel  du  vilayet,  paraît  chaque  samedi,  en  arabe 
et  en  turc;  les  deux  éditions,  réunies,  forment  un  numéro  de  quatre 
pages  in-folio;  la  partie  turque,  qui  est  à  l'intérieur,  ne  fait  que  repro- 
duire la  partie  arabe.  Nous  voyons,  dans  le  numéro  du  lo  mars,  que 
la  souscription  en  faveur  du  chemin  de  fer  du  Hedjàz  a  produit,  pour 
le  caza  de  Djenîn,  S.ôgS  piastres  (2). 

Les  Thamardt  al-founoùn  paraissent  chaque  lundi,  par  numéros  de 
huit  pages  petit  in-folio.  Les  matières  les  plus  diverses  y  sont  traitées  : 
littérature,  sciences,  politique  et  économie  politique,  agriculture,  etc. 
Les  nouvelles  locales  y  tiennent  une  large  place;  mais  ce  n'est  pas  au 
détriment  de  celles  de  Constantinople,  du  reste  de  la  Turquie  et  de 
l'étranger.  Elles  sont  dirigées  par  Ahmed  Hasan  Tabâra  (3> 

Al-Ikbdl  «  le  Bonheur  »  est  de  fondation  récente;  il  ne  date  que 
de  i320  et  entre,  par  conséquent,  dans  sa  sixième  année.  C'est  un 
organe  national  ottoman,  ayant  pour  but  de  rendre  service  à  la  patrie 
et  de  défendre  ses  intérêts.  Assez  varié,  il  consacre  de  nombreux 
articles  aux  questions  politiques  et  économiques,  tout  en  faisant  leur 
part  à  d'autres  travaux,  parmi  lesquels  il  faut  relever  une  élude,  parue 
dernièrement    (mars-avril),    sur    la    Gcotrraphie    dans    l'Islam.    Il    est 

(  I)  En  arabe  Djihàl. 

(2)  Direction  et  imprimerie  :  Soûk  .\l-Nouzlia,  en  face  le  palais  du  '^o\i- 
verneur,  à  Beyrouth. — .Vbonnements  :  70  piastres  l'année,  ^o  piastres  pour 
6  mois.  —  .\nnonces  :  3  piastres  la  ligne. 

(3)  Direction  :  Imprimerie  nationale.  83,  rue  Nouvelle,  à  Bevrouih.  — 
Abonnements  d'un  an  :  Beyrouth  et  Liban,  12  fr.;  Turquie,  i5  fr.  : 
Etranger,  18  fr.  —  Le  numéro  :   1   piastre  et  demie. 


412  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

dirigé  par  'Abd  Al-Basît  Al-Ounsî;  son  principal  rédacteur  est  Mouhî 
ad-Dîn  Al-Kiiayyât  (i). 

Voici  douze  ans  qu'Ach-Cham  parait  à  Damas,  ciiaque  jeudi,  par 
numéros  de  quatre  pages  grand  in-folio.  C'est  un  journal  bien  rédigé 
et  riche  en  informations  de  toute  nature,  tant  pour  la  Turquie  que 
pour  l'étranger.  En  dehors  des  nouvelles  politiques  et  des  actes  offi- 
ciels, il  donne  des  articles  littéraires  et  scientifiques  étendus  et  variés. 
Il  a  pour  gérant  Moustafà  Wâsif;  pour  rédacteur  en  chef,  'Abd  Al- 
Kâdir  Badrân  (2). 

Soûriya,  organe  hebdomadaire  du  vilayet  de  Damas,  est  beaucoup 
plus  ancien;  il  est  maintenant  dans  sa  quarante  et  unième  année.  Il 
donne,  en  arabe  et  en  turc,  les  nouvelles,  officielles  ou  non,  de  la 
région  de  Damas,  et  appartient  à  cette  presse  officielle  dont  on  a  vu  un 
spécimen  avec  le  Bayroût  (3). 

Le  Fourât,  journal  officiel  et  hebdomadaire  du  vilavet  d'Alep,  est 
conçu  sur  le  même  modèle;  ce  qui  a  été  dit  du  Bayroût  t\.  du  Soûriya 
s'applique  également  à  lui  (4). 

Tardboulous,  enfin,  paraît,  depuis  quinze  ans,  chaque  mercredi,  à 
Tripoli  de  Syrie.  Il  est  rédigé  entièrement  en  arabe,  et  ses  numéros, 
de  format  in-folio,  ont  quatre  pages.  Ses  informations  sont  variées  et 
intéressantes;  elles  tiennent  au  courant  de  ce  qui  se  passe  en  Turquie, 
ainsi  que  des  principaux  événements  qui  se  produisent  à  l'étranger.  11 
faut  mentionner,  dans  le  numéro  du  6  mars  du  Tardboulous,  un  long 
article  sur  les  Musulmans  chinois,  écrit  à  l'occasion  du  voyage,  à 
Constantinople,  du  mufti  de  Pékin,  'Abdur-Rahmân  (5). 

(i)  Adresse  :  Imprimerie  des  Sciences,  à  Beyrouth.  —  .Aibonnement  d'un 
an  :  Beyrouth  et  Liban,  2  medjidiés:  Turquie.  2  medjidiés  et  demi;  Étran- 
ger, i5  fr.  —  Le  numéro  ;  i  piastre  et  demi.  —  On  traite  à  forfait  pour  les 
annonces. 

(2)  Abonnement  d'un  an  et  de  6  mois  ;  Damas,  2  et  i  medjidiés;  Turquie, 
3  et  2  medjidiés;  Étranger,  i5  fr.  par  an.  —  Annonces  :  3  piastres  la  ligne 
en  première  page;2  piastres  et  demie  ailleurs  ;  des  conditions  spéciales  sont 
faites  pour  les  annonces  répétées. 

(3)  Ce  journal  est  publié  dans  le  palais  même  du  gouverneur.  —  .•\bonne- 
ments  ;  Un  an,  So  piastres;  si.x  mois,  45  piastres.  —  Le  numéro  :  60  paras. 
—  Annonces  :  2  piastres  et  demie  la  ligne. 

(4)  Le  Fourdt  a,  lui  aussi,  son  administration  dans  le  palais  même  du 
gouverneur.  —  Abonnements  :  Une  demi-livre  ottomane  pour  un  an; 
3o  piastres  pour  si.x  mois,  et  le  port  en  sus  à  l'extérieur  du  vilayet.  —  Le 
numéro  :  40  paras.  —  Annonces  :  3  piastres  et  demie  la  ligne. 

(5)  Abonnements  d'un  an  et  de  si.x  mois  ;  Tripoli,  une  demi-livre 
ottomane  et  40  piastres;  Turquie,  76  et  45  piastres;  Etranger  (pour  une 
année  ,  16  fr.  ou  9  roupies  (Inde),  ou  7  roubles  (Russie).  —  Le  numéro  ; 
I  piastre  et  demie.  —  Annonces  :  3    piastres  et  demie  la  ligne  en  première 


LA    PRESSE   MUSULMANE  4l3 

A  l'Exposition  de  Louvain. 

L'imprimerie  de  Vlkdam,  de  Constanlinople,  bien  connue  par  le 
soin  avec  lequel  elle  a  édité  de  nombreux  et  utiles  ouvrages,  a  obtenu,  à 
l'exposition  de  Louvain,  le  grand  prix  de  la  section  typographique.  Ce 
succès  a  été  accueilli  avec  une  satisfaction  marquée  par  la  presse  otto- 
mane (i). 

«  Sélanik  ». 

La  presse  provinciale,  en  Turquie,  a  comme  principal  élément,  dans 
les  pays  de  langue  turque  (la  presse  arabe  de  Syrie  a  pris  une  exten- 
sion assez  considérable),  les  journaux  officiels  des  vilayets,  qui  don- 
nent, avec  les  informations  de  source  officielle  et  les  actes  administra- 
tifs, les  nouvelles  de  Turquie  et  de  l'étranger,  en  faisant,  bien  entendu, 
une  large  place  à  celles  qui  intéressent  le  vilayet. 

Sélanik  «  Salonique  »,  dont  nous  avons  sous  les  yeux  le  numéro 
du  3  mars  dernier,  est  un  spécim:n  de  cette  presse  officielle.  Son 
administration  a  pour  siège  l'École  professionnelle  Hamidié,  à  Salo- 
nique, où  se  trouve  également  son  imprimerie.  Sa  fondation  date  de 
trente-six  ans  :  c'est  dire  que  le  Sélanik  est  un  des  doyens  de  la  presse 
ottomane  (2). 

La  première  place  y  est  occupée  parles  «  Nominations  »  (fonctions 
publiques,  promotions  à  la  classe  supérieure  de  divers  fonctionnaires, 
nominations  et  promotions  dans  l'ordre  du  Nicham,  médailles),  précé- 
dant les  nouvelles  de  la  capitale  et  les  événements  du  vilayet.  On  y 
remarque,  entre  autres,  la  vente,  au  profit  du  chemin  de  fer  du  Hed- 
jâZjdes  peaux  des  animaux  immolés  à  l'occasion  de  la  fête  des  Sacri- 
fices, une  note  relative  à  l'enseignement  de  la  calligraphie  dans  les 
écoles,  enseignement  auquel  on  parait  attacher  une  importance  par- 
ticulière, les  mesures  prises  pour  remettre  en  état  la  mosquée  de  Le- 
bano,  et,  enfin,  deux  rubriques  assez  chargées  :  «  Répression  du  bri- 
gandage »  et  «  Tribunaux  ». 

Quelques  «  nouvelles  des  vilayets  »,  venues  d'A'idin,  Scutari,  Jéru- 
salem, Alep,  Bagdad,  Gastamouni,  précèdent  les  informations  de 
l'étranger,  dans  lesquelles  il  est  question  de  la  mort  de  AL  et  Mme  Ber- 


page;  pour  les  autres  pages,  les  prix  sont  de  2  piastres  pour  les  abonnés  et 
de  2  et  demie  pour  les  non-abonnés. 

(i)  Ikdam,  9  mai   1907. 

(2)  Abonnements  :  un  an,  48  piastres;  six  mois,  26  piastres. 


414  BEVUE  DU  MONDE  MUSULMAN 

thelot  et    de  la  question  agraire   en     Roumanie.   Des    annonces    offi- 
cielles occupent  la  plus  grande  partie  de  la  quatrième  page. 

On  voit,  par  cette  analyse,  que  la  presse  ofncielle,  en  Turquie,  ne  se 
borne  pas  à  faire  connaître  les  actes  de  l'autorité;  elle  donne  encore, 
avec  les  principaux  événements  du  vilayet,  les  faits  les  plus  intéres- 
sants de  la  Turquie  et,  dans  une  mesure  moindre,  de  l'étranger. 


Le  Journal  de  Bender-Bouchir. 

Le  14  février,  le  Mo\afferî  de  Bender-Bouchir  entrait  dans  sa 
sixième  année  d'existence.  Ce  journal  a  été  longtemps  le  seul  organe 
de  la  Perse  méridionale  ;  le  plus  ancien  de  tous,  il  en  reste,  aujour- 
d'hui, le  plus  important. 

L'existence  du  Mo^afferî  a  été  assez  mouvementée.  Dirigé  par  un 
homme  d'opinions  libérales  et  qui  a  pris  une  part  active  à  l'introduc- 
tion du  nouveau  régime  en  Perse,  Mirzâ  'Alî  Aga  Chîrâzi,  il  a  eu,  vers 
la  fin  du  règne  de  Mozaffer  ed-Dîn  Chah,  bien  des  épreuves  à  subir.  Sa 
publication  avait  été  interrompue  par  mesure  administrative,  et  Mirzâ 
'Alî  Aga,  arrêté  arbit'airem. ent,  avait  été  envoyé  à  Mohammera,  d'où 
il  n'est  revenu  que  pojr  reprendre  l'œuvre  qui  lui  avait  valu  de  telles 
persécutions. 

Journal  indépendant,  à  tendances  progressistes,  le  Mozarterî  paraît 
quatre  fois  par  mois,  par  numéros  ou  fascicules  de  16  pages  grand  in-8, 
ayant  plutôt  l'aspect  d'une  revue  que  celle  d'un  journal  dans  l'accep- 
tion ordinaire  du  mot.  Contrairement  à  ce  qui  se  fait  pour  beaucoup 
d'organes  de  province,  il  est  imprimé  en  caractères  mobiles,  avec 
soin,  et  sur  de  bon  papier.  Son  service  d'informations  paraît  bien  orga- 
nisé; il  donne,  non  seulement  les  nouvelles  de  la  ville  et  de  la  région, 
mais  aussi  celles  de  la  capitale  et  des  provinces,  et  tient  ses  lecteurs  au 
courant  de  ce  qui  se  passe  à  l'étranger,  en  Europe  comme  en  Orient. 
Quant  à  la  publicité,  il  lui  fait  peu  de  place. 

Les  séances  de  l'Assemblée  nationale,  la  Banque  nationale,  les  ques- 
tions, si  importantes  à  Bender-Bouchir,  de  la  douane  et  des  ports,  l'ins- 
truction, les  écoles,  le  commerce  et  les  moyens  d'améliorer  les  condi- 
tions économiques,  sont  les  sujets  les  plus  souvent  traités. 

On  peut  juger,  d'après  ces  détails,  et  aussi  d'après  le  passé  de  Mirzà 
'Alî  Aga,  de  ce  que  sera,  dans  l'avenir,  le  rôle  du  Mo^afferi.  Nul  doute 
qu'il  n'exerce  une  action  considérable  et  salutaire  dans  l'oeuvre  de  la 
régénération  de  la  Perse,  et  ne  contribue  à  répandre  parmi  ces  popula- 
tions du  Sud,  éloignées  des  centres  où   le  mouvement  actuel  a  pris 


LA    PRESSE   MUSULMANE  4l5 

naissance,  et  où  la  réforme  s'est   accomplie,  les   idées  de  liberté  et  de 
progrès  (i). 

Le  Journal  d'Ourmiah. 

Un  journal  persan,  le  premier  organe  périodique  de  la  localité,  vient 
d'être  fondé  à  Ourmiah,  cette  petite  ville  de  l'Âzèrbàïdjân  que  nous 
connaissons  surtout,  en  Europe,  comme  un  centre  nestorien.  C'est  le 
Fèryâd  (Cri),  dont  M.  Saheb-Nassagh  a  bien  voulu  nous  communi- 
quer le  premier  numéro,  daté  du  21  moharram  i325  (21  février  1907). 

Le  Fèryâd  est-il  l'organe  d'un  parti  ?  Non.  Kn  Europe,  où  les  grou- 
pements politiques  sont  fractionnés  à  l'infini,  on  voit  des  journaux  dé- 
fendre des  opinions  diamétralement  opposées;  mais,  en  Perse,  il  n'y  a, 
pour  ainsi  dire,  pas  de  partis.  Tous  les  Persans  sont  d'accord  pour 
vouloir  un  régime  de  liberté,  de  justice,  de  civilisation  et  de  progrès  ; 
tous  désirent  également  voir  l'instruction  se  répandre  parmi  eux,  et 
font,  dans  ce  but,  tout  leur  possible;  le  Fèrvarf  se  propose  de  travailler, 
lui  aussi,  à  l'œuvre  de  la  régénération  nationale.  Ses  idées  sont  celles 
de  la  Perse  d'aujourd'hui,  et  non  celles  d'un  groupement  politique. 
Religion  et  patrie  :  ces  deux  mots  pourraient  résumer  son  programme. 

Jusqu'au  nauroû-^,  c'est-à-dire  jusqu'au  21  mars,  époque  à  laquelle 
son  matériel  tvpographique  allait  être  complété,  le  Fèrydd  devait  pa- 
raître tous  les  quinze  jours  ;  à  partir  de  cette  date  il  devenait  hebdoma- 
daire. Il  a  pour  directeur,  Mîrzâ  Habib  Ouroùmî;  pour  rédacteur  en 
chef,  Mîrzâ  Mahmoud  Ghanîzàdé  Dîlmekânî,  et  pour  gérant,  Mîrzâ 
'Abdol-Alî  Harîrî  Dîlmekânî.  Ses  numéros,  de  format  in-8,  ont  quatre 
pages;  ils  sont  imprimés,  d'une  manière  très  soignée,  en  caractères 
mobiles  (2). 

Ismaïl  Bey  Gasprinsky. 

Longtemps    malade,    Ismaïl  Bey    Gasprinsky  n'a   pu,    à   son   grand 

(  i)  Adresse  :  direction  du  Mu'{aff'eri,  Bender-Bouciiir.  —  Abonnements 
d'un  an  et  de  six  mois  :  Bender-Bouchir,  22  et  i4krans;  Perse,  28  et  16 
krans;  Inde,  8  et  5  roupies;  Europe,  Turquie  et  Egypte,  14  et  8  francs; 
Russie  et  Turkestan,  7  et  3  roubles.  —  Annonces  :  10  chahis  la  ligne. 

12)  Adresse  :  direction  du  Fèryâd,  maison  de  Hàdjî  Ibràhîm,  à  Ourmiah. 
—  Abonnements  d'un  an  et  de  six  mois  :  Ourmiah,  1  2  et  8  krans;  Perse. 
18  krans  et  i  toran  ;  Russie,  4  roubles  et  2  roubles  et  demi  ;  Turquie 
5o  et  3o  piastres;  Europe,  lu  et  8  francs.  —  Le  numéro  (paraissant  le  sa- 
medi) :  4  chahis.  —  Annonces  :  i5  chahis  la  ligne.  Toute  personne  ayant 
accepté  l'envoi  de  trois  numéros  est  considére'e  comme  abonnée. 


4l6  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

regret,  faire  paraître  régulièrement  le  Terdjumân,  et  il  s'en  excuse  au- 
près de  ses  lecteurs.  Son  état  de  santé  restant  encore  des  plus  pré- 
caires, les  médecins  lui  prescrivent  de  ne  s'occuper  de  son  journal 
qu'une  ou  deux  fois  par  mois,  jusqu'à  nouvel  ordre.  Pour  concilier 
leurs  exigences,  son  devoir  professionnel  et  les  intérêts  de  ses  abonnés, 
il  a  adopté  la  solution  suivante  :  Pendant  quelque  temps  le  Terdjumân 
ne  paraîtra  qu'une  fois  par  semaine:  pour  compenser  les  articles  sup- 
primés, il  donnera,  chaque  semaine  également,  six  pages  d'un  diction- 
naire littéraire  et  scientifique.  Aussitôt  revenu  à  la  santé,  Ismaïl  Bey 
Gasprinsky  fera  paraître  son  journal  trois  ou  quatre  fois  par  semaine, 
comme  auparavant  (i). 

'Alî  Mèrdân  Bey  Toptchibacheff. 

L'ancien  directeur  du  Kaspi,  journal  musulman  en  langue  russe  de 
Bakou,  aujourd'hui  député  de  Mahkama  à  la  Douma,  'Ali  Mèrdàn  Bey 
Toptchibacheff,  vient  d'être  élu  président  du  comité  de  l'Union  des 
Musulmans  russes,  à  Saint-Pétersbourg.  Deux  devoirs  s'imposent 
maintenant  à  lui  :  rétablir  l'unité  du  parti  musulman,  menacée  par 
certaines  défections,  et  fonder,  dans  la  capitale,  un  journal  en  langue 
russe  pour  défendre  les  intérêts  musulmans  (2). 

«  Tâzè  Hayât  ». 

Nos  lecteurs  se  souviennent  que  le  journal  Haydt  (Vie),  de  Bakou, 
avait  dû,  l'année  dernière,  à  la  suite  d'embarras  financiers,  cesser  sa 
publication  (3);  ses  rédacteurs,  depuis  cette  époque,  faisaient  paraître 
un  journal  hebdomadaire,  littéraire  et  scientifique,  intitulé:  Fiiyoù^ât. 
Dans  son  numéro  du  i^Vi4  avril,  VIrchdd  annonce  l'apparition,  le 
jour  même,  d'une  «  Nouvelle  Vie  »,  Tâ^^^è  Hayât,  qui  a  pour  directeur 
et  rédacteur  en  chef  Hâchim  Bey  VézîroflF;  le  gérant,  dont  nous  aurons 
sans  doute  encore  bien  des  occasions  de  citer  le  nom,  est  Hàdjî  Zeïn  ul- 
'Abidin  Takîyeff.  Ce  nouvel  organe,  quotidien,  est  littéraire,  scienti- 
fique et  politique  (4). 

(1)  Terdjumân,  6/19  avril  1907. 
(2) /rc/zârf,  8/2  i   avril   1907. 

(3)  Revue  du  Monde  musulman,  novembre  1906,  p.  129,  et  janvier  1907, 
pp.  427-428. 

(4)  Adresse  :  rue  Nikolayefski,  maison  Takîyefl,  à  Bakou.  —  Abonne- 
ments :  Bakou,  7  roubles  l'année,  4  roubles  pour  6  mois,  2  roubles  pour 
3  mois  ;  Russie,  8  roubles  5o  kopeks,  5  et  3  roubles  ;  Étranger,  12  et  6  rou- 
bles. —  Le  numéro  :  5  kopeks.  —  Annonces  :  10  kopeks  la  ligne  pour  la 
première  page,  5  pour  la  dernière. 


LA    PRESSE    MUSULMANE  a\j 

((  Tèkiâmul  » . 

Le  Tèkiâmul,  organe  musulman  démocratique  de  Bakou,  dont 
nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  parler,  informe  ses  lecteurs,  par  l'in- 
termédiaire de  VIrchdd  il),  que  diverses  raisons  le  contraignent  de 
cesser  quelque  temps  sa  publication.  Cette  interruption,  du  reste,  ne 
serait  que  temporaire,  et  le  Tèkiâmul  compte  reparaître  prochaine- 
ment. 

«  Al-Moktabas  ». 

N'os  lecteurs  connaissent  déjà  Al-Moiitabas  (a),  cette  revue  litté- 
raire, scientilique  et  sociologique,  qui,  depuis  moharram  1324 
(février  1901")),  paraît  chaque  mois  au  Caire,  sous  l,i  direction  de 
M.  Mohammed  Kurd-Ali.  Rédacteur  au  Mouayyad,  auquel  il  fournit, 
chaque  semaine,  deux  de  ses  principaux  a-ticles,  et  pour  lequel  il  ira-^ 
duit  dos  études  publiées  dans  les  presses  française  et  ottomane. 
M.  Mohammed  Kurd-Ali  est  un  des  hommes  les  plus  en  vue  du 
journalisme  arabe  en  général,  de  celui  du  Caire  en  particulier.  Comme 
nous  l'avons  fait  il  y  a  peu  de  temps  pour  un  nouvel  organe  tunisien, 
nous  énumérerons,  cette  fois,  les  articles  de  documentation  musulmane 
parus,  dans  Al-Mohtabas,  depuis  l'origine. 

Tome  1 . 

N"  I.  —  Ihn  Hazm,  384-45Ô  de  l'hégire  (étude  ouvrant  une  série  de 
biographies  des  grands  hommes  de  l'Orient  et  de  l'Occident).  — 
L'ignorance  et  les  écoles.  —  L'enseignement  des  langues  (de  l'arabe  en 
particulier).  —  L'assimilation  dans  l'Islam.  —  L'éducation  et  l'ensei- 
gnement. —  Pages  oubliées;  les  conseils  d'Ibn  Hazm;  les  bons  mots 
d'Al-Wahrànî. 

N"  2.  —  La  presse  arabe.  —  Le  chant  en  Egypte,  par  .Mohammed 
Loutfî  Efendi  Djoum'a.  —  Livres  et  manuscrits  :  L'arabe  et  ses  pro- 
nonciations. —  Les  journaux  français  et  arabes.  —  La  musique  arabe. 
—  Histoire  des  Moros. 

N»  3.  —  Ibn  Ar-Roûmiya  (biographie).  —  L'éducation  et  l'enseigne- 
ment; L'effort  et  le  travail.  —  Livres  et  manuscrits  :  Djawâhîr  al- 
balaghax  Al-Moufrid  bi'l-'ilm;  Le  journal  Ad-Diyâ  et  Ibn  Sarrâdj;  Le 
journal  Ach-Chitâ.  —  Les  journaux  français  et  arabes.  —  Médecin  et 

(i)  Numéro  du  3/i6  avril  1907. 

(2)  Voir  t.  1,11,  p.  281,  et  IH,  pp.  440-441. 

37 


4i8 


REVL'E    DU    MONDE    MUSULMAN 


littérateur  (sur  feu  le  docteur  Hasan  Pacha  Mahmoud  et  Ibrâhîm  Bey 
Al-Mawîlihî  ?). 

N"  4.  —  Le  journal  Al-Mouklataf.  —  L'Egypte  et  l'avenir  de 
l'Afrique.  —  Livres  et  manuscrits:  Rapport  sur  l'Egypte.  —  Bulletin 
de  la  Société  des  Refuges  'Abbâsî. 

N°  5.   —  Al-Kâdî   Ai-Fâdil   (biographie).   —   L'ordre   de   cinq   dans 


Mohammed  Kurd-Ali. 


l'Ode  d'ibn  Zaïdoûn,  par  Fâris  Efendi  Al-Khoùrî.  —  Pages  oubliées  : 
Deux  lettres  d'Al-Kâdî  Al-Fâdil.  —  Livres  et  manuscrits  :  La  corres- 
pondance d'.M-Kâdî  Al-Fâdil  ;  L'art  de  la  rédaction  chez  les  .arabes; 
Les  Séances  de  Harîrî;  La  Hamâsa,  etc. 

N"6  —  Les  collèges  Nizâmiya  et  Mostansiriya  de  Bagdad.  —  Pages 
oubliées  :  Les  Chadhardt  Hikmiya.  —  Livres  et  manuscrits  :  Les 
citations;  Les  grandes  Tabakât  chaféites.  —  Les  jeux  et  les  instru- 
ments de  musique  dans  l'Andalousie  maure. 


LA    PRESSE    MUSULMANE  4I9 

N"  7.  —  Ibn  Al-Hannâl  Al-K.atif  (biographie).  —  La  décadence 
morale  de  l'Orient,  par  Rafik  Bey  Al-'Adhm.  —  Extraits  du  Kitâb  al- 
Nabrds.  —  L'enseignement  et  l'éducation;  la  volonté  et  la  décision, 
par  'Abd  AI-Mou'in  Efendi  Khouloûsî.  —  Le  songe  d'Al-Wahrânî. 

N"  8.  —  Le  peuple  oriental,  par  Hosein  Wasfi  Ridhâ.  —  Extrait 
d'une  étude  de  Moustafâ  Efendi  Sàdik  sur  la  poésie  arabe.  —  Extraits 
des  journaux. 

N"  9.  —  Le  domaine  de  la  langue  arabe.  —  Les  jeux  et  les  instru- 
ments de  musique  dans  l'Andalousie  maure  (suite).  —  L'évolution 
intellectuelle  et  sociale  en  Egypte,  par  le  docteur  Georges   Bey  Samné. 

—  Pages  oubliées  :  La  morale  d'Ibn   Al-Moukaffa'. 

N°  10.  —  Yàkoût  Al-Hamawî  (biographie).  —  Les  écoles  et  les  ca- 
ractères, par  i\L  G.  N.  Baz.  —  Les  commentateurs  et  les  commen- 
taires du  Coran  (extrait  du  Kitdb  at-tâ'lîm  waT-irchàd).  —  Réception 
d'un  lettré  des  Indes  (il  s'agit  du  docteur  Sayyid  Ziyà  ud-Dîn  Ahmed, 
du  Collège  d'Aligarh). 

N"  II.  —  Al-Djahiz  (biographie).  —  Une  page  d'histoire  sur  la  Syrie, 
par  M.  J.  G.  Zakhim.  —  L'Université  d'Al-Moustanser  billah  à  Bagdad. 

—  L'Afghanistan  (à  propos  de  livre  du  AL  Angus  Hamilton).  —  Né- 
crologie (mort  du  professeur  Robert  West,  de  la  Faculté  américaine  de 
BevTouth) 

N°  12.  —  La  sévérité   dans   les  écoles,  par  M.  Georges  Nicolas  Baz. 

—  Le  Schah  de  Perse.  —  Les  .Musulmans  des  Philippines  (d'après  la 
Revue  du  Monde  Musulman,  I,  11,  décembre  1907).  —  Le  cheikh 
Ibrâhîm  Al-YaziJji  'biographie). 

Tome  IL 

N°  I.  —  Koutb  ad-Dîn  Ach-Chîrâzi  (biographie).  —  La  tolérance  des 
rois  (à  propos  du  médecin  chrétien  Bakhtîchoû').  —  L'autruche  dans 
la  civilisation  égyptienne.  —  La  poésie  arabe,  par  le  cheikh  'Abd  Al- 
Mouhsin  Al-Kâzimi.  —  L'.\mérique  et  les  savants  arabes,  par  .\L  J. 
G.  Zakhim. 

N°  2.  —  Les  poètes  chrétiens  au  temps  du  paganisme  arabe.  —  La 
tolérance  des  rois.  —  L'Orient  en  Occident.  —  Poème  inédit  d'Aboù-l- 
'Alà  Al-Ma'arrî. 

N"  3.  —  La  mise  en  garde  (la  takiya)  chez  les  .Musulmans  des 
diverses  sectes.  —  Les  poètes  chrétiens  au  temps  du  paganisme  arabe 
{suite).  —  L'enseignement  en  arabe.  —  Enseignement  et  éducation. 

A  ces  articles  consacrés  aux  questions  purement  arabes  ou  musul- 
manes viennent  s'en  joindre  d'autres,  plus  nombreux  encore,  qui  tien- 
nent le  lecteur  égyptien  au  courant  de  ce  qui  se  passe  en  Europe,  lui 
permettent  de  suivre   le  mouvement    littéraire,   scientifique    et   social. 


420  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

Une  revue  des  livres  el  de  la  presse,  tant  en  Orient  qu'en  Occident, 
des  traductions  des  périodiques  d'Europe,  complètent  les  informations 
de  cette  excellente  revue.  Le  Moktabas  fait  une  place  assez  impor- 
tante à  la  littérature;  il  publie  des  poésies,  des  romans,  des  études  de 
critique  et  d'histoire  littéraire  en  assez  grand  nombre.  Aux  noms  des 
auteurs  arabes  donnés  dans  l'énumération  qui  précède,  il  faudrait 
ajouter  ceux  de  Goethe,  Schiller,  Shakspeare,  Carlyle,  Coleridge,  etc. 
L'histoire  proprement  dite,  et  surtout  l'histoire  ancienne,  est  encore 
représentée  dans  Al-Moktabas. 

Le  ((  Habl  ouI-Matîn  »  à  Téhéran. 

LeHabl  oui-Matin,  de  Calcutta,  a  maintenant  une  édition  à  Téhéran 
comme  journal  quotidien,  sous  la  direction  de  Haji  Ismaïl  AgaTabrizî^ 
supporté  par  l'Assemblée  populaire.  L'édition  hebdomadaire  du  Habl 
oul-Matîn  continuera  à  paraître  sous  la  rédaction  de  Moayid  Islam, 
Syed  Jellaluddin  Hosseini,  qui  est  le  propriétaire  également  de  l'édition 
quotidienne  de  Téhéran  (i). 

(i)  Mulk  and  Millut,  3o  avril  1907. 

L.   BOUVAT. 


LES   LIVRES   ET  LES  REVUES 


Le  «  Croissant  contre   la  Croix  »  ('). 


A  s'en  tenir  exclusivement  au  domaine  religieux,  il  semblerait  diffi- 
cile d'opposer  le  Croissant  et  la  O'oix.  Le  premier  n'est  pas  un  sym- 
bole religieux,  mais  un  emblème  national  ;  l'autre,  au  contraire,  est  le 
signe  de  la  foi  chrétienne;  aussi  M.  Halil  Hâlid  prend-il  le  soin  de  nous 
indiquer,  dès  les  premières  pages  de  son  volume,  qu'il  se  sert  du  terme 
Croissant  dans  le  sens  abusif  que  lui  donnent  les  Européens  pour  dési- 
gner le  monde  de  l'Islam.  D'ailleurs,  une  autre  raison  lui  est  venue  en 
aide  pour  fixer  son  choix  :  dans  leur  essence,  le  musulmanisme  et  le 
christianisme  ne  différent  pas  sensiblement  :  il  ne  pouvait  donc  être 
question  d'opposer  la  religion  musulmane  à  la  religion  chrétienne, 
mais  bien  d'expliquer  l'antagonisme  des  deux  sociétés. 

Le  dogme  mahométan,  nous  dit  l'auteur  de  l'ouvrage,  est  loin  d'être 
inférieur  au  dogme  chrétien.  Au  point  de  vue  religieux,  il  est  plus  intel- 
ligible ;  au  point  de  vue  social,  il  simplifie  le  rôle  du  sacerdoce,  il  le 
diminue  et,  par  suite,  il  évite  une  influence  sur  les  foules  qui  peut 
devenir  néfaste  pour  elles-mêmes.  D'autre  part,  il  défend  de  forcer  les 
conversions,  et  les  causes  de  sa  puissante  expansion  sont  moins  dues 
au  prosélytisme  des  mollahs,  qu'au  caractère  plus  religieux  des  céré- 
monies du  culte  et  à  la  simplicité  austère  des  mosquées,  d'où  toute 
fashion  et  tout  éclat  mondain  sont  bannis. 

(i)  Halil  Hâlid,  The  Crescent  versus  t/ie  Cross  {London, 
Luzac  and  C°,  1907;  in-i8  ;  240  p.). 


42  2  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


Ces  causes  déterminantes  d'orientation  dans  les  esprits  adeptes  de 
Tun  ou  l'autre  dogme  devaient  fatalement  se  résoudre  en  conflit  et 
conduire  à  la  lutte  que  l'Europe  chrétienne  soutient,  depuis  des  siècles, 
contre  l'Islam  sans  pouvoir  l'entamer.  De  tout  temps,  le  monde  occi- 
dental a  considéré  les  .Musulmans  comme  un  peuple  de  barbares  qu'il 
fallait  civiliser,  cachant  ainsi,  sous  des  dehors  humanitaires  les  buts 
égoïstes  de  ses  intérêts  et  la  pensée  d'anéantir  ou  d'enrayer  à  tout 
jamais  l'essort  du  Qoran. 

Pour  M.  Halil  Hàlid,  l'expression  française  du  langage  diplomatique 
Action  civilisatrice  devrait  donner  au.\  esprits  une  impression  paisible, 
mais  l'emploi  qu'en  ont  fait  les  politiciens  et  les  journalistes  l'ont 
déviée  de  son  sens  primitif.  De  même,  par  sa  répétition  continuelle 
dans  la  littérature  politique  anglaise,  la  phrase  très  honorable  Our 
good  rule  and  justice  est  devenue  un  lieu  commun.  En  réalité, 
lorsqu'un  des  principaux  États  de  la  chrétienté  trouve  avantageux  de 
prendre  sous  son  égide  les  affaires  intérieures  d'une  nation  musulmane, 
incapable,  soi-disant,  de  s'orienter  elle-même,  il  commence  par  l'atta- 
quer, sous  prétexte  d'y  répandre  la  civilisation  et  d'améliorer  sa  situa- 
tion politique  en  y  apportant  les  idées  de  justice  et  de  liberté.  Comme 
aide  bienveillante,  ajoute  ironiquement  l'auteur,  il  n'offre  que  la  mort 
ou  l'asservissement  ;  dans  cette  voie  d'ailleurs,  la  France  n'a  pas  pu  faire 
de  r.A.lgériequelque  chose  comme  l'Australie  et,  malgré  les  mesures  qu'elle 
a  prises,  elle  n'a  pu  éclaircir  la  population  musulmane  qu'en  partie 
seulement  et  dans  les  districts  maritimes.  11  est  vrai  que  le  plus  ardent 
chauvinisme  ne  pourrait,  quelque  vigueur  qu'il  employât  à  infiltrer  peu 
à  peu  l'élément  français  dans  cette  contrée,  espérer  d'y  contrebalancer 
la  supériorité  numérique  des  Musulmans.  \  ce  point  de  vue  aussi,  on 
peut  conclure  qu'une  région  orientale  habitée  par  des  Musulmans  ne 
sera  jamais  une  colonie  au  vr^i  sens  du  mot,  quand  elle  tombera  sous 
le  régime  d'un  pouvoir  étranger.  Le  terme  convenable  sera  celui  de 
possession. 


Étant  donnée  une   région   soumise,    que  deviendra-t-elle   entre  les 
mains  du  conquérant  ?  Telle  est  la  question  que  se  pose  .\1.  Halil  Hâlid. 


LIVBES    ET    PEVUES  423 

La  réponse  qu'il  donne  est  un  peu  pessimiste.  Parfois,  sans  doute,  les 
spéculations  entreprises  par  les  Européens  dans  les  contrées  d'Orient 
qu'ils  ont  assujetties  y  apportent  un  accroissement  de  richesses  ;  mais 
c'est  presque  toujours  aux  dépens  des  anciens  possesseurs  du  sol. 
Exemple  :  le  trésor  est  rempli  par  les  taxes  dont  on  accable  les  indi- 
gènes, mais  il  est  contrôlé  et  utilisé  par  les  gouvernants  étrangers.  De 
même,  les  ressources  du  sol  ne  sont  développées  qu'au  seul  profit  des 
conquérants  ;  et  l'on  est  en  droit  de  dire  que  le  peu  de  bien-être,  que 
cette  prospérité  nouvelle  apporte  au  peuple  devenu  sujet,  est  largement 
compensé  par  l'obligation  de  se  taire,  devant  ce  crime  social  qu'est  la 
perte  de  l'indépendance. 

Il  est  bien  plus  difficile  encore  de  parvenir  à  la  conciliation  lorsque 
la  région  conquise  est  placée  sous  le  monopole  administratif  d'une  com- 
pagnie. Des  millions  d'Orientaux  ont  été  gouvernes  par  des  compagnies 
européennes;  d'où  il  résultait  que,  si  en  Europe  le  paysan  pouvait 
encore  trouver  quelques  moyens  légitimes  de  revendications  centre  la 
tyrannie  capitaliste,  il  n'y  avait  aucun  autre  moyen  pour  le  sujet  oriental 
de  réagir  contre  les  exactions  d'une  Limited  Company  Riile  que  hi 
rébellion,  toujours  vite  réprimée  par  la  puissance  dont  cette  compagnie 
dépendait.  Et,  devant  un  tel  état  de  chose,  il  était  inutile  de  solliciter 
une  sympathie  quelconque  de  la  presse  d'Europe  pour  les  indigènes, 
habituée  qu'elle  est  d'applaudir  à  tous  ces  glorieux  exploits  de  la  civili- 
sation. 

Avec  une  violence  excusable  à  beaucoup  d'égards,  l'auteur  continue 
son  réquisitoire  contre  la  manière  d'agir  des  grandes  puissances  de 
l'Europe.  Il  est  frappant,  dit-il,  qu'elles  ne  se  contentent  pas  de  refuser 
aux  mahométans  tout  droit  à  l'indépendance.  Surveillant  les  symptômes 
d'un  réveil  possible  dans  une  grande  partie  de  l'Orient,  elles  voudraient 
briser  les  efforts  des  nations  musulmanes  qui  travaillent  à  leur  émanci- 
pation. Maints  exemples  viennent  mettre  en  lumière  les  méthodes 
pratiquées  par  l'Europe  chrétienne.  Des  réclamations  continuelles  sont 
faites,  à  propos  de  rien,  en  pays  musulman.  Elles  sont  toujours  accom- 
pagnées de  menaces,  parfois  d'une  seule  puissance,  mais,  très  souvent 
aussi,  de  plusieurs  puissances  réunies,  et  cela,  toutes  les  fois  que  l'Europe 
a  besoin  de  cacher  quelque  but  égoïste  sous  une  apparence  humani- 
taire. Pour  arriver  aux  concessions  qu'elle  désire,  elle  n'hésite  pas,  sous 
les  prétextes  les  plus  futiles,  à  méconnaître  périodiquement  les  droits 
sacrés  des  peuples  musuhv.ans.  Les  organes  politiques  démontrent  la 
légitimité  de  ce  forfait  et  dénoncent  le  réveil  de  l'Orient  islamique 
comme  un  péril  pour  la  marche  de  la  civilisation. 


424  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 


Ainsi,  le  péril  pan-islamique  est  inventé  ;  cette  mystification  d'un 
correspondant  du  Times,  selon  le  mot  d'un  orientaliste  anglais,  est 
simplement,  pour  M.  Halil  Hâlid,  la  contre-partie  du  fameux  péril 
jaune.  L'invention  en  est  due  beaucoup  plus  à  la  diplomatie  moscovite 
qu'à  l'empereur  d'Allemagne,  malgré  le  vif  intérêt  qu'on  le  soupçonne 
de  porter  à  cette  question.  Le  péril  pan-islamique  n'est  au  fond  qu'une 
sorte  d'épouvantail  agité  par  certaines  personnes  mal  intentionnées 
lorsqu'elles  veulent  commettre  le  crime  de  violer  ou  d'usurper  quelque 
territoire.  Ces  agitateurs  publient  fréquemment,  dans  les  principaux 
journaux  d'Europe,  des  remarques  qui  montrent  ce  que  sont  leurs 
procédés  d'action.  C'est  ainsi,  que  l'un  des  hommes  politiques  français 
les  plus  en  vue  écrivait  un  jour  :  «  Le  rôle  d'un  officier,  qui  voudrait 
entreprendre  de  désagrégrer  les  forces  de  l'Islam,  serait  le  plus  noble  et 
le  plus  utile  qui  puisse  se  jouer  en  ce  pays.  »  Cette  opinion,  ajoute 
notre  auteur,  ne  dénote  pas  seulement  un  chauvinisme  poussé  à  l'extrême, 
mais  encore  un  esprit  de  férocité  que  l'on  est  en  droit  de  considérer 
comme  incompatible  avec  une  société  qui  se  fait  gloire  de  sa  civilisation. 
D'ailleurs,  «  elle  est  bien  en  rapport  avec  l'expansion  de  l'autorité  de  la 
France  dans  les  pays  musulmans  du  nord  de  l'Afrique  ».  Elle  n'en  est 
pas  moins  étrange  dans  la  bouche  d'un  homme,  qui,  «  au  nom  de 
l'humanité  et  de  la  paix  universelle,  professe  publiquement  les  plus 
profondes  sympathies  pour  les  Arméniens  et  les  Bulgares,  sujets  de  la 
Turquie  (i  )  ». 


On  a  fait  des  Musulmans  les  plus  grands  fanatiques  du  monde.  Mais 
leur  fanatisme  n'est  jamais  plus  clairement  démontré,  pourrait-on 
ajouter,  avec  M.  Halil  Hàli'd,  que  par  leur  obstination  à  ne  pas  vouloir 
changer  la  mauvaise  administration  de  leur  gouvernement,  pour  une 
forme  plus  profitable,  imposée  par  quelque  puissance  occidentale. 

Prenons  le  cas  de  la  France.  Celle-ci  n'ayant  pas  de  religion  d'État, 
on  pourrait  supposer  qu'aucune  hostilité  de  sa  part  ne  heurterait  les 
coutumes  et  les  institutions  musuhnanes.  Puis,  les  Français  se  sont 
toujours  distingués,  de  tous  les  peuples  colonisateurs  d'Europe,  par 
leur  remarquable  prédilection  pour  donner  plus  d'étendue  aux  «progrès» 
qu'ils  ont  accomplis  dans  les  pays  primitifs  de   l'Orient.  Eh   bien,  l'in- 

(i)  Halil  Hàlid,  The  Crescent  versus  the  Cross,  p.  210. 


L1V[<ES    ET    BEVUES  425 

troduction  de  la  civilisation  européenne  en  Algérie  n'a  pas  été  le 
résultat  de  cette  pénétration  pacifique  dont  nous  entendons  tant  parler 
à  propos  des  affaires  du  Maroc.  La  France  a  fait  de  longs  et  pénibles 
efforts  pour  créer  le  casus  belli  qui  devait  motiver  sa  descente  en  Algé- 
rie. Peut-on,  ajoute  l'auteur  du  volume,  se  fier  aux  apparences  paisibles 
du  style  des  écrivains  français. 


L'ouvrage  de  M.  Halil  Hâlid  est  d'un  satirisme  aigu  et,  par  suite, 
enclin  à  l'exagération.  .Mais  il  porte  en  lui-même  un  haut  intérêt.  Il  est 
animé  d'un  souffle  généreux  et  le  sujet  est  traité  avec  ampleur.  Dédai- 
gnant l'anecdote,  .\L  Halil  Hâli'd  s'en  tient  aux  faits  généraux,  il  les 
analyse,  pour  mieux  les  grouper  ensuite  en  une  énergique  synthèse,  et 
son  titre,  The  Crescent  versus  the  Cross,  sonne  un  peu  comme  une 
fanfare  guerrière. 

A.  Fevret. 


Le  «  Soudan  égyptien  » 


Ce  fut  de  1897  à  i  qoS  que  M.  Wallis  Budge  parcourut  le  Soudan  et 
réunit  les  matériaux  de  son  ouvrage.  Avant  de  commencer  le  récit  ces 
résultats  obtenus  au  cours  de  sa  mission,  il  nous  donne,  dans  un  long 
chapitre  préliminaire,  le  résumé  des  travaux  accomplis  par  les  explora- 
teurs qui  le  précédèrent  au  Soudan.  En  1698,  Poncet  y  séjourna  deux 
ans  ;  puis  Haggi  Ali,  fonctionnaire  de  l'empereur  d'Ethiopie,  le  Père 
Ch. -F. -Xavier  de  Brevedent  la  parcourent  à  leur  tour.  Peu  de  temps 
après,  Le  Noir  du  Roule  est  chargé  par  Louis  XIV  de  conduire  une 
mission  près  du  souverain  de  l'Abyssinie.  En  outre,  durant  toute  cette 
fin  du  dix-septième  siècle,  une  rivalité  de  prédominance  s'établit  entre 
les  missions  italiennes  de  l'ordre  de  Saint-François  et  les  Pères  de 
Jérusalem. 

(i)  Wallis  Budge  (E.-A.),  The  Egyptian  Sùdân,  ils  his- 
tory  and  monuments,  with  numerous  illustrations.  Lon- 
don,  Kegan  Paul,  Trench,  Triibner  and  C°  L*^  1907;  2  vol. 
in-8,  652  pages  chaque.   Prix  net:  2  livres  2  sh. 


426  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

Au  dix-huilième  siècle,  en  1737,  sur  Tordre  du  roi  Christian  \'I  de 
Danemarlc,  le  capitaine  Lewis  Norden  part  pour  l'Egypte.  Il  suit  le  cours 
du  Nil,  de  novembre  1787  à  février  17^8,  et  consigne  les  résultats  de 
sa  traversée  dans  un  travail  en  deux  volumes,  qui  fut  traduit  en  1757 
à  Londres  par  le  docteur  Peter  Templeman.  En  1768,  James  Bruce,  un 
des  plus  célèbres  de  ces  voyageurs,  atteignit  la  première  cataracte  et, 
au  mois  de  février  de  l'année  suivante,  il  visita  les  mines  d'émeraudes  de 
Gebel  Zumrûd,  décrites  par  Pline,  puis,  en  1770,  il  crut  découvrir  les 
sources  du  Nil.  En  1792,  W.-G.  Brown  arrive  à  Assouan  et  se  rend  dans 
le  Darfour.  Durant  les  années  suivantes,  les  explorateurs  se  succèdent 
sans  interruption  :  Thomas  Legh,  en  1812  ;  Burckhardt,  en  181 3  ;  Wad- 
dington  et  Hanburg,  en  1820.  En  182  i,  Caillaud  parvient  à  la  jonction 
du  Nil  Blanc  et  du  Nil  Bleu  et  partage  avec  Bruce  la  gloire  d'avoir  soit- 
disant  découvert  les  sources  du  Nil,  puis  il  parcourt  toute  la  .'•égion  au 
sud-est  de  Senaar,  glanant  en  route  nombre  de  renseignements  sur  les 
mœurs  et  coutumes  des  habitants  de  Karabîn,  de  Kilgû,  de  "^'ara,  de 
Fâzôgli,  de  Kamâmîl  ;  il  pénètre  dans  la  région  aurifère  d'Abkûlgen  et 
s'arrête  un  moment  à  Barta.  En  i833,  Hoskins  traverse  la  majeure  par- 
tie de  l'Ethiopie.  En  i836,  Russeergg  voyage  en  Egypte  et  en  Nubie.  En. 
1842,  Leipsius  est  chargé  d'une  mission  scientifique  au  Soudan.  Nous 
arrivons  ainsi  à  .\L  ijudge,  l'auteur  du  travail  que  nous  analysons. 


Avant  d'aborder,  dans  le  tome  second  de  son  ouvrage,  l'exposé  com- 
plet de  l'histoire  du  Soudan,  AL  Budge  nous  donne  quelques  détails 
sur  les  connaissances  qu'en  avaientles  écrivains  antiques,  Diodore,  Pline, 
Strabon.  Leurs  dires  sont  sujets  à  caution,  ils  n'en  contiennent  pas 
mioins  des  renseignements  précieux  sur  l'ethnographie  et  la  civilisation 
de  cette  contrée  importante  de  l'Afrique.  Diodore,  surtout,  était  bien 
informé  et  nombre  de  ses  remarques  se  trouvent  contrôlées  par  des 
preuves  archéologiques. 

D'après  Diodore,  les  Éthiopiens  furent  le  peuple  autochtone,  lis  vi- 
vaient en  partie  dans  l'île  de  .Méroe,  en  partie  sur  les  deux  rives  du  Nil. 
I3u  côté  de  l'Arabie,  la  population  se  composait  de  troglodytes  ;  sur  les 
bords  du  fleuve  ou  dans  les  parties  marécageuses  étaient  les  Ichtyopha- 
ges,  les  Chélonophages  et  les  Rhizophages.  La  situation  de  ces  peuples 
toujours  exposés  aux  attaques  des  bétes  féroces  était  fort  précaiie.  Avec 
Strabon  et  Pline,  nous  avons  une  idée  plus  générale  sur  l'étendue  du 
Soudan,  sur  ses  caractères  et  ses  produits. 


LIVRES    ET    REVUES  427 


Abandonnant,  avec  les  dynasties  égyptiennes,  la  partie  archéolo- 
gique, que  M.  Budge,  en  illustre  égyptologue  qu'il  est,  étudie  de  remar- 
quable façon,  nous  suivrons  seulement  avec  lui  l'évolution  soudanaise 
depuis  le  premier  siècle  avant  J.-C.  jusqu'à  nos  jours  (i). 

Le  premier  préfet  romain  d'Egypte  fut  Cyallus,  quila  gouverna  quatre 
ans,  Auguste  étant  empereur.  Il  pacifia  la  contrée,  en  s'entendant  avec 
les  chefs  nubiens,  qui,  presque  tous,  étaient  d'accord  avec  les  révoltés 
égyptiens  contre  le  pouvoir  impérial  et  en  leur  persuadant  que  Rome 
n'en  voulait  nullement  à  leur  indépendance,  mais  désirait  affermir  ses 
droits  sur  la  vallée  du  Nil.  Cyallus  fut  si  vain  de  son  succès  et  se  ren- 
dit si  insupportable  que,  dénoncé  à  Rome,  Auguste  fut  obligé  de  le  faire 
exiler  par  le  Sénat.  Mais,  sous  les  successeurs  de  Cyallus,  les  Nubiens  se 
révoltèrent  de  nouveau,  prirent  Syène,  Élephantine,  Philœ  et  brisèrent 
les  statues  de  César.  Après  une  lutte  meurtrière  contre  la  reine  des 
Éthiopiens  Candace,  Petronius,  successeur  de  Cyallus,  parvint  à  les 
battre,  et  beaucoup  furent  réduits  en  esclavage. 

Sous  le  règne  de  Claude,  les  Romains  entreprirent  divers  essais  se 
rapportant  au  développement  du  commerce  entre  l'Arabie,  l'Inde  et 
l'Egypte,  et  Néron  médita  une  invasion  de  l'Ethiopie  tout  entière,  afin  de 
se  rendre  maître  absolu  des  richesses  de  la  contrée.  Les  empereurs  se 
succédèrent,  emplissant  l'Egypte  de  monuments,  établissant  petit  à  petit 
leur  pouvoir,  et  entretenant  des  relations  amicales  avec  les  tribus  de  la 
Nubie  et  de  l'Ethiopie,  utiles  à  leurs  projets  commerciaux. 

Les  tribus  de  l'Est,  les  Blemyes,  plus  sauvages  et  plus  pillardes,  ne  se 
soumirent  pas;  elles  disposaient,  dans  la  Haute-Egypte, de  forces  impor- 
tantes, qui  leur  permirent,  non  seulement  de  conserver  leur  indépen- 
dance, mais  encore  de  maintenir  toute  la  région  sous  leur  autorité.  Ce 
ne  fut  qu'en  274  après  J.-C.  qu'.\urélien  put  les  défaire,  sans  réussir 
pour  cela  à  les  empêcher  de  poursuivre  leurs  incursions. 

Dioclétien  fut  plus  heureux  ;  il  finit,  à  force  de  ruses  et  de  ménage- 
ments, par  obtenir  un  certain  calme  de  la  part  des  Blemyes,  et  aussi 
des  NobateS)  autre  tribu  guerrière  venue  du  Darfour.  Ni  Juslinicn  ni 
Théodora  ne  suivirent  cet  exemple. 

Les  troubles  recommencèrent  jusqu'à  ce  que  .Aristomaches,  comman- 


(i)  Vol.  II,  pp.  I  à  i5o.  Tableau  tout  à  fait  complet  de  l'Iiistoire  ancienne 
du  Soudan,  avec  une  foule  d'illustrations,  reproduisant  entre  autres  celles  de 
Lepsius  et  qui  font  de  l'ouvrage  un  guide  indispensable. 


428  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

dant  en  chef  les  forces  romaines  en  Egypte,  eût  écrasé  la  révolte  sous  le 
règne  de  Tibère  II  1578-582  après  J.-C). 


Ce  fut  en  641,  nous  dit  AI.  Budge,  que  la  domination  musulmane 
fonda  le  premier  établissement  de  sa  puissance  par  la  prise  de  la  forte- 
resse de  Babylone,  en  Egypte.  'Amr  ibn  Ai-'Asî,  général  du  khalife 
Omar,  s'en  empara  le  9  avril  642,  et  toute  cette  portion  de  la  Nubie  fut, 
dès  lors,  regardée  comme  une  province  du  nouvel  Empire  musulman. 
Trop  faibles  encore  pour  organiser  une  lutte  sérieuse  contre  les  nègres, 
les  Arabes  laissèrent,  durant  quelques  années,  le  champ  libre  aux 
invasions  nubiennes;  puis,  en  652,  'Abd-AIIah  revint,  pour  la  seconde 
fois,  vers  le  Soudan  et  décima  les  noirs  avec  une  impitoyable  rigueur. 
Dongola,  la  capitale  nubienne,  fut  prise  et  les  révoltés,  en  grand  nombre, 
se  virent  réduits  en  esclavage. 

Pourtant,  le  pays  n'était  pas  encore  pacifié  :  en  854,  les  Nubiens  refu- 
sent de  payer  l'impôt  consistant  en  esclaves,  en  chameaux,  en  éléphants 
et  en  girafes,  et  commettent  de  nouvelles  razzias. 

.Muhammad  de  Kumm  marcha  sur  K.ûs  avec  7.000  hommes  et  battit 
'Ali  Bâbà,  le  roi  du  Soudan.  La  lutte  continue  ainsi  durant  plusieurs 
années,  en  87S,  q56,  96g,  sans  résultats  appréciables:  malgré  les  dé- 
faites continuelles  des  Nubiens,  les  Musulmans  ne  parviennent  pas  à  les 
soumettre  à  leurs  croyances  religieuses. 

i^n  1275,  après  un  refus  de  Dâwûd,  roi  de  Nubie,  de  payer  le  tribut, 
les  Mahométans  le  poursuivirent,  s'emparèrent  de  son  frère,  de  sa  mère 
et  de  sa  sœur;  lui  seul  échappa,  mais  le  Soudan  fut  annexé,  sans  pour 
cela  perdre  complètement  son  indépendance  ;  il  garda  ses  rois  et  ne  se 
soumit  que  le  moins  possible,  comme  en  témoignent  les  intrigues  des 
Amaï,  des  Kerenlie,  des  Kanz  ad-Do\vlah  et  autres  souverains  de  la 
Nubie  pendant  la  durée  du  quatorzième  siècle. 

Comme  le  montre  .M.  Budge,  un  des  principaux  obstacles  que  les 
Musulmans  eurent  à  vaincre  au  Soudan,  avait  été  le  christianisme.  Dès 
la  première  moitié  du  sixième  siècle,  la  religion  chrétienne  était  devenue 
officielle  en  Nubie  et  le  royaume  chrétien  de  Dongola  arrêta  pendant 
700  ans  les  efforts  de  l'Islam. 


Laissant  à  nos  lecteurs  que  le  développement  de  l'Islam  au  Soudan 
pourrait  intéresser,  le  soin  d'en  lire  les  étapes  compliquées  dans  l'admi- 
rable ouvrage  de  M.  Budge,  et  afin  de  ne  pas  dépasser  les  bornes  d'un 
compte  rendu,  nous  résumerons  simplement  les  phases  de  son  histoire 
depuis  le  dix-huitième  siècle,  époque  où  le  Soudan  dut  une  pacification 


LIVRES    ET    REVUES  429 

relative  à  la  domination  osmanlie.  En  1772,  Muiiammad  Abu  Dha- 
bàb,  un  des  généraux  du  fameux  'Ali  Bey  qui  avait  essayé  de  s'affran- 
chir du  joug  turc  et  de  se  créer  un  royaume  indépendant  en  Egypte, 
vers  1768,  s'étant,  à  son  tour,  révolté  contre  son  maître,  fut  fait  pacha 
d'Egypte  par  le  Sultan.  Après  sa  mort,  le  pouvoir  se  partagea  provisoi- 
rement entre  Ismà'îl  Bey  et  Mûrad  Bey,  qui  voulurent  aussi  conserver 
leur  indépendance.  En  i  785,  le  Sultan  envoya  contre  eux  le  grand 
amiral  Masan,  qui  fit  reculer  les  rebelles  jusque  dans  la  Haute-Egypte  ; 
mais,  rappelé  par  les  hostilités  russo-turques,  il  ne  put  terminer  sa  cam- 
pagne et  Ismà'îl  revint  au  Caire,  où  il  reprit  son  titre  de  Sheîkh  al-Balad  : 
il  muurut  de  la  peste  en  1790. 

Au  mois  de  mai  1798,  l'expédition  française,  commandée  par  le  géné- 
ral Bonaparte,  arrivait  en  Egypte  et,  le  5  juillet,  prenait  Alexandrie. 
Deux  années  plus  tard,  Murâd  Bey  fut  constitué  gouverneur  d'une  par- 
tie de  la  Haute-Egypte  par  Kléber  et,  au  mois  de  septembre  de  la  même 
année,  les  Français  évacuaient  l'Egypte.  Parmi  ceux  que  le  Sultan  avait 
envoyés  pour  combattre  contre  la  France,  se  trouvait  un  Albanais  du 
nom  de  Muhammad  'Alî,  né  à  Cavalla,  en  i7t">8.  Il  s'était  marié  avec  la 
fille  du  gouverneur  de  sa  ville  natale  et  en  eut  trois  fils,  Ibrahim,  Tu- 
sûn  et  Ismâ'îl.  A  làge  de  trente  ans,  il  fut  envoyé  avec  son  beau-frère 
'Ali  Aghâ  et  trois  cents  hommes  pour  attaquer  les  Français.  Ce  fut, 
d'ailleurs,  la  cause  de  l'anarchie  qui  régna  après  l'évacuation  :  les  .\lam- 
lùks  ne  reconnaissant  comme  chef  que  le  leur,  Al-Ghuzz,  les  Albanais 
voulant  s'imposer,  Muhammad  Khusrù,  fait  pacha  d'Egypte  après  le 
départ  des  Français,  marcha  contre  eux  avec  une  armée  de  14.000  hom- 
mes, mais  il  fut  défait  et  ses  armes  et  bagages  tombèrent  entre  les  mains 
des  ennemis. 

Pendant  deux  ans,  le  Caire  et  la  région  du  Delta  furent  le  théâtre  de 
luttes  et  de  désordres, qui  ne  s'arrêtèrent  qu'apiès  l'élection  de  Muham- 
mad 'Aiî  comme  pacha  d'Élgypte,  parles  habitants  du  Caire,  à  la  fin  de 
mai  i8o5. 


En  1819,  Muhammad  'Ali  se  résolut  à  conquérir  le  Soudan  :  1°  afin 
de  donner  une  occupation  à  ses  troupes,  et  2°  pour  se  procurer  l'or  qui 
passait  pour  y  exister  en  quantité  fabuleuse.  Il  espérait  ainsi  pouvoir 
réunir  une  énorme  quantité  d'esclaves  et  fonder  une  puissance  militaire 
formidable.  En  1820,  il  constitua  une  armée  forte  de  5. 000  Arabes  et 
Turcs  et  l'envoya  en  Nubie,  sous  le  commandement  de  son  jeune  fils 
Ismâ'il.  Celui-ci  s'avança  jusqu'à  Dongola,  détruisit  de  fond  en  comble 
le  pouvoir  des  Mamlûks,  multipliant  de  terribles  atrocités.  Il  atteignit 
ensuite  Khartum  et  s'empara  de  Senaar  sans  combat. 


^3o  BEVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

Dès  qu'Ismâ'îl  fut  devenu  le  maître  du  royaume  de  Senaar.  Muham- 
mad'Alî  envoya  Muhammad  Bey  vers  le  Kordofan.  Après  une  longue 
lutte,  il  réussit  à  mener  à  bien  la  mission  qui  lui  était  confié.  Sur  ces 
«ntrefaites,  Ismâ'il  ayant  été  la  victime  d'une  conjuration  suscitée  par 
Nîmr,  roi  de  Shendi,  Muhammad  revint  jusqu'à  cette  ville  et  s'y  livra 
à  d'épouvantables  représailles. 

A  partir  de  1825,  les  gouverneurs  turcs  se  succèdent  dans  le  Soudan. 
Toujours  en  guerre  contre  les  tribus  soit  des  Shillùks,  soit  des  Sab- 
derât,  soit  des  Abyssins,  décimés  par  des  épidémies  de  toutes  sortes,  ils 
maintiennent  opiniâtrement  leur  position,  nous  dit  M.  Budge,  dans 
cette  contrée  qui  leur  fournit  l'or  et  les  esclaves.  Leur  Gouvernement, 
obligé  de  s'appuyer  sur  les  forces  militaires,  est  trop  souvent  d'une 
rigueur  e.xcessive.  .Accablé  d'impôts,  que  des  soldats  sont  chargés  de 
percevoir,  le  pays,  loin  de  prospérer,  s'appauvrit  encore.  Le  sol,  ingrat, 
difficile  à  cultiver,  est  complètement  abandonné  et  sans  l'ivoire,  dont  le 
trafic  se  fait  par  le  Nil  Blanc,  sans  le  commerce  des  esclaves,  Khartoum 
.aurait  vite  cessé  d'exister. 

Pourtant  Ismâ'il  Pâshâ,  gouverneur  en  i852,  essaya  d'arrêter,  sur  la 
prière  des  puissances  européennes,  le  commerce  des  esclaves,  mais,  dès 
qu'il  eut  donné  des  ordres  à  ce  sujet,  il  fut  accusé  de  nuire  au.x  inté- 
rêts de  la  contrée,  d'être  un  mauvais  Musulman  et  de  chercher  un  pré- 
texte pour  annexer  le  bassin  du  Nil  tout  entier.  Pour  remédier  à  cet 
-état  de  choses  déplorable,  le  khédive  Ismâ'îl  confia,  en  1869,  à  sir  Sa- 
muel Baker  le  soin  de  réorganiser  le  Soudan  :  il  devait  entre  autres 
supprimer  le  trafic  des  esclaves,  introduire  un  système  de  commerce 
régulier,  ouvrir  les  lacs  équatoriaux  à  la  navigation,  et  enfin  établir  à 
travers  l'Afrique  Centrale  une  chaîne  de  stations  militaires  et  de  comp- 
toirs, distants  les  uns  des  autres  de  trois  jours  de  marche,  Gondokoro 
servant  de  base  d'opérations.  Baker,  investi  d'un  pouvoir  suprême  et 
illimité,  arriva  le  i5  avril  1871  à  Gondokoro;  le  26  du  même  mois,  il 
annexait  officiellement  la  contrée  à  l'Egypte;  le  14  mai  de  l'année  sui- 
vante, à  .Masinda,  il  prenait  possession  formelle,  au  nom  du  Khédive, 
du  pays  d'Unyoro.  En  même  temps,  il  rétablissait  le  commerce, 
construisait  des  forteresses  à  Masinda,  Fatikoet  Fuwêra,  et  réorganisait 
la  justice.  En  1873,  il  entra  en  relations  amicales  avec  M'tesa,  roi  de 
l'Uganda,  et  la  domination  égyptienne  put  s'étendre  ainsi  jusqu'à  deu.x 
degrés  de  l'Equateur.  En  avril  1873,  le  terme  de  son  mandat  étant  ex- 
piré, Baker  revint  au  Caire,  qu'il  atteignit  le24  août,  après  avoir  com- 
plètement réussi  dans  sa  mission  et  aboli  le  trafic  humain  entre  K.har- 
toum  et  Gondokoro. 


LIVRES    ET    REVUES  4  3  I 

En  1874,1e  colonel  Gordon  fut  chargé  d'achever  ce  que  Baker  avait 
si  bien  commencé.  Il  arriva  le  i5  avril  à  Gondokoro  tl  s'occupa,  de 
suite,  à  consolider  le  pouvoir  égyptien  dans  cette  contrée.  Il  établit  de 
nouvelles  garnisons,  supprima  le  commerce  des  esclaves  sur  plusieurs 
points  du  Bahr-az-Zaraf  et  fonda  une  station  sur  le  Sabat,  afin  de  con- 
trôler le  commerce  en  amont  et  en  aval  du  Nil  Blanc.  A  la  même 
époque,  afin  d'anéantir  plus  sûrement  le  commerce  des  esclaves,  le 
Khédive  d'Egypte  fit  occuper  le  Darfour,  centre  du  trafic,  par  Zubeïr  et 
Ismâ'il  Yakùb  Pàshà.  Pendant  ce  temps,  Gordon  soumettait  les  trente- 
cinq  cheikhs  de  la  région  de  Gondokoro.  En  mars  1876,  Gyessi,  sur 
l'ordre  de  Gordon,  parcourait  le  lac  Victoria  Nyanza,  mais  tous  les 
efforts,  pour  arrêter  le  commerce  des  esclaves,  se  brisèrent  contre  le 
mauvais  vouloir  d'Ismâ'îl  Yakùb  Pâshâ,  gouverneur  du  Soudan.  Au 
mois  de  février  1877,  le  Khédive  nomme  Gordon  gouverneur  général  du 
Soudan,  ave;  ordre  d'arrêter  à  tout  prix  le  trafic  des  esclaves  et  de  s'allier 
avec  le  roi  Jean  d'Abyssinie.  Gordon  parvient,  au  moins  pour  un 
temps,  à  faire  disparaître  les  convois  des  négriers.  .Mais  c'est  vers  cette 
époque  que  Muhammad  Ahmad  se  proclama  Mahdî,  au  mois  de  mai 
1881.  Une  lutte  opiniâtre,  dont  M.  Budge  nous  conte  tous  les  détails, 
commença  entre  .Muhammad  Ahmad  et  le  général  Gordon;  elle  devait 
se  terminer,  le  26  janvier  i885,  par  la  mort  du  glorieux  gouverneur  gé- 
néral tué  lors  de  la  prise  de  Khartoum.  La  puissance  du  Mahdisme  ne 
disparut  qu'après  une  difficile  campagne  au  mois  de  décembre  1899. 
Au  mois  d'août  igoS,  un  autre  religieux  fanatique  nommé  Adam  essaya 
de  se  faire  proclamer  .Mahdî,  mais  il  fut  pris  et  tué  par  les  Egyptiens. 
Depuis  1904  les  efforts  du  gouvernement  soudanais,  pour  pacifier  et 
enrichir  la  contrée,  semblent  devoir  aboutir  :  les  districts  sont  surveil- 
lés, des  postes  établis,  par  exemple,  entre  la  rivière  Setît  et  Kallâbàt, 
et  les  incursions  des  pillards  abyssins  enrayées.  Ces  routes  de  com- 
merce ont  été  ouvertes  pour  le  plus  grand  bénéfice  des  naturels. 


Donner  un  compte  rendu  d'une  oeuvre  de  1200  pages,  dont  toutes 
les  parties  sont  liées  et  découlent  les  unes  des  autres  par  une  pensée 
logique,  n'est  pas  un  travail  facile.  Nous  avons  tenu  à  résumer,  bien 
imparfaitement  d'ailleurs,  la  partie  historique  du  volume,  qui  met 
en  lumière  combien  la  politique  musulmane  fut  tenace  et  persévérante 
dans  le  Soudan,  avec  quelle  patience,  depuis  le  septième  siècle,  elle 
poursuivit,  sans  que  rien  put  décourager  ses  efforts,  son  œuvre  de 
pénétration. 

Nous  ne  voudrions  pas  cependant,  abandonner  tout  à  lait  les  autres 


432  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

parties  de  l'ouvrage,  véritable  encyclopédie  du  Soudan,  si  l'on  pouvait 
donner  ce  titre  à  un  travail  si  savant  et  d'un  tel  développement. 
M.  Budge  nous  décrit  les  provinces,  leurs  principales  villes  et  leurs 
habitants.  La  première  classe  des  provinces  groupe  huit  divisions, 
dont  la  province  de  Khartoum,  celles  de  Senaar,  du  Darfour,  du  Bahr- 
al-Ghazal  et  de  Dongola.  La  seconde  classe  comprend  la  province  du 
Nil  Blanc,  celles  de  la  Rivière  Rouge,  de  Mongallo,  de  Halfa,  etc. 

A  propos  de  chacun  de  ces  districts,  M.  Budge  étudie  l'histoire  lo- 
cale, les  habitants  :  Denkas,  Gûrs,  Bongos,  Golos,  Ndoggos  Niam- 
Niam,  etc.;  le  commerce:  ivoires  et  peau.x  dans  le  Bahr-al-Ghazal; 
l'industrie  des  mines  d'or  comprises  entre  le  26^  et  le  20^  parallèle  de 
latitude  nord,  c'est-à-dire  depuis  Kena  jusqu'à  l'est  de  la  Rivière  Rouge; 
l'art  architectural  :  la  mosquée  de  K-hartoum  par  exemple;  et  l'art  des 
métaux,  comme  les  célèbres  filigranes  d'or.  Une  à  une,  M.  Budge 
étudie  toutes  les  questions,  nous  donnant  des  statistiques  sur  les 
revenus  et  les  budgets  du  Soudan,  sur  ses  routes  et  ses  voies  ferrées  : 
C'est  le  chemin  du  Caire  à  Khartoum,  celui  de  Khartoum  au  Kordofan, 
et  toutes  les  lignes  de  moindre  importance  qui  relient  entre  elles  les 
stations  de  l'Est  soudanais.  En  1906,  de  nouvelles  lignes  furent  inaugu- 
rées :  celle  d'Atbara  à  Suwâkin  et  à  Port-Sûdân,  au  mois  de  février  ; 
celle  d'Abù  Hamed  à  Karèma,  au  mois  de  mars. 

Quels  sont, à  l'heure  actuelle,  les  progrès  du  Soudan  ?  M.  Budge,  dans 
le  dernier  chapitre  de  son  deuxième  volume,  nous  les  indique,  d'après 
l'opinion  de  Slatin  Pâshâ.  Aujourd'hui,  l'autorité  du  Gouvernement 
est  reconnue,  aussi  bien  par  les  indigènes  sédentaires,  que  par  les 
Arabes  nomades;  les  populations  sont  devenues  plus  actives  et  envoient 
leurs  enfants  aux  écoles  officielles  ;  le  commerce  a  pris  de  l'exten- 
sion, celui  des  esclaves  ne  se  manifeste  plus  que  par  des  cas  isolés, 
grâce  à  une  police  bien  comprise.  La  sécurité  s'établit  à  peu  près  par- 
tout. 


Les  deux  volumes  de  .\l.  Budge  sont  ornés  de  multiples  gravures  et 
reproductions  d'une  remarquable  netteté,  et  qui  résument  pour  ainsi 
dire  le  texte.  Les  planches  archéologiques  ont  été  gravées  avec  un  soin 
extrême.  De  plus,  une  bibliographie  complète  du  Soudan  et  un  index 
alphabétique  ajoutent  encore  une  plus  grande  valeur  scientifique  à  cet 
ouvrage  fondamental. 

A.  Fevret. 


LIVRES    ET    REVUES  433 


L'  «  AJhambra  ». 


La  presse  espagnole  donnait,  il  y  a  quelques  jours,  une  nouvelle  qui 
a  causé  une  vive  émotion,  à  l'étranger  tout  autant  qu'en  Espagne.  L'AI- 
hambra  menaçait  ruine,  et  le  danger  était  imminent.  Déjà,  le  mur  sep- 
tentrional de  la  tour  de  Comarès  s'était  effondré,  son  magnifique  salon 
et  ses  alentours  immédiats  pouvaient,  eux  aussi,  s'écrouler  au  premier 
jour. 

Dans  une  longue  et  intéressante  chronique,  le  correspondant  à  Ma- 
drid du  Journal  des  Débats  énumérait  les  dangers  de  destruction  qui 
menacent  l'Alhambra;  ces  dangers,  malheureusement,  proviennent  de 
la  nature  du  sol  et  de  la  structure  même  de  l'édifice.  Il  est  donc  pos- 
sible que  cette  destruction  soit  inévitable  dans  un  avenir  plus  ou  moins 
éloigné;  du  moins  le  devoir  de  l'Espagne  est  de  retarder,  le  plus  long- 
temps qu'elle  pourra,  la  fatale  échéance.  Peu  de  chose,  jusqu'ici,  avait 
été  fait  dans  ce  but;  aussi  tous  les  amis  de  l'art  applaudiront-ils  à  la 
campagne  que  vient  d'entreprendre,  en  faveur  du  plus  célèbre  et  du 
plus  élégant,  sinon  du  plus  parfait  monument  de  la  domination  arabe 
en  Espagne,  un  journal  local,  El  Defensor  de  Granada,  qui  a  fourni, 
avec  preuves  à  l'appui,  les  détails  les  plus  minutieux  sur  les  dangers 
que  court  l'Alhambra. 


Au  moment  où  cette  triste  nouvelle  se  répandait,  une  deuxième  édi- 
tion, dédiée  au  roi  d'Espagne  Alphonse  XIII,  du  magnifique  ouvrage 
consacré  par  M.  Albert  F.  Calvert  à  l'Alhambra  (i),  venait  de  paraître. 
Ce  livre,  d'une  importance  capitale  pour  l'art  musulman  et  la  domi- 
nation arabe  en  Espagne,  devient,  dans  les  circonstances  actuelles,  le 
plus  éloquent  plaidoyer  en  faveur  de  la  préservation  du  palais  des  rois 
de  Grenade. 

(i)  A. -F.  Calvert,  The  Alhambra,  being  a  brief  record 
of  Ihe  Arabian  conqiiest  ofthe  Peninsula  with  a  particular 
account  oj  the  Mohammedan  Architecture  and  Décora- 
tion. London,  John  Lane,  1907;  in-4,  Lvi-480  pp.,  avec 
nombreuses  figures  dans  le  texte  et  hors  texte,  dont  80  en 
or  et  en  couleurs.  42  sh.  net. 

II.  28 


434  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

Bien  des  ouvrages  coûteux  et  recherchés  existaient  sur  i'Alhambra. 
Mais  on  cherchait  vainement  un  «  souvenir  »  de  ce  qu'on  a  pu 
appeler,  sans  exagération,  «  la  Mecque  de  l'art  mauresque  »  et  «  le 
glorieux  sanctuaire  de  l'Espagne  ».  En  d'autres  termes,  un  livre  com- 
prenant une  histoire  concise  de  i'Alhambra,  avec  sa  description  et 
accompagnée  de  planches  représentant  les  chefs-d'œuvre  d"art  de  ce 
merveilleux  monument,  restait  à  fuire.  Quand  il  eut  visité  I'Alhambra, 
M.  Calvert  résolut  de  combler  cette  lacune. 

Pour  écrire  The  Alhambra,  M.  Calvert  a  utilisé,  tant  au  point  de 
vue  artistique  qu'au  point  de  vue  historique,  tout  ce  qui  avait  été  pu 
blié  avant  lui  par  Gayângos,  Raphaël  Contreras,  Dozy,  Stanley  Lane 
Pooie,  le  prince  Dolgorouki,  Owen  Jones,  eic:  il  a  utilisé,  à  l'occa- 
sion, les  reproductions  déjà  faites  des  chefs-d'œuvre  de  I'Alhambra 
et  a  eu  recours  à  la  vaste  érudition  du  conservateur  de  ce  monu- 
ment. Don  Mariano  Contreras;  mais  son  travail  personnel  n'en  a 
pas  moins  été  considérable,  et  son  œuvre  présente  un  caractère  vrai- 
ment original.  Elle  a  été,  du  reste,  accueillie  comme  elle  le  méritait. 
Une  deuxième  édition  en  étant  devenue  nécessaire,  M.  Calvert  et  s^n 
intelligent  éditeur  n'ont  pas  voulu  se  borner  à  une  réimpression.  De 
nombreuses  planches,  dont  plusieurs  en  couleurs,  empruntées  pour 
une  partie  à  des  ouvrages,  tels  que  les  Momnyientos  Arquitectonicos 
de  Espafia,  ont  été  ajoutées;  elles  montrent  les  rapports  qui  exis- 
tent entre  la  décoration  de  I'Alhambra  et  celle  des  monuments  de 
Cordoue  et  de  Séville,  rapports  que  l'auteur  avait  signalés  dans  un 
ouvrage  qui  est  le  complément  de  celui-ci,  Moorish  Remains  in 
Spain.  Imprimée  sur  un  papier  spécial,  la  deuxième  édition  de  The 
Alhambra  est,  avec  ses  magnifiques  illustrations,  un  véritable  chef- 
d'œuvre  de  typographie. 

Dans  l'introduction.  M.  Calvert  résume  rapidement  l'histoire  du 
royaume  de  Grenade  sous  la  domination  musulmane,  puis,  entrant  en 
olein  dans  son  sujet,  il  fait  un  exposé  de  l'art  et  de  l'ornementation 
arabes  à  cette  période.  Des  figures,  représentant  des  inscriptions,  des 
mosaïques,  des  chapiteaux,  des  colonnes,  viennent  appuyer  et  éclairer 
cet  exposé.  11  est  à  remarquer  que,  dans  cette  ornementation,  les 
formes  géométriques  dominent.  Les  couleurs  primitives,  bleu,  rouge, 
jaune  (or),  sont  les  plus  fréquemment  employées;  le  pourpre,  le  vert 
et  l'orange  ne  le  sont  que  dans  les  mosaïques.  Le  vert,  qu'on  remarque 
dans  certaines  décorations,  semble  avoir  été,  à  l'origine,  un  bleu  à 
reflets  métalliques,  qui  aurait  changé  de  teinte  avec  le  temps.  Quant 
aux  nuances  verte  et  pourpre,  on  les  trouve  souvent  dans  les  «  restau- 


LIVRES    ET    PEVUES  ^35 

rations  »  opérées  après  la  conquête  chrétienne.  On  sait  quel  parti  ont 
su  tirer,  de  ces  nuances,  les  artistes  musulmans,  à  quels  merveilleux 
résultats  ils  sont  parvenus. 

Le  premier  chapitre  de  l'ouvrage,  l'Alhambra,  est  consacré  à  l'his- 
toire des  Maures  d-Espagne,  depuis  leur  entrée  dans  ce  pays  jusqu'aux 
jours  où  leurs  derniers  descendants  en  furent  chassés,  pour  le  plus 
grand  malheur  de  l'Espagne,  qui  perdait  en  eux  des  sujets  industrieux 
et  actifs.  M.  Calvert  énumère  les  dégradations  dont  TAlhambra  fut 
I  objet,  une  fois  la  domination  musulmane  détruite.  Parmi  les  illustra- 
tions, il  faut  citer  celle  de  la  Tour  de  la  Captive  (Isabelle  de  Solis). 

Avec  les  chapitres  suivants  nous  restons  dans  l'histoire.  L'un  retrace 
la  carrière  du  fondateur  de  l'Alhambra,  Mohammed  I"  (1232-1272) 
qui,  à  son  retour  du  siège  de  Séville,  en  1248,  décidait  la  construction 
de  cet  admirable  monument,  construction  qui  se  Ht  sous  ses  yeux,  et 
qu'il  suivit  avec  intérêt.  L'autre  est  consacré  à  Yoûsouf  III  (i333-i  354) 
qui  acheva  l'Alhambra  et  à  qui  on  attribue  la  construction  de  la  Tour 
du  Vin,  de  la  Salle  des  Deux  Sœurs,  du  Bain  du  Sultan  et  de  la  Cour 
des  Myrtes. 

Mais,  avec  les  Tours,  les  Cours  et  les  Salles  de  l'Alhambra,  Fhistoire 
cède  la  place  à  l'art  et  à  l'archéologie.  M.  Calvert  décrit  successive- 
ment la  Porte  de  Justice,  construite  par  Yoûsouf  l"  en  i33S,  la  Salle 
du  Tribunal,  la  Fontaine  et  la  Cour  des  Lions,  dont  les  sculptures 
représentant  des  êtres  animés,  ont  été  attribuées  à  des  artistes  chrétiens' 
d  après  la  conquête,  commes  les  peintures  de  la  Salle  de  Justice,  dont 
les  reproductions  sont  données. 

M.  Calvert  fait  une  description  détaillée,  accompagnée  de  plu- 
sieurs planches,  des  Deux  Sœurs;  cette  partie  de  l'Alhambra  méritait 
en  effet,  d'être  décrite  en  détail,  et  il  en  est  peu  qui  produisent  une 
impression  pareille  sur  les  visiteurs.  Le  balcon  de  Lindaraja  est  une 
véritable  merveille.  On  doit  aussi  une  mention  spéciale  à  El  Jarro  ce 
beau  vase  arabe  à  reflets  métalliques  conservé  au  musée  de  l'Alhambra 

Une  série  de  planches  en  or  et  couleurs,  d'une  exécution  tout  à 
fait  remarquable,  est  intercalée  dans  cette  partie  du  texte.  Les  planches 
nous  montrent  les  détails  de  l'ornementation  mauresque  et,  mieux  que 
la  description  la  plus  e.xacteet  la  plus  minutieuse,  permetientde  se  rendre 
compte  de  ce  qu'était  celte  ornementation  si  curieuse  et  si  originale 

A  la  Salle  des  Abencerrages  se  rattache  une  légende  tragique.  Trente- 
six  chevaliers,  les  plus  nobles  de  Grenade,  v  auraient  été  immolés  pour 
satisfaire  la  lalousie  ou  apaiser  les  craintes  d'un  tvran;  on  montre  sur 
le  marbre  dont  la  salle  est  pavée,  la  place  où  leur  sang  a  coulé.  Bien 
que  des  restaurations   nombreuses  aient  altéré  son  caractère,   la  Salle 


436  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

des  Abencerrages  n'en  est  pas  moins  remarquable  au  point  de  vue 
artistique. 

Par  la  simplicité  de  son  architecture,  la  Cour  du  Vivier,  ou  Cour  des 
Myrtes,  contraste  avec  les  autres  parties  de  l'Alhambra;  selon  la 
remarque  de  M.  Calvert,  on  pourrait  se  croire  transporté  de  Grenade  à 
Damas. 

La  Cour  des  Lions  est  peut-être,  de  toutes  les  parties  de  l'Alhambra, 
la  plus  célèbre.  Ses  magnifiques  mosaïques,  sa  décoration  en  or  et  en 
couleurs,  ses  galeries,  son  temple,  et  surtout  sa  magnifique  fontaine 
supportée  par  les  douze  lions  de  marbre  qui  lui  ont  valu  ce  nom,  en 
font  une  des  œuvres  les  plus  remarquables  de  l'art  musulman. 

Toutes  les  ressources  de  cet  art  ont  été  déployées  dans  la  décoration 
de  la  Salle  des  .Ambassadeurs,  qui  présente  une  variété  inouïe  de  com- 
binaisons de  couleurs  et  de  dessins.  Ses  mosaïques  sont  de  toute 
beauté,  et  les  ornements  en  relief  de  chaque  dîwân  sont  aussi  chan- 
geants que  les  motifs  de  mosaïques. 

Une  galerie  moderne  défigure  la  Cour  de  la  .Mosquée,  dont  on  peut, 
toutefois,  reconstituer  assez  facilement  le  tracé,  et  dont  les  inscriptions 
n'offrent  pas  d'intérêt.  La  grande  mosquée,  chef-d'œuvre  d'architec- 
ture construit,  en  i3o8,  par  Mohammed  III,  a  été  détruite  sous  l'occu- 
pation française,  dit  Gayângos;  Ibn  Al-Khatîben  a  laissé  la  description. 
Transformée  en  chapelle,  l'ancienne  mosquée,  qui  existe  encore,  a  con- 
servé des  traces  nombreuses  de  son  ancienne  destination. 

Les  Bains  de  l'Alhambra  se  font  remarquer  par  leur  caractère  artis- 
tique; mais  leur  disposition  ne  diffère  pas  de  celle  qu'ont,  en  Orient, 
les  édifices  de  ce  genre. 

Du  Jardin  et  du  Belvédère  si  pittoresque  de  la  sultane  Lindaraja, 
nous  passons  au  Cabinet  de  Toilette  de  la  Reine,  près  duquel  habitait, 
en  1829,  Washington  Irving;  aux  Tours  des  Sept-Étages,  des  Pics,  de 
Comarès,  de  la  Garde,  des  Infantes,  du  Captif,  de  l'Hommage,  de 
l'Aqueduc  et  des  Dames.  Le  .Musée,  salle  voisine  de  la  Cour  des  Lions, 
où  on  a  réuni  un  certain  nombre  d'œuvres  d'art  musulman,  contient, 
entre  autres,  des  bas-reliefs  représentant  des  animaux,  et  dans  lesquels 
on  retrouve  l'influence  grecque  et  des  survivances  du  culte  mithriaque; 
ces  sculptures  soulèvent  un  problème  curieux,  mais  dont  la  solution 
n'est  pas  encore  donnée. 

Le  Palais  de  Charles-Quint,  vaste  construction  dont  l'idée  grandiose 
ne  put  être  réalisée,  contraste  avec  les  édifices  de  la  domination  arabe. 
Il  n'en  est  pas  de  même  du  Quarto  Real  ou  Généralife,  maison  de  plai- 
sance des  rois  de  Grenade,  dont  les  galeries,  les  jardins,  les  inscriptions 
et  les  mosaïques  transportent  d'admiration  le  visiteur. 


LIVRES    ET    REVUES  437 

Avec  la  Maison  du  Charbon  et  la  Maison  Sanchez  se  termine  la  des- 
cription de  l'Alhambra.  Dans  un  Appendice,  M.  Calvert  a  donné  un 
choix  de  ballades  mauresques-espagnoles,  prises  dans  les  traductions 
de  John  Gibson  Lockbart.  L'n  index,  enfin,  vient  faciliter  les  recherches. 


Nous  croyons  pouvoir  terminer  cette  analyse  du  beau  livre  de 
M.  Calvert  par  quelques  mots  sur  ses  illustrations,  bien  que  nous  en 
ayons  déjà  parlé.  Elles  nous  montrent  quel  parti  les  artistes  musulmans 
avaient  su  tirer,  pour  l'ornementation  de  l'Alhambra,  de  couleurs  peu 
nombreuses  et  qui  souvent,  à  première  vue,  semblaient  devoir  produire 
un  ensemble  désagréable  à  l'œil.  Avec  un  goût  des  plus  délicats,  ils 
ont  obtenu  de  merveilleux  effets, dans  leurs  mosaïques,  de  l'assemblage 
du  violet  foncé,  du  bleu  pâle  et  du  vert  foncé.  D'autres  combinaisons, 
dans  lesquelles  le  jaune  orange,  le  rouge  brun  et  le  jaune  viennent 
s'ajouter  à  ces  teintes,  ne  sont  pas  moins  harmonieuses.  Toutefois, 
c'est,  à  notre  avis,  dans  les  ornementations  architecturales,  où  le 
bleu  et  le  rouge  sont,  avec  l'or,  les  seules  couleurs  employées,  que  les 
artistes  de  Grenade  sont  arrivés  à  leurs  plus  remarquables  résultats.  La 
délicatesse  de  leurs  dessins  révèle  l'influence  persane  ;  quant  au  rôle 
que  la  calligraphie  joue  dans  l'art  musulman,  aux  motifs  gracieux 
qu'elle  fournit,  ils  sont  trop  connus  pour  qu'il  soit  nécessaire  d'insister 
sur  ce  point. 

L.    BOLV.AT. 

L' «  Annuaire  du  caïdat  de  Zaghouan  »('). 

C'est  M.  P.  Ducroquet,  propriétaire  à  Zaghouan,  qui  a  entrepris,  en 
1906,  la  publication  de  cet  Annuaire,  dans  le  seul  but  d'être  utile 
aux  habitants  de  la  région  où  il  s'était  fixé.  L'accueil  fait  à  son  œuvre 
montre  que  ce  but  a  été  atteint  et,  avec  La  Tunisie  Française  du 
22  décembre  1906,  nous  souhaitons  que  chaque  caïdat  tunisien  fasse 
paraître,  bientôt,  un  Annuaire  semblable,  conçu  dans  le  même  esprit 
et  rendant  les  mêmes  services. 

En  dehors  des  renseignements   généraux  que   fournit  toute  publica- 
tion de  ce  genre,  nous  trouvons,  dans  l'Annuaire  du  caidat  de  Za- 
ghouan pour  1907,  une  foule  de  notices,  extrêmement  variées,  sur  tous 
les  sujets  pouvant  intéresser  les  colons  du  caïdat.  La  législation  local' 
les   actes    administratifs  et  surtout  l'agriculture  y  tiennent   une  larg 
part;   mais,  à   côté  des  pages  qui  leur  sont  consacrées,  nous  trouvons 

(1)  Tunis.  Imprimerie  Nouvelle  A.  Fouquet  et  C>^",  et  Zaghouan,  librairie- 
papeterie  D'Amico,  pet.  in-8,  112  pp..  avec  figures.  Pri.\  :   0,60  cent. 


438  REVUE    DU    MONDE   MUSULMAN 

des  articles  d'un  réel  inlérêt  pour  les  personnes  étrangères  à  la  Tunisie; 
il  faut  citer,  entre  autres,  l'étude  de  M.  Georges  Houette,  conducteur 
des  Ponts  et  Chaussées,  sur  l'aqueduc  de  Zaghouan,  qui,  construit  par 
l'empereur  Adrien,  vers  fan  i3o  de  notre  ère,  fournit  d'eau  la  ville  de 
Tunis  (i). 

Un  nouveau  Calendrier. 

Ahmed  Bey  Ismâ'il  Beyoff,  d'Aghdach,  a  composé  et  édité  un  calen- 
drier pour  une  période  de  cent  ans.  Cette  publication  est  imprimée  en 
couleurs,  avec  beaucoup  de  soin,  et  disposée  de  manière  à  pouvoir 
être  suspendue  au  mur.  Son  prix  est  des  plus  minimes,  3o  kopeks  :  l'au- 
teur accepte  les  timbres  en  payement  et  accorde  20  p.  100  de  remise 
aux  personnes  prenant  plus  de  10  exemplaires  {2). 


Un  Jubilé  maçonnique  à  Bombay 


(3). 


Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  signaler  le  rôle  important  des  Loges 
hindoues  du  Rite  écossais  dans  le  mouvement  qui  s'accomplit  aux 
Indes,  au  profit  des  idées  occidentales. 

Celui  des  Loges  de  Perse  n'est  pas  moins  considérable,  et  l'Afghanis- 
tan va  peut-être  imiter  l'exemple  des  pays  qui  l'avoisinent,  puisque 
l'émir  Habibullah  s'est  fait  affilier  à  la  Loge  de  Calcutta,  par  le  général 
Kitchener,  grand-maître  de  district  pour  le  Pendjab. 

La  dignité  du  général  Kitchener  nous  est  révélée  (p.  9)  dans  la  «  Pré- 
face »,  consacrée  par  .\L  Jivanji  Jamshedji  Modi,  le  savant  auteur  de 
nombreux  travaux  d'érudition  sur  les  Parsis,  leur  histoire  et  leurs  ins- 
titutions, au  volume  qui  vient  d'être  publié  récemment  à  Bombav  en 
l'honneur  du  jubilé  du  «  Cinquantenaire  de  la  vie  maçonnique  »  de 
M.  Kharhadji  Rustamji  Cama  '4). 

(i)  P.  65-74. 

(2)  Irchâd,  29  mars, 'm  avril  1907. 

(3)  The  R.-C.  Cama  Masonic  Jubilee  volume,  in  iionour  of  Bro.  Rhars- 
hidji  Rustamji  Cama,  publié  par  Jivanji  Jamhedji  Modi.  Fellow  de  l'Univer- 
sité de  Bombay  (1887)  ;  dipl.  liiteris  et  artibus  (Suède,  1889);  shams  ul 
Ulama  (gouvernement  des  Indes,  1893  |  ;  officier  d'Académie  (France,  1898); 
officier  de  l'Instruction  publique  (France,  1902}.  In-8,  296  pp.,  ill.  Bombay, 
Fort  Printing  Press,  1907. 

(4)  Most  excellent  companion,  grand  superintendant  of  Royal  Arch  Free- 
masonery  in  India  under  Scotland,  honorary  députe,  first  grand  principal 
of  the  Suprême  Grand  Chapter  of  Scotland  . 


LIVRES    ET   BEVUES  439 

Ce  volume  comprend  une  vingtaine  de  «  Contributions  »  de  diffé- 
rents auteurs,  anglais  pour  la  plupart  :  épisodes  de  l'histoire  de  la 
Franc-Maçonnerie,  «  Essais  »  et  même  poésies.  Nous  eussions  sou- 
haité y  trouver  beaucoup  de  renseignements  sur  la  Franc-Maçonnerie 
dans  l'Islam  moderne,  question  particulièrement  intéressante  dans  ces 
pays  d'Asie  où  les  Dais  Ismaéliens  ont  joué  un  rôle  si  considérable  et  con- 
servent une  influence  active.  Notre  espoir  a  été  déçu.  Il  est  peu  ques- 
tion des  Musulmans  dans  la  publication  dédiée  à  M.  Rustamji  Cama, 
qui  est  lui-même  Parsi. 

Voici,  cependant,  quelques  indications  notées  çà  et  là. 

L'introduction  nous  apprend  (p.  26)  qu'il  y  a  des  Loges  parsies,  hin- 
doues et  musulmanes,  de  même  que  des  Loges  européennes.  Dans  ces 
dernières,  ou  du  moins  dans  les  «  Loges  chrétiennes  »,  on  lit  les  Écritures 
saintes.  On  a  suivi  cet  exemple  dans  une  Loge  parsie  de  Bombay,  où 
les  réunions  s'ouvrent  par  la  récitation  de  quelques  passages  du  Zend 
Aresta.  M.  Cama  ayant  proposé,  en  1906,  qu'on  en  fit  autant  dans  sa 
propre  Loge  «  The  Rising  Star  of  Western  India  »,  un  frère  musulman 
réclama  pour  qu'il  en  fût  du  Qoran  comme  du  Livre  sacré  des  Parsis, 
quoique  la  Loge  ne  comptât  qu'un  petit  nombre  de  membres  étrangers 
à  la  religion  de  Zoroa.sire  (ibid.,  p.  2-'.. 

D'après  un  passage  d'un  Essai  de  M.  Pestonjee  Nusservanjee  W'adia, 
ancien  «  Grand  Master  Députe  »,  sur  «  The  Origin  and  Universalily  of 
the  Craft  »,  les  membres  répandus  aux  Indes,  en  Perse  et  en  Syrie  se 
trouveraient  unis  «  en  une  commune  fraternité»  (p.  17). 

Le  même  auteur  revient  encore,  dans  une  autre  forme,  sur  l'idée 
générale  d'une  union  maçonnique. 

11  reconnaît  comme  frères  tous  les  Maçons  qui  respectent  la  Loi,  Chré- 
tiens, Parsis,  Juifs  ou  Musulmans,  sans  distinction  de  religion  (p.  76). 

Dans  une  étude  beaucoup  plus  développée  sur  VHistoire  légendaire 
el  actuelle  de  la  Franc-Maçonnerie ,  AL  Jivanji  Jamshedji  Modi  éta- 
blit un  parallèle  entre  l'usage  musulman  qui  donne  un  rang  social  élevé 
au  Hadji,  et  la  loi  d',\lfred  le  Grand  qui  donnait  au  marchand  le  rang 
de  «  thane  ou   de  gentleman  »  après  trois  grands  voyages  (p.  i3o). 

Plus  loin,  le  même  auteur  dit  qu'il  faut  être  reconnaissant  aux  ancê- 
tres des  «  Frères  musulmans  •»  et  surtout  aux  Musulmans  de  l'Occi- 
dent de  l'impulsion  donnée  durant  le  onzième  siècle  à  l'enseignement 
scholastique  des  «  Sept  Sciences  »  (p.  HO).  «  La  Philosophie,  les  Mathé- 
matiques, la  Physique,  l'Astronomie  et  les  autres  sciences  avaient  leurs 
traités  écrits  en  arabe.  L'École  de  l'Université  de  Salerne,  dans  le 
Royaume  de  Naples,  était  bien  connue  à  cette  époque  par  son  enseigne- 
ment de  la  médecine...  Nous  voyons  ainsi  que  les  anciens  Musulmans 


440  REVUE    DU    MONDE    MUSULMAN 

ont  eu  une  grande  part  à  la  propagation  de  la  connaissance  des  «  Sept 
sciences  libérales  »  dont  fait  partie  notre  branche  spéciale,  la  Géométrie 
ou  Maçonnerie.  Nous  savons  que  le  mot  algèbre  (i),  qui  désigne  une 
branche  de  mathématiques,  est  arabe.  Quelques  personnes  prétendent 
même  qu'Euclide  n'était  pas  un  personnage  réel,  mais  un  être  imagi- 
naire et  que  ce  nom  d'Euclide  est  arabe,  signifiant  la  Clef  (Kilid  aJ.j  )  de 

de  la  Géométrie»  (p.  141). 

Cette  longue  étude  des  légendes  maçonniques  forme  à  elle  seule  plus 
de  la  moitié  du  volume  (pp.  102-246).  Elle  contient  encore  quelques 
brèves  mentions  de  pays  musulmans  ou  d'auteurs  arabes  et  persans, 
sans  rien  de  particulier,  au  point  de  vue  qui  nous  occupe. 

La  publication  jubilaire  se  termine  par  quelques  adresses  de  féli- 
citation  en  l'honneur  du  «  plus  ancien  maçon  des  Indes  ».  Nous  trou- 
vons encore,  dans  l'une  d'elles  due  à  M.  Barrois,  «  ancien  grand- 
maître  honoraire  »,  que  la  Loge  «  Rising  Star  of  Western  India  », 
autorisée  le  1 5  décembre  1843,  avait  été  fondée  spécialement  en  vue 
de  l'admission  des  candidats  Hindous.  Pendant  les  premières  années 
cependant,  le  seul  Hindou  qu'elle  reçut  était  un  Jain,  de  caste  Dulia, 
quoiqu'elle  comptât  déjà,  au  même  moment,  un  certain  nombre  de 
Parsis  et  quelques  .Musulmans  (p.  274). 

A.  L.  C. 

Les  Abdâl  de  Païnâp  (2). 

Il  existe,  au  Turkestan  chinois,  un  groupe  ethnique  signalé  par 
M.  Grenard  et  connu  sous  le  nom  d'Abdàl.  Cette  population  ne  se 
distingue  de  celle  des  Turcs  environnants  que  par  une  langue  spéciale, 
dont  le  fond  est  persan. 

M.  Grenard  n'avait  trouvé  qu'une  cinquantaine  de  ces  familles 
près  de  K.éria,  et  sept  ou  huit  à  Chertchen.  AL  Pelliot  en  a  découvert 
de  nouvelles  au  village  de  Païnâp,  situé  aux  portes  de  Kachgar. 

Si  les  Abdâl  de  Kéria  et  de  Chertchen  vivent  à  l'écart  et  méprisés 
du  reste  de  la  population,  il  n'en  est  pas  de  même  des  Abdâl  de 
Païnâp,  qui,  eux,  sont  considérés  avec  respect  et  comme  possédant 
une  puissance  occulte. 

(i)  Le  terme  «  algèbre  »  vient  de  l'arabe^^r*^  J  ^^^  [Al-Djabr  w'al- 
Kasr),  c'est-à-dire  «  l'action  de  briser  et  de  rétablir  »,  qui  s'applique  aux 
opérations  algébriques.  En  français,  on  n'a  retenu  que  le  premier  mot. 

E.  A. 

(2)  Pelliot  (M.),  Les  Abdâl  de  Païnâp.  Journal  asiatique,  janvier-février 
1907,  p.  I  15. 


LIVRES    ET    REVUES 


441 


Pourtant,  ils  vivent  à  peu  près  comme  tout  le  monde,  cultivant  la 
terre  et  colportant  leurs  marchandises  les  jours  de  marché.  Ce  sont 
des  gens  instruits,  sachant  presque  tous  le  turc,  et  souvent  plus 
d'arabe  que  les  Mollah  de  la  région. 

Malheureusement,  aucun  souvenir  historique,  aucune  tradition,  ne 
viennent  illustrer  les  origines  de  ce  peuple. 

Tandis  que  les  Abdâl  de  Kéria  se  disent  originaires  de  Roufah, 
ceux  de  Païnâp  prétendent  que  leurs  ancêtres  vinrent  de  Darvet.  Les 
Abdàl  se  donnent  encore  quelquefois  les  noms  de  Heinou  et  de 
Gilaman,  sur  lesquels  on  ne  possède  aucune  donnée. 

A.  F. 

Un  Manuscrit  chinois  en  caractères  arabes. 

M.  Hartmann,  le  savant  orientaliste  de  Berlin,  avait  rapporté,  du 
voyage  d'études  si  fructueux  qu'il  fit  au  Turkestan  en  1902,  un  ma- 
nuscrit en  caractères  arabes  rédigé  dans  une  langue  inconnue.  En 
dehors  des  citations  arabes  et  des  expressions  persanes  qu'on  y  ren- 
contrait, et  qui  dénotaient  un  traité  religieux,  le  manuscrit  restait 
lettre  morte  pour  ceux  qui,  les  premiers,  eurent  l'occasion   de    le  voir. 

Un  examen  attentif  du  texte  permit,  cependant,  d'y  reconnaître 
quelques  mots  chinois.  Grâce  au  concours  de  deux  lettrés  musulmans, 
dont  un  mirza  de  Yarkand,  .M.  A.  Forke  put  reconnaître  que  le  ma- 
nuscrit était  rédigé  en  chinois  vulgaire;  quant  à  l'écriture,  elle  était 
visiblement  celle  en  usage  chez  les  Dounganes,  ces  descendants  des 
soldats  de  Timour  restés  en  Chine,  où,  bien  que  mêlés  à  la  population, 
ils  ont  conservé  leur  religion  et  plusieurs  marques  de  leur  origine. 

Reconstituer,  d'après  une  transcription  aussi  défectueuse  que  celle 
que  pouvait  donner  l'alphabet  arabe,  le  texte  chinois  primitif,  entre- 
mêlé, à  chaque  ligne,  d'expressions  empruntées  aux  langues  musul- 
manes, était  certes  un  long  et  pénible  travail;  M.  A.  Forke  a  su  le 
mener  à  bien.  Il  a  donné,  dans  le  T'oung  Pao  (i),  le  texte  du  manu- 
scrit reproduit  par  une  double  transcription,  l'une  en  caractères  chi- 
nois, avec  les  mots  arabes  et  persans  en  caractères  latins;  l'autre, 
entièrement  en  caractères  latins,  avec  les  termes  d'origine  musulmane 
en  italique.  Les  sept  légendes  que  renferme  le  manuscrit,  et  qui  ont 
pour  héros,  soit  le  Prophète,  soit  des  saints  personnages,  ont,  en  outre, 
été  traduites.  Si  MM.  Hartmann,  Lippert  et  Kern  ont  aidé  de  leurs 
conseils  M.  A.  Forke,   celui-ci  n'en   a  pas  moins  eu  à  surmonter  de 

(1)  Ein  islamisches    Tractât  ans    Turkextan,  Chinesisch  in    Arabisclier 
Schrift.  Dans  la  livraison  de  mars  1907  (n"  i)  du  Toung  Pao,  pp.  1-76. 


442  REVUE   DU   MONDE   MUSULMAN 

très  grandes  difficultés;  félicitons-le  d'avoir  su  se  tirer,  à  son  honneur, 
d'une  tâche  aussi  ardue  et  de  nous  avoir  fait  connaître  un  texte  des 
plus  curieux. 

Les  Fouilles  du  Khotan  ('). 

Au  moment  où  l'impression  de  ce  numéro  est  presque  achevée,  nous 
recevons  VAncient  Khotan,  la  grande  publication  annoncée  depuis 
quelques  mois,  et  dans  laquelle  .\1.  Aurel  Stein  expose  les  résultats 
complets  de  son  voyage  de  1 900-1 901,  dont  le  résumé  avait  déjà  été 
donné  dans  un  premier  volume  :  Sand-buried  Ruins  of  Khotan  (2). 

II  est  tout  à  fait  inutile  de  songer  à  faire  un  compte  rendu  au  pied- 
levé  de  la  contribution  si  considérable  que  l'ouvrage  actuel  de  M.  Aurel 
Stein  apporte  à  l'exploration  archéologique  du  Turkestan  chinois, 
comme  à  toutes  les  questions  qui  s'y  rattachent  :  art,  épigraphie,  lin- 
guistique, etc.  Nous  voulons  seulement  dire,  sans  plus  attendre,  que  ces 
deux  volumes,  l'un  de  texte,  avec  de  nombreuses  planches  intercalées, 
l'autre  de  planches  hors  texte,  font  le  plus  grand  honneur  à  l'Educa- 
tional  Service  de  Flnde,  comme  à  la  «  Clarendon  Press  »  d"Oxford.  Ne 
serait-ce  qu'au  point  de  vue  typographique,  c'est  une  de  ces  publica- 
tions qui  datent  par  l'harmonie  d'une  vèture  admirable,  s'appliquant  à 
Une  œuvre  de  premier  ordre.  Nous  reviendrons  en  détail  sur  les  don- 
nées nouvelles  qui  s'ajoutent  ainsi  à  l'histoire  de  l'Asie  Centrale,  dont 
l'exploration  scientifique  est  en  train  de  préparer  la  rénovation  politique 
et  sociale.  A.  L.  C. 


(i)  M.  Aurel  Stein,  Ancient  Khotan. 

Vol.  I,  texte,  gd.  in-4,  621  pp.,  avec  catalogue  descriptif 
des  antiquités  recueillies  par  F. -H.  Andrews,  72  illustra- 
tions (37  pl.j  et  appendices  par  L.-D.  Barnett,  S.-W.  Bu- 
shell,  E.  Chavannes,  A.-H.  Church,  A. -H.  Francke,  L.  de 
Loczy,  D.-S.  Margoliouth,  E.-J.  Rapson,  F.-W.  Thomas. 

Vol.  II  :  gd.  in-4,  ^17  pl-  ^^  I  carte. 

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—  P. -A.  Salhani  :  Avant  la  naissance  et  après  la  mort  (4''  réponse  au 
Moqtataf).  —  .Monographie  du  Liban  (suite).  —  La  littérature  arabe 
au  XIX''  siècle  (suite).  —  1*''  Juai  1907  :  P.  Anastase  :  Les  établisse- 
ments d'instruction  publique  à  Bagdad  sous  les  Khalifes.  —  Mono- 
graphie du  Liban  [fin).  —  La  littérature  arabe  au  xix''  siècle  (suite). 

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L'histoire  et  l'art  de  l'.Asie  Mineure. 

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!«' ma/ :  L.  Aubert  :  Oudjda.  — V.  Bérard:  i.  Vers  Bagdad. —  i5  mai: 
V.  Bérard  :  2.  Vers  Bagdad 

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teurs de  l'agrégation  d'arabe. 

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la  crise  décisive. 

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bynes  :  Coutumes  de  mariage.  Algérie.  Mazouna. 

Revue  Générale  des  Sciences,  i5  avril  '907  :  J.  Deniker  :  Les  us, 
coutumes  et  superstitions  de  l'Inde  méridionale.  —  3o  avril:  Bertrand 
.■\uerbach  :  Le  peuplement  national  en  Algérie  (1871-1906;. 

Revue  Politique  et  Parlementaire,  10  avril  1907  :  F.  de  SoUiers  : 
Le  peuple  algérien.  —  R.  Millet:  Maroc  (politique  e.xte'rieure  du  mois). 

Revue  Scientifique,  27  avril  1907  :  L.-A.-H.  :  Les  Inscriptions  de 
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448  REVUE   DU    MONDE   MUSULMAN 

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Tablet,  9  mars  1907  :  Letters  from  Egypt. 

Tour  du  monde,  i3  avril  1907  :  H.  de  Mathuisieulx  :  La  Cyrénaïque. 
—  4  jTiai  1907  :  Les  fonctionnaires  d'une  petite  ville  du  Maroc. 

A.  Fevpet. 


Le  Gérant:  Drouard. 


4-6-Û7.  —Tours,  Imp.  E.  Arrault  et  C'' 


i 


MISSION   SCIENTIFIQUE  DU   MAROC 

ARCHIVES 

MAROCAINES 

Volumes  parus  : 
I  _  H  _   III  _  IV  _  V  —  VI  —  Vil   —  Vlll   —   IX 
Sous  presse  : 
Volume  X.  —  Vol.  XI  (F'"  \).  —  Vol.  XII  (F'"  I) 

En  préparation  : 
Volumes  XI  —  XII  —XIII 


Éditeur  :   Ernest   LEROUX,   28,   rue   Bonaparte 


ERNEST  LEROUX,  EDITEUR 

28,    RUE    BONAPARTE,    PARIS 

L  ART    MUSULMAN 

Blanchet  (P.).  La  porte  de  Sidi  Oqba.  In-8,  planche 1  5o 

Bourgoin  IJ.}.  Précis  de  l'art  arabe  et  matériaux  pour  servir  à 
l'histoire,  à  la  théorie  et  à  la  technique  des  arts  de  l'Orient 
Musulman,  ln-4,  3oo  planches  en  noir  et  en  couleurs.     .     .     .     i5o    - 

Casanova.  La  citadelle  du  Caire,  d'après  Makrizi.  2  fascicules  in-4, 

planches 40   > 

—  Figurine  en  terre  cuite,  avec  inscription  arabe.  In-8,  planche.         i  25 

Clerrnont-Ganneau   (Ch.i,    de    l'Institut.    Recueil    d'archéologie 

orientale.  Tome  I  à  VIII,  in-8,  figures  et  planches.     ....     160    >^ 

Corpus   des  inscriptions  arabes   et   turques  de    l'Algérie. 

I.  Département  d'Alger,  par  G.  Colin.  In-8.     .  12    » 

II.  Département  de  Constantine,  par  G.  Mercier.  In-8.     ...        7  5o 

Eudel  (Paul).  Dictionnaire  des  bijoux  de  l'Afrique  du  Nord  :  Maroc, 

Algérie.  Tunisie,  Tripoiitaine.  ln-8,  nombreuses  figures.     .     .       10   y> 

Huart  (Clément).  Les  Calligraphes  et  les  Miniaturistes  de  l'Orient 
Musulman.  In-8,  illustré  (sous  presse). 

—  Étude  sur  trois  musiciennes  arabes.  In-8 1  5o 

Hurtado    O.;.  Granada  y  sus  monumentos  arabes.  In-8,  3  planches.       i5    » 

Longpérier  (.\.  de),  de  l'Institut.  Archéologie  orientale.  Numis- 
matique. Monuments  arabes.  In-8,  nombreux  dessins  et 
I  I  planches 20   » 

Radiot  (Paul).  Les  vieux  Arabes.  L'art  et  l'âme.  In-i8 3  5o 

Saladin  (Henri).  Les  monuments  arabes  de  la  Tunisie.  —  1.  La 
mosquée  de  Sidi-Olcba  à  Kairouan.  In-4,  figures  et  29  planches 
en  un  carton 2b    >■> 

—  Les  monuments  de  Ghirza  (Trrpolitainei.    In- s.  figures   et 
planches 3  5o 

Sauvaire  (H.j.  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  la  numisma- 
tique et  de  la  métrologie  musulmanes.   —  I.  Monnaies.  In-8.       10    « 

—  II.  .Mesures  de  capacité.  In-8 7  5o 

"Van  Berchem  (Max).  Corpus  inscriptionum  arabicarum.  —  I.  Ins- 
criptions arabes  du  Caire.  4  fascicules  in-4,  ^vec  planches. 
Chaque j3    -^ 

—  Le  château  de  Bâniàs  et  ses  inscriptions.  In-8,  2  planches.        2    » 

■Wallis  (H.).  Persian    lustre  vases.  In-4   de  luxe,  avec   dessins  et 

planches  en  couleur,  cartonné 20    » 


Tours,  imprimerie  E.  .-\brallt  et  C'