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Full text of "Nature et faune : revue internationale pour la conservation de la nature en Afrique = Wildlife and nature : international journal on nature conservation in Africa"

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Nature  et  Faune 

REVUE    INTERNATIONALE    POUR    LA    CONSERVATION    DE    LA    NATURE    EN    AFRIQUE 
(Jestion    de  la    Faune,  Amenagement    d'aires  protegees,  Conservation  des  ressources  naturelles 


Volume  5,  n°  4,  octobre  -  decembre  1989 


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pour  l'Ahmentation  et  l'Agriculture       VJLVV,J7  pour   i'Environnement 


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Bureau    Regional    de    la    F.A.O.    pour   l'Afrique  -  Accra  (Ghana) 


Nature  et  Faune 

octobre  -  decembre  1989 


La  revue  Nature  et  Faune  est  une  publication  interna- 
tionale  trimestrielle  destinee  a  permettre  un  6change 
d'informations  et  de  connaissances  scientifiques 
concernant  la  gestion  de  la  faune,  Pamdnagement  des 
aires  prot6g6es  et  la  conservation  des  ressources  na- 
turelles  sur  le  continent  africain. 


Editeur :  A.  Iokem 
Ass.  Editeur  :  P.  Happee 
Conseillers :  J.  D.  Keita  et  G.  S.  Child 


Pour  la  publication  d'articles  ou  tout  renseignement 
complementaire,  6crire  a  Tune  des  adresses  suivantes: 


REVUE  NATURE  ET  FAUNE 


F.A.O.  Regional  Office 
for  Africa 
P.O.  Box  1628 
Accra  (Ghana). 


c/o  G.S.  Child 

div.  FORW 

F.A.O./U.N 

via  delle  terme  di  Caracalla 

1-00100  Rome  (Italie). 


Le  contenu  des  articles  de  cetle  revue  exprime  les  opinions  de  lours  auteurs  et  ne  re- 
flate pas  necessairement  celles  de  la  FAO,  du  PNUE  ou  de  la  redaction.  II  n'exprime 
done  pas  une  prise  de  position  officielle,  ni  de  ['Organisation  des  Nations  Unies  pour 
I'Amimentation  et  I' Agriculture,  ni  du  Programme  des  Nations  Unies  pour  I'Environne- 
ment.  En  particulier  les  appellations  employees  dans  cette  publication  et  la  presenta- 
tion des  donnees  qui  y  figurent  n'impliquent  de  la  part  de  ces  organisations  aucune 
prise  de  position  quant  au  statut  juridique  des  pays,  territoires,  villes  ou  zones  ou  de 
leurs  autorites,  ni  quant  aux  traces  de  leurs  front  ieres  ou  limites. 


Sommaire 


Editorial 3 

Prot6ger  la  faune  africaine  ?  Oui  mais 4 

Une  alternative  zimbabweenne  a  l'interdiction  de  Pivoire 17 

Les  consequences  du  coryza  gangreneux  et  des  autres  infections  a  herpesvirus 

chez  les  ruminannts  sauvages  en  Afrique 35 

Elever  des  crocodiles  pour  leur  sauver  la  peau 49 

Conservation 56 


PRINTED  IN  GHANA  BY  WELMAX  GRAPHIC  ARTS  LIMITED 


Editorial 


Les  mauvais  eleves  reussissent ! 


L'annee  1989  qui  se  termine  restera  dans  les  memoires  comme  une  an- 
nee  de  lutte  pour  la  survie  de  I'elephant  d'Afrique.  Pour  les  milieux  natura- 
listes,  la  conservation  de  I'elephant  et  I'interdiction  du  commerce  de  I'ivoire 
auront  ete  au  centre  des  debats  tout  au  long  de  l'annee  relayes  par  de 
grandes  campagnes  de  presse  qui  n'ont  cesse  d'attirer  I'attention  sur  la  situa- 
tion desast  reuse  des  elephants  d'Afrique  decimes  par  le  braconnage. 

L'aboutissement  de  ces  campagnes  devait  etre  la  7eme  Conference 
des  Parties  de  la  CITES  a  Lausanne  en  octobre  ou  se  deciderait  I'avenir  de 
I'elephant  d'Afrique  et  du  commerce  de  I'ivoire. 

Apres  d'apres  discussions,  le  couperet  est  tombe  :  I'elephant  d'Afrique 
sera  transfere  en  Annexe  I  de  la  Convention  et  tout  commerce  d'ivoire  sera  in- 
terdit  jusqu'en  1992.  Les  partisans  d'une  protection  stricte  I'ont  done  empor- 
te. 

Apres  une  analyse  objective  de  la  situation  de  la  Conservation  dans  les 
pays  africains,  nous  serions  tentes  de  dire  que  cette  decision  est  la  victoire 
des  mauvais  eleves  de  la  Conservation,  celle  des  mauvais  gestionnaires  qui 
auront  reussi  a  imposer  les  consequences  de  leur  incapacity  aux  quelques 
pays  qui  avaient  reussi  a  donner  une  valeur  economique  reelle  a  leur  faune  et 
a  la  gerer  d'une  maniere  rationnelle. 

Au-dela  de  la  decision  elle-meme,  il  est  important  de  considerer  que 
cette  resolution  mentionne  peu  ou  pas  I'epineux  probleme  de  la  protection  de 
I'habitat  de  cette  espece  et  qu'elle  aura  dangereusement  divise  les  pays  afri- 
cains au  sein  meme  de  la  Convention. 

Le  danger  serait  de  voir  certains  pays  frustres  se  retirer  de  la  CITES  - 
des  la  decision  tombee,  certains  pays  d'Afrique  australe  se  sont  enquis  des 
procedures  de  retrait  -  vu  qu'ils  ne  verraient  plus  dans  cette  Convention  qu'un 
moyen  d'imposer  les  attitudes  radicales  de  certaines  Parties  influentes,  ce  qui 
aurait  pour  consequence  de  fragiliser  encore  un  peu  plus  cette  Convention. 

L'avenir  nous  dira  si  la  decision  prise  a  Lausanne  par  76  voix  contre  1 1 
etait  sage  ou  non  et  si  I'elephant  d'Afrique  pourra  etre  preserve  sur  ses  seules 
valeurs  esthetique  et  patrimoniale.  Pour  la  beaute  du  geste  en  quelque  sorte  ! 


PROTEGER  LA  FAUNE  AFRICAINE  ? 

OUI  MAIS... 


par  Bertrand  Chardonnet 


Pares  nationaux,  zones  de  chasse, 
braconnage  !  C'est  la  seule  affirmation  qui 
ne  soit  pas  contestable  actuellement  en  Afri- 
que  au  sud  du  Sahara,  en  matiere  de  faune 
sauvage.  D'aucuns  poseront  le  probleme 
differemment  :  chasse  traditionelle  ou  bra- 
connage ?  En  d'autres  termes  les  legisla- 
tions nationales  sont-elles  adaptees  ? 

Dans  une  maniere  generate,  ce  n'est 
pas  le  cas,  et  cela  met  le  chasseur  tradition- 
nel  hors-la-loi.  Ce  n'est  pas  tellement  grave 
lorsque  la  densite  humaine  reste  faible  et  sur 
les  zones  banales.  Mais  de  nos  jours  ces 
conditions  sont  rarement  reunies,  d'autant 
plus  que  la  densite  humaine  est  une  valeur 
relative,  et  hautement  dependante  du  degre 
d'intensification  agricole.  Ainsi  une  zone 
peut  etre  surpeuplee  avec  une  densite  hu- 
maine d'ur  habitant  au  km2,  si  les  habitants 
ne  sont  que  chasseurs  et  qu'il  n'y  a  plus  d'a- 
nimaux!  De  plus  quelle  zone  banale  est  ac- 
tuellement riche  en  gibier,  ayant  ete  degra- 
dee  par  une  pression  de  chasse  excessive. 


La  conjonction  de  deux  phdnomenes 
conduit  done  a  ('intensification  du  bracon- 
nage en  zones  prot6gees  :  la  croissance  de- 
mographique  et  la  degradation  des  zones  ru- 
rales.  L'augmentation  du  braconnage  appa- 
rait  done  comme  une  reaction  des  popula- 
tions locales  contre  la  degradation  des 
conditions  de  vie,  et  d'autant  plus  que  les 
ethnies  concerned  ont  une  tradition  cynege- 
tique. 


STRATEGIE  GENERALE 


Des  lors  la  solution  du  probleme  ne 
peut  passer  que  par  la  comprehension  de 
ces  ph6nomenes.  Avant  d'interdire  la 
chasse,  il  faut  done  pouvoir  proposer  des  ac- 
tivities de  complement,  ou  mieux  de  substitu- 
tion. 

L'idee  directrice  sera  que  le  develop- 
pement  de  I'Afrique  passe  d'abord  par  I'auto- 
suffisance  alimentaire  nationale,  et  m§me  si 
possible  regionale.  Cela  suppose  done  dans 


la  majority  des  cas  une  modification  des  acti- 
vites habituelles  (et  non  forcement  tradition- 
nelles).  Pour  entreprendre  ces  modifications 
il  faudra  garder  a  I'esprit  que  la  sensibilisation 
aux  techniques  nouvelles  est  efficace  pour 
une  reorientation  d'une  activite,  mais  qu'elle 
passe  le  plus  souvent  par  le  changement  de 
generation  (une  ou  plusieurs  fois),  pour  des 
modifications  de  comportement,  et  singulie- 
rement  lorsque  Ton  touche  a  des  activites  an- 
cestrales  comme  I'elevage  et  la  chasse.  De 
plus  ces  dernieres  activites  sont  souvent  as- 
sociees  a  des  notions  de  castes  ou  de 
classes  sociales.  Le  systeme  economique  a 
mettre  en  place  sera  done  base  sur  la  pro- 
duction locale  de  glucides  (mil,  mats, 
igname,  manioc  selon  les  regions).  La  com- 
mercialisation regionale  de  ces  glucides  doit 
permettre  I'achat  de  condiments,  dont  la 
viande  fait  actuellement  partie  en  Afrique,  si 
Ton  se  refere  aux  quantites  tres  faibles 
consommees  par  habitant  (et  plus  faibles  en- 
core si  Ton  considere  le  cas  des  enfants). 

Cet  ordre  economique  :  glucides 
puis  proteines,  est  la  premiere  des  condi- 
tions a  remplir  pour  le  passage  d'une 
ethnie  "chasseur  pur"  a  celui  de  "chasseur 
partiel"  (ou  chasseur-agriculteur),  ce  qui 
reduit  dautant  le  braconnage. 

On  veillera  a  introduire  une  certaine 
monetarisation  du  systeme  (commercialisa- 
tion des  glucides,  des  condiments,  des  fruits, 
des  produits  d'elevage  et  de  peche).  Even- 
tuellement  on  introduira  une  culture  indus- 
trielle,  dont  la  commercialisation  est  infini- 
ment  plus  aisee,  bien  que  la  situation  actuelle 
du  marche  cotonnier  soit  mauvaise  (conse- 
quence des  productions  americaine  et  chi- 
noise),  et  que  ce  soit  la  culture  la  plus  adap- 
ted aux  zones  soudaniennes  qui  contiennent 
la  majorite  des  secteurs  les  plus  favorables  a 
la  faune  sauvage. 


L'absence  de  monetarisation  conduit 
naturellement  a  un  retour  aux  valeurs  mar- 
chandes  traditionnelles  :  la  viande  de  chasse 
en  premier  lieu,  des  lors  que  des  achats  chez 
les  commergants  sont  envisages  par  les  per- 
sonnes  rurales  (bicyclettes,  toles,  vetements, 
etc.). 

Dans  le  cadre  de  cette  monetarisation, 
I'elevage  occupe  une  situation-cle,  represen- 
tant  a  la  fois  I'argent  et  les  proteines.  A  la 
premiere  place  de  celui-ci  se  trouvent  les  vo- 
lailles,  qui  ne  demandent  que  quelques 
connaissances,  le  plus  souvent  a  developper 
seulement,  et  non  une  mentalite  de  pasteur, 
beaucoup  plus  difficile  a  acquerir.  De  plus 
I'elevage  reagit  tres  bien  et  progressivement 
a  la  vulgarisation  (vaccination,  puis  deparasi- 
tage,  puis  amelioration  de  I'alimentation,  puis 
du  logement...). 

Ce  cadre  etant  fixe,  quelle  idee  doit  di- 
nger sa  mise  en  place  ?  Sans  nul  doute,  ce 
sera  la  productivity  sans  degradation.  Cela 
veut  dire  qu'il  fa ut  mettre  en  place  un  sys- 
teme : 

-  productif:  e'est  le  critere  qui  inte- 
resse  en  premier  lieu  I'habitant  rural.  En  effet 
pour  lui  le  systeme  actuel  est  fonctionnel,  et 
pourquoi  le  changer  pour  en  mettre  un  moins 
bon  pour  lui  ? 

-  perenne:  il  ne  faudra  en  effet  pas 
avoir  a  en  changer  a  I'avenir  (deuxieme  evo- 
lution de  mentalite,  avec  cette  fois  beaucoup 
moins  de  credibilite...). 

La  consequence  est  qu'il  faut  qu'il  soit 
reproductible  de  nombreuses  annees  :  cela 
suppose  done  une  conservation  des  facteurs 
productifs,  ou  tout  au  moins  un  ralentisse- 
ment  de  la  degradation.  Concretement,  cela 
suppose  done : 

-  le  choix  d 'activites  et  d'especes 
adaptees  a  la  region  considered  (ameliora- 
tion de  ce  qui  existe); 


-  la  mise  en  place  d'une  agriculture 
conservatrice.  Cela  signifie  I'utilisation  de  va- 
rietes  productives  (plus  de  produit  consom- 
mable,  pour  la  meme  quantite  de  travail  et 
d'exportation  d'elements  du  sol),  ('introduc- 
tion de  pratiques  culturales  visant  a  la 
conservation  du  sol  (lignes  de  niveaux,  en- 
grais  chimique  non  toxique,  fumier  produit 
par  I'elevage  local,  restitution  au  sol  des  ele- 
ments non  utilises  par  I'homme  ou  les  ani- 
maux,  jacheres  viables). 

De  meme  le  deboisement  des  zones 
colonisees  sera  controle. 

On  percoit  done  dans  cette  strategie  la 
notion  de  cycle  (sol,  vegetation),  ou  au 
moins  celle  de  ralentissement  de  la  degrada- 
tion. La  prise  de  conscience  de  ce  pheno- 
mene  est  importante  pour  la  reussite  de  I'o- 
peration.  Elle  est  facilitee  par  la  mise  en 
place  de  I'elevage,  dans  lequel  le  developpe- 
ment  du  capital  conserve  est  bien  visible. 
L'extension  de  ce  phenomene  a  I'agriculture 
et  a  la  gestion  et  a  I'utilisation  de  la  faune 
sauvage,  est  alors  plus  facile. 

Le  corollaire  de  ce  systeme  est  de  dis- 
poser d'espaces  propres  au  developpement : 
ou  sont-ils  disponibles  ?  Pratiquement  nulle 
part! 

En  effet,  de  nombreuses  regions  d'Afri- 
que  sont  deja  surpeuples  (en  liaison  avec  les 
pratiques  agricoles),  certaines  soumises  a 
I'exode  rural. 

A  cote  de  cela  on  note  de  vastes  es- 
paces  consacres  aux  reserves  et  pares  natio- 
naux,  mais  ou  Ton  rencontre  a  I'interieur  de 
leurs  limites  des  villages,  des  champs,  des 
bovins,  des  braconniers.  Leur  existence  ne 
satisfait  que  les  bureaucrates  de  la 
conservation,  qui  se  plaisent  a  les  classer, 
a  les  quantifier  en  pourcentage  du  terri- 
toire  national,  a  les  dessiner  sur  des 
cartes. 


Mais  la  plupart  n'ont  aucune  efficacite, 
ni  meme  aucune  existence  reelle.  Certains 
n'ont  meme  aucune  valeur  naturelle. 

Mais  ce  sont  des  entraves  considera- 
bles au  developpement:  zones  interdites 
mais  bafouees,  et  par  la  suite  degradees,  et 
finalement  sterilisees,  soit  exactement  I'in- 
verse  du  but  espere  ! 

L'avenir  de  ces  pares  passe  done  par 
leur  modification  :  il  s'en  est  deja  produit : 

-  Pares  de  la  premiere  generation  : 
vastes  superficies  classees  le  plus  souvent 
au  debut  de  ce  siecle  (1.500.000  ha  et  plus). 
Peu  d'entre  eux  sont  fonctionnels:  Kriiger  en 
Agrique  du  Sud,  Hwange  au  Zimbabwe,  mais 
geres  avec  des  moyens  enormes,  les  pares 
du  Tsavo  au  Kenya,  ou  le  "W"  (Benin,  Burki- 
na, Niger)  rencontrent  d 'enormes  problemes. 

-  Pares  de  2eme  generation  :  de  taille 
plus  controlable  (autour  de  200  000  ha),  ils 
represented  la  majorite  des  pares  fonction- 
nels en  Afrique,  et  sont  souvent  de  creation 
plus  recente  :  Pare  national  de  la  Keran  au 
Togo,  par  exemple;  Pendjari  au  Benin;  Meru, 
Samburu,  Masai  Mara  au  Kenya;  Tarangire  et 
Manyara  en  Tanzanie,  Waza  au  Cameroun, 
etc... 

-  Pares  de  3eme  generation  :  il  s'agit 
de  la  creation  de  zones  consacres  a  la  faune 
sauvage  (et  pas  forcement  de  pares  natio- 
naux!),  a  partir  d'une  situation  proche  du  ze- 
ro (lequel  est  la  consequence  de  la  "gestion" 
anterieure.  II  s'agit  de  certaines  fermes  de  gi- 
bier  d'Afrique  du  Sud  et  du  Zimbabwe,  du 
Pare  d'Aboukouamekrou  en  Cote  d'lvoire,  la 
reintroduction  d'especes  disparues  au  Sene- 
gal. 

A  I'epoque  des  pares  de  3eme  genera- 
tion, on  envisage  encore  la  creation  ou  I'a- 
menagement  de  ceux  de  1  ere  generation,  qui 
ont  maintes  fois  prouve  leur  inefficacite  ! 


LES  PARCS  NATIONAUX 


Le  systeme  de  protection  preconise  ci- 
dessous  n'est  pas  restreint  aux  pares  natio- 
naux  de  type  conventionnel;  il  s'applique  a 
toute  zone  consacree  a  la  faune  sauvage, 
dont  le  statut  doit  evoluer  avec  cette  concep- 
tion. 

Seuls  sont  repris  ici  les  principaux 
themes  necessaires  a  la  gestion  de  ces  es- 
paces.  lis  trouvent  leur  origine  dans  I'obser- 
vation  de  I'organisation  des  quelques  en- 
droits  ou  la  protection  a  ete  bien  realisee,  et 
en  particulier  a  Nazinga  (Ranch  de  gibier  de 
90.000  ha  au  Burkina  Faso)  et  au  Pare  Natio- 
nal de  la  Keran  (superficie  :  160.000  ha  au 
Togo). 


La  superficie 

La  tres  grande  majorite  des  pares  ren- 
frermant  des  populations  de  grands  mammi- 
feres  stables  ou  en  croissance,  e'est-a-dire 
surmontant  leurs  problemes  ont  une  surface 
qui  ne  depasse  pas  200.000  ha.  C'est  done 
cette  limite  superieure,  precisee  par  I'expe- 
rience  qui  sera  retenue. 

Elle  presente  les  avantages  suivants  : 

-  a  I'echelle  africaine,  cette  surface  est 
possible  (environ  40  km  sur  50),  a  la  diffe- 
rence des  pares  de  1.500.000  ha  (environ 
150  km  sur  100).  C'est  actuellement  un  point 
indispensable  au  developpement  d'une  po- 
pulation animale; 

-  elle  permet  de  laisser  a  disposition 
des  populations  rurales  d'autres  espaces 
pouvant  leur  permettre  d'exercer  d'autres  ac- 
tivites  :  chasse  traditionnelle,  peche,  elevage, 
tout  cela  sous  controle  bien  entendu  et  cela 


detourne  d'autant  les  populations  du  bracon- 
nage; 

-  elles  sont  suffisantes  pour  conserver 
des  formations  vegetales  et  pour  contribuer  a 
la  conservation  des  valeurs  ecologiques,  car 
ces  pares  sont  inelus  dans  une  strategie  glo- 
bale  de  developpement  et  n'en  sont  plus  I'u- 
nique  support  (d'ailleurs  totalement  inefficace 
le  plus  souvent  car  non  respecte); 

-  cette  surface  permet  la  cohabitation 
des  differentes  especes  animates,  car  elle  est 
tres  superieure  aux  espaces  vitaux,  et  plus 
encore  aux  territoires,  des  grands  mammi- 
feres  africains. 

On  pourrait  faire  2  objections  : 

-  I'elephant  :  les  etudes  des  mouve- 
ments  de  I'elephant  ont  montre  que,  contrai- 
rement  aux  idees  repandues,  il  ne  se  depla- 
cait  pas  beaucoup  des  lors  qu'il  pouvait  trou- 
ver  dans  le  meme  secteur :  nourriture,  abreu- 
vement,  abri  et  tranquillite.  Par  contre  il  ar- 
rive, quelques  fois  dans  I'annee  qu'ils  effec- 
tuent  de  grands  deplacements.  Mais,  et  c'est 
la  le  cote  encourageant,  ils  savent  tres  bien 
situer  les  zones  "sGres",  et  n'en  bougent  alors 
que  peu  ainsi  qu'on  I'observe  pour  la  popula- 
tion de  60  elephants  de  la  Reserve  de  la 
Fosse  aux  Lions,  d'une  superficie  de  seule- 
ment  5.000  ha  au  Nord  du  Togo. 

- 1 'eland  de  Derby  :  tres  peu  de  choses 
sont  connues  sur  cet  animal.  II  arrive  que 
Ton  en  rencontre  de  fortes  densites  sur  un 
secteur  a  un  moment  donne,  puis  tres  peu  a 
d'autres,  alors  que  les  conditions  semblent 
les  memes.  II  y  a  la  des  etudes  les  plus  inte- 
ressantes  a  entreprendre  en  Afrique  centrale 
portant  sur  les  deplacements,  le  comporte- 
ment  et  I'alimentation.  Cette  etude  est  facili- 
tee  de  nos  jours  par  la  possibilite  d'utiliser 
des  balises  Argos,  en  se  referant  a  une  carte 
de  vegetation  et  des  ressources  en  eau. 

Sans  cette  6tude,  on  ne  peut  que  sup- 
poser  que  les  elands  se  contentent  d'une  su- 


perficie  tres  inferieure  a  cede  preconisee, 
mais  qu'ils  pourraient  en  sortir  a  certaines 
periodes.  On  notera  neanmois  que  I'eland 
resiste  tres  bien  au  braconnage,  comme  on 
le  verra  plus  loin; 

-  cette  surface  permet  de  ceer  un  re- 
seau  tres  dense  de  pistes  et  done  de  tres 
bien  connaitre  les  animaux,  et  done  de  les 
proteger  plus  facilement. 


Les  points  d'eau 

Une  erreur  quasi-generale  en  Afri- 
que  francophone  est  de  limiter  les  pares 
par  des  rivieres.  La  premiere  conse- 
quence est  de  couper  la  zone  ecologique 
en  deux,  et  done  d'exclure  d'une  maniere 
temporaire  ou  permanente  une  partie  des 
populations  animates.  L'espace  vital  est, 
dans  ces  conditions,  totalement  neglige 
par  ces  limites. 

Au  contraire,  les  meilleurs  pares  sont 
organises  autour  d'une  riviere  colportant  tou- 
jours,  au  minimum,  des  mares  residuelles 
permanentes  en  saison  seche,  de  fagon  a  ce 
que  le  centre  (du  fait  de  I'obligation  faite  de 
boire  pratiquement  chaque  jour  en  saison 
seche)  de  l'espace  vital  de  chaque  animal 
coincide  avec  le  centre  du  Pare.  Cela  pre- 
sente  de  nombreux  avantages  : 

-  l'espace  vital  des  animaux  est  res- 
pecte  par  les  limites  du  Pare; 

-  on  eloigne  les  animaux  des  limites  du 
pare  qui  sont  les  plus  difficiles  a  proteger; 

-  on  cree  des  secteurs  de  concentra- 
tions d'animaux  favorables  au  developpe- 
ment  touristique,  done  Ton  contribue  a  la  pe- 
rennite  de  I'operation. 

On  pourra  objecter  que  Ton  contribue- 
ra  a  une  surpopulation  animate  locale.  C'est 
sans  compter  sur  les  differences  de  compor- 
tement  des  differentes  especes  qui  sont  a  I'o- 


rigine  de  la    distribution    spatiale  des  ani- 
maux : 

-  consommation  d'herbes  (animal 
paisseur)  ou  de  feuilles  (animal  brouteur); 

-  animal  territorial  ou  non  par  periode, 
ou  de  fagon  permanente; 

-  animal  solitaire  (done  necessitant 
peu  de  deplacements  pour  trouver  sa  nourri- 
ture),  ou  en  troupeau  important  (necessitant 
des  deplacements); 

-  animal  modifiant  son  comportement 
alimentaire  suivant  les  disponibilites  saison- 
nieres  (par  exemple,  I'elephant); 

-  animal  confiant  (cobes),  ou  craintif 
(hippotrague,  eland). 

On  essaiera  egalement,  la  ou  il  n'y  a 
pas  de  problemes  de  surveillance,  d'aug- 
menter  la  superficie  utile  pour  les  animaux  en 
creant  des  points  d'eau  permanents  pour  la 
saison  seche.  Le  systeme  le  moins  couteux 
est  de  construire  des  retenues  collinaires,  la 
ou  le  bassin  versant  I'autorise.  L'inconve- 
nient  est  que  lors  d'une  annee  deficitaire  en 
pluie,  ces  barrages  risquent  d'etre  a  sec,  et 
done  d'entrafner  une  surpopulation  la  ou  il  y 
a  de  I'eau,  done  une  degradation  du  patu- 
rage. 

La  deuxieme  solution  est  de  creuser 
des  forages  et  a  les  equiper  de  pompes  pour 
alimenter  les  animaux.  C'est  le  seul  systeme 
envisageable  en  region  rigoureusement 
plate.  L'inconvenient,  en  cas  de  pluviometrie 
deficitaire  plusieurs  annees  de  suite,  est  de 
contribuer  a  I'abaissement  des  nappes 
phreatiques. 

La  solution  est  vraisemblablement  une 
utilisation  des  deux  systemes. 

Une  distance  entre  chaque  point  d'eau 
de  5  a  10  km  permet  de  repartir  harmonieu- 
sement  les  animaux  sur  le  territoire  :  on  tien- 
dra  compte  pour  cela  des  carateristiques  ve- 
getans : 


-  plus  rapproches  en  plaine,  de  tacon  a 
augmenter  Ies  densites  d'animaux  paisseurs 
ne  marchant  pas  beaucoup  (done  necessi- 
tant  un  paturage  de  bonne  qualite)  :  cobe  de 
Button,  cobe  Detassa; 

-  plus  eloignes  en  zone  boisee,  puis- 
que  Ton  s'adresse  a  des  animaux  se  depla- 
gant  plus  pour  exploiter  un  paturage  de  plus 
taible  valeur  (bubale,  hippotrague)  ou  a  des 
brouteurs  (elands). 


La  gestion  des  paturages 

Comme  on  I'a  vu,  le  regime  alimentaire 
des  animaux  est  un  tacteur  important  de  leur 
distribution.  Celle-ci  est  egalement  en  corre- 
lation positive  avec  le  type  vegetal.  Ainsi  on 
trouve   certains  animaux   preferentiellement 


dans  certains  types  vegetaux.  Ainsi,  en  allant 
du  moins  boise,  au  milieu  qui  Test  le  plus  : 

-  plaine  (ou  savane  herbeuse):  habitat 
preterentiel  du  cobe  de  Button  et  du  cobe 
des  roseaux,  ainsi  que  principal  habitat  du 
cobe  Detassa; 

-  savane  arboree  ou  peu  boisee:  oure- 
bi,  cephalophe,  bubale,  hippotrague,  buttle; 

-  savane  boisee:  hippotrague,  bubale, 
eland  de  Derby; 

-  galeries  torestieres:  cephalophe  a 
tlancs  roux,  cephalophe  a  bande  dorsale 
noire,  potamocheres,  ainsi  que  I'elephant  la 
ou  il  est  menace. 

Cette  classitication,  bien  sur  non  abso- 
lue,  met  en  evidence  I'attirance  de  la  majorite 
des  animaux  pour  Ies  zones  ouvertes,  dont  la 
vegetation  principale  est  I'herbe  :  ces  ani- 
maux sont  en  effet  paisseurs  dominants. 


Cobe  de  Button  :  animal  paisseur  commun  dans  Ies  savanes  d'Afrique  de  i'Ouest.  Les  animaux  paisseurs  tels 
que  le  cobe  de  Button  sont  detavorises  par  un  embuissonnement  trop  prononce  des  savanes.  (photo  FAO). 


En  Afrique  francophone  seuls  sont  en 
effet  consommateurs  stricts  de  feuilles:  les 
cephalophes,  le  guib  et  I'eland.  Ces  especes 
ne  contribuent  que  pour  une  faible  part  a  la 
biomasse  animale  (quantite  totale  d'animaux 
portes  par  un  secteur  exprimee  en  poids  d'a- 
nimaux par  unite  de  surface). 

Les  paisseurs  sont  done,  en  termes 
ponderaux  les  plus  importants. 

Si  Ton  regarde  les  cartes  de  vegetation 
d 'Afrique  centrale  et  de  I'ouest,  on  note  que 
la  vegetation  dominante  est  la  savane  boi- 
see  :  le  milieu  est  done  peu  propice  aux  im- 
portantes  concentrations  animales.  C'est 
bien  ce  que  confirment  les  releves  de  bio- 
masse qui  donnent,  pour  les  meilleurs  sec- 
teurs,  des  valeurs  de  2  tonnes  par  km2  alors 
qu'on  arrive  a  16  tonnes  par  km2  au  Pare  des 
Virungas  (Zaire).  La  pluviometrie  n'explique 
pas  tout:  le  pare  du  Serengeti  (Tanzanie) 
supporte  8t/km2  pour  une  pluviometrie  de 
800  mm  par  an  (contre  1.100  actuellement 
pour  la  majeure  partie  des  pares  d'Afrique 
francophone). 

En  plus  de  la  formation  vegetale,  la 
composition  floristique  est  un  facteur  prepon- 
derant. En  effet,  toutes  les  herbes  ne  sont 
pas  consommees  egalement : 

-  les  graminees  de  haute  taille  (2  m  et 
plus)  perdent  toute  valeur  alimentaire  apres 
la  moitie  de  la  saison  seche  (aout)  et  la  ma- 
jeure partie  de  la  plante  n'est  pas  consom- 
mee,  car  lignifiee; 

-  au  contraire,  les  graminees  de  petite 
taille  gardent  leur  valeur  alimentaire  beau- 
coup  plus  longtemps  :  c'est  la  cause  de  la 
valeur  des  plaines  du  Serengeti,  dont  les 
"longues  herbes"  ne  depassent  pas  80  cm. 

Malheureusement  ces  especes  de  gra- 
minees sont  rares  en  Afrique  francophone, 
ce  qui  nuit  a  la  valeur  alimentaire  des  sa- 
vanes  en  question. 


L'on  voit  done  que  si  Ton  veut  la  pre- 
sence de  nombreux  animaux,  on  doit  s'orien- 
ter  vers  des  savanes  herbeuses.  Malheureu- 
sement, dans  les  zones  soudaniennes  et 
soudano-guineennes,  ou  Ton  trouve  la  majo- 
rity des  Pares  nationaux,  on  assiste  a  un  em- 
buissonnement  progressif  des  savanes,  qui 
tendent  done  a  devenir  tres  boisees.  Les 
causes  principales  sont  les  feux  de  brousse 
et  la  diminution  des  populations  d'elephants. 

En  effet,  les  feux  de  brousse  sont  sys- 
tematiquement  allumes  chaque  annee  : 

-  par  les  chasseurs  et  braconniers, 
pour  acceder  aux  zones  rendues  impenetra- 
bles  par  les  "pailles",  pour  avoir  une  bonne  vi- 
sibilite,  pour  provoquer  le  remplacement  par 
des  jeunes  pousses  qui  attirent  les  animaux; 

-  par  les  eleveurs  a  la  recherche  de 
nouveaux  paturages  pour  leurs  troupeaux. 

Ces  derniers  monopolisent  les  meil- 
leurs paturages  et  eloignent  les  animaux  sau- 
vages  des  points  d'eau  car  ils  paturent  a 
proximite. 

Outre  I'agression  subie  par  le  sol,  le 
feu  selectionne  les  especes  resistantes  (pyro- 
philes),  au  detriment  des  autres,  souvent 
meilleures. 

Si  les  feux  ont  lieu  plus  tard  dans  la 
saison  seche,  les  repousses  sont  plus  faibles 
car  les  reserves  hydriques  de  la  plante  sont 
moindres.  Plus  tard  encore,  le  feu  peut  tuer 
la  plante  fragilisee  par  la  secheresse. 

Ce  phenomene  peut  etre  utilise  pour 
eliminer  des  plantes  envahissantes,  favori- 
sees  par  des  feux  de  debut  de  saison  seche, 
mais  tuees  par  T.  macroptera,  un  des  com- 
posants  de  I'embuissonnement,  non 
consomme  par  les  animaux  sauvages,  mais 
casses  par  les  elephants. 

L'utilisation  des  feux  permet  done  de 
conserver,  voire  d'augmenter  la  valeur  d'un 
paturage.  II  faudra  neanmoins  tenir  compte 
des  facteurs  suivants : 


10 


-  seuls  les  feux  precoces  permettent 
une  bonne  repousse; 

-  une  partie  de  I'espace  vital  des  ani- 
maux  doit  rester  non  bmle  pour  constituer 
des  abris  et  des  reserves  d'aliments  de  faible 
valeur,  en  cas  d'insuffisance  des  repousses; 

-  du  fait  du  temps  necessaire  a  la  re- 
pousse (10  a  15  jours),  et  de  la  rapidite  de 
leur  utilisation,  cette  repousse  doit  etre  eta- 
gee,  faute  de  quoi  des  secteurs  beaucoup 
plus  vastes  que  les  espaces  vitaux  de  cer- 
taines  especes  risquent  de  se  retrouver  sans 
paturage,  alors  qu'ils  sont  organises  autour 
des  points  d'eau.  On  observe  alors  des  ani- 
maux  en  tres  mauvais  etat,  ce  qui  influe  bien 
sur  les  parametres  de  mortalite  et  de  repro- 
duction; 

-  les  feux  tardifs  brulent  de  grands  es- 
paces, mais  sont  les  seuls  qui  permettent  de 
lutter  contre  I'embuissonnement. 

L'utilisation  des  feux  sera  done  faite  le 
plus  tot  possible  en  debut  de  saison,  puis  en 
brulant  progressivement  au  cours  de  la  sai- 
son ce  qui  devient  sec  et  peut  bruler.  On  ob- 
tient  ainsi  un  brulage  par  taches,  favorables 
aux  animaux  et  a  la  vegetation.  De  plus  e'est 
une  prevention  efficace  contre  les  grands 
feux  de  pleine  saison  seche.  Cela  necessite 
un  reseau  de  pistes  assez  dense  pour  la  rea- 
lisation de  ce  patchwork. 

On  notera  que  la  gestion  des  feux  doit 
passer  par  la  connaissane  de  la  dimension 
de  I'espace  vital  des  animaux. 

Enfin,  on  se  rappellera  que  la  dispari- 
tion  des  elephants  a  pour  consequence,  du 
fait  que  les  arbres  ne  sont  plus  casses  (en 
vue  ou  non  de  I'alimentation),  un  embuisson- 
nement  qui  n'est  pas  favorable  a  la  majorite 
des  herbivores.  Avec  leur  disparition,  Ton 
perd  en  plus  une  partie  du  potentiel  d'accueil 
de  ces  savanes. 


Surveillance 

Indispensable,  la  surveillance  doit 
s'appuyer  sur  quelques  principes  pour  etre 
efficace : 

-  les  personnes  chargees  de  la  surveil- 
lance doivent  etre  respectees  (voire  craintes) 
par  les  braconniers,  du  fait  de  la  legislation 
nationale.  Sans  cela  il  ne  restera  bien  enten- 
du  aucun  volontaire  pour  I'effectuer; 

-  elles  doivent  etre  motivees  par  des 
primes  d'efficacite  (par  braconniers  arretes, 
par  armes  saisies),  et  la  viande  saisie  leur 
etre  distribute  car  e'est  une  motivation  im- 
portante  pour  elles.  Sans  cette  motivation,  le 
travail  ne  sera  pas  effectue,  ou  pire,  il  le  sera 
mal  :  fausses  tournees,  parties  de  peches, 
voire  de  chasse!  On  se  rappellera  que  dans 
beaucoup  de  pays  le  salaire  des  fonction- 
naires  correspond  seulement  a  la  presence, 
I'efficacite  passant  par  d'autres  systemes; 

-  I'organisation  de  la  surveillance  sera 
basee  sur  i'effet  de  poste  :  on  remarque  en 
effet  que  les  animaux  sont  souvent  presents 
autour  du  poste  de  garde,  du  camp  ou  de 
I'hotel,  mais  que  passee  une  certaine  di- 
stance ils  sont  absents.  La  presence  est  en 
effet  dissuasive  (pour  autant  que  la  legisla- 
tion le  soit,  et  soit  appliquee).  Elle  a  un  avan- 
tage  supplemental  :  elle  ne  demande  pas 
d'energie.  On  connait  en  effet  les  actions  de 
I'Afrique  sur  les  caracteres,  les  automobiles, 
et  il  convient  de  concevoir  tout  programme  a 
un  niveau  energetique  tres  bas,  faute  de  quoi 
il  n'est  pas  realisable  de  fait  de  I'entropie  (la 
degradation  de  I'energie)  qui  s'y  applique. 

Ces  postes  seront  places  a  une  petite 
distance  des  points  d'eau  (1  a  2  km),  de  fa- 
gon  a  laisser  I'acces  a  I'eau  aux  animaux, 
mais  a  entendre  si  des  coups  de  feu  sont  ti- 
res, et  sous  le  vent.  On  remarque  que  prati- 
quement  tous  les  animaux  s'habituent  tres 
bien  a   I'homme,  des  lors   qu'ils  sont  prote- 


11 


ges  :  lions,  Elephants,  buffles  et  antilopes 
sont  alors  visibles  du  poste; 

-  des  tournees  complementaires  se- 
ront  programmees.  Elles  consisteront  en  la 
recherche  de  traces  frafches  de  braconniers, 
en  particulier  pres  des  points  d'eau.  La  voi- 
ture,  la  moto,  la  bicyclette  peuvent  etre  utili- 
sees  pour  cette  recherche.  Ces  traces  sont 
suivies  a  pied  si  elles  sont  recentes  et 
qu'elles  vont  vers  un  camp  de  braconniers 
(faute  de  quoi  c'est  bien  sur  totalement  ineffi- 
cace).  Ces  criteres  sont  du  ressort  des  pis- 
teurs  qui  savent  generalement  ou  vont  les 
traces,  parfois  qui  a  marche...; 

-  dans  la  mesure  du  possible,  on  asso- 
ciera  les  chasseurs  (braconniers  ?)  locaux, 
comme  pisteurs  pour  la  surveillance.  Les  po- 
pulations seront  d'ailleurs  associees  aussi 
souvent  que  possible  aux  activites  du  pare  : 
surveillance,  amenagement  (ouverture  et  en- 


Girafe  :  autrefois  braconnee  pour  sa  queue  (photo  FAO). 


tretien  des  pistes  et  radiers,  construction  des 
barrages,  fonctionnement  des  pompes,  mise 
a  feu,  visite  du  pare),  de  fagon  a  distribuer  un 
revenu  monetaire,  et  a  "occuper"  les  bracon- 
niers en-dehors  de  leur  occupation  favorite. 


LES  SECTEURS  DE  CHASSE 


La  conservation  de  la  nature  africaine 
ne  doit  pas  se  limiter  aux  seuls  pares  natio- 
naux.  Ceux-ci  devraient  etre  inclus  dans  une 
politique  de  developpement  du  milieu  rural 
qui  prenne  en  compte  la  notion  du  cycle  eco- 
logique.  De  plus,  les  pares  nationaux, 
comme  nous  avons  essaye  de  le  montrer  ci- 
dessus,  doivent  repondre  a  certais  criteres 
pour  etre  viables  (superficie,  points  d'eau, 
gestion  des  paturages,  surveillance). 

Mais  la  plupart  des  pays  d'Afrique  n'ar- 
riveront  pas  a  rentabiliser  leurs  pares  natio- 
naux, de  valeur  touristique  tres  insuffisante. 

Comme  le  montre  la  recente  these  de 
Brian  Child,  la  chasse  est  (plus  que  I'exploi- 
taion  stricte  de  la  viande),  le  meilleur  moyen 
pour  la  faune  sauvage  de  se  maintenir  en 
contribuant  au  developpement.  Pour  com- 
pleter les  remarques  faites  sur  les  pares  na- 
tionaux (et  qui  sont  valables  pour  toute  zone 
cynegetique),  nous  abordons  ci-apres  les 
problemes  plus  particuliers  aux  secteurs  de 
chasse. 

Tout  ce  qui  a  ete  vu  pour  les  pares  na- 
tionaux est  bien  sur  valable  pour  les  secteurs 
de  chasse,  a  I'echelle  economique  pres  le 
plus  souvent,  puisque  dans  la  chasse  inter- 
vient  la  notion  de  rentabilite,  si  Ton  touche  a 
I'organisation  de  chasse  touristique.  Actuel- 
lement  les  densites  animales  sont  decrois- 
santes  dans  la  majorite  des  secteurs  :  c'est 
un  phenomene  qui  n'est  pas  nouveau. 


12 


La  grande  chasse  en  Afrique  est  basee 
sur  la  recherche  des  trophees,  dont  les  por- 
teurs  ne  represented  generalement  que  2 
pour  cent  de  la  population.  Comme  ce  sont 
egalement  des  males  reproducteurs,  lis  ne 
peuvent  etre  tous  preleves  :  un  taux  de  1 
pour  cent  est  deja  important.  II  ne  s'agit  pas 
du  tout  d'une  chasse  d  exploitation,  mais 
dune  cueillette  qui,  pour  ne  pas  etre  nocive, 
doit  porter  sur  des  populations  importantes 
se  reproduisant  normalement. 

Actuellement  ce  n'est  generalement 
pas  le  cas,  puisque  d'autres  prelevements 
sont  effectues  (par  les  braconniers,  parfois 
par  les  predateurs  a  la  premiere  place  des- 
quels  on  trouve  les  hyenes,  qui  tuent  beau- 
coup  plus  qu'on  ne  le  pense  generalement  : 
c'est  le  chasseur  le  plus  efficace  au  Serenge- 

Ces  prelevements  sont  effectues  sur 
tous  les  types  d'animaux,  et  non  seulement 
sur  ceux  supposes  les  plus  "faibles"  :  fe- 
melles  et  jeunes.  En  effet  ces  derniers  vivent 
le  plus  souvent  en  troupeaux  et  sont  done 
proteges  par  I'effet  de  groupe  (conjonction 
des  efforts  de  survie).  Au  contraire,  un  ani- 
mal solitaire  ne  beneficie  pas  de  cet  effet.  De 
plus,  s'il  est  territorial,  il  refusera  de  s'eloigner 
et  sera  done  encore  plus  vulnerable. 

En  tout  etat  de  cause,  les  animaux  d'A- 
frique  ne  supportent  pas  des  prelevements 
aussi  importants  que  ceux  des  pays  tempe- 
res  :  ainsi,  un  taux  superieur  a  8  pour  cent 
(sexes  et  classes  d'ages  confondus),  stabi- 
lise la  croissance  d'un  troupeau  de  buffles 
(Marromeu,  Mozambique).  Si  Ton  ne  preleve 
que  des  males,  le  taux  est  bien  moindre. 

Dans  I'etat  actuel  des  choses.  2  ac- 
tions sont  possibles  pour  les  guides  de 
chasse  soucieux  de  leur  secteur  :  la  sur- 
veillance et  retablissement  d'un  plan  de 
chasse.  En  effet,  les  secteurs  sont  assez 
souvent  bien  amenages,   surtout  pour  les 


pistes  (deplacements  -  ou  chasse!  -  en  voi- 
ture  oblige!),  et  bien  que  les  points  d'eau 
puissent  parfois  etre  amenages  (cf.  pares 
nationaux). 


La  surveillance 

Elle  sera  basee  sur  les  memes  prin- 
cipes  que  ceux  enonces  plus  haut.  II  faudra 
tenir  compte  d'une  legislation  nationale 
adaptee  au  guide  de  chasse  et  a  son  action. 

II  faudra  egalement  que  : 

-  le  guide  choisisse  une  partie  de  son 
secteur  reunissant  les  criteres  enumeres  plus 
haut  pour  la  realisation  d'un  pare  national. 
l_a  surface  de  cette  partie  ne  doit  pas  etre 
trop  importante  :  25.000  ha  est  une  bonne 
mmoyenne  pour  une  equipe  de  surveillance; 

-  I'equipe  doit  etre  suffisamment  nom- 
breuse  :  6  pisteurs  est  un  bon  chiffre.  En  ef- 
fet 4  peuvent  aller  en  brousse  et  etre  effi- 
caces,  tandis  que  2  restent  au  camp  (garder 
le  camp  contre  d'eventuelles  represailles, 
rester  avec  les  femmes,  se  reposer,  se  soi- 
gner),  2  ou  3  personnes  sont  inefficaces  car 
insuffisamment  respectees  par  les  bracon- 
niers. 

-  I'equipe  doit  etre  en  place  toute  Tan- 
nee,  ce  qui,  pour  un  guide  de  chasse,  veut 
dire  en-dehors  de  la  saison  de  chasse.  Les 
moments  les  plus  importants  sont : 

-  le  premier  mois  de  saison  seche  (no- 
vembre),  car  les  pistes  ne  sont  pas  encore 
sur  place  et  les  pistes  non  reouvertes, 

-  les  derniers  mois  de  saison  seche  et 
les  premiers  de  saison  pluvieuse  car  les 
guides  "liberent"  alors  la  brousse  a  un  mo- 
ment tres  favorable  au  braconnage.  C'est 
durant  cette  derniere  periode  que  des  ma- 
noeuvres temporaires  de  -  la  societe  de 
chasse,  et  done  la  connaissant  bien,  peuvent 


13 


Lions  :  valeur  touristique  et  cynegetique  sure;  mais  avec  eux,  c'est  le  probleme  des 
predateurs  qui  est  pose  (photo  A.lokem/FAO). 


rester  sur  le  secteur  et  mettre  a  profit  leur 
erudition  ! 

Toutes  ces  periodes  se  trouvent  en- 
dehors  des  moments  les  plus  importants 
pour  I'agriculture,  ce  qui  fait  que  n'ayant  rien 
a  faire  "au  camp",  les  hommes  iront  "en 
brousse". 

L'investissement  a  faire  est  relative- 
ment  limite:  6  fois  8  mois  de  salaire  a  400  FF, 
soit  moins  de  20.000  FF:  prix  bien  faible  en 
comparaison  de  celui  d'un  safari.  Mais  bien 
sur  cela  suppose  une  intensification  des  acti- 
vites  sur  une  petite  zone,  sans  pour  autant 
prelever  plus,  au  moins  au  debut.  La  solu- 
tion: tirer  peu,  marcher,  chasser  et  observer ! 


Le  plan  de  chasse 

Les  quelques  pays  d'Afrique  ayant  mis 
au  point  un  plan  de  chasse,  ou  un  systeme 


de  quotas,  se  heurtent  a  des  difficultes,  soit 
de  calcul,  soit  d 'application.  En  effet  le  sys- 
teme est  compris  comme  une  limitation  de  tir 
en  relation  avec  une  taille  de  population  et 
une  superficie. 

Au  contraire  il  taut  passer  par  la  notion 
de  population  utile  pour  la  chasse  (c'est-a- 
dire  le  nombre  de  males  porteurs  de  tro- 
phees  non  indispendables  a  la  reproduction) 
et  a  la  surface  utile  pour  la  chasse  (c'est-a- 
dire  celle  ou  s'exerce  reellement  la  chasse). 

II  n'est  pas  alors  essentiel  de  passer 
par  la  phase  de  recensement,  dont  les  incon- 
venients  sont  bien  connus  : 

-  coCit  important; 

-  erreur  importante  :  ii  n'est  pas  rare  de 
lire  dans  les  resultats  de  recensement:  4.076 
cobs  de  Button,  plus  ou  moins  3.500,  ce  qui, 
bien  sur,  est  inutilisable  pour  la  gestion  et 
pour  la  chasse  en  particulier.  D'ailleurs,  un 
pare  bien  gere  comme  celui  de  Hwange,  au 


14 


Zimbabwe,  precise  que  ses  recensements 
d'elephants  (espece  relativement  facile  a 
compter  dans  ce  milieu)  sont  donn's  a  plus 
ou  moins  30  pour  cent.  On  peut  done  s'at- 
tendre  a  des  resultats  beaucoup  plus  mau- 
vais  pour  des  especes  moins  reperables  et 
pour  une  vegetation  plus  dense  ("biais"  im- 
portants).  De  plus,  les  modifications  de  re- 
partition des  animaux  a  cause  de  facteurs  an- 
thropiques  (derangement),  font  que  les  for- 
mules  statistiques  sont  difficile  a  appliquer. 

Le  recensement  sera  done  reserve  a 
I'etablissement  de  la  repartition  des  animaux 
(avec  sondage  de  densite),  dans  lespace,  et 
au  cours  des  saisons. 

C'est  egalement  un  outil  utile  lorsqu'il 
peut  etre  repete,  non  pas  pour  obtenir  des 
chiffres  absolus,  mais  comme  indicateur  de 
tendance.  Cela  suppose  que  la  met  hod  e  uti- 
lisee  sort  a  chaque  fois  la  meme.  Ce  ne  sont 
pas  alors  les  chiffres  les  plus  interessants, 
mais  ('interpretation  que  Con  en  fait. 

Dans  la  pratique,  comment  proceder 
pour  etablir  un  plan  de  chasse  ? 

On  se  basera  sur  deux  demarches  : 

1.  le  rapport  de  chasse  :  redige  en  fin 
de  saison,  il  doit  comporter  un  cadre  du  sec- 
teur  mentionnant : 

-  le  trace  des  pistes  :  rares  sont  en  ef- 
fet  les  guides  qui  chassent  reguliere- 
ment  a  plus  de  5  km  des  pistes  (cela 
permet  d'apprecier  I'effort  d'amena- 
gement  et  de  calculer  la  surface  utile 
a  la  chasse); 

-  la  localisation  des  animaux  tues,  par 
espece,  ainsi  que  la  mention  du 
nombre  de  chasseurs,  de  jours  de 
chasse,  du  nombre  d'animaux  tues, 
ainsi  que  la  taille  des  trophees. 

La  repetition  de  ces  rapports  permet 
de  saisir  la  tendance  evolutive  de  la  zone,  en- 
core une  fois  plus  importante  que  la  valeur 
absolue; 


2.  Ce  rapport  sera  complete  par  des 
visites  de  terrain,  au  cours  desquelles  on  es- 
saiera,  non  de  compter  les  animaux,  mais 
d'apprecier  le  nombre  d'animaux  utiles  a  la 
chasse  (males  adultes)  et  les  structures  de 
population  :  la  reproduction  semble-t-il  nor- 
male,  les  structures  familiales  sont-elles  res- 
pectees  ?  Les  comportements  semblent-ils 
normaux  ? 

A  partir  de  ces  donnees,  de  la  progres- 
sion du  chiffre  des  abattages,  on  pourra  mo- 
duler  le  quota  alloue  :  par  exemple  rien  ne 
sert  de  donner  beaucoup  de  buffles  si  le 
nombre  tire  diminue  d'annee  en  annee,  avec 
un  nombre  de  chasseurs  constant.  Ce  serait 
meme  nefaste  car  les  chasseurs  voudront  ti- 
rer  d'autres  animaux,  dont  les  populations 
risquent  alors  de  suivre  celle  des  buffles. 

II  faut  done  accumuler  un  certain  nom- 
bre de  donnees,  mais  surtout  les  traiter  et  as- 
surer leur  retour  au  terrain. 

Quelques  problemes  des  populations 
chassees 

Sans  faire  une  revue  complete,  on 
soulignera  quelques  points  que  les  guides 
doivent  avoir  a  I'esprit  pour  I'etablissement 
des  quotas : 

-  Les  animaux  de  plaine  (cob  de  But- 
ton, Defassa  en  particulier)  sont  les  plus  sen- 
sibles  au  braconnage  (et  a  la  pression  de 
chasse),  car  faciles  a  voir,  a  approcher  (en 
fonction  de  leur  "caractere"),  a  tirer; 

-  Les  animaux  a  comportement  territo- 
rial sont  egalement  faciles  a  detruire.  Ces 
animaux  qui  refusent  de  fuir  le  danger  sur 
leur  territoire  sont  a  conserver  pour  la  repro- 
duction, puisqu'ils  sont  dominants.  On  re- 
trouve  les  cobs,  les  bubales  et  les  damalis- 
ques; 

-  les  petites  especes  supportent  bien  la 
pression  de  chasse,  grace  a_un  rythme  de  re- 
production et  de  croissance  rapide  :  ourebis, 


15 


cephalophes,  et  meme  guibs  harnaches  et 
potamochdres; 

-  les  espdces  qui  marchent  beaucoup 
se  protegent  mieux  des  effets  du  bracon- 
nage:  bubales,  hippotragues,  elands  de  Der- 
by. 

-  les  espdces  qui  mangent  des 
feuilles  (brouteurs)  sont  favorisees  actuel- 
lement  par  1'embuissonnement.  Sont  dans 
cecas : 

-  cephalophes,  les  guibs,  I'eland; 

-  les  predateurs  sont  favorises  au  de- 
but des  phases  de  braconnage  par  la  pre- 
sence de  nombreuses  carcasses  et  peuvent 
se  developper  alors  que  leur  nourriture  dimi- 
nue. 

En  conclusion,  on  se  rappellera  que 
les  especes  les  plus  sensibles  au  bracon- 
nage sont  dans  I'ordre : 

-  les  cobs  et  les  damalisques; 

-  les  phacocheres; 

-  les  buffles  et  les  bubales; 

-  les  hippotragues  et  les  elands. 

En  ce  qui  concerne  I'elephant  aucune 
autorisation  de  tir  ne  doit  etre  actuellement 
donnee  de  fagon  a  ne  pas  legaliser  le  bra- 
connage encore  tres  actif;  cela  revient  done 
a  abandonner  le  systeme  CITES,  malgre  le 
fait  que  e'est  une  entreprise  louable  de  ratio- 
nalisation. II  taut  en  effet  verrouiller  partout 
ou  e'est  possible  les  circuits  de  commerciali- 
sation et  ne  laisser  aucune  faille,  soi-disant 
pour  aider  a  la  gestion  d'une  ou  deux  popu- 
lations d'elephants.   Le  probleme  des  preda- 


teurs doit  §tre  pose  si  Ton  veut  remonter  les 
populations  d'herbivores.  Enfin,  I'eland  de 
Derby  semble  en  augmentation,  en  rapport 
avec  un  faible  braconnage  et  une  augmenta- 
tion de  son  habitat  par  1'embuissonnement. 


CONCLUSION 


Devant  les  echecs  passes,  il  faut  inten- 
srfier  sur  des  surfaces  raisonnables,  de  fagon 
a  pouvoir  garder  des  populations  viables. 

II  faut  egalement  diversifier  les  activites 
du  fait  d'une  saison  trop  courte  en  Afrique 
francophone  (4  mois  contre  10  en  Afrique  de 
I'Est)  et  combiner  vision,  observation, 
marche,  chasse  et  production  de  viande  et 
de  peaux,  de  fagon  a  ne  pas  negliger  une 
source  de  revenus.  Cela  permettra  de  creer 
les  emplois  necessaires  a  la  protection  des 
animaux  et  de  leur  milieu  et  de  contribuer  au 
developpement.  Certains  pays  d'Afrique  de 
I'Ouest  qui  I'ont  compris,  possedent  mainte- 
nant  une  faune  sauvage  en  bien  meilleur  etat 
que  certains  traditionnellement  reputes  pour 
leurs  pares  et  leurs  grandes  chasses. 


Cet  article  a  ete  publie  dans  Connaissance  de  la 
Chasse  n°158  et  159  et  est  reproduit  avec  Vaima- 
ble  autorisation  de  Viditeur  que  nous  remercions 
vivement. 


16 


UNE  ALTERNATIVE 

ZIMBABWEENNE  A 

L'INTERDICTION  DE  L'lVOIRE 


par    Dick  Pitman  * 


Quel  est  le  meilleur  moyen  de  conser- 
ver  les  elephants? 

Est-ce  d'imposer  une  interdiction  to- 
tale  du  commerce  de  I'ivoire  ?  Ou  y  a-t-il  une 
autre  solution  meilleure  ? 

Le  Zimbabwe,  de  meme  que  d'autres 
pays  d'Afrique  australe,  a 
une  longue  experience 
fructueuse  dans  la 
conservation  des  ele- 
phants, lis  comptent  des 
conservateurs  et  des 
professionnels  de  la 
faune  sauvage  parmi  les 
plus  devoues  au  monde, 
tous  profondement  con- 
cernes  par  la  survie  de 
I' elephant. 

Mais  ils  n'ont  ete 
consultes  ni  par  les 
agences  de  conservation 
qui  appuient  I'interdiction 
totale  du  commerce  de  I'ivoire  et  autres  pro- 
duits  d'elephants,  ni  par  les  gouvernements 


qui  imposent  cette  interdiction  sans  utiliser 
les  procedures  CITES  etablies. 

II  est  peu  probable  que  cette  interdic- 
tion arrete  le  braconnage  de  I'elephant.    Le 
braconnage  du  rhinoceros  continue  avec  la 
meme  intensite  en  depit  de  I'interdiction  du 
commerce  de  la  corne  du 
rhinoceros.   Au  contraire, 
cette  interdiction  va  saper 
les    strategies    visant    a 
conserver   les   elephants 
et  a  proteger  leur  habitat 
en  reconciliant  la  faune 
sauvage  et  la  population 
rurale. 

Ces  strategies  sont 
en  grande  partie  respon- 
sables  des  succes  obte- 
nus  par  le  Zimbabwe 
dans  la  conservation  de 
ses  elephants  pendant 
que  d'autres  pays  souf- 
frent  d'une  severe  baisse  de  leur  population 
d'elephants  due  au  braconnage. 


17 


Cet  article  est  publie  pour  soutenir  la 
position  du  Gouvernement  du  Zimbabwe  sur 
le  commerce  de  I'ivoire  et  celui  de  ces  com- 
munautes  dont  le  bien-etre  depend  en 
grande  partie  d'une  utilisation  rationnelle  des 
elephants. 

Ces  communautees  rurales  souffriront 
severement  si  I'interdiction  de  I'ivoire  est  im- 
posee. 

Par-dessus  tout,  il  est  probable  que 
cette  interdiction  ait  I'effet  de  tuer  plus  d'ele- 
phants  qu'elles  n'en  sauvera. 


Les  faits  tels  qu'ils  sont 


Debut  1989,  le  London  Daily  Mail  rap- 
portait  qu'une  cargaison  d'ivoire  illegal  etait 
arrive  en  provenance  des  "forets  denses 
equatoriales  de  la  Vallee  du  Zambeze  ou  le 
nombre  d'elepants  diminue  de  moitie  chaque 
annee". 

En  fait,  I'ivoire  en  question  provenait 
du  Zaire.  La  Vallee  du  Zambeze  se  trouve  au 
Zimbabwe,  loin  au  Sud  des  forets  equato- 
riales et  a  actuellement  une  surpopulation 
d 'elephants. 

Les  conservateurs  et  les  gouverne- 
ments  ont  le  droit  d'etre  bien  informes  avant 
d'arreter  leurs  jugements  qui  pourront  forte- 
ment  affecter  I'avenir  des  elephants.  Malheu- 
reusement,  ceci  n'est  pas  toujours  le  cas.  Du 
fait  d'une  information  incomplete  et  de  rap- 
ports incorrects,  de  nombreuses  personnes 
croient  qu'actuellement  I'elephant  africain  est 
une  espece  menacee. 

Est-ce  reellement  la  verite  ? 


Les  elephants  sont-ils  en 
danger? 


Selon  le  Groupe  de  Revision  du  Com- 
merce de  I'ivoire  (ITRG),  dont  le  rapport  a  im- 
pose I'interdiction  du  commerce  de  I'ivoire 
en  Europe  et  aux  Etats-Unis,  les  populations 
d'elephants  d'Afrique  ont  chute  de  plus  d'un 
million  a  environ  600.000  a  ce  jour. 


"II  n'est  pas  surprenant  qu'aucune  en- 
quete  de  quelque  sorte  que  ce  soit 
n'ait  ete  menee  sur  de  vastes  parties 
des  forets  tropicales  d'Afrique  ou  Ton 
sait  que  la  densite  des  elephants  varie 
enormement" 

-  L'Elephant  Africain,  PNUE  1989. 


Un  certain  nombre  de  biologistes  re- 
nommes  sont  d'avis  que  le  rapport  de  I'lTRG 
est  incorrect  sous  certains  aspects.  Un 
grand  nombre  de  ces  valeurs  de  populations 
de  pays  a  pays  ne  sont  que  pure  hypothese. 
En  particulier,  les  elephants  sont  notoirement 
difficiles  a  recenser  en  zone  de  vegetation 
dense  telles  les  forets  humides  equatoriales. 

Cependant,  meme  si  les  valeurs  de 
I'lTRG  sont  correctes,  un  simple  total  pour  le 
continent  dissimule  un  point  capital.  II  consi- 
dere  les  elephants  d'Afrique  comme  un  seul 
troupeau.  En  realite,  il  y  a  plus  de  100  po- 
pulations distinctes  d'elephants  en  Afri- 
que.  Meme  les  chiffres  nationaux  peuvent 
etre  trompeurs  car  un  pays  peut  abriter 
plusieurs  populations  geographiquement 
separees. 

Les  plus  forts  declins  ont  eu  lieu  dans 
les  pays  d'Afrique  de  I 'Est  et  Centrale.  Selon 
I'lTRG,  les  elephants  du  Zaire  ont  diminue  de 
376.000   en   1981    a   103.000  actuellement, 


18 


Populations  actuelles  d'ele- 
phants  d'Afrique. 


ceux  du  Kenya  de  65.000  a  18.000;  ceux  de 
Ja  Tanzanie  de  204.000  a  75.000. 

Mais  les  chiffres  de  I'lTRG  montrent 
aussi  que  le  nombre  d'elephants  a  augmen- 
ts dans  plusieurs  pays,  y  inclus  le  Congo,  le 
Gabon,  le  Botswana,  le  Zimbabwe  et  I'Afrique 
du  Sud. 

Certaines  augmentations  sont  trop 
fortes  pour  etre  credibles.  La  population  d'e- 
lephants au  Gabon  est  supposee  avoir  aug- 
ments de  13.400  en  1981  a  92.000  actuelle- 
ment;  ceux  du  Botswana  de  20.000  a  58.000 
au  cours  de  la  meme  periode.  A  nouveau,  le 
simple  enonce  des  chiffres  cache  un  element 
important  :  les  techniques  d'echantillonnage 
se  sont  ameliorees  au  fil  des  ans  et  les  chif- 
fres anterieurs  sont  presque  certainement 
des  sous-estimations. 

Neanmoins,  les  elephants  sont  certai- 
nement en  augmentation  en  Afrique  australe 


depuis  plusieurs  annees. 
lis  ont  ete  fortement  ex- 
ploits entre  1850  et 
1910,  lorsque  la  recolte 
annuelle  de  I'ivoire  attei- 
gnait  1.100  tonnes 
contre  700  en  1987.  La 
plupart  des  populations 
avaient  ete  severement 
reduites.  Au  Sud  des  ri- 
vieres du  Zambeze  et 
Cunene,  les  nombres 
chuterent  probablement 
en-dessous  de  10.000 
animaux  en  1900. 

Au  cours  des  an- 
nees 80,  les  populations 
d'elephants  dans  la  re- 
gion se  sont  reconsti- 
tutes d'une  maniere  re- 
marquable.  L'Afrique 
australe  abrite  mainte- 
nant  plus  de  30%  des 
elephants  du  continent.  Les  populations  d'e- 
lephants du  Zimbabwe  ont  augmente  de 
probablement  moins  de  5.000  en  1900  a  un 
total  aujourd'hui  de  plus  de  50.000. 


"II  est  peu  probable  que  ('alternative  - 
une  interdiction  totale  du  commerce 
de  I'ivoire  -  puisse  reussir  car  I'inves- 
tissement  mondial  dans  le  commerce 
de  I'ivoire  est  trop  grand" 

L'elephant  d'Afrique,  PNUE  1989. 


Ceci  prouve  deux  facteurs  importants. 
Premierement,  les  elephants  ont  une  capaci- 
ty de  recuperation  remarquable  meme  a  par- 
tir  d'un  population  tres  faible.  Deuxieme- 
ment,  quelque  soit  la  situation  ailleurs,  les 
elephants  ne  sont  pas  menaces  en  Afri- 
que australe. 


19 


Que  signifie  "menace" 


Que  devrait-on  dire  ? 


Si  quelque  chose  est  menace  dans  ce 
contexte,  c'est  I 'usage  de  la  langue.  Le 
terme  "menace"  est  maintenant  utilise  pour 
presque  toute  espece  soit  qui  existe  naturel- 
lement  en  faible  densite  soit  qui  montre  un 
declin  quelque  soit  la  cause. 

C'est  aussi  sujet  a  des  interpretations 
tres  differentes.  Par  exemple,  le  nombre  de 
rhinoceros  blancs  du  Sud,  Ceratotherium  si- 
mum,  avait  chute  a  moins  de  50  animaux  au 
debut  des  annees  1900.  Une  conservation 
efficace  a  permis  son  augmentation  a  quel- 
que 4.000  animaux  aujourd'hui. 

Bien  qu'il  soit  toujours  classe  en  An- 
nexe I  de  la  CITES,  peu  de  gens  en-dehors 
de  I'Afrique  se  soucient  maintenant  beau- 
coup  du  rhinoceros  blanc.  On  estime  gene- 
ralement  qu'il  est  "hors  de  danger".  Pourtant 
I'elephant  a  ete  classe  "menace"  avec  une 
population  d'au  moins  600.000. 

Si  une  espece  doit  etre  placee  en  An- 
nexe I  de  la  CITES,  elle  "doit  etre  reellement 
menacee  de  disparition".  Beaucoup  de  bio- 
logistes  pensent  que  les  criteres  devaluation 
du  statut  des  especes  doivent  etre  lies  a  des 
considerations  genetiques  a  long  terme.  Par 
ces  criteres,  une  espece  n'est  reellement  me- 
nacee que  quand  son  nombre  tombe  en-des- 
sous  d'un  certain  Minimum  Viable  de  Popula- 
tion (MVP). 

Le  MVP  pour  I'elephant  d'Afrique  est 
suppose  etre  de  2.000  animaux.  Beaucoup 
de  populations  isolees  sont  tombees  sous  ce 
niveau,  surtout  en  Afrique  de  I'Ouest.  Mais  il 
y  a  au  moins  dix  populations  reproductrices 
qui  depassent  2.000  elephants.  Presque 
toutes  sont  en  Afrique  australe. 


Rien  de  ce  qui  precede  ne  cherche  a 
minimiser  I'etat  critique  de  I'elephant  d'Afri- 
que dans  les  regions  ou  le  braconnage  est 
responsable  de  declins  severes. 

II  est  certainement  vrai  de  dire  que  les 
elephants  sont  localement  en  danger  de  dis- 
parition dans  certaines  parties  de  I'Afrique.  II 
est  aussi  vrai  de  dire  qu'ils  sont  vulnerables 
dans  d'autres  parties. 

Mais  il  est  faux  de  dire  que  I'ele- 
phant d'Afrique  est  en  danger  de  dispari- 
tion. 


Les  interdictions  ne  marchent 
pas  ! 


Les  interdictions  proposees  pour  le 
commerce  de  livoire  sont  basees  sur  I'hypo- 
these  que  la  demande  en  ivoire  diminuera  et 
ainsi  reduira  le  braconnage  de  I'elephant. 

Le  commerce  de  la  corne  de  rhinoce- 
ros est  interdit  depuis  plusieurs  annees.  Ce- 
pendant  le  braconnage  du  rhinoceros  conti- 
nue de  maniere  inchangee.  Durant  I'annee 
1988,  il  y  a  eu  a  peu  pres  50  incursions  des 
braconniers  de  rhinoceros  dans  la  Vallee  du 
Zambeze  au  Zimbabwe.  II  est  probable  que 
ce  nombre  ait  augmente  en  1989,  prob- 
ablement  du  a  I 'augmentation  du  prix  de  la 
corne  de  rhinoceros. 

Les  interdictions  sur  le  commerce  de 
I'ivoire  auront  plutot  I'effet  d'augmenter  les 
prix,  d'intensifier  le  braconnage  et  de  forcer 
le  commerce  a  devenir  clandestin. 

Les  interdictions  pourraient  tuer  plus 
d'elephants  qu'elles  n'en  sauveront.     Mais 


20 


avant  de  commencer  a  rassembler  ces  don- 
nees  et  d 'examiner  les  alternatives,  ii  nous 
taut  examiner  les  conditions  dans  lesquelles 
les  elephants  survivent  maintenant  dans  de 
grandes  parties  de  I'Afrique. 


COMMENT  VIVENT 
LES  ELEPHANTS 


terme  genetique  -  a  besoin  d'un  habitat  d'au 
moins  2.000  km2  et  souvent  bien  plus. 

Cet  habitat  doit  etre  peu  ou  pas  habite 
par  I'homme.  Les  elephants  changent  de 
zone  quand  la  densite  humaine  depasse  en- 
viron 15  personnes  par  kilometre  carre  ou 
quand  ils  sont  regulierement  chasses  ou  au- 
trement  deranges. 


"Les  zones  protegees" 


Les  elephants  peuvent  vivre  dans  des 
habitats  allant  des  semi-deserts  aux  forets 
humides  tropicales  et  a  des  altitudes  variant 
du  niveau  de  la  mer  a  plus  de  3.000  metres 
sur  les  pentes  du  Mont  Kenya. 

II  fut  un  temps  ou  leur  aire  de  distribu- 
tion couvrait  la  majeure  partie  de  I'Afrique,  y 
inclus  ce  qui  est  actuellement  le  Sahara.  Au- 
jourd'hui,  ils  sont  limites  a  I'Afrique  sub-saha- 
rienne  ou  ils  occupent  une  aire  totale  de  dis- 
tribution d'environ  5  millions  de  km2.  Cette 
aire  se  retricit  rapidement  a  cause  des  im- 
plantations de  villages  dans  de  nombreuses 
regions. 

Une  population  viable  d 'elephants  a 
besoin  de  beaucoup  de  nourriture  et  d'es- 
pace.  Leur  regime  alimentaire  comprend 
une  grande  variete  d'herbes,  de  buissons  et 
des  fruits,  des  feuilles  et  de  I'ecorce  de  nom- 
breux  arbres.  Ils  passent  1 8  heures  par  jour 
a  se  nourrir  et  un  grand  elephant  male  peut 
manger  plus  de  70kg  de  fourrage  en  une 
journee.  Ils  ont  besoin  de  s'abreuver  regulie- 
rement. Meme  dans  des  circonstances  opti- 
males,  il  est  rare  de  trouver  une  densite  glo- 
bale  de  plus  d'un  elephant  par  kilometre  car- 
re. 

Ceci  veut  dire  qu'une  population  re- 
productrice  de  2.000  animaux  -  probable- 
ment  le  nombre  minimum  viable,  ou  MVP  en 


Quand  le  declin  des  elephants  et  d'au- 
tres  animaux  spectaculaires  est  devenu  un 
sujet  important  d'inquietude  au  debut  de  ce 
siecle,  beaucoup  de  gouvernements  colo- 
niaux  africains  ont  reagi  en  etablissant  des 
aires  protegees  dans  lesquelles  la  chasse 
etait  soit  controlee  soit  interdite. 

La  plupart  de  ces  zones  existent  tou- 
jours  sous  differents  aspects.  Quelques- 
unes  ont  ete  designees  pares  nationaux, 
dans  lesqueis  les  animaux  sont  integralement 
proteges. 

D'autres  peuvent  etre  declarees  zones 
de  safaris  ou  d'amenagement  de  gibier,  dans 


"Au  cours  de  ces  dernieres  annees,  des 
operations  ont  ete  entreprises  afin  de 
red  u  ire  la  densite  globale  des  ele- 
phants a  moins  de  0,8  animaux  par  ki- 
lometre carre  a  I'interieur  des  aires  pro- 
tegees. Ceci  devrait  aboutir  a  une  po- 
pulation d'environ  34.000  elephants 
dans  ces  zones.  Le  total  est  toujours 
superieur  a  40.000  -  et  le  taux  annuel 
d'accroissement  au  Zimbabwe  est  ac- 
tuellement d'envrion  5%" 

The  Nature  of  Zimbabwe, 
UICN  1989. 


21 


En  densites  trop  fortes,  les  elephants  peuvent  degrader  severement  leur  habitat  (photo  FAO). 


lesquelles  une  chasse  controlee  est  autori- 
sees  ou  d'autres  activites  tolerees. 

Le  Zimbabwe  a  devolu  44.000  km2  - 
plus  de  20%  de  sa  superficie  totale  -  a  la 
faune  sauvage.  Le  Pare  National  de  Hwange 
couvre  une  superficie  de  plus  de  14.000  km2. 
L'ensemble  des  pares  nationaux  et  des 
zones  de  chasse  de  la  Vallee  du  Zambeze 
couvrent  11.000  km2  supplementaires.  Plu- 
sieurs  zones  protegees  ailleurs  en  Afrique 
sont  considerablement  plus  grandes. 

Tant  les  industries  que  les  habitations 
sont  interdites  dans  ces  zones.  Elles  repre- 
sentent  done  un  enorme  investissement 
des  gouvemements  et  des  populations 
africaines  a  qui  en  est  interdite  I' utilisation 
pour  la  culture  ou  le  paturage  du  betail. 

Les  elephants  peuvent  se  multiplier  ra- 
pidement  dans  ces  zones.  Le  Pare  National 
de  Hwange  au  Zimbabwe  abritait  peut-etre 


moins  de  1.000  elephants  en  1900.  Aujour- 
d'hui  il  en  abrite  22.000.  Cela  depasse  ce 
que  le  pare  peut  supporter  et  par  consequent 
sa  vegetation  subit  des  changements  drama- 
tiques. 

Ces  augmentations  sont  le  resultat  de 
plusieurs  facteurs.  L'un  est  la  capacite  d'une 
population  d'elephants  de  s'accroftre  de  4  a 
7%  par  an.  Un  autre  facteur  pourrait  etre 
I'immigration  d'elephants  d'autres  zones  ou 
ils  sont  affectes  par  la  chasse  ou  les  implan- 
tations villageoises. 

Mais  les  elephants  ne  sont  pas 
confines  aux  zones  protegees.  Les  trou- 
peaux  d'elephants  peuvent  se  deplacer  sur 
de  grandes  distances.  Dans  des  zones  plus 
arides  ou  la  nourriture  est  moins  abondante 
leur  domaine  vital  peut  couvrir  3.000  km. 

Les  elephants  ne  connaissent  pas  les 
limites  des  pares  ou  les  frontieres  internatio- 


22 


nales.   lis  peuvent  se  deplacer  des  pares  na- 
tionaux  vers  les  zones  d'habitation. 

Et  les  elephants  n'ont  aucune  pro- 
tection a  travers  90%  de  leur  habitat  en 
Afrique  -  les  4.500.000  km2  qui  ne  sont 
pas  a  I'interieur  des  limites  des  zones  pro- 
tegees. La,  ils  sont  souvent  en  concur- 
rence directe  avec  I'homme  pour  les 
terres  et  la  nourriture. 


En-dehors  des  pares 


A  linterieur  des  grands  pares  natio- 
naux  d'Afrique,  il  est  facile  de  croire  aux  pro- 
messes  des  brochures  touristiques  disant 
que  cela  represente  la  vraie  Afrique 

Bien  sur  tel  nest  pas  le  cas  Dans  la 
vraie  Afrique,  les  populations  humaines  ont 
augmente  de  80  millions  de  personnes  entre 
1970  et  1980.  Depuis  lors,  elles  ont  proba- 
blement  augmente  de  30  autres  pourcents. 
Les  pays  de  I'Afrique  ont  parmi  les  plus  hauts 
taux  d'accroissement  demographique  du 
monde. 

Seule  une  petite  minorite  de  cette  po- 
pulation croissante  trouvera  de  I'emploi  dans 
I'industrie  urbaine  ou  trouveront  une  occupa- 
tion dans  les  economies  monetaires. 

La  plupart  vit  dans  les  zones  rurales 
grace  aux  methodes  traditionnelles  d'agricul- 
ture  de  subsistance  -  produisant  la  nourriture 
pour  eux-memes  et  leurs  families. 

La  faune  et  la  flore  sauvages  ont  sou- 
vent  ete  partie  htegrante  de  cette  existence, 
fournissant  nourriture,  vetements  et  pharma- 
copee. 

Avant  I'explosion  demographique,  les 
agriculteurs  de  subsistance  abandonnaient 
un  terrain  apres  quelques  annees  et  allaient 
s'installer  ailleurs.    Ceci  permettait  au  sol  de 


recuperet  L'agriculture  de  subsistance  pou- 
vait  se  maintenir. 

Certaines  regions  sont  encore  presque 
inhabitees,  en  particulier  les  forets  humides  - 
la  region  dans  laquelle  le  niveau  des  popula- 
tions d 'elephants  sont  encore  en  grande  par- 
tie  inconnues. 

D'autres  sont  legerement  peuplees. 
La,  I'homme  et  la  faune  sauvage  peuvent  en- 
core cohabiter  bien  que  leur  relation  soit  sou- 
vent  conflictuelle. 

Mais  le  plus  souvent  les  implantations 
villageoises  atteignent  un  niveau  auquel  la 
disponiblite  en  terres  est  decroissante.  La 
faune  sauvage  pourrait  toujours  y  survivre, 
mais  elle  est  en  grave  danger  d'etre  aneantie 
par  une  chasse  excessive  pour  la  nourriture 
et  pour  d  autres  benefices,  ou  parce  qu'elle 
est  en  conflit  avec  les  besoins  humains. 

Dans  les  cas  extremes,  les  populations 
sont  piegees  sur  des  parcelles  minuscules  de 
terrain  au  sol  epuise,  incapables  de  se  depla- 
cer ailleurs  et  vouees  a  des  rendements  cul- 
turaux  decroissants  et  a  un  combat  deses- 
pere  pour  survivre  dans  des  regions  a  pluvio- 
metrie  incertaine  et  a  potentiel  agricole  mar- 
ginal. 

Et,  dans  une  majeure  partie  de  I'Afri- 
que, les  aires  protegees  de  faune  sauvage 
sont  devenues  des  enclaves  precaires  au 
sein  de  myriades  d'habitations  villageoises. 

Telles  sont  les  circonstances  dans  les- 
quelles  les  elephants  devraient  survivre  a  tra- 
vers la  majorite  de  leur  aire  de  dispersion. 

Les  populations  avec  lesquelles  les 
elephants  doivent  cohabiter  sont  aussi  di- 
verses  que  celles  de  n'importe  quel  autre 
continent.  Mais  elles  ont  un  commun  de- 
nominateur :  la  pauvrete. 


23 


Quelques  implications 


Les  populations  d'elephants  sont  ge- 
neralement  stables  ou  en  progression  dans 
les  seuls  pays  qui  depensent  des  budgets 
raisonnables  pour  la  conservation  de  leur 
faune. 

Une  bon  etalon  est  la  somme  d'argent 
depensee  chaque  annee  par  kilometre  carre 
de  zone  protegee.  Certains  pays  depensent 
moins  de  10  dollars  EU  par  kilometre  carre  et 
par  an.  Dans  ces  pays,  les  populations  d'ele- 
phants chutent  tres  rapidement. 

Le  Zimbabwe  depense  environ  100 
dollars  EU/km2/an  et  bien  qu'il  souffre  egale- 
ment  du  braconnage,  ii  a  pu  maintenir  des 
populations  viables  de  rhinoceros  plus  long- 
temps  que  n'importe  quel  autre  pays  sujet  au 
meme  massacre. 

Dans  ses  zones  protegees,  les  ele- 
phants se  sont  accrus  a  un  point  tel  qu'un 
abattage  est  necessaire  si  Ton  veut  preserver 
la  vegetation  et  d'autres  animaux  plus  sensi- 
bles. 

Que  le  braconnage  des  elephants 
cesse  ou  non,  des  depenses  adequates 
pour  la  protection  de  la  faune  sauvage 
resteront  toujours  nee essa ires  car  la  plu- 
part  des  grands  animaux  disparaissent  ra- 
pidement des  zones  non  protegees  avoisi- 
nant  les  habitations. 

Selon  TITRG,  les  couts  de  la  protection 
des  elephants  pourraient  etre  couverts  soit 
par  I'aide  Internationale  soit  par  le  tourisme. 

Les  couts  de  protection  des  pares  na- 
tionaux  pourraient  probablement  etre  cou- 
verts par  le  tourisme,  mais  le  tourisme  est  in- 
constant et  il  a  peu  ou  pas  d' impact  sur  les 
milliers  de  kilometres  carres  de  I'habitat  des 
elephants  situes  en-dehors  des  zones  prote- 


Les  pays  africains  ne  souhaitent  pas 
etre  simplement  consideres  comme  de  gi- 
gantesques  zoos  pour  le  seul  plaisir  de 
riches  visiteurs  etrangers  et  il  en  couterait  la 
somme  effarante  d'un  milliard  de  dollars  EU 
pour  proteger  les  elephants  sur  I'entierete  de 
son  habitat.  Ceci  est  largement  au-dela  des 
capacites  des  agences  de  cooperation  ou  de 
tourisme. 

Comment  gerer  alors  les  relations  en- 
tre  les  populations,  les  zones  protegees,  la 
faune  sauvage  et  les  milliers  d'elephants  vi- 
vant  en-dehors  des  zones  protegees  ? 

Les  zones  protegees  sont  generale- 
ment  percues  avec  hostilite.  Pour  la  plupart 
des  populations  rurales,  les  Pares  Nationaux 
et  autres  zones  protegees  de  faune  sauvage 
ne  sont  rien  d'autre  qu'un  gaspillage  de 
terres  qui  pourraient  etre  mieux  utilisees  pour 
I'agriculture  et  le  paturage  de  Detail. 


"lis  disent  que  nous  devons  laisser  les 
animaux  de  la  foret  tranquilles  ?  Pour- 
quoi  devrais-je  les  laisser  tranquilles  ? 
Ai-je  plante  quelque  chose  pour  eux  ? 
Et  mes  enfants  ?  S'ils  s'approchent  de 
mes  champs,  je  ne  penserai  qu'a  les 
tuer  et  les  manger" 

Un  habitant  des  Terres  Commu- 
nales  de  Dande,  Zimbabwe. 


Et  les  elephants  et  autres  grands  ani- 
maux sauvages  ne  sont  au  mieux  qu'une  nui- 
sance et  au  pire,  une  menace  pour  la  survie. 

Ces  attitudes  sont  generalement  exa- 
cerbees  par  une  legislation  qui  interdit  a  la 
population  rurale  d'utiliser  la  faune  sauvage 
en  quoi  que  ce  soit. 

Dans  de  telles  conditions,  il  n'est  done 
pas  surprenant  que  le  braconnage  se  deve- 
loppe  et  que  la  majeure  partie  des  popula- 
tions rurales  ne  soit  en  rien  motivee  par  la 


24 


preservation  mais  par  contre  Test  complete- 
ment  pour  detruire. 

Ceci  nous  ammene  a  une  question  pri- 
mordial. Les  pays  en  voie  de  developpe- 
ment  doivent-ils  conserver  la  faune  sau- 
vage  pour  ses  seules  valeurs  estheti- 
ques  ?  Ou  doit-on  egalement  attribuer 
d'autres  valeurs  a  ces  animaux  ? 


L'lVOIRE  : 
MALEDICTION  OU 
RESSOURCE? 


Depuis  des  milliers  d'annees,  les  po- 
pulations africaines  utilisent  la  faune  sauvage 
pour  I'alimentation,  I'habillement,  la  pharma- 
copee  et  -  en  ce  qui  concerne  les  produits 
prises  par  d'autres  cultures,  telles  la  corne  de 
rhinoceros  et  I'ivoire  -  I'argent. 

Un  commerce  d'ivoire  entre  I'Afrique 
de  I'Est  et  I'Egypte  etait  bien  deja  etabJi  il  y  a 
2.000  ans.  Au  cours  du  dixieme  siecle,  le 
voyageur  arabe  Al-Masudi  mentionne  I'abat- 
tage  d'elephants  pour  leur  ivoire.  De  nom- 
breux  indigenes  devenus  des  chasseurs  et 
piegeurs  experts  et  selon  la  rumeur,  certains 
utilisaient  deja  des  armes  au  feu  vers  1 777. 

Que  les  elephants  soient  tues  legale- 
ment  ou  illegalement,  leur  ivoire  represente 
une  rentree  d'argent  dont  une  partie  rentre 
dans  I'economie  rurale  de  I'Afrique. 

C'est  un  fait  que  I'ivoire  represente  une 
ressource  naturelle  majeure.  Bien  sur,  c'est 
aussi  un  fait  que,  dans  certaines  parties  de 
I'Afrique,  cette  ressource  est  utilisee  a  un 
rythme  insoutenable. 

Une  question  primordiale  est  implicite- 
ment  posee  dans  la  proposition  d'interdiction 
de  I'ivoire  :  est-il  justifiable  ou  non  de  consi- 


"Quand  les  Europeens  de  I'Ouest  ont 
emigre  vers  I'Afrique  de  I'Est,  ils  depei- 
gnirent  le  paysage  comme  une  region 
sterile  et  "desertique".  Mais  "deserti- 
que"  etait  en  grande  partie  une  vue  de 
lesprit  occidental  car  la  plupart  de  ces 
regions  etaient  en  fait  utilisees  par  les 
habitants  indigenes" 

Colin  Deihl, 

Cultural  Review  Quartrly,  Feb.  1985. 


derer  la  faune  sauvage  -  et  I'ivoire  -  comme 
une  ressource  naturelle  utilisable  ? 

De  nombreux  conservationnistes  occi- 
dentaux  considerent  que  non.  lis  estiment 
que  la  faune  sauvage  doit  etre  conservee 
pour  ses  seules  valeurs  esthetique  et  ethique. 

Cette  vision  preservationniste  de  la 
faune  sauvage  provient  de  convictions  per- 
sonnels profondes  mais  il  faut  la  prendre 
pour  ce  qu'elle  vaut  :  un  jugement  de  valeur 
subjectif. 

La  question  evidente  qui  suit  est  :  une 
telle  vue  des  choses  profite-t-elle  a  la  survie 
de  la  faune  sauvage  dans  les  conditions  afri- 
caines ? 

D'autres  verront  la  faune  sauvage 
d'une  autre  fagon  -  surtout  ceux  qui  doivent 
vivre  avec  cette  faune  sauvage  et  pas  seule- 
ment  I'utiliser  pour  quelques  jours  comme 
source  de  loisir  et  d'inspiration  avant  de  s'en 
retourner  au  confort  de  la  vie  occidentale. 

Les  echelles  de  valeurs  valables  dans 
un  monde  developpe  peuvent  etre  inappro- 
priees  sur  un  continent  pauvre  a  demogra- 
phie  humaine  galopante  competitrice  de  la 
faune  sauvage  pour  les  terres  et  I'alimenta- 
tion. 

Cela  ne  signifie  pas  que  ceux  qui  ont 
ces  opinions  protectionnistes  doivent  les 
abandonner,  mais  ils  devraient  se  demander 
si  ils  ont  raison  de  les  imposer  aux  per- 


25 


Que  faut-il  faire  de  I'ivoire  -  confisque  ou  recolte  legalement  -  ?  Faut  -il  le 
vendre  au  profit  des  populations  locales  ou  le  bruler  ?  (photo  WWF). 


sonnes  vivant  dans  des  circonstances  to- 
talement  differentes. 

La  faune  sauvage  a  ete  utilisee  en  tant 
que  ressource  naturelle  pendant  des  milliers 
d'annees  par  les  populations  africaines  et 
bien  que  cette  perspective  puisse  evoluer 
avec  une  augmentation  du  niveau  de  vie, 
ceile-ci  ne  doit  pas  etre  eciipsee  par  une  utili- 
sation insoutenable  de  nombreuses  res- 
sources  fauniques  a  I'heure  actuelle,  y  com- 
pris  I'ivoire. 

L'augmentation  du  prix  de  I'ivoire  peut 
etre  aprrecie  de  deux  facons,  soit  en  tant  que 
sonnette  d'alarme  appelant  une  action  de 


crise,  soit  en  tant 
qu'aubaine  economi- 
que  potentielle  qui, 
bien  geree,  pourrait 
devenir  un  grand  avan- 
tage. 

Eile  peut  aider  a 
preserver  la  faune  sau- 
vage la  ou,  autrement, 
elle  serait  detruite.  Elle 
peut  aider  a  sauver  les 
elephants  eux-memes. 
Enfin  elle  peut  aider 
les  populations  qui 
en  ont  le  plus  besoin: 
les  communautes  ru- 
nlet les  plus  pau- 
vres  d'Afrique,  qui 
souffrent  le  plus  des 
ravages  de  la  faune  sauvage. 


"La  conservation  pour  le  principe  de  la 
conservation  ne  marche  pas  la  ou  elle 
affecte  de  maniere  defavorable  les 
moyens  de  vie  de  nombreuses  per- 
sonnes...  Toute  tentative  de  restaura- 
tion  de  la  faune  sauvage  qui  ignore 
ces  faits  socio-economiques  est 
vouee  a  I'echec " 

FAO,  1987. 


L'ALTERNATIVE 
ZIMBABWEENNE 


Les  buts  supremes  des  gestion- 
naires  de  la  faune  sauvage  du  Zimbabwe 
sont  la  survie  de  la  faune  sauvage,  des 
habitats  et  des  ecosystemes. 

Mais  le  pays  souffre  de  tous  les  pro- 
blemes  deja  exposes.  Les  communautes  ru- 
rales  pergoivent  tres  souvent  les  zones  prote- 
gees -  pares  nationaux  et  autres  -  avec 
grande  hostilite.  De  nombreuses  populations 
viables  de  faune  sauvage  survivent  encore 
en-dehors  des  zones  protegees  mais  sont 
menacees  par  I'accroissement  demographi- 
que.  Les  terres  fragiles  ou  la  faune  sauvage 
est  la  meilleure  forme  d'utilisation  des  terres 
sont  ouvertes  a  de  nouvelles  installations  vil- 


26 


tine  etude  sociologique  en  Tanzanie  a 
demontre  que  I'opposition  locale  envers 
les  Pares  etait  universelle" 

World  Resources, 

Institut  International  pour  I'Environ- 

nement  et  le  Developpement ,  1 987 


lageoises.  Les  sols,  les  bois  et  la  faune  sau- 
vage  y  sont  menaces  de  destruction. 

La  gestion  de  la  faune  sauvage  est  un 
volet  important  de  la  Strategie  Nationale  de 
Conservation  que  le  Zimbabwe  a  adopte 
pour  combattre  ces  problemes. 

Cette  strategie  identifie  plusieurs  ob- 
jectifs  principaux  pour  la  gestion  de  la  faune 
sauvage.  Un  de  ceux-ci  est  d'assurer  une 
bonne  protection  aux  pares  nationaux  et  au- 
tres  aires  de  conservation  tout  en  diminuant 
I'hostilite  des  populations  rurales  vivant  dans 
le  perimetre  avoisinant.  Un  autre  est  d'en- 
courager  une  gestion  prudente  de  la  faune 
sauvage  en-dehors  des  zones  protegees  en 
tant  que  meilleure  option  ecologique  et  eco- 
nomique  d'utilisation  des  terres  dans  les 
nombreuses  regions  a  faible  potentiel  agri- 
cole. 

Ceci  peut  ameliorer  les  conditions 
de  vie  des  populations  et  preserver  les 
terres  et  la  faune  sauvage  qui  seraient  au- 
trement  detruites.  Mais  les  elephants  et 
les  autres  animaux  doivent  devenir  des 
atouts  et  non  des  fleaux.  Le  seul  moyen 
pratique  de  realiser  cela  est  de  leur  attri- 
buer  une  valeur  economique. 

Souvent  la  r6ussite  ou  I'echec  depen- 
dent fortement  du  commerce  legal  de  I'ivoire 
et  des  autres  produits  d'elephant.  Au  Zim- 
babwe, ce  commerce  est  tres  soigneuse- 
ment  et  tres  6troitement  controle  et  surveille. 


Les  pares  et  les  autres  zones 
protegees 


Les  pares  nationaux,  tels  Hwange,  Chi- 
zarira  et  Mana  Pools,  represented  a  peu  pres 
la  moitie  des  44.000  km2  des  aires  protegees 
de  faune  sauvage.  Ici,  le  tourisme  est  la 
seule  forme  autorisee  d'utilisation  de  faune 
sauvage.  L'autre  moitie  consiste  principale- 
ment  en  des  zones  de  safaris  ou  une  chasse 
sportive  controlee  est  autorisee. 

La  creation  de  ces  pares  et  de  ces 
zones  de  safaris  a  ete  une  reussite  excep- 
tionnelle  pour  la  protection  de  la  faune  et  de 
la  flore  sauvages  -  ce  qui  comprend  tous  les 
animaux  locaux,  les  plantes,  les  oiseaux,  les 
reptiles  et  les  insectes.  Le  nombre  d'ele- 
phants  a  augmente  de  moins  de  5.000  en 
1900  a  plus  de  50.000  actuellement,  tout  en 
etant  comprimes  dans  des  habitats  se  redui- 
sant  sous  la  pression  des  activites  humaines. 

Dans  de  nombreuses  zones,  ces  po- 
pulations d'elephants  ont  cause  la  destruc- 
tion de  forets  et  menace  la  survie  d'autres  es- 
peces  plus  sensibles. 

Mais  le  Zimbabwe  a  juge  que  la  sur- 
vie des  elephants,  des  terres  boisees  et 
d'autres  especes  avait  une  valeur  egale. 

Une  fois  ce  jugement  fait,  la  seule  op- 
tion pour  le  Zimbabwe  est  de  require  le  nom- 
bre d'elephants  la  ou  ils  menacent  I'integrite 
des  ecosystemes.  C'est  seulement  a  ce 
point  que  se  pose  la  question  scientifique  de 
savoir  combien  d'elephants  peuvent  suppor- 
ter les  zones  protegees  du  pays  ?  II  semble 
que  la  reponse  soit  d'environ  35.000. 

II  est  peu  intelligent  de  detruire  I'i- 
voire et  les  peaux  resultant  des  abattages 
de  recolte  des  elephants  quand  ceux-ci 
peuvent  b^neficier  au  pays  de  diverses  fa- 
cons.  Une  de  ces  facons  est  de  fournir  un 


27 


Avec  1'augmentation  de  la  pression 
demographique,  lea  populations  ne  to- 
lereront  (ou  ne  favoriseront)  la  faune 
sauvage  que  si  elle  procure  des  bene- 
fices tangibles" 

The  Nature  of  Zimbabwe, 
UICN1989 


revenu  national,  petit  mais  significatif, 
pour  aider  a  couvrir  les  couts  de  la 
Conservation.  De  I'ivoire  brut  et  des 
peaux  sont  vendus  sur  les  marches  d'ou- 
tre-mer  et  le  reste  est  vendu  localement  et 
soutient  une  industrie  de  sculpture  et  de 
fabrication  employant  plusieurs  milliers 
d'ouvriers.  Ces  revenus  et  ces  emplois 
seront  perdus  si  le  commerce  contrdle  de 
I'ivoire  est  interdit. 

Une  autre  fagon  est  de  fournir  de  la 
viande  et  des  revenus  aux  communautes  ru- 
rales  vivant  aux  alentours  des  zones  de  faune 
sauvage. 

Certaines  communautes  vivant  aux 
alentours  du  Pare  National  de  Chizarira 
avaient  I'habitude  de  placer  des  collets  en  fil 
de  fer  sur  quelque  20  kilometres  de  longueur 
capables  de  tuer  de  grands  animaux  tels  que 
les  elephants,  les  rhinoceros  et  le  buffle. 

Ce  braconnage  a  pratiquement  cesse 
quand  la  viande  et  I'argent  provenant  des 
abattages  de  recolte  des  elephants  fut  re- 
mis  a  ces  communautes  au  lieu  d'etre 
vendus  centralement. 


La  ou  les  touristes  ne  vont 
jamais 


Quelque    10.000   elephants   du   Zim- 
babwe vivent  encore  en-dehors  des  pares 


nationaux,  la  ou  les  touristes  vont  peu  ou  pas 
du  tout.  Nombre  de  ces  zones  sont  encore 
peu  peuplees  mais  ceci  est  en  train  de  chan- 
ger rapidement. 

En  quete  desesperee  de  terres,  de 
nouveaux  habitants  s'y  installent  en  prove- 
nance d'autres  regions  du  pays.  Cette  ten- 
dance s'est  acceleree  avec  le  projet  CEE  d'e- 
radication  de  la  mouche  tse-tse. 

En  depit  des  inquietudes  declarees  de 
I'Europe  pour  I'avenir  de  la  faune  sauvage  en 


Un  buffle  ou  un  elephant,  e'est  trop  ef- 
fronte  I  On  les  laisse  raser  nos  champs 
et  ensuite  on  meurt  de  faim 

Un  habitant  des  Terres  Commu 
nales  de  Dande,  Zimbabwe. 


Afrique,  les  reglementations  veterinaires  de  la 
CEE  sur  I'exportation  de  la  viande  de  boeuf 
selon  la  Convention  de  Lome  ont  deja  abouti 
au  massacre  de  4.500  buffles  sauvages  du 
Cap,  vecteurs  potentiels  de  la  peste  bovine. 
Des  centaines  d'elephants  ont  egalement  ete 
abattus  afin  de  proteger  les  clotures  veteri- 


Le  moyen  le  plus  efficace  de  convain- 
cre  les  populations  des  merites  de  la 
Conservation  est  de  leur  permettre  de 
participer  aux  decisions  concernant  les 
ressources  vivantes" 

Comment  sauver  le  Monde, 
UICN,  WWF  et  PNUE,  1980. 


naires  erigees  pour  satisfaire  aux  reglementa- 
tions CEE. 

Du  fait  de  I'accroissement  des  implan- 
tations villageoises,  il  est  probable  que  les 
animaux  -  y  inclus  les  elephants  -  seront  tues 
pour   plusieurs   autres    raisons    :    pour   la 


28 


viande,  pour  I'ivoire,  ou  simplement  en  tant 
qu'animaux  nuisibles  destructeurs  de  re- 
coltes. 

Pourtant  des  etudes  menees  par  plu- 
sieurs  agences  locales  et  internationales  sur 
I'utilisation  des  terres  ont  demontre  que  la 
faune  sauvage  est  I'unique  ressource  de  va- 
leur  de  ces  regions  impropres  pour  presque 
toute  autre  utilisation. 

Le  projet  "Campfire"  est  une  strategic 
mise  au  point  par  le  Departement  des  Pares 
Nationaux  pour  tenter  de  satisfaire  les  be- 
soins  des  communautes  rurales  tout  en 
conservant  la  faune  sauvage  et  son  habitat. 
II  est  base  sur  une  utilisation  des  terres  soi- 
gneusement  definie  integrant  les  besoins 
agricoles  et  une  utilisation  prudente  de  la 
faune  sauvage  dans  ces  zones  "marginales". 


C'est  une  extension  d'une  legislation 
importante  inscrite  dans  la  loi  zimbabweenne 
de  1975  sur  les  Pares  et  la  Faune  Sauvage 
qui  donne  aux  proprietaires  prives  la  respon- 
sabilite  de  la  conservation  et  de  I'utilisation 
de  la  faune  sauvage  se  trouvant  sur  leur  ter- 
rains moyennant  certains  controles  gene- 
raux. 

Beaucoup  ont  pense  que  cela  abouti- 
rait  a  la  disparition  immediate  de  la  faune 
sauvage  de  toutes  les  zones  de  culture  et 
des  ranchs. 

En  fait  il  s'est  exactement  passe  le 
contraire.  De  nombreux  proprietaires  de 
terres  ont  decouvert  qu'une  chasse  sportive 
durable  etait  plus  rentable  que  le  Detail.  Ceci 
a  permis  de  preserver  les  ecosystemes 
naturels  dans  ces  zones,  preservant  ainsi 
tant  les  sols  que  la  faune  sauvage. 


Pourquoi  serait-il  plus  "juste"  d'exploiter  et  d'abattre  un  animal  dit  domestique  pour  sa  viande  et 
ses  sous-produits  plutdt  qu'un  animal  sauvage  ?  (photo  FAO) 


29 


"Campfire"  etend  cette  approche  aux 
zones  assignees  aux  communautes  rurales, 
connues  au  Zimbabwe  sous  le  nom  de 
"terres  communales".  II  donne  a  ces  commu- 
nautes le  droit  de  decider  comment  -  et  si  - 
elles  souhaitent  conserver  la  faune  sauvage 
et  son  habitat  et,  si  elles  le  font,  leur  donne  la 
possibility  d'en  tirer  profit. 

A  ce  jour,  des  communautes  rurales 
ont  adopte  I'approche  "Campfire"  dans  26 
zones.  Mais  ce  qui  plus  important  encore 
est  que  la  decision  ne  leur  a  pas  ete  impo- 
see  et  a  ete  prise  par  les  communautes 
elles-memes. 


CAMPFIRE  EN  ACTION 


Les  2.870km  du  district  de  Nyaminya- 
mi  se  trouvent  sur  les  rives  meridionales  du 
Lac  Kariba,  au  Nord  du  Zimbabwe. 


"L'elephant  est  de  loin  I'espece  animale 
la  plus  precieuse  avec  une  valeur  uni- 
taire  de  12.400  $,  surtout  du  fait  de  son 
ivoire...  L'elephant  seul  represente  75% 
de  la  valeur  totale  de  production  et  le 
buffle  10%.  Ceci  met  en  lumiere  r im- 
portance de  ces  deux  especes  dans  le 
programme  de  gestion" 

Etude  CEE  sur  Utilisation  des 

Terres, 

District  de  Nyaminyami,  1989. 


Le  climat  y  est  chaud  et  difficile  avec 
une  pluviosite  faible  et  incertaine.  Les  sols 
sont  pauvres  et  la  region  n'a  aucun  potentiel 
pour  une  agriculture  a  grande  echelle  ni  mi- 
neraux  exploitables. 

Beaucoup  denfants  de  Nyaminyami 
souffrent  de  malnutrition  et  de  deficences 
proteiniques  et  ont  souvent  du  dependre  de 
programmes  de  secours  alimentaire  pendant 
plusieurs  annees.  Ironiquement,  la  plus 
grande  ressource  de  la  region  sont  les  pro- 
teines  sous  la  forme  de  son  pois- 
son  et  de  sa  faune  sauvage.  La 
region  comprend  le  Pare  National 
de  Matusadona  qui  abritent  de 
bonnes  populations  de  la  plupart 
des  especes,  y  compris  les  ele- 
phants; et  2.500  elephants  errent 
encore  dans  la  region  en-dehors 
du  Pare  National. 

Pendant  de  nombreuses 
annees,  les  communautes  de  Nya- 
minyami se  sont  vues  defendre 
par  la  loi  d'utiliser  leur  faune  abon- 
dante  de  quelque  maniere  que  ce 
soit.  Les  elephants  y  etaient  par- 
tout  percus  comme  un  animal  nui- 
sible  et  des  pressions  pour  leur 
destruction  totale  se  faisaient  jour. 
Recemment,   le  gouvernement  a 


30 


transmis  la  responsabilite  de  la  faune  sau- 
vage  de  la  region  au  Conseil  regional  et  les 
populations  de  Nyaminyami  ont  demande  la 
mise  au  point  d'un  projet  afin  de  leur  permet- 
tre  de  beneficier  de  la  faune  sauvage.  II  en  a 
resulte  la  mise  sur  pied  du  Fonds  d'Amena- 
gement  de  la  Faune  Sauvage  de  Nyaminyami 
constitue  de  personnalites  locales  aides  par 
une  assistance  technique  des  ONG  telles  le 
Zimbabwe  Trust,  le  WWF  et  le  Centre  univer- 
sitaire  des  sciences  sociales  appliquees. 

Les  cultures  et  les  populations  sont 
protegees  de  la  faune  sauvage  par  un  usage 
judicieux  de  clotures  et  les  zones  de  cultures 
de  subsistance  sont  concues  de  maniere  a 
perturber  le  moins  possible  la  faune  sauvage 
et  son  habitat.  Cela  signifie  que  les  commu- 
nautes  de  Nyaminyami  font  un  investisse- 
ment  important  en  renongant  a  utiliser  ces 
terres  pour  la  culture  ou  le  paturage.  lis  es- 
perent  avec  raison  de  plus  gros  revenus 
qu'ils  n'auraient  pu  gagner  a  partir  de  ces  ac- 
tivites. 

La  cle  est  une  utilisation  controlee  de 
la  faune  sauvage  afin  de  generer  des  revenus 
a  partir  de  deux  sources  principales  :  la 
chasse  sportive  et  des  abattages  controles. 
Tous  deux  dependent  fortement  de  I'utilisa- 
tion  durable  des  elephants  de  Nyaminyami. 

Pour  1988-1989,  les  montants  totaux 
des  trophees  -  payes  par  les  chasseurs  pour 
"acheter"  les  animaux  -  devraient  atteindre 
165.000  dollars  zimbabweens  ($Zim).  Les 
elephants,  qui  sont  des  animaux  de  prestige 
pour  les  chasseurs,  y  interviennent  pour 
98.000  $Zim. 

La  plupart  des  chasseurs  viennent  des 
Etats-Unis  et  de  I'Europe  et  bien  que  les  tro- 
phees de  chasse  pourraient  ne  pas  etre  su- 
jets  a  interdiction  sur  I'ivoire,  la  pression  pu- 
blique  d'outre-mer  pourrait  avoir  un  serieux 
effet  sur  la  demande  pour  la  chasse  a  I'ele- 
phant. 


Ceci  aura  bien  plus  de  consequences 
qu'une  simple  reduction  des  revenus  de  tro- 
phees pour  Nyaminyami.  La  chasse  a  I'ele- 
phant  rapporte  plus  par  jour  et  dure  plus 
longtemps  que  les  chasses  limitees  a  d'au- 
tres  especes.  Ces  rentrees  seront  egalement 
perdues. 

Nyaminyami  a  egalement  decide  d'un 
quota  d'abattage  de  20  elephants  pour  1988- 
89  pour  son  utilisation  propre.  La  viande  se- 
ra vendue  a  des  prix  nettement  inferieurs  au 
prix  du  marche  pour  aider  a  soulager  la  mal- 
nutrition qui  harcele  la  region.  Ceci  produira 
egalement  de  I'ivoire  et  des  peaux  pour  une 
valeur  de  50.000  $Zim  au  prix  actuel  du  mar- 
che. 

Non  seulement  ces  revenus  prove- 
nant  des  elephants  dependent  du  marche 
legal  de  I'ivoire  et  des  peaux  :  ils  sont  le 
pivot  duquel  depend  la  viabilite  entiere  du 
projet.  Si  le  commerce  legal  de  I'ivoire  est 
interdit,  les  communautes  de  Nyaminyami 
perdront  une  source  importante  de  reve- 
nus et  devront  peut-etre  dependre  a  nou- 
veau  des  secours  alimentaires. 

L'habitat  de  la  faune  sauvage  sera  pris 
pour  I'agriculture  et  le  paturage  de  betail,  et 
souffriront  vraisemblablement  d'une  degra- 
dation rapide. 

Les  animaux  sauvages  seront  chasses 
ou  tues.  Les  2.500  elephants  de  Nyaminyami 
seront  probablement  les  premiers  a  partir. 
Quelques-uns  seront  tues  pour  alimenter  un 
commerce  illegal  de  I'ivoire  cree  par  les  inter- 
dictions, d'autres  le  seront  pour  la  viande  ou 
parce  qu'ils  detruisent  les  cultures  et  mena- 
cent  les  vies  humaines. 

Finalement  le  Pare  National  de  Matu- 
sadona  sera  soumis  a  forte  pression  de  la 
part  des  braconniers  et  des  populations  en 
manque  de  terres.  Ses  elephants  pourraient 
aussi  disparaftre. 


31 


Une  idee  dont  le  temps  est 
arrive  ? 


Qui  en  souffrira  le  plus  ? 


Les  propositions  de  projets  tels  que 
Nyaminyami  ne  sont  pas  nouvelles  et  sont 
suggerees  depuis  des  annees  mais  elles 
etaient  en  avance  sur  leur  temps  a  cause  de 
legislations  et  d'attitudes  protectionnistes. 
Aujourd'hui,  la  philosophie  qu'elles  represen- 
ted est  appuyee  par  la  Strategie  Mondiale  de 
la  Conservation,  la  Commission  Mondiale  sur 
I'Environnement  et  le  Developpement  et  les 
agences  internationales  telles  que  le  WWF, 


"De  nombreuses  populations  rurales 
dependent  de  la  faune  sauvage,  en 
particulier  de  l'elephant,  pour  leurs 
proteines  et  pour  de  petites  rentrees 
d'argent.  La  conservation  de  I'ele- 
phant ameliorera  en  fin  de  compte  le 
niveau  de  vie  de  beaucoup  de  pauvres 
ruraux  d'Afrique" 

L'elephant  d'Afrique,  PNUE  1989. 


I'UICN,  la  FAO  et  le  PNUE.  Elles  sont  egale- 
ment  adoptees  par  plusieurs  autres  pays  de 
la  region  d'Afrique  australe  (SADCC).  "Eco- 
nomics and  Ecological  Diversity"  (Economie 
et  Diversite  Ecologique)  publie  par  I'UICN  de- 
crit  un  projet  semblable  dans  la  region  de  Lu- 
pande  dans  la  Vallee  de  la  Luangwa  en  Zam- 
bie.  Les  ventes  d'ivoire  ont  fourni  la  moitie 
des  coOts  salariaux  des  gardes  locaux.  Le 
braconnage  des  elephants  et  des  rhinoceros 
a  chute  de  90%  entre  1985  et  1987.  De 
meme  le  Botswana  dont  certaines  regions 
sont  egalement  surpeuplees  d'elephants  est 
en  train  d'etudier  des  projets  semblables. 

Le  temps  est  venu  pour  I'idee  "Pro- 
jet  Campf  ire". 


Ce  ne  sont  pas  les  Etats  qui  souffri- 
ront  le  plus  si  les  interdictions  sont  impo- 
sees.  Ni  les  chasseurs  ou  les  organisa- 
teurs  des  safaris  ni  meme  les  sculpteurs 
d'ivoire.  Ce  sont  les  communautes  ru- 
rales sans  autre  source  de  revenus. 

Et  ce  sont  les  elephants  eux-memes. 
Les  biologistes  zimbabweens  estiment  que, 
rien  que  pour  le  Zimbabwe,  10.000  elephants 
vivant  en-dehors  des  aires  protegees  seront 
menaces  si  les  interdictions  sont  imposees. 

Une  interdiction  generale  n'arretera 
pas  le  massacre,  elle  lencouragera. 


LA  VOIE  DE  L'AVENIR 


La  voie  de  I'avenir  reside  non  pas 
dans  des  mesures  de  panique  et  de  deva- 
lorisation  de  la  convention  CITES,  mais 
dans  un  meilleur  fonctionnement  de  celle- 
ci. 

Le  Zimbabwe  est  d'avis  que  l'elephant 
africain  doit  rester  en  Annexe  II  de  la  CITES, 
en  tant  qu'espece  non  encore  menacee  de 
disparition,  mais  vulnerable  au  commerce 
non  controle.  Plusieurs  autres  nations 
SADCC  parta^ent  ce  point  de  vue. 

Le  braconnage  excessif  de  l'elephant 
est,  de  toute  evidence,  une  indication  de  I'e- 
chec  actuel  du  controle  du  commerce  de 
leur  ivoire  par  les  pays  individuels.  Beau- 
coup  de  choses  pourraient  etre  realisees  si 
ces  pays  depensaient  plus  d'argent  pour  la 
protection  de  leur  faune  sauvage  -  I'une  de 
leurs  ressources  les  plus  precieuses. 


32 


"II  est  possible  de  developper  une  re- 
gimentation simple  pour  le  commerce 
de  I'ivoire  qui  aboutiraient  a  une  meil- 
leure  gestion  des  elephants  d'Afrique. 
Ces  strategies  peuvent  etre  benefiques 
tant  pour  ies  elephants  que  pour  le 
commerce  de  I'ivoire  qu'ils  soutien- 
nent.  Les  strategies  d'amenagement 
ont  deux  buts.  Le  premier  est  la 
conservation  des  elephants  pour  les 
maintenir  en  nombre  important.  Le 
deuxieme  est  commercial  afin  de  maxi- 
miser  la  production  d'ivoire" 

Dr.  David  Western, 

Membre  du  ITRG,  rapport  de  1985. 


Et  beaucoup  de  choses  pourraient 
egalement  etre  realisees  en  reorientant 
I'inquietude  et  I'argent  international  de  la 
conservation  des  elephants  vers  une 
stricte  mise  en  application  des  contrdles 
CITES. 


Le  gouffre  grandissant 


Malheureusement,  la  CITES  est  de 
plus  en  plus  utilisee  par  des  groupes  de  pres- 
sion  pour  imposer  aux  autres  leurs  propres 


"Au  Zimbabwe,  par  exemple,  les  ele- 
phants sont  un  veritable  atout  -  et  un 
exemple  typique  de  I'utilisation  durable 
d'une  ressource  naturelle.  Leur  valeur 
est  totalement  reconnue  et  cette  abon- 
dance  est  grandement  due  a  la  ges- 
tion soigneuse  des  elephants  en  tant 
que  ressurce  naturelle  exploitable 

The  Nature  of  Zimbabwe, 
UICN,  1989. 


philosophies  de  conservation.  Un  bruyant 
lobby  protectionniste  se  fait  jour  s'orientant 
vers  une  interdiction  totale  du  commerce  de 
la  faune  sauvage,  menacee  ou  non. 

Si  cette  tendance  doit  continuer,  il  vau- 
drait  mieux  abandonner  la  pretention  d'utili- 
ser  la  CITES  comme  un  moyen  devaluation 
realiste  des  menaces  que  pose  le  commerce 
pour  certaines  especes  individuelles. 

Mais  cette  tendance  indique  egale- 
ment que  le  gouffre  grandit  de  plus  en  plus 
entre  le  Nord  nanti  et  le  Sud  sous-developpe, 
alors  qu'il  y  a  plutot  besoin  croissant  de  com- 
prehension et  de  reconciliation. 


La  conservation  est  compliquee 


La  vue  protectionniste,  bien  que  pro- 
fondement  et  sincerement  ancree,  est  le  pro- 
duit  d'un  concours  de  circonstances  particu- 
lieres.  Elle  ne  prend  pas  en  compte  les  com- 
plexites  de  la  conservation  de  la  faune  sau- 
vage dans  les  pays  moins  riches  et  moins 
privilegies. 

Un  groupe  s'est  vante  qu'elle  "reduit 
les  complexites  environnementales  aux  sim- 
ples notions  de  bon  et  de  mal".  Est-il  bon  ou 
mal  pour  un  fermier  rural  de  tuer  un  elephant 
qui  detruit  sa  culture  ? 

De  tels  jugements  moraux  peuvent 
etre  envisages  dans  le  monde  developpe. 
Dans  les  pays  en  voie  de  developpement  ils 
seraient  plutot  un  symptome  de  paresse  in- 
tellectuelle. 

Dans  les  pays  en  voie  de  developpe- 
ment, cette  vue  protectionniste  echoue  pour 
les  memes  raisons  qu'elle  echoue  dans  les 
pays  riches  :  quand  elle  entre  en  conflit  avec 
les  cultures  locales  qui  vivent  de  la  faune 
sauvage  et  de  la  nature  et  qui  en  dependent. 


33 


La  philosophie  protectionniste  appli- 
quee  aux  pays  de  I'Afrique  australe  accelera 
la  destruction  de  la  faune  sauvage  et  even- 
tuellement  entrafnera  la  disparition  de  I'ele- 
phant  dans  la  Region. 


de  communication  entre  les  communautes 
rurales  et  les  opinions  publiques  etrangeres. 
lis  seront  heureux  d'offrir  les  facilites 
aux  agences  d'outre-mer  et  aux  journalistes 
pour  venir  se  rendre  compte  par  eux-memes. 


Ce  document  a  ete  prepare  par  les 
agences  de  la  Conservation  du  Zimbabwe, 
non  seulement  en  tant  que  defense  d'un  sys- 
teme  particulier,  mais  en  temps  que  moyen 


*  redige  par  Dick  Pitman,  cet  article  est  produit 
par  le  Zimbabwe  Trust  en  collaboration  avec 
I'Association  "Campfire"  des  communautes  ru- 
rales. 


Combien  de  temps  I'elephant  d'Afrique  pourra-t-il  Stre  preserve  sur  ses  seules 
valeurs  esthetique  et  patrimoniale  ?  (photo  FAO). 


34 


LES  CONSEQUENCES  DU  CORYZA 

GANGRENEUX  ET  DES  AUTRES 

INFECTIONS  A  HERPESVIRUS 

CHEZ  LES  RUMINANTS 

SAUVAGES  EN  AFRIQUE 


de  E.    Thiry*  et  P.P.  Pastoret  * 


INTRODUCTION 


L'impact  des  infections  a  herpesvi- 
rus dans  la  faune  sauvage 


Les  maladies  provoquees  par  les  her- 
pesvirus chez  les  ruminants  domestiques 
sont  responsables  de  pertes  economiques 
considerables.  Bien  que  ces  virus  aient  ete 
particulierement  etudies  chez  leurs  notes  na- 
turels,  vache  et  chevre,  ils  ont  ete  egalement 
recherches  dans  d'autres  especes  animales 
phylogenetiquement  apparentees  a  ces 
hotes  naturels.  Aucune  epidemie  severe  n'a 
jusqu'a  present  ete  identifiee  dans  la  faune 
sauvage  en  relation  avec  une  infection  par  un 
virus  de  la  famille  des  herpesvirus.    Nean- 


moins,  de  nombreux  ruminants  sauvages 
sont  sensibles  a  ces  virus  qui  sont  prob- 
ablement  responsables  de  maladies  sporadi- 
ques. 

Quelle  est  alors  rimportance  de  telles 
infections  ?  Leurs  repercussions  cliniques 
dans  la  faune  sauvage  sont  faibles,  mais  leur 
role  epidemiologique  est  majeur.  En  effet, 
I'infection  d'animaux  sauvages  contribue  au 
maintien  du  virus  dans  une  region  donnee  et 
dans  une  population  qui  pourrait  devenir 
dans  certaines  situations  un  reservoir  de  vi- 
rus pour  les  ruminants  domestiques.  De 
plus,  les  efforts  actuels  de  domestication  ou, 
au  moins,  d'elevage  de  ruminants  preleves 
de  la  faune  sauvage  doivent  tenir  compte  de 
ces  infections.  En  effet,  I'augmentation  de  la 
densite  des  animaux  en  elevage  permet  I'e- 
closion  de   maladies  a  allure  epidemique 


35 


alors  que  celles-ci  restaient  sporadiques 
dans  les  conditions  naturelles.  La  proximite 
d'animaux  domestiques  accroit  egalement 
les  risques  de  transmission  de  ces  virus  aux 
animaux  recemment  introduits. 


Les  ruminants  sauvages  heber- 
gent  des  virus  qui  leur  sont  pro- 
pres 


rus  qui  lui  est  propre,  mais  qui  est  apparente 
a  un  autre  virus  dont  I'hote  nature!  est  la 
vache. 


La  latence  des  herpesvirus  assure 
leur  persistance 


La  presence  d'un  herpesvirus  dans 
une  population  d'animaux  sauvages  est  d'au- 
tant  plus  importante  que  le  virus  persiste 
dans  I'organisme  des  animaux  infectes.  Ce 
mode  de  persistance  s'appelle  la  latence  et 
se  definit  comme  la  propriete  de  se  maintenir 
dans  I'organisme  sous  une  forme  cachee,  in- 
decelable  par  les  methodes  de  diagnotic 
conventionnelles.  Apres  I'infection,  I'herpes- 
virus  s'installe  a  I'etat  latent  dans  certains  or- 
ganes  de  I'organisme  et  y  demeure  toute  la 
vie  de  I'individu.  L'animal  porteur  latent  du 
virus  presente  une  bonne  sante  et  ne  peut 
done  pas  etre  identifie  cliniquement.  A  cer- 
tains moments,  le  virus  latent  reprend  sa  mu- 


ll ne  faut  pas  reduire  I'impact  des  in- 
fections a   herpesvirus  chez  les  ruminants 
sauvages  a  une  simple  circulation  de  virus 
dans  une  population  consecutive  a  sa  trans- 
mission par  des  animaux  domestiques.  II  est 
egalement  simpliste  de  transposer  au  rumi- 
nant sauvage  la  situation  rencontree  chez  l'a- 
nimal domestique.     Les  herpesvirus  isoles 
chez  la  vache  peuvent  bien  sur  se  rencontrer 
chez  certaines  especes  sauvages,  mais  des 
exemples  recents  demontrent  que  des  her- 
pesvirus specifiques  a  des  especes  sauvages 
existent.    Lorsque 
ces    virus    parta- 
gent  des  proprie- 
tes     antigeniques 
avec  d'autres  virus 
specifiques  de  la 
vache,   une   mau- 
vaise      interpreta- 
tion des  resuitats 
serologiques     est 
possible.  Eile 

mene  a  considerer 
erronement  que 
I'espece  sauvage 
est  infectee  par  un 
virus  specifique  de 
la     vache     alors 

ou'en  fait  elle  est 

Le  buff  le  appartient  a  la  sous-famille  des  bovines.  Proche  parent  du  boeuf  domestique,  il 

infectee  par  un  Vi-     est  egalement  sensible  a  la  plupart  des  herpesvirus  qui  infectent  le  bovin  (photo  B.Brochier) 


36 


liplication  dans  I'animal,  peut  etre  reexcrete 
et  contaminer  ses  congeneres.  Ce  pheno- 
mene,  appele  reactivation  du  virus  latent,  est 
responsable,  par  la  reexcretion  virale,  de  la 
transmission  du  virus  par  un  animal  infecte 
de  maniere  latente  a  des  animaux  indemnes. 
La  latence  virale  autorise  done  le  virus  a  per- 
sister  dans  un  petit  nombre  d'individus  d'une 
population  de  taille  reduite.  La  circulation  de 
ce  virus  est  assuree  par  la  reexcretion  virale 
consecutive  a  un  acces  de  reactivation.  Une 
population  dont  certains  animaux  sont  infec- 
tes  de  maniere  latente  est  done  susceptible 
de  maintenir  le  virus  durant  de  nombreuses 
annees.  C'est  pourquoi  les  infections  a  her- 
pesvirus presentent  des  particularites  epide- 
miologiques  qui  les  distinguent  d'autres  ma- 
ladies virales  comme,  par  exemple,  la  peste 
bovine. 


REVUE  DES  MALADIES 
CAUSEES  PAR  LES 
HERPESVIRUS 


male  et  de  la  femelle  (vulvovaginite).  Les  au- 
tres  symptomes  associes  a  I'infection  du  bo- 
vin  par  le  BHV-1  sont  I'encephalite,  la 
conjonctivite,  la  metrite  et  les  avortements. 
En  Afrique,  la  forme  genitale  est  preponde- 
rate et  a  ete  seule  indentifiee  chez  certaines 
especes  sauvages.  La  forme  respiratoire  de 
I'infection  sevit  surtout  chez  le  Detail  eleve  de 
maniere  intensive  ou  importe. 

Le  BHV-1  est  ('herpesvirus  bovin  le 
plus  etudie.  II  persiste  a  I'etat  latent  et  les 
conditions  qui  president  a  sa  reactivation  et  a 
sa  reexcretion  ont  ete,  du  moins  en  partie, 
eclaircies.  L'injection  de  glucocorticoides,  le 
stress  du  transport,  la  mise-bas,  la  surinfec- 
tion  par  un  autre  virus,  infestation  par  Dictyo- 
caulus  viviparus,  le  ver  pulmonale,  sont  au- 
tant  de  stimuli  de  reactivation  du  virus.  Plu- 
sieurs  de  ces  situations  sont  rencontrees  du- 
rant la  vie  de  I'animal  et  la  reactivation  du  vi- 
rus latent  est  un  evenement  hautement  prob- 
able qui  se  repete  durant  la  vie  de  la  vache. 


La  thelite  ulcerative  bovine 


La  rhinotracheite  et  la  vulvovagi- 
nite infectieuses  bovines 

Ces  deux  entites  cliniques  sont  cau- 
sees  par  le  bovine  herpesvirus  1  (BHV-1), 
egalement  denomme  virus  IBR/IPV  {infec- 
tious bovine  rhinotracheitis/infectious  pustu- 
lar vulvovaginitis).  Ce  virus  est  responsable 
d'une  maladie  respiratoire,  une  rhinotra- 
cheite, accompagnee  de  toux,  de  jetage  na- 
sal, de  temperature  et  de  difficultes  respira- 
toires;  elle  peut  evoluer  en  broncho-pneumo- 
nie  et  etre  mortelle.  II  est  aussi  responsable 
d'une  maladie  genitale  qui  atteint  les  mu- 
queuses  des  organes  genitaux  externes  du 


Un  autre  herpesvirus,  le  bovine  her- 
pesvirus 2  (BHV-2),  denomme  egalement  vi- 
rus de  la  mamilite  herpetique  bovine,  est  re- 
sponsable de  cette  maladie.  Ce  virus  provo- 
que  en  Afrique  une  affection  repandue, 
connue  sour  le  nom  de  maladie  d'Allerton  ou 
pseudodermatose  nodulaire  {pseudo-lumpy 
skin  disease)  qui  est  une  affection  generali- 
see  de  la  peau  avec  presence  de  nodules  qui 
evoluent  en  ulceres.  Les  signes  cliniques  ob- 
serves en  Europe  se  caracterisent  par  I 'appa- 
rition d'ulceres  sur  le  trayon  (th&ite)  et  ont 
donne  le  nom  a  la  maladie. 

Le  BHV-2  persiste  egalement  a  I'etat 
latent  chez  le  bovin  et  peut  y  etre  reactive. 


37 


Les  conditions  de  latence  et  de  reactivation 
ont  ete  moins  etudiees  que  pour  le  BHV-1 . 


Les  infections  a  herpesvirus  appa- 
rentes  au  bovine  herpesvirus-1 


Le  coryza  gangreneux 


La  forme  africaine  de  cette  maladie  qui 
est  egalement  connue  sous  le  nom  de  mali- 
gnant catarrhal  fever  est  produite  par  un  au- 
tre herpesvirus,  Yalcelphine  herpesvirus  1 
(AHV-1).  La  maladie  est  caracterisee  par  une 
affection  generate  avec  fievre  et  depression 
provoquee  par  une  atteinte  inflammatoire  ai- 
gue  de  nombreux  tissus  de  I'organisme.  L'a- 
nimal  presente  un  catarrhe  anterieur  avec 
d'abondants  ecoulements  mucopurulents 
oculaires  et  nasaux  ainsi  qu'une  augmenta- 
tion de  volume  des  ganglions  lymphatiques. 
Cette  maladie  est  mortelle.  La  meme  mala- 
die est  decrite  dans  d'autres  continents  que 
I'Afrique,  mais  I'agent  responsable  n'a  pas 
encore  ete  identifie.  II  s'agit  probablement 
d'un  herpesvirus  apparente  a  l'AHV-1,  mais 
tres  difficle  a  isoler. 

L'herpesvirus  du  coryza  gangreneux 
persiste  a  I'etat  latent,  mais  pas  chez  le  bo- 
vin.  II  est  demontre  que  le  gnou  (Conno- 
chaetes  taurinus  et  C.gnu)  ou  il  provoque 
une  infection  latente  sans  symptomes.  C'est 
lorsqu'il  se  transmet  au  bovin  apres  excretion 
par  le  gnou  que  la  maladie  s'exprime. 

L'incidence  du  coryza  gangreneux 
chez  la  vache  est  intimement  liee  a  la  periode 
de  mise-bas  des  gnous  :  a  ce  moment  la  fe- 
melle  gnou  transmet  le  virus  a  son  nouveau- 
ne  qui  est  capable  de  I'excreter  en  quantites 
suffisantes  pour  infecter  les  bovins.  Cette  in- 
cidence est  importante  au  Kenya,  dans  le 
pays  Masai',  ou  elle  est  de  7%.  Dans  certains 
troupeaux,  l'incidence  peut  meme  s'elever  de 
13  a  20%. 


Plusieurs  virus  apparentes  au  BHV-1 
ont  ete  isoles  d'autres  especes  animales. 
L'herpesvirus  isole  du  buffle  d'eau  (Bubalus 
bubal  is)  en  Australie  est  consider^  comme 
une  souche  de  BHV-1.  Par  contre,  les  her- 
pesvirus isoles  de  Cervides,  les  cervid  her- 
pesvirus 1  et  2  (CerHV-1  et  2),  sont  specif i- 
ques  respectivement  du  cerf  elaphe  (Cervus 
elaphus)  et  du  renne  (Rangifer  tarandus). 
Bien  que  ces  virus  aient  ete  reconnus  jusqu'a 
present  uniquement  en  Europe,  leur  epide- 
miologic est  une  belle  illustration  de  I' exis- 
tence d'herpesvirus  adaptes  specifiquement 
a  une  espece  de  ruminant  domestique  ou 
sauvage.  La  meme  situation  pourrait  etre  re- 
contree  en  Afrique  ou  de  nombreuses  es- 
peces possedent  des  anticorps  envers  le 
BHV-1.  Le  premier  herpesvirus  (CerHV-1)  a 
ete  identifie  chez  des  cerfs  maintenus  en  ele- 
vage  en  Grande-Bretange  qui  presentaient 
une  maladie  oculaire  contagieuse.  Le  se- 
cond (CerHV-2)  a  e\e  isol6  en  traitant  un 
renne  sero  posit  if  par  des  injections  de  gluco- 
corticoides  qui  ont  provoque  une  reactivation 
et  une  reexcretion  genitale  de  l'herpesvirus. 
Aucune  maladie  associee  au  CerHV-2  n'a  en- 
core ete  decrite  chez  le  renne.  Ce  virus  a  ete 
recherche  et  finalement  isole  en  Finlande,  car 
des  examens  serologiques  avaient  diagnosti- 
que  des  anticorps  anti-BHV-1  chez  les 
rennes,  alors  que  les  bovins  de  ce  pays  sont 
indemnes  d'infection  par  le  BHV-1.  La  pre- 
sence d'anticorps  anti-BHV-1  signait  en  reali- 
te  une  infection  par  le  CerHV-2  qui  est  tres 
apparente  au  BHV-1  :  des  anticorps  diriges 
contre  le  premier  virus  sont  done  capables 
de  reconnaitre  le  second  virus.  Une  telle  si- 
tuation peut  evidemment  engendrer  une 
confusion  epidemiologique.    Elle  se  rencon- 


38 


Le  gnou  est  I'espece  qui  maintient  le  virus  du  coryza  gangreneux  dans  la  nature.  II  est  infecte  de  maniere 
persistante  par  le  virus  sans  §tre  malade.  II  transmet  le  virus  aux  bovins  au  moment  de  la  mise-bas  (photo  FAO). 


tre  6galement  chez  le  cerf  ou  le  CerHV-1  pro- 
voque  I'apparition  d'anticorps  qui  reconnais- 
sent  aussi  le  BHV-1  et  chez  la  chevre,  ou  le 
caprine  herpesvirus  1  (CHV-1)  est  etroite- 
ment  apparente  au  BHV-1 . 

Des  enquetes  serologiques  anciennes 
qui  recherchaient  chez  ces  especes  animales 
des  anticorps  diriges  contre  le  BHV-1  ont 
conclu  a  tort  que  le  virus  y  etait  present.  En 
fait,  les  anticorps  identifies  dans  ces  etudes 
etaient  diriges  contre  des  herpesvirus  appa- 
rent^ au  BHV-1 ,  mais  qui  s'en  distingent  au 
point  d'etre  considered  comme  des  especes 
virales  differentes.  Le  manque  de  connais- 
sance  des  herpesvirus  heberges  par  d'autres 
especes  de  ruminants  sauvages  ne  permet 
pas  encore  de  declarer  que  chaque  espece 
possede  son  propre  herpesvirus.  II  est  prob- 


able que  la  situation  epidemiologique  com- 
bine les  deux  possibility  :  herpesvirus  diffe- 
rents  mais  apparentes  dans  plusieurs  es- 
peces de  ruminants  et  le  meme  herpesvirus 
present  chez  differentes  especes  de  rumi- 
nants. Des  recherches  mendes  sur  les  rumi- 
nants africains  determineront  si  plusieurs  es- 
peces d'herpesvirus  apparent6es  au  BHV-1 
existent  aussi  en  Afrique. 


L'inf ection  par  le  bovine  herpesvi- 
rus-4 


Le  bovine  herpesvirus-4  (BHV-4)  a  et§ 
isole  de  nombreux  cas  cliniques  differentes 
en  Afrique  et  dans  les  autres  continents.  Ce 


39 


virus  n'est  pas  associe  a  des  symptomes 
particuliers,  quoique  son  role  dans  les  trou- 
bles genitaux  est  probable.  II  est  par  exem- 
ple  propose  dans  S'etiologie  du  syndrome 
EPIVAG  (epididymite-vaginite)  decrit  depuls 
de  nombreuses  annees  chez  les  bovins  afrl- 
cains. 


L'infection  par  des  herpesvirus 
d'autres  artiodactyles 


dama)  et  d'antilopes.  II  est  done  capable  de 
passer  la  barriere  specifique  pour  infecter 
d'autres  artiodactyles. 


LE  SPECTRE  DE 
RECEPTIVITE  DES 
HERPESVIRUS  CHEZ  LES 
RUMINANTS 


Le  virus  de  la  maladie  d'Aujeszky  pro- 
voque  une  maladie  aigue  nerveuse  mortelle 
chez  de  nombreuses  especes,  notamment 
des  ruminants.  Le  pore  est  I'hote  naturel  de 
ce  virus,  mais  celui-ci  passe  aisement  la  bar- 
riere specifique.  Neanmoins  les  autres  es- 
peces animales  infectees  constituent  des 
culs-de-sac  epidemiologiques,  car  elles  ne 
contribuent  pas  au  maintien  et  a  la  transmis- 
sion du  virus. 

Le  virus  de  la  rhinopneumonie  equine 
est  un  herpesvirus  du  cheval  qui  a  ete  spora- 
diquement  isole  du  bovin,  du  daim  (Dama 


Le  virus  de  la  rhinotracheite  infec- 
tieuse  bovine  et  les  virus  apparen- 
tes 


Le  spectre  de  receptivite  des  rumi- 
nants au  BHV-1  est  presente  au  tableau  1. 
Toutes  les  especes  reprises  dans  ce  tableau 
sont  -elles  effectivement  sensibles  a  ce  vi- 
rus ?  La  plupart  des  renseignements  pro- 
viennent  d'examens  serologiques.  Les  ani- 
maux  possedent  done  des  anticorps  qui  re- 
connaissent  le  BHV-1.  Pour  certaines  es- 
peces seulement,  le  virus  a  ete  isole  de  pele- 
vements  ou  a  ete  inocule  experimentalement 
avec  succes.  Dans  ces  deux  cas,  la  preuve 
de  la  receptivite  de  I'espece  au  virus  existe  : 
le  gnou,  le  buffle  d'eau,  des  cerfs  americians 
ainsi  que  le  mouton  et  la  chdvre  domestique. 
Pour  les  autres,  un  resultat  positif  peut  egale- 
ment  signifier  une  reaction  croisee  avec  un 
autre  herpesvirus  apparente  au  BHV-1.  Lors- 
que  cette  information  est  connue,  elle  est  in- 
diquee  dans  le  tableau.  La  difficulty  d'isoler 
des  virus  dans  des  populations  d'animaux 
sauvages  ne  permet  pas  de  preciser  dans 
quelle  mesure  le  BHV-1  infecte  reellement 
chacune  de  ces  especes. 


40 


Le  virus  de  la  thelite  ulcerative  bo- 
vine 


Un  grand  nombre  de  ruminants  sau- 
vages  africains,  la  girafe  (Giraffa  camelopar- 
dalis)  et  surtout  des  Bovides,  possedent  des 
anticorps  diriges  contre  le  BHV-2  (tableau  2). 
Le  buffle  {Syncerus  caffer)  a  presente  la  ma- 
ladie  d'Allerton  en  Tanzanie.  Par  ailleurs, 
bien  que  la  prevalence  de  I'infection  de  la 
vache  par  le  BHV-2  soit  elevee  dans  les  pays 
d'Europe  occidental,  aucun  signe  serologi- 
que  n'est  demontre  chez  les  ruminants  sau- 
vages  dans  les  memes  regions.  Cette  obser- 
vation contraste  fortement  avec  la  situation 
africaine. 


Le  virus  du  coryza  gangreneux 


mettent  le  virus  au  bovin  et  aux  autres  es- 
peces sensibles;  les  autres  porteurs  de  virus 
AHV-1  ou  apparentes,  qui  appartiennent  aux 
Alcelaphines  et  aux  Caprines,  peuvent  appa- 
remment  §tre  mis  en  contact  sans  dommage 
avec  les  especes  sensibles.  Les  especes 
sensibles  au  AHV-1  sont :  la  vache  et  les  buf- 
fles  domestiques,  le  banteng  (Bos  javani- 
cus),  le  gaur  de  I'lnde  (Bos  gaurus),  les 
deux  bisons  (Bison  bison  et  B.  bonasus),  le 
grand  Koudou  (Tragelaphus  strepsiceros),  le 
sitatunga  (Tragelaphus  spekei),  le  nilgaut 
(Boselaphus  tragocamelus).  Les  Cervides 
sont  plus  sensibles  que  les  bovins  au  coryza 
gangreneux  :  cerf  sika  (Cervus  nippon),  chi- 
ta1  (Ax/s  axis),  cerf  du  Pere  David  (Elaphurus 
davidianus),  cerf  elaphe,  chevreuil  (Capreo- 
lus  capreolus),  sambar  (Cervus  timorensis  et 
C.  unicolor  mariannus)  et  barasingha  (Cer- 
vus duvauceli). 


La  liste  des  ruminants  qui  possedent 
des  anticorps  contre  le  AHV-1  ou  un  virus  ap- 
parente  est  presentee  au  tableau  3.  II  faut  y 
ajouter  des  membres  des  Cephalophines  et 
des  non  ruminants  appartenant  aux  Cameli- 
des  et  aux  Hippopotamides,  mais  ces  resul- 
tats  sont  fragmentaires  et  doivent  etre  confir- 
med Le  virus  a  ete  isole  des  deux  especes 
de  gnou;  des  herpesvirus  apparentes  ont  ete 
isoles  de  bubales  (Alcelaphus  buselaphus; 
Alcelaphus  buselaphus  camaa),  de  topis 
(Damaliscus  korrigum;  Damaliscus  lunatus 
jimela),  d'oryx  algazelle  (Oryx  gazella  dam- 
man)  et  de  bouquetin  siberien  (Capra  ibex  si- 
berica)  dans  des  jardins  zoologiques  ameri- 
cains. 

II  faut  distinguer  entre  les  especes  qui 
hebergent  le  virus  a  I'etat  latent  sans  signes 
cliniques  et  les  especes  qui  sont  sensibles  au 
virus  et  developpent  le  coryza  gangreneux. 
Parmi  les  premieres,  seuls  les  gnous  trans- 


Le  bovine  herpesvirus  4 


Le  BHV-4  n'est  pas  strictement  specifi- 
que  a  une  espece.  En  effet,  il  a  ete  isole  non 
seulement  du  bovin,  son  note  naturel,  mais 
aussi  du  bison  americain,  du  mouton  et  du 
buffle  ou  il  persiste  a  I'etat  latent.  Une  etude 
sero-epidemiologique  menee  en  Europe  oc- 
cidentale  n'a  pas  revele  d'anticorps  chez  les 
ruminants  sauvages  de  cette  region,  alors 
que  I'infection  est  tres  repandue  chez  les  bo- 
vins. En  Afrique,  le  virus  est  present  chez  le 
betail  dans  plusieurs  pays;  il  a  ete  isole  au 
Kenya  de  buffles  sauvages  ou  I'infection 
semble  particulierement  frequente. 


41 


Famille 

Sous-famille 

Espece 

Cervides 

Cervines 

Cerf  commun  (Census  elaphus) 

Wapiti  oriental  (Census  elaphus  canadensis) 

Daim  (Dama  dama) 

Odocoflines 

Chevreuil  (Capreolus  capreolus) 
Cerf  de  Virgine  (Odocoileus  virginianus) 
Cerf-mulet  (Odocoileus  hemionus 
Elan  (fllces  alces) 

Rangiferines 

Renne(1)  (Rang iter  tarand us) 
Caribou  (Rangifer  tarandus  caribou) 

Gi  raff  ides 

Giraffines 

Girafe  (Giraffa  camelopardalis) 

Antilocaprides 

Prong  horn  (/kntilocapra  americana) 

Bovides 

Tragelaphines 

Eland  du  Cap  (Taurotragus  oryx) 

Grand  Koudou  (Tragelaphus  strepsiceros) 

Bovines 

Boeuf  domestique  (Bos  taurus) 
Buffle  d'eau  (1)  (Bubalus  bubalis) 
Biiffle  d'Afrique  (Syncerus  caffer) 

Alcelaphines 

Bubale  {Alcelaphus  buselaphus) 

Topi  (Damaliscus  korrigum) 

Blesbok  (Damaliscus  dorcas) 

Gnou  a  queue  blanche  (Connochaetes  gnu) 

Gnou  bleu  (Connochaetes  taurinus) 

Hippotragines 

Antilope  chevaline  (hippotragus  equinus) 
Hippotrague  noir  (hippotragus  niger) 
Addax  fiddax  nasomaculatus) 

Reduncines 

Cobe  a  croissant  (Kobus  ellipsiprymus) 

Cobe  de  Buffon  (Kobus  kob) 

Cobe  lechwe  (Kobus  leche) 

Cobe  des  rosea  ux  (Redunca  arundinum) 

Redunca  Nagor  (Redunca  redunca) 

Antilopines 

Gazelle  de  Thomson  (Gazella  thomsoni) 
Springbok  (flntidorcas  marsupialis) 
Impala  (flepyceros  melampus) 

Caprines 

Chamois  (Rupicara  rupicapra) 

Chevre  domestique  (Capra  aegagrus  hircus)^) 

Mouton  domestique  (Ovis  ammon  aries) 

(1)  especes  qui  sont  sensibles  a  un  virus  antigen 

iquement  apparent^  au  virus  de  la  rhinotracheite  infectieuse  bovine 

Tableau  1  :  Spectre  de  receptivite  du  virus  de  la  rhinotrach6ite  infectieuse  bovine  et  des  virus 

antigenetiquement  apparentes 


42 


Famille 

Sous-famille 

Espece 

Gi  raff  ides 

Giraffines 

Girafe  (Girafa  camel  opardal  is) 

Bovides 

Tragelaphines 

Grand  Koudou  {Tragelaphus  strepsiceros) 
Guib  harnache  (Tragelaphus  scriptus) 
Eland  du  Cap  (Taurotragus  oryx) 

Bovines 

Boeuf  domestique  (Bos  taurus) 
Buffle  d'Afrique  (Syncerus  caffer) 

Alcelaphines 

Bubale  (Alcelaphus  buselaphus) 
Topi  (Damaliscus  korngum) 
Tsessebe  (Damaliscus  lunatus) 
Gnou  bleu  (Connochaetes  taurinus) 

Hippotragines 

Antilope  chevaline  (Hippotragus  equinus) 
Hippotrague  noir  (Hippotragus  niger) 
Oryx  algazelle  (Oryx  gazella) 
Oryx  beisa  (Oryx  beisa) 

Reduncines 

Cobe  a  croissant  (Kobus  ellipsiprymnus) 
Cobe  defassa  (Kobus  ellipsiprymnus  defassa) 
Cobe  des  roseaux  (Redunca  arundinum) 

Antilopines 

Springbok  (/\ntidorcas  marsupialis) 
Impala  (flepyceros  melampus) 

Caprines 

Chevre  domestique  (Capra  aegagrus  hircus) 
Mouton  domestique  (Ow's  ammonaries) 

Tableau  2    Spectre  de  receptivite  du  virus  de  la  thelite  ulcerative  bovine 


LA  TRANSMISSION  DES 
HERPESVIRUS  D'UNE 
ESPECE  A  L'AUTRE 


La  source  de  virus  qui  conduit  a  la 
transmission  dun  herpesvirus  est  un  animal 
qui  excrete  le  virus  :  soit  cet  animal  a  subi 
une  infection  primaire,  soit  il  est  porteur  la- 
tent du  virus  et  le  reexcrete  apres  avoir  ren- 
contre un  evenement  provoquant  la  reactiva- 
tion du  virus.   Le  deuxieme  cas  est  plus  diffi- 


cile a  observer  mais  il  est  responsable  de 
nombreuses  infections.  Le  meilleur  exemple 
est  le  cas  de  la  transmission  du  virus  du  co- 
ryza  gangreneux  (AHV-1)  du  gnou  au  Detail 
ou  de  lagent  de  la  forme  europeenne  du  co- 
ryza  gangreneux  du  mouton  au  Detail  ou  au 
cerf  d'elevage.  La  transmission  du  virus 
dune  espece  a  I'autre  est  conditionnee  par 
deux  facteurs  principaux  :  la  proximite  des 
animaux  et  un  stimulus  de  reactivation  qui 
permet  la  reexcretion  du  virus  par  I'animal 
qui  en  est  porteur  latent.  II  faut  done  une 
conjonction  de  deux  evenements  pour  per- 


43 


Famille                      Sous-famille 

Espece 

Cervides                    Cervines 

Chital  (Ax/s  axis) 

Sambar  de  la  Sonde  {Cervus  timorensis) 

Sambar  des  Philippines  (Cervus  unicolor 

mariannus) 

Barasingha  {Cervus  duvaucelf) 

Thameng  (Cervus  eldi  thamin) 

Sika  (Cervus  nippon) 

Cerf  commun  (Cervus  elaphus) 

Cerf  du  Pere  David  (Elaphurus  davidianus) 

Chevreuil  (Capreolus  capreolus) 

Odocoilines 

Cerf  de  Virginie  (Odocoileus  virginianus) 

Cerf  mulet  (Odocoileus  hemionus) 

Cerf  mulet  de  Columbia  (Odocoileus 

hemionus  columbianus) 

Alcines 

Elan  d'Amerique  (/Uces  americana) 

Elan  du  Yellowstone  ibices  alces  shirasi) 

Rangiferines 

Renne  (Rangifer  tarandus) 

Antilocaprides 

Pronghorn  (Antilocapra  americana) 

Bovldes                     Tragelaphines 

Grand  koudou  (Tragelaphusstrepsiceros) 

Sitatunga  (Tragelaphus  spekei) 

Nilgaut  (Boselaphus  tragocamelus) 

Bovines 

Gaur  (Bos  gaurus) 

Banteng  (Bos  javanicus) 

Boeuf  domestique  (Bos  taurus  et  Bos  indicus) 

Bison  d'Europe  (Bison  bonasus) 

Bison  d'Amerique  (Bison  bison) 

Alcephanines 

Bubale  (blcelaphus  buselaphus) 

Tsessebe  (Damaliscus  lunatus) 

Topi  (Damaliscus  korrigum) 

Blesbok  (Damaliscus  dorcas) 

Gnou  a  queue  blanche  (Connochaetes  gnu) 

Gnou  bleu  (Connochaetes  taurinus) 

Hippotragines 

Antilope  chevaline  (Hippotragus  equinus) 

Hippotrague  noir  (Hippotragus  niger) 

Oryx  algazelle  (Oryx  gazella) 

Oryx  beisa  (Oryx  beisa) 

Gemsbok  (Oryx  gazella  gazella) 

Oryx  d'Arabie  (Oryx  leucorvx) 

Addax  (Addax  nasomaculatus) 

44 


Reduncines 

Cobe  a  croissant  (Kobus  ellipsiprymnus) 
Cobe  defassa  (Kobus  ellipsiprymnus  defassa) 
Cobe  de  button  fidenota  kob) 
Cobe  des  roseaux  {Redunca  arundinum) 

Antilopines 

Impala  (fleoyceros  melampus) 
Chamois  (Rupicapra  rupicapra) 

Caprines 

Bouquetin  {Capra  ibex) 

Markhor  de  Boukhara  (Capra  falconeri  heptneri 
Mouflon  a  manchettes  (Ammotragus  lervia) 
Tahr  de  I'Himalaya  (Hemitragus  jemlahicus) 
Mouflon  d'Asie  mineure  (Ovis  ammon  orientalis 
Mouton  (Ovis  ammon  aries) 

Tableau  3  :  Spectre  de  receptivite  du  virus  du  coryza  gangreneux  et  des  virus  antigenetiquement  apparentes 


mettre  la  transmission.  La  probability  que 
ces  deux  evenements  se  presentent  simulta- 
nement  est  d'autant  plus  elevee  que  les  ani- 
maux  sont  domestiques  ou  au  moins  en  ele- 
vage.  Le  risque  de  transmission  est  faible 
entre  deux  especes  sauvages;  il  augmente 
lorsque  I'une  des  deux  especes  est  domesti- 
quee  ou  en  elevage  (cas  de  la  transmission 
du  AHV-1  du  gnou  au  bovin);  il  est  maximum 
lorsque  les  deux  especes  sont  domestiquees 
ou  elevees  (cas  de  la  transmission  de  I'agent 
de  la  forme  europeenne  de  coryza  gangre- 
neux entre  mouton  et  vache  ou  cerf  d'ele- 
vage). 


LES  INFECTIONS  A 
HERPESVIRUS  ET  LE  MODE 
D'ELEVAGE 


Plus  le  mode  d'elevage  est  intensif, 
plus  le  risque  d'eclosion  d'une  maladie  est 
grande.  L'elevage  intensif  du  cerf  en 
Grande-Bretagne  s'est  accompagne  de  Tap- 


parition  d'epidemies  de  coryza  gangreneux 
et  de  maladie  oculaire  causee  par  le  CerHV- 
1.  Une  attention  particuliere  doit  etre  posee 
sur  les  methodes  de  ranching  de  plus  en  plus 
intensives  qui  sont  mises  sur  pied  a  I'heure 
actuelle  pour  diverses  especes  de  ruminants 
africains.  La  situation  la  plus  dangereuse  est 
probablement  rencontree  lorsque  plusieurs 
especes  sont  elevees  dans  les  memes  enclos 
et  partagent  les  memes  points  d'eau  et  les 
memes  sources  de  complement  alimentaire. 
Les  fermes  ou  une  seule  espece  est  elevee 
selon  une  methode  intensive  proche  de 
celles  utilisees  pour  les  animaux  domesti- 
ques feront  malheureusement  I'experience 
d'epidemies.  En  effet,  la  majeure  partie  des 
grands  ruminants  africains  fait  I'objet  d'une 
certaine  forme  d'exploitation,  depuis  la  re- 
serve de  chasse  jusqu'a  l'elevage  en  ferme. 
lis  sont  a  peu  pres  tous  sensibles  au  moins  a 
I'un  des  trois  herpesvirus  BHV-1,  BHV-2  et 
AHV-1.  Des  especes  comme  les  gnous,  le 
blesbok  (Damaliscus  dorcas),  I'impala  (Ae- 
pyceros  melampus),  le  springbok  Antidorcas 
marsupialis)  sont  maintehus  en  ranch  ou 
meme  en  ferme.  Certaines  especes  sont  en 
voie  de  domestication:  le  buffle,  I'oryx,  le  nil- 


45 


gaut  (Boselaphus  tragocamelus)  qui  est  a 
present  elev6  en  ferme  en  Nouvelle-Zelande 
et  en  Grande-Bretagne. 

Les  especes  menacees  qui  sont  rein- 
troduces dans  leur  milieu  naturel  sont  egale- 
ment  sujettes  a  ces  infections.  Les  individus 
proviennent  de  jardins  zoologiques  ou  ils  ont 
pu  contracter  une  infection  latente  par  un 
herpesvirus.  L'elevage  temporaire  de  trou- 
peaux  de  telles  especes  dans  des  enclos  est 
un  facteur  ideal  pour  la  transmission  des  her- 
pesvirus :  le  voyage  du  jardin  zoologique  jus- 
qu'au  pays  de  reintroduction  provoque  un 
stress  de  transport  capable  d'induire  la  reac- 
tivation et  la  reexcretion  de  I'herpesvirus. 
Meme  si  une  periode  de  quarantaine  est  pre- 
vue  a  I'arrivee  des  animaux  et  permet  d'atten- 
dre  la  fin  de  I'episode  d'excretion  du  virus, 
I 'introduction  de  I'individu  dans  un  groupe  in- 
connu  est  egalement  de  nature  a  provoquer 
la  reactivation  de  I'herpesvirus.  La  mise-bas 
est  aussi  un  stimulus  de  reactivation  pour 
plusieurs  herpesvirus  et  contribuera  a  la  dis- 
persion du  virus  dans  la  communaute.  Celle- 
ci  subira  la  circulation  du  virus  et  il  y  aura 
amplification  du  nombre  d'animaux  infectes. 
Ceux-ci  seront  ulterieurement  relaches  dans 
la  nature  ou  I'infection  se  maintiendra,  mais 
conservera  alors  une  allure  sporadique. 

Des  jardins  zoologiques  et  des  ele- 
vages  de  cerfs  en  enclos  ont  deja  vecu  de 
veritables  epidemies  de  coryza  gangreneux 
affectant  plusieurs  especes  de  ruminants. 


LES  PRECAUTIONS  A 
PRENDRE 


Dans  le  cadre  de  la  prevention  des 
maladies  a  herpesvirus,  il  faut  distinguer  en- 


tre  la  protection  contre  les  symptomes  clini- 
ques  et  la  protection  contre  I'infection  par  le 
virus.  Chez  le  Detail,  la  vaccination  contre  la 
rhinotracheite  infectieuse  bovine  a  permis 
d'eviter  des  desastres  economiques  en  pre- 
venant  I'apparition  de  symptomes  cliniques. 
Elle  ne  joue  aucun  role  dans  le  controle  de  la 
transmission  du  virus,  car  un  animal  vaccine, 
qui  est  infecte  par  un  virus  de  la  nature,  ex- 
crete le  virus  sans  etre  malade  et  contribue  a 
sa  dissemination.  De  plus,  la  rhinotracheite 
infectieuse  bovine  est  la  seule  maladie  bo- 
vine a  herpesvirus  pour  laquelle  la  medecine 
veterinaire  dispose  de  vaccins.  Ces  vaccins 
ne  protegent  pas  contre  les  infections  par 
d'autres  herpesvirus,  meme  si  ceux-ci  sont 
apparentes.  Les  precautions  a  prendre  pour 
empecher  ou,  au  moins,  controler  les  infec- 
tions a  herpesvirus  chez  les  ruminants  sau- 
vages  en  captivite  ou  en  elevage  seront  de 
nature  hygienique. 

II  faut  eviter  la  proximite  d'especes  qui 
peuvent  se  transmettre  des  herpesvirus  de 
I'une  a  I'autre.  II  faut  eviter  les  situations  fa- 
vorables  a  la  reactivation  d'un  herpesvirus  la- 
tent. Si  elles  ne  peuvent  etre  evitees,  les  ani- 
maux a  risque  doivent  etre  isoles  des  autres. 
Le  depistage  serologique  des  animaux  est 
difficile  a  realiser  pratiquement.  II  constitue 
neanmoins  la  meilleure  solution,  meme  si  elle 
n'est  pas  ideale.  En  effet,  I 'analyse  serologi- 
que ne  permet  pas  d'identifier  tous  les  ani- 
maux infectes  de  maniere  latente  par  un  her- 
pesvirus, car  une  minority  de  ceux-ci  portent 
le  virus  a  I'etat  latent  sans  posseder  d'anti- 
corps  detectables  par  les  methodes  de  dia- 
gnostic courantes.  Cette  proportion  tres  fai- 
ble  d'animaux  porteurs  latents  sans  signature 
serologique  est  responsable  d'echecs  dans 
le  controle  des  infections  a  herpesvirus  et 
dans  I'assainissement  des  elevages.  La  solu- 
tion la  plus  real  i st e  consiste  a  autoriser  la 
presence  d'animaux  infect6s  de  maniere  la- 


46 


Les  antilopes  font  actuellement  I'objet  d'essais  d'elevage  et  sont  meme  maintenues  dans  des  fermes.  Ces 

especes,  comme  I'impala,  sont  sensibles  a  plusieurs  herpesvirus.  II  faut  done  etre  attentif  a  I'eclosion  de 

maladies  liees  au  mode  d'elevage  et  a  la  presence  d'herpesvirus  (photo  FAO). 


tente,  mais  de  reduire  au  maximum  les  possi- 
bility de  reexcretion  et  de  transmission  de 
virus  en  separant  les  animaux  par  lot  et  en 
leur  evitant  le  plus  possible  les  stress  qui 
sont  identifies  comme  stimuli  de  reactivation. 
Bien  que  certains  echecs  soient  possibles,  le 
controle  des  infections  sera  done  atteint  en 
separant  les  animaux  seropositifs  des  sero- 
negatifs.  Dans  le  cas  de  la  prevention  contre 
le  coryza  gangreneux,  la  reduction  du  risque 
de  transmission  du  virus  sera  assuree  par 
une  surveillance  accrue  au  moment  des 
mise-bas,  puisque  les  nouveaux-nes  excre- 
tent  le  virus  et  sont  responsables  de  sa  disse- 
mination. 

II  est  illusoire  de  controler  les  infec- 
tions a  herpesvirus  en  milieu  naturel,  car  le 
phenomene  de  latence  du  virus  autorisera 
toujours  sa  persistance  dans  la  population. 


En  realite,  ce  n'est  pas  necessaire  puisque, 
dans  la  nature,  les  herpesvirus  jouent  un  role 
pathogene  limite  et  n'ont  pas  encore  ete  re- 
connus  responsables  de  pertes  importantes 
dans  la  faune  sauvage  conduisant  a  un  dese- 
quilibre  du  milieu  naturel. 


CONCLUSIONS 


Plus  de  soixante  especes  de  rumi- 
nants sont  sensibles  aux  infections  par  her- 
pesvirus. Ces  virus  sont  done  tres  repandus 
parmi  les  ruminants.  De  plus,  le  maintien  de 
ces  infections  est  assure  par  le  phenomene 
de  latence.    L' intensification  de  I'elevage  de 


47 


ces  especes  augmente  les  risques  d' infection 
et  de  deveJoppement  d'epidemies.  Les  infec- 
tions a  herpesvirus  n'ecnappent  pas  a  cette 
regie  et  les  exemples  recents  tires  de  lele- 
vage  du  cerf  en  temoignent. 

Les  herpesvirus  ne  constituent  pas  ac- 
tuellement  une  menace  pour  la  faune  sau- 
vage.  Neanmoins,  des  que  I'equilibre  est 
rompu  et  qu'H  y  a  un  effort  d' intensification  et 
d'elevage,  le  risque  est  reel  et  ces  infections 
doivent  etre  prises  en  consideration  par  les 
personnes  qui  sont  impliquees  dans  le  choix 
des  especes  et  le  type  d'elevage. 


Remerciements 


Les  auteurs  remercient  vivement  le  Dr. 
Ph.Chardonnet,  de  I'lnstitut  d'Elevage  et  de 
Medecine  Veterinaire  des  Pays  Tropicaux, 
pour  ses  precieuses  informations  sur  lele- 
vage  des  especes  sauvages  en  Afrique. 


Pastoret  P.-P;,  Thiry  E.,  Brochicr  B.,  Schwers 
A.,  Thomas  I.,  Dubuisson  J. 

Maladies  de  la  faune  sauvage  transmissi- 
bles  awe  animaux  domestiques. 
Rev.  sci.  tech.  Off.  int.  Epiz.,    1988,    7, 
661-704. 
Plowright  W. 

Le  coryza  gangreneux. 
Rev.  sci.  tech.  Off.  int.  Epiz.,  1986,    5, 
919-937. 
Plowright  W. 

Viruses  transmissible  between  wild  and 
domestic  animals. 

Symp.  zool.  Soc.  Lond.,  1988,   60,    175- 
199. 
Thiry  E.,  Dubuisson  J.,  Pastoret  P.-P. 

Pathogenic,  latence  et  reactivation  des  in- 
fections par  herpesvirus. 
Rev.  sci.  tech.  Off.  int.  Epiz.,    1986,    5, 
821-828. 
Thiry  E.,  Mecrsschaert  C,  Pastoret  P.-P. 

Epizootiologie  des  infections  a  herpesvi- 
rus chez  les  ruminants  sauvages.  1.  Le  vi- 
rus de  la  rhinotracheite  infectieuse  bovine 
et  les  virus  antigeniqucment  apparentes. 
Rev.  Elev.  Med.  vet.  Pays  Trop.,  1988, 
41,  113-120. 


REFERENCES  UTILES 


Mecrsschaert  C,  Thiry  E.,  Pastoret  P.P. 

Epizootiologie  des  infections  a  herpesvi- 
rus chez  les  ruminants  sauvages.  2.  Les 
virus  de  la  thelite  herpetique  bovine  et  du 
coryza  gangreneux  et  les  autres  herpesvirus 
isoles  des  ruminants. 

Rev.  Elev.  Med.  vet.  Pays  Trop.,  1988, 
41  235-242. 

Nettleton  P.F.,  Thiry  E.,  Reid  H.,  Pastoret  P.-P. 
Herpesvirus  infections  in  Cervidae. 
Rev.  sci.  tech.  Off.  int.  Epiz.,    1988,    7, 
977-988. 


Thiry  E.,  Reid  H.W.,  Pastoret  P.P.,  Nettleton 
P.F. 

Les  infections  des  ongules  sauvages  par 
les  herpesvirus. 

IN:  R.  Rosset  (Editeur).  Faune  sauvage 
df Europe.  Surveillance  sanitaire  etpatho- 
logie  des  mammiferes  et  des  oiseaux. 
Informations  techniques  des  Services 
Veterinaires,  96  a  99,  Paris,  France, 
1987,  p.  201-208. 


48 


ELEVER  DES  CROCODILES  POUR 
LEUR  SAUVER  LA  PEAU 


INTRODUCTION 


par  C.  Reizer  *  et    E.  Langelet  ** 


ELEMENTS  DE  ZOOLOGIE 


Le  massacre  des  crocodiles  a  com- 
mence vers  le  milieu  de  ce  siecle  et  n'a  cesse 
de  croftre.  Au  nombre  des  especes  mena- 
cees,  figure  en  particulier  le  crocodile  du  Nil 
Crocodylus  niloticus,  le  plus  grand  et  le  plus 
commun  des  crocodiles  africains. 

Alors  qu'il  etait  sacre  chez  les  Egyp- 
tiens,  il  est  aujourd'hui  pourchasse  comme 
nuisible  ou  pour  la  valeur  commerciale  de  sa 
peau.  A  quoi  s'ajoute  la  quasi-impossibilite 
de  surveiller  en  permanence  des  colonies 
sauvages  dispersees.  On  comprend  des  lors 
que  les  mesures  de  protection  en  sa  faveur 
soient  rarement  efficaces. 

Pour  a  la  fois  endiguer  les  massacres 
et  satisfaire  I'industrie  de  la  maroquinerie,  I'e- 
levage  en  milieu  maitrise  s'est  developpe  de- 
puis  une  bonne  quarantaine  d'annees,  avec 
des  resultats  satisfaisants.  Le  present  article 
en  dresse  le  bilan. 


Les  crocodiles,  comme  tous  les  rep- 
tiles sont  po'Mlothermes.  En  consequence, 
leur  activite  est  fortement  dependante  du  cli- 
mat :  aux  trop  hautes  temperatures,  faute  de 
pouvoir  estiver  au  frais,  ils  succombent ;  aux 
basses,  ils  tombent  dans  la  torpeur.  Pour 
maintenir  une  temperature  corporelle  ideale 
de  25°C,  les  crocodiles  alternent  done  bains 
de  soleil  et  baignades.  Quand  le  climat  ne 
leur  permet  pas  une  thermoregulation  nor- 
male  permanente,  ils  suspendent  toute  activi- 
te ,  estivant  ou  hibernant  dans  des  tanieres 
creusees  dans  les  berges  des  cours  d'eau 
(GUGGISBERG,  1972). 

Les  crocodiles  sont  ovipares  et,  en 
principe,  se  reproduisent  une  fois  I'an.  La 
maturite  sexuelle  est  atteinte  vers  12-15  ans 
pour  les  males,  un  peu  plus  tot  pour  les  fe- 
melles.  lis  atteignent,  a  cet  age,  un  poids  de 
100  a  150  kg  et  une  longeur  de  3  m;  mais,  en 
fait,  vu  la  grande  variability  de  croissance, 
cette  maturite  sexuelle  est  plus  liee  a  la  taille 
et  au  poids  qu'a  I'age.  L'accouplement  a  lieu 
dans  I'eau  apres  une  parade  nuptiale  :  a  ce 


49 


VUE  DORSALE 


VUE  VENTRALE 


Eaai I les 

post-oaaipitales  f)(~\ 

Eaai  I  les  ^\  /  Q'i  \ 

nuoa les 


Eaai I les 
latevalez 


Collier  ventral 


Double  arete 
aaudale 


Zrete  simple 


figure  1  :  caracteres  morphologiques  externes  des  crocodiles  (De 
Buffrenil,  1984). 


moment,  les  males  sont  particulierement 
agressifs  et  bruyants.  Trois  mois  plus  tard,  la 
femelle  pond  une  trentaine  d'oeufs  en 
moyenne  ;  elle  les  dispose  en  couches  suc- 
cessives  separees  par  du  sable,  dans  un  nid 
creuse  a  proximite  de  la  berge.  L'incubation 
dure  de  12  a  13  semaines,  sous  la  surveil- 
lance de  la  mere  qui  humidifie  les  oeufs  et 
chasse  tout  importun. 

Le  taux  d'eclosion,  malgre  cette  garde 
maternelle,  demeure  faible,  +/-  30  %  :  preda- 
teurs  et  climat  en  sont  les  responsables.  L'e- 
closion  est  annoncee  par  des  piaillements 
des  jeunes,  stimulus  qui  incite  la  mere  a  de- 
terrer  les  oeufs  et  a  aider  les  jeunes  a  se  de- 
gager  de  leur  coquille  (des  recepteurs  senso- 


riels  situes  au  niveau  du  pa- 
lais  et  des  machoires,  lui 
permettent  de  controler  son 
travail  avec  precision).  La 
femelle  rassemble  sa  cou- 
vee  dans  sa  gueule  et  la 
porte  a  I'eau.  Elle  continue- 
ra  a  veiller  sur  elle  pendant 
une  douzaine  de  semaines. 
Certaines  couvees  sont  par- 
fois  regroupees  sous  la  sur- 
veillance d'un  adulte. 

Le  regime  alimentaire 
est  exclusivement  carnivore. 
II  varie  avec  I'age,  passant 
des  insectes  et  crustaces 
aux  poissons,  mammi- 
feres...  et  crocodiles.  La  fre- 
quence des  repas  est  etroi- 
tement  liee  a  la  temperature 
et  a  la  pression  atmospheri- 
que:  il  y  a  en  effet  apparition 
de  troubles  digestifs  aux 
trop  basses  ou  trop  hautes 
temperatures. 

Le  comportement  so- 
cial joue  egalement  un  role 
en  elevage.  Le  crocodile  du  Nil  a  coutume 
de  vivre  en  colonies,  chacune  d'elle  etant 
structuree  en  groupes  d'individus  de  tallies 
semblables,  repartition  qui  autorise  une  den- 
site  elevee  tout  en  limitant  les  agressions. 

Le  crocodile  du  Nil  apparaft  ainsi 
adapte  a  son  milieu  ;  une  part  importante  de 
son  energie  peut  done  etre  utilisee  pour  sa 
croissance  et  sa  reproduction.  Par  ailleurs, 
son  comportement  social,  base  sur  des  rap- 
ports de  force  favorise  I'accouplement  de  su- 
jets  forts,  plus  aptes  a  produire  beaucoup 
d'oeufs  et  a  mieux  defendre  leur  couvee.  La 
regulation  des  populations  est  realisee  par  un 
taux  de  mortalite  6leve  durant  la  premiere  an- 
nee,  compensatrice  de  la  quasi-invulne>abili- 


50 


te  des  sujets  ages.  Par  suite  de  son  eclec- 
tisme  alimentaire,  il  joue  un  role  de  regulateur 
ecologique  dans  les  eaux  africaines.  Sa  dis- 
parition,  du  fait  des  hommes,  risque  de  gene- 
rer  une  situation  de  desequilibre  (LANGELET, 
1986). 


ZOOTECHNIE 


1.  Legislation 

La  Convention  de  Washington  (1970) 
reglemente  le  commerce  des  crocodiles  et 
des  objets  d'origine  crocodilienne.  Ceux-ci 
sont  pour  la  plupart  repertories  en  annexe  I, 
parmi  les  especes  menacees  d'extinction  im- 
mediate. 

Pour  qu'un  centre  d'elevage  soit  re- 
connu  et  puisse  commercialiser  legalement 
sa  production,  il  devra  done  satisfaire  aux  re- 
commandations  de  la  convention  :  ainsi,  il  ne 
pourra  mettre  sur  le  marche  des  animaux 
captures  dans  la  nature,  ni  porter  atteinte  aux 
populations  sauvages  pour  se  constituer  un 
stock  ;  cependant,  dans  certains  cas  precis, 
la  convention  autorise  des  prelevements  re- 
guliers  dans  le  milieu  si  ceux-ci  sont  compen- 
ses  par  des  lachers  d'une  partie  du  cheptel 
ne  en  captivite  (en  principe  5%). 


2.  Remarque  prealable 
importante 

Un  des  problemes  poses  au  crocodile 
et  done  a  son  elevage,  est  consequent  de 
son  type  de  regulation  thermique;  les  am- 
biances  les  plus  favorables  sont  done  celles 
ou  temperatures  et  taux  d'humidite  sont  ele- 


ves  et  constants;  en  clair,  le  climat  Equatorial 
de  basse  altitude  est  ideal. 


3.  Methodologie  d'elevage 

II  existe  2  premieres  categories  d'ex- 
ploitation  :  les  unes  sont  a  but  commercial, 
les  autres,  plus  rares,  se  preoccupent  du  re- 
peuplement  des  zones  naturelles  (POOLEY, 
1971). 

D'autre  part,  I 'elevage  peut  soit  etre  en 
circuit  ferme,  soit  dependre  des  populations 
sauvages  pour  son  approvisionnement  en 
oeufs  et  en  juveniles. 


3.1.  Recolte  et  incubation  des  oeufs 

Le  nid  est  repere  (il  se  manifeste  par 
une  depression  dans  le  sol),  la  femelle  chas- 
see.  Les  oeufs  sont  collectes  aux  heures 
frafches,  soit  48  heures,  soit  55  jours  apres  la 
ponte  ;  de  fagon  a  ne  pas  briser  les  capil- 
laires  fragiles  qui  relient  I'embryon  a  la  co- 
quille.  Les  oeufs  sont  manipules  avec  delica- 
tesse  et  marques  sur  la  face  superieure  pour 
etre  replaces  dans  la  meme  position  dans  la 
boite  de  transport  et  d'incubation.  lis  sont 
nettoyes  et  desinfectes,  puis  places  dans  des 
nids  ou  chambres  d'incubation  reproduisant 
les  conditions  naturelles.  Une  installation 
peu  couteuse  consiste  a  disposer  les  oeufs 
sur  un  lit  de  paille  sur  claie.  Temperature 
(28-34°C)  et  humidite  relative  (80-90  %)  sont 
maintenues  constantes.  Comme  chez  d'au- 
tres  reptiles,  la  temperature  d'incubation  agit 
sur  le  sexe  :  les  basses  temperatures  favori- 
sent  I 'apparition  des  femelles  ;  phenomene 
interessant  pour  I'elevage  vu  la  croissance  ju- 
venile superieure  de  celles-ci  (BOLTON  M., 
1980,  DUFAURE  J.P.,  1986). 


51 


Quelle  que  soit  la  technique  employee, 
de  strides  mesures  de  protection  doivent 
etre  prises  pour  eloigner  tous  les  types  de 
predateurs  des  lieux  d'incubation. 

A  I'approche  de  d'eclosion,  les  nids 
sont  particulierement  surveilles.  Les  nou- 
veaux-nes  ainsi  que  les  dechets  de  coquilles 
sont  enleves  au  fur  et  a  mesure.  Les  prema- 
tures, reconnaissables  a  leur  vitellus  non 
completement  retracte  dans  la  cavite  abdo- 
minale,  sont  places  sur  une  toile  a  I'abri  de  la 
lumiere.  Si  aucun  signe  d'eclosion  ne  se  ma- 
nifeste  apres  le  delai  normal  d'incubation, 
celle-ci  est  provoquee  soit  par  variation  de  la 
temperature,  soit  par  la  diffusion  d'enregistre- 
ment  de  piaillements  de  bebes-crocos  (POO- 
LEY,  1971). 

Des  taux  d'eclosion  de  80%  sont  ainsi 
couramment  atteints. 

Durant  les  premiers  jours,  les  nou- 
veaux-nes  se  nourrissent  sur  leur  reserve  vi- 
telline; I'alimentation  artificielle  ne  commence 
qu'une  semaine  plus  tard. 


3.2.  Elevage  des  jeunes 

Les  jeunes  crocodiles  sont  de  prefe- 
rence gardes  en  lots  d'une  quinzaine  d'indivi- 
dus  afin  de  prevenir  les  enzooties  et  de  repe- 
rer  les  sujets  faibles.  Le  site  choisi  pour  I 'ele- 
vage juvenile  doit  etre  isole  du  reste  de  la 
ferme. 

L'analyse  de  la  situation  dans  le  Sud- 
Est  asiatique  conduit  a  preconiser  I'usage  de 
bacs  en  polyester,  faciles  d'entretien,  hygie- 
niques  et  aisement  transportables  (fig.2). 

Les  bacs  sont  regroupes  dans  une 
cage  grillagee  sous  un  toit  a  claire-voie  qui 
permet  de  reguler  la  temperature,  ils  seront 
maintenus  en  parfait  etat  de  proprete.  Dans 
les  exploitations  plus  rudimentaires,  par 
exemple  villageoises,  les  bacs  peuvent  etre 


remplaces  par  de  petits  enclos  contenant  un 
bassin  cimente. 

Les  jeunes  crocodiles  sont  nourris 
quotidiennement  de  crevettes  ou  de  pois- 
sons  coupes  en  des.  La  ration  de  base  (5  a 
10  %  du  poids  vif)  est  souvent  completee  par 
des  insectes  attires  par  une  lampe  placee  au- 
dessus  des  bacs. 

Lorsque  les  animaux  atteignent  une 
taille  de  80  cm,  ils  sont  transferes  dans  des 
enclos  de  plus  grandes  dimensions. 

Dans  les  entreprises  bien  gerees,  le 
taux  de  mortalite  n'excede  pas  20%. 


3.3.  Elevage  des  juveniles 

Cette  denomination  est  reservee  aux 
sujets  dont  la  taille  est  comprise  entre  80  et 
150  cm. 

Ces  animaux  sont  habituellement  lo- 
ges  dans  des  enclos  pourvus  d'un  bassin  en 
terre  ou  en  ciment  non  abrasif.  Une  autre  so- 
lution consiste  a  construire  des  pares  cimen- 
tes  pourvus  d'un  promontoire. 

L'ombrage  en  enclos  "naturels"  est  ob- 
tenu  par  plantation  d'arbres.  Les  clotures 
sont  realisees  en  palissades  de  bois  ou  en 
treillis  metallique.  L'orientation  et  les  dimen- 
sions des  pares  sont  determinees  de  fagon  a 
assurer  une  bonne  aeration. 

Lorsque  cela  est  possible,  il  est  tou- 
jours  souhaitable  d'alimenter  les  bassins  en 
eau  courante;  ceci  en  outre  permet  parfois 
.('introduction  directe  de  poissons  vivants.  La 
profondeur  des  bassins  doit  etre  de  60  cm  de 
fagon  a  eviter  toute  surchauffe. 

La  densite  est  difficilement  chiffrable 
car  elle  depend  dans  une  tres  large  mesure 
de  la  gestion  des  enclos. 

Ainsi  a  la  Samut  Prakan  Corocdile 
Farm  de  Bangkok,  plus  de  200  crocodiles 
d'au  moins  1  m  sont  eleves  dans  les  pares  de 


52 


20  m  x  4  m,  pourvus  de  tortures  a  claire-voie 
(LANGELET,  1987).  En  Papouasie  Nouvelle- 
Guinee,  on  maintient  plusieurs  centaines  d'a- 
nimaux  dans  des  pares  de  20  m  x  20  m  tra- 
verses par  des  canaux  sinueux  de  2  m  de 
large  (REIZER,  1976;  BOLTON,  1980;  BOL- 
TON, 1981). 

Pour  eviter  les  combats  et  pour  que 
chaque  animal  art  acces  a  la  nourriture,  les 
crocodiles  sont  regroupes  par  classe  de  taille 
de  20  en  20  cm. 

La  ration  quotidienne  se  compose  de 
poissons,  de  poulets,  de  de- 
chets  d 'abattoirs,  de  chair 
de  crocodile,  a  raison  de 
200  a  400  g  par  specimen. 
La  meilleure  croissance  est 
obtenue  avec  le  poisson.  II 
faut  compter  environ  200  kg 
d'aliments  pour  obtenir  un 
crocodile  de  taille  commer- 
ciale. 


3.4.  Elevage  de  reproduc- 
teurs 

Les  adultes  sont  dete- 
nus dans  de  grands  enclos 
reproduisant  dans  toute  la 
mesure  du  possible  les 
conditions  naturelles.  Ce- 
pendant,  pour  supprimer 
tout  comportement  territo- 
rial generateur  d'agressivite, 
on  maintient  une  densite 
elevee  :  ainsi  a  la  S.C.F.  de 
Bangkok,  plus  de  200 
adultes  se  partagent  50  ares 
avec  une  mortal ite  par  mor- 
sure  inferieure  a  2%  I'an. 

Les  femelles  pretes  a 
pondre   ont   acces   a   des 


boxes  de  4  x  4  m  leur  garantissant  un  mini- 
mum d'isolement.  Une  fois  la  ponte  effec- 
tuee,  la  femelle  est  chassee  et  I'ouverture  du 
nid  obturee  :  dans  le  cas  present,  les  oeufs 
restent  dans  le  nid  jusqu'a  eclosion,  sous 
surveillance  humaine  avec  rectification  even- 
tuelle  de  la  temperature  et  de  I'humidite  rela- 
tive. 

La  ration  alimentaire,  a  base  de  pois- 
son de  preference,  est  voisine  de  1  %  du 
poids  corporel  par  jour. 


Pares  en  ciment 


53 


Trou  d'aeration 


i 


Niveau  d'eau 


Or,  il  y  a  progression 
geometrique  des  prix 
consentis  suivant  les 
categories  commer- 
ciales. 

-  Taille  d'abattage  choisie 
en  fonction  du  marche. 
Or,  il  y  a  aussi  progres- 
sion geometrique  des 
prix  suivant  les  catego- 
ries de  taille. 


Tuyau  de  vidange 


figure  2  :  coupe  transversale  d'un  bac  en  polyester  pour  I'elevage  des 
jeunes  crocodiles  ( 120  x  120  x  60  cm) 


CONCLUSION 


En  fait,  I'elevage  du  crocodile  du  Nil  ne 
presente  pas  de  difficulty  majeure.  On  peut 
done  esperer  reconstituer  les  populations 
sauvages  et  surtout  les  sauver  en  approvi- 
sionnant  I'industrie  en  peaux  produites  en  mi- 
lieu maitrise. 

La  rentabilite  economique  de  la  croco- 
diculture  est  excellente  ;  elle  est  due  a  plu- 
sieurs  facteurs  : 

-  Excellence  de  la  croissance 

-  Excellence  du  taux  de  conversion  alimen- 
taire 

-  Production  de  peau  de  qualite,  vu 

.  I'abattage  dans  les  conditions  ide- 
ales; 

.  le  traitement  de  la  peau  immediat, 
done  excellent ; 

.  la  suppression  de  la  territorial ite  qui 
limitant  les  agressions,  limite  aussi 
les  defauts  de  peaux  d us  a  la  cicatri- 
sation des  blessures. 


L'ensemble  de 
ces  caracteristiques 
confere  aux  peaux  de 
crocodiles  d'elevage, 
une  superiority  defini- 
tive sur  celles  issues 
des  crocodiles  chasses  dans  le  milieu  natu- 
re!. 

L'elevage  du  crocodile  du  Nil  est  ainsi 
le  meilleur  garant  de  la  survie  de  I'espece. 


BIBLIOGRAPHIE 


BOLTON,  M.  1980  Elevage  du  cocodile  en  Pa- 
pouasie  Nouvelle-Guinee,  in  :  Revue 
Mondiale  de  Zootechnie,  FAO,  vol.  34, 
pp  15-22,  Rome. 

BOLTON,  M.  1981  Crocodile  Husbandry  in 
Papua  New  Guinea,  FAO  Field  Docu- 
ment, 103  p.,  Port  Moresby. 

De  BUFFRENIL,  V.  1984  Especes  Menacees 
et  exploitees  dans  le  monde.  Guide  prati- 
que pour  leur  connaissaince  et  leur  identi- 
fication. XXVII  Les  crocodiliens .  de 
Beaufort ;  39  p.,  Paris. 


54 


Boxes-pondoirs 


DUFAURE,  J.P.  1986  La  reproduction  des  cro- 
codiles, in  La  Recherche,  Vol.  17,  179, 
pp  902-911,  Paris. 

GUGGISBERG,  C.A.W.  1972     Crocodiles     - 
Their    Natural    History,    Folklore    and 
Conservation.      Wren  Publishing   PTY 
LTD,  195  p.,   Victoria. 

LANGELET,  E.  1986  Zoologie  et  zootechnie 
de  Crocodylus  niloticus  L.  Memoire  de 
graduat  en  agriculture  tropicale,  IATH 
136  p.  Ath  (B). 

LANGELET,  E.  1987  Report  on  training  ses- 
sion in  crocodiles  farms  of  South-East 
Asia.  Roneo,  27  p.  Waterloo  (B). 

POOLEY,  A.C.  1971  Crocodile  Rearing  and 
Restocking,  in  Crocodiles.  (Proceedings 
of  the  First  Working  Meeting  of  Croco- 
dile Specialists,  sponsorised  by  the  New 
York  Zoological  Society  and  organized 
by   the   Survival   Species    Commission, 


IUCN,  at  the  Bronx  Zoo,  New  York  15  - 
17  March,  1971),  vol  1  Supplementary 
Paper  33,  pp  104-130.,  Morges  (CH). 

REIZER,  C.  1976  Technical,  Economic,  Fi- 
nancial and  Institutional  Feasibility  of 
Proposals  for  Agricultural  Development  in 
East-SepiklPNG.  Chapter  V,  Fish  Pro- 
duction and  Processing  Sub-Project,  pp. 
224-288,  BEI  -  AGRER/Bruxelles  and 
ADB/Manilla. 


*  C.  Reizer,  Fondation  Universitaire  Luxem- 
bourgeoise,  B-6700  Arlon  (Belgique) 

**    E.  Langelet,  Institut  agricole  et  technique 
du  Hainaut  B-7800  Ath  (Belgique). 


55 


CONSERVATION 


Lausanne :  Conference  de  la 
CITES 


Du  9  au  20  octobre  dernier,  s'est  tenu 
la  7eme  Conference  des  Parties  de  la  CITES 
(Convention  sur  le  Commerce  International 
des  Especes  de  faune  et  de  flore  sauvages 
menacees  d' extinction).  Cette  7eme  Session 
aura  certainement  eu  le  benefice  de  faire 
connaitre  la  Convention  -  du  moins  son  exis- 
tence -  au  grand  public  dans  le  monde  entier 
tant  sa  tenue  aura  ete  attend  ue  et  preparee  a 
grand  renfort  de  medias.  C'est  en  effet  a 
cette  occasion  que  devait  etre  decide  le  sort 
de  I'elephant  d'Afrique  qui,  tout  au  long  de 
I'annee,  fit  I'objet  de  tant  de  campagnes  me- 
diatiques  et  de  conferences  de  toutes  sortes 
afin  de  decider  de  son  avenir. 

Dans  ce  bref  apergu,  nous  ne  relate- 
rons  brievement  que  les  resultats  des  discus- 
sions concernant  I'elephant  d'Afrique,  debat 
tant  attendu  de  par  le  monde.  Un  compte- 
rendu  detaille  de  la  reunion  sera  fait  dans  le 
prochain  numero  de  Nature  et  Faune. 

Si  de  nombreux  points  tres  importants 
devaient  etre  discutes  au  cours  de  cette  reu- 
nion, les  debats  auront  ete  totalement  domi- 
nes  par  les  discussions  sur  le  commerce  de 
I'ivoire  et  la  situation  de  I'elephant  d'Afrique. 

Suite  a  la  proposition  de  sept  pays  de 
transferer  I'elephant  d'Afrique  d'Annexe  II  en 
Annexe  I,  l'6tude  de  la  situation  de  I'elephant 
d'Afrique  fit  apparaitre  -  mais  est-il  encore  be- 
soin  de  le  redire  -  la  situation  catastrophique 
de  cette  espece.  Toutefois,  de  fortes  dispari- 
tes  regionales  apparaissent  et  font  que  I'una- 


nimite  etait  bien  loin  de  regner  lors  des  de- 
bats  quant  a  savoir  quel  serait  I'avenir  de  I'es- 
pece.  Les  pays  d'Afrique  australe,  ou  les  po- 
pulations d'elephants  sont  stables  voire 
croissantes,  s'opposerent  fermement  a  un 
transfert  de  cette  espece  en  Annexe  I  de  la 
Convention,  ce  qui  revient  a  interdire  tout 
commerce  de  quelque  produit  ou  partie  que 
ce  soit  provenant  de  cet  animal. 

Apres  de  longs  et  houleux  debats,  il  fut 
finalement  decide  du  transfert  de  cette  es- 
pece vers  I'Annexe  I  et  de  I'interdiction  de 
tout  commerce  d'ivoire  en  precisant  toutefois 
que  certaines  populations  pourraient  even- 
tuellement,  apres  etude,  etre  transferees  en 
Annexe  II  si  elles  s'averaient  ne  pas  etre  me- 
nacees. 

Du  fait  que  ce  declassement  ulterieur 
ne  pouvaient  leur  etre  garantis  a  I'heure  ac- 
tuelle,  sept  pays  emirent  des  reserves  quant 
a  cette  resolution. 

Outre  cette  resolution  sur  cet  impor- 
tant et  epineux  probleme  du  devenir  de  I'ele- 
phant d'Afrique,  treize  autres  resolutions  fu- 
rent  votees  par  la  Conference  des  Parties  sur 
lesquelles  nous  reviendrons  plus  en  detail  ul- 
terieurement. 


Kenya  :  assassinat  de  "Bwana 
Simba". 


Le  20  aoQt  en  debut  d'apres-midi, 
George  Adamson,  le  grand  specialiste  des 
felins,  fut  abattu  par  les  braconniers  dans  la 
reserve  de  Kora,  au  Centre-Est  du  Kenya. 

Apres  son  epouse  Joy,  le  nom  de 
George  Adamson  -  surnomme  en  Kiswahili 
"Bwana  Simba"  (Monsieur  Lion)  -  vient  done 
s'ajouter  a  la  liste  des  martyrs  de  la  protec- 
tion de  la  faune  sauvage.  Leurs  travaux  sur 


56 


les  felins,  en  particulier  les  lions,  ont  rendu  ce 
couple  celebre  de  par  le  monde  entier,  no- 
tamment  par  les  livres  de  Joy,  adaptes  a  I'e- 
cran  -  Nee  libre,  Vivre  libre  et  Libre  pour  tou- 
jours  -,  ou  elle  retrace  I'histoire  d'Elsa,  un 
lionceau  recueilll  apres  la  mort  de  sa  mere. 
Les  droits  d'auteur  avaient  permis  au  couple 
de  creer  des  institutions  pour  la  protection 
des  animaux. 

Cet  assassinat  ne  fait  qu'allonger  la 
longue  liste  des  recents  mefaits  des  bracon- 
niers  au  Kenya  qui,  traques  par  le  Gouverne- 
ment,  se  sont  mis  a  tirer  sur  tout  ce  qui 
bouge,  y  compris  les  touristes.  En  juillet  der- 
nier, deux  touristes  francais  ont  ete  cribles  de 
balles  dans  le  pare  national  de  Meru,  voisin 
de  la  reserve  de  Kora.  Deux  semaines  plus 
tard,  une  touriste  americaine  a  connu  le 
meme  sort  dans  le  pare  national  du  tsavo, 
dans  I'Ouest  du  pays,  lorsque  les  bracon- 
niers  se  sont  attaques  a  un  convoi  de  tou- 
ristes. Deux  autres  personnes  furent  egale- 
ment  blessees.  Le  meme  mois,  dans  la  pro- 
vince cotiere,  des  voleurs  abattirent  un  tou- 
riste beige  et  lui  volerent  sa  voiture.  A  cela 
vient  egalement  s'ajouter  le  cas  non  encore 
elucide  de  la  mort  de  Julie  Ward,  adoles- 
cente  anglaise  dont  les  restes  furent  retrou- 
ves  dans  la  reserve  de  Masai'  Mara. 

Bien  que  les  forces  de  securite,  dont 
les  moyens  ont  ete  renforces,  oppose  une 
guerre  sans  merci  aux  braconniers  -  plu- 
sieurs  dizaines  ont  deja  ete  abattus  -,  ces 
drames  ont  une  forte  incidence  negative  sur 
le  tourisme,  principal  pourvoyeur  de  devises 
etrangeres  du  pays. 

A  la  suite  de  ces  incidents,  des  milliers 
de  reservations,  provenant  des  quatre  coins 
du  monde,  furent  annulees. 

La  mort  de  George  Adamson,  age  de 
83  ans,  a  frappe  encore  un  peu  plus  I'opinion 
qui  en  conclut  que  le  Kenya  n'est  plus  une 
villegiature  sure  et  le  gouvernement  kenyan 


aura  fort  a  faire  pour  restaurer  I'image  idylli- 
que  du  Kenya  portee  de  par  le  monde  par  le 
film  Out  of  Africa. 


Rhinos  decornes  ! 


Dans  le  Damaraland,  les  responsables 
de  le  Conservation  en  Namibie  coupent  les 
cornes  des  rhinoceros  noirs  Diceros  bicornis 
anesthesies  afin  de  les  proteger  des  bracon- 
niers. Cette  mesure,  essayee  pour  la  pre- 
miere fois,  divise  les  principaux  conservation- 
nistes  de  la  region. 

New  Scientist,  27/5/89,  33. 


Reintroduction :  oryx  algazelles 
tunisiens 


En  decembre  1985,  dix  oryx  algazelles 
Oryx  dammah  des  zoos  britanniques  de  Mar- 
well  et  d'Edimbourg  furent  relaches  dans  le 
Pare  National  de  Bou-Hedma  en  Tunisie.  De- 
puis  lors,  ces  animaux  sont  surveilles  regulie- 
rement  et  en  decembre  1988,  un  chercheur 
du  Zoo  de  Londres  se  rendit  sur  place  pour 
la  sixieme  fois. 

Le  but  de  cette  visite  etait  de  surveiller 
I'etat  de  sante  et  le  succes  de  la  reproduction 
de  ce  troupeau  et  d'en  ecarter  le  male  domi- 
nant. Cet  animal  a  deja  tue  trois  addax 
males  Addax  nasomaculatus  et  a  ete  consi- 
dere  anormalement  agressif,  meme  vis-a-vis 
des  males  de  son  espece.  Comme  mesure  a 
court  terme,  la  Direction  des  Forets  avait 
dresse  une  cloture  afin  de  diviser  le  Pare  en 
deux,  separant  les  addax  a  I'Est  des  oryx  a 


57 


I'Ouest,  mais  cette  solution  n'etait  pas  satis- 
faisante  a  long  terme. 

L'enlevement  de  ce  male  sera  sans 
doute  egalement  benefique  pour  d'autres  rat- 
sons.  Une  analyse  genetique  des  dix  ani- 
maux  reintroduits  a  montre  qu'ils  sont  tous 
tres  proches  parents  et  le  fait  d'empecher  ce 
male  de  s'accoupler  avec  ses  propres  filles 
devrait  aider  a  garder  le  niveau  de  consan- 
guinite  bas.  Le  male  suppose  devenir  le  do- 
minant n'est  pas  un  parent  trop  proche  des 
femelles  adultes  et  de  leur  progeniture. 

Le  troupeau  est  maintentant  forme  de 
14  animaux,  dont  quatre  jeunes  nes  sur  place 
et  leur  etat  sanitaire  semble  bon  selon  une 
observation  generate  et  I'examen  detailie  de 
quatre  animaux  tranquillises. 

La  gestion  future  du  troupeau  est  ac- 
tuellement  discutee  et  si  Ton  prend  en 
compte  les  considerations  genetiques,  il  ne 
serait  pas  prudent  de  laisser  les  animaux  du 
troupeau  actuel  devenir  les  seuls  fondateurs 
da  la  population  future  d'oryx  du  Pare.  La 
premiere  etape  sera  d'importer  de  nouvelles 
femelles,  de  preference  sans  aucun  lien  de 
parente,  probablement  des  Etats-Unis,  et  qui 
seraient  integrer  dans  le  troupeau  existant. 


les  statistiques  commerciales  internationales. 

Selon  David  Western  dans  Pachyderm, 
66.360  a  76.440  rhinoceros  noirs  et  2.272  a 
2653  rhinos  blancs  du  Nord  ont  ete  abattus 
par  les  braconniers  de  1970  a  1987.  Ces  rhi- 
noceros auraient  du  fournir  un  poids  estime 
de  199.478  a  229.910  kilos  de  cornes  alors 
que  les  statistiques  commerciales  n'en  re- 
censent  qu'environ  101.000  kilos.  Qu'est  il 
advenu  de  I 'autre  moitie  ? 

Western  pense  que  45  a  51%  des 
comes  manquantes  (selon  ses  estimations) 
dans  les  donnees  commerciales  pourraient 
etre  importees  sur  des  marches  inconnus 
tels  que  des  Etats  Arabes  autres  que  le  Ye- 
men du  Nord  qui  utilisent  egalement  la  come 
de  rhinos,  Oman  par  exemple,  ou  d'autres 
pays  asiatiques  tels  que  la  Coree  du  Nord  ou 
ont  ete  decouvertes  des  cargaisons  illegales. 
Ou  bien  les  cornes  manquantes  pourraient 
etre  introduces  sur  les  marches  connus  en 
quantites  beaucoup  plus  grandes  que  celles 
estimees  jusqu'a  present.  Par  exemple,  Tai- 
wan, un  des  plus  gros  importateurs  de 
comes  de  rhinoceros,  n'etait  pas  reconnu 
comme  tel  jusqu'en  1988. 


Oryx,  23(4),  oct.89 

Que  deviennent  les  cornes  de 
rhinoceros  ? 


Selon  une  recente  analyse  des  taux  de 
decroissance  des  populations  de  rhinoceros 
noirs  (Diceros  bicornis)  et  blancs  du  Nord 
{Ceratotherium  simum  cottoni),  il  semblerait 
que  seule  la  moitie  des  cornes  provenant  des 
rhinoceros  braconnes  soit  enregistree  dans 


Camouflet  pour  les 
conservateurs ! 


Considere  comme  un  cas  important 
d'application  de  la  legislation  sur  le  com- 
merce des  plantes,  le  Royaume-Uni  avait 
condamne  Henry  Azadehdel,  surnomme  "le 
cavalier  de  la  derniere  orchidee",  a  un  an  de 
prison  avec  un  sursis  de  8  mois,  une  amende 
de  16.800  dollars  EU  et  un  montant  equiva- 
lent pour  les  frais  de  justice,  pour  trafic  et 
commerce  d'orchidees   menacees.      Cette 


58 


condamnation  etait  la  premiere  poursuite 
fructueuse  d'un  trafiquant  de  plantes  en 
Grande-Bretagne. 

Pourtant,  quelques  semaines  apres 
que  les  conservationnistes  aient  applaudi  les 
tribunaux  pour  avoir  enfin  reconnu  les  pro- 
blemes  du  commerce  illegal  des  plantes,  la 
Cour  d'Appel  britannique  jugea  que  la  sen- 
tence et  les  amendes  etaient  trop  fortes  et  re- 
duisit  la  sentence  d'Azadehde!  a  six  mois  de 
prison,  ramena  I'amende  a  4.200  dollars  EU 
et  leva  les  frais  de  justice.  Le  trafiquant  quitta 
la  prison  des  le  jugement  d'Appel  apres  six 
semaines  de  prison. 

Selon  le  New  Scientist,  "les  trafiquants 
de  plantes  rares  ont  dO  en  rire  tout  le  long  de 
leur  retour  vers  la  jungle  ...  et  la  cause  de  la 
conservation  a  ete  renvoye  des  dizaines 
d'annees  en  arriere". 

Au  cours  du  jugement,  le  tribunal  nota 
que  "sans  la  moindre  consideration  pour  la 
conservation,  la  preservation,  les  pays  d'ori- 
gine  et  les  lois,  I'accuse  a  viole  quelques-uns 
des  plus  precieux  specimens  des  plus  belles 
regions  du  monde  afin  d'assouvir  son  obses- 
sion pour  les  orchidees  et  sans  nul  doute 
pour  alimenter  son  compte  bancaire".  Aza- 
dehdel  aurait  gagne  quelque  588.000  dollars 
EU  en  trois  ans  de  recolte  d'orchidees.  Les 
Douanes  ont  passe  pres  de  18  mois  a  ras- 
sembler  les  preuves  apres  avoir  ete  alertees 
par  des  chercheurs  botanistes. 

Azadehdel  fut  pris  en  flagrant  delit  a 
I'aeroport  de  Heathrow  a  Londres  en  decem- 
bre  1987  de  retour  d'Equateur  avec  une  va- 
lise pleine  de  plants  sauvages  de  15  rares  or- 


chidees Phragmidpedium,  dont  une  espdce 
tres  rare,  P.Besseae,  decrite  pour  la  premiere 
fois  en  1981.  Les  enqueteurs  decouvrirent 
ensuite  quelque  350  plantes,  evaluees  a 
70.560  dollars  EU,  a  son  domicile  dont  trois 
especes  sont  considerees  menacees.  Une 
espdce  consideree  eteinte  jusqu'a  sa  rede- 
couverte  en  1978  dans  un  pare  de  Malaisie, 
Paphiopedilum  sanderianum,  fut  trouvee 
dans  sa  collection. 

Malgre  tout  ce  remue-menage,  tout  ce 
travail  des  douanes  et  devant  une  telle  evi- 
dence, que  s'est-il  done  produit  ?  Selon  New 
Scientist,  les  tribunaux  ont  considere  les 
plantes  comme  des  especes  de  second  rang 
car  "si  les  personnes  qui  trafiquent  les 
plantes  doivent  subir  de  telles  sentences, 
comment  faudra-t-il  punir  les  trafiquants  de 
peaux,  d'ivoire  et  de  corne  de  rhinos  ?"  II 
existe  de  nombreux  Azadehdel  dans  le 
monde  attires  par  I'argent  facile  et  rapide  que 
peut  rapporter  le  commerce  des  orchidees 
sauvages  rares  et  ce  nouveau  jugement  leur 
aura  appris  qu'ils  ont  peu  a  craindre  des  tri- 
bunaux britanniques  et  aura  clairement  fait 
comprendre  la  situation  aux  agents  charges 
du  controle  de  ce  trafic. 

Le  classement  en  Annexe  I  de  la  Cites 
des  deux  genres  d'orchidees  Phragmipe- 
dium  et  Paphiopedilum  a  ete  propose  pour 
consideration  lors  de  la  7eme  Conference 
des  Parties  CITES  en  octobre  dernier. 

New  Scientist  n°  1670  et  1674, 
TRAFFIC  USA,  vol.9(3). 


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