NÉOLOGIE.
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NÉOLOGIE^
o u
VOCABULAIRE
DE MOTS NOUVEAUX,
A R E N O U V E I- E K , fi U PRIS DANS DES
ACCEPTIONS nouvelles;
ÏJ^n L^ S.'"'MER CIER, membre de l'Instllut
national de. France. .^
Ivotrc langue est une i;ueu3e licrc ; il lau'.
lui faire l'aumône mal^jré elle.
J' vit aire.
T O M E PREMIER,
A PARIS,
Chfz
/" Mor jiSAiiD , libraire, rue IIcl vélins, n". 56o,
I \is-a-vis celle Villedol ;
\ !M A n A D AK , li})rairc, rue Pavée-Saint-Andrc-
^ dos-Arcs , Il . iG.
AN IX. — j8ol
Tous les articles non signés, sont
du O"" Mercier.
?C
l 4
J
.•^
JLiORSQUE l'Institut national forma le projet
relatif à la continuation du Dictionnaire
de la Langue Française , j'avais déjà fait
le mien, celui que je publie, d'un genre absolu-
ment nouveau, et le plus hardi, je pense, de
tous ceux que l'on a vus jusqu'à ce jour. Cet
ouvrage appartenait de droit à l'indépendance
absolue de mes idées. La nation entière eu
sera le juge, mais dans le temps; je prê-
terai peu l'oreille à la génération actuelle
des littérateurs , parce qu'elle n'est pour
moi qu'un parterre qui doit se renouveler
demain. L'homme qui pense ou qui sent
ses forces , n'écrit pas pour un seul parterre.
Que l'on ne m'appelle point un nouveau
Furetière (i) , je suis en plein accord avec
(i) Les démêlés de Furetière avec l'Académie fran-
çaise, au sujet de son Dictionnaire, ont produit des
mémoires cXfoctums très-cui'ieux à consulter aujour-
d'hui ; car rien ne prouve mieux que les hommes de
lettres sont des triangles qui jettent tout leur esprit d'urt
seul côté. 11 y a presque impossibilité qu'un bon Dic-
tionnaire soit l'ouvrage d'une société de savans. Fure-
tière nous peint les académiciens de ce temps-là, qui
8'imaginaient que la langue leur appartenait, comme
la barberie exclusive appartenait alors aux maître*
( '] )
mes collègues, et il règne entre nous uile
affection réciproque ; aucun procès ne s'é-
lèvera, pour le divertissement du public
malin. Je dirai seulement que tous mes collè-
gues savent que j'aime à finir ce que j'ai
commencé, à faire vite; sur-tout, que j'aime
à faire seul; et pour qu'un ouvrage ait une
physionomie, il faut qu'il soit empreint d'une
volonté une et despotique.
barbiei's j il parle d'un certain Balesdent ( l'abbé
Morellet de la bande ) , assis au milieu des Cotin ,
des Caasagiie , des Daucourt , lequel soutenait obsti-
nément que langue , grammaire ^ rhétorique , poétique
étaient des propriétés académiques inséparables du
fauteuil , des jetons et du tapis vert. Balesdent est
ressuscité ; il écrit sous un autre nom , qui ira d»
même à la postérité poiu* la réjouir.
Furetière se moque amplement du phénix des Dic-
tionnaires, qui veut être seul en son espèce, et n'avoir
point de pareil. Il y a apparence, dit-il , que le phénix-
oiseau et le phé nix -dictionnaire seront également in-
visibles. Il remarque un intervalle de trente-trois aiis.
entre la facture de l'I et celle de l'Mj et voici pour-
quoi, ajoute-t-il : « Quand un bureau est composé de
cinq à six personnes , il y en a lui qui lit , un qui
opine, deux qui causent, un qui dort ou qui s'amuse
à lire quelques papiers qui sont sur la table; il ne se
passe point deux lignes , qu'on ne fasse de longues
Je pense qu'un Dictionnaire quelconque
ne pourra être bien fait que par un seul
homme. Il s'élève tant d'opinions contraires ,
tant de discussions oiseuses, tant de diffi-
cultés stériles, tant d'idées divergentes, qu'il
faut une tête altiére qui ordonne à la plume
de trancher court et net.
II j a une foule de Dictionnaires qui ont
chacun leur utilité particulière. Qu'un écri-
digressions , que cbacuu ne débite un conte plaisant
ou quelques nouvelles , qu'on ne parle des affaires
d'état et de réformer le gouvernement. Quand on
veut faire une définition , on consulte tous les Dic-
tionnaires qui sont sur le bureau ; on prend celle qui
paraît la meilleure ; on la copie mot à mot dans le
cabier, et alors elle est sacrée, et personne n'y oserait
plus toucber, en vertu de la clause de leur prétendu
privilège. »
Le Dictionnaire de P Académie fut, dans l'origine,
le dictionnaire des halles : ce n'est pas cela que je
lui rcprocbe ; mais d'avoir redouté , après l'adoption
de tant de termes communs, celle d'expressions nobles
et relevées qui auraient tiré le langage de sa hon-
teuse servitude.
Balesdent, académicien! prononçant sur les délica-
tesses de la langue ; réclamant la propriété exclusive
du Dictionnaire ! qu'en dites-vous, abbé Morellet?
il y a métempsycose.
a îj
Vain s'environne de tous les matériaux , dô
toutes les lumières, soit; mais qu'il ose en-
suite donner sa loi ou le projet de loi, car
il faut oser en ce genre; qu'il décide ce
qui paraît être incertain , il fera bien plus
alors que tous les circonspects dits sages.
La langue est l'instrument qui doit obéir;
l'instrumentj certes, m'appartient, et dès que
je suis entendu, me voilà justifié.
J'ai osé , car je ne suis pas de la classe de
ces littérateurs hardis à être timides, amou-
reux de leurs fers, roulant dans la vieille or-
nière, et préjugistes obstinés ; j'ai osé, bravant
devaineset passagères clameurs, envisageant
la langue telle qu'on l'a parlée , telle qu'on
la parlera sans doute un jour, ou telle enfin
qu'on devrait la parler; j^ai osé, dis-je, cer-
tain de son prochain et long triomphe, dé-
ployer sur ses plus hautes tours l'oriflamme
de la Néologie.
Plus les têtes s'^assemhlent , plus elles se
rétrécissent. Heureux qui dans son travail
est libre et despote ! il ne sera vaincu ni
par l'ennui, ni par certains égards, ni par
ces divagations le supplice de la pensée: il
sentira vivement, il abrégera tout; il ne
sera pas du moins un demi-siècle à tâtonner
(V)
des mots; il ne dira que ces paroles : Yadopte,^
]G rejette, car telle est ma volonté.
Puisquevos règles ont fait tant d'avortons,
tant d'hommes médiocres , que craignez-
vous , lorsque vous supprimerez vos règles?
elles sont la plupart si arbitraires ! elles ont
pour unique fondement Timagination la plus
capricieuse. En voulant sjmétriser nos créa-
tions hardies , c'est la source de toutes nos
lumières qu'elles essaient de tarir.
On parle de l'importance d'un bon Dic-^
tionnaire : la première chose serait de ne pas
le confier à une race dVtouIIcurs qui se met-
tentà genoux devant quatreou cinq hommes
du siècle de Louis Xi\'^ (i), pour se dispenser,,
je crois, de connaître et d'étudier tous les
autres, et qui, criblés des plus misérables
préjugés , fermant le petit tei..ple de leur
idolatrique admiration , ne savent pas qu'il
n'y a point de perfection fixe dans led
langues»
Les plus belles langues qui aient été con-
nues dans le monde , c'est d'abord le hasard
(l) Il serait facile de prouver qu'il y avait pins de
génie eu France dans le seizième siècle, que du teriip^
(Va Loiiis-le-Grand ; mais dites à nos beaux esprit*
4o lije 4iv vieux gaulois !
a iii
(vj)
qui les a produites, -et Part ensuite qui les a
perfectionnées. Quelque parfaite que soit une
langue, elle n'apas cVàutre origine que la plus
barbare. Elle ne diffère que par l'abondance
des mots , la variété des tours et la netteté
de Pexpression. Le Français qu'on parlera
dans deux cents ans, sera peut-être plus diffé-
rent de celui qu'on parle aujourd'hui , qu'il
ne l'est de celui qu'on parlait il y a deux"
cents ans. Point de langue si barbare qui
ne puisse acquérir la perfection de la lan-
gue grecque oulatine; il ne faut que le temps,
le nombre et le génie des hommes qui la par-
leront, qui récriront, et qui s'appliqueront
sur-tout à la perfectionner.
Plus d'un peuple a trouvé par lui-même
l'invention de l'écriture par des signes et ca-
ractères dont on ne s'était jamais avisé avant
lui. C'est ainsi que tout peuple à naître se
fera une langue qui n'a jamais été, et qui ne
laissera pas que d'exprimer d'une manière
nouvelle , les mêmes choses que nous.
Quand j'intitule cet ouvrage Néologie,
qu'on ne l'appelle donc pas Diclionnaire Néo-
logique (i) ! Néologie se ij^ïenà toujours en
(i ) L'abbé Desfontaiiies a publié , sons ce liîrc ,
(vij )
bonne part, et Néologisme en mauvaise; il
y a entre ces deux mots , la même différence
qu'entre religion et fanatisme, philosophie et
philosophisme. Tous les mots que j'ai ressus-
cites , appartiennent au génie de la langue
française , ou par étymologie , ou par ana-
logie; ces mots viennent de boutures^ et sont
sortis de Parbre ou de la foret, pour former
autour d'elle des tiges nouvelles , mais res-
semblantes; ainsi je me fais gloire d'être
JS Cologne et non ISéologlste : c'est ici que
l'on a besoin, plus qu'ailleurs , de nuances
assez fortes , si l'on ne veut pas être injuste.
Au reste , les ennemis injustes font du bien,
disait Montesquieu.
Il en est d'une langue comme d'un fleuve
que rien n'arrête, qui s'accroît dans sou cours,
etqui devient plus large et plus majestueux,
à mesure qu'il s'éloigne de sa source. Mais
plus un despotisme est ridicule , plus il af-
fecte de la gravité et de la sagesse. Et qui ne
une critique de la Néologie de son temps. Qu'est-il
arrivé? c'est que la presque-totalité des expressions
qu'il a blâmées , se sont naturalisées parmi nous. Il
semble avoir donné le signal de leur adoption, en
croyant déterminer leur réprobation éternelle. Exem-
ple insigne de la gaucherie de nos feuillistes !
a iif
( vii] )
rirait d'un tribunal qui vous dit: je vais fixer-
la langue. Arrête, imprudent! tu vas I4
clouer, la crucifier.
Ces petits magistraux ne connaissent ni
les desseins de la nature, ni les destinées de
Vh omme , car c'est à lui de créer la parole ,
et la parole envahit tous les mots ; elle com-
posera un jour la langue universelle : la pa-
role, enfin, ne dépend que d'elle-même (i).
(1) Revêtu du sacerdoce litléi'aii'c , et même cos-
tumé, je puis faire Veau lustrale , la distribuer à long»
jets, pontifier comme vm avitre, et sacramenter des
inots : j'userai de mon droit, et ne serai point sacri-
lège. J'aurai ïnçxne pour cet office solemnel, des évêques
sufFragans, diacre, arcLidiacre , acolyte; ainsi rien ne
manquera à la consécration; et si l'on dit qu'elle n'est
pas bonne , eïi bien! je pontifierai toujours dans mou
église, dont j'élargirai peu à peu les murailles; et,
priant pour ceux qui me damnent , j'en appellerai
au J'utur concile^
Balesdent-Moreliet , ou Morlaix , ou Morlet ( car.
on ne sait pas encore comment s'écrit au juste le nom
de cet illustre auteur ) , a prétendu qu'il n'y avait que
lui et les siens pour faire un Dictionnaire de la lanpie.
Je veux venger ici V Institut national qu'il a outragé.
Je dirai que Morellet-Balesdent avait entrepris , à ma
connaissance , un Dictionnaire du Commerce , qui
fut si loug-temps annoncé, prôné; payé; sans jamais^
( ix )
L'entendement produit le signe, et le signe ,
réagit sur l'entendejncnt;rien n'est plus vrai:
Bacon et Leibnitz nous Tont dit. Vous voulez
donc beaucoup de signes , diiez-vous ; oui.
— Mais vous allez dégénérer en licence,
vous allez apporter la confusion. — Ce n'est
paraître , qu'on lui décocha cette épigraminc bien
méritée , qu'il rjc pesait pas le Dictionnaire du
Commerce , mais le commerce du Dictionnaire. \\
aimerait à recommencer le jeu-, inde irce. Oh! c'était
le bon temps que celui où l'on fesail des panégyriques
et harangues à la louange du roi ! ce qui valait tantôt
un bénéfice, tantôt une abbaye, quelquefois un évè-
ché. Morcllet le regrette beaucoup, ce temps-là. Morcllct
ci-devant docteur de Sorbonnc î on ne le dirait pa:i
à ses brochures , à ses traductions de romans. Il n'a
jamais écrit lUie page de son métier de prêtre. Lallc-
mand , son prédécesseur , avait gagné qiielqu'argent
au métier de Morcllet ; aussi avons-nous de lui un
beau et long discours sur rutilite' de VAcadémie
Jrançaise.
O fauteuil ! ù lit oiseux où Morcllct se pavanait
en immortel! Que la J'oudre écrase l'Institut 1 Doux
prêtre, point d'imprécations!
Tel académicien avait à la lettre le traitement d'un
piarcchal de France; et ces Chapelains défroqués
s'écrient, comme l'auteur de la Vieille Pue elle , le
znieujc rente des heaux esprits : O rage ! ô désespoiri
Ç perruque ma mie! n^ai^Je. donc tant çé eu?.
point là mon dessein; au contraire, je veux
soulager votre pensée , je veux lui donner
les moyens de se rendre plus nette et plus
visible ; je veux imprimer à notre langue
plus de grâce , plus de fécondité , d'éner-
gie , de simplicité , sans violer ses lois
fondamentales ; libre à vous de choisir ; mais
songez que la liberté en ce genre, quoique
poussée un peu loin , est cent fois moins
dangereuse que la gène et que la contrain-
te (i). La langue grecque substantifie le verbe
à volonté ; j'ai usé quelquefois du même droit
dans ce Vocabulaire y et pourquoi serois-je
coupable ?
L'ame cherche toujours des choses nou-
velles, et ne se repose jamais (dit Montes-
quieu); ainsi on sera toujoprs sûr déplaire
à l'ame, lorsqu'on lui fera voir beaucoup
de choses , ou plus qu'elle n'avait espéré d'eu
(i) Charles Pougens^ nous a donné nn Vocabulaire
de nouçeaux prh'atijsjra?içais^ qui ne forment qu'une
très-pelite brandie de la Néologie. Il est du nombre
de ces littérateurs qui osent affranchir la langue de
ses servitudes , et qui sont en état de nous donner
nu ouvrage très-utile , et qui satisfasse à la fois le
savant , l'orateur et le poète.
(xj)
voir. Le mot est le corps de l'idée simple ;
toute articulation qui ne donne pas une
idée simple , n'est pas un mot. Multipliez
les mots qui portent avec eux l'idée simple ;
la phrase, qui est le corps de l'idée composée,
sera plus riche et plus facile : c'est la pres-
sion subite de l'esprit sur l'idée simple
qui produit la pensée, et la pensée n'étant
qu'un aperçu du premier principe, s'étend
avec la parole ou avec l'écriture dans toutes,
les différences infinies d'exprimer une vé-
rité. Les langues pauvres s'opposent donc à
la pensée.
Ecoutez ces hommes à imagination pitto-
resque y dont le discours est un tableau,
qui amuse , ou une peinture qui échauffe ;
lis éprouvent des sensations étrangères à
l'auditeur , et créent leurs mots. Les phrases
ou les circonlocutions promettent beaucoup,
et donnent peu ; mais un mot neuf vous
réveille plus que des sons , et fait vibrer chez
vous la fibre inconnue. Ainsi, quand une
idée pourra être exprimée par un mot, nu
sonfî'rez jamais qu'elle le soit par une
}) liras e.
Il n'y a personne qui ne soit charmé de
vouloir se rendre raison à lui-même du plaisir
(xi))
que lui donne une expression qui le frappe ,
un tour original , un trait inattendu ; notre
imagination aime qu'on lui parle d'une ma^
nière neuve , parce qu'elle est douée elle-
même d'une grande vivacité pour tout co
qui porte ce caractère. Or on peut êtrç
audacieux dans l'expression, tout en révérant
la langue. La Néologie peut se marier à la
plus grande clarté. Vous ne pouvez m'em."
pécher de sentir; pourquoi voulez-vous m'em*
pêcher de m'exprimer ? Quand vous aurez?
senti dans votre ame toutes les délices que
la méditation y verse , vous aurez alors queK
qu'idée de la langue neuve et rapide qui
peut - être est encore à créer. Laissez-moi
libre ; mes idées ne tariront point.
Nous avons trop redouté un commerce
étroit avec les langues étrangères ; notre
langue serait devenue plus forte , plus har-r
monieuse , si , à l'exemple de« Anglais et
des Allemands, nous eussions su nous en-
richir d'une foule de mots , qui étaient
à notre bienséance. 11 est encore indécis si
nous n'avons pas perdu à ne pas adopter
entièrement la langue d'Amjot et de Mon-?
taigne. La langue d'Amyot et de Montaigne
était un heureux composé du grec et du
( ^"] )
latin. On a manqué , selon moi , Tépoque
d'une grande et belle fusion, ce que je dé-
velopperai ailleurs.
Tous les grands écrivains ont été Néo-
logues , et je puis dire qu'il n'y a point
d'écrivain qui ne soit tombé plus ou moins
dans la Néologie : miratur orbis se esse
ariamun, (i) L'instinct lait créer des mots
(i) Ze bcsoinjait les mots , le goCit les sanctionne i
tnais ce n'est point ce goût étroit, futile et passager
qui rétrécit tous les objets ; c'est toujours le défaut
d'imagination et l'absence des grandes idées qui se
servent de celle expression banale pour voiler leur
insuffisance. Ce mol mystérieux, jamais défini, est
devenu familier à des hommes sans talent , cjui , n'osant
décrier tout-à-fait cette imagination qui agrandit la
nature, toujours méconnaissable aux examinateurs
froids et rigides, se retranchent dans un cercle étroit,
couimc ces animaux timides qui gagnent leurs terriers
dès qu'ils entendent \\\\ son inaccoutumé.
Ces prétendus hommes de goût, soumis à des pré-
jugés qui sont comme une seconde ignorance entée sur
ieur ignorance naturelle , savent-ils que.les fautes d'un
homme de génie pourraient devenir les qualités de
loi académicien?
Songeons que toutes ces magnifiques expressions,
aujourd'hui admises dans notre langue, ont été mal
Accueillies d>ms leur origine j qu'il y a drs milliers de
qu'il est impossible à la réflexion de ne pas
approuver. Une femme aimable passant de-
vant le palais abbatial où avaient été ren-
fermés long-temps son père , monté à l'écha-
faud , et un de ses amis , bienfaiteur de
toute sa famille , monté aussi à l'échafaud ,
ses yeux se remplirent de larmes, et toute
émue, elle dit à la personne qui l'accom-
pagnait : Je ne puis sans réitération rei^oir
les lieux qui me rappellent des souçenirs
si déchirans et si chers. Mettez vénération ^
ce n'est plus le même sentiment.
volumes qui blâment le langage de nos grands éci'i-
vains, et que, sans le mépris dont ils ont justement
frappé leurs ineptes adversaires , nous serions privés
de leurs chefs-d'œuvre. Constamment Néologue dans
xaes écrits , et sur-tout dans mon Tableau de Paris ,
j'ai fait lire le Tableau de Paris à toute l'Europe :
c'est que je sais mieux peut-être que tel qui se dit mon
adversaire , ce qui doit plaire aux hommes de tous
les temps et de toias les lieux. Mais savez-vous ce
qui rend les sots incurables ? c'est la gravité pédan-
tesque avec laquelle ils traitent des matières de litté-
rature , qui soni toutes d'instinct , et qui ne vont
guère au-delà de l'instinct. Vous ne vous en doutez
seulement pas, sermonneurs au Mercure ! Or dites-moi,
"avec vos parallèles , qu'ai-je de commun avec le pé-
dagogue La Harpe , ce fakir littéraire qui a passé sa
(XV)
J'ai écarté ( à quelques exceptions près )
les mots qui tiennent à la révolution ( i ) ,
ainsi que les mots techniques des sciences
et des arts^ ils ont leur Vocabulaire à part.
J'aurais pu marquer Pétymologie des mots
rendus au jour, leur descendance du grec,
et il ne tenait qu'à moi de faire Vérudit;
vie à regarder des cirons au bout de son nez? Ce petit
juge effronté des nations , qui ignore la langue de
Miifon et de Shakespeare, et qui ne sait pas mème-
la sienne, est -il jamais sorti de la vanité collégiale,
de la prévention ignorante ou de la pédanterie aca-
démique ? Il est parfaitement inconnu chez l'étran-
ger. Copiste éternel ! c'est ce scholâti-e cependant qui
juge et calomnie tous ses confrères. Il a remboursé
la haine de tous. Mais comme je suis né sans fiel ,
je ne lui adresse que le dédain, disposé à l'éclairer sur
la composition originale , s'il consentait à l'être , ou
plutôt s'il ne lui était pas interdit à jamais de com-
prendi-e une idée haute. Je ne me serais pas permis
ce ton envers lui , s'il n'avait pas indécemment atta-
qué une foule de gens de lettres recommandables; mais
il faut remettre à sa place un auteur qui n'est au
fond qu'un homme de collège , et qui s'arme d'un«
JeruJe qu'on peut aisément lui arracher.
(i) La plupart de ces expressions sont fortes et
vigoureuses , elles coiTcspondaient à des idées ter-
ribles -, la plupart sont bizarres , elles appartenaient
à la tourmente des événemens j et lorsque les venta
( »V] J
avec une êclielle roulante de bibliothèque ^
Un mapque de verre sur le visage, un bras
de louage pour déplacer des volumes pou-
dreux et une plume de copiste au bas de
sifflent , que le vaisseau est battu par une liorrible
tempête , qu'il touche à des écueils , l'on ne parle
pas comme quand le zéphyr règne j les matelots jurent ,
mais ils font la manoeuvre qui sauve. Le temps n'est
pas encore venu de bien peindre la lutte du crime
et de la vertu, qui eut lieu dans l'enceinte de celte
fameuse Convention nationale • lutte énergique et
longue. L'idiome fut tout aussi neuf que la position
tle la France. Les victimes et les bourreaux , tout fut
empreint d'un grand caractère j le courage fut égal.
Quand on succombe dans cette surabondance de
foi'ces , l'on ne sent plus le ti'épas ; et mourir n'est
ïien , quand on se voit ou qu'on se croit grand sur
l'écliafaud. Gens reposés, ne parlez point de ces temps
orageux, ou transformez- vous par la pensée, en ces
grands acteurs qui virent tant de fois la mort sous
tant de formes , et dont rien ne lassa la constance
et la fei'meté. La France ne fut ni vaincue, ni mor-
celée , ni avilie ; elle s'ensanglanta elle-même , pour
échapper à toute tyrannie. Dans cette grande assem-
blée, le patriotisme y fut rage; les bourreaux n'ont
pas méprisé leurs victimes, et toutes les victimes tom-
bèrent avec ime dignité tranquille , comme se don-
nant elles-mêmes en sacrifice à leurs propres vertus^
Gens reposés, altendez le Tacite il viendra.
l'escalier;^
( ^'^Ij )
î'esccilier , l'on devient tel. Je n'ai point voiitii.
de celte gloire; j' i fait m.nie grâce au
lecteur de tout 1 appareil du graiTimairien ,
n'ayant pas daigné distinguer le substantifs
Vadjectif ^ la nature des verbes , etc. d'au-
tant plus que je voulais piquer par-la l'in-
telligence du lecteur, et lui laisser le mérite
de créer son idée ou sa sensation. On verra
que j'ai dépensé quelqu\-sprit pour bien en-
châsser tel mot, et le faire sortir net et pur,
comme un diamant bien taillé (i);
Je pourrais ensuite justifier cet ouvragé
par des exemples sans nombre , par celui
de Cicéron qui se plaisait tant à broder , à
chamarrer son stjlc par des expressions
prises du grec ; je pourrais parler de tous les
écrivains qui ont créé une foule de termes
nouveaux et adopté des lociitionâ étrangères j
je pourrais citer les i-ers connus d' Horace y
multa^ ctc; mais l'homme pensant ne connaît
point d'autre autorité que son propre génie;
c'est lui qui f .it la parole, et la langue n'est
(i) Chacun pourra à son tour modifier le mot ci-éé ^
et lui imprimer une physionomie toute nouvel'e. J'ai
beaucoup compté sur ce genre d'exercice et d'iiislruc-
lion.
h
( xviij )
point un objet de conçention , comme lé
disent de futiles métaphysiciens que cette
seule proposition pétrifiera.
Quand je ne ferais que contre-poids à la
race des ttoutreurs , j'aurais bien mérité ,
je crois , de ceux qui s'intéressent à la gloire
des lettres. Elle dépend d'une sorte de har-
diesse généreuse. Les altérations successives
que subissent les termes, ne sont rien quand
les mots forts et vigoureux reviennent repren-
dre leur empire. Le mot radical est le père
et le souverain qui commande en maître,
car c'est lui qui a donné une existence réelle
et physique aux êtres intellectuels, abstraits
et moraux; quelle ne sera pas son autorité
quant aux objets physiques ]
Ainsi, avec le simple mot , sans syntaxe et
sans grammaire , vous aurez sous les yeux
un tableau raccourci et fidèle de toutes les
images de la nature , vous en ferez vous-
même la liaison , vous en ferez la réunion ,
vous inventerez vous - même le style ; vous
serez grammairien , sans le savoir. La Néo-
lo-^ie s'attache au sens absolu , a la forme
radicale des mots, parce que les mots font
la matière première des syntaxes. Rudes et
sauvages, ils dominent la grammaire , car
( XIX )
peindre un objet en noir , en ronge , en
Verd , c'est toujours en vouloir tracer et
transmettre Timage : la phrase viendra en-
suite ; elle vient toujours , parce que la na-
ture ordonne que nous allions au nicme
but par des moyens didérens.
Il j a une ibule immense de langues ré-
pandues sur toute la terre , pourquoi , dans
la mienne , n'aurais-je pas des variétés pro-
digieuses qui se rattachent au mênie centre?
Laissez-moi toutes les couleurs et toutes les
huauces dont je veux peindre mes idtes*
ainsi les langages hunjains , malgré la di-
versité du climat , des mœurs et des usages,
tendent à se fondre dans une langue qui ne
serait pas nouvelle, mais qui serait excessive-
ment riche et hardie La langue allemande
s'approche avec majesté de cette grande
conquête; et nous, qu'avoiis-nous fait? La
nation la plus fière dans les combats, est la
plus molle , la plus timide dans son Voca-
bulaire: voilà l'ouvrage de dH'unte y^cadémie
française! (^iu'a fait l'académicien i* Il n'a vu
l'édihce immense des langages humains que
d'après ses fantaisies ; il a eu ses amours et
ses haines pour des mots ; animosités et ten-
dresses aveugles ! ses caprices ont été des
^ ij
règles. Quoi ! îa nature n'a mis aucune bai*-
ricre entre ma pensée et le terme dont je
yeux la colorer, et tu prétends gêner, anéan-
tir mon expression! Le sauvage est plus avancé
tjue toi dans l'o.dre éternel des choses ; il
appelle l'écriture , le papier qui parle , et
toi , tu ne veux pas que les mots parlent.
Le papier qui parle ! Tu seras donc aussi
Join de l'idée que de l'expression.
Un mot neuf, énergique, bien placé , imite
la lampe de l'émailleur ; c'est une langue
de feu qui fond tout, et à qui rien ne résiste.
Pascal , Labrujère et Francklin possédaient
cette langue si étrangère à nos académiciens.
On poiwait dire autrefois , les Romains
d*Ita]ie\ on doit dire aujourd'hui Jes Italiens
de Rome : celui qui a créé cette expression ,
a fait un livre.
C'est la serpe, instrument de dommages ,
c'est le ciseau académique qui a fait tomber
nos antiques richesses ; et moi , j'ai dit à
tel mot enseveli : lève - toi et marche. Ainsi
que l'homme bon est encore meilleur que
la loi bonne , et que le méchant est encore
plus mauvais que la loi mauvaise; de même
rhomme qui veut enrichir sa langue , vaut
mieux à lui seul pour ce grand œuvre ,
que toute une académie à règle et à com-
pas. Il faudrait plutôt en créer une de per-
luutation et de combinaison de mots nou-
veaux et de phrases nouvelles ; mais le génie
en ce genre n'a point de compagnon.
Les mesurcsexistaient dans la nature.avant
les rt'gles cjui nous en démontrent les propor-
tions j ainsi la langue existe dans la force des
mots, avant la syntaxe et la grammaire. Il n'y
a peut-être qu'une science , celle de la per*
turbation des mots qui les renferme toutes ,
l'esprit ne dépendant en partie que d'un-
recensement perpétuel d'expressions ^ mais-
comme il serait impossible d'avoir un dic-
tionnaire oii tous les mots y fussent, et tous
les adjectifs, actifs, passifs et participes s'y
trouvassent, l'interprétation des mots d'une
manière absolument neuve, suppléera à notre
indigence. 11 y a plusieurs langues dans une
seule _, pour qui sait bien , en tournant tous
les mots , les faire passer dans des accep-
tions diverses, multipliées ou sans cesse mo-
difiées. C'est ainsi qu'une discipline très-
active , imprimée à un régiment^ double et
triple le nombre des soldats.
Je conçois donc une langue universelle^ celle
qui emprunterait £/^5mo/5 à toutes les langues-
b iij
( xxij )
comiîies, et qui les assiijétiraifc ensuite à sa
syntaxe. Tous. ces mots se feraient adopfer-
dans Je besoin ; on parlerait un peu obscuré-
ment d'abord, j'en conviens , maispeu à peu
on naturaliserait tous ces termes étrangers;
et dans le besoin , il vaut mieux parler im-
parfaitement, que de ne point parler, ou
que de parler trop tard.
Ceux qui ont un peu vécu dans le monde,
ii'ont-iis pas été frappés de la diflerence d'une
jeune fille élevée sous les yeux d'une mère,
raisonnable, à un jeune homme qui fait ou
qui a presque fait ce qu'on appelé ses étu-
des? La première a communément un main-
tien aisé , se sert de mots qui peignent avec
précision, et non de phrases vagues, narre
avec clarté ; le jeune homme abonde en cir-
conlocntions, se sert de phrases, de péri-
phrases, et non des mots dont je parle. C'est
qne les femmes ont un véritable penchant à
la Néologie; et voilà pourquoi elles s'expli-
quent sans embarras , oublient quelquefois.
les liaisons des mots^ et en mettent beau-
conp dans les faits, connaissent tout ce qui
est d'usage, et ajoutent à l'usage avec des
grâces naturelles.
La kingue (dit-on) était pure sous la pluïne
( xxiij )
de Buileau et de Racine ; d'accord , mais
toute la langue est-elle sous leur plume ?
Pourquoi le génie de la nation se refuserait-
il à des expressions énergiques et concises (jue
ces écrivains auraient eux-mêmes employées ?
Qu'il s'enhardisse à la reprise d'une foule de
mots chers à nos ancêtres; qu'il fa<se la con-
quête de synonymes très-nuancés dans leur
difTérence ; qu'il joui.^se sur-tout de l'avan-
tage inappréciable de mots composés qui
resserrent les idéis divagantes; alors il
pourra jouter avec les langues poétiques de
bes voisins (i).
(i) On ne perd les états ijne par timidité ;_ il ea
esl de même des langues. Je veux; étouffer la race des
étoufTfcurs; je me sens pour cela les bras d'IIerculc :
il ne faut plus qu'enlever le pédant en l'air, et le sé-
parer de ce qui fait sa force. Quand Corneille s'est pré-
s<Mité à l'Académie avec son mot invaincu , on Ta mis
à la porte 5 mais moi, qui suis comment on doit traiter
la sottise et la pédanterie, je marche avec une plia-
lange dv trois mille mots, infanterie, cavalerie, hus-
sards; et s'il j-- a beaucoup de morts et de blessés dans
le combat, eh bien! j'ai une auta-e armée en réserve
je marche nne seconde fois, car je brûle de culbuter
tous ces corps académiques , qui n'ont servi qu'à.
ïétrécir l'esprit de l'homme. , ; . .
Si un Vocabvxlaire français doit avoir quelque teint-;
h iV
( x\iv )
Elle est encore a naître parmi nous , cette
langue poéh'cjîîc si désirée ; nons n'avons.
2ii cnigrn e fila tifs , ni diminutifs. Quel a été
Tou. rage de cette compagaie célèbre ? uu
Vocabulaire timide qui s est traîné pendant
cent années dans la faiblesse et dans la peur,
qui trahit à cnaque pas 1 audace de la pen-
de gaîlé , cetui-ci n'en manquera point , comme ou
"voit , c'est qu'iV n'y a qu'un seul moj^en de répondre
au p'dantisme , se moquer de lui , lui dire à voix
hauie : Je me servirai de kl mot, précisément parce
que lu n'en veux pas; et quand lu snuligjîes y Uî
m'a^rerlis que c'esl-là la bonne expression.
Il n'y a rien de tel qu'un peuple sans Académie ^
pour avoir une langue forte, neuve, hardie et grande.
Je suis persuadé de cette vérité comme de ma propre
existence. Ce mot n'est pas français , et moi je dia
qu'il est français , car tu m'as compris : si vous ne
Voulez pas de mon expi'ession , moi je ne veux pas
de la vôlre. Mais le peuple qui a l'imagination vive,
et qui crée tous les mots, qui n'écoute point , qui_
n'entend point ces lamentalions enfantines sur la pré-
lendtie décadence du goût , lamentations aLsolument
les mêmes de temps immémoiial, le peuple bafoue
les régenlcnrs de la langue, el l'enrichit d'expressions
pittoresques, tandis que le lainenlalcur s'abandonne
à des plainîes que le vent emporte. J'en appelle donc
au peuple , juge souvei^ain du langage ; car si l'on
içcoute les puristes ;, l'on n'adoptera aucun mot^ l'on
.i .1 >^r)
( XXV )
sèe et le feu du sentiment. Nos voisins pos-»
salent plusieurs traductions célèbres des
poètes de 1 antiquité et qui reproduisent toutes
leurs beautés originales; et nous , nous avons
tellenuMir {\,\t les difficiles, que nous n'a-
vons cpPiin bégaiement enfantin , monotone,
près de la voix forte, sonore et musicale,, qui
se ploie auM mètres les plus dillicilcs de la
Grèce et de Piome. On entend dans plusieurs
iri'X))loil(ra aucune mine , l'on sera toujours trem-
blant, inccriain ; l'on dcMnaudera à ti'ois ou quatre
liomiues s'ils veulent bien nous permettre de parler
et d'éerire de telle ou telle manière, et quand nous
en aurons reçu la permission , ils voi\dront encore
présider à la slruclure de nos phrases : l'homme serait
enchaîné dans la plus glorieuse fonction qvii constitue
tui èlre pensant.- Loin de nous cette servitude : tOt
hardiesse dans l'expression, suppose la hardiesse de la
pensée.
Pourquoi un bègue ne balbutie -t-il plus en lisant,
en déclamant ou en chantant? c'est qu'il commande,
par un nouvel efiFort , à ses nerfs et à ses fibres , et
pour quelque chose de plus grand et de plus neuf
que la simple parole. Qu'un de nos infortunés rimeurs
ose adopter nia Néologie, ou même la surpasser, je
lui réponds de quelques succès. 11 faut toujours une
secousse plus forte pour s'élever , quand il y a im-
perfeclion dans le jarret.
( xxvj )
de ces langues , la marche harmonieuse des
dactyles et des spondées, que ne remplace
point notre lourd hémistiche.
La plus étonnante des traductions est celle
de Tacite, par Daçanzati-^ souvent plus
serré que l'original, le choix de ses mots ita-
liens est si merveilleux, qu''avec moins de
signes il est beaucoup plus clair que Panteur
latin. Cette traduction est une nouvelle es-
pèce de commentaire pins court , moins
obscur que le texte. Ceci n'est point un pa-
radoxe, j'en appelé à ceux qui ont \u Da-
vanzati'^ mais le traducteur doit sa concision,
sa force et son énergie à une Néologie qu'il
a bien fallu lui pardonner , d'après son rare
talent (i).
(i) Point d'art ni de métier qui n'ait une foule da
mois parliculieis pour ses outils et pour les instru-»
mens de son travail j et qui songe à leur disputer' les
ternies dont ils se servent ? Si vous examinez bien
ces mots, vous y trouverez de l'ingéniosité, des imita-
tions de la nature , des rapports très-subtils. La plupart
des Français-, même les plus instruits, ne coiniaissent
pas cette foule de mots. Le pi'ocès-verbal d'un liiiissier-
piiseur dit plus de choses sur nos moeurs que la dis-
sertation d'un moraliste. C'est le chapitre du Tableau
de Paris que je n'ai pas encore sti faire, parce qu'il
( xxvij )
Je croîs avec le président Desbrosses, qu'il
existe une langue primitive , organique, phy-
sicjue et nécessaire, commune à tout le
genre humain, qu'aucun peuple au monde
ne connaît ni ne pratique dans sa première,
simplicité, que tous les hommes parlent
néanmoins, et qui fait lepremier fonds du lan^
est au-clcssiis de mes forces. F.imeinis de la jSéoIogie ,
allez dans les ateliers, et laissez-moi tranquille dans
le mien. N'ai-je pas le privilège que se donne un
manufacturier dans sa manufacture ?
Je n'ai vu dans aucun Dictionnaire, le mot verti-
çalité , qualité , état d'une chose placée perpendicu-
lairement à riioijzon.
Je représenterai à V administration ou aux aJmi-.
Ziistratcurs des contributions publiques , qu'il faut dire
garnisonnaire , et non garnisaire ; que si c'est une
faute que de ne point payer ses contributions , c'en
est une aussi que de dire garnisaire ; qu'elle daigne
prendre mes observations pour sa gouverne , et qu'elle
envoie le moins possible ses garniso?inaires. Or, je
tâclie de mettre dans toutes mes remontrances de la
jovialité , parce qu'avec ce ton , aucun esprit n'est
irramenable. Si j'emploie ici tous ces mots, c'est que
je les ai oubliés dans l'ordre alphabétique ; et comme
je suis wn auteur consciencieux , et non iUibéral ^
je veux, jusqiies dans la dernière ligne de cet aimable
ouvrage, annoncer que je ne me permettrai point le
moindre irtfanticide littéraire. Plus d'enfaus foison-
( XXX )
vail : j'ai greffé sur les arbres d'une vaste
ibret, plusieurs sauvageons ,. si Ton veut,
mais je me suis attaché à faire manger des
fruits nouveaux ; ceux qui ne les trouveront
pas bons, les rejetteront; d'autres leur feront
subir une sorte de coctibn salutaire. Il ne
s'agit pas ici d'une ordonnance impéra-
tive.
Les costumes , parmi nous, tendent à tout
uniformiser; c'est le contraire que je voudrais^
quant au style. Je désirerais que chacun eût
le sien , d'après son caractère. Il ne serait
pas même indigne de l'écrivain moraliste de
descendre à l'examen des patois , et, atîentif
aux nuances qui les distinguent, de leur dé-
rober des expressions enflammées et des tours
jiaïfs qui nous manquent ; nous avons trop
écarté.
Qui croirait que Ton a rangé parmi les ex-
pressions Néologiques, les mots s ouveraùie lé ^
incendie^ insidieux , féliciter , i/ivectii^er ^
exactitude , remporter la i^ictoire, à présent,
au surplus "i
Racine est le premier qui se snit servi du
mot respectable. On ne pouvait pas dire, il
y a ( ent ans , rentrer dans ses foyers ; cela
signifiait, selon les critiques , rentrer dans sa
( xîxi )
cheminée . On avait oublié le -pro aris et
focis des an cieu s.
Ouvrez Masrillon; il appelle un homme
qui méprise les lois, soit divines, soit humai-
nes, cordempteur des lois : il fut réori-
mandé dans le temps. Quel est, dans notre
langue et dans beaucoup d'autres, lesvnonvme
de ce mot , dont on ne peut rendre leseus que
^?a- la réunion de plusieurs autres , ce qui
blesse ou l'énergie, eu la précision du style ?
AVst-il pas des mots que le préjugé a
rendu ignobles, et que de grands écrivains
ont eu le courage de rendre à la langue ,
même dans des vers pompeux, covnvnci-'ache,
bled , chien ,pavé ? Lafontaine se plaisait, à
placer avec grâce, tel mot qui vieillissait. Tel
mot est ancien dans le sens littéral, qui de-
vient neuf dans le sens métaphorique, et
c'e«t encore là une source de richesses que
nous ne négligerons point.
Enfin il est des mots anciens qui, pour le
sens, ont des synonymes qu'onleara préférés
s.ns un juste motif , i ), ->Ionraigne disait
(i) Qu'est-^ que la posîérité? XJu public qui suc-
cède à un autre. Je suis doue auloinsé à appeler le
public d'à-prêscnt , un parterre.
Ou réfutait vivement une opinion de M'**, sur un
( xxxij )
tongiierîe\ nous disons longueur. Il semble
que le mot de Montaigne, par sa terminaison,
où se trouve nn e mnef , qni semble pro-
longé, devrait être préléré au moi longueur,
dont la tcrminaisoa sèche semble coupée
tout-à-coijp.
Il y a deux cents ans que courtisane et
rihaude étaient parfaitement svnonjmi. s ; le
caprice a couronné le premier, et jeté l'autre
ouvrage qui venait de paraître , en lui disant que le
public en jugeait mal. Le public ! le public! dit-il;
combien faut-il de sots pour faire un puiblic? Il est
très-difficile de donner vnie délïuiîion juste et précise
des mots multitude , peuple , public. Les académi-
ciens et les journalistes ont, à cet égard, deux poids
et deux mesures. Quand un ouvrage de leur facture
ou de leur tripot réussit, ils s'écrient en chorus : Vous
voyez bien que le public est le grand juge! quand
il tombe , c'est le petit nombre qui a raison et qui
a du goût.
Qui fut toujours loué? c'est le froid Sa'nt-Lambert,
Qui, des quatre saisous, a fait un long hiver.
Voici le soliloque d'un jouj-nalisfe moderne , à
insérer dans toutes les feuilles périodiques.
J'écris, et toujours sans succès;
Hélas! quel sera mon refuge?
Je ,ne sais que dix mots français!
C'est bon, je vais me faire juge.
dana
( xxxiij )
dans îa boue. Pourquoi? on dira , c'esf qnè
courtisane ebt bien la femelle de courtisan^
pas mal dit.
Autre exemple. Roué, est un mot non-
Veçiu introduit dans la langue , sous la ré-
gence du duc d^Orléans. Les courtisans de ce
prince expliquaient ce mot de roué, en cour-
ti.-ans, geJis qui se feraient rouer pour lui.
Le prince plus heureux dans sou explication,
mais un peu ingrat, (a dit Chamfort) pré-
tendait que ce mot voulait dire , gens hoiis
à rouer.
L'Académie française n'a eu garde d'en-
regi.strcr cette expression. Les roués de l'A-
cadémie étaient les grands protecteurs des
académiciens.
On ne trouvera dans ce Vocabulaire au-
cun mot qui puisse réveiller une idée libre ;
V académie française a mis dans son Dic-
tionnaire 3 trois mots étranges ; je vais les
transcrire, et Ton ne sera pas peu surpris.
i^. Dépuceler, verbe actif, ôter le puce-
lage ; quelle rédaction ridicule et indé-
cente î 2^^. Dépucelé , participe au masculin.
Bon dieu ! 3°. Pucelage , substantif mas-
culin, Vétal d'un homme qui n''a point vu
de femmes , et d' une femme qui n'^a point
( xxxîv )
connu d)hommes. Cette définition académî*
que n'est-elle pas vicieuse sous tous les rap-
ports. 4°. Puceau , garçon qui rCa point
connu de femmes \ comme cela est essen-
tiel ! Enfin la pudeur { selon l'Académie, )
est une Iwnte honnête . P».acine était-il présent
à cette rédaction, ou son ombre du moins ?
JJAcadémie a cru devoir donner l'en-
trée aux mots Forniquer , Fornication et
même Fornicateur , et elle en répudie de
chastes et d'honnêtes ; enfin je lis dans ce Dic-
tionnaire, l'ouvrage de tant d'abbés, /7'0Z^55^r
une femme ^ pour dire , lui lever les jupes^
et si vous ne m'en croyez pas , ouvrez le vo-
lume , revu , corrigé et augmenté par l'A-
cadémie elle-même ( i ) cinquième édition.
Cherchez-vous Dimension , vous Uon-
\ç.xt,z étendue des corps ; cherchez-vous éte/i"
due , vous trouverez dimension d'une chose.
Voyez Paon ; gros oiseau domestique, il
a comme une espèce de petite aigrette sur
la tête, et les plumes de sa queue sont rem-
plies de marques de différentes couleurs en
forme d'yeux. Quel pinceau suave ! cent ar-
ticles sont non moins ridicules que ceux-ci
(i) Moi^cllet présent.
( XXXV )
C'est dommage, en vérité, que ce corps ne soit
plus; il prétait tant aux plaisanteries et gaîtcs
des sages et des gens d'esprit !
J'ai pris ( en riant ) , pour point de départ
ce Dictionnaire de V académie française ,
afin de prouver que nous avons, tout à côté
de lui, une série nombreuse d'expressions pro-
pres à être naturalisées ; et si j'ai emplojé
quelques mots qui se trouvent dans ce même
Dictionnaire, je leur ai imprimé sur-le-
champ une valeur décuple (i).
(i) Il faut que l'écrivain ait son. orgueil; qu'il se
dise , ou même qu'il ose dire : Lecteur , qui de nous
deux doit fléchir le genou? ni vous, ni moi. Mais
quel est l'homme magnifique? celui qui donne. Je
viens vous combler de toutes mes grâces ; je vous
apporte toutes mes idées , le fruit d'une vie enlièi'e de
li'avaux ; et vous, que me donnez-vous pour cela?
Quand nous avons déjà à combalti^e le superbe et
dédaigneux public , il est fâcheux que la gueri-e se
soit élablie entre les gens de lettres : s'ils avaient .su
faire le faisceau, ils seraient les maîtres du monde ;
mais la guerre existe ; il n'y a que le lâche qui recule
devant un adversaire quelconque. Les ai-mes dont
nous nous servons , ne font point couler le sang ; et
quand l'agresseur est blessé jusqu'au vif, qu'il est
châtié dans son impertinence, le cii de douleur qu'il
jette satisfait l'homme de bien, parce que justice
G ij
( XXXV j )
La Néologie débarrasse la langue de î^em^
ploi perpétuel de ces verbes auxiliaires
dont la physionomie monotone pèche encore
contre le laconisme, et alonge le style en
pure perte,
est faite, et que riinpiuiité en ce genre, ne ferait que
doubler l'insolence clu sot et du mécliant. Puisque
la paix est impossible , aiguisons nos armes : l'hypo-
crisie est le plus dangereux des vices ; ils n'ont pas de
quoi guérir leurs blessures, eux, comme je puis gué-
air les miennes. Il est inutile d'être bon , modéré au
milieu de gens cliez lesquels il est une certaine dose
de perversité acquise , qui paraît mettre le comble
à leur perversité naturelle. Les médians deviennent
leur propre dupe , en apprenant aux autres à les
imiter pour leur échapper : ils seront surpris de trou-
ver enfin quelque habileté dans les bons qui vont
toujours de pied fei'me ; car le mécliant peut donner
des chaînes, s'il est puissant, mais il ne l'est jamais
assez pour rompre les siennes. Sans doute on pardon-
îieraît à la vanité gi'ossière-, mais doit -on pardonner
Il la méchanceté réfléchie ?
Il est donc une vengeance légitime que le philo-
sophe peut exercer sans haine et sans orgueil, uni-
quement pour remetire l'équilibre dans la république
des lettres. Il n'est presque point de méchant qui
n'ait de soi une idée supérieure ; il faut lui prouver
que sa sottise égale au moins sa méchanceté ; il en
sera plus humilié alors, que d'être convaincu de faus-»
setéj de perfidie et de scélératesse.
( xxxvij )
Mais c'était n'avoir rien fait, ou du moins
bien peu de chose , que de donner le mot
dans toute sa sécheresse; je l'ai enveloppé de
phrases qui font son ornement ; de manière
qu'il ne paraisse point tout- à-fait étranger,
et qu'on daigne lui sourire comme à un Per-
san qui aurait pris, le lendemain de son arr
rivée, notre costume et nos mœurs. Plusieurs,
sans doute, retravailleront les mots de ce Vo-
cabulaire, s'appliqueront à les mettre en
œuvre d'une manière plus précise , plus vive
et plus brillante. Eh; bien, je jouirai encore de
ma défaite, et mon vainqueur sera pour moi
un Vainqueur inhostile , et même aimable.
S'il ne se formait pas une seule langue
impératrice pour l'Europe entière, d'ici à
deux ou trois siècles , il est à présumei:
que , vu la multiplication des langues et des
connaissances humaines , les impressions , les
livres, les traductions iront toujours en crois-
sant, et feront masse, au point qu'il sera
impossible à la vie d'un homme de suffire
aux premières études nécessaires pour en-,
trer dans le sanctuaire des sciences; et d'a-^
près ces réliexions , serait-il déraisonnable dç
dire : Ne prenez pas une langue factice ^
Européens, projet long, difficile, impr^-
c m
( xxxviij )
ticable ; prenez une langue parlée , mais
enrichissez-la de tous les trésors de la Néo-
logie : dtja tous les peuples chargent da-
vantage la composition du nom , quand ils
veulent marquer le degré superlatif d'une
chose; un seul mot est quelquefois devenu
le fondement d'une science ; la parole est
la peinture par excellence , fécriture n'est
que la parole fixée , l'écriture n'a presque
point de bornes , et si je veux exprimer un
langage pathétique et usité ( même parmi
les brutes ) , ne me faudra-t-il pas des signes
ou des accens nouveaux? Et comment re-
noncerions-nous , par exemple, aux agrandi-
tifs? C'est la nature elle-même qui nous en
fait une loi et qui nous indique l'échelle
des expressions.
Pour prix de mes intentions libérales et
d'un assez long travail , Ton me prodiguera
ces injures qui m'ont toujours trouvé calme
et indifiérent : je serai un barbare , barbants
hic ego sinn ; mais il y a vingt-cinq ans
que j'ai mis sous les pieds , louanges et criti'
ques , éloges et satires y non par orgueil j,
mais pour être plus libre et plus indépen-
dant dans ma manière de voir et d'écrire,
ïl est donc inutile de prévenir le lecteur que
( XXX ix )
j'ai fait ce Vocabulaire , d'abord pourmoî,
c'e,sf:-à-dire que , sous tel ou tel mot , j'ai
laissé courir ma plume selon la libre fan-
taisie ou l'inspiration du moment , m'eni-
barrassant fort peu si cela entrait ou n'en*
trait pas dans la composition d'nn ouvrage
de cette espèce. Or , dans tous les écrits
que j'ai publiés jusqu'à ce jour , j'ai toujours
eu soin de me payer d'avance et de mes
propres mains, afin de n'avoir pas ensuite
à crier à l'ingratitude. Je donne , c'est
au public à recevoir, je le dispense de tout©
reconnaissance ; mais qu'il apprenne une
bonne fois de ma bouche que je me regarde
comme son instituteur , et non point comme
son esclave.
Dès que l'impression fait cclore un poète.
Il est esclave né de quiconque l'acliète.
Je méprise beaucoup l'auteur de ces vers-là,
et je proteste hautement contre leur imper-
tinence.
C'était une langue très-riche que celle de
nos anciens historiens , orateurs et poètes,
jusqu'au dix-septième siècle; mais l'amour
subit , l'idolâtrie aveugle pour quatre à cinq
écrivains plus modernes qui ont conquête
le gros des lecteurs , ont comme ordonné la
c iv
(xl)
suppression et proscriptic^n d'un nombre f res-
çonsidt rable de mots très-expressifs et très-
énergic^ies , qui ne sont point remplacés.
Une Fausse délicates-e y un caprice , un
engouement vif et rapide ont été cause de
ces banni?semens. Il y a des mots qu^on a,
rejetés, parce que les poètes comiques s'en
sont servis dans un sens défavorable.
- Laurent, serrez ma haire avec ma discipline,
Et priez que toujours le ciel vous illumine !
Voila un verbe ridiculisé ; ô suaçe mer-
veWe du même poète ! suave et suai^itç
sont mis hors de la langue.
Bellement y belle, proscrit, et pourquoi?
Il y a un pro\ erbe qui dit : qui a faim ne-
■peut manger bellement '^ expression naïve^
dites agréablement , vous direz mai.
S'il n'y a point de langue agsez féconde
pnur fournir autant de mots différens que
nous avons de différentes pensées à exprimer,
l'on ne risque donc rien d'avçir une palette
riche en couleurs , et je me suis mis à ar-
ranger la palette. Voilà des couleurs toutes
brojées , mais cVst de leur mélange heu-
re? ix que l'écrivain fera sortir son tableau;
çllis doivent paraître crues avant d'avoir
("1) )
f té emploj'ées par le pinceau , riieureim
pincL-au qui doit les délajer. Je laisse
donc au peintre le soin de combiner ces
mots-couleurs de toutes les manières pos-
sibles.
Ne vwez point d'Imitation^ voilà ce que
je dis et redirai sans cesse.
Ce Vocabulaire exige à sa suite un traité
sur les inversions ; je m'en occupe sans
relâche j l'on verra que je suis infatigable
dans ma carrière littéraire (i).
A proprement parler nous n'avons dans
notre langue, ni tourniues, ni constructions,
ni périodes. Ces trois choses supposent né-
cessairement le pouvoir et la liberté de
transporter , d'arranger les mots à son gré ,
pour rendre la diction plus harmonieuse ou
plus pittoresque. Les anciens comparaient
la phrase périodique , tantôt à un bâtiment
construit en voûte, et tantôt aux mouv^emens
tortueux d'un fleuve qui serpente ; les uns
la présentent sous l'image de ces animaux
(i) J'ai un magnifique projet poui' la confection
parfaite d'ini Dictionnaire universel de la Langue ,
dans l'espace de trois années. Je le mûris, ce pro-
jet ; pour l'offrir au public incessamment.
( xUv )
Le savant Malezieux disait que les Fran-
çais n'avaient point la tête épique ; il aurait
dû dire que les Français n'ont point la langue
épique. Notre poésie est assujétie à un joug
monotone. L^hémistiche renfermé dans inie
mesure constante, devient assommant. Cette
langue , si belle dans la prose , perd toute
sa liberté sous le travail du versificateur.
Il est impossible , lorsqu'on connaît la ver*
sification latine , italienne et anglaise, de
supporter la lecture des vers français. Dimi^
iiuer le nombre des versificateurs (i) , c'est
brave le bavardage académique. La langue est à celui
qui sait la faire obéir à ses idées. Laissez la langue
entre les mains de nos J^euillistes ,JbIliculaires , sou-
ligneurs, elle deviendra Tzi^rtut/e comme eux. Donnez-
vous la peine d'orienter la carte de la littérature,
pour en désigner le midi et le septentrion , c'esi-à-
dJre, les gens de lettres d'un côlé , qui produisent
des ouvrages , qui creuserit les idées , qui vont en
avant, et do l'autre, les jugcurs, impuissans à créer,
et qui sont les dignes objets de la risée publique. Que
reste- 1- il de toute la scolastique de l'abbé Desfon-:
taines jusqu'à celle de nos jours? C'est du langaga
sorbonique littéraire, rien de plus.
(i) Qui n'aui^ait pitié de tous ces jeunes gens per-
dus, abymés dans la versillcalipu française , et qu^
s^intéresser à la gloire des vrais poètes.
L'on me reprochera peut-être d'avoir in-
Tenté les mots Lockistes ^ Lockiens\ je m'y
suis attendu et je \\'\ fait à des:ein.
s'éloignent d'autant plus de la poésie ! Je suis venu
pour les guérir , pour dessiller leurs yeux , pour
leur donner peut-être une langue poétique ; elle tien-
dra au développement de la notre , d'après son mé-
canisme et ses anomalies. Médecin curateur, je veux
les préserver de la rimaille française, véritable lia-
bilude émanée d'un siècle sourd et barbare; mono-
tonie insoutenable, enfantillage honteux, qui, pour
avoir été caressé par plusieurs écrivains, vl^w est pas
moins ridicule. La prose est à nous ; sa marche est
libre 5 il n'appartient qu'à nous de lui imprimer un
caractère plus vivant. Les prosateurs sont nos vrais
poètes ; qu'ils osent , et la langue prendra des accens
tovit nouveaux : les mots , les syllabes mêmes ne
peuvent-ils pas se placer de manière que leur con-
cours produise l'eiiet le plus inattendu? Nos construc-
tions ne sont pas aussi rigides qu'on a voulu le per-
suader: je le prouverai dans le Traité que j'annonce.
Les athlètes ne montraient toutes leurs forces que lors-
qu'ils paraissaient presque nus dans l'arène; et nous,
jious n'avons pas encore osé dévoiler l'ossature de
notre langue : c'est notre timidité qui fait tout l'or-
gueil de nos Voisins.
A ce mot H.^ ossature , tous nos A'crsiflcateurs pâ-
lissent ; ils le comprenuent fort bien , ce mot ; ils
( xîviij )
idiolognes qui ont anéanti de fait Famé de
Phomnie , et qui veulent nous traîner de
force dans l'obscure caverne de leur ter-
minologie pour y fanfarer leur prétendue
victoire. Toutes leurs définitions fausses ou
insignifiantes ne peuvent que nous égarer.
Reconnaissons que toutes nos facultés sont
indivisibles , innées , libres dans leur déve-
loppement et impérissables de leur nature.
Voilà la vérité qui repousse au loin la mau-
j'aime le stjle' (VAtala '^ , parce qile j'aime le style
qui , indigné des obstacles qu'il l'encontre , élance ,
pour les franchir , ses plirases audacieuses , offre à
l'esprit étonné des merveilles nées du sein même des
obstacles. Allez vous endormir près des lacs tranquilles
ou des eaux stagnantes; j'aime tout fleuve majestueux
qui roule ses ondes sur les rochers inégaux , qui les
précipite par torrens de perles éclatantes, qui emplit
mon oreille d'un niugisseiliexit harmonieux, qui frappe
mon oeil d'une tourmente écumeuse^ et qui me rap-
pelle sans cesse près de ce magnifique spectacle , tou-=
jours plus enchanté des concordantes convulsions de
la nature. Allumez- vous au milieu de novis, volcans-
des arts !
* Koman un peu imité de l'Homme sauvage, que j'aî
publié il y a long-temps , mais qui porte le caractère d'un
écrivain fait pour imposer silence à la tourbe des niais cri-»
titjues dont notre spl abonde>
vaise
( 5.1ix )
Vaise doctrine de Locke et de Condillac,
Les idéologues en ont fait des saints , car
il leur faut des saints ; or c'est bien à eux
de se croire au-djcssus du vulgaire. Allez,
messieurs les professeurs , allez vous age-
nouiller devant la poupée de Condillac ;
o'est-là votre Madone.
Condillac prétendait expliquer par elle
Tacquisition des idées; il ouvrait un sens,
puis un second , puis un troisième; il ou-
bliait seulement celui qui sert de liaison à
tous , et qui les remplace quelquefois , il ou-
bliait l'intuition , parce qu'il ne voulait rien
quinefîit corde matérielle. Ah, risiblestatue!
tu es bien la digne fille du phiiosophisme.
Mais nous sommes tous métaphysiciens ,
car nous sommes tous près de nous-mêmes,
de notre aitue , de notre pensée j de notre in-
telligence ; nous pouvons tenter des décou-
vertes sur nous-mêmes , et nous n'avons pas
besoin delà logomachie des idéologistespour
ouvrir les jeux de notre esprit.
Les charmes de Fintelligence seront à nous,
dès que nous voudrons connaître notre di-
gnité primitive ; il j a une métaphysique
grande et simple qui étincelle de tous les
rayons de la divinité.
d
( 1)
Ces réflexions expliquent le but de cet
ouvrage, parce que le tableau de toutes
les pensées d'un seul homme serait le tableau
le plus grand, le plus magnifique, le plus
superbe et le plus neuf que l'on puisse ja-
mais offrir à l'intérêt, comme à la curio-
sité des humains; et c'est pour le posséder, ce
tableau , que j'ai voulu donner à l'esprit
toutes les expressions les plus variées, le*
plus mobiles, afin que reparaissant toujours
sous une forme et sous des couleurs différen-
tes , la même pensée ne fût jamais la même.
Quel aperçu ravissant que la réunion de
toutes les pensées d'un seul homme! que de
variétés! que de richesses ! quel champ vaste
ouvert à la méditation! Il y aurait de quoi
frapper d'étonnement et de respect le plus
savant homme du monde. Ce serait l'har-
monieux ensemble des vérités célestes; ce
serait un jourpur,unrajonlumineux jeté dans
l'abyme de l'immensité et de l'éternité,
comme de l'infinie grandeur de l'Etre qui
les préside; car l'homme ne nous est incon-
nu que parce que sa langue est très-impar-
faite.
Eh bien! tentons d'en établir une qui soit
d'une richesse sans bornes , et qui déconcerte
(!) )
à jamais la morgue académique. Ouvrons à
la pensée, dans des termes tout nouveaux,
dans (les expressions de toute espèce , des
points de vue inépuisables de vérité et de
finesi^e. La prévention défavorable , le souffle
empesté de l'esprit moqueur environnent les
meilleures conceptions, ainsi que les meil-
leures actions , d*un brouillard funeste ; les
portes de l'erreur sont plus larges que celles
de la vérité. Mais le projet d'ouvrir une lan-
gue à toutes les pensées des hommes se dé-
veloppera de plus en plus sous la plume cou-
rageuse de ceux qui me succéderont, (^ui sait
si, dans l'atmosphère de l'esprit humain épuré
et de la réunion de mille étincelles, il ne se
formera pas un faisceau de lumière inconnu
à toutes les nations du monde , et qu'un Vo-
cabulaire hardi ne soit le premier gage de
cette intéressante promesse? Une grande es-
pérance est rarement trompée, quand elle
a souri à l'esprit de Tbonlme (i).
(i) C'est un grand mol dans la langue, que le mot
sympathie; tout homme pourrait se juger lui-même,
si, en regardant bien au fond de son amc, il se ren-
dait compte de sa sympathie. Celui qui , dans un rêve^
poignarde son semblable, est un assassin; qu'il veille
dès ce jour-là sur lui-même , qu'il se craigne et qu'il
d ij
( 'ij )
Les idiolognes(i) , en niant le souffle di-
vin , ou en le soumettant à une multitude
s'amende. Nous avons l'œil intérieur pour nous aper-
cevoir ; et celui qui s'est aperçu bon, réconcilié avec
l'existence , aura une physionomie , une démarche et
un style qui diront à tous : Cet homme n'est pas mé-
chant", et le méchant devinera Je premier que c'est- là
un homme d'une autre trempe que la sienne.
L,e sentiment de la vertu s'accroît et se fortifie par
sa propre apercevance. Il ne tient qu'à l'homme de
savoir s'il est bon ou méchant ; qu'il suive sa sympa-
thie ; qu'il l'analyse avec courage : s'il a cette fermeté,
s'il ose être lui-même son juge , il n'aura plus qu'à
prier l'Etre suprême de le continuer ou de le changer.
Il n'y a sur terre que des hommes bons ou des
hommes méchans; point de milieu-, on appartient à
l'une ou à l'auli-e de ces classes. On peut redevenir
bon après avoir été criminel j mais on n'est jamais bon
ni méchant a demi. L'action morale, en son origine,
n'admet point de nuances ; elle ne savirait être indiffé-
rente. C'est dans un des deux infinis que penche la ba-
lance ; la plus légère inclinaison détermine le bien ou
le mal. Le balancier est en nous ; la conscience et le
remords nous diront toutes ses oscillations. La langue
étant le véritable organe de l'homme intérieur , il y
a un style de honte que l'on aperçoit facilement. Tout
style obscur est un style de méchanceté ; l'homme
qui l'emploie, veut tromper.
(t) Je dis iâio'lo-gues , -AuXicw à' idéologues , pour me
moquer de leur déploraiile doctrine.
( lii] )
d'opérations matérielles , rejettent loin de
nous cette espérance.
Ils supposent que les hommes ont vécu
pendant un grand nombre de siècles sans
faire usage du langage; c'est une absurdité.
Le langage est un don du créateur, et naturel
à l'homme, comme de penser et de réfléchir.
Le sauvage fait de la métaphysique tout
comme (i) ; souvent une pensée
est exprimée dans sa langue par un seul
mot. h* onomatopée est familière à tous les
sauvages , et c'est plutôt une marque de
force d'entendement que de faiblesse; car
avoir lié ensemble l'action, l'agent et le
sujet, ce n'est point l'opération de pauvres
facultés. Vojez le Huron former le verbe,
cette partie du discours où l'on remarque le
plus d'art : s'il ne le modifie pas , c'est que
son imagination met tout, pour ainsi dire,
au présent ; de là ces expressions ^hardies ,
animées , qu'on remarque dans leur élocu-
tion. Comme leurs idées sont immédiatement
tirées de la nature^ leur stjde est concis,
(i) Ton Pliébus s'explique si bien,
Que tes volumes ne sont rien
Qu'une étci'ueUe Apocalypse. [Maynard,'^-^
d iij
(liv)
parce qu'ils ont plus d'idées que de mots ;
mais leurs mots font tous ima^e. Il me pa-
raît que les langues dites barbares ou nais-
santes, tendent toutes à abréger les choses
confuses, et à faire servir la principale cir-
constance d'une action à en représenter la
totalité. Quelle est la manière la plus aisée
et la plus naturelle d'enregistrer leurs con-
ceptions, si ce n'est celle de parler parima--
ges ? Je sais que les idées abstraites ne peu-
vent être toutes exprimées par ce langage;
mais il y a peu d'idées abstraites véritable-
ment nécessaires pour aborder les grandes
vérités morales (i).
Si le langage est un présent fait à l'homme
par la Divinité, que dirons-nous de l'inven-
tion de TAIphabetjSÎ ingénieuse , si profonde,
si admirable qu'elle ne peut s expliquer que
par les idées innées, que par une émanation
divine, est Deus in nohls ?
(i) Quand on a clts observations subllles à faire,
on ne saurait employer trop d'images. 11 serait aisé
de prouver que le style figuré est toujours le plus
clair et le plus précis. Otez l'imagination, l'e.sprit
humaixi ne vole plus ; il se traîne à pas lenls sur les
o^jet, et ternit tout ce qu'il touche. {RivaroL)
( Iv )
Jamais les lois de la physique n'explique-
ront comment un oiseau fait son nid , ni
comment Hiomme parle et écrit.
Vous parlez de la génération des idées ;
mais quelle est la première ? Je pense ,
donc je suis , voilà bien une idée innée ,
voilà le premier anneau indestructible et
qui nous attache à la connaissance de la Di-
vinité; elle rayonne en nous , et quand vous
direz que les langues des sauvages sont les
moins philosophiques, tout au contraire,
elles simplifient tout ce que les subtiles ru-
briques des idiologaes ne font qu'obscurcir
Selon moi la pensée ne devient vivante que
lorsque la métaphysique la laisse dans un
état de repos, sans la tourmenter de ses for-
mules. Les images , les métaphores , les in-
versions , les ellipses abondent dans ces lan-
gues que vous appelez barbares, et vont au-
devant de toutes les vérités par l'énergie du
sentiment. Si pour s'exprimer avec clarté , ii
faut avoir porté dans son propre entendement
la plus grande franchise , la netteté du style
appartient plus aux sauvages qu'aux profes-
seurs ^entendement humain.
Le passage de l'écriture sjmbol que à l'é-
criture alphabétique, s'est opéré plusieurs
d iv
( Iv) )
fois chez differens peuples, car puisque Ton
ne peut assigner l'époque et l'origine de cette
découverte, je pense qu'elle est entrée dans
la tête de plus d'un homme , par e que cha-
que homme porte en soi les semences des
plus hautes pensées. Mojse est un de ces
génies extraordinaires qui commandent le res-
pect, et que des têtes futiles comme celle
de Voltaire, n'ont jamais lu ni compris» On
dit que Moyse apporta Palphabet d'Eg^^pte ;
mais je le répèi c, il y a dans ce mondeplusieurs
Mojses^ qui brisent toutes les figures idolâ tri-
ques^ tous iesohjets matériels, pourvoir au-de-
dans d'eux-mêmes l'intime présence de la Di-
vinité, et en recevoir l'influence bienfesante.
Le commencement de lasociélé , ces mots
me font rire ; l'homme a toujours été en so-
ciété , non pas il est vrai comme dans la
ville de Paris \ mais l'homme ayant reçu
je principe de morale et de religion , a tou-
joius communiqué avec son semblable par
la parole; il n'a pas été réduit aux cris des
animaux , comme veulent nous le dire des
docteurs qui se font animaux. Voilà oii
couàmt iernélier de la métaphysique ^ quand
on s'intitule métaphysicien en titre. On le
fait de nos jours, comme s'il n'j avait plus
( Ivij )
de Molière , ou comme si Dieu n'en devait
pas faive naître un tout exprès (i\
Pascal disait, se moquer de îaphîlosophie^
c''est déjà philosopher ; ce mot a un sens
exquis , il veut dire qu'il ne faut pas prendre
le jargon de la philosophie pour son langage.
Celui-ci n'admet rien de recherché , ni de
fastueux ; il avait sa perfection dans la bou-
che de Socrate , car on ne peut se lasser
d'exposer ce grand homme comme un mo-
dèle de lumière , de simplicité et de cou-
rage.
(i) C'est la langue de la toui' de Babel, que celle
des idiologlsles; c'est la confusion de tous les termes;
c'est le cercle vicieux de tous les argumens scolas-
tiques. Ils font jouer des fermes fantastiques ; voilà toute
leur science.
On dit que Condillac et Locke ont eu leur maître -,
ce que je crois sans peine , parce que toute pliiloso-
pliie glacée n'est point une philosophie d'iuspi ration.
Kant dit à l'homme : « Tu es un être moral jtu portes
en toi le commandement et les lois d'vxne sévère mo-
ralité : donc il est un Dieu juste qui récompensera
ou punira ton ame immortelle. » Cette doctriile su-
blime et vraie, sauve d'un coup la morale et la reli-
giosité des atteintes du matérialisme. L'homme porte
en soi la législation de l'ordre physique et celle de
l'ordre moral , par conséquent tout ce qui lui est né-
( Iviij )
C'est ce même Socrate qui disait , que si
l'on voulait faire apprendre un art frivole
à quelqu'un, on ne manquait point de maîtres
à qui i'env^oyer ; de même , si Ton voulait
faire dresser un cheval , ou un chien , il y
avait assez de personnes pour en prendre ren-
gagement ; mais que si l'on voulait ap-
prendre à être homme de bien , on ne sa-
vait où le prendre.
Vous chassez l'ignorance et la barbarie ,
vous faites tomber les superstitions , mais en
éclaifant les hommes sur les désordres de
leur esprit , vous leur inspirez l'envie d'exa-
miner tout, de sonder tout\ ils subtilisent
tant , qu'ils ne trouvent plus rien qui con~
cessaivc pour cette vie et pour l'autre. Connais -toi
toi-même ! Tout est dans ces admirables paroles ,
autrefois gravées sur une des portes du temple d'Apol-
lon. L'idiologiste nous traîne sans cesse hors de nous-
niênies, nous écarte du point central de notre être ^
ce lieu de majesté et de calme où les influences des
sens ne parviennent point, où nous portons les prin-
cipc3.de toute science, où nous tenons Dieu , la liBerlé y
l'immortalité, le bien. Et comme je ne veux pas rester
seul dans l'univers , j'adopte la doctrine de Platon
cl celle de Kant , et je m'apprête à combattre sous
leurs étendards ; ce que j'ai fait d'ailleurs précédem-
ment , et dans tous mes écrits.
( lix )
tente leur misérable raison. La saine phi-
losophie est le remède de l'impiété et de la
superstition ; mais la mauvaise vous préci-
pite dans une foule d'idées abstraites, et
trouble l'entendement à force de l'enorgueil-
lir. Ainsi ce mélange de bien et de mal qui
se rencontre dans toutes les choses humaines ,
se remarque dans l'emploi delà philosophie;
il importe donc de bien connaître l'instru-
ment dont nous devons nous servir.
Il fut toujours pour la liberté publique de
plus grands dangers que la violence'des usur-
pations. Les sophistes qui ruinent la morale,
en renversant ses bases , et livrent à l'indéci-
sion les pensées majestueuses et fondamen-
tales de tout ordre public et particulier , at-
taquent réellement l'association , et tendent
à dissoudre les parties de Tétat , toujours
prêtes à se séparer par les chocs terribles
qu'elles reçoivent de l'intérêt particulier.
On croit toucher des orgues ordinaires
en touchant Thomme, a dit Pascal; ce sont
des orgues , à la vérité , mais bizarres , chan-
geantes, difficiles; pour en tirer des accords ,
il faut avoir une science toute différente que
cellequis'apprend par des livres. C'est d'après
cette idée que je pense qu'il n'appartient qu'à
(Ix)
une langue toute nouvelle de dissiper la plus
grande partie de nos erreurs. Elle fera sur-
tout le désespoir de nos ordonnateurs du
monde.
Je me suis séparé , et de toutes les puis-
sances de mon ame , des métaphysiciens mo-
dernes J'rançais -^ ils ont le ton de l'école et la
sécheresse du nihilisme; ils ont résolu , je crois,
et par vengeance malicieuse, de me faire périr
d'ennui et d'impatience; non in oins obscurs ,
non moins tranchans que des théologiens ,
Ja logomachie de ces nouveaux docteurs rem-
place les vieilles formes scolas tiques : c'est
le poison de la pensée., de la sensibilité ,
de la vertu et du style que leurs froides ,
discordantes et inutiles thèses, véritables sco-
ries de la science, et que le célèbre Kant a su
frapper d'un mépris ineffaçable. Armés de
leur terminologie , cous ne nous entendez
pas, disent - ils gravement, et nous vous
avons pris çingt fois sur le fait; vous ne
vous entendez pas vous-mêmes ; nous en-
tendons Descartes, nous entendons Leibnitz,
nous entendons Wolaston , Shaftesbury ,
Kant , et nous comprenons que vous êtes
parfaitement creux. Primus sapieniiœ gra-
dus , estfaJsa intelligere.
( l'^i )
Etablissons tout-à-coup la distance qui
nous sépare; écoutez! Dieu existe, il a donné
à l'homme la faculté de la parole ; atque af-
figit- humo divinœ partlculam aurœ , comme
le dit notre cher Horace , quoique Epicurien;
la parole est innée chez riiomme, la langue de
l'homme n'est pas une convention,... Vous
fujez à ces mots , vous craignez ce trait
d'invincible lumière! Eh bien! nous aurons,
nous , une metaphj^sique intelligible , sen-
timentale, adoratrice , qui plaît et qui plaira
au genre humain. La votre est faite avec des
ténèbres et pour des esprits de ténèbres.
Si toute la nature , lecteur , est en mou-
vement, il y a donc un premier moteur ; ce
mouvement est assujéti à un ordre constant,
il existe donc une intelligence suprême :
brouillards fétides de la fausse métaphvsi-"
que, n'obscurcissez point cette pensée lu-
cide ! Et pourquoi les hommes reçurent-ils
ce don le plus funeste, s'il n'est pas le plus
beau de tous , le don de s'attendrir sur les
malheurs de leurs semblables? C'est qu'il y
a un Dieu qui a Foeil ouvert entre mon frère
et moi; voilà les bases de toute morale. Vous
ne la renverserez pas , froids et cruels idio-
logistes.
( Ix^j )
J'aperçois telle révolution heureuse at-
tachée à un mot neuf. Qui ne sent pas que
les hommes , un jour , se rallieront à quel-
ques axiomes d'une grande simplicité et d'un
parfait laconisme ; le décatogue est le plus
haut travail de la pensée. Toute grande pen-
sée vient de Fauteur de toul bien. On peut
méditer long-temps sans obtenir une seule
pensée; mais l'on n'a une bonne pensée que
lorsqu'on désire vivement de l'avoir. Si vous
ne retirez de votre méditation que des inquié-
tudes , des tourmens, des doutes obstinés,
c'est que vous cherchez de vains fantômes.
On nous peint Spinosa comme un petit
homme, pâle, maigre, n'ayant que le
souille , à l'œil creux , au visage effilé; il de-
vait être ainsi, La figure de l'athce est triste
et tourmentée. Il affirme et il est dans le
doute; il s'épouvante quelquefois de lui-même;
il tient par orgueil à un système qu'il aban-
donnerait s'il se trouvait seul sur un rocher
nu.Jeneconnaisrien de plus beau, dans aucun
livre, que Robinson Crusoé à genoux, les
mains jointes, pontife de son île déserte, ado-
rant Dieu avec ferveur, et sans être vu d'au-
cun homme.
Penser, parler, écrire, c'est absolument
( Ixiij )
I
la même opération de l'entendement hu-
main. Ce n'est au tond que la peinture des
idées , peinture plus ou moins rapide , et les
idées étant Ja représentation des êtres , on
peut dire que les modèles que le langage
doit imiter, sont tous les êtres généralement
quelconques.
Qu'on ne soit point étonné que Tame. per-
çoive la connaissance d'un si grand nombre
d'êtres; elle embrasse, elle pénètre tout dans
sa vaste compréhension. Tout ce qui ne peut
se concevoir que par l'intelligence, lui ap-
partient. Toutes nos facultés intellectuelles
etmorales ne sont que le développement d'une
chose unique , indivisible et indestructible.
Il n'y a que la pensée qui existe ; tout ce qui
n'a pas la conscience de soi ^ estconmie s'il
n'existait pas. La matière n'ayant ni la pen-
sée, ni la volonté, ni une action propre,
n'a point l'existence proprement dit. Voilà
ce qui démontre la fausseté du système qui
fait venir nos idées des sens. Elles passent
par nos sens, d'accord; mais nous avons des
idées , et une multitude d'idées , malgré nos
sens. Cet univers matériel , nous l'aperce-
vons bien, mais pour nous élever au-dessus
de lui, et pour juger que toutes les formes
( Ixlv )
ne sont qii'acciden telles et passagères , qu'il
n^j a qu'une réalité , la pensée , qu'elle est
indépendante de tout ce qui l'environne, et
qu'elle se suffit à elle-même par sa propre
émanation.
Ces observations ne sont point étrangères à
la littérature. Comme je veux lui restituer
son empire, je veux que tout soit de son
ressort , que rien n'échappe à son pinceau.
Hallebranche est plus propre à former un
poète que tout autre écrivain , et j'adopte-
Taisses écrits comme la première poétique du
stjle indépendant. Plaisans métaphysiciens ,
que ceux qui ne nous entretiennent que de la
luatière !
Vous tous qui m'écoutez, qui me lisez,
vous êtes tous auteurs , métaphysiciens, qui
plus est, puisque vous pensez, puisque vous
parlez; faites votre langue, faites votre
stjle , créez et prononcez , prononcez et créez.
Si vous êtes émus, nous vous entendrons et
nous vous écouterons; si vous êtes pleins de
Vos idées , mais sans calcul intéressé , vous
serez éloquens. Presque toutes les sciences
humaines ont été jusqu'ici un double amas
d'extravaganceset d'erreurs. Elevez-vous au-
dessus de tout ce qu'on vous a dit; regarder
en
(lïv)
pîi vous-mêmes , et ces prétendus beaux gé-
nies deviendront bien petits. Je crois voir
desinipofens qui regardent avec admiration
une troupe de danseurs. Levez-vous ! vous
danserez comme eux.
L'exercice de la pensée appartient égale-
ment à tous ; et puisque le génie transcen-
dant, véritablement lumineux, n'est pas dans
les livres, il est dans les hommes. Méprisez les
livres (i), et cherchez les hommes.
(i) Nous avons beaucoup de livres, et le Ui^re nous
mang^ue 5 le livre que je conçois , et qui pourrait
nous tenir lieu de tous les autres ) il séparerait ce qui
est de ce qui ri'est pas ; il serait éci'it en langue
vulgaire ; chaque phrase dirait oui ou non : point
d'équivoque, point d'écart dans la pensée j tout serait
soumis au sentiment intime de l'homme. La vertu se
rapporte à la vérité ; elle rentre en quelque sorte
en elle-même , lorsqu'elle l'obtient ; c'est qu'elle n'en
est que l'ardent amour. Celui qui nie la perfectibilité
de l'homme , aime le mensonge. Riches par le senti-
ment, pauvres par la pensée, si nous savons dévelop-
per en nous l'amour de la vérité , nous aurons la
science , et les fantômes cesseront de nous obséder,
JL,e mot probabilité' n'entrerait point dans le livre dont
je parle ; il y aurait certitude complète pour entraîner
l'assentiment de l'esprit ; et la certitude serait fixée par
ces deux mots ; La chose est , ou n'est pas; vsl ou norf*
( îxvj )
Le scepticisme est désolant en morale eî
en politique, mais il est très-utile en litté-
rature ; il fait jouer toutes les clartés en
tournant le prisme des couleurs qui colore
l'horizon et agrandit la scène ; il rétablit
cette espèce d'égalité qui sur-tout , en fait
d'esprit , est la grande loi de la nature ;
Torgueil académique s'en affligera, mais tous
les autres individus y gagneront.
Le sceptique lit le roman de V Iliade com-
me il lit un roman anglais ; il éteint tous
les noms , il marie les ouvrages séparés par
de longs intervalles ; il remarque les plus
vives étincelles dans le temps même de ces
catastrophes qui répandent la nuit épaisse
de la baïbarie. Par-tout il poursuit la lu-
mière , il la rencontre par-tout -, et les lettres
n'ont plus 3 comme on se plaît à le dire ,
des siècles privilégiés.
Que devient la trompette adulatrice des
louanges désordonnées devant le sceptique ?
Oue devient le dénigrement absurde de l'en-
vie liliputicnne? Quelle pitié, en efi'et , de
voir le petit homme accabler le nain , et le
nain écraser uu ciron ! Toutes ces feuilles
périodiques qui distribuent d'un côté de
grands éloges, et de l'autre de grosses in*
sous PRESSE,
Pour paraître iccessamment chez MoussARD,
libraire, rue Helvétius , n°. 56o, vis-à-vis
la rue Villedot , et Maradan , libraire ,
rue Pavée Saint- André-des-Arcs , n^. i6 ,
à Paris.
De r Impossibilité physique du système
de Copernic , et de la Chimère dite attrac-
tion neutonienne ; un volume d'environ
400 pages _, par L. S. Mercier, membre
de l'Institut national de France, avec ces
deux épigraphes :
Omnibus Jerè in rébus , et maxime in physicîs ,
f^uid non sit citiiis, quam quid sit, dixe?im. Cicer.
Vrimus sapientiœ gradus estjalsa intelligere. Lact.
SOUS PRESSE,
Pour paraître chez les mêmes libraires ,
dans le courant de fructidor an 9.
Les Phases de la Révolution française ^
ou la Liberiéïde , depuis la convocation des
états généraux jusqu'à la paix de Lunéville ;
un volume Ù2-3^. d'environ 400 pages ,
avec gravure aîlégorique , notes , etc. par
P. MoussARD , avec cette épigraphe :
Univers ! adaiire et frémis !
II manquait à la grande nation un ou-
vrage qui consacrât, avec tous les charmes
de l'imagination et de la poésie , Pensemble
chronologique des événemens dont elle a
été le théâtre. Annoncer que ce poème n'est
point au-dessous de son sujet , c'est le pré-
senter comme un monument digne de fixer
nos regards. Il est divisé par phases (nuances
de principes, apparences politiques), et,
composé de stances de dix vers, qui toutes
sont terminées pcir un seul et même mot ,
qui devient le tjpe de l'ouvrage, et auquel
tout est rapporté. Ce genre particulier ,
qu'aucun écrivain ne paraît avoir tenté dans
aucune langue, snr-tout dans une produc-
tion grave, héroïque et d'une grande éten-
due , est justifié , soutemi , comme on doit
( Ixix }
toutes les marques les plus plaisantes de la
compassion et de la pitié ; c'est véritablement
la génération qui naîtra dans quelques an-
nées , que j'aperçois distinctement , et qui
se moquera de toutes nos thèses. Quoique
ces petits génies soient muets, je comprends
à merveille dans leurs gestes tout ce qu'ils
veulent dire ; et c'est cette vue ( que je dois
à la bonté du ciel ) qui m'a empêché d'a-
dopter les erreurs de mon siècle; sa très-
plaisante astronomie , sa mauvaise méta-
j)hjsique, son goût idolâtrique et dangereux
pour les arts matériellement imitatifs, enfin
le Dictionnaire des étouffeurs. Oh ! combien
tous ces enfançons, devenus grands, vont
se divertir à nos dépens ! Je me tromperois
fort si je n'ai pas distingué dans la foule
un nouveau Rabelais , mais plus intelligible
que l'ancien , tant sa petite mine avait de
finesse et de malice : ah ! jolie petite figure
cspritée , tu m'as fait un signe expressif sur
soit, je ne dirai rien.
Telle tête humaine n'est qu'une des cenfc
mille variétés de la nature; et l'on voudrait:
que tous les esprits se moulassent sur un
ou sur plusieurs ! Si les langues sont la proie
du temps , elles ne sont donc pas si sacrées
( Ixx )
qu'un mortel n'y puisse toucher , et qu'il
n'agisse comme le temps, qui les recompose,
s'il les décompose. Le Dialecte national^ par
qui a-t-il été fait? par la masse entière
des écrivains. C'est donc aux écrivains,
c''est-à-dire à chacun d'eux en particulier
que V idiome appartient. D'où naît l'élocu-
tion ? du concours , du concert immense
de tous Its auteurs. C'est, de cette voix large
qui n'en f; it bientôt plus qu'une , que sort
tout vocabu>aire ; ce qu'on appelle inno-
vations^ hérésies , se fond dans le dogme,
et Its novateurs deviennent orthodoxes.
0;i réclame un sénat conservateur de la
langue française; mais si ce s.'nat ne fesait
dans la république des lettres que chojer ses
intérêts, ses propres écrits, et sur-tout corjser-
ver ses prééminences , où en serions-nous ? Ne
vaudrait-il pas mieux tout de suite un îndé-
■pendant qui nous dise avec Horace , qu'il
sera toujours permis d'introduire un terme
nouveau , pourvu qu'il soit marqué au coin
du langage actuel, et conforme à Fanalogie ?
Licuit sempcrque licehit. ,
Sîgnatum prœsente nota producere nomen.
J'avouerai qu'il j a , en fait de langue ,
( îx^i) )
fiires , tomberont devas* le scepticisme lit-
téraire , et dans un plus grand élan de
liberté , il eu résultera le progrès des con-
naissances humaines. On ne marchera plus
sous les étendards d'une petite faction niaise
qui produit toujours des lois prohibitives,
analogues à sa faiblesse.
On demande vainement aux feseurs de
règles , qu'ils nous révèlent l'art d'écrire ; il
faut le puiser en soi-même. Aristote n'a fait
sa Rhétorique que pour combattre un rhéteur
obscur. Cicéron , dans son Traité de POra-
teur, n'a d'autre objet que de faire Péloge
de sa manière d'écrire.
Quintilien est ud rhéteur très-exact , et
non un écrivain propre à vous ouvrir de
nouvelles routes. Il ne parle que de tout
ce qui s'est fait. L'Art poétique d^Horace
n'est entendu que de quelques poètes ; et il
est bien étonnant que Boileau qui avait tra-
duit Longin , n'ait péniblement tracé que
Part du versificateur. En un mot , aucun de
ces écrivains n'a donné les élémens de Part
qu'il professait : c'est que ces élémens sonfe
si étendus , si variables, si délicats , si fugitifs ;,
qu'ils échappent lorsqu'on veut les fixer.
Dans cet art que Pon nomme peinture •,
c ij
( Ixviij )
il y a des études prt liminaires , longues,
fatigantes; dessin, correction, manipulation
de la palette ^ c'est toujours avec de la
matière qu'il faut rendre les images maté-
rielles ; mais l'art d'écrire qui se compose
de la parole, n'a rien de matériel. Voilà
pourquoi Pécolier en sait souvent plus que le
maître ; que Voltaire a fait Œdipe à dix-huit
ans, que Lafontaine est devenu poêle par
inspiration : voilà pourquoi l'on se forme
seul dans cet art, et qu'on sera toujours plus
près du succès en n'écoutant que soi , qu'en
prêtant foreille à ces hommes qui , comme le
dit Montesquieu , mettent à toutes les choses
une robe de docteur. Les gens qui veulent
toujours enseigner , empêchent beaucoup
d'apprendre.
J'ai d'ailleurs une singulière conformation
dans l'œil , et qui provient de naissance :
quand j'entends un homme parler en public,
développer sa doctrine , faire grand trophée
de ce qu'il dit , parler de son génie et de
son goût , je vois autour de son fauteuil ,
dessus, dessous , à côté, une multitude pro-
digieuse de petites têtes enfantines qui rient
mahgnement , montrent au doigt le profes-
sçufj s'amusent de ses paroles, et donnent
'( Ixxiij )
livrés à une chicane puérile et sèche ; il
plaira aux esprits pénétrans , étendus, qui,
guidés par le sentiment, surpasseront bientôt
le néologue hii-inême , satisfait de s'avouer
vaincu. Les génies créateurs , c'est d'eux
que j'attends , non point des suffrages ( je
peux m'en passer ), mais la grande langue
harmonieuse et forte dont je ne leur ai
olfert tout au plus que Yinstrmnent.
C'est donc sans crainte que je donne à
ma chère nation , dont j'ai tant aimé la
gloire et servi la liberté et l'indépendance
politique , dans toutes les époques de ma
vie ; c'est donc à elle que je livre avec
pleine confiance cette JSéoîogie , qui veut
dire création de termes nouveaux (i) y c'est
lui annoncer en même temps que je pourrai
bientôt reproduire sous ses jeux et reporter
à son oreille les mâles expressions de la
langue républicaine , qui me fut familière
pendant quatre ou cinq années. Il j a là
de quoi faire pâlir à jamais la langue mo-
narchique ; mais encore un peu de temps ,
un peu de temps encore; vous nous Taccor-
(i) Néologisme, axi contraire, abus de la^Néologie-
Observez bien ceci , lecteius !
( Ixxiv )
derez , génie protecteur de la France , in-
vincible génie à qui j'adresse toutes mes
pensées.
lie temps est un trésor plus grand qu'on ne peut croirej
J'en uL lins, et je crus obtenir la victoire. {Corneille.^
Me Voilà à peu près sûr que les généreux
descendans des Gaulois et des Francs s^'afl'ran-
chiront eux-nién.ts de tous les fers qui retar-
dent et contrarieni les progrès de leur langue,
car elle est faite (sMs nous écoutent) pour uuil-
tiplier à l'infini et d'une manière incalcu-
lable, tons les rapports heureux qui fécon-
deront la masse des idées ordinairement
inertes, faute d'un langage analogue à l'in-
dépendance et à la vivacité de l'imagination
humaine. Quand j'ai travaillé ce Dictionnaire
avec un nouveau degré d'alacrité et de cou-
rage, c'est qu' il en fallait; et, je le dirai, c'est
la vertu la plus nécessaire dans l'épineuse
carrière des lettres. Vaincre aujourd'hui je
ne sais quel dédain snperbe qui , chez le
lecteur, su» pas.-^e encore de beaucoup Tamour-
propre ou l'orgueil tant reproebé aux au-
teurs; voilà votre nouvelle tâche , écrivains!
Mais aussi il est de la dignité de mon
art, de l'^rt que je cultive, de lui donner
( Ixxi )
des pertes qui Penricliissent ; que foutes
ses acquisitions ne sont pas également bon-
nes et fructueuses ; mais dans lincertitude
de la direction constante et invariable qu''elle
doit prendre , ]e soutiens que la langue pé-
rira plutôt d'inanition que d'abondance.
C'est faute de certains diminutifs et de
mots échelonnés , gradués , soit qu'ils mon-
tent, soit qu'ils descendent , que toutes les
nuances si nécessaires nous échappent , que
les erreurs naissent , et que les mauvais rai-
sonneraens s'ensuivent. L'indétermination
cessera lorsqu'on pourra donner à la pensée
une mesure plus précise , plus détaillée. La
langue des grands écrivains est précieuse ,
qui en doute ? mais elle ne se prête pas
à tout ce que la conversation commande
quelquefois. Parler comme un livre , c'esfc
mal parler ; il faut rompre la convention
générale, pour le charme, l'agrément, le plai-
sir des conventions particulières. Or donc ,
que la petite monnaie soit toujours d'une
empreinte plus neuve et plus marquée que
la grande, afin de mieux résister au frot-
tement ; la circulation , l'échange rapide
des idées l'exigent ainsi ; et ne vaut - il
pas mieux créer un mot nouveau , que
( Ixxij )
d'en corrcmpre , d'en altérer un ancien ?
L'autorité législative résidera dans l'hom-
me qui fera adopter ses néologies. Qu'il
fasse ou qu'il ne fasse pas un Vocabulaire
comme celui-ci, si l'usage consacre ses ex-
pressions , si , plus heureux , il se fait lire ,
tous les Journalistes, puristes du monde (i),
ne paraîtront plus alors devant lui que
(i) Ceux de nos jours sont, en général, de petits
bégayeurs, faits tout au plus pour parler de persiculets;
quand il paraît un ouvrage substantiel , ils ne savent
ni le lire, ni le juger. Lorsque Le Joyand est venu
foudroyer le pliilosopliisme des abstractions , des
ligures et des nombi'es, dont le seul Descartes avait
fixé la juste valeur, et dont certains géomètres depuis ,
et malgré ce grand homme, ont voulu faire dominer
exclusivement la manie, qu'ont-ils dit? de pauvres
injures! C'est au préjudice des principes physiques,
naturels , et de la voix éclatante de l'univers , que
ce philosophisme , à l'aide d'innombrables supposi-
tions , est venu désorganiser la nature. Voilà le délit
des savans qui ont attaché aux mathématiques l'ex-
clusif privilège d'une certitude démonstrative. Nous
ferons bientôt justice de cette absurde et ténébreuse
folie. Quand elle a réalisé des idées abstraites , elle
les prend ensuite pour l'essence même des choses. Ce
qui n'est C£.^ instrument , le philosophisme l'appelle
scieizce.
le pressentir , par une poésie féconde et
brûlante, par l'élévation du stjle et des
pensées, la richesse des images, et tous les
charmes de l'harmonie. On ose dire que cet
ouvrage , absolument neuf, a franchi les
routes battues , la zone glacée de nos poésies
vulgaires , et qu'il est considéré par un grand
nombre de littérateurs, comme devant être
aussi durable que le souvenir des actions et
des événelnens extraordinaires qu'il retrace.
A ce po'ême en sera joint un autre, intitulé
les Chants du Philosophe , qui n'est pas
moins piquant dans un autre genre. Les notes
historiques , philosophiques et littéraires de
ces deux ouvrages sont puisées dans les
sources les plus impartiales et les plus saines,
D T.
( Journal Typographique et Bibliographique ,
numéro ^S , t^ messidor an §.)
( Ixxv )
incessamment la préférence sur la peinture
et la sculpture j ainsi, que l'on n'attende pas
de moi l'aveu tardif que Ton me suppose, que
CCS derniers arts puissent jamais rivaliser avec
la poésie. Non , je n'ai plus besoin de les voir,
ces héros armés de la lance ou décochant
le trait de l'arc qui siffle; Ossian fait en-
tendre le son du javelot sur le bouclier qui
le repousse. Eloignez -vous , statuaires, vos
figures sont immobiles, et je veux des images
mobiles. Qu'est - ce que ces guerriers dont
les bras sont toujours levés,et dont les glaives
ne descendent jamais? Qui les a pétrifiés?
le peintre. Qui les remettra en mouvement?
le poète.
Tant que l'art d'écrire ne sera pas réputé
le premier de tous, je combattrai les autres
arts imitatifs qui ne lui rendront pas cet
hommage. Il en sera de môme de cette géo-
métrie transcendante^quijSuperbe et aveugle,
marchant dans les abjmes , sans véritable
base et sans véritable fin , ne prouve rien,
et se trouve sans cesse en opposition avec
les lois physiques. Un ouvrage que je con-
seille à un homme sensé , et qui immorta-
liserait un auteur, serait celui qui rétablirait
lin art totalement perdu , Varù de ne voir
( Ixxvj )
que par nos yeux. Incrédule à Newton ^
je me ris de son système , mais je déduirai
bientôt pourquoi et comment j'ai été conduit
à cette sage incrédulité. Ma raison m'a parlé;
si Dieu a créé deux raisons humaines , c'est
ce que j'ignore. La raison des chiffres est
donc toute autre que celle que je pos-
sède. Dis - moi , Newtonien , le spectre
que je vois dans le miroir, qu'est - il ? où
est-il ? j a-t-il réalité? Quoi! ce phénomène
ne te dit pas que tout l'univers visible n'est....
Achève ma pensée , si tu as su l'entrevoir.
Qu'est-ce enfin qu'un littérateur digne de ce
nom ? C'est un homme qui oppose la raison
aux préjugés , ses études et ses connaissances
à l'opinion courante , et son jugement à l'er-
reur.
F. S. Voyez néologuer, à la fin du
Vocabulaire, parmi les mots survenus pen-
dant l'impression.
Paris, i5 messidor an o.
NÉOLOGIE^
o u
VOCABULAIRE
DE MOTS NOUVEAUX,
A RENOUVELER, OU PRIS DANS VE-^
ACCEPTIONS NOUVELLES.
A.
A. ""i*" -D« Science et génie du docte Newton.
Abâtardir (*'). « Comme nostre esprit se for-
« tifie par la communication des esprits vigou-
« reux , il ne peut se dire combien il perd et s'Abâ-
« tardit par le continuel commerce et fréquen-
ce tation que nous avons avec les esprits bas et
« maladifs. » (^Montaigne.)
Aboi. L aboi du chien n'est point son aboie-
ment ; l'aboi est la voix de l'animal. Il vint
à moi, et me caressa avec un doux aboi.
Abécédaire. «Cettuy-ci apprend à parler ^
« lorsqu'il lui faut apprendre à se taire pour ja-
« mais. On peut continuer à tout temps l'estude,
« non pas l'escholage. La sotte chose qu'un vieil-
« lard abécédaire I )) {Montaigne.)
Tome /. A
2 A B O
Abjéquiter. S'enfuir à cheval. Ce verbe peut
être admis, parce que ses élémeiis sont tirés de
locutions déjà connues, telles que : Équilation,
écuyer, et même équiler. (^ Louis P^erdure.)
Abêtir. A quinze ans, un Jésuite m'enqra-
tiauda; je fus novice, on m'Abêtit pendant deux
années. (^T^oltaire.)
AbhorriR. Avoir en horreur, en haine. Peut-
on Abhorrir ce que Ton a aimé?
Abominer. O malheureux jeune homme! l'é-
clat de ses charmes te séduit; mais apprends de
moi que c'est elle qui a empoisonné ta mère, et
juge combien tu dois l'Abominer!
AbonnatA-IRES. Celui qui n'est pas encore
abonné. L.e premier et très-piquant numéro de ce
journal est fait pour plaire singulièrement aux
Aîîonnat aires , et pour les transformer sur-le-
champ en abonnés.
Aborigènes. Branches superflues qui poussent
au tronc des arbres. Ne pourrait-on pas , par
métaphore, dire dé quelques ouvrages systéma-
tiques, divisés ipar chapitres, qu'il y en a quel-
ques-uns qui sont Al)origènes ? Ramos compesce
Jluentes.
Abortif. La douleur qui la frappa dans sa
grossesse, fut si vive qu'elle faillit faire un Abortif.
A C A 5
Abrègement. L'Abrègement du discom-s le
rend toujours plus fort et plus convaincant.
Abriter. Voici l'orage, abritons-nous. Heu-
reux qui , pendant les tempêtes révolutiomiaires ,
a pu s'Abriter sous un toit inconnu!
Abrupt. On a trouvé le style Abrupt incor-
rect, et peut-être l'est-il. (^Diderot.)
Abrutisseur. Je voudrois bien que les Turcs
fussent chassés du pays des Périclès et des Platon :
il est vrai qu'ils ne sont pas persécuteurs; mais
ils sont Abrutisseurs. Dieu nous défasse des uns
et des autres] {^J^oltaire).
Absconder. Ne pas montrer. Ce qu'une fernm*
veut Absconder, est bien caché.
Absoluteur. Hélas I l'or est donc Absoluteur
des forfaits commis envers la patrie ! et plus 1g
vol est énorme , plus le brigand reste iiripuni.
Absorbtion. De môme que, dans un Etat, un
parti avait absorbé la nation , puis , une faniille
le parli , puis , un individu la famille ; de même
il s'établit , d'Etat à Etat , un mouvement d'Ab-
sorbtion. ( Volney. )
Abstruse. Il n'y a chose si cachée et abstruse
que le temps ne découvre.
AcADÉMiFiÉ. J'ai dans mon callnet, vingt di-
plômes qui m'assureut de toutes parts le titre
A 3
%
4 A C C
glorieux d'Académicien ; ainsi , j'ai l'honneur
d'être à peu près autant Acadéniifié qu'on peut
Têtre , et je n'en suis pas plus fier. ( Linguet. )
AcADÉMiSER. Diderot, s'adressant aux jeunes
élèves de l'Académie de peinture, dessinant d'a-
près un modèle que l'on force à prendre la même
position, pendant tout le cours de la séance, leur
dit :
« Si vous perdez le sentiment de l'homme qui
« se présente en compagnie, et de l'homme inté-
« ressé qui agit; de l'homme qui est seul , et de
« l'homme qu'on regarde , jetez vos pinceaux dans
«le feu. Vous Académiseiez , vous redresserez,
« vous guinderez toutes vos figures. »
AccoiNTANCE. Ce bon homme la fit demander
à ses parens , ne sachant rien de l'Accoinlance
de cette demoiselle avec un officier du régiment.
Tj 'Accointa nce du méchant mettra toujours
notre bonté en péril.
L'Accoin tance des sots est véritablement sym-
pathique.
L'Accointance entre des hommes d'esprit ,
fortifie encore plus leur amour-propre que leur
génie.
On emploie aussi ce mot pour signifier un
comm^erce illicite avec femme ou fille.
Accompagnateur. Je chantais passablement,
A C C 5
mais j'avais au clavecin le plus misérable Accom-
pagnateur. ( Sevigné. )
Pourquoi le crime trouve-l-il plutôt un x\ccom-
pagnateur que la vertu elle-même ? ( Nicale. )
Dans mes longues courses sur les monta-
gnes, au milieu des dangers et des fatigues, il
fut courageusement mon Accompagnateur désin-
téressé. ( Boariy. )
ACCORT.
Et veut tirer à soi, par uif courroux Accort,
L'honneur de sa vengeance et le fruit de sa mort. ( Corneille.^
Accort signifie conciliant. Il vient d'aecor-
ter; c'est un mot qui n'est plus en usage dans le
style noble, et on doit regretter qu'il n'y soit
plus. ( Voltaire. )
Accort. Poli , agréable , de riante humeur : il
faudrait dire homme Accort y d'autant plus que
cela devient très-rare.
AccosTABLE. Voltaire, dans son château , était
plus Accostable que J. J. Rousseau dans son
grenier.
Accoucheuse. Où trouver l'Accoucheuse de
la vérité , si la plume de Thisloire ne l'est pas tou-
jours ? La plume Accoucheuse du mensonge se
taille tous les jours ; mais il faut un siècle pour
préparer celle qui ne ment point : Accoucheuse
du vrai j le fruit n'est pas miir,
A 5
6 A C C
Agcoutrement. C'est pour avoir trop dé-
daigné rAccoutreraent , que les premiers légis-
laleiirs, en France, n'onlpas concilié le respect
dû à leurs personnes.
Accoutrer , « Sur ces entrefaites , vint
« de la ville de Mytilène, un serviteur du niaistre
« de Lamon, qui lui apportoit nouvelles que leur
« commun seigneur viendroit voir ses terres
« un peu devant les vendanges ; à Toccasion de
« quoy , Lamon , apprdeliant jà l'automne , et
« l'esté vieillissant , Accoustra diligemment le
« logis, afin que le maislre n'y vist rien qui ne
.« lui fust plaisant à voir. )> ( Amjot. )
Accoutumance. « Celui-là me semble avoir
« très-bien conçu la force de la coustume, qui,
« premier forgea ce conte , qu'une femme de
« village ayant appris à caresser et porter entre
<f ses bras un veau , dès l'heure de sa naissance ,
« et , continuant toujours à ce faire , gagna cela
« par rAccoutumance , que tout grand bœuf qu'il
« étoit, elle le portoit encore. » (^Montaigne.)
« Les forçats plorent quand ils entrent en
<( la galère ; au bout de trois mois ils y chan-
« tent 5 ceux qui n'ont pas accoustumé la
«mer, pâlissent mesme en temps calme, quand
« on lève l'ancre , et les matelots rient durant
« la tempeste. Le temps et l'Accoutumance fait
« tout, » ( Charo?i, )
ACE 7
AccROCHEMENT. Je dirai donc rAccrochement
d'une affaire, l'acculeraent d'un corps d'armée,
).'ahenrlemenl des circonstances.
Accrocheraent. Cette affaire était sur le point
de se terminer, lorsqu'il est Survenu un Accro-
chement; œuvre de chicanier.
AccuBiTEUR. Officier du palais des empereurîs
de Constanlinople, qui couchaiL auprès <lu prince,
pour la sûreté de sa personne.
Son ami étant tombé malade , il ne voulut pas
le quitter , et se fit son Accubileur.
11 est bien doux , lorsque l'on soulTre , de ren-
contrer un Accvibiteur; «ela console : car, hélas!
Qu'une nuit paraît longue à la douleur qui veille !
AcERsocoME. Adjectif pris subsiantiv. Surnom
d'Apollon, qui siguifie à longue chevelure.
On ne voit plus de conseiller au Pai'lement , ni
au Châtelet , Acersoconie. Tous les cheveux sont
coupés en rond, ou noués en petites queues.
AcEBTAiNER. Caquet courut au bouquiniste
qu'on lui avoit indiqué. Monsieur, lui dit-il, les
charbonniers m'ont Acertainé que vous me don-
nei'iez le nom et l'adresse du plus fameux conteur
de contes qui soit à Paris. ( Rêt'if. )
AcÈTABULE. Fiole de vinaigre. On ne de-
vroit jamais sortir, dans les grandes villes , sans
porter sur soi son Acétabule.
A 4
8 A C O
AcHETEUSE. On ue voit pas parmi nous -,
connue à Florence, des commissaires, tancer pa-
bliquement des femmes qui portent des plumes*,
ni tenter de leur arracher ces ornemens de leurs
têtes qui plaisent tant aux Acheteuses de modes.
Achèvement. I>e dernier degré d'Achèvement
est, dans tous lés arts, le premier de leur avilis-
sement : ceci veut être médité.
Achever. « Epaminondas , le premier de la
«Grèce, enquis lequel il estimoit plus de trois
« hommes, de lui, Chabrias et lphicrates,répoH-
:« dit : Il nous faut voir premièrement mourir
'«.tous trois , avant en résoudre O la belle
« chose î de pouvoir Achever sa vie avant sa
« raort ! tellement qu'il n'y ait plus rien à faire
M qu'à mourir ; qu'on n'ait plus besoin de rien ,
.,« ni du temps , ni de soi-même , mais , tout seul
,« et content que l'on s'en aille. » ( Charon. )
Non , je ne fais plus qu'achever de mourir. ( Le
l'ourneiir) , Nuits cVYou?ig. '
AcLiMATEMENT. Modification du tempéra-
ment d'un être animé qui change de climat , et
dont la santé n'éprouve aucune altération de cette
nouvelle température. Mon Aciimatement en
Egypte y a facilité beaucoup mes opérations.
AcoTOiR. Faire de son ami un perpétuel Aco-
toir , c'est le mettre à une trop rude épreuve,
cL risquer de le perdre.
A C U 9
ACOUDOIR. O ma. chère fille , grandiô encore
un peu, et sois l'Acoudoir de Ion vieux père î
Acrimonie. Il a dans le caractère une Acri-
monie que rien ne peut corriger. S'il n'avait que
l'huineur moidicante , passe encore; mais il est
Acrimonieux presque en tout temps et en toute
saison.
JL 'Acrimonie de son caractère fait le plus
grand tort à son esprit, et le plaisir qu'on a à
l'entendre, s'évanouit dès qu'on a vu le jeu dur
et mordant de sa physionomie.
Acrimonieux. Il a le caractère acrimonieux.
Tel critique de profession a le style Acrimonieux ;
mais on peut être Acrimonieux sans être piquant.
ACTILISÉ. Dès que l'être sensitif n'est plus
Aclilisé par ce qui l'environne , la décrépitude
commence.
Activer. Activer une affaire , ne point la
laisser languir. Le plus beau projet est nul , s'il
n'est pas Activé. Activer un règlement, une loi ,
leur donner la vie par une prompte exécution.
Ce mot est presque naturalisé par un emploi
très-fréquent.
AcTRiciSME. Ce mot signifie l'art de jouer sur
la scène.
AcuTE. Vue Acule, fine, peut se dire au mo-
lo A D J
rai. Une jeune fille a la vue Acute pour tout ce
qui regarde Tobjel de sa passion.
Adagio. Terme de musique; adverbe italien;
à l'aise, posément. Lorsque Ton converse aujour-
d'hui , pour peu que l'on discute , l'on est tenté
de dire à son adversaire : Adagio ! adagio !
Adducteur. Le mensonge habituel est l'Ad-
ducteur de la perfidie et du crime.
A chaque calamité publique, on cherche et l'on
veut trouver un Adducteur.
Adhaler. Ce mot signifie pousser son ha-
leine sur quelque chose. La lettre d , selon moi ,
est de trop : on ne doit pas craindre l'hiatus,
dans un mot où il j)roduit le plus bel effet. —
Comme Ahaler peindroit bien l'émission de l'ha-
leine ! ( Doniergue. )
AdjectiveR. Verbe actif qui spécifie la com-
position ou l'addition d'un mot par lequel se
modifie un substantif.
Ainsi l'on peut dire : Adjectivezle substantif,
pour donner plus d'expression et de force à votre
peusée.
Adjoint. Le blasphème est l'Adj oint ordinaire
du jeu.
Adjourner. Ajourner, remettre à un autre
jour. Cet ancien mot est revenu avec tous les
honneurs de la tribune.
ADO n
Adjurer. Je vous Adjure de lire ce mémoire
pour ma justification.
Adipeux. Cet homme est plus que gras , il est
Adipeux.
M. de SufFren , revenant de l'Iude , n'en était
pas moins Adipeux.
Le célèbre historien Gibhon avoit un ventre
Adipeux ; ce qui appartient bien rarement à
l'homme de génie.
Ventre Adipeux ; réceptacle de maladies.
Adminicules. «Petits secours. Prêter un louis
d'or à un pauvre diable , c'est un Adminicule ; il
peut commencer sa fortune avec cette somme
légère, et vous la rendre un jour au centuple,
ainsi que cela s'est vu. Les Adminicules attestent
mieux la charité que les gros prêts.
Admiromane. On tourmente un homme, et il
ne crie point : qu'est-ce que cela prouve ? qu'il
soufi"re moins qu'un autre , ou qu'il est meilleur ?
point du tout : c'est qu'il a la fibre plus forte. Le
véritable homme crie, ou se venge, quand on le
bat. Le stoïcien dénaturait l'homme, en préten-
dant le perfectionner : semblable aux maîtres
d'exercices des baladins , il ne montroit que des
tours de force propres à extasier les Admiro-
manes sans application dans la morale. ( Rétif. )
Adoptable. Cette mesure , ce projet , ce
moyeu n'est point Adoptable. ( Bert. )
13 A D U
Adventice. La force non naturelle est nne
opposition extérieure ou Adventice à la vigueur
des principes et à leur effet nécessaire; c'est ce
qui , par étymologie de violation de la nature,
s'appelle violence. ( Apliorismes de Harringtnn. )
Adventureux. Ce n'est pas aventurier: jeune
homme qui a couru des périls. L'Adventureux
Robinson intéresse tous les âges. Il y a des
hommes Adventureux dont la vie fourmille d'évé-
nemens singuliers.
Ad VERSIFIEE. Pourquoi pas ce mot, qui signifie
si simplement faire un adverbe ou des adverbes ?
Adviser {s"). Quand le parlement, en An-
gleterre ^ présente un bill auquel le roi ne juge
pas à propos de consentir, le secrétaire dit : Le
roi s'Advisera; ce qui est une manière douce de
le rejeter.
Advoué. Avoué. Nous n'avons plus d'avocats,
nous avons des Avoués voués à notre service : eh
bien ! c'est pourtant le très-vieux mot qui est
de retour parmi nous.
Aduler. Aduler un homme puissant, c'est la
règle; mais aduler chaque jour des comédiens
et des comédiennes, c'est le bas emploi des folli-
culaires.
Adultération. L'Adultération de la monnoie
est un crime capital.
A E R i5
L'Adullération des niédicamens el des comes-
tibles devrait être punie très-sérèremeut.
Les paroles du sage sont les plus susceptibles
d'Adultération pour l'insensé et pour le mé-
chant.
Adultéresse. On a puni à la fois l'adultèi'a
et l'Adultéresse.
Aérage. Aérage des salles de spectacles : c'est
ce qu'il y a de plus indispensable, et ce qu'on
néglige le plus. Avant d'avoir l'acteur, il fau-
drait choisir et posséder l'aérologue , celui qui
connoît l'Aérage : il préserverait les cités d'une
foule de maladies malignes que l'on puise dans
ces lieux de divertissemens. Les hommes ne sont-
ils pas inconcevables? Huiner un mauvais air, un
air pestilentiel pour des notes de musique! Et la
musique elle-même, faute du ressort de l'air,
perd alors de son prix; car, dans celte magni-
fique enceinte de l'Opéra , les canlateurs et les
cantatrices chantent dans le gobelet , ainsi que
je l'ai dit ailleurs.
La santé de l'homme dépend de l'Aérage de sa
case : maxime bonne à retenir.
AisROLE. Fiole transparente.
Ai^RTER. Arrêter un cheval par le frein. Ce
mot nous manque, et cependant nou,s l'avions :
i4 A F F
il faut nous en servir de nouveau , comme nos
pères.
Affaireux. La modération est vertu bien
plus Affaireuse que n'est la sonfFrance. Le bien-
vivre du jeune Scipion a mille façons : le bien-
vivre de Diogène n'en a qu'une. (^Montaigne.)
Affaméité. Un de nos néologistes donne à une
faim insatiable, le nom d'Abartie; mais nous avons
déjà boulimie, terme de médecine, qui est dérivé
du latin huUmia , et qui signifie absolument la
même chose. J'aimerais mieux encore Afïkméité,
ou Famélicité , que tout le monde entend sans
commentaire. (^ Louis Verdure.)
Affamélite. Qui cause la faim. Le travail,
l'exercice du corps , la bile que donnent les con-
trariétés de l'esprit, la paix de l'ame, sont des
Affamélites. Les épices et les acides sont des
AfFaméliles.
Afférocée. Et toutes ces tèles innocentes tom-
baient au bruit des applaudissemens atroces d'une
multitude Afférocée.
Affichiste. Faiseur ou distributeur de petites
feuilles volantes.
Il croit réellement à l'éloge pompeux qu'a fait
de lui l'Affichiste.
Affinage. L'Affiaage du style n'en est pas la
A F F i3
correction , encore moins la perfection : Florian
l'a prouvé.
Affiner (a'.) « En l'amonr , ce n'est qivim
« désir forcené de ce qui nous fuit. Aussitôt qu'il
« entre aux termes de l'amitié, c'est-à-dire, en
« la convenance des volontez , li s'esvauouit et
♦< s'alangiiit.
« L'amilié , au rebours , est jouïe, à mesure
«qu'elle est de&irée , ne s'esleve , se nourrit,
« ni ne prend accroissance qu'en la jouissance,
« comme estant spirituelle , et l'ame s'Affinant
« par l'usage. « ( Montaigne. )
Affolir ( s\ ) « Tout ainsi que la besle sau-
« vage et farouche ne se veut laisser prendre par
«l'homme, mais ou s'enfuit et se cache de lui,
♦( ou s'irrite et s'esleve contre lui , s'il en veut
« approcher, ainsi fait la folie revêche à la raison,
« et sauvage à la sagesse , contre laquelle elle
*■ s'irrite et s'Affolit davantage. » ( Charon. )
Affqnder («'). S'Affonder dans un précipice :
ils dansoicnt, et tout à coup on les vit s'Affonder
par la chute du plancher.
Affouguer. Affouguer un cheval , \xn animal
paisible : Affouguer un peuple par des rigueurs
déplacées; Affouguer un jeune homme par des
paroles irritantes , et qui blessent son orgueil.
Affres, Les Affres de la mort , les angoisses
î6 A G G
d'un cœur navré n'ont point été remplacées, ( dit
J^oltaiî^e. )
Affrioler. On trouvait dans le choix des
mets exquis dont on couvrit la table , tout ce qui
pouvait Afl'rioler le goût le plus délicat.
Agace. Pie criarde. Si une femme l'imite :
« Taisez-vous , Agace. »
Agaillardir ( s\ ) Voici des fêtes sans
nombre: sont -elles gaies? on y danse, on s'y
étourdit, on s'y amuse; le tout serait de s'y Agail-
lardir 5 mais la bonne , la franche, la durable gaîté
n'est pas au milieu des fusées : pour s' Agaillardir,
il faut posséder la tranquillité d'esprit.
Agglomération; Et une cité ayant sub-
jugué une cité , elle se l'asservit , et en composa
une province et deux provinces s'étant en-
glouties , il s'en forma un royaume; j ...... et
deux royaumes s'étant conquis , l'on vit naître
des empires d'une étendue gigantesque
et , dans cette Agglomération , loin que la force
interne des Etats s'accrût en raison de leur
masse, il arriva au contraire qu'elle fut dimi-
nuée. ( Volney, )
Agglomérer (a'. ) Une boule de neige déta-
chée des Alpes, va toujours se grossissant et s'Ag-
glomérant, jusqu'à ce qu'enfin elle devienne un
torrent
A G R 17
torrent qui inonde les plaines. Telle est l'image
de la puissance exclusive.
Aggravanter. Celte circonstance, loin d'affai-
blir son délit, l'Aggravante beaucoup.
Aginer. Se donner du mouvement pour peu
de chose. — J'adople ce nfot dans lequel on recon-
naît le verbe agir , et où la terminaison iner
semble êlre ridiculisante, ou, tout au moins, an-
noncer une aclion peu importante. Tels sont, aco-
quiner, ha.diner , dandiner, cliopiVz^r, ramner ^
lurlupz/2er. ( Journ. de la Lang. Franc. )
Agitateur. Le peuple ne peut jamais être que
trompé sur son intérêt et sa volonté, dans les asso-
ciations particulières où l'on parle en son nom ,
sans mission et sans caractère. Qui composera ces
associations? des oisifs, des mécontens , des am-
bitieux, des Agitateurs, des ennemis de la chose
publique aj^ant pour mandat de tout boule-
verser. ( Mailhe. )
Agitateur. Tel Agitateur d'un peuple est un
grand homme ; tel autre n'est qu'un misérable
stipendié. Les époques, les intentions, le succès,
imprimeront à ce mot les acceptions les plus
opposées.
Agréanter. On vous enverra la voiture ,
madame, si cela vous Agréante. Agréer ne vaut
pas ici Agréanter. Croyez-vous que je puisse lui
Tome l. B
i3 AID
faire A^ïéanler ce voyage à la campagne? Faites-
lui Agréaiiier le présent que la ville lui doit par
la plus juste reconnaissance.
Agrémenter. Si Voltaire fut né en Bourgogne,
au lien de naître à Paris, il aurait , toutes choses
d'ailleurs égales, surpassé Homère , Virgile , le
Tasse, etc. Son unique défaut esL d'être né Pari-
sien : c'est ce qui l'a Frivolisé, Agrémenté , Su-
perficiellisé (i). ( Rétif. )
Agreux. Riche en fonds de terre , du lalia
agrosus. Comme nous avons agriculture , j'accep-
terais Agreux sans difficulté. ( Louis Verdure. )
Agriministes. Les belles dames, dont la fan-
taisie commande ces ouvrages momentanés, sus-
ceptibles de variations inhnies , ignorent sans
doute que les ouvriers qui façonnent les agré-
mens dont elles ornent leurs robes, se nomment
Agriministes.
AiDANCE. Secours. Je me tirerai de ce mauvais
pas, je l'espère, avec l'aide de Dieu et l'Aidauce
de mon frère.
(i) Que ces mots forgés ne scandalisent personne ! Ciccron ,
qui valait bien nos puristes, dit : SyLlaturit , pour exprimer:
11 se meurt d'envie d'imiter la cruauté de Sylla. Il dit : Maria-
iurlt ; mots très-forgés. On dirait fort bien Agrémenter uns
robe.
A J O ng
AlGARE. Celui qui voudiait être au bon che-
min ', mot provenant du grec. Nos ancêtres l'ont
quelquefois employé.
Aiguillonner, (s') La force n'existe jamais
dans le nombre des individus , mais dans leur
réunion , leur fixité , leur ensemble ; et cette
réunion , outre la résistance et l'énergie de sa
masse, développe encore un autre genre de puis-
sance plus efficace : c'est celle de l'intelligence.
Les hommes réunis s'AiguiiJojment et s'éclairent.
Aimablement. Cette jeune actrice excellait
sur-tout dans les Dehors irompeiirs. Quoique
cette pièce de Boissy n'eût pas été faite pour elle,
elle s'y trouvait tellement convenable, que le
talent de mademoioelle Gaussin ne pouvait l'em-
porter sur le naturel qu'elle mettait dans la scène
avec le marquis. ... il fallait voir le ton trem-
blant, Aimablement embarrassé de cette char-
mante fille: {Rétif.)
Ajambée. Une résistance déplacée, hautaine,
arrogante. Uue résistance trop opiniâtre aux pre-
miers pas de la révolution française , lui a fait
faire plusieurs et grandes Ajambees.
Ajouré. Oh! si l'on m'avait vu dans ce triste
réduit, sur un mauvais grabat, n'ayant pour tout
meuble que deux chaises et uue table brisées, une
B 2
20 A L A
vieille cassette sans fermetiu^e, pour serrer mes
vêtemens diî'Iabrés ! Usie chalière Ajourée par
deux carreaux de papier huilé , nie servait de
fenêtre. {Rétif.)
Ajoutation. Son ouvrage n'a pas eu de suc-
cès, parce qu'on ne Fenlendait pas; mais les noies
qu'il vient d'y ajouter I.... toutes ces Ajoutations-
là seront inutiles. Donnez à un homme perclus
dans tous ses membres, les meilleures béquilles,
il se traînera^ mais il ne marchera point.
Alanguir. (5') César, assis sur son tribunal,
préside le sénat : Métellus-Cimber , qui a une
supplique à lui présenter, fléchit un genou devant
lui. César lui dit :
«Je dois te prévenir, Cimber, que ces basses
«adulations, ces génuflexions caressantes, peu-
« vent enflammer l'orgueil des hommes vulgaires,
« et changer en vains projets d'enfant les décrets
« arrêtés dans leurs premières résolutions. N'ayez
« pas la folle pensée de croire que le cœur de
« César, rebelle à mes desseins, sAlanguisse et
«perde son vrai caractère par ces moyens ser-
« viles qui vous attendrissent, vous autres.»
Alanguissement. Mon imagination , moins
vive, ne s'enflamme plus comme autrefois, à la
contemplatioo. de l'objet qui l'anime : je m'enivre
' A L L 21
ruoins du délire de la rêverie. Un tiède Alangnis-
seraent énerve toutes mes facultés, et l'esprit de
vie s'éteint en moi par degrés. (/. /. Rousseau.)
Alarmiste. L'astronome Lalande fut un grand
alarmiste, il y a trente ans environ, au sujet
d\ai Mémoire lu à l'Académie des sciences, où il
admettait la possibilité d'une comète heurtant la
terre. Vei'sailles eut peur, et menaça l'Alarmiste
de la Bastille,, s'il récidivait.
Albeur. L'Albeur de sa peau surpassait la.
blancheur des lys.
Algébrer. Il ne sait, depuis qu'il est au monde,
qu'Algébrer, et il regarde en pitié tout homme
qui n'est point algébriste.
»
Alimentation. Les rapports perfides sont l'Ali-
mentation des haines qui existent entre parens.,.,
Si l'homme n'était pas soumis à une Alimen-
tation journalière, que ferait-il de son intelligence?
Allaitement. Ce qui réjouit l'œil du philo-
sophe, c'est de voir l'Allaitement public natu-
ralisé en France, toutes les femmes nourrices,
et le vœu de J. J. Rousseau pleinement exaucé.
L'Allaitement est aussi favorable à la santé de
la mère qu'à celle de l'enfant.
Allécher. Tout le monde, même les petite
B 5
23 A L L
enfatis, connaissent la fable de notre Lafonlaine :
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en sou bec un fromage;
Maître Renard , par l'odeur i\llcché ,
Lui tint, à peu près, ce langage, etc.
Au lieu d'Alléché, mettez Attiré, et le vers cesse
d'être pittoresque. Le mot de Lafontaine me peint
le renard presque jouissant du plaisir de manger
le fromage qu'il convoite au pied de l'arbre :
l'odeur lui en donne déjà le goût. S'il est des
personnes qui refusent de rajeunir ce mot , je
dirai avec le même Lafontaine :
J'ai regret que ce mot soit devenu trop vieux :
Il m'a toujours paru d'une énergie extrême.
Allégoriste. Les honnêtes gens doivent rem-
barrer avec vigueur les médians Allégoristes qui
trouvent dans la tragédie des Guèbres, des allu-
sions odieuses. Ces gens-là ne sont bons qu'à com-
jnenter l'Apocalypse. [Voltaire.)
Allègre. Riant au visage. Il est moins beau
que son frère 5 mais il a la figure plus Allègre.
AlLIANCER. («') Il était jeune, il était probe;.
il cessa de l'être en s'Alliançant avec des corrup-
teurs fourbes et polis.
Allumelle. Lame de couteau, ce qui tranche.
Tout ami de la table ne doit pas marcher sans
sou Allumelle en poche, et bien affilée.
A I. O 1^5
Allusionner. C'est le mérile des meilleurs
écrivains. Juvénal ,. Horace , Voltaire ne font
.qu'Allusionner çlan^ Jeurs écrils; et c'est ainsi
qu'ils aiguillonnent l'esprit 4iL lec-leur ^ ils fpn^
toujours plus eatend,re qvi'ils ne disent: Allusioi^
ner dans la cguver^aliû»i, c'est .la nourrir, atta-
cher l'audileur, et l'intéresser sans relâche.
Pour bi'èrl éôfnpVendre "Tes àSileurs anciens , il
faut savoir qu'ils Allusionnoient très-fréquemment;
si l'on manque d'éLudjes à c^t.i^ëJiî'^.s'^''''!^*^ i^^*^^"
sible de les bien goûter. .; ■,(.;. ^ i.ii) ;o... O
Atoi. Elle était belle, fei^lVé^yi^î^'efle lia
parut être die trop ba-s^Alt»î"^paa'r'qd*il*Se délér-
minât à l'épouser.
AT^ouETiL/e perfide cliasseur se glisse derrière
^nn buisson épais : il a vu, il ajuste, jl fait tom-
ber le jeune AT oiiet, qui, d'nn.cbant.gai,et d'une
aile légère, s'élançait vers ralôuette, otjet de ses
■■ ' i;.? . >';;... . j:.iiiMiiiiï .- --.Au/ .V^-^
amours. ^ . • j ^
Alourdir. Il faut que. le^.jdeux épowx soiçpt
.toujours indépendans 1,'u.u de l'autre, pourivivre
toujours unis. Il fau't que, les, mêmes soins qui ont
formé lenr, o^îne, la Tendent^; chaque jour,: plus
légère. Alourdie, sans cela, par les- inquiétudes
du ménage, par le .çlégoût , prod-n^^. de la jouis-
sauce, et par l'inconstance naturelle,, .cette çliaîaie
deviendrait bientôt un .tourment q.u^ils, parla-
gera^iei^l-yé^^lement. {J^M- J^G^wm.)- . _ r
■84 A M A
Al+EP^CÀTS. Sur ce.^ Allercats de paroles, ils
aortirenl , et ne furent pas' plutôt au parvis ?
■qu'ils mirent l'épée à la main. Comme leurs épées
étaient éourfes, et qu'ilis sechargeaient sansme-
sure, ils s'entre ferrèrent tous deux. On les porta,
eflcore pautélans j chez le même fchirurgien,
r Amabiliser. La société des femmes Amabilise
un homme.
~ '- Amatrice. Lemot Amatrice èst-il français ?
Ce niot qui, dans les cerele.s , fournit tous les
jours-une occasion de dispute grainmaticale, a été
l'objet d'un lojpg déjbat dont je .vais exposer Içs
détails. ^ ' ;. ^^„:^
Une Lyonnaise aussi instruite qu'aimable , ma-
dame Géramb la cadette, consulta M. Grandieau,
maître de langue , sur le. mot Amatrice 5 il répoiy-
"dit ^ « Madame , je serais fâché que vous spu tins-
siez qu'Amatrice est français ^ ce mot est un vrai
barbarisme : Amatrice et Autrice ne valent pas
iîïieùx^ l'un que l'autre;
« Quant à la règle que vous me demandez , elle
est toute simple^ la voici : Le mot x\matrice ne
fut jamais français , et je doute qu'il obtienne ja-
mais des lettres de naturalité. ^
<f Enfin, on dit une femme Amateur , comme ou
dit une felTime Auteur. J'ai l'hontieur d'être , etc.
Et-sur ce qu'on lui objecta que Linguet em-
ploie cette expression, il écrivit une seconde lettre
eu ces termes :
A M A 25
«Madame, je propose cent louis d'or contre
dix, a ceux qui vealeiil iqu'AinaLrice soit fran-
çais. M. L.ingiieL a sans doute beaucoup d'esprit,
personne ne Je lui conîestera ; mais je ne puis lui
pardonner cVétrenêologue. Si l'on s'obstine encore
à vouloir cju'Araatrice soil français, mêliez sous
les yeux des partisans du néologisme, tous les
Dictionnaires français depuis Joubert , jusqu'à
celui de TAcadémie; vous n'avez pas de meilleur
moyen de les convaincre cVignOrance dans la
langue française. Non, madame, non, ce mot
n'est pas français. Linguet est le premier qui ait
^osé le hasarder, et j'ose vous assurer qu'il ne fera
pas fortune. J'ai l'honneur d'être, etc.
Un Allemand versé dans noire langue, M. Hils-
cher , ne se sentant ni séduit par le ton de
M. Grandeau , ni entraîné par sa logique , appela
dé cette décision à M. Linguet , et motiva ainsi
\ son appel :
^ (i Amâlrîce est français, parce qir'il est ana-
logue au génie de la langue ; on dit :
Acteur Actrice.
Ambassadeur Ambassadrice.
Brenfaiteur . . Bienfaitrice.
Consolateur C^onsolatrice.
Créateur Créatrice.
Directeur Directrice.
Electeur.- . . Electrice.
' Fondateuif. ■ ; .' « ..... Fondatrice.
26 A M A
Producteur Productrice,
Protecteur Protectrice»
Spectateur Spectatrice.
Tuteur Tutrice.
Usurpateur Usurpatrice.
«On doit donc appeler Amatrice, iine femme
qui aime les arts , comme on appelle Amateur , un
homme qui aime ce goût.
«L'auteur d'Emile et M. Linguet ont con-
sacré ce mot en l'employant.
« Mais ce mot n'est pas dans le Diclioiinaire de
FAcadéraie française. — Je réponds que la langue
française étant une langue vivante , peut acquérir
tous les jours. Créatrice n'est pas dans le Diction-
naire de l'Académie , cependant Créatrice- est
français. *
« Si l'on objecte qu'Araatrice peut donner liçit
à une équivo(pie , je répondrai que le seaisla sauye
toujours , et qu'un mot ne doit pas être^ exclu
d'une langue , parce que des esprits frivoles peu-
vent en faire un mauvais calembourg*
« Enfin, si Ton ne dit pas une femme Autrice ,
c'est qu'nne femme qui fait lui livre, flîst une
femme extraordinaire; mais il est dans l'ordre
qu'nne femme aime les spectacles, }c\ poésie , etc.
comme il est dans l'ordre qu'elle soit Spectatrice. »
Telles sont, en abrégé, les raisons qu'exposa
M. Hilsclier , dans sa lettre à \J. Linguet.
L'Auteur des Annales ( n°. 5j ), est entière-
A M A 27
ment de son avis. « Si j'osais ajouter quelque chose
à ce que vous avez si bien développé, poursuil-il ,
je dirais qne, puisque M. Grandeau en appelle aux
Dictionnaires et à l'Académie, sa femme Amaleur
est un vrai barbarisme , dont il ne trouvera la
justification nulle part. L'usage a douné les deux
sexes au mot Auteur; mais il n'a pas fait encore
la même faveur à l'autre. Si c'est blesser la langue
que de dii-e d'mie dame sensible à la beauté
des arts , qu'elle est Amatrice , l'appeler femme
Amateur , c'est blesser à la fois la langue et
l'oreille. »
« S'il m'était permis de jouter avec un liomme
qui se met de si mauvaise humeur quand on n'est
pas de son avis , et qui veut que la règle soit de
penser comme lui , je prendrais la liberté de lui
remontrer qu'il n'a pas une idée juste de la signi-
fication des mots qu'il emploie. Par exemple , il
mereproche du néologîs??ie. Quand, en effet , Jean-
Jacques et moi nous aurions tort ici , le reproche
serait injuste, et l'épithète mal appliquée : ce n'est
pas l'usage hasardé en passant, même d'un mot
nouveau, qui suffît pour fonder l'accusation de
néologisme. Corneille a pris souvent cette licence,
à la vérité sans succès : son invaincu , et bien
d'autres mots qui manquent à notre langue, et
qui n'auraient pas pu avoir un père plus illustre ,
ont été rejetés par un «aprice de l'usage; mais eu
ne les adoptant pas^ on n'a pas fait à Corneille le
28 A M A
reproclie de parler un langage nouveau. Ce n'est
pas en effet une expression isolée, quoique répré-
hensible, qui peut y exposer. »
Une société d'amateurs de la langue française
craignant que Linguet n'eût penché pour Ama-
trice, parce qu'il avait employé lui-même ce mot,
désira connoître mon opinion 5 je fis cette réponse :
« Pour décider si Amatrice est français , si en
l'employant on est néologue , il faut d'abord se
faire une idée du néologisme, qu'on ne doit pas
confondre avec la néologie.
« Ces deux mots ont un point de vue commun ,
en ce que l'un et l'autre signifient mot noiipeau ;
mais ils portent une empreinle particulière à la-
quelle on ne peut se méprendre. La néologie est
l'art déformer des mots nouveaux pour des idées
ou nouvelles ou mal rendues. Le néologisme est la
manie d'employer des mots nouveaux sans besoin
ou sans goût. La néologie a ses règles ; le néolo-
gisme n'a pour guide qu'un vain caprice. La pre-
mière donne de l'embonpoint à la langue; l'autre
est une superfétalion stérile, une bouffissure ridi-
cule. Sans doute, comme le dit Horace, il a tou-
jours été , il sera toujours permis de se servir de
mots nouveaux; ceux qui sont anciens pour nous,
n'ont-ils pas été nouveaux pour nos pères ? Mais
les lois de la néologie veulent que tout mot nou-
veau soit ou nécessaire ," ou plus expressif que
celui dont on se servait , qu^il dérive d'une langue
A M A 29
polie, connue, et prenne la teinte de celle qui
l'adopte. Incohérence , incohérent , insignifiant ,
insouciance , ame aimante , gloriole , ligne de clé-
inarcation , aérostat, aéronaute , sont des mots
nouveaux qu'avoue la néologie, et que recueille-
ront les bons Dictionnaires. Etre bien cduqué y
égaliser, sont des néologismes, parce que nous
avons élèverai égaler. L'Impasse de Voltaire, qui
est noble, sonore, expressif, aurait prévalu sur
cul-de-sac qui n'a aucune de ces qualités, si l'idée
qu'on veut exprimer par un de ces mots , était du
district des poètes ou des orateurs : la vorx po-
pulaire , en cette occasion ^ impose silence à la
néologie qui le réclame. On ne voit guère de
néologisme que dans les auteurs frivoles et sans
talent; mais dans l'écrivain de génie, l'impétuo-
sité de ses idées le force à des laconismes qui
n'ont point d'expression reçue. La néologie ap-
prouve ces hardiesses heureuses , et la langue
s'enrichit.
« Maintenant examinons le mot Amatrice.
A-t-on besoin de ce mot ? dérive-t-il d'une langue
polie ? est-il en rapport pour sa formation avec
d'autres mots de la langue ? l'oreille enfin l'ap-
prouverait-elle , si, réclamé par le besoin, il était
indiqué par l'analogie ?
Depuis que les femmes cultivent leur esprit,
depuis qu'à l'empire de leurs charmes elles ajou-
tent celui des connaissances en tout genre, de-
3o A M A
puis qu'elles aiment les lettres et les arts^ il nous
faut un iTiot doué de l'inflexion féminine pour
rendre cette nouvelle idée , et le mot est Ama-
trice. «AParisjdil J.J.Rousseau (Emile, p. i-'S),
le riche sait tout; il n'y a d'ignorant que le pauvj e.
Cette capitale est pleine d'Amateurs, et sur-tout
d'Amatrices qui font leurs ouvrages , comme
M. Guillaume fesait ses couleurs.)) Ce mot, comme
on voit, est tombé de la plume de J. 3.; Linguet
l'a employé et défendu. Tous les écrivains dont
le style a de l'abandon, dont la verve est féconde
en pensées fortes et précises , ont souvent besoin
de mots nouveaux qui les peignent.
Amatrice vient du latin amatrix , et de Titalien
Amatrice.
Les analogues d'Amatrice sont sans nombre ;
directeur, directrice; consolateur, consolatrice j
curateur, curatrice; et par conséquent, amateur,
Amatrice. Ce mot , au moment du besoin , se pré-
sente de si bonne grâce qu'il est impossible de
l'écarter.
L'oreille enfin doit approuver dans Amatrice,
la désinence qu'elle approuve dans directrice ,
actrice , tutrice , etc. Ce n'est pas un son nou-
veau pour elle , c'est même ini son qui lui plaît
particulièrement; car ayant à choisir entre chan-
teuse et cantatrice , elle préférera toujours can-
tatrice dans le style noble, c'est-à-dire , dans I9
style 011 elle aime le plus à exercer son empire.
A 3.1 A 5r
Je suis donc d'avis que le mot Amatrice, solli-
cité par le besoin , avoué par le goût parfaitement
analogue, ayant des patrons recommandables, cir-
culant déjà parmi les personnes qui parlent bien,
est frappé au coin des meilleurs mots français.
J'en ai assez dit pour les esprits justes; mais
comment persuader ceux qui, n'ayant pas même
le mériie de l'invention , viennent niaisement
jouer sur le mot, et, tourmentant la syntaxe, en
ne fesant pas une ellipse qu'elle commande , et
la prononciation , en coupant en deux un mot in-
divisible , commettent une double faute , pour
arriver enfin à un misérable calembourg ? Ce-
pendant ils entraînent la petite coterie : trop scru-
puleuses pour se dire Amatrices, les dames se
proclament Amateuses , malgré l'analogie , et
Amateurs , malgré le sexe.
Construisons et prononçons Amatrice , comme
la raison veut qu'il soit construit et prononcé :
cette société est composée d Amateurs et d'Ama-
trices^les Amateurs ont du talent ; les Amatrices,
des grâces et du goût. INi cette pbrase , ni celle
de J. Jacques , ne sauraient donner lieu à une
mauvaise plaisanterie. Notre langue fourmille de
mots qui, dans quelques syllabes, o firent à la
frivolité attentive , une image ridicule et obscène,
tandis que le mot total et les expressions environ-
nantes présentent le véritable sens aux personnes
raisonnables.
52 A M B
Je ne me flalte pas non plus cle convertir ces
vains puristes que la voix de la raison touche
moins que le silence cle l'Académie sur le mot
Amatrice , preuve, ou qu'il a été omis par elle,
comme trois ou quatre cents autres mots, ou qii'il
n'a pris naissance que depuis la dernière édition
de son Dictionnaire. L'académie ne crée pas les
mots; son emploi esl d'enregistrer ceux que l'usage
autorise. Un mot est donc français avant qu'il
soit inséré dans son Dictionnaire; et si, par oubli
ou par dédain , elle se taisait sur un mot reçu, sur
un mot qui fait généralement plaisir, les écrivains
l'emploieraient sans le moindre scrupule, et l'ob-
servateur philosophe dirait, en parodiant les vers
de l'académicien Boileau :
L'académie en corps a beau le rejeter,
Le public révolté s'obstine à l'adopter.
( Urbain Domergiie. )
Ambages. T1 parle, il parle, il fait naître des
Ambages qui, loin d'éclaircir , ne font qu'em-
brouiller. Ce mot latin est adopté dans plusieurs
langues.
Ambrer. Le maréchal de Richelieu fut le pre-
mier, en France, qui sut Ambrer le vice.
Ambroisier. Non, ce n'est point à Tamour,
c'est à l'amitié tendre et constante d'une femme
qu'il appartient d'Ambroisier notre vie.
Oui, ta main, en me l'offrant , Ambroisie cet
amer breuvage.
Ambulance.
A M O 55
Ambulance. L'empereur Joseph ii se plai-
sait dans son Ambulauce.
Ambuler. Ambulons , mes amis ; le temps est
beau , frais et pur.
Cetle expression pourrait remplacer le pi-o-
xnenons-nous.
Il y a tel homme à Pai-is qui ne fait qu'Ara-
buler, du matin au soir, sur les boulevards , sur
Jes quais ; c'cst-là tout son emploi et sa délec-
tation.
Amenuisée. Oui, mon amante, oui, ta taille
Amenuisée par les doigts de l'amour est encore
le inoindre de tes charmes.
Amertumer. Je ne sais quel est son langage,
mais tout ce qui sort de sa bouche Amertume
mon ame. Il ne faut qu'un lien mal tissu dans la
jeunesse , pour Amertumer la vie entière.
Amignoter. Amignoler une tante pour avoir
sa succession. Amignoter un homme en place
pour obtenir quelque chose de lui.
Amignoler un eufant , une maîtresse ; les gâter
et leur préparer des chagrins quand l'âge viendra,
et quand l'illusion sera dissipée.
Amoindrir. Le gouvernement sage des nations
modernes n'a jamais souffert sur nos théâtres
de drames licencieux comme ceux d'Aristo-
phane et de ses prédécesseurs, ni de danses comme
Tome /. C
54 A M U
ces Pyrrhiques obscènes si courues des Romains.
Tout se l'cssent cliez nous de celte excessive dé-
licatesse qui ne veut que des couleurs douces , qni
tempère le terrible, qui Amoindritle gra,nà. (Rétif.)
Amolier. Rendre plus doux. Le théâtre est fait
pour Amolier les âmes dures et trop sévères.
Amorçotr. Regardez donc toutes les mines
que fait cette courtisane dans sa loge , comme
elle les varie ! Amorçoir pour les niais ou pour les
imprudens.
Amourer. Ainsi que cet excellent homme qui
a imaginé le mot Bienfesance , naturalisé depuis
parmi nous , j^adoplerais une expression qui put
rendre , soit la convenance, soit le rapport qui se
rencontre quelquefois entre deux personnes de
différent sexe. Aimer , chérir, adorer , ont leur
signification ; c'est Amourer que je voudi'ais.
Ceux qui se livrent à l'étude , à la gloire, aux
grands objets , n'ont pas le temps d'aimer une
femme , mais ils peuvent l'Amourer.
Amphores. Mettez sur ma table ces deux Am-
phores de cristal, versez-y le vin rouge, rien n'est
plus agréable à l'œil : je veux bannir l'iguuble
mot bouteille.
Amplier. Augmenter sans retenue. Il est sans
:>esse à Amplier tout ce qu'il entend.
Amus\elc. Ah î ma nièce , disait la veuve
A N C 55
Scarron , devenue reine de France,, si vous saviez
ce que c'est que d'avoir à Amuser tous les jours un
homme quin'est plus Amusable! (M^. Maintenon.')
Amuseur. Jeime fille, n'écoutez pas ce léger
Valcourt^ il n'est qu'un /\rauseur. (Z/**. )
Amusoir. Vous parlez de la loi , de la loi qui
est au-dessus des rois j ce sont là des Amusoirs.
Où tiouver une loi sans interprèle, et des inter-
prèles sans le poignard à la inain? C'est toujours au
nom des lois qu'on opprime le faible. {JLaB.deFer.^
Amusoir. Le Palais-Egalité, dit Palais-Royal,
qui a déjà changé de nom tant de fois, est un
Amusoir unique au moude.
Anarchiser. Quel a été le but constant de
nos ennemis? De mettre tout en confusion parmi
nous, d'Anarchiser la France, afin qu'il n'y ait
aucun gouvernement, et qu'elle leur oifrit une
conquête aisée : ils ont créé, soudoyé, encouragé
les anarchistes, qui ont vu ou qui n'ont pas vu
le piège.
Ancelle. Petite servante. Il a pris une an-
celle , son ménage n'exigeant pas un Hercule
féminin.
Ancrer. Ce valet, on ne pouvait pas d'abord
le souffrir; mais le voilà Ancré dans la maison,
il n'en sortira pas.
C 3
56 A N G
Anecdotiser. Rassembler des anecdotes.
Quand c'est l'emploi d'un homme d'esprit, rien
-de plus piquant; quand c'est l'œuvre d'un sot,
l'anecdotier n'est plus qu'un triste compilateur.
Tel ramasse des paillettes d'or , tandis qu'un
autre n'est qu'un chiffonnier.
Anecdotomanie. Manie de raconter, de re-
chercher, de compiler des anecdotes. Un anec-
dotomane sans esprit n'est qu'un puérile, un sot
et fatigant narrateur.
Anglomaniaque. Dans un voyage queGarrik,
l'acteur le plus fameux de Londres, fit à Paris,
tous les Anglomaniaques de cette capitale l'eni-
vrèrent d'adorations. {Linguet.)
Anglomaniser. Depuis qu'il j a un embargo
«ntre la Tamise et la Seine , dites-moi si vos
Parisiens ont encore le ridicule d'Anglomaniser
dans leurs modes, et jusque dans leurs plaisirs.
Angoisse,
L'air résonne des cris qu'au ciel chacun envoie ;
Albe en jette d'Angoisse, et les llomains de joie.
On ne dit plus guère Angoisse, et pourquoi?
Quel mot lui a-t-on substitué ? Douleur , hor-
reur , peine, affliction, ne sont pas des équi-
\-alens : Angoisse exprime la douleur pressante et
1a crainte à la fois. {^Voltaire.)
Angoissée., « Je vivrois de la seule présence
A N I 5j
'i< des personnes saines et gayes. "La veue des ru-
« goisses d'auLruy m'Angoisse matériellement. Un
« loiisseur continuel irrite mon poumon et mon
w gosier. » (Montaigne.)
Angot. (madame) Madame Angot a eu plus
de représentations que Tartuffe : ce n'était pas
le mérite littéraire qui attirait le public. Au sortir
d'une révolution qui avait dérangé tous les états,
les rentiers, ceux qui avaient perdu leur fortune,
jouissaient d'une vengeance innocente en riant
aux dépens d'une enrichie. Mais madame Angot
a un trop grand avantage sur les gens de son
espèce; elle a de la sensibilité : si elle leur res-
semblait davantage , le mot de madame Angot
deviendrait substantif qualificatif, comme celui
même de Tartuffe. (L**.)
AxGUiLLOMEUX. Je vous dis que c'est un
homme d'un caractère rusé, fin, Anguillomeux;.
prenez-y garde,
Mazarin avait un esprit Anguillomeux ; la
Fayette aussi : dans tout ce qu'ils fesaient, il y
avait toujours quelque anguille sous roche.
Angustié. Passage Anguslié. Il chanta mal
ce jour-là , ayant le larynx Angustié.
AnilLtES. Béquilles de vieilles décrépites. De
anus , vieille.
Animaliser. Desnalui'alistes audacieux avaient
C 5
58 AN T
préparé le règne de ces pliilosoplies coupables
qui veulent tout expliquer par les sens corporels,
qui veulent tout réduire à des opérations pure-
ment physiques ; funeste philosophie qui n'a
cherché qu'à Animaliser l'homme I
Animateur. Quel est le principe Animateur
de l'univers ? Dieu ! Adorons I
Annualité. 3e me résume en deux mots :
Annualité de l'Assemblée nationale, Annualité de
l'armée, Annualité de l'impôt, responsabilité des
ministres; et la sanction roj^ale, sans restriction,
éci'ite, mais parfaitement limitée de fait, sera le
palladium de la liberté nationale, et le plus pré-
cieux exercice de la liberté du peuple. [Mirabeau.)
Anomal. Sans règle, irrégulier. Jamais il ne
faut dire d'un homme, c'est un animal, injure
grossière; mais l'on peut dire : c'est un Anomal,
d'après le mot grec.
Anthologe. Urbain Domergue dit avec rai-
son que l'analogie le réclame. On coimaît l'an-
thologie grecque. xMonnet nous a donné un re-
cueil de chansons dans tous les genres, depuis la
plaintive romance jusqu'aux couplets un peu
graveleux des habitaus de la halle, sous le titre
è^ylnthologie française y et Monnet est un Antho-
loge.
Anti-despote. Ma partialité pour la France
A P A 5^
est tellement enracinée dans mon cœur, que, lors-
que j'ai fait dans la suite, à Paris, V Anti-despote ,
le fier républicain , je sentais, en dépit de moi-
même, une prédilection secrète pour cette même
nation que je trouvais servile, et pour ce gouver-
nement quej'affectais de fronder. {J.J.Rousseau.)
AxTiDOTER. Antidoter un breuvage. Antidoter
une action trop vive par des paroles douces. Anti-
doter une proposition hardie par des précautions
oratoires.
Antinomie. Contrariété de lois.
Il est impossible, dans le commencement de!)
grandes révolutions ^ d'échapper à l'Antinomie j .
c'est ce qui les rend terribles et redoutables.
Antiphraser. Faire des phrases contraires à
la construction que la grammaire et la syntaxe
prescrivent. Nous avons adopté antiphrase^ pour-
quoi rejetterions-nous Antiphraser, Anliphraseur?
Antropophagier. Dans le sens littéral , ce
mot nouveau signifie manger des hommes ; dans
le se)i3 figuré, il signifie régner, Homère appelle
les rois, des mangeurs d'hommes.
Apater. Prenez garde, bons républicains, les
royalistes ne chei-chent qu'à vous Apàter: méfiez-
vous des discours et des promesses de tous ces
apàteurs.
C 4
4o A P O
Apenser. Faire quelque chose après y avoir
bien pensé, de propos délibéré. Apenser un forfait,
Apertise. DextéiiLé , capacité. On dit Aper-
tise d'armes ; son Apertise est connue : on ne sau-
rait, d'après cela , lui refuser la place qu'il sollicite.
Aphonie. Extinction de A^oix. Cette célèbre
cantatrice a été surprise d'une Aphonie.
Apocryphité. Volney , dans son ouv^rage in-
titulé les jRwme'*, suppose que les sectateurs de
toutes les religions sont assemblés dans une vaste
plaine , et qu'ils y discutent les motifs qu'ils ont
pour adopter leur croyance particulière , et re-
jeter toutes les autres. Il ajoute. . . « Et les divers
«partis se démontrant réciproquement de# con-
« tradictions , des invraisemblances, des Apocry-
« phités, s'accusèrent mutuellement d'avoir établi
« leur croyance sur des bruits populaires , sur des
« traditions vagues, sur des fables absurdes, in-
« ventées sans discernement , admises sans cri-
« tique par des écrivains inconnus , ignoraus ,
« ou partiaux à des époques incertaines ou
¥. fausses. » ( V^olney. )
Apostoliser. Fauchet était d'un caractère à
ne pas rester oisif au milieu d'une révolution 5 il
était même fait pour Apostoliser , s'il avait vécu
chez un peuple neuf. ( Bonneville. )
Apothéoser. Voulant ridiculiser l'Apothéose
A P P 4i
(-le Voltaire , j'ai du dire Apolliéoser , Tauleur de
la Pucelle Apothéose; et voulant aussi me moquer
de cette fausse sensibilité e ivers les morts et de
tant de larmes simulées , j'ai dû créer le mot sen-
siblerie, qui restera : je fais ma langue.
Apparager. («') Se comparer à quelqu'un.
Quoi I Ajax à moi sApparage ! ( Borel. )
Apparieuse. Fesant des mariages. Ce n'est
pas Appareilleuse. Une femme honnête est Appa-
rieuse pour l'intérêt de deux familles; mais une
Appareilleuse ! je rougirais de dire son synonyme.
Appartenir. (6') Henri iv demandant à un
homme, à quel homme il Appartenait, en reçut
pour toute réponse A moi. Ce mot, digne
d'un Spartiate par son laconisme et sa fierté,
blessa l'orgueil royal.
Appeaux. L'oiseleur vint avec ses Appeaux
surprendre Foisillon.
Appercevance. Les (Suvres de Crebillon fils
sont pleines d'Appercevances fines sur le cœur
des femmes, qu'il nous importe tant de connaître.
AppÉtance. L'Appétance du palais devient
plus vive chez un convalescent.
AppÉTER. Tout en admirant la bravoure dans
\es autres, ce roi n'eut pas ce ferment du sang qui
fait Appéter la gloire. ( Mirabeau. )
42 A P P
Applaneur. Tous ces arts dont les procédés
nous émerveillent aujourd'hui , ont eu leurs pre-
miers Applaneurs.
Appointer. « Soit que ce mot, dit Voltaire,
<( vienne du latin -punctmn , ce qui est très-vrai-
« semblable , soit qu'il vienne de l'ancienne bar-
« barie qui se plaisoit fort aux oins, soin, coin,
« loin, foin, ha rdouin , poing, alhouin, grouin, etc.
« il est certain que cette expression , bannie au-
«jourd'liui mal à pi'opos du langage, est très-
« nécessaire. Le naïf Amiot et l'énergique Mou-
« taigne s'en sei'vent souvent ; il n'est pas même
«possible, jusqu'à présent, d'en employer une
« autre.
« Je lui Appointai l'hôtel des Ursins. A sept
«heures du soir, je m'y rendis, je fus désap-
« pointé. — Comment expliquerez -vous en un
« seul mot le manque de parole de celui qui
« devait venir à Tiiôtel des Ursins , à sept
« beures du soir, et l'embarras de celui qui est
« venu , et qui ne trouve personne ? A-t-il été
« trompé dans son attente? Cela est d'une lon-
« gueur insupportable , et n'exprime pas précisé-
«ment la chose. Il a été désappointé; voilà le
«mot. Servez -vous -en donc, vous qui voulez
« qu'on vous entende vite ! Vous savez que les
« circonlocutions sont la marque d'une langue
« pauvre. Il ne faut pas dire : Vous me devez cinq
A F T 45
<( pièces de douze sous , quand vous pouvez dire :
« Vous me devez un écu. »
Appréciatrice. Heureux qui possède ceLle
philosophie Appréciatrice de. toutes clioses I
Approfondissant. Une méditation vague ou
légère ne caresse que la surface des objets; mais
si la méditation est constante, elle devient Ap-
profondissante.
Approprié. Elle balaya mon taudis , sans
égard pour les gazes , les blondes et une robe
neuve de taffetas blanc qui la couvrait, et eu
quelques inslans, je fus à mon aise et Appro-
prié. (RélJf.)
Appuyoir. Vient d'appuyer sur une chose.
On peut faire de son ami un Appuyoir, mais
non au point de le renverser.
Aprivoisable. Ce bijou-là (Ursule, dans le
Paysan perverti) a trois vertus au lieu d'une.
La vieille et décrépite vertu de madame Canon,
aussi revêche, aussi rauque que Cerbère: la vertu
aigre-douce de ma femme, et sa jolie petite vertu
à elle, qui, je crois, serait aussi Aprivoisable
qu'une autre, sans les deux apuis qui i'étayent
si bien. (Rétif.)
Aptumiste. Propre à tout ou à beaucoup de
choses.
41 A R B
Pic de la Mirandolle était un Aplumiste en
fait de sciences. Adressez-A^ous à cet homme, il
connaît centre et surface; il vous satisfera dans
quelque genre que ce soit : il a servi, voyagé,
c'est enfin un Aptumiste.
Arable. Tel décret de l'Assemblée national©
est un acte de bienfesance immortelle qui in-
fluera sur les siècles à venir. Oui, la seule des-
truction du gibier et des capitaineries augmen-
tera pour le moins le produit des terres Arables
de près de trois cent millions, et tous les pro-
duits territoriaux, pris ensemble, de près du
double.
Aranéeux. Il n'est pas rare de trouver chez
un poète, un plafond Aranéeux (couvert de toiles
d'araignée. ) ( Domergue. )
Arbitrer. Arbitrer une affaire à main année.
Arbuster. (verb. act.) Quand on possède un
jardin, on se plaît à l'Arbuster, à y planter des
arbres.
Arbuster, (verb. pass.) Le chemin de Lille à
Paris est bordé d'arbres de chaque côté. Peu de
grandes routes, en France, sont aussi bien Ar-
buslces.
Arbustif. Il y a celte différence entre les
vignes qui croissent en foule dans \cs cbamps ,
et les vignes Arbustivcs. en ce que les premières
A R D 45
sont soutenues par des échalas, et que les deinières
sont mariées à des arbres. {Domergue.)
Archaïsme. Usage des vieux mots. J'aime
l'emploi de l'Archaïsme , sur-tout en morale ,
parce qu'il favorise la peinture des mœui^s an-
ciennes et modernes.
Architecteur. On pourrait Teniployer pour
désigner un mauvais , un grosaier , un dispen-
dieux et un sot architecte comme il y en a tant.
Je hais l'Architccteur qui, privé de raison,
Fait le portail plus grand que toute la maison.
Architriclin. Maître-d'hôtel. J'ai vu l'Archi-
triclin du premier consul Bonaparte ; je l'ai
«alué de ce nom : il a ri, et m'a dit : Vous savez
donc un peu de grec :
Ard. Vous autres chrétiens delà la mer Bri-
tannique, vous avez plutôt fait cuire un de vos
frères , soit le conseiller Anne Dubourg , soit
Michel Servet , soit tous ceux qui furent Ards
fious Philippe n, surnommé le Discret, que nous
ne fesons rôtir un rost-bif à Londres. ( f^ollaire. )
ArdÉLION. On ne trouve dans le monde que
trop d'Ardélions. Je nomme ainsi \es gens qui
font les empressés , et se mêlent de tout sans
être bons à rien. Lisez Lafontaine.
Ardkr (ou ardre.) Brûler. Je l'appliquerais
46 A R G
à ce qu'on brûle publiquement. J'ai vu Aider et
flamber tous les orgueilleux simulacres de la
royauté et de la féodalité. Notre code criminel
Ardait les pédérastes.
Ardre. L'abbé de Prader est le plus drôle
d'hérésiarque qui ait jamais élé excommunié. Il
est gai, il est aima1)le , il supporte en riant sa
mauvaise fortune. Si les Arius , les Jean-Hus ,
les Luther, les Calvin avaient été de cette hu-
meur-là, les pères des conciles, au lieu de vouloir
les Ardre, se seraient pris par la main, et auraient
dansé en rond avec eux. (^J^oUaire.)
Ardue. Carrière Ardue et glissante. C'est une
question Ardue.
ArÉmÉti. Vieux mot de la langue, qui signi-
fiait tout à cette heure , maintenant. Il est doux,
coulant, joli : on pourrait le recréer Aréméti.
Argentier. Il fut l'Argentier de ce gros sei-
gneur, et je vous proteste qu'il est argenté au-
jourd'hui des pieds à la tète. Rien de plus dur
qu'un Argentier.
Argenture. Cette conversation brillante, ce
ton aisé, cette mémoire des idées d'autrui; tout
cela séduit d'abord : à la troisième séance, c'e^t
de l'Argenture.
Argumenteux. Ne doil-on pas nommer Ar-
A R I 4/
gumenteux , les écrits qui , privés du charme
d'une belle élociiLion , ne sont pleins que, i.** de
principes, 2.° de preuves, 5.*^ de conséquences?
Ne doit-on pas les comparer au modèle que les
statuaires et les peintres appellent un écorché, et
qu'ils étudient j dans leurs compositions, avant
d'y mettre les draperies ou les couleurs qu'elles
exigent?
Aridure. Sécheresse physique, L'Aridure de
son cheval^ de ses bestiaux, annonce qu'il ne
prend aucun soin de sa fei'me.
Arietteur. Je conviens que la musique n'est
pas seulement l'accent d'une langue, qu'elle peut
et doit exprimer d'autres choses que les passions
de l'ame, telles qu'une tempèle , le bruit d'un
orage, le ramage des oiseaux; mais je soutiens
que c'est la musique instrumentale seule qui doit
peindre ces choses à l'imagination; que c'est un
monstrueux abus de l'art, que faire chanter un
homme ou une femme comme une tempête mu-
git, comme la foudre roule et gronde, ou comme
les oiseaux gazouillent. Pour chanter en être rai-
sonnable, l'homme on la femme ne peut que suivre
l'accent de la passion qui l'agite. Ces roulades,
ces cadences que fait au théâtre Arietteu,r le joli
gosier des demoiselles Laruette , Colombe, etc.
sont des invraisemblances qui révoltent l'esprit
48 A R P
sensé, et ne peuvent plaire qu'aux musiciens qui
les ont faites , ou aux efféminés de Paris. [Rétif. )
Arietteur. Comme l'on s'est aperçu que le
jeu des comédies-ariettes était contraire au véri-
table aclricisme j on ne permettra, dans la reforme
du théâtre français, ni aux comédiens, ni aux
tragédiens de s'y exercer. L'on choisira parmi
les jeunes gens des voix agréables pour ce genre
particulier, et ces acteurs-citoyens ne seront que
des Arietteurs. (Rétif.)
Arietteuse. J'ai vu Colombe, cette belle ac-
trice Arietteuse.
Aristocractsme. C'est une secle ancieinie ,
dont riiérésie politique consiste à remettre dans
la main des grands l'autorité suprême du pou-
voir arbitraire.
Armenteux. J'ai dit d'un homme qu'il était
Agreux, lorsqu'il possédait beaucoup de terres;
je dis qu'il est Armenteux , s'il a beaucoup de
troupeaux, s'il est riche en bestiaux. {Domergue.)
Arpailleur. Nom qu'on donne à ceux qui
remuent les sables des rivières qui roulent des
paillettes d'or. Au figuré, constant plagiaire. Ce
poète n'est qu'un Arpailleur, qui va dépouillant
toutes les tragédies pour en composer ses hémis-
tiches. Voltaire n'a pas dédaigné quelquefois d'être
un Arpailleur. L«'abbé de Lisle, toujours versifi-
cateur, jamais poète , a fait toutes ses rimes srui5
avoir
ART 4g
avoir eu un seul iuslaut d'iurenLion ; c'est un
Arpailleur qui a mis à conlributioii et jDrose et
vers.
Akracjiement. Les Anglais payaient aux Sau-
vages du Canada, l'horrible ArracliemenL de la
peau du d'âne des Américains devenus libres.
AuRANGEUR. Les romans que les gens de lettres,
qui font les superbes, jugent frivoles, et qu'ils ne
savent point faire, sont plus utiles que toutes les
histoires. Reviendra-t-on toujours sur une éter-
nelle tragédie de Racine? Non, il faudra se plon-
ger dans les compositions vastes et intéressantes,
dans les romans anglais, dans les romans de l'abbé
Prévost. Eh I pourquoi ne lirais-je point avec
transport ce que de beaux esprits paresseux, uni-
quement occupés de mots, refusent de lire? Faut-
il que je ne prenne du plaisir que d'après leurs
décisions? Arrangeurs de mots, que m'importe
vos arides hémistiches!
Arrètement. L'arrêtement de la voiture vint
à propos pour que le jeune enfant ne fût point
écrasé.
ArrÊteur. Du temps du décem virât , il s'était
fait Arrèleur pour deux corsets par jour.
Arti ALISE. Toules ]es pièces faites depuis près
fie cent ans, sont fondues dans le vieux moule de
Tome I. D
5o A 11 r
noire tragédie française. Unités de lieu et de
temps observées selon toutes les règles sacrées;
conversations longues el froides, selon l'usage du
pays; personnages toujours debout; actes, scènes
coupées sur l'imniual)le palron de noLre Melpo-
mène Artialisée.
Artialiser. « Je ne recognois chez Aristote
« la pluspart de mes mouvemens. On les a cou-
« verls et revestus d'une autre robe, pour l'usage
u de l'escole. Si j'étois du métier, je nalurali-
« serois l'art autant qu'ils Artialisent la na-
« ture.» {Montaigne. )
Artilleuse. Femme usant d'artifices. Son
oeillade est bien Artilleuse. (Borel.)
Artisé. « Le valet de chambre d'un homme
« en place jouissait quelquefois ( sous l'ancien ré-
<( gime) de quarante mille livres de rente ; il
«avait lui-même un valet de chambre, lequel
« en avait un autre sous ses ordres. C'était le su-
« bal terne qui nettoyait rha])it, qui apprêtait la
« perruque Artisée de monseigneur. »
Artistes. Artiste-danseur, Artiste-comédien,
Artiste-ventriloque, Artiste-violon; et on a été
sur le point de dire aussi l'Artiste Montesquieu,
l'Artiste BufFon : mais le règne du mot Artiste
vient de finir, depuis le procès des Artistes-pou-
laillers de la Flèche, intenté aux Artistes-pou-
îaillei's du Mans.
A s s 5i
Ascendance. La justice et l'inutilité de mes
plaintes , dit Rousseau , me laissèrent dans l'arae
un germe d'indignation contre nos sottes institu-
lions civiles. Vue chose empèclia ce germe de $e
développer : ce fut le charme de ramitié qui
tempérait et calmait ma colère, par l'Ascendance
d'un sentiment plus doux. (J. J . Rousseau.)
AsCENDRE. Monter; de ascenâfre , monter sur
la montagne : comme cela est plati Ascendrela
montagne , les Alpes ; quand j'ai vu l'aérostat
Ascendre au firmament, j'ai reçu une sensation
toute nouvelle.
AspiUER. Corneille a dit :
Et monté sur le faite , il Aspire à descendre.
Racine, dit Voltaire, admirait ce vei\s , et le
fesait admirer à ses enfans : ce mot Aspire, qui
d'ordinaire s'emploie comme s'Elever , devient
une beauté frappante , quand on le joint à des-
cendre.
AsPREUR. Aigreur dans l'esprit ou dans le dis-
cours. Pourquoi les érudits , les antiquaires, les
commentateurs, glossateurs, ont-ils dans leur
style et leur parler, plus d'Aspreur que les autres
hommes.
Assagir. Montaigne dit : « Je suis envieilli de
«< nombi-e dans , depuis mes premières publica-
D 3
J
52 A s s
« tions ( de ses Essais ) ; mais je fais doute que je
« sois Assagi d'un pouce. »
Nous disons , nous , au lieu d'Assagir , devenir
plus sage , et voilà trois mots pour un; ce qui nuit
à la rapidité du style, qui devrait contenir autant
d'idées que de mots , dans une langue perfec-
tionnée.
Assainir. Avec le secours du feu , ce puissant
élément, l'hoiume a nettoyé, Assaini , purifié les
terrains qu'il voulait habiter.
L'art d'Assainir les murailles des maisons nou-
vellement bâties , n'est pas à dédaigner.
Assainissement. On ne peut douter que les
dispositions faites par le général Friant , pour
l'Assainissement d'Alexandrie, n'aient beaucoup
contribué à y empêcher la peste. ( ID. Costaz. )
Assassin ATEUR. Oreste fut l'Assassin de sa
mère, et Pyri'hus , l'Assassinateur de Polixène.
Parmi cette horde d'Assassins , il fesait le mé-
tier d'Assassinateur.
Assassine. L'épithète d'Assassines n'avait ja-
mais été doimée aux dames jusqu'ici ; mais
puisque vous le voulez , Fulvie ( dans le Tiium-
virat ) est Assassine. ( Voltaire. )
AssASSiNEMENT. Ce mauvais chirurgien de vil-
lage , avec ses ferremeus et son indextérité, n'est
A s s ^
pas coupable d'un Assassinat , soit , mais bien d'un
Assassinement.
AssELLER. Aller à la selle. Si le bon goût ne
sourit pas cà ce mot , la justesse et l'analogie le ré-
clament. ( Louis Verdure. )
Assener. « J'apperçois, ce me semble, es écrits
« des anciens, que celui qui dit ce qu'il pense,
« l'Assène bien plus vivement que celui qui se
« contrefait. Que Cicéron, père d'éloquence , traite
« du Mépris de la mort , que Sénèque en traite
« aussi, celui-là traîne languissant , et vous sentez
« qu'il veut vous résoudre de chose de quoy il
« n'est pas résolu. » ( Montaigne. )
Assemblée. Terme général qui convient égale-
ment au profane , au sacré , à la politique , à la
société, au jeu, à des hommes unis par les lois ,
enlin à toutes les occasions où il se trouve plu-
sieurs personnes ensemble.
Cette expression prévient toutes les disputes
de mots , et toutes les significations injurieuses
par lesquelles les hommes sont dans ITiabitude de
désigner des sociétés dont ils ne sont pas, {Voltaire.^
AssERVissABLE. Les puissances coalisées cru-
rent que les Français n'ayant plus ni rois , ni par-
lemens, ni chefs nobles pour conduire les armées,
seraient Asservissables sans de grands efforts.
AssERVissANT. En fait de poésie et d'ouvrage*
D 5
• U A s s
d'imagination , j'invite tous les poètes à écrire de
verve et de furie , comme disait Montaigne , et à
dédaigner les règles Asservissantes sous lesquelles
on a voulu contraindre le génie, nul s'il n'est lui-
même.
AssoDE, Homme rompu de maladies , et qui
s'abandonne lui-même. 11 fut courageux dans les
pi'emiers accès du mal ; mais bientôt en proie à
l'inquiétude , il devint faible et Assode 5 rien ne
put le tirer de cet état.
Assombrir. Ce monopoleur homicide de tant
d'Indiens qu'il avait affamés ( lord Clive "^ . avait
beau voyager avec ses richesses , s'environner à
table de convives nombreux , appeler la musique
et la danse , porter ses regards sur les plus déli-
cieuses campagnes , quand il voulait jouir de ces
différens objets, le remords s'élevait dans son cœur,
et venait Assombrir pour lui toute la nature.
AssoMBRissEMENT. L'Assombrissement subit
de son front décèle la peine qu'il ressent dès
qu'on touche à pareil article.
Assombrissement. Cet événement aussi triste '
qu'imprévu, le plongea dans cet Assombrissement
de l'ame qui couvre tous les objets d'un voile
lugubre.
AssoTER, V. neu. Rendre sot. Quand la na-
liire fait lin sot , il a encore une certaine grâce;
A s T 5f,
mais un sol par les livres n'en a aucune. Voilà
pourquoi ou voit les régens , les pédans , le.i
académiciens , les grands parleurs , Assoter des
hommes qui ont infiniment plus d'esprit qu'eux.
Un sot prince, par un air imposant, pourrait
Assoler un Lafonlaine, un J. J. Rousseau.
AssouPLiTi. Qui n'a pas été curieux de voir
dans une affinerie , vme masse de fer énorme
^'on tourne en tous sens, posée sous un épou-
vantable marteau qui pèse plus de huit cents
livres , et dont les coups s'entendent à plus d'une
lieue de distance ? I/homme semble se jouer , à
l'aide d'un courant d'eau, de ces masses de fer;
il les dompte , il les Assouplit , il fait passer la
barre par des filières, et la métamorphose en un
fil qui approche de la ténuité des cheveux.
Assureur. C'est un Assureur défaits plus ab-
surdes les uns que les autres. Assureur de nos re-
vers , il garde le silence lors de nos victoires. Qui
vient de loin , se fait Assureur de mensonges ;
mais il ne tarde pas à recevoir un démenti. Voyez
les contradictions sur l'Egypte 5 tous , comme
Paul Lucas , avaient vu , et nul aujourd'hui n'a
vu. Plaisans Assureurs ,' permettez-nous de rire
un peu de vos Assuremene.
AsTiNE. Sotte querelle. Nous aurions bien du
conserver ce mot-là. Je le recommande à tous nos
D i
56 AT II
journalistes qui ne sont plus que des folliculaires.
L'Astine de deux médecins sur le pain mollet.
AsTUciER. Votre fils a un lieureux naturel.
Eloignez de lui ces sophistes dangereux qui ne
regardent la vertu que comme un jeu de l'imagi-
nation. Leurs leçons et leur exemple appren-
draient aui jeune Adolphe l'art d'Astucier avec
un funeste succès.
Il est des hoinmes qui ne peuvent plus Astuw
cier, parce que d'avance on les devine, (2y * *. )
Astucier. Il ne saura ni parler, ni agir, ni
payer de sa personne ; vous le verrez Astucier,
et ne point sortir de là.
AsTYMONiE. Police. Celui-là a le pouvoir réel,
qui tient eu main , et seul , tous les ressorts vi-
sibles et cachés de FAstymonie. L'autorité dépend
beaucoup de celle vigilance profonde eLjourna-
lière. Dieu me garde d'un pareil souci ! L'Asty-
monie est un mot qui seul me glace l'esprit.
Aslymonie. Les Athéniens nommaient Asty-
nomes , dix hommes préposés pour avoir ins-
pection sur les chanteurs et sur les joueurs de
flûte.
AthÉiser. Il veut jouer le grand homme, le
philosophe, le génie supérieur, et il s'est ima-
giné qu'Athéiser, c'était philosopher. 11 Al héise
d'une manière brusque, inattendue , à propos de
rien.
A T O 5;
AthÉistique. Les Athées n'ont jamais répondu
à cette difFiculté , qu'une horloge prouve un hor-
loger, CroIrait-on qu'un jésuite irlandais a fourni
des armes à la philosophie Atliéistique, en préten-
dant que les animaux se formaient lout seuls ?
C'est *le jésuite Niedam qui s'est imaginé avoir
produit des anguilles avec de la farine et du jus
de mouton. ( V^oltaire. )
Athlétique. Sa taille , quand elle eut acquis
toute sa hauteur , était de près de six pieds, et sa
forme eût pu servir de modèle à un peintre pour
ce héros de l'antiquité qui, d'un coup de poing,
tuait un hœuf , et après l'avoir porté sur sqs
épaules , le dévorait dans un seul repas. Il n'y
avait pas une mère qui n'enseignât à sa fille à
regarder la main de ce riche Milon anglais ,
comme l'objet le plus élevé de son ambition ; il
n'y avait pas une fille qui ne jetât un œil com-
plaisant sur SÇ.S formes Athlétiques , et sur la
gloire qu'il s'était acquise par &ç,s rai'es exploits.
( Aventures de Caleh TVillicnns. )
Athlétique. LTne santé Athlétique. Cela est
presque scandaleux , au milieu de tant d'hommes
pâles et de femmes vaporées.
Atonie. Il existe un art de faire de beaux en-
fans ; c'est de régler ses passions au moment de
l'embrassement, cause de leur conception. Si voua
êtes trop exalté par la tendresse , vous procréez
58 A T T
des enfans faibles , ardens , susceptibles des deux
extrêmes, du bien et du mal. Si l'on est exempt
de passions , et datis l'Atonie de l'habitude , on fait
des sots dont la figure est régulière. ( Rélif. )
Atouhné. Vous souvenez-vous que vous avez
une Pucelle d'une vieille copie , et que cette
Jeanne négligée et ridée , doit faire place à une
Jeanne un peu mieux Atournée. ( T^oUaire. )
Attaquable. Tous nos vases de terre qui ser-
vent à nos cuisines, sont enduits d'un vernis qui
se dissout parce qu'il est Attaquable par le foie
de soufï're.
Attardeu. ( s' } Se livrer trop aux plaisirs
dans la jeunesse , c'est s'Attarder dans le chemin
de la gloire.
Attédier. ( De ad iœdiuni. ) S'ennuyer pro-
fondément. Je m'Attédie dans cette maison ,
comme si j'assistais à une dissertation métaphy-
sique de R * * * *.
Attractionner. Newton dit que la matière
s'Attractionne , c'est une rêverie •, si la matière
s'Attractionnait , il n'y aurait bientôt plus qu'ag-
glomération. Le mérile et la vertu sont faits pour
nous Attractionner 5 mais ils manquent trop sou-
vent leur empire.
Attrape - Parterre. Voltaire , en parlant
A V E 59
de son Tancrède, dil : N'allez pas vous attendre
à de belles tirades, à de ces grands vers ronflaus,
à des sentences , à des Attrapes-Parterre; style
médiocre , marche simple , voilà ce que vous y
trouverez. Mais s'il y a de Tintérèt , tout est
sauvé. ( y^oltaire. )
Avachi. Cette femme , depuis sa grossesse ,
risquait chaque jour de perdre l'amour que son
mari avait pour elle. Quoique jouissant de la plus
grande aisance, elle était toujours délabrée, avait
ses bas non tirés, et ses cliaussuresAvachies.(/?e7//])
Avancer. («') Une intelligence parfaite ré-
gnait entre le roi (Louis xïi) et le ministre
(George d'Amboise. ) Tous deux savaient que le
moyen le plus sûr de discerner les hommes ca-
pables de conduire une nation, c'est de repousser
tous ceax qui s'Avancent, et de faire avancer
tous ceux qui se retirent. ( P. Manuel. )
AvARiciEUX. Petitement avare, comiquement
avare. Plus ini homme est riche ou élevé, plus,
lorsqu'il est avare, mérile-t-il le titre d'Avari-
cieux.
Avertisseur. Un écrivain célèbre, pour peu
qu'il aime sa patrie, ne la perd point de vue; il
prévoit les dangers qui la menacent, et il est, à
toute époque, essentiellement Averlisseur.
Aveugleté. Prenez donc garde I vous allez
6o AVI
heurter cet homme ; ne voyez-vous pas qu'il
marche dans TAveugleté? L'aveiiglemenlde l'es-
prit est cent fois plus fatal que l'Aveugleté.
AviLER. Tomber, baisser de prix. Laissez ces
marchandises de côlé ; vers la fin de la foire ,
vous les verrez s'Aviler.
AviLissEURS. Les lâches , les traîtres qui
agissent sourdement , qui creusent sous terre
comme les taupes, qui craigriCnt d'agir, se font
Avilisseurs des hommes et des choses. Conduc-
teurs adroits de la calomnie et de la médisance,
il n'y a pour eux, dans les hommes, ni probité ,
ni vertu, ni héroïsme; et dans les événemens les
plus heureux et les plus extraordinaires, ni suc-
cès, ni grandeur.
Vn critique de profession est un Avilisseur
perpétuel.
Avilisseur. Caton furieux , se déchirant les
entrailles, inspire la terreur; Lelellier se tuant
froidement , après avoir calculé que sa mort em-
pêcherait le sang français de couler j Letellicr se
tuant froidement pour venger la Convenlion des
outrages des Avilisseurs , m'inspire une religieuse
vénération. (P. F. Real. )
Aviser. «Quand furent finies les oraisons et
« prières, l'ami Bazu et moi, nous levâmes toute
<c à l'heure, et saluâmes Blanche et Geneviève :
A V O 61
« ce qu'ayant fait, je m'encourus devers la porte,
« mouillai mes doigts d'eau bénite, puis l'ofîris à
« l'une, et puis à Taulre.
« La gracieuse damoiselle Blanche passant de-
« vers moi , fit gentillement toucher son doigt
« mignon à l'encontre du mien, et j'x\ visai rougir
« ses deuxbelles petites joues, et mes genoux se fail-
<( lirent, et mon cœur se pâma d'aise.» {^Sanuigny.)
AvisiON. Terme plus fort qu'apparition. Elle
croil fermement à l'Avision de ce fantôme. x\ vi-
sion de ce gouffre profond, vous épouvantez mes
esprits. Avision de l'éternité, ma pensée se trouble
et recule.
Aviver. (-6-'') Tout germe devant lui (le prin-
temps) , tout se ment, tout s'Avive. «Le mot
« s'Aviver révoltera sans doute; mais je prie ceux
«qui le proscrivent, d'observer qu'il manque à
« notre langue. En efiet, Revivre, s'x4nimer, n'ont
<( ni le même sens, ni la même énergie que s'Avi-
« ver. » (^Roucher. — Les 3Iois , poëme.)
AvocASSER. Un avocat commença un mémoire
en ces termes : « Les couturières ont trop gémi
« sous l'empire des tailleurs : les temps sont arri-
« vés où cet abus doit cesser. » C'était plaisam-
ment Avocasser.
AvocASSERiE. Il n'y a plus d'avocats en France;
■mais l'Avocasserie y est toujours en vogue, in-
62 A U D
feste les tribunaux, et est tout aussi répandue et
tout aussi libre que la barbarie.
AVORTIN. Il fit imprimer ce livre qui devait
reformer l'univers*, Avortin qui provoqua le rire
de la pitié.
AvRiLLEUX. Temps Avrilleux , incertain,
comme en avril. [Borel.)
AvUER. Suivre de l'œil un objet , ne le pas
perdre de vue. Avuer les scélérats, c'est les avoir
vaincus à moitié. Le ministre de la police doit
incessamment Avuer les ennemis de l'ordi'e public.
Avunculaire, Valère va fréquemment cjiez
Orphise. — Valère est son oncle. — Oui, mais on
lui reproche d'avoir pour sa jeune nièce une
tendresse plus qu'Avunculaire.
Aucunement. Corneille ayant fait imprimer
sa Médêe , qui alors eut du succès au tliéàlre, dit
à la personne à qui il dédie cette pièce : «J'espère
« qu'elle vous satisfera encore Aucunement sur le
« papier. »
Aucunement. V ienx mot qui signifie en quelque
sorte , enpaj'tie j et qui valait mieux que ces péri-
phrases. ( V^oltaire. )
Audition. L'Audition de ce morceau de mu-
sique si prôné , m'a convaincu qu'il y avait une
«lislance infinie entre des notes difficilement ma-
A U T 63
riées, et cette mélodie qui parle si puissamment
à lame.
Auditrice. Tous ceux qui coniposaient la
petite assemblée ayant chacun raconté leurs fre-
daines, je dis que je paierais volontiers de ma
personne, si je pouvais compter sur l'indulgence
de mes auditeurs et de mes Auditrices. (Rétif. )
AuGMEXT, Li'Augment des peines n'en est pas
encore la fin. Triste vérité!
L'augment de la fortune est moins délectable
que son premier sourire. *
Aup.ORE. (soupir) Un soupir-aurore s'écliappa
de son jeune sein, et m'annonça mon prochain
bonheur.
AusMOXiÈRE. Petite bourse mise en réserve
pour les pauvres : elle ne fut jamais bien grosse.
AuTOCRATïiiCE. On n'a exécuté aucun criminel
sous l'empire de l'Autocratrice Elisabeth. {^Kolt. )
AuTOCTHOXE. Dans une lettre à Mayans-y-Sis-
car, ancien bibliothécaire du roi d'Espagne, Vol-
taire dit : «Je ne savais pas que vos auteurs eussent
(( jamais rien pris, même des Italiens*, je les croyais
*< Autocthones en fait de littérature : mais je sais
«bien qu'ils n'ont jamais rien pris de nous, et
«que nous avons beaucoup pris d'eux.»
AuTOMALiTÉ. Depuis quelque temps , on a
64 A Z Y
perfectionné en partie les décorations de nos
théâtres. Quand le drame s'accomplit dans l'inté-
rieur d'un temple, d'un palais, on voit des colon-
nades horder et masquer les coulisses. Il reste à
corriger la mobilité du plafond, que l'air agile,
l'ignobilité des prêtres , l'Automalité des gar-
des, etc. [Rétif.)
Automatiquement. Comment le peuple est-il
tantôt x\utomatiquement témoin des plus horribles
excès de la cruauté, et tantôt d'une exaltation si
prodigieuse pour des misères?
Autopsie. C'est l'action de voir une chose de
ses propres yeux. Cette expression ne devrait ja-
mais sortir de la mémoire d'un physicien et d'un
naturaliste , pour les préserver du danger des
systèmes. Si Buffon ne s'était jamais décidé que
par Autopsie, il n'aurait pas couché sur le pa-
pier tant d'erreurs de toute espèce.
AUTRICE. Quand on est Autrice, il faut être
une Autrice distinguée : alors c'est bien. Mais il
faut révéler : Quod latet arcanct inenarrahilejlhvâ.
Les auteurs encensent , adulent les x\utrices ,
mais ils ne les aiment pas.
Ayance. Pour la signification d'avoir quelque
chose. L'Ayance des grandes richesses vaut-elle
mieux que l'hoiuiête aisance?
Azyme. Sans levain. Il a la figure douce, bonne,
sensible ,
B A I 65
sensible, et la conscience Azyme : je le connais
cet homme-là.
B
JjABiLLETî. Jusqu'à quand le Parisien abusera-
t-il de la facullé de claquer dans nos spectacles?
jnterrompra-t-il un couplet éloquent, en détruira-
t-il l'efl'et en le coupant avec une folle impa-
tience ? Cette précipitation tumultueuse nuit à
l'acteur, au poêle ; on ne les laisse point achever,
et l'illusion, au milieu de ce bruit insensé, s'en-
fuit à tire d'aile. Pourquoi tant Babiller avec les
mains, et plus qu'aucun peuple n a Babillé avec
la langue?
Badinement (adverbe.) Il lui a dit tout Badi-
nement de bonnes et fortes vérités.
Badinement. Pégase s'agenouillait Badinement
quand Fauteur de T^ert-t^ert le moiilait.
Bâillonner. On terminerait une foule de dis-
putes interminables en Bâillonnant les oraleui^s
des deux partis , et les obligeaiit au silence , ainsi
que certains moines fesaient mettre des bâillons
aux religieux qui parlaient lorsqu'il était défendu
de parler.
Bain. J'ai pris un Bain de délices en appre-
nant l'heureuse délivu'ance de notre cher collègue
Dolomieu , et son prochain reiour parmi nous.
Tome L ii
66 B A L
Baiser. Ce mot qui, dans le cliclionnaire àa.
vice, a un sens impur ^ signifie, dans son origine,
poser ses lèvres sur le iront, sur les yeux , sur les
joues ou sur la bouche de la personne qu'on alFec-
tionne. II diffère du mot embrasser, qui veut dire
entourer quelqu'un de ses bras.
« Daphnis et Chloé se souvenantz de leurs
«plaisirs passés (pendant la belle saison), com-
« ment ils se Baisoyent, comment ils s'entr'em-
« brassoyent , comment ils buvoyent et nian-
« geoyent ensemble, passoyent les nuits sans dor-
« niir en grand'peine , et attendoyent la saison
« nouvelle, ne plus ne moins qu'une seconde vie
«après la mort.» (^4/nyot.)
Baiser. « Savez-vous ce que c'est que baiser ?
«Eh bien! dit un malliématicien très -connu,
« c'est appi'oclier jusqu'au point de contact deux
« courbes qui ont la même courbure. » Et Ton
ne raffolerait pas des mathématiques!
Baladinage, Le moment était venu, à la mort
de Louis xiv , de donner l'exemple d'ensevelir
ses engagemens avec lui, et de soulager la. nation,
mineure comme son nouveau prince, des cala-
mités sous lesquelles elle succombait ; mais le
j'égent , ignorant le principe incontestable qui
l'autorisait à déclarer son pupille libéré, ne vit
pas combien cette opération aurait été juste,
«ensée, humaine, utile, préférable en tous sens
B A N 67
au Baladlnage cruel qui amusa, pervertit et ruina
la France. (J-^inguet.^
Baladoire. La clause de corde est l'art Bala-
doire propvemoit dit : confondre cet exercice
avec TarL du Lhéâli"e, serait faire pis que de mettre
sur la même ligne le blanchisseur de plafond et
les plus célèbres peinires. Ç Rétif.)
Balayer. C'est en vo^'ant le canon Balayer des
bataillons entiers, que le droit des gens.... Chut!....
Les ennemis étaient là; ils ont été Balayés en uii
clin d'oeil.
Balbutie. Le temps me poursuit, et voilà que
je m'en retourne à la Balbutie. (Diderot.)
Baller. Qui fut le premier inventeur du Bal?
Les Françaises lui doivent une statue ; elles ne
veulent plus aujourd'hui que Baller. Bal , Bala-
dins, Baladoire. La vie esi si longue qu'il faut
la dépenser en sauts, en danses, contre-danses,
en valses , en postures , en ligures, au son des
iustrumeus. Eh bien! femmes, Baliez, sautez I
Balourdes. Dissertations Balourdes de théo-
logiens, critiques Balourdes de la Harpe, Lettres
Balourdes de Tabbé le Blanc. (Feydel.)
Baxderoller. Banderoller les vaisseaux, les
édifices, et jusqu'aux chaloupes, en signe de
victoire ou d'un événement heureux.
E 2
68 BAR
Banquerouter. Ce ieune homme, à qui l'on
avait fait avances cl éloges et d'eucouragemens,
n'a para au Parnasse, après plusieurs délais, que
pour y Banquerouter, c'est
Banqueroutière. Seriou^-nous cette nation à
qui ses ennemis mêmes accordent la fierté de
l'honneur, si les étrangers pouvaient nous flétrir
du titre de nation Banquerouticre? [Mirabeau.^
Banqueter. Je veux bien dîner avec plusieurs,
îTiais je ne veux. Banqueter qu'avec mes amis. On
dîne tous les jours ; mais banqueter ! plaisir
assez rare.
Baptistaire. (extrait) C'est un épou vantail
pour tous, mais le spectre le plus hideux qui
puisse s'offrir aux regards d'une femime ^jui a
trente ans.
Barathre. Abyme, gouffre, lieu duquel on ne
peut sortir.
La commune conspiratrice et les sections re-
belles etroyalisles de Paris allaient jeter la France
da/is le Barathre , etc.
Barbare. En 1801 , celui qui ne danse pas
ou qui danse mal, est un Barbare, et il est écon-
duit poliment,
Barbaresquement. Je ne retournerai plus
cliez lui; je savais bien qu'il n'était pas poli,
mais il mi'a traité Barbaresquement.
Ë A a 6^
Barbatiiser. L'exemple da sang répantlu sur
les échafauds n'a pas peu contribué à Barbariser
les cœurs et à avilir le peuple , témoin impas-
sible de ces longues exécutions.
Barbelée. Flèche , lame d'épée qui a des
âents; œuvre de lâcheté et de barbarie.
Barbifer. Parmi les imbécillcs que l'on nom-
mait jadis dévoles, la veuve d'un praticien, âgée
de quarante ans, encore fiaiche , assez riche,
fit la conquête du révérend père capucin : plai-
sirs, argent, tout se réunissait pour le Barbifer.
Barbouillox. Nous fûmes bientôt liés par
notre goût commun pour la musique, qui, chez
Tun et chez l'autre , était une passion très-
vive, avec celte différence «^u'il était vraiinent
musicien , et que je n'étais qu'un Barbouil-
le n. (^J.J. Rousseau.^
Barde cr. Ouvriers qui chargent et portent
les pierres pour la construction d'uii édifice. 11
y a des Bardeurs en tout genre. On ne songe
point à eux qi^.and la maison est bâtie. Vient,
après tous les pénibles travaux, celui qui met le
bouquet à la cheminée ; il a les rubans et la
bourse : les pauvres Bardeurs le regardent d'en
bas chopinant sur la maçonnex'ie , ouvrage de
leurs mains.
Bardou. Mot fort ancien dans notre langue,
E 5
7Ô BAS
pour dire un îoui'daud, d'où débarder 5 il se laissa
débarder.
Basculer. Basculer dans sa conduite, suivre
toutes les alternatives de la chance des événe-
mens. Que de gens n'ont eu d'autre secret que
de Basculer toute leur vie, et de. passer encore
pour prudens! Basculer, voilà donc la grande
science de nos grands hommes !
B\SETi. Baser un raisonnement, Baser sa con-
duite. Baser ses principes, Baser la morale sur
l'existence d'un Elre suprême 5 c'est ce qu'il y a
au monde et de plus vrai, et de phis consolant.
Bassiner. Venez, ma chère amie, venez me
donner votre courage , et in'aider à l'oublier.
Venez Bassiner la plaie secrète de mon cœur.
Bastillage. a Rome et à Venise, il existe
des indices d'un pouvoir redoutable et d'un Bas-
tillage très-caractérisé. 11 existe dans Tune un
château, et dans l'autre un tribunal, qui sont
également des outrages à la justice, et des armes
toujours prêtes pour le despotisme.
Cependant la luuUitude d'étrangers qui ne
cessent de traverser ces contrées célèbres, prouve
que l'usage en est moins fréquent que l'appareil
n'en est terrible. Quand un Anglais, un Ham-
bourgeois, s'embarquent pour aller à Rome en-
tendre des oratorio^ et admirer Saint-Pierre, ou
B A T 71
danser en masque à V^enise, leur fiïmiîle ne les
conjure point en tremblant de se garder de Tan-
cien château d'Adrien, ou de l'Inquisition d'Etat;
et il n''y a point d'étranger, annonçant qu'il va
en France, à qui l'on ne dise de se défier du Bas-
lillage de ce royaume. ( Linguet. )
Bas ton ( tour du ) , et non Bâton , dégéné-
rescence imhécille. On dit has ton, ton bas, parce
que l'on promet tout bas, et que l'on ne dit qu'à
l'oreille de celui que l'on veut mettre dans ses in-
térêts : yoiis aurez tant , si vous me secondez dans
cette affaire. Je dois cette remarque à Borel, éty-
mologiste sensé.
Batailleux. En parlant d'un des ouvrages de
sa jeunesse, qui annonçait du talent pour la satyre,
Rousseau dit, dans ses Confessions :
« J'ai le cœur trop peu haineux pour me pré-
¥. valoir d'un pareil talent ; mais je crois qu'on
« peut juger, par quelques écrits polémiques, faits
« de temps à autre pour ma défense , que si j'avais
« été d'humeur Batailleuse , mes agresseurs au-
« raient eu rarement les rieurs de leur côté.»
Batailleux. Ne vous liez point avec cet homme-
là 5 il est Batailleux sur les moindres choses.
Bâtardise. Enfant d'Apollon, lui I Enfant de
Bâtardise.
Bâtisse. La Bâtisse de sa comédie est imper-
tinente ; aussi fut-elle sifllée.
E '&
73 B E H
Battelee. ou Bavasser. Parler à vide. Ce mot
doit être compris universellement, vu la baverie
qui a usurpé depuis la tribune législative jusqu'au
moindre café. Baveurs , Bavards , vous êtes si
communs et si importuns, qu'il ne faut qu'indi-
quer au public le mot Bavasser, pour lui impri-
mer un cours légitime et nécessaire.
De-là Battologie , cette abondance stérile de
mots vides de sens. ( Dumolard. )
Bavaroises. EchaulFez votre tête et travaillez,
vous aurez bientôt oublié ou pardonné ces Bavar-
dises de société. (/. /. Rousseau.^
BÉANCE. Bonheur, sorte d'aisance. Il n'avait
rien ; il s'est marié avantageusement : si vous allez
le voir, vous le trouverez dans la Béance.
BÉATILES. Femmes de petite hauteur. On a
donné ce nom à de petiles et légères friandises
qui accompagnent des mets plus solides.
Un amant pourrait très-bien dire à sa maîtresse,
si elle était de fort petite taille : O ma Béatile!
Beffroi. Lorsque j'exposai toutes mes raisona
et mes raisonnemens d'incrédulité sur le système
newtonien, on sonna le Beffroi contre ma per-
sonne, comme si j'eusse mis le feu aux quatre
coins de la cité.
Béhistre. Tempête.
Assouflloit la Béhistre en toute violence ,
Et les vaisseaux dansoient sur le liijuide immense j
BEN 7T
On entendoît clamer soldats et matelots ,
Et let flots écumans refouloient d'autres Rots. {Desportes.)
BÉJAUNE. Qui ne sait encore rien faire. Terme
emprunté de la fauconnerie.
Belistre. Vieux mot, pour désigner un fai-
néant qui mendie ou qui emprunte, fuyant toute
espèce de travail. Il est bien à ressusciter de nos
jours, ce mot-lrà.
Bellement, (adv, ) Allez Bellement, madame,
à la campagne , et laissez-moi le souci de la mai-
son ', vous êtes Bellement née potir la dissipation.
Belouseu. (se) L'ami des hommes, ce Mira-
beau qui parle , qui parle, qui parle, qui décide,
tranche, qui aime tant le gouvernement féodal,
qui fait tant d'écarts, qui se Belouse si souvent,
ce prétendu ami du genre humain n'est mon fait
que quand il dit : Aimez l'agriculture, (f^oltaire.)
BÉNÉFICIETI. ( V, n. ) Faites l'aumône, votre
charité sera récompensée ; car il est permis à
riiomme de Bénéficier avec le ciel. (Nicole.^
BÉNÉVOLENCE. Léger bienfait : c'est le désir
plutôt que l'action. Au défaut de la bienfesance,
marquons de la Bénévolence.
BÉNIGNITÉ. «Il est xxn certain respect et un
« général devoir d'humanité qui nous attachent,
« non aux besles seulement qui ont vie et sen-
7^ B E R •
« liment, mais aux arbres raesme et aux piaules,
« Nous devons la justice aux hommes, et la grâce
« et la Bénignité aux autres créatures qui en pcu-
« vent estre capables.» [Montaigne.)
BÉNissABLE. L'enfant sorti coupable de la
maison paternelle, lorsqu'il y rentre, malgré ses
fautes, et de grandes fautes, redevient Bénissable
sous la main de son vieux père.
O paix! daigne hâter ton retour Bénissable.
Benoîte. Bénie. Je trouve à ces saintes filles, à
ces filles charitables, une figure Benoite.
BÉNURÉ. Qui a du bien par chances heureuses.
Il est Bénuré; il a gagné deux fois de suite à la
loterie.
Bergerette.
Tous les matins , la vive Bergerette
Conduisait ses agneaux sous la verte coudrette.^,
Plusieurs langues ancieinies et modernes se
servent avec le plus grand succès des diminutifs.
Forçons notre langue à les admettre^ le slyle naïf
y gagnera.
Berneur. Voltaire, dans une requête plaisante
au maréchal de Richelieu, dit «5^. Que ledit
« suppliant j depuis environ quarante ans, a tou-
« jours été Berné par sondit héros, qui lui a donné
« force ridicides le plus gaîment du monde.. . ,.»
B E s r5
« mais qu'il est clair que le Berné n'a jamais
« manqué à aucun de ses devoirs envers son héros
« le Berneur. »
Besiclé. (de besicles.) Il s'est Besiclé peut-être
à dessein, pour voiler son regard naturellement
faux. On ne rencontre plus que desBesiclés: irisie
et importune mode. Robespierre était toujours
besiclé. Comment lire au front d'un Besiclé? J'ai
quelque aversion pour les Besicles.
Besogner. Travailler. Je l'ai choisi pour Be-
sogner ma ferme. Besogner emporte une idée de
soins particuliers : c'est un homme qui sait Beso-
gner ses vignes.
Bestiaires. Malheureureux jadis condamnés
à être livrés aux bêtes pour être dévorés dans
l'arène. Sous un certain point de vue, tel homme
prisant trop la gloire ou la renommée, attaqué,
mordu par des tigres et insectes, s'est fait volontai-
rement Bestiaire. O Voltaire, célèbre Bestiaire!
Bestialiser. Bestialiser par la plus honteuse
et la plus épouvantable des fictions , la mémoire
d'une héroïne chère à la France, et que l'équitable
histoire environne d'hommages ; quel esprit y
avait-il donc à cela? L'ombre de Jeanne d'Arc
n'a-t-elle pas le droit de fulminer de son regard
celle de Voltaire? Chantre impur I ta plume est
vile quand son épée fut grande.
fi B ï A
Bestiolinette. Petits insectes bouv^onnaiî?*
Dans la carrière des lettres, pour peu que Von
avance, l'on est investi de Bestioliuetles.
BÈTISE. (du génie) Le peu d'usage du monde
qu'avait Dumarsais, sa facilité à dire librement
ce qu'il pensait, lui donnaient cette naïvelé, cetto
simplicité, la Bêtise du génie.
Fontenelîe disait de lui : C'est le nigaud le plu»
spirituel, et Thomme d'esprit le plus nigaud que
je connaisse. C'était le Lafontaine des philo-
sophes, (P. Manuel.)
Beugler. Beugler la tragédie il faut s'en-
fuir. Les bengleurs de tragédies se croient fort
au-dessT7s des acteurs comiques, et exigent beau-
coup plus d'argent pour nous déchirer l'ouïe. Tel
et telle, avec six ou huit rôles beuglans ou beu-
glés, mettent à contribution tons les théâtres de
l'empire, à peu près comme les capucins parcou-
raient toutes les chaires évangéliques , avec sept
à huit sermons nazillans ou nazillés.
BiAiSEMENT. Dans tout ce qu'il dit , il dissi-
mule, et dans tout ce qu'il fait, il agit Biaisement»
Biaiser. Il est une bonne foi , un esprit de
sincérité, de véridicilé qui plaît infiniment dans
le commerce, et qui plaît par droit, et de même
dans les ouvrages de littérature. Un écrivain qui
Biaise le sentiment; qui le refroidit j)ar des nio-
B I L 77
difi cal ions, par des scrupules de délicalesse el de
choix, aflaiblit son style j témoin d'Alembert.
BiBLiOLATHE. Didyme , natif d'Alexandrie, et
fils d'un vendeur de poisson salé , dit Sénèque ,
composa jusqu'à trois mille cinq cents traités dif-
férens; ce qui Je fit nommer Bibliolalhe, c'est-à-
dire, que ses livres étaient en si grand nombre,
que lui-même l'oubliait. {Calaract. de l'imaginât.)
BiBLlOPOLE. Qui vend des livres. Mon libraire
n'est que Bibliopolej il ne fait rien imprimer j il
dit qu'il ne veut pas se ruiner.
BiBLiOTAPiiE. Possesseur de livres rares qu'il
ne veut point communiquer. PermeLlons à un
riche d'èlre Biblioiaphe : à sa mort, nous verrons
la collection, et nous eu jouirons.
Bien. Ce qu'il y a de plus diiiicile au monde,
c'est de bien faire le Bien.
BiEN-FACÉ. Quel homme est-ce? comment est-
il fait? — C est un homme d'assez belle taille, et
sur-tout Bien-facé.
BiFORME. Homme qui a deux faces. C'est dans
les révolutions que Ton voit figurer ces êtres Bi-
formes qui se jettent tautùt dans un parti, tantôt
dans un autre, qui les trompent tous deux, et
qui finissent par se tromper eux-mêmes.
BiLLETER. C'est attacher aux différentes mar-
chandises des étiquettes qui indiquent leur* qua-
7B B L E
lités et leiir prix. Ah ! si l'on pouvait ainsi Billeler
les liommes I la promenade curieuse !
Blandices. Les flatteries, les cajoleries, les
paroles caressantes des femmes, lorsqu'elles ne
sont pas amoureuses de nous, ne sont que des
Blandices pour obtenir ce qu'elles désirent , ou
pour surprendre noire bienveillance : quand elles
aiment, elles ne flattent plus, et cessent d'être
exigeantes; alors de l'abandon, et plus de Blan-
dices.
Blêmi. Je n'ai jamais plus éprouvé la puissance
tle la solitude pour l'adoption des idées religieuses,
qu'à la grandeChartreuse de Grenoble. Ane voir
que des liommes muets et Blêmis de pénitence,
tout entiers à la prière, on tremble de son inno-
cence même.
Blêmir. Ce coupable fut interrogé, et on le
vit Blêmir : pâlir ne serait pas le mot. On pâlit
de détresse, de fureur, de syncope. Blêmir rend
la pâleur involontaire du crime.
Blêmir. Les dilapidations de ces fainéans for-
tunés font que cent fomilles qui les av^oisinent
dans leurs possessions , sont mal couvertes de
lambeaux; que, près de leurs parcs, de leurs
jardins fleurissans , on voit des mères , encore
dans leur jeunesse, vieillir de misèVe, Blêmir de
jeune, et disputer le reste de leur cliair à la ver-
^mine qui les ronge.
BOI ,3
Blêmissement. Lorsqu'on annonça cette fu-
neste nouvelle au milieu de cette grande assem-
blée , il se fit un silence d'effroi, et le Blêmis-
sement devint général.
Blessant. Ses reparties étaient promptes, plai-
santes, jamais Blessantes.
Blessure (dégoût.) Ce qu'un officier de nos
jours ambitionne le plus , c'est une Blessure de
goût, c'est-à-dire, une jolie cicatrice qui con-
tribue à sa réputation , sans endommager les
grâces de sa figure.
Blet , Blette. Ce fruit est Blet. Laissez cette
poire; elle est Blette.
Le mot Blet est en usage dans les départemens
de l'Est ; il s'applique au fruit amolli qui ap-
proche de la pourrilure.
Bleuir. Gageons qu'au premier mot de votre
mercuriale , ma clière prude , le pauvre jeune
homme avait le visage long d'une aunej qu'il a
rougi, pâli, Bleui. (^RéLif.)
Blotir. {se) Ces pauvres petites créatures,
elles se Blotissaient sous les vètemens de leur
mère éperdue. {L'abhé Prévôt.)
Bluetter. Cet écrivain ne sera jamais suscep-
tible de grandes conceptions; il ne sait que Bluet-
ter. (i."\)
Boîtier. Chloé s'avance; elle tient d'un doigt
Sa B,0 N
délicat cette lelLre qui lui a coûté tant de soilpirs ^
et dépositaire de baisers si doux 5 elle craint de
la voir confondue et égarée parmi toutes les ^
lettres que mille mains viennent jeter à la poste.
Elle veut la remettre au Boîtier lui-même; elle la
recommande vivement, s'informe de l'heure du
départ, et rougit, croyant que son secret va se
lire en ses yeux. [L^*.)
Bomber. Le jupon de mademoiselle n'est
pas Bombé •, mais , si je ne me trompe , il Bombe.
Bon. Bon est presque devenu synonyme de
mandat.
Je vais vous donner un Bon pour toucher vos
appointemens.
Je vais faire à votre régiment ses Bons de
fourrages.
Cette dernière espèce de Bons , Irop souvent
fictive pour le soldat, enrichissait sans bruit le
fournisseur adroit et le commissaire complaisant.
BoNACiTÉ. La Bonacité du personnage me fut
nn siir garant qu'il ne cherchait pas à me trom-
per : mon observation devint juste.
La Bonacité de la mer m'invitait à m'embar-
quer; je le fis : eh bien, pendant tout le ti'ajet, je
n'eus qu'une souleur.
La Bonacité de Rollin lui a fait défigurer toute
}* histoire de la Grèce , pour la ployer à un cours
d«.
BON 8i
de morale, qu'en qualité de recleur il voulait
donner à la jeunesse.
Bonbons dramatiques Quant aux co-
îTiédies-arieLles, quoique ce soit une espèce mons-
trueuse, parce qu'on y réunit deux choses in-
compatibles dans un personnage qui n'est pas
fou , le chant et la parole, il faut les conserver,
puisqu'on les aime, et représenter les meilleures
jusqu'à ce que la fureur en soit passée.... Ce goût
passerait! Impossible! On ne court à l'opéra-co-
mique que pour entendre et retenir de petits
airs charmans qui rendent un homme délicieux
auprès des femmes. Je connais un homme, autre-
fois ennemi déclaré de ces Bonbons dramatiques,
qui, pour avoir entendu dans une jolie bouche
quelques ariettes , courut sur - le - champ aux
Italiens, et, d'aigre censeur, en devint admira-
teur fou. ( Rétif. )
Bondir. Dans cette espèce de bouleversement
de mon original, dit le traducteur des Nuits
d'Young i je ne crois avoir qu'un reproche légi-
time à craindre, celui d'avoir attenté au dés-
ordre sublime de la douleur et du génie; mais
je me flatte de n'avoir pas profané ces élans de
l'enthousiasme, ces mouvemens de l'ame, cette
succession rapide et tumultueuse des transports
d'une ame agitée qui s'élance et Bondit d'idées en
idées , de sentimens en sentimens. ( Le Tourneur. )
Tome I, F,
82 B O R
BooMBER, OU Bôoader. Faire sonner une 1res
grosse cloche. Les habitaiis de Rouen, croyant
l'ennemi très-proclie , ne firent toute la nuit
que Bôoniber.
Ce mot est imitatif. Il serait très-facile d'en-
richir la langue française de plus de cent mois
pareils, qui, avec ceux qu'elle a déjà, lui don-
neraient une grande supériorité sur les autres lan-
gues. En tendez- vous le Boon. (/^. X. Tisserand.)
BoiiBE. Sordes j lutum vlLlssiniwn, Il est sorti
de la Borbe et fait pour y rentrer; d'où bor-
beux , plein de fange : au figuré , il a mauvaise
renommée, il ne sent pas bon, évitez-le; c'est
un homme borbeux.
BoRBORiGM E. Bruit de l'air dans le ventre,
Mirabeau fesant imprimer à Neufchâtel en
Suisse, V Espion dévalisé , il y était dit que le
haron de Breteuil , après dîner , se frappait lo
ventre , sans façon , devant tous ses courti-
sans , pour se soulager de ses Borborigmes. Le
très-ignorant imprimeur, n'ayant pas trouvé ce
mot dans le dictionnaire, avait mis barbarismes ;
te qui fit rire Mirabeau et moi jusqu'à pâmoison.
Bordure. Une collection précieuse de ta-
bleaux des trois écoles, en bon état et bien Bor-
dures. ( Diicray-DuminiL )
Borgne. « Au moment où j'étais prêt à me
B O U 85
♦.( pâmer sur une gorge qui semblait , pour la
« première fois, souflVir la bouche et la maiii
« d'uu homme, je m'aperçus qu'elle avait un
a leton Borgne Me roilà cherchant dans
« ma têLe, comment on peut avoir un telou
« Borgne , et à force de retourner cette idée ,
« je vis enfin que, dans la plus charmante per-
« sonne dont je pusse me former Timage , je
« ne tenais dans mes bras, qu'une espèce de
« monsti-e, le rebut de la nature, des hommes
« et de l'amour. » ( /. /, Rousseau. )
Bornage. Le Bornage d'un champ , d'un pré,
d'une terre, fait en présence du juge : procès-
verbal du Bornage.
De plats académiciens ont voulu opérer le
Bornage de la langue française : oh ! nous en
reculerons les limites ; car tel est notre plaisir.
BoRNOYER. C'est fermer un œil pendant qu'on
regarde avec l'autre dans une lunette , ou pour
mieux juger im objet présent ou éloigné.
Il n'y a rien qui m'inquiète plus que de voir
un homme me Bornoyer, ou Bornoyer les pas-
sans; c'est un vilain lie , il décèle de l'arrogance.
Il faudrait apprendre à vivre aux Bornoyeurs.
BoTANiSER. Retiré dans ses bois, il s'ocoupe
à Botaniser.
BoucAUT. ^as quoddam,
F 3
8i B O U
EouFART. Qui mange beaucoup, mange fort.
Nos pères disaient boufage , pour consommer
beaucoup. Boufarl n'est pas le goiirmand c^ui
mange sans faim. Admettons les nuances.
Bouffer. Il bouffe de colère : tout comédien
sorlant de jouer un rôle avec quelque succès,
se bouffe dans sa loge. Les sols se bouffent à la
moindre plaisanterie.
Bquillonnemens. On ne se sert de ce mot
qu'au pluriel , dans le sens figuré.
« Sa jeunesse s'est fanée comme une tendre
« fleur; il n'a pas vu le commencement de son
« été ; l'âge qui mûrit n'a pas existé pour lui,
« et le ciel a puni les Bouillonnemens de la
« jeunesse , comme la malice profonde de la ma-
« turilé. )> ( Rétif. )
Boulanger, (se) On peut supposer , sans
aucune illusion , que l'impôt en grains doit
produire net, année commune, cent cinquante
millions, sur estimation en numéraire métallique,
parce que ce ne serait encore là que la dixième
partie du grain qui se Boulange annuellement
pour vingt-cinq millions d'êlres , à raison seu-
lement de vingt écus par têle.
BouQUINERiE. Science d'érudit. C'est Bou-
quinerie toute pure 5 mais les érudits , en com-
pulsant la Bouquinwie ancienne et moderne ;,
B O U 85
n'ont pu seulement découvrir l'origine de l'usage
de saluer celui qui clcrnue. Quelle houle pour
euxl Ils montreront encore de l'orgueil!
BoURBONiSTE. Attaché à la maison de Bour-
bon. 11 doit rester en France trës-peu de Bour-
bonistes.
BouRDOx. Il fait son Bourdon ; ( comme la
grosse mouche, ) il marche au milieu de la mu-
sique et des louanges qu'il se donne.
Bourgeois. Corneille dit , dans Nicomède ,
en parlant de Rome ,
Et ne savez-vons pas qu'il n'est princes ni rois ,
Qu'elle daigne égaler à ses moindres Bourgeois ?
Bourgeois. Cette expression est bannie du
style noble : elle y était admise à Rome, et l'est
encore dans les républiques modenies. Le droit
de bourgeoisie , le titre de Bourgeois. — Elle
a perdu chez nous de sa dignité , parce que
nous ne jouissons plus d.es droits qu'elle ex-
prime, (i) ( Voltaire. )
BouRGETTE. Pelite bourse. Vous le mettrez
dans cette affaire , mais il est sans bourse ; il
possède tout au plus une Bourgette, et bonne à
rien.
(i) Depuis la révolution, on a substitué le mot Citoyen
znmotBouTgecis. Fasse le ciel que nous jouissions des Jroitô
nu'il exprime !
F 5
86 n O V
Bourre. J'ai lu cet écrit ; il y resté encore
hien de la Bourre, engagez l'auteur à foire dis
paraître ce grossier mélange ; et pourquoi s'é-
tudie-t-il à rembourrer l'expression? L'Académie
couronnant Thomas, n'est plus.
BouRRELLE. On a vu des Bourrelles parmi ces
bourreaux.
BouRSAî'LAGE. La plupart des idiomes, même
ceux du Nord, ont beaucoup d'imilatifs, d'au-
gmentatifs, de diminutifs et de péjoratifs.
Noire langue est une des plus indigentes à
cet égard. Son génie paiMÎt y répugner. Cepen-
dant, sans encourir le ridicule qu'on répandit
avec raison sur le Boursaflage scientifique de
Baïf, Ronsard et Jodelet, on peut se promettre
quelques heureuses acquisitions, ( Grégoire ,
député à La convention. )
Boutiquier. Vainement vous avez aboli les
privilèges, si vous laissez subsister cette préro-
gative de fait, qui dispense l'homme d'un cer-
tain rang de payer ses dettes , et qui trop sou-
vent dévoue l'industrie laborieu:se de l'artisan
et du Boutiquier , à soutenir le luxe eifréné de
ce que nous appelons si improprement llioniine
comme il faut. [Mirabeau.)
Boutonné. Pris au moral : cet homme est
boutonné des pieds à la lêle, -vous ne saurez
B R A n^
Tien sur lonL ce qui le concerne, lui eL renclroit
<|u'il habiLe.
jBoxer. (-se) A Londres, jamais liomme du
peuple ne céderait le liant bout à Georges m,
et si le prince de Galles, l'héritier présomptif
de la couronne, le lieurte sur les trottoirs
habit bas. ... et l'on se Boxe,
Boxeur. Son teint était d'une couleur re-
poussante ; ses traits durs et singulièrement dis-
cordans les uns avec les autres; il avait les lèvres
épaisses, et le sou de voix rauque; les jambes
de même taille d'un bout à l'autre, et de gros
pieds mal tournés. 11 était porté, par inclinaiion,
aux arausemens où se déploie la force. C'était
un habile Boxeur..
BoYAUTiERS. On appelle ainsi les gens qui
commercent lea intestins des animaux , pour eu
tirer ces cordes d'instrumeus qui deviennent
harmoniques et sentimentales sous la savants
main de nos musiciens...
Brachygraphie (ou Tachygraphie). L'arri
d'écrire par abbréviation, art très - ancien : ce
fut par ce moyen que parut , il y a cinquante
ans, une édition des sermons de Massillon , qui
ne les aA'ait jamais donnés à personne.
Brailler. Le Brailler de cet orateur est loia
«lu taient.
1^ 4
B'd B U A
Le Brailler des montagnards fut pour moi le
premier indice de leur ineptie et de leur barbarie^
Braire. L'ancien proverbe a été, Braire avec
les ânes 5 depuis , hurler avec les loups , et
maintenant l'on dit en cour, il faut s'accom-
moder. ( Léon Trippault. )
Brandons. Les flambeaux de la guerre et les
Brandons des discordes civiles : les Brandons
brûlent, mais éclairent les peuples "sur leurs
droits. Si les astres n'étaient (jue des Brandons,
des feux , et rien de plus I
Branlante, Il y a eu une grande dispute sur
le Parnasse de nos petits Lycées, pour savoir s'il
valait mieux dire, en parlant du son d'ano
grosse cloche,
Ou le battant branlant de la cloche sonnante,
Ou le battant sonnant de la cloche branlante.
Choisissez.
Braverie. « Chacun sent bien qu'il y a plus
(( de Braverie à battre son ennemi qu'à l'ache-
« ver , et de le faire bouquer , que le faire mourir,
« Voilà pourquoi nous n'atlaquons pas une
« beste , ou une pierre , quand elle nous blesse,
« d'autant qu'elles sont incapables de sentir
« nostre revanche. . . . Le tuer est bon pour éviter
« l'offence à venir , non pour venger celle qui
« est faile. C'est une action plus de crainte que
BRI 89
« de Braverie et de coui'age. Nous craignons ,
« s'il demeure en vie ( noire ennemi), qu'il nous
« recharge d'une pareille.... Ce n'est pas contre
« lui, c'est pour toi que tu t'en deffais. » [Mont. )
BrÉHAIGXE. Femelle stérile. L'appliquer aux
animaux , et jamais à l'espèce humaine, par res-
pect pour l'homme.
Brelandinier. Ouvrier sans boutique.
Bricoler. Il ne fait dans sa conduite , que
Bricoler.
La politique n'est qu'un jeu de bricole.
Mazarin très-habile à Bricoler, ne se soutint
long-temps que par ce jeu.
Brider. Que je voudrais Brider la vaine
curiosité des mortels sur des objets absolument
placés hors de leurs conceptions !
Brigander. Avec toutes \es occasions de Bri-
gander, et pour ainsi dire autorisé par l'exemple
de ses confrères , il est sorti de là les mains
pures et nettes.
Brimballer. Brimballer des cloches •, les faire
sonner sans ordre et sans mesure ; faire du bruit
pour faire du bruit. Brimballer son mérite de-
vant des hommes du commun , des ignorans.
Brise-image. Ce mauvais traducteur est uu
véritable brise-image.
BO B R O
Brochurier. Quand autrefois d'Alemoert
Yoiilaît bien communiquer au public les pro-
ductions de sa muse géomètre, ou géométrique,
il apostait dans le parterre de l'Académie , des
claqueurs robustes qui ne permettaient pas de;
les entendre. Quand on venait à les lire et à
s'en moquer, il apostait des Brocliuricrs hardis
qui disaient que c'était le déchirer. (LingîieL)
Bronchement. Un Bronchement n'est pas
tout à fait une faute, encore moins un crime;
un Bronchement, en fait de langage, est une
vétille , quand le fonds de Tidée est clair ou
bon.
Bronzer, (se) Un homme né avec une ex--
trême sensibilité , disait : « Plus je vois les
« hommes, plus je sens qu'il faut que le coeur
« se brise ou se Bronze. »
Brouillonne. Charles- Quint occupé, dans
le fond de son cloître, à régler des pendules
qu'il ne put jamais mettre d'accord, s'écria :
«Insensé! je ne puis forcer deux horloges à
«sonner à la même heure , et je voulais con-
« traindre quarante sectes à croire les mêmes
«dogiues!» Frappé de celte leçon expérimen-
tale, un de ses successeurs, Maximilien l", in-
trigua pour se faire élire Pape, «afin d'abolir,
«disait-il, cette théologie qui brouille le monde
«et l'évangile.» Mais il ne put accomplir son
BRU 91
rœu pacifique , el la théologie Brouillonne ,
qu'il espérait anéantir, lui survécut pour le mal-
heur du inonde. ( CèruUi. )
Bruire. Le serpent à sonnettes fait Bi'uire ses
sinistres grelols.
Braire. La lune paraissait au milieu du firma-
ment, entourée d'un rideau de nuages^ que ses
rayons dissipaient par degrés. Sa lumière se ré-
pandait insensiblement sur les montagnes de l'île
et sur leurs pitons, qui brillaient d'un vert ar-
genté 5 les vents retenaient leurs haleines On
entendait dans les bois, au fond des vallées, au
haut des rochers, de petits cris, de doux mur-
mures d'oiseaux, qui se caressaient dans leurs
nids, réjouis par la clarté de la nuit et la tran-
quillité de l'air. Tous, jusqu'aux insectes, Bruis-
saient sous Fherbe. (^Bernardin de Saint-Pierre.^
Brulable. Voltaire ayant dit ({ne fatal laurier ,
hel astre, merveille de nos jours , ne sont pas des
beautés poétiques, comme Pascal l'a cru, ajoute :
«Si vous voulez vous réjouir, parlez un peu
« de mon Brulable livre à quelques jansénistes,
« qui ne désespéreraient point de ma conversion,
« si je m'étais borné à écrire qu'il n'y a point de
« Dieu. »
Brulement. Vouloir brûler les corps morts
est une erreur grossière, si ce n'est pas au fond
92 BRU
un altenlat physique, un sacrilège envers la na-
ture. C'est empêcher le reversement des matière*
composantes qui forment la nourriture, la richesse
et la parure du globe. Les anciens , si pauvres eu
physique , ont mal raisonné le Brùlement des
coi'ps.
Brûlerie. « Vous avez vu qu'on a brûlé mou
« livre (^r Emile) à la Haye. Rey me marque que
« le ministre Cliais s'est dornié beaucoup de luou-
«veraens, et que l'inquisiteur Voltaire a écrit
« beaucoup de lettres pour celte alfaire. Je pense
« qu'avant-hier le Deux-cents en a fait autant à
« Genève. Toutes Brûleries sont si bêtes, qu'elles
« ne font plus que me faire rire.» (./. J . Rousseau.)
Brîjneux. Dans l'ouvrage intitulé les Ruines ^
un homme s'adressant à un génie qui l'a trans-
porléclans la région supérieure, s'écrie :
« Quoi ! c'est là cette terre où vivent les mortels?
« — Oui, répondit le génie, et cet espace Bruneux
« qui occupe irrégulièrement une grande porlion
« du disque et l'enceint presque de tous côtés , c'est
« ce que vous appelez le vaste Océan.» (^Volney.)
Brutification. Point de pontife-despote qui
n'ait voulu , préparé ou médité la Brutification de
ce qui les gênait ou con ti'ariait le plus , les hommes
pensans.
Brutifié. Plus d'un maître d'école a Brutifié
BUT 95
-déjeunes enfans par de mauvais trailemens : c'est
un délit punissable, et cependant impuni.
Le vin Ta Brutifié. On a semblé craindre que
l'inoculation de la vaccine ne Brutifiât l'espèce
humaine.
BuANDiER. C'est celui qui fait le premier blan-
chiment des toiles. Qui sera, qui osera être le
Buandier de ce coupable personnage ?
11 n'y a point de buanderie qui puisse laver la
mémoire de tel gouvernant.
BuDJET.. Répartition juste, recette facile, dé -
pense au-dessous de la recette : c'est ainsi que
tout bon chef de famille doit asseoir son
Budjet. [L-"*.)
Bureaucratie. Mot créé de nos jours, pour
désigner d'une manière concise et énergique ce
pouvoir étendu de simples commis, qui, dans dif-
férens bureaux, font passer une multitude de pro-
jets qu'ils forgent, ou qu'ils trouvent plus souvent
dans la poussière des bureaux, ou qu'ils protègent,
soit par goût, soit par manie.
Butiner. Butiner l'esprit d'autrui, c'est faire
un miel qui ne nous appartient pas.
BuTORDER^iE. Vous me parlez des deux pre-
miers volumes de VHlstoire universelle, ou plu-
tôt de V Essai sur les sottises de ce globe : j^en
ferais un grgs volume des miemlesj mais je me
9't CAL
console en parcouranL les Butorderies de cet uni-
vers. ( Koltaire. )
Byrrias. Nos ancêtres appelaient ainsi un
homme aux cheveux rouges. Ce mot dérivait du.
crée.
c
v_^ACHETTES. Il n'y a que Dieu qui puisse péné-
trer les Cachettes du cœur humain. Les hommes
ne voient que le visage et n'entendent que la
parole.
Cajolable. Madame de Warens se mit à ca-
joler Grossi, qui pourtant n'était pas trop Cajo-
lable y, car c'était bien le plus caustique et le plus
brutal monsieur que j'aye jamais connu. (./. /. iî.)
Cailletage. La vie uniforme et simple des
religieuses, leur petit Cailletage de parloii", tout
cela ne pouvait flatter un esprit toujours en mou-
vement, qui, formant chaque jour de nouveaux
systèmes, avait besoin de liberté pour s'y livrer,
dit J. J. Rousseau, en parlant de madame de
AVarens.
Calamar. Estui de plumes.
Calambourdier. Allons , un Calambourg !
L'agréable Calambourdier m'en fit un à comman-
dement. Je portais ce jour-là des pantouffles vertes.
€ A L ^5
tlcnuées de tous agrémens. Allons, marquis, vite,
lui clis-je,uncalembourgI.... Sur qui? Sur quoi?...
Eh mais I sur mes pantouffles Volontiers.
1j univers est à vos pieds. ( Anonyme. )
Calamisteur. Coiffeur.
Calamiteux. Ces temps Calamiteux prédits
par les prophètes.
Saison Calamiteuse par la sécheresse du prin-
temps en 1 786.
Calamo GRAPHIE. Les fautes que vous remar-
quez dans son manuscrit, sont plutôt de la plume
que de Tauteur : on pourrait ]es appeler, dit un
de nos écrivains , des fautes de Calamographie,
Calcable ( de calcare. ) A mettre dehors à
coups de pieds, ou mieux encore.
Cet insolent est \\n drôle Calcable.
Calembourgiste. Les équivoques perpétuelles
qui sont dans la bouche de ce Calembourgiste, dé-
naturent à la fois la logique et la langue. Vou-
drait-on perpétuer dans cette maison le règne
de l'indécence et du mauvais goût , qu'on n'y
change point de ton ?
Calinaire. Mot provençal, qui signifie amou-
reuse ou amie d'un bel homme 5 il dérive du grec.
Donnons-lui un plein cours en faveur de nos
braves guerriers.
OG ■ C A M
Calmeur. Un êlre qui appaise un violent mou-
vement, comme une tempête, une sédition, une
insurreclion, etc. Ainsi Ton peut dire le Dieu
Calmeur des tempêtes, des élémens en fureur^ un
éloquent orateur, Calmeur d'un peuple séditieux. .
Calomniographe. Voilà l'état des choses
quant aux typographes. A l'égard des Calom-
niographes, j'en ris; il y a cinquante ans que
j'y sais accoutumé, (P'^oltaire , en rendant compte
de plusieurs éditions de ses ouvi-ages, qu'on a si
souvent calomniés. )
Calus (du cœur.) Le Calus du cœur est formé
chez ce riche : c'est exprimer fortement sa dure
insensibilité. En général, ce terme serait appli-
cable de nos jours à une foule d'individus, les uns
sans miorale, les autres ayant perdu le sentiment.
Calvitie. Perte de chevpux. Quoique jeune,
il est atteint de Calvitie. Jules César, pour cacher
sa Calvitie , s'entoura la tète de feuilles de lau-
rier. La Calvitie prématurée annonce en général
un assez mauvaise tète. La perruquerie nouvelle
a fait disparaître avec beaucoup d'art la Calvitie
toujours un peu repoussante à l'œil.
Camauaderie. La plupart des liaisons de so-
ciété, la Camaraderie, etc. tout cela est à l'amitié
ce que le sigisbéïsme est à l'amour. ( CJiamfort. )
Caméléoner. Changer de parti, feindre toutes
sortes
CAN 97
sortes de caractères. Caméléoner est le rôle habi-
tuel d'un ministre diplomate.
Caméléoniser. (se) Impie ou dévot, libertin
ou rigoriste , ivrogne ou sobre, spirituel ou niais,
se couva'ant, selon les personnes avec lesquelles il
se trouve, du sale manteau de Diogène, ou de la
brillante robe de Platon , cet homme prend toutes
les formes et toutes les couleurs : personne n'a
comme lui l'art de se ('améléoniser.
Candidement. Racine, dans Atlialie, a prêté
au petit Joas un style Candidement pur. S'il
m'était donné de re>susciter l'un des grands
hommes du siècle de Louis xiv, je ressns.^i'erais
Lafontaiue, parce qu'il me parlerait Candidement,
comm.e il fesait autrefois.
Candorique, Quoi! elle voilait sous cet air,
st>us ce ton Candorique, tant de fausseté? Ah!
niallieureux !
Cangue. En Perse, dans le temps de sa plus
grande gloire , les prisons y étaient mobile.'-.
Jj'homme dont l'ordre public exigeait que l'on
s'assurât, ne perdait de sa liberté que ce qu'il fal-
lait lui en ôter pour qu'il ne pût se soustraire
au châtiment, ni se rendre plus criminel. Une in-
dustrie plus compatissante que sévère y avait
imaginé la Cangue , espèce de triangle de bois
portatif, qui, étant fixé au cou, et prenant une
Tome I. O
^8 C A P
des mains de Taccusé, ne pourait ni se cacher, ni
Se détacher, sans cependant lui ôter aucune de ses
facultés. ( Llnguet. )
On nous parle des exécutions sanglantes, or-
données en Perse par des monarques ivres ^ mais
ces horreurs étaient renfermées dans les harems,
et l'inslitution seule de la Gangue prouve que
Tesprit général de la nation, sans en excepter le
gouvernement , avait autant de douceur que
d'équité. ( Idem. )
Canonn AGE. Il apprend le Canonnage, la science
terrible de lancer au loin et avec justesse les bou-
lets de canon.
Canore. «Soyez soumis aux puissances, dit
« l'élève de Gamaliel à tous les sujets d'un gou-
« vernement 5 femmes , soyez soumises à vos
« maris soyez charitables, compalissans, dé-
<( sintéressés »
Est-ce là ce qui résulte des évangiles modernes ?
Est-ce là ce qu'on apprend dans V Encyclopédie?
11 ne suffit pas d'avoir la voix Canore comme
d'Alembertjpour l'emporter sur St-Paul,(Z/Z/2_§^/fe/.)
Cantateur , Cantatrice, Les choeurs de
l'Opéra , vulgairement dits les espaliers , sont
composés de Cantateurs et de Cantatrices qui
épouvantent les oreilles allemandes et italiques.
Capitaliste, Ce mot n'est guère connu qu'à
C A Q 93
Paris. Il désigne un monslre de fortune j tm
homme au cœur d'airain, qui n'a que des affec-
tions métalliques. Parle-t-on de l'impôt territo-
rial ? il s'en moque : il ne possède pas un pouce
de terre; comment le taxera-t-on ? Ainsi que des
Arabes du désert qui vieraient de piller une cara-
vane, enterrent leur or, de peur que d'autres brî-
gands ne surviennent, c est ainsi que nos, Capi-
talistes ont enfoui notre argent. (^Dlct. anecd.)
Capter. Mot qui devrait être en usage plus-
que jamais. Capter les suffrages, Capter les éloges,
Capter la confiance des bons, celle du peuple 5
Capter les faveurs du puissant qui les distribue.
Capucinage. Il était Capucin; mais lors de la
révolution, il en profita en homme d'esprit, et
il quitta le Capucinage pour l'alambic du chi-
miste-, il était habile prédicateur, et il est devenu,
utile pharmacien.
Caquetage. Aucun ministre ne fit jamais con-
voquer autant de grandes assemblées; mais, satis-
fait d'y étaler une éloquence prolixe et toujours
mal-adroite, il les laissait toutes (le chancelier
de l'Hôpital) dégénérer en cohues tumultueuses
ou en Caquetages scandaleux, dont l'unique ré-
sultat était de constater la frivolité et l'impuis-
sance du gouvernement. ( Linguet. )
Caquetés.
Les morceaux Caquetés se digèrent le mieux.
G 3
loo CAS
Vers cle ma composition qui cleviendi'a pro -
Verbe; vers utile qui tient à l'hygiène, et qui
attestera que je suis assez bon convive.
Caricaturer. Ce peintre semble être l'élève
cle Momus; il aime à Caricaturer.
CarnIvorité. Heureux état d'innocence où
l'homme, sans expérience et sans lumières, igno-
rait la mort, ou ne la connaissait que présente,
pour l'éviter comme les animaux I Que ne puis-je,
comme je l'ai désiré mille fois dans ma jeunesse,
habiter une île solitaire avec une compagne I
J'anéantirais pour mes descendans toutes les con-
naissances; je leur interdirais le sang et la chair:
ils en seraient moins spirituels, mais ils mour-
raient de vieillesse, comme le bœuf et le mouton,
sans connaître ni Tesclavage, ni les lois. C'est la
Carnivorité qui nous a rendus spirituels vo-
leurs assassins. (Rétif.)
Caser, (.'e) On dit aujourd'hui : Tl s'est bien
casé, pour exprimer que tel s'est élevé par ses
soins à une bonne place, ou bien qu'il est enti'é
en possession d'un domaine d'une honnête valeur,
quand même l'acquisition ne le serait pas. O siècle
différent de tous les autres siècles!
Castadou , ou bien Gastadou. Lochs suhter-
raneus ; il vient du grec. Il est encore usité eu
Provence.
C A U 101
CatAtLOGUER. Le voilà environné de flatteurs;
mais lorsqu'il ne sera plus, il ne sera pas long
alors de Cataloguer ses vertus.
Cataloguer des livres à rinfini, sans les avoir
lus, qui croirait que cet emploi a rendu des
lionimes fort vains, et leur a donné un air d'im-
portance? Un Catalogueur ne cède point le pas à
tel érudit.
CathédrA-NT. Qui parle ex cathedra. Et moi
aussi, j'ai été Gatliédrant au Lycée républicain ,
rae disait un bon jeune homme qui s'était ima-
giné que de là l'univers l'entendrait. Tous nos
jeunes poètes se sont faits Cathédrans dans nos
innombrables Lycées -, c'est à qui parlera devant
inie assemblée ex cathedra. Le Catliédrant la
Harpe cède ce soir, dit-on , sa place au Catliédrant
Roederer : y gagnons-nous? y perdons -nous ?
Grand problème.
Chaque culte a ses Cathédrans. Tout Quaker
est Catliédrant dès qu'il a reçu l'inspiration.
Cause-finalier. Si une horloge n'est pas faite
pour montrer l'heure , j'avouerai alors que les
causes finales sont des chimères, et je trouverai
fort bon qu'on m'appelle Cause-finalier, c'est-à-
dii-e, imbécille. ( Voltaire. )
CausePi^ie. Quant au marquis de Villette , on
sait que Voltaire l'aimait 5 c'était Fliomme qui, à
(î 5
102 C A V '
son gré, possédait le mieux les charmes de îa
Causerie. ÇCondorcet.)
Causeur. La langue suit les progrès de la civi-
lisation : auguste et fière quand un peuple à demi
barbare sent encore ses forces et ses droits; polie,
timide et fleurie quand, ne servant plus aux
grands intérêls de la nation , elle a perdu son
accent primitif, et qu'elle se borne à caresser
l'oreille d'un peuple Causeur, qui se dédommage
par le nombre et la finesse des idées, de l'énergie
et de la simplicité qu'elles avaient.
Cauteleux. Ce grossier paysan , il n'en est
pas moins Cauteleux. Dans le pays dit de Sa-
pience ( la Normandie ) , les hommes en général
y sont Cauteleux.
Cautuleux. Dans une des séances des élals
généraux de Provence, on lut des écrits qui in-
culpaient Mirabeau. Celui-ci en réclama la com-
munication.
«Vaines réclamations! s'écrie-t-il; ces écrits
«si publics lorsqu'on a voulu m'outrager, et si
«mystérieux quand il s'agit de les défendre, ne
«m'ont pas encore été remis. Ce sont les traits
« du Parthe , décochés d'une main rapide et
« Cautuleuse, mais décochés en fuyant.»
Caverne ( à héros. ) Les révolutions et les
crimes de la Grèce ne paraissent que des jeux
C F. L io5
d'eiifaiis auprès des révolutions et clés Grimes de
Rome ancienne. C'est dans ce repaire magnifique,
c'est dans cette Caverne à héros qu'il faut con-
templer les crimes de toute espèce, dans toute leur
plus horrible étendue. (^RaynaL)
Caverneux. Fondemens Caverneux, nuage*
Caverneux, C'est un caractère Caverneux, pre-
nez-y garde.
Cavillation. Ce qu'il fallait faire? Il fallait,
quand la nation seule, et en se jouant, enfantait
en un moment à la liberté des années bien plus
innombrables que celles que le despotisme leva ja-
mais à Xercès ci àTamerlan, dans vingt royaumes,
il fallait prendre l'attitude convenable à la majesté
d'un tel peuple; il fallait ne point user de Cavil—
ialions fausses et indignes. ( C. Desmoalcns.^
Cavillations. Vaines subtilités. Mot à ressusci-
ter. C'est par des Cavillations que l'on combat
rimpôt en nature, le seul juste et raisonnable, le
seul qui réconciliera un. jour les gouvernans et les
gouvernés.
CÉLADONISME. Riccoboni, clans sa Réfonnation
(lu Théâtre , prétend que l'amour, dans la tragé-
die, ne doit être que furieux, et jamais tendre.
L'amour furieux est propre à la tragédie, soit^
mais loin qu'il doive exclure l'amour tendre, je
soutiens que la peinture de ce dernier est d'une
Q i
io4 C E L
milité plus générale , parce que plus de gens
aiment comme Brilannicus , que comme Hermione
ou comme Phèdre, Ce n'est que la fadeur, le Cé-
ladonisme qu'il faut éviter. (Rétif.)
CELANT. Discret. On peut le charger de cette
affaire, rien ne transpirera; c'est un homme Ce-
lant et sans aucune affectation.
CÉLÉBRisER. Le plus miuce des journalistes
croit Célébriser le plus obscur autevir auquel il
donne des louanges.
C'est la manie de nos sculpteurs de Célébri&er
telle ou telle tête, qu'elle appartienne à un géné-
ral ou à un histrion.
CÉLisRE. Nous avions le substantif célérité; il
nous manquait l'adjectif Célère, et je sais bon gré
à Rétif de la Bretonne d'avoir dit, dans un de ses
nombreux et peut-être trop nombreux ouvrages :
<( Deux femmes, à un balcon donnant sur la cam-
« pagne , voyaient errer dans la plaine d'inno-
« cent es perdrix aux pieds rouges et Célères. »
Célère. Il ne fait que passer par cette ville; si
vous voulez le rencontrer, soyez Célère. Quand
on va à la rencontre d'un objet aimé, le pas est
toujours Célère.
CÉLESTIEL. Ce bel enfant, c'est un ange; il a
l'oeil d'un bleu Célestiel. Il y a quelque chose de
Cèles tiel dans l'air innocent et les grâces pudiques
C E R io5
de cette jeune vierge. Un beau Célesliel est ré-
pandu dans plusieurs figures et têtes de Raphaël.
Quand il parle de la vertu, il s'anime, il a le re-
gard Célestiel : tel devait être celui de Féuélon ou
de Marc-Aurèle.
CÉNOBIES. Maison où l'on se rend volontaire-
ment. On a détruit les monastères, les couvens.,
mais on pourrait rétablir les Cénobies.
Centraliser. L'entreprise d'uniformer le lan-
gage d'une grande nation , de manière que tous
les citoyens puissent sans obstacle se communi-
quer leurs pensées ; cette entreprise qui ne fut
pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne
du peuple français , qui Centralise toutes lej*
branches de l'organisation sociale , et qui doit être
jaloux de consacrer au plutôt dans une République
une et indivisible, l'usage unique et invariable de
la langue de la liberté. ( Grégoire. )
Centraliser. Centraliser le pouvoir, l'autorité,
c'est servir d'autant plus la liberté individuelle ;
mais dans cette Centralisation , pour peu que la
force publique déborde, tout passe sous le joug.
O rare équilibre! Et toi, grand funambule, o
Forioso I tes pieds sur la corde en savent plus
que nos têtes , quand il faut équilibrer.
CÉRÉMONIER. « Et bientôt l'enconti'àme*
«le logis du mien sauveur, qui, par bonnes et
io6 C H A
« onctueuses paroles, attira ma mie dans la c"ha-»
« pelle Et Blanche n'y éloit pas plutôt, que
« la voilà qui se laisse aller dessus ses deux ge-
« noux; ce que sentant, pour ce que j'avois bien
« mon bras allaclié au sien , me laisse aussi cou-
.<( lei* sur les miens, et puis le marieur Cérémonia,
« et ma mie dit : Oui^ et moi encore. » (Sauuigny.)
Ceste. (subst, m.) Nom de la ceinture qu'Ho-
mère donne à Vénus. Elle rendait la personne qui
la portait aimable, même aux yeux de ceux qui
ne raimaient plus : l'hymen n'était pas même à
l'abri de ce prestige.
CiîAGRiNEUx. Chagrin se dirait pour celui qui
l'est envers lui-même, et Chagrineux pour celui
, qui le serait envers les autres.
On ne peut plus vivre avec lui, il est Chagri-
neux au possil)le. Mais il paraît bien trisle , ce
jeune homme. — Il est vrai; c'est un oncle Cha-
grineux qui le rend chagrin.
Chaleureuse. Une amitié Chaleureuse; cela
ne se voit que dans le premier âge.
Chaleureux. La première pensée de la
Feiiille P illageoise nous vint d'une conversa-
lio)i avec cinq ou six paysans, au milieu d'une
giange où l'orage nous avait forcés de nous
rétugier. Nous fûmes accueillis par eux avec une
hospitalité si touchante, ils entendirent nos rai-
C H A 107
sonnemens et nos explications d'un air si allenllf
et, si judicieux, et malgré leur langage rustique,
nous vîmes, à travers les éclairs et le tonnerre,
éclater en eux un sens si droit et un cœur si
Chaleureux, que nous conçûmes le plan d'un
journal conforme à notre entretien. i^Cérutti.^
Chalouheux. «... Ah ! malheureux Pierre î
«disant ainsi, ne fus -je pas assez hardi de
« prendre la main de Blanche, qui, par sa trop
«extrême émotion, plus ne me voyoit , ni no
« m'entendoit , et l'attirant à moi doulcement,
« elle laisse tomber son beau visage sur le mien,
« et voilà que je sens couler en toutes mes veines
« une Chaloureuse ivresse, et Amour rompit si
« tellement en moi le frein du respect, que je
« ne pus retenir mes lèvres de toucher les
« siennes, et d'y attacher un très-amoureux bai-
« ser. ( Sauvigny. )
Chambellanie. Recevez, madame, mes hom-
mages, mes respects, mes souhaits, des gouttes
d'floffmann et des pilules de Slhal, par M. d'A-
mon, mon camarade en Chambellanie, et mon
très-supérieur en négociations. ( Voltaire. )
Chants pathiotiques. Nos anciens recueils
fourmillent de couplets sur tous les sujets. ïi
existe en France des milliers de chansons à
boire; Scaron en fit une à manger, et ce n'est
pas le plus détestable de ses ouvrages. Aucun de
io8 C H E
nos chansonniers n'avait encore chanlé la palriey
par la raison toute simple qu'il n'existait
pas de patrie : nos Muses, à l'exemple des an-
ciens', sont enfin devenues patriotes; c'est une
nouvelle plante qui s'élève et embellit le Par-
nasse français.
Chapelièkjes ( en fleurs. ) Bouquetières qui
font les couronnes de roses. Cette expression
pourrait figurer dans nos vers. Je travaille pour
vous, enfans des Muses.
Charbon. De quel Charbon ne noircit-il pas
la renommée de cette pauvre fille?
CilARLATANER. CliarlaTaner au bout du Pont-
Neuf, cela est vil; mais Charlataner au milieu des
grandes sociétés savantes , cela devient presque
respectable ; du moins , cela passe.
Chasteté laborieuse. Jérôme appelle la
Chasteté des veuves, une Chasleté laborieuse,
parce qu'il faut qu'elles combattent les souvenii's
des plaisirs qu'elles ont goûtés.
Chatoyer. Oui, ce style-là Chatoie, majs
après le premier coup d'oeil , tous ses rayons
brillans disparaissent.
Chercheur. Après avoir fait l'éloge des cam-
pagnes solitaires, l'auteur ajoute : J'en ai assez
diL pour désabuser ces Chercheurs de trouble et
C H B. 109
de bruit qui croient que les boues de Paris
sont de meilleure odeur que les parfums de
l'Arabie heureuse. ( Lenioine , jésuite, )
Chevaleresque. Je dis à M. Biron ( 6 octob.
1789 ) : M. d'Orléans va quitter sans jugement le
posLe que ses commeltans lui ont confié. M. Biron
me répondit par des sentimens Chevaleres-
ques. ( jMlraheau. )
Chevaucheur. Cet archer était un excellent
Chev^aucheur ; il fatiguait le cheval plus qu'il
n'en était faligué. Toujours à la tèle de la. Che-
vauchée, il fut long-temps l'effroi des brigands.
Chimiser. Si je reviens au monde, je ïi'aurai
d'autre étude et d'autre occupation que de Ohi-
miser. Heureux chimistes I
Chômage. On représente dans un écrit, l'ar-
gent comme une marchandise : à la bonne heure,
dans sa qualité de ïnétal , comme serait le fer et
le plomb, mais dans sa qualité de monnaie, cela
n'est pas; alors l'argent représente tout, il sert
à tout ; c'est ce qu'aucune marchandise ne peut
faire. Ces marchandises périclitent à les garder;
elles ruinent le marchand par le Chômage ; il
faut les veudre; mais je n'ai pas ouï dire qu'on
eût grande hâte de porter son argent au marché
pour s'en défaire. ( Mllraheau. )
Christiaque. Les religions dominantes , la
iio CI T
grecque, la romaine, rég3qDtiaque, la syriaque,
avaieut leurs mystères; la Chrisliaque voulut
avoir les siens : aussi chaque société Cliristiaque
eut donc ses mystères , qui n'étaient pas même
communiqués aux catéchumènes, et que les bap-
tisés juraient, sous les plus horribles sermens^
de ne jamais révéler. ( P^oltaire. )
CiiRTSTicoLE. Les armes peuvent détrôner
un pape , mais non pas détrôner l'imposture.
Jamais on ne détruira la superstition Christicole
que par les armes de la raison. ( Voltaire. )
CiERGER. Dieu servateur , c'est fait de nous I
non, nous ne re veinons plus la France. Messieurs
les saints, nous vous invoquons tous; et vous,
benoîte vierge , préservez - moi de ce terri-
ble naufrage, et je vous promets le plus beau
cierge qu'un vœu dévot ait jamais pu faire
Cierger. ( Rabelais, )
Circonstanciel. L'assemblée nationale, par
des considérations Circonstancielles , a déclaré
que le pays Venaissin n'était pas, pour le mo-
ment, reconnu pays français et partie intégrante
du royaume: mais, disait un écrivain en 1790 ,
ce qui est différé, n est pas perdu , et la pro-
phétie s'est accomplie.
CiTHÉRÉÏQUE. Eh I comment se défendre du
CL A 111
charme Cilliéreique qui raccompagne par-tout
où elle parait ?
Clairvoyance. La Clairvo} ance de Frédéric
le Grand, n'avait point d'égale chez aucun des
rois ses contemporains.
Clamateur, Le nerf, et s'il faut le dire,
l'insolence du peuple sera toujours le gage de
sa franchise, de sa probité , de son dévonemeni.
Dès que le peuple cesse d'être agreste et Clama-
teur, il devient sérieux, vain, débauché, pau-
vre , et conséquemment avili.
Clamer. Je ne sais, mais j'entends de loin
Clamer , et comme si l'on demandait secours :
volons.
Clandestiner. Clandestiner un événement
fâcheux , une défaite. Se Clandestiner dans sa
route. On a pris soin dans les alentours , de Clan-
destiner le suicide de cet homme d'affaires. Clan -
destiner le mariage d'une jeune personne.
Claquer. 11 fut un temps où les Parisiens
Claquaient pour la reine et pour les princes,
quand ils paraissaient dans leurs loges, et qu'ils
a%'aientfait la gracieuse révérence 5 ils Claquaient
quand l'acteur paraissait sur la scène, et K)ut
aussi fort; ils Claquaient pour un beau vers; ils
Claquaient ironiquement quand la pièce les
impatientait ; ils Claquaient quand ils deman-
ii2 C O A
daient impérieusement l'auteur ; ils Claquaient
pour Gluck, et fesaient plus de bruit que loua
les instrumens de roicheslre qu'on n'enten-
dait plus ; ils Claquaient , elc. etc.
Cliques. ( des ) Ta brochure , mon cher , est
pleine de sel et de véritable esprit i mais cette
production peut te faire des ennemis, et les en-
nemis sont bien dangereux, sur-tout quand on
attaque des Cliques. ( Rétif. )
Clocher. 11 y a une société religieuse, con-
nue en France sous le nom de Quakers : ils n'ont
point de prêtres; ils s'assemblent paisible» ;ent
à des heures convenues; on ne les voit point
processionner, on ne les entend point Clocher 5
ils ne troublent jamais la tranquillité publique, ni
le repos de leurs voisins , par des sonneries , du
carillon, et par ces cantiques braillards si fami-
liers aux diseurs de messes. ( 27iomas Payne. )
Clop. Boiteux. Boiteux se dit d'un homme
ordinaire; mais il faut dire, ce minisli-e est Clopj
le tout par révérence.
Clouter. Qui peut entendre, sans frémir.
Clouter nue bière? Ce hussard couvert de bou-
lons d'acier, et des pieds à la tête, n'est pas
cunassé , il est Clouté.
CoAXER. Crier comme une grenouille, ou
d'une manière aiguë, dure et désagréable. Cette
femme
COL ii5
femme lae crie point, elle Coaxe. Traversez les
halles, à Paris, et vous vous souviendrez du
verbe Coaxer.
C<KUR d'homme J'eus alors un des plus
doux spectacles qui puissent flatler un Coeur d'hom-
me, celui de voir la joie, unie avec l'innocence,
se répandre autour de moi. (/. /. Rousseau. )
Cogitation. « Je ne vis jamais paysan de
« mes voisins entrer en Cogitation de quelle
« contenance il passeroit sa dernière heure. Na-
« ture lui apprend à ne songer à la mort que
« quand il se meurt. » ( Montaigne. )
Il ajoute: «Et lors, il a meilleure grâce qu'Aris-
« tote^ lequel la mort presse doublement, et par
« elle , et par une si longue préméditation. »
CoLAPHiSER. Donner un soufflet. Cet imper-
tinent qui avait insulté cette femme honnête,
fut Colaphisé d'importance, et il prit la fuite à
propos.
CoLiiRES. [des) \]n homme est en colère, et
une femme a des colères.
COLIQUEUX. Il est né Coliqueux : Bilis fit
coUca.
CoLOMBiNE. (Adjectif fém. ) «Il ne faut ja-
« mais tromper ni affiner, mais bien se faut-ii
« garder de l'être. Il faut marier l'innocence
Tome /. H
ii4 C O M
« Colombine, en n'olFençant personne, arec la
« prudence serpentine, en se préservant des em-
« bûches d'autrui. » ( Charon. )
CoLOPilONE. Préparation de térébenthine pour
frotter les archets. Eh bien, il n'y a pas un mu-
sicien qui ne dise Colaphane. Corrigez-vous , pin-
ceurs de cordes.
CoMÉDiASSiER. Je consens volontiers à ce que
l'on représente mes pièces sur voire théâtre , à
condition que les rôles ne seront point livrés à
des Comédiassiers , nés pour figurer sur les tré-
teaux des Boulevards.
Qu'est-ce que cet homme qui se rengorge?
C'est \\n Comédiassier bourgeois qui profane la
comédie , pour avoir l'occasion de faire des dé-
clarations amoureuses aux lingères du quartier.
CoMÉDisME. Convenez que la noblesse jouant
la comédie sur nos théàti^es publics , choque fu-
rieusement les préjugés. D'où vient toutes les
nations sont elles d'accord là-dessus ?.... Toutes
les nations!.... Le plus grand nombre est contre
cette manière d'envisager le Comédisme. C'est
une vérité dont il est aisé de se convaincre par
une Histoire du Théâtre, que vous pourrez lire.
En attendant, je pourrais vous citer toute l'an-
tiquité -, Grecs , Romains , Persans , Egyptiens ,
Gaulois : chez tous ces peuples , ce furent les
premiers citoyens qui furent poètes et acteurs.
C O M liS
Le Comédîsme était même une dépendance du
sacerdoce chez les trois derniers. ( Rétif. )
Comédisme. Pour diminuer les dangers du
théâtre , et en augmenter les avantages , deux
moyens se présentent : supprimer tout le licen-
cieux des drames , et rendre nul l'inconvénient
du Comédisme. Par ce mot, ou entend la dé-
pravation des mœurs, en général, des acteurs, et
sur-lout des actrices. (Kéiif.^
Comédisme. C'est la charité qui a ordonné la
première sépulture dans le sein de la terre 5 ce
serait la vanité, la jactance, le Comédisme du
sentiment , qui ordonneraient les sépultures pri-
vées.
CoMMiscÉABiLiTÉ. « Ce bon , cet honnête
« garçon , il faut bien qu'aux dépens de mon
« innocence, je lui fasse connaître, pour lui sau-
« ver la vie , le plaisir qu'il ne connaît pas , » di-
sait la jeune Rosalie. Entre deux amis de sexe
différent, quoi qu'on en puisse dire, la plus
belle et la plus solide preuve d'estime , c'est la
Commiscéabilité. ( Rétif. )
Commodités. Il vivait à son aise dans les
Commodités d'une belle et indépendante fortune.
Compagnie. La meilleure Compagnie pour
un homme d'esprit , est la sienne ; voilà pour-
quoi tant d'écrivains ont aimé , cherché et pré-
féré la solitude à tout le reste.
H 2
ii6 C O M
CoMPASSEUR. Sans la philosophie, les roman-
ciers, les poètes dégénèrent en Compasseurs de
phrases , en jolis arrangeurs de mots , et versent
une enluminure dangereuse sur les objets sé-
rieux qui intéressent l'homme.
CoMPASsiONNÉ. [être) « Tous les jours vont
« à la morl ; le dernier y arrive. Peu de gen»
« meurent résolus que ce soit leur heure der-
«nière, et n'est endroit où la piperie de l'espé-
« rance nous amuse le plus ; elle ne cesse de
« corner aux oreilles. . . . Décilitres ont esté plus
« malades sans mourir , et puis Dieu a hienfaict
<( d'autres miracles.
« Et advint cela de ce que nous faisons trop de
« cas de nous. Il semble que l'université des
« choses souffre aucunement en nostre anéantis-
« sèment, et qu'elle soit Compassionnée à nostre
« estât. >) ( Montaigne. )
CoMPLEXioNNER. Il ne s'agit pas tant de faire
im enfant, que de le bien Complexionner. Un pay-
san Compiexionne mieux sa famille que ne le fait
un prince nourri délicatement.
Compost. Recueil. On l'aurait bien dispensé
de nous avoir donné le Compost de ses petits
vers de ses petites lettres et autres fadaises de
société.
Compréhension, Condé disait qu'il fallait
C O N 1,7
craindre les ennemis de loin pour ne les plus
craindre de près, et se réjouir de leur approche.
Le voyez -vous, comme il considère tous les
avantages qu'il peut ou donner , ou prendre î
avec quelle vivacité il se met dans Fesprit , en
un moment, les temps, les lieux, les personnes,
et non-seulement leurs intérêts et leurs talens,
mais encore leurs humeurs et leurs caprices I
rien n'échappe à sa prévoyance. . . . Avec celte
prodigieuse Compréhension de tout le détail et
du plan uniservel de la guerre ( Bossuet. )
Concept. L'art de la généralisation , en mé-
taphysique, tend à dépouiller les Concepts de
tout ce qu'ils ont de sensible.
(Ao^e. ) A mesure que cet acte s'avance, les
spectres corporels s'évanouissent , les notions se
retirent peu à peu de l'imagination vers l'enten-
dement, et les idées deviennent purement intel-
lectuelles. Alors le philosophe spéculatif ressemble
à celui qui regarde du haut de ces montagnes
dont les sommets se perdent dans les nues; les
objets de la plaine ondt disparu devant lui : il ne
lui reste plus que le spectacle de ses pensées,
et que la conscience de la hauteur à laquelle il
a'èst élevé , et où il n'est pas donné à tout le
inonde de le suivre et de respirer. (^Diderot.)
CoNCEPTER. La lionne a Concepté au Jardin
H 5
iî8 C O N
des Plantes , ce qui est un phénomène pour les
naturalistes.
Concepteur. L'amour clés hommes crée le
génie. Un homme que ce feu sacré dévore , a
conçu la grande pensée qui nous a réunis pour
commencer la communion du genre humain.
Qu'il soit loué, le Concepteur de cette confédé-
ration universelle des amis de la vérité , pour
détruire tous les mensonges qui font tous les
malheurs de l'humanité ! ( La Bouche de fer. )
CoNCEPTiF. Cet enfant est né avec un esprit
Conceptif. Au milieu d'une assemblée , lorsqu'il
faut inventer des jeux et des amuseraens, ouïes
varier, Valère abonde en plaisans Conceptifs.
Conception. Il est une foule d'expressions
qui ont acquis récemment une acception acces-
soire, ou entièrement diflérente. Le terme souve-
rain est enfin fixé à son véritable sens.
Une nouvelle grammaire et un nouveau dic-
tionnaire français, ne paraissent aux hommes
vulgaires qu'un objet de littérature; l'hamme
qui voit à grande distance , placera cette me-^
sure dans ses Conceptions politiques. (Grégoire. y
Concorder. J'ai peur de ne savoir que dire,
quand il faudra Concorder les deux généalogies
de Jésus. ( V^oltaire. )
Un homme d'esprit et un vrai sot ne peuvent
C O N 119
pas Concorder ensemble : les hommes Concordent
encore moins dans le chemin de la gloiie que
dans celui de la fortune.
CoNFABULER. Qui n'aime pas à Confabuler
le soir, au coin de l'àtre, et les pieds sur les
chenets , avec un homme qui a l'expériment
des voyages? J'aime mieux ici expériment qu'ex-
périence.
Confectionner. Martin, mon tailleur, m'a-
t-il servi suivant mes désirs ? Le collet est il
bien haut, la taille courte et pincée? les man-
ches sont-elles bien longues, les boutonnières
artistement cousues? en un mot, mon habit est-
il bien Confectionné? On lit dans tous les jour-
naux : Venez à tel magasin , en trois heures de
temps j on y Confectionne un habit. Que d'hom-
mes ont isolément des idées agréables, qui ne
peuvent Confectionner un ouvrage! (L**)
CoNFESSEUSE. Confessez-vous à Dieu, s'écriait
le souverain pontife Nectaire , et je vous rece-
vrai à la sainte table. Observons que les confes-
sionnaux ne s'élevèrent que sous le règne du
monachisme 5 les religieux avaient leurs Con-
fesseurs, et les religieuses avaient leurs Confes-
seuses. ( AnacJiarsls Cloots. )
CoNFiDENCiEL. Mémoire Confidenciel, donné
à l'homme et non au ministre. I^ettre Confi-
H é:
320 C O N
dencielle, qui nje peut être exhibée devant les
tribunaux civils. Aveu Confidenciel , dont la
haine elle-même ne saurait abuser contre l'an-
cienne amitié.
CoNFTDENTÉE. C'est une femme Confidentée ;
vous pourrez lui tout dire sans crainte.
Conflagration. Contemplateurs stoïques des
maux incalculables que cette catastrophe af-
freuse (la banqueroute) vomira sur la France t
impassibles égoïstes, qui pensez que ces convul-
sions du désespoir et de la misère passeront
comme tant d'autres, êtes-vous bien sûrs que tant
d'hommes sans pain, vous laisseront tranquille-
Snent savourer les mets dont vous n'aurez vouîa
diminuer ni le nombre, ni la délicatesse?
Non 5 vous périrez , et dans la Conflagration uni-
verselle que vous ne frémissez pas d'allumer, la
perte de votre honneur ne sauvera point une
seule de vos détestables jouissances! ( Mirabeau. ^
Confortable. Rien dé plus Confortable que
le sentiment vrai de l'amitié.
Confusion. Montaigne est le seul de nos écri-
vains qui ait donné au mot Confusion , le sens
énergique et touchant qu'il a dans le morceau
suivant :
« En ce noble commerce ( entre deux vrai»
amis ) , « les offices et les bienfaits nourriciers
C O N 121
« des autres amitiés ( comme celle entre pareils ) ,
« ne méritent pas seulement d'astre mis en
« compte. Cette Confusion si pleine de nos
« volontés en est cause. »
Montaigne, pour développer son idée, ou plutôt
pour répandre le sentiment dont il est pénétré,
ajoute :
« Car tout ainsi que l'amitié que je me porte,
« ne reçoit point augmentation pour le secours
« que je me donne au besoin, et comme je ne
« me sçay aucun gré du service que je me faj'',
« aussi l'union de tels amis estant A^érilable-
« ment parfaite , elle leur fait perdre le senti—
«ment de tel devoir, et lia'ir et chasser d'en-
« tr'eux , ces mots , hienfaicts , obligation , re~
n cognoissance j prière, renie rcinient , et leurs
« pareils. »
Congélation. La Congélation d'une grande
assemblée est l'ouvrage d'un ennuyeux orateur,
tel que l'académicien qui nous redit cent
fois les mêmes choses.
CoNGLOBATiONs. Termes qui se succèdent
dans une même phrase. Ces Conglobations sont
brillantes, mais si elles ne sont pas justes, elles
sont puériles. ( Urbain Domergue.)
Conglomérer, {se) Si l'on pouvait diviser
le tronc d'un arbi'e en branches, on ne ferait
122 C O N
d'un cliêne qu'un buisson; mais si on réunissait
toutes les branches d'un buisson dans un seul
tronc, d'un buisson on pourrait faire un chêne.
Que de royaumes sont devenus buissons dans
de vastes terrains, parce que leur tronc ne s'y
ramifie qu'en nobles et en prêtres! Voyez l'Es-
pagne et l'Italie : que de républiques sont de-
venues des chênes^ dans de pelits terrains, parce
que la noblesse et le clergé s'y sont Conglomé-
rés avec le peuple, et n'ont avec lui qu'un in-
térêt commun I Voyez la Hollande et l'Angle-
terre. ( Bernardin de Saint-Pierre. )
CoNGRATULATOiRE. J. F. Maury , vous êtes
si peu accoutumé à recevoir des marques d'es-
time, que si, dans le cours de cette lettre, il
m'échappait quelque expression Congratulatoire
ou d'approbation, il est probable que vous la
regarderiez comme une ironie amère ; cepen-
dant, etc. (^ Lia Bouclie de fer. )
CoNJURATEUR. La veille de ce jour épou-
vantable , les conjurés encore incertains des
coups qu'ils devaient porter , et comme effrayés
de ce vaste plan de carnage, se rassemblèrent
nuitamment chez le Conjurateur. Le chef de ces
scélérats sut enhardir leurs bras et endormir
leurs remords.
Connaître. Il est plaisant que le mot Con-
C O N ^ 125
naître une femme , veuille dire, coucher avec
une femme, et cela dans plusieurs langues an-
ciennes, dans les mœurs les plus simples, les plus
approchantes de la nature, comme si on ne Con-
naissait point une femme sans cela. Si les pa-
triarches ont fait cette découverte, ils étaient plus
avancés qu'on ne croit. (^Chamfort.)
Connecter. Je vous enverrai la traduction
du Traité de Dieu, de V Ame et du Monde , par
Wolf, dès qu'elle sera achevée, et je suis sûr
que la force de l'évidence vous frappera dans
tovites ses propositions, qui se suivent géométri-
quement , et Connectent les unes avec les autres,
comme les anneaux d'une chaîne. ( Lettre de
Frédéric II à T^ oit aire. )
Conscription. Il y aura désormais une armée
navale et des vaisseaux de commerce; mais il n'y
aura qu'une marine , composée de tous les citoyens
compris dans la Conscription, c'est-à-dire, l'en-
rôlement maritime. [Décret du mai 1790.)
Conseillère. La misère est une source conti-
nuelle de soucis rongeans , de peines d'esprit ,
d'insomnies cruelles : elle est Conseillère de plu-
sieurs actions basses et iniques.
Considération. Comme le sens de ce mot va
sûrement changer en assez peu d'années , il n'est
124 C O N
pas mal de donner la signification qu'il a conservée
jusqu'à ces derniers temps.
D'abord ce mot magique, Considération, ne dé-
veloppait guère son influence que dans l'enceinte
assez étroite d'un certain public , d'un public
choisi y comme on disait. La personne considérée
était pour ce public, l'objet d'une attention mar-
quée, d'un intérêt apparent ou convenu : il fallait
la connaître , Ta voir vue ; on la citait plus ou moins
fréquemment 5 il n'était pas nécessaire de savoir
pourquoi. On eût ri d'un étranger qui eni atta-
ché à ce mot Considération, les idées d'estime;
seulement elles n'étaient pas exclues : c'était beau-
coup. A la vérité ces nuances n'étaient pas très-
éclaircies dans toutes les têtes , mais on s'enten-
dait, ou l'on croyait s'entendre; ce qui, dans le
fond, revenait à peu près au même. ( Chamfort. )
Considération. Prendre en Considération ,
c'est s'occuper de quelque chose , ou simplement
concevoir le projet de s'en, occuper. Cette expres-
sion a été adoptée dans toutes les assemblées légis-
latives (quelque nom qu'on leur donne) , et enfin
a cii'culé par-tout.
\]\\ clerc de notaire à qui l'on recommandait
l'expédition d'un acte, disait , en pensant à toute
autre chose Bon , bon , je la prendrai en
Considération.
CoNSPiRANCE. Le corps social et politique exige
C O N 125
que les pouvoirs qui les gouvernent, aJenL une con-
cordance et une Conspirance entre eux pour ar-
river au but qu'ils se proposent, c'est-à-dire, à la
perfection du gouvernement, [Mirabeau.)
Conspirer. Ce mot, jusqu'à présent, a signifié
la résolution prise par un certain nombre de per-
sonnes, d'anéantir une chose funeste au bien de
la société générale ou particulière : il entraîne
avec lui l'idée de destruction. Depuis long-temps
la philosophie Conspire contre la superstition.
Brutus , Cassius , Ciraber et d'autres Romains
conspirèrent contre la tyrannie de Jules César.
Maintenant, le mot Conspirer se prend.dans un
sens différent : au lieu d'indiquer l'idée de destruc-
tion, il fait naître celle d'établissement aussi glo-
rieux qu'utile, comme dans ce trait du discours
de Lakanal :
« Jaloux de la liberté qu'ils avaient conquise ,
« les Français offrirent le spectacle sublime et
« terrible d'un peuple Conspirant pour la patrie. »
CoNT\GiER. Contagier la société par un livre
tout à la fois impie et obscène, comment réparer
un tel mal ?
Si vous ne vous respectez pas vous-même,
craignez l'effroyable maladie; vous périrez peut-
être, après avoir Contagié votre vertueuse épouse.
Contempteur. Il s'est fait Contempteur de
126 C O N
son siècle, sans trop le connaîlre. Le Contempleur
d'un livre s'en croit le Juge et le critique. Jouer
le rôle de Contempteur, c'est un ridicule assez
tranchant de nos jours , et qui appellerait un
crayon comique.
Continûment. Chercher à sentir les secousses
délicieuses de Famour, n'est-ce pas s'exposer aussi
à sentir les secousses contraires? Il faut donc ne
nous agiter que faiblement, afin de ne nous éloi-
gner que le moins possible de l'état de tranquillité.
Une douce agitation est Conlinijment agréable :
un mouvement violetit et brusque n'est jamais
sans douleur. ( Rétif. )
CoNTOURNABLE. Montaigne disait : « C'est la
« vraye solitude qui peut se jouir au milieu des
« villes et des cours des l'ois. »
Diderot ayant la conscience de ses vertus et de
ses talens , et voyant le vice et la dégradation des
arts se répandre autour de lui, disait : «Je ne suis
<( jamais plus seul que dans la foule qui ni'envi-
« ronne, au sein de la capitale. »
Montaigne ajoute : « Nous avons une ame Con-
« tournable en soy-mesme^ elle se peut faire com-
« pagnie : elle a de quoy assaillir et de quoy def-
<( fendre, de quoy recevoir et de qu^oy donner. Ne
«craignons pas, en cette solitude, nous croupir
C O N 107
« d'oisiveté ennuyeuse -, la vertu se contente de
« soy. » (1}
CoNTREMiîER. (se) A l'aspect du fantôme hor-
rible que celle malheureuse femme ciut voir dans
les ténèbres de la nuit, elle devint pâle et dé-
faillante j tous ses sens se Contremuèrent.
CoNTRE-siGXEUR. «J'ai l'honneur, monsieur,
« de vous renvoyer par M. d'Argental, le manus-
« crit que vous avez bien voulu me confier; il le
« fera conlre-signer par M. le duc de Praslin , ou
« par quelqu'aulre Conlre-signeur. » ( Voltaire. }
Contre-situation. A la Fausse Suivante a
succédé une parodie intilulée Fanfale , où Fou
ridiculise les héros de l'opéra à^Ompliale. Je ne
t'en entretiendrai pas : il faudrait que tu con-
nusses trop de choses pour m'enlendre. Moi-
même je n'ai pu saisii', n'ayant pas vu cet opéra,
la justesse des Contre-situations. (^Rétif.)
CoNTUMÉLiE. On peut, sans Contumélie, ne
savoir ni le grec, ni le latin, pourvu que l'on
parle sa langue avec quelque pureté.
On peut aussi, sans Contumélie^, manquer une
place élevée ou en descendre, si la voix publique
ne vous accuse pas d'en être totalement indigne.
(1) Montaigne et Diderot réunis , font plaisir à voir, mais
n'étonnent point. Les préjugés rendent hommes ordinaires
plus ou moins petits. Les philosophes les renversent, montent
sur leurs débris , et se trouvent à la même Iiauteur,
128 C O N
CoNTUS. (de contusion ) Dans cette rixe, il y
a eu plus de Conlus que d'hommes blessés à
sang.
CoNVERTissABLE. BufFon avait beau faire le
converti auprès de la Sorbonne , pour garder sa
place, il n'était pas Converti ssable.
Convertisseur. Ne faites point, de grâce, le
Convertisseur auprès de moi, au sujet de Newton;
tout ce que Dieu m'a donné d'intelligence et de
raison, me révèle l'impossibilité que la nature
marche ainsi qu'il l'affirme : mais oseriez-vous le
dire, si cela vous est démontré?
Convertisseur. Je trouve tout simple qu'un
homme qui s'est rangé de bonne foi d'une secte,
ne veuille jamais s'astreindre aux pratiques d'une
autre; mais celui qui ne croit rien, dit Mirabeau,
en passe par tout ce que l'on veut sans scrupule,
pour être tranquille, pourvu qu'on n'exige de lui
que ces momeries qui ne font ni bien ni mal à
personne. Quant à moi, je déclare cjue celui qui
me rendra dévot, est le plus signalé Convertisseur
du siècle.
Convié. On lit dans le Menteur de Corneille :
Par quelque haut récit qu'on en soit Conviée ,
C'est grande avidité de se voir mariée.
Cette expression Conviée , prise en ce sens ,
n'est plus d'usage 5 mais j'ose croire que si on
voulait
\
coq 129
voulait remployer à propos, elle reprendrait ses
premiers droits. ( VoMaire. )
Convier.
Va, marche sur leurs pas où l'ïionneur te Convie.
Convie est une très -belle expression de Cor-
neille; elle était très-usitée dans le grand siècle de
Louis XIV. Il est à souhaiter que ce mot continue
d'être en usage. {Voltaire.)
CoNVULSER. Du temps du diacre Paris, l'on vit
des hypocrites , soudoyés ou non soudoyés , s.e
Convulser sur son tombeau, et imiter les soubre-
sauts des plus Gimeux saltimbanques.
!Le système nerveux des femmes n'est point
assez; robuste pour atteindre aux combinaisons
profondes des sciences abstraites; les houppes sont
trop sensibles, les fibres se crispent, et la machine
se Convulsé.
CopuLER. Assembler et conjoindre. Ce qu'il y
a de plus difficile pour wxi peuple, c'est de savoir
Copuler ses vrais amis.
CoQUiNER. On dit en trois mots : Commettre
une coquine rie ; povirquoi ne pas dire en un seul?
Coquiner. Par exemple, cet agioteur passe sa vie
â Coquiner.
Tome /. ^
1.-Q COR
CoRDiLi>ç>N..On a souvent récîLé ce quatrain
sur la calomnie : ,.
Quand une fols ce monstre nous attache ,
Il sait si bien ses Cordillons nouer ,
Que bien qu'on puisse enfin les dénouer,
Re^teut toujours les marques tle l'attache. [Pihrac.)
Corporation. L'esprit parliculier de chaque
homme s'éleinl et disparait dans loule Corpoia-
tionj elle déprave plus ou moins le génie, el même
la verlu. La Corporalion nuit sur-lout à tous les
arts dépendaus de l'imaginalion.
CORPORIFIER. Les idées grossières des hommes
sur- le premier être, les poi'tèrenl à Corporifier la
Divinité.
Correctrice. Je me représente une fem^ji»
vertueuse, une auguste mère de famille, envi-
romiée de ses enfans, et donnant à tous l'exemple
de la modération et de la sagesse, coinme la plus
heureuse Correctrice de nos mreuys domestiques.
Corruptibles. Hé, comn^eut échapper à la
séduction de Paris, lorsqu'on sortant de sa pro-
vince, il n'avait pour défense que les mœurs Cor-
ruptibles de son âge l,
Corruptionnf.r, Quand on songe qu'il ne faut
qu'un mauvais Vivre pour Corruptionner tout un
peuple, et o^ae la propagation de cette peste est
un acte rapide, cela fait trembler l'ami de Tliu-
manit'ij et de la liberté de la presse.
cou i3i
Corset, On appelait ainsi un assignai de cent
sous, parce qu'il était signé Corset, et les liber-
tins disaient aux filles : « Corset pour Corset. »
CosMOPOLisME. Il faut aimer un lieu 5 l'oiseau
lui-même , qui a en partage le domaine des airs ,
affectionne tel creux d'arbre ou de rocher. Celui
qui est atteint de Cosmopolisme, est privé des plus
doux sentimens qui appartiennent au coeur de
l'homme.
Qui croirait que l'on peut exercer à Paris le
Cosmopolisme, encore mieux que dans le reste de
l'univers ?
CosMOPOiiiTER. Parcourir l'univers.
Costumier. Chez une nation légère et folle, le
masquier ou Costumier peut s'enrichir dans le
cours d'un hiver.
CoTHURNEU. («f) Il marchait à grands pas,
élevait les bras, renforçait la voix et se Cothur-
Jiait ; mais toutes ces hautes démonstrations ne sé-
duisirent personne 5 il resta toujours un faquin.
CoTONNÉ. Ija fortune aime les mentons Co-
lonnes.
Couardise. On accusa Mirabeau , qui maniait
hlen la plume et la parole, de n'être plus bravç
ailleurs , et de témoigner de la Couartîise.
La Couardise de roffioier délermine la polLron-
1 -2
iZ'i c o u ^
jierie du soldat. Si l'on soupçonne un chef de
Couardise , adieu la valeur des armées.
CoUCHERtE. Je n'ai vu dans le monde, disait
un homme qui y a long-temps vécu , que des dîners
sans digestion, des soupers sans plaisir, des con-
versations sans confiance, des liaisons sans amitié,
et des Coucheries saris amour. ( Anonyme, )
Coucherie. D'Alembert écrivait à Voltaire :
« Je commence à croire que la librairie n'aura
i<( rien perdu à la retraite de M. de Maleslierbes.
« — Il est vrai qu'on a fait aux gens de lettre»
« l'honneur de les mettre dans le même départe-
« ment que les filles de joie, auxquelles j'avoue
« qu'ils sont assez semblables par l'importance
« de leurs querelles, l'objet de leur ambition, la
« modération de leur haine et l'élévation de leurs
«sentimens; mais enfin il me semble que per-
« sonne n'aura à se plaindre, si la presse, la reli-
« gion et la Coucherie sont également libres en
« France. »
Couler. « Il y a tant de mauvais pas, que, pour
« le plus sûr, il faut un peu légèrement et super-
« ficielleraent Couler ce monde, le glisser, et non
« l'enfoncer. La volupté mesme est douloureuse
« en sa profondeur. » ( Montaigne. )
CouPLETTEUR. Favart fils est un de nos Cou-
pletteurs agréables. ( P. . . . )
cou i55
Courages.
Vous dlrai-je les noms de ces grands personnages ,
!Dopt j'ai dépeint les morts pour aigrir les Courages. (^Cinna.y
Dans le temps de Corneille, on disait les Cou"
rages , pour les esprits ; on peut même encore se
servir du mot Courages eu ce sens, (^f^oltaire.)
Courages. ( grands )
La fortune ennemie a peur des grands Courages. [Corneille.)
CouRONNÂBLE.Linguet , en publiant, quelques
jours avant celui où l'Académie française a cou-
tume de distribuer ses pi-ix , que cette société lit-
téraire décernera celui d'éloquence à M, l'abbé
Rémi, ajoute : «Je publie aussi que M. l'abbé
« Rémi étant inconnu, l'Académie avait bien de
« la peine à poser ses lauriers sur une tête vul-
« gaire. Le secrétaire, honteux d'avoir à procla-
« mer un nom aussi bourgeois et aussi chrétien j,
« a ressassé vingt fois les mémoires envoyés pour
« y déterrer quelque occiput Couronnable : il a
« été impossible d'en trouver. » (Linguet.)
CoUJioNNÉ. Quand on ne peut vaincre, il faut
corrompre; c'est la morale des Couronnés.
CouE-TiSEUR. Il semblait être le Courtiseur de
la nièce, mais il l'était réellement de la tante ^
parce qu'elle avait des écus.
Courtoisie. Ce mot vieillissait, il est bon de
le rajeunie»
I 5
i54 COU
Vous payez une politesse par une Courtoisie;
je votis reconnais là.
Sa Courtoisie ne s'arrêtait pas à des sei'vices
vulgaires; il vous donnait son temps, et sans faire
valoir ses rares procédés , il vous obligeait avec
une Courtoisie dont il y a peu d'exemples chez
lïos francs , bons et loyaux aïeux.
Courtoisie. S'il y a une ville qui se puisse dire
courtoise, c'est Paris. On y remarque une Cour-
toisie naturelle , je ne sais quoi d'ouvert et qui
appartient à tous les états.
CouSEURS. De tous les jeunes écrivains, ceux
qui ont le plus besoin d'être encouragés, ce sont
îes jeunes poètes. Les Muses sont femmes , et
n'accordent point leurs faveurs à des vieillards.
Je ne parle point de ces petits Censeurs d'épi-
pi thètes qui font des vers à l'incomparable
Cloris au teint de rose.... etc. etc. i^Bonneville.^
CouTUMERJE. La Coutumerie est la grande
autorité des sots, et elle enfante la jugerie, le
futile et misérable emploi de tous les écrivassiers.
CoUTUMiER. Polyeucte qui vient d'être bap-
tisé, dit , en parlant de Pauline , sa femme, qui
est idolâtre :
Et ni es yeux éclaires des célestes lumières.
Ne trouvent plus aux siens leurs grâces Coutumières.
C'est dommage que ce dernier mot ne soit
plus d'usage. ( Voltaire. )
C R A i35
Couture. « Ce que nous appelons ordinaire-
« ment amis etamitiez, ce souL accointances et
<( familiaritez nouées par quelque occasion ou
« commodité, par le moyen de laquelle nos ame»
« s'entretiennent.
« En Tamilié de quoy je parle, elles se xneslent
« et confondent l'une en l'autre d'un nieslange
« si universel, qu'elles effacent et ne retrouvent
« plus la Cousture qui les a joincles. Si on me
« presse de dire pourquoi j'aimais ( M. de la
« Boétie ) , je sens que cela ne peut s'exprimer
« qu'en respondant, parce que c'esloit lui, parce
« que c'estoit moi. » ( Montaigne. )
Couveuse. Ma poétique serait satisfaite , si
un sentiment de bonheur et de liberté respirait
dans toutes les pages , de même qu'un sang pur
anime une belle carnation. Ce fut peut-être le
«eul secret de ces Anacréon , de ces Chaulieu ,
qui' trouvèrent la perfection dans les bras de
l'indolence, et firent la gloire héritière de leurs
plaisirs. La lime mord, mais le temps caresse;
son poli est plus dopx. Montaigne eût peut-être
dit: «La paresse est bonne Couveuse.» (P.E.L.)
Cracheux, TOUSSEUX. Les comiques feraient
jouer le personnage d'un vieillard à Chrêmes,
c'est-à-dire Tousseux et Cracheux*, aussi ?es
anciens usaient du moi Cracher, pour ressembler^
Exemple es vieux auteurs : C étoit lui toiUcraché^
I i
]56 CRI
jjour dire, il lui ressembloit en tout et par tout.
Les Cracheux d'habitude sont menacés d'im-
bécillité ou de démence; les Tousseux devraient
rester chez eux. Avoir des infirmités , est un
malheur; mais les promener dans la société,
c'est sottise.
Craquement. En peignant la fin du monde,
dans son Jugement dernier , Young s'écrie : . . . .
Avez-vous entendu ce Craquement effroyable ,
dont tout le globe a retenti dans sa profondeur?
C'est le fracas de l'Olympe et de l'Atlas tom-
bans. ( Le Tourneur. )
CRÉDiBiLiTé. La vieille histoire d'Hérodote^
qui semblait mensongère , vient d'acquérir par
les nouveaux voyages de nos marins, plusieurs
degrés de Crédibilité.
Criaillerie. « La Criaillerie, quand elle noua
« est ordinaire, passe en usage, et fait que chas-
« cun la méprise. Celle que vous employez contre
« un serviteur pour un larcin, ne se sent point,
« d'aulant que c'est celle mesme qu'il vous a
« vu employer cent fois contre lui , pour un
« verre mal rincé , ou pour avoir mal assis un
« escabelle. » ( Montaigne. )
Criailleur. Non-eeulement il faut cner,
mais il faut faire crier les Criailleurs en faveuE
de la vérité. ( F'oltaire. )
C R T 15/
CrIBLEUX. S'il est criblé de ridicules, il faut
bien avouer aussi qu'il est né Cribleux.
Criminaliser. C'est un mal, et un très-graud
mal, que de Criminaliser des fautes.
Crimination. Voilà donc, disait Rousseau',
à quoi servent ces grands sentimens , et toutes
ces brillantes maximes qu'on vante avec tant
d'emphase! à les reléguer à jamais sur la scène,
et à nous montrer la vertu comme un jeu de
théâtre, bon pour amuser le public.
Cette Crimination n'en impose à personne.
La vertu qui se montre, n'amuse pas le public,
elle le subjugue. Son di'oit , par-tout où elle
daigne paraître^ est de plaire et d'èlre aimée ,
ou de faire trembler. ( Rétif, y
Crimineux. Dans le seizième siècle , Mon-
taigne, en parlant des tribunaux de la justice,
s'écriait : ... « Combien ai-je vu de condamnations
« plus Criraineuses que le crime ! »
Criquet. Petit cheval. Il croit, mener Pégase,
il est monté sur un Ci'iquet.
Critiqueur. Mauvais critique, pesant sur des
misères ou censurant ce qu'il ne comprend pas.
Un critique n'est formé qu'après plusieurs années
d'observations et d'études; un Critiqueur nait
du soir au matin.
Un champignon croît promptement sur du
l'S C Pv o
fumier; nn CrlLiqueiir sort tout aussi vite des
flots pressés d'uu parterre, et court écrire.
Croître.
M'ordonner du repos , c'est Croître mes malheurs.
Croître, aujourd'hui n'est plus actif; ou dit
accroître : mais il me semble qu'il est permis eu
vers de dire Croître mes tourmens, mes ennuis,
mes douleurs, mes peines. {^ Voltaire.)
Croquet. Les prêtres catholiques, les diseurs
de messes veulent, à toute force, remettre les
Français à l'usage du Croquet, sur-tout lorsqu'ils
sont agonisa ns.
Croqueur. Tu as vu sans doute dans les cam-
pagnes , le lonp lâche et liinido eu apparence,
approcher d'une bergerie : le berger et son chien
courent sus au Croqueur de montons; il fuit,
et de temps en temps s'arrèle, pour donner l'es-
pérance (le j'atieindre ; nuiis tournez la tète du
côté du troupeau, et vous verrez que le rusé
fuyard avait v\n compagnon qui vient de s'em-
parer de la proie qu'ils doivent partager. {Rétif.)
Croullement. « Nos mœurs sont extrême-
« menL corrompues, et penchent d'une merveil-
<( leiise inclination vers l'empirement de nos lois
« et usages; il y en a plusieurs barbares et mons-
« triieut>es : toutes fois, pour la difficulté de nous
« meslre en meilleur état , et le danger de ce
C U I i59
« Croullement , si je pouvois piauler une che-
« ville à iiostre roue, et l'arresler en ce poinct ,
« je le fei-ois de bon cœur. » ( Mo ni algue. )
Cruéliser, Cruéliser après la victoire , après
qu'on est maître de son ennemi , c'eet le comble
de la lâcheté et de Fimpolilique.
Cryptographie. Ecriture secrète, inconnue
à tout autre qu'à celui auquel on écr?t, et qui
seul en a la clef.
Crysalider, (se) Mon fils, je l'at^oue , n'é-
tait guère qu'une chenille en province, mais je
vois que pendant son séjour à Paris, il s'est
Cfysalidé , et que, s'il y retourne , il deviendra
bientôt un l)rillanL papillon.
Cuber. Le mètre que l'on déduira des nou-
velles mesures républicaines, servira pour Onber
une partie d'eau distillée qui formera la livre, et
la nouvelle livre formera les nouvelles monnaies.
Ainsi, lorsque l'on boira un coup, et que l'on
paiera sa chopine, on pourra songer à la dix mil-
lionième partie du quart du méridien. (/^" Mètre.)
CuiDER. « Et , en la mer se faisoient
<( choses si estranges, qu'à pleine les pourroit-on
« croire; car, quand les Métliymniens qui avoien^
« passé la nuict en débauohes sur leurs vaisseaux^,
« Cuidoient lever les ancres , elles tenoyent si
«ferme au fond, qu'ils ne \ç,s pou voient arra?-
ï4o C U N
«cher, quelques efforts qu'ils eu fissent; et
« quand ils Cuidoient abattre leurs rames pour
«voguer, elles se rompoient. [Amyot.)
Cuirasser. (*e) « Quand, par un simple ca-
«price, le gouverneur de la Bastille fait des-
« cendre des tours un captif qu'il est curieux
«d'envisager, l'infortuné ne trouve par-tout
« que le silence, des déserts et l'obscurité.
« Un croassement funèbre du porte-clef qui
« le guide , fait disparaître tout ce qui peut le
« voir, ou être vu de lui.
« Les fenêtres du corps-de-logis où se recèle
« l'état - major , où sont les cuisines, où sont
«admis les éti^angers, se Cuirassent à l'instant
«de rideaux, de volets et de jalousies, et l'on
« a la cruaulé de ne procéder à cette opéi'ation,
« que quand il est à portée de &t,n aperce-
« voir. » ( Lin guet. )
Culpabilité. Il n'est pas exempt de toute
espèce de Culpabilité , l'homme qui au fond de
son ame absout un coupable , parce que celui-
ci partage ses opinions les plus secrètes en fait
de gouvernement ou de religion.
CuNCTATEUR. Vollaire écrit à un de s^%
amis : « Je reverrai Mariamne eVZulitne quand
je retrouverai ma tête, j'entends ma tête poé-
ti(jue; à présent je suis tout en prose : me voilà
Cunctateur. Attendons. ( V^oUaire. )
D A M i4i
Cupide. Le gouvernement acîiète bien et
tout entier rhomme Cupide qu'il peut payer en
argent, parce que celui-ci espère que le march»
eera secret. ( Rœderer. )
CyNiser. Faire le cynique. Il s'est imagine
qu'en Cynisant, on lui attribuerait un grand ca-
ractère; il s'est trompé; il Cynise à i>as bruit.
Pauvre petit Diogène !
D
JJactyologie. C'est l'art de parler avec les
doigls ; c^est la langue des sourds-muets.
Damasqdiné. C'est un très-méchant homme,
dur, cruel, implacable, mais je vous préviens
qu'il n'en a pas les dehors; tout ainsi que le fer
et l'acier, il est Damasquiné.
Dameret. « Si vous avez envie que votre
a enfant craigne la honte et le châtiment , ne
« l'y endurcissez pas. Endurcissez-le à la sueur,
«au froid, au vent, au soleil, et aux hazards
u qu'il lui faut mépriser. Ostez-lui toute mo-
« lesse et délicatesse, au vestir, au coucher, au
« manger, au boire ; accoutumez-le à tout ; que
« ce ne soit pas un beau garçon et Dameret , mai*
<( un garçon vert et vigoureux. » ( Montaigne. )
Damnatoire. Les Jansénistes fesaient replier
leurs élèves sur eux-mêmes par la réûexioD.
i42 D A N
Leur éducation les rendait naturellement logi-
ciens, philosophes , ou dévots, et voici comment :
le Janséniste était toujours en présence de Dieu;
persuadé que son oubli seul serait Damnatoire,
il fesait toutes ses actions sous les yeux de ce
redoutable témoin qu'il se peignait terrible ,
même pour le juste. { Rétif. ^
Damoiselles. Il n'y a plus de Damoiselles en
France; on dit maintenant Demoiselle d'une
marchande de pommes. Nous manquons abso-
lument de termes distinctifs pour l'âge , pour
l'état, pour les conditions , pour ce que réclame-
rait sans doute l'intérêt des mœurs et de l'hon-
nêteté publique; et l'on ne veut pas de mots
nouveaux, nous qui en avoils un si grand be-
soin I On dit d'une actrice impératrice , année
de la baguette ou du poignard, jouant des rôles
terribles et plus que terribles , Mademoiselle
quelle Demoiselle I
Dansomanie. Le goût de la danse est si ré-
pandu et il est devenu tellement excessif ,
qu'il a fallu créer ce mot pour donner une idée
de la passion des danseurs et des danseuses ; il y
entre, selon moi, beaucoup d'imitation machi-
nale. Tous les mouvemens physiques se répètent
dans le cerveau de l'âge tendre-; les adultes n'en
sont pas exempts, et plus l'on danse ^ plus l'on
D E B i45
dansera : l'épidéinie menace de devenir uni-
verselle.
Dardanaire. Regrattier . blalier , usurier
qui cache le blé, et recèle les aulres provisions,
al tendant la cherté. Voyez les anciennes ordon-
nances qui emploient ce mot. 11 pourrait figu-
rer dans une satire à la Ju vénal , tandis qu'on
ne saurait y faire entrer regrattier.
Datrice. Donneresse , chose qui donne. !La
vertu, à la longue, est Datrice du bonheur.
DÉBAPTISER, (se) « Si on me prive de la belle
< Saint-Yves , sous prétexte de mon baptême
( s'écrie le Huron, indigné qu'on ait enfermé sa
maîtresse dans un couvent.), « je vous avertis que
u je l'enlève et que je me Débaptise. » ( Voltaire. )
DÉBARBARiSÉ. ( être ) Il daigne donc aussi
protéger les comédiens et les curés que l'arche-
vèqu® fait enfermer, parce qu'ils ont prié Dieu
pour l'ame de Crébillon? eh bien, Dieu le bé-
nira. Il faut que nous lui ayons l'obligation
d'être Débarbarisés. ( Voltaire. )
DÉBARBARisER. Il est plus difficile dé faire
cent beaux vers que d'écrire toute l'histoire de
France. On a osé faire des tragédies depuis
Racine j mais ce sont des tragédies en rimes, et
non en vers. Nos velohes du parteire, qu'on a
i44 D E B
eu tant de peine à Débarbariser , se doutent très-
rarement si une pièce est bien écrite. ( T^oltaire. )
Débarbariser. Nous sommes plutôt Débar-
barisés que véritablement civilisés. Qu'est - ce
qu'une ville où 1 infernal cabriolet écrase les
ciloyens, et où l'on n'a pas su mettre un frein
à l'audace et à la barbarie d'une poignée de mé-
dians , durs et vils citoyens, donnant chaque
jour là mort à leurs compatriotes, et ne payant
pas même leur trépas d'un remords ou d'une
larme, mais osant offrir quelque argent à l'or-
phelin qui pleure sur le cadavre de son père?
DÉBARRAS.
Que le départ d'un sot est nn boTl Débarras ! ( i. * * )
DÉBATABLE. « Je ne me persuade pas aisément
«qu'Epicure, Platon, Pythagore, nous aient
«donné pour argent comptant, leurs atomes ,
« leurs idées et leurs nombres ; ils étoient trop
« sages pour establir leurs articles de foy de
« chose si incertaine et si Débatable. ï) (Illofit.)
DÉBAUCHER. Louis XV parlant du roi de
"Danemarck à madame de Chabannes , elle lui
demanda si ce monarque était bien riche ; Louis x v
lui répondit que les finances de ce royaume
avaient été dérangées , mais que ce prince avait
un ministre qvii avait bien réglé ses affaires. . . '. .
«Ah! sire, vous devriez bien Débaucher c&
« ministre-là , >> repartit cette dame.
DÉBELLEI^»
DEC i45
DÉBELLER. Débelier les superbes. On pourrait
emprunter celte expression du latin. Il faut
iuer les barbares et Débelier les Anglais.
DÉBILITER, Je la vis défaillir et Débiliter au
point que je crus long-temps soutenir un corps
sans vie.
DÉBONNAIRE. Il n^y a point de courroux égal
à celui d'une ame naturellement douce et Débon-
naire.
DÉBOURRÉ. Il fut un temps où l'Opéra était si
délabré en voix de haule-contre , qu'on se vit
obligé d'aller enlever à la Rochelle, par lettre de
cachet, un chantre de cette ville, dont on avait
annoncé le bel organe. Il arriva. Il était grand^
bien fait, d'une figure assez noble, mais très-
gauche , et ayant besoin d'être Débourré avant
de paraître sur la scène.
DÉBRUTAlrlSÉ. En sortant du cabaret, il s'est
Débrutalisé.
On a trouvé le moyen de le Débrutaliser, en lui
donnant force coups de bâton.
DÉCADE. C'était un ancien terme pour désigner
une dixaine ; le voilà revenu , et dans notre an-
nuaire il remplace semaine. La Décade et la se-
maine sont presque en opposition, par rimpérilie
des législateurs, qui n'ont pas vu qu'il fallait enter
leurs jours de fêle ou de repos sur les jours de
Tome I, K
liG DEC
repos consacrés par les temps. Je leur avais bien
dit qu'ils lésaient une folie ; ils n'ont pas voulu
m'écouler. Le dimanche et la Décade se cha-
maillent, et l'on aurait pu éviter ce point mutuel
de départ.
Décade philosophique : qu'est-ce que c'est? Eh
bien, c'est un journal qu'on voit éclore tous les
dix jours. Qui eût imaghié cela? Est-il philoso-
phique? Sans doute il se dit tel ; on attend qu'il
y ajoute seulement ces trois mots : Le seul jour-
nal de goût: alors ce sera chose incontestable. Les
auteurs-rédacteurs de celte Décade philosophique
s'y louent eux-mêmes avec une assurance par-
faite.
DÉCADISER. (se) On disait autrefois s'endimau-
cher : c'était se pa^er des habillemens qu'on ne
mettait point dans le cours de la semaine, pour
aller le dimanche à la grand'messe , et de là se
rendre à un dîner-prié chez ses parens ou chez
ses voisins , dont l'oeil envieux s'attachait sur
votre parure, pour la critiquer ou pour la ja-
louser.
Un homme de lettres ne brillait pas plus dans
les conversations ordinaires que Corneille, Mo-
lière ou Lafontaine ; un de ses amis se proposait
de l'introduire dans une société où il avait beau-
coup vanté son mérite, mais il craignait de se
compromettre : l'homme de lettres qui s'aperçut
D E C 147
de son embarras, lui dit : «Rassurez-vous; ce
« jour-là, je mettrai mon esprit des dimanches.»
Un ancien procureur voyant sa femme vêtue
avec plus de soin qu'à son ordinaire , lui dit en
ricanant « Il me paraît qu'aujourd'hui ma-
dame se Décadise. ;>
DÉCANONISER. Le pape canonise, et la philo-
sophie Décanonise.
DÉCEPTION. Surprise frauduleuse. La Décep-
tion d'un emprunt public, d'un impôt inepte, tel
que celui du droit de passe ; la Déception d'une
loi mal vue , plus mal organisée. Ceux qui ont
part au gouvernement, doivent craindre à chaque
instant la Déception, qui se masque si souvent
.sous le grand mot intérêt général.
DÉCHALANDER. Faire perdre à un corps ou à
nlf particulier ses admirateurs, sectateurs, pre-
neurs, acheteursv Déchalandèr la Sorbonne, fut
long-temps l'occupation favorite des encyclopé-
distes. Déchalandèr l'Ecole de Médecine, plusieurs
y travaillent. Déchalandèr les sacristains ; mais
cela n'est pas aussi aisé qu'on le croyait. Voltaire
a votilu Déchalandèr J, J. Rousseau , il n'a pu y
parv^enir. Aujourd'hui les Lycées , les Musées
cherchent respectivement à se Déchalandèr.
DÉCHOIR.
.Souflrir n'est rieHj c'est tout q^i« de Déchoir. ( Voltaire,)
K 2
lis DEC
DÉCIDEUR. Décideur impitoyable, pédagogue
à phrases, raisonneur fourré, tu cherches les
bornes de ton esprit ; elles sont au bout de ton
nez. [Foltaire.)
DÉCLAMATOIRE, {lin) Je ferai un feu de joie
lorsque Diderot sera nommé à l'Académie, et
je l'allumerai avec le réquisitoire de Joly de
Fleury et le Déclamatoire de le Franc de Poni-
pignan. ( J^oltaire. )
DÉCLARATEUR. 11 est bien triste pour l'huma-
nité , disait Voltaire en lySG , que ceux qui se
disent les Déclarateurs des commandemens cé-
lestes, les interprètes de la divinité, en un mot,
les théologiens, soient nos ennemis les plus dan-
gereux, [f^oltaire.)
Déclarateur. 11 se trouvera tôt ou tard, et suc-
cessivement, chez tous les peuples de la terre, v^\
Déclarateur des droits de l'homme.
DÉCLINEMENT. Il ne devrait pas y avoir un
tableau , dans les drames imitatifs des mœurs ac-
tuelles, qvii ne présentât une instruction solide.
Xi 'auteur doit non-seulement exprimer aux yeux
nos coutumes et nos abus avec le vernis qui ca-
ractérise l'assentiment ou l'improbation, mais en-
core sonder le cœur humain , pour y découvrir la
source de nos défauts et du Déclinement d'usages
viciés, mais légitimes à leur naissance. [Rétif.)
DEC i49
DÉCLINER. « Si rinstruction qu'ion uous a don-
« née ne nous a pas appris à embrasser la vertu,
« elle nous en a imprimé la dérivation et l'étymo-
« logie. Nous sçavons Décliner la vertu , si nous
« ne sçavons l'aimer.» (^Montai gne.^
DÉCLOÎTRER. {se) Lorsqu'on publia le décret
qui permit aux religieuses de sortir de l'esclavage
du cloître pour rentrer dans le séjour de la li-
berté, une carmélite de soixante dix-sept ans se
Décloîtra. Certes , ce n'était pas là une étourderie
de jeunesse.
DÉCOLORATION. Voici novembre, voici la chute
des feuilles, le départ des beaux jours, et le triste
moment de la Décoloration de la nature. Tout dis-
pose alors notre ame à la mélancolie : heureux
qui peut y échapper !
DÉCOLORER. Notre projet d'établir une école
villageoise dans un journal, sembla, lorsqu'il fut
annoncé, puéiùl aux uns, et impraticable aux
autres. « Comment I disait-on , vous allez i-edes-
« cendre à l'alphabet des connaissances , balbutier
<K les premiers élémens de la politique, rappetis-
« ser votre génie , afin d'être intelligible , et Déco-
« lorer votre style, afin d'être clair ? » ( Cèriitti. )
Décolorer, {se) Quelle femme est plus aimable
que mademoiselle Beauraesnil (actrice de l'Opéra)?
C'est la Délie qu'adorait Tibulie. Elle est la pre-
K 5
i5o DEC
mière qui ait imaginé de se Décolorer sur la scène,
pour mieux rendre la situation de son person-
nage. ( Rétif. )
DÉCONFIANCER. Jacob Dupont déclare à la tri-
bune qu'il est athée : fanfaronnade qui a tant prêté
à la calomnie contre la Convention nationale, et
qui l'a Déconfiancée dans toute l'Europe ; tant
un seul fou est dangereux!
DÉCONSACRER. Un grenadier , dans une ville
catholique qui venait de se rendre, entre dans une
sacristie, y trouve un ciboire, et veut qu'on y
verse du vin..... « Monsieur, lui dit le sacristain,
« c'est tjn vase consacré qui....... Eh bien , moi , je
« le Déconsacre en buvant à la santé de la Répu-
« blique. » ( Cérutti. )
DÉCOUDRE. « L'unique et principale amitié
« Descoust toutes autres obligations. I^e secret que
« j'ai juré de nedéceller à un autres je le puis, san^
« parjure, communiquer à celuy qui n'est pas un
« autre : c'est raoy. (^Montaigne.) (i)
DÉCOURONNÉ. Rome ne fesait pas la guerre
aux souverains pour leur enlever une petite por-
tion de. leur domaine : il s'agissait d'être traînés.
(i) Ce mot si touchant, c'est moi y a fait dire à Voltaire
qu'avoir un ami , c'était
Multiplier sou être , et vivre dans autrui.
DEC ï5i
eux et leurs enfans, au char du vainqueur, et, la
tèle Découronnée, de repaître les avides regards
de tout le peuple romain.
DÉCOUVREUR. Des gazettes ont annoncé que
deux vaisseaux dont on n'entendait pas la langue,
avaient paru sur les côtes de Kamtscliatka. D'après
les signalemens qu'en fournissaient les habitans
grossiers de cet infortuné climat, on a soupçonné
que ces inconnus étaient l'équipage de l'infatigable
Découvreur (j).
Découvreui\ Quel fut le prix des services inouis
de Cortez? Celui qu'eut Colomb. Il fut persécuté^
et le même évêque Fouseca, qui avait contiibué
à faire renvoyer le Découvreur de l'Amérique
chargé de fers , voulut faire traiter de même celui
qui en était le vainqueur. ( Voltaire. )
DÉCROIRE. « Quelle foi doit-ce être que la lâ-
« cheté et la faiblesse de cœur plantent en nous et
« établissent? Plaisante foi! qui ne croid ce qu'elle
<* croicl , que pour n'avoir le courage de le Dé-
« croire. » (^Montaigne.)
Décroire. «Si l'on enlendoit bien la différence
« qu'il y a entre l'impossible et l'inusité, et entre
« ce qui est contre l'ordre du cours de la nature
(i) Du capitaine Coolt , de ce Magellan moderne (jui , en
cherchant comme l'ancien un pasfage inconnu , est mort
comme lui de la main des barbares. ( Linguet. )
K 4
i5'i D E F
« et contre la commune opinion des hommes , en
« ne croyant pas témérairement, ni aussi ne Dé-
« croyant pas facilement , ou observeroit la règle
« de rien trop. » ( Montaigne. )
DÉDOE.É. Le feu roi Frédéric Guillaume, qui
avait autrefois fait vendre tous les meubles ma-
gnifiques de son père y n'avait pu se défaire d'un
énorme carrosse Dédoré. ( V^oliaire, )
DÉFACHÉ. {être) «Blanche entroit en grande
« jalousie contre sa sœur , craignant que par
« caresses et mignardises elle ne m'attirât au
« change (dit Pierre-le-Long, que Blanche avait
« banni de sa présence, pour avoir été assez peu
«courtois pour l'embrasser); et pour cela, ma
« pauvre amie se promit en elle-même que dès
«bientôt elle reverroit son serviteur, et seroit
« Défàchée. » ÇSauuigny. )
DÉFACHER. (se) « Or Blanche ne se tenoît
« de dormir, pour ce qu'elle filoit du lin depuis
« deux jours et une nuit. Cependant, dès que vint
« Bazu à parler de moi, bien l'écouta la bonne et
« afi'ectionnée Blanche, et l'ami lui alloit disant
« que l'amour d'elle in'avoit réduit en un très-
« fâcheux état, et que si bientôt, et à bon escient,
« elle ne se Défâchoit , ce me seroit force de
«mourir.» (Sauçigny.)
DÉFAIRE, (se) « Nous fuyons la correction j il
D E F i55
«s'y faudroit présenter, quand elle vient par
«forme de conférence, non de régence.
« A chaque opposition , on ne regarde pas si
« elle est juste, mais, à tort ou à droit, comment
« on s'en Deffera : au lieu d'y tendre les bras ,
« nous y tendons les griffes. » ( Montaigne. )
DÉFAVORISER. Favorablement accueilli du mi-
nistre , mon pauvre ami allait obtenir la place
qu'il mérite : le mot indiscret qui vous estéchappé,
l'a l^éfavorisé, et le voilà retombé dans raffreuse
misère, dont il sortait, sans votre indisci-étion.
DÉFÉRANT. Cette jeune personne était adorée
de ses parens •, elle était plutôt la maîtresse dans
la maison, que tout autre chose; mais elle n'en
abusait pas. Son excellent caractère, sa douceur
native la rendaient naturellement obéissante à ses
parens, et Déférante à tout le monde. (Rétif.)
DÉFÉRENT. Il était né pour les secondes places,
ayant très-peu de fermeté, et une ame très-Défé-
rente. ( Rélif. )
DÉFEUILLÉ. La campagne encore verte et
riante, mais Défeuillée en partie, et déjà presque
déserte, offrait par-tout l'image de la solitude et
des approches de l'hiver. ( /. /. Rousseau.. )
DÉFIXISSEUR. Tel s'est iustilué Définissear de
tous les objets moraux et politiques, avec une
i:»i D E F
large et risible confiance en sa prétendue logique" :
c'est un ridicule de nos jours.
Voltaire appelait Locke, le Définisseur.
Définitif. Ce qui termine une cliose pour tou-
jours. Quel sera le Définitif de cette grande que-
relle? Nul ne sait le Définitif des affaires poli-
tiques; elles se succèdent, s'enchaînent, naissent
et renaissent par des contacts inaperçus ; c'est
comme les songes, où les images se renouvellent
et n'ont point de fin.
DÉFLÉCRm. Tous les premiers mouvemens de
la nature sont bous et droits; mais bientôt , man-
quant de force pour suivre à tra%"ers tant de ré-
sistance leur première direction , ils se laissent
Défléchir par mille obstacles qui les détournent
de leur vrai but. (/. /. Rou&seau.)
Péflor\ison. La Défloraison du printemps
n'a que trop souvent lieu par un coup de vent.
DÉFLORATION. La Défloration d'une grande re-
nommée commence quelquefois par une chanson
satirique : voilà pourquoi tout gouvernant re-
doute le couplet. Frédéric caressa Voltaire pour
n'être pas Défloré.
DÉFORMATION. Toi, dont aucune vertu , aucun
talent n'a honoré les dignités, et qui prétends en-
core à l'existence, quand tu n'existeras plus, dis-
moi , enlendras-tu ce po^mpeux arrangement de
D E G i55
mois qu'on appelait oraison funèbre? Entendras-
tu ces chants lugubres , et ce bruit d'instrumens
qui accompagneront ta pompe funéraire? Pour-
ras-tu savourer Tencens que l'infection de ton
cadavre obligera de brûler autour de ton cercueil?
Admireras-tu ce catafalque si artislement arrangé
pour cacher ta hideuse Déformation ?
DÉfoPlTIFIER. Cemot ne signifie point affaiblir.
On affaiblit le corps humain avec des saignées j on
Déforlifie les murailles d'une ville de guerre avec
des canons.
DÉFROCATEUR. Il n'est pas mauvais , le décret
Défrocateur de tous les moines et moinesses.
DÉFRUITER. Si vous plantez vos arbres le long
de vos grands chemins, sire, vous verrez les pas-
sans les Déf miter. C'est ce que disait un forestier
à Frédéric. — Eh bien , répondit le roi, m.es sujets
en auront joui.
J'avais dit à ce malheureux père : Vos enfans
peuA^ent être ingrats 5 ne leur faites point donation
entière : il ne faut pas se Défruiter de son vivant.
Adieu les abricots : ce coup de vent vient de Dé-
fruiter la campagne.
DÉGAUCHIR. Rien de mieux qu'une femme ai-
mante pour Dégauchir un jeune homme.
DÉGORGEOIRS. La Bible parle des Dégorgeoirs
i56 D E J
ténébreux: où, après le déluge, s'engouffra dans le
noir abyme la masse épouvantable des eaux.
DÉGRADÉ Dans ce moment terrible, inévi-
table « Tous les dieux de la terre sont Dégra-
« dés par les mains de la mort, et abymés dans
« rélernilé, comme les fleuves demeurent sans
« nom, sans gloire, mêlés dans l'Océan avec les
«rivières les plus inconnues.» (^Bossuet.)
DÉGRÉVANGE. Dommage.
Les riclies ont toute puissance
De vous faire aide ou Degré vance. {Amyol.)
DÉGRINGOLER. Si dcux OU trois personnes ne
soulenaienL le bon goût dans Paris, nous Dégrin-
golerions dans la barbarie. ( Vollaire. )
DÉGUEULLEUX. Gros masques de pierre ou de
plomb dont la fantaisie de nos sculpteurs orne les
cascades, et qui vomissent l'eau dans un bassin.
Ce chantre des rues n'a-t-il pas la figure d'un Dé-
gueulleux ?
DÊJOINDRE. Quand l'amitié a pour base la
vertu, il n'y a point de puissance qui puisse Dé-
joindre ce qu'elle a conjoint.
DÉJOUER. C'est arrêter l'exécution d'un cou-
pable projet; c'est faire sauter la mine que l'en-
nemi avait creusée sous nos pas.
Ce mot est naluialisé, et s'emploie fréquem-
ment. Déjouer un slralagème.
DEL 1^7
DÉJOUIR. Hier, jeune raaiùô, tu jouissais dans
les bras de ta Zélie toute charmante ; aujour-
d'hui ne serait -elle plus la même? Soucieux,
chagrin, tu Déjouis.
Hier, magistrat corrompu, ton orgueil s'eni-
vrait d'un coupable pouvoir 5 aujourd'hui tombé ,
ta Déjouissance personnelle est une jouissance
nationale.
Hier, acteur célèbre, actrice aimable et chérie,
vos talens sur la scène embellissaient nos jours ;
aujourd'hui votre l'etraite est une Déjouissance
publique. ( Moussard. )
DÉLAISSES.. Calculez les bénéfices immenses
que les découvertes chimiques peuvent procurer
à ceux qui, mieux instruits ou moins opiniâtres,
Délaisseraient aujourd'hui les anciens procédés de
quelques arts. O routine, routine! c'est toi qui
obscures l'esprit et l'entendement.
DÉLECTABILTTÉ. Vieux mot que j'aimerais à
ressusciter. C'est joie continue. Légèrement blessé,
et revenant de l'armée, il se retrouva dans les bras
de ses parens , de ses amis , et ces jours de Délec-
tabilité furent couronnés par la nouvelle impré-
vue de la paix.
DÉLIBÉRÉMENT. C'est le défaut de filtration du
suc nerveux qui fait que les Anglais se tuent ^x
Délibérément, ( Koltaire, )
i58 DEL
DÉLIBÉRER.
Et je puis dire enfin que jamais potentat
N'eut à Délibérer d'un si grand coup d'état. ( Corneille.)
L'usage veut aujourd'hui que Délibérer soit
suivi de sur ; mais le de est aussi permis. On
délibéra sur le sort de Jacques ii , dans le con-
seil du prince d'Orange. Mais je crois que la
règle est de pouvoir employer le de, quand on
spécifie les intérêts dont on parle. — jOn Dé-
libère aujourd'hui de la nécessité, ou sur la né-
cessité d'envoyer des secours en Allemagne. On
Délibère sur de grands intérêts, sur des points
imporLans. ( T^oUaire. )
DÉLICATER. {se) Nos guerriers si intrépides
à l'armée, et supportant toutes les privations,
héroïsme encore au-dessus du courage ; eh bien ,
à la ville , ils sont amoureux de toutes les petites
jouissances, ils se Délicatent comme des femmes
dans toutes les recherches de la fine volupté.
DÉLICES. Cette jeune persofine , en épousant
ce vieillard riche , a fait un mariage qui l'a mise
dans les Délices de l'abondance , mais non pas
dans l'abondance des Délices.
"Voyez ce qu'on fait de la langue , quand on
sait en varier les teintes! J'ai voulu apprêler la
palette , après avoir été peintre quelquefois ^
sachez -m'en quelq^ue gré, vous pour qui j'ai
broyé ces couleurs.
D E M 355
DÉLICOTER. (se) Action du cheval qui sait
ôler son licol. Les nations ne sont pas toujours
aussi habiles ; il leur faut tles siècles pour se
Délicoter, encore le font-elles quelquefois à leur
propre détriment. Pauvres humains !
DÉLITER. Déliter un malade , c'est le sortir
de son lit. Je ne suis pas un médecin, grâce
à Dieu, je suis un guérisseur : quand on suit
mes ordonnances , je Délite tout un hôpi-
tal. ( Le docteur Sacroton. )
DÉLUGER. Nous l'entendîmes Déluger ses vers ;
je cherchais de l'œil l'arche salutaire , la porte
du salon.
DÉLUSTRÉ. Toutes les nations de la terre,
assemblées pour juger les noms, ne pourraient
faire qu'un nom célèbre soit un nom obscur. S'il
reparaissait un descendant de César, de Cicéron ,
d'Aristide, de Périclès, fût-il dans la dernière
classe des hommes , il serait accueilli de tous
les hommes les plus brillans, aussitôt qu'il serait
nommé. Un nom illustré par la valeur ou par le
génie, ne saurait être Délustré ni par la calomnie
ni par le despotime. ( Cérutti. )
DÉMAGOGUE. Nos dictionnaires donnent ce
nom à un chef d'une faction populaire. Charles
Villette disait : Je déclare que je serai bon Dé-
mocrate jujsqu'à mon dernier .soupir, et jamais
Démagogue,
i6o B E M
DÉMANCHÉ. Esprit Démanché. Blon, célèbre
athée, devint superstitieux en mourant, «comme
« si, disait Montaigne, les dieux s'ôtaient et se
« remettaient selon l'affaire de Bion. A\.ulre chose,
« conlinue-t-il , est un dogme sérieusement di-
« géré 5 autre chose est ces impressions supersti-
« lielles , lesquelles nées de la débauche d'un
« esprit Démanché , vont nageant témérairement
<( et incertainement en la fantaisie. Hommes bien
« misérables et écervelés qui tâchent d'être
« pires qu'ils ne peuvent. »
DÉMARIÉ. Il n'est pas divorcé , mais il est
Démarié.
DÉMARQUISER. Avant la révolution , une
foule déjeunes gens prenaient les noms de che-
valiers, de comtes, de marquis, etc.; ces mar-
quis , ces comtes , ces chevaliers logeaient dans
des chambres garnies. Dès qu'ils se contentaient
à mettre à contribution quelques vieilles douai-
lûères , la police les tolérait ; mais à la moindre
friponnerie , on les Démarquisait à Bicêtre.
DÉMÉNAGEMENT. La mort est un Déménage-
ment. Tout Déménagement est incommode 5
mais nous serons infiniment mieux logés. Il ne
faut donc pas trop redouter ce passage , et nous
confier à la grandeur , à la bonté , à la clémence
de l'Etre suprême , notre adoi'able père. Or ,
comme
D E M i6i
comme ce mot ignoble , mort , n'a poinl, de sens,
et qu'il est à effacer du vocabulaire de l'adora-
teur, je voudrais qu'on y substituât le terme
constant, heureux et simple de Déménagement.
DÉMÉRITE. On peut oublier le Démérite, on
ne lui doit pas du moins des récompenses. Le
Démérite n'est pas honteux, il frappe à toutes
les portes, cotnnie si elles devaient s'ouvrir de-
vant ses importunités.
DÉMONÉTISATION. C'est l'acte par lequel le
Gouvernement ote la valeur qu'il avait donnée
à un signe représentatif, soit en argent, soit en
papier.
DÉMONÉTISÉ. Eh ! citoyen Tavel , comme
te voilà pâle, maigre! tu as l'air tout Démo-
nétisé. ( Saint-Aure. )
Démonétisé. Démonétiser s'emploie au fio-uré
et s'applique particulièrement aux liommes qui
ont surpris l'opinion publique. Que d'hommes
aujourd'hui Démonétisés! {Paganel.)
DÉMONISME. L'athéisme exclut toute* religion.
Le Démonisle peut avoir un culte; nous con-
naissons même des nations entières qui adorent
un diable, à qui la frayeur porte leurs prières
et leurs sacrifices; et nous n'ignorons pas que
dans quelques religions, on regarde Dieu comme
un être violent, despotique , arbitraire , et desti-
Tome L L
i62 D E N
liant les créatures à un malheur inévitable;
c'est-à-clire qu'on élève un diable sur ces autels
où l'on croit adorer un Dieu. (^Diderot.)
DÉMONNOYAGE. Laissons le i;oi Georges jeter
son or stérile dans ses flottes impuissantes. Nous
touchons au moment de voir ses fidèles sujets se
lever un beau matin pour demander la tête de
Pitt et la convocation d'une assemblée générale.
C'est bien le moment de nous parler de paix, à
nous qui , par la réquisition de nos jeunes
gens, et par le Démonnoyage de nos assignais,
venons de construire deux bastions devant les-
quels se briseront tous les efforts de la ligue
royale. ( Anacliarsis Cloots. )
DÉMOSTHÉNIQUE. Tu as été un orateur par-
fait , quand tu as été , comme moi , simple ,
grave , austère , sans art apparent ; en un mot ^
Démosthénique : mais lorsqu'on a senti en tes dis-
cours, l'esprit, le tour et l'art, alors tu n'étais que
Cicéron , t'cloignant de la perfection autant que
tu t'éloignais de mon caractère. ( Fénélon. )
DÉNIGREUR. Tel homme s'est fait Dénigreur
pour voiler sa constante nullité. On n'entend
par- tout tant de Dénigreurs, que parce que les
hommes en général sont médiocres, sots et ja-
loux de toute espèce de succès.
DÉNONCIATEUR. C'est celui qui révèle publir
D E P i65
quemenl et authentiquement un délit qui trouble
l'ordre social, et dont il apporte la preuve.
L'accusateur public est celui qui en poursuit la
punition devant les tribunaux. Sous l'ancien
régime, le minislère fesait, ou du moins devait
faire l'exercice d'accusateur. Sous l'ère répu-
blicaine, tout citoyen, témoin d'un délit, doit
en devenir le Dénonciateur. ( ha Harpe. )
DÉNUDATION. Au grand jour du jugement de
l'Eternel, se verra la Dénudalion de tous les
êtres; tout à découvert, rien de caché. Lisez ce
mémoire foudroyant et auquel il n'a pas ré-
pondu; c'est la Dénudalion de sa vie entière.
DÉPAREILLÉ. «Une jeune femme ne vit, ne
«soupe, ne se promène, ne va au spectacle
« qu'avec des femmes qui ont chacune leur af-
« faii'e réglée ; si elle n'a point son amant
«comme les autres, elle est ce qu'on appelle
«Dépareillée; elle est honteuse, elle n'ose se
« montrer. » ( Vollaire. )
DÉPARIER. En séparant ces deux amans, on
s'est mis à Déparier deux êtres nés l'un pour
l'autre.
DÉPARTIR. « En la vraye amitié, de laquelle
«je suis expert, je me donne à mon auii , plus
« que je ne le tire à moi.... Cette parfaicLe amitié
« de quoy je parle, est indivisible : chacun se
L a
i64 D E P
« donne si entier à son ami, qu'il ne lui reste
« rien à Départir ailleurs. » [Montaigne. )
« Les amitiés communes, on les peut Départir :
« on peut aimer en cettuy-ci la facilité de ses
« mœurs; en l'autre, la libéralité; en celui-là,
« la paternité ; en cet autre , la fraternité ; ainsi
« du reste. Mais cette amitié qui possède l'ame,
« et la régente en toute souveraineté, il est im-
« possible qu'elle soit double.» {Le même.)
DÉPATERNISER. Cessez , ô mon ami, de me
parler de celui que vous nommez encore mon
fils: il fesait ma joie, mon espoir, mon orgueil;
mais il s'est identifié avec des êtres pervers, je
suis abandonné par lui, l'ingrat m'a Dépater-
nisé. (i^,**)
DÉPENSIER. Necker a fait entrevoir en France,
ce qui n'est pas un petit mérite, l'espoir d'une
ombre de restauration; s'il n'avait pas été con-
trarié par une guerre ruineuse, ou plutôt par
l'ineptie Dépensière qui dirigeait malheureu-
sement, de son temps, les forces navales du
royaume, on peut croire qu'il aurait vraiment
fait le bien. ( Linguet. )
DÉPERSÉCUTER. Peut-être y aura-t-il «hfin
des âmes raisonnables qui rougiront de cet
exemple de barbarie au dix - huitième siècle
( le supplice du jeune Labarre ) , et qui tâche-
D E F i65
ront cVelTacer celte flétrissure , en fesant Déper-
sécuter le compagQon de cet infortuné. (P^oltaire.)
DÉPERSUADER. Avant de le déclarer inno-
cent, il faut que je le croie, et je crois si déci-
dément le contraire, que vous aurez peine à
me Dépersuader. ( /. /. Rousseau. )
DÉPLAISANCE. Il faut éviter la société des
gens médiocres ; et quand les circonstances
nous obligent à la supporter, il ne faut jamais
marquer l'ennui et la Déplaisance qu'ils nous
causent. ( Madame Necier. )
Déplaisance. A entendre les preneurs des an-
ciens, il faut avoir deux ou trois siècles sur la tête,
pour commencer à valoir un peu quelque chose j
ils ressemblent à certains oiseaux de nuit , qui
se perchent de préférence sur de vieilles tours
ruinées, ou sur des tombeaux. Quand, par ha-
sard, j'en rencontre quelques-uns, j'en ai de la
Déplaisance pour une semaine. (Dorât.)
DÉPLANTEUR. Déplanteur de son domaine ,
il a fait tomber tous les bois pour en faire de
l'argenté
DÉPLOIEMENT. Quand la nation s'élance du
néant de la servitude vers la création de la
liberté; quand la politique va concourir avec la
nature au Déploiement immense de ses hautes
destinées , de viles passions s'opposeraient à
L 5
i66 D E P
sa grandeur ! Ttgoïsme rarrêlerait dans son
essof] . . . . ( Mirabeau. )
DÉFLORATION. Les pénilens de Lyon firent
une grande pompe' funèbre, en Déplora! ion du
massacre fait à Blois, sur Louis et Henri de
Lorraine. ( Thomas. )
Déploration. Ce Sinon, plus adroit encore
que celui de Virgile, voulut en vain nous at-
tendrir en exposant son sort déplorable j toules
ses Déploralions n'excitèrent que notre mépris,
parce que nous savions que ce vil espion de
l'armée ennemie nous mentait.
DÉposTÉRisÉ. Est l'opposé d'orphelin. Un
père est Dépostérisé par la mort de ses en fans,
comme un enfant est orphelin par la mort de
ses père et mère.
Ce mot exprime avec précision cette cruelle
situation dans laquelle une mère, un père, sont
plongés par la mort de leurs enfans.
J. J. Rousseau, en méconnaissant ses enfans,
se Dépostérisa lui-même.
Si le verlu^eux Malesherbes eût échappé à
la faux révolutionnaire , il vivrait Déposté-
risé. ( Paganel. )
DÉPRAVATEUR. Quel est le génie Dépravateur
qui a composé et publié l'odieux roman intitulé
Justine et la Vertu ? L'homme n'est homme que
D E P 167
par le sentiment de Ja pitié, que les démons et
l'auteur de cet ouvrage ne connaissent plus.
DÉPRÉPUCÉ. Je sais qu'il y a quelques Juifa
dans les colonies anglaises 5 mais que cesDépré-
pucés d'Israël, qui vendent de vieilles culottes
aux Sauvages, se disent de la tribu de Neph-
tali ou d'issachar, ils n'en sont pas moins les
plus grands gueux qui aient souillé la face du
globe. ( V^oltaire. )
DÉPRÊTRISER. {se) Lorsque le conseil gé-
néral de la Commune de Paris arrêta qu'il y
aurait un registre où l'on inscrirait les déclara-
tions des citoyens qui désireraient se faire Dé-
prêtriser, on vil
DÉPRIS. Le peuple est Dépris de cet enthou-
siasme qui a trop souvent égaré son hommage.
Plus on avance en âge , plus on est Dépris de
l'admiration que nous inspiraient certains li\'ïes,
certains hommes et certaines actions.
DÉPRISONNER.
Rondache en main , le casque en tête y
Marchant de conquête en conquête ,
Ils pourfendoient nains et géans ;
Ils assommoient maints revenans ,
Déprisonnoient maintes princesses. (^Mendouze.)
Si Robespierre qui avait tant laissé empri-
sonner, avait su un beau jour Déprisonner les
L 4
i68 D E R
Français, et pour son propre compte; mais il
n'avait point de génie, pas l'ombre de génie.
DÉPROMETTRE. Dans la comédie du Droit du
Seigneur, par Voltaire, Mathurin veut épouser
Acante.
LeBailli.
Ouï ; mais Colette à votre sacrement ,
Mens Mathurin, peut mettre empêchement.
Elle vous aime avec quelque tendresse,
Tous et vos biens : elle eut de vous promesse
De l'épouser.
Mathurin.
Oh bien ! je Dépromets. ( Voltaire. )
DÉRAISON. M. Melon , le premier homme qui
ait raisonné en France, par la voie de l'impri-
merie , après la Déraison universelle du système
de Lavv. ( Voltaire. )
DÉRIDER. Le père d'Arras ( Cordelier ) n'est
pas ^xx^. de ces dévots scrupuleux qui défendent
tous les plaisirs, et qui ne Dérident jamais; il
permet qu'on s'évertue un peu. ( Rétif. )
DÉRisEUR. Brutus dit à Antoine qui lui re-
proche le meurtre de César : Et toi, Dériseur
de toutes les vertus , tu conserves encore le lan-
gage de tes moeurs dépravées ! ( Plo. )
DÉROïSER. («e) Nos langues européennes,
car je ne parle pas seulement de la langue fran-
DES 169
çaise, trompent, souvent l'audace du génie, qui,
selon l'expression de Montaigne , prend son
aller roide et tendu. J'avais d'abord écrit : . . . .
Forcera la terre à se Déroiser, à se déprètrailler....
Dans la crainte que des lecteui's ineptes ne vou-
lussent trouver obscures ou ridicules, ces deux
expressions créées par un sentiment profond de
nos malheurs , je n'ai osé les consacrer dans
mon texte. ( BonneuUle. )
DÉSACCORDER. { se ) Ne craignez pas que
parce que personne n'a les yeux sur lui , le philo-
sophe, digne de ce nom, s'abandtfime à une
action contraire à la probité; il est pétri, pour
ainsi dire , avec le levain de l'ordre et de la
règle : le crime trouverait en lui trop d'oppo-
sitions; il y aurait trop d'idées acquises, et trop
d'idées naturelles à détruire. Sa faculté d'agir
est comme la corde d'un instrument de musique,
monté sur un certain ton; elle n'en saurait pro-
duire un contiaire : il craindrait de se Désac-
corder d'avec lui-même ; et ceci me fait ressou-
venir de ce que Vellejus dit de Caton d'tJtique :
Il n'a jamais fait, dit-il, des actions pour pa-
raître les avoir faites , mais parce qu'il n'était
pas en lui de faire autrement. Nunquàm rectè
fecit 3 ut face re videretur , sed quia aliter facere
non poterat. ( Helvetius. )
DÉSADORER. On montrait à un jeune prince
370 DES
étranger le porlraîL d'une princesse de France
qu'il devail. épouser. 11 s'écrie : oli! divine ! je
l'adore!... Il arrive à Versailles, voit la princesse...
Eh bien , qu'en pensez-vous?.... Je la Désadore :
et retourne en poste dans son pays.
DÉS AFFAIRÉ. Cet homme est toujours alFairé,
disons-nous ; ne dirail-on pas à merveilles ? Il
n'y a point d'homme au monde plus DésafFairé.
Le poète qui a dit :
Et toujours affairé, sans avoir rien à faire,
aurait évité la périphrase du .second hémistiche
de son vers.
DÉSAFFAMÉ. Nous avous altéré et désaltéré,
et non pas DésafFamé : pourquoi? On dit à un
homme qui est à table , après avoir eu une
grande faim: Commencez-vous à vous rassasier?
Le mot propre serait : Commencez - vous à
Désafîamer , à être Désafiamé ? Rassasié est d'un
degré au - delà. Les gourmands sentiront bien
cette distinction. ( La Harpe. )
DÉSAFFECTIONNÉ. L'empereuF ae soucie fort
peu de rentrer dans la partie des Pays - Bas ,
actuellement réunie à la France j il est infini •
ment plus jaloux de conserver la part de la
Pologne, qui lui est échue, que de rentrer en
possession de ces provinces turbulentes et Désaf-
fectionnées.
DES iri
DÉSAFFECTIONNER. Je lie le hais pas, mais
je sens chaque jour que je le Désafieclionne.
DÉSAIGRIR. Eh! comment l'approcher, quand
son humeur acre le domine?.... Comment? avec
de douces paroles, c'est le seul moyen de le Dés-
aigrir. N'est-ce pas au son de la flûle qu'Ain-
phion voyait venir à lui les animante les plus
indomptés ?
DÉSAIMER. Les Italiens disent, disamare; les
Espagnols, desamar: les Anglais, to dis I lie ;i^ouv-
quoi les Français ne diraient-ils pas Désaimer ,
quand ils aiment si vite , et qu'ils Désaiment plus
vite encore, d'après le caprice du moment qui
les enflamme?
DÉSAMASSER. Uii avare était au lit de la mort,
parce que, voulant toujours amasser, il se refu-
sait toujours ce qui aurait pu lui conserver la
vie. Quelqu'un lui dit avec dureté, mais avec
raison : Vous ne seriez point dans l'état où vous
voilà, si vous aviez voulu Désamasser.
DÉSAMPHiTRYONKER. M. B fut l'éélu pour
continuer à remplir la place de maire de....; ce
qui fit observer qu'en France, celui qui possède a
toujours raison, sur-tout quand il a une bonne
table. Si on continue de donner à M. B. . . . 76,000 1.
pour son cuisinier , et qu'on ne le Désamphi-
tryonnepas, il mourra avec son écharpe. {C.Desm.)
Ï72 DES
DÉSAPPAUVRIR. Un fermier général à qui
l'on demandait une place pour un homme dont la
famille était dans l'extrême pauvreté , disait :
Croyez-vous que je puisse enrichir toutes les fa-
milles?— Non, lui répondit-on, mais vous pou-
vez Désappauvrir celle-ci, qui vous bénira toute
sa vie.
DÉSAPPRENDRE. Lorsque mes oreilles , dit
Mirabeau à l'Assemblée nationale, ont été frap-
pées de ces mots que vous avez Désappris aux
Français, Ordres prwiLégiés , etc.
DÉSAPPROBATEUR. On a regardé comme un
défaut, dans la tragédie de Charles ix, que l'Hô-
pital, disant avoir vu ce monarque tirer sur ses
sujets, n'ait point tenté d'arriver jusqu'à lui pour
lui arracher les armes des mains. — Au contraire ,
lorsque Chai-les, suivi de sa cour, paraît sur le
théâtre, le chancelier qui devait y rester pour
lui montrer au moins un visage Désapprobateur,
s'éloigne sans voir le roi, dont, par ses reproches,
ses prières et ses larmes, il aurait pu faire cesser
le carnage.
DÉSARROI. «Lamon, le lendemain matin, en-
« trant au verger , pour mettre de l'eau de la
« fontaine dedans les carreaux de fleurs , vit toute
« la place si oultrageusement villainée, qu'un en-
« nemi, venant à propos délibéré pour tout gaster,.
« n'y eust sceu pis faire, si déchira incontinent;
DES 175
« sa jaquette, et s'écria à si haulte voix, disant :
« ô dieux ! o dieux I que sa femme , laissant ce
« qu'elle avait en main, s'en courut vitement vers
<c lui j et Daphnis qui avoit jà mené ses bestes aux
« champs , ayant ouy le bruit , s'en courut à
« la maison , et voyant ce grand Désarroi , se
«prindrent tous à crier, et en criant à lar-
« moyer. » ( Amjot. )
DÉSASSIÉGEMENT. Le Désassiégement d'une
ville a déterminé quelquefois la victoire d'une
bataille. Si Frédéric eût Désassiégé Prague, il
serait probablement empereur.
DÉSASsouRDiR. C'est en vain que je détaillais
à mon procureur tous les moyens qui prouvaient
la bonté de ma cause; il était sourd : je fis sonner
une bourse pleine d'or , et ce moyen seul put
le Désassourdir.
DÉsATTRisTER.Unefemme venait deperdre son
mari; elle était tx'iste : un jeune homme charmant
paraît, et \-ient à bout de la Désatlrister (1).
DÉSAUTORISER. J'avais cru , monsieur , que
dans toutes vos entreprises, vous m'aviez autorisé
à prendre tous les moyens «Hé bien, mon-
« sieur, maintenant que je cbnnais toute l'im-
(( probité de vos moyens , je vous Désautorise. »
(1) c'est le conte , ou plutôt l'histoire de la Matrone
d'Ephèse ^ui se renouYelle tous les jours.
174 DES
Desbrillanter. Ce mot semble créé pour ex-
primer l'état actuel de la France. Ci-devant elle
ressemblait au paon qui élaie une superbe queue;
maintenant on peut la comparer à l'éléphant ,
dont la force souLienL tous les fardeaux dont on
le surcharge. La France, Desbrillanlée aux jeux
des nations, commence à s'en faire craindre par
le poids énorme dont elle peut les écraser.
Descension. Cette Descension de l'état d'opu-
lence et de grandeur est douloureuse sans doute,
mais elle a été amenée par de grandes fautes.
DÉSCEPTRER. Il n'appartient qu'à un gourer*
nement sage et ferme de Désceptrer l'anar-
chie. ( Théophile Mandar. )
Descripteur. Ceux qui sont de bonne foi,
avouent qu'Homère, qu'on regarde comme un.
génie géant, n'a que quelques morceaux isolés;
que ses sommeils sont longs et fréquens , et que,
malgré ses quinze cents commentateurs et traduc-
teurs, il est monotone, verbeux et Descripteur
jusqu'à la satiété.
Déséborgner. L<'homme est fait pour l'erreur j
elle entre comme d'elle-même dans son esprit : ce
n'est que par des travaux immenses qu'il découvre
quelques vérités. O vous qui en êtes l'apôtre
(Frédéric il ) , recevez les hommages du petit coin
DES 175
de mon esprit, purifié de la rouille de la supersti-
tion, etDéséborgnez mes compagnons! (F~oLtaire.)
DÉSEMBELLIR. Que madame Duboccage nous
attendrisse par ses Lettres -péruviennes , à la bonne
heure; mais si je m'étais trouvé avec madame
Duchâlelet fesant des commentaires sur Newton,
j'aurais cru lui voir de la barbe, et j'aurais dit en.
moi-même : « Comme la science la Désembellit!»
DÉSENCHANTÉ. O mon cher Philaudre I où sont
ces fantômes brillans, cette riche parure dont ta
présence embellissait la terre? Depuis ta mort,
je ne vois plus qu'un désert sombre et nu : ton
dernier soupir a rompu le charme de mon bon-
heur. La terre Désenchantée a perdu tout son
éclat. (Tve Tourneur. )
Désenchanté. Qui de nous ne comprendra
point ce mot? Qui de nous n'a pas été Désen-
chanté à l'heure de la jouissance, et au jour du
triomphe ?
A cinquante ans , l'univers est à moitié Désen- ,
chanté.
DÉSENFORGÉ. Expression applicable à un pri-
sonnier débarrassé de ses chaînes, ou à un malade
soulagé des infirmités qui l'oppressaient et enchaî-
naieiat ses membres. ( Montaigne. )
DÉSENNUI. J'arrivai au moment où il allait
froidement se brûler la tête, sans autre motif que
176 DES
rennui de vivre. Depuis six jours je ne l'aban-
donne pas; il est encore bien loin d'aimer la vie,
mais il en éprouve déjà le Désennui, el c'est beau-
coup. En le fesant partir avec moi pour Pai"is,
J'espère le guérir de son splen.
DÉSENRÔLER. Turgot fut Sur le point d'être
Désenrôlé de la secte des philosophes économistes,
parce qu'il n'obéissait pas en tout à leurs folles
rêveries.
L'homme droit, l'homme Juste, etThomme sen-
sible ne tardèrent pas à se Désenrôler de la secle
des jacobins , lorsqu'ils vii'ent que les excès les
plus bizarres et les plus révoltans devenaient la
mesure de leur conduite.
DÉSENTRAVER. J'ai loujours cherché à Désen-
traver les littérateurs d'une foule de règles fausses
ou puériles, en leur recommandant, pour leur
plaisir et pour le nôtre, la composition originale;
ils m'ont payé en injures.
DÉSESPÉRANCE n'cst pas désespoir. J'ai la
Désespérance de son arrivée , du retour de sa
santé. J'ai la Désespérance d'un meilleur ordre
de choses, d'un gouvernement parfaitement libre;
mais pour cela je ne me conduirai pas désespéré-
ment.
DÉSESPOIRS. Corneille a dit, dans les Horaces :
Et par les Désespoirs d'une chaste amitié,
Nous aurions des deux camps tiré quelque pitié.
On
DES 1^7
On n'emploie plus aujourd'hui Désespoir au
pluriel; il fait pourtant un très-bel effet. Mes dé-
plaisirs , înes craintes, mes douleurs , mes ennuis ,
disent plus que mon déplaisir , ma crainte , etc.
Pourquoi ne pourrait-on pas dire mes Désespoirs ,
comme on dit mes espérances? Ne peut-on pas
désespérer de plusiems choses, comme on peut
en espérer plusieurs? (^V^oltaire.)
DÉSEXU ALISE. Emile a eu toutes les peines du
inonde à endosser la jacquelte de fille que tu lui
as envoyée, en attendant que le tailleur ait rac-
commodé tous ses habits; il se croit Désexua-
lisé. ( Rouclier. )
Désexualisé. Cet habit d'homme convenait si
parfaitement à Lucile, que toutes les femmes lor-
gnaient le nouvel Adonis, et que la cousine même
de la jeune amie la croyait Désexualisée. (2^**.)
DÉSHÉRITER. Ce globe Déshérité de la ten-
dresse paternelle du Créateur, a dit Young.
Déshériter l'avenir, dit madame de Staël.
DÉSHEURER. [se) J'ajoutai tout ce que je crus
pouvoir adoucir cette commune, et je n'y eus pas
beaucoup de peine , parce que l'heure du souper
s'approchait. Cette circonstance vous paraîtra ri-
dicule, mais elle est fondée; et j'ai observé qu'à
Paris , dans les émotions populaires , les plus
échauffés ne veulent pas ce qu'ils appellent se
désheurer. ( Card. de Retz. )
Tome /. M
178 DES
jyksïlOMmk. (élre) Cet homme, attaqué d'un
mal honteux, suite de son libertinage, prévoyait
bien la longueur et la difficulté des liaitemens;
mais il était loin d'en imaginer le résultat funeste...
Il perdit comment dire cela décemment.-'
Attendez Vous avez sûrement lu le IMoyen de
parvenir? Il perdit pleinement ce qu'on ôta,
dans l'église de Saint-Martin de Tours, au diable
qui est sous Saint-Michel. Bref, il fut complète-
ment Déshonimé. ( Rétif, )
DÉSHONOK.ABLE. Un acte Déshonorable n'est
pas toujours un acte déshonorant. Tant pis.
DÉSHUMANISER. Prends garde qu'en te Déshu-
manisant, tu ne deviennes plutôt une bête farouche
qu'un héros. Il ne faut pas Déshumaniser l'homme
en faveur du guerrier. (^Saint-Eprerno7id. )
Déshumaniser, {se) Un laboureur qui sèmerait
exprès l'ivroie au milieu du bon grain, ne serait
pas plus insensé qvi'un peuple qui consacre la
noblesse dans sa constitution. Un tel peuple dé-
roge à la nature, et se Déshumanise pour ainsi
dire; car il n'y a point d'humanité là où les uns
naissent pour les honneurs, et les autres pour le
mépris. ( Cérutti. )
DÉSINCONVÉNIENTER. «L'expérience nous ap-
« prend qu'il faut des'spectacles pour attacher le
« peuple. Une religion dépouillée de tout appareil
(( extérieur, ne peut ni l'affecter, ni l'instruire.
DES 179
« Lespi-otestansne s'aperçoivent que trop aujour-
« d'hui des inconvéïiiens d'un culle trou dé-
« charué. » (^Apol. de la Relig. par Bergier. )
Dès que le spectacle est légitime, la religion ne
peut en improuver que les accessoires, tels que le
drame, l'état de comédien et le jeu de théâtre. Si
l'on Désiuconvéniente ces trois objets^ les plaisirs
du théâtre cessent d'être contraires à la religion
établie; nos lois et nos usages ne contrastent plus,
DÉsiNTÉRES^SER. («p) Se désafFectionner pour
quelque chose ou pour quelqu'un, me semble aussi
bon et aussi utile que se Desintéi"esser , qui n'est
fait que depuis peu d'années. {^La Harpe.)
DÉSINVOLTE. Après toutes les scènes de carnage
dont il venait d'être témoin, Birton était aussi
gai et aussi Désinvolte que s'il était revenu de la
comédie. ( Voltaire. )
Désirable. Nous disons qu'une chose est digne
d'exciter nos désirs : voilà quatre mots pour un.
Pourquoi ne pas employer l'expression Désirable^
comme dans le trait suivant?
« Geneviève étoit merveilleusement grande ,
« gente et belle; mais Blanche étoit pourvue de
« plus extrême beauté , douceur et mignardise :
« c'étoit un objet aux yeux tellement Désirable,
<( qu'elle sembloit émouvoir les cœurs aux choses
^ d'amour. » {Saiwigny.)
M 3
i8o DES
Désireux. Le Désireux de renommée , il n'est
pas encore l'amant de la gloire l
DÉSOLEMENT. Ce n'est pas un lâche Désolement
qui vous fera sortir de la situation où vous êtes.
Dans la désolation de la patrie, que fait le Déso-
lement d'un individu ? Le Désolement de cette
femme est vif, mais il sera passager.
DÉSORGANISATEUR. Si Montesquieu et Rous-
seau eussent existé à l'époque où notre révolution
a commencé à prendre ce caractère absurde et
féroce qui l'a dénaturée, ils auraient été condam-
nés au silence, et peut-être mis à mort par ceux
qui ont fait semblant de les citer; ou, s'ils avaient
été consultés , l'édifice de la liberté publique se
serait élevé sans la terreur, la guillotine, sans
gouvernement révolutionnaire, et les autres grands
moyens des modernes politiques dont vous vou-
lez l'essusciter le système. Ne citez donc jamais
■des phrases isolées de Montesquieu et de Rousseau,
à l'appui du système Désorganisateur que vous
voudriez établir I (^L'Orateur du Peuple.)
DÉSORGANISER. Guillaume mit de son côté
la force d'opinion et celle de convention ; mais
sa force réelle n'était encore que dans son ar-
mée , et outre qu'il fallait l'affei-mir et se l'at-
tacher, il fallait aussi Désorganiser et réduire
k l'impuissance de lui nuire , la force plus nom-
DES i8î
I)reuse, qui consi\stait dans le peuple vaincu, et
sur-tout dans les chefs de ce peuple. ( Boulay
de la Meurihe. )
DÉSOSSER. Le plus concis , peut-être , de nos
poètes, dans les belles scènes de ses opéras, et
l'un de ceux qui s'^expriment avec le plus de
pureté, comme avec le plus de grâce, Quinaut
qui avait Désossé la langue, fut accusé d'être
le fils d'un boulanger , par des gens qui igno-
raient qu'un boulanger était le père de Vir-
gile. ( P, Manuel. )
Despotie. Si l'établissement d'un visir était
une loi fondamentale dans les pays ottomans,
il y aurait dans tous un visir , et nous voyons
le contraire. Si c'était une loi foudamenlale de
ceux où il y en a , l'élablissement de cet officier
devrait avoir été fait lors de l'établissement de
la Despotie. ( Voltaire. )
Despotiser. On obéit sans murmure à de
grandes et belles lois; mais quand une foule de
réglemens bizarres ou inutiles viennent noua
Despotiser, on prend de l'humeur et bientôt de
la haine.
De s sou CI. Diderot avait dit que Sénèque,
dans sa treizième lettre, traitait du courage que
donne la vertu et du Dessouci de l'avenir. On lui
a reproché d'avoir créé celle expression non-
M 5
i82 D E T
velle.... «Mais, dit-il, d'ancienne ou de nouvelle
«création, qu'importe! INous manque- t-elle ?
tf« ne doit-on pas compter Dessouci de l'avenir
« parmi les mots dont la disette appauvrit notre
« langue ? »
DÉTENTEUR. Délenteur d*un manuscrit pré-
cieux , il peut le garder encore long - temps ,
mais il ne pourra jamais se Fatti'ibuer, son mé-
talent étant trop bien prouvé pour qu'il ose
s'en dire le père.
Délenteur. Nos liaisons politiques et commer-
ciales sont toutes (1795) à Tavanlage de l'An-
gleterre, Eli bien , rompons pour jamais le
nœud exécrable qui nous attache à cette puis-
sance avilie; portons à son industrie le coup
mortel, en paralysant ses manufactures; ces-
sons toute espèce de relation avec ce peuple
de courtiers, et arrêtons, en même temps, les
sommes dont nous demeurerons Détenteurs à
leur profit.
DÉTHIABER. Dieux de la terre qui , avec
trois doigts, avez le seciet de.... nous ne voulons
pas vous démilrer , vous Délhiarer..., (/''oZ/^f/e. )
DÉTRAIGNER. (se) Se Détraigner de quel-
qu'un , rompre avec lui , s'en séparer avec force,
se le rendre étranger. Il est venu à bout, mais
non sans peine , de .se Détraigner de ce mauvais
sujet. Mot plus expressif que séparer. .{Borel.)
D E V ïH^
DÉTRESSES. Après avoir connu les jouissances
de la fortune, elle a v^écu dans des Détresses qu'il
n'était réservé qu'à son courage de surmonter.
DjÉtrompement. Les jeunes gens sont toujours
trompés par les femmes ; est-ce que le malheur
et la ruine doivent toujours précéder le Détrom-
pement ? ( Pio. )
DÉTRÔXEUR. Le Détrôneur CromWel.
DÉVALLER.
On peut tomber du trône , et non en Dévaller.
DÉVERGONDAGE. Pendant long - temps , les
spectacles se sont alliés, chez les Romains, avec
l'austérité de la vertu. Les causes du sybarisme
dans les mœurs , furent aussi celles de l'indé-
cence et du Dévergondage dans l'art drama-
tique. {Rétif.)
DÉVERSER. Verser un liquide, Déverser le
mépris. Déversez l'infamie sur la tète de ces
lâches calomniateurs des sages et braves répu-
blicains, également odieux aux rois et aux
anarchistes.
DÉVÊTIR. Les voleurs n'ont pas tué cet
homme, ils se sont contentés de le Dévêtir.
Deviser. Causer. Nos voyageurs Devisaient
en chemin. ( Voltaire. )
Deviser. « Eniin advint le jour où l'ami Bazu
M 4
îSi D E V
« me dit : Réjouis ton cœur, raini Pierre, ma
« mère el. ma sœur Geneviève s'en vont sortir
« pour aller au marché , et c'est pour cela que
« ma sœur Blanche restera toute seule gardienne
n de la maison, et que nous pourrons Deviser
« avec. » (Sauvigny, Blanche Bazu. )
DÉVORATEUR. Le génie des arts accordé à
rhornrae pour célébrer les actions immortelles
et encourager à la vertu , oubliant ^a noble ori-
gine , n'a pas rougi de se mettre à la solde des
vices , et de leur prostituer ses coupables pin-
ceaux. Les arls brillans, qui n'eussent dû être
consacrés qu'à la décoration des temples , des
monumens publics, ou des palais de la législa-
ture, sont devenus des fléaux Dévoraleurs, pour
leur avoir laissé franchir leurs bornes naturelles,
et les avoir abandonnés à l'orgueil et au caprice
de l'opulence.
DÉVORER.
Je les voyais tous trois se hâter sous un maître
Qui, chargé d'un lorg âge , a peu de temps à l'ètre>
Et tous trois à l'envi s'empresser ardemment
A qui Dévorerait ce règne d'un moment. ( Corneille.')
La beauté de ce dernier vers consiste dans
cette métaphore rapide du mot Dévorer j tout
autre terme eût été îa.WAe\ (^Voltaire.)
DÉVOREUR. Dans les festins d'Homère , on tue
un bœuf pour régaler ses hôtes , comme on tue-
D E X i85
rait, de «os jours, un cochon cle lait. En lisant
qu'Abraliam servit un veau à trois personnes,
qu'Eumée fit rôtir deux chevreaux pour le dîner
d'Ulysse, et qu'autant en fit Rébecca pour celui
de son mari, on peut juger quels terribles Dévo-
reurs de viande étaient les hommes de ces
temps-là. ( /. /. Rnusseau. )
UÉVOTIEUX. Qui croirait qu'il y a des indé-
vots, traitant tout ce qui a rapport aux saints,
de superstitions, Dévolieux à Voltaire et à Hel-
veLius, même à des auteurs plus dangereux encore!
DÉVOTIONNETTE. La reine Blanche avait ac-
coutumé son fils Louis ix, à des Devotionnettes
que la foi n'exige pas : peu s'en est fallu qu'il ne se
fît Jacobin, Mais ce qui n'était pas une Dévotion-
nette, c'est l'établissement qu'il souffrit en France
d'un tribunal de bourreaux, de l'Inquisilion. (i).
Dextre. Ce n'est pas adroit. Un homme est
Dexîre, moins Dexlre : il est Dextre dans tous
les exercices du corps, et peu adroit au billard.
Dextrement. Il se comporta si Dextreraent à
la petite cour du prince, qu'il réussit, tandis que
toutes les espérances de son compagnon furent
fauchées. Ourdir Dextrement une trame.
(i) Ce saint roi disait qu'il ne fallait répondre aux objec-
tions des hérétiques , qu'en leur enfonçant l'épée dans leurs
eorps jusqu'à la garde.
iSG . D T A
DiABOLiciTÉ. Quand un prêtre est devenu per-
vers, ne dites plus, en parlant de lui, sa méchan-
ceté, sa perversiîé; dites sa DIabolicité. Affirmez,
en conséquence, la Diaholicité de tel pape empoi-
sonneur, incestueux, parricide; et par exemple,
au lieu de poire éminence , vous pouvez très-bien
dire à ce sanguinaire cardinal, votre DlahoUcitê,
DiALOGiSME. Longue disputation. Ils sont tom-
bés , lors de cette querelle littéraire , dans un Dia-
logisme qui m'a fait abandonner la place.
DiAMANTÉ. On dit qu'il y avait un ci-devant
monseigneur qui s'enfermait, se couvrait de ses
gros diamans , et puis passait une partie de sou
temps à se regarder au miroir. Un tel individu, à
coup sûr, n'a jamais su contempler un pommier
en fleurs. Tout lioramé Diamanté me cause une
impression si désagréable, que je me fais tou-
jours quelque effort pour lui répondre, quand il
m'interroge.
DiAMANTER. Un homme Diamanté me fait
fréiiiir; pourquoi cela?
Vois les rayons de l'astre bienfesant Diamanler
les larmes de l'aurore : qui a pu 'souligner cette
expression ? Un sot.
Diaprés. Tous les senliei^s que nous parcou-
rûmes , étaient Diaprés de fleurs nouvellement
écloses. On ne sait pourquoi le Dictionnaire de
D I C 187
l'Acaclémie dite française, rejette ce principe du
verbe diaprer, qui doit être rajeuni lui-même,
ru qu'il a de belles couleurs et variées. Ayez soin
de Diaprer ce vasie rideau qui décorera l'avant-
scène de mon théâtre.
DiCTAMEN. Y a-t-il un Dieu ? Toujours de
bonne foi avec moi-^nème, je sens se joindre à
nies raisonnemens le poids de l'assentiment inté-
rieur. Je trouve dans ce jugement intérieur une
sauve-garde contre les sopliismes de ma raison.
Craignons qu'en cette occasion, nous ne confon-
dions les penchans secrets de notie cœur qui nous
égarent, avec ce Dictamen plus secret, plus in-
terne encore, qui réclame et murmure contre ces
décisions intéressées, et nous ramène, en dépit de
nous, sur la roule de la vérité. Et après tout,
combien de fois la philosophie elle-même, avec
toute sa fierté, n'est-elle point forcée de recourir
à ce Dictamen qu'elle affecte de mépriser? N'est-
ce pas lui qui seul fesait marcher Diogène, pour
toute réponse, devant Zenon qui niait le mou-
vement? (/. /. Rousseau.)
Dicton.
Lisez-moi comme il faut les quatrains de Pibrac.
L'ouvrage est de valeur ,
Et plein de beaux Dictons à retenir parcœur. [Molière.) (1)
(i) Ce qui vaut mieux que de beaux Dictons , ce sont de
■belles actions, et Pibrac en fit toute sa vie. Avocat célèbre avuut
iS3 D î O
Diffamé. Ne passez point par là ; c'est un bois
Difîamé de voleiu'i;. ,
Diffusion. La révolution de l'Amérique est
l'époque la plus importante dans le cours progres-
sif des événemens humains qui tendent à la per-
fection de l'espèce. Cette révolution peut produire
une Diffusion générale des vrais principes sur les
droits de l'homnie, et procurer aux nations les
moyens de s'affrancliir du joug de la superstition
et de la tyrannie. (Mirabeau.)
DiLECTiON. La charité est une Dilection sacrée.
La Dilection est un amour calme, profond, du -
rable, sentimental. Heureux qui trouve la Dilec-
tion dans le vif sentiment de l'amour! Dilection
filiale. Ils s'entr'aimaient d'une Dilection vrai-
ment fraternelle.
DiLiGENTER. Une fois entré dans le chemin de
la fortune, il faut se Diligenter.
DiOGÉNiSME. Il parut, en 1769 , un ouvi'age
intitulé, Portjograplie y ou Idées cTuri lionnéte
ho mine sur un projet de règlement pour les pyrostl-
tuées j propjre à prévenir les malheurs occasionnés
par le publicisnie des femmes y auec des notes his-
toriques et JusLiJîcatiçes.
d'être poète , il écrivait à son frère : & Il ne manque pas de pa-
ie trons à gens riches : ceux qui ne le sont pas, sont sûrs dVii
<c trouver un en moi. m Et jamais il ne se démentit à cet égard-
D I R 189
Le dessein de l'écrivain est de concentrer dans
«ne même maison toutes les filles éparses dans la
France, et d'en former une espèce d'ordre reli-
gieux consacré à Vénus, dont le chef-lieu serait
Paris, sous le nom de Parthénion , et d'où il se
ferait des émanations dans les provinces L.es
prix seraient depuis six sous jusqu'à un louis
Ce traité in-Q'\ , assez volumineux , travaillé
avec le plus grand soin, calculé avec un<e préci-
sion unique, ne peut manquer d'être l'objet de
l'élonnemeut de tous ceux qui le liront. 11 a dû.
coûter beaucoup de travail à son auteur, qui,
avec une tète très-bien organisée , un cœur Irès-
sensible et très-honnête, peut se vanter d'avoir
produit le complément de l'extravagance et du
Diogénisme. (^Mém. secr. de la Répub. des lett,)
Diplomate. Ce mot est presque synonyme de
celui d'ambassadeur : il signifie un agent nommé
par une puissance pour traiter avec une autre sur
leurs intérêts respectifs.
Dire, {le) «Si les faicls de Xénophon et de
« César n'eussent de bien loin surpassé leur élo-
« quence, je ne crois pas qu'ils les eussent jamais
« escrits. Ils ont cherché à recommander non leur
« Dire, mais leur faire. » {Montaigne.)
Directrice. Ce mot était substantif, quand
jadis on le donnait à une nonne chargée de gouver-
39» DIS
ner une maison religieuse; de nos jours, on en a
fait un adjectif. Exemple :
« Que ne ferait-on pas de la poésie dramatique,
« si le législateur, plus attentif au choix des sujets,
« savait remployer à propos, s'il livrait ses lois
«au poète? La poésie, d'accord avec la législa-
« tion, ferait naîLre certaines maximes fondamen-
« taies, certaines notions Directrices qui épuré-
es raient le code des lois et les moeurs nationales. »
DiscERNATEUR. Si l'ou voit tant de médians,
c'est-à-dire, d'aveugles qui prennent, pour arri-
ver au bonheur que nous désirons tous également,
une route qui n'y mène que bien obliquement,
c'est qu'il est peu d'esprits véritablement justes ,
et de bons Discernateurs ( Rétif. )
DiscoRD. On trouve dans les Ho races :
Puisque chacun, dit-il, s'échauffe en ce Discord ,
Consultons des grands Dieux la majesté sacrée.
En ce Discord ne se dit plus; mais il est à
regretter. ( Traitai rc. )
Discord. L'accord et le Discord , selon un an-
cien philosophe, sont les vrais principes de l'uni-
vers, et les deux bases de sa substance, l'harmo-
nie parfaite se composant de tous les élémen»
non-seulement différens , mais contraires.
Quand le Discord règne dans la cité , .
Le plus méchant tient lieu d'autorité.
D I S 191
Que ces vers d'un ancien poêle sont vrais et
expressifs !
DiscouTiTOis Ces jeunes personnes dont
la naissance relevait la beauté , ou plutôt dont
la beaulé relevait la naissance ^ et qui ouvraient
la fêle en récitant des vers; ces dames qui, d'un
mot, arrêtaient à l'entuée de la lice le Discour-
tois chevalier dont une seule avait à se plaindre.,..
Ces idées, ces tableaux flattaient l'imagination de
M. de Sainte-Palaye, à qui nous devons des mé-
moires sur notre ancienne chevalerie. (Charnfurt.)
Discursif, Ne confondons point les lerines
usuels et Discursifs, avec les termes piopres des
sciences, arts et métiers. Veut-on agrandir le
cercle des premiers? c'est alors qu'il faut consul-
ter l'analogie, et faire son choix parmi les expres-
sions qui nous sont les plus connues dans les
langues mortes où nous puisons, et dont les élé-
mens se rapprochent le plus de ceux qui sont
entrés dans la composition de nos mots fran-
çais. ( Louis J^erdiire. )
Disettes, (au pluriel.) Elle était réduite à des
Disettes qui feraient horreur à réciter.
DiSETTEUX. C'est un peintre Disetleux, et qui
n'eu est pas moins attaché à sa palette.
Diseuse. Cette Cornéiie, daiis la tragédie de la
Mort de Pompée 3 tant vantée autrefois, n'est-elle
192 DIS
pas en cent enclroits , une Diseuse de galimathias,
et une feseuse de rodomonlades? Ç/^' ollaire.)
Disparité. « L'amitié se nourrit de commu-
« nications qui ne peuvent se trouver entre les
« pères et les enfans , pour la trop grande Dispa-
«riLé, et oifenceroit les devoirs de nature^ car
« ni toutes les secrettes pensées des pères ne peu-
« vent se communiquer aux enfans, pour n'y en-
« gendrer une messéanle privante , ni les adver-
« tissemens et corrections, qui est un des premiers
« offices d'amitié , ne se pourroient exercer des
«enfans aux pères.» (^Monlolgne.)
Disparité. Disparité d'humeur et de fortune ,
alil c'est plus qu'il n'en faut pour dire que ce
mariage ne sera point heureux.
Disputant.
Je distinguai toujours tle la religion
Les iiialtieurs qu'apporta la superstition
J'ai dit aux Disputans, l'un sur l'autre acharnés,
Cessez, impertinens , cessez, infortunés;
Très-sots enfans de Dieu , chérissez-vous en frères ,
Et ne vous mordez point pour d'absurdes chimères, (f'^o//.)
Disputeux. On se querellait depuis long-temps
sur la Trinité, lorsqu'Arius se mêla de la querelle,
dans la Disputeuse ville d'Alexandrie, où Euclide
n'avait pu parvenir à rendre les esprits tranquilles
et justes. {J^oltaire.)
DisPUTOisoN. Dispute de sols , d'oisons. Ce
jnot
D î S uj3
mot se trouve dans les antiquités gauloises et fian-
çaises^ il est à renouveler.
Dissemblables. Si les visages n'étaient pas
Dissemblables en leur forme particulière , on
ne pourrait pas discerner un homme d'un autre;
et dans un même pays, les visages uniformes en
leur composition générale, sont très-divers eu
leurs linéamens singuliers. (Le père Lemoine.)
DissENTiEUX. Si le Spectateur Anglais a adouci
l'humour brusque et sauvage d'une noblesse im-
périeuse ; s'il a retenu dans l'Iionnèleté , dans
la décence ce sexe charmant auquel la modestie
donne tant de grâces; s'il a calmé l'esprit bouil-
lant et Dissentieux qui nourrissait la discorde
chez un peuple fier de sa liberté, pourquoi le
Spectateur Français ne pourrait-il pas ramener
la pudeur sur le front de la beauté? ( Delacroix. )
Dissentiment. O nations! quand, parmi vous,
une contestation divise des individus, des fa-
milles, que faites-vous pour les concilier? Ne
leur donnez-vous pas des arbitres? — Oui, s'écria
unanimement la multitude. — Eh bien, donnez-en
de même aux auteurs de vos Dissentimens.
Disserteuse. En écrivant à madame Dudef-
faut, Voltaire lui dit : « Tout l'ouvrage de Pope
« fourmille d'obscurités. Il y a cent éclairs admi-
<^ râbles qui percent à tous momens cette nuit.
Tome I. N
3<)4: D O L
« Ce qui est beau et lumineux est votre élément;
« ne craignez cependant pas de faire la Disser-
«teuse, et ne rougissez point de joindre aux
« grâces de votre personne , la force de votre
« esprit. »
DissiMiLiTUDES. Quelques philosophes ont
pensé que l'éternelle puissance, nécessairement
unique , n'avait qu'un modèle de création pour
■un monde et l'infinité de ses Dissimilitudes.
DocTORALEMENT. Il s'annonce, il parle, il
geste, il s'assied Docloralement. (^Moussard.)
Doctoresse. L'aspect de la nature défail-
lante est hideux aux yeux des enfans; leur
répugnance que j'aperçois, me navre, et j'aime
mieux m'abstenir de les caresser que de leur
donner de la gêne et du dégoût. Ce motif qui
n'agit que sur les âmes vraiment aimantes,
est nul pour tous nos docteurs et Docto-
resses. ( /. /. Rousseau. )
Documenter. Qu'ont fait les tyrans et les
prêtres ? ils ont originairement et successive-
îuent fait la loi aux plus faibles, et Documenté
les plus crédules; puis. ...
Doléances. Nos anciens éci-ivains employaient
le mot se douloir , dérivé du lalin doLere ; nous
avons abandonné le verbe, et nous avons rajeuni
le substantif Doléance , autrefois usité aux
D O M ig$
époques des états -généraux. Il signifie plainte
sur des abus dont on demande la réforme. En
Espagne, il signifie la clianson langoureuse
qu'un amoureux chante la nuit, sous la fenêtre
de son inhumaine, et qu'il accompagne de sa
guitare, jusqu'à ce qu'un rival jaloux vienne
lui faii-e mettre l'épée à la main.
Dolent. Il est Dolent depuis plusieurs jours,
sans qu'on en sache la cause.
DoLEUX. Pour trompeur. Il dérive de Dol.
DoLOSER. (se) Se plaindre mal à propos. Il
a une bonne place , sa fortune n'est pas mince , et
on l'entend se Doloser, parce qu'il n'obtient pas
à la minute tout ce qu'il demande. Je n'écoute
plus ce Dolosant.
Domestique. (Héros) Je lis dans Vannée
Française, tom. 3, pag. 16 : « Le nom de Nicolas
« Compian volerait de bouche en bouche, s'il
« était de Sparte , de Rome , ou même de Londres;
« il est Français, et à peine les Français le con-
« naissent-ils; comme si par-lout un bon citoyen
« un héros Domestique ne méritait pas les hom-
« mages de la postérité! »
Un héros Domestique!
Je lis dans le Calendrier du Peuple Français
page 5 :
N 2
it)6 DON
« Anne Dacier releva ses talens par la pra-
« tique des vertus privées et Domestiques. »
Cette dame que vous voyez , a bien des vertus
Domestiques.
Domestiquer. Domestiquer un animal sau-
vage. Si j'étais né souverain , j'aurais voulu
Domestiquer deux lions à mes côtés.
Dominatrice. Il a pu exister des génies plus
créateurs, et des orateurs d'un goût plus pai-fait
que Mirabeau; mais nul n"a fait servir une élo-
quence plus Dominatrice à convertir en actes
et en lois les hautes pensées de la philoso-
phie. ( Garât. )
Dominatrices. Les constitutions Dominatrices
ne demandent que l'obéissance; les constitu-
tions qui assurent la liberté, ont besoin d'a-
mour. (Rœderer.)
Dompteur. Hercule était un Dompteur de
monstres. Antoine lut le Dompteur d'un loup
qui fesail d'effroyables ravages , et qu'on avait
appelé une liiène. Dompteur de ses passions ,
voilà le héros.
DoNATiF. Bavius donne généreusement un
oeuf pour gruger toute une basse-cour; un choux
pour avoir tout un potager ; une cerise pour
qu'on lui donne tout un verger. Il y a donc dans
ce monde une libéralité fausse, un Donatif in-
téressé.
D O R 197
Donner. (-5^) « Ceux qui savent combien ilg
«se doivent, et de combien d'offices ils sont
« obligés à eux , trouvent que nature leur a
« Donné cette commission pleine assez, et nnl-
« lement oisive. Tu as bien largement à faire
« chez loi : ne t'esloigne pas. Mon opinion est
« qu'il faut se prester à autruy , et ne se Donner
« qu'à soy-mesme. » ( Montaigne. )
DoNQUiciiOTisME, Le 1 i juin 1791 , l'assem-
blée nationale a rendu ini décret tendant à faire
expliquer Condé. C'est un moyen sûr de lui
donner une haute idée de son imporlance. Il
fallait mépriser son Donquichotisme, et le laisser
courir par monts et par vaux , suivi du Sanclio
Pança Mirabeau. ( Bonneville. )
DoRELOT. Mignon. ( Bord. )
DoRLOTEUR. Il traite avec trop d'indulgence
les défauts de ses élèves 5 ce gouverneur-là n'est
qu'un Dorloteur. (Z/**. )
DoROPHAGE. Qui vit de présens. On dit que
les chefs de certains bureaux, sont tons plus
ou moins des Doroplîages-, mais, ainsi que M. Jour-
dain fesait de la prose sans le savoir, ils prati-
quent, eux, la chose sans trop en connoître le
nom; or les voilà bien avertis de leur titre.
Allez trouver le Doropbage , agissez en consé-
quence , et votre affaire interminable sera ter-
N .5
398 ■ DR A
minée. Si ces chefs n'allaient plus porter d'autre
nom, comme je rirais!
DoULOiR, Il ne fit que se Douloir toute la
nuit. Douloir, venant de douleurs, est plus ex-
pressif que gémir ou se plaindre, et peint d'ail-
leurs la souffrance du corps.
DouTANCE n'est pas doute ; c'est la crainte
dans le doute. 11 ne revient point, il est tard,
il a traversé cette forêt; j'ai la Doutance d'un
événement fâcheux. Il se portait bien, il nour-
rissait en lui la Doutance d'une mort prochaine.
DouTEUR. Quelques gens de lettres qui ont
étudié l'Encyclopédie, ne proposent ici que des
questions, et ne demandent que des éclaircisse-
mens. Ils se déclaient Douleurs , et non doc-
teurs. ( Voltaire. )
Douleur. J'existe, je pense, je sens de la
douleur; tout cela est-il aussi certain qu'une vérité
géométrique? Oui, tout Douteur que je suis,
je l'avoue. Pourquoi ? c'est que ces vérités sont
prouvées par le même principe qu'une chose ne
peut être , et ne pas être en même temps. Je ne
peux pas, en même temps, exister et n'exisler
pas, sentir et ne sentir pas. (^Voltaire.)
Dramatiser. C'est un grand poète que Sha-
kespeare, en ce qu'il a su Dramatiser l'histoire,
sur-tout celle de son pays. Après lui, j'ai Dra-
D R I T99
inatisé niisloire de la Ligue, dans deux pièces
théâtrales qui ont quelque mérile. Racine, dans
Britannicus, a très-bien Dramatisé la cour de
Néroii; aussi s'est-il étayé de Tacite. Corneille
a mal Dramatisé ses dernières pièces. Les feseurs
de tragédies françaises font l'ire l'étranger , parce
qu'avec leurs règles enfantines, ils ne savent pas
Dramatiser les plus beaux sujets historiques.
Dramaturge. C'est un substantif qualificatif
dont, il y a trente ans, on affublait Mercier,
Plusieurs personnes croyaient ainsi lui dire une
injure. Pauvres gens! dans un salon doré, livrés
à leur égoïsrae, ils critiquaient le drame au mo-
ment où le drame soutenait la vertu, touchait
le vice même, obtenait les applaudissemens du
vrai goût et les larmes du sentiment. Honneur aux
Dramaturges! (L.* * )
Draper. Pour battre; par extension couvrir
quelqu'un de sarcasmes. Voltaire est nu dans
la statue de Pigal ; on en fesait la remarque :
Eh bien, dit un plaisant, Fréron le Drapera.
Drilijer. Synonyme de Chiffonnier. Quand
vous tenez ce livre, en beau papier, bien im-
primé, bien relié, ornement de votre bibh'a-
thèque , vous ne songez pas au pauvre Drillier
qui a commencé le long des ruisseaux fangeux ^
la besogne aujourd'hui si élégante et si. propre;
N 4
200 D Y s
DPvUD. Vieux mot qui signifiait autrefois très-
fidèle ami. Qui le ramassera, le relèvera pour
le remettre en plein honneur?
Achille à Drud Patrocle envoya son destrier
( c'est un grand cheval de guerre. )
Drue signifiait aussi amie, amante. Agaraem-
non fit de Chryseis sa mie et sa drue. ( Borel. )
Druidisme. Le Druidisme n'est pas éteint 5 il
vit, il se propage. Tous les druides ne sont pas
dans les forêts 5 ils se sont couverts d'éloles
brillantes, et ont coupé leur longue barbe. En-
tendez , vous qui comprenez \
DuPEUR d'oreilles. Celui qui, par la magie
de sa lecture , fait écouter un très - médiocre
ouvrage.
Durablement. Les grandes et généreuses
actions, quoi qu'on en dise, sont Durablement
écrites dans la mémoire des hommes (3Iou6sard.)
Duveteux. Elle tenait, elle embrassait dans ses
jolies petites mains un oiseau bien Duveteux,
Versificateurs, emparez-vous de cet adjectif, et
vous traduirez le vers de Virgile :
Nido implumes detraxit.
Dyscole. Difficile et dédaigneux; il dérive du
grec. On l'adoptera si l'on veut, peu m'importe.
Je connais plus d'un Dyscole au talent infime.
E C E 201
Jamais Dyscole n'a eu un vrai ou un aimable
talent.J'allais nommer ici vingt Jiommes de lettres :
clml!
E
J1/BEP..NEUR. « Il y a un an que vous vouliez,
« disiez-voLis (écrit Voltaire à d'Alembert), ne
« faire qtie rire de tout , pour vous bien por-
« ter. aujourd'hui vous voulez vous fâcher, et
« c'est contre Moïse de Montauban! Voilà un
« plaisant objet pour vous échaufî'er la bilel Eh
« pardieu! laissez-le devenir historiographe , ins-
« tituteur, correcteur, Eberncur des enfans de
u FrancCj et tout ce qu'il voudra. »
Ebêtemext. lies rois ont presque toujours fa->-
vorisé de leur mieux l'Ebètement du peuple.
Je l'ai vu en extatique Ebêtement aux pieds de
la statue de la sainte.
L'Ebètement d'un homme de lettres vient à la
suite d'un excès d'amour-propre,
EbÊtir. Quand les Jacobins l'eurent Ebêti
(saint Louis), ils lui proposèrent de se faire
moine et prêtre. {^Voltaire.)
EbriétÉ. Un homme d'esprit peut bohe quel-
quefois un peu plus qu'il ne faut; mais il ne va
point jusqu'à l'Ebriété. Les fortes tètes sont ma-
lades, mais l'ébriété ne les attaque point.
EcERVELÉ. C'est le nom courant de nos jeunes
202 ECO
gens. Un habit d'Ecervelé se confeclionne en deux
heures, et ne doit êlre porté que douze heures.
Quand noire Ecervelé a endossé le surtout bizarre,
bravo! dit-il, à merveille! je ne me connais plus;
je suis d'un ridicule consommé. Le tailleur rit le
premier, et ses ciseaux semblent gronder sous sa
main en suivant, le jour d'après, de nouveaux
contours tracés par la folie. Qui ci^oirait que cet
Ecervelé parle politique ?
EcHELLER. «Si avons-nous beau mouter sur des
<( échasses, encore faut-il marcher avec nos jam-
« bes, et au plus eslevé trône du monde, si, ne
« sommes-nous assis que sur notre cul. Nos opi-
« nions s'entent les unes sur les autres. La pre-
« mière sert de tige à la seconde, la seconde à la
« troisième : nous Eschellons ainsi de degré eu
« degré, et advient de là que le plus haut monté
« a souvent plus d'honneur que de mérite, car il
« n'est monté que d'un grain sur les espaules du
« pénultième. » ( Montaigne. )
EcoLiÈRE. Erreur , sottise , arrogance , pré-
somption Ecolière. Certain correspondant, dans
tout ce qu'il écrit et dans tout ce qu'il écrira, n'est
mu et ne sera mu, jusqu'à cent ans, que par une
vanité purement Ecolière. Pauvre homme ! tu
as passé toute ta vie à regarder des cirons au bout
de ion nez.
Dana la fougue de l'âge on le vit disserter ,
Et le mot qui le clioi^ue, est le mot inventer.
E C R 20.Ï
EcoRNiFLER. Ecornifler les tables, est le propre
ou d'un indigent, ou d'un homme qui se respecte
peu. L'écornifleur ne se doule pas que rien n'est
plus cher qu'un dîner que l'on ne paie pas. Plus
on est pauvre , plus il faut manger à ses propres
dépens.
Ecrasement. On écrase sans pitié une mouche,
un insecte, et l'on ne volt pas sans peine égorger
un bœuf. Pourquoi? C'est que dans un grand ani-
mal, l'effusion du sang, les convulsions de la
souffrance rappellent à la mémoire un sentiment
de douleur que n'y rappelle point l'Ecrasement
d'un insecte. ( Helvéluis. )
Ecrasement. On parle à Paris de police ; on y
fait des réglemens prohibitifs de toute couleur : on
a à la bouche les mots Immanité , philaniropie ,
et chaque jour, sous les roues de l'infernal ca-
briolet, je vois l'Ecrasement de mes propres con-
citoyens \ forfait qui semble être autorisé en fa-
veur de quelques riches qui méprisent insolem-
ment la vie des autres. Rayez donc le mot police
de la langue, vous , préfet de police , et substiluez-
y Ecrasement.
EcRiVAiLLERiE. « Il devroit y avoir quelque
« coerction des I|^ contre les écrivains ineptes et
« inutiles, comme il y en a contre les vagabonds
« et fainéans. On banniroit des mains de nostre
V peuple , et moi, et cent autres 5 ce n'est pas
20 i E D U
« morjuerle. L'Ecrlvaillerie semble être quelque
« symptôme d'un siècle débordé. » [Montaigne.)
EcRTViSTE, Maître àécrire. Le talent de l'homme
qui montre à la jeunesse les principes de l'écri-
ture, doit sans doute être honoré^ mais la raison
et les convenances veulent impérieusement qua
le mot écrivain ne soit pas appliqué et au maître
d'écriture , et au grand homme dont le génie
éclaire ses semblables.
Comment laisser la qualification dont s'hono-
raient Platon, Montesquieu, etc. à ce pauvre
diable qui, tapi dans sa baraque, montre à mal
former quelques lettres aux porteurs d'eau de son
coin, et quelquefois leur sert de secrétaire? (i"^. )
Editer. Il faut avoir du courage pour ouvrir
le livre intitulé , la Caverne de la Mort. On a
lieu de s'étonner qu'un libraire ait osé l'Editer, (i?.)
Educateur. Vie?, professeurs d'histoire! EIiI,
pauvre disciple, prends un livre et lis. Ton pro-
fesseur inventera-t-il l'histoire ? Un incendie a-
t-il ravagé toutes nos bibliothèques? Les véritables
Educateurs sont les livres.-
On ne parle que d'éducation ; mais la première
chose serait de former des Educateurs.
Oji dit Educateurs de bestiaux, Educateurs de
poulardes du Mans.
Je le paierais très-volontiers , et même double
(dit le père en présence du juge), si ce malheu-
E F F 2o5
reux m'avait rendu mes eiifans tels que je devais
naturellement l'espérer Après les avoir inter-
rogés, et avoir enlenda toutes leurs inepties, le
mandarin porta celte sentence mémorable : «Je
« condamne cet Educateur à la mort, comme ho-
« micide de ses élèves , et leur père à l'amende de
« trois livres de poudre d'or, non pour l'avoir
« cliolsi mauvais, car on peut se trorajoer, mais
« pour avoir eu la faiblesse de le conserver si
« long-temps. »
Edlquer. Elever, nourrir les enfans^ et leur
cultiver l'esprit; du latin ediicare. Un enfant mal
éduqué , quoi de plus commun depuis douze
années !
Effacer, (i") Sous le despotisme légionnaire
des empereurs, les héros des derniers siècles de
Rome craignaient d'effaroucher par leurs victoires
une tyrannie qui n'était fondée que sur les armes,
et s'Effaçant dans le nombre des esclaves, ils
lâchaient, par leur modestie, de se faire pardon-
ner d'avoir vaincu. (^Mirabeau.)
Effectiver. Rendre effectif 5 ce que n'exprime
pas le mot effectuer. (P.)
Effémination. On recherche les causes de la
corruption des Romains, et du bouleverseiuent de
la république : il n'en est pas d'autre que l'abâtar -
dissement et l'Effémination des races romaines à
2o6 K F F
la ville. Tant que les jeunes praticiens travaillèrent
à la terre, ils furent vertueux. [Rétif.)
Loin d'être orgueilleux de ma beauté, elle ne
me paraissait qu'une EfFémination dégradante ,
contraire à mes vues de montrer un air mâle qui
me fit respecter des jeunes filles de mon âge, au
lieu de m'en faire cajoler. (Idem.)
Efféminiseur. Tous ces prétendus Anacréons
qui ne chantent que la paresse et la volupté, ne
sont-ils pas nos Efféminiseurs ? (L**.)
Efff.té. Heureux temps où j'errais dans les
campagnes solitaires , à S * *! où je ne desirais pas
ces plaisirs trompeurs qui m'ont perdu....... vous
ne reviendrez plus I Repos , contentement inté-
rieur, paix de l'ame, joie du cœur, je ne vous
goûterai plus!... Mou ame, comme une terre aban-
donnée à l'avide mercenaire, est Effélée. (Rétif.)
Effeuiller. Tout auteur est d'avis que louan-
ger autrui en sa présence, c'est Effeuiller incivi-
lement sa couronne de lauriers.
Efficiente. Quelle est la cause Efficiente de
toutes choses? Un seul Dieu gouvernant tout.
Admettre l'éternité de la matièi-e, un principe
passif, c'est folie.
Effigier. Etfigier en cire les hommes célèbres.
Effigier le voleur qui ne s'est pas laissé prendre.
EGO 207
Ne consentez pas à ce que Ton vous Effigie lorsque
vous u'èles plus jeune.
Effrénement. EsL-i] toujours donné à l'homme
de retenir l'ElFrénement de ses passions?
Egaliser « Si c'était la gravité des délits
« qui déterminassent l'étrange incognito que l'on
« garde sur les prisonniers de la Bastille ; si l'on
« ne couvrait de ce voile funèbre que des hommes
(t dévoués par leurs forfaits à un supplice pro^
« cliain, on aurait au moins une excuse. Non; la
« Bastille, coiume la mort. Egalise tous ceux
«qu'elle engloutit.» (^Linguet.)
La nature et la prov idence Egalisent-elles les
lots entre leurs enfans ? C'est une question diffi-
cile à résoudre.
Egayeur. *
Le son du flageolet est un son Egayeur. ( Z. * *. )
Ego. On disait d'un homme personnel : C'est
monsieur Ego.
EgoÏser. Parler de soi un peu trop. On ne
saurait reprocher à l'auteur du fameux Compte
rendu (M. Necker), que de trop Egoïser. Tout
poète Egoïse avec plus ou moins d'adresse.
Un égoïste n'est pas toujours un Egoïseur; il se
voile mieux.
Egoïser. [s') Pauvres philosophes, vous perdez
toute votre science ! Cessez enfin de répandre une
2o8 E L A
morale épurée , de ne pi-ècher que l'iniion et
l'amour mutuel; loin ces tableaux qui appellent ^
sans cesse les regards sur les besoins du malheu-
reux I Alors vous pouri'ez espérer de plaire dans
nn monde où chacun s'Egoïse. (2>**.)
Ejouir. ( s' ) « Indiscrette nation ! nous ne
« nous conlenLons pas de faire savoir nos vices et
« folles au monde par répulalion; nous allons aux
« nations étrangères pour les leur faire voir en
« présence. Mettez trois François aux déserts de
« Lybie; ils ne seront pas un mois ensemble sans
« se harceler et esgraligner. V ous diriez que celte
« périgrination est une partie dressée pour donner
« aux étrangers le plaisir de nos tragédies , et le
« plus souvent à tels qui s'Enjouissent de nos maux
« et qui s'eji moquent.» {Montaigne.)
Ejouir. («') « Celui qui veut se jouer et
«prendre son plaisir (disait Plutarque) il faut,
«par raison, ce me semble, qu'il en use avec
« ses compagnons, de manière que ceux-ci s'Ejouis-
« sent du même passe-temps que lui, et ne pas faire
« comme ces petits enfans qui jettent des pierres
« aux grenouilles , tandis qu'elles ne px'ennent
« point plaisir à ce jeu-là, d'autant qu'elles en meu-
« rent à bon escient, les pauvres bêtes! » [Amyot.')
Elaborer. Travailler av^ec soin, du latin /aèor;
de même, élaboration, travail soigné.
ElaeourÉ. « Nous voyons qu'au don de l'élo*
« quence ,
E M A 209
« quence , les uns ont la facilité et la prompti-
« lude, et, comme on dit, le bonte-hors si aisé,
« qu'à chaque bout de champ ils sont prests; les
« autres , plus tardifs , ne parlent jamais rien
« qu'Elaboré et prémédité.» {Montaigne.)
ElimÉ. Il n'a point Elimé son génie dans le frot-
tement des querelles littéraires.
Elimination. Les gouvernans s'honorent par
l'Elimination des adulateurs (Z»**.)
Elire. Ce mot était à peine connu avant la ré-
volution; le peuple même l'estropiait dans les pre-
mières élections qu'il a faites, et il était très-
commun d'entendre d'honorables membres dire :
On a Eli M. teLpourprésident. (Dicl. national. )
Elogier. Tout Elogier, est presque aussi ridi-
cule que de tout censurer.
Elogiste. Elogiste est pour les choses ordi-
naires de la vie, ce que panégyriste est pour \q$
choses extraordinaires.
Eludeur. Voyez comme il évite de traiter la
question; il vous échappera sans cesse : c'est un
Eludeur éternel , et qui feint de ne pas vous
entendre.
Emanateur. Tout vient de toi, grand Emaua-
teur de ce monde^ {Trad. de Sterne.)
Emanciper, La dernière gueri-e (en Amérique)
Tome L Q
2io E M B
a fait un grand bien dans son principe et dans ses
progrès, en semant parmi les nations des opinions
saines sur les droits du genre humain et sur la
nature d'un gouvernement légitime 5 en excitant
universellement cet esprit de résistance à la ty-
rannie qui a déjà Emancipé une des contrées de
l'Europe ( l'Irlande ) , et qui probablement eu
Emancipera d'autres. (^Mirabeau.)
Embandé. Infailliblement ' un enfant dont le
corps et les bras sont libres , pleurera moins qu'un
«nfant Embandé dans un maillot. (/. /. Rousseau.')
Que n'a pas fait la théologie scholastique pour
nous Erabander l'esprit , le j ugement et la raison ?
Embarrassément. On parle ici d'un homme
lionnête qui aimant sa Femme, est séduit mal-
gré lui par une actrice. «D'Alzan vient d'arri-
« ver 5 il est réservé , modeste, presque honteux,
u croyant sans doute que tout le monde lit dans
« ses yeux le secret de son cœur. Il est venu
<( m'embrasser , avec un front nuage , de cet
« air Embarrassément fier qui semble dire aux
K gens : Je boude de peur d'être grondé. >> ( Rétif. )
Embaumeurs. Les Egyptiens étaient si jaloux ,
qu'on les a même accusés de craindre les Embau-
meurs. ( De Paiv. )
*
E H B E S o G N E R, « Je me console aisément
E M B 211
«de ce qui adviendra ici, quand je n'y serai
« plus. Les choses présentes m'Embesognent
« assez. » ( Montaigne. )
Au mot Embesogner, essayez de substituer
un autre mot, sans le secours d'une péiûphrase ,
et vous verrez combien , par sa précision , il
nous est nécessaire.
Embesoigner. {s") « Ce n'est pas à dire que
« ce ne soit une belle et bonne chose , que le
« bien-dire, mais non pas si bonne qu'on la fait,
« et suis despité , de quoy nostre vie s'Embe-
« soigne toute à cela. » (^Montaigne.)
Emblématiser. D'emj)lématique. C'est la mort
de la peinture que d'Emblématiser les tableaux t
rien de plus froid que toutes ces figures symbo-
liques! Le grand Bastringue départemental que
l'on voit autour de la colonne triomphale, est
une conception bien ridicule. Payez donc des
millions pour ces hautes extravagances d'archi-
tectes ! — Quand vous verrez que dans une répu-
blique , l'écrivain, pour faire passer un trait
Emblématisera son style , assurez hardiment
qu'il n'y a plus de liberté. On me dira : Qu'est-ce
que bastringue ? Foyez la définition du Cousin
Jacques,
Embler. Enlever , dérober précipitamment
ou avec violence : de - là vient l'expression
O 2
313 E M B
prendre une ville d'emblée, emporter une affaire
d'emblée.
FiMBOiRE. (*'^ Il faut s'Emboire d'un auteur,
si l'on veut le bien traduire, et en général il
faut s'Emboire d'un ouvrage de longue haleine
pour en porter un jugement sain. On a vu
Brossette s'Emboire de Boileau , et l'abbé Tru-
blet, de Fontenelle, au point que les commen-
tateurs connaissaient mieux telle page du livre,
que son propre auteur.
Tel qui s'est Embu de Virgile et de Racine ,
n'en écrit pas mieux pour cela.
Emboiture. Comme les os se plaisent en leur
Emboiture naturelle , ainsi les hommes au pays
qui les a vu naître. (Mofitaigne.)
Embrasser. ( Z' ) « Au retour du printemps ,
«les béliers poursuivoyent les brebis qui n'a-
« voyent point encore aignelez , et après qu'ils
« les avoyent arrestées , sailloyent chacun la
« sienne. Autant en faisoyent les boucs auprès
«des chèvres, saultantz à l'envi : toutes les •
« quelles choses eussent pu inciter des vieillards
u refroidis à désirer la jouissance d'amour, et par
« plus foi^te liaison , ces deux jeunes personnes
« (Daphnis et Chloé), qui estoyent en la pre-
« mière fleur de leur jeunesse , et qui pourchas-
« santz de long-temps le dernier but de conten-
« lement d'amour , brusloyeut en oyant ce qu'ils
E M E 5t5
« oyoyeiit, et se fondoyent de désir, en voyant
« ce qu'ils voyoyent , cherchant quelque chose
« qu'ils ne pouvoyent trouver oultre le baiser
« et l'Embrasser. » (^Amyot. )
Embrasseur. Ah ! monsieur rincommode
Embrasseur que je rencontre quelquefois, soyez
l'Embrasseur de madame et non le mien! Point
d'embrassade d'homme à homme , un serrement
de main.
E31BUCHEMENT. Piège tendu dans les forêts
ou dans les bois 5 trahison voilée ou téné-
breuse. ( Borel. y
Emender. Corriger, rectifier; du latin emen-
dare: de même, émendation, correction.
Emériteh. Avoir bien servi dans un corps
pendant un certain nombre d'années, ce qui en-
traîne honneurs ou récompense, l^a récompense
chez les Romains s'appelait Eméritat; d'où les
professeurs de défunte université firent Emérile;:
ils touchaient une pension. On peut être Emérite
sans avoir pour cela Emérité. On a vu Voltaire
EraérJter sur le Parnasse, tandis qu'un autre,
de son âge , n'était qu'un Emérite ; mais la vie
est si courte et les travaux sont si longs , qu'il
est Juste d'accorder à tout Emérite un Eméritat,
Emerveillement. Mon Emerveillement dure
loujoui's, que le fils de Sa,muel Bernard nous
O Ty.
2t4 E M O
ait fait banqueroute, et qu'il ait trouvé le secret
de fricasser huit millions obscurément et sans
plaisir, ( V^oltaire. )
Eminer. J'aimerais mieux Eminer en pouvoir
qu'en richesses, en esprit qu'en pouvoir, en vertu
qu'en esprit.
Combien il Emiuait en poésie, ce Virgile, à
qui le suffrage de chaque siècle donne un laurier
de plus! (i>**.)
EmivriÉLER. Emmiéler un homme en place :
Emmiéler un propos. Un courtisan sait Emmiéler
toutes ses paroles. Les femmes savent Emmiéler
leur haine quand elles ont préparé leur piège.
Emmurer. Entourer d'un mur. Emmurer les
humains, souvent rinnocence. On a vu, pour
ainsi dire , la moitié de la nation Emmurer
l'autre.
Emoi. Le traître reconnut le portrait, et son
Emoi le fit pâlir.
Emoi. Vous a-t-on peint le triste Emoi qu'é-
prouva la capitale , lorsque le prince Lambesc
tira le sabre au milieu des Tuileries?.... Il fallut
bien s'armer....
Emolumenter. D'émolument. Vouloir pro-
fits, gains, avantages casuels. Vous croyez bon-
nement que l'on monte à ces hautes et dilïiciles
places pour ne pas Emolumenter? Détrompez-
E M P 2i5
vous, plus on a, plus on veut avoir. Il n'avait
rien il y a deux ans, le voilà déjà Emolumenté.
Emonstiller. L'indolence, la froideur, Tin-
sensibilité de mademoiselle L. * * allaient à un
point incroyable; il était également impossible
de lui plaire et delà fâcher, et je suis persuadé
que si l'on eût fait sur elle quelque entreprise ,
elle se serait laissé faire , non par goût , mais
par stupidité. Sa mère en lui donnant un
jeune maître de chant , fesait tout de son
mieux pour l'EmonsLiller, mais cela ne réussit
pas. ( /. /. Rousseau. )
Empenné, Qu'y aurait-il de plus beau dans
le monde, qu'un jeune homme de dix-huit ans ,
ailé , Empenné et traversant les airs eu créature
céleste ?
EmpériÈre. « Est-il possible de rien imaginer
« de si ridicule que cette misérable et chétive créa-
« ture, qui n'est pas seulement maîtresse de soi,
« exposée aux ofl'enses de toutes choses , se die
« maîtresse et Empérière de Tvinivers, duquel
« il n'est pas en sa puissance de cognoistre la
« moindre partie , tant s'en faut de la com-
« mander I » ( Montaigne. )
Emphaser. Outrer l'expression, le ton, la
voix, le geste. Qui Emphase, n'est pas sûr de
Uii-mème. Ee comble du ridicule, c'est d'Era-
phaser la critique dan-s un journal éphémère,
O i
2i6 E M P
EmpiégÉ. Qui est pris dans un piège. Il avait
dressé des embûches sur les pas de son adver-
saire, et lui-même s'est trouvé Empiégé.
Empirance. D'empirer. L'Empirance du mal
annonce sa fin prochaine. E'Empirance de sa
mauvaise conduite me fait augurer que le vice
l'emportera chez lui sur un reste de pudeur,
et que c'est un homme mort à toute vertu.
Empirement. Nos moeurs sont extrêmement
corrompues, et penchent d'une fatale inclination
vers TEmpiremeut. [Montaigne.)
L'Empirement de l'opiniâtreté annonce la
chute d'un homme en place. Pour empêcher
l'Empireraent d'un vice, il faut d'abord l'avoir
su reconnaître en soi. La maladie du corps ou
de l'ame , très-souvent n'est rien 5 c'est l'Erapi-
rement cpn devient dangereux ou funeste.
Empoigné. Il fut Empoigné par le pi-évôt ;
cela est plus expressif que de dire il fut ai"rêté.
Emporteur. Dans ma jeunesse, j'ai vu en
carême, arrêter le dîner du prince de Condé ,
qu'on lui portait de son hôtel au jeu de paume
de la rue Mazarine. Les eslafiers de je ne sais
quelle juridiction, avaient saisi le potage et les
poulardes de son altesse sérénissime. Ces puéri-
lités ont pris fin, mais quelques sots gémissent
encore de l'abolition de rancienne rigueur, qui
E N A 217
plaçait dans les rues des Emporleurs de tous lea
diners accommodés au gras.
Emprunteur. Les grands ne payent point
leurs dettes , ainsi que font les petits ; les grands
Empruntent éternellement aux in di gens qiii ,
long-temps mangés, se réunissent enfin, et par-
viennent à dissoudre la fortune du superbe Em-
prunteur.
Emulateur. Racine fut l'émule de Coi^neille,
et Voltaire l'Emulateur de l'un et de l'autre.
Emulatrice. Ce que Ton n'a point encore vu,
ce sont deux comédiennes du même emploi ,
noblement Emulatrices l'une de l'autre, et non
rivales haineuses.
Emuler. Il est nécessaire de savoir bien fi-
gurer ses lettres, car une mauvaise écriture res-
semble au bredouillement de la parole ; mais un
caractère lisible suffit. C'est perdre son temps
que de vouloir Emuler Rossignol , grand maître
en l'art de l'écriture, et non en l'art décrire.
Enamouré. « L'autre hier, ce me dit Bazu ,
« j'avisois au sermon , tes œillades Enamourées
« et tes soupirs aller à ma sœur Blanche, et aussi
« j'avisois ses regards radoucis se tourner de-
« vers toi, puis vos visages rougir, pviis vos
« yeux se baisser, ce qui est symptômes d'a-
« mour. )) ( Sauvigny. Blanche Bazu. )
2i8 , E N C
Encachotés. J'ai été prisonnier treize mois^
mais je n'ai été Encachoté que quarante - sept
jours. Dans les décombres de la Bastille ren-
versée, on trouva deux squelettes liés par une
chaîne de fer, et encachotés; on n'a pLi savoir
depuis quel nombre d'années. J'ai créé en 1789,
l'expression d'Encachotés, qui fut copiée et ré-
pétée par-tout, en annonçant le premier ce fait
dans les fameuses Annales patriotiques et litté-
raires, qui furent, j'ose le dire, le grand souf-
flet de forge de nos armées , et la trompette la
plus éclatante de notre grande révolution, lors-
qu'elle était encore belle, intacte et pure. Je me
souviens qu'Encacholés produisit un formidable
effet. Ce n'est pas d'aujourd'hui que je suis
néologue, car je nie suis plu à l'ctre dans tous
mes écrits, et sur-tout dans ces Annales patrio-
tiques, où j'ai si bien défendu les droits de la
nalion contre ses ennemis et ses oppresseui's. On
a peut-être trop oublié ce que ma plume et
mon nom firent alors , pour ne se souvenir que
de ma néologie, dont je me glorifie d'ailleurs ,
comme d'un nouveau titre à la reconnaissance
publique.
Encadrée. Enfin, voilà la république fran-
çaise Encadrée dorénavant dans des limites in-
variables , tracées par la nature. Les mots cadre
et encadrer sont entrés avec beaucoup de jus-
E N C 2i(>
tesse dans le langage militaire et dans la langue
diplomatique. Al laquez les diplomates et les sol-
dais, vous, pauvres ennemis de l'indispensable
néologie !
Engagé. Les lettres des prisonniers de la
Bastille, quand on ne leur enlève point la faculté
d'en écrire, passent tout ouvertes à la police,
ou bien elles y sont décachetées.
C'est pour les préposés à ce triage, un amu-
sement que la lecture de ces douloureuses la-
mentations ; ils se divertissent un moment du ton
sur lequel chacun des Encagés soupire. (Linguei. )
Encanailler, (s') A quel point le mérite
s'Encanaille ! disait une femme d'esprit , en
voyant un homme de lettres célèbre , attendre
dans une antichambre un grand qu'il était obligé
de visiter. ( -B. )
Encaquer. Il était rései'vé au gouvernement
actuel de la Grande-Bretagne, d'ajouter aux ri-
gueurs de la piison, les horreurs de la solitude,
en fesant Encaquer chaque prisonnier d'état
entre quatre murailles, dans une étendue de
quelques pieds de terre, comme dans un tom-
beau. (Batère.)
Enceinturer. Rendre une femme enceinte,
alonger sa ceinture. ( Borel. )
Excenseur, Voltaire , en se supposant un
220 E TT C
vieillard persan , dans son épîlre dédicaloire,
adressée des Scythes aux Choiseuil , feint de
regarder ces ministres comme des satrapes de la
cour de Perse, et dit : « C'était auti'efois îa cou-
« tume de louer les grands en face , mais c'était
« une mauvaise coutume qui exposait l'Encenseur
« et l'Encensé aux méchantes langues. »
Enchanteuse. Il manque à cette Enchan-
teuse d'être une Enchanteresse.
Enchàssure. Ce n'est pas assez que le dia-
mant soit beau, il lui faut encore l'Enchâssure;
il en est de même d'une jolie femme. A lous
ces mots nouveaux, créés ou ressuscites, lec-
teur, j'y joins encore l'Enchàssurej je me suis
fait metteur en œuvre pour vous les offrir plus
nets, pins brillans, bien montés : m'en saurez-
vous quelque gré?
Encis. Meurtre de femme enceinte. Usité en
Anjou. ( Ménage. )
Enclos. Quand une expression familière et
commune est bien placée , et fait un contraste ,
alors elle tient presque du sublime. Tel est ce
vers de Corneille dans Sertorius :
Je n'appelle plus Rome un Enclos de murailles.
Ce mot Enclos, qui ailleurs est si commun,
et même bas , s'ennoblit et fait un très - beau
END 221
contraste avec ce vers admirable du héros ro-
main :
Rome n'est plus clans Rome^ elle est toute où je suis. (Volt.)
Enclouure. Il n"a jamais deviné l'Enclouure
de cette affaire.
Encomiâste. Panégyriste. Vil détracteur, ou
bien ardent Encomiâste, voilà la devise du fol-
liculaire.
Encyclopédisme. Bélisaire, sans être aussi
scandaleux, n'est pas plus instructif que le 6'o-
pha. Le puritain philosophe qui parle froide-
ment aux esprits, n'est guère plus propre à se
les concilier, que le crapuleux épicurien qui les
révolte : si l'un effraie la pudeur par la licence,
l'autre l'endort par l'ennui,... Je le répète : la
froide analyse de l'Encyclopédisme, ou ses con-
vulsions factices , s'éloignent autant du vrai
caractère du i-oman , que les orgies de Pé-
trone. ( Linguei. )
Endoctrineur. Si l'art n'avance point vers
sa perfection, ce n'est pas faute de préceptes. Indé-
pendamment de cette foule de ioui'naux qui,
d'une voix lamentable et monotone, crient éga-
lement à la décadence, on voit éclore tous les
ans de gros volumes qui traitent de l'éloquence
et de l'art di'amatique : ils ne sont point remplis
de réflexions neuves j Ton y concentre toujours
222 E N E
l'art dans la seule manière de Corneille et de
Racine ^ l'on y cite avec emphase quelques pages
de Bossuet , et là finit la théorie de ces Endoc-
trineurs.
Endolori. Sophie ( dans Emile ) se fait don-
ner un tablier de la bonne femme qui vient
d'accoucher dans une chaumière isolée , et va
l'arranger dans son lit ; elle en fait ensuite au-
tant à l'homme qu'une chute de cheval a blessé.
Sa main douce et légère sait aller chercher tout
ce qui les blesse , et faire poser plus mollement
leurs membres Endoloiis. ( /. /. Rousseau. )
Endormeur. Oui , le plus grand Endormeur,
et que l'on entend trop souvent, même quand on
l'évite , c'est un corps académique.
Energiser. Les jansénistes, sérieux, réflé-
chis, fesaient penser plus profondément, beau-
coup plutôt, et plus efficacement que les moli-
nistes ; ils organisaient plus fortement l'esprit
et le cœur, qu'ils Energisaient en leur donnant
du ressort par la contrainte qu'ils opposaient à
toutes les passions. (^ Rétif. )
Energiser. Un seul héros Energise souvent
une armée entière : nous n'avons pas besoin
d'en chercher les preuves chez les peuples an-
ciens. ( Z. * * )
Enervation. L'énervation du style, comme
celle des âmes, suit la perte de la liberté.
E N F 225
EXFANÇO.V.
Eux (les Dieux) à la fin qui se fâchèrent
De voir l'insolente façon
De cet orgueilleux Enfauçon ( l'Amour ) ,
Du ciel par dépit le chassèrent. ( Marot. )
Et pour venger un Enfançon ,
On mit tout le monde en prison. [Vieux poète.)
Nous n'avous point de diminutif pour expri-
mer les gradations de l'enfance. Qu'il serait gra-
cieux de suivre avec ditférens ternies, le déve-
loppement de cet âge lieureu.'-i.
Enfantinement. Elle n'a jamais ressemblé à
personne au monde. A quarante ans, l'aimable!
elle riait Enfantinement. Doux et cruel souvenir!
Enfanture. Grossesse. Enfanture pourrait
très-bien entrer dans la langue poétique. Allons,
un peu d'audace, poètes timides I [Borel.)
Enfermeur. Après quelques mois de Bastille,
où le cardinal de Fleury avait fait enfermer le
vieux abbé Berrier, on crut qu'il serait plus
assoupli; mais en sortant de prison, il ne fut
pas plus docile, mais il devint plus attentif pour
sa liberté. La princesse de Contj qui le chéris-
sait, lui donna chez elle un as^le impénétrable
aux recherches du cardinal Enfermeur. (Linguet.)
Enflure. La fierté qui, d'ordinaire, est le
vice des grands, ne devrait être que la triste
ressource de la roture et de l'obscurité. Il paraît
224 U N H
bien plus pardonnable à ceux qui naissent, pour
ainsi dire, dans la boue, de s'en fier , de se
hausser, et de tâclier de se meLlre par l'Enflure
de l'orgueil , de niveau avec ceux au-dessous
desquels ils paraissent se trouver si fort par
leur naissance. ÇAIassillon. Petit Caréjue.)
EnforestÉ. Enfoncé dans une forêt , à ne
plus savoir comment en sortir. { Perceval.)
Assistant à ce club démagogique infernal ,
je me disais tout bas : Je suis Enforesté.
Enfunester. Un domestique , un vil espion
entend proférer des paroles indiscrètes ou vio-
lentes; il les répète, il les amplifie, il les Enfu-
neste , comme disent les Italiens.
Engloutissement. L'Engloutissement sou-
dain du navire ne laissa point le temps de jeter
les chaloupes en mer. L'Engloutissement du
Rhône m'a singulièrement frappé. L'Engloutis-
sement des états devant l'épée d'Attila.
Enharmonique. Il faut distinguer deux sortes
d'harmonie : l'une qui s'amuse à flatter l'oreille
par l'heureux choix des expressions et par leur
dispositions nombreuses; l'autre, beaucoup moins
commune , qui a sa source dans une ame sen-
sible, et qui est inspirée à l'écrivain, selon les
passions diverses dont son cœur est agité. La
première convient aux récits tranquilles ; la
seconde
E N L 2i>5 '
seconde est propre à toutes les ciixonstances qui
portent le trouble dans les idées, dans les sen-
timens , dans les discours. La douleur, quand
elle parle, a le ton faible et plaintif; celui de la
colère est véhément. Le style iniitalif du dés-
ordre ou de la difformité enlasse les spondées
et les élisions, et Virgile étonne lorsqu'il dit :
Monstruni horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum.
Son vers donne à Poliplième une grandeur dé-
mesurée, et plus il est Enharmonique, plus il
est beau. ( Diderot. )
Enjamber. Montaigne est plein d'idées mères.
, Ce philosophe qui Enjamba, par son génie, sur
les siècles à venir , est un de nos écrivains qui
donne le plus à ceux qui sont venus après lui ,
et qui lui gardent le secret. ( Manuel. _)
Enjoltveitse. Marchande de modes. L'Enjo-
liveuse est venue chez moi avec le journal des
modes, mais elle n'a jamais pu mi'enjoliver.
J'avais trop perdu au jeu la veille, et Damis
était à la campagne.
Enleveur. Dans le château d'If, où j'étais
prisonnier, il n'y avait qu'une femme qui eût
figure de femme. J'avais vingt-six ans j c'est un
furieux délit que d'avoir donné lieu de soup-
çonner qu'elle me paraissait jolie I Elle quitta son
mari qui, deux ou trois fois avait pensé la tuer,
Tome L P
2.26 E N Q
et avait été réprimandé en justice pour ce fait;
elle gagna la frontière , et son mari cria à l'en-
lèvement. Singulier enlèvement , où l'Enleveur
était en prison! [Mirabeau.)
ENPHiLOSOPHiÉ.Qu'est-cequ'anpédanL?N'est-
ce pas un homme trancliant, impérieux, qui fait
avec affectation parade de son savoir, qui ramène
éternellement la conversation sur les objets qui
lui sont familiei's , ou qui tâche, en parlant de
ceux qu'il ignore, de déguiser son insuffisance
sous des termes pompeux et sous un air impo-
sant?— C'est-là, je crois, le vrai portrait du pé-
dant, et n'est-ce pas celui des chefs de noire lillé-
rature Enphilosophiée. [Llnguet.)
FInquestant. «J'aime ces mots qui amollissent
« et modèrent la témérité de nos propositions , à
n l'aventure, aucunement, quelquefois^ on dit, etc. ;
« et si j'eusse eu à dresser des enfans , je leur eusse
« tant mis en la bouche cette façon de répondre
« Enquestante et non résolutive, qu'est-ce â dire?
«^e ne Vejitends pas , il pourroit être , est-il vrai?
« qu'ils eussent plutôt gardé la forme d'apprentifs
<( à soixante ans , que de représenter des docteurs
(c à l'âge de quir?Ke. » ( Montaigne. )
Enquinauder. Si madame de Pompadour, dit
Voltaire à un de ses amis, a encore la lettre que
je lui écrivis quand le roi de Pi'usse m'Enquinauda
à Berlin , elle y verrait que je vous disais qu'il
E N T 22 7
viendrait un temps où l'on ne serait pas fâché
d'avoir des Français dans cette cour.
Enrichissement. L'Enrichissement ou les En-
richissemens d'une langue tiennent plutôt à l'au-
dace généreuse des écrivains, qu'au goût timide
et circonspect des académiciens. On ne perd les
Etats que par timidité , a dit Voltaire : il en est
de même des langues ^ elles ne sauraient jamais
être fixées.
Ensépulturer. Voltaire, Ensépulturé par une
vélocité adroite, n'est pas bien enterré, à ce que
prétendent encore les prêtres catholiques.
Ensevelisseur. Je ne connais pas de loi plus
désastreuse pour la religion et la morale, que celle
qui abandonnerait les cadavres aux esprits chan-
geans des Ensevelisseurs , ou aux manies d'une
tendresse plus ou moins aveugle.
Entendable. La cloche de cette commune ,
quoiqu'à six lieues de distance, est Entendable.
Ential, Entiaux. Choses qui ont être.
Entortillage. Je rentre dans la lice, armé de
mes seuls principes et de la fermeté de ma cons-
cience, et je prie tous ceux de mes adversaires
qui ne m^entendront pas, de m'arrêter, afin que
je m'exprime plus clairement; car je suis décidé
à déjouer tous les reproches tant répétés d'évasion,
de subtilité, d'Enlortillage. [Mirabeau.)
V 2
223 E N T
Entourage. Un ambassadeur dit à ceux qui
lui demandent de l'accompagner, qui sollicitent
cette faveur : «Cela ne se peut, j'ai composé mon
« Entourage.»
Nos généraux ont aussi leur Entourage.
Entraînement. L'Entraînement invincible des
circonstances le fit aller dans une route qu'il avait
évitée toute sa vie. Vous direz ce que vous vou-
drez du style; mais l'intérêt, l'Entraînement de
cet ouvrage sentimental, vous commandent d'aller
jusqu'à la lin.
Entraîner. «Depuis ce tant heureux jour,
«mon cœur estoit en grands combats, partagé
« entre deux amours, qui estoient celui-là de Dieu,
« et l'autre de Elanclie.
« Et aussi j'allois le plus que pouvois à messes,
« vespres et saluts , là où se trouvoit ma dame et
<( maîtresse, ce qui fit qu'elle Entraîna mon cœur
« à elle tout entièrement.» {^Saiwigny. )
Entreferrer, {s') Sur cesaltercats de paroles,
ils sortirent, et ne furent pas plutôt au parvis,
qu'ils mirent l'épée à la main. Comme leurs épées
étaient courtes, et qu'ils se chargeaient sans me-
sure, ils s'Eutreferrèrent tous deux; on les porta
encore pantelans chez le même chirurgien. Dites
mieux, rendex mieux la chose, mes chers adver-
saires.
■E N T 22^
Entregent. Ayant vécu dans deux des plus
bi'illanLes maisons de Paris, je n'avais pas laissé _,
malgré mou peu d'Entregent, d'y faire quelques
connaissances. (/. /. Rousseau.)
Entreglosee. (4') « Il y a plus à faire à
ft interpréter les interprétations qu'à interpréter
« les choses, et plus de livres sur les livres que
« sur autre subject. Nous ne faisons que nous En-
« tregloser. Tout formiîle de commenlaleurs ;
« d'auteurs, il en est grande cberté.» (^Montaigne.')
Entrelaidir. (*') Se dire des injures mu-
tuelles. Pour le coup , folliculaires et journalistes,
vous adopterez celui-ci j il se trouve dans \es an-
tiquités de Borel.
Entre-raboter. (5') M. de Montausier était
fort rigoureux sur les mœurs. Le premier Dau-
plîin , dans son bas-âge, était opiniâtre et fier.
On disait : Comment s'accordera-t-il avec soa
auguste élève? Laissez-les faire, dit madame
de Sablé, ils s'Entre-raboteront l'un l'autre, et
se poliront.
Entrip AILLÉ. Un comédien devrait quitter la
scène dès qu'il se voit Entripaillé. L'Entripaillé
Desessarts était un acteur hideux à voir.
Ce cuisinier, ce boucher Entripaillés, quoiqu'ils
mangent peu, prouvent qu'on se noariit par les^
pores, -, :
P 5
'j3o E P a
Envenimetjr. Comment reconnaître au pre-
mier coup d'oeil ces hommes qui vous flattent , et
qui sont ailleurs non-seulement vos antagonistes,
mais encore les Envenimeurs de vos intentions et
de toutes vos paroles.
EnvinÉ. Qui a pris du vin plus qu'il ne lui
faut. Préville répétant devant Garrick le rôle
d'un homme demi-ivre, Garrick lui dit : Prenez
garde, camarade, l'une de vos jambes n'est pas
Envinée.
Envoiler. (s") Se couvrir d'un voile. La na-
ture s'Envoileà mesure qu'elle descend dans l'ani-
mation des animalcules; mais là est sa fécondité et
l'inépuisable dotation de ses richesses. Une femme
espagnole s'Envoile avec une grâce, une variété,
Xine coquetterie, qui surpassent encore le jeu le
plus fin de la physionomie à découvert.
Enumérer. Le Dictionnaire de l'Académie
française a rejeté ce mot; mais qui pourra Enu-
mérer ses oublis et toutes les petitesses de son
obstinée pédanterie. Enumérer l'armée des étoiles,
le nombre des plantes, les beautés de la création,
c'est ce qu'un homme sage n'entreprendra jamais.
Enumérer les faux jugemens des critiques de pro-
fession , il faudrait les lire; ne vaut-il pas mieux,
les oublier?
Epandre.
Elle a boifde mon sang, elle a voulu répandre. {Corneille.)
EPI 25î
Epandre était un terme heureux qu'on em-
ployait au besoin , au lieu de répandre : il a vieilli;,
pourquoi ne pas le rajeunir? (f^ollaire.)
Epargné.
Le lustre du génie est né de la censure y
Aventurière-enfant d'un auteur dédaigné.
L'ouvrage offensé brille et vit de sa blessure;
Tout meurt dans l'ouvrage Epargné. ( Moussard. )
Epave. Droit sur les choses égarées, perdues
ou qui n'ont pas de maître, dit Ménage. Epavons
celle foule de mots anciens, oubliés, perdus, dé-
daignés ; fesons-en noire propriété, c'est la langue
de nos ancèlres ; puis, il n'y a jamais eu pour
peindre , de palette trop richement chargée de
couleui's*, le pinceau saura choisir.
Ephèbe. Qui a quatwze ans accomplis. A qua-
rante ans, il a encore les joues rosées d'un Ephèbe.
L'Ephèbe est dans l'âge le plus favorable à l'ac-
quisition des idées diverses que nous donne l'étude.
Epteur. La Bruyère était un vigilant Epieur
des singularités de l'homme et des mouvemens
du cœur humain. Richardson et Fielding ont été
des Epieurs d'un autre genre, et ne se ressem-
blaient point entr'eux.
EpinglÉe. (^ femme) Si je pris la licence de
l'embrasser, j'en fus puni; car je n'ai jamais renjp
contré de femme plus Epinglée.
P 4
252 E P R
Epingleurs, (d'épingle.) Petits hommes qui
vous atlaquent en biaisant ou à coups détoui'ués.
On a voulu m'épingler quelquefois , et moi de
rire.
Epoinçonner- «Or, dès les premiers jours que
« retournions du pèlerinage, j'allois toujours côte
« à côle de ma mie qui avoit sa main en la mienne,
«et lui prcsentois (sans en faire nul semblant)
« requête d'amour, pour ce qu'elle accordât à
« FéjJoux la chose que savoil ; à quoi elle ne rc-
« pondoit, sinon par soupirs et honnêtes regards,
« qui d'autant m'Epoinçonnoient, et en étois plus
«brûlant de désirs.» [Sauwigny.)
Epoque. La iiiauie des nobles avait créé ce
terme : est-il Epoque convenablement? disaient-
ils. Le dix-huitième siècle marchera dans l'avenir
Epoque des événemens les plus extraordinaires.
Epouseur. Dites-moi, quel est ce jeune homme
qui fréquente cette maison? n'est-ce point là un
amant? Non, c'est un Epouseur, comptez là-
dessus.
Eprendre. Pour dire un sentiment qui abuse,
enivre , captive le cœur. Un séducteur Eprend
wnc jeune personne.
Epris, (élre) «Environ vers le temps que les
« pasteurs ramènent leurs bestes aux champs
« api'ès mydi, Daphnis appercev^ant de tout loing,
« de dessus une haulte butte où il estoit monté,
E R R 203
« Chloé, que les Mylhimniens lui avoient enlevée,
« descendit le plus viste qu'il put dans la plaine ,
« et courant embrasser Chloé , fut si tellement
«Epris de si grande joye, qu'il en tomba par
« terre tout pasmé. » ( Amyot. )
Epulox. Convive non prié. Il eut à sa table
trois Epulons qu'il n'attendait pas.
Equarrisseurs. L^Equarrissage des chevaux a
mérité Fattention de la police. On appelle Equar-
risseurs, les gens qui tuent les chevaux , et Equar-
i^issage, l'action de les dépouiller et de les dépecer.
Equilibreur , Equilibreuse. « La femme
« d'un Equilibreur des rues n'est pas communé-
« ment une personne fort distinguée: celle ci avait
« été fille publique. Elle forma le projet de s'em-
« parer de la petite fille de deux ans qu'elle avait
« vue dans son voisinage, et d'en faire son gagne-
« pain. En effet, TEquilibreuse s'en empara, eni-
« pécha l'enfant de crier par quelques bonbons,
« et le soir même sortit de la ville. » ( Rétif. )
Equipoller. «Qui ne désire rien, encore qu'il
« n'aye rien, Equipolle , et est aussi riche que
« celui qui jouit de tout. NihiL intere.st an ha-
« béas , an non concupiscas. » (Charon.)
Erémodicie. Solitude profonde et déserte. [B.)
Errans. (dans l'erreur.) Les Errans de notre
âge sont ces matérialistes qui, dans leur démence
2Jt. ESC
métaphysique, souniellenL les opérations de l'es-
prit à ce qui n'est plus esprit. Misérables doctri-
naires, qui parlent devant des gens indoctes , et
cherchent l'oreille de l'ignorance pour y verser
leur dangereux venin I
Erremens. J'ai connu un très-grand nombre
d'hommes de lettres, je dirai presque tons. Les
gens de lettres sont communément des triangles
qui jettent tout leur esprit d'un seul côté; ils sont
routiniers, et tiennent aux vieux Erremens du
préjugcetdel'habitude. Quand je veux apprendre
quelque chose, je cause avec un homme qui n'a
rien lu , et sur-tout qui n'a rien écrit. Je sais
beaucoup depuis que je ne crois plus aux livres
où gissent tous les Erremens.
Si un beau jour un ange soufflait sur toutes les
bibliothèques pour les faire disparaître, pas un
seul livre dans le monde , plus de papier qui
parle c'est un problème si nous y perdrions
ou si nous y gagnerions; car les erreurs des phi-
losophes et autres auteurs, sont les Erremens du
genre humain.
ErrénÉ. Celui qui a les reins offensés. Ce
malheureux porte-faix, eh bien ! il ne pourra plus
vous servir; à la suite d'une charge trop pesante ,
le voilà Erréné.
EsCLAVER. Malgré les longues et cruelles
guerres qui ont si souvent divisé l'empire et le
ESP 2:5
sacerdoce , on a toujours vu la couronne se réunir
à la tiare pour Esclarer les nations.
C'est avec l'apparence du bien public, du repos
individuel; c'est avec tous les dehors de la liberté
que les gouverneinens conspirent à Esclaver l'es-
pèce humaine. C'est avec la sotte écoi'ce du pi^-
lendu savoir et du bon goût que les stupides et
oigueilleuses Académies veulent Esclaver non-
seulement tout essor du génie, mais jusqu'aux
mots propres à mieux rendre nos pensées. Qui
croirait qu'au moment où j'écris, quelques vains
phrasiers osent vouloir prosciire de la. langue le
mot Activer, et plusieurs autres aussi simples et
aussi expressifs, qui sont en usage depuis long-
temps parmi toutes les classes delà société?Pauvres
docteurs ! porteriez-vous vos vues jusqu'à vouloir
Esclaver le bon sens, le jugement suprême et éter-
nel de ce public qui sent et parle mieux que vous?
Es-HONTÉ. Sans honte.
Ce Dieu ( Mars ), très-Eshonté , ne se dérange pas;
Il tient, sans s'étonner, Vénus entre ses bras. [Voltaire.)
EsPAGXOLiSER. Floriau a fait tout ce qu'il a pu
pour nous Espagnoliser; mais dans tout ce quil
a traduit ou imité , nous aurons grand'peine à
nous désanglomaniser en fait de romans.
EsPÉRABLE. «Quelle resverie est-ce de s'at-
« tendre de mourir d'une défaillance de force que
«l'extrême vieillesse apporte? Mourir de vieil-
236 EST
« lesse, c'est une mort rare, singulière, extraor-
« dinaire , et d'autant moins naturelle que les
« autres : c'est la dernière et extrême sorte de
<c mourir; plus elle est esloignée de nous, d'autant
« est-elle moins Espérable. » [Moyitaigne.)
EsPRlTÉ. On a moins l'aiguillon de la gloire
dans un siècle Esprité. (^Rétif.)
Quel est A^éritablement, dans notre siècle, Fau-
teur le plus Esprité? Ceci pourrait donner lieu à
une dissertation curieuse : esprit, talent, sont
choses très-distinctes.
EsPRiTER. O puissance d'^un repas! il a Esprité
Bardus, le plus sot des hommes.
EssENCiER. Essencier un ouvrage, c'est en tirer
la quintescence : ce fut le secret de Montesquieu.
Estampiller. «Une loi ordonne que certains
« livres seront Estampillés, c'est-à-dire, marqués
« d'un certain signe qui devait leur donner cer-
« tains droits. Jusque là tout allait bien, au moins
« pour ceux à qui l'Estampillage devait valoir
« beaucoup d'argent; mais un ordre particulier en-
« joint au sieur Debure, libraire, d'appliquer lu i-
K( même l'Estampille, de se rendre lui-même l'exé-
« cuteur de cette opération manuelle » (Ling.)
Estant. En son Estant, debout. Il tomba de
son Estant, c'est-à-dire, de sa hauteur. (^. Chartier.)
E T I 23;
EsTÈBE. (/') Le manche de la charrue; il vient
du latin stipes. Bon pour la poésie. (Borel.)
Estimateur. Tel sans mérite et sans talent se
fait Estimateur du talent et du mérite d'autrui.
Qu'a-t-on besoin de son estimation, pas plus que
de son estime? Le vrai génie se suffit à lui-même,
se complaît dans son vol , et ne s'informe jjas
s'il a ou s'il n'a pas un Estimateur de plus on de
moins.
Etager. Elagerles têtes pensantes dans de vains
et fastidieux parallèles, c'est l'entreprise d'un rhé-
teur : toute comparaison de ce genre tue le talent
ainsi que le bonheur; c'est dans ce qu'il ne res-
semble pas à cet homme que tel autre vaut. Il n'y
a ni premier ni second étage : la nature, quand
elle a fait une tète, brise à jamais le moule; elle
ne reproduit pas plus Scaron que Corneille.
Etat.
Avez-vous su l'État qu'on fait de Curiace? {Corneille. )
L'Etat ne se dit plus, et je voudrais qu'on le
dît: notre langue n'est pas assez riche pour bannir
tant de termes dont Coxneilie s'est servi heureu-
sement, (douaire.)
Eterniser, (s') Nous jouirions ici de tous les
plaisirs , si nous n'avions pas été forcés d'ad-
mettre Dorante parmi nous : chaque jour il nous
annonce son départ pour Paris ; mais ce maus-
sade personnage s'Eternise par-tout.
258 E T R
Etincellement. Le Sophi ordonna qu'on me
fiL voir la salle de son trésor où sont rassem])lées ,
dans tous les genres, toutes les richesses des quatre
parties du monde. L'Elincellement de tant d'ob-
jets éblouissans me frappa. L'Etincellement de
la nue annonce un orage.
Etrangeté. « Nous n'avons que faire d'aller
« trier des miracles et des difficultés estrangères.
« Il me semble que parmy les choses que nous
« voyons ordinairement, il y a des Estrangetez si
« incompréhensibles, qu'elles surpassent toute la
(V difficulté des miracles.» [Montaigne.)
Etrangeté. L'épître du Diable à confesse, où
le pape est traité comme il le mérite, est fort
comique : on y trouve de la facilité, de l'Etran-
geté et beaucoup de civisme. ( Bouche de fer. )
Etreindre. Dans le délire qu'une douleur
sombre me fesait éprouver, tous les événemens
de ma vie se retraçaient fortement , et si forte-
ment que je les croyais présens. Je voyais Gaudet,
mon ami, qui s'était suicidé au pied de l'écha-
faud, pour n'y pas monter; je lui parlais, il
me répondait : son spectre s'avançait pour
m'embrasser; j'éLeudais les bras et n'Etreignais
rien . ( Rétif )
Etreinte. Est-il possible que ce vieux mot,
si fréquemment nécessaire, si expressif, ait été
presque banni? Les Etreintes de la nature sont
E T R 209
indissolubles et d'une contexture encore plus
forte que celles de l'aniour. Il y eut au preraie;r
aspect, une douce Etreinte entre nos deux âmes.
Celui-là se sépare de la vertu et même de l'huma-
nité, qui redoute l'Etreinte de la reconnaissance.
Etriper. Euiscerare. Je ne le traduirai point.
Frédéric le grand, à la bataille de. . . . coui-ant
à cheval dans les rangs de ses soldats , leur
criait : Etripez , étripez les Russes 5 épargnez
les Français I
Etriver. « Le verger, de soy-mesme estoit
« une bien fort belle plaisante chose à voir , et
« qui approchoit des parcs des grands princes et
« rois. 11 contenoit bien demy-quart de lieue en
« longueur, et avoit la largeur d'environ quatre
«arpens; on eust dit à le veoir, que ce n'esloit
«point un A-erger, mais un grand champ, car
« y avoit de toutes sortes d'arbres fruic tiers, des
« pommiers , des meurres , des poiriers , des
«grenadiers, des figuiers, des orangiers et des
« oliviers; d'un autre côté y estoit de la vigne
« haulte qui montoit sur les pommiers et sur
« les poiriers, dont les raisins commençoient jà
« à se tourner, et comme si la vigne eust Etrivé
« avec les arbres, à qui porteroit du plus beau
« fruic t. » ( y^mjot. )
Etroitesse. Il est logé bien au lai:ge pour
l'Etroitesse de son génie. Quelle Etroitesse d'idées
24o E V I
dans certains hommes livrés à la superstition !
li'Etroitesse de sa robe occasionna sa rupture.
Il vit dans l'ombre , vu l'Etroitesse de son revenu.
Etroitesse. I^e terrible incendie qui consuma
une partie de Londres en 1666, ira.prime encore
dans les esprits une grande et salutaire terreur.
On attribua les ravages affreux que ce feu
causa, à l'inflammabilité des maisons de bois,
à leur rapprocliement , à l'Etroitesse des rues. -
EVAGATION. Vous aurez peine à le suivre ,
les Evagations de son esjjrit sont hors de toute
mesure. Il n'y a qu'un auteur, qu'un poète, qui
me fasse lui pardonner ses Evagations 5 c'est
l'Arioste.
EVERSIF, Eversive. Certes, nous sommes
loin , et nous l'avons bien prouvé, de confondre
une opposition salutaire, courageuse, sincère-
ment constitutionnelle , fût - elle même mal
éclaircie , avec une opposition incivique , hos-
tile, Eversive, destructive, homicide, parri-
cide. ( Rœderer. )
EVERTIR. Renverser, ruiner, du latin ever^tere.
il ne convient pas à un grand peuple d'Evertir
une petite nation voisine.
EviDÉ. Il relève de maladie, il a le corps '
Evidé. Crébillon fils était haut, taillé comme un
peuplier, et d'une stature Evidée.
EVIEB.
E U P 24i
ËviER. Conduit de mauvaises eans et d'im-
mondices. C'est un jureur, un blaspiiéniateur ,
un débauché à paroles sales et impudiques; sa
bouche est un Evier.
EVITABLE.
Oui , par-là seulement ma perte est Evi table. ( Corneille.)
Pourquoi Evilable n'est - il plus en nsage,
puisque inévitable est reçu ? C'est une grande
bizarrerie des langues d'admettre le mot com-
posé , et d'en rejeter la racine.. ( V^ottaire. )
Eucharistie. Une moilic de l'Europe a ana-
thématisé l'autre, au sujet de l'Eucharistie, et
le sang a coulé des rivages de la mer Baltique
aux pieds des Pyrénées , pendant près de deux
cents ans, pour un mot qui signifie douce cha-
rité. (^V^oltaire.)
EuNUQUER. Les papes qui ont permis que sous
leurs yeux on Eunuquât de jeunes enfans ,
étaient-ils chrétiens ?
Euphonie. Qui n'a pas senti un vif plais if
en entendant le soir, du fond de son lit, le soii
mélodieux de ces orgues nocturnes que de
modernes Orphées portent sur leur dos, et qui
égaient les ténèbres? Quel agrément' si , chaque
soirée, après le souper, chaque rue . avait sa
musique particulière! L'humeur et la fatigue de
la journée disparaîtraient soudain, et l'homme
Tome L Q
^42 K X A
de peine, en se coucliant , craiudraiL moins le
Jour suivant embelli à son déclin. Je pense que
rien ne serait plus propre à enlrelenir la bonne
humeur parmi le peuple, que d'éleiidie et de
perfectioimer celle récréalion innoeente et pu-
blique, celte douce Euplionie.
ExJTRAPÉLiE. Bonne conversation. Venez dans
celle maison si différente des autres, l'Eulra-
pélie y règne constamment.
ExAGÉRATRiCE. Toutes les passions sont Exa-
géralrices, et elles ne sont passions, que parce
qu'elles exagèrent. ( Ctiamfort. )
Exaltation. On entendait autrefois par ce
mot, l'élévation d'un homme souvent imbécille
et quelquefois scélérat, au trône pontifical. Nous
lui donnons maintenant un autre sens; nous
disons, par exemple :
Ce philosophe reiela,it Texagération dans quel-
que genre que ce lut; il u'aimait pas plus la
morosité du cynique qui peint lous les objets
sous les çouleui's les plus sombres , que l'Exal-
talion de l'opliraisle qui ne les regarde qu'avec
le pri^nle séducteur de rimagliiation.
^ExA'NÇU'E. On a eriliqjié le ^not Ex%ug!îe qui
iest de Montaigne v'niî^is, demande Diderot , ce
mot n'est - il pas énergique? n'aurait- il pas été
ï-égrctté par Voltaire, et mis au nombre deç
E X C 245
expressions que cet homme de goût se proposait
de restituer au vocabulaire de l'académie?
Exaugue. Poète Exaugue , diseur de futilités
sonores en grands vers ou en versiculets.
Exaspérer, (s' ) C'est le propre d'un homme
qui n'est pas maîtie de soi, de s'Exaspérer,
lorsqu'il peut écouter et entendre.
Il faut toujours craindre d'Exaspérer un peuple,
sur-tout par ce qui touche à ses premiers besoins.
La multitude une fois exaspérée, lombe dans des
niouvemens convulsifs, et alors les crimes atroces
ne lui coûtent plus rien.
ExciTATiF. Sous quel point de vue un ci-
toyen doit-il regarder l'Opéra ? Il est certain que
si l'on considère ]es moeurs, elles n'y gagnent
rien, au contraire, elles y perdent beaucoup;
c'est une école de vice , c'est un piège pour les
liommes qui ont de la fortune', c'est un Excitai if
dangereux pour ceux qui n'en ont pas. (Ilélif.)
Exclamer, (s') S'Exclamer sur des riens,
ainsi que le fout de petits hommes, qui s'ima-
ginent que tout revers leur doit être étranger.
Excrémenteux. Ce libelliste Excrémenteux,
passez vite près de lui et comme si vous ne l'aviez
pas aperçu.. Ces brochures obscènes, ouvrages
d'auteurs obscurs et Excrémenteux; ils se cachent
pour les Excrémenler.
Q 2
'^4i E X I
Exécutrice. On regardait les Furies comme
les Exécutrices, et non comme les victimes des
vengeances divines. ( VoUaire. )
ExERCiTE. Grande armée, de exercitus , terme
employé par Marot et clianlé à gorge déployée
dans tous les temples protestans ^ d'où Exercité,
domination, rien ne donnant une puissance plus
assurée qu'une Exercite iidelle à notre comman-
dement. Grand Dieu 1 protège toujours l'Exercite
nui marche pour réprimer la violence et punir
la tyrannie !
ExERCiTER. Les assemblées populaires, sage-
ment combinées, sont propres à Exerciter iia
peuple à la science politique.
EXERTION. Sous le beau et long règne d'Eli-
sabeth, l'Angleterre commença à respirer j ce-
pendant le joug du pouvoir reposait toujoui's
pesamment sur la tète des sujets; mais l'amour
pour une reine, dont les malheurs avaient d'abord
si vivement intéressé , et l'extrême gloire de sou
règne, firent supporter des Exertions d'autorité,
qui paraîtraient aujourd'hui le comble de la ty-
ranliie. ( Delolme , constlt. cC^ngl. )
Exigence. De pieux chariataiis, qui veulent
qu'on soumette tout à la religion, n'ont fait
un Dieu que pour qu'on leur obéisse et qu'on les
révère^ et quand on examine ce que c'est que
E X O s^i^S
celle religion qui réclame un empire si aljsolii ,
on voit que la politique et la fraude, de concert
avec l'ignorance et la crédulité, en ont jeté les
fondemens, et que les diverses religions varient
dans leurs dogmes , sans varier dans leurs Exi-
gences, paice que le caprice a produit ceux-ci,
tandis que l'intérêt des prêtres, qui est toujours
le même, guide celles-là. (Mirabeau.)
Exile. « Ceux qui ont le corps gresle , le
(T grossissent d'embourrures; ceux qui ont la ma-
« tière Exile, l'enflent de paroles.» {^Montaigne.)
ExiLEUR. Engagé, je ne sais comment, dans
]es folies du jansénisme ( dit Linguet, en parlant
de son père, ) témoin , je ne sais plus comment,
d'un miracle du bienheureux diacre, il fut martyr
du despotisme Exileur, comme son fils l'a été
du despotisme rayeur. (^Annales politiques , etc.)
ExoiNE. Je ressemble , dit Voltaire (à un de
ses défenseurs j, à ces vieux chevaliers qui ne
pouvaient plus combattre en champ clos j ils
étaient Exoines, comme dit la chronique, et un
jeune chevalier, plein de courage, prenait leur
défense. ( Voltaire. )
EXORABLE.
Rendez-la, comme à vous, à mes vœux Exorable, (CorMczZ/e.)
Exorable devrait se dire : c'est un terme so-
nore, intelligible, nécessaire, et digne des beaux.
Q3
246 E X O
vers que débile Ciniia. Il est bien étrange qu^on
dise implacable et non piacable-, ame inaltérable,
et non pas, ame altérable; héros indomptable,
et non, héros domptable, etc. {Voltaire.^
Exorable. Qu'Exorable cà la prière (le prince),
il soit ferme contre les demandes. {Montesquieu.)
Exorable. Voilà quel est le peuple, même en
insurrection, lorsqn'une constitution libre l'a
rendu à sa dignité naturelle, et qu'il croit sa
liberté blessée; violent, mais Exorable 3 excessif,
mais généreux. {Mirabeau.)
ExoRBiTER. La tragédie n'employant pas le
ridicule, il suffit qu'elle peigne assez fortement
le crime pour qu'il eflraye. Le scélérat impuni,,
au comble de la gloire, y fait horreur. Tel est
Mahomet.
La comédie, an contraire, pour être utile,
et même pour n'être pas dangereuse , dans le
siècle de l'esprit et du raffinemtnt des voluptés,
a bien une autre lâche à remplir. Elle peint les
mœurs actuelles, elle répand sur les usages et
les pratiques gênantes y le sel du ridicule. Quelle
sagesse ne lui faudra -t-il pas pour saisir le point
précis où la mode dégénère en abus, où les mœurs
Exorbitent l'aisance , et deviennent licen-
ifieuses? {Rétif.)
ExoRNATOiRE. L^auteur se défend toute es-
pèce d'enthousiasme, en parlant d'un homme-
E X F 24/
prodige ( Voltaire ) , quoique dans le genre de
l'éloge même le plus Exornatoire , le panégy-
riste n'eût guère à craindre que de rester trop
au-dessous de la renommée et de son sujet. (Saml-
Ange. )
Expansion. 11 y a dans le caractère du Fran-
çais, une Expansion originale. Voyagez deux
jours en voiture publicjue; lorsqu'on en descend,
vous diriez aux mutuelles démonstrations d'a-
mitié, que ce sont des amis de vingt ans qui se
séparent.
Expatriation. Disons-le pour exil volontaire.
Croyant les ctourderies de ma jeunesse suffi-
samment expiées par la perte de ma fortune, et
sur-tout par l'Expatriation, je demandai à ren-
ti"er en grâce avec mes parens. S'enrichir aux îles,
dans l'Inde, c'est une charmante perspective,
mais le début de cette carrière, l'Expatriation I
voilà ce qui me fait balancer.
Expatriation. Ce vil délateur l'exposa au dan-
ger d'une nouvelle Expatriation.
ExPECTANCE. J'avais l'Expeclance de cette
place , mais toutes ces reculades en politique
ont désarçonné mes plus chauds protecteurs.
L'Expeclance d'un trône est un supplice per-
pétuel 5 c'est une maladie de prince: plusieurs
en sont morts»
Q i
iii3 E X P
Expérience. L'expérience , jeune homme ,
l'expérience ! Quand vous aurez Expérience par
vous-même, toiile la fausselé des vertus dont
on se vante dans le monde, pour cacher les vices
les plus odieux, vous commencerez à connaître
les hommes.
Explorateur. Génération d'hommes libres.
Suivez la route tracée par les Explorateurs de la
liberté des nations, par Sidney , sur-lout, qui,
par son livre de la Moîiarchie , a obtenu l'hon-
neur d'être le premier à qui la manifestation
des droits de l'homme ait coûté la vie. {Théophile
Mandar. )
Exploser. Après avoir gardé le silence de-
vant un torrent d'invectives, lout-à-coup sa tête
se perdit , et il Explosa d'une manière terrible.
Quand j'entendis Exploser le magasin à poudre
de Grenelle, je crus que le foyer grondant, ful-
minant était placé sous les murs de ma prison
(l'hôtel des Fermes), et que j'allais sauter en
l'air jusques à la lune.
Exploser. Faire explosion. Ce verbe est d'ai*^
tant plus admissible, qu'il peut être souvent et
diversement employé.
De tant d'événemens inattendus , on verra
Exploser une faneste castatroplie.
La domination maritime des Anglais ne peut
manquer de faire Exploser et fondre sur leur
E X T 249
gouvernement, l'indignation et la vengeance de
tous les peuples de l'Europe. (P-)
ExposiTEUR. L'Expositeur de ces livres et
images obscènes est moins coupable, sans doute,
que leur auteur, mais il n'en mérite jjas moins
une correction exemplaire, vu qu'il a déjà été
réprimandé, et qu'il est tombé dans une récidive
que rien ne saurait justifier. Ce ne fut qu'après
cinq années que l'on parvint à découvrir l'Ex-
positeur de l'enfant, objet de ce singulier procès,
et qui semblait interminable.
ExPRESSiONNER. Vous qui tenez les crayons,
Expressionnez-moi cette tète ; et vous, Expres-
sionnez ce geste. Ecrivain , Expressionnez voire
slyle en le tirant de vous-même, sans froide
imitation; clianleur, Expressionnez votre chant,
et pour cela ne soyez pas musicien.
Exproprier. On peut regarder le Comtat
Venaissin et celui d'xAvignon, comme une grande
et riche abl)aye, dont la France laissait jouir le
pape; elle pouvait donc l'Exproprier de ce da-
maine national , comme elle avait Exproprié le
clergé en l'indemnisant. ( Cérutti. )
ExTANT. Qui est en nature. On ouvrit son
tombeau; le corps, depuis cinq siècles qu'il y
reposait , était encore Extant.
Extendeur. La morale des nations (l'his-
oBo EXT
loire vous le dira ) , c'est leui* repos , leur ri-
chesse, leur splendeur. La morale des livres n'est
point celle du grand théâtre des affaires hu-
maines. Les Extendeurs sont tout à-la-fois li-
dicules et dangereux hommes, en ce qu'ils n'ont
point connu riiomme et qu'ils ont irrité ses
passions, au lieu de les régulariser.
Extermination. N'a-t-on pas la logique de
la rage, quand on s'en prend à l'Evangile, des
crimes même que l'Evangile proscrit?. . . . Dieu
bon! c'est Jésus-Christ qui a commandé l'Ex-
termination des hommes, lui qui ne prêchait que
tolérance et qui priait pour ses bourreaux I ( Lici
Bouche de fer. )
Extermination. Il n'a jamais eu (Robespierre)
la moindre idée de gouvernement; il vi'a jamais
rien connu enti'e la guerre et l'Extermination
totale des ennemis. ( Merlin de Thlonçille. )
ExTOLLER. Que l'envie est adroite! Elle loue
quelquefois à outrance tel personnage , parce
qu'elle est charmée d'abaisser, en l'Extollant,
tous ceux qu'elle voudrait anéantir. Il est de
l'essence des intrigans, dans leurs coteries, d'Ex-
toller tel homme pour lui succéder , et être
Extollé à son tour.
ExTRADATiON. Qu'est-ce l'Extradation? C'est
ime violation atroce du droit des gens, et par
EXT aBi
conséquent une monstruosité en droit public.
C'est une infâme trahison que n'ont pu et ne
pourront jamais colorer, ni les argumens subtils
de la diplomatie, ni les sophisraes tirés de la
sûreté de la police et de la garantie du contrat
social.
L'Extradation , mot vraiment technique , mot
épouvantablement expressif, signifie livrer un
réfugié. Cette dénomination seule suffit pour pé-
nétrer d'horreur tous ceux à qui la vie et la li-
berté sont chères. (RévoIuL de Paris. )
Extra - séculaire. Dans une province de
l'Amérique méridionale , il existe une négresse j
âgée au moins de cent soixante-quatorze ans ;
on n'a pu, sur son âge Extra-séculaire, s'en
rapporter qu'à sa déclaration , mais son témoi-
gnage est confirmé par celui d'une autre espèce
de prodige du même genre, par celui d'une autre
négresse qui n'a, à la vérité, que cent vingt ans,
mais qui assure que, dans son enfance, la né-
gresse Extra-sécuiaire était déjà une personne
faite, et qu'elle l'appelait mon enfant, ma pu-
pille. ( Linguet. )
ExTRAYEUR. Combien peu de gens, parmi les
lecteurs de nos villes, réfléchissent sur leurs lec-
tures! La plupart, guidés par un journaliste,
ne savent juger que soufflés par un ennemi secret
de l'auteur, nui a fourni l'extrait par méchanceté
252 E X U
ou par jalousie; ils deviennent les échos, les or-
ganes du plus vil des hommes , caché dans Tobs-
curité, d'où il lance ses flèches empoisonnées.
11 ne faut pas croire que nos Extrayeurs cher-
chent la vérité, le progrès des lettres, qu'ils
aiment les bonnes mœurs : loin d'eux ces utiles
idées! (Rétif.)
Extrême. (Z") J. J. Rousseau développait dans
la conv.ersation les principes de son Discours sur
V Inégalité des conditions. C'est alors qu'il reve-
nait un peu sur l'Extrême de ses premières idées.
Exubérant. Style Exubérant. Erudition Exu-
bérante : les écrivains d'Allemagne s'en montrent
trop jaloux. (Dumas.)
ExuLCÉRER. Piquer fortement; du latin ulcus ,
ulcère , plaie douloureuse. Les diatribes sont
moins faites jjour Exulcérer qu'une épigramme
fine et mordante. J. J. Rousseau et la Beaumelie
avaient trouvé mieux que Fréron le secret d'Exul-
cérer. (V^oltaire.)
Exultation. Quelle fut mon Exultation, lors-
qu'àla suite de la prise de la Bastille, j'entrai dans
celte forteresse qui m'avait menacé de m'englou-
tir, et je foulai d'un pas triomphant les premiers
décombres qui annonçaient sa chute éternelle,
Paris sauvé, et moi libre du joug des rois!
Celte joie profonde ne peut bien se rendre que
par le mot Exultation : Exultavit anima inea.
F A C 253
Exulter. Tressaillir de joie; de exsuîtare. Il
esL harmonieux; il convient à la poésie.
F
f ABLIER. Madame de la Sablière appelait noire
Lafontaine , son Fablier. Arbre unique en sou
espèce, et qui ne revient point par boutnres.
Fabricateur. Le grand Fabricaleur de l'uni-
vers voit sans doute en pitié tous ces Fabricateurs
de mondes, qui les font mouvoir à force de signes
algébriques, de suppositions gratuites, et le plus
souvent incroyablement ridicules.
Fabulateur. Que Ricliardson est un admi-
rable Fabulateur ! et Fielding aussi I et encore
l'auteur de Gil-Blas ' J'aimerais mieux, dans la pos-
térité, porter le nom de le S"a.ge. Fabulateur, que
celui de Boileau versificateur.
Fabuliser. Quand on a des vérités diues à
émettre en présence de l'autorité irascible, il faut
les Fabuliser : voilà le secret du sage , et l'art d'un
écrivain.
Facétiostté. On n'a en français aucun mot
qui réponde bien à celui à'huniour , dans le sens
que lui donnent les Anglais, Facétiosité serait
celui qui conviendrait le mieux, mais il est un
peu long.
2«54 i' A C
Fâché, [être) Ouvrez le DIcLîonnaire de Rlclie-
let, et vous lirez, se Fâcher , être en colère.
Lisez les Confessions de J ean-J acqiies (( Il
« était emporté, sans être boudeur : je l'ai vu sou ■
« vent en colère, mais je ne l'ai jamais vuFàclié. »
Fâcherie. Ce mot vieillissait j Voltaire l'a ra-
jeuni dans sa Lettre à Maupertuis . «Je suis tres-
se mortifié, monsieur, que vous soyez assez léib-
« nilzien pour imaginer que vous avez une rai-
« son suffisante d'être en colère contre moi. Je
<( crois que votre Fâcherie est un de ces effets
« de la liberté de l'homme dont il n'y a point
« de raison à rendre. » ( l'^oltaire. )
Faciende. Ou le dit pour cabale, sur-tout lors-
qu'elle agit par écritures, et qu'elle intrigue avec
la plume. On vous accuse d'èlre de cette Faciende.
Une Faciende vivement opposée à une autre Fa-
ciende, donne bientôt naissance à une troisième.
Faconde. Parler a])ondant, même éloquent.
Il a de la Faconde. xMais ce mot a un double s&ws.
Sa Faconde ne tarit point; il prend sa Faconde
pour le talent de Démoslhènes. La Faconde d'ua
professeur, d'un démonstrateur, n'est pas un dé-
faut; elle devient vice chez l'orateur et à la tri-
bune.
Factice, (/e) Qui A'^oudra renoncer aux opi-
jiions que l'aveugle habitude fortifie, et donner à
FAI 2:.5
sa raison une avilorité cjiie le préjugé iialional
semble vouloir usurper, apercevra la monolouie,
Tuniformité, FétroïL el le Factice de nos tragé-
dies françaises.
Facticement. Les gens de Paris ne vivent que
FacLicement.
Facturer. Voici le lenips de Facturer du drap
bleu , et en grande quanlité, car tout le monde ea
porte, on se propose d'en porter. Facturer une
tragédie d'après le protocole français , quoi de
plus coniraun de nos jours I
Facultatif. Il a des moyens Fac.ullatifs que
n'a point son concurrent.
Fadasse. Les Muses Rii^ale?. Cette production
est médiocre, sans invenlion, Fadasse et dénuée
de cette critifjiie qui , en contrastant avec les
louanges prodiguées à Voltaire, lui aurait donné
un piquant nécessaire par-tout, et principalement
dans la comédie.
Fatllibilité. Inviolablement attaché à l'au-
guste et divine religion que je professe, je n'en
suis pas moins convaincu de la Faillibilité de tous
les sorbonnisles, officiaux, thc-ologaux, feseurs
de catéchismes, sans en excepter notre saint père
le pape. (Louis Verdure.^
Nous avons bien montré combien nous avons
cru sa sainteté très-Faillible,
256 F A L
Faillible. Tout homme est Faillible ; mais qni
reconnaît sa faillance , évite de tomber clans de
plus grandes fautes. Faillir à son ami, c'est dou-
Idement faillir. ^
Faire {^une ame.) Mirabeau servait à la fois
deux ou trois maîtresses qui, croyant toutes avoii'
la preuve la moins équivoque de sa fidélité, ne
lui donnaient pas l'embarras d'être parjure: mais
il n'a jamais aimé que Sophie : s'il a valu quelque
chose, c'est par Sophie; c'est Sophie quia Fait
son ame, (^Manuel.)
FaisANCES (de faire.) Vos Faisances me dé-
plaisent : on dit façons ; Faisances est plus étymo -
logiqique.
Faiseur. Un homme en place, et mu par l'am-
bition, ne peut pas dépenser son temps à faire de
l'esprit-, puis, il. n'en a pas quelquefois. Il a donc
son Faiseur pour les discours, pour arranger les
reparties soudaines, pour préparer les petits contes
qu'on débile au salon. Les hommes de lettres ont
été les Faiseurs de tout ce que le clergé, la cour,
la finance et les parlemens ont dit de mieux. On
dit aujourd'hui publiquement quel est le Faiseur
de***, de***. Terme reçu.
Fallace. La femme qui a abjuré la pudein-,
n'est remplie que de tromperies et de Fallace.
Fallace,
F A M 257
Fallace. Action frauduleuse. Il y a dans sa coii-
duite, une Fallace que nous ne larderons pas à dé-
couvrir. Les grands seigneurs mettaient toujours
quelque Fallace dans les traités qu'ils signaient
avec leurs inférieurs.
Fallacieux.
îjermens Fallacieux 1 saltitaire contrainte
Que m'imposa la force, et qu'accepta ma crainte;
Heureux déguisement d'un immortel courroux ,
Vains fantômes d'Etat, évanouissez-vous!
L'éloquent Bossuet est le seul qui se soit servi,
après Corneille, de cette belle épithète, Fallacieux.
Pourquoi appauvrir la langue? Un mot consaci'é
par Corneille et par Bossuet, peut-il être aban-
donné ? ( Voltaire. )
Falloir. Falloir être bon pour être heureux*,
Falloir être sage pour être tranquille. (^Amyot, )
Famé. {Fama.) Renommée domestique. Il a
oiFensé sa bonne Famé en ne payant point des
dettes criardes.
Famosité. La Famosité de ce concussionnaire,
de ****** est écrite en caractères de sanff,
et sera éternelle comme le souvenir des hor-
ribles désastres dont il fut le promoteur. Fa-
mosité serait alors la célébrité du crime. La Fa-
mosité de Cartouche. On l'appliquerait aussi à
l'usurpation de la reuoramée; la Famosité de
l'Arétin, de Marat.
Tome I. R
358 FAN
Fanatîselîi. Ces! un Fanaliseiir qui nVst
point fanatique; il n'est pas dans le délire reli-
gieux, mais il voudrait le faire passer dans des
âmes faibles, ardentes et timorées, qu'il abuse par
des idées dont le principe est d'ailleurs respectable.
Faner. Né avec une triste inquiétude d'esprit,
Mauperluis qui avait écrit sur le Bonheur ^ fut
mallieareux au sein des honneurs et des plaisirs;
il cherchait toujours là , le bonheu»- qui était ici.
Son esprit facile , poli , caiessant mê;ne, ne l'a
point soustrait à des querelles, à des haines, à àes
cabales, à des intrigues qui ont Fané ses, lauriers
€t &^s jours. {F. MatLuel.)
Fanfarer, [de fanfare.) îl s'est mis à Fanfarer
ce général, et si long-lemps, et ù un tel point,
que l'on devina qu'ils s'enîendaient pour s'entre-
louanger. 11 va Fanfarer chez de pe! its bourgeois ,
n'osant pas prendre le même ton dans une société
plus relevée.
Fanger. La corruption des amUcs n'avait pas
■encore Fange en elle l'image de la vertu. ( Rétif)
Fanges. Ce sont les hommes Fanges qui atta-
quent ordinairement le mérite, le talent et lu.
vertu.
• Fangeux.
A l'oreille «lu juste, aux talens , au courage
Que font les cris Fangeux du jaloux détracteur?
Le serpent siffle au pied du cèdre qui l'ombrage,
Sans en ébranler la hauteur. ( Moussard, )
FAN ^:>3
IFanir. « Les maladies et coiidiLions de nos corps
« se voyeiîl aussi aux élals et polices. Les royaii-
«. mes, les républiques naissent, fleurissent et Fa-
« nisseut de vieillesse comme nous.» (Montaigne.)
FA^TASIEUX. C'est un esprit Fantasieux, clii-
mérique. La lumée du tabac rend rimaginaliou
Fantasieuse. On n'a point de génie, s'il n'est libie
et Fantasieux. Fantasieux, sous ce rapport, est
l'opposé de fantastique. Ce mot convient à la poésie
et au poète.
Fantasmagorie. Jeu d'optique qui fait voir
tous les combats multipliés et tins de l'ombre et
de la lumière, et qui révèle en même temps d'an-
ciennes fourberies de prêtres. Ces fantômes créés
à volonté, et mouvans, ces fausses apparences
amusent le vulgaire, et font rêver le philosophe.
Qu'est-ce que le spectre du miroir, ou dans le mi-
roir? existe-t-il, n'existe-t-il pas? Quelle prodi-
gieuse ténuité de rayons coloi'és I quel étonnant
intetraédi^aire entre la matière que nous palpons,
et l'esprit que nous ne touchons pasi O spectre!
ô figurabilitél qui, quoi es-tu? On n'a pas encore
su faire de ces expériences si curieuses, si surpre-
nantes , un spectacle en grand. Au lieu de ces
puériles illuminations, répétition uniforme, mi-
sérable et bornée, commandez à l'ingénieux Ro-
bertson de nous faire danser ligurativeinent, sur
tous les toits de la ville, des êtres intangibles et
R 2
26o F A s
non moins hauts que les tours Notre-Dame. Ces
jeux extraordinaires eL merveilleux formeraient
des pliysicieus et des amateurs de physique 5 ce
qui vaudrait mieux que ces maniaques acheteurs
de peintures, contre lesquels je prépare un bel
article.
Fakcer. (^Voyez Pontifier.)
Fardeue. Qui donne un faux lustre à un objet,
gui en cache les défauls. Fardeur de ses propres
vices, il exagère les défauts de son voisin. Ce valet
a-t-il assez d'adresse , assez de ressources dans
l'esprit pour être le Fardeur des impertinentes lé-
sineries de son maître.
Fardeur, Fardeuse. Que la nature préside
à votre toilette simple, «t renvoyez-moi ces
Fardeurs ou ces Fardeuses dont Fart ne sert
qu'à vous vieillir!
Fastidier. Tel homme de lettres , en parlant
beaucoup de soi, Fastidie ses auditeurs, et vou-
lant afficher qu'il est au-dessus des autres , il
invite l'amour-propro révolté à rabaisser une
vanité si démesurée (1).
Fastidier. La conversation de quelques hommes
(1) Nous avions Fastidieux ; Giesset fait dire à son Siduei :
J'épargne aux yeux d'autrui l'objet Fastidieux
D'homme ennuyé pai'-toutj et par-tout ennuyeux.
X'ustidler nous manquait.
F A U 261
delel'resFaslidie les gens du monde, en ce qu'if»
ne parlent que d'une seule et même chose, et
qu'ils tournent sans cesse dans le même cercle.
Fatiste. Diseur de riens; homme occupé à
choses de néant. Nos pères en fesaient le syno-
nyme de Bateleur.
Fatuaire. Prédicteur de l'avenir ; homme se
disant inspiré. Allez voir ce grand Fatuaire; il
rend ses oracles dans un grenier, au milieud'une
miaulante assemblée de chats descendant des
toils, et accourant des gouttières.
Fatuisme. Puisque idiot signifiait autrefois
solitaire, \e vieillard de Ferney avoue qu'il est
un grand idiot; et coiume les organes de Tarae
s'afFaiblis.sent avec ceux du corps, il avoue encore
qu'il est idiot, dans le sens qu'on attache aujour-
d'hui à ce mot. 11 pense que l'idiolisme est l'état
d'un idiot, comme le pédantisme est l'état d'un
pédant. Le vieillard n'a pas le Fatuisme de croire
avoir raison. ( T^oUaire. )
Faublover. Vieux mot qui signifiait autre-
fois faire des contes sans suite. A un certain âge ,
on ne raisonne plus, ou se plait à Faubloyer.
Fauchaison. Mot générique de P^z/jt: ^ Faulx;.
au lieu que Fenaison n'a rapport qu'au foin.
Faussé» (^esprit) L*auti-quilé n'offre pas uu
R S
2 62 F K C
seul ouvrage spécialemenL dirigé conlre la pas-
sion du jeu, et ce n'est que depuis la renaissance
des leLtres que l'on s'est enfin avisé d'en com-
battre méthodiquement la fureur; mais celte idée
salutaire ne s'est offerte d'abord qu'à des esprits
faibles, ou déjà Faussés par les subtilités de
l'école. ( Dusaulx. )
Fausser, («e) \jn homme qui trahit ses de-
voirs, et qui ^ par de misérables sophismes , est
parvenu à étouffer le remords , à en tarir la source ,
à se Fausser la raison, ne saurait être ver-
tueux. [Rétif. )
Faux. [\ fut un temps où Boucher, peintte ,
fut pris de la fureur de faire des vierges : eh
bien , ces vierges étaient de jolies petites câ-
lins.... des anges : eh bien, ces anges étaient de
petits satyres libertins. Avec tout cela, ce n'est
pa? un sot pourtant; c'est un Faux bon peintre^
comme on est un Faux bel-esprit. ( Diderot.)
FÉCONDANCE. Si la nature a donné à la terr&
de la fécondité, c'est à l'homme qu'elle a remis
celui de la Fécondance.
FÉCONDATRICE. Les élèves de Brama , ces
pacifiques Indiens , que les Grecs appelaient les
enfans de la terre et les précepteurs de tous les
peuples venus après eux , ne connaissaient
rien de plus respectable , i-ien de plus sacré dans le
r f: r zm
xnondr, qnela bieiuaiLiico des liameaux, que la
Fécondatrice du bétail , l'innocente génisse , la
vache nourricière. ( Feuille Villageoise. )
FÉCULENCE, Matière sédimenteuse des urines.
Les avenues des palais, des temples, des tribu-
naux , des spectacles sont infectées de Féculence,
Ff.dkr.ATIF. L'assemblée nationale ayant dé-
cidé que tous les citoyens qui portent les armes
enverraient à Paris leurs députes, pour pro-
mettre par serment , en leur nom , le même
jour, à la même heure, de défendre la consti-
tution , cette cérémonie eut lieu dans le Champ-
de Mars, le i-'t juillet 1790, époque célèbre
par le souvenir de la Bastille, prise le même
jour de la précédente année. On la nomme Fé-
dération, et le serment qui y fui fait, Fédéra-
tif; cela veut dire, pacte d'alliaiice, serment
d'alliance. Tous les Français qui l'ont prêté,
.^ont donc alliés et frères. ( Ctrutli. )
Fetntise. Masque de Feiniise, masque dont
on voit les cordons ; la Feintise d'une jeune fille
pour se déguiser en fiice de ses parens. La Fein-
iise du demi-hypocrite, plus dangereuse quel-
quefois que la duplicité du traître.
Feintiser. Le diminutif de feindre devrait
être Feintiser.
C'est le rôle des h-jmmes médiocres de Fein-
tiser dans tous leurs propos.
Il 4
2<^^i F E \r
l'ÈLÉE. Têle fêlée; expression assez appli-
cable à ces devineurs des premières causes , qui
veulent soumettre la nature à leurs aperçus, et qui,
épelant à peine quelques lettres dn grand ou-
vrage, font les transcendans, et s'imaginent y
lire.
FÉLONESSE. Cruelle envers les siens. Terre
Félonesse, terre stérile. Les antiquités ganloises
et françaises admettent ce terme. ( Voyez Borel).
FÉLONIE. C'était le délit d'un vassal conlre
ses seigneurs. Disons aujourd'luii ( car je ne veux
pas plus tuer un mot qu'un homme) : Quand
un jeune militaire insulte à un vieillard , il y
a Félonie ; c'est encore Félonie que d'être grossier*
envers une femme : qui outrage la timidité du
sexe, porte un caractère Félon.
Félonie. Il y a de la Félonie quand on est
parvenu à une haute place par le choix du peu-
ple , d'oublier la cause de ce mèiue peuple ,
et de le Iraiter avec hauteur ou dureté. Que
de Félons I gueux revêtus!
Femmelet. Comment remplirais-je mon but,
51, par égard pour les puristes, et pour ne pas
effrayer les sots, je retranchais de mes turpitu-
des dans mon ouvrage, et n'y montrais qu'un
homme factice? Je pourrais amuser nos Fem- '
nielets et nos petits Calons, vertueux faute de
F E S '-'65
senlir, ou de forces physiques, et je n'inslrui-
rais personne (Rétif).
Fenestrer. (de fenêtre.) Fenestiez moi ce châ-
teau gothique, obsciii*, où l'on ne voit pas clair. 11
n'y a pas de l)el édifice sans un fenestrage bien
distribué. Si Ton pouvait fenestrer le cœur de
l'homme pour y voir ce qui s'y passe , l'on ne
fejait pas de si mauvais choix.
FÉRIR. Frapper sur un métal ou sur un corps
relentissant. L'horloge a Féri onze heures... 11 a
éle tué d'une balle sans coup Férir.
Fermir. <> Les exemples nous apprennent que
« l'estude des sciences amollit et efféminé les
«courages, plus qu'elle ne les Fermit et aguer-
« rit. ( Montaigne. ) »
FÉRITLER. C'est un rairmidon qui s'avise de
Férulerun autre mirraidonj arrive un troisième
qui les férulera tous deux pour les mettre d'ac-
cord-, or, n'est-ce point là, en trois mots, l'his-
toire de nos modernes journaux.
Festivité. Dans les deux années qui viennent
de s'écouler, je n'ai pas eu la Feslivilé d'un
jour.
La Feslix'^ité de ses noces a fait place sur-
le-chanjp aux querelles domestiqués et aux
remords.
Festoyer. Fesloyer sa inaîLresse, hiicionner
vn joli repas: Fesloyer ses amis la veille d'un
départ.
FÉTI^. Vieil adjeclif qui signifiait autrefois
beau, tandis que bellâtre exprimait nn ffiux air
de beauté. Je vous soutiens que c'est un bellâ-
tre, et non un Fétis. Ressuscitons ])eilâlre ^
et appliquons-le à ceux qui font les beaux.
Feuillaison. I^es arbres sont en pleine Feuil-
laison.
Feutiie. Synonyme de chapeau.
FiCTiONNER. Ce n'est pas narrer, conier,
fabuliser ; c'est imaginer des caractères moraux
ou politiques , pour faire passer des vérités es-
sentielles à Tordre social. Ficlionner un plan
de gouvernement dans luie île lointaine, et chez
un peuple imaginaire, pour le développement
de plusieurs idées politiques, c'est ce qu'ont fait
plusieurs auteurs qui ont écrit fictivement en
faveur de la science qui embrasse l'économie gé-
nérale des états et la félicité des peuples. Quand
JVIarmonlel aFictionné son Bélisaire, etTerrassou
.son Setlios, ils ont réussi dans ce genre d'où-»-
vrage , plus instructif que le poème épique.
Fictivement. Il y a des instans dans la vie
©ù ronainie mieux jouir Fictivement que réel-
lement.
F I X -67
Fidéliser. Il esL hon, dans des lemps où règjie
leparjure, d'avoir un liomnie qui garde scrupuleu-
sement sa foi, et dont rexeœpleYousFidéIise(Z(**).
FiELLER. Nourrir la haine , Fanimosilé, ne se
souvenir que des injures , et non des bienfaits. Il
est malheureux , cet homme, il passe sa vie à
Fieller, et dans ses écrits, et dans ses discours, et
jusquesdans son altitude farouche.
Fiévreux. La sensiblerie est le parlag;e d'une
multitude de petits êtres infimes, Fiévreux de
sentiment , et qui sont les comédiens éternels de
la vraie sensibilité.
FiGURiSTE. QuVt-il dit, qu'a-t-il fait dans cette
grande assemblée ? — Il y a été Figuriste. — C«
pauvre comédien Figuriste, voyez comme Vixi-
action rend son visage encore plus bète.
FiLiALiTÉ. Ma chère Eulalie, dans le jugement
que tu as porté sur ma traduction, je remarque
une forte dose de Filialité. ( Rouclier. )
Finesses. Sors du tombeau, délicat Apicius, je
l'évoque en ce jour ; viens prêter à ce festin toutes
les Finesses que tu as inventées , et qui t'ont valu
la renommée du plus voluptueux des Romains.
Fixité. Les anciens philosophes ont pensé qu'il
existait un être simple, unique , le principe de la
dureté, de la pc.sanleur , de la sécheresse, delà
26& F L A
rixlté , qtii fesail, la base de tous Tes corps
solides , auxquels ils ont donné le nom de
terre. {Elém.cTHist, nat.)
Flaccidité, Relâchement des fibres motrices.
A force déparier et d'abuser des mots, il est tombé
dans une Flaccidité de slyle qui le fera toujours
reconnaître.
Flaccidité. Relâchement. Il a dans loule l'ha-
bitude du corps une sorte de Flaccidité qui parait
envahir jusqu'^à son caractère.
Flagellvteur. Ah I que nous aurions be-
soin d'un Ju vénal, d'un Flagellaleur de cette-
force , d'une égale force à l'inti-epidiLé de wos
vices !
Flagellation. Ecrivains purs et courageux ,
usez de toutes vos forces , et ne craignez point de
soumettre à la Flagellation un grand peuple dé-
moralisé.
Flageoler. «J'entrai, dit J. J. Rousseau,
« dans la chambre d'une courtisane, commedans
« le sanctuaire de l'amour et de la beauté ^ j'eiî
« crus voir la divinité dans sa personne. Je n'au-
« rais jamais cru que, sans le respect et sans es-
« time, on pût rien sentir de pareil à ce qu'elle
« me fit éprouver. A peine eus-je connu, dans
«les premières familiarités , le prix de ses char-
« mes et de ses careoses, que de peui* d'en perdre-
F L E 269
<( le fruit d'avance , je voulus me hâter de le cueil-
« lir Toul-à-coup, aulieu des tlaratnes qui me
« dévoraient, je sous un froid mortel courir dans
« mes veines , les jambes me Flageollent , el prêt
« à me trouver mal, je m'assieds, et pleure comme
« un enfant. »
Flagorneur.
Tous ces vers anodins, sortis d'un froid cerveau.
Du salon Flagorneur n'ont qu'un pas au tombeau. [MaSaî^re.)
Cela vaut bien le lit eff'ronté de Boileau.
Fl.vgrer. Je baisais avec transport , avec rage
d'amour, tous les vêtemens frais qui avaient tou-
ché la jeune et innocente Colette, et mes désirs
n'en Flagraient que davantage. (^ Rétif.)
Flammes
L'ardeur de Clarice est égale à vos flammes.
Ce mot Flammes, au pluriel, était en usage
du temps de Corneille, qui s'en sert dans le Men-
teur. W déviait l'être encore; pourquoi ne pas
dire à \os Flammes , aussi bien qu'à vos feux , à
%>os amours ? {Voltaire. )
Fléchîssable. Quelque chose que vous lui
disiez en faveur de son neveu , il n'est pas
Fléchissable.
Fléchissement. La méditation profonde sur
le grand, sur le premier être, sur Dieu , nous or-
donne le Fléchisseinent de la pensée.
2-0 F L E
Flécîîissement. Le Fléchissement du genou
ne coûte rien aux Anglais.
Flétri. ( éù'e ) En publiant ses Mémoires sut-
la Bastille , Linguet s'est proposé de prouver ,
i". qu'il n'a point mérité d'y être renfermé;
2°. que personne ne l'a mérité : les innocens ,
parce qu'ils sont innocens; les coupables, parce
qu'ils ne doivent être convaincus, jugés, punis
que suivant les lois , etqu'on nen suivait aucune ,
ou plutôt, qu'on les violait toutes à la Baslille. Il
dit : Serais-je digne de traiter ce grand article, si
je n'étais qu'un transfuge affainé de vengeance ,
ou un coupable Flétri du pardon ?
Flétrisseur. Il se dit, il se croit un poète
satirique redoutable, et ce n'est qu'un Flé-
trisseur de lalens et de vertus, que le mépris
puldic poursuit.
FleuRdeliser. C'était marquer les épaules
d'un malfciiteur de trois fleurs de lis, avant de
l'envoyer aux galères. Eoileau pouvait faire pâ-
lir les vices et foudroyer de grands abus; par
amour-propre il s'amusa à Fleurdeliser Colletet,
Pradon , Cotin , qui ne fesaient pas des vers
aussi bien que lui. Il n'est guères concevable que
la troisième classe de l'Institut, invitée à sortir
de la vieille ornière , ait reproposé l'éloge de ce
toiseur de mots.
F L U 271
" FlvEURissANT. il a viu sLy le Fleurissant, et c'est
par cela même qu'il n'est pas encore fleuri.
Flic Flac. Oilotnatopée, pour expi-iaier des
co'ips donnés.
Flocoxner. Le temps Floconne 5 il tombe de
la neige par pelils flocons.
Flointure. Signifiait autrefois état florissant^
tranquille, heureux; la chose étant devenue infi-
niment rare, le mot a disparu.
Flori, Florié. Pourquoi a.-t-on rejeté ce^
înols qui signifiaient brillant , émaillé; mois har^
monieux , mots poétiques : ô caprice 1
FlorituRE. C'est le moyen de fleurir , c'est
ce qui annonce les fleurs. Il est encore plus doux
de parcourir son jardin pendant la Fioriture, que
lorsque les fleurs sont écloses. L'adolescence est
la Fioriture de la jeunesse.
Flottet-iext. LeFlotîement de son esprit qui
ne va plus qu'au jour lejour, prouve qu'il ne s'est
pas fait des idées fixes, des principes fcn-mes ou
raisonnes, condition absolument nécessaire dans
toute liante administration.
Fluctuation. La Fluctuation de sç.?, idées sur
un oljjet aussi important, prouve qu'il ne l'avait
pas assez étudié pour se déterminer d'une uia-
liière fixe et invariable.
272 FOL
Fluctuer. Ne pourrait-on pas dire : Mes- idées
Fluctuent dans ma tête? Au surplus, un tra-
ducteur de la J érusaleni délivrée a employé ce
mot, [Plis.)
FlUCTUEUX. Au milieu de tant de raisonne -
mens contradictoires , et les choses d'ailleur»
ét^jit de pure curiosilé, qui commandera à son
esprit de n'être pas un peu Fluctueux, jusqu'à
nouvelles expériences ou découvertes ?
Fluence. LaFluence du temps qui courtsans
cesse comme un fleuve étonnamment rapide,
étourdit ma pensée dès que je m'y arrête.
O Fluence, où m'entraînes tu ?
FcENÉRATEUR. Usurier romain, que l'on sut
réprimer , punir et mettre à la raison. Nos Fœné-
rateurs semblent braver toutes les lois, et se sont
mis au-dessus de toute honte.
FoLiER. Faire le fol. Il s'amuse à Folier pour
être plus piquant, pour mettre au jeu la contro-
v^erse , et vous prenez cela au sérieux.
FoLOYANCE. Egarement d'esprit. Foloyer ,
s'égarer. Il y a Foloyance dans le suicide et dans
le duel j folie ne serait pas le terme propre. Fo-
loyer, c'est ne plus raisonner.
Foloyer. Etre dans une légère et agréable
folie.
L'Amour qui te fait Foloyer ,
Te tloune-t-il «le quoi payer ? ( Vieux poète. )
FORBANIR.
FOR -73
FoRBANiR. Mettre hois du ban , de la so -
ciété.
Force. « A quoi sert l'art de celte honte vir-
« ginale, cette froideur rassise , cette contenance
«sévère, cette profonde ignorance des choses
« qu'elles savent mieux que nous qui les instrui-
« sons , qu'à nous accroistre le désir de vaincre?
« car il y a, non-seulement du plaisir , mais de
«la gloire encore, d'affolir et desi)aucher cette
« molle douceur et cette pudeur enfantine , et
« de ranger à la merci de notre ardeur, celte gra-
« vite froide. C'est gloire de triompher de la mo-
« destie , de la chasteté et de la tempérance , et ,
«qui desconseille aux dames ces parties-là, il
« les trahit et soi-même.
« 11 faut croire que leur cœur frémit d'elfroy ,
« que le son de nos mots Idesse la pureté de leurs
« oreilles, qu'elles nous en haïssent, et s'accor-
« dent à notre importunité, d'une Force forcée.
« La beauté, toute puissante qu'elle est , n'a pas
«de quoi se fai)"e savourer sans cette entre-
« mise. » (^Montaigne.)
Force attractive. Force attractive du so-
leil, l'êverie moderne , insulte faite à la raison
humaine , à l'aide de chiffres qui sont un véritable
grimoire; scientifique impertinence, qui bientôt
environnera nos hautains géomètres d'une risée
plaisante et bien méritée. Jamais l'esprit orgueil-
Tome I. S
274 FOR
leux de l'homme ne fui pi us digne de pitié ; et ces
calculateurs sans yeux osaient prendre un ton de
suprématie, tandis qu'ils ne savaient pas obser-
ver ce qu'un pâtre leur aurait enseigné ! Dispa-
raissez, 6 chimères profondes !
FoB-CENER. Vous-même qui parlez ici , n'a-
vez-vous pas flatté l'ambition triste et implaca-
ble des Lacédémoniens , tantôt l'ambition des
Athéniens, plus vaine et plus enjouée. Athènes,
avec moins de puissance, a fait de phis grands
efforts et a triomphé long-temps de toute la
Grèce; mais enfin elle a succombé tout-à-coup ,
parce que le despotisme du peuple est une puis-
sance folle et aveugle qui se Forcené contre elle-
même, et qui n'est absolue et au-dessus des lois,
que pour achever de se détruire. [Fénélon. )
Forcener. Marat , Collot - d'Herbois et con-
sors, Forcenaient leur style , et prenaient cette
démence furieuse pour de l'énergie. C'est le pro-
pre de la faiblesse de Forcener , dès qu'elle s'ap-
perçoit elle-même.
Forclos. Qu'on arrive aux portes d'une ville
fermée, on est , quoi? Nous n'avons plus de mot
pour exprimer cette situation : nous disions au-
trefois Forclos. ( F oltaire. )
FoKFAiRE. Nous avons porté dans la révoln-
lioii le droit général de repousser l'oppression.
F O fl à;.'^
Les Belges , outre celui-là , ont eu celui de ré-
clamer un contrat légal. Nous avons dit au mons-
tre du despotisme cantonné dans les cavernes
dorées de Versailles : « Tu n'existeras plusj tu eu
« réformé de par le peuple , qui est las de te servir
« de pâture. >) Et les Belges ont dit à leur ci-devanlî
prince : «Tu n'es pas seulement uu tyrau, tu es
« un prévaricateur ; tu as violé ton serment, tu
«as Forfait. Nous te jugeons au nom de la loi;
« nous te chassons en vertu de la loi, toi et ta
« race. » ( Linguel. )
Foi'faire. Dans votre discours , disait Barnâve à
Mirabeau, vous attribuez exclusivement l'enon-'
dation de la volonté générale à qui? au pou-
Toir législatif : dans votre décret, à qui l'attri-'
buez-vous? au corps législatif. Sur cela, je vous
rappelle à Tordre; vous avez Forfait la consti-
tution. ( Bai'ticwe. )
FoRFANTE. Substantif emprunté de l'italien.
Qu'il parle, qu'il écrive , ce n'est qu'un Forfante.
Osons dire Forfanter , puisqu'il n'y a rien dé pluà
commun aujourd'hui dans les journaux et dans le
inonde.
FoRFANTETiTE. Le hrave Boyer allant derniè-
rement à la découverte , à la têle d'un escadron ,
rejîcontre un corps de hussards ennemi; l'ouîcier
qui les commandait s'avauce, et crie avec un ton
dérisoire:.... «Allons, enfaus de la pairie, le joui*
S 2
2-6 FOR
« de gloire est arrivé I » Eoyer reste immobile.
« Tu as donc peur , enfant de la patrie? dit le co-
« loiiel ennemi , tu n'oses avancer I » Alors
Boyer pique son cheval, ajuste le fanfaio]!, et le
tue d'un coup de pistolet. Voilà comme nos répu-
blicains répondent aux Forfanteries de l'ennemi.
Forfanterie. L'empereur RodolpJie ii eut la
double démence et la double faiblesse de croire
aux alchimistes et aux astrologues. Les alchi-
mistes, en lui promettant des monts d'or et en
lui escroquant le sien , le rendirent la fable et
le banqueroutier de ses sujets. Les astrologues,
pour le maîtriser par la peur et l'enchaîner à
leurs Forfanteries, lui prédisaient des malheurs
effroyables, et le plus grand pour lui, fut d'eu
avoir été la dupe et la victime, ( Cériitli. )
FoRLANCEE.. Pousser à bout quelqu'un et sans
aucune espèce de retenue. Il m'a Forlancé : c'est
un brutal; je l'ai châtié.
FoRLiGNEii. Dégénérer. Cette race commence
àForiigner j je ne lui tx'ouve plus le front,, le port
de ses ancêtres.
Formes acerbes. On a tourné en ridicule cette
jonction de mots, pai-ce que l'inventeur tendait à
innocenter un jeune tigre, à pallier des assassi-
uats sous une expi-ession recherchée; mais l'ad-
jectif acerbe peut très-bien s'employer au moral,
d'aulauL plus (jue lei caractères acerbes ne sont
F O R 277
pas infiiiirnent rares, qu'il y a de Taçerbîté dans
l'orgueil de plusieurs hommes, et que le style
acerbe est naturel au jaloux bassement envieux,
FoRMiDABiLiTÉ. On nous parlait d'nn peuple
étranger qui allait fondre en masse sur nous; mais
la Formidabilité de ses armées s'est évanouie de-
vant le courage des Français.
Formulaire, {adj.) Mirabeau, enfermé à Vin-
cennes par le crédit de son père auprès des mi-
nistres, écrit à l'un d'eux pour lui demander s'il
juge à propos qu'il envoie à ce père injuste, cruel
et vindicatif, un compliment de bonne année. «Je
« ne voudrais pas, dit-il, qu'il pût me reprocher
« que l'humeur me fait manquer à mon devoir ,
« s'il peut être vrai que des phrases Formulaires
« fassent partie du devoir. »
FoRTiAL. Puissance de la force. Non-seulement
Frédéric avait du génie , mais il était encore
FortiaL
Fortial. Depuis qu'il est Fortial, nous dirons
tous, à sa gloire, que son caractère est encore plus
noble et plus généreux. Un être Fortial et x indi-
catif, ahl qu'il serait abject!
FoRTiFiCATEUR. Nous avoHs ingénieur des
ponts et chaussées; mais celui qui enceint une
ville de murailles, qui bâlit des forteresses, cp.ti
S 5
prS FOU
les ordonne avec intelligence, comment l'appeî-
Jerous-nous ? ForLificateur.
FoRTiTUDE. Force de l'ame. Il eut de la force
et du courage dans sa jeunesse; mais il sut acqué-
rir la Forlitude dans les grands et terribles revers
qui ont assiégé ses derniers jours. Le héros joint la
Fortitude à la vaillance. La Foi'litude appartenait
à Socrate; il n'alla point au devant de la mort,
comme Ca'on; il l'attendit. Naper - Tandy , dé-
daignant les ressources du déguisement, fut plein
çle Forlitude devant ses juges.
FoRTUNER. Faire prospérer; il se disait autre-
fois. Il n'a fallu qu'un mot du monarque pour le
Fortuner, lui et ]es siens. Un lot de mille francs
juffit pour Fortuner un indigent.
FoRVÊTU. Trop bien mis pour sa condition.
A-t-il hérité ou volé un coche; le voilà Forvêlu?
FouAiLLER. A l'occasion de ce Vocabulaire y
qui sera utile aux générations suivantes, tous le»
barbeis littéraires vont secouer autour de moi la
fange de l'invective et de l'injure; ils sont coutu-
miers du fait : cela incommode un peu, d'accord,
mais cela n'entache point. Au reste, il y a moyeu
de Fouailler tous ces barbets. Les sots croient 4
l'impunité , parce qu'ils sont sots : quand on les
Fouaille, ils sont tout étonnés de ce que l'on a
daigné pensçr à eux. Nous les ferons aboyer deux
FOU 37g
Nous avions sur notre gauche des pierriers qui
nous Fouaillaient 5 c'est un terme militaire.
FouGUER. Entrer en fougue. Fouguer n'est
pas prouver, n'est pas commander, diriger, ni
changer la mauvaise situation des choses. Il ap-
partient à un tragédien de Fouguer sur la scène ;^
mais rien de phis ridicule chez l'homme, que de
Fouguer, au lieu de traiter les affaires comme elles
doivent l'être.
Laissez Fouguer ce cheval , jusqu'à ce qu'il s'ap-
paise de lui-même.
FouRBER. Si le projet d'abolir les spectacles
était un jour exécuté, il mettrait le comble aux
désordres de la société; car un peuple déjà cor-
rompu , au lieu des amusemens où les passions ne
sont que chatouillées, chercherait des divertisse-
mens où il pût les assouvir. Cependant il y a bien
de la différence enti'e peindre aux yeux, comme
on le fait dans nos plus mauvaises comédies, un
jeune fou qu'une jeune folle aime en dépit d'un
père ou d'un tuteur; entre les voir tout employer
pour parvenir à leurs fins par des ti-omperies, et
aller soi-même s'occuper à leurrer une fille, Four-
ber d'honnêtes parens pour les forcer à légitiçier,
par leur consentement, une union tout à fait op-
posée à leurs vues. (Rétif. )
Fourbir. Nétoyer , polir des armes. Il est si
S %
28o F R A
luat, si pesant, si grossier, qu'on ne pourra jamais
le Fourbir.
FoiTRBissiME. On pourrait dire à tel individa
(prince en Europe) araplissinie, éminentissime,
illustrissime, excellenlissime, grandissime, vous
êtes à la fois un ignoranlissime, et, qui pis est,
un Fourbissirae.
FoURRiEHS. C'est un ancien et bon proverbe,
que celui qui dit que Cérès et Bacchus sont les
Fourriers de Vénus.
Fourvoiement. Egarement involontaire. Dans
l'âge des illusions et des plaisirs, comment éviter
un Fourvoiement qui n'offre qu'une route toute
parsemée de fleurs?
Fractionner. Lorsque la Savoie offrit de se
réunir à la i-épublique, un membre de la conven-
tion dit :
«L'action du gouvernement doit être simul-
« tanée et se déployer avec énergie sur tous les
« points de sa circonscription territoriale. Dans
« un pays très-vaste, la disparité de mœurs et de
« climats contrarie souvent cette simultanéité; ses
«forces s'affaiblissent, lorsqu'il faut les répartir
« sui- une vaste surface, et les Fractionner pour
« la garde de frontières très-étendues. Plus une
« coixle s'étend, plus elle décrit la courbe : image
«sensible d'un trop vaste empire.» (Grégoire.)
r R A 281
Fragilitee.. Il a eu le malheur de Fragililer,
mais c'était dans sa j^remière jeunesse; il n'en a
niarclié que d'un pas plus ferme dans le sentier de
la vertu. Les couvens et la clôture rigoureuse ne
sont pas les moyens les plus sûrs ni les plus con-
venables pour empêcher le jeune âge de Fragililer.
Francimander. Il y a une vingtaine d'années
qu'à Périgueux il élait encore honteux de Fj'an-
cimander, c'est-à-dire, de parler français. L'opi-
nion a tellement changé, que bientôt, sans doute,
il sera honteux de parler autrement. (^Grégoire.)
Francisation. Un de nos écrivains appelle
ahaphe , ce qui n'est point teint, et abaptiste , ce
qu'on ne peut plonger dans l'eau 5 mais le peu
d'analogie physique avec les mots français qui y
répondent, et le défaut d'harmonie doivent s'op-
poser à leur Francisation. ( Louis V^erdure. )
Francisé. Quoique la langue latine soit la mère
'de la langue française, il ne faut pas que sa fille
lui ressemble trop. Il est bon qu'elle ait ses traits
propres et sa physionomie particulière, sans quoi
toutes Jes deux courraient risque d'être bientôt
confondues ensemble, et nous ne parlerions plus
qu'un latin Francisé. ( La Harpe. )
Francs-pensans. Les chrétiens de diverses
villes écrivirent leurs évangiles, qu'ils cachaient
soigneu.sement aux Juifs , aux Romains . aux
202 F R A
Grecs. Ces livres élaient des mystères secrets;
mais quels mystères! disent les Francs -pensans ;
un ramas de prodiges et de contradictions. {Volt.)
Franc-taire. Plus j'avais raison, seul et sans
preneurs, et plus j'aurais eu de toris avec des
hommes vendus aux systèmes qui ont fait fortune.
Qu'aurais- je donc fait dans cette foule d'hommes
vains et intolérans, à chacun desquels l'éducation
européenne a dit dans l'enfance, sois le premier ,
et parmi tant de docteurs titrés et non titrés ,
qui se sont appropriés le droit de Franc-parler , si
ce n'est, comme je fais souvent, de me renfer-
mer dans mon Franc-taire : si je parle , c'est
de peu de choses , ou de choses de peu. ( Bernardin
de Saint-Pierre. )
Frapon. (un) Mauvais coup. {Borel.)
Frappement. Le Frappement du marteau ou
du martinet se fait entendre à plus d'une lieue de
la manufacture.
Frapper. Le choc des opinions contraires fait
jaillir l'étincelle cachée de la vérité. Si tu n'as
personne à qui tu puisses ouvrir ton ame, tes
pensées solitaires demeurent informes et avortent
dans leur germe. C'est la parole qui achève et
complète les pensées; l'expression les Frappe d'un
coin qui marque leur valeur.
Frapper. Il y a des hommes q^ui , dans la coîi-
F R E 285
versation, s'animent et produisent les plus heu-
reuses pensées. Le niomeat, l'à-propos Frappent
l'expression, et la rendent plus originale.
Frappeur. J'ai été témoin de toute la rixe; il
a tort; on lui parlait raisonnablement, et il a
été le Frappeur. La maîtresse du lieu , que l'on
accuse, n'a été ni Frappeuse, ni outrageuse.
Fraternisation. La patrie est la mère com-
mune de tous les Français; il n'en est aucun qui
n'ait dans le coeur la définition du mot Fraterni-
sation, s'il est patriote : s'il ne l'est point, je la
lui donnerais en vain ; ce serait exposer un tableau
de Greuze à un aveugle; ce serait chanter un air
de Gluck à un sourd.
Fraude. Mot usité en Suisse, pour aire femme.
Voici la Fraude qui vient : chut!
Frauduler. Si vous l'avez surplus à Fraudu-
1er, plus de confiance en lui. L'on ne commence
ainsi trop souvent que pour voler ensuite et bri-
gander sans honte et sans remords.
Frêle. Synonyme de Demoiselle.
Fréquence. On se plaît trop à rabaisser
l'homme qui a élevé sur la terre de si beaux et de
si durables monumens. Les erreurs de l'homme
portent l'empreinte de son génie; il ne s'égare
«cuvent que parce qu'il assortit trop d'idées , et
284 F R T
que leur Fréquence , leur mulLiplicilé leur dé-
robent la clarté nécessaire.
Fricasseuse. Les grandes maisons ont des cui-
siniers, des cuisinières; les petits ménages ont
besoin d'une Fricasseuse. Ne vous moquez pas
de la Fricasseuse; elle attrape un plat comme le
plus habile chef de cuisine.
FliiGÉFiER. Ce mot vient du latin. Ce n'est
pas refroidir, c'est prendre du froid, soumettre
quelque chose au froid. Il eiivoya sans miséricorde
le pauvre enfant se Frigéfier dans la rue. [Borel. )
Frigéfier. Je n'ai besoin que de lire cet auteur
pour me Frigéfier.
Frigidité. Impuissance au devoir conjugal. ÏI
y a aussi sur le Parnasse une maladie qu'on nomme
Frigidité ; plusieurs en sont atteints, tels que la
Harpe, Fontanes, Sélis Incurables I
Friquenelle. Jeune et petite coquette, ou qui
se pare au-dessus de ses moyens. (^Borel.)
Friser. Non, je ne veux point du bonheur
monotone des champs : c'est le premier des plai-
sirs insipides , disait Voltaire; moi, je veux
Friser les superficies. Or, où trouverai-je mieux
qu'à Paris? (D.)
Frivoliser. Voilà trop de spectacles, trop de
bals , trop de lieux de musique et d'oisiveté ; ili^
F R O 285
Frivoliseut le peuple de Paris, et lui ôlent et le
travail et le pain.
Frivoliser. Il eutraîL dans les projets de la cour
de Vei'sailles de Frivoliser de plus en plus le Pa-
risien par des modes , par des bals et des spec-
tacles enfantins.
Frivoliser. Dorât a Frivolisé beaucoup d'au-
teurs.
Frivoliser. Il faudrait, sur nos théâtres, don-
ner la petite pièce d'abord; il faudrait qu'elle eût
avec la grande au moins un rapport de genre. La
roule qu'on a prise jusqu'à présent est bien oppo-
sée : il semble qu'on ne redoute rien tant que de
faire des impressions durables. Au lieu de sérieu-
ser nos mœurs, on les Frivolisé de plus en plus :
à la suite de MaJinineL , on donne les Fourheries de
Scapin. ( Rétif. )
Frivoliste. Les étrangers nommaient nos
Français Frivolisles. Ces Frivolistes-là ont mon-
tré une bien courageuse persévérance à vaincre
leurs ennemis.
Fromental. Le sable aride se cliange par
succession de soins, en vme mine riclie; et
c'est une vérité incontestable que la métamor-
phose des sables en terres Fromentales , est au
pouvoir de l'homme, s'il est industrieux.
Fronté.QuI a un grand front. Voyez les busies
des grands hommes,, presque tous sont Frontés,
386 F U G
Un front antique , c'esl-à-dire large , annonce le
talent. Diderot, mieux Fronté que Voisenon, avait
aussi plus de g^nie. Regardez au front, vous
aurez la première mesure de l'homme que vous
voulez connaître.
Frotter, (se) Se Frotter la tète d'algèbre , et
puis se croire un personnage, voilà de quelle
manière on se pavane aujourd'hui. Il va Frotter
sa tèle contre celle de cet homme de génie, pour
en tirer à son profit des étincelles électriques.
Frugaliser. Après avoir mangé une fortune
considérable, il Frugalise, non par philosophie,
mais par nécessité.
Fruition. Signifiait autrefois jouissance, il
peut ressusciter. Je n'ai pas tant semé , planté,
travaillé, pour perdre la Fruition de mon do-
maine. Fruitage n'est que le mot collectif des
fruits renfermés dans le territoire.
Fugaces. 11 y a des perceptions de Tame, si
fines et si Fugaces, que nous ne pouvons nous-
mêmes ni les fixer, ni nous en rendre un compte
exact. La musique a des beautés Fugaces qu'il est
impossible d'analyser^ cet art, plus que tout autre,
est soumis au caprice. J'ai deviné, je crois, pour-
quoi.
Fugacité, Elle n'est plus; mais je retrouve
encore l'image de cette moitié de moi-même, au
F U N 287
bord de ces ruisseaux , dans ces jardins, dans ces
bosquets où nous méditions eusemblesur la Fuga-
cité de la vie humaine ( Lequinio. )
Fumer. Il estune foule d'expressions populaires
qui ont vieilli , qu'il faudrait rajeunir, et dont je
dis souvent avec Lafontaine :
Il m'a toujours paru d'une énergie extrême.
Un ci-devant seigneur disait à un de ses vas-
seaux : .... Allons, mon pauvre Mathurin, nous
sommes égaux , nous pourrons manger à la même
écuelle,,.. Oui , répondit le paysan , mais nous ne
fumerons pas à la miême pipe.
Fumet. Il y a le Fumet des grâces; on le dis-
tingue encore dans la bonté compatissante.
Fumigateur. Marchand de fumée. Au figuré,
adulateur intrépide. Allons, Fumigateur, va de
ce pas dans le palais où résident la puissance
et la fortune, et environne-les soudain du nuage
odorant de tes fumigations : c'est la vapeur qui
plaît aux dieux d:e la terre; elle esL tromoeuse,
ils le savent eL la savourent sans ces.se.
FuNÉBREUX. Il est poétique; emparez-vous-en,
poètes : dites, c'est un jour funébreux que le jour.,
où l'on tombe sur la scène tragique ou comique.
Batailles de Malplaquet , de Rosbacîi et d'Abou-
kir , jours funébreux !
288 FUS
FuRACES. [ma'uis). L'iiisîoire raconte que
Henri iv était enclin au vol, qu'il avait les
mains naturellement Furaces , et qu'il ne les
retint pas toujours, comme il s'en accusait lui-
même. {^CaniiUe-Desinoulins . )
Fureter. Colbert ayant envoyé Mabillon en
Allemagne pour chercher des anciens tilres, ce
savant bénédictin en rapporta environ trois mille
volumes rares. — Avec ce talent de Fureter dans
les archives et dans les bibliothèques, le roi l'en-
voya en Italie, oti... etc. (^Pierre Manuel. )
FuRiBONt)ER. Fureur de la faiblesse. Cet en-
fant Furibonde. On la laissa Furibonder tout à
son aise, et puis on la mit à la porte. Les petite
hommes sont sujets à Furibonder, etleur furibou-
derie devient très-amusante.
Furtivité. Ce bon jeune homme ! dans la
Furtivité rapide de son regard, je vis toute l'im-
pression que le désordre de la parure de Zulmé
fe.sait sur ses sens.
Fuser. liC noir chagrin fait Fuser la, cervelle
de l'homme de cabinet*, il lui faut tranquillité par-
faite , absolue.
Fusion. Le gouvernement a réduit le nombre
des bataillons, pour en augmenter la masse et la
consistance. On a fait, pour ainsi dire , une com-
fciuaison
F [T Y 289
binalsoi) nouvelle de tous les élémensquî les com-
posent : les vieux guerriers dispersés pai-mi lea
nouveaux défenseurs , aideront de leur courage,
de leur expérience: l'esprit de localité ou de corps,
toujours si funeste , est dérouté par la Fusion de
tous les anciens bataillons.
Nous avions fau comité d'instruction publi-
que) recommandé la Fusion des maximes delà
république avec celles de l'Evangile, pour les gra-
ver ensemble dans le cœur de tous les citoyens ,
pour les solemniser le même jour , ce qui me pa-
rut important , indispensable ; car les chrétiens
eux-mêmes ont enté leur religion sur le paganis-
me. Tout ce qui est religieux, sentimental ne se
divise point, leurcriai-je; Fusez, disais-je encore,
Fusez vos jours de fête avec les jours de fête que
chorame le peuple , vous abrégerez bien des diffi-
cultés; les moindres oppositions en ce genre trou-
veront votre pouvoir sans force : ils ne voulurent
pas de la Fusion; ils furent extra^-^agans.
F'UTILISER. Catherine de Médicis enfanta trois
rois et cinq guerres civiles*, elle fut la première
en France, qui apprit aux princes à Futiliser,
afin de demeurer maîtresse des opérations du
cabinet. ;
Fuyardes. Mesdames de France ayant pris le
parti, tout au commencement de la tempête révo«
Tome L T
sgo G A M
îutionnaire, de voyager en Ilalie, et de s'y fixer,
on les appela, dans tout Paris , les tantes Fuyardes.
CjAGNER. Corneille , dans le Ciel, se sert de
cette expression, Gagner des combats : on l'a
censuré : — mais si l'on gagne des batailles, pour-
quoi ne gagnerait-on [ms des combats ? [Voltaire.)
Gaie, {la science) Nos ancêtres appelaient
ainsi la poésie, c'est-à-dire, la leurj ils étaient
grands chansonniers.
Galactophage. Qui ne vit que de lait.
Galactophore. Qui porte du lait. J'ai ren-
contré ma jolie Galactophore son pot sur sa tête,
posé sur un coussinet, marchant d'un pied léger
sur l'herbe fleurie : c'était l'aurore de la terre;
l'autre rayonnait au ciel.
GalantisER. Il serait bien à désirer que nos-
jeunes gens , impolis et grossiers, revinssent à
Galantiser comme leurs bons aïeux.
Galaxie. Voie lactée ; c'est le désespoir de
l'asti'onomie. Qu'est-ce que la voie lactée?
Galoches. Souliers de bois.
Gamelle. La commune de Paris (non s soixante-
treize représenlans du peuple) nous mil à la Ga-
G A T\ oyi
mclle. Manger à la Gamelle, c'est, dans une pri-
son, manger péle-même et tous ensemble dans
une grande jalle de bois, une large soupe à reaii.
Je dois au public riiistoire de la Convention na
tionaie €l de la Gamelle^ le tout en deux cents
pages au plus.
Ganache. Vient de gêna la joue, comme qui
dirait la grande joue ; c'est un mot agrandilif.
Une certaine partie de la Flandre abonde en ga-
naches. On en a fait un terme de mépris, on a eu
tort. On peut être Ganache quand on a de grandes
joues, comme l'on est chevelu quand on a de
longs cheveux.
Gangrenée. Ame Gangrenée, cadavéreuse,
chez laquelle tout principe de vertu est éteint. Le
vice conduit là les malheureux qui ont étouffe par
degrés l'instinct moral et divin : ils sont morts
avec toutes les appai'ences de la vie.
Garce. Jeune fille. Quand on lit le bon traduc-
teur de Plutarque, on regrette ce mol. Pourquoi
faut-il qu'un profane vulgaire l'ait vicié?
Garçonnet Laraon et Dryas , en une
mcsme nuit, songèrent tous deux un tel songe. 11
leur fut advis que les nymphes de la caverne li-
vroientDaplinis et Cloé entre \e& mains d'un jenno
Garçonnet, fort gentil et beau à merveille, lequel
avait des ailes aux épaules, et portoit de petites
flesches avec un petit arc, et que ce jeune Gar-
T 3
'j'Q'2 G A S
çonnet , les louchant tous deux d'une mesme
flesche, commanda à l'un paistre delà en avant
les chesvres , et à l'auli-e les brebis. i^Amyot.)
Gardeur. Je l'avais fait le Gardeur de mou
argent, il me l'a emporté. Faii-e un seul homme
le Gardeur de la liberté publique , c'est jouer gros
jeu.
Garrulance, La Garrulance d'un peuple tient
à la vivacité de son climat. La Garrulance d'uue
femme vient de la souplesse de ses organes. Ja-
mais la Garrulance ne sera le partage d'un pen-
seur.
Garruleux. Il faudrait que chaque représen-
tant du peuple fiât seul dans le département sou-
mis à sa direction. — Mais s'il abuse de son pou-
voir!— Ne craignez rien; il a pour surveillans
l'existence Garruleuse des hommes oisifs et médi-
sans, parce qu'ils n'ont rien à faire, et enfin l'œil
sévère des gens de bien et de tous les vrais amis
de la république. {Lequiriio.)
Gastriloque. Il n'y a point de ventriloques.
On croyait autrefois que leur voix se formait dans
leur ventre, erreur. 11 y a des Gastriloqnes, c'est-
à-dire des hommes qui parlent en retenant leur
haleine, et niodifiaut avec art toutes les cordes du
laiynx et de la trachée -artère. Effaçons ventri-
loque.
G A U 29;>
Gaucherie. L'assemblée coiistituanle a donné
aux propriétaires soixante millions de dîmes, qui
appartenaient partie à la nation, partie à la pau<-
vreté; et elle a fini (afin de venir au secours des
hôpitaux ) par demander cinquante-un millions
cinq cent mille livres aux pauvres, dont le travail,
en dernière analyse, paye et solde tout. Une pa-
reille décision était-elle fondée sur la nature, sur*
la justice, sur la raison, sur riiumanité? Non;
celte insigne Gaucherie vaut à elle seule toutes
celles qui ont été commises depuis.
Gauchir. On fait croire au peuple ce qu'on
veut. On l'avilit, et il se crait vil; on l'appauvrit,
et il se croit né pour être pauvre; on lui dit qu'il
y a des grands , et il se croit petit ; et voilà comme
les préjugés Gauchissent les esprits. [RousseL)
Gauchir. Se détériorer dans un genre quel
conque. Ce maître en fait d'armes commence à
Gauchir. Il est n\\ temps inévitable où Fusage ne
nous permet plus d'aller d'un pas ferme et droit,
et nous fait Gauchir; mais ne pas Gauchir dans
les routes de l'exacte probité , voilà l'essentiel.
Gaudir. {se) Se Gaudir le lendemain d'un
jour de ti'avail , à gaudio , la gaudisserie prenant
sa naissance de loisir et de bien-aise. Nos pères di-
saient aussi jongler pour Gaudir. (Froissai.)
Gaudrioliste, Il faut quelquefois s'égayer. Les
T 5
2gt G A Z
fronts les plus sévères ne mai-quenl pas toujours
î'ame la plus vertueuse. Lafonlaine, si Gaudrio-
liste dans ses contes, avait des mœurs pures. (Rétif. ^
Gaufrier. Moule à gaufres. Mais il y a le Gau-
frier à vers alexandrins; quand on le possède, on
fait des vers français rimes, tout comme l'abbé
Delille; les siens ont l'empreinte éternelle du
moule : or cette facture n'est pas la poésie, quoi
qu'en dise un Lycée. O mouleurs I grâce! grâce!
Gausser, {se) Un gentilhomme, pour se don-
ner un air de popularité, disait, dans tous \qs
groupes du peuple , que ce n'était pas sa faute
s'il était né noble, et qu'il jetterait très-volontiers
tous ses titres au feu Un vigneron lui répon-
dit : « Monsieur se Gausse de nous ; ils ne brûle-
« rions pas; ils sont trop verts.» {B.)
Gazetin. Petite gazette manuscrite. Quand il
n'y a plus de liberté, il n'y a plus de gazette : la
ressourceseraitdansleGazetinjoùest le Gasietin?
Gazeur. La Fontaine, dans ses contes, est
■un bien aimable Gazeur. La gaze de nos jours
est par trop transparente (Z***.)
Gazouillis. Bannissons à jamais du théâtre et
la psalmodie, et l'ariette, et le Gazouillis irailé des
oiseaux, pour n'y laisser qUe le chant accentué,
sans roulades ni cadences ridicules. {Rétif.)
G E M 295
GivANTisME. La tragédie, en Franee, est boiu-
souflée, hors de nature : les mœurs qu'on y re-
présente sont des idéalités , des chimères , un
Géantisme fatigant. {Rétif.)
GÉHENNE. Tout homme a sa Géhenne en ce
inonde, fût-il roi, consul ou pape.
GÉLOSCOPIE. Divination par le sourire de
l'homme : ce n*est plus la science du physiono-
miste, c'est bien au-delà; car il s'agit de saisir,
dans un instant indivisible, l'ame de l'homme
lorsqu'elle vient errer à son insu sur le bord de
ses lèvres. Tel a une figure qui ne prévient pas
contre lui; quand il rit, c'est l'enfer. Toute la
caustique méchanceté de Voltaire se révélait dans
son sourire. Ce qu'il y a de plus faux au monde,
et de plus visiblement faux, c'est un sourire factice
ou forcé ; quand il est habituel, il annonce un dé -
teslable cai^aetère. Mais il n'y a poinl de langue
pour définir tous ces ti'aits fugitifs et caractéris-
tiques. Le sourire mécanique de ***; on l'a dit
d'un personnage très-connu au commencement
de la révolution, et ce mot le peignait. Rire et
sourire, deux choses opposées pour l'œil qui sait
voir.
GéMi»SEUR. Depuis long-temps , dît un mépri-
sable et odieux personnage du Paysan perverti ,
je te recommande d'^envisager les choses qui se
font, comme légitimes. On n'a jamais tort.... 0/4.
T i
296 G E N
dit on fait.... on croit.... o/zpeul.... Toutes les
choses qui commencent }Dar une de ces phrases,
sont permises, fussent-elles défendues par toutes
les lois. Méprise donc souvei'ainement ceux qui
prennent le rôle de Gémisseur sur les abus. (^Rédf.)
GÉMONIES. Fourches patibulaires. Princes ,
mauvais princes, et vous gouvernans qui )ie faites
pas le bien , regardez les annales de l'histoire
comme des Gémonies qui vous attendent.
GÉNÉALOGIER. C'est faire une généalogie. Si
un jour nos petits-enfans demandent : Qu'est-ce
que faire une généalogie? Peut-être se trouvera-
t-il alors quelques érudits qui leur diront : Mes
amis, il y a quelques siècles que des gens prou-
vaient, avec un art dont le secret est perdu, que
le hareng est né de la baleine , que le lièvre est né
du lion, et que par conséquent il fallait , par res-
pect pour les baleines et les lions, obéir à toutes
les volontés du hareng et du lièvre, par respect
pour leur noble origine, et parce que c'était leur
bon plaisir.
GÉNÉRABLE. Vient de générer. Le bonheur est
Générabîe de l'étude et de l'amitié combinées.
GÉNÉK^LISEUR. Ce grand Généraliseur n'a le
temps, lorsqu'il travaille, que d'indiquer ses idées
en niasse; les principes qu'il accumule, laissent
peu de place aux détails et aux exemples. (/. B.
3Iodesle Gence. )
G E N 297
GÉNÉRALISME. Ce mot exprime l'état qui suc-
cède à la conquête , et qui précède le gouverne-
ment militaire d'un seul; passage rapide et violent,
durant lequel les chefs des armées usurpent, ab-
sorbent ou paralysent tour à tour l'autorité civile
et le pouvoir judiciaire.
Cet état des choses peut être aussi celui d'une
grande nation, après une longue guerre qui a
menacé sa liberté et son existence politique.
Depuis Thésée jusqu'à nos jours, aucun guerrier
n'a mis sa gloire à réintégrer dans tous ses droits
l'autorilé civile, et à lui soumettre sa puissance
mililaire. Ce pliénomène des temps fabuleux ho-
norera nos annales. '
Le lendemain des victoires, tout se fait par les
généraux et pour les généraux. Rentrés sur leurs
foyers, ils commandent encore; peu y préfèreni
l'eslime publique et des lauriers purs, à des jouis-
sances qui font donler de leurs vertus.
Bientôt ces rivaux de gloire le sont de crédit et
d'autorité. Là commence une lutte, qui se termine
par la ruine des lois, de la liberté, etc.
Le Généralisme s'empara de l'empire d'Alexan-
dre, après la mort de ce conquérant, plus savant
que son père dans Tart de vaincre, bien moins ca-
pable de fonder un empire et de le gouverner.
Les guerres de Pompée et de César, des trium-
virs, d'Anloine et d'Auguste, marquent le temps
et la durée du Généralisme chez hs Romains. La
2()3 G K N
puissance mililairc se concentre enfin dans la main
d'un seul, et brise les faisceaux.
C'est ainsi qu'après un long cours de discordes
civiles , Rome se trouva heureuse en tombant
sous le joug d'Auguste, qui, pour paraître un Dieu
bienfesant, n'eut qu'à ne plus ressembler à ses
rivaux et à lui-même.
Auguste et Tibère hâtèrent la dégradation du
sénat , pour ne plus craindre son retour à la
vertu, et celle du peuple, pour qu'il ne regret-
tât pas sa liberté.
Plusieurs armées et plusieurs chefs , voilà le
Généra lisme.
L'armée ne l'econnaissailt que son chef, et son
chef ne reconnaissant aucu)ie autorité au-dessus de
la sienne, voilà le gouvernement militaire. (P.)
GÉNÉRATEUR. L'égalité et la liberté sont le.4
bases physiques et inaltérables de toute réunion
d'hommes en société , et par suite, le principe
nécessaire et Générateur de toute loi et de tout
système de gouvernement régulier.
Générateur. Il n'y en a qu'un, et de tout ce
qui est. Dieu , adorons I femme ! lu n'es pas
génératrice , tu es mère ; homme I tu n'es pas
générateur, tu es père.
GÉNÉRATIVE. Une banqueroute est souvent
Générative de cinq cents autres. La patience est
Générative d'une plus prompte guérisoii. I^u vraie
-philosophie est Générative du calme et du repos
de l'ame.
Généreux. On décoiffa les vins Généreux , et
la gaîté française s'empara de la table dans tous
ses points.
GÉNIE. Esprit supérieur à celui d'un anlre
homme; mais de combien? voilà la question.
On perd d'un côté ce que l'on gagne de l'autre.
L'un sait ce que l'autre ignore , et celui-ci sait ce
que le premier ne sait pas , voilà tout. Bêle coînnis
un Génie , dit le proverbe, rien de plus vrai. Les
gens de lettres, en général, sont des triangles qui
jettent tout leur esprit d'un seul coté. Il n'y a ja-
mais eu dans le monde un homme de Génie; pour
moi je n'en ai jamais rencontré un seul véritable-
ment distingué par un remarquable vol au dessus
des conceptions ordinaires : j'ai beaucoup lu , vu ,
entendu. Les hommes ne difierententr'eux que de
quelques lignes , ou demi-pouce à peu près , comme
dans la stature humaine où il n'y a point de géans;
et quand il s'en rencontre un , l'on voit dispropor-
tion entre ses membres. Ah I nous sommes sur-
tout égaux par l'intelligence. J'ai seulement re-
marqué que ceux qui écrivent, avaient moins
d'esprit et beaucoup plus de préjugés que les autres
hommes.
GentillitÉ. Les petits hommes ont de la Gen-
5oo CES
lilliLédaus le mainlieii, presque jamais de noLîlilé;
quand ils ralFeclent, ils tombent dans la ridicalilé.
GÉOMÉTRIE. C'est la colonne des Hébreux ;
un coté lumineux, l'autre totalement obscur;
elle conduit, elle égare; elle amène quelques
vérités et précipite l'homme dans la plus haute
démence ; elle a fait plus d'extravagans que
d'hommes sages et utiles. La Géométrie n'est
qu'une ombre vaine près du physicien ; la Géo-
métrie sublime ou transcendante est le sublim.e
de la science insensée, orgueilleuse et futile.
C'est elle enfin, qui a empêtré la raison hu-
maine de cet impertinent système de Copernic,
qui obligera notre siècle à faire amende honorable
devant les siècles passés et futurs.
Germanisé. Vers l'année 1 708 , on commença
à iniroduire, sur le théâtre allemand , l'Arlequin
des Italiens. Il fut si bien Germanisé, par un
nommé Stranitzlcy, que jusqu'en lySo on ne
joua ni comédies ni tragédies, dans lesquelles , a^i
grand contentement des spectateurs, l'Arlequiu
n'eût le privilège de mêler ses farces ridicules et
indécentes. ( Frieclel. )
Gester. Nous n'avons que gesticuler qui ne
peint qu'un geste trop fréquent ou ridicule ; il
manquait le mot Gester. Lekain geslait avec
beaucoup d'ensemble et de grâce : ce qu'il y a
peut-être de plus difficile dans l'art du comédien ,
G I R 5oi
c'est de Gester convenablement. Le singe ges-
ticule, et le mime geslc.
La gentillesse d'un enfant, la Gentillité d'une
jeune femme, la gracieuseté d'une mère defamille.
GiGANTiFiÉ. C'est unecalamitéGigantifiée.C'est
un grand homme, mais Gigantifié.Les esprits fai-
bles et ardens sont disposés àGigantifier tout ce
qui sort des propositions ordinaires.
GiNGUET. Du vin vert, du petit vin. Cela
est Ginguet ; c'est-à-dire, cela n'est pas encore
ni formé ni fait, ou sans aucune espèce de gran-
deur ni de force. (Borel).
On me soutient que Ginguet est le grand-père
de Ginguené, auteur : il faut rire en passant 1
GiRANDOLER. Briller avec grand éclat; faire
de l'esprit plus que de coutume. Hier, animé
par la présence de plusieurs aimables femmes,
il nous débita des choses charmantes : son feu fut
prompt, vif et bien soutenu; il Girandola, et vé-
ritablement il nous surprit tous.
GiROUETTERiE. On trouve ce mot dans les Mé-
moires du cardinal de Retz : il est applicable, lors
des factions , à une multitude de tètes qui ne sont
que des girouettes. Le duc de Choiseul, appre-
nant que Voltaire avait transporté ses vers et ses
louanges à son successeur et à son rival, fit de
sa figure une Girouetterie, qu'il plaça sur la plus
haute cheminée de son palais.
5o3 G L O
Glanure. C'est un })orame qui vil de la Gîa-
nure de la conversation. Ainsi fesait ChaniforL,
qui à force d'enregistrer l'esprit d'autrui, a fait
croire qu'il en avait lui-même.
Classes. Il faut écrire Classes à se mirer,
Classes dans les appartemens, sur les cheminées ,
et Glaces qui charient dans les fortes gelées ;
Glaces à manger, Glaces ambrées, chez le res-
taurateur-glacier.
O toi , restaurateur-glacier, qui fais graver ton
nom en belles lettres d'or, pour annoncer tes Glaces
et sorbets, va, lu n'es pas un glaciei-restaurateur î
LàBs Classes à se mirer, et les Glaces à manger, tout
cela ne substan te guères l'estomac de mes chers
Parisiens. Oh! qui nous rendra, dépense pour dé-
pense, le solide cabaret de Chapelle et de Mo-
lière.
Gloire. Qu'est-ce que la Gloire? On peut ré-
pondre, ce que chacunla fait, une chimère, un
fantôme après lequel on court, et qu'on ne saisit
jamais. L'amour de la Gloire est cette passion
qui nous mène à faire quehjue chose dans la vue
d'être applaudi, et la gloire elle-même est cette
ivresse qui procure à l'homme vain les applau-
dissemens qu'il obtient. Cela posé; quel est le
projet de l'homme qui court après la Gloire?
de recueillir les applaudissemens et rien de plus.
Si la bonne action se trouve à faire sur sou pas-
G O B 5o5
sage-, il ne l'oubliera point; mais si le crime le
conduil plulôt au but, il commettra le crime
avec la même ardeur, et le bien s'éloignera da
ses yeux. ( /. M, Lequinio , député. )
Si j'avais à définir la Gloire, je dirais : C'est
la célébrité jointe àFestime méritée deses contem-
porains ; elle est le garant de celle ([ue la posté-
rité, toujours juste, nous accordera. (^Bossehnan.)
Gloriole. Gloire frivole; ce qui est gloire dans
un siècle, n'est que Gloriole dans un autre. 'J'out
ce qui n'a pas pour but le bonheur des hommes
n'est que fumée et Gloriole; la Gloriole de dé-
funte noblesse.
Gloutonner. Il esl assez cruellement sensible
que les gouvernemens arbitraires ont élargi l'œ-
sophage dévorant des riches aristocrates , et ré-
tréci les entrailles du peuple ; ils ont réduit à une
vie disetteuse presque toute l'espèce humaine,
en Gloutonnant les richesses de la nature. ( ha
Bouche de fer. )
Gloutonner. Je ne l'ai pas vu manger, mais
Gloutonner à faire peur. Ce glouton amphibie les
plaisii's de la table , en mangeant chair et poisson.
Gobe-dieu. Voltaire dit, en parlant de sa tra-
gédie des Guèbres : «Mahomet et Tartuffe n'é-
« taient-ils pas cent fois plus hardis? Quel est
^ dans la capitale des Velches , le porte-Dieu ou
3ot G O U
« le Gobe-Dieu qui ose dire ; C'est moi qu'on a
« voulu désigner par les prêtres de Pluton ? »
GoRGERETTE. Joli mot pour désigner le voile
servant à couvrir le sein d'une jeune fille-, il figu-
rerait très-bien dans les poésies légères.
GouT BRÛLÉ. Un cuisinier a le goût brûlé à
cinquante ans; il en est de mêmede quelques gens
de lettres; à force d'avoir lu, ils ne savent plus
lire : en analysant, en pérorant sans cesse aunom
du goût, ils ont perdu le goût.
Goutte. Un esclave apercevant le corps
de César , que les conjurés viennent de poignaider
sur. son tribunal, et qui vient d'expirer aux pieds
de la statue de Pompée, s'écria en pleurant:....
O César!... Antoine lui répond : « Ton cœur se
«gonfle! retire-toi, car je sens que ces larmes
« qui viennent de ton cœur déchiré , font rouler
« dans les yeux d'Antoine , ces Gouttes de dou-
(( leur. »
Gouvernateur. Si une immensité de citoyens
courageux n'eussent pas senti qu'ils étaient nés
libres et égaux en droits, où en serions-nous en-
core avec tous ces fameux Gouvernateurs , qui
nedisent la vérité que quand elle leur échappe .{La
Bouche de fer. )
Gouvernemental. Acte Gouvernemental ,
purement
G R A 5o5
purement Gouvernemental ; il peut sauver la
patrie, il peut la perdre; licite ou illicite selon
l'événement. Qui ne tremblerait quelquefois !
Grabataire. Homme qui ne quitte point le
lit, malade depuis long-temps. Il est Grabataire
et s'ennuie fort : allons le voir et le consoler.
Grabeler. Débattre, contester sur des misè-
res, sur des inutilités.
Nous rencontrâmes un jour neuf gros esquifs
chargés de moines, de penaillons , de patte peines
qui , s'étant rassemblés , se rendaient au fameux
concile deXran-tran, afin d'y Grabeler des points
métaphysiques , et contre les novateurs , et contre
tous les chiens d'hérétiques, devant le grand
mitre de Latran. ( Rabelais. )
Gracieuser. On commence à se servir du
mot Gracieuser, qui signifie recevoir, parler
obligeamment. ( J^oltaire. ) ,
Gracilité. Telle femme grasseyé, mais man-
que en même temps de Gracilité.
Grammairiens. ( troubles ) « La plupart des
«. occasions des troubles du monde sont Gram-
« raairiens. Nos procès ne naissent que du débat
«de l'interprétation des lois, et la plupart des
«guerres, de cette puissance de n'avoir sçu clai-
« r-ement expliquer les conventions et traités
2'ome L V
5o6 G R A
« d'accord des princes. Combien de querelles , et
« combien importantes , a pi^oduit au monde le
« doute du senhde celle syllabe Aoc?» (MontaigneJ)
Grammatiste. Grammairien se dit d'un
homme qui a fait une étude particulière de la
grammaire.
Le Grammatiste est celui qui se borne à
montrer la pratique des premiers élémens des
lettres. ( Beauzée. )
Grandiose. Rien n'est plus imposant, ni plus
Grandiose que l'assemblage de ces immenses ta-
bleaux de Véronèse et de Charles Lebrun, que
ces noces de Cana et les célèbres batailles d'A-
lexandre , que cette réunion extraordinaire des
plus vastes productions pittoresques, connues (au.
Musée central des Arts. ) ( K illeterque . )
GrandiositÉ. La Grandiosité d'un plan d'ar-
chitecture n'est pas la grandeur; on peut accu-
muler les édifices, en ne leur imprimant qu'un
caractère de Graudiosité ; témoin l'immense palais
des rois de Madrid: c'est la Grandiosité la pluvS
éloignée de la noblesse et de la grandeur.
Grassouillet. « O ! quelle grande chaleur je
«me seutis en Famé, voyant ma douce amie,
«sur son lit dormant, les yeux fermés, la tète
« penchée sur le côté de droite, ses bras étendus
«et demi-nus, blancs et rondelets; ses lant dé-
« licates mains tenant luouchoir et collier dé-
G R Itii Boj
« faits, le petit corset demi-ouvert I.... O ! corn-
« bien de trésors où veut mes yeux se prome-
« nans çà et là!... O! combien de charmes non
« encore vus par les yeux d'un autre homme!..,
<t un col blanc de neige , un sein franc et Gras-
« souillet, et puis deux belles et plaisantes pom-
« mes non-entières, sont à découvei'tl » {Sauvigny.^
Gratifier, {se) «Il est peu d'hommes ad-
« donnés à la poésie, qui ne seGratisfiassent plus
« d'estre pères de V Enéide , que du plus beau
« garçon 5 car, selon Aristote, de tous les ou-
*i vriers, le poëte est nommément le plus amou-
^ reux de son ouv^rage, » ( Montaigne. )
Gratitude. Lorsqu'un homme a accepté des
services, il doit les reconnaître, parce que la
Gratitude est le plus sacré des devoirs.
Grattage. Si vous plantez un arpent, défon-
cez l'arpent entier ; si vous plantez cent arpens ,
défoncez cent arpens dans leur entière totalité*
mais n'allez pas prendre pour défoncement, un
Grattage de quelques pouces, ou tout labour à la
charrue. ( Cltalameau. )
Gravas. Décombres.
Greffiser. (de GreJJîer) Ecrire sur-le-champ,
60US la dictée , et dans un instant. On lit dans
l'Alcoran : Tu crois n'être pas vu dans tes ac-
V 2
5o8 G R I
iions secrètes; il y a au-dessus de ta tête, une
petite mouche que tu n'aperçois pas, et qui,
avec sa petite patte, Greffise tout ce que tu fais.
Ces imperceptibles caractères, au grand jour du.
jugement dernier, auront mille coudées de haut,
afin que tout Funivers les lise. — Je vois chez
le restaurateur du jardin des Tuileries , deux
graves commis armés de leurs plumes , qui Gref-
fisent tous les plats qui passent successivement
sur les différentes tables; depuis le potage jus-
qu'à la pomme ou l'orange, rien n'est oublié;
ils vous diront combien vous avez mangé d'a-
velines. La mouche de l'Alcoran n'est pas plus
«xacte : le procès verbal de votre repas est tout
dressé; le voilà, et tout additionné! on Gref-
fise aujourd'hui jusques dans les plus obscures
tavernes, le prix de chaque mets, d'abord dans
la carte indicative, puis dans la carte payante.
Grègues. Rabelais assure qu'Alexandre, en
Fautre monde, est savetier et rataconneur de
vieilles Grègues , et Achille, botteleur de foin.
Grevance. De grever. Lésion grave. Il a
chargé par un injuste procès cette malheui-euse
famille, d'uneGrevance qui pèse encore et pèsera
long-temps sur tous les membres qui la com-
posent.
Griffade. Blessure faite par un animal qui
«, des griffes. Il a reçu de ce journaliste une Grif-
G R î 3o(>
fade; les folliculaires sont comme les cliats qui
se battent tous les rnatius et qui se fout de»
Griffades.
Grtffonie. Mauvaise écriture. Nos jolie*'
femmes sont toutes atteintes de Griffonie.
Grimacer. Quiconque a joué un grand rôle
à la cour des rois^ ne peut que Grimacer en
république.
L'œil penchant des yrais patnotes, n'aper-
cevait dans toutes les actions d'un Lafayette ,
que des grimaceries, car les courtisans ont beau
Grimacer, la courlisauerie perce.
Grimelinage. Petit et soi-dide gain que Ton
fait dans un misérable et obscur trafic. Le bri
gand à la main large, se moque beaucoup de
celui qui exerce le Grimelinage ; voler trois ou
quatre millions et d'un seul coup ; mais cela
devient absolvable, recommandable, respectable.
Grimoire. Ce sont tous les livres de théolo-
gie schoîastîque, ceux de géométrie transcen-
dante , et sur-tout les dissertations modernes de
nos idéologistes ou idiologistes , sur l'entende-
ment humain; ce Grimoire n'évoque ni les morts,
ni le diable, mais l'ennui et la sainte colère, la
juste indignation du bon sens fatigiié, outragé,
ïnarlyiûsé. Ahl cruels, ne me faites pas mourir!
Grippeur. Qui fait de petits larcins. Ce valet^
V 5
5io G U B
il laut le chasser, c'esl un éternel Grîppeur. Petit
Grippeur, larron eau , qui n'avait point la main
large des. . . . des .... des ....
Grognon. Je me souviens d'avoir une fois,
dans mon enfance, laissé dans la marmile d'une
de nos voisines, tandis qu'elle était au proche^
j'avoue même que ce souvenir me fait encore
rire, parce que cet le voisine, bonne femme au
demeurant, était bien la vieille la plus Grognon
que je connus de ma vie. (/. J.Rousseau. Con^
fessions. )
Grotesquer. C'est un talent qui n'est pas
absolument commun. Cyrano de Bergerac , et
Calot, en Grotesquant leurs idées à l'aide de ^a
plume et du burin , nous arrachent un sourire
et nous font admirer leur vive et singulière
imagination. Le Grotesque est plus plaisant que
îa parodie , et bouifonner comme Scaron , n'est
pas Grotesquer comme certains auteurs anglais ,
véritables pères de la féconde et ingénieuse ca-
ricature. Que cela est drôle I &'écrie-t-on , et rœiî
va toujours en avant.
Grouiner. Ancien mot qui exprimait très-
bien le cri d'un porc. ( f^oltaire. )
(gstUBERNATEUR. On dit gouverneur d'une mé-
ïiagerie, d'un' page, d'un enfant, d'une forle-
ïesse ; on dit aussi gouvernant , expression
GUE Sti
vague: moi, j'appellerais un grand homme, que le
génie et la fortune cnt élevé à .une place toute
nouvelle, le Guberiialeur de Fétal j mot neuf
comme le personnage.
GuÉDÉ. Si je n'étais pas Guédé de vers, je
crois que j'en ferais pour M. de Laudon qui
vient de prendre Schwednitz, ( /^oltaire.)
GuENiLLEUX. Carie Vanloo a laissé plusieurs
esquisses 5 il en est une qui représente saint
Grégoire vendant son bien et le distribuant aux
pauvres.
C'est ici qu'il faut voir comment on peint la
mendicité, comment on la rend intéressante ,
sans la montrer hideuse; jusqu'où il est permis
de la vêtir, sans la rendre opulente ni Guenil-
leuse. Il y a là une ligne éli'oite sur laquelle il
est difficile de se tenir. ( Diderot. )
Guérisseur, Un des souverains..,, du théâtre
français , ayant eu besoin du ministère d'un
chirurgien , dans une certaine incommodité
Dont la garde qui veille aux barrières du Louvre
Ne défend pas les rois ,
il s'est élevé une dispute très- violente entre le
Guérisseur et le guéri, pour le paiement. (Z>iV7^«f^.)
Guerroyer, Ce mot vieillissait; Mirabeau lui
rend sa première vigueur, dans le passage sui-
vant ;
V ^
5i2 GUI
Les rois et leurs niinislres n'ont cessé d'attiser
les inimitiés récipioques parce qu'en fesant
Gueri'oyer les liommes , on est dispensé de les
bien gouverner.
GuiLLOTAGE. Tout l'or du Pérou vient aboutir
à Paris; nul peuple au monde ne façonne ce
métal avec autant de goût que le Parisien ; la
ciselure et le Guillotage soumettent tous les bi-
jous de l'Europe à passer par ses mains.
GuiNDER. (se) Nous grimpons à son cin-
quième étage , et par une échelle , nous nous
guindons à un sixième qui était un cabinet ou-
vert à tous les vents*, là loge quelquefois le génie.
Se Guinder pour avoir de l'esprit; effort inu-
tile: dès qu'il est aperçu, la sottise est à découvert.
GuiNGUET. On a représenté Sémîramîs sur
mon théâtre; j'avais perdu de vue cet ouvi'age;
il m'a fait sentir que les Scythes sont un peu
Guinguets en comparaison. ( Voltaire. )
GuiORANT. ... C'était une vaste maison, avec
grange, écuries, cellier, pressoir ; on y enten-
dait rire déjeunes filles; on courait, on se ca-
chait, on se cherchait, on se trouvait; c'était
en automne; l'obscurité vient de bonne heure :
on continua le jeu. Mangeron guidé par le cri
Guiorant d'une jeune beauté qu'il crut recon-
G Y M 3i5
naître , la trouva dans la grange derrière un
monceau de paille fraîche, el....etc. (Rédf.)
GuiRLANDER. Il fit Guirlaudcr le temple , les
statues publiques et toutes les tètes qui assis-
tèrent à cette grande et importante cérémonie.
Les taureaux Guirlandes tombent en sacrifice. [Desportes.)
GusTATiF. Pour ranimer votre appétit malade,
on vous composera, monsieur le Riche, un mets
Gustatif. Il a lu tout ce qu'on pouvait lire; il
avance en âge; son esprit blasé tourne à la cri-
tique amère ; il n'y a plus , je le crains, pour son
imagination éteinte , de livre Gustatif. — Vous
le croyez? Mais une bonne satyre au poivre, au
piment , largement épicée , ah I elle devient
Gustative.
Gustation vaudrait mieux que dégustation.
Ce dernier mot alors s'emploierait pour l'acte
qui décompose dans la boitche une liqueur, afin
de la mieux apprécier.
Tandis que de son côlé, le marchand de A'in
ferait la dégustation, moi, j'en ferais la Gusta-
tion, n'étant point un gourmet.
Gymnastiser. (de Gymnastique.) Lutter, se
livrer à des exercices violens , ou à des jeux
propres à dénouer le corps ou à le fortifier. Si
vous voulez acquérir une ti'ès-forlc santé , Gym-
5i4 H A B
nasliisez *, Gymnastisez encore si vous voulez con-
server la vôtre, quelque faible qu'elle soit.
GynéCONOMES. Magistrats d'Athènes ; ils
étaient au nombre de dix : ils avaient inspection
sur la conduite et les moeurs des femmes ; ilsi
fesaient afficher en public les noms de toutes
celles qu'ils condamnaient à l'amende, înènie
pour des fautes légères, et qu'on nomme chez
nous ètourderies. Je vous y prends, maris, et
même vous qui ne l'èles pas; vous rêvez à l'ins-
tant même sur cette magistrature, et vousêlessur
le point de minuter une supplique pressante pour
un pareil établissement. Ah I tout doux! ce nom
odieux de Gynéconomes, qui osera le renouveler
ouïe proférer en bonne compagnie? Tout le Voca-
hulaire sera peut-être proscrit, à raisoii de ce seul
article. Qu'a-t-on besoin de cet épouvantable hel-
lénisme? J'entends ce cri sortir de cent boucbes
de roses.
Gynide. Hermaphrodite. Il n'y en a point de
parfait.
H
JlIabilleue. Dites Habilleur, au lieu de tailleur.
Mon Habilleur a du goût, il veut que ma coiffure
et ma chaussure correspondent ensemble. Tailler
du drap, cela est commun; mais habiller un
homme de pied en cap, et dans'un parfait rap-
H A I 3ir»
port avec son âge , sa figure , sa profession ; voilà
le talent. Faites cas d'un Habilleur doué d'un coup-
d'œil juste, et ne dites que tailleur de pierres. \jn
Habilleur est un peinire; il ne m'eût pas donné
le ridicule costume de Flnslitut national.
Habitacle. Retranchement pour se loger;
Dans son superbe hôtel, il s*^est fait un Habitacle à
l'abri des importuns ; il y est resserré, mais in-
visible : on parcourt tant qu'on veut ses ma-
gnifiques appartemens^ il garde pour lui seul et
{)our ses intimes amis, cet Habitacle, cet asyle
aérien. L'ambition intéressée des courtisans ne
demande qu'un Habitacle dans les somptueux
palais des rois et des empereurs.
Habitudes. En astronomie, l'on voit plus par
l'opinion que par ses propres yeux: les Habitu-
des des régens en ce genre, soiit bien plus dif-
ficiles à changer que l'axe de la terre.
Hacher. L'état est divisé en deux classes, en
gens avides et insensibles, et en mécontens qui
gémissent et murmurent. Le législateur qui trou
verale moyen de Hacher les propriétés, de di-
viser et de subdiviser les fortunes , servira mer-
veilleusement l'état et la population.
Hainer, n'est pas haïr. Hainer l'odeur du ta-
bac , du fumier, du poisson pourri ; haïr le vice ■>
Ja tyrannie j Hainer les sots et ennuyeux usages
3i6 H A R
d'une pelite cl ignorante société ; haïr l'insoîenee
des nouveaux parvenus; Hainer le lieu du sup-
plice où la vertu et Finnocence ont péri, haïr
leurs bourreaux sous le nom déjuges.
Haineux. Je sens dans mes malheurs que je
n'ai point l'ame Haineuse. (/. /. Rousseau. )
Hameçoner. 11 Ta Hameçoné par des louanges
si adroites, si bien distribuées, qu'il a fait tout ce
qu'on a voulu , et de la manière dont on voulait
qu'il fit la chose.
Harcellement. Les Harcellemens de cette
femme nouvelle Xantipe, m'ont enfin déterminé
à la bannir de ma nriaison.
Hargnerte. Je ne m'écarterai jamais de la
maxime que j'ai toujours suivie, de me renfermer
dans le sujet que je ti'aite, sans y mêler rien de
personnel. I_je véritable respect qu'on doit au
public, est de lui épargner, non de tristes vérités
qui peuvent lui être utiles, inais bien toutes les
petites Hargneiies d'auteurs dont on remplit les
écrits polémiques. ( J . J. Rousseau.^
Harmonier. («') Pour exprimer dos nuances
qui se fondent. Un beau vert , une belle verdure
s'harmonie avec l'azur des flots.
Harmonies.
Pes flûtes Jes hautbois
Qui, tour à tour , dans l'air poussaient des Harmonies,
Dont on pouvoit nommer les douceurs infimes. [Corn.)
H A R 5i7
Quoique ce substantif Harraonien'admelte point
de pluriel, non plus que mélodie ^ musique , phy^
si que ^ et presque tous les noms des sciences et
des arls , cependant j ose croire qu'il est des occa-
sions où Harmonies, au pluriel, n'est pas unefaute^
On peut dire, les mélodies de Lidly et de Rameau,
sont différentes . ( Voltaire.^
On dit très-bien les Harmonies de la nature,
parce qu'il y a ensemble et accord, et dans le
tout et dans les diflerentes parties.
Harmonieux. An risque d'essuyer des sarcas-
mes, dont il vaut mieux être l'objet que l'auleur,
ne craignons pas de dire que les chansons, les
poésies lyriques importent également à la propa-
gation de la langue et du patriotisme. II était bien
pénétré de cette vérité, ce peuple Harmonieux ,
pour ainsi dire, chez qui la musique était un res-
sort entre les mains de la politique. ( Grégoire. )
^Note.) Chrysippe ne crut pas se ravaler en
fesant des chansons ponr les nourrices; Platon
leur ordonne d'en enseigner aux enfans. La chan-
son d'Harmodius, qu'Athénée nous a conservée,
était, che?; les Grecs, ce qu'est parmi nous l'air
des Marseillais. (Idem.)
Harmoniser. Lorsque la paix viendra Harmo-
niser notre république avec les nations étrangères,
nous leur donnerons tour à tour nos neuves et
5i8 H A U
belles institutions; mais elles auront à choisir. Le
beau se trouve dans le simple, non dans le singu-
lier. Singulariser n'est pas simplifier ; singulariser
n'est pas non plus bonifier.
Hatif. Caïn à part , on ne connaît pas plus le
premier scélérat qui plongea le fer dans le sein de
son semblable, que le premier homme compatis-
sant qui vola à son secours. Tout ce qu'on peut
assurer , c'est que le crime et la vertu sont fort
anciens sur la terre , et qu'à la naissance de toutes
les sociétés , il y eut des germes de l'un et de
l'autre, mais que la moisson des crimes et des
vices fut toujours bien plus abondante, bien plus
Hâtive que celle des vertus. (Rayna/. )
Hautesse. O Hautesse des trésors de la science
et sagesse de Dieu!
Hauteur. Vingt rois de France et cinquante
ministres n'ont et n'auraient pas fait pour moi
et pour mes enfans (dit l'Agriculture, dans une
adresse à l'assemblée constituante) , en plusieurs
siècles, ce que vous avez fait en ma faveur
dans le cours d'une seule année. Les ministres ne
travaillaient que pour la Hauteur, plutôt que
pour la grandeur d/un seul homme.
Haut-son semblerait convenir à un instru-
ment tel queValto , parla même raison qu'il y a
un instrument appelé basson, ( Fiis, )
H E II 5i9
Hellanodiques. Les jeux olympiques s'ou-
vraient par une Irève universelle, l'oubli dupasse,
et une purification entière. En présence de toute
la Grèce, Fennemi embrassait son ennemi, et,
sans déshonneur , il ne leur était pas permis de
se haïr. Les Hellanodiques ou présidens de ces
jeux étaient les médiateurs et les arbitres de tous
les difFérens entre les villes, entre les gouver-
nans et les gouvernés. (^Bonneville, )
Herbageux. Tandis que je tenais les yeux
fixés sur l'Asie, soudain, du côté du nord, des
tourbillons de fumée et de flamme attirèrent
raon attention. Ils coururent le long du lac fangeux
d'Azof , et furent se perdre dans les plaines Jrler-
bageuses du Koûban. ( Polney.)
Herbeux. Mon pied a rencontré peu de sables
dans ce parc; il est Herbeux. Que vous voilà bien
domicilié pour votre ferme , tout à côté d'une
grande et vaste plaine Herbeuse !
HÉRÉsiER. Hérésier en littérature, c'est agran-
dir, élargir la carrière. Le faux dévot et le pédant
de collège ou d'académie disent que l'on Hérésie,
dès que l'on se moque d'eux. Un sot n'est jamais
dans Thérèse, c'est-à-dire, dans le doute de ses
opinions littéraires 5 plus elles sont futiles, plus
il y tient opiniâtrement.
Hermiter. Il est allé Hçrniiter dans sa petite
320 HEU
maison, tant par goût que par économie. Celui-là
est bien à plaindre, qui ne peut pas Hermiter entre
la vie et la mort*
HÉROÏFIER. Héroïfier des hommes ordinaires,
voilà l'abus des éloges académiques et de toutes
nos oraisons funèbres.
HÉROÏSER. C'est un louangeur sans reterme,
toujours Héroïsant dans les journaux , et de la
manière la plus ridicule, ceux que la fortune a
couronnés.
Héroïser. Votre génie belliqueux a remporlé
des victoires sur tous vos ennemis : vous voilà
devenu le héros de l'Europe; mais ce n'est point
assez de Héroïser; il faut que, par vos lois, vous
vous fassiez adorer de tous ceux que vous avez
vaincus; il faut qu'eu se relevant, ils baisent la
main qui les a terrassés.
HÉSITATION. 11 s'est rendu coupable. — Et de
quoi? — D'Hésitation, et à la guerre. — Je com-
prends.
Point d'Hésitation dans les grandes crises; elles
tuent ou elles sauvent. L'opposé du génie, c'est
l'Hésitation. César hésita sur les bords du Rubi-
con ; il ne fut pas César ce jour-là. Ainsi les
Césars ne sont pas toujours Césars.
Heur.
Sa joie cclatera dans l'Heur de ses enfuns. {Corneille.)
Ce
HEU 521
Ce mot Heur , qui favorisait la versification ,
et qui ne choque point l'oreille, est aujourd'hui
banni de notre langue. Il serait à souhaiter que
la plupart des termes dont Corneille s'est servi ,
fussent en usage : son nom devrait consacrer ceux
qui ne sont pas rebutans, ( Voltaire. )
Heu REUSER. H eu reusez-moi , en venant me
voir quelquefois au milieu de mes peines et souf-
frances.
Heureuser. Paraissez donc, vous, esprits su-
blimes, et jusqu'ici vainement attendus! vous,
faits j)our ffeureusçr le monde, ovi êtes-vous? où
vous cachez-vous? Non, il n'y a jamais eu un
homme de génie dans toute la force du terme; il
nous eût donné un code , ou bien il m'eût dit
comment se remue mon bras. Plus ou moins faibles,
plus ou moins ignorans; voilà notre lot à tous.
Cela est vrai, et puis cela console.
Heureuseté. Un auteur satirique a dit d'un
de nos écrivains, qui, après avoir concouru plu-
sieurs fois pour le prix de l'Académie française, y
obtint enfin un fauteuil.
Tomba de chute en chute au trône académique.
Nous ne l'emarquons ici que l'Heureuseté de l'ex-
pression, tomber au trône, dans le but que l'auteur
satirique se proposait.
Heurt. Le Heurt de deux hommes célèbres
Tome L X
532 H I L
amuse et satisfait la malignité publique; mais ce
choc ne sert point la renommée même du vain-
queur : au défaut de blessures profondes , il em-
porte quelques cicatrices. Le Heurt de deux pla-
nètes , de deux corps célestes , est une supposi-
tion chimérique.
HiBOUDER. Faire le hibou. Hibouder la so-
ciété, le genre humain; mais Hibouder, n'est
pas se rendre meilleur.
HlDEUR. Je t'apprendrai qu'Ursule (horri-
blement déhgurée par une maladie vénérienne) ,
change en mieux. Si la Hideur, passez-moi le
terme, continue à diminuer , nous pourrons lui
iîjire quitter son antre. ( Rétif.)
Hiérarchie. « Il y a dans notre langue , di-
« sait un royaliste, une Hiérarchie de slyle,
«parce que les mots y sont classés, comme les
« sujets dans une monarcliie. »
Cet aveu est un trait de lumière pour quiconque
réfléchit,. ( Grégoire. )
Hilarité. On éprouve au sommet des mon-
tagnes, une Hilarité qui l'emporte et sur la joie, et
sur la gaîté.
Hilarité. Son Hilarité inspire à tout le monde
l'oubli des plus grands chagrins. A une certaine
hauteur sur les montagnes, on éprouve eu soi
H I S 5--'3
une Hilarité qui n'est ni la joie , ni le plaisii',
mais qui vaut mieux encore.
Hisser. Pourquoi nos poètes tragiques ne se
persuadent-ils pas qu'un roi n'est pas toujours
roi, qu'il est homme par inter%^alle? Pourquoi
lé Hisser perpéluellementsur le cothurne? C'est
comme si on le couchait dans son lit, le manteau
royal à fleurs d'or surledos, les brodequins aux
jjieds , et la couronne en tête.
Historiée. ( «') Lecteur, je vous donne ici
un livre d'histoire naturellequi me met au-dessus
de Buffon. Je vous raconterai la vie d'un homme
naturel. Ma première idée avait été de m'Histo-
rier, mais elle ne dura point long-temps. ( Rèiif. )
Historier. Broder, embellir. 11 n'y a point d'his-
torien qui n'Historie un peu les iaits^ Chacun a
sa couleur.
HiSTORtOGilAPHER. Votre Historiographe n'a
pu vous faire sa cour comme il le désire; il passe
son temps à souffrir et à Historiographer. (J^oU.)
HisTORiOGRAPHERiE. La charge de gentil-
homme ordinaire n'étant qu'un agrément, on
y peut ajouter la petite place d historiographe.
Au. lieu de la pension attachée à cet'.e Historio-
grapherie, je ne demande qu'^ai rétablissement
de quatre cents livres. ( f^oLtaire. )
HiSTRiONiQUE. Voltaire éci-ivait , en 1769:
X 3
5'2i II O C
«Tous les jeunes gens qui ont la rage des vers, font
des tragédies dès qu'ils sortent du collège , ce qui
me fait croire que l'aréopage Histrion ique n'est
pas riche en comédies. »
HiSTRiONiSME. Tu vantes le métier d'Histrion;
mais, dis-moi, qu'est-ce qu'un état où l'on est obligé
d'exciler en soi les passions, pour l'amusement
des autres ? Un domestique , un vil esclave nègre
peut ne servir son maître qu'avec ses facultés ex-
térieures , et ne lui soumettre que son corps: le
comédien est forcé de descendre au-dessous ; il
m'asservit son ame elle-même, et consacre à mou
amusement ses plus nobles facultés. Reviens, mou
ami , ah ! reviens de l'opinion trop avantageuse
que tu t'es formée de l'idistrionisme ! (Rétif.)
HiSTRiONNER, Quand j'ai quelques rogatons
. tragiques oiTcomiques datis mon portefeuille , di-
sait Voltaire, je me garde de les envoyer à votre
parterre. C'est mon vin du cru, je le bois avec
mes amis, .l'Histrionne pour mon plaisir , sans
avoir ni cabale à craindre, ni caprice à essuyer.
HocHURES DE TÊTE. Rien n'est pl,us commun
au barreau , aux spectacles , dans toutes les as-
semblées où il y a orateur ou lecteur ; vous ne
voyez que des Hochures de tète qui approuvent
ou qui désapprouvent. Les hochemens sont des
mou vemens dédaigneu:^.^ mais les Hochures, soit
H O M SsS
en Lien, soit en mal, annoneent que l'auditeur
n'est pas indifférent. Les Hocliures de tète in-
quiètent toujours ceux qui parlent pour la pre-
mière fois en public.
Hochures. Les Hocliures de tète, aux audiences,
me font paraître les juges sous un jour ridicule.
Ces jeunes filles là-bas. qui font incessamment de
petites Hochures de tète, je suis bien sur qu'elles
ne disent rien du tout.
HoLOCAUSTER. Allons, mes amis, il faut, pour
célébrer l'anniversaire de ce grand événement ,
Holocauster en ce jour cette grosse voyageuse
dinde aux truffes.
HoMÉLiTiQUES. Vert.us Homélitiques, vertus
relatives au commerce de la vie, et conformes à
rintérèt des hommes réunis.
HoMiciDER. C'est toujours Homicider un vieil-
lard, que de le faire momir'à force de chagrins ,
de duretés, ou dans l'abandon.
HoMiFiCATiON. En conséquence de ses goiits-
d'hommes, la mère de la jeune 'l'élaïre ne sortait
qu'en chapeau rond, avec des brodequins et une
canne : c'était plutôt un quaker qu'une femme. Au
logis, elle affectait toules les occupations mari-
tales ; et, pour que tout cadrât avec ses principes ^
la servante soignait le cheval du cabriolet , fesait
les commissions, cLc.j tandis que le domestique
X S
.^oG ' H O N
mel lait le pot au feu , fesait les llls , les chambres ,
coiffail. madame, et (disait-on) rhabillait et la
dc'shabillait. Elle lit appreiidre à sa fille à manier
le fleuret , à tirer au blanc , à monter à cheval
Tout, dans cette maison, avait à l'extrême le
goût des Homificalions pour les femmes et pour
les filles. {Rétif.)
Homme. Voltaire fait de ce mot un adjectif, en
écrivant à iVlaupertuis : «Il n'y a que le roi de
« Prusse que je mets de niveau avec vous , parce
« que c'est, de tous les rois, le moins roi et le plus
« Homme. »
HoMMÉE. Travail d'un homme dans un seul
jour. Payez l'Hommée , et n'y manquez jamais.
Telle Hommée d'un écrivain n*a point de prix.
HoMOPHONiE. Assemblage de plusieurs voix à
l'unisson. Laissez- là et vos inslrumens à cordes,
et vos fliàîes de métal, et vos peaux d'ânes; rien
de plus beau, en musique, que l'Homophonie,
Honorer. Hongrer le génie, c'est la tâche ha-
bituelle des folliculaires.
Hongroyeur de l'espèce pensante : cent rois ont
mérité ce titre infâme.
HoNNESTATiON. S'il est un pays où le théâtre
soit plus utile que dangereux, c'est Paris, ou
Londres, ou Rome : il avertit les citoyens que
tel vice existe dans la société , et q^u'on doit s'en
H O N 5'i7
garantir; mais dans les provinces, il annonce que
tel vice est à la mode dans la capitale , et qu'il
faut le prendre, pour être comme tout le monde,
Ausai reconnaît-on aujourd'hui que Molière, en
conigeant la cour, infecta des vices qu'il lui re-
prochait, tout le reste de la France. — Mais le
mal est fait. — J'en conviens; aussi ne désap-
prouverais-je pas qu'il y eût des spectacles en
province, pour que chaque ville n'eût d'autres
acteurs que ses jeunes citoyens. — Ainsi la cri-
tique de nos théâtres , par Riccoboni , et la ré-
formation qu'il en propose, lout cela ne servirait
de rien , sans IHonnestation du comédisme?
— Non, certainement. {Rétif.)
HoNNESTER. Les ennemis du théâtre ont voulu
l'anéantir, en l'attaquant par la religion, par
\es lois et par le l'aisonnement. Jean - Jacques
Rousseau a tenté de nous priver, parce qu'il peut
être dangereux, d'un plaisir qui réunit l'agréable
à l'utile. L'auteur de l'ouvrage intitulé la Mima-
graphe , propose les moyens de l'augmenter, et
en suggère en même temps pour Honnester la
profession de comédien. {Rèt'f.)
Honneur. Depuis long-temps la philosophie
travaillait à déshonorer l'Honneur, pour mettre
la vertu à sa place. Louis xvi, en désertant son
poste , après avoir fait serment d'y rester , et
vous (Bouille), en protégeant sa coupable déser-
X -i
528 H O R
lion , vous avez avancé de trente ans la morale
publique. ( Rœderer. )
Honneur. (/') Combien ce mol , V Honneur, ne
renferme-t-il point d'idées complexes ? Notre
siècle en a senti les inconvéniens; et pour rame-
ner tout au simple, il a établi que l'Honneur res-
tait dans toute son intégrité, à tout homme qui
n'av^ait point été repris de justice. Un homme
a-t-il élé mis au carcan? n'y a-t-il pas été mis?
voilà l'état de la question. C'est une simple ques-
tion défait, qui s'cclaircit facilement par les re-
gistres du greffe. ( Chamfort. )
Honoraires. Une femme se fait quelquefois à
elle-même des reproches Honoraires, et sa fai-
blesse s'en augmente. Cette expression de Mari-
vaux est charmante : le pesant abbé Desfontaines
la réprouve, parce qu'il n'était pas né pour la
saisir.
Horloger, (verbe.) Savoir Horloger sa vie,
distribuer son temps, l'économiser, le diviser en
parties égales , tant pour ses devoirs, que pour ses
travaux et pour ses plaisirs j car il faut que l'homme
jouisse, et que ininitit sonne: c'est Vlieure des
amours. Qui ne perd pas de vue l'aiguille à se-
condes, est Ihomme par excellence ^ lui seul Hor-
logera l'année, ainsi que le jour, et vivra triple-
ment.
Horoscoper. Cagliostro aurait pu se soutenir
H O R 5-9
encore quelque temps, s'il se fût borné à faire le
médecin et le chimiste ; mais il voulut Horoscoper,
et les sifrlels se firent entendre. J'ai vu un misé-
rable tout en guenilles , Horoscoper pour des
femmes élégamment mises et parées. (Voyez l'ar-
ticle Martin , dans le iSouveaii Paris. )
Horrible. Montaigne nous peint un soldat
avec trois mois : fioirihle de fer et de sang. Il n'y
avait pas, de son temps , des souligneurs; il fesait
sa langue : et qui nous empêche de faire la noire?
Hélas! ils sont hardis à èlre timides, tous nos
fcseurs de règles.
Horrifier. Je fuis le séjour du scélérat qui
m'a Horrifié.
Horrifier. Pourquoi employer trois mois, avoir
en horreur y quand \es> Latins ri 'en emploient
qu'un, horrescere? Pourquoi ne dirions-nous pas ?
« Ce républicain ne se bornait point à mépriser,
« à haïr, à déiesler les ennemis de la liberté, il
« les Horrifiait.»
HoRRipiLATiON. La République française :
ou ne saurait guères prononcer ces mois dans
plusieurs cours étrangères , sans Horripilation.
HoRTOLAGE. Tout ce qui provient d'un jardin
potager. Quoi de plus sain, de plus agréable au
goût que l'Hortolage ! Il apparlient au pauvre
comme au riche, mais il faut habiter la campagne
pour en jouir avec fruil.
53o ' Pî O S
Hortolage. Synonyme de jardinage; ce qui
croît dans le jardin. Hortolage vient àliortus ,
jardin. Un poète se servira préférablement du
mot Hortolage, et nous aurons donné naissance
à un beau vers, qui ne sera pas le nôtre.
Des longues nuits d'hiver filles silencieuses ,
Prolongez mes travaux , heures religieuses!
Au printemps , flu jardin j'irai cueillir la fleur ;
Cultiver l'Hortolage estle premier bonheur. (iT/iffrciVr.)
HoîiTOLOGisTE. Plût à Dieu qu'à la place de
ces peintres, de ces statuaires, de ces décorateurs,
de ces graveurs, de ces versificateurs, de ces
folliculaires, de Ions ces gratte-papier, gratte-
toile, gratte-pierre, gratte-métaux que l'on a
trop encouragés, nous eussions des gratte-terre,
c'est-à-dire des jardiniers, des botanistes, des
physiciens - cultivateurs, des Hortologistes bê-
chant le potager, et plantant des légumes nou-
veaux et des arbres fruitiers !
Hospice. Par le mot hôpital, on entendait
toute maison destinée aux pauvres et aux ma-
lades ; c'est ce qu'on désigne aujourd'hui par
Hospice, et le mot hôpital semble affecté parti-
culièrement aux maisons de secours pour les
militaires. Ainsi on distingue hôpitaux militaires
et Hospices civils. ( Mercure de France. )
Hospitaliser. Il aimait les malheureux;
Hospitaliser, était pour lui moins un devoir qu'uiié
jouissance. (L**.)
H U E 55i
Hospitalité. Eh bien, lecteurs, j'y consens,
accordez à tous ces mots que je rassemble avec
des intentions libérales, accordez-leur du moins
les droits de l'Hospitalité, en attendant ceux de
la citél
Hostie.
De tous les combattans a-t-il fait des Hosties? ( Ccrn.)
Hostie ne se dit plus, et c'est dommage; il 7ie
reste plus que le mot de victime. (^T^oltaire.)
Hostiliser. Vous m'Hostilisez! ceci passe la
railleiie. Cet homme tout rond, il n'était point
sur ses gardes ; et quoi de plus lâche que d'Hos-
tiliser celui qui ne sait pas se défendre! Dans les
rixes de le Franc de Pompignan et de Voltaire,
c'est le premier qui a Hostilisé.
HoussiNER. Il est d'une impertinence à Hous-
siner.
PIuEUR. Es-tu fou, avec ton projet de le faire
acteur? Quoi! lu pourrais te déterminer à en-
dosser le harnois de comédien! . . . Auras-tu un
front aussi dur que d'Al.-..! , pour supporter,
sans mourir de honte ou d'indignation , ces brou-
hahas-outrageans qui ravalent l'acteur au-dessous
du dernier polisson qui , pour son argent , a le
droit de te siffler, avec ou sans raison , dès que
tu lui déplais? Certes , je craindrais pour toi que,
quelque jour, tu ne t'élançasses par- dessus l'or-
53j h U m
elles! re, pour fondre, l'épée à la main, sur les
Haeurs maudits, (Rétif. )
Humaniser. Laissez-moi voir voire journal ,
envoyez-le moi avant que je quitte l'AngleLerre;
et loin, bien loin soit le temps où vous pourriez
me le laisser comme un legs! Je serai heureuse
en lisant vos douloureuses pages*, elles Humanisent
le cœur, ( Lettres cVEllza. )
Humer. On lui conseilla d'aller Humer l'air
de la campagne. Humer ne vaut-il pas mieux en
ce sens , que prendre ?
Humer le vin de Champagne, parce qu'il est
mousseux et qu'il fuit; et boire le Bordeaux,
parce qu'il est savoureux et qu'il ne fuit pas.
Humoriste. Le misanthrope de Molière, con-
sidéré de près , n'est qu'un Humoriste ; il s'é-
chaulFe le plus souvent pour des misères.
Le triomphe de la morale serait de nous em-
pêcher, pendant toule noire vie, de nous monlrer
Humoriste.
Humoristiques. Q\i(^. la langue allemande est
riche! Heureuse langue qui n'a point élé ap-
j)auvrie par des académiciens! elle possède, soit
par ses conquêtes , soit par ses ingénieux larcins,
im assez grand nom1)re de mots, de tenues,
d'inveisions, deconstiuclioiis variées à son choix^
pour exprimer avec force et avec précision, la
H Y P 535
plupart des sentimens et des idées de ceux qui
oui le mieux creusé leur idiome; elle a. des tra-
duclions qui aouveut rendent avec autant de
grâce et de concinnilé que d'exactitude, les ex-
pressions les plus délicates, Humoristiques plai-
santes du sentiment et de lïniagination et les
idéco les plus abstraites de la réflexion. ( Cramer.)
PIydrophobe. Extrait d'une lettre d'un ex-
noble.... « Oui , je le sens, l'espoir s'éteint de
« jour en jour au fond de mon cœur; je n'écoute
<( plus qu/lavec dégoijt les rêves des sociétés 0^1
«je vis; leur joie momentanée méfait pitié,
« parce qu'elle est toujours suivie de nouveaux
« revers qui les replongent dans une douleur
«plus profonde; ils n'aiment à s'abreuver que
« de mensonges; ils ont pour la vérité, la même
« aversion que les Hydropliobes ont pour
« l'eau. » ( De la Croix. )
Hyperboliser. Je n'ai aucune nouvelle de
vous ni de notre empire; j'aurais bien dit notre
royaume, mais ici, tout s'Hyperbolise. (T?\7d. de
Slern. )
Hypothéquer. « Les hommes se donnent à
«louage; leurs facultés ne sont pas pour eux,
« elles sont pour ceux à qui ils s'asservissent ;
« leurs locataires sont chez eux , ce ne sont pas
« eux; cette humeur commune ne me plaist
« pas : il faut mesnager la liberté de notre ame
55i II Y P
« et ne l'Hypothéquer qu'aux occasions justes,
«lesquelles sont en bien petit nombre, si nous
«jugeons sainement.» (^Montaigne.)
Hypothéser. Supposer une cliose possible ou
impossible, et en déduire une conséquence. Com-
ment Copernic et Newton ont-ils pu Hypothéser
d'une manière aussi absurde, et après le bon sens
de toute l'antiquité? I^a fureur d'Hypothéser ap-
partient aux charlatans hardis, paresseux, et
qui, au lieu d'étudier pas à pas la nature, la
chargent audacieusement de leurs propres er-
reurs.
FIN U U T O M K PREMIER.
BIND!:;i _ SEP 2 8 1970
PC I-fercier, Louis Sebastien
2Ô25 Néologie
t.l
PLEASE DO NOT REMOVE
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