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Full text of "Néologie; ou, Vocabulaire de mots nouveaux, a renouveler, ou pris dans des acceptions nouvelles"

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NÉOLOGIE. 


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NÉOLOGIE^ 


o  u 


VOCABULAIRE 

DE   MOTS   NOUVEAUX, 

A     R  E  N  O  U  V  E  I-  E  K  ,      fi  U     PRIS     DANS      DES 
ACCEPTIONS    nouvelles; 

ÏJ^n    L^  S.'"'MER  CIER,    membre    de    l'Instllut 
national  de.  France.  .^ 


Ivotrc   langue   est    une   i;ueu3e  licrc  ;   il   lau'. 
lui  faire  l'aumône  mal^jré  elle. 

J' vit  aire. 


T  O  M  E     PREMIER, 


A      PARIS, 


Chfz 


/"  Mor  jiSAiiD  ,  libraire,  rue  IIcl  vélins,  n".  56o, 
I       \is-a-vis  celle  Villedol  ; 
\  !M  A  n  A  D  AK ,  li})rairc,  rue  Pavée-Saint-Andrc- 
^      dos-Arcs  ,   Il  .    iG. 


AN     IX.  —  j8ol 


Tous  les  articles  non  signés,  sont 
du   O""    Mercier. 


?C 

l  4 
J 


.•^ 


JLiORSQUE  l'Institut  national  forma  le  projet 
relatif  à   la   continuation  du  Dictionnaire 
de  la  Langue  Française ,  j'avais  déjà  fait 
le  mien,  celui  que  je  publie,  d'un  genre  absolu- 
ment nouveau,  et  le  plus  hardi,  je  pense,  de 
tous  ceux  que  l'on  a  vus  jusqu'à  ce  jour.  Cet 
ouvrage  appartenait  de  droit  à  l'indépendance 
absolue   de   mes  idées.  La  nation  entière  eu 
sera  le  juge,   mais  dans  le  temps;  je   prê- 
terai peu   l'oreille  à   la  génération  actuelle 
des    littérateurs ,    parce  qu'elle    n'est   pour 
moi  qu'un  parterre  qui  doit  se   renouveler 
demain.  L'homme   qui    pense  ou   qui   sent 
ses  forces ,  n'écrit  pas  pour  un  seul  parterre. 
Que  l'on  ne  m'appelle  point   un  nouveau 
Furetière  (i)  ,  je  suis  en  plein  accord  avec 

(i)  Les  démêlés  de  Furetière  avec  l'Académie  fran- 
çaise, au  sujet  de  son  Dictionnaire,  ont  produit  des 
mémoires  cXfoctums  très-cui'ieux  à  consulter  aujour- 
d'hui ;  car  rien  ne  prouve  mieux  que  les  hommes  de 
lettres  sont  des  triangles  qui  jettent  tout  leur  esprit  d'urt 
seul  côté.  11  y  a  presque  impossibilité  qu'un  bon  Dic- 
tionnaire soit  l'ouvrage  d'une  société  de  savans.  Fure- 
tière nous  peint  les  académiciens  de  ce  temps-là,  qui 
8'imaginaient  que  la  langue  leur  appartenait,  comme 
la  barberie  exclusive  appartenait  alors  aux  maître* 


(  ']  ) 

mes  collègues,  et  il  règne  entre  nous  uile 
affection  réciproque  ;  aucun  procès  ne  s'é- 
lèvera, pour  le  divertissement  du  public 
malin.  Je  dirai  seulement  que  tous  mes  collè- 
gues savent  que  j'aime  à  finir  ce  que  j'ai 
commencé,  à  faire  vite;  sur-tout,  que  j'aime 
à  faire  seul;  et  pour  qu'un  ouvrage  ait  une 
physionomie,  il  faut  qu'il  soit  empreint  d'une 
volonté  une  et  despotique. 


barbiei's  j  il  parle  d'un  certain  Balesdent  (  l'abbé 
Morellet  de  la  bande  )  ,  assis  au  milieu  des  Cotin  , 
des  Caasagiie ,  des  Daucourt ,  lequel  soutenait  obsti- 
nément que  langue ,  grammaire  ^  rhétorique  ,  poétique 
étaient  des  propriétés  académiques  inséparables  du 
fauteuil ,  des  jetons  et  du  tapis  vert.  Balesdent  est 
ressuscité  ;  il  écrit  sous  un  autre  nom  ,  qui  ira  d» 
même  à  la  postérité  poiu*  la  réjouir. 

Furetière  se  moque  amplement  du  phénix  des  Dic- 
tionnaires,  qui  veut  être  seul  en  son  espèce,  et  n'avoir 
point  de  pareil.  Il  y  a  apparence,  dit-il ,  que  le  phénix- 
oiseau  et  le  phé nix -dictionnaire  seront  également  in- 
visibles. Il  remarque  un  intervalle  de  trente-trois  aiis. 
entre  la  facture  de  l'I  et  celle  de  l'Mj  et  voici  pour- 
quoi, ajoute-t-il  :  «  Quand  un  bureau  est  composé  de 
cinq  à  six  personnes ,  il  y  en  a  lui  qui  lit ,  un  qui 
opine,  deux  qui  causent,  un  qui  dort  ou  qui  s'amuse 
à  lire  quelques  papiers  qui  sont  sur  la  table;  il  ne  se 
passe  point  deux  lignes  ,  qu'on  ne  fasse  de  longues 


Je  pense  qu'un  Dictionnaire  quelconque 
ne  pourra  être  bien  fait  que  par  un  seul 
homme.  Il  s'élève  tant  d'opinions  contraires  , 
tant  de  discussions  oiseuses,  tant  de  diffi- 
cultés stériles,  tant  d'idées  divergentes,  qu'il 
faut  une  tête  altiére  qui  ordonne  à  la  plume 
de  trancher  court  et  net. 

II  j  a  une  foule  de  Dictionnaires  qui  ont 
chacun  leur  utilité  particulière. Qu'un  écri- 


digressions  ,  que  cbacuu  ne  débite  un  conte  plaisant 
ou  quelques  nouvelles ,  qu'on  ne  parle  des  affaires 
d'état  et  de  réformer  le  gouvernement.  Quand  on 
veut  faire  une  définition  ,  on  consulte  tous  les  Dic- 
tionnaires qui  sont  sur  le  bureau  ;  on  prend  celle  qui 
paraît  la  meilleure  ;  on  la  copie  mot  à  mot  dans  le 
cabier,  et  alors  elle  est  sacrée,  et  personne  n'y  oserait 
plus  toucber,  en  vertu  de  la  clause  de  leur  prétendu 
privilège.  » 

Le  Dictionnaire  de  P Académie  fut,  dans  l'origine, 
le  dictionnaire  des  halles  :  ce  n'est  pas  cela  que  je 
lui  rcprocbe  ;  mais  d'avoir  redouté  ,  après  l'adoption 
de  tant  de  termes  communs,  celle  d'expressions  nobles 
et  relevées  qui  auraient  tiré  le  langage  de  sa  hon- 
teuse servitude. 

Balesdent,  académicien!  prononçant  sur  les  délica- 
tesses de  la  langue  ;  réclamant  la  propriété  exclusive 
du  Dictionnaire  !  qu'en  dites-vous,  abbé  Morellet? 
il  y  a  métempsycose. 

a  îj 


Vain  s'environne  de  tous  les  matériaux ,  dô 
toutes  les  lumières,  soit;  mais  qu'il  ose  en- 
suite donner  sa  loi  ou  le  projet  de  loi,  car 
il  faut  oser  en  ce  genre;  qu'il  décide  ce 
qui  paraît  être  incertain ,  il  fera  bien  plus 
alors  que  tous  les  circonspects  dits  sages. 
La  langue  est  l'instrument  qui  doit  obéir; 
l'instrumentj certes,  m'appartient,  et  dès  que 
je  suis  entendu,  me  voilà  justifié. 

J'ai  osé  ,  car  je  ne  suis  pas  de  la  classe  de 
ces  littérateurs  hardis  à  être  timides,  amou- 
reux de  leurs  fers,  roulant  dans  la  vieille  or- 
nière, et  préjugistes  obstinés  ;  j'ai  osé,  bravant 
devaineset  passagères  clameurs,  envisageant 
la  langue  telle  qu'on  l'a  parlée  ,  telle  qu'on 
la  parlera  sans  doute  un  jour,  ou  telle  enfin 
qu'on  devrait  la  parler;  j^ai  osé,  dis-je,  cer- 
tain de  son  prochain  et  long  triomphe,  dé- 
ployer sur  ses  plus  hautes  tours  l'oriflamme 
de  la  Néologie. 

Plus  les  têtes  s'^assemhlent ,  plus  elles  se 
rétrécissent.  Heureux  qui  dans  son  travail 
est  libre  et  despote  !  il  ne  sera  vaincu  ni 
par  l'ennui,  ni  par  certains  égards,  ni  par 
ces  divagations  le  supplice  de  la  pensée:  il 
sentira  vivement,  il  abrégera  tout;  il  ne 
sera  pas  du  moins  un  demi-siècle  à  tâtonner 


(V) 
des  mots;  il  ne  dira  que  ces  paroles  :  Yadopte,^ 
]G  rejette,  car  telle  est  ma  volonté. 

Puisquevos  règles  ont  fait  tant  d'avortons, 
tant  d'hommes  médiocres ,  que  craignez- 
vous ,  lorsque  vous  supprimerez  vos  règles? 
elles  sont  la  plupart  si  arbitraires  !  elles  ont 
pour  unique  fondement  Timagination  la  plus 
capricieuse.  En  voulant  sjmétriser  nos  créa- 
tions hardies ,  c'est  la  source  de  toutes  nos 
lumières  qu'elles  essaient  de  tarir. 

On  parle  de  l'importance  d'un  bon  Dic-^ 
tionnaire  :  la  première  chose  serait  de  ne  pas 
le  confier  à  une  race  dVtouIIcurs  qui  se  met- 
tentà  genoux  devant  quatreou  cinq  hommes 
du  siècle  de  Louis  Xi\'^  (i),  pour  se  dispenser,, 
je  crois,  de  connaître  et  d'étudier  tous  les 
autres,  et  qui,  criblés  des  plus  misérables 
préjugés  ,  fermant  le  petit  tei..ple  de  leur 
idolatrique  admiration  ,  ne  savent  pas  qu'il 
n'y  a  point  de  perfection  fixe  dans  led 
langues» 

Les  plus  belles  langues  qui  aient  été  con- 
nues dans  le  monde  ,  c'est  d'abord  le  hasard 

(l)  Il  serait  facile  de  prouver  qu'il  y  avait  pins  de 
génie  eu  France  dans  le  seizième  siècle,  que  du  teriip^ 
(Va  Loiiis-le-Grand  ;  mais  dites  à  nos  beaux  esprit* 
4o  lije  4iv  vieux  gaulois  ! 

a  iii 


(vj) 
qui  les  a  produites,  -et  Part  ensuite  qui  les  a 
perfectionnées.  Quelque  parfaite  que  soit  une 
langue,  elle  n'apas  cVàutre origine  que  la  plus 
barbare.  Elle  ne  diffère  que  par  l'abondance 
des  mots ,  la  variété  des  tours  et  la  netteté 
de  Pexpression.  Le  Français  qu'on  parlera 
dans  deux  cents  ans,  sera  peut-être  plus  diffé- 
rent de  celui  qu'on  parle  aujourd'hui ,  qu'il 
ne  l'est  de  celui  qu'on  parlait  il  y  a  deux" 
cents  ans.  Point  de  langue  si  barbare  qui 
ne  puisse  acquérir  la  perfection  de  la  lan- 
gue grecque  oulatine;  il  ne  faut  que  le  temps, 
le  nombre  et  le  génie  des  hommes  qui  la  par- 
leront,  qui  récriront,  et  qui  s'appliqueront 
sur-tout  à  la  perfectionner. 

Plus  d'un  peuple  a  trouvé  par  lui-même 
l'invention  de  l'écriture  par  des  signes  et  ca- 
ractères dont  on  ne  s'était  jamais  avisé  avant 
lui.  C'est  ainsi  que  tout  peuple  à  naître  se 
fera  une  langue  qui  n'a  jamais  été,  et  qui  ne 
laissera  pas  que  d'exprimer  d'une  manière 
nouvelle  ,  les  mêmes  choses  que  nous. 

Quand  j'intitule  cet  ouvrage  Néologie, 
qu'on  ne  l'appelle  donc  pas Diclionnaire  Néo- 
logique (i)  !  Néologie  se  ij^ïenà  toujours  en 

(i  )  L'abbé  Desfontaiiies  a  publié  ,  sons  ce  liîrc  , 


(vij  ) 

bonne  part,  et  Néologisme  en  mauvaise;  il 
y  a  entre  ces  deux  mots  ,  la  même  différence 
qu'entre  religion  et  fanatisme,  philosophie  et 
philosophisme.  Tous  les  mots  que  j'ai  ressus- 
cites ,  appartiennent  au  génie  de  la  langue 
française  ,  ou  par  étymologie  ,  ou  par  ana- 
logie; ces  mots  viennent  de  boutures^  et  sont 
sortis  de  Parbre  ou  de  la  foret,  pour  former 
autour  d'elle  des  tiges  nouvelles ,  mais  res- 
semblantes; ainsi  je  me  fais  gloire  d'être 
JS Cologne  et  non  ISéologlste  :  c'est  ici  que 
l'on  a  besoin,  plus  qu'ailleurs  ,  de  nuances 
assez  fortes  ,  si  l'on  ne  veut  pas  être  injuste. 
Au  reste  ,  les  ennemis  injustes  font  du  bien, 
disait  Montesquieu. 

Il  en  est  d'une  langue  comme  d'un  fleuve 
que  rien  n'arrête,  qui  s'accroît  dans  sou  cours, 
etqui  devient  plus  large  et  plus  majestueux, 
à  mesure  qu'il  s'éloigne  de  sa  source.  Mais 
plus  un  despotisme  est  ridicule ,  plus  il  af- 
fecte de  la  gravité  et  de  la  sagesse.  Et  qui  ne 


une  critique  de  la  Néologie  de  son  temps.  Qu'est-il 
arrivé?  c'est  que  la  presque-totalité  des  expressions 
qu'il  a  blâmées ,  se  sont  naturalisées  parmi  nous.  Il 
semble  avoir  donné  le  signal  de  leur  adoption,  en 
croyant  déterminer  leur  réprobation  éternelle.  Exem- 
ple insigne  de  la  gaucherie  de  nos  feuillistes  ! 

a   iif 


(  vii]  ) 
rirait  d'un  tribunal  qui  vous  dit:  je  vais  fixer- 
la  langue.     Arrête,  imprudent!   tu   vas  I4 
clouer,  la  crucifier. 

Ces  petits  magistraux  ne  connaissent  ni 
les  desseins  de  la  nature,  ni  les  destinées  de 
Vh  omme  ,  car  c'est  à  lui  de  créer  la  parole  , 
et  la  parole  envahit  tous  les  mots  ;  elle  com- 
posera un  jour  la  langue  universelle  :  la  pa- 
role, enfin,  ne  dépend  que  d'elle-même  (i). 


(1)  Revêtu  du  sacerdoce  litléi'aii'c  ,  et  même  cos- 
tumé, je  puis  faire  Veau  lustrale  ,  la  distribuer  à  long» 
jets,  pontifier  comme  vm  avitre,  et  sacramenter  des 
inots  :  j'userai  de  mon  droit,  et  ne  serai  point  sacri- 
lège. J'aurai  ïnçxne  pour  cet  office  solemnel,  des  évêques 
sufFragans,  diacre,  arcLidiacre ,  acolyte;  ainsi  rien  ne 
manquera  à  la  consécration;  et  si  l'on  dit  qu'elle  n'est 
pas  bonne  ,  eïi  bien!  je  pontifierai  toujours  dans  mou 
église,  dont  j'élargirai  peu  à  peu  les  murailles;  et, 
priant  pour  ceux  qui  me  damnent  ,  j'en  appellerai 
au  J'utur  concile^ 

Balesdent-Moreliet ,  ou  Morlaix ,  ou  Morlet  (  car. 
on  ne  sait  pas  encore  comment  s'écrit  au  juste  le  nom 
de  cet  illustre  auteur  ) ,  a  prétendu  qu'il  n'y  avait  que 
lui  et  les  siens  pour  faire  un  Dictionnaire  de  la  lanpie. 
Je  veux  venger  ici  V Institut  national  qu'il  a  outragé. 
Je  dirai  que  Morellet-Balesdent  avait  entrepris ,  à  ma 
connaissance  ,  un  Dictionnaire  du  Commerce  ,  qui 
fut  si  loug-temps  annoncé,  prôné;  payé;  sans  jamais^ 


(  ix  ) 

L'entendement  produit  le  signe,  et  le  signe , 
réagit  sur  l'entendejncnt;rien  n'est  plus  vrai: 
Bacon  et  Leibnitz  nous  Tont  dit.  Vous  voulez 
donc  beaucoup  de  signes  ,  diiez-vous  ;  oui. 
—  Mais  vous  allez  dégénérer  en  licence, 
vous  allez  apporter  la  confusion.  —  Ce  n'est 

paraître ,  qu'on  lui  décocha  cette  épigraminc  bien 
méritée  ,  qu'il  rjc  pesait  pas  le  Dictionnaire  du 
Commerce  ,  mais  le  commerce  du  Dictionnaire.  \\ 
aimerait  à  recommencer  le  jeu-,  inde  irce.  Oh!  c'était 
le  bon  temps  que  celui  où  l'on  fesail  des  panégyriques 
et  harangues  à  la  louange  du  roi  !  ce  qui  valait  tantôt 
un  bénéfice,  tantôt  une  abbaye,  quelquefois  un  évè- 
ché.  Morcllet  le  regrette  beaucoup,  ce  temps-là.  Morcllct 
ci-devant  docteur  de  Sorbonnc  î  on  ne  le  dirait  pa:i 
à  ses  brochures  ,  à  ses  traductions  de  romans.  Il  n'a 
jamais  écrit  lUie  page  de  son  métier  de  prêtre.  Lallc- 
mand  ,  son  prédécesseur ,  avait  gagné  qiielqu'argent 
au  métier  de  Morcllet  ;  aussi  avons-nous  de  lui  un 
beau  et  long  discours  sur  rutilite'  de  VAcadémie 
Jrançaise. 

O  fauteuil  !  ù  lit  oiseux  où  Morcllct  se  pavanait 
en  immortel!  Que  la J'oudre  écrase  l'Institut  1  Doux 
prêtre,  point  d'imprécations! 

Tel  académicien  avait  à  la  lettre  le  traitement  d'un 
piarcchal  de  France;  et  ces  Chapelains  défroqués 
s'écrient,  comme  l'auteur  de  la  Vieille  Pue  elle  ,  le 
znieujc  rente  des  heaux  esprits  :  O  rage  !  ô  désespoiri 
Ç  perruque  ma  mie!  n^ai^Je.  donc  tant  çé eu?. 


point  là  mon  dessein;  au  contraire,  je  veux 
soulager  votre  pensée  ,  je  veux  lui  donner 
les  moyens  de  se  rendre  plus  nette  et  plus 
visible  ;  je  veux  imprimer  à  notre  langue 
plus  de  grâce  ,  plus  de  fécondité ,  d'éner- 
gie ,  de  simplicité  ,  sans  violer  ses  lois 
fondamentales  ;  libre  à  vous  de  choisir  ;  mais 
songez  que  la  liberté  en  ce  genre,  quoique 
poussée  un  peu  loin ,  est  cent  fois  moins 
dangereuse  que  la  gène  et  que  la  contrain- 
te (i).  La  langue  grecque  substantifie  le  verbe 
à  volonté  ;  j'ai  usé  quelquefois  du  même  droit 
dans  ce  Vocabulaire  y  et  pourquoi  serois-je 
coupable  ? 

L'ame  cherche  toujours  des  choses  nou- 
velles,  et  ne  se  repose  jamais  (dit  Montes- 
quieu); ainsi  on  sera  toujoprs  sûr  déplaire 
à  l'ame,  lorsqu'on  lui  fera  voir  beaucoup 
de  choses  ,  ou  plus  qu'elle  n'avait  espéré  d'eu 


(i)  Charles  Pougens^  nous  a  donné  nn  Vocabulaire 
de  nouçeaux  prh'atijsjra?içais^  qui  ne  forment  qu'une 
très-pelite  brandie  de  la  Néologie.  Il  est  du  nombre 
de  ces  littérateurs  qui  osent  affranchir  la  langue  de 
ses  servitudes  ,  et  qui  sont  en  état  de  nous  donner 
nu  ouvrage  très-utile  ,  et  qui  satisfasse  à  la  fois  le 
savant ,  l'orateur  et  le  poète. 


(xj) 
voir.  Le  mot  est  le  corps  de  l'idée  simple  ; 
toute  articulation  qui  ne  donne  pas  une 
idée  simple ,  n'est  pas  un  mot.  Multipliez 
les  mots  qui  portent  avec  eux  l'idée  simple  ; 
la  phrase,  qui  est  le  corps  de  l'idée  composée, 
sera  plus  riche  et  plus  facile  :  c'est  la  pres- 
sion subite  de  l'esprit  sur  l'idée  simple 
qui  produit  la  pensée,  et  la  pensée  n'étant 
qu'un  aperçu  du  premier  principe,  s'étend 
avec  la  parole  ou  avec  l'écriture  dans  toutes, 
les  différences  infinies  d'exprimer  une  vé- 
rité. Les  langues  pauvres  s'opposent  donc  à 
la  pensée. 

Ecoutez  ces  hommes  à  imagination  pitto- 
resque y  dont  le  discours  est  un  tableau, 
qui  amuse  ,  ou  une  peinture  qui  échauffe  ; 
lis  éprouvent  des  sensations  étrangères  à 
l'auditeur  ,  et  créent  leurs  mots.  Les  phrases 
ou  les  circonlocutions  promettent  beaucoup, 
et  donnent  peu  ;  mais  un  mot  neuf  vous 
réveille  plus  que  des  sons  ,  et  fait  vibrer  chez 
vous  la  fibre  inconnue.  Ainsi,  quand  une 
idée  pourra  être  exprimée  par  un  mot,  nu 
sonfî'rez  jamais  qu'elle  le  soit  par  une 
})  liras  e. 

Il  n'y  a  personne  qui  ne  soit  charmé  de 
vouloir  se  rendre  raison  à  lui-même  du  plaisir 


(xi)) 

que  lui  donne  une  expression  qui  le  frappe  , 
un  tour  original ,  un  trait  inattendu  ;  notre 
imagination  aime  qu'on  lui  parle  d'une  ma^ 
nière  neuve  ,  parce  qu'elle  est  douée  elle- 
même  d'une  grande  vivacité  pour  tout  co 
qui  porte  ce  caractère.  Or  on  peut  êtrç 
audacieux  dans  l'expression,  tout  en  révérant 
la  langue.  La  Néologie  peut  se  marier  à  la 
plus  grande  clarté.  Vous  ne  pouvez  m'em." 
pécher  de  sentir;  pourquoi  voulez-vous  m'em* 
pêcher  de  m'exprimer  ?  Quand  vous  aurez? 
senti  dans  votre  ame  toutes  les  délices  que 
la  méditation  y  verse ,  vous  aurez  alors  queK 
qu'idée  de  la  langue  neuve  et  rapide  qui 
peut  -  être  est  encore  à  créer.  Laissez-moi 
libre  ;  mes  idées  ne  tariront  point. 

Nous  avons  trop  redouté  un  commerce 
étroit  avec  les  langues  étrangères  ;  notre 
langue  serait  devenue  plus  forte  ,  plus  har-r 
monieuse ,  si ,  à  l'exemple  de«  Anglais  et 
des  Allemands,  nous  eussions  su  nous  en- 
richir d'une  foule  de  mots  ,  qui  étaient 
à  notre  bienséance.  11  est  encore  indécis  si 
nous  n'avons  pas  perdu  à  ne  pas  adopter 
entièrement  la  langue  d'Amjot  et  de  Mon-? 
taigne.  La  langue  d'Amyot  et  de  Montaigne 
était   un  heureux  composé  du  grec  et  du 


(  ^"]  ) 

latin.  On  a  manqué  ,  selon  moi  ,  Tépoque 
d'une  grande  et  belle  fusion,  ce  que  je  dé- 
velopperai ailleurs. 

Tous  les  grands  écrivains  ont  été  Néo- 
logues  ,  et  je  puis  dire  qu'il  n'y  a  point 
d'écrivain  qui  ne  soit  tombé  plus  ou  moins 
dans  la  Néologie  :  miratur  orbis  se  esse 
ariamun,  (i)  L'instinct  lait  créer  des  mots 


(i)  Ze  bcsoinjait  les  mots ,  le  goCit  les  sanctionne  i 
tnais  ce  n'est  point  ce  goût  étroit,  futile  et  passager 
qui  rétrécit  tous  les  objets  ;  c'est  toujours  le  défaut 
d'imagination  et  l'absence  des  grandes  idées  qui  se 
servent  de  celle  expression  banale  pour  voiler  leur 
insuffisance.  Ce  mol  mystérieux,  jamais  défini,  est 
devenu  familier  à  des  hommes  sans  talent ,  cjui ,  n'osant 
décrier  tout-à-fait  cette  imagination  qui  agrandit  la 
nature,  toujours  méconnaissable  aux  examinateurs 
froids  et  rigides,  se  retranchent  dans  un  cercle  étroit, 
couimc  ces  animaux  timides  qui  gagnent  leurs  terriers 
dès  qu'ils  entendent  \\\\  son  inaccoutumé. 

Ces  prétendus  hommes  de  goût,  soumis  à  des  pré- 
jugés qui  sont  comme  une  seconde  ignorance  entée  sur 
ieur  ignorance  naturelle ,  savent-ils  que.les  fautes  d'un 
homme  de  génie  pourraient  devenir  les  qualités  de 
loi  académicien? 

Songeons  que  toutes  ces  magnifiques  expressions, 
aujourd'hui  admises  dans  notre  langue,  ont  été  mal 
Accueillies  d>ms  leur  origine  j  qu'il  y  a  drs  milliers  de 


qu'il  est  impossible  à  la  réflexion  de  ne  pas 
approuver.  Une  femme  aimable  passant  de- 
vant le  palais  abbatial  où  avaient  été  ren- 
fermés long-temps  son  père  ,  monté  à  l'écha- 
faud  ,  et  un  de  ses  amis  ,  bienfaiteur  de 
toute  sa  famille  ,  monté  aussi  à  l'échafaud , 
ses  yeux  se  remplirent  de  larmes,  et  toute 
émue,  elle  dit  à  la  personne  qui  l'accom- 
pagnait :  Je  ne  puis  sans  réitération  rei^oir 
les  lieux  qui  me  rappellent  des  souçenirs 
si  déchirans  et  si  chers.  Mettez  vénération  ^ 
ce  n'est  plus  le  même  sentiment. 

volumes  qui  blâment  le  langage  de  nos  grands  éci'i- 
vains,  et  que,  sans  le  mépris  dont  ils  ont  justement 
frappé  leurs  ineptes  adversaires ,  nous  serions  privés 
de  leurs  chefs-d'œuvre.  Constamment  Néologue  dans 
xaes  écrits ,  et  sur-tout  dans  mon  Tableau  de  Paris , 
j'ai  fait  lire  le  Tableau  de  Paris  à  toute  l'Europe  : 
c'est  que  je  sais  mieux  peut-être  que  tel  qui  se  dit  mon 
adversaire ,  ce  qui  doit  plaire  aux  hommes  de  tous 
les  temps  et  de  toias  les  lieux.  Mais  savez-vous  ce 
qui  rend  les  sots  incurables  ?  c'est  la  gravité  pédan- 
tesque  avec  laquelle  ils  traitent  des  matières  de  litté- 
rature ,  qui  soni  toutes  d'instinct ,  et  qui  ne  vont 
guère  au-delà  de  l'instinct.  Vous  ne  vous  en  doutez 
seulement  pas,  sermonneurs  au  Mercure  !  Or  dites-moi, 
"avec  vos  parallèles ,  qu'ai-je  de  commun  avec  le  pé- 
dagogue La  Harpe ,  ce  fakir  littéraire  qui  a  passé  sa 


(XV) 

J'ai  écarté  (  à  quelques  exceptions  près  ) 
les  mots  qui  tiennent  à  la  révolution  (  i  ) , 
ainsi  que  les  mots  techniques  des  sciences 
et  des  arts^  ils  ont  leur  Vocabulaire  à  part. 
J'aurais  pu  marquer  Pétymologie  des  mots 
rendus  au  jour,  leur  descendance  du  grec, 
et  il  ne  tenait   qu'à  moi  de  faire  Vérudit; 

vie  à  regarder  des  cirons  au  bout  de  son  nez?  Ce  petit 
juge  effronté  des  nations  ,  qui  ignore  la  langue  de 
Miifon  et  de  Shakespeare,  et  qui  ne  sait  pas  mème- 
la  sienne,  est -il  jamais  sorti  de  la  vanité  collégiale, 
de  la  prévention  ignorante  ou  de  la  pédanterie  aca- 
démique ?  Il  est  parfaitement  inconnu  chez  l'étran- 
ger. Copiste  éternel  !  c'est  ce  scholâti-e  cependant  qui 
juge  et  calomnie  tous  ses  confrères.  Il  a  remboursé 
la  haine  de  tous.  Mais  comme  je  suis  né  sans  fiel  , 
je  ne  lui  adresse  que  le  dédain,  disposé  à  l'éclairer  sur 
la  composition  originale  ,  s'il  consentait  à  l'être ,  ou 
plutôt  s'il  ne  lui  était  pas  interdit  à  jamais  de  com- 
prendi-e  une  idée  haute.  Je  ne  me  serais  pas  permis 
ce  ton  envers  lui ,  s'il  n'avait  pas  indécemment  atta- 
qué une  foule  de  gens  de  lettres  recommandables;  mais 
il  faut  remettre  à  sa  place  un  auteur  qui  n'est  au 
fond  qu'un  homme  de  collège ,  et  qui  s'arme  d'un« 
JeruJe  qu'on  peut  aisément   lui  arracher. 

(i)  La  plupart  de  ces  expressions  sont  fortes  et 
vigoureuses ,  elles  coiTcspondaient  à  des  idées  ter- 
ribles -,  la  plupart  sont  bizarres ,  elles  appartenaient 
à  la  tourmente  des  événemens  j  et  lorsque  les  venta 


(  »V]    J 

avec  une  êclielle  roulante  de  bibliothèque  ^ 
Un  mapque  de  verre  sur  le  visage,  un  bras 
de  louage  pour  déplacer  des  volumes  pou- 
dreux et  une  plume  de  copiste  au  bas  de 

sifflent ,  que  le  vaisseau  est  battu  par  une  liorrible 
tempête  ,  qu'il  touche  à  des  écueils  ,  l'on  ne  parle 
pas  comme  quand  le  zéphyr  règne  j  les  matelots  jurent , 
mais  ils  font  la  manoeuvre  qui  sauve.  Le  temps  n'est 
pas  encore  venu  de  bien  peindre  la  lutte  du  crime 
et  de  la  vertu,  qui  eut  lieu  dans  l'enceinte  de  celte 
fameuse  Convention  nationale  •  lutte  énergique  et 
longue.  L'idiome  fut  tout  aussi  neuf  que  la  position 
tle  la  France.  Les  victimes  et  les  bourreaux ,  tout  fut 
empreint  d'un  grand  caractère  j  le  courage  fut  égal. 
Quand  on  succombe  dans  cette  surabondance  de 
foi'ces ,  l'on  ne  sent  plus  le  ti'épas  ;  et  mourir  n'est 
ïien ,  quand  on  se  voit  ou  qu'on  se  croit  grand  sur 
l'écliafaud.  Gens  reposés,  ne  parlez  point  de  ces  temps 
orageux,  ou  transformez- vous  par  la  pensée,  en  ces 
grands  acteurs  qui  virent  tant  de  fois  la  mort  sous 
tant  de  formes ,  et  dont  rien  ne  lassa  la  constance 
et  la  fei'meté.  La  France  ne  fut  ni  vaincue,  ni  mor- 
celée ,  ni  avilie  ;  elle  s'ensanglanta  elle-même ,  pour 
échapper  à  toute  tyrannie.  Dans  cette  grande  assem- 
blée, le  patriotisme  y  fut  rage;  les  bourreaux  n'ont 
pas  méprisé  leurs  victimes,  et  toutes  les  victimes  tom- 
bèrent avec  ime  dignité  tranquille  ,  comme  se  don- 
nant elles-mêmes  en  sacrifice  à  leurs  propres  vertus^ 
Gens  reposés,  altendez  le  Tacite il  viendra. 

l'escalier;^ 


(  ^'^Ij  ) 

î'esccilier ,  l'on  devient  tel.  Je  n'ai  point  voiitii. 
de  celte  gloire;  j'  i  fait  m.nie  grâce  au 
lecteur  de  tout  1  appareil  du  graiTimairien  , 
n'ayant  pas  daigné  distinguer  le  substantifs 
Vadjectif  ^  la  nature  des  verbes  ,  etc.  d'au- 
tant plus  que  je  voulais  piquer  par-la  l'in- 
telligence du  lecteur,  et  lui  laisser  le  mérite 
de  créer  son  idée  ou  sa  sensation.  On  verra 
que  j'ai  dépensé  quelqu\-sprit  pour  bien  en- 
châsser tel  mot,  et  le  faire  sortir  net  et  pur, 
comme  un  diamant  bien  taillé  (i); 

Je  pourrais  ensuite  justifier  cet  ouvragé 
par  des  exemples  sans  nombre  ,  par  celui 
de  Cicéron  qui  se  plaisait  tant  à  broder  ,  à 
chamarrer  son  stjlc  par  des  expressions 
prises  du  grec  ;  je  pourrais  parler  de  tous  les 
écrivains  qui  ont  créé  une  foule  de  termes 
nouveaux  et  adopté  des  lociitionâ  étrangères  j 
je  pourrais  citer  les  i-ers  connus  d' Horace  y 
multa^  ctc;  mais  l'homme  pensant  ne  connaît 
point  d'autre  autorité  que  son  propre  génie; 
c'est  lui  qui  f  .it  la  parole,  et  la  langue  n'est 


(i)  Chacun  pourra  à  son  tour  modifier  le  mot  ci-éé ^ 
et  lui  imprimer  une  physionomie  toute  nouvel'e.  J'ai 
beaucoup  compté  sur  ce  genre  d'exercice  et  d'iiislruc- 
lion. 

h 


(  xviij  ) 

point  un  objet  de  conçention  ,  comme  lé 
disent  de  futiles  métaphysiciens  que  cette 
seule  proposition  pétrifiera. 

Quand  je  ne  ferais  que  contre-poids  à  la 
race  des  ttoutreurs  ,  j'aurais  bien  mérité  , 
je  crois  ,  de  ceux  qui  s'intéressent  à  la  gloire 
des  lettres.  Elle  dépend  d'une  sorte  de  har- 
diesse généreuse.  Les  altérations  successives 
que  subissent  les  termes,  ne  sont  rien  quand 
les  mots  forts  et  vigoureux  reviennent  repren- 
dre leur  empire.  Le  mot  radical  est  le  père 
et  le  souverain  qui  commande  en  maître, 
car  c'est  lui  qui  a  donné  une  existence  réelle 
et  physique  aux  êtres  intellectuels,  abstraits 
et  moraux;  quelle  ne  sera  pas  son  autorité 
quant  aux  objets  physiques  ] 

Ainsi,  avec  le  simple  mot ,  sans  syntaxe  et 
sans  grammaire  ,  vous  aurez  sous  les  yeux 
un  tableau  raccourci  et  fidèle  de  toutes  les 
images  de  la  nature  ,  vous  en  ferez  vous- 
même  la  liaison  ,  vous  en  ferez  la  réunion  , 
vous  inventerez  vous  -  même  le  style  ;  vous 
serez  grammairien ,  sans  le  savoir.  La  Néo- 
lo-^ie  s'attache  au  sens  absolu  ,  a  la  forme 
radicale  des  mots,  parce  que  les  mots  font 
la  matière  première  des  syntaxes.  Rudes  et 
sauvages,  ils  dominent  la  grammaire ,  car 


(   XIX   ) 

peindre  un  objet  en  noir ,  en  ronge  ,  en 
Verd ,  c'est  toujours  en  vouloir  tracer  et 
transmettre  Timage  :  la  phrase  viendra  en- 
suite ;  elle  vient  toujours ,  parce  que  la  na- 
ture ordonne  que  nous  allions  au  nicme 
but  par  des   moyens  didérens. 

Il  j  a  une  ibule  immense  de  langues  ré- 
pandues sur  toute  la  terre  ,  pourquoi ,  dans 
la  mienne  ,  n'aurais-je  pas  des  variétés  pro- 
digieuses qui  se  rattachent  au  mênie  centre? 
Laissez-moi  toutes  les  couleurs  et  toutes  les 
huauces  dont   je    veux   peindre  mes  idtes* 
ainsi   les  langages    hunjains  ,  malgré  la  di- 
versité du  climat  ,  des  mœurs  et  des  usages, 
tendent  à  se  fondre  dans  une  langue  qui  ne 
serait  pas  nouvelle,  mais  qui  serait  excessive- 
ment riche  et  hardie  La  langue  allemande 
s'approche    avec    majesté   de    cette  grande 
conquête;  et  nous,  qu'avoiis-nous  fait?  La 
nation  la  plus  fière  dans  les  combats,  est  la 
plus  molle  ,  la  plus  timide  dans  son  Voca- 
bulaire: voilà  l'ouvrage  de  dH'unte y^cadémie 
française!  (^iu'a fait  l'académicien i*  Il  n'a  vu 
l'édihce  immense  des  langages  humains  que 
d'après  ses  fantaisies  ;  il  a  eu   ses  amours  et 
ses  haines  pour  des  mots  ;  animosités  et  ten- 
dresses aveugles  !  ses  caprices   ont  été  des 

^  ij 


règles.  Quoi  !  îa  nature  n'a  mis  aucune  bai*- 
ricre  entre  ma  pensée  et  le  terme  dont  je 
yeux  la  colorer,  et  tu  prétends  gêner,  anéan- 
tir mon  expression!  Le  sauvage  est  plus  avancé 
tjue  toi  dans  l'o.dre  éternel  des  choses  ;  il 
appelle  l'écriture  ,  le  papier  qui  parle  ,  et 
toi ,  tu  ne  veux  pas  que  les  mots  parlent. 
Le  papier  qui  parle  !  Tu  seras  donc  aussi 
Join  de   l'idée  que   de  l'expression. 

Un  mot  neuf,  énergique,  bien  placé  ,  imite 
la  lampe  de  l'émailleur  ;  c'est  une  langue 
de  feu  qui  fond  tout,  et  à  qui  rien  ne  résiste. 
Pascal ,  Labrujère  et  Francklin  possédaient 
cette  langue  si  étrangère  à  nos  académiciens. 
On  poiwait  dire  autrefois  ,  les  Romains 
d*Ita]ie\  on  doit  dire  aujourd'hui  Jes  Italiens 
de  Rome  :  celui  qui  a  créé  cette  expression  , 
a  fait  un  livre. 

C'est  la  serpe,  instrument  de  dommages , 
c'est  le  ciseau  académique  qui  a  fait  tomber 
nos  antiques  richesses  ;  et  moi  ,  j'ai  dit  à 
tel  mot  enseveli  :  lève  -  toi  et  marche.  Ainsi 
que  l'homme  bon  est  encore  meilleur  que 
la  loi  bonne  ,  et  que  le  méchant  est  encore 
plus  mauvais  que  la  loi  mauvaise;  de  même 
rhomme  qui  veut  enrichir  sa  langue  ,  vaut 
mieux  à  lui   seul  pour    ce  grand   œuvre , 


que  toute  une  académie  à  règle  et  à  com- 
pas. Il  faudrait  plutôt  en  créer  une  de  per- 
luutation  et  de  combinaison  de  mots  nou- 
veaux et  de  phrases  nouvelles  ;  mais  le  génie 
en  ce  genre  n'a  point  de  compagnon. 

Les  mesurcsexistaient  dans  la  nature.avant 
les  rt'gles  cjui  nous  en  démontrent  les  propor- 
tions j  ainsi  la  langue  existe  dans  la  force  des 
mots,  avant  la  syntaxe  et  la  grammaire.  Il  n'y 
a  peut-être  qu'une  science ,  celle  de  la  per* 
turbation  des  mots  qui  les  renferme  toutes  , 
l'esprit  ne  dépendant  en  partie  que  d'un- 
recensement  perpétuel  d'expressions  ^  mais- 
comme  il  serait  impossible  d'avoir  un  dic- 
tionnaire oii  tous  les  mots  y  fussent,  et  tous 
les  adjectifs,  actifs,  passifs  et  participes  s'y 
trouvassent,  l'interprétation  des  mots  d'une 
manière  absolument  neuve, suppléera  à  notre 
indigence.  11  y  a  plusieurs  langues  dans  une 
seule  _,  pour  qui  sait  bien ,  en  tournant  tous 
les  mots  ,  les  faire  passer  dans  des  accep- 
tions diverses,  multipliées  ou  sans  cesse  mo- 
difiées. C'est  ainsi  qu'une  discipline  très- 
active  ,  imprimée  à  un  régiment^  double  et 
triple  le  nombre   des  soldats. 

Je  conçois  donc  une  langue  universelle^  celle 
qui  emprunterait  £/^5mo/5  à  toutes  les  langues- 

b  iij 


(  xxij  ) 
comiîies,  et  qui  les  assiijétiraifc  ensuite  à  sa 
syntaxe.  Tous. ces  mots  se  feraient  adopfer- 
dans  Je  besoin  ;  on  parlerait  un  peu  obscuré- 
ment d'abord,  j'en  conviens  ,  maispeu  à  peu 
on  naturaliserait  tous  ces  termes  étrangers; 
et  dans  le  besoin ,  il  vaut  mieux  parler  im- 
parfaitement, que  de  ne  point  parler,  ou 
que  de  parler  trop  tard. 

Ceux  qui  ont  un  peu  vécu  dans  le  monde, 
ii'ont-iis  pas  été  frappés  de  la  diflerence  d'une 
jeune  fille  élevée  sous  les  yeux  d'une  mère, 
raisonnable,  à  un  jeune  homme  qui  fait  ou 
qui  a  presque  fait  ce  qu'on  appelé  ses  étu- 
des? La  première  a  communément  un  main- 
tien aisé  ,  se  sert  de  mots  qui  peignent  avec 
précision,  et  non  de  phrases  vagues,  narre 
avec  clarté  ;  le  jeune  homme  abonde  en  cir- 
conlocntions,  se  sert  de  phrases,  de  péri- 
phrases,  et  non  des  mots  dont  je  parle.  C'est 
qne  les  femmes  ont  un  véritable  penchant  à 
la  Néologie;  et  voilà  pourquoi  elles  s'expli- 
quent sans  embarras  ,  oublient  quelquefois. 
les  liaisons  des  mots^  et  en  mettent  beau- 
conp  dans  les  faits,  connaissent  tout  ce  qui 
est  d'usage,  et  ajoutent  à  l'usage  avec  des 
grâces  naturelles. 
La  kingue  (dit-on)  était  pure  sous  la  pluïne 


(  xxiij  ) 
de  Buileau  et  de  Racine  ;  d'accord ,  mais 
toute  la  langue  est-elle  sous  leur  plume  ? 
Pourquoi  le  génie  de  la  nation  se  refuserait- 
il  à  des  expressions  énergiques  et  concises (jue 
ces  écrivains  auraient  eux-mêmes  employées  ? 
Qu'il  s'enhardisse  à  la  reprise  d'une  foule  de 
mots  chers  à  nos  ancêtres;  qu'il  fa<se  la  con- 
quête de  synonymes  très-nuancés  dans  leur 
difTérence  ;  qu'il  joui.^se  sur-tout  de  l'avan- 
tage inappréciable  de  mots  composés  qui 
resserrent  les  idéis  divagantes;  alors  il 
pourra  jouter  avec  les  langues  poétiques  de 
bes  voisins  (i). 

(i)  On  ne  perd  les  états  ijne  par  timidité ;_  il  ea 
esl  de  même  des  langues.  Je  veux;  étouffer  la  race  des 
étoufTfcurs;  je  me  sens  pour  cela  les  bras  d'IIerculc  : 
il  ne  faut  plus  qu'enlever  le  pédant  en  l'air,  et  le  sé- 
parer de  ce  qui  fait  sa  force.  Quand  Corneille  s'est  pré- 
s<Mité  à  l'Académie  avec  son  mot  invaincu ,  on  Ta  mis 
à  la  porte 5  mais  moi,  qui  suis  comment  on  doit  traiter 
la  sottise  et  la  pédanterie,  je  marche  avec  une  plia- 
lange  dv  trois  mille  mots,  infanterie,  cavalerie,  hus- 
sards; et  s'il  j--  a  beaucoup  de  morts  et  de  blessés  dans 
le  combat,  eh  bien!  j'ai  une  auta-e  armée  en  réserve 
je  marche  nne  seconde  fois,  car  je  brûle  de  culbuter 
tous  ces  corps  académiques  ,  qui  n'ont  servi  qu'à. 
ïétrécir  l'esprit  de  l'homme.  ,  ;    .  . 

Si  un  Vocabvxlaire  français  doit  avoir  quelque  teint-; 

h   iV 


(  x\iv  ) 
Elle  est  encore  a  naître  parmi  nous  ,  cette 

langue  poéh'cjîîc  si  désirée  ;  nons  n'avons. 
2ii  cnigrn  e  fila  tifs ,  ni  diminutifs.  Quel  a  été 
Tou.  rage  de  cette  compagaie  célèbre  ?  uu 
Vocabulaire  timide  qui  s  est  traîné  pendant 
cent  années  dans  la  faiblesse  et  dans  la  peur, 
qui  trahit  à  cnaque  pas  1  audace  de  la  pen- 
de gaîlé  ,  cetui-ci  n'en  manquera  point  ,  comme  ou 
"voit ,  c'est  qu'iV  n'y  a  qu'un  seul  moj^en  de  répondre 
au  p'dantisme  ,  se  moquer  de  lui  ,  lui  dire  à  voix 
hauie  :  Je  me  servirai  de  kl  mot,  précisément  parce 
que  lu  n'en  veux  pas;  et  quand  lu  snuligjîes  y  Uî 
m'a^rerlis  que  c'esl-là   la  bonne  expression. 

Il  n'y  a  rien  de  tel  qu'un  peuple  sans  Académie  ^ 
pour  avoir  une  langue  forte,  neuve,  hardie  et  grande. 
Je  suis  persuadé  de  cette  vérité  comme  de  ma  propre 
existence.  Ce  mot  n'est  pas  français  ,  et  moi  je  dia 
qu'il  est  français  ,  car  tu  m'as  compris  :  si  vous  ne 
Voulez  pas  de  mon  expi'ession ,  moi  je  ne  veux  pas 
de  la  vôlre.  Mais  le  peuple  qui  a  l'imagination  vive, 
et  qui  crée  tous  les  mots,  qui  n'écoute  point  ,  qui_ 
n'entend  point  ces  lamentalions  enfantines  sur  la  pré- 
lendtie  décadence  du  goût  ,  lamentations  aLsolument 
les  mêmes  de  temps  immémoiial,  le  peuple  bafoue 
les  régenlcnrs  de  la  langue,  el  l'enrichit  d'expressions 
pittoresques,  tandis  que  le  lainenlalcur  s'abandonne 
à  des  plainîes  que  le  vent  emporte.  J'en  appelle  donc 
au  peuple  ,  juge  souvei^ain  du  langage  ;  car  si  l'on 
içcoute  les  puristes  ;,  l'on  n'adoptera  aucun  mot^  l'on 

.i  .1  >^r) 


(    XXV    ) 

sèe  et  le  feu  du  sentiment.  Nos  voisins  pos-» 
salent  plusieurs  traductions  célèbres  des 
poètes  de  1  antiquité  et  qui  reproduisent  toutes 
leurs  beautés  originales;  et  nous  ,  nous  avons 
tellenuMir  {\,\t  les  difficiles,  que  nous  n'a- 
vons cpPiin  bégaiement  enfantin  ,  monotone, 
près  de  la  voix  forte,  sonore  et  musicale,,  qui 
se  ploie  auM  mètres  les  plus  dillicilcs  de  la 
Grèce  et  de  Piome.  On  entend  dans  plusieurs 


iri'X))loil(ra  aucune  mine  ,  l'on  sera  toujours  trem- 
blant, inccriain  ;  l'on  dcMnaudera  à  ti'ois  ou  quatre 
liomiues  s'ils  veulent  bien  nous  permettre  de  parler 
et  d'éerire  de  telle  ou  telle  manière,  et  quand  nous 
en  aurons  reçu  la  permission  ,  ils  voi\dront  encore 
présider  à  la  slruclure  de  nos  phrases  :  l'homme  serait 
enchaîné  dans  la  plus  glorieuse  fonction  qvii  constitue 
tui  èlre  pensant.- Loin  de  nous  cette  servitude  :  tOt 
hardiesse  dans  l'expression,  suppose  la  hardiesse  de  la 
pensée. 

Pourquoi  un  bègue  ne  balbutie -t-il  plus  en  lisant, 
en  déclamant  ou  en  chantant?  c'est  qu'il  commande, 
par  un  nouvel  efiFort ,  à  ses  nerfs  et  à  ses  fibres ,  et 
pour  quelque  chose  de  plus  grand  et  de  plus  neuf 
que  la  simple  parole.  Qu'un  de  nos  infortunés  rimeurs 
ose  adopter  nia  Néologie,  ou  même  la  surpasser,  je 
lui  réponds  de  quelques  succès.  11  faut  toujours  une 
secousse  plus  forte  pour  s'élever ,  quand  il  y  a  im- 
perfeclion  dans  le  jarret. 


(  xxvj  ) 
de  ces  langues  ,   la  marche  harmonieuse  des 
dactyles  et  des  spondées,  que  ne  remplace 
point  notre  lourd  hémistiche. 

La  plus  étonnante  des  traductions  est  celle 
de  Tacite,  par  Daçanzati-^  souvent  plus 
serré  que  l'original,  le  choix  de  ses  mots  ita- 
liens est  si  merveilleux,  qu''avec  moins  de 
signes  il  est  beaucoup  plus  clair  que  Panteur 
latin.  Cette  traduction  est  une  nouvelle  es- 
pèce de  commentaire  pins  court ,  moins 
obscur  que  le  texte.  Ceci  n'est  point  un  pa- 
radoxe, j'en  appelé  à  ceux  qui  ont  \u  Da- 
vanzati'^  mais  le  traducteur  doit  sa  concision, 
sa  force  et  son  énergie  à  une  Néologie  qu'il 
a  bien  fallu  lui  pardonner  ,  d'après  son  rare 
talent  (i). 

(i)  Point  d'art  ni  de  métier  qui  n'ait  une  foule  da 
mois  parliculieis  pour  ses  outils  et  pour  les  instru-» 
mens  de  son  travail  j  et  qui  songe  à  leur  disputer'  les 
ternies  dont  ils  se  servent  ?  Si  vous  examinez  bien 
ces  mots,  vous  y  trouverez  de  l'ingéniosité,  des  imita- 
tions de  la  nature  ,  des  rapports  très-subtils.  La  plupart 
des  Français-,  même  les  plus  instruits,  ne  coiniaissent 
pas  cette  foule  de  mots.  Le  pi'ocès-verbal  d'un  liiiissier- 
piiseur  dit  plus  de  choses  sur  nos  moeurs  que  la  dis- 
sertation d'un  moraliste.  C'est  le  chapitre  du  Tableau 
de  Paris  que  je  n'ai  pas  encore  sti  faire,  parce  qu'il 


(  xxvij  ) 
Je  croîs  avec  le  président  Desbrosses,  qu'il 
existe  une  langue  primitive  ,  organique, phy- 
sicjue  et  nécessaire,  commune  à  tout  le 
genre  humain,  qu'aucun  peuple  au  monde 
ne  connaît  ni  ne  pratique  dans  sa  première, 
simplicité,  que  tous  les  hommes  parlent 
néanmoins,  et  qui  fait  lepremier  fonds  du lan^ 

est  au-clcssiis  de  mes  forces.  F.imeinis  de  la  jSéoIogie  , 
allez  dans  les  ateliers,  et  laissez-moi  tranquille  dans 
le  mien.  N'ai-je  pas  le  privilège  que  se  donne  un 
manufacturier  dans  sa  manufacture  ? 

Je  n'ai  vu  dans  aucun  Dictionnaire,  le  mot  verti- 
çalité ,  qualité  ,  état  d'une  chose  placée  perpendicu- 
lairement à   riioijzon. 

Je  représenterai  à  V administration  ou  aux  aJmi-. 
Ziistratcurs  des  contributions  publiques ,  qu'il  faut  dire 
garnisonnaire  ,  et  non  garnisaire  ;  que  si  c'est  une 
faute  que  de  ne  point  payer  ses  contributions ,  c'en 
est  une  aussi  que  de  dire  garnisaire  ;  qu'elle  daigne 
prendre  mes  observations  pour  sa  gouverne  ,  et  qu'elle 
envoie  le  moins  possible  ses  garniso?inaires.  Or,  je 
tâclie  de  mettre  dans  toutes  mes  remontrances  de  la 
jovialité ,  parce  qu'avec  ce  ton  ,  aucun  esprit  n'est 
irramenable.  Si  j'emploie  ici  tous  ces  mots,  c'est  que 
je  les  ai  oubliés  dans  l'ordre  alphabétique  ;  et  comme 
je  suis  wn  auteur  consciencieux ,  et  non  iUibéral  ^ 
je  veux,  jusqiies  dans  la  dernière  ligne  de  cet  aimable 
ouvrage,  annoncer  que  je  ne  me  permettrai  point  le 
moindre  irtfanticide  littéraire.  Plus   d'enfaus  foison- 


(  XXX  ) 

vail  :  j'ai  greffé  sur  les  arbres  d'une  vaste 
ibret,  plusieurs  sauvageons ,.  si  Ton  veut, 
mais  je  me  suis  attaché  à  faire  manger  des 
fruits  nouveaux  ;  ceux  qui  ne  les  trouveront 
pas  bons,  les  rejetteront;  d'autres  leur  feront 
subir  une  sorte  de  coctibn  salutaire.  Il  ne 
s'agit  pas  ici  d'une  ordonnance  impéra- 
tive. 

Les  costumes  ,  parmi  nous,  tendent  à  tout 
uniformiser;  c'est  le  contraire  que  je  voudrais^ 
quant  au  style.  Je  désirerais  que  chacun  eût 
le  sien  ,  d'après  son  caractère.  Il  ne  serait 
pas  même  indigne  de  l'écrivain  moraliste  de 
descendre  à  l'examen  des  patois  ,  et,  atîentif 
aux  nuances  qui  les  distinguent,  de  leur  dé- 
rober des  expressions  enflammées  et  des  tours 
jiaïfs  qui  nous  manquent  ;  nous  avons  trop 
écarté. 

Qui  croirait  que  Ton  a  rangé  parmi  les  ex- 
pressions Néologiques,  les  mots  s  ouveraùie  lé ^ 
incendie^  insidieux  ,  féliciter ,  i/ivectii^er  ^ 
exactitude ,  remporter  la  i^ictoire,  à  présent, 
au  surplus  "i 

Racine  est  le  premier  qui  se  snit  servi  du 
mot  respectable.  On  ne  pouvait  pas  dire,  il 
y  a  (  ent  ans  ,  rentrer  dans  ses  foyers  ;  cela 
signifiait,  selon  les  critiques  ,  rentrer  dans  sa 


(  xîxi  ) 

cheminée .  On  avait  oublié  le  -pro  aris  et 
focis  des  an cieu s. 

Ouvrez  Masrillon;  il  appelle  un  homme 
qui  méprise  les  lois,  soit  divines,  soit  humai- 
nes, cordempteur  des  lois  :  il  fut  réori- 
mandé  dans  le  temps.  Quel  est,  dans  notre 
langue  et  dans  beaucoup  d'autres,  lesvnonvme 
de  ce  mot ,  dont  on  ne  peut  rendre  leseus  que 
^?a-  la  réunion  de  plusieurs  autres  ,  ce  qui 
blesse  ou  l'énergie,  eu  la  précision  du  style  ? 

AVst-il  pas  des  mots  que  le  préjugé  a 
rendu  ignobles,  et  que  de  grands  écrivains 
ont  eu  le  courage  de  rendre  à  la  langue  , 
même  dans  des  vers  pompeux,  covnvnci-'ache, 
bled  ,  chien  ,pavé  ?  Lafontaine  se  plaisait,  à 
placer  avec  grâce,  tel  mot  qui  vieillissait.  Tel 
mot  est  ancien  dans  le  sens  littéral,  qui  de- 
vient neuf  dans  le  sens  métaphorique,  et 
c'e«t  encore  là  une  source  de  richesses  que 
nous  ne   négligerons    point. 

Enfin  il  est  des  mots  anciens  qui,  pour  le 
sens,  ont  des  synonymes  qu'onleara  préférés 
s.ns  un  juste   motif  ,  i  ),   ->Ionraigne  disait 

(i)  Qu'est-^  que  la  posîérité?  XJu  public  qui  suc- 
cède à  un  autre.  Je  suis  doue  auloinsé  à  appeler  le 
public  d'à-prêscnt  ,  un  parterre. 

Ou  réfutait  vivement  une  opinion  de  M'**,  sur  un 


(  xxxij  ) 

tongiierîe\  nous  disons  longueur.  Il  semble 
que  le  mot  de  Montaigne,  par  sa  terminaison, 
où  se  trouve  nn  e  mnef  ,  qni  semble  pro- 
longé,  devrait  être  préléré  au  moi  longueur, 
dont  la  tcrminaisoa  sèche  semble  coupée 
tout-à-coijp. 

Il  y  a  deux  cents  ans  que  courtisane  et 
rihaude  étaient  parfaitement  svnonjmi.  s  ;  le 
caprice  a  couronné  le  premier,  et  jeté  l'autre 

ouvrage  qui  venait  de  paraître  ,  en  lui  disant  que  le 
public  en  jugeait  mal.  Le  public  !  le  public!  dit-il; 
combien  faut-il  de  sots  pour  faire  un  puiblic?  Il  est 
très-difficile  de  donner  vnie  délïuiîion  juste  et  précise 
des  mots  multitude  ,  peuple  ,  public.  Les  académi- 
ciens et  les  journalistes  ont,  à  cet  égard,  deux  poids 
et  deux  mesures.  Quand  un  ouvrage  de  leur  facture 
ou  de  leur  tripot  réussit,  ils  s'écrient  en  chorus  :  Vous 
voyez  bien  que  le  public  est  le  grand  juge!  quand 
il  tombe  ,  c'est  le  petit  nombre  qui  a  raison  et  qui 
a  du  goût. 

Qui  fut  toujours  loué?  c'est  le  froid  Sa'nt-Lambert, 
Qui,  des  quatre  saisous,  a  fait  un  long  hiver. 

Voici  le  soliloque  d'un  jouj-nalisfe  moderne ,  à 
insérer  dans  toutes  les  feuilles  périodiques. 

J'écris,  et  toujours  sans  succès; 
Hélas!    quel   sera   mon    refuge? 
Je  ,ne    sais   que    dix   mots    français! 
C'est  bon,  je  vais  me  faire  juge. 

dana 


(  xxxiij  ) 

dans  îa  boue.  Pourquoi?  on  dira  ,  c'esf  qnè 
courtisane  ebt  bien  la  femelle  de  courtisan^ 
pas  mal  dit. 

Autre  exemple.  Roué,  est  un  mot  non- 
Veçiu  introduit  dans  la  langue  ,  sous  la  ré- 
gence du  duc  d^Orléans.  Les  courtisans  de  ce 
prince  expliquaient  ce  mot  de  roué,  en  cour- 
ti.-ans,  geJis  qui  se  feraient  rouer  pour  lui. 
Le  prince  plus  heureux  dans  sou  explication, 
mais  un  peu  ingrat,  (a  dit  Chamfort)  pré- 
tendait que  ce  mot  voulait  dire  ,  gens  hoiis 
à  rouer. 

L'Académie  française  n'a  eu  garde  d'en- 
regi.strcr  cette  expression.  Les  roués  de  l'A- 
cadémie étaient  les  grands  protecteurs  des 
académiciens. 

On  ne  trouvera  dans  ce  Vocabulaire  au- 
cun mot  qui  puisse  réveiller  une  idée  libre  ; 
V  académie  française  a  mis  dans  son  Dic- 
tionnaire 3  trois  mots  étranges  ;  je  vais  les 
transcrire,  et  Ton  ne  sera  pas  peu  surpris. 
i^.  Dépuceler,  verbe  actif,  ôter  le  puce- 
lage ;  quelle  rédaction  ridicule  et  indé- 
cente î  2^^.  Dépucelé ,  participe  au  masculin. 
Bon  dieu  !  3°.  Pucelage  ,  substantif  mas- 
culin, Vétal  d'un  homme  qui  n''a  point  vu 
de  femmes  ,  et  d' une  femme  qui   n'^a  point 


(  xxxîv  ) 

connu  d)hommes.  Cette  définition  académî* 
que  n'est-elle  pas  vicieuse  sous  tous  les  rap- 
ports. 4°.  Puceau ,  garçon  qui  rCa  point 
connu  de  femmes  \  comme  cela  est  essen- 
tiel !  Enfin  la  pudeur  {  selon  l'Académie,  ) 
est  une  Iwnte  honnête .  P».acine  était-il  présent 
à  cette  rédaction,  ou  son  ombre  du  moins  ? 

JJAcadémie  a  cru  devoir  donner  l'en- 
trée aux  mots  Forniquer ,  Fornication  et 
même  Fornicateur ,  et  elle  en  répudie  de 
chastes  et  d'honnêtes  ;  enfin  je  lis  dans  ce  Dic- 
tionnaire, l'ouvrage  de  tant  d'abbés, /7'0Z^55^r 
une  femme  ^  pour  dire  ,  lui  lever  les  jupes^ 
et  si  vous  ne  m'en  croyez  pas ,  ouvrez  le  vo- 
lume ,  revu ,  corrigé  et  augmenté  par  l'A- 
cadémie elle-même  (  i  )  cinquième  édition. 

Cherchez-vous  Dimension ,  vous  Uon- 
\ç.xt,z étendue  des  corps  ;  cherchez-vous  éte/i" 
due  ,  vous  trouverez  dimension  d'une  chose. 

Voyez  Paon  ;  gros  oiseau  domestique,  il 
a  comme  une  espèce  de  petite  aigrette  sur 
la  tête,  et  les  plumes  de  sa  queue  sont  rem- 
plies de  marques  de  différentes  couleurs  en 
forme  d'yeux.  Quel  pinceau  suave  !  cent  ar- 
ticles sont  non   moins  ridicules  que  ceux-ci 

(i)  Moi^cllet  présent. 


(    XXXV   ) 

C'est  dommage,  en  vérité,  que  ce  corps  ne  soit 
plus;  il  prétait  tant  aux  plaisanteries  et  gaîtcs 
des  sages  et  des  gens  d'esprit  ! 

J'ai  pris  (  en  riant  )  ,  pour  point  de  départ 
ce  Dictionnaire  de  V académie  française  , 
afin  de  prouver  que  nous  avons,  tout  à  côté 
de  lui, une  série  nombreuse  d'expressions  pro- 
pres à  être  naturalisées  ;  et  si  j'ai  emplojé 
quelques  mots  qui  se  trouvent  dans  ce  même 
Dictionnaire,  je  leur  ai  imprimé  sur-le- 
champ  une  valeur  décuple  (i). 

(i)  Il  faut  que  l'écrivain  ait  son.  orgueil;  qu'il  se 
dise ,  ou  même  qu'il  ose  dire  :  Lecteur ,  qui  de  nous 
deux  doit  fléchir  le  genou?  ni  vous,  ni  moi.  Mais 
quel  est  l'homme  magnifique?  celui  qui  donne.  Je 
viens  vous  combler  de  toutes  mes  grâces  ;  je  vous 
apporte  toutes  mes  idées ,  le  fruit  d'une  vie  enlièi'e  de 
li'avaux  ;  et  vous,   que   me   donnez-vous  pour  cela? 

Quand  nous  avons  déjà  à  combalti^e  le  superbe  et 
dédaigneux  public  ,  il  est  fâcheux  que  la  gueri-e  se 
soit  élablie  entre  les  gens  de  lettres  :  s'ils  avaient  .su 
faire  le  faisceau,  ils  seraient  les  maîtres  du  monde  ; 
mais  la  guerre  existe  ;  il  n'y  a  que  le  lâche  qui  recule 
devant  un  adversaire  quelconque.  Les  ai-mes  dont 
nous  nous  servons ,  ne  font  point  couler  le  sang  ;  et 
quand  l'agresseur  est  blessé  jusqu'au  vif,  qu'il  est 
châtié  dans  son  impertinence,  le  cii  de  douleur  qu'il 
jette    satisfait   l'homme    de  bien,   parce  que   justice 

G   ij 


(  XXXV j    ) 

La  Néologie  débarrasse  la  langue  de  î^em^ 
ploi  perpétuel  de  ces  verbes  auxiliaires 
dont  la  physionomie  monotone  pèche  encore 
contre  le  laconisme,  et  alonge  le  style  en 
pure  perte, 

est  faite,  et  que  riinpiuiité  en  ce  genre,  ne  ferait  que 
doubler  l'insolence  clu  sot  et  du  mécliant.  Puisque 
la  paix  est  impossible ,  aiguisons  nos  armes  :  l'hypo- 
crisie est  le  plus  dangereux  des  vices  ;  ils  n'ont  pas  de 
quoi  guérir  leurs  blessures,  eux,  comme  je  puis  gué- 
air  les  miennes.  Il  est  inutile  d'être  bon  ,  modéré  au 
milieu  de  gens  cliez  lesquels  il  est  une  certaine  dose 
de  perversité  acquise ,  qui  paraît  mettre  le  comble 
à  leur  perversité  naturelle.  Les  médians  deviennent 
leur  propre  dupe ,  en  apprenant  aux  autres  à  les 
imiter  pour  leur  échapper  :  ils  seront  surpris  de  trou- 
ver enfin  quelque  habileté  dans  les  bons  qui  vont 
toujours  de  pied  fei'me  ;  car  le  mécliant  peut  donner 
des  chaînes,  s'il  est  puissant,  mais  il  ne  l'est  jamais 
assez  pour  rompre  les  siennes.  Sans  doute  on  pardon- 
îieraît  à  la  vanité  gi'ossière-,  mais  doit -on  pardonner 
Il  la  méchanceté  réfléchie  ? 

Il  est  donc  une  vengeance  légitime  que  le  philo- 
sophe peut  exercer  sans  haine  et  sans  orgueil,  uni- 
quement pour  remetire  l'équilibre  dans  la  république 
des  lettres.  Il  n'est  presque  point  de  méchant  qui 
n'ait  de  soi  une  idée  supérieure  ;  il  faut  lui  prouver 
que  sa  sottise  égale  au  moins  sa  méchanceté  ;  il  en 
sera  plus  humilié  alors,  que  d'être  convaincu  de  faus-» 
setéj   de  perfidie  et  de  scélératesse. 


(  xxxvij  ) 

Mais  c'était  n'avoir  rien  fait,  ou  du  moins 
bien  peu  de  chose ,  que  de  donner  le  mot 
dans  toute  sa  sécheresse;  je  l'ai  enveloppé  de 
phrases  qui  font  son  ornement  ;  de  manière 
qu'il  ne  paraisse  point  tout- à-fait  étranger, 
et  qu'on  daigne  lui  sourire  comme  à  un  Per- 
san qui  aurait  pris,  le  lendemain  de  son  arr 
rivée,  notre  costume  et  nos  mœurs.  Plusieurs, 
sans  doute,  retravailleront  les  mots  de  ce  Vo- 
cabulaire, s'appliqueront  à  les  mettre  en 
œuvre  d'une  manière  plus  précise  ,  plus  vive 
et  plus  brillante.  Eh;  bien,  je  jouirai  encore  de 
ma  défaite,  et  mon  vainqueur  sera  pour  moi 
un  Vainqueur  inhostile  ,  et  même  aimable. 

S'il  ne  se  formait  pas  une  seule  langue 
impératrice  pour  l'Europe  entière,  d'ici  à 
deux  ou  trois  siècles  ,  il  est  à  présumei: 
que  ,  vu  la  multiplication  des  langues  et  des 
connaissances  humaines  ,  les  impressions ,  les 
livres,  les  traductions  iront  toujours  en  crois- 
sant,  et  feront  masse,  au  point  qu'il  sera 
impossible  à  la  vie  d'un  homme  de  suffire 
aux  premières  études  nécessaires  pour  en-, 
trer  dans  le  sanctuaire  des  sciences;  et  d'a-^ 
près  ces  réliexions ,  serait-il  déraisonnable  dç 
dire  :  Ne  prenez  pas  une  langue  factice  ^ 
Européens,    projet  long,  difficile,  impr^- 

c  m 


(  xxxviij  ) 

ticable  ;  prenez  une  langue  parlée ,  mais 
enrichissez-la  de  tous  les  trésors  de  la  Néo- 
logie :  dtja  tous  les  peuples  chargent  da- 
vantage la  composition  du  nom  ,  quand  ils 
veulent  marquer  le  degré  superlatif  d'une 
chose;  un  seul  mot  est  quelquefois  devenu 
le  fondement  d'une  science  ;  la  parole  est 
la  peinture  par  excellence  ,  fécriture  n'est 
que  la  parole  fixée ,  l'écriture  n'a  presque 
point  de  bornes ,  et  si  je  veux  exprimer  un 
langage  pathétique  et  usité  (  même  parmi 
les  brutes  )  ,  ne  me  faudra-t-il  pas  des  signes 
ou  des  accens  nouveaux?  Et  comment  re- 
noncerions-nous ,  par  exemple,  aux  agrandi- 
tifs?  C'est  la  nature  elle-même  qui  nous  en 
fait  une  loi  et  qui  nous  indique  l'échelle 
des  expressions. 

Pour  prix  de  mes  intentions  libérales  et 
d'un  assez  long  travail  ,  Ton  me  prodiguera 
ces  injures  qui  m'ont  toujours  trouvé  calme 
et  indifiérent  :  je  serai  un  barbare ,  barbants 
hic  ego  sinn  ;  mais  il  y  a  vingt-cinq  ans 
que  j'ai  mis  sous  les  pieds ,  louanges  et  criti' 
ques ,  éloges  et  satires  y  non  par  orgueil  j, 
mais  pour  être  plus  libre  et  plus  indépen- 
dant dans  ma  manière  de  voir  et  d'écrire, 
ïl  est  donc  inutile  de  prévenir  le  lecteur  que 


(  XXX ix  ) 

j'ai  fait  ce  Vocabulaire  ,  d'abord  pourmoî, 
c'e,sf:-à-dire  que  ,  sous  tel  ou  tel  mot ,  j'ai 
laissé  courir  ma  plume  selon  la  libre  fan- 
taisie ou  l'inspiration  du  moment  ,  m'eni- 
barrassant  fort  peu  si  cela  entrait  ou  n'en* 
trait  pas  dans  la  composition  d'nn  ouvrage 
de  cette  espèce.  Or  ,  dans  tous  les  écrits 
que  j'ai  publiés  jusqu'à  ce  jour  ,  j'ai  toujours 
eu  soin  de  me  payer  d'avance  et  de  mes 
propres  mains,  afin  de  n'avoir  pas  ensuite 
à  crier  à  l'ingratitude.  Je  donne  ,  c'est 
au  public  à  recevoir,  je  le  dispense  de  tout© 
reconnaissance  ;  mais  qu'il  apprenne  une 
bonne  fois  de  ma  bouche  que  je  me  regarde 
comme  son  instituteur  ,  et  non  point  comme 
son  esclave. 

Dès  que  l'impression  fait  cclore  un    poète. 
Il  est  esclave  né  de  quiconque  l'acliète. 

Je  méprise  beaucoup  l'auteur  de  ces  vers-là, 
et  je  proteste  hautement  contre  leur  imper- 
tinence. 

C'était  une  langue  très-riche  que  celle  de 
nos  anciens  historiens  ,  orateurs  et  poètes, 
jusqu'au  dix-septième  siècle;  mais  l'amour 
subit ,  l'idolâtrie  aveugle  pour  quatre  à  cinq 
écrivains  plus  modernes  qui  ont  conquête 
le  gros  des  lecteurs ,  ont  comme  ordonné  la 

c  iv 


(xl) 
suppression  et  proscriptic^n  d'un  nombre  f  res- 
çonsidt  rable  de  mots  très-expressifs  et  très- 
énergic^ies  ,  qui  ne  sont  point  remplacés. 
Une  Fausse  délicates-e  y  un  caprice  ,  un 
engouement  vif  et  rapide  ont  été  cause  de 
ces  banni?semens.  Il  y  a  des  mots  qu^on  a, 
rejetés,  parce  que  les  poètes  comiques  s'en 
sont  servis   dans  un  sens   défavorable. 

-    Laurent,  serrez  ma  haire  avec  ma  discipline, 
Et  priez  que  toujours  le  ciel  vous  illumine  ! 

Voila  un  verbe  ridiculisé  ;  ô  suaçe  mer- 
veWe  du  même  poète  !  suave  et  suai^itç 
sont  mis   hors  de  la  langue. 

Bellement  y  belle,  proscrit,  et  pourquoi? 
Il  y  a  un  pro\  erbe  qui  dit  :  qui  a  faim  ne- 
■peut  manger  bellement  '^  expression  naïve^ 
dites  agréablement ,  vous  direz  mai. 

S'il  n'y  a  point  de  langue  agsez  féconde 
pnur  fournir  autant  de  mots  différens  que 
nous  avons  de  différentes  pensées  à  exprimer, 
l'on  ne  risque  donc  rien  d'avçir  une  palette 
riche  en  couleurs  ,  et  je  me  suis  mis  à  ar- 
ranger  la  palette.  Voilà  des  couleurs  toutes 
brojées  ,  mais  cVst  de  leur  mélange  heu- 
re? ix  que  l'écrivain  fera  sortir  son  tableau; 
çllis   doivent  paraître  crues  avant  d'avoir 


("1)  ) 

f té  emploj'ées  par  le  pinceau ,  riieureim 
pincL-au  qui  doit  les  délajer.  Je  laisse 
donc  au  peintre  le  soin  de  combiner  ces 
mots-couleurs  de  toutes  les  manières  pos- 
sibles. 

Ne  vwez  point  d'Imitation^  voilà  ce  que 
je  dis   et  redirai  sans  cesse. 

Ce  Vocabulaire  exige  à  sa  suite  un  traité 
sur  les  inversions  ;  je  m'en  occupe  sans 
relâche  j  l'on  verra  que  je  suis  infatigable 
dans  ma  carrière  littéraire  (i). 

A  proprement  parler  nous  n'avons  dans 
notre  langue,  ni  tourniues,  ni  constructions, 
ni  périodes.  Ces  trois  choses  supposent  né- 
cessairement le  pouvoir  et  la  liberté  de 
transporter  ,  d'arranger  les  mots  à  son  gré  , 
pour  rendre  la  diction  plus  harmonieuse  ou 
plus  pittoresque.  Les  anciens  comparaient 
la  phrase  périodique  ,  tantôt  à  un  bâtiment 
construit  en  voûte,  et  tantôt  aux  mouv^emens 
tortueux  d'un  fleuve  qui  serpente  ;  les  uns 
la  présentent  sous  l'image  de  ces  animaux 


(i)  J'ai  un  magnifique  projet  poui'  la  confection 
parfaite  d'ini  Dictionnaire  universel  de  la  Langue  , 
dans  l'espace  de  trois  années.  Je  le  mûris,  ce  pro- 
jet ;  pour  l'offrir  au  public  incessamment. 


(  xUv  ) 

Le  savant  Malezieux  disait  que  les  Fran- 
çais n'avaient  point  la  tête  épique  ;  il  aurait 
dû  dire  que  les  Français  n'ont  point  la  langue 
épique.  Notre  poésie  est  assujétie  à  un  joug 
monotone.  L^hémistiche  renfermé  dans  inie 
mesure  constante,  devient  assommant.  Cette 
langue  ,  si  belle  dans  la  prose  ,  perd  toute 
sa  liberté  sous  le  travail  du  versificateur. 
Il  est  impossible ,  lorsqu'on  connaît  la  ver* 
sification  latine  ,  italienne  et  anglaise,  de 
supporter  la  lecture  des  vers  français.  Dimi^ 
iiuer  le  nombre  des  versificateurs   (i) ,  c'est 

brave  le  bavardage  académique.  La  langue  est  à  celui 
qui  sait  la  faire  obéir  à  ses  idées.  Laissez  la  langue 
entre  les  mains  de  nos  J^euillistes  ,JbIliculaires ,  sou- 
ligneurs,  elle  deviendra  Tzi^rtut/e  comme  eux.  Donnez- 
vous  la  peine  d'orienter  la  carte  de  la  littérature, 
pour  en  désigner  le  midi  et  le  septentrion  ,  c'esi-à- 
dJre,  les  gens  de  lettres  d'un  côlé ,  qui  produisent 
des  ouvrages  ,  qui  creuserit  les  idées  ,  qui  vont  en 
avant,  et  do  l'autre,  les  jugcurs,  impuissans  à  créer, 
et  qui  sont  les  dignes  objets  de  la  risée  publique.  Que 
reste- 1- il  de  toute  la  scolastique  de  l'abbé  Desfon-: 
taines  jusqu'à  celle  de  nos  jours?  C'est  du  langaga 
sorbonique  littéraire,  rien  de  plus. 

(i)  Qui  n'aui^ait  pitié  de  tous  ces  jeunes  gens  per- 
dus,  abymés   dans  la  versillcalipu  française ,  et  qu^ 


s^intéresser   à   la  gloire    des    vrais    poètes. 
L'on  me  reprochera  peut-être  d'avoir  in- 
Tenté  les  mots  Lockistes ^  Lockiens\  je  m'y 
suis  attendu  et  je  \\'\  fait  à  des:ein. 


s'éloignent  d'autant  plus  de  la  poésie  !  Je  suis  venu 
pour  les  guérir  ,  pour  dessiller  leurs  yeux  ,  pour 
leur  donner  peut-être  une  langue  poétique  ;  elle  tien- 
dra au  développement  de  la  notre ,  d'après  son  mé- 
canisme et  ses  anomalies.  Médecin  curateur,  je  veux 
les  préserver  de  la  rimaille  française,  véritable  lia- 
bilude  émanée  d'un  siècle  sourd  et  barbare;  mono- 
tonie insoutenable,  enfantillage  honteux,  qui,  pour 
avoir  été  caressé  par  plusieurs  écrivains,  vl^w  est  pas 
moins  ridicule.  La  prose  est  à  nous  ;  sa  marche  est 
libre  5  il  n'appartient  qu'à  nous  de  lui  imprimer  un 
caractère  plus  vivant.  Les  prosateurs  sont  nos  vrais 
poètes  ;  qu'ils  osent ,  et  la  langue  prendra  des  accens 
tovit  nouveaux  :  les  mots ,  les  syllabes  mêmes  ne 
peuvent-ils  pas  se  placer  de  manière  que  leur  con- 
cours produise  l'eiiet  le  plus  inattendu?  Nos  construc- 
tions ne  sont  pas  aussi  rigides  qu'on  a  voulu  le  per- 
suader: je  le  prouverai  dans  le  Traité  que  j'annonce. 
Les  athlètes  ne  montraient  toutes  leurs  forces  que  lors- 
qu'ils paraissaient  presque  nus  dans  l'arène;  et  nous, 
jious  n'avons  pas  encore  osé  dévoiler  l'ossature  de 
notre  langue  :  c'est  notre  timidité  qui  fait  tout  l'or- 
gueil de  nos  Voisins. 

A  ce   mot   H.^ ossature  ,  tous  nos  A'crsiflcateurs  pâ- 
lissent ;  ils  le  comprenuent   fort  bien ,   ce  mot  ;   ils 


(  xîviij  ) 
idiolognes  qui  ont  anéanti  de  fait  Famé  de 
Phomnie  ,  et  qui  veulent  nous  traîner  de 
force  dans  l'obscure  caverne  de  leur  ter- 
minologie pour  y  fanfarer  leur  prétendue 
victoire.  Toutes  leurs  définitions  fausses  ou 
insignifiantes  ne  peuvent  que  nous  égarer. 
Reconnaissons  que  toutes  nos  facultés  sont 
indivisibles  ,  innées ,  libres  dans  leur  déve- 
loppement et  impérissables  de  leur  nature. 
Voilà  la  vérité  qui  repousse  au  loin  la  mau- 

j'aime  le  stjle'  (VAtala  '^ ,  parce  qile  j'aime  le  style 
qui  ,  indigné  des  obstacles  qu'il  l'encontre ,  élance , 
pour  les  franchir  ,  ses  plirases  audacieuses  ,  offre  à 
l'esprit  étonné  des  merveilles  nées  du  sein  même  des 
obstacles.  Allez  vous  endormir  près  des  lacs  tranquilles 
ou  des  eaux  stagnantes;  j'aime  tout  fleuve  majestueux 
qui  roule  ses  ondes  sur  les  rochers  inégaux  ,  qui  les 
précipite  par  torrens  de  perles  éclatantes,  qui  emplit 
mon  oreille  d'un  niugisseiliexit  harmonieux,  qui  frappe 
mon  oeil  d'une  tourmente  écumeuse^  et  qui  me  rap- 
pelle sans  cesse  près  de  ce  magnifique  spectacle  ,  tou-= 
jours  plus  enchanté  des  concordantes  convulsions  de 
la  nature.  Allumez- vous  au  milieu  de  novis,  volcans- 
des  arts  ! 

*  Koman  un  peu  imité  de  l'Homme  sauvage,  que  j'aî 
publié  il  y  a  long-temps  ,  mais  qui  porte  le  caractère  d'un 
écrivain  fait  pour  imposer  silence  à  la  tourbe  des  niais  cri-» 
titjues  dont  notre  spl  abonde> 

vaise 


(    5.1ix    ) 

Vaise  doctrine  de  Locke  et  de  Condillac, 
Les  idéologues  en  ont  fait  des  saints  ,  car 
il  leur  faut  des  saints  ;  or  c'est  bien  à  eux 
de  se  croire  au-djcssus  du  vulgaire.  Allez, 
messieurs  les  professeurs  ,  allez  vous  age- 
nouiller devant  la  poupée  de  Condillac  ; 
o'est-là  votre  Madone. 

Condillac    prétendait    expliquer  par  elle 
Tacquisition  des  idées;    il  ouvrait  un  sens, 
puis   un  second  ,   puis   un  troisième;  il  ou- 
bliait seulement  celui  qui   sert  de  liaison  à 
tous  ,  et  qui  les  remplace  quelquefois  ,  il  ou- 
bliait l'intuition  ,  parce  qu'il  ne  voulait  rien 
quinefîit  corde  matérielle.  Ah,  risiblestatue! 
tu  es  bien  la  digne  fille  du    phiiosophisme. 
Mais  nous  sommes  tous  métaphysiciens  , 
car  nous  sommes  tous  près  de  nous-mêmes, 
de  notre  aitue ,  de  notre  pensée  j  de  notre  in- 
telligence ;  nous  pouvons  tenter  des   décou- 
vertes sur  nous-mêmes ,  et  nous  n'avons  pas 
besoin  delà  logomachie  des  idéologistespour 
ouvrir  les  jeux  de  notre  esprit. 

Les  charmes  de  Fintelligence  seront  à  nous, 
dès  que  nous  voudrons  connaître  notre  di- 
gnité primitive  ;  il  j  a  une  métaphysique 
grande  et  simple  qui  étincelle  de  tous  les 
rayons  de  la  divinité. 

d 


(  1) 

Ces  réflexions  expliquent  le  but  de  cet 
ouvrage,  parce  que  le  tableau  de  toutes 
les  pensées  d'un  seul  homme  serait  le  tableau 
le  plus  grand,  le  plus  magnifique,  le  plus 
superbe  et  le  plus  neuf  que  l'on  puisse  ja- 
mais offrir  à  l'intérêt,  comme  à  la  curio- 
sité des  humains;  et  c'est  pour  le  posséder, ce 
tableau ,  que  j'ai  voulu  donner  à  l'esprit 
toutes  les  expressions  les  plus  variées,  le* 
plus  mobiles,  afin  que  reparaissant  toujours 
sous  une  forme  et  sous  des  couleurs  différen- 
tes ,  la  même  pensée  ne  fût  jamais  la  même. 
Quel  aperçu  ravissant  que  la  réunion  de 
toutes  les  pensées  d'un  seul  homme!  que  de 
variétés!  que  de  richesses  !  quel  champ  vaste 
ouvert  à  la  méditation!  Il  y  aurait  de  quoi 
frapper  d'étonnement  et  de  respect  le  plus 
savant  homme  du  monde.  Ce  serait  l'har- 
monieux ensemble  des  vérités  célestes;  ce 
serait  un  jourpur,unrajonlumineux  jeté  dans 
l'abyme  de  l'immensité  et  de  l'éternité, 
comme  de  l'infinie  grandeur  de  l'Etre  qui 
les  préside;  car  l'homme  ne  nous  est  incon- 
nu que  parce  que  sa  langue  est  très-impar- 
faite. 

Eh  bien!  tentons  d'en  établir  une  qui  soit 
d'une  richesse  sans  bornes ,  et  qui  déconcerte 


(!)  ) 
à  jamais  la  morgue  académique.  Ouvrons  à 
la  pensée,  dans  des  termes   tout  nouveaux, 
dans   (les  expressions  de   toute  espèce  ,  des 
points  de  vue   inépuisables  de  vérité   et  de 
finesi^e.  La  prévention  défavorable  ,  le  souffle 
empesté  de  l'esprit  moqueur  environnent  les 
meilleures  conceptions,  ainsi  que  les  meil- 
leures  actions  ,   d*un  brouillard   funeste  ;  les 
portes  de  l'erreur  sont  plus  larges  que  celles 
de  la  vérité.  Mais  le  projet  d'ouvrir  une  lan- 
gue à  toutes  les  pensées  des  hommes  se  dé- 
veloppera de  plus  en  plus  sous  la  plume  cou- 
rageuse de  ceux  qui  me  succéderont,  (^ui  sait 
si,  dans  l'atmosphère  de  l'esprit  humain  épuré 
et  de  la  réunion  de  mille  étincelles,  il  ne  se 
formera  pas  un  faisceau  de  lumière   inconnu 
à  toutes  les  nations  du  monde  ,   et  qu'un  Vo- 
cabulaire hardi  ne   soit  le  premier  gage  de 
cette  intéressante  promesse?  Une  grande  es- 
pérance  est  rarement  trompée,  quand  elle 
a  souri  à  l'esprit  de  Tbonlme  (i). 

(i)  C'est  un  grand  mol  dans  la  langue,  que  le  mot 
sympathie;  tout  homme  pourrait  se  juger  lui-même, 
si,  en  regardant  bien  au  fond  de  son  amc,  il  se  ren- 
dait compte  de  sa  sympathie.  Celui  qui ,  dans  un  rêve^ 
poignarde  son  semblable,  est  un  assassin;  qu'il  veille 
dès  ce  jour-là  sur  lui-même  ,  qu'il   se   craigne  et  qu'il 

d  ij 


(  'ij  ) 
Les  idiolognes(i)  ,  en  niant  le  souffle  di- 
vin ,   ou  en  le  soumettant  à  une   multitude 

s'amende.  Nous  avons  l'œil  intérieur  pour  nous  aper- 
cevoir ;  et  celui  qui  s'est  aperçu  bon,  réconcilié  avec 
l'existence ,  aura  une  physionomie ,  une  démarche  et 
un  style  qui  diront  à  tous  :  Cet  homme  n'est  pas  mé- 
chant", et  le  méchant  devinera  Je  premier  que  c'est- là 
un  homme  d'une  autre  trempe  que  la  sienne. 

L,e  sentiment  de  la  vertu  s'accroît  et  se  fortifie  par 
sa  propre  apercevance.  Il  ne  tient  qu'à  l'homme  de 
savoir  s'il  est  bon  ou  méchant  ;  qu'il  suive  sa  sympa- 
thie  ;  qu'il  l'analyse  avec  courage  :  s'il  a  cette  fermeté, 
s'il  ose  être  lui-même  son  juge  ,  il  n'aura  plus  qu'à 
prier  l'Etre  suprême  de  le  continuer  ou  de  le  changer. 

Il  n'y  a  sur  terre  que  des  hommes  bons  ou  des 
hommes  méchans;  point  de  milieu-,  on  appartient  à 
l'une  ou  à  l'auli-e  de  ces  classes.  On  peut  redevenir 
bon  après  avoir  été  criminel  j  mais  on  n'est  jamais  bon 
ni  méchant  a  demi.  L'action  morale,  en  son  origine, 
n'admet  point  de  nuances  ;  elle  ne  savirait  être  indiffé- 
rente. C'est  dans  un  des  deux  infinis  que  penche  la  ba- 
lance ;  la  plus  légère  inclinaison  détermine  le  bien  ou 
le  mal.  Le  balancier  est  en  nous  ;  la  conscience  et  le 
remords  nous  diront  toutes  ses  oscillations.  La  langue 
étant  le  véritable  organe  de  l'homme  intérieur  ,  il  y 
a  un  style  de  honte  que  l'on  aperçoit  facilement.  Tout 
style  obscur  est  un  style  de  méchanceté  ;  l'homme 
qui  l'emploie,  veut  tromper. 

(t)  Je  dis  iâio'lo-gues ,  -AuXicw  à' idéologues  ,  pour  me 
moquer  de  leur   déploraiile  doctrine. 


(  lii]  ) 
d'opérations    matérielles  ,  rejettent   loin   de 
nous  cette  espérance. 

Ils  supposent  que  les  hommes  ont  vécu 
pendant  un  grand  nombre  de  siècles  sans 
faire  usage  du  langage;  c'est  une  absurdité. 
Le  langage  est  un  don  du  créateur,  et  naturel 
à  l'homme,  comme  de  penser  et  de  réfléchir. 
Le  sauvage  fait   de  la   métaphysique    tout 

comme (i)  ;  souvent  une   pensée 

est  exprimée  dans  sa  langue  par  un  seul 
mot.  h* onomatopée  est  familière  à  tous  les 
sauvages  ,  et  c'est  plutôt  une  marque  de 
force  d'entendement  que  de  faiblesse;  car 
avoir  lié  ensemble  l'action,  l'agent  et  le 
sujet,  ce  n'est  point  l'opération  de  pauvres 
facultés.  Vojez  le  Huron  former  le  verbe, 
cette  partie  du  discours  où  l'on  remarque  le 
plus  d'art  :  s'il  ne  le  modifie  pas ,  c'est  que 
son  imagination  met  tout,  pour  ainsi  dire, 
au  présent  ;  de  là  ces  expressions  ^hardies  , 
animées ,  qu'on  remarque  dans  leur  élocu- 
tion.  Comme  leurs  idées  sont  immédiatement 
tirées  de  la    nature^  leur    stjde  est  concis, 

(i)  Ton  Pliébus  s'explique  si  bien, 

Que  tes  volumes  ne  sont  rien 

Qu'une  étci'ueUe  Apocalypse.  [Maynard,'^-^ 

d  iij 


(liv) 

parce  qu'ils  ont  plus  d'idées  que  de  mots  ; 
mais  leurs  mots  font  tous  ima^e.  Il  me  pa- 
raît que  les  langues  dites  barbares  ou  nais- 
santes, tendent  toutes  à  abréger  les  choses 
confuses,  et  à  faire  servir  la  principale  cir- 
constance d'une  action  à  en  représenter  la 
totalité.  Quelle  est  la  manière  la  plus  aisée 
et  la  plus  naturelle  d'enregistrer  leurs  con- 
ceptions, si  ce  n'est  celle  de  parler  parima-- 
ges  ?  Je  sais  que  les  idées  abstraites  ne  peu- 
vent être  toutes  exprimées  par  ce  langage; 
mais  il  y  a  peu  d'idées  abstraites  véritable- 
ment nécessaires  pour  aborder  les  grandes 
vérités  morales  (i). 

Si  le  langage  est  un  présent  fait  à  l'homme 
par  la  Divinité,  que  dirons-nous  de  l'inven- 
tion de  TAIphabetjSÎ  ingénieuse ,  si  profonde, 
si  admirable  qu'elle  ne  peut  s  expliquer  que 
par  les  idées  innées,  que  par  une  émanation 
divine,  est  Deus  in  nohls  ? 


(i)  Quand  on  a  clts  observations  subllles  à  faire, 
on  ne  saurait  employer  trop  d'images.  11  serait  aisé 
de  prouver  que  le  style  figuré  est  toujours  le  plus 
clair  et  le  plus  précis.  Otez  l'imagination,  l'e.sprit 
humaixi  ne  vole  plus  ;  il  se  traîne  à  pas  lenls  sur  les 
o^jet,  et  ternit  tout  ce  qu'il  touche.  {RivaroL) 


(   Iv   ) 

Jamais  les  lois  de  la  physique  n'explique- 
ront comment  un  oiseau  fait  son  nid ,  ni 
comment  Hiomme  parle  et  écrit. 

Vous  parlez  de  la  génération  des  idées  ; 
mais  quelle  est  la  première  ?  Je  pense , 
donc  je  suis ,  voilà  bien  une  idée  innée  , 
voilà  le  premier  anneau  indestructible  et 
qui  nous  attache  à  la  connaissance  de  la  Di- 
vinité; elle  rayonne  en  nous  ,  et  quand  vous 
direz  que  les  langues  des  sauvages  sont  les 
moins  philosophiques,  tout  au  contraire, 
elles  simplifient  tout  ce  que  les  subtiles  ru- 
briques des  idiologaes  ne  font  qu'obscurcir 
Selon  moi  la  pensée  ne  devient  vivante  que 
lorsque  la  métaphysique  la  laisse  dans  un 
état  de  repos,  sans  la  tourmenter  de  ses  for- 
mules. Les  images  ,  les  métaphores ,  les  in- 
versions ,  les  ellipses  abondent  dans  ces  lan- 
gues que  vous  appelez  barbares,  et  vont  au- 
devant  de  toutes  les  vérités  par  l'énergie  du 
sentiment.  Si  pour  s'exprimer  avec  clarté  ,  ii 
faut  avoir  porté  dans  son  propre  entendement 
la  plus  grande  franchise ,  la  netteté  du  style 
appartient  plus  aux  sauvages  qu'aux  profes- 
seurs ^entendement  humain. 

Le  passage  de  l'écriture  sjmbol  que  à  l'é- 
criture alphabétique,   s'est  opéré    plusieurs 

d  iv 


(  Iv)  ) 
fois  chez  differens  peuples,  car  puisque  Ton 
ne  peut  assigner  l'époque  et  l'origine  de  cette 
découverte,  je  pense  qu'elle  est  entrée  dans 
la  tête  de  plus  d'un  homme  ,  par  e  que  cha- 
que  homme  porte  en  soi   les  semences  des 
plus   hautes    pensées.  Mojse  est  un  de  ces 
génies  extraordinaires  qui  commandent  le  res- 
pect, et  que  des  têtes  futiles  comme  celle 
de  Voltaire,  n'ont  jamais  lu  ni  compris»  On 
dit  que  Moyse  apporta  Palphabet  d'Eg^^pte  ; 
mais  je  le  répèi  c,  il  y  a  dans  ce  mondeplusieurs 
Mojses^  qui  brisent  toutes  les  figures  idolâ tri- 
ques^ tous  iesohjets  matériels,  pourvoir  au-de- 
dans  d'eux-mêmes  l'intime  présence  de  la  Di- 
vinité, et  en  recevoir  l'influence  bienfesante. 
Le  commencement  de  lasociélé ,  ces  mots 
me  font  rire  ;  l'homme  a  toujours  été  en  so- 
ciété ,   non    pas  il   est  vrai  comme  dans  la 
ville  de  Paris  \   mais  l'homme   ayant  reçu 
je  principe  de  morale  et  de  religion  ,  a   tou- 
joius  communiqué   avec  son  semblable  par 
la  parole;  il  n'a   pas  été  réduit  aux  cris  des 
animaux  ,  comme  veulent  nous  le   dire  des 
docteurs    qui   se    font    animaux.   Voilà  oii 
couàmt  iernélier  de  la  métaphysique ^  quand 
on  s'intitule  métaphysicien  en  titre.  On  le 
fait  de  nos  jours,    comme  s'il  n'j  avait  plus 


(  Ivij  ) 
de  Molière  ,   ou  comme  si  Dieu  n'en  devait 
pas  faive  naître  un  tout  exprès  (i\ 

Pascal  disait,  se  moquer  de  îaphîlosophie^ 
c''est  déjà  philosopher  ;  ce  mot  a  un  sens 
exquis  ,  il  veut  dire  qu'il  ne  faut  pas  prendre 
le  jargon  de  la  philosophie  pour  son  langage. 
Celui-ci  n'admet  rien  de  recherché  ,  ni  de 
fastueux  ;  il  avait  sa  perfection  dans  la  bou- 
che de  Socrate  ,  car  on  ne  peut  se  lasser 
d'exposer  ce  grand  homme  comme  un  mo- 
dèle de  lumière  ,  de  simplicité  et  de  cou- 
rage. 


(i)  C'est  la  langue  de  la  toui'  de  Babel,  que  celle 
des  idiologlsles;  c'est  la  confusion  de  tous  les  termes; 
c'est  le  cercle  vicieux  de  tous  les  argumens  scolas- 
tiques.  Ils  font  jouer  des  fermes  fantastiques  ;  voilà  toute 
leur  science. 

On  dit  que  Condillac  et  Locke  ont  eu  leur  maître  -, 
ce  que  je  crois  sans  peine  ,  parce  que  toute  pliiloso- 
pliie  glacée  n'est  point  une  philosophie  d'iuspi ration. 
Kant  dit  à  l'homme  :  «  Tu  es  un  être  moral  jtu  portes 
en  toi  le  commandement  et  les  lois  d'vxne  sévère  mo- 
ralité :  donc  il  est  un  Dieu  juste  qui  récompensera 
ou  punira  ton  ame  immortelle.  »  Cette  doctriile  su- 
blime et  vraie,  sauve  d'un  coup  la  morale  et  la  reli- 
giosité des  atteintes  du  matérialisme.  L'homme  porte 
en  soi  la  législation  de  l'ordre  physique  et  celle  de 
l'ordre  moral ,  par  conséquent  tout  ce  qui  lui  est  né- 


(  Iviij  ) 

C'est  ce  même  Socrate  qui  disait ,  que  si 
l'on  voulait  faire  apprendre  un  art  frivole 
à  quelqu'un,  on  ne  manquait  point  de  maîtres 
à  qui  i'env^oyer  ;  de  même  ,  si  Ton  voulait 
faire  dresser  un  cheval ,  ou  un  chien ,  il  y 
avait  assez  de  personnes  pour  en  prendre  ren- 
gagement ;  mais  que  si  l'on  voulait  ap- 
prendre à  être  homme  de  bien  ,  on  ne  sa- 
vait où  le  prendre. 

Vous  chassez  l'ignorance  et  la  barbarie  , 
vous  faites  tomber  les  superstitions  ,  mais  en 
éclaifant  les  hommes  sur  les  désordres  de 
leur  esprit ,  vous  leur  inspirez  l'envie  d'exa- 
miner tout,  de  sonder  tout\  ils  subtilisent 
tant  ,  qu'ils  ne  trouvent  plus   rien  qui  con~ 

cessaivc  pour  cette  vie  et  pour  l'autre.  Connais -toi 
toi-même  !  Tout  est  dans  ces  admirables  paroles , 
autrefois  gravées  sur  une  des  portes  du  temple  d'Apol- 
lon. L'idiologiste  nous  traîne  sans  cesse  hors  de  nous- 
niênies,  nous  écarte  du  point  central  de  notre  être  ^ 
ce  lieu  de  majesté  et  de  calme  où  les  influences  des 
sens  ne  parviennent  point,  où  nous  portons  les  prin- 
cipc3.de  toute  science,  où  nous  tenons  Dieu  ,  la  liBerlé  y 
l'immortalité,  le  bien.  Et  comme  je  ne  veux  pas  rester 
seul  dans  l'univers  ,  j'adopte  la  doctrine  de  Platon 
cl  celle  de  Kant ,  et  je  m'apprête  à  combattre  sous 
leurs  étendards  ;  ce  que  j'ai  fait  d'ailleurs  précédem- 
ment ,  et  dans  tous  mes  écrits. 


(  lix  ) 
tente  leur  misérable  raison.  La  saine  phi- 
losophie est  le  remède  de  l'impiété  et  de  la 
superstition  ;  mais  la  mauvaise  vous  préci- 
pite dans  une  foule  d'idées  abstraites,  et 
trouble  l'entendement  à  force  de  l'enorgueil- 
lir. Ainsi  ce  mélange  de  bien  et  de  mal  qui 
se  rencontre  dans  toutes  les  choses  humaines , 
se  remarque  dans  l'emploi  delà  philosophie; 
il  importe  donc  de  bien  connaître  l'instru- 
ment dont  nous  devons  nous  servir. 

Il  fut  toujours  pour  la  liberté  publique  de 
plus  grands  dangers  que  la  violence'des  usur- 
pations. Les  sophistes  qui  ruinent  la  morale, 
en  renversant  ses  bases  ,  et  livrent  à  l'indéci- 
sion les  pensées  majestueuses  et  fondamen- 
tales de  tout  ordre  public  et  particulier ,  at- 
taquent réellement  l'association  ,  et  tendent 
à  dissoudre  les  parties  de  Tétat ,  toujours 
prêtes  à  se  séparer  par  les  chocs  terribles 
qu'elles  reçoivent  de  l'intérêt  particulier. 

On  croit  toucher  des  orgues  ordinaires 
en  touchant  Thomme,  a  dit  Pascal;  ce  sont 
des  orgues  ,  à  la  vérité ,  mais  bizarres ,  chan- 
geantes, difficiles;  pour  en  tirer  des  accords  , 
il  faut  avoir  une  science  toute  différente  que 
cellequis'apprend  par  des  livres.  C'est  d'après 
cette  idée  que  je  pense  qu'il  n'appartient  qu'à 


(Ix) 

une  langue  toute  nouvelle  de  dissiper  la  plus 
grande  partie  de  nos  erreurs.  Elle  fera  sur- 
tout le  désespoir  de  nos  ordonnateurs  du 
monde. 

Je  me  suis  séparé  ,  et  de  toutes  les  puis- 
sances de  mon  ame  ,  des  métaphysiciens  mo- 
dernes J'rançais  -^  ils  ont  le  ton  de  l'école  et  la 
sécheresse  du  nihilisme;  ils  ont  résolu ,  je  crois, 
et  par  vengeance  malicieuse,  de  me  faire  périr 
d'ennui  et  d'impatience;  non  in  oins  obscurs  , 
non  moins  tranchans  que  des  théologiens , 
Ja  logomachie  de  ces  nouveaux  docteurs  rem- 
place les  vieilles  formes  scolas tiques  :  c'est 
le  poison  de  la  pensée.,  de  la  sensibilité  , 
de  la  vertu  et  du  style  que  leurs  froides , 
discordantes  et  inutiles  thèses,  véritables  sco- 
ries de  la  science,  et  que  le  célèbre  Kant  a  su 
frapper  d'un  mépris  ineffaçable.  Armés  de 
leur  terminologie ,  cous  ne  nous  entendez 
pas,  disent  -  ils  gravement,  et  nous  vous 
avons  pris  çingt  fois  sur  le  fait;  vous  ne 
vous  entendez  pas  vous-mêmes  ;  nous  en- 
tendons Descartes,  nous  entendons  Leibnitz, 
nous  entendons  Wolaston  ,  Shaftesbury  , 
Kant  ,  et  nous  comprenons  que  vous  êtes 
parfaitement  creux.  Primus  sapieniiœ  gra- 
dus  ,  estfaJsa  intelligere. 


(  l'^i  ) 

Etablissons    tout-à-coup  la    distance   qui 
nous  sépare;  écoutez!  Dieu  existe,  il  a  donné 
à  l'homme  la  faculté  de  la  parole  ;  atque  af- 
figit-  humo  divinœ  partlculam  aurœ  ,  comme 
le  dit  notre  cher  Horace  ,  quoique  Epicurien; 
la  parole  est  innée  chez  riiomme,  la  langue  de 
l'homme  n'est   pas    une  convention,...  Vous 
fujez  à  ces  mots ,   vous  craignez    ce    trait 
d'invincible  lumière!  Eh  bien!  nous  aurons, 
nous  ,  une  metaphj^sique  intelligible ,    sen- 
timentale, adoratrice  ,  qui  plaît  et  qui  plaira 
au  genre  humain.  La  votre  est  faite  avec  des 
ténèbres  et  pour  des  esprits  de  ténèbres. 

Si  toute  la  nature  ,  lecteur  ,  est  en   mou- 
vement, il  y  a  donc  un  premier  moteur  ;  ce 
mouvement  est  assujéti  à  un  ordre  constant, 
il  existe    donc    une    intelligence   suprême  : 
brouillards  fétides  de  la  fausse   métaphvsi-" 
que,  n'obscurcissez  point   cette  pensée   lu- 
cide !  Et  pourquoi  les  hommes  reçurent-ils 
ce  don  le  plus  funeste,   s'il  n'est  pas  le  plus 
beau  de  tous ,  le  don  de    s'attendrir  sur  les 
malheurs  de  leurs  semblables?  C'est  qu'il  y 
a  un  Dieu  qui  a  Foeil  ouvert  entre  mon  frère 
et  moi;  voilà  les  bases  de  toute  morale.  Vous 
ne  la  renverserez   pas ,  froids  et  cruels  idio- 
logistes. 


(  Ix^j  ) 

J'aperçois  telle  révolution  heureuse  at- 
tachée à  un  mot  neuf.  Qui  ne  sent  pas  que 
les  hommes  ,  un  jour ,  se  rallieront  à  quel- 
ques axiomes  d'une  grande  simplicité  et  d'un 
parfait  laconisme  ;  le  décatogue  est  le  plus 
haut  travail  de  la  pensée.  Toute  grande  pen- 
sée vient  de  Fauteur  de  toul  bien.  On  peut 
méditer  long-temps  sans  obtenir  une  seule 
pensée;  mais  l'on  n'a  une  bonne  pensée  que 
lorsqu'on  désire  vivement  de  l'avoir.  Si  vous 
ne  retirez  de  votre  méditation  que  des  inquié- 
tudes ,  des  tourmens,  des  doutes  obstinés, 
c'est  que  vous  cherchez  de  vains  fantômes. 
On  nous  peint  Spinosa  comme  un  petit 
homme,  pâle,  maigre,  n'ayant  que  le 
souille ,  à  l'œil  creux  ,  au  visage  effilé;  il  de- 
vait être  ainsi,  La  figure  de  l'athce  est  triste 
et  tourmentée.  Il  affirme  et  il  est  dans  le 
doute;  il  s'épouvante  quelquefois  de  lui-même; 
il  tient  par  orgueil  à  un  système  qu'il  aban- 
donnerait s'il  se  trouvait  seul  sur  un  rocher 
nu.Jeneconnaisrien  de  plus  beau,  dans  aucun 
livre,  que  Robinson  Crusoé  à  genoux,  les 
mains  jointes,  pontife  de  son  île  déserte,  ado- 
rant Dieu  avec  ferveur,  et  sans  être  vu  d'au- 
cun homme. 

Penser,  parler,   écrire,  c'est  absolument 


(  Ixiij  ) 

I 

la  même  opération  de  l'entendement  hu- 
main. Ce  n'est  au  tond  que  la  peinture  des 
idées  ,  peinture  plus  ou  moins  rapide  ,  et  les 
idées  étant  Ja  représentation  des  êtres  ,  on 
peut  dire  que  les  modèles  que  le  langage 
doit  imiter,  sont  tous  les  êtres  généralement 
quelconques. 

Qu'on  ne  soit  point  étonné  que  Tame.  per- 
çoive la  connaissance  d'un  si  grand  nombre 
d'êtres;  elle  embrasse,  elle  pénètre  tout  dans 
sa  vaste  compréhension.  Tout  ce  qui  ne  peut 
se  concevoir  que  par  l'intelligence,  lui  ap- 
partient. Toutes  nos  facultés  intellectuelles 
etmorales  ne  sont  que  le  développement  d'une 
chose  unique  ,  indivisible  et  indestructible. 
Il  n'y  a  que  la  pensée  qui  existe  ;  tout  ce  qui 
n'a  pas  la  conscience  de  soi  ^  estconmie  s'il 
n'existait  pas.  La  matière  n'ayant  ni  la  pen- 
sée, ni  la  volonté,  ni  une  action  propre, 
n'a  point  l'existence  proprement  dit.  Voilà 
ce  qui  démontre  la  fausseté  du  système  qui 
fait  venir  nos  idées  des  sens.  Elles  passent 
par  nos  sens,  d'accord;  mais  nous  avons  des 
idées  ,  et  une  multitude  d'idées  ,  malgré  nos 
sens.  Cet  univers  matériel  ,  nous  l'aperce- 
vons bien,  mais  pour  nous  élever  au-dessus 
de  lui,  et  pour  juger   que  toutes  les  formes 


(  Ixlv  ) 
ne  sont  qii'acciden telles  et  passagères  ,  qu'il 
n^j  a  qu'une  réalité  ,  la  pensée  ,  qu'elle  est 
indépendante  de  tout  ce  qui  l'environne,  et 
qu'elle  se  suffit  à  elle-même  par  sa  propre 
émanation. 

Ces  observations  ne  sont  point  étrangères  à 
la  littérature.  Comme  je  veux  lui  restituer 
son  empire,  je  veux  que  tout  soit  de  son 
ressort ,  que  rien  n'échappe  à  son  pinceau. 
Hallebranche  est  plus  propre  à  former  un 
poète  que  tout  autre  écrivain  ,  et  j'adopte- 
Taisses  écrits  comme  la  première  poétique  du 
stjle  indépendant.  Plaisans  métaphysiciens  , 
que  ceux  qui  ne  nous  entretiennent  que  de  la 
luatière  ! 

Vous  tous  qui  m'écoutez,  qui  me  lisez, 
vous  êtes  tous  auteurs  ,  métaphysiciens,  qui 
plus  est,  puisque  vous  pensez,  puisque  vous 
parlez;  faites  votre  langue,  faites  votre 
stjle ,  créez  et  prononcez  ,  prononcez  et  créez. 
Si  vous  êtes  émus,  nous  vous  entendrons  et 
nous  vous  écouterons;  si  vous  êtes  pleins  de 
Vos  idées ,  mais  sans  calcul  intéressé  ,  vous 
serez  éloquens.  Presque  toutes  les  sciences 
humaines  ont  été  jusqu'ici  un  double  amas 
d'extravaganceset  d'erreurs.  Elevez-vous  au- 
dessus  de  tout  ce  qu'on  vous  a  dit;  regarder 

en 


(lïv) 

pîi  vous-mêmes  ,  et  ces  prétendus  beaux  gé- 
nies deviendront  bien  petits.  Je  crois  voir 
desinipofens  qui  regardent  avec  admiration 
une  troupe  de  danseurs.  Levez-vous  !  vous 
danserez  comme  eux. 

L'exercice  de  la  pensée  appartient  égale- 
ment  à  tous  ;  et  puisque  le  génie  transcen- 
dant, véritablement  lumineux,  n'est  pas  dans 
les  livres,  il  est  dans  les  hommes.  Méprisez  les 
livres  (i),  et  cherchez  les  hommes. 

(i)  Nous  avons  beaucoup  de  livres,  et  le  Ui^re  nous 
mang^ue  5  le  livre  que  je  conçois  ,  et  qui  pourrait 
nous  tenir  lieu  de  tous  les  autres  )  il  séparerait  ce  qui 
est  de  ce  qui  ri'est  pas  ;  il  serait  éci'it  en  langue 
vulgaire  ;  chaque  phrase  dirait  oui  ou  non  :  point 
d'équivoque,  point  d'écart  dans  la  pensée  j  tout  serait 
soumis  au  sentiment  intime  de  l'homme.  La  vertu  se 
rapporte  à  la  vérité  ;  elle  rentre  en  quelque  sorte 
en  elle-même  ,  lorsqu'elle  l'obtient  ;  c'est  qu'elle  n'en 
est  que  l'ardent  amour.  Celui  qui  nie  la  perfectibilité 
de  l'homme ,  aime  le  mensonge.  Riches  par  le  senti- 
ment, pauvres  par  la  pensée,  si  nous  savons  dévelop- 
per en  nous  l'amour  de  la  vérité  ,  nous  aurons  la 
science  ,  et  les  fantômes  cesseront  de  nous  obséder, 
JL,e  mot  probabilité'  n'entrerait  point  dans  le  livre  dont 
je  parle  ;  il  y  aurait  certitude  complète  pour  entraîner 
l'assentiment  de  l'esprit  ;  et  la  certitude  serait  fixée  par 
ces  deux  mots  ;  La  chose  est ,  ou  n'est  pas;  vsl  ou  norf* 


(  îxvj  ) 

Le  scepticisme  est  désolant  en  morale  eî 
en  politique,  mais  il  est  très-utile  en  litté- 
rature ;  il  fait  jouer  toutes  les  clartés  en 
tournant  le  prisme  des  couleurs  qui  colore 
l'horizon  et  agrandit  la  scène  ;  il  rétablit 
cette  espèce  d'égalité  qui  sur-tout ,  en  fait 
d'esprit  ,  est  la  grande  loi  de  la  nature  ; 
Torgueil  académique  s'en  affligera,  mais  tous 
les  autres  individus  y  gagneront. 

Le  sceptique  lit  le  roman  de  V Iliade  com- 
me il  lit  un  roman  anglais  ;  il  éteint  tous 
les  noms ,  il  marie  les  ouvrages  séparés  par 
de  longs  intervalles  ;  il  remarque  les  plus 
vives  étincelles  dans  le  temps  même  de  ces 
catastrophes  qui  répandent  la  nuit  épaisse 
de  la  baïbarie.  Par-tout  il  poursuit  la  lu- 
mière ,  il  la  rencontre  par-tout  -,  et  les  lettres 
n'ont  plus  3  comme  on  se  plaît  à  le  dire  , 
des  siècles  privilégiés. 

Que  devient  la  trompette  adulatrice  des 
louanges  désordonnées  devant  le  sceptique  ? 
Oue  devient  le  dénigrement  absurde  de  l'en- 
vie liliputicnne?  Quelle  pitié,  en  efi'et ,  de 
voir  le  petit  homme  accabler  le  nain ,  et  le 
nain  écraser  uu  ciron  !  Toutes  ces  feuilles 
périodiques  qui  distribuent  d'un  côté  de 
grands  éloges,  et  de  l'autre  de  grosses  in* 


sous     PRESSE, 

Pour  paraître  iccessamment  chez  MoussARD, 
libraire,  rue  Helvétius  ,  n°.  56o,  vis-à-vis 
la  rue  Villedot ,  et  Maradan  ,  libraire , 
rue  Pavée  Saint- André-des-Arcs  ,  n^.  i6  , 
à  Paris. 

De  r Impossibilité  physique  du  système 
de  Copernic ,  et  de  la  Chimère  dite  attrac- 
tion neutonienne  ;  un  volume  d'environ 
400  pages _,  par  L.  S.  Mercier,  membre 
de  l'Institut  national  de  France,  avec  ces 
deux  épigraphes  : 

Omnibus  Jerè  in  rébus  ,  et  maxime  in  physicîs , 
f^uid  non  sit  citiiis,  quam  quid  sit,  dixe?im.  Cicer. 

Vrimus  sapientiœ  gradus  estjalsa  intelligere.  Lact. 

SOUS      PRESSE, 

Pour   paraître    chez   les   mêmes   libraires , 
dans  le  courant  de  fructidor  an  9. 


Les  Phases  de  la  Révolution  française  ^ 
ou  la  Liberiéïde ,  depuis  la  convocation  des 


états  généraux  jusqu'à  la  paix  de  Lunéville  ; 
un    volume    Ù2-3^.    d'environ    400    pages  , 
avec  gravure   aîlégorique ,  notes ,   etc.  par 
P.  MoussARD  ,  avec  cette  épigraphe  : 
Univers  ! adaiire  et  frémis  ! 

II  manquait  à  la  grande  nation  un  ou- 
vrage qui  consacrât,  avec  tous  les  charmes 
de  l'imagination  et  de  la  poésie ,  Pensemble 
chronologique  des  événemens  dont  elle  a 
été  le  théâtre.  Annoncer  que  ce  poème  n'est 
point  au-dessous  de  son  sujet ,  c'est  le  pré- 
senter comme  un  monument  digne  de  fixer 
nos  regards.  Il  est  divisé  par  phases  (nuances 
de  principes,  apparences  politiques),  et, 
composé  de  stances  de  dix  vers,  qui  toutes 
sont  terminées  pcir  un  seul  et  même  mot , 
qui  devient  le  tjpe  de  l'ouvrage,  et  auquel 
tout  est  rapporté.  Ce  genre  particulier , 
qu'aucun  écrivain  ne  paraît  avoir  tenté  dans 
aucune  langue,  snr-tout  dans  une  produc- 
tion grave,  héroïque  et  d'une  grande  éten- 
due ,  est  justifié ,  soutemi ,  comme  on  doit 


(  Ixix  } 

toutes  les  marques  les  plus  plaisantes  de  la 
compassion  et  de  la  pitié  ;  c'est  véritablement 
la  génération  qui  naîtra  dans  quelques  an- 
nées ,  que  j'aperçois  distinctement ,  et  qui 
se  moquera  de  toutes  nos  thèses.  Quoique 
ces  petits  génies  soient  muets,  je  comprends 
à  merveille  dans  leurs  gestes  tout  ce  qu'ils 
veulent  dire  ;  et  c'est  cette  vue  (  que  je  dois 
à  la  bonté  du  ciel  )  qui  m'a  empêché  d'a- 
dopter les  erreurs  de  mon  siècle;  sa  très- 
plaisante  astronomie ,  sa  mauvaise  méta- 
j)hjsique,  son  goût  idolâtrique  et  dangereux 
pour  les  arts  matériellement  imitatifs,  enfin 
le  Dictionnaire  des  étouffeurs.  Oh  !  combien 
tous  ces  enfançons,  devenus  grands,  vont 
se  divertir  à  nos  dépens  !  Je  me  tromperois 
fort  si  je  n'ai  pas  distingué  dans  la  foule 
un  nouveau  Rabelais  ,  mais  plus  intelligible 
que  l'ancien  ,  tant  sa  petite  mine  avait  de 
finesse  et  de  malice  :  ah  !  jolie  petite  figure 
cspritée  ,  tu  m'as  fait  un  signe  expressif  sur 

soit,  je  ne  dirai  rien. 

Telle  tête  humaine  n'est  qu'une  des  cenfc 
mille  variétés  de  la  nature;  et  l'on  voudrait: 
que  tous  les  esprits  se  moulassent  sur  un 
ou  sur  plusieurs  !  Si  les  langues  sont  la  proie 
du  temps ,  elles  ne  sont  donc  pas  si  sacrées 


(  Ixx  ) 

qu'un  mortel  n'y  puisse  toucher  ,  et  qu'il 
n'agisse  comme  le  temps,  qui  les  recompose, 
s'il  les  décompose.  Le  Dialecte  national^  par 
qui  a-t-il  été  fait?  par  la  masse  entière 
des  écrivains.  C'est  donc  aux  écrivains, 
c''est-à-dire  à  chacun  d'eux  en  particulier 
que  V idiome  appartient.  D'où  naît  l'élocu- 
tion  ?  du  concours  ,  du  concert  immense 
de  tous  Its  auteurs.  C'est,  de  cette  voix  large 
qui  n'en  f;  it  bientôt  plus  qu'une  ,  que  sort 
tout  vocabu>aire  ;  ce  qu'on  appelle  inno- 
vations^ hérésies  ,  se  fond  dans  le  dogme, 
et  Its  novateurs  deviennent  orthodoxes. 

0;i  réclame  un  sénat  conservateur  de  la 
langue  française;  mais  si  ce  s.'nat  ne  fesait 
dans  la  république  des  lettres  que  chojer  ses 
intérêts,  ses  propres  écrits,  et  sur-tout  corjser- 
ver  ses  prééminences ,  où  en  serions-nous  ?  Ne 
vaudrait-il  pas  mieux  tout  de  suite  un  îndé- 
■pendant  qui  nous  dise  avec  Horace  ,  qu'il 
sera  toujours  permis  d'introduire  un  terme 
nouveau ,  pourvu  qu'il  soit  marqué  au  coin 
du  langage  actuel,  et  conforme  à  Fanalogie  ? 

Licuit  sempcrque  licehit. , 

Sîgnatum  prœsente  nota  producere  nomen. 

J'avouerai  qu'il  j  a  ,  en  fait  de  langue  , 


(  îx^i)  ) 
fiires ,  tomberont  devas*  le  scepticisme  lit- 
téraire ,  et  dans  un  plus  grand  élan  de 
liberté ,  il  eu  résultera  le  progrès  des  con- 
naissances humaines.  On  ne  marchera  plus 
sous  les  étendards  d'une  petite  faction  niaise 
qui  produit  toujours  des  lois  prohibitives, 
analogues  à  sa  faiblesse. 

On  demande  vainement  aux  feseurs  de 
règles ,  qu'ils  nous  révèlent  l'art  d'écrire  ;  il 
faut  le  puiser  en  soi-même.  Aristote  n'a  fait 
sa  Rhétorique  que  pour  combattre  un  rhéteur 
obscur.  Cicéron ,  dans  son  Traité  de  POra- 
teur,  n'a  d'autre  objet  que  de  faire  Péloge 
de  sa  manière  d'écrire. 

Quintilien  est  ud  rhéteur  très-exact ,  et 
non  un  écrivain  propre  à  vous  ouvrir  de 
nouvelles  routes.  Il  ne  parle  que  de  tout 
ce  qui  s'est  fait.  L'Art  poétique  d^Horace 
n'est  entendu  que  de  quelques  poètes  ;  et  il 
est  bien  étonnant  que  Boileau  qui  avait  tra- 
duit Longin  ,  n'ait  péniblement  tracé  que 
Part  du  versificateur.  En  un  mot ,  aucun  de 
ces  écrivains  n'a  donné  les  élémens  de  Part 
qu'il  professait  :  c'est  que  ces  élémens  sonfe 
si  étendus ,  si  variables,  si  délicats ,  si  fugitifs ;, 
qu'ils  échappent  lorsqu'on  veut  les  fixer. 

Dans  cet  art  que  Pon  nomme  peinture  •, 

c  ij 


(  Ixviij  ) 
il  y  a  des  études  prt  liminaires ,  longues, 
fatigantes;  dessin,  correction,  manipulation 
de  la  palette  ^  c'est  toujours  avec  de  la 
matière  qu'il  faut  rendre  les  images  maté- 
rielles ;  mais  l'art  d'écrire  qui  se  compose 
de  la  parole,  n'a  rien  de  matériel.  Voilà 
pourquoi  Pécolier  en  sait  souvent  plus  que  le 
maître  ;  que  Voltaire  a  fait  Œdipe  à  dix-huit 
ans,  que  Lafontaine  est  devenu  poêle  par 
inspiration  :  voilà  pourquoi  l'on  se  forme 
seul  dans  cet  art,  et  qu'on  sera  toujours  plus 
près  du  succès  en  n'écoutant  que  soi ,  qu'en 
prêtant  foreille  à  ces  hommes  qui ,  comme  le 
dit  Montesquieu  ,  mettent  à  toutes  les  choses 
une  robe  de  docteur.  Les  gens  qui  veulent 
toujours  enseigner  ,  empêchent  beaucoup 
d'apprendre. 

J'ai  d'ailleurs  une  singulière  conformation 
dans  l'œil ,  et  qui  provient  de  naissance  : 
quand  j'entends  un  homme  parler  en  public, 
développer  sa  doctrine ,  faire  grand  trophée 
de  ce  qu'il  dit ,  parler  de  son  génie  et  de 
son  goût  ,  je  vois  autour  de  son  fauteuil , 
dessus,  dessous  ,  à  côté,  une  multitude  pro- 
digieuse de  petites  têtes  enfantines  qui  rient 
mahgnement  ,  montrent  au  doigt  le  profes- 
sçufj  s'amusent  de  ses  paroles,  et  donnent 


'(  Ixxiij  ) 

livrés  à  une  chicane  puérile  et  sèche  ;  il 
plaira  aux  esprits  pénétrans ,  étendus,  qui, 
guidés  par  le  sentiment,  surpasseront  bientôt 
le  néologue  hii-inême  ,  satisfait  de  s'avouer 
vaincu.  Les  génies  créateurs ,  c'est  d'eux 
que  j'attends  ,  non  point  des  suffrages  (  je 
peux  m'en  passer  ),  mais  la  grande  langue 
harmonieuse  et  forte  dont  je  ne  leur  ai 
olfert  tout  au  plus  que  Yinstrmnent. 

C'est  donc  sans  crainte  que  je  donne  à 
ma  chère  nation  ,  dont  j'ai  tant  aimé  la 
gloire  et  servi  la  liberté  et  l'indépendance 
politique  ,  dans  toutes  les  époques  de  ma 
vie  ;  c'est  donc  à  elle  que  je  livre  avec 
pleine  confiance  cette  JSéoîogie ,  qui  veut 
dire  création  de  termes  nouveaux  (i)  y  c'est 
lui  annoncer  en  même  temps  que  je  pourrai 
bientôt  reproduire  sous  ses  jeux  et  reporter 
à  son  oreille  les  mâles  expressions  de  la 
langue  républicaine  ,  qui  me  fut  familière 
pendant  quatre  ou  cinq  années.  Il  j  a  là 
de  quoi  faire  pâlir  à  jamais  la  langue  mo- 
narchique ;  mais  encore  un  peu  de  temps  , 
un  peu  de  temps  encore;  vous  nous  Taccor- 

(i)  Néologisme,  axi  contraire,  abus  de  la^Néologie- 
Observez  bien  ceci ,  lecteius  ! 


(  Ixxiv  ) 
derez ,  génie  protecteur  de  la  France  ,  in- 
vincible  génie   à  qui  j'adresse    toutes    mes 
pensées. 

lie  temps  est  un  trésor  plus  grand  qu'on  ne  peut  croirej 
J'en  uL lins,  et  je  crus  obtenir  la  victoire.  {Corneille.^ 

Me  Voilà  à  peu  près  sûr  que  les  généreux 
descendans  des  Gaulois  et  des  Francs  s^'afl'ran- 
chiront  eux-nién.ts  de  tous  les  fers  qui  retar- 
dent et  contrarieni  les  progrès  de  leur  langue, 
car  elle  est  faite  (sMs  nous  écoutent)  pour  uuil- 
tiplier  à  l'infini  et  d'une  manière  incalcu- 
lable, tons  les  rapports  heureux  qui  fécon- 
deront la  masse  des  idées  ordinairement 
inertes,  faute  d'un  langage  analogue  à  l'in- 
dépendance et  à  la  vivacité  de  l'imagination 
humaine.  Quand  j'ai  travaillé  ce  Dictionnaire 
avec  un  nouveau  degré  d'alacrité  et  de  cou- 
rage, c'est  qu'  il  en  fallait;  et,  je  le  dirai,  c'est 
la  vertu  la  plus  nécessaire  dans  l'épineuse 
carrière  des  lettres.  Vaincre  aujourd'hui  je 
ne  sais  quel  dédain  snperbe  qui ,  chez  le 
lecteur,  su»  pas.-^e  encore  de  beaucoup  Tamour- 
propre  ou  l'orgueil  tant  reproebé  aux  au- 
teurs; voilà  votre  nouvelle  tâche ,  écrivains! 

Mais  aussi  il  est  de  la  dignité  de  mon 
art,  de  l'^rt  que  je  cultive,  de  lui  donner 


(  Ixxi  ) 
des  pertes  qui  Penricliissent  ;  que  foutes 
ses  acquisitions  ne  sont  pas  également  bon- 
nes et  fructueuses  ;  mais  dans  lincertitude 
de  la  direction  constante  et  invariable  qu''elle 
doit  prendre ,  ]e  soutiens  que  la  langue  pé- 
rira plutôt  d'inanition  que  d'abondance. 
C'est  faute  de  certains  diminutifs  et  de 
mots  échelonnés  ,  gradués  ,  soit  qu'ils  mon- 
tent, soit  qu'ils  descendent ,  que  toutes  les 
nuances  si  nécessaires  nous  échappent ,  que 
les  erreurs  naissent ,  et  que  les  mauvais  rai- 
sonneraens  s'ensuivent.  L'indétermination 
cessera  lorsqu'on  pourra  donner  à  la  pensée 
une  mesure  plus  précise  ,  plus  détaillée.  La 
langue  des  grands  écrivains  est  précieuse , 
qui  en  doute  ?  mais  elle  ne  se  prête  pas 
à  tout  ce  que  la  conversation  commande 
quelquefois.  Parler  comme  un  livre ,  c'esfc 
mal  parler  ;  il  faut  rompre  la  convention 
générale,  pour  le  charme,  l'agrément,  le  plai- 
sir des  conventions  particulières.  Or  donc  , 
que  la  petite  monnaie  soit  toujours  d'une 
empreinte  plus  neuve  et  plus  marquée  que 
la  grande,  afin  de  mieux  résister  au  frot- 
tement ;  la  circulation  ,  l'échange  rapide 
des  idées  l'exigent  ainsi  ;  et  ne  vaut  -  il 
pas    mieux    créer   un    mot  nouveau  ,    que 


(  Ixxij  ) 

d'en  corrcmpre ,  d'en  altérer  un  ancien  ? 
L'autorité  législative  résidera  dans  l'hom- 
me qui  fera  adopter  ses  néologies.  Qu'il 
fasse  ou  qu'il  ne  fasse  pas  un  Vocabulaire 
comme  celui-ci,  si  l'usage  consacre  ses  ex- 
pressions ,  si ,  plus  heureux  ,  il  se  fait  lire  , 
tous  les  Journalistes,  puristes  du  monde  (i), 
ne    paraîtront   plus    alors    devant   lui    que 


(i)  Ceux  de  nos  jours  sont,  en  général,  de  petits 
bégayeurs,  faits  tout  au  plus  pour  parler  de  persiculets; 
quand  il  paraît  un  ouvrage  substantiel ,  ils  ne  savent 
ni  le  lire,  ni  le  juger.  Lorsque  Le  Joyand  est  venu 
foudroyer  le  pliilosopliisme  des  abstractions  ,  des 
ligures  et  des  nombi'es,  dont  le  seul  Descartes  avait 
fixé  la  juste  valeur,  et  dont  certains  géomètres  depuis  , 
et  malgré  ce  grand  homme,  ont  voulu  faire  dominer 
exclusivement  la  manie,  qu'ont-ils  dit?  de  pauvres 
injures!  C'est  au  préjudice  des  principes  physiques, 
naturels ,  et  de  la  voix  éclatante  de  l'univers ,  que 
ce  philosophisme ,  à  l'aide  d'innombrables  supposi- 
tions ,  est  venu  désorganiser  la  nature.  Voilà  le  délit 
des  savans  qui  ont  attaché  aux  mathématiques  l'ex- 
clusif privilège  d'une  certitude  démonstrative.  Nous 
ferons  bientôt  justice  de  cette  absurde  et  ténébreuse 
folie.  Quand  elle  a  réalisé  des  idées  abstraites ,  elle 
les  prend  ensuite  pour  l'essence  même  des  choses.  Ce 
qui  n'est  C£.^ instrument ,  le  philosophisme  l'appelle 
scieizce. 


le  pressentir ,  par  une  poésie  féconde  et 
brûlante,  par  l'élévation  du  stjle  et  des 
pensées,  la  richesse  des  images,  et  tous  les 
charmes  de  l'harmonie.  On  ose  dire  que  cet 
ouvrage ,  absolument  neuf,  a  franchi  les 
routes  battues ,  la  zone  glacée  de  nos  poésies 
vulgaires ,  et  qu'il  est  considéré  par  un  grand 
nombre  de  littérateurs,  comme  devant  être 
aussi  durable  que  le  souvenir  des  actions  et 
des  événelnens  extraordinaires  qu'il  retrace. 
A  ce  po'ême  en  sera  joint  un  autre,  intitulé 
les  Chants  du  Philosophe ,  qui  n'est  pas 
moins  piquant  dans  un  autre  genre.  Les  notes 
historiques  ,  philosophiques  et  littéraires  de 
ces  deux  ouvrages  sont  puisées  dans  les 
sources  les  plus  impartiales  et  les  plus  saines, 

D T. 

(  Journal  Typographique    et  Bibliographique  , 
numéro  ^S ,   t^  messidor  an  §.) 


(  Ixxv  ) 

incessamment  la  préférence  sur  la  peinture 
et  la  sculpture  j  ainsi,  que  l'on  n'attende  pas 
de  moi  l'aveu  tardif  que  Ton  me  suppose,  que 
CCS  derniers  arts  puissent  jamais  rivaliser  avec 
la  poésie.  Non  ,  je  n'ai  plus  besoin  de  les  voir, 
ces  héros  armés  de  la  lance  ou  décochant 
le  trait  de  l'arc  qui  siffle;  Ossian  fait  en- 
tendre le  son  du  javelot  sur  le  bouclier  qui 
le  repousse.  Eloignez -vous  ,  statuaires,  vos 
figures  sont  immobiles,  et  je  veux  des  images 
mobiles.  Qu'est  -  ce  que  ces  guerriers  dont 
les  bras  sont  toujours  levés,et  dont  les  glaives 
ne  descendent  jamais?  Qui  les  a  pétrifiés? 
le  peintre.  Qui  les  remettra  en  mouvement? 
le  poète. 

Tant  que  l'art  d'écrire  ne  sera  pas  réputé 
le  premier  de  tous,  je  combattrai  les  autres 
arts  imitatifs  qui  ne  lui  rendront  pas  cet 
hommage.  Il  en  sera  de  môme  de  cette  géo- 
métrie transcendante^quijSuperbe  et  aveugle, 
marchant  dans  les  abjmes ,  sans  véritable 
base  et  sans  véritable  fin  ,  ne  prouve  rien, 
et  se  trouve  sans  cesse  en  opposition  avec 
les  lois  physiques.  Un  ouvrage  que  je  con- 
seille à  un  homme  sensé  ,  et  qui  immorta- 
liserait un  auteur,  serait  celui  qui  rétablirait 
lin  art  totalement  perdu ,  Varù  de  ne  voir 


(  Ixxvj  ) 
que  par  nos  yeux.  Incrédule  à  Newton  ^ 
je  me  ris  de  son  système ,  mais  je  déduirai 
bientôt  pourquoi  et  comment  j'ai  été  conduit 
à  cette  sage  incrédulité.  Ma  raison  m'a  parlé; 
si  Dieu  a  créé  deux  raisons  humaines ,  c'est 
ce  que  j'ignore.  La  raison  des  chiffres  est 
donc  toute  autre  que  celle  que  je  pos- 
sède. Dis  -  moi  ,  Newtonien  ,  le  spectre 
que  je  vois  dans  le  miroir,  qu'est  -  il  ?  où 
est-il  ?  j  a-t-il  réalité?  Quoi!  ce  phénomène 
ne  te  dit  pas  que  tout  l'univers  visible  n'est.... 
Achève  ma  pensée  ,  si  tu  as  su  l'entrevoir. 

Qu'est-ce  enfin  qu'un  littérateur  digne  de  ce 
nom  ?  C'est  un  homme  qui  oppose  la  raison 
aux  préjugés ,  ses  études  et  ses  connaissances 
à  l'opinion  courante  ,  et  son  jugement  à  l'er- 
reur. 

F.  S.  Voyez  néologuer,  à  la  fin  du 
Vocabulaire,  parmi  les  mots  survenus  pen- 
dant l'impression. 

Paris,  i5  messidor  an  o. 


NÉOLOGIE^ 

o  u 

VOCABULAIRE 

DE    MOTS    NOUVEAUX, 

A      RENOUVELER,     OU     PRIS      DANS      VE-^ 
ACCEPTIONS    NOUVELLES. 


A. 

A.  ""i*"  -D«  Science  et  génie  du  docte  Newton. 

Abâtardir  (*').  «  Comme  nostre  esprit  se  for- 
«  tifie  par  la  communication  des  esprits  vigou- 
«  reux ,  il  ne  peut  se  dire  combien  il  perd  et  s'Abâ- 
«  tardit  par  le  continuel  commerce  et  fréquen- 
ce tation  que  nous  avons  avec  les  esprits  bas  et 
«  maladifs.  »  (^Montaigne.) 

Aboi.  L  aboi  du  chien  n'est  point  son  aboie- 
ment ;  l'aboi  est  la  voix  de  l'animal.  Il  vint 
à  moi,  et  me  caressa  avec  un  doux  aboi. 

Abécédaire.  «Cettuy-ci  apprend  à  parler ^ 
«  lorsqu'il  lui  faut  apprendre  à  se  taire  pour  ja- 
«  mais.  On  peut  continuer  à  tout  temps  l'estude, 
«  non  pas  l'escholage.  La  sotte  chose  qu'un  vieil- 
«  lard  abécédaire I ))  {Montaigne.) 

Tome  /.  A 


2  A  B  O 

Abjéquiter.  S'enfuir  à  cheval.  Ce  verbe  peut 
être  admis,  parce  que  ses  élémeiis  sont  tirés  de 
locutions  déjà  connues,  telles  que  :  Équilation, 
écuyer,  et  même  équiler.  (^  Louis  P^erdure.) 

Abêtir.  A  quinze  ans,  un  Jésuite  m'enqra- 
tiauda;  je  fus  novice,  on  m'Abêtit  pendant  deux 
années.  (^T^oltaire.) 

AbhorriR.  Avoir  en  horreur,  en  haine.  Peut- 
on  Abhorrir  ce  que  Ton  a  aimé? 

Abominer.  O  malheureux  jeune  homme!  l'é- 
clat de  ses  charmes  te  séduit;  mais  apprends  de 
moi  que  c'est  elle  qui  a  empoisonné  ta  mère,  et 
juge  combien  tu  dois  l'Abominer! 

AbonnatA-IRES.  Celui  qui  n'est  pas  encore 
abonné.  L.e  premier  et  très-piquant  numéro  de  ce 
journal  est  fait  pour  plaire  singulièrement  aux 
Aîîonnat aires  ,  et  pour  les  transformer  sur-le- 
champ  en  abonnés. 

Aborigènes.  Branches  superflues  qui  poussent 
au  tronc  des  arbres.  Ne  pourrait-on  pas  ,  par 
métaphore,  dire  dé  quelques  ouvrages  systéma- 
tiques, divisés ipar  chapitres,  qu'il  y  en  a  quel- 
ques-uns qui  sont  Al)origènes  ?  Ramos  compesce 
Jluentes. 

Abortif.  La  douleur  qui  la  frappa  dans  sa 
grossesse,  fut  si  vive  qu'elle  faillit  faire  un  Abortif. 


A  C  A  5 

Abrègement.  L'Abrègement  du  discom-s  le 
rend  toujours  plus  fort  et  plus  convaincant. 

Abriter.  Voici  l'orage,  abritons-nous.  Heu- 
reux qui ,  pendant  les  tempêtes  révolutiomiaires , 
a  pu  s'Abriter  sous  un  toit  inconnu! 

Abrupt.  On  a  trouvé  le  style  Abrupt  incor- 
rect, et  peut-être  l'est-il.  (^Diderot.) 

Abrutisseur.  Je  voudrois  bien  que  les  Turcs 
fussent  chassés  du  pays  des  Périclès  et  des  Platon  : 
il  est  vrai  qu'ils  ne  sont  pas  persécuteurs;  mais 
ils  sont  Abrutisseurs.  Dieu  nous  défasse  des  uns 
et  des  autres]  {^J^oltaire). 

Absconder.  Ne  pas  montrer.  Ce  qu'une  fernm* 
veut  Absconder,  est  bien  caché. 

Absoluteur.  Hélas  I  l'or  est  donc  Absoluteur 
des  forfaits  commis  envers  la  patrie  !  et  plus  1g 
vol  est  énorme  ,  plus  le  brigand  reste  iiripuni. 

Absorbtion.  De  môme  que,  dans  un  Etat,  un 
parti  avait  absorbé  la  nation  ,  puis  ,  une  faniille 
le  parli  ,  puis  ,  un  individu  la  famille  ;  de  même 
il  s'établit ,  d'Etat  à  Etat ,  un  mouvement  d'Ab- 
sorbtion.  (  Volney.  ) 

Abstruse.  Il  n'y  a  chose  si  cachée  et  abstruse 
que  le  temps  ne  découvre. 

AcADÉMiFiÉ.  J'ai  dans  mon  callnet,  vingt  di- 
plômes qui  m'assureut  de  toutes  parts   le  titre 

A   3 

% 


4  A  C  C 

glorieux  d'Académicien  ;  ainsi  ,  j'ai  l'honneur 
d'être  à  peu  près  autant  Acadéniifié  qu'on  peut 
Têtre  ,  et  je  n'en  suis  pas  plus  fier.  (  Linguet.  ) 

AcADÉMiSER.  Diderot,  s'adressant  aux  jeunes 
élèves  de  l'Académie  de  peinture,  dessinant  d'a- 
près un  modèle  que  l'on  force  à  prendre  la  même 
position,  pendant  tout  le  cours  de  la  séance,  leur 
dit  : 

«  Si  vous  perdez  le  sentiment  de  l'homme  qui 
«  se  présente  en  compagnie,  et  de  l'homme  inté- 
«  ressé  qui  agit;  de  l'homme  qui  est  seul ,  et  de 
«  l'homme  qu'on  regarde ,  jetez  vos  pinceaux  dans 
«le  feu.  Vous  Académiseiez ,  vous  redresserez, 
«  vous  guinderez  toutes  vos  figures.  » 

AccoiNTANCE.  Ce  bon  homme  la  fit  demander 
à  ses  parens  ,  ne  sachant  rien  de  l'Accoinlance 
de  cette  demoiselle  avec  un  officier  du  régiment. 

Tj 'Accointa nce  du  méchant  mettra  toujours 
notre  bonté  en  péril. 

L'Accoin  tance  des  sots  est  véritablement  sym- 
pathique. 

L'Accointance  entre  des  hommes  d'esprit  , 
fortifie  encore  plus  leur  amour-propre  que  leur 
génie. 

On  emploie  aussi  ce  mot  pour  signifier  un 
comm^erce  illicite  avec  femme  ou  fille. 

Accompagnateur.  Je  chantais  passablement, 


A  C  C  5 

mais  j'avais  au  clavecin  le  plus  misérable  Accom- 
pagnateur. (  Sevigné.  ) 

Pourquoi  le  crime  trouve-l-il  plutôt  un  x\ccom- 
pagnateur  que  la  vertu  elle-même  ?  (  Nicale.  ) 

Dans  mes  longues  courses  sur  les  monta- 
gnes, au  milieu  des  dangers  et  des  fatigues,  il 
fut  courageusement  mon  Accompagnateur  désin- 
téressé. (  Boariy.  ) 

ACCORT. 

Et  veut  tirer  à  soi,  par  uif  courroux  Accort, 

L'honneur  de  sa  vengeance  et  le  fruit  de  sa  mort.  (  Corneille.^ 

Accort  signifie  conciliant.  Il  vient  d'aecor- 
ter;  c'est  un  mot  qui  n'est  plus  en  usage  dans  le 
style  noble,  et  on  doit  regretter  qu'il  n'y  soit 
plus.  (  Voltaire.  ) 

Accort.  Poli  ,  agréable  ,  de  riante  humeur  :  il 
faudrait  dire  homme  Accort  y  d'autant  plus  que 
cela  devient  très-rare. 

AccosTABLE.  Voltaire,  dans  son  château  ,  était 
plus  Accostable  que  J.  J.  Rousseau  dans  son 
grenier. 

Accoucheuse.  Où  trouver  l'Accoucheuse  de 
la  vérité ,  si  la  plume  de  Thisloire  ne  l'est  pas  tou- 
jours ?  La  plume  Accoucheuse  du  mensonge  se 
taille  tous  les  jours  ;  mais  il  faut  un  siècle  pour 
préparer  celle  qui  ne  ment  point  :  Accoucheuse 
du  vrai  j  le  fruit  n'est  pas  miir, 

A  5 


6  A  C  C 

Agcoutrement.  C'est  pour  avoir  trop  dé- 
daigné rAccoutreraent ,  que  les  premiers  légis- 
laleiirs,  en  France,  n'onlpas  concilié  le  respect 
dû  à  leurs  personnes. 

Accoutrer ,  «  Sur  ces  entrefaites  ,  vint 

«  de  la  ville  de  Mytilène,  un  serviteur  du  niaistre 
«  de  Lamon,  qui  lui  apportoit  nouvelles  que  leur 
«  commun  seigneur  viendroit  voir  ses  terres 
«  un  peu  devant  les  vendanges  ;  à  Toccasion  de 
«  quoy  ,  Lamon  ,  apprdeliant  jà  l'automne  ,  et 
«  l'esté  vieillissant  ,  Accoustra  diligemment  le 
«  logis,  afin  que  le  maislre  n'y  vist  rien  qui  ne 
.«  lui  fust  plaisant  à  voir.  )>  (  Amjot.  ) 

Accoutumance.  «  Celui-là  me  semble  avoir 
«  très-bien  conçu  la  force  de  la  coustume,  qui, 
«  premier  forgea  ce  conte  ,  qu'une  femme  de 
«  village  ayant  appris  à  caresser  et  porter  entre 
<f  ses  bras  un  veau  ,  dès  l'heure  de  sa  naissance  , 
«  et ,  continuant  toujours  à  ce  faire  ,  gagna  cela 
«  par  rAccoutumance  ,  que  tout  grand  bœuf  qu'il 
«  étoit,  elle  le  portoit  encore.  »  (^Montaigne.) 

«  Les  forçats  plorent  quand  ils  entrent  en 
<(  la  galère  ;  au  bout  de  trois  mois  ils  y  chan- 
«  tent  5  ceux  qui  n'ont  pas  accoustumé  la 
«mer,  pâlissent  mesme  en  temps  calme,  quand 
«  on  lève  l'ancre  ,  et  les  matelots  rient  durant 
«  la  tempeste.  Le  temps  et  l'Accoutumance  fait 
«  tout,  »  (  Charo?i,  ) 


ACE  7 

AccROCHEMENT.  Je  dirai  donc  rAccrochement 
d'une  affaire,  l'acculeraent  d'un  corps  d'armée, 
).'ahenrlemenl  des  circonstances. 

Accrocheraent.  Cette  affaire  était  sur  le  point 
de  se  terminer,  lorsqu'il  est  Survenu  un  Accro- 
chement;  œuvre  de  chicanier. 

AccuBiTEUR.  Officier  du  palais  des  empereurîs 
de  Constanlinople,  qui  couchaiL  auprès  <lu  prince, 
pour  la  sûreté  de  sa  personne. 

Son  ami  étant  tombé  malade  ,  il  ne  voulut  pas 
le  quitter  ,  et  se  fit  son  Accubileur. 

11  est  bien  doux ,  lorsque  l'on  soulTre  ,  de  ren- 
contrer un  Accvibiteur;  «ela  console  :  car,  hélas! 
Qu'une  nuit  paraît  longue  à  la  douleur  qui  veille  ! 

AcERsocoME.  Adjectif  pris  subsiantiv.  Surnom 
d'Apollon,  qui  siguifie  à  longue  chevelure. 

On  ne  voit  plus  de  conseiller  au  Pai'lement ,  ni 
au  Châtelet ,  Acersoconie.  Tous  les  cheveux  sont 
coupés  en  rond,  ou  noués  en  petites  queues. 

AcEBTAiNER.  Caquet  courut  au  bouquiniste 
qu'on  lui  avoit  indiqué.  Monsieur,  lui  dit-il,  les 
charbonniers  m'ont  Acertainé  que  vous  me  don- 
nei'iez  le  nom  et  l'adresse  du  plus  fameux  conteur 
de  contes  qui  soit  à  Paris.  (  Rêt'if.  ) 

AcÈTABULE.  Fiole  de  vinaigre.  On  ne  de- 
vroit  jamais  sortir,  dans  les  grandes  villes ,  sans 
porter  sur  soi  son  Acétabule. 

A  4 


8  A  C  O 

AcHETEUSE.  On  ue  voit  pas  parmi  nous  -, 
connue  à  Florence,  des  commissaires,  tancer  pa- 
bliquement  des  femmes  qui  portent  des  plumes*, 
ni  tenter  de  leur  arracher  ces  ornemens  de  leurs 
têtes  qui  plaisent  tant  aux  Acheteuses  de  modes. 

Achèvement.  I>e  dernier  degré  d'Achèvement 
est,  dans  tous  lés  arts,  le  premier  de  leur  avilis- 
sement :  ceci  veut  être  médité. 

Achever.  «  Epaminondas  ,  le  premier  de  la 
«Grèce,  enquis  lequel  il  estimoit  plus  de  trois 
«  hommes,  de  lui,  Chabrias  et  lphicrates,répoH- 
:«  dit  :  Il  nous  faut  voir  premièrement  mourir 

'«.tous  trois ,  avant  en  résoudre O  la  belle 

«  chose  î    de  pouvoir  Achever  sa  vie    avant  sa 

«  raort  !  tellement  qu'il  n'y  ait  plus  rien  à  faire 

M  qu'à  mourir  ;  qu'on  n'ait  plus  besoin  de  rien  , 

.,«  ni  du  temps  ,  ni  de  soi-même ,  mais ,  tout  seul 

,«  et  content  que  l'on  s'en  aille.  »  (  Charon.  ) 

Non  ,  je  ne  fais  plus  qu'achever  de  mourir.  (  Le 
l'ourneiir)  ,  Nuits  cVYou?ig.     ' 

AcLiMATEMENT.  Modification  du  tempéra- 
ment d'un  être  animé  qui  change  de  climat ,  et 
dont  la  santé  n'éprouve  aucune  altération  de  cette 
nouvelle  température.  Mon  Aciimatement  en 
Egypte  y  a  facilité  beaucoup  mes  opérations. 

AcoTOiR.  Faire  de  son  ami  un  perpétuel  Aco- 
toir ,  c'est  le  mettre  à  une  trop  rude  épreuve, 
cL  risquer  de  le  perdre. 


A  C  U  9 

ACOUDOIR.  O  ma.  chère  fille  ,  grandiô  encore 
un  peu,  et  sois  l'Acoudoir  de  Ion  vieux  père  î 

Acrimonie.  Il  a  dans  le  caractère  une  Acri- 
monie que  rien  ne  peut  corriger.  S'il  n'avait  que 
l'huineur  moidicante  ,  passe  encore;  mais  il  est 
Acrimonieux  presque  en  tout  temps  et  en  toute 
saison. 

JL 'Acrimonie  de  son  caractère  fait  le  plus 
grand  tort  à  son  esprit,  et  le  plaisir  qu'on  a  à 
l'entendre,  s'évanouit  dès  qu'on  a  vu  le  jeu  dur 
et  mordant  de  sa  physionomie. 

Acrimonieux.  Il  a  le  caractère  acrimonieux. 
Tel  critique  de  profession  a  le  style  Acrimonieux  ; 
mais  on  peut  être  Acrimonieux  sans  être  piquant. 

ACTILISÉ.  Dès  que  l'être  sensitif  n'est  plus 
Aclilisé  par  ce  qui  l'environne  ,  la  décrépitude 
commence. 

Activer.  Activer  une  affaire  ,  ne  point  la 
laisser  languir.  Le  plus  beau  projet  est  nul ,  s'il 
n'est  pas  Activé.  Activer  un  règlement,  une  loi , 
leur  donner  la  vie  par  une  prompte  exécution. 

Ce  mot  est  presque  naturalisé  par  un  emploi 
très-fréquent. 

AcTRiciSME.  Ce  mot  signifie  l'art  de  jouer  sur 
la  scène. 

AcuTE.  Vue  Acule,  fine,  peut  se  dire  au  mo- 


lo  A  D  J 

rai.  Une  jeune  fille  a  la  vue  Acute  pour  tout  ce 
qui  regarde  Tobjel  de  sa  passion. 

Adagio.  Terme  de  musique;  adverbe  italien; 
à  l'aise,  posément.  Lorsque  Ton  converse  aujour- 
d'hui ,  pour  peu  que  l'on  discute ,  l'on  est  tenté 
de  dire  à  son  adversaire  :  Adagio  !  adagio  ! 

Adducteur.  Le  mensonge  habituel  est  l'Ad- 
ducteur de  la  perfidie  et  du  crime. 

A  chaque  calamité  publique,  on  cherche  et  l'on 
veut  trouver  un  Adducteur. 

Adhaler.  Ce  mot  signifie  pousser  son  ha- 
leine  sur  quelque  chose.  La  lettre  d  ,  selon  moi , 
est  de  trop  :  on  ne  doit  pas  craindre  l'hiatus, 
dans  un  mot  où  il  j)roduit  le  plus  bel  effet. — 
Comme  Ahaler  peindroit  bien  l'émission  de  l'ha- 
leine !  (  Doniergue.  ) 

AdjectiveR.  Verbe  actif  qui  spécifie  la  com- 
position ou  l'addition  d'un  mot  par  lequel  se 
modifie  un  substantif. 

Ainsi  l'on  peut  dire  :  Adjectivezle  substantif, 
pour  donner  plus  d'expression  et  de  force  à  votre 
peusée. 

Adjoint.  Le  blasphème  est  l'Adj  oint  ordinaire 
du  jeu. 

Adjourner.  Ajourner,  remettre  à  un  autre 
jour.  Cet  ancien  mot  est  revenu  avec  tous  les 
honneurs  de  la  tribune. 


ADO  n 

Adjurer.  Je  vous  Adjure  de  lire  ce  mémoire 
pour  ma  justification. 

Adipeux.  Cet  homme  est  plus  que  gras  ,  il  est 
Adipeux. 

M.  de  SufFren  ,  revenant  de  l'Iude  ,  n'en  était 
pas  moins  Adipeux. 

Le  célèbre  historien  Gibhon  avoit  un  ventre 
Adipeux  ;  ce  qui  appartient  bien  rarement  à 
l'homme  de  génie. 

Ventre  Adipeux  ;  réceptacle  de  maladies. 

Adminicules. «Petits  secours.  Prêter  un  louis 
d'or  à  un  pauvre  diable  ,  c'est  un  Adminicule  ;  il 
peut  commencer  sa  fortune  avec  cette  somme 
légère,  et  vous  la  rendre  un  jour  au  centuple, 
ainsi  que  cela  s'est  vu.  Les  Adminicules  attestent 
mieux  la  charité  que  les  gros  prêts. 

Admiromane.  On  tourmente  un  homme,  et  il 
ne  crie  point  :  qu'est-ce  que  cela  prouve  ?  qu'il 
soufi"re  moins  qu'un  autre ,  ou  qu'il  est  meilleur  ? 
point  du  tout  :  c'est  qu'il  a  la  fibre  plus  forte.  Le 
véritable  homme  crie,  ou  se  venge,  quand  on  le 
bat.  Le  stoïcien  dénaturait  l'homme,  en  préten- 
dant le  perfectionner  :  semblable  aux  maîtres 
d'exercices  des  baladins  ,  il  ne  montroit  que  des 
tours  de  force  propres  à  extasier  les  Admiro- 
manes  sans  application  dans  la  morale.  (  Rétif.  ) 

Adoptable.    Cette  mesure  ,    ce   projet  ,    ce 
moyeu  n'est  point  Adoptable.  (  Bert.  ) 


13  A  D  U 

Adventice.  La  force  non  naturelle  est  nne 
opposition  extérieure  ou  Adventice  à  la  vigueur 
des  principes  et  à  leur  effet  nécessaire;  c'est  ce 
qui  ,  par  étymologie  de  violation  de  la  nature, 
s'appelle  violence.  (  Apliorismes  de  Harringtnn.  ) 

Adventureux.  Ce  n'est  pas  aventurier:  jeune 
homme  qui  a  couru  des  périls.  L'Adventureux 
Robinson  intéresse  tous  les  âges.  Il  y  a  des 
hommes  Adventureux  dont  la  vie  fourmille  d'évé- 
nemens  singuliers. 

Ad  VERSIFIEE.  Pourquoi  pas  ce  mot,  qui  signifie 
si  simplement  faire  un  adverbe  ou  des  adverbes  ? 

Adviser  {s").  Quand  le  parlement,  en  An- 
gleterre ^  présente  un  bill  auquel  le  roi  ne  juge 
pas  à  propos  de  consentir,  le  secrétaire  dit  :  Le 
roi  s'Advisera;  ce  qui  est  une  manière  douce  de 
le  rejeter. 

Advoué.  Avoué.  Nous  n'avons  plus  d'avocats, 
nous  avons  des  Avoués  voués  à  notre  service  :  eh 
bien  !  c'est  pourtant  le  très-vieux  mot  qui  est 
de  retour  parmi  nous. 

Aduler.  Aduler  un  homme  puissant,  c'est  la 
règle;  mais  aduler  chaque  jour  des  comédiens 
et  des  comédiennes,  c'est  le  bas  emploi  des  folli- 
culaires. 

Adultération.  L'Adultération  de  la  monnoie 
est  un  crime  capital. 


A  E  R  i5 

L'Adullération  des  niédicamens  el  des  comes- 
tibles devrait  être  punie  très-sérèremeut. 

Les  paroles  du  sage  sont  les  plus  susceptibles 
d'Adultération  pour  l'insensé  et  pour  le  mé- 
chant. 

Adultéresse.  On  a  puni  à  la  fois  l'adultèi'a 
et  l'Adultéresse. 

Aérage.  Aérage  des  salles  de  spectacles  :  c'est 
ce  qu'il  y  a  de  plus  indispensable,  et  ce  qu'on 
néglige  le  plus.  Avant  d'avoir  l'acteur,  il  fau- 
drait choisir  et  posséder  l'aérologue ,  celui  qui 
connoît  l'Aérage  :  il  préserverait  les  cités  d'une 
foule  de  maladies  malignes  que  l'on  puise  dans 
ces  lieux  de  divertissemens.  Les  hommes  ne  sont- 
ils  pas  inconcevables?  Huiner  un  mauvais  air,  un 
air  pestilentiel  pour  des  notes  de  musique!  Et  la 
musique  elle-même,  faute  du  ressort  de  l'air, 
perd  alors  de  son  prix;  car,  dans  celte  magni- 
fique enceinte  de  l'Opéra  ,  les  canlateurs  et  les 
cantatrices  chantent  dans  le  gobelet ,  ainsi  que 
je  l'ai  dit  ailleurs. 

La  santé  de  l'homme  dépend  de  l'Aérage  de  sa 
case  :  maxime  bonne  à  retenir. 

AisROLE.  Fiole  transparente. 

Ai^RTER.  Arrêter  un  cheval  par  le  frein.  Ce 
mot  nous  manque,  et  cependant  nou,s  l'avions  : 


i4  A  F  F 

il  faut  nous  en  servir  de  nouveau ,  comme  nos 
pères. 

Affaireux.  La  modération  est  vertu  bien 
plus  Affaireuse  que  n'est  la  sonfFrance.  Le  bien- 
vivre  du  jeune  Scipion  a  mille  façons  :  le  bien- 
vivre  de  Diogène  n'en  a  qu'une.  (^Montaigne.) 

Affaméité.  Un  de  nos  néologistes  donne  à  une 
faim  insatiable,  le  nom  d'Abartie;  mais  nous  avons 
déjà  boulimie,  terme  de  médecine,  qui  est  dérivé 
du  latin  huUmia ,  et  qui  signifie  absolument  la 
même  chose.  J'aimerais  mieux  encore  Afïkméité, 
ou  Famélicité  ,  que  tout  le  monde  entend  sans 
commentaire.  (^  Louis  Verdure.) 

Affamélite.  Qui  cause  la  faim.  Le  travail, 
l'exercice  du  corps  ,  la  bile  que  donnent  les  con- 
trariétés de  l'esprit,  la  paix  de  l'ame,  sont  des 
Affamélites.  Les  épices  et  les  acides  sont  des 
AfFaméliles. 

Afférocée.  Et  toutes  ces  tèles  innocentes  tom- 
baient au  bruit  des  applaudissemens  atroces  d'une 
multitude  Afférocée. 

Affichiste.  Faiseur  ou  distributeur  de  petites 
feuilles  volantes. 

Il  croit  réellement  à  l'éloge  pompeux  qu'a  fait 
de  lui  l'Affichiste. 

Affinage.  L'Affiaage  du  style  n'en  est  pas  la 


A  F  F  i3 

correction  ,  encore  moins  la  perfection  :  Florian 
l'a  prouvé. 

Affiner  (a'.)  «  En  l'amonr ,  ce  n'est  qivim 
«  désir  forcené  de  ce  qui  nous  fuit.  Aussitôt  qu'il 
«  entre  aux  termes  de  l'amitié,  c'est-à-dire,  en 
«  la  convenance  des  volontez ,  li  s'esvauouit  et 
♦<  s'alangiiit. 

«  L'amilié ,  au  rebours  ,  est  jouïe,  à  mesure 
«qu'elle  est  de&irée ,  ne  s'esleve  ,  se  nourrit, 
«  ni  ne  prend  accroissance  qu'en  la  jouissance, 
«  comme  estant  spirituelle  ,  et  l'ame  s'Affinant 
«  par  l'usage.  «  (  Montaigne.  ) 

Affolir  (  s\  )  «  Tout  ainsi  que  la  besle  sau- 
«  vage  et  farouche  ne  se  veut  laisser  prendre  par 
«l'homme,  mais  ou  s'enfuit  et  se  cache  de  lui, 
♦(  ou  s'irrite  et  s'esleve  contre  lui ,  s'il  en  veut 
«  approcher,  ainsi  fait  la  folie  revêche  à  la  raison, 
«  et  sauvage  à  la  sagesse  ,  contre  laquelle  elle 
*■  s'irrite  et  s'Affolit  davantage.  »  (  Charon.  ) 

Affqnder  («').  S'Affonder  dans  un  précipice  : 
ils  dansoicnt,  et  tout  à  coup  on  les  vit  s'Affonder 
par  la  chute  du  plancher. 

Affouguer.  Affouguer  un  cheval ,  \xn  animal 
paisible  :  Affouguer  un  peuple  par  des  rigueurs 
déplacées;  Affouguer  un  jeune  homme  par  des 
paroles  irritantes ,  et  qui  blessent  son  orgueil. 

Affres,  Les  Affres  de  la  mort  ,  les  angoisses 


î6  A  G  G 

d'un  cœur  navré  n'ont  point  été  remplacées,  (  dit 
J^oltaiî^e.  ) 

Affrioler.  On  trouvait  dans  le  choix  des 
mets  exquis  dont  on  couvrit  la  table  ,  tout  ce  qui 
pouvait  Afl'rioler  le  goût  le  plus  délicat. 

Agace.  Pie  criarde.  Si  une  femme  l'imite  : 
«  Taisez-vous  ,  Agace.  » 

Agaillardir  (  s\  )  Voici  des  fêtes  sans 
nombre:  sont -elles  gaies?  on  y  danse,  on  s'y 
étourdit,  on  s'y  amuse;  le  tout  serait  de  s'y  Agail- 
lardir 5  mais  la  bonne ,  la  franche,  la  durable  gaîté 
n'est  pas  au  milieu  des  fusées  :  pour  s' Agaillardir, 
il  faut  posséder  la  tranquillité  d'esprit. 

Agglomération; Et  une  cité  ayant  sub- 
jugué une  cité ,  elle  se  l'asservit ,  et  en  composa 

une  province et  deux  provinces  s'étant  en- 

glouties  ,  il  s'en  forma  un  royaume; j  ......  et 

deux   royaumes  s'étant  conquis  ,  l'on  vit  naître 

des  empires  d'une  étendue  gigantesque 

et  ,  dans  cette  Agglomération  ,  loin  que  la  force 
interne  des  Etats  s'accrût  en  raison  de  leur 
masse,  il  arriva  au  contraire  qu'elle  fut  dimi- 
nuée. (  Volney,  ) 

Agglomérer  (a'.  )  Une  boule  de  neige  déta- 
chée des  Alpes,  va  toujours  se  grossissant  et  s'Ag- 
glomérant,  jusqu'à  ce  qu'enfin  elle  devienne  un 

torrent 


A  G  R  17 

torrent  qui  inonde  les  plaines.  Telle  est  l'image 
de  la  puissance  exclusive. 

Aggravanter.  Celte  circonstance,  loin  d'affai- 
blir son  délit,  l'Aggravante  beaucoup. 

Aginer.  Se  donner  du  mouvement  pour  peu 
de  chose. — J'adople  ce  nfot  dans  lequel  on  recon- 
naît le  verbe  agir ,  et  où  la  terminaison  iner 
semble  êlre  ridiculisante,  ou,  tout  au  moins,  an- 
noncer une  aclion  peu  importante.  Tels  sont,  aco- 
quiner,  ha.diner ,  dandiner,  cliopiVz^r,  ramner  ^ 
lurlupz/2er.  (  Journ.  de  la  Lang.  Franc.  ) 

Agitateur.  Le  peuple  ne  peut  jamais  être  que 
trompé  sur  son  intérêt  et  sa  volonté,  dans  les  asso- 
ciations particulières  où  l'on  parle  en  son  nom  , 
sans  mission  et  sans  caractère.  Qui  composera  ces 
associations?  des  oisifs,  des  mécontens ,  des  am- 
bitieux, des  Agitateurs,  des  ennemis  de  la  chose 
publique  aj^ant  pour  mandat  de  tout  boule- 
verser. (  Mailhe.  ) 

Agitateur.  Tel  Agitateur  d'un  peuple  est  un 
grand  homme  ;  tel  autre  n'est  qu'un  misérable 
stipendié.  Les  époques,  les  intentions,  le  succès, 
imprimeront  à  ce  mot  les  acceptions  les  plus 
opposées. 

Agréanter.  On  vous  enverra  la  voiture , 
madame,  si  cela  vous  Agréante.  Agréer  ne  vaut 
pas  ici  Agréanter.  Croyez-vous  que  je  puisse  lui 

Tome  l.  B 


i3  AID 

faire  A^ïéanler  ce  voyage  à  la  campagne?  Faites- 
lui  Agréaiiier  le  présent  que  la  ville  lui  doit  par 
la  plus  juste  reconnaissance. 

Agrémenter.  Si  Voltaire  fut  né  en  Bourgogne, 
au  lien  de  naître  à  Paris,  il  aurait ,  toutes  choses 
d'ailleurs  égales,  surpassé  Homère  ,  Virgile  ,  le 
Tasse,  etc.  Son  unique  défaut  esL  d'être  né  Pari- 
sien :  c'est  ce  qui  l'a  Frivolisé,  Agrémenté  ,  Su- 
perficiellisé  (i).  (  Rétif.  ) 

Agreux.  Riche  en  fonds  de  terre  ,  du  lalia 
agrosus.  Comme  nous  avons  agriculture  ,  j'accep- 
terais Agreux  sans  difficulté.  (  Louis  Verdure.  ) 

Agriministes.  Les  belles  dames,  dont  la  fan- 
taisie commande  ces  ouvrages  momentanés,  sus- 
ceptibles de  variations  inhnies  ,  ignorent  sans 
doute  que  les  ouvriers  qui  façonnent  les  agré- 
mens  dont  elles  ornent  leurs  robes,  se  nomment 
Agriministes. 

AiDANCE.  Secours.  Je  me  tirerai  de  ce  mauvais 
pas,  je  l'espère,  avec  l'aide  de  Dieu  et  l'Aidauce 
de  mon  frère. 


(i)  Que  ces  mots  forgés  ne  scandalisent  personne  !  Ciccron  , 
qui  valait  bien  nos  puristes,  dit  :  SyLlaturit ,  pour  exprimer: 
11  se  meurt  d'envie  d'imiter  la  cruauté  de  Sylla.  Il  dit  :  Maria- 
iurlt  ;  mots  très-forgés.  On  dirait  fort  bien  Agrémenter  uns 
robe. 


A  J  O  ng 

AlGARE.  Celui  qui  voudiait  être  au  bon  che- 
min ',  mot  provenant  du  grec.  Nos  ancêtres  l'ont 
quelquefois  employé. 

Aiguillonner,  (s')  La  force  n'existe  jamais 
dans  le  nombre  des  individus  ,  mais  dans  leur 
réunion  ,  leur  fixité ,  leur  ensemble  ;  et  cette 
réunion  ,  outre  la  résistance  et  l'énergie  de  sa 
masse,  développe  encore  un  autre  genre  de  puis- 
sance plus  efficace  :  c'est  celle  de  l'intelligence. 
Les  hommes  réunis  s'AiguiiJojment  et  s'éclairent. 

Aimablement.  Cette  jeune  actrice  excellait 
sur-tout  dans  les  Dehors  irompeiirs.  Quoique 
cette  pièce  de  Boissy  n'eût  pas  été  faite  pour  elle, 
elle  s'y  trouvait  tellement  convenable,  que  le 
talent  de  mademoioelle  Gaussin  ne  pouvait  l'em- 
porter sur  le  naturel  qu'elle  mettait  dans  la  scène 
avec  le  marquis.  ...  il  fallait  voir  le  ton  trem- 
blant, Aimablement  embarrassé  de  cette  char- 
mante fille:  {Rétif.) 

Ajambée.  Une  résistance  déplacée,  hautaine, 
arrogante.  Uue  résistance  trop  opiniâtre  aux  pre- 
miers pas  de  la  révolution  française ,  lui  a  fait 
faire  plusieurs  et  grandes  Ajambees. 

Ajouré.  Oh!  si  l'on  m'avait  vu  dans  ce  triste 
réduit,  sur  un  mauvais  grabat,  n'ayant  pour  tout 
meuble  que  deux  chaises  et  uue  table  brisées,  une 

B   2 


20  A  L  A 

vieille  cassette  sans  fermetiu^e,  pour  serrer  mes 
vêtemens  diî'Iabrés  !  Usie  chalière  Ajourée  par 
deux  carreaux  de  papier  huilé  ,  nie  servait  de 
fenêtre.  {Rétif.) 

Ajoutation.  Son  ouvrage  n'a  pas  eu  de  suc- 
cès, parce  qu'on  ne  Fenlendait  pas;  mais  les  noies 
qu'il  vient  d'y  ajouter I....  toutes  ces  Ajoutations- 
là  seront  inutiles.  Donnez  à  un  homme  perclus 
dans  tous  ses  membres,  les  meilleures  béquilles, 
il  se  traînera^  mais  il  ne  marchera  point. 

Alanguir.  (5')  César,  assis  sur  son  tribunal, 
préside  le  sénat  :  Métellus-Cimber  ,  qui  a  une 
supplique  à  lui  présenter,  fléchit  un  genou  devant 
lui.  César  lui  dit  : 

«Je  dois  te  prévenir,  Cimber,  que  ces  basses 
«adulations,  ces  génuflexions  caressantes,  peu- 
«  vent  enflammer  l'orgueil  des  hommes  vulgaires, 
«  et  changer  en  vains  projets  d'enfant  les  décrets 
«  arrêtés  dans  leurs  premières  résolutions.  N'ayez 
«  pas  la  folle  pensée  de  croire  que  le  cœur  de 
«  César,  rebelle  à  mes  desseins,  sAlanguisse  et 
«perde  son  vrai  caractère  par  ces  moyens  ser- 
«  viles  qui  vous  attendrissent,  vous  autres.» 

Alanguissement.  Mon  imagination  ,  moins 
vive,  ne  s'enflamme  plus  comme  autrefois,  à  la 
contemplatioo.  de  l'objet  qui  l'anime  :  je  m'enivre 


'  A  L  L  21 

ruoins  du  délire  de  la  rêverie.  Un  tiède  Alangnis- 
seraent  énerve  toutes  mes  facultés,  et  l'esprit  de 
vie  s'éteint  en  moi  par  degrés.  (/.  /.  Rousseau.) 

Alarmiste.  L'astronome  Lalande  fut  un  grand 
alarmiste,  il  y  a  trente  ans  environ,  au  sujet 
d\ai  Mémoire  lu  à  l'Académie  des  sciences,  où  il 
admettait  la  possibilité  d'une  comète  heurtant  la 
terre.  Vei'sailles  eut  peur,  et  menaça  l'Alarmiste 
de  la  Bastille,,  s'il  récidivait. 

Albeur.  L'Albeur  de  sa  peau  surpassait  la. 
blancheur  des  lys. 

Algébrer.  Il  ne  sait,  depuis  qu'il  est  au  monde, 

qu'Algébrer,  et  il  regarde  en  pitié  tout  homme 

qui  n'est  point  algébriste. 

» 

Alimentation.  Les  rapports  perfides  sont  l'Ali- 
mentation des  haines  qui  existent  entre  parens.,., 

Si  l'homme  n'était  pas  soumis  à  une  Alimen- 
tation journalière,  que  ferait-il  de  son  intelligence? 

Allaitement.  Ce  qui  réjouit  l'œil  du  philo- 
sophe, c'est  de  voir  l'Allaitement  public  natu- 
ralisé en  France,  toutes  les  femmes  nourrices, 
et  le  vœu  de  J.  J.  Rousseau  pleinement  exaucé. 

L'Allaitement  est  aussi  favorable  à  la  santé  de 
la  mère  qu'à  celle  de  l'enfant. 

Allécher.  Tout  le  monde,  même  les  petite 

B  5 


23  A  L  L 

enfatis,  connaissent  la  fable  de  notre  Lafonlaine  : 

Maître  Corbeau,  sur  un  arbre  perché, 
Tenait  en  sou  bec  un  fromage; 
Maître  Renard  ,  par  l'odeur  i\llcché  , 
Lui  tint,   à  peu  près,   ce  langage,   etc. 

Au  lieu  d'Alléché,  mettez  Attiré,  et  le  vers  cesse 
d'être  pittoresque.  Le  mot  de  Lafontaine  me  peint 
le  renard  presque  jouissant  du  plaisir  de  manger 
le  fromage  qu'il  convoite  au  pied  de  l'arbre  : 
l'odeur  lui  en  donne  déjà  le  goût.  S'il  est  des 
personnes  qui  refusent  de  rajeunir  ce  mot ,  je 
dirai  avec  le  même  Lafontaine  : 

J'ai  regret  que  ce  mot  soit  devenu  trop  vieux  : 
Il  m'a  toujours  paru  d'une  énergie  extrême. 

Allégoriste.  Les  honnêtes  gens  doivent  rem- 
barrer avec  vigueur  les  médians  Allégoristes  qui 
trouvent  dans  la  tragédie  des  Guèbres,  des  allu- 
sions odieuses.  Ces  gens-là  ne  sont  bons  qu'à  com- 
jnenter  l'Apocalypse.  [Voltaire.) 

Allègre.  Riant  au  visage.  Il  est  moins  beau 
que  son  frère 5  mais  il  a  la  figure  plus  Allègre. 

AlLIANCER.  («')  Il  était  jeune,  il  était  probe;. 
il  cessa  de  l'être  en  s'Alliançant  avec  des  corrup- 
teurs fourbes  et  polis. 

Allumelle.  Lame  de  couteau,  ce  qui  tranche. 
Tout  ami  de  la  table  ne  doit  pas  marcher  sans 
sou  Allumelle  en  poche,  et  bien  affilée. 


A  I.  O  1^5 

Allusionner.  C'est  le  mérile  des  meilleurs 
écrivains.  Juvénal  ,.  Horace  ,  Voltaire  ne  font 
.qu'Allusionner  çlan^  Jeurs  écrils;  et  c'est  ainsi 
qu'ils  aiguillonnent  l'esprit  4iL  lec-leur  ^  ils  fpn^ 
toujours  plus  eatend,re  qvi'ils  ne  disent:  Allusioi^ 
ner  dans  la  cguver^aliû»i,  c'est  .la  nourrir,  atta- 
cher l'audileur,  et  l'intéresser  sans  relâche. 

Pour  bi'èrl  éôfnpVendre  "Tes  àSileurs  anciens ,  il 
faut  savoir  qu'ils  Allusionnoient  très-fréquemment; 
si  l'on  manque  d'éLudjes  à  c^t.i^ëJiî'^.s'^''''!^*^  i^^*^^" 
sible  de  les  bien  goûter.    .;   ■,(.;.  ^  i.ii)  ;o...  O 

Atoi.  Elle  était  belle,  fei^lVé^yi^î^'efle  lia 
parut  être  die  trop  ba-s^Alt»î"^paa'r'qd*il*Se  délér- 
minât  à  l'épouser. 

AT^ouETiL/e  perfide  cliasseur  se  glisse  derrière 
^nn  buisson  épais  :  il  a  vu,  il  ajuste,  jl  fait  tom- 
ber le  jeune  AT oiiet,  qui,  d'nn.cbant.gai,et  d'une 

aile  légère,  s'élançait  vers  ralôuette,  otjet  de  ses 

■■  '   i;.?  .     >';;...    .  j:.iiiMiiiiï  .- --.Au/  .V^-^ 

amours.  ^  .  •     j   ^ 

Alourdir.  Il  faut  que.  le^.jdeux  épowx  soiçpt 
.toujours  indépendans  1,'u.u  de  l'autre,  pourivivre 
toujours  unis.  Il  fau't  que,  les,  mêmes  soins  qui  ont 
formé  lenr,  o^îne,  la  Tendent^;  chaque  jour,:  plus 
légère.  Alourdie,  sans  cela,  par  les- inquiétudes 
du  ménage,  par  le  .çlégoût ,  prod-n^^.  de  la  jouis- 
sauce,  et  par  l'inconstance  naturelle,,  .cette  çliaîaie 
deviendrait  bientôt  un  .tourment  q.u^ils,  parla- 
gera^iei^l-yé^^lement.  {J^M-  J^G^wm.)-  .         _  r 


■84  A  M  A 

Al+EP^CÀTS.  Sur  ce.^  Allercats  de  paroles,  ils 
aortirenl ,  et  ne  furent  pas'  plutôt  au  parvis  ? 
■qu'ils  mirent  l'épée  à  la  main.  Comme  leurs  épées 
étaient  éourfes,  et  qu'ilis  sechargeaient  sansme- 
sure,  ils  s'entre  ferrèrent  tous  deux.  On  les  porta, 
eflcore  pautélans  j  chez  le  même  fchirurgien, 

r    Amabiliser.  La  société  des  femmes  Amabilise 
un  homme. 

~ '- Amatrice.  Lemot  Amatrice  èst-il  français  ? 

Ce  niot  qui,  dans  les  cerele.s  ,  fournit  tous  les 
jours-une  occasion  de  dispute  grainmaticale,  a  été 
l'objet  d'un  lojpg  déjbat  dont  je  .vais  exposer  Içs 
détails.  ^  '  ;.  ^^„:^ 

Une  Lyonnaise  aussi  instruite  qu'aimable ,  ma- 
dame Géramb  la  cadette,  consulta  M.  Grandieau, 
maître  de  langue  ,  sur  le.  mot  Amatrice  5  il  répoiy- 
"dit  ^  «  Madame  ,  je  serais  fâché  que  vous  spu tins- 
siez qu'Amatrice  est  français  ^  ce  mot  est  un  vrai 
barbarisme  :  Amatrice  et  Autrice  ne  valent  pas 
iîïieùx^  l'un  que  l'autre; 

«  Quant  à  la  règle  que  vous  me  demandez  ,  elle 
est  toute  simple^  la  voici  :  Le  mot  x\matrice  ne 
fut  jamais  français  ,  et  je  doute  qu'il  obtienne  ja- 
mais des  lettres  de  naturalité.  ^ 

<f  Enfin,  on  dit  une  femme  Amateur ,  comme  ou 
dit  une  felTime  Auteur.  J'ai  l'hontieur  d'être ,  etc. 

Et-sur  ce  qu'on  lui  objecta  que  Linguet  em- 
ploie cette  expression,  il  écrivit  une  seconde  lettre 
eu  ces  termes  : 


A  M  A  25 

«Madame,  je  propose  cent  louis  d'or  contre 
dix,  a  ceux  qui  vealeiil  iqu'AinaLrice  soit  fran- 
çais. M.  L.ingiieL  a  sans  doute  beaucoup  d'esprit, 
personne  ne  Je  lui  conîestera  ;  mais  je  ne  puis  lui 
pardonner  cVétrenêologue.  Si  l'on  s'obstine  encore 
à  vouloir  cju'Araatrice  soil  français,  mêliez  sous 
les  yeux  des  partisans  du  néologisme,  tous  les 
Dictionnaires  français  depuis  Joubert  ,  jusqu'à 
celui  de  TAcadémie;  vous  n'avez  pas  de  meilleur 
moyen  de  les  convaincre  cVignOrance  dans  la 
langue  française.  Non,  madame,  non,  ce  mot 
n'est  pas  français.  Linguet  est  le  premier  qui  ait 
^osé  le  hasarder,  et  j'ose  vous  assurer  qu'il  ne  fera 
pas  fortune.  J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Un  Allemand  versé  dans  noire  langue,  M.  Hils- 
cher  ,  ne  se  sentant  ni  séduit  par  le  ton  de 
M.  Grandeau  ,  ni  entraîné  par  sa  logique  ,  appela 
dé  cette  décision  à  M.  Linguet ,  et  motiva  ainsi 
\  son  appel  : 
^ (i  Amâlrîce  est  français,  parce  qir'il  est  ana- 
logue au  génie  de  la  langue  ;  on  dit  : 

Acteur Actrice. 

Ambassadeur Ambassadrice. 

Brenfaiteur .   .  Bienfaitrice. 

Consolateur C^onsolatrice. 

Créateur Créatrice. 

Directeur Directrice. 

Electeur.-  .  . Electrice. 

'  Fondateuif.  ■  ;  .' «   .....  Fondatrice. 


26  A  M  A 

Producteur Productrice, 

Protecteur Protectrice» 

Spectateur Spectatrice. 

Tuteur Tutrice. 

Usurpateur Usurpatrice. 

«On  doit  donc  appeler  Amatrice,  iine  femme 
qui  aime  les  arts ,  comme  on  appelle  Amateur ,  un 
homme  qui  aime  ce  goût. 

«L'auteur  d'Emile  et  M.  Linguet  ont  con- 
sacré ce  mot  en  l'employant. 

«  Mais  ce  mot  n'est  pas  dans  le  Diclioiinaire  de 
FAcadéraie  française. — Je  réponds  que  la  langue 
française  étant  une  langue  vivante  ,  peut  acquérir 
tous  les  jours.  Créatrice  n'est  pas  dans  le  Diction- 
naire de  l'Académie  ,  cependant  Créatrice-  est 
français.  * 

«  Si  l'on  objecte  qu'Araatrice  peut  donner  liçit 
à  une  équivo(pie ,  je  répondrai  que  le  seaisla  sauye 
toujours  ,  et  qu'un  mot  ne  doit  pas  être^  exclu 
d'une  langue  ,  parce  que  des  esprits  frivoles  peu- 
vent en  faire  un  mauvais  calembourg* 

«  Enfin,  si  Ton  ne  dit  pas  une  femme  Autrice  , 
c'est  qu'nne  femme  qui  fait  lui  livre,  flîst  une 
femme  extraordinaire;  mais  il  est  dans  l'ordre 
qu'nne  femme  aime  les  spectacles,  }c\  poésie  ,  etc. 
comme  il  est  dans  l'ordre  qu'elle  soit  Spectatrice.  » 
Telles  sont,  en  abrégé,  les  raisons  qu'exposa 
M.  Hilsclier  ,  dans  sa  lettre  à  \J.  Linguet. 

L'Auteur  des  Annales  (  n°.  5j  ),  est  entière- 


A  M  A  27 

ment  de  son  avis.  «  Si  j'osais  ajouter  quelque  chose 
à  ce  que  vous  avez  si  bien  développé,  poursuil-il , 
je  dirais  qne,  puisque  M.  Grandeau  en  appelle  aux 
Dictionnaires  et  à  l'Académie,  sa  femme  Amaleur 
est  un  vrai  barbarisme  ,  dont  il  ne  trouvera  la 
justification  nulle  part.  L'usage  a  douné  les  deux 
sexes  au  mot  Auteur;  mais  il  n'a  pas  fait  encore 
la  même  faveur  à  l'autre.  Si  c'est  blesser  la  langue 
que  de  dii-e  d'mie  dame  sensible  à  la  beauté 
des  arts  ,  qu'elle  est  Amatrice  ,  l'appeler  femme 
Amateur  ,  c'est  blesser  à  la  fois  la  langue  et 
l'oreille.  » 

«  S'il  m'était  permis  de  jouter  avec  un  liomme 
qui  se  met  de  si  mauvaise  humeur  quand  on  n'est 
pas  de  son  avis  ,  et  qui  veut  que  la  règle  soit  de 
penser  comme  lui ,  je  prendrais  la  liberté  de  lui 
remontrer  qu'il  n'a  pas  une  idée  juste  de  la  signi- 
fication des  mots  qu'il  emploie.  Par  exemple ,  il 
mereproche  du  néologîs??ie.  Quand,  en  effet ,  Jean- 
Jacques  et  moi  nous  aurions  tort  ici ,  le  reproche 
serait  injuste,  et  l'épithète  mal  appliquée  :  ce  n'est 
pas  l'usage  hasardé  en  passant,  même  d'un  mot 
nouveau,  qui  suffît  pour  fonder  l'accusation  de 
néologisme.  Corneille  a  pris  souvent  cette  licence, 
à  la  vérité  sans  succès  :  son  invaincu  ,  et  bien 
d'autres  mots  qui  manquent  à  notre  langue,  et 
qui  n'auraient  pas  pu  avoir  un  père  plus  illustre , 
ont  été  rejetés  par  un  «aprice  de  l'usage;  mais  eu 
ne  les  adoptant  pas^  on  n'a  pas  fait  à  Corneille  le 


28  A  M  A 

reproclie  de  parler  un  langage  nouveau.  Ce  n'est 
pas  en  effet  une  expression  isolée,  quoique  répré- 
hensible,  qui  peut  y  exposer.  » 

Une  société  d'amateurs  de  la  langue  française 
craignant  que  Linguet  n'eût  penché  pour  Ama- 
trice,  parce  qu'il  avait  employé  lui-même  ce  mot, 
désira  connoître  mon  opinion  5  je  fis  cette  réponse  : 
«  Pour  décider  si  Amatrice  est  français ,  si  en 
l'employant  on  est  néologue ,  il  faut  d'abord  se 
faire  une  idée  du  néologisme,  qu'on  ne  doit  pas 
confondre  avec  la  néologie. 

«  Ces  deux  mots  ont  un  point  de  vue  commun , 
en  ce  que  l'un  et  l'autre  signifient  mot  noiipeau  ; 
mais  ils  portent  une  empreinle  particulière  à  la- 
quelle on  ne  peut  se  méprendre.  La  néologie  est 
l'art  déformer  des  mots  nouveaux  pour  des  idées 
ou  nouvelles  ou  mal  rendues.  Le  néologisme  est  la 
manie  d'employer  des  mots  nouveaux  sans  besoin 
ou  sans  goût.  La  néologie  a  ses  règles  ;  le  néolo- 
gisme n'a  pour  guide  qu'un  vain  caprice.  La  pre- 
mière donne  de  l'embonpoint  à  la  langue;  l'autre 
est  une  superfétalion  stérile,  une  bouffissure  ridi- 
cule. Sans  doute,  comme  le  dit  Horace,  il  a  tou- 
jours été  ,  il  sera  toujours  permis  de  se  servir  de 
mots  nouveaux;  ceux  qui  sont  anciens  pour  nous, 
n'ont-ils  pas  été  nouveaux  pour  nos  pères  ?  Mais 
les  lois  de  la  néologie  veulent  que  tout  mot  nou- 
veau soit  ou  nécessaire ,"  ou  plus  expressif  que 
celui  dont  on  se  servait ,  qu^il  dérive  d'une  langue 


A  M  A  29 

polie,  connue,  et  prenne  la  teinte  de  celle  qui 
l'adopte.  Incohérence  ,  incohérent ,  insignifiant  , 
insouciance ,  ame  aimante ,  gloriole ,  ligne  de  clé- 
inarcation ,  aérostat,  aéronaute ,  sont  des  mots 
nouveaux  qu'avoue  la  néologie,  et  que  recueille- 
ront les  bons  Dictionnaires.  Etre  bien  cduqué y 
égaliser,  sont  des  néologismes,  parce  que  nous 
avons  élèverai  égaler.  L'Impasse  de  Voltaire,  qui 
est  noble,  sonore,  expressif,  aurait  prévalu  sur 
cul-de-sac  qui  n'a  aucune  de  ces  qualités,  si  l'idée 
qu'on  veut  exprimer  par  un  de  ces  mots  ,  était  du 
district  des  poètes  ou  des  orateurs  :  la  vorx  po- 
pulaire ,  en  cette  occasion  ^  impose  silence  à  la 
néologie  qui  le  réclame.  On  ne  voit  guère  de 
néologisme  que  dans  les  auteurs  frivoles  et  sans 
talent;  mais  dans  l'écrivain  de  génie,  l'impétuo- 
sité de  ses  idées  le  force  à  des  laconismes  qui 
n'ont  point  d'expression  reçue.  La  néologie  ap- 
prouve ces  hardiesses  heureuses ,  et  la  langue 
s'enrichit. 

«  Maintenant  examinons  le  mot  Amatrice. 
A-t-on  besoin  de  ce  mot  ?  dérive-t-il  d'une  langue 
polie  ?  est-il  en  rapport  pour  sa  formation  avec 
d'autres  mots  de  la  langue  ?  l'oreille  enfin  l'ap- 
prouverait-elle ,  si,  réclamé  par  le  besoin,  il  était 
indiqué  par  l'analogie  ? 

Depuis  que  les  femmes  cultivent  leur  esprit, 
depuis  qu'à  l'empire  de  leurs  charmes  elles  ajou- 
tent celui  des  connaissances  en  tout  genre,  de- 


3o  A  M  A 

puis  qu'elles  aiment  les  lettres  et  les  arts^  il  nous 
faut  un  iTiot  doué  de  l'inflexion  féminine  pour 
rendre  cette  nouvelle  idée  ,  et  le  mot  est  Ama- 
trice.  «AParisjdil  J.J.Rousseau  (Emile,  p.  i-'S), 
le  riche  sait  tout;  il  n'y  a  d'ignorant  que  le  pauvj  e. 
Cette  capitale  est  pleine  d'Amateurs,  et  sur-tout 
d'Amatrices  qui  font  leurs  ouvrages ,  comme 
M.  Guillaume  fesait  ses  couleurs.))  Ce  mot,  comme 
on  voit,  est  tombé  de  la  plume  de  J.  3.;  Linguet 
l'a  employé  et  défendu.  Tous  les  écrivains  dont 
le  style  a  de  l'abandon,  dont  la  verve  est  féconde 
en  pensées  fortes  et  précises  ,  ont  souvent  besoin 
de  mots  nouveaux  qui  les  peignent. 

Amatrice  vient  du  latin  amatrix ,  et  de  Titalien 
Amatrice. 

Les  analogues  d'Amatrice  sont  sans  nombre  ; 
directeur,  directrice;  consolateur,  consolatrice  j 
curateur,  curatrice;  et  par  conséquent,  amateur, 
Amatrice.  Ce  mot ,  au  moment  du  besoin  ,  se  pré- 
sente de  si  bonne  grâce  qu'il  est  impossible  de 
l'écarter. 

L'oreille  enfin  doit  approuver  dans  Amatrice, 
la  désinence  qu'elle  approuve  dans  directrice  , 
actrice  ,  tutrice ,  etc.  Ce  n'est  pas  un  son  nou- 
veau pour  elle ,  c'est  même  ini  son  qui  lui  plaît 
particulièrement;  car  ayant  à  choisir  entre  chan- 
teuse  et  cantatrice  ,  elle  préférera  toujours  can- 
tatrice dans  le  style  noble,  c'est-à-dire  ,  dans  I9 
style  011  elle  aime  le  plus  à  exercer  son  empire. 


A  3.1  A  5r 

Je  suis  donc  d'avis  que  le  mot  Amatrice,  solli- 
cité par  le  besoin  ,  avoué  par  le  goût  parfaitement 
analogue,  ayant  des  patrons  recommandables,  cir- 
culant déjà  parmi  les  personnes  qui  parlent  bien, 
est  frappé  au  coin  des  meilleurs  mots  français. 

J'en  ai  assez  dit  pour  les  esprits  justes;  mais 
comment  persuader  ceux  qui,  n'ayant  pas  même 
le  mériie  de  l'invention  ,  viennent  niaisement 
jouer  sur  le  mot,  et,  tourmentant  la  syntaxe,  en 
ne  fesant  pas  une  ellipse  qu'elle  commande ,  et 
la  prononciation  ,  en  coupant  en  deux  un  mot  in- 
divisible ,  commettent  une  double  faute  ,  pour 
arriver  enfin  à  un  misérable  calembourg  ?  Ce- 
pendant ils  entraînent  la  petite  coterie  :  trop  scru- 
puleuses pour  se  dire  Amatrices,  les  dames  se 
proclament  Amateuses  ,  malgré  l'analogie  ,  et 
Amateurs  ,  malgré  le  sexe. 

Construisons  et  prononçons  Amatrice  ,  comme 
la  raison  veut  qu'il  soit  construit  et  prononcé  : 
cette  société  est  composée  d  Amateurs  et  d'Ama- 
trices^les  Amateurs  ont  du  talent  ;  les  Amatrices, 
des  grâces  et  du  goût.  INi  cette  pbrase ,  ni  celle 
de  J.  Jacques  ,  ne  sauraient  donner  lieu  à  une 
mauvaise  plaisanterie.  Notre  langue  fourmille  de 
mots  qui,  dans  quelques  syllabes,  o firent  à  la 
frivolité  attentive ,  une  image  ridicule  et  obscène, 
tandis  que  le  mot  total  et  les  expressions  environ- 
nantes présentent  le  véritable  sens  aux  personnes 
raisonnables. 


52  A  M  B 

Je  ne  me  flalte  pas  non  plus  cle  convertir  ces 
vains  puristes  que  la  voix  de  la  raison  touche 
moins  que  le  silence  cle  l'Académie  sur  le  mot 
Amatrice ,  preuve,  ou  qu'il  a  été  omis  par  elle, 
comme  trois  ou  quatre  cents  autres  mots,  ou  qii'il 
n'a  pris  naissance  que  depuis  la  dernière  édition 
de  son  Dictionnaire.  L'académie  ne  crée  pas  les 
mots;  son  emploi  esl  d'enregistrer  ceux  que  l'usage 
autorise.  Un  mot  est  donc  français  avant  qu'il 
soit  inséré  dans  son  Dictionnaire;  et  si,  par  oubli 
ou  par  dédain  ,  elle  se  taisait  sur  un  mot  reçu,  sur 
un  mot  qui  fait  généralement  plaisir,  les  écrivains 
l'emploieraient  sans  le  moindre  scrupule,  et  l'ob- 
servateur philosophe  dirait,  en  parodiant  les  vers 
de  l'académicien  Boileau  : 

L'académie  en  corps  a  beau  le  rejeter, 
Le  public  révolté  s'obstine  à  l'adopter. 

(  Urbain  Domergiie.  ) 

Ambages.  T1  parle,  il  parle,  il  fait  naître  des 
Ambages  qui,  loin  d'éclaircir ,  ne  font  qu'em- 
brouiller. Ce  mot  latin  est  adopté  dans  plusieurs 
langues. 

Ambrer.  Le  maréchal  de  Richelieu  fut  le  pre- 
mier, en  France,  qui  sut  Ambrer  le  vice. 

Ambroisier.  Non,  ce  n'est  point  à  Tamour, 
c'est  à  l'amitié  tendre  et  constante  d'une  femme 
qu'il  appartient  d'Ambroisier  notre  vie. 

Oui,  ta  main,  en  me  l'offrant ,  Ambroisie  cet 

amer  breuvage. 

Ambulance. 


A  M  O  55 

Ambulance.  L'empereur  Joseph  ii  se  plai- 
sait dans  son  Ambulauce. 

Ambuler.  Ambulons ,  mes  amis  ;  le  temps  est 
beau  ,  frais  et  pur. 

Cetle  expression  pourrait  remplacer  le  pi-o- 
xnenons-nous. 

Il  y  a  tel  homme  à  Pai-is  qui  ne  fait  qu'Ara- 
buler,  du  matin  au  soir,  sur  les  boulevards  ,  sur 
Jes  quais  ;  c'cst-là  tout  son  emploi  et  sa  délec- 
tation. 

Amenuisée.  Oui,  mon  amante,  oui,  ta  taille 
Amenuisée  par  les  doigts  de  l'amour  est  encore 
le  inoindre  de  tes  charmes. 

Amertumer.  Je  ne  sais  quel  est  son  langage, 
mais  tout  ce  qui  sort  de  sa  bouche  Amertume 
mon  ame.  Il  ne  faut  qu'un  lien  mal  tissu  dans  la 
jeunesse  ,  pour  Amertumer  la  vie  entière. 

Amignoter.  Amignoler  une  tante  pour  avoir 
sa  succession.  Amignoter  un  homme  en  place 
pour  obtenir  quelque  chose  de  lui. 

Amignoler  un  eufant ,  une  maîtresse  ;  les  gâter 
et  leur  préparer  des  chagrins  quand  l'âge  viendra, 
et  quand  l'illusion  sera  dissipée. 

Amoindrir.  Le  gouvernement  sage  des  nations 
modernes  n'a  jamais  souffert  sur  nos  théâtres 
de  drames  licencieux  comme  ceux  d'Aristo- 
phane et  de  ses  prédécesseurs,  ni  de  danses  comme 

Tome  /.  C 


54  A  M  U 

ces  Pyrrhiques  obscènes  si  courues  des  Romains. 
Tout  se  l'cssent  cliez  nous  de  celte  excessive  dé- 
licatesse qui  ne  veut  que  des  couleurs  douces  ,  qni 
tempère  le  terrible,  qui  Amoindritle  gra,nà.  (Rétif.) 

Amolier.  Rendre  plus  doux.  Le  théâtre  est  fait 
pour  Amolier  les  âmes  dures  et  trop  sévères. 

Amorçotr.  Regardez  donc  toutes  les  mines 
que  fait  cette  courtisane  dans  sa  loge  ,  comme 
elle  les  varie  !  Amorçoir  pour  les  niais  ou  pour  les 
imprudens. 

Amourer.  Ainsi  que  cet  excellent  homme  qui 
a  imaginé  le  mot  Bienfesance  ,  naturalisé  depuis 
parmi  nous  ,  j^adoplerais  une  expression  qui  put 
rendre  ,  soit  la  convenance,  soit  le  rapport  qui  se 
rencontre  quelquefois  entre  deux  personnes  de 
différent  sexe.  Aimer  ,  chérir,  adorer ,  ont  leur 
signification  ;  c'est  Amourer  que  je  voudi'ais. 

Ceux  qui  se  livrent  à  l'étude  ,  à  la  gloire,  aux 
grands  objets  ,  n'ont  pas  le  temps  d'aimer  une 
femme  ,  mais  ils  peuvent  l'Amourer. 

Amphores.  Mettez  sur  ma  table  ces  deux  Am- 
phores de  cristal,  versez-y  le  vin  rouge,  rien  n'est 
plus  agréable  à  l'œil  :  je  veux  bannir  l'iguuble 
mot  bouteille. 

Amplier.  Augmenter  sans  retenue.  Il  est  sans 
:>esse  à  Amplier  tout  ce  qu'il  entend. 

Amus\elc.   Ah  î    ma  nièce  ,  disait  la   veuve 


A  N  C  55 

Scarron  ,  devenue  reine  de  France,,  si  vous  saviez 
ce  que  c'est  que  d'avoir  à  Amuser  tous  les  jours  un 
homme quin'est  plus  Amusable!  (M^.  Maintenon.') 

Amuseur.  Jeime  fille,  n'écoutez  pas  ce  léger 
Valcourt^  il  n'est  qu'un  /\rauseur.  (Z/**. ) 

Amusoir.  Vous  parlez  de  la  loi ,  de  la  loi  qui 
est  au-dessus  des  rois  j  ce  sont  là  des  Amusoirs. 
Où  tiouver  une  loi  sans  interprèle,  et  des  inter- 
prèles  sans  le  poignard  à  la  inain?  C'est  toujours  au 
nom  des  lois  qu'on  opprime  le  faible.  {JLaB.deFer.^ 

Amusoir.  Le  Palais-Egalité,  dit  Palais-Royal, 
qui  a  déjà  changé  de  nom  tant  de  fois,  est  un 
Amusoir  unique  au  moude. 

Anarchiser.  Quel  a  été  le  but  constant  de 
nos  ennemis?  De  mettre  tout  en  confusion  parmi 
nous,  d'Anarchiser  la  France,  afin  qu'il  n'y  ait 
aucun  gouvernement,  et  qu'elle  leur  oifrit  une 
conquête  aisée  :  ils  ont  créé,  soudoyé,  encouragé 
les  anarchistes,  qui  ont  vu  ou  qui  n'ont  pas  vu 
le  piège. 

Ancelle.  Petite  servante.  Il  a  pris  une  an- 
celle  ,  son  ménage  n'exigeant  pas  un  Hercule 
féminin. 

Ancrer.  Ce  valet,  on  ne  pouvait  pas  d'abord 
le  souffrir;  mais  le  voilà  Ancré  dans  la  maison, 
il  n'en  sortira  pas. 

C  3 


56  A  N  G 

Anecdotiser.  Rassembler  des  anecdotes. 
Quand  c'est  l'emploi  d'un  homme  d'esprit,  rien 
-de  plus  piquant;  quand  c'est  l'œuvre  d'un  sot, 
l'anecdotier  n'est  plus  qu'un  triste  compilateur. 
Tel  ramasse  des  paillettes  d'or  ,  tandis  qu'un 
autre  n'est  qu'un  chiffonnier. 

Anecdotomanie.  Manie  de  raconter,  de  re- 
chercher, de  compiler  des  anecdotes.  Un  anec- 
dotomane  sans  esprit  n'est  qu'un  puérile,  un  sot 
et  fatigant  narrateur. 

Anglomaniaque.  Dans  un  voyage  queGarrik, 
l'acteur  le  plus  fameux  de  Londres,  fit  à  Paris, 
tous  les  Anglomaniaques  de  cette  capitale  l'eni- 
vrèrent d'adorations.  {Linguet.) 

Anglomaniser.  Depuis  qu'il  j  a  un  embargo 
«ntre  la  Tamise  et  la  Seine  ,  dites-moi  si  vos 
Parisiens  ont  encore  le  ridicule  d'Anglomaniser 
dans  leurs  modes,  et  jusque  dans  leurs  plaisirs. 

Angoisse, 

L'air  résonne  des  cris  qu'au  ciel  chacun  envoie  ; 
Albe  en  jette  d'Angoisse,  et  les  llomains  de  joie. 

On  ne  dit  plus  guère  Angoisse,  et  pourquoi? 
Quel  mot  lui  a-t-on  substitué  ?  Douleur ,  hor- 
reur ,  peine,  affliction,  ne  sont  pas  des  équi- 
\-alens  :  Angoisse  exprime  la  douleur  pressante  et 
1a  crainte  à  la  fois.  {^Voltaire.) 

Angoissée.,  «  Je  vivrois  de  la  seule  présence 


A  N  I  5j 

'i<  des  personnes  saines  et  gayes.  "La  veue  des  ru- 
«  goisses  d'auLruy  m'Angoisse  matériellement.  Un 
«  loiisseur  continuel  irrite  mon  poumon  et  mon 
w  gosier.  »  (Montaigne.) 

Angot.  (madame)  Madame  Angot  a  eu  plus 
de  représentations  que  Tartuffe  :  ce  n'était  pas 
le  mérite  littéraire  qui  attirait  le  public.  Au  sortir 
d'une  révolution  qui  avait  dérangé  tous  les  états, 
les  rentiers,  ceux  qui  avaient  perdu  leur  fortune, 
jouissaient  d'une  vengeance  innocente  en  riant 
aux  dépens  d'une  enrichie.  Mais  madame  Angot 
a  un  trop  grand  avantage  sur  les  gens  de  son 
espèce;  elle  a  de  la  sensibilité  :  si  elle  leur  res- 
semblait davantage ,  le  mot  de  madame  Angot 
deviendrait  substantif  qualificatif,  comme  celui 
même  de  Tartuffe.  (L**.) 

AxGUiLLOMEUX.  Je  vous  dis  que  c'est  un 
homme  d'un  caractère  rusé,  fin,  Anguillomeux;. 
prenez-y  garde, 

Mazarin  avait  un  esprit  Anguillomeux  ;  la 
Fayette  aussi  :  dans  tout  ce  qu'ils  fesaient,  il  y 
avait  toujours  quelque  anguille  sous  roche. 

Angustié.  Passage  Anguslié.  Il  chanta  mal 
ce  jour-là  ,   ayant  le  larynx  Angustié. 

AnilLtES.  Béquilles  de  vieilles  décrépites.  De 
anus ,   vieille. 

Animaliser.  Desnalui'alistes  audacieux  avaient 

C  5 


58  AN  T 

préparé  le  règne  de  ces  pliilosoplies  coupables 
qui  veulent  tout  expliquer  par  les  sens  corporels, 
qui  veulent  tout  réduire  à  des  opérations  pure- 
ment physiques  ;  funeste  philosophie  qui  n'a 
cherché  qu'à  Animaliser  l'homme  I 

Animateur.  Quel  est  le  principe  Animateur 
de  l'univers  ?  Dieu  !  Adorons  I 

Annualité.  3e  me  résume  en  deux  mots  : 
Annualité  de  l'Assemblée  nationale,  Annualité  de 
l'armée,  Annualité  de  l'impôt,  responsabilité  des 
ministres;  et  la  sanction  roj^ale,  sans  restriction, 
éci'ite,  mais  parfaitement  limitée  de  fait,  sera  le 
palladium  de  la  liberté  nationale,  et  le  plus  pré- 
cieux exercice  de  la  liberté  du  peuple.  [Mirabeau.) 

Anomal.  Sans  règle,  irrégulier.  Jamais  il  ne 
faut  dire  d'un  homme,  c'est  un  animal,  injure 
grossière;  mais  l'on  peut  dire  :  c'est  un  Anomal, 
d'après  le  mot  grec. 

Anthologe.  Urbain  Domergue  dit  avec  rai- 
son que  l'analogie  le  réclame.  On  coimaît  l'an- 
thologie grecque.  xMonnet  nous  a  donné  un  re- 
cueil de  chansons  dans  tous  les  genres,  depuis  la 
plaintive  romance  jusqu'aux  couplets  un  peu 
graveleux  des  habitaus  de  la  halle,  sous  le  titre 
è^ylnthologie  française  y  et  Monnet  est  un  Antho- 
loge. 

Anti-despote.  Ma  partialité  pour  la  France 


A  P  A  5^ 

est  tellement  enracinée  dans  mon  cœur,  que,  lors- 
que j'ai  fait  dans  la  suite,  à  Paris,  V Anti-despote , 
le  fier  républicain  ,  je  sentais,  en  dépit  de  moi- 
même,  une  prédilection  secrète  pour  cette  même 
nation  que  je  trouvais  servile,  et  pour  ce  gouver- 
nement quej'affectais  de  fronder.  {J.J.Rousseau.) 

AxTiDOTER.  Antidoter  un  breuvage.  Antidoter 
une  action  trop  vive  par  des  paroles  douces.  Anti- 
doter une  proposition  hardie  par  des  précautions 
oratoires. 

Antinomie.  Contrariété  de  lois. 

Il  est  impossible,  dans  le  commencement  de!) 
grandes  révolutions  ^  d'échapper  à  l'Antinomie  j  . 
c'est  ce  qui  les  rend  terribles  et  redoutables. 

Antiphraser.  Faire  des  phrases  contraires  à 
la  construction  que  la  grammaire  et  la  syntaxe 
prescrivent.  Nous  avons  adopté  antiphrase^  pour- 
quoi rejetterions-nous  Antiphraser,  Anliphraseur? 

Antropophagier.  Dans  le  sens  littéral ,  ce 
mot  nouveau  signifie  manger  des  hommes  ;  dans 
le  se)i3  figuré,  il  signifie  régner,  Homère  appelle 
les  rois,  des  mangeurs  d'hommes. 

Apater.  Prenez  garde,  bons  républicains,  les 
royalistes  ne  chei-chent  qu'à  vous  Apàter:  méfiez- 
vous  des  discours  et  des  promesses  de  tous  ces 
apàteurs. 

C  4 


4o  A  P  O 

Apenser.  Faire  quelque  chose  après  y  avoir 
bien  pensé,  de  propos  délibéré.  Apenser  un  forfait, 

Apertise.  DextéiiLé ,  capacité.  On  dit  Aper- 
tise  d'armes  ;  son  Apertise  est  connue  :  on  ne  sau- 
rait, d'après  cela ,  lui  refuser  la  place  qu'il  sollicite. 

Aphonie.  Extinction  de  A^oix.  Cette  célèbre 
cantatrice  a  été  surprise  d'une  Aphonie. 

Apocryphité.  Volney  ,  dans  son  ouv^rage  in- 
titulé les  jRwme'*,  suppose  que  les  sectateurs  de 
toutes  les  religions  sont  assemblés  dans  une  vaste 
plaine  ,  et  qu'ils  y  discutent  les  motifs  qu'ils  ont 
pour  adopter  leur  croyance  particulière  ,  et  re- 
jeter toutes  les  autres.  Il  ajoute.  .  .  «  Et  les  divers 
«partis  se  démontrant  réciproquement  de#  con- 
«  tradictions  ,  des  invraisemblances,  des  Apocry- 
«  phités,  s'accusèrent  mutuellement  d'avoir  établi 
«  leur  croyance  sur  des  bruits  populaires  ,  sur  des 
«  traditions  vagues,  sur  des  fables  absurdes,  in- 
«  ventées  sans  discernement ,  admises  sans  cri- 
«  tique  par  des  écrivains  inconnus  ,  ignoraus  , 
«  ou  partiaux  à  des  époques  incertaines  ou 
¥.  fausses.  »    (  V^olney.  ) 

Apostoliser.  Fauchet  était  d'un  caractère  à 
ne  pas  rester  oisif  au  milieu  d'une  révolution 5  il 
était  même  fait  pour  Apostoliser ,  s'il  avait  vécu 
chez  un  peuple  neuf.  (  Bonneville.  ) 

Apothéoser.  Voulant  ridiculiser  l'Apothéose 


A  P  P  4i 

(-le  Voltaire  ,  j'ai  du  dire  Apolliéoser  ,  Tauleur  de 
la  Pucelle  Apothéose;  et  voulant  aussi  me  moquer 
de  cette  fausse  sensibilité  e  ivers  les  morts  et  de 
tant  de  larmes  simulées  ,  j'ai  dû  créer  le  mot  sen- 
siblerie,  qui  restera  :  je  fais  ma  langue. 

Apparager.  («')  Se  comparer  à  quelqu'un. 
Quoi  I  Ajax  à  moi  sApparage  !  (  Borel.  ) 

Apparieuse.  Fesant  des  mariages.  Ce  n'est 
pas  Appareilleuse.  Une  femme  honnête  est  Appa- 
rieuse pour  l'intérêt  de  deux  familles;  mais  une 
Appareilleuse  !  je  rougirais  de  dire  son  synonyme. 

Appartenir.  (6')  Henri  iv  demandant  à  un 
homme,  à  quel  homme  il  Appartenait,  en  reçut 

pour  toute  réponse A  moi.   Ce  mot,  digne 

d'un  Spartiate  par  son  laconisme  et  sa  fierté, 
blessa  l'orgueil  royal. 

Appeaux.  L'oiseleur  vint  avec  ses  Appeaux 
surprendre  Foisillon. 

Appercevance.  Les  (Suvres  de  Crebillon  fils 
sont  pleines  d'Appercevances  fines  sur  le  cœur 
des  femmes,  qu'il  nous  importe  tant  de  connaître. 

AppÉtance.  L'Appétance  du  palais  devient 
plus  vive  chez  un  convalescent. 

AppÉTER.  Tout  en  admirant  la  bravoure  dans 
\es  autres,  ce  roi  n'eut  pas  ce  ferment  du  sang  qui 
fait  Appéter  la  gloire.  (  Mirabeau.  ) 


42  A  P  P 

Applaneur.  Tous  ces  arts  dont  les  procédés 
nous  émerveillent  aujourd'hui ,  ont  eu  leurs  pre- 
miers Applaneurs. 

Appointer.  «  Soit  que  ce  mot,  dit  Voltaire, 
<(  vienne  du  latin  -punctmn  ,  ce  qui  est  très-vrai- 
«  semblable ,  soit  qu'il  vienne  de  l'ancienne  bar- 
«  barie  qui  se  plaisoit  fort  aux  oins,  soin,  coin, 
«  loin,  foin,  ha rdouin ,  poing,  alhouin,  grouin,  etc. 
«  il  est  certain  que  cette  expression ,  bannie  au- 
«jourd'liui  mal  à  pi'opos  du  langage,  est  très- 
«  nécessaire.  Le  naïf  Amiot  et  l'énergique  Mou- 
«  taigne  s'en  sei'vent  souvent  ;  il  n'est  pas  même 
«possible,  jusqu'à  présent,  d'en  employer  une 
«  autre. 

«  Je  lui  Appointai  l'hôtel  des  Ursins.  A  sept 
«heures  du  soir,  je  m'y  rendis,  je  fus  désap- 
«  pointé.  —  Comment  expliquerez  -vous  en  un 
«  seul  mot  le  manque  de  parole  de  celui  qui 
«  devait  venir  à  Tiiôtel  des  Ursins  ,  à  sept 
«  beures  du  soir,  et  l'embarras  de  celui  qui  est 
«  venu  ,  et  qui  ne  trouve  personne  ?  A-t-il  été 
«  trompé  dans  son  attente?  Cela  est  d'une  lon- 
«  gueur  insupportable  ,  et  n'exprime  pas  précisé- 
«ment  la  chose.  Il  a  été  désappointé;  voilà  le 
«mot.  Servez -vous -en  donc,  vous  qui  voulez 
«  qu'on  vous  entende  vite  !  Vous  savez  que  les 
«  circonlocutions  sont  la  marque  d'une  langue 
«  pauvre.  Il  ne  faut  pas  dire  :  Vous  me  devez  cinq 


A  F  T  45 

<(  pièces  de  douze  sous  ,  quand  vous  pouvez  dire  : 
«  Vous  me  devez  un  écu.  » 

Appréciatrice.  Heureux  qui  possède  ceLle 
philosophie  Appréciatrice  de.  toutes  clioses  I 

Approfondissant.  Une  méditation  vague  ou 
légère  ne  caresse  que  la  surface  des  objets;  mais 
si  la  méditation  est  constante,  elle  devient  Ap- 
profondissante. 

Approprié.  Elle  balaya  mon  taudis  ,  sans 
égard  pour  les  gazes  ,  les  blondes  et  une  robe 
neuve  de  taffetas  blanc  qui  la  couvrait,  et  eu 
quelques  inslans,  je  fus  à  mon  aise  et  Appro- 
prié. (RélJf.) 

Appuyoir.  Vient  d'appuyer  sur  une  chose. 
On  peut  faire  de  son  ami  un  Appuyoir,  mais 
non  au  point  de  le  renverser. 

Aprivoisable.  Ce  bijou-là  (Ursule,  dans  le 
Paysan  perverti)  a  trois  vertus  au  lieu  d'une. 
La  vieille  et  décrépite  vertu  de  madame  Canon, 
aussi  revêche,  aussi  rauque  que  Cerbère:  la  vertu 
aigre-douce  de  ma  femme,  et  sa  jolie  petite  vertu 
à  elle,  qui,  je  crois,  serait  aussi  Aprivoisable 
qu'une  autre,  sans  les  deux  apuis  qui  i'étayent 
si  bien.  (Rétif.) 

Aptumiste.  Propre  à  tout  ou  à  beaucoup  de 
choses. 


41  A  R  B 

Pic  de  la  Mirandolle  était  un  Aplumiste  en 
fait  de  sciences.  Adressez-A^ous  à  cet  homme,  il 
connaît  centre  et  surface;  il  vous  satisfera  dans 
quelque  genre  que  ce  soit  :  il  a  servi,  voyagé, 
c'est  enfin  un  Aptumiste. 

Arable.  Tel  décret  de  l'Assemblée  national© 
est  un  acte  de  bienfesance  immortelle  qui  in- 
fluera sur  les  siècles  à  venir.  Oui,  la  seule  des- 
truction du  gibier  et  des  capitaineries  augmen- 
tera pour  le  moins  le  produit  des  terres  Arables 
de  près  de  trois  cent  millions,  et  tous  les  pro- 
duits territoriaux,  pris  ensemble,  de  près  du 
double. 

Aranéeux.  Il  n'est  pas  rare  de  trouver  chez 
un  poète,  un  plafond  Aranéeux  (couvert  de  toiles 
d'araignée.  )  (  Domergue.  ) 

Arbitrer.  Arbitrer  une  affaire  à  main  année. 

Arbuster.  (verb.  act.)  Quand  on  possède  un 
jardin,  on  se  plaît  à  l'Arbuster,  à  y  planter  des 
arbres. 

Arbuster,  (verb.  pass.)  Le  chemin  de  Lille  à 
Paris  est  bordé  d'arbres  de  chaque  côté.  Peu  de 
grandes  routes,  en  France,  sont  aussi  bien  Ar- 
buslces. 

Arbustif.  Il  y  a  celte  différence  entre  les 
vignes  qui  croissent  en  foule  dans  \cs  cbamps  , 
et  les  vignes  Arbustivcs.  en  ce  que  les  premières 


A  R  D  45 

sont  soutenues  par  des  échalas,  et  que  les  deinières 
sont  mariées  à  des  arbres.  {Domergue.) 

Archaïsme.  Usage  des  vieux  mots.  J'aime 
l'emploi  de  l'Archaïsme  ,  sur-tout  en  morale , 
parce  qu'il  favorise  la  peinture  des  mœui^s  an- 
ciennes et  modernes. 

Architecteur.  On  pourrait  Teniployer  pour 
désigner  un  mauvais  ,  un  grosaier  ,  un  dispen- 
dieux et  un  sot  architecte  comme  il  y  en  a  tant. 

Je  hais  l'Architccteur  qui,   privé  de  raison, 
Fait  le  portail  plus  grand  que  toute  la  maison. 

Architriclin.  Maître-d'hôtel.  J'ai  vu  l'Archi- 
triclin  du  premier  consul  Bonaparte  ;  je  l'ai 
«alué  de  ce  nom  :  il  a  ri,  et  m'a  dit  :  Vous  savez 
donc  un  peu  de  grec  : 

Ard.  Vous  autres  chrétiens  delà  la  mer  Bri- 
tannique, vous  avez  plutôt  fait  cuire  un  de  vos 
frères ,  soit  le  conseiller  Anne  Dubourg  ,  soit 
Michel  Servet ,  soit  tous  ceux  qui  furent  Ards 
fious  Philippe  n,  surnommé  le  Discret,  que  nous 
ne  fesons  rôtir  un  rost-bif  à  Londres.  (  f^ollaire.  ) 

ArdÉLION.  On  ne  trouve  dans  le  monde  que 
trop  d'Ardélions.  Je  nomme  ainsi  \es  gens  qui 
font  les  empressés  ,  et  se  mêlent  de  tout  sans 
être  bons  à  rien.  Lisez  Lafontaine. 

Ardkr  (ou  ardre.)  Brûler.  Je  l'appliquerais 


46  A  R  G 

à  ce  qu'on  brûle  publiquement.  J'ai  vu  Aider  et 
flamber  tous  les  orgueilleux  simulacres  de  la 
royauté  et  de  la  féodalité.  Notre  code  criminel 
Ardait  les  pédérastes. 

Ardre.  L'abbé  de  Prader  est  le  plus  drôle 
d'hérésiarque  qui  ait  jamais  élé  excommunié.  Il 
est  gai,  il  est  aima1)le  ,  il  supporte  en  riant  sa 
mauvaise  fortune.  Si  les  Arius  ,  les  Jean-Hus , 
les  Luther,  les  Calvin  avaient  été  de  cette  hu- 
meur-là, les  pères  des  conciles,  au  lieu  de  vouloir 
les  Ardre,  se  seraient  pris  par  la  main,  et  auraient 
dansé  en  rond  avec  eux.  (^J^oUaire.) 

Ardue.  Carrière  Ardue  et  glissante.  C'est  une 
question  Ardue. 

ArÉmÉti.  Vieux  mot  de  la  langue,  qui  signi- 
fiait tout  à  cette  heure ,  maintenant.  Il  est  doux, 
coulant,  joli  :  on  pourrait  le  recréer  Aréméti. 

Argentier.  Il  fut  l'Argentier  de  ce  gros  sei- 
gneur, et  je  vous  proteste  qu'il  est  argenté  au- 
jourd'hui des  pieds  à  la  tète.  Rien  de  plus  dur 
qu'un  Argentier. 

Argenture.  Cette  conversation  brillante,  ce 
ton  aisé,  cette  mémoire  des  idées  d'autrui;  tout 
cela  séduit  d'abord  :  à  la  troisième  séance,  c'e^t 
de  l'Argenture. 

Argumenteux.  Ne  doil-on  pas  nommer  Ar- 


A  R  I  4/ 

gumenteux ,  les  écrits  qui  ,  privés  du  charme 
d'une  belle  élociiLion  ,  ne  sont  pleins  que,  i.**  de 
principes,  2.°  de  preuves,  5.*^  de  conséquences? 
Ne  doit-on  pas  les  comparer  au  modèle  que  les 
statuaires  et  les  peintres  appellent  un  écorché,  et 
qu'ils  étudient j  dans  leurs  compositions,  avant 
d'y  mettre  les  draperies  ou  les  couleurs  qu'elles 
exigent? 

Aridure.  Sécheresse  physique,  L'Aridure  de 
son  cheval^  de  ses  bestiaux,  annonce  qu'il  ne 
prend  aucun  soin  de  sa  fei'me. 

Arietteur.  Je  conviens  que  la  musique  n'est 
pas  seulement  l'accent  d'une  langue,  qu'elle  peut 
et  doit  exprimer  d'autres  choses  que  les  passions 
de  l'ame,  telles  qu'une  tempèle  ,  le  bruit  d'un 
orage,  le  ramage  des  oiseaux;  mais  je  soutiens 
que  c'est  la  musique  instrumentale  seule  qui  doit 
peindre  ces  choses  à  l'imagination;  que  c'est  un 
monstrueux  abus  de  l'art,  que  faire  chanter  un 
homme  ou  une  femme  comme  une  tempête  mu- 
git, comme  la  foudre  roule  et  gronde,  ou  comme 
les  oiseaux  gazouillent.  Pour  chanter  en  être  rai- 
sonnable, l'homme  on  la  femme  ne  peut  que  suivre 
l'accent  de  la  passion  qui  l'agite.  Ces  roulades, 
ces  cadences  que  fait  au  théâtre  Arietteu,r  le  joli 
gosier  des  demoiselles  Laruette ,  Colombe,  etc. 
sont  des  invraisemblances  qui  révoltent  l'esprit 


48  A  R  P 

sensé,  et  ne  peuvent  plaire  qu'aux  musiciens  qui 
les  ont  faites ,  ou  aux  efféminés  de  Paris.  [Rétif.  ) 
Arietteur.  Comme  l'on  s'est  aperçu  que  le 
jeu  des  comédies-ariettes  était  contraire  au  véri- 
table aclricisme  j  on  ne  permettra,  dans  la  reforme 
du  théâtre  français,  ni  aux  comédiens,  ni  aux 
tragédiens  de  s'y  exercer.  L'on  choisira  parmi 
les  jeunes  gens  des  voix  agréables  pour  ce  genre 
particulier,  et  ces  acteurs-citoyens  ne  seront  que 
des  Arietteurs.  (Rétif.) 

Arietteuse.  J'ai  vu  Colombe,  cette  belle  ac- 
trice Arietteuse. 

Aristocractsme.  C'est  une  secle  ancieinie , 
dont  riiérésie  politique  consiste  à  remettre  dans 
la  main  des  grands  l'autorité  suprême  du  pou- 
voir arbitraire. 

Armenteux.  J'ai  dit  d'un  homme  qu'il  était 
Agreux,  lorsqu'il  possédait  beaucoup  de  terres; 
je  dis  qu'il  est  Armenteux ,  s'il  a  beaucoup  de 
troupeaux,  s'il  est  riche  en  bestiaux.  {Domergue.) 

Arpailleur.  Nom  qu'on  donne  à  ceux  qui 
remuent  les  sables  des  rivières  qui  roulent  des 
paillettes  d'or.  Au  figuré,  constant  plagiaire.  Ce 
poète  n'est  qu'un  Arpailleur,  qui  va  dépouillant 
toutes  les  tragédies  pour  en  composer  ses  hémis- 
tiches. Voltaire  n'a  pas  dédaigné  quelquefois  d'être 
un  Arpailleur.  L«'abbé  de  Lisle,  toujours  versifi- 
cateur, jamais  poète  ,  a  fait  toutes  ses  rimes  srui5 

avoir 


ART  4g 

avoir  eu  un  seul  iuslaut  d'iurenLion  ;  c'est  un 
Arpailleur  qui  a  mis  à  conlributioii  et  jDrose  et 
vers. 

Akracjiement.  Les  Anglais  payaient  aux  Sau- 
vages du  Canada,  l'horrible  ArracliemenL  de  la 
peau  du  d'âne  des  Américains  devenus  libres. 

AuRANGEUR.  Les  romans  que  les  gens  de  lettres, 
qui  font  les  superbes,  jugent  frivoles,  et  qu'ils  ne 
savent  point  faire,  sont  plus  utiles  que  toutes  les 
histoires.  Reviendra-t-on  toujours  sur  une  éter- 
nelle tragédie  de  Racine?  Non,  il  faudra  se  plon- 
ger dans  les  compositions  vastes  et  intéressantes, 
dans  les  romans  anglais,  dans  les  romans  de  l'abbé 
Prévost.  Eh  I  pourquoi  ne  lirais-je  point  avec 
transport  ce  que  de  beaux  esprits  paresseux,  uni- 
quement occupés  de  mots,  refusent  de  lire?  Faut- 
il  que  je  ne  prenne  du  plaisir  que  d'après  leurs 
décisions?  Arrangeurs  de  mots,  que  m'importe 
vos  arides  hémistiches! 

Arrètement.  L'arrêtement  de  la  voiture  vint 
à  propos  pour  que  le  jeune  enfant  ne  fût  point 
écrasé. 

ArrÊteur.  Du  temps  du  décem virât ,  il  s'était 
fait  Arrèleur  pour  deux  corsets  par  jour. 

Arti ALISE.  Toules  ]es  pièces  faites  depuis  près 
fie  cent  ans,  sont  fondues  dans  le  vieux  moule  de 
Tome  I.  D 


5o  A  11  r 

noire  tragédie  française.  Unités  de  lieu  et  de 
temps  observées  selon  toutes  les  règles  sacrées; 
conversations  longues  el  froides,  selon  l'usage  du 
pays;  personnages  toujours  debout;  actes,  scènes 
coupées  sur  l'imniual)le  palron  de  noLre  Melpo- 
mène  Artialisée. 

Artialiser.  «  Je  ne  recognois  chez  Aristote 
«  la  pluspart  de  mes  mouvemens.  On  les  a  cou- 
«  verls  et  revestus  d'une  autre  robe,  pour  l'usage 
u  de  l'escole.  Si  j'étois  du  métier,  je  nalurali- 
«  serois  l'art  autant  qu'ils  Artialisent  la  na- 
«  ture.»  {Montaigne.  ) 

Artilleuse.  Femme  usant  d'artifices.  Son 
oeillade  est  bien  Artilleuse.  (Borel.) 

Artisé.  «  Le  valet  de  chambre  d'un  homme 
«  en  place  jouissait  quelquefois  (  sous  l'ancien  ré- 
<(  gime)  de  quarante  mille  livres  de  rente  ;  il 
«avait  lui-même  un  valet  de  chambre,  lequel 
«  en  avait  un  autre  sous  ses  ordres.  C'était  le  su- 
«  bal  terne  qui  nettoyait  rha])it,  qui  apprêtait  la 
«  perruque  Artisée  de  monseigneur.  » 

Artistes.  Artiste-danseur,  Artiste-comédien, 
Artiste-ventriloque,  Artiste-violon;  et  on  a  été 
sur  le  point  de  dire  aussi  l'Artiste  Montesquieu, 
l'Artiste  BufFon  :  mais  le  règne  du  mot  Artiste 
vient  de  finir,  depuis  le  procès  des  Artistes-pou- 
laillers de  la  Flèche,  intenté  aux  Artistes-pou- 
îaillei's  du  Mans. 


A  s  s  5i 

Ascendance.  La  justice  et  l'inutilité  de  mes 
plaintes ,  dit  Rousseau  ,  me  laissèrent  dans  l'arae 
un  germe  d'indignation  contre  nos  sottes  institu- 
lions  civiles.  Vue  chose  empèclia  ce  germe  de  $e 
développer  :  ce  fut  le  charme  de  ramitié  qui 
tempérait  et  calmait  ma  colère,  par  l'Ascendance 
d'un  sentiment  plus  doux.  (J.  J .  Rousseau.) 

AsCENDRE.  Monter;  de  ascenâfre ,  monter  sur 
la  montagne  :  comme  cela  est  plati  Ascendrela 
montagne  ,  les  Alpes  ;  quand  j'ai  vu  l'aérostat 
Ascendre  au  firmament,  j'ai  reçu  une  sensation 
toute  nouvelle. 

AspiUER.  Corneille  a  dit  : 

Et  monté  sur  le  faite ,  il  Aspire  à  descendre. 

Racine,  dit  Voltaire,  admirait  ce  vei\s  ,  et  le 
fesait  admirer  à  ses  enfans  :  ce  mot  Aspire,  qui 
d'ordinaire  s'emploie  comme  s'Elever  ,  devient 
une  beauté  frappante  ,  quand  on  le  joint  à  des- 
cendre. 

AsPREUR.  Aigreur  dans  l'esprit  ou  dans  le  dis- 
cours. Pourquoi  les  érudits  ,  les  antiquaires,  les 
commentateurs,  glossateurs,  ont-ils  dans  leur 
style  et  leur  parler,  plus  d'Aspreur  que  les  autres 
hommes. 

Assagir.  Montaigne  dit  :  «  Je  suis  envieilli  de 
«<  nombi-e  dans  ,  depuis  mes  premières  publica- 

D  3 


J 


52  A  s  s 

«  tions  (  de  ses  Essais  )  ;  mais  je  fais  doute  que  je 
«  sois  Assagi  d'un  pouce.  » 

Nous  disons  ,  nous ,  au  lieu  d'Assagir ,  devenir 
plus  sage ,  et  voilà  trois  mots  pour  un;  ce  qui  nuit 
à  la  rapidité  du  style,  qui  devrait  contenir  autant 
d'idées  que  de  mots  ,  dans  une  langue  perfec- 
tionnée. 

Assainir.  Avec  le  secours  du  feu  ,  ce  puissant 
élément,  l'hoiume  a  nettoyé,  Assaini ,  purifié  les 
terrains  qu'il  voulait  habiter. 

L'art  d'Assainir  les  murailles  des  maisons  nou- 
vellement bâties  ,  n'est  pas  à  dédaigner. 

Assainissement.  On  ne  peut  douter  que  les 
dispositions  faites  par  le  général  Friant ,  pour 
l'Assainissement  d'Alexandrie,  n'aient  beaucoup 
contribué  à  y  empêcher  la  peste.  (  ID.  Costaz.  ) 

Assassin ATEUR.  Oreste  fut  l'Assassin  de  sa 
mère,  et  Pyri'hus  ,  l'Assassinateur  de  Polixène. 

Parmi  cette  horde  d'Assassins  ,  il  fesait  le  mé- 
tier d'Assassinateur. 

Assassine.  L'épithète  d'Assassines  n'avait  ja- 
mais été  doimée  aux  dames  jusqu'ici  ;  mais 
puisque  vous  le  voulez  ,  Fulvie  (  dans  le  Tiium- 
virat  )  est  Assassine.  (  Voltaire.  ) 

AssASSiNEMENT.  Ce  mauvais  chirurgien  de  vil- 
lage ,  avec  ses  ferremeus  et  son  indextérité,  n'est 


A  s  s  ^ 

pas  coupable  d'un  Assassinat ,  soit ,  mais  bien  d'un 
Assassinement. 

AssELLER.  Aller  à  la  selle.  Si  le  bon  goût  ne 
sourit  pas  cà  ce  mot ,  la  justesse  et  l'analogie  le  ré- 
clament. (  Louis  Verdure.  ) 

Assener.  «  J'apperçois,  ce  me  semble,  es  écrits 
«  des  anciens,  que  celui  qui  dit  ce  qu'il  pense, 
«  l'Assène  bien  plus  vivement  que  celui  qui  se 
«  contrefait.  Que  Cicéron,  père  d'éloquence ,  traite 
«  du  Mépris  de  la  mort ,  que  Sénèque  en  traite 
«  aussi,  celui-là  traîne  languissant ,  et  vous  sentez 
«  qu'il  veut  vous  résoudre  de  chose  de  quoy  il 
«  n'est  pas  résolu.  »  (  Montaigne.  ) 

Assemblée.  Terme  général  qui  convient  égale- 
ment au  profane  ,  au  sacré  ,  à  la  politique  ,  à  la 
société,  au  jeu,  à  des  hommes  unis  par  les  lois  , 
enlin  à  toutes  les  occasions  où  il  se  trouve  plu- 
sieurs personnes  ensemble. 

Cette  expression  prévient  toutes  les  disputes 
de  mots  ,  et  toutes  les  significations  injurieuses 
par  lesquelles  les  hommes  sont  dans  ITiabitude  de 
désigner  des  sociétés  dont  ils  ne  sont  pas,  {Voltaire.^ 

AssERVissABLE.  Les  puissances  coalisées  cru- 
rent que  les  Français  n'ayant  plus  ni  rois ,  ni  par- 
lemens,  ni  chefs  nobles  pour  conduire  les  armées, 
seraient  Asservissables  sans  de  grands  efforts. 

AssERVissANT.  En  fait  de  poésie  et  d'ouvrage* 

D  5 


•  U  A  s  s 

d'imagination  ,  j'invite  tous  les  poètes  à  écrire  de 
verve  et  de  furie  ,  comme  disait  Montaigne  ,  et  à 
dédaigner  les  règles  Asservissantes  sous  lesquelles 
on  a  voulu  contraindre  le  génie,  nul  s'il  n'est  lui- 
même. 

AssoDE,  Homme  rompu  de  maladies  ,  et  qui 
s'abandonne  lui-même.  11  fut  courageux  dans  les 
pi'emiers  accès  du  mal  ;  mais  bientôt  en  proie  à 
l'inquiétude ,  il  devint  faible  et  Assode  5  rien  ne 
put  le  tirer  de  cet  état. 

Assombrir.  Ce  monopoleur  homicide  de  tant 
d'Indiens  qu'il  avait  affamés  (  lord  Clive  "^ .  avait 
beau  voyager  avec  ses  richesses  ,  s'environner  à 
table  de  convives  nombreux  ,  appeler  la  musique 
et  la  danse  ,  porter  ses  regards  sur  les  plus  déli- 
cieuses campagnes  ,  quand  il  voulait  jouir  de  ces 
différens  objets,  le  remords  s'élevait  dans  son  cœur, 
et  venait  Assombrir  pour  lui  toute  la  nature. 

AssoMBRissEMENT.  L'Assombrissement  subit 
de  son  front  décèle  la  peine  qu'il  ressent  dès 
qu'on  touche  à  pareil  article. 

Assombrissement.  Cet  événement  aussi  triste  ' 
qu'imprévu,  le  plongea  dans  cet  Assombrissement 
de   l'ame  qui  couvre  tous  les  objets  d'un  voile 
lugubre. 

AssoTER,  V.  neu.  Rendre  sot.  Quand  la  na- 
liire  fait  lin  sot ,  il  a  encore  une  certaine  grâce; 


A  s  T  5f, 

mais  un  sol  par  les  livres  n'en  a  aucune.  Voilà 
pourquoi  ou  voit  les  régens  ,  les  pédans  ,  le.i 
académiciens ,  les  grands  parleurs  ,  Assoter  des 
hommes  qui  ont  infiniment  plus  d'esprit  qu'eux. 

Un  sot  prince,  par  un  air  imposant,  pourrait 
Assoler  un  Lafonlaine,  un  J.  J.  Rousseau. 

AssouPLiTi.  Qui  n'a  pas  été  curieux  de  voir 
dans  une  affinerie ,  vme  masse  de  fer  énorme 
^'on  tourne  en  tous  sens,  posée  sous  un  épou- 
vantable marteau  qui  pèse  plus  de  huit  cents 
livres  ,  et  dont  les  coups  s'entendent  à  plus  d'une 
lieue  de  distance  ?  I/homme  semble  se  jouer ,  à 
l'aide  d'un  courant  d'eau,  de  ces  masses  de  fer; 
il  les  dompte  ,  il  les  Assouplit ,  il  fait  passer  la 
barre  par  des  filières,  et  la  métamorphose  en  un 
fil  qui  approche  de  la  ténuité  des  cheveux. 

Assureur.  C'est  un  Assureur  défaits  plus  ab- 
surdes les  uns  que  les  autres.  Assureur  de  nos  re- 
vers ,  il  garde  le  silence  lors  de  nos  victoires.  Qui 
vient  de  loin  ,  se  fait  Assureur  de  mensonges  ; 
mais  il  ne  tarde  pas  à  recevoir  un  démenti.  Voyez 
les  contradictions  sur  l'Egypte  5  tous  ,  comme 
Paul  Lucas  ,  avaient  vu  ,  et  nul  aujourd'hui  n'a 
vu.  Plaisans  Assureurs  ,'  permettez-nous  de  rire 
un  peu  de  vos  Assuremene. 

AsTiNE.  Sotte  querelle.  Nous  aurions  bien  du 
conserver  ce  mot-là.  Je  le  recommande  à  tous  nos 

D  i 


56  AT  II 

journalistes  qui  ne  sont  plus  que  des  folliculaires. 
L'Astine  de  deux  médecins  sur  le  pain  mollet. 

AsTUciER.  Votre  fils  a  un  lieureux  naturel. 
Eloignez  de  lui  ces  sophistes  dangereux  qui  ne 
regardent  la  vertu  que  comme  un  jeu  de  l'imagi- 
nation. Leurs  leçons  et  leur  exemple  appren- 
draient aui  jeune  Adolphe  l'art  d'Astucier  avec 
un  funeste  succès. 

Il  est  des  hoinmes  qui  ne  peuvent  plus  Astuw 
cier,  parce  que  d'avance  on  les  devine,  (2y  *  *.  ) 

Astucier.  Il  ne  saura  ni  parler,  ni  agir,  ni 
payer  de  sa  personne  ;  vous  le  verrez  Astucier, 
et  ne  point  sortir  de  là. 

AsTYMONiE.  Police.  Celui-là  a  le  pouvoir  réel, 
qui  tient  eu  main  ,  et  seul ,  tous  les  ressorts  vi- 
sibles et  cachés  de  FAstymonie.  L'autorité  dépend 
beaucoup  de  celle  vigilance  profonde  eLjourna- 
lière.  Dieu  me  garde  d'un  pareil  souci  !  L'Asty- 
monie  est  un  mot  qui  seul  me  glace  l'esprit. 

Aslymonie.  Les  Athéniens  nommaient  Asty- 
nomes  ,  dix  hommes  préposés  pour  avoir  ins- 
pection sur  les  chanteurs  et  sur  les  joueurs  de 
flûte. 

AthÉiser.  Il  veut  jouer  le  grand  homme,  le 
philosophe,  le  génie  supérieur,  et  il  s'est  ima- 
giné qu'Athéiser,  c'était  philosopher.  11  Al héise 
d'une  manière  brusque,  inattendue  ,  à  propos  de 
rien. 


A  T  O  5; 

AthÉistique.  Les  Athées  n'ont  jamais  répondu 
à  cette  difFiculté ,  qu'une  horloge  prouve  un  hor- 
loger, CroIrait-on  qu'un  jésuite  irlandais  a  fourni 
des  armes  à  la  philosophie  Atliéistique,  en  préten- 
dant que  les  animaux  se  formaient  lout  seuls  ? 
C'est *le  jésuite  Niedam  qui  s'est  imaginé  avoir 
produit  des  anguilles  avec  de  la  farine  et  du  jus 
de  mouton.  (  V^oltaire.  ) 

Athlétique.  Sa  taille ,  quand  elle  eut  acquis 
toute  sa  hauteur  ,  était  de  près  de  six  pieds,  et  sa 
forme  eût  pu  servir  de  modèle  à  un  peintre  pour 
ce  héros  de  l'antiquité  qui,  d'un  coup  de  poing, 
tuait  un  hœuf  ,  et  après  l'avoir  porté  sur  sqs 
épaules ,  le  dévorait  dans  un  seul  repas.  Il  n'y 
avait  pas  une  mère  qui  n'enseignât  à  sa  fille  à 
regarder  la  main  de  ce  riche  Milon  anglais  , 
comme  l'objet  le  plus  élevé  de  son  ambition  ;  il 
n'y  avait  pas  une  fille  qui  ne  jetât  un  œil  com- 
plaisant sur  SÇ.S  formes  Athlétiques  ,  et  sur  la 
gloire  qu'il  s'était  acquise  par  &ç,s  rai'es  exploits. 
(  Aventures  de  Caleh  TVillicnns.  ) 

Athlétique.  LTne  santé  Athlétique.  Cela  est 
presque  scandaleux  ,  au  milieu  de  tant  d'hommes 
pâles  et  de  femmes  vaporées. 

Atonie.  Il  existe  un  art  de  faire  de  beaux  en- 
fans  ;  c'est  de  régler  ses  passions  au  moment  de 
l'embrassement,  cause  de  leur  conception.  Si  voua 
êtes  trop  exalté  par  la  tendresse ,  vous  procréez 


58  A  T  T 

des  enfans  faibles  ,  ardens ,  susceptibles  des  deux 
extrêmes,  du  bien  et  du  mal.  Si  l'on  est  exempt 
de  passions ,  et  datis  l'Atonie  de  l'habitude ,  on  fait 
des  sots  dont  la  figure  est  régulière.  (  Rélif.  ) 

Atouhné.  Vous  souvenez-vous  que  vous  avez 
une  Pucelle  d'une  vieille  copie  ,  et  que  cette 
Jeanne  négligée  et  ridée  ,  doit  faire  place  à  une 
Jeanne  un  peu  mieux  Atournée.  (  T^oUaire.  ) 

Attaquable.  Tous  nos  vases  de  terre  qui  ser- 
vent à  nos  cuisines,  sont  enduits  d'un  vernis  qui 
se  dissout  parce  qu'il  est  Attaquable  par  le  foie 
de  soufï're. 

Attardeu.  (  s'  }  Se  livrer  trop  aux  plaisirs 
dans  la  jeunesse  ,  c'est  s'Attarder  dans  le  chemin 
de  la  gloire. 

Attédier.  (  De  ad  iœdiuni.  )  S'ennuyer  pro- 
fondément. Je  m'Attédie  dans  cette  maison  , 
comme  si  j'assistais  à  une  dissertation  métaphy- 
sique de  R  *  *  *  *. 

Attractionner.  Newton  dit  que  la  matière 
s'Attractionne  ,  c'est  une  rêverie  •,  si  la  matière 
s'Attractionnait ,  il  n'y  aurait  bientôt  plus  qu'ag- 
glomération. Le  mérile  et  la  vertu  sont  faits  pour 
nous  Attractionner  5  mais  ils  manquent  trop  sou- 
vent leur  empire. 

Attrape  -  Parterre.  Voltaire  ,   en    parlant 


A  V  E  59 

de  son  Tancrède,  dil  :  N'allez  pas  vous  attendre 
à  de  belles  tirades,  à  de  ces  grands  vers  ronflaus, 
à  des  sentences  ,  à  des  Attrapes-Parterre;  style 
médiocre  ,  marche  simple  ,  voilà  ce  que  vous  y 
trouverez.  Mais  s'il  y  a  de  Tintérèt  ,  tout  est 
sauvé.  (  y^oltaire.  ) 

Avachi.  Cette  femme ,  depuis  sa  grossesse , 
risquait  chaque  jour  de  perdre  l'amour  que  son 
mari  avait  pour  elle.  Quoique  jouissant  de  la  plus 
grande  aisance,  elle  était  toujours  délabrée,  avait 
ses  bas  non  tirés,  et  ses  cliaussuresAvachies.(/?e7//]) 

Avancer.  («')  Une  intelligence  parfaite  ré- 
gnait entre  le  roi  (Louis  xïi)  et  le  ministre 
(George  d'Amboise.  )  Tous  deux  savaient  que  le 
moyen  le  plus  sûr  de  discerner  les  hommes  ca- 
pables de  conduire  une  nation,  c'est  de  repousser 
tous  ceax  qui  s'Avancent,  et  de  faire  avancer 
tous  ceux  qui  se  retirent.  (  P.  Manuel.  ) 

AvARiciEUX.  Petitement  avare,  comiquement 
avare.  Plus  ini  homme  est  riche  ou  élevé,  plus, 
lorsqu'il  est  avare,  mérile-t-il  le  titre  d'Avari- 
cieux. 

Avertisseur.  Un  écrivain  célèbre,  pour  peu 
qu'il  aime  sa  patrie,  ne  la  perd  point  de  vue;  il 
prévoit  les  dangers  qui  la  menacent,  et  il  est,  à 
toute  époque,  essentiellement  Averlisseur. 

Aveugleté.  Prenez  donc  garde  I   vous  allez 


6o  AVI 

heurter  cet  homme  ;  ne  voyez-vous  pas  qu'il 
marche  dans  TAveugleté?  L'aveiiglemenlde  l'es- 
prit est  cent  fois  plus  fatal  que  l'Aveugleté. 

AviLER.  Tomber,  baisser  de  prix.  Laissez  ces 
marchandises  de  côlé  ;  vers  la  fin  de  la  foire , 
vous  les  verrez  s'Aviler. 

AviLissEURS.  Les  lâches  ,  les  traîtres  qui 
agissent  sourdement ,  qui  creusent  sous  terre 
comme  les  taupes,  qui  craigriCnt  d'agir,  se  font 
Avilisseurs  des  hommes  et  des  choses.  Conduc- 
teurs adroits  de  la  calomnie  et  de  la  médisance, 
il  n'y  a  pour  eux,  dans  les  hommes,  ni  probité  , 
ni  vertu,  ni  héroïsme;  et  dans  les  événemens  les 
plus  heureux  et  les  plus  extraordinaires,  ni  suc- 
cès, ni  grandeur. 

Vn  critique  de  profession  est  un  Avilisseur 
perpétuel. 

Avilisseur.  Caton  furieux  ,  se  déchirant  les 
entrailles,  inspire  la  terreur;  Lelellier  se  tuant 
froidement ,  après  avoir  calculé  que  sa  mort  em- 
pêcherait le  sang  français  de  couler  j  Letellicr  se 
tuant  froidement  pour  venger  la  Convenlion  des 
outrages  des  Avilisseurs  ,  m'inspire  une  religieuse 
vénération.  (P.  F.  Real.  ) 

Aviser.  «Quand  furent  finies  les  oraisons  et 
«  prières,  l'ami  Bazu  et  moi,  nous  levâmes  toute 
<c  à  l'heure,  et  saluâmes  Blanche  et  Geneviève  : 


A  V  O  61 

«  ce  qu'ayant  fait,  je  m'encourus  devers  la  porte, 
«  mouillai  mes  doigts  d'eau  bénite,  puis  l'ofîris  à 
«  l'une,  et  puis  à  Taulre. 

«  La  gracieuse  damoiselle  Blanche  passant  de- 
«  vers  moi ,  fit  gentillement  toucher  son  doigt 
«  mignon  à  l'encontre  du  mien,  et  j'x\ visai  rougir 
«  ses  deuxbelles petites  joues,  et  mes  genoux  se  fail- 
<(  lirent,  et  mon  cœur  se  pâma  d'aise.»  {^Sanuigny.) 

AvisiON.  Terme  plus  fort  qu'apparition.  Elle 
croil  fermement  à  l'Avision  de  ce  fantôme.  x\ vi- 
sion de  ce  gouffre  profond,  vous  épouvantez  mes 
esprits.  Avision  de  l'éternité,  ma  pensée  se  trouble 
et  recule. 

Aviver.  (-6-'')  Tout  germe  devant  lui  (le  prin- 
temps) ,  tout  se  ment,  tout  s'Avive.  «Le  mot 
«  s'Aviver  révoltera  sans  doute;  mais  je  prie  ceux 
«qui  le  proscrivent,  d'observer  qu'il  manque  à 
«  notre  langue.  En  efiet,  Revivre,  s'x4nimer,  n'ont 
<(  ni  le  même  sens,  ni  la  même  énergie  que  s'Avi- 
«  ver.  »  (^Roucher.  —  Les  3Iois ,  poëme.) 

AvocASSER.  Un  avocat  commença  un  mémoire 
en  ces  termes  :  «  Les  couturières  ont  trop  gémi 
«  sous  l'empire  des  tailleurs  :  les  temps  sont  arri- 
«  vés  où  cet  abus  doit  cesser.  »  C'était  plaisam- 
ment Avocasser. 

AvocASSERiE.  Il  n'y  a  plus  d'avocats  en  France; 
■mais  l'Avocasserie  y  est  toujours  en  vogue,  in- 


62  A  U  D 

feste  les  tribunaux,  et  est  tout  aussi  répandue  et 
tout  aussi  libre  que  la  barbarie. 

AVORTIN.  Il  fit  imprimer  ce  livre  qui  devait 
reformer  l'univers*,  Avortin  qui  provoqua  le  rire 
de  la  pitié. 

AvRiLLEUX.  Temps  Avrilleux  ,  incertain, 
comme  en  avril.  [Borel.) 

AvUER.  Suivre  de  l'œil  un  objet ,  ne  le  pas 
perdre  de  vue.  Avuer  les  scélérats,  c'est  les  avoir 
vaincus  à  moitié.  Le  ministre  de  la  police  doit 
incessamment  Avuer  les  ennemis  de  l'ordi'e  public. 

Avunculaire,  Valère  va  fréquemment  cjiez 
Orphise. — Valère  est  son  oncle.  —  Oui,  mais  on 
lui  reproche  d'avoir  pour  sa  jeune  nièce  une 
tendresse  plus  qu'Avunculaire. 

Aucunement.  Corneille  ayant  fait  imprimer 
sa  Médêe ,  qui  alors  eut  du  succès  au  tliéàlre,  dit 
à  la  personne  à  qui  il  dédie  cette  pièce  :  «J'espère 
«  qu'elle  vous  satisfera  encore  Aucunement  sur  le 
«  papier.  » 

Aucunement.  V  ienx  mot  qui  signifie  en  quelque 
sorte ,  enpaj'tie  j  et  qui  valait  mieux  que  ces  péri- 
phrases. (  V^oltaire.  ) 

Audition.  L'Audition  de  ce  morceau  de  mu- 
sique si  prôné ,  m'a  convaincu  qu'il  y  avait  une 
«lislance  infinie  entre  des  notes  difficilement  ma- 


A  U  T  63 

riées,  et  cette  mélodie  qui  parle  si  puissamment 
à  lame. 

Auditrice.  Tous  ceux  qui  coniposaient  la 
petite  assemblée  ayant  chacun  raconté  leurs  fre- 
daines, je  dis  que  je  paierais  volontiers  de  ma 
personne,  si  je  pouvais  compter  sur  l'indulgence 
de  mes  auditeurs  et  de  mes  Auditrices.  (Rétif.  ) 

AuGMEXT,  Li'Augment  des  peines  n'en  est  pas 
encore  la  fin.  Triste  vérité! 

L'augment  de  la  fortune  est  moins  délectable 
que  son  premier  sourire.  * 

Aup.ORE.  (soupir)  Un  soupir-aurore  s'écliappa 
de  son  jeune  sein,  et  m'annonça  mon  prochain 
bonheur. 

AusMOXiÈRE.  Petite  bourse  mise  en  réserve 
pour  les  pauvres  :  elle  ne  fut  jamais  bien  grosse. 

AuTOCRATïiiCE.  On  n'a  exécuté  aucun  criminel 
sous  l'empire  de  l'Autocratrice  Elisabeth.  {^Kolt.  ) 

AuTOCTHOXE.  Dans  une  lettre  à  Mayans-y-Sis- 
car,  ancien  bibliothécaire  du  roi  d'Espagne,  Vol- 
taire dit  :  «Je  ne  savais  pas  que  vos  auteurs  eussent 
((  jamais  rien  pris,  même  des  Italiens*,  je  les  croyais 
*<  Autocthones  en  fait  de  littérature  :  mais  je  sais 
«bien  qu'ils  n'ont  jamais  rien  pris  de  nous,  et 
«que  nous  avons  beaucoup  pris  d'eux.» 

AuTOMALiTÉ.   Depuis    quelque   temps ,    on    a 


64  A  Z  Y 

perfectionné  en  partie  les  décorations  de  nos 
théâtres.  Quand  le  drame  s'accomplit  dans  l'inté- 
rieur d'un  temple,  d'un  palais,  on  voit  des  colon- 
nades horder  et  masquer  les  coulisses.  Il  reste  à 
corriger  la  mobilité  du  plafond,  que  l'air  agile, 
l'ignobilité  des  prêtres ,  l'Automalité  des  gar- 
des, etc.   [Rétif.) 

Automatiquement.  Comment  le  peuple  est-il 
tantôt  x\utomatiquement  témoin  des  plus  horribles 
excès  de  la  cruauté,  et  tantôt  d'une  exaltation  si 
prodigieuse  pour  des  misères? 

Autopsie.  C'est  l'action  de  voir  une  chose  de 
ses  propres  yeux.  Cette  expression  ne  devrait  ja- 
mais sortir  de  la  mémoire  d'un  physicien  et  d'un 
naturaliste  ,  pour  les  préserver  du  danger  des 
systèmes.  Si  Buffon  ne  s'était  jamais  décidé  que 
par  Autopsie,  il  n'aurait  pas  couché  sur  le  pa- 
pier tant  d'erreurs  de  toute  espèce. 

AUTRICE.  Quand  on  est  Autrice,  il  faut  être 
une  Autrice  distinguée  :  alors  c'est  bien.  Mais  il 
faut  révéler  :  Quod  latet arcanct  inenarrahilejlhvâ. 
Les  auteurs  encensent  ,  adulent  les  x\utrices  , 
mais  ils  ne  les  aiment  pas. 

Ayance.  Pour  la  signification  d'avoir  quelque 
chose.  L'Ayance  des  grandes  richesses  vaut-elle 
mieux  que  l'hoiuiête  aisance? 

Azyme.  Sans  levain.  Il  a  la  figure  douce,  bonne, 

sensible  , 


B  A  I  65 

sensible,  et  la  conscience  Azyme  :  je  le  connais 
cet  homme-là. 

B 

JjABiLLETî.  Jusqu'à  quand  le  Parisien  abusera- 
t-il  de  la  facullé  de  claquer  dans  nos  spectacles? 
jnterrompra-t-il  un  couplet  éloquent,  en  détruira- 
t-il  l'efl'et  en  le  coupant  avec  une  folle  impa- 
tience ?  Cette  précipitation  tumultueuse  nuit  à 
l'acteur,  au  poêle  ;  on  ne  les  laisse  point  achever, 
et  l'illusion,  au  milieu  de  ce  bruit  insensé,  s'en- 
fuit à  tire  d'aile.  Pourquoi  tant  Babiller  avec  les 
mains,  et  plus  qu'aucun  peuple  n  a  Babillé  avec 
la  langue? 

Badinement  (adverbe.)  Il  lui  a  dit  tout  Badi- 
nement  de  bonnes  et  fortes  vérités. 

Badinement.  Pégase  s'agenouillait  Badinement 
quand  Fauteur  de  T^ert-t^ert  le  moiilait. 

Bâillonner.  On  terminerait  une  foule  de  dis- 
putes interminables  en  Bâillonnant  les  oraleui^s 
des  deux  partis  ,  et  les  obligeaiit  au  silence  ,  ainsi 
que  certains  moines  fesaient  mettre  des  bâillons 
aux  religieux  qui  parlaient  lorsqu'il  était  défendu 
de  parler. 

Bain.  J'ai  pris  un  Bain  de  délices  en  appre- 
nant l'heureuse  délivu'ance  de  notre  cher  collègue 
Dolomieu ,  et  son  prochain  reiour  parmi  nous. 

Tome  L  ii 


66  B  A  L 

Baiser.  Ce  mot  qui,  dans  le  cliclionnaire  àa. 
vice,  a  un  sens  impur  ^  signifie,  dans  son  origine, 
poser  ses  lèvres  sur  le  iront,  sur  les  yeux ,  sur  les 
joues  ou  sur  la  bouche  de  la  personne  qu'on  alFec- 
tionne.  II  diffère  du  mot  embrasser,  qui  veut  dire 
entourer  quelqu'un  de  ses  bras. 

«  Daphnis  et  Chloé  se  souvenantz  de  leurs 
«plaisirs  passés  (pendant  la  belle  saison),  com- 
«  ment  ils  se  Baisoyent,  comment  ils  s'entr'em- 
«  brassoyent  ,  comment  ils  buvoyent  et  nian- 
«  geoyent  ensemble,  passoyent  les  nuits  sans  dor- 
«  niir  en  grand'peine ,  et  attendoyent  la  saison 
«  nouvelle,  ne  plus  ne  moins  qu'une  seconde  vie 
«après  la  mort.»  (^4/nyot.) 

Baiser.  «  Savez-vous  ce  que  c'est  que  baiser  ? 
«Eh  bien!  dit  un  malliématicien  très -connu, 
«  c'est  appi'oclier  jusqu'au  point  de  contact  deux 
«  courbes  qui  ont  la  même  courbure.  »  Et  Ton 
ne  raffolerait  pas  des  mathématiques! 

Baladinage,  Le  moment  était  venu,  à  la  mort 
de  Louis  xiv  ,  de  donner  l'exemple  d'ensevelir 
ses  engagemens  avec  lui,  et  de  soulager  la.  nation, 
mineure  comme  son  nouveau  prince,  des  cala- 
mités sous  lesquelles  elle  succombait  ;  mais  le 
j'égent ,  ignorant  le  principe  incontestable  qui 
l'autorisait  à  déclarer  son  pupille  libéré,  ne  vit 
pas  combien  cette  opération  aurait  été  juste, 
«ensée,  humaine,  utile,  préférable  en  tous  sens 


B  A  N  67 

au  Baladlnage  cruel  qui  amusa,  pervertit  et  ruina 
la  France.  (J-^inguet.^ 

Baladoire.  La  clause  de  corde  est  l'art  Bala- 
doire  propvemoit  dit  :  confondre  cet  exercice 
avec  TarL  du  Lhéâli"e,  serait  faire  pis  que  de  mettre 
sur  la  même  ligne  le  blanchisseur  de  plafond  et 
les  plus  célèbres  peinires.  Ç Rétif.) 

Balayer.  C'est  en  vo^'ant  le  canon  Balayer  des 
bataillons  entiers,  que  le  droit  des  gens....  Chut!.... 
Les  ennemis  étaient  là;  ils  ont  été  Balayés  en  uii 
clin  d'oeil. 

Balbutie.  Le  temps  me  poursuit,  et  voilà  que 
je  m'en  retourne  à  la  Balbutie.  (Diderot.) 

Baller.  Qui  fut  le  premier  inventeur  du  Bal? 
Les  Françaises  lui  doivent  une  statue  ;  elles  ne 
veulent  plus  aujourd'hui  que  Baller.  Bal ,  Bala- 
dins, Baladoire.  La  vie  esi  si  longue  qu'il  faut 
la  dépenser  en  sauts,  en  danses,  contre-danses, 
en  valses  ,  en  postures  ,  en  ligures,  au  son  des 
iustrumeus.  Eh  bien!  femmes,  Baliez,  sautez I 

Balourdes.  Dissertations  Balourdes  de  théo- 
logiens, critiques  Balourdes  de  la  Harpe,  Lettres 
Balourdes  de  Tabbé  le  Blanc.  (Feydel.) 

Baxderoller.  Banderoller  les  vaisseaux,  les 
édifices,  et  jusqu'aux  chaloupes,  en  signe  de 
victoire  ou  d'un  événement  heureux. 

E  2 


68  BAR 

Banquerouter.  Ce  ieune  homme,  à  qui  l'on 
avait  fait  avances  cl  éloges  et  d'eucouragemens, 
n'a  para  au  Parnasse,  après  plusieurs  délais,  que 
pour  y  Banquerouter,   c'est 

Banqueroutière.  Seriou^-nous  cette  nation  à 
qui  ses  ennemis  mêmes  accordent  la  fierté  de 
l'honneur,  si  les  étrangers  pouvaient  nous  flétrir 
du  titre  de  nation  Banquerouticre?  [Mirabeau.^ 

Banqueter.  Je  veux  bien  dîner  avec  plusieurs, 
îTiais  je  ne  veux.  Banqueter  qu'avec  mes  amis.  On 
dîne  tous  les  jours  ;  mais  banqueter  !  plaisir 
assez  rare. 

Baptistaire.  (extrait)  C'est  un  épou vantail 
pour  tous,  mais  le  spectre  le  plus  hideux  qui 
puisse  s'offrir  aux  regards  d'une  femime  ^jui  a 
trente  ans. 

Barathre.  Abyme,  gouffre,  lieu  duquel  on  ne 
peut  sortir. 

La  commune  conspiratrice  et  les  sections  re- 
belles etroyalisles  de  Paris  allaient  jeter  la  France 
da/is  le  Barathre  ,  etc. 

Barbare.  En  1801  ,  celui  qui  ne  danse  pas 
ou  qui  danse  mal,  est  un  Barbare,  et  il  est  écon- 
duit  poliment, 

Barbaresquement.  Je  ne  retournerai  plus 
cliez  lui;  je  savais  bien  qu'il  n'était  pas  poli, 
mais  il  mi'a  traité  Barbaresquement. 


Ë  A  a  6^ 

Barbatiiser.  L'exemple  da  sang  répantlu  sur 
les  échafauds  n'a  pas  peu  contribué  à  Barbariser 
les  cœurs  et  à  avilir  le  peuple  ,  témoin  impas- 
sible de  ces  longues  exécutions. 

Barbelée.  Flèche ,  lame  d'épée  qui  a  des 
âents;  œuvre  de  lâcheté  et  de  barbarie. 

Barbifer.  Parmi  les  imbécillcs  que  l'on  nom- 
mait jadis  dévoles,  la  veuve  d'un  praticien,  âgée 
de  quarante  ans,  encore  fiaiche  ,  assez  riche, 
fit  la  conquête  du  révérend  père  capucin  :  plai- 
sirs, argent,  tout  se  réunissait  pour  le  Barbifer. 

Barbouillox.  Nous  fûmes  bientôt  liés  par 
notre  goût  commun  pour  la  musique,  qui,  chez 
Tun  et  chez  l'autre  ,  était  une  passion  très- 
vive,  avec  celte  différence  «^u'il  était  vraiinent 
musicien  ,  et  que  je  n'étais  qu'un  Barbouil- 
le n.  (^J.J.  Rousseau.^ 

Barde cr.  Ouvriers  qui  chargent  et  portent 
les  pierres  pour  la  construction  d'uii  édifice.  11 
y  a  des  Bardeurs  en  tout  genre.  On  ne  songe 
point  à  eux  qi^.and  la  maison  est  bâtie.  Vient, 
après  tous  les  pénibles  travaux,  celui  qui  met  le 
bouquet  à  la  cheminée  ;  il  a  les  rubans  et  la 
bourse  :  les  pauvres  Bardeurs  le  regardent  d'en 
bas  chopinant  sur  la  maçonnex'ie ,  ouvrage  de 
leurs  mains. 

Bardou.  Mot  fort  ancien  dans  notre  langue, 

E  5 


7Ô  BAS 

pour  dire  un  îoui'daud,  d'où  débarder  5  il  se  laissa 
débarder. 

Basculer.  Basculer  dans  sa  conduite,  suivre 
toutes  les  alternatives  de  la  chance  des  événe- 
mens.  Que  de  gens  n'ont  eu  d'autre  secret  que 
de  Basculer  toute  leur  vie,  et  de.  passer  encore 
pour  prudens!  Basculer,  voilà  donc  la  grande 
science  de  nos  grands  hommes  ! 

B\SETi.  Baser  un  raisonnement,  Baser  sa  con- 
duite. Baser  ses  principes,  Baser  la  morale  sur 
l'existence  d'un  Elre  suprême 5  c'est  ce  qu'il  y  a 
au  monde  et  de  plus  vrai,  et  de  phis  consolant. 

Bassiner.  Venez,  ma  chère  amie,  venez  me 
donner  votre  courage  ,  et  in'aider  à  l'oublier. 
Venez  Bassiner  la  plaie  secrète  de  mon  cœur. 

Bastillage.  a  Rome  et  à  Venise,  il  existe 
des  indices  d'un  pouvoir  redoutable  et  d'un  Bas- 
tillage très-caractérisé.  11  existe  dans  Tune  un 
château,  et  dans  l'autre  un  tribunal,  qui  sont 
également  des  outrages  à  la  justice,  et  des  armes 
toujours  prêtes  pour  le  despotisme. 

Cependant  la  luuUitude  d'étrangers  qui  ne 
cessent  de  traverser  ces  contrées  célèbres,  prouve 
que  l'usage  en  est  moins  fréquent  que  l'appareil 
n'en  est  terrible.  Quand  un  Anglais,  un  Ham- 
bourgeois,  s'embarquent  pour  aller  à  Rome  en- 
tendre des  oratorio^  et  admirer  Saint-Pierre,  ou 


B  A  T  71 

danser  en  masque  à  V^enise,  leur  fiïmiîle  ne  les 
conjure  point  en  tremblant  de  se  garder  de  Tan- 
cien  château  d'Adrien,  ou  de  l'Inquisition  d'Etat; 
et  il  n''y  a  point  d'étranger,  annonçant  qu'il  va 
en  France,  à  qui  l'on  ne  dise  de  se  défier  du  Bas- 
lillage  de  ce  royaume.  (  Linguet.  ) 

Bas  ton  (  tour  du  ) ,  et  non  Bâton ,  dégéné- 
rescence imhécille.  On  dit  has  ton,  ton  bas,  parce 
que  l'on  promet  tout  bas,  et  que  l'on  ne  dit  qu'à 
l'oreille  de  celui  que  l'on  veut  mettre  dans  ses  in- 
térêts :  yoiis  aurez  tant ,  si  vous  me  secondez  dans 
cette  affaire.  Je  dois  cette  remarque  à  Borel,  éty- 
mologiste  sensé. 

Batailleux.  En  parlant  d'un  des  ouvrages  de 
sa  jeunesse,  qui  annonçait  du  talent  pour  la  satyre, 
Rousseau  dit,  dans  ses  Confessions  : 

«  J'ai  le  cœur  trop  peu  haineux  pour  me  pré- 
¥.  valoir  d'un  pareil  talent  ;  mais  je  crois  qu'on 
«  peut  juger,  par  quelques  écrits  polémiques,  faits 
«  de  temps  à  autre  pour  ma  défense ,  que  si  j'avais 
«  été  d'humeur  Batailleuse ,  mes  agresseurs  au- 
«  raient  eu  rarement  les  rieurs  de  leur  côté.» 

Batailleux.  Ne  vous  liez  point  avec  cet  homme- 
là  5  il  est  Batailleux  sur  les  moindres  choses. 

Bâtardise.  Enfant  d'Apollon,  lui I  Enfant  de 
Bâtardise. 

Bâtisse.  La  Bâtisse  de  sa  comédie  est  imper- 
tinente ;  aussi  fut-elle  sifllée. 

E  '& 


73  B  E  H 

Battelee.  ou  Bavasser.  Parler  à  vide.  Ce  mot 
doit  être  compris  universellement,  vu  la  baverie 
qui  a  usurpé  depuis  la  tribune  législative  jusqu'au 
moindre  café.  Baveurs  ,  Bavards  ,  vous  êtes  si 
communs  et  si  importuns,  qu'il  ne  faut  qu'indi- 
quer au  public  le  mot  Bavasser,  pour  lui  impri- 
mer un  cours  légitime  et  nécessaire. 

De-là  Battologie ,  cette  abondance  stérile  de 
mots  vides  de  sens.  (  Dumolard.  ) 

Bavaroises.  EchaulFez  votre  tête  et  travaillez, 
vous  aurez  bientôt  oublié  ou  pardonné  ces  Bavar- 
dises  de  société.   (/. /.   Rousseau.^ 

BÉANCE.  Bonheur,  sorte  d'aisance.  Il  n'avait 
rien  ;  il  s'est  marié  avantageusement  :  si  vous  allez 
le  voir,  vous  le  trouverez  dans  la  Béance. 

BÉATILES.  Femmes  de  petite  hauteur.  On  a 
donné  ce  nom  à  de  petiles  et  légères  friandises 
qui  accompagnent  des  mets  plus  solides. 

Un  amant  pourrait  très-bien  dire  à  sa  maîtresse, 
si  elle  était  de  fort  petite  taille  :  O  ma  Béatile! 

Beffroi.  Lorsque  j'exposai  toutes  mes  raisona 
et  mes  raisonnemens  d'incrédulité  sur  le  système 
newtonien,  on  sonna  le  Beffroi  contre  ma  per- 
sonne, comme  si  j'eusse  mis  le  feu  aux  quatre 
coins  de  la  cité. 

Béhistre.  Tempête. 

Assouflloit  la  Béhistre  en  toute  violence , 

Et  les  vaisseaux  dansoient  sur  le  liijuide  immense  j 


BEN  7T 

On  entendoît  clamer  soldats  et  matelots , 

Et  let  flots  écumans  refouloient  d'autres  Rots.  {Desportes.) 

BÉJAUNE.  Qui  ne  sait  encore  rien  faire.  Terme 
emprunté  de  la  fauconnerie. 

Belistre.  Vieux  mot,  pour  désigner  un  fai- 
néant qui  mendie  ou  qui  emprunte,  fuyant  toute 
espèce  de  travail.  Il  est  bien  à  ressusciter  de  nos 
jours,   ce  mot-lrà. 

Bellement,  (adv,  )  Allez  Bellement,  madame, 
à  la  campagne  ,  et  laissez-moi  le  souci  de  la  mai- 
son ',  vous  êtes  Bellement  née  potir  la  dissipation. 

Belouseu.  (se)  L'ami  des  hommes,  ce  Mira- 
beau qui  parle  ,  qui  parle,  qui  parle,  qui  décide, 
tranche,  qui  aime  tant  le  gouvernement  féodal, 
qui  fait  tant  d'écarts,  qui  se  Belouse  si  souvent, 
ce  prétendu  ami  du  genre  humain  n'est  mon  fait 
que  quand  il  dit  :  Aimez  l'agriculture,  (f^oltaire.) 

BÉNÉFICIETI.  (  V,  n.  )  Faites  l'aumône,  votre 
charité  sera  récompensée  ;  car  il  est  permis  à 
riiomme  de  Bénéficier  avec  le  ciel.   (Nicole.^ 

BÉNÉVOLENCE.  Léger  bienfait  :  c'est  le  désir 
plutôt  que  l'action.  Au  défaut  de  la  bienfesance, 
marquons  de  la  Bénévolence. 

BÉNIGNITÉ.  «Il  est  xxn  certain  respect  et  un 
«  général  devoir  d'humanité  qui  nous  attachent, 
«  non  aux  besles  seulement  qui  ont  vie  et  sen- 


7^  B  E  R  • 

«  liment,  mais  aux  arbres  raesme  et  aux  piaules, 
«  Nous  devons  la  justice  aux  hommes,  et  la  grâce 
«  et  la  Bénignité  aux  autres  créatures  qui  en  pcu- 
«  vent  estre  capables.»  [Montaigne.) 

BÉNissABLE.  L'enfant  sorti  coupable  de  la 
maison  paternelle,  lorsqu'il  y  rentre,  malgré  ses 
fautes,  et  de  grandes  fautes,  redevient  Bénissable 
sous  la  main  de  son  vieux  père. 

O  paix!  daigne  hâter  ton  retour  Bénissable. 

Benoîte.  Bénie.  Je  trouve  à  ces  saintes  filles,  à 
ces  filles  charitables,  une  figure  Benoite. 

BÉNURÉ.  Qui  a  du  bien  par  chances  heureuses. 
Il  est  Bénuré;  il  a  gagné  deux  fois  de  suite  à  la 
loterie. 

Bergerette. 

Tous  les  matins  ,  la  vive  Bergerette 
Conduisait  ses  agneaux  sous  la  verte  coudrette.^, 

Plusieurs  langues  ancieinies  et  modernes  se 
servent  avec  le  plus  grand  succès  des  diminutifs. 
Forçons  notre  langue  à  les  admettre^  le  slyle  naïf 
y  gagnera. 

Berneur.  Voltaire,  dans  une  requête  plaisante 

au  maréchal  de  Richelieu,  dit «5^.  Que  ledit 

«  suppliant j  depuis  environ  quarante  ans,  a  tou- 
«  jours  été  Berné  par  sondit  héros,  qui  lui  a  donné 
«  force  ridicides  le  plus  gaîment  du  monde.. . ,.» 


B  E  s  r5 

«  mais  qu'il  est  clair  que  le  Berné  n'a  jamais 
«  manqué  à  aucun  de  ses  devoirs  envers  son  héros 
«  le  Berneur.  » 

Besiclé.  (de  besicles.)  Il  s'est  Besiclé  peut-être 
à  dessein,  pour  voiler  son  regard  naturellement 
faux.  On  ne  rencontre  plus  que  desBesiclés:  irisie 
et  importune  mode.  Robespierre  était  toujours 
besiclé.  Comment  lire  au  front  d'un  Besiclé?  J'ai 
quelque  aversion  pour  les  Besicles. 

Besogner.  Travailler.  Je  l'ai  choisi  pour  Be- 
sogner ma  ferme.  Besogner  emporte  une  idée  de 
soins  particuliers  :  c'est  un  homme  qui  sait  Beso- 
gner ses  vignes. 

Bestiaires.  Malheureureux  jadis  condamnés 
à  être  livrés  aux  bêtes  pour  être  dévorés  dans 
l'arène.  Sous  un  certain  point  de  vue,  tel  homme 
prisant  trop  la  gloire  ou  la  renommée,  attaqué, 
mordu  par  des  tigres  et  insectes,  s'est  fait  volontai- 
rement Bestiaire.  O  Voltaire,  célèbre  Bestiaire! 

Bestialiser.  Bestialiser  par  la  plus  honteuse 
et  la  plus  épouvantable  des  fictions ,  la  mémoire 
d'une  héroïne  chère  à  la  France,  et  que  l'équitable 
histoire  environne  d'hommages  ;  quel  esprit  y 
avait-il  donc  à  cela?  L'ombre  de  Jeanne  d'Arc 
n'a-t-elle  pas  le  droit  de  fulminer  de  son  regard 
celle  de  Voltaire?  Chantre  impur I  ta  plume  est 
vile  quand  son  épée  fut  grande. 


fi  B  ï  A 

Bestiolinette.  Petits  insectes  bouv^onnaiî?* 
Dans  la  carrière  des  lettres,  pour  peu  que  Von 
avance,  l'on  est  investi  de  Bestioliuetles. 

BÈTISE.  (du  génie)  Le  peu  d'usage  du  monde 
qu'avait  Dumarsais,  sa  facilité  à  dire  librement 
ce  qu'il  pensait,  lui  donnaient  cette  naïvelé,  cetto 
simplicité,  la  Bêtise  du  génie. 

Fontenelîe  disait  de  lui  :  C'est  le  nigaud  le  plu» 
spirituel,  et  Thomme  d'esprit  le  plus  nigaud  que 
je  connaisse.  C'était  le  Lafontaine  des  philo- 
sophes, (P.  Manuel.) 

Beugler.  Beugler  la  tragédie il  faut  s'en- 
fuir. Les  bengleurs  de  tragédies  se  croient  fort 
au-dessT7s  des  acteurs  comiques,  et  exigent  beau- 
coup plus  d'argent  pour  nous  déchirer  l'ouïe.  Tel 
et  telle,  avec  six  ou  huit  rôles  beuglans  ou  beu- 
glés, mettent  à  contribution  tons  les  théâtres  de 
l'empire,  à  peu  près  comme  les  capucins  parcou- 
raient toutes  les  chaires  évangéliques  ,  avec  sept 
à  huit  sermons  nazillans  ou  nazillés. 

BiAiSEMENT.  Dans  tout  ce  qu'il  dit  ,  il  dissi- 
mule, et  dans  tout  ce  qu'il  fait,  il  agit  Biaisement» 

Biaiser.  Il  est  une  bonne  foi ,  un  esprit  de 
sincérité,  de  véridicilé  qui  plaît  infiniment  dans 
le  commerce,  et  qui  plaît  par  droit,  et  de  même 
dans  les  ouvrages  de  littérature.  Un  écrivain  qui 
Biaise  le  sentiment;  qui  le  refroidit  j)ar  des  nio- 


B  I  L  77 

difi  cal  ions,  par  des  scrupules  de  délicalesse  el  de 
choix,  aflaiblit  son  style j  témoin  d'Alembert. 

BiBLiOLATHE.  Didyme ,  natif  d'Alexandrie,  et 
fils  d'un  vendeur  de  poisson  salé ,  dit  Sénèque , 
composa  jusqu'à  trois  mille  cinq  cents  traités  dif- 
férens;  ce  qui  Je  fit  nommer  Bibliolalhe,  c'est-à- 
dire,  que  ses  livres  étaient  en  si  grand  nombre, 
que  lui-même  l'oubliait.  {Calaract.  de  l'imaginât.) 

BiBLlOPOLE.  Qui  vend  des  livres.  Mon  libraire 
n'est  que  Bibliopolej  il  ne  fait  rien  imprimer  j  il 
dit  qu'il  ne  veut  pas  se  ruiner. 

BiBLiOTAPiiE.  Possesseur  de  livres  rares  qu'il 
ne  veut  point  communiquer.  PermeLlons  à  un 
riche  d'èlre  Biblioiaphe  :  à  sa  mort,  nous  verrons 
la  collection,  et  nous  eu  jouirons. 

Bien.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  diiiicile  au  monde, 
c'est  de  bien  faire  le  Bien. 

BiEN-FACÉ.  Quel  homme  est-ce?  comment  est- 
il  fait? — C  est  un  homme  d'assez  belle  taille,  et 
sur-tout  Bien-facé. 

BiFORME.  Homme  qui  a  deux  faces.  C'est  dans 
les  révolutions  que  Ton  voit  figurer  ces  êtres  Bi- 
formes  qui  se  jettent  tautùt  dans  un  parti,  tantôt 
dans  un  autre,  qui  les  trompent  tous  deux,  et 
qui  finissent  par  se  tromper  eux-mêmes. 

BiLLETER.  C'est  attacher  aux  différentes  mar- 
chandises des  étiquettes  qui  indiquent  leur*  qua- 


7B  B  L  E 

lités  et  leiir  prix.  Ah  !  si  l'on  pouvait  ainsi  Billeler 

les  liommes  I  la  promenade  curieuse  ! 

Blandices.  Les  flatteries,  les  cajoleries,  les 
paroles  caressantes  des  femmes,  lorsqu'elles  ne 
sont  pas  amoureuses  de  nous,  ne  sont  que  des 
Blandices  pour  obtenir  ce  qu'elles  désirent ,  ou 
pour  surprendre  noire  bienveillance  :  quand  elles 
aiment,  elles  ne  flattent  plus,  et  cessent  d'être 
exigeantes;  alors  de  l'abandon,  et  plus  de  Blan- 
dices. 

Blêmi.  Je  n'ai  jamais  plus  éprouvé  la  puissance 
tle  la  solitude  pour  l'adoption  des  idées  religieuses, 
qu'à  la  grandeChartreuse  de  Grenoble.  Ane  voir 
que  des  liommes  muets  et  Blêmis  de  pénitence, 
tout  entiers  à  la  prière,  on  tremble  de  son  inno- 
cence même. 

Blêmir.  Ce  coupable  fut  interrogé,  et  on  le 
vit  Blêmir  :  pâlir  ne  serait  pas  le  mot.  On  pâlit 
de  détresse,  de  fureur,  de  syncope.  Blêmir  rend 
la  pâleur  involontaire  du  crime. 

Blêmir.  Les  dilapidations  de  ces  fainéans  for- 
tunés font  que  cent  fomilles  qui  les  av^oisinent 
dans  leurs  possessions  ,  sont  mal  couvertes  de 
lambeaux;  que,  près  de  leurs  parcs,  de  leurs 
jardins  fleurissans ,  on  voit  des  mères  ,  encore 
dans  leur  jeunesse,  vieillir  de  misèVe,  Blêmir  de 
jeune,  et  disputer  le  reste  de  leur  cliair  à  la  ver- 
^mine  qui  les  ronge. 


BOI  ,3 

Blêmissement.  Lorsqu'on  annonça  cette  fu- 
neste nouvelle  au  milieu  de  cette  grande  assem- 
blée ,  il  se  fit  un  silence  d'effroi,  et  le  Blêmis- 
sement devint  général. 

Blessant.  Ses  reparties  étaient  promptes,  plai- 
santes, jamais  Blessantes. 

Blessure  (dégoût.)  Ce  qu'un  officier  de  nos 
jours  ambitionne  le  plus ,  c'est  une  Blessure  de 
goût,  c'est-à-dire,  une  jolie  cicatrice  qui  con- 
tribue à  sa  réputation  ,  sans  endommager  les 
grâces  de  sa  figure. 

Blet  ,  Blette.  Ce  fruit  est  Blet.  Laissez  cette 
poire;  elle  est  Blette. 

Le  mot  Blet  est  en  usage  dans  les  départemens 
de  l'Est  ;  il  s'applique  au  fruit  amolli  qui  ap- 
proche de  la  pourrilure. 

Bleuir.  Gageons  qu'au  premier  mot  de  votre 
mercuriale  ,  ma  clière  prude  ,  le  pauvre  jeune 
homme  avait  le  visage  long  d'une  aunej  qu'il  a 
rougi,  pâli,  Bleui.  (^RéLif.) 

Blotir.  {se)  Ces  pauvres  petites  créatures, 
elles  se  Blotissaient  sous  les  vètemens  de  leur 
mère  éperdue.  {L'abhé  Prévôt.) 

Bluetter.  Cet  écrivain  ne  sera  jamais  suscep- 
tible de  grandes  conceptions;  il  ne  sait  que  Bluet- 
ter. (i."\) 

Boîtier.  Chloé  s'avance;  elle  tient  d'un  doigt 


Sa  B,0  N 

délicat  cette  lelLre  qui  lui  a  coûté  tant  de  soilpirs  ^ 
et  dépositaire  de  baisers  si  doux  5  elle  craint  de 
la  voir  confondue  et  égarée  parmi  toutes  les  ^ 
lettres  que  mille  mains  viennent  jeter  à  la  poste. 
Elle  veut  la  remettre  au  Boîtier  lui-même;  elle  la 
recommande  vivement,  s'informe  de  l'heure  du 
départ,  et  rougit,  croyant  que  son  secret  va  se 
lire  en  ses  yeux.  [L^*.) 

Bomber.  Le  jupon  de  mademoiselle n'est 

pas  Bombé •,  mais ,  si  je  ne  me  trompe ,  il  Bombe. 

Bon.  Bon  est  presque  devenu  synonyme  de 
mandat. 

Je  vais  vous  donner  un  Bon  pour  toucher  vos 
appointemens. 

Je  vais  faire  à  votre  régiment  ses  Bons  de 
fourrages. 

Cette  dernière  espèce  de  Bons  ,  Irop  souvent 
fictive  pour  le  soldat,  enrichissait  sans  bruit  le 
fournisseur  adroit  et  le  commissaire  complaisant. 

BoNACiTÉ.  La  Bonacité  du  personnage  me  fut 
nn  siir  garant  qu'il  ne  cherchait  pas  à  me  trom- 
per :  mon  observation  devint  juste. 

La  Bonacité  de  la  mer  m'invitait  à  m'embar- 
quer;  je  le  fis  :  eh  bien,  pendant  tout  le  ti'ajet,  je 
n'eus  qu'une  souleur. 

La  Bonacité  de  Rollin  lui  a  fait  défigurer  toute 
}*  histoire  de  la  Grèce  ,  pour  la  ployer  à  un  cours 

d«. 


BON  8i 

de  morale,  qu'en  qualité  de  recleur  il  voulait 
donner  à  la  jeunesse. 

Bonbons  dramatiques Quant   aux   co- 

îTiédies-arieLles,  quoique  ce  soit  une  espèce  mons- 
trueuse, parce  qu'on  y  réunit  deux  choses  in- 
compatibles dans  un  personnage  qui  n'est  pas 
fou  ,  le  chant  et  la  parole,  il  faut  les  conserver, 
puisqu'on  les  aime,  et  représenter  les  meilleures 
jusqu'à  ce  que  la  fureur  en  soit  passée....  Ce  goût 
passerait!  Impossible!  On  ne  court  à  l'opéra-co- 
mique que  pour  entendre  et  retenir  de  petits 
airs  charmans  qui  rendent  un  homme  délicieux 
auprès  des  femmes.  Je  connais  un  homme,  autre- 
fois ennemi  déclaré  de  ces  Bonbons  dramatiques, 
qui,  pour  avoir  entendu  dans  une  jolie  bouche 
quelques  ariettes ,  courut  sur  -  le  -  champ  aux 
Italiens,  et,  d'aigre  censeur,  en  devint  admira- 
teur fou.  (  Rétif.  ) 

Bondir.  Dans  cette  espèce  de  bouleversement 
de  mon  original,  dit  le  traducteur  des  Nuits 
d'Young  i  je  ne  crois  avoir  qu'un  reproche  légi- 
time à  craindre,  celui  d'avoir  attenté  au  dés- 
ordre sublime  de  la  douleur  et  du  génie;  mais 
je  me  flatte  de  n'avoir  pas  profané  ces  élans  de 
l'enthousiasme,  ces  mouvemens  de  l'ame,  cette 
succession  rapide  et  tumultueuse  des  transports 
d'une  ame  agitée  qui  s'élance  et  Bondit  d'idées  en 
idées ,  de  sentimens  en  sentimens.  (  Le  Tourneur.  ) 

Tome  I,  F, 


82  B  O  R 

BooMBER,  OU  Bôoader.  Faire  sonner  une  1res 
grosse  cloche.  Les  habitaiis  de  Rouen,  croyant 
l'ennemi    très-proclie  ,    ne    firent  toute   la  nuit 
que  Bôoniber. 

Ce  mot  est  imitatif.  Il  serait  très-facile  d'en- 
richir la  langue  française  de  plus  de  cent  mois 
pareils,  qui,  avec  ceux  qu'elle  a  déjà,  lui  don- 
neraient une  grande  supériorité  sur  les  autres  lan- 
gues. En  tendez- vous  le  Boon.  (/^.  X.  Tisserand.) 

BoiiBE.  Sordes  j  lutum  vlLlssiniwn,  Il  est  sorti 
de  la  Borbe  et  fait  pour  y  rentrer;  d'où  bor- 
beux ,  plein  de  fange  :  au  figuré  ,  il  a  mauvaise 
renommée,  il  ne  sent  pas  bon,  évitez-le;  c'est 
un  homme  borbeux. 

BoRBORiGM  E.  Bruit  de  l'air  dans  le  ventre, 
Mirabeau  fesant  imprimer  à  Neufchâtel  en 
Suisse,  V Espion  dévalisé ,  il  y  était  dit  que  le 
haron  de  Breteuil ,  après  dîner  ,  se  frappait  lo 
ventre  ,  sans  façon  ,  devant  tous  ses  courti- 
sans ,  pour  se  soulager  de  ses  Borborigmes.  Le 
très-ignorant  imprimeur,  n'ayant  pas  trouvé  ce 
mot  dans  le  dictionnaire,  avait  mis  barbarismes  ; 
te  qui  fit  rire  Mirabeau  et  moi  jusqu'à  pâmoison. 

Bordure.  Une  collection  précieuse  de  ta- 
bleaux des  trois  écoles,  en  bon  état  et  bien  Bor- 
dures. (  Diicray-DuminiL  ) 

Borgne.   «  Au  moment  où  j'étais  prêt  à  me 


B  O  U  85 

♦.(  pâmer  sur  une  gorge  qui  semblait ,  pour  la 
«  première  fois,  souflVir  la  bouche  et  la  maiii 
«  d'uu  homme,   je   m'aperçus   qu'elle    avait  un 

a  leton  Borgne Me  roilà  cherchant  dans 

«  ma  têLe,  comment  on  peut  avoir  un  telou 
«  Borgne ,  et  à  force  de  retourner  cette  idée  , 
«  je  vis  enfin  que,  dans  la  plus  charmante  per- 
«  sonne  dont  je  pusse  me  former  Timage  ,  je 
«  ne  tenais  dans  mes  bras,  qu'une  espèce  de 
«  monsti-e,  le  rebut  de  la  nature,  des  hommes 
«  et  de  l'amour.  »   (  /.  /,  Rousseau.  ) 

Bornage.  Le  Bornage  d'un  champ  ,  d'un  pré, 
d'une  terre,  fait  en  présence  du  juge  :  procès- 
verbal  du  Bornage. 

De  plats  académiciens  ont  voulu  opérer  le 
Bornage  de  la  langue  française  :  oh  !  nous  en 
reculerons  les  limites  ;  car  tel  est  notre  plaisir. 

BoRNOYER.  C'est  fermer  un  œil  pendant  qu'on 
regarde  avec  l'autre  dans  une  lunette  ,  ou  pour 
mieux  juger  im  objet  présent  ou  éloigné. 

Il  n'y  a  rien  qui  m'inquiète  plus  que  de  voir 
un  homme  me  Bornoyer,  ou  Bornoyer  les  pas- 
sans;  c'est  un  vilain  lie  ,  il  décèle  de  l'arrogance. 
Il  faudrait  apprendre  à  vivre  aux  Bornoyeurs. 

BoTANiSER.  Retiré  dans  ses  bois,  il  s'ocoupe 
à  Botaniser. 

BoucAUT.  ^as  quoddam, 

F   3 


8i  B  O  U 

EouFART.  Qui  mange  beaucoup,  mange  fort. 
Nos  pères  disaient  boufage ,  pour  consommer 
beaucoup.  Boufarl  n'est  pas  le  goiirmand  c^ui 
mange  sans  faim.  Admettons  les   nuances. 

Bouffer.  Il  bouffe  de  colère  :  tout  comédien 
sorlant  de  jouer  un  rôle  avec  quelque  succès, 
se  bouffe  dans  sa  loge.  Les  sols  se  bouffent  à  la 
moindre  plaisanterie. 

Bquillonnemens.  On  ne  se  sert  de  ce  mot 
qu'au  pluriel ,  dans  le  sens  figuré. 

«  Sa  jeunesse  s'est  fanée  comme  une  tendre 
«  fleur;  il  n'a  pas  vu  le  commencement  de  son 
«  été  ;  l'âge  qui  mûrit  n'a  pas  existé  pour  lui, 
«  et  le  ciel  a  puni  les  Bouillonnemens  de  la 
«  jeunesse  ,  comme  la  malice  profonde  de  la  ma- 
«  turilé.  )>    (  Rétif.  ) 

Boulanger,  (se)  On  peut  supposer ,  sans 
aucune  illusion ,  que  l'impôt  en  grains  doit 
produire  net,  année  commune,  cent  cinquante 
millions,  sur  estimation  en  numéraire  métallique, 
parce  que  ce  ne  serait  encore  là  que  la  dixième 
partie  du  grain  qui  se  Boulange  annuellement 
pour  vingt-cinq  millions  d'êlres ,  à  raison  seu- 
lement de  vingt  écus  par  têle. 

BouQUINERiE.  Science  d'érudit.  C'est  Bou- 
quinerie  toute  pure  5  mais  les  érudits  ,  en  com- 
pulsant  la  Bouquinwie  ancienne    et  moderne  ;, 


B  O  U  85 

n'ont  pu  seulement  découvrir  l'origine  de  l'usage 
de  saluer  celui  qui  clcrnue.  Quelle  houle  pour 
euxl  Ils  montreront  encore  de  l'orgueil! 

BoURBONiSTE.  Attaché  à  la  maison  de  Bour- 
bon. 11  doit  rester  en  France  trës-peu  de  Bour- 
bonistes. 

BouRDOx.  Il  fait  son  Bourdon  ;  (  comme  la 
grosse  mouche,  )  il  marche  au  milieu  de  la  mu- 
sique et  des  louanges  qu'il  se  donne. 

Bourgeois.  Corneille  dit ,  dans  Nicomède , 
en  parlant  de  Rome , 

Et  ne  savez-vons  pas  qu'il  n'est  princes  ni  rois  , 
Qu'elle  daigne  égaler  à  ses  moindres  Bourgeois  ? 

Bourgeois.  Cette  expression  est  bannie  du 
style  noble  :  elle  y  était  admise  à  Rome,  et  l'est 
encore  dans  les  républiques  modenies.  Le  droit 
de  bourgeoisie ,  le  titre  de  Bourgeois.  —  Elle 
a  perdu  chez  nous  de  sa  dignité  ,  parce  que 
nous  ne  jouissons  plus  d.es  droits  qu'elle  ex- 
prime, (i)  (  Voltaire.  ) 

BouRGETTE.  Pelite  bourse.  Vous  le  mettrez 
dans  cette  affaire  ,  mais  il  est  sans  bourse  ;  il 
possède  tout  au  plus  une  Bourgette,  et  bonne  à 
rien. 


(i)  Depuis  la  révolution,  on  a  substitué  le  mot  Citoyen 
znmotBouTgecis.  Fasse  le  ciel  que  nous  jouissions  des  Jroitô 
nu'il  exprime  ! 

F  5 


86  n  O  V 

Bourre.  J'ai  lu  cet   écrit  ;  il  y   resté  encore 
hien  de  la  Bourre,   engagez  l'auteur  à  foire  dis 
paraître  ce  grossier    mélange  ;  et   pourquoi  s'é- 
tudie-t-il  à  rembourrer  l'expression?  L'Académie 
couronnant  Thomas,  n'est  plus. 

BouRRELLE.  On  a  vu  des  Bourrelles  parmi  ces 
bourreaux. 

BouRSAî'LAGE.  La  plupart  des  idiomes,  même 
ceux  du  Nord,  ont  beaucoup  d'imilatifs,  d'au- 
gmentatifs, de  diminutifs  et  de  péjoratifs. 

Noire  langue  est  une  des  plus  indigentes  à 
cet  égard.  Son  génie  paiMÎt  y  répugner.  Cepen- 
dant, sans  encourir  le  ridicule  qu'on  répandit 
avec  raison  sur  le  Boursaflage  scientifique  de 
Baïf,  Ronsard  et  Jodelet,  on  peut  se  promettre 
quelques  heureuses  acquisitions,  (  Grégoire  , 
député  à  La  convention.  ) 

Boutiquier.  Vainement  vous  avez  aboli  les 
privilèges,  si  vous  laissez  subsister  cette  préro- 
gative de  fait,  qui  dispense  l'homme  d'un  cer- 
tain rang  de  payer  ses  dettes  ,  et  qui  trop  sou- 
vent dévoue  l'industrie  laborieu:se  de  l'artisan 
et  du  Boutiquier  ,  à  soutenir  le  luxe  eifréné  de 
ce  que  nous  appelons  si  improprement  llioniine 
comme  il  faut.    [Mirabeau.) 

Boutonné.  Pris   au    moral  :  cet  homme   est 
boutonné  des  pieds  à   la    lêle,  -vous   ne  saurez 


B  R  A  n^ 

Tien  sur  lonL  ce  qui  le  concerne,  lui  eL  renclroit 
<|u'il  habiLe. 

jBoxer.  (-se)  A  Londres,  jamais  liomme  du 
peuple  ne  céderait  le  liant  bout  à  Georges  m, 
et    si  le   prince  de  Galles,  l'héritier  présomptif 

de  la  couronne,  le  lieurte  sur  les  trottoirs 

habit  bas.  ...  et  l'on  se  Boxe, 

Boxeur.  Son  teint  était  d'une  couleur  re- 
poussante ;  ses  traits  durs  et  singulièrement  dis- 
cordans  les  uns  avec  les  autres;  il  avait  les  lèvres 
épaisses,  et  le  sou  de  voix  rauque;  les  jambes 
de  même  taille  d'un  bout  à  l'autre,  et  de  gros 
pieds  mal  tournés.  11  était  porté,  par  inclinaiion, 
aux  arausemens  où  se  déploie  la  force.  C'était 
un  habile  Boxeur.. 

BoYAUTiERS.  On  appelle  ainsi  les  gens  qui 
commercent  lea  intestins  des  animaux ,  pour  eu 
tirer  ces  cordes  d'instrumeus  qui  deviennent 
harmoniques  et  sentimentales  sous  la  savants 
main  de  nos  musiciens... 

Brachygraphie  (ou  Tachygraphie).  L'arri 
d'écrire  par  abbréviation,  art  très  -  ancien  :  ce 
fut  par  ce  moyen  que  parut ,  il  y  a  cinquante 
ans,  une  édition  des  sermons  de  Massillon ,  qui 
ne  les  aA'ait  jamais  donnés  à  personne. 

Brailler.  Le  Brailler  de  cet  orateur  est  loia 
«lu  taient. 

1^  4 


B'd  B  U  A 

Le  Brailler  des  montagnards  fut  pour  moi  le 
premier  indice  de  leur  ineptie  et  de  leur  barbarie^ 

Braire.  L'ancien  proverbe  a  été,  Braire  avec 
les  ânes  5  depuis  ,  hurler  avec  les  loups  ,  et 
maintenant  l'on  dit  en  cour,  il  faut  s'accom- 
moder.  (  Léon  Trippault.  ) 

Brandons.  Les  flambeaux  de  la  guerre  et  les 
Brandons  des  discordes  civiles  :  les  Brandons 
brûlent,  mais  éclairent  les  peuples  "sur  leurs 
droits.  Si  les  astres  n'étaient  (jue  des  Brandons, 
des  feux ,  et  rien  de  plus  I 

Branlante,  Il  y  a  eu  une  grande  dispute  sur 

le  Parnasse  de  nos  petits  Lycées,  pour  savoir  s'il 

valait   mieux   dire,    en  parlant    du   son  d'ano 

grosse  cloche, 

Ou  le  battant  branlant  de  la  cloche  sonnante, 
Ou  le  battant  sonnant  de  la  cloche  branlante. 

Choisissez. 

Braverie.  «  Chacun  sent  bien  qu'il  y  a  plus 
((  de  Braverie  à  battre  son  ennemi  qu'à  l'ache- 
«  ver ,  et  de  le  faire  bouquer ,  que  le  faire  mourir, 
«  Voilà  pourquoi  nous  n'atlaquons  pas  une 
«  beste  ,  ou  une  pierre  ,  quand  elle  nous  blesse, 
«  d'autant  qu'elles  sont  incapables  de  sentir 
«  nostre  revanche. .  .  .  Le  tuer  est  bon  pour  éviter 
«  l'offence  à  venir ,  non  pour  venger  celle  qui 
«  est  faile.  C'est  une  action  plus  de  crainte  que 


BRI  89 

«  de  Braverie  et  de  coui'age.  Nous  craignons , 
«  s'il  demeure  en  vie  (  noire  ennemi),  qu'il  nous 
«  recharge  d'une  pareille....  Ce  n'est  pas  contre 
«  lui,  c'est  pour  toi  que  tu  t'en  deffais.  »  [Mont.  ) 
BrÉHAIGXE.  Femelle  stérile.  L'appliquer  aux 
animaux  ,  et  jamais  à  l'espèce  humaine,  par  res- 
pect pour  l'homme. 

Brelandinier.  Ouvrier  sans  boutique. 

Bricoler.  Il  ne  fait  dans  sa  conduite ,  que 
Bricoler. 

La  politique  n'est  qu'un  jeu  de  bricole. 

Mazarin  très-habile  à  Bricoler,  ne  se  soutint 
long-temps  que  par  ce  jeu. 

Brider.  Que  je  voudrais  Brider  la  vaine 
curiosité  des  mortels  sur  des  objets  absolument 
placés  hors  de  leurs  conceptions  ! 

Brigander.  Avec  toutes  \es  occasions  de  Bri- 
gander,  et  pour  ainsi  dire  autorisé  par  l'exemple 
de  ses  confrères ,  il  est  sorti  de  là  les  mains 
pures  et  nettes. 

Brimballer.  Brimballer  des  cloches  •,  les  faire 
sonner  sans  ordre  et  sans  mesure  ;  faire  du  bruit 
pour  faire  du  bruit.  Brimballer  son  mérite  de- 
vant des  hommes  du  commun  ,  des  ignorans. 

Brise-image.  Ce  mauvais  traducteur  est  uu 
véritable  brise-image. 


BO  B  R  O 

Brochurier.  Quand  autrefois  d'Alemoert 
Yoiilaît  bien  communiquer  au  public  les  pro- 
ductions de  sa  muse  géomètre,  ou  géométrique, 
il  apostait  dans  le  parterre  de  l'Académie ,  des 
claqueurs  robustes  qui  ne  permettaient  pas  de; 
les  entendre.  Quand  on  venait  à  les  lire  et  à 
s'en  moquer,  il  apostait  des  Brocliuricrs  hardis 
qui  disaient  que  c'était  le  déchirer.   (LingîieL) 

Bronchement.  Un  Bronchement  n'est  pas 
tout  à  fait  une  faute,  encore  moins  un  crime; 
un  Bronchement,  en  fait  de  langage,  est  une 
vétille ,  quand  le  fonds  de  Tidée  est  clair  ou 
bon. 

Bronzer,  (se)  Un  homme  né  avec  une  ex-- 
trême  sensibilité ,  disait  :  «  Plus  je  vois  les 
«  hommes,  plus  je  sens  qu'il  faut  que  le  coeur 
«  se  brise  ou  se  Bronze.  » 

Brouillonne.  Charles- Quint  occupé,  dans 
le  fond  de  son  cloître,  à  régler  des  pendules 
qu'il  ne  put  jamais  mettre  d'accord,  s'écria  : 
«Insensé!  je  ne  puis  forcer  deux  horloges  à 
«sonner  à  la  même  heure ,  et  je  voulais  con- 
«  traindre  quarante  sectes  à  croire  les  mêmes 
«dogiues!»  Frappé  de  celte  leçon  expérimen- 
tale, un  de  ses  successeurs,  Maximilien  l",  in- 
trigua pour  se  faire  élire  Pape,  «afin  d'abolir, 
«disait-il,  cette  théologie  qui  brouille  le  monde 
«et  l'évangile.»    Mais   il  ne  put  accomplir  son 


BRU  91 

rœu  pacifique  ,  el  la  théologie  Brouillonne  , 
qu'il  espérait  anéantir,  lui  survécut  pour  le  mal- 
heur du  inonde.  (  CèruUi.  ) 

Bruire.  Le  serpent  à  sonnettes  fait  Bi'uire  ses 
sinistres  grelols. 

Braire.  La  lune  paraissait  au  milieu  du  firma- 
ment,  entourée  d'un  rideau  de  nuages^  que  ses 
rayons  dissipaient  par  degrés.  Sa  lumière  se  ré- 
pandait insensiblement  sur  les  montagnes  de  l'île 
et  sur  leurs  pitons,  qui  brillaient  d'un  vert  ar- 
genté 5  les  vents  retenaient  leurs  haleines On 

entendait  dans  les  bois,  au  fond  des  vallées,  au 
haut  des  rochers,  de  petits  cris,  de  doux  mur- 
mures d'oiseaux,  qui  se  caressaient  dans  leurs 
nids,  réjouis  par  la  clarté  de  la  nuit  et  la  tran- 
quillité de  l'air.  Tous,  jusqu'aux  insectes,  Bruis- 
saient  sous  Fherbe.  (^Bernardin  de  Saint-Pierre.^ 

Brulable.  Voltaire  ayant  dit  ({ne  fatal  laurier , 
hel  astre,  merveille  de  nos  jours ,  ne  sont  pas  des 
beautés  poétiques,  comme  Pascal  l'a  cru,  ajoute  : 
«Si  vous  voulez  vous  réjouir,  parlez  un  peu 
«  de  mon  Brulable  livre  à  quelques  jansénistes, 
«  qui  ne  désespéreraient  point  de  ma  conversion, 
«  si  je  m'étais  borné  à  écrire  qu'il  n'y  a  point  de 
«  Dieu.  » 

Brulement.  Vouloir  brûler  les  corps  morts 
est  une  erreur  grossière,  si  ce  n'est  pas  au  fond 


92  BRU 

un  altenlat  physique,  un  sacrilège  envers  la  na- 
ture. C'est  empêcher  le  reversement  des  matière* 
composantes  qui  forment  la  nourriture,  la  richesse 
et  la  parure  du  globe.  Les  anciens ,  si  pauvres  eu 
physique ,  ont  mal  raisonné  le  Brùlement  des 
coi'ps. 

Brûlerie.  «  Vous  avez  vu  qu'on  a  brûlé  mou 
«  livre  (^r Emile)  à  la  Haye.  Rey  me  marque  que 
«  le  ministre  Cliais  s'est  dornié  beaucoup  de  luou- 
«veraens,  et  que  l'inquisiteur  Voltaire  a  écrit 
«  beaucoup  de  lettres  pour  celte  alfaire.  Je  pense 
«  qu'avant-hier  le  Deux-cents  en  a  fait  autant  à 
«  Genève.  Toutes  Brûleries  sont  si  bêtes,  qu'elles 
«  ne  font  plus  que  me  faire  rire.»  (./.  J .  Rousseau.) 

Brîjneux.  Dans  l'ouvrage  intitulé  les  Ruines  ^ 
un  homme  s'adressant  à  un  génie  qui  l'a  trans- 

porléclans  la  région  supérieure,  s'écrie  :  

«  Quoi  !  c'est  là  cette  terre  où  vivent  les  mortels? 
«  —  Oui,  répondit  le  génie,  et  cet  espace Bruneux 
«  qui  occupe  irrégulièrement  une  grande  porlion 
«  du  disque  et  l'enceint  presque  de  tous  côtés ,  c'est 
«  ce  que  vous  appelez  le  vaste  Océan.»  (^Volney.) 

Brutification.  Point  de  pontife-despote  qui 
n'ait  voulu ,  préparé  ou  médité  la  Brutification  de 
ce  qui  les  gênait  ou  con  ti'ariait  le  plus ,  les  hommes 
pensans. 

Brutifié.  Plus  d'un  maître  d'école  a  Brutifié 


BUT  95 

-déjeunes  enfans  par  de  mauvais  trailemens  :  c'est 
un  délit  punissable,  et  cependant  impuni. 

Le  vin  Ta  Brutifié.  On  a  semblé  craindre  que 
l'inoculation  de  la  vaccine  ne  Brutifiât  l'espèce 
humaine. 

BuANDiER.  C'est  celui  qui  fait  le  premier  blan- 
chiment des  toiles.  Qui  sera,  qui  osera  être  le 
Buandier  de  ce  coupable  personnage  ? 

11  n'y  a  point  de  buanderie  qui  puisse  laver  la 
mémoire  de  tel  gouvernant. 

BuDJET..  Répartition  juste,  recette  facile,  dé  - 
pense  au-dessous  de  la  recette  :  c'est  ainsi  que 
tout  bon  chef  de  famille  doit  asseoir  son 
Budjet.  [L-"*.) 

Bureaucratie.  Mot  créé  de  nos  jours,  pour 
désigner  d'une  manière  concise  et  énergique  ce 
pouvoir  étendu  de  simples  commis,  qui,  dans  dif- 
férens  bureaux,  font  passer  une  multitude  de  pro- 
jets qu'ils  forgent,  ou  qu'ils  trouvent  plus  souvent 
dans  la  poussière  des  bureaux,  ou  qu'ils  protègent, 
soit  par  goût,  soit  par  manie. 

Butiner.  Butiner  l'esprit  d'autrui,  c'est  faire 
un  miel  qui  ne  nous  appartient  pas. 

BuTORDER^iE.  Vous  me  parlez  des  deux  pre- 
miers volumes  de  VHlstoire  universelle,  ou  plu- 
tôt de  V Essai  sur  les  sottises  de  ce  globe  :  j^en 
ferais  un  grgs  volume  des  miemlesj  mais  je  me 


9't  CAL 

console  en  parcouranL  les  Butorderies  de  cet  uni- 
vers.  (  Koltaire.  ) 

Byrrias.  Nos  ancêtres  appelaient  ainsi  un 
homme  aux  cheveux  rouges.  Ce  mot  dérivait  du. 
crée. 


c 


v_^ACHETTES.  Il  n'y  a  que  Dieu  qui  puisse  péné- 
trer les  Cachettes  du  cœur  humain.  Les  hommes 
ne  voient  que  le  visage  et  n'entendent  que  la 
parole. 

Cajolable.  Madame  de  Warens  se  mit  à  ca- 
joler Grossi,  qui  pourtant  n'était  pas  trop  Cajo- 
lable y,  car  c'était  bien  le  plus  caustique  et  le  plus 
brutal  monsieur  que  j'aye  jamais  connu.  (./.  /.  iî.) 

Cailletage.  La  vie  uniforme  et  simple  des 
religieuses,  leur  petit  Cailletage  de  parloii",  tout 
cela  ne  pouvait  flatter  un  esprit  toujours  en  mou- 
vement, qui,  formant  chaque  jour  de  nouveaux 
systèmes,  avait  besoin  de  liberté  pour  s'y  livrer, 
dit  J.  J.  Rousseau,  en  parlant  de  madame  de 
AVarens. 

Calamar.  Estui  de  plumes. 

Calambourdier.  Allons  ,  un  Calambourg  ! 
L'agréable  Calambourdier  m'en  fit  un  à  comman- 
dement. Je  portais  ce  jour-là  des  pantouffles  vertes. 


€  A  L  ^5 

tlcnuées  de  tous  agrémens.  Allons,  marquis,  vite, 
lui  clis-je,uncalembourgI....  Sur  qui?  Sur  quoi?... 

Eh  mais  I   sur   mes   pantouffles Volontiers. 

1j  univers  est  à  vos  pieds.  (  Anonyme.  ) 

Calamisteur.  Coiffeur. 

Calamiteux.  Ces  temps  Calamiteux  prédits 
par  les  prophètes. 

Saison  Calamiteuse  par  la  sécheresse  du  prin- 
temps en  1 786. 

Calamo GRAPHIE.  Les  fautes  que  vous  remar- 
quez dans  son  manuscrit,  sont  plutôt  de  la  plume 
que  de  Tauteur  :  on  pourrait  ]es  appeler,  dit  un 
de  nos  écrivains  ,  des  fautes  de  Calamographie, 

Calcable  (  de  calcare.  )   A  mettre  dehors  à 
coups  de  pieds,  ou  mieux  encore. 
Cet  insolent  est  \\n  drôle  Calcable. 

Calembourgiste.  Les  équivoques  perpétuelles 
qui  sont  dans  la  bouche  de  ce  Calembourgiste,  dé- 
naturent à  la  fois  la  logique  et  la  langue.  Vou- 
drait-on perpétuer  dans  cette  maison  le  règne 
de  l'indécence  et  du  mauvais  goût ,  qu'on  n'y 
change  point  de  ton  ? 

Calinaire.  Mot  provençal,  qui  signifie  amou- 
reuse ou  amie  d'un  bel  homme  5  il  dérive  du  grec. 
Donnons-lui  un  plein  cours  en  faveur  de  nos 
braves  guerriers. 


OG  ■  C  A  M 

Calmeur.  Un  êlre  qui  appaise  un  violent  mou- 
vement, comme  une  tempête,  une  sédition,  une 
insurreclion,  etc.  Ainsi  Ton  peut  dire  le  Dieu 
Calmeur  des  tempêtes,  des  élémens  en  fureur^  un 
éloquent  orateur,  Calmeur  d'un  peuple  séditieux.  . 

Calomniographe.  Voilà  l'état  des  choses 
quant  aux  typographes.  A  l'égard  des  Calom- 
niographes,  j'en  ris;  il  y  a  cinquante  ans  que 
j'y  sais  accoutumé,  (P'^oltaire ,  en  rendant  compte 
de  plusieurs  éditions  de  ses  ouvi-ages,  qu'on  a  si 
souvent  calomniés.  ) 

Calus  (du  cœur.)  Le  Calus  du  cœur  est  formé 
chez  ce  riche  :  c'est  exprimer  fortement  sa  dure 
insensibilité.  En  général,  ce  terme  serait  appli- 
cable de  nos  jours  à  une  foule  d'individus,  les  uns 
sans  miorale,  les  autres  ayant  perdu  le  sentiment. 

Calvitie.  Perte  de  chevpux.  Quoique  jeune, 
il  est  atteint  de  Calvitie.  Jules  César,  pour  cacher 
sa  Calvitie ,  s'entoura  la  tète  de  feuilles  de  lau- 
rier. La  Calvitie  prématurée  annonce  en  général 
un  assez  mauvaise  tète.  La  perruquerie  nouvelle 
a  fait  disparaître  avec  beaucoup  d'art  la  Calvitie 
toujours  un  peu  repoussante  à  l'œil. 

Camauaderie.  La  plupart  des  liaisons  de  so- 
ciété, la  Camaraderie,  etc.  tout  cela  est  à  l'amitié 
ce  que  le  sigisbéïsme  est  à  l'amour.  (  CJiamfort.  ) 

Caméléoner.  Changer  de  parti,  feindre  toutes 

sortes 


CAN  97 

sortes  de  caractères.  Caméléoner  est  le  rôle  habi- 
tuel d'un  ministre  diplomate. 

Caméléoniser.  (se)  Impie  ou  dévot,  libertin 
ou  rigoriste  ,  ivrogne  ou  sobre,  spirituel  ou  niais, 
se  couva'ant,  selon  les  personnes  avec  lesquelles  il 
se  trouve,  du  sale  manteau  de  Diogène,  ou  de  la 
brillante  robe  de  Platon ,  cet  homme  prend  toutes 
les  formes  et  toutes  les  couleurs  :  personne  n'a 
comme  lui  l'art  de  se  ('améléoniser. 

Candidement.  Racine,  dans  Atlialie,  a  prêté 
au  petit  Joas  un  style  Candidement  pur.  S'il 
m'était  donné  de  re>susciter  l'un  des  grands 
hommes  du  siècle  de  Louis  xiv,  je  ressns.^i'erais 
Lafontaiue,  parce  qu'il  me  parlerait  Candidement, 
comm.e  il  fesait  autrefois. 

Candorique,  Quoi!  elle  voilait  sous  cet  air, 
st>us  ce  ton  Candorique,  tant  de  fausseté?  Ah! 
niallieureux  ! 

Cangue.  En  Perse,  dans  le  temps  de  sa  plus 
grande  gloire  ,  les  prisons  y  étaient  mobile.'-. 
Jj'homme  dont  l'ordre  public  exigeait  que  l'on 
s'assurât,  ne  perdait  de  sa  liberté  que  ce  qu'il  fal- 
lait lui  en  ôter  pour  qu'il  ne  pût  se  soustraire 
au  châtiment,  ni  se  rendre  plus  criminel.  Une  in- 
dustrie plus  compatissante  que  sévère  y  avait 
imaginé  la  Cangue ,  espèce  de  triangle  de  bois 
portatif,  qui,  étant  fixé  au  cou,  et  prenant  une 
Tome  I.  O 


^8  C  A  P 

des  mains  de  Taccusé,  ne  pourait  ni  se  cacher,  ni 
Se  détacher,  sans  cependant  lui  ôter  aucune  de  ses 
facultés.  (  Llnguet.  ) 

On  nous  parle  des  exécutions  sanglantes,  or- 
données en  Perse  par  des  monarques  ivres  ^  mais 
ces  horreurs  étaient  renfermées  dans  les  harems, 
et  l'inslitution  seule  de  la  Gangue  prouve  que 
Tesprit  général  de  la  nation,  sans  en  excepter  le 
gouvernement  ,  avait  autant  de  douceur  que 
d'équité.  (  Idem.  ) 

Canonn  AGE.  Il  apprend  le  Canonnage,  la  science 
terrible  de  lancer  au  loin  et  avec  justesse  les  bou- 
lets de  canon. 

Canore.  «Soyez  soumis  aux  puissances,  dit 
«  l'élève  de  Gamaliel  à  tous  les  sujets  d'un  gou- 
«  vernement  5   femmes  ,    soyez   soumises    à   vos 

«  maris soyez  charitables,  compalissans,  dé- 

<(  sintéressés » 

Est-ce  là  ce  qui  résulte  des  évangiles  modernes  ? 
Est-ce  là  ce  qu'on  apprend  dans  V Encyclopédie? 
11  ne  suffit  pas  d'avoir  la  voix  Canore  comme 
d'Alembertjpour  l'emporter  sur  St-Paul,(Z/Z/2_§^/fe/.) 

Cantateur  ,  Cantatrice,  Les  choeurs  de 
l'Opéra ,  vulgairement  dits  les  espaliers  ,  sont 
composés  de  Cantateurs  et  de  Cantatrices  qui 
épouvantent  les  oreilles  allemandes  et  italiques. 

Capitaliste,  Ce  mot  n'est  guère  connu  qu'à 


C  A  Q  93 

Paris.  Il  désigne  un  monslre  de  fortune  j  tm 
homme  au  cœur  d'airain,  qui  n'a  que  des  affec- 
tions métalliques.  Parle-t-on  de  l'impôt  territo- 
rial ?  il  s'en  moque  :  il  ne  possède  pas  un  pouce 
de  terre;  comment  le  taxera-t-on  ?  Ainsi  que  des 
Arabes  du  désert  qui  vieraient  de  piller  une  cara- 
vane, enterrent  leur  or,  de  peur  que  d'autres  brî- 
gands  ne  surviennent,  c  est  ainsi  que  nos, Capi- 
talistes ont  enfoui  notre  argent.  (^Dlct.  anecd.) 

Capter.  Mot  qui  devrait  être  en  usage  plus- 
que  jamais.  Capter  les  suffrages,  Capter  les  éloges, 
Capter  la  confiance  des  bons,  celle  du  peuple 5 
Capter  les  faveurs  du  puissant  qui  les  distribue. 

Capucinage.  Il  était  Capucin;  mais  lors  de  la 
révolution,  il  en  profita  en  homme  d'esprit,  et 
il  quitta  le  Capucinage  pour  l'alambic  du  chi- 
miste-, il  était  habile  prédicateur,  et  il  est  devenu, 
utile  pharmacien. 

Caquetage.  Aucun  ministre  ne  fit  jamais  con- 
voquer autant  de  grandes  assemblées;  mais,  satis- 
fait d'y  étaler  une  éloquence  prolixe  et  toujours 
mal-adroite,  il  les  laissait  toutes  (le  chancelier 
de  l'Hôpital)  dégénérer  en  cohues  tumultueuses 
ou  en  Caquetages  scandaleux,  dont  l'unique  ré- 
sultat était  de  constater  la  frivolité  et  l'impuis- 
sance du  gouvernement.  (  Linguet.  ) 

Caquetés. 

Les  morceaux  Caquetés  se  digèrent  le  mieux. 

G  3 


loo  CAS 

Vers  cle  ma  composition  qui  cleviendi'a  pro  - 
Verbe;  vers  utile  qui  tient  à  l'hygiène,  et  qui 
attestera  que  je  suis  assez  bon  convive. 

Caricaturer.  Ce  peintre  semble  être  l'élève 
cle  Momus;  il  aime  à  Caricaturer. 

CarnIvorité.  Heureux  état  d'innocence  où 
l'homme,  sans  expérience  et  sans  lumières,  igno- 
rait la  mort,  ou  ne  la  connaissait  que  présente, 
pour  l'éviter  comme  les  animaux  I  Que  ne  puis-je, 
comme  je  l'ai  désiré  mille  fois  dans  ma  jeunesse, 
habiter  une  île  solitaire  avec  une  compagne  I 
J'anéantirais  pour  mes  descendans  toutes  les  con- 
naissances; je  leur  interdirais  le  sang  et  la  chair: 
ils  en  seraient  moins  spirituels,  mais  ils  mour- 
raient de  vieillesse,  comme  le  bœuf  et  le  mouton, 
sans  connaître  ni  Tesclavage,  ni  les  lois.  C'est  la 
Carnivorité  qui  nous  a  rendus  spirituels vo- 
leurs   assassins.  (Rétif.) 

Caser,  (.'e)  On  dit  aujourd'hui  :  Tl  s'est  bien 
casé,  pour  exprimer  que  tel  s'est  élevé  par  ses 
soins  à  une  bonne  place,  ou  bien  qu'il  est  enti'é 
en  possession  d'un  domaine  d'une  honnête  valeur, 
quand  même  l'acquisition  ne  le  serait  pas.  O  siècle 
différent  de  tous  les  autres  siècles! 

Castadou  ,  ou  bien  Gastadou.  Lochs  suhter- 
raneus  ;  il  vient  du  grec.  Il  est  encore  usité  eu 
Provence. 


C  A  U  101 

CatAtLOGUER.  Le  voilà  environné  de  flatteurs; 
mais  lorsqu'il  ne  sera  plus,  il  ne  sera  pas  long 
alors  de  Cataloguer  ses  vertus. 

Cataloguer  des  livres  à  rinfini,  sans  les  avoir 
lus,  qui  croirait  que  cet  emploi  a  rendu  des 
lionimes  fort  vains,  et  leur  a  donné  un  air  d'im- 
portance? Un  Catalogueur  ne  cède  point  le  pas  à 
tel  érudit. 

CathédrA-NT.  Qui  parle  ex  cathedra.  Et  moi 
aussi,  j'ai  été  Gatliédrant  au  Lycée  républicain , 
rae  disait  un  bon  jeune  homme  qui  s'était  ima- 
giné que  de  là  l'univers  l'entendrait.  Tous  nos 
jeunes  poètes  se  sont  faits  Cathédrans  dans  nos 
innombrables  Lycées  -,  c'est  à  qui  parlera  devant 
inie  assemblée  ex  cathedra.  Le  Catliédrant  la 
Harpe  cède  ce  soir,  dit-on  ,  sa  place  au  Catliédrant 
Roederer  :  y  gagnons-nous?  y  perdons -nous  ? 
Grand  problème. 

Chaque  culte  a  ses  Cathédrans.  Tout  Quaker 
est  Catliédrant  dès  qu'il  a  reçu  l'inspiration. 

Cause-finalier.  Si  une  horloge  n'est  pas  faite 
pour  montrer  l'heure  ,  j'avouerai  alors  que  les 
causes  finales  sont  des  chimères,  et  je  trouverai 
fort  bon  qu'on  m'appelle  Cause-finalier,  c'est-à- 
dii-e,  imbécille.  (  Voltaire.  ) 

CausePi^ie.  Quant  au  marquis  de  Villette ,  on 
sait  que  Voltaire  l'aimait 5  c'était  Fliomme  qui,  à 

(î  5 


102  C  A  V  ' 

son  gré,  possédait  le  mieux  les  charmes  de  îa 
Causerie.  ÇCondorcet.) 

Causeur.  La  langue  suit  les  progrès  de  la  civi- 
lisation :  auguste  et  fière  quand  un  peuple  à  demi 
barbare  sent  encore  ses  forces  et  ses  droits;  polie, 
timide  et  fleurie  quand,  ne  servant  plus  aux 
grands  intérêls  de  la  nation  ,  elle  a  perdu  son 
accent  primitif,  et  qu'elle  se  borne  à  caresser 
l'oreille  d'un  peuple  Causeur,  qui  se  dédommage 
par  le  nombre  et  la  finesse  des  idées,  de  l'énergie 
et  de  la  simplicité  qu'elles  avaient. 

Cauteleux.  Ce  grossier  paysan ,  il  n'en  est 
pas  moins  Cauteleux.  Dans  le  pays  dit  de  Sa- 
pience  (  la  Normandie  ) ,  les  hommes  en  général 
y  sont  Cauteleux. 

Cautuleux.  Dans  une  des  séances  des  élals 
généraux  de  Provence,  on  lut  des  écrits  qui  in- 
culpaient Mirabeau.  Celui-ci  en  réclama  la  com- 
munication. 

«Vaines  réclamations!  s'écrie-t-il;  ces  écrits 
«si  publics  lorsqu'on  a  voulu  m'outrager,  et  si 
«mystérieux  quand  il  s'agit  de  les  défendre,  ne 
«m'ont  pas  encore  été  remis.  Ce  sont  les  traits 
«  du  Parthe  ,  décochés  d'une  main  rapide  et 
«  Cautuleuse,  mais  décochés  en  fuyant.» 

Caverne  (  à  héros.  )  Les  révolutions  et  les 
crimes  de  la  Grèce  ne  paraissent  que  des  jeux 


C  F.  L  io5 

d'eiifaiis  auprès  des  révolutions  et  clés  Grimes  de 
Rome  ancienne.  C'est  dans  ce  repaire  magnifique, 
c'est  dans  cette  Caverne  à  héros  qu'il  faut  con- 
templer les  crimes  de  toute  espèce,  dans  toute  leur 
plus  horrible  étendue.  (^RaynaL) 

Caverneux.  Fondemens  Caverneux,  nuage* 
Caverneux,  C'est  un  caractère  Caverneux,  pre- 
nez-y garde. 

Cavillation.  Ce  qu'il  fallait  faire?  Il  fallait, 
quand  la  nation  seule,  et  en  se  jouant,  enfantait 
en  un  moment  à  la  liberté  des  années  bien  plus 
innombrables  que  celles  que  le  despotisme  leva  ja- 
mais à  Xercès  ci  àTamerlan,  dans  vingt  royaumes, 
il  fallait  prendre  l'attitude  convenable  à  la  majesté 
d'un  tel  peuple;  il  fallait  ne  point  user  de  Cavil— 
ialions  fausses  et  indignes.  (  C.  Desmoalcns.^ 

Cavillations.  Vaines  subtilités.  Mot  à  ressusci- 
ter. C'est  par  des  Cavillations  que  l'on  combat 
rimpôt  en  nature,  le  seul  juste  et  raisonnable,  le 
seul  qui  réconciliera  un.  jour  les  gouvernans  et  les 
gouvernés. 

CÉLADONISME.  Riccoboni,  clans  sa  Réfonnation 
(lu  Théâtre ,  prétend  que  l'amour,  dans  la  tragé- 
die, ne  doit  être  que  furieux,  et  jamais  tendre. 
L'amour  furieux  est  propre  à  la  tragédie,  soit^ 
mais  loin  qu'il  doive  exclure  l'amour  tendre,  je 
soutiens  que  la  peinture  de  ce  dernier  est  d'une 

Q  i 


io4  C  E  L 

milité  plus  générale  ,  parce  que  plus  de  gens 
aiment  comme  Brilannicus ,  que  comme  Hermione 
ou  comme  Phèdre,  Ce  n'est  que  la  fadeur,  le  Cé- 
ladonisme  qu'il  faut  éviter.  (Rétif.) 

CELANT.  Discret.  On  peut  le  charger  de  cette 
affaire,  rien  ne  transpirera;  c'est  un  homme  Ce- 
lant et  sans  aucune  affectation. 

CÉLÉBRisER.  Le  plus  miuce  des  journalistes 
croit  Célébriser  le  plus  obscur  autevir  auquel  il 
donne  des  louanges. 

C'est  la  manie  de  nos  sculpteurs  de  Célébri&er 
telle  ou  telle  tête,  qu'elle  appartienne  à  un  géné- 
ral ou  à  un  histrion. 

CÉLisRE.  Nous  avions  le  substantif  célérité;  il 
nous  manquait  l'adjectif  Célère,  et  je  sais  bon  gré 
à  Rétif  de  la  Bretonne  d'avoir  dit,  dans  un  de  ses 
nombreux  et  peut-être  trop  nombreux  ouvrages  : 
<(  Deux  femmes,  à  un  balcon  donnant  sur  la  cam- 
«  pagne ,  voyaient  errer  dans  la  plaine  d'inno- 
«  cent  es  perdrix  aux  pieds  rouges  et  Célères.  » 

Célère.  Il  ne  fait  que  passer  par  cette  ville;  si 
vous  voulez  le  rencontrer,  soyez  Célère.  Quand 
on  va  à  la  rencontre  d'un  objet  aimé,  le  pas  est 
toujours  Célère. 

CÉLESTIEL.  Ce  bel  enfant,  c'est  un  ange;  il  a 
l'oeil  d'un  bleu  Célestiel.  Il  y  a  quelque  chose  de 
Cèles tiel  dans  l'air  innocent  et  les  grâces  pudiques 


C  E  R  io5 

de  cette  jeune  vierge.  Un  beau  Célesliel  est  ré- 
pandu dans  plusieurs  figures  et  têtes  de  Raphaël. 
Quand  il  parle  de  la  vertu,  il  s'anime,  il  a  le  re- 
gard Célestiel  :  tel  devait  être  celui  de  Féuélon  ou 
de  Marc-Aurèle. 

CÉNOBIES.  Maison  où  l'on  se  rend  volontaire- 
ment. On  a  détruit  les  monastères,  les  couvens., 
mais  on  pourrait  rétablir  les  Cénobies. 

Centraliser.  L'entreprise  d'uniformer  le  lan- 
gage d'une  grande  nation ,  de  manière  que  tous 
les  citoyens  puissent  sans  obstacle  se  communi- 
quer leurs  pensées  ;  cette  entreprise  qui  ne  fut 
pleinement  exécutée  chez  aucun  peuple,  est  digne 
du  peuple  français  ,  qui  Centralise  toutes  lej* 
branches  de  l'organisation  sociale ,  et  qui  doit  être 
jaloux  de  consacrer  au  plutôt  dans  une  République 
une  et  indivisible,  l'usage  unique  et  invariable  de 
la  langue  de  la  liberté.  (  Grégoire.  ) 

Centraliser.  Centraliser  le  pouvoir,  l'autorité, 
c'est  servir  d'autant  plus  la  liberté  individuelle  ; 
mais  dans  cette  Centralisation ,  pour  peu  que  la 
force  publique  déborde,  tout  passe  sous  le  joug. 
O  rare  équilibre!  Et  toi,  grand  funambule,  o 
Forioso  I  tes  pieds  sur  la  corde  en  savent  plus 
que  nos  têtes ,  quand  il  faut  équilibrer. 

CÉRÉMONIER.  « Et  bientôt  l'enconti'àme* 

«le  logis  du  mien  sauveur,  qui,  par  bonnes  et 


io6  C  H  A 

«  onctueuses  paroles,  attira  ma  mie  dans  la  c"ha-» 

«  pelle Et  Blanche  n'y  éloit  pas  plutôt,  que 

«  la  voilà  qui  se  laisse  aller  dessus  ses  deux  ge- 
«  noux;  ce  que  sentant,  pour  ce  que  j'avois  bien 
«  mon  bras  allaclié  au  sien  ,  me  laisse  aussi  cou- 
.<(  lei*  sur  les  miens,  et  puis  le  marieur  Cérémonia, 
«  et  ma  mie  dit  :  Oui^  et  moi  encore.  »  (Sauuigny.) 

Ceste.  (subst,  m.)  Nom  de  la  ceinture  qu'Ho- 
mère donne  à  Vénus.  Elle  rendait  la  personne  qui 
la  portait  aimable,  même  aux  yeux  de  ceux  qui 
ne  raimaient  plus  :  l'hymen  n'était  pas  même  à 
l'abri  de  ce  prestige. 

CiîAGRiNEUx.  Chagrin  se  dirait  pour  celui  qui 
l'est  envers  lui-même,  et  Chagrineux  pour  celui 
,   qui  le  serait  envers  les  autres. 

On  ne  peut  plus  vivre  avec  lui,  il  est  Chagri- 
neux au  possil)le.  Mais  il  paraît  bien  trisle ,  ce 
jeune  homme.  —  Il  est  vrai;  c'est  un  oncle  Cha- 
grineux qui  le  rend  chagrin. 

Chaleureuse.  Une  amitié  Chaleureuse;  cela 
ne  se  voit  que  dans  le  premier  âge. 

Chaleureux.  La  première  pensée  de  la 
Feiiille  P  illageoise  nous  vint  d'une  conversa- 
lio)i  avec  cinq  ou  six  paysans,  au  milieu  d'une 
giange  où  l'orage  nous  avait  forcés  de  nous 
rétugier.  Nous  fûmes  accueillis  par  eux  avec  une 
hospitalité  si  touchante,  ils  entendirent  nos  rai- 


C  H  A  107 

sonnemens  et  nos  explications  d'un  air  si  allenllf 
et,  si  judicieux,  et  malgré  leur  langage  rustique, 
nous  vîmes,  à  travers  les  éclairs  et  le  tonnerre, 
éclater  en  eux  un  sens  si  droit  et  un  cœur  si 
Chaleureux,  que  nous  conçûmes  le  plan  d'un 
journal  conforme  à  notre  entretien.  i^Cérutti.^ 

Chalouheux.  «...  Ah  !  malheureux  Pierre  î 
«disant  ainsi,  ne  fus -je  pas  assez  hardi  de 
«  prendre  la  main  de  Blanche,  qui,  par  sa  trop 
«extrême  émotion,  plus  ne  me  voyoit  ,  ni  no 
«  m'entendoit ,  et  l'attirant  à  moi  doulcement, 
«  elle  laisse  tomber  son  beau  visage  sur  le  mien, 
«  et  voilà  que  je  sens  couler  en  toutes  mes  veines 
«  une  Chaloureuse  ivresse,  et  Amour  rompit  si 
«  tellement  en  moi  le  frein  du  respect,  que  je 
«  ne  pus  retenir  mes  lèvres  de  toucher  les 
«  siennes,  et  d'y  attacher  un  très-amoureux  bai- 
«  ser.   (  Sauvigny.  ) 

Chambellanie.  Recevez,  madame,  mes  hom- 
mages, mes  respects,  mes  souhaits,  des  gouttes 
d'floffmann  et  des  pilules  de  Slhal,  par  M.  d'A- 
mon,  mon  camarade  en  Chambellanie,  et  mon 
très-supérieur  en  négociations.  (  Voltaire.  ) 

Chants  pathiotiques.  Nos  anciens  recueils 
fourmillent  de  couplets  sur  tous  les  sujets.  ïi 
existe  en  France  des  milliers  de  chansons  à 
boire;  Scaron  en  fit  une  à  manger,  et  ce  n'est 
pas  le  plus  détestable  de  ses  ouvrages.  Aucun  de 


io8  C  H  E 

nos  chansonniers  n'avait  encore  chanlé  la  palriey 
par  la  raison  toute  simple  qu'il  n'existait 
pas  de  patrie  :  nos  Muses,  à  l'exemple  des  an- 
ciens', sont  enfin  devenues  patriotes;  c'est  une 
nouvelle  plante  qui  s'élève  et  embellit  le  Par- 
nasse français. 

Chapelièkjes  (  en  fleurs.  )  Bouquetières  qui 
font  les  couronnes  de  roses.  Cette  expression 
pourrait  figurer  dans  nos  vers.  Je  travaille  pour 
vous,  enfans  des  Muses. 

Charbon.  De  quel  Charbon  ne  noircit-il  pas 
la  renommée  de  cette  pauvre  fille? 

CilARLATANER.  CliarlaTaner  au  bout  du  Pont- 
Neuf,  cela  est  vil;  mais  Charlataner  au  milieu  des 
grandes  sociétés  savantes  ,  cela  devient  presque 
respectable  ;  du  moins ,  cela  passe. 

Chasteté  laborieuse.  Jérôme  appelle  la 
Chasteté  des  veuves,  une  Chasleté  laborieuse, 
parce  qu'il  faut  qu'elles  combattent  les  souvenii's 
des  plaisirs  qu'elles  ont  goûtés. 

Chatoyer.  Oui,  ce  style-là  Chatoie,  majs 
après  le  premier  coup  d'oeil ,  tous  ses  rayons 
brillans  disparaissent. 

Chercheur.  Après  avoir  fait  l'éloge  des  cam- 
pagnes solitaires,  l'auteur  ajoute  :  J'en  ai  assez 
diL  pour  désabuser  ces  Chercheurs  de  trouble  et 


C  H  B.  109 

de  bruit  qui  croient  que  les  boues  de  Paris 
sont  de  meilleure  odeur  que  les  parfums  de 
l'Arabie  heureuse.  (  Lenioine  ,  jésuite,  ) 

Chevaleresque.  Je  dis  à  M.  Biron  (  6  octob. 
1789  )  :  M.  d'Orléans  va  quitter  sans  jugement  le 
posLe  que  ses  commeltans  lui  ont  confié.  M.  Biron 
me  répondit  par  des  sentimens  Chevaleres- 
ques.   (  jMlraheau.  ) 

Chevaucheur.  Cet  archer  était  un  excellent 
Chev^aucheur  ;  il  fatiguait  le  cheval  plus  qu'il 
n'en  était  faligué.  Toujours  à  la  tèle  de  la. Che- 
vauchée, il  fut  long-temps  l'effroi  des  brigands. 

Chimiser.  Si  je  reviens  au  monde,  je  ïi'aurai 
d'autre  étude  et  d'autre  occupation  que  de  Ohi- 
miser.  Heureux  chimistes  I 

Chômage.  On  représente  dans  un  écrit,  l'ar- 
gent comme  une  marchandise  :  à  la  bonne  heure, 
dans  sa  qualité  de  ïnétal ,  comme  serait  le  fer  et 
le  plomb,  mais  dans  sa  qualité  de  monnaie,  cela 
n'est  pas;  alors  l'argent  représente  tout,  il  sert 
à  tout  ;  c'est  ce  qu'aucune  marchandise  ne  peut 
faire.  Ces  marchandises  périclitent  à  les  garder; 
elles  ruinent  le  marchand  par  le  Chômage  ;  il 
faut  les  veudre;  mais  je  n'ai  pas  ouï  dire  qu'on 
eût  grande  hâte  de  porter  son  argent  au  marché 
pour  s'en  défaire.  (  Mllraheau.  ) 

Christiaque.  Les  religions  dominantes ,   la 


iio  CI  T 

grecque,  la  romaine,  rég3qDtiaque,  la  syriaque, 
avaieut  leurs  mystères;  la  Chrisliaque  voulut 
avoir  les  siens  :  aussi  chaque  société  Cliristiaque 
eut  donc  ses  mystères  ,  qui  n'étaient  pas  même 
communiqués  aux  catéchumènes,  et  que  les  bap- 
tisés juraient,  sous  les  plus  horribles  sermens^ 
de  ne  jamais  révéler.   (  P^oltaire.  ) 

CiiRTSTicoLE.  Les  armes  peuvent  détrôner 
un  pape ,  mais  non  pas  détrôner  l'imposture. 
Jamais  on  ne  détruira  la  superstition  Christicole 
que  par  les  armes  de  la  raison.    (  Voltaire.  ) 

CiERGER.  Dieu  servateur ,  c'est  fait  de  nous  I 
non,  nous  ne  re veinons  plus  la  France.  Messieurs 
les  saints,  nous  vous  invoquons  tous;  et  vous, 
benoîte  vierge  ,  préservez  -  moi  de  ce  terri- 
ble naufrage,  et  je  vous  promets  le  plus  beau 
cierge  qu'un  vœu  dévot  ait  jamais  pu  faire 
Cierger.  (  Rabelais,  ) 

Circonstanciel.  L'assemblée  nationale,  par 
des  considérations  Circonstancielles ,  a  déclaré 
que  le  pays  Venaissin  n'était  pas,  pour  le  mo- 
ment, reconnu  pays  français  et  partie  intégrante 
du  royaume:  mais,  disait  un  écrivain  en  1790  , 
ce  qui  est  différé,  n  est  pas  perdu ,  et  la  pro- 
phétie s'est  accomplie. 

CiTHÉRÉÏQUE.  Eh  I  comment  se  défendre  du 


CL  A  111 

charme   Cilliéreique  qui   raccompagne  par-tout 
où  elle  parait  ? 

Clairvoyance.  La  Clairvo}  ance  de  Frédéric 
le  Grand,  n'avait  point  d'égale  chez  aucun  des 
rois  ses  contemporains. 

Clamateur,  Le  nerf,  et  s'il  faut  le  dire, 
l'insolence  du  peuple  sera  toujours  le  gage  de 
sa  franchise,  de  sa  probité  ,  de  son  dévonemeni. 
Dès  que  le  peuple  cesse  d'être  agreste  et  Clama- 
teur,  il  devient  sérieux,  vain,  débauché,  pau- 
vre ,  et  conséquemment  avili. 

Clamer.  Je  ne  sais,  mais  j'entends  de  loin 
Clamer ,  et  comme  si  l'on  demandait  secours  : 
volons. 

Clandestiner.  Clandestiner  un  événement 
fâcheux  ,  une  défaite.  Se  Clandestiner  dans  sa 
route.  On  a  pris  soin  dans  les  alentours  ,  de  Clan- 
destiner le  suicide  de  cet  homme  d'affaires.  Clan  - 
destiner  le  mariage  d'une  jeune  personne. 

Claquer.  11  fut  un  temps  où  les  Parisiens 
Claquaient  pour  la  reine  et  pour  les  princes, 
quand  ils  paraissaient  dans  leurs  loges,  et  qu'ils 
a%'aientfait  la  gracieuse  révérence  5  ils  Claquaient 
quand  l'acteur  paraissait  sur  la  scène,  et  K)ut 
aussi  fort;  ils  Claquaient  pour  un  beau  vers;  ils 
Claquaient  ironiquement  quand  la  pièce  les 
impatientait  ;    ils    Claquaient  quand  ils  deman- 


ii2  C  O  A 

daient  impérieusement  l'auteur  ;  ils  Claquaient 
pour  Gluck,  et  fesaient  plus  de  bruit  que  loua 
les  instrumens  de  roicheslre  qu'on  n'enten- 
dait plus  ;  ils  Claquaient ,  elc.   etc. 

Cliques.  (  des  )  Ta  brochure  ,  mon  cher ,  est 
pleine  de  sel  et  de  véritable  esprit  i  mais  cette 
production  peut  te  faire  des  ennemis,  et  les  en- 
nemis sont  bien  dangereux,  sur-tout  quand  on 
attaque  des  Cliques.   (  Rétif.  ) 

Clocher.  11  y  a  une  société  religieuse,  con- 
nue en  France  sous  le  nom  de  Quakers  :  ils  n'ont 
point  de  prêtres;  ils  s'assemblent  paisible» ;ent 
à  des  heures  convenues;  on  ne  les  voit  point 
processionner,  on  ne  les  entend  point  Clocher  5 
ils  ne  troublent  jamais  la  tranquillité  publique,  ni 
le  repos  de  leurs  voisins  ,  par  des  sonneries ,  du 
carillon,  et  par  ces  cantiques  braillards  si  fami- 
liers aux  diseurs  de  messes.  (  27iomas  Payne.  ) 

Clop.  Boiteux.  Boiteux  se  dit  d'un  homme 
ordinaire;  mais  il  faut  dire,  ce  minisli-e  est  Clopj 
le  tout  par  révérence. 

Clouter.  Qui  peut  entendre,  sans  frémir. 
Clouter  nue  bière?  Ce  hussard  couvert  de  bou- 
lons d'acier,  et  des  pieds  à  la  tête,  n'est  pas 
cunassé  ,  il  est  Clouté. 

CoAXER.  Crier  comme  une  grenouille,  ou 
d'une  manière  aiguë,  dure  et  désagréable.  Cette 

femme 


COL  ii5 

femme  lae  crie  point,  elle  Coaxe.  Traversez  les 
halles,  à  Paris,  et  vous  vous  souviendrez  du 
verbe  Coaxer. 

C<KUR  d'homme J'eus  alors  un  des  plus 

doux  spectacles  qui  puissent  flatler  un  Coeur  d'hom- 
me, celui  de  voir  la  joie,  unie  avec  l'innocence, 
se  répandre  autour  de  moi.  (/.  /.  Rousseau.  ) 

Cogitation.  «  Je  ne  vis  jamais  paysan  de 
«  mes  voisins  entrer  en  Cogitation  de  quelle 
«  contenance  il  passeroit  sa  dernière  heure.  Na- 
«  ture  lui  apprend  à  ne  songer  à  la  mort  que 
«  quand  il  se  meurt.  »  (  Montaigne.  ) 

Il  ajoute:  «Et  lors,  il  a  meilleure  grâce  qu'Aris- 
«  tote^  lequel  la  mort  presse  doublement,  et  par 
«  elle ,  et  par  une  si  longue  préméditation.  » 

CoLAPHiSER.  Donner  un  soufflet.  Cet  imper- 
tinent qui  avait  insulté  cette  femme  honnête, 
fut  Colaphisé  d'importance,  et  il  prit  la  fuite  à 
propos. 

CoLiiRES.  [des)  \]n  homme  est  en  colère,  et 
une  femme  a  des  colères. 

COLIQUEUX.  Il  est  né  Coliqueux  :  Bilis  fit 
coUca. 

CoLOMBiNE.  (Adjectif  fém.  )  «Il  ne  faut  ja- 
«  mais  tromper  ni  affiner,  mais  bien  se  faut-ii 
«  garder  de  l'être.    Il  faut  marier    l'innocence 

Tome  /.  H 


ii4  C  O  M 

«  Colombine,  en  n'olFençant  personne,  arec  la 
«  prudence  serpentine,  en  se  préservant  des  em- 
«  bûches  d'autrui.  »  (  Charon.  ) 

CoLOPilONE.  Préparation  de  térébenthine  pour 
frotter  les  archets.  Eh  bien,  il  n'y  a  pas  un  mu- 
sicien qui  ne  dise  Colaphane.  Corrigez-vous ,  pin- 
ceurs de  cordes. 

CoMÉDiASSiER.  Je  consens  volontiers  à  ce  que 
l'on  représente  mes  pièces  sur  voire  théâtre  ,  à 
condition  que  les  rôles  ne  seront  point  livrés  à 
des  Comédiassiers ,  nés  pour  figurer  sur  les  tré- 
teaux des  Boulevards. 

Qu'est-ce  que  cet  homme  qui  se  rengorge? 
C'est  \\n  Comédiassier  bourgeois  qui  profane  la 
comédie ,  pour  avoir  l'occasion  de  faire  des  dé- 
clarations amoureuses  aux  lingères  du  quartier. 

CoMÉDisME.  Convenez  que  la  noblesse  jouant 
la  comédie  sur  nos  théàti^es  publics ,  choque  fu- 
rieusement les  préjugés.  D'où  vient  toutes  les 
nations  sont  elles  d'accord  là-dessus  ?....  Toutes 
les  nations!....  Le  plus  grand  nombre  est  contre 
cette  manière  d'envisager  le  Comédisme.  C'est 
une  vérité  dont  il  est  aisé  de  se  convaincre  par 
une  Histoire  du  Théâtre,  que  vous  pourrez  lire. 
En  attendant,  je  pourrais  vous  citer  toute  l'an- 
tiquité -,  Grecs ,  Romains  ,  Persans ,  Egyptiens  , 
Gaulois  :  chez  tous  ces  peuples  ,  ce  furent  les 
premiers  citoyens  qui  furent  poètes  et  acteurs. 


C  O  M  liS 

Le  Comédîsme  était  même  une  dépendance  du 
sacerdoce  chez  les  trois  derniers.  (  Rétif.  ) 

Comédisme.  Pour  diminuer  les  dangers  du 
théâtre ,  et  en  augmenter  les  avantages ,  deux 
moyens  se  présentent  :  supprimer  tout  le  licen- 
cieux des  drames ,  et  rendre  nul  l'inconvénient 
du  Comédisme.  Par  ce  mot,  ou  entend  la  dé- 
pravation des  mœurs,  en  général,  des  acteurs,  et 
sur-lout  des  actrices.  (Kéiif.^ 

Comédisme.  C'est  la  charité  qui  a  ordonné  la 
première  sépulture  dans  le  sein  de  la  terre  5  ce 
serait  la  vanité,  la  jactance,  le  Comédisme  du 
sentiment ,  qui  ordonneraient  les  sépultures  pri- 
vées. 

CoMMiscÉABiLiTÉ.  «  Ce  bon  ,  cet  honnête 
«  garçon ,  il  faut  bien  qu'aux  dépens  de  mon 
«  innocence,  je  lui  fasse  connaître,  pour  lui  sau- 
«  ver  la  vie ,  le  plaisir  qu'il  ne  connaît  pas ,  »  di- 
sait la  jeune  Rosalie.  Entre  deux  amis  de  sexe 
différent,  quoi  qu'on  en  puisse  dire,  la  plus 
belle  et  la  plus  solide  preuve  d'estime ,  c'est  la 
Commiscéabilité.  (  Rétif.  ) 

Commodités.  Il  vivait  à  son  aise  dans  les 
Commodités  d'une  belle  et  indépendante  fortune. 

Compagnie.  La  meilleure  Compagnie  pour 
un  homme  d'esprit ,  est  la  sienne  ;  voilà  pour- 
quoi tant  d'écrivains  ont  aimé ,  cherché  et  pré- 
féré la  solitude  à  tout  le  reste. 

H  2 


ii6  C  O  M 

CoMPASSEUR.  Sans  la  philosophie,  les  roman- 
ciers, les  poètes  dégénèrent  en  Compasseurs  de 
phrases  ,  en  jolis  arrangeurs  de  mots  ,  et  versent 
une  enluminure  dangereuse  sur  les  objets  sé- 
rieux qui  intéressent  l'homme. 

CoMPASsiONNÉ.  [être)  «  Tous  les  jours  vont 
«  à  la  morl  ;  le  dernier  y  arrive.  Peu  de  gen» 
«  meurent  résolus  que  ce  soit  leur  heure  der- 
«nière,  et  n'est  endroit  où  la  piperie  de  l'espé- 
«  rance  nous  amuse  le  plus  ;  elle  ne  cesse  de 
«  corner  aux  oreilles.  .  .  .  Décilitres  ont  esté  plus 
«  malades  sans  mourir ,  et  puis  Dieu  a  hienfaict 
<(  d'autres  miracles. 

«  Et  advint  cela  de  ce  que  nous  faisons  trop  de 
«  cas  de  nous.  Il  semble  que  l'université  des 
«  choses  souffre  aucunement  en  nostre  anéantis- 
«  sèment,  et  qu'elle  soit  Compassionnée  à  nostre 
«  estât.  >)  (  Montaigne.  ) 

CoMPLEXioNNER.  Il  ne  s'agit  pas  tant  de  faire 
im  enfant,  que  de  le  bien  Complexionner.  Un  pay- 
san Compiexionne  mieux  sa  famille  que  ne  le  fait 
un  prince  nourri  délicatement. 

Compost.  Recueil.  On  l'aurait  bien  dispensé 
de  nous  avoir  donné  le  Compost  de  ses  petits 
vers  de  ses  petites  lettres  et  autres  fadaises  de 
société. 

Compréhension,    Condé   disait   qu'il  fallait 


C  O  N  1,7 

craindre  les  ennemis  de  loin  pour  ne  les  plus 
craindre  de  près,  et  se  réjouir  de  leur  approche. 
Le  voyez -vous,  comme  il  considère  tous  les 
avantages  qu'il  peut  ou  donner ,  ou  prendre  î 
avec  quelle  vivacité  il  se  met  dans  Fesprit ,  en 
un  moment,  les  temps,  les  lieux,  les  personnes, 
et  non-seulement  leurs  intérêts  et  leurs  talens, 
mais  encore  leurs  humeurs  et  leurs  caprices  I 
rien  n'échappe  à  sa  prévoyance.  . .  .  Avec  celte 
prodigieuse  Compréhension  de  tout  le  détail  et 
du  plan  uniservel  de  la  guerre (  Bossuet.  ) 

Concept.  L'art  de  la  généralisation ,  en  mé- 
taphysique, tend  à  dépouiller  les  Concepts  de 
tout  ce  qu'ils  ont  de  sensible. 

(Ao^e. )  A  mesure  que  cet  acte  s'avance,  les 
spectres  corporels  s'évanouissent  ,  les  notions  se 
retirent  peu  à  peu  de  l'imagination  vers  l'enten- 
dement, et  les  idées  deviennent  purement  intel- 
lectuelles. Alors  le  philosophe  spéculatif  ressemble 
à  celui  qui  regarde  du  haut  de  ces  montagnes 
dont  les  sommets  se  perdent  dans  les  nues;  les 
objets  de  la  plaine  ondt  disparu  devant  lui  :  il  ne 
lui  reste  plus  que  le  spectacle  de  ses  pensées, 
et  que  la  conscience  de  la  hauteur  à  laquelle  il 
a'èst  élevé  ,  et  où  il  n'est  pas  donné  à  tout  le 
inonde  de  le  suivre  et  de  respirer.  (^Diderot.) 

CoNCEPTER.  La  lionne  a  Concepté  au  Jardin 

H  5 


iî8  C  O  N 

des  Plantes ,  ce  qui  est  un  phénomène  pour  les 
naturalistes. 

Concepteur.  L'amour  clés  hommes  crée  le 
génie.  Un  homme  que  ce  feu  sacré  dévore ,  a 
conçu  la  grande  pensée  qui  nous  a  réunis  pour 
commencer  la  communion  du  genre  humain. 
Qu'il  soit  loué,  le  Concepteur  de  cette  confédé- 
ration universelle  des  amis  de  la  vérité ,  pour 
détruire  tous  les  mensonges  qui  font  tous  les 
malheurs  de  l'humanité  !  (  La  Bouche  de  fer.  ) 

CoNCEPTiF.  Cet  enfant  est  né  avec  un  esprit 
Conceptif.  Au  milieu  d'une  assemblée ,  lorsqu'il 
faut  inventer  des  jeux  et  des  amuseraens,  ouïes 
varier,  Valère  abonde  en  plaisans  Conceptifs. 

Conception.  Il  est  une  foule  d'expressions 
qui  ont  acquis  récemment  une  acception  acces- 
soire, ou  entièrement  diflérente.  Le  terme  souve- 
rain est  enfin  fixé  à  son  véritable  sens. 

Une  nouvelle  grammaire  et  un  nouveau  dic- 
tionnaire français,  ne  paraissent  aux  hommes 
vulgaires  qu'un  objet  de  littérature;  l'hamme 
qui  voit  à  grande  distance ,  placera  cette  me-^ 
sure  dans  ses  Conceptions  politiques.  (Grégoire. y 

Concorder.  J'ai  peur  de  ne  savoir  que  dire, 
quand  il  faudra  Concorder  les  deux  généalogies 
de  Jésus.  (  V^oltaire.  ) 

Un  homme  d'esprit  et  un  vrai  sot  ne  peuvent 


C  O  N  119 

pas  Concorder  ensemble  :  les  hommes  Concordent 
encore  moins  dans  le  chemin  de  la  gloiie  que 
dans  celui  de  la  fortune. 

CoNFABULER.  Qui  n'aime  pas  à  Confabuler 
le  soir,  au  coin  de  l'àtre,  et  les  pieds  sur  les 
chenets ,  avec  un  homme  qui  a  l'expériment 
des  voyages?  J'aime  mieux  ici  expériment  qu'ex- 
périence. 

Confectionner.  Martin,  mon  tailleur,  m'a- 
t-il  servi  suivant  mes  désirs  ?  Le  collet  est  il 
bien  haut,  la  taille  courte  et  pincée?  les  man- 
ches sont-elles  bien  longues,  les  boutonnières 
artistement  cousues?  en  un  mot,  mon  habit  est- 
il  bien  Confectionné?  On  lit  dans  tous  les  jour- 
naux :  Venez  à  tel  magasin  ,  en  trois  heures  de 
temps  j  on  y  Confectionne  un  habit.  Que  d'hom- 
mes ont  isolément  des  idées  agréables,  qui  ne 
peuvent  Confectionner  un  ouvrage!  (L**) 

CoNFESSEUSE.  Confessez-vous  à  Dieu,  s'écriait 
le  souverain  pontife  Nectaire ,  et  je  vous  rece- 
vrai à  la  sainte  table.  Observons  que  les  confes- 
sionnaux ne  s'élevèrent  que  sous  le  règne  du 
monachisme  5  les  religieux  avaient  leurs  Con- 
fesseurs, et  les  religieuses  avaient  leurs  Confes- 
seuses.  (  AnacJiarsls  Cloots.  ) 

CoNFiDENCiEL.  Mémoire  Confidenciel,  donné 
à   l'homme  et   non  au  ministre.   I^ettre   Confi- 

H    é: 


320  C    O    N 

dencielle,  qui  nje  peut  être  exhibée  devant  les 
tribunaux  civils.  Aveu  Confidenciel  ,  dont  la 
haine  elle-même  ne  saurait  abuser  contre  l'an- 
cienne amitié. 

CoNFTDENTÉE.  C'est  une  femme  Confidentée  ; 
vous  pourrez  lui  tout  dire  sans  crainte. 

Conflagration.  Contemplateurs  stoïques  des 
maux  incalculables  que  cette  catastrophe  af- 
freuse  (la  banqueroute)  vomira  sur  la  France  t 
impassibles  égoïstes,  qui  pensez  que  ces  convul- 
sions du  désespoir  et  de  la  misère  passeront 
comme  tant  d'autres,  êtes-vous  bien  sûrs  que  tant 
d'hommes  sans  pain,  vous  laisseront  tranquille- 
Snent  savourer  les  mets  dont  vous  n'aurez  vouîa 

diminuer  ni  le  nombre,  ni  la  délicatesse? 

Non  5  vous  périrez ,  et  dans  la  Conflagration  uni- 
verselle que  vous  ne  frémissez  pas  d'allumer,  la 
perte  de  votre  honneur  ne  sauvera  point  une 
seule  de  vos  détestables  jouissances!  ( Mirabeau.  ^ 

Confortable.  Rien  dé  plus  Confortable  que 
le  sentiment  vrai  de  l'amitié. 

Confusion.  Montaigne  est  le  seul  de  nos  écri- 
vains qui  ait  donné  au  mot  Confusion  ,  le  sens 
énergique  et  touchant  qu'il  a  dans  le  morceau 
suivant  : 

«  En  ce  noble  commerce  (  entre  deux  vrai» 
amis  )  ,  «  les  offices  et  les  bienfaits   nourriciers 


C  O  N  121 

«  des  autres  amitiés  (  comme  celle  entre  pareils  ) , 
«  ne  méritent  pas  seulement  d'astre  mis  en 
«  compte.  Cette  Confusion  si  pleine  de  nos 
«  volontés  en  est  cause.  » 

Montaigne,  pour  développer  son  idée,  ou  plutôt 
pour  répandre  le  sentiment  dont  il  est  pénétré, 
ajoute  : 

«  Car  tout  ainsi  que  l'amitié  que  je  me  porte, 
«  ne  reçoit  point  augmentation  pour  le  secours 
«  que  je  me  donne  au  besoin,  et  comme  je  ne 
«  me  sçay  aucun  gré  du  service  que  je  me  faj'', 
«  aussi  l'union  de  tels  amis  estant  A^érilable- 
«  ment  parfaite ,  elle  leur  fait  perdre  le  senti— 
«ment  de  tel  devoir,  et  lia'ir  et  chasser  d'en- 
«  tr'eux  ,  ces  mots ,  hienfaicts  ,  obligation  ,  re~ 
n  cognoissance  j  prière,  renie rcinient ,  et  leurs 
«  pareils.  » 

Congélation.  La  Congélation  d'une  grande 
assemblée  est  l'ouvrage  d'un  ennuyeux  orateur, 

tel   que  l'académicien qui  nous    redit   cent 

fois  les  mêmes  choses. 

CoNGLOBATiONs.  Termes  qui  se  succèdent 
dans  une  même  phrase.  Ces  Conglobations  sont 
brillantes,  mais  si  elles  ne  sont  pas  justes,  elles 
sont  puériles.  (  Urbain  Domergue.) 

Conglomérer,  {se)  Si  l'on  pouvait  diviser 
le  tronc  d'un    arbi'e  en  branches,    on  ne  ferait 


122  C    O    N 

d'un  cliêne  qu'un  buisson;  mais  si  on  réunissait 
toutes  les  branches  d'un  buisson  dans  un  seul 
tronc,  d'un  buisson  on  pourrait  faire  un  chêne. 
Que  de  royaumes  sont  devenus  buissons  dans 
de  vastes  terrains,  parce  que  leur  tronc  ne  s'y 
ramifie  qu'en  nobles  et  en  prêtres!  Voyez  l'Es- 
pagne et  l'Italie  :  que  de  républiques  sont  de- 
venues des  chênes^  dans  de  pelits  terrains,  parce 
que  la  noblesse  et  le  clergé  s'y  sont  Conglomé- 
rés avec  le  peuple,  et  n'ont  avec  lui  qu'un  in- 
térêt commun  I  Voyez  la  Hollande  et  l'Angle- 
terre. (  Bernardin  de  Saint-Pierre.  ) 

CoNGRATULATOiRE.  J.  F.  Maury ,  vous  êtes 
si  peu  accoutumé  à  recevoir  des  marques  d'es- 
time,  que  si,  dans  le  cours  de  cette  lettre,  il 
m'échappait  quelque  expression  Congratulatoire 
ou  d'approbation,  il  est  probable  que  vous  la 
regarderiez  comme  une  ironie  amère  ;  cepen- 
dant,  etc.  (^  Lia  Bouclie  de  fer.  ) 

CoNJURATEUR.  La  veille  de  ce  jour  épou- 
vantable ,  les  conjurés  encore  incertains  des 
coups  qu'ils  devaient  porter ,  et  comme  effrayés 
de  ce  vaste  plan  de  carnage,  se  rassemblèrent 
nuitamment  chez  le  Conjurateur.  Le  chef  de  ces 
scélérats  sut  enhardir  leurs  bras  et  endormir 
leurs  remords. 

Connaître.  Il  est  plaisant  que  le  mot  Con- 


C  O  N         ^  125 

naître  une  femme  ,  veuille  dire,  coucher  avec 
une  femme,  et  cela  dans  plusieurs  langues  an- 
ciennes, dans  les  mœurs  les  plus  simples,  les  plus 
approchantes  de  la  nature,  comme  si  on  ne  Con- 
naissait point  une  femme  sans  cela.  Si  les  pa- 
triarches ont  fait  cette  découverte,  ils  étaient  plus 
avancés  qu'on  ne  croit.  (^Chamfort.) 

Connecter.  Je  vous  enverrai  la  traduction 
du  Traité  de  Dieu,  de  V Ame  et  du  Monde ,  par 
Wolf,  dès  qu'elle  sera  achevée,  et  je  suis  sûr 
que  la  force  de  l'évidence  vous  frappera  dans 
tovites  ses  propositions,  qui  se  suivent  géométri- 
quement ,  et  Connectent  les  unes  avec  les  autres, 
comme  les  anneaux  d'une  chaîne.  (  Lettre  de 
Frédéric  II  à  T^ oit  aire.  ) 

Conscription.  Il  y  aura  désormais  une  armée 
navale  et  des  vaisseaux  de  commerce;  mais  il  n'y 
aura  qu'une  marine ,  composée  de  tous  les  citoyens 
compris  dans  la  Conscription,  c'est-à-dire,  l'en- 
rôlement maritime.  [Décret  du       mai  1790.) 

Conseillère.  La  misère  est  une  source  conti- 
nuelle de  soucis  rongeans  ,  de  peines  d'esprit , 
d'insomnies  cruelles  :  elle  est  Conseillère  de  plu- 
sieurs actions  basses  et  iniques. 

Considération.  Comme  le  sens  de  ce  mot  va 
sûrement  changer  en  assez  peu  d'années ,  il  n'est 


124  C  O  N 

pas  mal  de  donner  la  signification  qu'il  a  conservée 

jusqu'à  ces  derniers  temps. 

D'abord  ce  mot  magique,  Considération,  ne  dé- 
veloppait guère  son  influence  que  dans  l'enceinte 
assez  étroite  d'un  certain  public ,  d'un  public 
choisi  y  comme  on  disait.  La  personne  considérée 
était  pour  ce  public,  l'objet  d'une  attention  mar- 
quée, d'un  intérêt  apparent  ou  convenu  :  il  fallait 
la  connaître ,  Ta  voir  vue  ;  on  la  citait  plus  ou  moins 
fréquemment  5  il  n'était  pas  nécessaire  de  savoir 
pourquoi.  On  eût  ri  d'un  étranger  qui  eni  atta- 
ché à  ce  mot  Considération,  les  idées  d'estime; 
seulement  elles  n'étaient  pas  exclues  :  c'était  beau- 
coup. A  la  vérité  ces  nuances  n'étaient  pas  très- 
éclaircies  dans  toutes  les  têtes  ,  mais  on  s'enten- 
dait, ou  l'on  croyait  s'entendre;  ce  qui,  dans  le 
fond,  revenait  à  peu  près  au  même.  (  Chamfort.  ) 

Considération.  Prendre  en  Considération  , 
c'est  s'occuper  de  quelque  chose ,  ou  simplement 
concevoir  le  projet  de  s'en,  occuper.  Cette  expres- 
sion a  été  adoptée  dans  toutes  les  assemblées  légis- 
latives (quelque  nom  qu'on  leur  donne)  ,  et  enfin 
a  cii'culé  par-tout. 

\]\\  clerc  de  notaire  à  qui  l'on  recommandait 
l'expédition  d'un  acte,  disait ,  en  pensant  à  toute 

autre   chose Bon  ,  bon ,   je  la  prendrai  en 

Considération. 

CoNSPiRANCE.  Le  corps  social  et  politique  exige 


C  O  N  125 

que  les  pouvoirs  qui  les  gouvernent,  aJenL  une  con- 
cordance et  une  Conspirance  entre  eux  pour  ar- 
river au  but  qu'ils  se  proposent,  c'est-à-dire,  à  la 
perfection  du  gouvernement,  [Mirabeau.) 

Conspirer.  Ce  mot,  jusqu'à  présent,  a  signifié 
la  résolution  prise  par  un  certain  nombre  de  per- 
sonnes, d'anéantir  une  chose  funeste  au  bien  de 
la  société  générale  ou  particulière  :  il  entraîne 
avec  lui  l'idée  de  destruction.  Depuis  long-temps 
la  philosophie  Conspire  contre  la  superstition. 
Brutus ,  Cassius  ,  Ciraber  et  d'autres  Romains 
conspirèrent  contre  la  tyrannie  de  Jules  César. 

Maintenant,  le  mot  Conspirer  se  prend.dans  un 
sens  différent  :  au  lieu  d'indiquer  l'idée  de  destruc- 
tion, il  fait  naître  celle  d'établissement  aussi  glo- 
rieux qu'utile,  comme  dans  ce  trait  du  discours 
de  Lakanal  : 

«  Jaloux  de  la  liberté  qu'ils  avaient  conquise , 
«  les  Français  offrirent  le  spectacle  sublime  et 
«  terrible  d'un  peuple  Conspirant  pour  la  patrie.  » 

CoNT\GiER.  Contagier  la  société  par  un  livre 
tout  à  la  fois  impie  et  obscène,  comment  réparer 
un  tel  mal  ? 

Si  vous  ne  vous  respectez  pas  vous-même, 
craignez  l'effroyable  maladie;  vous  périrez  peut- 
être,  après  avoir  Contagié  votre  vertueuse  épouse. 

Contempteur.  Il  s'est  fait   Contempteur  de 


126  C  O  N 

son  siècle,  sans  trop  le  connaîlre.  Le  Contempleur 
d'un  livre  s'en  croit  le  Juge  et  le  critique.  Jouer 
le  rôle  de  Contempteur,  c'est  un  ridicule  assez 
tranchant  de  nos  jours ,  et  qui  appellerait  un 
crayon  comique. 

Continûment.  Chercher  à  sentir  les  secousses 
délicieuses  de  Famour,  n'est-ce  pas  s'exposer  aussi 
à  sentir  les  secousses  contraires?  Il  faut  donc  ne 
nous  agiter  que  faiblement,  afin  de  ne  nous  éloi- 
gner que  le  moins  possible  de  l'état  de  tranquillité. 
Une  douce  agitation  est  Conlinijment  agréable  : 
un  mouvement  violetit  et  brusque  n'est  jamais 
sans  douleur.  (  Rétif.  ) 

CoNTOURNABLE.  Montaigne  disait  :  «  C'est  la 
«  vraye  solitude  qui  peut  se  jouir  au  milieu  des 
«  villes  et  des  cours  des  l'ois.  » 

Diderot  ayant  la  conscience  de  ses  vertus  et  de 
ses  talens ,  et  voyant  le  vice  et  la  dégradation  des 
arts  se  répandre  autour  de  lui,  disait  :  «Je  ne  suis 
<(  jamais  plus  seul  que  dans  la  foule  qui  ni'envi- 
«  ronne,  au  sein  de  la  capitale.  » 

Montaigne  ajoute  :  «  Nous  avons  une  ame  Con- 
«  tournable  en  soy-mesme^  elle  se  peut  faire  com- 
«  pagnie  :  elle  a  de  quoy  assaillir  et  de  quoy  def- 
<(  fendre,  de  quoy  recevoir  et  de  qu^oy  donner.  Ne 
«craignons  pas,  en  cette  solitude,  nous  croupir 


C  O  N  107 

«  d'oisiveté  ennuyeuse  -,  la  vertu  se  contente  de 
«  soy.  »   (1} 

CoNTREMiîER.  (se)  A  l'aspect  du  fantôme  hor- 
rible que  celle  malheureuse  femme  ciut  voir  dans 
les  ténèbres  de  la  nuit,  elle  devint  pâle  et  dé- 
faillante j  tous  ses  sens  se  Contremuèrent. 

CoNTRE-siGXEUR.  «J'ai  l'honneur,  monsieur, 
«  de  vous  renvoyer  par  M.  d'Argental,  le  manus- 
«  crit  que  vous  avez  bien  voulu  me  confier;  il  le 
«  fera  conlre-signer  par  M.  le  duc  de  Praslin ,  ou 
«  par  quelqu'aulre  Conlre-signeur.  »  (  Voltaire. } 

Contre-situation.  A  la  Fausse  Suivante  a 
succédé  une  parodie  intilulée  Fanfale ,  où  Fou 
ridiculise  les  héros  de  l'opéra  à^Ompliale.  Je  ne 
t'en  entretiendrai  pas  :  il  faudrait  que  tu  con- 
nusses trop  de  choses  pour  m'enlendre.  Moi- 
même  je  n'ai  pu  saisii',  n'ayant  pas  vu  cet  opéra, 
la  justesse  des  Contre-situations.  (^Rétif.) 

CoNTUMÉLiE.  On  peut,  sans  Contumélie,  ne 
savoir  ni  le  grec,  ni  le  latin,  pourvu  que  l'on 
parle  sa  langue  avec  quelque  pureté. 

On  peut  aussi,  sans  Contumélie^,  manquer  une 
place  élevée  ou  en  descendre,  si  la  voix  publique 
ne  vous  accuse  pas  d'en  être  totalement  indigne. 

(1)  Montaigne  et  Diderot  réunis ,  font  plaisir  à  voir,  mais 
n'étonnent  point.  Les  préjugés  rendent  hommes  ordinaires 
plus  ou  moins  petits.  Les  philosophes  les  renversent,  montent 
sur  leurs  débris  ,   et  se  trouvent   à  la  même  Iiauteur, 


128  C  O  N 

CoNTUS.  (de  contusion  )  Dans  cette  rixe,  il  y 
a  eu  plus  de  Conlus  que  d'hommes  blessés  à 
sang. 

CoNVERTissABLE.  BufFon  avait  beau  faire  le 
converti  auprès  de  la  Sorbonne  ,  pour  garder  sa 
place,  il  n'était  pas  Converti ssable. 

Convertisseur.  Ne  faites  point,  de  grâce,  le 
Convertisseur  auprès  de  moi,  au  sujet  de  Newton; 
tout  ce  que  Dieu  m'a  donné  d'intelligence  et  de 
raison,  me  révèle  l'impossibilité  que  la  nature 
marche  ainsi  qu'il  l'affirme  :  mais  oseriez-vous  le 
dire,  si  cela  vous  est  démontré? 

Convertisseur.  Je  trouve  tout  simple  qu'un 
homme  qui  s'est  rangé  de  bonne  foi  d'une  secte, 
ne  veuille  jamais  s'astreindre  aux  pratiques  d'une 
autre;  mais  celui  qui  ne  croit  rien,  dit  Mirabeau, 
en  passe  par  tout  ce  que  l'on  veut  sans  scrupule, 
pour  être  tranquille,  pourvu  qu'on  n'exige  de  lui 
que  ces  momeries  qui  ne  font  ni  bien  ni  mal  à 
personne.  Quant  à  moi,  je  déclare  cjue  celui  qui 
me  rendra  dévot,  est  le  plus  signalé  Convertisseur 
du  siècle. 

Convié.  On  lit  dans  le  Menteur  de  Corneille  : 

Par  quelque  haut  récit  qu'on  en  soit  Conviée , 
C'est  grande  avidité  de  se  voir  mariée. 

Cette  expression  Conviée ,  prise  en  ce  sens , 
n'est  plus  d'usage  5   mais  j'ose   croire  que  si  on 

voulait 


\ 


coq  129 

voulait  remployer  à  propos,  elle  reprendrait  ses 
premiers  droits.  (  VoMaire.  ) 

Convier. 

Va,  marche  sur  leurs  pas  où  l'ïionneur  te  Convie. 

Convie  est  une  très -belle  expression  de  Cor- 
neille; elle  était  très-usitée  dans  le  grand  siècle  de 
Louis  XIV.  Il  est  à  souhaiter  que  ce  mot  continue 
d'être  en  usage.  {Voltaire.) 

CoNVULSER.  Du  temps  du  diacre  Paris,  l'on  vit 
des  hypocrites  ,  soudoyés  ou  non  soudoyés ,  s.e 
Convulser  sur  son  tombeau,  et  imiter  les  soubre- 
sauts des  plus  Gimeux  saltimbanques. 

!Le  système  nerveux  des  femmes  n'est  point 
assez;  robuste  pour  atteindre  aux  combinaisons 
profondes  des  sciences  abstraites;  les  houppes  sont 
trop  sensibles,  les  fibres  se  crispent,  et  la  machine 
se  Convulsé. 

CopuLER.  Assembler  et  conjoindre.  Ce  qu'il  y 
a  de  plus  difficile  pour  wxi  peuple,  c'est  de  savoir 
Copuler  ses  vrais  amis. 

CoQUiNER.  On  dit  en  trois  mots  :  Commettre 
une  coquine  rie  ;  povirquoi  ne  pas  dire  en  un  seul? 
Coquiner.  Par  exemple,  cet  agioteur  passe  sa  vie 
â  Coquiner. 

Tome  /.  ^ 


1.-Q  COR 

CoRDiLi>ç>N..On  a  souvent  récîLé  ce  quatrain 
sur  la  calomnie  :  ,. 

Quand  une  fols  ce  monstre  nous  attache  , 

Il  sait  si    bien   ses  Cordillons   nouer  , 

Que  bien  qu'on  puisse  enfin  les  dénouer, 

Re^teut  toujours  les  marques  tle  l'attache.    [Pihrac.) 

Corporation.  L'esprit  parliculier  de  chaque 
homme  s'éleinl  et  disparait  dans  loule  Corpoia- 
tionj  elle  déprave  plus  ou  moins  le  génie,  el  même 
la  verlu.  La  Corporalion  nuit  sur-lout  à  tous  les 
arts  dépendaus  de  l'imaginalion. 

CORPORIFIER.  Les  idées  grossières  des  hommes 
sur-  le  premier  être,  les  poi'tèrenl  à  Corporifier  la 
Divinité. 

Correctrice.  Je  me  représente  une  fem^ji» 
vertueuse,  une  auguste  mère  de  famille,  envi- 
romiée  de  ses  enfans,  et  donnant  à  tous  l'exemple 
de  la  modération  et  de  la  sagesse,  coinme  la  plus 
heureuse  Correctrice  de  nos  mreuys  domestiques. 

Corruptibles.  Hé,  comn^eut  échapper  à  la 
séduction  de  Paris,  lorsqu'on  sortant  de  sa  pro- 
vince, il  n'avait  pour  défense  que  les  mœurs  Cor- 
ruptibles de  son  âge  l, 

Corruptionnf.r,  Quand  on  songe  qu'il  ne  faut 
qu'un  mauvais  Vivre  pour  Corruptionner  tout  un 
peuple,  et  o^ae  la  propagation  de  cette  peste  est 
un  acte  rapide,  cela  fait  trembler  l'ami  de  Tliu- 
manit'ij  et  de  la  liberté  de  la  presse. 


cou  i3i 

Corset,  On  appelait  ainsi  un  assignai  de  cent 
sous,  parce  qu'il  était  signé  Corset,  et  les  liber- 
tins disaient  aux  filles  :  «  Corset  pour  Corset.  » 

CosMOPOLisME.  Il  faut  aimer  un  lieu 5  l'oiseau 
lui-même ,  qui  a  en  partage  le  domaine  des  airs , 
affectionne  tel  creux  d'arbre  ou  de  rocher.  Celui 
qui  est  atteint  de  Cosmopolisme,  est  privé  des  plus 
doux  sentimens  qui  appartiennent  au  coeur  de 
l'homme. 

Qui  croirait  que  l'on  peut  exercer  à  Paris  le 
Cosmopolisme,  encore  mieux  que  dans  le  reste  de 
l'univers  ? 

CosMOPOiiiTER.  Parcourir  l'univers. 

Costumier.  Chez  une  nation  légère  et  folle,  le 
masquier  ou  Costumier  peut  s'enrichir  dans  le 
cours  d'un  hiver. 

CoTHURNEU.  («f)  Il  marchait  à  grands  pas, 
élevait  les  bras,  renforçait  la  voix  et  se  Cothur- 
Jiait  ;  mais  toutes  ces  hautes  démonstrations  ne  sé- 
duisirent personne  5  il  resta  toujours  un  faquin. 

CoTONNÉ.  Ija  fortune  aime  les  mentons  Co- 
lonnes. 

Couardise.  On  accusa  Mirabeau ,  qui  maniait 
hlen  la  plume  et  la  parole,  de  n'être  plus  bravç 
ailleurs  ,  et  de  témoigner  de  la  Couartîise. 

La  Couardise  de  roffioier  délermine  la  polLron- 

1     -2 


iZ'i  c  o  u        ^ 

jierie   du  soldat.  Si  l'on  soupçonne  un  chef  de 
Couardise ,  adieu  la  valeur  des  armées. 

CoUCHERtE.  Je  n'ai  vu  dans  le  monde,  disait 
un  homme  qui  y  a  long-temps  vécu ,  que  des  dîners 
sans  digestion,  des  soupers  sans  plaisir,  des  con- 
versations sans  confiance,  des  liaisons  sans  amitié, 
et  des  Coucheries  saris  amour.  (  Anonyme,  ) 

Coucherie.  D'Alembert  écrivait  à  Voltaire  : 
«  Je  commence  à  croire  que  la  librairie  n'aura 
i<(  rien  perdu  à  la  retraite  de  M.  de  Maleslierbes. 
«  — Il  est  vrai  qu'on  a  fait  aux  gens  de  lettre» 
«  l'honneur  de  les  mettre  dans  le  même  départe- 
«  ment  que  les  filles  de  joie,  auxquelles  j'avoue 
«  qu'ils  sont  assez  semblables  par  l'importance 
«  de  leurs  querelles,  l'objet  de  leur  ambition,  la 
«  modération  de  leur  haine  et  l'élévation  de  leurs 
«sentimens;  mais  enfin  il  me  semble  que  per- 
«  sonne  n'aura  à  se  plaindre,  si  la  presse,  la  reli- 
«  gion  et  la  Coucherie  sont  également  libres  en 
«  France.  » 

Couler.  «  Il  y  a  tant  de  mauvais  pas,  que,  pour 
«  le  plus  sûr,  il  faut  un  peu  légèrement  et  super- 
«  ficielleraent  Couler  ce  monde,  le  glisser,  et  non 
«  l'enfoncer.  La  volupté  mesme  est  douloureuse 
«  en  sa  profondeur.  »  (  Montaigne.  ) 

CouPLETTEUR.  Favart  fils  est  un  de  nos  Cou- 
pletteurs  agréables.  (  P. . . .  ) 


cou  i55 

Courages. 

Vous  dlrai-je  les  noms  de  ces  grands  personnages  , 

!Dopt  j'ai  dépeint  les  morts  pour  aigrir  les  Courages.  (^Cinna.y 

Dans  le  temps  de  Corneille,  on  disait  les  Cou" 
rages ,  pour  les  esprits  ;  on  peut  même  encore  se 
servir  du  mot  Courages  eu  ce  sens,  (^f^oltaire.) 

Courages.  (  grands  ) 

La  fortune  ennemie  a  peur  des  grands  Courages.  [Corneille.) 

CouRONNÂBLE.Linguet ,  en  publiant,  quelques 
jours  avant  celui  où  l'Académie  française  a  cou- 
tume de  distribuer  ses  pi-ix ,  que  cette  société  lit- 
téraire décernera  celui  d'éloquence  à  M,  l'abbé 
Rémi,  ajoute  :  «Je  publie  aussi  que  M.  l'abbé 
«  Rémi  étant  inconnu,  l'Académie  avait  bien  de 
«  la  peine  à  poser  ses  lauriers  sur  une  tête  vul- 
«  gaire.  Le  secrétaire,  honteux  d'avoir  à  procla- 
«  mer  un  nom  aussi  bourgeois  et  aussi  chrétien  j, 
«  a  ressassé  vingt  fois  les  mémoires  envoyés  pour 
«  y  déterrer  quelque  occiput  Couronnable  :  il  a 
«  été  impossible  d'en  trouver.  »  (Linguet.) 

CoUJioNNÉ.  Quand  on  ne  peut  vaincre,  il  faut 
corrompre;  c'est  la  morale  des  Couronnés. 

CouE-TiSEUR.  Il  semblait  être  le  Courtiseur  de 
la  nièce,  mais  il  l'était  réellement  de  la  tante ^ 
parce  qu'elle  avait des  écus. 

Courtoisie.  Ce  mot  vieillissait,  il  est  bon  de 
le  rajeunie» 

I  5 


i54  COU 

Vous  payez  une  politesse  par  une  Courtoisie; 
je  votis  reconnais  là. 

Sa  Courtoisie  ne  s'arrêtait  pas  à  des  sei'vices 
vulgaires;  il  vous  donnait  son  temps,  et  sans  faire 
valoir  ses  rares  procédés ,  il  vous  obligeait  avec 
une  Courtoisie  dont  il  y  a  peu  d'exemples  chez 
lïos  francs ,  bons  et  loyaux  aïeux. 

Courtoisie.  S'il  y  a  une  ville  qui  se  puisse  dire 
courtoise,  c'est  Paris.  On  y  remarque  une  Cour- 
toisie naturelle ,  je  ne  sais  quoi  d'ouvert  et  qui 
appartient  à  tous  les  états. 

CouSEURS.  De  tous  les  jeunes  écrivains,  ceux 
qui  ont  le  plus  besoin  d'être  encouragés,  ce  sont 
îes  jeunes  poètes.  Les  Muses  sont  femmes  ,  et 
n'accordent  point  leurs  faveurs  à  des  vieillards. 
Je  ne  parle  point  de  ces  petits  Censeurs  d'épi- 
pi  thètes  qui  font  des  vers  à  l'incomparable 
Cloris  au  teint  de  rose....  etc.  etc.  i^Bonneville.^ 

CouTUMERJE.  La  Coutumerie  est  la  grande 
autorité  des  sots,  et  elle  enfante  la  jugerie,  le 
futile  et  misérable  emploi  de  tous  les  écrivassiers. 

CoUTUMiER.  Polyeucte  qui  vient  d'être  bap- 
tisé, dit ,  en  parlant  de  Pauline  ,  sa  femme,  qui 
est  idolâtre  : 

Et  ni  es  yeux  éclaires  des  célestes  lumières. 

Ne  trouvent  plus  aux  siens  leurs  grâces  Coutumières. 

C'est  dommage  que  ce  dernier  mot  ne  soit 
plus  d'usage.  (  Voltaire.  ) 


C  R  A  i35 

Couture.  «  Ce  que  nous  appelons  ordinaire- 
«  ment  amis  etamitiez,  ce  souL  accointances  et 
<(  familiaritez  nouées  par  quelque  occasion  ou 
«  commodité,  par  le  moyen  de  laquelle  nos  ame» 
«  s'entretiennent. 

«  En  Tamilié  de  quoy  je  parle,  elles  se  xneslent 
«  et  confondent  l'une  en  l'autre  d'un  nieslange 
«  si  universel,  qu'elles  effacent  et  ne  retrouvent 
«  plus  la  Cousture  qui  les  a  joincles.  Si  on  me 
«  presse  de  dire  pourquoi  j'aimais  (  M.  de  la 
«  Boétie  )  ,  je  sens  que  cela  ne  peut  s'exprimer 
«  qu'en  respondant,  parce  que  c'esloit  lui,  parce 
«  que  c'estoit  moi.  »   (  Montaigne.  ) 

Couveuse.  Ma  poétique  serait  satisfaite ,  si 
un  sentiment  de  bonheur  et  de  liberté  respirait 
dans  toutes  les  pages ,  de  même  qu'un  sang  pur 
anime  une  belle  carnation.  Ce  fut  peut-être  le 
«eul  secret  de  ces  Anacréon ,  de  ces  Chaulieu  , 
qui'  trouvèrent  la  perfection  dans  les  bras  de 
l'indolence,  et  firent  la  gloire  héritière  de  leurs 
plaisirs.  La  lime  mord,  mais  le  temps  caresse; 
son  poli  est  plus  dopx.  Montaigne  eût  peut-être 
dit:  «La  paresse  est  bonne  Couveuse.»  (P.E.L.) 

Cracheux,  TOUSSEUX.  Les  comiques  feraient 
jouer  le  personnage  d'un  vieillard  à  Chrêmes, 
c'est-à-dire  Tousseux  et  Cracheux*,  aussi  ?es 
anciens  usaient  du  moi  Cracher,  pour  ressembler^ 
Exemple  es  vieux  auteurs  :  C  étoit  lui  toiUcraché^ 

I   i 


]56  CRI 

jjour  dire,  il  lui  ressembloit  en  tout  et  par  tout. 
Les  Cracheux  d'habitude  sont  menacés  d'im- 
bécillité ou  de  démence;  les  Tousseux  devraient 
rester  chez  eux.  Avoir  des  infirmités  ,  est  un 
malheur;  mais  les  promener  dans  la  société, 
c'est  sottise. 

Craquement.  En  peignant  la  fin  du  monde, 
dans  son  Jugement  dernier ,  Young  s'écrie  :  .  .  .  . 
Avez-vous  entendu  ce  Craquement  effroyable  , 
dont  tout  le  globe  a  retenti  dans  sa  profondeur? 
C'est  le  fracas  de  l'Olympe  et  de  l'Atlas  tom- 
bans.  (  Le  Tourneur.  ) 

CRÉDiBiLiTé.  La  vieille  histoire  d'Hérodote^ 
qui  semblait  mensongère ,  vient  d'acquérir  par 
les  nouveaux  voyages  de  nos  marins,  plusieurs 
degrés  de  Crédibilité. 

Criaillerie.  «  La  Criaillerie,  quand  elle  noua 
«  est  ordinaire,  passe  en  usage,  et  fait  que  chas- 
«  cun  la  méprise.  Celle  que  vous  employez  contre 
«  un  serviteur  pour  un  larcin,  ne  se  sent  point, 
«  d'aulant  que  c'est  celle  mesme  qu'il  vous  a 
«  vu  employer  cent  fois  contre  lui ,  pour  un 
«  verre  mal  rincé  ,  ou  pour  avoir  mal  assis  un 
«  escabelle.  »   (  Montaigne.  ) 

Criailleur.  Non-eeulement  il  faut  cner, 
mais  il  faut  faire  crier  les  Criailleurs  en  faveuE 
de  la  vérité.  (  F'oltaire.  ) 


C  R  T  15/ 

CrIBLEUX.  S'il  est  criblé  de  ridicules,  il  faut 
bien  avouer  aussi  qu'il  est  né  Cribleux. 

Criminaliser.  C'est  un  mal,  et  un  très-graud 
mal,  que  de  Criminaliser  des  fautes. 

Crimination.  Voilà  donc,  disait  Rousseau', 
à  quoi  servent  ces  grands  sentimens ,  et  toutes 
ces  brillantes  maximes  qu'on  vante  avec  tant 
d'emphase!  à  les  reléguer  à  jamais  sur  la  scène, 
et  à  nous  montrer  la  vertu  comme  un  jeu  de 
théâtre,  bon  pour  amuser  le  public. 

Cette  Crimination  n'en  impose  à  personne. 
La  vertu  qui  se  montre,  n'amuse  pas  le  public, 
elle  le  subjugue.  Son  di'oit ,  par-tout  où  elle 
daigne  paraître^  est  de  plaire  et  d'èlre  aimée  , 
ou  de  faire  trembler.  (  Rétif,  y 

Crimineux.  Dans  le  seizième  siècle ,  Mon- 
taigne, en  parlant  des  tribunaux  de  la  justice, 
s'écriait  : ...  «  Combien  ai-je  vu  de  condamnations 
«  plus  Criraineuses  que  le  crime  !  » 

Criquet.  Petit  cheval.  Il  croit,  mener  Pégase, 
il  est  monté  sur  un  Ci'iquet. 

Critiqueur.  Mauvais  critique,  pesant  sur  des 
misères  ou  censurant  ce  qu'il  ne  comprend  pas. 
Un  critique  n'est  formé  qu'après  plusieurs  années 
d'observations  et  d'études;  un  Critiqueur  nait 
du  soir  au  matin. 

Un   champignon   croît  promptement  sur    du 


l'S  C  Pv  o 

fumier;  nn   CrlLiqueiir   sort  tout  aussi  vite  des 
flots  pressés  d'uu  parterre,  et  court  écrire. 

Croître. 

M'ordonner  du  repos  ,  c'est  Croître  mes  malheurs. 

Croître,  aujourd'hui  n'est  plus  actif;  ou  dit 
accroître  :  mais  il  me  semble  qu'il  est  permis  eu 
vers  de  dire  Croître  mes  tourmens,  mes  ennuis, 
mes  douleurs,  mes  peines.  {^  Voltaire.) 

Croquet.  Les  prêtres  catholiques,  les  diseurs 
de  messes  veulent,  à  toute  force,  remettre  les 
Français  à  l'usage  du  Croquet,  sur-tout  lorsqu'ils 
sont  agonisa ns. 

Croqueur.  Tu  as  vu  sans  doute  dans  les  cam- 
pagnes ,  le  lonp  lâche  et  liinido  eu  apparence, 
approcher  d'une  bergerie  :  le  berger  et  son  chien 
courent  sus  au  Croqueur  de  montons;  il  fuit, 
et  de  temps  en  temps  s'arrèle,  pour  donner  l'es- 
pérance (le  j'atieindre  ;  nuiis  tournez  la  tète  du 
côté  du  troupeau,  et  vous  verrez  que  le  rusé 
fuyard  avait  v\n  compagnon  qui  vient  de  s'em- 
parer de  la  proie  qu'ils  doivent  partager.  {Rétif.) 

Croullement.  «  Nos  mœurs  sont  extrême- 
«  menL  corrompues,  et  penchent  d'une  merveil- 
<(  leiise  inclination  vers  l'empirement  de  nos  lois 
«  et  usages;  il  y  en  a  plusieurs  barbares  et  mons- 
«  triieut>es  :  toutes  fois,  pour  la  difficulté  de  nous 
«  meslre   en  meilleur   état ,  et  le  danger  de  ce 


C  U  I  i59 

«  Croullement ,  si  je  pouvois  piauler  une  che- 
«  ville  à  iiostre  roue,  et  l'arresler  en  ce  poinct , 
«  je  le  fei-ois  de  bon  cœur.  »   (  Mo  ni  algue.  ) 

Cruéliser,  Cruéliser  après  la  victoire  ,  après 
qu'on  est  maître  de  son  ennemi ,  c'eet  le  comble 
de  la  lâcheté  et  de  Fimpolilique. 

Cryptographie.  Ecriture  secrète,  inconnue 
à  tout  autre  qu'à  celui  auquel  on  écr?t,  et  qui 
seul  en  a  la  clef. 

Crysalider,  (se)  Mon  fils,  je  l'at^oue ,  n'é- 
tait guère  qu'une  chenille  en  province,  mais  je 
vois  que  pendant  son  séjour  à  Paris,  il  s'est 
Cfysalidé  ,  et  que,  s'il  y  retourne ,  il  deviendra 
bientôt  un  l)rillanL  papillon. 

Cuber.  Le  mètre  que  l'on  déduira  des  nou- 
velles mesures  républicaines,  servira  pour  Onber 
une  partie  d'eau  distillée  qui  formera  la  livre,  et 
la  nouvelle  livre  formera  les  nouvelles  monnaies. 

Ainsi,  lorsque  l'on  boira  un  coup,  et  que  l'on 
paiera  sa  chopine,  on  pourra  songer  à  la  dix  mil- 
lionième partie  du  quart  du  méridien.  (/^"  Mètre.) 

CuiDER.  « Et ,    en   la  mer   se    faisoient 

<(  choses  si  estranges,  qu'à  pleine  les  pourroit-on 
«  croire;  car,  quand  les  Métliymniens  qui  avoien^ 
«  passé  la  nuict  en  débauohes  sur  leurs  vaisseaux^, 
«  Cuidoient  lever  les  ancres ,  elles  tenoyent  si 
«ferme  au  fond,   qu'ils  ne  \ç,s  pou  voient   arra?- 


ï4o  C  U  N 

«cher,  quelques  efforts  qu'ils  eu  fissent;  et 
«  quand  ils  Cuidoient  abattre  leurs  rames  pour 
«voguer,  elles  se  rompoient.  [Amyot.) 

Cuirasser.  (*e)  «  Quand,  par  un  simple  ca- 
«price,  le  gouverneur  de  la  Bastille  fait  des- 
«  cendre  des  tours  un  captif  qu'il  est  curieux 
«d'envisager,  l'infortuné  ne  trouve  par-tout 
«  que  le  silence,  des  déserts  et  l'obscurité. 

«  Un  croassement  funèbre  du  porte-clef  qui 
«  le  guide  ,  fait  disparaître  tout  ce  qui  peut  le 
«  voir,  ou  être  vu  de  lui. 

«  Les  fenêtres  du  corps-de-logis  où  se  recèle 
«  l'état  -  major  ,  où  sont  les  cuisines,  où  sont 
«admis  les  éti^angers,  se  Cuirassent  à  l'instant 
«de  rideaux,  de  volets  et  de  jalousies,  et  l'on 
«  a  la  cruaulé  de  ne  procéder  à  cette  opéi'ation, 
«  que  quand  il  est  à  portée  de  &t,n  aperce- 
«  voir.  »  (  Lin  guet.  ) 

Culpabilité.  Il  n'est  pas  exempt  de  toute 
espèce  de  Culpabilité  ,  l'homme  qui  au  fond  de 
son  ame  absout  un  coupable ,  parce  que  celui- 
ci  partage  ses  opinions  les  plus  secrètes  en  fait 
de  gouvernement  ou  de  religion. 

CuNCTATEUR.  Vollaire  écrit  à  un  de  s^% 
amis  :  «  Je  reverrai  Mariamne  eVZulitne  quand 
je  retrouverai  ma  tête,  j'entends  ma  tête  poé- 
ti(jue;  à  présent  je  suis  tout  en  prose  :  me  voilà 
Cunctateur.  Attendons.  (  V^oUaire.  ) 


D  A  M  i4i 

Cupide.    Le    gouvernement     acîiète    bien    et 

tout  entier  rhomme  Cupide  qu'il  peut  payer  en 

argent,  parce  que  celui-ci  espère  que  le  march» 

eera  secret.  (  Rœderer.  ) 

CyNiser.  Faire  le  cynique.  Il  s'est  imagine 
qu'en  Cynisant,  on  lui  attribuerait  un  grand  ca- 
ractère; il  s'est  trompé;  il  Cynise  à  i>as  bruit. 
Pauvre  petit  Diogène  ! 

D 

JJactyologie.  C'est   l'art  de    parler   avec  les 
doigls  ;  c^est  la  langue  des  sourds-muets. 

Damasqdiné.  C'est  un  très-méchant  homme, 
dur,  cruel,  implacable,  mais  je  vous  préviens 
qu'il  n'en  a  pas  les  dehors;  tout  ainsi  que  le  fer 
et  l'acier,  il  est  Damasquiné. 

Dameret.  «  Si  vous  avez  envie  que  votre 
a  enfant  craigne  la  honte  et  le  châtiment ,  ne 
«  l'y  endurcissez  pas.  Endurcissez-le  à  la  sueur, 
«au  froid,  au  vent,  au  soleil,  et  aux  hazards 
u  qu'il  lui  faut  mépriser.  Ostez-lui  toute  mo- 
«  lesse  et  délicatesse,  au  vestir,  au  coucher,  au 
«  manger,  au  boire  ;  accoutumez-le  à  tout  ;  que 
«  ce  ne  soit  pas  un  beau  garçon  et  Dameret ,  mai* 
<(  un  garçon  vert  et  vigoureux.  »   (  Montaigne.  ) 

Damnatoire.  Les  Jansénistes  fesaient  replier 
leurs   élèves  sur  eux-mêmes  par  la  réûexioD. 


i42  D  A  N 

Leur  éducation  les  rendait  naturellement  logi- 
ciens, philosophes  ,  ou  dévots,  et  voici  comment  : 
le  Janséniste  était  toujours  en  présence  de  Dieu; 
persuadé  que  son  oubli  seul  serait  Damnatoire, 
il  fesait  toutes  ses  actions  sous  les  yeux  de  ce 
redoutable  témoin  qu'il  se  peignait  terrible , 
même  pour  le  juste.  {  Rétif.  ^ 

Damoiselles.  Il  n'y  a  plus  de  Damoiselles  en 
France;  on  dit  maintenant  Demoiselle  d'une 
marchande  de  pommes.  Nous  manquons  abso- 
lument de  termes  distinctifs  pour  l'âge  ,  pour 
l'état,  pour  les  conditions  ,  pour  ce  que  réclame- 
rait sans  doute  l'intérêt  des  mœurs  et  de  l'hon- 
nêteté publique;  et  l'on  ne  veut  pas  de  mots 
nouveaux,  nous  qui  en  avoils  un  si  grand  be- 
soin I  On  dit  d'une  actrice  impératrice ,  année 
de  la  baguette  ou  du  poignard,  jouant  des  rôles 

terribles  et  plus  que  terribles ,  Mademoiselle 

quelle  Demoiselle  I 

Dansomanie.  Le  goût  de  la  danse  est  si  ré- 
pandu et  il  est  devenu  tellement  excessif , 
qu'il  a  fallu  créer  ce  mot  pour  donner  une  idée 
de  la  passion  des  danseurs  et  des  danseuses  ;  il  y 
entre,  selon  moi,  beaucoup  d'imitation  machi- 
nale. Tous  les  mouvemens  physiques  se  répètent 
dans  le  cerveau  de  l'âge  tendre-;  les  adultes  n'en 
sont  pas  exempts,  et  plus  l'on  danse ^  plus  l'on 


D  E  B  i45 

dansera  :   l'épidéinie  menace    de    devenir    uni- 
verselle. 

Dardanaire.  Regrattier  .  blalier  ,  usurier 
qui  cache  le  blé,  et  recèle  les  aulres  provisions, 
al  tendant  la  cherté.  Voyez  les  anciennes  ordon- 
nances qui  emploient  ce  mot.  11  pourrait  figu- 
rer dans  une  satire  à  la  Ju vénal ,  tandis  qu'on 
ne  saurait  y  faire  entrer  regrattier. 

Datrice.  Donneresse ,  chose  qui  donne.  !La 
vertu,  à  la  longue,  est  Datrice  du  bonheur. 

DÉBAPTISER,  (se)  «  Si  on  me  prive  de  la  belle 
<  Saint-Yves ,  sous  prétexte  de  mon  baptême 
(  s'écrie  le  Huron,  indigné  qu'on  ait  enfermé  sa 
maîtresse  dans  un  couvent.),  «  je  vous  avertis  que 
u  je  l'enlève  et  que  je  me  Débaptise.  »  (  Voltaire.  ) 

DÉBARBARiSÉ.  (  être  )  Il  daigne  donc  aussi 
protéger  les  comédiens  et  les  curés  que  l'arche- 
vèqu®  fait  enfermer,  parce  qu'ils  ont  prié  Dieu 
pour  l'ame  de  Crébillon?  eh  bien,  Dieu  le  bé- 
nira. Il  faut  que  nous  lui  ayons  l'obligation 
d'être  Débarbarisés.  (  Voltaire.  ) 

DÉBARBARisER.  Il  est  plus  difficile  dé  faire 
cent  beaux  vers  que  d'écrire  toute  l'histoire  de 
France.  On  a  osé  faire  des  tragédies  depuis 
Racine  j  mais  ce  sont  des  tragédies  en  rimes,  et 
non  en  vers.  Nos  velohes  du  parteire,  qu'on  a 


i44  D  E  B 

eu  tant  de  peine  à  Débarbariser ,  se  doutent  très- 
rarement  si  une  pièce  est  bien  écrite.  (  T^oltaire.  ) 

Débarbariser.  Nous  sommes  plutôt  Débar- 
barisés  que  véritablement  civilisés.  Qu'est  -  ce 
qu'une  ville  où  1  infernal  cabriolet  écrase  les 
ciloyens,  et  où  l'on  n'a  pas  su  mettre  un  frein 
à  l'audace  et  à  la  barbarie  d'une  poignée  de  mé- 
dians ,  durs  et  vils  citoyens,  donnant  chaque 
jour  là  mort  à  leurs  compatriotes,  et  ne  payant 
pas  même  leur  trépas  d'un  remords  ou  d'une 
larme,  mais  osant  offrir  quelque  argent  à  l'or- 
phelin qui  pleure  sur   le  cadavre  de  son  père? 

DÉBARRAS. 
Que  le  départ  d'un  sot  est  nn  boTl  Débarras  !  (  i.  *  *  ) 

DÉBATABLE.  «  Je  ne  me  persuade  pas  aisément 
«qu'Epicure,  Platon,  Pythagore,  nous  aient 
«donné  pour  argent  comptant,  leurs  atomes , 
«  leurs  idées  et  leurs  nombres  ;  ils  étoient  trop 
«  sages  pour  establir  leurs  articles  de  foy  de 
«  chose  si  incertaine  et  si  Débatable.  ï)  (Illofit.) 

DÉBAUCHER.  Louis  XV  parlant  du  roi  de 
"Danemarck  à  madame  de  Chabannes ,  elle  lui 
demanda  si  ce  monarque  était  bien  riche  ;  Louis  x  v 
lui  répondit  que  les  finances  de  ce  royaume 
avaient  été  dérangées ,  mais  que  ce  prince  avait 
un  ministre  qvii  avait  bien  réglé  ses  affaires.  .  .  '.  . 
«Ah!  sire,  vous  devriez  bien  Débaucher  c& 
«  ministre-là ,  >>  repartit  cette  dame. 

DÉBELLEI^» 


DEC  i45 

DÉBELLER.  Débelier  les  superbes.  On  pourrait 
emprunter  celte  expression  du  latin.  Il  faut 
iuer  les  barbares  et  Débelier  les  Anglais. 

DÉBILITER,  Je  la  vis  défaillir  et  Débiliter  au 
point  que  je  crus  long-temps  soutenir  un  corps 
sans  vie. 

DÉBONNAIRE.  Il  n^y  a  point  de  courroux  égal 
à  celui  d'une  ame  naturellement  douce  et  Débon- 
naire. 

DÉBOURRÉ.  Il  fut  un  temps  où  l'Opéra  était  si 
délabré  en  voix  de  haule-contre ,  qu'on  se  vit 
obligé  d'aller  enlever  à  la  Rochelle,  par  lettre  de 
cachet,  un  chantre  de  cette  ville,  dont  on  avait 
annoncé  le  bel  organe.  Il  arriva.  Il  était  grand^ 
bien  fait,  d'une  figure  assez  noble,  mais  très- 
gauche  ,  et  ayant  besoin  d'être  Débourré  avant 
de  paraître  sur  la  scène. 

DÉBRUTAlrlSÉ.  En  sortant  du  cabaret,  il  s'est 
Débrutalisé. 

On  a  trouvé  le  moyen  de  le  Débrutaliser,  en  lui 
donnant  force  coups  de  bâton. 

DÉCADE.  C'était  un  ancien  terme  pour  désigner 
une  dixaine  ;  le  voilà  revenu ,  et  dans  notre  an- 
nuaire il  remplace  semaine.  La  Décade  et  la  se- 
maine sont  presque  en  opposition,  par  rimpérilie 
des  législateurs,  qui  n'ont  pas  vu  qu'il  fallait  enter 
leurs  jours  de  fêle  ou  de  repos  sur  les  jours  de 
Tome  I,  K 


liG  DEC 

repos  consacrés  par  les  temps.  Je  leur  avais  bien 
dit  qu'ils  lésaient  une  folie  ;  ils  n'ont  pas  voulu 
m'écouler.  Le  dimanche  et  la  Décade  se  cha- 
maillent, et  l'on  aurait  pu  éviter  ce  point  mutuel 
de  départ. 

Décade  philosophique  :  qu'est-ce  que  c'est?  Eh 
bien,  c'est  un  journal  qu'on  voit  éclore  tous  les 
dix  jours.  Qui  eût  imaghié  cela?  Est-il  philoso- 
phique? Sans  doute  il  se  dit  tel  ;  on  attend  qu'il 
y  ajoute  seulement  ces  trois  mots  :  Le  seul  jour- 
nal de  goût:  alors  ce  sera  chose  incontestable.  Les 
auteurs-rédacteurs  de  celte  Décade  philosophique 
s'y  louent  eux-mêmes  avec  une  assurance  par- 
faite. 

DÉCADISER.  (se)  On  disait  autrefois  s'endimau- 
cher  :  c'était  se  pa^er  des  habillemens  qu'on  ne 
mettait  point  dans  le  cours  de  la  semaine,  pour 
aller  le  dimanche  à  la  grand'messe ,  et  de  là  se 
rendre  à  un  dîner-prié  chez  ses  parens  ou  chez 
ses  voisins  ,  dont  l'oeil  envieux  s'attachait  sur 
votre  parure,  pour  la  critiquer  ou  pour  la  ja- 
louser. 

Un  homme  de  lettres  ne  brillait  pas  plus  dans 
les  conversations  ordinaires  que  Corneille,  Mo- 
lière ou  Lafontaine  ;  un  de  ses  amis  se  proposait 
de  l'introduire  dans  une  société  où  il  avait  beau- 
coup vanté  son  mérite,  mais  il  craignait  de  se 
compromettre  :  l'homme  de  lettres  qui  s'aperçut 


D  E  C  147 

de  son  embarras,  lui  dit  :  «Rassurez-vous;  ce 
«  jour-là,  je  mettrai  mon  esprit  des  dimanches.» 
Un  ancien  procureur  voyant  sa  femme  vêtue 
avec  plus  de  soin  qu'à  son  ordinaire ,  lui  dit  en 
ricanant «  Il  me  paraît  qu'aujourd'hui  ma- 
dame se  Décadise.  ;> 

DÉCANONISER.  Le  pape  canonise,  et  la  philo- 
sophie Décanonise. 

DÉCEPTION.  Surprise  frauduleuse.  La  Décep- 
tion d'un  emprunt  public,  d'un  impôt  inepte,  tel 
que  celui  du  droit  de  passe  ;  la  Déception  d'une 
loi  mal  vue ,  plus  mal  organisée.  Ceux  qui  ont 
part  au  gouvernement,  doivent  craindre  à  chaque 
instant  la  Déception,  qui  se  masque  si  souvent 
.sous  le  grand  mot  intérêt  général. 

DÉCHALANDER.  Faire  perdre  à  un  corps  ou  à 
nlf  particulier  ses  admirateurs,  sectateurs,  pre- 
neurs, acheteursv  Déchalandèr  la  Sorbonne,  fut 
long-temps  l'occupation  favorite  des  encyclopé- 
distes. Déchalandèr  l'Ecole  de  Médecine,  plusieurs 
y  travaillent.  Déchalandèr  les  sacristains  ;  mais 
cela  n'est  pas  aussi  aisé  qu'on  le  croyait.  Voltaire 
a  votilu  Déchalandèr  J,  J.  Rousseau ,  il  n'a  pu  y 
parv^enir.  Aujourd'hui  les  Lycées ,  les  Musées 
cherchent  respectivement  à  se  Déchalandèr. 

DÉCHOIR. 

.Souflrir  n'est  rieHj  c'est  tout  q^i«  de  Déchoir.  (  Voltaire,) 

K  2 


lis  DEC 

DÉCIDEUR.  Décideur  impitoyable,  pédagogue 
à  phrases,  raisonneur  fourré,  tu  cherches  les 
bornes  de  ton  esprit  ;  elles  sont  au  bout  de  ton 
nez.  [Foltaire.) 

DÉCLAMATOIRE,  {lin)  Je  ferai  un  feu  de  joie 
lorsque  Diderot  sera  nommé  à  l'Académie,  et 
je  l'allumerai  avec  le  réquisitoire  de  Joly  de 
Fleury  et  le  Déclamatoire  de  le  Franc  de  Poni- 
pignan.  (  J^oltaire.  ) 

DÉCLARATEUR.  11  est  bien  triste  pour  l'huma- 
nité ,  disait  Voltaire  en  lySG  ,  que  ceux  qui  se 
disent  les  Déclarateurs  des  commandemens  cé- 
lestes,  les  interprètes  de  la  divinité,  en  un  mot, 
les  théologiens,  soient  nos  ennemis  les  plus  dan- 
gereux, [f^oltaire.) 

Déclarateur.  11  se  trouvera  tôt  ou  tard,  et  suc- 
cessivement, chez  tous  les  peuples  de  la  terre,  v^\ 
Déclarateur  des  droits  de  l'homme. 

DÉCLINEMENT.  Il  ne  devrait  pas  y  avoir  un 
tableau ,  dans  les  drames  imitatifs  des  mœurs  ac- 
tuelles, qvii  ne  présentât  une  instruction  solide. 
Xi 'auteur  doit  non-seulement  exprimer  aux  yeux 
nos  coutumes  et  nos  abus  avec  le  vernis  qui  ca- 
ractérise l'assentiment  ou  l'improbation,  mais  en- 
core sonder  le  cœur  humain  ,  pour  y  découvrir  la 
source  de  nos  défauts  et  du  Déclinement  d'usages 
viciés,  mais  légitimes  à  leur  naissance.  [Rétif.) 


DEC  i49 

DÉCLINER.  «  Si  rinstruction  qu'ion  uous  a  don- 
«  née  ne  nous  a  pas  appris  à  embrasser  la  vertu, 
«  elle  nous  en  a  imprimé  la  dérivation  et  l'étymo- 
«  logie.  Nous  sçavons  Décliner  la  vertu ,  si  nous 
«  ne  sçavons  l'aimer.»  (^Montai gne.^ 

DÉCLOÎTRER.  {se)  Lorsqu'on  publia  le  décret 
qui  permit  aux  religieuses  de  sortir  de  l'esclavage 
du  cloître  pour  rentrer  dans  le  séjour  de  la  li- 
berté, une  carmélite  de  soixante  dix-sept  ans  se 
Décloîtra.  Certes ,  ce  n'était  pas  là  une  étourderie 
de  jeunesse. 

DÉCOLORATION.  Voici  novembre,  voici  la  chute 
des  feuilles,  le  départ  des  beaux  jours,  et  le  triste 
moment  de  la  Décoloration  de  la  nature.  Tout  dis- 
pose alors  notre  ame  à  la  mélancolie  :  heureux 
qui  peut  y  échapper  ! 

DÉCOLORER.  Notre  projet  d'établir  une  école 
villageoise  dans  un  journal,  sembla,  lorsqu'il  fut 
annoncé,  puéiùl  aux  uns,  et  impraticable  aux 
autres.  «  Comment  I  disait-on  ,  vous  allez  i-edes- 
«  cendre  à  l'alphabet  des  connaissances ,  balbutier 
<K  les  premiers  élémens  de  la  politique,  rappetis- 
«  ser  votre  génie ,  afin  d'être  intelligible ,  et  Déco- 
«  lorer  votre  style,  afin  d'être  clair  ?  »  (  Cèriitti.  ) 

Décolorer,  {se)  Quelle  femme  est  plus  aimable 
que  mademoiselle  Beauraesnil  (actrice  de  l'Opéra)? 
C'est  la  Délie  qu'adorait  Tibulie.  Elle  est  la  pre- 

K  5 


i5o  DEC 

mière  qui  ait  imaginé  de  se  Décolorer  sur  la  scène, 
pour  mieux  rendre  la  situation  de  son  person- 
nage. (  Rétif.  ) 

DÉCONFIANCER.  Jacob  Dupont  déclare  à  la  tri- 
bune qu'il  est  athée  :  fanfaronnade  qui  a  tant  prêté 
à  la  calomnie  contre  la  Convention  nationale,  et 
qui  l'a  Déconfiancée  dans  toute  l'Europe  ;  tant 
un  seul  fou  est  dangereux! 

DÉCONSACRER.  Un  grenadier ,  dans  une  ville 
catholique  qui  venait  de  se  rendre,  entre  dans  une 
sacristie,  y  trouve  un  ciboire,  et  veut  qu'on  y 
verse  du  vin.....  «  Monsieur,  lui  dit  le  sacristain, 

«  c'est  tjn  vase  consacré  qui.......  Eh  bien ,  moi ,  je 

«  le  Déconsacre  en  buvant  à  la  santé  de  la  Répu- 
«  blique.  »  (  Cérutti.  ) 

DÉCOUDRE.  «  L'unique  et  principale  amitié 
«  Descoust  toutes  autres  obligations.  I^e  secret  que 
«  j'ai  juré  de  nedéceller  à  un  autres  je  le  puis,  san^ 
«  parjure,  communiquer  à  celuy  qui  n'est  pas  un 
«  autre  :  c'est  raoy.  (^Montaigne.)  (i) 

DÉCOURONNÉ.  Rome  ne  fesait  pas  la  guerre 
aux  souverains  pour  leur  enlever  une  petite  por- 
tion de.  leur  domaine  :  il  s'agissait  d'être  traînés. 


(i)  Ce  mot  si  touchant,  c'est  moi  y  a  fait  dire  à  Voltaire 
qu'avoir  un  ami ,  c'était 

Multiplier  sou  être  ,  et  vivre  dans  autrui. 


DEC  ï5i 

eux  et  leurs  enfans,  au  char  du  vainqueur,  et,  la 
tèle  Découronnée,  de  repaître  les  avides  regards 
de  tout  le  peuple  romain. 

DÉCOUVREUR.  Des  gazettes  ont  annoncé  que 
deux  vaisseaux  dont  on  n'entendait  pas  la  langue, 
avaient  paru  sur  les  côtes  de  Kamtscliatka.  D'après 
les  signalemens  qu'en  fournissaient  les  habitans 
grossiers  de  cet  infortuné  climat,  on  a  soupçonné 
que  ces  inconnus  étaient  l'équipage  de  l'infatigable 
Découvreur  (j). 

Découvreui\  Quel  fut  le  prix  des  services  inouis 
de  Cortez?  Celui  qu'eut  Colomb.  Il  fut  persécuté^ 
et  le  même  évêque  Fouseca,  qui  avait  contiibué 
à  faire  renvoyer  le  Découvreur  de  l'Amérique 
chargé  de  fers ,  voulut  faire  traiter  de  même  celui 
qui  en  était  le  vainqueur.  (  Voltaire.  ) 

DÉCROIRE.  «  Quelle  foi  doit-ce  être  que  la  lâ- 
«  cheté  et  la  faiblesse  de  cœur  plantent  en  nous  et 
«  établissent?  Plaisante  foi!  qui  ne  croid  ce  qu'elle 
<*  croicl ,  que  pour  n'avoir  le  courage  de  le  Dé- 
«  croire.  »  (^Montaigne.) 

Décroire.  «Si  l'on  enlendoit  bien  la  différence 
«  qu'il  y  a  entre  l'impossible  et  l'inusité,  et  entre 
«  ce  qui  est  contre  l'ordre  du  cours  de  la  nature 


(i)  Du  capitaine  Coolt ,  de  ce  Magellan  moderne  (jui ,  en 
cherchant  comme  l'ancien  un  pasfage  inconnu ,  est  mort 
comme  lui  de  la  main  des  barbares.  (  Linguet.  ) 

K  4 


i5'i  D  E  F 

«  et  contre  la  commune  opinion  des  hommes ,  en 
«  ne  croyant  pas  témérairement,  ni  aussi  ne  Dé- 
«  croyant  pas  facilement ,  ou  observeroit  la  règle 
«  de  rien  trop.  »  (  Montaigne.  ) 

DÉDOE.É.  Le  feu  roi  Frédéric  Guillaume,  qui 
avait  autrefois  fait  vendre  tous  les  meubles  ma- 
gnifiques de  son  père  y  n'avait  pu  se  défaire  d'un 
énorme  carrosse  Dédoré.  (  V^oliaire,  ) 

DÉFACHÉ.  {être)  «Blanche  entroit  en  grande 
«  jalousie  contre  sa  sœur  ,  craignant  que  par 
«  caresses  et  mignardises  elle  ne  m'attirât  au 
«  change  (dit  Pierre-le-Long,  que  Blanche  avait 
«  banni  de  sa  présence,  pour  avoir  été  assez  peu 
«courtois  pour  l'embrasser);  et  pour  cela,  ma 
«  pauvre  amie  se  promit  en  elle-même  que  dès 
«bientôt  elle  reverroit  son  serviteur,  et  seroit 
«  Défàchée.  »   ÇSauuigny.  ) 

DÉFACHER.  (se) «  Or  Blanche  ne  se  tenoît 

«  de  dormir,  pour  ce  qu'elle  filoit  du  lin  depuis 
«  deux  jours  et  une  nuit.  Cependant,  dès  que  vint 
«  Bazu  à  parler  de  moi,  bien  l'écouta  la  bonne  et 
«  afi'ectionnée  Blanche,  et  l'ami  lui  alloit  disant 
«  que  l'amour  d'elle  in'avoit  réduit  en  un  très- 
«  fâcheux  état,  et  que  si  bientôt,  et  à  bon  escient, 
«  elle  ne  se  Défâchoit ,  ce  me  seroit  force  de 
«mourir.»  (Sauçigny.) 

DÉFAIRE,  (se)  «  Nous  fuyons  la  correction  j  il 


D  E  F  i55 

«s'y  faudroit  présenter,   quand  elle  vient  par 
«forme  de  conférence,  non  de  régence. 

«  A  chaque  opposition ,  on  ne  regarde  pas  si 
«  elle  est  juste,  mais,  à  tort  ou  à  droit,  comment 
«  on  s'en  Deffera  :  au  lieu  d'y  tendre  les  bras  , 
«  nous  y  tendons  les  griffes.  »  (  Montaigne.  ) 

DÉFAVORISER.  Favorablement  accueilli  du  mi- 
nistre ,  mon  pauvre  ami  allait  obtenir  la  place 
qu'il  mérite  :  le  mot  indiscret  qui  vous  estéchappé, 
l'a  l^éfavorisé,  et  le  voilà  retombé  dans  raffreuse 
misère,   dont  il  sortait,  sans  votre  indisci-étion. 

DÉFÉRANT.  Cette  jeune  personne  était  adorée 
de  ses  parens  •,  elle  était  plutôt  la  maîtresse  dans 
la  maison,  que  tout  autre  chose;  mais  elle  n'en 
abusait  pas.  Son  excellent  caractère,  sa  douceur 
native  la  rendaient  naturellement  obéissante  à  ses 
parens,  et  Déférante  à  tout  le  monde.  (Rétif.) 

DÉFÉRENT.  Il  était  né  pour  les  secondes  places, 
ayant  très-peu  de  fermeté,  et  une  ame  très-Défé- 
rente.  (  Rélif.  ) 

DÉFEUILLÉ.  La  campagne  encore  verte  et 
riante,  mais  Défeuillée  en  partie,  et  déjà  presque 
déserte,  offrait  par-tout  l'image  de  la  solitude  et 
des  approches  de  l'hiver.  (  /.  /.  Rousseau..  ) 

DÉFIXISSEUR.  Tel  s'est  iustilué  Définissear  de 
tous  les  objets  moraux  et  politiques,  avec  une 


i:»i  D  E  F 

large  et  risible  confiance  en  sa  prétendue  logique"  : 

c'est  un  ridicule  de  nos  jours. 

Voltaire  appelait  Locke,  le  Définisseur. 

Définitif.  Ce  qui  termine  une  cliose  pour  tou- 
jours. Quel  sera  le  Définitif  de  cette  grande  que- 
relle? Nul  ne  sait  le  Définitif  des  affaires  poli- 
tiques; elles  se  succèdent,  s'enchaînent,  naissent 
et  renaissent  par  des  contacts  inaperçus  ;  c'est 
comme  les  songes,  où  les  images  se  renouvellent 
et  n'ont  point  de  fin. 

DÉFLÉCRm.  Tous  les  premiers  mouvemens  de 
la  nature  sont  bous  et  droits;  mais  bientôt ,  man- 
quant de  force  pour  suivre  à  tra%"ers  tant  de  ré- 
sistance leur  première  direction  ,  ils  se  laissent 
Défléchir  par  mille  obstacles  qui  les  détournent 
de   leur  vrai  but.   (/. /.  Rou&seau.) 

Péflor\ison.  La  Défloraison  du  printemps 
n'a  que  trop  souvent  lieu  par  un  coup  de  vent. 

DÉFLORATION.  La  Défloration  d'une  grande  re- 
nommée commence  quelquefois  par  une  chanson 
satirique  :  voilà  pourquoi  tout  gouvernant  re- 
doute le  couplet.  Frédéric  caressa  Voltaire  pour 
n'être  pas  Défloré. 

DÉFORMATION.  Toi,  dont  aucune  vertu ,  aucun 
talent  n'a  honoré  les  dignités,  et  qui  prétends  en- 
core à  l'existence,  quand  tu  n'existeras  plus,  dis- 
moi  ,  enlendras-tu  ce  po^mpeux  arrangement  de 


D  E  G  i55 

mois  qu'on  appelait  oraison  funèbre?  Entendras- 
tu  ces  chants  lugubres  ,  et  ce  bruit  d'instrumens 
qui  accompagneront  ta  pompe  funéraire?  Pour- 
ras-tu savourer  Tencens  que  l'infection  de  ton 
cadavre  obligera  de  brûler  autour  de  ton  cercueil? 
Admireras-tu  ce  catafalque  si  artislement  arrangé 
pour  cacher  ta  hideuse  Déformation  ? 

DÉfoPlTIFIER.  Cemot  ne  signifie  point  affaiblir. 
On  affaiblit  le  corps  humain  avec  des  saignées  j  on 
Déforlifie  les  murailles  d'une  ville  de  guerre  avec 
des  canons. 

DÉFROCATEUR.  Il  n'est  pas  mauvais  ,  le  décret 
Défrocateur  de  tous  les  moines  et  moinesses. 

DÉFRUITER.  Si  vous  plantez  vos  arbres  le  long 
de  vos  grands  chemins,  sire,  vous  verrez  les  pas- 
sans  les  Déf miter.  C'est  ce  que  disait  un  forestier 
à  Frédéric.  —  Eh  bien ,  répondit  le  roi,  m.es  sujets 
en  auront  joui. 

J'avais  dit  à  ce  malheureux  père  :  Vos  enfans 
peuA^ent  être  ingrats 5  ne  leur  faites  point  donation 
entière  :  il  ne  faut  pas  se  Défruiter  de  son  vivant. 
Adieu  les  abricots  :  ce  coup  de  vent  vient  de  Dé- 
fruiter la  campagne. 

DÉGAUCHIR.  Rien  de  mieux  qu'une  femme  ai- 
mante pour  Dégauchir  un  jeune  homme. 

DÉGORGEOIRS.  La  Bible  parle  des  Dégorgeoirs 


i56  D  E  J 

ténébreux:  où,  après  le  déluge,  s'engouffra  dans  le 

noir  abyme  la  masse  épouvantable  des  eaux. 

DÉGRADÉ Dans  ce  moment  terrible,  inévi- 
table   «  Tous  les  dieux  de  la  terre  sont  Dégra- 

«  dés  par  les  mains  de  la  mort,  et  abymés  dans 
«  rélernilé,  comme  les  fleuves  demeurent  sans 
«  nom,  sans  gloire,  mêlés  dans  l'Océan  avec  les 
«rivières  les  plus  inconnues.»   (^Bossuet.) 

DÉGRÉVANGE.  Dommage. 

Les  riclies  ont  toute  puissance 

De  vous  faire  aide  ou  Degré vance.  {Amyol.) 

DÉGRINGOLER.  Si  dcux  OU  trois  personnes  ne 
soulenaienL  le  bon  goût  dans  Paris,  nous  Dégrin- 
golerions dans  la  barbarie.  (  Vollaire.  ) 

DÉGUEULLEUX.  Gros  masques  de  pierre  ou  de 
plomb  dont  la  fantaisie  de  nos  sculpteurs  orne  les 
cascades,  et  qui  vomissent  l'eau  dans  un  bassin. 
Ce  chantre  des  rues  n'a-t-il  pas  la  figure  d'un  Dé- 
gueulleux  ? 

DÊJOINDRE.  Quand  l'amitié  a  pour  base  la 
vertu,  il  n'y  a  point  de  puissance  qui  puisse  Dé- 
joindre ce  qu'elle  a  conjoint. 

DÉJOUER.  C'est  arrêter  l'exécution  d'un  cou- 
pable projet;  c'est  faire  sauter  la  mine  que  l'en- 
nemi avait   creusée   sous  nos  pas. 

Ce  mot  est  naluialisé,  et  s'emploie  fréquem- 
ment. Déjouer  un  slralagème. 


DEL  1^7 

DÉJOUIR.  Hier,  jeune  raaiùô,  tu  jouissais  dans 
les  bras  de  ta  Zélie  toute  charmante  ;  aujour- 
d'hui ne  serait -elle  plus  la  même?  Soucieux, 
chagrin,  tu  Déjouis. 

Hier,  magistrat  corrompu,  ton  orgueil  s'eni- 
vrait d'un  coupable  pouvoir  5  aujourd'hui  tombé  , 
ta  Déjouissance  personnelle  est  une  jouissance 
nationale. 

Hier,  acteur  célèbre,  actrice  aimable  et  chérie, 
vos  talens  sur  la  scène  embellissaient  nos  jours  ; 
aujourd'hui  votre  l'etraite  est  une  Déjouissance 
publique.    (  Moussard.  ) 

DÉLAISSES..  Calculez  les  bénéfices  immenses 
que  les  découvertes  chimiques  peuvent  procurer 
à  ceux  qui,  mieux  instruits  ou  moins  opiniâtres, 
Délaisseraient  aujourd'hui  les  anciens  procédés  de 
quelques  arts.  O  routine,  routine!  c'est  toi  qui 
obscures  l'esprit  et  l'entendement. 

DÉLECTABILTTÉ.  Vieux  mot  que  j'aimerais  à 
ressusciter.  C'est  joie  continue.  Légèrement  blessé, 
et  revenant  de  l'armée,  il  se  retrouva  dans  les  bras 
de  ses  parens ,  de  ses  amis ,  et  ces  jours  de  Délec- 
tabilité  furent  couronnés  par  la  nouvelle  impré- 
vue de  la  paix. 

DÉLIBÉRÉMENT.  C'est  le  défaut  de  filtration  du 
suc  nerveux  qui  fait  que  les  Anglais  se  tuent  ^x 
Délibérément,  (  Koltaire,  ) 


i58  DEL 

DÉLIBÉRER. 

Et  je  puis   dire  enfin  que  jamais  potentat 

N'eut  à  Délibérer  d'un  si  grand  coup  d'état.  (  Corneille.) 

L'usage  veut  aujourd'hui  que  Délibérer  soit 
suivi  de  sur  ;  mais  le  de  est  aussi  permis.  On 
délibéra  sur  le  sort  de  Jacques  ii ,  dans  le  con- 
seil du  prince  d'Orange.  Mais  je  crois  que  la 
règle  est  de  pouvoir  employer  le  de,  quand  on 
spécifie  les  intérêts  dont  on  parle.  — jOn  Dé- 
libère aujourd'hui  de  la  nécessité,  ou  sur  la  né- 
cessité d'envoyer  des  secours  en  Allemagne.  On 
Délibère  sur  de  grands  intérêts,  sur  des  points 
imporLans.  (  T^oUaire.  ) 

DÉLICATER.  {se)  Nos  guerriers  si  intrépides 
à  l'armée,  et  supportant  toutes  les  privations, 
héroïsme  encore  au-dessus  du  courage  ;  eh  bien , 
à  la  ville  ,  ils  sont  amoureux  de  toutes  les  petites 
jouissances,  ils  se  Délicatent  comme  des  femmes 
dans  toutes  les  recherches  de  la  fine  volupté. 

DÉLICES.  Cette  jeune  persofine ,  en  épousant 
ce  vieillard  riche ,  a  fait  un  mariage  qui  l'a  mise 
dans  les  Délices  de  l'abondance ,  mais  non  pas 
dans  l'abondance  des  Délices. 

"Voyez  ce  qu'on  fait  de  la  langue ,  quand  on 
sait  en  varier  les  teintes!  J'ai  voulu  apprêler  la 
palette ,  après  avoir  été  peintre  quelquefois  ^ 
sachez -m'en  quelq^ue  gré,  vous  pour  qui  j'ai 
broyé  ces  couleurs. 


D  E  M  355 

DÉLICOTER.  (se)  Action  du  cheval  qui  sait 
ôler  son  licol.  Les  nations  ne  sont  pas  toujours 
aussi  habiles  ;  il  leur  faut  tles  siècles  pour  se 
Délicoter,  encore  le  font-elles  quelquefois  à  leur 
propre  détriment.  Pauvres  humains  ! 

DÉLITER.  Déliter  un  malade ,  c'est  le  sortir 
de  son  lit.  Je  ne  suis  pas  un  médecin,  grâce 
à  Dieu,  je  suis  un  guérisseur  :  quand  on  suit 
mes  ordonnances  ,  je  Délite  tout  un  hôpi- 
tal. (  Le  docteur  Sacroton.  ) 

DÉLUGER.  Nous  l'entendîmes  Déluger  ses  vers  ; 
je  cherchais  de  l'œil  l'arche  salutaire ,  la  porte 
du  salon. 

DÉLUSTRÉ.  Toutes  les  nations  de  la  terre, 
assemblées  pour  juger  les  noms,  ne  pourraient 
faire  qu'un  nom  célèbre  soit  un  nom  obscur.  S'il 
reparaissait  un  descendant  de  César,  de  Cicéron  , 
d'Aristide,  de  Périclès,  fût-il  dans  la  dernière 
classe  des  hommes  ,  il  serait  accueilli  de  tous 
les  hommes  les  plus  brillans,  aussitôt  qu'il  serait 
nommé.  Un  nom  illustré  par  la  valeur  ou  par  le 
génie,  ne  saurait  être  Délustré  ni  par  la  calomnie 
ni  par  le  despotime.  (  Cérutti.  ) 

DÉMAGOGUE.  Nos  dictionnaires  donnent  ce 
nom  à  un  chef  d'une  faction  populaire.  Charles 
Villette  disait  :  Je  déclare  que  je  serai  bon  Dé- 
mocrate jujsqu'à  mon  dernier  .soupir,  et  jamais 
Démagogue, 


i6o  B  E  M 

DÉMANCHÉ.  Esprit  Démanché.  Blon,  célèbre 
athée,  devint  superstitieux  en  mourant,  «comme 
«  si,  disait  Montaigne,  les  dieux  s'ôtaient  et  se 
«  remettaient  selon  l'affaire  de Bion.  A\.ulre  chose, 
«  conlinue-t-il ,  est  un  dogme  sérieusement  di- 
«  géré  5  autre  chose  est  ces  impressions  supersti- 
«  lielles ,  lesquelles  nées  de  la  débauche  d'un 
«  esprit  Démanché ,  vont  nageant  témérairement 
<(  et  incertainement  en  la  fantaisie.  Hommes  bien 
«  misérables  et  écervelés  qui  tâchent  d'être 
«  pires  qu'ils  ne  peuvent.  » 

DÉMARIÉ.  Il  n'est  pas  divorcé ,  mais  il  est 
Démarié. 

DÉMARQUISER.  Avant  la  révolution ,  une 
foule  déjeunes  gens  prenaient  les  noms  de  che- 
valiers, de  comtes,  de  marquis,  etc.;  ces  mar- 
quis ,  ces  comtes ,  ces  chevaliers  logeaient  dans 
des  chambres  garnies.  Dès  qu'ils  se  contentaient 
à  mettre  à  contribution  quelques  vieilles  douai- 
lûères  ,  la  police  les  tolérait  ;  mais  à  la  moindre 
friponnerie ,  on  les  Démarquisait  à  Bicêtre. 

DÉMÉNAGEMENT.  La  mort  est  un  Déménage- 
ment. Tout  Déménagement  est  incommode  5 
mais  nous  serons  infiniment  mieux  logés.  Il  ne 
faut  donc  pas  trop  redouter  ce  passage ,  et  nous 
confier  à  la  grandeur ,  à  la  bonté ,  à  la  clémence 
de  l'Etre    suprême ,  notre    adoi'able    père.   Or , 

comme 


D  E  M  i6i 

comme  ce  mot  ignoble  ,  mort ,  n'a  poinl,  de  sens, 
et  qu'il  est  à  effacer  du  vocabulaire  de  l'adora- 
teur, je  voudrais  qu'on  y  substituât  le  terme 
constant,  heureux  et  simple  de  Déménagement. 

DÉMÉRITE.  On  peut  oublier  le  Démérite,  on 
ne  lui  doit  pas  du  moins  des  récompenses.  Le 
Démérite  n'est  pas  honteux,  il  frappe  à  toutes 
les  portes,  cotnnie  si  elles  devaient  s'ouvrir  de- 
vant ses  importunités. 

DÉMONÉTISATION.  C'est  l'acte  par  lequel  le 
Gouvernement  ote  la  valeur  qu'il  avait  donnée 
à  un  signe  représentatif,  soit  en  argent,  soit  en 
papier. 

DÉMONÉTISÉ.  Eh  !  citoyen  Tavel  ,  comme 
te  voilà  pâle,  maigre!  tu  as  l'air  tout  Démo- 
nétisé.  (  Saint-Aure.  ) 

Démonétisé.  Démonétiser  s'emploie  au  fio-uré 
et  s'applique  particulièrement  aux  liommes  qui 
ont  surpris   l'opinion  publique.    Que  d'hommes 
aujourd'hui  Démonétisés!  {Paganel.) 

DÉMONISME.  L'athéisme  exclut  toute*  religion. 
Le  Démonisle  peut  avoir  un  culte;  nous  con- 
naissons même  des  nations  entières  qui  adorent 
un  diable,  à  qui  la  frayeur  porte  leurs  prières 
et  leurs  sacrifices;  et  nous  n'ignorons  pas  que 
dans  quelques  religions,  on  regarde  Dieu  comme 
un  être  violent,  despotique ,  arbitraire ,  et  desti- 
Tome  L  L 


i62  D  E  N 

liant  les  créatures  à  un  malheur  inévitable; 
c'est-à-clire  qu'on  élève  un  diable  sur  ces  autels 
où  l'on  croit  adorer  un  Dieu.  (^Diderot.) 

DÉMONNOYAGE.  Laissons  le  i;oi  Georges  jeter 
son  or  stérile  dans  ses  flottes  impuissantes.  Nous 
touchons  au  moment  de  voir  ses  fidèles  sujets  se 
lever  un  beau  matin  pour  demander  la  tête  de 
Pitt  et  la  convocation  d'une  assemblée  générale. 
C'est  bien  le  moment  de  nous  parler  de  paix,  à 
nous  qui ,  par  la  réquisition  de  nos  jeunes 
gens,  et  par  le  Démonnoyage  de  nos  assignais, 
venons  de  construire  deux  bastions  devant  les- 
quels se  briseront  tous  les  efforts  de  la  ligue 
royale.  (  Anacliarsis  Cloots.  ) 

DÉMOSTHÉNIQUE.  Tu  as  été  un  orateur  par- 
fait ,  quand  tu  as  été ,  comme  moi ,  simple , 
grave ,  austère ,  sans  art  apparent  ;  en  un  mot  ^ 
Démosthénique  :  mais  lorsqu'on  a  senti  en  tes  dis- 
cours, l'esprit,  le  tour  et  l'art,  alors  tu  n'étais  que 
Cicéron  ,  t'cloignant  de  la  perfection  autant  que 
tu  t'éloignais  de  mon  caractère.  (  Fénélon.  ) 

DÉNIGREUR.  Tel  homme  s'est  fait  Dénigreur 
pour  voiler  sa  constante  nullité.  On  n'entend 
par- tout  tant  de  Dénigreurs,  que  parce  que  les 
hommes  en  général  sont  médiocres,  sots  et  ja- 
loux de  toute  espèce  de  succès. 

DÉNONCIATEUR.  C'est  celui  qui  révèle  publir 


D  E  P  i65 

quemenl  et  authentiquement  un  délit  qui  trouble 
l'ordre  social,  et  dont  il  apporte  la  preuve. 
L'accusateur  public  est  celui  qui  en  poursuit  la 
punition  devant  les  tribunaux.  Sous  l'ancien 
régime,  le  minislère  fesait,  ou  du  moins  devait 
faire  l'exercice  d'accusateur.  Sous  l'ère  répu- 
blicaine, tout  citoyen,  témoin  d'un  délit,  doit 
en  devenir  le  Dénonciateur.  (  ha  Harpe.  ) 

DÉNUDATION.  Au  grand  jour  du  jugement  de 
l'Eternel,  se  verra  la  Dénudalion  de  tous  les 
êtres;  tout  à  découvert,  rien  de  caché.  Lisez  ce 
mémoire  foudroyant  et  auquel  il  n'a  pas  ré- 
pondu; c'est  la  Dénudalion  de  sa  vie  entière. 

DÉPAREILLÉ.  «Une  jeune  femme  ne  vit,  ne 
«soupe,  ne  se  promène,  ne  va  au  spectacle 
«  qu'avec  des  femmes  qui  ont  chacune  leur  af- 
«  faii'e  réglée  ;  si  elle  n'a  point  son  amant 
«comme  les  autres,  elle  est  ce  qu'on  appelle 
«Dépareillée;  elle  est  honteuse,  elle  n'ose  se 
«  montrer.  »    (  Vollaire.  ) 

DÉPARIER.  En  séparant  ces  deux  amans,  on 
s'est  mis  à  Déparier  deux  êtres  nés  l'un  pour 
l'autre. 

DÉPARTIR.  «  En  la  vraye  amitié,  de  laquelle 
«je  suis  expert,  je  me  donne  à  mon  auii ,  plus 
«  que  je  ne  le  tire  à  moi....  Cette  parfaicLe  amitié 
«  de  quoy  je  parle,  est  indivisible  :   chacun  se 

L  a 


i64  D  E  P 

«  donne  si  entier  à  son   ami,  qu'il  ne  lui   reste 
«  rien  à  Départir  ailleurs.  »  [Montaigne.  ) 

«  Les  amitiés  communes,  on  les  peut  Départir  : 
«  on  peut  aimer  en  cettuy-ci  la  facilité  de  ses 
«  mœurs;  en  l'autre,  la  libéralité;  en  celui-là, 
«  la  paternité  ;  en  cet  autre  ,  la  fraternité  ;  ainsi 
«  du  reste.  Mais  cette  amitié  qui  possède  l'ame, 
«  et  la  régente  en  toute  souveraineté,  il  est  im- 
«  possible  qu'elle  soit  double.»   {Le  même.) 

DÉPATERNISER.  Cessez ,  ô  mon  ami,  de  me 
parler  de  celui  que  vous  nommez  encore  mon 
fils:  il  fesait  ma  joie,  mon  espoir,  mon  orgueil; 
mais  il  s'est  identifié  avec  des  êtres  pervers,  je 
suis  abandonné  par  lui,  l'ingrat  m'a  Dépater- 
nisé.  (i^,**) 

DÉPENSIER.  Necker  a  fait  entrevoir  en  France, 
ce  qui  n'est  pas  un  petit  mérite,  l'espoir  d'une 
ombre  de  restauration;  s'il  n'avait  pas  été  con- 
trarié par  une  guerre  ruineuse,  ou  plutôt  par 
l'ineptie  Dépensière  qui  dirigeait  malheureu- 
sement, de  son  temps,  les  forces  navales  du 
royaume,  on  peut  croire  qu'il  aurait  vraiment 
fait  le  bien.  (  Linguet.  ) 

DÉPERSÉCUTER.  Peut-être  y  aura-t-il  «hfin 
des  âmes  raisonnables  qui  rougiront  de  cet 
exemple  de  barbarie  au  dix  -  huitième  siècle 
(  le  supplice  du  jeune  Labarre  )  ,  et  qui  tâche- 


D  E  F  i65 

ront  cVelTacer  celte  flétrissure ,  en  fesant  Déper- 
sécuter le  compagQon  de  cet  infortuné.  (P^oltaire.) 

DÉPERSUADER.  Avant  de  le  déclarer  inno- 
cent, il  faut  que  je  le  croie,  et  je  crois  si  déci- 
dément le  contraire,  que  vous  aurez  peine  à 
me  Dépersuader.  (  /.  /.  Rousseau.  ) 

DÉPLAISANCE.  Il  faut  éviter  la  société  des 
gens  médiocres  ;  et  quand  les  circonstances 
nous  obligent  à  la  supporter,  il  ne  faut  jamais 
marquer  l'ennui  et  la  Déplaisance  qu'ils  nous 
causent.  (  Madame  Necier.  ) 

Déplaisance.  A  entendre  les  preneurs  des  an- 
ciens, il  faut  avoir  deux  ou  trois  siècles  sur  la  tête, 
pour  commencer  à  valoir  un  peu  quelque  chose  j 
ils  ressemblent  à  certains  oiseaux  de  nuit ,  qui 
se  perchent  de  préférence  sur  de  vieilles  tours 
ruinées,  ou  sur  des  tombeaux.  Quand,  par  ha- 
sard, j'en  rencontre  quelques-uns,  j'en  ai  de  la 
Déplaisance  pour  une  semaine.  (Dorât.) 

DÉPLANTEUR.  Déplanteur  de  son  domaine , 
il  a  fait  tomber  tous  les  bois  pour  en  faire  de 
l'argenté 

DÉPLOIEMENT.  Quand  la  nation  s'élance  du 
néant  de  la  servitude  vers  la  création  de  la 
liberté;  quand  la  politique  va  concourir  avec  la 
nature  au  Déploiement  immense  de  ses  hautes 
destinées  ,    de    viles   passions    s'opposeraient    à 

L  5 


i66  D  E  P 

sa    grandeur  !    Ttgoïsme    rarrêlerait  dans     son 
essof] .  .  .  .  (  Mirabeau.  ) 

DÉFLORATION.  Les  pénilens  de  Lyon  firent 
une  grande  pompe' funèbre,  en  Déplora! ion  du 
massacre  fait  à  Blois,  sur  Louis  et  Henri  de 
Lorraine.   (  Thomas.  ) 

Déploration.  Ce  Sinon,  plus  adroit  encore 
que  celui  de  Virgile,  voulut  en  vain  nous  at- 
tendrir en  exposant  son  sort  déplorable  j  toules 
ses  Déploralions  n'excitèrent  que  notre  mépris, 
parce  que  nous  savions  que  ce  vil  espion  de 
l'armée  ennemie  nous  mentait. 

DÉposTÉRisÉ.  Est  l'opposé  d'orphelin.  Un 
père  est  Dépostérisé  par  la  mort  de  ses  en  fans, 
comme  un  enfant  est  orphelin  par  la  mort  de 
ses  père  et  mère. 

Ce  mot  exprime  avec  précision  cette  cruelle 
situation  dans  laquelle  une  mère,  un  père,  sont 
plongés  par  la  mort  de  leurs  enfans. 

J.  J.  Rousseau,  en  méconnaissant  ses  enfans, 
se  Dépostérisa  lui-même. 

Si  le  verlu^eux  Malesherbes  eût  échappé  à 
la  faux  révolutionnaire  ,  il  vivrait  Déposté- 
risé.  (  Paganel.  ) 

DÉPRAVATEUR.  Quel  est  le  génie  Dépravateur 
qui  a  composé  et  publié  l'odieux  roman  intitulé 
Justine  et  la  Vertu  ?  L'homme  n'est  homme  que 


D  E  P  167 

par  le  sentiment  de  Ja  pitié,  que  les  démons  et 
l'auteur  de  cet  ouvrage  ne  connaissent  plus. 

DÉPRÉPUCÉ.  Je  sais  qu'il  y  a  quelques  Juifa 
dans  les  colonies  anglaises  5  mais  que  cesDépré- 
pucés  d'Israël,  qui  vendent  de  vieilles  culottes 
aux  Sauvages,  se  disent  de  la  tribu  de  Neph- 
tali  ou  d'issachar,  ils  n'en  sont  pas  moins  les 
plus  grands  gueux  qui  aient  souillé  la  face  du 
globe.  (  V^oltaire.  ) 

DÉPRÊTRISER.  {se)  Lorsque  le  conseil  gé- 
néral de  la  Commune  de  Paris  arrêta  qu'il  y 
aurait  un  registre  où  l'on  inscrirait  les  déclara- 
tions des  citoyens  qui  désireraient  se  faire  Dé- 
prêtriser,  on  vil 

DÉPRIS.  Le  peuple  est  Dépris  de  cet  enthou- 
siasme qui  a  trop  souvent  égaré  son  hommage. 
Plus  on  avance  en  âge ,  plus  on  est  Dépris  de 
l'admiration  que  nous  inspiraient  certains  li\'ïes, 
certains  hommes  et  certaines  actions. 

DÉPRISONNER. 

Rondache  en  main ,  le  casque  en  tête  y 
Marchant  de  conquête  en  conquête , 
Ils  pourfendoient  nains  et  géans  ; 
Ils  assommoient  maints  revenans , 
Déprisonnoient  maintes  princesses.  (^Mendouze.) 

Si  Robespierre  qui  avait  tant  laissé  empri- 
sonner,   avait  su  un  beau  jour  Déprisonner  les 

L  4 


i68  D  E  R 

Français,  et  pour  son  propre  compte;    mais    il 
n'avait  point  de  génie,  pas  l'ombre  de  génie. 

DÉPROMETTRE.  Dans  la  comédie  du  Droit  du 
Seigneur,  par  Voltaire,  Mathurin  veut  épouser 
Acante. 

LeBailli. 

Ouï  ;  mais  Colette  à  votre  sacrement , 
Mens  Mathurin,  peut  mettre  empêchement. 
Elle  vous  aime  avec  quelque  tendresse, 
Tous  et  vos  biens  :  elle  eut  de  vous  promesse 
De  l'épouser. 

Mathurin. 

Oh  bien  !  je  Dépromets.  (  Voltaire.  ) 

DÉRAISON.  M.  Melon ,  le  premier  homme  qui 
ait  raisonné  en  France,  par  la  voie  de  l'impri- 
merie ,  après  la  Déraison  universelle  du  système 
de  Lavv.  (  Voltaire.  ) 

DÉRIDER.  Le  père  d'Arras  (  Cordelier  )  n'est 
pas  ^xx^.  de  ces  dévots  scrupuleux  qui  défendent 
tous  les  plaisirs,  et  qui  ne  Dérident  jamais;  il 
permet  qu'on  s'évertue  un  peu.  (  Rétif.  ) 

DÉRisEUR.  Brutus  dit  à  Antoine  qui  lui  re- 
proche le  meurtre  de  César  :  Et  toi,  Dériseur 
de  toutes  les  vertus ,  tu  conserves  encore  le  lan- 
gage de  tes  moeurs  dépravées  !  (  Plo.  ) 

DÉROïSER.  («e)  Nos  langues  européennes, 
car  je  ne  parle  pas  seulement  de  la  langue  fran- 


DES  169 

çaise,  trompent,  souvent  l'audace  du  génie,  qui, 
selon  l'expression  de  Montaigne  ,  prend  son 
aller  roide  et  tendu.  J'avais  d'abord  écrit  :  .  .  .  . 
Forcera  la  terre  à  se  Déroiser,  à  se  déprètrailler.... 
Dans  la  crainte  que  des  lecteui's  ineptes  ne  vou- 
lussent trouver  obscures  ou  ridicules,  ces  deux 
expressions  créées  par  un  sentiment  profond  de 
nos  malheurs ,  je  n'ai  osé  les  consacrer  dans 
mon  texte.  (  BonneuUle.  ) 

DÉSACCORDER.  {  se  )  Ne  craignez  pas  que 
parce  que  personne  n'a  les  yeux  sur  lui ,  le  philo- 
sophe, digne  de  ce  nom,  s'abandtfime  à  une 
action  contraire  à  la  probité;  il  est  pétri,  pour 
ainsi  dire ,  avec  le  levain  de  l'ordre  et  de  la 
règle  :  le  crime  trouverait  en  lui  trop  d'oppo- 
sitions; il  y  aurait  trop  d'idées  acquises,  et  trop 
d'idées  naturelles  à  détruire.  Sa  faculté  d'agir 
est  comme  la  corde  d'un  instrument  de  musique, 
monté  sur  un  certain  ton;  elle  n'en  saurait  pro- 
duire un  contiaire  :  il  craindrait  de  se  Désac- 
corder d'avec  lui-même  ;  et  ceci  me  fait  ressou- 
venir de  ce  que  Vellejus  dit  de  Caton  d'tJtique  : 
Il  n'a  jamais  fait,  dit-il,  des  actions  pour  pa- 
raître les  avoir  faites ,  mais  parce  qu'il  n'était 
pas  en  lui  de  faire  autrement.  Nunquàm  rectè 
fecit  3  ut  face re  videretur ,  sed  quia  aliter  facere 
non  poterat.  (  Helvetius.  ) 

DÉSADORER.  On  montrait  à  un  jeune  prince 


370  DES 

étranger  le  porlraîL  d'une  princesse  de  France 
qu'il  devail.  épouser.  11  s'écrie  :  oli!  divine  !  je 
l'adore!...  Il  arrive  à  Versailles,  voit  la  princesse... 
Eh  bien  ,  qu'en  pensez-vous?....  Je  la  Désadore  : 
et  retourne  en  poste  dans  son  pays. 

DÉS  AFFAIRÉ.  Cet  homme  est  toujours  alFairé, 
disons-nous  ;  ne  dirail-on  pas  à  merveilles  ?  Il 
n'y  a  point  d'homme  au  monde  plus  DésafFairé. 
Le  poète  qui  a  dit  : 

Et  toujours  affairé,  sans  avoir  rien  à  faire, 

aurait  évité  la  périphrase  du  .second  hémistiche 
de  son  vers. 

DÉSAFFAMÉ.  Nous  avous  altéré  et  désaltéré, 
et  non  pas  DésafFamé  :  pourquoi?  On  dit  à  un 
homme  qui  est  à  table  ,  après  avoir  eu  une 
grande  faim:  Commencez-vous  à  vous  rassasier? 
Le  mot  propre  serait  :  Commencez  -  vous  à 
Désafîamer ,  à  être  Désafiamé  ?  Rassasié  est  d'un 
degré  au  -  delà.  Les  gourmands  sentiront  bien 
cette  distinction.  (  La  Harpe.  ) 

DÉSAFFECTIONNÉ.  L'empereuF  ae  soucie  fort 
peu  de  rentrer  dans  la  partie  des  Pays  -  Bas  , 
actuellement  réunie  à  la  France  j  il  est  infini  • 
ment  plus  jaloux  de  conserver  la  part  de  la 
Pologne,  qui  lui  est  échue,  que  de  rentrer  en 
possession  de  ces  provinces  turbulentes  et  Désaf- 
fectionnées. 


DES  iri 

DÉSAFFECTIONNER.  Je  lie  le  hais  pas,  mais 
je  sens  chaque  jour  que  je  le  Désafieclionne. 

DÉSAIGRIR.  Eh!  comment  l'approcher,  quand 
son  humeur  acre  le  domine?....  Comment?  avec 
de  douces  paroles,  c'est  le  seul  moyen  de  le  Dés- 
aigrir.  N'est-ce  pas  au  son  de  la  flûle  qu'Ain- 
phion  voyait  venir  à  lui  les  animante  les  plus 
indomptés  ? 

DÉSAIMER.  Les  Italiens  disent,  disamare;  les 
Espagnols,  desamar:  les  Anglais,  to  dis I lie ;i^ouv- 
quoi  les  Français  ne  diraient-ils  pas  Désaimer  , 
quand  ils  aiment  si  vite  ,  et  qu'ils  Désaiment  plus 
vite  encore,  d'après  le  caprice  du  moment  qui 
les  enflamme? 

DÉSAMASSER.  Uii  avare  était  au  lit  de  la  mort, 
parce  que,  voulant  toujours  amasser,  il  se  refu- 
sait toujours  ce  qui  aurait  pu  lui  conserver  la 
vie.  Quelqu'un  lui  dit  avec  dureté,  mais  avec 
raison  :  Vous  ne  seriez  point  dans  l'état  où  vous 
voilà,  si  vous  aviez  voulu  Désamasser. 

DÉSAMPHiTRYONKER.  M.  B fut  l'éélu  pour 

continuer  à  remplir  la  place  de  maire  de....;  ce 
qui  fit  observer  qu'en  France,  celui  qui  possède  a 
toujours  raison,  sur-tout  quand  il  a  une  bonne 
table.  Si  on  continue  de  donner  à  M.  B. . . .  76,000 1. 
pour  son  cuisinier  ,  et  qu'on  ne  le  Désamphi- 
tryonnepas,  il  mourra  avec  son  écharpe.  {C.Desm.) 


Ï72  DES 

DÉSAPPAUVRIR.  Un  fermier  général  à  qui 
l'on  demandait  une  place  pour  un  homme  dont  la 
famille  était  dans  l'extrême  pauvreté  ,  disait  : 
Croyez-vous  que  je  puisse  enrichir  toutes  les  fa- 
milles?—  Non,  lui  répondit-on,  mais  vous  pou- 
vez Désappauvrir  celle-ci,  qui  vous  bénira  toute 
sa  vie. 

DÉSAPPRENDRE.  Lorsque  mes  oreilles  ,  dit 
Mirabeau  à  l'Assemblée  nationale,  ont  été  frap- 
pées de  ces  mots  que  vous  avez  Désappris  aux 
Français,  Ordres prwiLégiés , etc. 

DÉSAPPROBATEUR.  On  a  regardé  comme  un 
défaut,  dans  la  tragédie  de  Charles  ix,  que  l'Hô- 
pital, disant  avoir  vu  ce  monarque  tirer  sur  ses 
sujets,  n'ait  point  tenté  d'arriver  jusqu'à  lui  pour 
lui  arracher  les  armes  des  mains.  —  Au  contraire , 
lorsque  Chai-les,  suivi  de  sa  cour,  paraît  sur  le 
théâtre,  le  chancelier  qui  devait  y  rester  pour 
lui  montrer  au  moins  un  visage  Désapprobateur, 
s'éloigne  sans  voir  le  roi,  dont,  par  ses  reproches, 
ses  prières  et  ses  larmes,  il  aurait  pu  faire  cesser 
le  carnage. 

DÉSARROI.  «Lamon,  le  lendemain  matin,  en- 
«  trant  au  verger  ,  pour  mettre  de  l'eau  de  la 
«  fontaine  dedans  les  carreaux  de  fleurs ,  vit  toute 
«  la  place  si  oultrageusement  villainée,  qu'un  en- 
«  nemi,  venant  à  propos  délibéré  pour  tout  gaster,. 
«  n'y  eust  sceu  pis  faire,  si  déchira  incontinent; 


DES  175 

«  sa  jaquette,  et  s'écria  à  si  haulte  voix,  disant  : 
«  ô  dieux  !  o  dieux  I  que  sa  femme ,  laissant  ce 
«  qu'elle  avait  en  main,  s'en  courut  vitement  vers 
<c  lui  j  et  Daphnis  qui  avoit  jà  mené  ses  bestes  aux 
«  champs ,  ayant  ouy  le  bruit  ,  s'en  courut  à 
«  la  maison  ,  et  voyant  ce  grand  Désarroi ,  se 
«prindrent  tous  à  crier,  et  en  criant  à  lar- 
«  moyer.  »   (  Amjot.  ) 

DÉSASSIÉGEMENT.  Le  Désassiégement  d'une 
ville  a  déterminé  quelquefois  la  victoire  d'une 
bataille.  Si  Frédéric  eût  Désassiégé  Prague,  il 
serait  probablement  empereur. 

DÉSASsouRDiR.  C'est  en  vain  que  je  détaillais 
à  mon  procureur  tous  les  moyens  qui  prouvaient 
la  bonté  de  ma  cause;  il  était  sourd  :  je  fis  sonner 
une  bourse  pleine  d'or  ,  et  ce  moyen  seul  put 
le  Désassourdir. 

DÉsATTRisTER.Unefemme  venait  deperdre  son 
mari;  elle  était  tx'iste  :  un  jeune  homme  charmant 
paraît,  et  \-ient  à  bout  de  la  Désatlrister  (1). 

DÉSAUTORISER.  J'avais  cru  ,  monsieur ,  que 
dans  toutes  vos  entreprises,  vous  m'aviez  autorisé 

à  prendre  tous  les  moyens «Hé  bien,  mon- 

«  sieur,  maintenant  que  je  cbnnais  toute  l'im- 
((  probité  de  vos  moyens  ,  je  vous  Désautorise.  » 

(1)  c'est  le  conte  ,  ou  plutôt  l'histoire  de  la  Matrone 
d'Ephèse  ^ui  se  renouYelle  tous  les  jours. 


174  DES 

Desbrillanter.  Ce  mot  semble  créé  pour  ex- 
primer l'état  actuel  de  la  France.  Ci-devant  elle 
ressemblait  au  paon  qui  élaie  une  superbe  queue; 
maintenant  on  peut  la  comparer  à  l'éléphant , 
dont  la  force  souLienL  tous  les  fardeaux  dont  on 
le  surcharge.  La  France,  Desbrillanlée  aux  jeux 
des  nations,  commence  à  s'en  faire  craindre  par 
le  poids  énorme  dont  elle  peut  les  écraser. 

Descension.  Cette  Descension  de  l'état  d'opu- 
lence et  de  grandeur  est  douloureuse  sans  doute, 
mais  elle  a  été  amenée  par  de  grandes  fautes. 

DÉSCEPTRER.  Il  n'appartient  qu'à  un  gourer* 
nement  sage  et  ferme  de  Désceptrer  l'anar- 
chie. (  Théophile  Mandar.  ) 

Descripteur.  Ceux  qui  sont  de  bonne  foi, 
avouent  qu'Homère,  qu'on  regarde  comme  un. 
génie  géant,  n'a  que  quelques  morceaux  isolés; 
que  ses  sommeils  sont  longs  et  fréquens  ,  et  que, 
malgré  ses  quinze  cents  commentateurs  et  traduc- 
teurs, il  est  monotone,  verbeux  et  Descripteur 
jusqu'à  la  satiété. 

Déséborgner.  L<'homme  est  fait  pour  l'erreur  j 
elle  entre  comme  d'elle-même  dans  son  esprit  :  ce 
n'est  que  par  des  travaux  immenses  qu'il  découvre 
quelques  vérités.  O  vous  qui  en  êtes  l'apôtre 
(Frédéric  il  ) ,  recevez  les  hommages  du  petit  coin 


DES  175 

de  mon  esprit,  purifié  de  la  rouille  de  la  supersti- 
tion, etDéséborgnez  mes  compagnons!  (F~oLtaire.) 

DÉSEMBELLIR.  Que  madame  Duboccage  nous 
attendrisse  par  ses  Lettres  -péruviennes ,  à  la  bonne 
heure;  mais  si  je  m'étais  trouvé  avec  madame 
Duchâlelet  fesant  des  commentaires  sur  Newton, 
j'aurais  cru  lui  voir  de  la  barbe,  et  j'aurais  dit  en. 
moi-même  :  «  Comme  la  science  la  Désembellit!» 

DÉSENCHANTÉ.  O  mon  cher  Philaudre  I  où  sont 
ces  fantômes  brillans,  cette  riche  parure  dont  ta 
présence  embellissait  la  terre?  Depuis  ta  mort, 
je  ne  vois  plus  qu'un  désert  sombre  et  nu  :  ton 
dernier  soupir  a  rompu  le  charme  de  mon  bon- 
heur. La  terre  Désenchantée  a  perdu  tout  son 
éclat.  (Tve  Tourneur.  ) 

Désenchanté.  Qui  de  nous  ne  comprendra 
point  ce  mot?  Qui  de  nous  n'a  pas  été  Désen- 
chanté à  l'heure  de  la  jouissance,  et  au  jour  du 
triomphe  ? 

A  cinquante  ans ,  l'univers  est  à  moitié  Désen-    , 
chanté. 

DÉSENFORGÉ.  Expression  applicable  à  un  pri- 
sonnier débarrassé  de  ses  chaînes,  ou  à  un  malade 
soulagé  des  infirmités  qui  l'oppressaient  et  enchaî- 
naieiat  ses  membres.  (  Montaigne.  ) 

DÉSENNUI.  J'arrivai  au  moment  où  il  allait 
froidement  se  brûler  la  tête,  sans  autre  motif  que 


176  DES 

rennui  de  vivre.  Depuis  six  jours  je  ne  l'aban- 
donne pas;  il  est  encore  bien  loin  d'aimer  la  vie, 
mais  il  en  éprouve  déjà  le  Désennui,  el  c'est  beau- 
coup. En  le  fesant  partir  avec  moi  pour  Pai"is, 
J'espère  le  guérir  de  son  splen. 

DÉSENRÔLER.  Turgot  fut  Sur  le  point  d'être 
Désenrôlé  de  la  secte  des  philosophes  économistes, 
parce  qu'il  n'obéissait  pas  en  tout  à  leurs  folles 
rêveries. 

L'homme  droit,  l'homme  Juste,  etThomme  sen- 
sible ne  tardèrent  pas  à  se  Désenrôler  de  la  secle 
des  jacobins  ,  lorsqu'ils  vii'ent  que  les  excès  les 
plus  bizarres  et  les  plus  révoltans  devenaient  la 
mesure  de  leur  conduite. 

DÉSENTRAVER.  J'ai  loujours  cherché  à  Désen- 
traver  les  littérateurs  d'une  foule  de  règles  fausses 
ou  puériles,  en  leur  recommandant,  pour  leur 
plaisir  et  pour  le  nôtre,  la  composition  originale; 
ils  m'ont  payé  en  injures. 

DÉSESPÉRANCE  n'cst  pas  désespoir.  J'ai  la 
Désespérance  de  son  arrivée  ,  du  retour  de  sa 
santé.  J'ai  la  Désespérance  d'un  meilleur  ordre 
de  choses,  d'un  gouvernement  parfaitement  libre; 
mais  pour  cela  je  ne  me  conduirai  pas  désespéré- 
ment. 

DÉSESPOIRS.  Corneille  a  dit,  dans  les  Horaces  : 

Et  par  les  Désespoirs  d'une  chaste  amitié, 
Nous  aurions  des  deux  camps  tiré  quelque  pitié. 

On 


DES  1^7 

On  n'emploie  plus  aujourd'hui  Désespoir  au 
pluriel;  il  fait  pourtant  un  très-bel  effet.  Mes  dé- 
plaisirs ,  înes  craintes,  mes  douleurs ,  mes  ennuis  , 
disent  plus  que  mon  déplaisir ,  ma  crainte ,  etc. 
Pourquoi  ne  pourrait-on  pas  dire  mes  Désespoirs , 
comme  on  dit  mes  espérances?  Ne  peut-on  pas 
désespérer  de  plusiems  choses,  comme  on  peut 
en  espérer  plusieurs?  (^V^oltaire.) 

DÉSEXU ALISE.  Emile  a  eu  toutes  les  peines  du 
inonde  à  endosser  la  jacquelte  de  fille  que  tu  lui 
as  envoyée,  en  attendant  que  le  tailleur  ait  rac- 
commodé tous  ses  habits;  il  se  croit  Désexua- 
lisé.  (  Rouclier.  ) 

Désexualisé.  Cet  habit  d'homme  convenait  si 
parfaitement  à  Lucile,  que  toutes  les  femmes  lor- 
gnaient le  nouvel  Adonis,  et  que  la  cousine  même 
de  la  jeune  amie  la  croyait  Désexualisée.  (2^**.) 

DÉSHÉRITER.  Ce  globe  Déshérité  de  la  ten- 
dresse paternelle  du  Créateur,  a  dit  Young. 
Déshériter  l'avenir,  dit  madame  de  Staël. 

DÉSHEURER.  [se)  J'ajoutai  tout  ce  que  je  crus 
pouvoir  adoucir  cette  commune,  et  je  n'y  eus  pas 
beaucoup  de  peine  ,  parce  que  l'heure  du  souper 
s'approchait.  Cette  circonstance  vous  paraîtra  ri- 
dicule, mais  elle  est  fondée;  et  j'ai  observé  qu'à 
Paris  ,  dans  les  émotions  populaires  ,  les  plus 
échauffés  ne  veulent  pas  ce  qu'ils  appellent  se 
désheurer.  (  Card.  de  Retz.  ) 

Tome  /.  M 


178  DES 

jyksïlOMmk.  (élre)  Cet  homme,  attaqué  d'un 
mal  honteux,  suite  de  son  libertinage,  prévoyait 
bien  la  longueur  et  la  difficulté  des  liaitemens; 
mais  il  était  loin  d'en  imaginer  le  résultat  funeste... 

Il  perdit comment  dire  cela  décemment.-' 

Attendez Vous  avez  sûrement  lu  le  IMoyen  de 

parvenir? Il  perdit  pleinement  ce  qu'on  ôta, 

dans  l'église  de  Saint-Martin  de  Tours,  au  diable 
qui  est  sous  Saint-Michel.  Bref,  il  fut  complète- 
ment Déshonimé.  (  Rétif,  ) 

DÉSHONOK.ABLE.  Un  acte  Déshonorable  n'est 
pas  toujours  un  acte  déshonorant.  Tant  pis. 

DÉSHUMANISER.  Prends  garde  qu'en  te  Déshu- 
manisant, tu  ne  deviennes  plutôt  une  bête  farouche 
qu'un  héros.  Il  ne  faut  pas  Déshumaniser  l'homme 
en  faveur  du  guerrier.  (^Saint-Eprerno7id.  ) 

Déshumaniser,  {se)  Un  laboureur  qui  sèmerait 
exprès  l'ivroie  au  milieu  du  bon  grain,  ne  serait 
pas  plus  insensé  qvi'un  peuple  qui  consacre  la 
noblesse  dans  sa  constitution.  Un  tel  peuple  dé- 
roge à  la  nature,  et  se  Déshumanise  pour  ainsi 
dire;  car  il  n'y  a  point  d'humanité  là  où  les  uns 
naissent  pour  les  honneurs,  et  les  autres  pour  le 
mépris.  (  Cérutti.  ) 

DÉSINCONVÉNIENTER.  «L'expérience  nous  ap- 
«  prend  qu'il  faut  des'spectacles  pour  attacher  le 
«  peuple.  Une  religion  dépouillée  de  tout  appareil 
((  extérieur,  ne  peut  ni  l'affecter,  ni  l'instruire. 


DES  179 

«  Lespi-otestansne  s'aperçoivent  que  trop  aujour- 
«  d'hui  des  inconvéïiiens  d'un  culle  trou  dé- 
«  charué.  »  (^Apol.  de  la  Relig.  par  Bergier.  ) 

Dès  que  le  spectacle  est  légitime,  la  religion  ne 
peut  en  improuver  que  les  accessoires,  tels  que  le 
drame,  l'état  de  comédien  et  le  jeu  de  théâtre.  Si 
l'on  Désiuconvéniente  ces  trois  objets^  les  plaisirs 
du  théâtre  cessent  d'être  contraires  à  la  religion 
établie;  nos  lois  et  nos  usages  ne  contrastent  plus, 

DÉsiNTÉRES^SER.  («p)  Se  désafFectionner  pour 
quelque  chose  ou  pour  quelqu'un,  me  semble  aussi 
bon  et  aussi  utile  que  se  Desintéi"esser ,  qui  n'est 
fait  que  depuis  peu  d'années.  {^La  Harpe.) 

DÉSINVOLTE.  Après  toutes  les  scènes  de  carnage 
dont  il  venait  d'être  témoin,  Birton  était  aussi 
gai  et  aussi  Désinvolte  que  s'il  était  revenu  de  la 
comédie.  (  Voltaire.  ) 

Désirable.  Nous  disons  qu'une  chose  est  digne 

d'exciter  nos  désirs  :  voilà  quatre  mots  pour  un. 
Pourquoi  ne  pas  employer  l'expression  Désirable^ 
comme  dans  le  trait  suivant? 

«  Geneviève  étoit  merveilleusement  grande , 
«  gente  et  belle;  mais  Blanche  étoit  pourvue  de 
«  plus  extrême  beauté ,  douceur  et  mignardise  : 
«  c'étoit  un  objet  aux  yeux  tellement  Désirable, 
<(  qu'elle  sembloit  émouvoir  les  cœurs  aux  choses 
^  d'amour.  »  {Saiwigny.) 

M  3 


i8o  DES 

Désireux.  Le  Désireux  de  renommée ,  il  n'est 
pas  encore  l'amant  de  la  gloire  l 

DÉSOLEMENT.  Ce  n'est  pas  un  lâche  Désolement 
qui  vous  fera  sortir  de  la  situation  où  vous  êtes. 
Dans  la  désolation  de  la  patrie,  que  fait  le  Déso- 
lement d'un  individu  ?  Le  Désolement  de  cette 
femme  est  vif,  mais  il  sera  passager. 

DÉSORGANISATEUR.  Si  Montesquieu  et  Rous- 
seau eussent  existé  à  l'époque  où  notre  révolution 
a  commencé  à  prendre  ce  caractère  absurde  et 
féroce  qui  l'a  dénaturée,  ils  auraient  été  condam- 
nés au  silence,  et  peut-être  mis  à  mort  par  ceux 
qui  ont  fait  semblant  de  les  citer;  ou,  s'ils  avaient 
été  consultés  ,  l'édifice  de  la  liberté  publique  se 
serait  élevé  sans  la  terreur,  la  guillotine,  sans 
gouvernement  révolutionnaire,  et  les  autres  grands 
moyens  des  modernes  politiques  dont  vous  vou- 
lez l'essusciter  le  système.  Ne  citez  donc  jamais 
■des  phrases  isolées  de  Montesquieu  et  de  Rousseau, 
à  l'appui  du  système  Désorganisateur  que  vous 
voudriez  établir I  (^L'Orateur  du  Peuple.) 

DÉSORGANISER.  Guillaume  mit  de  son  côté 
la  force  d'opinion  et  celle  de  convention  ;  mais 
sa  force  réelle  n'était  encore  que  dans  son  ar- 
mée ,  et  outre  qu'il  fallait  l'affei-mir  et  se  l'at- 
tacher,  il  fallait  aussi  Désorganiser  et  réduire 
k  l'impuissance  de  lui  nuire ,  la  force  plus  nom- 


DES  i8î 

I)reuse,  qui  consi\stait  dans  le  peuple  vaincu,  et 
sur-tout  dans  les  chefs  de  ce  peuple.  (  Boulay 
de  la  Meurihe.  ) 

DÉSOSSER.  Le  plus  concis ,  peut-être ,  de  nos 
poètes,  dans  les  belles  scènes  de  ses  opéras,  et 
l'un  de  ceux  qui  s'^expriment  avec  le  plus  de 
pureté,  comme  avec  le  plus  de  grâce,  Quinaut 
qui  avait  Désossé  la  langue,  fut  accusé  d'être 
le  fils  d'un  boulanger ,  par  des  gens  qui  igno- 
raient qu'un  boulanger  était  le  père  de  Vir- 
gile. (  P,  Manuel.  ) 

Despotie.  Si  l'établissement  d'un  visir  était 
une  loi  fondamentale  dans  les  pays  ottomans, 
il  y  aurait  dans  tous  un  visir ,  et  nous  voyons 
le  contraire.  Si  c'était  une  loi  foudamenlale  de 
ceux  où  il  y  en  a  ,  l'élablissement  de  cet  officier 
devrait  avoir  été  fait  lors  de  l'établissement  de 
la  Despotie.  (  Voltaire.  ) 

Despotiser.  On  obéit  sans  murmure  à  de 
grandes  et  belles  lois;  mais  quand  une  foule  de 
réglemens  bizarres  ou  inutiles  viennent  noua 
Despotiser,  on  prend  de  l'humeur  et  bientôt  de 
la  haine. 

De  s  sou  CI.  Diderot  avait  dit  que  Sénèque, 
dans  sa  treizième  lettre,  traitait  du  courage  que 
donne  la  vertu  et  du  Dessouci  de  l'avenir.  On  lui 
a  reproché    d'avoir  créé  celle  expression  non- 

M  5 


i82  D  E  T 

velle....  «Mais,  dit-il,  d'ancienne  ou  de  nouvelle 
«création,  qu'importe!  INous  manque- t-elle  ? 
tf«  ne  doit-on  pas  compter  Dessouci  de  l'avenir 
«  parmi  les  mots  dont  la  disette  appauvrit  notre 
«  langue  ?  » 

DÉTENTEUR.  Délenteur  d*un  manuscrit  pré- 
cieux ,  il  peut  le  garder  encore  long  -  temps  , 
mais  il  ne  pourra  jamais  se  Fatti'ibuer,  son  mé- 
talent  étant  trop  bien  prouvé  pour  qu'il  ose 
s'en  dire  le  père. 

Délenteur.  Nos  liaisons  politiques  et  commer- 
ciales sont  toutes  (1795)  à  Tavanlage  de  l'An- 
gleterre, Eli  bien ,  rompons  pour  jamais  le 
nœud  exécrable  qui  nous  attache  à  cette  puis- 
sance avilie;  portons  à  son  industrie  le  coup 
mortel,  en  paralysant  ses  manufactures;  ces- 
sons toute  espèce  de  relation  avec  ce  peuple 
de  courtiers,  et  arrêtons,  en  même  temps,  les 
sommes  dont  nous  demeurerons  Détenteurs  à 
leur  profit. 

DÉTHIABER.  Dieux  de  la  terre  qui ,  avec 
trois  doigts,  avez  le  seciet  de....  nous  ne  voulons 
pas  vous démilrer ,  vous  Délhiarer...,  (/''oZ/^f/e.  ) 

DÉTRAIGNER.  (se)  Se  Détraigner  de  quel- 
qu'un ,  rompre  avec  lui ,  s'en  séparer  avec  force, 
se  le  rendre  étranger.  Il  est  venu  à  bout,  mais 
non  sans  peine  ,  de  .se  Détraigner  de  ce  mauvais 
sujet.  Mot  plus  expressif  que  séparer.  .{Borel.) 


D  E  V  ïH^ 

DÉTRESSES.  Après  avoir  connu  les  jouissances 
de  la  fortune,  elle  a  v^écu  dans  des  Détresses  qu'il 
n'était  réservé   qu'à  son   courage  de  surmonter. 

DjÉtrompement.  Les  jeunes  gens  sont  toujours 
trompés  par  les  femmes  ;  est-ce  que  le  malheur 
et  la  ruine  doivent  toujours  précéder  le  Détrom- 
pement  ?  (  Pio.  ) 

DÉTRÔXEUR.  Le  Détrôneur  CromWel. 

DÉVALLER. 

On  peut  tomber  du  trône  ,  et  non  en  Dévaller. 

DÉVERGONDAGE.  Pendant  long  -  temps  ,  les 
spectacles  se  sont  alliés,  chez  les  Romains,  avec 
l'austérité  de  la  vertu.  Les  causes  du  sybarisme 
dans  les  mœurs ,  furent  aussi  celles  de  l'indé- 
cence et  du  Dévergondage  dans  l'art  drama- 
tique.  {Rétif.) 

DÉVERSER.  Verser  un  liquide,  Déverser  le 
mépris.  Déversez  l'infamie  sur  la  tète  de  ces 
lâches  calomniateurs  des  sages  et  braves  répu- 
blicains, également  odieux  aux  rois  et  aux 
anarchistes. 

DÉVÊTIR.  Les  voleurs  n'ont  pas  tué  cet 
homme,  ils  se  sont  contentés  de  le  Dévêtir. 

Deviser.  Causer.  Nos  voyageurs  Devisaient 
en  chemin.  (  Voltaire.  ) 

Deviser.   «  Eniin  advint  le  jour  où  l'ami  Bazu 

M  4 


îSi  D  E  V 

«  me  dit  :  Réjouis  ton  cœur,  raini  Pierre,  ma 
«  mère  el.  ma  sœur  Geneviève  s'en  vont  sortir 
«  pour  aller  au  marché  ,  et  c'est  pour  cela  que 
«  ma  sœur  Blanche  restera  toute  seule  gardienne 
n  de  la  maison,  et  que  nous  pourrons  Deviser 
«  avec.  »  (Sauvigny,  Blanche  Bazu.  ) 

DÉVORATEUR.  Le  génie  des  arts  accordé  à 
rhornrae  pour  célébrer  les  actions  immortelles 
et  encourager  à  la  vertu  ,  oubliant  ^a  noble  ori- 
gine ,  n'a  pas  rougi  de  se  mettre  à  la  solde  des 
vices ,  et  de  leur  prostituer  ses  coupables  pin- 
ceaux. Les  arls  brillans,  qui  n'eussent  dû  être 
consacrés  qu'à  la  décoration  des  temples ,  des 
monumens  publics,  ou  des  palais  de  la  législa- 
ture, sont  devenus  des  fléaux  Dévoraleurs,  pour 
leur  avoir  laissé  franchir  leurs  bornes  naturelles, 
et  les  avoir  abandonnés  à  l'orgueil  et  au  caprice 
de  l'opulence. 

DÉVORER. 

Je  les  voyais  tous  trois  se  hâter  sous  un  maître 
Qui,  chargé  d'un  lorg  âge  ,  a  peu  de  temps  à  l'ètre> 
Et  tous  trois  à  l'envi  s'empresser  ardemment 
A  qui  Dévorerait  ce  règne  d'un  moment.  (  Corneille.') 

La  beauté  de  ce  dernier  vers  consiste  dans 
cette  métaphore  rapide  du  mot  Dévorer  j  tout 
autre  terme  eût  été  îa.WAe\  (^Voltaire.) 

DÉVOREUR.  Dans  les  festins  d'Homère ,  on  tue 
un  bœuf  pour  régaler  ses  hôtes ,  comme  on  tue- 


D  E  X  i85 

rait,  de  «os  jours,  un  cochon  cle  lait.  En  lisant 
qu'Abraliam  servit  un  veau  à  trois  personnes, 
qu'Eumée  fit  rôtir  deux  chevreaux  pour  le  dîner 
d'Ulysse,  et  qu'autant  en  fit  Rébecca  pour  celui 
de  son  mari,  on  peut  juger  quels  terribles  Dévo- 
reurs de  viande  étaient  les  hommes  de  ces 
temps-là.  (  /.  /.  Rnusseau.  ) 

UÉVOTIEUX.  Qui  croirait  qu'il  y  a  des  indé- 
vots,  traitant  tout  ce  qui  a  rapport  aux  saints, 
de  superstitions,  Dévolieux  à  Voltaire  et  à  Hel- 
veLius,  même  à  des  auteurs  plus  dangereux  encore! 

DÉVOTIONNETTE.  La  reine  Blanche  avait  ac- 
coutumé son  fils  Louis  ix,  à  des  Devotionnettes 
que  la  foi  n'exige  pas  :  peu  s'en  est  fallu  qu'il  ne  se 
fît  Jacobin,  Mais  ce  qui  n'était  pas  une  Dévotion- 
nette,  c'est  l'établissement  qu'il  souffrit  en  France 
d'un  tribunal  de  bourreaux,  de  l'Inquisilion.  (i). 

Dextre.  Ce  n'est  pas  adroit.  Un  homme  est 
Dexîre,  moins  Dexlre  :  il  est  Dextre  dans  tous 
les  exercices  du  corps,  et  peu  adroit  au  billard. 

Dextrement.  Il  se  comporta  si  Dextreraent  à 
la  petite  cour  du  prince,  qu'il  réussit,  tandis  que 
toutes  les  espérances  de  son  compagnon  furent 
fauchées.  Ourdir  Dextrement  une  trame. 


(i)  Ce  saint  roi  disait  qu'il  ne  fallait  répondre  aux  objec- 
tions des  hérétiques  ,  qu'en  leur  enfonçant  l'épée  dans  leurs 
eorps  jusqu'à  la  garde. 


iSG  .  D  T  A 

DiABOLiciTÉ.  Quand  un  prêtre  est  devenu  per- 
vers, ne  dites  plus,  en  parlant  de  lui,  sa  méchan- 
ceté, sa  perversiîé;  dites  sa  DIabolicité.  Affirmez, 
en  conséquence,  la  Diaholicité  de  tel  pape  empoi- 
sonneur, incestueux,  parricide;  et  par  exemple, 
au  lieu  de  poire  éminence ,  vous  pouvez  très-bien 
dire  à  ce  sanguinaire  cardinal,  votre  DlahoUcitê, 

DiALOGiSME.  Longue  disputation.  Ils  sont  tom- 
bés ,  lors  de  cette  querelle  littéraire ,  dans  un  Dia- 
logisme  qui  m'a  fait  abandonner  la  place. 

DiAMANTÉ.  On  dit  qu'il  y  avait  un  ci-devant 
monseigneur  qui  s'enfermait,  se  couvrait  de  ses 
gros  diamans ,  et  puis  passait  une  partie  de  sou 
temps  à  se  regarder  au  miroir.  Un  tel  individu,  à 
coup  sûr,  n'a  jamais  su  contempler  un  pommier 
en  fleurs.  Tout  lioramé  Diamanté  me  cause  une 
impression  si  désagréable,  que  je  me  fais  tou- 
jours quelque  effort  pour  lui  répondre,  quand  il 
m'interroge. 

DiAMANTER.  Un  homme  Diamanté  me  fait 
fréiiiir;   pourquoi  cela? 

Vois  les  rayons  de  l'astre  bienfesant  Diamanler 
les  larmes  de  l'aurore  :  qui  a  pu 'souligner  cette 
expression  ?  Un  sot. 

Diaprés.  Tous  les  senliei^s  que  nous  parcou- 
rûmes ,  étaient  Diaprés  de  fleurs  nouvellement 
écloses.  On  ne  sait  pourquoi  le  Dictionnaire  de 


D  I  C  187 

l'Acaclémie  dite  française,  rejette  ce  principe  du 
verbe  diaprer,  qui  doit  être  rajeuni  lui-même, 
ru  qu'il  a  de  belles  couleurs  et  variées.  Ayez  soin 
de  Diaprer  ce  vasie  rideau  qui  décorera  l'avant- 
scène  de  mon  théâtre. 

DiCTAMEN.  Y  a-t-il  un  Dieu  ?  Toujours  de 
bonne  foi  avec  moi-^nème,  je  sens  se  joindre  à 
nies  raisonnemens  le  poids  de  l'assentiment  inté- 
rieur. Je  trouve  dans  ce  jugement  intérieur  une 
sauve-garde  contre  les  sopliismes  de  ma  raison. 
Craignons  qu'en  cette  occasion,  nous  ne  confon- 
dions les  penchans  secrets  de  notie  cœur  qui  nous 
égarent,  avec  ce  Dictamen  plus  secret,  plus  in- 
terne encore,  qui  réclame  et  murmure  contre  ces 
décisions  intéressées,  et  nous  ramène,  en  dépit  de 
nous,  sur  la  roule  de  la  vérité.  Et  après  tout, 
combien  de  fois  la  philosophie  elle-même,  avec 
toute  sa  fierté,  n'est-elle  point  forcée  de  recourir 
à  ce  Dictamen  qu'elle  affecte  de  mépriser?  N'est- 
ce  pas  lui  qui  seul  fesait  marcher  Diogène,  pour 
toute  réponse,  devant  Zenon  qui  niait  le  mou- 
vement? (/.  /.  Rousseau.) 

Dicton. 

Lisez-moi  comme  il  faut  les  quatrains  de  Pibrac. 

L'ouvrage  est  de  valeur  , 

Et  plein  de  beaux  Dictons  à  retenir  parcœur.  [Molière.)  (1) 

(i)  Ce  qui  vaut  mieux  que  de  beaux  Dictons  ,  ce  sont  de 
■belles  actions,  et  Pibrac  en  fit  toute  sa  vie.  Avocat  célèbre  avuut 


iS3  D  î  O 

Diffamé.  Ne  passez  point  par  là  ;  c'est  un  bois 
Difîamé  de  voleiu'i;.  , 

Diffusion.  La  révolution  de  l'Amérique  est 
l'époque  la  plus  importante  dans  le  cours  progres- 
sif des  événemens  humains  qui  tendent  à  la  per- 
fection de  l'espèce.  Cette  révolution  peut  produire 
une  Diffusion  générale  des  vrais  principes  sur  les 
droits  de  l'homnie,  et  procurer  aux  nations  les 
moyens  de  s'affrancliir  du  joug  de  la  superstition 
et  de  la  tyrannie.  (Mirabeau.) 

DiLECTiON.  La  charité  est  une  Dilection  sacrée. 
La  Dilection  est  un  amour  calme,  profond,  du  - 
rable,  sentimental.  Heureux  qui  trouve  la  Dilec- 
tion dans  le  vif  sentiment  de  l'amour!  Dilection 
filiale.  Ils  s'entr'aimaient  d'une  Dilection  vrai- 
ment fraternelle. 

DiLiGENTER.  Une  fois  entré  dans  le  chemin  de 
la  fortune,  il  faut  se  Diligenter. 

DiOGÉNiSME.  Il  parut,  en  1769  ,  un  ouvi'age 
intitulé,  Portjograplie  y  ou  Idées  cTuri  lionnéte 
ho  mine  sur  un  projet  de  règlement  pour  les  pyrostl- 
tuées  j  propjre  à  prévenir  les  malheurs  occasionnés 
par  le publicisnie  des  femmes  y  auec  des  notes  his- 
toriques et  JusLiJîcatiçes. 


d'être  poète  ,  il  écrivait  à  son  frère  :  &  Il  ne  manque  pas  de  pa- 
ie trons  à  gens  riches  :  ceux  qui  ne  le  sont  pas,  sont  sûrs  dVii 
<c  trouver  un  en  moi.  m  Et  jamais  il  ne  se  démentit  à  cet  égard- 


D  I  R  189 

Le  dessein  de  l'écrivain  est  de  concentrer  dans 
«ne  même  maison  toutes  les  filles  éparses  dans  la 
France,  et  d'en  former  une  espèce  d'ordre  reli- 
gieux consacré  à  Vénus,  dont  le  chef-lieu  serait 
Paris,  sous  le  nom  de  Parthénion ,  et  d'où  il  se 

ferait  des  émanations  dans  les  provinces L.es 

prix  seraient  depuis  six  sous  jusqu'à  un  louis 

Ce  traité  in-Q'\ ,  assez  volumineux ,  travaillé 
avec  le  plus  grand  soin,  calculé  avec  un<e  préci- 
sion unique,  ne  peut  manquer  d'être  l'objet  de 
l'élonnemeut  de  tous  ceux  qui  le  liront.  11  a  dû. 
coûter  beaucoup  de  travail  à  son  auteur,  qui, 
avec  une  tète  très-bien  organisée  ,  un  cœur  Irès- 
sensible  et  très-honnête,  peut  se  vanter  d'avoir 
produit  le  complément  de  l'extravagance  et  du 
Diogénisme.  (^Mém.  secr.  de  la  Répub.  des  lett,) 

Diplomate.  Ce  mot  est  presque  synonyme  de 
celui  d'ambassadeur  :  il  signifie  un  agent  nommé 
par  une  puissance  pour  traiter  avec  une  autre  sur 
leurs  intérêts  respectifs. 

Dire,  {le)  «Si  les  faicls  de  Xénophon  et  de 
«  César  n'eussent  de  bien  loin  surpassé  leur  élo- 
«  quence,  je  ne  crois  pas  qu'ils  les  eussent  jamais 
«  escrits.  Ils  ont  cherché  à  recommander  non  leur 
«  Dire,  mais  leur  faire.  »  {Montaigne.) 

Directrice.  Ce  mot  était  substantif,  quand 
jadis  on  le  donnait  à  une  nonne  chargée  de  gouver- 


39»  DIS 

ner  une  maison  religieuse;  de  nos  jours,  on  en  a 
fait  un  adjectif.  Exemple  : 

«  Que  ne  ferait-on  pas  de  la  poésie  dramatique, 
«  si  le  législateur,  plus  attentif  au  choix  des  sujets, 
«  savait  remployer  à  propos,  s'il  livrait  ses  lois 
«au  poète?  La  poésie,  d'accord  avec  la  législa- 
«  tion,  ferait  naîLre  certaines  maximes  fondamen- 
«  taies,  certaines  notions  Directrices  qui  épuré- 
es raient  le  code  des  lois  et  les  moeurs  nationales.  » 

DiscERNATEUR.  Si  l'ou  voit  tant  de  médians, 
c'est-à-dire,  d'aveugles  qui  prennent,  pour  arri- 
ver au  bonheur  que  nous  désirons  tous  également, 
une  route  qui  n'y  mène  que  bien  obliquement, 
c'est  qu'il  est  peu  d'esprits  véritablement  justes  , 
et  de  bons  Discernateurs  (  Rétif.  ) 

DiscoRD.  On  trouve  dans  les  Ho  races  : 

Puisque  chacun,  dit-il,  s'échauffe  en  ce  Discord  , 
Consultons  des  grands  Dieux  la  majesté  sacrée. 

En  ce  Discord  ne  se  dit  plus;  mais  il  est  à 
regretter.  (  Traitai rc.  ) 

Discord.  L'accord  et  le  Discord  ,  selon  un  an- 
cien philosophe,  sont  les  vrais  principes  de  l'uni- 
vers, et  les  deux  bases  de  sa  substance,  l'harmo- 
nie parfaite  se  composant  de  tous  les  élémen» 
non-seulement  différens ,  mais  contraires. 

Quand  le  Discord  règne  dans  la  cité ,  . 
Le  plus  méchant  tient  lieu  d'autorité. 


D  I  S  191 

Que  ces  vers  d'un  ancien  poêle  sont  vrais  et 
expressifs  ! 

DiscouTiTOis Ces  jeunes  personnes  dont 

la  naissance  relevait  la  beauté ,  ou  plutôt  dont 
la  beaulé  relevait  la  naissance ^  et  qui  ouvraient 
la  fêle  en  récitant  des  vers;  ces  dames  qui,  d'un 
mot,  arrêtaient  à  l'entuée  de  la  lice  le  Discour- 
tois chevalier  dont  une  seule  avait  à  se  plaindre.,.. 
Ces  idées,  ces  tableaux  flattaient  l'imagination  de 
M.  de  Sainte-Palaye,  à  qui  nous  devons  des  mé- 
moires sur  notre  ancienne  chevalerie.  (Charnfurt.) 

Discursif,  Ne  confondons  point  les  lerines 
usuels  et  Discursifs,  avec  les  termes  piopres  des 
sciences,  arts  et  métiers.  Veut-on  agrandir  le 
cercle  des  premiers?  c'est  alors  qu'il  faut  consul- 
ter l'analogie,  et  faire  son  choix  parmi  les  expres- 
sions qui  nous  sont  les  plus  connues  dans  les 
langues  mortes  où  nous  puisons,  et  dont  les  élé- 
mens  se  rapprochent  le  plus  de  ceux  qui  sont 
entrés  dans  la  composition  de  nos  mots  fran- 
çais. (  Louis  J^erdiire.  ) 

Disettes,  (au  pluriel.)  Elle  était  réduite  à  des 
Disettes  qui  feraient  horreur  à  réciter. 

DiSETTEUX.  C'est  un  peintre  Disetleux,  et  qui 
n'eu  est  pas  moins  attaché  à  sa  palette. 

Diseuse.  Cette  Cornéiie,  daiis  la  tragédie  de  la 
Mort  de  Pompée 3  tant  vantée  autrefois,  n'est-elle 


192  DIS 

pas  en  cent  enclroits ,  une  Diseuse  de  galimathias, 

et  une  feseuse  de  rodomonlades?  Ç/^' ollaire.) 

Disparité.  «  L'amitié  se  nourrit  de  commu- 
«  nications  qui  ne  peuvent  se  trouver  entre  les 
«  pères  et  les  enfans  ,  pour  la  trop  grande  Dispa- 
«riLé,  et  oifenceroit  les  devoirs  de  nature^  car 
«  ni  toutes  les  secrettes  pensées  des  pères  ne  peu- 
«  vent  se  communiquer  aux  enfans,  pour  n'y  en- 
«  gendrer  une  messéanle  privante ,  ni  les  adver- 
«  tissemens  et  corrections,  qui  est  un  des  premiers 
«  offices  d'amitié ,  ne  se  pourroient  exercer  des 
«enfans  aux  pères.»   (^Monlolgne.) 

Disparité.  Disparité  d'humeur  et  de  fortune , 
alil  c'est  plus  qu'il  n'en  faut  pour  dire  que  ce 
mariage  ne  sera  point  heureux. 

Disputant. 

Je  distinguai  toujours  tle  la  religion 

Les  iiialtieurs  qu'apporta  la  superstition 

J'ai  dit  aux  Disputans,  l'un  sur  l'autre  acharnés, 
Cessez,  impertinens  ,  cessez,  infortunés; 
Très-sots  enfans  de  Dieu ,  chérissez-vous  en  frères  , 
Et  ne  vous  mordez  point  pour  d'absurdes  chimères,  (f'^o//.) 

Disputeux.  On  se  querellait  depuis  long-temps 
sur  la  Trinité,  lorsqu'Arius  se  mêla  de  la  querelle, 
dans  la  Disputeuse  ville  d'Alexandrie,  où  Euclide 
n'avait  pu  parvenir  à  rendre  les  esprits  tranquilles 
et  justes.  {J^oltaire.) 

DisPUTOisoN.  Dispute   de  sols  ,  d'oisons.   Ce 

jnot 


D  î  S  uj3 

mot  se  trouve  dans  les  antiquités  gauloises  et  fian- 
çaises^  il  est  à  renouveler. 

Dissemblables.  Si  les  visages  n'étaient  pas 
Dissemblables  en  leur  forme  particulière ,  on 
ne  pourrait  pas  discerner  un  homme  d'un  autre; 
et  dans  un  même  pays,  les  visages  uniformes  en 
leur  composition  générale,  sont  très-divers  eu 
leurs  linéamens  singuliers.  (Le  père  Lemoine.) 

DissENTiEUX.  Si  le  Spectateur  Anglais  a  adouci 
l'humour  brusque  et  sauvage  d'une  noblesse  im- 
périeuse ;  s'il  a  retenu  dans  l'Iionnèleté ,  dans 
la  décence  ce  sexe  charmant  auquel  la  modestie 
donne  tant  de  grâces;  s'il  a  calmé  l'esprit  bouil- 
lant et  Dissentieux  qui  nourrissait  la  discorde 
chez  un  peuple  fier  de  sa  liberté,  pourquoi  le 
Spectateur  Français  ne  pourrait-il  pas  ramener 
la  pudeur  sur  le  front  de  la  beauté?  (  Delacroix.  ) 

Dissentiment.  O  nations!  quand,  parmi  vous, 
une  contestation  divise  des  individus,  des  fa- 
milles, que  faites-vous  pour  les  concilier?  Ne 
leur  donnez-vous  pas  des  arbitres? —  Oui,  s'écria 
unanimement  la  multitude. — Eh  bien,  donnez-en 
de  même  aux  auteurs  de  vos  Dissentimens. 

Disserteuse.  En  écrivant  à  madame  Dudef- 
faut,  Voltaire  lui  dit  :  «  Tout  l'ouvrage  de  Pope 
«  fourmille  d'obscurités.  Il  y  a  cent  éclairs  admi- 
<^  râbles  qui  percent  à  tous  momens  cette  nuit. 

Tome  I.  N 


3<)4:  D    O    L 

«  Ce  qui  est  beau  et  lumineux  est  votre  élément; 
«  ne  craignez  cependant  pas  de  faire  la  Disser- 
«teuse,  et  ne  rougissez  point  de  joindre  aux 
«  grâces  de  votre  personne  ,  la  force  de  votre 
«  esprit.  » 

DissiMiLiTUDES.  Quelques  philosophes  ont 
pensé  que  l'éternelle  puissance,  nécessairement 
unique ,  n'avait  qu'un  modèle  de  création  pour 
■un  monde  et  l'infinité  de  ses  Dissimilitudes. 

DocTORALEMENT.  Il  s'annonce,  il  parle,  il 
geste,  il  s'assied  Docloralement.  (^Moussard.) 

Doctoresse.  L'aspect  de  la  nature  défail- 
lante est  hideux  aux  yeux  des  enfans;  leur 
répugnance  que  j'aperçois,  me  navre,  et  j'aime 
mieux  m'abstenir  de  les  caresser  que  de  leur 
donner  de  la  gêne  et  du  dégoût.  Ce  motif  qui 
n'agit  que  sur  les  âmes  vraiment  aimantes, 
est  nul  pour  tous  nos  docteurs  et  Docto- 
resses. (  /.  /.  Rousseau.  ) 

Documenter.  Qu'ont  fait  les  tyrans  et  les 
prêtres  ?  ils  ont  originairement  et  successive- 
îuent  fait  la  loi  aux  plus  faibles,  et  Documenté 
les  plus  crédules;  puis.  ... 

Doléances.  Nos  anciens  éci-ivains  employaient 
le  mot  se  douloir  ,  dérivé  du  lalin  doLere  ;  nous 
avons  abandonné  le  verbe,  et  nous  avons  rajeuni 
le     substantif  Doléance  ,     autrefois     usité    aux 


D    O   M  ig$ 

époques  des  états -généraux.  Il  signifie  plainte 
sur  des  abus  dont  on  demande  la  réforme.  En 
Espagne,  il  signifie  la  clianson  langoureuse 
qu'un  amoureux  chante  la  nuit,  sous  la  fenêtre 
de  son  inhumaine,  et  qu'il  accompagne  de  sa 
guitare,  jusqu'à  ce  qu'un  rival  jaloux  vienne 
lui  faii-e  mettre  l'épée  à  la  main. 

Dolent.  Il  est  Dolent  depuis  plusieurs  jours, 
sans  qu'on  en  sache  la  cause. 

DoLEUX.  Pour  trompeur.  Il  dérive  de  Dol. 

DoLOSER.  (se)  Se  plaindre  mal  à  propos.  Il 
a  une  bonne  place  ,  sa  fortune  n'est  pas  mince ,  et 
on  l'entend  se  Doloser,  parce  qu'il  n'obtient  pas 
à  la  minute  tout  ce  qu'il  demande.  Je  n'écoute 
plus  ce  Dolosant. 

Domestique.  (Héros)  Je  lis  dans  Vannée 
Française,  tom.  3,  pag.  16  :  «  Le  nom  de  Nicolas 
«  Compian  volerait  de  bouche  en  bouche,  s'il 
«  était  de  Sparte ,  de  Rome ,  ou  même  de  Londres; 
«  il  est  Français,  et  à  peine  les  Français  le  con- 
«  naissent-ils;  comme  si  par-lout  un  bon  citoyen 
«  un  héros  Domestique  ne  méritait  pas  les  hom- 
«  mages  de  la  postérité!  » 

Un  héros  Domestique! 

Je  lis  dans  le  Calendrier  du  Peuple  Français 
page  5  : 

N  2 


it)6  DON 

«  Anne  Dacier  releva  ses  talens  par  la  pra- 
«  tique  des  vertus  privées  et  Domestiques.  » 

Cette  dame  que  vous  voyez  ,  a  bien  des  vertus 
Domestiques. 

Domestiquer.  Domestiquer  un  animal  sau- 
vage. Si  j'étais  né  souverain  ,  j'aurais  voulu 
Domestiquer  deux  lions  à  mes  côtés. 

Dominatrice.  Il  a  pu  exister  des  génies  plus 
créateurs,  et  des  orateurs  d'un  goût  plus  pai-fait 
que  Mirabeau;  mais  nul  n"a  fait  servir  une  élo- 
quence plus  Dominatrice  à  convertir  en  actes 
et  en  lois  les  hautes  pensées  de  la  philoso- 
phie. (  Garât.  ) 

Dominatrices.  Les  constitutions  Dominatrices 
ne  demandent  que  l'obéissance;  les  constitu- 
tions qui  assurent  la  liberté,  ont  besoin  d'a- 
mour. (Rœderer.) 

Dompteur.  Hercule  était  un  Dompteur  de 
monstres.  Antoine  lut  le  Dompteur  d'un  loup 
qui  fesail  d'effroyables  ravages  ,  et  qu'on  avait 
appelé  une  liiène.  Dompteur  de  ses  passions , 
voilà  le  héros. 

DoNATiF.  Bavius  donne  généreusement  un 
oeuf  pour  gruger  toute  une  basse-cour;  un  choux 
pour  avoir  tout  un  potager  ;  une  cerise  pour 
qu'on  lui  donne  tout  un  verger.  Il  y  a  donc  dans 
ce  monde  une  libéralité  fausse,  un  Donatif  in- 
téressé. 


D  O  R  197 

Donner.  (-5^)  «  Ceux  qui  savent  combien  ilg 
«se  doivent,  et  de  combien  d'offices  ils  sont 
«  obligés  à  eux ,  trouvent  que  nature  leur  a 
«  Donné  cette  commission  pleine  assez,  et  nnl- 
«  lement  oisive.  Tu  as  bien  largement  à  faire 
«  chez  loi  :  ne  t'esloigne  pas.  Mon  opinion  est 
«  qu'il  faut  se  prester  à  autruy  ,  et  ne  se  Donner 
«  qu'à  soy-mesme.  »   (  Montaigne.  ) 

DoNQUiciiOTisME,  Le  1  i  juin  1791  ,  l'assem- 
blée nationale  a  rendu  ini  décret  tendant  à  faire 
expliquer  Condé.  C'est  un  moyen  sûr  de  lui 
donner  une  haute  idée  de  son  imporlance.  Il 
fallait  mépriser  son  Donquichotisme,  et  le  laisser 
courir  par  monts  et  par  vaux ,  suivi  du  Sanclio 
Pança  Mirabeau.  (  Bonneville.  ) 

DoRELOT.  Mignon.   (  Bord.  ) 

DoRLOTEUR.  Il  traite  avec  trop  d'indulgence 
les  défauts  de  ses  élèves  5  ce  gouverneur-là  n'est 
qu'un  Dorloteur.  (Z/**.  ) 

DoROPHAGE.  Qui  vit  de  présens.  On  dit  que 
les  chefs  de  certains  bureaux,  sont  tons  plus 
ou  moins  des  Doroplîages-,  mais,  ainsi  que  M.  Jour- 
dain fesait  de  la  prose  sans  le  savoir,  ils  prati- 
quent, eux,  la  chose  sans  trop  en  connoître  le 
nom;  or  les  voilà  bien  avertis  de  leur  titre. 
Allez  trouver  le  Doropbage ,  agissez  en  consé- 
quence ,  et  votre  affaire  interminable  sera  ter- 

N  .5 


398         ■  DR  A 

minée.  Si  ces  chefs  n'allaient  plus  porter  d'autre 
nom,  comme  je  rirais! 

DoULOiR,  Il  ne  fit  que  se  Douloir  toute  la 
nuit.  Douloir,  venant  de  douleurs,  est  plus  ex- 
pressif que  gémir  ou  se  plaindre,  et  peint  d'ail- 
leurs la  souffrance  du  corps. 

DouTANCE  n'est  pas  doute  ;  c'est  la  crainte 
dans  le  doute.  11  ne  revient  point,  il  est  tard, 
il  a  traversé  cette  forêt;  j'ai  la  Doutance  d'un 
événement  fâcheux.  Il  se  portait  bien,  il  nour- 
rissait en  lui  la  Doutance  d'une  mort  prochaine. 

DouTEUR.  Quelques  gens  de  lettres  qui  ont 
étudié  l'Encyclopédie,  ne  proposent  ici  que  des 
questions,  et  ne  demandent  que  des  éclaircisse- 
mens.  Ils  se  déclaient  Douleurs  ,  et  non  doc- 
teurs.   (  Voltaire.  ) 

Douleur.  J'existe,  je  pense,  je  sens  de  la 
douleur;  tout  cela  est-il  aussi  certain  qu'une  vérité 
géométrique?  Oui,  tout  Douteur  que  je  suis, 
je  l'avoue.  Pourquoi  ?  c'est  que  ces  vérités  sont 
prouvées  par  le  même  principe  qu'une  chose  ne 
peut  être ,  et  ne  pas  être  en  même  temps.  Je  ne 
peux  pas,  en  même  temps,  exister  et  n'exisler 
pas,  sentir  et  ne  sentir  pas.  (^Voltaire.) 

Dramatiser.  C'est  un  grand  poète  que  Sha- 
kespeare, en  ce  qu'il  a  su  Dramatiser  l'histoire, 
sur-tout  celle  de  son  pays.  Après  lui,  j'ai  Dra- 


D  R  I  T99 

inatisé  niisloire  de  la  Ligue,  dans  deux  pièces 
théâtrales  qui  ont  quelque  mérile.  Racine,  dans 
Britannicus,  a  très-bien  Dramatisé  la  cour  de 
Néroii;  aussi  s'est-il  étayé  de  Tacite.  Corneille 
a  mal  Dramatisé  ses  dernières  pièces.  Les  feseurs 
de  tragédies  françaises  font  l'ire  l'étranger  ,  parce 
qu'avec  leurs  règles  enfantines,  ils  ne  savent  pas 
Dramatiser  les  plus  beaux  sujets  historiques. 

Dramaturge.  C'est  un  substantif  qualificatif 
dont,  il  y  a  trente  ans,  on  affublait  Mercier, 
Plusieurs  personnes  croyaient  ainsi  lui  dire  une 
injure.  Pauvres  gens!  dans  un  salon  doré,  livrés 
à  leur  égoïsrae,  ils  critiquaient  le  drame  au  mo- 
ment où  le  drame  soutenait  la  vertu,  touchait 
le  vice  même,  obtenait  les  applaudissemens  du 
vrai  goût  et  les  larmes  du  sentiment.  Honneur  aux 
Dramaturges!  (L.*  *  ) 

Draper.  Pour  battre;  par  extension  couvrir 
quelqu'un  de  sarcasmes.  Voltaire  est  nu  dans 
la  statue  de  Pigal  ;  on  en  fesait  la  remarque  : 
Eh  bien,  dit  un  plaisant,  Fréron  le  Drapera. 

Drilijer.  Synonyme  de  Chiffonnier.  Quand 
vous  tenez  ce  livre,  en  beau  papier,  bien  im- 
primé, bien  relié,  ornement  de  votre  bibh'a- 
thèque ,  vous  ne  songez  pas  au  pauvre  Drillier 
qui  a  commencé  le  long  des  ruisseaux  fangeux  ^ 
la  besogne  aujourd'hui  si  élégante  et  si.  propre; 

N  4 


200  D  Y  s 

DPvUD.  Vieux  mot  qui  signifiait  autrefois  très- 
fidèle  ami.  Qui  le  ramassera,  le  relèvera  pour 
le  remettre  en  plein  honneur? 

Achille  à  Drud  Patrocle  envoya  son  destrier 
(  c'est  un  grand  cheval  de  guerre.  ) 

Drue  signifiait  aussi  amie,  amante.  Agaraem- 
non  fit  de  Chryseis  sa  mie  et  sa  drue.  (  Borel.  ) 

Druidisme.  Le  Druidisme  n'est  pas  éteint  5  il 
vit,  il  se  propage.  Tous  les  druides  ne  sont  pas 
dans  les  forêts  5  ils  se  sont  couverts  d'éloles 
brillantes,  et  ont  coupé  leur  longue  barbe.  En- 
tendez ,  vous  qui  comprenez  \ 

DuPEUR  d'oreilles.  Celui  qui,  par  la  magie 
de  sa  lecture  ,  fait  écouter  un  très  -  médiocre 
ouvrage. 

Durablement.  Les  grandes  et  généreuses 
actions,  quoi  qu'on  en  dise,  sont  Durablement 
écrites  dans  la  mémoire  des  hommes  (3Iou6sard.) 

Duveteux.  Elle  tenait,  elle  embrassait  dans  ses 
jolies  petites  mains  un  oiseau  bien  Duveteux, 
Versificateurs,  emparez-vous  de  cet  adjectif,  et 
vous  traduirez  le  vers  de  Virgile  : 

Nido  implumes  detraxit. 

Dyscole.  Difficile  et  dédaigneux;  il  dérive  du 
grec.  On  l'adoptera  si  l'on  veut,  peu  m'importe. 
Je  connais  plus  d'un  Dyscole  au  talent  infime. 


E  C  E  201 

Jamais  Dyscole  n'a  eu  un  vrai  ou  un  aimable 
talent.J'allais  nommer  ici  vingt  Jiommes  de  lettres  : 
clml! 

E 

J1/BEP..NEUR.  «  Il  y  a  un  an  que  vous  vouliez, 
«  disiez-voLis  (écrit  Voltaire  à  d'Alembert),  ne 
«  faire  qtie  rire  de  tout ,  pour  vous  bien  por- 
«  ter.  aujourd'hui  vous  voulez  vous  fâcher,  et 

«  c'est  contre  Moïse  de  Montauban! Voilà  un 

«  plaisant  objet  pour  vous  échaufî'er  la  bilel  Eh 
«  pardieu!  laissez-le  devenir  historiographe  ,  ins- 
«  tituteur,  correcteur,  Eberncur  des  enfans  de 
u  FrancCj  et  tout  ce  qu'il  voudra.  » 

Ebêtemext.  lies  rois  ont  presque  toujours  fa->- 
vorisé  de  leur  mieux  l'Ebètement  du  peuple. 

Je  l'ai  vu  en  extatique  Ebêtement  aux  pieds  de 
la  statue  de  la  sainte. 

L'Ebètement  d'un  homme  de  lettres  vient  à  la 
suite  d'un  excès  d'amour-propre, 

EbÊtir.  Quand  les  Jacobins  l'eurent  Ebêti 
(saint  Louis),  ils  lui  proposèrent  de  se  faire 
moine  et  prêtre.  {^Voltaire.) 

EbriétÉ.  Un  homme  d'esprit  peut  bohe  quel- 
quefois un  peu  plus  qu'il  ne  faut;  mais  il  ne  va 
point  jusqu'à  l'Ebriété.  Les  fortes  tètes  sont  ma- 
lades, mais  l'ébriété  ne  les  attaque  point. 

EcERVELÉ.  C'est  le  nom  courant  de  nos  jeunes 


202  ECO 

gens.  Un  habit  d'Ecervelé  se  confeclionne  en  deux 
heures,  et  ne  doit  êlre  porté  que  douze  heures. 
Quand  noire  Ecervelé  a  endossé  le  surtout  bizarre, 
bravo!  dit-il,  à  merveille!  je  ne  me  connais  plus; 
je  suis  d'un  ridicule  consommé.  Le  tailleur  rit  le 
premier,  et  ses  ciseaux  semblent  gronder  sous  sa 
main  en  suivant,  le  jour  d'après,  de  nouveaux 
contours  tracés  par  la  folie.  Qui  ci^oirait  que  cet 
Ecervelé  parle  politique  ? 

EcHELLER.  «Si  avons-nous  beau  mouter  sur  des 
<(  échasses,  encore  faut-il  marcher  avec  nos  jam- 
«  bes,  et  au  plus  eslevé  trône  du  monde,  si,  ne 
«  sommes-nous  assis  que  sur  notre  cul.  Nos  opi- 
«  nions  s'entent  les  unes  sur  les  autres.  La  pre- 
«  mière  sert  de  tige  à  la  seconde,  la  seconde  à  la 
«  troisième  :  nous  Eschellons  ainsi  de  degré  eu 
«  degré,  et  advient  de  là  que  le  plus  haut  monté 
«  a  souvent  plus  d'honneur  que  de  mérite,  car  il 
«  n'est  monté  que  d'un  grain  sur  les  espaules  du 
«  pénultième.  »  (  Montaigne.  ) 

EcoLiÈRE.  Erreur ,  sottise  ,  arrogance  ,  pré- 
somption Ecolière.  Certain  correspondant,  dans 
tout  ce  qu'il  écrit  et  dans  tout  ce  qu'il  écrira,  n'est 
mu  et  ne  sera  mu,  jusqu'à  cent  ans,  que  par  une 
vanité  purement  Ecolière.  Pauvre  homme  !  tu 
as  passé  toute  ta  vie  à  regarder  des  cirons  au  bout 
de  ion  nez. 

Dana  la  fougue  de  l'âge  on  le  vit  disserter  , 
Et  le  mot  qui  le  clioi^ue,  est  le  mot  inventer. 


E  C  R  20.Ï 

EcoRNiFLER.  Ecornifler  les  tables,  est  le  propre 
ou  d'un  indigent,  ou  d'un  homme  qui  se  respecte 
peu.  L'écornifleur  ne  se  doule  pas  que  rien  n'est 
plus  cher  qu'un  dîner  que  l'on  ne  paie  pas.  Plus 
on  est  pauvre ,  plus  il  faut  manger  à  ses  propres 
dépens. 

Ecrasement.  On  écrase  sans  pitié  une  mouche, 
un  insecte,  et  l'on  ne  volt  pas  sans  peine  égorger 
un  bœuf.  Pourquoi?  C'est  que  dans  un  grand  ani- 
mal, l'effusion  du  sang,  les  convulsions  de  la 
souffrance  rappellent  à  la  mémoire  un  sentiment 
de  douleur  que  n'y  rappelle  point  l'Ecrasement 
d'un  insecte.  (  Helvéluis.  ) 

Ecrasement.  On  parle  à  Paris  de  police  ;  on  y 
fait  des  réglemens  prohibitifs  de  toute  couleur  :  on 
a  à  la  bouche  les  mots  Immanité ,  philaniropie , 
et  chaque  jour,  sous  les  roues  de  l'infernal  ca- 
briolet, je  vois  l'Ecrasement  de  mes  propres  con- 
citoyens \  forfait  qui  semble  être  autorisé  en  fa- 
veur de  quelques  riches  qui  méprisent  insolem- 
ment la  vie  des  autres.  Rayez  donc  le  mot  police 
de  la  langue,  vous ,  préfet  de  police ,  et  substiluez- 
y  Ecrasement. 

EcRiVAiLLERiE.  «  Il  devroit  y  avoir  quelque 
«  coerction  des  I|^  contre  les  écrivains  ineptes  et 
«  inutiles,  comme  il  y  en  a  contre  les  vagabonds 
«  et  fainéans.  On  banniroit  des  mains  de  nostre 
V  peuple ,  et  moi,  et  cent  autres  5  ce  n'est  pas 


20 i  E  D  U 

«  morjuerle.  L'Ecrlvaillerie  semble  être  quelque 

«  symptôme  d'un  siècle  débordé.  »  [Montaigne.) 

EcRTViSTE,  Maître  àécrire.  Le  talent  de  l'homme 
qui  montre  à  la  jeunesse  les  principes  de  l'écri- 
ture, doit  sans  doute  être  honoré^  mais  la  raison 
et  les  convenances  veulent  impérieusement  qua 
le  mot  écrivain  ne  soit  pas  appliqué  et  au  maître 
d'écriture  ,  et  au  grand  homme  dont  le  génie 
éclaire  ses  semblables. 

Comment  laisser  la  qualification  dont  s'hono- 
raient Platon,  Montesquieu,  etc.  à  ce  pauvre 
diable  qui,  tapi  dans  sa  baraque,  montre  à  mal 
former  quelques  lettres  aux  porteurs  d'eau  de  son 
coin,  et  quelquefois  leur  sert  de  secrétaire?  (i"^. ) 

Editer.  Il  faut  avoir  du  courage  pour  ouvrir 
le  livre  intitulé  ,  la  Caverne  de  la  Mort.  On  a 
lieu  de  s'étonner  qu'un  libraire  ait  osé  l'Editer,  (i?.) 

Educateur.  Vie?,  professeurs  d'histoire!  EIiI, 
pauvre  disciple,  prends  un  livre  et  lis.  Ton  pro- 
fesseur inventera-t-il  l'histoire  ?  Un  incendie  a- 
t-il  ravagé  toutes  nos  bibliothèques? Les  véritables 
Educateurs  sont  les  livres.- 

On  ne  parle  que  d'éducation  ;  mais  la  première 
chose  serait  de  former  des  Educateurs. 

Oji  dit  Educateurs  de  bestiaux,  Educateurs  de 
poulardes  du  Mans. 

Je  le  paierais  très-volontiers ,  et  même  double 
(dit  le  père  en  présence  du  juge),  si  ce  malheu- 


E  F  F  2o5 

reux  m'avait  rendu  mes  eiifans  tels  que  je  devais 
naturellement  l'espérer Après  les  avoir  inter- 
rogés, et  avoir  enlenda  toutes  leurs  inepties,  le 
mandarin  porta  celte  sentence  mémorable  :  «Je 
«  condamne  cet  Educateur  à  la  mort,  comme  ho- 
«  micide  de  ses  élèves ,  et  leur  père  à  l'amende  de 
«  trois  livres  de  poudre  d'or,  non  pour  l'avoir 
«  cliolsi  mauvais,  car  on  peut  se  trorajoer,  mais 
«  pour  avoir  eu  la  faiblesse  de  le  conserver  si 
«  long-temps.  » 

Edlquer.  Elever,  nourrir  les  enfans^  et  leur 
cultiver  l'esprit;  du  latin  ediicare.  Un  enfant  mal 
éduqué  ,  quoi  de  plus  commun  depuis  douze 
années  ! 

Effacer,  (i")  Sous  le  despotisme  légionnaire 
des  empereurs,  les  héros  des  derniers  siècles  de 
Rome  craignaient  d'effaroucher  par  leurs  victoires 
une  tyrannie  qui  n'était  fondée  que  sur  les  armes, 
et  s'Effaçant  dans  le  nombre  des  esclaves,  ils 
lâchaient,  par  leur  modestie,  de  se  faire  pardon- 
ner d'avoir  vaincu.  (^Mirabeau.) 

Effectiver.  Rendre  effectif  5  ce  que  n'exprime 
pas  le  mot  effectuer.  (P.) 

Effémination.  On  recherche  les  causes  de  la 
corruption  des  Romains,  et  du  bouleverseiuent  de 
la  république  :  il  n'en  est  pas  d'autre  que  l'abâtar  - 
dissement  et  l'Effémination  des  races  romaines  à 


2o6  K  F  F 

la  ville.  Tant  que  les  jeunes  praticiens  travaillèrent 
à  la  terre,  ils  furent  vertueux.   [Rétif.) 

Loin  d'être  orgueilleux  de  ma  beauté,  elle  ne 
me  paraissait  qu'une  EfFémination  dégradante , 
contraire  à  mes  vues  de  montrer  un  air  mâle  qui 
me  fit  respecter  des  jeunes  filles  de  mon  âge,  au 
lieu  de  m'en  faire  cajoler.  (Idem.) 

Efféminiseur.  Tous  ces  prétendus  Anacréons 
qui  ne  chantent  que  la  paresse  et  la  volupté,  ne 
sont-ils  pas  nos  Efféminiseurs ?  (L**.) 

Efff.té.  Heureux  temps  où  j'errais  dans  les 
campagnes  solitaires ,  à  S  *  *!  où  je  ne  desirais  pas 
ces  plaisirs  trompeurs  qui  m'ont  perdu.......  vous 

ne  reviendrez  plus  I  Repos ,  contentement  inté- 
rieur, paix  de  l'ame,  joie  du  cœur,  je  ne  vous 
goûterai  plus!...  Mou  ame,  comme  une  terre  aban- 
donnée à  l'avide  mercenaire,  est  Effélée.  (Rétif.) 

Effeuiller.  Tout  auteur  est  d'avis  que  louan- 
ger  autrui  en  sa  présence,  c'est  Effeuiller  incivi- 
lement  sa  couronne  de  lauriers. 

Efficiente.  Quelle  est  la  cause  Efficiente  de 
toutes  choses?  Un  seul  Dieu  gouvernant  tout. 
Admettre  l'éternité  de  la  matièi-e,  un  principe 
passif,  c'est  folie. 

Effigier.  Etfigier  en  cire  les  hommes  célèbres. 
Effigier  le  voleur  qui  ne  s'est  pas  laissé  prendre. 


EGO  207 

Ne  consentez  pas  à  ce  que  Ton  vous  Effigie  lorsque 
vous  u'èles  plus  jeune. 

Effrénement.  EsL-i]  toujours  donné  à  l'homme 
de  retenir  l'ElFrénement  de  ses  passions? 

Egaliser «  Si  c'était  la  gravité  des  délits 

«  qui  déterminassent  l'étrange  incognito  que  l'on 
«  garde  sur  les  prisonniers  de  la  Bastille  ;  si  l'on 
«  ne  couvrait  de  ce  voile  funèbre  que  des  hommes 
(t  dévoués  par  leurs  forfaits  à  un  supplice  pro^ 
«  cliain,  on  aurait  au  moins  une  excuse.  Non;  la 
«  Bastille,  coiume  la  mort.  Egalise  tous  ceux 
«qu'elle  engloutit.»  (^Linguet.) 

La  nature  et  la  prov  idence  Egalisent-elles  les 
lots  entre  leurs  enfans  ?  C'est  une  question  diffi- 
cile à  résoudre. 

Egayeur.  * 

Le  son  du  flageolet  est  un  son  Egayeur.  (  Z.  *  *.  ) 

Ego.  On  disait  d'un  homme  personnel  :  C'est 
monsieur  Ego. 

EgoÏser.  Parler  de  soi  un  peu  trop.  On  ne 
saurait  reprocher  à  l'auteur  du  fameux  Compte 
rendu  (M.  Necker),  que  de  trop  Egoïser.  Tout 
poète  Egoïse  avec  plus  ou  moins  d'adresse. 

Un  égoïste  n'est  pas  toujours  un  Egoïseur;  il  se 
voile  mieux. 

Egoïser.  [s')  Pauvres  philosophes,  vous  perdez 
toute  votre  science  !  Cessez  enfin  de  répandre  une 


2o8  E  L  A 

morale  épurée  ,   de  ne  pi-ècher  que  l'iniion   et 
l'amour  mutuel;  loin  ces  tableaux  qui  appellent    ^ 
sans  cesse  les  regards  sur  les  besoins  du  malheu- 
reux I  Alors  vous  pouri'ez  espérer  de  plaire  dans 
nn  monde  où  chacun  s'Egoïse.  (2>**.) 

Ejouir.  (  s'  )  «  Indiscrette  nation  !  nous  ne 
«  nous  conlenLons  pas  de  faire  savoir  nos  vices  et 
«  folles  au  monde  par  répulalion;  nous  allons  aux 
«  nations  étrangères  pour  les  leur  faire  voir  en 
«  présence.  Mettez  trois  François  aux  déserts  de 
«  Lybie;  ils  ne  seront  pas  un  mois  ensemble  sans 
«  se  harceler  et  esgraligner.  V  ous  diriez  que  celte 
«  périgrination  est  une  partie  dressée  pour  donner 
«  aux  étrangers  le  plaisir  de  nos  tragédies  ,  et  le 
«  plus  souvent  à  tels  qui  s'Enjouissent  de  nos  maux 
«  et  qui  s'eji  moquent.»   {Montaigne.) 

Ejouir.  («')  «  Celui  qui  veut  se  jouer  et 
«prendre  son  plaisir  (disait  Plutarque)  il  faut, 
«par  raison,  ce  me  semble,  qu'il  en  use  avec 
«  ses  compagnons,  de  manière  que  ceux-ci  s'Ejouis- 
«  sent  du  même  passe-temps  que  lui,  et  ne  pas  faire 
«  comme  ces  petits  enfans  qui  jettent  des  pierres 
«  aux  grenouilles  ,  tandis  qu'elles  ne  px'ennent 
«  point  plaisir  à  ce  jeu-là,  d'autant  qu'elles  en  meu- 
«  rent  à  bon  escient,  les  pauvres  bêtes!  »  [Amyot.') 

Elaborer.  Travailler  av^ec  soin,  du  latin /aèor; 
de  même,  élaboration,  travail  soigné. 

ElaeourÉ.  «  Nous  voyons  qu'au  don  de  l'élo* 

«  quence , 


E  M  A  209 

«  quence  ,  les  uns  ont  la  facilité  et  la  prompti- 
«  lude,  et,  comme  on  dit,  le  bonte-hors  si  aisé, 
«  qu'à  chaque  bout  de  champ  ils  sont  prests;  les 
«  autres  ,  plus  tardifs  ,  ne  parlent  jamais  rien 
«  qu'Elaboré  et  prémédité.»  {Montaigne.) 

ElimÉ.  Il  n'a  point  Elimé  son  génie  dans  le  frot- 
tement des  querelles  littéraires. 

Elimination.  Les  gouvernans  s'honorent  par 

l'Elimination  des  adulateurs  (Z»**.) 

Elire.  Ce  mot  était  à  peine  connu  avant  la  ré- 
volution; le  peuple  même  l'estropiait  dans  les  pre- 
mières élections  qu'il  a  faites,  et  il  était  très- 
commun  d'entendre  d'honorables  membres  dire  : 
On  a  Eli  M.  teLpourprésident.  (Dicl.  national.  ) 

Elogier.  Tout  Elogier,  est  presque  aussi  ridi- 
cule que  de  tout  censurer. 

Elogiste.  Elogiste  est  pour  les  choses  ordi- 
naires de  la  vie,  ce  que  panégyriste  est  pour  \q$ 
choses  extraordinaires. 

Eludeur.  Voyez  comme  il  évite  de  traiter  la 
question;  il  vous  échappera  sans  cesse  :  c'est  un 
Eludeur  éternel  ,  et  qui  feint  de  ne  pas  vous 
entendre. 

Emanateur.  Tout  vient  de  toi,  grand  Emaua- 
teur  de  ce  monde^  {Trad.  de  Sterne.) 

Emanciper,  La  dernière  gueri-e  (en  Amérique) 
Tome  L  Q 


2io  E  M  B 

a  fait  un  grand  bien  dans  son  principe  et  dans  ses 
progrès,  en  semant  parmi  les  nations  des  opinions 
saines  sur  les  droits  du  genre  humain  et  sur  la 
nature  d'un  gouvernement  légitime  5  en  excitant 
universellement  cet  esprit  de  résistance  à  la  ty- 
rannie qui  a  déjà  Emancipé  une  des  contrées  de 
l'Europe  (  l'Irlande  )  ,  et  qui  probablement  eu 
Emancipera  d'autres.  (^Mirabeau.) 

Embandé.  Infailliblement  '  un  enfant  dont  le 
corps  et  les  bras  sont  libres ,  pleurera  moins  qu'un 
«nfant  Embandé  dans  un  maillot.  (/.  /.  Rousseau.') 

Que  n'a  pas  fait  la  théologie  scholastique  pour 
nous  Erabander  l'esprit ,  le  j  ugement  et  la  raison  ? 

Embarrassément.  On  parle  ici  d'un  homme 
lionnête  qui  aimant  sa  Femme,  est  séduit  mal- 
gré lui  par  une  actrice.  «D'Alzan  vient  d'arri- 
«  ver 5  il  est  réservé  ,  modeste,  presque  honteux, 
u  croyant  sans  doute  que  tout  le  monde  lit  dans 
«  ses  yeux  le  secret  de  son  cœur.  Il  est  venu 
<(  m'embrasser ,  avec  un  front  nuage ,  de  cet 
«  air  Embarrassément  fier  qui  semble  dire  aux 
K  gens  :  Je  boude  de  peur  d'être  grondé.  >>  (  Rétif.  ) 

Embaumeurs.  Les  Egyptiens  étaient  si  jaloux , 
qu'on  les  a  même  accusés  de  craindre  les  Embau- 
meurs. (  De  Paiv.  ) 

* 

E  H  B  E  S  o  G  N  E  R,    «  Je  me  console  aisément 


E  M  B  211 

«de  ce  qui  adviendra  ici,  quand  je  n'y  serai 
«  plus.  Les  choses  présentes  m'Embesognent 
«  assez.  »  (  Montaigne.  ) 

Au  mot  Embesogner,  essayez  de  substituer 
un  autre  mot,  sans  le  secours  d'une  péiûphrase , 
et  vous  verrez  combien ,  par  sa  précision ,  il 
nous  est  nécessaire. 

Embesoigner.  {s")  «  Ce  n'est  pas  à  dire  que 
«  ce  ne  soit  une  belle  et  bonne  chose  ,  que  le 
«  bien-dire,  mais  non  pas  si  bonne  qu'on  la  fait, 
«  et  suis  despité ,  de  quoy  nostre  vie  s'Embe- 
«  soigne  toute  à  cela.  »  (^Montaigne.) 

Emblématiser.  D'emj)lématique.  C'est  la  mort 
de  la  peinture  que  d'Emblématiser  les  tableaux  t 
rien  de  plus  froid  que  toutes  ces  figures  symbo- 
liques! Le  grand  Bastringue  départemental  que 
l'on  voit  autour  de  la  colonne  triomphale,  est 
une  conception  bien  ridicule.  Payez  donc  des 
millions  pour  ces  hautes  extravagances  d'archi- 
tectes !  —  Quand  vous  verrez  que  dans  une  répu- 
blique ,  l'écrivain,  pour  faire  passer  un  trait 
Emblématisera  son  style  ,  assurez  hardiment 
qu'il  n'y  a  plus  de  liberté.  On  me  dira  :  Qu'est-ce 
que  bastringue  ?  Foyez  la  définition  du  Cousin 
Jacques, 

Embler.  Enlever ,  dérober  précipitamment 
ou   avec    violence  :  de  -  là   vient    l'expression 

O    2 


313  E  M  B 

prendre  une  ville  d'emblée,  emporter  une  affaire 
d'emblée. 

FiMBOiRE.  (*'^  Il  faut  s'Emboire  d'un  auteur, 
si  l'on  veut  le  bien  traduire,  et  en  général  il 
faut  s'Emboire  d'un  ouvrage  de  longue  haleine 
pour  en  porter  un  jugement  sain.  On  a  vu 
Brossette  s'Emboire  de  Boileau  ,  et  l'abbé  Tru- 
blet,  de  Fontenelle,  au  point  que  les  commen- 
tateurs connaissaient  mieux  telle  page  du  livre, 
que  son  propre  auteur. 

Tel  qui  s'est  Embu  de  Virgile  et  de  Racine , 
n'en  écrit  pas  mieux  pour  cela. 

Emboiture.  Comme  les  os  se  plaisent  en  leur 
Emboiture  naturelle  ,  ainsi  les  hommes  au  pays 
qui  les  a  vu  naître.  (Mofitaigne.) 

Embrasser.   ( Z'  )  «  Au  retour  du  printemps , 
«les  béliers    poursuivoyent  les  brebis   qui   n'a- 
«  voyent  point  encore  aignelez ,  et  après  qu'ils 
«  les  avoyent    arrestées ,    sailloyent  chacun    la 
«  sienne.   Autant  en  faisoyent  les  boucs  auprès 
«des    chèvres,  saultantz  à  l'envi   :   toutes    les  • 
«  quelles  choses  eussent  pu  inciter  des  vieillards 
u  refroidis  à  désirer  la  jouissance  d'amour,  et  par 
«  plus  foi^te  liaison  ,  ces  deux  jeunes  personnes 
«  (Daphnis  et  Chloé),  qui  estoyent  en  la  pre- 
«  mière  fleur  de  leur  jeunesse  ,  et  qui  pourchas- 
«  santz  de  long-temps  le  dernier  but  de  conten- 
«  lement  d'amour  ,  brusloyeut  en  oyant  ce  qu'ils 


E  M  E  5t5 

«  oyoyeiit,  et  se  fondoyent  de  désir,  en  voyant 
«  ce  qu'ils  voyoyent ,  cherchant  quelque  chose 
«  qu'ils  ne  pouvoyent  trouver  oultre  le  baiser 
«  et  l'Embrasser.  »  (^Amyot.  ) 

Embrasseur.  Ah  !  monsieur  rincommode 
Embrasseur  que  je  rencontre  quelquefois,  soyez 
l'Embrasseur  de  madame  et  non  le  mien!  Point 
d'embrassade  d'homme  à  homme ,  un  serrement 
de  main. 

E31BUCHEMENT.  Piège  tendu  dans  les  forêts 
ou  dans  les  bois  5  trahison  voilée  ou  téné- 
breuse. (  Borel.  y 

Emender.  Corriger,  rectifier;  du  latin  emen- 
dare:  de  même,  émendation,   correction. 

Emériteh.  Avoir  bien  servi  dans  un  corps 
pendant  un  certain  nombre  d'années,  ce  qui  en- 
traîne honneurs  ou  récompense,  l^a  récompense 
chez  les  Romains  s'appelait  Eméritat;  d'où  les 
professeurs  de  défunte  université  firent  Emérile;: 
ils  touchaient  une  pension.  On  peut  être  Emérite 
sans  avoir  pour  cela  Emérité.  On  a  vu  Voltaire 
EraérJter  sur  le  Parnasse,  tandis  qu'un  autre, 
de  son  âge  ,  n'était  qu'un  Emérite  ;  mais  la  vie 
est  si  courte  et  les  travaux  sont  si  longs  ,  qu'il 
est  Juste  d'accorder  à  tout  Emérite  un  Eméritat, 

Emerveillement.  Mon  Emerveillement  dure 
loujoui's,   que  le  fils   de  Sa,muel  Bernard  nous 

O  Ty. 


2t4  E  M  O 

ait  fait  banqueroute,  et  qu'il  ait  trouvé  le  secret 
de  fricasser  huit  millions  obscurément  et  sans 
plaisir,  (  V^oltaire.  ) 

Eminer.  J'aimerais  mieux  Eminer  en  pouvoir 
qu'en  richesses,  en  esprit  qu'en  pouvoir,  en  vertu 
qu'en  esprit. 

Combien  il  Emiuait  en  poésie,  ce  Virgile,  à 
qui  le  suffrage  de  chaque  siècle  donne  un  laurier 
de  plus!  (i>**.) 

EmivriÉLER.  Emmiéler  un  homme  en  place  : 
Emmiéler  un  propos.  Un  courtisan  sait  Emmiéler 
toutes  ses  paroles.  Les  femmes  savent  Emmiéler 
leur  haine  quand  elles  ont  préparé  leur  piège. 

Emmurer.  Entourer  d'un  mur.  Emmurer  les 
humains,  souvent  rinnocence.  On  a  vu,  pour 
ainsi  dire ,  la  moitié  de  la  nation  Emmurer 
l'autre. 

Emoi.  Le  traître  reconnut  le  portrait,  et  son 
Emoi  le  fit  pâlir. 

Emoi.  Vous  a-t-on  peint  le  triste  Emoi  qu'é- 
prouva la  capitale ,  lorsque  le  prince  Lambesc 
tira  le  sabre  au  milieu  des  Tuileries?....  Il  fallut 
bien  s'armer.... 

Emolumenter.  D'émolument.  Vouloir  pro- 
fits, gains,  avantages  casuels.  Vous  croyez  bon- 
nement que  l'on  monte  à  ces  hautes  et  dilïiciles 
places  pour  ne  pas  Emolumenter?  Détrompez- 


E  M  P  2i5 

vous,  plus  on  a,  plus  on  veut  avoir.  Il  n'avait 
rien  il  y  a  deux  ans,  le  voilà  déjà  Emolumenté. 

Emonstiller.  L'indolence,  la  froideur,  Tin- 
sensibilité  de  mademoiselle  L.  *  *  allaient  à  un 
point  incroyable;  il  était  également  impossible 
de  lui  plaire  et  delà  fâcher,  et  je  suis  persuadé 
que  si  l'on  eût  fait  sur  elle  quelque  entreprise  , 
elle  se  serait  laissé  faire  ,  non  par  goût ,  mais 
par  stupidité.  Sa  mère  en  lui  donnant  un 
jeune  maître  de  chant  ,  fesait  tout  de  son 
mieux  pour  l'EmonsLiller,  mais  cela  ne  réussit 
pas.  (  /.  /.  Rousseau.  ) 

Empenné,  Qu'y  aurait-il  de  plus  beau  dans 
le  monde,  qu'un  jeune  homme  de  dix-huit  ans  , 
ailé ,  Empenné  et  traversant  les  airs  eu  créature 
céleste  ? 

EmpériÈre.  «  Est-il  possible  de  rien  imaginer 
«  de  si  ridicule  que  cette  misérable  et  chétive  créa- 
«  ture,  qui  n'est  pas  seulement  maîtresse  de  soi, 
«  exposée  aux  ofl'enses  de  toutes  choses ,  se  die 
«  maîtresse  et  Empérière  de  Tvinivers,  duquel 
«  il  n'est  pas  en  sa  puissance  de  cognoistre  la 
«  moindre  partie  ,  tant  s'en  faut  de  la  com- 
«  mander  I  »   (  Montaigne.  ) 

Emphaser.  Outrer  l'expression,  le  ton,  la 
voix,  le  geste.  Qui  Emphase,  n'est  pas  sûr  de 
Uii-mème.  Ee  comble  du  ridicule,  c'est  d'Era- 
phaser  la  critique  dan-s  un  journal  éphémère, 

O  i 


2i6  E  M  P 

EmpiégÉ.  Qui  est  pris  dans  un  piège.  Il  avait 
dressé  des  embûches  sur  les  pas  de  son  adver- 
saire, et  lui-même  s'est  trouvé  Empiégé. 

Empirance.  D'empirer.  L'Empirance  du  mal 
annonce  sa  fin  prochaine.  E'Empirance  de  sa 
mauvaise  conduite  me  fait  augurer  que  le  vice 
l'emportera  chez  lui  sur  un  reste  de  pudeur, 
et  que  c'est  un  homme  mort  à   toute  vertu. 

Empirement.  Nos  moeurs  sont  extrêmement 
corrompues,  et  penchent  d'une  fatale  inclination 
vers  TEmpiremeut.  [Montaigne.) 

L'Empirement  de  l'opiniâtreté  annonce  la 
chute  d'un  homme  en  place.  Pour  empêcher 
l'Empireraent  d'un  vice,  il  faut  d'abord  l'avoir 
su  reconnaître  en  soi.  La  maladie  du  corps  ou 
de  l'ame ,  très-souvent  n'est  rien  5  c'est  l'Erapi- 
rement  cpn  devient  dangereux  ou   funeste. 

Empoigné.  Il  fut  Empoigné  par  le  pi-évôt  ; 
cela  est  plus  expressif  que  de  dire  il  fut  ai"rêté. 

Emporteur.  Dans  ma  jeunesse,  j'ai  vu  en 
carême,  arrêter  le  dîner  du  prince  de  Condé , 
qu'on  lui  portait  de  son  hôtel  au  jeu  de  paume 
de  la  rue  Mazarine.  Les  eslafiers  de  je  ne  sais 
quelle  juridiction,  avaient  saisi  le  potage  et  les 
poulardes  de  son  altesse  sérénissime.  Ces  puéri- 
lités ont  pris  fin,  mais  quelques  sots  gémissent 
encore  de  l'abolition  de  rancienne  rigueur,  qui 


E  N  A  217 

plaçait  dans  les  rues  des  Emporleurs  de  tous  lea 
diners  accommodés  au  gras. 

Emprunteur.  Les  grands  ne  payent  point 
leurs  dettes  ,  ainsi  que  font  les  petits  ;  les  grands 
Empruntent  éternellement  aux  in di gens  qiii , 
long-temps  mangés,  se  réunissent  enfin,  et  par- 
viennent à  dissoudre  la  fortune  du  superbe  Em- 
prunteur. 

Emulateur.  Racine  fut  l'émule  de  Coi^neille, 
et  Voltaire  l'Emulateur  de  l'un   et  de  l'autre. 

Emulatrice.  Ce  que  Ton  n'a  point  encore  vu, 
ce  sont  deux  comédiennes  du  même  emploi  , 
noblement  Emulatrices  l'une  de  l'autre,  et  non 
rivales  haineuses. 

Emuler.  Il  est  nécessaire  de  savoir  bien  fi- 
gurer ses  lettres,  car  une  mauvaise  écriture  res- 
semble au  bredouillement  de  la  parole  ;  mais  un 
caractère  lisible  suffit.  C'est  perdre  son  temps 
que  de  vouloir  Emuler  Rossignol ,  grand  maître 
en  l'art  de  l'écriture,  et  non  en  l'art  décrire. 

Enamouré.  «  L'autre  hier,  ce  me  dit  Bazu  , 
«  j'avisois  au  sermon  ,  tes  œillades  Enamourées 
«  et  tes  soupirs  aller  à  ma  sœur  Blanche,  et  aussi 
«  j'avisois  ses  regards  radoucis  se  tourner  de- 
«  vers  toi,  puis  vos  visages  rougir,  pviis  vos 
«  yeux  se  baisser,  ce  qui  est  symptômes  d'a- 
«  mour.  ))  (  Sauvigny.  Blanche  Bazu.  ) 


2i8  ,  E  N  C 

Encachotés.  J'ai  été  prisonnier  treize  mois^ 
mais  je  n'ai  été  Encachoté  que  quarante  -  sept 
jours.  Dans  les  décombres  de  la  Bastille  ren- 
versée, on  trouva  deux  squelettes  liés  par  une 
chaîne  de  fer,  et  encachotés;  on  n'a  pLi  savoir 
depuis  quel  nombre  d'années.  J'ai  créé  en  1789, 
l'expression  d'Encachotés,  qui  fut  copiée  et  ré- 
pétée par-tout,  en  annonçant  le  premier  ce  fait 
dans  les  fameuses  Annales  patriotiques  et  litté- 
raires,  qui  furent,  j'ose  le  dire,  le  grand  souf- 
flet de  forge  de  nos  armées ,  et  la  trompette  la 
plus  éclatante  de  notre  grande  révolution,  lors- 
qu'elle était  encore  belle,  intacte  et  pure.  Je  me 
souviens  qu'Encacholés  produisit  un  formidable 
effet.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  je  suis 
néologue,  car  je  nie  suis  plu  à  l'ctre  dans  tous 
mes  écrits,  et  sur-tout  dans  ces  Annales  patrio- 
tiques,  où  j'ai  si  bien  défendu  les  droits  de  la 
nalion  contre  ses  ennemis  et  ses  oppresseui's.  On 
a  peut-être  trop  oublié  ce  que  ma  plume  et 
mon  nom  firent  alors  ,  pour  ne  se  souvenir  que 
de  ma  néologie,  dont  je  me  glorifie  d'ailleurs  , 
comme  d'un  nouveau  titre  à  la  reconnaissance 
publique. 

Encadrée.  Enfin,  voilà  la  république  fran- 
çaise Encadrée  dorénavant  dans  des  limites  in- 
variables ,  tracées  par  la  nature.  Les  mots  cadre 
et  encadrer  sont  entrés   avec  beaucoup  de  jus- 


E  N  C  2i(> 

tesse  dans  le  langage  militaire  et  dans  la  langue 
diplomatique.  Al  laquez  les  diplomates  et  les  sol- 
dais, vous,  pauvres  ennemis  de  l'indispensable 
néologie  ! 

Engagé.  Les  lettres  des  prisonniers  de  la 
Bastille,  quand  on  ne  leur  enlève  point  la  faculté 
d'en  écrire,  passent  tout  ouvertes  à  la  police, 
ou  bien  elles  y  sont  décachetées. 

C'est  pour  les  préposés  à  ce  triage,  un  amu- 
sement que  la  lecture  de  ces  douloureuses  la- 
mentations ;  ils  se  divertissent  un  moment  du  ton 
sur  lequel  chacun  des  Encagés  soupire.  (Linguei.  ) 

Encanailler,  (s')  A  quel  point  le  mérite 
s'Encanaille  !  disait  une  femme  d'esprit  ,  en 
voyant  un  homme  de  lettres  célèbre ,  attendre 
dans  une  antichambre  un  grand  qu'il  était  obligé 
de  visiter.  (  -B.  ) 

Encaquer.  Il  était  rései'vé  au  gouvernement 
actuel  de  la  Grande-Bretagne,  d'ajouter  aux  ri- 
gueurs de  la  piison,  les  horreurs  de  la  solitude, 
en  fesant  Encaquer  chaque  prisonnier  d'état 
entre  quatre  murailles,  dans  une  étendue  de 
quelques  pieds  de  terre,  comme  dans  un  tom- 
beau. (Batère.) 

Enceinturer.  Rendre  une  femme  enceinte, 
alonger  sa  ceinture.  (  Borel.  ) 

Excenseur,    Voltaire ,  en  se  supposant    un 


220  E  TT    C 

vieillard  persan ,  dans  son  épîlre  dédicaloire, 
adressée  des  Scythes  aux  Choiseuil ,  feint  de 
regarder  ces  ministres  comme  des  satrapes  de  la 
cour  de  Perse,  et  dit  :  «  C'était  auti'efois  îa  cou- 
«  tume  de  louer  les  grands  en  face  ,  mais  c'était 
«  une  mauvaise  coutume  qui  exposait  l'Encenseur 
«  et  l'Encensé  aux  méchantes  langues.  » 

Enchanteuse.  Il  manque  à  cette  Enchan- 
teuse  d'être  une  Enchanteresse. 

Enchàssure.  Ce  n'est  pas  assez  que  le  dia- 
mant soit  beau,  il  lui  faut  encore  l'Enchâssure; 
il  en  est  de  même  d'une  jolie  femme.  A  lous 
ces  mots  nouveaux,  créés  ou  ressuscites,  lec- 
teur, j'y  joins  encore  l'Enchàssurej  je  me  suis 
fait  metteur  en  œuvre  pour  vous  les  offrir  plus 
nets,  pins  brillans,  bien  montés  :  m'en  saurez- 
vous  quelque  gré? 

Encis.  Meurtre  de  femme  enceinte.  Usité  en 
Anjou.   (  Ménage.  ) 

Enclos.  Quand  une  expression  familière  et 
commune  est  bien  placée ,  et  fait  un  contraste  , 
alors  elle  tient  presque  du  sublime.  Tel  est  ce 
vers  de  Corneille  dans  Sertorius  : 

Je  n'appelle  plus  Rome  un  Enclos  de  murailles. 

Ce  mot  Enclos,  qui  ailleurs  est  si  commun, 
et  même  bas ,  s'ennoblit   et  fait  un    très  -  beau 


END  221 

contraste  avec  ce  vers   admirable  du  héros  ro- 
main : 

Rome  n'est  plus  clans  Rome^  elle  est  toute  où  je  suis. (Volt.) 

Enclouure.  Il  n"a  jamais  deviné  l'Enclouure 
de  cette  affaire. 

Encomiâste.  Panégyriste.  Vil  détracteur,  ou 
bien  ardent  Encomiâste,  voilà  la  devise  du  fol- 
liculaire. 

Encyclopédisme.  Bélisaire,  sans  être  aussi 
scandaleux,  n'est  pas  plus  instructif  que  le  6'o- 
pha.  Le  puritain  philosophe  qui  parle  froide- 
ment aux  esprits,  n'est  guère  plus  propre  à  se 
les  concilier,  que  le  crapuleux  épicurien  qui  les 
révolte  :  si  l'un  effraie  la  pudeur  par  la  licence, 
l'autre  l'endort  par  l'ennui,...  Je  le  répète  :  la 
froide  analyse  de  l'Encyclopédisme,  ou  ses  con- 
vulsions factices  ,  s'éloignent  autant  du  vrai 
caractère  du  i-oman  ,  que  les  orgies  de  Pé- 
trone.   (  Linguei.  ) 

Endoctrineur.  Si  l'art  n'avance  point  vers 
sa  perfection,  ce  n'est  pas  faute  de  préceptes.  Indé- 
pendamment de  cette  foule  de  ioui'naux  qui, 
d'une  voix  lamentable  et  monotone,  crient  éga- 
lement à  la  décadence,  on  voit  éclore  tous  les 
ans  de  gros  volumes  qui  traitent  de  l'éloquence 
et  de  l'art  di'amatique  :  ils  ne  sont  point  remplis 
de  réflexions  neuves  j  Ton  y  concentre  toujours 


222  E   N    E 

l'art  dans  la  seule  manière  de  Corneille  et  de 
Racine  ^  l'on  y  cite  avec  emphase  quelques  pages 
de  Bossuet ,  et  là  finit  la  théorie  de  ces  Endoc- 
trineurs. 

Endolori.  Sophie  (  dans  Emile  )  se  fait  don- 
ner un  tablier  de  la  bonne  femme  qui  vient 
d'accoucher  dans  une  chaumière  isolée ,  et  va 
l'arranger  dans  son  lit  ;  elle  en  fait  ensuite  au- 
tant à  l'homme  qu'une  chute  de  cheval  a  blessé. 
Sa  main  douce  et  légère  sait  aller  chercher  tout 
ce  qui  les  blesse ,  et  faire  poser  plus  mollement 
leurs  membres  Endoloiis.  (  /.  /.  Rousseau.  ) 

Endormeur.  Oui ,  le  plus  grand  Endormeur, 
et  que  l'on  entend  trop  souvent,  même  quand  on 
l'évite ,  c'est  un  corps  académique. 

Energiser.  Les  jansénistes,  sérieux,  réflé- 
chis,  fesaient  penser  plus  profondément,  beau- 
coup plutôt,  et  plus  efficacement  que  les  moli- 
nistes  ;  ils  organisaient  plus  fortement  l'esprit 
et  le  cœur,  qu'ils  Energisaient  en  leur  donnant 
du  ressort  par  la  contrainte  qu'ils  opposaient  à 
toutes  les  passions.  (^  Rétif.  ) 

Energiser.  Un  seul  héros  Energise  souvent 
une  armée  entière  :  nous  n'avons  pas  besoin 
d'en  chercher  les  preuves  chez  les  peuples  an- 
ciens. (  Z.  *  *  ) 

Enervation.  L'énervation  du  style,  comme 
celle  des  âmes,  suit  la  perte  de  la  liberté. 


E  N  F  225 

EXFANÇO.V. 

Eux  (les  Dieux)  à  la  fin  qui  se  fâchèrent 
De  voir  l'insolente  façon 
De  cet  orgueilleux  Enfauçon  (  l'Amour  ) , 
Du  ciel  par  dépit  le  chassèrent.  (  Marot.  ) 

Et  pour  venger  un  Enfançon  , 

On  mit  tout  le  monde  en  prison.  [Vieux  poète.) 

Nous  n'avous  point  de  diminutif  pour  expri- 
mer les  gradations  de  l'enfance.  Qu'il  serait  gra- 
cieux de  suivre  avec  ditférens  ternies,  le  déve- 
loppement de  cet  âge   lieureu.'-i. 

Enfantinement.  Elle  n'a  jamais  ressemblé  à 
personne  au  monde.  A  quarante  ans,  l'aimable! 
elle  riait  Enfantinement.  Doux  et  cruel  souvenir! 

Enfanture.  Grossesse.  Enfanture  pourrait 
très-bien  entrer  dans  la  langue  poétique.  Allons, 
un  peu  d'audace,  poètes  timides  I  [Borel.) 

Enfermeur.  Après  quelques  mois  de  Bastille, 
où  le  cardinal  de  Fleury  avait  fait  enfermer  le 
vieux  abbé  Berrier,  on  crut  qu'il  serait  plus 
assoupli;  mais  en  sortant  de  prison,  il  ne  fut 
pas  plus  docile,  mais  il  devint  plus  attentif  pour 
sa  liberté.  La  princesse  de  Contj  qui  le  chéris- 
sait, lui  donna  chez  elle  un  as^le  impénétrable 
aux  recherches  du  cardinal  Enfermeur.  (Linguet.) 

Enflure.  La  fierté  qui,  d'ordinaire,  est  le 
vice  des  grands,  ne  devrait  être  que  la  triste 
ressource  de  la  roture  et  de  l'obscurité.  Il  paraît 


224  U  N  H 

bien  plus  pardonnable  à  ceux  qui  naissent,  pour 
ainsi  dire,  dans  la  boue,  de  s'en  fier ,  de  se 
hausser,  et  de  tâclier  de  se  meLlre  par  l'Enflure 
de  l'orgueil ,  de  niveau  avec  ceux  au-dessous 
desquels  ils  paraissent  se  trouver  si  fort  par 
leur  naissance.  ÇAIassillon.  Petit  Caréjue.) 

EnforestÉ.  Enfoncé  dans  une  forêt ,  à  ne 
plus  savoir  comment  en  sortir.   { Perceval.) 

Assistant  à  ce  club  démagogique  infernal , 
je  me  disais  tout  bas  :  Je  suis  Enforesté. 

Enfunester.  Un  domestique  ,  un  vil  espion 
entend  proférer  des  paroles  indiscrètes  ou  vio- 
lentes; il  les  répète,  il  les  amplifie,  il  les  Enfu- 
neste ,  comme  disent  les  Italiens. 

Engloutissement.  L'Engloutissement  sou- 
dain du  navire  ne  laissa  point  le  temps  de  jeter 
les  chaloupes  en  mer.  L'Engloutissement  du 
Rhône  m'a  singulièrement  frappé.  L'Engloutis- 
sement des  états  devant  l'épée  d'Attila. 

Enharmonique.  Il  faut  distinguer  deux  sortes 
d'harmonie  :  l'une  qui  s'amuse  à  flatter  l'oreille 
par  l'heureux  choix  des  expressions  et  par  leur 
dispositions  nombreuses;  l'autre,  beaucoup  moins 
commune  ,  qui  a  sa  source  dans  une  ame  sen- 
sible, et  qui  est  inspirée  à  l'écrivain,  selon  les 
passions  diverses  dont  son  cœur  est  agité.  La 
première    convient    aux   récits    tranquilles  ;   la 

seconde 


E  N  L  2i>5  ' 

seconde  est  propre  à  toutes  les  ciixonstances  qui 
portent  le  trouble  dans  les  idées,  dans  les  sen- 
timens ,  dans  les  discours.  La  douleur,  quand 
elle  parle,  a  le  ton  faible  et  plaintif;  celui  de  la 
colère  est  véhément.  Le  style  iniitalif  du  dés- 
ordre ou  de  la  difformité  enlasse  les  spondées 
et  les  élisions,  et  Virgile  étonne  lorsqu'il  dit  : 

Monstruni  horrendum,  informe,  ingens,  cui  lumen  ademptum. 

Son  vers  donne  à  Poliplième  une  grandeur  dé- 
mesurée, et  plus  il  est  Enharmonique,  plus  il 
est  beau.  (  Diderot.  ) 

Enjamber.  Montaigne  est  plein  d'idées  mères. 

,  Ce  philosophe  qui  Enjamba,  par  son  génie,  sur 

les  siècles  à  venir ,  est  un  de  nos  écrivains  qui 

donne  le  plus  à  ceux  qui  sont  venus  après  lui , 

et  qui  lui  gardent  le  secret.   (  Manuel.  _) 

Enjoltveitse.  Marchande  de  modes.  L'Enjo- 
liveuse  est  venue  chez  moi  avec  le  journal  des 
modes,  mais  elle  n'a  jamais  pu  mi'enjoliver. 
J'avais  trop  perdu  au  jeu  la  veille,  et  Damis 
était  à  la  campagne. 

Enleveur.  Dans  le  château  d'If,  où  j'étais 
prisonnier,  il  n'y  avait  qu'une  femme  qui  eût 
figure  de  femme.  J'avais  vingt-six  ans  j  c'est  un 
furieux  délit  que  d'avoir  donné  lieu  de  soup- 
çonner qu'elle  me  paraissait  jolie  I  Elle  quitta  son 
mari  qui,  deux  ou  trois  fois  avait  pensé  la  tuer, 

Tome  L  P 


2.26  E  N  Q 

et  avait  été  réprimandé  en  justice  pour  ce  fait; 
elle  gagna  la  frontière ,  et  son  mari  cria  à  l'en- 
lèvement. Singulier  enlèvement ,  où  l'Enleveur 
était  en  prison!  [Mirabeau.) 

ENPHiLOSOPHiÉ.Qu'est-cequ'anpédanL?N'est- 
ce  pas  un  homme  trancliant,  impérieux,  qui  fait 
avec  affectation  parade  de  son  savoir,  qui  ramène 
éternellement  la  conversation  sur  les  objets  qui 
lui  sont  familiei's  ,  ou  qui  tâche,  en  parlant  de 
ceux  qu'il  ignore,  de  déguiser  son  insuffisance 
sous  des  termes  pompeux  et  sous  un  air  impo- 
sant?—  C'est-là,  je  crois,  le  vrai  portrait  du  pé- 
dant, et  n'est-ce  pas  celui  des  chefs  de  noire  lillé- 
rature  Enphilosophiée.  [Llnguet.) 

FInquestant.  «J'aime  ces  mots  qui  amollissent 
«  et  modèrent  la  témérité  de  nos  propositions ,  à 
n  l'aventure,  aucunement,  quelquefois^  on  dit,  etc.  ; 
«  et  si  j'eusse  eu  à  dresser  des  enfans ,  je  leur  eusse 
«  tant  mis  en  la  bouche  cette  façon  de  répondre 
«  Enquestante  et  non  résolutive,  qu'est-ce  â  dire? 
«^e  ne  Vejitends pas ,  il pourroit  être ,  est-il  vrai? 
«  qu'ils  eussent  plutôt  gardé  la  forme  d'apprentifs 
<(  à  soixante  ans ,  que  de  représenter  des  docteurs 
(c  à  l'âge  de  quir?Ke.  »  (  Montaigne.  ) 

Enquinauder.  Si  madame  de  Pompadour,  dit 
Voltaire  à  un  de  ses  amis,  a  encore  la  lettre  que 
je  lui  écrivis  quand  le  roi  de  Pi'usse  m'Enquinauda 
à  Berlin  ,  elle  y  verrait  que  je  vous  disais  qu'il 


E  N  T  22  7 

viendrait  un  temps  où  l'on  ne  serait  pas  fâché 
d'avoir  des  Français  dans  cette  cour. 

Enrichissement.  L'Enrichissement  ou  les  En- 
richissemens  d'une  langue  tiennent  plutôt  à  l'au- 
dace généreuse  des  écrivains,  qu'au  goût  timide 
et  circonspect  des  académiciens.  On  ne  perd  les 
Etats  que  par  timidité ,  a  dit  Voltaire  :  il  en  est 
de  même  des  langues  ^  elles  ne  sauraient  jamais 
être  fixées. 

Ensépulturer.  Voltaire,  Ensépulturé  par  une 
vélocité  adroite,  n'est  pas  bien  enterré,  à  ce  que 
prétendent  encore  les  prêtres  catholiques. 

Ensevelisseur.  Je  ne  connais  pas  de  loi  plus 

désastreuse  pour  la  religion  et  la  morale,  que  celle 
qui  abandonnerait  les  cadavres  aux  esprits  chan- 
geans  des  Ensevelisseurs  ,  ou  aux  manies  d'une 
tendresse  plus  ou  moins  aveugle. 

Entendable.  La  cloche  de  cette  commune  , 
quoiqu'à  six  lieues  de  distance,  est  Entendable. 

Ential,  Entiaux.  Choses  qui  ont  être. 

Entortillage.  Je  rentre  dans  la  lice,  armé  de 
mes  seuls  principes  et  de  la  fermeté  de  ma  cons- 
cience, et  je  prie  tous  ceux  de  mes  adversaires 
qui  ne  m^entendront  pas,  de  m'arrêter,  afin  que 
je  m'exprime  plus  clairement;  car  je  suis  décidé 
à  déjouer  tous  les  reproches  tant  répétés  d'évasion, 
de  subtilité,  d'Enlortillage.  [Mirabeau.) 

V    2 


223  E  N  T 

Entourage.  Un  ambassadeur  dit  à  ceux  qui 
lui  demandent  de  l'accompagner,  qui  sollicitent 
cette  faveur  :  «Cela  ne  se  peut,  j'ai  composé  mon 
«  Entourage.» 

Nos  généraux  ont  aussi  leur  Entourage. 

Entraînement.  L'Entraînement  invincible  des 
circonstances  le  fit  aller  dans  une  route  qu'il  avait 
évitée  toute  sa  vie.  Vous  direz  ce  que  vous  vou- 
drez du  style;  mais  l'intérêt,  l'Entraînement  de 
cet  ouvrage  sentimental, vous  commandent  d'aller 
jusqu'à  la  lin. 

Entraîner.  «Depuis  ce  tant  heureux  jour, 
«mon  cœur  estoit  en  grands  combats,  partagé 
«  entre  deux  amours,  qui  estoient  celui-là  de  Dieu, 
«  et  l'autre  de  Elanclie. 

«  Et  aussi  j'allois  le  plus  que  pouvois  à  messes, 
«  vespres  et  saluts ,  là  où  se  trouvoit  ma  dame  et 
<(  maîtresse,  ce  qui  fit  qu'elle  Entraîna  mon  cœur 
«  à  elle  tout  entièrement.»  {^Saiwigny.  ) 

Entreferrer,  {s')  Sur  cesaltercats  de  paroles, 
ils  sortirent,  et  ne  furent  pas  plutôt  au  parvis, 
qu'ils  mirent  l'épée  à  la  main.  Comme  leurs  épées 
étaient  courtes,  et  qu'ils  se  chargeaient  sans  me- 
sure, ils  s'Eutreferrèrent  tous  deux; on  les  porta 
encore  pantelans  chez  le  même  chirurgien.  Dites 
mieux,  rendex  mieux  la  chose,  mes  chers  adver- 
saires. 


■E  N  T  22^ 

Entregent.  Ayant  vécu  dans  deux  des  plus 
bi'illanLes  maisons  de  Paris,  je  n'avais  pas  laissé  _, 
malgré  mou  peu  d'Entregent,  d'y  faire  quelques 
connaissances.  (/. /.  Rousseau.) 

Entreglosee.  (4')  «  Il  y  a  plus  à  faire  à 
ft  interpréter  les  interprétations  qu'à  interpréter 
«  les  choses,  et  plus  de  livres  sur  les  livres  que 
«  sur  autre  subject.  Nous  ne  faisons  que  nous  En- 
«  tregloser.  Tout  formiîle  de  commenlaleurs  ; 
«  d'auteurs,  il  en  est  grande  cberté.»  (^Montaigne.') 

Entrelaidir.  (*')  Se  dire  des  injures  mu- 
tuelles. Pour  le  coup ,  folliculaires  et  journalistes, 
vous  adopterez  celui-ci j  il  se  trouve  dans  \es  an- 
tiquités de  Borel. 

Entre-raboter.  (5')  M.  de  Montausier  était 
fort  rigoureux  sur  les  mœurs.  Le  premier  Dau- 
plîin  ,  dans  son  bas-âge,  était  opiniâtre  et  fier. 
On   disait  :  Comment  s'accordera-t-il  avec  soa 

auguste  élève? Laissez-les  faire,  dit  madame 

de  Sablé,  ils  s'Entre-raboteront  l'un  l'autre,  et 
se  poliront. 

Entrip AILLÉ.  Un  comédien  devrait  quitter  la 
scène  dès  qu'il  se  voit  Entripaillé.  L'Entripaillé 
Desessarts  était  un  acteur  hideux  à  voir. 

Ce  cuisinier,  ce  boucher  Entripaillés,  quoiqu'ils 
mangent  peu,  prouvent  qu'on  se  noariit  par  les^ 
pores,  -,  : 

P  5 


'j3o  E  P  a 

Envenimetjr.  Comment  reconnaître  au  pre- 
mier coup  d'oeil  ces  hommes  qui  vous  flattent ,  et 
qui  sont  ailleurs  non-seulement  vos  antagonistes, 
mais  encore  les  Envenimeurs  de  vos  intentions  et 
de  toutes  vos  paroles. 

EnvinÉ.  Qui  a  pris  du  vin  plus  qu'il  ne  lui 
faut.  Préville  répétant  devant  Garrick  le  rôle 
d'un  homme  demi-ivre,  Garrick  lui  dit  :  Prenez 
garde,  camarade,  l'une  de  vos  jambes  n'est  pas 
Envinée. 

Envoiler.  (s")  Se  couvrir  d'un  voile.  La  na- 
ture s'Envoileà  mesure  qu'elle  descend  dans  l'ani- 
mation des  animalcules;  mais  là  est  sa  fécondité  et 
l'inépuisable  dotation  de  ses  richesses.  Une  femme 
espagnole  s'Envoile  avec  une  grâce,  une  variété, 
Xine  coquetterie,  qui  surpassent  encore  le  jeu  le 
plus  fin  de  la  physionomie  à  découvert. 

Enumérer.  Le  Dictionnaire  de  l'Académie 
française  a  rejeté  ce  mot;  mais  qui  pourra  Enu- 
mérer ses  oublis  et  toutes  les  petitesses  de  son 
obstinée  pédanterie.  Enumérer  l'armée  des  étoiles, 
le  nombre  des  plantes,  les  beautés  de  la  création, 
c'est  ce  qu'un  homme  sage  n'entreprendra  jamais. 
Enumérer  les  faux  jugemens  des  critiques  de  pro- 
fession ,  il  faudrait  les  lire;  ne  vaut-il  pas  mieux, 
les  oublier? 

Epandre. 

Elle  a  boifde  mon  sang,  elle  a  voulu  répandre.  {Corneille.) 


EPI  25î 

Epandre  était  un  terme  heureux  qu'on  em- 
ployait au  besoin  ,  au  lieu  de  répandre  :  il  a  vieilli;, 
pourquoi  ne  pas  le  rajeunir?  (f^ollaire.) 

Epargné. 

Le  lustre  du  génie  est  né  de  la  censure  y 
Aventurière-enfant  d'un  auteur  dédaigné. 
L'ouvrage  offensé  brille  et  vit  de  sa  blessure; 

Tout  meurt  dans  l'ouvrage  Epargné.  (  Moussard.  ) 

Epave.  Droit  sur  les  choses  égarées,  perdues 
ou  qui  n'ont  pas  de  maître,  dit  Ménage.  Epavons 
celle  foule  de  mots  anciens,  oubliés,  perdus,  dé- 
daignés ;  fesons-en  noire  propriété,  c'est  la  langue 
de  nos  ancèlres  ;  puis,  il  n'y  a  jamais  eu  pour 
peindre ,  de  palette  trop  richement  chargée  de 
couleui's*,  le  pinceau  saura  choisir. 

Ephèbe.  Qui  a  quatwze  ans  accomplis.  A  qua- 
rante ans,  il  a  encore  les  joues  rosées  d'un  Ephèbe. 
L'Ephèbe  est  dans  l'âge  le  plus  favorable  à  l'ac- 
quisition des  idées  diverses  que  nous  donne  l'étude. 

Epteur.  La  Bruyère  était  un  vigilant  Epieur 
des  singularités  de  l'homme  et  des  mouvemens 
du  cœur  humain.  Richardson  et  Fielding  ont  été 
des  Epieurs  d'un  autre  genre,  et  ne  se  ressem- 
blaient point  entr'eux. 

EpinglÉe.  (^ femme)  Si  je  pris  la  licence  de 
l'embrasser,  j'en  fus  puni;  car  je  n'ai  jamais  renjp 
contré  de  femme  plus  Epinglée. 

P  4 


252  E  P  R 

Epingleurs,  (d'épingle.)  Petits  hommes  qui 
vous  atlaquent  en  biaisant  ou  à  coups  détoui'ués. 
On  a  voulu  m'épingler  quelquefois ,  et  moi  de 
rire. 

Epoinçonner-  «Or,  dès  les  premiers  jours  que 
«  retournions  du  pèlerinage,  j'allois  toujours  côte 
«  à  côle  de  ma  mie  qui  avoit  sa  main  en  la  mienne, 
«et  lui  prcsentois  (sans  en  faire  nul  semblant) 
«  requête  d'amour,  pour  ce  qu'elle  accordât  à 
«  FéjJoux  la  chose  que  savoil  ;  à  quoi  elle  ne  rc- 
«  pondoit,  sinon  par  soupirs  et  honnêtes  regards, 
«  qui  d'autant  m'Epoinçonnoient,  et  en  étois  plus 
«brûlant  de  désirs.»  [Sauwigny.) 

Epoque.  La  iiiauie  des  nobles  avait  créé  ce 
terme  :  est-il  Epoque  convenablement?  disaient- 
ils.  Le  dix-huitième  siècle  marchera  dans  l'avenir 
Epoque  des  événemens  les  plus  extraordinaires. 

Epouseur.  Dites-moi,  quel  est  ce  jeune  homme 
qui  fréquente  cette  maison?  n'est-ce  point  là  un 
amant?  Non,  c'est  un  Epouseur,  comptez  là- 
dessus. 

Eprendre.  Pour  dire  un  sentiment  qui  abuse, 
enivre ,  captive  le  cœur.  Un  séducteur  Eprend 
wnc  jeune  personne. 

Epris,  (élre)  «Environ  vers  le  temps  que  les 
«  pasteurs  ramènent  leurs  bestes  aux  champs 
«  api'ès  mydi,  Daphnis  appercev^ant  de  tout  loing, 
«  de  dessus  une  haulte  butte  où  il  estoit  monté, 


E  R  R  203 

«  Chloé,  que  les  Mylhimniens  lui  avoient  enlevée, 
«  descendit  le  plus  viste  qu'il  put  dans  la  plaine  , 
«  et  courant  embrasser  Chloé  ,  fut  si  tellement 
«Epris  de  si  grande  joye,  qu'il  en  tomba  par 
«  terre  tout  pasmé.  »  (  Amyot.  ) 

Epulox.  Convive  non  prié.  Il  eut  à  sa  table 
trois  Epulons  qu'il  n'attendait  pas. 

Equarrisseurs.  L^Equarrissage  des  chevaux  a 
mérité  Fattention  de  la  police.  On  appelle  Equar- 
risseurs, les  gens  qui  tuent  les  chevaux ,  et  Equar- 
i^issage,  l'action  de  les  dépouiller  et  de  les  dépecer. 

Equilibreur  ,  Equilibreuse.  «  La  femme 
«  d'un  Equilibreur  des  rues  n'est  pas  communé- 
«  ment  une  personne  fort  distinguée:  celle  ci  avait 
«  été  fille  publique.  Elle  forma  le  projet  de  s'em- 
«  parer  de  la  petite  fille  de  deux  ans  qu'elle  avait 
«  vue  dans  son  voisinage,  et  d'en  faire  son  gagne- 
«  pain.  En  effet,  TEquilibreuse  s'en  empara,  eni- 
«  pécha  l'enfant  de  crier  par  quelques  bonbons, 
«  et  le  soir  même  sortit  de  la  ville.  »  (  Rétif.  ) 

Equipoller.  «Qui  ne  désire  rien,  encore  qu'il 
«  n'aye  rien,  Equipolle  ,  et  est  aussi  riche  que 
«  celui  qui  jouit  de  tout.  NihiL  intere.st  an  ha- 
«  béas  ,  an  non  concupiscas.  »  (Charon.) 

Erémodicie.  Solitude  profonde  et  déserte.  [B.) 

Errans.  (dans  l'erreur.)  Les  Errans  de  notre 
âge  sont  ces  matérialistes  qui,  dans  leur  démence 


2Jt.  ESC 

métaphysique,  souniellenL  les  opérations  de  l'es- 
prit à  ce  qui  n'est  plus  esprit.  Misérables  doctri- 
naires, qui  parlent  devant  des  gens  indoctes  ,  et 
cherchent  l'oreille  de  l'ignorance  pour  y  verser 
leur  dangereux  venin  I 

Erremens.  J'ai  connu  un  très-grand  nombre 
d'hommes  de  lettres,  je  dirai  presque  tons.  Les 
gens  de  lettres  sont  communément  des  triangles 
qui  jettent  tout  leur  esprit  d'un  seul  côté;  ils  sont 
routiniers,  et  tiennent  aux  vieux  Erremens  du 
préjugcetdel'habitude.  Quand  je  veux  apprendre 
quelque  chose,  je  cause  avec  un  homme  qui  n'a 
rien  lu  ,  et  sur-tout  qui  n'a  rien  écrit.  Je  sais 
beaucoup  depuis  que  je  ne  crois  plus  aux  livres 
où  gissent  tous  les  Erremens. 

Si  un  beau  jour  un  ange  soufflait  sur  toutes  les 
bibliothèques  pour  les  faire  disparaître,  pas  un 
seul   livre  dans  le  monde  ,   plus  de  papier   qui 

parle c'est  un  problème  si  nous  y  perdrions 

ou  si  nous  y  gagnerions;  car  les  erreurs  des  phi- 
losophes et  autres  auteurs,  sont  les  Erremens  du 
genre  humain. 

ErrénÉ.  Celui  qui  a  les  reins  offensés.  Ce 
malheureux  porte-faix,  eh  bien  !  il  ne  pourra  plus 
vous  servir;  à  la  suite  d'une  charge  trop  pesante  , 
le  voilà  Erréné. 

EsCLAVER.  Malgré  les  longues  et  cruelles 
guerres  qui  ont  si  souvent  divisé  l'empire  et  le 


ESP  2:5 

sacerdoce  ,  on  a  toujours  vu  la  couronne  se  réunir 
à  la  tiare  pour  Esclarer  les  nations. 

C'est  avec  l'apparence  du  bien  public,  du  repos 
individuel;  c'est  avec  tous  les  dehors  de  la  liberté 
que  les  gouverneinens  conspirent  à  Esclaver  l'es- 
pèce humaine.  C'est  avec  la  sotte  écoi'ce  du  pi^- 
lendu  savoir  et  du  bon  goût  que  les  stupides  et 
oigueilleuses  Académies  veulent  Esclaver  non- 
seulement  tout  essor  du  génie,  mais  jusqu'aux 
mots  propres  à  mieux  rendre  nos  pensées.  Qui 
croirait  qu'au  moment  où  j'écris,  quelques  vains 
phrasiers  osent  vouloir  prosciire  de  la.  langue  le 
mot  Activer,  et  plusieurs  autres  aussi  simples  et 
aussi  expressifs,  qui  sont  en  usage  depuis  long- 
temps parmi  toutes  les  classes  delà  société?Pauvres 
docteurs  !  porteriez-vous  vos  vues  jusqu'à  vouloir 
Esclaver  le  bon  sens,  le  jugement  suprême  et  éter- 
nel de  ce  public  qui  sent  et  parle  mieux  que  vous? 

Es-HONTÉ.  Sans  honte. 

Ce  Dieu  (  Mars  ),  très-Eshonté  ,  ne  se  dérange  pas; 

Il  tient,  sans  s'étonner,  Vénus  entre  ses  bras.  [Voltaire.) 

EsPAGXOLiSER.  Floriau  a  fait  tout  ce  qu'il  a  pu 
pour  nous  Espagnoliser;  mais  dans  tout  ce  quil 
a  traduit  ou  imité  ,  nous  aurons  grand'peine  à 
nous  désanglomaniser  en  fait  de  romans. 

EsPÉRABLE.  «Quelle  resverie  est-ce  de  s'at- 
«  tendre  de  mourir  d'une  défaillance  de  force  que 
«l'extrême  vieillesse  apporte?  Mourir  de  vieil- 


236  EST 

«  lesse,  c'est  une  mort  rare,  singulière,  extraor- 
«  dinaire ,  et  d'autant  moins  naturelle  que  les 
«  autres  :  c'est  la  dernière  et  extrême  sorte  de 
<c  mourir;  plus  elle  est  esloignée  de  nous,  d'autant 
«  est-elle  moins  Espérable.  »  [Moyitaigne.) 

EsPRlTÉ.  On  a  moins  l'aiguillon  de  la  gloire 
dans  un  siècle  Esprité.  (^Rétif.) 

Quel  est  A^éritablement,  dans  notre  siècle,  Fau- 
teur le  plus  Esprité?  Ceci  pourrait  donner  lieu  à 
une  dissertation  curieuse  :  esprit,  talent,  sont 
choses  très-distinctes. 

EsPRiTER.  O  puissance  d'^un  repas!  il  a  Esprité 
Bardus,  le  plus  sot  des  hommes. 

EssENCiER.  Essencier  un  ouvrage,  c'est  en  tirer 
la  quintescence  :  ce  fut  le  secret  de  Montesquieu. 

Estampiller.  «Une  loi  ordonne  que  certains 
«  livres  seront  Estampillés,  c'est-à-dire,  marqués 
«  d'un  certain  signe  qui  devait  leur  donner  cer- 
«  tains  droits.  Jusque  là  tout  allait  bien,  au  moins 
«  pour  ceux  à  qui  l'Estampillage  devait  valoir 
«  beaucoup  d'argent;  mais  un  ordre  particulier  en- 
«  joint  au  sieur  Debure,  libraire,  d'appliquer  lu i- 
K(  même  l'Estampille,  de  se  rendre  lui-même  l'exé- 
«  cuteur  de  cette  opération  manuelle »  (Ling.) 

Estant.  En  son  Estant,  debout.  Il  tomba  de 
son  Estant,  c'est-à-dire,  de  sa  hauteur.  (^.  Chartier.) 


E  T  I  23; 

EsTÈBE.  (/')  Le  manche  de  la  charrue;  il  vient 
du  latin  stipes.  Bon  pour  la  poésie.  (Borel.) 

Estimateur.  Tel  sans  mérite  et  sans  talent  se 
fait  Estimateur  du  talent  et  du  mérite  d'autrui. 
Qu'a-t-on  besoin  de  son  estimation,  pas  plus  que 
de  son  estime?  Le  vrai  génie  se  suffit  à  lui-même, 
se  complaît  dans  son  vol ,  et  ne  s'informe  jjas 
s'il  a  ou  s'il  n'a  pas  un  Estimateur  de  plus  on  de 
moins. 

Etager.  Elagerles  têtes  pensantes  dans  de  vains 
et  fastidieux  parallèles,  c'est  l'entreprise  d'un  rhé- 
teur :  toute  comparaison  de  ce  genre  tue  le  talent 
ainsi  que  le  bonheur;  c'est  dans  ce  qu'il  ne  res- 
semble pas  à  cet  homme  que  tel  autre  vaut.  Il  n'y 
a  ni  premier  ni  second  étage  :  la  nature,  quand 
elle  a  fait  une  tète,  brise  à  jamais  le  moule;  elle 
ne  reproduit  pas  plus  Scaron  que  Corneille. 

Etat. 

Avez-vous  su  l'État  qu'on  fait  de  Curiace?  {Corneille.  ) 
L'Etat  ne  se  dit  plus,  et  je  voudrais  qu'on  le 
dît:  notre  langue  n'est  pas  assez  riche  pour  bannir 
tant  de  termes  dont  Coxneilie  s'est  servi  heureu- 
sement, (douaire.) 

Eterniser,  (s')  Nous  jouirions  ici  de  tous  les 
plaisirs  ,  si  nous  n'avions  pas  été  forcés  d'ad- 
mettre Dorante  parmi  nous  :  chaque  jour  il  nous 
annonce  son  départ  pour  Paris  ;  mais  ce  maus- 
sade personnage  s'Eternise  par-tout. 


258  E  T  R 

Etincellement.  Le  Sophi  ordonna  qu'on  me 
fiL  voir  la  salle  de  son  trésor  où  sont  rassem])lées  , 
dans  tous  les  genres,  toutes  les  richesses  des  quatre 
parties  du  monde.  L'Elincellement  de  tant  d'ob- 
jets éblouissans  me  frappa.  L'Etincellement  de 
la  nue  annonce  un  orage. 

Etrangeté.  «  Nous  n'avons  que  faire  d'aller 
«  trier  des  miracles  et  des  difficultés  estrangères. 
«  Il  me  semble  que  parmy  les  choses  que  nous 
«  voyons  ordinairement,  il  y  a  des  Estrangetez  si 
«  incompréhensibles,  qu'elles  surpassent  toute  la 
(V  difficulté  des  miracles.»   [Montaigne.) 

Etrangeté.  L'épître  du  Diable  à  confesse,  où 
le  pape  est  traité  comme  il  le  mérite,  est  fort 
comique  :  on  y  trouve  de  la  facilité,  de  l'Etran- 
geté  et  beaucoup  de  civisme.  (  Bouche  de  fer.  ) 

Etreindre.  Dans  le  délire  qu'une  douleur 
sombre  me  fesait  éprouver,  tous  les  événemens 
de  ma  vie  se  retraçaient  fortement ,  et  si  forte- 
ment que  je  les  croyais  présens.  Je  voyais  Gaudet, 
mon  ami,  qui  s'était  suicidé  au  pied  de  l'écha- 
faud,  pour  n'y  pas  monter;  je  lui  parlais,  il 
me  répondait  :  son  spectre  s'avançait  pour 
m'embrasser;  j'éLeudais  les  bras  et  n'Etreignais 
rien .  (  Rétif  ) 

Etreinte.  Est-il  possible  que  ce  vieux  mot, 
si  fréquemment  nécessaire,  si  expressif,  ait  été 
presque  banni?  Les  Etreintes  de  la  nature  sont 


E  T  R  209 

indissolubles  et  d'une  contexture  encore  plus 
forte  que  celles  de  l'aniour.  Il  y  eut  au  preraie;r 
aspect,  une  douce  Etreinte  entre  nos  deux  âmes. 
Celui-là  se  sépare  de  la  vertu  et  même  de  l'huma- 
nité,  qui  redoute  l'Etreinte  de  la  reconnaissance. 

Etriper.  Euiscerare.  Je  ne  le  traduirai  point. 
Frédéric  le  grand,  à  la  bataille  de.  .  .  .  coui-ant 
à  cheval  dans  les  rangs  de  ses  soldats  ,  leur 
criait  :  Etripez ,  étripez  les  Russes  5  épargnez 
les  Français  I 

Etriver.  «  Le  verger,  de  soy-mesme  estoit 
«  une  bien  fort  belle  plaisante  chose  à  voir  ,  et 
«  qui  approchoit  des  parcs  des  grands  princes  et 
«  rois.  11  contenoit  bien  demy-quart  de  lieue  en 
«  longueur,  et  avoit  la  largeur  d'environ  quatre 
«arpens;  on  eust  dit  à  le  veoir,  que  ce  n'esloit 
«point  un  A-erger,  mais  un  grand  champ,  car 
«  y  avoit  de  toutes  sortes  d'arbres  fruic tiers,  des 
«  pommiers  ,  des  meurres  ,  des  poiriers  ,  des 
«grenadiers,  des  figuiers,  des  orangiers  et  des 
«  oliviers;  d'un  autre  côté  y  estoit  de  la  vigne 
«  haulte  qui  montoit  sur  les  pommiers  et  sur 
«  les  poiriers,  dont  les  raisins  commençoient  jà 
«  à  se  tourner,  et  comme  si  la  vigne  eust  Etrivé 
«  avec  les  arbres,  à  qui  porteroit  du  plus  beau 
«  fruic  t.  »    (  y^mjot.  ) 

Etroitesse.  Il  est  logé  bien  au  lai:ge  pour 
l'Etroitesse  de  son  génie.  Quelle  Etroitesse  d'idées 


24o  E  V  I 

dans  certains  hommes  livrés  à  la  superstition  ! 
li'Etroitesse  de  sa  robe  occasionna  sa  rupture. 
Il  vit  dans  l'ombre ,  vu  l'Etroitesse  de  son  revenu. 
Etroitesse.  I^e  terrible  incendie  qui  consuma 
une  partie  de  Londres  en  1666,  ira.prime  encore 
dans  les  esprits  une  grande  et  salutaire  terreur. 
On  attribua  les  ravages  affreux  que  ce  feu 
causa,  à  l'inflammabilité  des  maisons  de  bois, 
à  leur  rapprocliement ,  à  l'Etroitesse  des  rues.     - 

EVAGATION.  Vous  aurez  peine  à  le  suivre , 
les  Evagations  de  son  esjjrit  sont  hors  de  toute 
mesure.  Il  n'y  a  qu'un  auteur,  qu'un  poète,  qui 
me  fasse  lui  pardonner  ses  Evagations  5  c'est 
l'Arioste. 

EVERSIF,  Eversive.  Certes,  nous  sommes 
loin  ,  et  nous  l'avons  bien  prouvé,  de  confondre 
une  opposition  salutaire,  courageuse,  sincère- 
ment constitutionnelle  ,  fût  -  elle  même  mal 
éclaircie ,  avec  une  opposition  incivique ,  hos- 
tile, Eversive,  destructive,  homicide,  parri- 
cide.  (  Rœderer.  ) 

EVERTIR.  Renverser,  ruiner,  du  latin  ever^tere. 
il  ne  convient  pas  à  un  grand  peuple  d'Evertir 
une  petite  nation  voisine. 

EviDÉ.    Il  relève   de   maladie,   il    a  le    corps       ' 
Evidé.  Crébillon  fils  était  haut,  taillé  comme  un 
peuplier,  et  d'une  stature  Evidée. 

EVIEB. 


E  U  P  24i 

ËviER.  Conduit  de  mauvaises  eans  et  d'im- 
mondices. C'est  un  jureur,  un  blaspiiéniateur  , 
un  débauché  à  paroles  sales  et  impudiques;  sa 
bouche  est  un  Evier. 

EVITABLE. 

Oui ,  par-là  seulement  ma  perte  est  Evi table.  (  Corneille.) 

Pourquoi  Evilable  n'est  -  il  plus  en  nsage, 
puisque  inévitable  est  reçu  ?  C'est  une  grande 
bizarrerie  des  langues  d'admettre  le  mot  com- 
posé ,  et  d'en  rejeter  la  racine..  (  V^ottaire.  ) 

Eucharistie.  Une  moilic  de  l'Europe  a  ana- 
thématisé  l'autre,  au  sujet  de  l'Eucharistie,  et 
le  sang  a  coulé  des  rivages  de  la  mer  Baltique 
aux  pieds  des  Pyrénées  ,  pendant  près  de  deux 
cents  ans,  pour  un  mot  qui  signifie  douce  cha- 
rité. (^V^oltaire.) 

EuNUQUER. Les  papes  qui  ont  permis  que  sous 
leurs  yeux  on  Eunuquât  de  jeunes  enfans , 
étaient-ils   chrétiens  ? 

Euphonie.  Qui  n'a  pas  senti  un  vif  plais  if 
en  entendant  le  soir,  du  fond  de  son  lit,  le  soii 
mélodieux  de  ces  orgues  nocturnes  que  de 
modernes  Orphées  portent  sur  leur  dos,  et  qui 
égaient  les  ténèbres?  Quel  agrément' si ,  chaque 
soirée,  après  le  souper,  chaque  rue .  avait  sa 
musique  particulière!  L'humeur  et  la  fatigue  de 
la  journée  disparaîtraient  soudain,  et    l'homme 

Tome  L  Q 


^42  K  X  A 

de  peine,  en  se  coucliant ,  craiudraiL  moins  le 
Jour  suivant  embelli  à  son  déclin.  Je  pense  que 
rien  ne  serait  plus  propre  à  enlrelenir  la  bonne 
humeur  parmi  le  peuple,  que  d'éleiidie  et  de 
perfectioimer  celle  récréalion  innoeente  et  pu- 
blique, celte  douce  Euplionie. 

ExJTRAPÉLiE.  Bonne  conversation.  Venez  dans 
celle  maison  si  différente  des  autres,  l'Eulra- 
pélie  y  règne  constamment. 

ExAGÉRATRiCE.  Toutes  les  passions  sont  Exa- 
géralrices,  et  elles  ne  sont  passions,  que  parce 
qu'elles  exagèrent.  (  Ctiamfort.  ) 

Exaltation.  On  entendait  autrefois  par  ce 
mot,  l'élévation  d'un  homme  souvent  imbécille 
et  quelquefois  scélérat,  au  trône  pontifical.  Nous 
lui  donnons  maintenant  un  autre  sens;  nous 
disons,  par  exemple  : 

Ce  philosophe  reiela,it  Texagération  dans  quel- 
que genre  que  ce  lut;  il  u'aimait  pas  plus  la 
morosité  du  cynique  qui  peint  lous  les  objets 
sous  les  çouleui's  les  plus  sombres  ,  que  l'Exal- 
talion  de  l'opliraisle  qui  ne  les  regarde  qu'avec 
le  pri^nle  séducteur  de  rimagliiation. 

^ExA'NÇU'E.  On  a  eriliqjié  le  ^not  Ex%ug!îe  qui 
iest  de  Montaigne  v'niî^is,  demande  Diderot ,  ce 
mot  n'est  -  il  pas  énergique?  n'aurait- il  pas  été 
ï-égrctté  par  Voltaire,    et   mis   au  nombre  deç 


E  X  C  245 

expressions  que  cet  homme  de  goût  se  proposait 
de  restituer  au  vocabulaire  de  l'académie? 

Exaugue.  Poète  Exaugue ,  diseur  de  futilités 
sonores  en  grands  vers  ou  en  versiculets. 

Exaspérer,  (s'  )  C'est  le  propre  d'un  homme 
qui  n'est  pas  maîtie  de  soi,  de  s'Exaspérer, 
lorsqu'il  peut  écouter  et  entendre. 

Il  faut  toujours  craindre  d'Exaspérer  un  peuple, 
sur-tout  par  ce  qui  touche  à  ses  premiers  besoins. 
La  multitude  une  fois  exaspérée,  lombe  dans  des 
niouvemens  convulsifs,  et  alors  les  crimes  atroces 
ne  lui  coûtent  plus  rien. 

ExciTATiF.  Sous  quel  point  de  vue  un  ci- 
toyen doit-il  regarder  l'Opéra  ?  Il  est  certain  que 
si  l'on  considère  ]es  moeurs,  elles  n'y  gagnent 
rien,  au  contraire,  elles  y  perdent  beaucoup; 
c'est  une  école  de  vice  ,  c'est  un  piège  pour  les 
liommes  qui  ont  de  la  fortune',  c'est  un  Excitai  if 
dangereux  pour  ceux  qui  n'en  ont  pas.  (Ilélif.) 

Exclamer,  (s')  S'Exclamer  sur  des  riens, 
ainsi  que  le  fout  de  petits  hommes,  qui  s'ima- 
ginent que  tout  revers  leur  doit  être  étranger. 

Excrémenteux.  Ce  libelliste  Excrémenteux, 
passez  vite  près  de  lui  et  comme  si  vous  ne  l'aviez 
pas  aperçu..  Ces  brochures  obscènes,  ouvrages 
d'auteurs  obscurs  et  Excrémenteux;  ils  se  cachent 
pour  les  Excrémenler. 

Q  2 


'^4i  E  X  I 

Exécutrice.  On  regardait  les  Furies  comme 
les  Exécutrices,  et  non  comme  les  victimes  des 
vengeances  divines.  (  VoUaire.  ) 

ExERCiTE.  Grande  armée,  de  exercitus ,  terme 
employé  par  Marot  et  clianlé  à  gorge  déployée 
dans  tous  les  temples  protestans  ^  d'où  Exercité, 
domination,  rien  ne  donnant  une  puissance  plus 
assurée  qu'une  Exercite  iidelle  à  notre  comman- 
dement. Grand  Dieu  1  protège  toujours  l'Exercite 
nui  marche  pour  réprimer  la  violence  et  punir 
la  tyrannie  ! 

ExERCiTER.  Les  assemblées  populaires,  sage- 
ment combinées,  sont  propres  à  Exerciter  iia 
peuple  à  la  science  politique. 

EXERTION.  Sous  le  beau  et  long  règne  d'Eli- 
sabeth, l'Angleterre  commença  à  respirer  j  ce- 
pendant le  joug  du  pouvoir  reposait  toujoui's 
pesamment  sur  la  tète  des  sujets;  mais  l'amour 
pour  une  reine,  dont  les  malheurs  avaient  d'abord 
si  vivement  intéressé  ,  et  l'extrême  gloire  de  sou 
règne,  firent  supporter  des  Exertions  d'autorité, 
qui  paraîtraient  aujourd'hui  le  comble  de  la  ty- 
ranliie.  (  Delolme  ,  constlt.  cC^ngl.  ) 

Exigence.  De  pieux  chariataiis,  qui  veulent 
qu'on  soumette  tout  à  la  religion,  n'ont  fait 
un  Dieu  que  pour  qu'on  leur  obéisse  et  qu'on  les 
révère^  et  quand  on   examine  ce  que  c'est  que 


E  X  O  s^i^S 

celle  religion  qui  réclame  un  empire  si  aljsolii  , 
on  voit  que  la  politique  et  la  fraude,  de  concert 
avec  l'ignorance  et  la  crédulité,  en  ont  jeté  les 
fondemens,  et  que  les  diverses  religions  varient 
dans  leurs  dogmes ,  sans  varier  dans  leurs  Exi- 
gences,  paice  que  le  caprice  a  produit  ceux-ci, 
tandis  que  l'intérêt  des  prêtres,  qui  est  toujours 
le  même,  guide  celles-là.  (Mirabeau.) 

Exile.  «  Ceux  qui  ont  le  corps  gresle ,  le 
(T  grossissent  d'embourrures;  ceux  qui  ont  la  ma- 
«  tière Exile,  l'enflent  de  paroles.»  {^Montaigne.) 

ExiLEUR.  Engagé,  je  ne  sais  comment,  dans 
]es  folies  du  jansénisme  (  dit  Linguet,  en  parlant 
de  son  père,  )  témoin  ,  je  ne  sais  plus  comment, 
d'un  miracle  du  bienheureux  diacre,  il  fut  martyr 
du  despotisme  Exileur,  comme  son  fils  l'a  été 
du  despotisme  rayeur.  (^Annales  politiques ,  etc.) 

ExoiNE.  Je  ressemble ,  dit  Voltaire  (à  un  de 
ses  défenseurs  j,  à  ces  vieux  chevaliers  qui  ne 
pouvaient  plus  combattre  en  champ  clos  j  ils 
étaient  Exoines,  comme  dit  la  chronique,  et  un 
jeune  chevalier,  plein  de  courage,  prenait  leur 
défense.  (  Voltaire.  ) 

EXORABLE. 

Rendez-la,  comme  à  vous,  à  mes  vœux  Exorable,  (CorMczZ/e.) 

Exorable  devrait  se  dire  :  c'est  un  terme  so- 
nore, intelligible,  nécessaire,  et  digne  des  beaux. 

Q3 


246  E  X  O 

vers  que  débile  Ciniia.  Il  est  bien  étrange  qu^on 
dise  implacable  et  non  piacable-,  ame  inaltérable, 
et  non  pas,  ame  altérable;  héros  indomptable, 
et  non,  héros  domptable,  etc.  {Voltaire.^ 

Exorable.  Qu'Exorable  cà  la  prière  (le  prince), 
il  soit  ferme  contre  les  demandes.  {Montesquieu.) 

Exorable.  Voilà  quel  est  le  peuple,  même  en 
insurrection,  lorsqn'une  constitution  libre  l'a 
rendu  à  sa  dignité  naturelle,  et  qu'il  croit  sa 
liberté  blessée;  violent,  mais  Exorable  3  excessif, 
mais  généreux.  {Mirabeau.) 

ExoRBiTER.  La  tragédie  n'employant  pas  le 
ridicule,  il  suffit  qu'elle  peigne  assez  fortement 
le  crime  pour  qu'il  eflraye.  Le  scélérat  impuni,, 
au  comble  de  la  gloire,  y  fait  horreur.  Tel  est 
Mahomet. 

La  comédie,  an  contraire,  pour  être  utile, 
et  même  pour  n'être  pas  dangereuse  ,  dans  le 
siècle  de  l'esprit  et  du  raffinemtnt  des  voluptés, 
a  bien  une  autre  lâche  à  remplir.  Elle  peint  les 
mœurs  actuelles,  elle  répand  sur  les  usages  et 
les  pratiques  gênantes  y  le  sel  du  ridicule.  Quelle 
sagesse  ne  lui  faudra -t-il  pas  pour  saisir  le  point 
précis  où  la  mode  dégénère  en  abus,  où  les  mœurs 
Exorbitent  l'aisance  ,  et  deviennent  licen- 
ifieuses?   {Rétif.) 

ExoRNATOiRE.  L^auteur  se  défend  toute  es- 
pèce d'enthousiasme,  en   parlant  d'un  homme- 


E  X  F  24/ 

prodige  (  Voltaire  ) ,  quoique  dans  le  genre  de 
l'éloge  même  le  plus  Exornatoire  ,  le  panégy- 
riste n'eût  guère  à  craindre  que  de  rester  trop 
au-dessous  de  la  renommée  et  de  son  sujet.  (Saml- 
Ange.  ) 

Expansion.  11  y  a  dans  le  caractère  du  Fran- 
çais, une  Expansion  originale.  Voyagez  deux 
jours  en  voiture  publicjue;  lorsqu'on  en  descend, 
vous  diriez  aux  mutuelles  démonstrations  d'a- 
mitié, que  ce  sont  des  amis  de  vingt  ans  qui  se 
séparent. 

Expatriation.  Disons-le  pour  exil  volontaire. 
Croyant  les  ctourderies  de  ma  jeunesse  suffi- 
samment expiées  par  la  perte  de  ma  fortune,  et 
sur-tout  par  l'Expatriation,  je  demandai  à  ren- 
ti"er  en  grâce  avec  mes  parens.  S'enrichir  aux  îles, 
dans  l'Inde,  c'est  une  charmante  perspective, 
mais  le  début  de  cette  carrière,  l'Expatriation I 
voilà  ce  qui  me  fait  balancer. 

Expatriation.  Ce  vil  délateur  l'exposa  au  dan- 
ger d'une  nouvelle  Expatriation. 

ExPECTANCE.  J'avais  l'Expeclance  de  cette 
place ,  mais  toutes  ces  reculades  en  politique 
ont  désarçonné  mes  plus  chauds  protecteurs. 

L'Expeclance  d'un  trône  est  un  supplice  per- 
pétuel 5  c'est  une  maladie  de  prince:  plusieurs 
en  sont  morts» 

Q   i 


iii3  E  X  P 

Expérience.  L'expérience  ,  jeune  homme  , 
l'expérience  !  Quand  vous  aurez  Expérience  par 
vous-même,  toiile  la  fausselé  des  vertus  dont 
on  se  vante  dans  le  monde,  pour  cacher  les  vices 
les  plus  odieux,  vous  commencerez  à  connaître 
les  hommes. 

Explorateur.  Génération  d'hommes  libres. 
Suivez  la  route  tracée  par  les  Explorateurs  de  la 
liberté  des  nations,  par  Sidney  ,  sur-lout,  qui, 
par  son  livre  de  la  Moîiarchie ,  a  obtenu  l'hon- 
neur d'être  le  premier  à  qui  la  manifestation 
des  droits  de  l'homme  ait  coûté  la  vie.  {Théophile 
Mandar.  ) 

Exploser.  Après  avoir  gardé  le  silence  de- 
vant un  torrent  d'invectives,  lout-à-coup  sa  tête 
se  perdit ,  et  il  Explosa  d'une  manière  terrible. 
Quand  j'entendis  Exploser  le  magasin  à  poudre 
de  Grenelle,  je  crus  que  le  foyer  grondant,  ful- 
minant était  placé  sous  les  murs  de  ma  prison 
(l'hôtel  des  Fermes),  et  que  j'allais  sauter  en 
l'air  jusques  à  la  lune. 

Exploser.  Faire  explosion.  Ce  verbe  est  d'ai*^ 
tant  plus  admissible,  qu'il  peut  être  souvent  et 
diversement  employé. 

De  tant  d'événemens  inattendus  ,  on  verra 
Exploser  une  faneste  castatroplie. 

La  domination  maritime  des  Anglais  ne  peut 
manquer  de   faire  Exploser  et   fondre  sur  leur 


E  X  T  249 

gouvernement,  l'indignation  et  la  vengeance  de 
tous  les  peuples  de  l'Europe.  (P-) 

ExposiTEUR.  L'Expositeur  de  ces  livres  et 
images  obscènes  est  moins  coupable,  sans  doute, 
que  leur  auteur,  mais  il  n'en  mérite  jjas  moins 
une  correction  exemplaire,  vu  qu'il  a  déjà  été 
réprimandé,  et  qu'il  est  tombé  dans  une  récidive 
que  rien  ne  saurait  justifier.  Ce  ne  fut  qu'après 
cinq  années  que  l'on  parvint  à  découvrir  l'Ex- 
positeur  de  l'enfant,  objet  de  ce  singulier  procès, 
et  qui  semblait  interminable. 

ExPRESSiONNER.  Vous  qui  tenez  les  crayons, 
Expressionnez-moi  cette  tète  ;  et  vous,  Expres- 
sionnez  ce  geste.  Ecrivain  ,  Expressionnez  voire 
slyle  en  le  tirant  de  vous-même,  sans  froide 
imitation;  clianleur, Expressionnez  votre  chant, 
et  pour  cela  ne  soyez  pas   musicien. 

Exproprier.  On  peut  regarder  le  Comtat 
Venaissin  et  celui  d'xAvignon,  comme  une  grande 
et  riche  abl)aye,  dont  la  France  laissait  jouir  le 
pape;  elle  pouvait  donc  l'Exproprier  de  ce  da- 
maine  national ,  comme  elle  avait  Exproprié  le 
clergé  en  l'indemnisant.  (  Cérutti.  ) 

ExTANT.  Qui  est  en  nature.  On  ouvrit  son 
tombeau;  le  corps,  depuis  cinq  siècles  qu'il  y 
reposait ,  était  encore  Extant. 

Extendeur.    La  morale  des  nations  (l'his- 


oBo  EXT 

loire  vous  le  dira  ) ,  c'est  leui*  repos  ,  leur  ri- 
chesse, leur  splendeur.  La  morale  des  livres  n'est 
point  celle  du  grand  théâtre  des  affaires  hu- 
maines. Les  Extendeurs  sont  tout  à-la-fois  li- 
dicules  et  dangereux  hommes,  en  ce  qu'ils  n'ont 
point  connu  riiomme  et  qu'ils  ont  irrité  ses 
passions,  au  lieu  de  les  régulariser. 

Extermination.  N'a-t-on  pas  la  logique  de 
la  rage,  quand  on  s'en  prend  à  l'Evangile,  des 
crimes  même  que  l'Evangile  proscrit?.  .  .  .  Dieu 
bon!  c'est  Jésus-Christ  qui  a  commandé  l'Ex- 
termination des  hommes,  lui  qui  ne  prêchait  que 
tolérance  et  qui  priait  pour  ses  bourreaux  I  (  Lici 
Bouche  de  fer.  ) 

Extermination.  Il  n'a  jamais  eu  (Robespierre) 
la  moindre  idée  de  gouvernement;  il  vi'a  jamais 
rien  connu  enti'e  la  guerre  et  l'Extermination 
totale  des  ennemis.  (  Merlin  de  Thlonçille.  ) 

ExTOLLER.  Que  l'envie  est  adroite!  Elle  loue 
quelquefois  à  outrance  tel  personnage  ,  parce 
qu'elle  est  charmée  d'abaisser,  en  l'Extollant, 
tous  ceux  qu'elle  voudrait  anéantir.  Il  est  de 
l'essence  des  intrigans,  dans  leurs  coteries,  d'Ex- 
toller  tel  homme  pour  lui  succéder  ,  et  être 
Extollé  à  son  tour. 

ExTRADATiON.  Qu'est-ce  l'Extradation?  C'est 
ime  violation   atroce  du  droit   des  gens,   et  par 


EXT  aBi 

conséquent  une  monstruosité  en  droit  public. 
C'est  une  infâme  trahison  que  n'ont  pu  et  ne 
pourront  jamais  colorer,  ni  les  argumens  subtils 
de  la  diplomatie,  ni  les  sophisraes  tirés  de  la 
sûreté  de  la  police  et  de  la  garantie  du  contrat 
social. 

L'Extradation ,  mot  vraiment  technique  ,  mot 
épouvantablement  expressif,  signifie  livrer  un 
réfugié.  Cette  dénomination  seule  suffit  pour  pé- 
nétrer d'horreur  tous  ceux  à  qui  la  vie  et  la  li- 
berté sont  chères.  (RévoIuL  de  Paris.  ) 

Extra  -  séculaire.  Dans  une  province  de 
l'Amérique  méridionale ,  il  existe  une  négresse  j 
âgée  au  moins  de  cent  soixante-quatorze  ans  ; 
on  n'a  pu,  sur  son  âge  Extra-séculaire,  s'en 
rapporter  qu'à  sa  déclaration ,  mais  son  témoi- 
gnage est  confirmé  par  celui  d'une  autre  espèce 
de  prodige  du  même  genre,  par  celui  d'une  autre 
négresse  qui  n'a,  à  la  vérité,  que  cent  vingt  ans, 
mais  qui  assure  que,  dans  son  enfance,  la  né- 
gresse Extra-sécuiaire  était  déjà  une  personne 
faite,  et  qu'elle  l'appelait  mon  enfant,  ma  pu- 
pille. (  Linguet.  ) 

ExTRAYEUR.  Combien  peu  de  gens,  parmi  les 
lecteurs  de  nos  villes,  réfléchissent  sur  leurs  lec- 
tures! La  plupart,  guidés  par  un  journaliste, 
ne  savent  juger  que  soufflés  par  un  ennemi  secret 
de  l'auteur,  nui  a  fourni  l'extrait  par  méchanceté 


252  E  X  U 

ou  par  jalousie;  ils  deviennent  les  échos,  les  or- 
ganes du  plus  vil  des  hommes  ,  caché  dans  Tobs- 
curité,  d'où  il  lance  ses  flèches  empoisonnées. 
11  ne  faut  pas  croire  que  nos  Extrayeurs  cher- 
chent la  vérité,  le  progrès  des  lettres,  qu'ils 
aiment  les  bonnes  mœurs  :  loin  d'eux  ces  utiles 
idées!  (Rétif.) 

Extrême.  (Z")  J.  J.  Rousseau  développait  dans 
la  conv.ersation  les  principes  de  son  Discours  sur 
V Inégalité  des  conditions.  C'est  alors  qu'il  reve- 
nait un  peu  sur  l'Extrême  de  ses  premières  idées. 

Exubérant.  Style  Exubérant.  Erudition  Exu- 
bérante :  les  écrivains  d'Allemagne  s'en  montrent 
trop  jaloux.  (Dumas.) 

ExuLCÉRER.  Piquer  fortement;  du  latin  ulcus , 
ulcère  ,  plaie  douloureuse.  Les  diatribes  sont 
moins  faites  jjour  Exulcérer  qu'une  épigramme 
fine  et  mordante.  J.  J.  Rousseau  et  la  Beaumelie 
avaient  trouvé  mieux  que  Fréron  le  secret  d'Exul- 
cérer.  (V^oltaire.) 

Exultation.  Quelle  fut  mon  Exultation,  lors- 
qu'àla  suite  de  la  prise  de  la  Bastille,  j'entrai  dans 
celte  forteresse  qui  m'avait  menacé  de  m'englou- 
tir,  et  je  foulai  d'un  pas  triomphant  les  premiers 
décombres  qui  annonçaient  sa  chute  éternelle, 
Paris  sauvé,  et  moi  libre  du  joug  des  rois! 

Celte  joie  profonde  ne  peut  bien  se  rendre  que 
par  le  mot  Exultation  :  Exultavit  anima  inea. 


F  A  C  253 

Exulter.  Tressaillir  de  joie;  de  exsuîtare.  Il 
esL  harmonieux;  il  convient  à  la  poésie. 

F 

f  ABLIER.  Madame  de  la  Sablière  appelait  noire 
Lafontaine ,  son  Fablier.  Arbre  unique  en  sou 
espèce,  et  qui  ne  revient  point  par  boutnres. 

Fabricateur.  Le  grand  Fabricaleur  de  l'uni- 
vers voit  sans  doute  en  pitié  tous  ces  Fabricateurs 
de  mondes,  qui  les  font  mouvoir  à  force  de  signes 
algébriques,  de  suppositions  gratuites,  et  le  plus 
souvent  incroyablement  ridicules. 

Fabulateur.  Que  Ricliardson  est  un  admi- 
rable Fabulateur  !  et  Fielding  aussi  I  et  encore 
l'auteur  de  Gil-Blas  '  J'aimerais  mieux,  dans  la  pos- 
térité, porter  le  nom  de  le  S"a.ge.  Fabulateur,  que 
celui  de  Boileau  versificateur. 

Fabuliser.  Quand  on  a  des  vérités  diues  à 
émettre  en  présence  de  l'autorité  irascible,  il  faut 
les  Fabuliser  :  voilà  le  secret  du  sage  ,  et  l'art  d'un 
écrivain. 

Facétiostté.  On  n'a  en  français  aucun  mot 
qui  réponde  bien  à  celui  à'huniour ,  dans  le  sens 
que  lui  donnent  les  Anglais,  Facétiosité  serait 
celui  qui  conviendrait  le  mieux,  mais  il  est  un 
peu  long. 


2«54  i'  A  C 

Fâché,  [être)  Ouvrez  le  DIcLîonnaire  de  Rlclie- 
let,  et  vous  lirez,  se  Fâcher ,  être  en  colère. 

Lisez  les  Confessions  de  J ean-J acqiies ((  Il 

«  était  emporté,  sans  être  boudeur  :  je  l'ai  vu  sou  ■ 
«  vent  en  colère,  mais  je  ne  l'ai  jamais  vuFàclié.  » 

Fâcherie.  Ce  mot  vieillissait  j  Voltaire  l'a  ra- 
jeuni dans  sa  Lettre  à  Maupertuis .  «Je  suis  tres- 
se mortifié,  monsieur,  que  vous  soyez  assez  léib- 
«  nilzien  pour  imaginer  que  vous  avez  une  rai- 
«  son  suffisante  d'être  en  colère  contre  moi.  Je 
<(  crois  que  votre  Fâcherie  est  un  de  ces  effets 
«  de  la  liberté  de  l'homme  dont  il  n'y  a  point 
«  de  raison  à  rendre.  »  (  l'^oltaire.  ) 

Faciende.  Ou  le  dit  pour  cabale,  sur-tout  lors- 
qu'elle agit  par  écritures,  et  qu'elle  intrigue  avec 
la  plume.  On  vous  accuse  d'èlre  de  cette  Faciende. 
Une  Faciende  vivement  opposée  à  une  autre  Fa- 
ciende, donne  bientôt  naissance  à  une  troisième. 

Faconde.  Parler  a])ondant,  même  éloquent. 
Il  a  de  la  Faconde.  xMais  ce  mot  a  un  double  s&ws. 
Sa  Faconde  ne  tarit  point;  il  prend  sa  Faconde 
pour  le  talent  de  Démoslhènes.  La  Faconde  d'ua 
professeur,  d'un  démonstrateur,  n'est  pas  un  dé- 
faut; elle  devient  vice  chez  l'orateur  et  à  la  tri- 
bune. 

Factice,  (/e)  Qui  A'^oudra  renoncer  aux  opi- 
jiions  que  l'aveugle  habitude  fortifie,  et  donner  à 


FAI  2:.5 

sa  raison  une  avilorité  cjiie  le  préjugé  iialional 
semble  vouloir  usurper,  apercevra  la  monolouie, 
Tuniformité,  FétroïL  el  le  Factice  de  nos  tragé- 
dies françaises. 

Facticement.  Les  gens  de  Paris  ne  vivent  que 
FacLicement. 

Facturer.  Voici  le  lenips  de  Facturer  du  drap 
bleu ,  et  en  grande  quanlité,  car  tout  le  monde  ea 
porte,  on  se  propose  d'en  porter.  Facturer  une 
tragédie  d'après  le  protocole  français ,  quoi  de 
plus  coniraun  de  nos  jours  I 

Facultatif.  Il  a  des  moyens  Fac.ullatifs  que 
n'a  point  son  concurrent. 

Fadasse.  Les  Muses  Rii^ale?.  Cette  production 
est  médiocre,  sans  invenlion,  Fadasse  et  dénuée 
de  cette  critifjiie  qui  ,  en  contrastant  avec  les 
louanges  prodiguées  à  Voltaire,  lui  aurait  donné 
un  piquant  nécessaire  par-tout,  et  principalement 
dans  la  comédie. 

Fatllibilité.  Inviolablement  attaché  à  l'au- 
guste et  divine  religion  que  je  professe,  je  n'en 
suis  pas  moins  convaincu  de  la  Faillibilité  de  tous 
les  sorbonnisles,  officiaux,  thc-ologaux,  feseurs 
de  catéchismes,  sans  en  excepter  notre  saint  père 
le  pape.  (Louis  Verdure.^ 

Nous  avons  bien  montré  combien  nous  avons 
cru  sa  sainteté  très-Faillible, 


256  F  A  L 

Faillible.  Tout  homme  est  Faillible  ;  mais  qni 
reconnaît  sa  faillance ,  évite  de  tomber  clans  de 
plus  grandes  fautes.  Faillir  à  son  ami,  c'est  dou- 
Idement  faillir.  ^ 

Faire  {^une  ame.)  Mirabeau  servait  à  la  fois 
deux  ou  trois  maîtresses  qui,  croyant  toutes  avoii' 
la  preuve  la  moins  équivoque  de  sa  fidélité,  ne 
lui  donnaient  pas  l'embarras  d'être  parjure:  mais 
il  n'a  jamais  aimé  que  Sophie  :  s'il  a  valu  quelque 
chose,  c'est  par  Sophie;  c'est  Sophie  quia  Fait 
son  ame,  (^Manuel.) 

FaisANCES  (de  faire.)  Vos  Faisances  me  dé- 
plaisent :  on  dit  façons  ;  Faisances  est  plus  étymo  - 
logiqique. 

Faiseur.  Un  homme  en  place,  et  mu  par  l'am- 
bition, ne  peut  pas  dépenser  son  temps  à  faire  de 
l'esprit-,  puis,  il. n'en  a  pas  quelquefois.  Il  a  donc 
son  Faiseur  pour  les  discours,  pour  arranger  les 
reparties  soudaines,  pour  préparer  les  petits  contes 
qu'on  débile  au  salon.  Les  hommes  de  lettres  ont 
été  les  Faiseurs  de  tout  ce  que  le  clergé,  la  cour, 
la  finance  et  les  parlemens  ont  dit  de  mieux.  On 
dit  aujourd'hui  publiquement  quel  est  le  Faiseur 
de***,  de***.  Terme  reçu. 

Fallace.  La  femme  qui  a  abjuré  la  pudein-, 
n'est  remplie  que  de  tromperies  et  de  Fallace. 

Fallace, 


F  A  M  257 

Fallace.  Action  frauduleuse.  Il  y  a  dans  sa  coii- 
duite,  une  Fallace  que  nous  ne  larderons  pas  à  dé- 
couvrir. Les  grands  seigneurs  mettaient  toujours 
quelque  Fallace  dans  les  traités  qu'ils  signaient 
avec  leurs  inférieurs. 

Fallacieux. 

îjermens  Fallacieux  1  saltitaire  contrainte 
Que  m'imposa  la  force,  et  qu'accepta  ma  crainte; 
Heureux  déguisement  d'un  immortel  courroux  , 
Vains  fantômes  d'Etat,  évanouissez-vous! 

L'éloquent  Bossuet  est  le  seul  qui  se  soit  servi, 
après  Corneille,  de  cette  belle  épithète,  Fallacieux. 
Pourquoi  appauvrir  la  langue?  Un  mot  consaci'é 
par  Corneille  et  par  Bossuet,  peut-il  être  aban- 
donné ?  (  Voltaire.  ) 

Falloir.  Falloir  être  bon  pour  être  heureux*, 
Falloir  être  sage  pour  être  tranquille.  (^Amyot,  ) 

Famé.  {Fama.)  Renommée  domestique.  Il  a 
oiFensé  sa  bonne  Famé  en  ne  payant  point  des 
dettes  criardes. 

Famosité.  La  Famosité  de  ce  concussionnaire, 
de  ******  est  écrite  en  caractères  de  sanff, 
et  sera  éternelle  comme  le  souvenir  des  hor- 
ribles désastres  dont  il  fut  le  promoteur.  Fa- 
mosité serait  alors  la  célébrité  du  crime.  La  Fa- 
mosité de  Cartouche.  On  l'appliquerait  aussi  à 
l'usurpation  de  la  reuoramée;  la  Famosité  de 
l'Arétin,  de  Marat. 

Tome  I.  R 


358  FAN 

Fanatîselîi.  Ces!  un  Fanaliseiir  qui  nVst 
point  fanatique;  il  n'est  pas  dans  le  délire  reli- 
gieux, mais  il  voudrait  le  faire  passer  dans  des 
âmes  faibles,  ardentes  et  timorées,  qu'il  abuse  par 
des  idées  dont  le  principe  est  d'ailleurs  respectable. 

Faner.  Né  avec  une  triste  inquiétude  d'esprit, 
Mauperluis  qui  avait  écrit  sur  le  Bonheur  ^  fut 
mallieareux  au  sein  des  honneurs  et  des  plaisirs; 
il  cherchait  toujours  là ,  le  bonheu»-  qui  était  ici. 
Son  esprit  facile  ,  poli  ,  caiessant  mê;ne,  ne  l'a 
point  soustrait  à  des  querelles,  à  des  haines,  à  àes 
cabales,  à  des  intrigues  qui  ont  Fané  ses,  lauriers 
€t  &^s  jours.  {F.  MatLuel.) 

Fanfarer,  [de  fanfare.)  îl  s'est  mis  à  Fanfarer 
ce  général,  et  si  long-lemps,  et  ù  un  tel  point, 
que  l'on  devina  qu'ils  s'enîendaient  pour  s'entre- 
louanger.  11  va  Fanfarer  chez  de  pe!  its  bourgeois , 
n'osant  pas  prendre  le  même  ton  dans  une  société 
plus  relevée. 

Fanger.  La  corruption  des  amUcs  n'avait  pas 
■encore  Fange  en  elle  l'image  de  la  vertu.  (  Rétif) 

Fanges.  Ce  sont  les  hommes  Fanges  qui  atta- 
quent ordinairement  le  mérite,   le  talent  et  lu. 
vertu. 
•    Fangeux. 

A  l'oreille  «lu  juste,  aux  talens  ,  au  courage 
Que  font  les  cris  Fangeux  du  jaloux  détracteur? 
Le  serpent  siffle  au  pied  du  cèdre  qui  l'ombrage, 
Sans  en  ébranler  la  hauteur.  (  Moussard,  ) 


FAN  ^:>3 

IFanir.  «  Les  maladies  et  coiidiLions  de  nos  corps 
«  se  voyeiîl  aussi  aux  élals  et  polices.  Les  royaii- 
«.  mes,  les  républiques  naissent,  fleurissent  et  Fa- 
«  nisseut  de  vieillesse  comme  nous.»  (Montaigne.) 

FA^TASIEUX.  C'est  un  esprit  Fantasieux,  clii- 
mérique.  La  lumée  du  tabac  rend  rimaginaliou 
Fantasieuse.  On  n'a  point  de  génie,  s'il  n'est  libie 
et  Fantasieux.  Fantasieux,  sous  ce  rapport,  est 
l'opposé  de  fantastique.  Ce  mot  convient  à  la  poésie 
et  au  poète. 

Fantasmagorie.  Jeu  d'optique  qui  fait  voir 
tous  les  combats  multipliés  et  tins  de  l'ombre  et 
de  la  lumière,  et  qui  révèle  en  même  temps  d'an- 
ciennes fourberies  de  prêtres.  Ces  fantômes  créés 
à  volonté,  et  mouvans,  ces  fausses  apparences 
amusent  le  vulgaire,  et  font  rêver  le  philosophe. 
Qu'est-ce  que  le  spectre  du  miroir,  ou  dans  le  mi- 
roir? existe-t-il,  n'existe-t-il  pas?  Quelle  prodi- 
gieuse ténuité  de  rayons  coloi'és  I  quel  étonnant 
intetraédi^aire  entre  la  matière  que  nous  palpons, 
et  l'esprit  que  nous  ne  touchons  pasi  O  spectre! 
ô  figurabilitél  qui,  quoi  es-tu?  On  n'a  pas  encore 
su  faire  de  ces  expériences  si  curieuses,  si  surpre- 
nantes ,  un  spectacle  en  grand.  Au  lieu  de  ces 
puériles  illuminations,  répétition  uniforme,  mi- 
sérable et  bornée,  commandez  à  l'ingénieux  Ro- 
bertson  de  nous  faire  danser  ligurativeinent,  sur 
tous  les  toits  de  la  ville,  des  êtres  intangibles  et 

R   2 


26o  F  A  s 

non  moins  hauts  que  les  tours  Notre-Dame.  Ces 
jeux  extraordinaires  eL  merveilleux  formeraient 
des  pliysicieus  et  des  amateurs  de  physique 5  ce 
qui  vaudrait  mieux  que  ces  maniaques  acheteurs 
de  peintures,  contre  lesquels  je  prépare  un  bel 
article. 

Fakcer.  (^Voyez  Pontifier.) 

Fardeue.  Qui  donne  un  faux  lustre  à  un  objet, 
gui  en  cache  les  défauls.  Fardeur  de  ses  propres 
vices,  il  exagère  les  défauts  de  son  voisin.  Ce  valet 
a-t-il  assez  d'adresse  ,  assez  de  ressources  dans 
l'esprit  pour  être  le  Fardeur  des  impertinentes  lé- 
sineries  de  son  maître. 

Fardeur,  Fardeuse.  Que  la  nature  préside 
à  votre  toilette  simple,  «t  renvoyez-moi  ces 
Fardeurs  ou  ces  Fardeuses  dont  Fart  ne  sert 
qu'à  vous  vieillir! 

Fastidier.  Tel  homme  de  lettres  ,  en  parlant 
beaucoup  de  soi,  Fastidie  ses  auditeurs,  et  vou- 
lant afficher  qu'il  est  au-dessus  des  autres  ,  il 
invite  l'amour-propro  révolté  à  rabaisser  une 
vanité  si  démesurée  (1). 

Fastidier.  La  conversation  de  quelques  hommes 

(1)  Nous  avions  Fastidieux  ;  Giesset  fait  dire  à  son  Siduei  : 

J'épargne  aux  yeux  d'autrui  l'objet  Fastidieux 
D'homme  ennuyé  pai'-toutj  et  par-tout  ennuyeux. 

X'ustidler  nous  manquait. 


F  A  U  261 

delel'resFaslidie  les  gens  du  monde,  en  ce  qu'if» 
ne  parlent  que  d'une  seule  et  même  chose,  et 
qu'ils  tournent  sans   cesse  dans  le   même  cercle. 

Fatiste.  Diseur  de  riens;  homme  occupé  à 
choses  de  néant.  Nos  pères  en  fesaient  le  syno- 
nyme de  Bateleur. 

Fatuaire.  Prédicteur  de  l'avenir  ;  homme  se 
disant  inspiré.  Allez  voir  ce  grand  Fatuaire;  il 
rend  ses  oracles  dans  un  grenier,  au  milieud'une 
miaulante  assemblée  de  chats  descendant  des 
toils,   et  accourant  des  gouttières. 

Fatuisme.  Puisque  idiot  signifiait  autrefois 
solitaire,  \e  vieillard  de  Ferney  avoue  qu'il  est 
un  grand  idiot;  et  coiume  les  organes  de  Tarae 
s'afFaiblis.sent  avec  ceux  du  corps,  il  avoue  encore 
qu'il  est  idiot,  dans  le  sens  qu'on  attache  aujour- 
d'hui à  ce  mot.  11  pense  que  l'idiolisme  est  l'état 
d'un  idiot,  comme  le  pédantisme  est  l'état  d'un 
pédant.  Le  vieillard  n'a  pas  le  Fatuisme  de  croire 
avoir  raison.  (  T^oUaire.  ) 

Faublover.  Vieux  mot  qui  signifiait  autre- 
fois faire  des  contes  sans  suite.  A  un  certain  âge  , 
on  ne  raisonne  plus,   ou  se  plait  à  Faubloyer. 

Fauchaison.  Mot  générique  de  P^z/jt:  ^  Faulx;. 
au  lieu  que  Fenaison  n'a  rapport  qu'au  foin. 

Faussé»    (^esprit)  L*auti-quilé   n'offre  pas  uu 

R  S 


2  62  F  K  C 

seul  ouvrage  spécialemenL  dirigé  conlre  la  pas- 
sion du  jeu,  et  ce  n'est  que  depuis  la  renaissance 
des  leLtres  que  l'on  s'est  enfin  avisé  d'en  com- 
battre méthodiquement  la  fureur;  mais  celte  idée 
salutaire  ne  s'est  offerte  d'abord  qu'à  des  esprits 
faibles,  ou  déjà  Faussés  par  les  subtilités  de 
l'école.  (  Dusaulx.  ) 

Fausser,  («e)  \jn  homme  qui  trahit  ses  de- 
voirs, et  qui  ^  par  de  misérables  sophismes  ,  est 
parvenu  à  étouffer  le  remords ,  à  en  tarir  la  source , 
à  se  Fausser  la  raison,  ne  saurait  être  ver- 
tueux. [Rétif.  ) 

Faux.  [\  fut  un  temps  où  Boucher,  peintte  , 
fut  pris  de  la  fureur  de  faire  des  vierges  :  eh 
bien  ,  ces  vierges  étaient  de  jolies  petites  câ- 
lins.... des  anges  :  eh  bien,  ces  anges  étaient  de 
petits  satyres  libertins.  Avec  tout  cela,  ce  n'est 
pa?  un  sot  pourtant;  c'est  un  Faux  bon  peintre^ 
comme  on  est  un  Faux  bel-esprit.  (  Diderot.) 

FÉCONDANCE.  Si  la  nature  a  donné  à  la  terr& 
de  la  fécondité,  c'est  à  l'homme  qu'elle  a  remis 
celui  de  la  Fécondance. 

FÉCONDATRICE.  Les  élèves  de  Brama ,  ces 
pacifiques  Indiens  ,  que  les  Grecs  appelaient  les 
enfans  de  la  terre  et  les  précepteurs  de  tous  les 
peuples  venus  après  eux  ,  ne  connaissaient 
rien  de  plus  respectable ,  i-ien  de  plus  sacré  dans  le 


r  f:  r  zm 

xnondr,  qnela  bieiuaiLiico  des  liameaux,  que  la 
Fécondatrice  du  bétail ,  l'innocente  génisse  ,  la 
vache    nourricière.   (  Feuille  Villageoise.  ) 

FÉCULENCE,  Matière  sédimenteuse  des  urines. 
Les  avenues  des  palais,  des  temples,  des  tribu- 
naux ,   des  spectacles  sont  infectées  de  Féculence, 

Ff.dkr.ATIF.  L'assemblée  nationale  ayant  dé- 
cidé que  tous  les  citoyens  qui  portent  les  armes 
enverraient  à  Paris  leurs  députes,  pour  pro- 
mettre par  serment ,  en  leur  nom ,  le  même 
jour,  à  la  même  heure,  de  défendre  la  consti- 
tution ,  cette  cérémonie  eut  lieu  dans  le  Champ- 
de  Mars,  le  i-'t  juillet  1790,  époque  célèbre 
par  le  souvenir  de  la  Bastille,  prise  le  même 
jour  de  la  précédente  année.  On  la  nomme  Fé- 
dération, et  le  serment  qui  y  fui  fait,  Fédéra- 
tif;  cela  veut  dire,  pacte  d'alliaiice,  serment 
d'alliance.  Tous  les  Français  qui  l'ont  prêté, 
.^ont  donc  alliés  et  frères.  (  Ctrutli.  ) 

Fetntise.  Masque  de  Feiniise,  masque  dont 
on  voit  les  cordons  ;  la  Feintise  d'une  jeune  fille 
pour  se  déguiser  en  fiice  de  ses  parens.  La  Fein- 
iise du  demi-hypocrite,  plus  dangereuse  quel- 
quefois que  la  duplicité  du  traître. 

Feintiser.  Le  diminutif  de  feindre  devrait 
être  Feintiser. 

C'est  le  rôle  des  h-jmmes  médiocres  de  Fein- 
tiser dans  tous  leurs  propos. 

Il  4 


2<^^i  F  E  \r 

l'ÈLÉE.  Têle  fêlée;  expression  assez  appli- 
cable à  ces  devineurs  des  premières  causes  ,  qui 
veulent  soumettre  la  nature  à  leurs  aperçus,  et  qui, 
épelant  à  peine  quelques  lettres  dn  grand  ou- 
vrage, font  les  transcendans,  et  s'imaginent  y 
lire. 

FÉLONESSE.  Cruelle  envers  les  siens.  Terre 
Félonesse,  terre  stérile.  Les  antiquités  ganloises 
et  françaises  admettent  ce  terme.  (  Voyez  Borel). 

FÉLONIE.  C'était  le  délit  d'un  vassal  conlre 
ses  seigneurs.  Disons  aujourd'luii  (  car  je  ne  veux 
pas  plus  tuer  un  mot  qu'un  homme)  :  Quand 
un  jeune  militaire  insulte  à  un  vieillard  ,  il  y 
a  Félonie  ;  c'est  encore  Félonie  que  d'être  grossier* 
envers  une  femme  :  qui  outrage  la  timidité  du 
sexe,  porte  un  caractère  Félon. 

Félonie.  Il  y  a  de  la  Félonie  quand  on  est 
parvenu  à  une  haute  place  par  le  choix  du  peu- 
ple ,  d'oublier  la  cause  de  ce  mèiue  peuple , 
et  de  le  Iraiter  avec  hauteur  ou  dureté.  Que 
de  Félons  I   gueux  revêtus! 

Femmelet.  Comment  remplirais-je  mon  but, 
51,  par  égard  pour  les  puristes,  et  pour  ne  pas 
effrayer  les  sots,  je  retranchais  de  mes  turpitu- 
des dans  mon  ouvrage,  et  n'y  montrais  qu'un 
homme  factice?  Je  pourrais  amuser  nos  Fem-  ' 
nielets  et  nos  petits  Calons,  vertueux  faute  de 


F  E  S  '-'65 

senlir,  ou   de  forces  physiques,   et  je  n'inslrui- 
rais  personne  (Rétif). 

Fenestrer.  (de  fenêtre.)  Fenestiez  moi  ce  châ- 
teau gothique,  obsciii*,  où  l'on  ne  voit  pas  clair.  11 
n'y  a  pas  de  l)el  édifice  sans  un  fenestrage  bien 
distribué.  Si  Ton  pouvait  fenestrer  le  cœur  de 
l'homme  pour  y  voir  ce  qui  s'y  passe ,  l'on  ne 
fejait  pas  de   si  mauvais  choix. 


FÉRIR.  Frapper  sur  un  métal  ou  sur  un  corps 
relentissant.  L'horloge  a  Féri  onze  heures...  11  a 
éle  tué   d'une    balle    sans   coup   Férir. 


Fermir.  <>  Les  exemples  nous  apprennent  que 
«  l'estude  des  sciences  amollit  et  efféminé  les 
«courages,  plus  qu'elle  ne  les  Fermit  et  aguer- 
«  rit.  (  Montaigne.  )  » 

FÉRITLER.  C'est  un  rairmidon  qui  s'avise  de 
Férulerun  autre  mirraidonj  arrive  un  troisième 
qui  les  férulera  tous  deux  pour  les  mettre  d'ac- 
cord-,  or,  n'est-ce  point  là,  en  trois  mots,  l'his- 
toire de  nos  modernes  journaux. 

Festivité.  Dans  les  deux  années  qui  viennent 
de  s'écouler,  je  n'ai  pas  eu  la  Feslivilé  d'un 
jour. 

La  Feslix'^ité  de  ses  noces  a  fait  place  sur- 
le-chanjp  aux  querelles  domestiqués  et  aux 
remords. 


Festoyer.  Fesloyer  sa  inaîLresse,  hiicionner 
vn  joli  repas:  Fesloyer  ses  amis  la  veille  d'un 
départ. 

FÉTI^.  Vieil  adjeclif  qui  signifiait  autrefois 
beau,  tandis  que  bellâtre  exprimait  nn  ffiux  air 
de  beauté.  Je  vous  soutiens  que  c'est  un  bellâ- 
tre, et  non  un  Fétis.  Ressuscitons  ])eilâlre  ^ 
et  appliquons-le  à  ceux  qui  font  les  beaux. 

Feuillaison.  I^es  arbres  sont  en  pleine  Feuil- 
laison. 

Feutiie.  Synonyme  de   chapeau. 

FiCTiONNER.  Ce  n'est  pas  narrer,  conier, 
fabuliser  ;  c'est  imaginer  des  caractères  moraux 
ou  politiques ,  pour  faire  passer  des  vérités  es- 
sentielles à  Tordre  social.  Ficlionner  un  plan 
de  gouvernement  dans  luie  île  lointaine,  et  chez 
un  peuple  imaginaire,  pour  le  développement 
de  plusieurs  idées  politiques,  c'est  ce  qu'ont  fait 
plusieurs  auteurs  qui  ont  écrit  fictivement  en 
faveur  de  la  science  qui  embrasse  l'économie  gé- 
nérale des  états  et  la  félicité  des  peuples.  Quand 
JVIarmonlel  aFictionné  son  Bélisaire,  etTerrassou 
.son  Setlios,  ils  ont  réussi  dans  ce  genre  d'où-»- 
vrage  ,  plus  instructif  que  le  poème  épique. 

Fictivement.  Il  y  a  des  instans  dans  la  vie 
©ù  ronainie  mieux  jouir  Fictivement  que  réel- 
lement. 


F  I  X  -67 

Fidéliser.  Il  esL  hon,  dans  des  lemps  où  règjie 
leparjure,  d'avoir  un  liomnie  qui  garde  scrupuleu- 
sement sa  foi,  et  dont  rexeœpleYousFidéIise(Z(**). 

FiELLER.  Nourrir  la  haine  ,  Fanimosilé,  ne  se 
souvenir  que  des  injures  ,  et  non  des  bienfaits.  Il 
est  malheureux  ,  cet  homme,  il  passe  sa  vie  à 
Fieller,  et  dans  ses  écrits,  et  dans  ses  discours,  et 
jusquesdans  son  altitude  farouche. 

Fiévreux.  La  sensiblerie  est  le  parlag;e  d'une 
multitude  de  petits  êtres  infimes,  Fiévreux  de 
sentiment ,  et  qui  sont  les  comédiens  éternels  de 
la  vraie  sensibilité. 

FiGURiSTE.  QuVt-il  dit,  qu'a-t-il  fait  dans  cette 
grande  assemblée  ?  —  Il  y  a  été  Figuriste.  — C« 
pauvre  comédien  Figuriste,  voyez  comme  Vixi- 
action  rend  son  visage  encore  plus  bète. 

FiLiALiTÉ.  Ma  chère  Eulalie,  dans  le  jugement 
que  tu  as  porté  sur  ma  traduction,  je  remarque 
une  forte  dose  de  Filialité.  (  Rouclier.  ) 

Finesses.  Sors  du  tombeau,  délicat  Apicius,  je 
l'évoque  en  ce  jour  ;  viens  prêter  à  ce  festin  toutes 
les  Finesses  que  tu  as  inventées ,  et  qui  t'ont  valu 
la  renommée  du  plus  voluptueux  des  Romains. 

Fixité.  Les  anciens  philosophes  ont  pensé  qu'il 
existait  un  être  simple,  unique  ,  le  principe  de  la 
dureté,  de  la  pc.sanleur ,  de  la  sécheresse,    delà 


26&  F  L  A 

rixlté  ,  qtii  fesail,  la  base  de  tous  Tes  corps 
solides  ,  auxquels  ils  ont  donné  le  nom  de 
terre.  {Elém.cTHist,  nat.) 

Flaccidité,  Relâchement  des  fibres  motrices. 
A  force  déparier  et  d'abuser  des  mots,  il  est  tombé 
dans  une  Flaccidité  de  slyle  qui  le  fera  toujours 
reconnaître. 

Flaccidité.  Relâchement.  Il  a  dans  loule  l'ha- 
bitude du  corps  une  sorte  de  Flaccidité  qui  parait 
envahir  jusqu'^à  son  caractère. 

Flagellvteur.    Ah  I   que  nous   aurions  be- 
soin   d'un  Ju vénal,    d'un    Flagellaleur  de    cette- 
force  ,    d'une  égale  force  à  l'inti-epidiLé    de   wos 
vices  ! 

Flagellation.  Ecrivains  purs  et  courageux  , 
usez  de  toutes  vos  forces  ,  et  ne  craignez  point  de 
soumettre  à  la  Flagellation  un  grand  peuple  dé- 
moralisé. 

Flageoler.  «J'entrai,  dit  J.  J.  Rousseau, 
«  dans  la  chambre  d'une  courtisane,  commedans 
«  le  sanctuaire  de  l'amour  et  de  la  beauté  ^  j'eiî 
«  crus  voir  la  divinité  dans  sa  personne.  Je  n'au- 
«  rais  jamais  cru  que,  sans  le  respect  et  sans  es- 
«  time,  on  pût  rien  sentir  de  pareil  à  ce  qu'elle 
«  me  fit  éprouver.  A  peine  eus-je  connu,  dans 
«les  premières  familiarités  ,  le  prix  de  ses  char- 
«  mes  et  de  ses  careoses,  que  de  peui*  d'en  perdre- 


F  L  E  269 

<(  le  fruit  d'avance ,  je  voulus  me  hâter  de  le  cueil- 

«  lir Toul-à-coup,  aulieu  des  tlaratnes  qui  me 

«  dévoraient,  je  sous  un  froid  mortel  courir  dans 
«  mes  veines  ,  les  jambes  me  Flageollent ,  el  prêt 
«  à  me  trouver  mal,  je  m'assieds,  et  pleure  comme 
«  un  enfant.  » 

Flagorneur. 

Tous  ces  vers  anodins,  sortis  d'un  froid  cerveau. 

Du  salon  Flagorneur  n'ont  qu'un  pas  au  tombeau.  [MaSaî^re.) 

Cela  vaut  bien  le  lit  eff'ronté  de  Boileau. 

Fl.vgrer.  Je  baisais  avec  transport ,  avec  rage 
d'amour,  tous  les  vêtemens  frais  qui  avaient  tou- 
ché la  jeune  et  innocente  Colette,  et  mes  désirs 
n'en  Flagraient  que  davantage.  (^  Rétif.) 

Flammes 

L'ardeur  de  Clarice  est  égale  à  vos  flammes. 
Ce  mot  Flammes,  au  pluriel,  était  en  usage 
du  temps  de  Corneille,  qui  s'en  sert  dans  le  Men- 
teur. W  déviait  l'être  encore;  pourquoi  ne  pas 
dire  à  \os  Flammes  ,  aussi  bien  qu'à  vos  feux ,  à 
%>os  amours  ?  {Voltaire.  ) 

Fléchîssable.  Quelque  chose  que  vous  lui 
disiez  en  faveur  de  son  neveu ,  il  n'est  pas 
Fléchissable. 

Fléchissement.  La  méditation  profonde  sur 
le  grand,  sur  le  premier  être,  sur  Dieu  ,  nous  or- 
donne le  Fléchisseinent  de  la  pensée. 


2-0  F  L  E 

Flécîîissement.  Le  Fléchissement  du  genou 
ne  coûte  rien  aux  Anglais. 

Flétri.  (  éù'e  )  En  publiant  ses  Mémoires  sut- 
la  Bastille  ,  Linguet  s'est  proposé  de  prouver  , 
i".  qu'il  n'a  point  mérité  d'y  être  renfermé; 
2°.  que  personne  ne  l'a  mérité  :  les  innocens  , 
parce  qu'ils  sont  innocens;  les  coupables,  parce 
qu'ils  ne  doivent  être  convaincus,  jugés,  punis 
que  suivant  les  lois ,  etqu'on  nen  suivait  aucune , 
ou  plutôt,  qu'on  les  violait  toutes  à  la  Baslille.  Il 
dit  :  Serais-je  digne  de  traiter  ce  grand  article,  si 
je  n'étais  qu'un  transfuge  affainé  de  vengeance  , 
ou  un  coupable  Flétri  du  pardon  ? 

Flétrisseur.  Il  se  dit,  il  se  croit  un  poète 
satirique  redoutable,  et  ce  n'est  qu'un  Flé- 
trisseur de  lalens  et  de  vertus,  que  le  mépris 
puldic  poursuit. 

FleuRdeliser.  C'était  marquer  les  épaules 
d'un  malfciiteur  de  trois  fleurs  de  lis,  avant  de 
l'envoyer  aux  galères.  Eoileau  pouvait  faire  pâ- 
lir les  vices  et  foudroyer  de  grands  abus;  par 
amour-propre  il  s'amusa  à  Fleurdeliser  Colletet, 
Pradon ,  Cotin ,  qui  ne  fesaient  pas  des  vers 
aussi  bien  que  lui.  Il  n'est  guères  concevable  que 
la  troisième  classe  de  l'Institut,  invitée  à  sortir 
de  la  vieille  ornière  ,  ait  reproposé  l'éloge  de  ce 
toiseur  de  mots. 


F  L  U  271 

"   FlvEURissANT.  il  a  viu  sLy le  Fleurissant,  et  c'est 
par  cela  même  qu'il  n'est  pas  encore  fleuri. 

Flic  Flac.  Oilotnatopée,  pour  expi-iaier  des 
co'ips  donnés. 

Flocoxner.  Le  temps  Floconne  5  il  tombe  de 
la  neige  par  pelils  flocons. 

Flointure.  Signifiait  autrefois  état  florissant^ 
tranquille,  heureux;  la  chose  étant  devenue  infi- 
niment rare,  le  mot  a  disparu. 

Flori,  Florié.  Pourquoi  a.-t-on  rejeté  ce^ 
înols  qui  signifiaient  brillant ,  émaillé;  mois  har^ 
monieux  ,  mots  poétiques  :  ô  caprice  1 

FlorituRE.  C'est  le  moyen  de  fleurir ,  c'est 
ce  qui  annonce  les  fleurs.  Il  est  encore  plus  doux 
de  parcourir  son  jardin  pendant  la  Fioriture,  que 
lorsque  les  fleurs  sont  écloses.  L'adolescence  est 
la  Fioriture  de  la  jeunesse. 

Flottet-iext.  LeFlotîement  de  son  esprit  qui 
ne  va  plus  qu'au  jour  lejour,  prouve  qu'il  ne  s'est 
pas  fait  des  idées  fixes,  des  principes  fcn-mes  ou 
raisonnes,  condition  absolument  nécessaire  dans 
toute  liante  administration. 

Fluctuation.  La  Fluctuation  de  sç.?,  idées  sur 
un  oljjet  aussi  important,  prouve  qu'il  ne  l'avait 
pas  assez  étudié  pour  se  déterminer  d'une  uia- 
liière  fixe  et  invariable. 


272  FOL 

Fluctuer.  Ne  pourrait-on  pas  dire  :  Mes- idées 
Fluctuent  dans  ma  tête?  Au  surplus,  un  tra- 
ducteur de  la  J érusaleni  délivrée  a  employé  ce 
mot,  [Plis.) 

FlUCTUEUX.  Au  milieu  de  tant  de  raisonne  - 
mens  contradictoires ,  et  les  choses  d'ailleur» 
ét^jit  de  pure  curiosilé,  qui  commandera  à  son 
esprit  de  n'être  pas  un  peu  Fluctueux,  jusqu'à 
nouvelles  expériences  ou  découvertes  ? 

Fluence.  LaFluence  du  temps  qui  courtsans 
cesse  comme  un  fleuve  étonnamment  rapide, 
étourdit  ma  pensée  dès  que  je  m'y  arrête. 
O  Fluence,  où  m'entraînes  tu  ? 

FcENÉRATEUR.  Usurier  romain,  que  l'on  sut 
réprimer  ,  punir  et  mettre  à  la  raison.  Nos  Fœné- 
rateurs  semblent  braver  toutes  les  lois,  et  se  sont 
mis  au-dessus  de  toute  honte. 

FoLiER.  Faire  le  fol.  Il  s'amuse  à  Folier  pour 
être  plus  piquant,  pour  mettre  au  jeu  la  contro- 
v^erse  ,  et  vous  prenez  cela  au  sérieux. 

FoLOYANCE.  Egarement  d'esprit.  Foloyer  , 
s'égarer.  Il  y  a  Foloyance  dans  le  suicide  et  dans 
le  duel  j  folie  ne  serait  pas  le  terme  propre.  Fo- 
loyer, c'est  ne  plus  raisonner. 

Foloyer.  Etre  dans  une  légère  et  agréable 
folie. 

L'Amour  qui  te  fait  Foloyer  , 

Te  tloune-t-il  «le  quoi  payer  ?  (  Vieux  poète.  ) 

FORBANIR. 


FOR  -73 

FoRBANiR.    Mettre  hois    du  ban  ,    de  la  so  - 
ciété. 

Force.  «  A  quoi  sert  l'art  de  celte  honte  vir- 
«  ginale,  cette  froideur  rassise  ,  cette  contenance 
«sévère,    cette    profonde   ignorance    des  choses 
«  qu'elles  savent  mieux  que  nous  qui  les  instrui- 
«  sons  ,  qu'à  nous  accroistre  le  désir  de  vaincre? 
«  car  il  y  a,   non-seulement  du  plaisir  ,  mais  de 
«la  gloire   encore,  d'affolir  et  desi)aucher  cette 
«  molle  douceur    et  cette  pudeur    enfantine  ,  et 
«  de  ranger  à  la  merci  de  notre  ardeur,   celte  gra- 
«  vite  froide.  C'est  gloire  de  triompher  de  la  mo- 
«  destie  ,   de  la  chasteté  et  de  la  tempérance  ,  et , 
«qui  desconseille  aux   dames    ces  parties-là,  il 
«  les  trahit  et  soi-même. 

«  11  faut  croire  que  leur  cœur  frémit  d'elfroy  , 
«  que  le  son  de  nos  mots  Idesse  la  pureté  de  leurs 
«  oreilles,  qu'elles  nous  en  haïssent,  et  s'accor- 
«  dent  à  notre  importunité,  d'une  Force  forcée. 
«  La  beauté,  toute  puissante  qu'elle  est ,  n'a  pas 
«de  quoi  se  fai)"e  savourer  sans  cette  entre- 
«  mise.  »  (^Montaigne.) 

Force  attractive.  Force  attractive  du  so- 
leil, l'êverie  moderne ,  insulte  faite  à  la  raison 
humaine ,  à  l'aide  de  chiffres  qui  sont  un  véritable 
grimoire;  scientifique  impertinence,  qui  bientôt 
environnera  nos  hautains  géomètres  d'une  risée 
plaisante  et  bien  méritée.  Jamais  l'esprit  orgueil- 

Tome  I.  S 


274  FOR 

leux  de  l'homme  ne  fui  pi  us  digne  de  pitié  ;  et  ces 
calculateurs  sans  yeux  osaient  prendre  un  ton  de 
suprématie,  tandis  qu'ils  ne  savaient  pas  obser- 
ver ce  qu'un  pâtre  leur  aurait  enseigné  !  Dispa- 
raissez, 6  chimères  profondes  ! 

FoB-CENER.  Vous-même  qui  parlez  ici  ,  n'a- 
vez-vous  pas  flatté  l'ambition  triste  et  implaca- 
ble des  Lacédémoniens  ,  tantôt  l'ambition  des 
Athéniens,  plus  vaine  et  plus  enjouée.  Athènes, 
avec  moins  de  puissance,  a  fait  de  phis  grands 
efforts  et  a  triomphé  long-temps  de  toute  la 
Grèce;  mais  enfin  elle  a  succombé  tout-à-coup  , 
parce  que  le  despotisme  du  peuple  est  une  puis- 
sance folle  et  aveugle  qui  se  Forcené  contre  elle- 
même,  et  qui  n'est  absolue  et  au-dessus  des  lois, 
que  pour  achever  de  se  détruire.  [Fénélon.  ) 

Forcener.  Marat ,  Collot  -  d'Herbois  et  con- 
sors,  Forcenaient  leur  style  ,  et  prenaient  cette 
démence  furieuse  pour  de  l'énergie.  C'est  le  pro- 
pre de  la  faiblesse  de  Forcener  ,  dès  qu'elle  s'ap- 
perçoit  elle-même. 

Forclos.  Qu'on  arrive  aux  portes  d'une  ville 
fermée,  on  est ,  quoi?  Nous  n'avons  plus  de  mot 
pour  exprimer  cette  situation  :  nous  disions  au- 
trefois Forclos.  (  F oltaire.  ) 

FoKFAiRE.  Nous  avons  porté  dans  la  révoln- 
lioii  le  droit  général  de   repousser  l'oppression. 


F   O   fl  à;.'^ 

Les  Belges  ,  outre  celui-là ,  ont  eu  celui  de  ré- 
clamer un  contrat  légal.  Nous  avons  dit  au  mons- 
tre du  despotisme  cantonné  dans  les  cavernes 
dorées  de  Versailles  :  «  Tu  n'existeras  plusj  tu  eu 
«  réformé  de  par  le  peuple ,  qui  est  las  de  te  servir 
«  de  pâture.  >)  Et  les  Belges  ont  dit  à  leur  ci-devanlî 
prince  :  «Tu  n'es  pas  seulement  uu  tyrau,  tu  es 
«  un  prévaricateur  ;  tu  as  violé  ton  serment,  tu 
«as  Forfait.  Nous  te  jugeons  au  nom  de  la  loi; 
«  nous  te  chassons  en  vertu  de  la  loi,  toi  et  ta 
«  race.  »   (  Linguel.  ) 

Foi'faire.  Dans  votre  discours ,  disait  Barnâve  à 
Mirabeau,  vous  attribuez  exclusivement  l'enon-' 

dation  de  la  volonté  générale à  qui?   au  pou- 

Toir  législatif  :  dans  votre  décret,  à  qui  l'attri-' 
buez-vous?  au  corps  législatif.  Sur  cela,  je  vous 
rappelle  à  Tordre;  vous  avez  Forfait  la  consti- 
tution. (  Bai'ticwe.  ) 

FoRFANTE.  Substantif  emprunté  de  l'italien. 
Qu'il  parle,  qu'il  écrive  ,  ce  n'est  qu'un  Forfante. 
Osons  dire  Forfanter ,  puisqu'il  n'y  a  rien  dé  pluà 
commun  aujourd'hui  dans  les  journaux  et  dans  le 
inonde. 

FoRFANTETiTE.  Le  hrave  Boyer  allant  derniè- 
rement à  la  découverte  ,  à  la  têle  d'un  escadron  , 
rejîcontre  un  corps  de  hussards  ennemi;  l'ouîcier 
qui  les  commandait  s'avauce,  et  crie  avec  un  ton 
dérisoire:....  «Allons,  enfaus  de  la  pairie,  le  joui* 

S   2 


2-6  FOR 

«  de  gloire  est  arrivé I »  Eoyer  reste  immobile. 

«  Tu  as  donc  peur  ,  enfant  de  la  patrie?  dit  le  co- 

«  loiiel  ennemi ,  tu  n'oses   avancer  I »    Alors 

Boyer  pique  son  cheval,  ajuste  le  fanfaio]!,  et  le 
tue  d'un  coup  de  pistolet.  Voilà  comme  nos  répu- 
blicains répondent  aux  Forfanteries  de  l'ennemi. 
Forfanterie.  L'empereur  RodolpJie  ii  eut  la 
double  démence  et  la  double  faiblesse  de  croire 
aux  alchimistes  et  aux  astrologues.  Les  alchi- 
mistes, en  lui  promettant  des  monts  d'or  et  en 
lui  escroquant  le  sien  ,  le  rendirent  la  fable  et 
le  banqueroutier  de  ses  sujets.  Les  astrologues, 
pour  le  maîtriser  par  la  peur  et  l'enchaîner  à 
leurs  Forfanteries,  lui  prédisaient  des  malheurs 
effroyables,  et  le  plus  grand  pour  lui,  fut  d'eu 
avoir  été  la  dupe  et  la  victime,  (  Cériitli.  ) 

FoRLANCEE..  Pousser  à  bout  quelqu'un  et  sans 
aucune  espèce  de  retenue.  Il  m'a  Forlancé  :  c'est 
un  brutal;  je  l'ai  châtié. 

FoRLiGNEii.  Dégénérer.  Cette  race  commence 
àForiigner  j  je  ne  lui  tx'ouve  plus  le  front,,  le  port 
de  ses  ancêtres. 

Formes  acerbes.  On  a  tourné  en  ridicule  cette 
jonction  de  mots,  pai-ce  que  l'inventeur  tendait  à 
innocenter  un  jeune  tigre,  à  pallier  des  assassi- 
uats  sous  une  expi-ession  recherchée;  mais  l'ad- 
jectif acerbe  peut  très-bien  s'employer  au  moral, 
d'aulauL  plus  (jue  lei  caractères  acerbes  ne  sont 


F  O  R  277 

pas  infiiiirnent  rares,  qu'il  y  a  de  Taçerbîté  dans 
l'orgueil  de  plusieurs  hommes,  et  que  le  style 
acerbe  est  naturel  au  jaloux  bassement  envieux, 

FoRMiDABiLiTÉ.  On  nous  parlait  d'nn  peuple 
étranger  qui  allait  fondre  en  masse  sur  nous;  mais 
la  Formidabilité  de  ses  armées  s'est  évanouie  de- 
vant le  courage  des  Français. 

Formulaire,  {adj.)  Mirabeau,  enfermé  à  Vin- 
cennes  par  le  crédit  de  son  père  auprès  des  mi- 
nistres, écrit  à  l'un  d'eux  pour  lui  demander  s'il 
juge  à  propos  qu'il  envoie  à  ce  père  injuste,  cruel 
et  vindicatif,  un  compliment  de  bonne  année.  «Je 
«  ne  voudrais  pas,  dit-il,  qu'il  pût  me  reprocher 
«  que  l'humeur  me  fait  manquer  à  mon  devoir  , 
«  s'il  peut  être  vrai  que  des  phrases  Formulaires 
«  fassent  partie  du  devoir.  » 

FoRTiAL.  Puissance  de  la  force.  Non-seulement 
Frédéric  avait  du  génie  ,  mais  il  était  encore 
FortiaL 

Fortial.  Depuis  qu'il  est  Fortial,  nous  dirons 
tous,  à  sa  gloire,  que  son  caractère  est  encore  plus 
noble  et  plus  généreux.  Un  être  Fortial  et  x  indi- 
catif, ahl  qu'il  serait  abject! 

FoRTiFiCATEUR.  Nous  avoHs  ingénieur  des 
ponts  et  chaussées;  mais  celui  qui  enceint  une 
ville  de  murailles,  qui  bâlit  des  forteresses,  cp.ti 

S  5 


prS  FOU 

les  ordonne  avec  intelligence,  comment  l'appeî- 
Jerous-nous  ?  ForLificateur. 

FoRTiTUDE.  Force  de  l'ame.  Il  eut  de  la  force 
et  du  courage  dans  sa  jeunesse;  mais  il  sut  acqué- 
rir la  Forlitude  dans  les  grands  et  terribles  revers 
qui  ont  assiégé  ses  derniers  jours.  Le  héros  joint  la 
Fortitude  à  la  vaillance.  La  Foi'litude  appartenait 
à  Socrate;  il  n'alla  point  au  devant  de  la  mort, 
comme  Ca'on;  il  l'attendit.  Naper  -  Tandy  ,  dé- 
daignant les  ressources  du  déguisement,  fut  plein 
çle  Forlitude  devant  ses  juges. 

FoRTUNER.  Faire  prospérer;  il  se  disait  autre- 
fois. Il  n'a  fallu  qu'un  mot  du  monarque  pour  le 
Fortuner,  lui  et  ]es  siens.  Un  lot  de  mille  francs 
juffit  pour  Fortuner  un  indigent. 

FoRVÊTU.  Trop  bien  mis  pour  sa  condition. 
A-t-il  hérité  ou  volé  un  coche;  le  voilà  Forvêlu? 

FouAiLLER.  A  l'occasion  de  ce  Vocabulaire  y 
qui  sera  utile  aux  générations  suivantes,  tous  le» 
barbeis  littéraires  vont  secouer  autour  de  moi  la 
fange  de  l'invective  et  de  l'injure;  ils  sont  coutu- 
miers  du  fait  :  cela  incommode  un  peu,  d'accord, 
mais  cela  n'entache  point.  Au  reste,  il  y  a  moyeu 
de  Fouailler  tous  ces  barbets.  Les  sots  croient  4 
l'impunité  ,  parce  qu'ils  sont  sots  :  quand  on  les 
Fouaille,  ils  sont  tout  étonnés  de  ce  que  l'on  a 
daigné  pensçr  à  eux.  Nous  les  ferons  aboyer  deux 


FOU  37g 

Nous  avions  sur  notre  gauche  des  pierriers  qui 
nous  Fouaillaient  5  c'est  un  terme  militaire. 

FouGUER.  Entrer  en  fougue.  Fouguer  n'est 
pas  prouver,  n'est  pas  commander,  diriger,  ni 
changer  la  mauvaise  situation  des  choses.  Il  ap- 
partient à  un  tragédien  de  Fouguer  sur  la  scène  ;^ 
mais  rien  de  phis  ridicule  chez  l'homme,  que  de 
Fouguer,  au  lieu  de  traiter  les  affaires  comme  elles 
doivent  l'être. 

Laissez  Fouguer  ce  cheval ,  jusqu'à  ce  qu'il  s'ap- 
paise  de  lui-même. 

FouRBER.  Si  le  projet  d'abolir  les  spectacles 
était  un  jour  exécuté,  il  mettrait  le  comble  aux 
désordres  de  la  société;  car  un  peuple  déjà  cor- 
rompu ,  au  lieu  des  amusemens  où  les  passions  ne 
sont  que  chatouillées,  chercherait  des  divertisse- 
mens  où  il  pût  les  assouvir.  Cependant  il  y  a  bien 
de  la  différence  enti'e  peindre  aux  yeux,  comme 
on  le  fait  dans  nos  plus  mauvaises  comédies,  un 
jeune  fou  qu'une  jeune  folle  aime  en  dépit  d'un 
père  ou  d'un  tuteur;  entre  les  voir  tout  employer 
pour  parvenir  à  leurs  fins  par  des  ti-omperies,  et 
aller  soi-même  s'occuper  à  leurrer  une  fille,  Four- 
ber  d'honnêtes  parens  pour  les  forcer  à  légitiçier, 
par  leur  consentement,  une  union  tout  à  fait  op- 
posée à  leurs  vues.  (Rétif.  ) 

Fourbir.  Nétoyer ,  polir  des  armes.  Il  est  si 

S  % 


28o  F  R  A 

luat,  si  pesant,  si  grossier,  qu'on  ne  pourra  jamais 
le  Fourbir. 

FoiTRBissiME.  On  pourrait  dire  à  tel  individa 
(prince  en  Europe)  araplissinie,  éminentissime, 
illustrissime,  excellenlissime,  grandissime,  vous 
êtes  à  la  fois  un  ignoranlissime,  et,  qui  pis  est, 
un  Fourbissirae. 

FoURRiEHS.  C'est  un  ancien  et  bon  proverbe, 
que  celui  qui  dit  que  Cérès  et  Bacchus  sont  les 
Fourriers  de  Vénus. 

Fourvoiement.  Egarement  involontaire.  Dans 
l'âge  des  illusions  et  des  plaisirs,  comment  éviter 
un  Fourvoiement  qui  n'offre  qu'une  route  toute 
parsemée  de  fleurs? 

Fractionner.  Lorsque  la  Savoie  offrit  de  se 
réunir  à  la  i-épublique,  un  membre  de  la  conven- 
tion dit  : 

«L'action  du  gouvernement  doit  être  simul- 
«  tanée  et  se  déployer  avec  énergie  sur  tous  les 
«  points  de  sa  circonscription  territoriale.  Dans 
«  un  pays  très-vaste,  la  disparité  de  mœurs  et  de 
«  climats  contrarie  souvent  cette  simultanéité;  ses 
«forces  s'affaiblissent,  lorsqu'il  faut  les  répartir 
«  sui-  une  vaste  surface,  et  les  Fractionner  pour 
«  la  garde  de  frontières  très-étendues.  Plus  une 
«  coixle  s'étend,  plus  elle  décrit  la  courbe  :  image 
«sensible  d'un  trop  vaste  empire.»   (Grégoire.) 


r  R  A  281 

Fragilitee..  Il  a  eu  le  malheur  de  Fragililer, 
mais  c'était  dans  sa  j^remière  jeunesse;  il  n'en  a 
niarclié  que  d'un  pas  plus  ferme  dans  le  sentier  de 
la  vertu.  Les  couvens  et  la  clôture  rigoureuse  ne 
sont  pas  les  moyens  les  plus  sûrs  ni  les  plus  con- 
venables pour  empêcher  le  jeune  âge  de  Fragililer. 

Francimander.  Il  y  a  une  vingtaine  d'années 
qu'à  Périgueux  il  élait  encore  honteux  de  Fj'an- 
cimander,  c'est-à-dire,  de  parler  français.  L'opi- 
nion a  tellement  changé,  que  bientôt,  sans  doute, 
il  sera  honteux  de  parler  autrement.  (^Grégoire.) 

Francisation.  Un  de  nos  écrivains  appelle 
ahaphe ,  ce  qui  n'est  point  teint,  et  abaptiste ,  ce 
qu'on  ne  peut  plonger  dans  l'eau  5  mais  le  peu 
d'analogie  physique  avec  les  mots  français  qui  y 
répondent,  et  le  défaut  d'harmonie  doivent  s'op- 
poser à  leur  Francisation.  (  Louis  V^erdure.  ) 

Francisé.  Quoique  la  langue  latine  soit  la  mère 
'de  la  langue  française,  il  ne  faut  pas  que  sa  fille 
lui  ressemble  trop.  Il  est  bon  qu'elle  ait  ses  traits 
propres  et  sa  physionomie  particulière,  sans  quoi 
toutes  Jes  deux  courraient  risque  d'être  bientôt 
confondues  ensemble,  et  nous  ne  parlerions  plus 
qu'un  latin  Francisé.  (  La  Harpe.  ) 

Francs-pensans.  Les  chrétiens  de  diverses 
villes  écrivirent  leurs  évangiles,  qu'ils  cachaient 
soigneu.sement  aux  Juifs  ,   aux   Romains  .    aux 


202  F  R  A 

Grecs.  Ces  livres  élaient  des  mystères  secrets; 
mais  quels  mystères!  disent  les  Francs -pensans  ; 
un  ramas  de  prodiges  et  de  contradictions.  {Volt.) 

Franc-taire.  Plus  j'avais  raison,  seul  et  sans 
preneurs,  et  plus  j'aurais  eu  de  toris  avec  des 
hommes  vendus  aux  systèmes  qui  ont  fait  fortune. 
Qu'aurais- je  donc  fait  dans  cette  foule  d'hommes 
vains  et  intolérans,  à  chacun  desquels  l'éducation 
européenne  a  dit  dans  l'enfance,  sois  le  premier  , 
et  parmi  tant  de  docteurs  titrés  et  non  titrés  , 
qui  se  sont  appropriés  le  droit  de  Franc-parler ,  si 
ce  n'est,  comme  je  fais  souvent,  de  me  renfer- 
mer dans  mon  Franc-taire  :  si  je  parle  ,  c'est 
de  peu  de  choses ,  ou  de  choses  de  peu.  (  Bernardin 
de  Saint-Pierre.  ) 

Frapon.  (un)  Mauvais  coup.  {Borel.) 

Frappement.  Le  Frappement  du  marteau  ou 
du  martinet  se  fait  entendre  à  plus  d'une  lieue  de 
la  manufacture. 

Frapper.  Le  choc  des  opinions  contraires  fait 
jaillir  l'étincelle  cachée  de  la  vérité.  Si  tu  n'as 
personne  à  qui  tu  puisses  ouvrir  ton  ame,  tes 
pensées  solitaires  demeurent  informes  et  avortent 
dans  leur  germe.  C'est  la  parole  qui  achève  et 
complète  les  pensées;  l'expression  les  Frappe  d'un 
coin  qui  marque  leur  valeur. 

Frapper.  Il  y  a  des  hommes  q^ui ,  dans  la  coîi- 


F  R  E  285 

versation,  s'animent  et  produisent  les  plus  heu- 
reuses pensées.  Le  niomeat,  l'à-propos  Frappent 
l'expression,  et  la  rendent  plus  originale. 

Frappeur.  J'ai  été  témoin  de  toute  la  rixe;  il 
a  tort;  on  lui  parlait  raisonnablement,  et  il  a 
été  le  Frappeur.  La  maîtresse  du  lieu ,  que  l'on 
accuse,  n'a  été  ni  Frappeuse,  ni  outrageuse. 

Fraternisation.  La  patrie  est  la  mère  com- 
mune de  tous  les  Français;  il  n'en  est  aucun  qui 
n'ait  dans  le  coeur  la  définition  du  mot  Fraterni- 
sation, s'il  est  patriote  :  s'il  ne  l'est  point,  je  la 
lui  donnerais  en  vain  ;  ce  serait  exposer  un  tableau 
de  Greuze  à  un  aveugle;  ce  serait  chanter  un  air 
de  Gluck  à  un  sourd. 

Fraude.  Mot  usité  en  Suisse,  pour  aire  femme. 
Voici  la  Fraude  qui  vient  :  chut! 

Frauduler.  Si  vous  l'avez  surplus  à  Fraudu- 
1er,  plus  de  confiance  en  lui.  L'on  ne  commence 
ainsi  trop  souvent  que  pour  voler  ensuite  et  bri- 
gander  sans  honte  et  sans  remords. 

Frêle.  Synonyme  de  Demoiselle. 

Fréquence.  On  se  plaît  trop  à  rabaisser 
l'homme  qui  a  élevé  sur  la  terre  de  si  beaux  et  de 
si  durables  monumens.  Les  erreurs  de  l'homme 
portent  l'empreinte  de  son  génie;  il  ne  s'égare 
«cuvent  que  parce  qu'il  assortit  trop  d'idées ,  et 


284  F  R  T 

que  leur  Fréquence  ,  leur  mulLiplicilé  leur  dé- 
robent la  clarté  nécessaire. 

Fricasseuse.  Les  grandes  maisons  ont  des  cui- 
siniers, des  cuisinières;  les  petits  ménages  ont 
besoin  d'une  Fricasseuse.  Ne  vous  moquez  pas 
de  la  Fricasseuse;  elle  attrape  un  plat  comme  le 
plus  habile  chef  de  cuisine. 

FliiGÉFiER.  Ce  mot  vient  du  latin.  Ce  n'est 
pas  refroidir,  c'est  prendre  du  froid,  soumettre 
quelque  chose  au  froid.  Il  eiivoya  sans  miséricorde 
le  pauvre  enfant  se  Frigéfier  dans  la  rue.  [Borel. ) 

Frigéfier.  Je  n'ai  besoin  que  de  lire  cet  auteur 
pour  me  Frigéfier. 

Frigidité.  Impuissance  au  devoir  conjugal.  ÏI 
y  a  aussi  sur  le  Parnasse  une  maladie  qu'on  nomme 
Frigidité  ;  plusieurs  en  sont  atteints,  tels  que  la 
Harpe,  Fontanes,  Sélis Incurables I 

Friquenelle.  Jeune  et  petite  coquette,  ou  qui 
se  pare  au-dessus  de  ses  moyens.  (^Borel.) 

Friser.  Non,  je  ne  veux  point  du  bonheur 
monotone  des  champs  :  c'est  le  premier  des  plai- 
sirs insipides  ,  disait  Voltaire;  moi,  je  veux 
Friser  les  superficies.  Or,  où  trouverai-je  mieux 
qu'à  Paris?  (D.) 

Frivoliser.  Voilà  trop  de  spectacles,  trop  de 
bals ,  trop  de  lieux  de  musique  et  d'oisiveté  ;  ili^ 


F  R  O  285 

Frivoliseut  le  peuple  de  Paris,  et  lui  ôlent  et  le 
travail   et  le  pain. 

Frivoliser.  Il  eutraîL  dans  les  projets  de  la  cour 
de  Vei'sailles  de  Frivoliser  de  plus  en  plus  le  Pa- 
risien par  des  modes ,  par  des  bals  et  des  spec- 
tacles enfantins. 

Frivoliser.  Dorât  a  Frivolisé  beaucoup  d'au- 
teurs. 

Frivoliser.  Il  faudrait,  sur  nos  théâtres,  don- 
ner la  petite  pièce  d'abord;  il  faudrait  qu'elle  eût 
avec  la  grande  au  moins  un  rapport  de  genre.  La 
roule  qu'on  a  prise  jusqu'à  présent  est  bien  oppo- 
sée :  il  semble  qu'on  ne  redoute  rien  tant  que  de 
faire  des  impressions  durables.  Au  lieu  de  sérieu- 
ser  nos  mœurs,  on  les  Frivolisé  de  plus  en  plus  : 
à  la  suite  de  MaJinineL ,  on  donne  les  Fourheries  de 
Scapin.  (  Rétif.  ) 

Frivoliste.  Les  étrangers  nommaient  nos 
Français  Frivolisles.  Ces  Frivolistes-là  ont  mon- 
tré une  bien  courageuse  persévérance  à  vaincre 
leurs  ennemis. 

Fromental.  Le  sable  aride  se  cliange  par 
succession  de  soins,  en  vme  mine  riclie;  et 
c'est  une  vérité  incontestable  que  la  métamor- 
phose des  sables  en  terres  Fromentales  ,  est  au 
pouvoir  de  l'homme,   s'il    est  industrieux. 

Fronté.QuI  a  un  grand  front.  Voyez  les  busies 
des  grands  hommes,,  presque  tous   sont  Frontés, 


386  F  U  G 

Un  front  antique ,  c'esl-à-dire  large  ,  annonce  le 
talent.  Diderot,  mieux Fronté  que  Voisenon,  avait 
aussi  plus  de  g^nie.  Regardez  au  front,  vous 
aurez  la  première  mesure  de  l'homme  que  vous 
voulez  connaître. 

Frotter,  (se)  Se  Frotter  la  tète  d'algèbre  ,  et 
puis  se  croire  un  personnage,  voilà  de  quelle 
manière  on  se  pavane  aujourd'hui.  Il  va  Frotter 
sa  tèle  contre  celle  de  cet  homme  de  génie,  pour 
en  tirer  à   son  profit  des    étincelles  électriques. 

Frugaliser.  Après  avoir  mangé  une  fortune 
considérable,  il  Frugalise,  non  par  philosophie, 
mais  par  nécessité. 

Fruition.  Signifiait  autrefois  jouissance,  il 
peut  ressusciter.  Je  n'ai  pas  tant  semé  ,  planté, 
travaillé,  pour  perdre  la  Fruition  de  mon  do- 
maine. Fruitage  n'est  que  le  mot  collectif  des 
fruits  renfermés  dans  le  territoire. 

Fugaces.  11  y  a  des  perceptions  de  Tame,  si 
fines  et  si  Fugaces,  que  nous  ne  pouvons  nous- 
mêmes  ni  les  fixer,  ni  nous  en  rendre  un  compte 
exact.  La  musique  a  des  beautés  Fugaces  qu'il  est 
impossible  d'analyser^  cet  art,  plus  que  tout  autre, 
est  soumis  au  caprice.  J'ai  deviné,  je  crois,  pour- 
quoi. 

Fugacité,  Elle  n'est  plus;  mais  je  retrouve 
encore  l'image  de  cette  moitié  de  moi-même,  au 


F  U  N  287 

bord  de  ces  ruisseaux ,  dans  ces  jardins,  dans  ces 
bosquets  où  nous  méditions  eusemblesur  la  Fuga- 
cité de  la  vie  humaine  (  Lequinio.  ) 

Fumer.  Il  estune  foule  d'expressions  populaires 
qui  ont  vieilli ,  qu'il  faudrait  rajeunir,  et  dont  je 
dis  souvent  avec  Lafontaine  : 

Il  m'a  toujours  paru  d'une  énergie  extrême. 

Un  ci-devant  seigneur  disait  à  un  de  ses  vas- 
seaux  :  ....  Allons,  mon  pauvre  Mathurin,  nous 
sommes  égaux  ,  nous  pourrons  manger  à  la  même 
écuelle,,..  Oui ,  répondit  le  paysan  ,  mais  nous  ne 
fumerons  pas  à  la  miême  pipe. 

Fumet.  Il  y  a  le  Fumet  des  grâces;  on  le  dis- 
tingue encore  dans  la  bonté  compatissante. 

Fumigateur.  Marchand  de  fumée.  Au  figuré, 
adulateur  intrépide.  Allons,  Fumigateur,  va  de 
ce  pas  dans  le  palais  où  résident  la  puissance 
et  la  fortune,  et  environne-les  soudain  du  nuage 
odorant  de  tes  fumigations  :  c'est  la  vapeur  qui 
plaît  aux  dieux  d:e  la  terre;  elle  esL  tromoeuse, 
ils  le  savent  eL  la  savourent  sans  ces.se. 

FuNÉBREUX.  Il  est  poétique;  emparez-vous-en, 
poètes  :  dites,  c'est  un  jour  funébreux  que  le  jour., 
où  l'on  tombe  sur  la  scène  tragique  ou  comique. 
Batailles  de  Malplaquet ,  de  Rosbacîi  et  d'Abou- 
kir ,  jours  funébreux  ! 


288  FUS 

FuRACES.  [ma'uis).  L'iiisîoire  raconte  que 
Henri  iv  était  enclin  au  vol,  qu'il  avait  les 
mains  naturellement  Furaces ,  et  qu'il  ne  les 
retint  pas  toujours,  comme  il  s'en  accusait  lui- 
même.  {^CaniiUe-Desinoulins .  ) 

Fureter.  Colbert  ayant  envoyé  Mabillon  en 
Allemagne  pour  chercher  des  anciens  tilres,  ce 
savant  bénédictin  en  rapporta  environ  trois  mille 
volumes  rares.  —  Avec  ce  talent  de  Fureter  dans 
les  archives  et  dans  les  bibliothèques,  le  roi  l'en- 
voya en  Italie,  oti...  etc.  (^Pierre  Manuel.  ) 

FuRiBONt)ER.  Fureur  de  la  faiblesse.  Cet  en- 
fant Furibonde.  On  la  laissa  Furibonder  tout  à 
son  aise,  et  puis  on  la  mit  à  la  porte.  Les  petite 
hommes  sont  sujets  à  Furibonder,  etleur  furibou- 
derie  devient  très-amusante. 

Furtivité.  Ce  bon  jeune  homme  !  dans  la 
Furtivité  rapide  de  son  regard,  je  vis  toute  l'im- 
pression que  le  désordre  de  la  parure  de  Zulmé 
fe.sait  sur  ses  sens. 

Fuser.  liC  noir  chagrin  fait  Fuser  la,  cervelle 
de  l'homme  de  cabinet*,  il  lui  faut  tranquillité  par- 
faite ,  absolue. 

Fusion.  Le  gouvernement  a  réduit  le  nombre 
des  bataillons,  pour  en  augmenter  la  masse  et  la 
consistance.  On  a  fait,  pour  ainsi  dire  ,  une  com- 

fciuaison 


F  [T  Y  289 

binalsoi)  nouvelle  de  tous  les  élémensquî  les  com- 
posent :  les  vieux  guerriers  dispersés  pai-mi  lea 
nouveaux  défenseurs  ,  aideront  de  leur  courage, 
de  leur  expérience:  l'esprit  de  localité  ou  de  corps, 
toujours  si  funeste  ,  est  dérouté  par  la  Fusion  de 
tous  les  anciens  bataillons. 

Nous  avions  fau  comité  d'instruction  publi- 
que) recommandé  la  Fusion  des  maximes  delà 
république  avec  celles  de  l'Evangile,  pour  les  gra- 
ver ensemble  dans  le  cœur  de  tous  les  citoyens  , 
pour  les  solemniser  le  même  jour  ,  ce  qui  me  pa- 
rut important ,  indispensable  ;  car  les  chrétiens 
eux-mêmes  ont  enté  leur  religion  sur  le  paganis- 
me. Tout  ce  qui  est  religieux,  sentimental  ne  se 
divise  point, leurcriai-je;  Fusez,  disais-je  encore, 
Fusez  vos  jours  de  fête  avec  les  jours  de  fête  que 
chorame  le  peuple ,  vous  abrégerez  bien  des  diffi- 
cultés; les  moindres  oppositions  en  ce  genre  trou- 
veront votre  pouvoir  sans  force  :  ils  ne  voulurent 
pas  de  la  Fusion;  ils  furent  extra^-^agans. 

F'UTILISER.  Catherine  de  Médicis  enfanta  trois 
rois  et  cinq  guerres  civiles*,  elle  fut  la  première 
en  France,  qui  apprit  aux  princes  à  Futiliser, 
afin  de  demeurer  maîtresse  des  opérations  du 
cabinet.  ; 

Fuyardes.  Mesdames  de  France  ayant  pris  le 
parti,  tout  au  commencement  de  la  tempête  révo« 
Tome  L  T 


sgo  G  A  M 

îutionnaire,  de  voyager  en  Ilalie,  et  de  s'y  fixer, 
on  les  appela,  dans  tout  Paris ,  les  tantes  Fuyardes. 


CjAGNER.  Corneille  ,  dans  le  Ciel,  se  sert  de 
cette  expression,  Gagner  des  combats  :  on  l'a 
censuré  :  —  mais  si  l'on  gagne  des  batailles,  pour- 
quoi ne  gagnerait-on  [ms  des  combats  ?  [Voltaire.) 

Gaie,  {la  science)  Nos  ancêtres  appelaient 
ainsi  la  poésie,  c'est-à-dire,  la  leurj  ils  étaient 
grands  chansonniers. 

Galactophage.  Qui  ne  vit  que  de  lait. 

Galactophore.  Qui  porte  du  lait.  J'ai  ren- 
contré ma  jolie  Galactophore  son  pot  sur  sa  tête, 
posé  sur  un  coussinet,  marchant  d'un  pied  léger 
sur  l'herbe  fleurie  :  c'était  l'aurore  de  la  terre; 
l'autre  rayonnait  au  ciel. 

GalantisER.  Il  serait  bien  à  désirer  que  nos- 
jeunes  gens  ,  impolis  et  grossiers,  revinssent  à 
Galantiser  comme  leurs  bons  aïeux. 

Galaxie.  Voie  lactée  ;  c'est  le  désespoir  de 
l'asti'onomie.  Qu'est-ce  que  la  voie  lactée? 

Galoches.  Souliers  de  bois. 

Gamelle.  La  commune  de  Paris  (non  s  soixante- 
treize  représenlans  du  peuple)  nous  mil  à  la  Ga- 


G  A  T\  oyi 

mclle.  Manger  à  la  Gamelle,  c'est,  dans  une  pri- 
son, manger  péle-même  et  tous  ensemble  dans 
une  grande  jalle  de  bois,  une  large  soupe  à  reaii. 
Je  dois  au  public  riiistoire  de  la  Convention  na 
tionaie  €l  de  la  Gamelle^  le  tout  en  deux  cents 
pages  au  plus. 

Ganache.  Vient  de  gêna  la  joue,  comme  qui 
dirait  la  grande  joue  ;  c'est  un  mot  agrandilif. 
Une  certaine  partie  de  la  Flandre  abonde  en  ga- 
naches. On  en  a  fait  un  terme  de  mépris,  on  a  eu 
tort.  On  peut  être  Ganache  quand  on  a  de  grandes 
joues,  comme  l'on  est  chevelu  quand  on  a  de 
longs  cheveux. 

Gangrenée.  Ame  Gangrenée,  cadavéreuse, 
chez  laquelle  tout  principe  de  vertu  est  éteint.  Le 
vice  conduit  là  les  malheureux  qui  ont  étouffe  par 
degrés  l'instinct  moral  et  divin  :  ils  sont  morts 
avec  toutes  les  appai'ences  de  la  vie. 

Garce.  Jeune  fille.  Quand  on  lit  le  bon  traduc- 
teur de  Plutarque,  on  regrette  ce  mol.  Pourquoi 
faut-il  qu'un  profane  vulgaire  l'ait  vicié? 

Garçonnet Laraon   et  Dryas  ,   en  une 

mcsme  nuit,  songèrent  tous  deux  un  tel  songe.  11 
leur  fut  advis  que  les  nymphes  de  la  caverne  li- 
vroientDaplinis  et  Cloé  entre  \e&  mains  d'un  jenno 
Garçonnet,  fort  gentil  et  beau  à  merveille,  lequel 
avait  des  ailes  aux  épaules,  et  portoit  de  petites 
flesches  avec  un  petit  arc,  et  que  ce  jeune  Gar- 

T  3 


'j'Q'2  G  A  S 

çonnet  ,  les  louchant  tous  deux  d'une  mesme 
flesche,  commanda  à  l'un  paistre  delà  en  avant 
les  chesvres  ,  et  à  l'auli-e  les  brebis.  i^Amyot.) 

Gardeur.  Je  l'avais  fait  le  Gardeur  de  mou 
argent,  il  me  l'a  emporté.  Faii-e  un  seul  homme 
le  Gardeur  de  la  liberté  publique ,  c'est  jouer  gros 
jeu. 

Garrulance,  La  Garrulance  d'un  peuple  tient 
à  la  vivacité  de  son  climat.  La  Garrulance  d'uue 
femme  vient  de  la  souplesse  de  ses  organes.  Ja- 
mais la  Garrulance  ne  sera  le  partage  d'un  pen- 
seur. 

Garruleux.  Il  faudrait  que  chaque  représen- 
tant du  peuple  fiât  seul  dans  le  département  sou- 
mis à  sa  direction.  —  Mais  s'il  abuse  de  son  pou- 
voir!—  Ne  craignez  rien;  il  a  pour  surveillans 
l'existence  Garruleuse  des  hommes  oisifs  et  médi- 
sans,  parce  qu'ils  n'ont  rien  à  faire,  et  enfin  l'œil 
sévère  des  gens  de  bien  et  de  tous  les  vrais  amis 
de  la  république.  {Lequiriio.) 

Gastriloque.  Il  n'y  a  point  de  ventriloques. 
On  croyait  autrefois  que  leur  voix  se  formait  dans 
leur  ventre,  erreur.  11  y  a  des  Gastriloqnes,  c'est- 
à-dire  des  hommes  qui  parlent  en  retenant  leur 
haleine,  et  niodifiaut  avec  art  toutes  les  cordes  du 
laiynx  et  de  la  trachée -artère.  Effaçons  ventri- 
loque. 


G   A   U  29;> 

Gaucherie.  L'assemblée  coiistituanle  a  donné 
aux  propriétaires  soixante  millions  de  dîmes,  qui 
appartenaient  partie  à  la  nation,  partie  à  la  pau<- 
vreté;  et  elle  a  fini  (afin  de  venir  au  secours  des 
hôpitaux  )  par  demander  cinquante-un  millions 
cinq  cent  mille  livres  aux  pauvres,  dont  le  travail, 
en  dernière  analyse,  paye  et  solde  tout.  Une  pa- 
reille décision  était-elle  fondée  sur  la  nature,  sur* 
la  justice,  sur  la  raison,  sur  riiumanité?  Non; 
celte  insigne  Gaucherie  vaut  à  elle  seule  toutes 
celles  qui  ont  été  commises  depuis. 

Gauchir.  On  fait  croire  au  peuple  ce  qu'on 
veut.  On  l'avilit,  et  il  se  crait  vil;  on  l'appauvrit, 
et  il  se  croit  né  pour  être  pauvre;  on  lui  dit  qu'il 
y  a  des  grands ,  et  il  se  croit  petit  ;  et  voilà  comme 
les  préjugés  Gauchissent  les  esprits.  [RousseL) 

Gauchir.  Se  détériorer  dans  un  genre  quel 
conque.  Ce  maître  en  fait  d'armes  commence  à 
Gauchir.  Il  est  n\\  temps  inévitable  où  Fusage  ne 
nous  permet  plus  d'aller  d'un  pas  ferme  et  droit, 
et  nous  fait  Gauchir;  mais  ne  pas  Gauchir  dans 
les  routes  de  l'exacte  probité  ,  voilà  l'essentiel. 

Gaudir.  {se)  Se  Gaudir  le  lendemain  d'un 
jour  de  ti'avail ,  à  gaudio  ,  la  gaudisserie  prenant 
sa  naissance  de  loisir  et  de  bien-aise.  Nos  pères  di- 
saient aussi  jongler  pour  Gaudir.  (Froissai.) 

Gaudrioliste,  Il  faut  quelquefois  s'égayer.  Les 

T  5 


2gt  G  A  Z 

fronts  les  plus  sévères  ne  mai-quenl  pas  toujours 
î'ame  la  plus  vertueuse.  Lafonlaine,  si  Gaudrio- 
liste  dans  ses  contes,  avait  des  mœurs  pures.  (Rétif. ^ 

Gaufrier.  Moule  à  gaufres.  Mais  il  y  a  le  Gau- 
frier à  vers  alexandrins;  quand  on  le  possède,  on 
fait  des  vers  français  rimes,  tout  comme  l'abbé 
Delille;  les  siens  ont  l'empreinte  éternelle  du 
moule  :  or  cette  facture  n'est  pas  la  poésie,  quoi 
qu'en  dise  un  Lycée.  O  mouleurs I  grâce!  grâce! 

Gausser,  {se)  Un  gentilhomme,  pour  se  don- 
ner un  air  de  popularité,  disait,  dans  tous  \qs 
groupes  du  peuple  ,  que  ce  n'était  pas  sa  faute 
s'il  était  né  noble,  et  qu'il  jetterait  très-volontiers 
tous  ses  titres  au  feu Un  vigneron  lui  répon- 
dit :  «  Monsieur  se  Gausse  de  nous  ;  ils  ne  brûle- 
«  rions  pas;  ils  sont  trop  verts.»  {B.) 

Gazetin.  Petite  gazette  manuscrite.  Quand  il 
n'y  a  plus  de  liberté,  il  n'y  a  plus  de  gazette  :  la 
ressourceseraitdansleGazetinjoùest  le  Gasietin? 

Gazeur.  La  Fontaine,  dans  ses  contes,  est 
■un  bien  aimable  Gazeur.  La  gaze  de  nos  jours 
est  par  trop  transparente  (Z***.) 

Gazouillis.  Bannissons  à  jamais  du  théâtre  et 
la  psalmodie,  et  l'ariette,  et  le  Gazouillis  irailé  des 
oiseaux,  pour  n'y  laisser  qUe  le  chant  accentué, 
sans  roulades  ni  cadences  ridicules.  {Rétif.) 


G  E  M  295 

GivANTisME.  La  tragédie,  en  Franee,  est  boiu- 
souflée,  hors  de  nature  :  les  mœurs  qu'on  y  re- 
présente sont  des  idéalités  ,  des  chimères  ,  un 
Géantisme  fatigant.  {Rétif.) 

GÉHENNE.  Tout  homme  a  sa  Géhenne  en  ce 
inonde,  fût-il  roi,  consul  ou  pape. 

GÉLOSCOPIE.  Divination  par  le  sourire  de 
l'homme  :  ce  n*est  plus  la  science  du  physiono- 
miste, c'est  bien  au-delà;  car  il  s'agit  de  saisir, 
dans  un  instant  indivisible,  l'ame  de  l'homme 
lorsqu'elle  vient  errer  à  son  insu  sur  le  bord  de 
ses  lèvres.  Tel  a  une  figure  qui  ne  prévient  pas 
contre  lui;  quand  il  rit,  c'est  l'enfer.  Toute  la 
caustique  méchanceté  de  Voltaire  se  révélait  dans 
son  sourire.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  faux  au  monde, 
et  de  plus  visiblement  faux,  c'est  un  sourire  factice 
ou  forcé  ;  quand  il  est  habituel,  il  annonce  un  dé  - 
teslable  cai^aetère.  Mais  il  n'y  a  poinl  de  langue 
pour  définir  tous  ces  ti'aits  fugitifs  et  caractéris- 
tiques. Le  sourire  mécanique  de  ***;  on  l'a  dit 
d'un  personnage  très-connu  au  commencement 
de  la  révolution,  et  ce  mot  le  peignait.  Rire  et 
sourire,  deux  choses  opposées  pour  l'œil  qui  sait 
voir. 

GéMi»SEUR.  Depuis  long-temps ,  dît  un  mépri- 
sable et  odieux  personnage  du  Paysan  perverti , 
je  te  recommande  d'^envisager  les  choses  qui  se 
font,  comme  légitimes.  On  n'a  jamais  tort....  0/4. 

T  i 


296  G  E  N 

dit on  fait....  on  croit....  o/zpeul....  Toutes  les 

choses  qui  commencent  }Dar  une  de  ces  phrases, 
sont  permises,  fussent-elles  défendues  par  toutes 
les  lois.  Méprise  donc  souvei'ainement  ceux  qui 
prennent  le  rôle  de  Gémisseur  sur  les  abus.  (^Rédf.) 

GÉMONIES.  Fourches  patibulaires.  Princes , 
mauvais  princes,  et  vous  gouvernans  qui  )ie  faites 
pas  le  bien  ,  regardez  les  annales  de  l'histoire 
comme  des  Gémonies  qui  vous  attendent. 

GÉNÉALOGIER.  C'est  faire  une  généalogie.  Si 
un  jour  nos  petits-enfans  demandent  :  Qu'est-ce 
que  faire  une  généalogie?  Peut-être  se  trouvera- 
t-il  alors  quelques  érudits  qui  leur  diront  :  Mes 
amis,  il  y  a  quelques  siècles  que  des  gens  prou- 
vaient, avec  un  art  dont  le  secret  est  perdu,  que 
le  hareng  est  né  de  la  baleine ,  que  le  lièvre  est  né 
du  lion,  et  que  par  conséquent  il  fallait ,  par  res- 
pect pour  les  baleines  et  les  lions,  obéir  à  toutes 
les  volontés  du  hareng  et  du  lièvre,  par  respect 
pour  leur  noble  origine,  et  parce  que  c'était  leur 
bon  plaisir. 

GÉNÉRABLE.  Vient  de  générer.  Le  bonheur  est 
Générabîe  de  l'étude  et  de  l'amitié  combinées. 

GÉNÉK^LISEUR.  Ce  grand  Généraliseur  n'a  le 
temps,  lorsqu'il  travaille,  que  d'indiquer  ses  idées 
en  niasse;  les  principes  qu'il  accumule,  laissent 
peu  de  place  aux  détails  et  aux  exemples.  (/.  B. 
3Iodesle  Gence.  ) 


G  E  N  297 

GÉNÉRALISME.  Ce  mot  exprime  l'état  qui  suc- 
cède à  la  conquête  ,  et  qui  précède  le  gouverne- 
ment militaire  d'un  seul;  passage  rapide  et  violent, 
durant  lequel  les  chefs  des  armées  usurpent,  ab- 
sorbent ou  paralysent  tour  à  tour  l'autorité  civile 
et  le  pouvoir  judiciaire. 

Cet  état  des  choses  peut  être  aussi  celui  d'une 
grande  nation,  après  une  longue  guerre  qui  a 
menacé  sa  liberté  et  son  existence  politique. 

Depuis  Thésée  jusqu'à  nos  jours,  aucun  guerrier 
n'a  mis  sa  gloire  à  réintégrer  dans  tous  ses  droits 
l'autorilé  civile,  et  à  lui  soumettre  sa  puissance 
mililaire.  Ce  pliénomène  des  temps  fabuleux  ho- 
norera nos  annales.     ' 

Le  lendemain  des  victoires,  tout  se  fait  par  les 
généraux  et  pour  les  généraux.  Rentrés  sur  leurs 
foyers,  ils  commandent  encore;  peu  y  préfèreni 
l'eslime  publique  et  des  lauriers  purs,  à  des  jouis- 
sances qui  font  donler  de  leurs  vertus. 

Bientôt  ces  rivaux  de  gloire  le  sont  de  crédit  et 
d'autorité.  Là  commence  une  lutte,  qui  se  termine 
par  la  ruine  des  lois,  de  la  liberté,  etc. 

Le  Généralisme  s'empara  de  l'empire  d'Alexan- 
dre, après  la  mort  de  ce  conquérant,  plus  savant 
que  son  père  dans  Tart  de  vaincre,  bien  moins  ca- 
pable de  fonder  un  empire  et  de  le  gouverner. 

Les  guerres  de  Pompée  et  de  César,  des  trium- 
virs, d'Anloine  et  d'Auguste,  marquent  le  temps 
et  la  durée  du  Généralisme  chez  hs  Romains.  La 


2()3  G  K  N 

puissance  mililairc  se  concentre  enfin  dans  la  main 
d'un  seul,  et  brise  les  faisceaux. 

C'est  ainsi  qu'après  un  long  cours  de  discordes 
civiles  ,  Rome  se  trouva  heureuse  en  tombant 
sous  le  joug  d'Auguste,  qui,  pour  paraître  un  Dieu 
bienfesant,  n'eut  qu'à  ne  plus  ressembler  à  ses 
rivaux  et  à  lui-même. 

Auguste  et  Tibère  hâtèrent  la  dégradation  du 
sénat ,  pour  ne  plus  craindre  son  retour  à  la 
vertu,  et  celle  du  peuple,  pour  qu'il  ne  regret- 
tât pas  sa  liberté. 

Plusieurs  armées  et  plusieurs  chefs ,  voilà  le 
Généra  lisme. 

L'armée  ne  l'econnaissailt  que  son  chef,  et  son 
chef  ne  reconnaissant  aucu)ie  autorité  au-dessus  de 
la  sienne,  voilà  le  gouvernement  militaire.  (P.) 

GÉNÉRATEUR.  L'égalité  et  la  liberté  sont  le.4 
bases  physiques  et  inaltérables  de  toute  réunion 
d'hommes  en  société  ,  et  par  suite,  le  principe 
nécessaire  et  Générateur  de  toute  loi  et  de  tout 
système  de  gouvernement  régulier. 

Générateur.  Il  n'y  en  a  qu'un,  et  de  tout  ce 
qui  est.  Dieu  ,  adorons  I  femme  !  lu  n'es  pas 
génératrice ,  tu  es  mère  ;  homme  I  tu  n'es  pas 
générateur,  tu  es  père. 

GÉNÉRATIVE.  Une  banqueroute  est  souvent 
Générative  de  cinq  cents  autres.  La  patience  est 


Générative d'une  plus  prompte  guérisoii.  I^u  vraie 
-philosophie  est  Générative  du  calme  et  du  repos 
de  l'ame. 

Généreux.  On  décoiffa  les  vins  Généreux  ,  et 
la  gaîté  française  s'empara  de  la  table  dans  tous 
ses  points. 

GÉNIE.  Esprit  supérieur    à  celui    d'un  anlre 
homme;  mais    de  combien?  voilà  la  question. 
On  perd  d'un  côté  ce  que   l'on  gagne  de  l'autre. 
L'un  sait  ce  que  l'autre  ignore  ,  et  celui-ci  sait  ce 
que  le  premier  ne  sait  pas ,  voilà  tout.  Bêle  coînnis 
un  Génie ,  dit  le  proverbe,  rien  de  plus  vrai.  Les 
gens  de  lettres,  en  général,  sont  des  triangles  qui 
jettent  tout  leur  esprit  d'un  seul  coté.  Il  n'y  a  ja- 
mais eu  dans  le  monde  un  homme  de  Génie;  pour 
moi  je  n'en  ai  jamais  rencontré  un  seul  véritable- 
ment distingué  par  un  remarquable  vol  au  dessus 
des  conceptions  ordinaires  :  j'ai  beaucoup  lu  ,  vu , 
entendu.  Les  hommes  ne  difierententr'eux  que  de 
quelques  lignes ,  ou  demi-pouce  à  peu  près ,  comme 
dans  la  stature  humaine  où  il  n'y  a  point  de  géans; 
et  quand  il  s'en  rencontre  un  ,  l'on  voit  dispropor- 
tion entre  ses  membres.  Ah  I  nous  sommes  sur- 
tout égaux  par  l'intelligence.  J'ai  seulement  re- 
marqué que   ceux   qui  écrivent,  avaient  moins 
d'esprit  et  beaucoup  plus  de  préjugés  que  les  autres 
hommes. 

GentillitÉ.  Les  petits  hommes  ont  de  la  Gen- 


5oo  CES 

lilliLédaus  le  mainlieii,  presque  jamais  de  noLîlilé; 
quand  ils  ralFeclent,  ils  tombent  dans  la  ridicalilé. 

GÉOMÉTRIE.  C'est  la  colonne  des  Hébreux  ; 
un  coté  lumineux,  l'autre  totalement  obscur; 
elle  conduit,  elle  égare;  elle  amène  quelques 
vérités  et  précipite  l'homme  dans  la  plus  haute 
démence  ;  elle  a  fait  plus  d'extravagans  que 
d'hommes  sages  et  utiles.  La  Géométrie  n'est 
qu'une  ombre  vaine  près  du  physicien  ;  la  Géo- 
métrie sublime  ou  transcendante  est  le  sublim.e 
de  la  science  insensée,  orgueilleuse  et  futile. 
C'est  elle  enfin,  qui  a  empêtré  la  raison  hu- 
maine de  cet  impertinent  système  de  Copernic, 
qui  obligera  notre  siècle  à  faire  amende  honorable 
devant  les  siècles  passés  et  futurs. 

Germanisé.  Vers  l'année  1 708  ,  on  commença 
à  iniroduire,  sur  le  théâtre  allemand  ,  l'Arlequin 
des  Italiens.  Il  fut  si  bien  Germanisé,  par  un 
nommé  Stranitzlcy,  que  jusqu'en  lySo  on  ne 
joua  ni  comédies  ni  tragédies,  dans  lesquelles  ,  a^i 
grand  contentement  des  spectateurs,  l'Arlequiu 
n'eût  le  privilège  de  mêler  ses  farces  ridicules  et 
indécentes.  (  Frieclel.  ) 

Gester.  Nous  n'avons  que  gesticuler  qui  ne 
peint  qu'un  geste  trop  fréquent  ou  ridicule  ;  il 
manquait  le  mot  Gester.  Lekain  geslait  avec 
beaucoup  d'ensemble  et  de  grâce  :  ce  qu'il  y  a 
peut-être  de  plus  difficile  dans  l'art  du  comédien  , 


G  I  R  5oi 

c'est  de  Gester   convenablement.   Le  singe  ges- 
ticule, et  le  mime  geslc. 

La  gentillesse  d'un  enfant,  la  Gentillité  d'une 
jeune  femme,  la  gracieuseté  d'une  mère  defamille. 

GiGANTiFiÉ.  C'est  unecalamitéGigantifiée.C'est 
un  grand  homme,  mais  Gigantifié.Les  esprits  fai- 
bles et  ardens  sont  disposés  àGigantifier  tout  ce 
qui  sort  des  propositions  ordinaires. 

GiNGUET.  Du  vin  vert,  du  petit  vin.  Cela 
est  Ginguet  ;  c'est-à-dire,  cela  n'est  pas  encore 
ni  formé  ni  fait,  ou  sans  aucune  espèce  de  gran- 
deur ni  de  force.   (Borel). 

On  me  soutient  que  Ginguet  est  le  grand-père 
de  Ginguené,  auteur  :  il  faut  rire  en  passant  1 

GiRANDOLER.  Briller  avec  grand  éclat;  faire 
de  l'esprit  plus  que  de  coutume.  Hier,  animé 
par  la  présence  de  plusieurs  aimables  femmes, 
il  nous  débita  des  choses  charmantes  :  son  feu  fut 
prompt,  vif  et  bien  soutenu;  il  Girandola,  et  vé- 
ritablement il  nous  surprit  tous. 

GiROUETTERiE.  On  trouve  ce  mot  dans  les  Mé- 
moires du  cardinal  de  Retz  :  il  est  applicable,  lors 
des  factions  ,  à  une  multitude  de  tètes  qui  ne  sont 
que  des  girouettes.  Le  duc  de  Choiseul,  appre- 
nant que  Voltaire  avait  transporté  ses  vers  et  ses 
louanges  à  son  successeur  et  à  son  rival,  fit  de 
sa  figure  une  Girouetterie,  qu'il  plaça  sur  la  plus 
haute   cheminée  de  son  palais. 


5o3  G  L  O 

Glanure.  C'est  un  })orame  qui  vil  de  la  Gîa- 
nure  de  la  conversation.  Ainsi  fesait  ChaniforL, 
qui  à  force  d'enregistrer  l'esprit  d'autrui,  a  fait 
croire  qu'il  en  avait  lui-même. 

Classes.  Il  faut  écrire  Classes  à  se  mirer, 
Classes  dans  les  appartemens,  sur  les  cheminées , 
et  Glaces  qui  charient  dans  les  fortes  gelées  ; 
Glaces  à  manger,  Glaces  ambrées,  chez  le  res- 
taurateur-glacier. 

O  toi ,  restaurateur-glacier,  qui  fais  graver  ton 
nom  en  belles  lettres  d'or,  pour  annoncer  tes  Glaces 
et  sorbets,  va,  lu  n'es  pas  un  glaciei-restaurateur  î 
LàBs  Classes  à  se  mirer,  et  les  Glaces  à  manger,  tout 
cela  ne  substan te  guères  l'estomac  de  mes  chers 
Parisiens.  Oh!  qui  nous  rendra,  dépense  pour  dé- 
pense, le  solide  cabaret  de  Chapelle  et  de  Mo- 
lière. 

Gloire.  Qu'est-ce  que  la  Gloire?  On  peut  ré- 
pondre, ce  que  chacunla  fait,  une  chimère,  un 
fantôme  après  lequel  on  court,  et  qu'on  ne  saisit 
jamais.  L'amour  de  la  Gloire  est  cette  passion 
qui  nous  mène  à  faire  quehjue  chose  dans  la  vue 
d'être  applaudi,  et  la  gloire  elle-même  est  cette 
ivresse  qui  procure  à  l'homme  vain  les  applau- 
dissemens  qu'il  obtient.  Cela  posé;  quel  est  le 
projet  de  l'homme  qui  court  après  la  Gloire? 
de  recueillir  les  applaudissemens  et  rien  de  plus. 
Si  la  bonne  action  se  trouve  à  faire  sur  sou  pas- 


G  O  B  5o5 

sage-,  il  ne  l'oubliera  point;  mais  si  le  crime  le 
conduil  plulôt  au  but,  il  commettra  le  crime 
avec  la  même  ardeur,  et  le  bien  s'éloignera  da 
ses  yeux.  (  /.  M,  Lequinio  ,  député.  ) 

Si  j'avais  à  définir  la  Gloire,  je  dirais  :  C'est 
la  célébrité  jointe àFestime  méritée  deses  contem- 
porains ;  elle  est  le  garant  de  celle  ([ue  la  posté- 
rité, toujours  juste,  nous  accordera.  (^Bossehnan.) 

Gloriole.  Gloire  frivole;  ce  qui  est  gloire  dans 
un  siècle,   n'est  que  Gloriole  dans  un  autre.  'J'out 
ce  qui  n'a  pas  pour  but  le  bonheur  des   hommes 
n'est  que  fumée  et  Gloriole;  la  Gloriole  de  dé- 
funte noblesse. 

Gloutonner.  Il  esl  assez  cruellement  sensible 
que  les  gouvernemens  arbitraires  ont  élargi  l'œ- 
sophage dévorant  des  riches  aristocrates  ,  et  ré- 
tréci les  entrailles  du  peuple  ;  ils  ont  réduit  à  une 
vie  disetteuse  presque  toute  l'espèce  humaine, 
en  Gloutonnant  les  richesses  de  la  nature.  (  ha 
Bouche  de  fer.  ) 

Gloutonner.  Je  ne  l'ai  pas  vu  manger,  mais 
Gloutonner  à  faire  peur.  Ce  glouton  amphibie  les 
plaisii's  de  la  table ,  en  mangeant  chair  et  poisson. 

Gobe-dieu.  Voltaire  dit,  en  parlant  de  sa  tra- 
gédie des  Guèbres  :  «Mahomet  et  Tartuffe  n'é- 
«  taient-ils  pas  cent  fois  plus  hardis?  Quel  est 
^  dans  la  capitale  des  Velches  ,  le  porte-Dieu  ou 


3ot  G  O  U 

«  le   Gobe-Dieu  qui  ose  dire  ;   C'est  moi  qu'on  a 
«  voulu  désigner   par  les  prêtres   de   Pluton  ?  » 

GoRGERETTE.  Joli  mot  pour  désigner  le  voile 
servant  à  couvrir  le  sein  d'une  jeune  fille-,  il  figu- 
rerait très-bien  dans  les  poésies  légères. 

GouT  BRÛLÉ.  Un  cuisinier  a  le  goût  brûlé  à 
cinquante  ans;  il  en  est  de  mêmede  quelques  gens 
de  lettres;  à  force  d'avoir  lu,  ils  ne  savent  plus 
lire  :  en  analysant,  en  pérorant  sans  cesse  aunom 
du  goût,  ils  ont  perdu  le  goût. 

Goutte.  Un  esclave  apercevant  le  corps 
de  César  ,  que  les  conjurés  viennent  de  poignaider 
sur. son  tribunal,  et  qui  vient  d'expirer  aux  pieds 
de  la  statue  de  Pompée,  s'écria  en  pleurant:.... 
O  César!...  Antoine  lui  répond  :  «  Ton  cœur  se 
«gonfle!  retire-toi,  car  je  sens  que  ces  larmes 
«  qui  viennent  de  ton  cœur  déchiré ,  font  rouler 
«  dans  les  yeux  d'Antoine  ,  ces  Gouttes  de  dou- 
((  leur.  » 

Gouvernateur.  Si  une  immensité  de  citoyens 
courageux  n'eussent  pas  senti  qu'ils  étaient  nés 
libres  et  égaux  en  droits,  où  en  serions-nous  en- 
core avec  tous  ces  fameux  Gouvernateurs ,  qui 
nedisent  la  vérité  que  quand  elle  leur  échappe  .{La 
Bouche  de  fer.  ) 

Gouvernemental.    Acte    Gouvernemental , 

purement 


G  R  A  5o5 

purement  Gouvernemental  ;  il  peut  sauver  la 
patrie,  il  peut  la  perdre;  licite  ou  illicite  selon 
l'événement.  Qui  ne  tremblerait  quelquefois  ! 

Grabataire.  Homme  qui  ne  quitte  point  le 
lit,  malade  depuis  long-temps.  Il  est  Grabataire 
et  s'ennuie  fort  :  allons  le  voir  et  le  consoler. 

Grabeler.  Débattre,  contester  sur  des  misè- 
res,  sur  des  inutilités. 

Nous  rencontrâmes  un  jour  neuf  gros  esquifs 
chargés  de  moines,  de  penaillons  ,  de  patte  peines 
qui ,  s'étant  rassemblés  ,  se  rendaient  au  fameux 
concile  deXran-tran,  afin  d'y  Grabeler  des  points 
métaphysiques ,  et  contre  les  novateurs ,  et  contre 
tous  les  chiens  d'hérétiques,  devant  le  grand 
mitre  de  Latran.  (  Rabelais.  ) 

Gracieuser.  On  commence  à  se  servir  du 
mot  Gracieuser,  qui  signifie  recevoir,  parler 
obligeamment.  (  J^oltaire.  )    , 

Gracilité.  Telle  femme  grasseyé,  mais  man- 
que en  même  temps  de  Gracilité. 

Grammairiens.  (  troubles  )  «  La  plupart  des 
«.  occasions  des  troubles  du  monde  sont  Gram- 
«  raairiens.  Nos  procès  ne  naissent  que  du  débat 
«de  l'interprétation  des  lois,  et  la  plupart  des 
«guerres,  de  cette  puissance  de  n'avoir  sçu  clai- 
«  r-ement    expliquer    les  conventions  et    traités 

2'ome  L  V 


5o6  G  R  A 

«  d'accord  des  princes.  Combien  de  querelles  ,  et 
«  combien  importantes  ,  a  pi^oduit  au  monde  le 
«  doute  du  senhde  celle  syllabe  Aoc?»  (MontaigneJ) 

Grammatiste.  Grammairien  se  dit  d'un 
homme  qui  a  fait  une  étude  particulière  de  la 
grammaire. 

Le  Grammatiste  est  celui  qui  se  borne  à 
montrer  la  pratique  des  premiers  élémens  des 
lettres.  (  Beauzée.  ) 

Grandiose.  Rien  n'est  plus  imposant,  ni  plus 
Grandiose  que  l'assemblage  de  ces  immenses  ta- 
bleaux de  Véronèse  et  de  Charles  Lebrun,  que 
ces  noces  de  Cana  et  les  célèbres  batailles  d'A- 
lexandre ,  que  cette  réunion  extraordinaire  des 
plus  vastes  productions  pittoresques,  connues  (au. 
Musée  central  des  Arts.  )   (  K illeterque .  ) 

GrandiositÉ.  La  Grandiosité  d'un  plan  d'ar- 
chitecture n'est  pas  la  grandeur;  on  peut  accu- 
muler les  édifices,  en  ne  leur  imprimant  qu'un 
caractère  de  Graudiosité  ;  témoin  l'immense  palais 
des  rois  de  Madrid:  c'est  la  Grandiosité  la  pluvS 
éloignée  de  la  noblesse  et  de  la  grandeur. 

Grassouillet.  «  O  !  quelle  grande  chaleur  je 
«me  seutis  en  Famé,  voyant  ma  douce  amie, 
«sur  son  lit  dormant,  les  yeux  fermés,  la  tète 
«  penchée  sur  le  côté  de  droite,  ses  bras  étendus 
«et  demi-nus,  blancs  et  rondelets;  ses  lant  dé- 
«  licates  mains  tenant  luouchoir  et  collier    dé- 


G  R  Itii  Boj 

«  faits,  le  petit  corset  demi-ouvert  I....  O  !  corn- 
«  bien  de  trésors  où  veut  mes  yeux  se  prome- 
«  nans  çà  et  là!...  O!  combien  de  charmes  non 
«  encore  vus  par  les  yeux  d'un  autre  homme!.., 
<t  un  col  blanc  de  neige  ,  un  sein  franc  et  Gras- 
«  souillet,  et  puis  deux  belles  et  plaisantes  pom- 
«  mes  non-entières,  sont  à  découvei'tl  »  {Sauvigny.^ 

Gratifier,  {se)  «Il  est  peu  d'hommes  ad- 
«  donnés  à  la  poésie,  qui  ne  seGratisfiassent  plus 
«  d'estre  pères  de  V Enéide ,  que  du  plus  beau 
«  garçon  5  car,  selon  Aristote,  de  tous  les  ou- 
*i  vriers,  le  poëte  est  nommément  le  plus  amou- 
^  reux  de  son  ouv^rage,  »   (  Montaigne.  ) 

Gratitude.  Lorsqu'un  homme  a  accepté  des 
services,  il  doit  les  reconnaître,  parce  que  la 
Gratitude  est  le  plus  sacré  des  devoirs. 

Grattage.  Si  vous  plantez  un  arpent,  défon- 
cez l'arpent  entier  ;  si  vous  plantez  cent  arpens , 
défoncez  cent  arpens  dans  leur  entière  totalité* 
mais  n'allez  pas  prendre  pour  défoncement,  un 
Grattage  de  quelques  pouces,  ou  tout  labour  à  la 
charrue.  (  Cltalameau.  ) 

Gravas.  Décombres. 

Greffiser.  (de  GreJJîer) Ecrire  sur-le-champ, 
60US  la  dictée ,  et  dans  un  instant.  On  lit  dans 
l'Alcoran  :  Tu  crois  n'être  pas  vu  dans  tes  ac- 

V  2 


5o8  G  R  I 

iions  secrètes;  il  y  a  au-dessus  de  ta  tête,  une 
petite  mouche  que  tu  n'aperçois  pas,  et  qui, 
avec  sa  petite  patte,  Greffise  tout  ce  que  tu  fais. 
Ces  imperceptibles  caractères,  au  grand  jour  du. 
jugement  dernier,  auront  mille  coudées  de  haut, 
afin  que  tout  Funivers  les  lise.  —  Je  vois  chez 
le  restaurateur  du  jardin  des  Tuileries ,  deux 
graves  commis  armés  de  leurs  plumes  ,  qui  Gref- 
fisent  tous  les  plats  qui  passent  successivement 
sur  les  différentes  tables;  depuis  le  potage  jus- 
qu'à la  pomme  ou  l'orange,  rien  n'est  oublié; 
ils  vous  diront  combien  vous  avez  mangé  d'a- 
velines. La  mouche  de  l'Alcoran  n'est  pas  plus 
«xacte  :  le  procès  verbal  de  votre  repas  est  tout 
dressé;  le  voilà,  et  tout  additionné!  on  Gref- 
fise aujourd'hui  jusques  dans  les  plus  obscures 
tavernes,  le  prix  de  chaque  mets,  d'abord  dans 
la  carte  indicative,  puis  dans  la  carte  payante. 

Grègues.  Rabelais  assure  qu'Alexandre,  en 
Fautre  monde,  est  savetier  et  rataconneur  de 
vieilles  Grègues ,  et  Achille,  botteleur  de  foin. 

Grevance.  De  grever.  Lésion  grave.  Il  a 
chargé  par  un  injuste  procès  cette  malheui-euse 
famille,  d'uneGrevance  qui  pèse  encore  et  pèsera 
long-temps  sur  tous  les  membres  qui  la  com- 
posent. 

Griffade.  Blessure  faite  par  un  animal  qui 
«,  des  griffes.  Il  a  reçu  de  ce  journaliste  une  Grif- 


G  R  î  3o(> 

fade;  les  folliculaires  sont  comme  les  cliats  qui 
se  battent  tous  les  rnatius   et  qui   se   fout  de» 

Griffades. 

Grtffonie.  Mauvaise  écriture.  Nos  jolie*' 
femmes  sont  toutes  atteintes  de  Griffonie. 

Grimacer.  Quiconque  a  joué  un  grand  rôle 
à  la  cour  des  rois^  ne  peut  que  Grimacer  en 
république. 

L'œil  penchant  des  yrais  patnotes,  n'aper- 
cevait dans  toutes  les  actions  d'un  Lafayette , 
que  des  grimaceries,  car  les  courtisans  ont  beau 
Grimacer,  la  courlisauerie  perce. 

Grimelinage.  Petit  et  soi-dide  gain  que  Ton 
fait  dans  un  misérable  et  obscur  trafic.  Le  bri 
gand  à  la  main  large,  se  moque  beaucoup  de 
celui  qui  exerce  le  Grimelinage  ;  voler  trois  ou 
quatre  millions  et  d'un  seul  coup  ;  mais  cela 
devient  absolvable,  recommandable,  respectable. 

Grimoire.  Ce  sont  tous  les  livres  de  théolo- 
gie schoîastîque,  ceux  de  géométrie  transcen- 
dante ,  et  sur-tout  les  dissertations  modernes  de 
nos  idéologistes  ou  idiologistes  ,  sur  l'entende- 
ment humain;  ce  Grimoire  n'évoque  ni  les  morts, 
ni  le  diable,  mais  l'ennui  et  la  sainte  colère,  la 
juste  indignation  du  bon  sens  fatigiié,  outragé, 
ïnarlyiûsé.  Ahl  cruels,  ne  me  faites  pas  mourir! 

Grippeur.  Qui  fait  de  petits  larcins.  Ce  valet^ 

V  5 


5io  G  U  B 

il  laut  le  chasser,  c'esl  un  éternel  Grîppeur.  Petit 
Grippeur,  larron  eau  ,  qui  n'avait  point  la  main 
large  des.  .  . .  des  ....  des  .... 

Grognon.  Je  me  souviens  d'avoir  une  fois, 
dans  mon  enfance,  laissé  dans  la  marmile  d'une 
de  nos  voisines,  tandis  qu'elle  était  au  proche^ 
j'avoue  même  que  ce  souvenir  me  fait  encore 
rire,  parce  que  cet  le  voisine,  bonne  femme  au 
demeurant,  était  bien  la  vieille  la  plus  Grognon 
que  je  connus  de  ma  vie.  (/.  J.Rousseau.  Con^ 
fessions.  ) 

Grotesquer.  C'est  un  talent  qui  n'est  pas 
absolument  commun.  Cyrano  de  Bergerac  ,  et 
Calot,  en  Grotesquant  leurs  idées  à  l'aide  de  ^a 
plume  et  du  burin  ,  nous  arrachent  un  sourire 
et  nous  font  admirer  leur  vive  et  singulière 
imagination.  Le  Grotesque  est  plus  plaisant  que 
îa  parodie ,  et  bouifonner  comme  Scaron  ,  n'est 
pas  Grotesquer  comme  certains  auteurs  anglais  , 
véritables  pères  de  la  féconde  et  ingénieuse  ca- 
ricature. Que  cela  est  drôle  I  &'écrie-t-on  ,  et  rœiî 
va  toujours  en  avant. 

Grouiner.  Ancien  mot  qui  exprimait  très- 
bien  le  cri  d'un  porc.  (  f^oltaire.  ) 

(gstUBERNATEUR.  On  dit  gouverneur  d'une  mé- 
ïiagerie,  d'un'  page,  d'un  enfant,  d'une  forle- 
ïesse  ;    on    dit    aussi    gouvernant  ,    expression 


GUE  Sti 

vague:  moi,  j'appellerais  un  grand  homme,  que  le 
génie  et  la  fortune  cnt  élevé  à  .une  place  toute 
nouvelle,  le  Guberiialeur  de  Fétal  j  mot  neuf 
comme  le  personnage. 

GuÉDÉ.  Si  je  n'étais  pas  Guédé  de  vers,  je 
crois  que  j'en  ferais  pour  M.  de  Laudon  qui 
vient  de  prendre  Schwednitz,  (  /^oltaire.) 

GuENiLLEUX.  Carie  Vanloo  a  laissé  plusieurs 
esquisses  5  il  en  est  une  qui  représente  saint 
Grégoire  vendant  son  bien  et  le  distribuant  aux 
pauvres. 

C'est  ici  qu'il  faut  voir  comment  on  peint  la 
mendicité,  comment  on  la  rend  intéressante , 
sans  la  montrer  hideuse;  jusqu'où  il  est  permis 
de  la  vêtir,  sans  la  rendre  opulente  ni  Guenil- 
leuse.  Il  y  a  là  une  ligne  éli'oite  sur  laquelle  il 
est  difficile  de  se  tenir.  (  Diderot.  ) 

Guérisseur,  Un  des  souverains..,,  du  théâtre 
français ,  ayant  eu  besoin  du  ministère  d'un 
chirurgien  ,  dans  une  certaine  incommodité 

Dont  la  garde  qui  veille  aux  barrières  du  Louvre 
Ne  défend  pas  les  rois  , 

il  s'est  élevé  une  dispute  très- violente  entre  le 
Guérisseur  et  le  guéri, pour  le  paiement. (Z>iV7^«f^.) 

Guerroyer,  Ce  mot  vieillissait;  Mirabeau  lui 
rend  sa  première  vigueur,  dans  le  passage  sui- 
vant ; 

V  ^ 


5i2  GUI 

Les  rois  et  leurs  niinislres  n'ont  cessé  d'attiser 
les  inimitiés  récipioques  parce  qu'en  fesant 
Gueri'oyer  les  liommes ,  on  est  dispensé  de  les 
bien  gouverner. 

GuiLLOTAGE.  Tout  l'or  du  Pérou  vient  aboutir 
à  Paris;  nul  peuple  au  monde  ne  façonne  ce 
métal  avec  autant  de  goût  que  le  Parisien  ;  la 
ciselure  et  le  Guillotage  soumettent  tous  les  bi- 
jous  de  l'Europe  à  passer  par  ses  mains. 

GuiNDER.  (se)  Nous  grimpons  à  son  cin- 
quième étage ,  et  par  une  échelle ,  nous  nous 
guindons  à  un  sixième  qui  était  un  cabinet  ou- 
vert à  tous  les  vents*,  là  loge  quelquefois  le  génie. 

Se  Guinder  pour  avoir  de  l'esprit;  effort  inu- 
tile: dès  qu'il  est  aperçu,  la  sottise  est  à  découvert. 

GuiNGUET.  On  a  représenté  Sémîramîs  sur 
mon  théâtre;  j'avais  perdu  de  vue  cet  ouvi'age; 
il  m'a  fait  sentir  que  les  Scythes  sont  un  peu 
Guinguets  en  comparaison.  (  Voltaire.  ) 

GuiORANT. ...  C'était  une  vaste  maison,  avec 
grange,  écuries,  cellier,  pressoir  ;  on  y  enten- 
dait rire  déjeunes  filles;  on  courait,  on  se  ca- 
chait, on  se  cherchait,  on  se  trouvait;  c'était 
en  automne;  l'obscurité  vient  de  bonne  heure  : 
on  continua  le  jeu.  Mangeron  guidé  par  le  cri 
Guiorant  d'une   jeune  beauté  qu'il  crut  recon- 


G  Y  M  3i5 

naître  ,    la    trouva   dans  la  grange   derrière   un 
monceau  de  paille  fraîche,  el....etc.  (Rédf.) 

GuiRLANDER.  Il  fit  Guirlaudcr  le  temple ,  les 
statues  publiques  et  toutes  les  tètes  qui  assis- 
tèrent à  cette  grande  et  importante  cérémonie. 

Les  taureaux  Guirlandes  tombent  en  sacrifice.  [Desportes.) 

GusTATiF.  Pour  ranimer  votre  appétit  malade, 
on  vous  composera,  monsieur  le  Riche,  un  mets 
Gustatif.  Il  a  lu  tout  ce  qu'on  pouvait  lire;  il 
avance  en  âge;  son  esprit  blasé  tourne  à  la  cri- 
tique amère ;  il  n'y  a  plus  ,  je  le  crains,  pour  son 
imagination  éteinte ,  de  livre  Gustatif.  —  Vous 
le  croyez?  Mais  une  bonne  satyre  au  poivre,  au 
piment ,  largement  épicée  ,  ah  I  elle  devient 
Gustative. 

Gustation  vaudrait  mieux  que  dégustation. 
Ce  dernier  mot  alors  s'emploierait  pour  l'acte 
qui  décompose  dans  la  boitche  une  liqueur,  afin 
de  la  mieux  apprécier. 

Tandis  que  de  son  côlé,  le  marchand  de  A'in 
ferait  la  dégustation,  moi,  j'en  ferais  la  Gusta- 
tion, n'étant  point  un  gourmet. 

Gymnastiser.  (de  Gymnastique.)  Lutter,  se 
livrer  à  des  exercices  violens ,  ou  à  des  jeux 
propres  à  dénouer  le  corps  ou  à  le  fortifier.  Si 
vous  voulez  acquérir  une  ti'ès-forlc  santé  ,  Gym- 


5i4  H  A  B 

nasliisez  *,  Gymnastisez  encore  si  vous  voulez  con- 
server la  vôtre,  quelque  faible  qu'elle  soit. 

GynéCONOMES.  Magistrats  d'Athènes  ;  ils 
étaient  au  nombre  de  dix  :  ils  avaient  inspection 
sur  la  conduite  et  les  moeurs  des  femmes  ;  ilsi 
fesaient  afficher  en  public  les  noms  de  toutes 
celles  qu'ils  condamnaient  à  l'amende,  înènie 
pour  des  fautes  légères,  et  qu'on  nomme  chez 
nous  ètourderies.  Je  vous  y  prends,  maris,  et 
même  vous  qui  ne  l'èles  pas;  vous  rêvez  à  l'ins- 
tant même  sur  cette  magistrature,  et  vousêlessur 
le  point  de  minuter  une  supplique  pressante  pour 
un  pareil  établissement.  Ah  I  tout  doux!  ce  nom 
odieux  de  Gynéconomes,  qui  osera  le  renouveler 
ouïe  proférer  en  bonne  compagnie?  Tout  le  Voca- 
hulaire  sera  peut-être  proscrit,  à  raisoii  de  ce  seul 
article.  Qu'a-t-on  besoin  de  cet  épouvantable  hel- 
lénisme? J'entends  ce  cri  sortir  de  cent  boucbes 
de  roses. 

Gynide.  Hermaphrodite.  Il  n'y  en  a  point  de 
parfait. 

H 

JlIabilleue.  Dites  Habilleur,  au  lieu  de  tailleur. 
Mon  Habilleur  a  du  goût,  il  veut  que  ma  coiffure 
et  ma  chaussure  correspondent  ensemble.  Tailler 
du  drap,  cela  est  commun;  mais  habiller  un 
homme  de  pied  en  cap,  et  dans'un  parfait  rap- 


H  A  I  3ir» 

port  avec  son  âge  ,  sa  figure  ,  sa  profession  ;  voilà 
le  talent.  Faites  cas  d'un  Habilleur  doué  d'un  coup- 
d'œil  juste,  et  ne  dites  que  tailleur  de  pierres.  \jn 
Habilleur  est  un  peinire;  il  ne  m'eût  pas  donné 
le  ridicule  costume  de  Flnslitut  national. 

Habitacle.  Retranchement  pour  se  loger; 
Dans  son  superbe  hôtel,  il  s*^est  fait  un  Habitacle  à 
l'abri  des  importuns  ;  il  y  est  resserré,  mais  in- 
visible :  on  parcourt  tant  qu'on  veut  ses  ma- 
gnifiques appartemens^  il  garde  pour  lui  seul  et 
{)our  ses  intimes  amis,  cet  Habitacle,  cet  asyle 
aérien.  L'ambition  intéressée  des  courtisans  ne 
demande  qu'un  Habitacle  dans  les  somptueux 
palais  des  rois  et  des  empereurs. 

Habitudes.  En  astronomie,  l'on  voit  plus  par 
l'opinion  que  par  ses  propres  yeux:  les  Habitu- 
des des  régens  en  ce  genre,  soiit  bien  plus  dif- 
ficiles à  changer  que  l'axe  de  la  terre. 

Hacher.  L'état  est  divisé  en  deux  classes,  en 
gens  avides  et  insensibles,  et  en  mécontens  qui 
gémissent  et  murmurent.  Le  législateur  qui  trou 
verale  moyen  de  Hacher  les  propriétés,  de  di- 
viser et  de  subdiviser  les  fortunes  ,  servira  mer- 
veilleusement l'état  et  la  population. 

Hainer,  n'est  pas  haïr.  Hainer  l'odeur  du  ta- 
bac ,  du  fumier,  du  poisson  pourri  ;  haïr  le  vice  ■> 
Ja  tyrannie  j  Hainer  les  sots  et  ennuyeux  usages 


3i6  H  A  R 

d'une  pelite  cl  ignorante  société  ;  haïr  l'insoîenee 
des  nouveaux  parvenus;  Hainer  le  lieu  du  sup- 
plice où  la  vertu  et  Finnocence  ont  péri,  haïr 
leurs  bourreaux  sous  le  nom  déjuges. 

Haineux.  Je  sens  dans  mes  malheurs  que  je 
n'ai  point  l'ame  Haineuse.  (/.  /.  Rousseau.  ) 

Hameçoner.  11  Ta  Hameçoné  par  des  louanges 
si  adroites,  si  bien  distribuées,  qu'il  a  fait  tout  ce 
qu'on  a  voulu  ,  et  de  la  manière  dont  on  voulait 
qu'il  fit  la  chose. 

Harcellement.  Les  Harcellemens  de  cette 
femme  nouvelle  Xantipe,  m'ont  enfin  déterminé 
à  la  bannir  de  ma  nriaison. 

Hargnerte.  Je  ne  m'écarterai  jamais  de  la 
maxime  que  j'ai  toujours  suivie,  de  me  renfermer 
dans  le  sujet  que  je  ti'aite,  sans  y  mêler  rien  de 
personnel.  I_je  véritable  respect  qu'on  doit  au 
public,  est  de  lui  épargner,  non  de  tristes  vérités 
qui  peuvent  lui  être  utiles,  inais  bien  toutes  les 
petites  Hargneiies  d'auteurs  dont  on  remplit  les 
écrits  polémiques.  (  J .  J.  Rousseau.^ 

Harmonier.  («')  Pour  exprimer  dos  nuances 
qui  se  fondent.  Un  beau  vert ,  une  belle  verdure 
s'harmonie  avec  l'azur  des  flots. 

Harmonies. 

Pes  flûtes Jes  hautbois 

Qui,  tour  à  tour  ,  dans  l'air  poussaient  des  Harmonies, 
Dont  on  pouvoit  nommer  les  douceurs  infimes.  [Corn.) 


H  A  R  5i7 

Quoique  ce  substantif  Harraonien'admelte  point 
de  pluriel,  non  plus  que  mélodie ^  musique  ,  phy^ 
si  que  ^  et  presque  tous  les  noms  des  sciences  et 
des  arls ,  cependant  j  ose  croire  qu'il  est  des  occa- 
sions où  Harmonies,  au  pluriel,  n'est  pas  unefaute^ 
On  peut  dire,  les  mélodies  de  Lidly  et  de  Rameau, 
sont  différentes .  (  Voltaire.^ 

On  dit  très-bien  les  Harmonies  de  la  nature, 
parce  qu'il  y  a  ensemble  et  accord,  et  dans  le 
tout  et  dans  les  diflerentes  parties. 

Harmonieux.  An  risque  d'essuyer  des  sarcas- 
mes, dont  il  vaut  mieux  être  l'objet  que  l'auleur, 
ne  craignons  pas  de  dire  que  les  chansons,  les 
poésies  lyriques  importent  également  à  la  propa- 
gation de  la  langue  et  du  patriotisme.  II  était  bien 
pénétré  de  cette  vérité,  ce  peuple  Harmonieux  , 
pour  ainsi  dire,  chez  qui  la  musique  était  un  res- 
sort entre  les  mains  de  la  politique.  (  Grégoire.  ) 

^Note.)  Chrysippe  ne  crut  pas  se  ravaler  en 
fesant  des  chansons  ponr  les  nourrices;  Platon 
leur  ordonne  d'en  enseigner  aux  enfans.  La  chan- 
son d'Harmodius,  qu'Athénée  nous  a  conservée, 
était,  che?;  les  Grecs,  ce  qu'est  parmi  nous  l'air 
des  Marseillais.  (Idem.) 

Harmoniser.  Lorsque  la  paix  viendra  Harmo- 
niser notre  république  avec  les  nations  étrangères, 
nous  leur  donnerons  tour  à  tour  nos  neuves  et 


5i8  H  A  U 

belles  institutions;  mais  elles  auront  à  choisir.  Le 
beau  se  trouve  dans  le  simple,  non  dans  le  singu- 
lier. Singulariser  n'est  pas  simplifier  ;  singulariser 
n'est  pas  non  plus  bonifier. 

Hatif.  Caïn  à  part ,  on  ne  connaît  pas  plus  le 
premier  scélérat  qui  plongea  le  fer  dans  le  sein  de 
son  semblable,  que  le  premier  homme  compatis- 
sant qui  vola  à  son  secours.  Tout  ce  qu'on  peut 
assurer  ,  c'est  que  le  crime  et  la  vertu  sont  fort 
anciens  sur  la  terre ,  et  qu'à  la  naissance  de  toutes 
les  sociétés  ,  il  y  eut  des  germes  de  l'un  et  de 
l'autre,  mais  que  la  moisson  des  crimes  et  des 
vices  fut  toujours  bien  plus  abondante,  bien  plus 
Hâtive  que  celle  des  vertus.  (Rayna/.  ) 

Hautesse.  O  Hautesse  des  trésors  de  la  science 
et  sagesse  de  Dieu! 

Hauteur.  Vingt  rois  de  France  et  cinquante 
ministres  n'ont  et  n'auraient  pas  fait  pour  moi 
et  pour  mes  enfans  (dit  l'Agriculture,  dans  une 
adresse  à  l'assemblée  constituante)  ,  en  plusieurs 
siècles,  ce  que  vous  avez  fait  en  ma  faveur 
dans  le  cours  d'une  seule  année.  Les  ministres  ne 
travaillaient  que  pour  la  Hauteur,  plutôt  que 
pour  la  grandeur  d/un  seul  homme. 

Haut-son  semblerait  convenir  à  un  instru- 
ment tel  queValto  ,  parla  même  raison  qu'il  y  a 
un  instrument  appelé  basson,  (  Fiis,  ) 


H  E  II  5i9 

Hellanodiques.  Les  jeux  olympiques  s'ou- 
vraient par  une  Irève  universelle,  l'oubli  dupasse, 
et  une  purification  entière.  En  présence  de  toute 
la  Grèce,  Fennemi  embrassait  son  ennemi,  et, 
sans  déshonneur  ,  il  ne  leur  était  pas  permis  de 
se  haïr.  Les  Hellanodiques  ou  présidens  de  ces 
jeux  étaient  les  médiateurs  et  les  arbitres  de  tous 
les  difFérens  entre  les  villes,  entre  les  gouver- 
nans  et  les  gouvernés.  (^Bonneville,  ) 

Herbageux.  Tandis  que  je  tenais  les  yeux 
fixés  sur  l'Asie,  soudain,  du  côté  du  nord,  des 
tourbillons  de  fumée  et  de  flamme  attirèrent 
raon  attention.  Ils  coururent  le  long  du  lac  fangeux 
d'Azof  ,  et  furent  se  perdre  dans  les  plaines  Jrler- 
bageuses  du  Koûban.  (  Polney.) 

Herbeux.  Mon  pied  a  rencontré  peu  de  sables 
dans  ce  parc;  il  est  Herbeux.  Que  vous  voilà  bien 
domicilié  pour  votre  ferme  ,  tout  à  côté  d'une 
grande  et  vaste  plaine  Herbeuse  ! 

HÉRÉsiER.  Hérésier  en  littérature,  c'est  agran- 
dir, élargir  la  carrière.  Le  faux  dévot  et  le  pédant 
de  collège  ou  d'académie  disent  que  l'on  Hérésie, 
dès  que  l'on  se  moque  d'eux.  Un  sot  n'est  jamais 
dans  Thérèse,  c'est-à-dire,  dans  le  doute  de  ses 
opinions  littéraires 5  plus  elles  sont  futiles,  plus 
il  y  tient  opiniâtrement. 

Hermiter.  Il  est  allé  Hçrniiter  dans  sa  petite 


320  HEU 

maison,  tant  par  goût  que  par  économie.  Celui-là 
est  bien  à  plaindre,  qui  ne  peut  pas  Hermiter  entre 
la  vie  et  la  mort* 

HÉROÏFIER.  Héroïfier  des  hommes  ordinaires, 
voilà  l'abus  des  éloges  académiques  et  de  toutes 
nos  oraisons  funèbres. 

HÉROÏSER.  C'est  un  louangeur  sans  reterme, 
toujours  Héroïsant  dans  les  journaux ,  et  de  la 
manière  la  plus  ridicule,  ceux  que  la  fortune  a 
couronnés. 

Héroïser.  Votre  génie  belliqueux  a  remporlé 
des  victoires  sur  tous  vos  ennemis  :  vous  voilà 
devenu  le  héros  de  l'Europe;  mais  ce  n'est  point 
assez  de  Héroïser;  il  faut  que,  par  vos  lois,  vous 
vous  fassiez  adorer  de  tous  ceux  que  vous  avez 
vaincus;  il  faut  qu'eu  se  relevant,  ils  baisent  la 
main  qui  les  a  terrassés. 

HÉSITATION.  11  s'est  rendu  coupable. — Et  de 
quoi?  —  D'Hésitation,  et  à  la  guerre.  —  Je  com- 
prends. 

Point  d'Hésitation  dans  les  grandes  crises;  elles 
tuent  ou  elles  sauvent.  L'opposé  du  génie,  c'est 
l'Hésitation.  César  hésita  sur  les  bords  du  Rubi- 
con  ;  il  ne  fut  pas  César  ce  jour-là.  Ainsi  les 
Césars  ne  sont  pas  toujours  Césars. 


Heur. 

Sa  joie  cclatera  dans  l'Heur  de  ses  enfuns.  {Corneille.) 


Ce 


HEU  521 

Ce  mot  Heur ,  qui  favorisait  la  versification  , 
et  qui  ne  choque  point  l'oreille,  est  aujourd'hui 
banni  de  notre  langue.  Il  serait  à  souhaiter  que 
la  plupart  des  termes  dont  Corneille  s'est  servi , 
fussent  en  usage  :  son  nom  devrait  consacrer  ceux 
qui  ne  sont  pas  rebutans,  (  Voltaire.  ) 

Heu  REUSER.  H  eu  reusez-moi ,  en  venant  me 
voir  quelquefois  au  milieu  de  mes  peines  et  souf- 
frances. 

Heureuser.  Paraissez  donc,  vous,  esprits  su- 
blimes, et  jusqu'ici  vainement  attendus!  vous, 
faits  j)our  ffeureusçr  le  monde,  ovi  êtes-vous?  où 
vous  cachez-vous?  Non,  il  n'y  a  jamais  eu  un 
homme  de  génie  dans  toute  la  force  du  terme;  il 
nous  eût  donné  un  code ,  ou  bien  il  m'eût  dit 
comment  se  remue  mon  bras.  Plus  ou  moins  faibles, 
plus  ou  moins  ignorans;  voilà  notre  lot  à  tous. 
Cela  est  vrai,  et  puis  cela  console. 

Heureuseté.  Un  auteur  satirique  a  dit  d'un 
de  nos  écrivains,  qui,  après  avoir  concouru  plu- 
sieurs fois  pour  le  prix  de  l'Académie  française,  y 
obtint  enfin  un  fauteuil. 

Tomba  de  chute  en  chute  au  trône  académique. 
Nous  ne  l'emarquons  ici  que  l'Heureuseté  de  l'ex- 
pression, tomber  au  trône,  dans  le  but  que  l'auteur 
satirique  se  proposait. 

Heurt.  Le  Heurt  de  deux  hommes  célèbres 
Tome  L  X 


532  H  I  L 

amuse  et  satisfait  la  malignité  publique;  mais  ce 
choc  ne  sert  point  la  renommée  même  du  vain- 
queur :  au  défaut  de  blessures  profondes ,  il  em- 
porte quelques  cicatrices.  Le  Heurt  de  deux  pla- 
nètes ,  de  deux  corps  célestes ,  est  une  supposi- 
tion chimérique. 

HiBOUDER.  Faire  le  hibou.  Hibouder  la  so- 
ciété, le  genre  humain;  mais  Hibouder,  n'est 
pas  se  rendre  meilleur. 

HlDEUR.  Je  t'apprendrai  qu'Ursule  (horri- 
blement déhgurée  par  une  maladie  vénérienne)  , 
change  en  mieux.  Si  la  Hideur,  passez-moi  le 
terme,  continue  à  diminuer  ,  nous  pourrons  lui 
iîjire  quitter  son  antre.  (  Rétif.) 

Hiérarchie.  «  Il  y  a  dans  notre  langue  ,  di- 
«  sait  un  royaliste,  une  Hiérarchie  de  slyle, 
«parce  que  les  mots  y  sont  classés,  comme  les 
«  sujets  dans  une  monarcliie.  » 

Cet  aveu  est  un  trait  de  lumière  pour  quiconque 
réfléchit,.  (  Grégoire.  ) 

Hilarité.  On  éprouve  au  sommet  des  mon- 
tagnes, une  Hilarité  qui  l'emporte  et  sur  la  joie,  et 
sur  la  gaîté. 

Hilarité.  Son  Hilarité  inspire  à  tout  le  monde 
l'oubli  des  plus  grands  chagrins.  A  une  certaine 
hauteur   sur  les  montagnes,   on  éprouve   eu  soi 


H  I  S  5--'3 

une  Hilarité    qui  n'est  ni  la  joie  ,    ni  le  plaisii', 
mais  qui  vaut  mieux  encore. 

Hisser.  Pourquoi  nos  poètes  tragiques  ne  se 
persuadent-ils  pas  qu'un  roi  n'est  pas  toujours 
roi,  qu'il  est  homme  par  inter%^alle?  Pourquoi 
lé  Hisser  perpéluellementsur  le  cothurne?  C'est 
comme  si  on  le  couchait  dans  son  lit,  le  manteau 
royal  à  fleurs  d'or  surledos,  les  brodequins  aux 
jjieds  ,    et  la  couronne  en  tête. 

Historiée.  (  «')  Lecteur,  je  vous  donne  ici 
un  livre  d'histoire  naturellequi  me  met  au-dessus 
de  Buffon.  Je  vous  raconterai  la  vie  d'un  homme 
naturel.  Ma  première  idée  avait  été  de  m'Histo- 
rier,  mais  elle  ne  dura  point  long-temps.  (  Rèiif.  ) 

Historier.  Broder,  embellir.  11  n'y  a  point  d'his- 
torien qui  n'Historie  un  peu  les  iaits^  Chacun  a 
sa  couleur. 

HiSTORtOGilAPHER.  Votre  Historiographe  n'a 
pu  vous  faire  sa  cour  comme  il  le  désire;  il  passe 
son  temps  à  souffrir  et  à  Historiographer.  (J^oU.) 

HisTORiOGRAPHERiE.  La  charge  de  gentil- 
homme ordinaire  n'étant  qu'un  agrément,  on 
y  peut  ajouter  la  petite  place  d  historiographe. 
Au.  lieu  de  la  pension  attachée  à  cet'.e  Historio- 
grapherie,  je  ne  demande  qu'^ai  rétablissement 
de  quatre  cents  livres.  (  f^oLtaire.  ) 

HiSTRiONiQUE.  Voltaire   éci-ivait  ,   en    1769: 

X  3 


5'2i  II  O  C 

«Tous les  jeunes  gens  qui  ont  la  rage  des  vers,  font 
des  tragédies  dès  qu'ils  sortent  du  collège ,  ce  qui 
me  fait  croire  que  l'aréopage  Histrion ique  n'est 
pas  riche  en  comédies.  » 

HiSTRiONiSME.  Tu  vantes  le  métier  d'Histrion; 
mais,  dis-moi,  qu'est-ce  qu'un  état  où  l'on  est  obligé 
d'exciler  en  soi  les  passions,  pour  l'amusement 
des  autres  ?  Un  domestique ,  un  vil  esclave  nègre 
peut  ne  servir  son  maître  qu'avec  ses  facultés  ex- 
térieures ,  et  ne  lui  soumettre  que  son  corps:  le 
comédien  est  forcé  de  descendre  au-dessous  ;  il 
m'asservit  son  ame  elle-même,  et  consacre  à  mou 
amusement  ses  plus  nobles  facultés.  Reviens,  mou 
ami ,  ah  !  reviens  de  l'opinion  trop  avantageuse 
que  tu  t'es  formée  de    l'idistrionisme  !  (Rétif.) 

HiSTRiONNER,  Quand  j'ai  quelques  rogatons 
.  tragiques  oiTcomiques  datis  mon  portefeuille  ,  di- 
sait Voltaire,  je  me  garde  de  les  envoyer  à  votre 
parterre.  C'est  mon  vin  du  cru,  je  le  bois  avec 
mes  amis,  .l'Histrionne  pour  mon  plaisir  ,  sans 
avoir  ni  cabale  à  craindre,  ni   caprice  à    essuyer. 

HocHURES  DE  TÊTE.  Rien  n'est  pl,us  commun 
au  barreau ,  aux  spectacles ,  dans  toutes  les  as- 
semblées où  il  y  a  orateur  ou  lecteur  ;  vous  ne 
voyez  que  des  Hochures  de  tète  qui  approuvent 
ou  qui  désapprouvent.  Les  hochemens  sont  des 
mou vemens  dédaigneu:^.^  mais  les  Hochures,  soit 


H  O  M  SsS 

en  Lien,  soit  en  mal,  annoneent  que  l'auditeur 
n'est  pas  indifférent.  Les  Hocliures  de  tète  in- 
quiètent toujours  ceux  qui  parlent  pour  la  pre- 
mière fois  en  public. 

Hochures.  Les  Hocliures  de  tète,  aux  audiences, 
me  font  paraître  les  juges  sous  un  jour  ridicule. 
Ces  jeunes  filles  là-bas.  qui  font  incessamment  de 
petites  Hochures  de  tète,  je  suis  bien  sur  qu'elles 
ne  disent  rien  du  tout. 

HoLOCAUSTER.  Allons,  mes  amis,  il  faut,  pour 
célébrer  l'anniversaire  de  ce  grand  événement , 
Holocauster  en  ce  jour  cette  grosse  voyageuse 
dinde  aux  truffes. 

HoMÉLiTiQUES.  Vert.us  Homélitiques,  vertus 
relatives  au  commerce  de  la  vie,  et  conformes  à 
rintérèt  des  hommes  réunis. 

HoMiciDER.  C'est  toujours  Homicider  un  vieil- 
lard, que  de  le  faire  momir'à  force  de  chagrins  , 
de  duretés,  ou  dans  l'abandon. 

HoMiFiCATiON.  En  conséquence  de  ses  goiits- 
d'hommes,  la  mère  de  la  jeune  'l'élaïre  ne  sortait 
qu'en  chapeau  rond,  avec  des  brodequins  et  une 
canne  :  c'était  plutôt  un  quaker  qu'une  femme.  Au 
logis,  elle  affectait  toules  les  occupations  mari- 
tales ;  et,  pour  que  tout  cadrât  avec  ses  principes  ^ 
la  servante  soignait  le  cheval  du  cabriolet ,  fesait 
les  commissions,  cLc.j  tandis  que  le  domestique 

X  S 


.^oG         '  H  O  N 

mel  lait  le  pot  au  feu ,  fesait  les  llls ,  les  chambres , 
coiffail.  madame,  et  (disait-on)  rhabillait  et  la 
dc'shabillait.  Elle  lit  appreiidre  à  sa  fille  à  manier 

le  fleuret ,  à  tirer  au  blanc ,  à  monter  à  cheval 

Tout,  dans  cette  maison,  avait  à  l'extrême  le 
goût  des  Homificalions  pour  les  femmes  et  pour 
les  filles.  {Rétif.) 

Homme.  Voltaire  fait  de  ce  mot  un  adjectif,  en 
écrivant  à  iVlaupertuis  :  «Il  n'y  a  que  le  roi  de 
«  Prusse  que  je  mets  de  niveau  avec  vous ,  parce 
«  que  c'est,  de  tous  les  rois,  le  moins  roi  et  le  plus 
«  Homme.  » 

HoMMÉE.  Travail  d'un  homme  dans  un  seul 
jour.  Payez  l'Hommée ,  et  n'y  manquez  jamais. 
Telle  Hommée  d'un  écrivain  n*a  point  de  prix. 

HoMOPHONiE.  Assemblage  de  plusieurs  voix  à 
l'unisson.  Laissez- là  et  vos  inslrumens  à  cordes, 
et  vos  fliàîes  de  métal,  et  vos  peaux  d'ânes;  rien 
de  plus  beau,  en  musique,  que  l'Homophonie, 

Honorer.  Hongrer  le  génie,  c'est  la  tâche  ha- 
bituelle des  folliculaires. 

Hongroyeur  de  l'espèce  pensante  :  cent  rois  ont 
mérité  ce  titre  infâme. 

HoNNESTATiON.  S'il  est  un  pays  où  le  théâtre 
soit  plus  utile  que  dangereux,  c'est  Paris,  ou 
Londres,  ou  Rome  :  il  avertit  les  citoyens  que 
tel  vice  existe  dans  la  société ,  et  q^u'on  doit  s'en 


H  O  N  5'i7 

garantir;  mais  dans  les  provinces,  il  annonce  que 
tel  vice  est  à  la  mode  dans  la  capitale ,  et  qu'il 
faut  le  prendre,  pour  être  comme  tout  le  monde, 
Ausai  reconnaît-on  aujourd'hui  que  Molière,  en 
conigeant  la  cour,  infecta  des  vices  qu'il  lui  re- 
prochait, tout  le  reste  de  la  France.  —  Mais  le 
mal  est  fait. — J'en  conviens;  aussi  ne  désap- 
prouverais-je  pas  qu'il  y  eût  des  spectacles  en 
province,  pour  que  chaque  ville  n'eût  d'autres 
acteurs  que  ses  jeunes  citoyens.  —  Ainsi  la  cri- 
tique de  nos  théâtres ,  par  Riccoboni ,  et  la  ré- 
formation qu'il  en  propose,  lout  cela  ne  servirait 
de  rien  ,  sans  IHonnestation  du  comédisme? 
—  Non,  certainement.  {Rétif.) 

HoNNESTER.  Les  ennemis  du  théâtre  ont  voulu 
l'anéantir,  en  l'attaquant  par  la  religion,  par 
\es  lois  et  par  le  l'aisonnement.  Jean  -  Jacques 
Rousseau  a  tenté  de  nous  priver,  parce  qu'il  peut 
être  dangereux,  d'un  plaisir  qui  réunit  l'agréable 
à  l'utile.  L'auteur  de  l'ouvrage  intitulé  la  Mima- 
graphe ,  propose  les  moyens  de  l'augmenter,  et 
en  suggère  en  même  temps  pour  Honnester  la 
profession  de  comédien.  {Rèt'f.) 

Honneur.  Depuis  long-temps  la  philosophie 
travaillait  à  déshonorer  l'Honneur,  pour  mettre 
la  vertu  à  sa  place.  Louis  xvi,  en  désertant  son 
poste  ,  après  avoir  fait  serment  d'y  rester ,  et 
vous  (Bouille),  en  protégeant  sa  coupable  déser- 

X  -i 


528  H  O  R 

lion ,  vous  avez  avancé  de  trente  ans  la  morale 
publique.  (  Rœderer.  ) 

Honneur.  (/')  Combien  ce  mol ,  V Honneur,  ne 
renferme-t-il  point  d'idées  complexes  ?  Notre 
siècle  en  a  senti  les  inconvéniens;  et  pour  rame- 
ner tout  au  simple,  il  a  établi  que  l'Honneur  res- 
tait dans  toute  son  intégrité,  à  tout  homme  qui 
n'av^ait  point  été  repris  de  justice.  Un  homme 
a-t-il  élé  mis  au  carcan?  n'y  a-t-il  pas  été  mis? 
voilà  l'état  de  la  question.  C'est  une  simple  ques- 
tion défait,  qui  s'cclaircit  facilement  par  les  re- 
gistres du  greffe.  (  Chamfort.  ) 

Honoraires.  Une  femme  se  fait  quelquefois  à 
elle-même  des  reproches  Honoraires,  et  sa  fai- 
blesse s'en  augmente.  Cette  expression  de  Mari- 
vaux est  charmante  :  le  pesant  abbé  Desfontaines 
la  réprouve,  parce  qu'il  n'était  pas  né  pour  la 
saisir. 

Horloger,  (verbe.)  Savoir  Horloger  sa  vie, 
distribuer  son  temps,  l'économiser,  le  diviser  en 
parties  égales ,  tant  pour  ses  devoirs,  que  pour  ses 
travaux  et  pour  ses  plaisirs  j  car  il  faut  que  l'homme 
jouisse,  et  que  ininitit  sonne:  c'est  Vlieure  des 
amours.  Qui  ne  perd  pas  de  vue  l'aiguille  à  se- 
condes, est  Ihomme  par  excellence  ^  lui  seul  Hor- 
logera  l'année,  ainsi  que  le  jour,  et  vivra  triple- 
ment. 

Horoscoper.  Cagliostro  aurait  pu  se  soutenir 


H  O  R  5-9 

encore  quelque  temps,  s'il  se  fût  borné  à  faire  le 
médecin  et  le  chimiste  ;  mais  il  voulut  Horoscoper, 
et  les  sifrlels  se  firent  entendre.  J'ai  vu  un  misé- 
rable tout  en  guenilles ,  Horoscoper  pour  des 
femmes  élégamment  mises  et  parées.  (Voyez  l'ar- 
ticle Martin ,  dans  le  iSouveaii  Paris.  ) 

Horrible.  Montaigne  nous  peint  un  soldat 
avec  trois  mois  :  fioirihle  de  fer  et  de  sang.  Il  n'y 
avait  pas,  de  son  temps  ,  des  souligneurs;  il  fesait 
sa  langue  :  et  qui  nous  empêche  de  faire  la  noire? 
Hélas!  ils  sont  hardis  à  èlre  timides,  tous  nos 
fcseurs  de  règles. 

Horrifier.  Je  fuis  le  séjour  du  scélérat  qui 
m'a  Horrifié. 

Horrifier.  Pourquoi  employer  trois  mois,  avoir 
en  horreur  y  quand  \es>  Latins  ri 'en  emploient 
qu'un,  horrescere?  Pourquoi  ne  dirions-nous  pas  ? 
«  Ce  républicain  ne  se  bornait  point  à  mépriser, 
«  à  haïr,  à  déiesler  les  ennemis  de  la  liberté,  il 
«  les  Horrifiait.» 

HoRRipiLATiON.  La  République  française  : 
ou  ne  saurait  guères  prononcer  ces  mois  dans 
plusieurs  cours  étrangères  ,  sans  Horripilation. 

HoRTOLAGE.  Tout  ce  qui  provient  d'un  jardin 
potager.  Quoi  de  plus  sain,  de  plus  agréable  au 
goût  que  l'Hortolage  !  Il  apparlient  au  pauvre 
comme  au  riche,  mais  il  faut  habiter  la  campagne 
pour  en  jouir  avec  fruil. 


53o    '  Pî  O  S 

Hortolage.   Synonyme   de   jardinage;    ce  qui 

croît  dans  le   jardin.  Hortolage  vient  àliortus , 

jardin.   Un  poète  se  servira  préférablement  du 

mot  Hortolage,  et  nous  aurons  donné  naissance 

à  un  beau  vers,  qui  ne  sera  pas  le  nôtre. 

Des  longues  nuits  d'hiver  filles  silencieuses , 
Prolongez  mes  travaux  ,  heures  religieuses! 
Au  printemps  ,  flu  jardin  j'irai  cueillir  la  fleur  ; 
Cultiver  l'Hortolage  estle  premier  bonheur.  (iT/iffrciVr.) 

HoîiTOLOGisTE.  Plût  à  Dieu  qu'à  la  place  de 
ces  peintres,  de  ces  statuaires,  de  ces  décorateurs, 
de  ces  graveurs,  de  ces  versificateurs,  de  ces 
folliculaires,  de  Ions  ces  gratte-papier,  gratte- 
toile,  gratte-pierre,  gratte-métaux  que  l'on  a 
trop  encouragés,  nous  eussions  des  gratte-terre, 
c'est-à-dire  des  jardiniers,  des  botanistes,  des 
physiciens  -  cultivateurs,  des  Hortologistes  bê- 
chant le  potager,  et  plantant  des  légumes  nou- 
veaux et  des  arbres  fruitiers  ! 

Hospice.  Par  le  mot  hôpital,  on  entendait 
toute  maison  destinée  aux  pauvres  et  aux  ma- 
lades ;  c'est  ce  qu'on  désigne  aujourd'hui  par 
Hospice,  et  le  mot  hôpital  semble  affecté  parti- 
culièrement aux  maisons  de  secours  pour  les 
militaires.  Ainsi  on  distingue  hôpitaux  militaires 
et  Hospices  civils.  (  Mercure  de  France.  ) 

Hospitaliser.  Il  aimait  les  malheureux; 
Hospitaliser,  était  pour  lui  moins  un  devoir  qu'uiié 
jouissance.  (L**.) 


H  U  E  55i 

Hospitalité.  Eh  bien,  lecteurs,  j'y  consens, 
accordez  à  tous  ces  mots  que  je  rassemble  avec 
des  intentions  libérales,  accordez-leur  du  moins 
les  droits  de  l'Hospitalité,  en  attendant  ceux  de 
la  citél 

Hostie. 

De  tous  les  combattans  a-t-il  fait  des  Hosties?  (  Ccrn.) 

Hostie  ne  se  dit  plus,  et  c'est  dommage;  il  7ie 
reste  plus  que  le  mot  de  victime.  (^T^oltaire.) 

Hostiliser.  Vous  m'Hostilisez!  ceci  passe  la 
railleiie.  Cet  homme  tout  rond,  il  n'était  point 
sur  ses  gardes  ;  et  quoi  de  plus  lâche  que  d'Hos- 
tiliser  celui  qui  ne  sait  pas  se  défendre!  Dans  les 
rixes  de  le  Franc  de  Pompignan  et  de  Voltaire, 
c'est  le  premier  qui  a  Hostilisé. 

HoussiNER.  Il  est  d'une  impertinence  à  Hous- 
siner. 

PIuEUR.  Es-tu  fou,  avec  ton  projet  de  le  faire 
acteur?  Quoi!  lu  pourrais  te  déterminer  à  en- 
dosser le  harnois  de  comédien!  . .  .  Auras-tu  un 
front  aussi  dur  que  d'Al.-..!  ,  pour  supporter, 
sans  mourir  de  honte  ou  d'indignation ,  ces  brou- 
hahas-outrageans  qui  ravalent  l'acteur  au-dessous 
du  dernier  polisson  qui ,  pour  son  argent ,  a  le 
droit  de  te  siffler,  avec  ou  sans  raison  ,  dès  que 
tu  lui  déplais?  Certes  ,  je  craindrais  pour  toi  que, 
quelque  jour,  tu  ne  t'élançasses  par- dessus  l'or- 


53j  h  U  m 

elles! re,  pour  fondre,   l'épée  à  la  main,  sur  les 
Haeurs  maudits,  (Rétif.  ) 

Humaniser.  Laissez-moi  voir  voire  journal , 
envoyez-le  moi  avant  que  je  quitte  l'AngleLerre; 
et  loin,  bien  loin  soit  le  temps  où  vous  pourriez 
me  le  laisser  comme  un  legs!  Je  serai  heureuse 
en  lisant  vos  douloureuses  pages*,  elles  Humanisent 
le  cœur,  (  Lettres  cVEllza.  ) 

Humer.  On  lui  conseilla  d'aller  Humer  l'air 
de  la  campagne.  Humer  ne  vaut-il  pas  mieux  en 
ce  sens  ,  que  prendre  ? 

Humer  le  vin  de  Champagne,  parce  qu'il  est 
mousseux  et  qu'il  fuit;  et  boire  le  Bordeaux, 
parce  qu'il  est  savoureux  et  qu'il  ne  fuit  pas. 

Humoriste.  Le  misanthrope  de  Molière,  con- 
sidéré de  près  ,  n'est  qu'un  Humoriste  ;  il  s'é- 
chaulFe  le  plus  souvent  pour  des  misères. 

Le  triomphe  de  la  morale  serait  de  nous  em- 
pêcher, pendant  toule  noire  vie,  de  nous  monlrer 
Humoriste. 

Humoristiques.  Q\i(^.  la  langue  allemande  est 
riche!  Heureuse  langue  qui  n'a  point  élé  ap- 
j)auvrie  par  des  académiciens!  elle  possède,  soit 
par  ses  conquêtes  ,  soit  par  ses  ingénieux  larcins, 
im  assez  grand  nom1)re  de  mots,  de  tenues, 
d'inveisions,  deconstiuclioiis  variées  à  son  choix^ 
pour  exprimer  avec  force   et  avec  précision,   la 


H  Y  P  535 

plupart  des  sentimens  et  des  idées  de  ceux  qui 
oui  le  mieux  creusé  leur  idiome;  elle  a.  des  tra- 
duclions  qui  aouveut  rendent  avec  autant  de 
grâce  et  de  concinnilé  que  d'exactitude,  les  ex- 
pressions les  plus  délicates,  Humoristiques  plai- 
santes du  sentiment  et  de  lïniagination  et  les 
idéco  les  plus  abstraites  de  la  réflexion.  (  Cramer.) 

PIydrophobe.  Extrait  d'une  lettre  d'un  ex- 
noble.... «  Oui  ,  je  le  sens,  l'espoir  s'éteint  de 
«  jour  en  jour  au  fond  de  mon  cœur;  je  n'écoute 
<(  plus  qu/lavec  dégoijt  les  rêves  des  sociétés  0^1 
«je  vis;  leur  joie  momentanée  méfait  pitié, 
«  parce  qu'elle  est  toujours  suivie  de  nouveaux 
«  revers  qui  les  replongent  dans  une  douleur 
«plus  profonde;  ils  n'aiment  à  s'abreuver  que 
«  de  mensonges;  ils  ont  pour  la  vérité,  la  même 
«  aversion  que  les  Hydropliobes  ont  pour 
«  l'eau.  »  (  De  la  Croix.  ) 

Hyperboliser.  Je  n'ai  aucune  nouvelle  de 
vous  ni  de  notre  empire;  j'aurais  bien  dit  notre 
royaume,  mais  ici,  tout  s'Hyperbolise.  (T?\7d.  de 
Slern.  ) 

Hypothéquer.  «  Les  hommes  se  donnent  à 
«louage;  leurs  facultés  ne  sont  pas  pour  eux, 
«  elles  sont  pour  ceux  à  qui  ils  s'asservissent  ; 
«  leurs  locataires  sont  chez  eux ,  ce  ne  sont  pas 
«  eux;  cette  humeur  commune  ne  me  plaist 
«  pas  :  il  faut  mesnager  la  liberté  de   notre  ame 


55i  II  Y  P 

«  et  ne  l'Hypothéquer  qu'aux  occasions  justes, 
«lesquelles  sont  en  bien  petit  nombre,  si  nous 
«jugeons  sainement.»  (^Montaigne.) 

Hypothéser.  Supposer  une  cliose  possible  ou 
impossible,  et  en  déduire  une  conséquence.  Com- 
ment Copernic  et  Newton  ont-ils  pu  Hypothéser 
d'une  manière  aussi  absurde,  et  après  le  bon  sens 
de  toute  l'antiquité?  I^a  fureur  d'Hypothéser  ap- 
partient aux  charlatans  hardis,  paresseux,  et 
qui,  au  lieu  d'étudier  pas  à  pas  la  nature,  la 
chargent  audacieusement  de  leurs  propres  er- 
reurs. 


FIN     U  U     T  O  M  K     PREMIER. 


BIND!:;i  _  SEP  2  8 1970 


PC  I-fercier,   Louis  Sebastien 

2Ô25  Néologie 

t.l 


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