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Full text of "Notes concernant un avant-projet de code pénal suisse"

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HARVARD LAW LIBRARY 



FROM THE LIBRARY 

OF 

HEINRICH LAMMASOH 



Received May 25, 1922. 



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-Su>rlx<?^ \au4 



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'NOTES ^^ 



A» 



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CONCERNANT 



UN AVANT-PROJET 

DE CODE PÉNAL SUISSE, 

PAR AUGUSTE CORNAZ 



NEIJCIIATEL 

IMIMUMKIIIE PAII, SEILEH - 
18'J3 



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<-^ 



ivlAr t 5 1922 



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QOO^'ÎL 



NOTES 

CONCERNANT UN AVANT-PROJET DE 
Code pénal saisse. 

(RéponseB au questionnaire du département 
fédéral de Justice et Police). 



Monsienr le CoDseiller fédéral, 

Messieurs les Membres de la Commission consnltativé, 



Empêché peut-être d'assister à vos séances pendant 
votre prochaine réunion, j'ai pris la liberté de préparer 
quelques notes que j'ai l'honneur de vous soumettre. 

J'ai cherché, autant que possible, à éviter les longueurs 
et la reproduction de points de vue déjà suffisamment 
connus. 

Dans ce court travail, je me suis moins préoccupé de 
ce qu'il serait désirable de faire pour l'élaboration d'un 
code pénal idéal, si nous avions une entière liberté d'a- 
gir, que de ce qui est réalisable dans la situation actuelle. 
Il y a un certain nombre de difficultés pratiques, avec 
lesquelles nous sommes obligés de compter, si nous ne 
voulons pas voir cette grande œuvre nationale aboutir à 
un échec qui en retarderait la réalisation pour bien des 
années. Autre chose est de poursuivre un but purement 
scientifique, autre chose est de s'arrêter à la juste mesure 
de ce qui est possible. 



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— 2 — 

Il ne faut pas vouloir trop charger le char, pour ne pas 
courir le risque de le faire verser. L'élaboration d'un code 
pénal doit être précédée ou tout au moins accompagnée 
d'une modification de la constitution fédérale qui donne à 
la Confédération la compétence nécessaire. Une fois ce 
grand résultat acquis, il ne faudra pas prétendre réaliser 
d'un seul coup, en un bloc irréductible, tous les progrès 
que peut et doit impliquer l'unification du droit pénal. Il 
faudra mesurer les étapes nécessaires et se montrer très 
prudent. 

J'ai pensé que le haut département fédéral de Justice 
et Police avait voulu faire appel autant à l'expérience 
d'hommes politiques habitués par leur carrière à s'inspi- 
rer de cet ordre de considérations qu'à la science de spé- 
cialistes profondément versés dans toutes ces matières du 
droit pénal. C'est à ce point de vue surtout qu'une con- 
sultation préalable se justifie et qu'elle peut rendre de 
réels services. 

Cependant j'ai hâte d'ajouter que, par un côté, la ré- 
daction d'un code pénal suisse ne rencontrera pas les 
obstacles qui peuvent s'élever pour d'autres travaux 
législatifs de même ordre. 

Il n'y a pas une tradition en matière de droit pénal, ou, 
s'il en existe une, elle n'exerce pas d'influence décisive. 

Un peuple parlera de son droit de famille, de son droit 
de succession, de son régime matrimonial, de son régime 
immobilier et hypothécaire ; il dira, non sans raison, que 
les changements apportés dans les diverses branches du 
droit civil le font souffrir, au moins dans les premiers 
moments, parce qu'ils produisent une perturbation pro- 
fonde dans ses habitudes; on parlera d'intérêts sacrifiés, 
d'une transition difficile à ménager. On ne peut pas en 
dire autant en matière de droit pénal. 

Un peuple ne peut pas alléguer qu'on fait violence à 
ses sentiments en l'empêchant d'appliquer la question or- 
dinaire et extraordinaire et de pendre ou décapiter les 



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— 3 — 

malfaiteurs, comme ses ancêtres en avaient la coutume. 
La Caroline, qui était un grand progrès pour l'époque où 
elle fut introduite, rompait en visière avec bien des no- 
tions généralement acceptées jusqu'alors. La réforme du 
droit pénal est intimement reliée au mouvement général 
de la civilisation. Le maintien de telles pénalités, de telles 
formes de procédure, qui se rapportaient à un certain or- 
dre d'idées reçues et d'habitudes, devient impossible avec 
un état social plus avancé. Le droit pénal est éminem- 
ment moderne, philosophique, indépendant du passé. 



Ces observations générales faites, je traiterai les ques- 
tions posées dans la circulaire du département fédéral, 
dans l'ordre où elles se présentent. 



lo 



Dans quelle mesure le droit pénal doit^ilêtre unifié? 
En particuliery jusqu'où doit aller l'unification en 
matière de contraventions de police ? 

Le code pénal français de 1810 établit pour les contra- 
ventions de police qu'il énumère l'amende de 1 à 15 francs 
ou l'emprisonnement jusqu'à cinq jours. 

Après lui, le code pénal allemand de 1870, le projet de 
code autrichien de 1874, le code des Pays-Bas de 1881, 
le code pénal italien de Zanardelli, promulgué en 1889, 
ont suivi la même voie. Une partie spéciale est consacrée 
aux contraventions. 

Le code pénal hongrois de 1878 ne s'occupe que des 
délits. Un code des contraventions, distinct du précédent , 
a été promulgué en 1879. 



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Qoo^ç: 



► 



En Suisse, le code pénal zuricois de 1870 ne s^étend 
pas aux contraventions de police. 

Le code pénal de Bâle- Ville, promulgué également en 
1870, laisse aussi les contraventions de police en dehors. 
Ce canton possède, à côté de son code pénal, un code 
des contraventions très complet. 

Le projet de code pénal vaudois ne traite pas des con- 
traventions. 

La nécessité de comprendre la répression des contra- 
ventions dans le cadre d'un code pénal suisse n'est donc 
pas une vérité scientifique qui s'impose. 

On doit reconnaître, d'un autre côté, que ce serait bien 
inutilement compliquer la tache du législateur. 

C'est dans ce domaine des contraventions qu'il est par- 
ticulièrement difficile de vouloir rester dans les grandes 
lignes. 

La répression des contraventions ne s'inspire pas, 
comme celle des délits, de principes généraux. Elle ne se 
préoccupe pas de la culpabilité de l'agent. Elle ne pour- 
suit pas, à l'égal de la répression des délits, les buts 
élevés de sécurité sociale et de relèvement moral des con- 
damnés. Elle ne met pas de grands intérêts en jeu. 

Si du moins toutes les contraventions pouvaient être 
énumérées dans un code pénal, comme le sont les délits, 
on pourrait se laisser dominer par l'idée de faire un tout 
harmonieux, de préparer un code complet prévoyant la 
répression à tous les degrés. Mais les contraventions qui 
sont expressément mentionnées dans un code sont de beau- 
coup les moins nombreuses. 

Il existe à côté d'elles toutes les contraventions aux 
lois fédérales et aux règlements de police de la Confédé- 
ration, pour lesquelles il est établi des pénalités très di- 
verses. 

Viennent ensuite les contraventions aux lois et règle- . 
ments des cantons. Leur nombre est légion. Contraven- 
tions aux règles établies pour les tarifs judiciaires, con- 
traventions relatives à l'exercice du notariat, contraven- 



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— 5 — 

tions à la police des auberges et à la police de la danse, 
contraventions aux lois et règlements sur le séjour, le do- 
micile et rétablissement, contraventions à la police de la 
navigation, contraventions touchant l'exercice des profes- 
sions ambulantes, contraventions aux règlements de po- 
lice concernant les bureaux de placement, contraventions 
aux lois, concordats et règlements concernant la pèche et 
la chasse, contraventions aux lois fiscales, contraventions 
aux lois sur les routes, contraventions aux lois scolaires, 
contraventions relatives à la police du dimanche et à celle 
des jours fériés, contraventions aux lois et règlements sur 
les sépultures, contraventions aux lois et règlements sur 
rhygiène publique et la santé publique, sur le régime des 
boissons et le commerce des denrées alimentaires, contra- 
ventions en matière de service forestier, de cadastre, 
d'assurance des bâtiments et d'assurance du mobilier, 
etc., etc. 

Toutes ces choses ne pourront pas être énumérées dans 
un code pénal, elles ne pourront pas être unifiées et uni- 
formisées, puisqu'elles restent nécessairement dans le do- 
maine de la souveraineté des cantons. Elles pourront tout 
au plus être indiquées d'une manière très générale^ 

Il en serait de même pour les contraventions aux règle- 
ments des communes et de police locale. Désobéissance 
concernant l'heure fixée pour la fermeture des cafés, pin- 
tes et débits, contraventions à la police des foires et 
marchés, contraventions aux règlements de la voirie, à la 
police des constructions et alignements, au service des 
vidanges, à la police des chiens, à la police des pâturages 
et allmendsj aux règlements de fromagerie, contraven- 
tions aux règlements concernant le service de sûreté con- 
tre les incendies, contraventions aux bans de vendange, 
contraventions à la police rurale, aux mises à ban, aux 
chemins de dévestiture, à la police des poules, etc. 

En sorte que si nous voulions introduire dans le code 
pénal tout ce qui se rapporte aux contraventions, bien 
loin d'obtenir un monument plus majestueux et plus par-» 



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Qoo^ç: 



— 6 — 

fait, nous aurions dans le code deux parties qui ne s'har- 
moniseraient pas et dont Tune gâterait l'autre. Tout ce 
qui se rapporte aux délits serait lumineux, lapidaire et 
laisserait l'impression d'un travail mûri avec le plus grand 
soin, basé sur les principes comme sur le roc. Tout ce 
qui concerne les contraventions serait plus ou moins in- 
complet, plus ou moins vacillant, plus ou moins incertain 
et subordonné à une foule de renvois qui dépareraient 
l'œuvre. 

Mais celle-ci deviendrait-elle peut-être plus populaire ? 
Je me permets d'en douter fort. Vouloir établir du premier 
coup des règles générales pour les contraventions, des 
règles également applicables dans les Grisons et le Tessin, 
comme à Zurich, à Schwyz, dans le canton d'Appenzell 
et à Genève, c'est s'exposer à froisser gratuitement bien 
des idées reçues, à heurter à plaisir des habitudes et des 
usages locaux. Ce serait tomber dans la même faute qu'on 
a commise dans les lois fédérales sur la pèche et sur la 
chasse, lorsqu'on a voulu soumettre à des règles uniques 
des régions fort différentes les unes des autres. Pour les 
contraventions, on ne se pique pas d'une régularité et 
d'une logique rigoureuses, on veut conserver une certaine 
liberté d'action, de manière à tenir compte des besoins 
divers des populations. Blesser ce sentiment, c'est soule- 
ver contre soi une foule d'hostilités locales et particulières. 

Obtiendrait-on, tout au moins, à défaut de l'unité de 
législation, celle de juridiction et de jurisprudence ? Ce 
résultat ne serait pas même acquis. Pour une grande 
partie de ces contraventions, il existe, et il devra toujours 
en être ainsi, des juridictions spéciales, celles du Conseil 
fédéral et de ses départements, et, dans les cantons, celles 
des départements de Justice, celles des départements des 
Finances, celles des départements de l'Intérieur, celles 
des préfets et celles des présidents ou conseils de com- 
munes, celles des forestiers, celles des commissions de 
police du feu. Voilà pour l'unité de juridiction. En outre, 
on devra, par la force des choses, limiter les cas de re- 



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— 7 — 

cours en cassation devant le tribunal fédéral et empêcher 
que cette haute autorité ne soit assaillie de pourvois pour 
les moindres bagatelles. Tous les cas de contraventions, 
ou du moins la plus grande partie d'entre eux, devraient 
être par conséquent exclus de la voie fédérale de recours 
pour être liquidés définitivement par les cantons. Voilà 
pour l'unité de jurisprudence. 

Le besoin d'unification dans le domaine des contraven- 
tions ne se fait nullement sentir. Ce n'est pas pour arri- 
ver à ce médiocre résultat qu'il s'est formé un grand cou- 
rant dans les esprits. 

Tout s'oppose donc à ce qu'on veuille introduire dès 
maintenant la répression des contraventions dans le code 
pénal. 

Plus tard, l'expérience aura fait son œuvre, certaines 
difficultés actuellement existantes seront aplanies, de nou- 
veaux intérêts généraux se seront créés, en sorte que la 
Suisse pourra toujours, lorsqu'elle le voudra, élaborer, 
comme la Hongrie, un code des contraventions, si elle ne 
préfère laisser définitivement celles-ci à la souveraineté 
des cantons. 

La seule chose dont il importe de se préoccuper pour 
le moment consistera à établir bien nettement dans le 
nouveau code la ligne de démarcation entre le délit et la 
contravention. Où finit l'un, où commence l'autre ? Il sera 
aussi nécessaire de fixer un maximum de durée pour 
l'emprisonnement ou la prison civile qui seront applicables 
aux contraventions. Cela demandera beaucoup d'attention, 
beaucoup de soin, mais la tâche ne sera pas trop difficile 
pour les hommes éminents et distingués qui doivent mener 
à bien ce travail. 

Y a-t'il lieu de prévoir des dispositions en vue de la 
répression de délits commis simultanément ou suc- 
cessivement sur le territoire de plusieurs cantons ? 

Je n'hésite pas à répondre affirmativement. Je dirai 



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— 8 — 

même que runiOcation du droit en Suisse aurait perdu 
une de ses principales raisons d'être, si Ton négligeait un 
élément aussi essentiel. C'est là un des plus pressants 
motifs qui militent en faveur d'un code unique. Un canton 
suisse, — et je dis cela du plus grand comme du moins 
peuplé, — est un trçp petit pays pour feindre d'ignorer 
les jugements qui sont prononcés dans les autres cantons, 
comme le ferait un grand empire. Ce n'est pas une des 
prétentions les moins ridicules et les plus excusables 
du particularisme cantonal. Même entre les plus puissants 
Etats, la tendance se manifeste de solidariser toujours 
plus la défense sociale contre les malfaiteurs. 

On a fait ressortir avec raison l'injustice résultant du 
fait que des criminels ayant opéré presque simultanément 
dans plusieurs cantons, se voyaient condamnés dans cha- 
cun de ceux-ci à des peines distinctes, sans lien les unes 
avec les autres, dont la somme formait une addition ef- 
frayante. On a cité, après beaucoup d'autres, le cas de 
Christian Michel, condamné pour des vols successifs, 
commis h peu d'intervalle dans les cantons de Vaud, Fri- 
bourg, Neuchàtel, Berne et Soleure, à un total de réclu- 
sion de plus de soixante ans, tandis qu'il n'aurait pas eu 
à subir, même avec la législation la plus sévère, plus du 
tiers de cette peine si tous ces délits avaient été commis 
dans un seul canton. C'est là certainement un des prin- 
cipaux vices de la décentralisation en matière pénale. 

Le code pénal neuchâtelois contient à cet égard une 
disposition nouvelle que je me permets de signaler à Tat- 
tention de la commission. 

€ TITRE VU. 

€ Du concours des délits. 

« Art. 91. 

« Lorsqu'un individu a commis à court intervalle di- 
« verses infractions de même nature dand plusieurs can- 
^< toiis, où il est iK)ursuivi simi^tanémefit, \l sera tenu 



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— 9 — 

« compte, dans Tapplication de la peine, des condamna- 
« tions qui l'ont frappé dans les autres cantons. 

« Si les condamnations dans les autres cantons n'inter- 
« viennent qu'après le jugement, et si les peines addition- 
ce nées forment un total hors de proportion avec la gra- 
« vite des infractions commises, le Conseil d*Etat est 
« autorisé à réduire la durée de la peine dans une niè- 
ce sure équitable. 

« Le Conseil d'Etat peut ouvrir des négociations avec 
<( d'autres cantons, en vue d'obtenir, par voie de concor- 
« dat, ou pour des cas isolés, que des infractions de même 
« nature, commises sur plusieurs territoires, fassent l'ob- 
« jet d'un même jugement. » 

Le code pénal suisse devra-i-il contenir des disposi- 
tions relatives à l'exécution des peines, ainsi que 
sur la détention préventive ? 

Exécution des peines. 

C'est aujourd'hui une vérité presque universellement 
reconnue que l'exécution des peines fait partie intégrante 
du droit pénal et qu'elle n'est pas, comme on l'a envisagé 
trop longtemps, une chose purement administrative. L'un 
des buts de la peine étant, dans le droit criminel mo»- 
derne, le relèvement du condamné, celui-ci ne saurait être 
obtenu si l'exécution de la peine était plus ou moins aban- 
donnée au hasard, à la routine, si elle devait être subor- 
donnée à des considérations fiscales et si elle n'était pas 
dirigée par des règles précises qui forment le complément 
nécessaire et inséparable d'un système de répression des 
délits. 

Les criminalistes de l'école classique n'attachaient à 
l'exécution des peines qu'une importance secondaire. Ils 
ne s'inquiétaient pas de ce que devenaient les condamnés 
après le jugement. Leur sollicitude s'arrêtait au jour de 



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— 10 — 

la condamnation. Pourvu que, dans la procédure instruite 
et dans l'application de la peine, les grands principes 
eussent été sauvegardés, le reste importait beaucoup 
moins. 

La science moderne du droit pénal s'occupe, au con- 
traire, autant de Texécution de la peine que de la peine 
elle-même. Elle n'admet pas que, dans ce domaine, rien 
puisse être indifférent. Pour ne citer qu'un exemple, on 
ne considère plus maintenant que le rôle des juges d'ins- 
truction et des procureurs généraux soit fini lorsqu'ils ont 
clôturé leurs enquêtes et prononcé leurs réquisitoires. 
Ceux de ces magistrats qui sont véritablement pénétrés 
de toute l'étendue de leurs devoirs suivent les condamnés 
dans leur prison, ils ne les oublient pas, ils ne les aban- 
donnent pas, et, mieux placés que personne pour connaître 
les circonstances extérieures qui ont déterminé le délit, le 
milieu social dans lequel le condamné a vécu, les influen- 
ces auxquelles il a cédé, son caractère et son état moral, 
ils le conseillent et l'encouragent, ils viennent en aide 
aux directions des pénitenciers dans leur œuvre de relè- 
vement. 

Ce point de vue devrait logiquement nous conduire à 
proclamer que le nouveau code doit cont<»nir des prescrip- 
tions détaillées sur l'exécution des peines et que celle-ci 
doit être remise à la Confédération. 

Mais ce serait aller beaucoup trop loin et vouloir tirer 
d'une chose juste et vraie des conséquences très exagérées. 

Si l'on voulait poursuivre l'idée dans ses dernières con- 
séquences, il faudrait créer, d'un bout à l'autre de la 
Suisse, des établissements de détention fédéraux, établis- 
sements pour les réclusionnaires des deux sexes, établis- 
sements pour les correctionnels, maisons de travail et de 
correction, établissements pour la prison civile ; il faudrait 
exproprier les établissements appartenant aux cantons ou 
s'entendre à l'amiable avec ces derniers pour qu'ils fus- 
sent cédés ou loués à la Confédération; il faudrait que la 
Confédération arrivât à créer et à payer un nombreux 



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— n — 

état-major de fonctionnaires et d'employés des péniten- 
ciers et des prisons ; il faudrait qu'elle achetât des domai- 
nes pour les colonies agricoles, qu'elle créât d'importants 
fonds de roulement pour les diverses industries, enfin, 
qu'elle prît à sa charge l'entretien des employés et des 
détenus. Ce seul poste de l'entretien comprenant les frais 
généraux, la nourriture, le mobilier, l'outillage, les vête- 
ments, la bibliothèque, l'école et l'infirmerie, représente- 
rait sur son budget, sans compter le reste, une augfmen- 
tation de dépense nette de plus de Ft\ 2,000,000 par année. 

Nous devons beaucoup en rabattre. Rien d'ailleurs ne 
justifierait cet acte de méfiance à l'égard des cantons. Il 
ne faut pas oublier que les progrès et les perfectionne- 
ments obtenus en Suisse dans le domaine du droit pénal 
sont essentiellement l'œuvre de ces derniers. Plusieurs de 
nos pénitenciers cantonaux sont déjà cités dans le monde 
comme des modèles. S'il se révèle des abus et des in- 
suffisances, on y remédiera au fur et à mesure des be- 
soins et on arrivera ainsi peu à peu à une exécution plus 
uniforme des peines. 

Il n'est pas douteux pour moi cependant que les péni- 
tenciers et les prisons des cantons devront être placés 
sous la surveillance de la Confédération. Non pas une 
surveillance bureaucratique et pédante, voulant imposer 
sa volonté dans les moindres détails et se faisant un plai- 
sir de molester les cantons. A cet égard, nous aurons 
probablement à nous défendre contre les abus du fonction- 
narisme. Mais la Confédération aura le droit de faire ins- 
pecter ces établissements pour s'assurer que l'exécution 
des peines a lieu conformément à l'esprit du code pénal. 
Elle pourra même venir financièrement au secours des can- 
tons pour leur aider à combler certaines lacunes. Il fau- 
dra aussi prévoir le cas où un canton se trouverait dans 
l'impossibilité de pourvoir convenablement à l'exécution 
des peines. 

Ces règles devront être exprimées bien clairement dans 
le code. On devra introduire des prescriptions générales 



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— 12 — 

sur les divers stages de la réclusion et sur leur durée, de- 
puis risolement cellulaire sans travail jusqu'au travail en 
commun dans les ateliers ou en plein air, sur le travail 
obligatoire, sur les peines disciplinaires, concernant le 
pécule auquel ont droit les détenus sur le produit de leur 
travail, concernant les adoucissements et encouragements 
accordés aux détenus, sur les visites et la correspondance, 
sur les cas de maladie qui ne permettent pas de mainte- 
nir un détenu en prison. 

On ne saurait prétendre couler tous les établissements 
de détention des cantons dans le même moule. On devra 
se borner à tracer les grandes lignes ; encore ne faudra-t-il 
pas, surtout dans les commencements, se montrer trop ri- 
goureux. 

Détention préventive. 

Nous entrons ici dans le domaine de la procédure, et 
celle-ci, pour le moment du moins, doit rester aux cantons. 

Cependant le nouveau code devra contenir quelques 
règles indispensables, sans lesquelles on ne pourrait par- 
ler d'une unification du droit. 

Elles devront se rapporter notamment : 

a) Aux circonstances dans lesquelles la détention pré- 
ventive peut être prononcée et à celles dans lesquelles il 
y a toujours contre le prévenu une présomption qu'il veut 
prendre la fuite ; 

b) A la manière de traiter les prévenus qui sont en état 
de détention préventive et aux égards dont ils doivent 
être l'objet dans les limites du but poursuivi ; 

c) Aux cas où la liberté provisoire peut être accordée 
et aux conditions du cautionnement. 

Un droit de recours pour inobservation de ces règles 
doit être prévu, soit auprès du département fédéral de 
Justice et Police, soit auprès d'une section du Tribunal 
fédéral, 



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L'exécution des peines (en particulier celle des peines 
privatives de la liberté) doit-elle être remise en tout ou 
en partie à la Confédération ? 

Dans Vaffirmativey quels établissements la Con- 
fédération doit-elle créer ou administrer (maisons pour 
les criminels dangereux^ pour les criminels de métier 
et d'habitude^ maisons de correction pour les jeunes 
gens) ? 

Je viens de répondre déjà en grande partie à cette 
question sous le numéro précédent. J'ai dit pourquoi 

I exécution des peines ne peut et ne doit pas actuellement 
être remise à la Confédération. 

La création d'un ou de plusieurs pénitenciers fédéraux 
pour les criminels dangereux est désirable ; elle n'est pas 
indispensable. Je dis la même chose, et encore à un 
moindre degré, des établissements fédéraux destinés à 
recevoir des criminels d'habitude. Cela n'est pas pressant. 

II en est de même en ce qui concerne les maisons de 
correction pour jeunes gens. 

Au sujet de ces dernières, on doit reconnaître qu'il en 
existe, et de fort bien organisées, dans les grands can-^ 
tons. Plusieurs d'entre elles reçoivent, sous des conditions 
déterminées, les jeunes détenus venant d'autres Etats 
confédérés. Les cantons d'Argorie, Neuehétel et Genève 
viennent de conclure un concordat ajant pouf but d'amé- 
nager en établissement de détention pour les jeunes dé- 
linquants l'ancienne citadelle d'Aarbourg. L'adhésion d'au- 
tres cantons est réservée, et il y a des locaux disponibles 
en suflisance. Le canton de Fribourg a reçu pour la même 
destination la fortune de M. le conseiller d'Etat Philippe 
Fournier. Lucerne et Soleure ont le Sonnenberg. D'autres 
cantons, notamment Bàle- Ville, SchafFhouse et Tlrargovie, 
se ppéooeupent de créer des établissements spéciaux. A 
côté des mftisoR» de eorr^iion offlciettes, il y a le» créa^ 



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— 14 — 

lions dues à l'initiative privée, en particulier l'asile de 
Sérix, qui rend depuis longtemps des services signalés. 

Puis il ne faut pas perdre de vue que Tinternement 
dans une maison de correction ou de discipline n'est point 
la seule manière de pourvoir à l'amendement des jeunes 
délinquants. Le placement dans une famille ou chez un 
maître d'apprentissage, loin du milieu où le jeune délin- 
quant a vécu, peut être non moins utile. 

Je ne parlerais pas dans le code des établissements de 
détention que peut créer ou administrer la Confédération. 
Le principe de l'unification étant une fois inscrit dans la 
constitution, cela pourra toujours faire plus tard l'objet 
d'arrêtés spéciaux qui seront d'autant mieux accueillis 
qu'ils n'auront pas été enfantés par une simple théorie, 
et qu'ils répondront à des besoins plus réels. 

A côté de la répression^ la Confédération doit-elle 
régler et organiser ce qui tient à la prévention ? 
Doit'elle se borner^ au contraire^ à soutenir et favori- 
ser les mesures préventives prises ou projetées d'autre 
part (cantons^ communes, initiative privée), par exem- 
ple : 

a) Asiles pour enfants négligés, abandonnés ou vi-- 
cieux ? 

b) Colonies de travailleurs ? 

c) Stations pour la subsistance en nature ? 

d) Asiles pour buveurs ? 

k) Asiles d'aliénés criminels ? 

f) Maisons de travail pour mendiants, vagabonds et 
prostituées ? 

g) Patronage des libérés et secours aux familles des 
détenus ? 

Il faut distinguer. 

D'abord, je pose en fait qu'aucune de ces créations ne 
doit être entreprise aujourd'hui principalement par la 



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— 15 — 

Confédération, ou envisagée comme le corollaire néces- 
saire d'un code pénal fédéral. 

Et même sous la forme d'un simple appui moral et fi- 
nancier, il y a des différences à faire. 

Si on admettait péle-méle de pareilles conclusions, on 
s'écarterait singulièrement du but principal, qui est avant 
tout l'unification du droit pénal en Suisse. On sortirait du 
domaine du droit pour verser dans celui de la philan- 
thropie et de l'humanitairerie. On surchargerait la rédac- 
tion d'un code pénal de tant de détails, de tant d'objets 
accessoires ou qui n'ont avec elle qu'un rapport éloigné, 
que les arbres finiraient par empêcher de voir la forêt. 

Ces diverses créations ne doivent pas être abordées à 
propos de l'élaboration d'un code pénaU Ce sont pour la 
plupart des questions de second plan, .intéressantes sans 
doute, mais beaucoup moins pressantes que d'autres. 

Les asiles pour enfants négligés, abandonnés ou vi- 
cieux et les stations pour la subsistance en oature res- 
sortissent au domaine de l'assistance et non pas à celui 
du droit pénal. Il en est de même des colonies de tra- 
vailleurs. 

En revanche, comme je le disais dans la réponse à la 
question n** 3, la Confédération peut avoir intérêt à sub- 
ventionner les maisons de travail des cantons pour men- 
diants, vagabonds et prostituées et à favoriser la création 
de ces établissements là où ils n'existent pas. Cela ren- 
tre dans la catégorie des mesures indispensables pour l'exé- 
cution des peines. Mais il n'est pas nécessaire de le 
mettre dans le code. 

Il serait d'ailleurs bien entendu que la responsabilité 
principale de ces établissements, leur création et leur en- 
tretien resteraient aux cantons. La Confédération n'inter- 
viendrait qu'à titre d'appui. 

De même, la Confédération pourra, non pas immédiate- 
ment, mais d'ici à un certain nombre d'années, lorsque 
le code sera entré en vigueur, créer une institution dont 
le besoin s'est fait souvent sentir en Suisse, je veux par* 



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-.16- 

1er dW asile pour les aliénés criminels. Elle seule est 
en situation de le faire convenablement, mais cela pourrait 
avoir lieu, le moment venu, par un arrêté spécial et sans 
qu'il soit nécessaire de relier cette mesure à la promulga- 
tion du code. 

Quant aux asiles pour buveurs, j'ai sous les yeux un 
rapport fort intéressant de M. le D' Châtelain, ancien 
directeur de l'hospice d'aliénés de Préfargier, dont l'opi- 
nion fait autorité en ces matières. Chargé par le dépar- 
tement cantonal de l'Intérieur d'ouvrir une enquête sur le 
meilleur emploi à faire par le canton de Neuchàtel du 10 % 
réservé sur la recette du produit de l'alcool, M. le D*" 
Châtelain s'est rendu l'hiver dernier à EUikon, canton de 
Zurich, pour y visiter la « Trinkerheilstfttte ». C'est une 
fondation privée, «due en première ligne à l'initiative de 
M. le professeur Forel et entretenue par la société par- 
ticulière formée principalement dans ce but. 

Les résultats sont excellents. Pendant l'année 1891, 46 
pensionnaires ont quitté l'asile, savoir : 

23 sont restés complètement abstinents ; 

12 sont devenus tempérants sans abstinence totale; 

6 sont retombés ; 

2 sont morts de la tuberculose ; 

1 a dû être transféré dans un asile d'aliénés ; 

2 se sont évadés. 

M. le D' Châtelain arrive à la conclusion qu'on doit 
complètement abandonner, dans le canton de Neuchàtel, 
l'idée qui avait été émise d'installer à la maison de tra- 
vail et de correction du Devons une section spéciale pour 
le traitement des buveurs. 

« Le principe fondamental d'EUikon est, dit-il, celui du 
« traitement par la liberté, en ce sens que le buveur dé- 
« sireux de se corriger se soumet librement au séjour 
« dans l'asile. Il fait ainsi acte de volonté propre, et ce 
« sentiment qu'il veut lui-même s'affranchir de son vice, 
« le relevant déjà dans sa dignité, constitue le plus puis- 
se sant facteur de réussite ....>» 



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L*întervention de la Confédération dans la création et 
l'entretien d'asiles pour buveurs ne se justifierait pas. La 
Confédération risque d'avoir quelquefois la main un peu 
lourde. Son ingérence donnerait à cette œuvre de libre 
initiative un caractère officiel et serait peut-être plus 
nuisible qu'utile. 

Il en est tout autrement du patronage des détenus libé- 
rés et des secours aux familles des détenus. Cela rentre 
directement dans la tâche du législateur pénal et dans le 
programme d'un code. Non pas qu'ici le rôle principal 
doive appartenir à la Confédération. Il doit y avoir dans 
chaque canton une institution officielle de patronage à la- 
quelle certaines compétences de l'autorité publique peu- 
vent être déléguées : surveillance et placement des jeunes 
délinquants et des enfants vicieux dans des établissements 
spéciaux ou dans des familles; surveillance et placement 
des détenus libérés adultes et administration de leurs pé- 
cules ; secours aux familles des détenus pendant la durée 
de la détention et aux détenus eux-mêmes après celle-ci ; 
surveillance et placement des détenus mis au bénéfice de 
la libération conditionnelle. L'institution officielle de pa- 
tronage doit être investie d'une certaine autorité, soit à 
l'égard des détenus, soit à l'égard des communes et du 
public. 

Là où ces institutions officielle» de patronage n'exis- 
tent pas, la Confédération a certainement le devoir d'en 
encourager la création. La question des frais joue natu- 
rellement un grand rôle. Ils sont relativement très consi- 
dérables, et les comités de secours, malgré tout l'appui 
qu'ils reçoivent des cantons, malgré les souscriptions, les 
colleotes, les ventes et autres dons volontaires, ont sou- 
vent de la peine à y suffire. Des subsides de la Confédé- 
ration seront les bienvenus. Ils ne seront pas très oné- 
reux : quelques milliers de francs par-ci, quelques milliers 
de francs par-là. Cet argent bien employé peut contribuer 
beaucoup à la réalisation de l'un des grands buts de la 
réforme pénale, le relèvement moral des condamnés, et 

2. 



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— 18 — 

devenir ainsi un instrument précieux de préservation so- 
ciale. 

La Confédération peut aussi prendre des initiatives 
utiles, favoriser les relations des comités cantonaux entre 
eux, faciliter le rapatriement des détenus libérés venant 
de Tétranger. 

eo 

Convient-Il de conserver la dwision Iripariiie des in- 
fractions [crimes y délits y contraventions) ou la division 
en deux catégories doit-elle être préférée ? 

La répartition des causes devant les tribunaux appar- 
tient plutôt à la procédure. Il ne faut pas l'introduire 
dans le code. 

La distinction entre les crimes et les délits a été em- 
pruntée par les codes suisses, comme par beaucoup d'au- 
tres, au code français de 1810. Mais ce code a fait son 
temps avec son excessive sévérité pour les crimes et son 
excessive indulgence pour les délits. On y sentait trop la 
préoccupation de traiter avec une douceur particulière 
certaines faiblesses auxquelles se laissent entraîner les 
gens bien élevés. L'escroquerie et Tabus de confiance, 
portant sur des centaines de millions, s'en tirent encore 
aujourd'hui en France, sous le règne de ce code, avec 
quelques années d'emprisonnement. Toutes les sévérités 
du bagne et de la relégation dans une enceinte fortifiée 
sont réservées pour les vols d'un genre moins élégant, 
commis par des individus appartenant aux classes infé- 
rieures. 

Cette distinction des crimes et des délits ne repose pas 
sur la réalité ; elle est arbitraire. Où fixer la limite ? 

Le code des Pays-Bas et le nouveau code italien, qui 
sont ce qu'il y a de plus moderne en dehors de la Suisse 
dans le domaine de la législation pénale, ne connaissent 
que des délits. Dans toutes les conférences et dans tous 
les congrès qui ont eu lieu ces dernières années, le main- 



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— 19 — 

tien de cette distinction n'a plus été soutenu. La suppres- 
sion ne s'en discute plus. 

Je suppose que notre code adoptera dans une large 
mesure pour diverses catégories de délits le système des 
peines alternatives, c'est-à-dire que, selon les cas, il pré- 
voira, pour le même délit, la réclusion, Temprisonnement 
et même la prison civile. L'école criminaliste moderne 
tend à individualiser toujours plus la culpabilité et ses 
divers degrés. Mais une pareille tendance exclut la dis- 
tinction entre les crimes et les délits. Le même acte peut, 
suivant la personnalité de son auteur et les circonstances 
au milieu desquelles il a été accompli, être un crime, ou 
simplement un délit, ou même un délit léger. Il ne doit 
pas être rangé d'avance dans l'une de ces catégories. 

Rossi critiquait vivement le système de la division tri- 
partite : « C'est dire au public : Ne vous embarrassez pas 
(( d'examiner la nature intrinsèque des actions humaines; 
« regardez le pouvoir : fait-il couper la tête à un homme, 
« concluez-en que cet homme est un profond scélérat. Il 
« y a un tel mépris de l'espèce humaine, une telle prê- 
te tention au despotisme, même en morale, qu'on pourrait, 
« sans trop se hasarder, juger de l'esprit d'un code par 
« ce seul article. » 



70 

Quelle place faut^il réserver aux délits qui ne peuvent 
être poursuivis que sur plainte ? 

Pour répondre à cette question, il faut mettre dans un 
des plateaux de la balance l'intérêt social et dans l'autre 
l'intérêt personnel du lésé. 

Il est des situations dont on ne peut se dispenser de 
tenir compte. Le rôle de la partie publique ne sera ja- 
mais le même pour les délits qui se passent dans une fa- 
mille que pour les délits extérieurs. Les soustractions en- 
tre personnes vivant au même ménage n'ont pas le 
même caractère que les soustractions ordinaires. 



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Qoo^ç: 



- 20- 

Le scandale produit par Taction publique dans une af- 
faire de mœurs est souvent plus grand que Futilité qu'on 
peut retirer de la répression du délit. Le retentissement 
d'un procès peut faire un tort irrémédiable à la réputa- 
tion de la personne dont la pudeur a subi les derniers 
outrages. Nul n'est meilleur appréciateur de Topportunilé 
d une poursuite que cette personne elle-même ou ses pro- 
ches. 

Chacun est aussi juge de ce que réclame son propre 
honneur en matière d'injures et de diffamation. 

Il existe des raisons spéciales pour tous les délits de 
ces diverses catégories. 

J'admettrais que la poursuite ne peut avoir lieu que sur 
plainte [Antragsdeliklé) dans les cas suivants : 

1** Les délits commis dans l'intérieur d'une famille ou 
d'un domicile, lorsqu'ils ne présentent en eux-mêmes au- 
cun caractère de publicité ; 

2** Les actes de prosélytisme religieux exercés, contre 
la volonté du chef de famille, sur des mineurs de moins 
de seize ans ; 

S** La violation de domicile, si elle n'a pas lieu à l'aide 
de fausses clefs, d'effraction ou d'escalade et si la sûreté 
des personnes et des propriétés n'a pas été gravement 
compromise ; 

4** Les faux en écriture privée commis par supposition 
ou altération d'actes entre vifs du conjoint, d'un parent 
ou allié en ligne directe, ascendante ou descendante, d'un 
frère ou d'une sœur ; 

5° Le viol, sauf les cas de mort, de lésion corporelle 
grave ou d'atteinte permanente à la santé (plainte de la 
personne lésée, ou, si elle est hors d'état de manifester 
sa volonté, plainte de son représentant légal et, à défaut, 
de l'autorité tutélaire) ; 

6"* Les autres attentats à la pudeur, sous les mêmes 
réserves et dans les mêmes conditions; 

T L'adultère ; 



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Qoo^ç: 



- 2t - 

8® L'ealèvement de mineurs et de mineures ; 

9® L'injure et la diffamation ; 

10** Les soustractions commises entre personnes vivant 
au même ménage, ou dans un magasin, dans un bureau, 
dans un atelier ou chantier, par ime personne qui y est 
occupée à titre gratuit ou salarié ; 

11° Les soustractions commises par des mineurs au 
préjudice de leurs tuteurs ; par des élèves au préjudice de 
leurs instituteurs et maîtres de pension; par des appren- 
tis au préjudice de leurs maîtres d'apprentissage. 

(Il est sous-entendu que les soustractions commises par 
des maris au préjudice de leurs femmes et vice versa, 
par im veuf ou une veuve quant aux choses qui avaient 
appartenu à l'époux décédé, par des enfants ou autres 
descendants au préjudice de leurs parents ou ascendants, 
par des pères ou mères ou autres ascendants au préjudice 
de leurs enfants ou descendants, ne peuvent donner lieu 
qu'à des réparations civiles). 

8o 

Jusqu'à quel âge (12, ii ou 16 ans) les enfants se- 
ront-ils exempts de poursuites ? 

Jusqu'à 12 ans ou môme jusqu'à 14 ans. Je n'en fais 
pas une question de principe absolue et je me borne à 
dire que, dans les villes surtout, on rencontre chez cer- 
tains enfants une précocité perverse, qui serait encoura- 
gée si l'on élevait trop haut la limite d'âge au-dessous de 
laquelle il n'y a pas de poursuite pénale. 

90 

Comment la législation doit-elle traiter les adoles- 
cents qui ont franchi la limite d'âge ci-dessus ? 

Faut-il continuer à poser la question de discernement ? 



I 
\ 
) 



L-' 



Je sais que la tendance actuelle est de supprimer la 
question de discernement et de traiter les jeunes délin- 



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— 22 — 

quants comme des êtres plus ou moins irresponsables au 
sujet desquels il convient âeulement de prendre des pré- 
cautions particulières. 

Cette doctrine a le tort de ne pas répondre au senti- 
ment général du peuple et celui plus grand encore de ne 
pas être en rapport avec la réalité des faits. 

Les cas sont fréquents où des enfants de 14 et 15 ans, 
dont rintelligence naturelle est fort développée, dont les 
facultés ont été affinées par le milieu où ils ont vécu, se 
rendent mieux compte de la culpabilité de leurs actes que 
des individus beaucoup plus âgés. 

Si la question de discernement n*était pas posée, on 
risquerait de prendre des mesures administratives trop 
rigoureuses contre des enfants au sujet desquels, si elle 
avait été maintenue, elle eût été résolue négativement. 

Je crois qu'elle doit subsister jusqu'à l'âge de 18 ans. 

Cela est particulièrement nécessaire, lorsqu'il s'agit des 
crimes les plus graves qui, s'ils avaient été commis par 
un adulte, auraient entraîné la réclusion perpétuelle ou 
une réclusion de plus de dix ans. 

Pour ces crimes, la peine prononcée contre l'enfant ou 
l'adolescent ne peut pas être un simple internement dans 
une maison de correction ou de discipline. Elle sera la 
réclusion subie dans un pénitencier, mais il devra être 
tenu compte de l'âge de l'enfant, dans le sens d'une ré- 
duction de la durée de la peine. La réclusion perpétuelle 
sera transformée en une réclusion à temps, de cinq à 
quinze ans. La réclusion à temps, de dix ans et plus, sera 
réduite de moitié. 

Entre deux maux, il faut choisir le moindre : ou bien 
courir le risque de laisser contaminer toute une prison de 
jeunes délinquants au contact de chaque jour avec un jeune 
gredin, qui a commis un crime affreux, ou bien placer 
celui-ci dans un pénitencier d'adultes. C'est évidemment 
à ce second parti qu'on devra s'arrêter. 

Avant de savoir si des condamnations aussi graves 
doivent être prononcées contre un enfant ou un adolescent. 



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— 23 — 

il vaut la peine de poser la question de discernement, qui 
seule permet de procéder avec quelque sûreté. 

Je reconnais que, hors ces cas, les jeunes délinquants, 
qu'ils aient agi avec ou sans discernement, doivent être 
internés dans des établissements spéciaux. Il n'en reste 
pas moins vrai que, même dans ces cas, la question de 
discernement pourra exercer de Tinfluence sur la durée 
de rinternement. 

Jusqu'à l'âge de dix-huit ans, c'est la préoccupation 
éducative qui domine. A ce point de vue, il faut éviter 
autant que possible de placer de tout jeunes gens dans 
un pénitencier, où ils risqueraient, malgré toutes les pré- 
cautions', de se corrompre davantage au contact de déte- 
nus plus âgés, et d'où ils ne sortiraient que flétris. 

Chez certains individus, le développement est plus lent 
que chez d'autres ; les uns n'ont pas à dix-huit ans la fa- 
culté de jugement que d'autres possèdent à quatorze. 

Le code allemand, § 56, le code italien, article 84, et 
le projet de la commission autrichienne, § 62, ont fixé à 
dix-huit ans la limite d'âge jusqu'à laquelle la question 
de discernement doit être posée. 



Entre les enfants et les adolescents, pour lesquels un 
régime spécial d'amendement est prévu, et l'âge adulte, 
il y a un âge intermédiaire, que je fixerais de dix-huit à 
vingt ans, ou, si l'on veut, à vingt et un ans. Dans cette 
période, la question de discernement ne doit plus être 
prévue. Cependant l'auteur du délit n'est pas encore un 
homme fait, il n'est pas encore astreint au service mili- 
taire, il n'exerce pas encore le droit de vote. On envisage 
donc que son développement physique, intellectuel et mo- 
ral est encore incomplet. U y a lieu de tenir compte de 
cet état de transition dans l'application de la peine, tout 
au moins pour les délits les plus graves. Je ne propose 
pas d'établir une différence de pénalité pour les autres 
délits. Le juge disposera toujours d'une latitude suflisante. 



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— TA — 

et, tenant compte de cette circonstance, il pourra des- 
cendre bien au-dessous du maximum. 

Je dirais seulement que, lorsqu'un accusé âgé de dix- 
huit à vingt ans ou vingt et un ans, a commis un délit 
entraînant la réclusion perpétuelle, il sera condamné à la 
réclusion à temps de dix à vingt ans. 

lOo 

y a-/-i7 lieu d'édicter des dispositions particulières 
pour la répression des délits commis par des person- 
nes du sexe féminin ? 

La loi ne saurait avoir deux poids et deux mesures, 
dans la question d'imputabilité, en raison du sexe des 
accusés. On agirait contre la tendance manifeste de notre 
époque, qui est d'affirmer toujours plus l'égalité entre les 
deux sexes. 

Rien ne prouve d'ailleurs que la femme ait dans son 
sexe un motif général de justification ou d'excuse. 

Quant aux circonstances atténuantes ou aux causes 
d'excuse résultant d'une grossesse ou d'un certain état de 
santé, des experts pourront toujours être entendus. 

Mais si la distinction n'est pas admissible au point de 
vue de l'application de la peine, la procédure doit conte- 
nir des dispositions protectrices en faveur de la femme. 
Dans les affaires d'une certaine gravité, le mari d'une 
accusée, ou à défaut du mari, son père, doit toujours être 
admis, sur sa demande, à être entendu dans les débats et 
à s'expliquer sur les dires des témoins et les rapports des 
experts. 

Peut-être cette garantie pourrait-elle être introduite 
dans le code pénal. 

llo 

Comment faut^il traiter la récidive ? 
« Je crois, m'écrivait en 1889 M. le D' Lammasch, 
« professeur de droit à Vienne, d'un côté, qu'on devrait 



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Qoo^ç: 



— 25 — 

« élargir la conception de la récidive, et de Tautre, qu'il 
« est trop rigoureux d'appliquer à ces cas ne t^ariatur 
(c le maximum de la peine. Pour atteindre le premier 
« de ces buts, on pourrait diviser les divers délits 
c( en un certain nombre de classes et traiter seulement 
« comme récidiviste celui qui se rend coupable d'un 
ce nouveau délit appartenant à la même classe que le pré- 
« cèdent. Quant à la peine, elle ne doit pas être inflexible 
<c pour tous les cas, qui peuvent être pourtant d'une 
« gravité très différente. Tout en admettant que la réci- 
« dive est une circonstance aggravante de premier ordre 
« et de la plus haute importance, je ne saurais concéder 
« qu'elle doive annuler nécessairement l'efficacité de tou- 
te tes les circonstances atténuantes. » 

Le canton de Neuchâtel a suivi les conseils de M. Lam- 
masch. Indépendamment de la récidive du même délit, 
il a divisé les délits de même natiure en huit classes, 
savoir : 1" les délits politiques ; — 2® la sédition, la 
rébellion, la résistance à l'autorité, les outrages et les 
menaces envers les fonctionnaires publics et les agents 
de la force publique; — 3" la dénonciation calomnieuse, 
le faux témoignage et le faux serment; — 4® la fausse 
monnaie, la contrefaçon, l'altération, l'usage frauduleux 
de sceaux, marteaux et poinçons officiels, le faux en écri- 
tures publiques authentiques ou de commerce, le faux en 
écriture privée ; — 5° le viol et les autres attentats à la 
pudeur ; — 6** l'infanticide et l'avortement ; — 7® les coups 
et blessures volontaires et autres actes non qualifiés 
meurtre, les rixes et batteries ; — 8" le vol, le brigan- 
dage, l'extorsion, le chantage, le recel, l'abus de con- 
fiance et l'escroquerie. 

11 a donné à la peine plus d'élasticité en permettant au 
juge, suivant les cas, de descendre jusqu'aux deux tiers 
du maximum ou de dépasser ce maximum d'un tiers. 

J'ajouterai qu'une innovation non moins importante de- 
vrait se rapporter aux jugements étrangers. 11 ne suffit 
pas de prendre en considération les seuls jugements ren- 



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— 26 — 

dus par les tribunaux suisses. Nous avons beaucoup d'é- 
trangers établis en Suisse, et, à côté de cette population 
plus sédentaire, une population flottante considérable, sur- 
tout dans les cantons frontières. Le but des dispositions 
concernant la récidive ne serait pas atteint si nous fai- 
sions complètement abstraction des jugements rendus par 
dos tribunaux étrangers. Je dirais qu'un individu se trouve 
en état de récidive, lorsqu'il commet un délit de même 
nature, comme auteur ou complice, même si la condam- 
I nation a été prononcée par le tribunal d'un pays avec le- 
' quel la Suisse est liée £ar_un traité d'extradition. 
\ Il n'y a pas récidive lorsqu'il s^est écouté un' certain 
temps depuis l'extinction de la peine principale. Je fixerais 
ce terme à dix ans. 

Enfin, la récidive peut exercer de l'influence sur la li- 
bération conditionnelle d'un détenu, particulièrement sur 
la fixation du délai à l'expiration duquel elle peut être 
accordée. 

120 

Quel parti prendre contre les auteurs de récidives 
réitérées à l'égard desquels la pénalité ordinaire se 
montre inefficace ? 

Une longue expérience a démontré qu'il importait de 
faire disparaître, autant que possible, les peines de courte 
durée pour les récidivistes et d'introduire le principe des 
peines cumulatives. Nous avons dans nos pénitenciers 
les auteurs de petits vols, de légers abus de confiance ou 
d'escroquerie de peu d'importance, qui reviennent pour la 
dixième et même la quinzième fois. Avec le système de la 
plupart des codes actuels, ils ne sont jamais condamnés à 
de longues détentions, et, dès qu'ils sortent de prison, ils 
recommencent. 

11 faut reconnaître que pour les délits passionnels, Tin- 
fluence du système pénal et de la réforme pénitentiaire, 
si elle peut améliorer quelques individus, se fait peu 
sentir sur l'ensemble de la société. L'homme reste avec son 



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— 27 — 

caractère et son tempérament, et le nombre de ces délits 
se maintient sensiblement le même. 

Mais lorsqu'il s'agit des voleurs et des escrocs d'ha- 
bitude, il n'en est pas ainsi. Ces individus se sont 
placés en dehors de la société ; ils refusent de se sou- 
mettre à la loi du travail et prétendent vivre du produit 
de leurs soustractions. La société doit prendre contre eux 
des précautions spéciales, tout en cherchant à en faire 
des travailleurs honnêtes. Un pareil résultat ne peut être 
obtenu que par des détentions prolongées. Ce n'est que 
lentement qu'on peut arriver à transformer ces caractères 
profondément vicieux et à opérer leur cure morale. 11 est 
hors de doute que le système pénal employé peut exercer 
une grande influence sur le nombre de ces délits. 

En Angleterre, où les questions pénitentiaires sont étu- 
diées avec une hauteur de vues et un esprit de suite ad- 
mirables, le principe des sentences cumulatives est lar- 
gement appliqué, et l'on sait par la statistique que le 
nombre des récidivistes a diminué de moitié dans cer- 
tains comtés. Voici comment on a procédé : 

La Cour de Justice, assemblée à Glocester le 3 janvier 
1871, reconnaissant la nécessité d'adopter pour les sen- 
tences concernant cet ordre de délits une règle générale 
qui soit de nature à intimider les individus enclins au 
crime, a adopté à l'unanimité les mesures suivantes : 

1** Lorsqu'un prisonnier est accusé d'un délit ou d'un 
crime, la police recueillera des renseignements sur les 
antécédents du prévenu pendant les cinq dernières années 
et les consignera en la forme prescrite. 

2** Si le prévenu est reconnu coupable et paraît ne pas 
avoir été condamné antérieurement, il sera procédé som- 
mairement et on prononcera contre lui une peine légère, 
comme étant la première condamnation qu'il subit. Cette 
punition sera une détention de dix jours au moins et d'un 
mois au plus dans les cas ordinaires. Il sera fait une ex- 
ception lorsqu'il s'agit d'individus qui ont une mauvaise 



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— 28 — 

répuÉLalÎM, ou ^ o»i connus ua déUt grave, oi& lorsque 
les circonstances démontrent qMe le délinquant n'est pa» 
inexpérimenté dans la pratique du crime. La Cour de 
Justice fait, en outre, savoir qu'une sentence, après une 
condamnation antérieure pour délit de même nature, sera 
d'au moins six mois d'emprisonnement avec sept années 
de surveillance de la police, et que si le délinquant est 
récidiviste pour la seconde fois, c'est-à-dire s'il a subi 
antérieurement deux condamnations, dont l'une à six mois 
de détention et plus, il sera reconnu et admis que des 
peines de courte durée ont été insuffisantes pour changeF 
son caractère et le détourner du chemin du crime, et alors 
il encourra une peine qui est fixée à sept ans de détention. 

M. Baker, de la Cour de Glocester, qui a proposé ces 
mesures, dit qu'au début elles causèrent chex les délin* 
quanta récidivistes une grande surprise et qu'ils ne com* 
prenaient pas pourquoi on les condamnait, pour un siiBf^le 
petit délit, à une punition aussi séirère, tandis que précé- 
demment les récidivistes étaient ttaiîAés avec tant de dou- 
ceur. Actuellement chacun eonfurend les bons effets du 
système, et les récidivistes ont été intimidés. 

M. Baker reconnait que la peine de sept ans en se- 
conde récidive peut parai tre sévère, mais Û explique que 
cette sévérité est dictée par un sentiment de bienveillance 
et se justifie par le but qu'on veut atteindre, la réforme 
morale du malfaiteur. 

« Si un jeune homme, dit-il, a subi une première puni- 
ce tion, il doit être affermi contre les tentations ; s'il peut, 
« mais ne veut pas résister, il doit subir le châtiment. Si 
« son caractère est trop faible, on ne doit pas, par un 
« faux sentiment de miséricorde et d'indulgence, lui per- 
ce mettre de continuer une vie criminelle qui l'endurcira 
c< et le pervertira complètement, mais on doit chercher à 
« le sauver au moyen d'une longue détention. Aucune 
« tentation n'est aussi grande que l'exemple des voleurs 
« qui opèrent avec succès. Mais ces criminels audacieux 



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^2Ô- 

« n^acquièrent de Thabitude «t ne réussissent dans leurs 
« desseins qu'après une longue pratique, et après avoir 
a subi plusieurs condamnations. En examinant l'histoire 
« des voleurs les plus célèbres, on trouve que rarement 
« ils ont été en liberté plus de detix années consécutives. 
« Or, si ces individus avaient été condamnés, à leur se- 
« conde récidive, à sept ans de réclusion, aucun n'aurait 
« trouvé le temps et l'occasion de devenir un voleur adroit 
« et entreprenant. » 

J'introduirais donc le système des peines cumulatives 
pour le vol, l'abus de confiance et l'escroquerie dans le 
code pénal suisse, de manière que l'individu qui a déjà 
subi deux condamnations pour Tun ou l'autre de ces dé- 
lits de même nature soit puni, s'il vient à commettre une 
seconde récidive, de trois à cinq ans, ou de trois à sept 
ans de réclusion, sans égard à •l'importance de la nouvelle 
soustraction commise, à moins que les circonstances qui 
l'ont accompagnée n'entraînent une peine plus forte. 

Je limiterais l'application de cette mesure aux délits 
contre la propriété, parce qu'au point de vue de la réci- 
dive, ils sont de beaucoup les plus nombreux et que pour 
les autres délits le besoin s'en fait moins «enlir. 

Le canton de Neuchàtel a introduit la réclusion de trois 
à cinq ans pour les secondes récidives de soustractions, 
dans son code de 1891. Cette peine a déjà été appliquée 
plusieurs fois et l'on s'en est fort bien trouvé. Les mal- 
faiteurs d'habitude, soumis précédemment à un régime 
beaucoup plus indulgent, ont, il eât vrai, manifesté tout 
leur mécontentement. Un confédéré, qui venait d'être con- 
damné par la cour d'assises à trois ans de réclusion 
pour seconde récidive d'escroquerie et de vol, a trouvé le 
procédé fort incorrect et ne s'est pas gêné d'en exprimer 
au tribunal sa surprise et son indignation. x< Cela n'est 
« pas régulier, s'est écrié cet homme expérimenté; dans 
« mon canton, j'en aurais eu pour six mois ! » 



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— 30 — 



13o 



Faut-il admettre les deux genres de prescription 
(peine et action publique) ? 

Je n'attache pas une grande importance pratique à cette 
question. La plupart des législations maintiennent la dis- 
tinction et établissent pour la condamnation un délai plus 
long que pour Faction pénale. Mais tout cela est plutôt 
académique. Si Ton voulait appliquer cette méthode dans 
toute sa rigueur, on se trouverait en présence de vérita- 
bles impossibilités, pour ne pas dire de monstruosités. 
Supposons que la prescription de l'action pénale soit de 
vingt ans pour un délit entraînant une réclusion prolongée 
et que celle de la peine soit de trente ans dans le même 
cas. Le coupable a réussi pendant de longues années à 
échapper aux poursuites. Mais il vient à être saisi dans 
le cours de la dix-neuvième année depuis la date de 
son crime. Il est condamné à vingt ans de réclusion. 
Au bout d'un an, il parvient à s'évader et on ne le 
saisit de nouveau que beaucoup plus tard, après quinze 
ans. Il lui reste dix-neuf ans de réclusion à subir. Suppo- 
sons qu'il soit même placé au bénéfice de la libération 
conditionnelle au bout des deux tiers de sa peine. Lors- 
qu'il a commis son crime en 1860, il avait vingt-deux ans ; 
lorsqu'il a été jugé en 1879, il avait quarante et un ans ; 
lorsqu'il a été saisi et réintégré au pénitencier, seize ans 
après sa condamnation, en 1895, il avait cinquante-sept 
ans, et c'est seulement en 1907, lorsqu'il aura soixante- 
neuf ans, qu'il aura subi les deux tiers de sa peine et 
pourra être placé au bénéfice de la libération condition- 
nelle. 

Quel effet moral veut-on que l'application de la double 
prescription produise sur le condamné lui-même et sur la 
société ? Le but de la peine ne sera-t-il pas absolument 
méconnu et dépassé ? 



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Qoo^ç: 



— 31 — 

Je verrais avec plaisir le nouveau code pénal rompre 
nettement en visière avec ces anciens errements et n'ad- 
mettre qu'une seule prescription, celle de l'action pénale. 

140 

Faut-il étendre le droit de grâce à toutes les infrac- 
tions ? 

Le droit de grâce, même avec un code pénal unifié, 
continuera d'appartenir aux cantons. Vouloir le leur enle- 
ver, hors les cas où il s'agit de délits fédéraux (haute 
trahison, infractions aux diverses lois fédérales), serait 
porter atteinte à leurs prérogatives souveraines. Il reste 
en dehors de notre sphère d'action. 

Si l'exercice du droit de grâce rentrait dans la compé- 
tence de la Confédération, il semble au premier abord 
que plusieurs considérations militeraient pour le réserver 
seulement aux cas des délits les plus graves. 

Mais le droit de grâce a beaucoup perdu de sa 
valeur depuis l'introduction de la libération conditionnelle, 
et celle-ci n'est généralement applicable dans les pays 
qui l'ont introduite que pour une détention d'au moins 
dix-huit mois. En sorte qu'on se trouverait en présence 
de cette anomalie : pour les délits les plus graves, il y 
aurait deux sorties anticipées, la grâce et la libération 
conditionnelle; pour les délits de moindre importance, il 
n'y en aurait point. 

Tout bien considéré, je crois que les cantons auront rai- 
son de ne pas limiter le droit de grâce à une certaine caté- 
gorie de délits. 

Faut'il établir la peine de mort ? 

C'est ici une question de principe, et j'irai même plus 
loin, c'est la question de principe par excellence qui peut 
et doit se poser pour l'élaboration d'un code. 



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^31- 

Après les écrits et les généreux efforts des savants crî- 
minalistes Mittermaier et le baron de Hoitzendorff en Alle- 
magne, Charles Lucas, fionnier-Ortolan et Crémieux en 
France, Mancini et Carrara en Italie, Herbst et Glase r 
en Autriche, Ducpétiaux et Thonissen en Belgique, d'Oli- 
vecrona en Suède, J.-J. de Sellon à Genève et Hilty à 
Berne, il n'y a plus d'hésitation possible. 

Je ne perdrai pas une ligne à traiter la question au 
fond. Les arguments sont assez connus, le pour et le 
contre ont été dits a l'occasion de la motion Freuler en 
1878 et 1879, les opinions sont faites. Tout ce qu'on peut 
ajouter, c'est que l'Assemblée fédérale, en proposant au 
peuple suisse de permettre aux cantons le rétablissement 
de la peine de mort, a fait reculer l'unification du droit 
pénal, bien plus que cela n'aurait pu résulter de toute 
autre mesure. 

Il y a, dans le sens de la peine de mort, deux solutions 
possibles : en faire le couronnement de l'édifice et la pla- 
cer pour toute la Suisse au sommet des pénalités, ou bien 
la rendre seulement facultative pour les cantons. 

J'écarte d'emblée la première alternative. On ne conçoit 
pas le rétablissement de la peine de mort dans une Con- 
fédération dont la majorité des cantons l'ont abolie depuis 
vingt ans et plus. 

Quant à la seconde, elle n'est pas davantage accepta- 
ble. Le maintien ou l'abolition de la peine de mort change 
du tout au tout le système et l'échelle des peines. Avec 
la peine de mort, on ne peut plus dire que l'un des buts 
de la peine infligée au coupable soit de prévenir une re- 
chute par la réforme du condamné. Il est impossible d'ap- 
pliquer le même code avec la peine de mort pour une 
partie du pays et sans elle pour l'autre. Les deux sys- 
tèmes ne se concilient pas. Ils sont en contradiction ab- 
solue. 

J'ignore quel peut être actuellement à cet égard l'état 
des esprits en Suisse. Je crois cependant que, depuis 



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-33- 

1879, la peine de mort a plutôt perdu du terrain qu'elle 
n'en a gagné et que, si c'était à refaire, la majorité de notre 
peuple se rangerait à l'avis exprimé dans l'éloquent et 
entraînant discours de M. Ruchonnet au Conseil national. 
L'effet produit par l'exécution de Gatti a été déplorable. 
Le mouvement signalé depuis quelques mois dans le 
canton de Schaffhouse ne prouve rien; il a un carac- 
tère essentiellement occasionnel et régional. 11 ne du- 
rera pas. Par une singulière anomalie, le canton de 
Schaffhouse, qui se refuse à réformer son code pénal, 
parce qu'il attend tout d'un code pénal fédéral, est en 
même temps un de ceux qui travaillent le plus à rendre 
cette perspective impossible par le rétablissement de la 
peine de mort. 

C'est sur le terrain de la peine de mort que se rencon- 
treront et se mesureront les partisans et les adversaires 
de l'unification du droit pénal. Ceux-ci ont déjà pris posi- 
tion, comme on a pu le voir récemment par certains re- 
fus que nous avons dû enregistrer. Ils comprennent bien 
eux-mêmes que l'expédient qui consisterait à maintenir la 
peine de mort facultative pour les cantons ne serait pas 
digne de l'œuvre. Ils se disent que l'idée d'un code fédéral 
entraîne nécessairement l'abolition complète de cette peine. 
Aussi sont-ils résolus à combattre toute l'entreprise dès 
son début. 

Nous avons à nos portes l'exemple de l'Italie. La for- 
mation du nouveau royaume avait créé un état de choses 
anormal. Dans un pays d'ailleurs entièrement centralisé 
pour tout le reste, la peine de mort existait partout, 
sauf dans la province de Toscane, qui l'avait abolie 
bien avant la dédiction de 1859, sous le gouvernement 
des archiducs. 

L'Italie a été dotée récemment d'un nouveau code pé- 
nal. Les principaux rédacteurs de ce code, tous deux suc- 
cessivement ministres de la Justice, M. le professeur 
Mancini et M. Zanardelli, ont conclu l'un et l'autre, sans 



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Qoo^ç: 



— 34 — 

hésiter, à Tabolition de la peine de mort. Par une logique 
à laquelle nous ne saurions davantage nous soustraire^ 
c'est Topinion de la minorité abolitionniste qui a prévalu 
sur celle de la majorité; c'est la tendance de la partie la 
plus cultivée et la plus civilisée du pays, appuyée par 
tout ce que le royaume compte d'hommes distingués et 
éclairés, qui Ta emporté sur l'autre. Le parlement italien 
a suivi le gouvernement dans cette noble voie ; car, comme 
Ta dit Charles Lucas, « ce n'est pas après avoir élevé 
(c hier, aux acclamations du pays et de son roi, une 
« statue à Beccaria, sur la place de Milan, que l'Italie 
« serait venue relever l'échafaud sur celle de Florence. » 
Je combats résolument l'admission de la peine de mort, 
même à titre simplement facultatif, et je préférerais, s'il 
le fallait, voir différer l'élaboration et la mise en vigueur 
d'un code pénal suisse, plutôt que d'admettre cette brèche 
au principe le plus essentiel qui doit Hre à la base de 
notre législation. 

160 

Quelles espèces de pe\nes priifatives de la liberté 
faut-il introduire ? Est-il possible de faire correspon- 
dre chacune de ces espèces à un certain genre d'infrac- 
tions (peines qui entachent, peines qui n'entachent pas 
l'honneur, custodia honesta^ ? 

Les peines privatives ou restrictives de la liberté et les 
peines pécuniaires sont le fond de tout système pénal ; 
ce sont les peines principales. La Suisse n'a pas de colo- 
nies, elle n'a pas la ressource de la transportation. 

La conscience générale distingue toujours deux espèces 
de délinquants. La première comprend ceux qui révèlent 
ordinairement une âme perverse et corrompue. La seconde 
embrasse les délits qui peuvent avoir été commis sans 
qu'il en résulte aucune perversité intérieure de l'agent. 
De sorte que chaque système pénal doit avoir plusieurs 
espèces de détention pour correspondre à cette notion 



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— 35 — 

fondamentale. II est aussi non moins nécessaire, dans beau- 
coup de cas, puisque la culpabilité s'individualise, que le 
juge ait le choix, pour la répression du même délit, entre 
plusieurs genres de peines qui diffèrent entre eux non 
seulement par le régime de la prison, par la durée de la 
détention, mais aussi par leurs conséquences morales. 
Mieux une législation pénale donne satisfaction à ces deux 
besoins, plus elle est parfaite. 11 ne faudrait pas dès lors 
supprimer la distinction entre la réclusion et Temprison- 
nement. Cette confusion peut paraître plus commode pour 
les administrations des pénitenciers ; elle serait inadmis- 
sible en théorie et dangereuse en pratique, elle heurterait 
de front un sentiment très répandu dans le peuple, senti- 
ment juste, qu'à des actes d'une gravité très diverse doi- 
vent aussi correspondre des peines différentes. 

La réclusion doit se distinguer de l'emprisonnement 
d'abord par sa durée. La réclusion est perpétuelle ou à 
temps. La réclusion à temps doit être d'une année au 
moins et de dix-huit, vingt ou vingt-cinq ans au plus. La 
durée de l'emprisonnement doit être de quinze jours ou 
d'un mois au moins et de quatre ou cinq ans au plus. 

Ces deux peines doivent encore différer par leurs con- 
séquences légales et morales. La privation des droits civi- 
ques est toujours le corollaire de la réclusion. Elle n'est, au 
contraire, jamais prononcée comme peine accessoire de l'em- 
prisonnement, excepté dans les cas où elle est prescrite 
expressément, comme pour les usuriers de profession. Tout 
individu condamné à la peine de la réclusion doit être ex- 
clu de l'armée fédérale à vie. De même, tout réclusion- 
naire doit être réputé pendant la durée de sa peine en 
état d'interdiction légale. Ces conséquences n'existent 
pas pour le condamné qui subit un simple emprisonnement. 
Pendant son premier stage pénitentiaire, le condamné à 
la réclusion ne peut écrire ni recevoir aucune lettre, il ne 
peut recevoir aucune visite, ni faire aucune lecture. Ces 
sévérités n'existent pas à l'égard du condamné à l'empri- 
sonnement. 



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— 36 — 

Des différences doivent aussi être établies entre les deux 
peines au point de vue de l'obligation du travail et à celui 
du régime alimentaire. L'obligation de travailler est imposée 
d'une manière absolue au réclusionnaire. Elle existe aussi 
pour le condamné à l'emprisonnement, mais seulement dans 
la mesure nécessaire pour le recouvrement des frais de son 
entretien et des amendes encourues. Pendant la première 
période de la réclusion, le condamné reste toujours isolé 
en cellule. Cela n'a pas lieu pour les condamnés à l'em- 
prisonnement. — Les condamnés à la réclusion doivent 
être strictement soumis au régime pénitentiaire. Les con- 
damnés à l'emprisonnement peuvent obtenir, sur le net 
produit do h»ur travail, quelques adoucissements, dans la 
mesure lixée par les règlements, ainsi dt»s plats de viande 
supplémentaires, du lait, du fromage, du vin. J'irai même 
plus loin et j'admettrai pour des cas exceptionnels, dont 
l'appréciation doit être laissée à la prudence des direc- 
tions des pénitenciers, qu'il peut être remis aux condam- 
nés à l'emprisonnement, surtout pour cause de santé, et 
dans le but de leur procurer ces adoucissements, de pe- 
tites sommes provenant du dehors, soit de leurs revenus, 
soit d'autres sources. 

La nécessité d'adopter plusieurs genres de peines dé- 
veloppe encore une autre conséquence. Une place plus 
grande doit être réservée à la prison civile, qui n'était 
jusqu'à présent dans les cantons qu'une peine de police. 
Elle formera l'échelon le plus bas dans la gradation des 
peines privatives de la liberté. On pourra l'appliquer soit 
comme forme unique de la détention, soit comme forme 
alternative avec d'autres peines, pour des délits qui n'im- 
pliquent pas un mobile honteux de la part de leur auteur, 
et pour un certain nombre de délits légers. La prison ci- 
vile n'entraîne aucune idée de flétrissure. Plus on peut 
abaisser les degrés de la répression, plus on donne d'élas- 
ticité au ressort pénal, plus on l'assouplit, plus aussi on 
l'approprie aux innombrables variétés des infractions, aux 
nuances infinies des culpabilités relatives. La répression 



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-31 - 

n'est équitable que lorsque ses sévérités ont leur juste 
contrepoids dans sa clémence. 

Nous envisageons cette disposition comme essentielle. 
C'est à peu près la peine de la forteresse, telle qu'on la 
trouve dans les pays allemands, mais elle s'en distingue 
cependant. La peine de la forteresse est l'échelon inter- 
médiaire entre la réclusion et l'emprisonnement. Elle pa- 
raît réservée exclusivement aux personnes appartenant 
aux classes supérieures. La prison civile est la forme de 
détention la plus atténuée. Elle est d'un jour au moins et 
de six mois au plus. Elle consiste uniquement dans la pri- 
vation de la liberté. Elle n'est jamais subie dans un péni- 
tencier. Le condamné n'est pas astreint au travail et il 
peut se procurer sa nourriture à ses frais. Elle s'appli- 
quera, dans une société démocratique comme la ncHre, sans 
aucune distinction, ni préoccupation de couche sociale. — 
La prison civile ne touche pas à l'honneur, elle n'est pas 
une tache ni une humiliation, comme le sont à des degrés 
différents la réclusion et l'emprisonnement. Pour lui gar- 
der ce caractère et maintenir la ligne de démarcation, je 
propose de ne pas l'appliquer aux délits contre la pro- 
priété, qui ont presque toujours leur origine dans un sen- 
timent bas. 

La réclusion, l'emprisonnement, la prison civile, for- 
ment ainsi les divers degrés des peines de détention. Je 
crois avoir fiiit ressortir sufiisamment le caractère de cha- 
cune d'elles. L'emprisonnement est la peine intermédiaire 
entre la prison civile et la réclusion. Il est loin cependant 
de déployer toutes les conséquences de celle-ci. Nous avons 
vu combien il en dilFère à beaucoup d'égards. 11 est logi- 
que, avec un système comme celui du projet vaudois, qui 
ne prévoit que deux genres de peines de détention, la ré- 
clusion et l'emprisonnement, de n'appliquer que la réclu- 
sion aux délits contre la propriété. Avec les trois degrés 
de détention, on peut se montrer moins rigoureux et ré- 
server la réclusion, avec ses sévérités, pour les cas les 
plus graves. Au contraire, pour beaucoup de vols, l'em- 



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— 38 — 

prisonnement, avec les conséquences légales qui s'y rat- 
tachent, est une peine suffisante. De cette manière, les 
peines sont mieux graduées, elles permettent mieux au 
juge de tenir compte du degré de perversité et de corrup- 
tion que révèle Tinfraction. 11 suffit qu'il y ait une peine 
de détention qui n'est jamais applicable aux délits contre 
la propriété, la prÎMm civile, pour maintenir une limite 
suffisante entre les délits qui entachent l'honneur et ceux 
qui n'entraînent pas cette conséquence. 

A côté de ces trois degrés de la prison, il faut placer 
une peine réser\-ée pour certains délits spéciaux, l'inter- 
nement dans une maison de travail et de correction. Les 
internés jouissent d'une demi-liberté. Ils travaillent en 
plein air et subissent un régime relativement doux. Cette 
peine, dont la durée varie de six mois à trois ans, est ap- 
pliquée surtout aux vagabonds, aux mendiants, aux pros- 
tituées, aux individus coupables d'abandon de famille et 
aux ivrognes d'habitude. Elle a pour but de ramener cette 
catégorie de délinquants à des habitudes de travail et de 
vie régulière. 

170 

Y a-t-il lieu de fixer des maxinna et des mlninna? 

Un code pénal qui ne contiendrait pas de maxima serait 
un instrument absolument arbitraire. Ce serait la justice 
du cadi turc. 

Il y a deux espèces de maxima, qui toutes deux doivent 
être maintenues : les maxima généraux, inhérents à cha- 
que genre de peine, et les maxima spéciaux, applicables à 
chaque espèce de délit. 

En revanche, la tendance actuelle est de maintenir seule- 
ment les minima généraux : un an ou deux ans pour la 
réclusion, quinze jours ou un mois pour l'emprisonnement, 
un ou deux jours pour la prison civile. On ne doit pas 
pouvoir condamner à quinze jours ou à un mois de réclu- 
sion. Cela jurerait avec les conséquences rigoureuses at- 



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— 39 — 

tachées à cette peine et exclurait d'avance Tapplication 
d un système pénitentiaire normal aux réclusionnaires. 

Les minima spéciaux à chaque espèce de délits peuvent 
être avantageusement supprimés dans la plupart des cas. 
Le code établit la réclusion jusqu'à tant d'années, étant 
bien entendu qu'elle ne descendra pas au-dessous du mi- 
nimum général d'un an. 11 établit l'emprisonnement jus- 
qu'à six mois, un an, trois ans, la peine ne pouvant ce- 
pendant pas descendre au-dessous du minimum général 
d'un mois, ou de quinze jours. Il établit la prison civile, 
jusqu'à quinze jours, trois mois ou six mois, le minimum 
général étant d'un jour. La plus grande latitude est ainsi 
laissée au juge. 

Par exception, des minima spéciaux pourront être 
prévus pour certains délits particulièrement graves, par 
exemple incendie avec circonstance aggravante, réclu- 
sion de dix à quinze ans ou de quinze à vingt ans; viol 
ayant entraîné la mort, ou accompli sur une jeune fille de 
moins de quatorze ans, réclusion de cinq à vingt ans ; as- 
sassinat avec circonstances atténuantes, provocation à l'in- 
fanticide, brigandage. 

180 

Comment faut-il mesurer la durée relative des pei- 
nes les unes Kfis-à-vis des autres (question, des peines 
parallèles) ? 

Cette question est d'importance très secondaire. Je di- 
rais que, dans l'échelle des peines, un an d'emprisonne- 
ment est l'équivalent de huit mois de réclusion. J'expri- 
merais l'idée que, dans le cas où la loi laisse au juge la 
faculté de prononcer la réclusion ou l'emprisonnement, il 
devra tenir compte, en choisissant la peine, du degré de 
perv^ersité dont a fait preuve l'auteur de l'infraction. 

19'' 

Faut-il (en tenant compte des inconvénients des pei- 



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Qoo^ç: 



— 40 — 

nés courtes) élever le minimum des peines privatwes 
de la liberté ? 

D'une manière générale, il faut bien s'en garder. Au- 
tre chose est pour ce qui concerne les récidives réitérées 
de certains délits. J'ai exposé, en réponse à la question 
n" 12, le système des peines cumulatives, emprunté à la 
Cour de Justice de Glocester. 

200 

Comment régler le régime des peines privatives de la 
liberté ? Faut-il composer un système à cet égard [sys- 
tème progressif) ? 

21* 

Dans quelle mesure faut-il appliquer la cellule et 
le travail obligatoire? 

J'ai déjà répondu à ces questions sous les numéros pré- 
cédents. 

Les aggravations de régime seront-elles prononcées 
par le juge ou comme peines disciplinaires ? 

Il s'agit avant tout de savoir ce qu'on entend par ag- 
gravations de régime. Je ne pense pas qu'il puisse être ja- 
mais de la compétence du tribunal de jugement, ni de 
celle de la direction d'un pénitencier, de modifier le ré- 
gime établi par la loi, de décider par exemple qu'un indi- 
vidu condamné à l'emprisonnement sera soumis, tant au 
point de vue de l'isolement cellulaire qu'à celui du régime 
alimentaire et à celui des visites ou de la correspondance, 
à la discipline des réclusionnaires. 

Les aggravations de régime peuvent être infligées à 
titre de punitions, mais seulement pour une courte durée. 
Le détenu condamné à l'emprisonnement pourra être con- 
signé dans sa cellule pendant un certain nombre de jours ; 



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— 41 — 

il pourra être privé, aussi pour un peu de temps, des 
adoucissements de régime alimentaire que la loi auto- 
rise, et les visites pourront être supprimées pour quelques 
semaines; dans les cas graves, il pourra même être mis 
au cachot. Ce sont là autant de mesures de discipline, 
qui rentrent naturellement dans la compétence adminis- 
trative de la direction d'un pénitencier et qui doivent, au- 
tant que possible, être prises sur l'heure, si Ton veut 
qu'elles produisent un effet salutaire. Sous réserve des cas 
spéciaux prévus dans le code, pour lesquels il est permis au 
juge de prononcer dans le dispositif du jugement principal 
qu'un individu condamné à la réclusion sera mis pendant un 
temps limité au pain et à l'eau, de deux jours l'un, il serait 
étrange qu'une fois la peine commencée, un détenu fût 
sorti du pénitencier et ramené devant le juge, pour en- 
tendre prononcer par ce dernier qu'il sera consigné en 
cellule ou mis au cachot, ou que les douceurs de régime 
alimentaire lui seront supprimées. Ce serait déployer un 
appareil bien considérable, hors de proportion avec les 
mesures à prendre, et il en résulterait des retards. 

230 

Faut-il admettre la libération conditionnelle ? 

La libération provisoire a été introduite dans le canton 
de Neuchâtel par un décret du 22 octobre 1873, rendu 
sur l'initiative de M. le docteur Louis Guillaume, direc- 
teur du pénitencier. Elle a été appliquée dans un grand 
nombre de cas, non seulement à des Neuchâtelois, mais 
aussi, avec le concours des autorités de police d'autres 
cantons et d'autres pays, à des Suisses et même à des 
étrangers. Dans les premiers temps surtout, elle a pré- 
senté, des difficultés, aujourd'hui bien atténuées ; il a fallu 
lutter contre un préjugé trop répandu dans la population, 
qui ne voyait pas de bon œil ces individus rendus à une 
demi-liberté avant d'avoir complètement subi leur peine. 
Cependant les idées justes font leur chemin : on n'a pas 
tardé à comprendre que c'était non seulement une faveur 



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Qoo^ç: 



— 42 — 

accordée au condamné, mais aussi ot surtout une mesure 
de préservation pour la société. On n'a pas tardé à re- 
connaître (|ue les libérations conditionnelles anticipées 
sont moins dangereuses que la grâce, puisque, à la dififé- 
rence de celle-ci, elles sont toujours révocables si les bé- 
néficiaires, provisoirement élargis, se conduisent mal 
lorsqu'ils ont été rendus à la liberté. Il y a eu naturelle- 
ment, dans les expériences qui ont été faites, des décep- 
tions inévitabl(»s et des rechutes. Toutefois, on peut dire 
que la libération conditionnelle a donné, dans le plus grand 
nombre des cas, des résultats très sîitisfaisants. Elle a été 
un puissant stimulant de bonne conduite et d'application. 
Les détenus se sont pénétrés de la pensée qu'ils devaient 
fournir des preuves sérieuses de réforme morale et d'ap- 
titude au travail, s'ils voulaient être placés au bénéfice 
de cette législation libérale. Comment espérer, en effet, 
d'un détenu, qu'il ne retombera pas dans ses anciennes 
fautes, s'il n'a pas su, pendant qu'il était en prison, amas- 
ser un petit pécule, qui lui permette de faire face à ses 
premiers besoins, et s'il n'est pas capable de gagner hon- 
nêtement sa vie ? Le détenu se prépare, durant ce stage 
intermédiaire, au retour dans la société, il apprend à se 
surveiller lui-même, à résister aux tentations, à retremper 
son caractère. 

La libération conditionnelle ne peut pas être revendi- 
quée comme un droit ; elle n'est point une obligation, elle 
(»8t une simple faculté laissée à l'administration des pri- 
sons. A plusieurs reprises, elle a été refusée à des indi- 
vidus qui ne s'en étaient pas rendus dignes. Le détenu 
libéré conditionnellement est soumis à plusieurs restric- 
tions ; il est toujours placé sous la surveillance immédiate 
d'un patron, qui fait périodiquement rapport sur sa con- 
duite à la direction du pénitencier. L'institution officielle 
de patronage contr(Me le placement et la conduite des dé- 
tenus en état de libération provisoire. Le détenu libéré 
conditionnellement peut être réintégré dans le pénitencier 
ou la prison dont il est sorti, s'il enfreint les conditions 



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— 43 — 

sous lesquelles il a été mis en liberté, notamment s'il 
mène une vie vagabonde ou s'il ne peut fournir la preuve 
qu'il gagne sa vie d'une manière honnête, s'il se laisse 
aller à l'inconduite ou s'il fréquente dos personnes de mo- 
ralité suspecte, ou s'il s'éloigne do la circonscription ou 
du lieu qui lui a été assigné pour sa résidence. 

La libération conditionnelle est, on peut le dire, le der- 
nier terme d'un système pénitentiaire largement conçu, 
dont les diverses phases sont, d'abord, l'isolement cellu- 
laire absolu, sans travail, sans visites, ni correspon- 
dance, puis l'isolement cellulaire avec travail, comportant 
quelques adoucissements et, plus tard, le travail en com- 
mun dans l'atelier ou en plein air. « Je crois, pour ma part, 
« disait M. J. Léveillé, dans une lettre écrite au journal 
« Le TempSy à l'occasion de l'interpellation Bérenger au 
« Sénat, que l'institution des libérations anticipées est un 
« merveilleux moyen d'action sur les condamnés ; je sais 
« le parti qu'en ont tiré les Anglais; je suis d'ailleurs 
w convaincu, n'en déplaise à beaucoup, qu'il faut grandir 
« le rôle de l'administration pénitentiaire dans le gouver- 
« nement des peines. » 

Cette mesure suppose toujours un régime d'éducation 
pénitentiaire assez prolongé pour qu'on puisse en attendre 
avec quelque certitude un résultat moral. Une peine d'un 
an, par exemple, qui serait ainsi réduite à huit mois, se- 
rait trop courte pour qu'on puisse songer à obtenir en si 
peu de temps une amélioration morale un peu sérieuse du 
condamné, pour qu'il puisse donner quelque garantie et 
qu'il ait pu acquérir, ce qui lui manquait le plus ordinai- 
rement, des habitudes de travail et de vie régulière. Plu- 
sieurs législations, qui ont introduit la libération condi- 
tionnelle, ont admis une détention de dix-huit mois comme 
minimum do son application, ce qui ramène la détention 
elfective à un an. Sous cette réserve, la libération condi- 
tionnelle est applicable aux diverses peines qui atteignent 
cette durée : réclusion, emprisonnement, internement. 

Mais pour donner à cette innovation toute sa portée, il 



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-44- 

est nécessaire de l'accompagner d'une disposition qui per- 
mette de l'appliquer aux condamnés à la réclusion perpé- 
tuelle après un certain nombre d'années de détention ef- 
fectivement subie. Le projet de la commission autrichienne, 
le code pénal hongrois et les législations de plusieurs 
Etats australiens l'admettent au bout de quinze ans. Le 
code pénal de Bàle-Ville accorde celte facidté après vingt 
ans. Le canton de Neuchàtel a adopté vingt-cinq ans pour 
ne point s'écarter de l'échelle dos peines établie dans son 
code : maximum de vingt ans pour la réclusion à temps. 

Il s'agit de faire un pas de plus dans la voie ouverte 
par l'abolition de la peine de mort. Lorsqu'elle a été dé- 
crétée, on ne voyait qu'une chose, la suppression du bour- 
reau, et l'on croyait avoir tout fait en accordant aux plus 
grands criminels la grâce de la vie. Mais, pour peu qu'on 
veuille y réfléchir, on reconnaîtra que la réclusion perpé- 
tuelle, telle qu'elle est subie dans nos pénitenciers, est 
plus cruelle que la peine de mort. Il est bien vrai que les 
angoisses qui précèdent le dernier supplice sont terribles, 
que la longue incertitude sur l'issue d'un pourvoi en cas- 
sation ou d'un recours en grâce, le désespoir à l'approche 
de l'événement inexorable, les lugubres préparatifs de la 
dernière toilette, toutes ces impressions mêlées à la honte 
du crime et à l'ignominie de la condamnation sont des 
peines morales auxquelles la souffrance physique de la 
décapitation ne saurait être comparée. Il est vrai que 
l'homme est tellement attaché à la vie et l'instinct de la 
conservation si fort, qu'un condamné à mort apprendra 
toujours avec joie la commutation de sa peine en une réclu- 
sion perpétuelle. C'est de la faiblesse nerveuse, pour ne pas 
dire de la lâcheté. Pour regarder la mort en face, pour y 
marcher courageusement, il faut un noble mobile qui sou- 
tienne, une conscience pure, tout ce qui fait la force mo- 
rale de l'homme. 

La réclusion perpétuelle n'a pas ces anxiétés : elle est 
même, dans les premiers temps, assez pareille à une au- 
tre détention. Mais, à mesure que les années se succèdent, 



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^45- 

elle devient plus lourde à supporter, el d'autant plus pé- 
nible qu'elle s'éloigne davantage de l'époque dû crime. 
Le châtiment ne se fait ainsi sentir dans toute sa rigueur 
que dans un temps déjà bien éloigné de l'acte qu'il doit 
punir. 

Lorsque vingt-cinq années de réclusion se sont écou- 
lées, le condamné n'est plus le même homme ; sous l'in- 
fluence de la discipline pénitentiaire, avec l'isolement re- 
latif qu'elle comporte, il s'est formé à la longue un autre 
individu, chez lequel les passions qui l'avaient perdu se 
sont bien amorties. 11 ne faut pas arracher l'espoir au 
cœur de l'homme. Il y a, même chefc le plus perverti, une 
lueur de bons sentiments qui pourra le ramener au bien. 
Comment vouloir faire dfe l'aitiélioration pénitentiaire avec 
un détenu condamné à perpétuité ? Que dire à un homme 
dont l'avenir est ll'révocablemeht perdu fet qui ne doit 
plus voir que les quatre murs de sa cellule ? 11 restera 
toujours, itie dira-t-on, l'ahiélioration morale par l'expidtion 
et la préparation à une autrfe vie. Mais c'est de la religion 
ou de la philosophie, ce n'est plus un système pénal. L'Etat 
doit se placer à Un autre point de vue, il ne doit pas fer- 
mer à tout jamais aux détenue le retour dans la société 
libre. Lorsque l'un d'eux, fÛt-il ihême condamné à la ré- 
clusion perpétuelle, fournit des preuves sérieuses de ré- 
génération, lorsqu'une lohgue peine a été subie, lorsque 
le danger social a cessé, lorsque l'âge est peut-être Venu 
avec son cortège d'infirmités, pourquoi se montrer in- 
flexible ? 

On m'objectera la possibilité d'un i^ecours en grâce au- 
près du Grand Conseil du canton. Mais nous savons com- 
bien elle est aléatoire, combien il est difficile pour une 
gt'ande asseitiblée, qui ne voit les individus qu'à distance, 
de se former une opinion un peu sûre. Où bien le Grand 
Conseil acceptera, sans y rien changer, les préavis con- 
formes de la difectioh du pénitenciei» et dû gouvernement, 
et il deviendra en ces matières Un simple pouvoil» d'etife- 
giélr^Wenlj bU bieh 11 voûdt-a Jugëir leà chbseô pdj* lui- 




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— 46 — 

même, mais il ne pourra se livrer qu'à une enquête de sur- 
face; il s'exposera à ne pas les voir sous leur vrai jour et 
à se faire Taveuglc instrument des préjugés populaires. 
Par l'introduction de la libération conditionnelle, l'exer- 
cice du droit de grâce a changé complètement de caractère ; 
il devient nécessairement beaucoup plus restreint et pa- 
rait réservé surtout pour des cas exceptionnels, lorsque 
par exemple le verdict du jury et le jugement du tribu- 
nal, si corrects qu'ils puissent être, heurtent manifeste- 
ment le sentiment public. Ce droit doit être maintenu ; 
c'est la ressource suprême, mais il ne faut en faire usag'e 
qu'avec beaucoup de prudence, si l'on ne veut pas éner- 
ver l'action de la justice. 

Et puis, il existe une autre considération majeure qui 
doit engager à ne pas refuser absolument la libération 
conditionnelle aux condamnés à perpétuité. Nous n'avons 
pas en Suisse la transportation dans une colonie péniten- 
tiaire, avec la vie au grand air, la possibilité entrevue par 
le criminel relégué de recommencer une existence nou- 
velle dans un pays lointain, de conquérir une petite situa- 
tion par le travail et de se créer une famille. D'un autre 
C(Hé, l'expérience faite par les directeurs d'établissements 
pénitentiaires en Suisse et à l'étranger est unanime sur 
ce point que les détentions indéfiniment prolongées con- 
duisent à l'aliénation mentale. Aussi voyons-nous que pres- 
que partout on a été oblige d'en rabattre du système pcn- 
sylvanien, théoriquement juste dans sa rigueur excessive, 
mais inapplicable à la longue. Je puis en parler pertinem- 
ment; nous avons au pénitencier de Neuchâtel au moins 
trois détenus à perpétuité qui présentent des symptômes 
inquiétants d'aliénation mentale. Que faire dans ce cas 
d'un réclusionnaire à perpétuité ? Le garder au pénitencier, 
alors qu'il ne comprend plus rien aux sévérités dont il est 
l'objet et qu'il ne reste plus chez lui qu'une vie animale; 
vouloir continuer sur lui l'essai de la réforme pénitentiaire ? 
Cela serait inhumain et cela serait impossible. Les péni- 
tenciers ne sont pas des hospices, ils ne sont pas organi- 



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— 47 — 

ses pour cela. L'envoyer finir ses jours dans une maison 
d'aliénés ? On aura de la peine, tant qu'une maison spé- 
ciale n'aura pas été créée par la Confédération, à trouver 
un établissement qui veuille le recevoir et s'imposer la 
charge d'une pareille surveillance. Ce seraient de grands 
frais. Ne vaut-il pas infiniment mieux, au lieu d'en arriver 
là, entr'ouvrir la porte de la libération conditionnelle au 
condamné à perpétuité, lui donner cet objectif et lui lais- 
ser cette espérance, qui sera pendant ses longues années 
de réclusion sa préoccupation de tous les instants? 

240 

Faut-il introduire la condamnation condition- 
nelle? 

Le congrès pénitentiaire, réuni en 1890, à St-Péters- 
bourg, posait à ses membres les questions suivantes : 

« Pour quel genre d'infractions à la loi pénale, sous 
« quelles conditions et dans quelle mesure convien- 
« drait-il d'admettre dans la législation : 

« a) le système des admonitions et remontrances 
« adressées par le juge à l'auteur des faits reprochés, 
« et tenant lieu de toute condamnation ; 

« b) le mode de suspension d'une peine, soit d'a- 
ce mende, soit d'emprisonnement, ou telle autre que le 
« juge prononce, mais qu'il déclare ne pas devoir être 
« appliquée au coupable, tant qu'il n'aura pas encouru 
« de condamnation nouvelle? » 

La Belgique a, la première sur notre continent, ouvert 
la voie dans cette nouvelle direction, par sa loi du 31 mai 
1888 sur les libérations conditionnelles, dont l'article 9 
est ainsi conçu: 

« Les cours et tribunaux^ en condamnant à une ou plusieurs peines, 
« peuvent, lorsque reniprisonnement à subir, soit comme peine princi- 
« pale ou subsidiaire, soit par suite du cumul de peines principales et 
« de peines subsidiaires, ne dépasse pas six mois et que le condamné 
« n'a encouru aucune condamnation antérieure pour crime au délit, or- 



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Qoo^ç: 



-48- 

« donner par décision motivée qu*il sera sursis à l'exécution du juge- 
« ment ou de Tarrét, pendant an délai dont ils fixent la durée, à comp- 
« ter de la date du jugement ou de Tarrét, mais qui ne peut excéder 
« cinq années. 

• La condamnation sera considérée comme non avenue si, pendant 
« ce délai, le condamné n'encourt pas de condamnation nouvelle pour 
€ crime ou délit. 

« Dans le cas contraire, les peines pour lesquelles le sursis a été ac- 
« cordé et celles qui font Tobjet de la condamnation nouvelle sont ca- 
€ mulées. • 

En France, l'exemple courageux du gouvernement belge 
a porté ses fruits. Huit membres de la chambre, MM. 
Reyert, Gagneur, Bourgeoi8,VictorPoupain,Chamberland, 
Yves Guyot, Sigismond Lacroix et Colfavru, préparèrent 
une proposition de loi qui fut examinée, amendée, élargie 
par une commission spéciale; elle s'appelait « proposition 
<( tendant à donner aux tribunaux correctionnels la faculté 
« d'attribuer un caractère suspensif aux condamnations 
« prononcées par eux. » D'autre part, le sénat et la cham- 
bre votaient en 1891 la proposition Bérenger, reprodui- 
sant la même idée sous une forme plus ample : 

Loi sur l'atténuation et l'aggravation 
des peines* 

Art. *!«'. En cas de condamnation à Temprisonnement ou à l'amende, 
si rinculpé n*a pas subi de condamnation antérieure à la prison, pour 
crime et délit de droit commun, les cours ou tribunaux peuvent ordon- 
ner« par le même jugement et par décision motivée, qu*il sera sursis à 
Tezécution de la peine. Si pendant cinq ans, à dater du jugement ou de 
Tarrét, le condamné n'a encouru aucune poursuite, suivie de condam- 
nation à Temprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou dé- 
lit de droit commun, la condamnation sera comme non avenue. Dans 
le cas contraire, la première peine sera d'abord exécutée sans qu'elle 
puisse se confondre avec la seconde. 



Art. 3. Le président de la cour ou du tribunal doit, après avoir pro- 
noncé la suspension, avertir le condamné qu'en cas de nouvelles con- 
damnations dans les conditions de l'art !•', la première peine sera exé- 
cutée sans confusion possible avec la seconde, et que les peines de la 



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— 49 — 

récidive seront encourues dans les termes des art. 57 et 58 du code pé- 
nal. 

Le code pénal italien contient à Tarticle 26 les disposi- 
tions suivantes : 

a Quand la peine édictée par la loi n^excède pas un mois de déten- 
« tion ou d'arrêt, trois mois de confinement (obligation de résider dans 
« une localité déterminée) ou trois cents lires d'amende, si les circons- 
« tances atténuantes sont admises, et que le coupable n'ait jamais en- 
« couru de condamnation à la suite de délit, et n'ait pas été atteint, à 
« raison d'une contravention, d'une peine supérieure à un mois d'arrêt, 
tt le juge peut déclarer qu'à la peine par lui prononcée est substituée 
« la réprimande judiciaire. 

« La réprimande judiciaire consiste dans un avertissement approprié 
« à la situation particulière de la personne et aux circonstances du fait, 
« avertissement qu'au sujet des prescriptions de la loi violée et aux 
tt conséquences de l'infraction commise, le juge adresse au coupable en 
a audience publique. 

m Si le condamné ne se présente pas à l'audience fixée pour la répri- 
« mande, ou s'il ne la reçoit pas avec respect, la peine portée par la 
o sentence, à raison de l'infraction commise, devient applicable. » 

Ces divers systèmes se rapprochent plus ou moins du 
modèle de TEtat américain de Massachusetts, où l'insti- 
tution a pris naissance. En voici les traits principaux : 

Aucune peine n*est prononcée. La mesure peut être ap- 
pliquée à tous ceux qui Tout mérité, même alors qu'ils 
auraient subi de précédentes condamnations. Si, pendant 
la période d'épreuve fixée, le délinquant n'a pas commis 
de nouveau méfait, il est libéré de tout jugement pénal. 

Une magistrature spéciale est créée et investie des pou- 
voirs les plus étendus. Les membres de cet office doivent 
visiter les détenus en état de prévention, étudier leur ca- 
ractère, s'informer de leur position sociale, de leurs res- 
sources et de leurs antécédents, assister aux séances des 
tribunaux et donner leur avis sur Tapplication de la me- 
sure dans chaque cas particulier, s'occuper ensuite des 
délinquants laissés eh liberté pendant leur période d'é- 
preuve, leur donner du travail et, s'ils se conduisent mal, 
les ramener devant le juge pour qu'ils soient condamnés. 

4, 



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— 50 — 



,f. 



Ainsi comprise et pratiquée, cette institution parait avoir 
donné d'excellents résultats. Elle a sur les systèmes belge, 
français et italien, une supériorité incontestable ^n ce 
qu'elle n'abandonne pas les délinquants à eux-mêmes, en 
ce qu'elle les suit dans leur temps d'épreuve et les pro- 
tège dans la mesure du possible contre les rechutes. Le 
vice des autres systèmes est de laisser le condamné qui 
a obtenu un sursis sans aucun appui moral et sans au- 
cune protection. 
. *" Le régime adopté par le code pénal neuchàtelois est de 
tous ceux du continent celui qui se rapproche le plus du 
régime américain. Lorsque le coupable a fait des aveux 
complets soit devant le juge d'instruction, soit devant le 
tribunal, celui-ci peut décider, après la clôture des débats 
et le ministère public entendu, qu'il sera sursis au pro- 
noncé du jugement. — Si le tribunal a pris cette mesure, 
le coupable est réprimandé en séance publique et exhorté 
à se bien conduire. Il est placé, pour un temps fixé par 
le tribunal, mais qui ne peut dépasser trois ans, sous la 
même surveillance que les détenus libérés conditionnelle- 
ment. — S'il donne lieu, durant le temps d'épreuve, à des 
plaintes sérieuses, le Conseil d'Etat ordonne son arresta- 
tion pour qu'il soit conduit devant le tribunal et jugé. — 
Au contraire, si l'individu contre lequel les poursuites 
étaient dirigées s'est conduit d'une manière irréprochable 
pendant la durée de la surveillance sous laquelle il était 
placé, l'action publique est réputée éteinte à son égard. 
Mais, s'il vient à commettre un nouveau délit de même 
nature dans les dix ans, dès la date de sa comparution 
devant le tribunal, il sera réputé en état de récidive. 

Cependant le sursis neuchàtelois s'écarte sur deux points 
du modèle américain. Tandis qu'au Massachusetts cette 
mesure est applicable à toute espèce de délits, tandis 
qu'on ne pose dans cet Etat aucune condition d'âge ou de 
vie antérieure sans reproche, dans le canton de Neuchâtel, 
le sursis n'est applicable qu'au x délinquants âgés de moins 
de vingt-cinq ans, lorsqulls ônl fait des aveux c6m£lëTs 



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-51 - 

et lorsqu'il s'agit d'une soustracti on dont la valeur ne 
aepasse pas cent Ffancs. 

Ld uaUBU dy U61!le"'application plus timide d'une idée 
juste doit être cherchée uniquement dans la crainte de 
heurter de front le sentiment public par une innovation 
trop radicale. La mesure, appliquée seulement à des jeu-* 
nés gens, a été plus facilement acceptée que si elle avait 
été généralisée à d'autres délinquants. On n'aurait pas 
facilement consenti non plus à en accorder le bénéfice aux 
auteurs de soustractions plus considérables. 

Si le sursis au jugement a été restreint aux soustrac- 
tions s ous leurs diverses formes, vol, abus de confiance, 
escroquerie, c^ t parce que, pour ces délits, de^Leaùcoup ' 
les plus nombreux, le code pénal neuchàtelois ne permet 
pas de descendre dans l'échelle des peines jusqu'à l'ap- 
plication de la peine de la prison civile. Pour d'autres 
délits, au contraire, la prison civile peut être appliquée 
dans les cas les moins graves ou lorsque le juge admet 
l'existence de circonstances atténuantes. 

Les rédacteurs du code pénal suisse verront s'ils peu- 
vent aller plus loin que ne l'a fait le canton de Neuchàtel. 
Il ne faut pas oublier que celui-ci était le premier en 
Suisse à tenter cet essai. Peut-être que d'ici à quelques 
années l'opinion publique se sera mieux familiarisée avec 
cette nouvelle institution. Je le souhaite. M. Seuffert, 
l'un des présidents du congrès criminaliste de Berne, 
m'écrivait l'année dernière pour me citer deux exemples 
où le sursis à l'exécution du jugement avait été accordé 
d'une manière très judicieuse pour des cas auxquels il n'au- 
rait pas été applicable avec les dispositions du code pénal 
neuchàtelois. 

La pensée qui a présidé à cette innovation législative 
dans les divers pays qui Tout introduite a été de ramener 
au bien les coupables, de rendre à la société, non des 
malfaiteurs qui ont subi leur peine, mais des membres 
égarés qui désirent se réhabiliter de leurs fautes et qui 
auront été affranchis des contacts malsains de la prison. 



M, 



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Qoo^z 



— 52 — 

Au lieu d'envoyer le délinquant au pénitencier, le juge lui 
dit : Allez et ne péchez plus, et le malheureux, s'il a encore 
ai; cœur des sentiments d'honneur, cherche à se relever 
par son activité et sa loyauté. 

Je ne partage pas les impressions d'un pessimisme qui 
me semble excessif. Je ne crois pas que tout soit mauvais 
dans nos institutions pénales et qu'en particulier la prison 
ne conduise qu'à des résultats négatifs, à des effets délé- 
tères, soit qu'elle doive être subie dans l'isolement, soit 
qu'elle impose une promiscuité fâcheuse. 11 n'est pas exact 
que le système actuel des peines soit inefficace. J'ai foi dans 
les succès d'un régime pénitentiaire largement conçu et 
appliqué d'une manière pratique, avec tout le discerne- 
ment voulu, par des hommes dévoués à leur tache. Je crois 
à l'efficacité de la libération conditionnelle et à celle du 
patronage des détenus libérés. J'en ai des exemples vi- 
vants sous les yeux. Je sais en particulier que dans le 
canton de Neuchâtel, bien que les instruments de la jus- 
tice pénale se soient perfectionnés et affinés, les condamna- 
tions ont diminué dans une mesure considérable depuis un 
certain nombre d'années, et cela malgré les crises inten- 
ses qu'ont traversées notre industrie et notre agriculture. 
Je constate notamment que le nombre des récidives va en 
s'abaissant et que ce progrès s'accusera toujours davan- 
tage avec l'introduction des peines cumulatives. Aussi 
n'irai-je pas jusqu'à dire que la condamnation condition- 
nelle doit être accueillie avec d'autant plus d'empresse- 
ment que le régime des peines actuelles s'est montré in- 
suffisant et mauvais. Ce serait aller trop loin. Il faut con- 
sidérer les systèmes de répression comme indéfiniment 
perfectibles ; il ne faut pas vouloir rejeter tout ce qui a 
été fait jusqu'à présent. Le sursis au jugement doit être 
envisagé comme un nouveau moyen pouvant contribuer 
avec les autres à la réalisation du but final de la répres- 
sion pénale, qui est l'augmentation de la sécurité sociale 
et la régénération des coupables. 



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— 53 — 
250 

Faut-il établir des peines à durée indéterminée ? 

26* 

La peine fixée par le juge pourra-t-elle être prolon- 
pendant la période d'exécution ? 

Ces deux questions n'en font qu'une, ou plutôt c'est la 
'même idée reproduite sous deux forgies différentes. Le 
sujet vient d'être traité d'une manière très distinguée dans 
la Revue pénale suisse par M. le professeur Alfred Gau- 
tier, ce qui me permettra d'être relativement bref. 

M. Gautier se borne à exposer l'idée, puis à dévelop- 
per de la manière la plus intéressante les arguments de 
ses partisans et ceux de ses adversaires ; il ne conclut pas. 

Il commence par dire que la routine actuelle de nos 
juges a pu prêter à des comparaisons peu flatteuses. 

« Des doutes se sont élevés. Le législateur ne ferait-il 
« pas mieux de se borner à dresser le catalogue des actes 
« punissables, quitte à s'en rapporter à d'autres du soin 
« de déterminer la nature et surtout la durée de la peine ? 
« Le juge peut-il puiser au début des renseignements suf- 
« fisants sur la culpabilité individuelle, et ne devrait-il 
« pas se contenter d'examiner si les conditions légales 
« d'incrimination sont réalisées ? Enfin et par conséquent, 
« n'est-ce pas pendant la période d'exécution seulement 
« que la mesure de la peine peut être le plus exactement 
« calculée, et ne faut-il pas dès lors créer des autorités 
« de surveillance investies de ces compétences nouvelles? 
« Tels sont quelques-uns des principaux points d'interro- 
« gation posés, ainsi peut se résumera grands traits cette 
« question si complexe de la peine indéterminée, qui tou- 
« che, on le voit, à toutes les phases du problème pénal. » 

La fonction consistant à déterminer la durée de la peine 
serait remise à une commission de cinq membres, formée 
du directeur du pénitencier, de deux juristes et de deux 
laïques recrutés dans les sociétés de patronage. 



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Qoo^ç: 



— 54 — 

Le criminel n'est plus traité comme un être responsable 
et conscient, mais comme Test un aliéné, qui ne doit pas 
sortir de la maison de santé avant d'être guéri. Le jug« 
est remplacé par le spécialiste. 

a Ce système est nécessaire, dit-on, parce que, s'il est 
(c présomptueux de prétendre doser la culpabilité, il est 
(( matériellement impossible d'apprécier par avance l'effet 
(( de la répression sur le condamné. Si le rapport entre la 
« culpabilité et la répression ne peut être trouvé que dans 
« une phase postérieure au jugement, il parait conforme 
« à la justice d'attendre cette phase avant de donner à ia 
(( peine sa forme définitive. L'expiation parfaite consiste- 
« rait à déterminer le moment précis où l'on doit dire : 
« C'est assez ! Et ce mot-là, ce n'est pas le juge qui peut 
<c le prononcer. » 

Voilà h régime des peines indéterminées suffisamment 
esquissé pour qu'on puisse s'en rendre compte. Celui de 
la prolongation de la peine dérive de la même notion et 
en diffère peu. 

Jusqu'à ces derniers temps, l'exécution des peines était 
reléguée à l'arrière-plan et laissée dans l'ombre. L'auto- 
rité du juge, l'importance de sa fonction, la solennité du 
jugement, étaient mises particulièrement en relief. Avec 
la nouvelle théorie, l'exécution des peines devient le prin- 
cipal, le jugement n'est plus qu'un accessoire, une me- 
sure provisionnelle sans caractère définitif. Le juge d'ins- 
truction qui a dirigé l'enquête, le procureur général qui 
a soutenu l'accusation, le président de la cour d'assises, 
s'effacent devant le directeur du pénitencier, le seul arbi- 
tre de la situation, entre les mains duquel se concentrent 
tous les pouvoirs. L'élément juridique est asservi à l'élé- 
ment administratif, la justice n'est plus la justice, elle est 
un simple dicastère gouvernemental, comme les ponts et 
chaussées ou l'assistance publique ; elle est la très humble 
çamériste 4e Tadmipistra^iop des prisons. 



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— 55 — 

Suivons la pensée dans ses développements. L'appli- 
cation des peines indéterminées ou la prolongation de 
la peine doivent être réservées évidemment pour les délits 
les plus graves ; car une détention prolongée peut seule 
permettre à l'autorité pénitentiaire de se rendre compte du 
moment où un condamné est régénéré et mérite d'obtenir 
son billet de sortie. 

Mais alors un des principaux inconvénients du système 
consistera dans sa cruauté. Il ajoute à une pénalité déjà 
lourde, aux rigueurs d'un régime sévère, à une détention 
nécessairement longue, le pire des maux, l'incertitude. 
C'est un raffinement de supplice que n'eussent pas dédai- 
gné les tortionnaires les plus réputés. Edmond About ra- 
conte dans la Question romaine que, sous la Rome pon- 
tificale, les condamnés à mort étaient laissés pendant des 
mois, des années même, dans leur cachot, ignorants du 
sort qui les attendait, et qu'ils pouvaient se croire oubliés, 
lorsqu'un beau matin le bourreau venait les prendre et les 
pendre. Il cite avec raison ce trait comme le comble d'une 
mauvaise administration de la justice. Toutes proportions 
gardées, le système des peines indéterminées et celui de 
la prolongation des peines ne valent guère mieux. 

« Sternau dénonce avec une grande énergie les dangers 
« que le système nouveau ferait, selon lui, courir à la li- 
« berté individuelle. Nous perdrions de gaîté de cœur le 
« palladium des citoyens, la garantie d'une décision judi- 
« ciaire qui fixe quand et pour combien de temps l'accusé 
« doit être privé de la liberté. Nous mettrions ce bien, 
« précieux entre tous, à la merci de l'administration re- 
(c présentée par ses agents les plus infimes, les employés 
« pénitentiaires d'ordre inférieur. » 

Le principal argument que l'on fait valoir en faveur des 
peines indéterminées consiste dans l'impossibilité pour le 
juge de se rendre compte, à l'occasion d'un acte concret, 
du degré de perversité de l'agent. Mais l'autorité admi- 
nistrative, qui serait chargée de mesurer la durée de la 
peine, agirait-elle avec une certitude beaucoup plus grande ? 



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— 56 — 

A-t-on fait le compte de la dissimulation, de Thypocrisie, 
qui sont le lot ordinaire des criminels les plus abjects ? 
Même abstraction faite de ce danger, contre lequel ceux 
qui s'occupent des institutions pénitentiaires ont à lutter 
sans cesse, il y a, au point de vue des rechutes possibles, 
une très grande différence entre le prisonnier enfermé 
dans un pénitencier et le même individu lorsqu'il a fait 
retour à la vie libre. Avec la surveillance dont il est en- 
touré et la discipline à laquelle il est soumis, le détenu 
peut, sans trop de difficulté, pratiquer la vertu ; les occa- 
sions de faillir lui manquent. « Supposons, dit le profes- 
se seur Zucker, de Prague, qu'en signant l'exeat l'autorité 
« de surveillance ait touché juste, le coupable s'est amen- 
ée dé, il a pris la résolution ferme de bien vivre. Soit, 
« mais pourra-t-il la tenir lorsqu'il se verra aux prises 
« avec les besoins et les tentations de la vie libre ? Ceux 
« qui décernent un brevet d'amendement au coupable in- 
« carcéré ne peuvent calculer sa force de résistance con- 
« tre ces tentations auxquelles pour l'instant il n'est pas 
« en butte. Autre chose est de promettre monts et mer- 
« veilles quand on a le vivre et le couvert assurés, autre 
« chose de se maintenir ferme quand il faut pour cela des 
« efforts énergiques. » 

Je crois avoir acquis une certaine somme d'expérience 
de la vie des prisons depuis vingt ans et plus que je m'en 
occupe. Il y règne toujours par la force des choses un 
certain arbitraire, même chez les fonctionnaires les mieux 
pondérés et les meilleurs. Je ne mets pas en doute le sin- 
cère désir des chefs des pénitenciers et des agents placés 
sous leurs ordres de se montrer en toutes choses droits 
et impartiaux. Mais ce sont des hommes comme nous, su- 
jets à l'erreur, à la faiblesse, aux préventions. Il faut faire 
la part des impressions inconscientes ou involontaires. 
Pendant la durée de ce contact prolongé des détenus avec 
ceux sous l'autorité desquels ils sont placés, il se forme 
des sympathies et des antipathies. Nous y serions que 
nous ne ferions pas mieux. Certains détenus se présen- 



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— 57 — 

tenl bien, ils ont un visage et une expression de physio- 
nomie qui préviennent en leur faveur, ils se soumettent 
avec la plus grande docilité aux règles de la maison, ils 
sont doux, prévenants, respectueux et corrects. Ils ont eu 
le temps d'étudier à loisir le caractère de leurs gardiens et 
des chefs supérieurs. Ils savent sur le bout du doigt ce 
qu'il faut leur dire et comment il faut leur parler. Ils en 
arrivent même, et c'est le triomphe du genre, à paraître 
s'associer à l'œuvre de la réforme pénitentiaire, ils s'ex- 
priment à ce sujet en termes émus. Ce sera le moment 
psychologique où ils seront jugés mûrs pour la liberté. 
Les plus forts s'y laissent prendre. Les directeurs et les 
organes administratifs chargés de prononcer sur leur sort 
les libéreront d'autant plus volontiers qu'ils seront arri- 
vés à les envisager comme des apôtres qui, rendus à la 
vie libre, s'en iront partout répandre la Bonne Nouvelle.. 
Est-ce à dire qu'ils seront véritablement régénérés ? D'au- 
tres natures sont plus ombrageuses, plus sauvages, plus 
intraitables, elles ne savent pas dissimuler et se plient mal 
au régime de la prison. Capables de travailler et travail- 
leurs acharnés dans la vie libre, ceux-là sont exaspérés 
par la détention, ils prennent le travail en dégoût et se 
rendent désagréables à leurs surveillants. L'irritation de- 
vient réciproque. Ils sont comme certains fauves des mé- 
nageries, dans la cage desquels les dompteurs ne pénètrent 
jamais. Cependant ces individus ne sont pas nécessaire- 
ment les plus corrompus et les plus mauvais. Ils se recru- 
tent fréquemment parmi les auteurs de crimes passionnels, 
qui ne sont pas gangrenés jusqu'aux moelles de vices et 
d'immoralité. Ceux-là évidemment ne seront pas de sitôt 
jugés dignes de rentrer dans la société libre. Est-on bien 
certain toutefois qu'ils soient plus dangereux que les 
détenus modèles de la première catégorie? 

Disons-nous qu'il n'y a rien d'absolu. Les meilleures cho- 
ses se perdent par l'exagération. Je suis très partisan de la 
réforme qui donne à l'exécution des peines une importance 
considérable, je crois à l'influence salutaire des directeurs 



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58 — 




des pénitenciers. C'est surtout en parlant d'eux qu'on peut 
dire : tant vaut l'homme, tant vaut l'institution. Mais on doit 
laisser à chacun son nSle naturel. L'appréciation faite par 
les juges de tous les éléments dont il faut tenir compte 
pour mesurer une condamnation est certainement impar- 
faite et imcomplète, comme tout j^igement humain. Il n'en 
est pas moins vrai que ces magistrats présentent la plus 
haute garantie d'impartialité, précisément parce qu'ils n'ont 
pas vécu avec les coupables et qu'ils prononcent sur le 
fait concret soumis à leur jugement, sans prétendre s'être 
formé une opinion sur le caractère général des individus. 
Vouloir juger les caractères, et c'est à cela en définitive 
qu'aboutissent les peines indéterminées, ce serait dépas- 
ser la fonction de répression pénale dont l'autorité publi- 
que est investie. Cette prétention est en elle-même souve- 
rainement arbitraire et souverainement injuste. L'homme 
n'est pas punissable en raison des penchants plus ou 
moins mauvais, plus ou moins dangereux qu'il a appor- 
tés en naissant ou qui se sont développés en lui, de même 
qu'il n'a aucun mérite d'être né avec un caractère plus 
vertueux, ou moins impressionnable, ou moins passionné. 
D'autre part, les membres de l'autorité administrative 
à laquelle serait délégué le pouvoir exorbitant de fixer 
après coup la durée de la peine ou de prolonger la peine 
ordonnée par les juges, ne verraient guère les choses 
par leurs propres yeux, et le directeur du pénitencier 
lui-même, absorbé par d'autres soins, devrait s'en rappor- 
ter la plupart du temps au préavis de ses subordonnés. 



En résumé , je repousse d e toutes mes for ces le sy 
ème des peines indéterminées et celui de la prolongatii 



s- 



pemes 



la prolongation 

facultative des peines. Je condamne, comme ne répondant 
pas a la réalité nTïTa vérité, l'assimilation qu'on veut éta- 
blir entre les délinquants conscients de leurs actes et de 
leur situation et des aliénés irresponsables. 

M. Alfred Gautier cite dans son remarquable travail 
l'exemple du Reformatory d'Elmina (New- York), établis- 
sement exclusivemeqt réservé aux jeunes malfaiteurs. Res- 



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— 59 — 

treinte aux coupables de cet âge, rinstitution des peines 
indéterminées s'explique déjà mieux, parce que pour eux 
il s'agit moins d'une punition proprement dite que d'une 
éducation à refaire. A ce point de vue plus restreint, nous 
n'aurions rien à ajouter aux dispositions existantes. Déjà 
maintenant, la plupart des codes de nos cantons chargent 
le pouvoir exécutif de placer dans une maison de correc- 
tion ou de discipline les jeunes délinquants qui lui sont 
renvoyés par les tribunaux. La seule restriction apportée à 
cette mesure consiste à dire que la durée de l'internement 
ne doit pas dépasser l'âge de la majorité; mais, dans ces 
limites, il ne lui est assigné aucun terme. 

27» 

Faut'il conserver la peine du bannissement ? 

J'envisage que le bannissement et l'expulsion par sen- 
tence judiciaire doivent être écartés, en application de 
l'article 45 de la constitution fédérale, qui admet seule- 
ment le refus ou le retrait d'établissement. L'expulsion 
administrative par les autorités de police contre les gens 
sans aveu, les vagabonds, les mendiants, les prostituées 
et les individus dont le casier judiciaire est chargé doit 
être naturellement réser^^ée. 

Le bannissement par sentence judiciaire est une peine 
qui rappelle le moyen âge et qui ne cadre plus avec l'en- 
semble de nos institutions. Il pouvait avoir sa raison 
d'être à une époque où l'on n'avait pas des prisons orga- 
nisées comme elles le sont aujourd'hui. 

La plupart des codifications modernes ont supprimé le 
bannissement. 

28« 

Dans quel cas l'amende doit-elle être prononcée? 

29« 

Comment poursuivre la rentrée des amendes ? 
Que faire quand le condamné ne pale pas ? 



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Qoo^ç: 



— 60 — 

L'amende, telle qu'elle a été pratiquée jusqu'à présent, 
a deux vices, qui tiennent à sa nature : elle est inégale, 
car elle frappe autrement le pauvre que le riche; elle est 
souvent inellicace, car elle ne peut s'exécuter sur l'insol- 
vable. 

Pour parer à ce double inconvénient, le juge doit tenir 
compte de la position de fortune de l'accusé. Il est déri- 
soire, lorsqu'on applique une peine pécuniaire, de la fixer 
au même chiffre pour un millionnaire que pour un journa- 
lier; c'est bien ici le cas de dire que la peine doit s'indi- 
vidualiser si l'on veut éviter qu'elle ne soit méprisée par 
celui auquel elle s'applique ou qu'elle ne devienne une 
criante injustice. 

Dans le but d obvier à l'autre défaut signalé, il con- 
viendrait d'introduire dans le code pénal l'obligation du 
travail pour ceux dont l'amende, faute de recouvrement, 
est convertie en une détention. Il y a des individus, mal- 
heureusement trop nombreux, qui se font condamner à 
l'amende, ne paient jamais, alors même qu'ils le pour- 
raient, et encombrent nos prisons, où il faut les nourrir 
aux frais de l'Etat. Les mêmes délinquants reviennent 
trois fois, quatre fois, dans le cours d'une seule année. 
L'oisiveté de l'incarcération n'est pas faite pour leur dé- 
plaire ; ils trouvent un malin plaisir à penser qu'ils sont une 
cause permanente d'ennui pour l'autorité publique et qu'elle 
est impuissante à les punir sérieusement ; ils narguent les 
juges, les gendarmes et les geôliers. Lorsqu'ils se verront 
obligés de travailler, de gagner leur entretien, s'ils ne 
veident être privés de leurs repas, ils mettront la sour- 
dine à leurs bravades et ils finiront par trouver que la 
peine dépasse l'agrément. 

On pourrait ajouter à la détention avec travail obligatoire 
dans l'intérieur de la prison la faculté de remplacer cette 
contrainte» par des travaux en plein air, exécutés soit pour 
le compte de l'bltat, soit pour celui d'une commune, soit 
pour une institution publique. C'est la corvée, telle qu'elle 
est imposée dans quelques cantons aux individus qui n'ont 



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— 61 — 

pas acquitté leur taxe militaire. On est souvent embar- 
rassé dans rintérieur d'une prison pour occuper d'une 
manière quelque peu lucrative ceux qui sont condamnés à 
de courtes détentions. On trouvera plus facilement, au 
contraire, des travaux qui peuvent être exécutés en plein 
air, ne serait-ce que la préparation du gravier pour les 
routes, sous la surveillance dos cantonniers. 

C'est la tendance générale des codes les plus modernes 
de faire une part beaucoup plus large (lue précédemment 
aux peines pécuniaires. Je ne parlerai pas des contraven- 
tions, pour la plupart desquelles c'est la peine principale, 
sinon unique, puisqu'elles doivent être tenues en dehors 
du code pénal. Mais il y a certains délits, commis dans 
un but d( ^ lucre, tels que la vente d e subst ances^ aliment 
laires falsifiées ou corrompues, le recel, le proxénétisme, 
rûsïïreTqûî'ne peiivciit êii*c'e(ricacement et juJIcieusemont 
réprimes que par de fortes amendes jointes à une peine 
de détention. Les auteurs de ces délftS UU '«Ont pas sans 
ressources ; quelques-uns même sont riches ; il faut les 
atteindre par le coté qui leur est le plus sensible. 
Des amendes très élevées auront pour effet d'intimi- 
der ceux qu'on a justement surnommés les capitalis tes du 
crime, les receleurs. Quand ils auront été pris deux ou 
trois lois, ils" se diront qu'il est encore plus avantageux 
de faire un métier honnête. Pour d'autres délits, comme le 
duel, l'amende portée à un chiffre élevé parait aussi la 
peme la mieux appropriée. C'est en général dans la cl asse 
aisée, parmi les gens d'une certaine éducation et June 
■certaine position sociale, que se recrutent les acteurs d'un 
duel. En allant sur le terrain, ils sacrifient au noble pré- 
jugé du milieu dans lequel ils vivent. Il est juste de les 
atteindre dans la chose qui leur attire particulièrement la 
considération, dans leur argent. 

J'indiquerais encore, comme devant être punis de fortes 
amendes, les délits suivants : 

La dégradation de monuments et d'édifices publics, la 
d^Btraction d'installations servant à Téclairagé au gaz ou 



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— 62 — 

à la lumière électrique, commises par vandalisme ou par 
véîigeance ; — 

La publication de faux bilans par les chefs d'une raai- 
soh de commerce ou d*une société anonyme ; 

La propagation de fausses nouvelles dans le ^ut de 
produire la liâiisse ou la baisse de fonds publics et va- 
leurs el de "se procurer ainsi* un bénéfice illicite. 

Une autre raison doit nous engager à entrer dans 
cette voie. Si Ton voulait se contenter de faibles amendes 
pour des gens riches ou du moins fort aisés, il faudrait 
augmenter d'autant plus les peines de détention qui leur 
sont appliquées. Cependant, on est obligé de tenir compte 
dans Téchelle des peines de la gravité relative des in- 
fractions : on ne peut pas appliquer à un usurier ou à un 
receleur une peine de détention aussi forte qu'à un meur- 
trier ou à un brigand de g^and chemin. 

Le code zuricois établit pour les amendes un maximum 
de fr. 15,000, le projet vaudois va jusqu'à fr. 20,000, le 
projet de la commission autrichienne l'élève pour certains 
délits à fr. 13,000. — Le code des Pays-Bas et le code 
allemand ne fixent pas de maximum général. Le code 
italien fixe un maximum de fr. 10,000. Un savant profes- 
seur zuricois, auquel j'avais demandé son avis, il y a 
quelques années, trouvait la limite de fr. 15,000 trop 
basse et aurait préféré la disposition de l'ancien droit ro- 
main, d'après laquelle l'amende ne devait pas dépa sser la 
moitié de la fortune du condamné. « L'amende, disait-il, 
« doit toujours conserver le caractère d'une peine ne me- 
« naçant pas toute l'existence civile de celui auquel elle 
« est appliquée, mais elle doit cependant donner au juge 
« la possibilité d'infliger un mal sensible au délinquant. 
« Par une somme fixe, on n'est pas toujours sûr d'attein- 
te dre le but. » 

Cette opinion peut être théoriquement juste, mais on 
accepterait diflicilement en Suisse la notion d'une amende 
pouvant s'élever indéfiniment; on veut savoir à quoi s'en 
tenir sur l'étendue possible d'une peine. La moitié de la 



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— 63 — 

fortune d'un particulier n'est pas facile à établir dans un 
pays qui n'a pas dans tous ses cantons l'inventaire juri- 
dique au décès. L'inconvénient est le même avec le code 
de Portugal, dont l'article 67 prend pour base, pour la 
fixation des amendes, le revenu moyen du condamné dans 
les trois dernières années. C'est une règle de proportion 
fort aléatoire. Faudrait-il surseoir au jugement pour faire 
une enquête sur la fortune de l'accusé ? 

Quoi qu'il en soit, il y aura une transition à ménager 
avec le régime actuel. Jusqu'ici l'amende était presque 
toujours une peine légère sans aucune corrélation avec 
les ressources de celui auquel elle était appliquée. Il faut 
éviter, d'un autre côté, qu'elle ne prenne l'apparence 
d'une confiscation et n'entraîne la ruine, non seulement 
du condamné, mais de toute sa famille. C'est pourquoi 
il conviendrait d'introduire une disposition à laquelle 
MM. de Holtzendorff et Brusa ont donné leur plein assen- 
timent et que je formulerais ainsi : 

« La poursuite pour le recouvrement de l'amende doit 
« être abandonnée, lorsqu'elle aurait pour résultat de dé- 
« pouiller la veuve du condamné, ou ses héritiers en ligne 
« directe ascendante ou descendante, des choses les plus 
« nécessaires à leur entretien. » 

Faul'il conserver la privation des droits civiques 
à titre de peine ? 

Il serait difficile d'établir une différence suffisante entre 
la réclusion et l'emprisonnement, si la privation des droits 
civiques n'était pas maintenue. Il n'y a rien que de très 
moral dans ce genre de peine qui touche l'homme par un 
de ses côtés les plus sensibles, dans le sentiment de son 
honneur, de son amour-propre, de son esprit d'égalité. Il 
n'y a rien d'excessif à priver l'auteur d'un délit g^ave de 
l'exercice de toute fonction ou de tout office public, à le 
priver de tous les droits politiques, à le déclarer incapa- 
ble d'être juré, expert ou témoin dans des actes publics, 



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Qoo^ç: 



— 64 — 

d*étre tuteur ou curateur, à le priver du droit de servir 
dans l'armée. La peine n'est pas ineflîcace, bien qu'elle 
atteigne d'une manière souvent fort inégale les condamnés. 
Mais c'est une des supériorités d'un système pénal de 
n'être pas réduit à un seul mode de pénalité. Les védas 
de l'Inde, qui étaient à la fois un traité de religion et un 
code, avaient comme peine principale la dégradation de 
caste. Un homme avait-il commis un délit d'une certaine 
gravité, il était sorti par jugement de la caste supérieure 
à laquelle il appartenait et relégué dans une caste infé- 
rieure. Il pouvait môme être chassé de toute caste et de- 
venait un paria. Cette peine, appliquée pendant des mil- 
liers d'années, produisait un effet d'intimidation aussi 
grand que de longues détentions. 

Mais le remède à la privation des droits civiques doit 
se trouver dans la réhabilitation. Bien qu'elle appartienne 
à proprement parler à la procédure, il est impossible de 
créer im système pénal complet sans la régler d'une 
manière uniforme. 

La procédure et l'organisation judiciaire devront pour 
le moment rester cantonales, mais il ne faudrait pas s'i- 
maginer qu'elles pourront sortir complètement intactes de 
ce débat. Par la force des choses, le code fédéral devra 
attirer à lui, même dans ce domaine, un certain nombre 
de compétences et faire brèche à la souveraineté législa- 
tive des cantons. 



310 



Faut'U introduire le système de la caution (Friedens- 
biïrgschaft) ? "^ 

Un a vu, sous n** 24, à propos de la condamnation con- 
ditionnelle, les circonstances dans lesquelles la réprimande 
judiciaire est substituée au jugement par l'article 26 du 
code italien. Ces dispositions sont complétées par l'arti- 
cle 27, ainsi conçu ; 



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Qoo^ç: 



^65- 

a t)ans le cas prévu à rarticle précédent, le condamné doit s^obligei* 
« personnellement, et, lorsque le juge Testime opportun, même avec le 
« concours de plusieurs cautions idoines et solidaires, à payer une 
« somme déterminée, à titre d'amende, au cas où, dans un délai fixé 
tt par la sentence, délai non supérieur à deux ans quant aux délits et à 
tt un an relativement aux contraventions, le condamné commettrait une 
tt autre infraction, sauf l'application, à raison de la nouvelle infraction, 
a de la peine édictée par la loi. 

tt II appartient au juge de statuer sur Tidonéité de la caution. 

a Si le condamné ne se soumet pas à Tobligation précitée ou ne pré- 
« sente pas de cautions idoines, la peine portée dans la sentence, à 
« raison de Tinfraction commise, devient applicable. » 

L'Angleterre pratique Tadmonition, combinée avec le 
système des fidéjusseurs qui sont cautiones de non of- 
fendendo et de bene vwendo, La fidéjussion fait Tobjet 
des plus anciennes lois anglo-saxonnes, des coutumes 
françaises et des statuts italiens. Aux Etats-Unis, elle se 
présente même avec un caractère tout spécial, comme une 
mesure destinée à prévenir les méfaits. De même en Da- 
nemark. 

Je ne crois pas qu'on puisse l'appliquer à toute espèce 
de délits, même dans les limites restreintes fixées peur le 
code italien, savoir une peine ne dépassant pas un mois de 
détention ou 300 francs d'amende, lorsqu'il n'y a pas eu de 
condamnation antérieure pour un délit ou lorsque la con- 
damnation antérieure pour une contravention n'a pas été 
supérieure à un mois d'arrêt. 

En revanche, il me parait que le système de la caution 
pourrait être utilement appliqué pour les coups et blessu- 
res, les rixes et batte ries, le s m^aces et les^'acles réitérés ' 
dé désordre public, même lorsque des condamnations anté- 
Tteïïrés âïïraîént'dépassé un mois d'emprisonnement. Cette 
condition du cautionnement fourni par des tiers pourrait aussi 
être recommandée aux autorités de police, pour les délits 
de ce genre, lorsqu'un individu étranger au canton, expulsé 
par mesure administrative, obtient un sauf-conduit qui lui 
permet de résider sur le territoire sous la promesse de ne 
plus troubler l'ordre public. 

5. 



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Qoo^ç: 



— 66 — 

Le projet d'une novelle au code pénal allemand donne 
au système de la caution la forme suivante : 

Celui auquel le cautionnement est imposé doit avoir été 
déjà condamné pour Tun des délits suivants: 1) menaces 
contre la sûreté personnelle des citoyens ou contre la sû- 
reté générale; provocation en duel; provocation à la ré- 
sistance à l'autorité publique ou à des actes punissables ; 
— 2) lésions corporelles, dommages aux propriétés, at- 
teintes à la paix publique : — 3) offre de faire des mena- 
ces, tentative de diverses espèces de délits. — Le caution- 
nement a pour but d'empêcher que le délit tenté ne soit 
consommé, ou que le délit consommé ne soit renouvelé. 
Le cautionnement peut être ordonné, à côté de la peine 
de détention ou de Tamende, jusqu'à concurrence de 30 à 
3,000 marks, pour une durét» d'un mois jusqu'à un an. Il 
est effectué par un dépôt en argent comptant, par la re- 
mise d'un nantissement ou par l'engagement d'un tiers. 
11 cesse à l'expiration du délai lixé; il est, au contraire, 
ac(piis à l'Etat, si le condamné retomba» en faute. 

Le savant traité publié par AL I L Pf(*nninger, profes- 
seur de droit à l'université de Zuricli, dus :>trajreclil der 
Sch^veiZy contient une dissertation sur la Frledensbiïrg- 
scliafl. Il signale dans le projet allcnnand plusieurs défauts. 
On ne sait pas, avec ce système, si le cautionnement est 
une m(»sure préventive ou une peine. Son application a le 
tort d'être restreinte aux cas d(î condamnations encourues 
pour certains délits. Le système assure d'une manière in- 
suffisante contre l'exécution des menaces ou la répétition 
du délit consommé. Les sûretés exigées, dépôt effectué en 
argent ou en valeurs, ou engagement par des tiers, laissent 
à désirer. Le système se complique encore d'une détention 
éventuelle et n'est applicable qu(î sur la proposition du 
ministère public. Enfin, il s'étend aux délits contre la sûreté 
de l'Etat. 

M. Pfenninger fait ressortir qu'historiquement la Frie- 
densbûrgscha/î a une origine éminemment suisse. Des 
écrivains qui se sont occu[)és du développement de nos 



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-67- 

institutions politiques et juridiques, Osenbrûggen, Seges- 
ser, Blumer, y ont attaché une grande valeur. Le caution- 
nement existait en Suisse depuis des siècles, qu'il n'avait 
pas encore pénétré en Allemagne. 

Le cautionnement est une mesure purement préventive 
contre l'accomplissement ou le retour d'actes déterminés. 

11 se restreint aux actes de violence et de désordre pu- 
blic, il a particulièrement pour but d'empêcher l'assouvis- 
sement des haines de famille. On ne saurait l'appliquer à 
toute espèce de délits, par exemple au vol et à l'escroque- 
rie ; on ne peut pas demander à un individu de prendre 
l'engagement de ne plus voler ou de ne plus commettre de 
fraude. Ce qui doit être à la base du cautionnement, 
comme dans l'ancien droit, c'est l'engagement solennel 
que prend le coupable de ne pas retomber. On admet avec 
raison que l'individu qui ne se ferait aucun scrupule de 
manquer à ses promesses envers l'autorité publique, y re- 
gardera à deux fois lorsqu'il s'agira d'exposer ses parents 
ou ses amis à une perte d'argent, et de passer à leurs 
yeux pour un homme sans parole. 

Je ne puis pas suivre M. Pfenninger dans tous ses dé- 
veloppements, mais il était difficile de parler du rétablis- 
sement du cautionnement fidéjusseur dans notre pays, 
sans mentionner au moins cet important ouvrage. 

320 

FauL-il assurer par des dispositions spéciales de la 
loi la réparation du préjudice causé par l'infraction ? 

J'avoue ne pas comprendre entièrement la portée de 
cette question. 

S'agirait-il d'accorder le bénéfice de mesures provision- 
nelles à tous ceux qui se s'oril'côhslîlués partie cîvîle dans 
un procès "penarérdéTêuf assurer des droits particuliers, 
au dêtrTmenfa^autres créanciers, pour l'exécution du ju- 
gement ? Je n'hésiterais pas à dire que de pareilles fa- 
veurs seraient inadmissibles. II ne peut être question évi- 
demment que d'assurer par des dispositions particulières 



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Qoo^ç: 



— ce- 
la restitution de soustractions commises. Quelles devraient 
être ces dispositions ? Devraient-elles être appliquées avant 
le jugement pénal et le jugement sur les conclusions de 
la partie civile, ou seulement après ? Faudrait-il placer le 
lésé au bénéfice des articles 271 et suivants de la loi fé- 
dérale sur la poursuite et la faillite, concernant le séques- 
tre ? Faudrait-il accorder au lésé, pour la restitution des 
objets soustraits ou de leur valeur, un privilège général 
sur les biens du débiteur, et dans quelle classe devrait-on 
le placer, ou faudrait-il lui accorder un privilège spécial 
sur certains biens ? 

Il est possible que je discute à côté de la véritable 
question. Cela demande en tout cas à être examiné de 
fort près. 

33* 

D*après quels principes faut-il traiter les actes sui-- 
vants : 

a) Délits de presse ? 

b) Délits contre les moeurs, en particulier proxéné- 
tisme (traite des blanches)? Propagation d'écrits et 
d'images licencieux ? 

c) Délits dits de religion, en particulier blasphème ? 

tL. DéUte de pi 



On doit les soumettre au droit commun et renoncer aux 
distinctions byzantines de la plupart des législations ac- 
tuelles. 

B. Délits contre les moBors. 

En général. 

Définir le viol aussi exactement que possible. Distin- 
guer soigneusement entre le viol et les autres attentats à 
la pudeur. Punir le viol plus sévèrement que les autres 



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Qoo^ç: 



— 69 -^ 

altentats, en raison de la gravité particulière de ce délit 
et de la conception qui peut en être la conséquence pour 
la femme. Distinguer et frapper de peines différentes le 
viol accompli sur une femme honnête et le viol commis 
sur une femme de mauvaise vie. Etablir une peine spéciale 
pour Taccomplissement de Tacte sexuel, sans violence, sur 
une jeune fille d'âge intermédiaire, de quatorze à seize 
ans, ou de quatorze à dix-huit ans. Assimiler au viol 
Taccomplissement de Tacte sexuel, sans violence ni mena- 
ces, sur une jeune fille de moins de quatorze ans. Tenir 
compte de Tâge du coupable dans la fixation de la peine. 
Etablir des peines spéciales contre ceux qui abusent de 
Tétat d'aliénation mentale ou d'insensibilité d'une femme. 
Punir ceux qui obtiennent l'accomplissement de l'acte 
sexuel par des simulations. Doubler les peines en cas de 
circonstances aggravantes résultant soit de la personna- 
lité du coupable, soit des conséquences de son acte. 

Frapper de peines rigoureuses les attentats à la pudeur 
commis avec ou sans violence sur un enfant de l'un ou 
de l'autre sexe. 

Ne poursuivre l'inceste et la sodomie que lorsqu'il y a 
scandale public. 

Poursuivre seulement la prostitution qui s'afliche, en se 
plaçant au point de vue qu'elle est un délit contre l'ordre 
public. 

Proxénétisme. 

Le code pénal neuchâtelois contient, sous article 292, 
les dispositions suivantes : 

« Quiconque, pour satisfaire les passions d*autrui, aura attenté aux 
« mœurs en excitant, favorisant ou facilitant la débauche ou la corrup- 
tt tion de personnes de Tun ou de l'autre sexe, sera puni de la réclusion 
tt jusqu'à deux ans et de l'amende jusqu'à 5,000 francs. La réclusion 
« pourra être portée jusqu'à quatre ans et l'amende jusqu'à fr. 10,000, 
tt si les personnes corrompues ou prostituées sont âgées de moins de 
(I vingt ans, ou si des femmes honnêtes ont été conduites, à leur insu, 
« par ceux qui font métier d'exploiter la débauche, dans un liçu de 
tt prostitution. » 



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— 70 — 

Le projet de loi publié dans la Revue morale progrès^ 
sive (1892) et reproduit comme annexe par M. Cari Stooss 
dans les Grundzùge des scha'eizerischen Strafrechts, 
propose des pénalités à peu près identiques et ajoute que 
le proxénétisme est punissable, quand même les faits de 
débauche, de corruption ou de prostitution auraient eu 
lieu en dehors du territoire de la Confédération, pourvu 
que ce territoire ait été utilisé pour Tun quelconque des 
actes préparatoires. Le projet de loi réserve aussi avec 
raison les traités qui pourraient être conclus pour la ré- 
pression internationale du proxénétisme. 

Je crois que ces dispositions pourraient être introduites 
dans le code pénal suisse. 

Propagititn d'écrits et fi matet licencieux. 

Le code pénal neuchAtelois dispose à cet égard : 

« Art. 289. — Celui qui, publiqueinent, distribue, vend oa expose 
« en vente, loue on eipose en louage des livres, des écrits, des images 
« ou des représentations obscènes, sera puni de Temprisonnement jus- 
• qu'à trois mois et de l'amende jusqu'à 1,000 francs. 

« La confiscation et la destruction du corps du délit sera ordonnée. 

« Art. 290. — L'annonce dans les feuilles publiques de publications 
« et d'images pornographiques, ainsi que la vente en gros de pareilles 
« publications ou images, seront passibles des peines établies au pre- 
« mier alinéa de l'article précédent. 

« Dans ce cas, la poursuite s'exerce tout à la fois contre l'auteur de 
« l'annonce et contre l'éditeur du journal. » 

Le projet de loi publié dans la Revue morale progres- 
sive reproduit presque textuellement ces deux articles, 
avec cette différence cependant qu'il dit à l'article 23, cor- 
respondant à l'article 289 du code neuchàtelois : « Qui- 
« conque vend, distribue ou répand d'une manière quel- 
« conque^ expose ou affiche dans des lieux accessibles au 
« public, des livres, etc.... » 



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Qoo^ç: 



— 71 — 

La différence entre les deux termes publiquement et 
(Tune manière quelconque n'est pas seulement dans les 
mots, elle est surtout dans le fond des choses. Avec le 
code neuchâtelois, la répression se restreint aux actes qui 
constituent une offre faite au public. La justice et la police 
n'ont pas à pousser leurs investigations au delà. La ré- 
daction de la Revue morale progressive suppose au con- 
traire une action inquisitoriale de la police, des enquêtes 
et des perquisitions sur des faits qui n'ont par eux-mêmes 
aucun caractère de publicité. Elle va évidemment trop 
loin. Ce rôle qu'elle veut faire jouer à la police est incon- 
ciliable avec l'ensemble de nos institutions. L'exécution 
pratique en est impossible et cette partie du texte devient 
lettre morte. 

Rien n'est indifférent dans ce domaine, les fausses me- 
sures faisant plus de mal que de bien. 

Pour faire toucher du doigt la divergence entre les deux 
textes, je crois utile de reproduire ici un arrêté rendu en 
1890 par le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel : 

Le Conseil d*Etat de la république et canton de Neuchâtel; 

Vu la lettre adressée au département de Police le 22 novembre 1889, 
par le conseil communal de La Chaux-de-Fonds, et tendant à faire pro- 
noncer une mesure générale qui interdise la vente du Supplément lit- 
téraire de la Lanterne; 

Vu la requête adressée le décembre 1889 au département de Police, 
par le citoyen Courvoisier, Eugène, ministre, agissant au nom de la 
section neuchûteloise de l'Association suisse contre la littérature immo- 
rale, et demandant Tinterdiction de la vente du Supplément littéraire 
de la Lanterne dans un des kiosques de La Chaux-de-Fonds ; 

Vu rarticle 261, § 5, du code pénal, lequel est ainsi conçu : 

a Sont punis de la prison civile : 



« b** Ceux qui auront outragé les mœurs, soit par des actes pour les- 
a quels ils seront renvoyés devant les tribunaux de police en raison de 
« leur peu de gravité, soit en exposant, vendant ou distribuant des chan- 
« sons, pamphlets, figures ou images obscènes ou contraires aux bonnes 



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— 72 - 

« mœurs. Les exemplaires, imprimés ou manuscrits, les planches ou 
« moules seront, en outre, dans le dernier cas, confisqués ou détruits. » 

Entendu le département de Police ; 

Considérant qu'il s'a|pt uniquement ici, non point de prononcer sur 
des cas concrets d'outrage à la morale et à la pudeur publique, qui sont 
du ressort des tribunaux, mais d'examiner dans quelle mesure l'action 
de la police, appliquée à ces choses, peut se produire d'une manière 
préventive et prophylactique ; 

Ck>n8Îdérant qu'il y a lieu de distinguer à cet égard entre l'offre et 
l'exposition en vente de publications et de gravures obscènes, lesquelles 
constituent évidemment un outrage public aux mœurs, et la vente pro- 
prement dite, qui n'est pas précédée ou accompagnée d'offre ou d'expo- 
sition ; que le rôle de la police se réduit dans ce domaine à prévenir et 
réprimer des actes faisant scandale et constituant une atteinte à l'ordre 
public ; 

Qu'il serait très difficile d'aller plus loin, de pratiquer des perquisi- 
tions et des saisies qui nécessiteraient le recours à l'office du juge d'ins- 
truction pour des faits non réputés crimes et, par conséquent, en de- 
hors des règles ordinaires de la procédure ; que ce serait, sous une 
forme détournée, le rétablissement de la censure par voie de simple or- 
donnance générale et le retour à un état social déjà bien éloigné de 
nous, sous l'empire duquel les chefs-d'œuvre de la littérature ont pa 
être successivement proscrits en divers pays ; mais qu'il n'est pas dans 
l'esprit de nos institutions de substituer Tinterveniron d'un comité libre 
à l'action administrative, ni de remettre aux pouvoirs publics le soin de 
procéder à l'épuration entre les publications dites morales et celles 
dites immorales ; que sous ce rapport les appréciations individuelles 
peuvent varier à l'infini ; qu'une ligne rigoureuse de démarcation ne 
peut être établie ; que la morale n'est pas codifiée ; qu'en entrant dans 
cette voie on ne saurait où s'arrêter et que les décisions prises dans ce 
but manqueraient presque toujours de sanction, 

ArréU : 

1. La demande de défendre absolument la vente du Supplément lit- 
téraire de la Lanterne^ par voie d'ordonnance de police, est écartée. 

Toutefois, l'offre publique ou l'exposition en vente de ciMte feuille et 
de tous autres journaux pornographiques est interdite dans tous les 
kiosques et magasins du canton. 

2. Cette mesure est prise sans préjudice au droit que possèdent les 
autorités locales et les particuliers de défendre sur leui terrain la vente 
de publications obscènes, 



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-13- 

G. Délite dits de religion, en particulier 
blasphème. 

La Suisse est un Etat laïque, tous les cantons suisses 
sans exception sont des Etats laïques. Aux termes de Tar- 
ticle 49 de la constitution fédérale, la liberté de cons- 
cience et de croyance est inviolable. Nul ne peut encourir 
des peines, de quelque nature qu'elles soient, pour cause 
d'opinion religieuse. 

Ces principes de notre droit publie se concilieraient 
difficilement avec des pénalités réprimant le blasphème. 
Nous n'en sommes plus aux Lettres apostoliques des pa- 
pes, ni aux Ordonnances ecclésiastiques de Calvin. La 
France a abrogé, depuis plus d'un demi-siècle, la Loi 
d'amour et de sacrilège y promulguée sous le gouverne- 
ment de la Restauration. Aucune des législations pé- 
nales les plus récentes ne contient à ce sujet des disposi- 
tions spéciales. On trouve, il est vrai, dans le projet de 
code pénal de la commission autrichienne, un S 178, qui 
punit de l'emprisonnement jusqu'à un an les insultes 
faites à Dieu, ainsi (pie les offenses dirigées contre les 
institutions, doctrines et usages d'une association reli- 
gieuse reconnue, et la profanation d'objets consacrés au 
culte. Mais cela est resté à l'état de projet. 

Quant aux troubles apportés à l'exercice d'un culte re- 
connu et aux délits contre la paix religieuse, je ne pense 
pas que le code pénal suisse doive dépasser les sévérités 
des législations existantes. 

Le code zuricois punit ces délits de l'emprisonnement 
jusqu'à deux ans, combiné avec une amende. Le code 
hongrois prononce l'emprisonnement jusqu'à un an ou l'a- 
mende jusqu'à 1,000 florins. Le projet de la commission 
autrichienne a l'emprisonnement jusqu'à trois ans. La 
même peine est établie par le code allemand. Le code des 
Pays-Bas punit la dissolution d'une assemblée religieuse 
par la violence ou par des menaces de violence d'un em- 
prisonnement jusqu'à un an. Le code italien admet, dans 



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— 74 — 

les cas les plus graves, la détention jusqu'à trente mois 
et l'amende jusqu'à 1500 francs. 

Y a-l'il lieu de placer dans un code pénal suisse des 
dispositions sur les actes suivants : 

a) Espionnage ? 

b) Atteinte aux droits politiques des citoyens ? 
g) Excitation aux délits? 

d) Emploi abusif de matières explosibles ? 

e) Falsification de marchandises, de substances 
alimentaires, d'engrais ? 

f) Usure ? 

g) Loteries et Jeux de hasard ? 
h) Jeux de bourse? 

i) Tromperies commises par les fondateurs de 
sociétés ? 

k) Mauvais traitements envers les animaux ? 

A. Espionnage. 

La loi française du 17 avril 1886 punit de l'emprisonne- 
ment de deux à cinq ans et d'une amende de 1,000 à 5,000 
francs : 

1" Tout fonctionnaire public, agent ou préposé du gou- 
vernement qui aura livré ou communiqué à une personne 
non qualifiée pour en prendre connaissance ou qui aura 
divulgué, en tout ou en partie, les plans, écrits ou docu- 
ments secrets intéressant la défense du territoire ou la sû- 
reté extérieure de TEtat, qui lui étaient confiés ou dont il 
avait connaissance à raison de ses fonctions; 

2" Tout individu qui aura livré ou communiqué à une 
personne non qualifiée pour en prendre connaissance ou 
qui aura divulgué, en tout ou en partie, les plans, écrits ou 
documents ci-dessus énoncés qui lui ont été confiés ou 
dont il aura eu connaissance soit officiellement, soit à rai- 



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— 75 — 

son de son état, de sa profession ou d'une mission dont il 
aura été chargé; 

3** Toute personne qui, se trouvant dans l'un des cas 
prévus aux deux paragraphes précédents, aura communi- 
qué ou divulgué des renseignements tirés des dits plans, 
écrits ou documents. 

Elle frappe des mêmes peines toute personne autre que 
celles énoncées ci-dessus, qui, s'étant procuré les dits 
plans, écrits ou documents, les aura livrés ou communi- 
qués, en tout ou en partie, à d'autres personnes, ou qui, 
en ayant eu connaissance, aura communiqué ou divulgué 
des renseignements qui y étaient contenus. 

La même peine est encore applicable : 

1" A toute personne qui, à l'aide d'un déguisement ou 
d'un faux nom, ou en dissimulant sa qualité, sa profession, 
sa nationalité, se sera introduite dans une place forte ou 
dans un établissement militaire ou maritime; 

2** A toute personne qui, déguisée ou sous un faux nom, 
ou en dissimulant sa qualité, sa profession ou sa nationa- 
lité, aura levé des plans, reconnu des voies de communi- 
cation ou recueilli des renseignements intéressant la dé- 
fense du territoire ou la sûreté extérieure de l'Etat. 

Un projet de loi, relatif à l'espionnage, présenté à hi 
chambre des députés dans sa séance du 20 juin 1891 et 
accompagné d'un rapport de la commission de l'armée, 
dispose : 

Art. I®»". Sera puni de la peine de mort: 

l» Quiconque aura livré et communiqué, en toutou en partie, à une 
personne non qualifiée pour en prendre livraison ou connaissance, les 
objets, plans, écrits, documents ou renseignements dont le secret est de 
nature à intéresser la défense du teiTitoire ou la sûreté extérieure de 
TEtat; 

2» Quiconque aura publié ou divulgué, en tout ou en partie, les ren- 
seignements relatifs aux dits objets, les dits plans, écrits ou documents, 
ou des renseignements qui en seraient tirés. 

Art. 2. Sera puni de la peine de mort: 

1» Quiconque soit à Taide d*un déguisement, soit en faisant usage 
d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit en dissimulant sa qualité, sa 



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— 76 — 

profession ou su nationalité, se sera introduit dans une place forte, aa 
fort de guerre, un ouvrage de défense quelconque, un navire de TEtal, 
ou un établissement maritime ou militaire, et y aura, dans un but d'es- 
pionnage, soustrait ou recueilli des renseignements intéressant la dé- 
fense du territoire ou la sécurité extérieure de TEtat. 

^ Quiconque, dans un but d'espionnage, aura exécuté des levés ou 
des opérations topographiques, reconnu des voies de communication ou 
des moyens de correspondance, organisé ou employé un moyen quel- 
conque de correspondance et recueilli des renseignements intéressant la 
défense du territoire ou la sécurité extérieure de l'Etat. 

Le code pénal allemand punit de la réclusion de deux 
ans au moins et, s'il y a des circonstances atténuantes, 
de la forteresse pendant six mois au moins : 

Celui qui, intentionnellement: 

1. Communique à un gouvernement étranger ou livre à 
la publicité des secrets d'Rtat ou des plans de forteresse, 
ou des documents et renseignements dont il sait qu'ils 
doivent être tenus secrets vis-à-vis de ce gouvernement, 
pour le salut de TEmpire ou de Tun de ses membres; 

2. Détruit, falsifie ou fait disparaître, au préjudice des 
droits de T Empire ou de Tun de ses membres, les docu- 
ments et moyens de preuve destinés à assurer ces droits ; 

3. Trahit les intérêts qui lui ont été confiés par le gou- 
vernement de TEmpire ou par un de ses membres dans 
une négociation avec un gouvernement étranger. 

Si une enquête est ouverte sur ces faits, la fortune du 
prévenu est mise sous séquestre. 

Le code italien punit de la réclusion ou de la détention 
d'un an à trois ans et d'une amende de plus de 2,000 
francs quiconque révèle des secrets politiques ou militai- 
res concernant la sûreté de l'Etat, soit en communiquant 
ou publiant des documents ou des faits, des projets, des 
plans ou autres informations relatives au matériel, aux 
fortifications ou aux opérations militaires, soit en facili- 
tant, de quelque façon que ce soit, la connaissance de ce 
qui précède. 

La réclusion ou la détention sera de trois à cinq ans et 



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^11 ^ 

Pamende cle 4,000 francs au moins, si les Secrets sont li- 
vrés à un Etat étranger ou à ses agents. 

Elle sera de cinq à quinze ans et Tamende sera portée 
à 5,000 francs au moins, si les secrets sont révélés à un 
gouvernement en guerre avec Tltalie ou à ses agents, ou 
bien si le fait a troublé les relations amies du gouverne- 
ment italien avec un gouvernement étranger. 

Ces peines sont applicables à celui qui obtient la révé- 
lation des secrets ou parvient, d'une autre manière, à les 
connaître. 

Quiconque révèle indûment des plans de fortifications, 
de navires, d'établissements, de routes ou d'autres tra- 
vaux militaires, ou bien s'introduit clandestinement ou par 
supercherie, pour les connaître, dans les lieux susdits, 
dont l'accès est interdit au public, est puni do la réclusion 
ou de la détention de six à trente mois et d'une amende 
de 100 à 3,000 francs. 

En Suisse, le code pénal fédéral de 1853 ne contient au- 
cune pénalité concernant l'espionnage. 

L'organisation judiciaire et procédure pénale pour l'ar- 
mée fédérale, du 28 juin 1889, fixe à l'article premier les 
limites dans lesquelles s'exerce la compétence militaire. 
Sont soumis à la juridiction militaire de la Confédération 
et à sa législation pénale militaire : 

de N" 1 à N® 7, les militaires et les assimilés aux mili- 
taires ; 

sous N** 8, en temps de guerre, tout individu qui Buit 
l'armée ou qui commet un délit contre des personnes 
apparteucoit à l'armée ; 

sous N® 9, les prisonniers de guerre et les internés; 

sous N" 10, en service actif, les civils qui détournent 
les militaires de leurs devoirs ; 

sous N® 11, les individus de condition civile qui se ren- 
dent coupables d'espionnage ou d'embauchage. 



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— 78- 

Ce dernier paragraphe doit être combiné avec la loi sur 
la justice pénale pour les troupes fédérales, de 1851, ar- 
ticle 42 : 

« Se rendent spécialement coupables de trahison : 

a a. Celui qui, dans le dessein de favoriser Tennemi, lui communique 
« directement ou indirectement, verbalement ou par écrit, des ren- 
« seignemenls sur Tétat de Tarmée, l'état des fortifications, des posi> 
« tions ou des magasins, ou qui lui fait connaître des plans, des ezpé- 
« ditions projetées, des consignes, des mots d'ordre. 

tt fr. Celui qui, dans une intention semblable, communique à une per- 
tt sonne quelconque, qui ne doit pas en avoir connaissance, des mots 
« d'ordre, des ordres ou des secrets militaires ou politiques qui lui 
tt sont Confiés. 

a c. Celui qui recueille des informations sur les rapports militaires ou 
« politiques de la Confédération, en paiiiculier sur les troupes oppo- 
« sées à Tenuemi, et cela dans l'intention de les faire parvenir à l'en- 
tt nemi (espion), n 

Ainsi, les individus de condition civile qui se rendent 
coupables d'espionnage ne sont punis par les lois militai- 
res et ne relèvent des tribunaux militaires que s'ils ont 
agi dans le but de favoriser l'ennemi, ce qui suppose un 
état de guerre. 

En temps de paix, même en service actif, lorsque Tar- 
mée fédérale est à la frontière, tant que la guerre n'est 
pas déclarée, il n'y a point de pénalités et point de délits. 

Il s'agit de savoir si nous voulons combler cette lacune 
et traduire devant les tribunaux de la justice pénale ordi- 
naire les individus, nationaux ou étrangers, qui se livrent, 
au détriment de notre pays, à des actes d'espionnage en 
temps de paix. 

Je sais bien que notre situation ne peut pas être com- 
parée, de tous points, à celle des grands Etats dont je 
viens de citer les législations. Ces Etats sont, depuis 
vingt ans et plus, les uns à l'égard des autres, dans une 
attitude de paix armée qui les oblige aux plus grandes 
précautions. Ils étaient les belligérants d'hier; ils seront 
les belligérants de demain. Mais si la Suisse a envers elle- 
même et envers l'Europe d'autres devoirs, sa neutralité 
lui impose l'obligation de ne rien négliger de ce qui pour- 



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- 79 - 

rait augmenter sa force défensive et d'éviter tout ce qui 
pourrait Taffaiblir. Les plans d'opérations militaires, les 
travaux de fortifications, les perfectionnements du matériel 
de guerre et les inventions nouvelles, en un mot tout ce 
qui constitue les secrets de Tétat-major a acquis pour 
nous une importance bien plus grande qu'auparavant. 

Il n'est pas douteux, à mon avis, que nous devons pro- 
fiter de l'élaboration d'un code pénal pour introduire dans 
notre législation fédérale des mesures de préservation con- 
tre l'espionnage. 

B. Atteinte aux droits politiques des citoyens. 

Le code pénal de 1853 ne réprime pas cet ordre de 
délits. 

Les délits concernant l'exercice des droits politiques se 
subdivisent en un certain nombre de délits spéciaux : 

Les troubles ayant pour but d'empêcher de siéger une 
assemblée délibérante ou de la contraindre à prendre une 
décision ou à s'en abstenir; 

Les troubles et désordres dans une élection ou une vo- 
tation ; 

Les fraudes commises pendant la votation ou le dé- 
pouillement du scrutin; 

Les actes et les tentatives de corruption électorale ; 

La vente des suffrages ; 

Les fausses signatures apposées sur une demande d'i- 
nitiative ou de référendum. 

M. le professeur Stooss a fait, dans le second volume 
de ses Grundzûge, l'analyse des dispositions pénales des 
cantons concernant la plupart de ces infractions. Je n'y 
reviendrai pas. 

Il est certain que ces dispositions légales doivent être 
maintenues. La question est seulement de savoir si elles 
doivent prendre place dans le code pénal, ou si elles doi- 
vent être introduites dans des lois spéciales (loi fédérale 
sui* l'exercice des droits politiques, loi sur les élections et 



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— 80 — 

votations fédérales, lois cantonales sur rélection des mem- 
bres du Grand Conseil, lois cantonales sur l'exercice du 
droit d'initiative et du droit de référendum), ou bien enlin 
si les unes doivent figurer dans le code et les autres dans 
les lois spéciales de la Confédération et des cantons. 

J'inclinerais pour la première alternative. Il me semble 
plus correct d'avoir ces diverses prescriptions réunies dans 
un seul volume, au lieu de les disséminer dans des lois 
éparses qu'on a souvent de la peine à retrouver. Il faut 
sortir sur ce point, comme pour d'autres, de la bigarrure 
des lois cantonales. Les dispositions concernant les in- 
fractions qui touchent à l'exercice des droits politiques 
appartiennent incontestablement au droit pénal. Rassem- 
blées en un texte unique, elles seront mieux connues. Un 
des grands obstacles à la diffusion des lois et des règle- 
ments consiste dans leur trop grande multiplicité. 

Le code pénal allemand réprime sévèrement ces délits. 
Il punit de la réclusion ou de la forteresse jusqu'à cinq 
ans celui qui cherche à disperser par la force un corps 
législatif de l'Empire ou de l'un de ses Etats, une assem- 
blée délibérante d'une ville libre, ou qui cherche à lui 
imposer des décisions par la force. La même peine est 
applicable à celui qui empêche, par violence ou menaces, 
les membres de ces corps assemblés de se rendre aux 
séances et d'exercer leur mandat. L'emprisonnement jus- 
qu'à six mois ou la forteresse jusqu'à cinq ans punissent 
celui qui entrave un citoyen dans l'exercice de ses droits 
électoraux. Les fraudes dans le scrutin et dans le dépouil- 
lement sont punies de l'emprisonnement depuis une se- 
maine jusqu'à trois ans. La corruption électorale est pu- 
nie de l'emprisonnement d'un mois à deux ans et de la 
perte des droits politiques. 

Le code italien punit de la détention de douze ans au 
moins quiconque commet un fait ayant pour but d'empê- 
cher le Sénat ou la Chambre des députés de remplir leurs 
fonctions. Il punit de la détention d'un à trente mois et 
d'une amende de 100 à 1,000 francs quiconque, par vio- 



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— si- 
lence, menace ou tumulte, empêche complètement ou par- 
tiellement l'exercice d'un droit politique, quel qu'il soit. 

La Suisse républicaine, avec ses institutions largement 
démocratiques, ne doit pas se laisser devancer. Elle doit 
tenir à honneur de mettre en relief l'importance qu'elle 
attache aux dispositions qui ont pour but de maintenir 
intactes les bases de son existence politique, et il faut 
pour cela les inscrire dans le code pénal qu'elle va éla- 
borer. 

G. Excitation aux délits. 

Il s'agit ici de savoir s'il convient d'introduire dans le 
code pénal suisse quelque chose d'analogue à la loi belge 
du 7 juillet 1875. (Loi contenant des dispositions pénales 
contre les offres ou propositions de commettre certains 
crimes). C'est le fameux article Duchesne, ainsi nommé 
parce qu'il doit son origine à l'offre faite par un individu 
de ce nom au provincial des Jésuites, à Bruxelles, d'as- 
sassiner le prince de Bismark. Cet article a été trans- 
planté dans le code allemand, § 49 a, et a donné lieu à 
de nombreux commentaires. Comme la disposition est re- 
lativement nouvelle, je veux les résumer dans ce qu'ils 
ont de plus essentiel. 

La provocation au délit, non suivie d'effet, est un dé- 
lit spécial qu'il ne faut pas confondre avec l'instigation, 
suivie d'effet, ni avec la tentative ordinaire. C'est la ten- 
tative d'instigation. 

D'après Hâlschner, la provocation au délit ne devient 
punissable que si elle résulte d'une démarche formelle ou 
d'un ensemble d'actes qui en sont l'équivalent; les ma- 
nœuvres plus ou moins rusées par lesquelles une personne 
cherche à persuader à une autre de commettre un délit, 
tout en dissimulant sa propre intention criminelle, ne suf- 
fisent pas. 



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-82 — 

Il n'est point indispensable que la provocation ait été 
acceptée pour que le délitsoit réputé consommé. La provo- 
cation est encore punissable, alors même que celui qui 
l'accepte était déjà décidé à commettre le délit. 

La provocation et l'offre doivent être sérieuses. Si elles 
ne le sont pas, s'il n'y a pas une volonté bien arrêtée de 
la part de celui qui agit d'arriver à la consommation du 
délit, la provocation et l'offre, avec leur signification pé- 
nale, n'existent pas. 

La provocation doit être directe, dit le D*" Justus 01s- 
hausen. Elle cesserait d'être punissable lorsque, par exem- 
ple, elle aurait été remise à son destinataire après avoir 
été interceptée par la police. En revanche, lorsqu'elle est 
parvenue à destination, de la manière que son auteur a 
voulue, le délit doit être envisagé comme étant consommé. 

L'acceptation de la provocation consiste dans la décla- 
ration qu'on veut y donner suite; l'acceptation de l'offre 
consiste dans une déclaration semblable, et cela, dans les 
deux cas, aux conditions proposées, (von Liszt). 

Pour que la provocation, l'offre et l'acceptation soient 
punissables, il ne faut pas que leur auteur se trouve dans 
un état d'inconscience ou de trouble intellectuel qui ne lui 
permette pas de manifester librement sa volonté. 

La provocation et l'offre peuvent être faites soit pour 
l'exécution principale du délit, soit pour la complicité. 

Si la provocation a été simplement verbale, mais l'ac- 
ceptation écrite ou faite par télégramme, il y a cependant 
délit. (Oppenhoff). 

Il n'est pas nécessaire pour la provocation ou l'accep- 
tation simplement verbale que les dons ou promesses 
aient été de nature à influer tout particulièrement sur la 
détermination de la personne provoquée. Le simple fait 
suflit pour être constitutif du délit, (von Liszt). 

La provocation à un délit ou à la complicité d'un délit 
ne sera pas envisagée comme accompagnée de dons et de 
promesses, si c'est l'accomplissement du délit qui doit 



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— 83 — 

procurer ces avantages, car ils ne peuvent être garantis 
d'avance et doivent être d'abord gagnés. (OppenholT). 

La tentative n'est pas punissable. 

M. le professeur Stooss dit qu'il faut distinguer entre 
la tentative d'instigation, qui s'adresse à une ou plusieurs 
personnes déterminées, et la provocation publique au 
crime, qui vise un nombre illimité de personnes. La ré- 
pression des provocations commises sous cette dernière 
forme a l'inconvénient, selon lui, de prêter trop facilement 
aux procès de tendance et à la répression de crimes po- 
litiques et sociaux. Mais la Suisse n'est pas un terrain 
favorable pour cultiver ce genre de délits. Cependant, 
après avoir fait cette constatation, M. Stooss arrive à la 
conclusion que les simples mesures de police sont insuffi- 
santes pour réprimer de pareils actes et que l'introduction, 
dans le nouveau code pénal, de pénalités concernant la 
provocation publique aux crimes politiques et sociaux, 
trouverait sa justilication, spécialement à l'égard des étran- 
gers. 

Je ne m'occupe ici que de la tentative d'instigation se 
rapportant à des délits communs. 

Le code pénal neuchàtelois contient la disposition sui- 
vante : 

« Art. 196. Sera puni de remprisonnement jusqu'à un an et de Ta- 
« mende jusqu'à 5,000 francs : 

« 1" Celui qui provoque expressément une personne à conimeltre un 
a délit de nature à compromettre gravement la personne ou la pro- 
a priété d'autrui, lors même que ce délit n'a été ni commis, ni tenté ; 

« 2® Celui qui offre ou propose à une autre personne de commettre 
tt un pareil délit; 

« 3p Celui qui accepte une pareille offre ou proposition. 

« Toutefois la provocation, ni l'acceptation simplement verbales ne 
« sont punissables que si elles sont accompagnées de dons ou de pro- 
tt messes. » 

En résumé, l'article Duchesne est une exception au 
principe que les actes préparatoires précédant la tentative 
ou la consommation du délit ne sont pas punissables. 



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— 84 — 

D. Emploi abusif de matières ezplosibles. 

Le premier devoir d'un code pénal est de répondre à 
rétat social auquel il est destiné. L'usage de la dynamite 
et d'autres explosifs pour commettre les délits communs 
les plus graves contre les personnes et les propriétés est 
devenu un des plus grands dangers et une des plus vives 
préoccupations de notre époque. Je parle de délits com- 
muns, parce que l'emploi d'une cartouche de dynamite est 
toujours pour celui contre lequel il est dirigé un délit 
commun, alors même que son auteur aurait poursuivi 
principalement un but politique. Une certaine école glori- 
fie ce système de destruction et s'en est fait un dogme. 
Nous serions sans excuse de ne pas chercher à réagir 
énergiquement contre cette théorie i^t c(îs pratiques abo- 
minables. Les délits commis au moyen de matières explo- 
sibles doivent être punis des peines les plus fortes qui 
frappent l'assassinat et l'incendie. 

E. Falsification de marchandises, 
de substances alimentaires, d'engrais. 

Je pense qu'il faut soigneusement distinguer entre la 
falsification de substances alimentaires ou la vente d'objets 
nuisibles à la santé, et la falsification d'autres marchan- 
dises. La nature et la portée de ces actes est fort diffé- 
rente. Les premiers appartiennent aux délits contre la 
sécurité publique ; les seconds, si on veut en faire des 
infractions, sont une des formes de la fraude. 

La falsification de denrées alimentaires et de boissons, 
pour autant qu'elle peut être nuisible à la santé, la vente 
de viande corrompue ou provenant d'animaux malades, 
doivent être réprimées avec la plus grande sévérité par 
des peines de détention et par de grosses amendes. La 
prison, sous sa forme la plus rigoureuse, et la peine pé- 
cuniaire doivent être considérablement augmentées, si la 
mort de la personne qui a fait usage de ces aliments, ou 



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— 85 — 

une maladie grave, ou une infirmité permanente en a été 
la conséquence. 

A cet égard, il n'y a pas de doute possible ; un code 
qui ne contiendrait pas des pénalités de cette nature serait 
absolument incomplet. Ces falsifications peuvent revêtir 
le caractère d'un danger public, comme on en a vu l'exem- 
ple dans l'affaire du veau de Kloten, terminée, il est vrai, 
par un étrange acquittement, mais dans laquelle plus de 
cent personnes avaient été gravement atteintes. 

Aux délits de cette catégorie vient s'ajouter la vente 
d'objets nuisibles à la santé. M. le professeur Stooss cite 
le code pénal de Bâle-Ville, qui dispose au § 169, 6, sous 
n« 2: 

« Quiconque confectionne intentionnellement des objets servant aux 
tt usages domestiques, à des usages piofessionnels, ou des vêtements, 
a ou des jouets, de manière que remploi auquel ils sont destinés soit 
a de nature à nuire à la santé, sera puni de l'emprisonnement jusqu'à 
« un an ; la même peine atteindra celui qui fait sciemment commerce 
a de ces objets, les offre en vente ou les met en circulation. 

« S'il est résulté de ce délit une atteinte à la santé d'une personne 
a ou une lésion corporelle grave, ou la mort, la peine sera l'emprison- 
a nement de six mois au moins ou la réclusion jusqu'à quinze ans. » 

Le projet d'une loi fédérale concernant la police des 
denrées alimentaires, élaboré par M. le D*" Schmid, con- 
tient des dispositions semblables. 

Je pense qu'elles pourraient être introduites dans le 
futur code pénal, bien qu'elles s'imposent d'une manière 
beaucoup moins impérieuse que les pénalités qui se rap- 
portent à la falsification des denrées alimentaires propre- 
ment dites. 

En revanche, la question est plus douteuse pour 
la falsification d'autres marchandises. Où établir la 
limite entre ce qui est de bonne ou de mauvaise qua- 
lité, et le trompe-l'œil ne jouera-t-il pas toujours un rôle 
considérable dans le commerce ? On en a ordinairement 
pour son argent. « BilUg und schlecht », disait M. Eu- 
gène Richter au Reichstag, en parlant des produits in- 
dustriels allemands. On se heurte ici à de véritables im- 



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Qoo^ç: 



— 86 — 

possibilités. La loi fédérale sur le contrôle des matières 
d'or et d'argent punit celui qui insculpe un faux poinçon 
sur une moqtre. Mais voudra-t-on punir celui qui vend 
pour quelques francs une montre en métal qui ne marche 
pas ? Punira-t-on le vendeur d'une locomobile qui présente 
des vices de construction dont il avait connaissance ? Pu- 
nira-t-on le marchand de confections qui débite de la ca- 
melote, le cordonnier dont les chaussures sont avachies 
après quelques semaines d'usage, l'ébéniste ou le tapis- 
sier dont les meubles tombent en morceaux ? 

Je me demande ce que fait, dans la question posée, à 
côté de la falsification des denrées alimentaires, celle des 
engrais. 

11 faudra peut-c^tre, pour la bonne façon, introduire une 
sanction pénale à l'égard de ceux qui qui trompent l'ache- 
teur sur la nature de toutes marchandises altérées ou fal- 
sifiées, dont l'altération ou la falsification ne sont pas ap- 
parentes ; mais on devra bien se dire que cela sera pure- 
ment décoratif. Je ne connais pas d'exemple que les péna- 
lités de cet ordre, qui existent dans un certain nombre de 
cantons, aient jamais été appliquées. 

Peut-être aussi ferait-on mieux de ranger ces fraudes 
dans le domaine des contraventions. 

F. Usure. 

Je m'en réfère pour cette question à l'intéressant tra- 
vail présenté à la Société des juristes suisses, réunie à 
Lausanne en 1884, par MM. le D' Weibel et Gustave 
Correvon. 

Je me prononce sans hésiter pour l'introduction dans le 
code pénal de dispositions réprimant l'usure. 

G. Loteries et jeux de hasard. 

H. Jeux de bourse. 

La question de savoir jusqu'à quel point, dans quelles 



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-87- 

limites et sous quelles conditions un gouvernement canto- 
nal peut autoriser une loterie et de quelles garanties cette 
autorisation doit être entourée, ne rentre pas dans le do- 
maine d'un code pénal. Elle appartient à la sphère du 
droit public et administratif. Je dirai seulement que si 
l'on veut faire une loi fédérale sur les loteries, comme il 
en a été question dans la discussion qui a eu lieu au mois 
de mars au Conseil national, on fera bien d'exiger des 
entrepreneurs le dépôt d'un cautionnement proportionné 
à l'importance de l'opération. 

Au point de vue pénal, il ne peut s'agir que d'édicter 
des peines contre ceux qui organisent des loteries publi- 
ques sans autorisation, ou qui n'observent pas les condi- 
tions auxquelles l'autorisation a été accordée, ou qui pla- 
cent les billets d'une loterie non autorisée, ou qui font en 
pareil cas de la publicité. 

Encore faut-il remarquer que, si l'autorisation reste 
cantonale, celle qui est accordée dans un canton n'impli- 
que nullement celle d'un autre canton, en sorte qu'une 
loterie autorisée peut fort bien s'exposer à des condam- 
nations. 

Il me paraît tout indiqué que la peine qui doit frapper 
les loteries interlopes consistera dans une amende dont 
le maximum sera assez élevé pour atteindre d'une manière 
sensible les individus qui pratiquent en grand cette in- 
dustrie. 

Les objets mis en loterie, ainsi que les billets et valeurs 
en provenant, seront naturellement confisqués. 

2Q 

Que faut-il comprendre sous la dénomination de jeux de 
hasard? Est-ce certains jeux déterminés, la roulette, le 
trente et quarante, le baccarat, la bouillotte, le passe-dix, 
ou tels autres jeux encore, l'écarté, les petits chevaux, par 
opposition aux jeux de combinaison ou de société, au pi- 
quet, au whist, ou à notre jeu national, le jasSy ou à 
d'autres jeux encore ? 11 importerait de le savoir exacte- 



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Qoo^ç: 



— 88 — 

ment dès qu'on parle de pénalités. On ne peut pas laisser 
aux tribunaux le soin d'établir à cet égard une jurispru- 
dence qui varierait selon le goût de nos magistrats. Mais 
se représente-t-on un code faisant une pareille énuméra- 
tion et s'efforçant d'entrer dans le détail de cette casuis- 
tique ? Il y a là de véritables impossibilités. 

Le code italien a cherché à préciser la notion du jeu de 
hasard. « On considère, dit-il, comme jeux de hasard ceux 
« dans lesquels le gain ou la perte, dans un but de lucre, 
« dépend entièrement ou presque entièrement du hasai'd. » 
Cette définition me parait bien insuffisante. 

La conclusion à tirer de ce qui précède est qu'il faut re- 
noncer à vouloir poursuivre le jeu pour lui-même. C'est 
un vice, ce n'est pas un délit. Ce qu'il faut réprimer, c'est 
l'exploitation de la passion du jeu, c'est le métier consis- 
tant à faire jouer les autres et à en tirer profit. 

Je pense qu'il convient d'introduire dans le code pénal 
suisse des dispositions punissant de la prison et surtout 
de fortes amendes : 

Ceux qui établissent ou tiennent une maison de jeu ac- 
cessible au public, ou prennent part à une pareille entre- 
prise, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'entrée en est, 
ou non, soumise à une condition ou à l'observation d'une 
formalité quelconque; 

Ceux qui font l'office de banquiers ou de surveillants du 
jeu dans une telle maison; 

Ceux qui fournissent des locaux pour tenir une maison 
de jeu. 

Ici, la distinction entre jeux de hasard et jeux de so- 
ciété s'impose d'elle-même. Il tombe sous le sens qu'on 
n'ouvrira pas une maison de jeu pour cultiver les échecs 
ou le boston. Le simple fait qu'on exploite chez autrui la 
passion du jeu est un critérium certain et indique suffi- 
samment qu'on recourt pour cela aux jeux de hasard. 11 
n'y a pas à s'y tromper. 

Le code pourra s'occuper aussi de ceux qui tiennent 



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— so- 
dés jeux de hasard dans les rues ou sur la place publique. 
Toutefois cela rentre plutôt dans les contraventions de 
police. 

30 

Doit-on sévir contre les jeux de bourse ? La question 
est très controversée et très controverstible. 

La plupart des législations envisagent comme consti- 
tuant un cas de banqueroute simple et comme étant pu- 
nissable le fait d'avoir dépensé de fortes sommes au jeu 
ou à des différences de bourse. 

Mais le fait d'avoir encouragé ces opérations, d'en faire 
métier et d'en tirer profit, sera-t-il puni ? L'intermédiaire, 
qui connaissait la position de son client et qui n'a rien 
fait pour le retenir sur cette pente fatale, pourra-t-il être 
traité comme un complice et dans quels cas ? 

Il existe aujourd'hui nne tendance marquée à transfor- 
mer en délits des faits qui avaient été considérés pendant 
longtemps comme simplement immoraux, ainsi l'ivrogne- 
rie et la prostitution qui s'affichent. On en est arrivé à 
dire que l'intérêt de la famille et celui de l'ordre public 
s'imposent comme des branches importantes de l'ordre so- 
cial, qui est à la base de la répression des délits. Des 
considérations de même nature devraient engager à répri- 
mer le mal indéniable que produisent les jeux de bourse 
par la démoralisation qui en résulte, par le dégoût et le 
mépris du travail et par la ruine des familles. Logique- 
ment, celui qui fait jouer sur des différences devrait être 
traité comme le banquier d'une maison de jeu. Le péril 
est aussi grand, il l'est même bien davantage. 

Mais ce sont là des raisonnements. Je n'ai pas encore 
d'opinion nettement arrêtée. Il peut y avoir dans l'exécu- 
tion des difficultés insurmontables, et je suis trop étran- 
ger à ces choses pour m'en rendre suffisamment compte. 
J'attends donc la discussion. 



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— 90 — 

J. Tromperies commises par les fondateurs 

de sociétés. 

Cette question parait avoir pour but de transporter clans 
le domaine du droit pénal les dispositions fort rigoureuses 
de Tarticle 671 du Code fédéral des Obligations. Je recon- 
nais que les fraudes commises par les Griïnd^r, par les 
lanceurs d'alfaires, ont pris les proportions d'une calamité 
publique à une époque qu'on pourrait appeler Tâge du 
papier et de la société anonyme. Ces méfaits méritent d'être 
punis commi» une des formes les plus dangereuses de 
l'escroquerie, et peut-ôtre même sera-t-il nécessaire de ne 
pas se borner à les maintenir dans la notion générale du 
délit, mais de les définir d'une manière plus précise et d'en 
faire un délit particulier. A supposer (|u'on s'arrête à ce 
dernier parti, le législateur devra examiner si la responsa- 
bilité du fondateur de société subsiste aussi longtemps que 
l'action pénale n'est pas prescrite, alors même qu'il se se- 
rait depuis longtemps retiré de l'entreprise, pour passer 
à d'autres exercices, ou s'il ne convient pas d'établir une 
prescription particulière. 

K. Mauvais traitements envers les animaux. 

Il n'est pas douteux que les mutilations, les actes de 
cruauté ou de fureur brutale ex(»rcés publiquement sur des 
animaux doivent être punis. Les sociétés protectrices des 
animaux vont même plus loin, elles voudraient atteindre 
ces actes, même lorsqu'ils ne sont pas commis en publie. 

La seult» ({uestion qu'on pourrait se poseur à ce sujet est 
celle <le savoir si les infractions de cette nature doivent 
être placées dans la catégorie des délits ou dans celle des 
contraventions. 



Je suis arrivé au bout du questionnaire, mais je n'ai 
pas la prétcMition d'avoir épuisé le sujet, que je n'ai fait 
qu'effleurer sur bien des points. Il eût fallu plus de temps 
que je n'en avais à ma disposition et plus de maturité pour 



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— 91 — 

traiter une matière aussi complexe. Je prie Messieurs les 
membres de la Commission de bien vouloir excuser tout 
ce que mon travail présente d*insuffisant. 

Mais plus j'avance dans cette étude et plus j'arrive à la 
conviction que Tunification du droit pénal s'impose à la 
Suisse comme une nécessité inéluctable. Plus aussi j'ai 
confiance dans le succès final. A cet égard, le beau rap- 
port présenté l'année dernière à la Société suisse des ju- 
ristes, réunie à Soleure, par M, le professeur E. Zûrcher, 
m'aurait convaincu, si j'avais eu besoin de l'être. Malgré 
toutes les difficultés qui l'accompagnent, l'entreprise a beau- 
coup de chances d'être menée à bien sous l'impulsion gé- 
néreuse et la haute direction du département fédéral de 
Justice et Police et de son chef. Le passé nous est sous 
ce rapport une garantie de l'avenir. La main énergique 
qui a tenu la barre et le coup d'œil exercé qui nous a 
guidés à travers les écueils de la loi sur la poursuite et la 
faillite sauront triompher encore une fois des obstacles. 
Puis l'œuvre en elle-même promet d'être conduite avec 
autant de science que de bon sens et d'esprit pratique. 
Les travaux préparatoires de M . le professeur Stooss nous 
ont prouvé combien il domine ce vaste champ d'études 
et d'expérimentation. Et lorsque le code pénal suisse sera 
« mis sous toit », nous pourrons tous nous réjouir sans 
arrière-pensée d'avoir été associés à l'édification de ce 
monument, qui marquera dans les annales de la patrie. 

Veuillez agréer. Monsieur le Conseiller fédéral et Mes- 
sieurs les experts, l'assurance de ma haute considération 
et de mon dévouement. 

Neuchàtel, avril 1893. 

Auguste Cornaz. 



OBSERVATION 

Ces notes avaient été rédigées et remises à la composition dans la 
prévision que leur auteur ne pourrait pas se rendre à la première 
session de la Commission, qui était fixée à la fin d'avril. 




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