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Médical Collège
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NOUVEAU DICTIONNAIRE
DE MÉDECINE ET DE CHIRURGIE
PRATIQUES
XXVIII
21236. — PARIS, TYPOGRAPHIE A. LAHURE
9, Rue de Fleurus, 9
NOUVEAU DICTIONNAIRE
DE MÉDECINE ET DE CHIRURGIE
PRATIQUES
ILLUSTRÉ DE FIGUUES INTERCALÉES DANS LE TEXTE
REOIGK PAR
Bext. ANCEPs a. m. BAURAUER, BERNITZ. P. BERT, J. CIIATIN, GUSCO, DELORME, DÉ.NUCÊ,
IIS>OS, DESORMEAUX, A.DESPRÈS. D'HKILLY, G. DIEULAFOY, Mathias DUVAL, FERNEf. Alk. FOURNIER, A. FOyiLLE
T. GALLARD, GAUCUET, GOSSELLN, Alpo. GU.':RIN, HALLOPEAU, A. HARDY, HERALD,
HERRGOTT, HEURTAUX, JACœUD, JACQUEMET, KŒBERLÉ, LABADIE-LAGRAVE, LANMELO.NGUE
LEDENTU, R. LÉPINE, J. LUCAS-CHAMPIO.NMÈRE, LUiMER, LUTON, P. MARDUEL,
L. MAKTINEAC. Ca. MAURIAC, MERUiN. Hujcbeut MOÎ.LIÈRE, ORÉ, PANAS, PROUST, L. PRU.NIEU, M. RAY.NAUD
RICHET, lUGAL, Jules ROCHaRD.SAINT-GERMAIN,
r.EP.«^M> SÉE, SUŒDEV, STOLTZ, Is. STRAUS, A. TARDIEU, S. TAR.MER, VILl.EJEAN, Aco. VOISIN.
Dlr««iear de 1« réd«etioB ■ le doaiear J^IlCCOIJD
TOME VINGT-HUITIÈME
PIL — POI
AVEC 120 FIGURES INTEnCALÉES DANS LE TEXTE
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PARIS
LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE et FILS
Rue naulpfcuillp, 19, pré» le boulevard Sainl-Gormaiu
Londres I Madrid
BAILLiiRE, F. TI.1DALL AlfD COX I CARLOS BAILLT-DAILLIÈRE
1880
Tous droits réservé:».
NOUVEAU DICTIONNAIRE
DB
MÉDECINE ET DE CHIRURGIE
PRATIQUES
PILEUX (Système). — Sous le nom de système Pileux, on com-
prend les diTerses modifications d*un/i>«u/?roc{tnï, constitué par Icspoik.
Très- développé chez la plupart des mammifères, ce système l'est beaucoup
moins chez Thomme ; néanmoins, chez lui, il présente encore d'impor-
tantes particularités, dont la connaissance peut avoir pour le médecin
un réel intérêt. C'est à la tête que le système pileux est prédominant.
les cheveux y qui recouvrent et abritent le crâne ; les sourcils et les cils
annexés à Tappareil de la vision; les vibrisses protecteurs placés à ren-
trée des narines et du conduit auditif externe , puis enfin la barbe^
attribut de la virilité ; tous ces poils se rencontrent sur la tête. Sur le
tronc, au contraire, à part les creux axillaires, la région pubienne et le
pourtour des organes génitaux, chrz TaJulte, ce système ne présente
qu'un développement très-atténué. On observe cependant encore, surtout
dans le sexe masculin, des poils longs et forts en assez grand nombre
sur la poitrine et au niveau de la ligne b!anche ; mais c'est principa-
lement à rétat de léger duvet que Ton rencontre les poils, dissémi-
nés sur la surface du corps de Thommc, car si ces poils font entièrement
défaut à la face palmaire des mains, à la face plantaire des pieds, on peut
reconnaître, au moyen de la loupe , qu'aux endroits où la penu est la
plus mince et douce au toucher, il existe néanmoins un grand nombre de
poils nidimentaires ou duvet. Le sein le plus blanc, dit Sappey, en
est ombragé et hérissé sur toute sa surface; de même la peau si transpa- .
rente des paupières. Le nombre total des poils, qui végètent à la surface
du corps, dit le même auteur, esta peu près le même, aux divers âges,
dans les deux sexes, che^ tous les individus , et probablement aussi dans
toutes les races humaines ; mais le nombre de ceux qui passent de la
période rudimentaire, à la seconde période de leur développement, ou
poils proprement dit, est très-variable. Par suite de cet état rudimen-
■ovv. MCT. mId. bt cm. XXYIII — I
3 PILEUX (Ststèhe).
tairo de la plus grande partie des poils, la sensibilité des téguments
est conservée plus exquise que chez les mammifères, avec leur manteau
protecteur ; c'est par son industrie que Thomme doit lutter contre les
variations de température auxquelles son corps est exposé, suivant les
climals et suivant les saisons.
Les poils présentent de grandes variétés dans leur coloration ; ces
tariétés sont généralement en harmonie avec celles de la peau , ainsi
qu'il nous était encore récemment permis de le constater pour un cas
de vitiligo.
Le professeur Broca, dans un curieux tableau chromatique, en forme
de cercle, a rassemblé des poils de toutes les nuances ; il montre ainsi
que Tâge, le lieu d'implantation, la race à laquelle appartiennent les
sujets observés, entraînent de nombreuses variations de couleur, sans
parler des colorations artificiellement produites , professionnelles ou
autres.
La couleur des poils varie singulièrement suivant les pays, les lati-
tudes, les climats, les températures, le milieu. On a même prétendu que
cette couleur dÊ poils, comme celle de la peau, serait un attribut carac-
téristique des races humaines; mais, d'après Pruney-Bey, il ne faudrait
pas attacher trop d'importance à ce caractère. Et, d'ailleurs, ainsi que le
remarque M. Bonté, ne sait-on pas que les cheveux se colorent de plus
en plus chez les enfants, à mesure qu'ils grandissent, parce qu'alors les
' sécrétions se complètent et se régularisent. Dans nos climats , outre les
cheveux blancs (presque toujours chez nous l'indice d'un commence-
ment de décrépitude ou de maladies locales ou générales), on retrouve
les colorations les plus diverses ; le noir d'où dérivent le brun et le châ-
tain, et le rouge qui va du blond hardi au châtain clair.
On a constaté que si les couples bruns ou blonds, s'unissant entre eux,
ont produit presque constamment des bruns ou des blonds ; les unions
des bruns avec des blondes ou réciproquement, paraissent avoir donné
lieu à des rejetons semblables à l'un ou l'autre des père et mère, bien
plutôt qu'à la formation d'un type intermédiaire (Soc. d'Anth., 1860).
A propos des rapports entre la coloration des cheveux et la fécondité, il
semble prouvé que, toutes choses égales d'ailleurs, les races blondes sont
douées de plus de fécondité que les brunes. Ajoutons que, d'après les
cartes statistiques, là où les Français sont grands, ils sont blonds, que là
où ils sont petits, ils sont bruns ; et que la carie dentaire est plus fré-
quente chez les individus blonds que chez ceux de race brune (Magitot).
Les poils rouges se retrouvant éventuellement dans la plupart des races,
ne sont pas un caractère de race. On sait qu'Eusèbe de Salles considérait
l'homme aux cheveux rouges comme l'homme primitif. Sans reconnaître,
avec Bichat une certaine connexion, entre la coloration des cheveux et le
caractère, on peut expliquer la défaveur qui s'attache assez communé-
ment aux cheveux rouges, par ce fait que les individus qui les portent,
exhalent le plus souvent une odeur forte et fétide parfois très-incom-
mode. Toutefois, cette défaveur n'a pas toujoui*s existé, car du temps des
PILEUX (Système). 5
Romains, il était de mode de teindre les cheveux en rouge, et cet usage
persiste encore, paraît-il, de nos jours, en Grèce. Les femmes de ce pays
se teignent les cheveux en rouge, avec des décoctions végétales.
Nous n'admettrons qu'avec de grandes réserves la couleur des poils et
spécialement des cheveux parmi les attributs des tempéraments. Cepen-
dant la fréquence de la coloration blonde chez les scrofuleux et les indi-
vidus lymphatiques est un fait notoire.
Le* variétés dans la coloration des poils fournissent au médecin légiste
et au savant, un des plus précieux caractère d'identité, car ces tissus résis-
tent longtemps à la putréfaction, ainsi qu'à un grand nombre de causes
Je destructions naturelles.
Un autre caractère, non moins précieux, se tire de la forme : tantôt
rigides et durs, tantôt souples, tantôt ondulés et frisés, l'aspect des poils
^t donc également très-variable. Bien que subissant incontestablement
^influence de la race, il ne faut pas méconnaître que ces différentes
formes se rencontrent parfois réunies sur un même sujet, suivant le lieu
d'implantation.
Voici la classiOcation des races, d'après l'aspect des cheveux, suivant
Is. Geoffroy Saint-IIilaire :
1* Cheveui Ibscs.
R. Caucatique,
Alt(!'ganiciiiie.
IIyporix)réeane.
Malaise.
Américaine.
Mongolique.
Paraboréenne.
Auslralienuc.
o-r-i ' . i R. Elhwpique.
z* Cheveux crépus m- 1 r r
, . "^ . \ taire,
seresaiigulaircmeat. i .t.,
3" Cheveux crépus in- i „ „ .^ , ,
sérés circulaircmenl. \ ^' ^^^'^"'«^^•
On peut classer les poils en trois groupes : les poils longs, les poils
courts, les poils rudimentaires ou duvet. Parmi les poils longs, les che-
veux par leur rôle, leur nombre, etc., présentent un intérêt de premier
ordre ; nous les étudierons tout d'abord. Les cheveux sont implantés sur le
cuir chevelu ; les limites de cette implantation sont variables avec les
races. Cazcnave en effet a signalé cinq prolongements (sur la partie
médiane du front, au-dessus de la partie externe de l'orbite, et sur les
tempes). Ils limitent en avant l'implantation des cheveux dans la race
caucasique. Geoffroy Saint-IIilaire a constaté de son côté que dans la race
hottentote ces cinq pointes font absolument défaut, le contour antérieur
de la chevelure est circulaire ; en arrière les cheveux descendent plus ou
moins bis sur le cou au-dessous de la nuque. Dans la race hottentote
(Prichard) les cheveux au lieu d'être régulièrement disséminés surlecuir
chevelu, sont groupés en faisceaux de telle sorte que s'ils sont coupés
ras, la télé prend l'aspect d'une brosse dure de souliers [of a hard shoe
bru^h). Les cheveux peuvent dépasser un mètre de longueur ; c'est chez la
femme qu'ib atteignent les plus grandes dimensions; dans certains cas ils
peuvent, comme nous en avons été témoin, descendre jusqu'au dessous des
genoux, atteindre le milieu du mollet. Bicliat et d'autres auteurs prér
i PILKDX (SmÈMB).
sentent la longueur de nos cheveux comme une preuve à invoquer en
faveur (le la destination de Thomme à Tattitude bipède; ces longs
poils généraient prodigieusement en effet pour la progression dans
l'altitude ((uadrupcde. Aussi l'usage de couper les cheveux se rencontre
même chez les peuples les moins civilisés, dans les races alléganicnnes
(Peaux rouges, hyperboréennes Esquimaux, australiennes Taïticns). L'ex-
trémité de ces poils avant toute section est conique et plus ou moins fine.
Mais Tusage de couper les cheveux donne à cette extrémité une surface
nette, transversale ou oblique, puis plus tard les inégalités de lasurface de
section disparaissent l'extrémité, s'amincit peu à peu par l'action du frot-
tement de la brosse et du peigne. Les cheveux sont tantôt cylindriques
et leur juxtaposition produit l'aspect des cheveux plats; d'autrefois aplatis
dans un sens, élargis dans le sens contraire ils se contournent, ils frisent
alors, ainsi que cela se voit pour les cheveux crépus de la race nègre
(Pruner-Bey). De grandes variations existent dans le diamètre des che^
veux. Aux diamètres les plus petits correspondent les cheveux les plus
ondulés. D'ailleurs, flexibles et élastiques, ils supportent sans se rompre
des tiactions considérables, et l'arrachement du cuir chevelu chez les
ouvriers, saisis par leur chevelure dans le mouvement d'une machine,
fait malheureusement bien connu, en est la conséquence et la démonstra-
tion. Oesterlen, cité par Joannet, insiste sur Timporlance qu'il y a pour le
médecin légiste à connaître cette solidité du cheveu : « Que l'on trouve
des cheveux brisés sur un marteau, sur une pierre, cet état fragmenté des
cheveux devra faire supposer l'emploi d'une telle force qu'un plan
résisl:^nt d'appui, comme un os, aurait été du même coup infailliblement
brisé. En outre cette solidité démontre que les cheveux ou poils sont
plutôt déracinés que brisés dans leur tige, d'où cette conséquence, quand
la racine fuit défaut, il est difficile à priori de croire à un arrachement. x>
Le pouvoir hygrométrique des cheveux est de notoriété vulgaire depuis
l'usage de l'hygromètre à cheveux de Saussure. Quant au pouvoir électrique
il existe des ditîérences individuelles notables. Il n'est pas rare de rencon-
trer des individus ayant des cheveux secs et non frisés chez lesquels on peut
éleclriscr la.chevcluro par le frottement du peigne. Nous avons pu, dans
tes ( onditions, entendre alors do nombreuses crépitations, faibles mais
très -distinctes chez un jeune homme bien portant d'ailleurs. Eble,
Sappcy ont observé des faits analogues. Ce dernier auteur ajoute que ce
dégagement dans un cas dont il a été témoin bien que nes'accompagnant
d'aucime modification dans l'exercice des fonctions cérébrales, était sur-
tout remarquable après un travail intellectuel un peu prolongé.
Les poils de la barbCy presque toujours plus ou moins frisés, d'une
teinte généralement plus claire que les cheveux, présentent comme eux
de grandes différences individuelles, quant à la flexibilité, la longueur, etc.
On cite des cas remarquables d'individus ayant des barbes d*une
longueur véritablement extraordinaire. Bartholin, entre autres, rapporte
qu*un moine avait une barbe descendant jusqu'au sol. La barbe dans
notre race se développe au moment de la puberté dans le sexe masculin.
PILEUX (Système). 5
mais il n'est pas tfès-rarc de constater chez la femme un développement
anormal surtout à la suite de Tépoque de la ménopause. Une dame de
New-Y'ork présenta à chacune de ses trois grossesses, d*après Slocum un
déTcloppement de barbe sur les joues et le menton. L'apparition coïnci-
dait avec la cessation des règles, la croissance atteignait 1 pouce 1/2 jus-
qu^à raccouchement, puis la disparition s'effectuait au moment de (a
reprise des fonctions menstruelles.
Les mutilations des organes génitaux avant la puberté ont un reten-
tissement sur le développement des poils, qu'elles entravent. Mais s'il est
▼rai que les eunuques n'ont que peu ou pas de barbe, ce serait à tort qu'en
généralisant on rattacherait à l'absence de barbe, chez l'homme, l'idée de
faiblesse génitale. Il existe des variétés de l'espèce humaine qui sont
privées de barbe en grande partie comme dans certains rameaux mongo-
liqucs, ou même entièrement comme dans la race alléganienne (Vail-
lant). Dans certains cas de vices de conformation des organes sexuels, con-
fondus à tort sous la dénomination d'hermaphrodisme; c'est parfois le
développement des poils du visage qui éveille l'altention, et contribue à
faire reconnaître Tidentité. Toulei'ois ces individus mal conformés ont gé-
néralement beaucoup moins de barbe et de moustache que n'en pré-
sentent normalement les hommes bien constitués à l'âge de puberté.
Les poils du pubis, des aisselles, de l'anus présentent entre eux une
grande analogie de forme, de structure, de longueur; ils apparaissent dans
les deux sexes à l'époque de la puberté. Chez l'homme les poils du
pubis entourent la base de la verge, contournent les bourses sur lesquelles
on en rencontre bien encore, mais trcs-espacés ; puis recouvrant le
périnée ils se confondent avec ceux de l'anus. De même, chez la femme les
poils du mont de venus se continuent avec ceux qui revêtent la face
externe des grandes lèvres, mais rarement ils se prolongent sur le
périnée. Ces poils ont généralement des teintes plus sombres que les
cheveux; cependant les poils roux sont loin d*être rares en cette région.
Ils sont frisés et restent assez courts; toutefois, Siebold, Yoigtel cités par
L. Vaillant, ont rencontré des faits très-exceptionnels, d'une croissance
exagérée des poils du pubis, ceux-ci atteignaient le genou. Les poils des
aisselles comme les précédents sont généralement frisés, aplatis* peu
longs. Presque toujours en contact avec la sueur qui est acide ils sont par
suite moins colorés, puis cet'e espèce de macération prolongée, le frotte-
ment des vêtements contribuent à les altérer; aussi, souvent la pointe est
divisée en pinceau de fibres. Les poils courts qui recouvrent l'abdomen,
la poitrine, les membres, sont d'autant moins colorés qu'ils sont plus
courts; leur développement est surtout marqué à l'âge adulte, dans le
sexe masculin, par l'exagération en ces points du duvet ou lanugo que
nous avons dit recouvrir le corps humain, poils fins décolorés qui très-
souvent ne sont visibles qu'à l'aide de la loupe. Si ce développement se
généralise, le corps prend un aspect plus ou moins velu d'où la dénomi-
nation d'hommes-chiens que reçoivent ces individus. Dans certain cas^ le
développement est limité à une région du corps.
6 PILEUX (StstIme).
Nous insisterons peu sur les poils annexés aux appareils des sens,
dont ils sont, par leur rigidité et leur situalion, les organes protecteurs.
Les sourcils, dont les deux arcades mobiles plus ou moins fournies
jouent un rôle considérable dans l'expression de la physionomie, sont
encore utiles en détournant des paupières la sueur venant du front, de
plus ils arrêtent les rayons lumineux supérieurs qui pourraient gêner la
vision. .
Les cils implantés sur la lèwe antérieure du bord des paupières, ont
souvent une coloration plus foncée que celle des cheveux. Ces poils sont
semés sans ordre, sur une surface de un millimètre de hauteur sur trois
centimètres de largeur (Sappey). On en compte cent à cent vingt sur cha-
que paupière. Ceux de la paupière supérieure décrivent une courbe à con-
cavité supérieure, ceux de la paupière inférieure ont une courbure à con-
cavité inférieure, d'oii la possibilité du rapprochement des paupières, sans
qu'il y ait entrecroisement des cils. Les altérations dans la direction de
ces poils déterminent des accidents, qui constituent la maladie désignée
sous le nom de thriciasis. L'inflammation réitérée des paupières peut
entraîner la chute des cils, ce qui porte un trouble profond à l'expression
du regard.
On trouve aussi quelques poils très-fins, rudimentaires sur la caron-
cule lacrymale, leur fonction est encore inconnue.
Quant aux vibrisses rigides et courtes placées à la face interne des nari-
nes, leur direction de haut en bas, et leur entrecroisement en forme d'en-
tonnoir, permet de se rendre facilement compte de leur r61c protecteur de
la muqueuse nasale; elles retiennent les corps étrangers, qui sans cela
viendraient irriter l'intérieure des narines. De même les poils insérés sur
le tragus de l'oreille externe, protègent le conduit auditif. Nous n'avons
rien de spécial à noter au sujet des poils courts qui se rencontrent surtout
chez l'homme plus ou moins nombreux et développés, sur la poitrine et
le ventre, au niveau de la ligne blanche, ce qui fait que l'homme, à ren-
contre des animaux, est plus velu sur le ventre que sur le dos. Nous rap-
pèlerons seulement à ce propos cette remarque d'Aristotc que le singe,
intermédiaire à l'homme et aux quadrupèdes est également velu sur le dos
et sur le ventre. Du reste il est également à noter au sujet de la direc-
tion des poils situés sur les membres, que sur les avant-bras, ceux-ci
remontent du poignet vers le coude, disposition qu'on ne retrouve que
chez les singes les plus élevés de la série animale : gorille, chimpanzé,
orang-outang, dits singes anthropomorphes (Vaillant).
Le développement e;[agéré des poils peut se rencontrer soit généralisé
k tout le corps, soit limité à une région plus ou moins étendue. Dans ce
dernier cas, ils constituent une variété de ce qu'on désigne sous le nom de
signes, s'ils sont très-eonfluents dans un point circonscrit. D'autres fois, il
s'agit d'une hypertrophie localisée du système piletix, sur un membre
par exemple : A la suite de trouble d'innervation ayant entraîné un ra-
lentissement de la circulation, ou bien consécutivement à des lésions du
système circulatoire amenant la stagnation du sang dans les capillaires,
PILEUX (Système). — anatomie. 7
dans la phlébartérie (Broca) ; et les inflammations chroniques locales, i^ieux
ulcères, abcès scrofuleux, ou même certains cas de lésions du squelette^
ostéite, carie, tumeur blanche et fracture.
On rencontre également la présence de poils en des points de l'économie
qui en sont normalement privés. Ces cas d'hétérotopie sont loin d'être
rares. Sédillot, Martin, ont publié des cas de développement de poils
dans la vessie; on en a signalé également dans le rectum, dans la bou-
che, etc. Enfin on constate fréquemment la présence de poils dans les
kystes dermoides (t. XII, p. 748, fig. 95), dans les inclusions fœtales.
AiiAtomle. — Nous allons étudier actuellement Tanatomie des organes
constituant l'appareil pileux : le poil proprement dit, et l'appareil produc-
teur du poil, le follicule pileux.
Le poil se compose d'une partie libre ou tige^ et d'une radnc ; celle-ci,
contenue dans le follicule, renflée à sa partie inférieure, est molle et
constitue la bulbe pileux, on y rencontre une dépression qui a été com-
parée a un fond de bouteille, dans laquelle pénètre la papille du poil. La
ti^e qui se termine par une extrémité fine, offre des différences de lon-
gueur que nous avons précédemment signalées. Daprès l'opinion de Brovme
et Pniney-Bey les variétés d'aspect qu'elles présentent, tiges lisses, bou-
clées, frisées, crépues, tiennent à des différences de forme. C'est ainsi que
les poils lisses sont cylindriques, les bouclés et frisés sont légère-
ment comprimés dans le sons de l'ondulation, les poils crépus du nègre,
ont une tige aplatie. Mais les recherches de Pruney-Bey ont été contestées
par divers micrographes, entre autres par Nathusius. La difficulté de pra-
tiquer des coupes parfaitement transversales serait une cause d'erreur dans
les recherches de cette nature. Nathusius ne retrouve aucune connexion
entre l'ondulation et la forme des poils; c'est une question controversée.
Latteux pour pratiquer les sections de poils rigoureusement transversales
a proposé la méthode suivante : sur une planchette en bois de un centimè-
tre carré bien polie, on tend les cheveux, en fixant une de leur extrémité
sur la face postérieure au moyen de la cire à cacheter. On pratique une
petite encoche exactement au centre de la planchette et l'on y fait pénétrer
un à un les poils en les tendant bien parallèlement. On les fera ensuite
pénétrer dans une seconde encoche pratiquée à l'autre extrémité et rabat-
tant la mèche sur la face postérieure, on la fixera avec de la cire, comme
pour le bout supérieur. On agglutine ce faisceau avec des couches de col-
lodion, ce qui forme un cylindre solide, appliqué sur la planchette. Pour
faire la section, on fixe cette planchette bien verticalement et bien solide-
ment dans le microtome, et Ton sectionne. Ce procédé aurait permis de
relever dans l'important mémoire de Pruney-Bey de graves erreurs.
On décrit trois parties constituantes dans la tige du poil : l'cpiderme
du poil, la substance corticale, puis au centre une substance médullaire :
1"* L'épiderme, formé par une couche très-mince, unique de lamelles
épithéliales sans noyau, constitue une membrane parcourue par des
lignes transversales, irrégulières, foncées ; les lignes sont dues aux con-
tours de ces lamelles, imbriquées de telle sorte, que les inférieures
8 PILEUX (Système). — anatoiiie.
recouvrent les supérieures. Ces lamelles manquent au niveau du bulbe ;
elles sont remplacées en ce point par des cellules à noyau. 2^ La substance
corticale, plus ou moins colorée dans les poils de couleur, est au contraire
transparente dans les poils blancs. Cette substance fondamentale du poil
est striée dans toute sa longueur; elle forme dans son ensemble un
cylindre creux, adhérent par sa face externe à la couche lamclleuse pré-
cédemment décrite; dans sa cavité, se trouve la substance médullaire. Les
fibres qui constituent la substance corticale se composent de lamelles allon-
gées, pourvues d'un noyau et contiennent du pigment disséminé par
taches et de Tair. Ces lamelles, par transition insensible, prennent, au
niveau de la racine, la forme de cellules molles polygonales à noyau avec
granulations incolores ou pif^mcntaires. 3^ La substance médullaire, for-
mée de cellules irrégulièrement cubiques, à noyau pâle, se termine
au-dessus du bulbe, elle fait défaut dans les poils follets ou rudimentaires.
Yuc à la lumière réfléchie, la substance médullaire est blanche ; elle est
noire à la lumière transmise, coloration qui est due à la présence de
bulles d'air.
Le follicule pileux est une cavité cylindroïde qui reçoit la racine du
poil, c'est une dépression de la peau; le follicule proprement dit corres-
pond au derme, la gaine de la racine correspond à l'épiderme. Dans le
follicule proprement dit on décrit trois couches : l'interne hyaline, homo-
gène, transparente; la couche moyenne, dont la direction des fibres est
transversale; enfin une couche externe vasculaire à fibres longitudinales.
Les parois du follicule se continuent avec les faisceaux fibreux du derme;
elles avoisinent: les glandes sébacées, situées superficiellement, qui s'ou-
vrent dans leur cavité et dont le volume est généralement en raison
inverse du volume du follicule pileux correspondant ; les muscles lisses
de Thorripilation qui s'y attachent et peuvent redresser les poils ; les
glandes sudorifères et les vaisseaux placés auprès. Au fond du follicule,
la papille du poil^ analogue aux papilles du derme, forme un renflement
conique constitué par des cellules à noyau, contenant un réseau capillaire
et probablement aussi les derniers filets nerveux provenant du plexus à
grandes mailles irrégulières disposé autour de la moitié inférieure ou
profonde des follicules pileux. — La gaine de la racine, simple dépression
de l'épiderme, est comme lui réductible en deux lames secondaires.
L'exteiTic ou muqueuse a la même structure que la couche de Malpighi,
elle est beaucoup plus épaisse que l'interne ou cornée. Celte dernière
lame se compose de cellules allongées sans noyau. — D'après les recherches
de Kôlliker, le germe constituant le premier indice de l'appareil pileux
chez l'homme apparaît vers la fin du troisième mois de la gestation.
La composition chimique des poils est intéressante à connaître : chacun
sait qu'exposés à la flamme ils se consument et brûlent avec une odeur de
corne. Leur tissu est soluble dans les acides et les alcalis concentrés. On
y retrouve la graisse sécrétée par les glandes sébacées, puis du phosphate,
du carbonate de chaux, de la silice, puis enfin du soufre et du fer à l'état
d'oxyde de fer. D'après Mialhe, l'ingestion des ferrugineux aurait pour
PILEUX (Système). — anatouie. 0
efTet de foncer la coloration des cheveux. Cazin a publié le fait curieux
d*une jeune fille chez laquelle la chlorose apparaissait quand on laissait
pousser les cheveux, et disparaissait quand on les coupait. Les poils sem-
bleraient donc une des voies d^élimination du fer introduit dans l'écono-
mie. Vaillant, d'après Heusinger, cite le cas très-rare d'une sécrétion
pigmcnlaire fort abondante, au point de noircir des vêtements.
Maladies du système pileux. — Les modifications pathologiques du
poil humain peuvent être divisées de la manière suivante : augmentation
ou diminution de nombre, hypertrophie ou atrophie, altération de cou-
leur, de direction, altération de structure et maladies parasitaires. Nous
nous bornerons à rappeler ici les noms sous lesquels sont connues ces
différentes lésions de l'appareil pileux, en renvoyant le lecteur aux articles
spéciaux : la Canilie et les colorations accidentelles par diverses matières
colorantes dont les poils sont susceptibles de s'imprégner ; YAlopécie, avec
ses nombreuses yariétés d'origine : absence congénitale, chute sénile, Talo-
pécie partielle souvent due à des altérations des follicules pileux : alopécie
des convalescents, celle d'origine syphilitique (Voy, 1. 1); le Porrigo dé-
calvanSy les Teignes (Favus [t. XIV] et Tricophylie), puis les diverses
lésions de la peau d'origine diatiiésique localisées au follicule pileux :
acné (Voy. 1. 1), eczéma (Voy: t. XII), lichen pilaris, etc.
ÉpilAtoiF€«i. — Nous donnerons sur les épilatoircs quelques détails
que nous emprunterons au livre de Piesse sur les cosmétiques :
Sous ce nom, on comprend les préparations usitées pour dépiler, c'est-
à-dire détruire les poils de quelques parties du corps. Un grand nombre
de ces substances ont une composition dangereuse. Les Turcs et les Persans
se servent du Rusma, qui est un mélange de chaux vive 8, pour orpi-
ment 1, que l'on délaye avec un peu de blanc d'œuf et de lessive de
savonnier. La crème [parisienne a une composition analogue : chaux vive
60 grammes, sulfure d'arsenic 15 grammes, orcanelte 8 grammes. De
même la poudre Laforest, dont il a été donné la formule tome IX, p. 541 .
Les poudres Delcroix, celle de Colley contiennent également de Tai^scnic.
On s'explique aisément les accidents d'intoxication qui ont été signalés à
la suite de l'emploi fait sans précaution et longtemps prolongé de prépa-
rations aussi dangereuses, dont l'elfct épilatoire est d'ailleurs assez
infidèle. Les plus usitées sont : 1^ le mélange épilatoire de Marlins et
Boettger : sulfure sulfuré de calcum, hydrosulphatc ou sulfydrate de chaux ;
^ la poudre -de Boudet qui, elle aussi, ne contient pas de substance
toxique mais peut devenir en des mains inhabiles la cause de lésions
assez sérieuses au point d'application. On a vu en effet survenir, après
une application mal faite ou trop prolongée, une irritation de la peau
pouvant entraîner la formation de pustules et même de cicatrices. En
voici d'ailleurs la composition :
Sulfure de sodiam cristaUisé 3 grammes.
Chaux YÎTe en poudrf^ . . 10 —
AnûdoM 10 —
<0 PILOCARPINE.
On délaye celle poudre dans un peu d'eau, et on laisse la pâte appliquée
sur la peau pendant 1 ou 2 minutes.
Réveil, dans une addition au livre de Piesse (p. 224), a indiqué un
dépilatoire ainsi formulé :
Sulfbydmtc de chaax en pAte bien égoatté 20 grammes
Eitsence de cilron 10 goultes.
Glycéro!é d'amidon 10 grammes.
Amidon 10 —
Suivant Burnelt, le suc des feuilles de ïhemandia sonora est un épi-
latoire précieux el. puissant qui détruit le poil sans nuire à la peau.
Nous rappelerons enfin que pendant longtemps on a fait usage, spéciale-
ment pour arracher les cheveux dans le traitement de la teigne, d'une
calotte en poix. Par ce moyen très-douloureux on obtenait, Tarracheraent
des cheveux, mais ce procédé barbare est aujourd'hui abandonné; Tépila-
tion par la pince plate, journellement employée à l'hôpital Saint-Louis
donne, lorsqu'elle est faite avec patience et par des mains exercées, d'ex-
cellents résultats (Vog. art. Favls, t. XIV, p. 551); cette méthode e^t,
il est vrai, un peu longue, mais elle est facilement tolérée même par
des enfants, sans qu'il soit besoin d'employer préalablement à l'épila-
tion l'anesthésie locale.
«
BEAUKiset BoccHABo. Anatomîe descriptive. 3* ^dit., Paris, 1879.
BicBAT. Anatomîe générale. Paris, 1830, t. IV.
Cazenave (A). Traité des maladies du cuir chevelu. Paris, 1850.
Brocâ. Traité des aiiérrysmcs.
Hateh. Revue des Science» médicales,
JoANRET. Le poil humain, ses variétés d'aspect, leur signification en médecme judiciaire, thèse de
Paris. 1878, n« 179.
KoLLiiBR. Traité d*histologie.
Sappet. Analomie descriplïTe. 3* édit., 1877^ t. HI, p. 640.
Société d* anthropologie^ Bulletins et mémoires. 1860.
Vailunt. Essai sur le système pileux dans l'espèce humaine. Thèse de Paris. 1861, n* 144.
Piesse (S). Des odeurs, des parfums et des cosmétiques, 2* édition. Paris,- 1877.
E. Ort.
PILiOCARPIl!V£ (^aborandi). — La pilocarpine est Talcaloîde
extrait du Pilocarpus pinnatus, de la famille des Rutacées. C'est sous le
nom de jaborandi , que le docteur Coutinho de Pernambuco présenta,
en 1873, et remit à Gubler des échantillons d'une plante douée, disait-
on, de propriétés sialagogues et diaphorétiques remarquables. Les expé-
riences entreprises ne donnèrent pas des résultats identiques , ce qu'on
s'explique, maintenant que Ton sait qu'un grand nombre de plantes de
natures très-diverses, portent au Brésil le nom de jaborandi. En efTet,
l'échantillon importé par le docteur Coutinho, expérimenté par Gubler,
appartient, suivant Bâillon, à la famille des Rutacées. C'est le Pilocarpus
pinnaius; tandis que d'autres plantes vendues au Brésil, également sous
le nom de jaborandi, et expédiées ultérieurement en France, sont des
produits de la famille des Pipers.
Au dix-septième siècle, Pison et Marggraff (Materia medica) ont décrit
trois jaborandi ligneux, frutescents, qui appartiennent au genre piper; l'un
d'eux est le Serronia jaborandi, très-répandu au Bréisil. D'autres jabo-
•
PILOCARPINE. — HISTOIRE naturelle. il
randi appartiennent à la famille des Scrofulariécs, ce sont les Hespestes;
enfin le Monniela trifoliala est de la Tamille des Rutacées. C'est cette
dernière plante que Lemaire, en 1852, avait nommée le PUocarpus pen-
natifolius. Ce genre pilocarpus de famille des Rutacées, est très-voisin
du genre Citrus. Parmi les plantes vendues au Brésil, communément sous
le nom de jaborandi , il faut citer VOttoma anisum, le Serroconia jabo-
randi, le Piper nodosum^ \e Piper reticulatum et le Piper citrifolium;
quelques espèces du genre Esenbeckia et certaines Rutacées. Il existe au
Jardin des Plantes de Paris, un Pilocarpus simplex.
Les premières recherches sur la valeur thérapeutique du jaborandi,
ayant été entreprises par Gubler en France (1874), avec le Pilocarpus
pinnaiifbliuSj nous donnerons ici, d*après Planchon, les caractères
botaniques de cette Rutacée, tels qu'il les a indiqués dans le Journal de
pharmacie et de chimie, en mars 1875.
HisToiBB RATUBELLE. — Lcs racincSy cylindroïdes, d'une couleur jaune*
orange pâle, présentent une écorce de deux à trois millimètres, une cas-
sure grenue qui laisse voir à la loupe de nombreuses larmes d'une matière
résinoïde ; il y a, au centre, un cylindre ligneux d'un blanc satiné. Sa sa*
veur, d'abord un peu nauséeuse, devient promptcment piquante et fraîche.
Les tiges sont recouvertes d'une écorce d'un gris noirâtre tacheté de
blanc. Au-dessous de la couche subéreuse, on trouve, par la cassure, un
tissu blanc jaunâtre parsemé de larmes résinoïdes. Au microscope ,
l'écorce présente, au-dessous de plusieurs rangées de couches subéreuses,
de nombreuses cellules parenchymateuses, dont quelques-unes renfer-
ment des cristaux en rosette. De grosses glandes apparaissent â la loupe,
dans les couches externes ; elles sont oblongues, à grand diamètre dirigé
dans le sens tangentiel , sans paroi propre ; des cellules résinifères se
trouvent dans le tissu du liber. Les feuilles sont composées imparipennées
à neuf folioles le plus souvent, rarement sept ou neuf; elles ont un
pétiole épaissi à la base, creusé en gouttière supérieurement. Ces fo-
lioles sont fermes, coriaces, elliptiques, obtuses au sommet; elles ont
une nervure médiane saillante. Sur leur face inférieure, on ren-
contre de nombreuses glandes translucides, sous forme de taches
brunes punctifonnes, présentant â la loupe l'aspect de petites dépressions
remplies d'un exsudât résinoïde. Les feuilles adultes sont glabres, leur
saveur est nauséeuse, aromatique, leur odeur rappelle l'odeur des feuilles
d'oranger.
La structure de ces feuilles est la suivante : un cuticule, amorphe â la
surface, recouvre les cellules longues et étroites, où Ton rencontre la
chlorophylle ; un parenchyme lâche de cellules , renfermant de la ma-
tière granuleuse verte contient, dans son épaisseur, des glandes oléifères.
•C'est à la partie inférieure que sont placées les stomates.
Les fleurs, portées par un pédoncule de cinq à six millimètres, ont un
calice à cinq dents, les pétales épais, d'un gris fauve, et possèdent des
glandes oléifères. 11 y a cinq étamines au-dessous d'un disque annulaire
très-développé. Les fleurs ont une odeur de citron.
12 PILOCARPINE. — prophètes orgaroleptiques.
Les fruité, de quinze millimètres de long, sur dix de large, sont ainsi
conslitués : des carpelles réniformes à Taces, latérales, bombées, brunes,
marquées de taches lenticulaires noires ; une enveloppe extérieure repré-
sente le mcsocarpe et Tépicarpe; Tendocarpe est ligneux, il renferme une
graine unique.
Tels sont, d*après Planchon, les principaux caractères du pilocarpus
pennatifolius.
Dans une note publiée par Gubler, dans le Journal de thérapeuti-
que (1875), on trouve, par contre, décrit le piper reticulatum, qui |K)s-
sède , dit-il : « le double caractère d'avoir des feuilles dont la forme rap-
pelle assez exactement celles du citronnier, et dont les nervures
nombreuses et saillantes, fréquemment anastomosées , lui ont valu son
nom. Cet arbrisseau, d'un mètre environ, a des tiges fasciculées à la
base, simples et dénudées dans la moitié de leur longueur, cylindriques,
très-étroites et articulées à la manière de celles des bamboux ; elles sont
chargées en haut de feuilles altemes, brièvement pétiolées, lancéolés»
obtuses, d'un vert foncé, entremêlées parfois de chutons mâles. » Cette
variété de jaborandi a été expérimentée comparativement avec le pilocar-
pus pennatifolius. C'est pour cela que nous avons rapporté ici quelques-
uns des caractères de cette plante.
Le pilocarpus pennatifolius apporté en Europe par Libon, en 1847,
avait été recueilli dans la province de Saint-Paul du Brésil; il est cultivé
au Jardin des Plantes de Paris, sous le nom de pilocarpus simplex, mais
Bonpland, antérieurement, l'avait récolté dans la province de Corrientes
et étiqueté : Picada di Trinidad. « La connaissance de cette localité,
dit le professeur Bâillon , est précieuse, parce que, si contrairement à
tapt de médicaments dont la réputation n'a guère survécu, ce jaborandi
continuait d'être recherché en thérapeutique , la plante pourrait , sans
doute, être cultivée avec succès dans le midi de l'Europe et dans notre
colonie algérienne. x>
PnopRiÈTÉs ORGANOLEPTiQUEs ET CHIMIQUES. — Lcs feuillcs ct la plante
entière exalent une odeur légèrement aromatique, qui se prononce
davantage, si on les froisse entre les doigts. Elles sont d'une saveur acidulé
au début, puis chaude et piquante ; cette saveur se retrouve dans la tige, ,
mais surtout dans la racine et principalement dans les divisions un peu j
' volumineuses de la grandeur d'une plume de corbeau. La saveur ;
piquante devient cuisante et détermine des scintillations douloureuses, \
des frémissements vibratoires de la langue et des lèvres, avec une sccré- .
tion trcs-active de la salive. Lorsqu'on a rejeté la pulpe sapide, les effets \
persistent encore un certain temps, puis disparaissent progressivement, ]
laissant une grande fraîcheur dans la bouche, avec une anesthcsie gusta- i
tive incomplète. •;
Quand on distille de l'eau sur des feuilles de jaborandi, le produit de
la distillation a une odeur aromatique et une saveur poivrée. ^
On émit tout d^abord l'hypothèse, que le pilocarpus pinnatus devait i
son action sur l'économie à. son huile essentielle, le Pilocarpène C^* 11^*, ^
PILOCARPINE. — DOSES, pbepabatioiis. 13
liquide incolore mobile (densité à 18* 0,852) qui dévie à droite la
lumière polarisée; on a reconnu, depuis, que ces elTets sont dus à un
alcaloïde, la pilocarpine. En effet, c'est en mai*s 1875 que E. Hardy
obtint la pilocarpine.
Le procédé d'extraction de cet alcaloïde fut le suivant. On fait
successivement un extrait aqueux et alcoolique de jaborandi, puis
on traite par Tacétate de plomb ammoniacal, on élimine le plomb
en excès par Thydrogène sulfuré, on ajoute à la liqueur du bichlo-
rure de mercure. Le précipité formé est séparé des eaux mères, puis traité
par rhydrogène sulfuré; on obtient ainsi du chlorhydrate de pilocarpine.
Ce sel, soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool absolu et l'étber, forme,
avec le chlorure d'or, un sel double parfaitement cristallisé. Pour en
retirer la pilocarpine, il sufGt de la décomposer par l'ammoniaque, en
présence du chlorororme. Cet alcaloïde) bien distinct de l'huile essen-
tielle, du carbure d'hydrogène que contient la plante, possède les pro-
priétés physiologiques du jaborandi.
M. Gerrard, qui a poursuivi de son côté des recherches sur ce sujet,
obtint, peu après, cet alcaloïde. Voici le résumé de son procédé : il pré-
pare l'extrait mou en épuisant les feuilles ou Técorce par Talcool à 50* ;
reprend par Teau cet extrait, filtre, évapore, ajoute de l'ammoniaque, puis
agite fortement avec du chloroforme. Le chloroforme en s'évaporant
laisse déposer la pilocarpine, et cet alcaloïde peut se combiner avec
l'acide nitrique et l'acide chlorhydrique pour former des sels cristalli-
sables. Cet auteur indique, comme entrant aussi dans la composition du
jaborandi, une résine acre, une huile volatile, du tannin, de la chloro-
phylle (J. de pharm. et chimie, février 1876). Duqucsnel, Petit, ont légè-
rement modifié et simplifié ces procédés d'extraction. Enfin Kingzett,
pour obtenir la pilocarpine, opère ainsi. Il épuise les feuilles de jabo-
randi, avec de I eau à 70'', acidulé le liquide obtenu, chauffe pour
coaguler les substances albumineuscs, filtre, précipite l'alcaloïde par
Tacide phosphomolybdique, traite le précipité par une solution chaude de
baryte et enlève l'excès de baryte par un courant d'acide carbonique.
D'après lui, la formule de la pilocarpine amorphe serait C". IP*. Az*. 0*.
La pilocarpine a été combinée avec divers acides : avec Tacide nitrique
et chlorhydrique. Il se forme des sels bien cristallisés; on a éga-
lement obtenu du phosphate et de l'acétate de pilocarpine.
Doses, PRÉPAUAHoris, mode d'administration. — Les premières expé-
riences, faites à l'hôpital Beaujon dans le service de Gubicr, ont été pra-
tiquées en employant le jaborandi sous forme d'infusion de feuilles, de
petits rameaux concassés, ou d^écorccs ; ou bien en extrait aqueux, puis
en élixir et en sirop. Après la découverte de la pilocarpine, le mode d'ad-
ministration fut simplifié, et l'on put prescrire Talcalôïde, ou bien
les sels : azotate, chlorhydrate, acétate de pilocarpine, en solution, et
par suite, soit en injection hypodermique, soit en collyre.
L'infusion de jaborandi se peut prescrire à la dose de 4 grammes de
Ceuilles infusées pendant 15 minutes dans 125 grammes d'eau bouillante
14 PILOGARPINE. — propriétés et effets physiologiques.
On peut atteiadre 6 grammes chez Thomme adulte. Souvent 2 grammes
suffisent chez la femme ; il serait imprudent de dépasser cette dose pour
un enfant.
La dose d'extrait aqueux employée par A. Robin ^arie entre 0,90 cen-
tigrammes et 1 gr. 50 centigrammes, suivant Tâge et le sexe. D'après
Constantin Paul, 1 gramme d'extrait correspond à 5 grammes de feuilles.
Pour Telixir de jaborandi préparé par Colliguon, 0,20 centigrammes cor-
respondent à 4 grammes de feuilles.
On emploie maintenant l'alcaloïde du jaborandi en solution. Les injec-
tions hypodermiques ont été trè&-souvent |)ratiquces chez l'homme, soit
avec une solution titrée de pilocarpine, soit avec une solution de nitrate
ou de chlorhydrate de pilocarpine, sans qu'on ait noté d'accidents par
irritation locale.
Pour le nitrate de pilocarpine, la dose est de 1 à 4 centigrammes; pQur
le chlorhydrate, les doses doivent être plus faibles encore. On peut dis-
soudre ces sels dans l'eau distillée, ou bien, comme l'a fait Courserant
dans l'eau de laurier cerise. Quand on se sert de cetle substance sous
forme de collyre, on constate des effets locaux (myosis et légère contrac-
ture) avec une seule goutte d'une solution à 2,5 pour 100 déposée sur la
cornée.
Propriétés et effets physiologiques. — Dans uu important mémoii^
qui a pour titre : Études physiologiques et thérapeutiques sur le Jabo-
randi (pilocarpus pinnalus), l'auteur, A. Robin, a publié les premières
expériences dont il a été témoin à l'hôpital Beaujon dans le service de
Gubler. Les faits nombreux qui s'y trouvent consignés ont été, depuis,
presque tous entièrement vérifiés, il convient de ne pas l'oublier ; car
les résultats obtenus par le jaborandi (infusion et extrait aqueux) sont les
mêmes, à peu de chose près, que ceux constatés par l'emploi de la pilo-
carpine et ses sels.
Les effets physiologiques produits par l'ingestion d'une dose suffisante
sont les suivants : sudation, salivation, larmoiement, augmentation des
sécrétions bronchiques, hypcrcrinie nasale. Mais ces phénomènes qui
sont assez constants, sinon dans leur intensité, du moins dans leur appa-
rition, sont susceptibles d'un grand nombre de variations.
L'infusion de jaborandi est un excellent sudorifique; la sudation est
annoncée par quelques symptômes précurseurs ; rougeur de la face,
battements des artères temporales, sentiment de plénitude des régions
les plus vasculaircs, parfois, mais rarement, un peu de vertige. La durée
moyenne de la sueur, depuis son début jusqu'à sa terminaison complète
varie de 2 à 3 heures. D'après Strumpf, la sudation qui s'établit sous
l'influence du jaborandi, a varié dans 48 cas de diaphorèsc, entre 98 et
895 grammes, soit en moyenne 474 grammes ; environ cinq fois plus
qu'à l'état normal. La sécrétion sudorale Unit presque toujours par les
parties qu'elle a envahies les premières, c'est-à-dire la face, le sommet de
la poitrine, les mains (Albert Robin).
Les qualités de la sueui* se modifient, d'acide qu'elle était au début,
PDXKIARPINE. — PROPRIÉTÉS et effets physiologiques. 15
celle-ci. (end à avoir une réaction plus ou moins franchement alcaline ;
ses caractères chimiques sont également modifiés, Turéc, les chlorures,
sont éliminées en plus grande abondance. Gillet de Grandmont, dans ses
eipériences faites avec des injections de pilocarpine, a retrouvé dans la
sueur une certaine proportion de Talcaloïde.
La sécrélion scUivaire est sensiblement influencée : on perçoit, tout
d^abord, un sentiment de chaleur dans la «bouche, parfois un peu de sensi-
bilité dans la région sous-maxillaire. La salivation, qui débute d'ordinaire
plustôtquc la sudationdure moins longtemps qu'elle. Limousin 1878, avec
le réactif de Winkler, a reconnu dans la salive la pilocarpine, après une
injection sous-cutanée de cette substance. L'effet sialagogue du jaborandi
ou de la pilocarpine se manifeste également chez les animaux (Hardy,
Bochefontaine) : le chien, le cheval, la souris. Pour Dumas, qui entreprît
des expériences dans le service de Siredey, avec de la pilocarpine préparée
par Duquesncl, la principale action de cette substance est, avant tout,
d'augmenter la sécrétion salivaire ; il pense même que ses propriétés
sudonfiqucssoni secondaires. Chez les individus qui ne salivent point, on
constate souvent des vomissements, du malaise, des nausées, une ten-
dance à la syncope, ou seulement de la défaillance. Gillet de Grandmont
en tire cette conclusion, que les glandes salivaires sont Tune des princi-
pales voies d'élimination du jaborandi, car ces accidents sont probable-
ment dus à l'action de la pilocarpine sur la muqueuse de l'estomac.
Sehvrahr confirmant les expériences de Garville, a constaté que le flux
salivaire ne s'arrête pas chez un chien soumis à l'action du jaborandi,
ni par la section de la corde du tympan, ni par l'arrachement du ganglion
cervical supérieur. 11 vit que, sous l'influence de ce produit, le sang qui
s'écoule par une ouverture pratiquée sur la glande sous-maxillaire, est
d'un rouge plus clair et d'une abondance plus grande ; que coi effet per-
siste encore après la section de la corde du tympan.
Il faut admettre l'hypersécrétion du mucus dans toute l'étendue du
tube digestif. Les vomiturilions, les rejets glaireux filants semblent le
démontrer; parfois des selles diarrhéiques ont été constatées et cela prin-
cipalement lorsque la diaphorèse est entravée ou supprimée. Quand il y
a déviation de l'action du pilocarpus, dit A. Robin, au vomissement vient
toujours se joindre une diarrhée d'abondance variable, précédée souvent
de coliques. Celte diarrhée cesse comme les vomissements, quand la plus
grande partie du principe actif du jaborandi a été rejetce. — Chez les
animaux, on a pu vérifier que toutes les glandes du tube digestif sont ex-
citées, et que le foie et le pancréas participent à l'hypercrinie générale.
Les effets sur les sécrétions lacnjmales, nasales et trachéobronchiques
sont moins constants. L'hypercrinie nasale manque souvent, de même
aussi l'augmentation de sécrétion de la muqueuse trachéohronchique.
Toutefois, généralement, sous l'influence du jaborandi les crachats sont
rendus plus fluides, ils sont plus faciles à détacher, et sont expulsés
bientôt après sans effort. Mais, quand l'action du jaborandi cesse, à
l'hypercrinie passagère, succède un sentiment de sécheresse de la gorge.
16 PILOGARPINE. — propriétés et effets physiologiques.
et dans certains cas de bronchorrhée (Giibler, A. Robin), la quantité des
crachats rendus ultérieurement fut diminuée ; cet état persiste parfois
environ 24 heures après l'administration du jnborandi.
L'action sur les urines est variable, semble-t-il, suivant les doses absor-
bées. La quantité d'urines rendues parait être tout d^abord en raison
inverse de l'abondance de la transpiration. Mais si le jaborandî est admi-
nistré à doses fractionnées, l'augmentation possible des urines a été notée.
Le fait a été vérifié par Rendu, et par Langlet [(de Reims). Ce dernier
auteur a constaté une véritable hématurie, dans un cas où l'on avait dû
prolonger longtemps l'usage du médicament. Cette hématurie se déclara
alors, sans doute, par suite de Texcès du, travail imposé aux reins.
« La diminution de la quantité d'urine sécrétée, dit A. Robin, n'est pas
assez considérable pour compenser les pertes liquides effectuées par la
peau et les glandes salivaires, de telle sorte que l'élimination y gagne
quoique les reins soient déchargés d'une partie de leur travail fonction-
nel. » La diminution de Purée, de l'acide urique, prouve l'abaissement
des combustions désassimilatrices; il y a aussi diminution des chlorures.
L'hypercrinie lacrymale n'est pas le plus important des effets du jabo-
randi et de son alcaloïde sur V appareil oculaire. On a noté aussi une
contraction pu pilla ire qui débute vers le moment où la sueur se géné-
ralise. — Galezowski, dans ses recherches, n'avait trouvé que l'action
myotiquede la solution de pilocarpine déposée sur l'œil; Alexaudroff, de
la clinique du docteur Metaxas (de Marseille), observa également le fait
de la contraction pupillaire ; mais, depuis, Pietro Albertoni ayant instillé
cette solution dans l'œil de l'homme et des animaux, a noté du myosis
et en même temps un spasme accommodatif de la vision ; puis, dans une
seconde période, plus durable, de la mydriase sans altération de l'accom-
modation. Si Ton fait une injection hypodermique à distance, l'action sur
l'iris est nécessairement beaucoup moins marquée, puisque les sécrétions
rejettent immédiatement la plus grande quantité du médicament (Gillet
de Grandmont). Apres l'ablation du ganglion cervical supérieur du grand
sympathique chez le chien, l'instillation de la pilocarpine ne peut plus
produire la dilatation de la pupille; d'où cette conclusion formulée par
P. Albertoni : que la pilocarpine agit en excitant autant le nerf moto-
oculaire commun (myosis passager), que le grand sympathique (mydriase
intense et de longue durée) : cette dernière action, selon lui, étant plus
durable et plus intense, mais plus lente à se produire.
Faut-il expliquer la dilatation pupillaire, simplement par Tétat nauséeux
déterminé par le jaborandi ?
Pour compléter l'étude des effets de la pilocarpine sur les organes
sécréteurs, ajoutons que sous son influence , la sécrétion lactée en partie
tarie chez une nourrice atteinte d'érysipèle, a été heureusement excitée,
et que le lait reparut et les mamelles reprirent leur fonction avec plus
d'abondance (A. Robin, Soc. de Biologie, 1875).
L'influence du jaborandi sur les modifications de la température a fait
l'objet de nombreuses recherches. <x La température axillaire s'élève gra-
PILOCARPINE. PROPRIÉTÉS et effets PHYSrOLOGIQOES. il
duellemcnt jusqu'au moment où la salivation est bien établie et où la
sudation commence à devenir générale. Cette élévation de température
est d'environ 4/10 do degré chez les individus bien portants. Quand la
sudation est arrivée à son maximum, la température baisse un peu, mais
sans cependant revenir encore à son degré primitif qu'elle atteint seule-
ment vers la Gn du maximum, quand les hypercrinies tendent à s'apaiser.
A leur déclin, la température tombe de quelques dixièmes de dt^grés,
au-dessous de son point initial (A. Robin). Suivant Gillet de Grandmont
les injections hypodermiques de pilocarpine ont pour résultat d*abaisser
la température de près de 1 degré, cela dans un espace de temps très
limité, et persisterait plusieurs heures. Bardenhéwer prit la température
rectale, il a constamment noté un abaissement de la température du corps
de 5 à 6 degrés pendant la durée de la sueur.
Labaissement de la lenêion artérielle a été constaté dès les premiè-
res expériences. On vit le pouls plus accéléré, les battements du cœur
un peu irréguliers, et Tinfluence des mouvements respiratoires sur la
circulation, se faire sentir plus manifestement qu*à l'état normal. Curs-
chmann, Bardenhéwer, dans un cas de colique de plomb, ont conGrmé ce
fait, déjà signalé par Gubler et A. Robin, que le pouls perd sa tension et sa
dureté. 0. Kayleret J. Soyka, comme Bochefontaine et Galippe ont re-
connu qu'une petite dose d'infusion de Jaborandi, injectée dans les
veines, provoque une chute immédiate et passagcre*de la tension artérielle
a?ec accélération momentanée du pouls ; que des doses plus fortes ont
une action semblable mais plus persistante, qu*euGn, par des doses plus
[ories encore, la chute de la tension arlérielle est plus considérable
mais qu'en même temps, il se produit un ralentissement marqué du pouls.
Vulpian, dans une intéressante communication faite à la Société de
Biologie, rapporte, qu'ayant fait dans la veine cave d'un chien, une injec-
tion d*extrait de Jaborandi, il constata des troubles intenses du côté du
cœur, le ralentissement des battements du pouls, avec menace de mort ;
dans quelques expériences il y eut un arrêt brusque du cœur. Ces effets
furent surtout sensibles chez la grenouille ; l'arrêt du cœur se fait en
diastole. Langley a, sur des crapauds, des grenouilles, des chiens, des
lapins, vcriGé ce fait que le Jaborandi ralentit les battements du cœur;
le même auteur établit que c'est toujours le ventricule qui s'arrête le
premier, quoique les oreillettes puissent être troublées dans leur rhythme
avant le ventricule, et que l'abaissement de la tension artérielle soit le
premier symptôme de l'action du Jaborandi sur la circulation. Fracnkel
a noté (1878) que le nitrate de pilocarpine à la dose de 0,02 c. à 0.04 c.
n'a guère d'action sur la circulation, mais que les doses fortes produisent
un ralentissement notable du pouls. Cet effet a été obtenu par lui, alors
même que les nerfs vagues étaient coupés.
En résumé : le Jaborandi ou la pilocarpine possède des propriétés su-
dorifiques et sialagogucs incomparablement plus marquées que celles des
agents thérapeutiques employés jusqu'ici ; c'est un hypercrinique puis-
sant. Si sou action sur la température est encore discutée, tous les cxpéri-
iocf. MCT. h£o. et CMin. XXYIL -* -
18 PILOCARPINE. — propriétés et effets physiologiques.
mentateurs admettent que cette substance peut abaisser notablement la
tension artérielle. EnGn, son pouvoir myosique lui donne rang dans la
thérapeutique oculaire, au même titre que Téserine.
Il nous reste à signaler encore un point fort intéressant de Phistoire de
ce médicament, à savoir Pantagonisme qui parait exister entre son action
et Paction de Patropinc sur notre organisme, fait signalé par le profes-
seur Yulpian. Depuis, Auber, en injectant 0,025 d*alropine sous la peau
d'un chien, vit apparaître des phénomènes d^intoxication qu'il fit dispa-
raître avec une infusion de 2 grammes de Jaborandi ; toutefois, la dilata-
tion de la pupille persista. L'antagonisme de l'atropine et du Jaborandi
n'est pas admis par Langtey, car cet auteur dit avoir constaté que l'atro-
pine ne peut ramener la tension artérielle à son niveau primitif lorsque
cette tension est abaissée par le Jaborandi.
Enfin, nous devons une mention toute spéciale aux récentes recherches
expérimentales de Straus ; elles ont mis en lumière un point nouveau
relatif à Paction locale des injections hypodermiques de pilocarpiiie. Les
résultats sont intéressants, non-seulement au point de vue physiologique
de la pilocarpine, mais au point de vue plus général de la physiologie des
sueurs locales, et des sécrétions en général.
Les expériences de Straus nous ont appris que, si l'on pratique, chez
Phomme, une injection hypodermique de 0'',01 à 0*%U2 de nitrate de pi-
locarpine (dose physiologique) ensolution dans 1 gramme d'eau, on voit au
bout de deux à cinq minutes, la peau recouvrant l'ampoule formée par le
liquide injecté rougir, puis se couvrir de gouttelettes très-fines de sueur.
Ces gouttelettes apparaissent d'abord à la circonférence de Pampoule, sous
forme d*une collerette; peu à peu, la sueur s'étend concentriquement
vers le centre de l'ampoule qu'elle finit par envahir totalement. Cette
sueur loaile se produit deux à trois minutes avant la salivation, cinq à
huit minutes avant la sueur générale. Cet effet local est d'autant plus
rapide et plus accusé que la peau où a lieu l'injection est plus riche
en glandes sudoriparcs ; les meilleurs endroits sont le devant du sternum,
le front et le pli du coude.
Straus a trouvé en outre le fait curieux suivant : c'est que, en rédui-
sant la dose de pilocarpine, tout peut se borner à une action sudorifique
locale : en injectant une ou deux gouttes d'eau tenant en dissolution de
0*%00i à 0*^004 de nitrate de pilocarpine, on provoque une sueur pure-
ment locale, sans le moindre phénomène général. On peut ainsi, à vo-
lonté, faire suer telle ou telle région du corps et dessiner des lignes
humides sur le reste do la peau demeurée sèche.
L'action antagoniste de l'atropine a permis à Straus de réaliser, d'une
façon élégante, l'expérience inverse. Si, chez un sujet en pleine sueur
sous Pinflucncc de la pilocarpine, on injecte sous la peau de très-faibles
doses de sulfate d'atropine, on voit, à ce niveau, la sueur diminuer
presque immédiatement; au bout de quelques minutes, elle est totale-
ment supprimée. On peut ainsi, dit Straus, réserver à volonté des lignes
sèches sur la peau humide.
PILOCARPINE. — PROPRIÉTÉS et effets physiologiques. i9
Pour assurer que rarrêt de la sueur est bien l'effet de l'atropine et non
celui du seul fait de l'injection d'un liquide, Straus a eu soin d'injecter,
à diverses reprises, simultanément un volume équivalent d'eau pure;
reflet d'arrêt a toujours fait défaut. Cet action d'arrêt local de la sueur
s'obtient à l'aide de doses infiniment petites d'atropine; il n*a jamais
manqué, même avec un millième de milligramme de substance active,
chez l'homme. Chez le chat, une injection de moins d'un centième de
milligramme dans la pulpe d'une des pattes a produit le même effet d'arrêt.
La peau en sueur d'un chat ou d'uu homme peut donc, d'après Texpé-
rience de Straus, être considérée comme un réactif extrêmement délicat
de l'atropine, puisqu'il suHit de l'injection d'un mUlionigramme de cette
substance pour produire l'arrêt local de la sueur.
Les expériences de Luchsinger, confirmées par celles de Yulpian, ont
montré que, chez le chat, une injection de 0'%001 à 0*',003 de sulfate
d'atropine arrête la sueur provoquée par l'injection de 0*^,01 de pilocar-
pine, mais que, si l'on injecte ensuite sous la peau de la pulpe d'une des
pattes 0*%01 de pilocarpine, la sueur reparaît sur cette patte, mais nulle
part ailleurs.
Chez l'homme, Straus a constaté le même fait. En injectant 0^,002 de
sulfate d'atropine, puis, une demi-heure après en une autre région de la
peau, 0*',02 de pilocarpine, il n'y a ni salivation, ni sueur générale,
mais simplement une sueur locale^ très-persistante parfois, au voisinage
du point où a eu lieu l'injection de pilocarpine.
Straus s*est appliqué à déterminer approximativement la quantité de
sulfate d'atropine dont l'injection rend même ces doses massives locale--
ment inefQcaces. Chsz un homme vigoureux, à la jambe, il a pu injecter
graduellement et avec prudence 0*%006 de sulfate d'atropine (0^,001
toutes les dix minutes). Puisi il a injecté ensuite en une seule fois jusqu'à
O^'yOI de nitrate de pilocarpine sur le devant du slermum; malgré cette
forte dose, il n'y eut non-seulement aucune sueur générale, mais même
aucune sueur locale. Il en conclut que chez l'homme, Tinjcetiou de
0^,006 d'atropine rend impossible tout effet sudorifique, tant local que
général de la pilocarpine,
Sur le chat, il a obtenu le même résultat à la suite de Tinjection sous
la peau du ventre de 0'^003 de sulfate d'atropine (0^%001 toutes les dix
minutes). Après cela, l'injection dans la pulpe d'une patte postérieure de
0*% 015 de pilocarpine et l'électrisation du bout périphérique du scia-
tique (expérience de Luchsinger) ne déterminent plus l'apparilion d'au-
cune sueur sur celle patte. (Comptes rendus de llnstitut, 7 juillet 1879.)
Ces faits, nous le répétons, sont singulièrement instructifs au point de
vue de la physiologie des actions sécréto-glandulaires et de Tantagonismc
physiologique des poisons et des substances médicamenteuses. Quoique
les applications thérapeutiques fassent encore défaut, il faut savoir gré à
Straus d'avoir montré que l'on peut, à volonté, faire suer une région
quelconque de la peau et inversement, suspendre à volonté la sueur dans
n'importe quelle région.
20 PILOCARPINE. — APPLicATioiis thérapeutiques. -
Applications thérapeutiques. — D'après Tcxposé des propriétés phy-
siologiques de Jaboraiidi que nous venons de tracer, on s'explique les
nombreuses tentatives qui ont été faites, dans ces dernières années, pour
l'emploi de ce médicament dans le traitement des maladies, ou pour com-
battre cerlains symptômes alarmants.
En qualité de sialalogue, le Jaborandi, suivant Gubler, sera indiqué
dans les états de sécheresse de la bouche avec soif vive : « Atropisme,
intoxications diverses, paralysie faciale, embarras gastrique et Ûèvres,
diarrhée, lésions gastro-intestinales, phlegmasies de la bouche et de la
partie supérieure des voies digestives, le diabète sucré et la polyurie. » Le
D' Leyden, dans un rapport à la Société médicale de Berlin, déclare qu'il
a utilement fait usage du Jaborandi, dans les maladies fébriles: la flèvre
typhoïde, l'angine calarrhale, le rhumatisme articulaire fébrile, la dou-
leur sciatique, et conGrme, par conséquent, les indications formulées par
Gubler. Le D' Testa l'a conseillé contre les oreillons. C'est surtout dans le
traitement des bydropisies que le D' Leyden trouve une indication des
plus importantes comme sudorifique. Cet auteur ne pense même pas que
la pilocarpine soit coritre-indiquée dans le cas d'hydropisie liée à une
affection organique du cœur!
La sudation abondante supplée à l'insufGsance de la sécrétion urinaire
dans la phlegmasie rénale; elle diminue Tépanchement séreux et Tœ-
dème des membres inférieurs dans les affections chroniques des reins.
Sous l'influence de ce médicament, l'hydropisie et les troubles graves de
la respiration diminuèrent chez des malades traités par Leyden, pour des
néphrites épithéliales. Dans une récente communication à l'Académie des
sciences, Yulpian signale l'augmentation des matières albuminoïdes dans
la salive des all)uminuriques,à la suite d'une injection de chlorhydrate de
pilocarpine; ce fait a été confirmé par Straus, agrégé de la Faculté. Langlet
de Reims a traité avec succès un cas d'albuminerie de la grossesse, par
le Jaborandi ; mais, dans ce cas, la sudation fut faible, et le Jaborandi,
ayant agi comme diurétique, détermina de l'hématurie. Le D' Alessandro
Cantieri a obtenu de bons effets de ce médicament dans la néphrite pa*
renchymateuse et la néphrite interstitielle.
Les propriétés alexitères du Jaborandi l'ont fait expérimenter contre
les intoxications par les virus et les venins, dans la rage, par exemple
(Gubler, A. Robin, Brouardei). Au Brésil, il est employé contre la
morsure des serpents les plus venimeux et les empoisonnements végétaux.
C'est en qualité de sudorifique que le Jaborandi o\x son alcaloïde, pa-
rait utile dans l'cpanchement pleurétique; Grasset, Yulpian, Crequy, ont
vu disparaître le liquide.
La pneumonie, diverses formes de bronchites, la bronchorrhée, Tin-
foxication saturnine, ont été traitées avec succès par ce médicament.
Rokitansky a cité des observations favorables et montre son heureuse
influence pour la Qèvre intermittente. Nous ne citerons que pour mé-
moire les tentatives faites par llyernaux en Belgique, Massmann do
St-Pétei*sbourg, Spaeth et Welpower de Vienne, Kleinnachter, qui vou-
PILULES. 21
lurent provoquer raccouchement prématuré, par le chlorhydrate de pilo-
carpine. Mais les contractions utérines pour Tcxpulsion du produit, n*ap-
parurent guère qu'après Tadministration de doses toxiques pour Técono-
mie; il n'y a donc, là, aucun avantage sur les substances analogues.
C'est surtout en thérapeutique des affections oculaires, qu*ont été
entreprises les plus xnombreuses recherches sur la pilocarpine et ses sels.
D'après Gillet de Grammont, le Jaborandi serait utile, contre les maladies
du corps vitré, Tatrophie pnpillaire, les iritis, que celles-ci soient spéci-
fiques ou rhumatismales, l'amblyopie nicotinique et Tophthalmie sympa-
thique. Alexaudroff et Metaxas, de Marseille, ont noté que, sous Tinfluence
de la diaphorèsc, les milieux de l'œil troubles se sont éclaircis, la ten-
dance glaucomateuse a disparu; enfin les exsudats ont présenté une
rapide tendance à la résorption. D'après Kônigshofer, assistant de clini-
que à Erlangen, la paralysie de l'accommodation peut guérir rapidement
par un Iraitement de quelques jours au Jaborandi. Suivant Dor de Lyon,
l'irido-choroïdite séreuse avec troubles diffus du corps vitré, l'irido-cyclite
sympathique, sont les principales maliidies à traiter par cet agent. Il
nous a paru intéressant de signaler ces nombreuses tentatives de l'emploi
de la pilocarpine pour le traitement des maladies oculaires. Mais si quel-
ques-uns de ces résultats sont contestés, il n'en reste pas moins ce fait,
que la pilocarpine est mieux supportée que l'ésérine, qui paraît avoir
les mêmes indications, et qu'elle présente de plus cet avantage, dit
Galezowski, d*étre moins irritante pour l'œil.
En présence de ces faits publiés récemment, tout en reconnaissant que
les propriétés chimiques et physiologiques sont encore incomplètement
<»nnues, nous sommes portés à regarder le Jaborandi et les sels de pilo-
carpine comme étant d'une ulilité incontestable ; mais si, en thérapeuti-
que, l'emploi de ce médicament présente d'assez fréquentes indications,
nous rappellerons une importante contre-indication : l'asthénie cardia-
que. On s'abstiendra de prescrire la pilucarpine dans tous les cas où la
tension artérielle est déjà abaissée, et lorsque les contractions cardiaques
sont insuffisantes.
AoHTi (A.), Éludes physiologiques et IhcrapcuUques sur le Jaborandi {Journ. de thérap. 1874,
et tirage à |iar(.). Indicat. bibl.
BoŒFo^TAixE, Revue bibliographique générale sur le Jaliorandi {Revue des sciences médicaleê
dUayem, 1h75, I. VI).
Habdt (E.)t Hevue bibliographique, Uevue des sciences médicales, Paris, 1878. t« XI.
CiLtxT PB Gbaccmoxt, AcUon physiologique du nilrale de piloearpii.e et cffcls Ihérapeuliqucs,
Paris, 1879.
4<numal de t/iernpeulique de Gubler; Journal de médecine et chirurgie pratiques ; Bulletin
de thérapeutique. Progrès médical. Journal de pharmacie et de chimie depuis 1875,
bulletin de lÀcad. royale de méd. de Belgique, 1»78. llyernaux.
Association française pour Vavanc. des sciences, Monlpelher, 1879. — Congrès dWms-
-Icrdam, 1679.
E. OllY.
PILiULiES. — Toutes les matières médicamenteuses molles, pulvéru-
lentes ou liquides peuvent être administrées sous forme de pilules; mot
qu'il est inutile de définir, car il dérive du latin pilula^ c'est-à-dii e petite
22 PILULES.
boule. Les substances molles peuvent toujours être amenées eu consistance
telle qu'on puisse leur conserver la forme sphérique ; les poudres peuvent
être agglomérées au moyen d'un excipient liquide ou mou ; les liquides^
au contraire, à l'aide d'une matière solide qui les absorbe.
Celte forme pharmaceutique est donc d'un emploi général, et elle per-
met au médecin de faire facilement ingérer des médicaments de saveur
désagréable ou dont le séjour dans la bouche pourrait offrir quelque in-
convénient. La confection des pilules comprend presque toujours deux
opérations distinctes : 1* la préparation de la masse piïulaire; 2* la divi-
sion de cette masse en un certain nombre de parties égales auxquelles on
donne la forme sphérique. Dans quelques cas déterminés, ces deux opéra-
tions sont suivies de l'enrobage, qui consiste à recouvrir chaque pilule
d'une légère couche d'argent, d'or, de sucre, de gélatine ou d'un enduit
résineux, afin de les soustraire à l'influence hygrométrique de l'air, ou sim-
plement dans le but de leur enlever toute saveur repoussante.
La principale difficulté de la préparation des pilules consiste dans la
confection de la masse piïulaire, c'esl-à-dire de la pâte un peu ferme qui
sera plus tard divisée en pilules. On comprend qu'il nous est impossible
de passer en revue tous les cas particuliers qui peuvent se présenter dans
cette opération, qui parait fort simple au premier abord, puisqu'elle ne
consiste qu'à épister fortement dans un mortier la substance prescrile,
soit avec du sirop, du miel, de la gomme, du savon, une poudre absor-
bante, etc. Mais si l'on songe à la diversité même des substances qu'on
peut associer pour les transformer en pilules, aux réactions qui peuvent
résulter de ces mélanges et qu'il est indispensable de prévoir, on voit
immédiatement qu'il est impossible de r«^unir, sous forme de principes,
toutes les précautions que comportent le choix, la consistance, la quan-
tité de l'excipient.
Toutes les substances solides qui entrent dans une masse piïulaire doi-
vent être préalablement réduites en poudre impalpable et parfaitement
mélangées avant l'addition de l'excipient. Celui-ci peut être un extrait,
un électuaire, un sirop, du miel ajouté en quantité strictement suffisante
pour donner au mélange la consislance piïulaire. Le sirop de sucre
réunit très-bien les poudres mucilagineuses ; celles qui ne le sont pas doi-
vent être additionnées d'une faible quantité de gomme adragante ou
de gomme arabique ; mais il faut éviter un excès de ces gommes : car la
masse en se desséchant peut acquérir un tel état de dureté qu'elle tra-
verse les voies digestives sans se dissoudre. En règle générale on préférera
donc un excipient qui se délaye facilement.
Les substances trop molles pour être immédiatement roulées en pi-
lules, seront additionnées de poudre de réglisse, de guimauve ou d'ami-
don. Parfois on aura avantage à employer delà magnésie, comme il amve
pour les térébenthines, ou du phosphate de chaux qui solidifie très-bien,
par exemple, l'onguent mercuriel. Les matières grasses sont facilement
mcorporées dans le savon médicinal. Les extraits employés ne doivent ja-
mais être liquides, et il vaut mieux les concentrer que d'ajouter à la masse
PIMENT. 25
une grande quantité de poudre inerte. Enfin, les masses pilulaires doi-
vent toujours être plutôt molles que dures, à moins qu'elles ne soient
ifgromctriques et on doit les épister de telle façon qu'elles soient parfai-
tement homogènes. Pour les transformer en pilules, on les divise au
moyen de la balance en plusieurs parties du môme poids, que Ton roule
en long cylindre, et celui-ci est à son tour séparé en un certain nombre
de parties égales au moyen d'un instrument spécial. On leur fait acqué-
rir exactement la forme sphérique en les disquant entre deux planchettes
parfaitement planes ; on les empêche ensuite d'adhérer entre elles en les
roulant dans de la poudre d'amidon, d'iris ou mieux de lycopode. On les
argenté ou on les dore en les agitant fortement dans une boite avec des
feuilles minces d'or ou d'argent. Il va sans dire qu'on ne doit pas appli-
quer cette opération aux pilules qui renferment une matière susceptible
de se combiner au métal.
Mentionnons seulement, sans nous y arrêter, les méthodes d'enrobage :
à la gélatine proposée par Garot ; au baume de tolu employée par Blan-
card pour préserver Tiodure ferreux du contact de l'air; à la caséine,
au gluten, etc., en faisant observer que ces enveloppes doivent élre fort
minces, si l'on veut que les pilules se dissolvent dans le tube digestif. A
ce point de vue, l'enrobage au collodion, proposé par Durden, doit être
absolument rejeté.
Le dosage dns pilules est très-simple, et il ne présente véritablement
aucune difficulté, lorsqu'on se contente d'énumérer le poids des substances
actives qui doivent entrer dans la confection d'un^ pilule, puis d'indiquer
au bas de la formule le nombre de pilules que l'on désire prescrire. Nous
pensons que cette manière de formuler, qui laisse au pharmacien la lati-
tadede choisir l'excipient le plus convenable, d'en employer seulement la
quantité nécessaire et de choisir lui-même le modus faciendi^ est de
beaucoup la plus avantageuse ; elle permet d'éviter facilement l'obtention
de pilules d'une grosseur démesurée.
Les bols ne diffèrent des pilules que par leur poids, qui est plus considé-
rable, celui de ces dernières ne dépassant jamais 35 centigrammes. Leur
préparation ne présente rien de particulier : on leur donne seulement
ooe forme ovoïde, afin que les malades puissent plus aisément les avaler ;
cette forme médicamenteuse est tellement incommode qu'on n'emploie
plus guère aujourd'hui que les bois d'opiat balsamique.
E. YaLEJEÂN.
PIMEIWT. — On connaît en matière médicale plusieurs espèces de
piments, dont les uns sont fournis par des arbres de la famille des Myr-
tacées et les autres par des plantes de la famille des Solanacées.
Le piment de la Jamaïque, le piment couronné et le piment Tabago
appartiennent au premier de ces groupes ;
Le piment des jardins, celui de Cayenne et celui de l'ile Maurice, au
second.
PuiEKT DE LA Jamaïque : Il cst coustitué par le fruit du Mj/r/M« Pimenta
24 PIMENT.
(Linné), appelé par 0. Berg Pimenta officinalis. C'est une baie de la
grosseur d*un pois, d*unc couleur gris rougeâtre, rugueuse, surmontée
d'un bourrelet blanchâtre, qui représente les restes des lobes calicinaux.
Ce fruit renferme toujours deux semences noires à peu près hémisphé-
riques.
Le piment de la Jamaïque possède une odeur qui tient le milieu entre
celle de la cannelle et celle du girofle. 11 la doit à une huile essentielle
contenue surtout dans le péricarpe.
Le piment Tabago ou de Tabasco, qui lui ressemble beaucoup, est
attribué au Myrlus acris. •
Le PuiEMT couROKKÉ, qu'on nomme encore Poivre deThevel, n'existe pas
dans le commerce de la droguerie; il vient des Antilles, où il est produit
par le Myrlus pimentoïdes (Nées). 11 est plus allongé que le piment de
la Jamaï(|ue, et surmonté par une large couronne évasée en entonnoir.
Tous ces piments aromatiques ne sont employés aujourd'hui que comme
condiments.
Piment des Jardins : On doit le considérer comme le véritable pi-
ment officinal, il est aussi connu sous les noms de Corail des jardins,
poivre d'Inde et poivre de Caycnne. La plante qui le fournit est originaire
de l'Inde, mais elle est maintenant répandue en Afrique, en Amérique et
dans presque tout le midi de l'Europe. C'est le Capsicum annuum^ de la
famille des Solanacées, plante annuelle donnant des baies coniques, sè-
ches, rouges et luisantes de la longueur du pouce, d'une saveur très-
acre et même caustique. L'intérieur de ce fruit renferme un très-grand
nombre de semences plates et blanchâtres, qui ont une saveur encore plus
prononcée que celle du péricarpe.
Celte âcrcté est due à une base organique entrevue par Braconnot, mais
qui n'a été bien obtenueque par W'itling, qui la nommée Capsicine. Cette
substance forme avec les acides azotique, sulfurique et acétique des sels
parfaitement cristallisables. Elle existe en plus grande abondance dans le
piment de Cayenne fourni par le Capsicum frutescens, et dans le pi-
ment de nie Maurice, qui est le plus acre de tous ; ces deux dernières
sortes sont désignées dans le commerce sous le nom de piment enragé.
On n'emploie en pharmacie que le piment des jardins, avec lequel
on fait : 1° un extrait aqueux qu'on prescrit à la dose de 50 à 80
centigrammes sous forme de pilules ; 2° une poudre dont la dose va-
rie entre 50 centigrammes et 1 gramme; 3** une teinture au cinquième,
qu'on administre en potion à la dose de 1 à 4 grammes.
Les Arabes emploient le piment comme antidysentérique et comme
aphrodisiaque. Le docteur Alègre parait avoir obtenu de bons résultats de
son emploi dans le traitement des tumeurs hémorrho'tdales.
Signalons en dernier lieu, pour terminer, le Piment royal, dont les
fruits analogues au poivre sont recouverts d'une couche de cire végétale,
appelée cire de Gale. Il est produit parle Myrica gale de la famille des
Myricées (groupe des Amentacées).
Ë. VlLLEJEAIf.
PINCES. 25
PHVCES. — Lar Pince (du hollandais Pitsen, pincer; forceps ou vol-
seUa, lat.; Xa5t;;, grec), est un inslrumenl destiné à remplacer Tac-
tion du pouce et de Findex dans tous les cas où les parties à saisir sont
d'un trop petit volume, ou sont situées dans des points inaccessibles aux
doigts. La chirurgie a commencé avec une pince et un couteau, et aujour-
d'hui encore la pince est un des instruments les plus précieux à l'art
chirurgical.
Les pines que Ton emploie aujourd'hui sont de trois espèces : 1^ les
pinces simples, applicables à la généralité des opérations; 2'' les pinces ap-
propriées à quelques opérations en particulier ; ^ la pince à pression
continue, dont le mécanisme dilfcre des autres pinces ; enHn le clamp
anglais et ses dérivés, qui ne sont autre chose eux-mêmes que des dérivés
de Tenlérotome de Dupuytren, sont des pinces à pression continue.
1* Les pinces de la première espèce sont :
La pince à dissection (fig. 1), formée de deux lame^ d'acior trempé,
soudées à une de leurs extrémités, au lalon, et dont les extrémités, pre-
nantes ou mors, sont effilées, pourvue de traits de lime sur la face interne
du mors. Une bonne pince a dissection ne doit serrer que par la pointe
terminale de ses mors; ses branches doivent être suIGsamment larges
pour que les doigts puissent la bien tenir, et être suffisamment flexibles
pour que l'on puisse serrer facilement les deux mors l'un contre l'autre.
La pince à artères est une pince dont les mors doivent s'adapter par une
large surface, elle est munie d*un verrou (flg. 2) de diverses formes.
Cette pince n'a pas besoin de l'élasticité de la pince à dissection. La
pince de nos trousses a une rainure verticale à la face interne de ses mors,
pour loger au besoin la partie supérieure d'une épingle. La pince à artères
est en même temps une pince à suture. Si Ion voulait avoir une excellente
pince à ligature d*artères, il faudrait avoir une pince dépourvue de cette
rainure, et une autre pince qui la porterait : cette dernière serait une
pince exclusivement réservée pour placer les épingles des sutures.
Tillaux a fait construire des pinces à torsion des artères : ce sont des
3inces à artères à mors garnis d*une barre transversale qui donne au
mors la forme d'un T; c'est une modiGcalion de Tancienne pince à tor^
non de Thierry.
11 y a une pince en forme de ciseaux ; les lames sont remplacées par des
mors olivaires : c'est la pince à pansement. Dans nos trousses modernes,
cette pince est pourvue d'un point d'arrêt près des anneaux, de sorte que
cette pince à pansement peut servir à lier des artères, à les comprimer
et à faire une hémostase préventive ou temporaire.
2* Les pinces appropriées à des opérations spéciales sont :
Les pinces à griffes droites et courbes, dont les mors sont pourvus de
griffes engainantes (Gg. 5).
Les pinces à mors larges pour faire la ligature des artères au fond
d'une cavité.
La pince à suture de BonneGn (Gg. 6).
Les pinces porte-aiguiliesy constituées par deux tiges pourvues de mors
ht. 16. — AD, Ugei de li pioce-ciusliqus, fcirtéM, Uiuuit nir Ui caonelorM deiiinju 1 rNenir U
Fb. 1T. — t, m pnmiïT ena pnnr la comprBi'iDii an mine, pont h camprMsion prdiliblc on pri.
iraliK dri TJUMi lu iriDtde diiiserUi Ufiiu, elc.: B, au deuiiime criia;C. in Iroiiièma crin pour
la cMipiousa cicsHiia nii pïor l'IidiniiiUM lempariire, Mil pior rhfiiii>i;iJ8 lUSailin.
28 PINCES.
engainés dans une canule ci qu*on serre en faisant glisser la canule sur
les mors, sont une variélé de pince qui a été remplacée par la pince-
tenelte des Américains (fig. 8), pince dite américaine pour fistule vésico-
vaginales.
Les pinces à griffes^ à fixation de l'œil, sont décrites à Tarticle Cata-
racte, t. VI, p. 498, Iris, t. XIX, p. 418, etc. Ce sont des pinces a griffe
modifiées. La pince de Yerduin, pour Tentropion; la pince à mors plats
de Desmarres, sont des pinces appropriées à une seule opération et qui dé-
rivent des pinces ordinaires. La pince à chalazion de Desmarres (fig. 9)
est dans le même cas ; c'est un instrument spécial.
3* Les pinces à pression continue sont :
Les serres-fines de Vidal (de Cassis), les serres-fortes de Charrière
(fig. 10 et 11) ; les petites pinces à anneaux à point d'arrêt, les pinces k
disséquer à mors croisés et à pi*ession continue (fig. 12, 13, 14): toutes
ces pinces ont été arrangées et appropriées à des opérations spéciales. Tel
est la grosse serre-fine dont se servait Guersant pour rapprocher les ailes
du nez après l'opération du bec-de-licvre ; la pince à pression continue ap-
pliquée par Ricord et Yerneuil pour arrêter les hémorrhagics de l'amydale.
Les clamps ou pinces articulées à charnière serrée à l'aide d'une vis on à
l'aide de longs manches sont en certain nombre : telles sont une pince ima-
ginée par Thierry (fig. 15) et Logouest, pour étrangler la base d'un polype
nasopharyngien ; la cuvette articulée imaginée par Jobert pour serrer les
hémorrhoïdes avant d'y appliquer le caustique (Foy. IlÉyoRRHOÏDES, t. XVII,
p. 429), enfin, les nombreuses pinces />or/e-cat/«(i^e ou ^o/vano-cau^-
lique; imaginées par Follin, Desgranges, Valette (fig. 16) et Amussat fils.
Je signalerais enfin le clamp appliqué par AUingham aux hémorrhoïdes»
qui .«emble être une concurrence regrettable à Técraseur linéaire de Chas—
saignac.
Enfin, cet article ne serait pas complet, si nous ne mentionnons les
pinces des accoucheurs : le forceps (Voy, Forceps, t. XV, p. 351), et
le céphalo!ribe. (Voy, Eudrtotosiie, t. XII, p. 657.)
De l'applicalion des pinces comme moyen d'hémostase, Forcipres-
sure. — 11 y a eu de tout temps des chirurgiens qui, dans le cours d'une
opération, se trouvant gênés par l'écoulement du sangartéricl ou veineux,
ont eu l'idée de pincer avec diverses pinces les vaisseaux divisés; ils
tel minaient ensuite Topcration, ils levaient les pinces, liaient les vaisseaux
qui donnaient encore, les tordaient ou les cautérisaient. Personne
n'avait songé a tirer gloire de cette manière d*agir, jusqu'à nos jours.
Cependant les ligatures médiates, la compression médiate pour arrêter
les hémorrhagics comprenaient Inapplication de pinces a demeure liii>sées
plus ou moins longtemps. Les livres classiques du commencement de ce
siècle renferment çà et la des mentions de ce fait ; témoin la Nosographie
chirurgicale de Richerand (1815 et 1821), t. III.
Le mémoire publié par Verneuil dans le Bulletin de la Société de chi-
rurgie ccintient à cet égard un historique qui ne laisse rien à désirer.
Tout le monde s*est servi des serres-fines de Vidal de Cassis, pour ar-
PINCES. 29
réter des hémorrhagies, et cela est mentionné dans notre article (IIémos-
TASB, t. XVII p. 434). L'ovariotomie et Inapplication des pinces à point d'ar-
rêt, à anneaux de Charrière, à rtiémostase dans rovariotoraie, ont donné
naissance à un nouvel emploi des pinces contre Técoulement du san*;;. C'est
Kœberlé qui le premier a fait cet usage des pinces, et qui en a décrit rem-
ploi à Tarticle Ovariotomie de ce Dictionnaire, t. XXV, p. 570 et suiv. Péan
a fait un livre sur la forcipressure, où il parle de sa pratique cl revendique
l 'uivention de la forcipressure, qui en réalité appartient à tout le monde,
mais on doit reconnaître que le chirurgien en a généralisé l'emploi
comme moyen d'hémostase dérinitivc.
Des instruments compresseurs ont été d^abord utilisés, avant que les
âbricants eussent confectionné de bonnes pinces à verrou ou des
pinces à point d'arrêt : ce sont les compresseurs de Grxfe pour les
Aémorrhagies des artères méningées, le compresseur de Marcellin Du-
val. La serre-flne de Vidal de Cassis, qui a vu le jour en 1849, est le
J930(ièie le plus parfait de ces compresseurs à ressort; elle a été immé-
diatement utilisée contre les hémorrhagies. Delioux même transforma les
Knorsde ces instruments pour les employer comme hémostatiques en 1 854.
Mais depuis longtemps déjà, et dans la trachéotomie en particulier, on avait
uitilisé comme moyen d'hémostase temporaire les pinces à verrou, et
nème des pinces à pression continue imaginées par Charrière pour presser
les vaisseaux lymphatiques injectés au mercure, après l'injection. Jetions
du professeur Richet qui l'a vu faire à D. Desprès, mon père, que pour
arrêter le sang qui gênait pendant la trachéotomie, l'emploi de ces pinces
avait donné tout le succès désirable. C'était en 1846, et l'on voit qu'à ce
moment la forcipressure était un peu l'œuvre de tout le monde. Cette
pratique a été justement appelée par Verncuil la forcipressure de nécessité.
Les li^^atures des artères resteront toujours le moyen le plus sûr de
prévenir les hémorrhagies. On a essayé de substituer aux ligatures la
torsion, l'acupressure (Voy. ce mot, t. 1. p. 588), l'uncipressure, c'est-à-
dire la compression dans la plaie avec des crochets (Vanzctti). La forci-
pressure est un nouvel essai d'un ordre voisin ; c'est encore et toujours
l'ancienne compression médiate, et elle ne doit être employée que faute
de mieux. Pour les petites artères ce peut être une hémostase suffisante,
mais la généralisation de ces moyens ne prévaudra pas contre la ligature.
Chacun de nous a sa pratique, et si nous voulions formuler les cas
d'application de forcipressure, voici ce que nous dirions : toutes les fois
que la ligature d'une artère qui donne du sang n'est pas possible, quand
la torsion est impraticable, on est autorisé à appliquer une pince à de-
meure qu*on laisse jusqu'à ce qu'elle tombe, quitte à la replacer si l'hé-
morrliagie se renouvelle; et l'on continuera jusqu'à Ihcmostase définitive.
Lor^ue des artérioles situées dans des tissus résistants, tels que le .cuir
chevelu, la peau de la face, donnent, il faut d'emblée appliquer des pinces
comprcssives, et les serre-fines de Vidal (de Cassis) du plus petit modèle
sont ce qu'il y a de mieux à employer. Lorsqu'on enlève un cancroïde du
nez ou une loupe du cuir chevelu avec le bistouri, il n'y a pas de meil-
50 PITYRIASIS.
leur moyen d'arrêter rhémorrhagic. Je ne lie jamais les artères à la suite
de ces opérations : je place une serre-fine sur le point d'où sortie sang,
et je la laisse 24 ou 48 heures ; quand elle a coupé les tissus et qu'elle
tombe tout est pour le mieux : elle a fait ce que ferait l'écrasement linéaire,
elle assure suffisamment Thémostase.
La serre-fine droite ou courbe est la meilleure pince hémostatique, la
pince à verrou et les pinces à point d'arrêt, même les plus petites, telles
que celles de Collin et de Mathieu, sont beaucoup plus encombrantes et
susceptibles de se déranger au moindre effort des malades.
Adahuewici. Mcchanischen BlutstillumgsmiUel bei verleUten Arterien von Paré bii aur
die neaesfe Zeit (Arch. f, Ktin. Chirurgie de Langenbeck. 1872, Band XIY, p. 05.)
Vebiceiiil. De la forcipresaure (Bull, et Mém. de la Société de chirurgie, t I, 1875, p. 17
et suW.)
PÉAif et ExcHAQUET. De la forcipressure. Paris, 1874.
Vidal (deCaasû) Bulletin de la Société de chirurgie; 8 août, 24 octobre et S5 décembre 1849,
et Bull, de thérapeutique, mai 1849, 1854, t. ILVI, p. 301. — Traité de pathologie externe.
Paris, 1851, t. I; 5* édit.. Paria, 1861.
Gadjot et Spillha5R. Arsenal de la chirurgie contemporaine, description, mode d'emploi des
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Valette. Clinique chirurgicale. Paris, 1875, Xll* Leçon.
Calaloguc de Charriùre. Paris 1862. Armand DeSPRÈS.
PITYRIASIS. — Le sens étymologique du mot pityriasis équivaut
à une définition; il vient en effet du mot grec ^lupov qui veut dire son,
et il s'applique à une maladie cutanée caractérisée principalement par
de petites squames se détachant de la peau sous forme de lamelles ou de
poussières assez semblables à celles du son ou de la farine.
Le pityriasis entendu dans le sens d*une affection cutanée squameuse
superficielle, a été décrit par les auteurs anciens et modernes; il a été
accepté par Willan, et il figure comme troisième genre de Tordre des
squames dans la classification de Bateman; il a été désigné par Alibert
sous le nom d*herpès furfureux volatile, c'est pour cet auteur une espèce
du genre herpès, dans la classe des dermatoses dartreuses. Tous les
dermatologistes contemporains ont conservé ce mot de pityriasis avec sa
désignation traditionnelle; seulement quelques-uns d'entre eux parmi
lesquels je citerai Erasraus Wilson, Anderson, Hcbra et moi-même, frap-
pés de la ressemblance parfaite de certaines formes de pityriasis avec
l'eczéma, de la transformation fréquente de ces deux maladies entre elles,
et de la difficulté pratique de di.stinguer nettement le pityriasis de
l'eczéma sec, ont pensé que, le plus souvent, le pityriasis pouvait ôtre
rattaché à l'eczéma dont il constitue Texpression la plus affaiblie. Aussi,
répétant ici ce que nous avons déjà dit à propos de l'impétigo et du
lichen, et affirmant que, dans la plupart des cas, il est impossible de
dire où finit le pityriasis et où commence Feczéma , je vais néanmoins
décrire ici le pityriasis, envisagé comme forme morbide nosologique et
en dehors de toute question de doctrine.
Comme je le disais tout à Theure, le pityriasis est une affection cuta-
[PITYRIASIS. — VARIÉTÉS. 31
née caractérisée par des plaques plus ou moins étendues, bien ou mal
circonscrites, recouvertes de squames minces et non imbriquées, susceptibles
de se détacher sous forme de lamelles et de se reproduire incessamment.
Cette définition générale s'applique à toutes les variétés de pityriasis; mais
avant d'aller plus loin, je dois prévenir que, sous le nom commun de pity-
riasisy on a confondu et on comprend aujourd'hui encore deuxa ffcctions bien
diflerenles, l'une se rapportant aux maladies dites herpétiques, et pre-
nant place à côté de l'eczéma, l'autre de nature toute spéciale, caracté-
risée par la présence d'un végétal parasite et rentrant dans la classe des
maladies parasitaires ; cette dernière espèce est connue sous le nom de
fityrioiis versicolor ; je m'en occuperai après la description du pityriasis
ordinaire.
Pityriasis herpétique. — Considéré d*unc manière générale, le pity-
riasis herpétique débute habiluellement par une sécheresse particulière
de la peau; celte membrane perd sa souplesse et son onctuosité nor-
jmaies, puis sur la partie ainsi desséchée apparaissent des squames
fines, blanches ou grises, se détachant spontanément ou sous Tinfluence
d'un frottement et se reproduisant d'une manière incessante. Sur ces
parties malades, la peau est sèche ; il n'y a pas de suintement. Les écailles
épidermiques sont ordinairement fines et farineuses ; quelquefois elles
ont une dimension un peu plus grande, elles sont lameilcuses, mais
jamais leur étendue ne dépasse quatre à dix millimètres. Le plus sou-
vent, la peau ne présente aucun changement de coloration ; quelquefois
cependant la partie malade est rose ou rouge à côlé et au-dessous des
squames blanches ou grises. II n'y a d'ailleurs aucune tuméfaction, ou
elle est si peu prononcée, qu'il faut une grande attention pour la constater.
Quant aux symptômes éprouvés par le malade, ils consistent surtout
dans des démangeaisons souvent assez vives pour provoquer du grattage,
et c'est surtout sous l'influence du frottement consécutif au prurit que
se détachent les squames épidermiques ; la partie malade est également
le siège d'un sentiment de chaleur plus ou moins vive. Bien rarement,
on constate l'existence de phénomènes généraux; il n'y pas de fièvre ou
s'il survient un mouvement fébrile, il n'est pas de longue durée et habi-
tuellement la santé générale n'est pas altérée ; on peut cependant
rencontrer quelquefois avec le pityriasis quelques troubles digestifs, soit
de rembarras gastrique,, soit de la gastralgie ou quelques-unes des
tonnes de la dyspepsie..
VAiaÊTÉs. -^i Les dermatologistes ont admis plusieurs variétés, les-
quelles diffèrent de nombre, de dénomination et de même de descrip-
tion suivant chaque auteur ; je crois inutile de les rappeler et de discuter
leur légitimité. Je pense être dans l'exacte observation des faits en ran-
geant les variétés de pityriasis sous quatre espèces différentes qui sont :
l"" le pityriasis blanc ou simple^ 2° le pityriasis rouge, 3° le pityriasis
disiéminé, 4' le pityriasis pilaire. Je vais indiquer rapidement les parti-
cularités propres à chacune de ces formes.
1* Pityriasis blanc ou simple, — Cette forme est la plus commune
52 PITYRIASIS. — variétés.
et constitue le vrai type du genre; Willan, Bateman et même Cazenave
Font décrite sous le nom de pityriasis capitis et à tort, car si cette
maladie est commune au cuir chevelu, elle peut se développer sur
d'autres régions. Dans son degré le plus léger, celte éruption apparaît
sous forme de taches peu étendues, irrégulièrement arrondies, de cou-
leur blanche ou grise, très-légercment saillantes et recouvertes de ces
petites écailles épidermiqucs qui se détachent sous foimo de lamelles,
soit spontanément, soit par rcffet du grattage. Chez les enfants, le
pityriasis blanc se manifeste souvent au visage sous cette forme de
petites plaques farineuses qu'on désigne vulgairement sous le nom de
dartres farineuses; il coïncide souvent avec le travail de la dentition.
La chaleur et la démangeaison n* existent qu'à un degré très-modéré ; sou-
vent même on ne constate aucun phénomène subjectif.
Le pityriasis blanc peut avoir une étendue et une intensité plus consi-
dérables, il peut se développer sur toutes les régions, mais il est plus
commun au visage et surtout au cuir chevelu, d'où le nom de pityriasis
de la tète que j'indiquais tout à l'heure; chez les hommes on le rencontre
assez souvent sur les parties du visage recouvertes par la barbe. Sur les
endroits où il existe, on voit des lamelles épidermiqucs de petite dimen-
sion, blanches ou grises, à moitié détachées et qui tombent facilement
sous forme d^une poussière mélangée aux cheveux et recouvrant les
habits comme le ferait la farine, ou la poudre dont on se sert pour les
coiffures. La présence de ces squames est souvent accompagnée de déman-
geaisons et c'est en se grattant que les malades détachent surtout les
squames et les font tomber sur les vêtements et sur les meubles. J'ajoute
que sous l'inQuence de cette affeclion squameuse, il n'est pas rare de
yoit tomber les cheveux; si la maladie n'est pas de longue durée, les
cheveux repoussent; mais lorsqu'elle s'établit d'une manière chronique
l'alopécie peut être définitive, et on doit considérer le pityriasis de la léte
comme une des causes de la calvitie précoce.
Quelquefois les squames du pityriasis de la tète ont des dimensions plus
considérables que celles que je viens d'indiquer : elles sont lamelleuses
et ont rétendue d'une pièce de cinquante centimes. Cette forme, qu*on a
voulu désigner sous le nom de pityriasis lamelleux^ débute souvent par
une rongeur de la peau, puis réjûJerme se fendille et se divise en lamel-
les à moitié détachées et enroulées sur leurs b3rJs. Ordinairement il y a
de la douleur, de la chaleur; les cheveux deviennent secs, minces, cas-
sants, et tombent facilement. C*est là une transition entre le pityriasis
blancet le pityriasis rouge ; et comme cette desquamation est souvent pré-
cédée par une éruption vésiculo-purulente et par une sécrétion humide,
il est impossible dans ces cas de séparer nettement le pityriasis de l'eczéma.
2** Pityriasis rouge. — Cette variété est constituée par l'existence sur
la peau de taches ronges, roses ou brunes, bien délimitées, de forme
arrondie ou irrégulière, séparées les unes des autres par des intervalles de
peau saine ou réunies en groupes par la fusion d*un des points de leur
circonférence et figurant assez bien des dessins semblables à ceux qu'on
PITYRIASIS. — VARIÉTÉS. 35
trouve sur les caries de géographie. Ces taches, légèrement saillantes,
sans aucune humidité, sont recouvertes de squames épidermiques grisâ-
tres, ordinairement adhérentes, et qu'on n'enlève sous forme de lamelles
qu*au moyen d'un frottement assez fort. Ces squames sont minces, sont
foh'acées et ne présentent jamais la disposition imbriquée et superposée
qu'on rencontre dans le psoriasis.
Le pityriasis rouge se développe particulièrement à la face^ au cou, à
la région préstemale, dans le dos, aux mains et aux pieds; il s'accompagne
de chaleur et de prurit ; chez les sujets impressionnables, il peut exister
au début un léger mouvement fébrile qui disparait facilement. Comme
coïncidence assez fréquente, on constate des douleurs d'estomac, de la
flatulence, de la dyspepsie.
Le pityriasis rouge revêt souvent la forme aiguë et se termine dans l'es-
pace de quatre à huit semaines ; mais, d'autres fois, la maladie persiste
ou se renouvelle par éruptions successives, et la disparition complète n'a
lieu qu'au bout de plusieurs mois,
Celle én/plion, que je viens de décrire sous le nom de pityriasis rouge,
se confond complètement avec l'eczéma sec; il m'est impossible de saisir
aucune différence entre les deux états morbides désignés sous ces deux
dénominations : pour moi c'est une seule et même affection, à laquelle
on peut appliquer indifféremment l'un ou l'autre nom. Mais ce que je dis
ici ne s'applique pas à la maladie décrite par Devergie sous le titre de
pityriasis rubra, et caractérisée par des plaques rouges, d'une étendue
assez considérable, sur lesquelles suinte un liquide peu abondant, qui
empèse légèrement le linge, et qui se recouvrent plus tard de squasmes
s' enroulant sur leurs bords et tombant en se renouvelant incessamment;
dans ces cas on voit la peau s'épaissir, Tépiderme se rider et le tissu cel-
lulaire sous-cutané se tuméfier légèrement. Dans d'autres circonstances
la rougeur s'étend avec une telle rapidité, qu'en peu de jours elle peut
envahir la totalité de l'enveloppe cutanée ; alors les squames sont larges,
foliacées; et, dans les deux observations qu'il rapporte, Devergie a cons-
taté l'apparition de bulles pemphigoïdes. Il est évident que dans cette
description, il ne s'agit pas d'un véritable pityriasis, mais bien, soit d'un
eczéma, lorsqu'on renconire des plaques rouges, résistantes, avec épaissîs-
sement de la peau et infiltration du tissu cellulaire sous-cutané, soit
même d'un pemphigus, lorsqu'à la rougeur et aux squasmes foliacés
viennent se joindre des bulles.
Hebra, qui confond complètement le pityriasis avec l'eczéma, décrit
cependant, sous le nom de pityridsis rubra univer salis, une affection
cutanée caractérisée par une rougeur vive de la peau et par une desqua-
mation lamelleuse incessante. Il est facile de reconnaître dans cette ma-
ladie grave, qui se termine habituellement par la mort, la dermite exfo-
liatrice de Bazin, laquelle n'est pour moi qu'un pemphique foliacé.
5* Pityriasis disséminé. Cette affection, désignée par certains auteurs
sous le nom de pityriasis rubra généralisé, a été décrite par Bazin sous
le nom de pityriasis pseudo-^xanthématique, avec l'indication de deux
5oOT. MCT. MfD. ET CHIR. XXYIII — 3
34 PITYRIASIS. — vabictés.
variétés: Tune, pityriasis maculeux, l'autre, pityriasis circiné; moi-
même je Tai mentionnée, dans mes leçons sur les maladies de la peau^
sous la dénomination de pityriasis circiné, à cause de la forme habi«
tuellement arrondie des taches ; je crois préférable de lui donner le nom
de pityriasis disséminé, en considérant Tétendue de Taflection distribuée
dans plusieurs régions, alors que dans les autres formes du pityriasis
Téruption est circonscrite et bien délimitée. Le pityriasis disséminé est
caractérisé par le développement d'une quantité considérable de petits
disques irrégulièrement arrondis ou ovalaires, d'une couleur rose ou
grise, et recouverts par de petites squames épidermiques. Ces disques
sont ordinairement assez rapprochés, quelques-uns même se touchent par
leurs bords très-légèrement saillants. L'éruption est sèche et éminem-
ment squameuse; j'ai rencontré cependant quelquefois quelques vésiculea
mêlées aux écailles épidermiques, et j'ai constaté sur quelques plaques
une légère sécrétion séreuse se convertissant en croûtes très superfi-
cielles. Au début de la maladie, la couleur rosée est assez accentuée,
mais elle s'affaiblit graduellement de manière à passer au gris, et, après
quelques semaines, la maladie n'est plus caractérisée que par des taches
formées par les squames épidermiques grisâtres, toujours groupées de
manière à figurer des dessins arrondis ou irréguliers, mais bien délimi-
tés. Ces squames, minces, foliacées, d'une petite étendue, sont assez
adhérentes ; au début, elles sont assez nombreuses ; plus tard, les lamel-
les épidermiques deviennent plus rares, et à la fin la maladie n'est plus
caractérisée que par des taches grises à peine squameuses. Dans le com-
mencement de la maladie, il y a quelquefois quelques douleurs erratiques
dans les membres, un sentiment de courbature générale, une diminution
de l'appétit et un léger mouvement de fièvre. Les malades ressentent éga-
lement des démangeaisons, des cuissons, de la chaleur et même quelque-
fois des élancements dans les parties du corps recouvertes par l'éruption.
Le pityriasis circiné se développe principalement au tronc et à la
partie supérieure des membres ; il est bien rare qu'on en rencontre au
visage, aux pieds et aux mains. La maladie se comporte ordinaire-
ment comme une affection aiguë ; sa durée est de trois à huit semaines ;
il n'est pas très rare cependant de voir des pityriasis disséminés se pro-
longer pendant trois mois, six mois et même davantage.
4** Pityriasis pilaire. — On désigne sous ce nom une affection de la
peau caractérisée par l'existence d une multitude de petites aspérités
donnant à la région atteinte l'aspect exagéré de ce qu'on appelle vul-
gairement chair de poule. Dans cette maladie qui siège principalement
au dos des mains, à la face dorsale des pieds, quelquefois même sur les
' membres, rarement sur le tronc , la peau est dure , rugueuse, hérissée
de petites, saillies dues à l'existence de squames qui coiffent l'orifice
des follicules pileux et qui entourent le collet du poil; dans les endroits
où existent ces squames, la peau est souvent rouge ou brune.
Le pityriasis pilaire est rare, Devergie en cite trois observations ; pour
ma part j'en ai rencontré cinq ou six exemples. C'est du reste une
PITYRIASIS. — MARCHE. — DIAGNOSTIC. 33
maladie de longue durée et souYent incurable. Cette résistance aux
moyens thérapeutiques , l'association de cette forme de pityriasis avec
une sécheresse particulière de la peau à la paume des mains et à la
plante des pieds, m'ont engagé à la séparer du genre pityriasis et à la
rattacher à Tictbyose et principalement à Ticthyose cornée, en la consi-
dérant conmie une véritable difformité de la peau.
Marche. — 11 faut bien savoir que le pityriasis tel que nous l'avons
décrit, principalement dans les variétés de pityriasis blanc ou rouge débute
souvent par une éruption eczémateuse, les caractères de l'affection squa-
meuse n'apparaissent que plus tard; de même qu'il n'est pas rare de voir
un suintement eczémateux susceptible de se convertir en croûtes venir
remplacer la sécrétion sèche du pityriasis. Quelquefois cependant la sé-
cheresse de la peau est permanente et le pityriasis existe seul sans mélange ;
c'est ce qu'on voit surtout dans les cas de pityriasis disséminé qui semble
bien former un type morbide distinct. De même pour le pityriasis pilaire
dont J'aspect ne varie pas et persiste indéfiniment.
Une fois développé le pityriasis a une durée variable, mais souvent
assez longue; le pityriasis de la barbe et du cuir chevelu se prolonge
souvent pendant des mois et des années, et s'il cède à un traitement appro-
prié, les récidives sont faciles et habituelles. Le pityriasis rouge est sou-
vent également tenace, il récidive également sous l'inQuence de la moin-
dre cause et principalement à la suite d'écarts de régime.
DiAG5osTic. — La sécheresse de la peau avec ou sans coloration rouge,
la présence des squames épidermiques, minces, foliacées ou pulvérulentes,
l'existence habituelle de chaleur et de prurit, l'absence ou le peu d'inten-
sité des phénomènes généraux caractérisent suffisamment le pityriasis
pour que cette maladie puisse être reconnue facilement et être distin-
guée des autres affections de la peau dans lesquelles on rencontre des
squames. C'est ainsi qu'on établira facilement la différence entre la ma-
ladie qui nous occupe et le psoriasis, cette dernière affection présentant
des plaques squameuses, argentines, saillantes, imbriquées et reposant
sur des taches d'une coloration brune foncée; dans les cas douteux,
l'adhérence des squames, la saillie plus marquée des plaques, leur déli-
mitation bien plus précise, leur siège d'élection aux membres et parti-
culièrement aux coudes et au-dessous de la saillie rotulienne, la récidive
de 1 éruption squameuse, l'existence d'autres taches éruptives mieux carac-
térisées sont des caractères qui serviront à faire reconnaître le psoriasis.
L'ichtyose se reconnaît ordinairement très-facilement à la sécheresse de la
peaa et à Texistence d'écaillés épidermiques adhérentes, à l'étendue et à
la pennanence de l'altération cutanée, aussi bien qu'à l'absence de tout
symptôme local ou général. Toutefois, dans l'icthyosc locale, la diffor-
mité de la peau ressemble tellement au pityriasis par la couleur, par la
sécheresse et la desquamation de la peau que le plus ordinairement on
croit à l'existence du pityriasis et que l'erreur dans le diagnostic entraîne
une erreur dans le pronostic et dans le traitement , l'icthyose même
localisée étant incurable et ne devant indiquer qu'un traitement local
36 PITYRIASIS. — diagmostic.
palliatif. Cette confusion est d'autant plus commune et plus facile que
richthyose localisée se rencontre fréquemment aux régions où se déve-
loppe souvent le pityriasis, savoir , au cuir chevelu , aux sourcils, au
visage et principalement aux joues. Dans ces circonstances on reconnaî-
tra richtyose à l'ancienneté et à la ténacité des taches squameuses, à la
rougeur plus prononcée, à la délimitation bien marquée de la lésion et
surtout à la disposition symétrique absolue qui existe des deux côtés du
corps, relativement au siège et à retendue des taches. J'ai déjà dit que
la maladie décrite sous le nom de pityriasis pilaire n'était qu'une variété
d'ichtyose cornée, je n'y reviendrai pas.
Il est plus difficile d'établir la distinction, entre le pityriasis et l'ec-
zéma ; pour ma part, je l'ai répété plusieurs fois, je ne connais pas les
limites précises qui existent entre ces deux maladies ; quoique dénom-
mées différemment, elles ne sont que des degrés d une seule et même
affection et je ne vois aucune différence entre l'eczéma sec et le
pityriasis; aussi sans entreprendre un diagnostic différentiel impossible
à établir d*une manière absolue, je dirai que l'eczéma est carac-
térisé par une sécrétion séro-purulente et par des croûtes, tandis qu'on
réserve le nom de pityriasis à la même affection dans laquelle la peau est
toujours sèche et couverte de squames fines et non superposées.
Le pityriasis a été souvent confondu avec le pemphigus foliacé ; j'ai eu
occasion de signaler l'opinion de Devergie et d'Hébra, qui ont décrit sous
le nom de pityriasis rubra , une affection grave et étendue qui appar-
tient véritablement au pemphigus foliacé; l'étendue, souvent même
l'universalité de l'affection, sa gravité, la largeur des squames, la rougeur
vive de la peau sont des signes à l'aide desquels on devra distinguer le
pemphigus foliacé du pityriasis; l'apparition de quelques bulles, qui a
lieu quelquefois, vient beaucoup aider au diagnostic.
Dans les cas de pityriasis disséminé alors que la maladie est caractérisée
par des plaques en cercles dont les bords sont bien délimités, il est impor-
tant de distinguer l'affection pityriasique de la tricophytie circinée
(herpès circiné), maladie parasitaire causée par la présence du tricophy-
ton dans les lames de l'épiderme. Ce diagnostic est ordinairement facile
en raison du siège, du nombre et du peu d'étendue des plaques de pity-
riasis qu'on rencontre surtout sur le tronc et sur la partie supérieure des
membres, et qui sont groupées sous forme de petites taches nombreuses,
d'une forme arrondie un peu irrégulière et d'une médiocre étendue, tandis
que les plaques de tricophytie se rencontrent principalement sur les parties
découvertes, au visage, au cou, aux avant-bras ou au dos des mains ; ces
plaques, peu nombreuses, isolées, sont constituées par des cercles régu-
liers, qui s'agrandissent rapidement, le centre se guérissant et la circonfé-
rence squameuse envahissant les surfactss voisines, dételle sorte qu'en
quelques jours les plaques ont acquis des dimensions doubles et triples
de leur étendue première. J'ajouterai encore que, sur le liséré saillant et
squameux qui iorme la circonférence des plaques parasitaires, on peut
quelquefois reconnaître Texistence de quelques vésicules ou de quelques
PITYRIASIS. — PRONOSTIC. — etiologie. — amatomie pathologique. 37
pustules, qu'on retrouve bien plus rarement dans le pityriasis. Enfin, au
milieu des squames, ou mieux, sur quelques poils follets, un examen mi-
croscopique pourrait faire reconnaître la présence des pores de tricophyton.
Il est encore une affection qu'on peut confondre avec le pityriasis cir-
conscrit, c'est la scrofulide érythémato-squameuse, caractérisée par des
taches rouges, squameuses d'une bénignité apparente. La saillie de la
plaque, sa couleur violacée, l'adhérence des squames, la longue durée de
la maladie qui se prolonge sans changement pendant des années, la gué-
rison avec une cicatrice indélébile , la concomitance de quelque autre mani-
festation actuelle ou ancienne de scrofule sont les caractères principaux
qui appartiennent à la scrofulide et qui la distinguent du pityriasis.
Pronostic. — Les diverses variétés du pityriasis sont des affections dé-
nuées de gravité, et qui constituent seulement des lésions incommodes
pour les malades, à cause des démangeaisons qu'elles entraînent souvent
à un degré assez prononcé, ou parce qu'elles se développent quelquefois
sur des parties découvertes, et que les taches sont apparentes. J'ajouterai
que le pityriasis du cuir chevelu est souvent très tenace, et que, lorsqu'il
se prolonge longtemps ou qu'il se reproduit fréquemment, il peut être
une cause de calvitie précoce, principalement chez les sujets goutteux.
Etiologie. — Le pitysiaris se développe à tous les âges; les plaques
du pityriasis blanc simple sont communes chez les enfants, principale*
ment au moment de la première et de la seconde dentition ; le pityriasis
disséminé est observé principalement chez les jeunes gens et dans l'âge
adulte; il paraît plus commun au printemps et pendant l'été que pendant
les saisons froides. Le pityriasis rouge circonscrit se rencontre plus fré-
quemment chez les adultes et chez les gens d'un certain âge ; il est quel-
quefois associé à des névralgies, à des troubles gastriques ou à des mani-
festations goutteuses ; ce qui a fait dire à Bazin que cette affection était
ordinairement de nature arthritique.
Comme Teczéma, le pityriasis peut se développer sous TinQuence de
l'hérédité; il est quelquefois le résultat d'une alimentation trop stimulante,
de fatigues, et particulièrement de veilles, quelquefois d'émotions vives.
Plus rarement il survient à la suite d'une inQammation accidentelle de la
peau par des frictions rudes ou par l'application de quelques substances
irritantes.
.\ratomie pathologique. — Il n'y a pas à faire d'anatomie pathologique
ni d'histologie à propos du pityriasis, c'est une lésion très-supiï) ficielle de
la peau caractérisée par une production surabondante d'épiderme et par
une évolution trop rapide des cellules du corps muqueux, lesquelles
s'atrophient, meurent avant que l'épiderme ait acquis toute sa solidité et
entraînent sa chute sous forme de squames. Dans le pityriasis pilaire, des
couches d'épideime corné sont sécrétées dans la gaîne du poil et s'accu-
mulent autour de sa tige. Plus tard le poil est rompu par cette production
cornée, et il ne resteplus que la saillie rugueuse, formée par l'épiderme.
En 1874, Malassez a trouvé, dans les squames épidermiques provenant
du pityriasis de la tète, un parasite siégeant dans la couche cornée de
I
58 PITYRIASIS. — mature. — traitemeut.
l'épideime et constitué uniquement par des spores, allongées et bourgeon-
nautes, d'un très petit diamètre (de 5 à 2 (a.) ; Tauteur de cette décou-
yerte fait jouer à ce parasite un rôle important dans la production de
l'alopécie qui accompagne et suit certains pityriasis rebelles. Sans Youloir
contester les résultats des recherches de Malassez, je n'attribue au para-
site du pityriasis qu'une importance secondaire ; il me parait plutôt une
conséquence accidentelle que la cause de la maladie» et sa fréquence ne
me suffit pas pour faire ranger le pityriasis de la tête, maladie non con-
tagieuse, parmi les affections primitivement parasitaires.
Nature. — L'étiologie du pityriasis qui est la même que celle de l'ec-
zéma, la ressemblance avec cette dernière maladie, le siège superficiel de
l'éruption, la facilité des récidives, la guérison obtenue à l'aide des moyens
de traitement qui réussissent habituellement dans l'eczéma, portent à
penser quelle pityriasis est une maladie de même nature que l'eczéma et
qu'il est la manifestation d'une même disposition constitutionnelle. Aussi
je ne fais pas difficulté de ranger le pityriasis parmi les éruptions dites
dartreuses ou herpétiques (Voy. art. Dartre, t. X, p. 693 et Eczéma,
t. Xll, p. 375) dont il me parait être l'expression la plus affaiblie.
Traitement. — La thérapeutique du pityriasis comprend l'emploi des
modificateurs généraux et celui des moyens locaux appliqués topiquement
pour combattre le pityriasis; ces derniers suffisent quelquefois pour rendre
à la peau son aspect normal ; leur utilité est incontestable, mais je crois à
l'efficacité et même à la nécessité habituelle d'un traitement général pour
accélérer la guérison et surtout pour prévenir les récidives trop promptes.
Au premier rang des médicaments internes indiqués dans le traitement
du pityriasis, je placerai les préparations alcalines et principalement le bi-
carbonate de soude. Dans le pityriasis rouge qui est observé souvent chez
les sujets goutteux , dans le pityriasis disséminé, les alcalins sont très
utiles ; ils donnent également de bons résultats, mais à un moindre degré,
dans le pityriasis simple et pai^ticulièrement dans le pityriasis de la barbe
et du cuir chevelu. On a conseillé également avec raison l'emploi des sels
arsenicaux : l'arséniate de soude est administré avec avantage, mais je le
prescris souvent après les alcalins, lorsque la maladie a résisté ; .et dans
ces cas j'associe le bi-carbonate de soude à l'arséniate de soude, en don-
nant chaque jour, avant le déjeuner et le dîner, une cuillerée à bouche de la
solution suivante :
Eau distillée 300 «^
Bi-carbontte de soude 20 >'
Arséniate de soude OfflO"
Chez les sujets lymphatiques, dans les cas de pityriasis rouges tenaces,
fixés aux aisselles, aux aines, au cou, je me suis trouvé assez bien de
l'emploi de l'arséniate de fer, en pilules, à la dose de 2 à 3 centigrammes
par jour. Le soufre et les préparations sulfureuses sont indiqués dans le
traitement du pityriasis, principalement lorsqu'il s'agit du pityriasis de
la barbe ou du cuir chevelu ; j'ai obtenu des succès, dans ces cas, de
l'administration des fleurs de soufre à la dose quotidienne de 1 à
PITYRIASIS. — TEAITEMEHT. 39
i grammes ou du sirop sulfureux de Crosnier. C'est un bon moyen à
employer contre les pityriasis succédant à l'eczéma. On a encore conseillé
les amers et les reconstituants; leur emploi peut être utile chez les indi-
Tidns lymphatiques ou scrofuleux. Lorsque le pityriasis survient chez les
enfants, sous la forme désignée par le nom de dartre farineuse, on peut
employer avec avantage le sirop antiscorbutique, le phosphate de chaux
ou rbuile de fo'e de morue.
Je dois à peine mentionner l'usage des purgatifs qui n'ont qu'une
action bien faible sur la guérison du pityriasis. Ils peuvent être indiqués
au début du la maladie lorsqu'existent quelques phénomènes généraux,
quelques signes d'embarras gastriques, ou pour remplir quelqu'indica-
tion spéciale.
Au traitement général que je viens d'indiquer, on doit, d'ailleurs,
ajouter des moyens topiques dont l'utilité est évidente; au début,
principalement dans le pityriaris rouge, lorsqu'on constate quelques
phénomènes d'inflammation cutanée, on doit avoir recours aux lotions
ëmollicntes, avec des décoctions de laitue ou de guimauve , avec des
infusions légèrement astringentes de tiges de mélilot ou de fleurs de
sureau, aux grands bains tièdes rendus éraoliients par l'addition de son
ou d'amidon ; mais plus tard ou même dès le commencement de la mala-
die, lorsqu'il n'y a pas de signes d'inflammation, on aura recours à l'ap-
plication de topiques résolutifs ou astringents et aux bains alcalins et
sulfureux. Les lotions qui réussissent le mieux, sont celles faites avec de
l'eau blanche très peu chargée d'acétate de plomb, avec une solution très
légère de sulfure de potassium, avec de l'eau phagédénique coupée avec
beaucoup d'eau tiède, avec une solution très-faible de sublimé, au mil-
lième au plus. Les pommades qui restent plus longtemps en contact avec
la peau, sont plus utiles encore que les liquides et sont très souvent em-
ployées dans le traitement du pityriasis simple et du pityriasis rouge, et
même à la fin du pityriasis disséminé, alors que les taches tardent trop à
disparaître sous l'influence de la médication alcaline et arsenicale. Les
pommades qu'on devra employer sont, au début, celles à base d'oxyde de
zinc, au trentième ou au quinzième ; plus tard, les pommades au goudron,
à l'huile de cade au vingtième ou au dixième, au calomel au centième
ou au cinquantième, à l'onguent citrin mélangé avec dix parties d'axonge
ou de cold-cream. Dans le pityriasis du cuir chevelu et de la barbe, jo me
suis souvent bien trouvé de l'emploi d'une pommade sulfureuse préparée
en ajoutant à un corps gras inerte, un trentième ou même un soixantième
de fleurs de soufre. Dans le pityriasis pilaire, que je considère comme
une icthyose locale, le traitement général n'a aucune action ; il ne faut
employer que des bains savonneux, alcalins ou sulfureux et que des pom-
mades contenant une dose assez forte de substances actives et particuliè-
rement l'huile de cade mêlée à trois ou quatre parties d'huile ou d'axonge.
Comme on l'a déjà dit , le traitement est alors seulement palliatif. Aux lo-
tions et aux pommades, on doit ajouter l'emploi des bains qui seront émol-
lients, alcalins ou sulfureux, suivant le degré d'inflammation cutanée.
40 PITYRIASIS. 5[ — I*. PARASÏTAIBE 00 VERSIGOLOR.
Je ne dois pas négliger de dire que dans le traitement du pityriasis,
comme dans celui de Teczéma, les moyens hygiéniques sont indispensa-
bles pour aider l'action des remèdes internes et externes. Les malades
devront s'abstenir de tous les aliments stimulants, tels que les poissons,
les coquillages, les préparations de porc, le gibier, les salaisons, les mets
épicés, le vin pur, le café, les liqueurs alcooliques. Ils devront éviter
toute cause de fatigue, tout excès et particulièrement les veilles.
Enfin, dans les cas de pityriasis rebelles ou récidivants, on pourra
avoir recours , avec avantage, aux eaux minérales prises en boisson, en
bains et même en douches d'eau pulvérisée projetées sur les régions
malades. Les eaux les mieux indiquées sont les eaux alcalines et les eaux
sulfureuses : les eaux de Plombières, de Royat sont souvent très efficaces
contre les pityriasis développés chez des individus soupçonnés de goutte ;
les eaux sulfureuses de Schinznach, de Ragnères-de-Luchon, d'Aix>la-Cha-
pelle, d'Ax, de Saint-Honoré , sont mieux indiquées chez les individus
lymphatiques et scrofuleux ; celles de Saint-Gervais réussissent très bien
dans le pityriasis simple, dans le pityriasis rouge et dans les cas où
l'affection squameuse a été précédée d'eczéma, ou bien encore chez les
malades dont la peau est irritée facilement par l'action des topiques, même
peu énergiques. Comme pour les eczémateux, l'air de la mer est mauvais
aux personnes atteintes de pityriasis ; il détermine souvent chez elles des
phénomènes d'inflammation cutanée, et je l'ai vu plusieurs fois transfor-
mer le pityriasis en eczéma.
Pityriasis parasitaire ou versicîolor. — Cette maladie est due
à la présence dans les lamelles épidermiques d'un parasite végétal auquel
on a donné le nom de microsporon furfur ; ce parasite a été découvert
en 1846 par Eichstedt ; et en 1864 Kobner réussit à Tinoculer sur la
peau de Thomme.
Les squames du pityriasis versicolor sont jaunâtres, assez épaisses, ha-
bituellement imbibées d'une matière grasse sébacée ; à l'aide du micros-
cope on reconnaît facilement entre les lames de l'épithélium corné le para-
site caractérisé par des spores arrondis rassemblés en groupes de forme
également ronde et par des tubes de mycélium dont les articles sont très
allongés.
Le pityriasis parasitaire se présente sous la forme de taches colorées en
brun ou en jaune, légèrement saillantes au-dessus de la surface de la
peau. Les squames qui forment ces taches sont assez adhérentes; elles se
détachent quelquefois spontanément, mais c'est ordinairement par le
grattage qu'on les fait tomber en lamelles fines et minces. Ces plaques
sont jaunes ou brunes ordinairement légèrement nuancées et j'avais pro-
posé de donner à la maladie le nom plus exact de pityriasis luiea ; dans
quelques cas rares, elles ont une coloration plus foncée, presque noire, et
cette variété, que je n'ai rencontrée qu'une seule fois, constitue le pityria-
sis nigra de Willan et Rateman. Ces plaques squameuses, de forme ar-
rondie ou irrégulière, ont une étendue variable depuis celle d'une pièce
de un à deux francs jusqu'à quinze ou vingt centimètres carrés. Elles sont
PITYRIASIS. — p. PARASITAIRE OU VERSICOLOR. 41
ordinairement en assez grand nombre et disposées dans la même région ;
comme elles sont entremêlées de portions de peau saine, elles donnent à
la surface cutanée où elles se rencontrent un aspect bigarré d'où le nom
de pityriasis versicolor. Quelquefois, les taches séparées les unes des
autres primitivement, se réunissent en augmentant d'étendue et ne for-
ment plus qu'une seule plaque café auMait qui recouvre une partie du
tronc ou même le tronc tout entier. Le siège d'élection du pityriasis
est le tronCy le cou et la partie supérieure des membres, mais ce siège n'a
rien d'exclusif: on peut rencontrer des plaques du pityriasis sur la figure,
sur les membres et particulièrement sur les membres supérieurs. C'est
à peine si le pityriasis parasitaire donne lieu à quelques démangeaisons ;
le plus ordinairement, cette maladie se présente avec une absence com-
plète de symptômes locaux et généraux; la présence seule des taches révèle
son existence.
Une fois développé le pityriasis versicolor a une grande tendance à
envabir les parties voisines, et, s'il vient à disparaître, il récidive avec
une grande facilité; c'est ainsi que, chez certaines personnes, cette affec-
tion apparaît tous les ans au printemps ou au commencement de l'été ; elle
disparait au bout de quelque temps soit à la suite d'un traitement con-
Tenable, soit spontanément ; mais l'année suivante, à la même époque,
sous l'influence des conditions favorables à son développement, le cham-
pignon, qui n'était pas détruit, repullule, et la maladie se reproduit avec
les mêmes caractères.
Le diagnostic du pityriasis parasitaire est facile ; la maladie est suffi-
samment caractérisée par les plaques squameuses, colorées qui donnent
à la peau cet aspect versicolore particulier que je viens de signaler; dans
les cas douteux, le microscope, en relevant la présence des spores et des
tubes appliqués sur des parcelles d'épiderme coloré, enlève toute incerti-
tude. Ces caractères de squames colorées et de nature parasitaire démon-
trés au microscope, permettent facilement de distinguer le pityriasis
versicolor des autres pityriasis non parasitaires, pour que je n'aie pas besoin
d'insister sur ce diagnostic différentiel. Il est quelquefois plus difficile de
distinguer le pityriasis versicolor des éphélides, surtout lorsque les taches
du pityriasis sont brunes et que leur nature squameuse est peu accusée ;
on devra savoir dans ces cas que les éphélides, constituées par une seule
modification du pigment, ne présentent jamais de squames, et que ces
dernières, même lorsqu'elles ne sont pas apparentes au premier aspect,
se manifestent toujours dans le pityriasis versicolor sous l'influence du
gnttage. On pourrait encore confondre le pityriasis dont il s'agit avec le
vililigo, en prenant la partie saine pour la partie malade ; un examen un
|)euplus attentif, l'absence de toute squame, la comparaison de la région
atteinte avec les autres parties du corps permettront bien vite de recon-
naître Terreur du premier moment,
La pronostic du pityriasis versicolor est peu grave en ce sens que
cette maladie n'entraîne aucun inconvénient dans la santé, qu'elle se
développe sur des parties couvertes par les vêlements et qu'elle cède or-
42 PITYRIASIS. — p. parasitaire ou vbrsicolor.
dinairement assez facilement aux moyens de traitement ; il faut savoir
cependant qu'elle est sujette à récidiyer, que, chez quelques personnes,
«lie présente une résistance opiniâtre, et qu'elle peut persister pendant
plusieurs années, quelquefois même indéfiniment.
L'étiologie du pityriasis parasitaire est assez peu connue ; cette mala-
die se développe souvent au printemps et pendant l'été ; sa fréquence pa-
raît plus grande dans les pays chauds ; il est assez commun de la rencon-
trer chez les individus débilités et cachectiques : c'est ainsi qu'on en
rencontre de fréquents exemples chez les phthisiques, dans la dernière
période de l'affection tuberculeuse. Le pityriasis versicolor est-il conta-
gieux comme les autres maladies parasitaires? C'est une question qui n'est
pas encore résolue ; en tous cas la faculté contagieuse doit être faible et
demander des conditions spéciales pour se manisfester, car il n'est pas
rare de voir des individus atteints de ce pityriasis, vivre dans une cohabi-
tation habituelle avec d'autres personnes qui demeurent complètement
indemnes de toute lésion cutanée.
Traitement. — La thérapeutique du pityriasis parasitaire réclame
surtout des moyens locaux et cette maladie cède bien souvent au seul em-
ploi de bains sulfureux répétés journellement pendant trois ou quatre
semaines; on peut y ajouter des onctions faites matin et soir avec une
pommade sulfureuse contenant un quinzième de soufre sublimé pour une
partie d'axonge ; j'ai employé souvent avec avantage les frictions avec la
pommade oxygénée du Codex ou mieux avec une pommade contenant
vingt gouttes d'acide nitrique pour cinquante grammes d'axonge. On a
conseillé encore les lotions avec une solution de sublimé au millième et
même les bains de sublimé préparés par l'addition de dix grammes de
sublimé dissous dans de l'alcool et ajoutés à un bain ordinaire. Chez les
individus débilités, on assurera la guérison et non la réapparition de la
maladie parasitaire à l'aide d'une, médication tonique et d'une bonne
hygiène. J'ai vu dans plusieurs cas rebelles, la guérison s'effectuer ou
se consolider par l'usage des eaux minérales sulfureuses et particulière-
ment par celles deBagnères-de-Luchon, d'Ax ou d'Aix-la-Chapelle.
ÂUBERT. Description des mal. de la peau, Paris, 1814. pi. XXVI.
€aze5avb. Dict. de méd. en 50 ?ol. Paris, 1841, t. XXIV. — Traité des maladies du cuir che-
▼elu, Paris, 1850, p. 167.
EiCHSTEDT. Froriep*8 NoHten aut derNatur und Heilkunde, 1846, Band XXXIX.
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Baiin (E.). Leçons th. et clin, sur les afT. cutani^es de nat. arthritique et dartreuse, Paris, 1868,
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Malassez (L.) Note sur le champignon du pityriasis simple (Arch. de physioL, Paris, 1874,
p. 451-464.) — Anat. path. de l'alopécie pityriasique (id. p. 465).
HiiRA et Kaposi. Maladies de la peau, Irad. par Doyon, Paris, 1878, t. II, p. 869.
Alfred Hardt.
PLACENTA. — »TATOitrE. 45 '
PIACEMTA. — On donne le nom de placenla (ra»?. Placenta:
erkuchcn) à la partie dos annexes l'œUles dans laquelle les ramifica-
tions des vaisseaui ombilicaux viennent se distribuer pour se mettre en
rapport avec la circulation maternelle.
iVsATOMiE soRMALE, — Le placenta est constitué par une sorte de disque
d'upparence cliamue, ayant un diamètre de 16 à 21 centimètres lore-
qu'il a acquis son entier développement, et dont la plus grande épaisseur
correspond au point d'insertion du cordon, pour diminuer insensiblement
\ers la circonFérenee qui n'olTre souvent qu'une épaisseur de 5 à G mil.
Il présente, deui faces, l'une appelée esterue ou utérine, l'autre îalerne
l fœt^e ; c'est cctl- di^ni'"" "iii r-^l le plus ordinairement externe
rplacenta est expulsé ou extrait des parlies génitales, âpres
l'accouchement. Lorsque l'on veut se rendre compte de sa véritable dîs-
|<o$i(iori dans t'ulérus gravide. îl est nécessaire de le placer de manière
ipe la face utérine, au lieu de regarder l'intérieur du sac formé par les
membranes, soit au contraire dirigée en dehors (fig. 18). On consbte
lAnn que celle face, dont in coloralion varie du rouge brun au blanc
griiàlie, est convexe, à surface lisse, divisée en lobes (appelés impropre-
ment cotylédons), irrégulièrement polygonaux, séparés par des scissures
plus ou moins profondes. On trouve le plus souvent sur elle des lambeaux
de la caduque utérine qui sont restes adhérents au tissu placentaire. La face
iDlerae ou fœtale est concave ; elle est recouverte par l'amnios dont elle n'est
44 PLACENTA. — akatomie.
séparée que par les premières divisions des vaisseaux ombilicaux. C'est
vers le milieu de cette face que le cordon se termine le plus fréquem-
ment (fig. 19); mais son insertion, au lieu d'être centrale, peut se faire
aussi sur les membranes ou vers le bord du placenta. On a désigné cette
dernière disposition sous le nom de placenta en raquette.
Quel que soit le point d'insertion du cordon ombilical, les vaisseaux
qu'il contient s'écartent généralement les uns des autres avant d'arriver
au niveau du gâteau placentaire et se divisent en branches d'inégal
volume qui s'appliquent sur la surface interne du chorion; les artères
se dirigent vers la circonférence en devenant de moins en moins volumi-
neuses à mesure qu'elles abandonnent des ramifications qui pénètrent
dans les villosilés choriales. Les veines situées sur un plan plus profond
augmentent de volume en se rapprochant du centre ou, à parler plus net-
tement, du point d'insertion du cordon, où elles se réunissent pour for-
mer la veine ombilicale.
Le bord du placenta est, comme il a été dit plus haut, beaucoup
moins épais que la partie centrale ; il se continue avec le chorion lœve,
recouvert lui-même par la caduque réfléchie et la caduque utérine. On
rencontre le plus souvent au niveau du bord placentaire une veine consi-
dérable, qu'on a désignée sous le nom de sinus circulaire, et qui, pour
quelques auteurs, joue un grand rôle dans la circulation placentaire.
Le placenta présente des variétés assez grandes sous le rapport de la
configuration. Habituellement ovale ou presque rond, il affecte rarement
d'autres formes, surtout quand l'insertion du cordon ou la division de ses
vaisseaux se fait d'une façon normale. Les variétés les plus ordinaires sont
les suivantes : le placenta peut être séparé en deux parties {placenta
duplex, dimidiatay bipartita), qui n'ont entre elles d'union que par l'in-
termédiaire du cordon et des membranes. Dans un cas rapporté par Ébert,
les deux moitiés du placenta étaient égales, arrondies, entièrement
distinctes; la veine ombilicale se bifurquait à 10 centimètres du gâteau
placentaire et une artère accompagnait chacune de ses divisions, llyrtl,
au contraire, a vu un placenta bipartita dans lequel le cordon ombili-
cal s'insérait sur une des moitiés. La plupart du temps les deux moitiés
sont inégales ; l'une peut être très petite et ne représenter qu'un lobe
{placenta succenturiata) ou bien il peut exister à la circonférence d'un
placenta normalement développé une série de lobes complètement isolés
du gâteau principal, auquel ils ne sont alors unis que par les vaisseaux
qui se continuent avec ceux du cordon ombilical. Le placenta formé de
trois parties à peu près igalcs, placenta tripartita est extrêmement rare.
On rencontre plus souvent une forme décrite par Hyrtl sous le nom de
placenta rnultiloba dans laquelle un grand nombre de lobes sont tout à
fait séparés mais assez rapprochés les uns des autres pour qu'il n'existe
aucune analogie avec le placenta des ruminants.
Les dimensions du placenta sont différentes aux diverses époques de la
grossesse ; il est généralement arrivé à son entier développement dans
le courant du septième mois. On a cru remarquer qu'il recouvre à la
PLACENTA. — AHAToirrB. 45
périphérie de l'œuf une surface d'auLmt plus grande tju'il a moins dé-
paisseiir. Dans les conditions normales il occupe environ le quart du
cborion.
Le placenUi nugmente également de poids à mesure que la grossesse
avance jusqu'au septième mois enviran. Lorsque aucune altération patho-
lo^que n'est venue entraver son dévelcppentctit, il pèse au terme de la
grussesse de 400 à 500 grammes, déduction faite du poids du cordon et
des memliraues lequel est d'environ 60 à Hii grammes.
Développement H structure. — Si l'on veut se l'aire une idée exacte
du mode de développement et de la structure du placenta, il est néces-
saire de se rappeler comment se comportent les enveloppes de l'ii'uf vers
le vingtième jour après la conception, c'est-à-dire au moment où l'allan-
luiJe part de la partie poslcricurc de l'embryon pour se placer entre l'am-
nine el le "liorion, dont elle va tapisser la face interne. Le chorion, formé
ptflettaîllet externe du blastoderme et la membrane vilellîne, présente
■me surface externe hérissée de villosités qui sont elles-mêmes en rapport
ane la muqueuse utérine {caduque utéro-placenl<iire et caduque réElé-
dùe). C'est dans ces villosités que pénètrent les nombreux vaisseaux ap-
pâtés par l'allantoide h la pérîpliérie de l'œuf. Chaque villosité reçoit
une artère et une veine recouvertes d'une couche mince de tissu allan-
toidieo (magma réticulé de Joulin.) Au bout de très peu de temps deux
phénomènes tout à fait différents se passent dans les villosités choriales,
selon qu'elles se trouvent directement en contact avec la muqueuse uté-
rine (caduque utéro-placentaire) ou qu'elles ne sont en .apport qu'avec
46 PLACENTA. — akatomik.
la caduque réfléchie. Dans ce dernier cas, les villosités cessent de
croitrCf leur cavité s'oblitère et leurs vaisseaux disparaissent. D'après
Charles Robin, le mécanisme de cette oblitération serait le suivant :
le tissu allantoïdien (magma réticulé), qui sert dégaine aux vaisseaux
lorsqu'ils pénètrent dans les villosités, envahirait jusqu'à leurs dernières
ramifications, tandis que les vaisseaux disparaîtraient sans laisser de
trace. 11 parait plus simple et plus logique de penser que ces villosités,
devenues inutiles après le développement du placenta, subissent vers le
quatrième ou le cinquième mois un véritable travail de régression ou
plutôt d'atrophie, comme tous les organes qui n'ont plus de raison
d'être. Par contre, les villosités qui plongent directement dans la mu-
queuse utérine, croissent, augmentent de volume, se ramifient et consti-
tuent le chorion frondosum^ qui sera le placenta.
Ces premières données étant admises, il devient plus facile d'étudier le pla-
centa en décomposant les différents éléments qui le constituent. Lorsqu'on
enlève l'amnios, on rencontre les premières divisions des vaisseaux ombi-
licaux appliqués contre la face interne du chorion par un tissu conjonctif
lâche, sur la nature duquel il existe des opinions très diverses (fig. 20).
Considéré par les uns comme faisant partie du chorion dont il serait la
couche la plus interne, il a été très minutieusement décrit par Joulin sous
le nom de tissu lamineux^ et regardé par lui comme étant constitué par
le tissu allantoïdien dont la gélatine de Wharton serait elle-même une
variété. Ce tissu est divisé en deux lames, l'une superficielle située au-
dessus des vaisseaux qu'elle sépare de l'amnios, Tautre profonde pla-
cée immédiatement au-dessous du chorion, accompagnant dans les vil-
losités choriales les ramifications vasculaires. Il se rapproche beaucoup
par sa structure du tissu sous-cutané (Renault), et n'est en somme que
du tissu conjonctif embryonnaire.
Le chorion, situé immédiatement au-dessus, est une membrane trans-
parente, lisse; sa surface externe est couverte par les troncs villeux, qui se
subdivisent eux-mêmes en un très grand nombre de rameaux formant
une masse compacte d'un rouge vif, qui constitue le véritable organe
placentaire. Il est extrêmement difficile d'apprécier le nombre et la forme
de ces divisions, qui varient dans les différents placentas. Elles commen-
cent généralement dans le voisinage du chorion, et se dirigent dans tous
les sens. Chaque tige principale donne naissance soit à deux rameaux
partant d'un même point, soit à un seul rameau se détachant à angle droit
du tronc lui-même ou d'une de ses premières divisions. 11 en est de même
pour les subdivisions successives de chacun des rameaux, qui deviennent
de plus en plus fines. Cependant, dans quelques cas, il ne se détache, sur
toute la hauteur du tronc principal, que des rejetons simples, ne se sub-
divisant pas eux-mêmes. Quel que soit le mode de division des villosités,
leurs extrémités se comportent de deux façons différentes ; les unes plon-
gent dans la caduque utérine qui constitue le placenta maternel; les autres
restent libres et s'entre-croisent entre elles de façon à former la trame
du tissu placentaire; leur diamètre est de 57 à 114 m. Langhans a
PLACENTA. — iHATomB. 47
décrit une aatre Tariété de rameaux Tilleux consistant en divisions pri-
maires et secondaires du tronc principal. Ils sont de volume variable,
pouvant atteindre jusqu'à un millimètre de diamètre et se rendent au pla*
cents utérin, auquel ils adhèrent si intimement qu'on ne peut les en déta-
cher, même par une forte traction . On rencontre ces rameaux villeux en
grand nombre dans le tissu maternel qui s'enfonce protondément entre les
lobes. On les trouve cependant aussi à l'intérieur même des cotylédons ;
leurs divisions se terminent, comme les villosités ordinaires ,pur des extré-
mités libres, ou s'entre-croisant entre elles. Ces diiTérents moyens d'union
Tont de la masse placentaire un tout dense et compacte, qui adhère
fortement à la muqueuse utérine, surtout à partir du troisième mois
de la grossesse. Les villosités placentaires et le chorion qui leur donne
naissance sont constitués exactement comme le chorion lui-même. On y
rencontre une couche interne ou fœtale composée de tissu conjonctif,
et une couche extome constituée par un épithéUum pavinienteui ayant de
7 à iO m. d'épaisseur. Cet épittiélium, très-apparent sur les premières
divisions des villosités anciennes, l'est beaucoup moins sur leurs eitré-
milés ou sur les rameaux qui sont en voie de développement.
Les villosités [Gg. 20) n'ayant d'autre destination que de mettre les vais-
seaux du foetus en communication avec la circulation
maternelle, chacune d'elles est pourvue d'une artériole
venant de l'une ou l'autre artère ombilicale et d'un
rameau veineux allant se rendre dans la veine ombi-
cale. On a vu plus haut que les premières divisions
des vaisseaux ombilicaux étaient comprises entre
deux lames de tissu conjonctif séparant le chorion de
l*anioios. Avant de se diviser en ramuscules qui se |
distribuent dans les villosités churiales, ces vaisseaux (
fonnent de véritables bouquets, dont les branche
divergent dans tous les sens, les unes passant immé-
diatement à l'état rapillaire pour pénétrer dans les
villosités, les autres formant des bouquets secondaires
qui donnent eux-mêmes naissance à des ramifications p„ ^o.
capillaires. Ces ramifications pénètrent jusque dans les Enrimiié d'une tiiiotiw dg
divisions les plus secondaires des villosités; elles se ^«""dB deux unudit^
dirigent vers le cul-de-sac villeux, soil directement, "*«*"■
wit en formant des spirales, et s'y terminent par sang;a'a',>ais»eaiiyide;
i» anses anostomotiques qui font communiquer J'b'''j'^5^' !" ""''°"*'
tatre eux les deux ordres de vaisseaux , de telle
sorte que le système vasculaire de l'embryon est un système entière-
ment fermé, dont la circulation placentaire n'est elle-même qu'une
partie. Il n'existe aucune ansstamose d'une villosilé à une autre, pas
plus que d'un cotylédon à l'autre. Les vaisseaux des villosités sont dé-
pourvus de valvules. Ceux des premières divisions villeuses ont la même
sliucture que les vaisseaux du cordon, et sont l'ichement pourvus de
fibres musculaires. Dans les dernières divisions, au contraire, ils ne possè-
48 PLACENTA. — akatomie.
dent que leur enveloppe celluleuse propre, et sont placés très-superficiel-
lement, presque immédiatement au-dessous de l'épilhélium. Leur dia-
mètre est généralement de 11 à 15 m.
Le développement des villosités placentaires et de leur système vascu-
laire débute au moment où Tallantoïde vient toucher la paroi de l'œuf; il
n*est terminé qu'à une époque avancée de la grossesse, comme le prouve
l'augmentation progressive (en surface et en poids) du placenta, qui,
mesurant au cinquième mois de 11 à 13 centimètres de diamètre, en
acquiert de 16 à 20 au terme de la gestation. Cet accroissement est dû
au développement sur les troncs primitifs, de ramifications reconnaissables
à la nature de leur enveloppe dont l'épilhélium est peu apparent, tandis
qu'il s'enlève par larges plaques sur les villosités anciennes.^ Ainsi le
placenta fœtal est composé des ramiGcations des artères ombilicales qui se
continuent dans les villosités par l'intermédiaire des capillaires, avec les
divisions de la veine ombilicale. Ces villosités rappellent presque exacte-
ment par leur structure les villosités intestinales, à cette différence près
que dans ces dernières on rencontre un vaisseau chylifère qui en occupe
le centre. Elles s'enchevêtrent les unes dans les autres et affectent avec la
muqueuse utérine des rapports très difficiles à définir et au sujet desquels
la lumière n'est pas entièrement faite.
Si la plupart des auteurs sont d'accord sur la structure du placenta
fœtal, il n'en est pas de même quand il s'agit de ce qu'on est convenu
d'appeler le placenta matemeL II n'existe peut-être pas de sujet
sur lequel l'imagination des anatomistes se soit plus exercée. La rareté
des investigations faites dans des conditions tout à fait favorables, c'est-
à-dire lorsque le placenta adhère encore à l'utérus, a rendu possibles les
hypothèses les plus opposées. Pendant longtemps, la plupart des auteurs
croyaient à une communication directe entre les vaisseaux maternels
et les vaisseaux fœtaux. Yieussens, Cooper, Haller, Chaussier admet-
taient ces communications utéro-fœtales. Radford partageait la même
opinion, tout en pensant que les vaisseaux trop fins ne laissaient passer que
la partie blanche du sang. De son côté, Flourens prétendait démontrer
par une série d'expériences : 1"* qu'une liqueur injectée passe du fœtus à
la mère ; 2"* qu'elle passe de la mère à l'enfant, et que par conséquent il
existe une communication vasculaire évidente, constante entre la mère
et le fœtus, comme entre le fœtus et la mère. 11 arrivait ainsi à cette singu-
lière conclusion que, dans la classe des mammifères, il existe deux
modes de communication entre le fœtus et la mère : 1° communication
vasculaire directe par placenta uniques 2** communication de simple
contact, de simple adhésion, en cas de placentas multiples (ruminants).
Les expériences de Flourens furent reprises par Bonamy, qui se convain-
quit que les communications directes constatées par le célèbre physiolo-
giste résultaient d'un procédé d'injection défectueux. Il serait du reste fa-
cile de démontrer qu'en dehors même des données anatomiques, il existe
des raisons physiologiques très péremptoires pour écarter la conununica-
tion directe entre les deux circulations.
PLACENTA. — AKATOMiB. 49
D* autres auteurs pensaient et pensent encore aujourd'hui qu'il se déve-
loppe dans le placenta maternel des vaisseaux nouveaux qui ont reçu le
nom de vaisseaux uléro-placentaires (A. Dubois), et qui, tout en étant indé
pendants des vaisseaux fœtaux, s'enchevêtrent avec eux . C'est à Jacquemier
que Ton doit les recherches les j;)lus exactes à l'appui de cette opinion.
Pour lui^ il existe des artères et des veines utéro-placentaires de nouvelle
formation. Les artères se terminent en cul-de-sac, et n'ont aucune anasto-
mose visible avec les veines. Les veines, ayant jusqu'à 54 millimètres de
longueur, se distribuent vers les scissures interlobaires, et se divisent à
la surface des cotylédons. Elles sont fréquemment anastomosées et for-
ment ainsi le sinus coronaire. Les villosités placentaires sont intriquées
avec les veines et font saillie dans leur intérieur. Cette manière de voir
fut acceptée par Bonamy, qui admet les vaisseaux utéro-placentaires intri-
qués avec les villosités fœtales, et crut les voir pénétrer jusqu'au cborion.
Joulin, tout en ne niant pas d'une façon absolue l'existence de vaisseaux
interplacentaires à titre d'anomalie, se rallie à la doctrine du développe-
ment des sinus utérins dans lesquels les villosités viendraient plonger,
et se mettraient plus ou moins directement en rapport avec le sang ma-
ternel. Cette théorie, défendue par Hunter, Weber, Robert Lee, Coste,
Kiwisch, KôUiker, Yirchow, mérite d'être examinée avec la plus grande
attention, tant à cause de sa grande simplicité que parce qu'elle est
conforme aux lois de Tanatomie générale.
La muqueuse utérine qui est en contact avec le placenta fœtal, et qui
a reçu le nom de placenta maternel {caduque utéro-placentaire^ decidua
plocen/o/ti), subit des môdiCcations très-importantes, consistant dans un
développement de plus en plus considérable de ses éléments cellulaires
et de ses vaisseaux, ainsi que dans la disparition plus ou moins rapide de
ses glandes. Elle se divise elle-même en deux couches, dont l'une reste
fixée à la surface externe du placenta, et pénètre dans sa prolondeur,
tandis que l'autre, plus épaisse et riche en vaisseaux, reste adhérente à la
paroi utérine; son relief est encore facile à constater quelques jours
après l'accouchement. A mesure que ses différents éléments se dévelop-
pent, la caduque pénètre entra les villosités placentaires, puis entre les
lobes, qu^elle sépare à l'aide de cloisonnements nommés par Kôlliker
fepta placenUB. Ces prolongements s'enfoncent plus ou moins profon-
dément jusqu'au voisinage du chorion. Ils sont formés de deux parois
adossées l'une à l'autre, comprenant entre elles des vaisseaux. Ils ne con-
siiinent du reste pas les seuls prolongements envoyés par la muqueuse
alérine à l'intérieur du placenta. Winckler a constaté qu'en dehors du
sinus circulaire il partait du point de réunion des deux caduques (utéro-
plac^taire, utérine réfléchie) une expansion de tissu maternel s'insi-
nuant à la base des villosités, immédiatement au-dessus du chorion, et
s'avançant vers le centre du placenta jusqu'à deux ou trois centimètres du
bord. Il résulte de cette disposition que, vers la circonférence du disque
placentaire, les cotylédons sont presque complètement environnés de tissu
luaternel, tandis que, vers le contre, leur base en est dépourvue. Kôlli«
KNnr. DicT. miù bt cub. XXYIII* — 4
50 PLACENTA. — a^iatoiiie.
ker a appelé l'attention sur une variété de placenta dans laquelle
l'expansion de la caduque utérine et réfléchie, signalée par Winckler, se
prolonge à 5 ou 6 centimètres du bord placentaire, de telle sorte que les
troncs des villosilés choriales et des vaisseaux n'occupent que le centre
du disque, dont la plus grande partie §e trouve ainsi constituée par les
ramifications yilleuses et vasculaires. Il a appelé cette anomalie placenta
marginata.
En examinant tour à tour les deux parties de la caduque utéro-placen-
taire, on rencontre dans la portion restée adhérente à l'utérus de nom-
breuses artères contournées en spirale dont on retrouve le prolongement
dans la caduque qui tapisse la surface externe du placenta. Elles pénètrent
avec les septa dans les scissures intercotylédonaires et forment un lacis
très-serré qui se trouve placé entre les dernières ramifications des villo-
sites choriales dans toute la partie superficielle du placenta fœtal, mais
qu'on ne retrouve plus dans la profondeur du gâteau placentaire immé-
diatement au-dessus du chorion. Ces artères ne sont que les capillaires
hypertrophiés du plan superficiel de la caduque; elles subissent une
modification profonde dans leur structure et ont pour unique paroi un
endothelium séparé du tissu de la caduque placentaire par un tissu con-
jonctif lâche et finement strié. L'absence de fibres musculaires lisses et
d'éléments élastiques rapproche beaucoup leur structure de celle des
veines. Elles sont, du reste, la partie la moins importante du système
vasculaire du placenta maternel, plus spécialement composé de veines
dans la partie qui se trouve en contact avec les villosilés.
Les vaisseaux veineux du placenta maternel, soit qu'on les suive dans
l'épaisseur du gâteau placentaire, soit qu'on les recherche dans la paroi
utérine, sont constitués par les veines elles-mêmes, et les capillaires de la
muqueuse utérine ayant subi un développement tel, qu'ils forment de véri-
tables sinus.
Dans les conditions où on les étudie habituellement, c'est-à-dire lorsque
le placenta a été détaché, on peut les diviser en deux couches : l'une
fœtale, située à la surface et dans la profondeur du tissu placentaire,
l'autre utérine, pouvant être poursuivie jusqu'à la couche musculaire de
l'utérus sur laquelle elle s'applique. Dans les deux cas, les veines naissent
des artères utérines par Tintermédiaire des capillaires et vont se jeter dans
des veines volumineuses qui ramènent le sang dans la circulation mater-
nelle. Les sinus qui restent fixés dans la paroi utérine sont faciles à re-
connaître; une incision faite sur la portion de la caduque qui répond à
l'insertion placentaire permet d'apercevoir de larges vaisseaux béants
composés d'artères et de veines formant un véritable tissu caverneux. 11
n'est pas rare de rencontrer sur cette surface qui, comme on l'a dit plus
haut, forme un léger relief dans toute la partie correspondant au pla-
centa, des ouvertures à travers lesquelles on peut introduire un stylet
jusque dans Tintérieur des vaisseaux. Ces orifices sont probablement dus
à un arrachement plus profond de la caduque et de la paroi vasculaire, et
ils doivent leur direction légèrement oblique à la rétraction de l'uténis
PLACENTA. —
t a chanfié les rnpports de la couche
nusculaire avec la cuiiclie mu-
les veines el les sinus qui sont dircctemeut en rapport avec les villo-
silM chorialcs ont été décrits bien différemment par les observateurs,
D'après VVeber, les artères et les veines pénètrent dans la substance
s()o»gieuse du placenta el communiquent entre elles par l'inlermédiaire
d'un réseau de canaux très-volumineux (lig. 21). Ce réseau capillaire
')ssal. a parois très-minces, s'insinue entre les cotylédons et entre les
K-aliuns k's plus ténues des vilKiKilèschorîales. Robin pense égale-
r
I
' %tL — Coupe ilo II lUuU'iiM cl ilu pUcanu, sur la l'iulavre i'ua» [aume morta p>r «cttùtsul,
i la Irenliiïina MCDiine de b) t:roi«aiu.
i, i^i4oD anilulkili b. iranioij t, chnrlan; dd, lurlia fuliln du placonri; »4, pirul utirin* ;
If.nmiUratima irboresctnlci qui oinitïlUïal In IriiDc du plicealii gs, laainbriae cijitquo (pailluii
bcalr> fa. ailiKi uUrina6 canluurD^i en apiHhn du llre-tiuudiaD ; tj>, nueau arlérial pén^tmil
Ma la i>U<euU; !>':, ti»u> TciDaui de la iDHIiii-'r: [K. Eck.r).
ment que ce sont les capillaires qui s'unissent pour former autour des
tilliwilis un vr.ii lac sanguin. Pour Bustamanle, la muqueuse, qui a
ptnMrt entre les villosités, devient trés-vasculaire; les capillaires, en
lugnWDtant de volume, s'adossent, et leurs parois s'atrophient ; il se Terme
itaâ de gros vaisseaux, ou, pour mieux dire, des sinus qui pénètrent
ivee b caduque hypertrophiée jusqu'au cliorton et embrassent les troncs
dn TiJlositès placentaires. A une période plus avancée, la caduque ut
les parois des vaisseau^L Unissant pai' disparaître, les villosîlés baigneraient
directement dans le sang maternel.
52 PLACENTA. — anatomie.
Delore a cherché à démontrer que le système vasculaire du placenta
est constitué par l'expansion des sinus utérins les plus superficiels, à
l'exclusion d'artères et de capillaires. La circulation maternelle s'y ferait
par un sinus circulaire et des sinus lacunaires, présentant des oriGces en
grillage, à travers lesquels on aperçoit les villosités plongeant directe-
ment dans le sang contenu dans ces vaisseaux. Le contact ne serait point
aussi immédiat d'après Joulin, qui pense, lui, que la circulation du fœtus est
séparée de celle de la mère par la paroi des sinus, par l'épithelium de la
caduque, par l'épithelium de la villosité et la couche réticulée sous-
jacentc, et enfin par la paroi des capillaires villeux. Quoi qu'il en soit de
ces différentes manières de voir, les veines en pénétrant dans les espaces
intercotylédonaires se comportent de la manière suivante : les unes
entrent en contact avec les villosités choriales et se réunissent dans les
septa pour former des veines plus volumineuses qui vont se jeter dans le
sinus circulaire ; les autres, plus profondément placées, forment à la base
des troncs villeux, immédiatement au-dessus du chorion, un réseau com-
muniquant largement avec les premières. Les différents troncs qui en ré-
sultent se dirigent vers le bord du placenta et constituent par leurs anasto-
moses un sinus circulaire, rarement complet, situé au point de réunion de
la caduque placentaire avec la caduque utérine et surplombé par les-
cotylédons marginaux qui le recouvrent. Ce vaisseau prend des racines
nombreuses dans le placenta et communique par des embranchements non
moins nombreux avec les veines utérines profondes. La quantité considé-
rable de vaisseaux qui va s'ouvrir dans le sinus donne à la paroi un aspect
criblé qui a fait supposer que, dans le placenta, le sang entoure directe-
ment les villosités embryonnaires et n'est séparé des vaisseaux du fœtus
que par l'épithelium villeux. On a vu précédemment quelle était à cet
égard Topinion de Joulin, elle paraît être la plus vraisemblable.
En résumé, considéré au point de vue de sa structure, le placenta est
constitué par les villosités choriales pourvues d'une artère et d'une
veine dans leurs ramifications les plus fines, réunies en une seule masse,
en premier lieu par leur propre entrecroisement, en second lieu par les
prolongements de la caduque qui, sur certains points, les groupe en lobes
complètement indépendants les uns des autres au point de vue de la cir-
culation fœtale. Ces villosités sont entourées de toute part par des sinus
résultant du développement des veines superficielles de la caduque utéro-
placentaire dont elles restent séparées jusqu'à la fin de la grossesse par
une mince couche d'épithelium. Cette disposition ou tout au moins les
rapports plus ou moins immédiats des vaisseaux maternels avec les vais-
seaux fœtaux sont aujourd'hui admis par presque tous les auteurs»
Cependant un savant d'un grand mérite, Ercolani, de Bologne, a conçu
une tout autre idée de la structure du placenta. D'après lui, les villo-
sités choriales seraient séparées des lacs sanguins par un organe glan-
dulaire de nouvelle formation, se développant dans la caduque et enve-
loppant le placenta fœtal d'une sorte de gaine. Ce tissu glandulaire^
constitué par une *nembrane amorphe et une couche épithéliale, sécréterait
PLACENTA. — AifATOMiE. 53
"On liquide (lait utérin) dans lequel baignent les villosités choriales et qui
«crrirait à la nutrition du fœtus. Cette théorie nouvelle ne parait reposer
sur aucune base sérieuse.
Situation. — Le placenta est habituellement situé au fond de l'utérus,
tantôt sur la paroi antérieure, tantôt sur la paroi postérieure, rarement
«ur les parties latérales. D'après les recherches de Gusserow et de SchroBder,
rinsertion sur la paroi antérieure serait la plus commune; Tinsertion
latérale, très-rare, aurait lieu un peu plus souvent à droite qu'à gauche.
Ces différences dans l'implantation du placenta n'ont aucune importance
^u point de vue de son développement ; elles influent tout au plus sur sa
forme. Parfois le placenta est (ixé sur le segment inférieur de l'utérus
dans un point rapproché de l'orifice interne (implantation marginale), ou
.sur cet orifice lui-même (implantation centrale). Ce vice d'implantation
placentaire est la cause d'accidents formidables au moment de l'accou-
chement, et a été attribué par la plupart des auteurs à la multiparité.
Le ramollissement et le relâchement des parois de la matrice, ainsi que
l'élargissement de la cavité utérine, paraissent être, en effet, les causes
prédisposantes les plus communes de cette anomalie. On peut aussi sup-
poser avec Hiliais qu'un développement inégal de la caduque favorise la
chute de l'œuf sur la partie inférieure de la cavité utérine. Il est plus
difficile d'admettre que l'œuf passe par une éraillure de la caduque réQé-
chie, comme le pensait Hohl, ou que des contractions spasmodiqucs de
l'utérus poussent l'œuf vers le col avant qu'il ait été fixé à la partie supé-
rieure de l'organe par le développement de la caduque réfléchie. Per-
sonne ne s'imagine plus aujourd'hui, comme le faisait encore Levret, que
le placenta, primitivement fixé au fond de l'utérus, retombe sur le segment
inférieur à la fin de la grossesse. L'insertion vicieuse du placenta est
assez rare. Il résulte d'un ensemble de statistiques qu'on l'a obser-
vée 56 fois sur 41,169 accouchements, c'est-à-dire dans la proportion de
1 sur 763.
Dans des circonstances heureusement peu communes, l'œuf fécondé ne
peut parvenir jusque dans la cavité utérine, et tombe alors dans la cavité
abdominale (grossesse abdominale, péritouéale) ou est arrêté dans la
trompe (grossesse tubaire) . Comment se constitue dans ce cas la partie des
annexes qui correspond au placenta maternel? La muqueuse de la trompe
se comporte comme l'aurait fait la muqueuse utérine ; cependant, d'après
Kôlliker, il ne se formerait pas de decidua reflexa. On sait, du reste,
que dans cette variété de grossesse extra-utérine la gestation est d'ordi-
naire interrompue vers le quatrième mois par la rupture de la trompe, et
que, par conséquent, le placenta n'arrive pas à son entier développement.
Dans la grossesse abdominale, l'œuf est en contact avec le péritoine, qui
forme les ligaments larges ; il s'établit aussitôt après sa chute une con-
gestion très-intense des parties qui l'avoisinent; puis de proche en proche
il se fait une telle hypertrophie du péritoine qu'il devient apte à jouer le
rtle de muqueuse utérine; il se forme une sorte de placenta qui ne
diffère pas essentiellement de celui que l'on rencontre dans les gros-
li\ PLACENTA. — ASATOïtr.
scssDs iitériiies; repemiaiit il esl phis mince, plus Inrgo, si]p[iléanl par
son élendiie à tu vasciilaritL' inoinilrc ijc la membrane sur Inquellc il
s'est fixe.
D'autres Tai'ictés de placenta non moin» imporluntes sont celles que
l'on rencontre en cas de grossesses multiples. Dans les grossesses gémel-
l.iircs, les œufs peuvent être entièrement séparés et avoir non-snuleraeni
tlciix pliicentas, mnis deus caduques réfléchies; ou bien avoir deux pla-
centas, mais une seule caduque {lig. 22). Dans ce ciis, qui est le plus
ordinaire, les placentas sont soudés; les vaisseaux ombiliraux sont sépa-
rés, puisque chaque œuf a un chorion qui lui est propre. Dans une
troieièmc variété, avec un seul placenta et un seul chorion, il existe deux
amiiios; les vaisseaux des deux cordons s'anastomosent alors constamment
»uv le placenta. C'est dans ces circonstance» qu'une hémorrhagie par le
cordon du premier enfant pourrait se faire aux dépens du second. Enfin,
dans des cas très-mres, il n'existe qu'un placenta, el toutes les mem>
liranes, y compris l'amnios. sont communes. Dans les grossesses Irigé-
mellaires, il peut exister soit trois placentas séparés avec trois caduque*
réfléchies, soit trois placentas soudés ayant une seule caduque el Iroô
chorions. soit un seul placenta et un seul chorion. Enfin, un œuf peut *lre
isolé, tandis que les deux autres ont un placenta et un chorion communs.
Il est inutile de pousser celte énumération plus loin, chacune de ce»
variétés pouvant se reproduire dans les grossesses où la nmltiplicilé de»
fœtus est plus gnindo encore.
Phtsiulogië. — C'est dans ces derniers temps seulement, lorsqu'on
s'était fait une juste idée du rapport anatomique des vaisseaux maternels
avec les vaisseaux fœtaux, que l'on a commencé à se rendre un compte
îct des fonctions du placenta. Aussi longtemps qu'on a supposé que
PLACENTA. — PHYSIOLOGIE. 55
des comrounicalions directes existaient entre les vaisseaux des deux
placentas (fœtal et utérin), on n'avait aucune raison de pousser plus loin
les recherches et on considérait la circulation de l'embryon comme dépen-
dant entièrement de celle de la mère. Il eût été facile cependant de trou-
ver, en dehors des constatations anatomiqucs, des considérations de
nature à prouver que cette communication à plein canal est impossible.
Les plus importantes de ces raisons sont les suivantes : 1"^ La circulation
embryonnaire existe avant que les vaisseaux du fœtus aient atteint la
}>ériphcriede l'œuf; 2^ la fréquence de la circulation maternelle (70 à 80)
diffère de celle du fœtus (130 à 140); S"" l'enfant qui naît après une
hémorrhagie survenue pendant le travail meurt asphyxié, et non exsangue;
4* le sang qui s'écoule par le cordon d'un placenta encore adhérent appar-
tient au placenta fœtal et non à la mère ; 5^ en cas de grossesse gémellaire
avec placenta unique, Thémorrhagie se produit aux dc'pcns du second
enfant et la mère n'y prend aucune part. A ces raisons on pourrait en
ajouter quelques autres tirées de la forme des globules et de la composi-
tion de l'un et de l'autre sang, mais elles sont moins évidentes que les
précédentes et rentrent du reste plus particulièrement dans le domaine
de Tanatomie.
n est impossible d'attribuer une importance plus grande à la théorie
d*Ercolani, fondée sur l'existence d*un organe glandulaire interposé entre
les villosités et les sinus utérins; théorie d'après laquelle les sucs nutri-
tifs ou le lait u'érin sécrété par l'épithclium de cet appareil serait absorbé
par les villosités choriales, comme le chyle est absorbe par les villosités
intestinales. Il n'est pas nécessaire de discuter une hypothèse qui repose
sur des laits anatomiques erronés, ou au moins supposés.
Tout le monde reconnaît aujourd'hui que les échanges entre le sang de
la mère et celui du fœtus ne sont que médiats et sont le résultat de phéno-
mènes osmotiques, qui ont donné lieu dans ces derniers temps à de
remarquables travaux. On doit se rappeler d'abord que les échanges sont
singulièrement facilités par la stase prolongée du sang maternel dans les
sinus. On pourrait même redouter qu'en raison de la largeur des vais-
seaux et de leurs communications nombreuses la circulation subisse des
perturbations consistant particulièrement en stagnations, si elle n'était
régularisée : 1^ par la turgescence habituelle des villosités choriales;
2* par la contractilité de l'utérus et des vaisseaiLx.
Ces phénomènes d'osmose étant admis, quelle est la nature de ces
{changes qui se font entre les deux organismes ? Deux questions impor-
tantes se posent tout d'abord : !<> le fœtus respirc-t-il ? 2^ quels maté-
riiox emprunte^t-il au sang maternel pour sa nutrition ?
l* Le fœtus respire-t-il, c'esl-à-dire y a-t-il dans le placenta oxygéna-
tion du sang apporté par les artères et ramené au fœtus par la veine
ombilicale? Presque tous les physiologistes semblent l'admettre aujour-
d'hui. Longet et BischofT ont en quelque sorte éludé la question en com-
parant « l'embryon à une sorte d'organe maternel qui ne respire pas
lui-même, mais a besoin du sang artériel de sa mère, de sang qui a
56 PLACENTA. — physiologie.
respiré. x> Pourquoi en aurail-il besoin, si ce n'est pour lui prendre une
partie de son oxygène?
Les raisons qui démontrent que le placenta est un organe dMiématose
sont les unes subjectives, les autres objectives, et résultant toutes d'expé-
riences des plus concluantes. Les premières sont les suivantes : 1^ le fœtus
succombe rapidement dès qu'une compression interrompt la circulation
dans le cordon ombilical, et l'on trouve toujours dans ce cas à l'autopsie
des signes d'asphyxie; 2^ il existe entre le placenta et les poumons un
antagonisme très-évident : l'enfant nouveau-né peut, en effet, se passer
de respiration pulmonaire tant que la communication entre lui et le pla-
centa n'est pas interrompue, et cette communication peut être interrom-
pue sans danger dès qu'il respire par le poumon ; de plus, toute inter-
ruption delà respiration dans les premières heures qui suivent la naissance
donne lieu à un retour de la circulation dans les artères ombilicales, qui
se traduit par une hémorrhagie, si le cordon est mal lié, et de même toute
interruption de la circulation du cordon avant la naissance provoque
chez le fœtus des mouvements respiratoires; 3^ si Ton admet que le sang
maternel contient de l'oxygène en dissolution, que les globules ont une
grande affinité pour l'oxygène, on a foute raison de penser que le sang
noir des artères villeuses séparé du sang des sinus par une paroi très-
mince, s'empare d'une partie de Toxygène qui s'y trouve dissous. Il existe
du reste, à cet égard, une telle ressemblance avec ce qui se passe chez
les animaux à branchies, qu'on a appelé le placenta « une sorte de bran-
chie pédiculée qui est en même temps un organe d'absorption nutritive et
de respiration » (Nivet).
Les preuves expérimentales sont encore plus concluantes. Zwfeel a
constaté à l'aide du spectroscope l'oxyhémoglobine dans le sang des vais-
seaux ombilicaux d'un fœtus n'ayant pas encore respiré. En outre, dans
des expériences faites sur des lapines vivantes, il a observé que le sang se
rendant du fœlus au placenta par les artères ombilicales est noir, tandis
que le sang revenant du placenta au fœtus par la veine ombilicale est
rouge. Il semble donc incontestable que chez le fœtus le placenta remplace
le poumon, qu'il s'y débarrasse de son acide carbonique et qu'il puise
l'oxygène dans les globules rouges du sang maternel.
2^ Le fœtus puise-t-il dans le placenta les matériaux nécessaires à son
développement et quels sont ces matériaux ? A partir du moment où le
placenta est formé, il parait être, sinon la seule voie par laquelle les
sucs nutritifs passent de la mère à l'enfant, du moins Tagent le plus actif
de cette absorption. Il n'est plus nécessaire de démontrer que certaines
substances injectées dans les vaisseaux de la mère se retrouvent dans
ceux de l'enfant. Mngendie avait déjà retrouvé dans le sang de fœtus de
chien l'odeur du camphre un quart d'heure après avoir injecté une solu-
tion de cette substance dans le système veineux des mères. Meyer ayant
injecté du cyanure de potassium dans la trachée-artère d'une lapine, avait
découvert ce composé dans le placenta et dans les différents organes de
l'embryon. Plus récemment des recherches ont été faites par Benicke, qui
PLACENTA. — PATHOLOGIE. 57
reconnut que l'acide salicylique passait dans le saiig fœtal 40 minutes
après son absorption. Gusserow, Fehling, y retrouvèrent Tiodure de
potassium et le chloroforme. On peut donc dire avec certitude que les
substances tenues en dissolution dans le sang maternel passent dans la
circalatîon fœtale. En' est- il de même des substances qui ne peuvent être
dissoutes, et en particulier des éléments figurés, tels que les globules
sanguins? Il est parfaitemerrt établi aujourd'hui qu^aucun élément figuré
ne traverse la membrane mince intermédiare qui sépare le placenta mater-
nel du placenta fœtal (Claude Bernard) . Les expériences de Davaine ont
paiement démontré que les poisons organiques, tels que ceux du charbon,
de la pustule maligne, ne peuvent pénétrer dans la circulation du fœtus. Le
ferment virulent de la variole, qui est unmicrococcuâ, fait seul exception
à cette règle; l'embryon peut être infecté par Pintermédiaire de la mère
lorsqu'elle est atteint de variole, ou quand même, sans être malade,
elle vit simplement dans un milieu contaminé. Les villosités choriales
n'absorbent que des substances nutritives ou médicamenteuses dissoutes;
des albuminoses et des dissolutions salines en constituent la majeure
partie ; les granulations graisseuses elles-mêmes ne traversent pas les
parois des villosités, ainsi que le prouvent les expériences d'Ahlfeld; il en
est de même des corps solides, quelque fractionnés qu'ils soient, qui sont
en suspension dans le sangmat:mel. L'absorption des sucs nutritifs desti-
nés au développement du fœtus se fait par osmose, et on peut se deman-
der si ces phénomènes endosmotiques ne sont pas favorisés par la pres-
sion sanguine qui est relativement plus considérable dans les vaisseaux
malemels que dans ceux de l'embryon ? Les phénomènes d'exosmose se
produisentrils également, et les principes contenus dans le sang fœtal
peuvent-ils être repris par la circulation maternelle ? Magendie a souvent
poussé dans les vaisseaux du cordon des poisons très-actifs, et il n'a
jamais vu les mères en éprouver les effets. D'autre part, on voit assez
souvent des enfants naître syphilitiques sans que la mère soit infectée. 11
est vraisemblable, par conséquent, que, si le fœtus puise [dans le sang
maternel tous les principes solubles qu'il contient, la mère n'absorbe
rien des principes contenus dans le sang fœtal. Enfin il est une dernière
et importante propriété du placenta qui a été découverte par Claude Ber-
nard. Dans une communication faite à l'Académie des Sciences, le savant
physiologiste a établi, qu'il existe dans le placenta des mammifères une
tonction jusqu'à présent méconnue qui est destinée à remplacer la fonction
giTcogénique du foie pendant les premiers temps delà vie embryonnaire.
Cette fonction serait localisée dans un élément anatomique épithélial du
placenta mélangé avec la partie vasculaire de cet organe, et commence-
rait dès le début de la vie fœtale, avant que l'organe dans lequel cette
fonction est localisée chez l'adulte soit développé.
Patholocie. — L'obscurité qui a longtemps régné sur la constitution
anatomique du placenta n'avait pas permis aux anciens observateurs
d'étudier ses altérations d'une façon tout à fait scientifique. Chacun
d'eux, se faisant une opinion différente de la structure et du fonctionne-
58 PLACENTA. — pathologie.
ment de cet organe caduque, en conccyait la pathologie d'après des don-
nées très-yariables et le plus souTcnt erronées. En dehors de cette
cause fondamentale d'erreur, Tanalogie tout au moins apparente qui
existe entre certaines lésions placentaires et certaines lésions organiques
que Ton rencontre dans d'autres tissus était de nature à donner lieu i des
assimilations dont Fexamen microscopique devait faire justice.
Ce n'est qu'à partir du moment où l'anatomie du placenta a été mieux
connue que la plupart des points de sa pathologie ont été étudiés avec
fruit ; cependant, malgré les travaux des modernes, de Ch. Robin, de Yir>
chow en particulier, il est encore un nombre considérable de questions
dont la solution est restée indécise. Il résulte d*un semblable état de
choses qu'une classification tout à fait rationnelle des aOections du pla-
centa est encore aujourd'hui très-difficile à établir; tous ceux qui ont
tenté de le faire se sont bornés à une simple énumération des difiérentes
lésions connues et étudiées au moment où se publiaient leurs trayaux.
Pour ne point entrer dans de longs et inutiles détails qui n'auraient
qu'un intérêt historique , il suffira de mentionner les classifications le»
plus récentes.
Dans une thèse inaugurale (1845) très-remarquable, un élève du pro-
fesseur Stoltz, Jseger, a fait le bilan de l'état de la science à cette épo-
que ; il a décrit, tout en discutant quelques-unes d'entre elles , chacune
des afTections suivantes :
1^ Hypertrophie du placenta. 2^ Atrophie (a) simple, ou dépendant
d'une diminution de nutrition ; (b) résultant de la cessation des rap-
ports physiologiques; (c) par suite de maladie du placenta. 5^ Malacic.
4"^ Congestion. 5*" Apoplexie. 6"^ Inflammation ou placcntite. 7^ Dépôts cal-
caires. 8** Dégénérescences diverses.
Cette dissertation, qu'on pourrait croire écrite d'aujourd'hui, si elle
comprenait les recherches de Ch. Robin sur la dégénérescence hydatoïde^
résoud d'une façon qu'on ne peut cependant croire définitive la plupart
des questions qui se rapportent aux affections du placenta.
Écrite plus récemment et par conséquent plus complète au point de vue
des recherches modernes, la thèse de Charpentier (1869) multiplie les
divisions en décrivant séparément des lésions qui ne sont que des variétés
d'un même état morbide. Sa classification comprend dix espèces d'alté;>[
rations , qui sont : ,
1® Les épanchements sanguins ; hémorrhagie utéro-placentaire. 2^ Leaj
dégénérescences fibro-graisseuses. 3** Les transformations successives da
sang épanché. 4"^ La placentite et les dépôts pathologiques divers (pu^
concrétions ossiformes, lésions syphilitiques). 5"^ Les adhérences aniVh
maies soit à l'utérus , soit au fœtus. 6"* L'hypertrophie. V L'atrophîa^
8* L'œdème. 9^ Les tumeurs (kystes et autres). 10* La sclérose du plaqentjiij
La môle vésiculeuse hydatoîde est rangée par Charpentier parmi les
maladies des membranes. 4
Ercolani a basé sa classification sur les idées qui lui sont propres .fll^
la structure du placenta ; il divise ses affections en douze catégories : ;,
PLACENTA. — ahomalies de développement. 5&
1* Ilyperlrophie des Tillosiiés choriales, oumyxome; 2"^ Placenta hyda-
igène : myxome des villosités choriales ; myxome des villosités placen-
:aires; 3* Myxome de la sérotine ou de Forgane glandulaire qui enveloppe
les Tiilosità placentaires; 4® Hyperplasie ou hypertrophie cellulaire du
pareochyme des yillosités du placenta (dégénérescence graisseuse) ; 5"* Fi-
Mmes des yillosités et de la sérotine ; & Mélanose du placenta ; T Lésions
ryphilitiques ; 8* Thromboses, apoplexies et hémorrhagies ; 9* Transfor-
mation des caillots sanguins et néoplasies du placenta ; 10° Concrétions^
calcaires ; IV Kystes ; 12* Développement anormal.
PftmH ces différentes classifications, en est^il une qui soit tout à fait
ralioiuieUe et qui satisfasse entièrement Tesprit? Ne serait-il pas possible
de mettre un peu d'ordre dans cette énumération de maladies qui, bien
qu'ayant pour siège un organe transitoire, n'en sont pas moins soumises
aux lois de la pathologie générale? Si Ton veut bien s*en rendre compte,
le placenta, organe en réalité peu compliqué, en ce sens que les élé-
ments anatomiques qui le composent sont simples , ne présente pas^
ane diversité d'affections très-considérable, et il semble que l'on peut
ranger toutes ses lésions sous un très-petit nombre de chefs. Voici la
dassification qui nous parait la plus simple et qui sera suivie pour la
description de toutes les altérations du placenta connues jusqu'ici :
1* ÂDomalie de développement. • • • ! ♦ h
S* Inflammation placent ite, abcès, adhi'Tcncc.
i 3. Trouble de circulation i f°"^','"'^l"î:°?'l^^:,.
) transformation des caillots.
4* Dcgénérescence j calcaire.
d* Altérations syphilitiques.
t fibro -graisseuse
calcaire,
hydatoïde.
I
I. Akomalœs de développebient. — 1** Hypertrophie du placenta.
On sait qu*au terme de la grossesse le placenta pèse généralement un
pea plus ou un peu moins de 500 grammes. Il peut cependant, sans qu'il
y ait hypertrophie véritable , dépasser ce poids , lorsque son augmenta-
tioD de volume est en rapport avec le développement du fœtus. Sa sur-
bce peut également, sans devenir anormale, être supérieure aux dimen»
sîoQs habituelles, lorsque cette augmentation d'étendue vient en quelque
rate suppléer à un défaut d'épaisseur, comme cela arrive presque tou-
joQis dans les grossesses abdominales. On ne doit considérer comme
bypoirophique que le placenta dans lequel l'augmentation de volume
n'est pas déterminée par une des deux causes qui viennent d'être in-
diquées.
Sans parler des cas cités par Ruysch ( Thèses anatomiques) , pour lesquels
les renseignements sont insuffisants, Wrisberg et Lassus assurent avoir
recoeilli des placentas de 1500 grammes. Schmidt en a rencontré dont le
poids s'élevait jusqu'à 2 kilogrammes ; Stoitz en a vu également dont le
viJame dépassait de beaucoup les dimensions normales , sans que leur
constitution anatomique fût altérée ; mais ces cas sont probablement les
60 PLACENTA. — joiomalibs de DévBLOPPEMKirr.
I
moins connus, et Ton peut s'assurer, en lisant les observations des au-
teurs, de l'erreur qu'ils ont commise en prenant pour des placentas hype^
trophiés des placentas malades. L'altération qui en impose le pins
souvent est l'épanchement sanguin, parfois très-considérable. Le sang
peut avoir été récemment épanché et conserver tous ses caractères^ oi
bien avoir subi en partie certaines transformations qui seront décrit»
plus loin. C'est à des cas de ce genre que semblent se rapporter certaini
cas d'hypertrophie signalés par Meyer (Siebold's Journal^ 1. 111, p. 233),
et par Stein (Wahmehmungen. Marbourg, 1808).
Une autre cause d'augmentation de volume du placenta, qui peut faire
croire à une hypertrophie, a été décrite par Cruveilhier (Analomie paihih
logique^ Maladies du placenta j 16^ livraison) : c'est Finfiltratioa séreuse,
due très«vraisemblablement à une stase sanguine. Simpson en a, en eflel,
observé un cas dans lequel il y avait obstacle k la circulation dans le
cordon. Joulin fait remarquer que le placenta est dans ces cas volumi*
neux, de consistance molle, et plus paie qu'à l'état normal. La plupart
du temps le fœtus est mort, tandis que le contraire a habituellement lien
en cas d'hypertrophie simple (Stoltz).
Charpentier décrit aussi, sous le nom d'hypertrophie, le dévelop- <
pement anormal de certains placentas rencontrés sur des œufs abortÛi \
dont l'embryon est dissous ou le fœtus macéré. La partie fœtale du pla« ]
centa serait, dans ce cas, flétrie, tandis que la partie maternelle (cadu- '\
que utéro-placentaire) aurait conservé sa vitalité et même augmenté de j
volume. Cette partie de l'œuf aurait ainsi continué à végéter après la
mort et même après l'expulsion du fœtus, et constituerait ce qu'on a dési-
gné sous le nom de môle charnue. Il nous semble qu'à aucun titre cette
altération ne peut être rangée parmi les hypertrophies placentaires.
2** Atrophie. — La distinction qui a été faite entre l'hypertrophie sim-
ple et celle qui est due à des causes morbides est à plus forte raison '
applicable à l'atrophie du placenta. Cette anomalie de développement ^
peut être générale ou partielle ; elle présente trois variétés (Jseger) :
a. Atrophie pure et simple dépendant d'une diminution de nutrition; *
b. Atrophie résultant de la diminution ou même de la cessation im ■_
rapports physiologiques ; —
c. Atrophie par suite de maladies du placenta. ^
a. Atrophie simple. — Le placenta atrophié a un volume sensible* ■
ment moindre qu'à l'état normal ; il est moins dense, tantôt plus pâle,
tantôt plus foncé ; c'est une véritable diminution de nutrition, qui paraK *^
^lépendre le plus souvent de l'élit de santé de la mère (chagrins, ci- ■=
chexie, etc.). Dans certains cas, l'atrophie peut porter uniquement sv "■
l'épaisseur de l'organe (placenta membraneux), sans que sa structure ^
soit modifiée. Quand cet arrêt de développement est porté à un très-haat '-
degré, le fœtus peut en souffrir, moins cependant que dans les yariétai ^
suivantes : li
b. Atrophie due à une modification dans les rapports physiologiques* ^
— Le placenta a deux sortes de rapports physiologiques , les uns immé V
PLACENTA. — IIIFLA1IMÀTI02I. 61
diats, airec la circulation fœtale dont sa propre circulation fait partie; les
autres médiats, avec la circulation maternelle. Toute modification dans
ces rapports est de nature à déterminer une atrophie placentaire. (1 a été
dit plus haut qu'un obstacle à la circulation funiculaire pouvait proTO-
quer un cedème intervilleux simulant Thypertrophie ; il n*en est plus de
même quand, par suite delà mort du fœtus, le sang cesse de circuler dans
les vaisseaux ombilicaux et dans leurs ramifications. Le placenta, n'ayant
plus de fonctions à remplir, se flétrit le plus habituellement ; son tissu
devient gris, ratatiné, résistant au doigt : il subit, selon toute apparence,
une véritable régression graisseuse, non point primitive, mais secondaire.
Le même résultat se produit lorsque les rapports entre le placenta et la
circulation maternelle viennent à cesser sur une étendue tant soit peu
considérable, par suite d'un décollement le plus souvent déterminé par
des hémorrhagies inter-utéro-placentaires ;
c. Atrophie due à des maladies du placenta. — Cette variété sera
décrite plus ^cialement à propos des différentes affections qui la déter-
minent. Par anticipation, on peut dire qu'elle est le plus souvent la con-
séquence d'épanchements sanguins ou de dégénérescence graisseuse
primitive.
II. biFLAMsiATiON du plaœtita, Placentite, abcès, adhérences, — Une
des questions les plus controversées de la pathologie placentaire est celle
de savoir si le placenta est susceptible de s'enflammer. Un nombre impo-
sant d'auteurs, parmi lesquels, entre autres, Brachet, Dance, Simpson, ad-
iDcttent la possibilité de l'inflammation, tandis qu'elle est contestée par
des observateurs non moins autorisés, tels que Bustamente, Jacquemier,
Millet et Charles Robin.
D'après les écrivains qui croient à la possibilité de la placentite, cette
afleciion présente trois périodes : 1<» congestion inflammatoire; 2<* hépati-
sation et induration; 3"* suppuration.
La congestion inflammatoire se traduirait par une augmentation de
folume du placenta résultant de l'accumulation du sang dans ses vais-
seaux. Le parenchyme placentaire est alors plus dense, plus foncé. A un
degré plus avancé, il se fait un épanchement de lymphe coagulable qui
permetde distinguer la congestion inflammatoire de la congestion passive.
En outre, dans la placentite, la congestion est limitée à une partie de l'or-
gme, tandis qu'elle est générale, quand elle est due à une cause méca-
nique.
Dans la seconde période la placentite se présente sous forme aiguë ou
dmoique; dans le premier cas, qui est rarement observé, il y a véritable
hépatîsation de l'organe; son tissu, gorgé de sérosité rougeâtre qui s'écoule
quand on le comprime entre les doigts, est facile à déchirer; il est d'un
rouge plus ou moins vif, et a tout à fait l'apparence de celui du poumon
bépatîaé. Dans la forme chronique, qui peut être primitive ou secondaire,
on remarque une induration du placenta, qui est gris, rouge ou jaunâtre,
criant parfois sous le scalpel et présentant à l'incision un aspect lardacé.
Cette induration est tantôt générale, tantôt bornée à quelques lobes. C'est
62 PLACENTA. — inflammation
dans cette péiiode que s'établissent entre la matrice et le placenta des
adhérences; iaibles quand rinflammation est récente; très-resisiantes
quand elle est ancienne.
Ces adhérences résulteraient d'un véritable travail inûammatoire,
se produisant à la fois sur la surface interne de la muqueuse utérine et
sur la surface utérine du placenta, dont la réunion avec la première se
ferait en quelque sorte par voie de cicatrisation. D'après Brachet, il y
aurait d'abord épanchemcnt de lymphe plastique, puis organisation de
fausses membranes. 11 est plus vraisemblable que ces adhérences, lors-
qu'elles existent, résultent de la coagulation d'un épanchcment sanguin
peu épais (Stoltz) , ou d'une modification dans la structure de la caduque
utéro-placentaire, ou bien encore de la persistance de la structure primi-
tive de la caduque (Ch. Robin). Dans la même période d'induration,
Désormeaux et Dubois ont signalé l'épaississement des membranes chorion
et amnios, par suite de dépôt de lymphe plastique. Cette modification de
la surface fœtale du placenta pourrait même être assez considérable pour
déterminer des adhérences entre les membranes de Tœuf et le corps
du fœtus (Houel).
La troisième période de la placentite serait caractérisée par la forma-
tion de pus, qui peut se trouver infiltré ou réuni en foyers, tantôt
centraux, tantôt voisins de l'une ou de l'autre surface. De volume variable,
ils présenteraient cette particularité importante, de n'avoir jamais de
membrane granuleuse sur leur paroi (Geofù^oy de Montreuil),
Quelque précise que paraisse cette description de l'anatumie patholo-
gique de la placentite, on est obligé de reconnaître qu'elle est un peu
imaginaire. Aussi les adversaires de l'inflammation du placenta ont-ils
recherché si, dans les observations connues, les caractères d'une véritable
inflammation avec son cortège habituel de modifications dans les élé-
ments anatomiques se rencontraient. Ils ont fait remarquer que les lésions
appartenant à la première période se voient également à la suite de
toute congestion des vaisseaux ombilicaux, ou de toute stase sanguine
dans le parenchyme placentaire, et que les lésions de la seconde période
(induration, etc.) étaient produites par les diverses transformations de
sang épanché. Quant à la présence du pus dans le tissu placentaire, elle
n'est rien moins que démontrée dans les dix observations connues et
publiées dans les recueils. Et, même en admettant que l'on a trouvé
réellement du pus dans le placenta, il se serait formé, d'après Jac-
quemier, dans l'utérus enflammé. De son côté, Ch. Robin a cherché à
établir que le liquide contenu dans les prétendus abcès n'était quun
pseudo-pus fibrineux tout à fait différent du pus véritable (Ch. Robin et
Verdeil). En résumé, poui Ch. Rodin et la plupart des modernes, ce que
Ton a pris pour les signes d'une placentite, n'est qu'une série d'états
dépendant de la congestion placentaire et de transformations successives
du sang épanché. Ce qui a été regardé comme du pus n'est que de la
fibrine en voie de désorganisation. Dans les cas où Ton a trouvé du pus
véritable, ce pus avait été déposé accidentellement dans le tissu pla-
PLACENTA. — : TROUBLES de ciRcniATioN. 63
dentaire. En présence d^opinions si diverses, on ne peut que répeter avec
laeger que la question de l'inflammation du placenta est environnée
d*obscurités, et qu^il faut de nouvelles observations bien faites, soumises
à tous les moyens de vérification qui sont en notre pouvoir, pour être
autorisé à tirer des conclusions définitives.
ni. Troubles DE CIRCULATION. — V Congestion, apoplexie. Les troubles
de la circulation placentaire ont été étudiés principalement au point
de vue des épanchemcnts sanguins qui se produisent fréquemment
dans le placenta et sont une des causes les plus ordinaires d*avortement.
Âpres les avoir considérées comme l'origine des altérations diverses des
villosités choriales, on s'est demandé si ces altérations, et en particulier
la dégénérescence graisseuse, n'en étaient pas plutôt la cause déterminante
que le résultat. Ce sont là des questions assez difficiles à résoudre avant
que des recherches plus précises ne les aient plus complètement élucidées.
Tout ce qu'on peut affirmer aujourd'hui, c'est que ces deux états, apo-
plexie placentaire et dégénérescence graisseuse des villosités, sa trouvent
fréquemment réunis sans que Ton puisse décider quel est celui qui s'est
produit le premier.
La plupart des auteurs admettent que Tépanchcment sanguin est pré-
cédé et accompagné d'une état congeslif qui se traduit par une augmen-
tation de volume, par une densité plus grande et par une coloration plus
foncée du tissu placentaire. La congestion aurait pour siège, d'après
Simpson, les vaisseaux ombilicaux et les vaisseaux utero -placentaires.
Jacquemier pense que l'afflux du sang se fait uniquement par les vais-
seaux utcro-placentaires et sous l'influence d'une congestion utérine. Cette
manière de voir n'est plus admissible depuis qu'il a été démontré qu'il
n'existe pas de communication vasculaire directe entre les vaisseaux
fœtaux et utérins. 11 est on ne peut plus vraisemblable que ce sont les
vaisseaux utérins qui se congestionnent presque toujours. Ce ne serait
que dans des cas assez rares que des perturbations dans la circulation
fœtale (compression, anomalie du cordon) amèneraient une stase sanguine
dans les vaisseaux ombilicaux. Les causes de congestion venant du côté
de la mère sont beaucoup plus nombreuses ; Jœger signale en particu-
lier la pléthore générale, une menstruation habituellement abondante
dont le molimen persiste pendant la gestation, les accidents hystcralgiques,
les excitations portées sur l'utérus ou ses annexes, les phlegmasies des
organes voisins, etc.
Quelle que soit la cause qui l'ait déterminée, la congestion peut dis-
paraître sous l'influence du repos et d'un régime convenable, ou donner
lieu à des épanchements sanguins. Cruveilhicr avait déjà appelé l'attention
des accoucheurs sur cette lésion qui «consiste, dit-il, dans des foyers de
sang en plus ou moins grand nombre et à divers degrés dans l'épaisseur
du placenta déchiré, lésion bornée quelquefois à un petit nombre de coty-
lédons, mais s*étendant souvent à un plus grand nombre ». JacquenicT,
deson côté, publiait en 1839 un travail très-remarquable et très-com-
plet sur les épanchements sanguins. D'après cet auteur les hémorrhagies
62 PLACENTA. — inflammation
dans cette péiiode que s'établissent entre la matrice et le placenta des
adhérences; iaibles quand rinflammation est récente; très-resisiantes
quand elle est ancienne.
Ces adhérences résulteraient d'un véritable travail infianunatoire.
se produisant à la fois sur la surface interne de la muqueuse utérine et
sur la surface utérine du placenta, dont la réunion avec la première se
ferait en quelque sorte par voie de cicatrisation. D'après Brachet, il y
aurait d'abord épanchement de lymphe plastique, puis organisation de
fausses membranes, il est plus vraisemblable que ces adhérences, lors^
qu'elles existent, résultent de la coagulation d'un épanchement sanguin
peu épais (Stoltz) , ou d'une modification dans la stinicture de la caduque
utéro-placentaire, ou bien encore de la persistance de la structure primi-
tive de la caduque (Ch. Robin). Dans la même période d'induration,
Désormeaux et Dubois ont signalé l'épaississement des membranes chorion
et amnios, par suite de dépôt de lymphe plastique. Cette modification de
la surface fœtale du placenta pourrait même être assez considérable pour
déterminer des adhérences entre les membranes de Tœuf et le corps
du fœtus (Houel).
La troisième période de la placentite serait caractérisée par la forma-
tion de pus, qui peut se trouver infiltré ou réuni en foyers, tantôt
centraux, tantôt voisins de l'une ou de l'autre surface. De volume variable,
ils présenteraient cette particularité importante, de n'avoir jamais de
membrane granuleuse sur leur paroi (Geofù'ôy de Montreuil),
Quelque précise que paraisse cette description de l'anatomie patholo-
gique de la placentite, on est obligé de reconnaître qu'elle est un peu
imaginaire. Aussi les adversaires de l'inflammation du placenta ont4l8
recherché si, dans les observations connues, les caractères d*une véritable
inflammation avec son cortège habituel de modifications dans les élé-
ments anatomiques se rencontraient. Ils ont fait remarquer que les lésions
appartenant à la première période se voient également à la suite de
toute congestion des vaisseaux ombilicaux, ou de toute stase sanguine
dans le parenchyme placentaire, et que les lésions de la seconde période
(induration, etc.) étaient produites par les diverses transformations de
sang épanché. Quant à la présence du pus dans le tissu placentaire, elle
n'est rien moins que démontrée dans les dix observations connues et
publiées dans les recueils. Et, même en admettant que l'on a trouvé
réellement du pus dans le placenta, il se serait formé, d'après Jac-
quemier, dans l'utérus enflammé. De son côté, Ch. Robin a cherchée
établir que le liquide contenu dans les prétendus abcès n'était qu'un
pseudo-pus fibrineux tout à fait différent du pus véritable (Ch. Robin et
Yerdeil). En résumé, poui Ch. Rodin et la plupart des modernes, ce que
Ton a pris pour les signes d'une placentite, n'est qu'une série d'états
dépendant de la congestion placentaire et de transformations successives
du sang épanché. Ce qui a été regardé comme du pus n'est que de la
fibrine en voie de désorganisation. Dans les cas où Ton a trouvé du pus
véritable, ce pus avait été déposé accidentellement dans le tissu pla-
PLACENTA. — : TROUBLES de ciRcniATioN. 63
centaire. En présence d^opinions si diverses, on ne peut que répéter avec
Jaeger que la question de l'inflammation du placenta est environnée
d* obscurités, et qu^il faut de nouvelles observations bien faites, soumises
à tons les moyens de vériGcation qui sont en notre pouvoir, pour être
autorisé à tirer des conclusions déGnitives.
m. Trocbles DE cmcuLATioN. — l'* Congestiou^ apoplexie. Les troubles
de la circulation placentaire ont été étudiés principalement au point
de vue des épanchemcnts sanguins qui se produisent fréquemment
dans le placenta et sont une des causes les plus ordinaires d'avortcment.
Après les avoir considérées comme l'origine des altérations diverses des
villosités choriales, on s'est demandé si ces altérations, et en particulier
la dégénérescence graisseuse, n'en étaient pas plutôt la cause déterminante
que le résultat. Ce sont là des questions assez diHicilcs à résoudre avant
que des recherches plus précises ne les aient plus complètement élucidées.
Tout ce qu'on peut allGrmcr aujourd'hui, c'est que ces deux états, apo'
plexie placentaire et dégénérescence graisseuse des villosités, sa trouvent
fréquemment réunis sans que l'on puisse décider quel est celui qui s'est
produit le premier.
La plupart des auteurs admettent que l'épanchemcnt sanguin est pré-
cédé et accompagné d'une état congcslif qui se traduit par une augmen-
tation de volume, par une densité plus grande et par une coloration plus
foncée du tissu placentaire. La congestion aurait pour siège, d'après
Simpson, les vaisseaux ombilicaux et les vaisseaux utero -placentaires.
Jacqucmier pense que l'afflux du sang se fait uniquement par les vais-
seaux utcro-placentaires et sous l'influence d'une congestion utérine. Cette
manière de voir n'est plus admissible depuis qu'il a été démontré qu'il
n'existe pas de communication vasculaire directe entre les vaisseaux
foetaux et utérins. H est on ne peut plus vraisemblable que ce sont les
vaisseaux utérins qui se congestionnent presque toujours. Ce ne serait
que dans des cas assez rares que des perturbations dans la circulation
fœtale (compression, anomalie du cordon) amèneraient une stase sanguine
dans les Taisseaux ombilicaux. Les causes de congestion venant du côté
de la mère sont beaucoup plus nombreuses ; Jaeger signale en particu-
lier la pléthore générale, une menstruation habituellement abondante
dont le molimen persiste pendant la gestation, les accidents hystéral^'iques,
les excitations portées sur l'utérus ou ses annexes, les phlegmasies des
organes voisins, etc.
Quelle que soit la cause qui l'ait déterminée, la congestion peut dis-
paraître sous l'influence du repos et d'un régime convenable, ou donner
lieu à des épanchcments sanguins. Cruveilhier avait déjà appelé l'attention
des accoucheurs sur cette lésion qui «consiste, dit-il, dans des foyers de
sang en plus ou moins grand nombre et à divers degrés dans l'épaisseur
du placenta déchiré, léî^ion bornée quelquefois à un petit nombre de coty*
lédons, mais s'étendant souvent à un plus grand nombre ». Jacquenâer,
deson côté, publiait en 1839 un travail très-remarquable et très-com-
plet sur les épanchements sanguins. D'après cet auteur les hémorrhagies
64 PLACENTA. — troubles de circulatiouc.'
ont pour origine constante des déchirures Teineuses, soit dans le tissu
placentaire, soit en dehors du placenta, dans la caduque.
Le siège de Tépanchement varie selon l'âge de la grossesse. Dans les
trois premiers mois une des veines utéro-placentaires se rompt ; le sang
épanché s'accumule dans un espace libre qui persiste encore à cette
époque entre le chorion et la caduque et il enveloppe l'œuf tout entier.
Dans une seconde période le sang épanché, rencontrant moins de résistance
dans la partie profonde du placenta que du côté de la partie superficielle»
dont la densité est plus grande, s'accumule vers la surface externe du
chorion sans dépasser les limites du placenta. A une époque encore plus
avancée de la gestation, la densité de plus en plus grande du placenta
ne permet plus au sang de s'épancher sur une grande surface, et il se
forme des foyers isolés.
L'épanchement peut donc avoir lieu entre la caduque et le chorion»
ou dans le placenta lui-même. Dans ce cas il se présente sous trois formes
difTérentes, selon l'époque à laquelle il s'est produit : (a) Les foyers irré-
guliers, volumineux, sont le plus souvent placés, soit dans les enyirons
de la veine coronaire, laquelle communique avec eux, soit au centre du gâ-
teau placentaire; ils s'étendent alors jusqu'à la face externe du chorion
ou jusqu'à la surface utérine du placenta déchiré et décollé dans la
partie correspondante, (b) On ne trouve pas de foyer proprement dit,
mais une infiltration sanguine dans un ou plusieurs lobes dont le tissu
parait raréfié, (c) Enfin les foyers peuvent être nombreux, très -bien
circonscrits et disséminés dans l'épaisseur du tissu placentaire, Désor-
meaux et Paul Dubois avaient également insisté sur ce que, « lors-
que vers la fin du troisième mois le chorion est immédiatement appliqué
contre la caduque réfléchie et que le sang ne peut plus trouver, entre ces
deux membranes, d'espace pour se répandre, c'est dans l'épaisseur même
du placenta qu'il s'épanche, forme alors des foyers qui varient, non-
seulement par le nombre, la forme et le volume, mais encore par le siège,
foyers qu'on trouve en général d'autant plus rapprochés de la face fœtale
que la grossesse est moins avancée, et au contraire d'autant plus voisins
de la face utérine qu'on s'éloigne davantage du moment de la concep-
tion x>.
Les foyers apoplectiques ne diffèrent pas moins par leur nombre et par
leur volume que par leur siège. Tantôt du volume d'un pois, tantôt
aussi de celui d'une noix ou d'un œuf de pigeon, ils sont parfois uniques,
parfois très-nombreux. Simpson a trouvé un placenta sur lequel oo
n'apercevait en le coupant qu'une infmité de petit caillots arrondis, dis-
tincts, mais serrés les uns contre les autres. On conçoit que dans des cas
analogues l'aspect du tissu placentaire puisse être altéré au point de
simuler une véritable dégénérescence mélanique ; mais les choses ne se
passent pas habituellement ainsi et Ton rencontre le plus souvent des foyers
à contours très-bien limités. Dans quelques cas cependant, le sang s'in-
filtre dans le tissu placentaire sans s'y créer de cavité proprement dite,
et, si l'épanchement a lieu dans le voisinage du chorion, il peut cheminer
PLACENTA. — TROUBLES de la circulation. 65
jusqu'à l'insertion du cordon qui en est .quelquefois lui-même infiltré.
On peut également rencontrer sur un même placenta des foyers bien cir-
conscrits et une infiltration du tissu placentaire voisin; cet état peut tenir
à deux causes, soit à Texistence de petits foyers apoplectiques autour d'un
foyer plus Yolumineux, soit a une iniiltration des parties colorantes du
sang.
Quelle est Torigine du sang épanché. On a vu plus haut que Jacqucniier
en place la source la plus commune dans les vaisseaux utéro-placentaires.
Simpson pense que si Thémorrhagie se déclare pendant les premiers
mois, elle prend naissance dans les vaisseaux de la caduque et dans les
vaisseaux rudimentaires du placenta. Diaprés Cruveilhier, le sang est
fourni le plus souvent par les vaisseaux ombilicaux. Cette dernière opinion
est partagée par Millet, qui soutient que les fojers apoplectiques du cenlrc
des lobes sont le résultat d^une rupture des vaisseaux du cordon, et par
Charpentier qui dit avoir vu souvent une dilatation anévrysmale de ces
vaisseaux au niveau de leur insertion placentaire. La possibilité de la rup-
ture des vaisseaux ombilicaux a, du reste, été démontrée par une obser-
vation deDeneux et on ne saurait contester que leurs tuniques très minces
ne soient dans des conditions bien propres à se rompre sous Tinfluence de
causes variables. Joulin place Tongine des épanchemenls sanguins soit
daus la muqueuse utéro-placenlaii e, soit dans la bubstance même du pla-
centa et les attribue à la destruction des parois des vaisseaux et à leur fusion.
Toutes ces causes peuvent amener des hémonhagicsdans des circonstances
spéciales, mais il est vraisemblable que dans le plus grand nombre de cas
cest par les sinus veineux que le sang (ait irruption. Voici, d'après Jaeger,
comment les choses se passeraient : par suite de la congestion il y a
décollement du placenta au niveau de la caduque et Técoulement san-
guin se fait par les sinus. Le sang s^épanclie dans les lobes placen-
taires ou entre eux, les infiltre ou se réunit en foyer.
Cette iriiiption du sang par les vaisseaux utérins a-t-elle toujours lieu
sous rinfluence d'une con<<estion utérine ou bien n'est-clle pas plutôt
due à l'altération, qui sera décrite plus loin, sous le nom de dégéné-
rescence graisseuse ; ou bien encore ces deux causes ne contribuent-elles
point ensemble à déterminer des apoplexies placentaires? L'époque peu
avancée de la grossesse où Ton observe le plus souvent des hémorrhagies
placentaires considérables donnerait à penser que c'est plutôt sous Tin-
fluence de la congestion utérine qu*elles se produisent; on verra, en
effet, que la dégénérescence graisseuse des villosités est un fait à peu
près constant dans la dernière période de la grossesse, c'est-à-dire à une
époque où les hémorrhagies deviennent de plus en plus rares.
Les théories qui \iennent d'être exposées reposent toutes sur le fait de
la persistance des tuniques des sinus utérins, or, on sait qu'un certain
nombre d*auteurs ont cru avoir constaté que les villosités choiiales plon-
gent directement dans le sang maternel, dans de véritables lacs san-
guuis; ausai tous ceux qui se sont ralliés à cette manière de voir, consi-
dèrent-ils les hémorrhagies placentaii*es comme impossibles dans les
lOOT. MCT. HéD. IT CBIR. XXVni — 5
iê PLACENTA. — TROUBLES de l\ circolatiok.
:9»BBfBtux et furëtendent que le sang n'est jamais exlravasé, mais simple-
ment coagulé de façon à former de véritables throûiboses. D'après Busta-
mentfc, ces thromboses seraient ducs tout à la fois à l'augmentation du
calibre des vaisseaux, au changement de direction quils affectent et aux
oDodîficaiians que la puerpéral ité apporte dans la composition du sang.
Bailly conteste la possibilité des foyers apoplectiques aussi longtemps que
Jm coBfititution anatomique du placenta n'a point été altérée par la dégé-
wreacence fibro-graisseuse. Ces théories paraissent un peu subtiles, elles
(Hidile tort de reposer sur deux hypothèses égnlemcnt erronées : en pre-
mier lîeUf Teiistence de vrais lacs sanguins dans lesquels les villosités
seraient en rapport direct avec le sang maternel, et en second lieu, la
dégéûésescence graisseuse constante des villosités choriales en cas dapo-
pleaûe placeotairc; or, les recherches de Depaul ont démontré, qu'il
.peut y avoir épanchcment sanguin sans altération préalable des villosités.
La même objection s'applique à la théorie d'Ercolani d*après laquelle la
dégéoérescence graisseuse des cellules de la sérotine serait toujours pré-
eustante ; ees cellules une fois transformées supporteraient mal la pression
du sang des lacunes, ce qui donnerait lieu à de véritables hémorrhagics.
2® Transformalion des caillots sanguins. Lorsqu'un épanchement
fianguin survient dans les premiers mois de la grossesse, il se fait entre le
chorion et la caduque ce qui détruit les moyens d'union encore très faibles
i|iki exidtcnft •entre ces deux membranes. L'avortement en est le plus sou-
veut la conséquence. Cependant dans quelques cas, le liquide épanché
s'origaiMJâe et détermine des adhérences plus ou moins intimes de
Vmut avec la muqueuse utérine. Lorsque la grossesse est plus avancée,
rhémorrhagie est limitée au tissu placentaire et peut également déter-
inkier l'expulsion prématurée du produit de la conception ; mais il n'eo
est «pas toujours ainsi, et Ton rencontre un grand nombre de placentas
dans lesquels une hémorrhagie plus ou moins considérable s'est produite,
uns que souvent rien ne scit venu en révéler l'existence pendant le [
txmcs de la gestation. Les transformations subies par les foyers apoplec- ;
tÂfues ont été étudiées avec soin. Le premier changement qui survint ,
diAS le caillot est sa décoloration, qui marche de l'extérieur à l'intérieur.
La •couche externe prend une couleur d'abori] rougeâtre, puis jaune,
puis grise ou blanchâtre* Les couches les plus internes présentent, à me-
sure qu'elles deviennent plus profondes, une coloration plus foncée. Ea
général la partie centrale est plus molle ou même tout à fait liquide; ce
n'est qu'au bout d'un temps assez long que toute la masse prend use
consistance homogène et une coloration uniforme. Lorsque les foyers
sont un peu considérables, il existe presque toujours à leur centre uoe "
carvilé vide ou contenant du sérum, qui a été prise parfois pour un kyste
séreux ; à une époque plus avancée le caillot peut devenir tout à fait dnr
et prendre une oonsisiaace lardacée ou bien se transformer, ainsi que l'a .
otifiervé Jacquemier, en une substance jaune, grisâtre, stéatomateuse, rei*
.aMfifalant à de la. matière tuberculeuse.
Pendant qu'il subit ces transformations successives, le foyer revient sur '-
PLVCENTÂ. — DÉGÉ.NÉRESCEMCES. 67
lui-même et diminue notablement de volume i^t^n même temps le tissu
ambiant dans lequel il s'est produit, s'infiltre d^ sérosité sanguine plus ou
moins considérable et subit aussi quelques modifications. Pour peu que
riuGitration ait été abondante, la résorption ne se fait^as, les villosités
choriales et leurs vaisseaux s'oblitèrent et subissent une véritable régres-
sion, le plus souvent bornée à un lobe, mais pouvant s'étendre à une
notable portion du placenta et nuire à la nutrition du fœtus.
Les épanchements sanguins ne subissent pas toujours les transforma-
lions qui viennent d'être décrites ; ils peuvent disparaître entièrement.
Verdier a indiqué de la façon suivante le processus de leur disparition.
La fibrine s'infiltre dans les tissus, son apparence fibrillaire devient
grenue, la masse se ramollit et on a sous les yeux une masse semi-liquide,
jaunâtre, ayant absolument l'aspect de pus et qui a été considéré comme
tel par les anciens observateurs. On trouve dans ces masses pyoïdes :
1* des granulations fibreuses et graisseuses; 2'' du liquide; 3"^ des glo-
bules blancs restés englobés et rais à nu par le travail de ramollissement;
ils sont toujours altérés, ordinairement chargés de granulations grais-
seuses (Vulpian).
Quelques auteurs pensent aussi que les caillots sanguins peuvent s'or-
ganiser plus ou moins com|)lètement (llunter, Billroth). On a même
prétendu que lorsque du sang s'est épanché entre la muqueuse utérine et
le placenta, la partie décollée peut s'unir à Tutérus par l'intermédiaire
des caillots organisés, et cette union devenir assez solide, pour rendre la
délivrance difficile. Mais les recherches de Ch. Robin ne semblent pas con-
firmer cette opinion; elles tendent au contraire à démontrer que les
épanchements sanguins ne s'organisent pas, mais se décolorent seule-
ment et se condensent. Leur apparence d organisation serait due à l'état
fibrillaire de la fibrine.
On rencontre quelquefois sur la face ^fœtale du placenta des tumeurs
volumineuses dont l'enveloppe est formée par un tissu analogue au tissu
squirrheux, et dont la partie centrale est constituée par des caillots.
Danyaa,qui en a cité deux observations, considère avec raison ces tumeurs
comme d'anciens foyers apoplectiques. Un doit également donner une
origine hématique à des kystes occupant le même siège et contenant un
hquide lactescent dans lequel nagent des globules sangums. Ces kystes
ne doivent pas être confondus avec une autre variété décrite par Millet et
que la nature du liquide qu'elle contient (gélatine de Wharton) suffit à
faire classer parmi les dégénérescences-hydatoïdes des villosités.
W. Dégêréiœsgences. — 1* Dégénérescence dite graisseuse du pla-
centa. Induration du placenta. Encéphaloïdes. Dégénérescence squir-
rheuse^ cancéreuse, tuberculeuse. On doit aux travaux de Ch. Robin, de
Barneset de Druitt la connaissance de deux faits qui éclairent d'un jour
oauveao Thistoire de la dégénérescence graisseuse du placenta et toute la
pathologie de cet organe. 11 résulte en effet des recherches de Robin que
les villosités choriales qui ne concourent pas à la formation du placenta
s'oblitèrent dès les premiers mois de la grossesse et que l'on rencontre
68 PLACENTA. — dégénérescekces.
non seulement dans leurs parois, mais encore dans leur épaisseur un
grand nombre de granulations graisseuses. Cette oblitération fibreuse et
la dégénérescence graisseuse qui l'accompagne n'est ordinairement pas
bornée aux villo^tés choriales, mais envahit également un nombre plus
ou moins considérable de villosités placentaires. De son côté, Bames
avait constaté que la surface utérine d'un grand nombre de placentas i
terme présentait une coloration d'un jaune pâle et que les villosités de
cette surface avaient subi la dégénérescence graisseuse. L'altération était
moins avancée dans la profondeur du gâteau placentaire, mais aucnoe
villosité n'était saine et tous les vaisseaux étaient rompus, si ce n'est
au fond des sillons interlobai^es où la communication vasculaire avec l'olé-
rus était persistante. Druitt arrivait également aux conclusions suivantes:
1" La dégénérescence commençante est une condition normale du placenta
à la fin de la grossesse. 2*" Elle a pour cause la cessation partielle des
fonctions actives de cet organe, quand le développement actif du fœtus
est presque complet. 3^ Loi*squ'elle se présente dans les premiers mois,
elle a probablement pour cause un défaut de forces nutritives du fœtus
ou sa mort. La conséquence de ces recherches dont les résultats soot
identiques est, que l'oblitération fibreuse et l'altération graisseuse sont
des phénomènes normaux dans l'évolution des villosités choriales et pla-
centaires; qu'elles envahissent les premières dès le début de la grossesse,
tandis que les secondes ne sont atteintes que tardivement et seulement
dans leur partie superficielle. Mais si les choses se passent ainsi daosk
plus grand nombre des cas, il n'est pas rare de voir la lésion s'étendre
à un ou plusieurs lobes et même à la plus grande partie du placenta. Le
plus souvent c est à la circonférence du gâteau placentaire qu'elle se ren-
contre. Un nombre plus ou moins grand de lobes présentent l'aspect soi-
vaut : ils ^^o^t déprimés, plus fermes qu'à l'état normal et forment um
masse compacte se déchirant en fragments dont la surface est filamenicuii T
et irrégulière. Les villosités offrent un degré très avancé d'oblitératioa L
fibreuse et forment des cordons pleins et résistants. La substance cho- L .
riale propre est devenue très granuleuse sans qu'il existe cependant du
granulations graisseuses dans toutes les ramifications villeuses. Les villott--
tés adhèrent entre elles. Dans une autre variété, les granulations graisseuses
sont plus abondantes, les lobes sont séparés par des sillons profonde^,
leur tissu est plus dur qu'à l'état normal; friable, d'un gris jaunâtret^ll"
il reprend dans la profondeur son aspect normal tant comme consistaiMt^*
que comme coloration.
Peut-être est-ce à une altération de même nature qu'il faut attribuer
l'affection décrite sous le nom de sclérose du placenta. Le placenta ae
présente sous la forme d'une masse rougeàtre, homogène, compacte, le ^
séparant en petits lobes ; le tissu morbide est constitué par des élém
fibro-plastiques, régulièrement disposés et formant des couches co
triques.
Les placentas dont un ou plusieurs lobes sont atteints de dégén
cence fibro-graisseuse ont une physionomie particulière. On distingue
ii
PLACENTA. — DÉGÉWÉRESCESCES. 69
milieu de lobes fixais et rosés des masses grisâtres ou blanchâtres d'un
aspect squirrbeux qu*on a longtemps regardées comme dues à des épan-
chements sanguins. Selon Robin, Tinduration jaunâtre n*est point Teffet
de la sufTusion du sang, dont on ne rencontre jamais les éléments carac-
téristiques (globules et cristaux d'hématoïdine) ; ce qui a pu induire en
erreur à cet égard, c'est la concomitance des bémorrhagies placentaires
et de la dégénérescence fibro-graisseuse, ainsi que la présence simultanée
des lésions consécutives à chacune de ces deux affections. Il est probable
que des recherches poursuivies dans le même sens que celles de Robin
achèveront de faire connaîlre les causes et le mécanisme de Taltération
fibro-graisseuse. On doit se borner aujourd'hui à la considérer comme
résultant d'une oblitération fibreuse des villosités compliquée d'infiltra-
tion granulo-graisseuse.
2* Dépôts calcaires. Lithiase, Concrétions ossiformes. — Les dépôts
calcaires du placenta ont été observes et décrits par les plus anciens au-
teurs. LobsleÎD les considérait comme des ossifications vasculaires; on sait
aujourd'hui qu'ils sont formés de carbonate de chaux et de phosphate de
chaux et de magnésie, lis ont la forme de grains de gravier, d'aiguilles, de
stalactites, ou mieux encore de coraux. Leur volume varie de quelques
centièmes de millimètres à quelques millimètres. Les concrétions les plus
petites se trouvent généralement sur la surface utérine; elles donnent
sous le doigt la sensation de grains de sable et se sont déposées dans la
caduque. Celles qui ont la forme d'aiguilles ou de coraux se rencontrent
plus habituellement dans l'épaisseur du gâteau placentaire et ont, d'après
Cniveilhier, leur siège dans les tuniques artérielles. Enfin elles peuvent
également être rassemblées en une seule masse irré^ulière occupant un
point quelconque du parenchyme spongieux et particulièrement les espaces
inferiobaîres. I^eur nombre est extrêmement variable. Millet dit avoir
trouvé dans un seul placenta plus de deux cents calculs dont le plus
volumineux était gros comme une noix? Ces concrétions se développent
dans les tissus affectés de dégénérescence graisseuse et spécialement dans
la caduque, ou bien dans la paroi externe des villosités atteintes de trans-
formation fibreuse.
3* Dégénérescence hydatoïde, — Celte affection est sans contredit la
maladie de Tœuf humain qui a été le plus anciennement décrite et celle
dont la nature a été le plus complètement méconnue, llippocratc, qui attri-
buât sa production à l'épaisseur du sperme retenu, lui assignait pour
symptômes le développement exagéré du ventre, ainsi que Tabsence de tout
mouvement dans le ventre et de lait dans les mamelles. De Graaf la con-
sidérait comme formée de véritables œufs, tandis que Smellie croyait y
voir des glandes. Ce fut Lcvret qui entrevit un des premiers sa véritable
nature en lui donnant pour siège l'œuf, et pour condition essentielle la
{fondation. Cette opinion avait généralement prévalu quand en 1782,
jorze prétendit avoir rencontré dans ce qu'on était aloi*s convenu d'ap-
ider une môle ((jiuXT]),des entozoaires, des vers vésicu la ires, et lui donna le '
MMQ de môle hydatique. Percy, Hippolyte Cloquet et Gluge acceptèrent
70 PLACENTA. DÉcéNÉRESCENCES.
cette manière de voir tout invraisemblable qu'elle était, mais elle ne ré-
sista pas longtemps aux investigations exactes de l^anatomie microscopique.
Tout le monde reconnaît aujourd'hui que les villosités choriales, et en par-
ticulier les villosités placentaires, sont le siège de la transformation hyda-
toïde. Le seul point qui soit encore controversé est relatif à la nature de
l'altération qu'elles ont subie. On a cherché à donner à cette altération
deux explications différentes connues sous le nom d'opinion française et
d'opinion allemande. Avant de les exposer, il est utile de rappeler une théo-
rie déjà ancienne qui a été récemment reproduite par Ancelot et d'après I»-
quclle « les môles hydatoïdes seraient une altération particulière de la
caduque utérine ou de la caduque réfléchie, produite sous l'influence de
l'imprégnation et consistant en la production par poussées successives par
un travail exogène, de vésicules indépendantes, adhérentes les unes aux
autres, revêtues d'une membrane commune, mais tendant à s'isoler les
unes des autres. »
Opinion allemande, — On a vu dans la description anatomique des
villosités cfaoriales que leur couche interne est constituée par un tissa
désigné par Joulin sous le nom de magma réticulé, sorte de tissu muqueux
analogue à la gélatine de Wharton. C'est à l'hyperplasie de ce tissu muqueux,
et non à celle de l'épithélium comme le supposait Heinrich Muller, que
Virchov^ attribue la dégénérescence des villosités choriales. D'après lui, la
môle hydatoïde doit être rangée dans la classe des tumeurs proliférantes
avec persistance de tissu originaire et être appelée myxôme des villosUft
choriales. La lésion peut être étendue à toutes les villosités et envelopper
l'œuf entier (myxôme généralisé) ou être limitée à une partie du placenta
(myxôme partiel) . Elle débute par la multiplication des noyaux et des cellules
qui plus tard peuvent se réduire en mucus et subir la dégénérescence grais-
seuse, ou bien s'accumuler sous la couche épithéliale des villosités et les
distendre de façon à augmenter considérablement leur volume en formant
de yéritablcs yésiculcs. A mesure que les villosités se développent, elles
deviennent de plus en plus gélatiniformes ; si l'on y pratique une piqûre,
'y\ s'en écoule un liquide transparent donnant la réaction de la mucine.
En général, les vésicules ne contiennent pas de vaisseaux, surtout quand h
lésion s'est produite au début de la grossesse. Dans des cas assez rares,
elles sont entourées d'un réseau vasculaire très riche. En résumé, pour
Virchow, la dégénérescence hydatoïde ne serait que le développement exa-
géré du tissu normal de la villosité. Cette manière de voir est partagée
par Cornil et Banvier. Ercolani pense également qne le placenta hydati-
gène est dû à une hyperplasic; mais d'après lui cette hyperplasie aurait
pour siège tantôt la couche épithéliale des villosités, tantôt leur enveloppe
extérieure, c'est-à-dire la portion du placenta qu'il a décrite sous le nom
d'organe glandulaire.
Opinion française, — Cette théorie consiste à considérer la dégéné-
rescence hydatoïde comme une hydropisie des extrémités des villosités
choriales. Soutenue par Stoitz dans un mémoire présenté à la Société dt
musAun d'histoire naturelle de Strasbourg en 1836 elle a été conGnnée
PLACENTA. DÉGÉNÉRESCSHCES. 71
par les trayaiix de Ch. Robin et adoptée par Depaul. La structure àts Ven^
\eloppe des vésicules, la nature du liquide qu'elles contiennent, Fobfité-
ration de leur pédicule, rendent cette opinion on ne peut plus vraisem-
biable. On peut admettre avec Dcsorineaux et Dubois que la môle hydktotâè
se présente sous trois formes diverses : 1® môle hydatique embryonnéer
2* môle hydatique creuse; 3' môle hydatique en masse. C'est la troisième
de ces variétés qui va être plus spécialement décrite. Les deux premières
n'en diflerent que par la persistance, au milieu de la masse vésiculéuse,.
de la cavité amniotique dans laquelle l'embryon a été plus ou moih»
complètement dissous ou a continué à se développer. Les détails refiatfTs
a chacune de cts variétés trouveront leur place après la description de la
môle la plus commune, c'est-à-dire de la môle en masse.
L'œuf qui a été frappé de dégénérescence hydatoïde se présente sous Ilas-
pcct d'une masse plus ou moins volumineuse constituée par des vésicules
cristallines de forme et de grandciir variables. Ces vésicules sont re-
liés entre elles par des filaments très fins formant un réseau inextricable
de grappes. Tantôt celte masse vésiculeuse est entièrement entourée d- une
membrane d'un tissu rouge et spongieux qui n'est autre chose que la* ca-
duque ; d'autres fois on ne rencontre à sa surface que des fragments plus
ou moins larges de cette membrane, dont une partie est restée adhé^
rente aux parois utérines. L'intégrité de la caduque est d'autant plus»
gi-aude que Texpulsion a eu lieu à une époque moins avancée de la gro8<-
sesse, et il est extrêmement rare qu'après le quatrième mois l'enveloppe
qu'elle forme autour de la môle soit encore com|)lète.
Lorsqu'on a incisé cette membrane on remarque que la masse vésicu-
leuse est formée de deux parties bien distinctes : l'une, centrale, moins
considérable, d'un rouge tendre, d'un tissu filamenteux très friable, rap-
pelant le tissu placentaire; elle cat constituée selon toute vraisem»-
blance par Se chorion et les premiers troncs villeux non dégénérés. lia
seconde partie beaucoup plus volumineuse se compose des vésicules et dé-
leurs pédicules. Ces vésicules sont réunies en forme de grappes qui sont:
parfois isolées les unes des autres, mais qui, dans d'autres cas, sont utk*i«-
quées comme les villosités placentaires et forment un vérit^Lle gâteau*
de kystes enchevêtrés les uns dans les autres. Les vésicules se dévelopi»etft.
habituellement au point oii le pédicule des villosités commence à se và^
mîGer et offrent une disjonction identique à celle que présentaient les di-
visions et les subdivisions des villosités elles-mêmes. Parfois le pédicule'
fait défaut et l'on voit un kyste volumineux sur lequel de petits kystes se*
sont développés, Ces kystes ont une enveloppe externe commune, mais'
chacun deux possède une tunique interne qui lui est propre et s'adosse-
plus ou moins intimement aux parois voisines. Les vésicules, souvent ausii
petites qu'un grain de mil, peuvent atteindre le volume d'une noisette, et
dans quelques cas exceptionnels on en rencontre d'aussi grosses qu'une
œuf de pigeon. Celles qui sont situées le plus profondément sont tiw
petites, nombreuses, adhérentes, mais à mesure qu'elles devienneiHl
plus superficielles, elles sont da plu& en plus volumineuses. Dans quot-
72 PLACENTA. — DKGRNéRESCERCES.
qucs cas elles prennent un développement tellement considérable que le
pédicule se rompt; le kyste devenu libre est expulsé avant la sortie de la
masse. Les vésicules sont généralement presque transparentes mais elles
prennent parfois une couleur rougeâtre due à Timbibition de Thématine
des caillots sanguins. Leur forme varie; celles qui sont placées sur le
trajet des pédicules sont fusiformes ; celles qui sont terminales^ au con-
traire, sont pyriformes; leur grosse extrémité est libre, tandis que la
petite se continue avec le pédicule. Le liquide qu'elles contiennent ne
peut communiquer d'un kyste à l'autre à cause de l'oblitération constante
des pédicules.
On n'est pas d'accord sur le nombre et la structure des enveloppes
des vésicules ; d'après Cruveilhier, il n'existerait qu'un feuillet unique à
disposition réticulée parfaitement nette. Madame Boivin et Ancclot décri-
vent deux membranes tout à fait distinctes. Pour Ch. Robin la structure
des parois des vésicules est identique à celle des villosités à l'état normal,
c'est-à-dire qu'il existe deux tuniques , l'une externe, mince, grisâtre,
formée de noyaux ovoïdes et de granulations graisseuses ; l'autre interne,
byaline n'ayant que O^^jOl d'épaisseur, composée de libres de tissu cellu-
laire entre-croisées à noyaux fibro-plastiques assez abondants. Le contenu
des vésicules est un liquide incolore, quelquefois rosé bien qu'on n'y
rencontre jamais de globules sanguins. Il donne un précipité albumineux
par l'acide nitrique et tient en suspension deux sortes de cellules; les
unes appartiennent à Tépithélium pavimenteux ; les autres n'ont aucune
analogie avec celles des autres tissus, sont sphériqnes, transparentes, à
bords réguliers et contiennent des granulations moléculaires grisâtres
d'égal volume.
Le poids des môles hydatoîdes est très variable, habituellement de
500 à 1000 grammes, il peut s'élever jusqu'à cinq ou six kilogrammes.
Quel que soit leur volume elles pesivent afl'ecter les trois formes dont il a
été question plus haut ; mais la mole hvdatiquc en masse est celle qui
présente habituellement les dimensions les plus considérables. Dans la
môle embryonnée on rencontre une poche plus ou moins vaste contenant un
fœtus et dont la surface externe donne naissance dans une plus ou moins
grande étendue à des villosités dégénérées. Dans le cas où presque toutes
les villosités placentaires ont été atteintes par la dégénérescence, on trouva
à peine quelques tracer de l'embryon ; mais si en dehors des villosités
altérées une partie notable de l'œuf est restée intacte, on trouvera au
milieu de la cavité amniotique un fœtus plus ou moins volumineux. Dans
un cas oiî la moitié du placenta avait subi la transformation hydati-
forme, Depaul vit la grossesse aller à terme et l'enfant naître vivant bien
que malingre. Dans une autre circonstance citée par Brachct, le placenta
ne présentait que trois grappes hydatoîdes et le fœtus était vivant et bien
développé. La môle vésiculaire creuse ne diffère de la précédente que
parce qu'on ne retrouve plus dans la cavité amniotique Fembryon qui a
été complètement dissous, alors la maladie datait du début de la gros-
sesse et avait envahi toutes les villosités placentaires.
PLACENTA. — LÉSIONS syphilitiques. 7o
Les rapports de la môle hydatoîde avec les parois utérines sont très
intéressantes à étudier; nous avons dit que lorsque son expulsion a lieu
dans les deux premiers mois de In grossesse, la môle est enveloppée
d*une membrane constituée par la caduque, disposition qui fit supposer
à quelques auteurs que c'était la muqueuse utérine qui donnait naissance
aux vésicules hydatoïdes. Mais quand l'œuf dégénéré a séjourné long-
temps dms l'utérus, la muqueu^:e, au lieu d'être hypertrophiée, est consi-
dérablement amincie, et le muscle utérin est mis à nu. Les vésicules pénè-
trent profondément dans les parois de la matrice et leurs extrémités se
logrnt dans autant de petites cavités. Après qu'elles ont été détachées,
la surface interne de l'utérus prosente des lacunes plus ou moins
larges selon qu'elles ont servi à loger un ou plusieurs kystes. Dans cer-
tains cas, ces Incunessont assez profondes pour que les fibres musculaires
soient dissociées et que le péritoine mis à découvert constitue à lui seul
la paroi. Les villosités peuvent même pénétrer dans les ouvertures des
sinus ntérus et on conçoit que le.ir expulsion soit alors longue et difficile
et qu'elle détermine des hémorrhagies très abondantes.
La môle hydatoîde se développe habituellement dans la cavité utérine,
cependant on lui a assigné quelquefois un siège tout à fait anormal. Volk-
mann et Kricger prétendent avoir vu une môle vésicnlaire dans le muscle
utérin. Otto Heinrich (thèse de Greiffswalder sur les grossesses extra-
utérines) cite un cas de grossesse tubaire dans lequel un grand nombre
de villosités choriales avaient subi la dégénérescence hydatiformo.
V. Lésiors syphilitiques. — L'attention n'a et» dirigée que fort tird
sur les altérations que la syphilis peut provoquer dans le placenta, lors-
que l'on eut reconnu depuis longtemps rinfluencc de cette diatlièse sur la
marche de la grossesse ainsi que sur la santé et sur la vie du fœtus. L'avor-
tement habituel, la mort habituelle du fœtus dans les derniers mois de son
développement, avaient déjà été signalés par Astruc: mais cet auteur, tout
en attribuant à la syphilis ces différents accidents, n'en avait point
cherché la cause déterminante dans des lésions placentaires. Murnt avait
bien, il est vrai, fait observer que les femmes alfectôes de syphilis sont
prédisposées à des maladies du placenta, et ajouté que cette affection
semble favoriser les décollements. Simpson considérait la décoloration et
Tanémie du tissu placentaire alors que le fœtus était mort de péritonite
d'origine syphilitique, comme une conséquence et non comme la cause
de la mort du fœtus. Lebert, tout en signalant des granulations jaunes
d'apparence tuberculeuse et une tumeur plus volumineuse fibrineuse
qu'il avait rencontrées sur des placentas de femmes atteintes de syphilis
constitutionnelle, ajoutait qu'il ne voyait dans cette altération rien de
spéciGque. Une lésion analogue consistant dans une couche fibrineuse
d*apparencc graisseuse avait déjà été observée par Mackcnsic entre les
membranes. Ce fut Virchow qui présenta le premier ces différentes lésions
comme étant de nature syphilitique. Il fit remarquer qu'il faut distinguer
dans les enveloppes de l'œuf la partie maternelle et la partie fœtale,
ce qui au point de vue de la syphilis n*est point indifférent dans la déter-
74 PLACENTA. — lésioks syphilitiques.
mination de la part qui revient à la mère et au fœtus dan.s les aflections
de ce genre. Cette division conduisit Virchow à admettre deux formes
d'endométrite vénérienne : la forme placentaire et la forme déciduale.
L*endométrite peut être simple et diffuse ; elle produit alors des épais*
sisscmenls et des indurations fibreuses qui déterminent l'atrophie des
villosités; lorsque au contraire elle est circonscrite, elle donne lieu à
des proliférations présentant parfois les caractères des papules et des
condylômes. Ces tumeurs circonscrites noueuses partent du placenta
maternel et pénètrent profondément dans le placenta fœtal ; elles sont for^
mées de deux couches, une périphérique, dense, grisâtre, Tautrc centrale,
jaunâtre, caséiforme. D'après Vcrdicr (Paris, 1868), le caractère distinctif
de la syphilis placentaire est l'inflammation des branches des artères om-
bilicales avec épaississement et oblitération consécutive. Uennig considère
comme des gommes, ces nodosités formées par les artères oblitérées. Enfia
Charpentier a vu chez une femme syphilitique un placenta pâle et mou
au point qu'en le lavant à Téther les capillaires devenaient apparents.
On voit qu'il n'est presque pas d'altération placentaire qui n'ait été
observée dans des cas de syphilis congénitale et qui n*ait été considérée
par les uns ou par les autres comme étant de nature syphilitique. Malgré
les doutes qui peuvent encore subsister sur la signification de ces diffé-
rentes lésions, Frânkel (Ai^chiv fur Gynœcologie) a formulé quelques
conclusions qui, bien que trop absolues, méritent d'être citées textuelle-
ment. 1" Le placenta peut devenir malade par syphilis, et ces sortes de
maladies sont reconnaissables à des signes caractéristiques; 2^ la syphilis
placentaire accompagne exclusivement la syphilis héréditaire et congé-
nitale du fœtus ; 3^ le siège de la maladie varie selon que la mère reste
bien portante et que le virus syphilitique est communiqué directement
au fœtus par le sperme ou que la mère est devenue malade elle-même.
Dans le premier cas les villosités du placenta dégénèrent dans leur partie
fœtale et se transforment en granulations avec oblitération des vaisseaux,
souvent compliquée d'épaississement de la membrane épithéliale des vil-
losités. Dans le second cas, quand la mère est syphilitique, ou elle a été
infectée en même temps que le fruit, ou elle était syphilitique antérieure-
ment, ou Test devenue peu après la conception ; alors le placenta peut rester
intact ou devenir malade; dans ce dernier cas la forme de Taiïection est
l'endomélrite placentaire gommeuse. Si la mère n'est devenue malade que
dans les derniers temps de la grossesse et si le père est bien portant au mo-
ment de la fécondation, le fœtus et le placenta restent habituellement sains.
11 est inutile d'insister sur les difficultés que présente encore aujour-
d'hui Thistoire des altérations syphilitiques du placenta. La question est
à l'étude et les travaux qui viennent d'être signalés n'auront pas peu
contribué à en rendre la solution plus facile. On peut se demander quelle
sera l'utilité pratique de ces découvertes. Sous le rapport scientifique il
est sans doute intéressant de savoir quelles sont les modifications qui
peuvent survenir dans le placenta par l'effet supposé du virus syphili*
tique, mais l'art ne pourra jpmaiii intervenir utilement. Les même»
PLACENTA. BIBLIOGRAPUIB. 75
réflexions s'appliquent à toutes les altérations de structure du placenta,
attendu que leur diagnostic est à peu près impossible et que d'ailleurs
notre thérapeutique n'aurait aucune action sur elles.
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Eugène Marchal.
PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS TRARCUAMTS. 7?
PIiAI£. — Oq désigne sous le nom de plaie, toute solution de con-
tinuité des tisàus vivants, produite par une cause mécanique et ouverte
à rextérienr. Ces deux conditions sont indispensables. Pour qu'il y ait
plaie, il faut que la peau ou les muqueuses exposées à Tair aient été in-
téressées par la cause vulnérante. Les luxations, les fractures, les rup-
tures des ligaments des tendons ou des muscles qui ne s'accompagnent
pas de lésion de U peau, sont des blessures et non des plaies. D'un autre
côté, on ne doit pas donner ce nom aux solutions de continuité des tégu-
ments et des parties sous-jacentes, lorsqu'elles se produisent spontané-
ment ; on les désigne sous le nom d'ulcères.
Ainsi limité, le sujet que nous allons aborder est encore assez vaste
pour qu'il soit indispensable d y établir des divisions. Il est impossible
d'étudier en bloc des lésions aussi complexes et aussi variées. Lorsqu'on
veut se renfermer quand même dans un cadre de généralités, on se
résigne à tourner, sans aucun profit pour le lecteur, dans un cercle de
luinalités et d'inexactitudes. C'est un écucil que nous tenons d'autant
plus à éviter, que les questions théoriques, les seules qui se prêtent
à une étude d*cnsemble, ont déjà été traitées dans d'autres articles
de ce Dictionnaire, ou le seront dans ceux qui n'ont pas encore paru. Il
lie nous reste plus à aborder que le côté purement clinique.
Les différences que présentent les plaies se rapportent à trois chefs
principaux : l'étendue qu'elles présentent, le siège qu'elles affectent,
la cause qui les a produites. De ces trois caractères, le dernier est celui
que tous les auteurs ont pris pour base de leurs classifications, et nous
suivrons leur exemple, en étudiant successivement les plaies par instru-
ment$ tranchants^ celles que produisent les instruments piquants^
celles qui reconnaissent pour cause l'action des corps contondants^ les
plaies par armes à feu^ qui ne sont qu'un cas particulier de ces der-
nières, les plaies par arrachement et les plaies empoisonnées.
Quant aux plaies par écrasement^ par broiement, elles ne sont
qu'une variété des plaies contuses; les plaies par morsure rentrent
également dans l'une des catégories précédentes, selon l'espèce à
laquelle appartient l'animal qui les a faites et la forme de sa denture.
Dans l'un comme dans l'autre cas, elles ne présentent pas d'indications
particulières.
I. Plaies par instkiimejsts tranchants. — Ce sont les plaies par excel-
lence, celles qui ont servi de type pour toutes les dt'scriptions générales.
Les instruments qui les produisent sont : ou des armes de guerre, comme
les sabres, les haches, les yata.^ans, ou des objets usités dans la vie domes-
tique, dans les arts ou dans l'industrie, comme les couteaux, les rasoirs,
les faucilles, comme les scies à mouvement circulaire ou les machines
qui servent à trancher le fer. Tous ces instruments agissent de la même
manière que les bistouris et les couteaux des chirurgiens, en pressant et
en sciant, et les plaies qu'ils produisent sont d'autant plus nettes que le
l<'inchant est plus affilé. Elles varient pour la forme, l'étendue et la pro-
fondeur, suivant l'instrument qui les a faites, la force avec laquelle il a
78 PLAIE. — p. l'AR INSTRUMENTS TRANCHAKTS.
été mu, la direction qui lui a été imprimée et la région sur laquelle il a
porté son action.
Les phénomènes primitifs des plaies qui nous occupent sont au nom-
bre de trois : la douleur, Técoulemeut du sang et Técartement des bords
de la solution de continuité. La douleur est due à la section des nom-
breux filets nerveux sensitifs qui se répandent dans la peau et dans les
tissus sous-jacents. Elle est d'autant plus vive que la solution de conti-
nuité est plus étendue et la partie plus sensible. Les plaies de la face et
surtout des lèvres, celles des doigts, de la paume de la main, de la plante
du pied, du pourtour de Tanus sont, à dimensions égales, plus doulou-
reuses que celles qui siègent dans d*aulrcs parties du corps, sur les tégu-
ments du dos, ou à la région externe des membres , par exemple. L'idio-
syncrasie du blessé, les conditions dans lesquelles il se trouve placé,
influent également sur la somme de douleur qu'il ressent. Il est des
sujets qui supportent sans sourciller les blessures les plus douloureuses;
il en est d'autres pour lesquels l'appréhension seule de la souffrance que
doit entraîner une opération, devient une véritable torture; enfin la dou-
leur est d'autant moins vive que l'instrument vulnérant a le tranchant
mieux aifilé et qu'il est mu avec plus de vitesse. Tous les chirurgiens
savent combien l'ouverture d'un panaris, par exemple, est moins doulou-
reuse lorsqu'elle est faite par un bistouri qui coupe bien et par une main
bien exercée, que lorsqu'un instrument ébréché passe lentement et avec
hésitation à travers les tissus. En général, dans les plaies par coupure,
la douleur est vive, mais elle s'éteint promptement, parce que les filets
nerveux ont été nettement et complètement tranchés.
L écoulement du sang est constant à la suite des plaies qui nous occu-
pent. Ce sont celles qui saignent le plus abondamment et Thémorrhagie y
est en rapport avec la profondeur et l'étendue de la blessure. Toutefois,
lorsqu'elle provient de capillaires ou de vaisseaux artériels et veineux
d'un petit calibre, elle s'arrête d'elle-même, sous l'influence de l'air
froid ou du simple rapprochement des parties. Il n'en est plus ainsi, lors-
qu'une artère d'un certain volume a été intéressée, lorsqu'un gros tronc
veineux a été ouvert. Dans ce cas, la vie du blessé peut être rapidement
compromise et, dans les conditions les plus favorables, cette hémorrhagie
constitue une complication sérieuse qui fait surgir des indications spéciales
(Voy. Artères, Plaies, t. III, p. 168).
L ccartement des bords est un phénomène particulier aux plaies par
instruments tranchants. Il est produit par l'élasticité des tissus divisés et
par la contraction des muscles, loraquo ceii>xi ont été intéressés. L'élas-
ticité de tissu, considérable dans la peau, assez prononcée dans les
artères, est moindre dans le tissu cellulaire, nulle dans les nerfs et à
peine appréciable dans les tissus fibreux. La contraction musculaire, au
contraire, est extrêmement énergique. Irrésistiblement provoquée par
l'excitation que produit la section des fibres charnues, elle est brusque,
soudaine et cesse avec le stimulant qui Ta produite; mais la contracti-
lité inhérente au tissu musculaire se manifeste alors, agit lentement,
PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS TRANCHANTS. 79
maisd*ane manière incessante et maintient Técarlementdes bords delà
plaie jusqu'à ce que la cicatrisation ait rétabli la conlinuité des fibres
dmsées et que la rétractilité du tissu inodulaire en ait rapproché les
extrémités. Lorsque des muscles volnminenx ont ôté divisés dans toute
leur épaisseur, Técartement des lèvres de la solution de continuité est
considérable. Nous nous souvenons d'avoir donné des soins à une jeune
paysanne qui avait eu tous les muscles du mollet coupes en travers par
une faucille ; le tranchant de l'instrument n'avait été arrêté que par les
os et l*artère tibiale postérieure était ouverte au fond de cette vaste
plue, dont les bords étaient écartés par une intervalle de plus de douze
centimètres. Il ne nous fut pas difficile de découvrir et de lier les deux
bouts du vaisseau; mais, pour rapprocher les deux surfaces traumatiques,
il fallut mettre le pied dans l'extension et fléchir la jambe sur la cuisse.
La réunion se fit alors sans trop de difficultés et la malade guérit rapide-
ment. Dans certaines régions , les mouvements viennent encore aug-
menter cet éearlement. C'est ainsi que, dans les plaies transversales de la
partie antérieure du cou qu'on observe à la suite des tentatives de sui-
cide, la mobilité de la peau, la contraction des muscles longs et grêles
qu'elle recouvre, l'élasticité de la tracliéc produisent déjà un écartement
considérable, mais il devient c(fra\ant, lorsqu'on porte la tête du blessé
en arrière.
Le pronostic des plaies par instruments tranchants dépend surtout de
leur profondeur. Lorsque la peau ^eule e^t intéressée, ce sont des lésions
iasignifiantes ; la section des muscles n'ajoute pas sensiblemont à leur
gravité, celle des tendons ou des nerfs peut compromettre plus tard les
(onctions de la région blessée, la lésion des artères expose à des dangers
que nous avons indiqués déjà, mais l'ouverture des articulations et celle
des cavités splanchniques e^t bien autrement redoutable. Les plaies péné-
trantes de ces cavités sont plus rarement produites par les instruments
tranchants que par les armes piquantes et par les projectiles, cependant
il n'est pas rare de voir l'articulation du genou ouverte par un coup de
'nache ou par un coup de faucille ; celle du coude-pieJ est souvent blessée
par l'outil de charpentier qui porte le nom à'hermineUey et le coude lui-
même Test quelquefois par un coup de sabre. Les plaies nettes et large-
ment béantes qu'on observe en pareil cas, sont moins graves que les
blessures sinueuses faites par les instruments piquants, que les plaies
causées par les projectiles de guerre (Voy. Articulations, Plaies^ t. III,
p. 306). Les cavités splanchniques sont rarement atteintes par les instru-
mcDt^ tranchants. Les coups de sabre assez vigoureusement assénés pour
fendre le crâne et atteindre le cerveau, ne s'observent guère aujourd'hui ;
la poitrine et l'abdom^'n sont encore moins exposés à ce genre de bles-
sures; on ne les rencontre guère que dans les grands ateliers et par l'ef-
fet des machines dont nous avons parlé. C'est ainsi que nous avons eu
l'occasion de voir, à l'hôpital de Brest,un ouvrier do l'arsenal qui, en
passant le bras au-dessus d'une scie circulaire, avait été entraîné par son
vêlement et était tombé en travers sur la lame dentée, pendant qu'elle
80 PLAIE. p. TAR IMSTRUMËMS flQUAIITS.
faisait cinq cents tours à la minute. Les parois abdominales ayaient
été tranchées d'un hypochondre à l'autre, les cai'tilages costaux du côté
droit avaient été coupés et le foie proloudément labouré par les dents
de l'appareil; le malheureux ne mourut qu'onze heures après son
accident.
Le traitement des plaies par instrument tranchant consiste à les net-
toyer avec soin, à mettre la partie dans le relâchement et à rapprocher les
bords delà solution de continuité. Avant de les réunir, le chirurgien doit
s'assurer que tout écoulement de sang a cessé. S'il aperçoit, sur une des
surfaces traumatiques, un endroit qui saigne encore, s'il y voit se pro-
duire une petite pulsation, ou s'il s'en échappe un mince filet de sang
rouge, il doit saisir avec des pinces à artères le point qui donne, le sou-
lever légèrement et l'entourer d'une ligature. C'est encore le plus sûr et
le meilleur de tous les moyens hémostatiques.
Les plaies par instruments tranchants doivent toujours être réunies par
première intention. Ce sont même les seules qui comportent ce mode de
traitement et il leur est partout applicable, même au cuir chevelu pour
lequel on a voulu faire une exception. Il est bien entendu que nous ne
parlons pas des cas où Ton se trouve obligé d'agir dans l'atmosphère viciée
d'un hôpital insalubre Ceux qui pratiquent dans de semblables milieux
font comme ils peuvent, mais il ne faut pas ériger ces pratiques de né-
cessité en règle générale. Nous avons réuni et vu réunir par la suture un
bien grand nombre de plaies de tète, car ce sont les lésions les plus com-
munes à bord des navires et dans nos hôpitaux, jamais nous n'avons eu à
nouseniepentir et lescas dans lesquels nous avons vu survenir des érysi-
pèles sont tellement rares qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte. La réu-
nion s'opère à la faveur des bandages unissants, des aggiutinatil's et des su-
tures. C'est à ce dernier moyen que nous donnons la préièrcnce toutes les
fois que la plaie a une certaine étendue. Dans le cas contraire, une ou
deux bandelettes de diachylum peuvent sufiire pour en rapprocher les
bords ; parfois même dans les cas les plus simples, on se contente de re-
couvrir la petite solution de continuité avec une mouche de tafletas d'An-
gleterre. Nous ne nous étendrons pas sur ces moyens de réunion, ni sur
le pansement qui les complète, parce que ces sujets ont déjà été traites
dans d'autres articles. (Voy. AGGLUTiKATiFs,t. I, p. 427. Painsememts, t. XXV,
p. 729. SuTiREs.) Nous garderons le même silence et pour le mcnic motif,
au sujet des phénomènes consécutifs de l'évolution des plaies et de leur
mode de cicatrisation, {yoy. Cicatrices, Cicatrisatiom, t. VII, p. 587.)
II. Plaies par instruments piquants. — Les corps vulnérants qui dé-
terminent ce genre de plaies sont encore plus variés que ceux dont nous
nous sommes occupé précédemment. Elles peuvent, en efiet, être pro-
duites par tout objet muni d'une pointe assez résistante pour pénétrer
dans nos tissus. Dans cette catégorie nombreuse, on trouve des armes
comme la baïonnette, la lance, l'épée, le fleuret, le stylet, le poignard,
des instruments usuels tels que les couteaux, les canifs, les ciseaux, les
poinçons, les compas de menuisier, des corps variés connue les clous,
PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS PIQUA?STS. 81
les fragments d'os, de verre, de bois, etc. Nous ne citons que pour mé-
moire les instruments de chirurgie, comme les aiguilles à acupuncture, les
trocarts^ les aiguilles tubulées.
Les instruments piquants n^agissent pas tous de la même manière,
les uns ne sont ofTensifs que par leur pointe; dans les autres, cette
pointe fait suite à une lame tranchante qui facilite sa pénétration. Les
premiers entrent dans nos tissus en écartant les fibres qui en constituent
la trame, et, lorsqu'ils sont extrêmement déliés, ils peuvent arriver à des
profondeurs considérables sans causer une vive douleur et presque sans
effusion de sang. Les aiguilles à acupuncture, les aiguilles tubulées dont
on se sert pour les ponctions capillaires, sont le type de ces corps 'acérés
qui peuvent traverser des couches épaisses de parties, pénétrer même dans
les grandes cavités de Téconomie sans y causer de désordres sérieux, lors-
<qu*i\s sont conduits par une main prudente et exercée. Les corps plus
"%rolumineux, tels que les poinçons, les épées triangulaires, les fleurets
^guises, agissent de la même façon; mais ils ne sont pas aussi inoffensifs.
Mis écartent violenunent les fibres ; le trajet qu'ils se creusent est accom-
-pagné d'un certain état de déchirure et de contusion, d'une douleur parfois
Crès-vive et d'un léger écoulement de sang qui s'arrête, il est vrai, le plus
souyent de lui-même. Nous ne parlons pas du cas où un gros tronc ner-
veux, artériel ou veineux, a été intéressé, parce que nous reviendrons plus
tard sur les complications de cette nature.
Les corps vulnérants qui agissent à la fois par la pointe et par la lame,
les sabres, les couteaux, les canifs, produisent des plaies analogues à
celles que font les instruments tranchants, mais qui en diffèrent en ce
qu elles s'étendent surtout en profondeur. Ces blessures sont souvent dou-
loureuses et saignent parfois assez abondamment. Leur forme est en rap-
port avec celle de l'instrument qui les a faites. Elle diiîère suivant que
sa pointe est supportée par une lame à un ou deux tranchants ; mais ce
geare de considérations n'intéresse que la médecine légale, et ce sujet
sera traité plus loin. Enfin, il est des corps vulnérants à pointe obtuse
qui ne pénètrent qu'à la condition d'être poussés avec force. Tel est le
cas de la lance et de la baïonnette, auxquelles le poids de la hampe ou du
fusil permet d'imprimer une impulsion considérable. Ces blessures, ainsi
que celles qu'on observe à la suite de chutes laites sur des pieux, dos
échalas, sur des grilles de fer, sont toujours fortement contuscs et, en
{ènéral, d'un pronostic sérieux.
Les plaies par piqûre, étant surtout caractérisées par leur éti^oitesse et
leur profondeur, ne présentent pas cet écartement des bords qui forme
le tnil particulier des blessures que nous avons précédemment étudiées.
Saut dans quelques cas rares oii un corps d'un volume considérable,
animé d'une grande force d'impulsion, a creusé, en quelque sorte, un
puits an milieu des tissus, les bords de la plaie se rapprochent d'eux-
mêmes aussitôt que l'instrument vulnérant en a été retiré.
Les plaies par instruments piquants sont, en général, plus graves que
celles que produisent les instruments tranchants; mais cela ne tient |ia8,
5OTT. IMCT. HiD. ET CHIB. XXVIII — 6
82 PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS PIQUAITTS.
comme on le croyait autrefois, à leurTormeet à leur étroitesse. Les anciens
chirurgiens les redoutaient à cause delà difficulté que leur disposition op-
pose à récoulement des liquides. Ils pensaient que l'afQux des humeurs-
devait fréquemment amener la formation d'abcès profonds, d'infiltrations
et de fusées purulentes, que leur rétention provoquait l'étranglement et^
par suite, des douleurs violentes, parfois même le tétanos ou la gangrène.
Ces accidents se produisaient, en effet, assez sou vent sous leurs yeux, mais
ils étaient dus aux moyens qu'ils employaient pour les prévenir. Au lien
de respecter, comme on le fait aujourd'hui, le trajet de la blessure, ils y
introduisaient des sondes pour l'explorer, des mèches, des tentes pour le
dilater et pour empêcher l'accumulation des humeurs ; ils s'opposaient
ainsi à la réunion par première intention qu'on voit survenir le plus sou-
vent, quand la plaie est exempte de complications et qu'on l'abandonne i
elle-même. Depuis Belloste, on a renoncé à ces pratiques et, peu à peu, le
préjugé qu'elles entretenaient a cessé de régner. Malgaigne avait déjà fiiit
ressortir l'innocuité des piqûres faites par le trocart et la promptitude
avec laquelle elles se cicatrisent ; les opérations sous-cutanées ont porté le
deniier coup à l'opinion que nous combattons. On a vu des tçnotomislei^
diviser, dans la même séance, une foule de tendons et de faisceaux
musculaires, pratiquer sous la peau des incisions de plusieurs décimè-
tres, léser inévitablement, en passant, nombre de petits vaisseaux et de
filets nerveux, sans que le moindre accident en ait été la suite. Jul»
Guérin a communiqué à l'Académie des sciences, le 31 août 1840, l'ob-
servation d'un malade chez lequel il avait pratiqué, le mémo jour, b
section sous-cutanée de quarante-deux muscles y tendons ou ligameniSy
pour remédier à une difformité articulaire. Le malade n'avait pas pro-
féré une plainte pendant le cours de cette opération, qui n'avait pas duré
moins d'une heure, et le cinquième jour toutes les plaies étaient cicatri-
sées. De pareilles hardiesses prouvent au moins l'innocuité des plaie»
faites par les instruments piquants, quelque anfractueuses, quelque ét^i-
ducs qu'elles soient dans leur profondeur, à la condition que fouver- |
ture faite à la peau soit petite et qu'on la ferme sur-le-champ. La péné- j
tration de l'air est, en effet, le seul obstacle à ^a réunion et à la cieatri- j
sation immédiate des tissus divisés ; c'est sa présence qui enflamme leB^ |
plaies, et nous ne comprenons pas que ce fait si simple et pour nous n ;
évident ait pu donner naissance à tant de contestations.
Le contact de l'air atmosphérique est fatal aux tissus vivants ; partout |
où ce conflit doit s'établir la nature a mis une barrière : l'épiderme pour ,
la peau, l'épithélium pour les muqueuses; quand cette enveloppe est
détruite, une douleur cuisante, une inflammation vive, se manifestent i
l'instant sur les parties dénudées. C'est ce qui se produit lorsqu'on
enlève l'épiderme à la surface d'un vésicatoirc ou d'une brûlure au second
degré. La chimie nous enseigne que tous les liquides organiques restent
immuables dans leur composition tant qu'ils sont contenus dans dsi
cavités closes, qu'ils s'altèrent et se décomposent aussitôt qu'ils ont le
contact de l'air. Les fractures, les luxations, s'accompagnent de délabra-
» PliAlË. p. PAR IKSTRUMEKTS PIQUANTS. 85
ments très-étendus, et cependant lorsque la peau est intacte, les phéno-
mènes de réparation s'accomplissent sans accident sous cet abri protec-
teur, et les infiltrations sanguines se résorbent sans que l'inflammation
intervienne, sans qu'il se forme une goutte de pus. Les plaies faites par
les instruments piquants ne sont donc pas dangereuses par le fait seul de
leur étroitesse et de leurs sinuosités ; lorsqu'elles sont simples, il suffit
de les respecter et d'en fermer l'ouverture, pour obtenir une prompte
guérison ; mais une foule de causes peuvent en changer les conditions et
aggrater le pronostic.
Nous n'avons parlé jusqu'ici que de plaies nettes, franches, exemptes
de corps étrangers; mais les instruments vulnérants sont souvent de
forme irrégulière; ils présentent des aspérités qui déchirent les tissus,
au lieu de les écarter, comme les aiguilles, ou de les diviser nettement,
comme les ténotomes : parfois ils sont recouverts de matières irritantes,
qu'ils introduisent avec eux et qu'ils déposent au fond des plaies ; ils peu-
vent même être imprégnés de substances toxiques ou virulentes, vt nous
aurons l'occasion de revenir, plus tard, sur ces plaies empoisonnées :
pour le moment, nous n'envisageons que le cas où la piqûre a été faite
par un corps hérissé d'aspérités ou malpropre, et, dans ces conditions,
il n*est pas rare de voir la plaie s'enflammer. Si elle est superficielle, si
elle siège dans des parties peu sensibles, il n'en résulte qu'un retard
pour la guérison ; mais il n'en est plus ainsi lorsque la région intéressée
est très-vivante, très-vasculaire, et qu'elle présente des plans fibreux,
résistants. On sait combien les panaris sont fréquents à la suite des piqûres
aux doigts, et chacun connaît les dangers que présentent les phlegmons
profonds de la paume de la main, lorsqu'ils surviennent dans les mêmes
circonstances (Voy. Main (Phlegmon de la), t. XXI, p. 336). La plante
du pied est souvent le siège des mêmes lésions, chez les gens qui mar-
chent sans chaussures. C'est habituellement un fragment de verre, un
clou ou une écharde qui cause la blessure ; cet accident est commun à
bord des navires, et il a parfois des conséquences sérieuses, sans présen-
ter cependant la même gravité qu'à la paume de la main. Nous n'insis-
terons pas sur la marche de ces complications, qui ont été décrites dans
d'autres articles.
Les régions dont nous venons de parler sont celles qui réalisent au
plus haut degré les conditions anatomiques propres à faire éclater l'in-
flammation et même l'étranglement, à la suite des piqûres ; mais il est
d'autres points de l'économie où le pronostic de ces lésions emprunte
également un certain caractère de gravité aux tissus qui s'y rencontrent:
ainsi la blessure des gaines tendineuses peut occasionner des inflamma-
tions diffuses d'un caractère sérieux ; celle des nerfs, indépendamment
de la douleur vive qui en est la suite, cause souvent une paralysie par-
tielle ; lorsqu'elle renferme un corps étranger, elle expose à des névi al-
gies persistantes et détermine parfois des convulsions épileptiforraes,
précédées d'une aura qui part de la cicatrice; dans des cas rares, enfin,
on voit survenir le tétanos traumatique lui-même. La lésion des vaisseaux
84 PLAllii. — p. PAR LNSTRUUENTS PIQUANTS.
sanguins peut occasionner la mort immédiate, si le tronc est assez vo-
lumineux, la formation d*un ancvrysme faux primitif, circonscrit ou
artérioso-veineux, suivant le calibre, le siège et les rapports des vais-
seaux intéressés ; enfin l'ouverture des articulations, celle des cavités
splanchniques, sont suivies d'accidents très-graves dont la description
ne saurait trouver place dans un article de généralités.
Les corps étrangers qu'on rencontre dans les plaies qui nous occupent
sont nécessairement d'un petit volume. Ce sont des aiguilles, de petits
éclats de bois, des hameçons, des épines, etc. Pour qu'on y trouve des
pointes d'épée, de poignard ou de couteau , il faut que ces armes aient
rencontré une résistance osseuse contre laquelle elles sont venues se bri-
ser. Dans ce cas, le fragment détaché est solidement enfoncé dans le tissu
osseux.
Le traitement des plaies par instruments piquants comporte la même
indication que celui des plaies par instruments tranchants. Quels quesoient
la profondeur et le sioge de la blessure, il faut en fermer Torifice. Cette
règle est d'autant plus absolue que les parties intéressées sont plus im-
portantes et le pronostic plus sérieux. Elie ne comporie qu'une seule
exception, c'est le cas où le corps vulnérant est rCdté dans la plaie. Il faut
alors en pratiquer immédiatement l'extraclion. S'il y a des doutes, le
chirurgien doit s'enquérir des commémoratifs, s'informer près du blessé
ou des personnes présentes de la direction de l'instrument vulnérant et
de la profondeur à laquelle il a pénétré. Il doit se le faire représenter,
quand la chose est possible, afin de s'assurer si la pointe est intacte.
Lorsque cette source d'informations vient à manquer, il devient néces-
saire de sonder la plaie avec ménagement, mais avec persistance, jusqu'à
ce que ce point de diagnostic soit bien établi. Dans la grandi; majorité
des cas, les corps étrangers abandonnés dans les plaies déterminent
une inflammation suppurative; c'est la règle pour les petits éclats de
bois engagés sous les ongles, pour les épines profondément enfoncées
dans les tiïisus. Nous avons vu survenir un phlegmon sous-aponévrotique
des plus graves chez un jeune homme qui s'était enfoncé une épine de
prunier sauvage dans le mollet, en traversant un buisson. Le corps étran-
ger avait été méconnu au moment de l'accident, et ne fut expulsé que
quinze jours après, avec la suppuration abondante à laquelle de larges
incisions donnèrent issue. Les fragments de verre, les pointes de cou-
teau, de poignard ou d'épée, sont plus facilement tolérés que les petits
corps de nature végétale. Les exemples en sont assez communs à la
suite des plaies de tcte. On en trouve un des plus remarquables dans
le Traité des blessures par armes de guerre de Hupuylren. Il y est ques-
tion d'un jeune homme qui entra dans son service, à l'IIôtel-Dieu, pour
des douleurs de tcte localisées sous une ancienne cicatrice du cuir che-
velu, résultant d'un coup de couteau reçu quelques années auparavant
dans une rixe. En palpant la cicatrice, Dupuytren sentit qu'elle était
voulevée par un corps étranger; une incision mit à découvert la pointe
du couteau enroncée dans le crâne. L'extraction en fut pratiquée à l'aide
PLAIE. — p. PAR IKSTnUMESTS PIQUANTS. 85
du trépan, mais les accidents persistèrent ; il s*y joignit une hémiplégie
du côté opposé. Dupuytren incisa d'abord la dure-mè[*e et n'obtint aucun
résultat ; il enfonça doucement alors le bistouri dans la substance céré-
brale; un flot de pus s'en échappa, tous les accidents, fièvre, délire, som-
nolence, cessèrent comme par enchantement, et le malade guérit. En
laissant de côté ce qu'il peut y avoir de suspect dans le résultat merveil-
leux de cette opération, il n'en reste pas moins le fait d'une pointe de
couteau enfoncée dans le crâne et y séjournant pendant de longues
années, sans produire d'accidents inflammatoires.
Une observation plus surprenante encore est celle qu'on trouve citée
d'une manière inexacte dans tous les traités classiques de pathologie
externe, et que Berchon a rétablie, pièces en main (1861). C'est le fait
d'un forçai du bagne de Rochefort, qui a porté pendant de longues
années, dans la poitrine, un fragment d*épée de 83 millimètres de lon-
gueur, enclavé entre la première et la quatrième côte gauche, traver-
sant de part en part la tctc de celle-ci et Tapophyse transverse de la ver-
tèbre correspondante. Nous avons eu souvent l'occasion d'examiner la
pièce anatomique, dans le musée de l'École de médecine navale de Ro-
chefort. Ce sont là, il faut le dire, des cas exceptionnels.
Lorsque le corps étranger n'a pas été extrait, il détermine, leplussou-
Tent« une suppuration de longue durée. La plaie reste Gstuleusc, elle se
ferme et se rouvre tour à tour, puis le trajet finit par s'indurer et la
guérison ne s'obtient que lorsque l'expulsion du corps étranger a été
opérée par les efforts de la nature ou par la main du chirurgien. Parfois,
après cire resté longtemps inoffensif, il provoque tout à coup une inflam-
mation suivie d'un abcès dans le foyer duquel on le trouve en liberté.
Pour éviter ces accidents, il faut donc procéder à l'extraction toutes les
fois qu'elle est possible. Ce n'est pas toujoui^ sans difficultés qu'on y
parvient, et les corps de petite dimension ne sont pas ceux qui en pré-
sentent le moins. Les fragments d'aiguilles enfoncés sous les téguments
demandent parfois d'assez longues recherches et sont difficiles à saisir,
les échardes échappent aux pinces , se brisent ou se morcellent sous leur
pression, et il est souvent nécessaire de pratiquer une petite incision
pour les dégager de leur trajet. Les hameçons sont d*une extraction plus
laborieuse encore. Lorsqu'on cherche à les retirer par leur ouverture
fenfrée, le crochet dont ils sont munis , sur leur concavité , s'enfonce
dans les tissus et oppose un obstacle absolument invincible. Il faut
recourir au procédé qu'on employait autrefois pour extraire les flèches
barbelées ; il faut pousser Thamc^^on dans la direction suivant laquelle il
est entré, lui faire continuer son trajet curviligne et en faire sortir la
pointe, en traversant la peau de dedans en dehors. Lorsque l'extrémité
est dégagée, on la coupe avec des tenailles incisives et le reste de la tige
se retire sans difficulté par l'ouverture d'entrée. Quand le corps étranger
e«t solidement implanté dans le tissu osseux, lorsque la pointe d'un cou-
teau, par exemple, s'est brisée dans l'épaisseur du crâne et ne donne pas
de prise à l'extérieur, il devient nécessaire d'appliquer une couronne de
86 PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS PIQUANTS.
trépan pour l'extraire. C'est ce que fit Dupuytren, dans le cas que nous
avons rapporté plus haut. Yelpeau, dans sa Médecine opératoire, cite un
fait où l'extraction d'un corps étranger fut entourée de difficultés insur-
montables. Il s'agissait d^une baguette de fusil qu'un officier de la garde
nationale de Paris avait reçue dans le dos, pendant un exercice à feu.
Cette tige de fer était si solidement fixée dans la vertèbre qu'elle avait
traversée, qu^il fut impossible de l'arracher. Velpeau fit construire, par
Charrière, un instrument spécial pour la retirer; mais le blessé succomba
dans l'intervalle et c'est sur le cadavre seulement qu*on put en faire
l'application. Les observations de corps étrangers retenus dans les tissus
étaient beaucoup plus fréquentes autrefois, alors qu*on combattait surtout
à l'arme blanche. Ambroise Paré entre dans de longs détails au sujet de
leur extraolion et cite, à cette occasion , la blessure reçue devant Boulo-
gne par le duc de Guise. La pointe de la lance, entrée au-dessous de
l'œil droit, était sortie entre la nuque et l'oreille; elle s'était rompue;
le fer et une partie du bois étaient restés dans la plaie ; il fallut, pour
l'extraire, employer une grande force et recourir à des tenailles de maré-
chal, ce qui n'empêcha pas la guérison d'avoir lieu.
Lorsque la plaie ne renferme pas de corps étranger , il suffit d'appli-
quer sur son ouverture une mouche de taffetas d'Angleterre ou de spara-
drap, et de condamner la partie au repos. Dans la majorité des cas, lors-
qu'aucun organe important n'a été intéressé , la cicatrisation s* opère
rapidement et sans accident; loi*sque, par suite d'une des causes que
nous avons indiquées , le trajet de la blessure vient à s'enflammer, le
chirurgien en est averti par un sentiment de douleur et de tension dans
la partie ; il survient du gonflement et de la rougeur autour de la plaie,
les bords de celle-ci se décollent et la suppuration se fait jour au dehors.
Il faut, en ce cas, recourir au traitement des plaies qui suppurent. Par-
fois, lorsque l'instrument vulnérant a glissé sous la peau , les phéno-
mènes inflammatoires se manifestent sur un point du trajet éloigné d&
l'ouverture, il y survient un véritable phlegmon qui se termine presque
toujours par un abcès dont l'ouverture est suivie d'une prompte gué-
rison.
Les choses ne se passent pas d'une manière aussi simple, lorsque la
plaie siège dans une région abondamment pourvue de nerfs, de vaisseaux,
et bridée par des aponévroses. Nous avons cité, pour exemple de cette
disposition, les doigts, la paume de la main et la plante du pied. L'in-
flammation alors se complique d'un véritable étranglement, et la suppu-
ration qui en est la conséquence presque fatale, au lieu de tendre i se
faire jour au dehors, fuse dans les gaines des tendons et donne lieu i
des accidents redoutables. Dans ce cas, il ne faut pas attendre, pour
agir, que la suppuration se soit formée. Lorsque les douleurs sont conti-
nues, tensives , accompagnées de battements et assez intenses pour
empêcher le sommeil, il faut recourir au débridcment des aponévroses
qui s'opposent à la libre expansion des tissus enflammés. L'incision pré-
maturée du panaris est le seul moyen de sauver la phalange qui en est
PLAIE. p. PAR INSTKDMEft'TS COMTONDAKTS. 87
atteinte. La même pratique est indiquée au début des phlegmons pro-
fonds de la main et du pied.
Nous ne parlons pas des complications plus graves qui peuvent surve-
nir à la suite des plaies par piqûre, de Térysipèle, du phelgmon diffus,
de l'infection purulente, de la lésion des gros vaisseaux, des articulations
ou des cavités splanchniques, parce que la conduite à tenir , en pareil
cas, a été tracée dans d'autres parties de ce Dictionnaire.
UI. Plaies par ikstruments contondants. — Les plaies de cette espèce
s*obsenrent plus fréquemment, dans la pratique , que toutes les auti*es
réunies. Cela se conçoit , lorsqu'on réfléchit à la variété presque infinie
<les causes qui peuvent les produire. Tout corps, quelle que soit sa forme,
pourvu qu'il ait un certain volume, un certain poids, et qu'il ait reçu une
impulsion suffisante, peut déterminer des plaies contuses. Les chutes, les
chocs contre des obstacles imprévus, les produisent également. Toutes
les découvertes de l'industrie moderne ont eu pour effet d'augmenter le
nombre de ces blessures et d'en accroître la gravité. L'emploi des ma*
<:Junes dans l'industrie, la navigation à vapeur, les chemins de fer, leur
fournissent un formidable contingent, auquel viennent se joindre encore
les blessures produites par la poudre à canon et les projectiles qu'elle
ixiet en mouvement, ainsi que celles qui sont causées par les substances
<explosives d^invention moderne , qu^utilisent l'industrie et l'art de la
guerre.
Toutes ces lésions ont un caractère commun. Elles s'accompagnent toutes
'd'un certain degré d'attrition, de lacération des tissus, et ces désordres
peuvent aller jusqu'au broiement le plus complet. Elles ne se réunissent
4)ue par seconde intention, et la guérison, plus longue à obtenir que dans
les plaies précédemment étudiées, laisse après elle une cicatrice plus visi-
ble. A part cet air de famille, elles diffèrent aussi essentiellement, sous
le rapport de l'étendue, de la gravité et des conséquences, que les causes
qui les ont produites. Pour en faciliter l'étude, les chirurgiens les ont
divisées en deux groupes : les plaies contuses ordinaires et les plaies par
armes à feu. Nous ne nous occuperons que de ces dernières, les plaies
contuses ordinaires ayant été l'objet de développements suffisants à l'ar-
ticle Contusion (t. IX, p. 522).
Plaies par armes à feu. — On doit réserver ce nom aux blessures
frodoites par les projectiles. Celles qui résultent de l'action de la
poudre en liberté, de l'explosion d'une gargousse, d'une poudrière,
(fuie fabrique de dynamite; celles qui sont causées par Téclatemcnt des
todsou des canons, par les mines, par les torpilles, peuvent être des
blemires de guerre, mais ne sont pas des plaies par armes à feu. Le
candère essentiel de ces dernières est l'extrême contusion de leurs
bords et de leur trajet, ainsi que l'ébranlement qui les accompagne.
L'aspect de h plaie, l'état général du blessé, sont tellement particuliers,
4}ue les premiers chirurgiens témoins de ces étranges symptômes les
attribuèrent à un empoisonnement , qu'ils mirent sur le compte de la
oudre. C'est à Ambroise Paré que revient, comme on le sait, le mérite
88 PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
d'avoir dissipé cette erreur et fait renoncer en même temps aux pratiques
barbares qui en étaient la conséquence.
Les plaies d'armes à feu diffèrent suivant la forme et les dimensions
des projectiles qui les ont produites. Ces derniers sont, dans Tordre de
leurs dimensions, les boulets, les éclats de bombe, d'obus, de grenades,
les biscaïens, les grains de mitraille, les balles de différents calibres, le
plomb de chasse. Parfois le corps vulnérant n'a pas été lancé lui-même
par une arme à feu, mais il a été emporté par un projectile qui lui a
communiqué son impulsion. C'est ainsi que, dans les batailles navales»
les morceaux de bois ou de fer arrachés à la muraille du bâtiment cau-
sent autant de ravages que les projectiles eux-mêmes, et dans les sièges,
les combats d'artillerie, les hommes qui se tiennent près des pièces sont
souvent atteints par des fragments de pierre, par des cailloux que les
boulets et les obus font voler dans toutes les directions.
Les blessures qui se produisent dans de pareilles conditions sont
extrêmement variées ; mais les différences les plus essentielles sont celle»
qu'on observe entre les lésions faites par les gros projectiles sortis de»
bouches à feu, et les plaies déterminées par les balles et les grains de
plomb que lancent les armes portatives. Elles sont assez importantes
pour exiger une étude à part.
A. Blessures faites par les gros projectiles. — Lorsqu'un boulet
atteint en plein la tête au le tronc, la blessure est toujours mortelle et le
chirurgien n*a pas à intervenir ; mais il arrive quelquefois que le projec-
tile ne fait, pour ainsi dire, que les frôler, et l'on a vu des ble.ssés sur-
vivre, après avoir eu une partie du visage , la mâchoire inférieure ou le
nez, par exemple, emportés, après avoir eu la hanche , les parois de
l'abdomen ou du thorax profondément labourées. Ces cas sont rares,
et les blessures faites aux membres par les gros projectiles offrent beau-
coup plus d'intérêt. Quand un boulet qui n'a encore rien perdu de sa
force initiale rencontre un membre sur son passage, il l'emporte, s'il
l'atteint en plein ; il se borne à y produire une échancrure, s'il le saisit
par un de ses côtés. Dans le premier cas, la plaie est irrégulière et
comme mâchée ; la peau et les muscles, inégalement déchirés, présen-
tent une surface anfractueuse, noirâtre, à la surface de laquelle fout saillie
des esquilles à demi détachées et les extrémités fracturées des os eux-
mêmes, d'où pendent des lambeaux de tissu fil^reux et des bouts de nerfs
arrachés. Ce cas est assez rare , au dire de Legouest. La plupart du
temps, les membres sont fracassés, broyés, dilacérés sur la plus grande
partie de leur circonférence, mais tiennent encore appendus au tronc par
quelques débris de peau ou de muscles qui n'ont pas été complètement
arrachés. Lorsque le projectile prend un membre par le côté, il y creuse
une gouttière plus ou moins profonde et dont la largeur est en rapport
avec son calibre. Les bords de ce sillon sont renversés en dehors, frangés,
ecchymoses dans toute leur étendue ; sa surface est d'un gris rougeâtre,
irrégulière, couverte de tractus fibreux, de débris de muscles et d'aponé-
vroses.
PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS COMTOXDANTS. 89
Ces hombles blessures donnent rarement lieu à une hcmorihagic
abondante ; souvent même elles ne saignent pas du tout. Elles sont, à cet
égard» dans le même cas que les plaies par arrachement, et quand nous
parlerons de celles-ci» nous en indiquerons la cause. Toutefois, cette sus-
pension n'est pas toujours définitive; il n'est pas rare de voir reparaître
1 hémorrhagie, lorsque la contraction de Torifice cesse el que Taffaiblisse-
ment de la circulation, causé par la stupeur , vient à disparaître à son
tour.
Lorsqu'un membre a été emporté par un boulet ou assez fortement
échancré pour qu'il ne puisse pas continuer à vivre, l'indication est for-
melle : il faut procéder à l'amputation immédiate. Faite dans ces condi-
tions, après un traumatisme aussi violent, elle a beaucoup de chances
pour ne pas réussir; mais enfin c'est le seul espoir qui reste. L'am-
putation substitue une plaie régulière à la blessure inégale et déchi-
rée qu'a produite le boulet, elle prévient les accidents immédiats les plus
sérieux; elle épargne au blessé les longues suppurations et les fusées puru-
lentes remontant au centre du moignon. Elle doit être pratiquée sur des
tissus parfaitement sains, à une hauteur suffisante pour qu'on n'ait pas
à craindre de laisser dans le moignon des parties contuses ou déchirées,
et, avant de scier les os, il faut s'assurer qu'ils ne sont pas dépouillés de
leur périoste au delà du point où va porter la section, et qu'ils ne pré-
^ntent pas quelques-unes de ces fêlures étendues que produisent sou-
vent les gros projectiles.
Lorsque le membre n'a été intéressé que dans une petite partie de sa
circonlérence, que les os et les vaisseaux principaux n'ont pas été atteints,
il est possible d'en tenter la conservation ; mais la guérison ne s'obtient
dans ces cas qu'au prix d'un long traitement, et le résultat n'est jamais
bien satisfaisant. Ces blessures s'accompagnent de pertes de substance si
étendues qu'elles ne se réparent qu'avec la plus grande difficulté. La
cicatrice qui les recouvre adhère aux os et aux tissus sous-jacents ; elle
est mince, inégale, se déchire au moindre froissement, ne se reproduit
que pour se rompre de nouveau, et la plaie finit par dégénérer en un
ulcère qui persiste indéfiniment. Ces alternatives s'observent surtout
dans les régions abondamment pourvues de parties molles, comme les
lesses et les mollets.
Nous ne nous sommes occupé jusqu'ici que des blessures causées par
des projectiles animés de toute leur vitesse initiale ; mais les boulets
sirrifés à la fin de leur course causent parfois des blessures mortelles,
sans laisser de traces extérieures. La peau est saine, tandis que les os, les
muscles, les vaisseaux et les viscères sont broyés. En voyant ces cadavres
intacts en apparence, les anciens chirurgiens attribuaient la moi*t au vent
du boulet, mais cette erreur est depuis trop longtemps dissipée pour qu'il
^it nécessaire de s'arrêter à la combattre. Lorsque cette attrition n'inté-
resse qu'un membre, l'amputation reste comme dernière ressourcé, si
b d^rdres ne remontent pas jusqu'à sa racine : car dans ce dernier
casi elle est le plus souvent impraticable.
^0 PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
Les boulets de très-petit calibre, ainsi que les biscaiens, traversent
parfois les parties d'outre en outre. Dans ce cas, l'ouverture d'entrée est
•habituellement plus petite et plus régulière que celle de sortie. Ces blessa-
res, à la gravité et aux dimensions près, présentent les mêmes caractères
<{ue celles que produisent les balles, dont nous parlerons plus loin.
Les plaies causées par les projectiles pleins sont rarement compliquées
de la présence d'un corps étranger. Vidal (de Cassis) cite pourtant le iaît
d'un boulet de quatre livres logé à la racine d*un des membres inférieurs
-et dont la présence aurait été méconnue par les premiers chirurgiens qui
examinèrent le blessé. Un fait plus surprenant encore est celui que le
•baron Larrey a cité, le 18 octobre 1871, à la Société de Chirurgie. 11 est
relatif au général Auger, qui reçut dans l'aisselle, à la bataille de Solferino,
un boulet de six dont on ne reconnut la présence que le lendemain matin,
lorsqu'on pratiqua la désarticulation de l'épaule. Quant aux biscaiou
restés dans la plaie, les exemples en sont nombreux. Leur diagnostic est*
•en général, facile ; leur extraction est soumise aux mêmes règles que
celle des balles, et le traitement de la blessure présente les mêmes indi-
•cations.
Les projectiles creux font aujourd'hui, sur les champs de bataille, beau-»
-coup plus de victimes que les boulets et que la mitraille. Lorsqu'ils
éclatent, ceux qui s'en trouvent très-rapprochés sont littéralement m
en lambeaux. C'est ce qu'on a trop souvent l'occasion d'observer danski
ateliers où on les charge, et ce qui arrive encore de temps en temps,
lorsqu'on découvre quelque obus échappé à la dernière guerre et que des
imprudents veulent le vider sans précaution. Les lésions produites à dis-
tance, par des éclats isolés, varient suivant la dimension des fragments
•et la force d'impulsion dont ils sont animés. Pour peu qu'ils aient un eer*
tain volume, on peut leur reconnaître deux surfaces unies, l'une oon*
vexe, l'autre concave, et des bords extrêmement irréguliers. Lorsqu'ils
frappent par leur face convexe, ils se bornent parfois à produire de fortes
contusions sans plaie, mais accompagnées de tumeurs sanguines éno^
mes et qui mettent très-longtemps à se résorber ; lorsqu'ils atteignent les
tissus par un des angles de leurs bords irréguliers, il en résulte des
plaies contuses, profondes, anfractueuses, déchirées, des fractures sou-
vent compliquées d'issue des os et d'attrition des parties molles. Ces
plaies recèlent souvent des fragments de projectile ou des lambeaux de
vêtement entraînés par eux. Ces fragments se dévient comme les balleSi
et cela avec d'autant plus de facilité qu'ils sont animés d'un mouvcroeiit
moins rapide. Les exemples d'éclats de bombe et d'obus ayant séjouné
longtemps au milieu des tissus sans qu'on en ait reconnu la présencs
sont tellement nombreux, qu'il n'est guère de chirurgien de nos joufs
qui n'ait eu l'occasion d'en observer. Les blessures faites par les éclats
d'obus sont plus souvent suivies d'hémorrhagies que celles qui sont pro-
duites par les projectiles pleins, parce que les vaisseaux sont plus nettemeat
coupés par leurs bords tranchants que par les contours arrondis des bon*
lets et des biscaïens ; enfin, Legouest a remarqué que les enveloppes des
PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS COKTONDARTS. 91
boites à milraîlle donnenl lieu à des blessures en tout semblables à celles
que font les instruments tranchants.
Les plaies qui nous occupent ont un caractère de gravité sur le compte
duquel tout le monde est d'accord. Lorsque le fragment d'obus est resté
dans la plaie, il faut se hâter de l'en retirer. Scrive dit qu'au bout de
quelques heures il se développe dans la cavité qui le loge de l'hydrogène
sulfuré, dont l'action est extrêmement nuisible. Après l'extraction, ajoute-
t-il, les tissus affaissés, fortement contus et privés de vie dans leurs points
de contact avec les corps étrangers, ne reviennent plus sur eux-mêmes,
de sorte que l'excavation produite par le projectile persiste. Panas attri-
bue, à plus juste titre, selon nous, la gravite de ces lésions à l'excessive
contusion dont elles s'accompagnent et dont il est impossible, à priori^
de mesurer la profondeur et l'étendue. Il cite des cas dans lesquels des
tentatives de conservation, à la suite de fractures de la jambe par des
éclats d'obus, ont amené les plus déplorables résultats, et il a adopté pour
règle de toujours amputer sans retard en pareille occurrence. Nous avons
pu constater nous-méme, sur les blessés de l'armée de la Loire (1870-
1871), le peu de tendance de ces plaies à la gucrison et la prédilection
que la pourriture d'hôpital semble affecter pour elles.
Il est un genre de blessures qui se rapproche des précédentes, et qui ne
s'observe guère qu'à bord des navires: ce sont celles qui sont faites par les
boulets de gros calibre, lorsqu'ils viennent se briser sur la volée des pièces
ou sur le can des sabords des bâtiments cuirassés. A l'attaque de Mogailor
(15 août 4844), un aspirant eut la moitié de la face emportée par un
fragment de boulet marocain qui venait de voler en éclats en frappant le
canon dont il surveillait le tir. A Kinburn, plusieurs hommes furent
blessés de cette manière, et, après l'affaire, la batterie de la TonnatUe
était p/eine de débris de toute forme et de toute dimension, provenant
des boulets de vingt-quatre du fort russe, qui s'étaient brisés sur l'arête
rïve de ses sabords.
Les blessures produites par les gros projectiles ou par leurs éclats pré-
sentent une complication qui ne s'observe que beaucoup plus rarement et
à un degré bien plu3 faible, à la suite des plaies faites par les balles. C'est
an état de stupeur bonié, le plus souvent, à la partie sur laquelle le pro-
jectile a porté, mais qui se généralise quelquefois. La stupeur locale est
caractérisée par l'engourdissement du membre lésé, qui devient froid,
imensible, pesant et inhabile à se mouvoir. La circulation s'y ralentit, s'y
suspend même dans quelques cas. A son degré le plus faible, cet état se
dissipe assez rapidement; mais, lorsque la commotion a été plus forte, la
réaction qui survient ensuite est signalée par une congestion active et des
accidents inflammatoires suivis de suppurations profondes et diffuses.
Dans les cas les plus graves, la réaction ne se produit pas, et le membre,
après être resté comme mort pendant plusieurs jours, finit par tomber en
gangrène.
Lorsque le choc a été très-violent, la stupeur s'étend à l'organisme
lout entier. Le blessé, plongé dans une sorte d'hébétude, paraît indifférent
l ..
92 PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS CO.NTONDAKTS.
à tout ce qui l*cntoure. Il est insensible et comme somnolent. La face est
pâle, l'œil fixe, la respiration profonde, la peau froide, le pouls faible,
lent, concentre, souvent irrégulier. 11 survient parfois des mouvements
convulsifs, des nausées et des vomissements, el le malade succombe sans
que la réaction se soit produite; lorsqu'elle intervient, elle est souvent
entravée par le retour de la stupeur ; sa marche est irrégulière, accompa-
gnée de frissons, de chaleurs fugaces, de délire et parfois d'une teinte
ictérique générale. En même temps on voit se produire du côté du mem-
bre lésé les phénomènes menaçants que nous avons indiqués plus haut.
Le sentiment de froid qui accompagne les grands traumatisme^ n*est
pas seulement une sensation perçue par le malade, il consiste dans un
abaissement très-réel de la température générale, et le thermomètre Tac*
cuse de la façon la plus nette. Sur trente-huit sujets blessés par des éclats
d^obus, pendant le siège de Paris, et observés par Demarquay, ce chirur-
gien a constaté un abaissement de un à trois degrés. Chez Ton d*entre
eux le thermomètre est descendu jusqu'à 34^. Dans ces observations, la
diminution de la température a été plus marquée à la suite des blessures
causées par les éclats d'obus que dans toute autre lésion, et plus forte
chez les hommes de quarante ans que sur ceux de vingt. Elle s'est mon-
trée à son plus haut degré chez les fédérés qui faisaient, un usage immo-
déré de Talcool : ce qui s'explique par l'action dépressive de ce liquide
sur la température animale. Tous les blessés chez lesquels le thermomètre
est descendu à 35^ sont morts, qu'ils aient été opérés ou non, et dans le
premier cas la réaction a toujours été nulle. Tous les chirurgiens pru-
dents sont d'accord sur la nécessité de s'abstenir lie toute opération
grave, tant que la stupeur n'est pas complètement dissipée. 11 faut atten-
dre que l'organisme ait pu se relever de l'ébranlement causé par le trau-
matisme, pour lui en imprimer un second; mais il peut rester des doutes
sur le moment opportun, et le thermomètre permet de les lever en fournie
saut des indications précises. Jusqu'à ce que la température soit revenue
à l'état normal, il faut se borner à combattre la commotion, à réchauffer,
à ranimer le malade, et c'est alors seulement qu'il a repris complètement
possession de lui-même qu'il est permis d'agir activement, de pratiquer
les amputations ou les résections que peut nécessiter la blessure.
Quand les plaies par les éclats d'obus ne sont pas de nature à exiger
des opérations aussi graves, le traitement qu'elles réclament est celui des
plaies contuses au plus haut degré ; cependant elles présentent quelques
indications spéciales. Il faut d'abord, ainsi que nous l'avons dit, les
débarrasser des corps étrangers. Leur recherche est en général facile ;
Touverture d'entrée est toujours assez large pour qu'on puisse l'explorera
l'aide d'un ou de plusieurs doigts, et les fra^^ments de métal se rencon-
trent d'eux-mêmes. Dans quelques cas cependant nous avons vu qu'ik
pouvaient échapper aux recherches, et cela arrive surtout pour les frag-
ments de très-petite dimension et pour les lambeaux d'étolfe que le tact
ne distingue pas facilement des tissus vivants au milieu desquels ils sont
engagés. Il faut se livrer à leur recherche avec persévérance et ne pas
PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS CONTOZIDAIITS. 93
craindre de multiplier les incisions, soit pour les découvrir, soit pour les
extraire sans déchirement. Lorsqu'un éclat d'obus a parcouru, sous la
peau, un Irajet d'une certaine étendue, celle-ci est amincie, contuse et
dans de très-mauvaises conditions pour se réunir aux parties sous-ja-
contes. Il y a aloi*s avantage à inciser le décollement dans toute sa lon-
gueur et à retrancher les [lortions de tégument trop altérées pour pouvoir
continuer à vivre. Lorsque la plaie a été ainsi simplifiée, on la lave à
plusieurs reprises avec de Teau pure ou additionnée d'alcool, on bien
encore avec une solution très-étendue d'aciJc phénique ; puis on |)rocède
au pansement, en remettant en place les parties qui peuvent encore ser-
vir à combler la perte de substance, mais sans faire d'efforts pour les
rapprocher, sans tenter une réunion qui, dans ce genre de blessures, ne
peut s'obtenir qu'à la suite d'une longue suppuration. En raison même
de leurs fâcheux caractères, les plaies dont nous nous occupons récla-
ment plus souvent que les autres l'emploi des pansements antiseptiques,
dont les indications ont été posées dans un autre article (Voy. Pansement,
i. XXV, p. 729).
B. Blessures faites par les petits projectiles. — On donne le nom de
petits projectiles à ceux (|ui sont lancés par les armes portatives. Ce sont
des balles de fusil, de pistolet, de revolver, des clievrotines, des grains
de plomb de différent calibre. Autrefois, tous ces projectiles étaient sphé-
riqueset lancée par des armes à parois intérieures lisses. C'est en 1842
qu'on a commencé à employer les fusils rayés et les balles oblongues.
Depuis lors, la forme de ces dernières a subi bien des modifications ;
cependant, aujourd'hui que toutes les armées régulières sont pourvues
d'armes à tir rapide, toutes les balles se ressemblent et ne présentent
entre elles que de légères dilférences de forme et de poids. Toutes sont
oblongues, se forcent par le Fait de l'explosion contre les rayures du fusil
et acquièrent, en suivant la spire décrite par celles-ci, un mouvement de
rotation sur leur axe, une foice d'impulsion considérable et une portée
six fois plus grande que celle des balles sphériques. Les fusils ancien
modèle ne portaient pas régulièrement au delà de deux cents mètres, les
armes nouvelles atteignent des portées de mille et même de douze cents
mètres, avec une justesse suffisante. 11 en résulte, dans leurs effets sur le
eorps humain, des différences dont nous aurons à tenir compte.
L'a.<pect et la gravité des plaies d'armes à feu dépendent de la forme et
du \olume du projectile, de la force d'impulsion dont il est animé, de la
diiection dans laquelle il atteint la partie qu'il frappe et de la nature des
tissas qu*il rencontre sur son passage.
Us balles mortes, c'est-à-dire arrivées à la fin de leur course, n'ont
plus assez de force pour pénétrer, et déterminent des contusions netle-
menl circonscrites, peu étendues et de forme circulaire. Si la peau qui
recouvre la région atteinte est voisine d'un os et que celui-ci résiste, la
membrane tégumcntaire est frappée de mort dans le point qui a reçu le
choc et il s y produit une eschare arrondie, sèche, semblable à celle d*un
moxa. Cette eschare est lente à se détacher; elle tombe tout d'un bloc;
94 PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
la plaie qui en résulte suppure un certain temps et fait place à une
cicatrice blanche , légèrement déprimée et tout h fait caractéristique.
Lorsque, au contraire, la couche des parties molles sous-jacentes est
épaisse, la peau est à peine altérée et les désordres siègent dans le tissD
cellulaire qui la double. Ces effets s'observaient beaucoup plus 80u?ent à
l'époque où on se servait déballes sphériques; les projectiles oblongs
qu'on emploie aujourd'hui pénètrent plus facilement, à cause de leur
forme et de leur force d'impulsion.
Quand une balle animée de toute sa vitesse frappe très-obliquement
sur une surface large et plane, ou sur le sommet d'une partie saillante,
elle se borne souvent à produire une érosion qui peut parfois présenter
une grande longueur, ainsi que cela s'observe, par exemple, à la partie
postérieure du tronc. Ce n'est parfois qu'une traînée noirâtre où l'épi*
derme seul a été détruit, mais le plus souvent la peau est entamée dans la
plus grande partie de son épaisseur. Ces ccorchures, dit Legouest, sont
en général très-douloureuses. Si la balle a pénétré plus profondément, il
en résulte un véritable sillon, dont les bords s'écarlent, en laissant à
découvert les aponévroses d'enveloppe et les muscles qui , parfois même,
sont intéressés. La douleur est moins vive que dans le cas précédent.
Lorsque la direction du projectile est moins oblique, il perce la peau»
glisse dans le tissu cellulaire sous-cutané et va sortir à quelque distance,
en formant ce qu'on nomme une plaie en séton. Le trajet de ces blessures
est fortement contus; la peau qui le recouvre est amincie, ecchymosée;
elle se mortifie le plus souvent et, lorsque l'eschare est tombée , le séUm
se trouve transformé en un large sillon , à bords frangés et inégaux.
Enfin, quand la direction du coup de feu se rapproche encore daTantage
de la perpendiculaii^e, le projectile s'enfooce profondément dans les par-
ties; s'il n^a pas une force d'impulsion suffisante, il s'y arrête el forme
ainsi une plaie en cul-dc-sac, qui n'a qu'une ouverture et au fond de
laquelle on le trouve le plus souvent. Dans le cas contraire, il traTerse la
région de part en part et y creuse un véritable canal qui présente deux
ouvertures, l'une d'entrée, l'autre de sortie.
La forme et la dimension respective de ces deux ouvertures ont donné
lieu à de longues discussions, et, quoique cette question n'ait guère
d'intérêt qu'au point de vue de la médecine légale, nous devons en dire
quelques mots. Autrefois il était admis en principe que l'ouverture d'en»
tréc était toujours plus petite que celle de sortie, que la première était
ronde, déprimée et comme taillée à l'emporte-pièce, tandis que la
seconde était irrégulière , déchirée , à bords renversés en dehors H
frangés. Dupuytren avait établi cette règle, d*aprcs des expériences faites
sur des corps inertes ; elle avait été acceptée sans contestation et repro-
duite dans tous les livres classiques, jusqu'en 1848, époque à laquelb
les combats livrés dans les rues de Paris permirent aux chirurgiens des
hôpitaux de la soumettre au contrôle des faits. La discussion qui eut liei
à celte époque à l'Académie de médecine, et à laquelle prirent part
toutes Jes illustrations chirurgicales du temps, laissa la question indé-
PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS. 95-
cise : cela s'explique par ce fait, aujourd'hui généralement admis, que la
dimeosion respective des deux orifices dépend de la forme et de la vitesse
de la balle, de l'angle sous lequel elle frappe les parties et des obstacles-
qu'elle rencontre en traversant les tissus. Legoucst nous parait avoir tenu
un compte bien exact de ces différentes circonstances. D'après lui, les
deux ouvertures sont de dimensions égales , lorsque la balle frappe la
peau 80US la même incidence en entrant et en sortant, quand sa vitesse
ne diminue pas sensiblement dans le trajet et qu'elle n'est pas déformée,
quand la peau présente sur les deux points opposés la même épaisseur et
\a même élasticité. L'ouverture d'entrée est plus petite que l'autre, quand
le projectile traverse des tissus de plus en plus denses, lorsqu'il s'est
déformé dans son trajet, quand il entre par la pointe et qu'il sort en tra-
vers, enGn lorqu'il frappe les parties perpendiculairement à son entrée et
quil les traverse obliquement à sa sortie. L'ouverture d'entrée est plus
grande dans les circonstances opposées, quand le coup est tiré de très-
près, quand la balle entraîne avec elle la bourre ou des lambeaux
d'étoffe détachés des vêtements, quand elle traverse des tissus de moins
en moins résistants, lorsqu'elle entre obliquement et sort dans une direc-
tion perpendiculaire , enlin lorsqu'elle se présente par son plus grand
diamètre à l'entrée , et par son plus petit à la sortie. Les observa-
tions qui précèdent s'appliquent surtout aux balles oblongues, les
seules qui soient maintenant en usage dans les armées européennes.
Leurs eflets ne s'éloignent pas sensiblement, du reste, de ceux que pro-
duisent les balles sphériqucs. D'après les observations de Legouest et de
ses confrères de l'armée , les dimensions respectives des ouvertures sont
sounùses aux mêmes règles dans les deux cas. Si, dans des circonstances
très-rares, on a vu les balles oblongues produire des plaies linéaires, ce
fait exceptionnel a été également observé par Guthrie et par Legoucst à
la suite des blessures faites par les balles sphériqucs. On avait également
exagéré, dans le principe, la gravité des lésions causées par les nouveaux
proiectiles. Après la campagne de Crimée, Scrive les accusa de déchirer
plus largement les parties molles, d'exciter une inflammation trauma-
tîqnc plus considérable, d'amener fréquemment l'étranglement, la gan-
grène et la nécessité de l'amputation. On est revenu de cette prévention;
maïs il faut remarquer que les balles oblongues dont on se servait pen-
dant la campagne de Crimée , étaient d'un plus gros calibre que celles
qa'on emploie aujourd'hui. Ainsi, pour ne parler que de l'armée fran-
çûae, les balles des carabines à tige, les balles évidées , les balles de
chmeurs, pesaient 47 ou 48 grammes, tandis que la balle du chassepot
n'en pèse que ti!5. On comprend, d'après cela, que les premières aient
causé de plus 'grands désordres que les secondes, puisque la gravité
des blessures est en raison directe du poids et du volume du projectile.
Noos verrons plus tard que les balles oblongues sont moins sujettes aux
déviations que les balles sphériqucs et occasionnent de plus grands
tnas dans les os.
En traversant les parties, les balles rencontrent sur leur passage des
96 PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDAKTS.
tissus qui résistent d'une façon diiïérente suivant leur densité, leur élas-
ticité et leur texture. Le tissu cellulaire cède facilement et se creuse en
formant un canal dont le centre est détruit ou mortifié. Les aponévroMS
sont déchirées et souvent leurs fibres 8*écartent pour laisser passer le pro*
jectile à travers une véritable boutonnière, dont les bords se rapprocheol
ensuite et peuvent dissimuler son trajet. Les tendons, plus mobiles, échap-
pent souvent à Taction des projectiles. Les muscles se laissent traverser
et déchirer fans résistance, qu'ils soient à l'état de contraction ou de re*
lâchement. Cependant cette circonstance peut modifier la forme et la di-
rection du trajet. Les plexus et les cordons nerveux sont facilemenl
divisés, dilacérés par los projectiles. Les vaisseaux se comportent diffé-
remment suivant leur calibre. Les capillaires froissés et déchirés ne don-
nent pas de sang ; il en est de même des artérioles et des veinules, dont
les tuniques inégalement divisées se contractent et s'opposent à Thémor-
rhagie. Les gros vaisseaux peuvent échapper à Faction du projectile par
suite de leur mobilité latérale, mais le plus souvent ils sont coupés et
parfois même assez nettement. Yerneuil a fait connaître, en 1871, à la
Société de Chirurgie, un certain nombre de faits qui démontrent que les
artères ne se comportent pas sous Taction des petits projectiles comme
elles le font dans les plaies par arrachement et dans les ablations de
membre par les boulets. Sur les pièces qu'il a montrées à la Société, elles
étaient nettement divisées et leurs tuniques étaient sectionnées au même
niveau. L'hémorrhagie avait été arrêtée par un caillot obturateur dont
l'extrémité faisait une légère saillie en dehors et dépassait la bouche da
vaisseau ; mais il n'en est pas toujours ainsi, et nous verrons plus loin
que les lésions artérielles causées par des coups de feu donnent lieu à des
pertes de sang considérables et parfois même mortelles. La section des
vaisseaux est d'autant plus nette que la vitesse du projectile est plus
grande ; lorsqu'il a notablement perdu de sa force d'impulsion, il dé-
chire plutôt les tuniques qu'il ne les coupe; lorsqu'il est arrivé à la fin
de sa course, il se borne à les frapper de mort sans les diviser, et ce n'est
qu'à la chute des eschares que l'hémorrhagie se produit. Les cartilages
échappent parfois par leur élasticité à l'action des projectiles, maïs le
plus souvent i!s sont comme fracturés ou détruits.
Les effets produits par les balles sur les différentes parties du squelette
sont ceux (|ui offrent le plus d'intérêt dans la pratique et qui méritent
d'être étudiés avec le plus de soin. Ils varient suivant la forme et la
structure de Tus atteint, la direction dans laquelle il est frappé et laforae
d'impulsion du projectile. Lorsqu'une halle animée d'une grande vitesse
frappe un os plat perpendiculairement à sa surface, elle le traverse, es
y pratiquant un trou à bords nets et comme taillé à l'emporte-pièce.Dans
ce cas, il n'y a pas d'éclats, pas de fracture rayonnante. Lorsque l'impul-
sion est moins iortc, au contraire, l'ouverture osseuse est plus irrégulière,
et il en part des fêlures qui se dirigent en divers sens ; souvent alors la
table interne éclate et des fragments aigus pénètrent dans les partiel
sous-jacentes. C'est ce qui s'observe à la voûte du crâne. Enfin la table
'1
PLAIE. — p. PAR IIISTRUMEIITS C0IfT05DAlfTS. 97
ime peut résister et la table interne se fracturer par contre-coup. Lors-
t le projectile arrive plus obliquement, il creuse dans l'os un sillon qui
il être aussi le point de départ de fractures rayonnantes ; parfois il ne
ermioe qu^une simple contusion du tissu osseux. Les extrémités spon-
lues des os longs et les os courts se comportent à peu près de la même
dière; ils se laissent traverser de part en part et sans qu*il s'y pro-
se d^éclats, lorsque le projectile est animé d'une impulsion suf-
nte. Le tissu subit alors un véritable écrasement; on ne trouve dans
canal qu'une sorte de poussière d'os. Quand sa vitesse est moin-
1, le projectile reste enclavé à une certaine profondeur, et, lorsque sa
edion est oblique, il se borne à creuser un sillon dans le tissu spon-
ux. Les extrémités des os longs se laissent cependant moins facilement
ferser : elles éclatent souvent et les fractures pénètrent jusque dans
riîculation voisine. C'est la règle pour les énarthroses, tandis qu'on cite
elques exemples de balles ayant traverse les deux condyles du fémur
l'extrémité supérieure du tibia sans y produire de fêlure. Lorsqu'une
le frappe un os long dans un point de sa diaphyse, elle le brise ordi-
rement en éclats; souvent même elle le réduit en petits fragments
reniement multiplies. Ces effets sont plus souvent produits par les
les oblongues que par les balles sphériques, à cause de leur force
npûlsion plus grande. Ces graves désordres contrastent avec la béni-
te apparente de la plaie extérieure. On observe rarement des fractures
les à la suite des coups de feu ; il faut pour les produire que le projectile
t arrivé à la fin de sa course. 11 est plus rare encore que la diaphysc se
ise traverser sans que Tes éclate ; il existe presque toujours des fê-
"es dirigées suivant sa longueur. Dans quelques cas, la balle pénètre
as la cavité médullaire et tombe par son poids jusqu'à la partie in-
ieure de ce canal. Dans d'autres circonstances, elle reste enclavée
» le tissu osseux ou serrée entre deux os voisins.
Les petits projectiles s'écartent souvent de leur route au contact des
parfois même des aponévroses épaisses, des tendons ou des ligaments
islantSf suffisent pour les faire dévier. Tous les auteurs en citent des
amples et la plupart des chirurgiens ont eu l'occasion d'en observer.
itAt c'est une balle entrée par la région frontale qui glisse entre les os
crâne et l'aponévrose épicrânienne pour sortir par la région temporale
occipitale; tantôt c'est un projectile dont l'ouverture d'entrée est au-
«ant du sternum, celle de sortie au niveau des gouttières vertébrales, et
li a parcouru la moitié de la circonférence de la poitrine sans y pénétrer ;
i en cite qui ont fait le tour de la cuisse, en parcourant la moitié de sa
rcontèrence entre l'aponévrose d'enveloppe et la peau, d'autres qui ont
mtoumé le cou de la même façon, et on s'est évertué à chercher la rai-
nd'uo pareil phénomène. Legoucst nous parait en avoir donné Texplica-
on la plus plausible. Il attribue ces trajets circulaires à la rotation sur
nrixcdont les projectiles sont animés. Il se produit là quel(|ue chose
finalogue à ce qui se passe sur le tapis d'un billard, lorsqu'une bille
ncontre la bande avec beaucoup d'effet contrarié : au lieu de s'écarter
ma, BKT. mÊb. tr our. XXVIII. — - 7
98 PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTORDANTS.
de celle-ci d'après les lois de la réflexion, elle tend à s*en rapprocher sans
cesse en vertu de sa rotation sur elle-même et la suit jusqu'à ce que ce
mouvement soit éteint. Les balles sphériques peuvent seules se comporter
ainsi, et encore à la condition qu'elles ne soient pas déformées. Les balles
oblongues, animées d'un mouvement hélicoide, n'ont encore, dit Legouest,
offert aucun exemple de ces déviations circulaires. Ce n'est pas à dire»
pour cela, qu'elles ne s'écartent jamais de leur trajet, ainsi qu'on l'avait
cru d'abord. En général, elles marchent plus droit que les autres parce
qu'elles ont une portée plus longue et qu'elles atteignent plus souvent
le but, avant d'avoir sensiblement perdu de leur force d'impulsion, mais,
dans le cours des dernières campagnes, tous les chirurgiens militaires
ont pu constater qu'elles se déviaient parfois de leur route. Leur forme
allongée, la pointe qu'elles présentent à leur partie antérieure, les dispo>
sent même à s'écarter de la ligne droite, quand leur vitesse a diminué
et qu'elles frappent des parties résistantes.
Les balles de plomb ne se bornent pas toujours à se dévier au contact
des os, souvent elles se déforment à la suite de ce choc. Tantôt elles
s'aplatissent et deviennent semblables à des pièces de monnaie; tantôt
elles se creusent de sillons profonds, de rainures ou de stries parallèles,
au fond desquelles on trouve de petits fragments osseux qui s'y sont in-
crustes; dans d'autres cas, après avoir causé la fracture de l'os, elles se
brisent contre ses saillies anguleuses ou tranchantes et se divisent en
plusieurs fragments qui poursuivent isolément leur route et donnent liea
à plusieurs ouvertures de sortie, tandis qu'il n'y a qu'une ouverture
d'entrée. 11 peut arriver aussi que l'un des fragments sorte seul tandis
que les autres restent dans les tissus et que le chirurgien, induit en er-
reur par l'existence de deux ouvertures opposées, méconnaisse la pré*
sence des fragments de balle restés dans la plaie.
Les balles oblongues se déforment et se brisent comme les antres. Il y
a même lieu de penser qu'en raison de leur vitesse elles se partagent sou-
vent en un plus grand nombre de fragments que ne le feraient les balles
sphériques ; toujours est-il que pendant la dernière guerre, on a observé des
faits de ce genre qui n'avaient pas été signalés auparavant. On a trouvé .
sur les champs de bataille des blessés dont les plaies étaient littérale*^
ment remplies de petits morceaux de plomb disséminés au milieu des.,
tissus, et ce fait a donné lieu à différentes interprétations. On s'est d'abord .
accusé réciproquement d'avoir fait usage de balles explosibles, mais.
cette allégation n'a pas tenu devant l'examen consciencieux des faits. Ci»
a supposé, ensuite, que ce morcellement provenait de la fusion dis*
balles brusquement arrêtées dans leur course et de la transformation m
chaleur du mouvement dont elles étaient animées. Cette explication a élij
proposée par Mulhaûser. S'appuyant sur les calculs de Tyndall et d'Hft^c]
genbach, d'après lesquels une vitesse de quatre cents mètres produit, a
moment du choc, une température de cinq cent quatre-vingt-deux àk
grés, et partant de ce fait que le plomb fond à trois cent trente-quabn
degrés, Mulhaûser en conclut que toute balle qui pénètre dans le corp
PLAIE. — p. PAR INSTRUMEMTS CONTOKDAHTS. 99
a doit s*y fondi-e instantanément en cautérisant les tissus. Coze
raabourg) a adopté cette manière de voir, qui est trop évidemment
position avec les faits pour qu'il soit nécessaire de la discuter. Nous
58 encore moins disposé à mettre, avec Baudon, la friabilité des
sur le compte des insectes, et nous pensons, comme Legouest, que
î très-violent des projectiles contre les coi^ps durs suffit pour rendre
) de leur fragmentation.
balles eiplosibles produisent des effets bien autrement sérieux,
elles éclatent au milieu des tissus vivants. Elles ont été, comme on
, inventées par Devisme, pour la chasse des grands animaux, et les
cains en ont fait Tapplication a la pêche de la baleine. Des essais
Paris et en Angleterre ont prouvé qu'elles peuvent être adaptées
mes de guerre sans nécessiter aucun changement dans celles-ci,
es résultats de ces expériences ont été tels, qu'en 1868 l'empereur
Bsie provoqua la réunion d'un congrès diplomatique à la suite du-
es grandes puissances militaires de l'Europe s'engagèrent à ne pas
)rrir. Cette convention a été respectée. Dans aucun pays, il n'a été
\ de projectiles de cette espèce à des corps d'armée. Il paraît cer-
l'îl en a été tiré dans le cours de cette dernière guerre, mais ce
k des faits individuels dont on he saurait, sans injustice, faire re-
r la responsabilité jusqu'aux gouvernements. Ils n'auraient du reste
avantage à recourir à de pareils moyens. La fabrication en grand, la
vmtion, le transport et le maniement de ces engins exposeraient à
e périls. Ils s'altèrent facilement et manquent souvent leur effet.
ont extrêmement sensibles, comme ceux qui ont servi aux expé-
ss anglaises, et qui éclataient en traversant de simples membranes,
ostituent un danger de tous les instants pour ceux qui s'en servent;
•ciatent qu'au contact des os, comme ceux dont nous nous sommes
lans les expériences que nous avons faites nous-même à Lorient,
rO, et qui sortaient des magasins de Devisme, ils manquent com-
wnt leur but, car sur le champ de bataille il ne s'agit pas de tuer
vmmes, mais d'en mettre le plus possible hors de combat, et toute
re compliquée d'une lésion osseuse sufBt, quel que soit le projectile
I laite, pour entraîner Tincapacité de servir pendant le reste de la
gne.
balles des fusils de chasse, des pistolets, des revolvers, produisent
fets semblables à ceux des armes de guerre, à la gravité près ;
i est d'autant moindi*e que le projectile est plus petit et que sa
d'impulsion est plus faible. Les plombs de chasse, quoiqu'on soit
déro, s'écartent en sortant de l'arme et couvrent une surface d'au-
lus grande que le but est plus éloigné. A bout portant, le coup fait
et les désordres sont considérables. A une distance plus grande
e grain de plomb pénètre isolément, mais, s'ils sont de gros cali-
. très-rapprochés les uns des autres, il peut en résulter des acci-
sérieux. Nous avons vu survenir chez un blessé qui avait reçu, à
nètres environ, un coup de fusil chargé avep du plomb n^ 5, une
100 PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
gangrène de tout l'avant-bras qui nous força à pratiquer rampulation
au-dessus du coude. Quand le coup est tiré à grande distance, les grains
de plomb se bornent le plus souvent à traverser la peau sous laquelle ib
restent souvent sans occasionner de désordres. Enfin la bourro des armes
chargées à blanc et la poudre elle-même peuvent déterminer des bles*
sures sérieuses quand le coup est tiré de très-près. I>es grains de poudre
qui ont échappé à la combustion pénètrent dans le tissu de la peau et y
produisent un véritable tatouage. Si Texplosion a lieu à bout portant, le
choc des gaz qui s'échappent de l'arme peut occasionner des plates con*
tuscs d'une extrême gravité.
Les plaies d'armes à feu s'accompagnent rarement de douleur très-
vive. Le blessé, au moment où il est atteint, perçoit la sensation d'un
choc qu'il compare à un coup de bâton et qui est suivi d'un engourdisse-
ment, d'un sentiment de pesanteur dans la partie. Souvent, dans Tar-
deur du combat, les soldats ne ressentent pas le coup, et ne s'aper-
çoivent qu'ils sont frappés qu'en tombant à terre, ou en constatant
l'impossibilité de mouvoir un de leurs membres. Pour que la douleur soit
intense, il faut qu'un ou plusieurs cordons nerveux aient été dilaccrésou
incomplètement divisés. Dans ce cas, le blessé ressent des élancements,
des frémissements extrêmement pénibles qui s'étendent à toute la Ion*
gueur du membre. L'ébranlement nerveux est beaucoup moins consi-
dérable qu'à la suite des blessures faites par les gros projectiles. La stu-
peur générale fait presque toujours défaut, sauf, bien entendu, dans les cas
de lésion du crâne, et la stupeur locale ne se traduit habituellement que
par l'engourdissement et le sentiment de pesanteur dont nous avons
parlé; mais, sur le champ de bataille, les blessés surpris au milieu de
l'animation du combat arrivent souvent à Tambulance en proie à une
excitation des plus vives, à une sorte de délire qui se traduit par de la
loquacité, des mouvements incohérents, des rires ou des larmes, et qui se
termine le plus souvent par le sommeil ou par le retour au calme, après
que la blessure a été pansée. Lorsque cet état se prolonge, on en triom-
phe facilement à l'aide des antispasmodiques ou des narcotiques.
Les plaies par armes à feu ne sont pas en général suivies d'hémor-
rhagics abondantes, et nous en avons déjà donné les raisons. Dans la majo-
rité des cas, elles laissent s'écouler quelques gouttes d'un sang noir qui
se coagule promptemcnt et dont il n'y a pas lieu de s'occuper, mais il
n'en est plus ainsi lorsqu'un vaisseau artériel de quelque importance a
été ouvert. Dans ce cas, l'hémorrhagie est la règle et elle est souvent
suivie de mort. Morard a sans doute été trop loin en disant que les trois
quarts de ceux qui perdent la vie dans une bataille périssent par suite
de la perte de sang, mais il résulte des recherches faites pendant la cam-
pagne de Crimée que ce genre de mort entre pour 18/00 dans la totaliti
des décès causés par le feu de Tennemi ; encore ne fait-on pas figurer dans
cette évaluation les hémorrhagies consécutives, à la suite desquelles tasl
de blessés succombent. Nous reviendrons sur cette complication à l'occa-
sion du traitement.
PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS. 101
La marche et le pronostic des plaies d'armes à feu diflereut suivant
qu'elles sont simples ou compliquées. On considère comme simples celles
qui n'intéressent que la peau et les masses musculaires ; comme compli-
qua celles qui s'accompagnent de la présence de corps étrangers, de
û lésion de nerfs, de vaisseaux ou d*organes importants, de la fracture
d'un ou de plusieurs os, et celles qui pénètrent dans les articulations ou
dans les cavités splanchniques. On peut voir survenir enfin, pendant
le cours du traitement, les accidents qu'il y a lieu de redouter à la suite
de tontes les blessures et qui constituent des complications nouvelles.
Les plaies simples marchent régulièrement vers la guérison, lorsque
leurs cours n'est entravé par aucun des accidents consécutifs dont nous
Tenons de parler. Dans les vingt-quatre heures qui suivent la blessure,
il surrient un peu de gonflement et de chaleur dans là région que le
projectile a traversée ; le trajet de la plaie devient plus sensible, les mou-
▼ements du membre plus pénibles et plus douloureux. Les deux ouver-
tures laissent suinter un peu de liquide séreux et roussâtre. Ces phéno-
mènes augmentent d'intensité pendant trois ou quatre jours, puis il se
produit une détente, la suppuration apparaît, un sillon éliminateur s'éta-
blit autour des eschares, qui se détachent du huitième au douzième jour,
en laissant à leur place une surface vermeille, couverte de bourgeons
charnus et sécrétant un pus de bonne nature. Les phénomènes inflamma-
toires disparaissent, puis la suppuration diminue et la cicatrisation s'opère.
Elle est complète au bout d'un mois ou six semaines. Ce terme ne peut
être considéré que comme une moyenne ; il est des plaies qui se ferment
beaucoup plus vite que d'autres ; on en a même vu se réunir par première
intention on du moins après une suppuration insignifiante. Les plaies
linéaires, celles qui sont peu profondes ou qui siègent à la face se cica-
trisent plus vite que celles qui présentent de longs trajets sinueux peu
favorablement disposés pour l'écoulement des fluides. L'état de santé du
blessé influe également sur la durée de la guérison. Rapide chez les
hommes vigoureux et bien portants, la cicatrisation devient interminable
chez les sujets affaiblis, anémiés, et surtout chez ceux qui sont en proie
au scorbut ou à toute autre affection débilitante. En général, l'ouverture
de sortie se ferme la première.
Pour être certain qu'une plaie d'arme à feu est exempte de complica-
tions, il faut de tout nécessité en explorer le trajet. Dans quelques cas
rares, la vue et les commémoratifs suffisent pour établir le diagnostic,
mais cette exception ne fait que confirmer la règle. Lorsque la blessure
siège sur une partie encore recouverte de vêtements, il faut les en-
lever avec les plus grandes précautions et les couper ou les fendre, si
cela est nécessaire. Pendant qu'on déshabille le blessé, il arrive souvent
que le projectile tombe sur le sol, soit qu'il ait été arrêté par les vête-
ments, qu'il n'ait pénétré qu'à une petite profondeur et qu'il ait été
chassé par les mouvements ou par les contractions musculaires, soit enfin
qu'il ait repoussé devant lui la chemise du malade et qu'il s'en soit coiffé
comme d'un doigt de gant. Parfois enfin la balle reste collée aux vête-
iOSi PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
ments et ne se retrouve que plus lard. Il faut être prévenu de ces parti-
cularités, afin de se mettre en garde contre les erreurs de diagnostic.
Avant d'explorer le trajet de la plaie, le chirurgien doit se faire rendre
compte de Tattitude du blessé au moment où il a été atteint, de la direc-
tion dans laquelle il a reçu le coup, et le placer dans la même position.
Sans cette précaution, les rapports des parties sont changés et le projectile
peut échapper aux recherches. Les explorations doivent se faire avec mé-
nagement, mais avec persévérance ; la crainte de pénétrer dans une cavité
naturelle encore intacte, de provoquer le retour d*une hémorrhagie
en déplaçant un caillot, ou de causer des douleurs excessives, peut seule
imposer des limites à cette insistance.
L'indicateur de la main droite, lorsque les ouvertures sont assez larges
pour le laisser pénétrer, ou Tun des autres doigts de la même main dans le
cas contraire, suffisent le plus souvent pour explorer le trajet du projec-
tile et doivent toujours être préférés aux instruments, à cause de la net-
teté des sensations qu'ils recueillent. Les sondes et les stylets ne doivent
être employés que lorsque Tétroitesse de la plaie s'oppose à l'introduction
du doigt ou que sa profondeur ne permet pas d'arriver, parce moyen, i
en parcourir toute l'étendue. Ces instruments ne fournissent jamais des
notions aussi certaines et sont exposés à faire fausse route, à léser des
organes intacts et à causer de nouveaux accidents.
Les plaies d'armes à feu doivent être explorées aussitôt que possible.
Cette opération est beaucoup moins douloureuse au moment de l'accident,
alors que la partie est encore engourdie, quelle ne le serait plus tard. Au
bout de vingt-quatre heures, le gonflement inflammatoire a déjà rendu
les plaies plus sensibles et l'examen plus difficile. Ces règles ont été
adoptées par tous les chirurgiens d'armée. Il faut toutefois en excepter
Stromeyer, qui conseille d'attendre qu'on ait pu soumettre le malade
au chloroforme et de s'abstenir de toute exploration, lorsqu'il existe
une fracture à la diaphyse d'un os long et qu'on veut tenter la con-
servation du membre. La présence du projectile ne suffit même pas,
à ses yeux, pour autoriser l'introduction du doigt, parce que cette ma-
nœuvre déplace souvent les fragments osseux. Aucune des fractures par
coup de feu, que nous avons vues guérir à Floing, près Sedan, ajoute-
t-il, n'avait été explorée. (Stromeyer, Remarques, in Mac Cormac^
p. 128.) Nous ne pensons pas que cette réserve trouve beaucoup d'imi-
tateurs en France.
Loi*sque le chirurgien s'est assuré qu'il n'existe pas de complication,
il lui reste à résoudre, avant de procéder au pansement, une question
qui a été l'objet de bien des controverses. C'est celle du débridement
préventif. Cette opération consiste à inciser le trajet parcouru par le
projectile, dans le but de prévenir l'étranglement des parties qu'il a tra-
versées. Conseillée par Ambroise Paré, adoptée par l'Académie de chi*-
rurgie, elle répondait, d'après les idées de l'époque, à tant d'indications
importantes, qu'on en était arrivé à pourfendre les membres dans tous les
sens. Ravaton fut un des premiers à s'élever contre de pareilles exagéra-
PLAIE. — p. PAR IlfSTRUMEMTS COMTOIIDAIVTS. 105
tions;les chirurgieus militaires du premier Empire Timitèrenl et, tout en
conserrant une pratique qui cadrait avec leur chirurgie essentiellement
actÎTe^ ils en tracèrent les indications et les contre-indications d'une ma-
nière beaucoup plus rationnelle. Dupuytren adopta leurs principes, Bégin
sVn montra le zélé partisan ; mais, depuis, le débridement a trouvé dans
Baudens un adversaire résolu, et la plupart des chirurgiens de Paris se
sont ralliés à ses idées, après les événements de 1849, imitant en cela
les chirurgiens anglais et les allemands, qui sont toujours restés fidèles
aux doctrine^ de Hunter et qui traitent les plaies d*armes à feu comme
les autres. Aujourd'hui le débridement a repris une certaine faveur
parmi les chirurgiens de l'armée française : Scrive et Lustreman s*en sont
constitués les défenseurs après la guerre d'Orient, et Legouest, dont l'au-
torité est si grande en pareille matière, ne dissimule pas la prédilection
qu^î\ lui inspire : « En résumé, dit-il, nous sommes plus partisan du débri-
« dément préventif que de l'abstention, parce qu'il rend l'exploration plus
ff (àeile et plus sûre, parce qu'en chirurgie il vaut mieux prévenir un dan-
<x ger que de le laisser naître pour le combattre, parce que l'étranglement,
c moins commun en effet qu'on ne l'a dit, ne laisse pas que d'être très-fré-
c queni* enfin, parce qu'il met à l'abri de préjudiciables erreurs. » En par-
tant de ces principes, il donne le conseil de débrider toutes les fois que
la plaie est profonde, située dans des régions dont les différentes couches
sont séparées par de fortes aponévroses et exposées à l'inflammation,
lorsque des incisions sont nécessaires pour permettre d'explorer complè-
tement le trajet du projectile, enfin, et à /br/tori lorsqu'il s'agit d'aller
à la recherche d'un projectile ou de lier une artère pour remédier à une
hémorrhagie. Il est vrai que, dans ce cas, l'incision n'a plus pour but de
prévenirrétranglement des parties et ne peut, par conséquent, plus porter
le nom de débridement. Cette petite opération se pratique avec un bis-
touri à pointe mousse conduit sur le doigt ou sur la sonde cannelée, si
le doigt ne peut pas être introduit, et, dans ce cas, il doit être substitué au
conducteur métallique, aussitôt que la dilatation de Touverturc est suf-
fisante. Lorsque le bistouri est arrivé à la profondeur convenable, on in-
eise le trajet sur deux points opposés et parallèlement à l'axe du membre.
S'il se rencontre sur le trajet une aponévrose épaisse et résistante, il est
préférable d'y pratiquer un débridement multiple. Dans tous les cas, il est
indispensable d'éviter la direction des nerfs et des vaisseaux d'un certain
Tohmie, et c'est pour cela surtout que le doigt est le meilleur conducteur.
CcUe manière de procéder ne ressemble en aucune.façon à celle qui a
été proposée, en 1831, par un chirurgien allemand, G. Simon, et érigée
en méthode par Julian Chisholm, dans son manuel de chirurgie mili-
taire, à l'usage de l'armée des États-Unis. Cette méthode a pour but de
convertir les blessures par armes à feu en plaies sous-cutanées. Elle consiste
\ cerner les deux ouvertures par des incisions elliptiques comprenant seu-
lement l'épaisseur de la peau qu'on dissèque ensuite dans une étendue
suffisante pour rapprocher les bords saignants de l'ellipse, et à les réunir
Y^ la sature. Nous nous bornerons à indiquer, en passant, ce mode de
104 PLAIE. — p. PAR INSTRUMEfiTS CONTONDANTS.
traitement contre lequel protestent à la fois le raisonnement et Texpé-
rience.
Les plaies simples ne sont pas les plus communes sur les champs de
bataille, et, parmi les complications qui peuvent se présenter, la plusfr^
quente, celle qui doit tout d'abord attirer TaUention, est la présence des
corps étrangers. Les projectiles sont ceux qu'on doit s'attendre à y ren-
contrer le plus souvent; après eux viennent dans l'ordre de fréquence les
lambeaux d'étoffe détachés des vêtements, les fragments de cuir ou de
métal provenant de l'équipement, des objets contenus dans les- poches du
blessé, des débris de bois ou de pierre que le projectile a poussés de-
vant lui. Le diagnostic de cette complication est souvent difficile. Lors-
que la plaie n'a qu'une ouverture, il y a des raisons pour penser que
le projectile y est contenu ; cependant il peut avoir été rejeté au dehors
par un des mécanismes que nous avons indiqués plus haut. U arrive
parfois, au contraire, qu'une plaie qui présente deux ouvertures oppo-
sées n'en recèle pas moins un corps étranger, parce que le projectile
s'est brisé dans son trajet et y a laissé un de ses fragments. Pins sou-
vent encore il y a abandonné les lambeaux d'étoffe ou les autres corps
qu*il avait poussés devant lui. Le nombre des ouvertures ne peut
donc fournir que des notions incertaines, et c'est pour cela qu'il est indis-
pensable d'explorer toute plaie qui peut contenir un corps étranger.
Cette exploration se fait, comme nous l'avons dit, à l'aide du doigt. On le
fait pénétrer doucement, par de légers mouvements de vrille, et après avoir
fait prendre au malade la position qu'il avait au moment de la blessure.
Lorsque la plaie n'est pas très-profonde et que son trajet est rectiligne,
les projectiles se découvrent assez facilement. Ils se reconnaissent à
leur forme et à leur dureté. Parfois cependant la balle enveloppée dans
le tissu cellulaire, recouverte de débris de parties molles, ne donne pas
la sensation d'un corps métallique, mais plutôt celle d'une portion d'os
dans une situation anormale. Il est encore plus difficile de reconnaître
au toucher et même à la vue la présence des lambeaux d'étoffe. Ils ont la
consistance des tissus vivants, ils y adhèrent et le sang dont ils sont teints
leur en donne la couleur. Lorsqu'ils sont situés à des profondeurs qu'on
ne *pcut atteindre qu'avec la sonde, ils échappent souvent à l'examen,
tandis que les projectiles produisent sous le choc du métal une sensation
particulière sur laquelle on ne se mépi^nd pas quand on l'a souvent
éprouvée. 11 est vrai que l'interposition du sang, de lambeaux de tissus ou
d'eschares, empêche souvent le contact d'être immédiat et ne permet pas
de recueillir cette sensation.
Il ne faut pas se borner à explorer la plaie par son ouverture. Souvent
le projectile a traversé la région d'outre en outre et a été arrêté par les
dernières couches de parties molles ou même par la peau. Dans ce cas,
on le rencontre en palpant avec précaution le point diamétralement op»
posé à la plaie et en pressant doucement dans la direction de Tinstrii»
ment explorateur maintenu en place. Enfm, ce que nous avons dit de ht
déviation des balles fait pressentir des difficultés d'un autre oixlre. C'esttui
PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS. 103
commémoratif et à ses connaissances en anatomie que le chirurgien doit
faire appel pour découvrir ou pour deviner le trajet flexueux que le pro-
jectile a dû suÎTre. La présence de ce dernier dans une région éloignée de
la blessure est parfois révélée par une ecchymose, une tuméfaction insolite
ou un peu de douleur à la palpation.
Lorsqu'im projectile se trouve enclavé dans un massif osseux, la sonde
rencontrant ce corps immobile ne parvient pas à le distinguer des saillies
Toisines, résistantes comme lui. Il y a quelques années, ce point de dia-
gnostic a été l'objet de nombreuses recherches. C'était à l'occasion de la
blessure reçue par le général Garibaldi au combat d'Aspromonte. La balle,
après avoir fracturé la malléole interne du côté droit et ouvert l'articula-
lion, s*était logée dans la dépression placée au devant de la poulie de
Tasiragale sur le col de cet os. Les chirurgiens italiens réunis près du
b\essé, Riboli, de Negri, Prandina, Zanetti, Rizoli et Porta, avaient dé-
claré, d*UD commun accord, que le projectile était sorti de la plaie. Néla-
îon^ appelé au cinquante-neuvième jour de la blessure, reconnut la pré-
sence de la balle et en détermina la position. Arrivé à Paris, il fit conFec-
lionner un stylet terminé par une petite olive en porcelaine blanche non
vernissée et l'envoya à Zanetti. Cet instrument, après avoir été introduit
jusqu'au corps suspect, ramena par le frottement une tache noirâtre
que l'analyse fit reconnaître pour du plomb. Les doutes qui restaient
encore dans l'esprit des chirurgiens italiens furent complètement dissipés
et la balle fut extraite quelque temps après. Le stylet de Nélaton est
resté dans la pratique; il est d'un emploi facile, mais, une fois taché par
le métal, il est très-difficile à nettoyer. Pour obvier à cet inconvénient,
Lecomte t proposé de remplacer l'olive du stylet explorateur par une
double curette à bords tranchants. Cette pince, en rapprochant ses mors,
détache quelques parcelles de métal qu'on peut ensuite examinera loisir.
A la même époque, Fabre eut l'idée d'employer l'électricité pour la re-
cherche des projectiles.il inventa, dans ce but, un appareil que Trouvé a
simplifié et dont Gosselin s'est servi avec avantage pour découvrir une
balle enkystée qui séjournait depuis quatre mois dans les tissus. Cet
instrument a été adopté par la Société internationale de secours aux
blessés. En 1870, un médecin russe, Milliot, proposa de se servir d'une
sonde métallique vissée sur un électro -aimant portatif de RuhmkoriT.
Enfin la chimie a voulu payer aussi son tribut à ce genre de recherches.
Deoeux (de Saint-Calais) a soumis, en 1872, à l'Académie de médecine,
\m moyen très-simple pour déceler à la fois la présence et la nature des
projectiles. Il consiste à toucher le corps suspect avec un pinceau trempé
dans un acide affaibli. S'il s'agit d'un métal, le pinceau fournit les réac-
tions qui lui sont propres, après quelques instants de contact ; si le
trajet est trop étroit pour laisser passer une tige exploratrice, on la rem-
place par une injection acide. Legouest, chargé de faire à l'Académie de
médecine un rapport sur ce procédé, reconnut qu'il décelait facilement
li^ présence du plomb, que les résultats étaient moins probants quand il
s'agissait du fer et presque nuls pour le zinc, le cuivre et le bronze. En
106 PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
résumé, tous ces procédés sont ingénieux, mais ils nous paraissent trop
délicats et trop incertains pour pouvoir rendre de grands services dans
la chirurgie d'armée.
La recherche des projectiles doit être faite avec persévérance ; cependant
il est des cas où il faut savoir s'arrêter dans ces perquisitions. Le chirur-
gien est parfois retenu par la crainte d'ouvrir, avec les instruments d'ex-
ploralion, une cavité splanchnique que la balle a respectée ou une articu-
lation sur laquelle elle a glissé. II doit, dans d'autres cas, se résigner à
abandonner le corps étranger, lorsqu'il faudrait, pour le poursuivre, tour»
mentor les parties, multiplier les perquisitions douloureuses et causer des
désordres plus graves que ceux que son séjour peut faire redouter. Nous
avons dû renoncer ainsi à la recherche de deux balles de pistolet, qu'un
de nos confrères avait reçues de la main d'un aliéné. La première l'avait
atteint au niveau du premier espace intercostal tout près du sternum ; la
plaie paraissait se diriger directement d'avant en arrière* mais il n'y
avait aucun signe de pénétration. Nous fîmes les débridements néces-
saires pour arriver jusqu'au projectile sans pouvoir le découvrir, et nous
nous arrêtâmes au moment où il était impossible d'aller plus loin sans
entrer dans la poitrine. La seconde balle était entrée dans le flanc, et se
déroba, comme la précédente, à nos recherches. Deçà côté aussi les signes
de pénétration faisaient absolument défaut. Nélaton, appelé deux jours
après, approuva notre réserve, et le blessé guérit sans accident, en con-
servant ses balles. Cette tolérance des tissus vivants pour les corps métal-
liques et notamment pour les projectiles en plomb est depuis longtemps
connue, ainsi que les migrations qu'ils opèrent à la longue sous l'in-
fluence de la pesanteur : il faut bien savoir, toutefois, *qu s ce sont là des
faits exceptionnels et qu'ils n'autorisent pas l'abstention systématique que
certains chirurgiens ont voulu ériger en règle générale. Sauf les cir-
constances particulières que nous venons d'indiquer, il faut rechercher
les projectiles et les extraire aussitôt qu'on les a reconnus.
Il est rare que l'extraction des corps étrangers puisse se faire à l'aide
des doigts, le plus souvent il faut recourir à des instruments spéciaux.
L'arsenal de l'ancienne chirurgie en renfermait un nombre considérable,
mais on les a complètement abandonnés, ils n'ont plus qu'un intérêt
historique et nous ne les décrirons pas. On ne se sert plus aujourd'hui
que des pinces dites tire-balle. Elles ont la plus grande analogie avec
les pinces à polypes ; leurs mors solides et résistants sont légèrement
concaves, creuses de rainures profondes et percés de trous ; leurs bran-
ches très-longues sont entre-croisées de façon à s'écarter aussi peu que
possible, afin de ne pas distendre le trajet de la blessure, tout en per-
mettant aux mors de s'ouvrir de la quantité nécessaire pour embrasser le
projectile. Lorsqu'il est saisi, la pince se maintient fermée à l'aide d'un
rivet dont l'une de ses branches est munie et de deux trous qui sont prati-
qués sur l'autre. Son articulation n'a pas d'entablure et chacune des tiges
isolées peut servir d'élévatoire.
Pour introduire le tire-balle, on le fait glisser sur la face palmaire
I
1
PLAIE. — p. PAR mSTRUMElITS CONTONDANTS. 107
de Vîndicateur gauche préalablement porté jusqu*au fond de la plaie;
lorsque le bout de la pince a touché le projectile, on écarte les mors en
les poussant légèrement, et on saisit la balle en les rapprochant. Lors-
qu'eile est chargée, on retire le tout avec la plus grande précaution, de
bçoQ à ne pas tirailler les fibres musculaires ou aponévrotiques qu'on
aurait pu saisir en même temps. On est averti de cet incident par la ré-
sistance qu'on rencontre et par la douleur qu'accuse^le blessé. 11 faut alors
lâcher le projectile et tâcher de le mieux saisir une seconde fois. Il
anÎTe souvent que la balle glisse et s'échappe des mors de la pince, soit
au moment ou on ferme celle-ci, soit en traversant l'ouverture trop
étroite de quelque aponévrose profonde. Dans ce dernier cas, avant de
saisir de nouveau le projectile, il faut débrider sur le point où la résis-
tance s'est rencontrée. On éprouve parfois d'assez grandes difficultés à
élargir suffisamment tout le trajet de la blessure. Nous nous sottimes
trouvé dans cet embarras, chez un soldat d'infanterie de marine qui
avait été blessé au combat de Bazeilles. La balle avait pénéti^c par le trou
sous-pubien et était restée dans le petit bassin. Un long trajet fistuleux
permettait d'arriver jusqu'à elle; on la sentait mobile, il était facile de
la charger, mais elle était arrêtée au niveau du trou ovale par Tétroitesse
du trajet, limité d'un côté par la branche ascendante de l'ischion et de l'au-
tre par des brides cicatricielles. Pour élargir cet étroit passage, il fallait
inciser ces brides, au risque de léser une artériole, ou bien attaquer la
branche osseuse. C'est à ce dernier parti que nous nous arrêtâmes. Avec la
gouge et le maillet nous pratiquâmes un échancrure qui nous suffit pour
extraire sans effort la pince et le projectile qui séjournait depuis six mois
dans la pbie.
L'extraction des balles oblongues n'est pas plus difficile que celle des
balles sphériques^ C'est à tort qu'on a recommandé de les saisir par leur
plus grand diamètre. Cette façon d'agir nécessiterait un écartement des
mors de la pince qui pourrait avoir de sérieux inconvénients. Le fait est
que dans la plupart des cas on saisit les projectiles et les corps étrangers
comme on peut. L'essentiel, conune le dit Legouest, c'est de les bien tenir,
afin qu'ils ne s'échappent pas pendant les manœuvres de l'extraction.
Lorsque la balle a traversé le membre presque de part en part, ou
qu'elle a subi des déviations telles, qu'elle est fort éloignée de son ou-
verture d'entrée, il y a plus d'avantages à l'extraire par une contr'ouver-
tnre que par la voie qu'elle a parcourue. L'incision doit être pratiquée
sv le. point où le projectile se fait le plus nettement sentir. Le chirurgien
diVise les tissus couche par couche, en s'aidant de l'indicateur gauche
pour guider le bistouri et fait soutenir par un aide les parties opposées à
la contr'ouverture, afin d'empêcher le projectile de fuir. 11 faut découvrir
largement celui-ci, inciser avec le plus grand soin le tissu cellulaire et
les brides fibreuses qui le recouvrent, pour pouvoir le charger et l'extraire
d'\m seul coup, sans tiraillements et sans violence. Lorsqu'il y a une
grande épaisseur de tissu â diviser, on a proposé, pour frayer la route au
bistouri, de se servir de la sonde à dard, usitée dans la taille hypogas-
108 PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
trique, ou d'un long trocart comme ceux dont Chassaignac se servait
pour le drainage ; ces moyens, parfois dangereux, ne sont indiqués que
dans des cas tout à fait exceptionnels.
Lorsque les balles sont profondément engagées dans le tissu osseux,
les pinces ne sufQsent pas pour les extraire. Il en est de même lors-
qu'elles sont enclavées entre deux os. Il faut alors recourir à des
instruments spéciaux. Ceux qui sont usités en pareil cas sont les
élévatoires, le tire-fond, le trépan, la gouge et le maillet. L'éléva-
toire, conduit par l'indicateur gauche, agit comme un leyier, pour
ébranler, soulever et déplacer la balle, mais il n'a de prise sur elle que
lorsqu'elle est peu profondément incrustée, et qu'elle a conservé une
certaine mobilité. Le tire-fond, sorte de vrille terminée par un doublé
pas de vis tranchant, est d'un usage encore plus restreint. Legouest, qui
l'a souvent employé, n'en a jamais obtenu de résultats satisfaisants, et,
parmi les nombreux projectiles extraits des os qu'il a eu l'occasion d'exa-
miner, il n'en a pas rencontré un seul qui ait été enlevé avec le tire-fond.
Nous ne nous arrêterons donc pas à décrire le mode d'emploi d'un
instrument aussi défectueux. Le trépan s'applique, soit en embrassant
avec sa couronne la balle elle-même de manière à l'enlever avec l'anneau
osseux qui l'entoure, soit en pratiquant à côté d'elle une ouverture qu'on
agrandit ensuite avec la gouge et le maillet et par laquelle se fait Tex-
traction.
Il nous reste à parler maintenant des complications qui résultent de la
lésion des nerfs, des vaisseaux et des os, de l'ouverture des articulations
ou des cavités splanchniques. La lésion des troncs nerveux s'accompagne
toujours de troubles immédiats de la sensibilité et du mouvement ; leur
section complète entraine des paralysies presque toujours incurables,
parce que les extrémités contuses et déchirées se réunissent isolément et
sont comme perdues au milieu de la cicatrice. Nous n'insisterons pas sur
ces phénomènes, parce qu'ils ont été longuement étudiés dans un autre
article (Voij. Nerfs, lésions physiques, t. XXIII, p. 624). Nous passe-
rons rapidement, et pour le même motif, sur les conséquences des plaies
d'artères. Nous avons déjà signalé la fréquence des hémorrhagies à la
suite de leur blessure, et les dangers de celles qui se produisent, dans le
cours du traitement, alors que les eschares se détachent, ou sous l'in-
fluence de certains états diathcsiques, tels que le scorbut et la pourriture
d'hôpital. Dans ces circonstances, on voit même souvent survenir des
hémorrhagies en nappe qui ne tiennent pas à la lésion des gros vaisseaux,
et, pendant le siège de Paris, la plupart des chirurgiens ont remarqué que
ces hémorrhagies imprévues étaient les signes avant-coureurs de l'infec-
tion purulente. Quoi qu'il en soit, lorsqu'elles sont sous la dépendance
d'une lésion artérielle à laquelle il n'a pas été porté remède au moment
même de la blessure, il faut se hâter d'aller à la recherche des deux
bouts du vaisseau qui donne et en pratiquer la ligature. Cette règle a été
posée par Guthrie et sa doctrine a fini par l'emporter sur celle de Dia—
puylren, grâce à Nélaton, qui en a démontré la supériorité par ses ex
PLAIE. — p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS. 109
riencessur les animaux et par les succès de sa pratique. Les chirurgiens
militaires français en ont reconnu les avantages pendant la campagne de
Crimée; les Anglais, après quelques hésitations, ont adopté la méthode
de leur compatriote ; Stromeyer a fait de même, et aujourd'hui il n'est
pas de règle de chirurgie d'armée qui soit mieux établie. Malheureuse-
ment, elle est quelquefois inapplicable, par suite de l'état d'inflammation,
de gonflement, de délabrement des parties, ou en raison de la position
inaccessible de Tarière à l'endroit où elle a été lésée. Nous nous sommes
trouvé dans cette impossibilité en présence d'une lésion de l'artère
radiale chez un artilleur qui s'était fait partir un marron d'artifice dans
la paume de la main. Les parties molles du premier espace interosseux
avaient été détruites et l'artère ouverte au moment où elle passe entre les
tctes des deux premiers métacarpiens. On avait tamponné cette plaie
noire, anfractueuse, au fond de laquelle on ne pouvait songer à aller
chercher le vaisseau. Nous liâmes la radiale au lieu d'élection, et, quel-
ques jours après, l'hémorrhagie reparut. Il fallut lier successivement et
à amassez longs intervalles la cubitale et l'humérale; enfin, cinquante et
quelques jours après la blessure, nous vîmes survenir, par le même point,
une dernière hcmorrhagic qui céda définitivement -à une forte application
de fer rouge.
En parlant des effets des projectiles sur les os, nous avons signalé la
gravité des désordres qu'ils occasionnent. Ces lésions participent tout à la
fois de la fracture et de la plaie d'os. Elles s'accompagnent d'une véritable
attrition du tissu osseux sur le point que le projectile a frappé, de lon-
gues fêlures qui s'étendent en tout sens, d'esquilles dont les unes sont
GuUèrement détachées de l'os et dont les autres y tiennent encore. Les
premières sont libres et complètement privées de vie. Elles sont enfoncées
au milieu des parties molles ou retenues dans le foyer de la fracture.
Elles ont des bords tranchants, à cassure nette, à vive arête, et ressemblent
à des morceaux de porcelaine brisée. Ce sont celles que Dupuytren ap-
pelait esquilles primitives, 11 désignait sous le nom de secondaires
celles qui, bien que mobiles, adhèrent encore à l'os par des tissus
fibreux ou des lambeaux de périoste, et qui finissent le plus souvent par
s'en séparer sous l'influence du travail pathologique. Enfin, il réservait
le nom de tertiaires aux esquilles qui, complètement adhérentes au
début et n'ayant subi aucun déplacement, peuvent, dans quelques cas,
eontÎDuer à vivre, mais qui sont le plus souvent frappées de mort au bout
dun certain temps et deviennent alors de véritables séquestres. La nécrose
peut également s'emparer de l'extrémité des fragments, et cet accident
sexplique par le décollement du périoste, qui s'étend très-souvent au
delà du foyer de la fracture, ainsi que de nombreux exemples en ont été
dtés i la Société de Chirurgie et notamment dans la séance du G dé-
cembre 1871.
le diagnostic des lésions osseuses produites par les coups de feu est
niement difficile. Indépendamment des signes communs à toutes les
fraeUires,on a, pour s'éclairer, l'exploration directe à l'aide du doigt. Elle
no PLAIE. p. PAR INSTRUMENTS CONTONDANTS.
permet d'apprécier l'étendue des désordres, le nombre, le volume et le
degré de mobilité des esquilles. Ces blessures sont toujours d'un pronostic
grave. Pour les chirurgiens militaires du commencement du siècle, une
fracture par coup de feu constituait, le plus souvent, un cas d'amputation.
La chirurgie d'armée est aujourd'hui devenue beaucoup plus conservatrice.
Le sacrifice du membre est toujours considéré comme indispensable dans
les fractures comminutivcs avec lésion des gros troncs vasculaires ou
nerveux, mais, lorsque les désordres causés par les balles ne portent que
sur les os, la conservation est la règle, et l'aroputatiion l'exception. On
s'en abstient mcme au membre supérieur, dans le cas de plaie artérielle,
à moins que la brachiale n'ait été atteinte au-dessus de la naissance de
rhumérale profonde. Au membre inférieur, la règle est plus sévère, mais
pour Texposer il faudrait entrer dans la discussion des cas particuliers,
et c'est ce qui a été fait dans un autre article (Voy. Amputation, t. II, p. 89).
Lorsque la conservation du membre a été décidée, la première indica-
tion qui se présente consiste à extraire les esquilles et à pratiquer pour
cela les incisions nécessaires, sans crainte de leur donner trop d'étendue.
A l'exception de Stromeyer, dont nous avons déjà cité l'opinion, tous les
chirurgiens sont d'accord sur la nécessité d'enlever sur-le-champ les
esquilles primitives, mais les avis sont partagés en ce qui concerne les
esquilles secondaires. Percy et Larrey les laissaient en place, et Dupuy-
tren avait adopté cette pratique, contre laquelle Guthrie s'était déjà élevé.
Roux, Bégin et Baudens ont fait un précepte formel d'extraire immé-
diatement tous les fragments osseux libres ou adhérents. Les chirurgiens
français et les anglais s'y sont conformés en Crimée, et les allemands, a
l'exception de Stromeyer, ont fait de même dans leurs dernières guerres.
Legouest a exposé ce point de pratique avec sa lucidité habituelle, et les
raisons qu'il donne pour étayer le précepte de l'extraction immédiate
sont aussi convaincantes que possible. 11 est certain qu'il faut renoncer à
leur ablation, lorsqu'elle entraine de trop grands dangers et qu'elle né-
cessite des délabrements trop considérables, mais ce sont là des cas
exceptionnels.
L'extraction des esquilles doit se faire sans violence et avec les plus
grands ménagements. 11 faut se garder de les arracher, de déchirer, de
tordre les parties molles qui les retiennent encore et qui doivent être
coupées avec le bistouri ou les ciseaux. Quant à ménager le périoste, avec
l'espoir de le voir reproduire un os nouveau, c'est un conseil qu'il est
bon de suivre, lorsque la fracture est superficielle et que les esquilles
sont facilement accessibles, mais c'est là le cas le plus rare, et dans la
pratique on est le plus souvent obligé d'y renoncer, en raison des difB-
cultcs que présenterait une dissection aussi délicate et de l'étendue des
incisions qu'elle nécessiterait, pour arriver le plus souvent à un résultat
négatif. On à donné le conseil de réséquer les extrémités des fragments,
lorsqu'elles sont anguleuses et dépouillées de leur périoste, mais cette
pratique est le plus souvent inutile et peut avoir des inconvénients.
Lorsqu'une plaie d'arme à feu avec lésion des os a été débridée, dé-
PLAIE). p. PAR llfSTROMENTS CONTONDANTS. iH
barrassée avec soin des corps étrangers et des esquilles , elle est réduite
à la condition d'une fracture comminutive ordinaire, avec pénétration de
r air dans son foyer, et doit être traitée comme telle. Le premier soin
qu'elle réclame consiste dans l'application d'un appareil capable d'im-
mobiliser le membre tout en permettant de surveiller et de panser la
plaie. Cet appareil doit être appliqué sur le champ de bataille même et
avant le transport du blessé. La chirurgie moderne possède, pour atteindre
ce but, une grande variété de moyens qui ont été décrits et appréciés à
l'article Faactores, t. XV, p. 466.
Il nous resterait à parler d'un dernier ordre de complications immé-
diates résultant de l'ouverture des articulations et des cavités splanchni-
ques, mais ce sujet a été traité ou le sera dans d'autres articles, auxquels
nous nous bornons à renvoyer le lecteur.
Indépendamment des complications que nous venons de passer en revue
et qui résultent de Faction immédiate des projectiles, les plaies d'armes
à feu sont exposées à tous les accidents consécutifs qui peuvent survenir
dans le cours des blessures graves. Elles y sont même plus particulière-
ment disposées par la violente contusion qui les accompagne, par Tin*
dammation et les longues suppurations qui en résultent. Les phlegmons
profonds, les fusées purulentes, les trajets fistulcux étendus, sont la
conséquence fréquente des désordres qui accompagnent la lésion des os,
et dans toutes les plaies d'armes à feu, même quand elles sont exemptes
de complications, on doit craindre l'explosion des accidents formidables
que font naître les grandes agglomérations de blessés. Dans ces conditions,
Vérysipèle, l'angéioleucite, le tétanos, la pourriture d'hôpital, l'infection
purulenle, sont à l'état de menace permanente et constituent la princi-
pale cause des revers que la chirurgie d'armée a si souvent à déplorer.
i\ous ne faisons que signaler ces accidents, malgré leur importance, parce
qu'ils ne présentent rien de particulier dans le cas qui nous occupe et
que chacun d'entre eux a sa place marquée et son article spécial dans ce
Dictionnaire.
Il nous reste peu de chose à ajouter à ce que nous avons dit déjà sur
le traitement des plaies d'armes à feu. Lorsqu'on a pratiqué les débride-
meots nécessaires, arrêté les hémorrhagies, enlevé les corps étrangers et
les esquilles, il ne reste plus qu'à panser le malade et à le placer dans les
meilleures conditions hygiéniques pour assurer sa guérison. Le pansement
doit être aussi simple que possible. On a depuis longtemps renoncé aux
tentes, aux sétons, aux baumes et aux onguents si chers à l'ancienne
> clûnirgie; la plupart des chirurgiens d'armée n'emploient plus d'autre
^ to^({ue que l'eau froide. On la trouve partout, elle permet de mainte-
^j nir la plaie dans un état de propreté constante, elle modère l'indam-
^ \ matioD, et les blessés peuvent humecter eux-mêmes les pièces de leur
appareil lorsqu'ils en sentent le besoin. L'eau froide peut être employée
sans inconvénient jusqu'à la cicatrisation complète ; il ne faut y renoncer
que lorsque la suppuration est à peu près tarie ou lorsque la surface
traumatiquc devient blafarde. Il est, toutefois, des circonstances dans
[
/
lis PLAIE. p. PAR ARnACHEXEMT.
lesquelles ce pansement si simple ne suffit pas. Dans les ambulances et
dans les liôpitaux encombrés, lorsque les complications que nous aTons
indiquées régnent épidémiquement au milieu des blessés, lorsqu*en un
mot on est obligé de les traiter dans un milieu infectieux, il est néces-
saire de recourir aux pansements antiseptiques, et l'acide phénique est
le désinfectant qui a donné jusqu'ici les meilleurs résultats (Voy. Pause-
MENTS, t. XXV, p. 747).
Les irrigations continues, la glace même, trouvent aussi leurs applica-
tions dans quelques cas spéciaux ; on en obtient de bons résultats dans les
plaies d'armes à feu des articulations et notamment dans celles de la
main et du pied, mais ce mode de traitement, qui demande une grande
surveillance et l'emploi d'appareils un peu compliqués, ne peut être mis
en usage que dans les hôpitaux et ne saurait, par conséquent, rendre de
grands services en chirurgie d'armée.
On a bien rarement l'occasion de recourir aux émissions sanguines. La
saignée générale, dont les anciens faisaient un si large emploi, est tombée
en désuétude. On n'a même presque jamais recours aux sangsues, aux-
quelles Baudens accordait encore une si grande confiance. La pratique
moderne est dominée, ajuste raison, par la crainte de l'anémie et deTépui-
sement, auxquels les blessés par les armes de guerre sont presque fata-
lement voués, loi*sque leur guérison se fait attendre et que leur séjour
dans les hôpitaux se prolonge. Au lieu de leur faire perdre du sang, on
ne songe qu'a soutenir leurs forces, et, les premiers accidents dissipés,
la fièvre traumatique passée, on les soumet à un régime aussi fortifiant,
aussi réparateur que possible. Une bonne alimentation, un air pur, une
propreté minutieuse, sont, encffet, les premières conditions d'une guérison
rapide ; malheureusement elles sont, le plus souvent, irréalisables, dans les
circonstances où ces blessures se produisent.
IV. Plaies par arrachement. — On désigne sous ce nom les solutions
de continuité qui résultent de Tavulsion d'une partie du corps produite
par une traction violente. Quoique toutes les parties saillantes puissent
être ainsi arrachées, ce n'est qu'aux membres que ce genre de blessures
offre de Tintérét. Elles ne sont pas fréquentes. Dans les traités classiques
leur histoire est tracée d'après quelques observations qu'on retrouve
partout et qui ne sont pas suffisamment détaillées. Il a été pourtant
publié assez de faits, depuis quelques années, pour qu'on puisse faire une
étude plus complète de ces lésions.
Les plaies par arrachement sont plus fréquentes aux membres supérieurs,
et ce sont les doigts qui en sont le plus souvent le siège. Dans le tome 11
des Mémoires de r Académie de Chirurgie^ on en trouve huit exemples
dont sept ont été réunis par Morand. Nous eu avons recueilli une quin-
zaine d*autres dans les recueils périodiques récents, et notamment dans
les Bulletins de la Société de Chirurgie.
Dans l'ordre de fréquence, c'est la main qui vient ensuite; nous en
avons trouvé quatre observations ; puis Tépaule, dont il existe trois
cas bien authentiques, et enfin lavant-bras, dont nous ne connaissons
PLAIE. — p. PAR ARRACHEMENT. |1{3
qu'un exemple. Au membre inférieur, ce sont aussi les orteils qui
sont le plus souvent arrachés; le pied vient après; nous n'avons
trouvé qu'un seul fait d'arrachement de la jambe, et jamais on n'a
observé l'avulsion du membre inférieur tout entier. Si nous avons
cité des chiffres, ce n*est pas que nous ayons la prétention d'avoir
recueilli toutes les observations, ni le désir d'établir une statistique,
c'est seulement pour faire connaître le nombre de faits qui nous ont servi
à rédiger ce travail.
Les causes qui produisent l'arrachement des membres agissent toutes
d'après le même mécanisme. Une violente traction s'opère sur une extré-
mité, le corps résiste par son poids ou par Telfort que fait le blessé, et la
déchirure s'opère à une distance plus ou moins grande du point où la force
a été appliquée. Le plus souvent, cette force est celle d'une machine dans
les engrenages ou dans la courroie de laquelle une partie du corps s'est
engagée. Parfois, c'est un nœud coulant, une corde qui s'enroule autour
d'on membre, l'entraîne et l'arrache lorsque le corps, arrêté par un
obstacle ne peut plus suivre le mouvement. C'est ainsi que fut emporté
le bras de Samuel Wood, le meunier, dont l'observation, publiée en 1738
dans \esPhilo8ophical Transactions^ a été reproduite depuis partons les
taiears. Nous connaissons quelques exemples d'arrachement du pied
produit par le même mécanisme à bord des navires. Lorsqu'un homme
I l'imprudence de mettre le pied dans le cercle formé par une manœuvre
roulée sur le pont et que celle-ci vient à se dérouler brusquement, la spi-
rale se resserre, l'homme, se sentant saisi, s'accroche instinctivement
an premier point résistant qu'il rencontre, et le pied est emporté. C'est
orÂnaîremoit en jetant l'ancre ou en amenant les huniers que cet [acci-
dent se produit.
Les gens qui conduisent des chevaux ont souvent les doigts arrachés
par la bride de l'animal, lorsque celui-ci fait un écart brusque. J. D. Larrey
a le premier signalé la fréquence de cette blessure chez les cavaliers qui
entortillent le bridon autour de leurs doigts lorsqu'ils mènent leurs che-
yauii l'abreuvoir. Enfin, il existe dans la science un fait d'arrachement de
rarant-bras survenu dans les tentatives faites pour réduire une luxation
de l'épaule. Les tractions avaient été opérées avec prudence par un chi-
mi^'en d'un habileté reconnue, et la facilité avec laquelle le membre se
détacha ne peut s'expliquer que par une altération profonde des tissus
qûfut, du reste, constatée à l'autopsie.
Les plaies par arrachement ne présentent pas l'aspect hideux des bles-
^i sure Élites par les gros projectiles, bien qu'il y ait quelque analogie
1^ dans leur mode de production. Leur surface est inégale parce que les
"t tissus, n'ayant pas la même force de coiiésion, ont cédé à des hauteurs
I difTérentcs, mais elle n'est pas noire et infiltrée de sang, parce qu'elle n'a
1 pas été contuse. La peau est le plus souvent amincie, frangée sur les
j bords, parfois roulée sur sa surface saignante ; tantôt elle dépasse le ni-
j teau des chairs et tantôt elle les laisse à découvert dans une certaine
"'^ I étendue. Quand la lésion a été produite par la constriction d'un lien, les
I WWT. MCT. UiD. ET CHU. XXVIII — 8
114 PLAIE. — p. PAB ARRACHEIUSNT.
téguments sont quelquefois coupés circulairement et avec netteté. Les
muscles cèdent plus facilement dans leur masse charnue que dans leur
partie fibreuse, et la portion du membre qui a été détachée entraine avec
elle de longs bouts de tendons accompagnés parfois de quelques fibres
musculaires. Ce fait est constant lorsqu'il s'agit de la main, des doigts
ou des orteils. Les portions tendineuses ont, dans ce cas, de vingt à trente
centimètres de longueur. Dans un fait rapporté à la Société de Chirurgie
. par H. Larrey , le tendon fléchisseur de l'index gauche attenant à la troisième
phalange mesurait trente-trois centimètres. Les nerfs présentent souvent
la même disposition. Huguier a rapporté une observation dans laquelle
la main, arrachée par une machine, avait entraîné vingt centimètrës du
nerf médian, mais la partie détachée allait s'amincissant jusqu'à son
extrémité et ne contenait guère que du névrilème. Dans le fait d*ju^
rachement de Tavant-bras que nous avons cité, tous les nerfs du pkxvs
brachial avaient été détachés à une assez grande hauteur au-dessos du
plan général' de la section. Il en est de même des artères dont le bout in-
férieur fait saillie à la surface du tronçon, tandis que le bout supérieur se
rétracte fortement vers la racine du membre et que son extrémité ae
ferme de manière à mettre obstacle à l'écoulement du sang. Ce phéiMh
mène remarquable tient à la manière dont les différentes tuniques se
comportent lorsquelles cèdent à la traction. L'interne et la moyenne^ plp
fragiles, se rompent les premières et se recroquevillent à l'intérieur ;dy
vaisseau ; la celluleuse s'allonge, se distend, finit par céder en s'effihud«
comme le fait un tube de verre devant la lampe d'émailleur, et coiffe lei
extrémités rétractées des deux autres. Le sang qui vient se heurter coatre
cet obstacle s'arrête, se coagule, le caillot ainsi formé s'affermit et s'op-
pose d'une manière définitive à l'hémorrhagie. Le même phénomène se
produit, à plus forte raison, dans les vaisseaux de petit calibre et dans les
capillaires.
La plupart des auteurs et notamment ceux du Compendium de Chi-
rurgie ont avancé que la séparation s'opérait toujours dans une jointure.
Le fait n'est pas complètement exact. La fracture des os est signalée daoi
la plupart des observations que nous avons consultées. L'omoplate était
rompue en travers chez Samuel Wood ; la plupart des os du carpe étaient
brisés, dans Tobservation citée par Huguier ; chez la femme dont TavanU
bras avait été arraché pendant les efforts de réduction, la partie supé-
rieure de l'olécrane était restée appendue au tendon du triceps, tandis que
la moitié postérieure du condyle de l'humérus, l'cpicondyle et une po^ *
tion de l'épitrochlée, adhéraient aux muscles de l'avantrbras. Les mal* -
léolessont le plus souvent arrachées avec le pied, et, lorsqu'il s'agit dai -^
doigts, les phalanges sont souvent fracturées. *
Les plaies par arrachement ne sont pas douloureuses : Samuel Wood m 4
s'aperçut qu'il avait perdu le bras qu'en le voyant passer dans la roue dl
son moulin; l'enfant cité par Benomont n'était préoccupé que de 11
crainte d'encourir les reproches de ses parents ; les cavaliers qui ont kl
doigts arrachés par la bride de leur cheval ne s'en aperçoivent pas ton*
PLAIE. — p. BHPOISONNÉBS. 115
jours an premier moment, mais, lorsque de longs bouts de tendons ont
accompagné la phalange, le blessé ressent souvent une douleur très-vive
au point où la séparation a eu lieu. Ces blessures ne saignent pas. Tous
les observateurs en ont fait la remarque, et nous en avons indiqué les rai-
sons. U ne faudrait cependant pas croire à l'impossibilité d'une hémor-
rhagie, en pareille circonstance. Dans une des observations que nous
avons citées, au moment bili Tavant-bras se détacha, un flot de sang cou-
vrit le chirurgien, qui s'empressa de lier l'artère.
Le pronostic des plaies par arrachement n'est pas aussi redoutable qu'on
pourrait le croire. En général, elles guérissent plus vite et sont suivies de
moins d'accidents que les amputations pratiquées au même point. On
attribue cette bénignité relative à la rétraction des vaisseaux, qui empê-
che réooolement du sang et son infiltration dans les tissus ; quelques
chirurgieQS ont même proposé d'ériger l'arrachement en méthode opé-
ratoire et de rappliquer partout où la structure des parties peut s'y prêter.
Noos n*avoaipas à nous occuper de cette question, mais, tout en recon-
naissant que les suites de ces blessures sont le plus souvent bénignes,
nous raf^Uerons que Billroth a vu succomber rapidement un garçon de
14 ans qui avait eu le bras droit arraché par une roue de machine, que la
femme dont Tavant-bras s'était détaché sous l'effort de tractions chirurgi-
eales est morte, au bout de douze jours, d'infection purulente, et qu'il
n^est pas rare de voir survenir des accidents du côté de l'avant-bras et de
la main, chei les gens qui ont eu des doigts arrachés avec leurs tendons.
l'inflammation remonte souvent le long des gaines vides et donne lieu à
des abcès qui retardent notablement la guérison.
L'indication que présentent ces blessures est simple. Elle consiste à
r^larîser la section que la cause vulnérante a produite. Si les os sont
brués comme cela arrive souvent aux phalanges, on en pratique la désar-
ticulation dans la jointure la plus voisine. S'il s'agit d'une extrémité ar^
ticnlaire qui dépasse le niveau des parties molles, on en fait la résection à
unehaulair suffisante ; on coupe les bouts de tendons qui dépassent et on
regolariietjsi cela est nécessaire, les lambeaux cutanés. Quant aux artères,
il est inotile de s'en préoccuper, puisqu'elles se sont retirées au milieu des
diairs el que la disposition de leurs tuniques s'oppose à l'hémorrhagie.
Cda fait, on procède au pansement, comme s'il s'agissait d'une ampu-
titiiHi.
T. Plaies empodoniiées. — Nous désignerons sous ce nom toutes les
' ^. plaiai compliquées de l'inoculation d'un agent toxique, que ce soit un
^^ Tenta, un virus ou un poison. Ces blessures sont essentiellement caracté-
'^ risées par ce fait que la plaie, en elle-même, est sans importance, et
.^^^ qu'elle n'a pas plus d'influence sur les accidents graves et souvent mor-
tels qui vont se produire que la piqûre de l'aiguille tubulée dans une
injection h^fpodermique.
^ ^ Ctt accidents diffèrent suivant la nature de l'agent toxique et sont tou-
^'^ jours semblables lorsqu'ils sont produits par le même agent, quelle que
mi d'ailleurs l'étendue de la plaie. Les blessures dont nous allons nous
j: •-:
1
Ii6 PLAIE. ^ p. BNPOISOKNÉES.
occuper peuvent donc se ranger dnns trois catégories : celles qui résultent
de la morsure ou de la piqûre des animaux venimeux, celles qui sont pro-
duites par rinoculatiou d'un virus, celles qui sont faites par des armes
ou des intruments imprégnés d'un poison proprement dit. Nous n*avoos
pas à parler ici des plaies appartenant aux deux premières catégories,
parce que leur étude se rattache à celle des agents toxiques qui leur don-
nent leurs caractères spéciaux (Voy. Charbon, Morve» Râge» Yipèrb, etc.).
Nous nous bornerons à dire un mot des plaies faites par les annes em-
poisonnées et des blessures des anatomistes, ces sujets rentrant plus par-
ticulièrement dans notre cadre et n'ayant pas été traités ailleurs.
A. Plaies faites par les armes empoisonnées, -^ La coutume d*em*
poisonner les armes de chasse ou de guerre a régné de tout temps dm
les peuples barbares, et de tout temps aussi cette coutume a été entoorée
de pratiques superstitieuses dans lesquelles l'imagination a toujours eu si
bonne part. Dans un travail rempli d'érudition qu'il a lu, le 2 novem-
bre 1877, à l'Institut, Lagneau a retracé l'histoire de ce passé tozicologî-
que depuis les temps préhistoriques jusqu'à nos jours; nous ne le sui-
vrons pas dans cette étude rétrospective et nous nous bornerons à aborder
la question telle qu'elle se présente aujourd'hui.
On ne trouve plus d'armes empoisonnées qu'entre les mains de quel-
ques peuplades sauvages. La plupart d'entre elles s'entourent, pour leur
préparation, d'un mystère qui laisse planer les plus grands doutes sur ia
nature des substances employées. C'est le plus souvent au suc de pbntes
vénéneuses qu'elles ont recours, et beaucoup de celles dont on cite les
noms sont trop peu actives pour déterminer la mort par une inoculation
de cette espèce. D'autres font séjourner leurs flèches dans des cadavres
putréfiés, ce qui ne peut avoir d'autre effet que de leur communiquer les
propriétés septiques de nos instruments d'amphithéâtre ; il en est enfin
qui ont recours au venin des serpents ou à l'exsudation cutanée de
quelques espèces de batraciens. Si l'histoire de ces poisons est entourée
d'obscurité, celle de leurs effets sur l'homme l'est bien davantage encore;
toutefois, il est bien démontré, pour nous, que ces armes sont plus redou-
tables par la terreur qu'elles inspirent que par les blessures qu'elles font.
Le fait est assez important pour que nous n'hésitions pas à entrer dans
quelques détails, afin de le bien établir.
Parmi les peuplades de l'Afrique qui ont conservé Thabitude d'empoi-
sonner leurs flèches, on cite les Boschimans, les Ilottentots et les Pahouins.
Les premiers se servent, dit-on, de la chair de la Vipère à cornes, qu'ils
pilent jusqu'à en retirer un suc visqueux ; les seconds, d'un liquidées»
trait des bulbes de quelques Amarillidacées ou de certaines ^tipAo/i6ei;
les derniers, des graines de l'inée ou Onaye, plante de la famille desiipo*
cynées. Des expériences physiologiques ont été faites par Polaillon et Car-
ville sur ce dernier poison, à l'aide de graines qui leur avaient été
apportées du Gabon par le docteur Vincent, médecin de premièi*e classe
de la marine. Ils se sont servis de lextrait alcoolique et ils ont déCer-*
miné la mort chez les batraciens, les poissons, les oiseaux et même chr~
PLAIE. — p. EMPoisoifKiEs. 117
les petits mammifères, à l'aide d'injections contenant de 5 à 10 milli-
grammes de cet extrait. Il est douteux qu'en trempant la pointe de leurs
(lèches dans le suc de ces graines grossièrement broyées les Pahouins
réussissent à leur communiquer des propriétés vénéneuses bien redouta-
bles, mais il est certain que, depuis plus de trente ans que nous occu-
pons le Gabon, jamais nos médecins n'ont eu l'occasion d'observer
une seule blessure empoisonnée de cette façon. Les Anglais du Cap et de
Port-Natal, qui ont souvent des engagements avec les Hottentots et les
Boschimans, n'en ont pas vu davantage.
Certains peuples de l'Inde empoisonnent, dit-on, leurs flèches avec le
suc d'une plante de la famille des Moracées. En Cochinchine, les Mois
trempent les leurs dans un extrait végétal qu'on dit assez actif, lorsqu'il est
récemment préparé, pour tuer un éléphant. Richaud, qui rapporte ce fait,
s'empresse d'ajouter que les blessures faites à nos soldats avec ces pré-
tendues flèches empoisonnées fi'ont amené aucun accident et ont guéri
comme de simples plaies par instruments piquants.
Les sauvages de l'Océanie sont ceux dont les armes sont le plus redou-
tées. Les indigènes de Java et de Sumatra, ceux des Nouvelles-Hébrides,
des lies Santa-Cruz et Yanikoroo, ont à cet égard une réputation bien
établie. Les Javanais emploient Ttipas antiar, qui provient de Vantiaris
toocicaria^ famille des Urticées ortocarpées, et Vupas tieuté, fourni par
une espèee de strychnos. La récolte de ces poisons a donné lieu à des
landes effrayantes, mais les Hollandais, qui ont eu de fréquents dé-
mêlés avec les Javanais, n'ont jamais observé de blessures empoison-
nées à la suite de ces engagements, et on ne trouve pas un mot qui y
soit relatif dans les travaux publiés par leurs médecins sur cette colonie.
A Somatn, tous les habitants sont armés de poignards dont les lames
sont presque toutes creusées de rainures longitudinales. Nous avons eu
l'occasion d*examiner sur les lieux un grand nombre de ces armes, et
nous n'avons jamais trouvé de trace de poison au fond de ces rainures,
ai entendu parler d'accidents particuliers survenus à la suite des bles-
tores biles par ces poignards. Enfin, dans leur guerre contre Tempire
d'Atjeh, où ils se sont maintes fois battus a l'arme blanche et où ils
ont eu plus de sept cents blessés, les Hollandais n'ont pas signalé un seul
cas de blessure empoisonnée.
Les flèches des indigènes des Nouvelles-Hébrides, de Santa-Cruz et de
Vmikoroo, ne sont pas plus redoutables, au dire du docteur A. U. Messer,
midecin de la frégate anglaise la PearL 11 s'est livré à de longues
redierches sur ce sujet, pendant sa station dans l'Océan Pacifique, et il
n'avait pu se procurer aucun renseignement de quelque intérêt, lorsque
les circonstances lui permirent d'apprécier par lui-même la valeur des
croyances qui régnent à cet égard. Le commodore Goodenough, un officier
^ «il hommes de la Pearl, lurent attaqués à Santa-Cruz par les naturels
cl blessés par leurs flèches. Tous les hommes de l'équipage étaient con-
vaincus que les plaies faites par ces armes étaient mortelles et que tous
«eux qui en étaient atteints devaient mourir du tétanos. Le commodore
118 PLAIE. — p. EMPOISONNÉES.
lui-même, malgré la trempe solide de son caractère, ne pouvait se sous-
traire à l'obsession de cette pensée, et Tévénement parut lui donner
raison, car il fut atteint du tétanos le cinquième jour, et mourut le
huitième. Deux de ses marins eurent le même sort : les accidents téta-
niques se montrèrent chez eux le sixième jour. Ainsi, sur huit blessés,
trois succombèrent à cette redoutable complication, mais, ainsi que le
fait observer le docteur Messer, elle est extrêmement commune dans
VOcéanie, et il est impossible d'admettre que le poison y soit pour quel-
que chose, car il n'est pas de substance toxique dont les effets attendent
cinq ou six jours avant de se manifester, i
Pour terminer cette rapide revue, il ne nous reste plus qu*à parler
des peuplades de l'Amérique méridionale qui habitent sur les bords de
l'Amazone et de l'Orénoque. C'est de là que nous vient le curare» ce
poison redoutable qui a été, de la part de Claude Bernard, l'objet de tra-
vaux si remarquables (Voy. Curare, t. X, p, 548). A l'époque où Vé-
minent physiologiste poursuivait ses recherches, on ne connaissait pas
d'une manière exacte la composition de ce produit. On se demandait
encore s'il ne devait pas son activité au venin de quelque anifnal. On est
aujourd'hui bien fixé sur ce point. Gubler a publié dans le Journal de
thérapeutique du 25 avril 1879 un important article dans lequel if
démontre, à Taide de documents récents, que le curare est un poison
végétal, et le docteur Crevaux, médecin de première classe de la marine,
qui explore, en ce moment, les bords de l'Amazone, a écrit le 10 mais
1879 au gouverneur de la Guyane qu'il avait découvert le mode de pré-
paration du curare et le végétal auquel il doit ses propriétés toxiques :
c'est une liane très-élevée qu'il a pu voir en fleur et dont il a envoyé
la photographie à Cayenne. En faisant macérer l'écorce de sa racine dans
l'alcool et en injectant le liquide à une poule, on la fait périr en trente
secondes. On comprend que des flèches imprégnées d'un pareil poison
puissent donner la mort à de petits animaux ; le fait est d'ailleurs incon-
testable. Il est logique d'admettre qu'il en arriverait autant chezl'hommer
s'il était atteint par un nombre suflBsaiitde ces flèches et que leurs pointes
vinssent à se briser dans la'plaie. Le fait est vraisemblable, mais il n'est
pas démontré. Nous n'avons pas pu, du moins, en trouver une seule ob*
servation concluante, car nous ne pouvons pas donner ce nom à celles
qui ont été publiées par le docteur Ferreira de Lemos (1867). 11 y est
question de voyageurs attaqués sur les bords de l'Amazone par une
bande de sauvages. Sept d'entre eux furent blessés par leurs flèches. L'un
succomba au bout de quelques heures, mais il avait reçu trois blessures
à l'abdomen. Cinq autres ne ressentirent aucun symptôme particulier, et
l'auteur attribue cette immunité à ce qu'ils burent de l'eau salée et eft
lavèrent leurs plaies. Le dernier éprouva des accidents bizarres dans le
détail desquels nous ne pouvons entrer, mais qui sont tout à fait diffé-
rents de ceux du curare, et il finit par guérir après avoir subi l'amputatioik
de la cuisse nécessitée par des hémorrhagies incoercibles dues à ce que-
l'une des flèches avait lésé simultanément l'artère tibiale postérieure gau—
PLAIE. ~- p. EMPoisoNiiiES. 119
che et Tune de ses veines satellites. Ces obsenraiions n'ont rien de con-
cluant, et Tautenr avoue lui-même qu'elles n'ont pas toute la rigueur
scientifique désirable.
Las sauvages du Choco empoisonnent leurs flèches avec le venin sé-
crété parla peau d'une grenouille particulière au pays. A. Posada Arango,
qui a publié, en 1871, un travail très-savant sur ce sujet, .la désigne
sous le nom de Phyllobates Chocœnsis. Il a analysé le poison avec le
plus grand soin ; il l'a expérimenté sur des coqs, des poules, des canards,
des chats et des cochons d'Inde, et tous ceux qu'il a piqués avec les flè-
cbes des Indiens du Choco sont morts en moins d'un quart d'heure. Ces
sauvages, dit-il, sont d'un naturel essentiellement pacifique et ne se ser-
vent de leurs flèches que pour la chasse et pour se défendre contre les
ÏMm féroces, mais ils en craignent tellement les effets que, lorsqu'ils se
blesseat accidentellement, ils n'hésitent pas à couper immédiatement la
partie qui a été atteinte, quand cette opération est possible. Les informa-
tions manquent donc complètement de ce côté comme des autres.
Ea résumé, nous sommes loin de révoquer en doute les effets que peu-
vent produire sur l'homme les armes empoisonnées. Nous pensons que
de pareilles blessures peuvent occasionner des accidents graves et même
amener la mort ; mais toutes les recherches que nous avons pu faire pour
en trouver des observations sérieuses et authentiques ont abouti à un
résultat complètement négatif. Les médecins des autres nations n'ont pas
été plus heureux que nous, et ce fait valait la peine d'être constaté, parce
qu'il est de nature à diminuer les craintes exagérées que les armes des
sauvages inspirent à ceux qui sont exposés à en subir les atteintes.
Le traitement à opposer à ces blessures, dans le cas où on viendrait
i en observer, est celui de toutes les plaies empoisonnées. 11 consiste à
appliquer immédiatement une ligature entre le cœur et la partie lésée,
à inciser la plaie pour en mettre tout le trajet à découvert, à la laver à
grande eau et à la cautériser soit avec un caustique liquide, tel que le ni-
trate acide de mercure ou l'acide nitrique, soit avec le 1er rouge, suivant
qu'on a l'un ou l'autre de ces moyens à sa disposition. On peut aussi
opérer la succion à l'aide de ventouses, ce qui permet d'attendre qu'on
le soit procuré les moyens d'agir plus énergiquement. Il ne faut pas se
'. hâter d'enlever la ligature. Claude Bernard a donné à cet égard un excel-
I leat conseil. Il faudra, dit-il, relâcher la ligature pendant un instant pour
' Il renouer aussitôt qu'apparaîtra le premier symptôme d'empoisonné-
i moi nouveau, et ainsi de suite. La dose de curare ainsi fractionnée
s pourra sans occasionner la mort traverser toute l'économie et s'éliminer
ou le détruire. Enfin, si, malgré l'emploi de ces moyens, l'issue fatale
i semblait imminente, il faut savoir, dit Paul Bert, que le danger peut être
Ê ! combittu par la respiration artificielle et par elle seule, mais il faut bien
2^, insister sur ce fait que cette pratique a besoin d'être prolongée fort long-
-| tonps. Ces conseils n'ont été donnés qu'en vue du curare, mais il ne pour-
v| mit j avoir que de l'avantage à y recourir dans le cas de blessure empoi-
:i\ sonnée par une autre substance.
i20 PLAIE. — p. DES AHAT0MISTE8.
B. Plaies des Anatomùtes. — 11 n*est guère de médecin qui ne se soit
blessé, dans le cours de ses études anatomiques, et qui n'ait éprouvé quel-
ques accidents à la suite de cette blessure. Les scalpels, les érignes, les
épingles, les ciseaux, sont jetés au hasard sur les tables d'amphithéâtre,
et ceux qui s'en servent sont à chaque instant exposés à se piquer. Dans
les manœuvres opératoires, la scie s'échappe parfois de sa voie étaient
blesser le pouce de la main gauche qui sert à la lui tracer. SouTeni aussi
c'est une esquille osseuse, un fragment de côte, par exemple, qui cause la
blessure. Enfin, il arrive souvent aux anatomistes de plonger leurs mains
dans des liquides cadavériques, sans se préoccuper des plaies insignifiantes
qu'elles peuvent présenter et qui se trouvent ainsi en contact avec le
principe septiquc. Les érosions de la peau sont plus souTcnt suivies d*ae-
cidents que les piqûres nettes faites par la pointe des scalpels. D'après
Billroth, les petites écorchures non saignantes sont plus dangereuses, au
point de vue de l'infection, que les incisions profondes, par la raison
anatomique que les réseaux de lymphatiques dont le pouvoir absoriMnt
est le plus considérable se trouvent précisément répandus dans la couche
la plus superficielle du derme.
11 est à re marquer que les cadavres frais offrent plus de danger que
ceux qui sont en pleine putréfaction. Cette observation, que Colles (de Du-
blin) a faite le premier, a depuis été vérifiée par la plupart des anato-
mistes. On prétend même que les intoxications les plus graves, celles qui
sont suivies de mort au bout de quelques jours, surviennent, le plas sou-
vent, à la suite des blessures faites en pratiquant l'autopsie de cadavres
encore chauds, et Billroth se demande si, dans ce cas, le médecin ne s'est
pas inoculé une humeur pathologique formée antérieurement dans l'orga-
nisme vivant, plutôt qu'un virus cadavérique. Ce qui est certain, c'est
que les corps des femmes mortes de fièTre puerpérale, ceux des sujels qui
ont succombé à la suite d'une opération de hernie étranglée, sont particu-
lièrement à redouter. Il faut tenir compte aussi des prédispositions in-
dividuelles. 11 est des gens qui semblent jouir d'une véritable immunité et
qui peuvent impunément se blesser, dans le cours de leurs dissections,
tandis qu'il en est d'autres qui ne peuvent se faire la plus légère piqûre
sans voir survenir des accidents. Billroth fait observer, avec raison, que
des infections répelées semblent plutôt augmenter que diminuer cette ré-
ceptivité.
Les accidents qui se produisent à la suite des plaies d'amphithéâtre
diffèrent essentiellement, sous le rapport de la gravité, suivant qu'ils res-
tent bornés à la partie blessée, qu'ils s'étendent aux membres tout entien
en suivant la chaîne des lymphatiques et des glanglions, ou que le prin-
cipe toxique pénètre d'emblée dans le torrent circulatoire et s'attaque i
l'économie tout entière. Dans le premier cas, tout se borne parfois au dé-
veloppement d'un bouton inllammaloire semblable à celui delà fausse vac-
cine et qui se termine par la guérison, après avoir fourni une gouttelette de
pus. Souvent il se forme une croûte sous laquelle la suppuration s'a-
masse et qui se renouvelle aussitôt qu'on l'enlève ; le point blessé reste
PLAIE. — p. DES ÂlfATOMISTBS. 181
douloureux, dur, et parrois il s'y développe une petite tumeur que Follin
désigne sous le nom de tubercule anatomique. C'est une hypertrophie
papillairc du derme, Tiolacée, indolente, saignant facilement, et quelque-
fois difisée en une multitude d*cle?ure8 papuleuses au centre desquelles
existe un ^ide dont on peut faire sortir par la pression une gouttelette de
pus. Ces tubercules sont très-nombreux chez quelques sujets, et cela s*ob-
serre particulièrement sur les garçons d'amphithéâtre, qui ont les mains
constamment plongées dans des liquides cadavériques.
Dans le second des cas que nous avons prévus, la petite plaie ne présente
d'abwdrien de particulier, mais, dans la journée qui suit la blessure, le
doigt M gonOe et devient douloureux ; on y sent de la chaleur, de la
tensioo et des battements: c'est le début d'un panaris. Les accidents peu-
vent rester bornés à la phalange et aux ganglions axillaires, qui deviennent
toujours plus ou moins douloureux en pareil cas, mais parfois il survient
une véritable angéioleucite, avec un mouvement fébrile très-accusé et une
tuméfiiction considérable des ganglions de Taisselle, laquelle se termine
souvent par un abcès.
Dans le troisième cas, le plus grave de tous, mais heureusement le plus
rare, les accidents généraux débutent brusquement, de 12 à 18 heures
après la blessure. Le malade est pris de frisson, de nausées et parfois de
vomissements ; il accuse une céphalalgie frontale intense ; le pouls est pe-
tit, concentré et fréquent, l'anxiété est extrême et le système nerveux pro-
fondément déprimé. En même temps, on voit se produire, sur le point où
siège la piqûre, une petite vésicule à bord très-nets, qui prend bientôt l'as-
pect d'une pustule remplie d'un liquide trouble. Il survient alors de vio-
lentes douleurs dans l'aisselle et dans l'épaule ; les ganglions axillaires se
tuméGent, ainsi que le tissu cellulaire des régions sous-scapulaire et sous-
pectorale, qui semblent envahies par une sorte d'œdème inflammatoire.
L'état général s'aggrave rapidement ; Tanxiété respiratoire augmente ; il
survient un délire fugace qui fait place à un accablement profond ; le
pouls se déprime, devient irrégulier, et la mort arrive parfois avant la fin
du second jour. Dans quelques cas, les accidents se montrent plus tard et
marchent avec moins de promptitude. Le gonflement général du membre
ne survient qu'au bout de quatre ou cinq jiiurs; il remonte rapidement
jusqu'à l'épaule et jusqu'au cou, prend une teinte livide et se termine
bientôt par une suppuration gangreneuse et des décollements étendus.
En même temps, des symptômes ataxiques se manifestent, l'adynamie se
prononce et la mort survient vers le dixième jour, avec tous les signes
d'une infection purulente entée sur un phlegmon diffus gangreneux.
biiis les deux premiers cas, il y a lieu de croire que les fluides putréfiés
ont porté leur action sur le système lymphatique seulement et qu'elle
^ ' s'est traduite par de simples phénomènes indammatoires ; mais, dans le
\^'] dernier, il faut bien admettre une intoxication produite par un poison
^ ..^ aeptique qui a pénétré dans le torrent circulatoire, en un mot, une vérita-
Ible omcÉMiE.
KoQs n'insisterons pas sur la marche et sur le traitement des accidents
f.
■-r
^2i PLAIE. — QUESTIONS ii£digo-l&ales.
que nous menons de passer en revue, parce qu'il en a été question dans
d'autres articles; mais nous devons dire un mot des précautions à
Taide desquelles on peut les prévenir. Elles sont simples et, le plus
souvent, suivies de succès. Le premier soin à prendre, lorsqu'on vient
de se blesser à Tamphithéâtre, consiste à faire saigner la petite plaie
en comprimant le doigt de haut en bas et à y faire tomber ea niéme
temps un filet d*eau froide. On peut également en opérer la suoôon. D
faut continuer cette manœuvre pendant huit ou dix minutes^ Cela iiif*
firait, dans la majorité des cas, pour atteindre le but, mais noua trouvons
plus prudent d'y joindre une cautérisation légère. Le nitrate d'argttt»
auquel on a recours d'habitude, a Tinconvénient de ne pouvoir pénitnr
jusqu'au fond de la plaie : nous lui préférons les caustiques liquidcit
tels que le nitrate acide de mercure ou tout simplement l'acide nitri*
que qu'on a toujours sous la main, dans les amphithéâtres. Il suffit d'en
laisser tomber une gouttelette entre les lèvres de la petite plaie et de
la replacer immédiatement sous le jet d'eau froide. Ces moyens, d'un em-
ploi facile et très-peu douloureux, réussissent presque toujours, lonqu'on
y a recours sur-le-champ, à prévenir les accidents auxquels les anato-
mistes sont exposés. Jules Roghard.
Questions médico-légales relatives aux plaies. — Pour qu'il y ait plaie, il
faut qu'il y ait solution de continuité des parties sous-jacentes i la peau;
il y a toujours dans ce cas, plus ou moins, une effusion de sang, mais
sans qu'il y ait nécessairement hémorrhagie ; ce fait de l'effusion du sang
est expressément retenu , dans notre loi, comme un caractère aggravant
les violences exercées et constitutives du crime lui-même (art. 321 C. P.).
Une plaie est une blessure, et l'histoire des blessures, au point de vue
médico-légal, a été assez bien faite, dans ce Dictionnaire» par notre émi-
nent et regretté maitre, AmbroiseTardieu, pour que nous n'ayons que peu
à ajouter à ce qu'il a dit sur ce sujet; nous insisterons seulement sur
quelques considérations relatives aux blessures en général, mais plus spécia-
lement applicables aux plaies et que notre pratique a pu nous apprendre.
I. 11 faut se préoccuper, avant tout, lorsqu'on examine un blessé ou
lorsqu'on procède à l'autopsie d'un cadavre, d'énumérer et de décrire
les plaies. Pour cela, nous ne saurions trop conseiller de ne point se
contenter de simples notes ; il est préférable de faire, en quelques coups
de crayons , un schéma représentant la partie du corps où existent les
plaies, puis de représenter ces plaies dans leur direction, leurs dimen-
sions, que l'on mesure avec soin et que l'on reporte sur le dessin. Des
renvois chiffrés permettent, pour telle ou telle plaie, d'ajouter une noU
complémentaire.
Depuis quelques années . un service photographique a été institué, i
la Préfecture de Police, pour reproduire, avant l'autopsie, dans les cas
de mort violente, avec plaies, la configuration extérieure des blessures;
l'intervention du médecin chargé de l'autopsie peut être utile pour
indiquer au photographe quelles sont les parties qui doivent être plus
iq>écialement reproduites.
ii-v
PLAIE. — QUESTIONS MÉDICO-lJCALKS. 125
U. Lorsque les plaies ont été énumérées et décrites, il fout déterminer
d* abord de quelle façon ou avec quelle arme elles ont été produites.
Mous n'avons pas à rappeler ici les caractères généraux des plaies par
arradiementy par monures. Les plaies par arrachement (à l'exception
de rarrachement du pénis, mutilation qui peut être volontaire, ou cri-
mioelle et dans certains cas provoquée par un attentat à la pudeur), s'ob-
aenrent dans les cas de blessures par imprudence.
Ifis plaies par morsures sont focilement reconnaissables; elles exis-
tent aux doigts, au nez, aux oreilles ; elles peuvent être trouvées sur le
corpa de la victime, souvent aussi sur le corps du meurtrier ; elles sont
l'indice d'une lutte ayant précédé la mort. Pour n'en citer qu'un exem-
ple» IVojqpmann, lorsque nous Tavohs examiné, avait sur le corps des
deatrices de morsures,, des égratignures au visage, des traces de che-
veux arrachés. Ces cicatrices de morsures doivent être décrites et dessinées
avec le soin le plus minutieux, car l'inculpé cherche le plus souvent à
les expliquer par une tout autre cause, écorchure ou brûlure, etc«
On examinera avec soin Tétat des dents de la victime, on peut avoir
occasion, dans certaines circonstances, de faire des comparaisons utiles,
n faut savoir reconnaître aussi les plaies par morsures produites par
les dents d'un animal ; on trouve souvent, sur les cadavres d'enfonts sub-
mergés dans les égouts, des morsures de rats qui, dans certains cas,
ont été considérées comme Tindice de violences criminelles par des mé-
decins peu expérimentés.
Les plaies contuses se reconnaissent à leurs caractères spéciaux :
attritiona des lèvres de la plaie et des tissus sous-jacents, irrégularité
el largeur de la plaie correspondant souvent à la forme du corps
vulnérant, etc. Cependant, il faut être prévenu que dans certains cas
la forme extérieure de la plaie peut être toute différente ; cela dépend
surtout de la conûguration des plans osseux sous-jacents ; nous avons vu
des plaies du cuir chevelu faites avec un bâton, plaies de formes régu-
lièrement curviligne, aux lèvres écartées, mais nettement divisées, et
qu'à un examen superficiel on aurait attribué à des coups de couteau.
Un corps contondant quadragulaire et massif peut faire des plaies étoilées.
Les plaies par instrument piquant gardent plus souvent l'empreinte
de Tanne spéciale qui les a produites. Les plaies faites avec des ciseaux
ont ce caractère spécial d'êtres doubles et formant un lambeau triangu-
Uire dodt le sommet est souvent mousse (Tardieu) ; la plaie faite par un
compas est triangulaire ; par un fleuret, anguleuse et carrée. Cepen-
dant, par le fait de l'écartement des tissus, de la direction suivie par
rinstrument vulnérant, la forme extérieure de la plaie peut varier : c'est
ainsi qu'un poinçon rond peut faire une plaie elliptique.
Lorsque l'instrument est à la fois piquant et tranchant, la blessure
^ présente alors des particularités qu'il est bon de connaître. Souvent la
■■^ Wgeur de la plaie extérieure est plus considérable que celle de l'arme
'-À (fia^ard. Annales d'hygiène pubL et de médecine légale). Si la lame est
1 introduite par la pointe, les angles de la plaie varieront suivant que
'"^ PLAIE. QUESTIONS MÉDICO-LÉGALES.
rinstrument offrira un tranchant simple on double. Au dos de la lame
correspondra un angle tronqué, au tranchant un angle très-aigu (Tardieu,
Étude médico-légale sur les blessures).
Dans les plaies par instrument tranchant, les bords sont nets» les
angles, plus ou moins aigus, se terminant parfois par un prolongement
de moins en moins profond. Les bords sont souTent écartés, mais Fécar-
temcnt des lèvres ne dépend pas de Tépaisseur de la lame ; elle dépend
surtout de la profondeur de la plaie, de la direction des fibres des tissus
divisés par rapport à celle qu*a suivie Tinstrument vulnérant. Lorsque la
blessure a été faite avec un rasoir, on peut reconnaître en quel point
l'arme a élé enfoncée par son talon et dans quelle direction elle a été
ramenée ensuite, l'incision se terminant par une sorte de queue effilée.
On peut reconnaître également , par les entailles pouvant exister sur les
lèvres de la plaie ou dans sa profondeur, si l'arme a été ramenée dans la
plaie; mais il faut ne pas perdre de vue ce fait que, dans les cas de plaie
profonde, l'inégale rétraction des tissus divisés par une seule incision,
peut donner l'apparence d'entailles plus ou moins régulières.
La distinction de la nature de la plaie et de l'espèce de l'arme qui
l'a produite n'est point des plus faciles; sur des parties du corps où la
peau recouvre des parties molles et épaisses, un instrument tranchant
à lame mal affilée, comme un vieux couteau, un sabre, etc., peut
faire des plaies à bords mâchés, contus et à angles mousses analogues
à celles que produit d'ordinaire un instrument contondant. Dans les
autopsies auxquelles nous avons procédé , lors de l'affaire Troppmann,
nous avons constaté, sur trois des victimes, des plaies contuses semi-
elliptiques, et nous avons pu reconnaître ce qu'elles avaient été faites par
une arme telle qu'un couteau brisé, agissant à la fois comme instru-
ment tranchant et contondant. »
Dans certains cas, les plaies ont été faites à l'aide d'instruments ser-
vant à l'exercice de professions spéciales ; et il est nécessaire de connaître
la forme et la dimension des instruments tranchants ou contondants
utilisés dans certaines professions, et qui peuvent servir d'armes dans
certaines conditions.
La forme des plaies, en apprenant de quelle arme on s'est servi, peut
donner des renseignements utiles sur la profession du meurtrier.
Le siège et l'étendue des blessures faites peuvent donner également,
au point de vue de la profession du meurtrier, des indications utiles. Dans
le cas d'un jeune garçon boucher de quinze à seize ans, trouvé, la gorge
coupée, au voisinage de l'abattoir de Saint-Oucn, la forme et la situatioo
de la plaie du cou nous indiquèrent que la victime avait été é«^orgée par
le procédé dont on se servait, à l'abattoir même, pour tueries moutons;
et ce détail a permis de retrouver le meurtrier parmi les compagnons de
travail du jeune apprenti boucher.
En même temps que l'on est chargé d'énumérer et de décrire les blés-
sures, on doit également examiner les armes saisies et que l'on croit
avoir servi à faire les blessures. On ne peut jamais affirmer que telle arme
PLAIE. QUESTIONS MÉDICO-LÉGALES. )25
a dû nécessairement faire telle ou telle blessure ; on peut dire seulement
que cette arme a pu faire les blessures constatées lors de Vexamen
du blessé^ de Vautopsie du cadavre; et lorsqu'il s'agit de Texamen
d'un blessé, il faut tenir compte, pour apprécier ce que devait être
la plaie primitive, du temps qui s'est écoulé depuis la blessure et de
la déformation à laquelle ont pu donner lieu, dans l'aspect primitif
de la plaie, la tuméfaction, l'infiltration des tissus et l'inflammation
consécutive.
Les plaies par arme à feu doivent être spécialement étudiées, au point
de vue de la nature du projectile et de la distance à laquelle le coup a
été tiré. Depuis quelques années, l'arme le plus souvent employée est le
revolver. Gomme la cartouche de cuivre du revolver ne contient que des
traces de poudre, les recherches faites précédemment et consignées dans
les livres, sur la distance à laquelle se produisent les brûlures et Tin-
crustatioa des grains de charbon, n'offrent plus grand intérêt. Lors de
Taffiiire Godefroy, nous avons dû chercher à déterminer jusqu'à quelle
distance avaient pu se produire, dans un cas déterminé, la brûlure et
l'incrustation des grains ; les expériences ont été faites avec Varme elle-
même et avec des cartouches identiques à celles qui avaient servi au
meurtrier. Lorsque celte question de la distance du coup, très-importante
au point de Tue de la distinction enlrc le suicide et l'homicide, sera
soulevée de nouveau, nous croyons qu'il conviendra de procéder de la
même façon et de se servir, pour chaque cas particulier, de l'arme et de
la cartouche qui se rapprochent le plus de celles qui ont servi à com-
mettre le meurtre. La charge de fulminate et de poudre n'est point la
même dans les cartouches de différentes fabrications, et ces conditions
font varier la distance à laquelle peuvent se produire la brûlure et les
iocru:!i(ations.
Dans les cas des plaies par armes à feu autres que le revolver (fusil de
chasse...), il faut recueillir avec soin tous les débris qui peuvent se
trouver dans la plaie ou qui sont entraînés par la suppuration. Dans
certains cas, il a été possible de recueillir ainsi des débris de papier
ayant servi à la bourre et qui ont constitué ultérieurement d'importantes
pièces à conviction.
III. La question du pronostic des plaies a été traitée à l'article : Blés-
sures en général. Rappelons seulement qu'il ne convient point de porter
\m pronostic d'après une seule visite; ea eiïet, on sait combien sont nom-
breuses les complications des plaies il faut tenir compte du siège de
laUessure (plaies de tête, de la racine du nez, etc.), de la constitution
et des habitudes du sujet (ivrognerie, syphilis, scrofule), des épidémies
régnantes (érysipèle, etc.).
: \ km point de vue de la responsabilité de l'auteur des plaies, il faut
tenir grand compte du défaut de soins donnés à la victime, et surtout
bâj rechercher si l'on n'a point employé, pour panser les plaies, des pom-
a madesou onguents fournis par des empiriques. C'est ainsi que, s'il sur-
sn Tient nn phlegmon diffus, consécutivement à une plaie du dos de la
.^■;
126 PLAIE. — QUESTIONS lléDICO-LéGALBS.
main» pansée avec un onguent irritant, la responsabilité n'en saurait être
attribuée à l'auteur d'une blessure souvent légère.
Le pronostic des plaies par arme à feu, alors même qu'elles semblent
insignifiantes, telles que celles faites par quelques grains de plomb, doit
toujours être réservé ; nous avons vu, aux environs de Chartres, un indi-
vidu atteint au cou de deux grains de plomb, dans un accident de
chasse, chez lequel les deux petites plaies avaient guéri, après quelques
jours, et qui succombait, deux ans après, aux suites d'un anévrysme de
la carotide causé par la blessure de l'artère.
IV. Il est difficile de répondre avec précision à cette question :
A quelle époque la plaie Ort-elle été faite ? La durée de la cicatrisation
varie, en effet, suivant la profondeur et l'étendue de la blessure, l'inten-
sité de l'inflammation, l'abondance de la suppuration, etc. La plaie dcÊt-
trisée, rouge ou yiolacéc d*abord, pâlit ensuite, puis devient tout à fait
blanche, dure et nacrée. L'étude des cicatrices , au point de Toe de
l'identité, est importante en médecine légale, mais, lorsque la ciea-
trice se forme, déjà la plaie n'existe plus, et nous n*avons point à en parler
ici.
Il est plus facile de distinguer les plaies faites pendant la vie des
déchirures ou solutions de continuité faites après la mort; celles-ci sont
pâles et livides, et leurs bords, incomplètement rétractés, ne sont pts
infiltrés de sang. Celte distinction est importante à faire, lorsqu'on eu-
mine un cadavre de noyé, qui peut être mutilé, sur lequel existent des
plaies profondes, faites à l'aide du croc, ou des plaies plus petites prove-
nant de morsures d'animaux, alors qu'il ne s'agit cependant que d'une
submersion accidentelle.
Enfin on doit se demander si les plaies proviennent d'un aoddenl,
d'un suicide ou d'un meurtre. Nous n'avons point à répéter ce qui a été
dit à ce sujet, à propos des blessures en général ; rappelons srâlement
que, dans la pratique, cette question est des plus complexes.
Pour ne parler que de l'apparence extérieure des plaies, la muUipliciU
des coups portés est une présomption de meurtre, mais nous avons vu,
dans des cas de suicide avéré, le corps criblé de blessures.
Lorsque plusieurs armes ont été employées^ il y a également pré-
somplion de meurtre ; cependant nous avons vu, dans des cas de sui-
cide, des blessures faites avec des armes différentes, rasoir et revolvor,
poinçon et couteau, serpette, etc.
L'examen du cadavre , au point de vue des traces extérieures de vio-
lences indiquant une lutte, l'examen des vêtements surtout, donneraient,
dans cette difficile question, des cléments de conviction. Souvent, dans
les cas de suicide, l'individu, avant de se frapper, écarte ses vêtements,
puis s'assure du point où il veut frapper ; il n'en est pas de même, dans
les cas de meurtre, les vêtements sont atteints par l'arme. Lorsqu'il s'agit
de décider s'il y a suicide ou meurtre, on attache, et avec raison, une
grande importance à la découverte de l'arme près du cadavre. Il convient
de rappeler cependant que quelquefois l'arme peut être projetée à une
PLAIE. — » QDBSTI01I8 MÉDICO-LÉGALES. 127
assez grande distance ; dans un cas de suicide par égorgement, que nous
ayons eu occasion d'observer, Tarme n'avait pu, malgré les recherches les
plus attentives, être retrouvée auprès du cadavre ; en fouillant le gilet, on
trouva le couteau fermé et plein de sang dans une des poches ; l'indi-
vido, après s'être ouvert la gorge, avait pu, par une sorte de mouvement
automatique, fermer son couteau, et l'avait remis dans la poche où il le
plaçait d'habitude. Il ne faut point oublier que, dans les blessures les plus
graves, alors que le cœur est percé, la gorge ouverte, la mort n'est pas
tooîoon foudroyante; l'individu peut marcher quelque temps encore.
En résumé, dans cette question de la distinction du suicide et du meur-
tre, Tétude de la plaie en elle-même ne peut, le plus souvent, que donner
des présomptions ; mais dans certaines circonstances, ces présomptions
équivalent presque à la certitude. Dans Taffaire Godefroy, l'accusé préten-
dait qjiie sa victime s'était suicidée, tenant le pistolet à deux mains, par
conséquQiit très-rapproché du front (à moins de douze centimètres). A
cette distance, il eut dû y avoir incrustation de grains de poudre et
brâlure des bords de la plaie ; les bords de la plaie étaient nets ; ils
n'étaient oi brûlés, ni noircis ; le coup avait été tiré à une plus grande
distance. On pouvait donc conclure qu'il n'y avait pas eu suicide.
Georges Bergeron.
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PL.ESS1MÈTRE. Voy. Percussion, t. XXVI, p. 326.
PLÉTHORE. — Le mol 'pléthore {-ù.rf^xù^x^ plethora) exprime,
aussi bien par son élymologie (içXiqO-iv, être plein) que par le sens qu'oi
y attache généralement, l'idée de plénitude, de trop-plein, de surabon-
dance, etc., et offre sous ce rapport une richesse synonymique tout i fait
î
PLÉTHORE. — HISTORIQUE. 129
concordante, dans ces expressions : pleniludoj repletio, polyœmia^ copia
boni sanguinis^ etc. Quelles que soient les applications spéciales, ou plus
ou moins détournées, qu'on ait laites de ces termes équivalents, c'est
toujours la même interprétation, conforme au point de départ. Les au-
teurs, sûrs de cette notion iniiinle, ont pu s'étendre à loisir sur un pa-
reil sujet; et admettre aussi bien une surabondance des diverses hu-
meurs que Ton distingue, et même de la vitalité et des forces intimes,
<[ue du sang lui-même, considéré comme la source de toute activité
biologique. La plénitude fut aussi bien relative qu'absolue, partielle que
générale, substantielle que virtuelle, etc. ; et le remède, si simple à
trouver^ fut toujours la déplétion, c'est-à-dire la soustraction de Thumeur
vitale par excellence, le sang. Aussi la facilité avec laquelle on prodiguait
la saignée impliquait-elle, d*une façon presque corrélative, le règne
de la pléthore. L'influence de cette affection est bien contestée de nos
jours; mais, comme les accidents qu'on lui attribuait n'étaient pas
purement subjectifs, la physiologie moderne a pour devoir d'interpréter
rationnellement la pléthore des âges antérieurs, de montrer ce qui lui
correspond aujourd'hui parmi les troubles morbides observés, et d'indi-
quer en même temps quels sont ]es moyens propres à y remédier.
L Historique. — Dans un sujet qui a subi aussi profondément les
vicissitudes des doctrines, le point de vue historique doit occuper le
premier plan. Tout l'intérêt de la «question est là : c'est en vain qu'on
voudrait faire de la pléthore une entité nosologique, et en donner une
description didactique, comme s'il s'agissait d'un cas déûnitivement ac-
quis à la science, et parfaitement déGni. Tout proteste contre cette
manière de procéder, et nous impose certaines limites. La pléthore, c'est
i'ezcès du bien, pouvant seulement aboutir parfois à quelques troubles
fonctionnels, et encore plus rarement à de véritables accidents. Nous
devons donc rechercher surtout comment s'est établie la notion de la
pléthore, et comment cette conception s'est transformée dans la série des
âges, et jusqu'à notre temps, conformément aux doctrines qui se sont
succédées.
Nous voyons tout d'abord que l'idée de la pléthore était déjà familière
à l'époque d'IIippocrate. Son troisième aphorisme, interprété dans ce
sens par Van Swieten, déclare que l'excès même de la santé est dange-
reux; car, un équilibre parfait étant impossible, et de même le progrès
vers le mieux, il est de toute nécessité de déchoir. La déplétion peut être
dangereuse, et non moins dangereuse la réfection qui lui succède. Dans
d'autres passages, que nous avons analysés à propos de la Dyspepsie (T. Xll,
p. 44), cette obligation de maintenir une juste proportion entre la
recette et la dépense est très-nettement indiquée, et dans des termes
que ne renierait pas la doctrine de la corrélation des forces physiques.
En somme, est-il dit, c'est l'harmonie du tout qui constitue la parfaite
santé
Les progrès de la science, au temps de Galien, introduisirent une plus
grande précision dans le sujet. Galien lui-même reconnaît que la pléthore
MIT. ncr. Mi». iT cmu XXVIII — 9
150 PLÉTHORE. — historique.
n*cst pas l'augmentation de toutes les humeurf^, mais seulement de la
masse du sang normal. Les accumulations de bile jaune on noire, de
pituite, de sérosité n'appartiennent pas à la pléthore, mais à la cachexie.
Il admet aussi, d'après une opinion reçue de son temps, deux espèces de
pléthore : Tune relative aux vaisseaux (?cpbç i^eXd)^ et l'autre aux forces
(icpbç T^ 86va|jLtv). La première implique une réplétion extrême des vais*
seaux, au point d'exposer à une rupture imminente, et de gêner le
jeu des fonctions par cette distension même ; la seconde ne consiste plus
dans une réplétion trop grande du système vasculaire, mais dans ce bit
que la force vitale amoindrie peut à peine mettre l'humeur centrale eo
mouvement.
Ces vues sur la pléthore restèrent classiques tant que dura le règne d»
Galénisme, c'est-à-dire jusqu'à une époque assez rapprochée de nous, et
se retrouvent dans presque toute leur pureté première chez Boerhaave,
qui leur a donné l'appui de son autorité. C'est encore là qu'on trouve It
description la plus complète de la pléthore, à peine distinguée comme
cas morbide particulier par les autres auteurs. Van Swieten, le com-
mentateur des aphorismes, s'en prend à Van Helmont, qui hésite à
compter la pléthore parmi les maladies, n'admettant pas que ce qui est
bon puisse pécher par excès ; et il fait observer que, si la pléthore n'est
pas encore la maladie, elle est une telle situation, que la moindre addi-
tion d'humeurs, ou que la raréfaction de ces humeurs sous l'influence do
calorique, ne peut manquer de troubler les fonctions.
Quelque soit, du reste, le rôle qu'on accordât à la pléthore, soit qu'oo
eût égard à la surabondance générale du sang, soit qu'on vît dans les
accumulations partielles de cette humeur, constituant les congestion
actives ou les fluxions inflammatoires, de véritables pléthores locales,
jamais plus grand emploi de la saignée, pour ne pas dire abus, ne fut bit
que pendant le siècle dernier, et jusqu'à l'époque presque contemporaine,
finissant avec Broussais et son influence. Ce n'est pas que cet abus justifie
absolument l'espèce d'abandon où se trouvent à l'heure présente 1m
émissions sanguines ; mais les idées ont pris un autre cours : les hypéri-
mies partielles ont reçu une interprétation plus conforme à la réalité dei
choses, et sont combattues par des moyens non moins énergiques, tout
en épargnant le sang, dont il ne semble pas qu'on ait jamais une trop
grande proportion. *
Durant cet intervalle, des données plus positives s'étaient introduitei "
dans l'histoire de la pléthore. On avait cherché à déterminer quelle de- '
vait être la masse totale du sang chez un homme, dans les conditio» ^
normales, d'après certaines comparaisons faites avec les animaux (Alki ^
Moulin). Mais, indépendamment de l'incertitude attachée à une pareilb ^
niétiiode, la quantité du sang peut encore varier avec la taille de l'indi* P
vidu, avec la capacité relative des vaisseaux, et enfin avec beaucoup ^
d'autres circonstances encore. La considération de la pression exercée ^
par le sang sur les parois vasculaires ofl'rait déjà des résultats plus facil^ r
ment appréciables; mais, en raison de l'impossibilité d'obtenir cette fe
PLÉTHORE. — HISTORIQUE. 151
pression sur le vivant par des moyens directs, on en était toujours réduit
à Tapprécier d'après certains caractères du pouls, dont les rapports avec
la tension vasculaire sont d*une nature tout à fait contradictoire.
Avec les conquêtes de Thématologie chimique, la question prit un tout
autre aspect. Les travaux de Becquerel et Rodier (1841), d'Andral et
Gavarret (1842), et de tant d^autres, servirent de base à une étude plus
rigoureuse de la pléthore. C'est le globule rouge qui devint Tunito de
mesure, comme étant l'élément le plus essentiel du sang; mais il ne fut
d'abord évalué qu'en masse, et par rapport aux autres parties consti-
tuantes de l'humeur centrale. Nous verrons dans quelles limites oscillent
les réjiultats obtenus, et quel écart peut exister entre le plus et le moins,
entre la pléthore et l'anémie.
La science moderne fit mieux encore. Aidée du microscope, elle chercha
k dénombrer ces globules rouges, principe de la richesse du sang, mal-
gré les difficultés de l'entreprise, et l'énormité des chiffres qu'on devait
trouver. Ndos aurons à fournir quelques détails sur ce sujet, qui n'a reçu
ses pofectioiinements pratiques que de nos jours (Malassez, 1872;
Hayem, 1875).
La qualité du sang ne fut pas seulement appréciée au moyen de la
numération des globules rouges, elle parut aussi subordonnée à l'inten-
sité de sa coloration, due elle-même à Vhémoglobinej substance intime-
ment attachée à la constitution du globule rouge. Le procédé de dosage de
l'hémoglobine est plus facile à mettre en œuvre que la numération des
globules rouges ; nous dirons sur quels faits il est fondé, et nous aurons
à juger de sa valeur réelle. Il a été imaginé par ces mêmes auteurs que
nous Tenons déjà de citer (Malassez, 1874; Hayem, 1875) : comme on
le ^U il est né d'hier, pour ainsi dire.
Noos n'avoUs pas voulu détourner l'attention de la pléthore vraie, clas-
nque, pour parler de certaines acceptions que le mot a reçues chemin
Taisant : nous réservant d'y revenir en dernier lieu, pour être complet.
C'est ainsi que l'excès absolu de la masse du sang, nécessitant une déri-
vation de cette humeur vers certaines dépendances du système vasculaire,
où elle s'emmagasine, donne lieu à une sorte de pléthore partielle, avec
dilatation variqueuse de diverses sections du système veineux. Parmi ces
déterminations d'un ordre si particulier, nous mentionnerons la pléthore
abdominales dans ses rapports avec la disposition hémorrhoïdaire et
toutes ses conséquences. Qui ne voit ici comme une consécration des
opinîoas de Stahl, et comme le principe de cette grande affection hypo-
chondriaque, qui joue un rôle si considérable dans ses doctrines?
La pléthore se révèle, sous ce nouvel aspect, avec son véritable sens,
que nous aurons à faire prévaloir en temps opportun, et prend ainsi une
consistance qui laisse bien loin dans un vague indéterminé cet état
sans limites et sans attributions, tel que l'on conçoit la pléthore gé-
néralement.
Une dernière acception de ce terme repose sur certains faits observés,
d'abord, dans le cours de la grossesse; alors qu'il semble y avoir sura-
152 PLETHORE. — physiologie pathologique.
bondance de sang, donnant lieu à quelques accidents qui cèdent _
ment à l'emploi de la saignée. Cette disposition paraît jusIiGée par TéUt
du pouls, qui implique une grande masse de sang en mouvement; et par
Thyperlrophie temporaire du ventricule gauche, reconnue par Larcher
(1828). Mais d'autres circonstances reproduisent les mêmes phénomcaes en
dehoi*s de la grossesse, toutes dominées par une certaine dilution du sang.
L'état cachectique, en un mot, se trouve mainte fois doublé d'une sorte
de pohjémie séreuse (Beau, 1846), forme de pléthore, qui ne simule la
véritable pléthore que par ses caractères les plus accessoires. Néanmoim
nous aurons à tenir compte de celte assimilation plus ou moins forcée,
pour mieux en faire ressortir les oppositions et les apparences pan-
doxales.
Cet historique serait incomplet, si nous ne signalions pas rioDaenee
de la méthode graphique sur les progrès de la question qui nous occupe
en ce moment. Les rapports réciproques des circulations locales avec h
circulation générale, et l'action des mouvements respiratoires sur la ten-
sion vasculaire, sont nettement établis au moyen de tracés qui ne laissent
guère de place à Téquivoque. La véritable pléthore se trouve ainsi déga-
gée des simples troubles circulatoires, qui sont plus ou moins fugaces, et
qui nécessitent l'emploi de moyens diftérents, destinés à y remédier. On
peut donc affirmer, sans crainte d'être contredit, que la question de la
plétiiore, longtemps stationnaire, a reçu de la science contemporaine des
éclaircissements qui vont nous permettre de décider ce qu'il y a à prendre
ou à laisser de cet état qu'on ose à peine appeler morbide.
II. Physiologie patholog^ique. — La notion de la pléthore, au
point de vue objectif, est relative aux diverses circonstances suivantes :
1"^ à la masse totale du sang; ^r au degré de pression que ce sang
exerce sur les parois vasculaires ; 5® à sa richesse, soit en globules
rouges, soit en hémoglobine; i"" enfin à quelques autres particularités
secondaires. Nous allons examiner la question sous chacun de ces dilfi-
renis aspects, laissant à la clinique le soin de coordonner ces élémeutset ^
de conclure sous le rapport nosologiquc. P
1** On ne peut arriver à la connaissance de la masse totale du sang, p
chez l'homme vivant, que par des voies détournées et d'une façon toot P
approximative. Partant, il est encore plus difficile de dire à quel point ^
précis commence la pléthore par surabondance de la masse sanguine; '
car, à Tabsince de moyens certains pour évaluer la quantité de sang que *^
l'on possède, s'ajoutent les incertitudes provenant des écarts consilià^ ^
bics dans les résultats obtenus tant bien que mal, sans sortir des limites "^
plly^iologi(|ues. C'est ainsi que, d'après Cl. Bernard, et suivant qu'un ■■
animal ei>t n jeun ou en pleine digestion, la masse totale du sang peut }^-
varier du simple au double. Dans ces teimcs, on conçoit quelles pertu^^
bâtions apportent à la solution du problème les actes les plus simples de -^s
la vie, qui tantôt ajoutent et tantôt enlèvent à la masse de nos humeufi. ^
On avait bien songé à appliquer la méthode de numération dcâglo-j%â
bulcs rouges à l'évaluation de la quantité moyenne du sang ; et Vicrurdtf 11
PLÉTHORE. ** PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 153
le premier (1852-54), avait proposé un procédé qui serait, à la rifnicur,
praticable chez rhomme vivant. MaisMalassez (1874), tout en indiquant
quatre antres moyens de dosage fondes sur le même fait, est oblii^é de
reconnaître que les résultats obtenus sont loin d'être absolus; et ifail-
leurs on ne peut opérer que sur des animaux, puisqu'il faut les sacri-
fier. Cet auteur a néanmoins énoncé un principe qui peut, par extension,
recevoir son application chez Thomme et éclairer la question qui nous
occupe : c'est le principe de la capacité globulaire ; à savoir, le rap-
port qui existe entre le nombre des globules rouges et l'unité de poids
de Vanimal, en supposant le sang distribué avec égalité dans tous les
tissus. Il ne faut pas confondre la capacité globulaire avec la richesse
globulaire^ qui n'est que le nombre absolu des globules rouges par mil-
Umètrc cube de sang. Voici maintenant quelques faits qui, sans exiger la
connaissance de la masse du sang, peuvent être utiles à savoir :
RèlaUvement à Tâge, il semble, du moins dans les premières périodes
de la vie, que la capacité et la richesse globulaires vont d'abord en aug-
mentant, tandis que le volume total du sang diminue.
L'influence du régime, produisant Tengraissement de Tanimal, amène
une diminution de la capacité globulaire et du volume du sang; mais la
richesse en globules augmente. Il s'ensuit que l'embonpoint se développe
plus rapidement que le sang.
Dans l'amaigrissement, au contraire, le volume proportionnel du sang
augmente ; et la capacité globulaire et la richesse globulaire diminuent :
il y a hydrémie.
Dans l'inanition, il y a à la fois diminution de la capacité et de la
richesse globulaire et du volume du sang : le sang parait plus vite affecté
que toNt autre tissu.
Chez un inanitié, Malassez évalue la réduction de la masse du sang au
soixante-dixième du poids du corps; tandis que, chez un individu sain,
dont le sang était destiné à être transfusé au précédent, la proportion
était environ du neuvième.
De ces faits, qui ne nous dispenseront pas de revenir sur la numéra-
tion absolue des globules ronges dans ses rapports avec la pléthore, nous
pouvons conclure que cet état du sang est indépendant de ce qui est
la marque extérieure de la force et de la santé, l'embonpoint et Texubé-
rancc des masses musculaires : il serait plutôt en opposition avec ces
apparences.
C'est qu'en effet, la surabondance de sang doit se traduire par cer-
tains phénomènes, qui impliquent une prédominance du liquide sur le
solide, dont on chercherait en vain les attributs sur les individus san-
guins qu'on qualifie trop volontiers de pléthoriques. Il y a là une erreur
qui a longtemps -subsisté, et dont il faut revenir. Si à l'homme d'un
tempérament sanguin, on oppose un homme à tempérament bilieux,
on remarquera, entre autres caractères, chez ce dernier, un développe-
ment exagéré des veines sous-cutances, souvent une tendance à Tétut vari-
queux de ces veines; les veines hémorrhoïdaires sont également vari-
134 PLÉTHORE. — physiologie pathologique.
queuses ; tout annonce une sorte de pléthore abdomincUe^ qui se trahit
par des malaises propres aux hypochondriaques, et qui se juge, soit par
des épisiaxis, soit surtout par des fliur hémorrhoîdaux. Cet ensemble
annonce une surabondance de sang, un trop-plein, qui tend à refluer
dans le système veineux, et à y constituer de véritables réserres : tel est
le sens général de TafTection hémorrhoïdaire , chez l'homme prindpale-
ment. Pour ce qui est de la femme, il y a une circonstance, la gnmnse^
qui entraine une sorte de pléthore, s'annonçant par des varices des mem-
bres inférieurs, et indirectement par Thypertrophie du ventricule gauche
(Larcher, 1828). L'origine d'un pareil état est moins dans la présence
d'un fœtus, qui gène la circulation, que dans le fait de la suppressioo
des règles qui, chaque mois, enlevaient le trop-plein du système vasco-
laire. Si* on voulait nier le rôle et l'utilité de ces réserves de sang, il suffi-
rait de citer le cas de cette servante qui, à chaque grossesse, se faisait
avorter en comprimant les varices qu'elle portait aux membres infé-
rieurs.
Cette forme de pléthore est bien la pléthore ad vasa , par excellence ; l'ex-
pansion de la masse sanguine, sous l'influence de la chaleur, ou delt pres-
sion atmosphérique diminuée, donne lieu à la variété de pléthore dite ad
volumen; tandis que la réduction du champ circulatoire, par le fait d'une
amputation, par exemple, constitue la variété ad spatium-. Ces distinc-
tions ont leur importance, puisqu'elles spécifient telle ou telle condi-
tion étiologique particulière; elles font, jusqu'à un certain point, indé-
pendantes de la qualité du sang, c'est-à-dire de sa richesse en globules
rouges, de sa consistance et de sa densité. Aussi a-t-on admis une autre
espèce de cet état qui mérite les noms de pléthore ou de polyémit
séreuse. La pléthore de la grossesse est en grande partie de cette nature;
des accoucheurs célèbres (Désormeaux, P. Ménière, 1828) ont mis sur
son compte bon nombre des accidents de la grossesse, et ont ainsi jus-
tifié l'emploi de la saignée, si largement fait, même à simple titre pré-
ventif.
Le même ensemble symptomatique a conduit certains observateurs
(Beau, 1845-56) à admettre une sorte de pléthore de cachexie, compre-
nant à la fois une plus ou moins grande hydratetion du sang, et une
surabondance apparente de l'humeur en circulation. L'hydratation se
traduit, en pareil cas, par une transsudation du sérum hors des vais-
seaux, et par un affaiblissement de la coloration rouge du sang; tandis
que la soi-disant pléthore serait accusée par une réplétion extrême des
vaisseaux, par des congestions viscérales et par des bruits de soufOe.
Mais, dans ce tableau si habilement tracé, les apparences jouent un plus
grand rôle que la réalité ; et nous aurons à décider jusqu'à quel point,
dans la pléthore, la quantité du sang peut se séparer de sa qualité.
2^ La pression que le sang exerce sur les parois vasculaires, est aussi
un élément important de la question. 11 peut toujours y avoir phlétore
relative^ du moment que la tension inlravasculaire dépasse un certain
degré. Les caractères de la forte tension sont précisément ceux de la
PLETHORE. — PHYSIOLOGIE pathologique. 1o5
irabondance de la masse sanguine, et ont servi de point de départ à une
iriété de pléthore, ad vires^ qui s*est introduite tout empiriquement
uns la science. Ces caractères sont : la petitesse et la dureté du pouls ,
\ ralentissement des pulsations cardiaques , et, dans les tracés sphyg-
lographiques, le peu d'amplitude de la courbe et le défaut de dici^o-
ime. En même temps, on observe, dans les cas extrêmes, tous les acci-
ial8 propres à la concentration des forces (oppressio virium) , et
8qu*à Yalgiditë cholériforme la plus inquiétante. Un pareil état reçoit
solution , soit d'une émission sanguine faite à propos , ou de toute
lire dëplétion; et, corrélativement, du relâchement du réseau capil-
ire de la périphérie, dans cette phase de réaction qui suit si avanta-
îQsemeni la période de frisson et d'algidité.
Cette forme de pléthore se rencontre dans un grand nombre de cir-
iiutances, dont quelques-unes s'écartent à peine de l'état physiologique.
n Tobserfe dans le simple frissonnement du froid et de la terreur, et
us le degré le plus avancé de Talgidité cholérique et de l'étranglement
itesfioal. Elle suppose une énorme concentration de sang dans les or-
mes intérieurs, où la vie semble se réfugier, et y constitue une pléthore
I vasa réelle, quoique temporaire et fugace. Il existe momentanément
le coDgcstion des grosses veines afTérentes du cœur, et une dilatation
m cavités droites, en rapport avec l'état asphyxique et l'angoisse où se
oove le malade. Des transsudations, telles que Yentérorrhée choléri-
Wf compensent à peine cette tension extrême, qui ne saurait durer sans
ingw, et qui ne se trouve efficacement levée que par la relaxation du
seau capillaire périphérique. Alors, à la forte tension succède la faible
osioii, ï la petitesse et à la lenteur du pouls, Pampleur et la vitesse, au
iiroidissement le réchauffement, à la suspension momentanée de la vie
:(érîéiire l'expansion de toutes les activités fonctionnelles, à Voppressio
rntifi la réaction. C'est alors la fièvre dans ses manifestations les plus
apies. Le système vasculaire est le théâtre de ces mouvements antago-
sles, qui sont liés entre eux par des lois, inscrites automatiquement
ir les procédés graphiques (Marey, 1863; S. Tschirjew, 1877).
Les Avers actes de la vie nutritive, les congestions actives ou passives,
résidant aux phlegmasies ou aux hémorrhagies, constituent autant de
ts de pléthore relative, et entretiennent les mêmes alternatives entre la
osion vasculaire profonde et la périphérique.
Quoi qu'il en soit de la quantité de sang que Ton possède, le système
rttriel s'accommode toujours pour conserver un certain état de pression,
ooi lequel s'accomplissent les divers actes de la vie, et qui donne en
iitie la mesure de l'énergie vitale, comme le manomètre du générateur
le vapeur. Cette pression, qu'on a pu déterminer chez les animaux, n'est
•as exactement connue pour l'homme : elle est d'ailleurs incessamment
ariable. 11 y a pourtant des sections du système artériel, où l'adaptation
he se (ait plus aussi strictement, lorsque la tension intra-vasculaire vient
ï s'abaisser au-dessous de certaines limites, par suite d'anémie surtout.
C*esldans l'aorte, où l'absence de l'élément contractile ne permet pas de
136 PLÉTHORE. — physiologie pathologique.
régler le calibre du vaisseau suivant la masse du sang qui le traverse. Il
en résulte des écarts considérables cnlre le maximum et le minimum de
tension, et une excursion des parois, qui donne naissance aux baiiemenU
aortiques (voy. t. II, p. 79:^). En tlicsc générale, on sera d'autant plus
voisin de Tétat pléthorique, dans les conditions ordinaires de la vie, que
la tension vasculaire sera plus près de sa limite supérieure, sans pouvoir
s'abaisser beaucoup au-dessous : l'exploration du pouls servira de mesure
dans ce cas.
C'est encore sous l'influence de la pression atmosphérique, que ces
accommodations auront le plus lieu de s'exercer. La tension intra-vascu*
laire ne vaut que par son écart au-dessus de la pression extérieure. On
sait ce qui se passe dans les ascensions en ballon, et réciproquement
dans la cloche du plongeur; et par le jeu alternatif de ces deux conditions
extrêmes, on peut en quelques secondes accroître la pression vasculaire
jusqu'aux ruptures hémorrhagiques, ou lui faire équilibre jusqu'à l'an-
nuler pour ainsi dire. On se rend ainsi compte enfin du rôle de la près-
sion barométrique dans un grand nombre de troubles fonctionnek aussi
mobiles qu'elle, et souvent inexplicables.
3^ Mais c'est la qualité du sang qu'il s'agit surtout d'apprécier.
Qu'importe que ce sang remplisse outre mesure le système circulatoire, et
que ce système soit monté au degré de la forte tension, si le liquide en
mouvement est dépourvu de vertus vivifiantes. Il est donc nécessaire que
le sang ait une certaine densité, qu'il soit sufSsamment riche en globules
rouges, que ces globules eux-mêmes soient en état d'accomplir énergique-
ment leur tâche intime, et qu'enfin dans toutes leurs proportions, les
éléments constituants de l'humeur centrale soient tels que le comporte te
type moyen de la vie. La pléthore ne commencera que lorsque l'un ou
l'autre de ces principes constitutifs, ou tous à la fois, dépasseront une
limite déterminée.
Parmi les parties intégrantes du sang, les globules rouges occupent le
premier rang par l'importance. Il y a donc lieu de les apprécier eux-
mêmes, et pour la proportion que le sang en renferme. Ce dernier point
nous occupera d'abord.
Dans les premiers essais rigoureux d'hématologie, on s'est surtout in-
quiété de mesurer en masse ces globules rouges, et d'en donner le poids
absolu pour lUOO parties de sang. Mais les résultats ne sont pas constants;
ils varient avec les observateurs, et même d'un instant à l'autre chez le
même individu. (Voy. art. Sakg.) Afin de fixer les idées, nous indiquerons
le chiffre de 127 pour 1000, adopté par Andral et Gavarret, et qui a
plutôt servi à marquer une limite supérieure pour les anémies, et surtout
la chlorose, qu'à édifier les esprits à l'égard de la pléthore. Cependant
nous voyons la propoilion de 131, de 154 (moyenne 141) pour 1000,
dans des cas se rapportant ai ce dernier état morbide.
Ces résultats ont beaucoup perdu de leur importance depuis qu'on a
entrepris de compter ces globules rouges eux-mêmes. Les principes de
cette numération sont indiqués d'autre pai (art. Samg), et nous n'avons i
PLÉTHORE. — PHTSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 137
lUS occuper ni des moyens, ni des faits qui n'intéressent pas directement
lire sujet. Cependant nous indiquerons la méthode de Ilayem (1875),
(mme la plus simple et la plus facile, pour arriver à connaître le
Mobre des globules rouges par millimètre cube de sang. Maintenant à
lel chiffre pourra-t-on dire qu'il y a pléthore? Est-ce à quatre millions?
iîx millions? etc. Il est bien difficile de se poser des bornes fixes à cet
ard, car une multitude d'influences font varier ces proportions. C'est
isi que, pour ne citer qu'un exemple, Brouardel (1876) a vu une pur-
tioii élever le chiffre habituel des globules rouges d*un million par
illimètre cube, et quelquefois de deux millions. Il est vitii que le pre-
ier rapport ne tardait pas à se rétablir, à la suite. De même, chez un
anitié, il a compté 4 849 395 globules rouges, chiffre relativement
^BsidéTable, qui a permis à notre ingénieux observateur d'émettre ce
indoxc : c Voulez-vous rendre un homme pléthorique? mettez-le à la
ète, et pui^ez-le. » Il n'est pas besoin de dire que la réciproque est
lalement rraie; et qu'un repas copieux, délayant le sang, le rend plus
lurrc en globules. Mais nous savons aussi que la solution du problème
t la pléthore ne dépend pas que d'un seul facteur.
Le globule rouge étant considéré comme l'élément essentiel du sang,
, ainsi que Malassez le désigne, comme la monnaie respiratoire, il ne
iffitpas d'en connaître le nombre exact, mais aussi quelle est sa charge
n hémoglobine. L'hémoglobine, à quelque titre que ce soit, est le prin-
ipequi fixe l'oxygène de l'air dans l'acte de la respiration, et sert à le
lèpcDser dans tous les pomts de l'organisme. Un globule, quoique volu-
oÙDeux, comme dans la chlorose, peut être pauvre en hémoglobine; et sa
ridiesse en cette substance est le vrai mobile de son utilité et de son
éiMfgîe. Il est donc important d'en opérer le dosage, pour juger de la
râleur d'un certain sang. Ce dosage est, en général, fondé sur l'intensité
ieli coloration du sang donné, en rapportant la nuance observée à un
rhiffire connu de globules rouges. (Voy. art. Sang.) Il arrive ainsi
(p'mc moins de globules rouges, et avec des globules plus petits, un
sang peut être plus riche en hémoglobine, et par conséquent plus vrai-
neot pléthorique, qu*un autre sang dont il faut plus de globules rouges
loar obtenir la môme teinte, et le même pouvoir respiratoire, par con-
équeot.
l'hémoglobine, à son tour, parait devoir ses vertus dynamiques au fer
[o'dle contient. D'après les évaluations les plus récentes, elle ne renfer-
oerait pas moins de 0.42 pour 100 de ce métal. D'un autre côté, l'action
la fer, chez les chlorotiques, se traduit par une augmentation rapide de
1 richesse globulaire, et parallèlement de la charge en hémoglobine. Ces
lits, observés à l'occasion des anémies et de la chlorose, servent par
itension à concevoir Tétat pléthorique, sans qu'aucun terme précis
ennctte de dire où finit l'anémie, où commence la pléthore.
4* Il n'est pas, d'ailleurs, un seul des éléments du sang que la chimie
1 distingués et dosés, qui n'apporte son contingent au sujet qui nous
locupe. On peut même poser en fait que la pléthore est une sorte de
158 PLÉTHORE. — appligatio.^s cluiioobs.
résultante de toutes les activités intimes de Thumeur centrale» 8*exerçaat
avec harmonie, mais à la limite supérieure même de ces énergies. De
sorte qu'avec un degré de plus la désunion commence, et les troubles
fonctionnels en même temps. Il en résulte qu'on doit rencontrer une
juste proportion de fibrine, ou mieux de plasma, pour servir de milieu
à Vhématie; et des principaux sels : chloinire de sodium, phosphate de
soude, etc., qui favorisent les réactions propres à la respiration et à la
nutrition.
Il est si vrai que cet ensemble de richesse globulaire et en hémo-
globine constitue le point culminant de la vie physiologique, oi\ pléthore,
que, dès le premier pas de l'état morbide, Téquilibre est rompu. On sait
avec quelle vitesse se consomment les globules rouges dans les inflao^
mations, les pyrexies, les dégénérescences, et surtout les hémorriui-
gies, etc. Un des points les plus remarquables de cette destruction, c'est
le défaut d'emploi de la Gbrine qui sert, pour ainsi dire, d'atmosphère
au globule rouge, et qui dès lors se précipite avec tant de facilité, mit
dans le vase de la saignée, soit dans les parties qui sont le nége de la
détermination morbide. Cette prépondérance de la fibrine se retrouYO
dans le cours de la plupart des cachexies, et même dans la chlorose, i
l'exception peut-être des affections scorbutiques. Un nouvel équilibre
tend à s'établir par un appel surabondant de l'élément aqueux ; la tensioa
intra-vasculaire remonte ; une autre forme de plénitude ou pléthore ap*
parait : c'est notre pléthore ou polyémie séreuse.
Il faut encore tenir compte de la qualité du sang, et surtout de sa deih
site dans leurs rapports avec les mouvements circulatoires. Nous noos
contenterons de rappeler ici que le sang circule d'autant plus facilement
qu'il est moins dense (art. Cirgolation, t. VU, p. 720); et que la dispo-
sition à produire des bruits de souffle est en raison inverse de cette den-
sité (art. AusGULTATioM, t. IV, p. 190). Renversez les termes de ces deux
propositions, et vous en aurez fait l'application à la pléthore. D'un autre ■
côté, les recherches de Malassez (1873) nous montrent l'inégale ri-
chesse du sang en globules rouges, suivant les différentes parties de •
l'arbre circulatoire, et une foule d'autres circonstances accessoires; cela
implique une grande diversité parmi les circulations locales, qui sont :
d'autant plus entravées que, d'après l'expression vulgaire, le sang est
plus épais.
Il nous reste, à présent, à transporter ces données de physiologie pa-
thologique sur le terrain de la clinique, pour y recevoir leur véritabll .
signification, et y trouver leur utilité pratique.
111. — Applications cliniques. — Nous avons déjà fait pressentir
combien il serait difficile de réunir dans un même cadre tous les phéne- i
mènes propres à la pléthore, pour en conclure à une unité nosologiqu^ i
bien définie. Nous pensons, au contraire, qu'il y a lieu de former plu-
sieurs groupes parmi les symptômes que l'analyse précédente nous a révé-
lés, et de rattacher chacun d eux à sa série naturelle, d'après ses affinités.
C'est ainsi que nous distinguerons, d'abord, trois grands cas principaux
PLÉTHORE. — APPLICATIONS CLINIQUES. 159
ur la pléthore proprement dite : V lun relatif à la surabondance du
ng; 2* le second, sous la dépendance de la pression intravasculaire ;
3* le troisième caractérisé par la richesse du sang en globules rouges
en hémoglobine. Puis, nous admettrons un quatrième et dernier cas,
»iir la pléthore fausse ou paradoxale,
V PléUiore par surabondance de la masse sanguine. — C'est la
éthore Traie ou classique par excellence, la pléthore ad vasa des au-
irs anciens. Elle n'est pas une maladie, mais une prédisposition ex-
Une à ces troubles morbides qu'engendre le trop-plein, ou Texcès dans
bien. Elle résulte d'une accumulation des produits de la digestion, que
or sonbondance, ou que l'allanguissement des fonctions laisse sans
npbi. Elle est l'attribut des gros mangeurs, des gens sédentaires, et ne
t montre guère que durant l'âge mûr. Elle appartient encore à ceux qui
it sobi l'amputation d'un ou plusieurs membres, et qui, ayant la même
lisaance digestive, n'oilrent plus une capacité vasculaire sufRsante. La
nune, après l'âge de retour, se reirouve dans le même cas, étant privée
on flux sanguin périodique, devenu une nécessité. Durant la grossesse,
i pareil état peut être observé; mais il se complique d'une sorte de
fthore anomale, que nous signalerons par la suite.
Cette forme de pléthore se traduit par le signe physique le moins équi-
iC{iie,une aropliation du système veineux, qui offire en différents points du
trps des dilatations, des sinuosités, constituant les varices^ les tumeurs
iriqueuses^ et plus spécialement le varicocèle^ les hémorrhoîdes, etc.
Il ne saurait douter de la signification de ces états anatomiques,
Band on voit des hémorrhagies périodiques et critiques prendre une
lelle voie comme si elles n'en étaient que l'aboutissant obligé et naturel;
t lorsque les malaises, propres à la période préparatoire, disparaissent
vec la crise qui leur succède. Ces malaises sont ceux de V affection hypo-
lumdriaque^ conçue selon les idées de Stahl, et correspondant à ce que
es allemands appellent la vénosité. C'est un sentiment d'angoisse, de
l^spoée, de tension des hypochondres, avec dispositions aux vésanies
ivÂeh, etc. : le tout aboutissant parfois à une épistaxis, ou mieux à une
poussée hémorrhoïdaire, avec ténesme et enfin flux hémorrhagique. Si
liénorrhagie donne la solution d'un tel état morbide, on ne manque pas
k le voir reparaître au bout d'un certain temps, lorsqu'une nouvelle
nnbondancc du sang sans emploi se fait sentir. On ne peut mieux
Miparer cette situation qu'à celle de la menstruation chez la femme :
zhipB période cataménialc est une nécessité physiologique ; et lorsqu'une
nreoutance quelconque, telle que la gi*ossesse ou le retour d'âge, vient
i supprimer une pareille habitude, nous savons déjà que les mêmes
ïiiàioaiënes d'ampliation veineuse et de flux supplémentaire ne tardent
las à se montrer.
Sans insister davantage sur des faits qui n'ont peut-être pas encore
eça l'interprétation que nous en donnons, mais qui la méritent bien,
ous ferons remarquer que la pléthore, envisagée à ce point de vue, cor-
ispond plutôt à l'ensemble du tempérament bilieux qu'à celui du tem-
140 PLÉTHORE. — applications cliniques.
jiérament sanguin. Avec les mêmes attributs, elle expose aux mêmes
complications morbides. La surabondance du sang Tcmporte sur sa ri-
chesse globulaire, et la tendance aux hcmorrhagies conduit même peu à
peu certains malades à Tanémie, ou à la polycmic séreuse. La ^tagnatioo
du sang dans les dilatations veineuses implique un certain ralentisse-
ment du mouvement circulatoire, particulier, du reste, aux tempéra-
ments bilieux. Le contact prolongé de Thumeur centrale avec les tissus
fait qu'il se surcharge de principes uratiques; et, de là à la goutte eta
la gravelle, il n'y a qu*un pas. Enfin le fait même de Texcès de la masse
sanguine donne au pouls les caractères de la forte tension : circoastanca
qui prédispose d'autant plus aux hémorrhagies que le sujet est plus
avancé en âge, et que ses vaisseaux sont plus athéromateux. Parmi les
hémorrhagies dues à cette cause, V apoplexie cérébrale est une des plus
fréquentes et des plus redoutables.
On d(*vra compléter cet exposé par Tétude des varices^ en général, et
de Vaffection hémorrhoïdaire, en particulier.
Le traitement, non pas de cette forme de pléthore elle-même, mais des
accidents auxquels elle donne lieu, est tout indiqué. Si la nature ne
provoque pas un soulagement prompt par une hémorrhagie spontanée
critique, il faut Taider dans ses efforts, et, par des émissions sanguiaes
générales, ou mieux locales, opérer la spoliation nécessaire au retpur de
Tordre et du bien-être. Un devra autant que possible déterminer Vhér
morrhagie là où elle tendait à se faire : appliquer, par exemple, des
sangsues à Tanus chez un hémorrhoïdaire. Cependant, tenant compte des
Yoies détournées qu'utilise la dérivation (voy.T. XI, p. 192), onallègers
une tension sanguine des parties supérieures trop forte, par celte même
émission hémorrhoïdaire, spontanée ou provoquée.
Aucun autre moyen ne vaudra celui que nous mettons en ayant; et si
Ton préconise parfois certains purgatifs drastiques, c'est dans le but de
porter le molimen hémorrhoïdaire à son plus haut degré, et d'amener la
rupture par excès de pression.
Mais il y aura lieu également de combattre la disposition à un pareil
état par des moyens hygiéniques convenables : faire par exemple succéder
à une vie trop sédentaire des occupations qui nécessitent l'emploi des
forces physiques, et accroissent la dépense des substances qu'accumule la
nutrition; ou bien alors diminuer la recette, et la proportionnera l'acti-
vité que Ton développe. Il faut, en outre, combattre la constipation habi-
tuelle en pareil cas; et peut-être, en assurant des évacuations régulières
et abondantes, prévenir une plénitude trop imminente. C'est à ce titre
que certaines eaux minérales, comme celles de Niederbronn, de Uom-
bourg, de Biermcnstorff, etc., conviennent si bien aux pléthoriques hjpo*
chondriaques. Peu importe le mode de déplétion, pourvu que le but soit
atteint, et surtout qu'il le soit à moindres frais pour l'organisme. Sous
ce rapport, les évacuations alvines ont un avantage marqué, surtout cbfls
les pléthoriques qui ont déjà passé l'âge moyen de la vie, chez les hom»
mes obèses et chez les goutteux.
PLÉTHORE. APPLICATIONS CLIHIQDES. {4|
Uaiténuation de la masse sanguine peut encore être obtenue, dans
ïfuelques cas, par raction des eaux minérales alcalines, et particuliè-
rement des eaux de Vichy et congénères. Il est de tradition, en effet, que
les hommes à tempérament bilieux, et voués aux conséquences de la plé-
thore abdominale et de la vénosité, se trouvent bien d*un pareil traite-
ment.
2* Pléthore par excès de pression intravasculaire. — Nous avons
va plus haut quelles étaient les conditions physiologiques de cette forme
de pléthore, et comment, par une adaptation particulière du système
waiGiilaire, les apparences .du trop-plein se reproduisaient exactement,
de même que dans le cas précédent. C*cst une pléthore essentiellement
relative, que, par rapport à la pléthore ad vasa^ on qualifiait de pléthore
ad virety comme si la gène de la circulation ne provenait plus de la sur-
«bondance du liquide à mouvoir, mais seulement de TinsuHisance dans
rimpalàoD.
Celte pléthore est plus souvent partielle que générale. Cependant il
existe telles circonstances presque physiologiques qui nous mettent en
prtsencc d^u& état de cette nature, étendu à Tuniversalité du corps : c*est,
d'une pari, lorsqu*il y a plénitude vraie du système circulatoire, et que
par conséquent la tension vasculairc reste toujours voisine d'un point maxi-
rnnin, et limite les excursions des parois des vaisseaux; et, d'autre part,
dans les cas de pression atmosphérique forte, soit libre, soit artificielle.
Id encore les oscillations du ressort vasculaire sont nécessairement bor-
nées. De toute façon les explorations sphygmographiques, ou simplement
tKittes, indiquent ce qu'il en est, par les signes de la forte tension, qu'il
eil inutile de reproduire en ce moment.
On connaît mieux les troubles qui résultent d'une rupture brusque
d'équilibre entre la pression atmosphérique et la pression intravascu-
laire, lorsque la première vient subitement à baisser, comme dans les as*
censious de montagnes ou en aérostat, que les phénomènes inverses.
Cependant, il est admis qu'une forte pression à l'extérieur, dans la cloche
ài plongeur ou dans les appareils à air comprimé, est plutôt accompagnée
de bieo-étre général, d'une respiration plus libre et d'un allégement de
Ions les mouvements : au point que l'art s'est emparé de ce fait, et l'ex-
ploite au grand avantage de certains malades, parmi lesquels on range
précisément les asthmatiques et les anémiques.
Mais les pléthores partielles, de la nature de celles qui nous occupent.
Importent un bien plus grand trouble fonctionnel que les précédentes, et
nous placent définitivement sur le terrain morbide. Nous distinguerons,
à cet égard, le groupe de ïalgidilé, celui de Voppressio virium, et enfin
celai des congestions proprement dites. Nous avons établi les données de
phpiulogic pathologique qui correspondent à ces formes exceptionnelles
de pléthore; il nous rosle à les présenter au point de vue clinique.
Le groupe de Valgidité est bien connu ; c'est cet état dans lequel tout
le sang semble s'être réfugié à l'intérieur des principaux viscères, tandis
que la chaleur et la vie ont en quelque sorte abandonné la périphérie. On
142 PLÉTHORE. — applications cliniques.
ne peut douter qu*il n'en soit ainsi, lorsqu'on voit tout le réseau vascalaire
extérieur vide de sang, et comme un ratatinement de l*enveloppe géné-
rale du corps qui est, dans les conditions ordinaires de la vie, dans une
sorte d'érection physiologique. Il faut bien admettre dès lors qu'il y a
trop-plein ou pléthore des cavités viscérales, y compris les oi^oes
qu'elles recèlent. Nous n'avons pas à entrer dans les détails d'une pa-
reille situation ; il nous suffira de renvoyer aux cas qui y correspondenl
cliniquement : à Talgidité cholérique, au frisson de la fièvre, aux nu-
laises de la nausée, de la migraine, aux accidents de l'iléus et do
péritonisme, à la colique hépatique, néphrétique, etc. Lorsque cet étal
est porté à l'extrême, on peut observer des ruptures hémorrhagiqoes,
des transsudations séro-sanguines, et des mouvements coUiquatifo dont le
flux cholérique donne une idée exacte. Il ne s'agit là que des aeddeob
purement mécaniques, qui ne jugent pas la maladie; celle-ci n'a d'antre
fin que la cessation même du spasme, le relâchement du réseau capillaire
périphérique, et le retour du sang dans les parties qu'il avait quittées :
c'est, en un mot, la réaction. Cet événement est l'issue habituelle d'un
état fort grave, qui à lui seul est dans le cas de compromettre l'existenee,
si la nature ou l'art n'interviennent pas promptement. Dans cette dernière
circonstance, on a recours au réchauffement artificiel du malade, lu
frictions, et à certaines substances, données à Tintérieiir, qui opèrent
dans le même sens, tel que Topium ou la morphine, et en général toute
la classe des excitants diffusibles.
Le groupe de Voppressio virium offre beaucoup d'analogies avec ie
précédent. Il n'en diffère que parce qu'il correspond à une détermination
morbide définie, qu'il n*est pas fugace à la façon de l'algidité, et qu'il
fait souvent illusion sur sa véritable signification. On l'observe à la suite
des grands traumatismes^ des brûlures étendues^ dans le coon d*im-
portantes phlegmasies viscérales, comme la pneumonie^ par exemple,
dans certains an/Arox de mauvaise nature, etc. La présente circonstôiee
est remarquable surtout par une extrême prostration des forces, et ptr
cet état qualifié d'adynamie. Malgré la gravité de sa situation, le malade,
frappé de stupeur, demeure indifférent à ses souffrances et à tout ce qui
l'entoure. C'est sous l'empire d'une sensation excessive, que se fait cette
sorte de concentration des forces; il y a comme une compression des
centres nerveux par Tafflux du sang, qui cesse pour ainsi dire de circuler:
du moins il y a la plus grande analogie entre cet état et les signes de
la compression cérébrale. Cette plénitude des vaisseaux de l'encéphak
et du canal médullaire cesse comme par enchantement, et les désordres
qu'il entraine, par une dérivation puissante qui appelle le sang loin des
régions où il est accumulé, et notamment par l'emploi de la saignée
générale. A la suite de l'émission sanguine, il semble qu'un obstacle
soit écarté; et que, l'humeur centrale recommençant à circuler, les
fonctions se raniment et la vie se réveille. D'autre part, Taffection
morbide, qui commande une pareille situation, ne peut entrer en réso-
lution qu'à ce prix. 11 faut encore remarquer que tout moyen capable
PLÉTHORE. — APPLICATION» CLINIQUES. 445
raiténuer les impressions excessives, qui oppriment ainsi le jeu des
l'onctionSf pourrait être mis en usage au même titre : sous ce rapport,
les ÎDJections hypodermiques de morpliine et les inhalations de chloro-
Forme donneraient le même résultat, à moindres frais.
Enfin le groupe des congestions proprement dites y congestions actives,
songeslions passives, congestions hémorrhagiques, inflammatoires, tro-
ihiques, congestions par paralysie et par rétention, etc. , nous placent
lins un cas tout à fait analogue : une pléthore locale excessive rompt
'èqaililve de la circulation générale, et a pour conséquence une déshar-
nome deTensemble physiologique. Des accidents nombreux résultent
le cet appel fait au profit de la partie malade, et sont en rapport avec
Texcès de tension d'un côté, et avec son insuffisance de l'autre. C'est
réoonomie tout entière se prêtant à une accommodation vicieuse, il est
mi, mais inévitable. Parmi les formes multiples que prend la pléthore
par eongoition, nous signalerons particulièrement l'ensemble de phéno-
mènes toachant à l'état morbide, et qui sont le produit de reffort. Pour
le reste, nous renvoyons à l'article congestion (T. IX, p. 15) qui donnera
la dé de bien des difficultés inhérentes au sujet actuel, et qui le complé-
tera toat naturellement.
5* PlMore par richesse en globules rouges et en hémoglobine. — Ici,
noms nous éloignons plus que jamais de Tétat morbide : c'est au contraire
l'idéal de la santé, sans qu'on puisse dire à quel point précis commence
tt pléthore. Un pareil état se revêt des attributs du tempérament sanguin
(loyeiTkiipCRAMENTs), et n'a guère d'autres inconvénients que d'exposer
eeoi qui le présentent aux affections inflammatoires franches, à la pneu-
monie principalement ; et l'indication thérapeutique toute trouvée, c'est
h lugniée faite /ar^d manu. L'extrême densité du sang, unie à une plasti-
cité non équivoque, amène, surtout au voisinage des déterminations mor-
Mes, des stases, des ralentissements du mouvement circulatoire, con-
dûiant assez facilement à Voppressio virium. Il faut enfin savoir que
cette richesse en globules, en hémoglobine, en monnaie respiratoire,
comme l'appelle Malassez, n'est pas nécessairement liée à la surabon-
daoee de la masse du sang : sous ce rapport, il existe un certain anta-
gonisme entre cette forme de pléthore et la première que nous ayons
Andiée; il est le même que celui qui apparaît entre le tempérament
Uieux ou hémorrhoîdaire, et le tempérament sanguin qui a un tonus
mcularis plus énergiquement constitué, et se prête par conséquent
moins facilement à l'ampliation variqueuse.
Si h pléthore par excès de richesse n'est pas un mal, il y a néanmoins,
dans cet état bien et dûment constaté, comme un critérium ou un étalon
pour la santé; et lorsqu'on aura reconnu, chez un individu, une certaine
exubérance globulaire, comme cinq à six millions, par exemple, avec une
intensité de coloration proportionnelle en hémoglobine, et cela d'une
bsfixi moyenne et habituelle, tout abaissement notable et persistant dans
ces résultats indiquera qu'il y a déchéance organique et menace pour
la sanlè. La vitesse de la chute sera mesurée par la diminution plus ou
144 PLÉTHORE. — applications cliniques.
moins rapide du nombre des globules rouges, sachant que Tétai morbide
les consomme avec une extrême avidité. A ce titre, la numération des
hématies et le dosage de Thémoglobine sont de précieuses conquêtes
pour la science du pronostic.
Jusqu'à présent, nous avons envisagé les différents aspects sous le»>
quels apparaît la pléthore, comme autant de formes distinctes dans cet
état plus ou moins morbide ; or, il peut se faire que ces distinctions quel-
que peu arbitraires soient, au fond, les éléments d'un même tout, et que
la vraie pléthore soit précisément constituée par leur réunion. Rieo
n'empêche, en effet, que Ton ol)serve tout à la fois chez le même sojet
la surabondance absolue du sang, un état de tension circulatoire éleré,
et une grande richesse en globules et en hémoglobine : ces diverses ci^
consUinces vont parfaitement ensemble ; mais on peut aflirmer que leur
concours harmonique constituerait un idéal de la santé qui est rarement
atteint. Nous pensons que la vérité se trouve sur le tcrnin analytique;
d'autant plus que, loin de poursuivre une entité chimériquef nousoom
sommes tenu dîans les limites d'une simple étude de physiologie patholo-
gique.
4** Pléthores fausses ou paradoxales. — Il nous reste à dire quelques
mots de certains états qui simulent la pléthore, et que nous avons d^
entrevus dans ce qui précède. C'est principalement au lit du malade que
doit s'agiter une pareille question, particulièrement liée à des apparences.
La masse du sang semble surtout surabondante ; mais on ne peut nier
que la charge en hémoglobine ne soit toujours faible, le nombre des g^
bules rouges fût-il môme assez considérable. Quoiqu'il en soit de ces dé-
tails, il importe avant tout de se placer en face de cas particuliers.
C'est à l'occasion de la grossesse que Tidéc de cette pléthore a été
principalement soulevée; et la plupart des accidents propres icet état
ont été mis sur le compte d'un excès de sang. Certains phénomènes justi*
fiaient cette manière de voir, et notamment la dilatation variqueuse des
veines des membres inférieurs, lu bouffissure et Pamplialion du corps
tout entier, et jusqu'au développement hypertrophique du ventricule
gauche du cœur, signalé par Larcher, impliquant une plus forte ondée
sanguine mise en mouvement, etc. Enfin les bons résultais de la saignée,
si largement employée autrefois, venaient donner leur appui à celte opi-
nion. On ne saurait du reste, sans Taccepter dans sa totalité, méconnaître
la surabondance de la masse sanguine prouvée par tant de faits, et même
par la nécessité de la situation ; mais ce sang est relativement pauvre : les
globules rouges ont diminué de nombre, leur charge en hémoglobine eA
faible; il a gagné en fibrine, et il est plus hydraté. Cet état est qualifié de
polyéuiic séreuse, et se retrouve dans d'autres circonstances que la gros-
sesse.
On l'observe tout d'abord dans la chlorose^ qui présente les mêmes
signes extérieurs de pléthore, dans la boulfissure du visage, dans les ?e^
tiges, la céphalalgie, les pulsations cardiaquc^s, les bruils de soufflet qv
semblent annoncer qu'une forte ondée parcourt rapidement le système
PLÉTHOHE. : — APPLICATIONS CLINIQUES. 445
trtériel. Enfin il n'est pas jusqu'à une certaine coloration du visage {chlo-
y>8is florida) qui ne puisse faire illusion.
Tout cet ensemble appartient à la plupart des états cachectiques, et la
piépondérance de tel symptdme, comme la tuméfaction légère des tissus,
indépendamment des véritables suffusions hydropiques, va jusqu'à mas-
quer, pendant un certain temps, l'amaigrissement du sujet et trompe
sur rétendue des ressources qui lui restent.
Les mêmes objections peuvent s*adresser à ces différents cas, assez
semblables dans la forme ; et voici en quoi elles consistent : si ce sang
parait abondant, sous le rapport du volume, il est réellement pauvre de
ce qui constitue sa véritable valeur, c'est-à-dire en globules rouges. Et
quand même ceux-ci n'auraient pas trop perdu de leur nombre , ils
oCTrent un faible degré d'hémoglobine ; car, ainsi que Malassez l'a con-
staté, il n'y a pas de rapport nécessaire entre ces deux facteurs. Enfin il
n'est pas jusqu'au volume de ces hématies, qui ne puisse être augmenté
dans la chlorose, par exemple. Ensuite, il faut bien savoir que la facilité
à produire des bruits vasculaires, prouve moins en faveur de la quantité
que de la faible densité du sang ; et cela conformément à des principes
parfaitement connus (Voy. Auscultation, t. IV, p. 193) ; et, qui plus
est, la faible tension du système artériel entraîne, de la part du cœur,
un surcroit de travail qui amène assez promptement son hypertrophie ;
et, comme il est mal nourri, sa dégénérescence granulo-graisseuse. Enfin,
tout en admettant un trop-plein de sang hydraté , l'excès de pression
intra-Tasculaire , et toutes les conditions hydrostatiques perverties, ont
pour résultat la transsudation séreuse au travers des parois du vaisseau,
et déchargent le système circulatoire au profit du tissu cellulaire com-
mun, des cavités séreuses et des émonctoircs. Telle est l'issue d'un état
qui ne comporte aucun équilibre ni aucune persistance. Mais ce sont, en
général, les caractères de la faible tension, que présente le pouls dans les
cachexies, de même que pendant la fièvre ; et l'anasarque doit reconnaî-
tre pour cause presque exclusive les troubles survenus dans la constitu-
tion du sang, surtout son hydratation.
Quelques affections cardiaques spéciales, comme V insuffisance aor-
iiquef et un état cachectique très-intéressant, le goitre exophthalmique^
se prêteraient à une analyse du même genre, et nous conduiraient à un
résultat analogue, pour ce qui est de la pléthore; mais il est inutile d'in-
sister davantage sur une question jugée.
De cette discussion, il est donc permis de conclure, que les fausses plé-
thores ne conservent, avec la pléthore vraie, qu'une ressemblance très-
éloignée, pour ne pas dire plus ; et que, ainsi que nous avons cru devoir
les désigner, elles sont, à tous les points de vue, paradoxales.
Hola. — Consultez la bibliographie des articles : Aqsgdltatio!! , Cosobstion, D6irfATi05,
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Alfred Lltok.
PLEURÉSIE. — La pleurésie est l*inflammation de la pierre. Une
des plus communes parmi les maladies de l'appareil respiratoire, rile se
montre sous des formes très-diverses, et les nombreuses yariétés qu'elle
présente se rattachent, d'une part aux causes multiples qui peuvent kiî
donner naissance, d'autre part aux dilTérences des lésions qui en sont la
conséquei^ce. Pour caractériser ces nombreuses variétés, on a coutome
d'employer des dénominations destinées à mettre en relief les caractèret
les plus saillants de chacune d'elles ; mais ces caractères sont tantAt rela-
tifs aux causes de la maladie (pleurésie à frigore, traumatique, tubercu-
leuse, etc.), tantôt subordonnés aux lésions anatomiques (pleuréne sèche
ou avec épanchement, générale ou partielle, enkystée, multiloculaire,
purulente, hémorrhagique, etc.). Parmi toutes ces formes, il serait sans
doute très-difficile, sinon impossible, d'établir une classification réga-
lière, basée sur la considération d'un caractère dominant tous les autres,
et si l'on prenait pour point de départ unique, soit les causes , soit les
lésions, on serait exposé à reléguer au second plan des caractères qui oo(^
en mainte circonstimce, une importance majeure au point de vue pn*
tique.
En présence de ces difficultés, il nous a paru préférable, sans cher-
PLEURÉSIE. — p. ÀIGUÊ PRIMITIVE. ^ CAUSES. ^ 147
cher à présenter une classification méthodique des pleurésies, de suivre
un ordre qui nous permit d'étudier successivement et séparément les
types cliniques les plus communs et les plus importants. Nous sépare-
rons d'abord les pleurésies aiguës et les pleurésies chroniques. Chacun
de ces groupes comprendra des formes primitives et des formes secon-
dav^s; dans cette division, ce sera la considération des causes différentes
qui servira de base fondamentale et qui permettra, à la suite des pleuré-
sies simples et franches, d'étudier certains types spéciaux de pleurésies
secondaires, comme la pleurésie rhumatismale, la pleurésie tuberculeuse
et d'autres. Puis, suivant la nature des lésions, nous séparerons , pour les
étudier à part, les pleurésies purulentes et hémorrhagiques, dont This-
toire ne saurait être réunie à celle de la pleurésie à épanchement séro-fi-
brineux qui appartient toute entière à la forme aiguë franche et primi-
tÎTe. L'étude des pleurésies partielles (interlobaire, diaphmgmatique,
médUasiîne) sera faite à propos des autres groupes dans lesquels elles
rentrent comme de simples variétés.
Pk.Ei7RÉsiE AiGUE PRIMITIVE. — La plcurésio aiguë primitive, pleurésie
franche, séro-fibrineuse , est la forme la plus commune des pleurésies ;
c'est celle où les caractères propres de la maladie se dégagent le plus net-
tement. Aussi nous la prendrons comme type principal, et c'est à propos
d'elle que nous étudierons, avec les développements nécessaires, les
caractères communs à toutes les pleurésies.
CSaosea. — La cause la plus fréquente de la pleurésie aiguë est le
reGroidissement : le plus souvent c*est un refroidissement de toute la sur-
face du corps, et cette cause est d'autant plus efficace, que le corps était
au préalable échauffé ou en sueur; d'autres fois, c'est un refroidissement
partiel agissant sur une partie du corps et notamment sur la poitrine, ou
résolCant de l'ingestion de boissons froides. Celte cause est aussi celle
qui détermiae le développement de la pneumonie et de la bronchite, et
souvent on ne peut invoquer autre chose que les dispositions indivi-
dnelles, pour expliquer comment, à une même cause apparente, corres-
pondent des effets différents. Nous nous contenterons de remarquer ici
que la pleurésie semble survenir de préférence chez les individus dont la
constitution est plus ou moins débilitée, tandis que la pneumonie sur-
vient plutôt chez les personnes plus robustes. L'âge intervient aussi dans
cette détermination morbide : le refroidissement produit, peut-être chez
Ici «niants, certainement chez les vieillards, beaucoup plus souvent la
poomionie que la pleurésie.
Comment agit le refroidissement pour produire la pleurésie? On a invo-
qué une action réflexe, et c'est à ce mécanisme que Marcovilz s'est ratta-
ché dans sa thèse : d'après cette manière de voir, le froid impressionne-
rait les extrémités phériphériques des nerfs sensitifs, et agirait par action
réflexe sur les nerfs vaso-moteurs qui se rendent aux ûrganes, produisant,
saimit les susceptibiUtés individuelles, ici une angine, là une pneumo-
nie, là encore une pleurésie. Peut-être pourrait-on admettre aussi bien
une action directe du froid sur les nerfs qui se rendent aux organes
148 PÛIURÉSIË — p. AIGUfi PRIMITIVE. — LÉSIONS ANÂTOinQUBS.
amenant Tirrilation de ces nerfs ou leur inflammation et, par suite, i
titre de troubles trophiques, des lésions inflammatoires de la gorge, du
poumon ou des plèvres. Mais ce ne sont là encore que des hypothèses sur
lesquelles il n*y a pas lieu ici d*insister plus longuement.
La pleurésie aiguë est encore quelquefois causée par des traumatismes,
tels que les plaies ou les contusions du thorax, les fractures de côtes.
Ces pit urcsies traumatiques , subordonnées , pour leur siège et leurs
caractères anatomiques, à la cause qui les a produites, différent notable-
ment des pleurésies simples ordinaires, dont le refroidissement est, eo
quelque sorte, la cause univoque.
Comme toutes les autres maladies, celle qui nous occupe a ses conditioitt
d^opportunité, qu'il est intéressant de connaître : peu fréquente dans les
premières années de la vie, elle se montre assez commune après l'âge de
cinq ans; dans Tàge adulte, elle devient très-fréquente, surtout entre
vingt et trente ans, puis devient moins commune avec le progrès des
années el est enfin presque rare dans la vieillesse. Quant au sexe, il semble
sans influence réelle sur le développement de la maladie; mais il n'en est
pas de même de l'état antérieur de la santé : la pleurésie est fréquente
dans la convalescence de diverses maladies; sans cesser pour cela d^étre
primitive, elle se développe souvent à la suite d'un refroidissement,
même léger, auquel les convalescents sont plus sensibles en raison de
leur étal de faiblesse. Enfin la pleurésie à frigore est encore assez M»
quente ddus le cours de certaines maladies, et notamment des néphrites
chroniques et, dans ce cas, elle peut être influencée dans sa marche par
la maladie antérieure qu'elle est venue compliquer.
Lésions anatomiqaes. — Toutes les pleurésies sont caractérisées
anatomiquement par une lésion de nutrition occupant le tissu même
de la plèvre (hypcrémie, hyperplasie du tissu séreux), et par une ecm-
dation qui se fait dans la cavité séreuse (épanchement liquide, pseudo-
membranes).
Dans la pleurésie simple, les premières de ces lésions sont ordinaire-
ment peu marquées ; les secondes, au contraire, ont une grande impor-
tance par le développement qu'elles acquièrent et par les conséquences
quVIlrs peuvent entraîner; nous les étudierons successivement.
a. Lésions parencliymateuses, — Au début de la pleurésie, la plèvre
est le siège d'une rougeur qui se présente sous la forme d'arborisations
ducs h l'injection des petits vaisseaux ; quelquefois il y a par places des
ecchymoses, résultant de la distension exces>ive et de la rupture de quel-
ques-uns de ces vaisseaux. La plèvre est un peu épaissie; souvent elle i
perdu une partie de sa transparence et présente un aspect louche ; sasm^ ;
face est moins lisse, elle est hérissée de granulations ordinairement très .
peu saillantes. ^
Sur des coupes de la membrane séreuse examinées au microscope, os [.
constate que les cellules épithéliales sont gonflées , qu'elles se sont malli>
pliées p.'tr prolifération et se sont détachées en grand nombre ; aussi ai
trouvp-t-on de petits îlots entre la surface de la plèvre et Texsudat fibri-
PLEURÉSIE. p. AIGUË PRIUITIVB. — LÉSlOnS ANATOMIQUES. i\9
neux. Le tissu coDJonctif sous-jacent est gorgé de liquide dans lequel on
IrouTe en plus grande quantité qu'à l'état normal des eellules ayant les
caractères des globules blancs du sang. Il se forme, en outre, à la sur-
face de la plèvre un tissu de granulation composé de cellules embryon-
naireSy qui proviennent de la prolifération des éléments conjonctirs ; dans
dans ce tissu de nouvelle formation, on peut voir des vaisseaux nouveaux
qui proviennent des vaisseaux contenus dans le tissu bous-séreux et
8*a¥ancent, en bourgeonnant, jusqu'à la surface libre des granulations;
ces vaisseaux ont des parois minces et friables: aussi se rompent-ils quel-
quefois et donnent lieu, soit à des ecchymoses de la plèvre ou des fausses
membranes ûbrineuses, soit à des épanchements de sang qui se mêlent à
la sérosité accumulée dans la cavité pleurale (pleurésie hémorrhagique).
Ce tissu nouveau est susceptible de s'organiser et de se transformer pro-
gresnvement en un tissu analogue au tissu de cicatrice : telle est l'origine
des néomembranes organisées qui se forment à la surface de la plèvre;
c'est encore à ce tissu de granulation que sont dues les adhérences qui
unissent la plèvre pariétale et la plèvre viscérale, et qui sont produites
par le contact et le fusionnement de végétations ou de néomembranes
déTeloppées sur les deux feuillets opposés de la plèvre. Ces adhérences
scmt d'ailleurs plus ou moins développées, tantôt formant des brides
filamenteuses tenues, tantôt amenant la soudure de portions très étendues
du sac séreux.
Mais, nous le répétons, ces dernières lésions sont d'ordinaire très-peu
marquées, et en quelque sorte à l'état rudimentaire, dans la pleurésie aiguë
firanche ; nous les retrouverons , avec leur entier développement , dans
la pleurésie purulente et surtout dans la pleurésie chronique.
b. Exsudât. — La principale lésion de la pleurésie aiguë consiste
dans un épanchement séro-fibrineux , qui se fait dans la cavité de la
plèvre.
Quelquefois la partie séreuse de l'exsudat est très-peu abondante et
lesaîtôt résorbée; la partie fibrineuse se dépose sur les parois de la plèvre,
tous forme d'une fausse membrane plus ou moins épaisse. C'est la pleu-
résie sèchej qui est rarement primitive.
Presque toujours Tépanchement liquide existe en quantité notable.
Dams le liquide sont suspendus, très-habituellement des flocons fibin-
neux, et à la surface de la plèvre on Irouve des fausses membranes.
Ces lé$>ions si importantes doivent être étudiées avec quelques détails.
Les caractères de V épanchement pleurélique sont surtout bien connus
depuis que la pratique de la thoracenlèse a fourni des occasions fré-
quentes de les déterminer dans toutes les particularités qu'ils présentent.
La quantité de liquide épanché est très-variable, depuis quelques
grammes jusqu'à plusieurs litres : suivant l'abondance du liquide épan-
ché, on dit que Tépanchement est faible, moyen ou abondant. La valeur
de ces expressions n'a rien d'absolu ; cependant , en se conformant à
Tusage, on peut appeler faible un épanchement de 1/2 littre, moyen un
épanchement de 1 litre à 1 litre 1/2, abondant un épanchement de
i50 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. — lésioks ahâtouqubs.
2 litres à 2 litres 1/2, très abondant un épanchement qui dépâi
3 litres (Bouilly). .
Le liquide est transparent, de couleur ambrée ou jaunâtre plus ou
moins foncée ; les épanchemcnts anciens ont habituellement une colora-
tion plus intense que les épanchements récents, et leur couleur peut res-
sembler à celle du bouillon ; quelquefois on observe une teinte rosée,
quand le liquide contient une assez grande quantité de globules rouges
du sang, ou une teinte louche quand il renferme une forte proportion de
leucocytes. La présence de quelques globules rouges dans la sérosité pleu-
rale ne suffit cependant pas pour faire croire à une pleurésie hémorrba-
gique, pas plus que Texistcnce de quelques leucocytes nMndique une
pleurésie purulente : Texamen microscopique montre en effet que tout
les liquides pleurctiques contiennent quelques-uns de ces éléments du
sang. La pleurésie ne mérite vraiment le nom d*bémorrhagique ou de puru-
lente que quand ces éléments sont très-abondants; nous reviendrons ail-
leurs sur ces caractères.
Les caractères chimiques des épanchements pleuraux ont été surtout
bien étudiés par Méhu, qui a en même temps montré les indications qu*on
en pouvait tirer pour le diagnostic et le pronostic. Relativement à sa
composition, le liquide pleurétique se rapproche du sérum du sang;
cela d'ailleurs ne doit pas surprendre, si Ton observe que Texsudat de là
pleurésie, comme tous les exsudats inflammatoires, a son origine dans
le sang et résulte de la transsudation exagérée du sérum sanguin à la
surface de la plèvre. On trouve donc dans ce liquide les mêmes élémoits
constituants que dans ce sérum, à savoir de Teau, de Talbumine, de k
matière fibrinogène, des sels; on y trouve même, comme nous venons de
le voir, des éléments figurés du sang, globules rouges et leucocytes. Ma» la
proportion de ces principes constituants du sang est très-modifiée dans
Texsudat pleurétique : la quantité d*eau est toujours augmentée, la
quantité des principes en dissolution est au contraire toujours diminuée;
Texsudat est donc, en quelque sorte, du plasma sanguin plus ou moins
dilué, dans lequel d'ailleurs la proportion relative des éléments consti-
tuants varie beaucoup suivant l'intensité et d'autres caractères de Tin-
flammation. Comme le plasma sanguin, le liquide pleurétique est coagu-
lable spontanément et par le battage; il présente en outi*e la même
réaction alcaline au papier de tournesol et les mêmes réactions chimi-
ques, ainsi que nous allons le voir.
Le liquide pleurétique extrait de la poitrine par une ponction est spon-
tanément coagulable, caractère important à examiner en raison des
déductions qu'on en peut tirer (Méhu) : quand, après avoir pratiqué la
thoracentèse, on abandonne le liquide de ï'épanchement dans un rase, il
se prend bientôt en une masse transparente qui présente les apparences
d'une gelée. Cette coagulation est due à la fibrine qni était en dissolution
dans la sérosité et qui se concrète au contact de l'air ; elle se produit
dans un laps de temps qui varie suivant la quantité de fibrine contenue
dans le liquide; quand la fibrine est abondante, la coagulation commence
PLEURÉSIE. — p. AIGUË PRiilinvE. — lésions anatomiques. i51
•
très Tile, et au bout de quatre à cinq heures le coagulum est assez ferme
pour qu'on éprouve quelque difOcuIté à le diviser avec une baguettç de
verre; dans d'autres circonstances, la coagulation se fait plus lentement,
mais ordinairement la fibrine est à peu près complètement déposée au
bout de douze à vingl-quatre heures. Cependant, malgré celte rapidité
relative de la coagulation, la quantité de fibrine contenue dans le liquide
pleuréiique est faible, elle ne dépasse ordinairement pas la moitié de
celle que contient un poids égal de sérum sanguin et lui est souvent très-
inférieuro : ainsi, sur trente analyses, Méhu a trouvé que la quantité
moyenne de fibrine était de 0',423 par kilogramme de liquide, au maxi-
mum 1S276, au minimum 0',073.
Les matières albumineuses contenues dans Texsudat font que ce liquide
est ooagulable par la chaleur, parTacide nitrique, etc., et que, traité par
l'un de ces procédés, il se prend en une masse plus ou moins compacte.
La richesse en albumine des liquides pleurétiques est d'aillleurs très-iné-
gale; elle peut varier de 10 grammes à 150 grammes et au delà par
kilogramme de sérosité (Méhu) .
Enfin, outre la fibrine et Talbumine, on trouve dans Tépanchement les
mêmes matières minérales que dans le plasma du sang, mais en quan-
tité moindre. La quantité de résidu sec par kilogramme de liquide (non
compris la fibrine) a, dans 30 analyses, varié de 58^,06 à 79^,80, com-
prenant : matières organiques 50^,01 à 71',33, matières minérales 7',20
a 9^01 ; en sorte que, suivant une proposition formulée par Méhu, c'est
à peine si les liquides pleurétiques les plus riches en matières solides en
renferment autant que le sérum sanguin le plus pauvre.
En rèsomé, comme le dit Méhu, le liquide de la pleurésie aiguë res-
sembie tellement au plasma sanguin , qu^on serait fort embarrassé de
distinguer ces deux liquides autrement que par les proportions des élé-
ments qui entrent dans leur composition : même coagulation spontanée
et par le battage , mêmes réactions chimiques. Mais les éléments con-
tenus dans le liquide pleurétique sont beaucoup moins abondants que
ceux que contient le sérum du sang.
L'inloisité de l'inflammation lait varier, dans des proportions très-
étendues, la composition de Texsudat : plus l'inflammation est aiguë ,
plus est abondante la quantité d'albumine et de matière fibrinogène ; et,
inversement, moins intense est le caractère inflammatoire, plus Texsudat
est dilué et pauvre en matières coagulables. Il n'est pas question ici, bien
eotendu, de la pleurésie purulente, dans laquelle Tépanchement pré-
seoie des caractères particuliers qui seront étudiés ailleurs.
Li matière fibrinogène contenue dans Tcxsudat ne se coagule pas
seulement au contact de l'air : une partie se concrète pendant la vie au
sein même de l'organisme ; de là les floœns fibrineux qui flottent dans
le liquide et les fausses membranes qui se déposent à la surface de la
plèvre enflanunée. Cette coagulation a lieu suivant un mode analogue à
celui de la coagulation de la fibrine dans une goutelette de sang (Ran-
jier) : on voit partir d*un centre, sorte Ae centre de cristallisation, des
152 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. •» lésions ahâtomiquis.
rayons qui s'cncheyêtrent et constituent un réseau semblable à une toile
d'araignée. Agglomérés en masses plus ou moins volumineuses, ees
dépôts constituent les flocons fibrineux; étalés en membranes et superpo-
sés par couches successives, ils constituent les fausses membranes. Les
flocons fibrineux, dont Texistence même eut inconstante, sont quelquefois
très abondants dans le liquide pleurétique ; ils se présentent tantôt sous
la forme de filaments tenus, tantôt sous l'apparence de grumeaux ordi-
nairement peu volumineux. Souvent, pendant l'opération de la thoracen-
tèse, ils s'engagent dans le trocart cl en obstruent la lumière.
Les fausses membranes déposées à la surface de la plèvre sont à pea
près constantes dans la pleurésie aiguë, mais leur développement est tris-
variable. Quelquefois elles forment une couche mince et i peine appa-
rente sur la membrane séreuse; pour démonirer leur existeuce, il peut
être nécessaire de racler avec Tongle la surface de la plèvre, et on en
détache ainsi un mince lambeau semi-transparent, mou et friable. Quand
l'inflammation est plus intense ou a duré plus longtemps, on peut trou-
ver de grandes fausses membranes plus ou moins épaisses, qu'on peut
quelquefois partager en plusieurs feuillets stratifiés; ces dif^renles cou-
ches correspondent sans doute à des dépôts successifs de fibrine. Les
fausses membranes se montrent très-souvent dans toute l'étendue de la
partie enflammée de la plèvre, occupant les deux feuillets opposés de la
membrane séreuse, et accolées l'une à l'autre sur les limites de la partie
malade: elles forment alors autour de l'épanchement une enveloppe con-
tinue, un sorte de kyste contenu dans la cavité de la plèvre; d'autres fois
ces fausses membranes établissent des adhérences rarement très-nom-
breuses qui cloisonnent la cavité de la plèvre et la partagent en un certaia
nombre de loges contenant du liquide {pleurésies aréolaires) ; dans d'an-
tres cas encore, elles ne se montrent que par places sous forme de
plaques plus ou moins étendues. Leur surface libre est inégale, irrégu-
lière, hérissée de saillies sous forme de mamelons ou de villosités. Leur
couleur est blanchâtre, opaline et demi-transparente quand elles sont
jeunes, opaque à une époque éloignée de leur foimation, Leur cousis»
tance varie aussi avec l'âge de la maladie : au début elles sont molles,
imprégnées de liquide, faciles à écraser et à rompre ; plus tard elles
deviennent résistantes et presque sèches.
Dans ces fausses membranes plus ou moins denses, l'examen mii^rosp
copique fait à peine reconnaître la disposition réticulée qu'on observe peo
de temps après la coagulation de la fibrine : on retrouve cependant par
places des tractus fibrillaires, et dans leurs intervalles on distingue çà et
là des cellules, dont les unes sont des globules blancs du sang, dont les
autres, quelquefois très-volumineuses, procèdent sans doute des cellules
épithéliales de la membrane séreuse gonflées, proliférées et détachées
(Cornil et Ranvier).
Quand Tinllammation pleurale est terminée, l'exsudat est destiné s
disparaître. Le plus habituellement la guérison arrive par résorption dei
produits épanchés : la partie liquide de l'exsudat, c'est-à-dire la sérosité^
PLEURÉSIE. p. AIGUS PRIMITIVE. — LÉSIONS AIIATOHIQUES. 153
est absorbée par les lymphatiques qu*0Q voit souvent dilatés et dont quel-
ques-uns sont remplis par des coagulations fibrineuses cl par des leuco-
cytes; les parties solides, fausses membranes, fibrine concrctée, cellules,
disparaissent plus difficilement : ne pouvant être directement résorbées,
elles subissent la métamorphose granulo-graisseuse et ainsi, sous forme
de détritus granulo-graisseux, elles sont, comme les parties liquides,
reprises par les lymphatiques.
Pendant longtemps on a cru que les fausses membranes fibrineuses
étaient susceptibles de s'organiser, qu'il pouvait s'y déveioper des vais-
seaux, et que souvent elles persistaient comme trace indélébile d'une
pleurésie antérieure sous forme de brides réunissant les deux feuillets de
la plèvre, ou sous forme de plaques capables même de subir diverses
transformations. Mais contrairement à cette manière do voir, il est établi
aujourd'hui que les exsudats sont inaptes à l'organisation ; il n'y a que
les néomembranes formées par la prolifération des éléments de la plèvre
qui soient oi^nisées ou organisables ; ce sont elles qui forment les bri-
des ou les (aux ligaments qui attachent le poumon à la paroi thoracique ;
ce sont elles aussi qui sont susceptibles de se transformer en cartilages,
en os même, ainsi que nous le verrons à propos de la pleurésie chro-
nique.
Après avoir étudié les lésions de la pleurésie aiguë en elles-mêmes,
nous devons examiner maintenant les particularités qu'elles présentent
dans leurs dispositions générales, et Tinflaence que ces lésions exercent
sur les organes voisins.
La disposition que les épanchements pleurétiqucs présentent dans le
thorax a une grande importance, parce que leur situation et leur forme
foomissent des données précieuses au diagnostic. Au début de la maladie,
les produits épanchés paraissent former d'abord une couche mince, une
UMffe interposée entre le poumon et la partie thoracique ; plus tard, à
mesure que la quantité en est plus grande, ils obéissent à riiifluence
de la pesanteur et s'accumulent dans les parties déclives de la cavité pleu-
rale, puis ils s'élèvent graduellement de bas en haut jusqu'à atteindre,
dans les épanchements considérables, les parties supérieures du thorax.
Une fois formés, ces épanchements seraient mobiles et se déplaceraient
librement suivant la position du sujet, si leur consistance visqueuse et
surtout les fausses membranes qui les enveloppent ne les maintenaient
dm la situation où ils se sont primitivement déposés. En fait, tandis que
lei épanchements snreux de l' hydrothorax sont libres dans la plèvre et
oceapent toujours la partie déclive dans toutes les positions du thorax, les
épaBchements de la pleurésie sont, au contraire, habituellement immobiles
dans la place qu'ils occupent, maintenus et emprisonnés dans la situation
qu'ils ont prise par des fausses membranes qui leur forment un kyste
Aies limitent de toutes parts.
La disposition et la forme qu'affectent les épanchements dans la pleu-
résie ont été parfaitement établies par Damoiseau. Pour s'en rendre compte,
il suffit d'avoir présentes à l'esprit, pendant la formation de Tépanche-
I
i54 PLEURÉSIE. — p. aiguS primitive. — lésions AHATonamn.
ment, ces trois données.: la forme irrégulièrement conique de la catité
pleurale, Faction de la pesanteur, enfin la position habituelle du malade
dans son lit. Si Ton observe que les pleurétiques au début sont couchés
d'ordinaire sur le dos, le thorax étant soulevé et plus ou moins incliné à
rhorizon, on comprendra facilement que les épanchements doivent s'ac-
cumuler d*abord en arrière dans la partie la plus déclive de la gonUière
costo-vertébrale, au-dessous de l'angle inférieur de l'omoplate; puis, à
mesure qu'ils augmentent, leur surface en s'élevant coupe obliquement la
cavité conoïde qui les renferme et dessine à sa surface des courbes dn
genre des sections coniques obliques (Damoiseau). Dans leurs différentes
phases d'accroissement et de décroissance, les épanchements décrivent
des courbes emboîtées ,dont l'axe vertical correspond toujours aux partiel
les plus déclives de la gouttière costale, et dont la moitié antérieure et la
moitié postérieure sont très-inégales, la moitié antérieure étant très*lon-
gue jusqu'à atteindre le sternum plus ou moins haut et la moitié posté-
rieure très-courte se terminant à la colonne vertébrale. Ils sont fixés et
maintenus dans cette position, comme nous l'avons dit, par leur consi*
stance et le kyste pseudo-inembraneux qui les enveloppe ; dès lors ib sont
soustraits à la pesanteur, et, quelle que soit la posilion du thorax, ils
conservent la forme d'une section de cône, et leur niveau supérieur coupe
le thorax selon un plan dirigé de haut en bas et d'arrière en avant rela-
tivement à l'axe vertical de cette cavité.
Quelle que soit l'abondance de l'épanchement, sa disposition reste
toujours telle que nous venons de l'indiquer; les parties anléro-«ipé-
rieurcs de la poitrine sont donc les dernières à être envahies par Tépan-
chement, et elles ne le sont que quand ce dernier remplit toute la cavité
la plèvre.
A ces indications fournies par Damoiseau, Peter a récemment i^jouté
quelques particularités relatives surtout à la nature du liquide épanché;
nous aurons à y revenir à propos du diagnostic.
Telle est la disposition la plus ordinaire et la plus fréquente dans h
pleurésie aigué primitive. Cependant il existe quelques variétés de la ma»
ladie dans lesquelles la situation et la forme des lésions offrent des carac-
tères différents : ainsi dans la pleurésie diaphragmatique, répanchement
se fait entre la face supérieure du diaphragme et la base du poumon, repré-
sentant un kyste élalé entre ces deux organes ; dans la pleurésie inuârlo*
baire, qui est à la vérité rarement primitive, il présente une disposition
analogue, le liquide s'accumulant et s'enkystant entre deux lobes dn
poumon ; de même dans la pleurésie médiastine, où le liquide s'épancha
entre la face interne du poumon et le médiastin. D'autre part, quani
l'inflanmiation se développe dans une plèvre antérieurement bridée m
cloisonnée par des adhérences, l'épanchement se produit dans une partis
quelconque de la cavité pleurale, et sa forme très variable est subordonnés
aux adhérences qui le limitent.
Les lésions de voisinage que détermine la pleurésie sont de deoi
ordres : en tant qu'inflammation, elle produit dans les organes adjaooili
PLEURÉSIE. — p. AiGui pbimititBo — lésions an atomiques. 455
des lésions inflammatoires; en outre, par i*épanchement auquel elle
donne lieo, elle entraine des déformations ou des déplacements des parois
thoraciques et des viscères avec lesquels la plèvre est en rapport.
L'inflammation de la plèvre pulmonaire se propage aux couches les
plus superficielles du poumon et, ainsi que Brouardel Ta démontré, on
trouvet dans la zone corticale du parenchyme pulmonaire contigu aux
lésions pleurétiques, les altérations de la pneumonie interstitielle ; ces
altérations survivent même à la pleurésie qui leur a donné naisisance et
expliquent certains phénomènes d'auscultation qui persistent souvent
pendant un très long temps après la guérison de la pleurésie. Dans la
paroi Ihonieique on trouve aussi des lésions inflammatoires des organes sous-
jacents k la plèvre : ainsi le tissu cellulaire peut présenter les altérations
du phlegmon aigu ou subaigu (Leplat), le périoste des côtes lui-même peut
être aUirâil ptr l'inflammation ; enfln les nerfs intercostaux présentent des
caractères de névrite, ainsi que Ta signalé Beau : « Ces nerfs, dit-il, sont
plus ou moins enflammés dans tous les cas d'inflammation de la plèvre,
soit simple, soit compliquée de pneumonie. L'inflammation occupe ordi-
nairement toute la portion du nerf qui touche la plèvre* mais ne s'étend
pas au delà. Elle est caractérisée par une injection souvent intense, non-
seulement du névrilème, mais du nerf lui-même, qui est augmenté de
volume, sans être pour cela ni plus mou ni plus friable qu'un nerf sain.
Quelquefois il adhère légèrement à la portion de plèvre contiguê. »
Mais les altérations les plus importantes que détermine la pleurésie
dans les organes voisins, sont sans contredit celles qui résultent de la
compression exercée par l'épanchement; ce sont elles qui font en grande
partie la gravité de la maladie, en sorte que le danger de la pleurésie
réside moins dans l'inflammation elle-même que dans l'abondance de
1 epanchemeot auquel elle donne lieu et dans les troubles mécaniques
qui en sont la conséquence. La compression que lepanchement exerce
sur les organes adjacents à la plèvre, le refoulement, la déformation et les
déplacements de ces organes résultent en grande partie de la tension à
laqudle est soumis le liquide dans les épanchcments pleurétiques ; nous
nous arrêterons un instant d'abord à cette importante question des ten-
sions înira-iboraciques, sur laquelle Peyrot a récemment publié une étude
très remarquable, , et nous résumerons ici les intéressantes recherches
qu'il a publiées.
Lonqu*il existe un épanchement un peu abondant, soit liquide, soit
gaxeu, dans une des cavités pleurales et à plus forte raison dans les
: deux, les tensions intra-thoraciques subissent des modifications impor-
K tantei. A l'état normal, en raison de l'élasticité pulmonaire, la surface
interne des parois thoraciques et les organes creux contenus dans le mé-
ifT diastin sont soumis à une pression négative ; mais lorsqu'il se produit
xm ^ épanchement qui permet au poumon de revenir sur lui-même, cette
ienrion négative tend à disparaître, et quand l'épanchement devient con-
3^ <idénble, elle peut être remplacée par une tension positive. Ordinaire-
^nt les épanchements ne se bornent pas à tenir sans effort dans la loge
156 PLEURÉSIE. — p. aiguë primititb. — lésions ahatohiqubs.
où ils tonibcnl ; ils tendent à écarter et à refouler les parois qui les limi-
tent; mais celles-ci réagissent par leur élasticité et entretiennent dans le
milieu liquide ou gazeux qui les presse une tension variable. Il n'est pas
besoin d'un é|»anchement très-abondant pour que cette pression poisse
être supérieure à la pression atmosphérique. Veut- on la preuve expéri»
mentale de cet excès de tension? Quand, chez un sujet mort avec ni
épanchement pleural, on fait une ponction en un point quelconque di
thorai, on voit le liquide sortir par l'ouverture et non l'air pénétrer dans
la poitrine (Peyrot). Si, chez des sujets morts de même avec des épaa-
chements pleurétiques, on adapte un manomètre à la trachée et qu'on
fasse ensuite Touverturede la poitrine, alors l'eau du manomètre, anlÎM
d'être refoulée et de s'élever dans le tube, comme dans l'état nonnait
par l'effet de l'élasticité pulmonaire, est au contraire aspirée et s'abaifli
dans le tube : dans un cas, l'abaissement de la colonne liquide fut de
4 centimètres, dans un autre cas de 10 centimètres (Mocquot et Roia-
pelly).
Aussi tout épanchement un peu abondant se trouve soumis à une pres-
sion plus ou moins considérable. Sur le vivant, cette pression varie dans
chaque mouvement respiratoire ; et dans les cas d'épanchement peu co- f .
pieux, les grandes inspirations peuvent sans aucun doute ramener dam f
la plèvre une tension négative. Dans un cas, Peyrot a mesuré la tensioi
pleurale sur le vivant à Taide d'un manomètre à mercure ; chex un mih
lade atteint d'un pyo-pneumothorax la tension était, au moment de h
ponction, de +3 centimètres de mercure ; après la soustraction d'un litn
et demi de liquide, elle n'était plus que de 12 millimètres; on suq>eDdil
alors l'aspiration : à ce moment, les mouvements respiratoires se tradai-
saient par des oscillations de la colonne liquide.
On a du reste souvent la preuve d'une grande tension intra-pkarak,
quand on fait la thoracentèse avec le trocart ordinaire : le liquide jaillit
à une certaine distance pendant un certain temps ; ce n'est pas alors qoi :
la baudruche est nécessaire, mais seulement à la fin de l'opération, alon
que la plèvre est presque vide et que Tinfluence des mouvements respiia-
toires peut s'y faire sentir (Peyrot).
Quelques autres auleurs se sont aussi occupés de déterminer quelle eà
la tension intra-thoracique dans les épanchements pleuraux. Ainsi, ea
Allemagne, Quincke et Leyden (cités par Homolle) ont, dans ungrani
nombre de cas, mesuré cette tension à l'aide du manomètre, pendaal i
l'opération de la thoracentèse, à divei^ moments de l'écoulement ds >
liquide. Tout récemment enfin, llomolle a publié, dans un très-inténih |b
sant mémoire, les nombreuses recherches que Potain a faites sur ce AfÉl
important, en se servant surtout d'un petit manomètre matalliquefâ
s'adapte, sans difficulté, aux appareils aspirateurs. Voici les princtpihi^
conclusions auxquelles Potain et Homolle ont été conduits : La
initiale, au début de la thoracentèse, est presque toujours positive;
s'élève parfois jusqu'à 20 et 50 millimètres de mercure; elle peut, p«l^
exception, s'abaisser à 0 ou à — 2. 11 est impossible d'établir un rapp(MEt|=
m
^
PLEURÉSIE. p. AIGUË PRIMITIVE. — LÉSIONS ànatomiqi/es. 157
proportionnel entre le degré de pression positive ou négative et la pré-
sence d'une quantité déterminée de liquide dans la plèvre. Les hautes
tensions s'observent avec les grands épanchements, surtout lorsqu'ils sont
franchement inflammatoires et récents, chez les sujets jeunes et vigou-
reux, dont les parois thoraciques sont fortes et élastiques, enfin lorsque
le poumon hyperémié ou enflammé conserve, sous la pression du liquide,
un volume notable. Les basses pressions initiales se montrent dans les
conditions opposées (vieil épanchemcnt, sujet cachectique, poumon
affaissé, etc.). Les grandes décompressions finales succèdent à la sous-
traction de quantités considérables de liquide , quand les parois sont
rigides, quand le poumon est peu susceptible d'expansion, qu'il est bridé
par la plèvre épaissie, hyperémié on atélectasié depuis longtemps. Une
décompression brusque et forte est une des causes les plus certaines et
les plus importantes des divers accidents qui s'observent, soit après, soit
même pendant l'évacuation des épanchcmcnts pleuraux par la thoracen-
tese (toux, douleur, expectoration albumineuse, congestion ou œdème
aigu, peut-être même pneumothorax), f^ manomètre permet d*apprécietr
la rapidité avec laquelle se produit l'abaissement de tension et le degré de
l'aspiration; il peut donc servir de guide pour faire apprécier le moment
où il convient d'interrompre Técoulement du liquide. Tant que la décom-
pression est lente et graduelle, on peut, en général, continuer l'extrac-
tion ; il est bon de la suspendre quand, après un abaisSement progressif,
on constate une diminution brusque et notable de la pression.
Voyons maintenant les effets de compression que l'épanchement exerce
sur les organes voisins.
Le poumon est naturellement le premier organe comprimé, et c'est sur
lui qac les effets de la compression sont le plus accusés. Au début de l'é-
pancfaemeni, il revient d'abord sur lui-même en vertu de son élasticité ;
plus tard, à mesure que le liquide augmente, il se vide graduellement de
l'air qu'il contient, son parenchyme s'afl'aisse, devient de plus en plus
compacte, et présente les caractères qu'on a décrits sous le nom de splé-
nisalion; il ne crépite plus sous le doigt et surnage à peine dans le li-
quide où on le plonge. Les bronches elles-mêmes n'échappent pas à la
compression : les extrémités bronchiques et même les bronches d'un cer-
tain calibre, quand l'exsudatest très-abondant, sont aplaties et imperméa-
bles à l'air. Si l'épanchement est demeuré limité en arrière et sur les
c6tés, comme cela est très-ordinaire, c'est surtout dans les parties posté-
rieores du poumon qu'on trouvera les altérations précédentes ; mais
quand l'épanchement très-considérable a envahi la totalité de la cavité
pleurale, le poumon se retire vers son hile sur le côté de la colonne ver-
tébrale, c'est là qu'on le retrouve sous la forme d'une petite masse grisâ-
tre, exsangue, souvent enveloppée de fausses membranes épaisses. Lorsque
k liquide épanché est résorbé et que la pression cesse, le poumon peut
quelquefois reprendre ses caractères normaux; mais ce retour à l'état nor-
mal ût toujours très-lent à se produire, et le plus souvent même il reste
, quelques traces de la maladie. Si une partie plus ou moins considérable
158 PLEURÉSIE. — p« aigcH primitive. — lésioks anatoiiiqubs.
du poumon est enveloppée de ncomembranes inextensibles^ le piren-
chyme pulmonaire, ainsi emprisonné, reste aifaissé et inapte i remplir
ses fonctions.
Le refoulement des parois tlioraciques et des organes adjacents est
étroitement lié à la tension de l'épanehement ; ce sont des phénomèiies
connexes, si bien que les déformations du thorax et les déplacemeats des
viscères peuvent, dans une certaine mesure, servir à apprécier l'augmen-
tation de la tension intrathoracique.
Les différentes parois de la loge pulmonaire subissent à des degrés fa-
riables l'influence du refoulement. La paroi costale éprouve, du côté de
l'épanehement, un changement d'aspect qui saute aux yeux, elle tend i
devenir globuleuse ; cette déformation est due à ce que les côtes, repo»*
sées en dehors par le liquide, exécutent un mouvement de rotation aotov
d'une ligne fictive passant par leurs deux extrémités ; dans ce moufoneat
toute la partie convexe de l'arc costal se trouve écartée de Taxe Terticd
du thorax, et par suite le périmètre de la poitrine est agrandi. Oependasà^
ainsi que l'a montré Peyrot, l'agrandissement du côté malade n'est pas
surtout formé par le développement de la moitié du thorax oè siège l'é-
panehement, l'autre côté conservant sa forme normale ; il est plntM le
résultat d'un mouvement subi à la fois par les deux côtés de la cage tho-
racique qui se portent d'ensemble dans le sens du mamelon qni oonea-
pond à l'épanchenfent. Le côté malade se dilate donc surtout aux d^wm
du côté sain, qui se trouve entraîné vers lui par l'effort que répanefaa-
ment exerce sur une partie de la paroi thoracique, et il en résulte mw
déformation de la poitrine qui amène la production d'une sorte de liko-
rax oblique ovalaire (Peyrot). Des expériences cadavériques ont dé>
montré à Peyrot la réalité de cette déformation générale de la poitrine; il
a vu que, dans le cas d'épanchcment considérable, le sternum se d^etle .
vers le côté malade jusqu'à se transporter tout entier de ce cMé; en I
même temps, la portion cartilagineuse des côtes bombe et s'arrondit do j
côté malade, tandis que de l'autre côté elle s'aplatit de plus en plus à
mesure que le sternum s'éloigne davantage de la ligne médiane. Danses
mouvement général du thorax sous l'effort de l'épanehement, ce sont sur*
tout les parties antérieures qui cèdent en raison de leur mobilité, tandis
que les parties postérieures résistent et opposent un obstacle efficace ao
déplacement. Quoi qu'il en soit, ces déformations de la paroi do thorax
produisent, en même temps que le soulèvement des côtes, une asymétrie
très-marquée que rœil et la main peuvent apprécier facilement. !
Le refoulement du diaplirngme est très-commun, et concurrenunent os i
observe le déplacement du foie ou de la rate. Ces déplacements sont quel- ,
quefois très-considérables ; ainsi Damoiseau rapporte que, dans un cas d'é-
panchcment purulent du côté droit, le foie avait subi un mouvement di
bascule tel que sa face inférieure était devenue verticale et que son boid
inférieur touchait le ligament de Fallope ; le diaphragme présentait dan
l'abdomen une convexité au moins égale à celle qu'il forme ordinaircmeÉl
dans la poitrine. L'abaissement de la rate dans les épanchements du côli
PLEURÉSIE. — p. AiGUi primitive. Lésions axatomiques. 159
gauche, signalé par Stoll, a moins d'importance et est plus difficile à
apprécier.
Le refoulement du mcdiastin, admis par la plupart des auteurs, a cepen-
dant été contesté par Richerand, qui, s'a|)puyant sur des expériences cada-
vériques, déclare que le médiastin est assez solidement fixé en avant et
en arrière du thorax et présente une résistance suffisante pour s'opposer
an refoulement même dans les épanchements les plus considérables. Mais
Pejrot, qui a fait aussi des expériences sur le cadavre, affirme que le dé-
placement du médiastin existe et est même considérable dans les grands
épanchements. On apprécie surtout ce refoulement par le déplacement
ou la compression des organes contenus dans le médiastin. Ledéplacement
du cœur est souvent très-accusé dans les épanchements de la plèvre gau-
che; il est fréquent de voir le cœur dépasser le bord droit du sternum, et
il n'est pas très-rare de le voir atteindre le niveau du mamelon droit. La
trachée et la crosse de Taorte peuvent encore être comprimées dan3 le mé-
diastin antérieur. Les organes contenus dans le médiastin postérieur sem-
blent moins subir les effets de refoulement; cependant Damoiseau a ob-
servé, dans on cas de pleurésie, une dysphagie qui ne peut guère être
attribuée qu'à la compression de l'œsophage. 11 faut tenir compte aussi des
modifications que la compression du médiastin apporte à la circulation
dans les grosses veines qui sont contenues dans cet espace : la compres-
sion que subissent ces vaisseaux peut être invoquée pour expliquer la gêne
extrême de la circulation et de la respiration qu'on observe souvent, cer
tains œdèmes qui surviennent dans le cours de la pleurésie, enfin les coagu-
lations sanguines qui peuvent se former dans le cœuroulesgros vaisseaux
et entratner de redoutables accidents (Peyrot).
Les déplacements du cœur, du foie, de la rate, que nous venons d'indi-
quer sont très-réels; mais nous pensons qu'ils sont moins étendus en réalité
qu'ils ne le paraissent. En effet, dans l'appréciation de ces déplacements,
on prend pour point de repère la paroi thoracique ; or celle-ci, ainsi que
nouafavons vu, ne reste pas immobile dans sa position normale : elle se dé-
place aussi, et ses déplacements viennent s'ajouter à ceux des organes et les
exagèrenten apparence. Ainsi, dans le cas d'épanchement considérable dans
la plèvre gauche, le cœur est refoulé à droite sous le sternum et même au delà
de cet os; il ^ a Ik un déplaceinenl réel du cœur; mais en même temps le
sternum est entraîné vers la gauche et glisse au-devant du cœur, qui dès
lors parait plus entrainé vers la droite qu'il n'est en réalité ; il y a donc
un déplacement relatif du cœur par rapport au sternum qu'on prend pour
point de repère. Cette manière nouvelle d'interpréter les déplacements du
I cœur a été très-nettement formulée par un de nos élèves, M. Defontaine,
; à propos d'un malade atteint de pleurésie purulente et traité par les ponc-
tions successives, chez lequel nous avions fait un grand nombre de men-
.. sarations du thorax dans le but d'apprécier les déformations de la poitrine
^ elles déplacements des organes. Nous la croyons pour notre part très-
^g exacte, et l'un de nous en a fait l'objet d'un petit mémoire ; mais il reste-
-^ rait à indiquer des moyens pratiques pour distinguer les déplacements re-
160 PLEURÉSIE. — p. aigoë primitive. — stmptAhbs.
latifs des déplacements réels ou faire la part qui revieut à chacun d'eux
dans chaque cas particulier ; c'est ce que nous n'avons encore pu réaliser.
Ce qui vient d'être dit des déplacements du cœur est également appli-
cable aux déplacements du foie et de la rate : sans doute l'abaissemeoi
du diaphragme repoussé par Tcpanchement refoule le foie, maisen même
temps le mouvement des côtes qui se relèvent tend à laisser le foie plut
à découvert dans l'abdomen, et si on veut apprécier le déplacement do
foie par l'étendue dont cet organe déborde les fausses côtes, on réunit dam
cette appréciation et te refoulement en bas du foie par répanchement
(déplacement réel) et le mouvement en haut de la paroi thoracique, qui
change tes rapports du foie avec les dernières fausses côtes (déplacement
relatif). En résumé, nous croyons que, contrairement à ce qui a été Eût
jusqu'ici, il faut tenir compte, dans l'appréciation des déplacements des
viscères dans les grands épanchements pleuraux, des déformatioiuetdei
déplacements que subit la paroi thoracique elle-même, et savoir que les
changements de rapports des viscères avec le sternum ou les côtes» consi-
dérés à tort comme fixes, ne donnent pas la mesure exacte des déplace-
ments de ces viscères; mais qu'ils sont la somme de deux facteurs* d'une
part le refoulement vrai des organes, d'autre part le glissement en sens
inverse de la paroi thoracique.
Symptômeai. — Le début de la pleurésie aiguë est très-variable :
le plus souvent il est brusque, marqué par un mouvement fébrile^ accooH
pagné de point de côté, de toux et de gêne respiratoire ; quelquefois ii
est insidieux, caractérisé seulement par du malaise et une sensation pat
accusée de gêne dans la poitrine, en sorte que le malade continue i
vaquer à ses occupations jusqu'à ce qu'il soit arrêté par la difficulté de h
respiration, et il arrive quelquefois qu'on trouve, dès la première fois
qu'on examine la poitrine, un abondant épanchement. La fièvre, la dou-
leur de côté, la toux et la dyspnée, tels sont les symptômes qui indiquent
rinvasion de la maladie, mais ces symptômes ne sont pas constants, ils
sont suivant les cas plus ou moins développés, ou encore diversement
associés entre eux ; de là des variétés nombreuses dans le mode de début
de la pleurésie qui, dès le commencement comme durant son cours, pri»
sente plus d'irrégularités et d'imprévu que la plupart des autres maladies
aiguës.
Quel qu'ait été son début, la pleurésie ne tarde pas en général â être
caractérisée par la persistance d&s troubles fonctionnels, spécialement de ^^y,
l'oppression et de la toux, et surtout par l'apparition de signes physiques
qui permettent en général de suivre la maladie dans toutes ses phases d [
de reconnaître avec précision la plupart des particularités qui s'y ratta-
chent : ainsi avec Tinspection, la palpation, la mensuration, la perçus- i
sion et l'auscultation, il est le plus souvent possible de déterminer avec ]
exactitude, s'il existe ou non un épanchement dans la plèvre; quand t'épti* :
chcment existe, quel siège il occupe, quelle est sa forme, quels sont u
limites, son épaisseur ; d'apprécier ainsi dans une certaine mesure qudk.
est sa quantité, quelle est sa composition, s'il est libre ou enkysté daai
;5
PLEURESIE. p. AIGUË PRIMITIVE. — SYMPTÔMES. i6i
la caYiié pleurale, de le suivre dans ses diverses périodes d'accroisse-
ment, d*état et de déclin ; de reconnaître les cffels mécaniques qu'il
exerce sur les viscères adjacents; toutes questions capitales pour le
pronostic et pour le traitement.
Enfin, quand l'inOammation pleurale est éteinte, elle laisse souvent
après elle des reliquats qui dépendent de la persistance de quelques-
unes des lésions de la plèvre et de la com[)ression que Tépanchement a
exercée sur les organes voisins. Tous ces symptômes et ces signes méri-
tent une étude attentive.
Symptômes gé.néraux et fonctionnels. — La fiè\)Te de la pleurésie est le
plus souvent modérée, elle s'établit graduellement et se montre sous le
type rémittent. Elle n'a ni la brusquerie du début, ni l'intensité, ni la
marehc typique qu'on trouve par exemple dans la pneumonie; mais elle
présente pourtant quelques caractères qui ont une réelle importance.
Au début de la pleurésie aiguë franche, la fièvre peut être regardée
comme presque constante, et il est de règle qu'il y ait un mouvement
fébrile dans les premiers jours de l'invasion de la maladie. Le plus sou-
vent il y a des frissons durant un jour ou deux : on ne trouve pas le gros
firisson intense, unique et prolongé du début de la pneumonie, mais de
petits frissons qui reviennent à intervalles irréguliers. Cette différence
parait due à ce que la fièvre, au lieu de s'élever rapidement et d'attein-
dre son apogée en quelques heures comme dans la pneumonie, s'accroit
an contraire lentement et met deux ou trois jours pour arriver à son
maximum qui est lui-même relativement peu élevé. La température, en
rfCel, monte habituellement aux chiffres de 58^, 58<> 5, et même 39 de-
grès ; rarement elle dépasse beaucoup ce chiffre ou, si elle atteint
40 degrés, ce n'est que d*une façon passagère. Le pouls est accéléré, et
txlùe accélération est souvent hors de proportion avec Télévation de la
température : ainsi, on compte souvent 100, 120 pulsations par minute
et même davantage : ce Dans la pleurésie, dit Lorain, la circulation est
plus accélérée que la température n'est élevée. Il y a une gcne mécanique
de la respiration qui entraîne la circulation. » En même temps qu'il est
accéléré, le pouls est souvent dur et résistant.
Après avoir augmenté pendant deux ou trois jours, la fièvre reste ordi-
nairement stationnaire pendant le temps que dure la formation et l'ac-
croissement de l'épanchement, c'est-à dire pendant une à deux semaines
environ. Pendant ce temps qu'on peut considérer comme la période
d'état de la maladie, la température oscille entre 58 et 59 degrés, pré-
sentant un écart de 1 degré à peu près entre la température du matin et
celle du soir, et le pouls varie entre 90 et 120 ou 150 pulsations.
Cependantil n'est pas rare que, dès le commencement de cette période, la
fièvre tombe au moment oùlépancliementse forme ou pendant qu'il aug-
mente. La durée de la période fébrile dans la pleurésie est donc très-varia-
ble; elle peut n'être que de trois ou quatre jours, elle peut se prolonger
ju delà de deux semaines. En général la persistance delà fièvre doit faire
craindre et rechercher l'existence de quelque complication ou la transl'or-
■Ogr. DICT. MiD. BT CHIR. XXVIII — 11
162 PLEURÉSIE. — p. aigué primitive. — symptômes.
mation purulente de répanchemenl; nous reviendrons ailleurs sur ce
point.
Quand la pleurésie se termine par. résolution, comme c'est le cas le
plus fréquent, la période de terminaison qui commence en moyenne vers
le vinglième jour, est ordinairement apyrctique : pendant tout le temps
que dure la résorption progressive ne Tépanchement, il n'y a pas de fièvre;
mais le pouls conserve assez souvent un peu de fréquence, imputable
sans doute à la gêne respiratoire. Quelquefois durant cette période, on
voit des retours passagers de fièvre qui coïncident avec un arrêt dans la
résorption ou même avec un retour de Tépanchement.
Bien que les phénomènes fébriles, appréciés surtout par la tempéra-
tare, présentent en général les caractères que nous venons d'indiquer, il
n'est pas rare d'observer des exceptions : ainsi Woillez remarque, d'après
plusieurs faits qu'il rapporte, que la thermométrie fournit des données
trè9-variables suivant les individus et que parfois même les signes en
sont négatifs ; en outre que, les premiers jours passés, la température
n'est nullement en rapport avec les progrès de Tépanchement.
Indépendamment de Tobservalion de ia température générale recher-
chée dans Faisselle ou dans le rectum, Peter s'est préoccupé des varia-
tions delà température locale dans la pleurésie (thermométrie pleurale):
pour apprécier la température de la paroi thoraciquc du côté sain et du
o6té malade, ainsi que ses rapports avec la température moyenne du
malade, il place successivement le même thermomètre dans le même
espace intercostal, le sixième par exemple, du côté malade et du
côté sain, puis enfin dans l'aiselle du côté sain. Voici quelques-
uns des résultats intéressants auxquels il a été conduit : Du
côté de la pleurésie, la température pariétale est toujours plus
élevée que la température pariétale moyenne (qui est de 35*, 8) ; la suré-
lévation morbide ou hyperthermie locale est de 5 dixièmes de degré à 2*,5
et même davantage; — l'élévation de la température augmente comme
répanchement, cVst-à-dire avec la période d'activité sécrétoire de la
plèvre; elle décroît dans la période d'état de l'épanchement, bien qu'elle
reste encore plus élevée que du côté sain ; — la pleurésie n'élève pas
seulement la température pariétale du côté où elle siège, elle l'élève
également du côté opposé; mais la température pariétale du côté malade
est toujours plus élevée (de quelques dixièmes de degré à 1* et même
davantage) que la température pariétale du côté sain; — la température
pariétale s'abaisse peu à peu quand l'épanchement se résorbe spontané-
ment, tout en restant supérieure (en général de plusieurs dixièmes de
degré) h la température pariétale du côté sain; celte pcrsislance tempo-
raire de riiyperthcrmie locale explique la possibibtc de la récidive par la
persistance des conditions anatomiques qui président à la formation de
l'épanchement. — Un fait des plus intéressants, c'est que TélévatioD
absolue de la température locale, du côté malade, est plus considérabh
que l'élévation absolue de la température axillaire, bien que le chif&v
thermique axillaire puisse être plus fort que le chiflre thermique pariétal
PLEURÉSIE. p. AIGOË PRIUITIVE. STVPTÔMES. 163
Cette hyperlhermie locale précède rhyperthennie axillaire. Deux choses
qui démontrent Tinfluence dominatrice du travail morbide plcurétique sur
l'état général ou tout au moins sur la température générale. — Si on
Tient à évacuer le liquide épanché, c*csl-àdirc à vider la cavité de la
plèvre, la température pariétale s'élève du côté ponctionné; cette sarélé-
valion de la température ne persiste pas si répanchement ne doit pas se
reproduire, elle persiste si l'épanchement se reproduit. Peter a établi que
cette hypertliermie consécutive à la ponction est due à Thypcrémie pro-
voquée par révacuation du liquide, que cette hyperémie a vacuo
Rajoute à Thyperémie phlegniasique antérieure et qu'ainsi on comprend
comment la ponction pratiquée intempestivcment pendant la période
d'activité inflammatoire peut aider à la transformation purulente de
répanchement .Nous sommes obligés de nous borner à ce court résumé des
recherches de Peter ; on voit pourtant les applications qu'on en peut
faire au pronostic et au traitement.
La douleur de côté est un des symptômes les plus constants du
début de ia pleurésie aiguë. Elle a souvent son siège sou:s le mamelon
du côté niaiade, dans une partie limitée du cinquième ou du sixième
espace intercostal ; elle mérite alors le nom de point de côté : c'est une
douleur aiguë, analogue à celle que donnerait un instrument piquant
enfoncé sous la peau; elle entrave la respiration, qui devient courte,
saccadée, entrecoupée. D'autres fois la douleur est plus étalée, et alors
elle occupe fréquemment une certaine étendue de la base du thorax vers
h partie externe ; elle s'irradie dans quebjues cas vers l'épaule, vers la
partie postérieure de la poitrine et même vers le flanc du côté correspon-
dant; elle présente ordinairement moins d'intensité quand elle est ainsi
diffuse que lorsqu'elle est bornée à un point peu étendu. Tantôt elle est
(ontinue, s'exagéraut dans les mouvements respiratoires ou dans les
lecousses de la toux; tantôt elle ne se montre que par intervalles, pro-
Toquôe seulement par la toux ou par les grandes inspirations. La douleur
de côté ne dure pas en général plus de quelques jours : ordinairement
elle s'amoindrit ou disparait quand l'épanchement se produit; elle
revient quelquefois lorsqu'il survient des exacerbations dans le cours de la
maladie. A quoi est due cette douleur? Non pas sans doute à Tinflamma-
tioo de la plèvre elle-même, puisque la sensibilité propre de celte mem-
l>FSuie est douteuse, mais à l'irritation des nerfs adjacents, c'est-à-dire des
Tierfs intercostaux. Bouillaud considérait le point de côté de la pleurésie
comme Tespression d'une névralgie intercostale; il semble plus légitime
'^éà rapporter cette douleur à l'inflammation des nerfs intercostaux, dont
i fieau, a démontré Icxistence dans la pleurésie, ainsi que nous lavons vu
^ ^iréccJcmmcnt : la douleur de cette névrite est rapportée aux expansions
crminales des nerfs atteints, aus:ïi le malaile n*accuse-t-il souvent qu'un
Mut douloureux sous le mamelon ; mais il est facile de se convaincre que
pression est douloureuse sur tout le trajet d'un ou de plusieurs espaces
itercostaux, qu'elle est le plus pénible en des foyers qui sont les points
émco^oce des rameaux nerveux, enGn qu'elle éveille de la souffrance
164 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. — stmptôxbs.
au sommet des apophyses épineuses des espaces correspondants (Beau^
Peter).
Im toux peut manquer dans la pleurésie, mais le plus souvent elle se
montre par intervalles, surtout quand le malade veut parler, ou qu'il
cherche à faire une profonde inspiration ou encore quand il change de
position dans son lit. Elle présente comme caractères dans la pleurésie
d'être brève, quelquefois quinteuse, toujours sèche : à peine, en effet, le
malade rejette-t-il après les quintes quelque peu prolongées une petite
quantité de mucosités semblables à de la salive ; quand il y a une expec-
toration dilTérente, c*est que la pleurésie est compliquée d*uae autre
maladie, une bronchite ou une pneumonie par exemple. Peter a très-
habilement recherché la pathogénie de la toux dans la pleurésie; il
Tattribue dans tous les cas à l'excitation des filets terminaux du nerf
vague, mais celle-ci se produit de façons différentes aux diverses phases
de la maladie : au début, Texcitation du pneumogastrique a lieu par
transmission de Tinflammation de la plèvre viscérale aux couches adja-
centes du poumon et aux ramuscules bronchiques contigus; plus tard
quand Tépanchement s'est produit en quantité peu considérable, la toux
se manifeste lorsque le malade se déplace, parceque l'exsudat, en se
déplaçant lui-même par les mouvements du thorax vient irriter de nou-
velles portions du pneumogastrique; elle diminue souvent quand Tépan-
chemcnt augmente, et cesse mon le quand il est considérable et que le
poumon est enveloppé de fausses membranes et de liquide, parce qu'il n'y
a plus alors de nouvelle surface irritable parles déplacements du liquide.
La toux sèche, quinteuse, qui survient chez un malade dans les change-
ments de position, acquiert ainsi une valeur diagnostique : elle e&t \
l'indice d*unc pleurésie et d'une pleurésie avec épanchement peu abofh
dant (Peler).
V oppression se montre dans la pleurésie à toutes les périodes de la
maladie; elle est quelquefois peu marquée quand le malade est au repos
et surtout au lit ; il est rare pourtant qu'elle ne se montre pas quand il
veut faire un effort, marcher, monter un escalier. Souvent le malade n*eo
a pas conscience, mais elle est ordinairement très-appréciable pour le
médecin : on constate en effet, le plus souvent, une accéléi*ationdes mou-
vements respiratoires, dont le chiffre s'élève à 30, 40, 60 respiration»
par minute et même davantage, au lieu de 18 ou 20 comme à l'état nor-
mal ; on observe en même temps que les mouvements de la partie supé-
rieure du thorax sont exagérés et que les muscles accessoires de la respi-
ration entrent en jeu. Quand la dyspnée devient excessive, elle est
accompagnée de tous les caractères habituels de Tasphyxie. Au début de
la pleurésie, l'oppression est souvent due au point de côté et à riimnobi-
lisalion instinctive du thorax qui en est la conséquence, la respiration
courte, comme contenue, et précipitée ; plus tard, à la période d'é^
chement, elle est habituellement en rapport avec la quantité du liqîiidi
épanché et résulte de la diminution de la surface respiratoire ; iniiL-
même dans ces conditions, elle est très-variable, surtout suivant la ra|^
PLEURESIE. — p. AIGUË PRIMITIVE. — SIGKES PHYSIQUES. 165
dite aTCC laquelle rcpaDchcment s'est développe : il est peu de maladies
où Ton rencontre plus que dans la pleurésie raccoutumance aux lésions
lentement formées ; c'est ainsi que, dans les pleurésies subaigucs, on
troinre quelquerois des épanchcments considérables, remplissant tout un
côté du thorax, chez des malades qui n'ont presque pas ressenti de trou-
bles fonctionnels.
Pendant le cours de la pleurésie, les malades restent souvent couchés
sur le dos ; quant au décubitus latéral, il a lieu tantôt d'un côté, tantôt
de Vautre suivant la période de la maladie : au début, pendant la durée
du point de côté, le décubitus a lieu quelquefois sur le côté sain, mais
jamais sur le côté malade dont la pression du corps raviverait les dou-
leurs ; plus tard, quand il y a un épanchement capable de gêner la res-
piration, le décubitus latéral ne peut, au contraire, avoir lieu que sur le
côlé malade, parce que, dans cette position, le côte sain peut se dévelop-
per librement pour les besoins de la respiration et que du côté malade
lai-méme le poumon est le moins possible comprimé par l'épanchement.
Dans le cas d'un épanchement considérable, la position du malade debout
et sa démarche ne seraient pas, d'après Peter, moins particulières : « Le
malade, dit-il, se tient alors légèrement penché de côté, l'épaule un peu
abaissée» Pavant-bras fléchi, la main rapprochée de la ceinture, et c'est
dans cette position qu'il marche lentement et avec prudence. »
Le faciès est habituellement pâle; les forces sont un peu diminuées et
le travail est rendu impossible surtout par la gcne respiratoire. En-
fin, comme dans toutes les maladies inflammatoires et suivant le degré
de la fièvre, on observe, principalement au début, de l'inappétence, un
peu de constipation, des urines moins abondantes et plus chargées de prin-
cipes minéralisateurs.
Tous les troubles généraux et fonctionnels qui précèdent ont une réelle
importance dans l'étude de la pleurésie aiguë : mais, en raison de leur
grande variabilité, ils ont une valeur diagnostique bien inférieure à celle
des ûgnes physiques qui permettent de suivre dans leurs diverses phases
toutes les lésions dont la plèvre est le ^iége et d'apprécier toutes les parti-
cularités qu'elles présentent dans leur évolution.
Sif^eai physiques. — Nous avons, sous ce litre, à étudier successi-
vement les signes fournis par l'inspection, la percussion, l'auscultation, la
plpation et la mensuration. Ces signes sont tous en rapport avec deux
coiiditions fondamentales qu'on observe dans toutes les pleurésies, à sa-
voir d'une part la présence d'un exsudât composé de fausses membranes
et d'un liquide séro-fibrineux, d'autre part les troubles apportés aux
mouvements du thorax, aux phénomènes mécaniques de la respiration.
Impection, — La vue permet de conslaler : 1" la voussure d'un côté de
la poitrine dans les parties correspondantes à un épanchement considéra-
ble; 2* le retrait de la poitrine qui arrive, au contraire, après la résorp-
tion de Tépanchement; 3^ la diminution des mouvements d'ampliation
dulkrax: 4" le déplacement de certains viscères.
L'ampliation du thorax est assez exactement en rappoi*t avec l'abondance
166 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. — signes physiques,
de Texsudat liquide. Elle ne se montre pas dès le début de la période
d'épanchemcnt : en effet, tant que Télasticité pulmonaire n*est pas satis-
faite, le liquide épanché dans la cavité pleurale prend la place du pou-
mon qui se retire et n'exerce aucun effort sur la paroi thoracique ; mais,
plus tard, les quantités nouvelles qui s'accumulent, refoutent dans tou»
les sens les parois qui limitent Tépanchement; de là la formatioo de
voussures partielles ou générales. Dans les épanchements moyens, qui
n'occupent, par exemple, que la moitié inférieure du thorai, ta voussure
est .imitée à cette partie et n'atteint pas la partie supérieure du tborai.
Quand, au contraire, l'épanchement envahit et distend toute la cavité de
la plèvre, la voussure occupe tout un côté de la poitrine qui tead à proi*
dre la forme globuleuse. Quelle que soit l'étendue de ces voussures, elles
- résultent toujours d'un mouvement des côtes autour d'un axe fictif qui
passerait par leurs deux extrémités, mouvement qui a pour effet de rele-
ver les côtes et de les écarter de l'axe antéro-postérieur du thorà ; en
même temps l'extrémité antérieure des côtes est repoussée en avant. Ces
déplacements des côtes ont pour efTet d'sigrandir, du côté de répanche-
ment, le diamètre transversal et le diamètre antéro-postérieur du thorax;
mais ils amèneraient un raccourcissement du diamètre vertical, s'il ne
se produisait concurremment un abaissement et un refoulement du dia-
phragme qui compense cet effet. On dit, en général, que les voussures
du thorax, dans la pleurésie, se forment surtout dans les parties [»osté-
Heures et latérales; je crois, au contraire, que c'est surtout la partie anté-
rieure des côtes, qui du reste est la plus mobile, qui se laisse relouler
par Tépanchcment : il suffit d'ailleurs d'examiner quelques tracés cyrto-
métriques, dans des cas d*épanchements pleuraux, pour se convaincre
que c'est principalement en avant et sur les côtés que l'ampliation du
thorax se fait, et que c'est en ces points que les voussures sont le plus
développées. On peut contrôler les résultais donnés par la vue, en embras-
sant avec les deux mains les deux cotes du thorax successivement : on
constate alois, sans difliculté, que le côté de répanchement présente une
bien plus grande épaisseur que le côté opposé, et que sa surface est plus
régulièrement arrondie. Au niveau des parties dilatées du thorax, ou
constate en même temps l'effacement des espaces intercostaux ; cet effa-
cement est dû en partie à la pression du liquide, mais surtout à la para-
lysie des muscles intercostaux qui participent à l'inflammation de la plèîe
sous-jacente.
L'ampliation du thorax suit les variations de l'épanchement et elle dis-
parait avec lui; plus tard, dans la convalescence de la pleurésie, on peut
même observer un phénomène inverse, c'est-à-dire une dépression des
parois de la poitrine, un rétrécissement de Tun des côtés du thorax.
Laëunec, qui a le premier appelé l'attention sur cette conséquence possi-
ble de la pleurésie, en a parfaitement" indiqué les caractères et le méca-
nisme : « Les sujets qui présentent ce rétrécissement sont, dit-il, très-
reconnaissableSy même à leur conformation extérieure et à leur déma^
'''■'). Ils ont l'air d'être penchés sur le côté affecté , lors même qu'ils
PLEURÉSIE. — p. AIGUË PRIMITIVE. — SI6RBS PHYSIQUES. 167
cherchent à se tenir droits. La poitrine est manifestement plus étroite de
ce côté; et si on la mesure avec un cordon, on trouve souvent plus d'un
centimètre de différence entre son contour et celui du côté sain. Son
étendue en longueur est également diminuée ; les côtes sont plus rap-
prochées les unes des autres; Tépaule est plus basse que du côté op-
posé; les muscles, et particulièrement le grand pectoral, présentent un
volume de moitié moindre que ceux du côté opposé. La difTérence des
deux côtés est si frappante, qu*au premier coup d'œil on la croirait beau-
coup plus considérable qu'on ne la trouve en la mesurant. La colonne
vertébrale conserve ordinairement sa rectitude : cependant elle flédbît
quelquefois un peu à la longue, par Thabitude que prend te malade de
se pencher toujours du côté afTecté. x> Ces caractères si tranchés ne se
présentent guère que dans les pleurésies qui ont amené la formation d'un
épanchement considérable , avec fausses membranes épaisses, et qui eat
duré trèsJongtemps, notamment dans les pleurésies chroniques; ils se
montrent pourtant, sous une forme atténuée, à la suite d'un grand nom-
bre de pleurésies aiguës, surtout chez les enfants. Laénnec pensait ^pie
ce rétrécissement, une fois produit, persistait indéGniment; mais il est
établi que la déformation peut disparaître à la longue; c'est encore ches
les enfants qu'on observe souvent ce retour à la conformation normale de la
poitrine, même après des pleurésies qui ont entraîné des déformations
considérables. Outre ces rétrécissements généraux de tout un côté de la
poitrine, Woillez a montré qn*il s'opérait aussi des rétrécissements par-
tiels du côté affecté, à la suite de la pleurésie, et que ces rétrécissements
limités se développaient de préférence au niveau des régions où s'obser-
vent habituellement les dépressions relatives des saillies physiologiques,
c'est-i-dire de préférence en arrière du côté gauche, et en avant du côté
droit.
Quant au mode de formation de ces dépressions du thorax, tous les
auteurs, depuis Laénnec, Tinterprètent de la façon suivante : Lors de la
guérison de la pleurésie, le poumon rétracté et emprisonné dans les
fausses membranes résistantes, ne peut se dilater ou du moins il ne se
dilate que partiellement ; à mesure que l'cpanchement est résorbé, il
Haut que le vide virtuel qui en résulte soit comble et dès lors, à défaut 4u
poumon qui a perdu son expansibilité, ce sont les côtes et les parois tho-
raeiques qui se laissent déprimer par la pression atmosphérique. A «cette
première cause d'affaissement des côtes s'ajoute dans une certaine me-
sure la traction exercée sur elles par les adhérences costo-pulmonaires qui
se sont formées au cours de la pleurésie : ces adhérences agissent à la ibis
sur les côtes et sur le poumon, sur les côtes qu'elles entraînent en dedans
Ters Taxe de la poitrine, sur le poumon qu'elles forcent dans une cer-
taine mesure à se développer, mais en déterminant souvent une dilatation
des bronches (Barth). Ainsi d'après cette théorie, ce serait surtout la pres-
sion atmosphérique s'exerçant sur la paroi thoracique lors de la résorption
de répanchement et accessoirement la rétractilité des fausses membranefVi
qui amèneraient la dépression du thorax à la suite de la pleurésie. Cepen-
168 PLEURÉSIE. — p. aigoé primiti?e. — signes phtsiqobs.
dant Urouardel a conteste, dans la production de cette déformation, Tin-
fluence de la pression atmosphérique, sous prétexte que la difTérence de
tension à la surface thoracique et à la surface bronchique était très-faible
dans l'inspiration (un ou deux centimètres de mercure) et que d'ailleurs
pendant l'expiration la difTérence était en sens inverse ; d'après lai li
véritable cause des déformations thoraciques après la pleurésie, réside
dans le travail physiologiço-pathologiquc des fausses membranes et dans
leur tendance rétractile.
L'inspection permet encore de constater la diminution des mouvementi
du thorax du côté correspondant à la pleurésie : souvent il semble qu'une
moitié de la poitrine soit presque immobile ; tout au moins les excursiooi
respiratoires de la paroi thoracique sont extrêmement limitées du côté
malade, tandis que du côté sain elles conservent leur amplitude normale
ou paraissent même exagérées. Rien n'est plus facile que de constater
cette diflérence dans les mouvements respiratoires des deux côtés quand
le malade est couché sur le dos et qu'on examine de face la poitrine dé-
couverte : déjà très-appréciable dans les respirations ordinaires, elle
devient beaucoup |ilus apparente dans les respirations profondes. Ce n'est
pas seulement la respiration costale qui est ainsi modifiée, c'est encore h
respiration diaphragmatique : par suite de l'immobilité du diaphragme
du côté malade, l'hypochondre et la moitié de l'épigastre restent immo-
biles dans les deux temps de la respiration, tandis qu'on les voit du côté
sain soulevés pendant l'inspiration et déprimés pendant l'expiration. Ces
phénomènes peuvent se montrer aux diverses périodes de la pleurésie,
mais ils paraissent dépendre de conditions pathogéniques dilTérentes :
au début le côté malade parait immobilisé instinctivement par la dou-
leur ; plus tard on peut invoquer la paralysie des muscles intercostaux et
du diaphragme par voisinage avec la plèvre enflammée ; quand l'épan-
chement est forme et qu'il est abondant, la paroi du thorax et le dit-
phragme sont maintenus immobiles dans la situation qui con-espond i li
plus grande ampliation de la cavité thoracique ; enfin après la résorption de
répanchement, ces mêmes parties sont fixées par les adhérences et parle
dciaut d'cxpansibilité du poumon, dans la position qui correspond à la
plus grande rétraction du thorax.
L'iufpection permet enfin de constater le déplacement du coBor et en
fournit un des meilleurs signes, à savoir les battements de la pointe qui,
dans la plcuré>ic gauche sont visibles plus ou moins loin du point où
elle bat habituellement : tantôt à gauche dans le voisinage du stemam,
tantôt à Tépignstre, ou bien à droite de la ligne médiane, dans les espaces
intercostaux du côté droit, le long du bord du sternum. Moins souvent,
dans les pleurésies droites, on voit la pointe du cœur refoulé vers la
gauche, battre plus ou moins loin en dehors et au-dessous du mam-
melon.
Percussion. — Les signes fournis par la percussion sont avec ceux,
que donne l'auscultation d'une importance décisive dans le diagnostic de
la pleurésie. Par la percussion, on trouve du côté malade soit une dimi—
PLEURESIE. — p. AIGUS PRIMITIVE. SIGNES PHYSIQUES. 169
nution de résonnance appréciable, soit une inatité plus ou moins com-
plète; en même temps que les qualités du son ont varié, les sensations
tactiles perçues par le doigt qui percute se sont modifiées : il existe une
résistance au doigt dans les parties occupées par répnnchcment (Piorry),
résistance qui contraste avec la sensation de souplesse qu'on trouve dans
les parties saines.
Pour que le son soit obscurci, il faut que le liquide ait au moins de
un à trois centimètres d'épaisseur. Si Tépanchement est minime, il reste
disposé sous forme d'une lame mince interposée aux deux feuillets de la
plèvre, et donne lieu alors à une légère diminution de résonnance. Dès
que le liquide augmente, sous Tinfluence de la pesanteur il s'accumuJA
dans les parties les plus déclives de la cavité pleurale» c'est-à-dire, en
raison du décubitus dorsal habituel aux malades, à la partie postéro-in-
férieure do thorax. Nous avons vu plus haut que Fintersection du plan
de la face supérieure du liquide et du cône figuré par le thorax, donne
une courbe parabolique, à laquelle succèdent, avec les progrès de Tcx-
sudat, une série de courbes concentriques de même ordre. La percussion,
en donnant les limites de Tépanchement, permet de retracer ces disposi-
tions de la surrace du liquide. Nous verrons plus loin quel parti l'on peut
tirer de la forme de ces courbes, pour le diagnostic et le pronostic de la
pleurésie.
A mesure que le liquide augmente la matité s'étend, et le son, com-
plètement mat à la partie inférieure, devient en remontant simplement
obscur. La matité envahit bientôt les parties latérales de la poitrine,
mais ce n'est que dans les cas d'épanchement très-abondant, qu'on la
▼oit s'étendre aux parties antérieures du thorax. Le niveau supérieur du
liquide permet, par son ascension graduelle, d'apprécier les progrès de
l'exsudat ; il peut arriver néanmoins que le liquide augmente sans varia-
tions appréciables de son niveau, et sans que la limite de la matité se
rapproche de plus en plus du sommet du thorax. Ce phénomène est du
au déplacement du cœur, au refoulement des médiastins, à l'abaissement
du diaphragme, du foie, de la rate et à la dilatation du thorax qui ré-
sistant d'abord, cède ensuite plus ou moins rapidement et se laisse
I distendre.
[ Le degré de la matité varie comme son étendue avec l'abondance du
t Uquide : au début, alors que l'exsudat est étalé en lame jusqu'à une cer-
tûne hauteur, il no donne que de la submalité, et une percussion un
\ pea énergique évoque toujours la résonnance des parties profondes. Une
% percussion plus ou moins forte peut donc, dans de certaines limites,
-' faire apprécier l'épaisseur du liquide. Ce n'est que lorsque celle-ci est
considérable que la résonnance profonde fait entièrement défaut, et que
:: la matité est complète, absolue, sans vibrations du thorax ; elle est alors
bien plus prononcée que dans la pneumonie, et devient identique au son
^ que donne la percussion d'épaisses masses musculaires : tanquam per-
;,:: cmii femoris. La résistance au doigt qui percute, et Tabsence d'élas-
:i licite sont aussi bien plus marquées. Ces caractères plcssimétriques
170 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. — signes physiques.
peuvent s'étendre à tout un côté du thorax, mais les parties anlèro-
supérieures» envahies les dernières, ne donnent de matité que lorsque le
liquide est assez abondant pour occuper toute la poitrine. Dans ces cas,
le poumon refoulé, comprimé, est réduit quelquefois à une sorte de moi-
gnon presque exsangue. On peut encore néanmoins, par une percussion
minutieuse, le retrouver dans un point de la poitrine où, retenu par son
hile, il surnage au-dessus de Tépanchemènt. 11 est alors en haut en avant
et en dedans du médiaslin, dans le sinus formé par le bord du sternum
et l'extrémité interne de la clavicule; c'est là la dernière partie sonore
du thorax.
Avenbrugger avait donné comme un des caractères de la matité pieu-
rétique, la mobilité de son niveau dans les changements d'attitude im-
posés au malade. Le fait est loin d'être constant, il parait même
exceptionnel dans la pleurésie franche. Deux conditions s'opposent au
déplacement de l'exsudat : sa consistance, quand il contient une forte
proportion de fibrine, ce qui est le cas ordinaire dans la pleurésie
franchement inflammatoire ; la limitation du liquide par des fausses
membranes qui Tenkystent constitue encore un obstacle à sa mobilité»
Néanmoins lorsque, procédant d'une phlegmasie moins franche, l'épan-
chement est plus fluide, ou que l'enkystement est moins complet, comme
cela arrive dans certaines pleurésies secondaires, on peut en changeant
la posture du malade, faire varier la ligne de niveau, et trouver deift
résonnance dans des points précédemment mats.
La percussion ne donne pas seulement de la matité, elle permet ausô
d'étudier les changements de résonnance des points de la poitrine aver
lesquels le poumon reste encore en contact. Quand répanchement, même
très-abondant, laisse libre le sommet de la poitrine, on observe i ee*
niveau une exagération de sonorité à laquelle Skoda a attaché son nom :
bruit skodique. Cette partie du poumon, un peu rétractée, est moios
tendue, elle vibre plus complètement, et donne, au-dessous de la clavi-
cule, une résonnance tympanique qui tranche sur la matité absolue des
parties inférieures. Par un mécanisme analogue, c'est-à-dire une légère
rétraction du poumon, un son clair ou même tympanique se montre aa
niveau de Tépanchement, tout à fait au début de la pleurésie, dans des
points où le liquide est encore très-peu considérable et où Ton trouvera,,
un peu plus tard de la matité. Ce fait, établi par Skoda, a été confirmé
par Barth et Gueneau de Mussy. Quand Tépanchement occupe toute la^
cavité de la poitrine d*un côté, la matité sous-claviculaire est absolue.
Quelquefois en ce point le son est encore tympanique, mais avec un bruit
de pot fêlé ou une résonnance métallique ; cela tient à ce que la compres-
sion du poumon étant alors complète, permet au doigt de faire vibrer
directement la colonne d'air de la trachée et des grosses broncher.
Le degré de la malité n'est pas toujours l'expression absolue de l'abon-
dance et de Tcpaisseur de la couche liquide : Skoda a fait voir que,
lorsqu'une paroi vibrante est très-tendue, la tonalité du son s'élève et la*
résonnance diminue; la pneumatose abdominale, l'emphysème pulmo*-
PLEURESIE. — p. AIGUË PRIMITIVE. — SIGNES PHYSIQUES. 171
nairc peuvent, avec une tension clevce, donner une résonnancc moindre
qu'à Tétat normal ; il en est de même, comme Ta fait remarquer Laënnec,
d*un épanchcment moyen ou même peu abondant, s'il se forme rapide-
ment et surprend le poumon, qui ne se laisse pas refouler d'abord, et la
paroi costale qui résiste; la tension de la paroi thoracique peut alors être
telle, qu'il y ait absence plus ou moins complète de vibrations, et matité
presque absolue.
Auscultation, Les données diagnostiques fournies par l'application de
roreille se tirent surtout de Texamen du côté malade, néanmoins, il
n'est pas sans intérêt d'ausculter le côté sain. Ces signes d'auscultation
consistent tantôt en une simple modiGcation des bruits normaux, tantôt
dans l'apparition de bruit insolites.
Le signe stéthoscopique le plus commun, celui que l'on rencontre à
divers degrés dans tous les cas de pleurésie avec exsudât, c'est l'affai-
blissement du bruit respiratoire ; toutefois, ce n'est pas toujours le pre*
mier indice que donne l'auscultation : tout à fait au début de la phleg-
masie pleurale, alors qu*il n'existe pas encore dépanchement, il n'est pas
rare de percevoir un léger bruit de frottement dû à la locomotion du
poumon, qui fait frotter Tune contre Tautre les deux plèvres engluées
de fibrine granuleuse ; ce frottement est extrêmement doux. C'est là un
phénomène tout à fait fugace, et promptement on voit s'affaiblir ou dispa-
raître complètement le murmure respiratoire; ce bruit, d'abord plus faible
a la base, cesse bientôt complètement à ce niveau, en même temps qu'il
commence à s'affaiblir plus haut, pour reparaître avec son intensité nor-
male à la limite supérieure de Tépanchement. Quand le liquide est très-
abondant, le silence peut être absolu dans toute la hauteur de la poitrine
en arrière ; chez reniant, toutefois, il est rare que la respiration soit tout à
fait abolie, si ce n'est à une époque éloignée. Dans les cas d'épanchements
moyens, le bruit respiratoire complètement nul ou très atténué en arrière,
est simplement afiaibli sur les côtés et en avant, ce qui résulte de la
disposition du liquide que nous avons déjà signalée. Au sommet de la
poitrine, surtout en avant, il n'est pas rare de trouver au contraire un
knnt fort, exagéré, presque soufflant, semblable à la respiration puérile
qa'on perçoit dans le poumon du côté opposé. Cette exagération du mur-
mure vésiculaire, serait due, pour Woillez, à un léger refoulement en
haut du poumon par le liquide.
L'affaiblissement de la respiration est d'autant plus prononcé que
Texsudat est plus considérable. Néanmoins Guéneau de Mussy fait remar-
quer qu'il ne lui est pas toujours proportionnel : comme l'avait vu
Laennec, ce si^ne peut être plus accusé au début qu'il ne le sera plus
tard, alors que le liquide aura augmenté d'abondance. Ce désaccord appa-
rent entre le symptôme et sa condition physique s'explique, pour l'émi-
nent médecin de l'IIôtcl-Dieu, par une tension moindre de la paroi
Ihoncique ; nous pensons qu'il est dû aussi en partie à l'immobilisalion
y instinclive du côté malade qui résulte de la douleur de côté.
11 faut se garder, quand on ausculte le côté malade, de prendre pour
iW
lu^
172 PLEURÉSIE. — p. aiguS primitive. — sigres physiques.
un bruit vcsiculaire produit sur place, le retentissement du murmure
respiratoire du poumon opposé. Nous verrons, à propos de TauscultatioD
du côté sain, que la respiration y esttrès-développée et prend le caractère
puéril, et ce bruit intense se propage aisément au poumon malade. On
reconnaîtra Terreur, en auscultant sur une ligne horizontale des points
de plus en plus distants du rachis, le bruit transmis allant alors en
s'éteignanl.
L'aflaiblissement du bruit normal, dû à la présence du liquide, pe^
siste néanmoins à un certain degré après sa dispariûon, ce qu'il bot
attribuer pour une part à Texistence de fausses membranes, mais aussi
à ce que Texpansion pulmonaire reste amoindrie pendant des mois et
même des années, et peimet de reconnaître, bien longtemps après h
guérison, quel a été le côté atteint.
L'affaiblissement ou la disparition plus ou moins complète do bruit
respiratoire peut être le seul signe que donne l'auscultation, mais il est
fréquent d'observer, avec les progrès de Tépanchement, de la respÎNtion
bronchique ou souffle bronchique. Le souffle, à son moindre degré, n'est
guère qu'un bruit d'expiration prolongée, et même alors qu'il est très
développé, il a un caractère de douceur et d'acuité qui diflere de la
rudesse à timbre métallique du soulfle de la pneumonie ; il est loilé,
lointain, en général plus marqué durant rexpiration,mais se produi-
sant aux deux temps de la respiration ; toutefois, il peut ne se montrer
que dans les inspirations profondes, alors que l'on fait tousser le ma-
lade, ou bien à l'expiration seulement. Souvent avant de s^e faire entendre
aux deux temps, il se montre d'abord à l'expiration, et quand il est
sur le point de disparaître, c'est encore par l'expiration qu'il finit. Le
souffle bronchique existe très-fréquemment au début de la pleurésie cbei
les enfants.
Si le liquide est très-copieux, le souffle peut disparaître, pour devenir
de nouveau appréciable lorsque l'épanchcment diminue. 11 occupe rare-
ment tout le côté malade, quelque étendue que soit la matité, quelque :
complet que soit le silence respiratoire : tantôt borné aux parties hier
raies du rachis, là où le poumon est refoulé par Texsudat, d'autres ^
fois, il est limité à la partie moyenne de la poitrine en arrière, dans
le voisinage de l'angle inférieur de Tomoplate. On le trouve dans J
les points où rêpanchcment offre peu dVpaisseur, et où les modifications ^
de la voix sont plus accentuées ; ce sont deux phénomènes connexes. ^
L*existence d'adhérences dues à une pleurésie antérieure peut modifier
la situation qu*il occupe habituellement, quand aucun obstacle n'cmpécbe
le liquide d*obéir à faction de la pesanteur.
Existe4-il un rapport constant entre la quantité de Tépanchement el
Texistonce du soulfle bronchique ? On est loin d'être d'accord sur ce
point, et tandis que Monnerot^ llirtz. Gueneau de Mussy, Jaccoud, Gutli*
manu admettent que le souffle apparaît avec une collection liquide pei^
abondante. Fournct. Landouzy, >etter, pensent qu'un épanchement volim.—
eux est la condition nécessaire de sa production. D après Guttmaisjv
PLEURÉSIE. — p. AIGUg PRIMITIVE. — SIGîfES PHYSIQUES. 173
le soufDe se produirait quand le liquide, d'abondance moyenne, est sufG,
sant pour comprimer les cellules pulmonaires et les petites bronches,
sans aplatir les gros tuyaux bronchiques. Les épanchenicnts faibles, n'ame-
nant pas l'imperméabilité du poumon, ne le déterminent pas, non plus
que les collections volumineuses qui aplatissent les grosses bronches, et
empêchent ainsi la plus grande partie des yibrations laryngées de retentir
jusqu'au poumon. L'opinion de Woillez sur le souffle bronchique, se
rapproche de celle que nous venons de rapporter : « La cause immédiate
du souffle bronchique dans la pleurésie, dit-il, doit être cherchée dans des
conditions physiques du poumon encore difficiles à déterminer. Une seule
nous parait évidente, c'est l'imperméabilité complète ou incomplète des
vacuoles pulmonaires, par le fait du retour du poumon sur lui-même,
ou de sa compression, imperméabilité d'où résulte la résonnance bron-
chique de Tair en mouvement dans les conduits respiratoires. » L'abon-
dance médiocre du liquide et sa faible densité sont favorables à l'appari-
tion du soufDe. Pour Jaccoud, il serait produit par le bruit vésiculaire
renforcéet prolongé par une couche mince de liquide faisant office d'anche
membraneuse. 11 convient d'ajouter que la présence du liquide ne parait
pas indispensable à sa production, puisque Woillez et Landouzy ont signalé
sa persistance après la disparition complète du liquide et alors que la
résorption de l'épanchemcnt n'était pas douteuse.
Quelquefois le souffle pleurétique prend le caractère caverneux ou
amphorique, et peut s'accompagner de gargouillement, comme s'il
existait une caverne vaste et superGcielle, ou bien un hydropneumo-
thorax; Azam, Béhicr, Lamlouzy, Rilliet et Barthez en ont cité des
obserrations. Ces caractères ont été rencontrés surtout au niveau de
l'épine de l'omoplate, dans le voisinage des grosses bronches et de la
trachée. Ces phénomènes regardés comme exceptionnels chez l'adulte,
sont relativement fréquents dans la pleurésie des enfants. Ils seraient
dus à la compression du poumon par l'épanchement, et à la transmis-
àoQ à la paroi thoracique des bruits trachéaux et bronchiques par le tissu
pulmonaire refoulé et induré. Mais on a expliqué de la même façon le
simple souffle bronchique, il semble donc évident que dans les cas de
soofDe caverneux et amphorique, il doive y avoir autre chose. Il est
probable que la transmission du bruit trachéal est ici rendue plus com-
plète et plus facile par l'existence d'un certain degré de congestion pul-
monaire. On a encore explique les phénomènes cavitaires par l'existence
d'adhérences qui retiennent le poumon appliqué contre la paroi costale au
oiieau de laquelle on perçoit les bruits amphoriques. Barthez et Rilliet
ont noté comme conditions favorables à ces modifications du souffle plcu-
rélique les indurations du poumon, les tumeurs situées au voisinage des
gros tuyaux bronchiques, comme un anévrysme de l'aorte, une tumeur
fibreuse, etc.
Si la pleurésie se complique d'une bronchite, les râles que celle-ci déter-
mine prennent souvent, dans les points où s'entend le souffle, un carac-
tèreédatant, un timbre métallique, véritable gargouillement bronchique.
— *
i74 PLEURESIE). — p. aiguë priiiitive. — signes phtsiqdbs.
On a, dans ces cas, beaucoup de peine à se défendre de croire à l'existence
d'une caverne pulmonaire.
Pendant qu'on ausculte le malade, il est important de le faire parler.
La voix peut conserver ses carnctères ordinaires, à l'intensiié près ; elle
est alors plus faible que du côte sain, comme éloignée, etraffaiblissemcnt
s'accroît de haut en bas, ainsi que cela arrive pour le bruit pulmonaire.
Quand Tépanchement est considérable, et le son de percussion complète-
ment mat, la voix cesse d'être perceptible ; plus rarement le murmure Yocal
est exagéré et constitue une sorte de bourdonnement. Un signe autrement
significatif est ïégophoniCy mais elle est loin d'être constante, et ses
caractères varient avec ceux de la voix normale et la quantité de Tex-
sudat. Si la collection étant d'abondance moyenne, la voix n'est pas
trop aiguë, elle prend à l'auscultation un caractère aigre, elle est trem-
blotante, comme bredouillante, saccadée ; elle rappelle le bêlement de la
chèvre, ou bien elle à un timbre nasillard comme celui que l'on produit
lorsqu'on parle en se pinçant les narines ; ailleurs c'est un bruit criard
comme la voix de polichinelle, semblable au son du mirliton, ou strident
comme la vibration d'un jeton sur les dents.
L'égophonie ne s'entend ni dans un espace étendu, ni d'ordinaire pen-
dant longtemps : le plus souvent, on la perçoit au pourtour de l'angle
inférieur de l'omoplate entre la ligne axillaire et le rachis, et habituelle-
ment vers la limite supérieure de l'épanchement. Sa production, souvent
transitoire et fugace, semble être liée à une hauteur donnée du liquide,
en deçà et au delà de laquelle elle n'existe pas. Très-commune dans les
épanchements médiocres qui atteignent la partie moyenne de la poitrine
elle parait résulter de la résonnance de la voix à travers une mince lame
de liquide infiltré dans des fausses membranes ou interposé à la paroi
thoracique et au poumon. Lorsque l'épanchement devient très-abondant
elle disparaît, pour revenir dans le détours de la maladie, mais elle est
alors bien moins nette que l'égophonie du début, ce cpii parait tenir i
l'existence des fausses membranes dont la présence entrave sa production.
Dans quelques cas, au lieu d'égophonie, on perçoit une bronchophonie
semblable par ses caractères à celle de la pneumonie, ou bien le retentis-
sement vocal a un caractère rriixte qui participe à la fois de l'une et de
Tautrc, c'est la broncho-égoplionie. Enfin, il n'est pas rare de trouver en
même temps, dans des points différents d'une part de l'égophonie, de
l'autre de la bronchophonie.
La recherche de la pecloriloquie aphone donne encore des caractères
diagnostiques importants : Baccolli (de Rome) apjiclle ainsi le phénomène
qui se produit lorsqu'on fait parler à voix basse, pendant qu'on l'ausculte,
un malade atteint d'épanchcment plcurétiquc. Lorsque la transmission
vocale se fait bien, il semhle que le malade chuchote directement dans
l'oreille de l'observateur. D'après Baccelli, les licjuidcs homogènes, peu
denses, trcs-iluides transmettent très-nettement la voix chuchutéc ; mais
si le liquide épanché s'écarte de la consistance et de la composition du
sérum, s'il est épais, chargé de flocons d'exsudat, s'il tient en suspension
PLEURÉSIE. — p. \IGUE PRIMITIVE. SIGNES PHYSIQUES. i75
des éléments histologiques, des leucocytes, des hématies, les vibrations
ne se feront plus sentir. Les signes tirés de ce mode d'exploralion, appor-
teraient, si sa valeur était confirmée, un sérieux appoint au diagnostic de
la nature des épanchemcnts, et éclaireraient singulièrement le diagnostic
de la pleurésie purulente et des hémorrliagies pleurales.
Tous ces signes d'auscultation, le souffle, Tégophonie, la bronchopho-
nie, peuvent faire défaut, et Ton ne trouve d'autres signes que la matité
et Tabsence du murmure vésiculaire.
Le frottement pleural que nous verrons être le seul signe physique
de la pleurésie sèche se rencontre quelquefois au début, et très-souvent à
la fin de la pleurésie avec épancherocnt. C'est surtout au-dessous de
Faisselle qu'il offre son maximun d'intensité, en raison de Tamplitude
plus grande du glissement pulmonaire à ce niveau. Suivant son degré, il
a des caractères bien différents: quelquefois très-léger, il constitue un
simple frottement, semblable au froissement de la soie, au bruit des
feuilles mortes que Ton foule aux pieds. Quand il est plus fort, si ses
saccades sont nombreuses et régulières, elles peuvent simuler les râles
sous-crépi tants, c^est là le frottement râle de Damoiseau. Quelquefois, les
frôlements sont assez multipliés et assez fins pour faire croire à un véri-
table raie crépitant, fausse crépitation que Trousseau considérait comme
bien réelle, et qu'il rapportait à une phlegmasie superficielle du poumon
développée par contiguïté avec la plèvre enflammée. 11 y aurait Ih quelque
chose d'analogue à ce qui arrive dans l'érysipèle pour le tissu cellulaire
sous-cutané qui s'infiltre de fibrine. Cette variété de frottement s'entend
tout à bit au début, pendant les quelques heures qui précèdent la forma-
tion de Vépanchement. On a d'ailleurs bien rarement l'occasion de la
constater, car on ne voit guère les malades tout à fait au début, et
quelques heures suffisent pour amener la production du liquide. Nous
Ferrons à propos du diagnostic que des raies crépitants existent réelle-
ment dans d'autres cas, et reconnaissent pour cause, soit une congestion
pulmonaire, soit, lorsque l'épanchement s'est rapidement résorbé, le
déplîttement pulmonaire.
Quand le frottement est plus marqué, c'est un bruit intense ressem-
blant au froissement de la neige, et même à la crépitation osseuse; il peut
être alors perçu par l'oreille placée à une petite distance de la poitrine,
il devient appréciable par le palper, et le malade, qui en a conscience,
peut en être incommodé. La toux, l'expectoration ne le modifient pas, ce
qui le distingue des bruits bronchiqtics. 11 est superficiel, on peut 1 obser-
ver aux deux temps, mais il est plus marqué à l'inspiration qui peut
être le seul moment où on le perçoive. Les saccades sèches et inégales
du frottement moyen ou intense, en font un signe d'une grande valeur; il
s'entend dans la plupart des cas lors de la résolution de répanchcment;
quand on l'observe tout à fait à la base du poumon, il indique très net-
tement la disparition complète du liquide.
Due variété de pleurésie sur laquelle nous aurons à revenir à propos
des pleurésies secondaires, la pleurésie sèche, n'a pas d'autre signe phy-
{76 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. — signes phtsiquis.
siquc que le frottement. Lorsque l'exsudat liquide manque, on qu'il est
très-peu abondant, l'exsudat fibrincux qui revêt la plèvre au niveau du
point enflammé, donne lieu à du frottement pleural. Ce signe, qui persiste
pendant toute la durée de l'affection, en constitue, avec une légère dou-
leur siégeant au niveau du point malade, toute la symptomatologie. La
pleurésie sèche est bien rarement primitive, elle est d'ordinaire sjmp-
tomatique de la tuberculose. On en a néanmoins signalé quelques cas,
chez des sujets bien portants d'ailleurs et non diathésiques.
Tels sont les signes stéthoscopiques que donne l'application de Foreille
sur le côté malade. Il est de quelque importance d'examiner égalemeot
le côté sain : dans les cas ou lepanchement est très-peu abondant, U
comparaison du côté malade au côté sain fera mieux saisir un léger aflai-
blisseinent du bruit respiratoire qui aurait pu échapper sans cela. Si
l'épanchemcnt est faible ou médiocre, le murmure vésiculaire reste nor-
mal du côté opposé, mais quand le liquide est très-abondant, et le pou-
mon fortement comprimé, on perçoit dans le côté sain une respiration
exagérée, puérile. Par suite de la suppression plus ou moins complète
des fonctions d'un des poumons qui cesse de pouvoir se dilater, toute
la colonne d'air trachéale passe dans le poumon sain ; il est d^ailleuis
probable que le malade s^efforce instinctivement d'augmenter Tampli-
tude de la dilatation du poumon sain, pour suppléer son congénère diMit
l'inaction rend Thématose insuffisante.
Il faut se garder, quand on ausculte le côté sain, de prendre pour du
souifle un bruit de propagation venant du côté malade. Le souflGle tran^
mis, qui est à son maximum au voisinage de la gouttière vertébrale, di-
minue à mesure que l'oreille s'éloigne vers l'aisselle, où l'on percevra la
respiration exagérée, mais sans mélange de bruits morbides.
L^auscultation du poumon resté libre servira encore à reconnaître
Texisteiice de la congestion pulmonaire très-fréquente du côté sain, quand
l'épanchement est considérable.
Enfin, les déplacements du cœur souvent appréciables à la Tue ou an
palper quand les battements de la pointe sont superficiels et suffisamment
énergiques, seront aisément suivis dans leur marche à l'aide de l'oreille
qui trouvera aisément le maximum qui répond à la pointe de l'organe.
Palpation. — L'application de la main sur la paroi thoracique ne
fournit aucun signe qui lui soit propre et que l'auscultation ou la vue ne
puisse donner; clic permet néanmoins de contrôler les autres méthodes
d'exploration, et a son aide, certains signes sont appréciés d'une façoB
plus complète; tels sont le frémissement vocal des parois thoraciques, k
frottement pleurétiquc, l'existence et le siège d'un point de côté nos
appréciable spontanément, l'amplitude de la dilatation du côté de Pépan*
chemcnt.
Le frémissement thoraciquc, connu de longue date par le travail de
Raynaud, qui l'a le premier signilé (1824) et par la clinique d'Andral,
a été surtout vulgarisé par Mormeret qui a insisté sur sa valeur et a
signification dans un certain nombre de maladies, et notamment dans il
PLEURÉSIE. — (. AIGUfi PRIMITIVE. — SIGNES PHYSIQUES. 177
pleurésie. L'intensité des vibrations Ihoraciques varie avec des conditions
multiples : elle est d'autant plus grande que la voix est plus forte et plus
grave, la paroi costale plus mince, et le point exploré plus rapproché du
larynx. Si, au contraire, la voix est grêle et aiguë, la couche musculo-
adipeuse très-épaisse, les vibrations laryngées, plus nombreuses mais
moios éteodues, feront à peine vibrer la paroi costale ; le frémissement
pourra même être nul, ainsi que cela arrive souvent chez les femmes. Ce
signe n'a donc pas une valeur absolue ; on peut trouver des vibrations à
peine perceptibles sur un sujet sain, alors qu'elles conserveront une cer-
taine intensité dans des cas d'épanchement pleural ; il faudra toujours
procéder par comparaison.
Lorsque le poumon et la paroi costale sont écartés l'un de l'autre par
l'interposition d'un liquide, le frémissement diminue; il disparait presque
complètement quand le liquide occupe toute la cavité pleurale et comprime
fortement le poumon. Dans ces cas les vibrations, faiblement transmises
par les bronches comprimées et aplaties, s'atténuent en traversant le
Ûquide et n'arrivent pas à la paroi thoracique. La diminution des vibra-
tions thoraciques caractérise plus sûrement la présence de Tépanchement
que la matité ou l'obscurité du son; celle-ci peut être donnée par des
busses membranes épaisses, tandis que Taffaiblissementdu frémissement
vocal est bien le fait de la présence d'un liquide.
WoiUei a établi, à l'aide d'un nombre relativement considérable d'ob-
servations, que dans la pleurésie avec épanchement le simple affaiblisse-
ment des vibrations thoraciques est la règle, et leur abolition complète
l'exception.Dans les épanchements très-abondants, si les vibrations vocales
naguère complètement supprimées se montrent de nouveau, on peut annon-
cer la diminution du liquide, quand même, son niveau restant stationnaire
et son ^MÛsseur seule diminuant, la percussion n'indiquerait rien. Le
(rémissement thoracique laisse donc suivre avec quelque exactitude la
narche du liquide. L'absence de vibrations thoraciques à la ^se de la
poitrine, permet sans le secours de l'oreille, d'affirmer la présence en ce
point d'un épanchement; dans quelques cas, chez les vieillards par
exemple, dont la pneumonie même étendue éveille si peu de retentisse-
ment général, et présente des signes physiques si incomplets, l'absence
dn frémissement vocal sera souvent le seul moyen de décider entre la
pleurésie et la pneumonie, les vibrations étant toujours accrues dans cette
denière maladie.
Par le palper thoracique, on reconnaît encore l'existence du frottement
pleural, mais seulement quand il est assez intense; il donne alors à la
main nne sensation analogue au froissement du cuir neuf, ou à celle
que l'on éprouve en marchant sur la neige gelée ; on peut enfin ne per-
cevoir qu'une sorte de grattement ou de frôlement. Le frottement peut être
«enti dans tous les points de la poitrine, plus rarement toutefois au
sommet, ou les exsudats sont exceptionnels, et les mouvements de lo-
comotion du poumon fort limités ; par une raison inverse, c'est au-
dessous de la région axillaire qu'on le perçoit le mieux ; on le trouve
HOCT. WCT. M<D. IT CiUR. XX VI II -* 12
178 PLEURESIE. — p. aiguë primitive, -t 8i6!fES phtsiques.
quelquefois aux deux temps, mais plus souvent à rinspiration, surtout à
la fin.
La pression du doigt sur différents points de la poitrine peut servir
soit à éveiller une sensibilité qui ne se manifestent pas spontément, soit
à exagérer un point de côté peu marqué.
La palpation fait encore estimer d'une fagon prompte et nétmnoinii
assez exacte, le degré d^ampliation anormale de la poitrine, surtout
dans le sens antéro-postérieur : en appliquant une main à plat sur le de-
Tant de la poitrine, et Fautre en arrière, on constate Taugmentation de
volume du côté malade, comme à l'aide d'une sorte de compas d'é-
paisseur. Ce procédé, assez grossier en apparence, est réellement trèi»
utile.
Par la palpation on déterminera aussi, le plus souvent, le déplacement
du cœur et le lieu où bat sa pointe.
Signalons enfin, pour mémoire, la fluctuation intercostale, que Cor-
Tisart avait indiquée pour la péricardite, et que depuis on a donnée
comme un signe d'épanchement pleural. Trousseau l'avait fréquemment
constatée et la percevait à Taide d'un doigt appliqué dans un espace in-
tercostal pendant qu'il exerçait une percussion légère dans un espace
Yoisin; pour lui elle n'est pas l'objet d'un doute. Difficile A peitevoir
quand le liquide n'est pas très-abondant et les espaces intercostaux Irâh
dilatés. elle ne se montre guère que dans des cas ou sa présence n'ajoute
rien au diagnostic.
Mensuration. — On tire de la mensuration de la poitrine des risul-
tats assez précis. Il faut savoir d'abord que le périmètre du thorax n'eit
pas égal des deux côtés : le droit est plus étendu que le gauche de 1 i
3 centimètres ; quelquefois ils sont égaux, trèsr-arement le rapport est
inverse, et le côté gauche l'emporte sur le droit. Cet excès, A Tarantage
du côté droit, tient au développement plus marqué des muscles oorrespoo-
dants sous l'influence du travail qui les met plus souvent en jen. Woillet,
mesurant le thorax chez 4i sujets bien conformes, a trouvé le côté droil
plus développé chez 56, les deux côtés égaux chez 5. Pour comparer le
périmètre du côté malade à celui du côté sain, le ruban métrique soiBl,
et l'on peut ainsi trouver des différences assez marquées, et atteinunt
6 et môme 7 centimètres.
Dans le même but, on peut encore se servir du cyrtomètre. Fow. t.X,
art. Cyrtomètre, par Rigal. Il donne en outre des indications sur la fona»
et les diamètres de la poitrine. Les dimensions circonférentioUes ne na-
raient augmenter très-notablement, et le côté malade ne l'emporte janMs
sur l'autre que de quelques centimètres. Mais lorsque la cavité plemia
est distendue par un épanchcment assez considérable, son diamètre sa»
téro-postérieur augmente et la cage thoracique tend à devenir cylindri»
que, d'aplatie qu'elle était, ce qui augmente sa contenance, les caviUi
sphériqucs ayant, à périmètre égal la capacité la plus grande. Le cjib-
mètre rend ici de grands services en donnant les diamètres vertéM*
mammaii*e et vertébro-stemal et en indiquant leur accroissement. La
PLEURÉSIE. — p. ÀiGuë PRIMITIVE. — yariétés. 179
suration permet aussi d'apprécier le retrait du thorax après la résorption
de répanchemeQt.
Tmriétéa. — Un certain nombre de pleurésies, par «eur limi-
Utian a un siège spécial, ou au contraire par leur généralisation,
présentent des symptômes particuliers, mais elles ne difTèrent pas par
leur nature de la pleurésie commune à laquelle leur description doit être
rattachée. Ce sont : la pleurésie double ^ les pleurésies diaphragmatique ,
interlobaireeimédiastine. D*autres pleurésies aiguës se distinguent de la
foTmeooinmune par certaines particularités anatomiques, notamment par
le mode d*enkystement du liquide épanché et par le cloisonnement de la
caTÎté kystique {pleurésie multiloculairey pleurésie aréolaire). Nous en
dirons aussi quelques mots.
Pleurésie double. — La pleurésie peut être étendue aux deux côtés de
la poitrine. Elle n'envahit pas alors en même temps les deux plèvres ;
plusieun jours d'intervalle séparent souvent les deux poussées inflamma-
toirea; ce sont, le plus souvent, comme deux pleurésies se développant
isolément et n'ayant pas une évolution parallèle. Tantôt chaque pleurésie
donne lien pour son propre compte à une douleur de côté, ou bien il n'y
.a qa'ua seul point douolureux, ou enfin ce phénomène fait complète-
ment défaut; ce dernier cas est même plus commun que dans la pleurésie
unilatérale. La dyspnée est bientôt considérable, et Tanxiété très-marquée ;
les symptômes généraux ont une grande intensité, la violence de la
-phlegmaaie peut développer une réaction fébrile assez intense et
pour Hooneret la mort pourrait même survenir avant la formation d'un
double ^anchemcnt. La percussion et Tauscultation donnent les mêmes
résultats que dans la pleurésie unilatérale, mais elles demandent plus d'at-
(entioo et de soin à cause de Tabscnce de terme de comparaison. L'épan^
. chement n'est jamais égal des deux côtés. La marche de la maladie est
plus rapide, elle aboutit plus vite au dénoûment presque constamment
fcmesle. Lorsque les malades guérissent, ils gardent, probablement par
le fait d'adhérences, des troubles souvent très -profonds dans le jeu de
l'appareil respiratoire.
La plupart des pleurésies doubles sont secondaires et se montrent soit
t' diez le» rhumatisants, soit chez les tuberculeux.
Pleurésie diaphragmatique, — La plus nette des pleurésies partielles
« est celle qui atteint le diaphragme ; elle p^ut coïncider avec l'inflamma-
^i tioa de la séreuse costo-pulmonaire, dont elle ne constitue alors qu'un
„ - épÎBide; mais, quand la phlegmasie est limitée au diaphragme, les signes
■s habitnels de la pleurésie font défaut, et le diagnostic n'est basé que sur
.^ l'eiistence des troubles fonctionnels et Tintervention de quelques ^ymp-
-y ttmes spéciaux.
^^ Il ciiste un mouvement fébrile et les symptômes généraux d'une pieu-
' .-- rUe dont aucun signe physique ne vient révéler le siège : de la toux,
g une dyspnée intense et qui va jusqu'à l'orthopnée et l'angoisse respira-
^ Iwre; U re^iration est saccadée, convulsive et entrecoupée. Les malades
2j{ «U une attitude spécialci ils sont assis sur leur lit, le tronc inclina e;it
IMO PLFX'RÉSIE. — i-. auxl fRiviTiTc. — variétés.
nvniit ; unn douleur f ife et ftobite é«rlale spontanément dans une des
triions hypochondriaques, s'étend suivant la ligne de jonction des caiti-
Inges costaux, remonte souvent jusqu a l'épaule et descend Ters le côté
correspondant de Tabdomcn ; elle s*aggraTe par les inspirations profondes,
la toux, les eflorts de vomissement, mais surtout par la pression exercée
au-dessous du rebord des fausses côtes, de façon A refouler en haut l'hy-
pocliondrc. La percussion et Tauscultalion sont d'un médiocre secours :
quand le liquide est très-abondant, il s'accumule au-dessus du diaphragme
et dans le sillon costo-diaphragmatiqne, à la base du poumon adhèrest
par son pourtour, et dont les parties centrales sont refoulées en haut;
peut-être alors la percussion pourrait-elle limiter une matité relativeéteih
due transversalement à la base du thorax, et très-courte dans le seni
vertical, avec une sonorité exagérée au-dessus; mais ce cas est rare, d*o^
dinaire les résultats de la percussion sont nuls. Si l'afTeclion siège i
droite, on peut quelquefois reconnaître uu abaissement du foie; si elle
est a gauche, la rate peut être refoulée en bas, mais c^est là un fiiit
difOcile à constater. A l'auscultation, on trouve vers la base de la poitrine
une diminution du murmure vésiculaire ou un silence complet, le malade
retenant instinctivement son souffle pour éviter la douleur; quelipiefois on
perçoit vers la limite inférieure du poumon, un peu de râle sous-cripitanl
dû sans doute à de la congestion pulmonaire au voisinage de la plèvn
enflammée. En observant les mouvements respiratoires k la base de k
poitrine, on constate l'immobilité plus ou moins complète de cette ré-
gion ; les deux mouvements produits par la contraction du diaphragme,
élévation des dernières côtes et soulèvement de l'épigastre k l'inspintioB
n'existent plus, ce qui est caractéristique de l'inertie du diapiuagme.
Celle-ci est due en partie à l'influence du liquide interposé entre ce
muscle et la base du poumon, mais surtout au trouble vital survenu, sui-
vant la loi de Stokes, dans l'activité fonctionnelle de la fibre contractile :
il y a une véritable paralysie du muscle, consécutive à la phlegmasie de la
séreuse qui le revêt.
N. Guéneau de Mussya appelé Tattention sur quelques signes qui ont une
grande valeur : le nerf phrénique est douloureux à la pression pratiquée
sur les points accessibles de son trajet, entre les deux faisceaux inférieurs
du sterno-mastoïdum, à la base du cou. Il y a, de plus, des irradiations
douloureuses dans le domaine du plexus cervical, au-dessus de la clavi*
cule, dans la région scapulaire, dans le moignon de l'épaule. La pressim
dans un point circonscrit de la région épigaslrique éveille une douleor
vive et une angoisse très-accusée. Ce point siège à l'intersection de deu
lignes qui prolongent l'une le bord eiteme du sternum, l'autre la partie
osseuse de la dixième côte. Guéneau de Mussy a nommé boiUon diaphrê'
gmalique ce point si nettement limité, dont la pression fait à Yolonté jaillir
en quelque sorte la douleur. On trouve quelquefois aussi un point doa-
loureux uu voisinage des vertèbres dorsales, à la hauteur du dernier espaee
intercostal. Un autre signe des épanchements sus-diaphragmatique vX
l'abaissement, du côté malade, de la dernière côte qu'entraîne en bas Ift
j"
PLEURÉSIE. — p. AiGug PBmiTivE. -« variétés. i8i
diaphragme refoulé par le liquide ; c*est là un fait habituel, mais non
constant. On a signalé également le hoquet, les nausées, les vomisse-
ments qui sont exceptionnels, Tictère qui est plus rare encore. Quant
aux accidents nerveux, au délire, au rire sardonique mentionnés par
les anciens, ils sont à peine connus des cliniciens modernes.
Les diCférents symptômes que nous venons d'indiquer peuvent faire
complètement défaut, et la pleurésie diaphragmalique ne se trahit alors
par aucun signe. Une de ses terminaisons possibles est l'ouverture de la
collection circonscrite dans la grande cavité séreuse ; cette solution favo-
rable, mais trop rare, amène un soulagement rapide et profond, qui con-
traste d*une façon en apparence irrationnelle avec l'extension de la pleu-
résie. Plus souvent que la pleurésie ordinaire, la pleurésie diaphragma-
tique peut entraîner la mort, soit par ouverture dans la cavité périto-
néale, soît par les troubles fonctionnels qui se produisent.
. Pleurétie interlobaire, médiastine. — Dans la pleurésie interlobaire,
ripancbement, limité par des adhérences de la périphérie des deux lobes
cool^us, les écarte Tun de Tautre et se creuse un lit à leurs dépens. La
pleurésie médiastine siège sur le feuillet pleural qui limite les médias-
tins et sur la partie adjacente de la séreuse pulmonaire. Ces deux formes
de pleurésie circonscrite, très-rares d'ailleurs, ne donnent lieu qu'à des
sjmptômes locaux obscurs et peu tranchés. La pleurésie interlobaire peut
ttre quelquefois reconnue par l'existence d'une zone mate et non vibrante
d^geant i la hauteur de la scissure du poumon, et ayant la même di-
raction qpi*elle. Dans la pleurésie médiastine, il existe une douleur pro-
iofode, perçue au niveau du sternum, et qu'exaspèrent fortement les mou-
vemeots respiratoires. Toutes les deux s'accompagnent de fièvre, d'op-
pression qui» avec la douleur localisée, peuvent les faire soupçonner par
aclusion, lorsque l'examen du péricarde et de la plèvre n'y accusent
lucun désordre. Dans ces sortes de pleurésies limitées, la pleurésie
interlobaire surtout, on voit fréquemment le liquide se frayer une issue
lu dehors à travers le parenchyme pulmonaire et être rendu par expec-
toration. Un bon nombre de prétendus abcès pulmonaires et de vomiques
l'ont pas d'autre origine, et sont dus à des pleurésies interlobaires.
Pleurésie multiloculaire aréolaire. — La pleurésie multiloculaire
•a pleurésie enkystée multiloculaire, est due à la présence de cloisons
pseado-membraneuses qui divisent la cavité pleurale en grands compar-
timents. Cette variété n'est pas rare, et souvent, après l'évacuation par
l'aspirateur d'un épanchement notable , on voit la résonnance et le bruit
véaculaire reparaître à la partie inférieure de la plèvre, et la matité per-
sister au-dessus, ce qui indique évidemment un épanchement divisé en
plusieurs loges. Les pleurésies cloisonnées surviennent chez des sujets
lUeinls antérieurement de pleurésies sèches et adhésives ; celles-ci étant
d'ailleurs souvent diathésiques, il en résulte que la pleurésie cloisonnée
qûleur succède, a un pronostic plus sérieux que la pleurésie commune.
5 Quant aux signes de cette variété, ils sont encore incomplètement
r connus.
182 PLEURÉSIE. — p, aigoë primitive. — VAUérâi.
Le professeur Jaccoud, dans une récente communication à l'Aca-
démie, a signalé deux types de pleurésie multiloculaire » dont il s'crt
•efforcé de donner les caractères cliniques. Dans une première forme, on
reconnut à l'aide des signes ordinaires l'existence d'un épaiichement
total ; mais les vibrations vocales, anéanties dans tout le cBté, persis-
taient suivant une bandelette antéro -postérieure , qui décrivait sur la
paroi un trajet demi -circulaire. L'éminent observateur diflgnorticpia
l'existence, entre le poumon refoulé par l'épanchement et la [Miroi tho-
racique, d'une cloison tendue et transmettant à celle-ci les vibrations
vocales. En vidant séparément les deux loges, dont le contenu, séreux
dans l'une, était purulent dans l'autre, la thoracentèse vérifiée confirma
le diagnostic plus tard par l'autopsie.
Dans un second type, dont il a observé plusieurs cas, l'épanchement
était accusé par une matité de pierre, du soufQe bronchique, de la bron-
chophonie, le déplacement des organes voisins, l'absence de bmit skodi-
•que, et la conservation des vibrations vocales. A l'autopsie, cloison
transversale complète divisant la plèvre en deux loges indépendantes,
comme dans la première forme, et de plus, brides nombreuses tendues
entre le poumon et la paroi thoracique, mais ne cloisonnant pas les
loges. Pour Jaccoud, ces dispositions anatomiqucs expliquent l'ensemble
des symptômes : l'épanchement abondant refoule le poumon autant que
le permet la présence de la cloison et des brides fibreuses; eh raison de
leur tension, celles-ci vibrent facilement, et transmettent à la paroi les
bruits bronchiques, souffle et voix; elles communiquent au thorax leur
frémissement, et comme elles sont nombreuses, toute la paroi vibre, d'où
fremitus vocal conservé. Comme les adhérences occupent le poumon da
haut en bas, le lobe supérieur ne peut être refoulé au contact du thonur
en avant, ce qui explique l'absence de bruit skodique. Dans la diseoSBion
provoquée par cette communication si intéressante, Houtard-Mutin,
Maurice Raynaud et Woillez, ont contesté la légitimité de ces condo-
sions fort ingénieuses, mais qui attendent des faits une confirmation ploi
complète.
Un troisième type de pleurésie cloisonnée a été indiqué par Moutard-
Martin : avec tous les signes d'un épanchement abondant qui efface les
espaces intercostaux et fait bomber le côté malade dans toute son éten-
due, l'attention est appelée sur une saillie considérable de la région anté-
rieure du thorax, avec matité absolue sous la clavicule ; ces signes per-
mettent de reconnaître une pleurésie enkystée , et la thoracentèse
appUquée à la partie inférieure de la poitrine, en isolant le kyste supé-
rieur, complète le diagnostic.
Dans la pleurésie aréolaire, beaucoup plus rare, le liquide est empri-
sonné dans des vacuoles séparées par des cloisons fibrineuses ; l'examen
anatomique montre la poitrine remplie d'une sorte de gelée transparente
(pleurésie gélatiniforme), constituée par un nombre infini de vacuolei
pleines de sérosité fluide. L'exsudat ressemble alors au tissu cellulaire
largement infiltré de liquide. Un épanchement inflammatoire infiltré an
PLEURÉSIE. — p. AIGUË PBmiTivE. — marche. i83
nssea membranes anciennes, dues à une pleurésie antérieurei
tir le même aspect.
signe clinique ne caractérise la pleurésie aréolaire ; on peut
l la reconnaître par la thoracentèse, qui ne fournit qu'une
[aanlité de liquide. Si Ton fait alors varier la position de la
oit en l'enfonçant) soit en lui imprimant des mouvements de
, on voit reparaître quelques gouttes de sérosité, et l'on perçoit
une sorte de crépitation fine due à la rupture des cloisons.
lostic de la pleurésie aréolaire est un peu plus sérieux que celui
irésie commune, parce que sa thérapeutique n'a rien à espérer
oi de la thoracentèse, qui reste sans résultats,
he, tenninaiBÔns, complicsatioiis. — L'évolution de la
comprend trois phases distinctes : la période de début, celle
4'épnchement, celle de résorption.
ut est nettement établi par l'apparition des symptômes généraux et
iflsfonctionnels, par les petits frissons répétés, la fièvre, la toux, la
5t la douleur de côté. Ces diverses manifestations sont d'ordinaire
im ; quelquefois les signes locaux précèdent de quelques heures
D fébrile. Plus rarement les troubles fonctionnels font défaut, la
•t seulement annoncée par une fièvre légère ; souvent même chez
rds, il n'y a qu'un lé^cr délire et de la sécheresse de la langue.
ot l'exploration à Taide des signes physiques reste complètement
ily a bien, à i*orcille, un peu de faiblesse du bruit respiratoire,
elle tient seulement à ce que, pour éviter la douleur, le malade
istioctivement sa respiration. La durée de cette période initiale
mirte ; bientôt, en même temps que persistent les symptômes
L* et les troubles fonctionnels, Texistence de l'épanchement
Use. Quelquefois, nous Tavons vu, on perçoit avant son appa-
léger frottement dû au glissement des deux plèvres dépolies par
t exsudât fibrineux. Si Ton peut surprendre à son début Tappari-
i matité, on la trouve d'abord, le malade étant assis, à la partie
B de la gouttière vertébrale, au-dessus de la douzième côte;
bis à la partie latérale du thorax. Dans ce point, indiqué par Da-
il y a d'abord, en bas et en arrière, de l'obscurité du son qui re-
a à peu, et devient en bas de la véritable matité. A ce niveau,
ions vocales sont diminuées; le liquide s'élève graduellement, et
de la matité, son degré, la résistance au doigt qui percute, permet-
■acer assez nettement la marche de Tépanchement. Cependant, le
I vésiculaire a disparu pour faire place à de Texpiration prolongée,
rOe doux et voilé, il y a de Tégophonie. Les progrès du liquide
ilors s'arrêter et les signes physiques persistent, ou bien il aug-
icore, ces bruils cessent à leur tour, et quand l'épanchement de-
habondant, la matilé est complète du haut en bas, les vibrations
lulles, le silence absolu. La durée de la période d'épanchement,
1 moment où le liquide apparaît jusqu'à celui où il commence à
, est de quinze à vingt-cinq jours.
184 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. — iubghb.
Arrivé à son point culminant, le liquide reste stationnaire paidant
plusieurs jours. Woillez serait arrivé, par l'emploi de la mensuration, A recon-
naître que la phase stationnaire de l'épancbement est rare, et que sa
durée, quand elle existe, n'excède pas un à deux jours.
Néanmoins ce n'est guère qu'au bout de trois semaines an moins que
l'auscultation et la percussion signalent la diminution du liquida. La ré-
solution, d'abord assez rapide, parait se ralentir beaucoup à mesure qu'on
se rapproche des couches inférieures de l'exsudat qui contiennent une
plus forte proportion de fibrine, et dans certains cas, elle s'arrête com-
plètement, et cesse pendant plusieurs jours de faire des progrès. A mesure
que l'épancbement baisse, la sonorité et le murmure v^iculaire réparai»*
sent du haut en bas. On trouve souvent alors, nous l'avons tu, une apho-
nie de retour, beaucoup moins nette que celle du début. On perçoit alors
aussi le frottement qui répond à des points où le liquide a complètement
disparu. La résolution de la pleurésie a une durée qui Tarie entre trois
et six semaines. Chez les enfants, la marche est rapide, la guérison
prompte, et la durée totale de la maladie est de 7 à 15 jours.
Telle est la marche habituelle de la pleurésie ; on en suiTra aisément
les phases en obserrant attentivement les signes physiques. Les troubles
fonctionnels seront d'un moindre secours, car ils ne sont pas toujours soli-
daires de l'état local; la fièvre notamment est loin d'avoir une érolutîoD
parallèle à celle de la phlegmasie pleurale. La pleurésie n'a pas, comme h
pneumonie, une marche cyclique ; dans celle-ci, on sait à peu près A qad
moment la fièvre doit tomber, et quand elle baisse on en conclut légiti-
mement à la résolution de la phlegmasie lobaire ; dans la pleurésie, la
défervescence est irrégulièro : elle peut se produire longtemps aTsnt que
l'épancbement ait cessé de croître, souvent même, dans certaines pûu»
résies latentes^ l'épancbement devient considérable, sans que la moindrs
réaction fébrile vienne donner l'éveil, et inversement la résorption peut
commencer alors que la fièvre est encore très intense. La déferTeseenoe
peut s'accompagner de quelques phénomènes critiques, sueurs abondantes,
émission d'urines copieuses , mais ces cas sont exceptionnels. Les signes
physiques ont une bien autre Taleur. Dans quelques cas, néanmoins, ni
l'auscultation ni la percussion ne peuvent éclairer sur la marche de l'épui-
chement: la ligne de niveau peut baisser alors que le liquide a réellement
augmenté, elle peut paraître fixe tandis qu'il diminue. Hirtz a signale l'as-
cension du poumon d'abord plongé dans le liquide, puis émergeant à la
partie supérieure, et donnant lieu à un abaissement apparent de la matilé.
On pourra alors tirer quelque parti du déplacement des viscères ; dans U
pleurésie gauche, si le cœur déplacé continue à marcher vers la droite, s'il
s'arrête dans sa migration ou revient graduellement vers sa place normale,
on saura que le liquide augmente, qu'il reste stationnaire ou qu'il dimi-
nue. Pour la pleuréiiie droite, Damoiseau avait voulu faire du bord înié-
rieur du foie un point de repère propre à indiquer les variations duliquide,^
suivant que l'organe descend vers l'abdomen ou remonte vers le thorax;
mais ces déplacements n'ont rien de constant ni de régulier.
PLEURÉSIE. — p. AiGui primitive. — > tebminaisons. 185
En faisant appel à tous les modes d'exploration, en observant attenti-
vement les phénomènes généraux et locaux, il sera d'ordinaire aisé de
suivre la marche de l'exsudat. Il se présente néanmoins des cas très dif-
ficiles, où le médecin est dans l'impossibilité presque absolue de recon-
naître dans quel sens marche Tépanchement; lorsque, par exemple, le
oooche liquide, complètement enkystée, varie seulement d'épaisseur, ou
bien quand la matité complète et absolue occupe toute la cavité pleurale.
Dans ces cas, il est évident que la percussion et l'auscultation seront
muettes, et que le liquide pourra augmenter, sans que les signes physiques
entrahissenirien. Woillez recommande en pareil cas la mensuration à l'aide
du cyiiomètre. Ce moyen de diagnostic est quelquefois utile, mais il est
souvent impuissant comme les autres ; il exige d'ailleurs une habileté
de main qu'on ne peut acquérir qu^après une longue pratique, pour prix
de laquelle on n* obtient souvent que des résultats peu certains. Néanmoins,
1* emploi du cyrtomètre, en signalant l'accroissement des diamètres antéro-
poelérieors du thorax (diamètres vertébro-sternal et vertébro-mammaire)
indiquera souvent une augmentation du liquide absolument inappréciable
par d'autres moyens. L'emploi du simple ruban gradué rendra aussi,
quelques services en pareil cas.
La pleurésie aigûe peut se terminer par la guérison ; elle peut aboutir à
Tétai chronique, ou entraîner la mort.
La pleurésie franche développée chez un sujet sain et robuste se termine
communément par la guérison. La résorption peut être alors complète, et
l'on voit reparaître la sonorité et le murmure vésiculaire du haut en bas
jusqu'à la limite inférieure du poumon. Quelquefois, mais rarement, la
guérison est précédée de phénomènes critiques, sueurs, diarrhées, urines
abondantes ; on a même signalé des métrorrhagies. Quand la maladie a
été très-intense, ou que la résolution se fait moins activement, il reste à
la base de la poitrine, en arrière, un peu de submatité et d'obscurité du
murmure vésiculaire, et ces modifications peuvent persister durant des
moia et même des années. Quelques malades gardent, durant leur vie
entière, des signes manifestes de l'affection pleurale. Souvent, après la
guérison, ils conservent des douleurs dans le côté autrefois atteint, ils ne
peuvent faire une inspiration profonde, ni se livrer à aucun effort. Ces
troubles, qui les inquiètent beaucoup, sont dus à la présence de fausses
membranes, ou d'adhérences celiuleuses qui gênent l'expansion du pou-
mon, déjà mal disposé à se dilater, par le fait de la compression qu'il a
La pleurésie aiguë peut se terminer par la suppuration et le passage à
rétat chronique : c'est là un dénoùment exceptionnel qui se montre sur-
tout dans les pleurésies secondaires, lesquelles même sont quelquefois
chroniques d'emblée. Après la chute de la fièvre et la résolution de la
phlegmasie, le liquide peut persister sans aucun autre trouble, consti-
tuant ainsi un véritable hydrothorax facilement curable par la simple
évacuation du liquide.
La mort est peu commune dans la forme aiguë, elle peut être graduelle
186 PLEURÉSIE. — p. AiGufi primitive. — €0]ipligatioh&.
et résulter de la gène progressive de rhéinatose, lorsque répanchemeot
devient considérable. II peut se faire alors que la paroi thoracique» dit»
tendue par le liquide, ait presque atteint la limite de sa dilatation exirSinei.
et que l'expansion inspiratrice soit à peine sensible. Une congestion da
poumon libre, sorte de fluiion collatérale, peut venir augmenter les trou-.
blés de l'hématose. La mort survient alors par le fait d^accès d'orthopoés
et d'oppression vive, avec anxiété extrême. La quantité de liquide oéoss-
sairepour amener Tissue fatale est très variable ; on a rarement yu» toute-
fois, la mort être causée par un épancbement inférieur à 2000 grammes*
La pleurésie double, quand les épanchements remontent très-baut, domis
lieu à ces désordres et peut aboutira l'asphyxie ; il en est de même de
la pleurésie diaphragmatique,
La mort peut arriver subitement, même dans le cours d'une pleurésie
d'apparence bénigne : tantôt la quantité du liquide a augmenté subite-
ment jusqu'à produire l'asphyxie ; plus souvent l'issue funeste est due à.
une déplacement extrême et à la compression du coeur et des gros vais»:
seaux. En pareil cas, on a expliqué la mort par une syncope, ee qui est
exceptionnel, et Ton a exagéré l'influence du déplacement du cœur sur
la production de la syncope.
Ce déplacement du cœur agit surtout par les troubles de circulation
qu'il entraîne : les gros vaisseaux de la base subiraient une certaine
torsion ; Chomel a insisté sur cette torsion des gros vaisseau, dont il
d tout au moins exagéré l'importance; le cœur est gêné dans ses mou-
vements, il en résulte la formation de caillots ventriculaires, ces caiUels
peuvent se prolonger dans l'artère pulmonaire, et entraver l'hématoss,:
ou bien, détachés, ils donnent lieu à des embolies pulmonaires prcmiple-
ment mortelles. C'est principalement dans la pleurésie gauche, aTec torle
projection du cœur à droite, qu'on voit se former ces caillots. Les mêmes
désordres peuvent être l'effet de la pleurésie droite. Blachez a démoutré
la coagulation du sang dans la branche de l'artère pulmonaire deisev*-
vant le poumon comprimé, coagulation probablement due à la la gtee ds:
la circulation dans ce viscère. Cette thrombose d'une branche de rartin*
pnlmonaire peut s'étendre au tronc principal et de là à la branche nffo^
sée. On a signalé, mais plus rarement, des caillots des cavités gauches Âmf.
nant lieu à des embolies cérébrales. La formation des caillots cardiafoes
peut être diagnostiquée chez les enfants à l'aide des troubles de la eûreu*
lation, de l'irrégularité du pouls, de la dyspnée, de la jactitation, qu'ils
déterminent (Labric). Maurice Raynaud a signalé comme cause de mort
subite dans les pleurésies à exsudât abondant, la dégénérescence graisseuse
du cœur. La péricardite est une complication funeste, et qui semble d^
terminer la mort plus hâtivement que toutes les autres. La mort subits
peut encore être TelTet de l'évacuation spontanée ou curative de répan<'
chement: quand il est expulsé sous forme de vomique, ce qui du reris
est l'exception dans les formes aiguës, et arrive surtout dans la pleuréni
purulente, le liquide peut envahir les voies aériennes avec une telle alMNk
dance qu'il entraine une prompte suffocation. D'autre part, dans 11
PLEURÉSIE. — p. AIGOÉ PRIMITIVE. — DUGNOSTIC. 187
thoracentèse comme nous le verrons plus loin, on peut voir se produire
des congestions et des apoplexies pulmonaires par le fait de la soustraction
trop rapide et trop complète du liquide épanche.
Noos Tenons de signaler, à propos des terminaisons, un certain nom-
bre de complications redoutables, pouvant amener la mort : syn-
cope, caillots cardiaques, dégénérescences graisseuses du myocarde,
embolies veineuses, etc. En dehors de ces accidents, heureusement rares,
h pleurésie franche s'accompagne rarement de complications impor-
tentes. Cependant Potain a insisté sur la fréquence de la congestion pul-
monaire, non-seulement du côté sain, mais dans le poumon malade. La
pneumonie consécutive à la phlegmasie pleurale est une maladie très-
rare, et bien distincte de la pleuro-pneumonie où la pneumonie est l'af-
feclîon primitive.
La pleurésie gauche se complique quelquefois de péricardite, accident
grave en pareil cas, puisqu'il a, dans quelques exemples, entraîné là
mort. Mais, quand les deux affections coïncident, elles sont bien plus sou-
vent l'expression commune de la diathèse rhumatismale.
La pleurésie est une complication très-fréquente de la tuberculose, le
rapport inverse, s'il est possible, est bien difficile à démontrer. A peine
peut-on regarder comme une complication, la douleur qui, chez certains
malades, persiste dans le côté affecté longtemps après la guérison. Cette
douleur que la pression n'augmente pas, parait profonde, et serait due,
d'après Woillez, à l'existence d'adhérences pleurales. Une complication
bien lointaine de la pleurésie, indiquée par Barth, est la dilatation des
bronches, qui coïncide trop fréquemment avec les adhérences pleurales
pour qa*il n*y ait pas là un rapport de cause à effet.
Afai^aostle. — Nous avons insisté sufQsamment pour n'avoir pas à
y revenir, sur les signes qui distinguent la pleurésie.
Au début, on n'observe que des symptômes fonctionnels, lesquels,
pour si complets et si accusés qu'on les suppose, n'ont rien qui carac-
térise spédalement une pleurésie et peuvent tout aussi bien signaler
l'invasion d'une pneumonie ou d'une congestion pulmonaire. Le frotte-
ment prémonitoire qui précède l'apparition du liquide aurait plus de
valeur, mais il n'existe que rarement et l'on devra, pour se prononcer,
attendre la formation de Tépanchement. Celui-ci est particulièrement
indiqué par la matité, l'absence de vibrations vocales, dans quelques cas
par le déplacement du liquide appréciable à la percussion, par la fai-
blesse oa l'absence du murmure vésiculaire avec ou sans souffle bron-
chique, par les modifications de la résonnance vocale, egophonie ou
broncho-egophonie. Aucun de ces signes n'est pathognomonique, aucun
n'est absolument propre à la pleurésie, leur ensemble seul permet d'être
affirmatif, et comme ils sont loin d'être toujours réunis, le diagnostic
est quelquefois embarrassant. Toutefois deux signes ont une valeur
presque décisive ce sont l'egophonie et l'absence des vibrations vocales.
Certaines pleurésies restent absolument latentes, et malgré la présence
d'un épanchement abondant, le son de percussion reste clair et l'auscul-
188 PLEURÉSIE. — p. aigué primitive. — dugrostic.
talion fait entendre le bruit respiratoire. Choroel expliquait cette ano-
malie en invoquant la transmission des bruits pulmonaires par le liqmdc
épanché. Woillez qui en a rapporté six observations, explique les anoma-
lies de l'exploration physique par une condition anatomique commune à
tous ces cas : condensation du poumon refoulé par le liquide épanché et
adhérence de Torgane aux parois thoraciques dans une étendue variable.
Ces cas sont des raretés pathologiques et d'ordinaire on arrive plus ou
moins facilement à reconnaître la présence du liquide.
La pleurésie étant reconnue, il importe d'être fixé sur la proportion du
liquide; on aura égard alors à l'étendue de la matité, à la nature des
signes stéthoscopiques, egophonie, souffle, au degré de la dyspnée, au
déplacement plus ou moins marqué des viscères, aux données fournies
par la mensuration simple et par la crytométrie. Nous avons vu que
l'étendue de la matité est loin d'avoir une valeur absolue pour indiquer
l'abondance de Tépanchement, une petite quantité de liquide disposée
sous forme de lame entre les feuillets pleuraux pouvant simuler un
épanchement volumineux, alors que le liquide accumulé en grande
quantité à la base du poumon qu'il a refoulée donnera une matité res-
treinte.
Le diagnostic des pleurésies partielles interlobaires et médiastines est le
plus souvent impossible ; quant à la pleurésie diaphragmatique elle sera
soupçonnée bien moins à l'aide des signes physiques dont la signification
est assez vague, que d'après les caractères de la douleur et la grayité des
troubles généraux et fonctionnels.
La pleurésie et la pneumonie ont en commun de nombreux traits de
ressemblance, et la confusion, presque nécessaire avant l'emploi de la
percussion et de l'auscultation, alors que le médecin n'avait d'autre
guide que l'étude des troubles fonctionnels et de l'état général, est
aujourd'hui encore quelquefois difficile à éviter. Sans doute, en comparant
l'un à l'autre des cas bien nets de pleurésie et de pneumonie, on ne
trouvera pas l'hésitation possible, et il suffira d'observer, d'une part
'egophonieet l'absence de frémissement vocal, de l'autre les râles crépi-
tants et les crachats rouilles pour prononcer à coup sûr. Mais si les signes
importants font défaut de part et d'autre, on peut se trouver en présence
d'une affection caractérisée seulement par de la matité et du souffle, signes
communs à l'épanchemenl et à l'hépatisation. En pareil cas l'on dem
analyser avec soin les différents signes généraux et locaux; les symptômes
communs aux deux maladies n'ont pas des caractères identiques, ils sort ■;
séparés par des dissemblances marquées, ou tout au moins par des 1)
nuances. La matité, absolue, sans élasticité dans la pleurésie, est bien ||
moins complète au niveau d'une hépatisation. Les qualités du souffle sont
différentes dans les deux cas : voilé doux et lointain dans la pleurésie, il
est rude, tubaire, sous l'oreille dans la pneumonie ; on le rencontre bien plus
fréquemment dans celle-ci que dans la première, ou l'on ne trouve souvcri
que du silence respiratoire, de sorte que l'absence de souffle au nivem |*
d'un foyer de matité est une présomption en faveur de l'épanchement. U
PLEURÉSIE. p. AIGUfi PRIMITIVE. — DIAGNOSTIC. 189
toux, rare dans la pleurésie, est fréquente et pénible dans la pneumonie ;
dans cette dernière le frisson initial est unique et d'une grande violence,
au début de la pleurésie, il n'y a d'ordinaire que de petits frissons peu
intenses et qui reyiennent à plusieurs reprises; passé les premiers jours,
ia fièTre est légère, l'état général peu ébranlé, le faciès à peine altéré
cha les pleurétiques, dans la phlegmasie pulmonaire la température
élevée au début persiste, le pouls reste fréquent, les traits sont altérés,
ils portent l'empreinte d'une anxiété quelquefois assez vive. Les phéno-
mènes sympathiques, rares dans la pleurésie, sont très-communs dans la
pneumonie. On devra aussi tenir compte de l'étendue de la lésion
oompaiée à l'état général : un soufDe étendu coïncidant avec un état
général peu sérieux est favorable à l'hypothèse d'une pleurésie, une hépa-
tisation aases considérable n'étant guère admissible sans un retentisse-
ment marqué sur l'économie. Si avec ce soufDe étendu on ne trouve pas
des râles on sera porté à croire à une pleurésie, car une hépatisationpul-
inonaire d'une certaine importance ne peut guère être au même degré
dans tous ses points .
Dans quelques cas de pleurésie non enkystée, le niveau du liquide
varie a^ec la position donnée au malade. Enfin une matité limitée à sa
partie supérieure par une courbe parabolique indique un épanchement,
la matité pneumonique ne pouvant rien offrir d'analogue. Il n'est pas
jusqu'à ri^e du malade qui ne vienne aider au diagnostic, la pneu-
monie étant très-commune chez les vieillards, et la pleurésie, au contraire,
Qnekpiefois les deux affections sont réunies : dans le cas le plus commun
il 8*agit d'une pneumonie plus ou moins considérable qui atteint la surface
du poumon, et donne lieu alors, tantôt à une pleurésie sèche, tantôt, et
c'est le cas ordinaire, à un léger épanchement; la pneumonie reste alors
TafTeetion principale et la pleuro-pneumonie est presque toujours une
pneumonie avec pleurésie accessoire et d'une importance secondaire. Ce-
pendant on rencontre des cas mixtes où pleurésie et pneumonie ont une
Taleur sensiblement égale ; si la pneumonie occupe la partie supérieure,
le diagnostic n'offrira aucune difficulté, on trouvera à la base les signes
de répanchement, et au-dessus ceux de Thépatisation. Loraque la lésion
pleurale wm au même niveau que l'induration pulmonaire, les râles cré-
pituto seront masqués par l'épanchement , les vibrations thoraciques
milles, le retentissement vocal aura, il est vrai, le timbre broncho-ego-
phonique, le soufOe sera peut-être plus rude et plus intense que dans
«me simple jpleurésie, mais en l'absence des crachats rouilles, on n'en
sora pas moins dans un grand embarras.
Woillez signale une cause d'erreur dont nous avons constaté récem-
ment rexistence : on peut trouver sous la clavicule une respiration
Inuyante, du souffle véritable, de la bronchophonie, et croire à l'existence
en ce point d'un noyau d'hépatisation ; souvent la percussion donne à ce
niyeaa de la submatité. L'absence de râles crépitants, même en faisant
tousser le malade, la rareté de la toux qui est sèche ou savfô ex^^^Vû-
190 PLEURESIE. — p. aiguë primitive. — diagnostic.
ration caractéristique, l'absence d^un état fébrile en rapport avec une
hépatisation, exclueront la pneumonie. Woillez attribue ces phéno-
mènes au refoulement du poumon vers le sommet de la poitrine, par
répanchement.
Quand Tépanchement est compliqué de bronchite on pourrait prendre
les râles que l'on perçoit obscurément à travers le liquide et quelquefois
avec du souille, pour une pneumonie mal caractérisée, mais on recon-
naîtra que les râles existent des deux côtés, et d'ailleurs il n'y aura pa»
de crachats rouilles.
La congestion pulmonaire simple, ou celle qui accompagne le début
des fièvres éruptives pourront prêter à la confusion. Dans ces cas» en effet,
on trouve un point de côté, de la toux, de l'obscurité du son de percussion,
de la faiblesse du bruit vésiculaire, de l'expiration prolongée ou même
du souffle ; mais dans l'hyperémie, la sonorité est diminuée sans être abolie,
a matité est moins étendue, elle est fixe et ne se déplace jamais dim
les changements d'attitude imposés au malade, ainsi qu'il arrive par-
fois dans la pleurésie ; les vibrations thoraciques sont ici parfois légèremeot
atténuées, d'ordinaire elles sont augmentées, tandis qu'elles sont nulles
dans répanchement pleural. A l'oreille, le murmure vésiculaire est faible,
l'expiration prolongée; quelquefois il existe du souffle inspiratoire sur-
tout au niveau de la racine des bronches, ce souffle est doux et grave, y
est plus précoce que celui de la pleurésie. 11 n'est pas rare de peroeioir
des râles fins qu'on peut prendre pour du frottement. Il n'y a pas d*ego-
phonie, mais un retentissement léger de la voix. Ces signes peuvent reitef
stationnaires, puis tout à coup, soit spontanément, soit par le fiut do
traitement, ils disparaissent en quelques heures. Dans la congestion, li
toux s'accompagne d'une expectoration qui ressemble à une solutûn de
gomme ; elle est sèche et sans crachats dans la pleurésie.
La bronchite ne pourra guère être prise pour une pleurésie, maigri li
fièvre, la toux, et la pleuroJynie que lorsqu'elle sera précédée de conges-
tion pulmonaire.
L'hydrothorax donne les mêmes signes physiques que répanchement
inflammatoire, mais il est d'ordinaire double et coïncide avec d'auUet
hydropisies qui reconnaissent la même origine que celle du thorax; l'h}-
dropisie pleurale est mobile et son niveau varie quand le malade change
d'atitude. D'ailleurs l'hydrothorax est toujours secondaire, en remontant
dans les antécédents du malade on n'y retrouve pas les symptômes du
début brusque de la pleurésie, et en l'examinant, on rencontre, soit une
affection du cœur, soit un mal de Bright, soit une altération du sang
qui explique Tépanchemcnt pleural.
Les tumeurs de la cavité thoracique ont une marche chronique qui ne
permet guère d'hésiter ; cependant une ncoplasie lentement développée
peut se trahir tout d'un coup avec éclat par des symptômes aigus qui
appellent l'examen de la poitrine, l'erreur sera alors quelquefois di£Sale
à éviter. Mais la tumeur n'a pas des contours réguliers, et la matité qn
Ini correspond n'est pas limitée supérieurement par une ligne de oiven
PLEURÉSIE. — p. AIGUg PRIUITPE. — DIAGNOSTIC. 191
horizontale ou par une courbe, elle reste fixe malgré les mouvements
imprimés au thorax. La sonorité et le murmure yésiculaire, qui manquent
au nWeau de la tumeur peuvent se retrouver dans les parties déclives
à la base du poumon. Aucun de ces signes n'est absolu, car des
adhérences peuvent limiter le liquide aux parties supérieures en laissant
libres les points déclives, mais les vibrations thoraciques sont alors
perdues au niveau du liquide, elles sont au contraire normales ou
accrues dans les cas d une tumeur; celle-ci, en refoulant les organes
thoraciques, en amène le déplacement ou la compression, et Ton trouve
des ectopies du cœur, des signes de compression des troncs veineux ou
artériels, des bronches, des différents cordons nerveux.
Ces tmneurs peuvent prendre naissance en dehors du la poitrine et
venir, en se développant, faire saillie dans sa cavité, ainsi que cela arrive
ponr les tomenrs du foie, son hypertrophie et surtout les kystes hydati-
qoes. Le kyste peut alors être fortement refoulé dans la cage thoracique,
et remonter très-haut jusqu'à la quatrième, la troisième côte, ou même
jusqu'à la clavicule, en repoussant le poumon ; la compression peut
détruire ^dnellement les fibres du diaphragme dont la perforation
livre passage à la tumeur. On trouve alors à l'auscultation et à la percus-
sion les signes physiques d'un épanchement pleural. Mais en pareil cas,
les accidents ont d'abord été purement abdominaux, leur marche est très-
lente, Télat général a été longtemps indemne. La matité thoracique a une
forme spéciale à limite supérieure fortement convexe en haut, de telle
sorte qa*à ses parties supérieures et latérales on retrouve la résonnance
pDlmonaire. La matité peut être complète au voisinage du rachis, et
cesser sor les parties latérales du côté droit, ou bien au contraire occupant
ce denier jpoint, disparaître au voisinage de la colonne vertébrale, près
de laquelle on retrouvera la sonorité et le bruit respiratoire; son niveau
est immobile et ne varie pas en inclinant le thorax en divers sens ; ces
caractèresplessimétriques peuvent, on le conçoit, appartenir à unepleurésie
enkystée, mais ce cas est peu fréquent ; d'ailleurs dans les kystes hydati-
ques la matité se continue inférieurement et sans ligne de démarcation
apprééiable avec celle du foie, lequel est très-abaissé . La partie inférieure
de lar paroi thoracique, au niveau des fausses côtes est refoulée en dehors,
et U poitrine prend dans cette région une forme globuleuse. Quelquefois
on peut, au-dessous du rebord costal percevoir une fluctuation obscure.
Le fiémissement hydatique serait caractéristique, mais il est bien
rare; on aura enfin la ressource décisive d'une ponction explora-
trice, et l'on trouvera au liquide tous les caractères de celui des kystes
hydatif(|ues : absence d'albumine, coloration claire, présence de cro-
chets, etc.
Dans les cas d'infiltration tuberculeuse générale d'un poumon, la
maUté dure et absolue qui existe en pareil cas, et l'absence plus ou moins
complète du bruit respiratoire, peuvent faire songer à un épanchement
pleural. Cette erreur, possible chez l'adulte, se produit surtout chez les
enfiint8;Barthez a rapporté dea cas de ce genre, ou l'erreur était ^bso-
i92 PLEURÉSIE. — p. aiguS primitive. — PROiiosnc.
lument inévitable : dans Tun, le diagnostic ne fut fait qu'à Tautopsie ;
dans un autre, une ponction fut pratiquée, qui n'amena rien.
Par une erreur inverse, on peut croire à une tuberculisation avancée
qui n'existe pas, comme dans ces cas signalés par Barthez et Rilliet, par
Béhier; le poumon adhère alors en haut à la paroi thoracique, et il eiîste
dans ce point un véritable souffle caverneux amphorique, quelquefois avec
gargouillement. L'évolution de la maladie, l'état général non en rapport
avec une tuberculose avancée, et surtout la présence de l'épanchemeot
suffiront pour faire rejeter l'existence d'une caverne.
La péricardite qui cause un point de côte, de la dyspnée, et amène une
collection séreuse quelquefois assez abondante à la partie antéro-inférieiin
du côté gauche pourrait faire croire à un épanchement pleural, mais on
observerait l'absence de matité dans la ligne axillaire et en arri&re, lacon-
servation des vibrations thoraciques, la persistance du murmure respi-
ratoire, l'absence de souffle ; le choc de la pointe du cœur sera d'ailleun
impossible à percevoir, et ses bruits éloignés.
L'impulsion du cœur qui vient battre contre une plèvre revêtue de
fausses membranes, pourra simuler un bruit de frottement isochrone aux
mouvements du cœur, et dA à une péricardite ; mais on trouvera dans
quelque point du même côté un bruit de frottement de même timbre que
le précédent, et coïncidant avec les mouvements respiratoires.
La pleurodynie ou rhumatisme des parois thoraciques donne lieo i
un point de côté violent, et le malade pour éviter les douleurs provo-
quées par les contractions des muscles thoraciques , retient instindife-
ment son souffle; il en résulte un peu d'affaiblissement du murmure
pulmonaire. On ne pourrait la confondre qu'avee la pleurésie com-
mençante, car la pleurodynie ne donne lieu à aucune matité. La dooiear
du côté plus vive, plus étendue que dans la pleurésie augmente plus
que celle-ci sous l'influence de la pression, de la toux, des mouvements
respiratoires.
Quant à la névralgie intercostale qu'il est d'usage de faire figurer dans
le diagnostic différentiel de la pleurésie, elle n'a avec celle-ci qu'un point
de contact : la douleur de côté, mais celle-ci allongée sur le trajet d'un
ou plusieurs nerfs intercostaux présente des points douloureux, suriont
au niveau des vertèbres ; c'est du reste là tout, aucun signe physique,
pas de phénomènes généraux.
ProncMaitio. — La pleurésie franche, développée chez un sujet sain,
se termine d'ordinaire par la guérison, son pronostic est donc en général
favorable, ce qui n'empêche pas qu'elle ne soit une maladie sérieuse, et
dont les irrégularités fréquentes doivent toujours inspirer quelque
inquiétude.
Les éléments du pronostic se tirent de considérations multiples, ks
unes empruntées directement à la maladie elle-même, telles que le
siège et l'étendue de la pleurésie, l'abondance de l'épanchement, l'intae
site de la fièvre, la dyspnée, la marche de la maladie, ses complicatiois,
etc . ; les autres ayant trait au terrain sur lequel se développe la pieu-
-
PLEORÉSIE. — p. AIGUÊ PRIMITIVE. — PR0*10STIC. 195
résie, Tâge du malade, sa constitution, 1 existence ou l'absence chez lui
de maladies diathésiques, son état général.
La quantité de répanchement a une certaine importance pronostique,
et, si Ton voit le plus souvent guérir des pleurésies avec liquide abon-
dant, il n'en est pas moins vrai qu'un épanchement volumineux est plus
grave qu'un moyen. C'est surtout avec les grandes collections séreuses
qu'on voit le refoulement du cœur être accompagné d'accidents inquié-
tants ou graves, de syncopes quelquefois mortelles, de coagulations car-
diaques ou pulmonaires qui amènent des complications redoutables, d'une
distension exagérée du thorax qui produit l'asphyxie. D'autre part,
quand le liquide est en quantité considérable, il entrave l'hématose, qui
ue se fiait' plus que par un seul poumon, souvent comprimé jusqu'à un
certain point; la circulation est elle-même gênée, d'où déchéance de
réconomie et dangers de tuberculose. Peter tire de l'existence de la
courbe de Damoiseau des données pronostiques : pour lui, quand elle
existe, l*épanchement est fibrincux et se résorbera promptement ; si au
contraire le liquide est limité par une ligne de niveau, l'cxsudat est
séreux, et toutes choses égales d'ailleurs, la résorption sera plus longue.
La pleurésie gauche qui entraîne le déplacement du cœur vers la droite
est aussi celle qui se complique le plus souvent de péricardite, et nous
avons vu que la pleurésie diaphragmatique se termine quelquefois par
la mort.
Les complications aggravent nécessairement le pronostic: la péricardite,
à moins qu'elle ne soit rhumatismale comme la pleurésie qu'elle accom-
pagne, est un épisode sérieux ; le développement d'un épanchement dans la
plèvre restée saine est iâcheux sans être absolument grave; certaines
syncopes, ducs à des concrétions sanguines cardiaques ou vasculaires,
peuvent être considérées comme fatales.
La marche de la maladie, la date à laquelle elle remonte, sont utiles à
considérer : quand le liquide continue à monter au delà de la durée
habituelle de la période d'accroissement, c'est-à-dire après trois semaines,
il faut craindre qu'il n'atteigne des proportions anormales; si l'augracn-
iatiou persiste après vingt-cinq à trente jours, on doit prévoir l'issue fu-
neste. Lorsque la résolution commence, si elle marche régulièrement, le
pronostic est favorable.
La persistance prolongée d'un épanchement, même moyen, est une
fâcheuse condition; elle constitue dans l'évolution de la maladie une
irrégularité de mauvais augure, et annonce souvent le passage de la
phlegmasie franche à un processus purement passif, l'hydropisie. Les
' conditions anatomiques de la plèvre malade et du poumon refoulé par
^ t'épanchement aggravent le pronostic : si la cavité pleurale cjit tapissée
bar une fausse membrane épaisse, celle-ci substituée à la plèvre est
^ &<Dpuissanle à résorber l'épanchement ; le poumon coiffé par des fausses
* Xkiembranes, bridé par des adhérences, ne peut se dilater, et si le li(|uide
""«lisparait, l'expansion du poumon étant impossible, il en résulte, comme
>*^;àous l'avons vu, une exagération de la pression négative normale qui
F «uof oicT. MÉD. n cauu XXYIU. — 13
494 PLEURÉSIE. — p. aiguë primitive. — traitemert.
active et perpétue Texlialation séreuse. La guérison n'est pourtant pas
impossible, alors les organes voisins se rapprochent, la paroi thoracique
se déprime et le vide est à peu près comblé.
La notion du terrain sur lequel la maladie s'est développée joue un
rôle important dans le pronostic, et Ton devra tenir compte des conditions
d'âge, de constitution, d'état général, etc. La pleurésie primitive simple
chez un enfant âgé de plus de six ans est d'ordinaire bénigne, et, si sa^
marche est très-aiguë, la guérison est assurée; chez l'enfant, touterois, i^
faudra tenir compte de la fréquence plus grande des compIication& .
Quant aux pleurésies primitives chez les trcs-jeuncs enfants, les observa^
tiens en sont trop rares pour qu'il soit possible d'établir des règles.
Dans la vieillesse, où elle est aussi rare que la pneumonie est fréquente,
la maladie tend à passer à l'état chronique. Il en est de même chez leg
malades qui ont un état général mauvais, dont la constitution est appao-
vrie par la misère et les excès, chez les sujets anémiques ou en puissance
d'une diathèse, la goutte, la tuberculose, le rhumatisme. A ce propos, on
ne devra pas confondre la pleurésie développée pendant le cours du
rhumatisme, laquelle est, comme nous le verrons, une affection bénij^me,
avec celle qui survient chez un sujet rhumatisant en dehors d'une attaque
aiguë. Celle-ci pâtit en quelque façon du milieu où elle a pris naissance,
et le rhumatisant qui contracte une pleurésie l'a volontiers mauvaise.
Traitement. — On doit tenir compte de deux faits essentiels:
1^ L'acte morbide qui constitue la phlegmasie pleurale. 2^ L'épanchement \
qui en est le produit. De là deux indications importantes : enrayer on I
modérer l'inflammation de la membrane séreuse ; faciliter la résorption de '
l'épanchement à l'aide des moyens médicaux, ou en provoquer Tissueau
dehors par l'intervention chirurgicale. i
Traitement médical . Au premier rang des agents antiphlogisliques
destinés à combattre l'élément inflammatoire, se placent les émissions
sanguines générales et locales, elles sont surtout indiquées quand h
fièvre est très-vive, l'oppression intense, la douleur du côté très-aiguë.
Les saignées générales ne sont guère pratiquées aujourd'hui dans h
pleurésie ; les médecins en jugeaient autrement dans la première moitié
de ce siècle, et la saignée générale tenait alors une grande place dans la
thérapeutique. Les faits tirés de la pratique d'Andral, de Bouillaud, de
Cruveilhier, de Chomel, de Louis, témoignent de la haute valeur de cette
médication. Entre les mains de ces maîtres éminents, on voyait, grâce
aux émissions sanguines, des pleurésies tourner court rapidement, sou-
vent en cinq ou six jours, quelquefois même avant la formation de
l'épanchement. Depuis de longues années, une réaction excessive, comme
toujours, s'est opérée contre la saignée, et l'on est passé, sur ce point,
d'un engouement extrême à une indifférence complète. Dans sa traduction
de Walshe, Fonssagrives se plaint que les émissions sanguines n'occupent
plus dans le traitement de la pleurésie la place qui leur est due ; le
professeur Peter insiste énergiquement sur les conséquences, d'après lui
désastreuses, de ce mépris des saignées générales. Il attribue àrabandonde
PLEURÉSIE. — p. AIGOÊ PRIUITIVE. — TRAITEMENT. 195
cette pratique ancienne la formation si commune aujourd'hui, et naguère
inconnue, de ces vastes épanchements dont la résorption est impossible,
et dont on n'arrive à débarrasser les malades qu'à l'aide de la thoracentèse.
« Jele dis bien haut : de nos joui^, à Paris, on abandonne trop volontiers
le pleurétique à lui-même, on laisse trop platoniquement l'épanchement
s'opérer, on néglige trop les émissions sanguines. Si, pour les citadins,
dont l'organisme n'a pas la vigueur ni le sang, la richesse de ceux des
campagnards, on ne peut pas toujours avoir recours à la saignée générale,
au moins doit-on commencer le traitement par une application de ven-
touses scarifiées ou de sangsues, en nombre proportionné à la force du
malade et à l'intensité de la douleur comme de la fièvre (à l'intensité
de la douleur surtout), application que l'on renouvelle ou non, suivant le
besoin (Peter). »
L'emploi des saignées générales n'est pas toujours indiqué ; évidem-
ment, chez un malade vigoureux, pléthorique, quand le début est violent
et impétueux, si le point de côté est très-douloureux, l'oppression très-
vive, et qu'on assiste à l'explosion de la maladie, il sera très-sage de
pratiquer une saignée, laquelle donnera sur-le-champ une amélioration
incontestable. Mais, si la pleurésie a des allures moins bruyantes, si elle
frapi)e un sujet de complexion médiocre que l'on n'est pas appelé à traiter
dès les premiers jours, on s'abstiendra des émissions sanguines générales,
et l'on donnera la préférence aux ventouses scarifiées qui agissent en
même temps comme révulsifs. Indépendamment de leur action antiphlo-
gistique, elles ont un effet évident sur le point de côté, assez violent
quelquefois pour exiger une intervention spéciale : elles font cesser la
névrite qui en est la cause.
Les Allemands et les Anglais emploient les mercuriaux comme anti-
phlogistiques et altérants; ils prescrivent le calomel à dose fractionnée
et les frictions d'onguent napolitain jusqu'à saturation et sialorrhéc.
Cette méthode populaire chez les Anglais, dans la pleurésie et dans la
péricardite, est à peu près inconnue chez nous. La digitale, qui par ses
propriétés antipyrétiques modère les combustions, peut être donnée au
début en infusion ou macération comme antifébrile, en attendant que
son action diurétique trouve son emploi dans l'élimination de l'épan-
chement. On pourrait donner l'émétique comme contro-stimulant, mais
les vomissements et la diarrhée qu'il peut provoquer ne seraient pas sans
inconvénients chez les sujets débiles. Pour enrayer la marche de la phleg-
masie, on tirera encore un bon parti de l'application de larges vésica-
toires. Tous ces moyens s'adressent à l'inflammation pleurale, et doivent
être appliqués dans la période initiale; il fout les choisir avec discerne-
ment et en proportionner Temploi à la gravité des symptômes.
Quand la pleurésie est simple, franchement inflammatoire, on s'en tient
à ces agents thérapeutiques. S'il existe un état bilieux ou saburral, on aura
recours à un éméto-cathartique ; lorsqu'il y a de Tadynamie, on emploie les
toniques. Quelquefois la fièvre est nettement rémittente, sans être liée à un
'état gastrique; on se trouvera bien alors de l'emploi du sulfate de quinine.
196
PLEURÉSIE. p. AIGUË PRIMITIVE. TltAITEMEKT.
Quand ia réaction fébrile est peu marquée, la douleur de côté médioere,
l'oppression peu accusée, il conviendra de laisser de côté la médication
antiphlogistique, pour ne recourir qu'aux agents qui s'adressent plus spé-
cialement à répanchement, c'est-à-dire aux révulsifs, ventouses, vésica-
toires, badigeonnages iodés; aux dérivatifs intestinaux, drastiques prin-
cipalement; aux diurétiques, digitale, diète lactée, nitrate de potasse; aux
gudorifiques, jaborandi. Avant d'intervenir trop activement, on fera bien
d'observer le marche du liquide : il est des cas où la résolution, irès«
précoce, commence du sixième au dixième jour, mais c'est surtout dit
quinzième au vingtième qu'elle débute. Tant qu'on la voit se continuer
régulièrement, il est inutile d*agir, et l'on pourra ne faire de médication
que si le liquide cesse de diminuer. Toutefois, il ne faut pas oublier
que, même chez les sujets vigoureux et robustes, la pleurésie n'a jamais
une allure aussi aiguë, aussi franchement inQammatoire, une tendance
aussi nette vers la résolution que la pneumonie. On ne perdra pas de vue
(|u'il faut au malade un certain degré de vigueur pour résoudre sa phleg-
masie, et, lorsque l'on sera en présence de sujets anémiques ou bibles,
on ne devra pas abandonner la résolution aux seules forces de l'orga-
nisme. En pareil cas, une fois la fièvre tombée, l'inilammation languit,
elle traîne en longueur, le liquide reste stationnaire, puis tous les phéno-
mènes phlegmasiques disparaissent, et à la pleurésie se substitue un
hydrolhorax, une véritable hydropisie de poitrine qui n'a aucune tendance
à la résolution, ou bien, ce qui est autrement grave, la pleurésie devient
purulente ou passe à l'état chronique.
Woillez, surveillant à l'aide des tracés cyrlomctriques la marche du
li(iuide, a noté relfet des diverses médications sur sa résolution; il a
obtenu le tableau suivant qui résume en centièmes, pour chaque médi-
cation, la proportion des effets favorables ou nuls, et dans lequel on trouve
des résultats inattendus. Ces données n'expriment, bien entendu, que l'in-
fluence de la médication sur répancliement seul ; on n'y trouve pas noté
l'effet des diurétiques, dont l'emploi continu amène des modifications
graduelles non susceptibles d'être saisies jiar les tracés de mensuration.
MEDICATIO.NS
EFFETS POURCE^T.
Favorablt'S.
Didslii^ucs
Éinétiquc à hautes (io^os.
Ventouses
baijjnées ou sangsues . .
Voniitifs
L
Purpfalifs simples.
Vésicatoiies . . ,
0.07
0.57
0.4:»
0.3.'.
0.25
0.1«
0.10
Kui».
0 55
0.45
0.55
O.tiO
0.75
0 Xi
0.90
La médication révulsive et dérivative, qui a d'excellents résultats pen-
dant la période aiguë de la pleurésie, devient impuissante et inutile,
fiinon nuisible, quand la lièvre est tombée. Comme le fait si judicieuse-
PLEURÉSIE. — p. ÀIGUÔ PRIMITIVE. — TRAITEXENT. 197
ment observer Peter, on ne peut avoir la prétention éle faire absorber le
liquide par la plèvre dans l'état où elle se trouve: la plèvre pulmonaire,
qui a suivi dans sa rétraction le poumon plus ou moins ratatiné, est
réduite à presque rien, elle est d'ailleurs recouverte de fausses mem-
branes; la séreuse pariétale qui a gardé sa disposition normale, est aussi
•evêtue de néomembranes et tout aussi impropre à l'absorption. La
révulsion d'ailleurs n'est eificace qu'en substituant une hyperémie arti-
Bcielle et thérapeutique à la congestion pleurale qui est le fait de l'inOam-
mation, elle sera donc de nul effet, une fois celle-ci guérie. Les sudorifi-
ques, les diurétiques, les purgatifs, ont le même mode d'action; quand ils
sontefGcaces, c'est bien plutôt par l'hyperémie dérivatrice que par une
spoliation qu'il faudrait supposer énorme pour qu'elle activât sérieuse-
ment l'absorption à la surface de la plèvre. Passé donc la période inflam-
matoire, la médication révulsive etdérivative sera sans résultats salutaires,
elle augmentera la faiblesse du malade, et cette débilitation deviendra
elle-même une condition fâcheuse pour la résolution de Texsudat.
Lorsque, par le fait de l'insuffisance du traitement ou des conditions
iéfavorables dans lesquelles se trouve le mnlade, on voit la résolution
de répanchement, tarder au delà de 28 ou 50 jours, il faut renoncer à
l'espoir d'en avoir raison par un traitement purement médical, et recourir
à la thoracentèse.
Le point de côté de la pleurésie commune et la douleur si pénible de la
pleurésie diaphragmatiquc exigeront l'emploi d'une médication pallia-
tive, piqûres de morphine, frictions belladonces, opium en pilules, etc.
Thoracentèse. L'indication de la thoracentèse est tout entière dans ces
deux circonstances : abondance extrême de l'épanchernent; sa résistance
à l'absorption.
Quand le liquide est très-abondant, surtout si la pleurésie siège à gau-
che et déplace le cœur, on sait qu'il peut amener des accidents graves :
la dyspnée considérable qui entrave l'hématose et la mort subite par
syncope, par asphyxie. C'est dans ces cas que l'on est appelé à pratiquer
la thoracentèse d'urgence; analogue par les conditions où l'on opère à la
trachéotomie, constituant comme elle un traitement palliatif, elle pare au
plus pressé et n'est pas toujours curative. Si la fièvre persiste, si la phleg-
masie pleurale n'est pas éteinte, la séreuse continuera à sécréter un
liquide pathologique et elle reproduira l'épanchement. 11 est néanmoins
des cas oii il suffit de soustraire une minime quantité de liquide pour
voir le reste se résorber rapidement; cela s'explique par l'état des vais-
seaux qui, comprimés par le liquide, sont hors d'état de fonctionner, et
dans lesquels la diminution de pression rétablit la circulation.
Par la thoracentèse pratiquée d*urgence, on gagne du temps, et, la
maladie se retrouvant dans les mêmes conditions qu'avant l'épanchement.
on a le loisir d'agir sur elle par le traitement médical. C'est le seul cas
où il n*y ait pas lieu de s'arrêter à la persistance de l'état fébrile et nous
verrons plus loin que, hormis le cas d'urgence, il est tout au moins irra-
tionnel d'opérer malgré la fièvre.
198 PLEURÉSIE. — p. aiguS primitive. — TRAirsiiBifT.
Pour décider Tifrgence de la thoracentèse, il est impossible de 8*en
tenir à un seul indice : il faut évidemment tenir compte à la fois et des
troubles fonctionnels et de la quantité de Tépanchement. La dyspnée^ à
elle seule, ne saurait rien décider ; on voit souvent des collections énor-
mes de liquide ne provoquer que peu de gène respiratoire et permettra
aux malades de travailler et de vaquer sans défiance à leurs occupations^
D'autre part, il y a parfois, au début de la maladie, des dyspnées suffocante^
avec des lipothymies alarmantes, qui ne sont pas justiciables de l|
thoracentèsc, mais des stimulants dilTusibles et des toniques. La dyspnée
excessive n*est donc une indication qu'autant que répanchemeni seni
reconnu abondant. A quelle quantité de liquide aura-t-on à redouter des
accidents graves? D'après G. Dieulafoy, hormis le cas de Blachez, où li
plèvre ne contenait que 1500 grammes, jamais la mort n'a été provoquée
par une collection inférieure à 2000 grammes. U faudra donc prononcer
l'urgence, lorsque chez un sujet robuste et vigoureusement organisé le
liquide atteindra de 1800 à 2000 grammes. On arrive à évaluer la pro-
portion de l'épanchement par l'élévation de son niveau, par la mensu-
ration, par le déplacement des viscères et notamment du cœur. Quaad
on trouve à l'auscultation, un silence absolu sans cgophonie ni souffle, ou
bien un souffle caverneux ou amphorique, lorsque la matité absolue
remonte en arrière jusqu'à Tépine de Tomoplate et supprime en avant
la sonorité skodique qui existait au-dessous de la clavicule, et, dans les
eas de pleurésie gauche, quand le cœur est déplacé, et que sa pointe
vient battre à droite du sternum, on peut admettre que l'épanchement,
chez un adulte bien constitué, varie de 1800 à 2000 grammes (G. Dieu-
lafoy). La thoracentèse est alors urgente, il n*y a pas à s'inquiéter de la
fièvre, il faut agir, et promptement, sous peine d'accidents. Sur cette
thoracentèse d'urgence, tout le monde est d'accord. Les complications de
la pleurésie, en tant qu'elles augmentent la dyspnée ou entravent la
circulation pulmonaire, sont une raison de plus d'opérer.
La résistance de l'épanchement à la résorption est encore une source
d'indications pour la thoracentèse ; mais ici l'évidence ne s'impose plus
et l'opportunité de la ponction est discutée. Lorsque répancliement est
d'abondance moyenne, pendant la période fébrile, et alors que la
pleurite n'est pas encore guérie, il faut traiter le malade médicalement:
tant que dure la phlegmasie, une ponction n'avancerait en rien la
guérison, le liquide se reproduisant immédiatement. Mais, dès que la
défervescence s'est produite, il se peut faire que la chute thermométrique,
d'abord franche et rapide, s'arrête tout à coup, et cesse de faire aucoa
progrès ; la pleurésie est guérie, et le liquide ne constitue plus qu'un
corps étranger, une épine menaçante, reliquat de la maladie, qu'il est
inquiétant d'abandonner à lui-même. Tout d'abord, et même avec un
épanchement médiocre, on n'est pas complètement exempt du souci de
mort subite, et l'on a vu, en pareil cas, plus d'un exemple de terminaiaoo
funeste. D'ailleurs, la seule présence du liquide produit le déplacement
des organes, qui finissent par contracter des adhérences, et gardent leur
PLEURÉSIE. — p. AIGUË PRIMITIVE. — TRAITEMEMT. 199
situation anormale. Le poumon comprimé s'affaisse, perd sa souplesse et
prend une sorte de rigidité qui s'oppose à Tentrée de l'air, il respire mal,
et de ce trouble de la circulation et de Thématose résulte une certaine
déchéance de l'économie qui constitue une chance de plus pour que la
pleurésie devienne chronique ou purulente. Il y a donc intérêt évident à
extraire promptement ces épanchements , qui sont par eux-mêmes une
cause de persistance par les troubles mécaniques et nutritifs qu'ils
déterminent dans le poumon refoulé . La thoracentèse peut abréger de
pluâeurs semaines la durée de la maladie, et hâter la convalescence.
Autrefois, alors qu'on ne connaissait que le trocart de Reybard, la
thoracentèse d'urgence était seule pratiquée, et constituait un trauma-
tisme auquel on n'osait exposer le malade sans nécessité absolue.
De Tannée 1850, où Trousseau fit entrer la ponction de la poitrine dans
la pratique médicale, jusqu'en 1870, oùG.Dieulafoy appliqua pour la pre-
mière fois l'aspiration au traitement de la pleurésie, la méthode de Rey-
bard fut seule en usage, et Ton peut dire que, dans maintes circonstances
où son emploi eût été salutaire, le médecin reculait devant la crainte de
pratiquer une opération véritable. Depuis \t jour où G. Diculafoy, forçant le
liquide à traverser une aiguille capillaire, a réduit l'opération aux pro-
portions inolfensives d'une simple piqûre d'épingle, on n'hésite plus, des
que la résorption se fait attendre, à pratiquer Taspiratiop. Comme le fait
remarquer Potaiu, Tavantage de la méthode aspiratrice n'est pas d'obtenir
une évrtcuation des épanchements pleuraux plus rapide ou plus complète
qu^oQ ne le faisait avec la canule autrefois en usage, et de l'orcer, par un
moyen puissant, l'issue d'un liquide qui ne sortirait pas de son propre
poids; le mérite de l'aspiration est d'évacuer l'épanchcment en produi-
sant le moins de traumatisme possible, et le vide ne sert qu'à obliger le
liquide à traverser, dans un temps assez court, un tube très-fin dont
rmiroduction pusse presque inaperçue. Le traumatisme est nul, et la
douleur est si peu de chose que les malades la redoutent moins que celle
d'un vésicaloire ; l'opération est comparable par son innocuité à une
injection hypodermique faite avec la seringue de Pravaz.
Nous n'avons pas à décrire ici l'aspiration, ni les nombreux instru-
ments qu'on a proposés pour la pratiquer {Voy. art. PoiTAmE, thora-
centèse). Les deux seuls en usage aujourd'hui sont l'aspirateur de G. Dieu-
lafoy et celui de Potain qui, avec des mérites différents, ont des avantages
à peu près égaux.
La iboracenlèse donne lieu à un petit nombre d'accidents que nous allons
passer en revue. Lorsque Tévacuatiou est faite trop rapidement, comme
cela arrivait quelquefois avec la canule de Reybard, le malade est pris
à la fin de l'opération de quintes de toux opiniâtres et extrêmement fati-
gantes. C'est là un inconvénient que l'on évite d'ordinaire en se servant
de l'aspirateur, mais en se gardant de procéder trop brusquement . La
pénétration trop soudaine de l'air dans le poumon rapidement déplissé est
la Cluse probable de ce petit accident qui n'a d'autre effet que de fatiguer
le patient.
200 PLEURÉSIE. — p. AIGDE PRIMITIVE. TRAITEMBOT.
Nous ne parlons ici que pour mémoire de la lésion de Tarière inter-
costale, que Ton produisait quelquefois avec le gros trocari; elle est
inconnue aujourd'hui. La seule hémorrhagie, toujours sans importance,
que Ton observe par les procédés actuellement en usage, est due à la
déchirure des vaisseaux qui parcourent les néo membranes.
, Un accident plus sérieux est Toedème aigu et la congestion du poumon,
avec expectoration albumineuse. A la fin de l'opération, ou pendant les
instants qui la suivent, le patient est pris d*unc toux quinteuse et opi-
niâtre, il se produit de la dyspnée, ou même une sensation d'étouflement
quiva jusqu'à Tangoisse. Le malade rejette alors par la toux, tantôt des
mucosités spumeuses, quelquefois teintées de sang, tantôt un liquide
glaireux, Glant, semblable à du blanc d'œuf, qui, trailé par la chaleur oa
Tacidc nitrique, donne un dépôt abondant d'albumine. La quantité de
cette expectoration varie de 50 à 500 grammes, elle peut s'élever à ud
et même deux litres. La toux vient par quintes à la suite de chacune des-
quelles le liquide sort par gorgées. La dyspnée est d'ordinaire en rapport
avec la quantité et l'état mousseux du liquide battu par l'air dans les
tuyaux bronchiques. Si Ton ausculte la poitrine dès le début de l'acci-
dent, on entend des râles sous-crépitants fins d'œdcme pulmonaire, su^
tout très-abondants vers la base du poumon.
Cet état persiste sans modifications pendant plusieurs heures; il peut
durer une journée entière, puis, si Thyperémie est peu marquée, si le
liquide qui transsude dans l'arbre aérien n'est pas très-abondant, les
accidents de suffocation cessent, la respiration devient plus facile, le
crachement diminue graduellement, puis disparait, et le malade revient
à l'état normal. Dans quelques cas graves, l'opéré, d'abord soulagé par
la ponction, sent rapidement revenir la dyspnée, la poitrine s'embarrasse
l'anxiété devient extrême et l'arbre aérien est bientôt envahi par un
liquide spumeux ; il y a alors des symptômes d'asphyxie, de la cyanose
de la face, et la mort peut survenir très-rapidement. Dans une thèse fort
bien faite où il a rapporté 21 observations de thoracentèse suivie d'expec-
toration albumineuse, Terrillon rapporte un cas mortel observé dans le
service de Gombault, et où vingt minutes après la thoracentèse] l'aspbyxie
commençait. Les cas de ce genre sont exceptionnels, et Ton ne connait
guère que six faits où la terminaison ait été fatale, ce qui donne,
néanmoins, pour les cas d'expectoration albumineuse, une mortalité asseï
élevée et oblige à considérer comme très-sérieuse cette complication de
la thoracentèse.
Quelle est l'explication de ces faits? On a accusé la piqûre du poumoD
par le trocart; mais Tabscnce habituelle de sang dans le proiduit de
l'expectoration, et dans le liquide obtenu par la thoracentèse, l'absence
des signes d'auscultation qui ne manqueraient pas d'iiccuser un hydropnea-
mothorax dans le cas où le poumon aurait été lésé, permettent de rejeter
cette explication. Ilérard a établi que l'expectoration albumineuse estdoe
à la congestion brusque, à Tœdème aigu du poumon, qui sont la consé-
quence de la thoracentèse pratiquée d'une certaine façon : on a remarqué
PLEURÉSIE. p. AIGUË PRIMITINE. TRAITEMENT. 201
que les accidents coïncident souvent avec Tévacnation très-rapide et com-
plète d'un épanchement abondant ; ils s'expliquent d'une façon très-satis-
faisante par l'afflux presque foudroyant du sang dans le poumon com-
primé par une collection volumineuse, puis très-brusquement dilaté. Sous
l'influence de cette poussée subite, il se produit une congestion et un
œdème pulmonaire aigus, et la partie la plus fluide du sang, le sérum,
transsude au travers des parois vasculaires et vient pleuvoir dans les
petites bronches et dans les alvéoles pulmonaires. On a accusé Taspira-
tion d'abaisser brusquement la tension pleurale en évacuant le liquide
trop rapidement, mais Dieulafoy fait remarquer que sur seize cas de
tboracentèse avec expectoration albumineuse, où le manuel opératoire
est indiqué, douze fois l'opération avait été faite avec le trocart ordi-
naire, et sur les six cas connus d'accidents mortels l'aspiration n'avait
été employée que trois fois. 11 convient d'ajouter que, dans la plupart des
cas d' œdème aigu avec crachements albumineux, il y avait avec la
pleurésie une complication plus ou moins grave; et dans les rares obser-
vations où la maladie était absolument simple on avait tiré en une fois
une trop grande quantité de liquide (2,2 litres, et même 5 litres), « de
sorte que les accidents bénins, graves ou mortels, d'œdème pulmonaire
et d'expectoration albumineuse, suite de tboracentèse, ont toujours été
€U$ociéSy soit à des complications de la pleurésie (maladies du cœur,
bronchite, tuberculose, adhérences nombreuses ou anciennes, pleurésie
double), soit à l'issue immédiate d'une trop grande quantité de liquide, et
le plus souvent à ces deux causes réunies » (G. Ditulafoy). D'où le pré-
cepte de ne pas tirer en une fois plus de 1000 à 1200 grammes de liquide,
surtout lorsqu'on a affaire à une pleurésie ancienne ou compliquée. Le
poumon peut alors, après avoir été réduit àun très-petit volume, se dilater
graduellement et s'habituer peu à peu aux fonctions qu'il n'accomplissait
plus.
On a encore signalé, après la tboracentèse, des accidents qui ne parais-
sent avoir avec elle que des rapports de coïncidence. La syncope ou l'as-
phyxie, qui surviennent en pareil cas, sont dues à des lésions préexistantes,
caillots cardiaques, embolies cérébrales, thromboses et embolies des
vaisseaux pulmonaires, dégénérescence graisseuse du cœur, etc. La tbo-
racentèse n'est aucunement responsable de ces accidents.
Enfln la tboracentèse a été aussi accusée de transformer une pleurésie
séreuse en pleurésie purulente. Cet accident, si tant est qu'il soit réel, est
infiniment plus rare qu'on ne l'a dit. Lorsque l'on trouve à une deuxième
ponction un liquide purulent, alors qu'il était séreux à la première, le
plus souvent on a affaire à une pleurésie qui fut devenue purulente quand
même. Le liquide extrait d'abord était déjà purulent à un faible degré,
mais trop peu pour que cela fut appréciable sans l'aide du microscope,
et de cet examen incomplet on conclut à une transformation de l'épan-
chement, alors qu'il n'y a qu'un degré plus avancé dans l'évolution d'une
pleurésie primitivement purulente. Dans ces dernières annéeos, des statis-
tiques nombreuses de tboracentèse par aspiration ont établi l'innocuité
202 PLEURÉSIE. — p. aiguës secondaires.
du procédé, lorsqu'il est pratiqué avec toutes les précautions youlues.
Parmi ces précautions figure au premier rang, la propreté des instru-
ments employés et Temploi d'un trocart ou d'une aiguille incomplètement
nettoyés et qui auraient servi antérieurement à vider quelque collection
purulente pourrait faire accuser la thoracentèse de méfaits qui, en
bonne justice, lui sont étrangers.
En somme, la thoracentèse par aspiration est uue excellente opération
qui n'a pas les dangers qu'on lui reproche, et lorsqu'elle est bien faite elle
soulage les malades, sans leur faire courir de risques, sans ajouter m
mal une complication. Elle permet de multiplier une intervention dont on
s'abstenait par timidité et d'éviter la temporisation qui laisse passer à
l'état chronique ou à la purulence une pleurésie destinée 4 guérir
promptemcnl par une ponction opportune.
Pij:urésies aiguës secondaires. — Un bon nombre de pleurésies aigoéi
se sdéveloppenl secondairement dans le cours d'une maladie générale, on
sous l'influence d'une aiîection de voisinage.
Les maladies générales passibles de complications du côté delà plèvre
sont : les fièvres éruptives, et au premier rang la scarlatine, la variolct
puis la rougeole ; certaines fièvres graves, la fièvre typhoïde, la fièvre
puerpérale, Tinfcction purulente, le rhumatisme articulaire aigu; des
affections dyscrasiques, comme la maladie de Bright, ou celles qui, comme
les affections du cœur, troublent la circulation et provoquent le déve-
loppement d'une sorte de pleurésie bâtarde, voisine de l'hydroUiorax.
Les affections des viscères thoraciques, du poumon, du cœur ou de
la membrane qui l'enveloppe, sont fréquemment le point de départ d'une
pleurésie : la pneumonie superficielle se complique souvent de pleurésie
chez l'adulte, et presque constamment chez l'enfant ; c'est là la pleu-
ropneumonie ; la rupture d'une caverne tuberculeuse, l'ouverture d'un
foyer gangreneux dans la cavité séreuse, entraînent une pleurésie sur-
aiguë, souvent avec pneumothorax ; les abcès du poumon ont ce même
résultat par un mécanisme identique.
Dans l'enfance, la pleurésie est rarement primitive et simple, elle in-
tervient dans le cours de la pneumonie, de la coqueluche, du croup, de
la tuberculose pulmonaire ou méningée, des fièvres éruptives, etc.
Chez les vieillards, des noyaux superficiels d'apoplexie pulmonaire
donnent lieu à un frottement pleural dû au développement d'une pleu-
résie sèche. La phthisie pulmonaire a le même effet, mais la lésion est ;
alors chronique. Les phlegniasies du péricarde se propagent quelquefois
par contiguïté à la plèvre adjacente.
Citons encore les affections traumatiques ou spontanées de la paroi
thoracique les fractures de côtes , les plaies de poitrine, la carie costale,
les hydatides et les tubercules de la plèvre, la granulie pleurale et enfin ua
certain nombre d'affections des organes voisins dont les désordres peuveal
retentir jusqu'aux plèvres : abcès des médiastins, adénopathie bronchiqv
suppuréei scrofuleuse ou tuberculeuse, avec ouverture du foyer dans la poi-
trine ; perforations spontanées ou traumatiques de Tœsophage, hépatite,
PLEURESIE. — p. AIGUËS secondaires. 205
abcès, kystes hydaiiqucs du foie ou cancer de restomac ayant perforé le
diaphragme et la plèvre, abcès périnéphriqucs, etc.
Ces causes Yariées donnent lieu à des pleurésies parfois séreuses, le
plus souvent purulentes. La fièvre puerpérale, la scarlatine, la pyohémie,
les abcès de voisinage et toutes les affections qui donnent lieu au passage
dans la plèvre de liquides pathologiques provoquent des pleurésies
suppurées.
hà symptomatologie des pleurésies aiguës secondaires ne diffère guère
de celle des pleurésies primitives que par le mode de début lié à la cause
dont elles procèdent. En raison des conditions défavorables où se trouvent
les malades, raffection se prolonge souvent jusqu*à devenir chronique.
Le pronostic est d'ordinaire fâcheux, cependant il est des pleurésies
secondaires qui ont une solution favorable: telles sont la pleurésie rhuma-
tismale et certaines pleurésies chez les tuberculeux •
Nous ne pouvons donner ici un tableau d'ensemble des pleurésies
secondaires; la seule forme qui, en raison de sa physionomie à part,
mérite une description spéciale, est la pleurésie rhumatismale.
Pleurésie rhumatismale, — Moins fréquente que rendocardite et la
pérîcardite rhumatismale, elle constitue comme elles une détermination
locale du rhumatisme. Elle se produit d'ordinaire au cours d'un rhuma-
Lisine articulaire aigu ; d'autres fois, mais rarement, elle coïncide avec
un rhumatisme musculaire. Ce qui la caractérise et lui donne une allure
distincte, c'est la mobilité qui e^i le propre des fluxions rhumatismales.
Elle s'annonce d'ordinaire par une certaine recrudescence de la fièvre.
une douleur assez vive dans un des côtés de la poitrine, sans toux ni expec-
toration. D'après le professeur Lasègue, qui a publié sur ce sujet des re-
cherches tr^intéressantes, la douleur de côté aurait quelques traits
spéciaux : au lieu d'être, comme dans la pleurésie commune, limitée en
un point, elle représenterait une zone douloureuse^ due à ce que le
rfaumatii^me occupe le tissu aponévrotique qui forme la charpente des
muscles intercostaux ; de plus cette douleur ne cède pas prompteineut,
comme dans la pleurésie ordinaire, elle persiste pendant toute la durée
de la fluxion pleurale, avec des recrudescences qui semblent indiquer
l'envahissement d'espaces intercostaux jusque-là respectés. La dyspnée est
souvent ici très-vive, ce qui parait dû à la participation du diaphragme
et surtout de son centre aponévrotique. En raison de la rapidité de la
fluxion pleurale, cette douleur accompagne la pleurésie bien plus souvent
qu'elle ne la précède. Mais c'est principalement dans l'évolution de
répanchement que l'on trouve les traits caractéristiques de la pleurésie
rhumatismale : tandis que, dans la forme commune, Tépanchement,
précédé de prodromes, peut tarder plusieurs jours, ici son apparition
peut être absolument soudaine, et une collection liquide même considé-
nble peut en quelques heures envahir la plèvre. Les signes physiques de
la pleurésie rhumatismale n'ont rien de spécial, à cela près que, les fausses
membranes étant assez peu communes, on observe rarement le frottement,
et que, la présence du liquide étant de règle, on ne trouvera qu'exception-
204 PLEURÉSIE. — p. aiguës secondaires.
nellement les caractères de la pleurésie sèche. L'opanchemenl est praque
toujours d'abondance moyenne, il peut être limité à un seul côté, cl tprës
être resté à peu près stationnaire pendant trois ou quatre jours, dis-
paraître avec une rapidité égale à celle de son début, sans que la fluxion
atteigne la plèvre opposée. Mais ce n'est pas là la règle, et il est cominni
de voir la résolution brusque du liquide être le signal d'une poussée vcn
la plèvre voisine; celle-ci, évoluant absolument comme la première,
pourra se terminer soudainement et sans retour, ou bien faire place i
la réapparition d'un épanchemont du coté opposé. 11 y a ainsi une sorts
de balancement entre les deux plèvres, et ces alternatives sont analogue!
à celles que l'on observe pour les fluxions articulaires. Seux (de Mv- j
seille) a récemment encore insisté sur ces caractères particuliers de la plea-
résie rhumatismale et en a rapporté plusieurs observations intéressantes.
La guérison de la pleurésie rhumatismale est le plus souvent très-rapide;
outre la disparition des signes d'épanchemcnt, une défervescence très-
prompte en marque le début. Toutefois il n'eu est pas toujours aîosî : il
peut se faire que le rhumatisme, ayant épuisé son action, n'ait plus sur la
résorption du liquide Tinfluence qu'il a eue sur sa genèse, répanchemcnt
rentre alors dans les conditions de Texsudat pleurétiqne ordinaire, et la
résolution tarde plus ou moins.
La pleurésie rhumatismale a parfois une marche silencieuse, alors eils
n'est signalée ni par la douleur, ni par la toux, ni par l'oppression;!
existe bien de la fièvre, mais on l'attribue au rhumatisme articulaire, et,
comme il est dit'Hcile de faire asseoir les malades pour les ausculter, on
peut laisser passer inaperçue la complication pleurais. II en est d'ail-
leurs ainsi des déterminations cardiaques du rhumatisme : elles veulent
être cherchées, et Chomel imposait au médecin la règle absolue d'auscul-
ter, au moins tous les deux jours, les rhumatisants.
Nous avons vu que la pleurésie rhumatismale peut exister en dehors
du rhumatisme articulaire et coïncider avec un simple rhumatisme mw-
culaire; ce n'est pas tout, elle peut encore se produire en dehors de toute
espèce de manifestation de cette nature, comme l'endopéricardite rhu-
matismale peut apparaître d'emblée sans arthropathies ; mais ces dcm
circonstances sont également rares. En pareil cas, pour assigner à b
pleurésie sa véritable nature, il faudra tenir compte des antécëdenti \
personnels et héréditaires du malade, des caractères de la douleur de;
côté, de la mobilité de l'affection, de la violence, de la ûèvre et de a
chute rapide, de Texistence de sueurs profuscs.
La guérison complète et rapide est de rè^'le, et la suppuration aussi
rare que dans les autres localisations du rhumatisme. La pleurésie riiu-
matismalc est souvent compliquée d'endoporicardite, et II. Roger a signili
chez l'enfant une relation étroite entre les deux affections, déserte que,
dans le rhumatisme, quand l'endocardite existe, on pourrait, presque 1
coup sûr, prédire la pleurésie. Celle-ci est alors fréquemment double, d
débute plus souvent dans le deuxième septénaire que dans le premier oi
le troisième.
PLEURÉSIE. — p. PURULEKTE. àTlOLOGIE. 205
Le pronostic de la pleurésie rhumatismale est sérieux, non pas comme
pleuréfrie, mais parce que rafi'ection est une uianifestatiou viscérale du
rhumatisme, de toutes la plus bénigne, il est vrai, mais fâcheuse néanmoins
parce qu'elle dénoie chez le malade une tendance inquiétante aux compli-
eatious viscérales, et qu'elle peut faire place au rhumatisme cérébral. Ce-
pendant considérée en soi, la pleurésie rhumatismale est moins sérieuse
qne la pleurésie commune, qui peut ne guérir que lentement, ou bien
passer à la suppuration et à Tétat chronique.
Eu raison de ses allures rapides, de sa résolution prompte et spontanée,
elle ne réclame pas une thérapeutique bien active; il n'est pas bon,
d'ailleurs, d'attaquer trop vigoureusement la fluxion rhumatismale, de
peur de s'exposer à des déplacements graves.
La thoracentèse n'est guère indiquée dans la pleurésie secondaire au
rhumatisme que si l'inflammation est double et compliquée de pcricar-
dite, si elle amène de la dyspnée, une anxiété notable et la menace d'acci-
dents sérieux. On pourra encore y recourir lorsque, le rhumatisme ayant
ifuisé son action, l'épanchement n'a plus de tendance à se résoudre.
Pleobésie purulente. — Mal connue avant la vulgarisation de la thora-
»ntèse, la pleurésie purulente a été mieux étudiée depuis ; elle est de
lotion vulgaire aujourd'hui, grâce à la facilité des ponctions exploratrices,
|ui permettent de suivre, pour ainsi dire jour par jour, les modifi-
allions du liquide. Nous emprunterons un bon nombre des détails qui
ont suivre aux travaux si complets et si intéressants que Moutard-Martin '
. publiés sur ce sujet. Lorsque répanchcment, au lieu d'être séreux ou
éro-tibrineux, est mélan<(é de pus, on dit que la pleurésie est purulente ;
listologiquement la pleurésie est toujours purulente, et Laboulbène a
tabii que l'exsudat de la pleurésie simple contient des globules de pus
lès les premiers jours : il n'y aurait donc là qu^une question de degré,
nais l'observation chnique ne permet pas d'admettre celte confusion, et
t simple vue suffît à distinguer le liquide d'une pleurésie purulente
le celui de la pleurésie aiguë franche. La première peut, il est vrai, suc-
éder à la phlegmasie simple de la plèvre; mais, dans la majorité des cas,
es deux affections procèdent de causes distinctes et il y a entre elles
les diflërences de nature et d'évolution qui les séparent nettement ; l'épan-
ibement est d'ailleurs purulent d'emblée sous Tinlluence de certaines
, et, dans la pleurésie qui complique la lièvre puerpérale et la pyohc-
, le premier liquide sécrété est du pus en nature.
Stiol€ii^ie. — Parmi les causes de la pleurésie purulente, les unes lo-
cales, sont des lésions d'ori<zine traumatique ou des affections de voisi-
nage, ce sont les mieux connues ; fréquemment, elles donnent lieu à la
production d'un exsudât ])urulent d'emblée; les autres sont des alfeclions
générales dont le mode d'action n'est pas clairement établi. Les premières,
fuselles soient traumati(|ues ou spontanées, ont une action évidente et
incontestable, telles sont : les plaies de poitrine, les fractures de côtes,
les caries costales, Térysipèle phlegmoneux des parois thoraciques, les
ibcés de voisinage ouverts dans la plèvre (abcès de la paroi cosiaie, de
206 PLEURÉSIE. — p. purulente. — étiologie*
l'aisselle, du médiasiin, de la rate, du rein, du foie), les épanchements
d'air, de sang, de liquides pathologiques, les corps étrangers, pénétrant
dans la poitrine par l'œsophage ou la trachée, la pneumonie suppurée*
la rupture d'un foyer d'apoplexie pulmonaire. La gangrène pulmonaire
peut être le point de départ d'une pleurésie suppurée, mais cette relation
n'est pas constante ; Rendu et Debove ont signalé des cas où la gangrène
pulmonaire était consécutive à la pleurésie purulente dont elle était une
complication.. La tuberculose peut donner lieu à la formation d*unem-
pyème par des mécanismes différents : par la rupture d'une caverne tu-
berculeuse, par le développement de granulations tuberculeuses sur h
séreuse elle-même. En dehors de ces deux modes, la phthisie provoque
tantôt des pleurésies sèches, tantôt des pleurésies séreuses. Dans h
forme commune de la tuberculose, l'épanchemcnt pleurétique, quand il
existe, est le plus souvent séreux, et lorsqu'il est purulent, c'est moîot
par une action locale de la tuberculose que par le fait de l'état de cacheiift
du sujet, qui prédispose aux phlegmasies suppuratives. Nous avons m
qu'on avait incriminé la ihoracentcse ; Trousseau se refusait déjà à admettre
celte influence fâcheuse de la ponction, qui est bien plus douteuse encore '
depuis que le traumatisme est devenu, par les méthodes nouvelles, ab-
solument insignifiant. Quant à l'introduction de l'air dans la plèvre, soo
influence nuisible est admise par la plupart des observateurs, et les rarei
expériences qui ont été tentées impunément pour en établir l'innocaité
n'ont pas entraîné la conviction et n'ont pas trouvé d'imitateurs.
Parmi les causes générales, les mieux connues sont : les fièvres émp>
tives, la variole, la rougeole et surtout la scarlatine, qui est, à ce poiât
de vue, la plus dangereuse de toutes ; la coqueluche, l'état puerpéral,
la pyohémie, la morve, la méningite cérébro-spinale, la fièvre urineuse,
les grands traumatismes, les amputations; 1 influence de la scrofule
a été signalée, mais n'est pas clairement établie; on a rapporté enfin i^
quelques cas très-rares de pleurésie suppurée survenus dans la conva-
lescence de la fièvre typhoïde.
Certaines conditions favorisent la suppuration des pleurésies et jouent '
le rôle de causes prédisposantes : l'enfance ou Tâge adulte, le seie mas-
culin : il y a, à cet égard, une proportion considérable en faveur de
l'homme ; puis viennent des conditions générales mal déterminées, tout»
les causes d'affaiblissement, toutes les influences qui portent atteinte aux jZ
fonctions d'assimilation et de désassimilation : insuffisance alimentaire,
famine, affections typhiques, etc. ; on voit encore suppurer la pleurési
chez les ivrognes, chez les sujets surmenés ou convalescents d'om
maladie grave.
« Quel que soit, dit Lancereaux, le point de départ de la pleurite
purative, la condition pathogénique de cette affection est, pour ainsi dii^
toujours la même, à savoir : la présence dans les liquides organiques «i^
encore dans les tissus du voisinage de la plèvre, d'un principe sepV^^^
purulent. C'est donc le pus ou une substance renfermant des élét^wjjj
semblables, sinon de même nature, qui engendre la pleurésie puriiX ^*
iQ
r
e
j=
PLEURÉSIE. p. PURULENTE. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 207
aTec plus ou moins de facilité suivant les conditions individuelles, et cela
par un mécanisme peu différent de celui qui consisterait à déposer quel-
ques gouttes de pus sur une plèvre saine. »
Dans certains cas, néanmoins, on ne peut invoquer aucune condition
ni locale ni générale, et la transformation purulente s'opère dans les con-
ditions en apparence les moins propres à la provoquer.
AnAtomie patholog^ique. — Lésions parenchymateuses. Si la
pleurésie purulente, succédant à une fièvre puerpérale ou à la pyohémie,
a produit en quelques heures, comme cela arrive en pareil cas, un épan-
chement séro-purulent considérable, on trouve alors la plèvre intacte,
sans rougeur et sans ecchymoses ; la membrane est un peu plus terne
qu'à l'état sain, mais il n^y a pas apparence d'inflammation.
Quand la pleurésie purulente a succédé à Tétat aigu, la séreuse est plus
rosée qu'à l'état uormal, ou même rouge et injectée ; sa surface est moins
lisse, comme dépolie ; si la phlegmasie a été prolongée, la membrane est
infiltrée de pus, inégale, chagrinée et rugueuse; on y trouve à un degré
de développement très-marqué le tissu de granulation et les néo mem-
branes qui résultent de son organisation ; l'endothélium modifié, granu-
leux desquamé, par son mélange avec la fibrine et les globules de
pus, constitue des fausses membranes molles, jaunâtres, et il entre dans
la composition des flocons solides qui nagent dans le liquide. La plèvre
est couverte de petites ecchymoses ; à la suite d'une pleurésie purulente
chronique, elle est souvent épaissie, indurée, comme cartilagineuse.
Les néo membranes peuvent s'incruster de sels calcaires et produire des
sortes d'ossifications que Ton trouve sur la paroi costale (Voyez Pleurésie
chronique). Dans quelques cas, elle peut s'infiltrer de leucocytes, se
détruire par places et présenter des ulcérations, comme Vigla Va signalé
dans un cas de pleurésie purulente consécutive à la morve aiguë. Ces
altérations peuvent être limitées à la grande cavité pleurale, ou bien à
une partie seulement ; elles peuvent affecter la plèvre diaphragmatique,
ou celle qui revêt les scissures intcrlobaires.
Ex9udat. Le liquide épanché est purulent, c'est-à-dire r[u'il contient
des leuoocytes en quantité suffisante pour être facilement appréciables à
l'œil nu ; au lieu d*étre clair et limpide comme dans la pleurésie franche,
il est louche avec tous les intermédiaires entre répanchement séro-puru-
knt et le pus phlegmoneux pur. Souvent le premier degré de la pleuré-
lîe purulente est à peine appréciable par la simple apparence, et s'il s'agit
d'un liquide obtenu par la ponction, ce n'est qu'à la fin de l'opération
f^esortune sérosité légèrement voilée d'une faible teinte opaline, et lais-
sant déposer par le repos des globules blancs en quantité notable. L'ex-
fiudai peut être plus épais, de couleur jaune-verdàtre, ou vert pistache ;
' tfautiês fois, et lorsqu'il est souillé de sang, il prend une teinte brune
S ^^ck f^^^ ^^ moins foncée. Il peut être homogène, bien lié, de consistance
g^^ ^ owncuse, ou floconneux et chargé de grumeaux ; le plus souvent, il n'a
kC^^ trt^ pas une consistance égale à celle du pus phlegmoneux, excepté dans les
r^; cas de pleurésies partielles, enkystées, alors que les parties séreuses ont
208 PLEURÉSIE. — p. pcrulente. — amatomie pathologique.
été résorbées. Il pread alors l'aspect d'une masse jaune, caséeuse, de
consistance de mastic. Au microscope, on y trouve des leucocytes en
nombre considérable, quelques globules colorés, et des cellules granu-
leuses et volumineuses dues à la transformation des globules de pus. 11 y
a, de plus, des cristaux d'acides gras et des paillettes de choiestérine.
Le liquide, quelquefois inodore, a d'ordinaire une odeur fade, souTeai
forte et alliacée, parfois fétide ; ce qui peut s'expliquer parla présence de
l'air dans la cavité purulente, ou par son voisinage immédiat, ou bien
pai* l'existence au milieu de Tépanchement de lambeaux pulmonaires
sphacélés. La quantité du liquide varie de 1 à 4 ou 5 et même 6 litres.
Fausses membranes. Leur existence est presque constante : tantôt elles
sont appliquées contre la plèvre, tantôt elles nagent dans le liquide purs-
lent. Quand elles n'occupent qu'une partie de la plèvre, elles sont pluUl
limitées à la paroi viscérale ou au diaphragme. Fréquemment la fausse
membrane, partout continue à elle-même, forme une poche sans ouveiiors
incluse dans la cavité normale, c'est le kyste pseudo-pleural. Dans Ja
pleurésie purulente aiguë, les fausses membranes sont peu adhérentes à
la plèvre, elles forment une couche mince, villeuse, molle etblanehàtre;
quand la maladie est ancienne, elles ont Ane épaisseur assez grande et
c|ui peut atteindre 7 à 8 millimètres ; elles sont plus denses, comme fi-
breuses, et leur adhérence est telle, qu'elles ne peuvent être béparéesde
la séreuse, et qu'on ne peut même distinguer la limite enti'e la mem-
brane normale et les produits pathologiques. On y peut reconnaître plu-
sieurs couches dont les superliciellcs sont toiuenteuses et peu résistantes,
tandis que les profondes, d'une organisation plus avancée, out une coo-
bistance plus grande et sont quelquefois iibreuses, d'une dureté compa-
rable à celle du cartilage. Elles sont souvent iortement injectées, et
olïrent même dans leur épaisseur des extravasations sanguines; leur colo-
ration n'est pas unil'orme, leur surface est inégale, anfractueuse ; quel-
quel'ois de teinte rosée, elles ont l'aspect de bourgeons charnus.
D'autres fausses membranes, libres d'adhérences, Uottent dans le liquide
purulent ; leur volume varie depuis celui de flocons ténus qui peuvent
encore traverser une canule un peu grosse, jusqu'à des masses du vo-
lume d'un ^ros œuf. Ces concrétions (ibrineuses, communes surtout dans
les cas de listules pulmonaires ou thoraciques, sortes d'épongés impré-
gnées de liquide putride, s'altérant comme le milieu dans lequel elles ,
baignent, sont un réceptacle d'une horrible fétidité ; c'est là une des causes ]
de i'incurabilité ordinaire des pleurésies purulentes par les procédés
habituels.
Outre les fausses membranes, on a trouvé dans le liquide des débris
de poches hydatiques et des hydatides plus ou moins altérées, venues.
soit du foie, soit de la plèvre elle-même ; on a vu, eniin, le liquide contenir
des débris de plèvre et de poumon sphacélés. Avec les produits patholo-
giques que nous venons d'énumérer, la plèvre malade peut contenir de
l'air, lorsqu'il^existe une fistule pleuro-bronchique ou une ouverture de
la paroi thoracique. Des gaz peuvent-ils se développer spontanément i
PLEURÉSIE. — p. PURULENTE. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 209
dans la cavité pleurale, et peut-on y trouver des fluides aériformes sans
perfomtion? Cette question est encore à l'étude : des observateurs très-
distingués, Hérardf Jaccoud, ont publié des faits qui semblent favora-
bles à l'affirmative; dans quelques cas qui ne paraissent pas discuta-
bles, à la suite de fièvres typhoïdes ou puerpérales, on a trouvé dans la
plèvre des gaz contenant de Thydrogène sulfuré et d'une odeur fétide.
Ces fluides paraissaient bien manifestement dus, en Tabsenee de Tair,
à la décompositiou putride du pus. Les recherches les plus complètes et
les plus minutieuses pour établir dans ces cas l'existence d'une fistule
pleuro-pulmonaire sont restées sans résultats; cependant, le fait du
développement spontané des gaz dans la plèvre est bien malaisé à prou-
ver d'une façon péremptoire, et les fistules pleurales sont souvent si dilfi-
ciles a découvrir, alors même que Ton est sûr de leur existence, qu'il
planera longtemps encore des doutes sur la possibilté du phénomène.
Quelquefois, chez des sujets morts de maladies intercurrentes, on a
trouvé à l'autopsie, dans la poitrine, le kyste pseudo-pleural en voie de
cicatrisation; le kyste se présente alors sous forme de cavité plus ou
moins grande, ou de tube à parois épaisses, denses et comme cartilagi-
neuses ; cette poche, qui peut être adhérente à la plèvre, contient un pro-
duit purulent, épaissi ou caséiforme, parfois de la cholestérine qui
résulte de la transformation du contenu purulent du kyste. D'après les
observations de Guéneau de Mussy, dans quelques cas d'épanchements
anciens, les leucocytes disparaissent, ils subissent une dégénérescence
granulo-graisseuse, et s'émulsionnent dans la sérosité qui les porte et
avec laquelle ils sont résorbés.
ÉtcU du poumon et des parties voisines. — La disposition du pou-
mon, dans la pleurésie purulente généralisée, est très-analogue à ce
qu'elle est dans la pleurésie commune : refoulé en haut, aplati et
collé au médiastin, le poumon est plus efTacé en bas qu'en haut ; quel-
quefois, par suite d'adhérences, il est appliqué contre le rachis, ou
refoulé en avant contre la paroi costale ou le médiastin. Les fausses
membranes l'enveloppent rarement de toutes parts, souvent elles passent
sur une de ses faces, et l'appliquent à la paroi : il est ainsi complètement
«1 dehors du kyste pleural. Une disposition bien importante au point de
vue du traitement, c'est la présence d'adhérences anciennes unissant le
poumon et la paroi thoracique, et cloisonnant ainsi la plèvre en plusieurs
loges qui ne communiquent pas entre elles; dans ces cas, le pus n'a pas
d'écoulement, les lavages ne sont que partiels et la guérison est impos-
sible.
Si le processus est très-aigu et répanchement rapide, le poumon est
Ubre d'adhérences et sa disposition est la même que dans la pleurésie
séro-fibruneuse.
=x L'état du parenchyme pulmonaire varie avec la durée et le degré de la
£^ compression : tantôt souple, peu altéré, crépitant surtout en haut, il
' -: est encore insufDable et surnage l'eau ; d'autres fois, il est flasque,
:^. atélectasié, et se précipite au fond du vase. Brouardel a signalé une
IICrtJT. DiCT. UÉD, ET CHIR. WNIAI \4
210 PLEURÉSIE. — p. purulente. — anatomie pathologique.
nitéralion du poumon qui résulterait de la propagation au tissu cellu-
laire de Torgane du processus inflammatoire. Elle aurait pour effet
de condenser ce tissu, d^aniener sa rétraction qui contribuerait, pour
une bonne part, à Tinextensibililé du poumon, d'où afTaissement ie la
paroi thoracique et rétrécissement du côté malade. Il faut admettre alor^
que cette sorte de sclérose pulmonaire disparait plus ou moins plus tard,
autrement il serait impossible d'expliquer ce qu'il est commun d'obser-
ver à la suite de ces rétrécissements, la poitrine rétrécie se dilatant peu
à peu et revenant à des dimensions voisines de l'état normal.
Le poumon peut contenir des tubercules ; la fréquence relative de cette
complication dans la pleurésie purulente n'est pas bien établie ; d'après
Atlimont elle serait rare, puisque sur 130 malades 80 guérirent, et que
lu tuberculose ne l'ut constatée que 9 fois dans les autres cas.
Les parois thoraciques peuvent être atteintes d'altérations nombreoses:
les parties molles peuvent s'enflammer par contiguïté et devenir le siège
d'abcès ; les muscles intercostaux s'atropbient et deviennent graisseux i
la suite des pleurésies purulentes prolong^'cs, et le degré de ces altéra-
tions est en rapport avec la durée et l'intensité de la maladie. Les côtes
subissent des modifications de structure très-appréciables, lorsque la
maladie persiste longtemps, et surtout dans les formes chroniques ; le
travail irritatii se propage à leur face interne, il y développe un^ ostéo-
périostite végétante, d'où résulte en ces points la formation d'ostéophytes
costaux. Parise et Lebert ont signalé, surtout chez les jeunes enfants,
l'existence de ces productions qui prennent l'aspect d'une côte surajoutée.
Enfin, la paroi thoracique du côté malade, après avoir présenté au début
une ampliation proportioimée à la quantité de l'épaiichement, subit,
lorsqu'il se résorbe, une réti action progressive due à ce que le poumon,
longtemps comprimé et bridé par des fausses membranes, ayant perdu
son extensibilité, la paroi costale, pour combler le vide, se déprime peu à
peu et souvent jusqu'à reifacement de la convexité normale.
L'cxsudat purulent exerce sur les tissus une action destructive qui
devient manifeste, surtout lorsque la pleurésie purulente est chronique;
le liquide peut alors ulcérer les parois de la poche pseudo-membraneuse
qui le contient, perforer la plèvre et se faire jour au dehors, soil à traven
le parenchyme pulmonaire, soit en perforant la paroi thoracique. Dans
quelques cas l'ouverture pulmonaire a lieu en sens inverse, des poumons
vers la plèvre, comme il arrive par la rupture d'une caverne tuberculeuse;
mais la perforation précède alors Tépanchement purulent dont elle pro-
voque la formation en versant dans la plèvre le contenu de la caverne;
cette dernière perforation siège toujours au sommet du poumon.
Dans le cas où la perforation est duc à la tendance ulcéreuse du pus,
et se produit de dehors en dedans par rapport au poumon, elle peutsiêger
dans un point quelconque de la plèvre pulmonaire, très-souvent entre les
lobes du poumon, car ces perforations spontanées sont surtout très-caoh
munes dans la pleurésie interlobaire.
La disposition de l'onfice est vav'able comme sa cause : la rupture
PLEURESIE. — p. PLRULENTK SÏMl'TQMES. 211
d*uiie caverne consiste en un simple pertuis, en une ouverture qui l'ait
communiquer la cavité |)luurale avec une caverne de petites dimensions :
rorifice, souvent très-étroit, est recouvert par des fausses membranes, et
diflicile à reconnaître. Dans les cas d'ouverture vers le poumon, la (i^tule
est plus longue, quelquefois large, souvent étroite, tapissée par une
membrane d'aspect muqucux ; étroite ou large, la fistule est toujours
très-difGcile à trouver, cachée qu'elle est par des fausses membranes ; on
ne parvient souvent à la découvrir qu*en insufQant pour la trachée le pou-
mon plongé dans un vase plein ^d'eau. Le trajet listuleux communique
avec une bronche de calibre variable. La disposition des fausses mem-
branes qui masquent la fistule est quelquefois lelle, qu*elle joue le rôle
de soupape et permet l'entrée de Tair dans la plèvre sans le laisser
échapper.
L'abcès pleural peut s'ouvrir spontanément à Textérieur du thorax ;
c est là une terminaison moins fréquente que l'autre. Cette perforation
si^'e habituellement en avant, dans les premiers espaces intercostaux
qui, au voisinage du sternum, sont plus larges et dépourvus du muscle
intercostal externe; le plus souvent, elle a lieu dans le cinquième espace.
L*orifice {>eut être unique, ou bien il y en a plusieurs, plus ou moins
distants et quelquefois très-éloignés les uns des autres ; tantôt le pus
ulcère les fausses membranes et marche de dedans en dehors, quelquefois
un abcès des parois thoraciques s^ouvrant dans la poitrine prépare la fis-
tule pariétale; enfin, dans des cas a^sez rares, la fistule est mixte, le pus
se fait jour à la fois par la paroi thoracique et par les bronches.
Dans le cas d'ouverture intercostale, lorsqu'on peut examiner les
parties avant la rupture des téguments, leur disposition est la suivantes
au niveau d'un espace intercostal on trouve à la plèvre un pertius plus
ou moins large, dépassant rarement un centimètre, et qui fait communi-
quer la cavité pleurale avec une .poche extérieure à la cage tlioracique,
étalée soit en longueur dans Tespace intercostal, soit en largeur et
recouvrant une ou plusieurs côtes. Une fois la collection vidée, la poche
peut se recoller à la façon d'un abcès, mais la fistule persiste plus ou
moins large, souvent irrégulière, sinueuse, et ne laissant que difficile-
ment échapper le pus. Un dernier mode d'évacuation du liquide est la per-
foration du diaphragme de la poitrine vers l'abdomen ; ce dénouement,
assez rare, est précédé d'une péritonite circonscrite qui crée des adhé-
rences et prévient répatichement du pus dans le péritoine. On a vu encore,
mais bien plus rarement, le Uquide suivre une autre-voie, et passer soit
dans le péricarde, soit dans le médiastin, soit dans la plèvre saine ; on
Ta vu fuser dans la gaine du psoas jusqu'à la fosse iliaque, ou en arrière
despihers du diaphragme jusqu'à la région lombaire.
Symptômes. — Lorsque la pleurésie purulente com|)lique la pyo-
hémie ou la fièvre puerpérale, son début, latent et insidieux, n'est
marqué par aucun trouble fonctionnel qui éveille l'attention : il n'y a
ni douleur de côté, ni oppression, et on ne reconnait la maladie que
si i*on songe à pratiquer l'exploration physique de la poitrine.
212 PLEURÉSIE. — p. purulente. — symptômes.
La pleurésie purulente qui succède à une pleurésie franche se coa-
iond à l'origine avec celle-ci, et la purulence s'établit sans changements
notables dans les symptômes : on observe donc un frisson initial Yiolent,
ou de petits frissons répétés, une fièvre vive, un point de côté, de la toux«
de la dyspnée ; aucun de ces troubles fonctionnels ne présente rien de
spécial ni de caractéristique, rien qui puisse servir à baser une présomp-
tion. Jusque-là, il y a identité complète avec la pleurésie franche, mais,
tandis que dans celle-ci la défervescence a lieu au bout de quelques temps,
ici la fièvre persiste, et Texsudat augmente d'une manière continue,
quelque soit le traitement. Il existe des sueurs profuses pendant la nuit,
les frissons se reproduisent irrégulièrement, la température reste élevée,
et d'après Ziemssen, quand elle atteint de 39'',5 à 40^,2, elle aurait une
certaine valeur pour dénoter la suppuration. La peau est chaude et sèche,
Tappétit est perdu, la face e>t pâle et décolorée, plus tard elle prend
une teinte terreuse spéciale, presque caractéristique des états où se forme
le pus. Bientôt les fonctions de nutrition s'altèrent, ramaigrisseroenf
s*accuse, il y a des diarrhées fétides, il survient de Tœdème des extrémités,
et les malades, plus ou moins cachectiques, marchent vers la terminaison
fatale.
Ce sont là les signes généraux de la pleurésie purulente à marche
aiguë. Ils sont un peu différents dans la forme chronique : celle-ci peut
débuter comme la pleurésie aiguë, puis la fièvre tombe sans cesser com-
plètement, elle reparait après les repas, ou vers le soir. L'épanchemeot
s'accroît très -lentement et peut demeurer longtemps stationnaire. L'ap-
pétit reste intact, les fonctions de nutrition sont moins promptement
atteintes que dans la forme aiguë. Cette situation se prolonge pendant
des mois puis, l'état général s'aggrave, l'appétit se perd, la pâleur
devient extrême, les forces s'anéantissent, il survient les mêmes signes
de cachexie que dans la forme aiguë, et quelquefois un œdème considé-
rable sans albuminurie.
Que la pleurésie purulente soit aiguë ou chronique, les signes physi-
quei< sont les mêmes que dans la pleurésie commune : ce sont les signes
de tous les épanchements liquides de la plèvre. Plusieurs d'entre eu
présentent toutefois certaines particularités qui les distinguent ; il existe
en outre quelques symptômes propres à la pleurésie purulente.
Comme dans la pleurésie commune, il y a de la voussure de la pacoi
costale, mais les dilatations partielles sont ici beaucoup plus communes;
on voit souvent la poitrine présenter à sa base une saillie duc au refou-
lement des côtes et au niveau de laquelle la main promenée sur la paroi
thuracique rencontre un brusque ressaut ; au-dessus, la paroi costale
décrit un angle rentrant plus ou moins marqué. Cette saillie de la base
de la poitrine est caractéristique d'un épanchement emprisonné par des
adhérences et qui, ne pouvant s'étendre en hauteur, refoule la paroi cos-
tale en dehors, le diaphragme en bas, et se creuse une loge dans le pou-
mon qu'il comprime. Ces collections, lorsqu'on les évacue par la thora-
centèse, donnent issue à une quantité de pus tout à fait imprévue, en
PLEURÉSIE. — PDKULEME. — STMTÔMES. 213
raison de Téiendue restreinte de la matité. Les dilatations limitées à la
base du thorax peuvent faire croire a des tumeurs du foie refoulant en
haut le diaphragme, et rejetant les cotes en dehors, ainsi que cela arrive
pour les kystes hydatiques volumineux siégeant à la face convexe du foie.
Les espaces intercostaux sont effaces et refoulés par le pus, ce que Stokcs
attribue à la paralysie des muscles qui les remplissent.
Un signe de grande valeur, mais qui manque souvent, c*est l'œdème
de la paroi thoracique du côté malade : on le trouve, soit au-dessous du
creux de Taisselle, soit plus en arrière, sur le prolongement de la ligne
axillaire posicrieure. Ce signe est presque caractéristique de la présence
du pus dans la poitrine, mais on ne l'observe que tardivement, et alors
que le pus de l'cpanchement commence à faire saillie derrière les cou-
ches musculaires* Sa signification du reste n*est pas absolue, on Ta
rencontré quelquefois dans la pleurésie séreuse, et chez des sujets cachec-
tiques, du côté où avait lieu le décubitus. A une période avancée de la
maladie, on verra souvent saillir sous la peau une tumeur fluctuante,
laquelle constituerait également un bon indice, si elle ne survenait à
une époque où le diagnostic est déjà moins douteux.
La mensuration et la percussion ne donnent aucun caractère spécial de
quelque importance. L'épanchemcnt purulent étant plus fréquemment en-
kysté que Texsudat séreux, la ligne de niveau se déplace plus rarement
encore que dans la pleurésie commune par les changements d^attitude du
malade.
A Tauscultation, on trouve des modifications du bruit respiratoire qui
est diminué ou aboli, ou bien des bruits anormaux, comme le souffle tu-
baire. Les bruits cavitaires, déjà signalés dans la pleurésie commune,
sont plus fréquents lorsque le liquide est purulent : ce sont le souffle
amphorique et le gargouillement. Ces bruits pseudo-cavitaires paraissent
dus à un tassement, à un refoulement du poumon sur les gros tuyaux aé-
riens ; ils sont surtout le fait des épanchemcnts- chroniques, et ne sont
ainsi liés à la pleurésie purulente qu'indirectement, et parce que la suppu-
ration est plus commune dans les cas chroniques.
Le retentissement de la voix peut être le même que dans Tépanchement
séreux, toutefois l'égophonie est plus rare et se montre seulementavec les
épanchemcnts séro-purulents ; quand le liquide est purulent et épais, la voix
ne retentit plus, ou, si on la perçoit encore, elle parait sourde et éloignée.
Le signe de Baccelli, la non-transmission à l'oreille de la voix chu-
chotée, aurait ici une signification importante, si sa valeur était confir-
mée et si, transmises à l'oreille d'abord, les vibrations diminuaient gra-
duellement pour disparaître enfin; on pourrait, en quelque façon, suivre
ainsi la transformation purulente de l'exsudat; mais l'opinion n'est pas
faite encore sur la portée de ce signe.
Les pleurésies enkystées, interlobaires et médiastines, qui sont plus
communes encore sous la forme purulente que sous la forme aiguë fran-
che, ne donnent lieu à aucun signe physique et ne se révèlent que par
quelques troubles fonctionnels : fièvre, frisson, dyspnée.
2U PLEURÉSIE, —p. purulente. — symtômis.
Malgré rcxislence des symptômes généraux et des quelques signes spé-
ciaux que nous venons d'indiquer, le diagnostic reste incerlain jusqu'à la
Ihoracenlèse exploratrice ou Tou^erture spontanée.
Que la pleurésie purulente soit aiguë ou chronique, le pus tend à se
faire jour au dehors, et il s'ouvre une voie tantôt par les poumons et les
bronches, t.mlôt à travers la paroi thoracique. Dans le premier cas, qui
est le plus fréquent, il se produit une fistule pleuro-bronchique, dont
l'apparition précoce ou tardive a lieu, d'après les observations de Woillei,
entre les deux limites extrêmes de 28 et 80 jours. D'après Trousseau, chei
les enfants, la vomique peut se faire au bout d'un temps assez court,
du 15'' au 20* jour; chez l'adulte, les vomiques précoces n'ont guère lieo
que dans la fièvre puerpérale, qui donne lieu si promptement à la forma-
tion du pus.
Rien n'annonce habituellement l'apparition d'une vomique ; le malade,
au milieu d'un accès de toux, rend brusquement par la bouche un liquide
purulent en quantité variable, et qui peut aller jusqu'à plusieurs litres.
Le contact du liquide avec l'arrière-gorge provoque des efforts de vomis-
sement qui ont valu à l'accident ce nom de vomique.
L'abondance du liquide ainsi rejeté est subordonnée aux dimensions de
la fistule, elle peut être telle qu'elle amène un accès de suffocation; le
malade peut tomber en syncope, la peau se couvre d'une sueur froide,
les traits sont altérés et l'asphyxie subite amène une mort rapide. C'est li
un cas exceptionnel, d'ordinaire les bronches se. débarrassent du liquide
qui les encombre, et la suffocation disparait. L'expectoration purulente
se poursuit tantôt sans inteiTuplion, plus souvent par intervalles. De loin
en loin, un effort de toux, un changement d'attitude ramène le crache-
ment de pus, qui peut même n'avoir lieu qu'à plusieurs jours de dis-
tance.
A partir du moment où le pus a commencé à être rejeté au dehors, les
symptômes observés varient suivant qu'il s'agit d'une pleurésie enkystée
(médiastiiie, interlohaire, diuphragmatique) ou d'un épancliement de h
grande cavité pleurale, et selon que l'air pénètre ou non dans le foyer en
partie vidé. Lorsque la disposition de la fistule est telle, qu'elle periaet
l'issue du liquide sans laisser pénétrer l'air dans la cavité pleurale, ou
lorsque le liquide est enkysté entre les lobes pulmonaires, le foyerse vide
peu à peu, il revient sur lui-même, la voussure diminue ou dispiratLla
matité est moins étendue et moins complète, la respiration reparait dans
des points où elle n'était pluo perdue, et Ton peut entendre à l'ausculta-
tion de gros râles voisins du gargouillement, dus au conflit de l'air avec
le liquide purulent qui s'écoule par les bronches. Le crachement de pus
continue, celui-ci est inodore, ou, s'il a une odeur prononcée, elle est due
à son altération au contact de l'air dans les bronches.
Lorsqu'elle accompagne une pleurésie interlohaire, souvent la vomique
vient donner la clef de troubles jusque-là vagues et obscurs : douleur
profonde, dyspnée, symptômes généraux de pleurésie, dont aucun signe
physique ne révélait le siège.
PLEURÉSIE. p. PLRUI.EME. SYMPTOMES. ^215
Quand la fistule pleuro- bronchique permet l'accès de Pair dans la ca-
vité morbide, la voussure ne diminue pas, l'nir venant remplacer le
liquide évacue ; quelquefois même elle augmente par une disposition
particulière des fausses membranes qui font clapet et laissent entrer
l*air à chaque inspiration sans le laisser sortir ; la dyspnée peut devenir
alors extrême. Le pus, d'abord inodore, se putréfie nu voisinage de l'air;
il prend quelquefois une odeur insupportable, alliacée ou d'une horrible
fétidité.
L'entrée de l'air dans la plèvre donne lieu à de nouveaux signes de
percussion et d'auscultation qui sont ceux de l'hydropueumothorax. Ce
sont la résonnance exagérée et tympanique de la poitrine du côté malade,
faisant place à la matilé absolue au niveau de l'épanchcment, l'abaisse-
ment du foie et l'immobilité du diaphra^^me du même côté; le souflïo
amphorique, le tintement métallique qui est pathognomonique do la
fistule pleurale, le bruit de succussion hippocratique, le bruit d'airain
perçu par l'oreille appliquée sur le thorax, pendant que, dans un point
opposé, on percute l'un contre l'autre deux corps durs ou métalliques dont
l'un est appliqué sur la paroi costale. N'insistons pas sur ces signes, ils
sont de notion vulgaire et n'appartiennent pas en propre à la pleurésie
purulente iVoy. pkkvke (liydropneumothorax), bornons-nous à rappeler
qu'ils ne sont pas constants; le tintement métallique fait très souvent
défaulet Ton ne trouve parfois que le bruit de flot hippocratique.
L'évacuation du pus par la paroi costale peut se faire à une époque plus
ou moins éloignée du début ; une douleur se montre d'abord dans un
point limité de la poitrine, quelquefois dans plusieurs points situés au
oiveau d'un espace intercostal ; on trouve là une saillie rénitente, peu
^nsible au toucher, cette saillie augmente bientôt, elle peut être ar-
rondie» allongée dans le sens d'un espace intercostal, ou occuper deux
espaces voisins en franchissant la côte intermédiaire; la tumeur est
indolente, molle, fluctuante, elle est réductible par la pression, et
augmente au contraire dans les efforts de toux ou d'expiration. Elle
persiste sans modifications pendant un temps variable, puis la peau s'a-
mincit, devient violacée, elle cède spontanément ou dans un effort de
toux, et rorifice livre passage à une quantité de pus considérable et hors
de proportion avec le volume apparent du foyer. L'orifice persiste et
reste fistuleux; il peut, suivant sa disposition, ses dimensions et son
obliquité, permettre l'entrée de l'air ou l'empêcher. S'il n'existe pus une
fistule pleuro-bronchique en même temps que roriiice thoracique, le pus
reste inodore ; il devient au contraire fétide, s'il est en contact avec l'air.
L'expulsion du pus par la fistule est suivie de modifications des signes
physiques analo<;ucs à celles que détermine la fistule pleuro-bronchique.
Si l'air a pénétré dans la plèvre, il y a du tympanisme et du bruit de flot.
Le niveau de la matité a baissé, mais l'épanchemenl se vide ici moins com-
plètement que par la fistule bronchique, et l'écoulement plus ou moins
facile du pus est subordonné à la position de la fistule. Quelquefois l'ap-
parition de l'orifice thoracique est annoncée par plusieurs tumeurs sié-
216 PLEURÉSIE. — p. purdlekte. — TERiiiiiAisorc.
géant dans des espaces intercostaux diiïérents, Touverture de Tune d'elles
entraîne raffaissement des autres, à moins que rorifice ne soit placé
très-haut et que le foyer ne se vide mal, une deuxième fistule peut alors
s'ouvrir dans un point plus déclive.
La marche de la fistule thoracique est très-variable ; parfois» elle se
ferme pendant quelque temps pour se rouvrir ensuite, mais ToriBce ne
ferme jamais complètement qu'à sa guérison.
Dans certains cas, et lorsque la tumeur siège dans le voisinage da
cœur, elle est le siège de battements isochrones à la systole ; on donne i
ces cas le nom d*empyème pulsatile.
L'existence d'une fistule thoracique n'empêche pas la formation d'une
fistule pleuro-bronchique, et réciproquement, le pus peut se faire jour
au dehors, bien qu'il ait commencé à s'évacuer par les bronches. Quant
à l'ouverture dans le médiastin, ou parle diaphragme, elle est tout à iait
rare.
Terminaison. — La pleurésie purulente peut aboutir à la gué-
rison ou à la mort. Elle peut se terminer par la guérison spontanée
et sans évacuation du pus au dehors ; ces cas sont rares, mais les faits
dans lesquels, après la mort due à une autre cause, on a trouvé des kystes
purulents en voie de cicatrisation, ne laissent aucun doute. Moutard-
Martin a rapporté une observation de guérison spontanée d'une pleurésie
purulente dont le diagnotic avait été contrôlé par une ponction explo>
ratrice ; c'est là un fait exceptionnel. La guérison est plus commune dans
les cas où l'épanchement s'est frayé une voie vers l'extérieur. La solution
favorable a surtout été observée dans les cas de vomique, et principale-
ment dans les pleurésies interlobaires, où les parois i*evenant aisément sur
elles-mêmes ne permettent pas l'entrée de l'air et la putréfaction du pus.
La guérison est possible également quand le pus occupe la grande plèvre*
mais si la fistule ne permet pas Taccès de l'air. Après la vomique, le
foyer diminue d'étendue, l'expectoration devient moins abondante, le
kyste revient sur lui-même, les symptômes généraux s'amendent, la fièvre
tombe, l'appétit renaît, et peu à peu le malade recouvre la santé ; mais
ce résultat est très tardif, et peut se faire attendre un an et davantage.
Les cas de fistules thoraciques sont généralement moins heureux, soit
que l'orifice admette l'air et qu'il se développe des accidents de putridîfé,
soit que l'ouverture mal située ne permette qu'une évacuation incom-
plète.
La mort est une terminaison fréquente de la pleurésie purulente; elle
parait inévitable lorsque, l'épanchement n'ayant pas de tendance à se
porter au dehors, le médecin n'intervient pas pour lui ouvrir une voie.
La terminaison fatale est précoce ou tardive suivant les cas ; dans h
pleurésie suppurée aiguë des fièvres graves, scarlatine, fièvre typhoïde,
fièvre puerpérale, la mort peut arriver au bout d'un mois. Dans 'la forme
chronique, au bout de peu de temps la fièvre cesse, l'appétit revient, les
malades sont pâles et faibles, mais ne sont pas réduits à garder le lit ; ik
n'ont souvent qu'un léger accès fébrile vers le soir ou à la suite des repas,
PLEURÉSIE. — p. PURULKMTE. DIA61I0STIC. 217
et la maladie peut se prolonger ainsi pendant des mois, une année et
même deux.
Que la maladie soit aigué ou chronique, au bout d'un temps variable
les accidents de fièvre hectique surviennent ; il se produit des frissons irrc-
gulîers, des sueurs nocturnes, le malade pâlit de plus en plus, il a du
dégoât pour les aliments, des diarrhées fétides, de Tœdème des extré-
mités inférieures, et il finit par succomber dans le dernier degré du ma-
rasme.
A la suite des fistules pulmonaires ou thoraciques, la mort survient
encore, si le pus, en rapport avec l'air, subit l'altération putride. Le ma-
lade épuisé par la suppuration, empoisonné par la résorption des pro-
duits sqitiques que contient sa plèvre, succombe à la fièvre hectique.
l^tesBostio. — La pleurésie purulente n'a pas de signe pathogno-
monique , aucun de ses symptômes ne lui est absolument propre, et sa
physionomie est variable comme ses causes : aussi le diagnostic en est-il
parfois très-difficile, et de nature à embarrasser les plus expérimentés.
Tantôt les caractères de Tépanchement purulent sont manifestes, tantôt
on ne peut affirmer que Fexistencc du liquide , sans rien présumer de
sa nature; d'autres fois enfin, l'existence même de la pleurésie est
méconnue, le début a été insidieux, et toute la plèvre est prise sans
qu'aucun indice soit venu donner Téveil.
C'est vers le début de la forme aiguë que l'embarras sera le plus grand :
dans ces conditions, en effet, rien ne distingue la maladie de la pleuré-
sie simple. Ce n'est qu'en observant la marche des symptômes, en
notant que la résorption tarde «nu delà des limites habituelles , que l'on
commeneera à soupçonner la suppuration. Plus tard, il est vrai, la face
pâlira et prendra la teinte terreuse spéciale; on verra paraître cet œdème
de J« paroi costale qui permet d'affirmer, avec une presque certitude, la
purulence; mais ces signes, dont la valeur est grande, sont malheureu-
sement inconstants et tardifs.
A défaut des caractères significatifs de la suppuration, il faudra obser-
ver avec soin l'état général, et tenir grand compte des modifications qui
décèleront un empoisonnement de l'organisme. Parfois on notera une
discordance singulière entre l'état plus ou moins grave de l'économie et
le peu d'importance de lepanchement ; souvent il surviendra des fris-
ions répétés, des sueurs, une fièvre continue avec exacerbations vespé-
rales ou des accès fébriles existant seulement le soir, de Tanorexie , de
la diarrhée, un peu d'œdème des jambes.
Uétiologie devra venir en aide au diagnostic, la pleurésie suppuréc
étant presque toujours secondaire, et venant souvent compliquer cer-
taines affections bien connues, les circonstances dans lesquelles la ma-
ladie est survenue constitueront les probabilités les plus grandes en
faveur de la nature du liquide: ainsi, certaines maladies étant données,
la pleurésie qui vient les compliquer est presque à coup sûr purulente ;
il en est ainsi pour la fièvre puerpérale, la scarlatine grave, la pyohémic,
la morve, la fièvre typhoïde.
"•lis PLEURÉSIE. p. PURULENTE. — PRONOSTIC.
•
Le terrain sur lequel évolue une pleurésie est également à considé-
rer : il en est tout autrement d'une pleurésie développée chez un sujet
jeune, vigoureux et sain, ou de celle qui frappe un organisme usé par
l'âge, la misère ou les excès. L'existence de certaines diathèses et sur-
tout de la tuberculose devra être notée, bien que la pleurésie, dans ce
cas, ne soit pas nécessairement purulente.
La marche de la pleurésie a son importance pour diagnostiquer la
nature du liquide, et, si Ton en excepte les épanchements de la pyohémie
et de la fièvre puerpérale, la pleurésie purulente a presque toujours une
allure chronique. D'après Verliac, toute collection chronique devient
purulente chez l'enfant.
La pleurésie purulente peut être confondue avec les maladies à marche
chronique, et notamment avec celles qui, à la longue, amènent de h
fièvre hectique et du dépérissement. La tuberculisation étendue d'un pou-
mon, outre ces symptômes généraux, offre des signes locaux qui rendent
la méprise plus facile. Entre les troubles généraux de la tuberculose
fièvre hectique, diarrhée, cachexie, et ceux de la pleurésie suppurée, il
n'y a que des nuances insuffisantes à motiver un choix raisonné; on
trouvera |»lns de ressources dans l'examen physique : une matité très-
étendue d'un coté, avec intégrité absolue ou presque complète du pou-
mon opposé, exclura presque Tidée d'une tuberculose avec laquelle les
vibrations vocales seraient en outre normales ou exagérées, tandis qu'elles
sont faibles ou nulles dans la pleurésie.
La méprise est plus facile à éviter dans le cas de tumeurs du poumon,
de la plèvre ou du médiastin. Les symptômes communs sont la voussure
du thorax, la matité, le silence respiratoire, la broncho-égophonie, mais
les vibrations vocales sont exagérées par le fait d'une tumeur, et celk^i»
gênant la circulation centrale, amène le développement du réseaa feneux
sous-cutané; il y a quelquefois un œdème thoracique distinct par son
étendue de Tinfiltralion circonscrite de la pleurésie suppurée. Enfin,
quand le poumon ou le médiastin sont envahis par le cancer, on trouve
des masses ganglionnaires dans l'aisselle, ou d:ms le creux sus-clavicff-
laire.
Les hypertrophies du foie, et surtout les kystes de sa face convos.
amènent des déformations, de la voussure et de la matité de la basedi
thorax; il y a, dans ce point, absence du bruit vésiculaiic et des vihrt-
tions vocales; mais la limite supérieure de la matité est convexe en hiwt
dans les tumeurs du foie, concave dans le môme sens ou sinueuse du»
les collections pleurales, où elle remonte souvent très-haut, en roèaie
temps que l'on trouve du souflle et de I.i matité; dans les tumeurs à
foie, le bord cartilagineux des côtes est souvent comme rebroussé ei
dehors, circonstance qui fait défaut dans la pleurésie; enfin rélude d*
commémora'ifs, l'existence dans le passé d'un ictère, de coliques héft
tiques, le mode de début, la marche de la maladie, achèveront de (^
écarter la pleurésie. L^
ProïKMstic. — La pleurésie suppurée est d'une façon générale ud»| j^
y
PLEURESIE. p. PUROLEiNTK. TRAITEMEIIT. "219
maladie d'une extrême gravité, et, dans la intijorité des faits, elle tnc
eeox qu'elle frappe ; mais en présence des cas particuliers il convient de
tenir compte, pour établir le pronostic, de conditions multiples. La gra-
vité varie av«)c les causes de la maladie, avec Tctal général des malades,
arec leur âge. On peut espérer une terminaison favorable, lorsque la sup-
puration survient à la suite d'une pleurésie simple, ou par le fait d'un
Iraumatisme chez un enfant jeune et vigoureux. Quand elle atteint un
«vganismc débilité par Tàge, par une maladie antérieure, ou par une
diathèse, et surtout lorsqu'elle est secondaire et se montre dans le cours
de certaines maladies, la fièvre puerpérale, la pyoliérnie, certaines scar-
latines, la pleurésie purulente est à peu près constamment n^ortelle.
Tndtemeiit. — Dans la pleurésie séro-fibrineuse, dès que la plilegmn-
sie est éteinte, il est commun de voir la séreuse cesser de produire du
liquide; Tépanchement se résorbe alors spontanément ou avec Taide du
Iraitement médical ; s'il tarde à disparaître, une simple ponction le sup-
prime^ et le plus souvent sans retour. Il n'en est pas ainsi de la |)leuré-
sie suppurée : ici le kyste pseudo-pleural qui s'est substitué à la plèvre
est prêt à verser incessamment sa sécrétion pathologique, et n^a que peu
de tendance à la résorber. Moutard-Martin a cependant rapporté un cas
de pleurésie purulente guérie spontanément sans tistule et sans thoraccn-
lèse; mais c^est là une rareté, et la guérison ne peut guère être obtenue
sans que le pus ait été évacué au dehors, soit spontanément par la forma-
tion d^une listule, soit artificiellement par l'un des procédés que nous
allons indiquer. Le traitement est donc avant tout chirurgical, il com-
prend l'emploi des moyens suivants : thoracentèse simple ou accompagnée
de lavages et d'injections modificatrices; évacuation continue avec lavages
quotidiens et répétés, par l'emploi des canules à demeure, du drainage et
èi siphon de Potain ; opération de l'empyème.
Dans le cas où le malade atteint de pleurésie purulente est tubcrcu-
leuXy il faut s'abstenir de toute opération* La guérison, déjà douteuse dans
les cas simples, devient tout à fait improbable quand la pleurésie suppu-
rée compHque la tuberculose. Néanmoins Roger conseille, chez les
eofants, une conduite opposée, en faisant observer que le diagnostic posi-
tif de la tuberculose est souvent, chez l'enfant, tout à fait impossible, et
que, dans le doute, il ne faut pas laisser échapper une chance de guéri-
ion, si faible qu'elle soit.
L'ouverture spontanée de l'abcès pleural par la paroi thoracique ou
par les bronches s'accompagne, le plus ordinairement, de la pénétration
parla fistule externe ou interne de l'air, dont le contact détermine l'alté-
ration putride de l'épanchement ; il y aura avantage à prévenir la sortie
du pus, cette issue au dehors ékint d'ailleurs plus ou moins tnrdive, et à
hirela ponction aussitôt que l'on soupçonnera la suppuration. La thora-
centèse sera pratiquée avec le trocart ordinaire ou mieux à l'aide d'un
aspirateur, dans le point le plus déclive de la poitrine, de lacon à éviter
la stagnation du pus.
^ La ponction a quelquefois amené la guérison par simple évacuation du
220 PLEURÉSIE. — p. porulente. — TRAiTiiiraiT.
liquide, el des exemples de cure radicale, même à la suite d'une teoie
thoraccnthèse, ont été rapportés par Moutard-Martin , Hérard, Bourdoo,
Noèl Guéneau de Mussy et d'autres. C'est surtout dans les cas aigu et
récents que Ton arrive, par des ponctions successives, à tarir la aécrétioB.
A mesure que lo kyste revient sur lui-même, le trocart aspirateur ne m-
contre plus que des quantités de liquide de plus en plus faibles. BouduU
et G. Dieulaiby ont relaté des exemples où Tépuisement graduel de Ti-
panchement aboutissait ainsi à la guérison. Ces succès ont été sutUmI
observes chez des enfants.
Souvent, à la suite de plusieurs thoracentèses, il s'établit un trajet b
tuleux par l'un des trous d'entrée du trocart, le pus s'écoule alors peii
peu et l'on a vu cette évacuation graduelle du pus amener la guérisoa;
cet accident ne se produit que dans les ponctions pratiquées avec le tn>
cart ordinaire, on ne l'observe pas quand on emploie l'aspirateur.
Mais, comme le fait remarquer Peter, la guérison ne peut pas toujoun
être atteinte par la simple soustraction du liquide, il faut s'opposo'ia
reproduction et modifier les parois du kyste suppurant, en attendant que
Ton détermine sa cicatrisation par l'accolement des plèvres riscénie et
pariétale. Dans les cas chroniques, cette dernière condition est bien diffi-
cile à obtenir : le poumon emprisonné par les fausses membranes qoi le
brident ne peut, si elles sont épaisses et anciennes, se dilater pour s'aj^
pliquer à la paroi costale, et celle-ci n'est fias toujours asseï dépreesiUi
pour aller à la rencontre du poumon; elle ne cède guère d'une fatea
efficace que chez les jeunes sujets.
La thoracentèse simple est donc bien souvent insuffisante; pour aboi-
tir à un résultat, elle doit être réitérée pendant un temps quelquelbis
très-long, et cette sécrétion, qui se répète aussitôt la plèvre vidée ^ s'ac-
compagne de fièvre, épuise le malade. 11 importe donc de laver le kyste
suppurant et d'en modifier la surface par des injections d'eau alcoolisée,
phéniquée, ou d*une solution de teinture d'iode iodurée. Il n'est pas me
alors de voir la plourésie guérir après un petit nombre d*injectioiii
iodées. Mais souvent l'air a pénétré dans le kyste par une fistule pleure*
bronchique, le pus s'altère, et il devient nécessaire de répéter la thon-
centèse à des intervalles très-rapprochés pour éviter la stagnation da
liquide putride ; on doit revenir aux lavages plusieurs fois par jour, et,
relTet de la thoracentèse devenant insuilisant , il faut établir on des
appareils qui permettent l'écoulement continu. Mais, l'emploi de ces pro-
cédés obligeant à un traumatisme qui est loin d'être inoffensif comoM
celui de l'aspiration, il est évident qu'on n'y doit recourir que lorsque
l'état du malade est assez grave pour motiver les risques que l'on va lui
faire courir.
Canules à demeure. — Elles consistent en tubes de métal ou de
caoutchouc. Woillez a fait construire un trocart courbé sur le plat, qu'il
introduit entre deux côtes et dont la canule plonge par son extrémité à
la partie inférieure de la plèvre ; une baudruche empêche la pénétratfOQ
de l'air et sert à faire des lavages. G. Dieulafoy a imaginé un trocart (Le
PLEURÉSIE. p. PURULENTE. — TRAITEMENT. 221
^petit diamètre, dont la canule, une fois on place, est presque paral-
lèle i la paroi interne de la poitrine, et ne peut léser le poumon. Cette
eumle porte à son extrémité externe un petit disque de métal ou bou-
clier, que Ton 6xe à Taide de rubans de fil passés dans les fentes qu'il
«rie, et collés à plat sur la peau au moyen du collodion. Aussitôt le
veut retiré , on TÎsse sur la canule un ajutage à robinet qui s'adapte
l'aspirateur, on extrait alors le liquide et l'on pratique des lavages et
» injections médicamenteuses ; puis, l'ajutage étant enlevé , on ferme
tube avec un bouchon à vis ou obturateur. On peut ainsi réjjéter Taspi-
ition et les lavages aussi souvent qu'il est nécessaire
Sbutard-Martin donne la préférence aux canules en caoutchouc, aux-
ielles il trouve l'avantage de ne pas blesser le poumon, d'être bien tolé-
«5 par les tissus qu'elles traversent, sans causer aux malades de dou-
ars dans les mouvements. Pour les appliquer, on emploie un trocart
9 moyea calibre, dans la canule duquel le tube que l'on a choisi doit
isser facilement. Avant d'introduire le trocart, on glisse à la base de la
iDole un petit disque de caoutchouc percé à Temporte-pièce d*un ori-
ce central. Le trocart étant retiré, on glisse le tube de caoutchouc dans
t canule, pais on enlève celle-ci, en maintenant le tube dans la plèvre et la
laqoe de caoutchouc contre la paroi thoracique. Le tube étant alors retenu
a place par le disque de caoutchouc qui le serre légèrement, celui-ci est
xé à la peau par une petite lame de baudruche fixée avec le collodion.
Les canules métalliques et celles de caoutchouc finissent souvent par
âner pénétrer l'air, soit par la canule elle-même, soit sur ses côtés par
largissement de l'orifice d'entrée. Aran a signalé un accident difficile à
iqpliqoer et paraissant déterminé par l'emploi des canules métalliques,
'ôl le développement de péritonites surtout lorsque la canule est à
aoche.
Drainage. — C'est l'application aux abcès de la plèvre de la précieuse
létiiode vulgarisée par Chassaignac. A l'aide d'un long trocart courbe, on
éaèirei la partie la plus déclive du thorax dans un espace intercostal,
t ronfaît ressortir la pointe de l'instrument à une certaine distance, soit
iDS le même espace, soit entre deux côtes voisines. Puis, le poinçon étant
Aire et la canule laissée en place, on y mtroduit un drain, c'est-à-dire
e tube de caoutchouc, si employé en chirurgie , qui est fenêtre dans
Mie sa longueur ; le drain étant ressorti par Textrémitc de la canule, on
élire celle-ci, en maintenant en place le tube en caoutchouc , dont on
èunitles deux chefs par un fil. Le pus s'écoule alors peu à peu et cesse
le n'accumuler dans la poitrine. Le tube à drainage permet d'effectuer
les lavages, mais non sans difficultés, le liquide sortant souvent par les
cMésdutubc extérieur au thorax ; il a en outre l'inconvénient de laisser
pénétrer l'air dans la plèvre, et, s'il permet l'évacuation constante et
iMÀle du foyer, il finit souvent par être obstrué, en raison du petit diamè-
tre de ses orifices, par les particules solides qui flottent dans Tépanche-
menl. Le manuel opératoire n'est d'ailleurs pas toujours des plus aisés,
ei il est quelquefois difficile de faire ressortir la pointe du trocart.
ti22 PLEUHÉSIK. — p. purulente, — taaitbxbkt.
Siphon de Pofain, — Cet appareil, des plus ingénieux, a réalisé un
«rrnud progrès dans le traitement de la pleurésie purulente. Pour le
construire et l'appliquer, il faut introduire dans la partie déclife de
la plèvre un tube en caoutchouc de trente centimètres, dont les deu
tiers environ doivent pénétrer dans la poitrine, Le mode d'introduction
est le même que pour les canules à demeure en caoutchouc, et comme
pour celles-ci l'extrémité du tube est engagée et légèrement serrée dtm
i'oritice central, un peu étroit pour elle, d'une petite plaque de caoot-
cliouc tixée à la peau à Faide de la baudruche et du collodion. Une foii
cette canule introduite, le pus s'échappe et empêche l'air de pénétrer
dans la poitrine. On emploie alors un tube de caoutchouc bifurqué en Y,
et dont la branche impaire se termine par un petit cylindre de verre mi
peu eftilé et destiné à être introduit à frottement dans l'extrémité libn
de la canule thoracique. Chacune des deux branches paires se relie pareil*
lement, par l'intermédiaire d'un petit tube de verre, à des tuyaux de
caoutchouc longs d'un mètre environ. L*un de ces tubes plonge dans un
vase rempli du liquide destiné aux lavages et placé à une certaine hau-
teur au-dessus du lit ; l'autre descend dans un vase destiné à recevoir les
liquides qui sortent de la poitrine. Tout le système du tube en Y et de
ses deux longs ajutages ayant été préalablement rempli d'eau et fermé
à ses trois extrémités à l'aide de serres-fines, on introduit dans la canule
thoracique le tube de verre qui termine la branche impaire. Puis, U
pince qui ferme celle-ci étant enlevée, l'appareil est prêt à fonctionner,
il suflit d'ouvrir le tube inférieur, en ôtant la serre fine, pour que le pus,
sollicité par le poids de la colonne d'eau, s'écoule rapidement. Quasd
Técoulement a cessé, on ferme le tube inférieur, on ouvre le supérieur,
et le liquide destiné aux lavages se précipite dans la plèvre avec une
vitesse qui varie suivant qu'on élève plus ou moins le réservoir supé-
rieur. Pour les lavages, on emploie de l'eau tiède, purgée d'air par Tébul-
lition. Lorsque la plèvre est remplie de liquide, on ferme le tube supé?
rieur et l'on ouvre le tube d'écoulement ; après avoir répété plusieurs
fois cette manœuvre, et lorsque l'eau qui a lavé la plèvre en sort trao^
parente et limpide, on remplace, dans le réservoir supérieur, Feau par
un liquide modificateur ou antiputride : eau alcoolisée, eau phéniquée oa
teinture d'iode très-diluée; celle-ci a malheureusement l'inconvénientd'al^
téier très-vite les* appareils de caoutchouc, ce qui peut amener la rupture
et le morcellement du tube à demeure dans le thorax.
Quel (]ue soit l'appareil employé, il arrive un moment où il devient
inutile : lorsque la cavité purulenle est cicatrisée, lorsque les parois de
la poche se sont accolées, il convient d'enlever l'instrument qui a serri
aux lavages et a donné issue au pus. On reconnaîtra que la guérisonest
complète loi*sque l'orifice de la canule ou du drain ne laissera plus sortir
que quelques gouttes de pus, ou lorsque l'eau des lavages ne pénélnmi
plus qu'en minime quantité dans la poitrine et ressortira claire et sim
être troublée par le pus. Si l'appareil est retiré trop tôt, alors qu'il existe
encore une cavité, il peut se faire que l'orifice cutané se ferme provisoi-
PLtiURÉSIE. — p. PIRULENTE. TRAITEMENT. 22
II*
'»» :
i-cment et que, le pus s*acciimulant peu à peu dans la pclile poche qui
persiste, de nouveaux accidents se reproduisent. Quelles que soient les
précautions prises, il reste souvent une petite fistule qui donne à
peine quelques gouttes de pus, mais dont on ne peut débarrasser les
malades.
Moutard-Martin établissant, avec l'incontestable autorité qu'on lui con-
naît sur ces matières, la valeur comparative des diftérents modes de trai-
tement que nous venons d'indiquer, donne la préférence au siphon de
Potain, qui vide la plèvre à fond, et permet de la laver aussi complète-
ment que possible, tout en s'opposant à Tentrée de Tair. Il place ensuite
à peu près au même rang le drain de Chassaignac, qui évacue complète-
ment la plèvre, mais ouvre à l'air un libre accès et rend les lavages diffi-
ciles, et les canules métalliques ou élastiques, qui facilitent les injections,
mais ne vident pas toujours très-bien la plèvre et finissent par laisser
pénétrer l'air.
Nous avons vu, à propos de Tanatomie pathologique , qu'il est des
variétés de pleurésie purulente qui sont rebelles à tous les traitements :
ce sont les pleurésies sup|mrées multiloculaires, dans lesquelles la tho-
racentèse ouvre une ou plusieurs loges, sans que la communication soit
facile entre les divers compartiments, de sorte que les lavages n'ont (ju^un
effet incomplet et ne sauraient empêcher Taltération putride du piis dans
les cavités soustraites à son action.
L'emploi de la thoracentèse et des appareils à écoulement contiim
est d'ordinaire suivi d'une amélioration persistante ou passagère : l'état
général s'amende rapidement, les sueurs nocturnes disparaissent, Pappé-
tii renaît, la diarrhée cesse, la lièvre tombe, le pus, s'il étiit fétide, sort
inodore, il diminue d'abondance et devient plus fluide. Si la modifica-
tion favorable se maintient, la guérison survient, et après un délai quel-
quefois IrÂs-long la suppuration se tarit, le kyste pleural est revenu sur
lui-même et la plaie extérieure se ferme ou laisse une fistule qui fournit
à peine quelques gouttes de pus.
Mail, trop souvent, cette amélioration est éphémère, et tous les traite-
ments que nous avons passés en revue sont rendus inutiles par la com-
position du liquide qui, nous le savons, n'est pas homogène et constitué
exclusivement par du pus, mais tient en suspension des flocons tibrineux,
des lambeaux de pseudo-membranes, des hydatides, parfois même des
paquets gangreneux dus au sphacèle des couches superficielles du pou-
mon. Ces débris infiltrés de pus pouvant, nous l'avons vu, se putréfier
et amener des accidents d'infection putride, il importe de leur ouvrir une
bsue qu'ils ne peuvent se frayer à travers des tubes plus ou moins étroits,
lors donc que, malgré l'emploi des canules à demeure, du drainage, du
siphon de Potain, on verra se reproduire des symptômes fâcheux de putri-
dite» lorsque le pus, redevenu fétide, sortira chargé de grumeaux, de
<iélritus plus ou moins volumineux, ou bien lorsque, par un inconvénient
Commun à ces divers appareils, ils seront obstrués par les produits plas-
tiques qui nagent dans le pus, et, refusant tout service, exposeront le
224 PLEURÉSIE. — p. porulente. — tràitbmeut.
malade aux graves accidents de la résorption putride, il faudra sooffer
alors à pratiquer rempyème.
Empyème. — L'opération de l'empyènrie consiste à faire entro deu
côtesy à la partie inférieure de la poitrine, une large ouverture qui per*
mette au contenu de la plèvre de s'échapper facilement, et aux iojee-
tions modilicatrices ou antiputrides d'être aisément faites et réfè\ia
à volonté. Moutard-Martin, qui a tiré de ce mode de traitement des résul-
tats remarquables, conseille de pratiquer l'opération comme il suit : on
choisit l'espace intercostal sur lequel portera l'incision , c'est générale-
ment le huitième, mais il n'y a là rien d'absolu, et on ne peut être fixé qm
par l'examen du malade, d'après la forme de la poitrine et la directm
plus ou moins oblique des côtes. On trace à l'encre, suivant le bord sup^
rieur de la côte, une ligne longue d'environ six centimètres et dépassânl
en arrière la ligne axillaire postérieure , puis ou attire la peau un pei
en haut, et on l'incise à trois ou quatre millimètres au-dessous du trait
marqué. Ce relèvement de la peau a pour but de rendre l'incisioo cuta-
née un peu déclive par rapport à la plaie des parties profondes, de façon
que les liquides venant de la plèvre n'aient pas de tendance à s'infil-
trer dans le tissu cellulaire sous-cutané. On sectionne ensuite les parties
molles jusqu'à la côte, puis, faisant glisser le bistouri à plat sur son bord
supérieur, on incise les parties profondes jusqu'à la plèvre, après avoir
introduit dans la plaie Tindex gauche qui doit guider Tinslrument, le
débridement de la plèvre ne devant être opéré qu'après qu*on a bico
reconnu avec le doigt dans quel sens on peut le diriger sans courir de
risques de léser un organe profond. On devra prendre soin de donner
plus d'étendue à la plaie extérieure qu'à l'incision profonde, de telle sorte
que, la section allant en s'évasant du fond à la surface, l'air ne puisses'in-
fdtrer dans les tissus par le fait des mouvements respiratoires. Une fois
la plèvre incisée, le pus s'écoule; on fait alors des lavages à grande eau,
pour enlever ce qui peut rester de pus. La plaie doit être maintenue
béante, à l'aide d'une lame mince de caoutchouc découpée en lanières et
mtroduite dans la plaie, pendant que l'extrémité libre est collée à la peau
avec de la bautiruche. Toute tentative pour s'opposer à l'entrée de l'air
est vaine et va à l'encontre du but que l'on se propose, de laver aisément
la plèvre et de laisser une grande facilité à l'issue du pus.
Pour faire les lavages , Moutard-Martin fait coucher le malade sur le
coté sain, et après avoir mis en place la canule thoracique du siphon de
Potain, appareil au(|uel il donne ajuste titre la préférence, il remplit h
plèvre d'eau légèrement iodée, qu'il évacue ensuite par la branche infé-
rieure du siphon. Ce système a l'avantage de mettre toute la surfaoe
malade en contact avec le liquide modificateur, et de ne pas agir avec
violence, ce qui romprait les adhérences.
A l'aide de cette opération combinée avec l'emploi du siphon dePotain,^
Moutard-Martin a obtenu douze guérisons sur dix-sept cas. Des cin(|
malades qui succombèrent, l'un avait des cavernes, un autre était suspect
de tuberculose, un troisième avait une pleurésie à plusieurs loges, doti|
PLEURÉSIE. — TBAITBMENT. 225
les lavages ne pouvaient modifier qu'un petit nombre, le pus s'altéraut
dans les autres et amenant Tinfection putride. Il convient d'ajouter que
la proportion des guérisons n'est pas toujours aussi considérable, et que»
depuis la publication de Texcellent travail du médecin de l'Ilôtel-Dicu»
on a rapporté un certain nombre de cas de mort.
L'opération de l'empyème est souvent préférable à tous les autres pro-
cédés, non-seulement, à cause de l'issue continuelle du pus, de la faci-
lité des injections et des lavages, mais surtout parce que seule elle permet
la sortie de tous les produits solides contenus dans la cavité pleurale,
quels qu'en soient le volume et la nature.
La gaérison de la pleurésie purulente est souvent très-longue à se pro-
duire k la suite de l'empyème ; après l'opération, il survient d'ordinaire
une amélioration marquée, puis la suppuration reprend de l'odeur, des
signes d'infection putride surviennent ; mais sous l'influence de lavages
plus multipliés, d'une alimentation plus réparatrice, les accidents tom-
bent: peu à peu la cavité pleurale diminue de capacité, ce que l'on recon-
naît à la quantité de liquide de moins en moins grande qu'elle admet
lors des lavages ; puis au bout d'un temps assez long, variant de quel-
ques semaines à plusieurs mois, la cavité se comble complètement, les
iniections ne pénètrent plus et, dans l'intervalle des pansements, il
s'écoule seulement quelques gouttes d'un liquide à peine louche. Quel-
quefois la guérison du kyste pleural est semée d*épisodes inquiétants, et
d'alternatives où l'on voit reparaître les symptômes de putridité. Comme à
la suite des autres opérations, on voit ici des fistules persister après la gué-
rison, et résister à tous les efforts du médecin. Enfin, dans un certain nom-
bre de eaSy la suppuration est intarissable, le kyste n'a aucune tendance
à la cicatrisation et les malades meurent épuisés par la fièvre hectique.
Malgré ses avantages, Tempyème impose aux malades une opération
grave à laquelle il ne faudra jamais recourir que lorsque des accidents
sérieux mettront la vie en danger : il sera donc sage de n'en venir à cette
extrémité qu'après avoir essayé des procédés exigeant un traumatisme
moindre : la thoracentèse avec injections, le trocart de Dieulafoy, le
siphon de Potain (Voy. art. Poitrine, thoracentèse).
^ Le traitement médical n'a, dans la guérison de la pleurésie suppurée,
^p'onc influence secondaire qu'il sera bon, néanmoins, de ne pas négli-
* ^. Les malades chez lesquels on est amené à pratiquer l'ouverture de
'^ ' la plèvre sont souvent dans un état de cachexie et de dépérissement
'P* «8861 marqués; on devra faire appel à tous les agents thérapeutiques de
' 'l sature à relever les forces et à favoriser l'effort qui s'opère vei^s la guéri-
^^^ ^OD : alimentation réparatrice et de facile digestion, viande crue, vin pur
'"^^ ^alcool en petite quantité, quinquina, arséniate de soude, etc. Duboué
p C^Pau) a conseillé l'usage du tannin à haute dose, dont il aurait éprouvé
/^es bom résultats pour tarir la suppuration. La diarrhée, si elle se pro-
^^^t, devra être combattue par les agents spéciaux qu'elle indique ; mais
:,^vent cette diarrhée est liée à l'odeur fétide du pus : elle est un symp-
' ' ^ine de putridité et elle disparait quand le pus cesse de s'altérer.
■ocT. Mcr. Ni». R cm. IXYUI — 15
226 PLEURÉSIE. — p. hémorrhagique. — causes. PÂTHOcâiiB
On fera bien, comme le Fecommande Moutard-Martio, de multiplier
les lavages, dont l'insufGsance est souvent la seule cause des échecs, et de
placer les malades de façon que Touverture pleurale soit à la partie b
plus déclive, ce qui rendra l'écoulement facile.
Pleurésie hémorrhagique. — L'épanchement de la pleurésie simple est
chargé, nous l'avons vu, d'un grand nombre de leucocytes, il contient
aussi une quantité considérable de globules rouges, et ces demien ae
font pas plus la pleurésie hémorrhagique que les premiers ne conrti-
tuent la pleurésie purulente. Dans la pleurésie. franche, le liquide potf
renfermer de 600 à 5 ou 4,000 globules rouges sans que sa coloratioi
en soit troublée ; le liquide est alors histologiquement hémorrhagique,
comme l'appelle G. Dieulafoy, et pour lui cette richesse de l'épanché*
ment en globules rouges constituerait une phase spéciale de la pleurésie
qui doit devenir purulente, phase analogue à la période d'engouement,
de congestion, de la pneumonie et des autres phlegmasies.
Pour qu'un épanchement mérite la qualification d'hémorrhagîque il
faut qu'il renferme des hématies en telle proportion que la coloration
rosée ou rouge du liquide en trahisse la présence.
Causes, pathos^énie. — Sous rinflucnce des idées de Trousseau et
de Barth, on est accoutumé à considérer la pleurésie hémorrhagique
comme étant presque toujoui^s d'origine cancéreuse ; il est certain que
Yhémoihorax est fréquemment lié au cancer du poumon et de la pierre,
mais il y a une grande exagération à regarder les deux termes comme
synonymes. D'une pnrt, en effet, un bon nombre de pleurésies hémor-
rhngiques ne relèvent pas du cancer, et d'ailleurs l'épanchement dû au
cancer est loin d'être toujours hémorrhagique.
La pleurésie hémorrhagique peut être simple et indépendante d'une
affection organique, l'hcmorrhagie est alors purement la conséqueDoe de
la phleginasic ; elle peut être liée à la tuberculose miliairc pleuro-pulmo-
nairc, au cancer du poumon ou de la plèvre ; on l'observe encore, mail
plus rarement dans les fièvres graves, dans la rougeole, le purpura, le
scorbut, et enfin dans certaines affections dyscrasiques dues à des lésions
rénales, hépatiques, ou même spléniques. L'épanchement hématique est
fréquent lorsque la phlegmasie est la conséquence d'un traumatisme;
enfin le liquide devient sanglant à la suite d'une aspiration trop éner-
Quand l'hémothorax est simple il est tantôt lié à la pleurésie séro4ibri-
neuse commune, et tantôt résulte de la présence des néomembraoes.
Dans le premier cas, Théniorrhagie est due à la violence du processus
phleginasique : les petits vaisseaux de la plèvre subissent une dilatatioa
anormale, la poussée fluxionnaire peut être assez forte pour les rompre,
il en résulte une hémorrhagic plus ou moins abondante; celle-ci alieii
soit par rupture des vaisseaux de la plèvre, soit par diapédése ; elle est
contemporaine de l'exsudation fibrineuse et due à l'intensité de la pUeg-
masie qui l'a produite.
jL'ciutrc forme d'hémothorax inflammatoire simple est analogue pour le
■■A.-J
21
PLEURESIE. — p. UéMORRHAGIQUE. — DIAGNOSTIC. PRONOSTIC. 227
mécanisme à la pachyméningite, à la péricardite et à la péritonite hé-
morrfaagique, à ï'hématocèle de la vaginale; c'est un véritable héma-
tome pleural ou pleurésie néo-membraneu«e. La pseudo-membrane fibri-
neuse est envahie à une période plus ou moins avancée de la maladie
par le tissu embryonnaire, qui forme bientôt des néomembranes orga-
nisées et parcourues par des vaisseaux nouveaux à parois minces et
fragiles. La persistance de l'inflammation ou de nouvelles poussées
phlegmasiques peuvent congestionner ces vaisseaux et en provoquer la
rupture : il se produit alors dans le kyste néo-membraneux une hé-
morrhagie exactement semblable par son mécanisme à l'hématome de
la dure-mère. L'épanchement sanguin offre de nombreuses variétés de
couleur et de quantité : ordinairement il est rougcàtre, quelquefois san-
glant, contenant ou non des caillots ; il peut être assez abondant, et Ton
a pu extraire par la ponction jusqu'à 4 litres de liquide scro-fibrineux
inflammatoire, ou purement séro-sanguin.
L'hémothorax peut accompagner la pleurésie tuberculeuse. D'après les
recherches de R. Moutard-Martin, c'est seulement dans la tuberculose
miliaire pulmonaire ou pleuro-pulmonairc que l'on rencontre un épan-
cheraeot hémorrhagique. Les granulations tuberculeuses siègent soit dans
la plèvre elle-même, soit dans le parenchyme du poumon au voisinage
de la surface, soit entin, et c'est là leur disposition la plus fréquente,
dans Tépaisseur des fausses membranes organisées dues à l'inflammation
pleurale ; c'est la rupture de leurs vaisseaux qui fait suinter le sang dans
la cavité pleurale. L'épanchement, de teinte plus ou moins foncée, est
ici peu abondant, il dépasse rarement un litre.
Dans l'hémothorax cancéreux le snng peut être versé par les vaisseaux
de produits inflammatoires développés sur la plèvre au voisinage du
néoplasme, mais il peut venir aussi soit des vaisseaux de la tumeur elle-
même, soit de ceux que le produit nouveau rencontre dans sa marche, et
dont il détermine l'ulcération. Le premier cas seulement constitue la
pleurésie hémorrhagique cancéreuse. Le siège primitif du cancer est ra-
rement dans la plèvre, quelquefois il est dans le poumon, mais il est
bien plus commun que ce dernier organe ne soit pris que secondaire-
ment, souvent le point de départ du mal est dans les ganglions du
, nédiastin. R. Moutard-Martin signale la disposition multiloculaire des
fausses membranes qui accompagnent la pleurésie cancéreuse.
^^ La présence du sang dans le liquide pleurétique extrait par la thora-
^l^ cenkèse peut être encore due à une aspiration trop rapide et trop complète ;
^r ^ arrive alors que les vaisseaux des fausses membranes se rompent soit
]U' P^^ une expansion trop brusque du poumon déchirant les néomem-
xii Crânes qui le brident, soit par un afflux trop précipité du sang dans les
Cl ^aisseaux longtemps comprimés, lors de la disparition subite de l'épan-
t: ornent.
j [■ Diaipiostic. Pronostic. — La pleurésie hémorrhagique, quelle qu'en
^it l'origine, n'a pas de symptômes spéciaux; une fois l'épanchcmcnt con«
j^ ^té, à l'aide des signes physiques ordinaires, on n'a aucun moyen d'en
228 PLEURÉSIE. — p. hémorbhagiqvb. — diagnostic. pROHotnc.
reconnaître la nature. Tout au plus pourrait-on soupçonner que le liquide
est hématique, s'il existait des signes de tuberculose miliaire, pleuro-pnl-
monaire, ou des symptômes de tumeur cancéreuse thoracique, et qu'en
même temps on trouvât à l'auscultation le signe de Baccelli indiquant
que le liquide n'est pas purement séreux. Dans le cas de cancer pleuro-
pulmonaire, on n'aurait encore qu'une présomption sur l'existence d'un
épanchement hémorrhagique, car les recherches de R. Moutard-Martin
établissent que dans le cancer thoracique l'épanchement, qui n'existe
que trois fois sur huit, n'est hémorrhagique qu'une fois sur trois.
Presque toujours il en faudrsr venir à la thoracentèse pour être éclairé sur
la nature du liquide. Lorsque la ponction ne sera pas simplement explo-
ratrice, mais imposée par l'abondance de l'épanchement, on sera prcsqiiè
en droit d'exclure Thypothèse d'une tuberculose, le liquide étantdansce
cas rarement assez copieux pour exiger la thoracentèse. L'examen bisioio-
giqiie de l'épanchement pourra, dans quelques cas, fixer le diagnostic en
établissant la présence d'éléments qui permettront d'affirmer l'origine
cancéreuse du liquide.
L'épanchement hémorrhagique étant donné, le diagnostic se réduira à
en connaître la cause : on devra songer d'abord au cancer dont il faudra
chercher la trace dans les antécédents héréditaires et personnels du ma-
lade. On reviendra sur l'examen de la poitrine, qui apprendra, il est vrai,
peu de choses, lorsque le néoplasme existera à l'état d'infiltration, mais,
s'il est sous forme de masses, où s*il s'agit d*une tumeur du médiastin,
on pourra constater des signes de compression intra-thoracique dus a
la présence d'une tumeur, et une adénopathie bronchique qui se répétera
pour les ganglions sus-claviculaires. Un œdème de la paroi thoracique
plus étendu que celui de la pleurésie purulente, dû à la gène de h cir-
culation veineuse et limité à la partie sus-diaphragmatique du corps; la
dyspnée et le cornage par compression des bronches ou de la trachée; la
toux coqueluchoïde ou une névralgie intercostale fixe et opiniâtre par
compression des cordons nerveux, auront encore une grande signification
au point de vue du cancer ; enfin la phlegmatia et les signes de la ca-
chexie cancéreuse ne laisseront aucun doute. Ajoutons que, en pareil cas,
la thomc.entèse, après avoir évacué un épanchement souvent très-abondant,
n'apporte aucun soulagement, ne modifie en rien les symptômes, et que
la plèvre se remplit rapidement.
La pleurésie hémorrhagique simple, bien moins rare que l'hémothorax
tuberculeux, est la seule que Ton ait intérêt à distinguer promptement de
la pleurésie cancéreuse. Le diagnostic est aisé, d'ordinaire la pleurésie
hémorrhagique simple a débuté par une pleurésie franche, sans antécé-
dents d'aucun genre; la ponction modifie rapidement les signes locaux et
le liquide ne se reproduit pas.
On reconnaîtra la pleurésie tuberculeuse à la minime- quantité du li-
quide et aux signes insidieux de la tuberculose miliaire pleuro-pulmo- i^
nairc. |£
Le pronostic de la pleurésie hémorrhagique est subordonné à la lésion
PLEURÉSIE. — p. CHRONIQUE. — ÉTIOLOGIE. ANATOXIB PATHOLOGIQUE. 229
qui lui a donné naissance ; absolument grave dans les pleurésies cancé-
reuse et tuberculeuse, il est en général favorable dans la pleurésie hémor-
rhagique simple pour laquelle la première ponction est d'ordinaire cura-
trice. Nous avons vu quelle valeur G. Dieulafoy accorde à la pleurésie
histologiquement hémorrhdgiquey qui serait toujours destinée à devenir
purulente ; il n'en est pas de même de la pleurésie franchement hémorrha-
gique qui, alors même qu'elle ne guérit pas dès la première ponction et en
exige plusieurs, persiste à l'état hémorrhagique et ne passe pas à la suppu-
ration. Cependant nous avons observé à rUôpital Temporaire un cas de
pleurésie hémorrhagique simple, dans lequel l'épanchement assez abon-
dant et composé de sang presque pur résista à plusieurs thorncenlèses
après chacune desquelles il se reproduisit en se modifiant graduellement,
jusqu'à devenir franchement purulent. G. Dieulafoy a cité deux faits ana-
logues, mais ce sont là des exceptions, et d'ordinaire la pleurésie hémor-
rhagique simple se termine rapidement par la guérison.
Pleubésib chronique. — Lorsque la durée de la pleurésie dépasse six
semaines ou deux mois sans tendance à la guérison, ou lorsque, dès
le début, sa marche est lente et silencieuse, la maladie est chronique.
Elle peut succéder à la forme aiguë franche, ou être d'emblée chro-
nique; elle peut être primitive ou simple, ou bien secondaire et diathé-
siqae.
Étiolo§^ie« — Les causes de la pleurésie chronique simple sont celles
de la pleurésie franche auxquelles se joint l'influence de l'état général; il
but un certain degré de vigueur pour résoudre une phlegmasie : chez les
sujets de constitution originairement débile, ou qui momentanément sont
alfaiblis, chez les anémiques, les alcooliques, l'inflammation séreuse,
n'ayant pas la même acuité que chez les individus sains, passera facile-
ment à l'état chronique ; un traitement irrationnel ou trop peu énergique
aura le même effet.
Quant à la pleurésie secondaire, souvent chronique dès son début, elle
est d'ordinaire liée à quelque diathèse, à la scrofule et surtout à la tuber^
culose; « une maladie chronique d'emblée », dit Peter, « est une maladie
constitutionnelle ». La pleurésie chronique est donc, le plus souvent, une
maladie en quelque sorte diathésique chez des individus entachés de
dispositions morbides innées ou acquises.
La maladie peut tenir aussi à une lésion locale, soit des parois thora*
tiques (carie costale, tumeurs du sein), soit du poumon (cancer, tuber-
culose, etc.).
inatomie patholog^ique. — Les détails dans lesquels nous sommes
entré à propos des lésions de la pleurésie purulente nous permettront
de passer rapidement sur les caractères nécroscopiques de la pleurésie
chronique.
Ces lésions sont très-analogues à celles de la pleurésie aiguë, mais avec
un développement bien plus marque. Les néomembranes dues à la proli-
fératioQ des éléments conjonctifs de la plèvre sont épaisses, denees, ré-
antes et fortement organisées; elles prennent un aspect fibreux, et
250 PLEURÉSIE. — p. chroniqub. — anâtomib pathologique.
peuvent même s'infiltrer de sels calcaires . et former des plaques osn-
formes. Le travail inflammatoire peut se propager de la plèvre costale au
périoste sous-jacent, il en résulte la formation à la face interne de la
côte, entre le périoste et l'os, d'une concrétion osseuse, sorte de eôte
surajoutée, concentrique à la première, et qui donne à la section de l'os
une figure triangulaire (Parise). En se réunissant d'une face à l'autre, les
néomembranes peuvent former des adhérences plus ou moins étendues,
ou des brides allant du poumon à la paroi costale.
Les fausses membranes, adhérentes à la paroi ou libres dans le liquide,
sont assez semblables à celles de la pleurésie aiguë, mais plus épaisses,
disposées souvent sous forme de couches stratifiées d'âges différents; elles
sont devenues très-résistantes, fibroïdes ou même cartilagineuses. Elles
peuvent revêtir toute la plèvre en formant une sorte de sac ou de cavité
close incluse dans la séreuse : c'est le kyste pseudo-pleural bien décrit
par Oulmont. Ce kyste, souvent très- épais, isole complètement l'épan-
cheroent, ce qui implique Tinanité des moyens employés pour activer la
résorption, celle-ci étant diminuée, sinon complètement supprimée par
l'épais revêtement pseudo-membraneux qui couvre la plèvre.
Dans la pleurésie tuberculeuse, les adhérences du poumon aux plèvres
sont communes. Elles sont denses, serrées, résistantes, et sont d'autant
plus dures et solides que le point du poumon auquel elles répondent est
plus altéré; au sommet, on ne peut extraire le lobe supQrieur que par
lambeaux. Les fausses membranes dans les quatre cinquièmes des autopsies
sont infiltrées de tubercules rarement à l'état de granulations miliaires,
mais sous forme de plaques caséiformes.
Le liquide épanché peut être limpide et citrin, plus souvent il est troublé
par la présence de flocons fibrincux et de globules de pus. Il peut être
épais, jaune verdàtre, entièrement purulent ou bien d'une couleur plus
ou moins foncée due à la présence du sang. Quelquefois les parties les
plus fluides de l'épanchement peuvent être résorbées, l'exsudat prend
alors un aspect caséeux. Les flocons pseudo-membraneux et les leucocytes
flottant dans répanchcment peuvent, quoique rarement, subir la méta-
morphose granulo-graisscuse et former avec le liquide une sorte d'émnl-
sion reprise par les lymphatiques (N. Gucneau de Mussy). Quelquefois
le kyste, revenu sur lui-même, constitue une sorte de long tube cartila-
gineux à contenu caséilorme et concret.
Le poumon, refoulé et condensé, est réduit à un petit volume : il peut
avoir à peine un à deux centimètres d^épaisseur. Son tissu dense, rou-
geâtre, camifié, ne crépite plus et rappelle l'état fœtal ; il peut être sain,
mais très-souvent il est criblé de tubercules plus ou moins avancés. Coiffé
par des fausses membranes épaisses, il est comprimé contre le médiastin
ou le rachis, et repoussé vers la partie supérieure de la poitrine. Débar-
rassé des fausses membranes qui le brident, il ne reprend plus par Tin-
sufflation son volume initial.
Comme nous le verrons plus loin, lorsque le liquide s'est résorbé en
partie, la paroi thoracique subit des déformations caractéristiques.
PLEURÉSIE. — p. CHRONIQUE. — SYMPTÔMES. 231
La pleurésie chronique est très-souvent partielle, et limitée aux parties
dcclives; elle peut être sèche même dans la forme simple, mais bien
plus fréquemment chez les tuberculeux; alors aussi elle est partielle,
mais localisée au voisinage du sommet.
Sjflaptômc». — La pleurésie chronique peut commencer par l'état
aigo dont elle est un mode de terminaison, ou bien être primitivement
chronique; ces deux formes ne diffèrent qu'au début, une fois l'épan-
chement formé, elles se confondent dans une symptomatologie commune.
Lorsque la pleurésie aiguë aboutit à l'état chronique, la transition est
quelquefois marquée par la disparition complète de la fièvre et de la dou-
leur avec persistance des signes physiques ; mais souvent elle est difficile
à saisir, et l'on ne peut s'aider, pour juger le début de l'état chronique,
de la durée de la maladie, une pleurésie aiguë pouvant devenir chro-
nique après quinze ou vingt jours; dans tous les cas, une durée de six se-
maines ou deux mois implique la chronicité.
Dans la forme chronique d'emblée, le début est très-insidieux, et ce
D'est qu'au bout d*un temps souvent fort long qu'elle se caractérise. 11
n'existe pas de douleur de côté, mais une simple sensation de gêne ; la
fièvre est nulle ou ne parait que vers le soir; la toux est rare et sèche;
ladppnée à peine marquée au repos ne s'accuse que dans les mouvements
TÎolents, elle ne devient notable que lorsque Tépanchement se développe.
Cet état de simple malaise, qui contraste avec la gravité de l'affection,
peut se prolonger durant des semaines et même au delà. Les signes phy-
siques établissent alors la présence d'un épanchement peu abondant de la
plèvre.
Quel que soit le mode de début, à yn moment donné les symptômes
sootles mêmes; ils sont surtout en rapport avec l'existence d'un cpan-
ciiement considérable.
Les signes physiques sont ceux de la pleurésie aiguë : néanmoins le
souffle tubaire et les bruits pseudo-cavitaircs, souffle caverneux ou ampho-
rique, gargouillement, sont plus fréquents dans la forme chronique
qui détermine la condensation graduelle du poumon et le refoulement
de son tissu sur les gros tuyaux bronchiques. L'égophonie est ici beau-
coap plus rare que dans la pleurésie commune; exceptionnelle au début,
elle est absolument inconnue dans la période de retour. L'épanchement,
souvent si considérable dans la pleurésie chronique, entraîne le dé-
placement des viscères, du foie, du cœur, de la rate et même de l'esto-
mac. Il y a alors dilatation de la poitrine d un côté, et écartement des
espaces intercostaux.
Lorsque la pleurésie est sèche, elle est caractérisée par des frottements
râpeux le plus souvent limites au sommet.
La marche de la maladie est lente, souvent semée d'exacerbations avec
accroissement du liquide; celles-ci indiquent un état plus aigu, et parfois
à la suite de ces poussées inflammatoires survient une amélioration.
La durée de la pleurésie chronique est illimitée : elle peut n'être que
de trois ou quatre mois, ou se prolonger pendant six mois, un an et plus.
232 PLEVRËSIE. — p. chronique secondaire.
C'est surtout dans les cas d'épanchement séreux que la maladie dure très-
longtemps.
La pleurésie chronique aboutit à la guérison, ou se termine par la mort.
Lorsque la maladie doit guérir, l'état général s'améliore longtemps
avant que les signes physiques en disent rien. Bientôt lamatiié diminue
d'étendue et d'intensité, l'expansion pulmonaire revient un peu, mais le
poumon ne reprend jamais son volume primitif; le thorax dilaté ne réduit
peu à peu, la paroi suivant le retrait du liquide. Cette modification n^est
pas toujours sensible à la simple vue, et l'on fera bien de pratiquer b
mensuration ; l'emploi du ruban métrique fera suivre avec précision h
marche du liquide et permettra d'éviter une ponction inutile, à une pé-
riode où, le liquide étant résorbé, des fausses membranes épaisses don-
neraient encore de la matité et laisseraient croire à la persistance di
l'épanchement.
La guérison complète se fait attendre très- longtemps : elle n'est obteoue
qu'au prix d'un rétrécissement du côté malade; il peut y avoir ainsi une
différence de quatre ou cinq centimètres d'un côté à l'autre. L'épaule do
côté atteint est abaissée, le mamelon est situé plus bas et le côté ma-
lade plus court que le côté sain. Le rachis finit par décrire une courbure
dont la concavité est tournée vers la lésion, et les malades semblent s'in-
cliner de ce côté, ce qui donne à leur allure quelque chose de la claudi-
cation. A un degré moindre, le rétrécissement est partiel et borné a li
partie inférieure du thorax.
La terminaison favorable peut succéder à l'établissement d'une fistnie
pleuro-bronchique ou pleuro-cutanéc, ce qui est commun dans la pleu-
résie chronique à épanchement purulent. ,
Longtemps même après la disparition de l'épanchement, la respiration
reste incomplète; le côté malade conserve toujours une élasticité moindre,
de la matité et de la faiblesse du murmure respiratoire. Les malades ne
retrouvent jamais leur état primitif; ne respirant presque qu'avec un
seul poumon , ils conservent une tendance à la dyspnée et s'essoufflentan
moindre mouvement.
Quand Tissue est fatale, elle arrive lentement; elle est annoncée par
un dépérissement graduel, la fièvre hectique, la pâleur, l'œdème qui, des
parois costales, gagne le reste du corps ; il y a des sueurs, de la perte de
l'appétit et des forces, une diarrhée fétide et l'état cachectique. Souvent
une double perforation pulmonaire et thoraciquc, en entraînant l'altéra-
tion putride du contenu de la plèvre, donne le signal de ces fâcheux acci-
dents, qui n'arrivent guère que dans la forme purulente. La mort peut
être due encore, dans les cas surtout où Tépanchement est séreux et
très-abondant, à une suffocation brusque, à une syncope, tous accidents
que nous avons indiqués dans la pleurésie aiguë.
Pleurésie cimoNiQUE secondaire. — Nous avons vu qu'elle peut tenir
à des lésions locales des parois thoraciques ou du poumon, mais dans h
grande majorité des cas elle dépend de la tuberculose ; les symptômes da
cette variété sont les mêmes que ceux de la pleurésie chronique simple,
PLEURÉSIE. — p. CHRONIQUE SECONDAIRE. 233
mais ils empruntent souvent une physionomie spéciale au développement
simultané de laphtliisie, à Tétude de laquelle ils se rattachent (Foy. Phthisie
puuiOMAiRE, t. XXVII, p. 215). Nous nous bornerons à passer ici en revue
les différentes formes de pleurésie qui sont liées à la tuberculose; ce
sont : 1* la pleurésie sèche ^ qui siège d'ordinaire au sommet ; elle est
due à de petites phlegmasies partielles déterminées par Tapparition de
granulations sur la membrane séreuse. Ces poussées s'accompagnent de
la formation de fausses membranes et d'adhérences; elles donnent lieu
à des douleurs thoraciques spontanées ou provoquées. Toutefois, lorsque
les fausses membranes qu'elle développe sont très-épaisses, la pleurésie
sèche peut donner un peu d'obscurité du son de percussion, mais on la
reconnaît surtout par les craquements secs et les frottements que per-
çoit Foreille. L'existence d'une pleurésie sèche du sommet est très-
signîGcative : elle indique d'une façon presque certaine la présence de
tubercules pulmonaires.
2* Tuberculose pleurale. Le développement de granulations tubercu-
leuses sur les plèvres peut être aigu ou chronique. Dans le premier cas,
la détermination pleurale est une des manifestations de la phthisie aiguë;
elle est souvent accompagnée de tuberculose séreuse généralisée. Elle peut
être sèche, mais, le plus souvent, elle provoque la formation d'un épanche-
ment, et, comme la poussée granulique, atteint les deux plèvres, l'épan-
chement est double. En même temps on observe des manifestations abdo-
minales. Le diagnostic de cette forme de pleurésie est facile : dissémination
des lésions, 6èvre rémittente avec oscillations très-marquées de la courbe
thermique, état typhoïde, etc. (Voy. Phthisie aiguë, t. XXVIl, p. 321.)
Lorsque la tuberculose pleurale est chronique, les granulations ont leur
évolution ordinaire, elles se développent sur les plèvres et plus souvent en-
core sur les néomembrancs, où on les trouve sous forme de plaques, de
masses caséeuses. L'épanchcmcnt est tantôt séreux, tantôt il est séro-puru-
lent; la nature purulente du liquide est d'ailleurs loin d*étre aussi inti-
mement liée qu'on l'avait cru à la tuberculose, et il est fréquent de trouver
à rautopsie un épanchement purement séreux chez des sujets morts avec
^ une pleurésie, à une période avancée de la phthisie, tandis que dans cer-
^ tains cas de pleurésie purulente on ne trouve pas traces de tubercules.
^ Souvent l'épanchement est double et prend alors une valeun diagnostique
^ iorlaquelle Louis a beaucoup insisté : sur cent cinquante pleurétiques,
1 ^ il n^avait tu d'épanchemenis doubles, en dehors du rhumatisme, que
^ dans la gangrène ou dans la tuberculose. L'apparition d'un épanche-
^ ^ent double chez un sujet sain en apparence est donc une présomption
^^ de tuberculose.
^^ 3* Pleurésies accidentelles. Il est enfin une dernière variété de pleu-
''ésics liées à la phymatose, ce sont celles qui se produisent accidentelle-*
IJ ■ ïïicnl chez un tuberculeux ou chez un sujet que ses antécédents héréditaires
tae
exposent à le devenir. Il est probable qu'il faut singulièrement restreindre
Je nombre de ces pleurésies, qui seraient purement fortuites et n'auraient
Pas pour origine une lésion antérieure de la plèvre. Nous croyons, avec
234 PLEURÉSIE. — p. chrokique secondaire. — tràitemeh t. — bibuogramiie.
Hcrard et Cornil, que dans la majorité des cas les pleurésies qui se moo-
treut chez les tuberculeux sont dues au développement des granulationt
dans la plèvre. Dans les cas où une pleurésie développée chez un sujet saia
en apparence a été suivie à plus ou moins longue échéance de Tapparitioa
des symptômes de la phthisic pulmonaire, on a souvent accusé rafTectioo
pleurale d'avoir provoqué l'éclosion des tubercules dans le poumon ; c'était
l'opinion de Trousseau et celle de Grisolle. Il est probable que la lésîoQ
suit une marche inverse; il y a d'abord des granulations limitées à la
plèvre qui déterminent une pleurésie qui peut guérir et reparaître à pia*
sieurs reprises; tant que les tubercules sont limités à la séreuse, la saiiii
peut se maintenir, et ce n'est que lorsque les lésions spécifiques enva-
hissent le poumon que Ton reconnaît la tuberculose. La marche dei
pleurésies accidentelles chez les tuberculeux est chronique ou subaiguê,
Tépanchement est quelquefois purulent ou séro-purulent, bien souveal
aussi il est séreux.
Aran avait supposé que la pleurésie droite était plus spécialement en
rapport avec le développement de la phthisie, et qu'un épanchement i
droite était un fâcheux indice et une menace pour l'avenir. L'expérience
basée sur un grand nombre d'observations n'a pas confirmé ces idées, qui
étaient sans doute l'effet d'une généralisation trop prompte, et Ton voit
indifféremment des pleurésies droites ou gauches arriver à la guérison,
ou être suivies de symptômes de tuberculose.
Traitement. — Lorsque la maladie n'est pas trop ancienne, et que
le processus inflammatoire n'est pas complètement éteint, on pourra toer
quelques avantages de l'emploi des révulsifs cutanés, vésicatoires, tein-
ture d'iode, et des émissions sanguines locales sous forme de ventouses
scarifiées, si l'état des forces le permet. Quand l'épanchement, par son
abondance, sera un danger pour le malade, si le cœur est déplacé, s'il y
a imminence de suffocation, de syncope ou d'accidents graves, on poom
otre amené à pratiquer la thoracentèse d'urgence.
Si enfin, la maladie n'étant pas trop ancienne, on peut espérer que les
fausses membranes qui brident le poumon pourront encore céder et lui
permettre de reprendre sa place, on devra tenter l'aspiration suivie
d'injections iodées. Mais, quand la pleurésie date de loin, on doit re»
noncer à l'espoir de voir les deux feuillets de la plèvre se rapprocher et
venir au contact. En présence d'une pleurésie tuberculeuse, il conviendra
d'être réservé dans l'emploi de la thoracentèse, et de ne la pratiquer que
pour parer à des accidents sérieux ; en dehors de cette indication, il con-
viendra de s'abstenir d'une intervention qui n'aurait aucune espèce de
chances curatives et amènerait à peine un soulagement éphémère.
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PliEURODYIVIE. — La pleurodynic (icXeupou ^Suvr^, douleur de
coté) est le rhumatisme musculaire des parois thoraciques ; c'est une des
espèces les 'plus fréquentes. Rare dans Tenfance, elle est plus comnraoe
chez Tadulte et le vieillard ; on l'observe aussi plus souvent chez les gens
adonnés aux afTections manuelles et obligés à des eiTorts violents.
On a rarement l'occasion de pratiquer l'examen nécroscopique des
muscles atteints, et lorsqu'une maladie intercurrente entraine la mort,
on n'observe guère que des résultats négatifs. Il n'existe aucune inodiG-
cation dans la couleur, le volume ou la consistance des muscles, et si
quelquefois on a trouvé de la suppuration, c'est qu'on a pris pour le
rhumatisme musculaire un phlegmon sous-aponévrotique ou un abeès
mctastatiquc. Si raffection est chronique et ancienne, il peut cepeodânl
y avoir décoloration et atrophie du tissu musculaire, mais c'est là une
lésion consécutive. Parfois on trouve des altérations plus profondes, et h
plèvre est intéressée. La phlegmasie rhumatismale portant sur les mus-
cles pectoraux et grands dentilés peut, surtout quand elle est violente,
s'étendre aux muscles intercostaux, à leur aponévrose profonda et i h
plèvre pariétale; on trouve alors à l'aulopsie un exsudât fibrineui
limité à la plèvre costale et qui est le vestige d'une pleurésie sèche. L'in-
flammation rhumatismale peut même aller plus loin, et donner lieu i
l'exsudation d'un épanchement liquide en faible quantité.
Symptômes. — C'est une affection le plus souvent purement locale,
sans réaction fébrile, ou provoquant à peine un peu de malaise géoénL
Plus rarement le début est marqué par du frisson, de la fièvre, de la cou^
bature, de l'insomnie, mais le mouvement fébrile tombe rapidemeuL
Une fois déclarée, et quel que soit son mode de début, la pleurodynic se
:
\
PLEURODYNIE. — symptômes. 239
tradait par deux symptômes essentiels : la douleur et la gène des mou-
Temeots musculaires.
La douleur est lancinante, vive, plus forte que celle de la pleurésie,
s^exispérant par la toux et les grandes inspirations, qui restent limitées
eifflcomplètes. Au lieu d'être vive, la douleur peut être sourde et obtuse;
iitts les cas intenses la pression Texaspère d'une façon bien marquée.
Quelquefois limitée à un point restreint, et surtout au voisinage du ma-
melon, d'autres fois elle est diffuse, répartie sur une large surface et non
bornée à un foyer circonscrit. Elle peut atteindre les deux côtés de la
poitrine, mais elle est plus commune à gauche, son siège varie d'ailleurs
a?ee les muscles atteints. Elle occupe souvent le grand pectoral, soit
ians une grande partie de son étendue, soit seulement au niveau de ses
nsertions costales ; on la voit aussi affecter les digitations du muscle
^nd dentelé. Moins fréquemment elle répond aux insertions acromiales
lu deltoïde, aux fibres du trapèze et du grand dorsal. Elle peut, en ré-
umé, occuper tous les muscles superficiels ou profonds de la paroi tho-
acique. Dans les cas légers la pression est indifférente, ou même elle
aime la souffrance; mais, quand Taffeclion est intense, si Ton saisit à
leines mains les masses charnues, la douleur devient très-vive. Il
'existe pas de points douloureux, et le doigt promené dans Tespace
Qtercostal ne provoque nulle part d'exacerbations.
Les mouvements, aussi bien ceux qu'exige la respiration et les se-
Misses de la toux, de l'élernument, qiie ceux qui consistent à fléchir ou
étendre le tronc, sont difficiles et pénibles. Pour restreindre la con-
netioa musculaire, les malades osent à peine respirer, et s'ils viennent
. s'onUier et à faire une inspiration profonde, ils s'arrêtent brusque-
lent el poussent un gémissement; l'excursion de la paroi costale est
imîouée du côté atteint, el le bruit vésiculaire y est moins prononcé.
ans les cas très-violents, il peut exister une véritable dyspnée, et si la
Uegmasie s'est propagée à la plèvre, il y a de la toux et même des
ignés d'auscultation : tantôt du frottement, si la pleurésie est sèche,
omme c'est le cas le plus ordinaire, tantôt du souffle et de l'égophonie,
îf j a épanchemcnt séreux.
L'aspect extérieur des parties n'est nullement modifié, il n'y a ni clian-
ment de coloration de la peau, ni tuméfaction appréciable.
A part la fièvre qui signale quelquefois le début, il n'existe pas de
mptômes généraux. Comme dans toutes les manifestations du rhuroa-
me, les malades ont souvent une grande tendance aux transpirations
codantes.
La durée du rhumatisme thoracique est variable, il peut être éphémère
persister durant de longs mois ; il peut, tout en restant localisé au
>rai, abandonner son siège initial pour envahir d'autres points, ou
m, obéissant aux tendances propres au rhumatisme, il quitte les
jsdes atteints pour aller frapper d'autres parties du système muscu-
re plus ou moins éloignées ; on a même vu, quoique le fait soit rare,
Ite forme de rhumatisme aboutir à des poussées articulaires qui consti-
240 PLEURODYNIE. — DiAcnosnc. — traitemeht.
tuaient en quelque façon la signature de la diathèse rhumatinak;
Comme toutes les manifestations du même ordre, le mal est voué «a
récidives provoquées tantôt par les fatigues professionnelles, tantôt pir
Taction du froid humide.
En dehors de la pleurésie circonscrite, déjà peu commune, il est rare
de rencontrer des complications dans la plcurodynie; on observe quel-
quefois concurremment une bronchite catarrhale qu'on a considéiie
alors comme un rhumatisme des muscles bronchiques. Quant à Fendoeu^
dite, à la péricardite, à la pneumonie, elles sont absolument rares et ezecp
tionnelles.
Diagnostic. — La pleurodynic est difficile à méconnaître; ilon
même qu'elle est très-intense, elle n'a guère de commun avec les phleg-
masies des viscères thoraciques que les quelques phénomènes fébrilei
du début, la douleur de côté et parfois une dyspnée légère ; il n'exbte ni
toux, ni crachats, ni signes positifs d'auscultation; à peine, quand k
douleur est très-vive, le bruit vésiculaire est-il un peu affaibli, maison ne
perçoit ni râles, ni souffle, ni égophonie, et les bruits de percussioa sont
normaux.
Danslapéricarditc la douleur de côté peut faire songer à la pleurodjnie,
mais la réaction fébrile intense, la dyspnée, les signes de percussion et
d'auscultation, ne permettront pas d'hésiter.
La douleur de la névralgie intercostale est plus aiguë, elle 8*accom*
pagne d'élancements et correspond au trajet d'un nerf intercostal; eUe
est localisée, tandis que celle de la pleurodynie est étendue en nappe;
les contractions des muscles de la région restent sans influence sur elle
et ne l'exaspèrent pas, et de plus la pression provoque des exacerbatiou
douloureuses dans un certain nombre de points assez bien détennioés,
dont le plus constant siège à l'extrémité postérieure de l'espace inter-
costal atteint, au niveau de la gouttière vertébrale. Jamais dans la pieu- |
rodynie on ne cotistate une douleur siégeant uniquement dans deoi
points situés à une grande distance l'un de l'autre, comme cela arrive
dans la névralgie intercostale ; celle-ci est d'ailleurs une maladie fré-
quente, tandis que le rhumatisme des parois thoraciques est une affe^
tion rare, et bien souvent, d'après Valleix, on a dû prendre une né-
vralgie intercostale pour une pleurodynie.
Le pronostic de la plcurodynie est favorable, elle ne devient ftcheose
que par sa persistance, ou bien lorsque, très-violente, l'inflammatioa
musculaire se propage à la plèvre. Dans ces cas, d'ailleurs assez rares, k
pleurésie est toujours très-liniitée et le plus souvent sèche.
Traitement. — Dans les cas légers on pourra se contenter de
l'application locale de quelques agents narcotiques, ou de Temploi
de révulsifs légei^s : castaplasnies laudanisés, frictions avec le baonn
tranquille, badigconnages avec un mélange à parties égales de'
teinture d'iode et de laudanum , application d'un sinapisme, frictioni
sèches ou avec un Uniment irritant. On se trouvera bien encore
de remploi de sachets de sable chaud, de Tusage de compreseei
PLÈVRE. — PATHOLOGIE. 241
imbibées de chloroforme, qui agissent bien moins comme calmant qu'à
titre de réfulsif .
La position du corps est ici très-favorable à Tapaisement des' douleurs»
I et Tattitade qui met dans le relâchement les muscles affectés amène
' toojoars un grand soulagement.
Sk douleur est très-violente, on devra recourir aux émissions san-
juaes locales, aux sangsues et surtout aux ventouses scarifiées. Les
léNcatoires morphines donnent aussi de bons résultats; on pourra re-
coorir encore, pour amener une sédation, aux bains tièdes, aux bains
nuses, et surtout aux bains de vapeur, dont Teffet est de provoquer
une forte diaphorèse.
Si l'aiTection tend à devenir chronique, on fera bien de prescrire Tusage
dei douches chaudes avec des eaux sulfureuses ou salines ; dans ce but
« devra envoyer les malades à Luchon, à Baréges, à Aix en Savoie, ou
Inen tu Ihmt-Dore, à Néris, à Bourbonne. On pourra recourir enfin à
remploi de Félectricité sous forme de courants constants.
Pèor prévenir les récidives, on devra, après la guérison prémunir les
rhoinaUsants contre Faction du froid et de Thumidité, et leur imposer
fuage de la flanelle. Ils devront éviter les efforts musculaires violents
et répétés, et renoncer, s'il est possible, aux professions qui les exigent.
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Ëug. d^Heilly.
PIJSUROSTHOTOIVOS. Voy. Tétai^os.
Anatomie. Voy. art. Poitrine.
le. — Il convient de distinguer dans les maladies des
Relies deux groupes bien distincts : les unes sont primitives, affectant
h membrane séreuse exclusivement, ou du moins ne développant dans les
MMies adjacentes que des altérations subordonnées à celles de la plèvre
ne-même ; les autres sont secondaires et résultent, soit de la propaga-
ion de maladies des organes contigus à la plèvre, soit même de maladies
Torganes éloignés ou de maladies générales.
Parmi les maladies primitives, il n'y a de très-commune et de vraiment
■iportante que la pleurésie ; la plupart des autres sont des raretés patho-
■laques : la gangrène, si tant est même qu'elle puisse affecter la plèvre
■hb intéresser d'abord au moins les couches superficielles du poumon,
iB tubercules, le cancer, les hydatides et d'autres productions morbides,
■ montrent quelquefois dans la plèvre à l'exclusion de toute autre déter-
iûuition dans d'autres organes, mais il est bien plus fréquent que co^
50CT. WCT. MtD. ET CHIB. WSIW — V^
24^2 PLÈVRE. — pathologie. GARGRftHE.
afTections de la plèvre résultent de Texteasion de maladies anik
occupant le poumon , le mcdiastin ou d'autres organes ToisinSy oo
qu'elles ne soient, comme pour le tubercule ou le cancer, qu'oiu
déterminations locales d'une maladie générale qui intéresse en n
temps les autres membranes séreuses ou d'autres parties de l'écono
Quoi qu'il en soit, nous dirons quelques mots de chacune de ces mli
pour indiquer ce qu'elles présentent de particulier quand elles ooeD|
les plèvres.
Les maladies secondaires des plèvres sont bien plus fréquentes qa
maladies primitives, bien entendu, si l'on excepte la pleurésie. En c
outre les affections que nous venons d'énumérer (cancer, tubercules, e
elles comprennent encore tous les épanchements non inflammiti
qu'on peut observer dans les plèvres, notamment les épanchements se
qui constituent l'hydrothorax et les épanchements gazeux qu'on ri
sous la dénomination de pneumothorax. Bien que ces deux lérions m
habituellement décrites dans les livres de pathologie interne comiqc
maladies distinctes, ce ne sont pas, à vrai dire, des maladies de lipié
ce sont des accidents qui viennent compliquer les maladies d^org;
divers, et la plèvre n'est que le réceptable de ces épanchemoits,
entrer par elle-même pour la moindre part dans leur formation. Ce
dant, sous ces réserves, nous devrons étudier l'hydrothorax etlepnei
thorax dans cet article, parce que ces accidents ou épiphénomènes»
fois développés, entraînent des troubles et des conséquences qui» ii|i
de vue pratique, les rapprochent surtout des maladies des plèvres.
Nous observerons, dans l'exposé rapide qui va suivre, l'ordre quel
venons d'indiquer; nous dirons d'abord et à part quelques moti
lésions congénitales ou vices de conformation des plèvres.
A. Vices de conformation. — Les lésions congénitales de la plèvre i
très-rares. On a vu quelquefois ce sac séreux manquer dans quelqi
unes des parties qu'il occupe à l'état normal : ainsi Laboulbène dits
vu, sur un poumon droit, les incisures des lobes très-peu marquées <
j)lèvrc ne s'y prolongeant que de 2 centimètres; il n'existait poinl
pleurésie ayant réuni les feuillets opposés. Plus souvent, on rencoialn
dépressions de la plèvre en certains points de la paroi thoracique on
diaphragme; l'étude de ce vice de conformation rentre plutôt dans e
des bernies du poumon. Enfin la plèvre manque, bien entendu, au ni?
des orifices anormaux qui, dans quelques cas exceptionnels, font a
muni(|uer le thorax avec l'abdomen à ti*avers le diaphragme, et peu
lent aux viscères abdominaux de faire hernie dans la poitrine.
B. Maladies pRiMmvEs. — V Inflammation. Voy. Pleurésie.
2^ G.iNGRÈNE. — Laennec a consacré un article spécial à la gsiy)
de la plèvre qu'il donne d*ailleurs comme une altération très-rare;!
eonsidère comme rarement primitive, et déclare qu'il n'a vu aueoil
(Ihiis lequel elle parût être un effet d'une inflammation aiguë; le fi
souvent elle serait la suite de la rupture dans la plèvre d'un abcès fl
gréneux du poumon ; ou bien encore elle surviendrait dans les plearM
PLÈVRE. GAA6RÈ.VE. ^243
purulentes chroniques sous la forme d'une esehare limitée de la plèvre
quif en se détachant, permettrait au pus de se frayer une voie au dehors,
et ee serait là nn des moyens que la nature emploie pour amener Téva-
cuation du liquide épanché.
Jusque dans ces derniers t«nps, la question de la gangrène de la plèvre
I été presque complètement négligée. En 1875, à l'occasion d'une inté-
ressante observation communiquée par E. Besnier, Bucquoy a lu, à la
Société médicale des hôpitaux, un important mémoire dans lequel il a
comblé cette lacune. D'après l'analyse d'un certain nombre d'observations
épanes çà et là et de trois observations personnelles, Bucquoy est amené
à conclure que, dans l'état actuel de la science, aucun fait positif ne
pennet encore d'affirmer l'existence de la pleurésie gangreneuse aiguë
primitive, c'est-à-dire indépendante de toute lésion gangreneuse du pou-
mon. Cette proposition parait exacte, au moins pour la très-grande géné-
ralité des cas. Cependant tout récemment (25 juillet 1879) Rendu a pré-
senté à la Société médicale des hôpitaux une observation qu'il considère
comme démonstrative de la gangrène primitive de la plèvre : dans ce cas,
l'autopsie a montré qu'il existait à la base de la plèvre gauche, au voisi-
nage du diaphragme, une cavité remplie d'un liquide horriblement
fétide, d'odeur et d'aspect gangreneux ; cette cavité était tapissée par des
fausses membranes épaisses, en un point elle était noirâtre et ulcérée sur
une certaine étendue; à ce niveau, le poumon était perforé, mais autour
de la perforation on ne trouvait aucun indice de gangrène pulmonaire.
XToccasion de ce fait, Debove a communiqué un cas analogue, avec cette
dilTèrence qu'il n'y avait pas de perforation pulmonaire : dans l'intérieur
de la plèvre qui contenait un liquide horriblement fétide, d'une couleur
jus de tabac, on trouva sept masses d'une fétidité horrible, ressemblant
à des matières fécales, et dans lesquelles Texamen microscopique fil
reconnaître des cristaux d'acides gras enchevêtrés dans tous les sens.
Quoi qu'il en soit de ces faits au moins exceptionnels, on peut admettre
avec Bucquoy que, dans l'immense majorité des cas, la gangrène de la
plèvre n'est pas primitive. En effet, dans toutes les observations coni-
[pfétes et suivies d'autopsies que Bucquoy a rassemblées et où Ton a
trouvé des altérations gangreneuses de la plèvre, on a rencontré en même
temps, soit des foyers de gangrène pulmonaire circonscrite contigus à la
plèvre ou même ouverts dans sa cavité, soit un sphacèle étendu des
^eouches superficielles du poumon intéressant en même temps la mem-
èrane pleurale. C'est à cette dernière forme qu'appartiennent les cas
décrits depuis longtemps déjà par Corbin dans son mémoire sur la gan-
p^ne superficielle du poumon; du même ordre aussi sont sans doute une
observation présentée par llaycm à la Société anatomique (1874), celle
léjà citée de E. Besnier, celles de Bucquoy et d'autres encore; c'est, sui-
vant toute vraisemblance, une maladie du même genre qu'a présentée le
'rofesseur D., et dont Millard a communiqué à la Société des hôpitaux
1 si intéressante relation.
Pour bien marquer la distinction qui existe entre les cas où U %^\\-
244 PLÈVRE. — gangrèke.
grène pulmonaire occupe les parties centrales du parenchyme pulmonaire,
donnant lieu à tous les signes ordinaires de cette maladie, et ceux où elle
intéresse seulement les couches superficielles du poumon et en même
temps la plèvre, cas dans lesquels les signes de la gangrène sont très-
souvent masqués, Bucquoy a proposé de reconnaître deux formes à la
gangrène pulmonaire aiguë : la forme pneumonique et la forme plearé-
tique, la première répondant à la gangrène profonde, la seconde à la gan-
grène superficielle.
Cette dernière forme, la seule que nous ayons ici en vue, est la gan-
grène corticale, la gangrène pleurchpulmonaire, qui comprend l'immense
majorité des cas, sinon tous les cas attribués à la gangrène de la plèvre.
Ses caractères cliniques diffèrent souvent de ceux qu'on rencontre dans
la gangrène des parties profondes du poumon : d'abord la fétidité de l'ha-
leine et des crachats, qui a une si grande valeur diagnostique dans les
maladies gangreneuses du poumon, fait souvent défaut dans la forme qui
nous occupe, parce que le foyer gangreneux est ordinairement sans com-
munication avec les bronches, et même sans rapports avec elles ; en outre,
les signes de l'affection pulmonaire sont habituellement masqués par
ceux de la pleurésie concomitante. Cette pleurésie est purulente et pré-
sente les symptômes propres à cette forme, qui ont déjà été étudiés ail-
leurs ; souvent il s'y ajoute un pneumothorax par rupture du foyer gan-
greneux du poumon dans la plèvre et dans les bronches; mais on ne
reconnaît que ce pyo-pneumothorax dépend d'une gangrène pleuro-pul-
monaire que lorsque, ayant pratiqué la thoracentèse ou l'empyème, on
est frappé de l'odeur gangreneuse du liquide évacué, ou mieux encore
lorsqu'il y a évacuation au dehors de lambeaux sphacélés du poumon,
comme cela a eu lieu chez le professeur D., ou lorsque survient la fétidité
de l'haleine et des crachats.
Ce n'est pas cependant que certains signes ne permettent, en dehors
même de ces circonstances, d'arriver au diagnostic : au premier rang de
ces signes se place, dès le commencement, une douleur de côté intense
et prolongée, d'une violence et d'une persistance inusitées dans la pleu-
résie ordinaire (Stokes, Barih, Bucquoy) ; outi*e cette douleur, on note un
frisson intense et prolongé au début delà maladie, suivi d'une fièvre ordi-
nairement plus développée que dans la pleurésie simple, de la dyspnée,
une toux pénible, presque incessante, sans expectoration ou quelquefois
accompagnée d'hémoptysies. Bientôt apparaissent les signes physiques
d'un épanchement purulent dans la plèvre. Enfin de bonne heure, et ce
signe a une grande importance, l'état général est mauvais ; on observe
une profonde dépression des forces et une inappétence invincible.
La réunion des caractères précédents permet de soupçonner l'existeDce
de la gangrène pleuro-pulmonairc, mais encore ce diagnostic ne peut être
affirmé que si l'on voit apparaître la fétidité particulière de l'haleine et
des crachats, indiquant la communication du foyer gangreneux avec les
bronches, ou si une ponction de la plèvre amène au dehors un liquide
d'odeur franchement gangreneuse.
PLÈVRE. — TUBERCULOSE. 245
Les caractères anatoroiques de la gangrène de la plèvre ont été parfai-
temeiit tracés par Laennec. A la surface de la membrane séreuse, on
troufe des taches verdàtres ou noirâtres, de forme arrondie ou plus ou
moins irrégulière. Les parties atteintes sont ramollies et tombent facile-
ment en détritus ; elles exhalent Todeur infecte et toute spéciale de la
gangrène. L'étendue de ces liions est très-variable : tantôt elles sont cir-
conscrites comme le foyer de gangrène pulmonaire auquel elles corres-
pondent, tantôt elles peuvent occuper toute la surface d*un lobe pulmo-
naire ou même davantage ; quelquefois la plèvre est décollée dans une
grande étendue et séparée du tissu du poumon par une nappe de détritus
gangrené (pneumonie disséquante gangreneuse). Au-dessous de la plèvre
ainsi altérée, on trouve le tissu sous-séreux œdématié et infiltré d'une
sanie infecte, puis le parenchyme pulmonaire gangrené lui-même à une
plus ou moins grande profondeur; quand la plèvre pariétale est aussi
ttlmite, on trouve au-dessous d'elle les espaces intercostaux infiltrés de
produits putrides et noirâtres, les côtes dénudées et altérées. Dans la cavité
de la plèvre elle-même est un épanchemenl purulent et sanieux, de cou-
leur grisâtre ou verdâtre, d'odeur gangreneuse, dans lequel nagent des
masses pseudo-membraneuses noirâtres et infectes, et souvent aussi des
débris de parenchyme pulmonaire mortifié.
Les causes de la gangrène de la plèvre sont les mêmes que celles de la
gangrène du poumon, dont la première est une dépendance. Quant à ces
gangrènes pleuro-pulmonaires aiguës dont nous venons de parler, elles
ëont produites surtout par deux causes, qui sont Texposition du corps à un
liroid prolongé et intense et une violente contusion du thorax; la pre-
mière de ces causes s'est montrée d'une façon très-évidente dans plusieurs
des observations rapportées par Bucquoy, la seconde parait très-probable
dans un fait cité par Jackson et dans l'observation déjà mentionnée de
Hayem.
La gangrène pleuro-pulmonaire a souvent une marche suraiguc qui la
rend promptemcnt mortelle, et toute intervention thérapeutique reste
impuissante. Mais quelquefois les accidents ont une évolution plus lente,
et alors se présente une indication formelle : il faut pratiquer l'opération
de Tempyème, qui permettra de faire de grands lavages et d'entraîner au
dehors les parties sphacélées de la plèvre et du poumon. Cette conduite a
dt^, dans mainte circonstance, donné de remarquables résultats : la gué-
rison du professeur D. peut être citée comme un des exemples les plus
convaincants des avantages qu'elle offre.
Nous n'insisterons pas davantage sur ce sujet : la gangrène de la plèvre
étant, comme nous venons de le voir, presque toujours, sinon toujours,
subordonnée à la gangrène pulmonaire, nous devons renvoyer pour de
plus amples détails à l'article où il sera traité de cette maladie [Voy. Pou-
mon (gangrène du)] ; notre objet a été seulement de faire voir quelle était
la part de la plèvre et de ses altérations dans les gangrènes superficielles
ou corticales du parenchyme pulmonaire.
3' Tuberculose. — Les maladies des plèvres sont des plus communes
^vl
2<6 PLhVRE. — TUBERCULOSE.
dans la tuberculose. Ces altérations sont de deux sortes : les unes, ayant
le caractère plus ou moins franchement inflammatoire» se montrent à
titre de complications ou d'épiphénomènes dans la phthisie pulmonaire ;
les autres sont des manifestations directes de la tuberculose, indépen-
dantes de lésions des poumons.
Parmi les premières, nous trouvons les pleurésies sèches du sommet et
les pleurésies accidentelles développées chez les tuberculeux.
Les pleurésies sèches du sommet sont à peu près constantes dans la
tuberculose du poumon, à ce point que leur existence bien constatée con-
stitue une présomption puissante de phthisie pulmonaire, alors même
que celle-ci ne se traduit pas encore par des signes évidents : quand, en
effet, une pleurésie se montre ainsi partielle, limitée à une petite étendue
de la membrane séreuse, on sait qu'elle est presque toujours symptoma-
tique d'une altération des parties sous-jacentes du poumon, et quand
cette pleurésie partielle a son siège à la partie supérieure du thorax, lieu
d'élection du développement des tubercules, elle acquiert une valeur dia-
gnostique considérable et permet d'admettre l'existence très-probable
(l'une tuberculisation pulmonaire.
Les pleurésies accidentelles sont au«si très-communes chez les individus
tuberculeux ou disposés à le devenir : survenant dans ces conditions sous
l'influence des causes les plus légères, et même quelquefois sans cause
bien appréciable, elles se distinguent des pleurésies franches p^r plusieurs
caractères : leur début est souvent insidieux, le point de côté peu intense
ou nul, la fièvre inappréciable; la dyspnée seule appelle l'attention sur
l'appareil respiratoire et la recherche des signes physiques fait alors
reconnaître l'existence d'un épanchement; cet épanchement est souvent
presque séreux ou à peine fibrineux, quelquefois scro-purulent, il ac-
quiert dans mainte circonstance une abondance considérable ; la marche
de la maladie est lente et la résolution très-difficile à obtenir. Ces pleuré-
sies subaiguës ou chroniques, que Ion a encore appelées latentes en rai-
son du peu de développement des phénomènes réactionnels, se rattachent
très-fréquemment à la tuberculose : tantôt on trouve, chez les malades
qui les présentent, des signes déjà évidents de phthisie pulmonaire, tantôt
elles sont suivies, à échéance plus ou moins éloignée, de l'apparition de
maladies manifestement tuberculeuses, et il est vraisemblable que dans
la plupart des cas elles sont elles-mêmes une première manifestation de
la maladie tuberculeuse dont l'évolution ne se continuera quelquefois que
beaucoup plus tard.
Il n'y a pas lieu d'insister ici davantage sur ces pleurésies dont il a déjà
été question à l'article Phthisie et à l'article Pleurésie; arrivons mainte-
nant à la tuberculose pleurale proprement dite. Celle-ci se montre dans
plusieurs conditions bien distinctes : tantôt elle accompagne la phthisie
pulmonaire dont elle constitue une lésion accessoire, tantôt elle se
montre comme détermination locale d'une tuberculose qui affecte primi-
tivement les membranes séreuses et, dans ce cas, elle évolue sous la
forme aiguë ou sous la forme chronique.
PLÈVRE. — TUBEUCULQSK. 217
La première des formes de tuberculisation pleurale que nous venons
d'indiquer accompagne la phthisie pulmonaire et parait lui être étroite-
ment subordonnée, ainsi queVillemain et Lépine Tout parfaitement établi :
dans les parties de la plèvre correspondantes à des lésions tuberculeuses
du poumon, on trouve d'abord des granulations tuberculeuses sur le
feuillet yiscéraU mais en outre on observe sur le feuillet pariétal des gra-
nulations grises répondant exactement aux lésions du feuillet opposé;
enfin, on en rencontre encore qui sont disséminées en d'autres points,
notamment au pourtour du foliole fibreux du diaphragme, véritable lieu
d'élection pour ces productions secondaires (Lépine). Cette disposi tion des
lésions tuberculeuses de la plèvre est un des exemples les plus frappants
de oe qu'on a appelé l'infection de voisinage et un des arguments les plus
puissants en faveur de la propriété infectieuse des produits tuberculeux
qui, d'un foyer initial, se propageraient ainsi de proche en proche. Nous
n'insisterons pas davantage sur cette question qui a déjà été complète-
ment exposée ailleurs (Voy. art. Phthisie, t. XXYII, p. 274).
La tuberculose aiguë de la plèvre est une des manifestations les plus
communes de la phthisie aiguë ; parmi les différentes formes que peut
revêtir cette dernière maladie, et qui ont été si bien décrites et reliées
entre elles par Empis, une des plus fréquentes est celle qui afTecte les
membranes séreuses, notamment les plèvres et le péritoine : tantôt ces
deux membranes sont prises isolément, tantôt, et plus souvent peut-être,
elles sont affectées simultanément, et quelquefois les méninges avec elles :
de là un complexus morbide très-spécial et très-caractéristique, dans
lequel, aux phénomènes généraux communs à toutes les formes de
phUdsie aiguë, se joignent les caractères propres d'une péritonite et ceux
d'une pleurésie ordinairement double, quelquefois aussi ceux d'une mé-
ningite. L'étude de cette forme importante a été aussi faite avec détails
dans l'article Phthisie (Voy. Phthisie aiguë pleurale, t. XXVII, p. 355),
nous ne pouvons qu*y renvoyer le lecteur, et il ne nous reste à étudier
que la forme chronique de la maladie.
La tuberculisation chronique des plèvres, phthisie pleurale de quelques
auteurs, a été indiquée par Laennec dans ses traits les plus généraux ;
elle semble, depuis, avoir été presque nc'gligée par la plupart des patho-
logistes; mais elle a été parfaitement décrite par Barthez et Rilliet qui,
dans leur excellent traité des maladies des enfants, lui ont consacré un
important article auquel nous emprunterons la plupart des détails qui
vont suivre.
Beaucoup plus commune chez les enfants que chez les adultes, la
phthisie pleurale se montre avec ses caractères les plus accusés chez les
enfants de trois à dix ans.
Les tubercules peuvent se développer sur la face interne de la plèvre
{i. intra- séreux) ou sur sa face externe (t. extra-séreux). Les tubercules
intra-séreux, qu'on observe presque toujours dans cette forme chronique
de la tuberculose à l'état de granulation jaune, sont ordinairement accom-
pagnés de dépôts pseudo-membraneux inflammatoires qui les entourent
248 PLÈVRE. — tuberculose.
et les réunissent entre eux. Souvent on voit à la surface de la plèvre une
fausse membrane stratifiée ayant jusqu'à 2 ou 5 millimètres d'épaisseur;
chaque couche contient un plus ou moins grand nombre de granula-
tions, et celles-ci forment, en outre, une couche adhérente à la plèvre. La
membrane séreuse elle-même, au-dessous de ces granulations, est ordi-
nairement peu altérée ou ne présente que les caractères d'une inflamma-
tion peu intense.
On s'est demandé si l'inflammation était secondaire au développemen
du tubercule, ou si, au contraire, celui-ci se produisait consécutivement
dans les fausses membranes : on doit admettre, avec Barthez et Rilliet,
que le plus souvent les tubercules précèdent les fausses membranes et
paraissent provoquer leur développement par l'inflammation qu'ils déter-
minent ; en effet, on trouve souvent des granulations tuberculeuses sans
produits inflammatoires, et, d'autre part, nous venons de voir que, sous
les fausses membranes, dans les parties immédiatement adjacentes à la
plèvre, et par conséquent les plus récemment formées, on trouve une
couche de granulations adhérente à la plèvre et non englobée de fausses
membranes. D'autres fois, les tubercules semblent se développer, non pas
dans des fausses membranes, mais dans des néo-membranes vascularisèes
résultant d'une pleurésie antérieure.
Souvent la plèvre est occupée par de larges plaques tuberculeuses qui
tapissent une grande partie de son étendue; ces plaques occupent ordi-
nairement la partie postérieure, quelquefois elles enveloppent tout le pou-
mon et lui forment une espèce de coque ; leur épaisseur varie de 1 à 4
millimètres, quelquefois jusqu'à 7 millimètres.
Ces tubercules ou les plaques qu'ils forment subissent rapidement,
comme tous les produits tuberculeux, la dégénération graisseuse, et le
plus souvent on les observe à l'état caséeux, mais ayant conservé presque
toujours une consistance ferme : Barthez et Rilliet, comme Laennec,
déclarent qu'ils ne les ont jamais vus ramollis ni ayant formé des cavernes
dans rintcrieur de la plèvre, ni accompagnés de perforation de la mem-
brane séreuse.
Quant aux tubercules extra-pleuraux (il n'est question ici que de ceux
qui se développent sous la plèvre costale, ceux qui sont sous la plèvre
viscérale étant en réalité des tubercules pulmonaires), ils sont tantôt
isolés, tantôt agglomérés, pouvant former aussi des plaques ordinaire-
ment moins étendues que celles qui se développent à la face interne delà
plèvre. Ces produits suivent une évolution analogue à celle des tubercules
pulmonaires : après avoir subi la dégénération casécuse, ils se ramollis-
sent et sont quelquefois évacués par les bronches à travers les deux feuil-
lets de la plèvre et le poumon perforés. Bailhez et Rilliet ont vu les
cavernes résultant de la fonte de tubercules sous-pleuraux communiquer
)vec des cavernes pulmonaires par de larges perforations de la plèvre;
colle-ci est dans ces cas le siège d'adhérences qui empêchent les détritus
caséeux de tomber dans sa cavité. Les mêmes auteurs ont vu les ganglions
bronchiques devenus tuberculeux s'unir aux masses pulmonaires qui,
PLÈVRE. — TUBERCOLOSt. 249
de Taotre côté, conOnaient aux tuberculeux pleuraux ou extra-pleu-
raox.
La {dithisie pleurale a ordiuairement un début insidieux et obscur; elle
ne peut guère être reconnue a^ant que les tubercules agglomérés ne for-
ment des plaques étendues, et encore les symptômes auxquels elle donne
lieu aont-ils souvent masqués ou modifiés par ceux d'une tuberculose pul-
monaire concomitante. La maladie est caractérisée surtout par des signes
physiques qui permettent de déterminer le siège particulier des lésions
dans la plèvre; voici ceux que Rilliet et Barthez ont spécialement relevés
dans les cas où la maladie était simple» dégagée de lésions du poumon.
La percussion fait constater une diminution du son sans matité absolue ;
a Taiiscaltation, on perçoit une faiblesse du bruit respiratoire, pas de
souffle bronchique» quelquefois du retentissement de la voix sans égo-
phonie; ces symptômes sont toujours plus prononcés en arrière qu'en
avant et ne se modifient pas dans les changements de position du malade.
Les vibrations thoraciques sont affaiblies ou complètement supprimées.
L'inspection de la poitrine et la mensuration dénotent une dépression
du côté malade, quelquefois précédée d'une augmentation. A ces signes
physiques s'ajoutent quelques troubles fonctionnels, une dyspnée ordi-
nairement peu intense, peu de douleurs dans la paroi thoracique, une
toux sans expectoration ; dans un cas, Barthez et Rilliet ont observé une
vomique due à l'ouverture dans les bronches d'une caverne extra-pleurale.
Les symptômes généraux sont ceux des maladies tuberculeuses : amai-
grissement» fièvre rémittente moins développée que dans la phthibie
pulmonaire, sueurs nocturnes.
La marche de la maladie est habituellement lente et progressive, à
moins qu'elle ne soit accélérée par le développement d'autres maladies
tuberculeuses ou par quelque complication aiguë ; comme la plupart des
tuberculeux, les malades atteints de phthisic pleurale finissent par suc-
comber dans la fièvre hectique et le marasme.
Le diagnostic de la tuberculose pleurale présente souvent les plus
grandes difficultés, et l'on est particulièrement exposé à la confondre avec
la pleurésie chronique et avec la pleurésie purulente, surtout si celles-ci
se sont développées chez un sujet tuberculeux. On trouve, par exemple,
dans l'excellente thèse de Yerliac, plusieurs observations prises dans le
service de Barthez où l'on voit que les examens les plus minutieux n'ont
pas permis de distinguer ces maladies diverses, et que, dans maintes cir-
constances, les phénomènes observés ne pouvaient guère faire éviter les
erreurs qui ont été commises. Les signes physiques peuvent, en effet, être
les mêmes dans ces différents cas, ils permettent bien d'établir l'existence
d'un épanchement ou de produits accumulés dans la plèvre, mais souvent
ils sont impuissants à en indiquer la nature; quant aux phénomènes
généraux, amaigrissement, fièvre hectique avec sueurs nocturnes abon-
dantes dans le cas de tuberculose, plutôt pâleur et bouffissure de la face,
frissons irréguliers, inappétence invincible dans le cas de pleurésie puru-
lente, tout en ayant une réelle valeur diagnostique, ils sont pourtant
1250 PLÈVRE. — cARcraosE.
d'ordinaire insuffisanU pour donner une certitude, et nombreux sont les
cas où la thoracentèse seule peut lever tous les doutes et permettre
d'écarter le soupçon d'un épanchement liquide.
4^ Carcinose. — Le cancer de la plèvre n'est pas très-rare, mais il ré-
sulte ordinairement de Textension d'un cancer du poumon, du médiastin
ou même des organes abdominaux, ou bien il se rattache à une carcînose
généralisée qui, après avoir occupé un organe, Testomac ou TintesUn, par
exemple, envahit ensuite plusieurs viscères ou les membranes séreuses.
.Dans ces conditions, la plèvre n est afTectée que secondairement et souvent
même accessoirement.
Existe-t-il un cancer primitif de la plèvre ? La plupart des auteurs ré-
pondent par la négative: et cependant quelques observations récentes,
semblent établir la réalité de cette affection. Ainsi Lépine a communiqué,
en 1869, à la Société anatomique un cas Irès-curieux de carcinome pri-
mitif de la plèvre chez un enfant de dix ans : la cavité pleurale droite
avait presque complètement disparu ; elle était occupée par une masse
d'un tissu dur, blanc, squirrheux, étalée en plaques, adhérant intimement
à la paroi thoracique. Celte masse, qui avait plusieurs millimètres d'épûs-
seur, fusionnait ensemble les deux feuillets pleuraux, excepté en quelques
points où les deux feuillets étaient séparés par une lame mince d'un tissu
aréolaire, et à la base en arrière où il existait une loge du volume de deux
œufs de poule environ, pleine d'un liquide sanguinolent. Le poiunon était
réduit à un volume qui ne dépassait guère celui du poing d'un adulte;
en divers endroits, des noyaux, intimement unis aux plaques squirrheoses
de la plèvre, pénétraient dans le tissu pulmonaire; ils étaient mal cir-
conscrits et semblaient se propager le long des cloisons interlobaires et
interlobulaires de l'organe. Dans la cavité pleurale gauclie existaient quel-
ques noyaux isolés de volume variable, n'atteignant pas en général celui
d'une noix : la cavité elle-même était remplie d'une sérosité abondante
fortement colorée en rouge. Un épanchement semblable existait dans le
péricarde, qui à droite était perforé par le tissu morbide; celui-ci formait
à la surface du feuillet pariétal de larges plaques végétantes multiples
embrassant les vaisseaux de la base du cœur et ayant même perforé la veine
cave supérieure près de son embouchure dans Toreillette. Les ganglions
bronchiques, surtoutdu côté droit, étaient dégénérés. Â la face intérieure du
diaphragme on remarquait aussi quelques végétations ayant perforé le
muscle. « L'examen microscopique, ajoute Lépine, a démontré dans le
tissu morbide la structure du carcinome (alvéoles très-nets, renfermant
des cellules de formes variables). Il s'agit bien, dans ce cas, d'un carcir
nome primitif de la plèvre ; l'autopsie faite- minutieusement permet d'af-
firmer qu'il n'existait nulle part ailleurs de cancer. » Quant aux accidents
présentés pendant la vie et dans le détail desquels nous ne pouvons en-
trer, ils ont surtout consisté en une oppression progressive avec toux;
perte de l'appétit sans fièvre ; l'examen physique de la poitrine indiquait de
la malité à la percussion, à l'auscultation abolition du murmure yésiculaire
de la respiration rude, légèrement souffrante et à timbre un peu creux;
PLÈVRE. — CARciKosE. 251
'V'oussure et mobilité moindre du câié malade. L'évolution de la maladie
fut rapide» la mort arriva trois ou quatre mois après le début des accidents.
Cette remarquable observation montre le cancer de la plèvre isolé, in-
<]Lépendant de toute manifestation cancéreuse dans un autre organe qu'on
puisse ccMisidérer comme le point de départ de Taffection pleurale.
Les Bulletins de la Société anatomiçize contiennent encore une observa-
tion de Darolles (1874), présentée comme un exemple de cancer primitif
de la plèvre propagé au poumon et accompagné de généralisation; cette
observation est un bel exemple de carcinome pleural, analogue, au point
de vue anatomique, à celui de Lépiue ; mais Texistence de plusieurs
lésions cancéreuses dans d'autres parties du corps et notamment dans
tout un lobe du poumon ne semble pas permettre d'afGrmcr que le car-
cinome pleural ait été primitif.
D'autres observations reproduisent bien les caractères du cancer de la
plèvre, mais on trouve en même temps du cancer dans d'autres organes,
ou bien on ne mentionne pas que ces organes étaient sains ; il en est ainsi
des observations rassemblées par Arnault de la Ménnrdière dans sa
tbèse sur les manifestations cancéreuses de la plèvre et empruntées à
Andral, à Vidal, à Lebcrt. Arnault de la Ménardicrc rapporte lui-même
un cas Irès-intéressaut, observé dans le service de Desnos, où il s'agit
d'un fibrcHfiarcome de la plèvre; mais dans ce fait encore on trouve
deux tumeurs de même nature développées. Tune à Tépaule, l'autre à la
cuisse, et ces deux tumeurs étaient certainement bien antérieures dans
leur développement à Taffection pleurale.
Ainsi, tout en admettant Tcxistence du cancer primitif de la plèvre,
on doit le tenir pour très-exce|)tionnel ; il est fréquent, au contraire, que
le carcinome pleural résulte de Textcnsion de proche eh proche, ou de
la propagation à distance d'un cancer du poumon, du médiaslin, du sein,
quelquefois et plus rarement d'un cancer des organes abdominaux. Dans
ces cas, le carcinome secondaire reproduit les caractères nnatomiques de
la lésion primitive : on y observe rencéphaloïde, le squirrhe, le cancer
colloïde, le mélanique, ou encore le fibro-sarcome comme dans le cas de
Desnos mentionné tout à l'heure.
Lorsque le cancer pleural résulte de l'envahissement de la plèvre
par un cancer des organes voisins, la lésion est souvent très-étendue,
formant des masses dans lesquelles il est difficile de faire la part do ce
qui appartient à la membrane séreuse. Plus souvent, le cancer secondaire
parait plus ou moins indépendant de la tumeur primitive, et se présente
sous la forme de noyaux disséminés à la surface de Tun ou de l'autre des
deux feuillets pleuraux. Voici, par exemple, la disposition qu'on observe
le plus communément, dans les cas de carcinome pleural consécutif au
cancer du sein : un ou deux îlots cancéreux viennent faire saillie sur la
plèvre costale, au niveau de la région mammaire, et un certain nombre
d'ilôts cancéreux se trouvent disséminés à la surface de la plèvre pulmo-
naire, et cela sans adhérences entre les feuillets des plèvres. Il parait
démontré aujourd'hui que cette propagation à distance se ferait par Tin-
^vl
252 PLEVRE. — carcikose.
termédiaire du système lymphatique : en effet, les vaisseaux lymphati-
ques sont eux-mêmes envahis par la dégénérescence, et on les voit, parti-
culièrement à la surface de la plèvre pulmonaire , sous Vuspeti de
cordons blanchâtres disposés en réseaux ; on sait, d^autre part, que les
cavités séreuses sont elles-mêmes considérées aujourd'hui comme des
cavités lymphatiques qui peuvent, exactement comme les vaisseaux, ser-
vir de voies de généralisation du cancer (Yirchow, Charcot, Lépine^
Debove, Cornil etRanvier, Troisier). En somme, il s'agirait là d'une pro-
pagation du cancer par une infection de voisinage analogue à celle que
nous avons indiquée plus haut pour la propagation de la tuberculose.
Les caractères anatomiques de l'affection cancéreuse de la plèvre dif-
fèrent suivant les diverses conditions de développement que nous venons
d'indiquer et suivant l'espèce de cancer dont il s'agit : dans le squirrbè,
ce sont ou bien des plaques étalées, dures, d'aspect lardacé, ou bien des
noyaux disséminés, déchiquetés sur leurs bords ou arrondis, sous forme
de petites granulations ou de masses lenticulaires plus volumineuses,
aplaties, ressemblant à des gouttes de cire enchâssées dans la membrane
séreuse ; dans l'encéphaloïde, ce sont tantôt des sortes de champignons
plus ou moins gros, formant des masses bombées, souvent déprimées
et comme ombiliquées à leur centre, tantôt une matière pulpeuse
informe formée par l'agglomération d'un grand nombre de végétations
cancéreuses et remplissant la totalité ou la plus grande partie de la cavité
pleurale ; dans le cancer colloïde, c'est une mdtière grisâtre et gélatîni-
forme infiltrant la plèvre ou sa cavité dans une plus ou moins grande
étendue; dans le fibro-sarcôme enfin, c'est un tissu d'apparence fibreuse)
blanc, résistant, ne se laissant pas déchirer et criant sous le scalpel.
Ces productions cancéreuses sont en général très-vasculaires, surtout
dans l'encéphaloïde où les tumeurs sont rougeatres et même violacées;
les vaisseaux de nouvelle formation qui les parcourent sont très-fragiles,
ce qui explique la fréquence des hémorrhagies interstitielles et des épan-
chements sanguins. La cavité pleurale, quand elle n'est pas remplie par
les masses cancéreuses, contient un liquide louche, très-souvent sangai-
noient. Les ganglions bronchiques participent à la dégcnércsceoce, et
quelquefois celle-ci s'étend jusqu'aux ganglions cervicaux, dont l'altération
a une grande valeur au point de vue du diagnostic.
Les symptômes du carcinome pleural sont très-souvent obscurs. La
maladie passe inaperçue et n'est reconnue qu'à Tautopsic, quand elle
consiste seulement en quelques noyaux cancéreux disséminés à la surface
de la plèvre et qu'il n'y a pas d'épanchement notable de la plèvre ; mais
elle peut quelquefois èlre reconnue, lorsque des troubles respiratoires et
des signes d'une affection de la plèvre surviennent chez un individo
antérieurement atteint d'une affection cancéreuse, notamment d'oo
cancer du stin, ou soupçonné d'un cancer du poumon. Les troubles
fonctionnels qui feront surtout soupçonner l'envahissement de la plèvre
sont des douleui*s de côté fixes et persistantes occupant quelquefois pb-
sieurs espaces intercostaux, douleurs qui résultent de la compression des
PLÈVRE. — CARCiNOSE. 253
xierfs iatercostaux ; une toux plus ou moins fréquente, sèche ou sans
expectoration caractéristique (sauf le cas de cancer du poumon), et une
dyspnée souvent progressive. Les signes physiques pourront alors démon-
trer Texistence de lésions pleurales : matité dans une étendue plus ou
moins considérable, diminution ou abolition du bruit pulmonaire,
souffle à timbre creux ou tubo-caverneux, frottements persistants en
quelques points déterminés, diminution des vibrations thoraciques,
voussures, immobilité d'un câté de la poitrine, etc., souvent signes con-
comitants d'un épanchement liquide plus ou moins abondant. Une
analyse attentive de ces divers signes permettra quelquefois de recon-
oaitre qu'il ne s'agit pas d'une pleurésie ordinaire ; mais ce sont surtout
l'existence d'une cachexie confirmée et la connaissance des antécédents,
de Texistence antérieure d'un cancer dans un autre organe, qui indique-
ront la voie au diagnostic. Si à ces caractères se joint la présence bien
constatée de ganglions malades dans la région sus-claviculaire ; si une
ponction de la poitrine vient établir que l'épanchement pleural est
hémorrfaagique, on arrivera alors à de grandes probabilités. Ce dernier
phénomène, épanchement sanguin, sans avoir la valeur absolue qu'on
lui a quelquefois attribuée, n'en a pas moins une grande signification et
devra an moins donner l'éveil sur la possibilité d'un cancer de la
plèvre.
Pourra-t-on reconnaître un cancer primitif de la plèvre? Dans le cas
rapporté par Darollcs et mentionné plus haut, le diagnostic a été établi
en s'appuyant notamment sur l'existence d'une toux sèche et quinteuse,
de névralgies intercostales persistantes et rebelles à tout traitement, sur
la constatation de tumeurs ganglionnaires qui soulevaient la région sus-
claviculaire, sur des signes physiques qui dénotaient une affection pleuro-
pulmonaire, enfin sur les caractères manifestes de la cachexie cancéreuse.
Mais il ne faut pas moins que tous ces caractères réunis pour conduire
k un diagnostic qui devra, dans ces circonstances, être toujours très-
réservé.
L'évolution du cancer de la plèvre parait assez lente ; difficile à indi-
quer pour les cancers secondaires dont le début est très-insidieux, elle
parait s'être accomplie en quelques mois dans les cas considérés comme
des exemples de carcinome primitif.
Le traitement n'est malheureusement que palliatif; la thoracentèse
pent être rendue nécessaire par l'existence d'un épanchement abondant,
mais celui-ci se reproduit le plus souvent et l'on est obligé de répéter
l'opération pour prolonger les jours du malade.
Nous ne ferons que signaler ici la carcinose miliaire aiguë (Hermann
Dcmme, Mettenheimer, Beyiard, Charcot et Vulpian, Ilérard et Cornil,
Laporte), qui est, pour l'affection cancéreuse, l'analogue de la tubercu-
lose granuleuse aiguë pour l'affection tuberculeuse. Rarement primitive,
le plus souvent secondaire, survenant chez un individu déjà atteint de
cancer, cette forme aiguë deJa carcinose est caractérisée anatomiquement
par la présence de granulations grisâtres ou rougeàtrcs présentant le
254 PLÈVKE. — tomeurs.
plus souvent les attributs du cancer encéphaloide; ce« granulations, dis-
séminées dans un grand nombre de viscères et dans les membranes
séreuses, envahissent quelquefois presque exclusivement les plèvres et le
péritoine (carcinose miliaire aiguë séreuse) sous la forme d'oae sorte
d'éruption miliaire plus ou moins abondante, accompagnée d*un épanche-
ment séreux ou sanguinolent ; le microscope seul permet de distinguer
les granulations cancéreuses des granulations tuberculeuses. L'évolution
clinique de cette affection est, comme les lésions anatomiques^ analogue
à celle de la tuberculose aiguë ; les symptômes sont les mêmes, fièvre,
prostration, état typhoïde; dyspnée, signes d'épanchement dans les deui
plèvres, quelquefois hémoptysies liées au développement de granulations
cancéreuses dans les poumons, etc. Les malades s'affaiblissent rapidement
et la mort arrive dans l'état adynamique le plus prononcé. Le diagnostic
ne peut guère être établi que sur l'existence antérieure d'un cancer dans
quelque autre organe de l'économie.
5^ TuMEuns DIVERSES, HTDATiDES. — La plèvrc peut être le siège de tu-
meurs variées que nous ne ferons que mentionner, d'abord parce qtie ce
sont des raretés pathologiques, en second lieu parce qu'elles ne sont pas
spéciales à la plèvre et qu'on peut les rencontrer aussi bien dans les autres
cavités séreuses, enfm parre qu'elles n'ont guère de caractères cliniques
qui permettent d*en reconnaître l'existence pendant la vie et qu'on les
découvre seulement à l'autopsie sans que le plus souvent on ait soupçonné
lour présence. Ainsi on a observé des sarcomes^ des fibro-sarcôineê dont
■nous avons déjà signalé un exemple dans l'article précédent, des épi-
théliômes^ des lymphômes ; dans bon nombre de cas ces tumeurs ne sont
pas bornées à la plèvre, on en trouve en même temps dans d'autres or-
ganes, et cette dernière circonstance pourrait peut-être quelquefois per-
mettre un diagnostic, si l'on reconnaissait, en même temps que d'antres
tumeurs dont la nature aurait été déterminée, la présence dans la plèvre
d'une tumeur souvent accompagnée d'un épanchement.
D'autres tumeurs de la plèvre se rattachent plus ou moins directement
à la pleurésie chronique: tels sont les fibromes qu'on rencontre, soit sous
forme de noyaux lenticulaires aplatis ou de petites masses ramifiées, soit
en plaques plus ou moins étendues, les productions cartilagini formes on
ossi formes qui ne sont pas très-rares; ces dernières forment quelquefois
des plaques étalées et assez étendues au milieu de ncomcnibranes qui
couvrent la plèvre. Laboulbène en a cité un bel exemple, lesBuOeiins de
la Société anatomique en contiennent plusieurs observations, et j'en ai
observé moi-même un cas remarquable chez un malade atteint de pleu-
résie chronique : la plèvre pariétale était couverte de néomembranes
épaisses et celles-ci contenaient, dans toute la hauteur de la gouttière -
costo-vertébrale, une plaque ossiformc dont les dimensions, l'épaisseur et.j
la forme, représentaient à peu près un sternum.
On a rencontré encore des angiomes, des lipomes situés sur la plèvre
costale ou au-dessous d'elle (Rokitansky), -enfin des kystes séreux 6:^
même un kyste dermoïde (Buchner, cité par Laboulbène). Parmi ces tu
PLÈVRE. — HTDATIDES. 255
meurs, nous distinguerons seulement les kystes hydatiques dont nous di-
rons quelques mots.
Les hydatides de la plèvre ont été étudiées récemment encore par
Heam dans sa thèse sur les kystes hydatiques du poumon et de la plèvre,
mémoire consciencieux et remarquable qui, sur ce point particulier, a
ajooté AUX recherches antérieures de Vigla et même aux importants tra-
vauJL de Davaine. Elles sont assurément rares, et plusieurs auteurs pen-
sent que Ton a plusieurs fois considéré comme des hydatides pleurales
des kystes du poumon ou des hydatides tombées du poumon dans la cavité
pleônle (Da vaine. Trousseau); cependant Heam a pu en rassembler 15-
exemples dont plusieurs très-probants, sur 75 cas de kystes intra-thora-
ciques dans lesquels le siège de la maladie est assez exactement indi-
qué. Elles sont situées tantôt dans la plèvre elle-même, tantôt dans le
tissu sous-séreux, entre la plèvre pariétale et la paroi thoracique.
Les hydatides développées primitivement dans la cavité pleurale pré-
sentent ce caractère anatomique particulier qu'elles sont dépourvues de
poche adventice (Davaine). Dans la plupart des observations suivies d'au-
topsie, on voit que la tumeur est constituée par une poche volumineuse
remplissant souvent la plus grande partie ou même la totalité de la cavité
de U plèvre ; les parois de cette poche sont formées par une membrane
transparente ou légèrement opaline et blanchâtre, composée de plusieurs
feuillets minces superposés : sa face externe est quelquefois adhérente à
ia plèvre pariétale ou à la plèvre viscérale, mais il n'est ordinairement pas
difficile de l'en détacher; sa face interne est hérissée de petites granula-
tions sessiles ou pédiculées, qui sont des échinocoques, ou de vésicules
qui ne sont autre chose que des hydatides filles appendues à la poche
principale. Dans l'intérieur du kyste, on trouve un liquide limpide,
hplîn, quand la maladie est récente et que les parasites qui la consti-
tuent sont encore vivants, plus tard louche et trouble, se transformant à
la longue en une masse consistante ressemblant à du mastic ou à du fro-
mage, en même temps que les parois deviennent plus épaisses et prennent
une apparence fibreuse. Tous ces caractères n'ont rien de spécial aux
hydatides pleurales, on les retrouve dans les tumeurs hydatiques de tous
les antres organes', mais ici la poche parasitaire n'est pas entourée par
une membrane adventice, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure ; on
trouve seulement autour d'elle quelques traces de pleurésie, souvent
d'ailleurs peu accusées et consistant en adhérences qui réunissent les
parois du kyste aux feuillets de la plèvre, en une petite quantité d'exsu-
dat gélatineux ou en quelques fausses membranes. Quand les kystes hyda-
tiques de la plèvre sont très-volumineux, ils produisent sur les organes
voisins des effets de compression tout à fait analogues à ceux que déter-
minent les grands épanchements pleurétiques : le poumon est refoulé.
les côtes sont écartées en dehors, le diaphragme est abaissé, enfin le
cœur et les organes contenus dans le médiastin peuvent être eux-mêmes
comprimés et déplacés en divers sens.
Le début des kystes de la plèvre est souvent obscur, ce qui s'explique
256 PLÈVRE. — hydatides.
par Tabsence de troubles fonctionnels appréciables, tant que la tumeur
n'exerce pas encore de compression sensible sur les organes Toisins, et
par la tolérance de la plèvre elle-même qui est à peine irritée par le
développement des hydatides dans son intérieur. Quoi qu*il en soit, les
symptômes auxquels tôt ou tard ces kystes donnent naissance aoat la
douleur, la dyspnée et la toux. La douleur occupe précisément les pointa
où siège le kyste et de là elle présente des irradiations diverses ; une fois
développée, elle persiste avec ténacité pendant toute la durée de la mala-
die : cette persistance de la douleur est même un caractère important
dont il faut tenir grand compte dans le diagnostic, et qui distingue les
kystes intra-thoraciques des épanchements pleurétiques enkystés, dans
lesquels la douleur est un phénomène initial et de courte durée (Vigla).
La dyspnée parait [subordonnée, d'une part, à la douleur qui entrave
instinctivement les excursions thoraciques, d'autce part, à la compres-
sion mécanique du poumon et à la diminution du champ respiratoire qui
en résulte, aussi cette dyspnée augmente-t-elle progressivement «avec le
volume de la tumeur. La toux est quelquefois signalée, toutefois plus
rarement que dans les kystes hydatiques du poumon ; en outre, contrai-
rement à ce qui a lieu dans ces derniers, la toux reste sèche dans les
kystes de la plèvre et surtout il ne survient pas d'hémoptysies (Hearn).
Quant aux symptômes généraux, ils sont habituellement peu prononcés :
la maladie a, en somme, peu de retentissement sur l'ensemble de l'éco-
nomie, et les seuls troubles fonctionnels qu'elle entraîne sont dos au
siège de la tumeur et aux effets qu'elle exerce sur les organes do voi-
sinage.
Les signes physiques ont naturellement une grande valeur pour le dia-
gnostic d'une tumeur liquide intra-pleurale, et, malgré les analogies
nombreuses qu'ils ont avec ceux des épanchements pleurétiques enkyirtés,
et surtout avec ceux des hydatides du poumon, ils offrent cependant
quelques particularités qui les distinguent et peuvent quelquefois permet-
tre de reconnaître la nature de la maladie.
Quand le kyste hydatique a acquis un certain volume et qu'il s'accuse
déjà par des douleurs et une dyspnée plus ou moins intense, il donne
lieu quelquefois à une dilatation du thorax et à une voussure dont le
siège correspond précisément à celui de la tumeur. Si cette voussure
n'est pas constante, c'est qu'en réalité le poumon cède plus facilement
à la compression que la paroi thoracique ; mais, quand elle existe, la
voussure devient un signe diagnostique de la plus grande valeur en rai-
son de son siège et de sa forme : en effet, d'une part elle n'occupe pas
forcément la base de la poitrine, comme dans les épanchements pleuré-
tiques ; d'autre part, elle peut encore se distinguer par sa forme globu-
leuse, ainsi que Trousseau l'a bien fait ressortir : lorsque la dilatation
thoracique, au lieu d'être uniforme comme cela est ordinaire dans la
pleurésie, est, au contraire, parfaitement circonscrite et globuleuse, cette
forme particulière est plutôt l'indice d'un kyste que d'un épanchement,
et Trousseau rapporte plusieurs exemples dans lesquels ce signe a pii
PLÈVRE. — HÎDATIDES. 257
déterminer le diagnostic. Eu même temps que la voussure, on constate
ordinairement une immobilité du thorax, ou au moins une diminution des
excursions respiratoires du côté correspondant à la tumeur.
Les TÎbrations thoraciques sont diminuées ou même totalement abolies
an nifeau du kyste. La percussion donne une matité souvent complète,
absolue dans toute l'étendue de la tumeur. La palpation et la percussion
semblent donc fournir des résultats identiques à ceux qu'on rencontre
dans les épanchements pleurétiques enkystés; cependant, ici encore, l'éten-
due et le siège dans lesquels on percevra ces signes pourront éclairer
le diagnostic : si l'on arrive à limiter par ces moyens une tumeur enkystée
nettement globuleuse, n'ayant pas le siège ni la forme, si bien détermi-
nées d'ordinaire, des épanchements pleurétiques, on pourra soupçonner
l'existence d'une maladie autre que la pleurésie et penser à un kyste.
Quant à l'auscultation, les signes qu'elle fournit, tels que absence de
bruit respiratoire, souifle voilé, quelquefois souille pseudo-cavi taire, ils
ressemblent tellement à ceux que Ton trouve dans la pleurésie, que, saul
encore leur siège et leur forme dans quelques cas particuliers, ils n'ajou-
tent que peu de renseignements à ceux que donnent les autres moyens
d'exploration.
On voit^ d'après ce qui précède, de quelles difficultés, souvent insur-
montables, est entouré le diagnostic des kystes hydatiques des plèvres,
difficultés encore accrues lorsque ces kystes sont accompagnés d'un épan-
chement pleurétique concomitant, ce qui est loin d'être rare. Aussi ne
reconnait-on habituellement la maladie que lorsque se produit spontané-
ment l'ouverture du kyste dans les bronches : on voit alors survenir,
comme par une sorte de vomique, une expectoration abondante; le ma-
lade rend, dans des quintes de toux, un flot de liquide transparent et clair
ou déjà altéré, d'un goût salé très-prononcé, dans lequel le microscope
permet de constater la présence d'échinocoqucs ou au moins de crochets.
Cette expectoration hydatique constitue un signe vraiment pathognomo-
nique de l'existence d'un kyste intra-thoracique; il reste à déterminer
quel est le véritable siège du kyste, si c'est la plèvre, le poumon ou même
le foie; mais nous n'insisterons pas davantage sur ce diagnostic, qui
trouvera mieux sa place à l'occasion des hydatides du poumon.
La marche des kystes hyJatiques de la plèvre est le plus habituelle-
ment lente, leur durée se compte au moins par plusieurs mois.
La maladie est certainement très-grave et comporte un pronostic très-
sérieux; cependant les kystes de la plèvre peuvent être tenus pour beau-
ooap moins graves que les kystes pulmonaires, parce que leur situation
les dispose plus favorablement à l'action thérapeutique (Uearn). La gué-
risoo spontanée ne parait pas d'ailleurs impossible : on a vu des kystes
iolra-thoraciques guérir après l'évacuation spontanée de leur contenu
par les bronches et même par la paroi thoracique. Mais il ne faudrait pas
trop compter sur cette terminaison favorable : outre que l'évacuation des
kystes par les bronches a plusieurs fois amené l'asphyxie et une mort
rapide, résultant de l'obstruction brusque de ces conduits par des débris
WOT. UCT. Mio ET CHIl. XXYlII. — 17
/
/
258 PLÈVRE. — maladies secondaires.
d'hydatidcs, on a vu plus souvent encore survenir, dans ces condiikms,
un pneumothorax, et cette complication est elle-même une des- plus dan-
gereuses, car elle peut entraîner aussi une mort rapide par a^hyxie
ou bien amener une suppuration de la plèvre, et par conséquent tous
les dangers de la pleurésie purulente. Les kystes de la plèvre ont quel-
quefois aussi causé la mort par une asphyxie progressive, lorsqae la ma-
ladie abandonnée à elle-même a acquis un développement considérable
et capable de supprimer complètement les fonctions d'un des poumons.
Heureusement la thérapeutique n'est pas désarmée en face des accidents
si graves et des complications qu'entraînent les kystes des plèvres : si l'on
reconnaît la maladie avant l'ouverture du kyste dans les bronches, la
ponction capillaire et l'aspiration pourront être pratiquées avec chances
de succès; Bird, cité par Hearn, aurait ainsi obtenu plusieurs guérisons
par ce simple traitement dans des cas de kystes intrathoraciques, et il
parait que cette pratique est fréquemment employée par les médedns
d'Australie. Si le kyste s'est déjà ouvert dans les bronches, on peut
attendre la guérison spontanée, tant qu'il ne survient pas d'accidents;
mais s'il arrive des complications, et surtout une suppuration de la plèvre,
il faut recourir à Fempyème, et les observations de Vigla, de Soulhey, de
Moutard-Martin sont là pour témoigner qu'il ne faut pas désespérer,
même dans ces conditions si défavorables, et que l'ouverture de la poi-
trine et les lavages de la plèvre constituent certainement alors la meil-
leure ressource dont on puisse disposer.
Maladies se<5ondaire&i. — Nous avons déjà vu combien souvent
les maladies des plèvres sont subordonnées à des maladies primitivement
développées surtout dans les poumons, ou encore dans les médiastins, dans
les parois thoraciques, même dans le foie, en un mot dans les difléreots
organes adjacents à la plèvre. A pi*opos de la pleurésie, de la tuberculose,
du cancer, etc., nous avons insisté sur ce fait important que, la pleurésie
franche aiguë mise à part, la plupart de ces maladies sont rarement pri-
mitives et qu^elles sont, au contraire, habituellement dépendantes d'af-
fections antérieures des poumons ou des organes voisins.
D'autre part, nous avons observé aussi que, dans un grand nombre de
circonstances, les altérations des plèvres ne sont qu'une des détermina-
tions locales d'une maladie générale, comme la tuberculose ou le cancer:
il s'agit alors de manifestations diathésiques qui envahissent à la fois
plusieurs organes et dans lesquelles la plèvre peut être intéressée au
même titre que les autres membranes séreuses ou les autres viscères.
Ces deux groupes, altérations des plèvres par extension des maladie$
des organes voisins, altérations par lésions multiples résultant d'wu
affection diathésique, comprennent la plus grande partie des maladitf
secondaires des plèvres.
Nous n'insisterons pas davantage sur ces différentes maladies : pourltf
pleurésies secondaires, comme pour la tuberculose, le cancer, les d^
nérescences secondaires des plèvres, nous renverrons à ce que nous avons
déjà dit dans les pages précédentes. Mais il est un point que nous désirons
PLÈVRE. — MALADIES §EC0?IDA1RES. 259
mettre ici en relief, c'est la relation fréquente qui existe entre certaines
maUdies des plè^^s et les mêmes maladies du péritoine.
La tuberculose et la carcinose du péritoine coïncident fréquemment avec
des mttadies semblables des plèvres, et cette coïncidence a une grande
valeur au point de vue diagnostique. En effet Texistence simultanée
d^une pleurésie simple ou double et d'une péritonite imposera d'une
façon presque absolue l'idée d'une tuberculose des membranes séreuses;
si Ton sait, d'après les recherches cliniques d'Empis, que, dans la tuber-
culose aiguë des séreuses, il est à peu près de règle que les plèvres et le
péritoine soient affectés en même temps, cela n'est pas moins vrai pour
la tuberculose chronique : (iodélier, cité par Yillemin, a posé en loi que,
c quand il y a tuberculisation du péritoine, il y a toujours aussi tuberculi-
sation de l'une ou des deux plèvres. y> On conçoit toute l'importance cli-
nique de cette loi : dans les cas où une péritonite tuberculeuse ne se
traduit que par des symptômes douteux, ou bien encore dans les cas où
le diagnostic est hésitant entre une péritonite et une autre affection de
TabdomeD, comme une cirrhose du foie par exemple, on devra rechercher
immédiatement s'il existe en même temps quelques signes de pleurésie
chronique, et les résultats positifs ou négatifs de cette recherche décide-
ront presque toujours à admettre ou à rejeter la tuberculose. Yillemin
déclare que bien des fois il a eu l'occasion de vérifier l'exactitude de cette
loi et qu'il n'a jusqu'ici rencontré aucun exemple qui s'en écarte. Mon
observation personnelle me permet d'ajouter que souvent aussi j'ai pu
constater la valeur diagnostique de ce caractère de coïncidence.
Comment comprendre cette relation si habituelle entre certaines affec-
tions des membranes séreuses thoraciques et abdominales? Assurément
on peut admettre que les plèvres et le péritoine deviennent malades au
même titre et indépendamment l'une de l'autre, par le fait de la
diathèse tuberculeuse ou cancéreuse ; il est probable qu'il en est sou-
vent ainsi, notamment dans les cas nombreux où l'apparition des acci-
dents semble se faire en même temps dans plusieurs membranes séreuses.
Mais on peut encore, dans certains cas, invoquer un autre mécanisme, à
savoir h propagation de proche en proche ou à distance d'une altération
développée primitivement dans un foyer unique. Nous avons déjà indi-
qué, à propos de la tuberculose et du cancer des plèvres, que ces
affections, le plus souvent secondaires, étaient considérées aujourd'hui
comme résultant habituellement d'une infection de voisinage dont le
système lymphatique serait la voie de transmission la plus fréquente ;
lestravauxde Virchow, Yillemin, Charcot, Lépine, Debove, Troisier, que
Dousavons mentionnés, semblent mettre ce mode pathogénique au-dessus
de toute contestation. Suivant toute probabilité, c'est d'une façon ana-
logae que se propageraient les lésions des plèvres au péritoine ou
intersement : pour le cancer par exemple, Charcot et Debove ont pu
suinela propagation du cancer du sein à la plèvre par les vaisseaux
lymphati^pies eux-mêmes dégénérés, ainsi que nous l'avons déjà vu ;
mais ce n'est pas tout, les mêmes auteurs ont constaté que la dégéné-
260 PLÈVRE. — kpàkchemerts dans la cavité pleurale*
rescence s'étend souvent au diaphragme, et que par son intermédiaire,
elle peut envahir le péritoine : ainsi, en même temps que la plèvre était
affectée, ils ont trouvé des productions cancéreuses à la face supérieure
et à la face inférieure du diaphragme, figurant dans ce dernier siège des
masses blanchâtres étoilées, anastomosées entre elles, et l'examen faisto-
logique a montré qu'il s'agissait là de lymphangite cancéreuse (on sait
d'ailleurs, par les recherches des anatomistes, que le diaphragme est
très-riche en vaisseaux lymphathiques, surtout au niveau du centre
phrénique). Dans un certain nombre de cas, l'altération se propageait
plus loin encore, et les organes enveloppés par le péritoine étaient parse-
més à leur surface de nodules cancéreux. Cette propagation d'une affec-
tion de la plèvre au péritoine ou inversement, bien établie pour le
cancer, parait au moins probable de même pour la tuberculose, ainsi
qu'il résulte des recherches de Lépine, peut-être même pour certaines
inflanunations purulentes des séreuses, comme le feraient supposer les
faits rapportés par Vautrain et par Caillette, et déjà analysés ailleurs
(Voy. art. Péritonite , t. XXVI, p. 716), faits qui semblent établir la
possibilité d'une propagation des inflammations de la plèvre au péritoine
ou réciproquement.
Quoi qu'il en soit de l'interprétation, le fait de la coïncidence des
affections de la plèvre et du péritoine n'en subsiste pas moins parfai-
tement établi en clinique, et la fréquence de cette coïncidence dans h
tuberculose et dans le cancer lui donne une valeur diagnostique qui jus
tifie les développements que nous lui avons consacrés.
Pour terminer l'étude des maladies secondaires des plèvres, il nous
reste à parler des épanchements dont elles peuvent être le siège. Comme
nous l'avons dit au début de cet article, ce sont plutôt là des accidents,
des épiphénomènes que des maladies proprement dites des plèvres ;
mais au point de vue pratique, il y a tout intérêt à les en rapprocher a
cause des symptômes qu'ils déterminent et des conséquences qu'ils peu-
vent entraîner.
Epamcuemekts dans la cavité pleurale. — Ces épanchements présentent
de très-nombreuses variétés, relatives d'une part à la nature des fluides qui
les constituent, d'autre part aux conditions pathologiques qui président à
leur développement.
Nous ne ferons que mentionner un certain nombre d'épanchements,
peu communs d'ailleurs, qui résultent de l'irruption brusque dans la plèvre,
de matières diverses provenant des parties voisines : ici, c'est du sang
provenant de la rupture d'un anévrysme de l'aorte ou d'une hémorrhagie
pulmonaire abondante; là, c'est du pus provenant de l'ouverture dans la c^
vite pleurale d'un abcès formé dans le poumon , dans le foie , ou même dans les
reins, dans le médiastin, dans les parois thoraciques ; dans quelques cas, ce
sont des matières gangreneuses provenant d'un foyer gangreneux super^
liciel du poumon; dans d'autres circonstances, c'est du liquide hydati(|9e
provenant d'un kyste du poumon ou du foie; ailleurs encore, ce sont des
matières alimentaires qui ont passé par une perforation de l'oesophage.
PLÈVRE. — HTDROTHORAX. 261
surtout dans le cas de cancer de cet organe. Tous ces faits ressortisscnt à
rhîsloire des diverses maladies que nous venons d'énumérer, et ne sont
autre chose que des complications de ces maladies ; nous ne devons pas
nous y arrêter. Notons seulement que, dans ces diverses circonstances,
rirmption brusque de matières étrangères dans la plèvre s'annonce en gé-
néral par un violent point de côté accompagné d'une dyspnée très-intense
et d'accidents de suffocation capables d'entrainer la mort à bref délai ; que,
dans les cas moins défavorables et moins promptement funestes, il se dé-
veloppe une pleurésie suraiguë à épanchement presque toujours purulent;
enBnqae les signes physiques permettent de reconnaître l'accumulation dans
la plèvre d'un épanchement liquide et quelquefois gazeux en même temps.
Ces différents phénomènes ne peuvent d'ailleura indiquer autre chose que
l'existence d'une perforation de la plèvre et d'un épanchement dans sa
cavité; quant au diagnostic de la nature du liquide épanché et de la cause
des accidents, il ne peut être éclairé que par les commémoratifs et par
la connaissance antérieure de la maladie primitive.
£n dehors de ces épanchements accidentels, qui ne sont en réalité que
des complications des diverses maladies que nous avons énumérées, la
plèvre peut encore être le siège de différents épanchements dont l'étude
ne doit pas davantage nous arrêter : ainsi on peut y rencontrer des épan-
diement^ sanguins résultant d'un traumatisme, d'une contusion du thorax
ou d'une plaie pénétrante de la poitrine (Voy. art. Poitrine, lésions trau-
matiquesde la), ou consécutifs à certaines pleurésies; ces derniers, qui
appartiennent à notre sujet, ont déjà été étudiés (Voy. Pleurésie hémorrha-
gique). On y observe assez souvent des épanchements purulents, non plus
Tenus des parties voisines comme tout à Theure, mais directement formés
dans la cavité pleurale ; ces épanchements ont également été étudiés en
détail dans l'article consacré à la Pleorésie purulente. Les plus communs
de tous sont les épanchements séro-fibrineux qui se forment dans la pleu-
résie aiguë ; ils ont été aussi l'objet d'une étude spéciale ( Voy. Pleurésie
aigdë). Enfin on y trouve encore des épandiements séreux ({uq l'on décrit
sous le nom d'hydrothorax, et des épanchements gazeux de composition
diverse qu'on réunit sous la dénomination de pneumothorax. Ces deux
dernières variétés n'ayant pas été étudiées encore, nous devons les exposer
avec quelques détails.
Htdrothorax. — L'hydrothorax est l'hydropisie de la plèvre, en d'autres
termes Tépanchement dans la cavité pleurale d'un liquide aualogue au
fiérum du sang.
Le liquide de l'hydrothorax se distingue du liquide de la pleurésie par
l'absence de fibrine; un autre caractère sépare encore ces deux maladies,
c'est l'absence de lésions anatomiques dans la membrane séreuse elle-
même lorsqu'il s'agit d'une hydropisie pleurale, l'existence constante de
ces lésions dans la pleurésie. En réalité, comme nous l'avons déjà dit, la
plèvre n'est pas, à proprement parler, malade dans l'hydrothorax, elle
n'est que le réceptacle d'un épanchement à la formation duquel elle est
complètement étrangère ; et la seule lésion que l'on puisse constater dans
262 PLÈVRE. — UTDROTHORAX. — CAUSES.
cette maladie consiste dans Taccumulation d'une quantité plus ou moins
grande de sérosité dans la plèvre.
Il n'y a pas d'hydrothorax idiopathique ; l'hydropisie pleurale est toujours
secondaire, dépendante d'une maladie qui a son siège, non pas dans la
plèvre, mais dans l'appareil circulatoire ou dans le sang. Les exemples
qu'on a cités de prétendu hydrothorax idiopathique peuvent être tenus pour
des faits incomplètement observés; il s'agissait sans doute, ou de pleu-
résies avec peu ou pas de fausses membranes et un épanchement séreux
considérable, ou de tuberculoses pleurales dont les granulations peu nom-
breuses ont pu échapper à l'observation, ou enfin d'hydrothorax vrais dont
la cause, maladie du cœur ou maladie de Bright, aura été méconnue.
Causes, — Les causes de Thydrothorax, comme celles des autres hy-
dropisies (Voy. ce mot), sont des causes mécaniques et des causes dyscra-
siques. En tête des premières se placent les conditions qui apportent on
obstacle à la circulation veineuse dans le poumon ou dans les parois
thoraciques : les plus fréquentes sont les lésions mitrales (rétrécissement
ou insuffisance), dont un des premiers effets est de gcner le cours du sang
dans les poumons et dans leur enveloppe séreuse et par suite d'amener
d'abord la congestion et l'œdème du poumon, puis Tépanchement séreux
dans les plèvres ; plus tard, les troubles apportés à la circulation générale
pourront entraîner le développement d'une anasarque, mais, dans les
hydropisies résultant d'une maladie mitrale, l'œdème du pouuion et
rhydrothorax précéderont toujours les autres œdèmes. D'autres maladies
du cœur peuvent aussi produire l'hydrothorax, notamment toutes celles
qui sont accompagnées d'asystolie, et aussi la parésie cardiaque qui arrive
dans la période avancée des maladies graves ; mois, dans ces conditions,
l'hydrothorax apparaîtra en même temps que des hydropysies en d'autres
parties du corps et fera elle-même partie d'une anasarque généralisée.
Comme causes plus rares d'hydrothorax d'origine mécanique, on peut
citer les compressions des veines pulmonaires par des tumeurs des mé-
diastins qui, comme les lésions mitrales, produisent en même temps
l'œdème du poumon et l'hydropisie pleurale, et même les compressions
de la veine cave sujpérieure qui amènent l'hydrothorax concurremment
avec l'œdème des parois thoraciques, de la tète et des membres supérieurs.
Les causes discrasiques, qui sont la maladie de Briglit et les cachexies,
n'ont rien de spécial à l'hydrothorax ; elles déterminent une anasarque.
dans laquelle l'épanchement de la plèvre n'apparaît même qu'à une pé-
riode assez avancée et n'acquiert pas en général un bien grand dévelop-
pement.
L'hydrothorax est presque toujours double, caractère clinique impor-
tant qui est un des cléments du diagnostic avec la pleurésie simple, oi
l'épanchement est au contraire unilatéral. Souvent la quantité du liquide
est plus considérable d'un côté que de l'autre, ce qui peut tenir à diverses
influences mécaniques, notamment au dccubitus ; mais cela n'empêche que
les deux plèvres sont affectées à la fois, ce qu*on s'explique d'ailleurs
facilement par la nature des causes qui produisent l'hydrothorax, causes
PLÈVRE. — HTDROTHORAX. — LÉSIONS ANATOMIQUES. 263
qui agissent également sur les deux côtés de la poitrine ; on ne comprend
même la possibilité d*un hydrothorax unilatéral que dans le cas, certai-
nement exceptionnel, où il y aurait une compression des veines pulm6-
naires d'un seul côté par une tumeur du médiastin, comme un anévrisme
de l'aorte ou une adénopathic trachéo-bronchique.
La membrane séreuse elle-même étant saine ou ne présentant d'autre
altération qu'une infiltration légère par de la sérosité qui lui donne une
apparence comme macérée, les lésions anatomiques de Thydrothorax se
réduisent au liquide épanché dans la cavité de la plèvre.
La quantité de ce liquide est très-variable : quelquefois très-peu consi-
dérable» 100 à 200 grammes à peine, elle peut atteindre un et même
plusieurs litres; les épanchemcnts énormes appartiennent plutôt aux cas
où Fhydropisie dépend d'un obstacle circulatoire qu*à ceux où elle se
rattache à une altération de sang.
Le liquide est limpide, de couleur légèrement jaunâtre et citrine. Sa
composition, qui d'ailleurs est à peu près la môme que dans les autres
hydropisies, est analogue à celle du sérum sanguin; elle en diffère cepen-
dant en ce que la sérosité hydropique contient beaucoup plus d'eau et
moins d'autres éléments constituants que le plasma du sang. Elle est
coagulaUe par la chaleur et par l'acide nitrique» en raison de la quantité
notable d'albumine qu'elle contient. Voici, d'après les recherches si
précises de Méhu, qui a analysé comparativement un grand nombre de
liquides provenant d'hydrothorax et de liquides provenant de pleurésies,
obtenus dans tous les cas par la thoracentèse ; voici, dis-je, les principaux
can^tères du liquide de l'hydrothorax : la densité du liquide varie de
1010 à 1016. La quantité de résidu sec, obtenu par évaporation, est com-
prise entre 17 gr.. 56 et 47 gr. 76 par kilogramme de liquide; ce chiffre
total se décompose ainsi :
Mntières organiques 8>',91 à 39<%08
Matières minérales 8i%36 à 9<^,18
Fibrine • 0«^,136 à 08',469
On voit donc que, si la fibrine se montre plus particulièrement dans la
pleurésie aiguë, elle existe aussi dans les cas où l'épanchement est le
résultat d'une gène de la circulation, mais alors elle est en petite pro-
portion. Nous observerons d'ailleurs que la présence de la ûbrine dans le
liquide hydropique semble distinguer l'hydrothorax des autres hydro-
pisies, où au contraire ce constituant fait défaut d'une manière absolue,
si Ton s'en rapporte aux analyses de différents auteurs. (Yoy. art. Htdro-
pisiE, t. XVIII, p. 35.) Répétons «enfin que la quantité de fibrine est
minime dans l'hydrothorax comparativement à ce qu'elle est dans la pleu-
résie ; on peut donc, sauf une légère restriction, maintenir la proposition
classique que nous avons formulée après tous les auteurs, à savoir que le
Uquide de l'hydrothorax se distingue du liquide de la pleurésie par Tab-
senoe (il vaudrait mieux dire la proportion moindre) de fibrine. On pour-
rait, du reste, en dire autant pour les autres éléments organiques : le
liquide de l'hydrothorax a, en effet, les mêmes éléments que celui de la
2Ô4 PLÈVRE. — HÎDROTHORAX. — ' STHt^TÔMES.
pleurésie aiguë, mais la proportion des éléments organiques est considé-
rablement réduite ; Méhu déclare que jamais, dans les nombreux cas de
pleurésie qu'il a examinés, il n'a constaté un poids de matières organi-
ques aussi faible que celui que contient le plus riche des liquides épan-
chés dans les cas d'hydrothorax. On comprend, d'après ce qui précède,
toute l'impoilance que peut acquérir l'analyse chimique du liqnide
extrait par la thoracentèse, dans certains cas où le diagnostic est hésitant
sur la nature de la maladie qui a produit l'épanchement. Nous reprodui-
rons encore ici, sans autre commentaire, quelques propositions que Méhu
a déduites de ses recherches et dont nous-mêmes avons eu plusieurs fois
l'occasion de vérifier l'exactitude : — Toutes les fois que le poids du
résidu sec n'atteint pas 50 grammes par kilogramme, il s'agit d'un hydro-
thorax ; toutes les fois qu'il dépasse 5U grammes et que le liquide se coa-
gule après l'opération, il s'agit d'une pleurésie aiguë. — Tout liquide
pleural, pour lequel le densimèlre indique une densité inférieure à 1015,
à la température de 15°, est un hydrothorax ; tout liquide pleural, dont
la densité est supérieure à 1018 et qui se coagule après la ponction,
appartient à une pleurésie aiguë franche ; tout liquide pleural, dont la
densité est supérieure à 1018 et qui ne donne pas de fibrine, indique une
lésion de la plèvre due à la présence d'un produit hétérologue (tuber-
cule, cancer). Inutile d'insister sur l'importance de ces propositions, dont
on comprend toute la valeur au point de vue du diagnostic.
Symptômes. — Les symptômes de l'hydrothorax sont souvent très-
peu marqués : quand l'épanchement séreux est peu considérable, ou
lorsqu'il survient dans le cours d'une maladie de cœur déjà avancée oo
dans la période ultime d'une maladie cachectique, il peut facilement
passer inaperçu, si l'on ne prend soin d'en rechercher l'existence par uo
examen attentif de la poitrine. La dyspnée est, en réalité, le seul trouble
fonctionnel auquel donne Heu l'hydrothorax ; il n'y a, en effet, dads
cette maladie, ni fièvre, ni point de côté, en un mot aucun dss phéno-
mènes locaux et réactionnels auxquels donne lieu la pleurésie. L'hydro-
pisie pleurale semblerait, en somme, un accident indifférent, si, par hi
place qu'elle occupe dans la cavité thoracique, elle n'empêchait d'autant
la dilatation du poumon et n'apportait ainsi obstacle à l'hématose, d'où
la gêne de la respiration.* La dyspnée acquiert une intensité qui est en
rapport avec l'abondance du double épanchement et arrive assez souvent
jusqu'à l'orthopnée; notons d'ailleurs que la plupart des maladies sous la
dépendance desquelles se développe l'hydrothorax produisent, elles aussi,
la dyspnée, et qu'il est par suite difficile de faire la part de ce qui appar-
tient à la maladie primitive et à l'accident secondaire ; on ne peut guère,
dans ces conditions, rattacher à l'hydropisie pulmonaire et pleurale qœ
l'aggravation des troubles respiratoires qu'on voit survenir dans le cours
des maladies antécédentes. La dyspnée est accompagnée d'une fréquence
et d'une brièveté marquées de la respiration ; dans les degrés extrêmes,
on voit survenir de la cvanose, des sueurs froides et tous les caractères de
l'asphyxie.
PLÈVRE. HTDROTHORAX. — SYMPTÔMES. 265
Si les syropiômes de Thydrothorax sont souvent insuffisants pour con-
duire tu diagnostic, il n'en est pas de même des signes physiques, dont
on dena toujours rechercher et dont on pourra le plus souvent constater
rexistence, dans les circonstances que Ton sait favorables au développe-
ment de répanchcment séreux. Ce n'est pas que ces signes soient bien
spéciaux à l'hydrothorax, car ce sont ceux qui appartiennent à peu près
à tous les épanchements liquides de la plèvre ; mais on trouve néanmoins,
dans quelques-uns de ces signes et dans l'absence de quelques autres,
des caradères qui suffisent au diagnostic.
L'inspectioD de la poitrine permet de reconnaitre une diminution de
rétendue des excursions thoraciques dans les mouvements respiratoires,
et en outre une dilatation générale des parois du thorax, quand Tépan-
chement est très-considérable. Ces signes sont cependant beaucoup moins
accusés ici que dans la pleurésie, parce que Tépanchement de Thydro-
pisie pleurale ne donne guère lieu qu'à Taffaissement du poumon et n'a
pas une tension suffisante pour refouler cnergiquement les parois cos-
tales. On n'observe pas non plus, dans Thydiothorax, les déformations
et les Youssures partielles qu'on rencontre dans la pleurésie, parce que
le liquide séreux est libre, et non enkysté, dans la cavité de la plèvre.
Notons enfin que les caractères fournis par l'inspection sont, dans le cas
d'épanchement séreux, beaucoup plus difficiles à apprécier que dans le
cas d'épanchement pleurétique, parce qu'ils existent des deux côtés de la
poitrine et qu'on n'a pas, comme dans la pleurésie, un côté sain et un
côté malade qu*on puisse juger par comparaison.
Comme l'inspection, et pour les mêmes raisons, la mensuration ne
donne pas, dans l'hydrothorax, de résultats bien décisifs; c'est surtout
à la palpation, à la percussion et à l'auscultation qu'il faut demander les
renseignements de la plus grande valeur.
Par la palpation, on constate la diminution et même l'abolition des
vibrations Yocales dans les parties correspondantes à Tépanchement, et
l'on peut assez facilement limiter par ce moyen le niveau auquel s'élève
le liquide. Cependant la palpation a aussi, dans l'hydrothorax, moins de
valeur que dans la pleurésie, parce que, outre qu'on manque de terme
de comparaison puisque Tépanchement est double, les parois thoraciques
sont souvent infiltrées d'un œdème dû à la même cause que Thydropisie
pleurale et que cet œdème peut supprimer les vibrations thoraciques, au
moins dans une certaine étendue de la base de la poitrine.
La percussion donne de la matité dans les parties occupées par le
liquide. Il arrive souvent que cette matité est peu accusée ; il faut, pour
FobteniTv ne pratiquer qu'une percussion légère, et encore n'obtient-on
quelquefois que de la submatité à tonalité peu aiguë ; c'est ce qui a lieu
(|Qand l'épanchement est peu abondant et étalé en nappe. On s'explique,
i'ailleurs, le caractère incomplet de la matité par la faible tension du
licpide épanché et par l'intégrité relative du poumon sous-jacent, qui
est seulement affaissé et non comprimé ; dans ces conditions, une per-
cussion un peu forte permet en partie d'arriver à la résonnance pulmo-
266 PLÈVRE. — hydrothorax. — symptômes.
naire. Quand répanchcment est épais et considérable, la matité devient
absolue. — C'est aussi la percussion qui fait i-econnaitre, mieux que tout
autre procédé, la mobilité de l'épanchement, caractère clinique impor«
tant qui est plus marqué dans Thydrathorax que dans tout autre épan*
chcment pleural et particulièrement que dans la pleurésie : toutes les fois
que rhydropisie n'occupe qu'une partie de la cavité de la plèvre, et c*est
là le cas le plus ordinaire, le liquide s'accumule dans les parties déclives
et se déplace suivant les différentes positions qu'on imprime au malade ;
ainsi, dans le décubitus dorsal, l'épanchement s'accumule en arrière; si
le malade reste assis ou debout, il s'étale en nappe à la base du thorax
et sur le diaphragme ; si le malade se penche en avant, le liquide se
porte dans les parties antérieures. II est facile de suivre, par la percus-
sion, ces divers déplacements du liquide et de constater que les parties
déclives fournissent toujours de la matité jusqu'à un certain niveau,
que les parties supérieures , au contraire, donnent de la sonorité, quel-
quefois même une sonorité exagérée ; nous observerons cependant qu'on
ne trouve pas, dans Thydrothorax à épanchcment moyen, le tympanisme
sous-claviculaire aussi accusé qu'il l'est dans la pleurésie. .
Par Tauscultation, on constate la diminution ou l'abolition complète
du bruit pulmonaire, suivant que la quantité du liquide épanché est
peu considérable ou très-abondante; on perçoit souvent aussi, vers les
parties moyennes de la poitrine plutôt qu'à la base, un soufDe doux,
voilé, moins intense encore que dans la pleurésie, ce qui s'explique par
la compression du poumon, moindre dans l'hydrothorax que dans cette
dernière maladie. Si l'on ausculte le malade pendant qu'il parle i haute
voix, on entend de l'égophonie, limitée en général aux parties voisines
du niveau supérieur de l'épanchement ; si on ausculte pendant que le
malade parle en chuchotant, on constate la transmission de la voixehn-
chotée (Baccellij, phénomène corrélatif au souftle doux et qu^on perQoit
dans les mêmes points. En même temps que ces signes directement liés
à rhydropisie pleurale, on entend souvent des râles sous-crépitants dis-
séminés, dus à l'œdème pulmonaire qui accompagne habituellement
répanchcment séreux de la plèvre. Jamais on n'observe dans l'hydro-
thorax de frottement pleural, autre caractère à ajouter à tant d'autres
pour distinguer cette maladie de la pleurésie.
Le diagnostic de Thydrothorax est en général facile, à l'aide des
signes que nous venons d'indiquer, toutes les fois au moins que l'épao-
chement offre une certaine abondance. La maladie passe assez souvent
inaperçue, quand la quantité du liquide épanché est faible et que les
symptômes sont masques par ceux des maladies graves dont Thydrotiis*
rax dépend le plus souvent. On trouve d'ailleurs assez souvent, dans ks
autopsies, une certaine quantité de sérosité dans les deux plèvres, doit
aucun signe n'avait révélé l'existence pendant la vie, et qu'on peut cûd-
sidérer comme un accident ultime, développé durant l'agonie.
La pleurésie est la seule maladie qu'on pourrait confondre avec l'Iqf-
drothorax; mais, outre les particularités que nous avons relevées dans les
PLÈVRE. — HYDROTHORAX. — TRAITEMENT. 267
signes communs à ces deux maladies et sur lesquelles nous ne revien-
drons pas, nous rappellerons que Thydropisie pleurale est habituellement
double, qu'on n'y observe ni symptômes fébriles, ni douleur de côté, ni
frotlements ; ces caractères, joints à l'existence des causes d'une hydro-
pisie, suffisent ordinairement pour faire reconnaître la nature de la ma-
ladie et écarter Thypothèse d'une pleurésie.
Si le diagnostic de Texistence de l'hydrothorax ne présente pas engé-
néral de grandes difficultés, il n*en est pas de même de la détermination
de la quantité du liquide épanché. Au début de la maladie, le liquide
s*étale en nappe autour du poumon, et son niveau s'élève plus ou moins
haut suivant son abondance.
Plus tard, suivant les observations de Hirtz et de Woillez, au bout de
dix ou douze jours, le liquide gagne les parties inférieures de la poitrine,
entre la base du poumon et le diaphragme : il semble alors, d'après les
signes physiques, que la quantité du liquide a diminué, puisque son ni-
veau s'est abaissé ; il n'en est rien cependant, Tépanchement s'est seule-
ment déplacé par le fait de la position assise que garJe le malade ; il
peut même avoir augmenté, mais il est très-difficile de déterminer quelle
est la quantité du liquide ainsi accumulé à la base de la poitrine. Dans
ces conditions, on remarquera surtout que, si le bruit respiratoire est
revenu plus pur et mieux perceptible dans les parties moyennes ou supé-
rieures de la poitrine, en revanche la respiration est devenue complète-
ment silencieuse dans les parties inférieures et la matité absolue, même
par une percussion forte ; ces caractères bien constatés, auxquels s'ajou-
tera la persistance ou même l'aggravation de la dyspnée, permettront de
ne pas se faire illusion sur la valeur des changements survenus dans les
signes physiques.
Ul marche de l'hvdrothorax est entièrement subordonnée à celle de
Taffection qui en a déterminé le développement. Souvent associée à
d'autres hydropisies dépendantes des mêmes causes, Thydropisie pleurale
évohie concurremment avec elles, subissant des variations étroitement
liées aux changements qui surviennent dans la maladie primitive. Son
pronostic est d'ailleurs toujoui^s sérieux ; car elle vient embarrasser en-
core les fonctions pulmonaires et entraver la respiration déjà troublée par
la maladie du cœur ou la maladie de Bright, qui tiennent tous les acci-
dents sous leur dépendance.
Le traitement de Thydrothorax, comme celui des autres hydropisies,
reste soumis à celui des maladies dans le cours et sous l'influence des-
quelles il se développe : la digitale, les purgatifs drastiques et les diuré-
tiques en seront, suivant les circonstances, les principaux agents, si d'ail-
leurs l'emploi de l'un ou de l'autre de ces moyens n'est contre-indiqué
pir les conditions de la maladie principale ou par un état de cachexie
avancée. Dans les cas où l'épanchement est très-abondant et produit des
accidents asphyxiques, il ne faut pas hésiter à recourir à la thoracentèse :
la ponction de la poitrine n'est le plus souvent qu'un moyen palliatif, et
le liquide ne tarde pas à se reproduire si, comme c'est le cas le plus or-
268 PLÈVRE. — PlfEUMOTHORAX.
dinairc, la cause de répanchement persiste; mais, grâce aux trocarU ca-
pillaires et aux appareils aspirateurs, l'opération est si facilement acceptée
et si inofTensive, qu'on peut avec avantage y revenir toutes les fois que
les menaces d* asphyxie le commandent, et si Ton n'arrive pas à la guéri-
son, on réussit du moins à combattre une complication redoutable et à
prolonger les jours du malade.
PKEiMOTUonAx. — On désigne sous ce nom Tépanchement d*air ou de
gaz dans la cavité pleurale.
Le pneumothorax est rarement pur, c'est-à-dire constitué uniquement
par la présence de gaz dans la plèvre : s'il est vrai que, dans certaines
circonstances que nous indiquerons plus loin, il y ait d'abord un simple
épanchement gazeux, très-souvent il se produit au bout d'un certain
temps une sécrétion liquide de sérosité ou de pus qui résulte de Taction
irritante des gaz épanchés; d'autre part, il est très-fréquent que la même
cause amène simultanément l'exlravasation dans la plèvre de gaz et de
matières liquides ; enfin la cavité pleurale contient souvent déjà des li-
quides au moment où se produit l'épanchement du gaz. Dans toutes ces
circonstances, soit d'emblée, soit après un temps plus ou moins long, la
plèvre contient à la fois des liquides et des fluides aériformes et on dit
alors qu'il y a hydropneumothorax ou pyopneumothorax.
Presque toujours le pneumothorax est unilatéral; dans quelques cas
tout à fait exceptionnels, on l'a vu se développer à la fois dans les deux
plèvres (Laenncc,Bricheteau, Duguet).
On a décrit trois espèces distinctes d'épanchements gazeilk intrapleu-
raux : V pneumothorax essentiel, résultant de la formation spontanée
de gaz dans la cavité pleurale ; 2° pneumothorax par décomposition pu-
tride de liquides épanchés dans la plèvre; Z" pneumothorax par perfora-
tion, dû à l'irruption dans la plèvre, par une ouverture accidentelle, de
l'air atmosphérique ou de gaz contenus dans les cavités voisines de la ca-
vité pleurale. Cette division, établie par Laennec et admise après lui pen-
dant longtemps, ne résiste pas à l'examen des faits, comme nous allons
le voir.
Y a-t-il un pneumothorax essentiel? Aucun fait probant n'en établit
l'existence, ainsi que cela résulte de la critique à laquelle Bébier, Jac-
coud et Proust ont soumis les exemples qu'on avait cités de ce prétendu
pneumothorax spontané. Les observations publiées sous ce titre (Proust
en a réuni et contrôlé vingt-cinq), sont susceptibles d'explications diver
ses : ce sont des pleurésies dans lesquelles on s'en est laissé imposer «par
l'existence d'une sonorité tympanique à la partie antéro-supérieure de li
poitrine, ou par l'existence du souffle amphorique qu'on rencontre dans
certaines circonstances ; ce sont des pneumonies dans lesquelles la pe^
cussion donnait un son tympanique ; ce sont même des pneumothorax pir
perforation résultant, soit d'un effort, soit de la rupture dans la plèm
d'un foyer tuberculeux ou d'un kyste hydatique du poumon, etc. dm
des tuberculeux par exemple, on a admis la production spontanée de g»
dans la plèvre, quand on ne trouvait pas le point où s'était faite la perfo-
PLÈVRE. — PNEDMOTHORAX. 269
ration donl toutes les autres circonstances semblaient indiquer Texistence ;
mais ne sait-on pas, comme nous le verrons tout à Theure, que certaines
perforations pulmonaires sont très-difficiles à trouver, et en outre que ces
perforations peuvent se cicatriser ou être complètement oblitérées par
des fausses membranes, ce qui est loin d'être rare ? Ainsi tous les faits
observés conduisent à rejeter Texistence du pneumothorax essentiel; on
peut même ajouter que les données de la physiologie pathologique ne
permettent pas de croire qu'il soit possible, car rien n'autorise à admettre,
ni une sécrétion gazeuse dans une membrane séreuse, ni une exhalation
des gaz du sang à travers les capillaires pleuraux.
On a décrit comme une seconde espèce de pneumothorax des épanche-
ments gazeux résultant de la décomposition putride de liquides pleuraux.
La réalité de ce pneumothorax spontané secondaire serait certaine d'après
Jaccoud, qui propose de l'appeler pneumothorax pleurélique pour indi-
quer son origine. Comme exemples de cette espèce particulière, Jaccoud
ciïe des observations empruntées à Wunderlich, llughcs Bennett, Rosen-
thal, Biermer, Swaync Little, Townsend, etc. Cependant quelques-uns de
ces faits n*ont pas paru absolument probants à Béhier, qui pense que
dans plusieurs d'entre eux il a pu exister une perforation pulmonaire
(obs. de Wunderlich, de Bennett et de Swaync Little), comme semble-
rait l'indiquer la fétidité de l'haleine qu'on a observée chez les malades.
Deux observations communiquées par Hérard à la Société médicale des
hôpitaux (1850 et 1851) sont relatives à des pleurésies purulentes dans
le cours desquelles se serait développé un pneumothorax, sans que Tau-
topaie faite avec le plus grand soin permit de constater une perforation
du poumon. Cependant ces faits ont aussi soulevé des doutes de la part
de plusieurs membres de la Société des hôpitaux, qui ne les ont pas
trouvés absolument convaincants.
Ajoutons d'ailleurs que la production de gaz par décomposition d'un
liquide renfermé dans une cavité close parait difficile à comprendre,
puisque, suivant la remarque de Béhier, le contact de l'air est générale-
ment considéré comme une condition indispensable pour que le liquide
pleural subisse une altération capable de permettre la formation d'un
gaz (les recherches récentes sur la fermentation putride semblent toutes
confirmer la nécessité absolue de cette condition).
Quoi qu'il en soit, si le pneumothorax peut se former ainsi spontané-
ment dans la plèvre affectée de pleurésie purulente, on est au moins en
droit d'affirmer qu'il est exceptionnel.
Quant au pneumothorax par perforation, par irruption dans la plèvre
de gaz provenant de différentes sources, celui-là est indubitable et les
occasions de Tobserver sont fréquentes.
En résumé, le pneumothorax essentiel n'existe pas, le pneumothorax
par altération puU^ide de liquides pleurétiques est douteux ou au moins
exceptionnel ; le pneumothorax par perforation subsiste seul ou presque
seul; c'est lui que nous aurons exclusivement en vue dans le cours de
cet article.
270 PLÈVRE. — PNEUHOTiioiux. — causes.
Causes. — On a déjà vu par ce qui précède, que le pneumothcMtt esl
toujours secondaire, consécutif à un état pathologique antérieur. Dansions
les cas, sauf peut-être exceptionnellement dans la pleurésie pumiente,
il résulté d*une perforation qui met la plèvre en communication avec
Pair extérieur ou avec une des cavités renfermant des gaz qui sont «tuées
dans son voisinage.
Les causes qui produisent cet accident forment deux groupes, aussi
distincts par les caractères et les suites de la maladie que par les condi-
tions qui en ont amené le développement : ce sont des causes trawnati-
ques et des causes pathologiques.
Parmi les causes traumaiiques^ nous mentionnerons les plaies péné-
trantes de poitrine, les fractures de côtes compliquées de plaies da pou-
mon : dans le premier cas, Tair atmosphérique pénètre directement
dans la plèvre par la plaie de la paroi thoracique ou par une plaie do
poumon; daus le second, c'est la déchirure du poumon par un des firag-
ments de la côte fracturée qui permet Tépanchement gazeux. Non»
n'avons pas à insister sur cet ordre de causes, dont Tétude appartient aux
maladies chirurgicales de la poitrine.
On pourrait rattacher encore aux causes traumatiques certains cas,
peu communs d'ailleurs, où le pneumothorax résuite d*une rupture
pulmonaire, par suite d'un effort violent ou d'une quinte de toux ; dans
ces conditions, la tension excessive de Tair dans le poumon peut amener
la déchirure de quelques vésicules. C'est par un mécanisme analogue
que se développerait le pneumothorax par rupture de quelques vésiciiles
emphysémateuses, fait assurément très-rare, dont on cite seulement
quelques exemples empruntés à divers auteurs.
Ces derniers faits servent, en quelque sorte, de transition entre les
causes traumatiques et les causes pathologiques. Celles-ci, beaucoup
plus communes que les précédentes, nous intéressent particulière-
ment.
Le relevé suivant, emprunté à Saussier, montre la fréquence relative
des principales causes du pneumothorax :
Pneumothorax avec phthisie pulmonaire 81
— pleurésie 29
— gangrène pulmonaire 7
— emphysème pulmonaire 5
— hydatides du poumon 1
— apoplexie pulmonaire 3
— cancer ulcéré du poumon 1
— hémothorax 1
— abcès pneumonique 1
— fistule hépato-pneumo-pleurale. . . I
En tète des maladies dont le pneumothorax est une complication fré-
quente se place la phthisie pulmonaire. 11 résulte, en effet, des statis-
tiques entreprises à ce sujet par Saussier, par Béhier, par Walshe el
d'autres encore, que cette seule cause comprendrait environ les neuf
PLÈVRE. PNEUUOTHORAX. CAUSES. 271
dîxitoes des cas ; il est, en outre, remarquable que, dans ces conditions,
le pneumothorax siège plus souvent à gauche qu'à droite.
La perforation pulmonaire et Tépanchement gazeux intrapleural qui
en est la conséquence peuvent survenir à toutes les périodes de la
maladie. Louis a cité un cas dans lequel la plèvre fut perforée par un petit
tubercule placé immédiatement au-dessous d'elle ; les premiers symp-
tômes de la phtbisie dataient de quinze jours environ. Mais ce fait est
exceptionnel : le plus souvent le pneumothorax arrive dans la période
de ramollissement ou dans la période d'excavation.
An moment où survient le ramollissement des foyers tuberculeux, il
n'est pas rare qu'une masse ramollie, située à la surface du poumon,
s'ouvre à la fois dans les bronches et dans la plèvre et permette l'irrup-
tion de Tair dans la cavité pleurale ; ce fait est surtout assez fréquent
quand l'évolution de la maladie est rapide, notamment dans la forme
décrite sous le nom de phthisie galopante. Plus tard, le pneumothorax
est produit par l'amincissement et la rupture d'une caverne placée
superficiellement.
Le siège de la perforation pulmonaire réside le plus ordinairement dans
le lobe supérieur du poumon; mais, bien que les lésions tuberculeuses
conunencent presque toujours par le sommet de ce lobe et y soient ulté-
rieurement plus avancées qu'ailleurs, ce n'est pas dans cette partie que
se bit habituellement la perforation, mais plutôt vers la base du lobe
supérieur, au niveau de la troisième ou de la quatrième côte, ce qui
tient sans doute à ce que la plèvre du sommet devient Irès-facilement,
dès le début de la tuberculose, le siège d'adhérences qui unissent le
poumon à la paroi thoracique et s'opposent à la perforation, tandis que
ces adhérences sont moins communes dans les parties situées plus infé-
rieurement.
C'est aussi dans la tuberculose qu'on a observé le pneumothorax double,
affection exceptionnelle dont on ne connaît guère que trois exemples
bien observés, dus à Lacnnec, à Bricheteau et à Duguet.
Les autres causes pathologiques du pneumothorax par perforation de
dehors en dedans sont assez rares, comparativement à la phthisie pulmo-
naire, puisque celle-ci, comme nous l'avons vu, produit environ les neuf
dixièmes des cas, tandis que toutes les autres maladies réunies n'en pro-
duisent à peine qu'un dixième.
On a cité quelques exemples de pneumothorax produits par la gangrène
pulmonaire : l'épanchement gazeux résultait de l'ouverture, dans les
bronches et la plèvre à la fois, d'un foyer gangreneux ramolli (Cruveilhier,
Monneret, Marais). Plus rarement encore, c'est un abcès du poumon
consécutif à une pneumonie (Dalmas, Gunsberg) ou un kyste hydatique
(Fouquier, Mercier, cités par Ilearn) qui ont amené la même complication,
ou encore la rupture dans la plèvre d'une bronche dilatée (Mohr, Taylor,
cités par Jaccoud).
Outre les lésions du poumon que nous venons de mentionner, nous
devons signaler certaines maladies d'autres organes voisins de la plèvre,
272 PLÈVRE. — pneumothorax. — causes.
qui peuvent amener aussi la perforation de cette membrjine et rimiption
de gaz dans la cavité pleurale. On a vu des abcès des parois de la
poitrine s'ouvrir à la fois dans la plèvre et à travers les téguments, formant
ainsi une fistule pleuro-cutanée qui laissait pénétrer Tair dans la plèvre;
on a vu des abcès des ganglions bronchiques s'ouvrir à la fois dans la
plèvre et dans les bronches, on a vu des cancers de l'œsophage déterminer
des perforations de ce conduit et le faire communiquer avec la cavité
pleurale (Bocrhaavc), on a mémevu, dans quelques cas malheureux, celle
perforation produite par la sonde œsophagienne, comme Moutard-Martin
en a encore récemment cité un exemple. D'autres fois, ce sont des abcès,
des kystes suppures du foie (Gros, Williams) ou des reins qui traversent
le diaphragme et la plèvre pour venir s'ouvrir dans les bronches : si
alors la plèvre n'est pas fermée par des adhérences, elle est envahie par
Tair qui vient des bronches en même temps que par le pus qui vient de
l'abcès (Bchier) . Enfin le cancer et l'ulcère simple de Testomac peuvent ame-
ner aussi la perforation du diaphragme et l'épanchcment dans la plèvre des
fluides contenus dans la cavité stomacale. Le pneumothorax peut même
être consécutif à une perforation de l'intestin : outre deux observations
empruntées à Bouchaud et à Eisenlohr, Cossy en a rapporté tout récem-
ment deux exemples dans lesquels une perforation du cœcum avait amené
une péritonite partielle et un foyer purulent abdominal ; celui-ci avait
traversé le diaphragme et permis au pus et aux gaz venus de l'intestin de
pénétrer dans le thorax ; mais chose remarquable, dans ces deux cas, les
gaz n'avaient pas pénétré dans la plèvre, mais s'étaient épanchés entre
elle et la paroi thoracique en décollant la plèvre pariétale dans une grande
étendue; il s'agissait donc là d'une sorte de pneumothorax sous-pîeural.
Toutes les causes qui précèdent, à l'exception de la phlhisie pulmo-
naire, sont exceptionnelles; mais il est une autre cause de pneumothorax
qui est assez fréquente et dans laquelle c'est une maladie de la plèvrequi
est la cause de l'épanchement gazeux : nous voulons parler de la pleurésie
purulente ouverte dans les bronches ou à travers les parois thoraciques.
ici la perforation pleurale n'a plus lieu de dehors en dedans, conmae pour
les causes déjà indiquées, mais de dedans en dehors. L'ouverture des
collections jiurulentes de la plèvre par une fistule pulmonaire ou par une
fistule pleuro-cutanée est loin d'être rare et, dans l'une comme dans
l'autre de ces circonstances, les conditions favorables à la production du
pneumothorax sont réalisées, puisqu'il y a communication entre la plèvre
et l'air extérieur. Il s'en faut cependant que la pénétration de l'air dans
la cavité pleurale ait alors toujours lieu : dans des cas heureusement très-
fréquents, le trajet fistuleux qui s'étend de la plèvre aux bronches ou i
travers les téguments est sinueux et disposé de telle sorte qu'il fonnt
comme une valvule qui permet la sortie du pus et non la pénétration de
l'air ; la même disposition se présente plus souvent encore au niveau des
fausses membranes épaisses que le pus doit traverser ; ces fausses
membranes forment clapet, suivant l'expression de Chomel, et empê-
chent l'abord de l'air dans la cavité pleurale. D'un autre côté, l'air
PLÈVRE. — PNEUMOTHORAX. — LÉSIO^IS ANATOMIQUES. 273
ne peut pas non plus s'introduire dans la plèvre tant que la tension de
lepaochement liquide est supérieure à celle de Tair atmosphérique ; aussi
n'estrce qu'un certain temps après l'ouverture du foyer purulent et après
révacoation d'une certaine quantité de liquide que la pénétration de l'air
peut avoir lieu. Mais les conditions favorables que nous Tenons d'indi-
quer n'existent pas toujours ou peuvent cesser d'être au bout d'un certain
terops, aussi voit-on assez souvent encore le pneumothorax survenir
comme complication de la pleurésie purulente, après ouverture du foyer
par les bronches ou par les parois du thorax. Cette complication ne se
montre pas seulement dans les inflammations purulentes qui occupent
toute la cavité pleurale ; on l'observe aussi dans les pleurésies purulentes
circonacritesy notamment dans les pleurésies diaphragmatiques ou inter-
lobaires, ainsi que N. Guéneau de Mussy en a récemment publié plusieurs
exemples intéressants. Dans des cas tout à fait exceptionnels, il existe à
la fois une ouverture dans les bronches et une ouverture par les tégu-
ments et la plèvre est en communication avec l'air extérieur par ces deux
voies en même temps (Gairdner). Les fistules qui mettent la plèvre en
communication avec l'air extérieur dans le cas de pleurésie purulente
peuvent occuper un siège quelconque, contrairement h ce qui a lieu dans
la phthine pulmonaire. Elles offrent d'ailleurs des dispositions variables
qui ont déjà été indiquées ailleurs et sur lesquelles nous n'avons pas à
revenir (Foy. art. Pleurésik PUAULEKTE, p. 210). Le pneumothorax qui en
résuite est tantôt généralisé ou du moins libre dans la cavité pleurale,
tantôt circonscrit lorsque des adhérences antérieures avaient enkysté le
foyer pnnileut et limité l'espace où l'épanchement gazeux peut se pro-
duire.
On voit, en somme, que les causes du pneumothorax, malgré leur appa-
rente Tariété, se réduisent à deux principales : en première ligne la tuber-
culose pulmonaire, en seconde ligne la pleurésie purulente; le mode de
production de l'épanchement gazeux dans ces deux conditions est égale-
ment «mple et facile à comprendre. En dehors de ces deux causes et des
causes traomatiques dont l'étude ne nous appartient pas, toutes les autre
sont des raretés et même des exceptions, et plusieurs de celles qu'on a
invoquées attendent encore d'être démontrées.
Lésions anatomiques. — Dans quelques cas simples, le pneumothorax
est uniquement constitué par l'épanchement d'air dans la cavité pleurale,
et les lésions anatomiques se réduisent à cet épanchement; c'est ce qui
arrive surtout dans les pneumothorax vraiment accidentels, qui se pro-
duisent & la suite d'un effort, de la rupture de quelques yésiculeç emphy-
sémateuses ou d'un traumatisme peu grave. Dans ces circonstances où la
plèvre et les organes adjacents sont sains, la rupture ou la déchirure du
poumon se cicatrise vite, l'air atmosphérique épanché est facilement ré-
sorbé et la guérison a lieu dans l'espace de quelques jours. Lorsque l'épan-
chement gazeux est abondant, la résorption est quelquefois lente à se
(lire, et on a vu le pneumothorax persister pendant des semaines et des
mois ; cependant si la plèvre est saine, il ne résulte de la présence de l'air
lOQT. MCT. H<D. R CUR. XXVUI. — 18
274 PLÈVAE;. — PHsmoTiiMAX. — Léaioas AXATonoim.'
dans soa inlérieinr aucune conséquence graye; l^air atmosphérique a*es(
pasiirritani pour la plèvre, et q«and il est seul épanehé et quMl n'catpas
occonipagnédo la péoétraiioadasaBgjetsartout de|)roéuits mMrbidefrdMis
la cavité {Rurale, il peuA ne>déternBner anoaneirniation. Lea^exesipleB'
de iguérisoa rapide de pneunH) thorax, dans; les -condUtians que non*
d*indiquer, démontrent l'exactitudodercefait, qweicmifirmeot eneont
taines expériences sur les animaux; : Defflflin}uay''et'Leeonte, ont en. effet,
pratiqué sur. des clûens des injections d'air dans la plèvre et les onti ré**
pétéee^inéme tin grand nombre de. foie ebec 4e mène animal. sans qui! en
résultai aucun accident:
Maïs, comme on pourrait déjà le prévoir par la nature des cauaes^i
produisent lepneumothorax, cette affeetiooisej présente bien rareiaentdMif
les condiiions de simplicité qui précèdent : leiphis souvent, en même lenpe
qnet Taîis d'autres produits et presque toujours des produits morbides
tombent dans la plèvre el détermine&t des lésions secondaîres; on: a alors
les lésions de rhydropneumothorax ou. du pyopneumotborax. D'autres
fois, la plèvre est déjà le siège de lésions graves quand l'air fait imip*
tiondans sa cavité, ainsi que cek a lieu dans le pneumothorax ooasé*
cuiif à la :pleurésie purulente. Il ea i-ésulte que, dans la grande migerké
des cas, les lésions anaiomiques consieteot ài la fois^daas la présence
d'air ou .de gaz dans la plèvre et d'un épanchement liquide de conpoi
sition variable; on trouve en outre les diverses lésions qui ont létéla
cause du pneumothorax. Nouft avons à examiner rapidement ces difiéientes
allératiûDS.1
Dans le pneumothorax par perforation, le seul que nous ayons en vue,
le fluide épanché est, au moins dans le principe, de Tair plus ou moîas
pur. Quand ce gaz. séjourne et surtout s'il devient enkysté par obUléia-
tioA de la iistule qui lui a livré passage, il subit des modification» dues
aux plîénomènes d'absorption ou d'exhalation qui se passent dans la
plèvre. Ainsi que l'ont établi les :analyses:;de Demarquay et Lcconte^qui.
concordent à. peu près aveoles recherches! antérieures de Davy, l'oxygèBSi
diminue graduellement, si bien qu'il peut finir par disparaître «preafoe*
complètement ; il est remplacé par une quantité approximativemenfeéqîiî^'
valente d'acide carbonique; razûtet8ubil..égBlenient une augmentatk»!
pluS'Ou moins, sensible. Il s'est produit ninit m» nouveau mélange quii est
plus absorbaUe qnele précédent^.et ainsi pent avoir Heu suGoenmment''
et graduellement la résopptien> complète. L'absorption se fait aussi sur •
les gaz qui se renouvellent, dans: la plèvre en cas de persistance de lali^
tule, mais naturellement .la résorption complète n'est pas possible,: taÉk>
que les gai continuent à arriver dans la cavité pleurale.
La composition, des gaz; épanchés n^est plus la:méme, quand In^plèm^
contient eaméme temps des r liquides altérés ou dos détritus organiqnsi)'
il 1 s'y ajoutO'alurs d'autres rgaz^ comme: l'hydrogène sulfuré ou le aiiUi}*'
drate d!amnMMuaqiie^ qui donnent à l'épanchemeni gaseux une horriUn
fétidité. En entre,, tandis que l'air/ plus- ou moins modifié était snn.
influence neoivesur la.plèn*ejet.stti\réconemie, ces produits d'allératiin'
PLËTRE. — P?IEO«OTIIORA\. LÉîtiOÎIS A?IAT01IIQCBS; 275
puti^ide sont délétères* au plus haut degré et capables d'engendrer dos
accidents^ de septicémie.
La qaantité du gaz épanché est très-variable^ suivant que la perforn-
lion qui lui livre passage est persistante ou passagère, plus ou moins
large et plus on moins perméable, suivant que la cavité pleurale con-^
tient une quantité de liquide plus ou moins abondante, suivant que la
plèvre est libre ou cloisonnée par des adhérences, etc. Dans quelques
circonstances, la disposition de la fistule pulmonaire est telle que Tair
pénètre sans difficulté dans la plèvre et qu'au contraire il est empêché
d*en sortir par une sorte de valvule qui ferme forifiee pendant Texpira-
tion ; c'est alors que la quantité de l'épanchement gazeux peut être le
plus considctrable, refoulant les parois thoraciques, le diaphragme et le
mé^astin. 11 est fréquent que la poitrine renferme d*un demi-litre à un*
litre de gaz, mais cette quantité peut varier dans des proportions très-
élendJes.
Le liqaide épanché dans la plèvre en mOmo temps que les gaz pré-
sente une composition variable : quelquefois il est séreux (hydropneumo-
thorax}, très-souvent il est purulent (pyopneiimothorax). La présence
d*une certaine quantité de liquide simplement séreux, coïncidant avec un
êpanehement gazeux de la plèvre, est une nouvelle preuve que Tair atmos-'
phérique n'a sur la plùvre qu*unc action bien faiblement irritante; cepen-
dant les exemples d'bydropneumothorax avec cpancliemcnt purement
séreux sont, en réalité, assez rares': Saussier n'en a cité qu'un exemple
sur 169 observations ; on pourrait en signaler quelques autres (Marais,
Vieuille, Peyrot), et récemment encore Desplats en a publié un cas inté-
ressant dans le Journal des Sàicncea mMicalesile Lille (juin 1879). Pres-
que toujours répanchement liquide qui accompagne le pneumothorax
est sanieux ou purulent, c'est un pyopneumothorax. Très-souvent il pré-
sente une horrible fétidité, due sans doute à ce que son contact avec l'air
lui fait subir la décomposition putride. Dans ce li([uide purulent on
trouve fréquemment des masses pseudo-membraneuses, quelquefois des
déirilus gangreneux du poumon. Les parois de la plèvre' elle-même sont
tapissées de fausses membranes infiltrées de pus. Nous n'avons pas à
insister sur toutes ces lésions qui ne diffèrent pas de celles qu'on observe
dans la' pleurésie purulente.
L'épanchement liquide et gazeux qui constitue le pyopneumothorax
occupe le plus souvent toute la cavité pleurale ; quelquefois il est en-
kjs|é, ainsi que cela a lieu surtout à la suite des pleurésies purulentes
interiobaires ou diaphragmatiques (Cayol, Moutard-Martin, N. (xuéneau de
Mussj). Suivant l'abondance de l'épanchement, on observe des déj^lace-
menU plus ou moins marqués des organes voisins ; le poumon surtout
est ordinairement aplati, refoulé, déformé, quelquefois réduit à une
sorte de moignon appliqué contre la colonne vertébrale et à peine recon-
oaissable sous la couche épaisse de fausses membranes qui l'enveloppe,
d'autres fois ayant conservé un certain volume et souvent relié par plaoes
à la paroi thoracique par des brides membraneuses.
276 PLÈVRE. — pkrumothorax. — stuptômbs et har€he.
La fistule qui a donné lieu au pneumothorax n'est pas toujours facile
à trouver au milieu de toutes ces lésions. Assez souvent elle est petite,
tortueuse, comme perdue au milieu des inégalités de la surface des
fausses membranes ; pour la trouver, on peut être obligé d*io8uf0er le
poumon sous l'eau, et on voit alors quelques bulles d'air qui Tiennent
sourdre à sa surface. Les dispositions et le siège de ces fistules varieut
d'ailleurs suivant les maladies auxquelles elles se rattachent ; nous en
avons déjà dit quelques mots a propos des causes, et nous renverrons
pour de plus amples détails à l'étude des diverses maladies qui peuvent
amener la perforation de la plèvre, et l'épanchement d'air dans sa ca-
vité. Quelquefois ces fistules s'oblitèrent au bout d'un temps plus ou
moins long, soit par cicatrisation de leurs parois, soit par un dépôt de
fausses membranes qui obture leur lumière, et la plèvre est alors trans-
formée en une sorte de kyste renfermant des liquides et des gaz ; cette
oblitération n'est souvent que momentanée et la fistule peut s'ouvrir et
se fermer par intervalles, mais il n'est pas rare que l'occlusion soit défi-
nitive : alors les gaz épanchés peuvent être résorbés en totalité ou en
partie, et le kyste pleural, cessant de communiquer avec Pextérieur, se
comporte comme les épanchements de la pleurésie chronique : une par-
tie du liquide peut être résorbée, le reste persiste indéfiniment en subis-
sant diverses transformations.
Symptôtnes et marche. — Le mode de début du pneumothorax
et l'évolution des accidents qu'il entraine diffèrent d'une façon trèt-sen-
sible suivant la nature des causes qui en ont provoqué le développement;
il est donc nécessaire de distinguer plusieurs cas particuliers, dont les
principaux, par ordre de fréquence, ont trait : 1® aux pneumothorax qui
dépendent d'une maladie pulmonaire, comme de la tuberculose, des abcès
ou de la gangrène du poumon ; 2^ à ceux qui sont consécutifs a la pleu-
résie purulente ; 3*^ enfin à ceux qui résultent d'une simple déchirure
du poumon, sans lésion morbide antérieure de cet organe ni de la plèvre.
Malgré leur rareté relative, nous commencerons par ces derniers, afin de
procéder des cas les plus simples aux cas les plus compliqués.
Le pneumothorax qui survient, soit à la suite d'un effort violent ou
d'une quinte de toux, soit par la rupture de quelques vésicules emphysé-
mateuses, comme celui qui est le fait d'un traumatisme, débute par une
douleur de côté très-vive et par une dyspnée subite. L'intensité de cette
dyspnée est toute entière subordonnée à l'abondance de l'épanchement:
après avoir été toujours assez intense au moment de la production do
pneumothorax, elle peut se calmer après quelques heures ou au plus
quelques jours, si la quantité de gaz est peu considérable ou si ce gaz
est déjà en partie résorbé. 11 n'y a ni fièvre ni aucun autre trouble géné-
ral, et surtout on ne constate aucun symptôme de pleurésie. Les signes
physiques dénotent l'existence d'un épanchement gazeux dans la plèvre et (
c'est dans ces cas seulement que le pneumothorax se présente à rétat de
pureté: on trouve une sonorité tympanique à la percussion, du souflk |=:
amphorique à l'auscultation, phénomènes sur lesquels nous insisterons
I —
PLÈVRE. — pWeuuothorax. — symptômes et marche. 277
(oui k l'heure ; assez souvent il s'y joint plus tard des signes qui indi-
quent une certaine quantité d*épnnchement séreux. Ordinairement la
déchirure du poumon se ferme peu de temps après sa production, et alors
Fair et le liquide épanché peuvent être résorbés, au bout de quelques
jours ou de quelques semaines ; plus rarement Tépanchement persiste
pendant des mois et même pendant des années. J'ai observé dans les
hôpitaux un malade qui portait ainsi depuis deux ou trois ans un hydro-
pneumothorax enkysté sans en éprouver d'ailleurs de bien grands trou-
bles : il venait de temps en temps à Thôpital pour se reposer, mais était
capable de se livrer au travail pendant de longs intervalles. Ce premier
groupe de pneumothorax comprend les cas les plus favorables, puisque
la guérison n'est pas rare et même que souvent elle n'est pas longue à
venir. Cette innocuité relative tient à ce que, au moment où Tépanche-
ments'est produit, le poumon et la plèvre étaient sains et que les lésions
se réduisent à Tépanchement dans la cavité pleurale d'une certaine
quantité d'air atmosphérique, dont Taction est, comme nous le savons,
hien faiblement irritante.
Dans le pneumothorax consécutif à la pleurésie purulente, on observe
d'abord les symptômes propres à cette maladie, puis ceux d'une vomique
plus ou moins persistante ; ce n'est qu*après une certaine durée de l'ex-
pectoration purulente que surviennent, et cela bien entendu dans quel,
ques cas seulement, les symptômes du pneumothorax. Cette complication ne
s'annonce en général par aucun trouble important qui indique le moment
précis où l'air est entré dans le foyer purulent : pas de point de côté vio-
lent ni de dyspnée subite, dans quelques cas seulement une augmenta-
tion de l'oppression. C'est le plus souvent par les signes physiques qu'on
est conduit à reconnaître que l'air a pénétré dans la plèvre : on trouve,
en effet, de la sonorité dans les parties supérieures de la poilrine qui
auparavant présentaient une matité absolue, on entend du souffle ampho-
rique, on perçoit le bruit de succussion hippocratique, etc. Quelquefois
aussi la fétidité de l'haleine et des crachats peut mettre sur la voie du
diagnostic : alors que, pendant un certain temps, le malade n'avait
expectoré que du pus fluide sans odeur bien marquée, on s'aperçoit à un
moment que les crachats deviennent fétides et acquièrent bientôt une
odeur repoussante ; c'est que l'air qui a pénétré dans le foyer purulent
permet maintenant la putréfaction des liquides épanchés. Presque tou-
jours la production du pneumothorax dans ces conditions aggrave beau-
coup la situation, déjà si sérieuse : l'appétit achève de se perdre, il sur-
vient souvent de la diarrhée, des frissons répétés suivis de sueurs froides,
en un mot des accidents de septicémie, et la mort ne tarde pas à arriver.
Cependant il n'en est heureusement pas toujours ainsi : dans quelques
circonstances favorables, le foyer purulent peut continuer à se vider par
les bronches, sans phénomènes de putridité malgré la présence de l'air, et
la guérison spontanée est possible, aussi bien que dans le cas de pleurésie
purulente simple ouverte dans les bronches sans complication de pneumo-
thorax. Enfin l'abcès pleural s'ouvre quelquefois, non plus dans les bron-
278 PLÈVRE. -^ PKBVMOTUORAX. — sym^iirs et JlàBCn.
ches, mais à travers la paroi thoracique, et dans ce cas encore l'air peut
pénétrer dans la cavité, de la iplèvre, le pyopneumothorax est .«onUÛaé,
avec toutes les chances d'altération putride de répancheoient qna nous
indiquions tout à Theure. Ouand ces accidents de putriditéappanûeseot,
une issue fatale est presque inévitable, si une large ouverture^ da thorax
pratiquée artiGciellement ne vient permettre de détei^g^ 1& cavité et
d'ampécher la décomposition des produits qu'elle contient.
La troisième espèce de pneumothorax que nous avons à. étudier. est
eelle dans laquelle Tépanchement d'air résulte d'une perforatioada pou-
mon, consécutive elle-même à une maladie de cet organe. C'est de»beau-
coup l'espèce la plus oommune, puisqu'elle comprend le pneumothorax
qui survient dans la pbthîsie pulmonaire, ou plus rarement i JavSiiite de
la gangrène ou des abcès du poumon ; c'est elle qui a servi de ^modèle à
la description de tous les auteurs.
. Le début est brusque, marqué par deux phénomènes, le point de côté
et la dyspnée, dont la soudaineté d'appamtionetia violence sont pra^que
caractéristiques, lorsqu'on les voit apparaître brusquement ohex dn j'oili-
vidus atteints de l'une des maladies que nous venons d'indiquer. Tout à
coup, pendant une quinte de toux ou sans cause. déterminantoy le malade
est pris d'une douleur atroce, angoissante, parfois accompagnée, d'june
sensation dedécliinire dans. la^ poitrine... En'méme temps il épioweiuie
dyspnée terrible avec menace de suffocation ; celte dyspnée a'exfdique
par l'irruption brusque de l'air dans la plèvre, qui' d'emblée sappnaie
une partie delà surface respiratoire (insuffisance pulmonaire aiguë, tWin-
trich), et aussi par le 'point de côté, qui fait que<le malade inornùbibse
instinctivement son thorax. L'oppression arrive à .«on comble,, tquand la
perforation est disposée de telle sorte ,que l'air entji*e librement dans la
plèvre et ne peut en sortir ; l'épanohemeut remplit alors tout un cAté de
la poitrine, tout le poumon correspondant cesse de fonctionner et la mort
peut arriver très-rapidement avec les phénomènes de l'asphyxie aiguë.
Plus souvent les accidents du début s'atténuent au bout d'un certain
temps, le point de côté surtout, mais la dyspnée persiste, plus ou moins
intense suivant l'abondance de l'épanjchement. Dans les premiers temps,
il n'y a pas de fièvre, du moins imputable à l'épanchement d'air; plus
tard, quelquefois même rapidement, les phénomènes fébriles apparais-
sent, liés à la pleurésie qui s'ajoute au pneumothorax et qui est presque
constante dans l'espèce que nous étudions.
Les signes physiques du pneumothorax et de l'hydropneumothoni
sont très particuliers à cette maladie et en rendeoti le diagnostic le plus
souvent facile.
L'inspection fait constater Timmobilisation d un côté de la poitrine et
la dilatation permanente de ce côté. On voit, en effet, que la moitiéidu
thorax correspondante à l'épanchement gazeux ne présente pas, dans Tiis-
piration et dans l'expiration, les alternatives de soulèvement et de letrait
qu'on observe du côté sain; cette immobilité est également évidente»!
niveau de Thypoctiondre qui rente soulevé et saillant, et ne s'affaisse pas
PLÈVRE. «nmi^THORAx. — \nwnàmES bthiihu. 9?9
«ommedu cAté opposé f)eiiikntrejqpbatk>n,i|)trce que le ;di«pluragme est
abaiiiè et niaiotemu Jana cette fetilion; par la pressioade l'^achtmeiit
gaiflDi^lde r-épaachenent li4|aide ; notans^ien passant, que eet abaisse-
OBant permanent du diapiuragme; peut ^mcere être* reoeonu f)ar le vefottle-
laent du foie ou de la rate, suivant sque île ; pneumothorax siège à droite
ou i gauche. Quant à la dilatation, du côté mâisMle, elle est plus, oppanente
que réelle, et, en fait, il n'y a pas, dans le pneumothorax, de Toassure
giMi&rale ou partielle asalogiie à eèllei qu'on rencontre daas iat pleurésie.
On a. prétendu que les gaz; pouvaient s'accumuler en quantité considéra-
b\e9 dans la pierre,! lonsqiieia disposition de. la fistule permetiait l'entrée
de l'flirtet einpâchaitisa «aortse, et que œs ga^ pouiraient . aUmhaoquérir
onelenaion capable de refouler les parois thoraetquestet même de dépla-
cer les organes duiinédiastin; mais il yia là.une erreur contre i laquelle
de Gaatelnau et Béhier se sont élevés avec raison, i II est,: en .effet, impos-
sible qu'une nouvelle quantité d'air entre encore dans la cavité pleurale,
loraqueiles. gaz qui y sont contenus ont: acquis, pendant l'agoandiese-
mentdu tbonax dans l'inspiration, une;ten«on. égale à la pression atmos-
phérique ; on ne voitpas quelle force les y ferait pénétrer. Ce n'est donc
pas aine distension ràeUe qui existe .du côté malade, c'est simplement
une absenccide retrait i la poitrine ne revient pas sur elle^oéme^lorside
renpûntîon, puisque l'air qui la remplit ne peut être chassé, elle reste
dans la'poBÎtion qu'ellet prend lors d'unci inspicatk)n profonde et laite avec
effort; aussi» parait-elle être dilatée pendant l'expiration par rapport au
c6té sain, 'mais cette «différence disparaît à, peu. près complètement >au
moBoit d'une forte inspiration (Béhier) . Le plus souvent, d'ailleurs, l'air
peut entrer et sortir: sans' difficultés, ou bien il est emprisonné dans *la
plèfmaprès oblitération de< la fistule; «dans ces cas, l'ampliation du.oAAé
mtJado- est nulle ou peu marquée, quelquefois même on trouve unrétré-
eiaaaneni-dû à. des adhérences antérieures.
;Lâ pepcnasion donne «n son tympanique:dan& toutes les par tics, tocou-
pèeaipor l'épanchement gazeux, et le doigt qui percute éprouve une sen-
sation*'d'élasticité remarquable; s'il y a en même temps des liquides
accnnulésidaus la plèvre, ils occupent aaturellement les parties d^liaes
et niera on trouve, on haut de ia/poitrine, une sonorité exagérée, en bas,
une inaotité absolue.^ La* tonaUté^duson tympanique varie soivant "la.ten-
sîon*da.gai contenu dans la poitrine et la tension corrélative des: parois
thoraciqnes : si cette tension est faible, la tonalité sera graverai,» au cou-
traire y ;olle;«6t forte, la. tonalité sera, aiguë et le caractère tympanique
pourmiêtro alors beaucoup moins facile à percevoir ; il peut même* arri-
va que la tonalité soit assez aiguë pour qu'on puisse croire à l'existence
de la .matité iMon y faisant attention, on reconnaîtra qu'il n'y a pas de
nuitité véiitable , mais un son clair ci aigu très-différent du son tympa-
nique qu'on trouve habituellement. Quelquefois le son fonrni par la^per-
cuBsion présente un timbre métallique remarquable ; mais, en. général,
pour bien, percevoir ce caractère, il faut combiner la percussion et Tau-
acuknlion : si Ton applique l'oreiUc «sur la pûitrâne, au niveau «des par-
280 PLÈVRE. — PNEUMOTHORAX. — SYMPTÔMES ET MARCHI.
lies correspoDdantcs au pneumothorax, et qu'en même temps on percute
ou qu'on fasse percuter un point quelconque du thorax, soit avec les
doigts, soit avec un doigt frappant sur une pièce de monnaie, soit avec
une pièce de monnaie frappant sur une autre pièce appliquée sur la poi-
trine, on entend un bruit métallique éclatant et prolongé auquel Trous-
seau a donné le nom de bruit d'airain, et qui a une très-grande Taleur
diagnostique.
Les vibrations thoraciques sont abolies dans toute l'étendue de rhjdro-
pneumothorax, aussi bien dans la partie correspondante à l'épanchemeni
gazeux que dans celle qui correspond à la collection liquide.
L'auscultation fournit une grande variété de signes, qui sont aussi
importants que caractéristiques. On constate d'abord la suppression abso-
lue du bruit respiratoire normal ; ce bruit est remplacé par du soufBe
amphorique, souifle produit, soit par le passage de l'air dans la cavité
pleurale à travers l'orifice étroit de la fistule et qui ressemble en effet a
celui qu'on détermine en soufilant dans l'ouverture d'une cruche i large
ventre et à col très-rétréci, soit par le retentissement du bruit bronchi-
que à travers une cavité pleine de gaz, dans le cas où l'orifice Bstuleux
est oblitéré. L'intensité de ce souffle est très-variable ; quelquefois il est
très-fort, d'autres fois il est si faible ou paraît si éloigné qu'il faut une
grande attention pour le découvrir ou qu'on le perçoit seulement dans
les grandes inspirations ; en tout cas, il offre un timbre métallique tout
particulier. Le même caractère amphorique se retrouve dans l'ausculta-
tion de la voix et de la toux, qui sont souvent suivies d'un écho mélalli-
que plus ou moins retentissant. L'oreille appliquée sur la poitrine per-
çoit encore, par intervalles, le tintement métallique, petit bruit sec,
sonore, analogue à celui que produirait une perle tombant dans une
coupe de cristal ; ce phénomène est très-inconstant, il parait et disparaît
de temps en temps; quelquefois il est provoqué par des secousses de toux
ou par les mouvements du malade, ou au contraire il est supprimé par
ces circonstances. Tous ces phénomènes, auxquels on peut joindre le
bruit d'airain de Trousseau dont nous avons déjà parlé, constituent un
ensemble de signes d'auscultation dont on ne saurait contester la grande
valeur diagnostique. L'interprétation physiologique de ces divers signesa
donné lieu à de nombreuses discussions, notamment pour le tintement
métallique ; cependant nous n'ayons pas à entrer dans le détail des diver-
ses théories qui ont été présentées et soutenues, parce que celles-d ont
déjà été exposées avec une grande netteté dans l'article auscultation de
ce dictionnaire {Voy, t. IV, p. 123, 133, et 144). Qu'il nous suffise de
faire observer que la production des divers bruits morbides que nous ve-
nons d'indiqut r ne semble pas exiger la communication de la cavité anor
maie avec les bronches, mais que, suivant l'opinion de Skoda, de Moo-
neret et de Béhier, ces bruits peuvent aussi bien se produire dans les ctt
où la fistule broncho-pleurale est fermée que dans ceux où la communi-
cation persiste entre les bronches et la plèvre : dans cette interprétatioiit
qui concorde avec un gi^and nombre de faits et d'expériences, tous les
PLÈVRE. — PKEUIIOTUORAX. — SYMPTÔMES ET MARCHE. îi81
bruits qui arrivent à Torcille dans l'auscultation de la poitrine» acquer-
raientf en traversant la cavité pleine d'air du pneumothorax, le caractère
amphorîque et le timbre métallique, que ces bruits se passent d'ailleurs
dans la cavité anormale ou en dehors d'elle dans les bronches, que la
perToFation pulmonaire existe encore ou bien qu'elle soit fermée. c< Ainsi
donc, dit Bebier» dans le pneumotorax, la communication pleuro-bron-
cfaique n*est nécessaire que pour créer l'établissement de la collection ga-
zeuse qui joue, dans la production des phénomènes, le rôle d'une caisse
de renforcement; le maintien de cette communication est inutile pour la
production du tintement métallique et des diverses nuances de bruits mé-
talliques. Ces derniers ne sont autres que des bruits extérieurs à la col-
lection gazeuse qui, en la traversant pour arriver à l'oreille de l'observa-
teur, prennent le timbre particulier qui leur imprime un caractère
spécial et une valeur diagnostique particulière. x>
Enfin un dernier signe, encore aussi caractéristique que les précé-
dents, est fourni par la succussion hippocratique : lorsque la plèvre con-
tient en même temps des liquides et des gaz, les mouvements imprimés
au malade déterminent un clapotement du liquide, qui est perceptible a
Toreille et quelquefois même à la main, et que le malade ressent souvent
de lui-même dans les mouvements qu'il exécute. Le bruit de flot est, dans
certaines circonstances, assez fort pour qu'on l'entende à distance, d'au-
tres fois il est nécessaire d'appliquer l'oreille sur la poitrine* En outre,
pendant la succussion, la main appliquée sur le côté malade ressent quel-
quefois le choc du liquide qui vient frapper contre la paroi thoracique.
Le bruit de succussion hippocratique, qu'on peut retrouver dans d'autres
circonstances, par exemple lorsque l'estomac distendu contient des gaz et
des liquides, présente pour le diagnostic une très-grande valeur : quand
on l'a bien constaté et qu'on a bien déterminé qu'il a son siège dans la
cavité pleurale, il suflit à lui seul pour établir avec certitude l'existence
de rhydro-pneumothorax.
Aux symptômes et aux signes précédents s'ajoutent fréquemment des
phénomèoes graves qui se rattachent à la purulence ou à la putridité
de répancbement liquide. Dans certains cas, de pneumothorax tuber-
culeux, l'épanchement peut, à la vérité, rester simplement séreux, ainsi
que Dous en avons déjà cite quelques exemples, et alors les phénomènes
généraux sont nuls ou presque nuls, la dyspnée et les menaces d'asphyxie
constituent tout le danger de la maladie ; mais bien plus souvent, on
pourrait dire presque toujours, l'épanchement est purulent et il en est
constamment ainsi dans les cas d'abcès ou de foyers gangreneux du
poumon ouverts dans la plèvre : alors apparaissent, quelquefois de très-
bonne heure, les accidents les plus graves de la pleurésie purulente; ou
bien, par suite de l'altération putride que subit le pus, on voit survenir
des symptômes de putridité et de septicémie, en tout semblables à ceux
que nous avons mentionnés à propos de la pleurésie purulente compli-
quée de pneumothorax.
On voit, d'après cela, toute la gravité du pronostic dans les cas où le
882 PLÈVRE. — PHEmorHORAx. — bugrdstic.
pneumothorax «si la conséquence de l'ouverture dans la piètre d^mr fcyer
tuberculeux ou gangreneux ou d'un abcès pnenmonique. ^Outrer que «eel
accident peut entraîner la mort à bref délai, par le seul 4ait éê TaliM-
dance de Tépanchement et de l'asphyxie qui en résulte, les tukes lesplos
redoutables sont à craindre, si le malade échappe à ce premier dniger;
on aura y en etfet, à compter avec le développement 'd'une Jpievrésie
purulente généralisée et le développement plus terrible • enewe 'ée^ la
décomposition putride du liquide épanché» avec toutes ses eonsé^Benees-
Le pronostic sera moins absolument grave, si le pneumolhormx -«rttliniîlé
et enkysté, parce que quelquefois 'le foyer peut être évacué «par les
bronches et la guérison arriver. Enfin, dans des cas malbeweusC"
ment exceptionnels, et lorsque le pneumothorax survient «a-'débiit de
la tuberculose, il peut arriver qu'on ait simplement afraira à: un by-
dropneumothorax, que le gaz soit résoribé après fermeture. de la Bstole,
et que le liquide épanché* disparaisse à son tour après un temps plus ou
moins long.
Diagnostic. — Les différentes espèces de pneumothorax quo noas avoiy
successivement étudiées présentent un mode de début et^une éittfaition
qui bien souvent ne permettent pas de se méprendre sur leurnatore; en
outre, on trouve dans cette maladie des signes physiques fournis par la
percussion, par l'auscultation, parla succussion, etc., qui, .même pris
isolément, jont déjà une grande valeur, et qui par leur réunion aoittti-
tnent un ensemble plus capable de suffire au diagnostic dans la 'plupart
des autres maladies. Très-souvent donc le diagnostic ne prteate pas
de difficultés. Mais quelquefois la. maladie n'est caractérisée que par
quelques-uns de ses signes habitueb, et alors on peut la confondre atee
d'autres maladies ; plus souvent encore on croit à Texisienoe d'oo
pneumothorax qui n'existe pas, parce qu'on a attaché trop d'importance
à certains signes, au souffle amphorique par exemple.
Le pneumothorax généralisé et accompagné, comme c'est le caa le ph»
ordinaire, d'un épanchement liquide plus ou moins abondant ne peut
guère être méconnu ni confondu avec aucune autre maladie; on y
trouve, en effet, à la fois tons les signes physiques^ notamment le souffle
amphorique, le bruit d'airain et le bruit de succussion qui pemwtknt
d'affirmer le diagnostic. Mais l'embarras est bien plus grand pour les
pneumothorax circonscrits et enkystés: quand ceux-ci sont conséenlî&i
une pleurésie purulente interlobaire ou diaphragmatique, on voit d^ahoni
se produire les symptômes d'une vomique qui n'avait pas son origiae
dans un épanchement occupant la grande cavité pleurale, puis on ooo^ale
l'apparition de bruits amphoriqucs et quelquefois même le tintement
métallique ; dans ces conditions, il est naturel de penser à un pneome-
thorax, et si, dans la suite, on voit l'état général s'améliorer et les signes
cavitaires s'atténuer et disparaître, on est autorisé à persister dans et
diagnostic et à écarter le soupçon d'une caverne tuberculeuse (Moutard-
Martin, Noël Guéncau de Mussy).
Certaines pleurésies accompagnées de souffle amphorique et la phlhisie
PLÈVRE. — P» EUMOïHOBAX^ • TRAITEMENT. 285
pulmooaire aTec cavernes volumineuses sont les' deux: maladies, qu'on est
le plus exposé à confondre avec le pneumothorax.
C*«t surtout Texistence du soufQei amphorique qui peut faire croire à
un poeimiothorax dans certains cas de pleurésie, notaromentide pleurésie
piinilfliifte;.mais dans ces cas où Tépanchement est déjà abondant, on
troimra . de la matité au lieu du tympanisme à la percussion, on ne
neiMMintrera ni bruit d'airain ni bruit de suocussion, on aui*a d'aiK
leurs les signes antérieurs .d'une pleurésie purulente; s'il s'agissait,
au oontraîre, d'un pneumothorax consécutif à une pleurésie puru-
Ifinle,- ta aurait, avant l'épanchemant gaxeux, observé les symptômes
d*une fomique.
Xes ^ndes cavernes pulmonaires superficiellement placées peuvent
donner lieu à plusieurs des signes du pneumothorax, notamment aux
hnûta amphoriques et même au tintement métallique; mais on remar-
quera que le bruit de suocussion y est absolument exceptionnel, que la
percuMion donne à leur niveau le bruit de pot fêlé en même temps. que
le tympanisme, que les vibrations thoraciques sont exagérées, qu'il y a
du rétrécissement du thorax,, etc. On aura surtout égard à l'évolution
tente dilférente des phénomènes dans les deux maladies : au lieu du
début brusque et de l'apparition presque soudaine des symptàmes qu'on
trouve. dans le pneumothorax, on a dûns' la tuberculose des accidents
suceeaaifsidont ou peut- suivre les progrès^ Malgré tout, dans, les cas où
UQ pneumothorax circonscrit vient compliquer une phthisie pulmonaire
déjà avancée, il est certain que le diagnostic peut présenter de très-
grandes difGcultés et qu'il reposera uniquement sur les signes physiques
que noua venons d'indiquer.
Quant au diagnostic de la cause du pneumothorax et de la maladie à
laquellû'il se rattache, nous n'avons pas à y insister de nouveau, après
avoir étudié séparément les principales espèces qu'il nous a paru utile de
reconoaitre parmi les épanchemonts gazeux intra-pleuraux.
Traitement. — Quand le début du pneumothorax est brusque et mar-
qué par cette atroce douleur et cette terrible dyspnée qu'on observe dans
les circonstances que nous avons signalées, il but chercher, sans retard,
i remédier à ces accidents. Pour calmer le point.de côté, les injections
wna-cutanées de morphine loco dolenti sont le moyen le plus rapide et
le plus efficace; on pourra les répéter plusieurs fois, à intervalles conve-
nables,'jusqu'à ce qu'elles aient réussi à modérer ce symptôme pénible,
dangereux même par la nouvelle entrave qu'il apporte à la respiration.
Contre la dyspnée qui tient à la brusque diminution du champ respi-
ratoire, les inhalations d*oxygène sont assurément un remède très-^ration-
nel, et elles peuvent, en effet, compenser en quelque sorte, dans une
certaine mesure, l'insuffisance pulmonaire; on pourra y revenir dans le
cours 'de la maladie pour calmer l'oppression. On a conseillé aussi les
émissions sanguines, dans le but de combattre la fluxion qui se produit
sur le poumon sain; mais ce moyen, applicable au cas du pneumothorax
trauroatjque ou aux cas qui s'en rapprochent, sera souvent contre-indiqué
284 PLÈVRE. — bibliographie.
par les maladies antécédentes et par Tétat de faiblesse que ces maladies
auront amené.
Ultérieurement, les indications thérapeutiques varient suivant Fespëce
de pneumothorax et les accidents que chacune dV.lles peut entraîner.
Si le pneumothorax est pur, sans complication d'épanchement liquide,
on doit se borner à Texpectation, puisqu'on sait que Tair atnoMMpiiérique
n'a pas ou guères d'influence nocive sur la plèvre, et que le gai pourra
être résorbé dès que la perforation qui en a déterminé l'épandieinent
sera fermée. S'il y a hydro-pneumothorax, on peut employer quelques
révulsifs pour combattre la pleurésie subait^uë dont l'épanchement séreux
est rindice ; et, dans le cas où la quantité du liquide serait aaseï oonsi*
dérable pour constituer un danger, il no faudrait pas hésiter à recourir
à la thoracentèse et à la répéter suivant les circonstances.
Parmi les cas de pyopneumothorax, il faut distinguer ceux où Ton est
en présence d'une pleurésie purulente ouverte dans les bronches ou par
la paroi thoracique, et ceux où Ton a affaire à la rupture d'un foyer pul-
monaire dans la plèvre.
Dans le cas de pleurésie purulente, il ne faut pas trop se hâter de pra-
tiquer la thoracentèse ou l'empyème, puisqu*on sait que ces cas peuvent
quelquefois guérir sans opération, par évacuation successive du contenu
de Tabcès pleural. Mais, si la formation du pus persiste indéfiniment et
surtout si l'on voit survenir des accidents de putridité, il faut alors recou-
rir à l'empyème et faire de grands lavages désinfectants de la plèvre.
L'opération serait pourtant contre-indiquée, si le malade est tub^culeux,
car elle n'aurait alors aucune chance de succès.
Enfin, si le pyopneumothorax résulte de la rupture dans la plèvre
d'un foyer pulmonaire, les indications sont subordonnées à la nature de
la maladie initiale : si c'est une phthisie pulmonaire el si c'est un foyer
tuberculeux ramolli ou une caverne qui se sont ouverts dans la cavité
pleurale, on devra s'abstenir. Mais s'il s'agit d'un foyer gangreneux du
poumon ou d'un abcès qui ont fait irruption dans la plèvre, on pourra
trouver dans Tempyorne quelques chances de guérison, ainsi que noos
Tavons dit plus haut à propos de la gangrène de la plèvre.
Dans les circonstances malheureusement trop nombreuses où une
intervention curative parait impossible, la thoracentèse peut quel-
quefois rendre de grands services à titre de moyen palliatif, pour remé-
dier aux accidents produits par l'abondance de l'épanchement. Voy. art.
PoiTRi?îE : thoracentèse.
Lainkec, Traité de rauscultation médiate, 3« éd., Paris. 1831, t. II, p. 282-536.
GflOiiEL, Art. Plèvres (Maladies des), in Dicl, de méd, en 30 toI., t. XXV, p. 56.
MoHREBET et Flecrt, Cumpeniiium de médecine pratique, passim.
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On consultera en outre les Traités de pathologie interne, notamment ceux de Gusoiu. ^
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fÉaàa, Du pneumothorax double, thèse inaug., Paris, 1878.
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pneumothorax circonscrits [Arch. gén. de méd., 1879, 2* vol., p. 5 et 141).
CossT, Sur le pneumothorax engendré par des gai provenant du tube digestif [Arch. gén. de
méd., novembre 1879, p. 526).
Charles Fernet.
PLOMB. — Ail. Bleij angl. lead^ iia\. piombo, esp. plomo. Symbole
Pb. — Équivalent 105,3. Un corps dont l'importance est de premier
. ordre en hygiène, en thérapeutique, en toxicologie, en pharmacologie,
}\ elc, ne saurait demeurer indiiïérent ou peu connu. Heureusement
286 PLOMB. — cHmiE. — état katorbl. — extraction du plomb.
d'ailleurs, la monographie du plomb est Tune d^phis sim|)}èis*et'dcs
moins chargées d'hypothèses. Et nous allons là résimier rapidckieiit.*
Historique — La facilité avec laquelle s'opère la réduction des
principaux minerais (galène>^ou*carbon«te). explique a priori pourquoi la
découverte du plomb se perd» diia<r la nuitdev temps^ Elle a frntembhi'
blement apparu en Eiirope, en même temps que les peuplade^ iifc^es,
auxquelles est due la connaissance des métaux (âge de brome, etc.).
Les anciens connaissaient en effet, non-seulement ie plomb mélaUUpie
dont ils se servaient principalement pour la fabrication de8'"Condmte
d'eau, mais aussi le minium qu'ils employaient comme nsatiàre colo-
rante. Dès le temps des Romains, on n'ignoroit pas que le plomb rai->
ferme souvent de l'argent.
Les mines principales étaient, situées dans l'Espagne, et .dans^les:
Gaules. Elles fournissaient, dès cette époque de la lithai^^ et'mMie
de la ccruse, ce qui est l'indice d'une industrie déjà fort àvaDcéei cet
égard.
État naturel. — Rarement on rencontre le plomb à V état' natif Çlii-
jerus). — 11 est alors en lamelles appartenant au système cubique; on Ta
aussi observé sous forme de paillettes dans un échantillon de fer météori-
que (Gray).
C'est presque toujours à l'état de sulfure (galène), seul on mélangé
aux sulfures des autres métaux (argent et cuivre principalement)^ q^e
l'on trouve le plomb dans la nature.
Le carbonate est moins fréquent.
Quant aux molybdate^ tungslate^ chromate, il sont relativeroent'rares,
et il en est de même des sulfate, phosphate, lellurure et séléniure de
plomb naturels.
Les seuls véritables minerais de plomb sont donc la galène et le car-
bonate. Ils sont assez souvent mélangés, et le carbonate paraitv daasn
ce casv provenir de Taciionv sur la galène, des agents atmof^phérique».
La galène se présente en. amas ou en filons de puissance parfois très-
considérable. On l'a trouvée à presque tous les étages géologiques, depuis)
les roches plutonienncs jusqu'aux terrains tertiaires. Quand elle^ consent'
une proportion d'argent notable, elle devient plus friable : caractère
précieux au point de vue métallurgique.
Ejctraction du plomb. — La métallurgie du plomb est depuis
longtemps tombée dans le domaine de l'industrie. Dans les laboratoires,*
on se contente de procéder, quand il y a lieu, h la purification de ce mélil.
V* L'opération préliminaire consiste à essayer le minerai: Lé procédf^
varie suivant qu'il s'agit d'une galène ou d'un minerai oxydé.
Sans entrer datis le détail, nous dirons que ces essais sont destinée
ù fournir seulement des indications approximatives.
Tels qu'on les exécute dans les usines, et même dans les laboratoires,
c'est-à-dire par voie sèche, ces essais sont toujours entachés d'erreur pir
défaut. Le titrage est donc toujours faible, ce qui est d'ailleurs surabon-
danmient démontré par le rendement industriel, invariablement supérieur
PLOMB. — BXTB4CTI0M DU PLOUBL 287
à Ja. quantité indîqfuée par l'essai pFéliminaire. La. volatilisation .relati-
veinaiilkôileidu.plDiDb et méfoe dequelquos-uos de ses composés binais
res rend compte trèa^oatureUefflcnt da ce déficit qui varie dei3,5 à 4 do
cent(Hhrol)v la. moyenne étant comprise -entre: 5 et 10 pour lOOi
La.ndKiaft des galènes ivarie beaucoup suivant la nature et l'abondanœ
de la gangue.
Le Butture de plomb pur, contenant 86,6* 100 de plomb, on trouve
des galaBes-qui. fournissent 30^40, 50 pour 100 de plnmb ou davantage^,
A «partir de 50 pour 100, une galène est dite. ncAe; les plus riches:
atteignent à peine 85 pour 100.
Aa^paiiit de vue théorique, la métallurgLa du plomb relève d'un petit
nomlmride 'principes et peut, être représentée par des équations très-sim^
plesi' Noua supposerons. toujours la galène pure ^nouft verrons que les:
malièiea .étrangères ou les impuretéssont à cet égard sans importance
notable;i .
Le sulfure de plomb est fusible au rouge. En vase clos, il y a perte dei
soufre qui se sublime et production d*un sous-sulfure plus fusible. Mais:
quand ropération se fait en présence de l'âir, il est possible, en ménageant
Taccèfl'da Toxy gène^ de brûler le soufre sans oxyder le plomb.
Pb S + 0' =^Pb^-f- S0>
Gfttèrô. Oxygène. Plomb Acide
méUUiquc. sulfunnx.
Pour qua la réaction s^opère bien nettement, on ajoute ordinairement un
peu da charbon, c'est alors la méthode dite du bas foyer.
îlabil arrive plus ordinairement. qu'on ne cherche pas.à régler de. près
roxydatîon, et la réaction précédente se complique un. peu.
£c grillant la galène on obtient alors, suivant la température et les
proportionsirelatives de minerai et d'oxygène» de l'oxyde de plomb,, de
racufe-8ttUureux.et même du sulfate.de plomba
l*' PbS + 0»==PbQ + SO*
Galèoew' Oxygène. Oxfdc Acide
de plomb, sulfureux.
2* PbS 4- 0' =^ SO'
Galàne. OxygèiWi Sulfol«
de plomb.
Mais en . élevant la température après, avoir amené par un griUa|[;e
bien exécuté (ce que l'habitude apprend à connaître), la composition de
la.masaeides proportions convanablas. des. différents corps ci-dessust. Té-
quatioo.défioitive devient,
(Pb S) 4- 2 Pb 0 4- Pb SO* = 5 Pb 4- 5 (S0«)
\ c est-à-dire, en i somme, que la galène, l'oxyde et le ^sulfate de plomb
ir^ réagissant à haute température, et à l'abri du contact de Tair, se résol*v
\ mien acÂde sulfureux,, qui < se dégage, et en plomb métallique,
r^. Tel est-le principe de la méthode dite par réaction.
^^\ D'autres méthodes, dites par réduction au charbon, ou encore par/iré-
^^^ cipttatioii au moyen d'untautre métal tel que le fer ou le zinc, sont aussi
288 PLOMB. — RAFPHiAGE du plomb.
employées. Nous ne les décrirons pas en détail, non plus que la méthode
mixte. Ces diverses méthodes ne sont en définitive que des modifications
des deux premières et le principe est toujours le même.
Il importe cependant de faire remarquer que dans la méthode par pré-
cipitation on peut supprimer le grillage, ce qui est important tootes les
fois que le combustible est rare.
On, est même arrivé à remplacer, dans ce procédé, le fer métallique par
ses- minerais, par des mettes ferrugineuses, ou encore des scoriefl, qui
sont réduites dans le four lui-même où elles effectuent ensuite la préci-
pitation du plomb.
Toutes ces méthodes, basées comme on vient de le dire sur des opéra-
tions effectuées à haute température, s*accompagnent de pertes [considé-
rables de jplomb volatilisé, inconvénient doublement fâcheux au point de
vue du rendement d'abord, mais surtout au point de vue hygiénique.
La méthode du bas foyer est aujourd'hui presque abandonnée, principa-
lement à cause des graves et nombreuses maladies dont elle a été le
point de dépai*t parmi les ouvriers employés à ces travaux insalubrea. En
outre la perte en métal peut s'élever à 15 pour 100 et même davantage.
On s*est donc préoccupé dans tous les procédés et appareils destinés i la
métallurgie du plomb, de la condensation des fumées, qui entraînent le
plomb à rétat de vapeurs, ou en tout cas, de division extrême.
Cette condensation offre de grandes difficultés. On a essayé dans ce but
premièrement des chambres, dites de condensation, à cubage énorme,
puis du barbottage des fumées dans de Teau présentée à l'état liquide
ou même pulvérisée. Mais la substance qu'il s'agit d'arrêter, étant inso-
luble et non susceptible d'être mouillée, Teau, dans ce cas, est inef-
ficace.
Le procédé adopté dans les usines les plus importantes consiste à faire
passer les fumées plombcuses dans des canaux à parois rugueuses dont la
longueur est parfois très-considérable. Au Bleiberg, en Belgique, cette
longueur atteint un kilomètre. En Angleterre, on a même été jusqu'à
5 et même 4 kilomètres, comme à Allendale. Et malgré tout, les pertes
sont encore très-notables.
2^ RAFFiiHAGE DU PLOMB. — Le plomb, tel qu'on l'obtient par l'une des
méthodes précédentes, est loin d'être pur.
Il contient une certaine quantité de matières étrangères (soufire, arse-
nic, antimoine, zinc, cuivre, fer, argent, etc.).
Il doit donc être raffiné avant d'être livré au commerce. Cette purifica-
tion doit être considérée à deux points de vue bien distincts, qui conduisent
à deux méthodes radicalement différentes.
S'il s'agit de se débarrasser du soufre, de l'arsenic, de l'antimoine, du
xinc, on procède par oxydation incomplète dans des fours à réverbères.
Les impuretés sont oxydées tout d'abord, le plomb restant en dernier
lieu à l'état presque pur désigné couramment sous le nom de plové
(Vœuvre.
Si c'est seulement du cuivre et même du fer qu'il faut éliminer, It
PU)MB. — TRAITEMENT DBS PLOMBS ARGENTIFÈRES. 289
simple fusion suffit pour purifier le métal par liquation, en ayant soin
d'enlever les crasses qui se forment.
S^TiurrEMENT des plombs argentifères. — Mais quand le plomb contient
de Targent, et c'est le cas le plus général, la matière étrangère, loin d'être
considérée comme une impureté, devient le but principal de l'opération et
la séparation du plomb d'avec l'argent, successivement perfectionnée,
permet actuellement l'exploitation avantageuse de galènes relativement
trè»-pauvres en argent.
1* Coupellation. — Anciennement on opérait uniquement par coupel-
UUion. Cette opération, connue des alchimistes, si ce n'est inventée par
eux, est basée sur Tinoxydabilité de l'argent fondu, tandis que tous
les métaux ordinaires (non nobles comme on disait alors), le plomb
en particulier, s*oxydent facilement à cette température en fournissant la
litharge PbO qui présente en outre la propriété de dissoudre en quantité,
notable les oxvdes des autres métaux.
L'opération sVffectue au moyen d'une coupelle poreuse dans laquelle
on chauffe le plomb argentifère, en le soumettant à l'action d'un cou-
rant d*air réglé suivant la quantité de plomb qu'il s'agit d'oxyder.
La coupellation en grand, celle qui se pratique dans l'industrie, a lieu
dans de vastes coupelles en cendre d'os et autres matières poreuses,
comprimées sur la sole d'un fourneau, et façonnées de manière à offrir
une cavité peu profonde dans laquelle on chauffe à la fois plusieurs mil-
liers de kilogrammes d'alliage argentifère. Un couvercle manœuvré au
mojea d'un contre-poids vient fermer le fourneau et Fair arrive en
grand excès à la surface du bain métallique, au moyen de tuyères.
Oq chauffe, le plomb s'oxyde et la litharge fondue se rassemble dans
l'espace compris entre la coupelle et le ménisque formé par la masse
métallique. On fait écouler cette litharge fondue au fur et à mesure de
sa production, en échancrant la coupelle de manière à livrer passage
à l'oxyde fondu. Les premiers produits de Toxydation sont gris ou même
noirâtres, ce sont des litharges impures {abzugs et abslrichts), La li-
tharge normale doit être brune, jaune ou rougeâtre.
On voit donc que la coupellation donne lieu en même temps et acces-
soirement à la fabrication de la litharge.
Lorsque l'opération tire à sa fin, le bain d'alliage offre de place en
place des points brillants dont le nombre augmente sans cesse, la pro-
daction de la litharge devient de plus en plus difficile, puis la masse
devient terne et se voile bientôt d'une couche irisée due à une très-mince
pellicule d'oxyde de plomb (phénomène connu des physiciens sous le
nom de coloration des lames minces). Presque aussitôt cette pellicule se
déchire et le bain d'argent apparaît instantanément dans tout son éclat.
C'est ce qu'on appelle V éclair; l'opération est terminée.
Pas complètement toutefois, car si les dernières portions de litharge
sont absorbées par la coupelle poreuse, il est bon de dire que l'argent
e 5*^ diuout à cette température une quantité notable d'oxygène, en sorte que
si Von ne prend pas de précautions au moment du refroidissement, cet
m?. DICT. HiO. ET CHIR. (XXVIII — 10
A
290
- TtlAirGHEItT DES PLOMBS AnGBNTIFÈUS.
oxygène dissous se projette brusquement au dehors, entraînant arec lut
une portion du métal précieux (S. Lucas). C'est là ce qu'on désigne mh»
le nom de rochage. On termine généralement par des nlTuBions d'eau
boutUanto.
Quoi qu'il en soit, on trouve sur la sole du fourneau la totalité de l'ar-
gent en un gâteau brillant à la face supérieure, mat et même un peu terne
sur la face qui reposait sur la coupelle.
Cet argent d'une première coupellation n'est pas toujours parfaitement
pur, et retient même parfois jusqu'à un vingtième de matières étrangères
dont il faut le débarrasser par une nouvelle opération.
Par ce même terme de coupeUation, on désigne également un mode
d'essai par la voie sèche des alliages des métaux précieux. Le principe
est toujours le même, mais naturellement l'opération et l'appareil usités
diflèrent sensiblement de^ fourneaux industriels. Il est bien évident que
dans ce cas on ajoute du plomb pur, c'est-à-dire exempt d'argent, par
exemple, du plomb pauvre, en quantité suffisante pour que la lithii^e
puisse dissoudre el entraîner la totalité des oxydes des métaux étrangers.
La coupelle absorbe la totalité de la litliarge, on l'introduit avec le
plomb dans le moufle du fourneau de coupelle, et l'on chauffe.
Les figures ci-dessus donnent une idée surneantc des diverses parties
de l'appareil employé.
On ajoute ensuite la matière à essayer.
L'opération se conduit sensiblement comme la coupellation déerila
plus haut. On doit surtout se tenir en garde contre le rochage, tout eam i
roche devant être rejeté.
Dans ces temps derniers, deux méthodes de désargentation des plai
PLOMB. — TRAITEMEM DES PLOMBS ARGEMIFÈRES. 29
remarquables à tous égards, ont été introduites dans Tindustrie. La pre-
mière est connue sous le nom de Pattinsonage h cause de son inven-
teur.
La seconde, plus avantageuse encore, est basée sur Temploi du zinc.
Disons en quelques mots le principe de ces deux procédés :
i* Pattinsonage. — Un plomb argentifère étant fondu, si on laisse
la température s'abaisser lentement, le plomb cristallise le premier. In
totalité de l'argent restant dans Palliage liquide.
Tel est le point de départ. Le procédé s'effectue au moyen de grandes
chaudières, disposées en batterie, ou encore conjuguées, suivant le
mode d'exploitation. Ces chaudières sont capables de contenir de 10 à 15
tonnes de plomb.
Lorsque dans la masse préalablement fondue, la cristallisation va com-
menoer, des ouvriers armés d'écumoircs à manches longs cl flexibles,
enlèvent, en les égoutlant, les cristaux qui se forment, et les rejettent
dans une chaudière voisine qui se remplit dès lors de plomb relativement
pauvre, lequel, fondu aussitôt, est soumis à une opération semblable,
en sorte qu'il arrive bientôt à se dépouiller complètement d'argent.
Les produits de teneur semblable étant continuellement réunis, on voit
que l'opération répartit en quelque sorte l'alliage primitif en deux cou-
rants inversas. Le plomb d'un côté, ralliajçe argentifère de plus en plus
riche de l'autre. Cet enrichissement ne doit ])as être poussé trop loin,
attendu que quand la teneur en argent atteint 2,25 pour 100, Talliage
fond sensiblement à la même température que le plomb pur. Dans la
pratique on ne dépasse guère 1 ou-1,5 pour 100.
Ce plomb riche est ensuite envoyé à la coupellation qui peut être
avanUgeusement et facilement effectuée. Le plomb pauvre est livré direc-
tement au commerce.
Pour donner une idée de la valeur de ce procédé, nous dirons qu'il a
permis de traiter avec fruit des plombs argentifères contenant seulement
2 à 5 cent-millièmes d'argent.
Les modiGcations, connues Tune sous le nom de Pattinsonage méca-
nique^ l'autre sous celui de Pattinsonage à la vapeur, permettent
d'appauvrir le plomb davantage encore, c'est-à-dire d'arriver à un et
deux cent-millièmes seulement d'argent laissé dans le plomb.
2* Désargentation par le zinc, — Quels que soient les avantages
ofTerU par le Pattinsonage, ils sont dépassés encore par la nouvelle mé-
thode au moyen du zinc. Le principe en est dû à Karsten, mais elle a été
successivement perfectionnée par Parkes et surtout par Cordurié, auquel
est dû le procédé actuellement usité dans la majeure partie des usmes de
France, d'Angleterre, d'Allemagne et même d'Espagne et d'Italie.
En substance, le procédé consiste à ajouter au plomb argentifère une
quantité de zinc calculée de manière à produire un alliage de zinc et d'ar-
^ se séparant par fusion à l'état d'écume, entraînant fort peu de
plomb.
Ces écumes argentifères sont distillées pour séparer le zinc, et il reste
292 PLOMB. — PROPRIÉTÉS physiques. — propriétés chimiques.
du plomb argentifère, contenant la totalité de l'argent qu'on retrouve
par coupellation.
Quant au plomb désargenté, il suffit d*y faire passer un courant de
vapeur d'eau surchauffée pour oxyder le zinc et les impuretés, on laisse
refroidir, on écume et on coule le plomb d'oeuvre.
Ce procédé présente en définitive une économie de près de moitié sur
le Pattinsonage le plus parfait.
Importance industrielle du plomb. — Le plomb vient au troisième rang,
après le fer et le cuivre, comme importance métallurgique.
C'est l'Angleterre et l'Espagne qui tiennent la tête au point de vue de
la production. En France où l'on n'exploite plus les mines indigènes,on
traite presque exclusivement les minerais importés de l'étranger.
Propriétés physiques — Le plomb est un métal d'un gris bleuâtre,
assez mou pour se laisser entamiîr par l'ongle et marquer une trace grise
sur le papier.
Sa lourdeur est proverbiale. Sa densité, d'après les déterminations de?
différents observateurs, est comprise entre 11,37 et 11,445.
A l'état cristallisé elle est un peu plus faible. 11 fond vers-f-SoO* et
se réduit en vapeurs à une température relativement basse (voisine du
rouge). Sa ductilité et sa malléabilité sont médiocres, et dans l'échelle
de la ténacité, c'est lui qui occupe le dernier rang.
Le plomb que l'on trouve dans le commerce renferme généralement
des traces d'autres métaux, tels que l'argent, le cuivre et le fer. De là
les légères variations que présentent ses propriétés physiques.
L'arsenic et l'antimoine le rendent plus dur.
Pour l'avoir tout à fait pur, il laut l'engager dans une combinaison
saline, telle que ^'azotate, qui fournit l'oxyde pur. Il ne reste plus aloi-s
qu'à réduire cet oxyde par le charbon.
Propriétés citimiques — L'air et l'oxygène attaquent le plomb dès
la température ordinaire, mais l'oxyde produit forme à la surface du métal
une couche protectrice qui empêche l'oxydation ultérieure. A chaud,
l'oxydation est beaucoup plus énergique, et, si l'on a soin d'enlever
l'oxyde au fur et à mesure de sa production, on peut rapidement tran-
sformer une grande masse de plomb en litharge. {Voy, p. 289.)
L'eau distillée, froide et purgée d'air, est sans action sur le ploinh.
A Tébullition, cependant, il y a un faible dégagement d'hydrogène.
L'acide nitrique attaque éncrgiquement ce métal et le transforme en
azotate, quelle que soit la concentration.
L'acide chlorhydri(|ue étendu ne l'enUiine pas, mais à la densité de
1,12 Tatlaque commence, même à froid, et s'active d'autant plus que la
température s'élève davantage.
L'acide sulfurique attaque fort peu le plomb à froid, mais à chaud l'ac-
tion commence d'autant plus vite, que l'acide est plus concentré et que
le métal est plus pur. On sait que cette limite a une importance indus-
trielle assez grande, puisque dans les fabriques on concentre l'acide sul-
furique dans des bacs en plomb, jusqu'à 55 degrés Baume environ.
• PLOMD. — PROPRIÉTÉS CHIMIQUES. 295
Quand le plomb contient un peu d'étain ou d'antimoine, on peut chauf-
fer jusqu'à 140** environ de Pacide à 54° Baume, sans que l'attaque se
produise, tandis que si le métal est chimiquement pur, dès 80^ et
même 50*», il y a formation de bulles d'hydrogène sulfuré, mélangé d'hy-
drogène libre.
Quand il y a mélange de différents agents, l'attaque du plomb se fait
en général plus facilement, et cette question offre un intérêt tout spé-
cial, puisque les conduites d'eau sont presque toutes formées par ce
métal, qui se trouve dès lors soumis à l'action combinée de l'air, de
Feau et des diverses substances tenues en dissolution par cette dernière.
Déjà les eaux pluviales (ou ce qui est la même chose, l'eau disiillée
agitée avec de l'air), dissolvent des quantités notables de plomb. 11 est
plus exact de dire cependant qu'il y a attaque et non dissolution de
plomb, puisque, dans ce cas, une simple (iltration arrête le composé
plombique, qui n'est autre qu'un hydro-carbonate à texture cristalline;
c'est pourquoi le métal blanchit en même temps qu'une partie du pro-
duit oxydé entre en suspension.
Quand les eaux contiennent des matériaux organiques azotés, il y a
formation de nitrate ou de nitrites, qui se dissolvent.
Les composés susceptibles de fournir les produits nitreux seraient donc
seuls dangereux (Medlock). Toutefois, les nitrates seraient sans aciion
(Kersting).
Le sel ordinaire, ou chlorure de sodium, en solution étendue, attaque
également le plomb en fournissant un mélange d'hydrate, de carbonate et
de chlorure de plomb.
D* après PattinsunMuir, les nitrates favorisent la dissolution du plomb,
mais les sulfates et même les carbonates, présentent une action inverse
qui contrebalance la première s'ils se trouvent en quantité suffisante.
C'est ainsi que Belgrand et Le Blanc ont fait voir que les eaux de la
Seine contiennent assez de sulfates et de carbonates pour qu'on puisse
les distribuer dans des conduits en plomb, qui ne tardent pas, du reste,
à se recouvrir intérieurement d'une sorte d'enduit blanchâtre, qui dimi-
nue sensiblement le contact de l'eau avec le métal.
Toutefois, des expériences plus récentes, dues à Pappenheim, semblent
indiquer que ces résultats n'ont rien d'absolu et varient notamment avec
la pureté du métal et l'état des surfaces.
Aussi se préoccupe-t-on beaucoup de la recherche d'un enduit protec-
teur, pour doubler les tuyaux de plomb.
On a proposé, dans ce but, le sulfure de plomb, Tétamage, le caout-
chouc , la gutta-percha , la paraffine , qui paraîtrait la moins défec-
tueuse, etc., etc.
Le plomb est facilement déplacé de ses solutions, par les métaux plus
oxydables que lui. Suivant la rapidité de la réaction, le métal se préci-
pite alors soit sous forme de poudre amorphe, soit encore à l'état cristal-
lisé. L'expérience classique de Varbre de Saturne n'est pas autre chose.
On la réalise de la manière suivante :
294 PLOMB. — USAGES. — aluages.
Dans une solution parfaitement limpide et légèrement acidulée d'acé-
tate de plomb, on immerge un petit barreau de zinc portant, Ters son
extrémité, plusieurs fils de laiton qui vont divergeant dans la liqueur.
On bouche soigneusement, pour se mettre à Tabri de l'air, et bientôt ou
voit un dépôt gris pulvérulent se former sur le barreau de ziuc qui devient
ainsi le tronc de Tarbre. Ensuite, mais bien plus lentement» Ton
voit se former, sur les fils de laiton, des aiguilles d'abord fort minces,
mais qui grossissent, se multiplient et finissent par devenir de ma-
gnifiques lamelles de plomb cristallisé. Ceci représente les brandie^
et, de la sorte, on obtient avec facilité le métal en cristaux parlaiie-
ment nets.
Un courant électrique arrive au même résultat.
Usaf^es. — On emploie presque toujours le plomb sous forme de
tuyaux, que Ton obtient sans soudure en faisant passer le métal, demi-
fondu et fortement comprimé, à travers une sorte de filière.
La mollesse du plomb est précieuse pour suivre sans difficulté des
sinuosités quelconques (eau, gaz, etc.). Les plaques de plomb sont aussi
d'un usage très répandu. Il en est de même du plomb grenaille on grain$
de plomby qui servent pour la chasse d'abord, mais aussi , malheureu-
sement, pour le nettoyage des bouteilles. Et la chose est d'autant plus
regrettable que, dans le cas où le vase est de teinte foncée, il reste trop
souvent des grains de plomb au fond des bouteilles , dans lesquelles on
met ensuite du vin , de la bière, etc. , qui deviennent dès lors el tout
naturellement des boissons dangereuses.
Il serait bien préférable de substituer, pour cet usage, le fer au plomb,
ainsi que cela avait été proposé notamment par Fordos.
Le plomb sert encore pour Tévaporation de l'acide sulfurique, ain^i
qu*on l'a vu plus haut, et l'on utilise sa plasticité pour obtenir, par com-
pression, des jointures et des fermetures parfaitement hermétiques, etc.
L*emploi du plomb en thérapeutique est très*répandu ; on trouvera
plus loin l'indication des principales formes pharmaceutiques.
Alliages. — Le plomb entre dans beaucoup d'alliages et plusieurs
d'entre eux sont importants.
Quelques-uns peuvent s'effectuer en proportions définies et dounenl
naissance à de véritables combinaisons ; mais ordinairement ces allii^
se forment en proportions quelconques.
Le plomb présente, en effet, une aptitude toute spéciale à dissoudre les
autres métaux. Il est, à cet égard, comparable au mercure, et cette pro-
priété, connue de toute antiquité, est, selon toute vraisemblance, la rai-
son pour laquelle le plomb avait été, par les alchimistes, dédié à Saturne,
ce dieu que la fable nous présente comme condamné à dévorer ses
enfants.
Les propriétés de ces alliages sont variables; en général le plomb leur
communique beaucoup de fusibilité.
Leur densité s'écarte parfois de la densité théorique (Riche).
Au premier rang nous trouvons les alliages de plomb et d'antimoine.
PLOMB. COUBlKAISOIfS DU PLOMB AVEC LES PRhNClPAUX ÉLÉMENTS. 295
Les carctctères d'imprimerie sont formés de 80 p. 100 de plomb ,
18 p. 100 d'entimoine et environ 2 p. 100 d'étain.
Nous avons parlé, à propos de la métallurgie, des alliages de plomb et
cTai^eni, plomb et cuivre, plomb et fer, plomb et zinc.
Le plomb s'unit en toutes proportions au bismuth et la fusibilité du
mélange est toujours plus grande que ne l'indiquerait la théorie (Rud-
berg. Riche).
Il y a en même temps contraction notable.
il en faut dire autant pour les alliages du plomb avec Tétain parmi
lesquels- nous citerons les suivants :
Plomb. Étain.
Soudure des plombiers 06 53
— ferblantiers 50 50
Alliages )K)ur TaisscUe ou robinets 8 92
Ce dernier alliage représente, à fort peu près, la limite qu'il ne faut
jamais dépasser, pour que les ustensiles ne soient pas sensiblement atta-
qués parle vinaigre.
CombiiiAiBOiis du plomb avéd les principaux éléments. —
Nous venons de voir que certains alliages s'effectuent en proportions
définies et doivent être considérés comme de véritables combinaisons
chimiques.
Mais le plomb se combine aussi aux métalloïdes, pour donner nais-
sance à des combinaisons parfaitement définies et très-importantes.
Enfin ces combinaisons binaires, et principalement les oxydes se combi-
nent à d'autres corps, pour former des composés ternaires (sels de plomb
principalement), ou même quatetmaires (sels doubles, combinaisons
organo^métalliques, etc.).
Commençons par les composés binaires,
1* Oxydes de plomb. — L'oxygène forme avec le plomb différentes com-
binaisons :
Le sous-oxyde Pb'O. — Peu important ;
Le proloxyde PbO. — Massicot et litharge;
Le peroxyde Pb 0*. — Oxyde puce ou acide plombique;
Enfin le sesqui-oxyde (?), Pb* 0'. — Peu connu encore;
Et le minium, Pb'0\ — 2 PbO, PbO*.
qui peuvent servir de transition aux combinaisons salines.
Proloxyde de plomb, PbO. — Bien qu'on Tait rencontré à Tétat .natu-
rel au Mexique et aux environs de Bade, il provient en général de l'oxy-
dation directe du plomb. Quand l'oxyde a été fondu, c'est la litharge^
sinon c'est le massicot. Leur composition est la même et répond à la
formule PbO.
La litharge provient ordinairement de la coupellation du plomb argen-
tifère. Sa couleur est variable. Elle présente, comme l'argent, la pro-
priété de dissoudre à chaud une certaine quantité d'oxygène , qu'elle
abandonne ensuite en se solidifiant. On s'en sert pour la fabrication de
l'emplâtre simple. Le roassicet s'obtient par oxydation directe à basse
température, broyage et lévigation subséquente.
296 PL03IB. — CONBIxNAISOiNS DO PLOMB AVEC LES PRINCIPAUX ÉLiHBKTS.
Il sert à la fabrication de la céruse et du minium.
L'oxyde de plomb est à peine soluble dans l'eau, à laquelle il commu-
nique cependant la réaction alcaline. 11 est très-facilement réduit par le
charbon.
C'est une base puissante, formant des sels parfaitement neutres» et pré-
sentant même une tendance marquée à donner naissance à des sels
basiques.
L'oxyde PbO se dissout aussi dans les liqueurs alcalines (potasse,
soude, chaux), où Ton admet qu'il se trouve à l'état de plombiies. L'un
d'entre eux, le plombite de chaux, est quelquefois employé pour la tein-
ture des cheveux.
Le protoxyde de plomb peut enfin se présenter à l'état d'hydrate
PbO. 110.
Ce corps prend naissance dans l'oxydation directe du plomb en pré-
sence de l'eau. Il se produit en même temps de l'eau oxygénée (Schœn-
bien) . C'est une poudre blanche à texture cristalline.
Mais on se le procure d'ordinaire en précipitant un sel de plomb par un
alcali. L'ammoniaque est employée de préférence, attendu que la potasse
ou la soude en excès redissolvent le précipité d'hydrate plombique.
Peroxyde de plomb Pb 0*, ou Oocyde puce, Acide plombique, se
rencontre parfois dans la nature, sous la forme de prismes à six pans. Il
a été découvert par Scheele.
On peut l'obtenir directement dans plusieui*s réactions, et notamment
dans l'électrolyse des solutions de plomb traversées par un courant
faible. Mais on le prépare ordinairement au moyen du minium chauffé
avec de l'acide nitrique étendu. Tout le protoxyde de plomb passe à
l'état de nitrate et le bioxyde PbO* reste sous forme d'une poudre brune,
dont la couleur lui a valu le nom d* oxyde puce.
Ce corps peut former un hydrate PbO*HO, L'acide plombique se com-
bine assez facilement aux alcalis, mais on l'utilise dans les laboratoires
pour des oxydations ménagées.
La réaction peut cependant être très-énergique, comme dans Texpé-
riencc classique où le mélange d'oxyde puce et de fleur de soufre s'en-
flamme par simple trituration.
Il y a aussi incandescence, quand on soumet l'oxyde puce à l'influence
d'un courant de gaz sulfureux, et la matière blanchit par suite de la
formation du sulfate de plomb.
PbO«-^SO*=PbSO*.
Réaction intéressante au point de vue théorique.
Sesquioxyde Pb*0*? — Poudre d'un jaune rougeâtre offrant peu d'im-
portance. Peut-être n'est-ce autre chose que la combinaison PbOPbO*.
Minium. — C'est une combinaison de protoxyde de plomb PbO avec
le peroxyde ou bioxyde PbO* avec excès de protoxyde. Le minium type
présente en effet la composition 2(PbO).PbO*, c'est-à-dire un plombait
basique de plomb. Parfois aussi la proportion de^ protoxyde est un peu
plus for(e.
PLOBfB. COUBIMAISOKS DU PLOMB AVEC LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS. 297
On prépare le minium en quantités considérables, pour les besoins de
rindustrie en calcinant d*abord le plomb à Tair pour obtenir du massicot,
ce massicot est ensuite soumis à une chaleur moindre qui le transforme
en minium.
Dans beaucoup de fabriques on se sert de fourneaux à deux étages.
L'étage inférieur, qui recjoit Taction directe du feu, sert à faire le mas-
sicot, et ce massicot, porté dans l'étage supérieur, passe à l'état de minium.
La transformation est surtout rapide aux environs du rouge sombre. Sou-
vent on soumet le minium plusieurs fois de suite à l'action de la chaleur.
Il prend ainsi un éclat de plus en plus vif.
De là, les dénominations de minium deux feux, minium trois
feux^ etc.
Le minium se présente sous la forme d'une poudre d'un rouge éclatant
qui se fonce et même vire au violet sous l'influence de la chaleur.
On Ta rencontré dans la nature à l'état cristallin et on l'a trouvé
aussi quelquefois en cristaux dans les fours à minium.
On l'emploie comme matière colorante pour la peinture et la cire à
cacheter.
On s'en sert aussi pour la fabrication du cristal, du strass, et du
Qint-glass. Dans ce cas, il est nécessaire que le produit soit complétemen
pur, si l'on veut obtenir une limpidité parfaite unie à une forte réfrin-
gence.
Le minium du commerce est souvent mélangé à des matières de cou-
leur Toisine, comme le peroxyde de fer ou la brique pilée.
On reconnaît facilement la fraude, soit en calcinant le produit, qui
doit jaunir si le composé ne contient que du plomb.
Soit encore en faisant bouillir avec de l'eau sucrée aiguisée d'acide
azotique, dans laquelle le minium est entièrement soluble, tandis que
l'oxyde de fer ou la brique demeurent comme résidu (Fordos et Gélis).
2* Sulfures de plomb. — A côté des oxydes de plomb, nous citerons
seulement pour mémoire le sous-sulfure Pb*S.
Le sulfure de plomb PbS ou galène [Voij. Métallurgie, p. 286) qui cris-
tallise dans le système cubique. Sous le nom d'alquifoux on remploie
pour le vernissage des poteries communes, dont l'usage n'est pas sans
danger. En6n le séléniure PbSe, le tellurure PbTc et les sulfures
doubles, etc.
3* Chlorures. — Le chlore donne avec le plomb un composé impor-
tant : le chlorure de plomb PbCl qui s'obtient généralement par la préci-
pitation d'un sel soluble de plomb par un chlorure alcalin.
n est peu soluble dans l'eau froide, plus soluble dans l'eau bouillante.
On peut le faire cristalliser par refroidissement. Fondu au rouge, il
porte le nom de plomb corné. Si l'on ajoute au chlorure en fusion une
certaine quantité d'oxyde de plomb, on obtient les matières colorantes
jaanes connues sous le nom de Jaune minéral, de Cassel, de Turner,
de Vérone, etc. Ce sont des oxychlorures de plomb.
— Le brome fournit des composés tout semblables.
298 PLOMB. — SELS de plomb.
4"^ loDURE DE pj.oMB Pbl. — C*est uii corps généralement pulvérulent et
d'un beau jaune citron qu'on obtient par double décomposition.
Mais on peut l'avoir à Pétât cristallin en le faisant dissoudre dans Peau
bouillante.
Par le refroidissement, la liqueur se remplit de lamelles hexagonales,
qui présentent Paspect et Péclat de l'or métallique. 11 est facile de les
recueillir ensuite sur des filtres.
On connaît encore des iodures doubles^ des chloroiodureseideBaon/ÙH
dures de plomb parmi lesquels on peut citer le singulier iodure de plomb
bleu (décrit par Donot, Filliol et d'autres observateurs), lequel n'eat, en
définitive, qu'un oxyiodure dont la formule et la composition seraient
voisines de celles du chlorure de chaux.
SeLs de plomb — Azotate AzO'Pb. — Cristallise en octaèdres r^u-
licrs anhydres. Calciné, il fournit d'abord de l'acide hypoazotique, puis
de l'oxyde de plomb. 11 forme aussi des sels doubles parmi lesquels on
peut signaler le formioazotate de plomb qui contient trois équivalents
d'acide formique pour un d'acide azotique. L'azotate de plomb, ordinaire
ou azotate neutre, offre également, à un degré très-marqué, une tendance
à donner des sels basiques.
On connaît, parmi ces derniers, des azotates bibasique et tribaaique dtà
plomb AzO*2PbO et AzO*5PbO que l'on a envisagés comme correspondant
aux acides azotiques à trois et deux molécules d'eau. L'acide à trois jnoié*
cules d'eau AzO*5110 correspondrait à Pacide phosphorique ordinaire
PbO'.ollO tribasique, on lui a donné le nom d'acide orUioazotique. Il n'a
pas été isolé encore.
Dans cet ordre d'idées, Pacide AzO'21IO devient l'acide jî/aroîo^içiie et
correspond à Pacide PhO''21IO ou pyrophosphorique. L'acide ordinaire,
monobasique, prendrait alors le nom d'acide métazolique AzO^HO.
Il existe aussi des azotates basiques (à quatre, cinq et même six molé-
cules d'oxyde de plomb (AzO\6PbO).
Carbonate. — II est isomorphe avec le carbonate de chaux (arra-
gonite).
Le carbonate de plomb offre un intérêt tout spécial parce qu'il laul
y rattacher la matière colorante blanche si fréquemment employée par
les peintres en bâtiment sous le nom de ce'rtise ou blanc de plomb. Ce
n'est autre chose, en effet, qu'un carbonate de plomb plus ou moins
mélangé d'hydrate plombique, suivant le procédé de fabrication dont on
a fait usage.
La céruse présente au plus haut degré la pi-opriété de couvrir les swr
faces sur lesquelles on l'étend, et c'est pour cela qu'en dépit des inconvé-
nients si prononcés qui s'attachent à son emploi, on continue toujours à
s'en servir bien que les émanations sulfurées la noirèissent assez rapide-
ment : ce qui n'arrive pas notamment avec le blanc de zinc.
Le carbonate de plomb PbO.CO' est insoluble dans l'eau pure, mais
Peau chargée d'acide carbonique en dissout des proportions notables.
Il est entièrement soluble dans Pacide nitrique étendu.
PLOMB. SELS DE PLOMB. 299
ChaufTé aux environs de oSO"^, le carbonate de plomb perd son acide
carbonique et se décompose en donnant comme résidu du massicot.
La céruse, quand elle est pure, partage les propriétés ci-dessus, mais
elle est le plus oi'dinaii'ement mélangée à d'autres substances et principa-
lement au sulfate de baryte ou blanc fixe^ lequel, bien entendu, masque
ou complique les réactions.
Fabrication industrielle de la céruse. — Plusieurs méthodes sont
employées et les produits varient un peu suivant le procédé auquel on
donne la préférence.
Le procédé le plus ancien, connu sous le nom de procédé hollandais,
est encore celui qui donne la meilleure céruse; c'est-à-dire celle qui couvre le
mieux» si ce n'est la plus blanche. Mais il est tellement insalubre qu'une
foule de modifications ont surgi, dont le but principal est d'éviter les
dangers que présente, pour la santé des ouvriers, la fabrication hollandaise,
tout en se rapprochant, autant que possible, du produit qu'elle fournit.
Donnons d'abord une idée de ce procédé ancien.
Procédé hollandais. — En substance, il consiste à disposer au sein de
tas de fumier en fermentation, des séries dépôts en terre contenant du vi-
naigrée! des lames de plomb.
Le fumier (qui ne doit pas dégager d'hydrogène sulfuré en quantité
notable, sans quoi la céruse serait noircie) fournit la chaleur et l'acide
carbonique nécessaires à la réaction.
On ménage, d'autre part, des espaces vides destinés à assurer l'accès de
Tair en quantité convenable.
En Angleterre, on donne la préférence au tan sur le fumier, attendu
qu'il n'y a pasà se préoccuper de l'acide sulfhydrique, et que, si d'un côté,
la chaleur dégagée est plus faible, de l'autre, il est plus facile de diriger
Topération.
Âa boni de six semaines environ on défait ces tas et on retire des pots les
lames de plomb couvertes d'un enduit de céruse qu'il faut détacher du
plomb métallique. Anciennement on battait les plaques à la main ou au
marteau et c'était Tune des manipulations les plus insalubres, ainsi qu'il
est iacile de le prévoir. Aujourd'hui, la séparation se fait mécaniquement
dans une pièce hermétiquement close.
(kï obtient de la sorte un mélange d'écaillés et de poudi*e de céruse ;
on broie ensuite à la meule en arrosant d'eau, on sèclie le produit, et on
le li?re au commerce.
La théorie de l'opération est des plus simples. Sous l'influence de la
cbaleur, l'acide acétique se réduit en vapeur et vient attaquer le plomb
que l'accès de l'air humide oxyde d'autre part. 11 y a formation d'acétate
kiSGque de plomb lequel est précipité lentement par l'acide carbonique
provenant du fumier.
Le produit est cristallin.
L'oxyde de plomb n'est pas tout entier engagé dans la combinaison avec
l'acide carbonique : une partie échappe à la réaction en sorte que le pro-
duit déGnitif n'est pas le carbonate PbO. CO^mais bien un hydrocarbo-
500 PLOMB. SELS DE PLOMB.
nate mélangé de carbonate de plomb, 5 (PbO. CO'). PbO. HO. sensi-
blement.
Le procédé hollandais a été modifié par les fabricants des enirirons de
Vienne (Autriche) où Ton obtient de très-beaux produits: 1** en employant
le plomb pur de Bleiberg ; 2° en substituant la chaleur artificielle d'éluves
très-vastes à celle du fumier ; 5° en se servant d'un mélange de vinaigre
et de marcde raisin qui fournit à la fois Tacide acétique et l'acide carbo-
nique.
Les céruses de Vienne et de la Carinthie, préparées par ce procédé,
sont remarquables par leur blancheur.
Procédé de Clichy . — La modification la plus importante qu'on ail
apportée au procédé hollandais est, sans contredit, la méthode inventée
parThénard, en 1801, et qui porte le nom de procédé de Clichy.
On commence par préparer, au moyen d'acide acétique et de litharge, une
solution d'acétate tribasique de plomb, à travers laquelle on dirige on
courant d'acide carbonique provenant, soit de la combustion du charbon»
soit encore de la calcination du carbonate de chaux dans un véritable four
à chaux (Dumas).
On obtient un précipité dont la composition est seulement2 (PbO.CO*)
+ Pb0110.
La liqueur surnageante n'est autre chose que de l'acétate neutre qu'on
sature à nouveau par la litharge et l'opération peut se continuer indéfini-
ment par addition de litharge et production d'acide carbonique sans perte
d'acide acétique, du moins en théorie.
Le dépôt de céruse (qui n'a nul besoin d'être broyé) est lavé, séché,
embarillé mécaniquement dans des appareils entièrement fermés, ce qai
évite les accidents d'intoxication saturnine.
Cette céruse, dite par le procédé de Clichy, est très-blanche et semé-
lange parfaitement à l'huile; mais en raison même de son extrême ténoitéi
et de la structure du précipité, elle couvre moins bien que la céruse ûifc
par le procédé hollandais, laquelle contient d^ailleurs plus de carboflJi^|
de plomb pour une même quantité d'hydrate plombique.
En modifiant le procédé au point de vue des appareils et aussi de
production d'acide carbonique qu'on emploie à l'état pur, OwHif
parvenu à préparer industriellement une céruse dont les propriéfés cou-
vrantes sont tout à fait comparables à celles des céruses de Hollande.
Elle en a d'ailleurs sensiblement la composition puisqu'elle répondii
formule 3 (PbO. CO^). PbO. HO.
Sulfate, — S^Pb'O'' — Le sulfate de plomb existe à l'élal nit
c'est Vanglésite. Mais dans le commerce, c'est un corps pulvérulent
paré en attaquant le plomb par l'acide sulfurique concentré et bouilbA^
encore par double décomposition. 11 est a peu près insoluble dans fc
soluble dans les acides surtout concentrés et bouillants.
Il se dissout aussi dans les sels ammoniacaux (surtout le tartrate)'
l'acétate d'alumine, dans l'acétate de chaux, dans l'hyposulfitc
soude, etc. l '^
PLOMB. — SELS DE PLOMB. 301
On a décrit éû^alcraent un sulfate acide et un sulfate basique de plomb.
Chromâtes de plomb. — En dehors du chromate neutre, on connnaît
des chromâtes basiques de plomb designés sous le nom de jaunes de
clirome.
On les prépare par double décomposition, et leur nuance varie avec la con-
centration, la température et Talcalinité de la liqueur.
On connail aussi plusieurs phosphates^ borates et silicates de plomb,
curieux au point de vue théorique, mais nous nous contenterons de rap-
peler simplement ici le nom de ces composés, qui n'offrent pour le médecin
qu'une importance très-limitée.
Les acides organiques fournissent à leur tour des sels plombiques et
plusieurs d'entre eux sont importants à tous égards.
C'est ainsi qu'il arrive souvent dans les laboratoires, quand on veut
isoler à l'état de pureté un acide organique soluble, de l'engager d'abord
dans un sel de plomb (ils sont pour la plupart insolubles) dont la purifi-
cation devient facile. Kt pour régénérer l'acide à l'état libre, il suffit de
mettre en suspension dans l'eau le précipité plombique lavé avec soin et
d'éliminer le plomb au moyen de l'hydrogène sulfuré. C'est là une mé-
thode générale en quelque sorte.
Mais, en outre, on connaît quelques sels de plomb, à acides organiques,
d'un emploi très-répandu, soit dans l'industrie, soit dans la thérapeu-
tique.
Acétates de plomb, — 11 y a plusieurs acétates de plomb : Vacétate
neutre C*HTbO*, 3II0, ou acétate de plomb cristallisé;
Et une série nombreuse d'acétates basiques que nous ne ferons que
nommer (\o)ez Extrait de Saturne, t. XII, p. 225), pour ce qui est re-
latif i l'acétate basique de plomb employé en pharmacie.
La série des acétates basiques de plomb comprend :
l'acétate bibasique de plomb
— tribasique —
. — sexbasique —
contenant, deux, trois, six molécules de plomb.
Quant à l'acétate neutre de plomb, c'est un beau sel aiguillé, de saveur
sucrée (ce qui lui a valu le nom de sucre de Saturne sous lequel il était
désigné par les alchimistes), connu depuis fort longtemps, qui se prépare
actuellement en grand au moyen de la litharge et de l'acide pyroligneux.
Parfois aussi on le prépare en mettant en présence le sulfate de plomb
et une solution d'acétate de chaux. La double décomposition se fait même
à froid.
L'acétate de plomb est soluble dans une partie et demie d'eau froide. Il
rougit un peu le tournesol. Il fond à 75° dans son eau de cristallisation,
qu'il perd d'ailleurs assez facilement, par efflorescence, dès la température
ordinaire.
Quand on le chaulTe, il perd son eau de cristallisation, puis de l'acide
acétique et passe à l'état de sel tribasique, avant de se décomposer défini-
tivement, vers 300°, en acétone et acide carboiii(|ue.
502 PLOMB. — CARACTÈRES DES COMPOSÉS PLOMOIQDES.
On Tutilise en médecine comme astringent et résolutif.
Les sels des autres acides organiques sont, comme nous TaTons dit,
insolubles pour la plupart.
Il en est ainsi pour le malate, succinate, Toxalate, tartrati?, citrate^ etc. ;
ces corps offrent peu d'intérêt pour le médecin.
Les stéarate, margarate, oléate de plomb, constituent l'emplâtre pro-
prement dit, ou emplâtre simple (Voy, art. Emplâtre, t. XII, p. 146.)
Combinaisons organo-métalliques. — Avec les alliages, les sels Iuloîdes
du plomb cl autres combinaisons binaires, ainsi que les sels propremeot
dits, nous n'avons pas encore épuisé complètement la liste des combi-
naisons de ce métal.
On pst, en effet, parvenu à (ixer sur le plomb un certain nombre de rési-
dus alcooliques, éthyliques méthyliques, etc., de manière à obtenir des
composés d'ordre spécial, qu'on ne peut séparer des autres corps organo-
métalliques, tels que les combinaisons analogues du mercure, le zioc
éthyle, les différents stannéthyles, etc., lesquels, en passant par les sti
bines, phospbines, etc., conduisent aux ammoniaques composées.
C'est donc un groupe de corps trcs-important pour la théorie, que
celui auquel appartient le plombéthyle PbCMP, le plorabo diéthyle Pb
(C*ll*)* (qui correspond au bichlorure de plomb PbCl* dont l'existence est
admise par beaucoup de chimistes).
De même, les composés mélhylés du plomb PbC*H^ et Pb (CD*)». Nous
ne nous y arrêterons pas plus longtemps.
Ces combinaisons qu'on peut facilement réduire en vapeur, servent sur-
tout à fixer la valeur de la molécule pondérale, ou de l'équivalent du
plomb.
Reste à dire, eu deux mots, la place occupée par le plomb dans la série
métallique.
Bien que, par son importance et ses propriétés tranchées, le plomb
constitue un type à part, on a vu dôjà qu'il présente des analogies nom-
breuses avec l'argent d'abord (les propriétés physiques des deux sulfures
sont presque identiques, ils sont presque toujours mélangés à l'état natu-
riel); avec le bismuth ensuite : on sait que les caractères chimiques de
ces deux métaux sont assez voisins pour rendre leur séparation ditGcile.
On doit enfin et surtout le rapprocher du groupe chimique si homogène
qui comprend le calcium, le strontium et le baryum. Le sulfate de plomb,
en effet, présente un ensemble de propriétés très- voisines de celles du
sulfate de chaux.
Les carbonates de chaux et de plomb sont isophormcs, dans plusieurs
minéraux du groupe apatite le calcium est remplacé par le plomb, etc.
Dans une classification méthodique, le plomb devrait donc figurer non
loin des métaux alcalino-terreux.
Caractères des composés plombiqaes. — On les reconoaii
tout d'abord à leur poids considérable. Cet indice, qui n'est pas absolu,
est cependant très-précieux pour mettre sur la voie.
Les combinaisons insolubles sont le plus souvent examinées par voie
PLOMB. CARACTÈRES DES COMPOSES PLOMBIQUES. 505
sèche; ou transformées en sels solubles qu'on peut analyser aussi par
voie humide.
Il y a donc deux ordres do caractères. Parlons d'abord de ceux que
foumil la voie sèchCy qui s'applique à tous les dérivés du plomb sans
exception.
Chauffés au chalumeau sur le charbon, avec du carbonate do soude ou
du cyanure, tous les composés plombiques sont réduits et fournissent un
globule de plomb métallique reconnaissable à sa mollesse, et ofl'rant la
propriété de s* aplatir sous le marteau.
Ce caractère spécifique s'obtient en employant la flamme de réduction
ou flamme intérieure.
Avec la flamme extérieure ou d'oxydation, on voit se produire une au-
réole jaune ou rougcâlre d'oxyde de plomb.
On peut encore obtenir des enduits présentant des propriétés assez
tranchées pour devenir caractéristiques.
Avec le borax ou le sel de phosphore, la perle est incolore ou simple-
ment jaunâtre, si la proportion de plomb est très-forte.
On peut enfin doser le plomb par voie sèche, dans les combinaisons in-
solubles. Nous renvoyons, à cet égard, à ce que nous avons dit à propos
de la galène et de la métallurgie (voy. p. 286 et 287.)
Voie humide. — Les sels solubles de plomb ont une saveur douceâtre,
puis astringente, lis sont très-vénéneux.
Généralement fixes et incolores quand l'acide n'est pas lui-inéme coloré,
ceux qui sont neutres chimiquement, rougissent la teinture de tournesol.
Cette propriété disparaît naturellement dans les sels basiques.
En solution, les sels de plomb présentent les réactions suivantes :
4* Le /er, le zinc, le cadmium^ le déplacent à l'état métallique.
2* Lhydrogène sulfuré donne un précipité noir ou brun noir, inso-
luble à froid dans les acides, dans les sulfures alcalins, les alcalis et le
cyanure de potassium.
En liqueur chlorhydrique concentrée, la couleur du précipité est d'abord
d'un rouge brun (chlorosulfure), qui ne devient tout à fait noir que si
l'on a soin de diluer larfrement.
Ce sulfure se dissout à chaud dans l'acide azotique, mais le résultat varie
avec la concentration de l'acide. S'il est étendu, le soufre se dépose et le
plomb se dissout à l'état d'azotate.
Si l'acide est fumant, les deux éléments de sulfure s'oxydent simultané-
ment et tout passe à l'état de sulfate de plomb insoluble.
Pour une concentration moyenne, on obtient à la fois du soufre, de l'azo-
tate et du sulfate.
5* Les sulfures alcalins donnent le même précipité de sulfure noir
PbS. insoluble dans un excès.
4^ La potasse et la soude précipitent en blanc les sels basiques. Ce
précipité d'hydrate de plomb est soluble dans un excès du réactif. Et la
solution additionnée de chlore donne un précipité de peiH)xyde de plomb
PbO\
304 PLOMB. — SKPABATIO.X DU PLOMB d'aVEC LES AUTRES METAUX.
5° V ammoniaque précipite aussi les sels de plomb, mais le précipité
n*esl pas soluble dans un excès. La réaction se complique parfois de la
formation de sels basiques ou doubles, qui se précipitent avec Thydrate.
6° Les carbonates alcalins donnent un précipité de carbooate basi-
que (Voy. Céruse) très-peu soluble dans un excès du précipitant.
7** Vacille cklorhydrique et les chlorures solubles précipitent les
sels de plomb en blanc. Ce précipité soluble dans Teau, surtout h chaud*
ne change pas de couleur en présence de l'ammoniaque, bien qu*ii passe
à rétatd'oxychlorurePbCI3PbO + HO, lequel est moins soluble dansTeau
que le chlorure.
8° Avec Tacide bromhijdrique et les bromures, précipité blanc.
9° L'acide iodhydrique et les iodures solubles donnent un précipité
d*un beau jaune, légèrement soluble dans Teau bouillante, soluble dans
un excès d*iodure de potassium.
10® Avec V acide sut furiqiie et les sulfates, on a un précipité blanc de
sulfate de plomb, qui se forme lentement dans les solutions étendues.
Sa séparation est facilitée par l'addition d'un peu d'acide sulfuriqae, ou
mieux encore par celle de l'alcool.
Ce précipité est soluble dans les acides concentrés et bouillants, solu-
ble aussi dans la lessive de potasse et dans les sels ammoniacaux, acé-
tate, tartrate, etc.).
11° Le chromate de potasse fournit un précipité jaune de chromute
de plomb, facilement soluble dans la potasse, difGcilement dans Facide
nitrique faible.
12° Le cyanure jaune et V acide oxalique donnent un précipité blanc,
de même que l'acide tartrique.
La noix de galle un précipite jaune paille, etc.
Sont caractéristiques pour les sels de plomb :
1° La production au chalumeau, sur le charbon, du globule métalli-
que s'aplatissant sous le marteau ;
2° La réaction de l'acide chlorhydriquc qui classe le plomb à côté dt*
l'argent et du mercure. Mais la distinction s'effectue facilement au
moyen de l'ammoniaque, qui dissout le chlorure d'argent et noircit lo
proloch lorure de mercure ;
5° Celle du sulfure PbS ;
4° Enfin, celles de l'acide sulfurique, des chromâtes et des iodores.
Séparation du plomb d'avec Xen aatres métaux — îious
venons de voir comment, dans un essai qualitatif, on distingue le plomb
de l'argent et du mercure, précipitables comme lui à l'état de chlo-
rures.
Pour effectuer la séparation du plomb et de Vargent, on étend la
liqueur, additionnée d'acétate de soude, d'une quantité d'eau suffisante
pour que le chlorure de plomb reste en solution, puis on précipite l'ar-
gent par une quantité ménagée d'acide chlorhydriquc. On filtre, et dans
la liqueur l'hydrogène sulfuré précipite le plomb.
On peut aussi, en solution nitrique, éliminer l'argent à l'état de na-
PLOMB. — DOSAGE. 305
et précipiter par Tacide sulfhydrique le plomb resté dans la
nr filtrée,
encore, en liqueur neutre, réduire à chaud Pargent par un for*
^qoi laisse le plomb en solution.
mercure^ grâce à sa volatilité, est facile à séparer du plomb qui
peu près fixe.
peut également traiter par le carbonate et le cyanure de potassium
\ douce chaleur; par filtration, on sépare le carbonate de plomb.
orcure reste en solution dans la liqueur.
einvre se sépare du plomb en profitant de la solubilité du sulfate
livre et de l'insolubilité du sulfate de plomb. Cette séparation est
lette.
suivante est plus délicate, bien que le principe soit le même.
nnb et bismuth. — Pour séparer le plomb du bismuth, on peut
srde la manière suivante :
lUitge est attaqué par de Tacide azotique étendu de deux fois son
ne d'eau ; on ajoute ensuite un léger excès d'acide sulfurique et on
•re lentement à la capsule. Quand la matière est asséchée, on cal-
iégèreroent de façon à chasser presque tout Tacide sulfurique.
i laisse refroidir, puis on broie la substance avec de Facide sulfuri-
aible (1 dixième environ pour 9 dixièmes d'eau). On réitère ce trai-
al 5 ou 6 fois.
08 ces conditions, le bismuth seul est dissous; le sulfate de plomb
sur le filtre, on lô recueille et on le pèse (Voy. p. 306).
séparation du plomb d'avec le fer^ leztnc, le manganèse^ le cobalt
fddcel, n'offre aucune difficulté, puisque ces métaux, en solution
, ne sont pas précipités par l'hydrogène sulfuré.
Ile du chrome^ un peu moins nette peut-être, s'effectue pourtant
facilement, soit par l'hydrogène sulfuré, soit par le chlorure, soit
"e en faisant digérer avec de l'acide sulfurique étendu,
séparation d'avec les métaux terreux ou alcalins se fait très aisé-
i au moyen de l'hydrogène sulfuré principalement.
lant à V antimoine, Varsenic et Vétain, on les sépare du plomb en
ransformant en sulfures qu'on fait dissoudre par digestion en ^ré-
de sulfhydrate d'ammoniaque jaune. Le sulfure de plomb reste
le résidu.
wgpe. — Le plomb peut être dosé sous différents états : oxyde,
re, chlorure, sulfate, chromante. Suivant les circonstances, on don-
la préférence à l'une ou l'autre des méthodes :
On dose le plomb à l'étet d'oxyde en précipitant d'abord le plomb
es carbonates ou les oxalates, séchant le précipité soigneusement
et calcinant au creuset de porcelaine. Le résidu est de Toxyde
I pèse. L'azotate le fournit directement.
f a toujours une perte légère dont on lient compte.
Sulfure. — Étant donné le précipité de sulfure de plomb, on le
ivec une dissolution d'acide sulfhydrique, on le sèche à basse tem-
ROCf. Ncr. i<». iT cm. XXVHl — 20
306 PLOMB* — EMPLOI ET FORMES PHARMACEUTIQUES.
pérature. On Tintroduit ensuite avec les cendres du filtre, et un excès de*-^
soufre dans un creuset de porcelaine, puis on calcine jusqu'à poids con — .
stant ;
5° Chlorure. — La liqueur plombique, additionnée d'un léger exoi^
d'acide chlorhydrique, est évaporée à siccité au bain-marie. Le résidu^
épuisé par Talcool éthérc est desséché, puis calciné avec raéoagemeai
pour éviter de volatiliser le chlorure de plomb.
4'' Sulfate. — On dose assez facilement le plomb à Tétai de sulfate.
en ajoutant à la liqueur contenant le plomb un léger excès d*icide su!-
furique, puis un volume double d'alcool. On abandonne au repos et od
filtre après quelques heures, on lave à Talcool faible et on calcine le
sulfate de plomb.
Quant au filtre, on le traite à part en ajoutant de l'acide nitrique au
résidu de la calcination, puis un peu d'acide sulfurique en calcinant de
nouveau.
5° Chromate. — Pour doser le plomb à l'état de chromate, on opère
en liqueur légèrement acidulée par la présence de l'acide acétique, et on
précipite par le bichromate de potasse. On recueille le précipité sur un
filtre tare, et il suffit ensuite de sécher à l'étuve Gay-Lussac et de peser
quand le poids est devenu invariable ;
6^ Différents procédés de dosage du plomb par la méthode volumétri-
que ont élc également proposés.
Us sont basés sur la réaction du protochlorure de fer en quantité connue
sur le chromate de plomb, l'excès de sel ferreux étant dosé parle per-
manganate.
Ou encore sur la redissolution du carbonate de plomb lavé dans une
quantité donnée d'acide nitrique titré qu'en dose ensuite alcalimétri-
quement.
Emploi et formes pharmaceutiques. — Les préparations à base deploml»
sont très rarement usitées à l'intérieur, et les propriétés toxiques du
métal en fournissent une explication plus que suffisante.
On administre à l'intérieur l'acétate neutre de plomb directement en
solution ou sous forme de pilules.
L'ingestion du plomb à l'état métallique est aujourd'hui abandonnée,
on peut dire par tous les praticiens. (Voy. Effets toxiques).
En revanciic, la médication externe compte un très grand nombre de
formules où les composés plombiques figurent seuls ou associés i d'autres
substances.
Disons, toutefois, que cette variété considérable de préparations sator-
nées tend graduellement vers une simplification rationnelle. (Voy. plus
loin thérapeutique) .
Voy. pour les emplâtres à base de plomb, tome XII, p. 746 et suif.;
pour les papiers chimiques, tome XXV, p. 767 et suivantes.
Le plomb figure dans la forme de certaines préparations tels que lards,
cosméliques, tome IX, p. 440.
L. Prunier.
.
PLOMB. — - EFFETS TOXIQUES. EMPOISOMIEIIE.'VT AIGO. ÉTIOLOGIE. 507
toxiques. — Le plomb est, sans contredit, le métal avec
lequel Thomme civilisé se trouve le plus en contact, par cette raison
que, outre les divers usages qui lui sont communs avec les autres mé-
tauXt il entre dans la composition de la plupart des revêtements des
objets environnants ; d*ailleurs, sa faible résistance aux agents physiques
et chimiques Êivorise son absorption, et contribue par là à lui assurer
une influence prépondérante sur la santé publique.
Ses effets sur l'organisme, bien différents suivant qu'ils résultent de
Tabsorpiion en bloc et rapide d'une forte dose (empoisonnement aigu),
ou de l'imprégnation lente par de faibles doses réitérées (intoxication
chronique), doivent être étudiés séparément.
La forme aiguë, assez rare, bien qu'utile à connaître au point de vue
ioxicologique, est loin de présenter le même intérêt que la forme chroni-
que, extrêmement fréquente, par laquelle seulement se manifeste toute
roriginaliié d'action du poison.
£»oisoN»ENEKT AIGU. — Etiologie. — L'empoisonnement aigu, ou
empoisonnement proprement dit par le plomb, consiste en accidents
graves succédant rapidement à l'absorption, presque toujours par inges-
tion en une, deux ou trois fois au plus, d'une haute dose de métal ou d'un
de ses sels, soit en nature, soit à l'état de mélange. Tous les composés
saturnins, y compris, contrairement à l'opinion de Dupasquier, les sels
insolubles et le métal lui-même (obs. de Ruva), peuvent produire, par
ingestion, un empoisonnement aigu, dont les symptômes sont d'une pré-
cocité et d'une intensité directement proportionnelles à la solubilité ou à
la facilité de décomposition de ces substances par les sucs digestifs. Les
sels solubles se transformeraient dans l'estomac en chlorures (Rabuteau)
et en albuminates peu solubles ; le plus dangereux de tous est le chlorure,
dissous dans le chlorure de sodium (Mialilc), probablement parce que,
sous cette forme, le plomb n'a plus à subir de transformation.
La dose minimum nécessaire à la production d'accidents sérieux est
difficile à préciser ; souvent, en effet, Tingeslion de quantités relative-
ment considérables de poison a été suivie de symptômes moins graves
qu'on n'était en droit de le redouter ; et d'autres fois des doses même assez
fiiibles ont eu des conséquences funestes. Un jeune homme éprouva des
accidents graves pour avoir pris, en trois jours, 15 centigr. seule-
moit d'acétate de plomb, et un adulte mourut après avoir bu à peine un
demi-verre de vin d'une bouteille contenant des grains de plomb avec
lesquels elle avait été rincée. Cette discordance apparente résulte de ce
qu'on connaît seulement la dose de poison ingérée, et non celle qui est
absorbée; or, l'absorption doit être entravée par la précipitation du sel
dans l'estomac, par son astringence agissant sur la muqueuse stomacale ;
cette astriclion, plus marquée pour certains sels, sous-acétate par exem-
ple, se fait peut-être moins sentir dans le cas d'une dose modérée. Enfin,
la proportion de métal dans chaque combinaison saline (près de deux fois
plus forte dans les unes que dans d'autres), le degré de concentration
de la dissolution ou du mélange, ne doivent pas être non plus sans exer-
508 PLOMB. — EMPOISOKNEIIEKT AIGU. — SYMPTÔMES.
ccr une certaine influence. D'après les expériences d'Orfila, de Gaspirl et
de R. Moreau, Tacétate, injecté dans les veines, tue un chien rapidement,
en 24 heures au plus, à ta dose de 30 centigr., et dans la huitaine à la
seule dose de 20 et même 10 centigr. Les divers composés saturnins ont
tous la même action, sauf le chromafe et Tarséniate, qui empruntent i
leurs acides une partie de leurs propriétés spéciales ; au premier, par
exemple, parait liée la prédominance d'accidents nerveux.
Les circonstances de l'empoisonnement aigu par le plomb sont varia-
bles. Très-rarement ce poison a été administré dans un but criminel
(acétate mélangé aux aliments et aux boissons) : affaire Ponchon, 1842, et
les deux cas en Anglelerre, Central Criminal Court, 1844, et Chelus Ford,
Summer Assises, 1847, rapportés par Taylor. Quelquefois c'est dans une
intention de suicide que le sel de plomb (ordinairement une verrée ou
deux d'extrait de saturne) est ingéré, presque toujours par des femmes.
Mais le plus souvent, Tingestion est le résultat d'une erreur, d*une
imprudence ou d'un accident. Tantôt c'est un ivrogne vidant précipi-
tamment et à la dérobée une fiole d'eau de Goulard ; tantôt un verre
d'eau végéto-minérale est pris, par une ressemblance trompeuse, pour du
sirop d'orgeat, ou bien du carbonate de plomb pour de la magnésie ;
ailleurs, c*cst un enfant, qui, par ignorance^ avale soit de Textrait de
Goulard, soit même une boulette de mastic à la céruse ; plus fréquem-
ment enfin, de l'extrait de saturne est pris au lieu d'une potion, d'un
purgatif ou d'un vomitif, par erreur de flacon, commise par le malade
et même par le pharmacien.
D'ordinaire l'empoisonnement a lieu par l'intermédiaire des aliments ou
des boissons (acétate et carbonate, dans le vin, le cidre, le vinaigre,
oxyde et carbonate dans l'eau), soit que ces substances alimentaires aient
été en contact avec du plomb dans leurs récipients, soit qu'il y ait eu
falsification ou sophistification ; il peut aussi être produit par l'ingestion
de pains à cacheter, ou de couleurs, comme sur les jouets d'enfants. Dtns
certains cas, assez rares il est vrai, V empoisonnement professionnel ^iga
a été observé.
Enfin, les sels de plomb, principalement l'acétate, ont aussi donné
lieu à des accidents aigus par Vemploi thérapeutique rationnel ou em-
pirique : acétate dans du lait contre la diarrhée, ou en pilules dans la
phthisie (Fouquier, Léridon), et grains de plomb administrés par un
charlatan contre la dyspepsie (Ruva).
Expérimentalement, l'empoisonnement aigu a pu ctre, on l'a vu, dé-
terminé par l'injection intra-veineuse d'acétate de plomb. Pour ce^ qui
est des accidents aigus résultant de l'introduction des composés plombi-
ques dans les voies respiratoires, il est difficile de faire la part du satur-
nisme et de l'asphyxie par obstacle mécanique (Moreau).
Symptômes. — Au moment de l'ingestion, il y a perception immédiate
d'une saveur douceâtre, sucrée, puis styptique et parfois comme métalli-
que ; souvent, bientôt après se manifeste dans la bouche une sensation
de brûlure, plus ou moins prononcée dans l'arrière-gorgc, et se proloo-
PLOMB. -^ EMPOlSORREllElfT AIGD. TRAITEMENT. 309
géant le long de Toesophage jusqu'à l'esioinac, où est ordinairement son
maximum ; d'autres fois, i! y a seulement de la pesanteur au creux épi-
gastrique. La langue, parfois légèrement gonflée, est, en général, blan-
châtre et couverte de petits points blancs saillants.
Presque en même temps apparaissent des nausées et des vomissements,
d'abord de liquide souvent incolore et limpide, quelquefois présentant
l'aspect de Peau blanche, et pouvant contenir du plomb ; plus tard, les
matières vomies deviennent muqueuses et sont parsemées de taches ou
de points blancs dus à des sels de plomb. Seul, le chromate donne lieu
à des vomissements colorés en jaune. Puis, coliques gastro-intestinales
très-aiguës, avec rétraction et dureté ou quelquefois ballonnement de
l'abdomen, s'accompagnant tantôt de constipation, tantôt de selles diar-
rbéiques colorées en noir par du sulfure de plomb. On a vu, avec le
météorisme, de la rétention d'urine par propa$|[ation de Pinflammation
intestinale. Engourdissement des membres abdominaux, abattement gé-
néral ; pâleur du visage, lèvres livides.
Le liséré gingival bleuâtre peut se faire longtemps attendre, et même
manquer complètement ; mais dans certains cas, il apparaît dès les
premiers moments ; les dents sont noircies ; fétidité de Thaleine. La
respiration devient stertoreuse ; il se produit de l'asphyxie et un hoquet
pénible ; des vertiges, des syncopes, du trismus et des convulsions épi-
léptiformes précèdent un état comateux (véritable cncéphalopathie), qui
se termine par la mort après deux ou trois jours. Les facultés intellec-
tuelles restent quelquefois intactes jusqu'au dernier moment.
Dans le cas de gucrison, après des symptômes d'excitation et de dé-
pression moins intenses, il se déclare de la (ièvre. Des taches noirâtres
de sulfure de plomb se développent sur la peau par suite de l'élimination
du poison ; la douleur épigastriquc diminue graduellement, et l'amélio-
ration s'effectue avec lenteur. Il reste longtemps de l'hébétude, des
troubles digestifs, de la faiblesse, de l'anémie et même un état cachec-
iîq;ae.
Analomie pathologique. — Les lésions anatomiques ne sont ni cons-
tantes, ni caractéristiques. Tout se borne le plus souvent à une inflamma-
tion légère et superficielle de la muqueuse de Pestomac, qu'on a parfois
trouvée épaissie, grisâtre, ramollie et même érodée. Taylor, contraire-
ment à Popinion qu'on lui a prêtée, pense que Paction corrosive appartient
au sel neutre et non au poison combiné avec un acide. Les traînées de
points blancs, adhérents à la muqueuse stomacale, données par Orfila,
comme propres à Pempoisonnement par l'acétate de plomb, ne sont pas
constantes ou sont difficiles a reconnaître.
Dans deux cas où il s'était produit des symptômes cérébraux graves,
G. Bergeron et Tardieu ont constaté les lésions de l'encéphalopathie
saturnine : coloration blanc-mat du cerveau, consistance dure, aplatisse-
ment et effacement des circonvolutions.
Traitement. — S'il n'y a pas de vomissements, on les provoquera, ou
s'ils sont pénibles, on les facilitera par des boissons; dans le cas de
510 PLOMB. — iKTOxiCATion chronique.
parcsie de l'estomac, on pourrait recourir à Tusage de la pompe stoma-
cale.
Les antidotes chimiques capables de neutraliser le poison plombîque
en le rendant insoluble sont, d'une part, le soufre en électuaire, la
limonade sulfurique, l'acide sulfliydrique, les sulfures solublcs, et d'autre
part les sulfates alcalins, en particulier le sulfate de magnésie, qui peu-
vent continuer leur action jusque dans le torrent circulatoire. On a encore
recommandé les protosulfure (Miahle) et persulfure de fer hydratés (Bou-
chardat), l'eau albumincuse prise en très-grande quantité, pour former
un albuminate qui est insoluble, mais qui se redissout dans un excès
d'albumine. La noix de galle a bien réussi entre les mains de Chansarel.
Plus tard, des purgatifs débarrasseront les intestins du plomb qu'ils
pourraient encore contenir, et l'on facilitera l'élimination du poison par
î'iodure et le bromure de potassium.
Intoxication chronique. — Nous étudierons d'abord les symptômes
et les lésions du saturnisme avec leur pathogcnie et leur étiologie spé-
ciales, puis successivement l'étiologie générale, la prophylaxie et le trai-
tement de cette intoxication.
I. Symptômes et lésions; pathogénie et étiologie spéciales.
A. Troubles digestifs. — V Stomatite. — Les saturnins présentent
du côté de la bouche de véritables lésions anatomiques, presque cons-
tantes, et en tout cas caractéristiques, dont la facile constatation sur le
vivant fournit un des cléments diagnostiques les plus importants ; nous
voulons spécialement parler des colorations plombiques de la muqueuse
buccale : liséré gingival (Burton) et plaques de la face interne des lèvres
et des joues.
Un liséré ardoisé, noirâtre quand il est intense, large de 2 à 3 mil-
limètres, siège à la sertissure des gencives, particulièrement des incisÎTef
et des canines inférieures. Il consiste en une imprégnation de la muqueuse
par du sulfure de plomb formé en présence de Thydrogène sulfuré pro-
venant, soit de la décomposition des parcelles alimentaires retenues entre
les dents (Tanquerel), soit des sulfures alcalins de la salive (Schebachj,
soit enfin du sang (Gubler). L'apport du plomb se fait, tantôt directe-
ment par dépôt des particules métalliques à leur passage dans la bou-
che (tatouage) : contact immédiat ou intermédiaire de l'atmosphère, des
instruments et des doigts souillés (L. direct^ primitif) ; tantôt indirecte-
ment par les voies circulatoires et par élimination à travers les glandes
buccales et les gencives. La preuve de l'existence de ce liséré secondaire^
indirect y a été établie en 1869 par Frank-Smith : chez un saturnin para-
lytique, sans la moindre trace de liséré, il se développa, après une ou
deux semaines de traitement ioduré, un liséré bleu bien marqué, qui
persista six semaines environ. Semblable observation a été faite ultérieu-
rement par Hilton Fagge. Dans le cas de Schoënljrod (1873), le liséré
n'apparut que quatre semaines après que le malade eut cessé de faire
«sage d'un vinaigre ploinbifère qui lui avait occasionné des coliques.
Les gencives, quelquefois boursoufQées et saignantes, s'amincissent
PLOMB. — IMTOXICATlOlf CHRONIQUE. TROUBLES DIGESTIFS. 5il
<rordiiiaire et se résorbent à leur ourlet (gingivite), laissant les dents
déchaussées, de teinte brun-clair, encroûtées de tartre et souvent cariées.
Sur 50 cas de saturnisme professionnel, nous avons vu le liséré man-
quer 4 fois sans qu'il parût avoir jamais existé (Edelmann vient de pu-
blier un cas semblable), et une fois chez un ancien ouvrier qui avait pu
€0 être porteur antérieurement ; il est vrai qu'alors les sujets n'avaient
pas un métier à poussières.
Parfois, avec le liséré, et même en son absence, on trouve sur la mu-
queuse, des lèvres et des joues, des plaques ardoisées (Gubler), sous forme
d^un fin pointillé, presque toujours par tatouage au niveau d'ulcérations
correspondant aux saillies des dents.
Ces diverses colorations buccales sont pathognomoniques du satur-
nisme. Si, en effet, des lisérés plus ou moins analogues peuvent se mon-
trer en dehors de cette intoxication, ceux dus à l'imprégnation profes-
sionnelle par le cuivre, ou thérapeutique par le nitrate d'argent (Du-
^uet) et par le fer, et même, selon Gublcr à l'emploi prolongé du charbon
poqihyriséy comme dentifrice, ou à une simple exhalation scorbutique,
il sera toujours possible d'en distinguer le liséré saturnin par des réac-
tions chimiques faciles à déterminer. L'eau oxygénée, mise en contact
avec le liséré ou les plaques, donne naissance à une traînée blanchâtre
de sulfate de plomb (D'Arcet, Tanquerel et Gréhant) ; la solution d'hydro-
gène sulfuré restaure la coloration noire, plus intense même que primi-
tivement. Dans un autre procédé d'analyse, on recueille le dépôt recou-
vrant le collet des dents, et on le traite par l'acide nitrique et de l'eau
distillée, pour transformer le sel de plomb en azotate soluble ; le liquide,
repris par une solution d'iodure de potassium au ~, donne la coloration
jaune caractéiisti(jue de l'iodurc de plomb (Pauvert).y
Comme troubles fonctionnels accompagnant les colorations buccales,
et légitimant la dénomination de stomatite : outre la gingivite, l'haleine
est fétide, saburrale ; la réaction de la salive se montre extrêmement
acide; il y a un léger ptyalisme, et le malade éprouve une saveur per-
sistante, sucrée et styptique à la fois.
2* Dyspepsie» — Les sujets soumis à l'action lente ej prolongée du
plomb présentent bientôt les symptômes d'un léger embarras gastrique
permanent: bouche pâteuse et amère, « empoisonnée », suivant l'expres-
sion même des malades, langue jamais nette, appétit éinoussé ou capri-
cieuXy parfois état nauséeux avec vomissements pituileux le matin.
 un degré un peu plus avancé, la langue devient blanche et sèche,
Tmappétence plus coniplète ; il y a même du dégoût pour les aliments
et quelquefois des vomissements ; pesanteur et sensibilité à la pression
au creux de l'estomac. L'intestin est aussi intéressé dans une certaine
mesure : constipation, dureté et sensibilité morbide de l'abdomen spon-
tanément et à la pression, avec douleurs lombaires, et, par moments,
quelques légci^ élancements passagers; fréquemment alors on observe
CD même temps de la céphalalgie.
Tout peut se borner à ces sortes de poussées subaigués dans le cours
Mi PLOMB. — INTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES BIOESTIFS.
de la dyspepsie chronique; mais d'ordinaire celles-ci se répètent plusiears
lois avant l'explosion d'accidents plus graves, et leur série est close par
un dernier accès bien caractérisé, prémonitoire de la colique.
On ne peut nier que ces troubles gastro-intestinavx, préexistant à la
colique, reconnaissent dans certains cas une origine indirecte, et qu'ils
résultent alors d'une élimination du poison par la muqueuse digestive,
surtout par celle de l'estomac, spécialement chez les alcooliques où
celle>ci sécrète d'une manière exagérée; d'autre part néanmoins, ils
peuvent légitimement être considérés comme manifestations d'entrée,
lorsque le métal est évidemment introduit avec les ingesta, ou quand des
ouvriers travaillent dans une atmosphère chargée de poussières toxiques,
dont le transport jusque dans l'estomac s'efTectue par l'intermédiaire des
aliments et de la salive sans cesse déglutie. Quoi qu'il en soit, raction
du poison plombique se traduit là comme ailleurs par de la parésie dou-
loureuse.
La dyspepsie observée dans l'intervalle des attaques de colique par-
ticipe des caractères de la dyspepsie préparatoire et de celle essen-
tiellement chronique des saturnins cachectiques que nous décrirons
plus loin.
3"^ Colique, — Sur 45 ouvriers saturnins réclamant les soins de la
médecine, 35 étaient ou avaient déjà été atteints de colique ; parmi les
10 autres (plus d'un cinquième des sujets) qui n'en avaient jamais
éprouvé, 5 souffraient alors d'embarras gastro-intestinal simple.
La colique, qui ne se développe généralement chez les peintres qu'après
un certain nombre d'années, peut se montrer dans les premiers mois et
même les premières semaines du travail chez les ouvriers en céniseet
minium.
Bien que susceptible d'éclater soudain, elle est ordinairement anooD-
cée par les prodromes dyspeptiques déjà connus , auxquels se joignent
du malaise , une expression de souffrance , de Tendolorissement et de
l'engourdissement des extrémités , et des urines uratiques ou albumi-
neuses. Alors se déclarent des douleurs abdominales, faibles d'abord,
plus tard intolérables, siégeant au niveau de l'ombilic, à l'épigastre,
aux flancs ou à l'hypogastre , et s'irradiant jusque vers les lombes, la
vessie, les parties génitales et les cuisses. Ces douleurs continues,
obtuses et gravatives, affectent, par intervalles, la forme d'accès paroxys-
tiques avec élancements atroces , causant l'insomnie ; elles sont cshnées
par une pression lentement progressive et méthodique sur une large
surface (Fornel), étoiles s'exaspèrent, au contraire, sous l'influence dune
pression brusque et par soubresauts avec l'extrémité des doigts. L'abdo-
men est rarement météorisé; on le trouve, en général , inégalement dur
et rétracté par suite d'une contracture des muscles abdominaux, compri-
mant et immobilisant les intestins dont les douleurs sont ainsi modérées;
ces mêmes muscles, surtout les droits, sont quelquefois atteints d'hyper-
algésie au pincement ou au grattage (Briquet) , manœuvres qui peut-
être aussi déterminent des contractions désordonnées, réveillant les dou-
PLOMB. ~* IKTOXICATIOK CHRONIQUE. TROUBLES DIGESTIFS. Si 3
leurs intestinales. A un haut degré d'intensité, il y a rétraction de
l'ombilic et de l'anus.
Dans environ un septième de nos cas, les coliques du début ont été
suiTÎes d'une débâcle diarrhéique; puis la constipation s'établissait
désormais opiniâtre, comme elle Test d'emblée chez la plupart des
malades. Cette diarrhée initiale, commune dans l'intoxication aiguë par
ingestion, s'observe plus particulièrement sur les ouvriers en céruse et
minimn, exposés à absorber rapidement une grande quantité de poison.
La constipation s'accompagne d'un certain développement de gaz intesti-
naux; l'inappétence est absolue, la soif plus ou moins vive; vomisse-
ments firéquents de matières glaireuses ou bilieuses, éructations et par-
fois hoquet. Chez quelques sujets, un état ictérique ou seulement
subictérique coïncide avec une sensibilité à la pression et une rétraction
temporaire du foie (Potain), soit par anémie ou défaut d'apport sanguin,
soit plutôt par contraction de la tunique musculaire des vaisseaux (isché-
mie). Les troubles urinaircs seront étudiés en leur lieu.
On remarque de plus quelques signes de faible réaction sur les autres
organes ; céphalalgie fronto-tcmporale, avec éblouissements, tintements
d'oreilles , subdélirium nocturne et prostration générale ; courbature ,
douleurs et crampes dans les membres, constriction thoracique, etc.
L'apyréxie est si fréquente, que Grisolle la donnait comme la règle;
dans certains cas , le pouls se ralentit jusqu'à 40 pulsations par minute,
et la température s'abaisse au-dessous de la normale; mais, par contre,
on observe quelquefois, comme l'avait noté Blache, pendant les premiers
jours, une fièvre pouvant se traduire par une accélération du pouls,
124 pulsations, et par une élévation de la température rectale à 39^,4
(Lorain). Le pouls est en outre dur et vibrant ; nous examinerons les
caractères de son tracé à propos des troubles circulatoires.
La durée de l'attaque de colique varie de quelques jours à plusieurs
semaines. La guérison se fait par le retour des selles et de l'appétit; les
rèddives sont extrêmement fréquentes, quelquefois nombreuses.
Sans parler des divers symptômes d'intoxication chronique (troubles
sensitib et moteurs) , qui coexistent presque toujours, même avec la
première atteinte de colique, à laquelle ils préexistent souvent, les véri-
tables complications, telles que l'encéphalopathie et la paralysie confir-
mée, ne surviennent guère que dans le cours des premières récidives.
La dyspepsie cachectique^ consécutive à de nombreuses atteintes de
colique ou d'autres manifestations toxiques graves , revêt différentes
formes liées d'ordinaire à un catarrhe gastrique ; Tanorexie en est le
principal symptôme.
Des nécropsies empruntées à diverses sources et analysées parTanquerel,
et de celle de Kussmaul et Maier, il ressort que le plomb, agissant dès le
début sur le tube digestif, y produit d'abord des lésions hypertrophiques
des éléments glandulaires et musculaires, mais, qu'à la longue, son
action mène à l'atrophie. Les lésions atrophiques sont les suivantes : du
côté de la muqueuse de lestoniac et de l'intestin jusqu'à la partie infé-
514 PLOMB. — INTOXICATION CHRONIQUE.
rieure du colon, atrophie du stroma et des éléments glandulaires frappés
de dégénérescence graisseuse; la tunique celluleuse, surtout celle de
l'intestin, offre un épaississement scléreux rétrécissant le calibre des
vaisseaux; dcgénération graisseuse de la tunique musculaire, spéciale*
ment au niveau du pylore et dans Tintestin grêle. Enfin, les ganglions,
sympathiques , dont la lésion avait déjà été signalée par Tanquerel el
Segond, sont indurés, ischémies, et présentent une diminution de leurs
cellules nerveuses (Kussmaul et Maier).
La théorie pathogénique qui s'accorde le mieux avec les faits connus
jusqu'aujourd'hui, est celle dans laquelle on considère la coliqce satur-
nine comme résultant d'une sorte de crampe douloureuse avec parésie et
névralgie intestinales. Le plomb se fixe sur les éléments de l'intestin dans
lesquels il s'accumule en réserve, sous forme d'une poussière noirâtre de
sulfure (Gublcr et Quévenne), soit directement par ingestion, soit indi-
rectement par élimination.
Les causes déterminantes de la colique sont diverses : ingestion
d'une ^^^fisante quantité de plomb en un temps donné ; tendance active
à l'élimination digestive du poison introduit par les diverses voies, et
suppression de son élimination rénale ou cutanée; solubilisation, mise
en circulation et élimination digestive d'une réserve métallique emma-
gasinée, soit à la surface du canal alimentaire, soit dans le foie, soit enfin
en certains points de l'organisme, par exemple, dans les extrémités
atteintes d'intoxication locale par absorption cutanée (Frank-Smith).
La soluhilisation du plomb est facilitée par les acides (vins acidulés,
vinaigre) et par l'iodure de potassium. Les excès alcooliques favorisent le
développement de la colique, non que l'alcool entrave, par son passage à
travers le rein, Télimination régulière du métal, mais plutôt parce que,
activant les échanges organiques élémentaires, il déplace le métal fixé
dans les tissus el le réintroduit dans le sang (Rosenthal).
4* Ictère. — L*iclère hépatiqxu\ plus rare que ne le pensait Tanqu^
rel, n'est pas nécessairement sous la dépendance de la colique, car il
peut se rencontrer chez des sujets qui n^ont jamais eu de colique, et on
l'a vu disparaître dans le paroxysme des douleurs. 11 semble devoir être
rattaché à la sensibilité morbide et à la rétraction du foie, qui, si ellai
accompagnent quelquefois la colique, peuvent aussi exister eu defaors
d'elle, d'une façon plus ou moins permanente, notamment à la période
cachecti(iue ; le canal cholédoque présente alors les lésions du catarrhe
chronique (Kussmaul et Maier). Dans un cas d'embarras gastro-intestintl,
nous avons constaté une légère hypertrophie avec sensibilité morbide da
foie. La cirrhose hépatique a d'ailleurs été observée une fois par Coule-
not. Les recherches chimiques d'IIeubel ont prouvé que le foie est undei
organes dans lesquels le plomb s'accumule le plus. Kiifin , ce métal s*éli-
niine par la sécrétion biliaire qui en contient des proportions faiblei
(Hermann), mais cependant appréciables. On ne devra point confondre
cet ictère vrai avec la teinte ictéroïde hématique de l'anémie saturnine.
Deux autres glandes annexes de Tappareil digestif, le pancréas surtout
PLOMB. INTOXICATION CUROMIQUE. TROUBLES CIRCULATOIRES. 315
et la rate^ ne paraissent pas avoir suffisamment fixé l'attention des
observateurs. Pourtant, Mayençon et Bergeret ont trouvé la rate impré-
gnée d'une forte proportion de plomb ingéré ; et dans un certain nombre
de nécropsies, en particulier dans celle due à Négrié et rapportée par
TafTorin, cet organe était hypertrophié et ramolli. Aussi n'est-il pas éton-
nant que plusieurs fois nous ayons rencontré de la sensibilité morbide à
la région splénique.
B. Troubles circulatoires. — Quelle que soit sa voie d'absorption, le
plomb pénètre vite dans le sang, et consécutivement agit sur les parois
du système circulatoire, d'oiî une anémie spéciale et des troubles cardio-
vasculaires.
Le sang des saturnins renferme en permanence, mais en très-petite
quantité en dehors des épiphénomènes aigus, ce métal, à l'état libre, ou
à rétat d*albuminates (Buckheim, Clarus, Lewald) ; il existe en moins
grande abondance dans les vaisseaux (Lacnnec), et présente une légère
augmentation de la fibrine (Pope) ; ses globules ronges sont moins nom-
breux (Andral et Gavarret, Malasscz), deux fois moins qu'à l'état sain, et
Us ont subi une augmentation de volume ne compensant pas leur dimi-
nution de nombre ; ils sont devenus moins ductiles et chimiquement plus
fixes (Béchamp). L'hypoglobulic, se produisant rapidement, s'cffaçant
avec lenteur, et susceptible de s'aggraver après récartcment de la cause,
^ semble par conséquent être un symptôme d'empoisonnement chronique;
^. elle se montre en raison directe avec l'âge du sujet, l'intensité et la durée
ù de rintosÎGaiion et la richesse du milieu professionnel en poussières
^- plombiqnes. Il est probable qu'elle résulte d'une diminution dans la
production des globules par altération de leurs organes formateurs
(Malassez).
Le plomb détermine, d'après Kussmaul, de la rigidité spasuiodique des
fibres musculaires du cœur, qui est un peu plus gros que normalement
; (Beau et Durozicz) ; contrairement à cette hypertrophie, Leudet a, dans
t deux cas, trouvé une véritable cUrophie cardiaque. L'endocardite, la
dégénéreêcence graisseuse du myocarde, et des lésions valvulaires athé-
rùmaieusei ont été signalées par Duroziez. Les artcrioles de la plupart
des organes ont leur calibre diminué et leur tunique celluleuse épaissie
(tttssmaul et Maier), ce qui rend leur paroi plus rigide (Malassez).
La résultante complexe de ces divers états pathologiques constitue
ranémie saturnine, dont la notion clinique remonte à Stoll et à de Ilaén.
Outre le ton grisâtre^ dépendant d'un dépôt de sulfure de plomb à la
soriace de la peau, les téguments, spécialement à la face, prennent une
Uinie jaune-pâle fixe, non modifiable par les émotions, en rapport non-
Kalement avec l'appauvrissement du sang, mais encore avec la rigidité et
le rétrécissement des arlérioles cutanées. Dans quelques cas, la cploralion
june devient plus marquée et s'étend aux conjonctives oculaires; très-
pobablement produite par un des dérivés de l'hématoïdinesous Tinfluence
^ ihromogène des sels biliaires (J. Simon), elle doit être considérée comme
"4 ijmptomatique d'une profonde altération du sang. Cette teinte icléroïde
316 PLOMB. — INTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES CIRGULÂTOIIIS.
hématique est plus fauve, moins franche que dans Tictère hépatique,
dont elle diffère d*ailleurs par les caractères de Turine.
En dehors de la période aiguë de certains cas exceptionnels de colique,
le pouU^ petit, mou, facilement dépressible, parfois irréguiier, tombe i
50 et 40 pulsations par minute. Ce ralentissement reconnaît des causes
diverses. D'une manière générale, Taffaiblissement de vitalité des élé-
ments anatomiques n*est plus compatible avec une circulation active ;
d'autre part, la rigidité des vaisseaux apporte un retard au cours du sang,
car la rigidité des canaux diminue le débit d'un courant iolermittent
(Marey). La macrocythcmie elle-même rend le sang moins fluide, par la
difficulté que les globules plus volumineux et moins malléables éprouvent
à circuler dans les capillaires (Malassez). 11 n'est pas jusqu'à la présence du
plomb dans le sang qui ne contribue pour sa part à ce ralentissement do
pouls, puisque Potain et Malassez ont constaté que du sérum contenant
1 millième d'acétate de plomb passe plus lentement dans un tube capil-
laire que du sérum pur. Nous citerons enfin l'ictère dont Faction mode-
ratricc du pouls est si énergique.
Le trace sphygmique des saturnins chroniques est pathognomonique
(Marey, Bondet, Lorain). 11 offre un plateau ondulé par des ressauts, qui
donnent à la pulsation un caractère tricrote et même polycrote, dû, selon
FiG. 24. — Tracé sphygmiquo. Colique au deuxième jour (Obs. XXIX de notre thèse).
Marey, à une anomalie dans la contraction ventriculaire cardiaque, li
ligne de descente est tremblée par une suite de brèves onduUtioDs
isochrones, résultant d'une légère trémulation musculaire ordinairemeot
invisible. Il apparaît constamment dans la période aiguë de la colique on
tracé analogue, ayant une ligne ascensionnelle courte et inclinée, avec
plateau à rebondissements, mais dont la ligne de descente est rediligne.
Teissier fils, de Lyon, attribue ces caractères du pouls à un état spasmo*
dique musculaire des artères.
Ilitzig a remarqué sur les veines superficielles du dos des mains et des
avant-bras, surtout aux points d'abouchement, des zones de contraction
leur donnant une apparence moniliforme; cette contracture annulaire
des fibres transversales était temporaire et s'exagérait par les efforts. Les
veines n'étaient d'ailleurs ni variqueuses, ni indurées. Nous reviendrons
sur le rôle important que cet auteur fait jouer au système circulatoirs,
surtout veineux, dans la pathogcnie de la paralysie.
Les troubles cardiaques manquent parfois au début ; mais on obserre
assez souvent, en particulier dans la période de cachexie, des ptûpUatùnu
et un impulsion exagérée. Nous avons vu un peintre gaucher, atteinte
ti*oubles sensitifs de la moitié gauche du corps, surtout au membre sojié-
rieur, ressentira plusieurs reprises une violente douleur cardialgipe
' PLOMB. — IRTOIICATION CHRONIQUE. TKOUBLES RESPIRATOIRES. 517
s'irradiant dans le bras et le cou de ce côté. L'auscultation révèle en outre
des bruiU de souffle cardiaques et vasculaires de cause anémique el
même organique (Duroziez). Avec le stéthoscope déprimant légèrement
les gros vaisseaux du cou et du pli du coude, nous avons perçu des bruits
de souffle, quelquefois doubles, môme en l'absence du souflle cardiaque;
il s'oi est parfois produit dans les vaisseaux du pli du coude, sans qu'il
y ea eût à ceux du cou. Bien plus, chez un peintre droitier, paralysé de
la sensibilité aux membres supérieurs, surtout à droite, présentant un
souffle exclusivement au pli du coude, ce bruit se montra plus intense à
droite, où il était en tout comparable au bruit d'un générateur à vapeur.
Oa a trouvé, en dehors de rinsuffisance aortique, un double soufBe
crunl artériel, encore inexpliqué. Le frémissement des veines jugulaires
se reocoDtre rarement. Le saturnisme produit encore des péricardites
(Andral), le plus souvent chroniques, affectant quelquefois une forme
aiguë.
Il est r^^ttable qu'on ne connaisse rien de l'état du système lympha-
tique (vaisseaux et ganglions); ses altérations que rend probables la fré-
quenee de l'érysipèle et de la lymphangite, seraient pourtant très-intéres-
sanles à connaître au point de vue pathogënique.
C. Troubles respiratoires. — Les expériences de Rosenthal sur les
animaux ont prouvé que les particules de blanc de plomb pénètrent par
^^ialiaiation jusque dans les petites bronches. Chez des chevaux employés
^Hkss les fabriques de céruse et morts saturnins, on a constaté, entre autres
^^HiÊerérts graves de l'appareil respiratoire, une atrophie du nerf récurrent
^^et une dégénérescence graisseuse des muscles dilatateurs de la glotte
(GùnUier, Guilt al Uertwig). L'aphonie s'observe d'ailleurs quelquefois
chez l'homme (Pariset, Tanquerel).
Les troubles respiratoires se montrent sous deux foimes bien différentes.
Vasthme aigu, de cause externe, est cliniqiiemenl caractérisé par une
dyspnée paroxystique et des quintes de toux pénibles, avec rares crachats
muqueus, grisâtres, et un abondant écoulement de mucus nasal, cons-
tamment piombirére; l'auscultation fait percevoir de simples râles
TÎbranb de bronchite. Cette forme dure de quelques heures à huitet douze
jours ; la l'éacLion fébrile est faible ou nulle. Lcwy a trouvé les plus petits
nmeaux bronchiques remplis et partiellement obstrués de parcelles
ntumines. La muqueuse bronchique, recouverte d'un exsudât grisâtre,
nsqueux, plombifère, est rouge, gonflée, ecchymosée et même parsemée
de plaques blanches et grî^^i ^u niveau desquelles ie tissu pulmonaire
tA cirrhose. Sur les animaux, la muqueuse des grosses bronches a pré-
senté des ulcérations arrondies, isolées, de la dimension d'une tête
d'épingle.
Vaithme chronique, déjà mentionné par Sauvages, succède à de nom-
breuses attaques de la forme aiguë, ou apparaît chez des ouvriers cachec-
tiques ou des convalescents d'alïections thoraciques graves, qui ont repris
trop tôt le travail ; nous l'avons rencontré affectant des ouvriers exposés à
l'inspiration de poussières ou de vapeurs plomhiques. Là, plus qu'ailleurs,
3i8 PLOMB. — IlfTOXICATlOIf chronique, troubles GÉHITO-irilIHAIlIt.
il est nécessaire do tenir compte de la prédisposition indiriduelie. La
toux est sèche, par accès paroxystiques prolongés; expectoration peu
abondante de mucosités toujours plombifères; oppression extrême; les
hydropisies surviennent ; les râles vibrants du début sont remplacés par
de fines bulles humides, éclatant à la base des poumons oadématiéf . Cet
asthme conduit à Vemphysème^ à la pneumoconiose saturnine^ avec
complication de pneumonie coêéeuse chronique.
L'antagonisme entre le saturnisme et la phthisie tuberculeme, admis
par Tanquerel, Beau et Pidoux, était journellement démenti par les Eaîts,
lorsque liirt démontra par sa statistique que^ la tuberculose est près de
deux fois plus fréquente chez les ouvriers qui manient le plomb qae chei
ceux qui travaillent le fer ou le cuivre.
D. Troubles géniio-urinaires. — 1*" Troubles urinairèê. — Les reins
sont le principal émonctoire du plomb, dont l'analyse chimique décèle la
présence dans les urines (Orfila). L'élimination de ce métal; Tariableet
intermittente, est favorisée et rendue continue par Tadministration de
riodure (Guillot et Melsens, Parkes) et peutrétre du bromure de potassium
(Rabuteau, Bucquoy, Banzolini, Gueneau de Mussy et Gubler), qoi le
transforment en sel double solubie. Chez les albuminuriquei, le plomb
s'éliminerait à l'état d'albuminate (LewalJ).
Pendant la période d'anémie initiale, l'urine est souvent peu acide, et
dans certains cas, neutre ou alcaline (A. Robin). A un degré on peo plus
avancé, elle prend une couleur rappelant celle du vieux via du Rhin; et
plus tard, quand la cachexie est confirmée, elle ressemble à Turine idé-
rique, mais n'a pas de reflet verdâtre ; l'acide nitrique lui donne une colo-
ration acajou, sans produire la réaction spectrale de la matière colorante
biliaire; elle tache le linge en rose-saumon. Sa quantité diminue; Tadde
urique paraît souvent un peu augmenté, probablement par concentniîan.
En général, cette urine coexiste avec l'ictère héma tique ; on suppose
qu'elle doit alors sa teinte à un dérivé de i'hématoïdine en excès dm le
sang, par suite tout à la fois d'une déglobulisation rapide et d'une insuffi-
sance hépatique (urine hémaphéique de Gublcr). Dans les cas rares d'ic-
tère vrai, Turine donne les réactions caractéristiques des acides et de la
matière colorante de la bile.
Que la cachexie toxique arrive à un haut degré, ou que des épiphéno-
mènes. variables (coliques, accidents cérébro-spinaux) viennent i se dé-
clarer, V albumine du sérum, en excès dans le sang par rapport aux glo*
bules détruits, tend à s'éliminer par les urines; et d'autre part, ki
principes de désassimilation, ne subissant plus une combustion snffinnle
pour évoluer en urée, s'éliminent à l'état d'acide urique. C'est ainsi fse
de l'albumine et des dépôts uratiques, colorés par l'acide rosacique, d
ayant l'aspect de la brique pilée ou du minium, apparaissent dans l'unie,
temporairement pendant un épiphénomène aigu, définitivement quanlii
cachexie poursuit sa marehe progressive. Un de nos malades, en proieâ
des coliques depuis huit jours, et émettant une urine uratique et flo-
queuse, avait les reins trés douloureux à la pression. Chez un autre, w
PLOMB. — INTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES GÉRITO-URINAIRES. 5i^
septième jour d'une récidive de coliques, nous avons trouvé un pou de
sucre dans les urines, légèrement muqueuses, mais non albumineuses;
la douleur au foie, ressentie par ce dernier, pouvait faire penser à une
glycosurie de cause hépatique.
- EofiD, les urines des saturnins arrivés à la période terminale de cachexie
anémique sont pâles, de faible densité, parfois alcalines; elles se colorent
très-peu sous rinfluence de Tacide nitrique; l'albuminurie se produit,
dans quelques cas, avec des œdèmes, et trahit alors une profonde altc-
ralion rénale.
- Le plomb se trouve en assez forte proportion dans le rein. Les lésions
atn^iqne^ de cet organe, que Rayer et d'autres avaient signalées chez
les saturnins, ont été rattachées par OUivier à l'élimination urinaire pro-
longée du métal ; mais on est aujourd'hui conduit à admettre que ces lé-
aions, quand elles existent, sont seulement consécutives à l'albuminurie
d'origine humorale et cachectique. Les descriptions de Gan*od, Lance-
reauxy Graingcr-Stewart, Dickinson et Robert, ont été complétées par les
eonslatations microscopiques de Charcot, Gombault et Kelsch. Le rein
est petit, dur à la coupe; sa substance corticale, réduite à une couche
mince, présente quelquefois à sa surface des granulations jaunâtres ou
rosées, plus ou moins dures. La seule portion à peu près intacte est celle
•qui correspond à tous les tubes collecteurs. La substance corticale est
très-altérée ; entre les tubes contournés et dans leur épithélium se mon-
trent des cellules embryonnaires, qui plus tard s'organisent par place en
tisso fibreux. Modifications analogues des glomérules, qui, le plus sou-
dait, subissent la transformation colloïde. Cette néphrite interstitielle
airophique s'accompagne d'une albuminurie, avec lésions oculaires, or-
dinairement non compliquée d'œdème, mais susceptible d'exposer à l'en-
eéphalopathie urémique (Danjoy).
Dans la colique, l'émission des urines peut se faire avec difficulté et
même avec douleur (strangurie).
V Troubles génitaux. — Le plomb fait sentir son action jusque sur la
^e de l'espèce. D'après Pallas, la cénise a souvent servi, en Russie, à
rendre les filles stériles. Le saturnisme chronique, même du côté du père,
prédispose aux avortements (C. Paul). Le passage du métal de la mère
dans les organes du fœtus a été démontré chimiquement. La grande mor-
taliié des enfants d'ouvriers saturnins, par maladies nerveuses^ notée
d'abord en Angleterre au sujet des potiers du Straffordshire, a été con-
firmée par la statistique de Roque, qui a montré de plus que les survivants
étaient fréquomments atteints d'idiotie, àHmbéciÛité ei'd'épilepsie (sa-
turnisme héréditaire).
Il eût été étrange qu'agissant sur le produit de la conception, par le
père et la mère, le plomb restât sans influence sur les fonctions génitales.
comme l'ont avancé les auteui*s qui se sont occupés de la question. Nous
avons en effet signalé, dans notre thèse (1875), chez deux peintres de
trente- deux et trente -quatre ans et un cérusier de vingt-huit ans, de
Ynnaphrodisie, allant, pour le premier, jusqu'à Y impuissance; et der-
520 PLOMB. — INTOXICATlOlf chronique, troubles NUVtUXIT LOGOionuis.
nièrement, l'anaphrodisie a éié observée sur la femme elle-même (Ducamp).
Ainsi se trouve justifié l'emploi des ceintures antiaphrodisiaques en plomb
chez les anciens. Lieutaud prescrivait l'acétate de plomb à rinlérieor
contre la nymphomanie.
E. Troubles nerveux et locomoteurs. — 1** EncéphcUopathie. — L*en-
céphalopathie est beaucoup plus rare (un quart des cas) et plus tardive
que la colique ; elle n'apparaît guère qu'après dix et même vingt ans de
travail à la peinture, et dans la première année, parfois dès le quatrième
mois chez les ouvriers en céruse et minium. Elle se développe d*ordiiiaire
à l'occasion d'une violente récidive de colique, le plus souvent à titre de
complication initiale ou terminale ; quelquefois néanmoins les coliques et
l'enc^phalopathie débutent simultanément, et ont une importance à peo
près égale, de sorte qu'elles doivent être considérées comme sirnplemeat
concomitantes; plus rarement enfin, les accidents cérébraux prédominent,
et les coliques semblent en être une complication ; mais celles-ci ne font
presque jamais complètement défaut.
Dans la moitié des cas, Tencéphalopalhie est annoncée par des pro-
dromes, un jour ou quelques heures à l'avance. Ce sont des symptômes
cérébraux: céphalalgie, vertiges, assoupissement pendant le jour, insom-
nie ou tout au moins agitation la nuit ; hébétude du regard, éblouisse-
mcnts, diplopie, strabisme, modifications pupillaires, amblyopie, altéra-
tions du goût, parfois dysphagie ou sensation de constriction au pharymr;
engourdissement, fourmillements et prostration. On observe, en outre,
de l'agitation, de la crainte, de la tristesse, de l'inquiétude ou, au con-
traire, une indifférence absolue. Du côté de l'état général, il y a accélé-
ration du pouls, et l'urine, on l'a vu, devient fréquemment albumineuse
et uratique. Quand les coliques préexistent, presque toujours avec des
troubles cérébraux concomitants plus ou moins marqués, le pronostic
de complication encéphalopaihique, beaucoup plus difficile, ne pourra
se baser que sur la multiplicité et l'intensité croissantes de ces symptômes
nerveux centraux, l'insomnie absolue, l'accélération du pouls et les alté-
rations possibles des urines. Chez les autres malades, le saturnisme cé-
rébral éclate d'emblée par une attaque épileptiforme ou un état comateux
apoplectique avec ou sans paralysie.
L*eRcéphalopathie revct des formes délirante, convulsive, comateuse et
paralytique.
Forme délirante. — Le délire, qui survient dans un quart des cas, est
irrégulier et variable, partiel ou général, quelquefois tranquille^ avec
une simple divagation dans les idées, pouvant se traduire par des paroles
et des actes étranges, et se compliquer d'hallucinations de la vue et de
l'ouïe ; le plus souvent, il est d'emblée ou devient agité et furieux^ wc
incohérence des idées. Le malade se croit malheureux, rarement heu-
reux (variété raisonnante de Grisolle) ; mais toujours il y a désaccord
entre la nature du délire et la physionomie qui reste impassible (Tanqu^
rel). Chez les trois quarts des sujets, le délire est paroxystique ou tpulà
fait intermittent. Il y a parfois abolition complète de la sensibilité; k
PLOHB. INTOXICATION CHRONIQUR. TfiOUBLKS ^HERVEUX BT LOCOMOTEURS. 321
pouls est constamment petit. Quelques miiladcs meurent sidérés par
Taggriyation du mal ; d'autres se tuent dans un accès de fureur. Quand
le retour à la santé doit avoir lieu, d'ordinaire, après un ou deux jours
de durée» le calme survient ; le patient s'endort et se réveille guéri, sans
se rappeler ce qui s'est passé pendant l'accès. En général, la forme déli-
rante est suivie de convulsions ou de coma.
Forme convuhive. — Cette forme, la plus fréquente de toutes, est
quelquefois représentée seulement par des convulsions sans perte de
connaissance, mais avec un certain degré de stupeur. Celles-ci sont
générales, débutant alors ordinairement par un tremblement généralisé
(Compendium), ou partielles, siégeant à la face, dans un ou plusieurs
membres ou dans un groupe de muscles. Le plus souvent cloniques, elles
peuTent être toniques et donner lieu à un état semi-tétanique avec
opisthotonos (Nivet) .
A un degré de plus, l'encéphalopathie épileptiforme consiste, excep-
tionnellement, en un simple vertige, avec perte de connaissance et de
sensibilité, ou presque toujours en une attaque convulsive complète,
comme dans l'accès épileptique véritable, dont elle diffère pourtant. En
effet, il n'y a point d'aura précurseur (Grisolle, Tanquerel), mais quel-
quefois une sensation de tournoiement et rarement un cri initial ; en
outre, le vertige simple se prolonge beaucoup plus (quelques heures) que
dans Tépilepsie, et la stupeur consécutive est plus marquée. Enfîn, Tan-
querel donne l'intensilé de la raideur tétanique, comme un caractère
important de l'accès convulsif épileptiforme. Jaccoud a observé dans
ceUe forme des symptômes médullaires : mouvements automatiques, con-
tractures, parésie scnsitive et motrice des membres inférieurs et, moins
fréquemment, mouvements involontaires de déglutition et rétention
d'urine; c'est afin de tenir compte de ces phénomènes afférents à la
moelle que ce clinicien a proposé pour l'encéphalopathie la dénomina-
tion de saturnisme cérébro-spinal. L'attaque de convulsion épileptiforme
se Vermine par de la sterteur, qui se dissipe peu à peu, ou parfois par un
état apoplectique souvent fatal (StoU). La mort survient, soit à la fin
d'un premier accès, soit après plusieurs accès s'étant succédé coup sur
eoup, séparés dans certains cas par du délire furieux, et devenant bien-
tôt sabintrants. Les accès cataleptiformes (Tanquerel) sont très rares.
Lewis a observé à^% accès hystériques chez de jeunes ouvrières. Selon
Auguste Voisin, Vépilepsie vraie serait une des conséquences éloignées du
«afaimisme.
Les animaux : chiens, chats, oiseaux, qui hantent les ateliers, meu-
rent presque tous de convulsions.
Forme comateuse. — Le coma n'existe guère à l'état isolé ; d'ordi-
naire, il s'établit après un accès convulsif ou de délire, avec lequel on
le voit aussi alterner.
Fùrme paralytique. — Dans la moitié des cas, la 'série des accidents
cérébraux débute soudain par une paralysie absolue, sensitiveet motrice,
rarement des deux membres supérieurs ou inférieurs, le plus souvent
MIT. ncT. HiD. n cmu \ XXVIII. — 21
322 PLOHB. — INTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES NERVBVX ET LOOOIOTBURS.
hémiplégique, parfois limitée à une moitié de la face et au membre
supérieur correspondant. Cette même paralysie peut n'apparaître que
dans le cours ou au stade terminal de l'encéphalopathie; elle s'asaoeie
également bien au coma, au délire et aux accès épileptiformes. Bien
qu'elle soit accompagnée de troubles de la parole et d'altération des sens,
indices de l'atteinte portée à l'encéphale, elle offre néanmoins, chez les
ouvriers saturnins, cette particularité intéressante de siéger généralement
sur la moitié à laquelle appartient le membre supérieur le plus ea rap-
port avec le poison plombique; ce qui semble indiquer, parfois du moins,
une certaine relation d'origine avec la paralysie locale par absorption cuta-
née, qui dans ce cas lui préexiste probablement toujours. En dehors de
toute explication, ces faits constituent une véritable forme paralytique de
l'encéphalopathie qui méritait d'être classée à part. Cette paralysie,
d'ailleurs curable, marchant même assez vite vers l'amélioration, ne
devra pas être confondue avec celle qui s'établit lentement dans la con-
valescence et se montre progressivement croissante,
Vamblyopie et Vamaurose ont été observées dans les divers stades des
accidents cérébraux, auxquels elles peuvent même survivre quelque temps.
Les récidives de l'encéphalopathie sont fréquentes.
Enfin, comme modalités rares du saturnisme cérébral, nous devons
encore mentionner la paralysie générale (Delasiauve, Devouges, Bour-
desol, Marcé, Falret et Bucquoy), et une forme hydrophobique (Mon-
tault).
Lecerveau des saturnins contient incontestablement du plomb (Devergie^
Tanquerel, Erapis et Robinet, Guillot et Melsens, Vulpian et Personne);
il est peu probable que le dépôt métallique se localise dans les tuniques
artérielles (Rosenstein) à l'exclusion de la substance cérébrale, comme
on a cru l'avoir démontré par l'analyse du cerveau d'un malade mort
d'encéphalopathie dans le service de Moutard-Martin ; il ne suffisait pas,
dans ce cas, de constater l'absence du plomb dans Tencéphale dépouillé
de ses enveloppes et étanche de sang ; il eut, de plus, fallu démontrer
directement la présence du métal dans les méninges.
Chez les sujets ayant succombé n l'encéphalopathie, le ccrreau offre
un aspect caractéristique. Il est ischémie, d'où pâleur de la substance
grise, et quelquefois œdémateux; souvent jaunâtre, ictéroîde, il est
ferme, résistant, donnant, sous le doigt qui l'écrase, la sensation moUe
et collante de la pâte de guimauve (Martin-Solon) ; ses circonvolutions,
aplaties et serrées les unes contre les autres, le font paraître hypertro^ !
phié (Tanquerel et Grisolle). Nous ne rcjeterons pas absolument ki
constatations anatomiques de Thomas, de Canuet et d^Andral, rdi-
tives à un ramollissement des centres nerveux, car une nécropsie àt
Négrié a montré un peu de ramollissement, des congestions et des noyau
apoplcctiformes dans l'encéphale d'un sujet mort d'encéphalopitliîe
mixte (Tafforin).
Les méthodes histologiques actuelles ont été jusqu'ici impuissantes i
révéler aucune lésion appréciable.
PLOMB. — i:(TOXICATIOK CHEONIQIE. TROUBLES NERVEUX ET LOCOMOTEURS. 323
Bien que les accidents cérébraux saturnins aient pu, dans des cas excep-
iionnek» reconnaître une origine urémique, ce qui ne parait pas rigou
reusCTient établi, on ne doit point considérer l'urémie comme leur cause
générale. La théorie pathogénique la plus communément acceptée est
celle de Tanémie cérébrale résultant du spasme musculaire des petits vais-
seaux (Rosenstein), ou de la compression par l'œdème interstitiel (lleubel) .
Nous rapprochant plutôt de l'opinion de Ilermann, nous croyons à une
action primitive du plomb sur le système nerveux central, qui se mani-
festerait lorsque ce métal s'y serait accumulé en quantité suflisantc.
2* Douleurs rhumatoïdes. — Goutte. — Ostéo-arthrites. — Les dou-
leurs rhumcUoïdes mobiles, si fréquentes chez les saturnins, siègent
principalement dans les muscles (myalgie), les articulations et les tissus
fibreux et tendineux qui les avoisinent (arthralgie), et par exception
dans la substance même des os. Variables dans leur nature, elles affectent
toutes les formes et tous les degrés, depuis les simples sensations de las-
situde, de courbature et de raideur pénible, jusqu'aux véritables dou-
leurs contusives, constrictives, lancinantes et dilacérantes. Elles sont
tantôt spontanées, fréquemment avec exacerbations nocturnes, tantôt, et
plus rarement, accrues ou provoquées par les mouvements et la pression
brusque (endolorii-soment), bien qu'il survienne d'ordinaire de sensibles
rémissions sous riiiQuence d'une compression méthodique ; la chaleur
les calme quelquelois, les exaspère souvent. Enfin nous avons vu, dans
le cours de la cachexie, des cas rares, le hasard néanmoins vient encore
de nous en fournir deux, avec rougeur et gonflement limités à de grandes
articulations rtmcme diffus, à évolution rapide, mais toujours sans appa-
reil fébrile. Ce sont probablement des faits semblables que les anciens
auteurs» Sauvages en particulier, entendaient désigner sous le nom de
rhumaiisme métallique.
Ces douleurs se font sentir à peu près également dans les membres
supérieurs et inférieurs, avec une légère prédominance pour les derniers.
Les muscles le plus souvent atteints sont ceux du côté de la flexion : aux
membres supérieurs, les muscles des bras, surtout le biceps, et aux inié-
rieursy ceux des jambes, spécialement des mollets. Leur siège de prédi-
lection dans les parties les plus rapprochées du point d'abs^orption cuta-
née du plomb, chez les .ouvriers, doit souvent les faire classer parmi les
accidents directs.
Les douleurs rhumatoïdes peuvent coïncider en une même région avec
Tinalgésie proprement dite (analgésie douloureuse) ; mais nous avons
prouvé qu'elles cessent de se produire dès qu'il y a anodynie (a priv., et
H^i, souifrance), c*est-à-dire si, à la suite d'une brûlure, par exemple,
il ne se développe pas ultérieuremnt de douleurs liées au processus in-
lunmatoire. Un membre analgésie n'est donc susceptible de douleurs
spontanées qu*autant qu'il a conservé son odynie intacte. Comme l'odynie
m parait a?oir pour conducteurs les filets nerveux du grand sympathique,
■J^ ilen résulte que ces derniers sont très vraisemblablement le siège analo-
I miqiie des douleurs rhumatoïdes.
524 PLOUB. — I2IT0XICAT10N chronique, troubles nerveux et LOCOMOmiS.
De ces douleurs, nous rapprocherons les névralgies, parfois intercos-
tales (Rosenthal), qui semblent liées à la dyscrasie anémique.
Quant à la gouUe saturnine, mentionnée dès 1752 en Angleterre pir
ilusgrave, au sujet de la colique du Devonshire, et nettement indiquée
par H. PaiTy (1808), sa notion fut introduite en France en 1854, ivec
la traduction de Touvrage de Garrod, où se trouvait formulée la teudaoee
des ouvriers saturnins anglais à contracter cette affection. En France, la
goutte, rare d'ailleurs dans la classe ouvrière, s'est retrouvée, mais peu
fréquente, chez les saturnins. La plupart des observateurs n'accordent i
l'hitoxication qu une influence adjuvante dans la production de cette
maladie. Il existe pourtant des cas dans lesquels, en l'absence de prédit-
position héréditaire et avec un genre de vie opposé à celui des goutteux,
on ne découvre d^autrc cause appréciable que le saturnisme (Chareot,
Ollivier, Bailley, Bucquoy, Lancereaux, Brouardel, Pinel et Halmagrand).
On a remarqué que la goutte provient en général de l'intoxication lente
et à petite dose ; les attaques alternent d'ordinaire avec les coliques; son
évolution serait plus rapide que celle de la goutte vraie. Notons enfin la
coexistence fréquente des altérations rénales, dites rein goutteux de Todd,
rein contracté, néphrite interstitielle, déjà étudiées plus haut.
Le tissu osseux^ dans lequel le plomb s'accumule en la plus grande
proportion, 2 à 3 p. 100 (Ileubel et Léwy), est sujet, dans la période
de cachexie ultime, chez 2 saturnins p. 100, à des affections diverses :
carieSy nécroses^ périostites alvéolaires avec carie dentaire^ siégeant
à la mâchoire supérieure dans plus de la moitié des cas (Léwy, Binet),
et ostéo-arthriles (\crneuil et Sabatier) ; leur pronostic est ordinaire-
ment favorable.
3* Crampes et contractures, — Tremblement. — Hémichorèe. — At4me,
— Les crampes douloureuses, communes dans le saturnisme, sont plui
précoces chez les ouvriers en céruse et minium que chez les peintres;
elles se manifestent surtout lors d'une attaque de colique, ou dans li
première période de la paralysie motrice. Rarement généralisées, elki
siègent à peu près aussi fréquemment aux membres inférieurs qu'au
supérieurs. Les crampes des membres inférieurs, plus souvent liées i la
colique, seraient de cause générale, tandis que celles des membres snpé-
rieurs, compagnes habituelles de la paralysie, affectent de préféienoe lei
parties les plus rapprochées des points de contact du plomb et auraient
plutôt une origine locale par absorption cutanée. Elles sont spontaoéei
ou provoquées par de fausses positions, par Textension forcée dani k
décubitus au lit, pour les membres inférieurs, et dans quelques casranir
par le moindre attouchement. Si d'ordinaire les crampes sont espaoéei,
elles deviennent par exception presque continuelles et fatiguent tiofl
le patient. La douleur qu'elles déterminent est parfois très -violente.
Un de nos malades, peintre droitier, atteint de paralysie prédomiottt
à droite, était sujet à des spasmes musculaires du globe oculaire dece ^
oôté.
Nous avons rencontré, chez un plombier, de la contracture intermit*
PLOMB. <— IHTOXICATIOIV CHRONIQUE. TROUBLES NERVEUX ET LOCOMOTEURS. 395
teoie des extrémités inférieures, tout à fait semblable à la tétanie. Presque
chaque jour, il se produisait, durant 5 à 10 minutes, une contracture
douloureuse dans l'extension du pied, dont le gros orteil, fléchi sous la
plante, y était recouvert par les autres orteils ; elle débutait aux extré-
trémités, et était accompagnée d'engourdissement et d'une coloration
riolacée des téguments. La ligature du membre est restée impuissante i
la provoquer. Comme transition entre les crampes et cette tétanie satur-
wine^ un peintre paralytique présentait de la contracture intermittente
Mirtidle des extrémités supérieures dans la flexion, tantôt à droite, tan-
tAt à gauche, avec cette particularité qu'elle atteignait seulement les trois
leniiers doigts droits et les deux premiers doigts gauches ; la contracture
sessaît par Textension forcée.
Rappelons que pendant les coliques, les muscles abdominaux sont
Bootracturés (Spring) ; cette contracture douloureuse constituerait même,
pour Briquet et Giacomini, un facteur important de la colique.
Tremblement. — Loin d'avoir dans le saturnisme la même impor-
tance que dans rhydrargyrisme, le tremblement existe néanmoins sou-
font dans le cours de cette intoxication, sans en général, il est vrai, ac-
quérir une grande intensité. Signalé par Arétée, Paul d'Egine, Le Pois,
Percivai, Tanquerel et Spring, il a été étudié à part, dans ces dernières
années, par IloIIis, Lafont et Charles Fernet.
Presque tous les saturnins offrent une légère trémtdation musculaire
régulière, révélée seulement par le tracé sphygmique. Sur les muscles
superficiels, on constate queUiuefois des contractions fibrillaires invo-
lontaires.
Le tremblement proprement dit, à oscillations visibles des membres,
augmentant, à l'inverse de celui des alcooliques (Lafont), par la fatigue
èt*?era la 6n de la journée, apparaît ordinairement après un travail de
quelques mois (ouvriers en céruse et minium et compositeurs typo-
graphes), ou de plusieurs années (peintres). Il est souvent associé à un
ewlain degré de parésie motrice, parfois si peu intense que celle-ci n'est
pas accusée spontanément par le malade. Quelques sujets pourtant, les
compontcurs par exemple, peuvent présenter an tremblement avec inté-
grité de la puissance motrice ; mais d'autre part, nous avons exception-
nellement observe la parésie motrice sans tremblement, de sorte que ces
deux troubles fonctionnels semblent concomitants et même corrélatifs en
tant qu'émanant d'une même cause ; mais ils ne dépendent pas directement
l'un de l'autre. Tant que le tremblement ne s'est pas encore montré, il
n'y a guère de crampes ni de fourmillements; mais avant lui, se mani-
iMle fréquemment une' légère parésie sensitive. Presque toujours il est
en rapport de siège et d'intensité avec la paralysie, et d'une manière
générale avec les autres accidents locaux ; c'est dire qu'il siège le plus
souvent aux membres supérieurs, exclusivement ou surtout à la main
le plus en contact avec le plomb, la droite chez les droitiers, la gauche
chez les gauchers. Cette origine périphérique est de plus démontrée rigou-
reusement par ce fait que nous avons observé sur un compositeur d'im-
526 PLOMB. INTOXICATIOK chronique, troubles nerveux et LOGOMOflim*
primerie, un tremblement mar<]ué des mains, en Fabsence de liséré gin>
gival. Nous avons d'ailleurs retrouvé semblable localisation de ce symptÂme
au point de contact du mercure chez un doreur sur métaux. Le tremble-
ment saturnin peut aussi, comme la paralysie, résulter indirectement d'un
empoisonnement général par absorption digestive et respiratoire. D doit
en être ainsi pour le tremblement passager des membres, surtout des
supérieurs , que Grisolle a noté immédiatement après Taccës de T^fige
épileptiforme. A un léger degré, le tremblement disparait fiarfins assez
vite sous rinfluence du repos et du traitement ; mais chez les anciens
ouvriers qui ont subi une forte atteinte, il peut persister avec la paralysie
plusieurs années après la cessation du travail.
Le tremblcmentreste le plus souvent partiel. Chez les mineurs de mine-
rai plombifère, outre les membres supérieurs, il affecte Torbiculaire des
lèvres et les zygomatiques ; il suit alors d'ordinaire les grandes attaques
de colique. Plus rarement enfin, ces ouvriers sont pris d'un tremblement
généralisé, analogue à la paralysie agitante : trémulation des lèvreSy cla-
quement des mâchoires, branlcment de la tète, etc. . Cette dernière forme
ne résulterait jamais que d'une intoxication profonde (Wilson, mines de
Lead-Hills; Brockmann, mines de TOber Harz).
On est en droit de supposer que le tremblement et la paralysie motrice
reconnaissent une même cause anatomo-pathologique.
A côté du tremblement, se placent : a les soubresauts inToIontaire-
de Vhémichorëe, étudiée par Levais (1872) et Raymond (1876); h une
forme peu fréquente d'incoordination des mouvements volontaires, se
produisant avec ou sans le secours de la vue ; le malade éprouve de la peine
à porter une cuiller à la bouche, spécialement en tenant les yeux fermés,
ou bien une gcne et presque une impossibilité de la marche et de la sta-
tion verticale, par titubation plutôt que par parésie. Cette ataxie^ dont
nous avions incidemment rapporté des cas légers aux membres supérieurs,
dans notre thèse (1873), peut se présenter à un degré intense, qui a été
décrit par Raymond (1874), siégeant dans les membres, surtout les infé-
rieurs, et donnant lieu à un ensemble analogue aux manifestations locales
de Tataxie locomotrice ; mais elle se montre bénigne et passagère. Elle
nous parait due à une désharmonie des antagonistes et à une désassocia-
tion musculaire, sous la dépendance de la paralysie motrice; car les ma-
lades continuent à se rendre compte de la position occupée par leurs
membres.
4* Paralysie motrice. — Tumeur dorsale de la main, — La paralysie
motrice saturnine, que Nicandre avait mentionnée dès le premier siècle
de notre ère, a été décrite assez complètement par Van Swieten, et bica
observée par Tanquerel ; enGn les recherches originales de Duchemie
(de Boulogne), à l'aide de l'électrisation localisée, sont venues l'éclainr
d'un nouveau jour.
La plupart des ouvriers saturnins qui réclament les soins de la roéd^
cine sont atteints de paralysie motrice, ne serait-ce qu'à un léger degré;
les rares sujets que nous en avons trouvés exempts n'étaient entrés à l'hô-
PLQHB. — IMTOXICATION CHROKIQCE. TROIBLES NERVEUX ET LOCOMOTKDaS. 527
jUJ que pour de faibles manifestations toxiques : dyspepsie gastro-
ileatinale ou légères coliques seulement; ils présentaient, comme
fmplômes locaux, de la parésie sensitive, des douleurs et des crampes.
lans enTÎfon la moitié des cas, il est vrai, cette parésie motrice, rare-
lent aeeusée spontanément par le malade qui Tignore ou n'y attache
ue peu d'importance, n'est pas Taffection qui a déterminé Tentrée à
hdpital. Presque toujours elle siège aux mains et aux avant-bras, sur-
fit et même d'une manière exclusive au membre le plus en contact avec
I plomb ; il s'agit là d'une fortne essentiellement chronique d'emblée.
es ouvriers non malades, encore au travail, et qui ne sont qu^au pre-
lierslade de l'intoxication, conservent d*ordinaire leur puissance muscu-
lire intacte ; ils ne sont guère affectés que de parésie sensitive, de dou-
nirsv de crampes et tout au plus d'un léger tremblement.
Dans un quart des cas, la paralysie^ subaigûe^ du moins au début,
iteint en quelques jours son summum, bien qu'elle doive prendre une
Hure chronique dans les périodes d'état et de déclin; ce sont encore
es membres supérieurs qu'elle frappe ordinairement. Elle est en général
nnoncée par des prodromes locaux signiGcatifs, de courte durée : lassi-
ttdes, sensations de fourmillements, de pesanteur et d'engourdissement,
rampes et tremblement; enfin l'apparition des symptômes paralytiques
»eut s'accompagner de douleurs représentées souvent par des élancements
lUant de Tépaule au pli du coude, parfois sur le trajet du radial, avec
(odolorissement par les mouvements ou la pression, comme dans la né-
rite. Il est probable que la forme chronique lui préexiste presque tou-
onrs plus ou moins marquée. Cette paralysie aiîecte d'abord les extré-
nités qu'elle touche plus fortement, et dans lesquelles elle persiste en
iemier lieu ; constamment sur les ouvriers saturnins, elle prédomine ou
îëge uniquement au membre supérieur le plus en rapport avec le métal.
ha un capsuleur de flacons, la paralysie était strictement limitée à la
Doitié interne de la paume et aux deux derniers doigts de la main droite,
(vee lesquels il lissait la calotte de plomb ; il n'y avait d'ailleurs jamais
su aucun symptôme d'intoxication générale : ni colique, ni constipation,
li trace de liséré gingival. D'ordinaire cependant, pour les cas intenses,
a paralysie subaiguë n'est survenue qu'après plusieurs attaques de
îoliquey compliquées parfois d'encéphalopathie. Elle apparaît beaucoup
pks tôt chez les céiusiers que chez les peintres.
Sur un quart des sujets, la paralysie frappe tout-à-coup une assez
grand.e étendue du corps, dans le cours de vives coliques avec accidents
cérâ>ro-spinaux {paralysie subite) : nous en avons déjà parlé à propos
de l'encéphalopathie, dont elle constitue la forme paralytique. Assez
diffuse au début, elle se limite ensuite, ou prédomine dans certaines par-
tics, soit aux membres supérieurs ou inférieurs, soit dans une moitié du
corps, soit enfin à un membre supérieur en même temps qu'à la moitié
correspondante de la face, simulant une paraplégie (Jaccoud), une hémi-
plégie ou une monoplégie brachiale et faciale. Mais lors même qu'il pa-
rait y avoir une véritable hémiplégie avec altération de la parole et des
328 PLOMB. •— iNTouGATioii chronique, troubles rkrteux et locoboiivis.
sens, il est toujours possible de constater : d'une part, qu*elle prédomine
au membre supérieur, plus particulièrement vers son extrémité, et,
d'autre] part que la moitié du corps censée intacte, est en réalité plus
ou moins intéressée elle-même, de sorte que ce serait plutôt une forme
pseudo-hémiplégique; cette dernière peut exceptionnellement se déte-
lopper en dehors de tout autre épiphénomcne aigu. L'hémiplégie Mtu^
nine, signalée par Stoll, Andral et Tanquerel, a été étudiée à nouTeau
dans notre thèse en 1873, et Tannée suivante par Vulpian et Raymond.
La paralysie atteint enfin quelquefois les muscles de l'œil, du larynx
(aphonie), et du tronc, voire même la diaphragme.
La paralysie satmmine est caractérisée par une perte ou une diminu-
tion des contractilités volontaire et électro-musculaire, inégalement
répartie dans les régions affectés, intéressant plus particulièrement cer-
tains muscles, surtout les extenseurs (Stockusen), respectant certains
autres, et pouvant même se limiter à quelques faisceaux musculaires.
La prédominance dans les extenseurs entraine une attitude caractéris-
tique des membres en flexion, par défaut d'antagonisme; aux membres
supérieurs, il en résulte une détormation de la main en griffe et la chute
du poignet. Les muscles du membre supérieur sont d'ordinaire succeasi-
mcnt affectés dans l'ordre suivant : extenseur commun des doigts, exten-
seurs propres de Tindex et du petit doigt, long extenseur du pouce,
deuxième et premier radiaux, cubital postérieur, long abducteur et court
extenseur du pouce. Chez la plupart des peintres, l'annulaire et spéciale-
ment le médius sont paralysés les premiers, peut-être parce qu'ils n'ont
point d'extcnseui*s propres pouvant suppléer à la paralysie précoce de
Textenseur commun ; mais nous avons vu, surtout dans d'autres profes-
sions, dilTérenls doigts être primitivement frappés, c'étaient alors cenx
qui se trouvaient le plus en contact avec le poison. Le long supinateur et
rancoué sont généralement intacts ; mais, pour le supinateur en parti-
culier, cette intégrité, donnée par Duclienne (de Boulogne), comme signe
diagnostique dilférentiel d'avec la paralysie a frigore^ n'est pas cons-
tante, témoin les. cas d'Elgnowski, de Piedra et de Proust ; dans raranl-
dernier, et probablement aussi dans le dernier, il s'agissait d'une paralysie
directe, localisée aux membres supérieurs. Puis viennent les muscles de
la région antibrachiale antérieure, de la paume de la main, surtout de
réminence thénar, les interosseux palmaires ; le deltoïde a parfois été
atteint primitivement sans que les muscles du bras le fussent ; au bras,
le triceps est en général plus intéressé que le biceps.
Bien qu'elle puisse rester intacte (Jaccoud, Moritz Meyer), la contrao»
tibilitc électro-musculaire se montre d'ordinaire rapidement affaiblie ou
abolie, tantôt avant, tantôt et plutôt après la contractilité volontaire. Le
caractère quasi-expérimental de Texploration de cette contractilité
électrique rend l'inégale distribution de celle-ci plus évidente encore
que celle de la contractilité volontaire. La recherche de l'état de la con-
tractilité électrique ne peut remplacer celle de la contractilité volontaire,
surtout au début ; mais à une certaine époque elle devient très utile au
PLOMB. — ^TOXICATIOll CHRONIQUE. TROUBLES MERVEUX ET LOCOMOTEURS. 329
pronostic, parce que Tabolition de cette contractilitc dénonce une tendance
àTatrophie. Les résultats varient avec les courants induits ctcontinus aux
différentes périodes. Au début, les courants induits cessent les premiers
de birecontracter les muscles; la contractilité par les courants continus
peut alors persister seule, puis elle disparaît elle-même. A une période
plas avancée, dans les formes graves, les muscles se contractent à nou-
veau sous l'influeiice de courants continus, plus faibles même que nor-
malement (Legros et Onimus). Enfin, les courants électriques continus et
induits passent très-facilement des extenseurs aux iléchissseurs qu'ils font
contracteff ce qui ne se produit jamais à l'état normal (Vulpian et
Raymond).
Quand la paralysie est intense ou de longue durée, il survient, dans^
les parties intéressées, divers troubles circulatoires, sécrétoires ot nutri-
tifr : pâleur, refroidissement, sécheresse et amincissement de la peau ;
souTent sudorèse abondante (Tanquerel), quelquefois tumeur dorsale de
la main, dont il sera question plus loin, et enfin de l'atrophie.
La forme parétique clu-onique des membres supérieurs, à début insi-
dieux, évolue avec lenteur durant des années, et reste généralement
limitée aux extrémités, n'entravant guère le travail. La forme à période
d'augment subaiguê s'établit progressivement en quelques jours, puis
reste stationnaire de un à plusieurs mois, pour ensuite décroître peu à
pea. D n'en est pas de même pour la paralysie subite, qui se montre
d'emblée à son maximum, et va bientôt s'améliorant, quelquefois assez
rapidement en quelques mois.
Les récidives sont fré(|ucntes, si le malade s'expose de nouveau à Tac-
lion du poison.
Rappelons la terminaison possible par la paralysie générale, chez les
jets qui ont éprouvé des attaques répétées d'encéphalopathie.
Lee lésions anatomiques de la paralysie saturnine sont encore assez
connues.
Les muscles paralysés présentent trois sortes d altérations (Gombault),
^peuvent se rencontrer associées : 1® léger amincissement; 2** dimi-
^ ntt'onieonsidérable de volume, teinte jaune-brun et même décoloration,
^ tfMme dans le stade ultime de l'atrophie ; 3" ailleurs, aspect de jambon
^ftBaéy augmentation considérable de volume, dureté, rigidité, déjà notée
"^ *"*" Knssmaul et Maier, et sécheresse ; développement et épaississement
gaines des faisceaux primitifs. Sous le microscope, on trouve dans
muscles décolorés et diminués de volume, sauf la dégénérescence
toutes les formes d'atrophie chronique. La dégénéiescence gra*
o-graisseuse proprement dite est rare (Ollivier et Laucereaux). Il y a
• plus souvent simple diminution de la substance contractile, parfois
^ ^^ fissure et même excavation au centre ou à la périphérie du faisceau
s^^Hiitif, plus rarement, développement de vésicules adipeuses entre les
^^•«ccaux primitifs, d'où coloration jaune et pâleur. Dans les muscles
et épaissis, la fibre musculaire est augmentée de volume; le tissu^
^jonctif interfasciculaire a proliféré ; les noyaux du sarcolemme multi-
330 PLOHB. — INTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES NERVEUX ET LOCOIOfim. '
plies s'accumulent en certains points, au niveau desquels ils refouleni la
substance contractile, qui est ainsi fragmentée, et ils donnent à la fibre
un aspect moniliforme.
La présence du plomb dans les muscles a été démontrée par Devergie.
Contrairement à Gusserow, qui croyait à une accumulation prépondérante
de ce métal dans le système musculaire, Heubel pense que c'est oe méraé
système qui en contient le moins.
D'accord sur les lésions des muscles, les observateurs sont d'avis diffé-
rents pour les lésions nerveuses.
Les nerfs périphériques desservant les muscles paralysés sont presque
constamment altérés, quelquefois à l'exclusion de la moelle ei de ses
racines (Ollivier, Gombault et Westphal), toujours d'ailleurs beaucoup
plus que les racines et à plus forte raison, que la moelle (Lancereaux),
mais relativement moins que les muscles correspondants (Ollivier). Leur
altération, de plus en plus marquée vers la périphérie, se limite aux filets
innervant les muscles atteints ; elle consiste d'ordinaire en une atrophie
évidente du tronc nerveux, avec pâleur, amincissement, dégénérescence
granuleuse, plus tard graisseuse, et même aplatissement de ces tubes.
Parfois le nerf paraît sain à l'œil nu ; le microsco|>e y révèle une proli-
fération exagérée des noyaux du tissu conjonctif qui entoure les tubes
nerveux, surtout au voisinage des vaisseaux, dont les parois sont épais-
sies ; la myéline, pour ainsi dire étoufTée, est diminuée de Tolunie,
presque disparue, révélant à peine le cylindre d'axe, qui le plus souvent
persiste.
Quand la moelle est intéressée, il s'agit soit d'une coloration grisâtre
sans altération microscopique, soit d'un léger degré d'atrophie et de ra-
mollissement au niveau des renflements cervical et lombaire, plus spéciale-
ment à leur partie antéro-exteme. Les racines rachidiennes correspon-
dantes, surtout les antérieures, sont elles-mêmes un peu atrophiées,
avec ou sans altération granulo -graisseuse de quelques-uns de leurs
tubes.
Dans un seul cas, on a rencontré les nerfs musculaires sains, et les
racines antérieures offrant tout au plus une hyperplasie du tissu con-
jonctif séparant leurs tubes nerveux ; la région externe des cornes anté-
rieures de la moelle cervicale avait un certain nombre de cellules atro-
phiées, ratatinées, dépourvues de noyaux et de prolongements, pigmentées,
parfois creusées de vacuoles (Vulpian).
Le plomb se trouve dans la moelle, mais en moindre proportion que
dans le cerveau (Ileubel) ; il n'a pas encore été décelé dans les nerfs.
La pathogénie de la paralysie est encore très obscure, et nous ne
devons point nous dissimuler l'insuffisance des éléments, jusqu'ici à notre
disposition, susceptibles de l'éclairer. On s'accorde généralement aujour-
d'hui à considérer cette paralysie comme périphérique; c'est en effet ce
que semblent prouver ses symptômes : siège initial ex'^lusif ou au moim
^e prédominance aux extrémités, abolition des mouvements réflexes;
perte rapide de la contractilité électrique, amyotrophie, et ses lésions
PLOMB. •— IKTOXICATIOK CHRONIQUE. TROUBLES KERVEUX ET LOCOMOTEURS. 351
(sauf le cas de Yulpian et Raymond) exclusivement périphériques ou de
moins en moins marquées vers le centre.
Gusserow admettait une action directe du plomb sur les muscles, qu*on
a peatrêtre tort de rejeter complètement, au moins pour la forme paréti-
que chronique; elle expliquerait la perte rapide de la contractilité gal-
vanique, qui, dans le cas de lésion exclusive des nerfs, ne devrait périr
que lentement ; et d'autre part, elle s'accorderait avec la nécropsie faite
par Ollivier, dans laquelle les lésions musculaires étaient relativement
plus considérables que celles des nerfs correspondants. D'après une
ingénieuse hypothèse de Hitzig, le plomb agirait sur les muscles par Tin-
tennédiaire du sang et des vaisseaux, et l'inégalité de distribution de la
paralysie, notamment sa prédominance dans les extenseurs, résulterait
de ce que, pendant la contraction des fléchisseurs, il se formerait un
diverliculevasculaire, surtout veineux, du côté de l'extension; l'imperméa-
bilité des artérioles cutanées et la contractilité annulaire des veines
favoristfaient la stagnation dans le réseau sanguin musculaire.
L'invasion et la marche de la forme à début subaigu, analogues à
celles de la névrite, l'existence de divers symptômes prodromiques et
concomitants, en particulier de l'anesthésie, et les constatations nccropsi-
ques plaident en faveur d'une altération primitive des nerfs périphéri-
queSy des rameaux intra-musculaires (Heubel), et d'abord même, selon
nous, de leurs plaques motrices terminales, plutôt que de leur tronc lui-
même (Westphal et Charcot) ; car les lésions musculaires ne correspon-
dent pas à des groupes de muscles sous la dépendance d'un même nerf,
et elles sont de plus en plus prononcées vers la périphérie.
Cette paralysie périphérique doit évidemment, dans un certain nombre
de cas, être l'effet d'un apport indirect du plomb par le sang dans les
voies circulatoires, puisqu'on Ta observée chez des sujets ayant absorbé
le métal uniquement par le tube digestif.
Quant à la paralysie saturnine professionnelle, nous croyons avoir
prouvé par la clinique, qu'elle est très fréquemment le résultat direct
de Vabsorption cutanée ; elle atteint en efTct le plus souvent les membres
supérieurs dans leurs derniers articles, siégeant exclusivement ou d'une
façon prédominante, du côté droit chez les droitiers, du côté gauche chez
les gauchers. La preuve que cette prédilection n'est pas due à un apport
BDiélallique plus considérable, résultant d'un afflux sanguin dans les par-
ties qui travaillent le plus (Delannay), c'est que chez les ouvriers droitiers,
mais exposant plus souvent leur main gauche à la contamination du
plomb, par le fait de leur genre de travail (gauchers professionnels),
eetle dernière main a été le siège de prédilection de la paralysie, lors
même qu'elle exécutait un moindre travail musculaire que la droite. Chez
quelques sujets qui n'avaient jamais éprouvé aucun accident d'intoxica-
tûm générale, et qui ne présentaient même pas de liséré gingival, il nous
a été possible d'étudier dans toute sa pureté la paralysie d'origine
directe. Le métal est alors emmagasiné àms le membre paralysé ; remis
en circulation par un traitement ioduré, il peut donner lieu à un liséré
532 PLOMB. — INTOXICATION chronique, troubles nerveux et LOCOMOnUlS.
secondaire, comme dans les cas de Frank-Smith et de Fagge, dont nous
avons déjà parlé.
La paralysie saturnine locale et directe, entrevue par Pariset (1820),
avait été signalée en Angleterre par Frank-Smith, en 1869. Nos premières
observations sur ce sujet furent recueillies, la même année, quelques mois
après la publication du mémoire de Frank-Smith, dont nous ignorions
l'existence jusqu'en 1873, époque à laquelle nousTavons fait connaitre en
France. Depuis lors, outre nos nouvelles observations (in thèse d'tgrég.
de Renaut et de doctorat de Drôuet), il a été publié des cas confirmatUs
par Malherbe, Vulpian, Piedra, Proust et Edelmann. Le D' Dnmet a bien
voulu se charger d*éclairer la question par l'expérimentation sur les ani*
maux, dans le laboratoire et sous les yeux du professeur Vulpian. Des
frictions avec une pommade à Tacétate de plomb ont, en peu de temps,
sufG à déterminer chez des lapins, la paralysie de tel ou tel membre à
volonté, surtout des extenseurs, caractérisée par raffaiblissement deseon»
tractilités volontaire et électrique, la déformation, la boiterie et l'atro-
phie. A la nécropsie, les muscles étaient pâles, mais encore sans altéra-
tion microscopique (Déjerîne).
Les symptômes de la paralysie progressive à début subaiga et de la
forme subite ainsi que les lésions anatomiques du système nerveux, ten-
dent à faire admettre qu'il se produit, à une certaine période, une
névrite ascendante, analogue à celle qui résulte de quelques lésions du
bout périphérique des nerfs. Quelle est la pathogénie exacte de la para-
lysie pseudo-hémiplégique paraissant intéresser plus particulièrement une
moitié latérale des centres nerveux? Y a-t-il là un phénomène d'irradiation
nerveuse réflexe? Nous l'ignorons, mais nous pouvons affirmer la saisis-
sante relation du siège unilatéral et de la prédominance périphérique de
cette paralysie avec les points d'absorption cutanée du poison.
La paralysie peut elle être exceptionnellement de cause médullaire?
Un examen nécropsique dû à Vulpian et Raymond, permet de le croire;
de plus, Vulpian a réussi à produire artiCciellemcnt une myélite chez un
chien en l'empoisonnant par le plomb.
L'irrégularité de distribution de la paralysie saturnine constitue le
principal élément du diagnostic différentiel d'avec les paralysies a frigore
et par compression et la paralysie générale spinale subaiguê ; si, en^et,
l'aflaiblissement de la contractilité électrique, quand il existe, permet
d'en séparer la paralysie radiale a frigore^ dans laquelle cette contrac-
tilité est conservée, il n'en est plus de même pour les paralysies par
compression ; et d'ailleurs la contractilité électrique peut rester intacte
dans la paralysie saturnine. On ne peut cependant se baser sur l'atteinte
portée au long supinateur pour nier la nature saturnine de TaffectioB,
puisque ce muscle n'est pas toujours respecté, notamment dans lei
cas de paralysie directe, où précisément l'absence de liséré peut venir
accroître encore la difficulté du diagnostic. La coloration localisée de
sulfure de plomb par un bain sulfureux pourrait seule alors tirer d'em-
barras.
PLOMB. ISTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES NERVEUX ET LOCOMOTEURS. 5^3
Tumeur dorsale de la main. — On voit fréquemment, chez les
saturnins affectés de paralysie des extenseurs, une tuméfaction siégeant
gurle dos de la main, au niveau du métacarpe. Remarquée dès 1602 par
PlateTy et depuis lors étudiée par de Haên et les auteurs classiques, la
tumeur dorsale de la main a été Tobjet de travaux récents de la part de
Gabier, Hérard, iSicaise, Bouchard, Daviot et IIuc-Mazelet. Il peut y avoir
an début un œdème plus ou moins marqué et une douleur quelquefois
Tiye ; mais bientôt la tumeur est constituée par une ou plusieurs nodo-
sités indolentes, ordinairement sans rougeur, ayant une consistance car-
tilagineuse, une forme allongée, et participant aux déplacements qu'on
imprime aux tendons ; ces nodosités donnent sous le doigt explo;-
rateur la sensation de Tépaississement des tendons extenseurs ou de
leur synoviale, et peuvent être compliquées de ténositc crépitante à
Fairant-bras. Elles sont rarement plus grosses qu'un œuf de pigeon, et
elles varient plusieurs fois de volume dans une même journée. Anato-
miquement, la tumeur dorsale est caractérisée à un degré avancé, par
un état fongueux des tendons et de leur gaine synoviale, qui est d'ordi-
naire injectée (Nicaise, Charcot). Elle se développe peu après le début
de la paralysie, et disparaît en général avec elle, sans laisser de trace.
Attribuée par Tanquerel à la saillie des extrémités osseuses, ou ratta-
chée à la goutte (Mérat), elle fut, avec raison, rapportée à l'appareil tcn-
dino-synovial par Plater, de llacn. Desbois, Pariset. On a cru devoir la
rapprocher des artrhopathics et des ténosites que le repos amène chez les
fracturés (Gosselin). Son siège spécial ne peut s'expliquer, comme le
veut Gubler, par le frottement des tendons extenseurs contre les saillies
osseuses, résultant de la chute du poignet, car dans un cas de Landrieux,
la tumeur existait sans paralysie des extenseurs. On doit plutôt, avec
Charcot, la considérer comme une lésion trophique consécutive aux alté-
rations du système nerveux. Les observations de Gubler, Charcot et
Vulpian ont du reste montré que la tumeur dorsale se rencontre aussi
en dehors du saturnisme, dans les paralysies d'origine cérébrale, l'atro-
phie musculaire, etc.
5* Paralysie sensitive. — Dans le saturnisme professionnel la paralysie
de sensibilité est un des accidents les plus précoces, qu'on peut observer
longtemps avant la paralysie motrice, surtout chez les ouvriers bien
portants, qui ne se doutent pas en être atteints. Toujours elle coexiste
avec la paralysie motrice, qu'elle dépasse en intensité et en étendue ;
c'est seulement sur les ouvriers ayant depuis longtemps cessé de tra-
vailler, ou qui ont suivi un long traitement, qu'il est possible de trouver
de la parésie motrice survivant aux troubles sensitifs, dont le siège super-
ficiel explique la plus rapide disparition, Il est présumable qu'il n'en est
pas de même dans l'intoxication ab ingestis^ mais les observations à ce
sujet laissent encore à désirer. Nous avons vu, d'une manière plus évi-
dente encore que pour la paralysie motrice, la paralysie sensitive exister
exclusivement ou prédominer au point de contact du métal : chez les
cérusiers, soit au pli du coude gauche sur lequel glisse le saumon de
334 PLOMB. -— iMToxiCATiois chronique. TROCBLES NBRYEDX ST LOCOBORUmS.
plomb pendant l'enfournement, soit à Textrémité du membre supérieur
droit jusqu'au milieu de Tavant-bras, niveau d'aifleurement du bain de
lait de ccruse pendant les manipulations; ou bien à la main gauche
soutenant la cuiller pleine de céruse ; à Tépaule droite sur laquelle
un gazier portait fréquemment des tuyaux de plomb enroulés drculai-
rement ; aux deux derniers doigts et à la partie correspondante de la
paume de la main, servant à capsuler les flacons; au médius droit
accolé au pinceau d'un peintre. L'influence des vêtements, comme obs-
tacle à la pénétration des particules métalliques a été mise en évidence
chez une poudreuse de porcelaine, dont les poignets et les avant-bras
furent protégés par des manchettes de laine, ainsi que dans quatre autres
observations, où les surfaces laissées à nu par le devant de la chemise
entr'ouverte et au-dessous des pans ou des manches retroussées plus ou
moins haut , ont été frappées de paralysie sensitive.
Des faits analogues avaient déjà été signalés dubitativement par
Ladreit et d'une manière affirmative par Frank-Smith; après nous, ils
ont été confirmés par les observateurs cités à l'occasion de la paralysie
motrice, et dernièrement ])ar Proust. Dans ses expériences sur les ani-
maux, Drouet a trouvé un affaiblissement de la sensibilité électrique
aux membres intoxiqués localement par des frictions saturnines.
Si la paralysie de sensibilité est un des accidents directs qui se loca-
lisent le mieux, c'est aussi un de ceux qui se diffusent le plus vite,
s'irradiant, pour s'atténuer il est vrai, dans toute la moitié correspon-
dante du corps. 11 s'ensuit alors une apparence d'hémiancsthésie, que
nous avons décrite le premier dès 1870, mais il n'y a pas, à propre-
ment parler, hémianesthésie comparable à celle des hystériques, car,
d'une part, on observe toujours dans l'autre moitié du corps un certain
degré de paralysie sensitive, parfois assez considérable ; et d'autre part,
elle prédomine constamment au point d'absorption cutanée, qui est le
plus souvent à ia périphérie, tandis que dans riiémianesthésie, elle est
de plus en plus prononcée vers le centre, plus, par exemple, à la face
qu'aux membres. Dans quelques cas, nous avons rencontré un croise-
ment de la paralysie à la face par rapport au reste du corps. On trou-
vera, à propos des altérations des sens, les curieuses relations de siège
que chacune de celles-ci présente alors avec la paralysie sensitive de la
face et du reste du corps. Cette fausse hémianesthésie accompagne tou-
jours la pseudo-hémiplégie, mais elle peut exister en dehors d'elle.
L'apparence paraplégique de lanesthésie est plus rare; elle peut se
combiner avec la forme précédente.
Dans les quelques cas où la paralysie sensitive paraît généralisée, on
la retrouve toujours plus marquée dans ses sièges de prédilection ordi-
naires.
La prédominance à la face dorsale des mains et des avant-bras est
fréquente, mais non absolue ; nous avons vu tantôt précisément le con-
traire, tantôt sur le même sujet, la main et lavant-bras plus atteints,
l'une sur son dos et l'autre à sa face palmaire. Il n'existe aucune i^elation
PIX>1IB. — IHTOXICATIOA CHROMQCE. TROUBLES NERVEUX ET LOCOMOTEURS. 335
entre l*anesthésie dorsale et la paralysie des extenseurs, puisque dans
les cas d*anesthésie prédominant à la face palmaire, les extenseurs
étaient beaucoup plus atteints que leurs antagonistes,
La paralysie de sensibilité est d'abord superficielle ou tégumentaire, et
plus tard profonde, siégeant dans les parties sous-jacentes, muscles,
articulations, etc.
La peau et les muqueuses sont frappées dans leurs diverses espèces de
sensibilité.
D y a rarement perte absolue de la sensibilité tactile (ancsthésic pro-
prement dite), ou du moins celle-ci reste confinée dans un siège très-
limité. En revanche, la diminution de cette sensibilité, que nous avons
désignée sous le nom d'hypesthésie, se trouve toujours plus ou moins
marquée, quand la sensibilité à la douleur est aiïaiblie; de sorte que,
dans le saturnisme, Tanesthésie n'existe pas telle que Beau la concevait,
c^est-i-dire comme perte de la sensibilité douloureuse, avec conservation
intégrale du tact ; c'est ce que l'emploi de Taesthcsiomètre nous permet
d'affirmer. Quand Thypesthésie est légère et également répartie dans
chaque moitié du corps, auquel cas il manque par conséquent un terme
de comparaison, elle ne peut être révélée que par l'exploration aesthésio-
métrîque. L'aestliésiomètre nous a servi à démontrer avec une précision
pour ainsi dire mathématique, le siège de prédilection de l'hypesthésie
d'origine locale. Sans son aide, enfin, nous n'aurions pu discerner
l'hyperesthésie (nous voulons dire Texaltation du tact seulement) d'un
côté du corps d'avec l'hypesthésie du c6té opposé; nous avons de plus
ainsi trouvé dès 1870, (Arch. de physioL, et thèse, 1873) que souvent
il y a hyperesthésir, soit dans les parties homologues de la moitié latérale
du corps opposée aux parties hypesthésiées, soit sur la face d'un membre
opposée à sa face hypesthcsiée, soit enfin à la face et aux membres infé-
rieurs dans le cas d'hypesthésie des membres supérieurs, comme s'il y
aTsit une sorte d'hypéreslhésie compensatrice^ par un mécanisme ana-
logue au curieux phénomène du transfert, que les expériences métallo-
thérapiques ont, depuis lors, fait découvrir chez les hystériques.
L'analgésie, perte complète de la sensibilité à la douleur, est beaucoup
plus fréquente et plus étendue que Tanesthésie. L'hypalgésie serait aussi
plus facile à constater que l'hypesthésie, si l'on ne s'aidait de l'aesthésio-
mètre. La paralysie de la sensibilité à la brûlure est plus tardive, moins
intense et d'un siège plus limité que celle de la sensibilité à la piqûre et
au pincement. A un premier degré d'analgésie à la brûlure, cette dernière
n'est plus perçue que comme chaleur, pour ne plus déterminer ensuite
qu*une sensation de contact; elle peut même ne plus être sentie du tout.
La sensibilité électrique est abolie ou diminuée.
Parmi les saturnins analgésiques, un grand nombre éprouvent des dou-
leurs superficitlles et profondes, précisément dans les parties analgésiées
(analgéne douloureuse); nous pouvions impunément déterminer sur
eux des brûlures à divers degrés ; mais quelques heures plus tard, lors de
rétablissement du travail inflammatoire, il se développait sur place des
336 PLOUB. — IKTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES NERVEUX ET LOGOMOTBQBB.
douleurs persistantes, absolument comme s'il n*y avait pas eu analgésie;
et pourtant celle-ci persistait encore, ainsi que nous nous en sommes as-
suré.Des éruptions cutanées, la plaie d*un vésicatoire, étaient douloureuses
sur une partie analgésiée. Chez d'autres sujets plus rares, profondément
intoxiqués, les douleurs de la brûlure ne se sont jamais montrées consécu-
tivement, malgré le développement du processus inflammatoire aboutis-
sant à la formation de fortes cscharres ; or, il est remarquable qpie ces
malades ne ressentaient aucune douleur spontanée dans les parties anaW
gésiées. En somme, la brûlure, non perçue en tant que traumatisoie, peut
être ou ne pas élrc sentie consécutivement en tant que processus patho-
logique. Ces faits nouveaux et inattendus, susceptibles d'éclairer la nature
même de la sensibilité à la douleur, ont été retrouvés par nous analogues
dans d'autres maladies, spécialement dans la tétanie. Aussi avon^HWHis
cru pouvoir dédoubler cliniquement l'analgésie en analgésie proprement
dite (a priv., et àXYO<;, douleur), ou perte de la sensibilité à la douleur
physiologique, immédiate, provoquée, et en anodynie (a priv., et
îî6vY], soufi'rance), ou perte de la sensibilité à la douleur pathologique, *
consécutive, spontanée; la première appartiendrait à la poau consi-
dérée comme organe du sens du toucher, tandis que la seconde serait
une propmétc de tissu. Le paradoxe de l'analgésie douloureuse s'ex-
plique par ce fait qu'alors il y a analgésie sans anodynie. La raison
physiologico-patholo^iquc de ces constatations cliniques sera recherchée
plus loin.
Presque toujours, à côté de l'analgésie se rencontrent une diminution
ou même assez souvent une perte de la sensibilité au chatouillement
(hypopallesthcsie et apallesthésie), et une diminution notable delà sensi-
bilité thermique (hypothermesthésie), allant rarement jusqu'à une insen-
sibilité absolue (athermesthésie). La faculté de rapporter la sensation
d'une impression au point où l'excitation a eu lieu (sensibilité à la région)
est parfois affaiblie.
Dans certains cas, il y a erreur de sensation, de sorte qu*un simple
contact donne lieu à une sensation douloureuse ou à des fourmillements
et des picotements; un léger frôlement n'est plus perçu comme cha-
touillement, mais comme simple attouchement; une piqûre est sentie
seulement comme contact, un pincement comme pression, une brûlure
comme chaleur on contact.
La perception des impressions peut éprouver un retard d'une demi-
minute à près de cinq minutes, au lieu du retard physiologique d'ua
quinzième à une demi-seconde (Brouardel).
La sensibilité musculaire des contractions volontaire et électrique est
abolie ou diminuée proportionnellement à l'altération de la contractililé
volontaire et de la contractilité électrique. La paralysie de la sensibilité
articulaire, qui, en s'ajoutant à celle des sensibilités musculaire et
cutanée, enlève la notion de la position occupée par les dilîérents articles
des membres, ne s'observe que rarement, et dans les doigts seulement.
On a vu que l'ataxie est due à une incoordination des mouvements volon- f
PLOMB. UTOXICATION CHRONIQUE. TROUBLES NERVEUX ET LOCOMOTEURS. r»57
taires par désliarmonie des antagonistes et désassociation musculaire dé-
pendant de la paralysie motrice.
La paralysie sensitive est-elle sous la dépendance d*une anémie de la
peau par contracture des artérioles du derme (Gubler, Rosenstein,
Hitzig)? Il est possible que cette sorte d*anémie active soit intervenue
jusqa*à un certain point, comme cause, dans les cas où Ton aurait fait
cesser temporairement Fanesthésie par la rubéfaction de la peau (Gubler) ;
mais il est loin d*en être toujours ainsi. Nous la croyons généralement
due, comme la paralysie motrice, à une altération des nerfs périphériques,
d'abord et plus particulièrement à leurs extrémités terminales : corpus-
cules du tact et réseau nerveux épidermiqne de Langerhans, avec ses
corpuscules étoiles. L'heureuse influence de la sudation (A. Robin) résul-
terait de rélimination du métal fixé sur cet appareil nerveux superficiel. Les
nécropsies analysées au sujet de la paralysie motrice montrent d'ailleurs
qu'à une certaine période, les nerfs eux-mêmes sont gravement altérés.
L*aiialgésie douloureuse, avec conservation de Todynie, semble d'abord
pouvoir s'expliquer par la seule altération des extrémités nerveuses ter-
minales périphériques, qui ne peuvent plus transmettre l'impression dou-
loureuse de la superficie de la peau, tandis que les filets nerveux sous-
jacents non encore paralysés participeraient au processus pathologique
consécutif, ou en subiraient les effets indirects par compression, et
transmettraient ainsi la douleur tardive, ce qui n'aurait plus lieu dès
qu'ils seraient atteints eux-mêmes. L'examen attentif de cet ordre de faits
dans le saturnisme et dans d'autres maladies nous porte à croire que
Talgésie a pour conducteurs les filets nerveux du système cérébro-spinal,
et Todynie les filets du grand sympathique; ainsi s'expliqueraient la
lente apparition des manifestations odyniques, leur longue durée, leur
coïncidence avec les douleurs spontanées des tissus, et enfin la paralysie
tardive de Todynie à une période avancée de l'intoxication, longtemps
après la disparition de l'algésie.
Ce que nous avons dit sur l'origine de la paralysie motrice s'applique
mieux encore à la paralysie sensitive; de sorte que, sans nier qu'il existe
une anesthésie de cause indirecte par élimination cutanée, on peut af-
firmer que, dans l'intoxication professionnelle, la paralysie sensitive est
^général localisée aux points d'absorption tégumentaire.
6* TiH>uble8 des sens. — Vue. Les saturnins présentent souvent divers
troubles de la vision, qui sont, du côté du système névro-musculaire :
laparésie de la paupière supérieure, le nystagmus, le strabisme, la di-
plopie et la polyopie, le rétrécissement et plus tard la dilatation pupil-
laire, et des troubles dans l'accommodation (Stelwag) ; du côté de la sen-
sibilité spéciale, les éblouissements, l'amblyopie et même l'amaurose,
aTec djschromatopsie (Rose et Hufner). Nous avons observé une fois le
tarissement de la sécrétion lacrymale. Les conjonctives participent
d'ailleurs à la teinte subictérique, et, ainsi que la cornée, à l'insensibilité
des téguments. Les éblouissements accompagnent d'ordinaire la céphalal-
gie. Le nystagmus et le rétrécissement de la pupille peuvent se manifester
mxnr. mot. mû», r cim. XXVHI — 22
338 PLOMB. — IIITOX. GHRON. rapports du SATURIVISIIB ATEG LK TBÂUVAnSME.
avant l'amblyopie. Il semble que la dilata lion pupillaire paréiique dépend
d'une amaurose à un degré plus avancé.
L'amblyopie et l'amaurose sont le plus souvent liées à la paralysie
de sensibilité cutanée; elles sont alors ordinairement dues à une névrite
optique spéciale (Hirschicr) : injection et opajcité des papilles, dont les
bords sont obscurcis par un voile rougeâtre (Schneller). Â FinflammatioD
peut succéder l'atrophie (Hutchinson), qui dans certains èas serait essen-
tielle et primitive (Horner). Cette amblyopie s'établit lentement, affec-
tant, tantôt les deux yeux, tantôt plus particulièrement ou même exclusi-
vement l'œil correspondant à la moitié du corps dans laquelle la paralysie
sensitive prédomine on siège uniquement (hémianesthésie). D'ailleun,
d'une manière générale, nous avons constaté la prédominance des divers
troubles visuels dans la moitié du corps à laquelle appartenaient les
parties atteintes de saturnisme direct. Dans le cas d'hémianosthésie
croisée à la face et au reste du corps, nous avons toujours vu Tanesthésie
/aciale entraîner une altération de la vue du même côté, tandis que la
surdilé siégeait du côté de l'anesthésie des membres. Weiss avait déjà
signalé l'amblyopie unilatérale dans l'hémiplégie saturnine. Noos rela-
terons dans la thérapeutique un cas de névrite optique locale et directe,
par absorption oculaire médicamenteuse. A la période hypérémique, la
guérison s'ciïectuc graduellement en un ou deux mois, ou même brusque-
ment en quatre ou six jours ; le pronostic devient beaucoup plus grave,
quand il y a atrophie prononcée de la papille.
Dans Tamaurose qui précède, accompagne ou plutôt suit Tencéphalopa-
thic, il y a ordinairement œdème de la papille, dépendant d*un étrangle-
ment du nerf optique par accumulation de liquide dans l'espace inter-
vaginal par suite d'une augmentation de pression intra-cranienne (Meycr).
L'atrophie totale des nerfs optiques peut en être la conséquence ; d'autres
fois, la vue est presque rétablie après plusieurs semaines.
Rarement enfin, s'observerait la cécité moins grave, par rétinite albumi-
nurique (Danjoy, Després) ; plus exceptionnelle encore est l'amaurose urérai-
que, passagère, bénigne, sans signe ophthalmoscopique notable (Duplay).
Ouïe. — Les troubles de l'ouïe se rencontrent en général associés aux
altérations de la vue : les bourdonnements et le tintement d'oreille, a\ee
les éblouissemcnts, accompagnent la céphalalgie; et la surdité s allie à
l'amaurose. Les altérations de l'ouïe siègent aussi uniquement ou prédo-
minent du côté le plus anesthésié; mais, nous l'avons dit, quand il y a
croisement de Thémianesthésie, la surdité siège du même côté que
l'anesthésie des membres. La surdité, complète ou incomplète, est tantôt
passagère, tantôt, mais plus rarement, permanente.
Goût et odorat, — Outre la sensation sucrée ou amère qu'éprouTCDl
souvent les malades, on observe un afTaiblissemeiit et une perte dugodt
et de l'odorat, sous la dépendance de l'hémianesthésie.
F. Rapports du saturnisme avec le traumatisme, — Les plaies des
saturnins se compliquent facilement de lymphangite et îïérysipèk, qw
en compromettent ou tout au moins en retardent la guérison.
^:
PLOHB. — INTOXICATIOK CHROMIQUE. ÉUOLOGIE GÉNÉRALE. 339
Le traumatisme peut réveiller et même provoquer pour la première
fois des manifestations toxiques (coliques, cncéphalopathie, albuminurie)
chezdes sujets en puissance de plomb (Yerneuil etSabatier).
n. Étiologie générale. — Le plomb pénètre par les diverses voies
cutanée et muqueuse, digestive et respiratoire. L*absorption par la peau,
même intacte, en quelque point que ce soit, a été suffisamment établie,
à propos de la paralysie, pour que nous n'y revenions pas ici; les acci-
dents locaux résultant de ce mode d'absorption ont été étudiés chacun
en leur lieu.
Les causes de Tintoxication saturnine chronique peuvent être groupées
en deux classes, suivant qu'elles sont accidentelles ou professionnelles.
A Cause$ accidentelles. — Dans le premier cas, l'absorption a lieu
soit par le tube digestif, soit par la surface tégumentairc, soit enfin par
les voies respiratoires.
1* Par le tube digestif, — Le métal est dégluti avec les boissons et les
aliments, avec les médicaments internes ou la salive souillée par divers
objets portés à la bouche.
a) Boissons. — Veau se charge de plomb au contact des terrasses,
des toitures, des gouttières, des réservoirs, des tuyaux, des robinets, des
|)ompes et des appareils distillatoires (navires et pharmacies) en plomb,
en étaîn pauvre, en fer ou cuivre étamé, en zinc plombifère soudé avec l'al-
liage d'étain et plomb, ou en tôle galvanisée avec du zinc plombifère (char-
niers des vaisseaux) ; elle en dissout d'autant plus qu'elle est plus pure (eau
disUUée) et plus aérée, comme l'eau de pluie (Bobierre), et qu'elle ren-
ferme des matières organiques (Medlock) et certains sels : azotates, azo-
iiles et chlorures (eau de mer). Riche en acide carbonique, et surtout en
carbonate, sulfate et phosphate de chaux, telle que la plupart des eaux
potables (Frankland), l'eau, en rapport avec le plomb, donne lieu à des
dépôts insolubles, nuisibles quand elle est troubla (eau de Seitz) mais sus-
ceptibles d'être séparés par repos, décantation naturelle ou fiUration. Le
pkmib se dissout mieux en présence d'un autre métal qui complète les
éléments d'une pile galvanique : ce qui rend si dangereux les récipients
faits de divers métaux plombifères, de zinc par exemple.
Dans le vm, le poison peut provenir des vases en plomb dans lesquels
OQ les cuisait à la méthode antique, des pièces de plomb des pressoirs,
des plats de plomb dans les tonneaux contre la fermentation acide, et
actuellement des grains de plomb restés dans les bouteilles, ou du séjour
des égouttures sur les comptoires en étain pauvre (Leroux) ; on l'a parfois,
à une certaine époque, frelaté avec la litliarge (colique végétale du
Poitou-Citois).
Le cidre contenu dans des brocs de plomb, adouci avec la litliarge, ou
clarifié avec l'acétate et le sous-acétate de plomb, a donné lieu aux co-
liques végétales du Devonshire (Iluxham) et de Normandie (Le Pecq de la
Clôture). Leudet a insisté sur la nocuité des égouttures de comptoirs en
étain pauvre.
A propos des coliques dites végétales, il est indispensable d'ajouter
540 PLOMB. ^ iMTOxiCATio» curomque. étiologie ckhérau.
que, si la majorité d'entre elles sont saturnines, il parait réellement on
exister d'autres, épidémiques, ressemblant beaucoup à la colique de
plomb (constipation, enc^phalopathie, paralysie des extenseurs), mais
reconnaissant une cause toute différente. Bouckacrt, qui les a longuement
observées en Belgique, dès 1855, les attribue à une constitution morbide
particulière (Arch. méd. milit. belges, t. XXX); cette affection, très-proba-
blement la même que la colique nerveuse endémique des pays chauds, a
été rencontrée aussi dans le Midi de la France par Castan, en 1872 {Mont-
pellier méd., 1875).
Les autres boissons contenant du plomb sont : la bière clarifiée |)ar
Tacétate et le sous-acétate de plomb, falsifiée avec la lilharge (Hourmann),
ou pompée avec des tuyaux en plomb (Gosselet) ; — le vinaigre et Veau
de Seltz en rapport avec des robinets d'étain pauvre ; Veau de fleurs d'o-
ranger en contact avec des serpentins en plomb, l'élamage pauvre des
estagnons et les plaques de plomb mises au fond des vases ; — le rhum
distillé dans des appareils plombifères, ou contenu dans des vases vernis;
— les eauX'de-vie et les sirops de miel et de raisin, clarifiés par l'acé-
tate de plomb (Cadet-Gassicourt, Boudct) ; — le thé fait avec les déchets
restés au fond de boites doublées en plomb (Potain), — et le /at/ aspiré
avec des biberons à bouts en plomb (Flemming), en caoutchouc vulcanisé
plombifère (15,5 p. 100 de carbonate de plomb, Eulcnberg), ou donné
par une nourrice, sur les mamelons de laquelle ont été appliquées de^
préparations plombiques contre des gerçures (solution d*acétate de plomt»
de Mme Delacour, cas de Bouchut).
b) Aliments. — Le pain peut être toxique parce que la farine a été, soi^
frauduleusement additionnée de céruse (Gmelin), soit accidentellement
mélangée avec de Tacétate de plomb (Bancks) ou avec des parcelles déta«
chées du plomb servant à boucher les éveillures des meules, comme
dans les épidémies de Saint-Georges-sur-Eure (Maunoury et Salmon), de
Fresnay-le-Gilbert, de Laval, et dans celle observée par Brillât-Savarin, soi(
enfin parce qu'il a été cuit avec des bois peints ou vernis; la croûte est alors
presque exclusivement toxique : épidémies de Monlrouge (Combalusieri,
de Marly, et récemment de Paris, VU*' et XVll® arrondissements (Ducamp/.
Le beurre a été falsifié avec li litharge et la céruse (Gaubius), colon-
avec le chromate de plomb (Poggiale), ou enfin salé avec un mélaiigc
accidentel de sel et d'acétate de plomb (G. Bergeron et Lhote).
Mentionnons encore le sucre fabriqué par le procédé de Scofferu, ou
coulé dans des formes peintes intérieurement à la céruse ; — les gâ-
teaux colorés avec le chromate de plomb (Galippe) ; — les pastillages co-
lorés aux sels de plomb : massicot, minium, carbonate et chromate, etle>
bonbons, soit colorés de la même façon, soit enveloppés de papiers peinl>
à la céruse et au chromate (Tanquerel) ; — le chocolat, les fruUs et les
conserves, entourés de papier d'étain plombifère, ou contenus dans de>
boites en fer-blanc (Armand Gautier), — et les jambons de Cincinnati
enveloppés de toile teinte au chromate (Bouchardat).
D'une manière générale, les aliments et les boissons peuvent s'impré*
PLOMB. — INTOXICATION CHBONIQUE. CAUSES PROFESSIONNELLES. 541
gner de plomb au contact de leurs divers récipients : vases en plomb,
saloir des charcutiers par exemple» en étain pauvre (plats et gobelets),
ustensiles mal étamés, réparés avec un mastic à la céruse (Mahier), pote-
ries de terre vernissées communes, rôtissoires à gaz émaillées, cuillers
d'étain à 30, 40, et même 50 p. 100 de plomb, que nous avons parfois
mes entre les mains des ouvriers.
c) Médicaments internes. — On connaît l'intoxication chronique
causée par l'administration interne de médicaments plombiques : carbo-
nate dans la phthisie, acétate contre la pneumonie caséeuse, les
tueurs et les hémoptysies des phthisiques, les névralgies, les maladies
de cœur, les fièvres intermittentes, les gonorrhées et les pollutions,
sous-nitrate de bismuth impur contenant de la céruse (Millard), ca-
chou de Bologne plombiiere (Gibert), contre la diarrhée, et eau de gou-
dron macérée dans des cruchons vernissés à Toxyde de plomb (Caries).
d) Objets portés à la bouche. — Dans certains cas enfin, le poison
a pour véhicule la salive souillée par divers objets portes à la bouche :
pains à cacheter colorés avec des sels plombiques (Lombard), grains de
plomb d'encrier mâchés par passe-temps (Trousseau), jouets tels que
couleurs à Taquarclle à base de plomb, trompettes peintes avec la cé-
ruse, le minium et le chromate fixés par un simple encollage, et non
vernies (Chevallier), poupées d'Allemagne à la céruse, et cartes de visites
ff lacées.
2* Par la surface tégumentaire : peau et muqueuse voisines des ori-
fices externes, le plomb pénètre, par l'intermédiaire des médicaments
externes : bandelettes de sparadrap diachylon, emplâtres et cataplasmes
plombiques (Boerhaave, HoebcrI, Widekind), eau de Goulard contre les
brâlures, frictions d'onguent de lilharge contre la gale (Conring), céruse
saupoudrée sur des excoriations, collyres (voir notre observation à la
thérapeutique) et injections vaginales et uréthrales à Tacétate de plomb,
— sous forme de topiques pour la toilette : fards, poudre de riz impure
(Krimer, Fievée), litharge contre les rougeurs du visage (Zeller), eau de
Cologne préparée avec essence de thym et acétate de plomb, cosmétiques
à la litharge (Brambilla) et teintures, — par le maniement du linge de
cérusiers (Depuis) — et par l'usage du tabac à priser contenu dans des
boîtes de plomb ou des sacs doublés de ce métal (Olto).
3* C'est enfin à l'absorption par les voies respiratoires qu'il faut
rapporter les cas d'intoxication dus à la combustion de cire à cacheter
et de bougies colorées au minium et de vieilles boiseries peintes^ dans
les foyers (Marmisse de Bordeaux), et à l'habitation à' appartements
fraîchement peints.
B. Causes professionnelles. — Les professions qui exposent au
saturnisme sont si nombreuses, si complexes et hétérogènes, que nous
avons cru plus profitable de les classer par ordre alphabétique.
Tablkau des professions qui exposent au saturnisme.
Acétate de P. (Fabricants d').
Acteurs; fard à la céruse (Fiévée).
«^42 PLOMB. — INTOXICATION CHRONIQUE. CAUSES PROPSSSIONIIBLLIS.
Affineurs de métaux précieux, par coupellation : 1* du P. d'œufre
argentifère et aurifère, 2® des balayures d'or et d'argent provenant d'aie»
liers d'orfèvrerie et de bijouterie, traitées par le P.
Ajusteurs ; mâchoires en P. pour assujettir les pièces délicates. Yoj.
Monteurs. •
Bâches (Fabric. de), rendues inaltérables par le sulfate de P. (Trous-
seau).
Balles de P. {Fabric. de) (Proust).
Bijoutiers^ voy. Affineurs, Émailieurs, Lapidaires.
Brossiers; apprctage des soies de porc avec litharge et chaux (Tardieo).
Broyeurs de couleurs plombiques.
Câbles en fils de fer galvanisés (Fabric. de), avec zinc plombifère
(Rouxeau).
Cahiers de papier à cigarettes (Ouvrières fabriquant les enveloppes
de), (Gallard), voy. Papiers peints.
Camées (Polisseurs de), voy. Lapidaires.
Capsuleurs de flacon^, lissant les capsules en alliage d'éiain et P. sur
le col des flacons (Manouvriez).
Caractères d'imprimerie (Ouvriers maniant Valliage des):V.^l,
antimoine 25, étain 5, cuivre 3.
Cardeurs de crins colorés en noir par le sulfure de P. (Hitzig).
Carreliers, vemisseurs de carreaux à paver avec sulfure de P. et sable
broyé, à parties égales.
Carrossiers, caissiers ajustant les joints des panneaux avec la cémse
(Wiltshire).
p .. I caries à jouer d'Allemagne.
L^artiers \ . j ••, i» % * t
I cartes de visite glacées a la céruse.
Ceinturonniei^s^ voy. Cuirs vernis.
Cérusiers ; céruse, blanc de céruse, blanc de P. , carbonate de P. hydraté.
Chaudronniers; soudure de cuivre (P. et zinc).
Chauffeurs, voy. Marins.
Chemins de fer (Employés de) et douaniers, plombant les 'lagons de
marchandises et portant à la bouche les flans de P. (Mannkopff).
Chromate de P. (Fabric. de), jaune de chrome.
Coiffeurs, voy. Parfumeurs.
Coloristes, portante la bouche les pinceaux chargés de couleurs plom-
biques (Charles Bernard).
Compositeurs d'imprimerie^ voy. Caractères, Encre d'imprimerie.
Conserve (Fabric. débottés de), pour la marine (Quesnel).
Contre-oxydation du fer (Ouvrières travaillant à la) (Ladreit de
la Charrière), voy. Emailieurs.
Coton (Tisseurs de) apprêté à la céruse (Aube).
Couturières, voy. Soie.
Criniers^ voy. Brossiers, Cardeurs.
Cristalleries (Ouvriers des); silicate double de potasse et de P.; sut-
lout tailleurs et polisseurs.
PLOMB. -^ UfXOIICATlQN CHRONIQUE. CAUSES PROFESSIONNELLES. 545
Cuillers {Fondeurs de) d'élaia à50 p. 100 de P.
Cuirs vernis (Fabric. de) à la litharge et à la céruse.
Dentellières ; blanchiment à la céruse» et pose des fleurs d'applica-
tions de Bruxelles (Blanchet).
Dessinateurs en broderies sur étoffes noires, par décalquage avec
poncif de céruse et résine (Thibault).
Dévideuses, voy. Laine.
Diamanteurs de fleurs artificielles avec poudre de cristal |)lombifère.
Doreurs sur bois et sur laque; vernis préalable de céruse, litharge et
térébenthine.
Douaniers^ voy. Chemins de fer.
Ébénistes fabriquant les vieux meubles ; ponceurs et polisseurs. En-
duits plombiques à 45 p. 100 de P., pour donner la teinte de vieux bois
(DuMesnil).
ÈmaiUeurs d* objets divers ; poteries, faïences, porcelaine, verre mous-
seline (flillairet), étiquettes sur flacons et bocaux de chimie (Beaugrand),
feuilles de tôle, poêles, crochets de fils télégraphiques, bijoux, aveô la
poudre d'émaux plombiiéres, de cristal par exemple.
Encre d'imprimerie (Fabric, d') dans laquelle entre de la litharge.
Êtameurs de cuivre et de fer, avec étain allié à 1/5 ou 1/4 de P.
Étiquette^ (ouvriers vitrifiant les), voy. EmaiUeurs.
Foienfiiersy voy. Ëmailleurs.
Ferblantiers, voy. Êtameurs, Plombiers.
Fleuristes; fleurs aitificielles blanches (céruse), jaunes (chromate),
rouges (oxyde) ; voy. Diamanteurs.
Fondeurs de P. ; — d'étain plombifère, de 8 à 20 p. 100 et plus,
?oy. Cuillers ; — de caractères d'imprimerie , voy. ce mot ; — de cui-
vre, de bronze et de laiton plombifères.
Gantiers.
Glaces (Fabric. de) , surtout polisseurs ; cristal plombiquc.
Glaciers maniant des vases en étain plombifère [Edelmaiin].
Imprimeurs sur étoffes; chromate, nitrate et surtout acétate de P.,
comme mordants et couleurs. — Typographes, voy. Caractères, Encre
d'imprimerie ; employés maniant les bandes de journal timbrées au
minium : colleurs de bandes et vérificateurs des adresses [Layct].
Journalistes maniant les épreuves sur papier humecté d'eau plom-
bifère, ioiprimées à Tencre lythargyrée et souillées par les caractères
JMarmisse). '
Laine orange (Dévideuses de) apprêtée au chromate de P..
Lapidaires; particules àe détachant d'une roue en P., garnie d'émeri
[Requin], d'un cylindre en P., humecté d'un mélange de tripoli et d'eau
ou de vinaigre pour le polissage des camées [Proust] ; tirets en P. entre
lesquels sont montés les objets à travailler.
Limes (Tailleurs de) ; enclumes de P. sur laquelle est maintenue la
lime pendant la taille [Frank-Smith].
Litharge et massicot (Fabric. de), çroioxydes de P. anhydres.
344 PLOMB. — INTOIICàTIOM chronique, causes PR0rE8SI0!IHKU.B8.
Marins, surtout des bateaux à vapeur, spécialement mécanicîeiis et
chaufTcurs. Peinture au minium et à la céruse ; eau contaminée par le
P. entrant dans les diverses pièces des appareils distillatoires et par l'éta-
mage des syphons en fer des charniers; aliments cuits dans les bottes a
conserves [Lefèvre]. Voy. Colique sèche : p. 345.
Marteleurs de P. [Malherbe].
Mécaniciens, voy. Marins.
Mèches à briquets (Passementiers en) ; coton imprégné de chromate
de P. ; surtout les dévideurs préparant Tàme des mèches [Lfancereaux ,
Chenet].
Menuisiers, marchands de vieilles boiseries peintes [Marmisse] .
Mineurs de P., mineurs proprement dits, trieurs, bocardears, gril-
leurs de galène ou sulfure de P. et de carbonate de P.; — de minerais
métalliques, d*or, d*argent (anémie des mineurs de Schemnitz, ^i Hod-
grie), de cuivre, d'étain et de zinc, plombifères.
Minium et Mine-orange (Fabric, de) ; oxyde de P. intermédiaire.
Monteurs de machines à vapeur; soudure de cuivre jaune dans
laquelle entre du zinc et du P; mastic à la céruse et au minium pour
les ajutages de tuyaux.
Mouleurs de P., — en cuivre plombifère^ — en fonte y maniant et
nettoyant les modèles d'ornements en alliage d'étain et de P. ou en P.,
pour produire leur empreinte en creux dans les moules [ManoavriezJ.
Oxychlorures de P. (Fabric, d'), jaune minerai, deTurner, deCassel.
Pains à cacheter (Fabric. de) colorés par des sels de P. [Vernois].
Papiers peints (Ouvriers en) à fond blanc (céruse), rouge (minium)
et jaune (chromate, oxyde, oxychlorure, iodure.)
Parfumeurs; préparation et application (coiffeurs) de fards et de
poudre do riz à la céruse, de cosmétiques et teintures plombiques, d'eau
de Cologne avec essence de thym et acétate de P.
Passementiers; voy. Mèches à briquet.
Peintres en bâtiment; en équipages, de décors, lettres et attributs, sur
porcelaine et sur métaux.
Plomb de chasse (Fabric, de) arsenical.
Plombiers; P.; soudure de P. 2 et étain 1.
Plombeurs, voy. Chemins de fer, Potiers de terre.
Fonceurs, voy. Ébénistes.
Polisseurs de caractères d^imprimerie, de cristaux, de glaces, voy.
ces mots; — de carnées, voy. Lapidaires; — de vieux meubles, voy. Ébé-
nistes.
Porcelainiers, Poudreuses de porcelaine à camaïeux gris, avec poudre
à la céruse, voy. Émailleurs.
Potée d'étain (Fabric. de), alliage d'étain et P.
Potiers d'étain plorabifère; - ie terre vernissée ; plombeurs saupou-
drant les poteries humides avec du minium ou de Talquifoux, sulfure
de P. ; vernisseurs avec mélange d'alquifoux, de bouse de vache et d'eau.
Poudreuses, voy. Porcelainiers.
PLOMB. — INTOXICATION. COLIQUB S&CIB. 345
Soldais de P. (Fabric. de).
Soie (Ouvriers en) chargée aveclilharge ou acétate de P. (17 p. 100);
coulnrières portant à la bouche les (ils de cette soie [Chevallier],
Tailleurs maniant Talpaga anglais apprêté au sulfure de P. [Réveil].
— de crislaïuCy de limes, voy. ces mots.
Teinturiers employant l'acétate de P.
Tisserands; poussières dues au frottement des fuseaux des métiers à
la Jacquart, voy. Coton.
Toile-Cuir (Ouvriers en) américaine, pour couvrir les voitures d'en-
fante.
Tuiliers^ vernisseurs de tuiles, voy. Carreliers.
Tuyaux à gaz (Poseurs de). Maniement des tuyaux ; soudure des
plombiers, mastic à la céruse; ramollissement et décrassage des vieux
tuyaux encroûtés de mastic par le chauffage sur des fourneaux. [Ma-
nouvriei].
Valises (Ouvriers en) se servant d'un tissu lustré noir « overland-
clofh » plombifere [Johnson].
Vernis (Fabric. de) à la litharge.
Vernisseurs sur métaux; vernis plombique; — de cuirs , de pote-
ries j voy. ces mots.
Verriers 9 voy. Émailleurs.
Vitriers; mastic contenant de la céruse.
Zingueurs; zinc plombifere, souduro plombique.
Colique sèche. — La colique sèche, colique végétale, nerveuse, du
Poitou, du Devonshire, des pays chauds, de Cayenne, du Gabon, du
Surinam, etc., offre, on le sait, au point de vue symptomatique, l'ana-
logie la plus étroite avec le saturnisme. Comme dans celui-ci, il y a
constipation, vomissements, coliques exacerbantes, crampes, subictère ;
dans les cas graves, on note le délire, les convulsions, l'amaurose, le coma
et autres phénomènes encéphalopathiques, parfois suivis de mort ; la
paralysie des extenseurs du poignet, avec les caractères propres à la pa-
ralysie saturnine, a été maintes fois observée.
La colique sèche des pays chauds s'observe, ou plutôt s'observait sur-
tout chez les marins à bord des navires, presque exclusivement des
bateaux à vapeur (Fonssagrivcs, Le Roy de Méricourt). On connaît les
controverses fameuses dont la véritable nature de cette maladie a été
l'objet. Un grand nombre de médecins de marine, Guépratte et Segond
notamment, la considéraient comme une maladie survenant sous l'in-
fluence de conditions climatériqucs spéciales, et surtout des brusques
variations de température. Le professeur Fonssagrivcs, dans ses premières
publications, l'envisageait comme une sorte de maladie miasmatique; il
rapprocha cette affection des névralgies larvées si fréquentes dans les
contrées paludéennes et se mit franchement à la tcte des partisans de la
non-identité de la colique sèche et de la colique de plomb.
Les travaux si remarquables d'Amédée Lefèvre tranchèrent la question
d'une façon décisive. Dans son ouvrage (Recherches sur les causes de la
546 PLOHB. — IHTOXICATION. prophtlaxic.
colique sèche^ Paris, 1859), d'où date une vcritablc révolution dans
l'hygiène des bateaux à vapeur, Leievre montre que, cliniquement, la
colique sèche des marins est identique à la colique saturnine. Ao point
de vue de Tctiologie, il entreprit une enquête qui établit que le plomb,
sous différentes formes, existe à profusion à bord des navires à vapeur.
Il résulte de cette enquête, qu'avant les améliorations qu*elle provo-
qua, «un vaisseau de 90 canons contenait 15,226 kilogr. de plomb,
sous forme de tuyaux, de récipients, de lames servant au revêtement
de certaines soutes, des écoutilles, de la gattc, etc.... qu*à ce plomb
architectural, il faut joindre le plomb de préservation ou d^omement
qui, sous forme de peinture au minium ou à la céruse, recouvre les
bois et le fer de la machine ; le plomb qui sert aux joints et qui, pour
un moteur de 600 chevaux, consomme 860 kilog. de ce métal sou
forme de minium, de litharge, de céruse; le plomb qui est contenu dam
les vases et ustensiles d'étain, dans les ctamages à Tétain impur, etc. »
{Fonssagrives, Hyg. nav., p. 22).
Les travaux d'Amédéc Lefèvre sont, ainsi que le fait remarquer Le Itoy
de Méricourt, un bel exemple de ce que peuvent la perscvéraooe et la
perspicacité scientifiques mises au service de l'hygiène prophylactique. Us
ont entraîné la conviction de tous les médecins compétents, celle de
J. Rochard, de Le Roy de Méricourt, de Fonssagrives lui-même qui dans
ses nouvelles publications, se montre partisan convaincu de Tidentité
du saturnisme et de la colique sèche. Sous l'impulsion des travaux de
Lefèvre, l'administration de la marine a procédé à des réformes profondes,
tendant à réduire au minimum la quantité de plomb employée à bord
des navires de l'État; et depuis l'application de ces mesures, le nombre
des cas de colique signalés dans les rapports des médecins de marine,
s'est singulièrement restreint; ces chiffres apportent aussi une nouvelle
preuve, s'il en était besoin, de la vérité de l'opinion défendue par Lefèvre,
et de la grandeur du service que ce savant a rendu à Thygiènc navale.
Existe-t-il cependant, dans les pays chauds, à Cayenne, aii Sénégal, des
coliques sèches relevant d'iniluences uniquement atmos| ibériques oo
telluriques, sans l'intcivention du saturnisme? C'est là une question
encore litigieuse (Rufz de Lavison, Le Roy de Méricourt). Mais il est cet*
tain que dans l'immense majorité dos cas décrits sous ce nom, il s'agit
simplement d^une intoxication plombique.
C. Circonstances et conditions prédisposantes. — La saison chaude
(Tanquerel), Talcoolisme, l'abus du sel marin comme condiment et,
pour les ouvriers, la malpropreté, favorisent le développement du salw^
nisme.
111. Prophylaxie. — Le plomb, vu sa grande diffusion autour de nous,
sa subtilité insidieuse et sa difficile élimination, est un poison si redou-
table, qu'il faut s'appliquer à en restreindre l'emploi le plus possible.
Chaque fois qu'on réussira à le bannir d'un produit, non-seulement ai ,
préservera ainsi les consommateurs et les fabricants de ce produit, mxA
""•ncore, en fermant par là un des débouchés commerciaux du uictal, oo
PLOMB. — INTOXICATIOK. PROPHTUXIE. 347
dimiouera le nombre des ouvriers exposés au saturnisme pendant son
extraction, son traitement métallurgique et la préparation de ses sels.
n suffit de connaître les falsifications et les altérations des aliments el
des topiques de parfumerie (t. IX, p. 440), par addition volontaire de
prépantions saturnines, et l'abus des médicaments à base de plomb
[t. Xn, p. 746 et suiv.), pour les éviter ou les prohiber.
Le plomb ne doit absolument pas entrer dans la confection des usten-
tiles servant de récipients aux aliments et aux boissons. L'étain fin, ren-
îermant seulement 1 à 2 p. 100 de métaux étrangers, est seul convenable
|M>iir le papier métallique d'enveloppe, et pour Tétamage, qui est aussi
fadle â effectuer que celui à Tétain plombifère, légalement prohibé par
me circulaire ministérielle de 1861 (Girardin, Rivière et Clouet). La
raisselle d'étain à 5 p. 1 00 de plomb, proportion nécessaire pour qu'elle
loit d*ime solidité suffisante, est à peine attaquable par les liquides salés
5l par le vinaigre (Roussin) ; mais les vases en porcelaine et en cristal,
Spais et solides, adoptés pnr l'administration de la guerre, pour les hôpi-
taux de Paris, lui sont encore préférables. Dans les appareils distillatoires
les navires et des pharmacies, la cucurbite peut être en cuivre bien
Hamé, mais les autres pièces seront : le chapiteau tout en étain fin, et le
lerpentin en plomb doublé de ce même étain. Les meilleurs tuyaux de
conduite pour l'eau potable sont ceux en fonte, intérieurement revêtus
l'un enduit vitreux ; le zinc le plus pur possible, en feuilles ou recouvrant
b tôle galvanisée, devrait servir à la confection des petits réservoirs d'eau
le pluie. On ne saurait trop blâmer les pompes en fer, dont les tuyaux
l'afimentation généralement en plomb, sont attaqués avec d'autant plus
i*faergie, que l'accouplement des deux métaux donne naissance à un
eoorant galvanique ; il serait facile aux constructeurs de les remplacer
pnr des tuyaux en fonte analogues aux conduites d'eau, mais revêtu d'un
fladuit vitreux extérieurement aussi bien qu'intérieurement. Constantin
(de Brest) a proposé, pour les poteries communes, des vernis vitreux non
plombifëres : Tun incolore à base de soude et de chaux, l'autre brun et
très-brillant à base de soude et de peroxyde de manganèse. (Wurtz,
Bec. des trav, de com. consult, d'hyg, pubL^ t. V, p. 427). Delloye-
Ihsson (de Bruxelles) emploie un émail non plombifère, dont malheu-
nosement la composition reste secrète (de Freycinet). Des émaux ana-
^œs devraient remplacer les émaux plombifères, surtout pour les
mtensiles culinaires, spécialement les rôtissoires à gaz ; dans leurs autres
applications industrielles, l'intérêt hygiénique des ouvriers les rendrait
prïcieax aussi. La gravure sur verre au moyen de l'électricité, imaginée
|Mr Planté, pourrait é Ire substituée aux procédés actuels de fabrication
dn verre mousseline.
La couche des tailleurs de limes, la roue à l'émeri et les tirets des
lapidaires et des polizïSeurs de camées seront aisément faits d'un métal
intrc que le plomb, en cuivre ou mieux en étain par exemple, li est à
iésirer que les nouveaux caractères d'impriinerie inusables en verre
•paque répondent à l'attente de leur inventeur.
548 PLOMB. — INTOXICATION, prophtlaxr.
L'heureux emploi en peinture de l'oxyde de zinc (Courtois) ei du sul-
fate de baryte au lieu de céruse, réalise déjà un immense pn^iris; on
pourrait y ajouter l'oxyde blanc d'antimoine ; Lcclaire est arrÎTé à ron-
placer dans les huiles siccatives la litharge par le manganèse. En tein-
ture, les couleurs dérivées du goudron de houille, moins nocives que oellei
de plomb, tendent à se généraliser de plus en plus. Signalons encore les
couleurs jaunes à base de cauline, principe retiré de certaines mslvacées
et crucifères, applicables à la teinture des papiers et étoffes (GoUinetii et
Savigny), et les la(|ucs rouges, oranges et jaunes, inoffensives (combuiti-
sons d'éosine et de fluorescine avec le zinc) récemment découvertes par
Turpin, et appliquées à la décoration des jouets en caoutchouc, en place
du minium, de la mine orange et du chromate de plomb. En tous cas,
les simples encollages sont insuffisants à fixer sur les jouets les coo-
leurs de plomb ; celles-ci devront toujours être couvertes d'un boa
vernis à l'alcool, ou mieux d'un vernis gras (Chevallier). Dans Papprét
du coton, le sulfate de baryte a été substitué à la céruse ; pour celui de
l'alpnga anglais, le sulfure de cuivre présente les mêmes avantages que ie
sulfure de plomb ; enfin la combustion du coton des mèches à briquet
serait à peu près aussi bien régularisée par le nitrate de potasse que par
le chromate de plomb.
Dans les opérations industrielles où se manipulent le plomb et ses
préparations, la prophylaxie la plus efficace consistera à substituer, le
plus possible, les machines à la main-d'œuvre.
On amoindrira la dissémination des particules saturnines par les me-
sures suivantes : emploi d'appareils clos, broyeurs à couvercles, tamis
clos, appareils de Corduant pour h fabrication de la céruse, supprimant
le broyage et le blutage ; large intervention d'un liquide approprié, hu-
inectation de la matière première par l'eau, l'huile (broyage de lacémse),
l'eau seconde (avant le grattage des peintures, Chcvreul); pluie intermit-
tente d'eau pulvérisée pour abattre la poussière, au moyen de pommes
d'arrosoir à trous périphériques, comme ceux que nous avons fait in-
staller avec avantage à la voûte des caves à brai d'Anzin ; arrosage do
sol ; maintien d'une température peu élevée, (peinture), et établis-
sement d'une bonne ventilation des ateliers, qui doivent être spacieux ;
aération naturelle, cheminées à hottes pour l'enlèvement des vapeurs,
bonne position de l'ouvrier, qui ne restera jamais sous le courant
d'air chargé de particules toxiques après être passé sur les matières ea
œuvre.
Les divers engins protecteurs, appliqués devant les orifices de la bot
et, en raison de l'absorption cutanée, sur les parties exposées au contad
du poison, peuvent être utiles, chacun dans certains cas spéciaux : vêle-
ments imperméables, voiles, masques, respirateurs, tampons d'ouele
dans les oreilles, contre les poussières et les vapeurs, et gants poif
les peintres. L'importance de l'absorption parla peau légitime lesplai
grands soins de propreté : lavages fréquents et minutieux de la face, do
•touche et des mains, avec une brosse pour les ongles, bains sulh-
PLOMB. — IMTOXICÀTlOlf. TRAITEÎIEIIT. 349
IX et savonneux, changement de vêtement après le travail ; des ves-
ret-lavoirs avec baignoires seront par conséquent installés dans les
nqnes même.
D importe que les ouvriers ne travaillent jamais à jeun, et qu'ils pren-
Dt kurs repas hors de Tatelier ; les aliments gras, tels que le lait,
krû (De Haën, Christison), le sel comme condiment (Melsens), doi-
I entrer pour une large part dans leur régime habituel ( ils use-
i de laxatifs de temps à autre. On s'efforcera de leur faire com-
odre combien les excès alcooliques leur sont préjudiciables. L'usage
tabac à fumer et à chiquer passe pour leur être avantageux (llenckel,
finann).
jea femmes entrant dans la seconde moitié de la grossesse doivent être
lues du travail, jusque six semaines après Taccouchement (Hirt et
tiaheiro).
Sn tous cas, ralternance des ouvriers dans les postes dansfereux sera
omeasement pratiquée, et on leur interdira le travail dès l'apparition
premiers symptômes de saturation.
V. Traitement. — Le traitement de l'intoxication saturnine com-
nd un certain nombre d'indications, dont Tune s'adresse à l'intoxi-
ion chronique elle-même, à la dyscrasic et à la cachexie qu'elle en-
idre; outre cette indication générale, il en est d'autres plus spéciales,
loi les accidents saturnins en particulier, les épiphénomènes aigus ou
oniques : colique, constipation , encéphalopathie, paralysie satur-
er etc.
L Traitement de Vintoxication saturnine chronique en général. —
idîcalion primordiale a pour but d'éliminer le poison ou bien encore,
iminalion étant jugée impossible ou trop lente, de rendre, à Taide
l'administration de certains médicaments, le plomb insoluble, par-
t inoffensif. De là deux méthodes principales, d'une valeur bien dif-
BBle, la méthode par élimination et celle par immobilisation ou, si l'on
II ainsi parler, par insolubilisa tion.
MUkodepar élimination. — C'est la plus rationnelle, celle d'ailleurs
i a'attaque le mieux à l'intoxication ; elle consiste à favoriser l'élimi-
ioo du plomb par les divers émonctoires naturels. Elle vient en aide à
fganisroe qui tend à se débarrasser spontanément des poisons qu'il ren-
ne. Le saturnisme peut, en effet, guérir par les seules ressources
la nature ; Tanquerel des Planches en rapporte un certain nombre
semples.
En tête des moyens de cet ordre se place la méthode évacuante , soit
de, soit associée (surtout pendant les crises de colique) à l'emploi
B sédatifs, des opiacés et de quelques boissons sudorifiques ; c'est
traitement complexe qui forme la base du fameux traitement de la
\ariié^ importé en France par des religieux italiens, en 1602. Il se
mpose de formules très-compliquées, un peu vieillies aujourd'hui,
lis d'une grande efficacité, et que quelques médecins suivent encore à
• lettre.
550 PLOMB. — IMTOXICATIOK. TRAITEHEIIT.
Voici, dans sa Torme actuelle, la composition du traitement dit de la
Charité, d'après Grisolle :
Premier jour. — Eau de catte avec Uê graine (décoctioo de 64 gr. de tamrio
dans 1000 gr. d'eau, ajoutes : ^métique 0»,15). Pour boisson, tiêane mâorifique eimfU
(décoction de gatac). Le matin, un lavement purgatif (infutioa de sén^, 8 gr. pour 509 gr.
d*eaa; aaKate de soude, 70 gr.; élcctuaire diaphœnix, 33 gr.; jalap pulTérisé, 1^. 9 deçà-
grammes). Le soir, lavement anodin (huile de noix, 125 gr.; vin rouge, 314 gr.) ; M emimant
(Ihériaquel gr., opium, 0«.05).
Deuxième jour. — Eau cuite (eau, 500 gr.; émétiqiie, 5«,fô) ; ti$ane eudariflqm mtHpIe ;
lavement purgatif, pour le matin. Le soir, lavement anodin, tkériaque et ofium^ ni aaprè.
Troieième jour: ^ Tisane iudori figue laxative, 2 Terres ( infusion de séné et décoction
de gaïac, parties égale?, 1000 gr.); tisane sudorifique simple; lavement purgatif ; Utetnat
anodin; bol calmant, ut supra.
Quatrième jour, — Potion purgative des peintres, le matin (séné 8gr., infusé dausSSOgr.
d'eau; électuairc diaphœnix et sirop de nerprun, 33 gr., de chaque; jalap en poudre, l gr.
3 déci'^r.) ; tisane sudorifique simple. Le soir, bol de thériaque et opium.
Cinquième jour. — Tiëone sudorifique laxative, 2 Terres : tisaiie sudorifique «ôqrif;
lavement purgatif; le soir, lavement anodin; thériaque et opium.
Sixième jour. — Potion purgative, le matin ; tisane sudorifique simple; lavement jnct-
gatif; lavement anodin; bol calmant.
Septième jour. — Tisane sudorifique laxative; tisane sudorifique êimple; iavewsemt pur^
galif; lavement anodin; bol calmant.
Pendant le traitement de la Charité, les malades sont à la diète ; en général, ou eommeuce à
donner du bouillon le 4* ou le 6* jour; on augmente ensuite graduellemeot.
Nous avons tenu à reproduire cette formule, ne fût-ce qu'à cause de soo
importance historique. On voit que ce traitement satisfait à deux indications
principales : il agit comme purgatif et diaphorétique, dans le but de provo-
quer Télimination du toxi({uc ; d'aulre part, grâce aux préparations opia-
cées qui entrent dans sa composition, il calme les douleurs si vives des co-
liques de plomb.
Les purgatifs salins (sulfates de soude et de magnésie, eau de SedliU)
peuvent également être employés ; mais la plupart des médecins recom-
mandent de préférence les drastiques. Pendant la colique, l*eau-de-vie
allemande à la dose de 30 à 40 gr., associée à une même quantité de
sirop de nerprun, est d*une administration utile (Jaccoud) ; Tanquerel et
Grisolle préconisent, dans les cas de constipation opiniàti-e^ ïhuile de
croton à la dose de 2 à 3 gouttes, en une ou deux pilules ou dans une
cuillerée de tisane. Si Thuile agit comme vomitif, ou si elle ne produit '4
aucun résultat quelques heures après son ingestion, on donnera une
nouvelle pilule d'une goutte. L'usage de ce purgatif sera continuépendaot
deux ou trois jours de suite, même si les coliques ont entièrement cessé; il
suflit alors le plus souvent de donner une demi-goutte le matin, avec od
lavement purgatif administré le soir comme adjuvant. Mais, pour pea
que le soulagement se fasse attendre, mieux vaut « suivre à la lettre k
traitement si efficace de la Charité » (Grisolle). Il ne faut pas craindre»
d'après le même auteur, d'insister sur les purgatifs, surtout sur les dmr
tiques; et Grisolle signale,avec raison, la singulière tolérance que kv
saturnms présentent à cet égard. « Ce n'est pas — fait-il remarquer -
un des points les moins curieux de la colique de plomb, que de voir les
malades qui succombent après avoir pris des doses, souvent considénUes,
PLOMB. *- INTOXICATION. TRAITEMENT. 351
de drastiques, ne présentant néanmoins pas même de la rougeur dans le
tube gastro-intestinal. )»
On a vu la part considérable que prennent les sudonfiques, dans le
Iraitementde la Charité, l^s bains de vapeur el d'étuve, Tadministration
du jaborandi ou de son alcaloïde, la pilocarpine faYoriscnt l'élimination
des molécules de métal. Les expériences d'après lesquelles A. Robin a cru
pouvoir nier l'élimination sudorale du plomb, trop peu nombreuses pour
élre concluantes, sont du reste formellement contredites par ce fait d'ob-
senratioD que des plaques cutanées de sulfure, de plomb se sont montrées
sur des sujets qui avaient absorbé le poison parle tube digestif seulement.
C'est surtout comme diurétique que doit agir l'eau administrée en abon-
dance intus et extra (Martin-Solon, Monneret, Reisland).
La médication par Viodui^e de potassium contre le saturnisme chro-
nique a été introduite dans la pratique par N. Guillot et Melsens en
France, par Parkes et Williamson en Angleterre. Elle répond à une indi-
cation éminemment rationnelle : selon ces auteurs, ce médicament aurait
pour résultat de solubiliser le plomb, qui, sous leur influence, est remis
en circulation et s'élimine d'une façon continue et en plus grande abon-
dance par les urines. 11 y a lieu de croire que ce résultat est dû à une
véritable action chimique par formation d'un sel double dialysable (Guillot
et Melsens), plutôt qu'à une siui|)le surexcitation de la désassimilation
(Gubler et Œttinger). La médication iodurée est tellement efficace qu'elle
nécessite de grandes précautions ; si, en effet, par suite de l'administra-
tion d'une dose massive d'iodure, le plonib en réserve est remis en cir-
culation en trop grande quantité à la fois, il peut en résulter de graves
accidents : coliques, et surtout encéphalopathie ; d'où la nécessité de tou-
jours commencer par de faibles doses.
La dose de 50 centigr. à 1 et rarement 2 gram. nous a toujours
semblé bien suffisante. L'altération profonde du filtre rénal est une contre-
indication formelle de l'iodure. Melsens croit de plus que pour éviter
les iodites et les iodates, qui sont toxiques, il est indispensable de calci-
ner l'iodure avec de la limaille de fer et de le faire dissoudre dans l'eau,
en le maintenant au contact du fer; cette solution ferrée, préparée
d'avance en suffisante quantité, serait ûltrée au fur et à mesure du be-
soin. Ajoutons enfin que ce chimiste conseille d'administrer l'iodure
pur comme condiment avec les aliments.
L'association du bromure à l'iodure de potassium a élé préconisée par
Gubler, surtout, comme nous le verrons plus loin, quand il y a menace
d'accidents encéphalopathiques.
Semmola a imaginé d'appliquer sur les centres nerveux ganglion-
naires un courant électrique continu, qui, activant les échanges nutri-
tifs et par suite la désassimilution, déterminerait l'élimination du plomb
par la voie des excrétions naturelles, surtout par les reins.
Pour nettoyer la peau, nous nous sommes bien trouvé des lotions d'hy-
pochlorite de soude, donnant naissance à un chlorure de |)lomb soluble
dans l'eau (Méhu).
552 PLOMB. — LNTOXICATIOK. TRÂITBIIERT.
Méthode par insolubilisation. — Rendre le plomb insolaUe, par con-
séquent inactif et inoffensir, tel est le but que se propose la méthode dii-
mique de traitement par insolubilisation ou par neutralisation. Cette mé-
thode compte, parmi ses moyens d'action, quelques-uns de ceux dont i|
a déjà été fait mention au paragraphe de la prophylaxie; et en effet le prin-
cipe est le même : neutraliser le plomb à mesure qu*il entre dans l^orgudîsme.
ou neutraliser celui (|ui est entré et qui s'est fixé dans réconomîe.
De temps immémorial le soufre a été employé comme un antidote du
plomb, sous forme de fleurs de soufre ou d*eaux sulfureuses. Rojer
l'administrait sous forme de limonade hydro-sulfurique, espérant fournir
du sulfure de plomb, sans action sur l'organisme; le médecin de laCharilé
n'a pas tardé à en reconnaître l'inutilité et à l'abandonner complètement.
V acide sulfurique a été administré, sous forme de limonade dulfuri-
que, par GendiMn, dans le but de former un sulfate de plomb ineffensûf.
En supposant même que les réactions se passent dans l'économie comme
elles se font in vitro, cette médication ne justifie pas les éloges que lui
décerne Gcndrin ; Natalis Guillot et Melsens ont montré, en effet, que
le sulfate de plomb, loin d'être un composé inerte, est « un poison lent,
mais sûr. » Du reste, il est plus que douteux que l'acide sulfurique
ingéré par la bouche, soit absorbe sous forme d'acide sulfurique, et puisse
aller, dans l'intimité dos tissus, se combiner avec les bases plombiques.
Les bains sulfureux transforment en sulfure de plomb les molécules
plombiques fixées à la surface de la peau, ou éliminées par les couches
superficielles de l'épiderme. Le malade d'ailleurs se trouvera toujours
bien de leur action stimulante générale. Brémond pré.<ente les douches de
vapeur d'eau sulfhydrique comme beaucoup plus efficaces.
D'une façon générale, la méthode par neutralisation, appliquée à la
peau aussi bien qu'au tube digestif, peut rendre des Services, surtout au
début, pourvu qu'on lui associe, d'une part, les lotions et frictions sa-
vonneuses et alcalines, et d'autre part, les purgatifs, afin d'entraîner
mécaniquement le sulfure qui, autrement, pourrait se redissoudre dam
les liquides sudoraux ou digestifs. Mais la méthode par insolubilisa-
tion pro|)rcment dite, par laquelle on cherche à insolubiliser le plooiii
dans la trame même des tissus, est inutile et même dangereuse (Gaîllot
et Melsens) ; car, pour être insoluble, le sulfure et le sulfate de plomb
n'en sont pas moins toxiques. Son seul résultat est de fixer le poison, et
par suite de provoquer le développement de certains accidents chroni-
ques, comme la paralysie ; c'est en effet ce qu*on a observé.
Nous ne ferons que mentionner le traitement par Valun (à la dose àt
8 à 10 gr.), que Montanceix a voulu opposer au traitement de la Charité
(sous le nom de traitement de Saint- Antoine) , et qui n'appartient pln<
qu'à l'histoire des erreurs en thérapeutique.
Tels sont les principaux moyens dont nous disposons pour activer le
mouvement de désassimilation du plomb fixé dans les tissus, ou pour m
neutraliser, dans la mesure du possible, l'action délétère. Mais cette action,
PLOMB IlfTOXlCATlOM CUnO.MQUb. — TRAlTEMEi*ST. 353'
est complexe ; elle aboutit rapidement à la dcnutrition du sujet , à une
Tériiable cachexie, s'accusant par la pâleur des téguments, Tamaigrisse-
ment» Tanorexie, l'albuminurie, la céphalalgie, les vertiges, etc. De là des
indicatioDs qui, quoique ne ressortissant pas à la cause même du mal,
n'en sont pas moins importantes. Les toniques, les préparations martiales,
les amers répareront les globules rouges usés et détruits, rendront à la
fibre musculaire son ressort et combattront l'anorexie et la dyspesie. Les
pratiques hydrothérapiques peuvent aussi être employées avec fruit tant
pour stimuler le système nerveux, que pour activer la circulation languis-
sante des téguments. Gubler préconisait Tusage interne de Topium, non-
seiilemei\t comme propre à endormir les douleurs de la colique, mais
comme stimulant général et médicament vaso-dilatateur.
B. Traitement des ptnncipaux accidents saturnins, — Colique. — Au
début, Télectuaire de miel et fleurs de soufre à parties égales, puis les
purgatifs, en particulier les drastiques (eau-de-vie allemande de 20 à
iOgram. ; séné, 15 à 20 gram. ; huile de croton, 3 gouttes dans Thuile
de riein 15 gram.; lavements purgatifs au séné et au sulfate de soude),
associés.aux opiacés ou à la belladone (Malherbe), et les boissons sudori-
fiques constituent la base du traitement de la colique. Les cataplasmes
laudanlsés sur le ventre, serviront à calmer les douleurs extrêmement
violentes.
Les révulsifs, au dire de Grisolle, sont parfois utiles, surtout la rubé-
faction vive de la peau du ventre, obtenue à Taide d'un sinapisme ou
bien avec du chloroforme.
Briquet recommande la faradisalion de la peau du ventre et des mus-
cles droits de Tabdomcn (à Taidc de pinceau électrique); au bout de deux
à quatre minutes d^application, la colique cesse généralement pour un
temps variable; mais cette pratique est excessivement douloureuse
c plus vive que celle du fer rouge » (Grisolle). « L'électrisation cutanée
— observe judicieusement le même auteur — guérit ici par révulsion ;
eu effet, elle réussit de la même manière que dans les autres névralgies.
Ce qui prouve d'ailleurs que tel est son mode d'action, c'est qu on a pu
guérir des coliques saturnines en portant le courant sur des parties
éloignées, mais très-sensibles, comme les doigts, les orteils, le nez. Cette
méthode a l'inconvénient d'être excessivement douloureuse, au point
que des malades torturés par la colique saturnine, refusent cependant de
s'y soumettre. »
Lorsque ces douleurs sont trop violentes , il est bon de recourir à
lopium, avant d'employer la méthode évacuante (StoU). Dans ce cas, il
faut l'administrer larga manu, à la dose de 10, 15, jusqu'à 40 centigr.
r dans les 24 heures. Parfois, la constipation cède par le fait seul de la
suppression de la douleur.
t Les injections hypodermiques de chlorhydrate de morphine, à la dose
£ d'un centigr., répétées plusieurs fois par jour, constituent un moyen
1 émioemment commode et efficace, et dont l'emploi tend de plus en plus
i^ à se substituera l'administration de l'opium par la bouche. Les anesthé-
• HOBT. 0ICT. VéD. ET CHIR. IJ XVIII »- 2«>
354 PLOMB. — EMPLOI thérapeutique.
siques proprement dits, le chloroforme donné en lavement ou en potioi>
de 50 à 60 gouttes, jusqu'à 10 ou 12 gram. dans les vingt quatre heure?^
(Aran), ou le chloral à la dose de 2 à 4 gram., paraissent d'une efficacité
moindre que l'emploi des opiacés et surtout de la morphine en injec*
tiens sous-cutanées.
Encéphalopathie. — La saignée générale a été, avec raison, abandon-
née dans le traitement des accidents cérébraux du saturnisme; mais les
saignées locales, surtout au moyen de ventouses scarifiées a|^Iiquées à
la nuque, peuvent être utiles. Grisolle se loue, contre le coma, de Tap-
plication d*un large vésicatoire sur toute la surface du cuir chevelu préa-
lablement rasé. Dans les formes convulsives et délirantes, il l'est bien
trouvé des aff usions froides. Dans ces mêmes cas, et spécialement dans
la forme maniaque, le laudanum administré à la dose de 15 à 20 gouttes,
dans un quart de lavement, réussit parfois à calmer l'agitation et à pro-
curer un sommeil tranquille. Le bromure de potassium a été employé aver
succès, par Gubler, contre Tencéphalopathie convulsive ou déÛninte,
à doses élevées (6 à 10 gram.) L'emploi de ce médicament est rationnel,
vu son action dépressive sur la réflectivité des centres nerveux. Rayer
et Tanquerel recommandaient Texpectation pure et simple; mais cette
pratique n'a guère trouvé d'imitateurs.
Paralysies. — Nous traitons la paralysie d*origine directe, ainsi d ail-
leurs que les autres accidents saturnins locaux : à Textérieur, par des
bains sulfureux, suivis de bains alcalins ou savonneux et, plus taré, par
des frictions locales avec la pommade à Tiodure; et à l'intérieur, par le
traitement ioduré, sans préjudice des autres moyens, spécialement 1 élec-
tricité, employés contre la paralysie de cause générale.
Queneau de Mussy regarde le phosphure de zinc, de 1 à 5 et 4
centigr., comme très -actif contre la paralysie et le tremblement. La
strychnine, de 1 à 5 milligr. au plus, a la propriété d'augmenter
le pouvoir excito-moteur du centre spinal, et d'agir plus particuUère-
ment sur les extenseurs du tronc et des membres (Martin-Magron et
Cayrade). Les courants électriques induits sont ceux qui, mettant le
moins enjeu la sensibilité musculaire, constituent le mode de traitemeot
le plus rapide ; ils doivent être appliqués localement de façon à détermi-
ner des sensations douloureuses, et par séances éloignées.
L'application d'un électro-aimant a guéri presque complètement un
saturnin hémiplégique et hémianesthésique (Debove).
L'iodure de potassium intus et extra nous a bien réussi dans les ar-
thralgies tenaces et localisées, tandis que le tremblement passe pour
mieux se modifier sous Tinfluence du bromure.
Emploi thérapeutique. — L'emploi thérapeutique du plomb,
longtemps très répandu, jusque dans le siècle dernier, est, de nos jours,
considérablement restreint et presque exclusivement limité aux appli-
cations externes.
I. Usage interne. — A Tintérieur, on a administré rarement le car-
bonate et l'iodure, et d'ordinaire les acétates, surtout le neutre ($e
PLOMB. — EMPLOI TRKRAPEDTIQnE. 355
de satume), à la dose de 5 à 80 centigr., et même jusqu'à 4 gram. par
jour!
H peut paraître étonnant qu*on ait songé à utiliser la prétendue vertu
sééUâive du plomb contre les névralgies, l'hystérie, Tépilepsie (Ruysch),
la mélancolie (Morgagni), la toux couYulsive (Tachenius) et les névroses
cardiaques (Levrat-Perotton), puisque la plupart de ces affections sont
susceptibles de se développer sous TinQuence de ce métal ; mais celui-ci
nVt-il pas été prescrit pour calmer la colique saturnine elle-même?
Dans la nymphomanie (Lieutaud), la spermatorrhée et les accidents can-
thajridiens, le plomb a dû agir comme anaphrodUiaque.
L'action de ce métal sur le système circulatoire explique ses effets
contre les hémorrhagies du poumon (Léridon, Sirus-Pirondi) et de Tuté-
rua (Reynolds, Shaw et Baker), la dysenterie, Thypertrophie cardiaque
(Brachet), les anévrysmes des grosses artères (Koreff, Dupuytren) et les
diverses inflammations parenchymateuses (Crollius), en particulier la
mélrite (Lisfranc) et la pneumonie aiguë (Strohl, Leudet).
Va leurs propriétés aniicatarrhcUes et astringentes, les préparations
saturnines auraient été administrées avec un certain succès dans les
affectioos suivantes : Turéthrite (Goulard), la blennorrhagie, la blennor-
rhée, (J. llunter, Girtanner, Michaëlis) et la néphrite (Hermann); les
sueun profuses, la diarrhée et le catarrhe bronchique, spécialement des
phfthisîques (Etmûller, Pringle, Jahn, Amelung, Fouquier) et le choléra
(Baudin). On sait que Beau et après luiPidoux, se basant sur le prétendu
antagonisme entre le saturnisme et la phthisie, ont même considéré le
plomb comme un spécifique contre la diathèse tuberculeuse.
Pour être complet, rappelons encore l'emploi du plomb dans la lèpre
et la peste (Galien) et, enfin, les balles de ce métal que les anciens fai-
saient avaler dans l'espoir d'opérer mécaniquement le dénouement de
l'invagination intestinale.
A notre époque, on ne prescrit guère plus l'acétate neutre de plomb
que pour modérer les sueurs coUiquatives des phthisiques (pilules de
1 dèogr. quatre à cinq par jour) ; et pourtant le tannin, l'agaric blanc,
la macération de quinquina gris, voire même le sulfate d'atropine, lui
seraient bien préférables.
Comme d'une part les préparations saturnines administrées à l'inté-
rieur ont souvent occasionné de graves accidents, et que, d'autre part
elles sont inutiles, à cause de leur inefficacité ou de la possibilité de les
remplacer par des succédanés inolfensifs, il y aurait une véritable témé-
rité, indigne de l'art de guérir, à faire ingérer un tel poison à longue
portée et dont Télimination est si difficile.
II. Usage exterbe. — U n'y a pas plus d'un siècle, le plomb entrait
dans la composition de trois ou quatre cérats, de trente sept onguents et
de quatre-vingt-un emplâtres (Murray) ! De nos jours, les topiques à base
de ce métal sont encore journellement employés en chirurgie ; mais la
confection en est considérablement simplifiée et leur application se borne
presque aux affections aiguës. Leur usage externe est d'ailleurs légitimé
356 PLOMB. — EHPLOi thérapeutique.
par les effets du plomb se manifestant non-seulement sur les muqueuses,
les points de la peau dépouillés de leur revêtement épithélîal, sur les
éruptions et les plaies, mais aussi, ainsi que nous Pavons prouvé, à tra-
vers la peau intacte elle-même, jusque sur les parties sous-jacentes ; il y
a alors imprégnation locale, tout à la fois par pénétration interstitielle et
par absorption intra-élémenlaire et intra-vasculaire.
Le plomb est ou a été utilisé à 1* extérieur comme astringent et, par
conséquent, anticatarrhal, antisudorifique , cicatrisant et désinfectant,
comme résolutif et maturatif, calmant et même anaphrodisiaque.
Parmi les préparations saturnines, les plus usitées sont : V extrait de
satume ou sous-acétate de plomb liquide, solution aqueuse concentrée
d'un mélange d*acétate neutre et surtout de sous-acétate et, en particu-
lier, son dérivé, Veau blanche ou de Goulard, résultant de Taddition
d*un cinquantième d'extrait de saturae à de Teau de rivière alcoolisée ;
c'est une solution aqueuse d*acétates basiques et neutre et même d*une
certaine proportion de chlorure, tenant en suspension du carbonate, du
sulfate et un excès de chlorure. Les pommades, onguents, emplâtres et
sparadraps sont constitués par un mélange de savons (oléates, marb-
râtes, stéarates, etc.), d'autres sels (acétates, iodure, tannate) et d'oxydes
de plomb.
L'eau blanche est le topique astringent et résolutif généralement
appliqué, au début, sur les contusions avec ou surtout sans solution de
continuité à la peau, sur les entorses, les luxations réduites, lesténo-
sites et les fractures, soit qu'on en imbibe des compresses, ou qu*on en
arrose des cataplasmes de farine de lin ; elle est souvent alors avantageu-
sement associée à partie égale d'alcool camphré et à une petite proportion
de teinture d'arnica. Les effets directs de Tapplication du plomb, savoir :
l'anémie active locale par contraction des muscles vasculaires, Taffaiblis-
sèment de la vitalité des éléments anatomiqucs et l'analgésie, luttent
avec succès contre la congestion, la suractivité fonctionnelle et la douleur
qui accompagnent l'inflammation. Les brûlures peu étendues sont quel-
quefois aussi traitées, à leur début, par Thuile et le cératsaturné au 1/iO
d'extrait de saturne, ou les compresses d'eau blanche.
Les ulcères chroniques, atoniques, scrofulcux, variqueux ou cardiit-
ques des membres inférieurs, spécialement chez les vieillards et le:»
alcooliques, se dessèchent et se cicatrisent parfois assez rapidement au
contact du plomb : lames de métal (Réveillé-Parise), céruse (Dioscoride),
eau blanche, cérat saturné, tannate en bouillie (Leclerc), glycéroléou
pommade au 1/6 (Yott, Van den Corput), sparadrap diachylon (Boycr)
et emplâtre de Canet. Les lames nous ont réussi contre de tels ulcères,
mais leur emploi a dû être intermittent, afin d'éviter que l'excitalioo
déterminée par elles cessât d'être curative. Quant au sparadrap dia-
chylon, confectionné avec Templàti^e simple, mélange de divers savons
plombiques, nous avons vu dans un hôpital de Paris, son application
en cuirasse sur un ulcère variqueux de la jambe, chez un homine
âgé, déterminer un érysipèle gangreneux mortel; souvent d'ailleurs
PLOMB. — EMPLOI THÉRAPEUTIQUE. 357
cet agglutinatif nous a paru rendre blafardes les parties des plaies en
rapport afec lui.
Comme remède vulgaire, il faut mentionner Tonguent de la Mère, à
base de litbarge, pour hâter la maturation et la suppuration des abcès
froids, bubons, panaris et furoncles; sur ces derniers on applique fré-
quemment aussi une simple rondelle de sparadrap diachylon.
Certaines éruptions cutanées^ telles que les érythèmes des membres
inférieurs œdematiés chez les asystoliques, sont heureusement modifiées
par Feau blanche. L'onguent nutritum, au 1/5 de lilharge, a donné d'ex-
cellents résultats aux anciens médecins des houillères d'Anzin, contre les
éruptions (eczéma et urticaire tubéreuse) spéciales aux mineurs des fosses
à anémie ; dernièrement nous guérissions rapidement par Teau blanche
un eczéma bouiller rebelle du dos de la main chez un mineur. Dans la
mentagre, Bouchardat recommande la crème à Tacétate de plomb au 1/6.
Oo sait enfin que ce dernier sel entre dans la composition de la plupart
des lotions antéphéliques.
L*azotate de plomb, en solution aqueuse au 1/100, a été préconisé
comme désinfectant des plaies ; à ce propos, signalons, pour qu'on puisse
s*eo méfier, l'eau inodore désinfectante de Lcdoyen au 1/91 et le remède
de Liebert contre les gerçures du sein, au 1/60 de ce sel.
En raison de ses puissantes propriétés fondantes, le plomba souvent été
prescrit à l'extérieur contre les tumeurs enflammées, les orchites
(Etmuller, Bell), les cancers douloureux (lames de métal), les tumeurs
de la mamelle (emplâtre au minium, pommade iodurée au 1/10), les
loupes et les anévrysmes des grosses artères (plaque agissant par com-
pression et résolution, compresses d'eau blanche (Uupuytren).
Longtemps on a combattu les névralgies faciales avec l'onguent de
Rhazes au 1/5 de ccruse, et les douleurs des cancers par le contact de
lames de plomb; ce métal a même été appliqué, non sans quelque rai-
son, par les anciens, en ceintures antiaphrodisiaques chez les nympho-
manes (Avicenne, Paracelse).
On ne pourrait trop blâmer l'emploi des topiques saturnins : céiiise
(Dioficoride) et eau blanche, pour supprimer les sueurs profuses des
pieds; aux inconvénients pouvant résulter de la brusque suppression
d'une sécrétion habituelle, viendraient encore s^ajouter les dangers d'une
intoxication dont Moênch a signalé des exemples.
L*acétate de plomb, neutre ou basique, est un puissant résolutif, anti-
catarrhal des muqueuses oculaire, uréthrale et vaginale. H est souvent
employé en injections au 1/100 dans la blennorrnée et surtout au 1/50
contre la leucorrhée chronique; son usage prolongé dans ce dernier cas,
ne serait pas sans inconvénients. On a espéré faire rétrocéder le ptérygion
par des applications d'acétate neutre porphyrisé ; la solution de ce sel au
1/200 constitue un collyre résolutif de la conjonctivite catarrbale. Le
sous -acétate liquide est également prescrit dans cette conjonctivite,
comme astringent à la dose de 5 gouttes pour 100 gram., et résolutif en
solution au 5/100, mais surtout contre les granulations chroni(|ucs, à
358 PLOMB. — EHPLoi THéiuPEnnQDB.
parties égales ayec Teau (Wecker) • Les oculistes font un assez firé^iiient
usage de ces collyres, ne formulant de conlre-indication que pour les cas
compliqués d'ulcérations de la cornée, au niveau desquelles on doit
redouter des taies par tatouage de carbonate de plomb, biea autrement
graves pourtant peuvent être les conséquences de cette médication^ Noos
ayons en effet observé, en avril 1878, un cas de cachexie saturnine avec
vomissements, coliques, léger liséré et mouvements choréiformea dMone
petite fille de sept ans, qu'un des plus célèbres oculistes de la capitale et
un bon spécialiste de province traitaient depuis trois ans et demi par nu
collyre de sous-acétate de plomb liquide pour moitié et des fomentations
oculaires d*eau blanche, pour une conjonctivite granuleuse chronique.
Les premiers accidents toxiques, dont Tapparition remontait à environ dix
mois, étaient ceux localisés aux yeux et au pourtour de Torbite : troubles
étranges de Taccommodation nécessitant des verres convexes, mydriase,
notable diminution de l'acuité visuelle, surtout du côté droit, par névrite
optique à la période congestive, constatée avec Tophthalmoscope, aspect
terne de la cornée, parcsie sensitive des paupières (à la paupière mfé-
rieure les deux pointes isolantes en ivoire de notre sesth^iomètre, dis-
tantes de 7 mm., n'étaient plus perçues que comme une seule), ptosis
des paupières supérieures, manque d'expression de la physionomie,
spasmes convulsifs du nez et de la bouche, tarissement des larmes et de
la sécrétion nasale, céphalalgie etc.. La peau de la région oribitaire, de
ton grisâtre, put être tachée en noir par une solution sulfureuse, en jaune
par une solution d'iodure de potassium ; le fond grisâtre et les taches
ainsi déterminées se nettoyèrent sous l'influence de lotions avec une
solution d hypochlorite de soude (eau additionnée de 1/10 de liqueur
de Labarraque). Ce diagnostic ctiologique fut d'ailleurs confirmé par
notre confrère de province. Aujourd'hui, après la suppression de la mé-
dication saturnine et l'institution d'un traitement par l'iodure de po-
tassium et les bains sulfureux, aidé d'une hygiène convenable, l'enfant,
à peu près complètement guérie, a repris un développement régulier et
a récupéré son jeu de physionomie; sa vue est considérablement amélio-
rée et les lunettes sont devenues désormais inutiles.
Enfin, le plomb métallique, pour lequel l'organisme montre une tolé-
rance si grande que des balles peuvent parfois séjourner longtemps sans
danger dans les tissus, devait tout naturellement servir à la fabrication
des instruments à demeure : bougies, tubes, lentes, pour maintenir les
fistules, perforations et séparations, a|>rès les opérations de rhinoplastie
ou de fistule lacrymale par exemple, et à la confection des fils destinés à
opérer lentement la section des fistules à l'anus (Foubert, Desault) ; l'argent
tend (le plus en plus à lui être substitué dans ces différents cas.
En somme, sans qu'il soit nécessaire de revenir sur les accidents dus
à lusage externe des diverses préparations plombiques, qui se trouvent
relatés à propos de l'étiologie, on peut conclure que, même à l'extérieur,
le plomb doit être employé exclusivement d'une manière temporaire, par
conséquent contre les affections aiguës seulement, à la période initiale
PLOHB. — EMPLOI THÉRAPEOTIQnE. — BIBLIOGRAPHIE. 559
cfesquelles il rend d'incontestables services, avec une certaine réserve
toutefois, lorsque le revêtement épithéliai manque sur une assez grande
sur&ce, ou qu'il s'agit de muqueuses, spécialement de celles de Toeil,
en raison de se8 puissantes propriétés d'absorption et de la grande sus-
ceptibilité de l'important organe qu'elle recouvre.
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d'alliage de ce métal pour la préparation et la conservation des matières alimentiircs solides
nu liquides ; 2* de di^fendre l'usage des tuyaux de plomb pour la conduite des liquides destiné»
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Paris, 1842, t. XIY, art. Plomb. — Guillot et Melsexs, Action Ihérap. de Tiodare èa
(Acad. deê «c, 1849). — Babthei (Fr.), 0e l'action du sous^cétate de plomb en n
intestinales {Actes de la Soc. méd. de$ h&pil, faac. II, 1852, p. 50). — Biav (i. H.),
sat. dans le trait, de la phthisie pnlm. {Gaz hop., 1859, p. 229). — Lbcdet (E.), Da Iraili
de la pneumonie par Tacétate de plomb i haute dose {Bull, de thérap. 1862, t. LXIII, p. S85).— >
Notbrâgel et Rossbacb, Nouveaux éléments de thérapeutique, trad. par Jules Alquer, Parîa,18llL
A. Makovtriez (de Valencienues).
Chimie médico-léfl^e. — Il reste à traiter les questions médico-
légales relatiYes à la recherche chimique du poison plombique, au sein de
matières organiques, animales ou végétales, soit dans les organes (spécia-
lement tube digestif et foie) ou les produits de sécrétion et d'excrétion de
la victime (matières des vomissements, déjections et urine), soit dans les
aliments et les boissons.
Recherche toxigologique. — Les détails consignés sur les propriétés et les
réactions du plomb, les effets toxiques^ les symptômes de f empoisonne'
menty ainsi que sur les signes anaiomo-pathologiques constatés i Tau-
topsie, nous permettront d*ctre très-brefs.
La toxicologie du plomb n'offre pas de difficultés sérieuses, grâce à la
fixité relative du métal, et à ses propriétés tranchées.
L'empoisonnement aigu par le plomb est le cas exceptionnel. Il faut, en
effet, ingérer une dose de poison tellement élevée, et sa saveur, en défini-
tive, est si repoussante, que c'est presque uniquement à la suite de mé-
prise ou d'accident que la mort vient terminer un empoisonnement aign
par le plomb.
L'empoisonnement chronique^ au contraire, est d'une remarquable
fréquence. Ce qui s'explique facilement par les usages domestiques variés
de ce métal, usages déjà indiqués.
La recherche c himique qu'il s'agit d'eflcctuer en pareil cas a surtout en
vue de caractériser le plomb lui-même, sans trop prétendre à préciser la
nature du composé intioduit dans Téconomie. Cette question ne peut se
poser et se résoudre que dans le cas où les recherches préliminaires auront
permis d'isoler un composé plombique insoluble, ou bien lorsqu'on arriie
à séparer, en même temps que le plomb, des corps qui ne se rencontrent
pas normalement dans l'économie, comme l'acide chromique, l'acide
iodhydrique, etc.
Si l'expert assiste à l'autopsie, il veillera à ce qu'il n'y ait pas intro-
duction de parcelles de plomb provenant du cercueil, ou de papiers ploro-
bifères, ou de grains de plomb ingérés avec le gibier par exemple.
Il évitera encore l'emploi, pour sceller ou boucher les flacons, de cire
colorée au minium (la science a enregistré des erreurs de ce genre).
;-
V
PLOMB. — EECHERCHE T0XIC0L06IQUE. 363
De même, pour les flacons qui lui serout remis cachetés avec une cire
suspecte, il examinera au préalable sa composition et s'assurera que la
moindre parcelle n*a pu se mélanger aux produits.
Examen préliminaire. — Après quoi il procédera à l*examen à la
loupe en arrosant les matières d*eau distillée en quantité convenable,
procédant par lévigation, et inspectant soigneusement les dépôts.
Recherche chimique. — On s'occupe de la destruction des matières
(Hrganiques auxquelles la substance toxique se trouve mélangée ou com-
binée.
Les indications de la physiologie et les analogies chimiques guideront
dans le choix de la méthode à employer pour isoler le métal. On sait en
dtet que, comme pour le mercure et pour l'argent, il y a formation dans
Véconomie de sels doubles de plomb et d'albumine, de plomb et de chlo-
rures, etc. Pour la recherche du plomb comme pour celle de l'argent, on
pourra donc se servir :
l*De la méthode par le chlorate et V acide chlorhydrique; 2* de celle
(joi est basée sur V emploi de l'acide azotique; 3^ de la méthode au
moyen de V acide sulfurique; 4** de la méthode par voie sèche ^ au car--
knale de soude; 5* de Vêlectrohjse (proposée par Gusserow), etc., pour
ne parler que des principales.
1* MHhodé par le chlorate et Vacide chlorhydrique. — Millon et
DuOos, les premiers, ont indiqué, en 1838, le principe de la méthode au
cUorale de potasse qui fournit en présence de l'acide chlorhydrique une
loaite de chlore au moyen duquel sont détruites les matières organiques.
Perfectionnée par différents auteurs, l'opération peut s'effectuer ainsi :
h substance, divisée mécaniquement quand il y a lieu, est délayée dans
SB poids d'acide chlorhydrique égal à celui de la matière organique sup-
posée sèche. Quand le composé toxique n'est pas volatil (ce qui est le cas
letoel), il y a avantage à digérer pendant quelques heures au bain-marie
(Abreu). La masse rendue fluide, si besoin est, au moyen d*eau distillée
(on mieux encore des eaux de lavages résultant du traitement mécanique
préliminaire) est introduite dans une capsule ou dans un ballon dont la
eonlenanoe est telle qu'il soit seulement à moitié rempli.
On chauffe au bain-marie, et de temps en temps on ajoute une pincée
^3 grammes environ) de chlorate de potasse. Chaque fois il y a production
^liondante de gaz et la matière mousse fortement. C'est pourquoi il est
néeeseaire d'employer des vases d'une capacité suffisante pour que le
liquide ne déborde pas.
I/alcool, l'amidon, le sucre communiquent aux matières une grande
tendance à mousser. Aussi est-il avantageux de se débarrasser, par une
distillation préalable, de la presque totalité de l'alcool.
A chaque addition de chlorate de potasse la liqueur, sous l'influence du
oblore naissant, se décolore sensiblement, mais elle se fonce de nouveau
4cs que le gaz s'est échappé. A mesure que l'attaque avance, la coloration
de moins en moins sensible et lorsque, un quart d'heure environ après
iddition de chlorate, la liqueur chauffée au bain-marie ne se colore plus
564 PLOMB. — RECHERCHE TOXICOLOGIQUB,
sensiblement et reste simplement jaunâtre, l'opération est considérée
comme terminée.
Parfois il est nécessaire d*ajouter une nouvelle quantité d'acide chlorhj-
drique pour arriver à ce résultat. On évitera cependant un trop grand excès.
Dans ces conditions, l'attaque évidemment n'est pas poussÀB i fond, et
toutes les matières organiques ne sont pas détruites^ nous citeroos en
particulier les graisses, les matières ligneuses, le tissu cellolaire qui
résistent bien. Cependant la désorganisation est assez profonde pour que,
en filtrant la liqueur bouillante, il ne reste sur le filtre que les substances
insolubles mentionnées pins haut. On les lave à nouveau à Feau bouil-
lante, et le résidu est finalement examiné à part pour s'assurer qu'il eit
exempt de plomb.
Le liquide filtré renferme la totalité du chlorure de plomb, soluble i
chaud dans l'eau, et dont la dissolution est encore favorisée par la pré>
sence de l'acide chlorhydrique et des chlorures alcalins.
Quand il y a beaucoup de plomb, le liquide peut cristalliser par simple
refroidissement, ou même par simple addition d'eau qui change la solubi-
lité du chlorure dans l'acide chlorhydrique.
Dans tous les cas, la liqueur plombique est traitée par Thydrogèoe
sulfuré qui dénotera un cent millième ou même un deux cent millième
de plomb. On a vu plus haut les caractères et les particularités de la
précipitation du sulfure de plomb en liqueur chlorhydrique.
2" Par r acide azotique. — Au lieu du chlorate et de l'acide chlorhy-
drique, on peut employer la méthode d'Orfila, et dont la base est la
destruction des matières par l'acide azotique.
Les liquides et les parties solides très-divisécs, sont soumis, dans une
capsule de porcelaine, à une évaporation ménagée, au bain-marie, jusqu'à
réduction en pulpe. On ajoute alors peu à peu, et en agitant sans cesse,
un double volume d'acide azotique concentré, pur, et l'on chauffe pro-
grcssivcmcnt pour obtenir une cbullition lente et continue, qu'on main-
tient plusieurs heures tant qu'il se dégage des vapeurs hypoazotiques. Le
liquide, réduit par év.'iporation en consistance sirupeuse, est étendu de
dix volumes d'eau distillée tiède. Après fillration et lavage du filtre, oa
introduit la liqueur dans un flacon bouché à l'émeri, et on y fait passer un
courant continu d'hydrogène sulfuré pur et lavé, jusqu'à saturation. Le
lendemain, quand le dépôt de sulfure de plomb s'est complètement eRiw- f^
tué, le liquide est décanté au siphon et on lave le précipité sur un filbv
de papier Berzélius pour épuiser les matières solubles. Le liltre est dfi-
séché et divisé par moitié. On chauffe la première moitié dans une cap*
suie de porcelaine, au bain-marie, avec de l'acide azotique coucenb^
pur, jusqu'à disparition de sa couleur noire. Le liquide est étendu de
quelques centimètres cubes d'eau distillée tiède, puis filtré et soigneue
ment évaporé à siccité. Redissous dans quelques gouttes d'eau, le ré«h
doit offrir les caractères du plomb indiqués à la partie chimique de l'artide.
L'autre moitié du filtre, divisée en petits morceaux, est triturée dios
un moHier d'agate avec un peu de carbonate de soude desséché et quel-
PLOMB. — RECHERCHE TOXlCOLOGIQUE. 365
ques gouttes d'eau, de façon à former une pâte ferme que Ton tasse dans
la cavité d*un charbon léger de peuplier on de tilleul. Après que ce m«^
lange a été lentement desséché à la flamme du chalumeau, on projette
d*une manière continue, à sa surface, le dard aigu de la flamme de
réduction (cône intérieur). Le sel plombique se réduit peu à peu ; la petite
masse entre en fusion et s'absorbe dans les pores du charbon, laissant à
nu quelques petits globules brillants épars. Ces globules métalliques,
soigneusement recueillis, sont triturés avec un peu d'eau dans un mortier
d*agate; par décantation on enlève les parcelles de charbon qui pouvaient
âdhâ^, et le métal reste seul, reconnaissable à sa couleur et sa malléa-
bilité, et, après dissolution dans quelques gouttes d'acide azotique, à ses
caractères chimiques.
3* — Par V acide sulfurique — Au lieu d'acide azotique pour détruire
les matières organiques, on pourrait se servir d*acide sulfurique, comme
dans le procédé général ; le sulfate de plomb imprégnant le charbon qui en
îésulterait, serait transformé en carbonate par ébullition avec une solu-
tion de carbonate de soude ou de potasse, puis en azotate soluble par Teau
acidulée d'acide azotique. On traiterait ensuite la liqueur par l'hydrogène
sulfuré, poursuivant les opérations comme dans le procédé précédent.
4* — Parla chaleur^ en présence du carbonate de soude ^ procédé
avantageux pour une petite quantité de matières, en majeure partie
solides. — Lei portions solides, très divisées, sont intimement mélangées
dans un mortier avec la moitié de leur poids de carbonate de soude pur
et sec; ce mélange, préalablement desséché au bain-marie, est introduit
dans un creuset de porcelaine à couvercle, de dimensions telles qu'il ne
soit qu*à moitié rempli. On chauffe alors dans un petit fourneau ou à la
kiDpe deBerzélius, graduellement, afin d'éviter tout boursouOement de
la matière, mais jusqu'à une température suffisante pour fondre le car-
tboate de soude. Dès que ce sel est en fusion tranquille, on laisse tomber
fe ieu, dans la crainte de volatiliser un peu de plomb réduit. Le creuset,
refroidi et essuyé extérieurement avec soin, est placé dans une spacieuse
capsule de porcelaine, contenant de l'eau distillée bouillante. On continue
réballition jusqu'à complète dissolution de la masse vitreuse du creuset,
lequel est mis à sécher a[)rès avoir été lavé à Tintérieur et à l'extérieur,
i l'aide d'une pissette, au dessus de la capsule. Les portions métalliques,
plus lourdes, gagnent le fond et sont séparées des particules charbon-
Beoses et salines en suspension par le repos du liquide et plusieurs décau-
titions et lavages ; on recueille alors facilement les petits grains métalliques
brillants qu'on dessèche sur papier buvard. On y joint les quelques glo-
Imles qui auraient pu rester adhérents à l'intérieur du creuset ; et si les
grains de plomb sont trop petits, on les fond au chalumeau, en présence
du carbonate de soude sec, dans la cavité d'un charbon, afin de les ras-
sembler en un ou deux globules caractéristiques. (Roussin, p. 855).
* 5* Electrolyse. — Dans les liqueurs provenant du traitement au chlo-
Tale de potasse et à Pacide chlorhydrique, au lieu d'employer l'hydrogène
sulfuré pour séparer le plomb, Gusserow a proposé de se servir de l'élec-
366 PLOMB. — RBCHBRCHE TOXICOLOGIQUE.
trolyse qui Tisole à Tétat métallique. On peut opérer au moyen d*un
dialyseur plongeant dans de Feau acidulée à l'acide sulfurique. Deux lames
de platine servent d'électrodes, et la négative est immergée dans la solu-
tion plombique. Le courant est fourni par une pile de quatre él&menls de
Grove. Le dépôt du plomb , sous forme d'enduit gris ou noirâtre, a lieu
lentement sur le pôle négatif, et c'est seulement au bout de douze i
quinze heures que l'opération est terminée.
Sans s'arrêter à discuter la question du plomb normal que les récents
travaux de Barse et Chevallier semblent avoir tranchée dans le s&as de la
négative, il est bien évident par ce qui précède que l'expert chimiste n'aura
guère à se préoccuper de la nature ni de la provenance du composé
ingéré, non plus que de l'intention criminelle ou non qui a présidé i
l'administration du toxique.
Il aura cependant à répondre fréquemment à diverses questions rela-
tives aux circonstances accidentelles qui peuvent avoir produit l'empoi-
sonnement. C'est pourquoi nous dirons quelques mots de l'examen d'une
eau, d'un vin ou d'un vernis, d'un papier plombifère, etc.
Eau. — On essaiera tout d*abord si cette eau, acidulée par l'acide ni-
trique, se colore de suite en présence de l'hydrogène sulfuré. Une pareille
eau est évidemment suspecte. S'il y a assez de métal pour fournir un
précipité de sulfure, on le recueille, et sa nature est facile à reconnaître.
L'essai quantitatif se fait en évaporant une dizaine de litres d'eau addi-
tionnés de 20 gouttes d'acide nitrique, de manière à rapprocher à
200 centimètres cubes. On transvase ensuite dans une petite capsule, ce
qui permet de dessécher la matière, qui brunit ordinairement par suite
de la présence de substances organiques. On les détruit par l'acide azotique
et l'azotate d'ammoniaque. Le résidu blanchâtre renferme le plomb à l'étal
d'azotate ou de sulfate. On reprend par une petite quantité d'eau qui
entraine l'azotate. Le résidu de sulfate, calciné avec de la soude, donnera
un globule métallique reconnaissable à sa malléabilité.
Vin. — Dans le vin on peut aussi parfois mettre le plomb directemeot
en évidence au moyen de l'hydrogène sulfuré. Mais on préfère ordinaire-
ment évaporer à siccité un volume connu de vin, détruire les matières
organiques et terminer l'essai comme précédemment.
Vernis. — Un vernis plombifère, traité par de l'eau acidulée tu ving-
tième environ par l'acide acétique ou nitrique (le mieux est d'opérar au
bain-marie), donnera une solution qu'il suffit d'évaporer à sec pour que
le résidu fournisse toutes les réactions caractéristique!^ du plomb.
L'analyse d'une peinture à base de céruse, d'une tenture colorée parle
plomb (minium, chromate, papiers glacés, moirés, etc.), n'offrirait aucune
difficulté.
A. Gautier a publié une méthode pour déceler des traces de plomb
contenu par exemple dans des légumes de conserve. (Congrès à\
giène, 1878).
Quant au dosage, nous renvoyons à ce qui a été dit plus haut (p. 305),
^
PLOMBIÈRES. 367
Uoe des choses auxquelles on s'attachera principalement consiste à
obtenir une pièce à conviction aussi nette que possible . Lo globule de
plomb malléable constitue évidemment Tune des meilleures; mais le
cUonure cristallisé déposé par refroidissement ou encore le sulfure de
plomb peuvent encore remplir le même objet.
t, Dict de méd. et de ehir,prai. 1835, t. XIII, art. Plomb. — Plomb normal de l'Eco-
Bomia {Comptée rendus de VAcad, des êCy ocl. 1844. Arch, gén, de méd., 4* série, 1844,
U YI, p. .385). — OitnLA, Empoisomiement par les sels de plomb {Bull, de lAcad . de méd.,
Paris, 1838, t. m, p. 161). — Dict, de méd. en 30 vol., Paria, 1842, t. XXV. — Empoisonne-
menl par on eompoeé de plomb. Affaire Pouchon {Annalei d'hygiène publ. et de méd . lég. 1844,
L XXXI, p. 131). — Babsb, Plomb trouvé dans le corps de Thomme {Comptée rendue de VAcad -
iee êciences, tiArch. gén. de médec. 4* série, 1843, t. III, p. 113). — Flandin et Dâxger,
Sur Pempoisonnement par le plomb {Comptée rendue de VAcad. dee èciencee, 1844, et Arch.
$én. de méd., 4* série, 1844, t. lY, p. 236). — Empoisonnement parle plomb. Des expertises
médico-légales dans le.s cas d'empoisonnement (Arch. gén. de méd., 1844, 4* série, t. IV»
p. 238). — T&TLOR (A. S.), Empoisonnement par les sels de plomb {Gutfi Hospital Reportt,
«• série, vol. lY, 1846, Arch. gén. de méd., 4« série, 1848, t. XVI, p. 512). — Chevallier,
(Alph.) et GoTTBREAu, Essais historiques sur les métaux que l'on renconti'e dans les corps orga-
niiés, {Ann. d'hyg. publ. et de médec, lég.,iU9, t. XLIl, p. 124). — Orfo.! (Louis), De l'éli-
mination des poisons, VarU, 1852. — Tatlor, on Poisons in relation to med. Jurispr. Lon-
don 1859. — Bloxam, On the détection of poisons metals by electrolysb [Quart, Journ. of
tke chem. Soc, London april, 1860, n* 49). — Gusskrow, Untarsuchungen Qber Bleivergif-
tang {Arch. fur pathol. Anatomie, Berlin, 1861, Band. XXI, p. 443). — Otto, Instruction
mr la recherche des poisons, traduit par Strohl, Paris 1872. — Boucher, Bech. toxic. du
flonb dans un cas de suspic. d*empois. par les sels de ce métal {Ann. d'hyg. publique,
2* aérie, 1874. t. XLI, p. 161). — Etude sur la présence du plomb dans le syst. nerveux et de
la recherche de ce métal dans les cas d'empoisonnement [Ann. d'hyg. publ. et de méd. lég.,
1875, t. XLV.p. 141). — Bbrgerox (G.), et Lhote, Empoisonnement par le plomb [Comptes
rendue de VAcad. des se, 15 juin 1874) — Darehrero, 29 juin 1874. — Tardieu (Ambr.),
et Aoussix, Etude médico-légale et clinique sur l'empoisonnement, 2* édit. Paris, 1875. —
HofiAXX, Médecine légale, traduit par Emm. Levy avec comment, par Brouardcl, 1880.
L. Pbunieb.
PJLOMBIÈRES. — Plohbièbes (Vosges), à 10 heures de Paris par
le chemin de fer de Mulhouse, à 4 heures de Nancy ; région nord-est de
la France; appartient au groupe vosgien riche en eaux minérales.
Plombières fut un bain gallo-romain important, si Ton en juge par les
restes des travaux de cette époque. Les Romains avaient détourné le cours
du torrent, bétonné la nappe d'eaux minérales, construit une immense
piscine et des étuves dont on a retrouvé les substructions. Les vieilles
traditions, quelquefois interrompues, n'ont jamais été complètement
perdues, et rhistoire de cette station est assez riche en documents tels que
ceux fournis parFuchsius, J. Gonthier, médecin de François I", Dom Cal-
met, etc. Le roi Stanislas, et de nos jours, l'empereur Napoléon III ont
beaucoup contribué à la prospérité de cette contrée, si bien qu'aujour-
d*hui Plombières a oublié les incendies et les tremblements de terre qui
lui ont été autrefois si funestes. Peu de thermes en France ont été Tobjet
d'aussi nombreux travaux dus aux médecins, aux géologues, aux ingé-
nieurs {Voy. plus bas les indications bibliographiques).
La situation actuelle de Plombières lui donne un rang très honorable
parmi les bains français. Il ne compte pas plus de 2000 baigneurs par
saison; mais la haute société n'en a jamais désappris le chemin.
L'Etat, propriétaire, en à donné la ferme à une compagnie.
368 PLOMBIÈRES. — climat. — géologie.
La ville, proprement bâiiey est resserrée par la configuration de hi Tallée.
La rlie centrale, rue Stanislas, en suit le cours et descend de l'église au bain
romain. Quelques chalets perchés sur les hauteurs ornent le paysage, le
Parc est animé tous les jours par la musique ; le Casino fournit les distrac-
tions du soir; les salons des hôtels lui font concurrence sous ce rapport.
La région des Vosges est assez connue des touristes pour qu'il soit inu-
tile d'insister sur les excursions nombreuses offertes aux hôtes de Plom-
bières. Quatre routes s^en détachent : celle d^AilleyiUiers à Touest, celle
de Remiremont à l'est, celle d'Epinal vers le nord, de Luxeuil vers le
sud. Nous mentionnerons, entre autres buts de promenade, la fontaine
Stanislas perdue au milieu d'épaisses forêts, le val d'Ajol, Hérival, Bains
et Luxeuil, Remiremont et le lac de Gérardmer. Les chevaux et les voi-
tures ne font point défaut.
Climat — Plombières est à 450 m. au-dessus de la mer, 50 m. plus
élevé que Remiremont (mes mesures ne m*ont fourni que 50 m. de diffé-
rence en prenant le niveau des grands hôtels qui est au bas de la ville).
D'une fenêtre nord, si Ton pointe la lunette vers le clocher de l'Oise,
on voit que la direction de la vallée est N. E.-S. 0. La ville est dans une
gorge profonde, comme Wildbad en Wurtemberg; c'est le sort des eaux
chaudes en général ; cependant Luxeuil est plus ouvert. Cette situation a
le double inconvénient d'une forte chaleur les jours de grand soleil et
d'une certaine tristesse les jours de pluie. Si les journées sont chaudes,
les matinées et les soirées apportent de la fraîcheur et le contraste en est
quelquefois saisissant. La température varie également d'une façon tran-
chée, après un orage (de 30^ c. à 15^ par exemple.) Avis aux rhumatisants
qni doivent prendre des précautions. Pour jouir de l'air vif et pur de II
montagne, il suffit de gravir les pentes voisines en s'élevant de quelques
centaines de pieds.
Les observations météorologiques font défaut; les tables de Lhéritier,
relatives à la température, ont été constmites dans un but de comparai-
son avec celle des sources et les résultats, chiffrés une seule fois par jour,
sont insuffisants. Quant au baromètre il est en général au variable, ce qui
s'explique par un assez grand nombre de jours pluvieux, même dans les
beaux mois. La moyenne des sources froides, 8-10^ c. doit représenter la
moyenne annuelle de température, plus basse que celle du bassin pari-
sien où les hivers sont moins rudes et moins longs.
Géologie. — Les observations des géologues sont, au contraire,
nombreuses et précises. Consulter les cartes de Uogard et de Rilly, 1848
et 49, très développées.
A l'ouest de la masse granitique des Vosges est un vaste plateau de
grès bigarre que Ton traverse en partant de Plombières pour aller à Baiw
ou à Luxeuil. J'ai vu sur ces routes plusieurs carrières en exploitatioo.
Des vallées entaillées dans ce plateau courent parallèlement de N. E. a
S. 0., telles que la vallée de l'Augronne qui nous occupe, la vallée du
Coney avec le Baignerot pour affluent (sources de Bains), la vallée de la
Semeuse (source de la Chaudeau), la vallée du Breuchin (sources de
PLOMBIÈRKS. — SOURCES. 369
Luxeail.) Toutes ces vallées ont pour caractères communs d'être recli-
lignes, abruptes, avec pointements granitiques qui donnent naissance à
des eaux thermales. Des Failles, dans le même sens, coupent ensuite le
département de la Haute-Saône.
La vallée de TAugronne doit nous occuper spécialement; sur la route
de la fontaine Stanislas se voient des amas de rochers (en langue du pays
dits Meurgers), blocs de grès bigarré des hauteurs, et de poudingues
ijuartzeux durs représentant le grès vosgien. Le fond de la vallée laisse à
no le granité porphyroïde qui se continue assez loin vers Aillevillers,
tandis qu'en remontant vers Remiremont il y a du granité à grains fins.
Le granité porphyroïde offre de gros cristaux de feldspath rose et des
points noirs de hornblende.
Les sources émergent de ce granité sur une longueur d'environ 200
mètres : les plus chaudes, du thalweg ; les tempérées, au-dessus. Elles sont
m rapport avec les filons de quartz, de spath fluor et de barytine coupant
k granité. Les sources savonneuses jaillissent des parois de ces filons. Les
lources actuelles contiennent encore des traces de fluorures, mais les
Ktians chimiques actuelles ne sont pas à comparer à celles d'une autre
époque géologique, dont on a pour témoins et les filons et les imprégna-
tions da terrain supérieur (grès vosgien et grès bigarré). Le régime des
caax change par les grandes commotions du sol ; les tremblements de
ten% peuvent nous le faire comprendre; celui de 1682 a rendu chaude
ane source froide de Plombières. Daubrée ne s'est pas contenté de
Térifier, à Plombières, la théorie d'Élie de Beaumont sur les relations des
sources thermales avec les filons ; il a encore montre comment ces eaux
ootproduity au moyen de leurs silicates, des zéolithes dans le béton romain
(a^phyllite, chabasie, harmotôme), faits comparables aux formations épigé-
vétiques des roches trappéennes. Ce travail de l'eau thermale, offrant une
date certaine puisqu'on connaît à peu près l'âge du béton, a fourni à la
géologie des faits nouveaux et pleins d'intérêt. Nous ne parlons que pour
mémoire des pyrites cuivreuses formées sur le robinet de bronze romain.
Sources. — Les travaux de captage de Tingénieur Jutier ont donné
aux sources de Plombières une fixité qui en rend l'étude plus netfe. Ces
4ra?aux longs et difficiles, 1856-1861, et la belle disposition de l'aqueduc
do Thalweg ont dévoilé bien des mystères des eaux souterraines. Les
sources anciennes les plus chaudes ont été retrouvées; au moment de la
découverte, le robinet romain montait de 73 à 74^; il est descendu à 71
et 70; en 1875, j'ai noté 72. On trouvera, dans le grand travail de
Jutier et Jules Lefort, de nombreux tableaux sur la température et le
débit des sources. 27 sources régulières donnent au delà de 700 mètres
oubes en 24 heures.
Si l'on jette un coup d'oeil rapide sur les anciennes analyses de Nicolas
et Vauquelin, sur celles deO. Henry et Lhéritier, 1855, de Lefort, 1860,
i onWit que les diverses sources ne forment qu'un ensemble, au point de
<^ tue chimique. Leur faible minéralisation est indiquée par la densité
IM ipassaat, de quelqeus dixièmes, celle de l'eau pure. Jules Lefort n'a pas
l !K)OT. OICT. HiD. ET CHIR. XXVHI — 24
370 PLOMBIÈRES. — sources.
trouvé de réaction alcaline; j'ai vu la source des Dames bleuir légère-
ment le papier. La proportion de gaz est peu considérable avec prédomi-
nance d'azote, sans intérêt.
Les deux analyses modernes ne diffèrent qu'en un point. Ossian Henry
et Lhéritier considèrent les carbonates comme résultant de la transfor-
mation des silicates, pendant Tévaporation ; en conséquence , ils ne por-
tent pas de carbonates dans leur analyse hypothétique.
Les principaux éléments signalés parLefort sont: silicates 0,10; sulfate
de soude 0,10; bicarbonates 0,05 ; avec des traces d'arsenic. Minéralist-
tion totale 0,50. Il parait qu'on a trouvé le même chiflre il y a 450 ans.
La matière onctueuse, dite savon minéral, serait du silicate d'alumine.
Les chimistes et les hydrologues ont été assez embarrassés pour classor
ces eaux : l'Annuaire en avait fait des bicarbonatées; à ce compte, il fau-
drait nommer ainsi toutes les eaux communes. Les auteurs du Diction-
naire ont dit sulfatées sodiques, non sans hésitation et sans réserves,
ayant le sentiment du peu de valeur des 10 centigrammes de sel de Glau-
ber. Lhéritier les intitule silicatées et arsenicales. Or, jusqu'ici personne
n'a démontré que 10 à 12 centigrammes de silicates alcalins soient de
quelque usage dans un litre d'eau minérale. Bains et Luxeuil pourraient
se présenter avec le même titre, et les eaux d'Auvergne renferment
souvent deux fois plus de silice. L'expérience de Lhéritier, qui dit
avoir obtenu des silicates en traitant par l'eau chaude le granit pulvérisé,
n'a pas un intérêt très-grand. Des échantillons de ce granité ne m'ont
donné que de la matière organique par l'eau distillée bouillante. Quant
à l'arsenic, il n'y en a que des traces et, comme bon nombre d'eaux ont
fourni des traces de ce métalloïde, je ne vois pas de raison particulière
de dénommer celles-ci arsenicales, pas plus que silicatées. Le résidu
fixe ne dépassant pas le tiers d'un gramme, elles sont moins minérali-
sées que beaucoup d'eaux potables et n'ont plus que leur thermalité pour
les distinguer. En conséquence, elles appartiennent à la classe des eaux
thermales simples, vieille dénomination encore préférable à toutes les
autres. Hâtons-nous de dire que les eaux thermales simples donnent peut-
être aux médecins hydrologues les plus brillants résultats.
L'étude de l'administration des eaux va nous conduire à quelques
détails sur les sources les plus importantes. On les emploie en boinon, eo
bains, en douches, étuves, etc., et il est juste de reconnaître que les
applications sont aussi bien faites que Variées. On fait boire les sourcei
chaudes des Dames et du Crucifix, et la source froide ferrugineuse, ht
buvette de la source des Dames est un peu trop primitive, sans abri m
temps de pluie. Sa température est assez stable, 51 à 52''C; c'est la phi
facile à digérer ; son débit, au robinet, m'a paru de 25 à 30 M.C. pv
24 heures. — La buvette du Crucifix est sous des arcades qui abritêot
suffisamment les malades. Sa température parait moins fixe, 48-49
(Lhéritier), 45 (Jutier), 45 (Leclère). J'ai trouvé, au robinet, 46 «
1875 et 1877. J'ai estimé son débit à 12 ou 15 M. C. en 24 heures, in
robinet voisin coule la source savonneuse, qui a varié de 2 degrés de
PLOMBIÈRES. — BAiKs. 371
1873 à 1877, époques où j'ai mesuré. La source ferrugineuse ne coule
plus à côté.
Celte source ferrugineuse yient de la partie supérieure de la ville (pro-
menade des Dames) ; elle a de 11 à 12®, dépassant ainsi la moyenne du
lien ; elle renferme environ 1 1/2 centig. de bicarbonate de fer très-insta-
ble. On la boit à table dans des carafes. Elle n'a pas la valeur qu'on a
voulu lui attribuer.
n est facile de s'apercevoir que le nombre des buveurs, à Plombières,
est fort restreint. Plusieurs d'entre eux envoient chercher l'eau et ne
paraissent pomt aux buvettes.
Bairs. — Le bain est la médication principale ; il est facile d'en juger
par le nombre et la fréquentation des établissements : plusieurs sont d'an-
cienne date. Nous allons les suivre du haut en bas de la ville.
Bmndes Dafhes. — Reconstruit avec 14 cabinets bien éclairés, petits,
itt-dessous est le bain des pauvres ; deux petites piscines rondes, 34 à
35*C; cpielques baignoires autour. L'hôpital, derrière l'église, logeant une
centaine de malades.
Bain Romain. — Sur l'emplacement des anciens thermes et de la
grande piscine ; sans apparence extérieure à cause de son enfoncement
dans le sol; à l'intérieur, architecture italienne de bon goût; 24 cabi-
aets n'ayant qu'un cube d'air de 12 mètres, un peu sombres, on a
Fitsage de laisser la porte ouverte en se baignant. Bains de 34 à 38^. La
amrce, très-abondante, approche de 60® C.
Bain tempéré, — Voûtes à plein cintre ; 4 piscines en marbre ,
nodes, occupant un carré de 6 mètres de côté ; températui'c 33 à 35^ ;
8S baignoires aux deux étages.
Bain des Capucins. — Construction ancienne à caractère ; piscine
divisée en dieux^ sections, l'une à 37^, l'autre à 40®, où l'on ne fait que
paaaer. Là se trouve la fameuse source des Capucins, avec un siège pour
les dames qui en reçoivent les vapeurs. J'ai trouvé dans le trou 45®; mais,
au griffon, il y a au moins 50®.
Bain national. — 4 belles piscines en marbre des Vosges; 35 à 36®;
me quarantaine de cabinets trop petits. Source d'Enfer 50 à 60®. A côté
SainM des Princes; 2 grandes baignoires.
Bain Napoléon. — Beau monument ; les deux ailes pour l'hôtel écra-
' mtsDX on peu le centre. Vaste couloir ayant plus de 50 mètres de long;
!; escalier grandiose; 52 cabinets contenant 60 baignoires, les cabinets
Y d*en bas avec un vestiaire. Ces cabinets, offrant un cube d'air de 20 à 25
i, sont les plus grands et les plus commodes. Sur 4 piscines on en a
if^riroé 2. Le sous-sol et le second étage restent sans emploi. Hydro-
complète : douches tivoli, écossaises, ascendantes, etc., alimen-
par des sources froides. Les sources chaudes sont emmagasinées dans
BU réservoir sur la colline voisine et dans la partie supérieure du bâti-
Tfient. Le refroidissement s'opère au moyen d'un serpentin qui traverse ia
fffière.
On compte en tout 160 cabinets de bains et près de 180 baignoires ;
572 PLOMBILUKS. — effets des eadx. — i>dications.
une dou/ainc de piscines, petites, mais bien établies. Presque toutes les
maisons ont des douches varices ; les douches ascendantes sont organi-
sées à souhait. Ajoutez à cela les anciennes étuvcs romaines rétablies par
les soins de M. Jutier, avec masseur et masseuses, les étuves d*cnfer, et
vous aurez une idée des ressources balnéaires de cette station intéres-
sante. Les étuves laissent encore à désirer; ce sont des vapeurs d'eai
chaude naturelle élevant de 40 à 45^ la température du milieu. On coo«
serve encore ici l'habitude des bains prolongés pendant 1 à 2 heures et
plus; autrefois ils Tétaient davantage. Les maisons de bains rc&teot
ouvertes de 5 heures du matin à 7 heures du soir.
Effets des eaux. — Ces eaux pioduisent sur Torganisme sain ou malade
des eflets puissants, dus au liquide lui-même, avant tout à la façon de
l'administrer.
Suivant quelques médecins, Liétard entre autres , la boisson aurait pea
d'importance ; manière de voir en désaccord avec la théorie de Lhéritier
sur l'arsenic, puisqu'il suppose h cet agent, même à l'état de traces, une
action altérante sur le système nerveux. Hutin a fait de nombreuses expé-
riences sur les effets du bain. Ses résultats sont conformes à ce qui a ëè
observé sur les bains froids, tempérés et chauds. J'ai constaté, sur moi-
même, le sentiment de bien-être éprouvé au sortir du bain et l'absence
de la fatigue ressentie après un bain d'eau commune de même chalenr.
La stimulation exagérée et l'agitation nerveuse sont dues, le plus sou-
vent, à des immersions trop longues, trop fréquentes, trop chaudes. la
direction du médecin est donc indispensable pour toutes ces nuances.
D'une manière générale, disons que le traitement est à la fois tonique et
sédatif, et qu'il relève les fonctions du tube intestinal avec une certaine
tendance à la constipation. . j
Indications. — Le rhumatisme, d'une part, les maladies du système
nerveux et du tube digestif de l'autre, représentent le fond de la clini-
que thermale en question.
Le travail de Lhéritier, sur le rhumatisme chronique, est appuyé d'une
cinquantaine d'observations variées. Me permettrai-je d'avancer que lei
indications n'y sont pas assez nettes? Le mémoire de Leclère nous fait
entrer plus avant dans la médication thermale. Elle convient aux rhuma- [^
tismes subaigus ou chroniques musculaires, articulaires et surtout fis-
céraux, mais à la condition que la forme névropathique domine, qu'il j
ait plus de phénomènes douloureux que de lésions de tissu. Elle defiei \^
un agent puissant pour Tapaisement des crises douloureuses, un véritifaie
sédatif. Les étuves et l'hydrothérapie froide sont des adjuvants préeieiu.
Le nom de bain des goutteux, donné aux Capucins, montre que cesdtf* {-=
niers ont aussi quelque chose à gagner aux eaux de Plombières. ! -.
Les maladies du système nerveux se rencontrent en assez grmi s^ ^
nombre ; des hystéries, '{uelques chorées, des névralgies rhumatisnub g^
ou non, des paralysies de beaucoup d'espèces comme nous le monirek
mémoire étendu de Lhéritier. Il est à remarquer, tout d'abord, quel»
succès sont relatifs à des aficctions d'origine rhumatismale ; un cbs iù
PLOMBIÈRES. - INDIC4TI0NS. 377»
guérison d'une anesthésie de la partie inférieure du corps, duc au froid et
datant de deux ans, mérite de fixer notre attention. Deux cas de guérison
de paraplégie rhumatismale sont dus à Martinet. Dans les paralysies
dépendante» d'une lésion probable ou constatée, ces guérisons complètes
ne se montrent plus. Les hémiplégies disparaissant en quelques semaines,
lorsque le traitement thermal suit de près l'accident, soulèvent toujours la
question de l'influence attribuable à la marche naturelle des choses dans
les foyers apoplectiques. Les névralgies avec névrites demandent des mé-
nagements particuliers.
La réputation de Plombières est parfaitement établie dans les maladies
du système abdominal, non-seulement par les nombreux écrits des mé-
decins, mais aussi par le courant des anciens clients qui vont répandant
autour d'eux les vertus des sources bienfaisantes. Le fait est connu,
accepté, non discuté, mais les indications ne sont pas encore tracées avec
une netteté suffisante.
La gastralgie, qui est pourtant à la fois une maladie de l'estomac et une
névrose, double recommandation pour Plombières, nous offre un exemple
de cette hésitation. Dans une note sur ce point (Annales d'hydrologie^
t XI), Lhéritier, qui trouve le travail de Liétard peu concluant, ne con-
dut pas lur-méme. Je suis loin de blâmer l'esprit de réserve chez un
praticien qui a beaucoup vu et qui doute. Les médecins de Plombières no
sont pas désarmés contre la gastralgie. La gastro-entéralgie douloureuse
knr a procuré de nombreux succès. La boisson vient ici en aide aux bains.
Consulter à ce sujet le mémoire de Bottentuit sur les dyspepsies flatulentes
i forme douloureuse (Annales, t. XVI).
Les diarrhées chroniques, désignées sous le nom de catarrhes ou d'en-
Imtes, suivant leurs symptômes et en même temps suivant le système de
nomenclature, sont peut-être les maladies dominantes à Plombières ; j'ai
eonou, pour ma part, un grand nombre de ces maladies que la thérapeu-
tique avait peu soulagés et qui étaient très-satisfaits de cette cure ther-
male. En présence de ces données, on s'étonne de trouver un mémoire
du D' Leclère sur le traitement de la constipation (Annales d'hydrologie
t. XVI). 11 prescrit l'eau des Dames en boisson à la dose de 1/2 verre à
S verres; des bains tièdes de 32 à 54^; des douches tivoli sur l'abdomen,
des douches ascendantes, etc. 11 pense, en agissant de cette façon, régler
l'innervation abdominale et en même temps, la défécation. Il est vrai
que b constipation, aussi bien que la diarrhée, ne sont pas toujours
des maladies, mais des états dépendant d'un équilibre instable de
■ rinnenration du grand sympathique.
Un certain nombre de dyspepsies stomacales ou intestinales avec irré-
gularité des fonctions, diarrhées, phénomènes douloureux névralgiques,
ont été signalées comme relevant du traitement de Plombières, lors(|ue le
rhumatisme ou la goutte en étaient le principe. C'est là un point délicat,
0iais intéressant, de l'application de l'agent thermal.
\^ Les maladies des femmes ne sont pas rares à Plombières; elles sont
înlimement liées aux états névropntlii(|ucs; aussi les névroses utérines
374 PNEUMATOSE.
fournissent les meilleurs résultats. Les bains tempérés, suffisamment pro-
longés, agissent comme sédatifs^ La sédation s'exerce également sur Tétat
douloureux dépendant d'un catarrhe et même d^un oogorgement. La
douche de Tapeur des capucins, ayant pour résultat immédiat de conges-
tionner les organes génitaux, doit être prescrite et maniée avec pradenoe
bien qu'elle ne présente pas les mêmes dangers que le jet de la Btibefh
quelle à Ems. Par ce bain de Tapeur local il est possible de réTeiUer
l'inertie de la fonction menstruelle et de ramener les régies. Le D' Bot-
tentuit m'a assuré qu'il avait constaté le fait de la congestion de l'a-
térus se traduisant par une augmentation notable de volume dans l'organe.
La même douche est un bon moyen de rappeler le flux hémorrhoidal, s'il
y a nécessité de le faire. Je ne dis rien de la question de stérilité que \m
médecins actuels comprennent dans son sens véritable.
Plombières est donc un bain de premier ordre par l'abondance de ses
eaux thermales, par ses vieilles traditions, par sa bonne installation.
C'est une eau thermale simple comme Néris, comme Wildbad, Tepliti o«
Ragatz. Elle participe à l'action commune des eaux de montagne i h
fois toniques et sédatives. Ces rapprochements nous conduisent à corn-
dérer les eaux à un point de vue plus large et plus philosophique, et i ne
pas tomber dans les petites théories chimiques qui veulent tout expliquer
par quelques centigrammes de silice, matière inerte par excellence, oo
par des traces d'arsenic. Il est un raisonnement bien simple à opposer i
ces théories ; beaucoup d'eaux thermales ont les vertus de Plombières
sans renfermer d'arsenic et beaucoup d'autres renferment de -rarseoic
sans avoir les vertus de Plombières.
Lbéritieii, Du rhumatisme et de son traitement par les eaux de Plombières, i853. — Dei pin*
lysies et de leur traitement par les eaux de Plombières, 1854.
Hkiiey, Lii<ritibii, Hydrologie de Plombières, 1855.
DAUBBii, Mémoire sur la relation des sources thermales de Plombières avec les filous inétalli-
fères {Annalei des mines ^ 1858, 5* série, t. XIII).
Verjon, Maladies chroniques des voies digestives. — Clinique de l'hôpital de Plombières, 1869.
Lbcl^re, Des eaux de Plombières dans les maladies chroniques du tube digestif, 1809. — Di
rhumatisme et de ses manifestations diathétiques par les eaux de Plombières, 1875.
BoTTEirruiT, Guide des baigneurs aux eaux de Plombières, 1873.
Jdtikr et LcpoRT, Étude sur les eaux de Plombières {Annales d'hydrologie, t. VU, 1860, el
tirage â part).
Labat«
PrVEOniÈTRE. Voy, Respiration.
PNEUMATOSE. — Pris dans son acception la plus large, le temoe
de pneumatese s'applique à tout état morbide produit, par la présence de
gaz ou d'air atmosphérique, soit dans des parties qui, normalement, m
doivent point en contenir, soit dans des cavités qui, à l'état physiologique,
n'en renferment qu'une quantité limitée. On devine aisément toote J
rétendue de cette classe de maladies, qui ne tendrait à rien moins qu'à
englober la pathologie entière, si réellement nous devions réserver le
nom de maladies à ces troubles divers, qui résultent en effet de Tappa-
rition de gaz dans quelques points de l'économie, mais qui sont loin Je
»■
PNEUMATOSE. 375
présenter, et la même importance, et surtout la même gravité. Aux yeux
des auteurs du siècle dernier, un grand nombre de nos maladies û*ou-
Tait sa cause dans ces fluides anormaux ou anormalement distribués. Les
ouvrages de «pneumato-pathologie», les traités « des maladies venteuses d
écrits sous rinspiration de ces idées, en sont le meilleur vestige, et si
la médecine moderne a fait justice de ces exagérations, elles n'en ont
pas moins survécu en partie dans les croyances populaires.
Nous savons aujourd'hui que cette accumulation insolite' de fluides
élastiques n*est jamais un fait spontané, mais dérive elle-même d'un
état moii)ide antérieur, ou d'une cause accidentelle. Ainsi envisagé, le
nom de pneumatose ne désigne plus qu'un symptôme, mais un symptôme
essentiellement variable quant à ses manifestations extérieures, et surtout
d'une importance très-diverse. Tantôt simple épiphénomène, pouvant
passer presque inaperçu, il domine ailleurs toute la scène morbide, au
point de constituer presque toute la maladie. Une description générale ne
peut donc être donnée, et nous sommes forcés de passer succinctement
en revue les pneumatoses des principaux appareils. Il va de soi que cet
aperçu devra être tout à fait sommaire : on trouvera dans les autres parties
de ce Dictionnaire, à l'article consacré spécialement à chaque organe,
une étude plus complète de quelques points de la question. (Voir les ar-
ticles Dyspepsie, Emphysème, Estomac, Intestins, Tybipanitb.)
Les pneumatoses peuvent être divisées en spontanées et traumatiques,
qu'on a encore appelées essentielles ou symptomatiques. Pour les pre-
mières, il s'agit presque toujours d'une véritable sécrétion ou exhalation
de gaz ; les autres trouvent leur explication habituelle dans la pénétration
de Tair atmosphérique à travers une plaie.
Cette variété d'origine, qui est vraie dans la grande majorité des faits, ne
saurait cependant être généralisée d'une façon absolue. Certaines pneu-
matoses qui s'observent après des traumatismes violents, peuvent exister
indépendamment de toute plaie. D'ailleurs, tout ce qui se rapporte au
mécanisme intime de la production des gaz, est encore entouré pour
certains cas d'une grande obscurité : il en est de même de la composition
chimique de ces gaz, sur la nature desquels nous sommes loin d'être
6xés.
Dans les pneumatoses traumatiques, c'est presque toujours de l'air
atmosphérique à peu près pur, que l'on a trouvé infiltré dans les tissus, à
moins que ces tissus n'aient subi eux-mêmes quelque altération. Dans les
pneumatoses spontanées/ au contraire, l'air a subi quelques modifications,
Toxygène a généralement diminué, Tazote et l'hydrogène peuvent être
augmentés, et l'on trouve des fluides nouveaux, tels que de l'acide car-
bonique, de rhydrogène carboné, ou de l'hydrogène sulfuré, facilement
reconnaissable à son odeur.
Pneumatose de Vappareil cutané. — La présence de l'air dans le
tissu cellulaire sous-cutané, autrement dit l'emphysème traumatique, mé-
riterait de nous arrêter longuement, si cette question n'avait été l'objet
d'une étude approfondie dans un article précédent (Voir Emphysème). Ce
376 PNEUMATOSE.
que nous devons noter cependant, c'est que rinfiltration aérienne qui
suit un grand traumatisme, n'est pas toujours le résultat d^une eniraction
à la peau. Quel en est le mécanisme dans ces circonstances? Jusqu'ici oo
a formulé beaucoup d'hypothèses, mais une démonstration éTidente reste
encore à donner. On a invoqué la perturbation nerveuse» la sidération
profonde de Téronomie, la stupeur organique, etc., mais on est loin
d'avoir résolu le problème.
A côté de ces emphysèmes traumatiques, eu quelque sorte spontanés,
on peut ranger l'emphysème qui suit la pénétration de cerlains yinis ou
venins, l'emphysème de la gangrène : ici Tinterprétation du phénomène
ne saurait être douteuse, les altérations physiques et chimiques des tissus
en rendent suflisamment compte.
Pneumatose de Vappareil respiratoire, — Le rôle de l'appareil res-
piratoire où l'air extérieur est en rapport constant avec des tissus Gne-
ment organisés, pouvait faire préjuger de la possibilité de certaines
lésions, liées à ce conflit incessant. Elles existent en effet, mais nous
n*avons à nous occuper ici que de celle, généralement connue depuis
Laënnec, sous le nom d'emphysème interlobulaire.
11 s'agit ici d'une véritable lésion traumatiquc : l'emphysème interlo-
bulaire succède toujours à une rupture des voies aériennes. Fréquent
surtout dans le jeune âge, il survient chez les enfants atteints de maladies
diverses des organes pulmonaires, pendant les quintes de toux violente:
et même en dehors de tout état morbide des poumons et des bronches, par
suite des cris aigus, d'un accès de colère, d'une douleur vive, c'est-à-dire
dans des circonstances où de grands efforts sont produits.
L'air s'infiltre dans le tissu cellulaire intervésiculaire et sous-pleural,
et forme à la surface des poumons des saillies irrégulières, dont le vo-
lume varie depuis celui d'un grain de chènevis, jusqu'à celui d'une noii,
d'un œuf, et plus. En pressant ces saillies avec les doigts, on les déplace,
et l'on peut aisément les faire cheminer sous la plèvre. Le poumou ne
s'affaisse plus, il est crépitant. L'infiltration gazeuse suit les conduits
bronchiques, les gaines des vaisseaux, et après avoir gagné l'une et
l'autre médiaslin, peut envahir le cou, la face, et de là s'étendre à une
grande partie du corps. Il ne s'agit plus alors d'un simple emphysème
interlobulaire, mais bien d'un véritable emphysème trauniatique plus ou
moins généralisé et avec toutes ses conséquences.
L'emphysème limité au tissu cellulaire interlobulaii*e est assez difficile
à diagnostiquer. La voussure thoracique n'existe pas conmie dans l'emphy-
sème vésiculaire, la sonorité peut ne pas être augmentée. Quant au râle
crépitant à grosses bulles, que Laënnec avait assigné à cette lésion, il
n'est autre que le râle sous-crépitant ordinaire, se liant à une bron-
chite concomitante. Il en est de même du bîiiit de frottement^ io- '
diqué également par Laëimec, et qui est bien plus le résultat de
quelque fausses membranes pleurétiques, que celui de l'infiltration
interlobulaire.
Quand l'emphysème se propage à l'extérieur, il se révèle parles sigiief
PNEUMATOSK. 377
ordinaires de rcmphysèmetrauruatique : tuméfaction, crépitation, etc., sur
lesquels nous n'avons pas à insister.
L'emphysème , bien que borné au tissu cellulaire interlobulaire ,
peut être une complication grave et même mortelle, si la lésion s'étend
à une grande partie du poumon. Une gène croissante de la respiration
amène bientôt Tasphyxie. Ailleurs la mort peut être plus prompte, parfois
même subite. Dans cos conditions, eu égard surtout à l'incertitude du dia-
gnostic, on conçoit que l'intervention thérapeutique soit à peu près nulle.
On a longtemps admis une autre forme de pneumatose pulmonaire,
véritable exhalation gazeuse dans l'intérieur de la plèvre, que Laënncc,
Graves, et Stokes ont décrit sous le nom de pneumothorax essentiel.
Cette sécrétion gazeuse venant compliquer des pleurésies simples, en
dehors de toute altération de liquide, était toujours envisagée comme un
Ëiii rare. Elle est niée aujourd'hui par les auteurs les plus compétents,
Béhîer, Jaccoud, Proust, qui rapportent les observations citées, soit à des
pleurésies avec bruit skodique et souffle amphorique, soit à des pneu-
monies avec son tympanique.
Pneumatose de l'appareil digestif. — On peut se demander à quel
moment la présence de gaz dans le tube gastro-intestinal mérite réellement
le nom de pneumatose, car à l'état physiologique, Testomac, comme l'in-
testin, renferme une certaine quantité de gaz, qui semblent nécessaires
et sont destinés à favoriser le cours des matières alimentaires. Ces gaz vien-
nent-ils à augmenter, le fonctionnement régulier lic l'appareil digestif est
entravé, il y a tympanitc. Sont-ils simplement dilatés ou retenus dans un
point du tube digestif, il y a pneumatose alors que la quantité n'en est
nullement augmentée.
Normalement, et alors qu'aucun élément pathologique n'entre enjeu,
on conçoit que la proportion des gaz du tube digestif doive varier dans
des limites assez étendues. La déglutition de la salive amène constamment
l'introduction d'une certaine quantité d'air dans l'estomac. D'autre part,
les métamorphoses chimiques des aliments s'accompagnent de produits
gazeux qui varient non-seulement d'après la nature des aliments, mais
encore d'après la qualité des sucs digestifs. Tout le monde sait que cer-
tains aliments, les farineux par exemple, prédisposent au développement
de gaz. Enfin la membrane muqueuse elle-même peut produire une véri-
table exhalation de gaz. On sait en effet que, si chez un animal vivant,
comme le fit Magendie, on tire par une plaie du ventre une anse intestinale,
et si, après l'avoir exactement vidée et l'avoir comprimée entre deux liga-
tures, on la replace dans l'abdomen, au bout de peu de temps on la
trouve de nouveau plus ou moins distendue par des gaz.
Toute perturbation dans les fonctions digestives peut s'accompagner
d'une augmentation dans la production des gaz. Une constipation opiniâtre
amène de la tympanite, non-seulement parce qu'elle met obstacle au
départ d'une certaine quantité de gaz, mais parce qu'elle favorise la dé-
composition des matières. La même chose arrive dans les cas d'ictère
chronique, quand la bile n'étant plus versée à la surface de l'intestin,
578 PNEUMATOSE.
les matières s'altèrent avant leur complète élaboration. Nous pourrions
nous appesantir longuement sur toutes les causes qui entrent ici en jeu,
ce serait sans intérêt. Qu'il nous suffise de dire que la pnenmatose du tube
digestif peut être réalisée soit par une altération de son contenu, soit
par une altération de Torgane, et que presque toujours ces deux causes
viennent se surajouter l'une à l'autre. Ainsi s'explique la pneumatose qui
complique certaines affections de l'estomac, et particulièrement ces
troubles fonctionnels, englobés sous le nom de dyspepsies; ainsi s'expli-
quent encore ces pneumatoses intestinales souvent énormes, qui accom-
pagnent certaines indigestions. Tout le monde connaît le météorisme des
bétes à corne, qui suit dans certaines conditions l'ingestion trop abondante
de fourrages verts. Le même phénomène aurait été constaté pendant le
blocus de Gènes et de Mayence chez des soldats qui avaient avalé une
grande quantité de feuilles vertes.
Cependant il est des cas où la pneumatose ne saurait être attribuée à
aucune lésion du tube digestif. Celle que Ton observe dans le cours des
névroses, dans l'hypocondrie, et spécialement pendant les accès d'hystérie,
ou simplement à la suite d'une émotion morale un peu vive, reconnaît
évidemment une cause plus éloignée. Chez les femmes nerveuses, on voit
souvent un accès de colère, une firayeur un peu vive, être suivis au bout
d'un certain temps du rejet bruyant de gaz par la bouche. D'autre fois,
le ballonnnement du ventre, après s'être montré pour ainsi dire subite,
ment, disparaît presque aussitôt, sans que rien ne soit rejeté au dehors,
n ne peut être question ici que d'une sécrétion presque instantanée, et
d'une résorption rapide par les mêmes voies. Or, si nous songeons à la
suractivité du système nerveux chez cette classe de malades, rien ne nous
répugne d'admettre ici une action vaso-motrice ; c'est elle qui commande
les urines nerveuses chez les hystériques, et nous croyons la comparaison
légitime pour ces deux ordres de sécrétions.
C'est aussi à une influence du système nerveux que nous croyons devoir
attribuer en grande partie la pneumatose des fièvres graves, et principa-
lement celle que l'on observe au début de la fièvre typhoïde. L'intestin
est à ce moment presque intact, et cependant le ballonnement est quel-
quefois plus prononcé qu'au moment où les lésions se seront produites.
Le tympanisme de la péritonite s'explique tout naturellement, si l'on
songe que les anses intestinales sont paralysées dans leur élément mus-
culaire, et se laissent distendre outre mesure.
La pneumatose du tube digestif peut être générale : elle est limitée
parfois soit à l'estomac, soit à certaines portions de l'intestin, et dans ce
cas on trouve les gaz spécialement accumulés dans le cœcum, les colons
ascendant et transverse, et TS iliaque. Ils dilatent les organes dans les-
quels ils sont accumulés, et leur donnent parfois un volume monstrueux:
on a vu le colon aussi gros que la cuisse, et Haller a rencontré un coecum
aussi volumineux que la tête d'un adulte.
La composition des gaz varie suivant les points où on les recueille. Dans
l'estomac, c'est de l'air atmosphérique renfermant seulement une plus
FiNEUMATOSE. 379
forte proportion d'acide carbonique ; dans l'intestin grêle, c'est un mé-
lange d'azote, d'hydrogène et d'acide carbonique ; dans le gros intestin
on troaye encore de Phydrogène sulfuré ou carboné ; il n'y a jamais
d'oxygène. La proportion d'acide carbonique augmente toujours à
mesure qu'on se rapproche du rectum.
Nous ne pouvons exposer ici la symptomatologie des diverses affections
qui se compliquent de pneumatose du tube digestif. Un mot cependant
sur ses conséquences immédiates. La première et la plus constante, c'est
le malaise qui résulte de la distension gazeuse : le malaise peut devenir
une véritable douleur, une colique, si les gaz deviennent trop abondants.
L'estomac trop distendu remplit l'hypocondre, soulève le cœur dont il
gène les mouvements et détermine ainsi des palpitations et une dyspnée
parfois considérable. Il y a de l'anxiété, des bâillements; l'épigastre est
tendu et sonore. Tous ces symptômes s'apaisent sitôt que des gaz sont
expulsés soit par la bouche, soit par l'anus.
La distension de l'intestin à un certain degré amène la tympaniteintes-
iinale. Le ventre acquiert un volume considérable. Il est dur, très-sonore
à la percussion, sensible au toucher. Des bruits se font entendre quand
des gaz se déplacent (borborygmes) et des douleurs extrêmement violentes
peuvent se déclarer (coliques venteuses) . Pour peu que la distension gazeuse
acquière un certain volume, tous les organes abdominaux sont gênés dans
leur fonctionnement : l'estomac est comprimé, le diaphragme est refoulé,
il y a de la dyspnée et quelquefois des vomissements. La compression de
la vessie produit la dysurie et rend les excrétions de l'urine plus fréquentes.
Si la pneumatose est limitée au cœcum, ou n'occupe qu'une ou deux anses
intestinales, on voit se dessiner à travers les parois du ventre une tumeur
arrondie, sonore, élastique, sensible à la pression et plus ou moins mobile.
La durée de ces phénomènes est entièrement liée à la cause originelle,
et nous ne pouvons rien en dire sans entrer dans le détail des faits, ce
que ne comporte point cet article.
Le diagnostic du symptôme ne présente aucune difficulté : la sonorité
exagérée du ventre distingue suffisamment une pneumatose d'une ascite,
sans compter les autres signes. L'inspection, aidée de la palpation et de la
percussion, permet de déterminer quels sont les points des organes
digestifs où les gaz se sont spécialement accumulés ; et ce diagnostic
topographique a sa grande importance, au point de vue chirurgical sur-
tout, quand dans un cas d'étranglement ou d'occlusion intestinale, l'indi-
cation d'une opération vient à se présenter.
La valeur séméiologique des pneumatoses du tube digestif est considé-
rable, tant au point de vue des alTections de l'organe lui-même, qu'à
celui des maladies générales, fièvres continues, etc. C'est la pneumatose
intestinale qui souvent, au début d'un état fébrile, permet de distinguer
une dothiénentérie d'un simple embarras gastrique. C'est le ballonnement
du ventre qui, chez une femme en couches, éveille les premières craintes,
et fait redouter une aiTection puerpérale. Nous n'avons pas besoin de
rappeler toute l'importance qu'acquiert le symptôme dans le cours d'une
380 PNKUMATOSE.
obstruction intestinxle, soit pour faire connaître la nature du mal, soit
pour permettre d'en déterminer le siège précis.
L'indication thérapeutique se pose rarement en face du seul symptôme
pneumatose, à moins que celui-ci ne vienne à prédominer, comme dans
certaines formes de dyspepsies. Il comporte alors une médication com-
plexe et variée, qui a été exposée ailleurs (Voir Dyspepsies).
Pneumatose de V appareil circulatoire, — Les auteurs anciens jus-
qu'à Morgagni et plus récemment encore, frappés de certains faits qu'ils
aviiient bien observés, mais mal interprétés, croyaient à la possibilité
d'un dégagement gazeux dans l'intérieur des vaisseaux et surtout dans le
cœur. L'observation semblait donner raison à leur manière de voir, car
dans un grand nombre d'autopsies, le cœur et particulièrement le ven-
tricule droit, renfermaient en effet des gaz et du sang écumeux. Les chi-
rurgiens connaissaient depuis longtemps les dangers d'une opération au
voisinage de gros troncs veineux, et avaient justement attribué la mort
subite qu'on peut observer en pareille circonstance, à l'introduction de
l'air dans les veines. La doctrine de l'embolie est venue confirmer leur
interprétation, et montrer le mécanisme intime de ces accidents. C'est eo
effet à titre de corps étranger, d'embolus dans les vaisseaux pulmonaires,
que l'air devient pernicieux et non par ses propriétés particulières; et
c'est toujours à la pénétration de l'air extérieur qu'il faut attribuer la pré-
sence des fluides gazeux dans les voies circulatoires. Le dégagement spon-
tané de gaz ne saurait être admis, et c'est sans doute à une rupture pul-
monaire et à une absorption par cette voie qu'il faut attribuer ces faits où
Texistence de gaz aurait été constatée en dehors d'une plaie extérieure.
C'est toujours en effet à la suite d'hémoptysies considérables, que les faits
cités ont été observés.
Nous ne dirons rien de la présence de l'air dans le péricarde (pneumo-
péricarde). On n'en connaît aucun exemple authentique, en dehors des
cas où l'air a pénétre pendant une ponction.
Pneumatose de V appareil génito-urinaire. — En raison de la longueur,
de l'obliquité et de l'étroitcsse du canal de l'urèthre chez l'homme, la
pénétration de l'air extérieur est impossible, en dehors du cathétérisme. Il
ne saurait être question non plus d'exhalation spontanée, et la sortie de
gaz par l'urèthre indique presque toujours une communication anormale
de la vessie avec un des organes abdominaux, ou une décomposition ra-
pide des urines.
Chez, la femme, il arrive quelquefois que la cavité du col étant obstruée,
des portions de fœtus ou de délivre, ou bien encore des caillots sanguins,
retenus dans la matrice, viennent à subir la fermentation putride, et
déterminent une production de gaz qui distend considérablement l'utérus.
Cette affection, connue sous le nom de physométrie, ou tympanile utérine,
survient généralement peu après l'accouchement. L'utérus forme une tu-
meur volumineuse, élastique, sonore à la pei*cussion : des gaz fétides
s'échappent spontanément, ou bien leur expulsion peut être provoquée
arliiiciellement. Il s'agit ici d'une affection grave.
PNEUMOMK LOBAIRK AIGUË. 581
Mais il existe dans la science quelques cas, plus rares que les précédeuls,
de piiysométrie essentielle, où les gaz semblent exlinlés par les pntois
utérines elles-mêmes, en dehors de toute lésion appréciable. C'est généra-
lement dans des utérus non fécondés, chez des femmes hystériques, que
cette sécrétion a été observée. L'accroissement progressif de l'utérus, le
malaise et la pesanteur que la malade éprouve en même temps qu'elle
voit ses règles se supprimer, ont fait naître souvent l'idée d'une grossesse,
jusqu'au jour où le brusque départ d'une grande quantité de gaz inodores
▼ieni subitement Taire disparaître la tumeur utérine.
Yoy. la bibliographie des articles : Dyspepsie, Emphysème, Estomac, Iih-
TESTUf, TtMPA»ITE.
HiPPOLYTE HiRTZ.
PNEUMONIE L.OBAIRE AIGUË, pneumonie fibrineuse,
pneumonie eroupale, pneumonite, peripneumonie, etc. — Les
deux dernières dénominations sont un peu tonibccs en désuétude; la
troisième (p. croupale) est vicieuse, non-seulement parce qu'elle peut,
t la rigueur, prêter à l'équivoque en faisant songer à 'une pneumonie
compliquant le croup, mais surtout parce que le processus anatomique,
ainsi que le remarque Virchow, est différent dans l'ulvcole, siège de la
pneumonie fibrineuse, et sur les muqueuses atteintes de croup : sur ces
dernières, Fexsudat se complique d'altérations épithéliales et n'est jamais
hémorrhagique, tandis que dans la pneumonie l'épithélium est intact et
Texsudat toujours hémorrhagique au début. — Quant aux deux prenjières
dénominations, on a l'habitude de les employer indifféremment, bien
que l'exsudat pneumonique, ainsi qu'on le verra plus loin, ne soit pas
toujours franchement fibrineux. Pour cetle raison, il y aurail avantage
à ne plus considérer ces Jeux mots comme synonymes : à désigner du
nom de pneumonie fibrineuse, seulement la pneumonie franche et à
nommer pneumonie lobaire toutes les pneumonies occupant un lobe ou
une partie notable d'un lobe. En d'autres termes, on réunirait sous cette
désignation générique de lobaire et l'espèce légitnne (p. fibrineuse) et
les espèces un peu bâtardes de pneumonie qui ne ressortissent cepen-
dant ni à la broncho-pneumonie, ni à la pneumonie dite hypostatique,
ni n la pneumonie consécutive aux embolies. Dans le cours de cet article
je me conformerai à la termintdogie que je propose.
Sous la dénomination de péri pneumonie, les anciens et les médecins mo-
dernes, antérieurs à Laennec, confondaient beaucoup de maladies aiguës
des organes thoraciques. L'auteur du Traité de V auscultation consei^a
ce mot respectable, puisqu'il date du temps d'IIippocrate ; mais il l'ap-
pliqua strictement à Tinflammation aiguë du poumon, caractérisée sur le
cadavre par l'un des trois états qu'il apprit à bien distinguer : engouement,
hépatisation rouge, hépatisation grise ; — et sur le vivant, par certains
signes sthétoscopiqucs qu'il eut la gloire de découvrir. Sa description, tant
anatomique que clinique, est faite de main de maître; le temps l'a respectée,
et ses successeurs immédiats, qui, grâce à un labeur immense guidé par
382 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — awatomie pathologique.
une méthode d'observation rigoureuse, ont jeté tant d'éclat sur la méde-
cine française, n'y ont rien ajouté d'essentiel.
Les seules modifications considérables qu'on y ait apportées ontconsisté
à disjoindre la pneumonie hypostatique et la broncho-pneumonie de la
pneumonie ; l'histoire de cçs découvertes, auxquelles les noms de Piorry
et des médecins de l'hôpital des Enfants doivent rester attachés, sera
exposée par Balzer dans l'article suivant.
Plus tard, Yirchow, par sa découverte de l'embolie, a fait conuaitre une
nouvelle espèce de pneumonie.
Nous devons à Wunderlich et à son élève Thomas l'étude précise, i
l'aide du thermomètre, de la marche cyclique de la fièvre, dans la pneu-
monie.
Mais ces progrès, malgré leur importance, n'ont pas entamé l'œuvre
de Laennec. La base anatomique sur laquelle elle repose demeure intacte;
et à lire les traités actuels de pathologie, il ne semble pas qu'elle doive
être de sitôt modifiée. Ses inconvénients cependant ne peuvent être com-
plètement passés sous silence. Quelle ressemblance y a-t-il (si ce n'est
peut-être à un point de vue macroscopique grossier) entre la pneumonie
primitive et certaines pneumonies secondaires? Réunir des types aussi
divers sous la même étiquette, en constituer une espèce unique, n'est-ce
pas subir, sans grand profit et en pure perte pour la clinique, le jong
d'une anatomie qui n'est pas encore sûre d'elle-même et dont les notions
imparfaites ne sont rien moins que définitives ?
J'en suis, pour ma part, si convaincu, que si j'étais libre de restreindre
à mon gré mon cadre, je ne m'occuperais ici que de la pneumonie
iibrineuse, c'est-à-dire de Vespèce légitime seule, mais je crois qu'il ne
m'appartient d'innover qu'avec réserve dans un article de dictionnaire.
Je dois traiter et traiterai donc de la pneumonie lobaire aiguë, telle que
l'anatomie pathologique s'est cru en état de la délimiter. J'essaierai seu-
lement de montrer que ce qu'elle englobe n'est pas un tout bien homo-
gène et peut déjà être subdivisé en espèces distinctes.
Même en me bornant aux modernes, un historique exigerait des déve-
loppements assez étendus. Je crois devoir m'en abstenir, et j'y supplée
par la distribution méthodique des indications bibliographiques placées
à la fin de cet article.
Voici Tordre que je suivrai dans mon exposition : je commencerai par
Tanatomie pathologique, puisque c'est sur des caractères anatomiques
qu'est fondé le genre pneumonie lobaire; puis, j'étudierai successive-
ment ïétiologie, la marche générale, la symptomatologie spéciale, les
anomalies que la marche et les symptômes peuvent présenter, les dif-
férentes espèces de pneumonie lobaire, la nature de l'espèce légitime,
les complications, le diagnostic, le pronostic et le traitement.
Anatomie pathologique. — La lésion que nous appelons pneu-
monie lobaire peut se rencontrer sur le cadavre sous trois aspects diffé-
rents bien décrits pour la première fois par Laennec.
l'" degré (engouement de Laennec). A ce degré, l'inflammation n'esl
PNEDHONIE LUBÂIRG AIGUË. -
PATHOLOGIQDB.
pas oettement caractérisée, eu égard au moins à nos moyens d'investiga-
tioD. La surface du poumon est de couleur violacée, livide, l'organe est
plus pesant : sous la pression du doigt, il crépite à peine et conserve
l'impression comme une partie œdématiéc. A la section, il s'écoule un
liquide rougeàtre, trouble et spumeux. Le tissu pulmonaire, de couleur
violacée, n'est pas modifié en apparence dans sa texture ; mais il est plus
friable qu'à l'état normal. Sur une coupe mince, on constate, à l'aide du
microscope, que les capillaires des alvéoles et des bronchioles sont énor-
mément dilatés, et que les alvéoles sont en partie remplis par des glo-
bules rouges et par de grosses cellules renfermant de un à trois noyaux
volumineux. Ces cellules sont évidemment des cellules endothéliales mo-
difiées; on en voit quelques-unes adhérer encore à la paroi à càté de cel-
lules endothéliales intactes. Cette altération n'est d'ailleurs pas caracté-
ristique du proc^sus inflammatoire : ainsi que Friedlânder l'a bien indi-
qué, on la rencontre dans diverses conditions qui n'ont rien à voir avec
lui, notamment dans l'œdème du poumon.
2* degré {hépatiscUion rouge). — La portion de poumon atteinte d'hé-
patisation ne présente pas la moindre
crépitation sous le doigt qui la presse ;
elle acquiert une certaine ressemblance
avec la limite du foie quant à la cou-
leur et surtout sous le rapport de la
consistance. Elle n'est plus Rusceptible
d'être insufQée, et une parcelle du tissu
malade, déposée à la surface de l'eau,
se précipite au fond du vase. Ces carac-
tères macroscopique» distinguent cet
état de la congestion ; mais ils ne suffi-
raient pas pour dilTérencier la pneumo-
nie vraie de la broncho-pneumonie ; il b^3uK«'M™i»^n"'iui ""Si ^i-
faut y ajouter l'homogénéité de l'appa- téolilre». CrossuMmenl: ». {nindDeûchl
r«ice de la section sur une grande
suriace (Charcot) et surtout l'aspect granuletix. Cet aspect granuleux se
distingue bien à contre-jour; on le rend encore plus apparent quand,
après avoir incisé superllciellement une portion hépatisée, on achève
de la diviser par déchirure. II est dû au relief formé par les infundibula
remplis de fibrine, formant des grains bosselés de un millimètre environ
dediamètrechezl'adulte, beaucoup plus petitscbez l'enfant. En raclant la
surface de section, on recueille un bon nombre de ces grains bosselés, et
il est facile, en les examinant à la loupe, de constater que chacun repré-
sente exactement le moule d'un infundibulum avec ses alvéoles (fig. 25).
Les bosselures correspondent aux alvéoles. Ce sont elles qui constituent
ce qu'on appelle les granulations de la pneumonie. D'après les mensu-
rations de Damascbino, elles ont : chez l'adulte, de 0°"°,13 à 0""", 17;
chez le vieillard, elles atteignent deO^.âl i 0°™,27, et chez l'enfant,
seulement de 0°", 7 à O"",! 1 .
' ANATOHIE PATHOLOCIQUE.
oSi )'NE[>MOIVIl!; LUBAlItK AIGUË.
Sur une section iinc, à un fort groseissement, on reconnaît que ïtt
alvéoles sont remplis par un exsudât fibrineux sous forme de Sbrill»,
retenant dans leurs mail-
les des globules ronges,
des globules Uancs en
beaucoup plus grand
nombre, et souvent quel-
ques cellules plus gran-
des, bien figurées dan»
le Manuel de Cornil d
. Ranvier, et qui sont des
'' cellules d'endothélium
altérées, plus ou moina
identiques avec celles
que j'ai signalées au pre-
mier stade. A cause de
ce la , leu r d esqu animation
ne peut être attribuée à
' l'exsudation fibiineuse.
Actuellement la plu-
part des histologistes
sont d'accord pour refuser à cet endothélium toute participation active
à l'inflaminatioii fibrineuse. Buhl
a autrefois vu des globules blancs
dnnsune cellule endotliélialp(Ki>ch.
Arch. Bd. XVI, p. 168} et en avait
conclu que ces globules y avaient
l>ris naissance ; mais celte conclu-
sion n'est pas forcée, attendu que
des globules blancs après leur sur
lie des vaisseaux , peuvent avoir
péDCtré par effraction dans la rel<
iule. Ce qui confirme cette inttr
prétation, c'est que l'un trouie
parfois non des glubulc^ blancs,
mais des globules rouges dans
l'endothélium; or, il est contraire
à toutes nos idées que ceux-ci
■J puissent naître par formation en-
dogène.
i„„j De même que l'endotbélium. In
des- ti-avées alvéolaires sont intactes daus
la pneumonie librineuse, ou du
moins on ne voit que quelques
i^lobules blancs dans les fentes lymphatiques.
3" degré (hépatisation grise). Atteint d'hépatisation grise, le poumon
e IKTioJr plus ■•aucév. On te
ammBiJui) partielle de la paroi
wmcTii : 300. (Biur]fli-i3rl>)
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — variétés amatomiqdbs. 585
est moio consistant que dans Tétat d*hépatisatîon rouge. Sur la surface
de section, qui laisse suinter un liquide purulent, il présente un aspect
marbré qui tient à ce que dans certaines portions du lobe le processus
esl plus avancé que dans d'autres. Il y a des degrés de transition entre
rhépalisation rouge et Thépatisation grise; le plus souvent ils présentent
lue coloration jaune, ce qui fait que certains anatomistes (notamment
[Undfleisch) ont décrit Thépatisation jaune au même titre que la rouge crt
a grise. En plusieurs points la surface de section a franchement Taspect
mnilent, et le tissu peut être si friable qu'il suffit de la pression avec le
loigt pour y produire une petite cavité irrégulière qu'un observateur non
>ré¥enu prendrait pour la cavité préexistante d'un abcès; parfois la coupe
I on aspect gris plutôt que purulent, cela dépend de , l'abondance plus
lU moins grande du pigment pulmonaire, qui varie, comme on sait, avec
'âge des individus.
A Texamen histologique d'une coupe mince, on'constate qu'à la place
la réseau fibrineux inter-alvéolaire il n'y a plus que des globules blancs
plus ou moins serrés les uns contre les autres, suivant l'abondance de
la matière amorphe granuleuse interposée. On y voit aussi des grandes
Drilules pleines de granulations graisseuses et de pigment noir. Les vais-
seaux de la paroi ne sont plus dilatés.
D'où proviennent ces globules blancs? Diaprés la théorie de Cohnheim,
ils sont sortis des vaisseaux, comme la fibrine exsudée, dans le stade
précédent et comme les globules rouges et blancs (ces derniers en beau-
eoup moindre abondance) qui se trouvent dans l'alvéole au stade de
lliépatisation rouge. Tout le monde est à peu près d*accord à cet égard.
Cependant tout récemment le professeur Buh! {MiUheilungen ans dem
foih. Institule zu Mûnclien 1878) a soutenu encore que les globules
Uancs dans l'hépatisation grise, comme dans les autres cas pathologi-
^cs, peuvent provenir non -seulement du sang, par le [mécanisme que
Cohnbeim a fait connaître mais aussi de la lymphe et des cellules du
tissu conjonctif.
11 résulte des analyses chimiques déjà anciennes de Natalis Guillot qu*à
cette^iériode, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, le parenchyme pulmo-
naire renferme beaucoup de graisse (dix fois plus qu'à l'état normal).
Variétés anàtomiques. — Les lésions que je viens de décrire sont
celles qui s'observent le plus ordinairement; mais il y a des cas, assez
nombreux, où les lésions des 2*^ et S"" degrés présentent quelques particu-
larités dignes d'intérêt parce qu'elles commandent jusqu'à un certain
point la symptomatologie. Le professeur Schûtzenberger est, à ma connais-
sance, celui qui a le plus insisté sur ces variétés anatomiques et sur leur
sorrélation avec la clinique.
1* Variété hétnorrhagique (héinatotde de Schûtzenberger). Le pou-
mon est rouge à la coupe qui peut être grenue comme dans la variété com-
mune ; seulement les alvéoles, au lieu de renfermer de petites masses de
Ett>rine, contiennent un petit caillot formé par des globules rouges pressés
les uns contre les autres sans interposition de Gbrine visible. Ces cas con-
KOCV. DICT. UiD. ET CHIR. XWllI — 25
S86 PNëUMOMF: LOBâIKE aiguë. — VARiéTés ahatohiqubs.
stitucnt une sorle d'intermédiaire entre rinflammation et la conges-
tion.
2"" Variété séreuse (Schûtzenberger) . Même pauvreté en fibrine ; teo-
lement c*est de la sérosité qui remplit Talvéole, et non du sang : c'est
rintermédiaire entre l'œdème et Tinfilammation du poumon. Je n'ai pas
eu personnellement l'occasion d'observer de ces cas qui doivent étrebôn-
coup plus communs à Strasbourg qu'à Paris ou qu'à Lyon.
S^" Variété avec moules fibrineiux; des bronches {fibrineuse de Schût-
zenberger, épithète qui ne me parait pas suffisamment désigner cette n-
riété puisqu'on l'applique à toute l'espèce ; au degré extrême, elle constitue
la pneumonie massive de Grancher) . Cette variété fort iniéressanle ai
point de vue anatomique et clinique a été, parait-il, entrevue depuis long*
temps; mais dans la plupart des cas anciens, il y a doute sur la questim
de savoir s'il s'agit d'une pneumonie ou d'une bronchite fibrineuse. Cette
incertitude n'existe pas pour une observation de Morgagni (éditîoo de
Destouet et Desormeaux, t. 111, p. 416), relative à un boucher âgé de
78 ans, atteint manifestement de pneumonie et dont les crachats « pré>
sentaient de petites parties blanches comme polypeuses x> ; malheareose-
-ment, il n'est pas question de l'état des bronches dans la relation de
l'autopsie. Dans Tépicrise (p. 422), Morgagni donne l'indication de pli-
sieurs cas du même genre, mais également sans renseignements anâto-
miques.
Pour arriver aux modernes, Puchclt a vu de grosses bronches di
volume du doigt dans un cas de pneumonie, remplies par un cylindre
fibrineux solide ; Lobstein a trouvé la même lésion chez des enfants;
Reynaud, Nonat (épidémie de grippe de 1857), l'ont aussi signalée.
Ilemak l'a rencontrée (mais en petit), à la clinique de Schônlcin en 1845
ainsi que plus tard Gubler (1868). Rokitansky et Wyts {London met.
Gazette^ 1847) ont noté la présence de cylindres, pleins dans les petit»
bronches, et creux dans les grosses. Les auteurs anglais citent ait»
Peacock, mais sans fournir d'indication exacte. J'ai trouvé dans le sixième
volume des Transactions de la Société pathologique de Londres^ plu-
sieurs cas de ce genre; les quatre premiers (p. 59) sont rapportés parle
docteur Bristowc : il s'agit dans le premier d'une femme de 35 ans
admise à Saint-Thomas, pas d'observation clinique ; dans le second, il
s'agit d'un homme de 28 ans ; le troisième, d'un homme de 35 ans;
dans le quatrième, d'un sujet de 29 ans; le cinquième appartient»
docteur Wilks, il s'agit d'un maçon de 47 ans : le poumon droit offrait une
matité absolue et on n'y entendait aucun bruit pathologique ni respin*
toire. A l'autopsie, ce poumon est trouvé en état d'hépatisalion grise et
les bronches entièrement remplies d'une concrétion solide qui peut étit
suivie jusque dans les petites divisions et au delà desquelles elle se conti-
nuait sans doute dans les cellules aériennes (p. 68).
Bien qu'elle ait pour titre de la Bronchite fibrineuse, la thèse de Wiet
mann (Strasbourg 185 i) traite en partie de la pneumonie fibrineuse «t
renferme une bonne planche, relative à un cas du service de Schûtieii-
PNEUMONIE LOBAfRE AIGIË. — variétés anatomiqoes. 587
berger, avec examen par Kûss. Je dois encore citer la thèse de Cadiot
inspirée également par Schûlzenberger, bien qu'elle ait été soutenue
a I^itris, et la thèse de Renou (Paris, 1872) qui rapporte quelques obser-
mUons.
Tout récemment, Tattention a été appelée de nouveau sur cette question
par une bejle observation de mon collègue, Granchcr, qui, au cinquième
jour d*une pneumonie ayant présenté des symptômes particuliers sur
ieaqueb j aurai à revenir, a trouvé les bronches remplies jusqu'au hile,
d*un moule Gbrineux, de couleur jaune sucre d'orge, élastique et fibril-
laire se détachant des bronches avec la plus grande facilité et non mêlée
de stries de sang. Sa surface, au niveau des grosses bronches, garde Tem-
preiute des plis longitudinaux dus aux fibres élastiques de la muqueuse
bronchique qui a conservé son état lisse, et sauf une petite injection,
parait normale. Ce moule fibrineux solide ne ressemble donc en rien aux
paèodo-membranes de la bronchite pseudo-membraneuse. C'est que
eelles-ci sont constituées par du mucus concret, formant des productions
imbuleuses et feuilletées englobant de petits blocs de mucus produit de
aéerétion des glandes bronchiques, et aux fausses membranes de la dipb*
thérie sous-fibrino-épithéliale, celle des formes de fibrine à lobe fibril*
lâke ou plutôt granuleux contenant des globules blancs et des globules
ronges de sang avec des cellules épithéliales gonflées. Dans le cas de
moule fibrineux pneumonique, l'épithélium de la muqueuse bronchique
est intact : de cela suit qu'on a pu y reconnaître les cils vibratiles (Russ).
Diais le cas de Grancher, la fibrine était de couleur jaune, mais lorsque
b malade succombe plus tôt on peut trouver les moules de couleur blan-
idie, ressemblant à du vermicelle cuit. Une coupe transversale d'un gros
cylindre offre quelquefois des couches concentriques ou bien il ressemble
k de la moelle de sureau, s'il est creusé de petites cavités pleines d*air.
Bn dit avoir trouvé parfois la partie centrale rougeàtre par suite de la
présence des globules rouges du sang.
Ifaprès Schûtzenberger, dans cette variété le sang serait toujours
remarquablement couenneux; parfois il a rencontré en même temps des
coagulations fibrineuscs dans l'artère pulmonaire. Les auteurs que je
riens de citer sont muets sur cette coexistence, j'ai moi-même observé
les caillots multiples dans les petites veines pulmonaires; l'observa-
ion en a été publiée à la Société anatomïque par Golay, alors mon
nteme; dans ce cas, il n'y avait pas de moule fibrineux dans les bron-
ihes.
4* Variété purulente tï emblée. J'ai pu, grâce à la bienveillance du
■trfesseur Ranvicr, examiner une préparation histologique de cette variété,
nrl rare dans les conditions ordinaires, mais dont il a rencontré quelques
as pendant le siège de Paris. Dans celui qu'il m'a montré, la mort avait
n lieu au troisième jour de la maladie ; les alvéoles ne renfermaient que
ou pas de fibrine, et étaient exclusivement remplies de globules de
La distribution de la lésion était lobaire, et les bronches étaient
lines.
388 l'NF:UMOiNlE LOBAlRt: ÂlGUË. -- localisatio.x des Litiom.
5"* Variété plane. Par celte épithète, je n'cnteiuis pas dire seuleroentqui'
la surface des sections n'est pas granuleuse ; je désigne par ce mot la variéti^
qui établit une transition entre la pneumonie lobaire et la pneamonic
lobulaire. Je ne fais d'ailleurs que la signaler ici, dans la pensée qu elle
sera étudiée complètement par mon collaborateur Balzer qui, ayant
fait une étude approfondie de la broncho-pneumonie a dû en rencontrer
quelques cas. Celui qu'il a publié Tan dernier dans la Gazette médicale
avec Cadet de Gassicourt ne me paraît pas rentrer dans ce groupe,
parce que dans un des poumons malades les lésions étaient réeilemeDl
celles de la broncho-pneumonie. Mais il est des cas véritablement mixtes
et il est à noter que ce sont les médecins d'enfants qui les ont particu-
lièrement signalés. Le professeur Thomas, dans son remarquable article de
l'encyclopédie de Gerhard t, ]e docteur Rautenberg insistent tous deux sur
ce fait que souvent la pneumonie fibrineuse chez l'enfant n'est pas aussi
franche que chez Tadulte, de sorte qu'il est beaucoup de cas où l'examen
microscopique laisse en suspens. Chez les sujets cachectiques, on obserte
aussi fort souvent une pneumonie plane, bilatérale, confinant à la pneu-
monie hypostatique et il ne faut pas s'imaginer que l'examen histologique
sera capable, dans tous les cas, de lever les doutes. Mais ce n'est pas seu-
lement avec la broncho-pneumonie et avec la pneumonie hypostatique
qu'il y a des degrés de transition. Voici, par exemple, un cas bien observé
histologiquement et qu'il n'est pas facile de classer : chez un sujet mort
dans le service du professeur Lœbel, dont la maladie, au point de vue cli-
nique, avait paru ne s'écarter en rien du type ordinaire de la pneumonie
franche, Ileitler trouva à l'autopsie une hépatisation grise, présentant
au point de vue histologique cette particularité que le nombre des
globules de pus était relativement très peu considérable et que les
alvéoles étaient presque remplis de cellules provenant évidemment de
l'endothélium alvéolaire , anguleuses ou arrondies et renfermant
deux à trois noyaux. L'abondance des éléments aurait justifié le nom
de pneumonie desquamative si cette dénomination n'était réservée à uii
autre processus plus chronique, qui aboutit, comme on sait, à la caséifi-
cation.
Je pourrais multiplier ces exemples; mais je m'arrête en faisant obser-
ver que l'anatomie pathologique, notre seule base dans Tétude de la
pneumonie, n'est pas en état de nous dire nettement où elle commence et
011 elle finit : ce qui fait d'autant plus regretter que le caractère anatomi-
que soit notre seul guide.
Localisation des lésio.ns. — Le plus souvent on trouve un lobe prcs-
qu'entier hépatisé; plusieurs fois Thépatisation envahit un poumon dans
la plus grande partie de son étendue, toutes les statistiques s'accordent
sur la fréquence de l'hépatisation adroite. On a, par exemple, à cet égari
les résultats de la grande statistique que vient de publier le docteur Aloîs
Uiach et qui porte sur plus de 10,000 pncunDonies observées dans les trots
hôpitaux de Vienne de i86G à 1876 : sur 100 pneumonies, le poumon
droit seul est pris 49 à 50 fois; le ganclio seul 5i ou 55 fois; les deux
PNEUMONIE LOBAIRE AKilK. — llsîoxs coxcomitantes. 589
ensemble 14 ou 15 fois ; dans quelques statistiques moins considérables
le chiflre des pneumonies doubles est plus élevé encore ; chez l'enfant,
elles seraient, au contraire, moins fréquentes (d'après la statistique de
Zienssen). Quant à la prédilection qu'elle manifeste pour les différents
lobes, voici les résultats d*une statistique des hôpitaux de Vienne, portant
»ur 6,666 cas, je l'emprunte à Jurgcnsen :
Lobo supérieur 1*2,15
n I •. \ — moyen i.77
PouiTion droit ' ■ m „ oo i /
-- - , \ — inférieur 22. li
' * I — supérieur et moyeu 2,05
^ — inférieur et moym 5,04
,. , i Le poumon en entier 0,55
-jj o2 . < Lobe supérieur 0,i)0
ù«, là lo ^ _ inférieur 22,75
/ — moyen 8,54
. . \ Les lieux lobes supérieurs \X9
Les liôux poiimo::s ; • /f • - -,
^ ^r ^ . \ — inférieurs i,.>4
' / Lobes supérieur droit et inférieur îr.iucho et r/fp i'rf«« 1,00
V Eic 2,55
I
Laennec a nié qu'un poumon hépatisé même en entier fût plus volu-
mineux qu*à l'état normal. — Cette assertion a été justement contestée.
Un poumon hépatisc est certainement plus volumineux ; il est surtout
beaucoup plus lourd : cette augmentation de poids tient pour une petite
part à la congestion et pour la plus grande au poids de Texsudat, qui est
parfois énorme. Grisolle dit avoir observé un poumon pesant 2, 500 gram-
mes; j'ai vu moi-même, dans un cas de pneumonie double chez une
vieille femme, l'un des poumons peser 1,700 grammes et l'autre plus
àe 500, chiffres considérables, si l'on tient compte du poids normal
des deux poumons chez le vieillard.
Dans le cas de pneumonie unilatérale la différence de poids des deux
poumons nous fournit approximativement une donnée importante, le
poids de l'exsudat, en tenant compte Hu fait qu'à l'état physiologique le
poumon droit pèse de 60 à 90 grammes de plus que le poumon gauche.
Dans le cas de pneumonie gauche, il faut donc augmenter la différence
et la diminuer dans le cas de pneumonie droite. Je sais bien qu'on peut
objecter que le poumon hépatisé renferme plus de sang, mais Ham-
burger remarque avec raison que d'autre part le poumon du côté opposé
non hépatisé, est souvent le siège d'une fluxion collatérale et d'œdème,
qui augmente aussi son poids. On peut donc, je crois, ne pas s'arrêter à
cette objection et apprécier le poids de l'exsudat, comme je viens de le
dire, par la différence de poids des deux poumons.
Cela étant, il résulte des recherches que j'ai autrefois publiées et de
celles toutes récentes de Hamburger à la clinique du professeur
Kussmaul, que le poids de l'exsudat a toujours été trouvé à l'autopsie
supérieur à 400 grammes (sauf chez les sujets très âgés), qu'il peut
dépasser 1,000 à 1,200 grammes, et que la moyenne est supérieure à
600 grammes.
Lésions concomitantes. — La coexistence d'un certain degré de
590 PNEIHONIE LOBAIRE AIGLE. — lésions coiccomitahtes.
•
pleurésie, correspondant a l'étendue de la portion hépatisée est la règle:
« La plèvre viscérale, disent Cornil et Ranvier, est recouverte d'une
mince couche pseudo-membraneuse, peu adhérente, qui donne à cette
membrane un aspect chagriné et tomentcux. Cette membrane est com-
posée de cellules de pus, de grandes cellules endothéliales plates ou tu-
méfiées et proliférées et de fibrine disposée en réseau ; les fausses raein-
branes se vasculariscnt très rapidement, et lorsqu'on les examine après
les avoir laissées macérer dans le liquide de MûUer, on y voit un réseau
vasculaire compliqué. Très rarement on observe un épanchcment liquide
notable dans la plèvre ; le peu d'épaisseur de la plèvre viscérale qui a à
peine 0,05 mill. et la circulation qui est sous la dépendance de celle
des alvéoles contigus expliquent parfaitement cette complication. »
Les ganglions bronchiques, dans tous les cas où ils ont été examinés,
ont été trouvés plus ou moins tuméfiés.
Parmi les organes plus éloignés, mais susceptibles d*être altérés secon-
dairement par le fait de la pneumonie, il faut, en première ligne, citer
le cœur, d'autant plus qu'un clinicien fort recommandable a prétendu,
dans ces dernières années, q^ie les pneumoniques meurent par l'épuise-
ment du cœur, Or, à l'autopsie on trouve, comme dans beaucoup d'au*
très maladies, le cœur droit rempli de caillots et le ventricule gauche
vide. Quant au myocarde, il est bien rare qu'on le trouve sensiblement
altéré. Je parle de ce que nous voyons dans notre pays ; mais il n'en est
certainement pas de même dans certaines localités, puisque le professeur
Jurgensen, chez 19pneumoni(|ues ayant succombé de mai i 8 73 à la finde
1875 à la policlinique de Tubingue, a trouvé 19 fois une dégénérescence
du myocarde (article Pneumonie de l'encyclopédie de Ziemssen, 2* édit.,
p. 199). Il est vrai que, dans ces cas, cette altération ne parait pas
secondaire à la pneumonie. Nous savons en effet par le professeur Ju^
gensen et par son élève le docteur Mûnziger (Deutsches Archiv. XIX),
que la population de Tubingue est affectée de dégénérescence du cœur
par suite de conditions particulières sur lesquelles je n'ai pas à insister
ici, qui ont héréditairement développé cet état morbide. Les faits de
Jurgensen sont donc tout à fait spéciaux. Le docteur Hamburger qui a
récemment, sous l'inspiration du professeur Kussmaul, consacre une
partie de sa thèse à l'étude particulière de l'état du cœur, dit Favoir
trouvé parfaitement sain dans les 7 cas qu'il publie.
La rate^ d'après Grisolle, serait toujours assez consistante et d'un
volume peu considérable ; mais il est probable que Grisolle ne Ta pas
examinée avec toute l'attention désirable ; en tout cas, il ne serait pis
exact de croire qu'elle n'est pas influencée par la pneumonie ; souvent
elle m'a paru manifestement un peu ramollie ; probablement elle devait
être plus grosse qu'à l'état normal ; mais on sait quelle difficulté il y ai
affirmer une légère augmentation de volume de cet organe.
Quant au foie et aux reins, il est moins facile encore d'y apprécier
une modification notable.
D'après Louis et Grisolle, la muqueuse gastrique et intestinale pré-
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — causes prédisposaîïtes. 591
tenterait souvent un certain degré de ramollissement. Ces auteurs disent
s'être assurés qu'il ne devait pas être mis sur le compte de la médication.
Ces recherches n'ont pas été reprises ; il serait cependant intéressant de
les vérifier.
Let muscles ont leur coloration normale. La maladie ayant d'habitude
une courte durée, il est difficile d*apprécier une diminution quelconque
de leur volume, qui cependant est certaine.
Quant au peu que nous savons sur les modifications du sang, j'en par-
lerai à la symptomalologie.
£tlol€»fl^e. — Fréqueisce. — Dans la plupart des grands hôpitaux
de l'Europe, il y a de 20 à 30 pneumoniques sur 1,000 admissions. Ce
chiffre peut sembler trop élevé si l'on songe que beaucoup de maladies
légères ne sont pas admises dans les hôpitaux ; mais cette cause d'erreur
est, dit-on, plus que compensée par la proportion vraiment énorme de
pneumonies dans les hospices et asiles consacres à la vieillesse.
Causes prédisposa?jtes iktrinsèques. — Age. — Malgré Tautorité de Cru-
veilhier et de Grisolle, je n'hésite pas à dire que la pneumonie fibrineuse
ne se rencontre pas chez le fœtus. Après la naissance, tous les âges y sont
sujets, quoique d'une manière inégale : dans les premiers mois de la vie
elle est tout à fait exceptionnelle (Trousseau, Thomas); après, elle devient
relativement fréquente. Toutefois, maintenant qu'on sait distinguer la
broncho-pneumonie de la pneumonie fibrineuse, on est d'accord pour ad-
mettre que les enfants y sont moins exposés que les adultes ; de com-
bien est la différence ? c'est ce qu'il est difficile de dire vu le petit nombre
de statistiques sérieuses relatives aux maladies du jeune âge.
D*après celle de II. v. Ziemssen portant sur 186 pneumonies fibri-
oenses chez déjeunes sujets, cette affection serait plus commune chez les
en&nts au-dessous de 6 ans que chez les enfants plus âgés : il y en a 11 7
pour les 6 premières années de la vie et 69 seulement pour les dix
années suivantes. Le tableau suivant montre aussi un chiffre très peu élevé
de pneumonies entre 11 et 15 ans, et surtout entre 6 et 10 ans. Mais
J^ignore si ces chiffres sont l'expression exacte d'une loi générale.
Les 6 premières colonnes de ce tableau sont empruntées à la thèse de
Schapira, élève du professeur Gerhardt; j'ai composé la 7^ à Taidc de la
statistique d'Aloïs Biach portant sur 6,712 pneumoniques traités au grand
hôpital de Vienne de 1866 à 1876. Quant aux six colonnes de Schapira,
en voici l'explication :
A. Pneumonies observées au grand hôpital Julius de Wùrzburg de
novembre 1872 à novembre 1876.
B. Pneumonies observées dans le même hôpital de mai 1857 à mai
1860 {Slalistique publiée par Roth : Beitrag zur Statistik der Pneu-
monie. Wùrzburg, 1860).
C. Pneumonies observées dans le même hôpital par le professeur
Bamberger de mai 1854 à mai 1857.
Les trois colonnes suivantes donnent la statistique du grand hôpital de
Vienne pendant les années 1856-58.
592
PNEUMONIE LOBAIHE AIGIË. — causes puéoisposaktes.
1
Age
Wûrzbui^
Vienne
•
A
R
C
1856
1857
1858
1805-1816
6-iO
2
1
1
3
î
11-15
10
5
4
19
17
40
275
16-20
61
20
10
101
70
148
1356
21-25
50
46
29
61
83
124
1184
26-30
23
35
33
61
57
83
iN5
31-35
10
21
19
41
38
61
es4
36-40
17
22
19
41
27
51
421
41-45
14
15
15
45
32
35
418
46^50
10
15
15
24
25
48
296
51-55
13
17
12
19
20
18
274
56-60
13
17
11
18
16
37
280
61-65
12
11
9
mm
15
13
29
169
66-70
15
4
3
16
9
10
155
71-75
4
7
6
6
9
8
73
76-80
4
3
4
2
5
51
au delà
1
2
6
•
Ce tableau montre une brusque augmentation du nombre des pneu-
monies à partir de 11 ans et surtout à partir de IC, de telle sorte quel»
période quinquennale de 16 à 20 est la plus chargée. La statistique
d'AIoïs Biach qui est faite année par année, nous apprend qu'à Tienne le
maximum des pneumonies tombe à Tage de 18 ans, qu'il y en a encore
beaucoup jusqu'à 25 ans et qu'ensuite leur fréquence diminue. Grisolle
se fondant sur une statistique de quelques hôpitaux de Paris recule jus-
qu'à Kàge de 30 ans la période où les pneumonies sont très communes;
s'il en est réellement ainsi, Paris diffère, sous ce rapport, des autres
grandes villes de l'Europe.
A priori, la chose n'a rien d'impossible : car je suis frappé de voir qui
Wiirzburg, à Vienne et à Munich, ce n'est pas au même âge qu'on ren-
contre le plus de pneumonies. Voici en effet une statistique récente de
l'hôpital de Munich, j'y vois que :
De 1 à 15 ans il y a 1,57 |ioiir cent.
16 à 30 ans — ... 48,52 —
31 à GO ans — 40,92 —
Au-dossus de 60 ans — 8,99 —
100.00
Or, sans parler de la proportion par trop invraisemblable des pneumo-
nies au-dessous de 16 ans, et qui ne peut s'expliquer sans doute que
par des règlements hospitaliers particuliers, je trouve que, de 16 à 50,
il y a un sixième de pneumonies en plus que dans la période de 51 à
60 ; or, si, je fais, à Taide des chiffres du grand tableau ci-dessus,
le même calcul pour Wùrzburg et pour Vienne, j'obtiens des résultats
bien différents : à Wiirzburg (A, B, C) il y a 514 pneumonies de 16 i
50 ans et 285 de 51 à 60 ans : différence fô ; à Vienne (statistique de
PNEIMOME LOBAIRE AIGLE. — causés prédisposantes. 595
^chiaipira 1856-1858) il y a 788 pneumonies de 16 à 30 et 596 de 31 à
60 : différence \ ; enfin dans la statistique d'Aloïs Biach pour la même
ville, la différence est encore plus forte : il y a en effet d'un côté 3,455,
de Tautre 2,311. La différence est de près de |. Ainsi, à Wùrzburg. il y a
entre 16 et 30 ans, relativement beaucoup plus de pneumonies qu'à
Vienne.
Les tableaux précédents ne peuvent d'ailleurs avoir qu'une valeur
limitée ; car pour apprécier Tinfluence de Tâge sur le développement de
la pneumonie, il ne suffit pas de ces chiffres absolus ; il faut tenir
compte du chiffre de la population aux différents âges. En procédant
ainsi on trouve, ce que ne montre pas le tableau précédent, qu'il y a entre
55 et 60 ans une légère recrudescence de la fréquence de la pneumonie,
suirie d'une nouvelle rémission d'ailleurs fort légère. Marc d'Espine
prétend (qu'à Genève au moins) la pneumonie serait rare dans l'ex-
trême vieillesse; mais cette assertion aurait besoin d'être confirmée.
Ce n'est pas tout, il faut avoir égard au fait que les prolétaires qui
constituent la clientèle des hôpitaux ne fréquentent pas ces établisse-
ments également à toutes les périodes de leur existence ; que de 20 à
30 ans, où ils n'ont en général pas de ménage, ils se font le moins
soigner en ville, que plus tard ils sont admis non plus dans les hôpitaux
mais dans les hospices. Ces circonstances et d'autres encore motivent
la réserve avec laquelle il faut conclure.
Sexe. — La femme est moins souvent atteinte de pneumonie que
l'homme ; les auteurs sont entièrement d'accord à cet égard. Grisolle
en acceptant le fait, pense que la différence tient à la différence des
occupations dans l'uu et Tautre sexe, attendu que dans les pays où
les deux sexes travaillent de même, ils sont également frappés ; il pa-
rait en être de même dans les prisons. L'explication de Grisolle est
donc, au moins en partie, fondée. En tout cas, il est peu probable que la
moindre prédilection de la pneumonie pour le sexe féminin soit due -
à sa débilité relative. •
Constitution. — En effet, une constitution débile, ou bien détériorée
par des maladies intérieures, des excès, etc., offre un terrain incontesta-
blement favorable au développement de la pneumonie. Cette proposition
est vraie pour tous les âges. D'après Luzsinsky, les enfants des parents
atteints d'affections chroniques de la poitrine (?) y seraient prédisposés.
Race. — Il serait fort intéressant d'avoir à ce sujet des documents
positifs. De la statistique citée par Grisolle, il résulte de la manière la
plus certaine que les soldats nègres sont beaucoup plus souvent atteints
de pneumonie que les soldats blancs ; mais, ainsi qu'il le remarque, les
deux catégories de soldats ne sont pas dans des conditions hygiéniques
exactement les mêmes, de sorte que l'influence de la race n'est pas seule
à agir ; néanmoins la prédisposition des nègres à contracter la pneumo-
nie me parait incontestable.
Prédisposition individuelle. — Je fais allusion ici à la prédispo-
sition organique naturelle ou acquise que le poumon peut avoir à
394 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — causes PBéDisposAMn».
être afTecté de pneumonie. II est incontestable que sous Tinfluence d'un
refroidissement tel individu contractera plutôt une pneumonie, tel
autre plutôt une angine. Ce qui prouve mieux encore cette prédispo-
sition, c'est le fait que certains individus ont eu dans leur vie un nondire
de pneumonies tout à fait insolite. Rush parle d'un individu qui aurait
été 28 fois atteint de pneumonie. Chomel a soigné un malade affecté
de pneumonie pour la dixième fois. Un certain nombre des malades de
Grisolle ont eu aussi plusieurs pneumonies (jusqu'à 8). D'après Charcot
« le D' Weil, sur 78 cas de pneumonie franche observés chez le$
enfants de 1 à 6 ans, note 51 récidives. Sur ces 51 malades, 21 ont en
une pneumonie antérieure ; 4 en ont eu 2 ; 2 en ont eu 4 ; enfin 4 ea
ont eu un nombre plus grand. Ziemssen, sur 204 cas également ob-
servés chez des enfants, relève dans 19 cas l'existence de pneumonies
antérieures. Sur ces 19 malades, 14 en ont eu 2 ; 2 en ont eu ? ; 2 eo
ont eu 4. Andral a constaté chez un sujet 16 pneumonies en 11 ans, etc.»
Il faut ici distinguer les cas où les pneumonies successives occupent le
même siège que la première pneumonie ou bien un siège différent. Dans
le premier cas, la prédisposition peut résulter de moditications orga*
niques produites par la prenvièrc pneumonie, car souvent alors il existe
un état pathologique appréciable à l'œil, un certain degré de pneumonie
interstitielle. Charcot a insisté récemment sur les faits de ce genre.
Il a pu observer lui-même à la Salpctrière deux malades dont Tune a eo
deux attaques de pneumonie dans le lobe inférieur gauche. A l'autopsie
on a trouvé dans ce lobe (qui n'avait pas été le siège de la pneumonie
ultime qui a emporté le malade) les lésions de l'induration rouge. (Leçon
recueillie par Oulmont. Progrès 1878.)
Professions, — Jusqu^icij'ai passé en revue les causes prédisposantes,
inhérentes au sujet lui-même. L'examen de l'influence des professions
nous servira de transition pour arriver aux conditions extrinsèques.
C'est qu'en effet, si l'on veut bien y réfléchir, la profession agit à la fois
en modifiant le sujet lui-même quand il l'a exercée un temps sufTisanl,
et aussi en l'exposant à certaines conditions extérieures inhérentes à
l'exercice de cette profession.
Malheureusement cette analyse parfois délicate n'a guère été faite, et c'est
sans distinguer ce qui tient à l'individu ou au milieu ambiant, que
les auteurs traitent confusément de Tinfluence des professions sur le
développement de la pneumonie et ont émis les assertions parfois les
plus contradictoires. Ainsi, d'après Stoll, la pneumonie affecte de préfé-
rence les individus exerçant des professions sédentaires, les tailleurs
d'habits; tandis que J. Frank, qui combat l'assertion de Stoll, signale au
contraire les boulangers, les verriers, les forgerons, les cochers, les
courriers, les poiiefaix comme étant prédisposés. Ces affirmations op-
posées s'expliquent en partie par le fait que les auteurs ont très-peu
tenu compte de la statistique des professions et surtout de la question
de savoir quel est le chiffre comparatif des individus de cette profession
qui, devenant malades se sont soignés chez eux et de ceux qui vont ré-
PNEDHOME LOBAIRE AIGUË. — causes prédisposantes. 595
ciamer leur admission dans un hôpital; les maçons, par exemple, qui,
de tous les ouvriers des grandes villes, sont ceux qui ont le :noins sou-
Tentune famille, se font transporter à Thôpital relativement beaucoup
plus que les individus appartenant à d'autres professions.
D'une manière générale on peut cependant affirmer que les hommes
exposés à rintempérie des saisons, s'ils sont alternativement condamnés à
rimmobilité après un exercice violent, par exemple, les conducteurs de
trains de chemins de fer sont particulièrement frappés. On serait a priori
porté à croire que les marins rentrent dans cette catégorie. Mais les faits
démentent cette supposition. Il résulte d'un relevé de Leroy de Méri-
eourt qu'un efTectif de 24,000 marins étant resté sur les côtes ou en
cours de navigation pendant un temps qui a varié de trois mois à quatre
ans, n'a fourni que 1 75 cas de pneumonie. En recherchant, dit Grisolle,
dans quelles conditions ces pneumonies se sont développées à bord, on
voit que près de 100 sur les 175, survinrent quand les navires étaient sur
rade on sur les côtes, » ce qui peut dépendre ou de ce que le service des
hommes était alors plus pénible, ou de ce que les variations de la tempé-
rature étaient plus prononcées qu'en pleine mer.
Climats. Pour expliquer l'immunité dont paraissent jouir a un certain
degré les marins, on doit sans doute invoquer le fait qu'ils sont sin-
gulièrement endurcis aux intempéries; mais il semble nécessaire d'a-
jouter à cette cause l'inQuence du climat maritime, c'est-à-dire d'un
ensemble de conditions météorologiques dans lequel la constance rela-
tive de la température au large joue sans doute un grand rôle. 11 est à
Doter qu'en certaines parties du littoral, même a notre latitude, la
pneumonie parait aussi fort rare ; je puis citer, par exemple, le Havre
sur lequel j'ai, grâce à l'obligeance d'un médecin des plus distingués
de cette ville, le docteur Gibert, quelques renseignements précis.
Des observations du docteur Gibert , il résulte que la pneumonie franche
est très-rare au Havre (sauf cet hiver 1878-79), qu'elle est particulière-
ment exceptionnelle à la côte d'Ingouville bien qu'elle soit exposée aux
vents d'ouest et du nord-ouest. Aux chantiers de construction de la
Seine qui occupent habituellement 300 ouvriers, le docteur Piasecki
n'a eu à constater en 12 ans que 8 cas de pneumonie franche. Chez les
OHvriers rafGneurs la même immunité relative a été constatée par le
docteur Gibert. La pleurésie est aussi plus rarement observée au Havre
qu'à Paris ; au contraire la hronchopneumonie y exerce de grands ravages.
L'influence des climats est donc fort grande ; elle est même toute-puis-
sante si l'on envisage certains d'entre eux qui assurent , dit-on , vis-à-vis
^ la pneumonie une immunité absolue ; tels seraient les tropiques et
le pôle et quelques autres encore ; malheureusement des renseignements
très-positifs nous font défaut sur l'anatomie pathologique des affections
de poitrine dans les différentes parties du globe. Aussi dans Tincerlitude
où nous sommes sur la vraie nature des affections que l'on nous dit être
des fluxions de poitrine, je crois prudent de m abstenir d'en dire da-
vantage.
7)% PISEUMOiME LOBÂIHE AiGUË. — causes occasiox.-vkllis.
Saisons, La pneumonie a sur le continent européen son maiimum de
fréquence de mars à mai, et son minimum de septembre à novembre. On
a noté que la bronchite est plus précoce : son maximum est de janvier i
mars, son minimum de juillet à septembre.
Ces chiiTrcs sont empruntés à la statistique du grand hôpital de Vienne
citée par Jurgensen. A mon grand regret, je n'ai pu utiliser les remar-
quables statistiques noscomialcs publiées chaque trimestie par E. Besnier,
dans le Bulletin de la Société médicale des hôpitaux de Pariê^ parœ
que la broncho-pneumonie n'y est pas séparée de la pneumonie.
J'ai souligné le mot continent : c'est qu'en effet dans les climats voi-
sins du littoral, la distribution mensuelle de la pneumonie est différente
et se confond avec celle de la bronchite. Cela s'explique en partie par le
fait que le long des côtes la pneumonie est plus souvent secondaire à une
bronchite.
Altitudes. L'influence des altitudes est certaine; à Chamouny, il y i,
dit-on, 1 pneumoniquc sur. 5 malades; au Pérou dans une vallée à la hau-
teur de 12,000 pieds, Tschudi indique aussi la fréquence insolite des
pneumonies ; même sous les tropiques la pneumonie cesse d'être incon-
nue à une certaine altitude,
Influence des vents, — D'après 0. Slurges, le chiffre des pneumo-
nies est à son minimum quand le vent est presque nul, de quelque côté
qu'il souffle. S'il est un peu intense, le chiflre des pneumonies est sen-
siblement modifié, suivant l'espèce de vent : avec un vent du nord on
du nord-est (pour l'Angleterre), les pneumonies atteignent leur maximuD
de fréquence; elle est au minimuni avec les vents du sud-ouest peu
intenses , alors même que la température est plus froide.
Causes occasionnelles. — l"En première ligne, il faut mentionner le
refroidissement, qui était autrefois considéré comme la seule cause de
la pneumonie, ainsi que le prouve Tadagc frigus unica pneumonût
causa est. Chomel et Grisolle ont, ajuste titre, combattu cette erreur.
D'après Chomel, sur 79 pneumoniques, 14 seulement avaient éprouvé on
refroidissement quelconque.
La statistique de Grisolle est plus étendue : elle porte sur 205 pneu-
moniques qu'il a interrogés avec soin à cet égard. Or, dit-il , ce n'est
que chez le quart des malades qu'on pourrait invoquer un refinoidisse-
ment comme cause occasionnelle évidente de la pneumonie. Sur
106 cas de pneumonie, Ziemssen n'a pu que 10 fois seulement proufer
l'existence d'un refroidissement. Celte proportion est déjà très faible.
Mais elle est encore élevée en comparaison de celle qu'indique Griesinger:
moins de 2 pour cent (4 fois sur 212 cas. Clinique de Zurich, thèse de
Bleuler. Clin. Beobachtungen iiher Pneumonie. Zurich 1865.)
C'est influencé sans doute par de pareils chiffres que le professeur
Jurgensen en arrive a dire que a le refroidissement n'est nullement une
cause occasionnelle fréquente de la pneumonie. » Or, pris à la letUe,
cette assertion me paraît légèrement exagérée. Aux chiffres véritableoieot
exceptionnels de Griesinger, on peut opposer ceux du professeur Ger-
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — causes occasio.nnelles. 597
hardi (thèse de Schapira) qui, surl66pneuinoniques, en a trouvé 33 dont
la maladie ne reconnaissait d'autre cause occasionnelle qu*un refroidis-
aemenl, ce qui nous ramène à la proportion de Chomel et Grisolle. Mais
il y a certainement plus : je mets en fait que les malades que nous soi-
gnons dans les hôpitaux sont peu capables de nous renseigner exacte-
meiil. Les refroidissements sont habituels et journaliers chez la plupart
d'entre eux; ils arrivent à n'y pas prendre garde, d'autant plus que sui-
fant les idées populaires qui reproduisent, comme un écho attardé, les
doctrines médicales^ le refroidissement a perdu beaucoup de l'influence
nocive qu*il passait pour exercer autrefois ; d'ailleurs le mot refroidis-
sèment est certainement mal compris par beaucoup de personnes étran-
gères à la médecine, qui se figurent, sans doute, qu'un abaissement sen-
sible de la température ambiante est nécessaire pour amener un
refroidissement. Or, il est évident qu'il n'en est rien et que l'état du
sujet y contribue plus que le milieu. Pour ma part, je conçois parfaite-
meni que des navigateurs au pôle, exposés à des températures exception-
neUement bases, précisément par cette raison, ne se trouvent pas, pen-
dant de longs mois, dans les conditions favorables à la production du
refroidissement. Au contraire, l'observation journalière montre qu'on se
refroidit, même dans la saison chaude, si la peau couverte de sueur est
exposée, pendant un certain temps, à Taction d'un air dont la tempéra-
lure est relativement abaissée, ou d'un courant d'air, etc., etc.
Nous disons la peau et non la muqueuse bronchique, car l'action
|iathologique du froid, sur cette dernière , n'est pas prouvée ; son inno-
cuité serait même démontrée, si l'on pouvait appliquer à l'homme les
résultats des expériences de B. Heidenhain, qui a fait respirer à des
chiens, alternativement de Tair chaud et froid, sans provoquer chez eux de
(meiunonie. (Virchow's Archiv. Bd. LXX.)
n est vrai que l'on n'a pas réussi davantage par d'autres moyens,
notamment par des refroidissements de la peau. Mais, à cet égard, il faut
remarquer que le tégument externe du chien diffère beaucoup de celui
de l'homme. Le chien ne sue pas; il est donc difficile de mettre sa peau
dans des conditions d'impressionnabilité très-favorables.
D'après Grisolle, c'est aux deux extrêmes de la vie que le refroidisse-
ment produit le mieux ses effets, parce que, dit-il-: <c dans l'enfance et
dans la vieillesse l'homme produit moins de chaleur qu'aux autres
iges. » En acceptant le fait, il est impossible de ne pas remarquer, en
ce qui touche l'enfant, que, relativement au poids de son corps, loin de
produire moins de chaleur que l'adulte, A en produit davantage, et que,
si néanmoins il se refroidit, toutes choses égales, plus facilement que
l'adulte, c'est à cause de son petit volume.
Quant au mode d'action du refroidissement, nous ne pouvons faire
que des hypothèses. Des médecins anglais ont pensé qu'antérieurement
i la pneumonie, il peut exister un certain degré d'hyperinose (Parkcs).
Ce serait donc par suite de la suppression des fonctions de la peau que
cet état dyscrasique serait créé. Mais jusqu'ici, c*est une hypothèse sans
598 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — cavsbs OGCASioiniBLLBS.
fondement scientifique. Une action réflexe s'exerçantsur les Taisseaux du
poumon , est assurément plus vraisemblable, dans Tétat actael de U
science. Je ne dis pas que cette seconde hypothèse soit parbitemeot
satisfaisante, mais on verra plus loin qu*il y a d'autres faits qui peuvent
lui prêter un certain appui.
Le peu de temps qui s*écoule en général, entre le refroidissement et le
début de la maladie, plaide dans le même sens. Grisolle Ta noté avec soin
dans 3 i observations et a trouvé que a chez 18 sujets, les sympiômes locauz
ou tout au moins le malaise, et les autres troubles prodromiques s'étaient
déclarés pendant Timpression même du froid ou quelques minutes après.
Chez 1 1 , l'effet nuisible du refroidissement ne s'est fait sentir qu'apm
une, deux ou trois heures. Enfin, chez 4 malades, il y a eu un interralk
de un à deux jours entre l'action de la cause et le début des premien
symptômes. » Grisolle pense que chez ces derniers, le refroidissement ni
en réalité pas eu d'action et qu'il a dû y avoir simple coîncidenoe.
Je comprends cette réserve, mais je dois faire remarquer que c^est pré-
cisément pour les cas de ce genre que l'hypothèse des médecins anglab
pourrait être soutenue.
2** Surmènement, — Les auteurs ne me paraissent pas appréciera si
valeur cette cause qui. selon moi, agit non-seulement comme prédispo-
sant mais encore comme occasionnelle. La fatigue jette l'économie dans
des conditions non-seulement d'imminence morbide, mais elle réalise
même un état anormal dans lequel l'organe minoris reststentix peut
être affecté. Le seul surmènement dont parle Grisolle c'est celui des
organes de la respiration, qui, d'après lui, est sans importance patho-
génique, ce que j'accorde volontiers.
3** Agents toxiques et irritants, — Quant aux excès alcooliques, Cri-
sollo est très affirmatif : <( Chez plusieurs malades il était impossible de
trouver d'autres causes occasionnelles comme un refroidissement par
exemple, parce que ces individus avaient été placés dans des conditions
telles que le froid n'avait pu agir sur eux. Chez tous, l'influence de la
cause s'est fait rapidement sentir. Chez deux, les symptômes de la pneu-
monie se déclarèrent dans les premières heures qui suivirent l'ivresse. »
D'autres agents toxiques peuvent vraisemblablement jouer aussi le rôle
de cause occasionnelle ; mais il est douteux que leur introduction por la
voie bronchique puisse être suivie du même résultat :
Les anciens auteurs, Van Swieten etJ. Frank ont rapporté l'histoire de
plusieurs individus qui furent affectés d'hémoptysie et de pneumonie à
la suite de Tinhalation d'ammoniaque, d'acides chlorhydrique et sulfuiYOï.
Grisolle objecte, avec raison, qu'il s'agissait probablement chez eux
de bronchite capillaire plutôt que de pneumonie. DinstI dit avoir tu
plusieurs fois et Eppinger trois fois une pneumonie consécutive à l'inha-
lation de gaz irritants. Ils ne disent pas si c'est une pneumonie fîbrineiise.
Je liens du docteur Foubcrt, médecin-inspecteur à Villers-sur .Mer,
(|ue la pénétration de l'eau de mer dans les poumons peut être suivie de
'Ugestion pulmonaire fébrile, mais non d'une vi*aie pneumonie.
i:
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — causes occasionnbllks. 399
4* Trauniatismes. — Au nombre des causes occasionnelles, rares
d'ailleurs, de pneumonie, on a aussi cité les causes traumatiques, mais la
plupart d'entre elles provoquent une pneumonie locale, différente au
point de ?ue de la nosologie de la maladie que nous étudions ici. Les plus
fréquentes de ces causes sont les contusions du thorax compliquées ou
non de fracture des côtes dont les fragments peuvent blesser le poumon.
Lieulaud et Portai ont prétendu que la pneumonie peut succéder à des
traumatismes des parties éloignées. Grisolle dit ne connaître aucun
exemple authentique qui prouve qu'une pneumonie ait jamais succédé
à one pareille cause. Le fait suivant, qui a récemment donné lieu en An-
gleterre (Lancety 27 avril 1878), à une instance en dommages et intérêts
de la part des héritiers, pourrait peut-être passer pour un cas de pneu-
monie suite de shoc. Il s'agit d'un voyageur qui au moment d'un tam-
ponnement n'éprouva, dit-il, aucune contusion thoracique ni d'un côté
ni deTautre, mais ressentit un ébranlement général, puis se sentit faible
et revint au bout de quelques heures chez lui ; il se plaignait de douleurs
dans le côté droit et dans le dos. Le médecin le même jour trouva la res-
piration accélérée. Le jour suivant il se manifesta des signes de pneu-
monie du côté droit. Sept jours plus tard on constata de plus une pleu-
résie du même côté. La mort arriva huit jours plus tard. L'autopsie fut
faite conjointement avec le docteur Clitford Albutt qui, ainsi que le mé-
decin traitant considéra la maladie comme consécutive au choc. Malheu-
reusement l'absence d'ecchymose interne de la paroi thoracique n'est pas
explicitement affirmée.
5* Actions neigeuses. — Il convient de rapprocher des pneumonies dues
au choc celles qui seraient, dit-on, consécutives à une vive émotion
morale, si tant est qu'elles en soient le résultat : Grisolle en rapporte un
exemple. Il s'agit d'une femme qui « apprenant qu'elle avait été victime
d*un vol, éprouva un saisissement violent qui fut promptcment suivi d'un
frisson, d'un point de côté et de crachats rouilles. »
Les pneumonies succédant à une lésion du système nerveux central
passent pour être communes.
On voit en effet souvent chez les apoplectiques se développer une
pneumonie quelques jours après l'attaque, alors que le malade, confîné au
lit, ne peut guère avoir éprouvé l'influence d'un refroidissement ni d'au-
cune autre cause occasionnelle appréciable; de plus cette pneumonie
siège d'ordinaire du côté opposé à la lésion cérébrale, c'est-à-dire du
même côté que l'hémiplégie des membres. Il paraissait donc extrême-
ment vraisemblable de placer cette pneumonie sous la dépendance de la
lésion encéphalique au même titre que les hémorrhagies pulmonaires,
gastriques ou autres qui surviennent si souvent dans les mêmes condi-
tions, soit chez l'homme, soit chez les animaux qui ont subi un trau-
matisme de l'encéphale. (Voir Brown Séquard, Soc. de Biol,, 1870.)
Mais il résulte des recherches de Charcot que ces pneumonies n'ont de
la pneumonie lobaire que l'apparence et qu'au fond elles ressortisscnt
aux broncho-pneumonies. Ce sont des pneumonies pseudo-lobaires, à
40t) PxNËUNOME LOBAIRE ÂIGUL. — causes occasiohrbllu.
rapprocher par conséquent des hroncho-pneumonics sous la dépendance
de lésions du pncumo-gastrique qui depuis Traube ont fait le soiet de
tant de recherches expérimentales et que l'on a parfois l'occasion de ren-
contrer chez l'homme (surtout sous la forme de pneumonie pseudo*lobaire
dans diverses circonstances où les pneumo-gastriques sont léaés, par
exemple, dans le cas d'épithéliomc de Toesophage.
Ainsi, jusqu'à ce jour, nous ne connaissons en fait de pneumonies
dépendant manifestement de lésions nerveuses, que des broncho-pneiH
monies. Est-ce là le dernier mot de la science?
Mon s«nvant collègue, Fernet, ne le pense point. D'après lui, la pneu-
monie franche, dite Qbrineuse, est le résultat d'un a trouble trophiqoe
placé sous la dépendance d'une névrose du pneumo-gastrique ». A Tapp»
de cette idée, il rapporte trois cas où il a trouvé du même côté que b
pneumonie, le pneumo-gastrique plus gros et injecté; dans un cas (Ie2*|,
il y avait en même temps une pleurésie avec épanchement; le nerf phé-
nique du même côté différait aussi de celui du côté opposé. Dans le troi-
sième cas, la lésion du pneumo-gastrique du côté correspondant à b
pneumonie « commençait nu quart inférieur du trajet du nerf au cou : à
ce niveau se montre une injection vasculaire et les (ibres nerveuses offreot
une teinte grisâtre rosée et terne au lieu de la coloration blanche et
nacrée. Cette apparence se prolonge en bas jusqu'à la division du nerf.
Le volume du nerf n^est pas augmenté. Dans deux cas, l'examen histo-
logique a été fait avec soin et n'a rien révélé d'anormal. »
Quant à la nature de la lésion pulmonaire consécutive à la névritf
(|u'il admet, Fernet pense que c'est un herftès. Je reviendrai sur ce
dernier point qu.md je discuterai la nature de la pneumonie et je me
bornerai à faire remarquer ici que, vu les résultats négatifs de l'examen
microscopique, le terme de névrite n'est peut-être pas sulfi^amment ju5*
tiGé. De plus, la rougeur du nerf était localisée dans sa partie inférieure,
ce qui plaiderait plutôt en faveur d'une altération consécutive à la pneu-
monie. Je dois enfin ajouter que j'ai cette année recherché, dans quatre
cas de pneumonie, la lésion indiquée par Fernet et qu'à l'œil nu je
n'ai rien remarqué d'anormal dans le pneumo-gastrique. Dans un des
cas, le nerf traité à Tétai frais par l'acide osmique a été examiné au mi-
croscope et l'examen contrôlé par mon collègue Pierret, dont la com-
pétence en cette matière est si grande ; or, le nerf a paru parfaitement
sain. Je n'ignore pas que des résultats négatifs n'infirment pas les b\\s
positifs; aussi je me contenterai de dire que les conclusions de Fernet
demandent à être contrôlées par de nouvelles observations.
Un médecin qui a observé dans l'Inde un bon nombre de cas de
coups de chaleur, le docteur Jessop, a supposé que certaines pneumooiei
consécutives à des insolations peuvent dépendre d'une action reOeit.
D'après lui les nerfs sensoriels optique et olfactif, trop vivement impres-
sionnés, en seraient le point de départ. Cette hypothèse ne peut s'ap-
puyer sur aucune base expérimentale; et d'ailleurs dans le coup de
'^ur bien d'autres intluences qu'une influence réflexe peuvent, ce
PNEUMONIE LOBAIRE AIG(jf:. — causes occasioknri.lbs. 401
semble* produire une pneumonie. Reste de plus à savoir si ce sont des
pneumonies (ibrineuses qu'à observées Jessop. Or, rien n*est plus douteux.
6* Causes extrinsèques de nature inconnue. — Dans la majorité des
cas, il faut bien l'avouer, la cause déterminante de la pneumonie n'est pas
Facile à trouver ; mais ce qui prouve qu'un certain nombre d'entre elles
ont pour cause réelle une influence extrinsèque^ c'est le fait qu'à certains
moments de l'année, dans certaines localités, les pneumonies deviennent
beaucoup plus nombreuses, fait établi pour beaucoup de localités et
constaté à Paris par nombre d'observateurs, notamment par le professeur
Charcot qui, sur un même terrain, la Salpêtrière, voit le nombre des
pneumonies lobaires varier suivant les années. Au grand hôpital de
Vienne en 1856, il y avait 18 pneumonies sur 1000 malades; en 1858,
55. A l'hôpital Julius, à Wûraburg, la proportion a été tantôt de 27,
tantôt de 47. Certaines localités restent pendant des années tout à fait
indemnes de la pneumonie et sont ensuite frappées d'une manière meur-
trière (Fuckel).
On a accusé l'ozone sous prétexte que c'est lin gaz irritant, mais je
croîs que c'est bien à tort : mieux vaut avouer notre ignorance.
Il serait possible, à la rigueur, que les pneumonies dont on vient de
farler, résultant de constations médicales fussent produites par une cause
spécifique, analogue, mais atiénuéey de celle qui engendre les pneumonies
•miasmatique et contagieuse. W. Ziemssen a signalé un certain paralle-
lisme entre les maxima et les minima de la pneumonie et de la fièvre
•typhoïde. Les années ou la pneumonie est peu commune sont aussi
-^■trquables par le nombre de fièvres typhoïdes; et ce qu'il y a de curieux,
c'est que ces maxima et ces minima seraient souvent les mêmes pour
tout notre hémisphère, c'est à-dirc pour l'Amérique septentrionale aussi
hm que pour TEurope. Mais dans cette coïncidence, Ziemssen voit la
fKuve d'une cause simplement prédisposante et non d'une cause
cfliciente.
7* Causes miasmatiques, — Un médecin belge, le docteur Barella
donne de la coïncidence découverte par Ziemssen et qu'il a de son
côté trouvé exacte pour Bruxelles, une explication qui paraîtra sans doute
entachée de paradoxe : pour lui, beaucoup de pneumonies sont pro-
doites par le poison typhique lui-même, et constituent une détermination
-pilmonaire de l'intoxication typhique. Je crois fermement, pour ma part,
- Boo-ceulement à la possibilité, mais même à l'existence incontestable de
-k pneumo-typhoïde (Gerhardt), c'est-à-dire d'une détermination typhique
'-Hlaisant d*emblée sur le poumon, ainsi que l'ont admis Dietl, Griesinger,
^Gerhardt et plusieurs autres auteurs : des exemples, selon moi, irréprocha-
- lies en ont été publiés par ces deux derniers auteurs (thèse de Garbagni)
- |ir Gauchet (service d'Hérard) par moi même, etc. Mais je diffère de
- Iirella, quant à la fréquence de ces pneumo-typhoïdes : il les croit com-
'arnnes; je les tiens pour rares dans notre pays. Il parait en être de
aéme eu Allemagne. Elles seraient, d'après le professeur Gerhardt, plus
^mmuues en Suède et surtout dans le nord de l'Amérique. On ne peut
. DiCT. m£d. bt cuir. XXVIIT — 2«
402 PNEUMONiE LOfiÀlRE ÂiGUË. — gaises occasiouiicllbs.
mettre un doute qu*il €xkte une grande analogie entre la cause de ces
pneumonies nées seuâ l'influence d'une constitution médicale et le miasme
lyphique, mais il n'y a pas je ci^is identité.
C'«st ici le lieu de dire ^elques mots des remarquables recherches
qu'a publiées récemment le professeur Klebs et qui, venant d'un obteru-
ieur aussi conscîenoieiu:, ne f»eii?ent manquer d'être prises en sérieuse
ooBsidératioii.
Sur des oadavres de pneumoniques, pendant la saison firoidet lilA$
a trouvé d'une manière à peu près constante, non-seulement dans k
liquide hronchique , mais dans des parties profondes de rorganîsme,
notammeat dans la sérosité ventriculaire du cerveau et en grande quantité,
des oi^nismes (mcDadines) dont il décrit longuement les caradèics
diGTérei^iek d'avec les miscrosporines (autre groupe des schistomycètes),
lesquelles s'ebservent dans les affections septiques, dans le typhus et
dans la diphtiiéric. Les monadines se rencontrent d'ailleurs d'une an-
nière un peu banale dans les voies aériennes de cadavres d'indiviAi
ayant succombé à des maladies fort diverses; mais ce n'est pas, d*a|H«i
Klebs, une raiseo suffisante pour nier leur action pathogénique : elles
peuvent exister dans tontes les parties accessibles à l'air ; ce n'est qie
si elles pénétrent dans l'organisme qu'elles déterminent leurs eOeli
Gkheux. fians quelques cas, Klebs pense qu'elles pénètrent par la foie
intestinale. Les monadines causent non-seulement des pneumonies, mail
des néphrites, des hépatites, des endocai*dites, ainsi que semblent le
prouver d'une part Tautopsie de sujets chez lesquels une de ces mali*
dies coexistait avec la pneumonie, et d'autre part quelques inoculatiou
pratiquées dans la chambre antérieure de Toeil chez le lapin. A h
seconde génération obtenue par culture dans le blanc d'œuf, les monadimi
ont une action encore plus énergique, de même que les micrococd de la
septicémie, ainsi que Ta découvert Davaine.
Telle est la séduisante synthèse du professeur Klebs. Je ferai seulement
remarquer que nos pn»imonies diffèrent de celles de Prague au moius
en un peint : nous ne rencontrons pas en effet aussi souvent qu'on le îoit
dans œtte ville, la coexistence de néphrites, d'hépatites, etc.
En tous cas, les pneumonies de Prague nous serviront de transition pour
parier des pneumonies contagieuses, dites zymotiques, pythogéniqaes, sur
lesquelles on a beaucoup insisté en Angleterre dans ces derniers temps
et qui oottsiituent de petits foyers très-circonscrits, de village ou de mai-
son (A. Mttller, €ourvoÎ8ier, Uœgler, Thorensen), dans lesquels la co&li-
gîon peut être parfois sûrement établie, ou de plus grandes épidémiei
AlpensUch (Lebert). Celle d'Islande, relatée par le docteur Hjaltelin, et
mainèe fois citée, parait n'avoir été qu'une épidémie (Tinfltienza tm-
fdiqnès^ pneumonie : la mortalité a été médiocre puisque sur 80 pues-
aMnies il n'y eut que 3 moiis. L'épidémie qui sévit sur le 2T tifr
méat de JNew^BrunswidL, rapportée par le docteur Welsh, et celle ik
pleurofnanaMnie qni régna en 1860 sur quelques vaisseaux de la flotte
dans ia niédilorDanée furent plus sérieuses.
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — pneumonies secondaires. 403
Le docteur Dahl, à Christiania, a décrit une épidémie de prison ; plus
récemment, le docteur Rodmann a publié le relation de deux épidémies
sunrenues dans la prison de Francfort (Kentucki). Dans l'une d'elles, sur
98 malades il y eut 25 morts, presque tous nègres. La ville était, pen-
dant ce temps, dans de bonnes conditions de santé.
En 1874, le docteur Kuhn a observé dans la prison de Moringen une
épidémie du même genre.
En l'absence d'épidémies, Schroter, Ilennig, Wyutcr Blyth, Hardwich
et (^omelli ont publié des cas où la pneumonie a paru manifestement
|iroduite par la contagion.
A cet égard, le fait rapporté par Brunner est fort instructif :
On pratiquait chez un phthisique Topération de la trachéotomie eu
niison d'accidents avec œdème de la glotte (dû au développement de gra-
nulations dans le larynx). Le médecin, à cause de sa myopie, se tint
fart rapproché de la plaie trachéale, pendant une heure. Deux heures
«près, il eut un frisson qui dura vingt minutes, se mit à tousser et res-
«êntit un point de côté. L'expectoration était visqueuse. Vingt minutes
iprèt, nouveaux frissons d'une durée encore plus grande, délire. Le qua-
Iriènie jour, on constate une liépatisation de la base droite qui se tend
IMTOgressivement et envahit tout le poumon, Mort le septième jour.
A tautopsie^ hépalisalion grise du poumon avec résolution commen-
fanl à la base, dans le centre du foyer, de la grosseur d'une fève (com-
. aenc^ment d'abcès) ; à gauche, hépatisation du lobe inférieur. Augmen-
C talion de volume du foie et de la rate.
[ Preuhokies secondaires. — <c La pneumonie, dit Grisolle, peut se
i: développer dans le cours de toutes les maladies aiguës et chroniques e
f- certaines d'entre elles se compliquent si fréquemment d'inflammation pul
ï monaire qu'il est impossible de nier leur influence, soit comme causes
prépondérantes, soit même comme causes excitantes de la maladie
■ intercurrente.» (Grisolle, p. 160.)
En première ligne, Grisolle cite la rougeole; mais il confond ici la pneu-
monie et la broncho-pneumonie. En fait, rien n'est plus rare que la
{Hieumonie fîbrineuse rubéolique, si tant est qu'elle ait été réellement
observée. Taube a décrit un cas de pneumonie qu'il appelle croupale,
L mm qui se distinguait, dit-il, de la pneumonie fibrineuse par Tabondance
^ dm globules blancs dans les alvéoles. De plus la lésion était diffuse; aussi
1 parait-elle avoir beaucoup de rapports avec la broncho-pneumonie.
^ H en est à peu près de même pour la coqueluche; la véritable pneu-
Knonie fibrineuse y est exceptionnelle si vraiment elle s'y rencontre.
P^ Damaschino dans sa thèse en rapporte cependant un exemple, et je ne
F demanderais pas mieux que de l'accepter, mais il le considère lui-même
^ «omme douteux.
Parmi les maladies aiguës autres que les fièvres éruptivcs, il faut, en
première ligne citer la fièvre typhoïde. J'ai mentionné plus haut la pneu-
monie primitive, si l'on peut s'exprimer ainsi, de la fièvre typhoïde, autre-
ment dit la pneumo-typhoïde. Je n'y reviens pas, mais je dois marquer la
404 P.NEUMOMK LOBAIRE AIGUË. — pnbuho!(ibs sbcoxhaikis.
place des pneumonies du deuxième et du troisième septénaires» s*il est
vrai qu'on puisse quelquefois rencontrer parmi elles des pneumonies
fibrincuscs, et non exclusivement des pneumonies pscudo-lobaires (voir
la thèse de Dcsiais, Paris, 1877.
On prétend que la pneumonie fibrineuse a aussi été observée dans le
typhus, la fièvre récurrente, la malaria, la méningite cérébro-spinale,
la diphthérie, etc., etc. Relativement ù cette dernière, Rilliet et Barthei
croient que la pneumonie y est toujours lobulairc. Par contre. Joies
Simon (article Cuorr, t. X de ce Dictionnaire) et Sanné (Traité de h
diphthérie, 1877, p, 85), auraient vu des pneumonies lobaires dans it»
cas de croup ; mais c'étaient peut-être des pneumonies pseudo-lobaires.
Mon collègue et ami le docteur Straus a fait paraître l'an dernier une
remarquable observation de pneumonie érysipélateuse. J'y renvoie le
lecteur (Revue mensuelle de Médecine^ 1879).
La pneumonie fibrineuse, en Angleterre du moins, n'est pas rare dans
le rhumatisme articulaire aigu (Fuller, Latham). Chez nous, e*est ooe
complication beaucoup plus rare, un peu moins rare cependant que ne le
pense Grisolle, car j'en ai vu pour ma part quelques exemples dans ces
dernières années.
Parmi les affections chroniques, ce sont, je crois, les affections rénal»
qui donnent le plus souvent naissance à la pneumonie fibrineuse.
Rayer Ta rencontrée dans un douzième des cas de maladies de reins.
Le professeur Jaccoud se fondant sur la statistique de Frerichs et de
Rosenstein, estime sa fréquence à 12,8 7o- J^hn Taylor va jusqu'à 24 7,.
Becquerel (sur 127 cas) l'a vue dans la proportion de 20 7o-
Grainger Stewart (Bright's Diseascs of the Kidney) Ta rencontrée dansk
rapport suivant avec les différentes formes de maladie de Bright.
Dans ]a néphrite nigur 21 •',
Dans le rein coiilmclé 7 ••
Dans lo rein nmvioitic 4*-
Selon 0. Stiirges, la pneumonie serait plus commune dans le rein
amyloide que dans les autres formes de maladies de Bright. Rappelant l'opi-
nion de Dickinson, il ajoute que dans la néphrite pnrenehymaleu5P, on
observerait des péricardites et des pleurésies plutôt que des pncumomVs et
que dans la néphrite interstitielle il y aurait peu de tendance aux inflnin- i
mations parenchymateuses. Ces assertions demandent à être contrôlées.
On a dit (|ue la pneumonie est commune dans les affections du cœur,
mais cette proposition ne me paraît pas parfaitement exacte. Ce qu'il ol
fréquent de trouver chez les cardiaques, c'est la carniOcation; la pneu-
monie elle-même est assez rare.
Pour la tuberculose la question est controversée Rernheim. notao-
ment soutient, à cet égard, l'opinion, un peu absolue, selon moi, qu'mi
phthisique ne peut être pris de pneumonie fibrineuse. (Leçons de di- f
nique médicale^ p. 39) Enfait, j'avoue n'en avoir pas observé moi-m«Df. j=r
La pneumonie n'est point rare chez les diubéliques. Après la phthisie.
PNEUMONIE LOBÂlRE ÂIGUE. — tableau et marchk dk la maladie. 405
c'est la complication à laquelle ils succombent je croîs le plus souvent.
Les cancéreux, les cirrhotiques et généralement tous les cachectiques
sont fort exposés à la pneumonie. C'est chez un sixième, au moins, la
cause de la mort.
OnTobserve aussi à la suite de brûlures et d*autres alTections chirurgi-
cales dans une proportion que je ne suis pas en état de déterminer. J'ai
déjà parlé plus haut des pneumonies qui succèdent au shoc.
En résumé, les causes déterminantes des pneumonies primitives ou
aecoodaires envisagées d'une manière générale, se réduisent à deux :
exirinsèques ou intrinsèques, mais il n'est pas facile de faire la part de
chacune d'elles.
Aux premières ressortissent évidemment les pneumonies contagieuses,
manifestement miasmatiques; et les pneumonies sou3 la dépendance d'une
constitution médicale, qu'on admette ou non pour elles une influence
miasmatique mitigée. Aux secondes appartiennent les pneumonies qui
sont le résultat d'un trouble nerveux ou d'une dyscrasie. Mais outre les
pneumonies évidemment de cause, soit extrinsèque, soit intrinsèque, il
en reste un certain nombre dont la cause, probablement extrinsèque est
encore obscure et réclame la lumière de l'avenir.
Tablemu et marche de la maladie. — Née sous l'une quel-
conque des influences que nous venons de passer en revue, la pneumonie
évolue de différentes manières. Elle débute en tous les cas par une con-
gestion à laquelle succède une exsudation intra-alvéolaire qui, au bout
de quelque jours se résorbe si la terminaison doit être favorable. Voilà le
processus de la pneumonie. Mais, autant il est simple et régulier, autant
sont complexes et variables les phénomènes par lesquels il se révèle :
tantôt les symptômes de début sont solennels; tantôt ils sont insidieux;
tantôt la fièvre est intense ; tantôt, elle parait manquer ; tantôt des
signes physiques d'auscultation et une expectoration caractéristique
décèlent clairement la lésion ; tantôt ils font défaut ainsi que Texpectora-
tion; tantôt l'affection pulmonaire reste jusqu'à la fui seule maladie; tantôt
elle se complique des alTections les plus variées et les plus graves. Bref, je
n'en finirais pas si je voulais rappeler les contrastes qui abondent dans
l'histoire de la pneumonie et qui la rendent, de toutes les grandes mala-
dies internes, Tune des plus intéressantes et des plus difficiles à exposer.
En décrivant une espèce morbide, et afin que leur description s'appli-
que bien à toute l'espèce, les pathologistes empruntent à chacun des dif-
férents types dont elle se compose quelques particularités, de même que,
dit-on, les statuaires grecs copiaient sur différents individus les traits qui
leur paraissaient les plus parfaits. Mais cette méthode n'est pas applicable
quand l'espèce est disparate ou, en d'autres termes, quand les individus
qui la composent sont fort dissemblables entre eux. Elle aboutirait à pro-
duire un tableau qui non-seulement ne ressemblerait à rien de réel, mais
qui serait même une véritable monstruosité. Voilà ce qui arriverait si je
décrivais la pneumonie en mélangeant les traits de ses différentes varié-
tés. Pour ne pas tomber dans ce défaut, je retracerai le type commun,
406 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — tableau et marche de la SALàiMi.
régulier, de la pneumonie primitive, celui que nous avons habilueUement
sous les yeux dans les hôpitaux de notre pays ; puis quand j'aurai «oeou-
sivement passé en revue tous les symptômes dont le groupement constitoe
ce type, je donnerai un aperçu des autres formes, mais d'une manière
brève, afin de ne pas tomber dans trop de redites.
Tableau du type commun régulier. — Chez le quart des malades il y
a des prodromes, consistant, dit Grisolle, en malaise général avec ou sans
perte de l'appétit et des forces, et sensibilité au froid; puis survient an
frisson violent, presque constant chez l'adulte et aussi chez le Tieillard
(Charcot). Ce frisson, dans les trois quarts (fe« ca«, est le symptAm»
initial de l'invasion de la pneumonie.
Après le frisson qui est parfois suivi d'un vomissement, le malade
ressent un point douloureux siégeant sur l'un des mamelons ou latérale-
ment à la base de la poitrine; puis il éprouve de l'oppression et com-
mence à tousser. En même temps il se sent accablé et souffre de cépha-
lalgie ; beaucoup éprouvent le besoin immédiat de s'aliter.
C'est qu'en effet le frissonn'est que la première manifestation d'une fièvre
intense. Au moment où il a lieu, la température des cavités naturelle»
est déjà un peu au-dessus de la normale. A partir du frisson, elle s'élève
très rapidement. Chez une vieille femme, Quinquaud (thèse de Monthus
Paris 1868) a noté les chiflres suivants : au moment du frisson 38%3;
un quart d'heure après 39^,3; une heure après 41^ C. Ce dernier
chiffre est à la vérité un peu exceptionnel et chez cette malade l'asteii-
sion thermique a été beaucoup plus rapide que d'habitude. La règle est
de trouver 40^ C. environ, quelques heures après le frisson.
Un amendement momentané peut succéder au frisson initial; U
température s'abaisse quelquefois de plus d'un de^^é et le malade éprouve
un bien être relatif. Mais c'est là un calme trompeur, et au bout de quel-
ques heures, la maladie reprend sa marche. La température remonte à
40** et s'y maintient ou dépasse ce chiffre.
Dès le lendemain divers signes physiques viennent affirmer l'existence
de la pneumonie et nous renseigner sur son siège. C'est en premier lieu
une expectoration spéciale, caractéristique et ce sont des signes de percus-
sion et d'auscultation, dont les râles crépitants, signe d'engouemefll
pulmonaire, sont les plus décisifs.
Le surlendemain du frisson et même le jour suivant, on observe dans le
plus grand nombre des cas une extension de la phlegmasie, à en juger par
les signes physiques : les râles crépitants d'abord concentrés en un
foyer restreint, par exemple dans l'aisselle, occupent une plus large sur-
face, tandis qu'un nouveau signe d'auscultation, du souille, signe habituel
de l'hépatisation coiifirmée, occupe le point primitivement envahi par
.es râles crépitants. Pendant plusieurs jours la pneumonie peut s'étendre
proche en proche ; parfois, mais fort rarement, elle envahit même le
poumon du côté opposé.
Pendant ce temps la fièvre persiste, continue, sauf des rémissions sur
lesquelles nous reviendrons plus loin, et des exacerbalions dont la cause
PNEUMONIE LOBâUŒ AIGUË. snnronvreMm spéciale. Mf
parfois nous échappe, mais le plus souvent peiiil étfe importée à me
extension de la phlegmasie. L*état général, It dépresnon dts fercm,
l*anorexie, etc., vont en s'aggrayant pendant plusieurs jours.
Puis, à un moment qui varie entre le sixième et le neuvième jour;
a partir du &ébut, rarement plus tôt ou plus tard, îl y a dans le tableao
sjmptomatique un changement assez brusque, dm» le cae oè la maladie
doit guérir : la (ièvre tombe ; il se produit parfois^ quelques phénomènes
dits critiques : des sueurs, un sédiment nrinaire, et chez le vieillard, sou-
Tent de la diarrhée; les signes locaux se modifient, Thépatisatien se
résout, à en juger par la disparition du soufOe et les rides de retour; et
le malade entre en convalescence.
Si la défervescence n'a pas lieu, la suppuration de la partie hépatisée
s'établit ; la fièvre persiste et le malade meurt au bout d'un temps va-
riable, soit de la pneumonie elle-même, soit parle fart d'une complication.
Étudions avec quelques détails les diflerents symptômes :
Symptomatoloi^e spéciale. — Habitus extérieur. — Bien qu'il
ne soit nullement caractéristique, il suffît souvent à un médecin expéri-
menté pour lui faire soupçonner l'existence d'une pneumonie : la face est
altérée dans presque tous les cas ; non qu'elle présente cette animation
banale que l'on observe dans tout malade fébrile, on qu'elle soit uniformé-
ment rouge et vultueuse : d'habitude le front et le sillon naso-labial
sobI pfties tandis que les pommettes sont fortement colorées, surtout l'une
d'elles et souvent une seule exclusivement ; les yeux sont un peu in-
jectés; quelquefois les lèvres sont légèrement cyanosées; puis le long du
sillon naso-labial ou autour de la bouche, existent parfois quelques vési-
cules d'herpès. Quant à son expression, le visage accuse la souffrance,
Paocablement, et surtout la dyspnée, qui, lorsqu'elle est très-prononcée,
se manifeste, surtout chez les enfants par des mouvements inspiratoires
des narines. S'il y a tendance à l'asphyxie, les muscles auxiliaires du cou
entrent en action ; on remarque une cyanose générale des extrémités ;
le malade est anxieux ; il s'assied à moitié sur son lit, la tête élevée.
D'habitude le décubitus se fait sur le dos ; du côté malade, il est péni-
ble et même douloureux si le point de côté est intense ; cependant les
enfants choisissent souvent ce côté, mais alors se tiennent immobiles, en
courbant instinctivement la colonnne vertébrale du côté sain. C'est par
eet ensemble de symptômes extérieurs que l'attention du médecin est
attirée vers l'appareil respiratoire.
SYMPTÔMES FOURMS PAR l'aPPAREIL RESPIRATOUIE. — 1" Poiflt dt CÔté. —
il siège du côté de la pneumonie, le plus souvent au niveau du mamelon,
ou bien un peu en bas et en dehors, exceptionnellement en dedans du
mamelon et plus rarement encore dans l'aisselle, dans le flanc, ou dans la
fosse sous-épineuse.
La douleur est vive et lancinante chez la moitié des sujets ; quelquefois elle
est fort peu accusée et il faut pour la réveiller un certain degré de pres-
âon. Elle peut manquer, surtout dans le cas où la pneumonie est cen-
trale ; quant à sa pathogenie, l'explication la plus satisfaisante me parait
408 ' PNEUMFNIE LOBAIRE AIGUË. — oTPUiiB.
celle de Jurgensen qui, comparant la douleur du point de cM k
celle du panaris, pense qu'elle est le résultat de la pression exercée sur
la plèvre par le poumon augmente de volume. Dans quelques cas tout à
fait exceptionnels, elle s'est, dit-on, manifestée du côté opposé au pou-
mon malade (Laennec, Gerhard t). Selon ce dernier, cette anomalie
s'expliquerait par les anastomoses qui existent entre les neris inlercostanx
de l'un et de l'autre côté.
2^ Dyspnée. — Elle est non-seulement objective, mais subjeclife,
quelques malades se plaignant soit d'un sentiment de gène au moment de
l'entrée de Tair dans la poitrine, soit éprouvant le sentiment angoisainl
du besoin d'air ; mais c'est seulement la dyspnée objective qui doit nous
occuper ici.
A. V accélération de la respiration, qui est le caractère principal de la
dyspnée objective, est constante et souvent considérable, surtout cheilci
enfants en bas âge qni peuvent avoir soixante- dix à quatre-vingts resp-
rations par minute. Elle survient peu d'heures après le début de la mali-
die, quelquefois tout à fait au début, avant tout autre symptôme physique.
Non-seulement le chiffre absolu des respirations est beaucoup aug-
menté, mais ce qui a plus d'importance pour mettre sur la voie d'une
affection thoracique, le rapport entre la fréquence du pouls et de la res-
piration est notablement modifié. Tandis que dans les maladies fébriles
qui n'intéressent pas l'appareil respiratoire, il est comme à Tétat normal
représenté par les chiffres : 2 :: 9, il devient : 4, 5 ou 6 :: 9, ce qui
tient probablement à un excès d'acide carbonique dans le sang.
Sauf dans quelques cas de pneumonies où l'on voit une dyspnée
extrême duc selon toute vraisemblance à une congestion concomitante
du poumon, la dyspnée n'est très-grande en général qu'au bout de quel-
ques jours, et alors elle se lie souvent à l'existence d'une pneumonie
très-étendue ou bi-latérale.
Néanmoins il est impossible de préjuger à l'aide de ce seul signe l'éten-
due de la phlegmasie ; car il y a à cet égard de nombreuses excep-
tions : plusieurs malades, au rapport de Grisolle lui-même, « ont succombé
a des pneumonies doubles ou avec une hépatisation de tout un poumon,
cl cependant chez eux Ton n'avait jamais compté que 24, 28 ou 30 re^
rations ])ar minute, tandis que chez d'autres malades, qui n'avaient que
des pneumonies très-circonscrites, le nombre de respirations dépassait
50 ou 60. Plusieurs faits[de ce genre ont été vus par nous pendant l'épi-
dcmie de grippe qui régna à Paris en 1837. Le plus ordinairement il n'y
avait vers la plèvre, le poumon et le cœur aucune complication. Doit-on
-ilors attribuer, avec les pathologislcs anglais la dyspnée et Taccélén-
tion de la respiration à une excitation inflammatoire de tout le pou-
mon? Ce serait faire une supposition qu'il nous serait impossible de
justifier par aucune preuve anatomiquc ou symptomatique; il faut oe
voir ici que des différences résultant de dispositions individuelles tenant
à une impressionnabilité qui n'est pas la même chez tous, à une idiosyn-
crasie dont la cause reste toujours inexplicable pour nous. »
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — expectobatiok. 409
Cette opinion de Grisolle ne me parait juste qu en partie : il est certain,
pour traduire sa pensée dans le langage actuel, que la dyspnée dépend du
degré d'excitabilité du bulbe. Or, une excitabilité faible n'est pas le résul-
tat d'une idiosyncrasie, c'est-à-dire d'une disposition individuelle. Un
médecin comme lui n'aurait pas dû oublier que l'excitabilité yarie avec
l'ëlat des malades. Dans le collapsus, dans la période terminale, elle tombe
au minimum ; dans la phase sthénique de la maladie, elle est exaltée, de
sorte qu'il suffit de transporter du poumon au bulbe Vinflammalory ex-
eUement de Slokes pour que la vue du médecin anglais exprime une
réalité au lieu d*une erreur.
Ce n'est pas seulement un sang anormal par sa température ou sa
Imeur en gaz qui est susceptible d'exciter le centre respiratoire du
bulbe ; on sait qu'on arrive encore au même résultat par Texcitaton des
oerfe. Tout porte à croire qu'il peut en être ainsi dans la pneumonie.
Bouillaud croit que, to.utes choses égales, la pneumonie du sommet
dkinne lieu à une dyspnée plus forte que la pneumonie de la base. Si le
fait est exact, Texagération de la dyspnée s'expliquerait par une action
réflexe, car, ainsi que nous le verrons plus loin, les pneumonies qui occu-
pent le sommet excitent certainement plus de troubles réflexes que celle
de la base.
B. Le type respiratoire peut n'éprouver dans la pneumonie, d'autre
modification que celle qui résulte de la douleur du côté affecté ; mais si
h dypsoée est forte, les muscles accessoires entrent en action. Chez Fen-
fant, les contractions énergiques du diaphragme rétrécissent la base de
la poitrine et projetfrtit à chaque inspiration l'épigastre et les viscères
abdominaux. Lorsqu'il y a un état asphyxique et une accélération extrême
ies mouvements respiratoires, ils sont naturellement très-superficiels.
3* Toux. — La toux est constante, sauf exception des plus rares ;
Biais elle est beaucoup moins intense que dans la bronchite. 9 fois sur
10 elle débute dans les douze premières heures a partir du frisson. C'est
donc un symptôme précoce. En général, le point de côté et la toux s'ex-
citent Vun Tautre. En effet on conçoit facilement que la secousse de la
toax augmente le point de côté. Et quant à l'inlluence inverse, on la
eompreod aussi aisément si l'on réfléchit que le malade éprouvant, à cause
de la dyspnée^le besoin de respirer plus profondément est arrêté par la
dooleur, ce qui augmente la sensation de dyspnée et provoque immédia-
tement la toux.
On a noté que lorsque la pneumonie marche vers une issue fatale, la
fréquence de la toux diminue ; chez les vieillards elle est en général plus
discrète que chez l'adulte.
it^ Expectoration— ' Elle est caractéristique dans la pneumonie fran-
^, à cause de la couleur et de la consistance spéciales des crachats. On
Mit qu'elle fait défaut chez les enfants. Ce qui suit a donc exclu-
flÎTement trait aux pneumonies franches primitives de l'adulte et du
▼îeillard.
Dans le tiers des cas, les crachats sont sanguinolents dès le premier
410 PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — BipscTOKinov.
jour de la maladie; mais bien que colorés fortement par le sang, au
point de présenter une coloration de brique pilée, ils ne sont jamais alors
constitués par du sang pur. Une expectoration exclusivemoit sanglante
devrait faire supposer Texistence de tubercules; en général d'ailleim
ils ne gardent pas longtemps, quand ils le possèdent, le caractère san-
guinolent et ils prennent l'apparence de gelée d*abricot, qui parfois sur-
vient dès le début, ou même une coloration plus pâle encore; ils peu-
vent ensuite, mais plus rarement, offrir une teinte verdfttre on même
porracée ; puis ils deviennent blancs opaques ou bien, beaucoup moioi
fréquemment, ils revêtent la couleur du chocolat au lait ou du jus de
réglisse, ce qui est en général un signe de mauvais augure.
On sait que ces diverses colorations des crachats pneumoniques, sauf
dans certains cas la coloration verte, sont simplement produites par b
matière colorante du sang épanché dans les voies aériennes enproportiai
variable. Des crachats couleur brique doivent se rencontrer dans le cm
où la fluxion est intense, des crachats gelés d'abricots, lorsqu'elle est
minime , à moins que Tabondance de Thémorrhagie soit plntAt en
rapport avec un degré de fragilité des capillaires particulier à l'in-
dividu ; mais je penche plutôt pour la première hypothèse, attend»
que Tcxpectoration rouillée manque dans certaines épidémies.
Quant à la coloration vcrdàtre, elle tient quelquefois à la présence de
la biliverdine, ainsi qu'on peut s'en assurer par la réaction de Gmelin,
et alors, c'est une complication, sur laquelle nous aurons occasion de
revenir; mais dans un certain nombre de cas les crachats peuvent pri>
senter une coloration parfaitement verte, en Tabsence de la bilive^
dine, ce qui peut s'expliquer, ainsi que me l'a fait remarquer mon ami
Cazeneuve, si les crachats ont une réaction franchement alcaline, pir
le dédoublement de la matière colorante du sang en matières albumi*
noidcs et en hématine, laquelle en présence des alcalis a une coloration
verdàtre. Quelquefois enfin la coloration verte des crachats dépend de
la présence de productions parasitaires.
En 1868, Cornil a montré à la Société de biologie des « crachats rer-
dâtres recueillis dans un cas de pneumonie aiguë très intense. » (H n'est
pas dit à quelle période de la pneumonie). «A l'examen microscopique
cette coloration parait due à la présence de petits corpuscules i doubles
contours, offrant entre ces deux contours une couleur verte très brillante, jj
Ces corpuscules déposés en amas quadrilatères ressemblent à ceux de h |
sarcine, mais sont d'un diamètre beaucoup moins grand que ces demitfs. \
On trouve de plus dans les préparations des corpuscules plus gros, i :
double contour, remplis de granulations, ayant une couleur jaune en
verte, et enfin des corps volumineux remplis de grosses granulations de
la même couleur. Ces éléments ne se modifient pas sous l'influence des '
réactifs tels que la potasse, l'acide sulfurique, qui agissent habituelle-
ment sur les matières organiques. Cornil pense qu'il s'agit ici de pro-
ductions végétales. » (4* série, tome V, p. 59).
En 1875, sans connaître la découveilc de Cornil, Rosenbacha, desoff
PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — expkctoratioii. 411
côté, signalé la nature Tégétale de crachats yerts, mais il ne s'agissait
pas dans son cas d'un pneumonie, mais d'un asthme.
Après leur couleur, le caractère le plus frappant des crachats pneu*
mooiques est leur viscosité, qui leur permet d'adhérer fortement au fond
du Tsse.
Leur quantité diurne est variable, et il faut faire ici une remarque :
tous les crachats qu'expectore une pneumonique, ne sont pas néces-
sairement pneumoniques ; tous ne sont pas visqueux et colorés ; il en
est de purement muqueux provenant des parties non enflammées du pou-
mon. Si l'on ne tient compte que des crachats vraiment pneumoni-
ques, leur quantité est en général minime ; elle est parfois presque
Dulle, ce que Buhl explique en disant que l'inflammation est exactement
limitée aux alvéoles et n'a pas envahi les fines bronches. Bien rarement
la quantité de 70 à 80 grammes par jour est dépassée. Dans un travail
de Riesell-Huppert, que j'aurai plusieurs fois l'occasion de citer, il est
dit que dans un cas de pneumonie de tout le poumon gauche à la pé-
riode d^élat, les crachats s'élevaient, au maximum, à 67 grammes par
jour ; le minimum était de 55 grammes. Dans le premier cas ils renfer-
maient 5 grammes et dans le second 1,9 de substance sèche. Comme la
proportion de substance sèche était moindre à mesure que la quantité
totale diminuait, il ne s'agissait pas d'une simple concentration, ainsi
qu'oo eut pu le supposer a priori. Il est intéi'essant de noter qu'à la
période de résolution la diminution fut plus accusée encore : la quantité
des crachats ne dépassa pas 8,8 par jour, avec un gramme seulement de
matières fixes.
De tels faits, et ils constituent la règle, sont absolument opposés à
Yiàée de Rindfleisch, que la masse principale de Texsudat est reje-
lèe par l'expectoration, opinion qui paraît d'ailleurs peu vraisemblable,
quand on songe à l'étroitesse des canalicules respirateurs aboutissant
i Valvéole et à la facilité avec laquelle du sang injecté dans les voies
aériennes, chez le lapin, est résorbé par la paroi alvéolaire, puisqu'au
bout de peu de minutes on trouve beaucoup de globules rouges dans le
tissu interstitiel (Nothnagel, Virchow's Archiv, Bd. LXXJ).
C^est exceptionnellement que l'expectoration devient fort abondante
Ipn de la résolution ; et encore, dans ces cas, il est possible qu'il s'a-
[- giae d'un flux bronchique. Biermer a sans doute commis cette confu-
■an, en évaluant à 330 grammes le poids journalier de l'expectoration,
i ee moment.
■ *
f^r Y examen microscopique, outre du mucus, reconnaissable à sa réac-
ion microchimique et des globules du sang rouges et blancs, on trouve,
ans un bon nombre de cas, quand on prend la peine de les rechercher,
es petits cylindres pleins, ramifiés, moules des bronches les plus fines.
iemak, le premier, les a découverts, en 1845, à la clinique de Schôn-
ain, à Berlin, et les observa dans un grand nombre de cas de pneumo-
nie (50). Il y avait alors une constitution médicale particulière. Rcmak
les considéra comme un produit d'exsudation ; Gubler , qui étudia avec
4i2 PNEUMONIE L0BA1RE AIGUË. — mrnsuratioh.
soin, quelques années après, des concrétions semblables dii^ qu*à Vexa-
incn inicroscopique, il a retrouvé à leur surface des cellules h cils vibn-
tiles, et la même observation a été faite par le professeur Kûss. GaUer
et Grisolle ont tiré de ce fait la conclusion que la concrétion fibrineuse
ne peut être due qu^à la fibrine du sang ; mais cette conclusion n*est pas
justifiée, car un exsudât peut se faire à la surface de répiihélium, sans
enti*ainer sa chute.
On doit à Renk Tanalyse chimique de Texpectoration dans deux cas
de pneumonie, (le second était compliqué de bronchite). Dans le premier,
voici la moyenne de 11 jours (en grammes).
Quantité'.
Eau.
Mucus.
Albumine.
r.rais»e.
Sels.
26
25,e6
0,32
0,8
0,013
0,17
Dans le second , je rapporte les analyses de trois jours. La seeoiide
ligne correspond au jour de la défervescencc qui est arrivée le cinquième
jour.
Quant i te.
Eau.
Mucus.
Graisse.
Sels.
45
43,7
0,56
0,009
0,57
143
139
1,31
0,028
1.41
153
147
1,68
0,036
1,3»
^
3-
3-2,8
20,67
18
12,6
Ici Talbumine n*a pas été dosée.
Le chlorure de sodium constitue la moitié environ des sels. Beale, dans
trois cas, a trouvé :
Dans KM) parties de matières solides. 1"
Sels fixes 24,78
Chlorure de sodium 10
D'après Bamberger, les sels des crachats pneumoniques, comparés à
ceux des crachats de bronchite, présentent les particularités suivantes : j
1^ Ils ne renferment pas de phosphates alcalins, tandis que les sels des
crachats de bronchite en contiennent 10 à 14 pour cent ;
2^ Ils sont plus riches en soude qu'en potasse, contrairement à ce qui
a lieu pour les crachats de bronchite ;
5** Ils renferment 8 pour cent d'acide sulFurique, tandis que les crachat^
de bronchite n'en ont que 3 pour cent.
Au moment de la résolution, la composition chimique des crachais
pneumoniques se rapproche de celle des crachats de bronchite, et la
proportion de graisse y est plus élevée.
Ajoutons enfin que le sucre y a été signalé par Walshe et par Bcaleet
la tyrosine par Griesinger, dans un cas où il n'y avait pas d'ictère et qui
se termina par la guérison (thèse déjà citée de Bleuler).
5* Inspection et mensuration de la poitrine, — J'ai déjà signale que,
parle fait de la douleur, le côté malade peut se dilater un peu moins
que le côté sain. Parfois l'inspection a révélé, dans des cas de pneumonie
très-étendue, une légère voussure sous-claviculaire, indépendante de
toute pleurésie et ne durant que pendant la période la plus aiguë de h
maladie.
PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — tkacussion. 415
D^une manière générale, dit Woillez, « la mensuration, employée
dans le cours de la pneumonie, révèle une ampliation et une rétrocession
en rapport avec les progrès croissants et décroissants de la maladie
La ligne de descente correspondant à la résolution de la pneumonie, n'est
pas aussi accusée que dans Thypérémie simple et se prolonge plus tardive-
ment... Cela se comprend par Texislence de Thépatisation. Ces données
n'ont pas de valeur diagnostique , mais elles jettent un jour nouveau
sur la marche et le traitement de la pneumonie , en y montrant la part
respective de l'inflammalion et de la congestion. » Wintrich et Ziemssen
qui ont, au lieu de mesurer, comme Woillez, la périphérie générale
du thorax, pratiqué la mensuration comparative de chacune de ses
moitiés, ont aussi trouvé une augmentation de volume du côté malade ;
mais vu les différences individuelles qui existent, comme on sait, entre
les deux moitiés du thorax, les résultats acquis par la mensuration n'ont
de valeur que si on peut continuer celle-ci après la guérison de la
maladie.
6® Percussion. — Elle fournit des signes d'une toute autre valeur ;
cependant il ne faut pas croire qu'ils soient toujours positifs. Ainsi on
eût pu s'imaginer a priori qu'il doit exister toujours de la matité dès
que rhépatisation a envahi la surface du poumon dans une certaine éten-
due. Or, chez les emphysmatcux la matité fait généralement défaut.
Cependant, par une percussion extrêmement Aiible, on peut éviter Ter-
reur résultant de la consonnance des parties emphysémateuses; mais une
percussion légère ne donne des résultats positifs que si le sujet n'est pas
chargé d'embonpoint.
Laissant de côté le cas particulier des sujets emphysémateux, voyons
ce que, dans les conditions ordinaires, la percussion nous révèle.
kydans le premier stade de la pneumonie y on a quelquefois l'occasion
de constater du tympanisme au niveau même des parties qui seront ulté-
rieuremcut atteintes d'hépatisation. Ce fait a été bien établi par
Woillez et Wintrich. Ce dernier assure que l'élévation de la tonalité n'est
pas modifiée, que la bouche soit ouverte ou fermée.
B, à la période d'hépatisation^ si celle-ci est superficielle, comme
c'e^t la règle, elle est décelée par une matité qui varie de la sub-matité
à la matité presque absolue.
En même temps, cest à dire à la période dliépalisation, on rencon-
tre dans un assez grand nombre de pneumonies, une exagération de
l'intensité de la sonorité qui a beaucoup frappé les premiers cliniciens
qui la constatèrent, lludson. Graves, Williams etc., et les induisît en
erreur. On sait aujoud'hui qu'elle ne doit pas être rapportée à un
pneumothorax, mais à la congestion pulmonaire concomitante. C'est
un symptôme commun qui s'observe, si on le cherche suffisamment,
dans plus de la moitié des cas.
Thomas fait d'ailleurs remarquer avec justesse qu'au niveau même
de la matité, le son est toujours à un certain degré tympanique, sur-
tout chez l'enfant, et qu'il est modifié par l'ouverture et la fermeture de
414 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — aoscultâtior.
la bouche : ce qui prouve la consonnance de l'air contenu dans les grosses
bronches.
Exceptionnellement, la percussion fait constater un bruit de pot fêlé,
ce qui n'est d'ailleurs pas fort extraordinaire, puisqu'on le faroofe,
comme on sait, à l'état normal, de chaque côté du sternum chez un c^
tain nombre d'enfants, surtout du côté gauche. On peut donc le consi-
dérer dans la pneumonie comme une exagération du son trachéal de
Williams, autrement dit, comme une variété de son tympanique. (Test
aussi l'opinion de Woillez qui, a toujours vu le bruit de pot fêlé poemno-
nique coïncider avec le tympanisme.
Quatre fois sur six il s'agissait de pneumonies droites; le bruit de pot
fêlé a été perçu dans la région susclaviculaire, au niveau des deusème
et troisième côtes et des espaces intercostaux voisins, l'hépatisation occq-
pant la base du poumon. Dans ces quatre pneumonies droites, il a oftot
cette particularité qu'il n*a été constaté qu'un seul jour, du 5* au 10* de
la maladie, au moment où elle était dans sa plus grande acuité. Dans oœ
pneumonie gauche, ce symptôme insolite a duré jusqu'au 26* jour.
Il importe d'ajouter, ce qui n'est pas indifférent au point de vue de la
théorie de sa production, qu'il est influencé à un haut degré par l'ouver-
ture ou la fermeture de la bouche.
C. Si la résolution de la pneumonie a lieu, elle se manifeste, d'après le
professeur Thomas par un caractère un peu tympanique de la matité;
puis le lendemain et les jours suivants la matité diminue progressive-
ment.
Si, au contraire, la pneumonie passe à Fhépatisation gi*isc il n'y a pas
de signe de percussion particulier.
V Auscultation de la respiration : A. Dans le 1*' stade. — On
sait, depuis la découverte de Laênncc, qu'au premier stade, la pneu-
monie se révèle par des râles crépitants. Au dire de Stokes, une respi-
ration puérile précéderait la crépitation d'une ou de plusieurs heures.
Grisolle, qui n'a ce jamais constaté la respiration puérile comme signe I
initial ou précurseur de la crépitation », dit que celle-ci peut être piv- *
cédée, pendant un temps plus ou moins long, par un affaiblissement du
bruit respiratoire, qui souvent aussi avait perdu sa pureté et son moel-
leux ; ces symptômes seraient sous la dépendance de la fluxion sanguine.
Plus récemment, Stephenson Smith, chez l'enfant (Edinb, med, Joum.
1866, nov.) et Waters de Livcrpool (Brilish med. Joum. 1876) ont de |
nouveau insisté sur l'exagération du murmure, comme symptôme initial,
qu'ils expliquent, comme Stokes, par une congestion avec sécheresse du
tissu pulmonaire. Il est assez curieux que les auteurs anglais soient
les seuls à parler de ce symptôme.
Le râle crépitant n'a pas d'ailleurs la valeur pathognomonique que lui
avait attribuée Laënnec ; malgré cela, c'est un signe si important que l'on
peut dire sans exagération avec Grisolle que « lorsque la pneumonie se
révèle par quelques signes slhétoscopiques, la crépitation en est le pbéno-
^oe le plus constant. » (page 233.)
■
■
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUÈ. — aoscoltatiok. 415
C'est une erreur de dire que les râles crépiiauts sont égaux entre eux;
le plus souvent on perçoit une bouffée de bulles nombreuses et fines,
parmi lesquelles une auscultation attentive permet de reconnaître des
bulles plus grosses. Un caractère fort important est qu'on les perçoit
ddosivement pendant IHnspiration.
Quoi qu'en ait dit Laênnec, les râles crépitants ne sont pas constants
au début de la pneumonie. Grisolle a vu quatre pneumonies a dans les-
quelles il est certain que le râle crépitant n'a existé à aucune époque de la
maladie, b De son côté, Woillez dit avoir constaté que sur soixante-
Ireîie pneumonies, dix-huit-fois, c'est-â-dire dans le quart des cas, le râle
crépitant n'a été perçu que tardivement, c'est-à-dire un certain temps
après que dans d'autres points Vhépatisaiion était franchement déclarée.
Sur oes dix-huit cas, il en compte quatre dans lesquels il n'y a pas eu
trace de râle humide pendant toute la durée de la maladie, et trois au-
trea dans lesquels le râle crépitant, survenu après le soufQe et la bron-
diophonie, n'apparaissait que par la toux. Chez tous les autres, le râle
crq>itant n'est survenu qu'après les autres signes de la pneumonie, et
chez quelques-uns bien tardivement, puisqu'il n*est apparu que le trei-
lîème, le seizième et le dix-septième jour.
B Dans le 2' stade. — L'hépatisation se manifeste à l'auscultation
par la respiration ou souffle bronchique et tubaire^ qui consiste, comme
on sait, en ce que le murmure normal est remplacé par un bruit soufflant
at rude. A son degré le plus faible, il s'entend seulement à l'expiration,
A à son degré le plus accentué, ressemble, soit pendant l'inspiration,
•oit pendant l'expiration, au bruit que Ton produirait en soulHant avec
force dans un tube de métal. Entre les deux degrés extrêmes, il existe
tous les intermédiaires possibles. Cependant il y a, et au point de vue
acoustique et au point de vue spécial qui nous intéresse ici particuliè-
lemeoty c'est-à-dire au point de vue de la séméiotique de la pneumonie,
une ai grande différence entre la respiration bronchique faible, unique-
ment ou presque uniquement expiratrice, et le souffle tubaire, métallique
à rinapiration et à l'expiration, qu'il est nécessaire de les distinguer par
un nom différent. Afin de ne pas faire de néologisme, j'ai l'habitude,
dans mon enseignement, de me servir seulement des épithètes bron-
chique et tubaire^ mais en prévenant que je ne les fais pas synonymes :
j'appelle respiration ou souffle bronchique la respiration peu modifiée
on à peine modifiée à l'inspiration, rude à l'expiration, et dont le type
est le souffle pleurétique quand il n'est pas aigre; je réserve le nom de
tnbaire à la respiration qui est métallique même à l'inspiration.
La respiration bronchique et la respiration tubaire, définies comme
je viens de le faire, peuvent toutes deux s'entendre dans la pneumonie à
la période de l'hépatisation. S'il existe, je suppose, une hépatisation
limitée au lobe inférieur du poumon droit, on pourra entendre de la respi-
ration tubaire à la base de ce poumon dans une étendue variable, puis
plus haut, dans une étendue également variable, la respiration aura sim-
plement le timbre bronchique. Quelquefois c'est cette dernière qu'on
M6 PiNEUMOMK LOBAIRE AIGUK. — vibbatios».
entend seule au niveau de la porlion hépatisée, à l'exclusion de la respi-
ration tubaire.
Souvent, je suppose toujours qu'il existe une pneumonie limitée ik
base droite, outre le souffle bronchique qui y est perçu, on entend, ■
niveau de la racine de la bronche droite, un souffle bronchique; cenfli
pas qu'il existe à ce niveau un autre point d'hépatisation ; ce signe ot
symploniatique d'une congestion pulmonaire concomitante.
Ainsi la respiration bronchique, même dans le ca» où existe m
pneumonie, n'est pas nécessairement produite par l'hépaiisation. J'ajeii
qu'une hépatisation, même étendue, n'est pas nécessairement actomp
gnée de souffle. Je reviendrai plus loin sur ce fait si important poirii
diagnostic.
A la période de résolution de la pneumonie, le souffle diminue f».,
gressivement. On entend beaucoup de raies humides fins et gros,
premiers, on a donné le nom de râles crépitants de retour, dénomiiuÉiJ
impropre, car ces râles n'ont de commun avec le vrai râle crépitant fs|
le nom. Outre les râles bullaires, il existe en quantité variable des
vibrants.
Si la pneumonie passe a Thépatisation grise, le souffle persiste,
il est quelquefois passagèrement masqué par de gros râles vibrants. k
plus on entend beaucoup de râles bullaires assez semblables à ceux lij
la résolution.
8" Auscultation de la voix. — En général, la bronchophonie cfltj
à-dire la résonnance exagérée diffuse et soufflante de la voix est ennf
port avec Tintensilé de la respiration bronchique et tubaire. On compRi^^
cependant qu'il n'en soit pas toujours ainsi, j'aurai occasion de rcietf
sur ce point. (Voy, le chapitre formes de «a pneumonie).
9** Vibrations thoraciques. — D'après Monneret qui a attaché le pli
d'importance à ce symptôme comme signe de solidification du tissu pil-l
monaire, elles sont toujours augmentées ; mais cette opinion, forteidt'
sive, a été avec raison contredite par les meilleurs observateurs. GnsoUi
dit n'avoir remarqué une augmentation des vibrations au niveaadfl^
partie hépatisée que dans sept cas sur seize ; chez cinq malades il Wi
dit-il, incontestable que les vibrations étaient diminuées; dans les iflti^
autre cas, il n'existait entre les <leux côtés aucune différence sedU^
Woillez arrive presque à la même conclusion. Les résultats di
observation personnelle s'écartent un peu moins de ceux de HooiMfftl
Néanmoins on comprend que l'augmentation des vibrations thoraciqiK»ii|
puisse avoir dans la séméiologie de la pneumonie l'importance da soak
tubaire ou de la bronchophonie , puisqu'elle manque fort sointAj
alors même que ces deux symptômes existent. La plupart des clinid0
sont, en pareil cas, dis|)Osés à admettre la coexistence d'une cerf*"
quantité de liquide dans la plèvre. Mais cette conclusion n^est pas
jours exacte, car une mince couche de liquide n'arrête pas les vibratî
thoraciques. Le plus ou moins de perméabilité des grosses brooclivl
beaucoup plus d'importance à cet égard (Voy. le chapitre Forinea).
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — vexMilation pulmonaire. 447
"" Ventilation pulmonaire ; température de Vair expiré. — C'est un
à peine ébauché, bien qu'on ait depuis longtemps songé à l'explorer.
. Nysten et Hervier Saint-Léger ont trouvé la proportion d*aeide car-
]ue diminuée dans Tair expiré; mais comme ils n'ont pas tenu
iCe de la quantité d'air qui a passé par les voies aériennes pendant un
s donné, ce résultat n*a qu'une valeur médiocre. Tout récemment,
Regnard a, sur trois pneumoniques, mesuré la quantité absolue
'gène absorbé et diacide carbonique exhalé en .une heure ; il a
ré d'une manière générale une grande augmentation de la quantité
rgène absorbé et une faible augmentation de la quantité d'acide
mique exhalé, par rapport à Tétat physiologique ; d'où il âuit que
ces malades, il y a une quantité d'oxygène beaucoup plus grande
i'état normal, servant à faire autre chose que de l'acide carbonique,
l'homme sain, on retrouve dans l'acide carbonique expiré les 9/10
oxygène absorbé ; c'est ce qu'on exprime en physiologie en disant que
ipport -^=z=0,9. Or, dans beaucoup d'états pathologiques, et c'est
s pour la pneumonie, ce rapport est plus ou moins diminué.
)ici les résultats de Regnard :
Homme de 25 ans pesant 62 kilogrammes, double pneumonie.
59%8.
Oxygène absorlié |>ar heure 50"**,4
Âciile carbonique exlialé 18
Uapp'jrl— = 0,59,
Chez ce malade, l'nir expiré renfcnniil une forte proportion d'oxygène (18,4}.
'Homme de 35 ans, pneumonie gauche aiguë. T=39<',8.
Oxygène absorbé par heure 29-'", 87
Acide carbonique exhalé par iicure 21 ,56
CO- •
Rapport -- ■= 0,72. (Uognard écrit 0,73 par erreur.)
Teneur en oxy<;ènc de l'air cxpirj , 17 ,7
* Homme de 40 ans, 40 kilogrammes, pneumonie gauche au troisième
. T=40\
Oxygène absorbé par lieurc .*.*«•- 29'***
Acide cari)onique exhalé par heure •.••.••.•..••• 18 ,24
Rapport -jr = 0,63.
Teneur en oxygène de Tair expiré 17 ,2
y aurait lieu de poursuivre ces recherches qui sont tout à fait au
lit. Il serait fort important d'y joindre l'élude de la température de
• expiré, que l'on dit avoir trouvé abaissée. Connaissant la quantité
r expiré, on en déduirait la proportion de chaleur dégagée par les
mens.
Hotov. bicT. Béb. ET cHiH. XXYIII — 27
Ai» PNKIIMONIK LOBAIUE AIGUË. — pièvhe.
FiÈvBE. — La lièvre de la pneumonie fibrineuse est continue. Ce
caractère thermique distingue nettement celle-ci de la broncbo-poeu-
monic où la fièvre a un type rémittent ti*ès-marqué. Ce n'est pu k dire
cependant que dans la pneumonie fibrineuse il n'y ail nulle rémution le
matin ; ce serait une eireur, mais la rémission matutinale n'est pas, en
général, considérable; elle ne dépasse guère chez Tadulte quatre doiëmes
de degré, et elle n'est pas régulière.
C'est chez Tenfant surtout qu'on a signalé la possibilité de nteiiwins
survcpant surtout le matin, irrégulièrement d'ailleurs, et lellaiieat
prononcées que lorsqu'une d'elles survient le matin du quatrième oo du
cinquième jour, par exemple, on peut croire à une défervesceaoe précoce.
On leur a donné le nom de rémissions pseudo-critiques.
Habituellement la température (dans le rectum) est comprise entre
39**,8 et 40"4 centigrades. Une température constamment au-desaos de
40*^,5 est rare et ne s'observe que dans les cas très-graves.
Je viens de parler de rémissions, mais il y a aussi des exaoeriiAtîoi»
qui reconnaissent souvent pour cause une extension de la lésion pulmo-
naire. Cela est surtout manifeste quand la pneumonie envahit Fautre
poumon; il y a aussi des exacerbations dont la cause échappe; ou en a
signalé une de ce genre le jour qui précède la crise (perturbatio prwcn-
tien) (Wunderlich).
Chez le vieillard on pourrait, si l'on n'y prenait garde, mccoDiiaitre J
l'existence d'une fièvre même intense, tant ses caractères extérieon soni \
parfois peu marqués. Charcot a insisté sur les faits de ce genre d
mc^ntré qu'il ne sufiit pas de compter le pouls et d'explorer la tempéra-
ture de l;i peau ; il faut avoir recours à la thermométrie et à la thômi»-
niétrie dans une cavité naturelle, telle que le rectum, plutôt qœ dans
Taisselle : souvent alors on est étonné de lire une température de 40^oeih
tigrades, alors que la peau ne parait pas chaude et que les extrémitèi
sont froides. Ce phénomène, si bizarre en apparence, est, en réalité, bien
simple à expliquer. En général, les vieillards ne peuvent produire que
très-peu de chaleur. Ils ne sont donc en état d'élever leur tempénturo
centrale au degré fébrile qu'en limitant au minimum leur dépense vu
calorique, tandis (|ue l'enfant et l'adulte, qui sont capables de produire
surabondanmiont de la chaleur, en perdent, sauf à certains momeials (par
exemple pondant le frisson), beaucoup par la peau, ainsi que k prouve
la chaleur périphéri(|ue exagérée qu'ils présentent. On voit par U Tin- /
térét de l'étude exacte do la température des parties périphériques; ellf ï
nous permet d'ap[)récier /M.sY/*/'à un certain point l'énergie delipni-
duclion de chaleur. Le traité de diagnostic de Piorry (t. 111) renfennc
quelques mensurations de température périphérique diins la pneuraonif.
Un a ensuite compléteiïient abandonné ces recherches dont on a niécooiiu
la portée; elles n'ont été reprises que tout récemment (Lorain, Coutj,
Torio, Schûlein).
Le fait qui s'en dégage, c'est la haute température de la périphériti,
dans la pneumonie: d'après Schûlein (Virch. Arch. IH. LXVl, p. liW, ,_.
PNEUMONIE LOBAIRË AIGUË. — ptivu. 419
1876), la pneumonie, ainsi que ta scirlatlne et peut-être la rougeole se
(ligne mOTenm), »
- CouHwj Je la teupjnlura du rfcdin (ligne silpjnpurc), de I
« d* I* tréqueoce du ponli (IlEne inférieure), cbet un hammo de M ini oiieini na pneumonie
Main droite, *nlri 1 l'UpiUl le Iroitièmo jour de m milidie {6 jaillel)- Le 1 et lurlout le S,
rtaiiiiod nututinile pnrlanl lur lei 3 «onrbai ; déleneMCiKe lo lî. (Lokiji. De la (emp^rilnre du
mq» bomiiD. L, II, Bg. M.)
listingueraît de la dolhienentérte, du rbumatiame articulaire, de l'éry"
420 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — fièvre.
sipèle, etc., en ce que la courbe de la température des extrémités (me-
surce tous les quarts d'heure) est parallèle à la courbe de Taisselle. Ainsi
nou-seulement le pneumonique perd relativement beaucoup de chaleur
par la peau, mais il la perd d*une manière égale et uniforme, ce qui ifa
pas lieu avec autant de régularité dans d'autres maladies fébriles. Cette as-
sertion fort intéressante demanderait à être vériGée, car les recherches
de Schûlein ont été fort peu multipliées. Elle n*est, en tous cas, pa«
d'accord avec les résultats antérieurs de Jacobson ; mais ce dernier
(Virch. Arch. LXV, 520), n'a examiné qu'un seul cas de pneumonie et
(p. 524) 2 jours seulement avant la crise; encore le premier de ces
deux jours plusieurs des résultais sont douteux d'après lui-même : (ce
jour il aurait trouvé une différence de 8 degrés entre Faisselle et la pauuie
de la main ; plus tard, après la crise, il n'y avait plus qu'une différence
de 1 degré à 2, 9 entre l'aisselle et les divers points de la peau. Ce
sont donc des recherches à poursuivre, et encore, pour quelles aient une
portée incontestable, il faudra y joindre la mesure de la chaleur dégagée
par l'air expiré, étude pleine de difiiculté, attendu qu'elle réclame qu'on
mesure le volume de Tair expiré en 24 heures. Ce n'est donc pas de
sitôt que seront recueillies et coordonnées toutes ces données indispen-
sables pour établir le bilan de la chaleur produite dans la pneumonie.
En attendant nous savons déjà que la pneumonie est, en général plus.
pyrétique que d'autres maladies, par exemple que la pleurésie ; qu'elle
Test moins que la fièvre typhoïde, non que la moyenne des chiffres de
température relevés chez un pneumonique n'égale ou ne puisse même
dépasser celle que Ton obtiendrait chez un typhique à la deuxième se-
maine, mais il ne faut pas oublier que chez ce dernier la période fébrile
est beaucoup plus longue ; de plus il est un autre élément de comp;)-
raison fort important que signale Jurgenseii, c'est que Ton pourrait beau-
coup plus facilement abaisser la température d'un pneumonique que celle
d'un typhique fioii au moyen de la quinine, soit par les bains froids, la
température des deux malades étant supposée la même.
Nous avons vu plus haut que dans presque tous les cas qui se termi-
nent d'une manière favorable, il se fait au bout de quelques jours une dé-
fervescence plus ou moins critique. Les chiffres suivants nous renseignent
exactement sur la date précise de cette défervescence :
D'après la statistique de Jurgonsen comprenant 721 observations ther-
mométriques empruntées à Griesinger, Lebert, Naunyn. Thomas, Wun-
dcrlich et Zicmssen, ce serait :
Au bout do 2 jours 4 fois.
— o — oi —
_ \ _ oO —
— 5 — VIO —
— 0 — 87 —
— 7 — 165 —
— 8 — ÎM —
— 9 — VI
Au bout (le 10 jours tK) fois.
_ Il ^ 55 —
_ 12 -- 10 -
_ 15 — 10 —
— 14 - 4 -
__ 15 _ r> —
— u\ — r> —
— I
La défervescence commence d'habitude dans la nuit, au moment de
PNEUMONIE LOBAIHE AIGUË. *- podu. m
la rémissioD matuUnale, très- rarement au milieu du jour. En quelques
heures, la température tombe à la normale ou au-dessous. D'après U sta*
tîsque de Lebert ce résultat a été obtenu :
En iSheurst 45 foli. 1 En 4S h«urei li toi*.
— 84— Î5— — 00— 3 —
_ M- 40—1 - 7Η i —
En résumé, on peut dire que, dans les deux tiers des cas, la ûene tombe
entre le cinquième et le sixèmejour, et que sept Fois, sur buit, elle
a lieu par crise et non par Ijsis.
Les joms qui suÏTent la défer-
Tescence, on peut observer de pe-
tites élévations de température sur-
«oant sous des influences variées.
Je faDuve dans le Médical Times
and Gazette (12 mars 1877,) un
cas on à la suite d'une pneumonie
du sommet il y eut pendant plu-
ùeurs jours une élévation de tem-
, pérature, et il est dit que selon
; Binger, dans le service duquel se
^ trouvait le malade, à Vniversity
CoUege, cette âèvre devait recon-
nitre pour cause une résorption
des produits inflammatoires . J'i-
gnore si Ringer accepta la respon-
nbilité de cette assertion, qui ne |
paraît guère fondée vu l'extrême )
nreté de cette Hèvre à laquelle je
^ BB vois point d'analogue, si ce
; n'est la fièvre post-tjphoïde sur
liqnelle a beaucoup insisté le pro-
^ Teneur Bernheim [Clinique mé-
:_ iiealet p. 319 et suivantes).
■ Dans le cas de terminaison i'atale, on peut (mais pas d'une manière
Béeessaire) observer l'une des deux alternatives : ou bien la température
l'élève au-dessus de 40* a, et dans le stade prasagonal, au-dessus de
41*,5 (Wunderlicli a observé 45° C), ou bien la mort arrive dans le col-
bpsus, la température tombant à un degré sub-fébrile. Ce dernier cas
s'observe, de préférence, chez les vieillards, les sujets alTaiblis et présen-
tant des lésions cardiaques; mais il ne faut pas oublier que la termi-
naison par le coUapsus est de beaucoup plus rare.
Je dois me borner ici aux faits précédents, mais on trouvera aux
chapitres diagnostic et pronostic quelques autres indications sur la
température fébrile dans la pneumonie.
Pouls. — Il doit être examiné : 1° quant à sa Iréquence ; 2° quant à sa
Corme.
10. i9.
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■nain, i
;. II. a;
. ira).
432 PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — pouls.
1** Dans les maladies aiguës, la fréquence du pouls peut être étudiée
absolument, et dans ses rapports avec le degré de température et la fré-
quence de la respiration. La fréquence absolue du pouls augmente beau-
coup dans la pneumonie. Sur 108 pneumnniques ayant guéri. Grisolle a
trouvé que, chez près des trois quarts, le pouls avait dépassé 100 ; chez
plus de la moitié, il a varié de lOOà IIG; il ne s'est élevé au delà de 116
que chez moins du cinquième. Dans une autre série de pneumoniques dont
la maladie a eu une issue funeste, le pouls a présenté en moyenne 10 pul-
sations de plus. 11 est donc vrai de dire que la fréquence du ponls est,
d*une manière générale, en rapport avec la gravité de la maladie.
Les séries précédentes ne comprennent que des adultes — et aussi* sans
doute, quelques sujets un peu avancés en âge. Chez Tenfiint» les diiffres
moyens sont tout difi'érents : de 1 à 2 ans, on constate souvent 170 ft 100,
quelquefois 200, presque jamais moins de 160 pulsations. Ce n'est que
dans la deuxième enfance que l'on en compte que 120 à 140.
Il existe, comme on sait, une certaine relation entre le pouls et la tem-
pérature dans toutes les maladies aiguës consistant d*abord dans le fait
bien connu que les courbes de la température et de la Iréquence du
pouls chez le même sujet sont sensiblement parallèles ; mais il y a en-
core entre elles un autre rapport, moins étroit à la vérité mais plus
remarquable et en vertu duquel à une température de 40* G., par exem-
ple, correspondra chez deux pneumoniques, du même ftge, à peu près le
même chiflre de pulsations. Or ce chiffre est toujours p/iia devé que si
les sujets ayant 40** étaient atteints de fièvre typhoïde.
Quant au rapport de la fréquence du pouls gi de la respiration, j*en
ai traité au paragraphe dyspnée.
2° Passons à l'examen des principales qualités du pouls; (a) la forme;
(b) Tamplitude ; (c) la force.
a) Règle générale : dans la pneumonie, comme dans toute affection fé-
brile, le pouls est plus ou moins dicrote ; ainsi que l'a bien dit Woliï.
c'est principalement la température qui influe sur l'intensité du dicrotisme;
mais elle n'est pas le facteur exclusif, car mes observations per^^on-
nelles me permettent d'afhrmer (]u'à température égale, le puuls est
moins dicrote dans la pneumonie franche que dans la iièvre typhoïde.
J'ai été heureux de trouver la même opinion exprimée par Galabin qui
ajoute, relativement au pouls de la pneumonie franche comparé à celui
de la dothiéiientérie les deux caractères suivants : 1*" « Il supporU* sans
être déformé une plus forte pression au moins dans les premiers jours de
la maladie; 2<> les angles sont plus aigus et le sommet plus vertical. » Je
puis aussi confirmer Texactitude de cette dernière remarque. EnfiD
Galabin pense que des deux causes de dicrotisme, la faible tension et la
brusquerie de Fondée lancée par le cœur, la dernière joue dans la pneu-
monie un plus ^rand rôle que dans la (icvrc typhoïde, de sorte que le
pouls a plutôt le type dicrote sthénique.
Fendant le cours de la maladie, la forme du pouls subit do profondes
modiiications. Les tracés suivants que j'emprunte à Lorain, le montrent
PSEUMONIE LOBAIRR AIGUË. — pools. 823
d'unfl manière saissiesante fig. 30. Dans un cas d'efferyescence il a eu lieu
enlre lo 4* et le 5' tracé.
b) Quant à l'amplitude, on ea juge, soit par la palpalion, soit mieux
encore par le tracé sphygmographique. On sait qu'elle n'est pas en relaiion
avec la force, et qu'un pouls ample peut être en même temps très mou
*».
u doule i» U fïlbluu pUiignnde
I. T. R. Î9».T, pmili fiibl».
l-net, 3 lorll. T. n. 39*^, 1< pi)uL< priiinla Is) mAiiKi <
» lf*e< (I* landenuin d« l> déferioKcnw). T. » . 37°.i, U do
~feeiu joun aprèi 11 coniilncence tuai iUblir, plilei
fintute du corpi humiiii, l.ll, (ig. 137).
an doigt, c'est-à-dire présenter peu de tension. Ce n'est pas rare dans la
poeumonie.
c) La force ou la dureté du pouls indique l'état de la tension artérielle.
La sphjgmographie ne permet pas de l'apprécier. Avec de l'habitude, le
duigt donne des indications assez sûres. Mieus vaudrait sans doute un ins-
trumenl récemmenl invenlé par le proresseur Marey (Comptes rendus
1878, 2' semestre) mais qui n'a point encore, à ma connaissance, été
utilisé dans la clinique des maladies fébriles.
42i PNEUMONIE LOBAIRE AlGlJft. • sasg.
D'après le professeur Jaccoud, le pbcnomènc de la récurrence palmaire
peut fournir d^utiles indications sur l'état de la tension aitéricUe.
« A Tétat de santé, dit- il, lorsqu'aprcs nvoir comprimé Tarière radiale,
l'on appuie dessus avec un doigt de l'autre main, on constate que U
pulsation rétrograde apparaît^ pour ainsi dire, instantanément, et
qu'elle a les mêmes qualités de force et d'amplitude que le battement
normal. 11 n'en est plus ainsi dans la maladie. Dès que la puissance
contractile du cœur faiblit, la pulsation récurrente palmaire retarde dans»
son apparition, et elle est notablement moins forte que la pulsation nor-
male directe ; à mesure que l'impulsion cardiaque diminue, le battement
se ralentit notablement, jusqu'à ce qu*il ne soit plus perceptible qu*à
de rares intervalles, ce qui est de fâcheux augure. )»
Pouls paradoxal. — On sait qu'à l'état physiologique pendant une
inspiration modérée, la tension artérielle augmente, ainsi qu'on en peut
facilement juger par une légère ascension d^s maxima des pulsations, sur
un tracé sphygmographique. Au contraire, quand un sujet vigoureux, ayant
des muscles inspirateurs puissants, fait une inspiration énergique en fer-
mant la bouche et en pinçant le nez, la tension artérielle baisse, à cau^f
de la tension négative qui se produit dans le thorax. C*est ce qu'on appelle
le pouls paradoxal. On l'observe parfois dans la pneumonie, alors que
le malade, loin de mettre obstacle à Tentrée de Tair de la poitrine,
dilate ses narines à chaque ciTort inspiratoire. Cela tient- il à ce que le
poumon, solidifié dans une grande étendue, n*augmcnte pas assez de
volume au moment de Tinspiration pour combler le vide produit par la
dilatation du thorax? Est-il un signe d'affaiblissement du cœur? Je ne
puis faire autre chose que signaler ces interprétations.
Irrégularités du pouls. — On a parfois Toccasioii de constater
des irrégularités du pouls dans la pneumonie. Tantôt ce symptôme se
présente chex un malade âgé, athéromateux, ou chez un sujet dont les
battements cardiaques sont sourds et précipités; il s'agit alors évidem-
ment d'un trouble grave de Tinnervation cardiaque; tantôt le malade
ne présente jusque-là rien d'anormal du côté du cœur; l'état général est
bon et la pneumonie est arrivée au sixième ou septième jour. Dans ce
cas, l'irrégularité du cœur, si elle survient, ce qui est d'ailleurs peu
eouunun (Nothnagel), a une toute autre signification : c*cst un signe de
crise prochaine, par conséquent de terminaison favorable (Grisolle, Jur-
gcnsen).
Sang. — C'est au moyen de saignées, de ventouses ou de piqûres au
doigt qu'on peut l'étudier. Mais ce sont seulement les saignées copieuses
qui en fournissent une (|uanlité sufiisante pour l'analyse chimique. C'est
ainsi qu'Andral et Gavariet ont pu établir quelques laits importants.
Malheureusement, il n'existe pas de méthode pour apprécier la modili-
cation cipitale qu'éprouve le sang: la diminution de sa niasse.
Globules rouges. — Nous avons cependant un moyen de la démon-
trer, sinon d'apprécier à combien elle s'élève : en effet, la matière colo-
rante de l'urine éliminée dans les vingt-quatre heures est, dit-on, en quan-
PNEUMOiNIE LOBAIRE AIGUË. — sang. i25
tité quadruple de ce qu'elle est à Tétat normal. Or, la proportion des glo-
bales rouges diminue, mais pas de moitié, ainsi que le montre la mé-
thode de la numération, et les analyses d'Andral et Gavarret. D'après ces
auteurs le poids des globules secs s'abaisse dans l'espace de trois à cinq
jours jours de moins d'un quart ; encore faut-il remarquer que les sujets
d*Andral et Gavarret avaient subi l'influence de deux ou trois saignées
qui avaient dû contribuer à Thypoglobulie. Nous sommes, par consé-
quent, en droit de conclure que la proportion des globules rouges ne di-
minue pas de la moitié. Si cependant la matière colorante de l'urine est
en quantité quadruple ou même seulement double, n'est-ce pas un motif
pour admettre une diminution de la masse totale?
Je ne donne d'ailleurs cette preuve que pour ce qu'elle vaut, et ne me
bis pas d'illusion sur sa rigueur. Heureusement, il y a d'autres preuves
également indirectes, par exemple la diminution de la tension arté-
rielle, etc., qui plaident dans le même sens.
Au moment de la crise il peut se produire, si les sueurs sont très abon-
dantes, une concentration passagère du sang bientôt suivie d'un état in-
verse, si le malade boit beaucoup.
D'après une analyse faite par P. Regnard, le pouvoir qu'a le sang
d'absorber de l'oxygène ne serait pas diminué dans la pneumonie. Malheu-
reusement P. Regnard n'a fait qu'une seule fois cette recherche :
< Dn homme de quarante-cinq ans, très-fort, est pris de pneumonie
sur presque tout le poumon gauche. Il meurt avec une température
éleTéc de 41°, 4, le quatrième jour, sans autre complication. La capa-
^ cité respective du sang recueilli après la mort est de 27 p. 100; c'est,
dit Regnard, le chiffre normal. »
Si cet intéressant résultat était confirmé, il serait une nouvelle preuve
i l'appui de ce que je disais tout à l'heure, à savoir que l'hémoglobine
t'est certainement pas (dans une quantité donnée de sang) diminuée de
noilié.Donc la pneumonie — et cela est d'accord avec l'observation clinique
iounialière — n'est pas une maladie qui détermine l'hypoglobulie autant
911e le rhumatisme articulaire aigu. Cette conclusion est d'autant plus
lemarquable que, dans la pneumonie, il y a un exsudât considérable de
AOO grammes. (Voy. plus haut).
Globules blancs. — La numération des globules blancs, parallèlement
à celle des globules rouges, est une recherche qui me parait avoir
l^aucoup d'utilité dans certain cas. J'y reviendrai plus loin. (Voy. ter-
minaisons et diagnostic).
Fibrine. — On doit sur ce sujet de précieux documents à Andral
'M Gavarret : « Sur quatre-vingt-quatre saignées pratiquées dans le cours
^ pneumonies non caractérisées, il y en eut sept seulement 011 le chiffre
de la fibrine oscilla entre 4 et 5 (c'est-à-dire fut peu augmenté) ; dans les
*oixante-dix autres, il dépassa ce dernier chiffre, se maintenant onze
ft>îs entre 5 et 6 ; dix-neuf fois entre 6 et 7, quinze fois entre 7 et 8; dix-
•ept fois entre 8 et 9, neuf Ibis entre 9 et 10 ou dépassant même un peu
dernier chiffre. » D'où il suit que, d'après ces auteurs, l'augmentation
426 PNEUMONrE LOBAIRE AIGUË. — urine.
de la fibrine est un fait constant et que la pneumonie est une des phleg-
masies où ce caractère est le plus accusé.
Je n'insisterais pas sur ^importance de ces résultats, si, yu leur
date déjà éloignée de nous, ils n'étaient un peu trop oubliés aujourdlioi
par les auteurs qui veulent distraire la pneumonie de la classe des
phlegmasies. Je reviendrai d'ailleurs sur ce point.
Matériatix solides du sérum. — Voici comment se comportent, dans
les sept cas d'Andral et Gavarret, les matériaux solides du sérum : une fois
état stationnairc avec oscillations, une fois abaissement insignifiant de
84 à 80 ; une fois ils tombent de 85 à 75 ; trois fois ils s'élèvent, à savoir:
de 67 à 73, de 85 à 91 et de 83 à 91. On voit donc qu'en somme, le
chiffre des matériaux solides du sérum ne s'abaisse pas, comme on aurait
pu le croire, au-dessous du chiffre normal, malgré l'énorme soustracttoo
que fait au sang l'exsudat pneumonique. Ceci me parait prouver qu'en
définitive, les matériaux de Texsudat sont fournis pour la majeure part,
non par le sang lui-même, mais par les tissus de l'économie, le sang ne
jouant que le rôle de véhicule.
Des sels du sérum. — Les matériaux sont très peu nombreux sur celte
question. Je ne connais que les analyses de Jarisch qui, dans un cas
de pneumonie, a trouvé : 1° une forte augmentation de l'acide suKu-
rique (11 gr. 4, au lieu de 7); 2° une légère augmentation de la soude
(26 gr. au lieu de 24); ô^ par contre une légère diminution de l'acide *j
phosphorique, du chlore, de la potasse et dufeT.(Med.Jahrb.lS71^p. 60).
On a parfois noté un aspect laiteux du sérum, dû à des granulations de
graisse.
Chez plusieurs malades de mon service, j'ai remarqué que le sang re-
tiré au moyen de ventouses et traité par le procédé de Cl. Bernard, rédui-
sait une quantité de liqueur de Fehling beaucoup plus abondante qu'à
l'état normal. D'après Cazeneuve qui a poursuivi ces recherches, la
réduction ne saurait être rapportée uniquement à de la glycose, car elle
ne se produit pas de la même manière que lorsqu'on opère avec de h
glycose, et il est Irès-difficile de bien apprécier la limite de la réduction.
UuiNE. 1" pendant la période fébrile. — La quantité est en général,
notablement diminuée, et peut ne pas dépasser 500 et même 300 dans
les vingt-quatre heures.
La densité est plus élevée que d'habitude ; la coloration beaucoup plus
prononcée qu'à Fctat normal. D'après Vogel, on pourrait approxiniatife-
ment évaluer la proportion de matière colorante au quadruple de l'état
physiologique.
L'urine pneumonique est presque toujours très-acide; si l'on s'en t^
nait à cette vue superficielle, on en conclurait que le pneumonique excrète
plus d'acide par le rein que l'homme sain. En fait, cette supposition ne
parait pas exacte, car il faut tenir compte de la diminution de la quantité
d'urine.
Les matériaux fixes de l'urine sont notablement augmentés dans la pé-
riode fébrile de la pneumonie. Sur ce point, il n'y a pas de contestalioD»
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — urine, 427
mais à quel moment cette augmentation est-elle la plus considérable?
A cet égard, les auteurs sont divisés : lesunsTauraient constatée au com-
mencement, les autres à la fin ; j'avoue que je doute fort de l'exactitude
de cette dernière assertion. Au bout de plusieurs jours de diète, le pneu-
monique se trouve dans un état assez semblable à Tanimal à l'inanition.
Or, chez celui-ci, les matériaux fixes, à partir du premier jour de l'ina-
nitiGOy diminuent chaque jour fort rapidement; en d'autres termes, leur
courbe se rapproche beaucoup de la verticale, puis, au bout de quelques
jours, ils ne diminuent plus, il est vrai, pendant une période d'une cer-
taine durée, mais jamais ils ne remontent au niveau primitif. Je ne nié-
eonnais pas les différences profondes qu'il y a entre un fcbricitnnt à la
dièle et un animal à Tinanition, et je suis loin de nier qu'une poussée
l&brile intense, au deuxième ou au troisième jour, ne puisse produire
une quantité de déchets supérieure à celle du premier jour ; mais je crois
cependant qu'au bout de quelques jours de consomption fébrile, l'éco-
nomie est assez appauvrie pour ne pouvoir dépenser autant que les pre-
miers jours. Les auteurs qui ont cru le contraire "se sont trompés : ou bien
parce qu'ils n'ont pas assisté au premier jour de la fièvre, et qu'ils ont
comparé, par exemple, le sixième jour et le troisième ; ou bien parce
qu'ils ont confondu la fin de la période fébrile avec le commencement de
h période critique, où il peut y avoir, en effet, une excrétion momenta-
aément fort exagérée, comme nous allons voir.
Mais étudions en particulier quelques-uns des matériaux solides de
l'urine.
Urée. — La quantité journalière d'urée est le plus souvent beaucoup
au-dessus de la normale, surtout les deux ou trois premiers jours; puis
die décroit, malgré la persistance de la fièvre, à cause de la diminution
progressive de « l'albumine de circulation. » D'après les auteurs, l'urée
pourrait s'élever au quintuple de l'état normal et même au-dessus (Parkes),
fiintité qui me semble fort étrange, et qui est, en tous cas, fort au-dessus
fie ce que j'ai personnellement observé. Dans l'impossibilité où je suis de
eritiqner de telles assertions, je me borne à les mentionner.
Vacide urique, dans l'urine pneumonique, est en proportion beaucoup
plus considérable qu'à l'état normal ; mais il ne faut pas en juger par les
dépôts, car la formation d'un dépôt est en rapport, non avec la quantité
d'acide urique excrété dans les vingt-quatre heures, mais avec la propor-
tion rdative de l'acide urique dans l'urine, autrement dit avec la concen-
tration de celle-ci et surtout avec sa teneur en phosphate acide de soude.
Ii'adde urique semble aussi augmenté par rapport à l'urée, mais d'une
Quantité qu'il est difficile de fixer, vu l'incertitude où l'on est sur les li-
Hiites du rapport normal entre l'acide urique et l'urée. D'après Scheube,
ks premiers jours, il serait, dans le rapport de 1 à 60 (ce qui ne con-
stituerait pas une bien grande augmentation). Les jours suivants, il
y aurait relativement un peu plus d'acide urique; le rapport serait :
\ à 52, et même 1 à 32 (moyenne des 8% 9* et 10^ jours chez un jeune
bomme). Je n'ai pas, je l'avoue, une bien grande confiance à ces
428 PiNEUHONIF: LOBÂIRE aiguë. — URINB.
moyennes, vu les variétés individuelles et le petit nombre de cas qu'a étu-
diés M. Schcube (4 cas). Ce qui justifie mes doutes, c*est que sa troisième
observation prouverait précisément le contraire de ce qu*il avance. Voici,
en effet, ses chiffres :
5* jour, rapport 1 : 41
?• — — i : .53,8
H' - — 1 : 50,8
9- — — 1 : 58.8
10* — — 1 : 65,3
Ainsi, dans ce cas, c'est précisément les derniers jours qu'il y a pro-
portionnellement moins d'acide urique.
Je le répète, il y a de très-grandes différences individuelles, ainsi que
le montrent les chiffres publiés par d'autres auteurs. Si je consulte, par
exemple à cet égard, les thèses de Charvot et d'Uœpffner, je trouve qu'au
moment de l'élimination critique qui suit d'un jour ou deux la défer-
vesccnce, le rapport de l'acide urique à Purée, comparé à ce qu'il était
pendant Tacmé, tantôt diminue et tantôt augmente. La seule conclusion
que je serais porté à tirer de l'ensemble des travaux relatifs à cette ques-
tion, c'est que les jours qui suivent l'élimination critique, c'est-à-dire les
premiers jours de la convalescence, le rapport de l'acide urique à Purée
tombe bas.
Dans l'étude du rapport de Pacide urique de Purée, il faut tenir compte
non-seulement des différences individuelles qui sont considérables, mais
surtout du procédé employé pour le dosage de l'acide uriqnc. Ainsi Charvot
et Hœpffner ont trouvé, en général, beaucoup moins d'acide urique que les
auteurs allemands, de sorte que ce n'est qu'avec la plus grande réserve
qu'on peut comparer les résultats d'un observateur à ceux d'un autre.
Acide hippurique. — Ce principe n'a malheureusement pas encore
été le sujet de recherches sulïisaiites. Weissmann dit l'avoir trouvé di-
minué dans un cas de pneumonie ; mais il est fort possible qu'il soit,
au contraire, augmenté dans certains cas. C'est une recherche à pour-
suivre.
Matières extractives. — Nos connaissances sur ce sujet si obscur sont
presque nulles. Il semble toutefois résulter de quelques analyses d'Hœpff-
ner qu'elles sont parfois notablement augmentées dans la pneumonie, et
que d'autres fois elles ne présentent pas de modification sensible. En tous
cas, elles ne marchent point parallèment avec Purée.
Quelle est, en somme, la quantité d'azote excrétée par l'urine (qui est,
comme on sait, la voie presque unique de l'excrétion de Pazote) pendant
a période fébrile de la pneumonie? Il est difficile de le dire, vu le pëil
nombre d'analyses d'azote total qui ont été faites et les différences
énormes (du simple au quadruple) que présentent les différents malades.
Dans un cas malheureusement unique jusqu'ici, où les excréta^ ainsi que {
les ingesta^ ont été chez un pneumonique déterminés avec la plus minu- j
lieuse attention, à partir de la quarantième heure après le frisson, pen-
dant vingt-huit jours consécutifs, le malade a excrété pendant la période
PNEUMONIE LOBAÏRE AIGUË. — urine. 429
d'acmé, qui a été de cinq jours (en ne tenant pas compte des quarante
premières heures), plus de 83 grammes d'azote correspondant à 2 kilo-
grammes et demi environ de muscles (environ la dixième partie de la
quantité de chair musculaire qu'il possédait au moment de sa maladie
(Riesell et Huppert, Archiv der Heïlkunde, 1869).
V acide phosphorique total n*est, en général, pas sensiblement aug-
menté. Cependant, d'après J. Vogel, on en aurait trouvé jusqu'à 8'', 4
dans un cas de pneumonie; mais nous ignorons dans quelles conditions.
n n'est même pas explicitement dit si ce chiffre indique la quantité des
vingt-quatre heures ou la quantité pour 1000, auquel cas il n'aurait rien
d*extraordinaire. En tous cas *et eu égard à Tétat normal, on le trouve
diminué par rapport à l'azote, ainsi que dans toutes les maladies fébriles
(Zuelzer, Lépine et Jacquin). Nous avons trouvé que c'est suilout
Tacide phosphorique combiné aux terres qui est diminué, ainsi que l'ont
vn Beneke et Schulte pour d'autres maladies aiguës (Schulle, Dissertât,
Marboui^ 1823) ; ce qui, comme le fait très-bien remarquer Beneke, est
en rapport avec l'augmentation de la potasse signalée par Salkowski.
Quant à Vacide sulfurique, il a été trouvé fort augmenté dans la pneu-
monie (2*', 9, 3*%1, 5*', 7 par jour; J. Vogel). C'est près de dix fois la
quantité que cet auteur a trouvée dans d'autres maladies aiguës. Il y a donc
là une augmentation remarquable, résultat conforme à celui de Parkes.
Le chlorure de sodium diminue brusquemenJ à partir du premier
jour de la fièvre, de telle sorte que, dès le deuxième ou le troisième
jour, il n'y en a plus que des traces dans l'urine ; puis il disparait plus
00 moins complètement. Ce fait remarquable, signalé par Redlcnbacher,
a beaucoup préoccupé les médecins de la Grande-Bretagne, Bennett (d'E-
dimbourg) et surtout Beale qui a fondé sur lui beaucoup de spéculations.
Cette disparition plus ou moins complète du chlorure de sodium de
l'urine se rencontre d'ailleurs, à peu près au même degré, ainsi que Ta
démontré J. Vogel, dans les autres états fébriles. Elle s'explique alors
parle manque d'alimentation. Pour le cas particulier de la pneumonie,
il convient d'ajouter pour une part l'élimination d'un peu de ce sel par
.les crachats et son emmagasinement dans l'exsudat. Les expériences
d'flowitz, à supposer qu'elles soient exactes, prouveraient que les deux
dernières causes que j'ai indiquées ne sont pas sans influence. En effet,
il prétend que du chlorure de sodium administré à un pneumonique n'ap-
parait pas dans l'urine ; d'autre part. Bigler aurait également trouvé
que riodure de potassium administré à un pneumonique, est retenu pen-
dant Tacmé et n'est excrété qu'au moment de la résolution. Ces expé-
lîences mériteraient d'être reprises. En tous cas, il ne faut pas exagérer la
quantité de chlorure de sodium que l'exsudat peut emmagasiner. Iloppe-
Seyler a fait la remarque très juste, qu'il faudrait un exsudât quotidien
de 700 grammes pour absorber le chlorure de sodium {Deutsche Klinik^
d854). Or, nous avons vu précédemment que le poids moyen de l'exsudat,
qui d'ailleurs met plusieurs jours à se faire, n'atteint pas ce chiffre.
Potoêse et soudé, — Les seuls travaux sur cette question sont ceux
430 PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — uhhb.
de Salkowski, qui a publié, il y a quelques années, an mémoire
mination de ces bases dans les maladie.^ fébriles. Ce mémoire ren'«^
Tanalyse de Tiirine à ce point de vue dans quatre cas de pneumonie^^
heureusement sans observations cliniques, ce qui enlève à ses
beaucoup d'importauce, puisque nous ne pouvons les interprc^^
connaissance de cause ; j'y remar(|ue quant à la soude, sa d'^^^^JS*
?i
pendant la fièvre et son accroissement tellement rapide à partir» „^ ^
fervescence, que, dans Tespacc de deux jours, celle base peut* .g^iï
et morne décupler; quant à la potasse, elle augmente notabler-^^^g^'
dant la période fébrile, de telle sorte que, pendant cette p^rma^ii^'^'^
rapport de ces deux bases entre elles est beaucoup modifié à
de la potasse ; elle diminue pendant la défervescence. M:^>uvt
Éléments étrangers. — Je n'ai parlé jusqu'ici que des firiili*ife*pî' *^*
quantitatives des matériaux normaux de Furine; mais il faut safoir^w^'ii^ ^^^
présence de Talbumine dans l'urine de la période fébrile de la pneflNÉ^t^vi yy
n'est rien moins que rare. On peut même dire que celle-ci est uttl
maladies aiguës qui fournit le plus grand nombi'c de ces albui
spéciales à la période fébrile. D'après Parkes, on la rencontrerait tt
pour 100. Becquerel donne un chifTre analogue : 42 pour 100. Dtfi
hôpitaux de Vienne, on a trouvé 45 pour 100. Sauf complication, T
mine est toujours en petite quantité dans l'urine, et elle disparatti
près au moment de la résolution de la pneumonie, conlrairemeÉli
qu'avaient pensé Martin-Solon, Begbie et Abeille, qui attribuaient fi
minurie à l'élimination des produits albumineux résorbés. Si par
elle persiste à la résolution, elle cesse avec l'établissement de la
lescence.
La cause de cette albuminurie fébrile est obscure. On a fait reflM^|f^ *''
avec raison qu'elle pouvait être produite par les vésicatoires; mais
explication, à supposer qu'elle soit exacte pour quelques cas, netf^B i d
être généralisée ; car dans la pleurésie, où on les prodigue daiarii^érnj
l'albuminurie est rare.
La leucine et la tyrosine n'ont jamais élo rencontrées dans t
pncumoniquc ; je parlerai plus loin de la matière colorante deUbik- ^'i:
2** Urine critique — L'urine de la défervescence, si celle-ci saW
cinse, comme c'est le cas le plus commun, présente des caraclèiti
culiers : sa quantité augmente au point de dépasser notablemen^il^
maie (polyuric temporaire) ; en même lemps, fait fort remarqoabki^rjo d
densité reste élevée au moins au début ; de plus, il se dépose preKp
jours un sédiment plus ou moins abondant, de couleur rosée (
soude et acide rosaeique), ce qui, comme nous l'avons dit plus tJ^Q«;«r
prouve qu'au début de la crise l'urine est fortement acide à can;*
présence d'une grande quantité de phosphate acide de 80ude« ^^1f^^ ^
renferme en même (emps, dans certains cas, beaucoup d'acide
Quant au chlorure de sodium, il est toujours en quantité insigoi
Quelle est la cause de cette élimination critique ?
Comme au moment où elle a lieu, le pneumonique est encore à la
'-^S:
l'i
îv!
!»1>
r^ r
PNEUMONIE LOBâIRË AIGUË. — urimb. 451
il n'y a pas à songer à l'influence de ralimentation; d'ailleurs, après quel-
ques jours de fièvre, l'organisme conserve pour se réparer, la plus grande
pari des matériaux de la première alimentation. Mais cette considération
n'a même pas besoin d'être invoquée, puisque, je le répète, le pneumoni-
que, au moment de l'excrétion critique n'a pas encore pris d'aliments.
La plupart des auteurs ont pensé que cette élimination était due à la
combustion des matériaux provenant de la résorption de l'exsudat. Seule-
ment il faut bien savoir qu'au moment de la crise, en général, la résolu-
tion est encore peu avancée, et la résorption certainement fort incomplète.
De plus, Scheube, raisonnant comme si la composition de l'exsudat était
identique avec celle des crachats, calr.ule qu'il faudrait un exsudât de
5 kîlog. pour suffire à l'élimination critique. Or, nous avons vu qu'il ne
dépasse pas 600 grammes en moyenne. J'avoue que l'on peut contester la
rigueur du calcul de Scheube ; mais l'argument chronologique que j'ai
indiqué en premier lieu conserve toute sa valeur : la résorption de l'exsu-
dat n'est qu'au début au moment de l'excrétion critique.
Uuppert a pensé que, pendant la période fébrile, l'albumine est dédou-
blée, que les produits non azotôs de ce dédoublement sont brûlés tout de
suite, tandis que les produiLs azotés ne le sont qu'à la crise.
Cette vue, d'ailleurs hypothétique, se rapproche de l'opinion soutenue
par plusieurs pathologistes (Riesenfeld, Naunyn, Unruh,) qui, sans ad-
mettre la sélection dont je viens de parler, pensent qu'il y a une rétention
des matériaux de déchet pendant la fièvre, rétention qui ne cesse qu'au
moment de la crise. Dans un récent travail, Frânkel a beaucoup
insisté sur cette idée et a essayé d'étayer l'hypothèse de la rétention en
faisant remarquer que l'excrétion critique est plus abondante quand il y
a eu, pendant l'acmé, de l'albuminurie. D'après lui, cette albuminiurc
prouverait l'existence d'une lésion rénale temporaire, capable de retenir
las matériaux de déchet tant qu'elle dure, c'est-à-dire tant que persiste
l'albuminurie, et qui cesserait avec cette dernière au moment de la crise.
Cette vue d'ailleurs ingénieuse n'a pas été généralement adoptée. Selon
moi, il est peu probable qu'une albuminurie fébrile soit syinptomatique
d'une lésion rénale, suffisante pour mettre obstacle à l'excrétion des
matériaux de déchet. En supposant qu'il en existe une, ce doit être une
lésion fort minime des glomeruli; or, il semble qu'une lésion plus pro-
fonde soit nécessaire pour empêcher l'excrétion de ces matériaux. La
niaon de l'élimination critique est donc encore à l'étude.
Dans les cas où il y a une excrétion relativement considérable d'acide
urique (par rapport à l'urée), au moment de la crise, Bartels l'explique
en disant que pendant la période fébrile, l'urée et l'acide urique, aug-
mentés tous deux sont, à peu près, dans leur rapport normal, parce
que la circulation et la respiration se sont activées, pour se mettre au
niveau de leur tâche. Mais lorsque la période fébrile cesse brusquement,
la circulation et la respiration revenues au taux normal ne suffisent plus à
oxyder complètement la grande quantité de matériaux de déchet ; d'où
rexcès relatif d'acide urique. Je donne cette explication pour ce qu'elle
432 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — état dbs forces.
vaut, en faisant remarquer qu'en réalité nous connaissons bien moins
que ne le croyait Bartels les conditions de formation de l'acide nriqoe.
La période d*élimination critique n*est pas nécessairement limitée à un
jour, comme on pourrait croire : il y a des crises moins brusques qii
durent deux ou trois jours. J'ai déjà dit que quand il n'y a pas crâe
mais lysiSy l'élimination exagérée dont il vient d'être question n'a pis
lieu et c'est progressivement et par transition que l'urine de la période
fébrile prend le caractère de l'urine de la convalescence.
En tous cas il y a avantage pour l'analyse des conditions physiologiquei
où on trouve le malade à étendre la durée de la période critique jusqn'aa
commencement de la convalescence.
Dans le cas de Rie^ell et Huppert, dont j'ai cité plus haut les résultats
pour la période fébrile, le malade a absorbé 43 grammes d'azote, et en a
perdu 135 pendant cette période critique qu'ils ont fait durer 6 jours, soit
un déficit de 92 grammes. En somme, pendant ces deux périodes réunies,
ce malade a perdu 85 H- 92 =175 gr. d'azote, correspondant au cin-
quième peut-être de la quantité d'albumine qu'il possédait au début de la
maladie.
Urine de la convalescence. — La polyurie diminue ou disparaît ; l'u-
rine est plutôt pâle ; sa densité est diminuée et les matériaux solides y sont
à un chiffre plus ou moins bas, sauf le chlorure de sodium dont l'excrô-
tion redevient assez promptcmeut presque aussi abondante qu'à l'étal
normal.
Pour terminer avec le cas d'Huppertet Ricsell, je dirai que pendant les
7 premiers jours de la convalescence, l'organisme a encore perdu 15 gram-
mes d'azote. Pour les 7 jours suivants (les derniers de l'observation), ili
au contraire regagné 3 grammes.
État DES forces. — Les forces sont constamment diminuées dans la
pneumonie et, en général, elles sont très-promptoment abattues à partir
du début de la maladie. Cependant bon nombre de pneumoniques viennent
à pied se présenter au bureau d'admission des hôpitaux, alors que
l'altération des traits dénote la gravité de l'affection dont ils sont atteints:
d'après Grisolle, il n'y aurait guère qu'un quinzième des sujets qui serait
dans l'incapacité de marcher. Ce chiffre, on le voit, me parait un peu
faible.
Il est naturel que chez les vieillards la prostration des forces soit, toutes
choses égaies, plus accentuée. Et cependant, par exception à cette règle,
on voit des vieillards dont les forces paraissent davantage conservées que
ce n'est l'habitude chez l'adulte. Ainsi il n'est pas très-rare de voir, à b
Salpêlrière, de vieilles femmes rester dans leur dortoir, assises près de
leur lit plusieurs jours après le début de la maladie et résister énergiqiK-
ment si on les veut transporter à l'infirmerie. On ne pourrait objecter quB
y a erreur sur le début de leur pneumonie. Mais cette objection tombe i
l'examen de la marche de la maladie et en présence des résultats de l'ii-
topsie. Pour être extraordinaires, les faits dont je parle sont cepcndiot
uthentiques.
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PxNEDMONIE LOBAIRE AIGUË. — tboubles merveox. ' 433
PiRTE DB POIDS. — Ce sujet a été malheureusement peu exploré, vu la
difficulté qu'il y a à peser des fébricitants qui ne peuvent quitter le lit.
Le sujet de Riesell et Uup|)ert, pendant la première période d'observation
(de k 41'' heure de maladie à la crise), a perdu 680 gr. en cinq jours.
Pendant la 2*" période (critique) qu'ils ont fixée à 6 jours, le malade a
perdu 1500 grammes; pendant les 7 premiers jours de la convalescence,
900 grammes. Pendant les sept jours suivants, il a au contraire gagné
570 grammes. Le docteur Thaon, quia fait sur des enfants pneumoniques
une série de recherches, a constaté aussi qu'ils perdent encore pendant le
conunencement de la convalescence. Mais je ne crains pas de dire que ce
r n'est pas un résultat constant, au moins chez l'adulte, ainsi que le prouve
£ la première des trois observations suivantes de pneumonie recueillies
iL cette année dans mon service, où les malades ont été pesés dès le jour
n de la défervescence. Voici les résultats :
n Obs. I. — Ilomme de 40 ans. Pneumonie bilieuse ; commencement de
1^ la défervescence le 20 (T. 39'',4 C.) ; défervescence achevée le 23 seulement
«i^ (T.37*C.).
- Ce jour le malade pèse 55'',960; le surlendemain 56^,300; le 26,
^ 56\500; le 27, 5CS700; le 28, 56S800.
^' Qa'on construise la courbe et on verra que l'ascension a été fort rcgu-
ç lîère, en forme de parabole, à partir de la défervescence achevée.
-J Obs. IL — Ilomme de 35 ans. Pneumonie franche; défervescence com-
/ menoée le 8, achevée le 9. Le poids est pris pour la première fois le 12 et
est de 72 kilos ; le lendemain le malade avait perdu 300 grammes ; mais
le surlendemain il était remonté à 72'',500 et le 26, il atteignait près de
74 kilos. C'est là une augmentation de poids vraiment extraordinaire.
Obs. m. — Homme de 33 ans. Pneumonie franche, la défervescence a
1 0a lieu le 10. Depuis lors le poids, suivi jour par jour, a montré une dimi-
I aution fort régulière de 2 kilos en 10 jours; puis une augmentation de
1 1300 grammes également très-régulière pendant les dix jours suivants,
f On voit combien il y a de variétés individuelles quant à l'accroisse-
I ment da poids pendant la convalescence.
Tboubles merveux. — La céphalalgie est presque constante ; d*après
Grisolle, Louis, etc., elle ne manque pas dans un sixième des cas; c'est
ain symptôme du début; elle est habituellement frontale et consiste
en élancements ou en un sentiment de constriction pénible; elle est
aggravée par la toux.
L'insomnie est en rapport avec l'état fébrile ; jamais elle n'est complète.
Troubles sensoriels. — Ils sont peu notables; ce n'est que rarement
^ne les malades accusent des éblouissemcnts, que Ton a attribués à une
congestion rétinienne (Siebel père, Seidel). — Mais il y a aussi des
phénomènes manifestement réilexes : Galezowski a noté que la congés-
iion des veines rétiniennes peut être plus accusée d'un côté. Roques a
Mg^alé l'inégalité des pupilles; j'ai indiqué autrefois que des injections
ixTÎtantes, faites dans un des poumons, sont suivies de phénomènes du
dWé de l'œil, chez des chiens ou des cobayes.
X0IJ7. BIGT. MiO. BT ciim. IIVUI— 28
434 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — troubles Nki?iux.
Je me borne à ces indications fort sommaires, vu le peu d'importance
des phénomènes en question ; quant aux troubles plus graves, l'ambljopie
la surdité, etc., j'en traiterai au chapitre Complicationê.
Vépislaxh n'est pas un symptôme très-commun ; elle apparaît dans le
premier septénaire, chez un huitième à peine des malades âgés de moîm
de trente ans (Grisolle) .
Généralement Thémorrhagie a lieu par la narine, du cAté cormpon-
dant à la pneumonie (Perroud), ce qui est d'accord avec la prédilection
pour le même côté des troubles oculaires et des trouble vano-moteiurs
cutanés dont je vais maintenant parler.
Troubles vaso-moteurs,— Le plus anciennement connu est la rougeur de
l'une des pommettes. Andral ayant soutenu qu'elle était un pur effet du
décubitus, ce symptôme avait perdu pi-esque toute valeur, quand Gubkr
vint rappeler l'attention sur lui, en l'interprétant d'une manière scienli-
fique. D'a|)rès Gubler, il s'agit d'une con«>estton active, d'origine réflexe.
et qui s'accompagne d'une notable élévation de la température, lail par-
faitement exact et souvent confirmé depuis. Dans le plus grand nombre
de cas, clic occupe le côté correspondant à la pneumonie; mais il y a des
exceptions qui ne sont pas fort rares. Quelquefois cette exception peut
s'expliquer par l'influence du décubitus : un malade peut, en restant cou-
ché plusieurs heures sur le visage, du côté opposé à la pneumonie, le
congestionner la joue qui repose sur l'oreiller ; mais, le plus souveot,
cette explication ne peut être invoquée, par exemple dans le fait soivaiiL
dont le professeur Jaccoud a été lui-même le sujet et le narrateur :
<c 11 y a deux ans, dit-il, j'ai été moi-même atteint d'une pneumonie
franche : elle siégeait à droite, et, durant les deux premiers jours, la rou-
geur de ma joue gauche a contrasté, d^une manière choquante, avec la
coloration Je la droite ; de plus, cette rougeur coïncidait avec une senah
tion désagréable de chaleur dans tout le côté gauche de la face ; mais ce
n'est pas tout : cette pneumonie m'a saisi brusquement, brutalemeot;
j'étais venu bien portant au service, lorsqu'au quatrième ou cinquième
lit de ma première salle, je suis pris d'un frisson des plus intenses, aiec
tremblement et claquement de dents; ce frisson dura jusqu'au milieu do
jour; alors seulement je ressentis le point de côté. Or, la veille de ce jour,
le dimanche, vers le soir, occupée travailler, j'avais ressenti une chaleor
insolite dans le côté gauche de la figure. Impatienté, j'y regardais ai
bout de quelque temps : j'avais la joue d'un rouge vif. Ce phénomèoe po^
sista jusqu'à la fin de la journée ; il durait encore quand je me mis ai
lit, et le lendemain seulement j'en eus l'explication. Mais, tandis que, ei
raison du siège de ce symptôme , j'attendais une pneumonie à gaueki
l'inflammation pulmonaire était à droite. La rougeur de la pommette, )■
est évidemment le résultat de la perturbation des nerfs vasculairei|i
donc précédé de quinze heures le frisson révélateur de la phlegmasie, et
celui-ci a devancé de dix heures la douleur thôracique. »
Cette observation est peut-être la seule où la précocité du trouble n»-
moteur ait été aussi nettement observée. Mais en raison même de ce tt
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — sthptombs cutanés. 455
que la rougeur malaire, dans ce cas, a précédé toute localisation pulmo-
naire appréciable, en peut se demander si dès ce moment, c'est-à-dire
dès le dimanche, il ne s'était pas fait déjà, à l'insu du malade, une
pWHBde congestive au poumon gauche^ laquelle s'est évanouie le lende-
main et s'est définitivement fixée sur le poumon droit. Dans cette hypo-
tbàBe« le trouble vaso-moteur se serait produit non du côté opposé, mais
du côté correspondant à Thyperhémie pulmonaire.
Je crois devoir signaler cette objection, mais je ne la crois pas très-
valable, et je suis loin de contester la réalité des exceptions à la loi formulée
parGubler. J'y crois d'autant plus que j'ai moi-même constaté expérimen-
talement que l'excitation des bronches peut produire, exceptionnelle-
menif il est vrai, une action réflexe sur Fœil du côté opposé {y 2ii cité ce
fait dans ma thèse, p. 26). Vraisemblablement cette anomalie trouve son
explication, ainsi que l'indique Jaccoud, dans la décussation variable des
filets nerveux qui entrent dans la composition du plexus pulmonaire.
D'après Bouillaud, la rougeur et la chaleur des pommettes sont, toutes
choses égales d'ailleurs, plus prononcées dans la pneumonie du sommet
que dans celles des lobes inférieurs; cette opinion est confirmée par
: Grisolle.
i Non-seulement les pommettes, mais les membres, surtout le membre
i supérieur du côté correspondant à la pneumonie, ainsi que la paroi tho-
i lacique du même côté, peuvent présenter un excès de chaleur mani-
\i faste. C'est à la partie interne du bras que la différence de température
I est, en général, le plus accusée. Exceptionnellement ce n'est pas un excès
Îda dialeur, mais au contraire un refroidissement relatif que l'on observe.
Je n'insiste pas sur ces détails, que j'ai longuement étudiés autrefois et
k! (|a*a confirmes récemment Hamburger, auteur d'un bon travail inspiré
4 ptr le professeur Kussmaul.
»j Auireê symptômes cutanés, — Outre les troubles vaso-moteurs de la
l| pommette et des membres, je dois mentionner les sueurs qui se ren-
1^ eoatreat souvent ehez les jeunes sujets à jla période fébrile, et qui
donnent lieu parfois à diverses éruptions sudorales, dont l'importance
n'est pas fort grande. Les sueurs profuses qui s'observent au moment
de la défervescence sont beaucoup plus intéressantes, parce qu'elles
paavent être considérées comme un phénomène critique. A coup sui*
fUea ont au moins pour résultat de contribuer à l'abaissemenl de la tem-
féntare, qui, comme on Ta vu, peut alors tomber fort au-dessous de
i« normale.
On a aussi considéré comme critiques certaines éruptions cutanées ;
inaie c'est peut-être sans fondement suffisant, aussi ne nous y arrêtons-
^ùvm pas. Nous n'examinerons ici que l'herpès qui, comme on sait,
mal assex commun dans la pneumonie et survient avant la crise .
- L*herpès se montre surtout au visage : autour des lèvi'es ou des ailes
du nés, aux paupières, aux oreilles; parfois il a un siège insolite et
peu apparent, de telle sorte que. vu sa quasi-indolence, on est exposé à
méconnaître l'existence. C'est ainsi qu'on l'a trouvé à l'anus (Thomas) ,
436 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — ?AB|iTCs.
et à ce même siège dans plusieurs attaques de pneumonie chei le même
enfant. Sa fréquence est estimée différemment par les auteurs : Diealer
Ta en effet noté 45 fois sur 100. Son relevé porte sur 421 obsennUons
du service de Wunderlich; d'autres auteurs ont été beaucoup moins favo-
risés : Lcbcrt ne Ta rencontré que 15 fois sur 100 i Brcslau, et moîai
souTcnt à Zurich. Si je me fiais à mes souvenirs, je dirais que je DeTai
pas rencontré plus souvent queLebert.
Les chiffres précédents se rapportent à Tadulte. Diaprés Ziemaseo, oo
Tobserverait chez Tcnfant dans la moitié des cas. Thomas croit an eon-
traire que, malgré la fréquence de l'herpès chez Tenfiint, il est plus rare
dans la pneumonie de Tenfant que dans celle de Tadulte ; il serait sur-
tout rare chez les tout jeunes enfants.
J'ai dit tout à Theure que l'apparition de l'herpès est toujours anté-
rieure à la crise. Exceptionnellement, cependaAt, on l'a vu survenir ao
moment de la défervescence et même, dans un cas, six jours après elle
(Thomas).
Troubles digestifs. — 1** Vomissemenl. — Nous avons déjà vu que c'est
un symptôme de début commun chez l'enfant (dans la moitié des cas, dit-
on), plus rare chez le vieillard et surtout chez l'adulte. Magnus Huas le
rapporte à une excitation du pneumogastrique, ce qui n'est pas impossible;
mais il faut se rappeler qu'il survient d'habitude dans toutes les maladies
où l'élévation de la température est brusque, dans la scarlatine, par eiem.
pie. Si elle surprend le malade dont l'estomac est plein, l'indigestion est
inévitable.
Dans le cours de la pneumonie, le vomissement est rare ; il peut re-
connaître des causes diverses que Jurgeosen a bien analysées :
a) Vomissement cérébral, particulier en quelque sorte à la pneumo-
nie du sommet ; il peut se prolonger plusieurs jours sans aggraver l'état
du malade.
b) Vomissement sollicité par la toux, par le mucus qui recouvre l'épi-
glotto, par la tuméfaction de la luette.
c) Vomissement par action médicamenteuse.
2"* La constipation est la règle pour les malades chez lesquels on ne
provoque pas de diarrhée et qui ne sont pas soumis à une influence lliéra-
peutique. 11 y a cependant des pneumoniques qui, en dehors de cette in-
fluence, présentent non au début, mais au bout de quelques jouis, de II
diarrhée dépendant sans doute d'un catarrhe intestinal. Cette diarrhée
serait plus commune dans certains pays : à Breslau, par exemple. Lebert
Ta rencontrée chez le tiers des pneumoniques de l'hôpital.
La langue prend un enduit blanchâtre chez presque tous les sujed,
mais sans jamais offrir rien de spécial ; rarement elle est sèche ehei
l'adulte, tandis que chez le vieillard elle est presque toujours sèche ri-
peusc et couverte d*un enduit brunâtre. Chez l'enéint, au contraire, li
langue reste presque toujours humide.
L'inappétence en tous cas est coustante.
riétés de marohe et variétés •ymptoflaatiq«oi. — iiM
nfEDHONIE LOBAffiE AIGUË. — variétés anormales par la marche. 437
que je Tai dit plus haut, la pneumonie est une maladie Tort variable
dans ses aspects. On pourrait donc multiplier beaucoup, ses variétés; mais
je me bornerai au nécessaire. Je décrirai d*abord les anomalies que peut
présenter sa marche ; elles sont importantes, car la pneumonie est une
mtladie aussi caractérisée, sinon plus, par sa marche que par ses sym-
pUmes.
I. Yaiuêiés anormales par la marche. — J'étudierai : 1® celles qui présen-
tent une durée exceptionnellement courte ; 2® celles dont la durée est
longne; 5® celles dont la marche est périodique; 4* celles dont la mar-*
cbê eet alternante.
1* Pneumonie à durée courte : A. Pneumonies ahortives. — Ce sont
dee pneumonies qui évoluent en moins de cinq joui*s. Elles peuvent se
rencontrer à tout âge. Charcot les a signalées chez lei vieillards (Comp^e^
rendue de la Société des Hôpitaux^ 1864). Chez Tadulte, elles ont été
étudiées par Wunderlich, Woillez, Lebert, Leube, Bcrnheim, etc. Une
des observations que Marrottc a publiées sous le nom de synoque péri-
pneumonique ressortit à cette variété.
Wunderlich leur distingue deux modes de début : Tun, brusque, ne
différant en rien de celui de la pneumonie commune ; l'autre, plus lent :
la température fébrile monte progressivement jusqu'au troisième jour ;
mais à peine a-t-elle atteint 4U® qu'elle redescend. Cette dernière variété
parait d'ailleurs fort rare.
La défervescence ne s'accompagne pas d'une crise aussi accentuée qu'on
la voit dans la pneumonie commune.
Quant aux symptômes physiques, on observe des crachats visqueux
blancs ou tout au plus safranés, mais*' jamais rouilles; il y a de la sub-
matité, mais pas d'augmentation des vibrations thoraciques; à l'ausculta-
Uon on entend des râles crépitants ou sous-crépitants plus ou moins fins
et un souffle doux, ayant son maximum à la racine des bronches, ce qui
prouve qu'il est symptomatique d'une congestion pulmonaire et non
d'une bépatisation. En fait, ces pneumonies ne paraissent pas aboutir à
un bépatisation véritable ; anatomiquement, ce sont surtout des pneu-
monies congestives.
B. Pneumonies à marche foudroyante. — Outre la pneumonie dont
la durée est abrégée par la bénignité de l'affection, il en est d'autres chez
lesquelles l'issue fatale survient d'une manière tellement rapide que Tépi-
thàîe de foudroyante ne me parait pas exagérée. 11 en est de plusieurs
espèces et je ne prétends pas les indiquer toutes.
a) Une d'elles se rencontre chez les diabétiques. J'ai, pour ma part,
'VU, avec mon collègue le docteur Rigal, un diabétique jeune encore, non
arrivé à la période consomptive, car il était resté fort obèse, et chez lequel
la pneumonie ne parait pas avoir duré plus de 36 heures. L'autopsie
n'a pas été faite et l'on peut sans doute se demander si le début brusque,
ta fièvre, les râles crépitants que nous avons constatés prouvent sutiisam-
ment l'existence d'une pneumonie; nous l'avons cru, et malgré l'absence
de vérification, le diagnostic me semble encore dans ce cas avoir été bien
458 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — vABiÉris ahorhàlbs pae ul
établi. — Bien que mal connue, la pneumonie foudroyante des diabétiquei
n'est pas absoluipent ignorée des praticiens. 11 serait à désirer que
chacun publiât les Taits de ce genre qu'il a pu observer.
b) Sous le nom de pneumonie séreuse^ Traubc rapporte deux obser*
vations, d'ailleurs tort incomplètes, qui peuvent être citées ici : dans la
première, il s*agit d'un malade atteint d'une insuffisance aortîque trëi-
prononcée et qui fut pris d'une fièvre typhoïde. Pendant le cours de celle-ci,
— Traube ne dit pas à quelle période — il se développa des symptàmes pnl*
monaires qui, au bout de 24 heures, revêtirent un caractère tràs-séneoi.
L'expectoration consistait en uii liquide visqueux et spumeux, rouge bma,
transparent en couche mince, et ne coagulant pas. La mort arriva 36 beurei
après le début des accidents pulmonaires. Le second malade était an
homme de 40 ans, atteint de fièvre récurrente. Pendant la rémission, U
température tomba à 55^,4. Tout à coup, il fut pris de dyspnée avec
sterteur. On constata de la matité et des râles crépitants dans la moitié
inférieure droite de la poitrine ; la toux était rare et courte ; la tempéra-
ture, ZT,b ; les extrémités froides. Mort quinze heures après TapparitioD
des symptômes pulmonaires.
Il ne s'agit pas là d'une pneumonie compliquée d'œdème pulmonaire,
mais d'un processus rapide, pouvant ou non s'accompagner d'une expec-
toration spéciale. A vrai dire, je doute beaucoup que ces cas ressortissent
à la pneumonie lobnire. L'autopsie du premier malade n'est rien moins
que démonstrative, car il est question de plusieurs foyers, et il n'y a pas
en d'autopsie pour le second. Ce n'est pas une raison pour contester
l'existence de la pneumonie lobaire séreuse dont j'ai parlé à propos de
ranatomie pathologique, d'après Séhiitzenberger. Mais, bien que ce der-
nier n'en rapporte point d'observation, il me parait certain que les laits
qu'il a désignés du nom de pneumonie séreuse sont essentiellement dif-
lérents de ceux de Traube.
c) Il est des cas où l'on trouve à l'autopsie un lobe entier à l'état
dliépatisation grise non douteuse, quoique le début de la pneumonie ne
date que de très-peu de jours. 11 faut donc admettre, ou bien qu'elle a
évolue avec une rapidité extraordinaire, ou bien qu'elle a été purulente
d'emblée, sans passer par le slade d'hépatisation rouge, ce qui me panit
plus vraisemblable. J'en ai déjà dit un mot au chapitre de l'anatomte pa-
thologique d'après un cas de Ranvier; j'en marque aussi la place ici,
mais je ne peux faire plus, car leur symptomatologie m'est inconnue. Je
sais seulement que, dans les cas observés par Ranvier, la maladie n'a duré
que trois jours : il s'agissait de jeunes soldats non habitues aux fati-
gues, aux privations et au froid et qui abusaient peut-être de l'alcool.
En somme, toutes ces pneumonies à marche plus ou moins foudroyan-
te se développent sur un mauvais terrain, soit que le sujet soit alTecté
depuis longtemps d'une maladie chronique, soit qu'il soit placé dans les
conditions toutes spéciales de non-résistance que réalisent les fatiguei
excessives, le shoc, etc.
2' Pneumonies à durée prolongée. — y sl\ dit plus haut (Voy. Hardie)
PNËOMOME LOBAIRE AIGUË. — variétés anormales par la marche. 439
ue la défenrescence a lieu entre le 6^ et le 9^ jour, mais exception-
dlement elle peut se faire attendre jusqu'au 1 4' jour et même au delà
inêquerhépaiisation grise soit nécessairement établie. La cause la plus
rdioairede cette durée insolite de la maladie est dans l'envahissement
e l'autre poumon, ou bien dans la formation successive de plusieurs
lyers isolés (forme particulière de pneumonie à laquelle on donne le
MD de pneumonie migratrice). Étudions d'abord la pneumonie double,
iii est beaucoup moins rare.
k. Pneumonie double.-^ Elle s'observerait, d'après Grisolle, 1 fois sur
S chez l'adulte ; chez l'enfant, elle est peut-être plus commune. Jamais
le ne débute à la fois dans les deux poumons. C'est entre le 4^ et le
>* jour (Grisolle), en moyenne le Séjour, que le second poumon est
mhi. Grisolle en conclut « que, si une pneumonie devient double, cela
i dépend pas d'une même cause qui aurait agi à la fois sur les deux pou-
ODS, puisqu'il y a eu un trop long intervalle entre la provocation et
aplosion de la deuxième pneumonie ; il faut plutôt admettre une in-
lence pathologique qu'exerce le poumon primitivement malade sur son
Dgénère resté sain, en vertu de cette loi de souffrance mutuelle et
ciproque des organes pairs dont on trouve de si fréquents exemples
ins la pratique. »
En d'autres termes, et pour traduii*e sa pensée en langage moderne,
rifolle admet une action réflexe du poumon malade sur le poumon sain,
li se prendrait au même titre que le second œil dans le cas d'ophthal-
lie sympathique. Je laisse à Grisolle la responsabilité de cette théorie
ailleurs ingénieuse, qui est applicable à certains cas, mais non à ceux
I le second poumon parait s'enflammer par suite de la continuation de
iction de la cause, comme dans les cas de pneumonie migratrice dont
vais parler tout à l'heure et qui expliqueront suffisamment ma pensée
«ir qu'il soit inutile de la développer ici.
L'envahissement du second poumon est accompagné d'une recrudes-
nce de la lièvre, presque toujours, et non dans un dixième des cas seu-
meni, comme le prétend Grisolle, qui, privé du thermomètre, a pu
cîlement la méconnaître. Mais il est tout à fait exceptionnel qu'il soit
arqué par un nouveau frisson et par l'ensemble symptomatique
08 ou moins solennel qui caractérise le début de la maladie. Cela
t tout naturel si Ton admet, comme je viens de le dire, qu'une pneu-
onie double n'équivaut pas à deux pneumonies, et qu'il s'agit seule-
ent d'une recrudescence delà maladie. Grisolle, qui s'étonne du début
us ou moins latent de ce qu'il appelle la seconde pneumonie, se Tox-
ique cependant par les deux raisons suivantes qui ont bien leur valeur
. dont il faut par conséquent tenir compte : 1® parce que, dit-il, elle se
Mare à l'époque où la première continue encore à s'aggraver ou bien
«qu'elle est parvenue à la période la plus aiguë ; — 2^ parce que le
immon affecté en dernier lieu l'est à un degré moindre que le premier et
ans une étendue moius considérable,
n résulte de cette quasi-latence que, si une élévation de la température
440 PNEUMONIE LOBAIRE AIGLE. — variétés ahorvales fib tk HAicn.
peut Taire présumer renvahissement de l'autre poumon, c'est raoscolta-
tion seule qui peut donner une certitude.
H. Pneumonie à foyers successifs. *— Il est une forme de pneu-
monie dont peu d'exemples ont été publiés, mais sur laquelle il importe
de fixer l'attention, vu son allure tout étrange. Voyons en quoi elle
consiste.
On a dit, mais à tort, qu'elle sévit particulièrement sur les femmes. Il
y a un frisson initial, une fièvre d'intensité moyenne, d'une durée très-
courte, ou qui fort rarement atteint la durée ordinaire; puis la déCerm-
ccnce. — Jusqu'ici on a donc Timage de la pneumonie abortive; — mais
après une période d'apyrexie de quelques heures à un ou deux jours, il se
développe un nouveau foyer dans le mémo poumon ou plus rarement dans
le poumon du côté oppose. Dans un cas il y eut dix foyers successifs; dam
chacun d'eux la pneumonie ne parut pas dépasser la période d'engoué»
ment. 11 paraîtrait que la durée totale de la maladie pourrait atteindre
deux mois! Dans le cas de Kelemen, il y eut quatre foyers : le premier
dura quatre jours et atteignit rhépatisation; les deuxième et troisième ne
durèrent qu'un jour et ne présentèrent que les signes de Tengouement, le
premier persista pendant leur durée; le quatrième, à l'autopsie, fut troofé
à Tétat d'hépatisation. Quand un nouveau foyer se déclare avant que le
jpréccdent ait achevé son évolution, il n'y a pas de période d'apyrexie.
Si les foyers ne dépassent pas la période d engouement, il n'y a psi
d'expectoration colorée.
Dans le cas de Kelemen, la pneumonie s'est développée dans le coun
d'un typhus ; mais dans les cas précédemment publiés par Waldenboif
et FischK la maladie parait avoir été primitive. Quant au cas de Weigand,
il est douteux qu*il se rapporte à une pneumonie fibrineuse.
En terminant le peu que j'avais à dire sur cette forme, je tiens à dégager
ma responsabilité. Je Tai décrite d'après des observations en fort petit
nombre, qui ne sont d'ailleurs pas irréprochables en tous points; aussi
m'ont-cllcs laisse dans le doute à quelques égards. Une particularité cu-
rieuse, c*est l'apparition tardive des râles crépitants dans les faits jusqu'ici
publiés : ainsi dans deux cas (Waldenburg, Weigand), on ne perçût de
raies crépitants qu'au cinquième jour de la maladie, et dans Tautiteis
d( Weigand, quau quatorzième jour ! Plusieurs foyers n*ont donc été
airactérisés que par de la matiié, et par un souffle (de congestion?).
C. Pneumonie migratrice, — La variété que je viens d'indiquer sous
la rubrique de Pneumonie à foyers successifs est désignée en Allemagne
par l'épithète de migratrice ou érysipélateuse. Cette dernière dénomi-
nation est parfaitement impropre et ne peut se défendre ; car elle parait
sous-entendre une relation êtiologique avec rérysi|)èle qui, en supposant
qu'elle fût vraie pour quelques cas, ainsi que le pense Friedreich (die
acute Milzlumor), n'est certainement pas exacte pour la plupart desds
jusqu'ici connus. La pneumonie de nature vraiment érysipélateuse, dont
mon collègue Straus vient de publier une remarquable observation, o'aF-
cette marche ; en tous cas elle ne s'est pas présentée ainsi dans
raEUHONIE LOBAIRE AIGUË. — variétés anormales par la marche. 441
son obseiration, qiii est certainement la plus régulière de toutes celles
qai ont été publiées sous le nom d*érysipèle du poumon.
Quant à l'épithète de migratrice, elle me parait ne bien s^appliquer
qn*à la Tariété que je vais maintenant faire connaître, et qui établit en
qudque soi^ une transition entre la Tariété précédente et la forme com-
ffione.
Dans cette variété, la maladie n'évolue pas par étapes comme dans la
variété précédente. Ce qui la dislingue seulement de la forme commune
de la pneumonie, c'est que les parties primitivement atteintes entrent
déjà en résolution au moment où de nouvelles portions sont atteintesi.
Fis^chl a défini la pneumonie migratrice en disant que c'est une pneumo-
nie qui envahit Id plus grande partie de l'un ou des deux poumons et
qai dure longtemps; mais cette définition est trop large: car on englobe-
' nit ainsi, et bien à tort, parmi les pneumonies migratrices toutes les
pneumonies extensives, c'est-à-dire celles dos pneumonies communes qui
' 8*g»^nt du terrain pendant quelques jours, mais sans quitter le foyer
primitif, c'est-à-dire sans émigrer.
Tout récemment, le docteur Hamburger a publié plusieurs cas de pneu-
monie migratrice recueillis à la clinique du professeur Kussmaul ; dans
la plupart des cas la maladie devait envahir les deux poumons ; malgré
cela, la gravite de ces cas n^élait pas fort grande, presque tous se sont
terminés par la guérison dans un espace de temps variant entre dix et
dix-sept jours. Il semble donc que la marche migratrice d'une pneumo-
nie indique une lésion pulmonaire plus superficielle et par conséquent
moins grave.
5* Pneumonie périodique. — Les seules pneumonies dont l'évolution se
fasse d'une manière périodique sont les pneumonies développées sous
rinfluence de l'intoxication paludéenne; je n'ai que peu à dire de nouveau
mr cette question, qui a été magistralement traitée par Grisolle.
11 décrit une forme intermittente et une forme rémittente; la première
est de beaucoup la plus intéressante.
Comme la plupart des accidents pernicieux, la pneumonie peut ne se
développer que consécutivement à un ou plusieurs accès de fièvre inter-
mittente simple ; mais, dans la plupart des cas, il y a dès le premier accès
fébrile quelques symptômes thoraciques, par exemple une douleur au côté,
puis, aux accès suivants, la maladie se caractérise.
Le frisson par lequel débute l'accèsestplusviolentet plus long que celui
de la pneumonie ordinaire ; tout aussitôt surviennent un point de côté et de
l'oppression ; bientôt les malades rejettent une expectoration caractéris-
tique, et l'auscultation fait entendre une crépitation fine et sèche, mêlée
parfois h du souffle. Quanta la fièvre, elle a l'allure de la fièvre intermit-
tente : au frisson succède une chaleur ardente et après six à douze heures
une détente complète avec diaphorèse. Les accidents thoraciques dimi-
nuent parallèlement à la fièvre. L'intermission peut être complète du
côté du thorax pendant rintermission fébrile; d'autres fois il reste une cré-
pitation grasse, humide, de la faiblesse ou de la rudesse du murmure.
4i2 PNEUMONIE LOBAIHE AIGUK. — variétés ahormales pae làmaiciii.
ou bien des symptômes plus accentués, si la lésion pulmonaire est plus
avancée. Dans une des observations de Catteloup, la fièvre cessa deux
jours ; pendant ce temps, il persista du souffle bronchique et de la malité
dans les deux tiers inférieurs de la poitrine à gauche , sympiomaliques
d'une hépatisation rouge prouvée par l'autopsie.
En général la fièvre pernicieuse pneumonique revêt le type tierce ou
quotidien ; en se renouvelant, les accès deviennent plus graves et plus
longs, et rintermission est d'autant plus courte et moins complète que les
accès se reproduisent un plus grand nombre de fois : la paeiimonie de-
vient alors rémittente. En l'absence de traitement, la lésion pulmonaire
s'aggrave ; souvent les deux poumons sont pris, il se joint des troubles
cérébraux, et les malades succombent.
Grisolle fait particulièrement remarquer : 1^ le défaut de proportion
lors du premier accès entre la fièvre et la lésion locale, encore jninime et
qui grandit rapidement à chaque accès ; 2*" le caractère mou et dépres-
sible et la fréquence extrême du {)Ouls, même chez les sujets robustes;
puis il insiste beaucoup sur Tinlerprétation qu'il convient de donner aux
faits dont il vient de présenter l'analyse « et qui prouvent, dil-il, sura-
bondamment que la pneumonie inteimittente n'est pas une phlegmasie
pulmonaire compliquée d'une fièvre d'accès, mais deux états connexes
liés intimement l'un à Tautrc et procédant de la même cause miasma-
tique. )» Cette manière de voir est d'autant plus importante à enregistrer,
que réducation médicale de Grisolle ne le portait pas certainement de ce
côté : elle s'est imposée à lui, comme s'impose la vérité à tout esprit
droit.
Postérieurement à la 2'* édition de Grisolle, le docteur Ârmaingaud a
publié deux observations de pneumonie 'ntcrmittente à type tierce qu'il a
recueillies lui-même dans le canton de Saint-Ciers-Lalande, localité palu-
iléenne. Il y a joint les tracés thermiques. Nous y voyons pour le pre-
mier malade, âgé de oO ans, que le premier jour la température était a
.lO**,!) le malin et 59**, 8 le soir ; le lendemain à 57%8 et le surlendemain
au même degré que le premier jour. Guérison après ces deux accès par
le sulfate de quinine. La pneumonie était caractérisée par un point de
côté, des crachats sanglants, de la matité et des râles crépitants. — Bans
son second cas, qui concerne un jeune homme de 28 ans, la température
était à W le premier et le troisième jour, et à 56*,9, le deuxième. Mêmes
symptômes locaux. Guérison par la quinine.
Un médecin militaire allemand a aussi publié un cas de pneumonie
inlerniittentc avec température. Voici quelques traits de son observation
(Dniiarlic mc<L Wochenschrifl, 1876, n** 49).
Il s'agit diifi soldat qui, le 15 soir, est pris de fièvre : température 59*,5,
respiration 24. A la base droite, râles crépitants dans une étendue de
\ reutimètres carrés, crachats muqueux rouilles; pas de matité, mais il
rxirite un point douloureux.
^ ' 'M, T. 57**,5: pas de toux, même au moment des respirations
la de point de côte.
PNEDMWnE LOBAIRE AIGUË/ -- vARiÉrfe akormalbs par la marche. 443
A 3 heures, frisson ; le soir, T. W,b ; crachats rouilles ; coloration
ietérique des conjonctives ; respiration 56, ràlcs crépitants.
15 matin, 57^,5, état général bon, mais crachats rouilles, mêlés à du
mncos purulent ; pas de raies crépitants ; à 1 1 heures, quinine 2 gram-
mes; le soir pas d'accès.
16 matin, 56^,5; guérison ultérieure.
Dana la forme rémittente, le mouvement fébrile, une fois établi, con-
itinae sans interruption, mais en éprouvant de temps en tcm|>s, et h des
linlerTaUes réguliers, des cxacerbations et des rémissions : je nn crois pas
fésiVDir entrer dans aucun détail. Grisolle avouant lui-même qu*on a réuni
'^WÊt ce nom des faits disparates.
4* Pneumonie à marche alternante. — Je désire faire entendre par
^e dénomination, peu claire je Tavoue et que je suis prêt à changer pour
^ pe meilleure, la pneumonie dont l'évolution est. momentanément sus-
^pndae par le développement d'autres accidents, conformément à Tapho-
^ ^iÊOmduobus laboribus ; puis qui reprend quand ces accidents diminuent
^léeiproquement; bref, la pneumonie dans laquelle on observe un 6a-
jÊKÊOtment entre la lésion pulmonaire et une autre lésion. C'est à peu
,^avts exclusivement dans le cours du rhumatisme articulaire aigu qu'on
j^daenré cette marche singulière de pneumonie; néanmoins je me suis
êde désigner ce paragraphe du nom de pneumonie rhumatismale :
il l'en faut que toute pneumonie née sous l'inQucnce du rhumatisme
te cette marche, qui est fort rare. D'ailleurs, je ne traite pas daus
pitre des espèces de pneumonie, mais uniquement des anomalies
t<o iBircbe, quelle que soit la nature de la pneumonie. Je ne devais
N'Oe pai employer la désignation de rhumatismale, bien que les cas que
*> vos soient en effet sous la dépendance du rhumatisme.
Z*^^ ne trouve cette forme suffisamment décrite dans aucun auteur clas-
• Grisolle, qui met les pneumonies rhumatismales sur le même
que les pneumonies vermineuses, ce qui n'est pas, je pense, leur
beaucoup d'honneur, dit que ces pneumonies, qu'il lient pour
^**Uiemenl rares, « peuvent, une fois déclarées, ne pas différer par leur
de celles qui ont une autre origine ; n mais, continue-t-il, « le
ire peut avoir lieu x>, et il cite, à l'appui de son dire, un cas fort
i^NUquable qu'il a observé avec Louis, et qui est un exemple de pncu-
^^^ie i marche alternante ; Grisolle a été plus frappé par le peu de
^7^ des symptômes physiques de la pneumonie que par leur alternance
les douleurs articulaires ; cependant il la signale. « Du malin au
9 dii-il, on voyait le souffle être remplacé par la crépitation et réci-
^^^{vieraent; jamais poui*tant dans l'intervalle de ces sortes de crises le
Qion ne recouvrait sa perméabilité : il restait toujours un son obscur
<il bruit respiratoire affaibli ; mais de temps en temps, et presque
Ours pendant une recrudescence des douleurs articulaires, on
jP^it le lobe inférieur se prendre à son tour. C'était d'abord une cré-
^^on fine; puis au bout de quelques heures survenait du souffle et do
^^^nchophonie. Ces crises, qui duraient chaque fois trois à quatre jours,
4i4 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — FORyis; vARiiTis sfMPMUi
se sont reproduites en trois mois dix à douze fois. A aucune des crises il
n*y eut d*expectoration caractéristique. »
La thèse de mon collègue Femet sur le rhumatisme aigu, (Psrô* iM5)
renferme une observation d^alternance remarquable entre la pneumooîe
et les douleurs articulaires, communiquée par Besnier (p. 69).
Le docteur Kobryner vient de publier dans le Bulletin de thérapeatifiie
Inobservation d'un enfant de 11 ans qui, le 8 décembre, eut deip^ts
frissons erratiques et de la fièvre le soir ; a partir du 12, la fièvre fat
continue « avec de forts redoublements de 3 à 4 heures de durée, a Ea
même temps les signes locaux (râles crépitants et soufOe) deneoneai
percepliblcs et la douleur de côté intolérable.
A partir du 14 décembre, douleurs articulaires dans les genoux, ki
hanches, et pendant la durée de ces douleurs le point de côté, roppro-
sion et les signes stéthoscopjques disparurent complètement. — Une bn-
cule en sens inverse éclaira définitivement le médecin, puis une autre. ~
Bref, la pneumonie l'emporta le 18 et ne cessa que le 24, époque i la-
quelle l'application de sinapismes aux genoux ramena la fluxion m
membres inférieui*s pendant 5 jours; à partir de ce moment le malade
fut guéri.
Voilà bien un type de la forme alternante. Encore une fois, el j'j
reviendrai plus loin, quand je traiterai des espèces de pneumonie, toute
pneumonie rhumatismale n'évolue pas de cette manière, tant s'en bot.
Cette forme est d'une excessive rareté.
Je crois avoir terminé ce que Ton peut dire des anomalies de niardie.
Je passe maintenant aux variétés symptomatiques de la pneumonie.
II. Formes; variétés symptomatiques. — Je traiterai d'abord desvariétà
qui se distinguent surtout par un état général dépendant du génie de
la maladie ou du sujet lui-même; ces variétés sont désignées d'halntade
sous le nom de formes. Viendront ensuite celles qui tiennent è des
conditions anntomiques particulières delà pneumonie.
A. Forme inflammatoire ou sthénique. — En 1862, Gairdner (d'Edin-
burg) écrivait : « Les pneumonies observées autrefois dans cette villepir
Cullen et Gregory sont devenues excessivement rares; les pneumonies
actuellement ne réclament qu'un traitement antiphlogistique peu éner-
gique et même guérissent sans traitement. x> Sauf le dernier membre de
phrase, je crois qu'il n'est guère de médecins de grande ville qui ne
partagent Topinion de Gairdner; il est certain que la forme sthénique, la
forme qui, parait-il, était la plus commune au commencement de noire
siocle, a dis))nru. Je n'ai pas les éléments pour la décrire; son étude n'a
d'ailleurs pas actuellement un grand intérêt pratique ; je devais au moiai
rappeler son existence.
B. Pneumonie bilieuse. — Cette forme parait avoir été observée par
Sydenham en 1675, par Baglivi en 1691, parlluxham en 1733 et 1737,
par Zimmermann et par Tissot (1753), la même année par Sauvages, et
en 1765-68 par Lepecq de la Clôture. En 1773, elle sévit dans plosiean
trées de TEurope. Quelques années plus tard, elle fut décrite parStoU.
PNEUMœiIE LOBAIRE AIGUË. — formes; vARiérés sYUPTOMAnQims. 445
Grâce à ces médecins illustres, la pneumonie bilieuse a joui d*une
grande célébrité. Aujourd'hui son importance est bien diminuée. Elle
oilt sous rinflucnce de constitutions épidémiquesy so\i temporaire, d'où
sa fréquence à certaines époques, sa rareté dans d'autres, soit surtout
stoHonnaire, c'est pourquoi elle est relativement commune dans le midi
de TEurope. Je n'en ai jamais, pour ma part, observe que deux cas, encore
anl caractérisés. Aussi j'en emprunte la description aux médecins de
Montpellier et à Grisolle :
Je rappelle ici que Fétat bilieux, dans le sens traditionnel, n'a rien de
MNDunon avec l'ictère, ou du moins que l'ictère n'en est pas un des élé-
ments essentiels : souvent il manque absolument ; il n*y a pas de bile
dans Turine, pas de ralentissement du pouls, pas de coloration jaune
uéeessaire de la peau ou des muqueuses. Dès loi*s il serait préférable de
dénommer par une autre épithète l'état que, depuis Stoll, on appelle
réiat bilieux. Celle de gastrique mériterait la préférence.
Ed effet, dans l'état dit bilieux il existe une céphalalgie gravative ; les
amlades éprouvent souvent de la douleur à Pépigastrc et y rapportent un
MOtiment de plénitude. Ils ressentent une saveur le plus souvent
imère, un dégoût pour tous les aliments: ils ont des envies de vomir. La
langue est très-sale.
Or, c*est là ce que nous appelons aujourd'hui l'état gastrique.
La pneumonie dite bilieuse survient souvent après des prodromes de
gastricité, à l'occasion d'un excès, d'une fatigue quelconque, quelquefois
après un refroidissement que Grisolle dit avoir noté chez les trois quarts
db ces malades ; mais en cela il n'est pas d'accord avec les observateurs
de Montpellier. Son début n'est pas solennel : quelquefois il ne parait
cionstilué que par une aggravation des prodromes ; le plus souvent il est
Hunrqué par une série de petits frissons. La température est élevée au
éébui et va en s'abaissant les jours suivants; la peau sèche et parfois
mordicante, le pouls faible et dépressible, fréquent, parfois irrégulier ;
dies un tiers des sujets, il y a de l'accablement et de la prostration
qui n'est pas en rapport avec l'étendue et le degré de la phlegmasie pul-
monaire; de la constipation chez les trois quarts des malades ou bien des
adles verdàtres, rarement des vomissements bilieux, mais presque tou-
jours de la douleur épigastrique ; bref tous les symptômes do l'état gastri-
que auxquels il faut joindre des symptômes nerveux plus accentués que
dans le simple état gastrique : une céphalalgie souvent déchirante et des
élourdissements, des éblouissements, des vertiges, le tout avec exacerba-
lion le soir. Les symptômes thoraciques ne diffèrent de ceux de la pneu-
monie franche que par quelques nuances : un point de côté moins intense,
des crachats diffluents, séreux, jaunâtres, dans lesquels nagent des
crachats rouilles. Le sang, dit-on, n'est pas couenneux ; l'urine ne ren-
Cenne pas nécessairement des pigments biliaires; le visage et en parti-
ealier les conjonctives ne présentent qu'exceptionnellement une colora-
tion ictérique. Ce qui, d'après les auteurs, caractérise la pneumonie
bilirase, plus encore que les symptômes précédents, c'est l'efficacité
446 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — formes ; vAni£ris STiinoiunQiiBS.
« merveilleuse » de la médication évacuante. Si cette indication n'est pas
saisie, la maladie, disent-ils, suit sa marche, et même des accidents
sérieux se déclarent, n Chez deux malades, dit Grisolle, des symptAmes
typhoïdes graves succédèrent aux phénomènes bilieux, parce qu'on aftit
négligé le traitement rationnel. » A cet égard le tableau n*est-il pu un
peu assombri?
C. Pneumonie asthénique, — dite aussi pestilentielle, nerr^uey
putride ataxique, adynamique, maligne, érysipélateuse, typhoïde. Toalei
ces épithètes laissent beaucoup à désirer ; la dernière prête à l'équÎToqoe.
Je préfère celle A'asihénique. Pour prévenir toute erreur, je rappeDa
qu'il s*agit seulement de pneumonies primilives, et non pas de poflfr*
monies secondaires développées dans le cours de maladies graves, d*aM
dothiénentérie, par exemple. Ce qui constitue la forme de pneurnooie
dont je vais rappeler les principaux caractères, ce n'est donc pas seule-
ment l'apparence plus ou moins typhoïde, asthénique ou adynamique;
il y faut joindre la condition essentielle que la maladie s'est dévdop-
pée comme affection primitive. C'est ainsi que l'ont comprise Grisolle el,
plus récemment, Leichtenstem, dont je vais résumer les descriplioDi.
Ainsi comprises, les pneumonies asthéniques se rencontrent à l'élal
sporadiquc et épidcmique. Cette dernière circonstance révèle l'indivi*
dualité de cette variété de pneumonie et lui donne son cachet : elle nous
montre, en effet, qu'elle ne dépend pas tant des prédispositions indivi-
duelles mauvaises que d'une influence générale frappant, à un momei^
et dans un même lieu, des individus dans des conditions les plus oppo-
sés, jeunes et vieux, faibles et forts, etc.
Née sous rinfluence de causes générales, l'anection ne se révèle pas
tout d'abord par les signes locaux de la pneumonie ; le plus souvent, il
y a des prodromes bien accusés pendant plusieurs jours. Grisolle, chez
plus des deux tiers de ses malades, a noté « de la céphalalgie, un malaise
généi*al, surtout un anéantissement des forces. » D'après lui, la 6èvre
était nulle ou psu considérable , assertion qui ne mérite , d'ailleon,
qu'une créance limitée, en l'absence d'observations thermométriques
régulières ; parfois il y avait des épistaxis et de la diarrhée ; mais alon
même que ces symptômes, d'ailleurs rares, faisaient défaut, on était teolé
de soupçonner le début d'une fièvre typhoïde. Dans l'épidémie qu'a
décrite Torchet, il y avait en outre de la céphalalgie sus-orbitaire.
Relativement aux symptômes locaux, le point de côté est plus difliiset
moins violent que dans la pneumonie franche ; le» signes physiques
locaux moins précoces et moins nets que dans cette dernière. Souvent oi
ne perçoit qu'un affaiblissement du murmure vésiculaire; ou bien les râbi
crépitants sont plus gros ; parlois il semble que l'hépatisation reste tout
d'abord centrale; en tout cas, elle est lente à se manifester; au contraire,
le passage de l'hépatisation rouge à l'hépatisation grise est rapide. QiuË
à la portion du poumon où siège l'affection, dans quelques épidémies f'i
été de préférence le sommet plutôt que la base, contrairement à ce qui i
lieu dans le cas de pneumonie primitive, et plutôt le sommet droit que le
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — formes ; variétés symptomatiques. ii7
gauche, quelquefois les deux sommets, raffcction étant beaucoup plus
souvent bilatérale que cela n'a lieu dans le cas de pneumonie franche.
L'oppression est en général fort marquée. Le plus souvent, la pneumonie
esl compliquée d*épanchement pleurétique , d'où la fréquence de la
rétraction thoracique consécutive, signalée par Slokes, dans les cas où
le malade guérit, ce qui est rare; car le plus souvent Tépanchement tho-
racique est purulent.
Quant aux symptômes généraux, il faut distinguer deux sortes de
variétés : !• la forme aiaxique, avec délire précoce, soit violent, soit
paisible, ou simplement subdélirium, soubresaut des tendons, et par-
fois raideur tétanique des membres ;
2* La forme adijnamiquey plus fré(iuente, dans laquelle radynamie
survient, ou bien avant l'apparition de signes physiques locaux, ou quel-
ques jours après eux : « la face porle l'empreinte de la stupeur; les
malades restent constamment couchés sur le dos. leur faiblesse est
extrême, la contractilité musculaire tellement altérée qu'ils ne peuvent
rester assis, à moûis d'être soutenus par des aides; si on les abandonne
i eux-mêmes, ils perdent aussitôt l'équilibre et retombent sur leur oreil-
ler comme une masse inerte. Le ventre n'est pas ballonné, mais il existe
parfois, dès le début, une diarrhée fétide sans coliques. »
La température est habituellement fort élevée ; cependant ce caractère
n*e8t pas constant, au contraire, la tuméfaction de la rate ne manque
point; parfois elle est fort prononcée; il peut s'y joindre la tuméfaction
du foie. L^albuminurie est aussi la règle. L'ictère n*est pas une comph'ca-
lion rare, le sang a été trouvé sirupeux (Kodmann) ; en tout cas, il ne
renfisnne pas, à beaucoup près, la proportion de Obrine que l'on y ren-
contre dans la pneumonie franche.
Les pneumonies miasmatiques, dont on a tant parlé dans ces dernières
années, revêtent presque toutes la forme asthénique.
D. Pneumonie de starvation, — Voilà une forme qui pourrait bien aussi
s'appeler asthénique, si cette épithète n'avait déjà son emploi: car l'asthénie
y esl profonde ; seulement au lieu d'un état général fébrile, c*cst pendant
presque toute la durée de la maladie Vapifrexie ou un état à peu près
apjrétique qui accompagne cette forme de pneumonie particulière aux
individus profondément cachectiques, notamment aux cancéreux arrivés
à la période ultime. Elle peut débuter insidieusement, sans symptômes
capables d'éveiller l'attention et avoir une durée plus longue que celle de
la pneumonie ordinaire.
Wunderlich a rapporté Inobservation d'une pneumonie chez un lié-
mophilique ; pendant tout son cours, la température est restée sub-
fébrile.
Dans quelques cas, que j'ai eu l'occasion d'observer, Tapyrexie n'a |)ns
été complète : la température centrale s'est élevée à ZS** et momentané-
ment à quelques dixièmes au-dessus, élévation d'ailleurs tout à fait
insuffisante pour faire à elle seule soupçonner une pneumonie.
La pneumonie que j'indique ici est, comme je viens de le dire, au
448 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — formes ; YJMÉns sTMPnHunom.
premier chef une pneumoaîe sccondairo, la pneumonie des cachectiques.
II est, je crois, assez légitime de faire rentrer dans cette forme les pneu-
monies plus ou moins latentes , mais primitives, qui se rencontrent par-
fois dans les hospices consacrés à la vieillesse. Grisolle parle d'individus
qui <x après quelques jours de simple maladie, d^ui peu d'inappétence,
s'affaissent tout à coup, et meurent subitement; à Touvcrturc du cadavre
on est étonné de trouver une hépalisation grise d*un ou de plusieurs
lobes. » Prus a même vu à Bicétre <x un vieillard que Von ne croyait pas
malade et qui tomba mort dans la cour. » A Tautopsie, on .recoomit
qu*il n'existait plus qu'un quart des poumons qui fut perméable; tootk
reste était frappé d*hépatisation grise.
Quoique la fièvre n'ait pas été constatée chez les malades, il ne m*est
pas démontré qu'elle n'ait pas existé, au moins au début de la maladie»
Ce que j*ai vu à la Salpétrière, lorsque j'avais l'honneur d'être interne
du professeur Charcot. me porte à le croire. Ainsi que je l'ai rappelé plai
haut, en traitant de la fièvre et particulièrement de la température péri-
phérique, les apparences de la fièvre sont parfois absentes chez un vieil-
lard ; il faut, pour avoir une certitude à cet égard, prendre la température
centrale.
Dans la véritable pneumonie de starvation, au contraire, — et c*est ce qui
la distingue des pneumonies séniles dont je viens de parler, — - non-seu-
lement les apparences de la fièvre manquent, mais même l'élévation de
la température centrale parait faire défaut pendant la plus grande partie
de la durée de la maladie. Cette anomalie tient peut-être à ce que la pnh
duction de chaleur chez les sujets profondément cachectiques, est trop
minime, ou bien à ce que la pneumonie est chez eux d'une nature didè-
rente, d*unc essence moins fébrile.
E. Pneumonie entée sur une bronchite. — Je n'entends ici ni U
broncho-pneumonie ni la pneumonie fibrineuse ordinaire compliquée de
bronchite ; je veux parler de la pneumonie entée sur une bronchite
antérieure, et qui est une complication de cette bronchite, loin d'être
compliquée par elle. 11 est donc question ici d'une pneumonie secon*
daire, qui reste au second plan derrière la bronchite qui domine la
scène. Voilà l'affection que j'ai en vue. C'est une forme symptomatifue
un peu bâtarde, qui, à certains égards, établit une transition entre la
pneumonie fibrineuse ordinaire et la broncho-pneumonie^ en se rappro-
chant assez de cette dernière au point de vue des symptômes, puisque
beaucoup de praticiens la confondent avec la vraie broncho-pneumonie,
en raison de la similitude des symptômes physiques, et aussi, jusqu'à un
certain point, des symptômes généraux.
Cette forme est plus commune chez les enfants que chez U*s adultes;
chez ces derniers on l'observe dans certaines contrées du midi de la
France, dans les lieux bas et humides, tandis que la pneumonie à fomie
franche sévit sur les hauteurs voisines. On la rencontre aussi sur
quelques parties du littoral (c'est particulièrement la pneumonie desgeni
des côtes), enfin dans certaines constitutions médicales. Ainsi les pncuaio-
îDMONlB LOBÀIRE AIGUË. — formes, variétés stmptomatiqubs. 4M
ow^t. compliqué répidémie de grippe de 1837 ont, je crois, révélu
ci* symptomalique.
^ li^i donne sa physionomie, c'est la subordination des signes
^ Ici pneumonie vis-à-vis de ceux de la bronchite généralisée : les
iLonts sont masqués parles râles sous^^répitants ou sibilants, le
de gros râles ronflants, Texpectoration caractéristique peut faire
elle est habituellement dans ce cas simplement visqueuse et
colorée ; en tous cas, elle peut passer inaperçue, à cause de
de Texpectoration bronchique. La dyspnée est intense.
^our les symptômes locaux de la période d*état. Quant aux
du début, le point de côté est moindre, mais ri existe; il y a
bref, bien que ce soit une pneumonie secondaire, le début
tout à fait insidieux. Uourmann et Dechambre ont dans cer-
^^ noté un fait paradoxal en apparence, et qui cependant s'explique :
-^^lards catarrheux ont cessé, disent-ils, de tousser au moment où
^ ^té pris de pneumonie. Evidemment la toux ne s'est pas arrêtée
^^nière durable, mais elle a été momentanément suspendue parce
iPour un temps, les symptômes du catarrhe ont cédé le pas à ceux
^ Nouvelle phlegmasie plus grave qui entrait en scène, conformé-
i Fadage : duobus laboribus^ etc.
^ cette forme, les symptômes généraux, plus encore que les signes
^1 éprouvent d'importantes modifications : la température est moins
^« 1^ exacerbations vespérales plus marquées, et il y a, mais moins
^Hiis la broncho-pneumonie, une tendance à la rémittence. Alors
^ que la pneumonie s'accompagnant de bronchite est franchement
^H^iney'dit Jurgensen, elle perd sa marche cyclique au moment de la
^ : ao lieu de l'apyrexie, il y a une simple rémission, commencement
^ période amphibole de durée indéterminée. La résolution du foyer
l'IllODiqQe est traînante ; les forces sont lentes à revenir ; parfois même
Clablii une fièvre hectique dont la terminaison est fatale. D'autres
imtout chez les emphysémateux, la mort arrive par insuffisance
^ftf|iie, complication qui sera étudiée plus loin.
y me borne à ces indications fort sommaires. Pour une description
l^ète de cette forme de pneumonie que je n'ai fait qu'indiquer ici je
^ie aux remarquables publications des médecins de Montpellier qui,
ftiYorisésque nous à cet égard, ont eu souvent l'occasion de l'observer,
ttitt 80U8 sa forme bénigne, et l'ont englobée parmi les fluxions de
^Hne de nature catarrhcUe, lesquelles comprennent aussi les cas
jTti iodiqués plus haut sous le nom de pneumonie aborlive.
^' passe aux variétés dépendant des conditions anatomiques de la
looie. Après celles qui tiennent à son siège (p. du sommet, p. cen-
je me bornerai à en signaler une seule, où avec une matité absolue
— - signe d'auscultation est le silence respiratoire, soit en raison de
Qce de moules fibrineux dans les bronches, soitfpar un méca-
^indiquéparStoke8.Parabréviation,on pourrait désigner du nom de
^ikiSpleurétique la singulière anomalie symptomatique qui en résulte .
^^. MCT. H<D. IT CBUl. XXVIII — 20
^A
4^0 PNEUMONIK LOBÂIRE AIGUË. — formes. VARiiriB STHnoMATiQn^^^
A. Pneumonie du sommet. — Ce n*cst pas constamment, taate^
que la pneumonie siégeant au sommet du poumon prend uneph»*^^^^^
particulière : aussi plusieurs auteurs, et des plus autorisés, se ^^^^ ~
considérer comme une variété à part. Je n'y contredirais poiv«_
un bon nombre de cas, surtout chez i*enfant, elle ne présenfap^ ^
ticularités symptomatiques intéressantes et presque toujours
un peu plus lente que les pneumonies de la partie moyenr:,
base du poumon.
Indépendamment de toute action causale, et par cela seu^
monie occupe le sonmiet du poumon, elle a une tendance à
tage les sympathies, ou, pour parler le langage moderne» i
actions morbides réflexes plus facilement que celle qui a unta^f^
Chez l'enfant notamment, où ces actions sentie plus facilement aiv*
jeu, la. pneumonie dite cérébrale, que nous étudierons queifiai
plus loin au chapitre des complications, est le plus souvent W
monie du sommet.
On a cru remarquer que la température est généralement ]ibi
dans la pneumonie du sommet. Si le fait est exact, on s'enrendnit
de même en disant que Tirritation du sommet du poumon amètt
centres nerveux qui président à la régulation de la chaleur v
turbation plus profonde que ne le font les excitations d'autres
cet organe. Cette explication serait aussi valable pour i'exagéntioi
rougeur malaire dans la pneumonie du sommet.
C'est certainement à une action réflexe qu'est due l 'intensM
dyspnée dans cette variété de pneumonie (Bouiliaud, Andral,
et Dechambre. — D'après ces deux derniers elle est surtout
quand la pneumonie occupe le sommet gauche). On ne peut 1*
autrement, car dans l'acte respiratoire le sommet, recevant pi
sert relativement peu à l'échange des gaz.
Voilà pour les particularités qui reconnaissent pour cause Vkusf
actions réflexes. Les suivantes ne sonl plus du même ordre, foà
tiennent toujours à la localisation de la pneumonie.
Beaucoup plus souvent que dans les pneumonies ayant unaabe
l'expectoration est presque nulle, dit le professeur Bouiliaud, i cM
peu de prise que les mouvements d'expiration et les secousses A l>
exercent sur le sommet du poumon. Cette interprétation me ft^^
faitement exacte et n'est certainement pas ébranlée par l'objectioah
solle, qui prétend que les mucosités devraient être entraînées par b
teur (!) et que toute secousse de toux agit sur la totalité du pem
solle oublie que In pression exercée par le thorax doit s*excrcer
lement là où la mobilité de la paroi thoracique est le plus
Est-ce la même cause qui peut rendre compte de la lenteur de il
lutionde la pneumonie du sonnnet signalée par plusieurs outeurs,
ment par M. Moutard -Martin ? J*avoue que je doute qu'une raison
mécanique en soit la cause, d'autant plus que ce n'est pas sévi
résolution qui est lenU\ mais le processus entier. Les signc5
di
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' :. M .'Mieux.
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — formes, variétés syhptovatiquès. $51
sont plus lents à apparaître, les raies crépitants, le souffle, retardent en
moyenne de plusieurs heures et même d'un jour. Tandis que dans les
pneumonies des lobes inférieurs la ciîse a lieu dans la seconde moitié de
' la première semaine, elle n'arrive dans celles des lobes supérieurs qu'à
^> là fin de la première semaine ou au commencement de la seconde
\ (lliomas). Tout est donc en retard quand c'est le sommet qui est le siège
^ de la pneumonie, dtt telle sorte que je serais tenté d'admettre avec le
profeaseur Peter que cette partie du poumon est douée d'une vitalité
^: itioiodreque les autres parties plus expansibles. Ce qui me porterait aussi
*, k crbire que dans le Idse supérieur les conditions organiques sont reel-
^ leoieot on peu différentes, c'est que la pneumonie parait s'y terminer plus
* nooYent par abcès, ainsi que j'aurai l'occasion de le dire plus loin.
-* Pneumonie centrale. — « La pneumonie est latente, dit Grisolle,
loraque les symptômes propres à déceler la maladie ^ènt tellement obscurs
qa'ils peuvent échapper à l'attention du médecin. Avant Laennec, toute
^ ; pneumonie qui ne provoquait ni douleur de côté ni expectoration sangai-
^ Mlenteou ronillée était regardée comma latente: elle était donc presque
^ iffeesdaifement méconnue. Aujourd'hui, pour qu'une pneumonie soit
■"f ^féritablement latente, il faut non-seulement que la douleur et que lés
^- caractères de l'expectoration manquent, mais il doit y avoir aussi absence
^. eoAaplèle de tous les symptômes fournis par l'auscultation et par la per-
if cnasion. »
Cela étant, il est fort rare qu'une pneumonie, pourvu qu'elle soit
sediercfaée avec soin, reste latente pendant toute sa durée, mais elle
'Fêtre pendant quelques jours. A l'appui de cette proposition, je
citer la pneumonie centrale. On nomme ainsi une pneumonie qui,
nne anomalie assez rare, naît dans une portion centrale du pneu-
■hOD, inaccessible par conséquent à l'auscultation la plus minutieuse.
j Dans ce cas, on a un début plus ou moins brusque avec frisson et
V*~llB appareil fébrile exactement semblable à celui de la pneumonie com-
■['"iiftane; seulement, il n'y a jamais de point de côté les premiers jours,
tant qae la pneumonie n'a pas gagné la partie superficielle de l'organe.
' Si les crachats caractéristiques font défaut, ce qui arrive parfois, il
^-éeiH impossible d'affirmer l'existence d'une pneumonie ; on ne pourra
•V^œ la soupçonner, et souvent, pour une raison ou une autre, le dia-
ipiostic s'égare pendant quelques jours ; mais que l'on continue néaa-
ins' à eïplorer chaque jour la poitrine du malade, et il viendra un
ent (avant le cinquième ou le sixième jour de la maladie) oii l'on
ra par l'auscultation les signes caractéristiques de la pneumonie.
'affection n'a donc été latente que pendant un temps limité.
C. Variété pseudo-pleurétique, — Elle se rencontre surtout dans la
'ariété de pneumonie (|ue mon collègue Grancher a proposé de nom-
er fnassive et que j'ai déjà eu l'occasion d'mdiquer à propos de
inatomie pathologique. Dans cette variété, ainsi qu'on l'a vu, les
rohchés, y compris les gros tuyaux, sont oblitérées complètement par
m moule Gbrineux. H en résulté une modification essentielle de& signes
452 PNEUMONIE LOBAIKE AIGCË. — roniiE». vauMs snnoution^^
(l'auscultation: absence complète de la respiration, ni rftlea, ni j. ^
dans toute la portion du poumon correspondant à la distributio'^
■4at
bronche oblitérée; déplus, absence de la bronchophonie et deaTi^'^^j
tlioraciques dans la même étendue. Quant à PexpectoratioD, e^ ^
aToir existé avec ses caractères les premiers Jours ; mais, pa»^^ ^ .#-^'^■8^
période d'oblitération des bronches, elle est naturellempot f^^ j^^a
puis, à un moment donne, il peut arriver que le malade .^^ "*^-^<^^
une partie du moule ; si un Tragmcnt suflîsant est expulsé, 'L,/^^^?^ '
immédiat des signes ordinaires d'auscultation. Une Tois, ^*^^A
avoir entendu un bruit de drapeau produit sans doute par \ ^^^^Jt*"'"' ■
du bouchon dans la bronche (?), Enfin, il y a eu dans ^u^i^jf^,, '
de pneumonie massive une dyspnée intense, que l'on a e "
supposant que le moule oblitérant avait remonté jusqu'i
principale et enlevait ainsi tout un poumon à la respiration. £i.
de la thèse de Wiedmann que j'ai citée à propos de l'anabuDie fdtéj
gique représente un cas de ce genre.
Tels sont les signes de la pneumonie massive dans Uquelli,^
certaine période, les signes physiques de la pneumonie font
C'est donc aussi une pneumonie temporairement latente.
Il est des cas où l'autopsie a montré une vaste tiépadiiâi
oblitération des bronches, et dans lesquels cependant le bruit dt
tubaire avait été constaté pendant la vie. La raison de ce hilf
dit Grisolle, est souvent fort difficile à donner. Stokes a dili
qu'il se produise du souffle il faut qu'il y ait au moins un pe
sion pulmonaire, et que, si tout le poumon est hépatisé, l'air
pas dans les tuyaux bronchiques. Grisolle oppose à l'intof
Stokes une double série de fuils, l'une comprenant cinq casJI
lion complète de tout un poumon, avec persistance du soulfle^
mort; l'autre de neuf malades tous alTeclés d'une hcpatisatioa
un seul lobe on bornée à un espace encore plus petit, et cha'
cependant l'auscultation n'a fuit entendre pendant plusienn ^
crépitation, ni souffle, ni aucune espèce de bruit pathologiqiH '
mal. A l'autopsie, les bronches fendues a dans toutes les
oii des ciseaux délies ont pu pénétrer n'ont montré aucuM,
tion > J'ai vu moi-même autrefois un fait semblable à iiB
deuxième série de Grisolle.
On ne peut se rendre compte de l'anomalie qu'en admetlarf*
défaut de dilatation des parties correspondantes du thorax, ce q» I
en somme à l'interprétation de Stokes, — soit une accnmulatioa'-^ ^ ,,
raire de crachats dans les liroiiches suivie de leur expulsionM ~' .
mort. ^«J"
L'inteif rétatton de Stokes est-elle légitime , en d'autres
coufile qui. comme on sait, est produit à la glotte (Beau,
peut-il ne pas se projiiiger d-nns un lol)e pulmonaire dont lea !■ ' '''"J
sont perméables, parce qu'il e^t tout à fait inexpansibic ? — Af
cela eA peu problabic, mais c'est h l'observation clinîquedrn
mbU ><
^rjt lopnii'
J.I.IJUL-.-
.^Diiiph'P"
.1 int
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — esp^bs. 453
x^tte question, et voici, je crois, de quelle manière elle pourra y
irriver :
Dans le cas où, les bronches étant perméables, la respiration bronr
i^hique fait défaut, il semblé évident qu'il doit exister de la bronchopho-
oie éL qu'on doit percevoir par l'application de la main les vibrations
focales. L'absence de ces deux symptômes serait en effet incompréhen-
nUe : on conçoit, à la rigueur, le silence de la respiration dans un pou-
tiMminexpansible, mais, que le poumon se dilate ou non, les vibrations
roicales doivent se transmettre, pourvu que les bronches soient perméables.
D y aura donc à étudier soigneusement désormais les cas de ce genre.
Telles sont les principales variétés de la peumonie lobaire. Il eût été
facile d'en augmenter beaucoup le nombre, mais alors elles se seraient
Doofondues les unes dans les autres, inconvénient que je n'ai d'ailleurs
^ complètement éviter, malgré le nombre restreint auquel je me suis
irrite. Par exemple, la pneumonie massive est souvent une pneumonie
ilhénique. Les variétés précédentes ne sont donc pas rigoureusement
SKclusives les unes des autres.
Bapècses. — Nature de la pneumonie lé^^time. — I. Déter-
miATiOK DE PLUSIEURS ESPÈCES. — J*ai déjà laissé pressentir au début de
set article qu'il était impossible de considérer comme formant une seule
ispèee toute les variétés de pneumonies actuellement comprises sous le
MMm de pneumonie lobaire. Le moment est venu de justiGer cette pro-
'D est malheureusement difficile, dans l'état confus de la pathologie
({etoelle, de savoir ce qu'il faut entendre par espèce. Si l'on était resté
ilUe au principe qui a inspiré les fondateurs de la nosologie moderne
|jê|Niis Laennec, l'analomie pathologique aurait continué à en être la
exclusive, mais il a bientôt fallu admettre Tétiologie, concurremment
Tanatomie pathologique, à constituer des espèces. Ce n'est pas tout :
en a fait d'exclusivement symptomatiques : un groupe de symptômes
liens anatomiques connus, sans étiologie particulière^ a été mainte
b& érigé en espèce.
11 suit de là que si, une espèce nosologique possède à la fois une étiologie
ipédalè, des caractères anatomiques particuliers et une marche ou un
MMhpIexus symptomatique propres, sa légitimité sera hors de contestation.
fbyons à Taide de ce cnlerium si, parmi les variétés de pneumonie con-
bndues aujourd'hui en une espèce unique, il y a en réalité plusieurs espèces
ibosivément méconnues.
n semble tout d'abord que la pneumonie péinodique soit dans ce cas : sa
ïaii8eestspécifique,samarchetoutà fait spéciale et ses lésions anatomiques
ïiertainemenl fort différentes de celles de la pneumonie commune : car,
linsî que les esprits les moins prévenus l'ont parfaitement reconnu (voir
ilus haut Topinion de Grisolle), il ne s'agit pas là d*une fièvre inlermit
ente compliquée de pneumonie, ou, ce qui revient au même, d*une pneu-
nonie compliquée d'accès intermittents, mais d'une pneumonie dont le
TTOcessus est intermittent^ puisque dans l'intervalle des accès il s'arrête
454 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — b8p£cbs.
ou rétrograde, et reprend périodiquement son aclivité. L'admission d'une
pneumonie périodique est donc aussi légitime que celle de la fièvre inter-
mittente.
J'en dirai à peu près autant de la pneumonie altemani avec mieaitiiro-
pathie rhumatismale. Ici aussi la cause est spéciale. La pneumoDÎe n'est
pas périodique, mais, comme elle cesse brusquement quand se iéveloppi
une arthropathie, pour reprendre quand cette dernière s'est amendÂî,
elle est, bien que sans régularité, intermittente au même titre ^ la
pneumonie périodique. Il y a donc, pour faire de la pneuromiie rinma-
tismale alternante une espèce^ les mêmes raisons que celles qui nom ont
déterminé à l'égard de la pneumonie périodique paludéenne.
Parfois Talternance, loin d'être complète, est à peine ébauchée; elle
manque même complètement lorsque la pneumonie et les arthropathio
coexistent ensemble sans s'influencer réciproquement. Dans ce cas h
pneumonie a bien une étiologie spéciale : elle est née chez un sujet ei
puissance de rhumatisme aigu, de même que la péricardite ou l'asdecar*
dite, dont personne ne conteste en ce cas la nature rhumatismale. Die
a même souvent une marche particulière. Ainsi, d'apirès M. 0. Starges,
brusquement, sans que l'engouement ait été nettement caractérisé par dtt
râles crépitants, une hépatisation plus ou moins étendue envahit un, pds
les deux poumons. — Je ne dis pas que ce soit la règle : car les cas de
pneumonie rhumatismale que j'ai observés n'ont pas présenté cette allnre;
mais il suffit qu'un médecin aussi sérieux que M. 0. Sturgesla décrive
pour que je sois tenu de la relater à mon tour. Ce n'est pas tout : cette
pneumonie double se distingue par sa bénignité; il semble que le pro-
cessus d'hépatisation soit superficiel, ainsi que tend à le montrer ^expe^
toration, qui n'est que peu colorée ou même simplement visqueuse, stm
coloration jaune ; sa résolution est remarquablement rapide. Bref, certaines
pneumonies rhumatismales, même en l'absence de toute marche alie^
nante, ont encore un cachet spécial. Je ne vois donc aucune bonne raisoo
pour ne pas les réunir aux autres dont la marche est alternante, de mi-
nière à constituer une espèce : la pneumonie rhumatismale : car il me
paraîtrait puéril de fonder une distinction absolue sur un caractère au$«î
peu important et le plus souvent mal tranché. L'étiologie et la bénigDité
relative de la pneumonie du rhumatisme me paraissent des carKtères
plus décisifs qu'un balancement plus ou moins accusé entre l'ailection
pulmonaire et les arthropathics.
Je ne crois pas qu'on puisse non plus refuser le titre d'espèce à h
pneumo-typhoïde. On sait que par cette dénomination on entend non
toute pneumonie survenue pendant le cours d'une dothiénentérie, nuis
seulement les pneumonies, d'ailleurs rares, qui marquent le début de h
fièvre et dont les symptômes dépassent le plus souvent en intensité les
symptômes gastro-intestinaux, si bien que la détermination principale ée
la fièvre semble se faire d'emblée sur le poumon plutôt que sur le tube
intestinal. J'en ai cité quelques cas au chapitre de YEtiologie^ et on en
trouve plusieurs autres dans la littérature.
[
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — espIces. 455
, Parfois les symptômes de la dothiénentérie et ceux de la pneumonie
COexÂstept. Ainsi, dans le casd'Hérard publié par Gauchet, il y a eu plu^
sieurs épistaxis, une céphalalgie très-intense et continue, un pouls très-
4vrot^> des vertiges dans les tentatives de station assise, de la stupeur,
UDP langue rôtie, de ladiarrhée, des taches rosées, de la sensibilité du ven-
te?» fjhl gargouillement et une augmentation du volume de la rate; déplus,
lev. .-figues locaux de la pneumonie. La terminaison fut brusquement mor-
dnHa» A ïautopsie : hépatisation des deux tiers inférieurs du poumon droit
augmentation du volume de la rate ; intestin (y compris les plaques de
FeyepJ aain ; gaoglions mésentériques normaux. (Union méd., 1860.)
D'ordinaire les symptômes delà dothiénentérie sont tout à fait sur l'ar-
rière-plim. Ils peuvent même être assez équivoques pour que la véritable
aiPwe . de la maladie soit méconnue. Cela est arrivé souvent, par
Viuniple, dans deux cas publiés par Lorain sous la rubrique Pneumonie
(Wfr^ cité, t. II, p. 412-416). L'erreur est parfaitement excusable, car le
Incé -thermique est bien celui de la pneumonie; mais il est facile de
rpetifier le diagnostic, quand on lit que les deux malades ont présenté
tout Tensemble symptoma tique de la fièvre typhoïde (à l'exception seule-
aa^nt des taches rosées), phénomène qui manque le plus souvent, vu le
pm d*inteii^ité des lésions abdominales, dans la pncumo-typhoïde.
; Qu^i} y ait ou non immixtion de symptômes de dothiénentérie, la pneu-
moiiie typhoïde est bien une espèce distincte de la pneumonie franche,
fV.son étiologie spéciale et vraisemblablement aussi par les lésions pul-
im|liaires intimes. C'est]du moins l'opinion du professeur fiuhl, qui croit
4|0^oir • les. rattacher à celles qui caractérisent sa pneumonie desquama-
tif|$* J'avoue cependant que je n'accepte pas sans plus ample informé
tl^t0 manière de voir, contre laquelle plaide la clinique : la pneumonie
^jl^^d^, en effet, ne se résout pas moins vite que la pneumonie franche
Mlîmire, Comment comprendre une telle résolution, si la lésion intra-
a|t&>laire était identique avec celle de la pneumonie desquamative?
.^^.le lie prétends pas d'ailleurs que les lésions pulmonaires de la pneu-
monie typhoïde soient identiques avec celles de la pneumonie franche ; je
me oonteote de dire que j'ignore ce qu'elles sont.
On peut aussi chercher dans le sang une différence d'ordre anatomique
BQtre la pneumo-typhoïde et la pneumonie commune. Il me parait infini-
moit probable que l'augmentation de la fibrine ne doit pas être aussi
oonaidérable que dans la pneumonie franche. La tuméfaction de la rate, etc. ,
indique trop l'existence de la dyscrasie typhoïde pour que cette hypothèse
ae mérite pas d'être prise en considération.
Ce que je viens de dire de la pneumo-typhoîde, je pourrais le répéter
pour les divers pneumo-typhus, c'est-à-dire pour les pneumonies primi-
tires des fièvres : en supposant même que leurs caractères anatomiques
Miientles mêmes que ceux de la pneumonie légitime, — et il y a de fortes
aiaons pour en douter, — elles en sont cependant essentiellement dis-
inctes, en raison de leur cause spécifique, au même titre que la pneu-
ii€>-typho]de.
456 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — espèces.
Il faol aussi faire une espèce des pneumonies miasmatiques doot j'ai
parlé à propos de Tétiologie. Quelle est la nature du miasme ? On Fignoie,
à moins qu*il soit constitué par les monadineSf de Klebs. En tous cas,
il parait avoir beaucoup d'analogie avec ceux de la fièvre typhoïde on du
typhus, qu*on ne connaît également que par leurs effets. Comme eux il
produit la tuméfaction de la rate, la coloration feuille morte du myocarde
et la dégénération vitreuse des muscles droits de l'abdomen, les plaques
dcPeyer étant d'ailleurs saines (G. Banti). Quant aux lésions pofaiiMiaires,
à en juger par les descriptions, elles diffèrent beaucoup de celles de la
pneumonie commune. Pour la pneumo-typhoïde j'émettais un doiile ; id
c*est une certitude : il s'agit certainement de lésions bâtardes. Le docteur
Banti, qui les a récemment étudiées avec soin, a une prolifénitioD des
cellules de revêtement de l'alvéole ainsi que des cellules de tissu eon-
jonctifdes espaces interalvéolaires et interlobulaires. La coexistence d'one
pleurésie purulente est très-fréquente. (iSp^nmen/oie, Luglio, 1879).ApRS
cela, personne, je pense, ne mettra en doute que ces pneumonies miaiiiii*
tiques ne constituent une espèce particulière.
On voit qu'il n'est pas difficile de dégager un certain nombre d'espèces
incontestables du genre j évidemment très-compréhensif, qui porte le nom
de pneumonie lobaire . On est parvenu à distinguer de la manière la pb»
tranchée la broncho-pneumonie de ce qu'on appelait la pneumonie. Dtrat
maintenant faire un pas analogue, et ne pas hésitera séparer de iapm-
monie fibrineuse, légitime, toutes les pneumonies qui lui resseflDÎblefil
plus ou moins, au point de vue macroscopique, mais qu'une saine nosologie
doit en écarter, vu les différences étiologiques, cliniques, et sans doute
histologîqucs, qui les distinguent.
En cherchant à établir la légitimité des espèces que j'ai admises, je
suis, je crois, resté plutôt en deçà que je n'ai été au delà de la réalité; j*ii
montré la voie, mais n'ai point voulu la poursuivre, laissant à chiciio
le soin d'y cheminer à son gré, et dans la mesure où l'y invitent ses con-
victions médicales. II est certain que, vu l'ignorance où nous sommes de
la cause de certaines pneumonies, le champ de la dispute est ouvert, et
que si l'on veut à toute force prendre parti, on n'échappera pas facilement
à rarbitrairo. Voici, par exemple, la pneumonie bilieuse : est-elle une
espèce ?
Je me sens, je l'avoue, incapable de répondre à une pareille question :
car je ne me fais pas une idée fort nette de sa pathogénie. L'état gastri-
que tantôt parait être contemporain do la pneumonie; tantôt il survient
manifestement le premier. Dans ce cas, est-ce lui qui est la cause deb
pneumonie , soit, comme le croyait Stoll, en agissant directement sur le
poumon par une action humorale irritante, soit en le prédisposant sim-
plement à s*enflammer sous une influence occasionnelle minime ? Que si*
vons-nous de précis à cet égaixl? et combien les meilleurs esprits ont
raison de douter et d'hésiter à conclure ! C'est ce que fait Grisolle qui,
après avoir dit que Tétat bilieux n'est peut-être qu'une complication,
ajoute qu*en « considérant les résultats heureux et, pour ainsi dire, met-
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — natom. 457
teîUenx'de la méthode évacuante, il semblerait naturel de supposer qu-il
existe un rapport plus intime entre Tétat bilieux et la phlegmasie du
poumon. »
II. Nature de la pneumonie légitme. — Après avoir déblayé le terrain
en éeartant les espèces étrangères à la pneumonie commune ou légitime,
és8«3pns de pénétrer, s'il se peut, sa nature.
Pour les médecins de TÉcole de Paris, la pneumonie est le type des in-
flammations franches : tous ses symptômes, y compris les symptômes
généraux, sont sous la dépendance exclusive de la phlegmasie pulmonaire.
An contraire, d'après une doctrine médicale plus ancienne, soutenue par-
tieulièrement par Huxham et par Fr. HofTmann, dont la tradition a été
fidèlement gardée par TËcole de Montpellier, l'essence de la maladie con-
sislé en une fièvre qui se localise sur le poumon.
Plusieurs pathologistes fort autorisés de l'École allemande moderne,
Cohnheim, Jurgensen, Klebs, se sont récemment prononcés contre la
doctrine organicienne. Les arguments qu'ils lui opposent ont été résumés
par Jurgensen de la manière suivante :
1^' « La pneumonie croupale (fibrineuse) et la bronchite ont une
distribution géographique tout à fait difTérente. La première échappe aux
lois qui règlent le développement de la seconde ;
8* n y a, dans les différentes saisons de l'année, de frappantes
diOérences entre la fréquence de la pneumonie, d'une part, et celle de
la (deurésie et de la bronchite, d'autre part ;
5^ Si l'on compare la courbe de la mortalité par maladies inflam-
matoires (péricardite, pleurésie, laryngite, céphalite, hépatite, péritonite,
gastrite, entérite), celle de la mortalité par maladies des organes respi-
ratoires (à l'exception de la pneumonie, de la tuberculose, de la coque-
loche et du croup), et celle de la mortalité par pneumonie dans une série
d*amiées — (ce travail a été fait pour Londres, années 1340-1856), —
rà ne trouve pas de parallélisme entre ces courbes, surtout entre celle
de$ jMegmasies et celle de la pneumonie ;
4* Les agents extérieurs, et particulièrement le froid, ne peuvent être
regardés que si rarement comme la cause de la pneumonie, qu'il est
impossible de les considérer comme causes déterminantes (veranlas-
êende Ursache) ;
5* Les irritants ordinaires, faibles ou forts, sont dans l'impuissance de
produire une pneumonie; il faut, de même que pour la Gèvre typhoïde,
an agent doué de propriétés spéciales;
(T Pendant toute la durée de la pneumonie il n'y a aucun rapport
constant entre les symptômes locaux et h fièvre: par conséquent,
celle-ci ne peut dépendre de l'état local ;
7^ Aucune maladie locale ne présente, à un aussi haut degré que la
pneumonie, une marche typique. »
Si l'on se bornait à dire que la pneumonie lobaire légitime est une
inflanunation sui generis, je n'aurais garde d*y contredire, car cela
me parait évident ; mais je demande à examiner les arguments sur les-
158 PiNEUHONIE LOBÂIRE AIGUË. — nATOBs.
quels Jurgensen se fonde pour la considérer comme une fièvre à loca-
lisation pulmonaire.
Parmi eux, il en est un, le troisième, dont je ne parviens paa à suiir
la portée. Le premier, le deuxième et le quatrième, n'ont pas la prétention
de témoigner en faveur de Tessentialité de la pneumonie ; ils pnovent
seulement Topinion, que je partage pleinement^ à savoir que cette affec-
tion n'a pas la même étiologie que d autres phlegmasies. Pour h qua-
trième, il renferme une exagération et une inexactitude ; je renvoie av
chapitre étiologie.
Arrivons aux arguments qui tendent à démontrer que la pneomonie
est une fièvre :
A cet égard, l'argument 5 n'est pas si décisif qu'on pourrait le croire «
premier abord : il y a nombre de maladies inflammatoires spécifiques on
non, que nous sommes dans l'impossibilité de provoquer expérimentale-
ment, telles que les réalise la nature : par exemple, parmi ces dernières,
le zona et la pleurésie elle-même ; car il n'est point vrai qu'(Mi pro-
dirise chez l'animal une pleurésie semblable à la pleurésie fibrineuse
de l'homme; ce que l'on fait chez lui, c'est surtout une pleurésie pu-
rulente.
Quant à l'argument 7, il me parait plus spécieux que solide. Noos ne
connaissons pas, il est vrai, de phlegmasie franche, à marche aussi
cyclique que la pneumonie, mais pourquoi le poumon n'auraii-il psB
le privilège, en raison de conditions anatomiques particulières, de ti^
la marche de sa phlegmasie et de la faire évoluer en 6-8 jours? Cette
supposition trouve un appui dans le fait que la pneumonie a une dorée
plus longue quand elle siège au sommet ; que non-seulement dans ce cas
la résolution est plus lenle^ mais que la défervescence se fait attendre.
Rien ne prouve d'ailleurs que la marche cyclique de la fièvre ty|rfioide
tienne à l'essence de la fièvre et non à sa localisation anatomique habi-
tuelle, car la pneumo-typhoïdc ne dure pas 21 jours, mais 8 jours,
comme la pneumonie franche.
L'argument 6 me parait plus considérable. Selon moi, c*e$t le véri-
table cheval de bataille de l'essentialité de la pneumonie : aussi je vais,
pour cette raison, le discuter plus longuement. Seulement, loin que je
me permette de trancher une question aussi délicate, et qui pirfa^ra
longtemps, sans doute, les médecins les plus éclairés, je me contenterai
de présenter quelques remarques dont le seul but est de montrer la
difficulté extrême du sujet :
<( Pendant toute la durée de la fièvre, il n'y a aucun rapport constant
entre la fièvre et l'état local. » Telle est la proposition de Jurgensen.
Voyons si elle est rigoureusement exacte dans les divers stades de U
maladie :
A la période initiale, je ne vois rien d'irrationnel à supposer que la
fièvre est indépendante du processus local. On peut parfaitement conce
voir qu'elle précède toute localisation morbide. Cette hypothèse trouve*
rait même une base solide, s'il était exact, comme l'ont cru quelques
PMEUMOME LOBAIRË AIGUË. _ natorr. 459
lédecins anglais, qu'un état d'hypérinose précède toute pneumonie,
alheureusement pour la théorie, ce fait si important n'est pas prouvé.
Les symptômes prodromiques que l'on observe dans un certain nombre
s ttts de pneumonies primitives peuvent être considérés comme la
lanifestation d'une maladie générale non encore localisée. C'est du
toÎDS de cette manière que Grisolle les interprète. Voici comment il
exprime k son article prodromes ; a Dans quelques cas, j'observai
sadant quatre jours un mouvement fébrile intense, sans que j'aie pu
^couvrir du côté d'aucun organe, et surtout du côté des poumons, une
flkm capable de l'expliquer. Ce ne fut qu'à la fin de plusieurs jours
Ei'an point de côté survint; la toux lui succéda, et je constatai bientôt
8 crachats et les phénomènes d'auscultation caractéristiques de la pneu-
lonie. Andral a observé plusieurs cas semblables : il n'y a alors, dit-il,
icon travail inflammatoire local bien dessiné, mais partout il y a ten-
■Dce à sa production et, pour peu que cet état se prolonge, on verra
aitrt diverses phlegmasies suivant les prédispositions individuelles et la
laceptibitité variable des organes. 11 est donc vrai de dire que dans
nelques cas, fort rares d'ailleurs, la fièvre précède d'un ou de plusieurs
^urs la phlegmasie locale, comme si celle-ci n*en était que la consé^-
nence 9 {Pneumonie, 1864, p. 187). Au lieu d'admettre que pendant
M- prodromes les sujets étaient sous le coup d'une maladie pyrétique
emandant à se localiser, on pourrait supposer qu'ils présentaient sim*
Icment un état d'indisposition pendant lequel, étant plus susceptibles,
■ avaient contracté une pneumonie ; mais Grisolle, comme prévoyant
Bile objection, ajoute plus loin : a Ces pneumonies avec prodromes se
idarent peu à peu et, dans la presque totalité des cas, sans qu'on
iliase saisir aucune cause déterminante appréciable. »
^'J'accepte donc entièrement l'interprétation de Grisolle et d'Andral;
BÉdement, il ne faut pas perdre de vue que ces cas, avec prodromes
'une certaine durée, sont une exception : aussi ne peuvent-ils pas, je
lense, servir à édifier une doctrine générale.
L'indépendance de la fièvre initiale trouve plutôt un appui dans le fait
[n'elle est d'emblée très-intense. Quelques heures après que la cause oc-
Bsioffinelle a agi, la température, avons-nous dit, peut déjà atteindre 40^
entigrades. Or, à ce moment, il n'y a qu'une hyperémie pulmonaire que
oofent même nous ne sommes pas en état de reconnaître avec certitude
ar le vivant. Ne serait-il pas étrange que cette hyperémie donnât nais-
meeà une fièvre aussi vive qu'une lésion plus avancée?
Ces divers arguments ne sont pas irréfutables. Ainsi, loin que la fièvre ap-
«raisae toujours avant qu'aucune lésion du poumon se manifeste, il y a des
aa o& elle n'est venue que postérieurement (Kaulich de Prague) ; et quand
m songe à la difficulté extrême qu'il y a à s'assurer de l'existence de l'en-
(ouement pulmonaire, il ne faut pas être surpris que ces cas ne soient pas
AnB nombreux. 11 y aurait peut être aussi quelques réserves à faire sur Pin-
enaité de la fièvre dès le début. Néanmoins j'accepte en bloc l'argument,
it j*admet8 que la fièvre initiale de la pneumonie est probablement, dans
460 PNEUMONIE LOBAIRË AIGUË. — hatuu.
une certaine mesure, tout à fait indépendante du processus local. Eit-ce à
dire qu'il en soit de même pendant toute la durée de la maladie ?
Dans beaucoup de cas, on peut constater pendant sa durée que les eu-
cerbations de la fièvre sont manifestement liées à une exteDaîon de la
lésion. Il est vrai qu'on pourrait soutenir que œs poussées du pioeesms
local sont elles-mêmes sous la dépendance de la fièvre essentieik ; mais
rien n'est en faveur d'une interprétation aussi risquée, et le cai de la
pneumonie du sommet que j'ai cité plus haut en prouve l'invraiiembVince.
Gomment, en effet, se rendre compte de la plus longue durée de la fièvre
dans ce cas, si ce n'est parce que les actes organiques sont plus lents ta
sommet? Toute autre interprétation nepourra satisfaire un esprit nonpn-
venu. De même, la longue durée de la fièvre, lorsque les deux poomoQS
sont pris, ne me paraît s'expliquer d'une manière naturelle que parce
qu'elle est entretenue par la phlegmasie locale.
Si la défervescence ne coïncidait en aucune façon avec la terminaisoa
de la phlegmasie, ce serait uu argument en faveur de ressentialilé de
la fièvre. Mais il y a au contraire, entre ces deux phénomènes, unecoto-
cidence remarquable, du moins autant que nous pouvons en juger; car
nous n'avons pas de signe qui nous permette d'affirmer que le procemis
inflammatoire est éteint, sauf, peut-être, la diminution de la chaleur de
la paroi thoracique au niveau du foyer. Ge que nous pouvons seolemeat
apprécier par la percussion et l'auscultation, c'est la résolution; or edje-
ci est sans doute séparée de la terminaison de la phlegmasie par oa cer-
tain laps de temps (?).
Quant au rapport de la résolution et de la défervescence, Grisolle dit
que, c( sur 192 malades, 94 fois une diminution considérable de l'appareil
fébrile a coïncide avec une amélioration du côté ces phénomènes stétho-
scopiques; l'amendement de ces deux ordres de symptômes a para être
dans ces cas tout à fait simultané. Ghez 72 malades, une diminutîoo
notable dans l'appareil fébrile a précédé de un ou plusieurs jours. Enfin,
chez 26 malades, les phénomènes d'auscultation se sont amendés d'une
manière sensible, tandis que la fièvre conservait à peu près toute son
intensité ». (Grisolle, Traité de la Pneumonie.)
Malgré le talent d'observation que possédait Grisolle à un si hâui
degré, ses résultats ne pouvaient être acceptés que sous bénéfice d'in-
ventaire, car il ne voyait ses malades que le matin, et n'avait pas comme
nous la possibilité, à l'aide de mensurations tliermomé triques, faites
plusieurs fois dans la journée, de connaître l'instant exact où la déte^
vescence débute. Mais, bien qu'obtenus dans des conditions relativement
défavorables, ils sont confirmés par les observateurs modernes, qui ont
apporté à l'étude de cette question tout le soin qu'elle mérite. Je m'en sais
moi-même particulièrement préoccupé et je puis dire à cet égard que,
dans là grande majorité des cas, la défervescence précède très nettement
les signes positifs de la résolution, mais que, chez plusieurs malades, j'ai
pu annoncer celle-ci quelques heures avant que le thermomètre eût décelé
la défervescence.
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — natore. 461
n est probable que, sinous disposions de moyens délicats pour apprécier
l'état physique du poumon, nous ne croirions pas si souvent que la réso-
lution retarde sur la défervescence. Pour juger le degré de la fièvre,
nous possédons un instrument d'une finesse exquise, le thermomètre.
Mais quel moyen avons-nous de déterminer si le travail de désagrégation
de Texsudat commence? Evidemment Fauscultation n'est ici d'aucune
resfloarce; elle ne peut rendre de services qu'au moment où la liquéfac-
lioti de l'exsudat est assez avancée pour que l'infundibulum renferme à
la fins de l'air et du liquide. Or il est facile de comprendre que plu-
sieors heures, à la rigueur peut-être plusieurs jours auparavant, sa désagré-
gation a pu commencer. A priori^ et bien que je n'ignore pas que nous
ne devons avoir dans les résultats fournis par la percussion qu'une con-
fiance limitée, je suppose qu'elle peut mieux nous renseigner sur le
dAui de la résolution. A Tappui de cette idée, j'invoquerais volontiers
Panlorité du professeur Thomas qui, après avoir dit qu'il n'est pas très-
rare de voir la réëolution précéder la crise, ajoute que, dans ce cas la
feiUe de la défervescence la matité prend un caractère tympanique. Tel
esl« pour lui, le premier signe de la résolution.
En tenant compte de l'incertitude où nous sommes touchant la fin du
travail phlegmasique et le début de la résolution, on voit qu'il est impos-
able dB dire qu'à cette période la fièvre est indépendante de l'état local.
Si Ton admet au contraire qu'elle y est subordonnée, on s'explique d'une
flBânière naturelle tous les phénomènes de cette période, même Texacer-
bation praecritique. En effet, au lieu de l'attribuer, comme fait la théorie
lîtalîste, à un effort de la nature avant la crise, je serais plutôt tenté d'y
Teir simplement le résultat de la résorption commençante de l'exsudat,
e*est-à-dire le premier effet général de la résolution à son début.
^Miâs toute pneumonie n'a pas une terminaison critique; c'est cequ'ou-
bfiimt trop peut-être les partisans de l'essentialité de la fièvre. Quand il
n'y a pas de crise, la persistance de la fièvre tient évidemment à la per-
i^anoe de la phlegmasie locale et li*ouve une cause amplement suffi-
sante dans le travail de la . suppuration. A ce moment, et sous le rap-
port de son retentissement sur l'économie, la pneumonie est semblable
à tout vaste phlegmon.
En résumé, et sans prétendre rien affirmer en des matières aussi déli-
isaleSy je suis porté à croire que la fièvre de la pneumonie est fort coni-
|A«Le. Au début j'admets, comme pour beaucoup d'autres phlegma9ie8,
•pour l'angine, la pleurésie, etc., que la fièvre est produite par un trouble
du système nerveux qui peut être indépendant de l'état local; mais dans
le cours de la maladie et surtout à la fin je vois de plus en plus s'accuser
rinfluence de l'état phlegmasique, influence directe ou éloignée : directe
quand l'accroissement du foyer phlegmasique ou sa suppuration détermine
nn accroissement de la fièvre, — indirecte quand la résorption des maté-
riaux exsudés entretient à son tour l'état pyrétique. Ces explications, bien
que théoriques, satisfont plus mon esprit que ne le font les hypothèses
vitalistes.
462 PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — hatuie.
Ces lignes étaient écrites quand a paru une Revue critique (ori intéres-
sante de mon collègue Ilallopeau sur la doctrine de la fièvre pneumo-
nique. J'ai été fort heureux de me trouver en* commanauté d'idées arec
lui sur la plupart des points et j'aurais beaucoup i empronte i na re-
marquable travail, mais je préfère y renvoyer le lecteur. Cemnw loi, je
suis d'avis qu'il faut entièrement séparer la pneumonie légîliiie des
pneumonies miasmatiques et contagieuses. Gomme lui aussi je rsttKhe
la pneumonie non aux fièvres^ mais aux phlegmasies, parce qae e*est
avec cette classe de maladies qu'elle a le plus d* affinités natordltt, t\
parce qu'il n'y a, jusqu'à présent, pas de motif pour rayer 4*an trait de
plume la distinction entre les fièvres et les phlegmasies établie par
Andral et Gavarret. Je ne diffère d'opinion avec mon savant ami que 9B
des points secondaires : je crois que la pneumonie est une phlegmasie spé-
ciale et j'admets dans une certaine mesui*e Tessentialité de la Bivie ilo
début.
J'ai dit plus baul que, d'après Fernct, la phlegmasie palnoumatfe est
sous la dépendance d'une névrite du pneumogastrique. Laissons le moi
névrite, qui n'est pas suffisamment justifié pour le moment par Fanato-
mie pathologique, et mettons à la place troMe fonctionnel^ du gimre de
celui qui dans un nerf produit le zona. C'est assurément une hypothèse
tort séduisante que de faire de la pneumonie le zona du poumon ; mal-
heureusement, ce n'est qu'une hypothèse. Toutes les inflammations sont,
dans une certaine mesure, sous la dépendance d'un trouble des nerfs qaise
rendent à la partie qui s'enflamme. Dans le zona, il y a quelque Ghoiede
plus: il y a un trouble primordial et d'ordre spécial dans le nerf. —En
est-il ainsi pour la pneumonie? Nous l'ignorons, mais à coup sûr la ques-
tion méritait d'être posée.
Quant aux faits eux-mêmes de Fernet, j'ai déjà dit, à propos de Yâio-
logie, qu'ils ne permettent pas de formuler une loi générale : de plus,
en supposant que la pneumonie soit réellement ce que. par abréviation,
j'appelle un zona du poumon, il n'est pas certain que les nerfs malades
soient nécessairement les pneumogastriques.
Mais Fernet va encore plus loin : il n'hésite pas à considérer, avec \^
professeur Parrot et La^^out, la pneumonie en général comme un herpè$
du pouiuou : « La cause habituelle de la pneumonie, dit-il, conune celle
de la lièvre lierpéticpie non locali»ée au poumon, c'est le refroidisse-
ment; les signes généraux sont les mêmes. Les signes physiques delà
pneumonie précédent, il est vrai, réniption labiale, mais, ainsi que l'a
déjà fait renian|uer Lagout, cela ne saurait nous surprendre, car le::
lésions des muqueuses sont plus précoces que celles de la peau.
En admettant que l'herpès pneumonique prouve, comme le pensent
ces pathologistes distingués, qu'il y a identité d'origine entre la fiènc
herpétique et certaines pneumonies, il me semble évident qu'on ne pour-
rait étendre cette coiulusionà toutes les pneumonies légitimes, car nous
avons vu que l'herpè.s ne se rencontre que dans la minorité des cas.
L'étiologie d'ailleui^ proteste contre l'origine exclusivement à frigoïc
PNEUMONIE LOBAIIŒ AIGUË. — tbeminaisons. 463
de U pneumonie commune. Mais il y a plus : on pourrait à la rigueur
contester la valeur de la preuve même pour les cas de pneumonie avec
herpès et rappeler que l'herpès, loin d'être exdusivement Tapanage des
aBèÎBtions à frigore^ est un symptôme commun dans la méningite céré-
bnhspinale, et qu'il n'est pas très-rare dans certaines épidémies de fièvre
tophôide; àBâle, par exemple, sur 1420 cas de dothiénentérie on Ta
wierré 56 fois, soit 4 p. 100; çt, ce qui montre que la gravité de la
nudadie ne fut pas très-atténuée, sur ces 56 cas il y eut 10 mprts, soit
18 p. 100.
Cependant je n'élèverai pas cette objection; j'accepte que Therpès dans
la pneumonie donne la signature de son origine à frigore^ ce qui est
dl*aiUeur8 d'accord avec la bénignité relative des pneumonies accompa-
gnées d'herpès (voir le pronostic) ; mais je demande qu'on ne généralise
pas outre mesure et qu^on ne prétende pas que toutes les pneumonies
mit identiques quant à leur nature.
T«rminalnonfii. — La pneumonie peut se terminer :
1* par résolution franche.
2* — lente (rare).
— id. avec passage à la pneumonie chronique inter-
stitielle (très-rare. .
3* par la mort à la période d'hépatisation rouge.
' 4* par Thépatisation grise, se terminant elle-même :
(A) par la mort.
(B) par guériscm (très rare).
(C) par formation d'abcès pulmonaire (très-rare).
5* par gangrène (très rare).
Je terminerai ce chapitre par quelques mots sur les rechutes et sur les
maladies consécutives.
1* Rksolution franche. — On appelle ainsi la résolution qui coïncide à
peu près avec le moment de la défervescence.
La révolution se fait avec la plus grande facilité pour les pneumonies
qui ne dépassent pas la première période (engouement) ; lauscuUation
aemble nous indiquer qu'en moins d'un jour cet état peut disparaître et
faire place à un état du poumon très-voisin de l'état normal. Il n'en est pas
de même, on le comprend, s'il existe une hépatisation ; il faut que les
alvéoles se débarrassent de l'exsudat qui les oblitère : un certain temps est
indispensable.
• Le premier phénomène doit être évidemment le ramollissement et la
désagrégation de l'exsudat, car pour disparaître de l'alvéole il n'a que
deux voies : la voie lymphatique et la voie bronchique. Même en admettant
que l'évacuation se fasse par cette dernière, sa désagrégation préalable est
nécessaire, vu le faible diamètre du canalicule respirateur qui fait communi-
quer rinfundibulum avec la bronchiole; mais, ainsi que j'ai eu précédem-
ment l'occasion de le dire, selon toute vraisemblance, la majeure partie
du contenu de l'alvéole est résorbée par les lymphatiques : or, pour pé-
nétrer dans les fentes étroites des lymphatiques, il ne suffit pas d'une
464 PiNEUMONIE LOBAIIŒ AIGUË. — teuihaisohs.
désagrégation partielle : il faut sans doute qu'elle aille jusqu'à U quasi-
liquéfaction de Texsudat.
Tel est, autant que nous pouvons le supposer, le processus. J*ai dqà
indiqué par quels symptômes il se manifeste; j'en rappelle quelques-aw:
La matité prend, d'après Thomas, un caractère plus tympanifoey la
respiration bronchique perd peu à peu son caractère métallique peudaut
rinspiration et ne se perçoit plus que pendant l'expiration ; la ciyipîtalion
reparait, mais grosse et humide ; les bulles ne s'enteodeat d'abord qae
dans les grandes inspirations, mais un peu plus tard, le lendemam, far
exemple, lorsquelles sont devenues plus abondantes, ellen soot pergmi
dans toutes les inspirations et dans quelques-unes des expirations. D'après
Grisolle, le râle- crépitant de retour pourrait quelquefois ^ire « plus fin •
que la crépitation qui avait existé dans le premier degré de la maladie.
J'avoue que je n'ai jamais rien observé de semblable.
La résolution ne s'opère pas en même temps ei avec une égale rapi-
dité sur tous les points affectés. Laennec a fort bien remarqué que les
parties prises les dernières sont généralement celles dans lesqueUes la
résolution se fait tout d*abord. Ce serait, d'après Grisolle, la règle seuleaMot
pour les deux tiers des cas; de même dans la pneumonie double la réso-
lution commence presque toujours par le poumon envahi le dernier.
La résolution de la pneumonie demande un certain nombre de jours,
un peu moins chez Tenfant que chez Tadulte. Exceptionnellement, ooe
pneumonie au deuxième degré parait avoir très-brusquement rétrocédé
sous l'influence d'une afTection grave intercurrente. Andral a rapporté dan»
sa clinique un cas de ce genre, et Graves en a publié un autre. L'aifectioa
intercurrente a été, dans le premier cas, une variole, et, dans le second,
une attaque de choléra indien.
'2** Résolution LENTE. A. Complète, Dans quelques cas, alors queladéfer-
vesccnce s'est faite d'une manière légitime, et à son jour normal, la réso-
lution ne s'effectue que d*unc manière fort imparfaite : dans une portioo
du poumon, la matité reste absolue, et pendant des semaines on perçoit, au
moins dans une petite étendue, du souffle et des râles. Pour être peu
communs, de tels faits ont été remarques par tous les cliniciens, et j'en ai
vu moi-même plusieurs exemples. A un degré moindre, la résolution im-
parfaite n'est point rare ; je veux dire qu'un certain degré de maillé ei
des râles sans souffle s'observent fort souvent. « Ce sont, dit Grisolle, des
reliquats ayant en général peu d'importance, qui disparaissent peu a
peu et spontanément.... Souvent les malades ne toussent plus, et on
croirait que l'organe est revenu à l'état le plus physiologique, si l'explo-
ration par les moyens physiques ne révélait pas qu'il existe encore une
modification dans In perméabilité du tissu. »
Grisolle, sur 103 cas, a noté 66 fois cette résolution lente du vingtième
au cinquante-cinquième jour. Fox, sur 26 cas. Ta vue cinq fois du ving-
tième au vingt-cinquième jour et dans un cas au trentième; le professeur
E; Wagner a rapporté récemment un cas de pneumonie grave du lobe
supérieur du poumon gauche dans lequel après la déforvescence survf^nut*
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — teuiuiaisoiis. 465
au neuYÎème jour, les râles crépitants de retour durèrent six semaines,
d'après lui, il j eut^éme ratatinement de volume de ce sommet et em-
phjième compensateur du poumon droit. Ce n'est que quatre semaines
plus tard que le sommet gauche, à en juger par les signes physiques
de percussion et d'auscultation , revint à Tctat normal. La résolution
bute peut être observée non-seulement chez le vieillard et Taduite, mais
itt^y quoique plus rarement, chez l'enfant. E. Barthez dit que les pneu-
nooies occupant tout un poumon et que les pneumonies doubles ont en
{éaéral une résolution lente. Damaschino rapporte Tobservation d*un
uifiuU de 7 ans et demi chez lequel la résolution ne se fit que six se-
naines après la défervescence ; la gucrison fut complète.
Ainsi que l'ont fait remarquer Grisolle et Charcot (thèse (Vagrég.) ces
cas ne ressortisscnt pas à la pneumonie chronique, car si l'exsudat per-
liate, en raison de conditions encore mal connues, rien ne prouve qu'il y
lit coexistence d'un travail de pneumonie interstitielle. Voici comment
s'exprime Charcot (De la pneumonie chronique, p. 33).
« La persistance des phénomènes locaux, qui révèle l'existence d'une
induration pulmonaire après la disparition plus ou moins absolue des
symptômes rationnels, se trouve signalée dans des observations de pneu-
monie chronique où l'on a pu assister aux débuts de l'ulTection. Biais ce
ne serait pas là un caractère d'une valeur absolue et propre à faire pré-
sager que la pneumonie menace de se continuer à l'état chronique. L'on
sait en effet par les observations du professeur Grisolle qu'un lent re-
tour des poumons à l'état normal est un (ait commun à la suite des
pneumonies les mieux guéries. La faiblesse des mouvements respiratoires,
Ude respiration rude mêlée de raies sous-crépitants, tels sont les seuls
îndioes de celte résolution imparfîute. Mais on a vu cependant des cas où
le souffle tubaire, la bronchophonie et une matité des plus prononcées ont
pu persister pendant deux ou trois mois après la guérison complète d'une
pneumonie sans qu'il y eût pour cela la moindre tendance à la récidive. »
On trouve des cas de ce genre dans la thèse de Raimond (Paris, 1842); un
aalre est rapporté par Rayer (Gaz. méd, ,1846).
Plus récemment, Achard (th. Paris, 1873), dans une thèse faite sous
l'inspiration de Charcot, a l'apporté quatre faits analogues : pendant six
semaines à deux mois on a noté la persistance du souffle bronchique.
Aehard pense que c'est un état de misère physiologique qui est la
cause de la lenteur de la résolution. Je n'y contredis pas pour certain cas,
au contraire, mais il est probable que les conditions de cette résolution
lente sont complexes. S*il est vrai, comme je le pense, que la résorption
de l'exsudat se fasse en majeure partie par les lymphatiques, la parfaite
perméabilité de ceux-ci est une condition sine qua non de rapide résolu-
tion. Or, il se peut qu'ils aient subi une oblitération partielle. Voilà donc
une condition locale, indépendante de l'état général, qui doit exercer une
influence considérable. Il en est certainement bien d'autres parmi les-
quelles le professeur Leyden, qui a récemment publié plusieurs cas de réso-
lution lente, place la densité (Derbheit) de Thépatisation, et c'est parce
BOUT. MCT. BiD. BT GUIU IIYIII — 30
466 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — tbhmihâisohs.
»
qu'une hépatisation de ce genre n'est, dit-il, pas très-rare chez lesjeunes
sujets qu*on observe chez ceux-ci la résolution lente. Je ne sais si je
m^abusc, mais il me semble que les cas de résolution lente seraioitplus
communs parmi les pneumonies non traitées.
B. Avec passage à la pneumonie interstitielle. — Dans certains eai,
cette résolution lente, au lieu de se terminer par la restitulio ad iMlegrum
aboutit à une modification indélébile du poumon qui, suivant Tépoque
à laquelle on est appelé à la constater de visu^ se présente sous TMpeet
d*induration rouge ou d'induration ardoisée. Dans Tinduration ronge^dont
j*ai vu récemment un remarquable exemple qui a été examiné histologiqiie-
ment par le professeur Rcnaut et sera prochainement publié, « le tm
pulmonaire, d'après Cbarcot, est rouge, compact, dur, mais plus friaUe
qu'à Tétat normal. Sur une coupe, les granulations pneumoniques appi-
raissent encoi'e, mais plus petites que dans Tétat aigu. Le microscope
révèle un cpaississement des parois alvéolaires, qui sont le siège d'niK
ncoplasie embryonnaire, tandis que les cavités alvéolaires contiennent des
éléments en voie de métamorphose graisseuse. » Dans notre cas, lei cavi-
tés alvéolaires étaient en grande partie comblées par un bourgeonnemoit
du tissu embryonnaire.
Quant à Tinduration ardoisée, je n'ai pas à m*en occuper ici. (Toys
Pneumonie chronique par Balzer).
Les symptômes par lesquels se révèle Tinduration rouge sont locaux e(
généraux. Les premiers sont les mêmes qu'à la période d'hépatisilioa :
matité, souffle, bronchophonie, et, s*il n'y a pas de pleurésie, exagé-
ration des vibrations thoraciques. Quant aux caractères de Texpedm*
tion, ils dépendent de la bronchite concomitante.
Les symptômes généraux consistent en une fièvre variable qui prend
bientôt le caractère de la fièvre hecti(|ue ; à la fin il se développe des
eschares ; d'autres fois, on observe le complexus symptomatique de la
phthisic.
ô"* Mort a la péiuode d*hépatisation rouge. La mort peut survenir à cette
période soit par le fait d'une des complications dont je traiterai daos le
chapitre suivant et que par conséquent je passe ici sous silence, soit sans
complication^ et par le fait de la pneumonie elle-même, ce qui est
rare dans certaines séries, dépendant d*une même constitutioo mé-
dicale, et beaucoup moins rare dans d'autres. Favorisé sans doute
par les circonstances, depuis que je suis chef de service, il ne m'est
pas encore arrivé de voir succomber un de mes pneumoniques à cette
période j*entonds naturellement ; parler des pneumonies primitives, sans
complications.
Quand Thépatisation rouge occupe un poumon presque entier, on com-
prend qu'elle détermine la mort par asphyxie. Mais si elle est peu étendue
et (|ue les poumons ne présentent pas de lésion chronique (par exemple
de l'emphysème), les résultats de I^autopsie n'éclairent pas suflisammeot
sur la cause de la mort. A défaut des lésions, les troubles observés pen*
dant la vie permettent généralement de se rendre compte du mécam'sme
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — terminaisons. 467
la mort; l'asphyxie par exemple peut encore Aire mise en cause, si Ton
onstaté les signes d'une congestion pulmonaire généralisée.
I* HfiPATisATioR GRISE. — Le procossus qui y conduit n'est pas foncièrement
rérait de celui qui n'aboutit qu'à Thépatisation rouge puisque, dans toute
palisation rouge, l'alvéole renferme un certain nombre de globules blancs ;
AfMitisation grise est simplement un degré plus avancé du processus in-
nmaloire évoluant sur un terrain favorable, c'est-à-dire chez des sujets
18 de mauvaises conditions (débilité, âge avancé, etc.) ; elle est à l'hé-
isation rouge ce qu^est la vésicule de variololdc à la pustule de variole.
I.. Hépatisation grise suivie de mort. — Mais dans l'alvéole pulmo-
re plus encore qu'à la peau, la suppuration, pour être simplement un
Se plus avancé de la phlegmasie, n'en est pas moins la source de dan-
V très grands dépendant soit de la fièvre de suppuration, soit plus
A de la résorption du pus. La mort est la règle dans toute hépatisa-
IK grbe étendue.
HEtbitaellement elle survient rapidement, pendant le travail même de
Boppuration : « Chez tous les individus qui ont présenté à l'autopsie
e hépatisation grise, dit Grisolle, le début de la maladie datait de 8 à
jours, terme moyen 12 jours, tandis que ceux dont la pneumonie n'avait
s encore franchi le deuxième degré, quand ils ont succombe, étaient
ilades depuis 5 à 17 jours, terme moyen 9 jours. Enfin, chez ceux qui
l oflert un mélange des deuxième et troisième degrés, la maladie datait
7 à 19 jours, terme moyen 10 jours. » On sait que Téconomie sup-
rie beaucoup plus longtemps une pleurésie purulente.
Les globules blancs seraient-ils plus facilement résorbés s'ils se trouvent
Dt les alvéoles que s'ils sont accumulés dans la plèvre? La chose est
irible ; elle est même probable ; mais il n'est pas pas facile d'en don-
r un commencement de démonstration ; car il ne suffirait pas de prali
ler i plusieurs reprises, pendant la durée d'une pneumonie suppurée
numération comparée des globules blancs et des globules rouges ; il
idnit avoir un moyen de distinguer la leucocytose primitive, corres-
ndant à l'époque de la suppuration, de la leucocytose secondaire ou de
iorplion. Or cela me parait impossible.
D'après Grisolle, la pneumonie du sommet passerait plus vite à l'hépa-
■lioo grise. Ce serait une exception à la règle que j'ai précédemment
fiquée, et d'après laquelle les actes morbides sont plus lents dans le
be supérieur du poumon. En tous cas, ce n'est pas un indice de vitalité
■s active puisque la même précocité relative de l'hépatisation grise
ibaerve, d'après Grisolle, chez les sujets faibles et âgés.
Si l'hépatisation n'est pas trop étendue, ou si le sujet est doué d'une
Hstance particulière, la lièvre peut diminuer, une fois que le travail de
ppnration est accompli, et ce n'est qu'au bout d'un certain nombre de
un que le malade succombe par épuisement. Cette prolongation de la
e est d'ailleurs assez rare.
^. Hépatisation grise suivie de guérison. — La guérison passe pour
^infiniment plus rare; mais il se pourrait que l'opinion classique fût
468 PiNEDHONIE LOBAIRE AIGUË. — tbimuaisobs.
sur ce point un peu exagérée dans le sens pessimiste et qu'an certain
nombre d*hépatisations grises, naturellement peu étendues, fussent sucep-
tibles deguérison. Grisolle, qui sous ce rapport n'est pas suspect de t*ètre
abandonné à des illusions, dit avoir vu trois malades chez lesquels il a
diagnostique le 5" degré de la pneumonie et qui ont guéri apiÀ on lent
travail de résolution pendant lequel le souffle tubaire a fait place, sans
intermédiaire, à une crépitation humide et grasse qui a persisté phnieun
semaines. D*ailleurs, ainsi que nous allons le voir, les abcès polmonairei
peuvent guérir. Cela démontre la possibilité de la guérison d*ane hèpiti-
sation grise. La seule question est de savoirs'il faut nécessairement quelle
soit préalablement collectée; or, c*est une question accessoire.
C. Terminaison de rhépatisation grise par abcès, — Dans ce tt%,
suivant la remarque du professeur Jaccoud, il ne s'agit plus d'une simple
altération de surface : il y a destruction partielle du parenchyme pul»
naire: cnr le pus ne peut se réunir en foyer qu'après la disparitioado
cloisons. Celle-ci n'a pas lieu par suite d'un travail ulcératif, mais pintàl
par un processus nécrobroti(|UC suivi d'élimination des parties mortifiées.
Ce qui le prouve, c'est que dans les crachats, ainsi que Traube la montré,
on trouve de petits lambeaux de parenchyme", pulmonaire parfaitement
rcconnaissabics au microscope.
Très rares chez Tenfant, rares chez les jeunes gens, moins rares piaé
l'âge de 50 ans, les abcès ne se produisent jamais chez des individus aiité»
rieurement bien portants ; d'autre part si les sujets sont fort afiaiUis, ik
succombent avant que le pus soit collecté. — J'ai dôjà eu occasion de dire
que les abcès sont plus communs dans la pneumonie du sommet.
Les abcès pulmonaires — je nj parle naturellement que de ceux qui
sont consécutifs à la pneumonie fibrineuse — ofi'rent eiitie eux de grandes
différences sur le rapport du siège, de l'étendue, etc. Dans les trois qnarts
des cas, ils sont superficiels.
S'ils sont multiples, ils peuvent être forts petits. Les petites collectio»
(dequel(|ucsmillimètres de diamètre) seraient, d'après Grisolle plus oon-
munes chez le vieillard. Habituellement les abcès sont plus volumineoi
et présentent deux ou trois centimètres de surface à la coupe. On en a cité
de beaucoup plus considérables.
La cavité do Tabcès est anfractueuse, parfois sillonnée par des brides
flottant dans Tintérieur du foyer. D'autres fois, on a trouvé la surface
interne tapissée d'une fausse membrane grisâtre qui, si l'on en juge pr
quelques observations, pourrait se produire en peu de jours. Beaucoup pitf
rarement on a constaté une mortiiication des parois de l'abcès, qui soit
formées par un détritus noir ou brun, exhalant Todeur propre à la gifi-
grène pulmonaire.
La nature du pus varie. Dans la moitié des cas on a signalé quek
pus était blanc, épais, inodore ; on le trouve aussi gris rougeàtre et fétiè;
parfois un des lambeaux ou même une masse volumineuse, fragment di
parenchyme pulmonaire mortifié, ont été rencontrés dans le cooten
^^* la caverne.
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — TBamiiAisoNs. 469
La symptomatologie de l'abcès pulmonaire est obscure; il ne faut
mnpter sur aucun signe physique tant que son contenu n'est pas en
Aire communication avec une branche d'un certain calibre. Alors, il y a
ieox ordres de signes : 1" les signes stéthoscopiques qui prouvent l'exis-
mée d'âne cavité (souffle caverneux et gargouillement) ; 2^ les signes bien
mlnment précis tirés du caractère de l'expectoration, à savoir l'apparition
ifas on moins brusque d'une quantité plus abondante de pus et surtout
"aamen microscopique de ce pus dans lequel on rencontre des lambeaux
lé tiira pulmonaire (Traube).
Quant aux signes généraux, ils sont fort équivoques : il ne faut pas
tnp compter sur les frissons, sur l'exacerbation de la fièvre, ceUe-ci peut
ilAna manquer.
'Malgré sa gravité, cette terminaison n'est pas fatalement mortelle : on
iite un assez grand nombre de cas de guérison ; mais je n'ai pas à traiter ici
itf mode suivant lequel elle peut survenir (résorption, ouverture dans les
lÉtniches, dans la plèvre ou au dehors, dans le péricarde etc. Voy. :
Éiicle Poumon (abcès) .
5* Gaisgrène. — C'est une suite tellement insolite de la pneumonie
lirevise, qu'on a même nié quelle en fût une tei^minaison dans le
lèna propre du mot. Pour moi, je serais assez de cet avis et la consi-
lérerais plutôt comme un accident ou une complication : c'est pour me
BDoformcr à l'usage que j'en parle ici.
' 'Dans l'Inde, sur la côte de Coromandel, sur celle de Malabar, la gan-
{îrèile est une suite commune de la pneumonie, mais de quelle pneumonie
ragil^il?
' Les pneumonies du lobe supérieur, celles qui surviennent chez les
friîridus à constitution détériorée y seraient prédisposées, (IIuss) ; mais
Mte dernière opinion n'est pas généralement partagée. Bien plus impor-
antes que ces causes prédisposantes, à supposer même qu'elles soient
telles, sont les causes accidentelles inconnues.
La gangrène consécutive à la pneumonie est chez nous si rare que
rrisoUe, sur plus de douze cents pneumonies qu'il aurait observées (!),
irélend ne l'avoir jamais rencontrée. Cependant Andral en a cité trois
as; Monneretun, terminé par pneumothorax (ilrcAive^, 1851) etBéhier
n rapporte deux dans sa Clinique.
La gangrène serait-elle plus commune en Angleterre? on serait tenté
B le croire si l'on se fiait au dire de Hughes qui sur 200 autopsies
la pneumoniques aurait trouvé 28 cas de gangrène. De ce résultat un peu
ixprenant il faut au moins retenir que plusieiurs de ces cas sont sur-
sniis pendant une épidémie de grippe, (six notamment en une seule
emaine: Guys Hospit, Reports, 1848.)
En dehors de toute influence épidémique, le professeur Leyden tient
nasi pour réelle la terminaison de la pneumonie par gangrène ; tDut récem-
Bent il vient d'en publier une nouvelle observation (Berl. kl. Wochens.
1879 n* 20j il s'agit d'un homme de quarante-sept ans entré à l'hôpital
lu cinquième jour d'une pneumonie caractérisée par un point de côté,
470 PNEUMONIE LOBAIRE AIGLE. — TniinAua».
des râles sous-crépitants à fines bulles ; les jours suivants rhéptUation
envahit presque tout le poumon gauche, expectoration rouillée cindcris-
tique. Du sixième au septième jour la fièvre commença à tomber, mais
sans crise régulière ; les jours suivants elle eut des retours, accompagnés
d'expectoration rouillée et le malade s^afTaiblit de plus en plus, fti trei-
zième au quatorzième jour, apyréxie, coUapsus; puis rexpectorMioo prend
une couleur de chocolat sale ; au quinzième jour on trouve dinles cra-
chats de petits débris de parenchyme pulmonaire ; leur odeur deiint fé-
tide; la température remonte à 40^, retombe et remonte : mort an nngt.
troisième jour. A Tautopsie le lobe supérieur du poumon était atteint de
gangrène diffuse dans toute son étendue ; dans le lobe inférieur en état
d'hépatisation grise il j avait des points présentant une coloration janne
et évidemment motifiés, mais non véritablement atteints de gangrène:
c'en était probablement le premier stade.
Naturellement je renvoie, pour Tanatomie pathologique, à l'artide
POUMON (gangrène). Je rappellerai seulement ici que la gangrène qui, daos
nos pays, se rcncon tre à la suite d*une pneumonie est le plus souvent
circonscrite.
Les symptômes du développement de la gangrène sont fort insidieux. Ce
n*est que lorsqu'elle est bien déclarée qu'ils peuvent donner la certitude.
L'odeur de l'haleine et de l'expectoration, au contraire, qui est presque
pathognomoniquc, est de beaucoup le principal signe. Les crachalssoot
de couleur variable : jamais ils ne sont constitués par du sang pu: ils
sont gris pâle, brun ou vcnlàtre (sans matières colorant de U bile).
Traubc a surtout insisté sur celte dernière espèce de crachats dont la
coloration tient peut-être à la présence du parasite découvert par Comilet
dont il a été question plus haut.
Les signes stéthocospiques sont peu importants, parce qu'en général
les malades succombent avant qu'une excavation se soit produite. Quant
aux symptômes généraux ce sont ceux de la gangrène : la face est altérée,
les joues sont prostrées, le pouls fréquent, déprcssible, il y a une diarrhée
fétide, colliquativc. D'après Grisolle ces symptômes ne se rencontrent que
lorsque Taltération occupe une assez grande étendue du poumon.
U^nut ù la terminaison de la pneumonie fibrineuse par caséification,
on sait quelle a été, dans ces dernières années, fort discutée. C'est une
question qui n'est peut-être pas entièrement tranchée. Le fait que cer-
taines pneumonies peuvent se résoudre incomplètement et laisser un \\\A
caséeux n'est pas niable et je renvoie à l'observation 1'* de ma thèse d'a-
grégation (De la pneumonie caséeuse^ p. 24) qui en offre un exemple. Ce
qui est seulement discutable, c'est la nature de la pneumonie susceptible
d'une telle terminaison. D'après Buhl, elle ressortirait nécessairement i
sa pneumonie desquamalive. A cela je n'ai rien à dire, sinon que difli*
quement rien ne le prouve; c'est une question à débattre entre les liistob-
gistcs. Or non-seulement il n'y a pas unanimité entre eux, mais fopinioa
de Buhl ne me parait pas réunir la majorité des suffrages. Je renvoie à ce
sujet à un travail récent du docteur Lévy (Arch. fur Heilkunde, 1877),qui
PNEUMONIE LOB AIRE AIGUË. — complications. 471
MMilientque toute pneumonie, dans certaines circonstances, peut devenir
^aséeuse.
Rechute. — Thomas désigne sous le nom de récidive « une nouvelle
pneumonie commençant avant que la première ait atteint la fin de sa réso-
lation normale. y> C'est ce que nous appelons rediule; aussi, pour ne pas
ialroduire de confusion dans notrelangage habituel j'emploierai seulement
Bette dernière dénomination. Pour que Ton puisse admettre qu'il y a
réellement rechute et non simple aggravation d'une pneumonie, il faut
]ue la défervesccnce se soit faite depuis un laps de temps tel qu'on puisse
sxclure à coup sur une pseudo-crise; il faut de plus que les signes d'ans-
sultaiion prouvent que la résolution avait réellement commencé ; autre-
nenl, on a affaire à une de ces pneumonies qui accomplissent leur évolu-
ion en plusieurs actes.
Binz a publié le cas d'un enfant de 3 ans qui eut ; dans l'espace de
14 jours, deux pneumonies du lobe inférieur droit. Mais je ne connais pas
l'une manière suffisante les détails de ce fait. — Jurgenseu (2^ Aufl.,
I. i54) a rapporté le cas suivant :
Uomme de 59 ans ; pneumonie de la base droite. Malgré une tempé-
rature de 41°, il supporte bien sa maladie ; crise au 7*^ jour ; chute delà
mnpérature à 38%5. Pendant les cinq jours suivants, il y a encore un peu
le fièvre et la résolution ne se fait que d'une manière fort incomplète.
lu i 2* jour, (à partir du début), nouveau frisson ; température à 40^,9.
Localement rien d'appréciable à Tauscultation ; mais l'expectoration qui
itaît muco-purulenle depuis le 7^ jour, redevient visqueuse et colorée.
Entre ia 40' et la 60^ heure à partir du nouveau frisson, la température
retooibe à 37^
Friedleben,\Vittich, llenoch et Tordœus ont aussi rapporté des obser-
ratioos de prétendue rechute. Mais le professeur Thomas croit qu'il s'agis-
ndt de nouvelles pneumonies, cequenousappellerionsreadit;^^. Dans les
casd'Henoch et de Wittichune autre partie de poumon fut prise le 2" jour.
ftana celui de Tordœus, c'a été deux fois la même. Quant aux récidives.
l'eu ai dit quelque mots au chapitre 'de l'étiologie.
Maladies colnsécutives. — Sauf la pneumonie elle-même, je ne vois pas
ie maladies qu'un pneumonique convalescent ou guéri soit spécialement
prédisposé à contracter. Mais il est certain qu'il garde, pendant plusieurs
mois, une disposition aux récidives.
J*ai vu récemment un cas de thrombose de la fémorale pendant la
couYalescence d'une pneumonie fibrineuse. Ledien a cité un cas de throm-
bwe de la veine porte. On a cité des exemples de noma chez l'enfant
[peut-être en partie à cause du traitement mercuriel). On a aussi rap-
p^^rté certains cas de paralysie infantile à une pneumonie antérieure.
Beaucoup de maladies du système nerveux central peuvent sans doute
«foir la même cause occasionnelle. L'ébranlement qu'une maladie aussi
gra^e cause à l'organisme l'explique amplement.
Complications. — La formation d'abcès , le développement d'une
gangrène, peuvent être considérés non-seulement comme une terminaison.
Al 2 PNEUMONIE LOB AIRE AIGUË. — cospucATion.
mais aussi, à la rigueur, comme une complication de la pneumoDÎe. Ibis
ce ne sont pas les seules, ce ne sont même pas les plus fréquentes.
CoMPLicATioMs THORACiQUES. — Pleuvësie. — Nous avons vu, au duptre
de Tanatomie pathologique, que Thopatisation de la surface du poumon
s'accompagne nécessairement de la production d'une fausse nMmbmie
molle qui peut sécréter (]uelques cuillerées d'un liquide séro-pamleot.
Ce n'est pas là ce qu'on doit appeler en clinique une pleuro-pneunoDie.
Pour qu'on dise que la pneumonie est compliqua dune plenrèiie, il
faut que l'cpanchement soit assez considérable pour modifier les ijm-
ptômcs de la maladie principale.
D'après tous les auteurs, la pleurésie, entendue comme nous venons
de le faire, c'est-à-dire ayant causé un épanchement notable, est, de tonte
les complications de la pneumonie, la plus commune; mais les statis-
tiques varient sur le chiffre de sa fréquence. Fismer (à Bâie) la porte i
15 pour 100, tandis que la plupart des autres donnent un chiffre moim
élevé. Grisolle se rapproche d'ailleurs singulièrement de Fismer, car,
dit-il, a sur 247 malades, 51 ont offert j^enJait/ /a vie les signes évidents
d'un épanchement plus ou moins considérable... En général, la quantité
de liquide était en raison inverse de la pneumonie et du degré anqnd
celle-ci était parvenue ; je n'ai trouvé qu'une exception : c'était dans no
cas où tout le poumon droit était envahi ; les lobes supérieurs et moyens
étaient frappés d'hépatisation rouge et grise, tandis que le lobe inEnienr
ne présentait que de l'engouement et un commencement d'indnntion
ronge ; et cependant, malgré une lésion si étendue et si profonde du
parenchyme pulmonaire, il s'était formé dans la plèvre un épanchement
de 4 à 500 gr. environ. Dans les pneumonies qui occupent l'organe en
totalité ou dans sa plus grande étendue, surtout si la phlcgrnasie, ayant
d'abord envahi le centre du poumon, s'étend ensuite à la périphérie, on
voit que répanchement est presque toujours peu considérable et qu'il
n'est, en général, formé que de fausses membranes. »
D'après le même auteur, l'cpanchement occuperait toujours 'la partie
déclive de la cavité pleurale. Cette assertion me parait trop absolue ; car,
quelques observations, entre autres une de Woillez, la contredisent for-
mellement. Dans le cas rapporté par ce dernier, il y avait une pleurésie
purulente partielle circonscrite par des adhérences en avant, en haut et
à droite; le lobe supérieur du poumon droit était hépatisé etc. (Traité
des maladies aiguës des voies respiratoires ^ p. 238).
Dans le quart des cas de pleuro-pneumonie observés par Grisolle,
répanchement et la pneumonie occupaient des parties de la poitrine
éloignées l'une de l'autre, la pneumonie siégeant au sommet ou à b
partie moyenne. F^es symptômes propres à chacune des maladies se mon-
trent alors, dit-il, dans leur étendue respective, et leur diagnostic ne
présente aucune dilTiculté. Je ne saurais, pour ma part, souscrire à cette
dernière proposition, car, ainsi que nous l'avons vu, l'abolition des vibra-
tions thoraciques, l'absence de bronchophonie et du murmure respiratoire
' se rencontrer dans la pneumonie exempte de tout épanchement;
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — cohplications. 473
le telle sorte que si, chez un malade présentant au sommet les signes com-
plets de la pneumonie, on trouve à la base de la matité, du silence respi-
atoire et l'abolition des vibrations thoraciques, on n'est pas en droit
Taffirmer par cela seul l'existence d'une pleurésie à la base, à Texcep-
ion d'une hépatisation pseudo-pleurétiquc. Il n'y a, selon moi, que les
igÊÈPts suivants qui, en pareil cas, si on les rencontre, permettront d'af-
irmer l'existence d'un épanchement ; ce sont :
1* L'égophonie quand elle bien caractérisée; 2*^ le déplacement des
irganes, du cœur notamment si l'épanchement siège à gauche ; S"* les mo-
lificalions apportées aux signes physiques par les changements de position
lu malade. En Tabsence de ces signes, qui témoignent d'une manière
H^itive en faveur de l'épanchement, il faut savoir rester sur la réserve.
Lorsque la pneumonie et l'épanchement siègent tous deux à la base,
les phénomènes d'auscultation peuvent être modifiés de deux manié-
es différenles : ou bien les bruits respiratoires sont très affaiblis et on
te perçoit de la crépitation et du soufQe tubaire qu'en faisant tousser ou
espirer très fortement le malade, ou bien l'épanchement renforce les
mils bronchiques et leur donne un timbre amphorique. Cette dernière
lodiGcation peut induire en erreur et faire croire à la production d'une
KCSYStion ; on l'évitera cependant en tenant compte des vibrations, qui
ont nécessairement diminuées tandis qu'elles seraient plutôt exagérées
ans le cas d'excavation véritable. — Quant au premier cas, celui où les
mits sont affaiblis, il peut aussi être fort embarrassant. Mais la coexis-
mce d'un épanchement sera prouvée si l'on a l'un des trois signes que
ri précédemment indiqués. Grisolle cite des cas de ce genre où il a fait
esser toute incertitude en faisant incliner les malades sur le côté sain
D mieux q en les plaçant à quatre pattes » afin de forcer l'épanchement
s'élaler sur une plus large surface.
Tantôt l'épanchement disparaît de bonne heure et semble n'être qu'un
piphénomène, tantôt il reste plus ou moins stationnaire et ne diminue
ue lorsque la résolution de la pneumonie est plus ou moins avancée,
ini&t enGn il survit à la pneumonie , devient purulent et nécessite uile
ntervention particulière. Woillcz qui a appelé l'attention sur ces derniers
lits et leur consacre un chapitre de son ouvrage les désigne sous le
om de pneumo-pleurésie.
Nous n'avons pas à nous occuper de la première catégorie, puisque, vu
m peu de durée, la pleurésie ne peut évidemment exercer sur la pneu-
lonîe une influence fâcheuse. Bien plus, d'après Laennec, son action
)rait même favorable : la compression exercée sur le poumon devant,
it-il, modérer l'orgasme inflammatoire et empêcher le passage de la
neumonic au troisième degré. Grisolle contredit assez vivement Laennec
cet égard. Quant aux pleurésies de la deuxième catégorie, celles qui
ersistent après le commencement de la résolution, elles exercent d'après
aennec une influence fâcheuse sur cette deniière: il dit avoir observé la
«rsistance d'un certain degré d'induration du parenchyme après plus de
leux mois. Mais, ainsi que nous l'avons vu plus haut, il y a des pneumo-
474 PNEUMONIE LOBAFRE AIGUË. — coiiPLiCATioirs.
nies dégagées de toutes complications d'épanchement qui sont très-lentes
à se résoudre, de sorte que l'affirmation de Laennec me semble avoir
besoin d'être étayée par de ncuvelles preuves.
Les pneumO'pleurésies, pour employer la terminologie de ^VoiIkz.
se distinguent, en général, par leur gravité, parce que répanchement est
purulent, au moins dans le plus grand nombre des cas. On trouve dans h
littérature quelques faits de ce genre et j*en ai aussi observé.
Bronchite^ Congestion pulmonaire. — J*ai traité plus haut de la
pneumonie qui survient chez un malade atteint préalablement de bron-
chite; il me faudrait ici parler de la bronchite consécutive à une pneu-
monie ; mais le cas est si rai'e que je ne possède pas les Tnatfriwai raffi-
sants pour en parler. , .
Quanta la congestion pulmonaireenvisagée comme compliea|MQ, c'est,
ainsi que je Tai déjà dit, la cause probable de la mort dans wi ceriaio
nombre d*hépatisations rouges. Relativement aux signes par kM|HJbellc
se révèle, soit dans les parties non hépatisées du poumon maladey(|Nl dans
le poumon sain, je ne crois pouvoir mieux faire que de roivufiîi Tar-
liclc de Woillez, (Traité cité p. 221 et suivantes).
Appaiieil ciRcuLATomE. — PMcardUe. — Bouillaud la croit KOpHiune
dans la pneumonie grave. Grisolle conteste cette assertion. ItiLibiU à
Vienne, dans une statistique portant sur près de 6,000 pnennapili* on
no l'a notée qu'une fois sur 200. A Stockholm, sur près do 3,000. fiHiiio-
nies, elle a été près de deux fois plus fréquente qu'à Vienne. A ||l||f clic
a été beaucoup plus commune* car elle y a été observée près .4M '''^'^
sur 100. Je suis porté à croire qu'elle est moins rare que ne rinApent
les deux premières statistiques, car n'étant pas facile à reoonni|be sur
le vivant, elle doit passer souvent inaperçue.
Il importe de distinguer les péricardites assez accentuées ponr .donner
lieu à dos symptômes et constituer une complication de celles qui ne
s'accompagut'nt pas d'épanchement et ne sont par conséquent qn'on in-
cident de peu d'importance pendant révolution de la pneumonie. Je ne
dirai rien des dernières. Quant aux premières, véritable compUcilioa,
et dos plus graves, elles agissent en mettant obstacle a l'activité cardiaque.
Leur effet le plus facilement appréciable est rabaissement de la ten^péri-
ture du malade. Naturellement le pouls devient faible et petit; man j'in-
siste surtout sur l'abaissement de la température, car n'étant pas um*
conséquence aussi directe de l'affaiblissement du cœur que la fiaiblessc du
pouls, on est a priori moins disposé, si l'on n'est pas prévenu, à lui attri-
buer sa véritable signilication. Voici un exemple de péricardite avec
abaissement de la température, je l'emprunte à Lorain (ouv. cil, p. 408-
411). Il s'agit d'un jeune homme de 17 ans atteint de plcuro-pueunionie.
dont la température, après une élévation assez forte au début, subit, cinq
jours après l'entrée du malade à l'hôpital, et 13 jours après les premieK
symptômes en même temps qu'on percevait desJrotteraents pcricardique^,
un abaissement considérable et se maintint dès loi*s constamment à ôi'S.
sauf le- dernier jour que la température remonta d'un degré. Le pouk
PMUUONIE LOB.URE AIGUË. — complicxtiohs.
475
régulier reste pendant ce temps entre 80 et 90*. sauf le dernier jour où i)
ranoDle brusquement à 1 00°. Le péricarde, à l'autopsie, renfermait 600 gr.
de liquide sanguinolent.
Sauf dans le cas où existe, en même temps que la pneumonie, une
plenrésie qui se propage au péricarde — tout récemment le docteur Colrat
m'a montré ptutiieurs cas de cette propagation — , les rapport» de la péri-
cardite avec la pneumonie ne sont pas toujours trcs-facilcs à expliquer:
ll»»EMiai«1M11
HUM
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'■■H!
iBb
[BbI
quelquefois le rhumatisme parait être leur lien étiologique commun.
Dans la pneumonie des buveurs et des CrightiqUes. la péricarditc c^t
aussi plus commune.
Endocardite. — Elle est beaucoup plus rare que la péricardite. ù moins
que l'on considère les soufOes passagers qu'on rencontre si fréquemment
an cœur pendant le cours d'une pneumonie, comme symplomatiques do
cette complication, ce que, depuis les travaux du professeur Putain, l'on
ne peut admettre.
476 PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — complications.
Les embolies qui surviennent parfois dans le cours de la pneumonie ne
sont pas une preuve pcremptoire de Texistence d'une endocardite; caries
coagulations peuvent s'être faites dans les veines pulmonaires* ainsi que
j*en ai vu trois exemples dont l'un a été cité à propos de VAnatomiepa-
thologique : h la vérité, elles sont plus rares, je croîs, que les concrétions
intra- cardiaques.
Concrétions sanguines. — Si elles siègent dans le cœur, elles peuvent
géncr plus ou moins la circulation. Si elles sont projetées dans les artères,
elles causent des infarctus^ complication d'ailleurs rare, sauf dans les
relevés de Thôpital de Bâle.
Insuffisance cardiaque (asystolie) avec ou sans altération du myo-
carde. — J'ai déjà dit un mot de la complication dont je yeux parler ici
en parlant de la péricardite. C'est en effet le propre de cette maladie,
lorsqu'elle atteint une certaine intensité, d'altérer plus ou moins grave,
ment les fonctions du cœur. Ce que fait la péricardite, la fièvre seule
peut parfois le réaliser : on sait que dans les fièvres graves il se déve-
loppe une altération du myocarde. Théoriquement, on eût donc pu
supposer que dans les pneumonies graves se terminant par suppuration,
où la Sèvre dure plus d'un septénaire, il se produit aussi une dégéné-
rescence aiguë du moycarde; mais nous avons vu, au chapitre de i'ana-
tomie pathologique, que les faits ne confirment pas cette supposition et
qu'il est extrêmement rare de trouver, i l'autopsie d'une pneumonie, une
altération quelconque récente du myocarde. L'insuffisance cardiaque dont
je vais parler ici résulte des circonstances particulières où se trouve le
cœur, par s'.iite de Taffection pulmonaire, du travail exagéré qu'il est
obligé d'effectuer; elle peut se développer d'une manière aiguë dans un
cœur prédisposé, alors même que le myocaixie est paîfaitement sain;
mais naturellement elle survient plus facilement encore dans un cœur
préalablement altéré soit par suite de la sénilité, soit par une inOucnce hé-
réditaire. Il est des pays, notamment Tubingue, où cette dernière circon-
stance se rencontre communément : de là vient que le professeur Jur-
gensen a tant insisté sur cette complication et la considère comme h
cause principale de la mort chez les pneumoniques.
A priori on ne voit pas que le ventricule gauche soit particulièrensenl
affecté par le fait de la pneumonie. Il doit se trouver dans les mêmes
conditions que dans toute fièvre. Il n'en est pas de nicnic du ventricule,
droit ; car une quantité de sang tout à fait insolite est accumulce dans
les poumons; il doit donc développer plus de force, et ce qui prouve que
la circulation pulmonaire se fait moins facilement qu*à l'état normal, c'est
qu'on a observé parfois pendant la vie, la dilatation du cœur droit, et ce
qui est d'une constatation plus facile, la réplétion exagérée des veines
du cou. On pourrait, au pïemier abord, s'en étonner en songeant que,
d'après les expériences de Liclitheim, les voies de communication à
travei's le poumon sont d'un calibre surabondant, puisqu'il a pu obstruer
les trois quarts des branches artérielles pulmonaires sans amener de
troubles dans la tension artérielle générale. Mais je ferai remarquer
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — cûmplicatioks» 477
que les expériences de cet auteur ont été faites seulement chez le chien,
animal disposé pour la course et chez lequel, par conséquent, la circula-
tion pulmonaire doit disposer de voies très-larges. Rien ne prouve qu'il
en soit absolument de même chez Thomme.
Chez Tcufant, le cœur droit a une musculature relativement beaucoup
plus puissante que chez Tadulte. Il résulte en effet des recherches bien
connues de Bizot que la musculature à la base des ventricules gauche
et droit chez les enfants de 1 à 4 ans a une épaisseur moyenne de 6,5
et de 6,2 millimètres; c'est-à-dire qu'elle est à peu près la même,
tandift que, comme on sait, elle diffère du simple au double chez Ta-
duite. L'enfant, toutes choses égales, serait donc moins exposé à i'insuRi-
sance du cœur droit. Cette particularité, pour le professeur Thomas,
expliquerait en partie la léthalité moindre de la pneumonie lobairc dans
le jeune âge.
Je n*ai pas besoin, je pense, de rappeler longuement à quels signes
on reconnail Tasystolie : la petitesse et l'irrégularité du pouls, rabaisse-
ment de la température centrale et périphérique, la cyanose, la dilatation
des veines jugulaires, etc.
Outre la petitesse du pouls et son irrégularité, Bardcnhcwer, assistant
de Rie^el, dit avoir, dans quelques cas, observé un caractère sphygmo-
graphique fort rare dans les états fébriles, à savoir un pouls monocrote.
lîorain Ta signalé dans la variole. Dans ce cas le monocrotisme était
le résultat d'une accélération extrême du cœur ; les pulsations artérielles
se succédaient si rapidement qu'il y en avait une nouvelle avant que le
dicrotisme de la pi'écédcnte eût eu le temps de se produire. Au contraire
dans le cas de Bardeiihcwer, il n'est pas dit que le cœur fût accéléré ;
c'était une pneumonie à dérervescence tardive ; la faiblesse du cœur était
extrême; telle est selon lui la cause du phénomène qu'il a observé (£er/.
kL Wochenschrifl 1875). D'après M. Gahibin, chez un sujet ayant dé-
passé la jeunesse, l'absence de dicrotisme pourrait tenir non à l'état du
cœur, mais à la dégénérescence du système artériel. J'ai déjà mentionné
plus haut l'abaissement nécessaire de la température centrale dans les
cas d*iusuflisancc cardiaque. Je n'y reviens pas. Quant au diagnostic sur
le vivant de la dilatation des cavités droites du cœur, au moyen de la
percussion, on ne saurait être trop réservé avant de Taitirmer.
Complications cérébrales. — Délire. — Méningite. De toutes les com-
plications cérébrales, le délire est la plus commune. D'après Grisolle il se
rencontre une fois sur deux ; d'après Louis et Andral, une fois sur cinq,
proportion qui dépasse de beaucoup ce que j'ai moi-même observé. Très-
rare chez les jeunes sujets, il est assez fréquent chez les hommes dans un
âge un peu avancé, mais non chez les femmes, ce qui montre l'influence
de l'alcoolisme qui est, dit-on, avéré chez le tiers des délirante).
Le délire peut consister seulement en un peu de divagation le soir ;
mais le plus souvent les malades sont véritablement agités et veulent se
lever. A un degré de plus, ils crient et repoussent les personnes qui les
entourent; enUn le délire peut présenter tous les caractères symptoma-
478
PNEUMOME LOBAIRE AIGUË -
C0VPLIUTIO:i!t.
tiques du vérïlabte deltrium Iremens ; mais cola est fort fsre ea mire
pays.
C'est qu'en effet — Grisolle le remarque fort justement — tous m
délii'es i|ui éclatent chez des sujets ayant abuse de l'alcool ne sont pu
des deliriuni tremcns ; chex la plupart d'cnU-e eux l'intoxication ffcoo-
liquc n*agit qu'à titre de cause prédisposante, et le délire n'a rien de
spécifique.
On sait d'itilteurs qu'il y a bien d'autres formes de délire alcoolîqK
que le dulirium Irenieiis. Je renvoie, à cet égard, A l'intéressaotniéDoiR
publié en 18t)9dans ictArdmn
de médecine par le professenr
Lasè^ue.
Chez un alcoolique confirmé,
une pneumonie provoque presque
fatalement du délire, mata il cil
non moins exact de dire qM <t
dernier à son tour influence li
marche de la pneumonie, fia-
rais pu, à propoi: des forma de
~t pneumonie, consacrer uu pi-
ra^^raphc spécial à l<i marche de
la maladie chez les alcooliques:
il m'a paru mieux à sa place ki.
puisque c'est une coniplicitioii,
le délire, qui domine la scène.
Une particularité imiHHlaiile
de ces pneumunies, c'est la faible
élévation de la température. Rien
n'est commun comiiio de voir
chez u:i alcoolique délirant la
pneumonie n'élever la tempéra-
ture que d'uu degi*c ou un dej^é
: et demi, nlors mrmt; que le pout.'
' est très-fréquent. Lorainavaitd^i
remarqué la discordance en pa-
reil cas du ]>ouls et de U tem-
[léralure et il croyail, si je ne me trompe, que le délire était une cause
d'abaissement du la température, ou plutôt qu'il y avait une surte d'équi-
valence entre te délire et lu production de chaleur.
Une autre particularité de ces pneumonies, c'est la tendance quVIIes
ont à se lermidcr par suppuration.
Unu troisième particularité, mais non constante, c'est l'irrégularilé dr
leur marche, oscillanLu comme le délire lui-même, dont l'intensité, d'uni-
manière générale, au^menti: parallèlement au\ poussées de la pneumonie.
Le délire dans la pneumonie, d'origine alcoolique ou non, survient dan*
l'acmé, quelquefois dès le début; s'il a une grande intensité, il dure
jiui|ii*i IWpululloi
PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — compucàtioiis. 479
rarement plus de quatre ou cinq jours ; au bout de ce temps, il est rem-
placé par le retour au moins partiel de rintelligencc, ou par le coma, pré-
sage d'une terminaison fatale.
A Fautopsie, Grisolle dit n^avoir pas trouvé de lésion appréciable dans
les deux tiers des cas (comprenant la presque totalité des alcooliques,)
maïs chez un tiers il a constaté les caractères d'une méningite purulente
de la convexité. — Comme presque toujours la pneumonie est déjà
i une période avancée quand se développe la méningite, le professeur
Hugenin suppose qu'elle peut être le résultat de petits caillots emboli-
qves purulents nés dans les veines pulmonaires. Mais si cette pathogénie
était commune, il devrait coexister souvent des abcès dans d'autres
organes, car il est impossible d'admettre que les méninges aient le pri-
vilège de recevoir des embolies. Or, je ne sache pas qu'il en soit ainsi.
En fait, la patliogénie de la méningite cérébrale ainsi que celle de la
méningite cérébro-spinale sporadique que je mentionne plus bas, est fort
obscure.
Estril possible, chez un pneumonique délirant, de diagnostiquer celte
complication, en d'autres termes de reconnaître qu'il ne s'agit pas d'un
délire sans lésions ? Les signes tirés de la température sont ici de peu de
valeur. Il faut se baser sur les symptômes propres de la méningite,
notamment sur la raideur du cou qui a été signalée dans plusieurs obser-
vations récentes, (obs. 1 2 et 3 de Barth et Poulin et obs. de Savart.) Le
caractère du pouls, les troubles pupillaires, la complication possible
d'aphasie, (obs. 1 de Barth et Poulin,) constitueront aussi de très-fortes
présomptions en faveur d'une méningite.
Parfois la méningite purulente développée dans le cours de la pneu-
monie s'accompagne d'hémiplégie comme peut le faire toute méningite.
J*en ai observé un cas. Le cerveau coupé en tranches très-fines m'a paru
toat à fait sain. Je trouve aussi dans la Lancet^ relaté brièvement, un cas
de pneumonie avec hémiplégie, observé dans le service du professeur
Jaoeond. A l'autopsie, on a constaté une pleurésie purulente et une
méningite purulente (6 juin 1878).
La pneumonie se complique de méningite cérébro-spinale suppurée
tantôt pendant le rogne d'un épidémie de méningite — l'on a expliqué
Tassociation des deux maladies en disant que les pneumoniques opposent
moins de résistance à l'inrection — tantôt indépendamment de toute épi-
démie ; c'est alors à une méningite cérébro-spinale sporadique que l'on
I affaire. Oudin en a récemment publié une observation inléressante.
Accidents cérébraux de la pneumonie chez l'enfant. — Ils revêtent
ieux formes particulières bien décrites par Rilliet et Barthez sous le
nom de pneumonie cérébrale y l'une éclamptique^ l'autre méningée
(comateuse ou délirante) . La première est spéciale aux tout jeunes
enfants, surtout à ceux qui ont une dentition laborieuse; la seconde se
voit de 2 à 5 ans (la pneumonie déhrante, au-dessus de cinq ans). C'est
presque toujours dans la pneumonie du sommet que Ton observe les
symptômes convulsifs ou comateux.
480 PiNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — cohpligâtiom.
A. Forme éclampiique. — Les convulsioQS accompagnées ou pRcédées
d'une rapide élévalion de la température marquent souvent le débat ;
tantôt elles sont épileptiformes, tantôt partielles, et dans ce cas elles nr-
Tiennent plus fréquemment dans le courant de la journée.
B. Dans la forme méningée, Tassoupissement, le délire, la céphalalgie,
les vomissements et même la constipation peuvent se rencontrer eiueiuble,
complexus d'autant plus trompeur que parfois l'œil est affecté it itra-
bismc. Cependant Rilliet et Barthez remarquent que la somnolence a'est
jamais aussi caractérisée que celle des maladies encéphaliques et qu'dîe
n'est pas accompagnée de cris automatiques, de grincements de dents et
de changements fréquents de coloration de la peau du visage.
Les symptômes cérébraux, par leur intensité, effacent ceux de la pneu-
monie; mais la température, qui est plus élevée et plus constante dans ii
pneumonie que dans la méningite (Ziemsseu). Taccclération delà respi-
ration et les signes d'auscultation (au moins au bout de quelques joun)
servent au diagnostic.
La pathogénie des accidents que je viens de relater est encore mal
connue : on a supposé que les gros troncs veineux, à la base du cou, pou-
vaient être comprimés par le sommet du poumon hépatisé. CeU ne
me paraît pas soutenable. — On a aussi admis une hypérémie active; pour
certains cas, on a accusé la haute température du sang, et son état dyscn-
sique. 11 est probable qu^il s'agit souvent de symptômes réflexes. Eufia il
est des cas où l'on trouve à l'autopsie des lésions des méninges (dedème,
hémorrhagies), avec des apoplexies capillaires du cerveau ou une véri-
table méningite) . Dans ce dernier cas, les symptômes sont généralemeol
plus accusés : la céphalalgie est plus intense, ainsi que la photophobie, etc.;
il y a des paralysies sensorielles, de Topisthotonos, du trismus ; les pupilia
sont larges et inégales, et à l'examen ophthalmoscopique on trouve les
signes d'un névrite optique, etc., bref, tous les signes de la méningite
que je n'ai pas à décrire ici. Seulement il est bon de savoir, que chez les/rvi-
jeunes enîmiiSy tous ces signes peuvent manquer et qu'on peut même trouver
à Tautopsieun méningite survenue comme complication d'une pneumonie
sans qu'il y ait eu de symptômes cérébraux.
Forme apopleclique de la pneumonie des vieillards ^ coma et hémi-
plégie. — Ouelques vieillards atteints de pneumonie, après un état d ob-
nubilation des idées, ou bien d'emblée, tombent plus ou moins brusque-
ment dans un état comateux qui revêt le plus souvent l'apparence d'une
apoplexie dépendant de lésions de l'encéphale : la perte de connaiisance
est complète ; il y a quelquefois de la i*otationde la tète et delà déviation
conjuguée des yeux ; les membres, d'un côté, sont le siège d'un excès de
chaleur et pcixlent la motilité volontaire plus ou moins complètement :
au bout de quelques jours, pendant lesquels cet état apoplectique peat
offrir de grandes oscillations dans son intensité, la mort arrive, et à
l'autopsie il est possible que par l'exploration la plus minutieuse et la pbb
méthodique on ne trouve pas de lésions qui expliquent les accidenU
hémiplégiques des derniers jours; tel est le complexus symptouiatique
I
l
PNEUMONIE LCiBÂiRE AIGUË. — coxplicatiors. 481
|UJ a fixé souvent l*aUentioQ des médecins des asiles consacrés à la
ietllesse.
Oa désigne ordinairement sous ce nom d'hémiplégie pneumonique les
as dont je yiens d'esquisser le tableau, et c'est ce terme qu'à l'exemple
lu professeur Charcot j'ai cru autrefois devoir employer; mais il faut
»ien se rappeler que celte expression indique simplement que l'hé-
niplégie est survenue pendant le cours d'une pneumonie. J'ai en effet
il d'une manière fort explicite, dans ma thèse, que les hémiplégies
•oeomoniques ne constituaient pas un groupe de faits homogènes.
Un petit nombre d'entre elles résultent du ramollissement du cerveau.
*elle est la quatrième des observations que j'ai publiées dans ma thèse
naugurale; telle est encore la belle observation de mon collègue et ami
traus (Revue mensuelle 1877). Si le nombre des hémiplégies pneumo-
iqneSy dues à un ramollissement, n'est pas considérable, cela tient
raisemblablement à ce que les pneumoniques succombent avant que
'ischémie artérielle, première étape du ramollissement, ait abouti au
usoliissement lui-mcme. Diverses autres lésions peuvent encore produire
ne hémiplégie pneumonique.
Quant aux cas où Ton ne trouve rien qui rende compte de l'hémiplégie,
s ne suis pas porté à les expliquer par une action réflexe, parce que,
ans le» cas au moins qu'il m'a été donné de voir, la physionomie de
'hémiplégje n'était pas la même que daus les hémiplégies incontcstable-
HHit réflexes, d'origine pleurétique, que j'ai observées (Mém.de la Société
^hôpitaux de Paris 1876).
Macario a rapporté deux cas de pneumonie pendant la convalescence
eequelles on observa de la faiblesse musculaire et des fourmillements
yant débuté par la paume des mains et la plante des pieds. Puis survint
as paralysie du mouvement, complète dans les membres inférieurs, in-
MDplète dans les membres supérieurs. L'intelligence était intacte. Un
M malades guérit, Tautre mourut, mais l'autopsie ne fut pas faite.
GOUPUGATIOKS DU COTÉ DES ORGANES DES SENS. — EUcS Ue SOUt paS fort
npcnrtanies. — Appareil de la vision. — On a noté parfois de l'exoph-
li^mîe; probablement elle dépendait d'un méningite concomitante.
Seidel à observé chez un garçon de treize ans, au premier jour d'une
neumonie du sommet gauche, de Tamblyopie. Le malade appréciait les
Mileurs d'une manière inexacte et ne pouvait voir à une certaine distance,
es globes oculaires étaient douloureux, les pupilles étaient très-dilatées,
i |Ripille des deux côU'^s rouge et mal limitée; les veines rétiniennes étaient
À dilatées, les artères peu. Les symptômes disparurent en l'espace de
oatre à cinq semaines. Siebel père avait, comme on sait, déjà insisté
ir la dilatation par stase des veines rétiniennes.
V. Grsefe et Uenoch ont aussi noté des troubles visuels transitoires, sur-
enant surtout dans la convalescence, et les ont rapportés à une anémie
Hinienne.
Appareil de l'ouïe, — ilillier a publié un cas où existait de la surdité.
Steîner a observé chez seize enfants atteints de pneumonie du sommet
lOOV. WCT. MÉD. IT CHIR. XXVlIf — ^>1
482 PjNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — comylic^tio!».
des symptômes cérébraux graves, à savoir : vomissements, altenaUves
de somnolence et d'agitation, céphalalgie, délirv^ et perte de Gonaauwiee,
qui reconnaissaient pour cause une otite purulente. Ces symptAmes dis^-
parurent lorsque Técoulement se fît au dehors. Ces enfants, ftgét de cinq
à dix ans, n'étaient pas scrofuleux et n'avaient jamais eu de maux d*o-
reilles. Dix fois Totite était unilatérale, et surtout à droite.
L*otite passa à Tétat chronique dans la plupart des cas et abwlit à la
surdité et à la carie du rocher.
Steincr pense qu'elle a été, comme la pneumonie et au même tilre
qu'elle, TeiTet d'un refroidissement et qu'elle n'était pas soos sa dé-
pendance.
CoMPLlCilTIONS DU CÔTÉ DU TUBE DIGESTIF ET DE SES AN?(£XES. A. CoiOrHie
aigu de Vintesiin. — C'est une complication qui, sur l'adulte, ne se
rencontre guère que dans certaines locaUtés, à Breslau^ par exemple
(Leberl). On ne peut donc la mettre au compte de la pneumonie.
Chez les jeunes enfants on a vu parfois- les symptômes d'un cat«rriie
gastro-intestinal survenir dès le début d'une pneumonie. Quand les vomis-
sements, la diarrhée, la douleur de ventre, ont une grande intensité, ils
masquent les signes de la phlegmasie pulmonaire : non seulement un
catarrhe gastro-intestinal est capable de modifier la fièvre et de retarder
la défervescence, mais il peut même entraîner la mort.
Ulcérations du gros intestin. — Le docteur Bristovre est, à ma coooais-
sance, le seul qui ait insisté sur cette complication qu'il parait avoir ren-
contrée assez souvent : ce qui est assez surprenant, vu le silence des aaties
médecins anglais à ce sujet.
Bristowe se défend de la supposition qu'elles puissent être le résultat
du traitement. 11 croit même qu'elles ne sont pas secondaires à la pneu-
monie, car, dit-il, il n'y a pas de sympathies entre le poumon et legro^
intestin, — ce qui n'est d'ailleurs pas une preuve, — mais qu'elles sont
une conséquence de la même cause que la pneumonie (froid* etc.). 11 y
aurait entre celle-ci et elles la même relation qu'entre la pneumonie A
l'herpès labial, ou bien qu'entre la pneumonie est l'ictèi^e (je dois faire
remarquer que Bristowe est seul de son avis en admettant que l'ictèni»
pneumoniquc ait la même cause que la pneumonie).
J'ai rapporté ces idées, bien qu'elles soient de nature à nous élaïuier ;
j'ajouterai seuleirient qu'en France du moins on ne voit jamais de sym-
ptômes de dysenterie coexister avec la pneumonie.
Ictère. — D'après Grisolle, l'ictère à un degré plus ou moins pronoïKé
se rencontrerait dans la proportion de 7 pour 100 pneumoniques. Mais ce
chiffre ne saurait être considéré que comme exprimant la fréquence
moyenne de Tictère à Paris : ailleurs les statistiques ont fourni des résnl-
tats bien différents. Chwostek a trouvé plus de 21 pour 100 sur 147 cis:
Fismer à Bâle 28 pour 100, tandis que les statistiques de Roth, dugntnd
hôpital de Vienne et de Stockholm, les deux dernières portant sur plo$
de 8,000 pneumonies, ne fournissent pas une proportion de 1 pour IW.
La jtatistique qui se rapproche le plus de celle de Grisolle sous ce rap
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — complications. 485
port est celle du professeur Gerhardt de Wûrzburg (thèse de Schapira), qui
iodique 5, 7 pour i 00 pour Tictère vrai.
Uictère est excessivement rare chez les enfants. Il parait plus commun
dans les pneumonies du cAté droit et peut-être dans celles de la base
droite.
C'est dans les premiers jours de la pneumonie que se manifeste généra-
leroenl Tictère. La coloration jaune se montre d'abord aux conjonctives»
ou bien c'est la coloration des crachats qui révèle Tictère; ce peut être
enfin la réaction de la matière colorante de la bile dans Turine additionnée
d'MÎde nitrique qui en est la première manifestation. Puis Tictère se des-
aine les jours suivants et parfois acquiert une grande intensité. Alors
même qu'il reste modéré, il est la source d'accidents qui sont générale-
ment attribués à Tintoxication du sang par les acides biliaires et qui
•ont en première ligne des symptômes nerveux, savoir une remarquable
tendance au collapsuset du météorisme, contribuant, à cause de la gcne
•de la respiration, à la terminaison fatale.
La patbogénie de l'ictère dans la pneumonie est multiple : il peut
tenir à la propagation aux canaux biliaires d'un catarrhe du duodénum :
Si l'ictère pneumonique est à Stockholm beaucoup plus commun, cela ne
aerail-il pas dû au fait que le catarrhe gastro-duodénal, d'origine alcooli-
que, y est beaucoup plus fréquent que dans la plupart des autres grandes
nliis du continent?
D'ailleurs, il y a des résultats précis d'autopsies qui no peuvent à ce
«qel laisser de doute ; j'ai vu moi-même plusieurs fois chez des pneu-
moniques ictériques de la rougeur avec gonflement de la muqueuse du
éaodénum et de la rougeur des gros canaux biliaires. J'ai observé récem-
inent un fait remarquable sous ce rapport : la muqueuse du cholédoque et
mrtoui celle de la vésicule biliaire étaient d'un rouge vif. 11 est vrai que
je n*ai pu découvrir dans les gros conduits biliaires aucun bouchon mu-
^pieux ; mais l'étude histologique de ce cas, faite à mon instigation par
Bennet l Revue mensuelle^ 1878), a révélé un catarrhe des plus fuis ca-
fuAÎGQles biliaires. Je crois donc que, même loi*squc le catarrhe des canaux
biliaires ne semble pas fort apparent à l'autopsie, l'examen histologique
des fins canaux ne doit pas être négligé.
Mais l'obstruction des voies biliaires ne peut expliquer, tant s'en faut,
loua les cas d'ictère dans la pneumonie, d'autant plus qu'elle s'accorde-
rait mal avec un fait clinique parfois constaté, à savoir: la persistance de
là coloration normale des selles. Bouillaud a soutenu que, dans les cas
où la pneumonie occupe la base du poumon droit, Pinflammation |)eut
se propager par contiguïté de tissu à travers le diaphragme et le péritoine
jusqu'au foie. Mais cette opinion n'est étayée jusqu'ici par aucune
autopsie, bien qu'on ait beaucoup, sourtout dans ces derniers temps, re-
cherché la propagation de diverses lésions à travers le diaphragme. Si
la propagation de l'inflammation pulmonaire au péritoine était chose fré-
quente, elle aurait été sans doute explicitement signalée.
D*ailleurs, qu'on le remarque bien, cette propagation rendrait bien
484 PNEUMOME LOBAIRË AIGUË. — coicPLiCàTioHS.
compte d*une périhépatite, mais elle n'expliquerait pas facilement Tidère.
Enfin, et ce dernier argument est sans réplique, fictère est presque aussi
fréquent, dit-on, quand la pneumonie occupe le sommet, que lorsqo'dle
siège à la base droite.
Je trouve dans la thèse de Schapira une théorie qui peut être fixie en
partie, mais à laquelle il me paraît faire jouer un rôle un peu eugéré :
se fondant sur les expériences des physiologistes qui ont démontré que h
bile s'écoule sous une pression très faible, il pense que, si lacomprenioodu
foie pendant l'inspiration devient moindre qu'à l'état normal, celte di-
minution d'un des principaux facteurs de l'excrétion biliaire peut suffire
pour amener l'ictère, non qu'il y ait obstruction des voies biliaires, mais
simplement parce qu'il s'y fait une stase. Or, dit-il, le pneumonique
respire superficiellement à cause de la douleur. Je n'ai à ceci qu'une
chose à répondre, c'est que, si cette explication était exacte, Tictère ne
devrait jamais faire défaut dans la pleurésie diaphragmatique droite.
,0r, on sait que l'ictère ne figure pas parmi ses symptômes.
Murchison, tout en restant sur la réserve, semble attribuer certains cas
d*ictère à une congestion hépatique réfiexe qui aurait pour cause l'irritab-
tion du poumon. Cette action réfiexe serait la réciproque de celle que
il. le professeur Potain, qui se fonde sur des faits cliniques inconsestables,
croit exister entre le foie et l'appareil cardio-pulmonaire.
On sait que pour Bence Jones Tictère de la pneumonie serait le résultit
d'un arrêt de l'oxydation de la bile dans le sang. Murchison, qui rapporte
celte opinion et qui semble la partager, reconnaît toutefois qudle ne
saurait s'appliquer à tous les cas.
Parotidite. — Cette complication est fort rare. Sans être spéciale à b
pneumonie du vieillard, dit Grisolle, elle se rencontre surtout après
>oixante ans ; dans l'enfance et la jeunesse, elle est à peu près incoooue.
C'est souvent lorsque la maladie est déjà entrée en résolution qu'elle se
déclare. Presque jamais la parotidite n'est double ; son évolution est fort
rapide : en moins de deux jours, elle atteint le volume du poing et si
terminaison habituelle est la suppuration, rarement la gangrène. Elle est
à juste titre considérée comme une complication des plus graves et
entraînant très-souvent la mort.
Complications du coté de i/appareil raiNAïuK. — 11 ne s*agit pas id de
l'albuminurie si commune dans l'acmé de la maladie. Ce n'est que lors-
({u'ellc est persistante ou s*accompagne d'hématurie qu'on peut songer
à la complication d'une néphrite parenchymatcuse. En fait, le développe-
ment de celte dernière, comme afTeclion secondaire de la pneumonie, est
fort rare ; il n en serait plus de même, si l'on envisageait la coexistence des
deux aiTections : néphrite et pneumonie, cette dernière étant raffectioD
secondaire. Bartels a vu chez un oificier une néphrite aiguë dans le coo^^
d'une pneumonie: il y eut une hydropisie considérable et guérison en deux
mois; le docteur Giovannlen a publié trois cas, mais dont je ne connais pas
les détails.
AuTitEs COMPLICATIONS. — Ou a sigualé {'infection purulente dans le
I
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — diagnostic. 485
cours d'une pneumonie suppurée. Bœckel en a vu un cas à la clinique du
professeur Schûtzenberger, et il y en a quelques autres dans la litté-
rature.
Une pneumonie peut solliciter le retour d'accès intermitteiils chez un
sujet ayant eu antérieurement des accès de fièvre: j'en ai vu un cas cette
année, et l'observation lxxxi de la clinique de Vulpian en ofTre un
exemple.
mïiii^cMBitio. — Il comprend la solution de plusieurs questions que
j^examinerai successivement :
ExDTE-T-iL UKE PNEUMONIE? — Lo plus souvcut» il est très aisé de ré-
pondre à cette question, mais il est des circonstances où elle présente des
difficultés très sérieuses.
I. — 11 est rare qu'on soit tenté de diagnostiquer une pneumonie qui
n'existe point. Cela peut cependant arriver dans quelques cas :
A. — Le plus commun est celui où existe un des symptômes réputés
patbognomoniques et qui, en réalité, ne méritent pas la confiance que
lear accordent encore ceilains auteurs classiques. Je n'ai pas à m'arréter
id sur cette question ; je renvoie aux traités récents de séméiologie, on y
Tonra que ni les râles crépitants ni même les crachats rouilles ne sont
Traiment patbognomoniques, et que le diagnostic de la pneumonie, comme
celui de toutes les maladies, ne peut être basé que sur la réunion de plu-
sieurs symptômes. Pour la pneumonie en particulier, la coexistence de
symptômes généraux et locaux est à peu près indispensable.
Or, même dans le cas où plusieurs sont réunis, une erreur est possible
chez les jeunes enfants surtout : car cbez eux le nombre des signes de la
pneumonie est beaucoup plus restreint : par conséquent, il suffit de
86 tromper sur la signification de deux ou trois symptômes pour qu'on
tombe dans Terreur.
Par exemple, chez un jeune enfant, une péritonite a pu être prise pour
une^pneumonie, dans des cas où elle s'accompagnait de fièvre intense
a^ec respiration fréquente et douloureuse. L'erreur est venue de ces
deux derniers symptômes. On eût pu sans doute Téviter, si l'on avait tenu
daTantage compte des signes de la péritonite, du tympanisme, et de Tag-
gravation de la douleur par la pression abdominale, du refoulement du
diaphragme en haut, du decubitus du petit malade qui met les muscles
abdominaux dans le relâchement et les cuisses fléchies, de l'intégrité du
cri, la respiration étant seule gênée, enfin de l'absence des signes de la
pneumonie.
Yoici un autre cas où Terreur peut provenir de la prétendue constata-
tion de symptômes d'auscultation : qu'un enfant soit pris de fièvre,
laquelle entraine nécessairement Taccélération de la respiration, un
médecin peu familiarisé avecTétendue de la respiration bronchique qui,
comme on sait, existe normalement à la racine des bronches, et qui
s^exagère encore, si la respiration, pour une raison quelconque, est
accélérée, pourra admettre un souffle de pneumonie, surtout si, eu même
temps, il s'imagine percevoir un peu de matité : une attitude vicieuse de
486 PNtiUMONIE LOBAI[\£ ÂlGUË. — dugrostr:.
l'enfant peut en donner Fapparence -^ et il tombera dans une méprise
qui ne lui apparaîtra que par la marche ultérieure de la maladie.
Chez Tadulte et chez le vieillard, une erreur du même genre paii
aussi, bien que moins facilement, être commise ; car ce n'est pas seule-
ment chez Tenfant qu'il existe, à la racine des bronches, une zone où Ton
entend normalement de la respiration bronchique ; mais la rac|inie, à
cause de diverses circonstances, est moins facile que chez Tenfant. Pour
qu'on admette chez un adulte une pneumonie absente, il faut en géoénl
le concours de conditions particulières : il faut, par exemple, qu'un
sujet qui devient fébricitant à l'occasion de quelque rcfroidiiMinent
soit atteint d'une lésion pulmonaire chronique dont les symptômes de
percussion et d'auscultation soient capables de simuler ceux d'uoe pneu*
raonie. Encore est-il impossible que la discordance entre les phénomènes
locaux et généraux, la marche de la maladie, etc., ne redressent pas
promptemenl l'erreur.
De toutes les maladies de l'adulte, celle qui peut le mieux eu impo-
ser pour une pneumonie franche, c'est la pneumonie caséense, ce qui
n'est d'ailleurs pas étonnant, car celle-ci ne se distingue de la première
que par des nuances :
Un homme jeune prend une pneumonie du sommet : la maladie mit
son cours sans allure inquiétante ; on croit à une pneumonie franche.
Cependant la défervescence n'a pas lieu et l'évolution ultérieure praaie
qu'on avait affaire à une pneumonie caséeuse. Était-il possible ds b
soupçonner dès les premiers jours? Dans quelques cas, la chose est poisi-
ble : si le sujet a des antécédents héréditaires suspects, si, au lieu d'oo
frisson unique, il y a eu une série de petits frissons, si rcxpectoratiou
a été plus hémoploïque que ce n'est l'habitude, il y aura de fortes pré-
somptions en faveur de la pneumonie tuberculeuse. D'après Louis, il
faudrait conclure de même, si la pneumonie du sommet siégeait exclusive-
ment en avant.
IL — Il est beaucoup plus ordinaire de méconnaître une pneumonie que
d'admettre à tort son existence ; Terreur peut provenir de ce que soit les
symptômes généraux, soit les symptômes locaux, manquent ou ne sont pas
constatés. — Voyons d'abord le cas où ce sont ces derniers qui, i tortoii
à raison, paraissent faire défaut.
A. Pneumonie centrale. — Un malade est pris de fièvre, d'oppression
médiocre, mais il n'a pas de point de côté et on n'entend aucun signe
d'auscultation; c'est à peine si, dans quelques cas, on perçoit par h
percussion quelques légères différences dans la sonorité. Si les crachats
manquent, peut-on affirmer Texistence d'une pneumonie?
Evidemment cela est impossible ; et même, vu la rareté de tel» laits,
on pensera de préférence à toute autre affection fébrile, telle qu'une
fièvre éruptive, une phthisie ciguë, etc., suivant que l'âge ou quelque
épiphénomène rendra telle ou telle affection plus vraisemblable. U
lumière ne se fera que lorsque la partie superficielle du poumon 5en
envahie.
PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — oiagmostic. 4»7
Je Tiens de supposer le cas où les signes physiques locaux manquent et
où il n'existe que des symptômes généraux, lesquels permettent de soup-
çoiuier,mais non d'affirmer l'existence d'une pneumonie. Une autre éventua-
lité est celle-ci : par le fait d'une complication ou d'une maladie préexis-
lanie, les symptômes généraux trouvent une explication satisfaisante ;
l'eiploration de la poitrine est négligée ou faite d'une manière insuffi-
lanle ; on ne prend pas garde à Texpectoration : la pneumonie est
méconnue. Tel malade est envoyé dans un asile comme atteint dedelirium
iremens et qui a en outre une pneumonie. Comme ledelirium tremens
est fébrile dans les cas graves, il n'y a que les signes locaux qui peuvent
foire trouver la pneumonie. Or, l'expectoration peut passer inaperçue,
Fiuscultation et la percussion rendues fort difficiles, vu l'agitation du
malade. Il n'y a que l'oppression, si elle existe, qui puisse facile-
ment mettre sur la voie : chez un enfant, on diagnostique une méningite,
c'est une pneumonie centrale ; chez un vieillard on croit à un ramol-
lîss^nent : à l'autopsie, on trouve ou non des lésions de l'encéphale,
mais on const;^te une pneumonie.
Corament éviter des erreurs si regrettables ? En explorant avec soin
tous les points de la surface thoracique à l'aide de la percussion et de
rauscultation, et aussi en tenant compte des données thermométriques.
G*esi surtout dans le dernier cas que j'ai supposé que l'exploration ther-
jnQmétrique donnerait un résultat décisif en décelant ipso facto la pneu-
monie. Dans le second, elle serait aussi fort utile, car la méningite soit
de la base, soit de la convexité, soit cérébro-rachidienne , ne s'accompa-
f^e point de la fièvre continue de la pneumonie.
. B. Dans les cas que je viens de supposer, l'erreur provient de ce que des
symptômes surajoutés détournent, par leur gravité, l'attention de l'obser-
vateur, et comme ils rendent suffisamment compte des symptômes géné-
raux, on n'a pas la pensée de chercher d'un autre côté. Une pneumonie
peut aussi être méconnue parce que la fièvre semble manquer. Tel est le
cas pour beaucoup de pneumonies séniles; elle sera évitée, si, ne se fiant
pas aux apparences, on a recours à la thermométrie des cavités centrales.
La constatation de la fièvre met sur la voie, car la pneumonie est une
des rares affections fébriles du vieillard. Si l'emphysème ou la bronchite
masquent en partie les signes locaux, la constatation d'une fièvre intense
suffit souvent pour fixer le diagnostic.
Il est des cas de pneumonie de starvation où c'est non seulement la
température périphérique qui est basse, mais même la température cen-
traie, où la fièvre, en un mot, fait défaut, au moins à une certaine période.
J'en ai vu, celle année même, un exemple chez un individu profondé-
ment anémique. Dans ce cas, il ne reste que les symptômes locaux. Or,
en l'absence de l'expectoration, ils peuvent paraître fort équivoques.
Grisolle pense que, si l'on examine la poitrine, a on ne peut méconnaître
l'affection », affirmation téméraire et qui étonne, venant d'un clinicien
aussi expérimenté.
Le plus souvent, quand on méconnaît une pneumonie, les symptômes
488 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. ^ m*«iiomc.
généraux et plusieurs des symptômes locaux de la pneumonie ne man-
quent cependant pas, mais il est des cas où on hésite à conclure, parce
que le tableau symptomatique n'est pas complet ou présente qodipe
particularité insolite. C'est surtout ce qui a lieu quand la pneumonie ot
compliquée d'une autre affection de poitrine : d'une bronchite, d'une
pleurésie, etc. — Il est donc utile de consacrer quelques dé¥elo|i|ienient9
au diagnostic différentiel de la pneumonie d'avec tes affections quipeaTeot
la faire méconnaître.
Pleurésie. — Dans la pneumonie et dans la pleurésie, il y t de la
fièvre, un point de côté, de l'oppression et de la toux, et quelques fymp>
tomes physiques communs : de la matité au point malade, du souflleon
des bruits secs dont le lieu de production à la surface de la plèvre on i
Torigine des infundibula est souvent difficile à établir. Cette restem»
blance symptomatique rend la confusion possible dans les cas oii man*
qucnt les signes propres de chacune : l'expectointion rouillée, d*intt
part: Tcgophonie, d'autre part.
Pour se guider, on aura égard aux préceptes suivants : La fièvre de h
pneumonie débute, en général, d'une manière plus brusque ou^eomme
on Ta dit, plus solennelle, par un frisson avec claquement dedenlKet
quelquefois par un vomissement. Elle s'accompagne d'un sentimeflt de
malaise plus profond ; la température centrale est plus élevée et le»
rémissions plus rares ; les phénomènes sympathiques sont plus pronooeà.
Quant aux signes physiques, les premiers jours, une large zone tympani-
que à la base remplacée, les jours suivants, par un son de plusenpks
mat; la conservation habituelle de l'espace semi-lunaire (Traubea cepeo-
dant rapporté un fait contraire), un souffle tubaire, ayant son maximniD
dans Taisseile, sont des signes de pneumonie.
Au contraire, une zone de matité à la base surmontée d'une zone de
son tympanique, la première augmentant en hauteur les jours suîymU^
et reloulantpar son progrès la zone tympanique, est un bon caractère de
pleurésie ; plus tard : une matité complète, avec disparition de l'espace
semi-Iunairc, l'abolition de tout bruit respiratoire et l'absence de vibra-
tions Ihoraciques, l'expectoration simplement muqueuse, sont des signes
de pleurésie ; ce n'est que dans des conditions exceptionnelles (pneumo-
nie massive) que ces symptômes existent dans les pneumonies. Dans ce
cas, il n'y a, pour éviter l'erreur, indépendamment de la ponction avec le
trocarl capillaire, que les symptômes généraux et la marche de la mala-
die. Comme elle est beaucoup plus lente dans la pleurésie, il serait fort
extraordinaire que les signes physiques que je viens de rappeler existas-
sent déjà dans les premiers jours d'une pleurésie.
Dans certains cas, on a ces mêmes symptômes physiques, mais, «k
plus, des crachats rouilles; l'existence d'une pneumonie est certaine et la
question réside dans l'alternative suivante : ou bien une pleurésie abon-
dante compliquée d'un petit foyer de pneumonie, ou bien une pneumonie
sans pleurésie. En réalité, c'est le diagnostic de la pleurésie qu'il y ai
poser, non celui de la pneumonie: aussi, je renvoie à l'article Pleurésie de
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — oiagnostic. 489
ce Dictionnaire et au paragraphe complications du présent article on j'ai
déjà dit un mot du diagnostic de la pleuro-pneumonie.
ie reviens au diagnostic diiïérentiel de la pneumonie non massive et
de k pleurésie dans le cas où il n'y a pas d'expectoration et où les signes ,
génimux ne sont pas suffisamment tranchés pour qu'on puisse conclure
i la pneumonie. C'est avec la pleurésie s'accompagnant de congestion pul-
aonaire que l'erreur peut être faite. En effet, dans cette variété de pleu-
résie il n'y a pas de matité absolue, mais une submatité occupant d'un côté
les deux tiers inférieurs de la poitrine ; pas d'abolition, ni même de dimi-
nution appréciable des vibrations thoraciques dans la plus grande partie de
YespsLce correspondant à la submatité; on enlend un souffle dans une
^; grande étendue, jusqu'à la base du poumon, et souvent des râles sous-cré-
; pîtaots fins et même crépitants, symptomatiques, comme le souMe, de la
^ congestion pulmonaire. Voilà bien des signes communs avec la pieu-
Voici maintenant les caractères physiques distinctifs : la submatité sou-
^ Venise déplace, elle devient presque nulle latéralement quand on fait
"' eevcher le malade sur le côté opposé ; de plus, dans le cas de pleurésie, il
' y a toujours^ à la base, une petite zone de matité véritable — difficile à
^ distinguer de la matité hépatique, si Taffection siège à droite, mais fa-
cile àreconnaître, s'il s'agit d'une pleurésie gauche — le souffle est doux ;
il a son maximum d'intensité au niveau de la racine des bronches — il
est ipeu étendu ; par conséquent il ne peut être symptomatique d'une
imenmonie, car un souffle pneumonique si étendu aurait quelque part, en
- dehors de la racine des bronches, un caractère tubaire et métallique que
ee soufile ne présente point: de plus, en cherchant avec soin, on trouvera
toujours un peu d'égophonie vers la partie supérieure de la submatité,
. signe qui manque dans la pneumonie.
La pleurésie diaphragmatique peut aussi causer quelque embarras.
-Grisolle remarque judicieusement qu'une dyspnée extrême, une toux
Aéquente et pénible, comme on les voit dans cette maladie, ne pourraient
appartenir qu'à une pneumonie assez étendue pour se révéler par des
signes physiques fort nets. J'ai >ii cependant un cas de ce genre où le
diagnostic dut rester en suspens. Le lendemain, la pneumonie, qui
probablement était localisée à la face inférieure du lobe ioférieur, gagna
la partie postérieure et put dès lors être affirmée.
Je pourrais m' étendre davantage, mais je crois devoir pour plus de dé-
tails renvoyer à l'article Pleurésie de ce Dictionnaire.
Broncho-pneumonie. — Elle est rarement unilatérale; elle occupe de
préférence les basesetlaisseintactes les parties moyeime et surtout supérieu-
mes des poumons. Dans les cas où existe une pneumonie fibrineusc des doux
-bases avec bronchite, on se fondera, pour établir la diagnostic, sur la
xnarche de la maladie, particulièrement sur la fièvre, qui offre dans la
-broncho-pneumonie des rémissions matutinales et des exacerbations vespé-
>*^]es très prononcées. Ce n'est que dans les cas de transition que le dia-
£7iostic sera impossible, par exemple, dans un cas analogue à celui
490 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — DiiGirosnc.
dllenocli, qui dit avoir trouve de la pneumonie fibrineuseà TunedeibafKs
et de la broncho-pneumonie à l'autre.
L'expectoration dans la broncho-pneumonie n'est pas caracténsl^ne
comme dans la pneumonie. Malheureusement, ce dernier canctère peut
bien rarement être utilisé, vu l'absence de toute expectoration diez les
très jeunes enfants.
Phthisie pulmonaire. — Ce n'est pas pendant la période i'woaaé de
la pneumonie, c'est lorsqu'on voit pour la première fois le malade i^s
la défervescense, que l'erreur peut être commise. Elle Test même iski
fréquemment dans les hôpitaux, parce que souvent les malades ranici»
gnent mal sur les symptômes qu'ils ont éprouvés avant leur entrieî
l'hôpital. On sait que le lendemain de la défervescence le pneumoniqie
est fort abattu et que souvent le faciès présente quelque analogie vtt
celui qu'il offre dans les maladies chroniques. Or, si la percussion el
l'auscultation décèlent l'existence d'une induration de l'un des sommeli
et que le malade ne soit pas assez intelligent pour raconter qu'il a eu
pendant plusieurs jours une fièvre intense, on commet fort natureUemeot
la méprise de considérer cette induration comme symplomatiqoe d'aae
phthisie. L'erreur peut à la rigueur se prolonger deux ou trois jours, car
on sait que la résolution est plus lente dans la pneumonie du sommet
Cependant, si les signes de la convalescence s'établissent franchement.
alors même que l'induration persiste, on pourra reconnaître la vérité, qai
deviendra tout à fait évidente à mesure que la résolution s'accomplira.
J'ai dit, à propos de l'expectoration, qu'une hémoptysie, au débat de la
pneumonie, doit faire craindre le début d'une pneumonie caséeuse. Telle
est la règle. Mais elle n'est pas sans exceptions, comme le prouve l'obser-
vation Lxxxi do la clinique de Vulpian. Il s'agit d'un homme de 37 an»
qui cinq joui's après une chute sur le côté gauche dans un escalier, taD|b
pendant lequel il ne ressentit aucun effet de la chute, eut un frisson intense
avec point de côté à droite; le lendemain, il se mit à tousser, et le même
jour il eut une hémoptysie. Il rendit un crachoir de sang environ. A son
entrée le lendemain, on constata les signes classiques d'une pleuro-pnen-
monie. Le mois suivant le malade sortit parfaitement guéri.
Méninyite. — Il n'est pas rare que chez un enfant on méconnaisse une
pneumonie cérébrale. C'est une erreur fort regrettable, car elle entraîne
un pronostic fatal qui est démenti par l'événement. Il est donc de la plus
grande importance de rechercher avec soin s'il n'y a pas de pneoroonie
du sommet chez un enfant atteint d'accidents cérébraux. On sait que le$
signes physiques de cette pneumonie sont plus lents à paraître : il faudn
donc ne pas se contenter d^un seul examen.
Après les symptômes locaux, la température est le critérium le plw
important: les accidents cérébraux non symptomatiques de lésions méois-
gées se produisent presque toujours danslecas où la pneumonieest accoopa-
gnée d'une haute température. Or, dans la méningite, la température net
pas fort élevée: elle atteint rarement 40*" Cet, en admettant qu'elleil-
teigne ce chiffre quelques heures, elle ne s'y maintient jamais.
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — diagnostic. 491
poalsdonneaussi des renseignements utiles : le pouls de la pneumonie
tile est fréquent et régulier; dans la méningite^ il peut devenir peu
ent et il présente des irrégularités.
us celle-ci, il y a des contractures ou des paralysies de certains
les ; ces symptômes ne se rencontrent jamais parmi les accidents
faux de la pneumonie, sauf peut-être la raideur de la nuque (Da-:
hino), mais, encore une fois, les signes les plus importants sont natu-
D6nt les signes locaux de la pneumonie.
diagnostic de la pneumonie une fois bien établi, reste la grave ques-
to savoir si elle est ou non compliquée de méningite ; mais, à cet
i, je n'ai qu'à renvoyer au paragraphe complications cérébrales, et
«t à l'article Ménogite, t. XXII.
ètnre typhoïde, — Il est assez rare qu'un clinicien tant soit peu expé-
nté» en présence d'une pneumonie , la méconnaisse et suppose une
I typhoïde qui n'existe pas. Cette éventualité n'est cependant pas
asible, s'il s'agit de la forme de pneumonie que j'ai indiquée plus
i^aous le nom de pneumonie asthénique. Dans cette forme^ en effet.
dd du malade est celui d'un typhique : la prostration, l'indifférence
nde, les fuliginosités de la bouche, la céphalalgie, les vertiges, les
axis, font penser à la dothiénenterie, d'autant plus que souvent la
■ée est peu marquée et que le malade, ne se plaignant pas de point
Mé| n'attire pas l'attention sur l'appareil thoracique; mais on*évi-
l'erreuren pratiquant l'examen de l'appareil respiratoire: on décou-
4Hiisi la pneumonie, qui se révélera par ses symptômes physiques,
m'aura plus alors qu'une question à trancher, celle de savoir s'il
t d'une pneumonie développée secondairement à une fièvre
lûde ou d'une pneumo-typhoïde primitive ; en d'autres termes, ce
. plus Texistence de la pneumonie qui est en question, mais la signi-
uon de cette pneumonie.
àOROSTiG DU SIÈGE ET DE l'étendue DE LA PNEUMONIE. — Il cst bien rare
a faisant le diagnostic d'une pneumonie on reste dans le doute sur
liège. Cela peut arriver cependant, si, en même temps qu'existent les
ptômes généraux et les crachats caractéristiques, les signes physiques
Bssont masqués. Quant au diagnostic de l'étendue de la portion en-
Bv il est fort difficile dans quelques cas, surtout si la pneumonie est
pliquée de pleurésie ; il a cependant son utilité, si l'on veut appré-
en parfaite connaissance de cause la marche de la pneumonie. C'est
une analyse attentive des divers signes physiques locaux qu'on par-
dra à l'établir.
neumonie double. — Le diagnostic de l'envahissement de l'autre
non a une certaine importance pronostique : il est donc indispensable
e faire d'une manière exacte. Or, cela présente souvent des diffi-
h. On sait qu'il n'y a pas un second point de côté, et que c'est d'une
ière en général fort insidieuse que le second poumon se prend. De
latité, quelques râles crépitants, même l'apparition d'un souffle du
opposé à la pneumonie, s'il siège à la racine des. bronches, ne suf-
492 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — diagkostig.
fisent pas pour affirmer rexistcnce d'un nouveau foyer ; car ces symptiknesK
peuvent dépendre. d'une simple congestion de l'autre poumon, ëd Tab-
sence de cette dernière, un souille d'intensité moyenne, s'étendaiii le
long de la colonne vertébrale, du côté ppposé à une pneumonie, prai
être un pur retentissement du souffle produit dans la partie hépatiaée, à
ce dernier souffle se propage lui-même jusqu*à la ligne médiuie. An
contraire, l'apparition d'un second souffle séparé du premier par une
zone où Ton perçoit le murmure permet, en général, d'affirmer qn^ilest
né sur place.
Outre la recrudescence de la fièvre et les signes physiques d*auacullatioQ
et de percussion, on a encore, pour porter son jugement* un signe local
qui, dans certains cas, sera fort utile, à savoir : Télévation de la tempcn-
ture locale (du côté opposé au poumon primitivement envahi) sur la pmî
thoracique ou dans Taissellc (Landrieux). Je crois que ce symptôme, sd
point de vue du diagnostic de la pneumonie double, a une vtknr
très supérieure à celle de la rougeur de la seconde pommette.
Diagnostic du degré dp: la pneumonie. — Vers le dixième jour, s'il n'y
a pas eu de dcfervescence, ce diagnostic a une importance capitale, car
il entraîne presque nécessairement le pronostic; mais, avant cette date, il
peut déj^ présenter un grand intérêt.
J'ai dit, à propos de la fièvre, qu*il y a parfois des rémissions qei
simulent la crise; il faut savoir les distinguer de celle-ci , afin de nep»
ofHrmer à tort la terminaison prématurée de la maladie.
En premier lieu, on se fondera sur la température. II. est dilBcile
d'admettre qu*une pseudo-crise donne un abaissement de trois degrés,
à moins d'influence médicamenteuse particulièrement énergique, telle que
serait, par exemple, celle du tartre stibié.
En deuxième lieu, on tiendra compte de la date de la i*éinission fébrile
et de sa corrélation avec l'état local. Soit, par exemple, dans un cas où la
pneumonie est fort étendue, une rémission le matin du quatrième jour,
il est bien peu probable qu'elle soit le début de la crise ; car, en généni,
il n'y a que les pneumonies pou étendues qui entrent sitôt en dcfer-
vescence.
L'expectoration, en pareil cas, a aussi sa signification : Trnul)e rapporte
{Gesammeite Abhandl.yi, III, p. 281) qu'un jeune homme, au quatrième
jour d'une |)ncuinonic, eut une rémission qui Ht tomber la température
à la normale. Néanmoins il ne crut pas à une crise véritable , parce que
le malade, après cette pseudo-crise, commença à expectorer des crachats
couleur brique. Or, si une semblable expectoration peut continuer aprè$
h crise, il est impossible, dit Traube, qu'elle débute postérieurement i
celle-ci. Telle est la raison qui a motivé son diagnostic.
Vei's le sixième ou septième jour, survient, dans bon nombre de cas,
Y(\racerbation prœcrUique qui peut singulièi-ement tromper un médecis
peu expérimenté, en lui faisant croire, à tort, à l'imminence de la suppv- I
ration. Il n'y a malheureusement pas de signe positif qui pennette d'afli^
nier à laquelle des deux ulternativcs on a affaire, et pour asseoir ce dû-
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — diagkostic. 493
noBiic si important il n'y a guère que des probabilités : l*àge du sujet,
» conditions générales dans lesquelles il se trouvait, la gravité de la
yJadie jusqu'à ce moment, etc. — En tous cas, il est prudent, même
Mraque les chances ne paraissent pas favorables , de ne pas affirmer un
roiMMiic funeste; car on voit assez souvent la défervescence se faire
&giilièrement chez des sujets dont l'état, la veille, excitait les craintes
Si plus vives et en apparence les mieux justifiées.
J'ai dit précédemment que, chez les vieillards, une terminaison funeste
tr coUapsus est beaucoup moins rare que chez l'adulte. Il importe de
e pas se méprendre sur la signification d'un abaissement de tempéra-
uequi survient chez un vieillard vers le septième ou le huitième jour.
,jDel égard, le professeur Charcot nous fournit, en quelques, traits, les
léments du diagnostic : « Si le coUapsus, dit-il, n'est que l'exagération
aa symptômes ordinaires d'une défervescence rapide de bon aloi, en
lême temps que la température centrale s'abaisse , les mouvements de
L respiration et les pulsations artérielles se ralentissent. Le pronostic est
ttorable en pareil cas, alors même qu'il serait survenu quelque symp-
MBe inquiétant, tel qu'un délire intense. Si, au contraire, la tempéra-
m centrale s'abaissant, la fréquence du pouls et des mouvements
spiratoires persiste ou même s'accroit , la situation est des plus
V¥es. Bientôt, quoi qu'on fasse, l'agonie va s'établir. Et, tandis que
ul i rheure nous avons été conduits à porter un pronostic favorable,
algré l'apparition d'un délire violent, ici nous devons maintenir le
Oiooatie le plus grave, alors même que la défervescence aurait produit
n le malade un sentiment de bien-être. »
yXfm le dixième jour, si la défervescence n'a pas encore lieu, les chancei>
11I9 au contraire, pour le passage au troisième degré; mais, si l'on veut
pjer de faire autre chose qu'un diagnostic de probabilités, et le foncier
r des signes positifs, on éprouve souvent un grand embarras.
-Les crachats puriformes ou couleur jm de pruneaux n'ont pas, quoi
l'on ait dit, la signification absolue qu'on a voulu leur accorder, et un
iaicien prudent ne fondera jamais sur ce signe seul le diagnostic d'une
^patisation grise. Inversement leur absence et la persistance des cra-
mta visqueux et rouilles, pouvant s'expliquer par la persistance, en
rCalns points, d'une hépatisation rouge, ne sauraient exclura la possibi-
é.d'une hépatisation grise limitée.
Les signes d'auscultation sont aussi sans valeur.
,J1 n'en est pas de même des symptômes généraux : Au dixième jour,
liiération des traits de la face, le subdélirium, l'état typhoïde, sont des
pies qui, par leur réunion, doivent faire penser à la suppuration, surtout,
t Grisolle, s'ils se déclarent brusquement, auquel cas ils ont une plus
ande valeur. Une série de petits frissons est aussi très-significative, soit
fil s'en produise un chaque jour pendant plusieurs joui^ consécutifs,
il qu'ils se répètent seulement deux ou trois fois dans l'espace de
lelques jours. Chaque frisson est suivi d'une élévation plus ou moins
•ande de la température; dans l'intervalle, celle-ci n'est pas, en gêné-
491 PNEUMONIE LOBAIIIE AK.UË. — prosiostic.
rai, trtîs-cicvée. Quant à Toppression, quelquefois elle auj^mnte, mais
on la voit diminuer, en mémo temps que la toux devient moins fatigante,
ou même cesser tout à fait. Il y a comme une sorte de détente de coliiiis
symptômes ; et cependant l'état général devient plus mauvais ; les forces
subissent une atteinte grave ; il y a entre Tétat local et Pétai général ime
discordance bien frappante sur laquelle on ne saurait trop attirer {at-
tention.
L'examen du sang jusqu'ici si négligé me parait, en pareil cas, utile; on
sait depuis quelques années, surtout depuis les travaux de Bronaidel,
qu'il y a dans le sang un excès relatif de globales blancs au moment de h
suppuration, résultat d'ailleurs en harmonie avec la doctrine de Cohnheiai
sur l'origine hématique des globules du pus. Ce fait,qui paraît établi pooritf
suppurations en général, je le crois également vrai dans le'cas de snppii-
ration du poumon ; cela me semble du moins résulter de quelques obsera-
tions. Si cela est confirmé, on pourra, grâce à la numération des doimks
blancs du sang faite jour par jour, prévoir dés le septième on le hnîtîéDie
jour rimmincnce de la suppuration. Seulement, pour avoir des multats
de quelque valeur, il ne suffit pas de compter séparément les globiiles
blancs : il est nécessaire de faire parallèlement la numération des globales
rouges. Car c*est la courbe du rapport surtout qui a de la valeur. Si ellr
baisse, il me parait certain qu'on n'a pas à redouter le passage de b pneu-
monie à la suppuration ; si elle s'élève biusquement, cette terminaison me
semble au contraire presque forcée.
Je n'ai pas à faire ici le diagnostic de l*abcès du poumon. J'en ai indi-
qué plus haut les signes, par son diagnostic différentiel d^avec la pkniv-
sie purulente. Je renvoie à l'article Poumon; de iiicnje pour le diagnostir
de la terminaison par gangrène.
Pour être complet, il me faudrait encore traiter du diagnostic des /bnvuv
de la pneumonie et de ses complications; mais je ne pourrais parier df>
premières sans tomber dans quelques redites; et des secondes, san5laire
double emploi avec les divcTs ailiclesdc ce Dictionnaire, consacrés spécia-
lement aux aiTections qui peuvent compliquer la pneninoiiie. Je crois doih
devoir m'abstenir.
ProiM^Mtic. — 11 est des ciiToiistiUices où le diagnostic cotnpief d'um
|)neumonie entraîne avec lui le pronostic, de telle sorte que le mé-
decin. <iu lit du malade, n*a guère d*etTort à faire pour déterminer h
gravité du cas qui lui est soumis : par exemple, si cliez un pneomonique-
il a pu se convaincre de Texistencc d*une hépatisation grise ou d'iinc
méningite, il sait, par cela même, que, dans le premier cas, le malade i ^
fort peu de cbanccs de vie et qu'il n*en a |)resque point dans le secoiri.
Ici le pronostic est aisé ; toute la difTicultV' résidait dans le diagnostic. Mik
dans le plus grand nombre des cas il n'en est pas ainsi. Surtout au it-
but d'une pneumonie, le médecin a besoin, pour apprécier les chancesdf
survie du malade, de peser toutes les conditions dans lesquelles il se Iroun:
intrinsèques et extrinsèques. Il lui est alors utile de connaître les résuitit?
bruts de la statistique relativement à la gi'avité de chacune d elles, (is
r
(
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — pnoxosnc.
wri
renseignements n'ont assurément pour lui qu'une valeur de second ordre
ptrce qu'ils ne sont que des moyennes, et qu'en pareille matière il y a
bemcoup d'écart entre les cas extrêmes. Néanmoins, je le répète» ces
doimées statistiques, quelque générales qu'elles soient, ne doiTent pas
être D^ligées, parce que, dans un certain nombre de cas, en l'absence
d^élènents particuliers tirés de l'examen du malade lui-même, elles seront
la seule base sur laquelle le médecin pourra établir un pronostic provisoire :
celte considération justifie les chiffres que je vais maintenant citer.
• Influence de l'âge. — De la naissance à la puberté, la mortalité est, dit-
on« pteique nulle pour les enfants jouissant d'une bonne santé jusqu'au
% BMment où ils ont été pris de pneumonie. Les médecins attachés aux liô-
i. piteux d'enfants sont à peu près unanimes à cet égard. On a cependant
i. t^malvk excepter de ce pronostic favorable les enfants à la mamelle, mais,
1^ -;dSi|irè8 le professeur Thomas, ce serait à tort : ceux-ci guériraient presque
/ifcime les autres, à moins qu'ils niaient en même temps du coryza.
\ ^euqael cas ils ont à supporter à la fois la pneumonie et l'inanition.
i-r De la puberté à l'âge do 20 ans, la pneumonie franche n'est pas une
% ^inlidie fort grave. En prenant tous les cas en bloc, sans en excepter les
é 1 complications, la mortalité ne s'élève.guère au-dessus de 9 pour 100 ; de
lî - aO ik 30, la mortalité est inférieure à 14 pour 100. Entre 30 et 40, elle
f( aUéiiit 20 pour 100. Entre 40 et 50, elle dépasse 25 pour 100, et entre
tf SO d 60, 30 pour 100. Au-dessus de 70 ans, la mortalité est de 80
pour 100 environ.
iH ■ On Yoit donc qu'à lui seul l'âge est un élément fort important du pro-
'4-BiMlic. Seulement, pour qu'il eût toute sa valeur, il faudrait avoir une
irAfinliqiir pour chaque ville ou au moins pour chaque région, où les dif-
\ lérenoes importantes résultent des influences de race, habitudes hygiéni-
i^î^fDMS^ etc. Ainsi les chiffres précédents ne sont que des moyennes que
^.^^û 4ibienues en combinant ensemble les résultats de différentes statis-
W-tupies de la France et de l'Allemagne: dans certaines localités, ainsi
( 'Hpfwk pouvait s'y attendre, la sénilité, quant à la pneumonie, si je puis
i ni'eaDprmier ainsi, est plus précoce : à Bàle et à Vienne, par exemple.
A l'appui de ce que j'avance, voici les chiflres de la mortalité pour 1 00
^ dans les trois hôpitaux de Vienne, publiés par A. Biach. Cette steitistique
pmrte sur plus de 6000 pneumoniques ; j'ai marqué du signe X les chif-
fres qui dépassent notablement la moyenne générale :
A«K.
HÔPITAL GÉNÉRAL.
UÔrnAL RCDOLT.
HÔriTAL DE WIEOSM.
1. ' .
10-20
0
9,0
9,6
20-30
13,4
13,8
12,6
30-40
23
25,6
21.4
•40-50
X32,9
X3i,2
X30,9
50-60
X4I,7
32
X39,8
00-70
48,0
55
55
•/O— 80
57,5
51,5
60,8
80^-00
77,7
100
100
496 PiNElMOME LOBAIRE AIGUË. — prokostic.
A Greifswald, au contraire, la période décennale de 40 à àO n'es!
pas plus grave que Test ailleurs celle de 50 à 40. A Paris (statistique de
Grisolle), la mortalité est aussi beaucoup moindre, de 30 à 60, qu'elle
n'est indiquée dans le tableau précédent.
Influence du sexe, — Toutes choses égales, la mortalité est notable-
ment plus forte chez la femme que chez l'homme; elle serait comme 3
est à 2 par rapport à celle du sexe masculin, si l'on s* en rappoitait aux
grandes statistiques de Vienne et de Stockholm, et à celle de la potidini-
que de Breslau. Elle a même été comme 2 est à i à Wùrzburg («loliili-
que de Bamberger de 1854 à 1857). C'est là une différence tout à fait
exceptionnelle que les autres statistiques ne confirment point. Franqoe,
dans la même \ille, pendant une période de quinze ans, a trouvé une nu»>-
talité de 17 pour 100 pour les hommes et de 23 pour 100 pour les
femmes ; Lebert, à Zurich, de 16 pour 100 pour les hommes et de 21,S
pour 100 pour les femmes. Ce sont à peu près les mêmes chitlresqiie
ceux de la statistique décennale de l'hôpital de Munich : 16,6 pour 100
pour les hommes et 23 pour 100 pour les femmes.
Grossesse. — Uétat de grossesse aggrave notablement le pronostic.
Il résulte, en ciTet, des observations réunies par Châtelain» au nom-
bre de 39, que 10 fois la femme a avorté, 9 fois on a pratiqué raceouche-
ment prématuré (sur ces 19 femmes, 10 sont mortes), et que les 10
autres sont mortes. Ce qui fait, en somme, une mortalité de près demoî-
tié. Si on songe à l'âge de ces femmes, on voit, comme on pouvait s*t
attendre, que la pneumonie est plus grave dans l'état de grossesse.
Nationalités, — Un médecin militaire autrichien, Chwostek, bien placé
pour apprécier celte influence, a donné des chiffres qui ditTèrent beau-
coup les uns des autres. Je crois inutile de les reproduire, mais je si-
gnale rinfluence de la race, comme fort intéressante à étudier; ce doit
être un sujet de recherches pour les médecins qui dans un même lieu
peuvent observer dos individus dans les mêmes conditions et dont la race
seule diffère.
Influence de Vétat de santé antérieur. — 11 y aurait beaucoup à dire
sur ce sujet, mais il est clair qu'il est en dehors de la question spéciale
de la pneumonie, et qu'il pourrait être abordé à propos de ch|ique ma-
lade en particulier. Cependant je n'hésiterais pas à en traiter un peu
longuement, vu son importance, si je n'étais arrêté par le manque de
données positives; même pour Talcoolisme, il y a peu de chiffres à citer :
Grisolle, clieîc 17 hommes âgés de 24 à 59 ans, a noté une mortalité de
près du quart; ce résultat est médiocrement probant, vu Tàge trop dis-
parate des sujets. Cependant, i! est corroboré par le chiffre de 11uî>>.
qui est exactement le même. La pneumonie, chez les alcooliques dt-
Stockholm, compliquée ou non de délirium tremens, a donné une mor-
talité de 20 à 25 pour 100.
Dans la même stylistique de Huss, je vois que la pneumonie, chez ]e>
emphysémateux, a une mortalité de 23 pour lUO. C'est peu, si on soij^'e
que généralement les emphysémateux ne sont pas jeunes; cette béni-
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — prokosto. 497
goilé relative de la pneumonie chez les emphysémateux a été récemment
confirmée par Dusol (thèse de Paris^ 1876).
Les chlorotiques, qui sont de jeunes sujets, ont une mortalité à peu
près égale : 20 pour 100. C'est assez pour montrer T influence fâcheuse
de Tanémie chlorotique. Les pneumonies qui affectent les sujets atteints
de maladie valvulaire du cœur ont une mortalité de 30 pour 100; chez
les brightiques elle est de 50 pour 100.
Influence des constitutions médicales. — Leur action est loin d'être
tams importance, car dans un même lieu, suivant les années, la mortalité
• peut varier beaucoup. A l'hôpital de Munich la mortalité a été de 14 0/0
• en 1875 et de 25 0/0 en 1868; à l'hôpital de Stockholm, elle a été en
ft 1851.de 9,8 0/0, de 16 en 1849 et en 1851 et de 18 en 1845. A Vienne,
i^ je vois dans la statistique décennale d'Alois Biach, déjà citée, qu'il y
^ a, .suivant les années, des variations du chiiïre de la mortalité, allant
£ prtêque du simple au double. On pourrait objecter que, certaines années,
*ns rationnelle a pu exercer une certaine in
par Texpectation, on a eu d'abord 7 0/0 et
1^ thérapeutique plus ou moins rationnelle a pu exercer une certaine in-
;: Huence; mais à Vienne, par Texpectation, (
j plus tard 20 0/0 de mortalité. Brandes (de Copenhague) prétend qu'elle
^. a été. de 5 à 31 0^0, suivant les années, alors qu'il employait tou-
^. jours la même thérapeutique. Je n'ai pas lu le travail original de cet
^ auteur; j'ignore en quoielle consistait. A vrai dire, de telles oscilla-
^. tioos dans la gravité de lapneumonie, eu un même lieu, me semblent
1^ :eztraordinaires.
^ Tandis que les variations annuelles de la léthalité de la pneumonie sont
, irrégulières, celles qu'amènent les saisons sont remarquables par leur
' ' eoQStance : d'une manière générale, c'est dans les mois où les pneumo-
; nies sont le plus abondantes que leur gravité est la plus grande, mais cette
: règle est sujette à de fort nombreuses exceptions. Elle n'est qu^à demi
confirmée par la statistique des hôpitaux de Paris, publiée chaque tri-
mestre par E. Besnier; il est vrai que dans cette statistique les bron-
cho-pneumonies ne sont malheureusement pas distinguées des pneu-
monies lobaires ; c*est ce qui m^a empêché d'y avoir recours autant que
* Je Teusse désiré. Quoi qu'il en soit, voici la moyenne (basée sur une sta-
tistique de 8 à 10 ans) des pneumonies observées pendant les quatre tri-
mestres d'une année avec la mortalité pour chaque trimestre :
Mortalilé «/o
Janvier — Mars 580 36
Avril— Juin GJHJ 31
Juillet— Septembre 422 30
Octobre— Décembre 411 40
On remarquera sans doute que la mortalité générale est fort élevée ;
cela tient en partie à l'admission des broncho-pneumonies dans cette
statistique; mais cela dépend encore, ainsi que le remarque E. Besnier»
€ de ce que la population uosocomiale de Paris, affaiblie par l'alcoolisme
et par mille autres causes, résiste mal aux phlegmasies pulmonaires, et
làussi de ce que cette statistique est surchargée par le fait d'un grand
. wwf . DicT. mta, iT cmm. XXYllI — 32
498 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — peosostig.
nombre de vieillards atteints d*afrections diverses, au cours desquelles
survient une pneumonie ultime, et qui ne sont apportés à Tliôpital
que pour y mourir. Il faut savoir cnfm que, si un malade atteint d^une
affection ehroni(]ue, même mortelle, succombe à une pneumonie, il sera
compté dans les relevés non à raffection chronique, mais à laffectioo
intercurrente qui a été la cause directe de la mort. » Pour Imites ces
raisons, Ernest Besnier estime que la mortalité générale dans les hdpitaui
est d*un tiers au-dessus de la mortalité réelle de la pneumonie.
Influence de retendue et du siège de la pneumonie. — L*étendiie de
la phlogmasie, mais surtout renvahisscment des deux poumons, aggra-
vent singulièrement le pronostic.
Quant au siège de la maladie, la plupart des auteurs considènul
comme plus grave la pneumonie du sommet. Cette opinion est conGmiée
par Grisolle, qui chez des sujets ayant un âge moyen de 36 à 38 ans a
trouvé une mortalité d*un cinquième chez ceux dont la pneumonie sié-
geait au sommet et d*un huitième seulement chez les autres.
Gravité de la pneumonie suivant Vépoque à laquelle le traitement
a été commencé. — On a poussé si loin, il y a quelques années, le scep-
ticisme relativement à rutililé de la thérapeutique dans les maladiei
aiguës et dans la pneumonie en particulier, qu'il n'est peut-être pas inutile
de montrer par des chiffres que la mortalité est jusqu'à un certain
point en raison directe de l'entrée ^tardive du malade à rhôpital. J'em-
prunte à Grisolle le tableau suivant. Malheureusement, il ne dit pas de
combien de malades il s'est servi pour le composer :
Mortalil«s.
Malades en 1res les deux premiers jour» un treiiièmc.
— le troisième jour , . . . id.
— le quatrième jour un huitiêinc.
— le cinquième Jour un sixième.
— le sixième jour un quart.
— le septième jour un tiers.
— te hnitièmc jour la moitié.
— le neuvième Jour un tien.
— le dixième jour un tiers.
Si ce tableau n'est pas composé avec des chiffres trop restreints, jufuel
cas il perd beaucoup de sa valeur, je suis très-frappé de la différence de
la mortalité suivant que les malades sont entrés les trois premiers joun
ou seulement les quatrième, cinquième et sixième jours. Pissé cette
date, les résultats n'ont rien d'extraordinaire : il est clair que des pneo-
moniques qui ne sont pas encore convalescents au dixième jour n'ont en
leur faveur que la minorité de chances, mais, à moins d'admettre que,
par un caprice du hasard, ce sont justement les pneumonies bénignes qm
sont arrivées de bonne heure à l'hôpital, il faut reconnaître la puissance
de la thérapeutique faite les premiers jours ; Tintervention niédiak
hâtive est donc un élément important du pronostic.
Indications pronostiques tirées des symptômes. — Au premier nof
il faut placer le degré de la fièvre. Si la température dépasse il •C.,i/*
PNEUMONIE LOBAIRE AIGIÊ. — pronostic. W3
{[raTité est extrême. Il parait cependant que des pneumoniqucs ont guéri
^pres avoir eu 41** 4 c. (Thomas), 42* c. (Lcbert et Jurgenscn). Ce sont là
«des exceptions à peu près uniques.
Les indications fournies par le pouls ne sont pas non plus à négliger :
BeloD Grisolle et Griesinger, parmi les pneumoniques adultes qui ont plus
<d0 120 pulsations par minute, il en meurt un tiers; parmi ceux qui ont
•de iSO à 140, il en meurt la moitié.
Lorain a fait la remarque très-juste (ouvr. cité, p. 404) que parfois le
çouls marque seul le progrès ascendant de la maladie. A Tappui de cette
proposition, il donne les deux courbes de la température et du pouls chez
«in homme mort le O"* jour de sa maladie (entré à Thôpital le 3** jour). La
' . lempérature n*a oscillé qu'entre 40,1 et 40,6. Le pouls, qui était le pre-
oiier jour à 50, est monté à 100, puis à 120. A ce moment, la tempéra-
ture était à 40,1 et elle ne s*est pas augmentée notablement jusqu'à la
mort survenue le lendemain. Pareille remarque peut être faite à propos
de la courbe que j'ai reproduite plus haut et qui a trait au délire alcoo-
lique. Pendant qu'en 3 jours le pouls montait de 100 à 140, les tempéra-
f tares du soir restaient identiques ; seules, celles du matin montraient une
«émission moindre.
Plus récemment Belugou a aussi publié quelques observations ou
l'on Yoit la température s'abaisser, tandis que la persistance de la fré-
•quenee du pouls montrait qu'il ne s'agissait que d'une pseudo-rémission
.4e k maladie.
Je rappelle ici qu'il ne faut pas considérer comme un symptôme fâcheux
les irrégîdarités prœcritiques du pouls. Mais, si la défervescence n'est pas
«liière à l'époque ordinaire, elles ont, au contraire, une signification
grave, mais ce sont surtout les lipothymies qui indiquent l'insuffisance
cardiaque.
Quant au chiffre de la respiration, il n'a pas une valeur absolue : des
. malades ont guéri après avoir présenté 80 respirations.
Les caractères tirés de la couleur des crachats ne servent qu'indirecte-
ment au pronostic. Je renvoie à ce que j'en ai dit à l'un des paragraphes
précédents où j'ai traité du diagnostic du degré de la pneumonie.
' L'absence d'expectoration est-elle un symptôme défavorable ? Andral et
CIrisolle ne le pensent pas. On comprend que cette conclusion puisse
.découler d'une statistique un peu étendue, mais il n'est pas douteux
['' rqa'en certaines circonstances ce symptôme ne soit grave, par exemple,
«*il coïncide avec les autres signes d'une pneumonie massive, ou bien
si Tabsence d'expectoration tient à la faiblesse extrême du malade qui
lÊjlie peut vider ses bronches. Par contre, une pneumonie très-bénigne et
^mns bronchite concomitante peut très-bien ne pas donner lieu à une
^^expectoration notable, tant il est vrai qu'un symptôme isolé est suscep-
tible de bien des interprétations différentes et ne vaut que par son
association à d'autres symptômes.
L'herpès a été regardé comme relativement plus commun dans les
pneumonies peu graves ; mais ce n'est pas une opinion universellement
500 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — pbosostic.
acceptée. Pour Broadhent, l'herpès dans une pneumonie indiqQenît
simplcmcnl qu'il y a eu un frisson. Max Waller a rencontré llierpès
59 fois sur 81 cas, c'est-à-dire 47, 6 0/0 : or, aucun des cas où Therpès
a existé ne s'est terminé d'une manière fatale. Le professeur Sée exprime
une opinion assez communément acceptée en France en disant goe sa
valeur pronostique est plutôt favorable ; la mortalité serait seQÏemeot
de 9 0/0 pour les pneumonies où existe un herpès ; elle dépasserait fô 0/0
pour celles qui n'en sont pas accompagnées.
Le docteur Draschc (de Vienne) dit que, si l'on prend seulement ks
pneumonies sans complication, on a, pour celles s'accompagnant d'her-
pès, une mortalité de 5 0/0 seulement, et de 19 0/0 pour celles qui n'en
sont pas accompagnées. Cette différence est bien plus prononcée que
celle que nous observons en France : car, il ne faut pas l'oublier, ce
n'est pas tout le monde, sans exception, qui chez nous croit à la béni-
gnité relative des pneumonies avec herpès. Pour ne citer qu'un exemple,
le professeur Hardy (Gazelle des llôpilaux, 1878, 29 juin), je ne sais
pourquoi, le considère comme un signe de mauvais augure.
Importance de la forme de la pneumonie. — Le diagnostic de la
forme fournit une indication pronostique d'une tout autre valeur qu'on
symptôme isolé qui, je le répète, ne peut presque rien signifier à lui
seul. Ainsi les pneumonies bilieuses sont habituellement bénignes, les
pneumonies asthéniqucs d'une extrême gravité.
Infltience des complications. — Plusieurs des maladies qui compli-
quent éventuellement la pneumonie ayant une mortalité fort supérieure à
celle de cette maladie, il ne s'ensuit pas que ce sont celles-là qui, seules,
dictent le pronostic. Ainsi en est-il de la méningite. D'autres, au contraire,
n'aggravent pas tant qu'on aurait pu le croire le pronostic de la pneumo-
nie : ainsi la pneumonie compliquée de pleurésie, dans la statistique de
M. IIuss, n'a qu'une léthalité de 11,5 0/0, ce qui est bien peu; dans
d'autres statistiques on trouve 32 0/0. La pneumonie avec ictère
n'aurait présenté qu'une morlalité de 8,6. Ici, nous avons certainement
affaire à une série fort exceptionnelle ; la pneumonie compliquée de
pcricardite une mortalité de 5 i 0/0, sans doute à cause de TinsuRisancc
cardiaque. Quant à rinflucncc de l'endocardite sur la mortalité de h
pneumonie, les chiffres sont fort différents, ce qui dépend cvidemnient des
embolies : lIuss a trouvé une mortalité énorme de 75 0/0; Chwostek, seule-
ment 28 0/0. Mais je renonce à une plus longue énumération de chilfres
qui diffèrent beaucoup suivant les statistiques et qui, par conséquent, né
peuvent pas donner au praticien un clément sérieux de jugement.
Pronostic des récidives, — Toutes choses égales, et contrairement î
ce (fu'on eût pu supposer, les récidives de pneumonie paraissent plutôt
moins graves (Leudet, Fox); ce fait peut cependant s'expliquer quand oo
réfléchit que, s'il y a une prédisposition locale morbide, une cause
légère amène une pneumonie qui autrement ne serait pas survenue, «t
qui reste relativement bénigne, eu égnrd au peu d'intensité de li
cause.
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — traitemeht. 501
Traitement. — Si j^avais eu à écrire une monographie de la pneu-
mpnie, j'aurais, en abordant le chapitre du traitement de cette affection,
d*abord fait connaiti^e les divers agents dont, à diverses époques, on a
osé et abusé dans la cure de cette maladie; et c'est seulement après avoir
successivement passé en revue ces agents thérapeutiques et m'être pro-
noncé sur leur valeur intrinsèque que, reprenant les diverses espèces ou
Tariétés de pneumonie, j'aurais choisi parmi eux les mieux appropriés
au traitement de chacun d'elles ; mais aux articles Dicftale, ÉMÉnouE,
Saignée, etc., etc., de ce Dictionnaire, il est déjà traité de l'action
àe ces divers agents, non-seulement dans les maladies aiguës en général,
mais aussi dans la pneumonie. Pour éviter les doubles emplois, je ne
dois donc m'occuper ici que de leur valeur relative dans les différentes
Tariétés de la pneumonie. On ne trouvera donc point dans les brèves
indications qui suivent l'exposition complète de la thérapeutique à laquelle
on a actuellement recours et encore moins l'historique si curieux du trai-
tement de cette maladie.
TRAlTEMEm* DE LA PNEUMONIE FRAICHE COMMUNE. — On Sait qUC dcpuis UUC
vingtaine d'années le traitement de la pneumonie commune a subi de
profondes modifications : on a abandonné presque universellement les
méthodes énergiques — pour ne pas dire plus, — jadis presque exclusi-
vement en usage. Cette révolution dans la thérapeutique a été sans doute
encouragée dans une certaine mesure par la notion nouvelle de la marche
cyclique de la pneumonie, mise en lumière par les travaux de l'Ëcole de
Leipzig; mais elle ne s'est accomplie que par suite des résultats relative-
ment favorables obtenus en Allemagne et surtout à Vienne, à l'aide de
Texpectation pure, systématiquement employée par Skoda, qui d'ailleurs
avait été précédé dans cette voie par Biett et par Magendie. Par expec»
laiton, — je me hâte de le dire pour éviter toute équivoque, — je n'entends
pas abstention thérapeutique, mais plutôt traitement diététique^ puisque
le médecin ne laisse pas le malade absolument sans traitement, mais lui
accorde au moins le bénéfice d'une hygiène bien entendue. Examinons donc
si Texpectation peut être, d'une manière générale, appliquée à la pneu-
monie commune.
Expectation. On pourrait peut-être, quelque paradoxale que soit cette
conclusion, répondre à la question précédente par l'affirmative, si le
tndtement expectant avait fourni toujours des résultats aussi favorables
que ceux que publia Diell (élève de Skoda) en 1849 : tandis que chez
380 malades la saignée avait donné une mortalité de 20 0/0, et le tartre
stibié chez 106 exactement autant, la mortalité chez les 189 malades
soumis à Texpectation ne fut que de 7,4 0/0.
Il faut bien croire que dans cette dernière série Skoda avait eu affaire
à une constitution médicale particulièrement bénigne, car, en 1852, la
mortalité s'éleva à 9 0/0, et en 1834 à 20.7 0/0 (d'après le rapport
officiel), bien que l'expectalion ait continué à être exclusivement em-
ployée dans son service. D'autres médecins eurent une mortalité encore
plus élevée. Ainsi Wunderlich accuse le chiffre de 27,5, et Leudet celui
502 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — traitbmekt.
de 23 à 28 0/0. Néanmoins la conclusion qui découla des lenUliTes
d'expectation qui se firent de divers côtes, c'est que la pneumonie éUii,
plus souvent qu'on ne le croyait jusqu'alors, susceptible de guérir sins
traitement, et que ce dernier n'abrégeait pas sensiblement la durée de la
maladie.
Mais de ces deux propositions, et particulièrement de la dernière, on ne
peut sans un singulier vice de raisonnement déduire comme coroUaire
rexccllence de l'expectation, car l'observation des médecins les (his
éclairés et les moins systématiques porte h conclure qu'abandonnées ï
elles-mêmes les pneumonies se terminent moins souvent par crise et pins
souvent par suppuration.
Elle semble même montrer l'utilité de commencer le traitement dè$ le
début. Entre autres statistiques à Tappui^je puis citer celle de Grisolle
que j'ai rapportée au chapitre du pronostic^ où Ton voit que la mor-
talité a été, pour les malades entrés à Thôpital les trois premiers jours,
moitié moindre que pour ceux qui n'y ont été admis que les trois jours
suivants. Or, la thérapeutique de Grisolle était, comme on sait, fort adiré;
presque tous ses malades étaient traités par le tartre stibic, précédé le
plus souvent d'une saignée.
Quand on y réfléchit, on n'est pas surpris de l'utilité d'une thérapeu-
tique énergique et hâtive : beaucoup de pneumonies, même de celles
ressortissant à la pneumonie commune, tendent à la suppuration, et
elles y tendent jusqu'à un certain point en raison directe de l'intensité
de la phlegmasie : de là l'utilité des agents antiphlogistiques.
Émissions sanguines générales. — Depuis longtemps la saignée, dont
on a fait d'ailleurs un déplorable abus, a passé pour exercer sur les
phlegmasics pulmonaires une action modératrice incontestable. En effet,
après une saignée un peu copieuse, la température s'abaisse ; il y a une
détente, une sensation de mieux être que le malade accuse spontanément.
Le point de côté, si pénible pour lui, a disparu; l'oppression a diminué;
et ce n'est pas seulement au point de vue des sensations subjectives que
l'on peut considérer Teffet de la saignée comme analogue aux phéno-
mènes d'une crise : Turine en effet renferme en proportion exagérée de
Turée (Bauer) et surtout de l'acide phosphorique (Lépine) : elle prend
donc le caractère de Turine critique.
En tous cas, il ne s'agit que d'une pseudo-crise^ car la rémission
n'est que momentanée, loin de devenir, comme dans la crise véritable,
le prélude d'une guérison définitive : au bout de quelques heures, la
température remonte à un degré égal ou supérieur à celui qu'elle attei-
gnait avant la saignée. Si l'on voulait éviter cette rechute, il faudrait,
a l'exemple du professeur Bouillaud, employer coup sur coup les émissions
sanguines, c'est-à-dire les rapprocher assez pour que la recrudescence
n'ait pas le temps de se produire, méthode logique, mais d'une logique
trop implacable, et qui, comme on l'a fortjbien dit, ne vient à bout de la
maladie qu'en épuisant le malade.
La méthode des saignées coup sur coup n'a plus, pour cela, qu'une
PNEUMONIE LOBÂIRE AIGUË. — traitemeht. 503
râleur historique» et ne semble pas devoir se relever jamais du discrédit
>ù elle est tombée. Mais, sans imiter les excès fâcheux dont elle s'est
nodue coupable, ne doit-on pas pratiquer au moins une émission san-
{uine générale à un pneumonique, si on est appelé à le traiter dès le
lébut de sa maladie? Les adversaires systématiques de la saignée accor-
ient qu'elle n*est pas sans utilité lanl que Vexsudal n'est pas formé
[Benuett). Or, Texsudat d'une pneumonie ne se fait pas tout d*un coup ; une
raste hépatisation ne s'opère pas tout d*un bloc, mais par poussées: donc
iOfi saignée faite le troisième, et quelquefois même le quatrième jour,
l'aniverait pas trop tardivement pour exercer une influence sur le pro-
:essus de l'exsudation. Malgré l'avantage probable qui, à cet égard, serait
le résultat de cette pratique^ la plupart des praticiens ne saignent pas
leluelleroent les pneumoniques, alors même qu'ils sont appelés au début
le la maladie. On fait valoir en faveur de l'abstention des émissions
HUiguines qu'elles ont le défaut d'appauvrir le sang d'une manière irré-
■lédiabte, non-seulement en matériaux plastiques, ce qui, dil-on, nuit à
la oonyalescence, mais en hémoglobine, laquelle est, comme on sait,
le porteur d'oxygène, ce qui, prétend-on, accroît la menace d'asphyxie et
augmente le surmènement du cœur.
Je ne suis touché, je Tavoue, que dans une certaine mesure, par l'ar-
gument qu'on tire de l'appauvrissement du sang en matériaux plas-
tiques; car, avant d'avoir souci de la convalescence, il faut songera la
cure ; et, quant au prétendu surmènement du cœur qui doit être la consé-
quence de la diminution de l'oxygène du sang, je fais quelques réserves,
car rien ne démontre qu'après une saignée amenant la détente dont je
pariais tout à l'heure, les tissus réclament la même quantité d'oxygène
ipe pendant la fièvre. — Quant à la diminution de l'oxygène du sang,
après une saignée copieuse, je la crois incontestable ; elle est démontrée
directement par l'expérience suivante de Jurgensen et Hûfner ; ils en-
lèrent par la fémorale à un chien à jeun le quart de son sang. 100 vo-
lumes de ce sang renrermaient 24 volumes d'oxygène. 72 heures après,
pendant lesquelles le chien avait continué de jeûner, ils font à l'animal
une deuxième saignée. 100 volumes de sang ne renferment alors que
12,8 d'oxygène. Mais c'est gratuitement qu'on suppose qu'une soustrac-
tion d'oxygène est pernicieuse à un fébricitant. Rien ne le démontre, et
même des idées nouvelles de Pasteur, que je lis au moment où l'on im-'
prime cet article, autorisent à en douter. Les belles recherches de
P. Bert ont déjà prouvé que l'oxygène est loin d'être un agent inolfensif,
puisque des accidents d'intoxication terribles surviennent chez un animal
en santé à un certain degré de sursaturation du sang. Aussi l'idée qu'une
certaine soustraction d'oxygène, dans le cas de phlegmasie, agisse d'une
manière favorable, comme antiphlogistique, ne me paraît avoir, à priori^
Tien d'irrationnel.
Ce qui me touche, au contraire, c'est l'argument parfaitement exposé
fK[itiCco\id(Clin.méd.deLariboisière) à savoir qu'une profonde atteinte
é^ l'organisme du pncumonique augmente les chances qu'a la phlegmasie
504 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — tbaitbiieiit.
de passer à Tctat d*liépatisation grise. S^il en est ainsi chez h plupart
des sujets, la saignée va contre le but qu'on se propose.
Ainsi la saignée est une arme à deux tranchants et qui blesse mortel,
lement, si elle n*est pas bien maniée. Elle ne peut donc être cooiidèrée
comme méthode générale de traitement de la pneumonie commone, mais
Seulement comme un moyen de nécessité et dont rindicaiion principale
est la congestion pulmonaire. Je renvoie, à ce sujet, à la clinique médi-
cale de Jaccoud, où cette indication est posée d'une manière ma^tole.
Pour ma part, j*ai eu deux fois, dans ma pratique, ToccasioD de sai-
gner des pneumonies suffocantes au troisième jour ; dans un cas, j'ai
fait retirer plus de 600 grammes de sang. L'effet a été merveilleux; dans
les deux cas, la température est restée abaissée trente-six heures, pais die
est remontée pour tomber de nouveau par crise légitime, le septième jour.
Ventouses scarifiées, — Si la saignée ne peut être considérée que
comme une méthode d'exception, il n'en est pas de même des veotooies
scarifiées, dont l'inllucnce sur le point de côté est généralement des plus
favorables. Un fait que j*ai observé récemment avec soin me permet
mémo d'affirmer qu'une application de quelques ventouses exerce une
action positive sur la phlcgmasie du poumon. En effet, dans le cas auquel
je fais allusion, chacune des applications de ventouses qui oot été
répétées à plusieurs reprises soit le matin, soit le soir, a amené une dimi-
nution de la température (dans le rectum) d'un degré environ. Le
même résultat s'est reproduit constamment chaque fois : aussi ne peut-il
y avoir aucun doute sur l'action des ventouses scarifiées dans ce cas.
Vésicaloircs, — Des ventouses scariGées je rapproche les vésicatoires,
bien que leur action soit un peu différente. Ils agissent moins bien
contre la congestion, mais peut-être mieux contre la phlegmasie. Aussi
suis-je porté à les employer d'une manière générale.
Tartre stibié. — C'était, comme on sait, pour les cliniciens, il y a
une vingtaine d'années, l'agent thérapeutique par excellence, dans le
traitement de la pneumonie. D'après Trousseau et Pidoux, il et rattaqoe
plus au fond que ne le fait la saignée. » Cette manière de voir parait fondée
sur une saine observation : le tartre stibié a réellement une aclioo
résolutive puissante sur la pneumonie. Si cela est exact, comme je le
pense, on conçoit qu'il ait pour cette raison une indication spéciale: soit,
par exemple, une de ces pneumonies à rechute qui ne se résolvent jamais
complètement et qui laissent, après chaque attaque, une sorte d'épine,
noyau de la poussée future, je crois que le tartre stibié est indiqué; il
me paraît l'être, au même titre, dans le cas où on redoute qu*une pneu-
monie passe à l'état subaigu. Je sais bien que, d'après Buhl, il n'y a rien
de commun entre la pneumonie dcsquamative et la pneumonie fibrineuse
et que, par conséquent, si une pneumonie ne naît pas dcsquamative, il
n'y a pas à craindre la cnséification. Mais, ainsi que je l'ai dit plus haut,
les idées de Buhl sont probablement trop absolues, et il est fort possible
qu'il y ait là, comme partout dans la nature, des degrés de transition.
Or, la pratique doit compter avec eux.
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — traitement. 505
U est donc des cas où le tartre stibié doit être employé, mais ils ne
constituent pas la majorité. Chez les gens un peu avancés en âge ou débi-
lités pour une cause quelconque, il est formellement contre-indiquc ;
même chez les adultes forts il ne doit être employé qu'avec une certaine
dîsGrétion, car il agit comme on sait, d'une manière fâcheuse sur le coeur
€^ sur le système nerveux, de manière à produire ce qu'on a nommé
Vadynamie slibiëe, dont le plus haut degré est un collapsus des plus graves
qui a été maintes fois mis sur le compte de la pneumonie. La médication
slibiée est une méthode fort énergique qui doit être maniée avec pru-
dence. La méconnaissance de ce précepte est cause qu'à côté de ses nom-
incux services elle a grossi, presque autant que l'abus de la saignée, le
iiécroioge de la pneumonie.
Il est à peine besoin de rappeler, tant ils sont connus, les accidents
locaux pharyngés et œsophagiens dus à l'administration d'émétique non
■effisamment dilué. Cet accident peut toujours être conjuré, si l'on a le
amn de faire boire un peu de liquide après chaque cuillerée de la potion,
afin de tempérer par la dilution l'action irritante locale du tartre stibié.
Les moyens dont je vais m^occuper maintenant n'ont pas la prétention
de combattre le processus pneumonique ; ils ne s'adressent qu'à l'élément
C6brile. Les plus importants d'entre eux sont les bains froids, la digitale,
la vératrine, et surtout la quinine, qui mérite une place à part.
Le bain froid dans la pneumonie n'a pas encore été employé chez nous
d'une manière suffisante pour qu'il soit possible de l'apprécier. Ce n'est
que d'après les auteurs allemands que j'en parle ici.
f Liebermeîster est d'avis que le bain froid n'est contrc-indiqué à aucun
lge« même dans l'âge avancé. Chez l'enfant, d'après Thomas, il est pru-
dent, vu les susceptibilités réflexes si développées à cet âge, d'employer
le bain graduellement refroidi de Ziemssen. Thomas ne veut pas qu'on
descende chez eux au-dessous de Sd"" C. Mais Jurgenscn est beaucoup plus
hardi, ainsi qu'on en va juger :
«Ilya plusieurs années, dit-il, ma fille, âgée alorsde 19 mois,fut atteinte
pour la troisième fois d'une pneumonie grave. La température s'élevait
au delà de 41'' C, et revenait si promptement à ce chiffre après un bain
à 16% que je me vis forcé d'abaisser la température du bain à S-ô"" C, et
de le faire durer 10 minutes; mon enfant guérit. — Or, à aucune de ces
énormes soustractions de chaleur, qui ont été renouvelées plusieurs
fois dans la journée, il ne s'est produit la moindre tendance au collapsus.
J'ai eu, depuis, plusieurs fois l'occasion do traiter de même d'autres ma-
lades, et je n'ai jamais eu à le regretter. »
Ceci suffit, je pense, à prouver que M. Jurgensen n'est pas à demi con-
vaincu de l'utilité des bains froids dans le traitement de la pneumonie.
n ne se dissimule pas, d'ailleurs, les objections théoriques que l'on peut
lui faire. « Il est, dit-il, légitime d'admettre qu'un des effets du refroi-
dissement périphérique sera de refouler le sang dans le thorax et d'aug-
menter le travail du cœur ; l'excès de production de chaleur demande
aussi d'autre part que le cœur et les muscles respiratoires travaillent da-
)
506 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — THmEMBHT.
Tantage. Nonobstant, TcfTet, dit-il, est favorable, pourvu qu'on fourniiBe
au cœur le stimulant (alcool) dont il a besoin, avant et après le bain, et
ce stimulant doit être proportionné à la durée du bain et à rabaissemoit
de température de Teau. x)
Thomas est beaucoup plus modéré : non-seulement, comme je viens de le
dire, il ne refroidit pas beaucoup le bain, mais il n'y laisse le malade que
cinq minutes. Le refroidissement immédiat n'est pas considérable, maïs
il y a un refroidissement consécutif, une demi-heure après le bun.
D'ailleurs il le renouvelle aussi souvent qu'il est nécessaire : dès que h
température est à SO^'S, et encore dans l'intervalle, alors même que la
température n'atteint pas 39", il conseille l'emploi de compresses froides
« pour retarder la marche ascendante de la température ».
D'après lui, chez l'enfant, le bain froid est le meilleur des antipr-
rétiques, mais il est loin de croire cependant qu'il puisse convenir à tous
les cas.
Pour ma part, et quoique l'expérience me fasse totalement début,
je suis porté à douter que les bains froids dans la pneumonie des adultes
réussissent aussi bien que chez l'enfant ; j'invoquerais à l'appui de cette idée
l'énergie relativement plus grande du ventricule droit dont j'ai déjà parlé
(à propos du pronostic) aussi chez l'adulte. Je leur préférerais les vesues
déglace sur le thorax, qui, d'après ce qu'on dit, n'augmenteraient pas
commeles bains froids, la dyspnée et le cyanose, ce que l'on comprend
très-bien, car, ne reproduisant qu'une très-minime portion de la suiiace
cutanée, elles ne peuvent pas faire refluer le sang dans le poumon; tool
porte àcroire au contraire qu'elles y amènent une anémie relative. Je
n'ai pas jusqu'ici eu recours dans la pneumonie aux applications glacées
sur le thorax, mais j'ai dans la iièvre typhoïde employé assez souvent ks
vessies de glace sur l'abdomen pour pouvoir apprécier à leur valeur les
applications réfrigérantes locales.
Digitale. — Vératrine, — Je serai bref quant à ces deux médicaments;
pour le premier je renvoie à l'article Digitale de ce Dictionnaire, XI, p. 550
et 551 , en prévenant toutefois que je suis moins enthousiaste de la digitale
que Tautiîur de cet article, et que, je l'emploie non comme méthode
générale, mais seulement dans le cas où le pouls est particulièrcmeot
fréquent j quant à la vératrine, je n'en vois pas les avantages : elle aflti-
blit le cœur d'une manière fâcheuse ; sur la fièvre, son action n'est rien
moins que sûre ; enfin elle amène presque toujours des vomissements. Je
crois inutile d'en dire davantage.
Quinine. — Comme les médecins allemands, je crois la quinine fort
utile dans le traitement de la pneumonie. Je l'ai beaucoup employée, et
le plus souvent avec un bénéfice bien marqué.
C'est surtout comme antipyrétique qu'on recommande la quinine, mais
il est possible qu'elle agisse aussi d'une autre manière, et qu'elle mette
dans une certaine mesure obstacle à la tendance à la suppuration qui
existe, ainsi que je l'ai dit, chez beaucoup de pneumonies même com-
munes. Si cette action était bien démontrée, elle donnerait à la qui-
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — traitemekt. 507
ninc ODQ valeur qu'on ne saurait estimer trop haut. Mon expérience ac-
tuelle me porte à Tadroettre comme vraisemblable. Aussi je l'administre
trè»-souvent dans la pneumonie.
Dans le même but, on a conseillé la térébenthine, dont reflicacitc ne
xn*est pas bien démontrée^
Alcool. — Pour Todd, Talcool est utile dans toute pneumonie. Les
snédecins français ne partagent pas pour la plupart un précepte aussi
absolu. Selon moi, son emploi doit être réservé aux cas suivants bien for-
xnulés par JoITroy :
l'* Chaque fois qu'il se montre des symptômes graves d'ataxie ou d'ady-
namie;
2* Lorsque la température est très-élevée ;
3^ Lorsque les sujets sont affaiblis par une maladie antérieure ou sont
^oooliques.
Encore, pour la seconde indication, ferai-je des réserves, non que je
que l'alcool dans ce cas puisse augmenter la fièvre, mais parce que
action antipyrétique est inGniment moins certaine que celle d'autres
4Vgenls, de la quinine, par exemple.
En somme, l'expérience de ces dernières années a été favorable k-
l^emploi de Palcool dans les maladies aiguës, bien qu'il faille beaucoup
battre de l'enthousiasme avec lequel la méthode de Todd a été en
'nince acceptée par quelques médecins, notamment par Béhier, et qu'on
maintes fois abusé de l'alcool faute d'avoir assez tenu compte de la
différence de race et d'habitudes qui distingue si profondément le Fran-
de l'Anglais.
Salicylate de soude. — Aconit. — Ergot de seigle^ etc. — Je n'ai pas
eipérience de ces médicaments dont, on a récemment préconisé l'em-
K^ploi dans la pneumonie. Restent encore un certain nombre d'agents
^Hjoiiid'hui tombés dans l'oubli ; je ne vois pas d'avantage à les en
En résumé, sauf les ventouses scarifiées, les vésicatoires et la quinine, il
[M*j a pas d'agents thérapeutiques (parmi les agents énergiques) dont
'""eniploi puisse être recommandé d'une manière générale et étendu à tous
cas de pneumonie commune ; ce n'est pas à dire que beaucoup de
i que je viens d'énumérer ne sont pas susceptibles de rendre d'utiles
^Bcnrices; au contraire : ils répondent à des indications déterminées que
^*aî indiquées en partie chemin faisant. Il importe donc de se pénétrer de
et axiome thérapeutique qu'il n'y a pas de traitement équivoque de la
meomonie, attendu que même l'espèce commune est encore très-mul»
et susceptible de fournir, suivant les cas^et suivant les périodes d'un
e cas, un grand nombre d'indications relatives, soit à l'asphyxie,
it à l'affaiblissement du cœur, etc.
Cette même pensée doit guider dans le traitement des variétés, dont il
B reste à dire quelques mots :
TiurrEHEfrr des prikgipales variétés. — Pneumonies abortives. — En
ipposant qu'on soit assez habile pour reconnaître qu'une pneumonie
508 PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — tbaitbmeht.
sera abortive, la seule chose à faire est de s'abstenir Ad tout tnîiefflenl
actif.
Au contraire, les pneumonies d marche foudroyante récUmaiit une
thérapeutique extrêmement énergique; encore est-elle bien rarement
efficace.
Eu égard au terrain sur lequel se développent le plus soQfent ces
pneumonies on ne peut songer à recourir à la méthode antiphlogistique.
C'est aux révulsifs et aux stimulants diflusibles qu'il faut excluaimDcot
s'adresser ; un vésicatoire étendu à la plus grande partie du thom, de
fortes doses d'alcool, sont pleinement justifiés. Dans quelques cas, Tad-
jonction du sulfate de quinine sera utile.
Dans beaucoup de pneumonies à durée prolongée^ un traitement au-
logue sera indiqué : il ne faut pas en être surpris, car c'est pour la
plus grande part affaire de terrain, si la phlegmasie pulmonaire se pro-
longe. Plus souvent encore que dans les pneumonies à marche foudroyante
le sulfate de quinine à très-hautes doses sera indiqué, à cause de son
action antipyogénique.
Dans la pneumonie périodique ce médicament sera l'agent enentiel
du traitement ; l'expérience a prouvé que dans le cas de phlegmasie
pulmonaire son efficacité n'est pas moindre que dans les cas de simple
accès fébrile.
Les pneumonies rhumatismales^ à marche alternante ou non, seront
traitées par la médication générale du rhumatisme aigu et parlesrérul-
sifs (vésicatoires) sur la paroi thoracique. Il est rare que ces pneomxmies
généralement bénignes exigent une thérapeutique plus active. Si cepen-
dant on se trouvait en présence d'une congestion fort intense de»
poumons, avec tendance à Tasphyxie, il ne faudrait pas reculer deraot
l'emploi de la saignée. S'il y avait des raisons particulières pour seo
abstenir, on devrait recourir à une large application de ventouses sur le
thorax. La ventouse de Junod pourrait être aussi fort utile.
Je ne crois pas que la forme sthénique des pneumonies doive être
traitée par une médication univoque. Selon les cas et les sujets il
faudra recourir aux saignées, au tartre stibié et, plus rarement, i la di-
gitale. Si l'exsudation phlegmasique est assez abondante pour obstruer les
bronches, Scliùtzenberger recommande particulièrement le mercure,
comme antiplastique.
La pneumonie bilieuse est traitée par les vomitifs, principalement par
ripéca, auquel on peut joindre un peu de tartre stibié, s'il n'y a pas de
tendance à Tadynamie. On sait que l'expérience condamne dans cette
forme les émissions sanguines : il faudra donc s'en abstenir absolument
L'alcool est la médication la mieux appropriée à la pneumonie astbe
nique; souvent on se trouvera bien d'y associer la quinine et le muscles
vésicatoires ont aussi leur utilité, mais il conviendra de surveiller h
plaie qui en est le résultat.
Dans la pneumonie de starvatiotiy c'est aux mêmes moyens que l'on
devra recourir, avec cette particularité que le sulfate de quinine ne dem
PNEUMONIE LOBAIRE AIGUË. — bibliocbaprie. 509
être administré qu'à dose tonique (10 centigrammes par jour, par
exemple) .
Dans la pneumonie entée sur une bronchite^ le kermès trouve son
emploi rationnel ; il conviendra souvent d'y joindre Falcool etles révulsifs,
puis, à la période de résolution, la térébenthine.
Pour le traitement des complications, je renvoie aux articles corres-
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Les indications qui suivent correspondent aux différents chapitres de mon article et sont
disposées dam Vordre de mon texte; naturellement je n'ai pas répété, aRn de ne pas faire dou-
ble eoaploi, celles qui sont déjà données d'une manière suffisante. Ces indications portent
presque exclusivement sur des Iravaur que j*ai consultés : elles ne doivent donc pas être coDsi-
. dérées comme constituant une bibliographie complète des travaux publiés sur la pneumonie.
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l)ronehio-pneumonie parait avoir été employé pour la première fois par
Seifert (1858). Avant lui, on désignait cette maladie sous les doids de
péripneumonie péripneumonia notha, pcripneumonie latente, de catarrhe
suffocant (Laënnec), de catarrhe suffocant des enfants (Gardien, Ettmûller,
Chambon, Capuron), de pneumonie des enfants (Fischer, Léger, La
noix, etc.), de pneumonie lobulairc (Rurnct, de la Berge), pneumonie ca-
tarrhale, etc.. Le terme de broncho-pneumonie employé par plusieurs
auteurs, et notamment par Roger, n'a point passé dans Tusagc journalier.
Peut-être est-ce avec raison, car rinflaiumation en envahissant les petites
bronches et le lobule, ne cesse point pour cela dans les bronches degroset
de moyen calibre. Trop souvent, au contraire, comme nous aurons occasioo
de le remarquer* ces dernières sont le siège, principalemeal dans les ca»
WHEDMONIE. — brohcho-pneuhonib. — DépiNinoif. 521
subaigua^ de lésions profondes indélébiles, qui aboutissent à la destruction
partielle ou totale des éléments de leur paroi. Bien plus, non seulement le
système bronchique et les lobules, mais même le tissu conjonclif qui les
environne, les vaisseaux sanguins et lymphatiques participent aux lésions :
le terme broncho-pneumonie exprime, par conséquent, la réalité des choses.
Les noms dé pneumonie lobulaire, secondaire, catarrhale, ont une signi-
fication trop vague. Si, comme rétablit le professeur Jaccoud, l'absence
d'exsudat fibrineux est le caractère fondamental de la pneumonie ca-
tarrhale, on peut se convaincre , par l'examen des diverses parties con-
siitoantes des lobules atteints de broncho-pneumonie, que la dénomina-
tion de lésions catarrhales ne peut pas être appliquée aux altérations
profondes, parenchymateuses que Ton rencontre et qui se rapprochent sou-
vent de celles qu'on observe dans la pneumonie franche. On peut repro-
cher la même insuffisance au terme de bronchite capillaire qui a éga-
lement l'inconvénient de ne désigner qu'un élément ou qu'une forme de
la maladie, et qui n'a d'ailleurs été adopté que par les médecins qui
ont observé chez les adultes. Le nom de pneumonie lobulaire a un
aens trop large; il y a des pneumonies lobulaires qui ne sont pas des
broncho-pneumonies. En effet, l'irrigation sanguine du lobule se fait par
Tartère bronchique et par l'artère pulmonaire. Primitivement, la première
est seule intéressée, dans la broncho-pneumonie ; la seconde peut être
aussi le point de départ immédiat de la pneumonie lobulairci par exemple
dans les pneumonies lobulaires métastatiques consécutives aux embolies
simples ou pyémiques.
Ce qu'on doit tout d'abord établir, c'est que des deux éléments inflam-
matoires bronchique et puImonaii*e dont la réunion constitue la broncho-
pneumonie, l'un est toujours secondaire à l'autre : sans lésion bronchi-
que, pas de broncho-pneumonie. La bronchite se propage jusqu'aux lo-
bules, dont les diverses portions sont envahies en totalité ou seulement
en partie par l'inflammation.
Rejetant l'ancienne hypothèse des auteurs qui admettaient que cette
inflammation du lobule est produite par la pénétration de§ mucosités
bronchiques, nous croyons maintenant qu'elle est due à la propagation de
l'inflammation des bronches extra-lobulaires aux bronches intra-lobulaires
et de celles-ci aux parties constituantes du lobule. La bronchite est le point
de départ de tout le processus : la pneumonie n'évolue pas spontanément.
n ne faut donc pas envisager, comme on l'a fait souvent, la pneumonie
lobulaire avec des périodes de congestion, d'hépatisation, etc., comme la
pneumonie franche dans le lobe. Au moins à son début, la pneumonie lobu-
laire reste toujours plus ou moins liée à la bronchite, fait démontré par la
nature des lésions, par leur siège autour de la bronche et dans le tissu
eonjonctif intra-lobulaireet périlobulaire, et par la marche qu'elles affec-
tent. C'est en réalité, comme on l'a dit, une bronchite vésiculaire. Mais
une fois la lésion constituée, il peut arriver que l'un ou l'autre élément,
bronchique ou pulmonaire, prédomine, et il en résulte l'existence de formes
cKniquea et anatomiques distinctes se rapprochant plus ou moins soit de la
522 PNEUMONIE. — brorcho-preumoiiie. — histobiqub.
bronchite, soit de la pneumonie. En résumant donc ces principaux traits,
nous dirons que la broncho-pneumonie est une inflammation occupant
en totalité ou partiellement les divers éléments des brandies et des (d-
bules^ toujours secondaire à une phlegmasie bronchique qui envahit
successivement les lobules isolément oupar groupes^ et caraciérisée par
une évolution anatomique et clinique en rapport avec la prédomifuuice
des altérations dans les bronches ou dans les lobules.
Historiqae. — Sous les noms de péripneumonie latente, 4e pàipiMB-
monia notha, Boerhaavc, Sydenham, Van Swiéten, Sauyages, Morgagm,
Baglivi, Lieutaud, etc.. décrivaient des inflammations bâtardes, lyint
des caractères cliniques et anatomiques mal déBnis. BoerhaaTe avait dît
cependant qu'il existait deux espèces de péripneumonies : Tune, se déie-
loppant dans le territoire de Tartère bronchique; Tautre, dans celui de
Tartère pulmonaire. CuUen rejeta cette division comme trop théorique.
Sous le nom de catarrhe suffocant, Laênnec décrivait une phlegmasie
généralisée à tous les tuyaux bronchiques, et Andral montra que de
Tcxtension aux petites bronches résultait la gravité de la maladie.
En 1825, Léger montra, le premier, la fréquence de ces pneumoiûei
chez les enfants, les sépara nettement des pneumonies ordinaires, en
montrant que leurs caractères cliniques principaux étaient d'être doB-
bles, d'affecter une marche latente aiguë ou chronique, tandis qu'elles
modifiaient anatomiquement le tissu du poumon, de manière i le
faire ressembler au tissu de la rate (splénisation). Lanoix décrit dus
cette pneumonie des granulations siégeant dans les vésicules, et donnant
au poumon un aspect mamelonné. En 1828, Berton montre que ces lésions
affectent une disposition lobulaire : il substitue au mot splénisation le
terme de rénification et montre la pneumonie lobulaire ou partidle
passant par les périodes d'engouement, d'hépatisation et aboutissant parfois
à l'infiltration purulente et à la formation d'abcès. Il en montre les trois
formes aiguë, subaiguë et chronique.
Ces auteurs ont nettement indiqué que la muqueuse des bronches sert de
point de départ à l'inflammation qui, de là, envahit le tissu vésicnlaire des
poumons, mais ils n*ont pas compris la nécessité de cette succession dans les
phénomènes morbides. Pour eux, la pneumonie pouvait se développer d'une
manière indépendante dans le coursde certaines affections, le plus souvent
pendant les fièvres éruplivcs.
Dans deux monographies parues en 1852 et en 1855, JoBrg décrivit
une lésion qu'il considérait comme spéciale aux nouveau-nés et ca-
ractérisée par Taffaissement, la congestion et la condensation do
tissu pulmonaire qui plonge au fond de l'eau. Jœrg montra que cette
altération toute passive est le résultat de la persistance de l'accolement
des alvéoles dans les parties des poumons qui n'ont pas respiré. Elle ap»
parait lorsque l'enfant est trop faible pour respirer largeipent ou lorsqa'il
existe des obstacles à la respiration, soit à Fentrée, soit dans rinténenr
des voies aériennes.
C'est dans les travaux de Burnet (1833) et surtout de de la Berge ipe
PNEUMONIE. — BEONCHO-PNEUMOMIE. — HISTORIQUE. 525
Ton trouve nettement affirmée la subordination de la pneumonie à la
bronchite. De la Berge décrit deux périodes : la première sthénique, in-
diquant remploi des antiphlogistiques ; |a seconde asthcnique, plus lon-
gue que ia première, et réclamant au contraire un traitement tonique.
Parmi les travaux de cette époque, il faut citer ceux de Gerhard et de Rufz,
qui ont surtout étudié la pneumonie franche, la thèse de Bazin (1854),
la clinique de Yalleix sur les maladies des nouveau-nés (1838) ; à l'é-
tranger, les travaux de Seifert et de Succow. C'est à cette époque égale-
ment que Ilourmann et Dechambre ont donné la première bonne descrip-
tion de ia broncho-pneumonie des vieillards (1856).
En 1858, RiUiet et Barthez (Traité des Maladies des enfants) dé-
montrent chez Tcnfant l'existence de deux pneumonies, l'une lobaire
primitive, Tautre lobulaire secondaire. Ils séparent nettement ces deux
affections souvent confondues avant eux et montrent qu'elles différent
par leurs causes et leurs symptômes et qu'elles appellent chacune un trai-
tement spécial. Toutefois, ils ne détruisent pas complètement la confusion
qui existait à ce sujet : c'est ainsi qu'ils reconnaissent des pneumonies
Jobaires secondaires, de nature catarrhale comme les pneumonies lobu-
laireSf et plus loin ils disent que ces pneumonies lobaires secondaires
sont presque toujours des broncho-pneumonies. C'est à ces deux auteurs
cependant que l'on doit les recherches les plus importantes sur la broncho-
pneumonie ; tous les travaux parus depuis n'ont fait que compléter leurs
descriptions et confirmer la plupart des opinions qu'ils avaient émises.
Barrier accentue davantage les différences qui séparent les pneumonies
lobaires et lobulaires. Il divise celles-ci en trois variétés : lobulaire dissé-
minée, lobulaire généralisée, pseudo-lobaire. Cette dernière présente des
caractères macroscopiques qui la rapprochent des pneumonies lobaires :
c'est la généralisation rapide et Funiformilé d'aspect, laquelle n'est ce-
pendant pas complète, ce qui, joint à la présence de l'élément bronchi-
que, permet de faire la différence. Barrier insiste sur les terminaisons de
la pneumonie lobulaire et sur la suppuration du lobule. Il reconnaît
Teaustence des abcès décrits par RiUiet et Barthez, mais il les distingue
d'une autre altération à peu près analogue et confondue par ces deux au-
teurs avec l'abcès et les dilatations des bronches terminales, et qui est
due à la fonte purulente du lobule transformé en une cavité pleine de pus
qu'il désigne du nom de vacuole.
Les lésions bronchiques furent étudiées par Fauvel, dans sa thèse
inaugurale (1840), travail qui marque une époque importante dans This-
loire des lésions inflammatoires du lobule pulmonaire. Fauvel les dé-
signe sous le nom de grainsjaunes.il les considère comme formées par la
pénétration mécanique du contenu purulent des bronches dans les cavités
des vésicules. Cette opinion a été exagérée depuis par plusieurs auteurs
qui, refusant le nom de pneumonie aux lésions du lobule, les ont exclu-
sivement attribuées à cette pénétration des produits de l'inflammation
des bronches. Pour Fauvel , la doctrine de la pneumonie lobulaire reste
intacte ; il la montre existant souvent en même temps que la bronchite
524 PNEUMONIE. — broncho-pubumohie. — HtsTOiiiQDR.
capillaire, entourant les grains jaunes, soit à l'état de congestion, «oit i
Tétat d*hépatisation. 11 décrit les différents aspects que peut présenter le
parenchyme pulmonaire, rappelant fréquemment celui de la cirrhose do
foie, tandis que le toucher donne la sensation de grains dans le pam-
chyme pulmonaire.
Cependant la thèse de Fauvel servit de base à rétablissement fmie
doctrine nouvelle ; le siège des lésions fut décidément placé dam les
bronches : on nia la broncho-pneumonie pour n'admettre que des bron-
chites capillaires. Ce mouvement d'opinion s'ac:entua surtout après h
publication des travaux de Legendre et Bailly.
Pour Legendre et Bailly (1844), Thépatisation lobulaire dans le sens
rigoureux du mot n'existe pas ; il est nécessaire d'établir une sépara
tion complète entre la pneumonie lobulaire {partielle et mamelonnée)^
la pneumonie catarrhalc (pneumonie lobulaire généralisée et bronchite
capillaire des auteurs). L'hépatisation partielle est une variété de k
pneumonie franche légitime^ dont elle ne diffère anatomiquement que
par son étendue et son siège ; c'est une lésion très-rare, en comparaison
de la pneumonie catarrhale et des lésions congestives. Parmi ces der
nières, Legendre et Bailly ont justement donné une place très-importante
à l'affaissement des poumons avec congestion, si fréquent dans la bron-
cho-pneumonie. Cette lésion avait été bien vue avant eux, en particoh'er
par Rufz, mais elle avait été mal distinguée de la splénisation et de la
congestion simple. Legendre et Bailly ont donné à cette lésion le nom
d'état fœtal; ils en ont bien montré la signification et en ont donné une
description à laquelle on n'a rien ajouté depuis. Ils ont été moins heureux
dans leur description de la congestion lobulaire disséminée ou généra-
lisée, qu'ils ont voulu séparer de la pneumonie lobulaire, en se basant
principalement sur les résultats de l'insuillation qui rend leur aspect
normal aux parties congestionnées, tandis qu'elle ne peut modifier les
parties hépatisées. De même ils décrivent isolément la pneumonie ca-
tarrhalc, dont ils font une maladie tantôt indépendante, tantôt se déve-
loppant dans les parties déjà atteintes d*état fœtal ou de congestion lobu-
laire généralisée. Elle correspond pour eux, dans ce dernier cas, i la
pneumonie pseudo-lobaire de Barrier. Les symptômes sont tantôt ceux de
la bronchite capillaire de Fauvel, tantôt ceux de la pneumonie lobulaire
généralisée que Legendre et Bailly décrivent sous le nom de forme lente
eongestive. Comme nous le verrons, on doit encore à ces auteurs une
bonne description des lésions de la broncho-pneumonie chronique qu'ils
ont désignée sous le nom de carnisation.
En résumé, Legendre et Bailly, frappés de la mobilité des lésions dans
certains cas, et surtout des résultats de Vinsufflation, attribuèrent une trop
grande part aux lésions congestives ; ils se refusèrent à voir de Tinflamma-
tion dans la pneumonie ratarrhale, et conséquents avec eux-ménjes,
firent de l'hépatisation partielle une pneumonie spéciale, évoluant dans le
lobule comme la pneumonie franche dans le lobe. Pour eux, TinsufRation
mtrait infailliblement la nature des altérations ; si le poumon ri*
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEUMONIE. — HISTORIQUE. 525
sistait, il y avait hépatisaiion, s'il se distendait, c'était de l'état fœtal ou
de la congestion, accompagnée ou non de granulations jaunes dues à
la pénétration mécanique dû pus bronchique dans le lobule. Eu vain
Bouchut (1845) fit voir que l'iiépatisation elle-même pouvait souvent
se. laisser insuffler, les auteurs confiants dans ce mode d'investigation,
en arrivèrent de plus en plus à considérer les bronches comme siège
eiclusif de la maladie. Pour Foureau de Beauregard (1851), chez Ten-
faat comme chez le vieillard, il n'y a pas pneumonie, mais simplement
bronchite avec altération mécanique du poumon.
Eo 1850, Gairdner donne la pathogénie de l'état fœtal qu'il met en-
tièrement sur le compte de l'obstruction bronchique. L'air introduit par
l'inspiration ne peut traverser le bouchon muco-purulent qu'il pousse
au contraire vers le lobule. Celui-ci, n'étant plus soumis à la pression
atmosphérique s'affaisse, et il se produit en même temps autour des ré-
gions en collapsus un emphysème supplémentaire appelé à combler le
¥ide qui s'est produit dans la plèvre.
Trousseau et Laségue (1851) mettent bien en relief la bénignité du
pronostic de la pneumonie franche de l'enfant, opposé à la gravité de la
pneumonie catarrhale. Les thèses de Roccas et de Beauvais (1850), le
Traité de la Pneumonie de Grisolle, l'ouvrage de Durand-Fardel sur les
maladies des vieillards (1851^. les recherches de Lebert (1855), celles de
Robin et Isambert (1855), sur là carnification congestive doivent être
mentionnés parmi les travaux de cette époque. Non seulement on discu-
tait alors sur le siège des lésions, mais encore sur leur nature. Beaucoup
d'auteurs se refusaient à les considérer comme inflammatoires, en montrant
le peu de friabilité des tissus, Pabsence de granulations, l'inconstance ou
le. peu d'importance des lésions pleurales, l'état du sang dans lequel la
fibrine n'est pas augmentée, la prédominance de la congestion, enfin le
si^e même de l'exsudation qui, dans ces cas, serait extra-vésiculaire au
lien d'être intra-vésiculaire comme dans l'inflammation vraie. A côté des
partisans de la bronchite capillaire, il y avait ceux de la pneumonie lo-
bulaire, et après Rilliet et Barthez, après les auteurs du Compendium de
médecine, après Traube (1856), Lebert, etc.... il faut citer Yulpian qui
caractérisa nettement sa nature inflammatoire dans sa thèse d'agrégation
sur les pneumonies secondaires (1860). Les pneumonies lobulaires et la
splénisation, dit-il, sont des hypérémies phlegmasiques pouvant subir, dans
de certaines limites, Pinfluence de la pesanteur relativement à leur dé-
veloppement et à leur disposition et participant ainsi de quelques-uns
des caractères de l'hypostase. Ces lésions sont constamment unies à un
état phlegmasique ou catarrhal des bronches et paraissent retenues à l'é-
tat congestionnel par l'espèce de révulsion continue qu'opèrent l'inflam-
matioa ou la sécrétion bronchiques.
En Allemagne, Bartcls (1860) étudie la broncho-pneumonie moibil-
leuse au point de vue de l'anatomie pathologique, de la symptomatologie
et du traitement. Ziemssen dans deux travaux publiés en 1862 et en
1863 fait d'importantes recherches sur la température et montre les carac-
526 PNEUMONIE. — bromcho-p.neuiiomu. — UtttoftiQOK.
tcres cliniques qui séparent les pneumonies croupales et catairhales. Nous
rappellerons plus loin les théories de ces auteurs au sujet de ia patho-
génie de la broncho-pneumonie, et les innovations qu'ils ont apportées
dans son traitement.
Les raisons qui faisaient refuser aux lésions lobulaires le nom de poeu*
roonie ont été surtout soutenues avec la plus grande vigueur par Béhîcr
et Hardy ( Traité de pathologie interne, t. Il, 1864) et plus tard enooR par
Bébier seul (Clinique de rUôtel-Dieu). Repoussant Topinion deRîiyiiet
Barthez, Barrier, Legendre et Bailly, qui admettent l'origine aulodrtkaoe
de la granulation purulente, Béhier revint k l'opinion de Fauyel et eouir
déra la granulation comme formée par raccumulation du pus broDehkpe
dans le lobule. Quant aux lésions qui l'entourent, elles ne doivent pu
recevoir le nom de pneumonie, car elles ne sont pas constituées par lu»
hépatisation véritable. Appuyé sur les notions alors acceptées sur h
structure du poumon (Robin, Soc. de Biol., 1858), il place le siège di
l'hépatisation dans le tissu conjonctif périlobulaire, d'où il conclut qu'elle
doit s'étendre à tout un lobe, comme le phlegmon s'étend à tout on
membre. Il ne peut pas exister de limites assez bien circonscrites das
l'inflammation pulmonaire, pour qu'elle conserve la forme circonscrite
au lobule, il faut qu'elle procède de l'élément anatomique distribué par
lobules: cet élément, ce sont les bronches. L'inflammation reste limitce
à leurs divisions : c'est de la bronchite capillaire et non de la pneiunooie.
Cette inflammation des petites bronches amène une congestion passive des
vaisseaux périlobulaires, mais le tissu conjonctif et les vésicules ne soolk
siège d'aucune phlegmasic ; la preuve directe en est fournie parrinsuiTlatioD.
Béhier a donc été plus absolu que Legendre et Bailly dan» ses opinions
au sujet des phlegmasies broncho-pulmonaires. Mais il faut remarquer
que sa description a surtout été faite d'après des observations recueillies
chez l'adulte, chez lequel, en eflèt, l'inflammation lobulaire est loin
d'être aussi nettement accusée que chez l'enfant, au moins à l'état ma-
croscopique. Legendre et Bailly, qui ont observé la broncho-pneumonie
des enfants, malgré leurs réticences à l'endroit de la pneumonie, malgré
leur tendance à restreindre son importance, en ont cependant montré les
ra()ports avec les autres lésions de lu pneumonie et notamment avec
l'état fœtal.
Aussi, en 1867, Damaschino, dans sa thèse sur les différentes formes
de la pneumonie des enfants, est-il revenu franchement sur le terrain de
la broncho-pneumonie. Son travail est avant tout, un parallèle entre le?
deux formes primitive et secondaire de la pneumonie chez les enfants. Il
conserve pour la broncho-pneumonie, la division en périodes adoptée
pour la pneumonie franche; période de congestion, d' hépatisation rouge
etd'hrpatisaliou grise, mais tout en montrant bien que ces périodes noni
une oxistence réelle (|u'aulanl qu'on considère individuellement chaque
noyau de pneumonie lobulaire. Avec Damaschino, Tintervention du mi-
croscope fait entrer Tétudede la broncho-pneumonie dan:^: une phase nou-
velle. Damaschino, en résumant ses opinions sur la nature de la malidie.
PNEUMONIE. BRONCHO-PNEUMONIE. — HISTORIQUE. 527
iaf considère comme constituée par trois éléments : i^ la bronchite capil-
laire; 2* la congestion pulmonaire; 3*^ Tinflammation du lobule. L'embar-
ras ne peut exister qu'en ce qui concerne Tinlerprétation de ces deux
derniers éléments. La congestion est-elle simplement passive ? est-elle le
premier stade d'une phlegmasie réelle ? La marche de la maladie dans
les cas à évolution lente, force à accepter la seconde hypothèse. On
leconnait, en efTet, qu'alors les lésions du lobule sont constituées par
ime proliférati(Hi considérable des épithéliums, par une production de
gloiioles de pus et, dans quelques cas exceptionnels ^ par une véritable
exsadation fibrino-purulenle. D'ailleurs, ces produits inflammatoires va-
rient suivant la forme de la maladie, et c'est ainsi que M. Damaschino,
maintenant la distinction entre les inflammations vraies et le catarrhe,
déBnit la forme pseudo-labaire une inflammation pulmonaire avec
tendance au catarrhe. La forme mamelonnée ne conserve plus les ca-
nctères d'une véritable phlegmasie : ces lésions sont celles d'une phle-
gmasie ordinairement catarrhale. La conclusion est que la broncho-
pDeomonie est bien réellement une phlegmasie, mais dissimulée en partie
par la piésence de la bronchite et de l'hypérémie pulmonaire, et qui de
plus affecte souvent les caractères des phlegmasies catarrhales.
Roger (art. Broncho-Pneumonie, Dict. ency cl. des Sciences méd.)
Itdmet plus catégoriquement la nature phlegmasique de la broncho-
pneumonie, en se basant surtout sur la marche des lésions. La congestion
dn début, en rapport avec l'état fœtal et avec les lésions bronchiques, lui
parait devoir être rapprochée de la congestion qui marque le début de la
pneomonie franche. Ce qui le démontre, c'est bien moins l'examen des
lésions histologiques à cette période que la succession ultérieure des
périodes d'induration et de ramollissement purulent, ainsi que l'étude
des causes et de la marche des symptômes.
Un grand nombre de travaux ont paru dans ces dernières années sur
là broncho-pneumonie envisagée d^ne manière générale ou dans les ma-
ladies qn'elle vient compliquer. Nous mentionnerons les recherches
anatomo -pathologiques de Colberg, Buhl, de Rindfleisch, de Ranvier et
Gomily de Yirchov? qui, de même que Damaschino, a reconnu la pré-
sence des exsudats fibrineux dans la broncho-pneumonie. Koéster (1877),
dont le travail renferme une bonne description de l'état fœtal, est allé
pins loin en montrant que les lésions inflammatoires ont la bronche poui
point de départ ; mais il n'a pas su bien montrer les rapports qu'elles affec-
tent avec elle et il a eu tort d'attribuer à la pneumonie lobulaire une
évolution semblable à celle de la pneumonie lobaire. Du reste, cette con-
statation des exsudats (ibrineux dans la broncho-pneumonie a évidemment
troublé pendant quelque temps les observateurs ; les uns ont admis la
possibilité de la coïncidence des deux pneumonies fibrincuse et catarrhale ;
d'autres ont cru que, dans quelques cas, la broncho-pneumonie, en se
généralisant, pouvait atteindre un degré supérieur et aboutir à la pneu-
BMttiie lobaire fibrineuse. Rautenberg de Saint-Pétersbourg (1874) est
même allé jusqu'à rejeter la division fondamentale des deux pneumonies
528 PNEUMONIE. — broncho-pnbumonie. — historique*
fibriiieuse et catarrhalc dans le jeune âge., La (ibrine, d'après lui, ne
serait nullement caractéristique et les pneumonies ne pourraient être dilTé-
rencices que par leurs causes ; les unes sont primitives, les autres feooa-
daires. C'est là le meilleur caractère distinctif, la nature du siège dans le
lobule ou dans le lobe doit, selon lui, être rejetée comme insuffisante.
Parmi les travaux cliniques de ces dernières années, nous rappellenmi
surtout les recherches de U. Roger sur la marche de la température dans
la broncho-pneumonie , les descriptions contenues dans les travaux de
StefTen (1865 et 1875) et dans les traités classiques de Steiner, Gerhardi,
d'Ëspine et Picot, les travaux de Peter et Sanné sur la broiicho-pneuinooie
dans la diphthérie, ceux dePérier, Laveran, Léon Colin, sur les bronchites
capillaires épidémiques, etc., etc. Plus tard, nous citerons à propos de h
pathogénie, les importants travaux qui ont été produits sur les broncho-
pneumonies expérimentales.
Charcot, dans son cours professé à la Faculté de Paris en 1877, a
donné une description qui permet de mieux se rendre compte du déve-
loppement et du véritable siège de Tinflammation lobulaire dans b
broncho-pneumonie. Sur une coupe horizontale d un lobule pulmonaire,
il est facile de reconnaître des espaces ou travées de tissu conjonctif limi-
tant le lobule, et se subdivisant pour circonscrire chacun des acini qui
le composent. Si la coupe comprend la partie centrale du lobule, on voit
en outre, au milieu des acini, des espaces arrondis dans lesqueb se
trouvent la bronche acineuse avec ses vaisseaux satellites, pulmonaires ei
bronchiques. Le tissu compris entre ces divers espaces représente la section
des canaux alvéolaires et des alvéoles. Sur un poumon atteint de broncho-
pneumonie récente, il existe autour des espaces centraux un nodule in-
ilainmatoire, nodule péribronchique^ offrant le plus souvent une compo.
sition élémentaire analogue à celle de la pneumonie franche, leucocytes et
fibrine (hépatisation péribronchique).Dans le reste du lobule, on trouve les
lésions caractéristiques de la pneumonie catarrhale : globulesblancs et cel-
lules épithéliales en prolifération ; ces lésions sont surtout abondantes dans
les parties violacées, lisses sur la coupe , présentant l'aspect décrit sous le
nom de splénisation. Charcot, constatant cette lésion non seulement dans
ces cas, mais môme dans les noyaux de pneumonie isolés, donne un sem
plus général à cette expression en l'appliquant à ces lésions catarrhaJes ;
il les oppose ainsi, sous le nom de splénisation ; à Thépatisation péribron-
ehiquc. Enfm, il décrit dans les espaces péri-lobulaires et périacineux
]es lésions interstitielles contemporaines des lésions parenchymateuses,
infiltration de cellules embryonnaires, lymphangites, etc... Nous ne
faisons ici qu'esquisser à grands traits la description si claire et si sai-
sissante que Charcot a donnée des lésions broncho-pneumoniques, en
s'appuyant sur une compréhension nouvelle de la topographie du lobule
qui lui a permis de mieux montrer la distribution exacte des lésions dans
ses différentes parties. Ces notions nouvelles que nous avons exposées lon-
guement dans notre thèse inaugurale (Contribution à l'étude de la broncho-
pneumonie, 1878), faite sous l'inspiration de ce maître éminent, serviront
PNEUMONIE. BEONCHO-PNKaMONIE. — ANATOMfB PATHOLOGIQUE. 529
de base à la description qui sera donnée dans le chapitre relatif à Tana-
tomie pathologique. Nous aurons aussi plusieurs fois Toccasion de citer
un travail important de VVyss sur la pneumonie calarrhale, qui résume
k» travaux allemands parus dans ces dernières années, et enfin Tou-
Trage actuellement encours de publication de notre excellent maître Cadet
de Gassicourt.
Aiiatoinie pathologique. — L'anatomie pathologique de la
bitMicbo-pneumonie comprend l'étude des deux éléments fondamentaux
qai la constituent, savoir : les lésions inflammatoires bronchiques et lo-
iulaires. On peut leur rattacher immédiatement les lésions pulmonaires
concomitantes et les lésions de voisinage^ qui portent sur la plèvre et sur
ka ganglions bronchiques. Nous décrirons ensuite les complications et
an quelques roots les lésions des organes qui se développent sous Tin-
loencede la broncho-pneumonie, ou qui s'y rattachent indirectement par
one étiologie commune. Nous suivrons donc, dans cet exposé, l'ordre
qai nous semble indiqué par la marche même des lésions.
A. Lésions fondamentales. — i'* Bronchite. — Il faut distinguer, quand
9 a*agit de la broncho-pneumonie, deux périodes dans l'évolution de
k lironchite. Une première période où «cette lésion génératrice existe
■auk^ à l'état indépendant; nous n'avons pas à nous en occuper ici.
Notre description des lésions bronchiques ne devrait commencer qu'au
BBoment où l'ensemble de la maladie se trouve constitué, c'est-à-dire au
IMment où la bronche malade a, en quelque sorte, porté l'altération jus-
4p*au lobule. Mais dans certains cas 1 inflammation du lobule se produit
aoe rapidité telle qu'il est difficile de savoir s'il y a eu réellement
ion dans la marche des lésions. Nous voulons parler de ces alté-
broncho-pneumoniques qui surviennent d'une manière fou-
inyante» par exemple, à la suite de brûlures étendues à une grande
partie de la surface du corps. Le mode de succession ordinaire des deux
éliments bronchique et pulmonaire est difficile à saisir dans ces cas où
ka troubles de rinner\'ation jouent un rôle important.
n résulte de cette rapidité dans la marche du processus qu'on a
louyent Toccasion de voir des broncho-pneumonies dans lesquelles l'in-
lammation des bronches en est encore à sa première période ; la mu-
qpieiiae est congestionnée, recouverte d'un mucus clair et aéré. La con-
gaalîon peut cependant manquer dans des cas où l'inflammation ne peut
■ra mise en doute. Bientôt le liquide contenu dans les bronches se trans-
krme en un muco-pus abondant que la pression peut faire sourdre des
|liii petits canaux aériens. Ce muco-pus, dans lequel l'examen micro-
paopique démontre la présence de nombreux leucocytes et de cellules
iiyUndriques, peut souvent se condenser de manière à revêtir l'aspect de
jWTiiifn membranes qui tapissent les voies aériennes. S'il s'agit d'une
wftODcbo-pneumonie consécutive à l'invasion de la diphthérie, les bronches
■■mt tapissées de fausses membranes d'épaisseur variable qui peuvent s'é-
idre jusqu'aux plus fines ramifications bronchiques, et au-dessous des-
quelles la muqueuse apparaît tantôt congestionnée, tantôt avec sa cou-
XOOT. DICT. MfO. IT CHIR. XXVUI — 34
530 PNEUMONIE. — broncho-pnedmonie. — ànatomie pathologiqui.
leur normale. Parfois, àl^cxamen microscopique, on peut trouver l'épilhé*
lium cylindrique encore intact.
Dans les périodes plus avancées de la bronchite, Panalyse hislologiqne
montre une infiltration de leucocytes dans la couche conjonctife de b
bronche, infiltration souvent assez abondante pour qu'on puisse distûiguer
avec peine les fibres de Tanneau musculaire. Le processus se temaineparli
destruction de cet anneau à laquelle se lie évidemment la dilaiatkm des
bronches (Trojanowsky). Tant que cet anneau subsiste, les lésion lont
encore réparables et ne survivent pas à la guérison de la broncho-
pneumonie. Outre ces dilatations bronchiques, on peut encore trouer
des ulcérations de la muqueuse qui ont été décrites autrefois par Fatrel
dans plusieurs cas. De toutes ces lésions bronchiques la plus intéremote
est, sans contredit, la dilatation, sur laquelle nous aurons occasioD de
revenir en suivant l'évolution des processus broncho-pneu moniques, dans
les formes subaiguës et chroniques de TafFection.
2*^ Pneumonie lobulaire. — Lorsqu'on examine un poumon atteint
de broncho-pneumonie, on est tout d'abord frappé en voyant que les
lésions, malgré leur diffusion inégale et leurs aspects divers, se répifti»-
sent cependant suivant un mode assez régulier, dont la raison se troofe
dans la prédominance des lésions bronchiques dans les parties postérieures
du poumon. Bartels a montré qu'il existe, en réalité, deux systèipes broo*
chiques, l'un antérieur, l'autre postérieur, et influencés tous deux d*uiie
manière différente dans la broncho-pneumonie. Le système antérieur^
constitué par les bronches descendante et ascendante antérieures, pré-
sente des lésions peu intenses. Le système des bronches ascendante et
surtout descendante postérieures est rempli de sécrétions muco-purulentes
et les parois bronchiques présentent des lésions beaucoup plus accentuées
et plus profondes. Cette répartition des lésions bronchiques est nettement
en rapport avec le siège des lésions pulmonaires.
En effet, à l'autopsie d'un individu mort de broncho-pneumonie, on
remarque des différences d'aspect très-nettes, entre les lésions de la partie
antérieure et celles de la partie postérieure des poumons. Ceux-ci.
d'une manière générale, paraissent augmentés de volume, mais leur sur-
face est irrégulière, bosselée et présentant aussi bien à la partie aolérieure
qu'à la partie postérieure, à côté des portions tuméfiées et saillantes, des
espaces où le poumon est affaissé et amoindri. C'est ainsi que dans les
parties antérieures on voit, à coté de lobules distendus et gonflés par Tair
qui les remplit, d'autres lobules isoles ou agglomérés, qui, malgré la
congestion dont ils paraissent être le siège, sont diminués de volume et
situés beaucoup au-dessous du niveau, non-seulement des parties disten*
dues, mais même au-dessous des portions saines du poumon. Ces devi
lésions, bien distinctes, se trouvent presque toujours situées dans le do-
maine du système bronchique antérieur. La première n'est wtn
que l'emphysème qui se montre avec ses formes diverses : la seconde,
d'une nature plus ohscure et plus complexe, porte les noms dV/fl/ /Wfl'
ou d'atéleciasie.
PNEUMONIE. — BaoïNCHO-p.NEUMOifiB. — anàtomie pathologique. 55i
Dans les parties postérieures ou mieux postéro-Iatérales et inférieures,
m retrouve encore, mais avec des caractères dilTérents, la même irrégula-
rité de surface. Le poumon est beaucoup plus congestionné qu'à la partie
intérieure. On trouve aussi des bosselures et des dépressions, au niveau
lesquelles la congestion est tantôt diminuée, tantôt exagérée. Souvent ces
bosselures ne sont pas appréciables à la vue, mais en palpant le poumon
Dosent des noyaux durs et plus ou moins volumineux qui sont tantôt en
DODtact immédiat avec la plèvre, tantôt en sont séparés par une mince
couche de tissu crépitant. Ces noyaux d'induration peuvent être limités à
retendue d'un seul lobule ou en comprendre plusieui*s. Ils sont tantôt
disséminés dans une vaste surface, et forment des mamelons isolés, ou
bien ils sont confluents de manière à occuper la plus grande partie d'un
lobe. Mais, même dans ce cas, on est frappé de la netteté avec laquelle
se détachent les contours des lobules. Chacun d'eux est évidemment lésé
d*une manière qui lui est propre ; des altérations semblables se produisent
dans ceux qui l'entourent sans qu'il cesse d'être affecté d'une manière in-
dépendante. La lésion est donc lobulaire ; de plus, l'induration du tissu,
Fépaississementdcs cloisons conjonctives interlobulaires, la présence fré-
qoente de fausses membranes à la surface de la plèvre, la coloration rouge,
'violacée, et parfois grisâtre ou jaune, tout semble indiquer que cette lé-
sionlobulaire est de nature inflammatoire^ qu'il s'agit, en un mot, d'une
pneumonie lobulaire.
Cette pneumonie lobulaire, ordinairement double, se développe donc
de préférence dans les parties déclives. Quand elle se montre dans les
parties antérieures, elle envahit d'abord le lobe moyen du poumon droit.
'La pneumonie peut rester localisée dans des lobules isolés, ou bien
s'étendre à plusieurs et même occuper rapidement la plus grande partie
d'un lobe ou même d'un poumon. Dans le premier cas, la pneumonie
lobulaire est disséminée; dans le second, elle est généralisée. Si Ton
examine séparément des lobules atteints de pneumonie, on peut leur
Irouver différents aspects suivant l'ancienneté des altérations. Ils peuvent
être jaunes, ou grisâtres, ou même paraître entièrement purulents.
Êljésiewts de cette PKEUMONiE. — 1*^ Splénisation. — Au début, la conges-
tion domine, c'est ce qu'on apprécie très-bien, surtout lorsqu'un certain
nombre de lobules altérés forment une seule masse : le poumon présente
i ce niveau une couleur bleuâtre, plus ou moins foncée suivant l'intensité
de la congestion; il est aussi plus ferme et plus lourd qu'au niveau
des parties saines. Sur la coupe, on trouve une surface plane, lisse,
aans granulations, peu friable, d'une couleur noirâtre à cause de l'intcn-
aité de la congestion; de cette surface s'écoule un liquide brunâtre, et
elle se recouvre rapidement du sang qui sort des vaisseaux. En outre,
^ Ton insuffle le poumon, la lésion disparait en partie. Mais, malgré
cette diffusion apparente des lésions qui pourrait les faire confondre
.avec une congestion œdémateuse simple, on peut encore le plus souvent
retrouver leur distribution lobulaire. Si Ton regarde avec attention
dans Taxe du lobule, on aperçoit un certain nombre de points grisâtres
552 PNEUMOiNIE. — brongho-pneumonib. — ahàtomie pathoumiqoi.
plus ou moins saillants, friables et présentant un aspect légèrementgrenu.
Ces points sont quelquefois réunis de façon à former une petite grappe
qui occupe une étendue plus ou moins considérable dans le lobule.
L'ensemble de la lésion a reçu le nom de splénisaiion (Sarco) et
correspond, suivant Charcot, à la pneumonie planiforme de Dechambre,
à la pneumonie-pseudo-lobairedeBarricr, à la congestion-lobulaîre géné-
ralisée de Rilliet etBarthez, à Thépatisation rouge broncho-poeurooiiique
de Damaschino. On a voulu pendant longtemps faire de cet état qudcpe
chose de distinct de la pneumonie lobulaire. Mais Taspect nuaneé qae
nous avons décrit, et sur lequel avaient insisté Bazin et Gairdoer, aviit
frappé Barrier, qui Tavait décrit sous le nom de broncho-pneumonie
pseudo-lobaire, et Vulpian, qui Favait rattaché également aux pneumo-
nies lobulaires. Enfin, dans ces derniers temps, l'analyse hîstologique i
tranché la question d'une manière définitive. (Charcot)
2^ Nodule péribronchique. — Sur le fond rouf^e, violacé, de cettespléoi-
sation. on dislingue, avons-nous dit, le second élément de la lésion. Dans
Taxe des lobules, il existe des points saillants, grisâtres, denses, légère»
ment granuleux, laissant suinter un liquide puriforme : c'est le naduU
péribronchique de Charcot, qui correspond, au début, à rhépatisatioD
lobulaire partielle de Rilliet et Barthez, à Thépatisation grise partielle
de Damaschino. Ces nodules péribronchiques sont peu friables ; ils résistent
à l'insufllation ; un petit fragment détaché gagne le fond de Feau. Ib
peuvent augmenter considérablement de volume, devenir confluentsetfiire
disparaître les parties violacées de la splénisation ; c'est l'hépatisatîon grise
des auteurs, Tliépatisation grise lobulaire généralisée de Rilliet et Bartbei.
En résumé, dans les lobules atteints de pneumonie, on peut distîogoer
deux altérations principales ; 1" la splénisation, caractérisée par un aspect
lisse et congestionné occupant plus spécialement la périphérie du lobule;
2^ rinflammation péribronchique, caractérisée par un aspect grisâtre,
grenu, par une induration plus marquée et circonscrite habituellement
dans le voisinage de la bronche. L'examen microscopique a prouvé la
constance de ces lésions fondamentales, à des degrés divers, dans toutes les
broncho-pneumonies, quelle que soit leur forme ; elles varient seulement
dans leur composition élémentaire , dans les proportions qu'elles prè-
sentent l'une par rapport à l'autre. Le plus souvent, au début, la splénisa-
tion domine, le foyer de pneumonie est violet ou brunâtre, sa surface de
section est foncée, dense, sans grsinuhiions (période de congestion^ d'en-
gouement ^ dliépalisation rouge des auteurs). V\\x%iàvà^ à mesure que le
contenu des alvéoles augmente, Tliyperémie diminue, le foyer prend une
coloration grise ou jaunâtre et sa consistance paraît, diminuer (période
dliépatisalion grise des auteurs) ; le processus aboutit au ramollisse-
ment et à la suppuration du lobule, dans quelques cas, à l'induration et
à la cirrhose.
Âpres avoir défini et montré macroscopiquement les lésions du lobule,
nous devons maintenant montrer comment elles constituent les trois
formes principales de broncho-pneumonie admises par les auteurs.
PNEDHONIE. — BRONCHO-PNEDMOKIK. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 555
Foimes anatomiques delà pneumonie lobnlaire, — 1" Il y a, d'abord,
la pneumonie lobulaire disséminée ou mamelonnée (lobulaire discrète
de Bouchut), désignée encore sous les noms de congestion , hépatisa-
tion lobulaire, splénisatioR par lobules. Elle se montre le plus souvent à
la partie postérieure, quel(|uefois dans les languettes et les bords du
poumon (pneumonie marginale ou corticale). Le nombre des noyaux de
pneumonie est variable : ils sont saillants, variant depuis le volume d*un
pois à celui d'un œuf de pigeon, d'une couleur rouge violacée ou bru-
nâtre, durs et résistant à la pression ou à la dilacéralion, ayant sou-
Tentune forme losangique due à leur limitation par les travées interlobu-
laires. Quelquefois, au lieu d'être congestionnés, les noyaux sont grisâtres,
pâles, et ne tranchent que par leur saillie et leur induration sur Jes
lobules sains qui les entourent. Souvent, la coupe présente une surface
grenue. Le noyau subit d'ailleurs ultérieurement des transformations qui
peuvent modifier son aspect; il peut être envahi parla suppuration et
présenter un petit foyer ramolli à son centre. Les travées de tissu con-
jonctif qui l'entourent sont souvent épaissies.
2^ Lorsque ces transformations s'effectuent, il est rare que les noyaux
restent disséminés, les lésions s'étendent, les noyaux deviennent con-
flnents, tout en restant distincts, et peuvent occuper presque tout un
lobe. Us sont le siège d'altérations diverses ; les uns sont hépatisés ou sim-
plement congestionnés, d'autres sont grisâtres ou purulents. La masse
présente des aspects variés, sur lesquels tranchent les travées intorlobu-
laires épaissies. Souvent les parties atteintes donnent au doigt, grâce au
mélange des parties molles et dures, une consistance spéciale qui a été
comparée à celle du pancréas. On la remarque surtout dans les lan-
guettes et dans le lobe moyen. Cette forme, due à Tenvahissement suc-
cessif d'un grand nombre de lobules, prend le nom de forme lobulaire
généralisée (lobulaire confluente de Bouchut).
3* Cette inégalité d'aspect ne se retrouve plus dans la forme pseudo-
lobaire (Barrier); comme son nom l'indique, elle simule la pneumonie
lobaire. Les lobules ne sont plus distincts^ et, au lieu de présenter une
surface marbrée, inégale, sillonnée de travées intcrlobulaires, ils offrent
une surface plane^ lisse, sans granulations, peu friable ; si la pneumonie
est récente, la splénisation domine (1'" variété) : le tissu est violacé ou
brunâtre, et la coupe est rapidement imbibée par le «^ang qui sort des
vaisseaux. La nature de Taltération est difficile à reconnaître, et il faut
souvent un examen attentif pour reconnaître dans l'axe du lobule la pe-
tite zone grisâtre qui représente le nodule péribronchique. Celui-ci est
noyé en quelque sorte dans l'altération diffuse qui l'entoure. Dans une
seconde variété, les nodules péribronchiques devenus plus volumineux
font disparaître, en se soudant les uns aux autres, les zones de spléni-
sation. Lorsqu'elle envahit ainsi simultanément des lobules entiers, de ma-
nière à donner sur la coupe une surface unie et grisâtre, la lésion porte
encore le nom de pseudo-lobaire, lequel est rései-vé, en somme, aux pneu-
monies lobu laires qui simulent, par leur étendue et leur uniformité d'aspect,
■r>4 P.NKI'MuMK. — Hii(><>CHO-r>Ë(:iiusiE.
• AXATOIIB PATHOLOGIQIII.
les lésions de la pneumonie franche. C'est surtout celte notion d'uniromiilé
dans le? lésions qui sépare, suivant nous, la pneumonie pacudo-lobtire
de In pneumonie lohuiaire généralisée, formes souvent confondoei dut» le
langage médical. 11 est toujours possiblejde distinguer cette lésion de U
pneumonie lobaire.Rilliet etBartiiez ont fait remarquer que les vtriatiom
A. Coupo IniB..rrJ
de l.p:.roi A-UDt hronrhc de mn.ïB olilm. On
1i|K>. Onroin-n frl>
-Dupc det glin.l»* inflimniéei ; B.B, irjv*« mnjonr
ce cwpc a» ntsxau
K«ruln i>éribroKhii|i
,de couleurdans cette dernière affectent l'apparence de zones conccntriijue*.
le centre étant toujours pins gris que la périphérie, qui est HahituellenHUl
rougeâtre. De plus, il y a dans la broncho-pneumonie psendo-lobaire àes
altérations concomitantes qni éclairent le diagnostic; les lésions browAi-
PNEUMONIB.
- BnOflCUI>-PNEUX0.<<IE. — AHATOirE FlTUOLOelQUB. 535
qnes d'abord, puis l'état fœtal, l'emphysème et souvent desnojauxde
pneumonie dissémines dans les deux poumons.
En eflet, les diverses formes peuvent se rencontrer isolées ou rûunies ;
i\ est très-commun de trouver ctiez un même individu de la pneumonie
pseudo-lobaire, en même temps que de la pneumonie disséminée ou gé-
Déralisée suit dans le même poumon, soit dans le poumon du côté opposé.
Analyse hixlologique . — Nous étudierons successivement : 1° les
travées interlobulaires qui circonscrivent le lobule ; 2° les iluta centraux,
on nadidet péribronckique» , entourant les bronches lobulaîres ou aci-
«leuses et leurs artères satellites (hépatisation lobutairc) ; 5* lesparltet
tpténisées qui occupent le reste du lobule et forment le fond commun,
la lésion diffuse sur laquelle se détachent les nodules et les travées péri-
lobulaires et périactneuses (fig. 35).
Les travées conjonctives interlobulaires sont épaissies ; leurs vaisseaux
sont congés! ionnés, on trouve fréquemment dans leur épaisseur des leu-
cocytes et des exsudais fîbrineux ; les lymphatiques qu'elles renferment
peuvent être i-eniplis des mêmes éléments, et 'quelquefois de globules
sanguins, lorsque la congestion est très-intense. Les travées périacineuses
présentent les mêmes lésions.
Dans le voisinage de la bronche dont l'épithélium peut être conservé
mais dont la paroi est infîlttée de Icucocylos, ainsi que la gaine adventice
de l'artère qui l'avoisine, on voit une ceinture d'alvéoles c( de conduits
alvéolaires distendus par des exsudais inflammatoires. Cette ceinture est
liabiluellement incomplète, du côté de l'artériole qui semble préser^'er
536 PNEUMONIE. — brokcho-pneomonie. — anatomie patiiouwiqoi.
les alvéoles qui Tavoisinent de l'extension de la phlcgmasie bronchique.
Cependant dans les cas intenses, rinHainmation alvéolaire péribronchique
enveloppe aussi Tarière. Tel est le nodule péribronchique (fig. Si) dont
le volume varie suivant les cas : tantôt borné à une seule rangée d'alvéoles
(rinsufflation est alors possible), tantôt occupant la plus grande partie
du lobule de manière à se confo'ndre avec les nodules voisins. Les exsa-
dats inflammatoires qui remplissent les alvéoles présentent deux variétés :
ils peuvent être composés à peu près exclusivement de leucocytes. Cest
là le cas le plus habituel chez le vieillard. Plus fréquemment, les ^.
bules blancs et les cellules épithéliales sont enveloppés dans un té-
seau fibrineux aussi remarquable que celui de la pneumonie tranche.
C'est une véritable pneumonie péribronchique, et, comme l'a fait remar-
quer Charcot, la présence de cet exsudât, qu'on rencontre parfois à qq
degré vraiment extraordinaire, montre bien que la présence de lailbrineoe
peut cire considérée comme caractéristique absolue de la pneumonie
franche. On la retrouve dans la rougeole, la coqueluche, la fièvre
typhoïde, la diphlhérie, etc.. Comme nous l'avons vu, cette exsudation
se retrouve quelquefois aussi à la périphérie du lobule dans les espaces
lymphatiques, et autour des vaisseaux. Quelle que soit la nature de l'ex-
sudat, le nodule péribronchique est toujours nettement caractérisé par
sa forme et son siège constant autour de la bronche. Quelquefois cepen-
dant celle-ci ne se retrouve pas à son centre, le nodule paraît indépen-
dant (nodule erratique de Charcot) ; cette disposition se rencontre lorsque
la coupe est irrégulière, car ces nodules se sont développés également
autour des bronches.
Autour des nodules péribronchiques se voient des lésions de nature
très-diiïérente, et qui constituent la splénisation. Les parois des alvéoles
sont Irès-congcstionnées ; souvent elles ont subi un commencement d'in-
filtration par les cellules embryonnaires, s'il s'agit d'un cas déjà ancien.
Dans l'intérieur des alvéoles, la masse contenue est formée de cellules
épithéliales volumineuses et de leucocytes. Dans les cas anciens, on
trouve encore des corps granuleux. C'est l'épilhclium alvéolaire qui est
surtout atteint ; très-susceptible, il se multiplie, se gonfle, et se des-
quame sous l'influence des moindres incitations. La lésion est donc
avant tout superflcielle, épithélialc, de nature inflammatoire ou plutôt
irritalivc : c'est la pneumonie catarrhale, desquamative et épithé-
lialc. C'est la congestion et la prolifération épithéliale qui dominent dans
les parties splénisécs; au contraire, ce sont les lésions exsudatives \ribrmc
et leucocytes) qui dominent dans les travées interlobulaireset dans le no-
dule péribronchique. Ce sont lu les deux points fondamentaux de l'élude
de la pneumonie lobulaire. II faut y ajouter les lésions do la bronche,
qui tiennent toutes les autres dans leur dépendance. Ce qui les caracté-
rise, c'est l'inHItration de leurs parois par des cellules embryonnaires,
infiltration qui s'étend plus tard au tissu périvasculaire ; quand la lésion
est plus ancienne, il y a même endartérile. Déplus, les espaces lympha-
tiques péribronchiques et périarlériels montrent les mêmes lésions que
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEDMOMIE. — AFCATOMIE PATHOLOGIQUE. 537
nous avons signalées déjà dans les espaces périlobulaires. Il y a dans le
siège et la marche des lésions une tendance à la fixité, au passage à l'état
chronique et au développement de la cirrhose pulmonaire.
Comme on voit par cet exposé, Tinflammation atteint le lobule par
Pintermédiaire des bronches; elle se propage par voie de continuité, ga-
gnant successivement les bronches lobulaires, acineuses,les conduits alvéo-
laires et les alvéoles. Elle se traduit d'abord par des altérations superfi-
cielles, atteignant surtout Tépithélium qui se gonfle, tombe, se multiplie:
c*esiunc lésion épithéliale ou mieux catarrhale, pour employer l'expres-
sion la plus répandue, c'est le processus qui parait dominer principale-
ment dans les zones splénisées du lobule. Mais, d'autre part, les exsudations
se produisent dans l'épaisseur de la paroi bronchique, dont Finflamma-
lion, d'abord superficielle, est devenue parenchymateuse. De la fibrine,
des leucocytes sont exsudes par les vaisseaux congestionnés, et se dé-
posent dans le tissu conjonctif de la bronche et des vaisseaux bron-
chiques. La distribution de leurs ramuscules terminaux dans le lobule
peut nous expliquer facilement la circonscription des lésions exsudatives
autour de la bronche et la formation du nodule péribronchique. L'ar-
tère bronchique se perd, en effet, dans le lobule, sous la forme d'une
espèce de pinceau vasculairc compris dans l'épaisseur des canaux alvéo-
laires et des alvéoles péribronchiques. Le nodule péribronchique se
forme, par conséquent, dans une portion du lobule émanant directement
de la bronche, et dont les lésions sont, par cela même, plus intenses et
plus profondes.
Enfin, le système lymphatique du lobule est atteint également ; les
Taisseaux eflërenls qui forment les gaines périvasculaires et péribronchiques
participent de bonne heure à Tinflammation des bronches, la stase lym-
phatique vient adjoindre ses efforts à ceux de la stase sanguine. Les exsu-
dais fibrineux se forment dans les espaces lymphatiques, et autour des
▼aisseaux sanguins situés dans les travées conjonctives périlobulaires et pé-
riacineuses. Bronchite et inflammation alvéolaire péribronchique, pneu-
monie desquamalive, inflammation de l'enveloppe conjonctive du lobule
et des vais:»eaux, lymphangites, telles sont les lésions du lobule dans la
broncho-pneumonie; elles représentent, comme oïl le voit, toutes les
formes de l'inflammation dans le poumon.
Il nous reste à apprécier la valeur de ces diverses lésions, à préciser
leur signification dans le processus complexe qui constitue la broncho-
pneumonie. La splénisation est évidemment la lésion la plus répandue,
c'est l'irritation épithéliale, la pneumonie desquamative ou catarrhale
qui domine l'évolution de la broncho-|meumonie, au moins à son début.
Mais cette lésion si importante peut se retrouver à un moindre degré,
il est vrai, dans les congestions simples, actives on passives, elle ne ca-
ractérise pas absolument la broncho-pneumonie. Le trait principal de
eelle ci réside dans la présence du nodule péribronchique, dont la com-
position élémentaire en fibrine et en leucocytes peut varier, mais qui
le retrouve toujours chaque fois que la bronche a, pour ainsi dire, porté
558 PNEUMONIE. — broncho-piseumonie. — anatoiiib patholouqui.
l'inflammation jusqu'au lobule. Sa signification pronostique est également
plus grave que celle de la splcnisation, car il indique une lésion pro-
fonde pnrenchymateuse dont la résolution sera difficile.
En résumé, dans le processus de la pneumonie lobulaire, on peot
distinguer trois phases : l** bronchile capillaire intra-lobtUaire arec con-
gestion du lobule plus ou moins intense, suivant l'absence ou reiîsleooe
de l'état fœtal ; 2** en même temps, inflammation caiarrhale desdvéoles
ei inflammation exsudative péribronchique et interstitielle ; ù* j^asit
terminale, exsudation purulente de plus eti plus abotidaniCf résorp-
tion^ ou organisation des exsudats et passage à rétal subaigu, Noos
ne suivrons pas pour le moment toute cette évolution des lésions^ nous
nous bornons à étudier leur marche à l'état aigu.
Évolution et terminaison de la broncho-pneumonie : 1** Résolution;
2" Suppuration du lobule [granulation purulente) ; Dilatation àe%
bironches; vacuoles; abcès, — Broncho-pneumonie subaiguë et chro-
nique, — Caséification.
Que vont devenir les deux éléments inflammatoires bronchique et
pulmonaire dont la réunion constitue la broncho-pneumonie? Lorsque
la résolution a lieu, elle se produit lentement, les exsudats subissent h
transformation granulo-graisseuse, se désagrègent, se transforment eo
une sorte d'émulsion qui est éliminée ou disparait ultérieurement par
voie d'absorption.
Dans les cas où la maladie n'a pas pris une allure suraiguê, le maUde
survit aux premiers accidents, les lésions suivent leur cours et aboutissent
à la suppuration. Quelquefois un lobule se remplit d'une agglomération
considérable de leucocytes qui se multiplient à la fois dans le nodule
péribronchique et dans les zones splénisées, il proémine à la surface du
poumon sous l'aspect d'une masse jaunâtre (granulation purulente). U
peut y avoir destruction des parois alvéolaires et des travées des acini; h
granulation purulente prend alors le nom de vacuole. Toutefois ce pro-
cessus destructif ne paraît pas le plus commun et ne se voit guère que
dans la broncho-pneumonie qui passe à l'état subaigu. Les parois des
bronches sont envahies dans cette seconde période par une production de
leucocytes qui infiltrent les couches de la bronche, compriment sesê/é-
mcnts et finissent par amener la destruction de l'anneau musculaire. Alors
la bronche se déforme et se dilate en refoulant autour d'elle les alvéoles
voisins, dont les parois, également envahies p.ïr l'infiltration embryon-
naire, se laissent ulcérer ou renforcent la bronche dilatée dont elles
semblent faire partie. S'il s'agit d'une bronchiole terminale, son extré-
mité ainsi dilatée présente la forme d'une ampoule à parois épaisses qui
se remplit de pus. Sur la coupe du poumon, ces dilatations apparaissent
sous forme de foyers purulents qui existent dans une partie d*un lobe ou
dans un lobe tout entier, souvent contigus et séparés seulement par des
travées d'épaisseur variable (abcès bronchiaux de Gairdner). Un examen
attentif fait reconnaître que ces foyers sont formés par les bronches dila-
tées, dont les parois se sont souvent rompues de manière à former des
PNEUMONIE. RRONCHO-PMEUMONIE. ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 559
CdiDinuiiications anormales. Au reste, les auteurs ont décrit sous ce nom
de vacuole des lésions très-différentes. Suivant les uns, comme nous ve-
nons de le voir, elle serait consécutive à la suppuration du lobule, au dé-
veloppement considérable de la granulation jaune (Barrier, Damaschino).
Suivant nous cette forme est rare : chaque fois que nous avons voulu cxa-
tniiier un foyer purulent dans la broncho-pneumonie, nous avons toujours
vu, à Taidede la potasse et de la soude caustique qui détruisent les globu-
les blancs en respectant le squelette élastique de Talvéole, que celui-ci
«lait intact, et que la fonte purulente n'était qu'apparente. On conçoit
cependant à la rigueur ce mécanisme de la formation des vacuoles.
Nous nous rattachons pour notre part à Topinion de ceux qui pensent
4(06 les vacuoles sont dues à la dilatation des bronches. Celles-ci forment à
leur extrémité terminale des ampoules, qui refoulent le tissu pulmo-
niire et viennent se mettre en contact avec la plèvre. Sur la coupe elles
ont Taspect de cavités irrégulières, pleines de pus. Nous n'avons pas à re-
Tenir sur la description qui a été donnée déjà ; nous voulons seulement si-
4{naler à propos des vacuoles périphériques l'opinion de Hardy et Béhier et
de Léon Le Fort. Pénétrés de Tidéc que le pus contenu dans le lobule pro-
venait des bronches, ces auteurs ont admis qu'il finissait par dilater le lo-
bule, par refouler les parois alvéolaires, puis de proche en proche les parois
Ae la bronche lobulaire elle-même, qui finissait par constituer la paroi
de la vacuole. A part ce mécanisme qui ne peut plus être admis aujour-
d'hui, ces auteurs avaient donc rattaché la vacuole à sa véritable cause,
h dilatation des bronches.
Enfin, d'après un antre mécanisme, la vacuole se formerait suivant
«n processus aigu, se rapprochant un peu de celui qui préside à la for-
mation des bulles d'emphysème. La bronche acineusc enflammée, et
fortoul les conduits alvéolaires cèdent à la pression des exsudats ou bien
ae dilatent par suite de l'inflammation de leurs parois, qui deviennent
liaaes; la même dilatation se produit en même temps dans la cavité de
Taciniis qui est rapidement envahi par le pus. Ce mécanisme explique
éridemment d'une manière très-rationnelle la formation, d'ailleurs très-
rare, des vacuoles dans les cas aigus de courte durée. 11 n'a pas encore
subi le contrôle de l'analyse histologique. Legendre et Bailly admettent
encore que la dilatation du lobule par le pus détermine la rupture des
vésicules. La vacuole n'est plus limitée que par la plèvre. On voit, en
lésumé, que le nom de vacuole a été donné à toute collection purulente
un peu abondante, formée dans les bronches dilatées, ou dans le paren-
^yme du lobule. Nous devons même ajouter que leur description se
rapproche beaucoup de celle que les auteurs ont donnée des abcès de la
broncho-pneumonie. Ils n'établissent entre ces deux lésions qu'un seul
caractère différentiel, l'existence ou Tabsence de communication avec les
bronches. Billiet et Barthez n'admettent même pas cette différence : ils
ont vu les bronches tantôt contournant les abcès, tantôt s'ouvrant direc-
tement dans leur cavité. Us emploient le nom de vacuole dans leur de-
leription des abcès qu'ils considèrent comme la même lésion à des degrés
540 PNEUMONIE. — brokcho-pneumoisik. — anatohe patholociqqi.
différents. Dans un cas d'abcès sous-pleural du Yolume d*un œuf de pi-
geon situé au milieu d'un tissu inclure, et paraissant communiqué arec
une bronche, nous avons trouvé la cavité tapissée par une membnuie
lisse et épaisse, que l'examen microscopique montra formée par Jo
tissu conjonctif fibrillaire. La plèvre épaissie, recouverte de fibrine était
immédiatement en contact avec la cavité. Les travées interlobubîres et
interacineuses voisines étaient très-épaissies. Le tissu pulmonaire montrait
les lésions de la pneumonie chronique, infiltration embryonnaire des
parois alvéolaires, dont les cavités étaient remplies de cellules en voie At
dégénérescence graisseuse et de cristaux d'acides gras.Ces cavernes d'ori-
gine inflammatoire sont très-rares. Barrier a vu dans deux cas les abcès
de la broncho-pneumonie s'ouvrir dans la plèvre et donner lieu au pyo-
pneumothorax. Stcffena vu aussi cette terminaison dans un casa la saile
de la rougeole. Nous avons déjà dit que ces diverses lésions s'observeot
plutôt quand la broncho-pneumonie devient subaiguc. Cette forme soo-
cède tantôt à la broncho-pneumonie aiguë, de môme que la broncho-poeo-
monie chronique, tantôt elle revêt ses caractères propres dès le début
de la maladie.
L'établissement de ces lésions à évolution lente est, suivant nous, on
des meilleurs arguments qu'on puisse opposer à ceux qui admettent, avec
Ziemssen, Bartels, Steiner, Roger, Wyss, etc., la caséification comme
mode de terminaison de la broncho-pneumonie. Cette caséification n ap-
partient qu'aux broncho-pneumonies tuberculeuses. Elle débute aussi
dans le nodule péribronchique ; mais l'étude récente de ces broncho-
pneumonies tuberculeuses à marche rapide a démontré que le nodule
présente dès le début une constitution élémentaire spéciale, différente de
celle du nodule inflammatoire. Ce n'est plus une agglomération résultant
de la desquamation des cellules épithélialcs, de l'exsudation de la fibrine
et des leucocytes; c'est une véritable néoplasie embryonnaire, dont les
éléments subissent une série d'évolutions régressives aboutissant à lad^é-
néresccnce caséeuse [Voy, article Piithisie, tome XXVll, p. 252 et sui-
vantes). Suivant Charcot, la caséification fait défaut même dans les pneu-
monies aiguës «survenues chez les individus tuberculeux ou disposés à le
devenir; si la maladie se prolonge, elle aboutit à la cirrhose du poumon.
Un fait que nous avons observé à l'hôpital Sainte-Eugénie confirme bien
celte manière de voir : une petite fille de trois ans succomba dans le
service de Triboulet à une broncho-pneumonie datant de trois mois et
consécutive à la rougeole. A l'autopsie on trouva l'un des poumons car-
nisé, mais sans dégénérescence caséeuse, fait d'autant plus à noter qu'on
voyait des granulations tuberculeuses récentes à la surface des séreuses
et principalement de la plèvre (Thèse iuaug., p. 73). Nous croyons ce-
pendant qu'il faut considérer comme rares, même ces tuberculose*
secondaires, indépendantes de l'évolution de la broncho-pneumonie.
B. Lésions concomitantes. — Nous rangeons sous cette dénominî-
tion diverses lésions d'inégale importance : quelques-unes sont ét^oi(^
ment liées à l'évolution de la broncho-pneumonie, comme la congestion.
PNEUMONIE. — BRONCHO-rNEUMOHIB. — ANATOMIE PATH0L06IQUE. 541
qui existe déjà en tant qu'élément de Tinflammation broncho-pulmo-
naire. D'autres, moins constantes, doivent être «considérées comme ac-
cessoires et comme consécutives; ce sont les congestions passives^
Ytedème^ Yétat fœtale Vemphysème, qui résultent de la stagnation des
mucosités bronchiques et des troubles apportés dans le mécanisme de la
respiration. D'autres, enfin, n'oiïrent rien de spécial à la broncho-
pneumonie : ce sont les lésions de voisinage atteignant la plèvre et les
ganglions bronchiques et les lésions des organes.
Congestion pulmonaire. — La congestion occupe une grande place
dans les lésions de la broncho-pneumonie : nous l'avons vue inséparable
de deux des plus importantes, la splénisation et l'état fœtal. Ce n'est
guère qu'à l'occasion de ce dernier qu'elle se développe isolément et sans
lésion du lobule ; elle s'accompagne ailleurs de la desquamation épithé-
liale, et ce n'est que dans les parties périphériques du lobule qu'on peut
la rencontrer encore à l'état isolé. Nous l'avons trouvée plus constante
dans le système bronchique, où l'on voit nettement se dessiner à l'exa-
men microscopique la double couronne des vaisseaux, formée à la partie
externe par les gros troncs parallèles à la bronche, et à la partie interne
par les rameaux qui en émergent pour se rendre dans les replis de la
muqueuse bronchique. De même on observe dans certains cas l'injection
des iraisseaux alvéolaires périacineux et périlobulaires.
Ses causes sont très-nombreuses ; nous signalerons d'abord les poussées
eongeslives qui accompagnent le développement de la broncho-pneumo-
nie et qui modifient si fréquemrnent les signes fournis par l'exploration
physique. Ces congestions actives sont difficilement appréciables à l'au-
topsie; mais leur mobilité, si grande pendant la vie et dépendant sans
doute des troubles de l'innervation vaso-motrice, fait comprendre pourquoi
tù ne la retrouve plus après la mort dans des points où elle avait du
'Certainement se produire. La congestion siège surtout aux parties posté-
rieures des poumons, de même que les lésions inflammatoires ; nous ver-
rons que ce siège constant est en rapport avec le rôle important joué par
les influences mécaniques dans le développement de la broncho-
pneumonie. Cette congestion est donc, en grande partie, passive, et
subordonnée à l'hypostase. 11 faut cependant tenir compte ici d'une
cause importante d'erreur fournie par la situation que l'on donne
habituellement aux cadavres, et par suite de laquelle les parties antérieu-
res du poumon se décongestionnent au profit des parties postérieures.
Due autre forme de congestion passive s'observe dans l'état fœtal, et est
causée par l'abaissement de la pression de l'air dans les alvéoles qui ré-
sulte de l'obturation bronchique.
L'œdème pulmonaire accompagne ces congestions à des degrés divers ;
l'exsudation séreuse distend les alvéoles et contribue à donner à la coupe
du poumon cette surface plane lisse, caractéristique de la splénisation. Il
est rare d'observer l'œdème à l'état isolé.
Etal fœtcd. — Cette lésion, comme nous Tavons vu, se produit sur-
tout dans le système bronchique antérieur ; elle occupe aussi une place
542 PNEUMONIE, — brokciio-pmeumonib. — amàtomie pathoukiqoe.
importante dans les lésions du système postérieur; mais là elle se trouve
mélangée aux lésions inflammatoires. Elle a reçu aussi les noms de
carîiification (Rufz, RillietetBarthez), à' cUélectasiej de pneumonie mar-
gitialej de collapsus pulmonaire, d'apneumatosis. Le nom d*étal toelaK
donné par Logendre et Bailly, a prévalu , comme exprimant le mieux les
analogies qui existent entre cette lésion et l'état du poumoD ches les
fœtus qui n*ont pas encore respiré. La lésion peut être limitée îim seul
lobule ou bien elle peut en occuper plusieurs, s'étendre à la plot gnnde
partie d'un lobe, ou même à un lobe tout entier. Souvent le pounum du
côté opposé est affecté de la même manière symétriquement. Elle se
montre surtout sur les bords tranchants sans s'étendre beaucoup dans b
profondeur du poumon (pneumonie marginale de de la Berge). Les lo-
bules atteints sont exactement limités par les espaces interlobulaires et
sont fortement déprimés au-dessous du niveau général. La consistanoe
rappelle celle de la chair musculaire, d'où le nom de camificatieD. c ht
tissu privé d'air ne crépite plus à la pression. 11 est charnu, compact,
mais souple, flasque, d'une pesanteur spécifique plus grande que celle de
l'eau, ce qui le fait plonger au fond de ce liquide. On distingue très bien
à sa surface les interstices celluleux qui séparent les lobules. Sa couleur
est en général d'un rouge violet ; mais elle peut devenir noirâtre, quand
le sang qui l'engorge est en plus grande abondance. La coupe est lisse,
uniforme, nette. On distingue parfaitement la texture organique et les >
différents éléments qui entrent dans la composition du tissu. Enfin, Tin- I
sufflation fait pénétrer l'air dans toutes tes vésicules et rend facilement à
l'organe ses caractères physiologiques. » Les bronches sont remplies parle
muco-pus ou parles fausses membrancs.Tcls sont les principaux traits de
la description que Lcgcndre etliailly ont donnée de cette lésion, desirip-
tion à laquelle on a peu ajouté et qui est restée classique. Laennec, in-
dral, Louis, Dugès, Kufz, etc., l'avaient signalée plus ou moins nettement,
sans en comprendre la nature.
Deux autres états du poumon, dont l'un peut se rencontrer dans la
broncho-pneumonie, doivent être immédiatement rapprochés de Tétat
fœtal : c'est, d'une part, Tatélectasie des nouveau-nés, d*aulre part, le col-
lapsus pulmonaire qui succède à la compression du poumon.
L'atélectasie des nouveau-nés, décrite en 1852 par Jœrg, peut être
comparée de tous points a la lésion qu'ont fait connaître Legcndre et Bailly :
par ses caractères physiques, par sa nature, par ses causes mêmes, elle prt'-
sente avec elle la plus grande analogie. C'est l'obstruction bronchique qui J
la détermine également , mais le catarrhe bronchique n'agil ici, joint à la ]
faiblesse des mouvements du thorax, qu'en maintenant TaiTaissemeat j
des alvéoles pulmonaires qui existe avant la naissance. On peut, à l'aiiie J
de rinsufllation, vaincre l'obstacle qui s'oppose à la respiration, produira /
le déplissement des alvéoles et, par conséquent, faire cesser l'atélectasie. /
Celle-ci représente donc, en réalité, un état congénital dont la nécessité j
de riiématose fait une lésion au moment des premiers elTorts respiratoires. |
La compression des poumons, par un épanchement, par des turueun», i
PNEUMONIE. — BROKCUO-PNBUMOMIE. — AMATOMIE PATHOLOGIQUE. 545
etc., amène aussi un état du poumon qui présente de grandes analogies avec
rétat fœtai. Elle détermine l'aplatissement des alvéoles, le resserrement
du parenchyme qui augmente de densité et de consistance. Mais là s'ar-
rêtent les analogies en ce qui concerne Taspect extérieur : car la congestion,
fi remarquable dans Tatélectasie des nouveau-nés et dans l'état fœtal,
manque habituellement dans le collapsus pulmonaire qui succède à la
compression. Le poumon peut conserver parfois une teinte rouge lorsque
la compression n'est pas très-forte ; sinon il est exsangue, sec, aminci,
soofent semblable à un morceau de cuir. Il y a cependant un caractère
qui rapproche le collapsus pulmonaire de Tétat fœtal, et qui montre que
ces deux lésions ne diflèrent que par la congestion : c'est le rôle indifférent
qu'ils jouent par rapport aux inflammations du parenchyme pulmonaire.
Celles-ci ne paraissent nullement influencées dans leur marche dans les
cas de compression du poumon. El quant à l'état fœtal, nous verrons plus
loin, à propos des discussions soulevées au sujet de la pathogénie des
lésions broncho-pneumoniques, qu'il doit être considéré comme restant
sans influence marquée sur leur développement.
L'analyse histologique donne ici fort peu de résultats, l'état fœtal n'é-
tant qu'un simple affaissement du poumon. Le microscope montre les
bronches obstruées par des leucocytes, tandis que leurs parois sont éga-
lement infiltrées par les mêmes éléments. Les alvéoles présentent habi-
toellenient un tassement remarquable, surtout au-dessous de la plèvre, où
il est maintenu et exagéré par la rétraction de cette membrane. Les vais-
seaux des parois alvéolaires sont distendus par le sang ; on ne trouve dans
les alvéoles que quelques cellules épithéliales déformées et parfois quelques
leucocytes.' Il y a certain degré d'œdèmc ; on a trouvé dans plusieurs cas
des exsudats albumineux tantôt dans les alvéoles, tantôt sous ia plèvre
et dans le tissu conjouctif périlobulairc (Gombault, Balzcr). Dans les al-
Téoles, Kôester a vu les cellules de revêtement modifiées de façon à prendre
la forme cubique, altération qu'il explique par la compression que les cel-
lules subissent par suite du tassement qui déforme le protoplasma et le
fait refluer vers le centre. Il faut noter aussi l'état des espaces lymphati-
ques périlobulaires et périacincux, qu'on trouve presque toujours dilatés
et remplis de leucocytes. Cet état s'explique d'ailleui*s par les lésions in-
flammatoires des bronches lobulaires acineuses, dont les gaines lymphati-
ques présentent les mômes lésions.
Comme on le voit, l'état fœlal diffère notablement de la splénisation.
En réalité, il n'y a pas d'altération du parenchyme pulmonaire dans l'état
fcetal.Dans la splénisation, l'accumulation des cellules épithéliales et des
leucocytes, la congestion, se produisent en vertu d'un processus réelle-
ment actif : elles sont dues à l'irritation propagée dans toute l'étendue
de l'arbre bronchique, et qui gagne les alvéoles ; l'état fœtal, au contraire,
est une lésion passive, qui se développe sous des influences mécaniques,
nettement démontrées par l'expérimentation, et auxquelles sont liés
Taflaissement pulmonaire, la congestion, et les légères altérations alvéo-
laires que nous avons décrites.
544 PNEUMONIE. — broncho-pneuiionie. — ahàtomie pàtholociqub.
Ce sont ces influences d'ordres divers quenous devons maintenant étudier,
ainsi que leur mode d*action. Le principal facteur, qui, à lui seul, déter-
mine la production de Tétat fœtal, c'est l'obstruction bronchique;
l'inflammation de la bronche, la production d'un bouchon formé par
les produits inflammatoires, sont les conditions nécessaires du déve-
loppement de rétat fœtal. Ce fait a été d'ailleurs démontré par l'eipéri-
mentation, qui a prouvé que le collapsus pulmonaire succède à
l'oblitération des bronches par des corps étrangers (Roulettes de nb*
stances diverses). Mendeissohn et Traube ont ainsi montré l'impor
tance capitale de l'obstruction bronchique et amoindri le rôle des autres
éléments pathogéniques sur le jeu desquels est basée la théorie de
Gairdncr. Cet auteur a le premier expliqué l'état fœtal par Taltératiou
des bronches, mais il a invoqué de plus le concours d'un autre facteur im-
portant. Les forces expiratrices l'emportent d'un tiers environ sur les forées
inspiratrices (Mendeissohn, Ilutchinson). L'inspiration refoule les muco-
sités bronchiques ; celles-ci forment un bouchon qui, repoussé dans des
conduits de plus en plus étroits, en amène bientôt Tobturation complète.
L'expiration, au contraire, déplace le bouchon de façon à permettre le
passage de l'air inspiré. Sa sortie est facilitée encore par les efforts de toux,
et peu à peu les alvéoles reviennent sur eux-mêmes, l'air étant expulsé
et non remplacé.
La théorie de Gairdner a été acceptée par tous les auteurs ; des réserves
ont été faites cependant au sujet de la manière dont le poumon se vide
d'air derrière le bouchon. Les déplacements successifs de celui-ci à cha-
que mouvement respiratoire sont difflciles à admettre, et on a pensé
qu'une fois l'obturation produite l'air emprisonné pourrait bien être
absorbé par le poumon (Yirchow, Fuchs). Nous avons admis (th. de doc-
torat, p. 45) que l'expulsion de l'air contenu dans Tarbre bronchique
devait être progressive comme la réplction de celui-ci par les produits in-
flammatoires. A mesure que ceux-ci deviennent plus abondants, Tair se
raréfie dans le lobule, dont les alvéoles ne tardent pas à s'affaisser.
Cette marche est évident surtout dans la diphthérie bronchique, où les
mouvements respiratoires sont évidemment sans influence, à cause de
rimmoliilitcdes fausses membranes ; le vide se produit dans les alvéoles, à
mesure (|ue celles-ci s'épaississent, ou progressent dans les ramifications
bronchiques.
Dans les faits cliniques, il faut aussi tenir compte des troubles de la
mécanique respiratoire, et l'on peut, sous ce rapport, rapprocher l'atclec-
tasie de la broncho-pneumonie ([e celle des nouveau-nés ; elle se produit
chez ceux-ci parce que le jeu des mouvements thoraciques n*est pas a$sez
puissant pour arriver à obtenir le déplissement des alvéoles pulmonaires.
L'enfantatteint de broncho-pneumonie se trouve placé dans des conditions
un peu analogues; chez lui, le jeu du thorax est exagéré, mais il ne s ef-
fectue qu'au bénélice des mouvements d'inspiration ; en réalité, l'amplitude j
des mouvements thoraciques est diminuée, et leur action est insuffisante, j
malgré leur apparente énergie. La paralysie des muscles trachéo-bronclii-
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEDMONIE. — AMÂTOMIB PATHOLOGIQUE. 545
ques, la présence des produits inflammaloires à la surface des bronches,
contribuent encore à rendre moins active la circulation de l'air dans
le poumon. L'influence de ces causes secondaires est encore favorisée par
les conditions spéciales dans lesquelles s'effectue normalement la respira-
tion chez l'enfant. Suivant Bartels, les côtes et les cartilages costaux, plus
fleiibles à cet âge, se dépriment au moment de l'inspiration, surtout quand
il y a dyspnée. Au-dessous de la cinquième côte, la partie inférieure du
ilemum et les cartAges costaux cèdent, et la base du thorax se rétrécit.
- A cette dilatation partielle de> la poitrine correspond une dilatation par-
« lielle du poumon, dont la partie supérieure seule peut prendre de Tex-
^ tension. En conséquence, l'inaction relative des parties postérieures et
^ inférieures favorise l'affaissement pulmonaire et concourt aux effets de
^ robstruction bronchique.
T?. Les éléments divers que nous venons de signaler ne jouent qu un rôle
^ secondaire dans la pathogénie de l'état fœtal ; c'est, comme nous l'avons
^ > dfity l'obturation bronchique qui en est le facteur indispensable, et les
^ SQtres causes ne font qu'en favoriser le développement et le mode d'ac-
"^ tion. Cependant, à propos de l'étude des phénomènes consécutifs à l'ob-
"^ toraiion bronchique, nous devons signaler l'opinion admise par Rilliet et
'^ Bsrthez, soutenue plus récemment par Damaschino, et en vertu de la-
. quelle on a voulu expliquer la production de certaines atélectasies par la
congestion pulmonaire. Celle-ci, en se répétant, rétrécirait peu à peu
^ les cavités alvéolaires et fmirait par en chasser l'air en amenant l'acco-
kment de leurs parois. Nous ferons remarquer, tout d'abord, qu'en l'ab-
srace d'obstruction bronchique l'état fœtal ne se produit pas dans les
t congestions simples, si intenses qu'elles soient. Malgré les expériences in-
voquées à l'appui, cette théorie n'est rien moins que démontrée ; de plus,
r3 but remarquer qu'elle s'adresse aux lésions des parties déclives, dans
(lesquelles il est le plus difficile de déterminer la part qui doit être attri-
^ kiée à l'atélectasie, à l'hypostase et à la splénisation. Malgré les analogies
■iii que présente l'aspect extérieur, l'état fœtal pur est rare à la partie
■M postérieure des poumons ; pour notre part, nous avons toujours vu que
a^ les lésions qui le simulaient devaient être rapportées à la splénisation.
Parmi les phénomènes qui accompagnent l'obturation bronchique, la
congestion pulmonaire doit donc être considérée comme effet et non
comme cause. Très-marquée surtout lorsque l'atélectasie est très-étendue,
elle masque le retrait du parenchyme pulmonaire consécutif à l'affaisse-
ment des alvéoles, et s'oppose ainsi, dans une certaine mesure, à l'amoin-
[drissement du poumon. Puissamment attiré dans la poitrine par le
tide qui résulte de l'affaissement des alvéoles, le sang vient distendre
kg raisseaux et prendre la place de l'air expulsé. Cet afflux sanguin est
rfi^ii'autantplus énergique, que la cavité thoracique a atteint son maximum
jr li'ampliation.
m Cette congestion atteint son maximum d'intensité dans les cas d'até-
r idctasie lobaire qui peuvent s'observer dans la diphthérie. Lorsque l'até-
ne porte que sur quelques lobules marginaux, les parties affais-
VOUY. OIGT. M<D. BT CHIR. XÏVIII — 35
546 PNEUMONIE. — broncho-pneumonie. — anatomib PATBOMQiqaaw.
secs présentent simplement une coloration lie de TÎn ; le retrait du
poumon est alors beaucoup plus marqué, les deux feuillets opposés de
Tenveloppe pleurale du lobule semblent en contact. Souvent, dansoes cas,
Temphysème des lobules voisins comble en partie le vide causé par Taf-
faissement du poumon. Si donc nous revenons à la comparaison qoe
nous faisions plus haut entre le collapsus pulmonaire, l'atélectasie des
nouveau-nés et Tctat fœtal, nous voyons qu'il y a analogie à paa près
complète entre ces deux derniers états. Le collapsi# seul ue se produit
pas par un retrait en quelque sorte spontané du poumon» mais parce
qu'un épanchement ou une cause de compression quelconque vient aplatir
les alvéoles et déterminer leur accolement, le poumon est dès lors le plu?
souvent anémie. Mais qu'on vienne à le décomprimer subitement i Taide
d'une thoracenlèse, par exemple, si l'air ne vient pas remplir prompte-
ment les alvéoles, on verra aussitôt se produire un appel considérable de
sang dans les parties décomprimées. L'analogie du phénomène est ici
complète, avec cette différence que cette congestion trop soudaine, trop
étendue, amène parfois des désordres plus considérables. Au lieu d'une lé-
gère exsudation albumineuse occuptint quelques alvéoles, il se produit une
diffusion énorme de liquide albumineux qui remplit bientôt les bronches
et s'élimine par l'expectoration. C'est par ces congestions brusques qu'on
a expliqué la syncope et la mort subite qui arrivent dans quelques cas
après la thoracentèse. Chez l'enfant, lorsque le contenu brooduqne
obture tout à coup une grosse bronche, les troubles subits de rhématose
et de la circulation qui en résultent peuvent être suivis des mêmes acci-
dents. Ilutinel nous a dit avoir observé plusieurs fois ces morts subites
chez les nouveau-nés.
Pour terminer l'étude de l'état fœtal, il nous reste à examiner le rôle
de celte lésion dans l'évolution de la broncho-pneumonie. Pour Legendre
et Bailly, son importance est prépondérante : s'ils n'osent pas encore
rejeter tout à fait la pneumonie lobulaire, l'état fœtal n'en est pas moins
pour eux presque toute la broncho-pneumonie, et ils tendent ainsi à sup-
primer celle-ci en donnant le pas à l'élément mécanique sur Télémenl in-
flammatoire. Gnirdner, Béhier, adoptent les mêmes opinions et les exagè-
rent encore. Ziemsscn et Bartels, adoptant une opinion mixte, fen-
dent à établir une filiation directe entre l'atélectasie et la broDcbo-pneu-
monie. Celle-ci ne serait que le second degré d'un processus qui aurait
débuté par l'état fœtal, lequel cesserait, par conséquent, d'être une lé-
sion purement mécanique et rentrerait dans le cadre des inflammations.
Pour eux, tout dépend de l'obturation bronchique ; à celle-ci succède
la congestion du lobule, ])uis consécutivement son inflammation, Tétat
fœtal remplaçant en quelque sorte l'engouement pulmonaire. Mais li
faut remarquer que la marche de la pneumonie dans le lobule est eo
contradiction avec cette manière de voir. D'abord la pneumonie est
loin d'atteindre toutes les parties du lobule atélectasié ; le plus souT«8t ^^
elle se localise autour de la bronche; elle offre des caractères ditfémU /^
suivant qu'on examine le centre ou la périphérie du lobule, ce n'est poidl t *^
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEUMONIE. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 547
tine hépatisation compacte, uniforme, comparable dans le lobule à celle
•qui succède dans le lobe à l'engouement de la pneumonie franche.
La théorie de Ziemssen et Bartels est ruinée par ce seul examen des lé-
sions de la pneumonie lobulaire : elles sont circonscrites, elles suivent le
trajet des bronches, elles ne diffusent dans le lobule entier que dans des
•conditions déterminées par Tenvahissement progressif des bronchioles. En
un mot, l'inflammation du lobule se comporte au milieu des parties até-
lectasiées comme dans les autres régions du poumon* L'état fœtal ne se
vévèle alors que par la congestion, par un certain degré de tassement du
tissiiy quelquefois par sa persistance à l'état isolé dans les parties voisines.
En somme, si son rôle est un peu effacé dans l'évolution générale de
h broncho-pneumonie proprement dite, il constitue cependant une des
lésions accessoires les plus graves. Il est funeste en supprimant Taccès de
Tair dans des portions souvent très-étendues du poumon. Il concourt
ainsi au développement rapide de l'asphyxie, en rétrécissant plus ou
ttoins brusquement le champ deThématose.
Quant à sa terminaison ultérieure, elle peut varier de deux façons diffé?
Mates : l*" l'inflammation progresse dans les bronches et envahit les
ti^otis affaissées, la broncho-pneumonie se substitue à l'état fœtal ; 2^ la
tr^itutio ad intcgrum s*opère, vraisemblablement de la même manière
] <faé dans l'atélectasie des nouveau-nés par la désobstruction des bronches,
\ «t la libre rentrée de l'air qui vient remplir les alvéoles et les déconges-
^ timmer.
^ Emphysème. — A côté de l'état fœtal, la lésion mécanique la plus
^ importante est l'emphysème, lequel est même beaucoup plus fréquent
^le rétat fœtal, car sa présence est la règle dans toutes les autopsies. Il
a*observe sous plusieurs formes isolées ou réunies, et dont la pathogénie
aiMnble aujourd'hui élucidée. On trouve d'abord l'emphysème vésiculaire
î Simple» caractérisé par une distension générale du poumon ressemblant
^o â une espèce de vessie insufflée qui conserve son aspect à l'ouverture de
;' là poitrine. Le poumon a perdu son élasticité, il présente une couleur
h ^gns rosé, avec la légèreté et la mollesse caractéristiques. Comme nous
^ TaTOns dit, cette lésion, ainsi que l'état fœtal, siège surtout aux lobes
^ mpérieurs et aux bords antérieurs. Elle succède évidemment à la dypsnée,
ànx efforts violents et répétés qui accompagnent la respiration. La disten-
«ioii est d'autant plus marquée que les lésions broncho-pneumoniqucs
decuptot une plus grande étendue du parenchyme. La pression de l'air
^ t*6zerçânt sur une plus petite surface tend nécessairement à l'agrandir,
;%t la dilatation des acini se trouve bientôt constituée. L'emphysème peut
Hors être dit supplémentaire, mais ce qualificatif ne doit viser que l'aug-
■tlnientation de la surface et la capacité des alvéoles, sans faire sous-entendre
■i^iine amélioration de l'hématose, car il est loin d'être prouvé que le pou-
^ fnon ainsi dilaté respire mieux que dans son expansion normale.
Un autre emphysème vésiculaire beaucoup moins étendu s'observe aussi
aiatour des noyaux de pneumonie lobulaire et des lobules atélectasiés. Il
ti^est pas rare surtout dans ces derniers cas de voir les lobules malades
548 PNEUMONIE. — bronciio-pnedmonie. — aratomie pathologique.
surmontés par une couronne de vésicules pulmonaires semblables k de
petites bulles prêtes à se rompre. Le mode de formation de cet emphy-
sème circonscrit s'explique par le mécanisme que nous avons indiqué, et
de plus par la nécessité de combler le vide causé par raflaissemeol des
lobules (Gairdner).
Très-souvent ces deux variétés d'emphysème s'accompagnent encore de
l'emphysème interlobulaire. De grosses bulles soulèvent la plèvre viscé-
rale, écartent les lobules et dissèquent ainsi le poumon dans une asex
grande étendue. Elles forment le plus souvent des traînées qui, partant
des bords antérieurs, où elles sont le plus larges, vont se terminer en
s^amincissant vers la partie externe du poumon. Elles présentent parfois
plus d'un centimètre de largeur, et peuvent s'étendre en profondeor
d'une surface d'un poumon à l'autre. L'écartement des lobules est surtout
marqué aux points où ces traînées emphysémateuses forment deseon-
fluents. Des vaisseaux et des tractus de tissu conjonctif sillonnent h
plèvre soulevée en donnant une apparence de bulles de savon agglomérées.
On peut suivre quelquerois des traînées de petites bulles qui aboutissent
à une couronne de vésicules dilatées circonscrivant un lobule atélectasié
ou hépatisé.» Cet emphysème interlobulaire s'observe dans toutes les
broncho-pneumonies, mais surtout dans celles qui succèdent à la
diphthèrie des voies aériennes dont elles dépendent beaucoup plus que
des lésions pulmonaires.
Lorsque la guérison a lieu, il est probable que la distension desalféoles
cède assez rapidement et que le poumon reprend son volume normal.
On peut supposer aussi que dans les cas heureux elles n'atteignent pas
ces proportions énormes et que l'élasticité du tissu pulmonaire n'est pas
complètement détruite.
Mais dans le cas contraire, si l'on songe à la ténacité si remarquable
des lésions broncho-pneumoniques, on trouverait sans doute, en obserrant
les malades pendant un certain temps, des traces de cette distension
excessive. Les travaux micrographiques les plus récents sur l'emphysème
démontrent l'existence de lésions assez profondes pour qu'on puisse sup-
poser que leur réparation s'effectue avec difficulté.
Pleurésie. — Du côté de la plèvre, les lésions sont peu intenses, â moins
de complication spéciale, et les épanchements abondants sont rares, /'emphy-
sème est exceptionnel. Dans les broncho-pneumonies étendues ou de date
ancienne, la plèvre se recouvre de fausses membranes épaisses, fibrino-
purulentes, qui peuvent envelopper une grande partie du poumon touteo
s'étendant sur la plèvre pariétale. Le plus souvent on ne trouve les traces
d'une inflammation qu'au niveau des points où le poumon est lui-méroc
phlegmasié. La fausse membrane est très-ténue, se détache avec facilitf,
souvent tout se borne à un léger dépolissement de la plèvre. Cellc<i
cependant peut être atteinte assez profondément dans ces cas légers. li
phlegmasié est peu intense dans la couche la plus superficielle de b
plèvre, mais le tissu conjonctif sous-pleural qui se continue direciemeoi
avec les travées périlobulaires et périacineuses et forme avec elles lenre
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEUMONIE. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 549
loppe conjonctive du lobule participe aux mêmes altérations, congestion
des vaisseaux, exsudais fibrino-purulents dans le tissu conjonctif et surtout
dans les vaisseaux lymphatiques. Consécutivement, la couche la plus
superficielle de la plèvre s'altère, son épithélium disparait, une exsuda-
tion de fibrine et de globules blancs se produit à sa surface et dans son
épaisseur.
Âdénopathie trachéo-bronchique. — Les lésions des ganglions bron-
chiques sont très-variables ; tantôt elles sont caractérisées par une simple
congestion, tantôt par une augmentation de volume assez considérable.
La suppuration peut être considérée comme assez rare. On a dit aussi
que ces lésions des ganglions bronchiques pouvaient persister et devenir
le point de départ d'adénopathies à marche chronique.
Sàhg. — Organes. — Les altérations du sang dans la broncho-pneu-
monie sont admises par la plupart des auteurs, mais elles ont été peu
étudiées à Taide des méthodes scientifiques nouvelles. Les plus constantes
relèvent de Tasphyxie. D'autres sont en rapport avec les causes premières
de la maladie et paraissent jouer un rôle important dans la production des
hémorrhagies. C'est dans la rougeole et surtout dans la diphthérie qu'on
peut le mieux reconnaître leur influence.
A l'autopsie des sujets morts de broncho-pneumonie, on trouve en
outre le cœur et principalement le cœur droit et les gros troncs veineux
distendus tantôt par des caillots, tantôt par un sang noir et liquide. Il est
firéquent d'observer dans le cœur droit des caillots blancs, polypiformes,
très-adhérents, qui se continuent parfois très-loin dans l'artère pulmo-
naire. Le foie, la rate, les reins, les méninges et le cerveau, sont con-
gestionnés.
Mais à part cette congestion qui résulte de l'asphyxie, les lésions qu'on
peut rencontrer dans les organes (péricardites, otites, méningites, etc...)
ne sont point habituellement sous la dépendance de la broncho-pneu-
monie. Elles sont plus souvent consécutives à la rougeole, à la coque-
luche, à la diphthérie, etc., qui ont précédé leur développement. Il est
cependant assez fréquent de la voir s'accompagner d'entérite pour qu'on
puisse considérer cette complication comme liée à son évolution ordinaire.
CoxpLicATioNs. — Outre les abcès, la tuberculose pulmonaire, la
pleurésie, l'entérite, Tentéro-colitc, que nous avons déjà signalés, il nous
teste à étudier deux complications spéciales importantes : la gangrène
pulmonaire et les hémorrhagies pulmonaires.
La gangrène pulmonaire est rare chez l'enfant, elle est toujours secon-
daire, et la broncho-pneumonie est considérée comme une de ses causes les
plus fréquentes (Boudet,Rilliet et Barthez, Barrier, Damaschino, Steiner).
C'est dans la rougeole et dans la fièvre typhoïde qu'elle se développe le
plus fréquemment. Suivant Rilliet et Barthez et Steiner, les foyers sont
plus souvent centraux que périphériques ; nous avons pu vérifier cette
assertion dans un cas qui nous a été communiqué par Carrié, alors
interne de Bergeron. La gangrène s'était déclarée à la suite d'un
noma développé chez une petite fille convalescente de rougeole. Dans la
550 PNEUMONIE. — broncho-pnedmomie, — ahâtomie pATHOLMiQinK.
inaioritc des cas, les choses se passent ainsi ; plus rarement la broneho-
pneumonie se complique spontanément de gangrène. RiUiet et Barthez,
Damaschino, en ont signalé cependant des cas à la suite de la rougeole.
Boudet pense qu'il faut incriminer les causes générales, l'afTaiblisBement,
Taltération du sang, etc. C'est, en effet, à la suite de la rougeole et de b
fièvre typhoïde que la broncho-pneumonie se complique ordinairement de
gangrène. Mais il faut remarquer, et les observations de Boudet à cel égird
sont bien démonstratives, que la gangrène pulmonaire est souTent consé-
cutive à une autre gangrène soit de la bouche, soit du pharynx. Des dé-
tritus gangreneux sont entraînés par la respiration dans les Toies aérien-
nes et vont déterminer la production de nouveaux foyers de sphacèle an
centre des noyaux de broncho-pneumonie. La gangrène se présente alon
sous Taspect de zones verdàtres ou noirâtres, enloumant les bronches
dilatées. A un degré plus avancé, il peut se former dans le Toisinage in
foyers de suppuration, et plus tard une excavation gangreneuse (Rilliet
et Barthez, Wyss). La rupture de la plèvre et la formation d^un pyopneo-
mo-thorax ont été observées. Il n'est pas rare de voirdas foyers hémorrha-
giques dans le voisinage des lobules sphacélés. Il faut ajouter qne la
gangrène peut compliquer également la broncho-pneumonie chez le nos»
veau-né et chez le vieillard.
Les hémorrhagies pulmonaires sont assez fréquentes dans la broncho-
pneumonie, et surtout dans celle qui complique la diphthérie larpgo-
bronchique. Millard, Peter, les ont signalées; Bouchut et Laliadie
Lagrave les ont rattachées aux apoplexies pulmonaires d*origine cmboli-
que, en les considérant comme causées par l'endocardite diphthéritique.
Sanné les a observées dix-huit fois et les attribue à Tasphpie et à l'infedion,
celle-ci étant admise à titre de cause prédisposante et favorisant les
hémorrhagies dans le poumon, au même titre que dans les autres paAies
de Torganisme, parles modifications de la composition du sang. Nous ea
avons signalé neuf cas dans notre travail sur les hémorrhagies pulmonaires
dans la broncho-pneumonie {BulL de la Soc. an., 1878, p. 269). Parrot
signale 30 cas d'hcmorrhagies sous-plcurales dans la rougeole, 14 dans
la diphthérie, 6 dans la syphilis héréditaire. Ces hémorrhagies siègent
presque toujours aux parties postérieures et inférieures des pouffloos,
où les noyaux recouverts par la plèvre ont Taspect d'une masse noire ei
indurée. Leur nombre est variable ; on peut n'en trouver qu'un scuK
mais quelquefois le parenchyme pulmonaire en est, pour ainsi dire,
criblé. Tantôt les noyaux hémorrhagiques sont bien limités et simulent
tout à fait l'infarctus d'origine embolique ; tantôt le sang se répand
dans les lobules voisins d'une manière irrégulière (apoplexies lobulaires
corticales). Sur la coupe des noyaux, on distingue fréquemment des
traînées grisâtres qui se détachent sur le fond noir de l'épanchemeot
sanguin. Dans ces foyers hémorrhagiques, l'examen histologique montre
une disposition toute spéciale du sang épanché ; il circonscrit les nodute
péribronchiques, les déforme, sans jamais les pénétrer entièrement. Au
contraire, il se répand à la périphérie, dans la zone de splénisatioOi d
PNEUMONIE. — BRONGHO-PMEUMOAlB. — ÂNATOMIE PATHOLOGIQUE. 551
pénètre parfois jusque dans les espaces lymphatiques quelquefois remplis
de globules sanguins. Ainsi le nodule péribronchique et par suite la
bronche ne sont pas envahis par le sang, fait qui établit une différence
importante entre ces hémorrhagies et celles qui succèdent aux embolies.
n en résulte que ces hémorrhagies, malgré leur étendue parfois assez
considérable, ne se traduisent par aucun phénomène appréciable. Sanné
n'a jamais constaté d'autres symptômes que la dyspnée et les râles do
la broncho-pneumonie; il n'y a jamais d'expectoration sanguinolente.
Cette forme d'hémorrhagie est la plus importante, mais non la plus
commune : les petits foyers sous-pleuraux s'observent, pour ainsi dire,
dans tous les cas de broncho-pneumonie aiguë, ils sont produits tantôt
par la rupture des vaisseaux propres de la plèvre, tantôt par celle des
alvéoles voisins. Le sang se répand sous la plèvre, en dissociant le tissu
conjonctivo-élastique, et forme ainsi des amas ordinairement peu étendus.
Ajoutons enfin que bon nombre d'hémorrhagies intra-pulmonaires peu
étendues passent inaperçues aux autopsies; il est souvent très-difficile de
distinguer un noyau très- congestionné de pneumonie-lobulaire d*un foyer
apoplectique. L'examen microscopique révèle souvent l'existence de petits
épanchements qui avaient passé inaperçus à l'examen microscopique. La
pathogénie des hémorrhagies en foyer nous parait liée à l'évolution même
de la broncho-pneumonie. Comme nous 1 avons vu, la bronche et les
canaux alvéolaires sont obstrués par les produits inflammatoires ; il se pro-
duit une congestion très-vive des parties splénisées, résultat de l'absence
d*air dans les alvéoles. Dans les broncho-pneumonies catarrhales, dans la
rougeole, ces congestions sont souvent assez intenses pour causer à elles
seules l'hémorrhagie. Celle-ci se produit encore d'une façon plus sûre et
{dus fréquente dans les broncho-pneumonies diphthéritiqucs, où la lésion
piilinonaire présente une plus grande gravité, non-seulement à cause des
efforts que nécessite la gène respiratoire, mais aussi à cause des modifi-
cations du sang qui succèdent à l'infection générale. Il faut ajouter à cela
l'influence prépondérante de Thypostase démontrée par ce fait que les
hémorrhagies se font presque toujours dans le système bronchique posté-
rieur» Que deviennent ces foyers hémorrhagiques? Si le malade survit
quelque temps à la production de cet accident, l'inflammation lobulaire
continue son évolution, lé nodule péribronchique s'accroît, le centre du
noyau devient grisâtre, purulent, comme l'ont observé Bouchut, d'Espine
et Picot. Cet état qu'ils ont attribué à la suppuration du foyer n'est que la
suite de l'évolution ordinaire du nodule péribronchique. C'est le seul mode
de terminaison que nous connaissions pour ces foyers hémorrhagiques ;
ils se développent toujours dans des circonstances tellement graves qu'on
ne peut avoir l'occasion de savoir les transformations régressives qu'ils
peuvent subir, mais qu'on est en droit de croire semblables à celles qui
8* observent dans les autres hémorrhagies pulmonaires.
Formes de la broncho-pneumonie. — Nous avons déjà vu que la bron-
ebo-pneumonie reçoit des appellations spéciales en rapport avec le siège,
le nombre, la composition élémentaire des noyaux de pneumonie (lobulaire,
552 PNEUMONIE. — BROMCHO-PNEUMONIE- — ANATOMIS PATH0i4WIQDI.
disséminée, lobulaire généralisée, pseudo-lobaire). Certaines lésions
peuvent prédominer dans les formes aiguës : ainsi la congestion polmo-
naire et la bronchite tiennent la plus grande place dans les cas qû cor-
respondent au type désigné par les auteurs sous le nom de catarrhe m/'-
focant et bronchite capillaire.
Dans d'autres cas, ce sont les lésions du tissu conjonctif et sortoat
celles des lymphatiques qui sont exagérées au point que les lobules sont
séparés par de larges lignes d'un blanc verdâtre ou gélatinifonne (Rind-
fleisch). Les lobules présentent diverses lésions : ils sont rouges, jaunes,
quelquefois légèrement granuleux ; les alvéoles peuvent être remplis 4e
fibrine (Charcot). On est surlout frappé de la présence de longs filaments
blanchâtres que Ton peut extraire des travées conjonctives interlobnlaires
et qui sont constitués par de la fibrine et des globules blancs. An reste,
Taccumulation de ces éléments se produit en même temps dans le tisa
conjonctif au milieu duquel sont plongés les lymphatiques. Un exemple
remarquable de cette lésion est figuré dans Tatlas de Lebert; Chaitot
en cite un autre cas, observé par Ilanot dans le service de Lasègue, chez
un malade atteint de fièvre typhoïde. Cette maladie parait favoriser
tout spécialement le développement de cette forme de broncho-pneumonie
qui parait appartenir habituellement au groupe pseudo-lobaire. Quelqaelbis
une véritable suppuration interlobulaire se produit. Cette forme a été
décrite sous les divers noms de pneumonie ulcéreuse^ nécrose ou gan-
grène sèche du poumon, pneumonie disséquante (Lebert, Rayer, Gri-
solle). Plusieurs cas en ont été publiés par Stokes, Uodgkin, Rokilanskj.
Cette pneumonie disséquante ressemble par beaucoup de traits à la pneu-
monie épizootique du gros bétail, dans laquelle il est fréquent de voir
aussi les lobules disséqués flottants dans le pus. 11 faut reconnaitre cepen-
dant que parmi les faits qui ont été cités tous ne peuvent pas être ntla-
chésà la broncho-pneumonie. Quelquefois, en effet, ces pneumonies dissé-
quantes se produisent autour de foyers caséeux, d^ilôts de pneumonie
interstitielle chronique, d^infarctus ou de noyaux de gangrène circonscrite.
Dans d'autres cas l'évolution insidieuse des accidents et les caractères des
altérations anatomiques autorisent à conclure plutôt à une broncho-pneu-
monie (Obs. de Pitres, in thèse de Massonnié, 1876). Ils s'obscrrenl
le plus habituellement chez les individus âgés, débilités par Palcoolisme,
par des travaux excessifs ou des maladies chroniques. Le diagnostic est
toujours fort obscur et le pronostic très-grave.
La marche de la broncho-pneumonie modifie d'une manière bien autre
ment importante le développement des lésions. Nous les avons étudiées
dans la broncho-pneumonie aiguë où elles sont surtout caractérisées par
l'exsudation et par l'irritation épithéliale. Dans la forme subaiguë, Texsuda-
tion est remplacée par Tinfiltration de cellules embryonnaires qui amène
des lésions destructives, la dilatation des bronches, les vacuoles, etc. I^
lésions du parenchyme lobulaire sont également modiBées, le tisso
s'indure, change de coloration, prend l'aspect désigné sous le nom (fe
carnisationj à cause de son analogie avec la chair musculaire. Enfin, lorsque
PNEUMONIE. — BRONCHO'PNEUMOKIE. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 553
la maladie passe à Tétai chronique^ la sclérose s'établit et aboutit à la
rétraction cicatricielle etàTatrophie du poumon.
Nous insistons plus loin à propos de l'étude des causes sur la manière
dont elles peuvent modifier la forme et la marche de la broncho-pneumo-
nie. Après l'avoir envisagée d'une façon plus spéciale chez l'enfant, il
nous reste à étudier ici les aspects qu'elle présente aux autres âges : chez
le nouveau-né, Fadulte et le vieillard.
Les auteurs sont en désaccord au sujet de la pneumonie des nouveau-
né$. Billard la considérait comme lobulaire et Bouchut a émis la
même opinion. Au contraire, Dugès, Barrier, Trousseau, Yalleix,
décrivent une pneumonie lobaire. Mais il faut reconnaître que cette
interprétation ne résulte pas des caractères qu'ils ont attribués à cette
pneumonie. C'est ainsi que Valleix dit que Vaspect du tissu n'est pas
granulé; il est lisse, ressemble à du marbre poli, présente une couleur
lie de vin, est peu friable. Sur 128 cas qu'il a observés, la pneumonie
était double 111 fois, 20 fois seulement au sommet ; dans les autres cas,
les foyers étaient disséminés dans toute l'étendue des poumons. Ne sont-
ee pas là les principaux caractères de la broncho-pneumonie? Elle revêt
le plus souvent la forme pseudo-lobaire et s'accompagne très-fréquem-
ment d'atélectasie, bien décrite chez les nouveau-nés par Dugès. Sur
65 enfants âgés de moins d'un an, Steffen a constaté que la pneu-
monie affecte ordinairement la forme d'une bande (Streifenpneu-
monie), indurée et congestionnée, qui occupe la face postérieure des pou-
mons, tantôt seulement dans le lobe inférieur, tantôt depuis le sommet
jusqu'à la base. Cette pneumonie s'accompagne de bronchite et de péri-
bronchite, d'atélectasie, d'emphysème, de lésions intestitielles qui
ont abouti à la cirrhose dans quelques cas rares. D'après Parrot,
que nous avons consulté sur ce sujet , bon nombre de cas diffèrent de la
broncho-pneumonie et de la pneumonie ordinaires, par leur marche
iupide, par leur tendance aux hémorrhagies, à la formation de foyers de
suppuration et de ramollissement dans le poumon. D'autres cas sont
mal caractérisés à cause de leur mélange avec les lésions de la tubercu-
lose et même de la syphilis congénitale qui intervient assez fréquem-
ment (Steffen, 7 cas). Ces catégories diverses doivent être mieux cou-
nues et mieux séparées de la broncho-pneumonie avant qu'on puisse
faire son histoire complète chez les nouveau-nés. Quelques examens mi-
croscopiques ont été faits cependant dans le laboratoire de Charcot et
ont révélé l'existence de lésions semblables à celles que nous avons décrites
chez les enfants plus Agés.
Lorsqu'on lit les descriptions de la bronchite capillaire chez Vadulte^
faites par Fauvel, Valleix, Hardy et Béhier, Gintrac, Blachez, etc., il
devient évident qu'on n'a pas pu établir une distinction entre cette mala-
die et la broncho-pneumonie. Les observations de Fauvel, Valleix, Cham-
berl, Colin, etc., montrent que les lésions intra-lobulaires se produisent
toujours quand l'inflammation atteint les bronchioles intra-lobulaires.
L'absence de granulations purulentes, de vacuoles, donnée par Blachez
554 PNEUMONIE. — broncho-pneumonie. — ànatomie pjLTHOfjociQVE.
comme un caractère distinctif, ne peut avoir cette signification « car elles
appartiennent à la broncho-pneumonie déjà ancienne. Avant qu^dles
apparaissent, les lésions péribronchiques et la splénisation existent d^is
longtemps, et plusieurs fois chez l'enfant, Texamen microscopique nom»
les a montrées daiH des points où Texamen à l'œil nu ne révélait qu'un
peu de congestion. Les lésions macroscopiques sont ordinairement moins
accentuées chez l'adulte que chez l'enfant, l'atélectasie se prodût plus
rarement, les congestions sont moins^intenses dans le parenchyme pohiio-
naire, la pneumonie lobulaire en partie masquée par Temphyseme oonh
pensateur est moins apparente. De là, dans certains cas, une incertitude
que les analyses histologiques ne tarderont pas à faire cesser. La brondio-
pneumonie d'ailleurs est rare chez l'adulte et nous n'avons pas pu troufcr
l'occasion d'en faire l'examen microscopique. Nous nous bornerons i
rappeler qu'elle apparaît en dehors des épidémies, surtout chez les indi-
vidus atteints de bronchites chroniques, d'emphysème. Elle peut aussi
reconnaître les mêmes causes que chez l'enfant; la débilitation générale,
la perte de la tonicité des muscles bronchiques, amènent la stagnation des
sécrétions bronchiques et jouent un trcs-gr<ind rôle dans sa productioo.
La broncho-pneumonie des vieillards a été également confondue dans
les descriptions des auteurs avec la pneumonie lobaire. Sous les ooo»
d'hépatisation non granulée, de pneumonie intervésiculaire^ Hoannann
et Dechambre l'ont opposée à la pneumonie vésiculaire et granulée; ils
lui donnent aussi le nom àc pneumonie plani forme correspondant à hiflé-
nisation que nous avons décrite. Le parenchyme pulmonaire, disent-ils,
est élastique, d'une couleur foncée, souvent d'un bleu d'azur ou parfois
noirâtre ; il oiTre une coupe homogène d'un poli remarquable, à la sur-
face de laquelle on distingue des traînées grisâtres. Le poumon se
laisse insuffler (Roccas). Il présente souvent un aspect granitique, et,
quant on fait couler un filet d'eau à la surface de la coupe, on distingue
mieux encore l'isolement et la dissémination des noyaux de pneumonie
(Charlton). Les bronches sont rouges^ épaissies et boursouflées (Hour-
mann, Dechambre, Prus, Durand FardeU etc.). Les examens microsco-
piques ont montré les mêmes lésions que dans les broncho-pneumonies
des enfants (Charcot). Cependant la présence de la fibrine a paru moins
constante dans le nodule péribronchique ; c'est Texsudation leucocytifue
qui prédomine. L'atélectasie fait défaut; mais les autres lésions acces-
soires, la congestion hypostatique (pneumonie œdémateuse de Cruveilhîer,
hypo statique de Durand-Fardel), l'emphysème, se rencontrent à un
haut degré. Quelquefois il y a des noyaux d'apoplexie pulmonaire (Prus).
Ces dans ces broncho-pneumonies des vieillards qu'il est fréquent de voir
des vacuoles volumineuses produites par Taccumulation du pus dans les
alvéoles emphysémateux. La broncho-pneumonie peutsuivre d'ailleurs son
évolution ordinaire, aboutir dans les cas subaigus à la suppuration et i
la destruction des lobules avec ulcération et dilatation des bronches,
et épaississement considérable des travées conjonctives.
Nous croyons avec notre excellent maître, le professeur Lépine. qu'il
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEUMONIE. — STMPTOMÀTOLOGIE. 555
existe des pneumonies qu'on ne peut classer ni dans les pneumonies
fibrineuses ni dans les broncho-pneumonies. C'est une variété qu'il fau-
drait étudier à part, et qui se rapproche surtout par ses caractères ma-
croscopiques des formes pseudo-lobaires de la broncho-pneumonie.
Celles-ci, croyons-nous, pourront toujours en être distinguées à la pré-
dominance des lésions inflammatoires autour de la bronche. Le cas rap-
porté à la page 68 de notre thèse inaugurale nous parait devoir être rap-
proché de celui de Liébel et Heiller auquel Lépine fait allusion. Un
jeune homme épuisé par des travaux excessifs entra dans le service de
Grancher avec tous les signes d'une pneumonie droite datant déjà de
quatre ou cinq jours. Il succomba avec des signes d'asphyxie progressive,
bien que tous les symptômes de la pneumonie eussent disparu. En effet,
i Tautopsie le poumon droit était simplement congestionné, souple et
crépitant, mais le poumon gauche était envahi par une pneumonie secon-
daire occupant toute la base, remarquable par sa coloi^tion bleuâtre à
Textérieur, et sa surface lisse sur la coupe. L'examen microscopique
montra que les lésions inflammatoires étaient dispersées dans tout le
lobule sans localisation spéciale. On ne voyait guère qu'une légère
desquamation épithéliale dans les alvéoles et surtout une congestion
intense. Evidemment c'est là une forme de pneumonie spéciale^ indépen-
dante de la pneumonie lobaire commune et de la broncho-pneumonie et
qui, suivant Grancher, devait vraisemblablement ce caractère à Tépui-
sement complet du malade chez lequel elle s'était développée. Ces types
intermédiaires doivent être classés à part, si l'on veut éviter la confusion.
Syaiptomatolofi^ie. — Tous les auteurs s'accordent pour faire re-
marquer l'obscurité qui entoure le début de la broncho-pneumonie chez
l'enfant. D'une manière générale, celle-ci se développe insidieusement, et
0*061 souvent par des troubles fonctionnels et par les symptômes généraux
qpie Ton est averti de son apparition plutôt que par les renseignements
fournis par l'exploration de la poitrine. Dans la majorité des cas, la
propagation de l'inflammation des bronches au lobule se fait en plusieurs
points disséminés dans les deux poumons : les symptômes spéciaux qui
accompagnent cette extension modifient peu le tableau de la bronchite
généralisée, dont les symptômes locaux et généraux dominent la situation.
D est impossible, en un mot, de saisir d'une façon certaine le moment
où la bronchite atteint le lobule et devient la broncho-pneumonie. C'est,
le plus ordinairement, par l'exaspération des symptômes antérieurs que
s'accuse le début de l'affection nouvelle. La dyspnée augmente d'intensité
(50 ou 80 R.) et s'accompagne d'efforts plus considérables, la toux aug-
mente de fréquence, devient sèche, douloureuse. On est souvent averti
du début par la manière dont se font les mouvements respiratoires, sur-
tout par l'expiration forcée et prolongée (Bouchut). A cela se joint
Tbabitus particulier des malades, le facie, animé ou cyanose, livide,
tuméfié, les pupilles dilatées, l'agitation, la station assise. A l'examen de
la poitrine on peut n'entendre que les râles plus ou moins fins de la
t)ronchite ; mais parfois Poreille saisit des bouffées de râles sous-crépitants
556 PNEUMONIE. — broncho-pneumonie. — sTHProiiATOLOGn.
remarquables par leur finesse et leur fugacité. Enfin le plus souvent, et
c'est là un des meilleurs signes du début, ces symptômes s*accompagnent
d'une exagération dans la fréquence du pouls (130 à 160) el d'une élé-
vation de la température (39*^ ou 40°) d'autant plus accentuée que le début
de la broncho-pneumonie est plus brusque ou se fait dans un état de
santé plus satisfaisant, chez un enfant vigoureux.
La broncho-pneumonie s'annonce quelquefois par les modifications
importantes qu'elle apporte à la symptomatologie des maladies qa'elle
vient compliquer. Au début d'une rougeole, elle retarde ou aflaSilîiU
sortie de l'éruption ; plus tard, l'éruption pâlit ou disparait tout à faît
lorsqu'elle se développe. Dans la coqueluche, les quintes cessent el la
toux ne s'accompagne plus de ses reprises caractéristiques. Toutefeb, si
le début de la broncho-pneumonie peut ainsi faire cesser certains spannes,
dans d'autres cas il peut s'accompagner de convulsions comme dam la
pneumonie franche. C'est surtout dans la rougeole que ces conniisioiis
ont été observées. La soudaineté *et la violence des symptômes du éihvX
peuvent d'ailleurs varier suivant les circonstances dans lesqudks se
montre la broncho-pneumonie. Ils passeront plus facilement inaperçus,
si elle se développe dans le cours d'une maladie fébrile accompagnée
d'un catarrhe bronchique intense : ils se déclareront parfois avec plus de
netteté, si elle survient comme complication pendant la convalescence oo
même pendant la période de déclin de ces mêmes maladies.
Nous l'avons dit, la broncho-pneumonie est toujours secondaire; mais
il y a des cas où la succession de l'inflammation pulmonaire & rinOam-
mation bronchique est à peine marquée et même inappréciable. Il se peut
alors que la broncho-pneumonie ait un début brusque et violent qui rap-
pelle celui de la pneumonie franche par la manifestation soudaine de la
lièvre, et parfois par la fixation rapide des symptômes locaux. La tempé-
rature atteint bientôt une élévation considérable, 40*^ ou 40'*,5, avec une
augmentation correspondante dans le chiffre des respirations et des bat-
tements du pouls. Comme nous le verrons, ce mode de début s'obserre
principalement dans les cas où l'élément pulmonaire l'emporte sur l'élé-
ment bronchique, et la maladie peut quelquefois conserver pendant toute
sa durée cette physionomie voisine de celle de la pneumonie franche.
La douleur de côté n'est point un signe de début de la bronchof neu-
monie. Elle manque le plus souvent et ne s'observe guère que chez les en-
fants de six à quinze ans (Barrier) ; et alors, suivant Damaschino, il
faut se tenir en garde et songer à Texistence possible d'une pleurésie
concomitante. Les enfants éprouvent cependant des douleurs dans la
broncho-pneumonie, mais elles sont en rapport avec la dyspnée, et se font
sentir au creux épi gastrique ou dans les h^pochondres. La broncho-pneu-
monie à la période d'état est surtout caractérisée par les troubles fonc-
tionnels. La dyspnée, comme nous l'avons vu, arrive promptemcnl jus-
qu'à l'orthopnée : c'est un des symptômes les plus accusés, et rapidemenl
on peut observer 30, 40, 50 et quelquefois 80 respirations chez les jeun»
sujets. La physionomie et l'attitude des malades témoignent alors deli
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEUMOKIE. — STMPTOMÀTOLOGIE. 557
difficulté que la respiration éprouve à s'accomplir : ils sont assis dans
leur lit, le corps penché en avant; souvent les enfants étendent leurs bras
et prennent un point d'appui aux barreaux de leur lit pour mieux res-
pirer. La figure, livide, aune expression d*anxiété, les yeux sont saillants,
les ailes du nez se dilatent largement, la bouche est entr'ouverte et les
commissures labiales abaissées. Tous les muscles de la respiration sont en
jeu : la saillie des stemo-mastoïdiens est très marquée ; les épaules se soulè-
Yeai à chaque mouvement de respiration, le diaphragme se contracte avec
force et attire les cartilages costaux en formant ainsi un sillon chondro-
costal d'autant plus marqué que Tenfant est plus jeune. Suivant Bartels,
la dilatation de la poitrine se trouve ainsi limitée aux cinq côtes supé-
rieures. L'expiration elle-même nécessite de grands efforts et les muscles
abdominaux se contractent avec violence en déprimant les viscères. Ce
type de dyspnée a été bien décrit par Bouchut, sous le nom de respi-
ration expiratrice : le rhythme des mouvements respiratoires se trouve
diangé quand la dyspnée est poussée à Textréme. Dans ces cas, dit Da-
maschino, la série des mouvements parait commencer par l'expiration
qui se fait brusquement et pendant laquelle les viscères abdominaux
semblent rentrer dans le thorax ; puis à cette violente expiration succède
brusquement une inspiration puissante et brève, pendant laquelle le dia-
phragme se contracte énergiquement et chasse de nouveau les viscères
abdominaux, en même temps qu'il détermine un profond sillon costal.
L'air qui a pénétré ainsi reste emprisonné pendant un temps relativement
assea long, puis on voit se reproduire la brusque série des mouvements
«piratoires et inspiratoires que nous venons de décrire. On perçoit, dit le
néme auteur, à chaque respiration une sorte de heu très-sec et strident
qui permet parfois de faire à distance le diagnostic de la broncho-pneu-
monie. Les tracés pneumographiques témoignent de cette gène de la
leapiration. Mocquot a constaté que l'amplilude des mouvements thora-
cîques est considérablement diminuée. Les tracés abdominaux montrent
ipie l'inspiration est allongée et gênée. Ces efforts de respiration s'ac-
compagnent d'une angoisse très-grande. Les enfants ressentent souvent
dans la région du diaphragme des souffrances dues à la toux^ qui de-
TÎent de plus en plus brève et fréquente. Elle s'observe dans tous les
cas, avec plus ou moins d'intensité : elle est pénible, douloureuse ; il y a
souvent des quintes assez vives, sans raucité de la voix, sauf dans le
croup, pendant et après lesquelles la face prend une teinte violacée.
V expectoration est nulle ou rare et ne se produit qu'à l'occasion de
secousses violentes. Le plus souvent, les enfants avalent les crachats lors-
qn*ik pénètrent jusque dans la bouche. C'est surtout dans la coqueluche
qu'on a occasion de les observer : ce sont des mucosités purulentes épaisses,
tenaces, jaunâtres, quelquefois striées de sang. Les crachats n'ont, en
somme, aucun rapport avec ceux de la pneumonie et ne diffèrent pas de
ceux de la bronchite. Quelquefois, mais rarement, il y a expectoration de
fausses membranes dans les cas de broncho-pneumonies diphthéritiques.
A propos des troubles fonctionnels nous avons déjà vu que Vinspection
558 PNEUMONIE. — broscuo-pneomonie. — stmptoiiatologii.
de la poitrine, l'étude de la manière dont se fait la respiration, révèlent des
signes physiques importants. La percussion doit être faite légèrement
avec un seul doigt sur la phalange moyenne du médius ou sur Toiigle
(Roger). Au début, et dans un assez grand nombre de cas, le ion pul-
monaire est normal et ne présente que des modificatious insigiiifi&Dtes.
Aux bases et en arrière, le son peut être diminué ou assourdi, pirfois
tympanique, suivant Pétendue plus ou moins considérable occupée par la
splénisation ou par l'emphysème. L'hépatisation lobulaire dinémiiiée
dans le parenchyme pulmonaire échappe à la percussion, à cause de
Temphysème supplémentaire qui se développe autour des noyaux. Ce n'est
guère que dans les cas où la pneumonie est généralisée et surtout pseiido-
lobaire que l'on perçoit une matité réelle, siégeant habituellement i la
>base en arrière, quelquefois à la partie moyenne de la poitrine, rarement
bien limitée et plus ou moins complète suivant la prédominance dans les
lobules atteints de la splénisation ou de l'inflammation alvéolaire péri-
bronchique. On ne perçoit guère la matité avant le deuxième jour^ elle
présente rarement la même étendue dans les deux côtés de la poitrine,
la percussion des parties antérieures du thorax donne habituellement
une sonorité plus marquée suffisamment expliquée par l'emphysème pul-
monaire. Dans d'autres cas, l'obscurité et la diminution du son poommt
quelquefois faire soupçonner l'existence de l'état fœtal. La palpatkm ne
donne pas de résultats bien caractéristiques, surtout chez les eofiints
très-jeunes ; tantôt les vibrations thoraciques sont exagérées, quelquefois
leur abolition peut être attribuée à la réplétion de l'arbre bronchique p»
les mucosités ou par les fausses membranes. Dans ces cas, les i^es et
le souffle cessent d'être perçus dans la région correspondante ; les mêmes
causes produisent ici les mêmes effets que dans la pneumonie massive
de Grancher.
A V auscultation^ comme nous l'avons vu, les signes ne diffèrent pas
d'abord de ceux de la bronchite : des deux côtés, on entend des râles
sous-crépitants moyens et 6ns, quelquefois des bouffées de râles crépi-
tants, au moment des efforts ou pendant la toux. Ces divers râles s'accom-
pagnent de ronchus sibilants et ronflants qui ont pour siège les bronchai
^e gros et de moyen calibre. C'est le râle sous-crépitant fin qui a iâ h
plus grande valeur scméiologique, carie râle crépitant est trop difficile à
obtenir chez les enfants, trop rare et jamais bien pur.
Au contraire, le râle sous-crépitant à bulles fines a plus d'importance ;
mais, d'autre part, il ne faut pas oublier qu'il ne devient caractéristique,
suivant Trousseau, qu'autant qu'il se maintient pendant au moins vingt-
<[uatre heures. Au bout de ce temps, il est rare que les troubles fonction-
nels et les symptômes généraux ne soient pas assez accusés pour permettre
d'affirmer le diagnostic. Dans la forme suffocante ou bronchite capil-
laire, le râle sous-crépitant est, avec les ronchus qui ont pour siège les
grosses bronches, le seul signe stéthoscopique pendant toute la durée de
la maladie. L'hépatisation lobulaire étant disséminée, il n'y a pas de
souffle ni de bronchophonie, et la diminution ou l'absence du murmure
PNEUMONIE. — BRO>CHO-PIfEUMONIE. — S¥MPT01UT0L0GIE. 559
isiculaire qui pourraient la caractériser sont plus souvent sous la dépen-
aace de l'obstruction des bronches par les mucosités. Dans d'autres cas,
1 contraire la condensation du tissu pulmonaire s'afGrme par du soufDe
ronchique d'abord faible, voilé par les râles, plus étendu ensuite et plus
iteose, identique à celui de la pneumonie lobaire. Quelquefois ce soufDe
st précédé par de la respiration soufQante ; il peut paraître brusquement
t disparaître de même ; il peut être mobile ou, au contraire, se Gxer au même
oint pendant toute la durée de la maladie. Il peut s'accompagner de
ronchophonie plus ou moins marquée à l'occasion des paroles ou des cris.
les signes d'induration pulmonaire se perçoivent plus souvent aux bases
t en arrière qu'aux parties supérieures et antérieures de la poitrine, où
oœinent les râles de bronchite : là aussi quelquefois la diminution ou
absence totale du murmure vésiculaire doit être rapportée au développe-^
aent de l'état fœtal.
Ces divers signes physiques présentent deux caractères spéciaux :
* On les perçoit des deux côtés de la poitrine, mais rarement d'une
nanière absolument identique ; ils ont presque toujours une prédomi-
lance plus ou moins marquée dans l'un des poumons. 2^ Ils sont d'une
tobilité extrême ; non-seulement les râle;: peuvent, pour ainsi dire d'un
Qoment à l'autre, changer de caractère, de nombre et de siège, mais le
oufQe même, dont l'existence est en rapport avec des lésions parenchyma-
euses, peut présenter des variations analogues.
Dans les cas où l'induration s'étend à tout un lobe ou à la plus grande
laitie d'un lobe, comme dans la forme lobulaire généralisée, et dans
a forme pseudo-lobaire, surtout quand Fhépatisation l'emporte sur la
plénisation dans les lobules atteints, les signes physiques sont plus
ixes. Les râles sous-crépitants sont plus nombreux dans l'inspiration.
Is prédominent nettement dans l'un des côtés. Au bout d'un temps
rès-court, le souffle bronchique apparaît avec une intensité qui varie
i¥ec le nombre des râles, le siège et l'étendue des parties hépatisées, mais
|oi persiste généralement jusqu'à la Gn de la maladie ; le souffle s'ac-
^mpagne d'une matité plus ou moins complète et d'une exagération
ies vibrations thoraciques quand l'enfant parle ou pousse des cris. Ce
iigoe ne se constate guère dans la forme lobulaire disséminée ; il n ap-
Murtient qu'aux formes où l'induration se fait en masse dans une étendue
>lus ou moins grande des poumons.
La fièvre varie au début, suivant la soudaineté et la violence de l'inva-
ion; quelquefois elle est d'abord peu vive, mais le thermomètre ne tarde
MIS à indiquer une élévation considérable de la température, 59^ ou 40*^ ;
e pouls est d'une fréquence extrême, il bat 120, 150, 180 fois par minute.
ja peau, d'abord un peu sèche, ne tarde pas à devenir moite; chez les
•ujets affaiblis il y a quelquefois des sueurs abondantes. Le faciès est
mimé, puis il est envahi par la pâleur, avec une teinte cyanique des
nuqueuses. La fièvre est surtout intense dans la soirée, depuis 3 heures
[e l'après-midi jusqu'à 6 ou 7 heures du soir ; il n'est pas rare de voir
a température plus élevée le matin que le soir. Le tracé thermométrique
560 PNEUMONIE. — broncho-pneumonie. — stmptohatologib.
ne présente donc pas une marche régulière : les températures du malin
et du soir ne diffèrent que de quelques dixièmes de degrés» mais il est
commun d'observer des ascensions brusques qui détruisent la régularité
du tracé et sont en rapport avec l'apparition de nouveaux nopox de
broncho-pneumonie. Après une rémission de quelques jours, une exacer-
bation nouvelle se produit, la pneumonie recommence en quelque lorte,
avec les symptômes généraux et locaax du début ; une courbe brisée,
irrégulière, est le résultat de celte série d'inflammations partielles (Roger).
Quelquefois, dans les formes rapidement généralisées ou dans II forme
pseudo-lobaire, la fièvre conserve pendant plusieurs jours une iotensité
égale. La température se maintient vers 40^, les rémissions matinales
sont à peine accusées ou nulles. Le pouls est fréquent et vibrant ; le faciei
est animé, un peu vultueux, assez analogue à celui de la pneumonie. La
fièvre peut ainsi persister pendant quelquefois deux semaines, la courbe
thermométrique oscillant entre 39*^ et 39^5 (U. Roger). Ordinairement,
quand la fièvre n'est pas rémittente dès le début, elle le devient vers le qua-
trième ou cinquième jour. En résumé, la température reste élevée plus
longtemps que dans la pneumonie franche, mais avec des rémissions et
des exacerbations successives ; c'est là le fait caractéristique ; elle est
plus élevée dans la broncho-pneumonie, où elle atteint entre 39* et 41%
que dans la bronchite simple, où elle reste entre 38*^ et 39^ 0 but
aussi remarquer que Fintcnsité de la fièvre n'est pas toujours en rapport
avec rétendue de la pneumonie. La défervescence est lente ; vers la fin
de la maladie la température s'abaisse jusqu'à 38''5 et décroît d'une
façon à peu près régulière. Dans les cas où la maladie se termine parla
mort, il y a aussi un abaissement de la température, mais beaucoup
moins marqué. Le tracé du pouls, sauf quelques petites différences, est
à peu près en rapport avec celui de la température (H. Roger).
Tantôt les malades sont tristes, affaissés, tantôt il y a une grande agita-
tion; les enfants se remuent sans cesse, se découvi*ent, poussent des cris.
La céphalalgie existe quelquefois dans les broncho-pneumonies raorbiK
leuses. Le soir, ces phénomènes nerveux augmentent d'acuïté; en même
temps que la fièvre et la dyspnée, il peut y avoir du délire. Les convul-
sions sont exceptionnelles : on peut cependant les observer à la suite de
quintes de toux dans la broncho-pneumonie secondaire à la coqueluche,
à laquelle elles paraissent d'ailleui^s se rapporter (Damascliino). L'affais-
sement prédomine, chez les enfants très-jeunes, l'agitation que nous
venons de décrire est remplacée par un état de somnolence et d'abatte-
ment progressifs. Les enfants restent couchés sur le dos, endormis ou
plongés dans un demi-coma. Cet état s'observe également chez les sujets
plus âgés, mais seulement dans la période terminale.
Les troubles digestifs n'ont rien de spécial et sont en rapport avec
l'intensité de la fièvre. L'inappétence est absolue, la soif est vive, la bou-
che souvent sèche, croùteuse, la constipation est habituelle. On peut
quelquefois observer des troubles en rapport avec l'affection primitive,
des vomissements, si la bronche -pneumonie s'est développée dans le
PNEUMONIE. BRONCHO-PNEUMONIE. — FORMES. 561
:ouraiit d'une coqueluche, de la diarrhée symptomatique du catarrhe
ntestinal de la rougeole ou de l'entérite de la fièvre typhoïde. Pendant
a con?alesceRce, les enfants vomissent fréquemment à la suite des
[uintes de toux.
Les U7nnes présentent des modifications en rapport avec les mêmes
élises; elles sont riches en sels, très-foncées, peu abondantes, surtout
fiiand il y a des sueurs, à tel point qu'on pourrait se demander s'il y a
suppression, si l'on ne savait que la sécrétion urinaire peut être suspendues
^hes les trèâ-jeunes sujets fébricitants, pendant douze ou même vingt-
{uafre heures (Roger).
L'albumine ne se rencontre guère que dans les cas de bronche-
pneumonie diphthéritique. Quant à la glycosurie, elle doit être con-
lidérée comme tout à fait exceptionnelle et sans nul rapport avec la
(oaladie.
Formes. — Nous avons déjà insisté sur la manière dont se déctare la
broncho-pneumonie, tantôt insidieusement, plus rarement d'une façon
brusque^ selon les circonstances dans lesquelles elle se développe et
selon la forme qu'elle revêt tout d'abord. Dans certains cas, les ronchus
de la bronchite sont suivis plus ou moins promptement par des râles
Bous-crépitants ; les troubles fonctionnels et les symptômes généraux
B*aggravent proportionnellement; les signes d'asphyxie ne tardent pas à
paraître. La symptomatologie peut se borner là, les râles sous-crépitants à
bulles plus ou moins fines se généralisent dans les deux poumons, sur-
tout à leur partie postérieure; la dyspnée devient continue, s'exagère
progressivement, entrecoupée de quintes de toux. Le pouls est très-fré-
quent, petit, inégal, la température très-élevée; la sufTocation et l'as-
phyxie se prononcent de plus en plus. La maladie, en somme, est carac-
térisée par la prédominance de l'élément bronchique, c'est la forme
êuffocante^ la bronchite capillaire, dont les symptômes sont avant tout
BOUS la dépendance de l'engouement et de l'obstruction bronchiques.
* L'élément pulmonaire est habituellement insaisissable ; le souflle est
rare et sans intensité, car les noyaux de broncho-pneumonie sont peu
développés et disséminés dans le parenchyme pulmonaire, c'est l'hypcré-
mie qui constitue la lésion dominante.
Dans d'autres cas, au contraire* l'envahissement du lobule, la pneu-
monie lobulaire, se révèlent, comme nous l'avons vu, par de la matité, du
souffle, etc. Ces signes apparaissent ordinairement après les râles, au
bout de deux, trois ou quatre jours; ils s'étendent progressivement de
bas en haut avec prédominance à la base et dans un seul côté : ils sont
quelquefois cependant plus disséminés ou présentent, comme nous
l'avons dit, des variations fréquentes en rapport avec l'éclosion de nou-
velles poussées. Les deux poumons finissent par être envahis dans une
Bmex grande étendue et le souffle l'emporte sur les râles : Télcment
pAlrnonaire domine, la maladie mérite le nom de pneumonie lobulav^e
généralisée. La fièvre est intense; les rémittences, peu marquées d'abord,
s'accusent plus tard davantage, mais la courbe thermique subit de temps
HOUT. DiCT. m£d. et cbir. XXVHI — 36
562 PNEUMONIE. — brokcho-pkedmome. — ronui.
en temps de nouvelles ascensions. La dyspnée est moins forte fv^^
forme précédente et ne présente pas le cachet ortliopnéique : ili'if |^
rare de voir les enfants pouvoir reprendre leurs jeux (RÛliet ci |||d
Le nombre des respirations dépasse rarement 40 ou 50 faites
période d'état. La face est rouge et témoigne de rintensitédej|||^
plutôt que de la suffocation.
Dans d'autres cas plus rares, la maladie peut débuter brosfiHf tf
les symptômes d'induralion pulmonaire se révèlent d'une ]
soudaine et aussi intense que dans la pneumonie franche. Itl
pneumonie semble de môme se fixer dans un lobe et y pwNrirji
évolution, d'où le nom de broucho-pnrumonie pseudo-lobm, tvii
intensité et sa constance, la fièvre se rapproche de celle de li
nie. Les autres troubles réactionnels et en particulier les troHUeiAi^
tifs sont plus accusés que dans les autres formes ; les signes pm^
rester fixés d'un seul côté ou s'étendre du côté opposé ou dattki
poumon. Comme dans la forme précédente, les symptômes de
accompagnent toujours les symptômes de pneumonie, mais imvÊt
différence que ces derniers apparaissent en même temps qu'eux il i
blent prédominer.
Mais il faut reconnaître que ces cas types dans lesquels les
et la marche de la maladie sont en rapport avec une forme
des lésions ne sont pas les plus communs. Fréquemment, la fo
cante reste telle pendant toute la durée de la maladie, mais « fat
aussi la voir se modifier par Tapparilion des symptômes pulaNWÉis»ë
aboutir finalement à une pneumonie lobulairc généralisée oa pali»
lobaire. Non-seulement la transformation des formes aoatomiqoui'dt
pas rare, mais on voit souvent chez un même malade et parfuisdasil
mémo poumon les diverses formes exister ensemble et se traduire fMl-
quefois par les symptômes physiques qui leur sont propres.
Il résulte également de ce mélange des diverses formes, dehbc*
irrcgulière et désordonnée dont elles se produisent, que TévolotieBdeli
maladie n'est pas en rapport avec celle des lésions primitives. Qim|»
noyau ou chaque groupe de noyaux de pneumonie parcourt des pched»
définies dont le dernier terme est la suppuration ou la rcsolulioB, ffliiili
symplomatologie régulière qui devrait résulter de celte èTolitiHest
bouleversée par l'apparition de nouvelles poussées que traduisentl'iiKnsiM
du thermomètre, Texaspération de la dyspnée et de la toux, ellesù|Dtt
d'induration dans des points respectés jusque-là. Aux symplôtnesdeli
période d'état viennent s'ajouter les symptômes de la période d'inmi»
correspondant au développement de ces nouveaux noyaux. De là c*
marche essentiellement irrégulicre, entrecoupée de rémissions el fe»
cerbations brusques et beaucoup moins en rapport avec révolulioaèl
noyaux de pneumonie qu'avec la marche capricieuse de la bronchile,fi
progresse d'une façon inégale vers les lobules, et est d'ailleurs suscepAk
d'exacerbations et d'améliorations beaucoup plus brusques.
Le tableau de la maladie, chez V adulte^ présente à peu près les iMii
PNEUMONIE. BRONCHO-PNBOMOMK. — FORMES. 563
[icz l'enfant, et il est à remarquer, d'ailleurs, que les médecins
it sur la bronchite capillaire Font toujours envisagée chez ce
si bien que chez l'adulte, dans leurs descriptions (Voy. Bron-
aire). Nous nous bornerons seulement à rappeler que ce sont
formes suffocantes avec prédominance de Télémcnt bron-
Ton observe chez Tadulte ; les formes parenchymateuses sont
nouveau-néy la broncho-pneumonie a souvent un début insi-
)lable à celui d'un catarrhe bronchique; l'enfant est abattu et
in, il a de la fièvre, de la dyspnée, etcrie fréquemment. Au bout
latre à quarante-huit heures, l'anxiété respiratoire augmente, les
es labiales sont tirées en arrière, les ailes du nez battent rapi-
base du thorax est resserrée, la dépression sternale contraste
îllie de l'abdomen, le mouvement d'expiration est prolongé
On n'entend pas de râles crépitants, mais plutôt des râles
tants fins, variables, quant à leur nombre et à leur siège,
*fois brusquement lorsque l'obstruction bronchique se produit,
le bronchique est également très-variable ; il y a des cas où il
. 011 l'auscultation ne perçoit qu'un affaiblissement marqué du
respiratoire. Trousseau et Bouchut ont noté la grande fréquence
[ui bat 140 ou 160 fois par minute; tantôt il se ralentit, tantôt
re encore aux approches de la mort. La fièvre est rémittente,
nations ont lieu le soir ; il y a de temps en temps des poussées
rapport avec le développement de nouveaux foyers de pneumo-
|uefois la maladie est apyrétique ou s'accompagne même d'un
it de la température. Les enfants sont agités, crient, il y a
( convulsions (Billard, Bouchut). La durée de la maladie est
lentdc trois à six jours, mais il n'est pas rare de lavoir évoluer
mteur remarquable, de voir la fièvre et le souffle bronchique
3ndant trois semaines et quelquefois même davantage (Parrot,
id terminaison à peu près constante est la mort; quelquefois
moncée par l'apparition de l'œdème du tissu cellulaire, du
i^ec diarrhée et vomissements. Le diagnostic reste souvent
cause des difficultés de l'exploration physique; il se base
nent sur la présence du souffle bronchique, sur la marche de
ît la forme de la dyspnée.
vieillard, la broncho-pneumonie débute ordinairement d'une
ieuse, lente, sans point de côté, sans frissons ou avec quelques
m intenses. Parfois, le début est assez brusque, la bronchite se
et atteint rapidement les lobules. La toux ne diffère point de
i bronchite; il en est de même de l'expectoration. La dyspnée
coup d'intensité suivant les cas ; lorsque l'adynamie e^l très-
la toux est faible et l'expectoration nulle. A l'auscultation, on
fnurmure respiratoire très affaibli, il n'y a pas de râles crépi-
s des raies sous-crépilanls plus ou moins fins. Comme chei
i souffle peut manquer : il est souvent peu intense, fugace.
562 PNEUMONIE. — brokcho-pkeumokie, — pormbs.
en temps de nouvelles ascensions. La dyspnée est moins forte que dans b
forme précédente et ne présente pas le cachet orthopnéique : il n'est pas-
rare de voir les enfanls pouvoir reprendre leurs jeux (Rilliet et Barthez).
Le nombre des respirations dépasse rarement 40 ou 50 pendant la
période d'état. La face est rouge et témoigne de Tintensité de la fièvre
plutôt que de la suffocation.
Dans d'autres cas plus rares, la maladie peut débuter bniaqnemeol et
les symptômes d'induralion pulmonaire se révèlent d'une maaière aossi
soudaine et aussi intense que dans la pneumonie franche. La bronciia-
pneumonie semblc.de même se fixer dans un lobe et y parcourir soa
évolution, d'où le nom de broncho-pneumonie pseudo-Zofratre. ParaoQ
intensité et sa constance, la fièvre se rapproche de celle de la pneumo-
nie. Les autres troubles réactionnels et en particulier les troubles digo-
tifs sont plus accusés que dans les autres formes; les signes peufeat
rester fixés d'un seul côte ou s'étendre du côté opposé ou dans le même
poumon. Comme dans la forme précédente, les symptômes de brooeUe
accompagnent toujours les symptômes de pneumonie, mais avec cette
différence que ces derniers apparaissent en même temps qu'eux et sem-
blent prédominer.
Mais il faut reconnaître que ces cas types dans lesquels les symptdmei
et la marche de la maladie sont en rapport avec une forme déimiiDée
des lésions ne sont pas les plus communs. Fréquemment, la forme soRb-
cante reste telle pendant toute la durée de la maladie, mais on peut
aussi la voir se modifier par Tapparition des symptômes pulmonaires, ci
aboutir finalement à une pneumonie lobulaire généralisée ou pseudo-
lobaire. Non-seulement la transformation des formes anatomiques n'est
pas rare, mais on voit souvent chez un même malade et parfois dans le
même poumon les diverses formes exister ensemble et se traduire quel-
quefois par les symptômes physiques^ qui leur sont propres.
II résulte également de ce mélange des diverses formes, de la bçaa
irrcgulière et désordonnée dont elles se produisent, que révolution de la
maladie n'est pas en rapport avec celle des lésions primitives. Chaque
noyau ou chaque groupe de noyaux de pneumonie parcourt des pcriodei
définies dont le dernier terme est la suppuration ou la résolution, nuis II
symplomatologie régulière qui devrait résulter de cette évolatÛNi est
bouleversée par l'apparition de nouvelles poussées que traduisentlascensioa I
du thermomètre, l'exaspération de la dyspnée cl de la toux, et des signes
d'induration dans des points respectés jusque-là. Aux symptômes de It
période d'état viennent s'ajouter les symptômes de la période d'invasiei
correspondant au développement de ces nouveaux noyaux. De là celte
marche essentiellement irrégulicre, entrecoupée de rémissions et d'eu*
cerbations brusques et beaucoup moins en rapport avec l'évolution dtf
noyaux de pneumonie qu'avec la marche capricieuse de la bronchite, qii
progresse d'une façon inégale vers les lobules, et est d'ailleurs susccptiklr
d'exacerbations et d'améliorations beaucoup plus brusques.
Le tableau de la maladie, chez Vadulle^ présente à peu près les mémei
PNEUMOME. BROKCHO-PNEUMOME. — FORMES. 563
traits que chez lenfant, et il est à remarquer, d'ailleurs, que les médecins
qui ont écrit sur la bronchite capillaire l'ont toujours envisagée chez ce
dernier aussi bien que chez l'adulte, dans leurs descriptions (Voy. Bron-
CHm CAPaLAiRs). Nous uous bornerons seulement à rappeler que ce sont
surtout les formes suffocantes avec prédominance de rélémcnt bron-
ehique que Ton observe chez Tadulte ; les formes parenchymaleuses sont
plas rares.
Chez le nouveau-né^ la broncho-pneumonie a souvent un début insi-
dieux semblable à celui d'un catarrhe bronchique; Tenfant est abattu et
refuse le sein, il a de la fièvre, de la dyspnée, et crie fréquemment. Au bout
de Tingt^quatre à quarante-huit heures, l'anxiétc respiratoire augmente, les
commissures labiales sont tirées en arrière, les ailes du nez battent rapi-
dement, la base du thorax est resserrée, la dépression sternale contraste
arec la saillie de Tabdomen, le mouvement d'expiration est prolongé
. (Bouchut). On n'entend pas de râles crépitants, mais plutôt des râles
-amis-crépitants fins, variables, quant à leur nombre et à leur siège,
cessant parfois brusquement lorsque l'obstruction bronchique se produit.
Le soufQe bronchique est également très-variable ; il y a des cas oiî il
manque et où l'auscultation ne perçoit qu'un affaiblissement marqué du
marmure respiratoire. Trousseau et Bouchut ont noté la grande fréquence
da pouls, qui bat 140 ou 160 fois par minute; lantôt il se ralentit, tantôt
il s^accélcre encore aux approches de la mort. La fièvre est rémittente,
les exacerbations ont lieu le soir ; il y a de temps en temps des poussées
fihri|es en rapport avec le développement de nouveaux foyers de pneumo-
L Quelquefois la maladie est apyrétique ou s'accompagne même d'un
lent de la température. Les enfants sont agités, crient, il y a
ifarCDis des convulsions (Billard, Bouchut). La durée de la maladie est
■âgdinairement de trois à six jours, mais il n'est pas rare de la voir évoluer
une lenteur remarquable, de voir la fièvre et le souffle bronchique
lister pendant trois semaines et quelquefois même davantage (Parrot,
fen). La terminaison à peu près constante est la mort; quelquefois
esl annoncée par l'apparition de l'œdème du tissu cellulaire, du
iguel avec diarrhée et vomissements. Le diagnostic reste souvent
leiiain à cause des difficultés de l'exploration physique; il se base
incipalement sur la présence du souffle bronchique, sur la marche de
6èm et la forme de la dyspnée.
Chez le vieillard^ la broncho-pneumonie débute ordinairement d'une
^n insidieuse, lente, sans point de côté, sans frissons ou avec quelques
is peu intenses. Parfois, le début est assez brusque, la bronchite se
néralise et atteint rapidement les lobules. La toux ne diffère point de
Ile de la bronchite; il en est de même de l'expectoration. La dyspnée
rie beaucoup d'intensité suivant les cas ; lorsque l'adynamie ei>t très-
arquée, la toux est faible et l'expectoration nulle. A l'auscultation, on
ju\e le murmure respiratoire très affaibli, il n'y a pas de râles crépi-
^p«»nis, mais des raies sous-crépitants plus ou moins fins. Comme chex
.^^anfant, le souffle peut manquer : il est souvent peu intense, fugace,
564 PNEUMONIE. — broncho-pneumonie. — marche, durée. TBRMiRÀisosif.
intermittent, alternatives que Charlton a judicieusement expliquées : Ie5
bronches sont tantôt vides, tantôt remplies par la séci*étioii moco-pum-
lente. Il est commun de percevoir le chevrotement delà voix, une Téritable
broncho-égophonie. La percusion donne quelquefois de la matité, quel-
quefois un son normal. La marche de la fièvre est caractéristique : la
température peut atteindre 40% elle présente des oscillations journalières
fortement accusées, de 1 degré et demi ou davantage ; rascensioo a lieu
progressivement et, dans le cas de guérison, la défervcscence s^aoeomplit
par degrés successifs dans Tespace de trois ou quatre jours (Charooi). La
peau est ordinairement sèche, ainsi que la langue fréquemment recouverte
d*un enduit noirâtre. Il y a quelquefois du délire, plus souvent de rabat-
tement, de l'hébétude. L'adynamic augmente surtout dans les demièrB
périodes; quelquefois on voit apparaître de la diarrhée. Dans les forma
suraiguës Tasphyxie termine rapidement la scène, par suite de Taccn-
mulation des mucosités dans les bronches. Dans les formes subaiguêti
lente (Durand-Fardel), la broncho-pneumonie peut rester latente: il y
a peu de dyspnée, peu de râles, pas de crachats, la réaction géoérale est
presque nulle. Pinis et Beau ont signalé les poussées de pneumonie d
les améliorations successives qui peuvent avoir lieu deux ou trois fois
dans le cours de la maladie et qui rendent sa durée très-variable. Elk
est ordinairement d'une à deux semaines.
Marche. — Durée. — Terminaisoiifii. — Chez Fenfant, dans b
forme suffocante, la maladie marche plus ou moins rapidement vers la t^-
minaison fatale. Les accidents suivent quelquefois une marche foudrcyanU,
les bronches se remplissent de mucosités abondantes et les râles tracbéo-
bronchiques s'entendent de bonne heure ; la suffocation, la cyanose el
l'uspliyxie sont de plus en plus marquées, l'enfant succombe eo deux ou
trois jours. Dans d'autres cas, la dyspnée laisse à l'enfant quelques mo-
ments de calme dans la journée, mais le soir la fièvre et la suffocatioo
recommencent. Bientôt l'enfant n'a plus la force de lutter, et il tombe
dans la somnolence d'où il ne sort plus que pour faire de temps à autre de
violents efforts respiratoires. Bientôt la toux cesse, la voix s'affaiblit, les
respirations perdent peu à peu leur ampleur, le pouls devient d'une
fréquence et d'une petitesse extrême, les signes de l'asphyxie s'accen-
tuent graduellement. L'enfant succombe dans le coma ou dans une at-
taque de convulsions ; quelquefois il conserve sa connaissance jusqu^ao
dernier moment. Il est rare que les accidents durent dans ces cas plus
de huit jours.
Dans les formes parenchymateuses (lobulaire disséminée, généralisée
ou pseudo-lobaire), après les phénomènes violents du début, on obser^
des rémissions dans les symptômes généraux: la température s'abaisse,
surtout le matin, la dyspnée et les autres troubles fonctionnels diminueil J
d'intensité. Mais les signes d'induration pulmonaire persistent : au bout A
quelques jours la température s'élève de nouveau, la pneumonie s'élii'
ou de nouveaux foyers se développent. Plusieurs poussées suivies de ré-
missions incomplètes peuvent ainsi s'observer : bientôt les petits malades j^-
Cr
PNEUMONIE. — BROXCMO-PXEDMONIE. — MARCHE. DURÉE. TERMINAISONS. 563
s'affaiblissent, l'engouement bronchique augmente, ils succombent par les
progrès de l'asphyxie. D'une manière générale, on peut distinguer dans
» la broncho-pneumonie trois périodes : une période de début ordinaire-
! ment insidieuse et mal dessinée, plus rarement violente et soudaine,
] caractérisée surtout par l'aggravation de la bronchite et l'élévation de la
s température; dans la période dV/a^ se montrent les signes d'induration
pulmonaire, et des oscillations remarquables dans les phénomènes géné-
S faux et locaux; une période de déclin ordinairement longue et conservant
m encore quelques-uns des caractères de la période d'état.
■ En résumé, comme le dit Barrier, on peut admettre trois variétés de
st cas au point de vue de la marche de la broncho-pneumonie : 1^ les cas
^ dans lesquels la maladie offre une intensité toujours croissante dans les
T. S3fmptômes généraux et locaux; 2^ les cas où les symptômes s'amendent
V. d'une manière définitive et dans lesquels la guérison se produit ; 5"* les cas
1^ 1 marche irrégulière où des exacerbations dans les symptômes locaux et
i généraux succèdent à des rémissions trompeuses. Ces derniers peuvent être
oonsidérés comme établissant une transition entre la broncho-pneumonie
aiguë et la broncho-pneumonie subaiguë que nous étudierons dans le cha-
fHtre suivant.
Lia durée de la broncho-pneumonie est plus longue que celle de la
pneumonie lobaire. Elle varie à l'infini suivant les causes et suivant les
formes de la maladie, de sorte qu'il est difficile d'en déterminer les termes
précis. Comme le fait observer Barrier, la plus longue durée de la bron-
cho-pneumonie aiguë s'observe surtout dans les cas de guérison. Il n'est
ï^ ^pB8 rafe de voir persister la toux, la dyspnée et même les signes physi-
[ qpes pendant un mois et davantage. D'une façon générale, dans les cas
- qni se terminent fatalement, la brièveté de la maladie est en raison di-
> jracte de l'étendue des lésions, quel que soit le lieu où elles prédominent,
'^y dbtns les bronches ou dans le parenchyme : c'est dans les catarrhes suffo-
;!: cmts les plus intenses et dans les pneumonies les plus étendues que la
- mort arrive le plus rapidement par les progrès continus de l'asphyxie,
V oiielquefois en deux ou trois jours (Rilliet et Barthez, Damaschino). La
durée moyenne est de cinq à six jours. La maladie est plus longue dans
les cas où elle procède par des poussées suivies de rémissions. Elle peut
. atteindre alors deux ou trois semaines, mais déjà au bout de ce temps,
comme nous le verrons, les poumons présentent les lésions caractéristiques
de la forme subaiguê.
La terminaison de la broncho-pneumonie est beaucoup plus souvent
^.fimeste que celle de la pneumonie lobaire. Dans les cas bénins à début
rusque, la guérison s'obtient quelquefois assez rapidement. Rilliet et
mrthez l'ont vue se produire dans l'espace de huit à dix jours. Ordinai-
smeni l'amélioration est graduelle : la fièvre diminue en même temps
ne la dyspnée ; les sueurs et les urines sont plus abondantes; la tempéra-
ire du soir est moins élevée, le chiffre des pulsations s'abaisse et peut
oniber à 60, 56, 52 (Cadet de Gassicourt). Le visage devient meilleur,
l'enfant tousse avec plus d'énergie, l'expectoration est plus abondante.
566 PNKUliK^iME. BHONCIlO-rKEUMOME. COMPLICATIOSS.
jaunâtre, muco-piirulentc, les ràlcs plus gros, plus humides, Tappétit et
les forces se raniment. La convalescence est toujours plus 6o moins
longue ; Tauscultation fait constater des râles sous-crépitants pendant plu-
sieurs semaines ; le souffle persiste également pendant quelques jours :
aussi les rechutes sont communes et on doit les redouter tant qa*il reste
un peu de fièvre ou que les signes locaux n'ont pas cntièremeat dîsparo.
Longtemps Tenfànt reste faible et amaigri, apathique et irritable, ayant
la peau sèche et écailleuse et présentant des doubles digestifs; comme le
disent Rillietet Bartliez, la lutte entre la santé et la maladie sepoumit
encore assez longtemps et il se passe souvent une ou plusieurs semaines
avant que les enfants aient repris bonne apparence.
Il faut redouter h passage à V état chronique lorsque Ton Toitia fièvre,
la dyspnée et la toux reparaître après des intervalles d'amélioration plus
ou moins marquée.
La mort y comme nous J'avons vu, arrive par les progrès de la suffocation
et de Tasphyxie, tantôt d*une façon très-rapide en deux ou trois joon,
tantôt plus lentement au bout d'une semaine ou deux. La cyanose ou la
lividité de la face, la fréquence du pouls, la respiration suspirieuse avec
des intervalles d'apnée, la cessation de la toux, le râle trachéal , les con-
vulsions des muscles moteurs de l'œil et de la face, quelquefois les con-
vulsions générales, annoncent la mort prochaine ; -ordinairement l'enlant
succombe dans le coma.
Complicsations. — La plupart doivent être le plus souvent rapporiées
aux maladies qui ont été l'occasion de la broncho-pneumonie. Ventérite,
VentérO'Colite, sont très-communes; le muguet apparaît parfois chez les
enfants cachectiques, ou loi^squc la broncho-pneumonie est déjà ancienne.
Il en est de même des eschares au sacrum, des éruptions d'ecthyma à
la face, au pourtour de la bouche et du nez, souvent transformées par le
grattage en ulcérations très-tenaces.
Du côté des voies respiratoires, nous avons déjà insisté sur les hémor-
rhagies pulmonaires, sur les abcès et la gangrène pulmonaires, com-
plications qui peuvent rester latentes, si les foyers ne communiquent |)»
avec les bronches. Ls pleurésie ne devient une complication que lorsqu'il
se produit un épanchement: celui-ci peut devenir purzi/era/, nous 9vons
vu cette terminaison se produire dans un cas de broncho-pneumonie
subaiguë. Le pneumothorax, Yemphyshne généralisé^ s'observent rare-
ment et sont rapidement suivis de mort. Vadénopathie bronchique ne
prend pas des proportions assez graves pour qu'on puisse la constater
cliniquement (Cadet de Gassicourl). Plusieurs auteurs, llenoch, Damas-
chino, Roger, admettent que la pneumonie lobaire vient parfois compli-
quer la broncho-pneumonie ; nous ne nions pas le fait, mais nous croyons
qu'il s'agit souvent dans ces cas de broncho-pneumonie pseudo-lobaire.
Les convulsions peuvent se montrer dès le début de la broncho-pneu-
monie (dans la rougeole et la co(|ueluche). Elles sont beaucoup moins
fréquentes que dans la pneumonie lobaire. Elles n'affectent pas non plus
ordinairement le même caractère de gravité : la tenninaison fatale est
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEUMONIE. — DIÂGKOSnC. 567
^Bsseï rare, nous Tavons observée cependant dans un cas de broncho-pneu-
fnonic psoudo-lobaire où les convulsions compliquées encore de contrac-
ture amenèrent rapidement la mort (Cadet de Gassicourt et Balzer). Nous
cappellerons que dans ce cas les symptômes et la marche de la broncho«
pneumonie avaient été tels qu^on avait cru qu'il s'agissait d'une
pneumonie à forme méringée.
Diafl^ostio. — Nous avons déjà sufGsamment insisté sur l'obscurité
<du début de la broncho-pneumonie et sur les difTicultés qui entourent le
^agnostic à cette période. Quelquefois l'enfant est dans un état d'abatte-
ment et de prostration qui pourrait en imposer et faire penser à une
fièmre typhoïde. Mais celle-ci n'est jamais secondaire ; elle peut, il est
Trai, se compliquer de broncho-pneumonie, mais ce n'est guère que
dans le courant du second septénaire, au moment où les signes de la
bronchite sonl le plus marqués.
Comme nous l'avons dit, les meilleurs signes delà broncho-pneumonie
«ont fournis par les troubles fonctionnels, la dypsnée, Tasphyxic, l'cxacer-
bation de la Gèvre, etc. Mais dans certaines circonstances ces signes, aussi
bien que ceux que révèle l'exploration physique, peuvent être méconnus
<m trop peu accusés, surtout chez les vieillards, chez les enfants épuisés
par une affection antérieure, et en proie à la fièvre hectique ; ces broncho-
pneumonies cachectiques sont plutôt soupçonnées que réellement dia-
gnostiquées. De même, pendant la convalescence elle déclin des maladies,
la broncho-pneumonie peut se développer sans donner lieu à des
symptômes sérieux; on croit n'avoir affaire qu'à une bronchite persistante,
ei ce n'est que plus tard que les signes de broncho-pneumonie s'accusent
nettement. Dans la diphthérie, la difficulté avec laquelle se fait la respira-
tion, la prédominance des symptômes laryngés, font que souvent le dia-
ipoostic de la bronchi>pneumonie ne peut être affirmé qu'à cause de la
Iréquence de cette complication.
Cependant, le diagnostic est facile dans la grande majorité des cas, la
marche de la température, la dyspnée spéciale, la marche des signes
physiques, peuvent être considérées comme caractéristiques, et les com-
mémoratifs mettent encore sur la voie.
H est plus difficile d'approfondir le diagnostic et de se rendre un compte
-esact de l'état du poumon et de la forme des lésions dont il est le siège.
Dans la forme suffocante, les lésions lobulaires sont disséminées, l'auscul-
tation ne révèle que des râles sous-crépitants plus ou moins fins, habi«
tuelleraent pas de souffle. Ces symptômes, joints aux troubles fonctionnels
•et à une fièvre intense, sont ceux de la bronchite capillaire. Nous n'in-
sisterons donc point sur des caractères différentiels qui n'existent point
pour nous, attendu que l'inflammation ne peut atteindre les bronches
lobulaires sans qu'il y ait en même temps inflammation du lobule.
Dans les cas de pneumonie lobulaire généralisée, le souffle peut n'être
pas perçu à cause de l'abondance des râles, mais, comme nous l'avons
▼u, son absence n*est que transitoire, et bientôt la matité, le souffle,
la bronchophonie, révèlent l'existence d'une induration pulmonaire qui
568 PNEUMONIE. — broncho-pneumokik. — DUOKosm.
s'étend peu à peu. Barrier fait cependant remarquer que, dans quelques
cas, celle-ci peut exister dans des points où elle ne se trahit par aucun
signe (face médiastine et diaphragmatique du poumon, bords, etc.).
Dans la forme pseudo-lobaire, les signes d'induration apparaissent
d'une manière plus évidente et plus brusque, et c'est surtout cette forme
qu'on peut confondre avec la pneumonie franche. Celle-ci cepeodiol est
rarement précédée de bronchite et s'accompagne d'une réaction habituel-
lement plus vive. La dyspnée est plus forte dans la broncho-pnemnoiiie
pseudo-Iobaire, mais il n'y a pas de frisson initial ni le point de côli;
tes râles sont fms, mais s'entendent dans les deux temps de la respiration.
Dans l'immense majorité des cas, on trouvera, du côté opposé, des signes
se rapportant à une forme quelconque de broncho-pneumonie. Dans quel-
ques cas assez rares, le diagnostic est entouré de difficultés presque insor-
moniables ; la réserve est commandée quand une bronchite a précédé
l'apparition d'une pneumonie franche. De plus, celle-ci peut être double,
mais alors elle occupe habituellement les deux sommets, tandis que la
broncho-pneumonie siège plutôt aux bases. Toutefois, nous le répétons,
l'erreur est quelquefois inévitable et la broncho-pneumonie pseudo-Iobaire
peut se présenter avec des symptômes locaux et généraux qui simulent
absolument la pneumonie franche. On ne pourra être mis en garde que
par la gravité insolite des symptômes, la pneumonie lobn ire étant généra-
lement une maladie bénigne dans Tenfance.
Le diagnostic du degré des lésions présente également de grandes
difficultés, mais il n'offre pas le même intérêt et ne peut être formulé
d'une façon absolue. En effet, l'âge des lésions varie dans la broncho-
pneumonie suivant Textension de la bronchite, et un groupe de
lobules où domine la splénisation peut se trouver dans le voisinage d*un
autre où l'inflammation péribroncliique est très-élendue et sur le point
d'aboutir à la suppuration. On ne peut donc guère arriver, pour lesra>
aigus, qu'à distinguer les cas où prédomine l'élément bronchique et ceui
où prédomine Télcment parenchymateux. La suppuration, la dilatation de»
bronches, les vacuoles, appartiennent aux cas subaigus, et souvent ce sout
beaucoup moins les signes physiques qui conduisent au diagnostic de ces
lésions que l'étude attentive des symptômes généraux, la persistance de
la toux et des accès de fièvre, la faiblesse et l'amaigrissement progressifs:
le passage à l'élat subaigu doit toujours être redouté lorsqu'une amélio-
ration franche ne se produit pas une quinzaine de jours après le début
des accidents.
La congestion pulmonaire passive qui se développe principalement dans
le cours des fièvres à forme adynamique ne s'accompagne pas de phéno-
mènes généraux et locaux aussi marqués. Le plus souvent il n'y a ni
dyspnée, ni toux ni expectoration exagérées; il n'y a pas non plus d'accé-
lération nouvelle dans le pouls, ni de redoublement fébrile. Mais il ne
faut pas oublier que cette congestion est bien souvent voisine de la phleg-
masie, et dans certains cas, notamment dans la fièvre typhoïde, elle finit
par s'accompagner de lésions broncho-pneumoniques véritables. Quant i
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEUMOKIE. — PRONOSTIC. 569
la congestion aiguë du poumon, elle diffère totalement de la broncho-
pneumonie par l'existence du point de côté, par l'absence ou le peu
d'abondance de l'expectoration, par le siège peu étendu des râles et du
soufDe, enfin par la bénignité ordinaire des accidents.
Dans les maladies qui se compliquent de broncho-pneumonie, on voit
fréquemment naitre la tuberculose pulmonaire ; de grandes analogies dans
les symptômes se joignent à cette conformité d'origine et contribuent à
rendre le diagnostic différentiel extrêmement difficile, quand la tubercu-
lose prend elle-même la forme broncho-pneumonique.
En effet, la tuberculose miliaire aiguë ou phthisie granulique res-
semble peu à la broncho-pneumonie aiguë, et s'en distingue surtout par
Tabsence ou l'intensité des symptômes stétboscopiques, en contracdiction
avec la violence de la dyspnée et la gravité des phénomènes généraux.
Ce n'est que dans la forme catarrhale de la phthisie granulique que les
difficultés sont grandes pour le diagnostic et parfois même insurmontables
{Voy. art. Phthisie, t. XXVII p. 349).
Quand la tuberculose pulmonaire revêt la forme broncho-pneumonique,
il peut arriver dans les cas suraigus qu'elle tue rapidement avant d'avoir
déterminé la formation de cavernes. Le diagnostic est impossible d'après
l'examen des symptômes locaux, car, comme l'a démontré Charcot, il
existe ici une véritable broncho-pneumonie avec exsudats fibrineux et
desquamation épithéliale qui entoure les nodules tuberculeux péribron-
chiques. Les lésions, à part ces nodules, sont absolument identiques, et
par suite les signes physiques sont semblables. Il faut noter cependant,
suiTant Charcot, que les symptômes généraux ne sont pas toujours en
rapport avec l'étendue des lésions. On observe un abattement, un état ty-
phoïde, qui sontsous la dépendance de l'évolution des tubercules. La maladie
re?ét une allure spéciale qui tient de la tuberculose miliaire aiguë et de
la broncho-pneumonie. De plus, ces phthisies pneumoniques suraiguês si-
mulent aussi bien la pneumonie lobaire que la broncho-pneumonie (cas de
liaygrier). Quand elles ressemblent à cette dernière, nous verrons que
c'est surtout à la forme subaiguë qu'il faut les comparer, car ces phthisies
pneumoniques mettent toujours au moins deux septénaires, quelquefois
un mois, à parcourir leur évolution.
Nous ne ferons que rappeler ici qu'il est quelquefois difficile de décou-
Trir la cause de la broncho-pneumonie. Au début d'une coqueluche, dans
la rougeole dont l'exanthème a été peu marqué ou fugace, dans les diph-
thérios graves et insidieuses, on rencontre des exemples de broncho-pneu-
monies attribuées quelquefois à tort à un refroidissement et à une
bronchite simple. Dans quelques cas, le diagnostic peut rester impossible;
dans d'autres cas, la maladie primitive peut s'affirmer par des manifesta-
tions nouvelles ou par des complications spéciales qui permettent de la
reconnaître.
Pronostic. — Chez Tenfant, la terminaison par guérison peut être
considérée comme la règle pour la pneumonie lobaire, à très-peu d'ex-
ceptions près. Pour la broncho-pneumonie, au contraire, la mort est la
570 PNEUMONIE. — brokcho-pkbomowie. — prohostic.
terminaison la plus fréquente. Sur 199 cas, Roger ne note que 52 guéri-
sons : la morlalitc atteindraildonc les trois quarts des malades. Le proDos-
tic varie d*ailleurs9, suivant les causes et les formes de la maladie, soiTant
Tétat des forces et suivant Tàge. La broncho-pneumonie qui suecède à la
bronchite à frigore est redoutable surtout chez les nouveaunnés. Elle
est rare chez les enfants plus âgés, mais presque toujours très-grave,
comme nous Tavons vu. Ce sont les broncho-pneumonies qui suc-
cèdent aux maladies infectieuses ou épidémiques qui présentent le plus
<le dangers.
Dans la coqueluche, la mortalité serait de 50 pour cent, dans la rou-
geole de 33 pour cent suivant Ziemssen. Le pronostic s'assombrit encore
lorsque plusieurs de ces maladies existent en même temps, lorsqu'une
coqueluche se complique de rougeole, et dans les cas de diphthérie se^
condaire. Le croup est d'ailleurs une des maladies dans lesquelles li
broncho-pneumonie cause le plus de décès. La gravité des accidents varie
avec les épidémies, avec les conditions hygiéniques ; en ville, suivant toes
les auteurs, on obtient beaucoup plus de guérisons qu'à l'hôpital, où la
mauvaise aération et Tencombrement, la présence d'autres maladies con-
tagieuses, multiplient les dangers. Suivant Rilliet et Barthez, les deux tiers
des malades guérissent en ville.
La forme suffocante, à part les cas suraigus et foudroyants, est celle
qui se termine le plus souvent par la guérison. Comme nous l'avons vu,
les lésions sont, en effet, très-étendues, mais peu profondes, et la résolu-
tion a beaucoup plus de chancQ de s'opérer que dans les formes parenchy-
mateuses lobulaire généralisée ou pseudo-lobaire, ou même disséminée,
quand les noyaux sont nombreux. Nous n'insisterons pas sur la gravité des
broncho-pneumonies cachectiques, qui sont presque toujours une compli-
cation ultime des maladies chroniques.
Parmi les symptômes graves, il faut noter l'intensité de la fièvre, une
température de 40 à 41 degrés, jointe à une fréquence exagérée du pouls
et de la respiration ; dans d'autres cas, au contraire, la cessation de la
toux, le ralentissement notable de la respiration, l'abaissement de la
température (SleineretWyss), le? phénomènes nerveux, éclampsie, délire,
le signes d'asphyxie progressive, principalement dans la forme suObcaote,
la teinte cyanique des extrémités. Souvent, lorsque la mort arrive, ia toux
cesse, on entend bientôt le râle trachéal, l'enfant déjà somnolent ne tend
pas à tomber dans le coma. Rilliet et Barthez ont considéré également la
suspension momentanée de la respiration comme un symptôme très-grave.
Cette apnée dure quelques secondes à une, deux minutes et plus, et se
répète plusieurs fois avec une intensité croissante, à tel point qu'on a pu
croire l'enfant mort (phénomène de Sheynes-Stokes). D'après Jœrg, ce
phénomène se rencontrerait surtout dans Tatélectasie des nouveau-nés.
L'état des forces influe beaucoup sur la gravité du pronostic, et l'on doit
tenir compte du moment où se produit la complication broncho-pulmo-
naire, au début ou à la fin de la maladie primitive.
Chez les nouveau-nés, la broncho-pneumonie est mortelle : Valleix, sur
PNEUMONIE. — BROIfCHO-PNEUMOISlE. — ÉTIOLOGIE. 571
i28 cas de pneumonies et broncho-pneumonies, signale 127 décès. Bartels
a perdu tous les malades âges de moins d'un an.
A partir de trois ans, la mortalité est beaucoup moindre. Dans la statis-
tique de Roger, au-dessous de trois ans» la mortalité a été des trois
quarts; au-dessus de six ans, d un sixième des malades. Ces chiffres sont
un peu plus forts que ceux des auteurs allemands, qui attribuent cette dif-
férence aux méthodes de traitement qu'ils emploient, principalement à
rhydrothérapie. Les diverses statistiques sont d'ailleurs loin d'être abso-
lument rigoureuses : on n'a pas assez tenu compte des circonstances dans
lesquelles la maladie s'est développée, et surtout on a souvent confondu
des broncho-pneumonies tuberculeuses ou des lésions syphilitiques du
poumon avec la broncho-pneumonie. Malgré la sévérité de ce pronostic,
il ne faut jamais oublier que des guérisons absolument inespérées se
produisent parfois (Rilliet et Barthcz). Chez Tadulte, le pronostic de la
broncho-pneumonie est également très-grave, mais les guérisons sont
plus fréquentes. Chez le vieillard, elle est à peu près constamment mor-
telle.
Êtiolo§^ie. — La bronchite repi*ésentant la cause déterminante de
rinflammation du lobule, il ne nous reste qu'à montrer dans quelles cir-
constances elle va gagner celui-ci et quelles sont les conditions qui favo-
risent cette propagation : à rechercher, en un mot, les causes prédispo^
sanles de la maladie.
Nous pouvons dire, dès à présent, que leur mode d'action ^so résume
dans les propositions suivantes : 1^ La bronchite donne naissance à la
broncho-pneumonie quand la respiration se fait mal, soit que l'action de
là mécanique respiratoire soit compromise, soit que l'air introduit soit
impur ou vicié ; 2° il faut que là bronchite se soit elle-même développée
dans des conditions morbides spéciales, déterminées soit par une mabidie
en cours d'évolution, soit par des maladies antérieures.
La démonstration de la première proposition découlera de Tétude des
divers états dans lesquels Tacte de la respiration devient facilement
insuffisant ou défectueux. L'âge exerce une influence sur laquelle ont
insisté tous les auteurs ; la broncho-pneumonie est surtout une maladie
des cinq premières années de la vie, et c'est entre la deuxième et la qua-
trième année qu'elle présente son maximum de fréquence. Elle devient
rare à partir de l'âge de 6 ans; on ne l'observe guère chez les adultes
que pendant les épidémies de grippe ou de rougeole. Enfin, elle se
retrouve chez les vieillards avec une assez grande fréquence ; c'est avant
tout une maladie des âges extrêmes, et cette rareté dans les âges moyens
montre bien la grosse part que doivent réclamer les influences méca-
niques dans son étiologie. D'une part, en efiet, les mouvements de la res-
piration se troublent ou s'affaiblissent facilement; d'autre part, la sensi-
bilité réflexe e^t obtuse, les mucosités s'accumulent dans les bronches,
Pcxpectoraliori est nulle ou presque nulle. La résistance des tissus est
moindre ; l'inflammation se développe et s'étend plus facilement. La pres-
que totalité des enfants nouveau-nés succombent avec des lésions bronche-
572 PNEUMONIE. — broî«cho-pkeciiokib. — étiologie.
pneumoniques. Chez les yieillards, la broncho-pneumonie reconnaît le
plus souvent pour causes la bronchite chronique, les maladies du copur,
le décubitus prolongé. Hourmann et Dechambre, CniTeilhier, ont insisté
sur rinfluence du froid. Durand-Fardcl en a observé de nombreux cas
pendant l'épidémie de grippe de Thiver de i852-1853.
On a dit aussi que la broncho-pneumonie était plus fréquente chez les
petits garçons que chez les petites filles, mais ce fait n'est ri^i moins
que démontré et les stastistiques sont contradictoires (Roger).
Nous ne ferons que signaler ici le décubitus dorsal^ sur lequel noi»
avons insisté à plusieurs reprises ; Tinfluence de la stase sanguine est
suffisamment prouvée par la localisation des lésions dans les partie»
postérieures des poumons. Le sang tend à s'y accumuler, non-seulement
parce que ces parties sont les plus déclives, mais encore parce qu elles
sont inactives et immobiles, tandis que les parties antérieures se dilatent
et servent seules à l'hématose. Le défaut de soins peut donc être con-
sidéré comme une cause importante de broncho-pneumonie. Cette roahidie,
si commune dans les hôpitaux, est beaucoup moins souvent observée en
ville. Sur 72 malades, Steffen signale 18 enfants bien nourris, 8 assez
bien nourris, et 46 vivant dans la misère.
La faiblesse des mouvements respiratoires peut être en outre liée à un
affaiblissement général chez les enfants d'une constitution chétive, sou-
mis à une hygiène défectueuse, ou affaiblis par des maladies aiguâou
chroniques.
La broncho-pneumonie succède facilement, pour les mémos raisons,
aux bronchites qui se développent chez les enfants atteints de déforma-
tions rachitiques du thorax. La gène de la circulation cardio-pulmonaire
favorise le développement d'une broncho-pneumonie le plus souvent
mortelle.
Les influences de milieu jouent également un rôle important dans
l'étiologie de la broncho-pneumonie. Lorsque les malades respirent un
air impur ou vicié, la maladie se déclare parfois avec une fréquence telle
que certains auteurs l'ont considérée comme pouvant devenir contagieuse
dans certaines circonstances (Guersant, Rilliet et Barthez). Vencom-
brement et la viciation dé Vair qui en résulte multiplient certainement
les cas de broncho-pneumonie dans les hôpitaux d'enfants. Si l'idée de la
contagion ne peut être acceptée, on est forcé de reconnaître que les
influences de milieu peuvent créer des prédispositions spéciales en vertu
desquelles la maladie paraît quelquefois épidémique. Ces influences, il
faut le dire, ne semblent s'exercer que dans les maladies épidémiques
qui sont elles-mêmes la cause, l'occasion la plus fréquente de la broncho-
pneumonie. Celle-ci apparaît alors comme complication, et modifie à ce
point l'aspect de la maladie primitive qu'on a décrit ce nouveau com-
plexus pathologique comme une affection mixte sous les noms de bron-
chite capillaire épidémique^ épidémie de catarrhe suffocant^ épidé-
mie de concrétions fibrineuses polypiformes du cceur, bronchite ca-
pillaire morbilleuse (L. Colin). Sydenham et Ettmûller ont rapporté Vbh-
PNEUMONIE. — BRORCHO-PNEUVONIE. — ÉTiOLOGIE. 573
toire d'une épidémie de fièvre catarrhalc dans laquelle les vieillards
surtout succombaient à un catarrhe suffocant. Huxham (1751-1742),
GrivelH, en Italie (1733), Lepcq de la Clôture, ont publié des relations de
ces épidémies dans le dernier siècle. Ces accidents se déclarent habituel-
lement à l'occasion d'un froid intense, quand une fièvre éruptive se
déclare dans un corps de troupes formé principalement de recrues ou de
jeunes soldats. Mahot, Bonamy, Marcé et MalheHbe, ont publié à
Nantes la relation d'une épidémie de bronchite capillaire de ce genre
(1840-1841.) Des faits analogues ont été observés à Lyon, par Armand,
a Saint-Omer, à Paris et à Boulogne, par J. Périer. Bartels a insisté sur
les dangers de l'encombrement; MM. Lévy, Laveran, Léon Colin, etc., les
ont également démontrés dans divers travaux. 11 suffit de lire les obser-
vations de ces bronchites capillaires pour reconnaître qu'il s'agit bien de
véritables broncho-pneumonies avec réplétion de tout l'arbre respiratoire
par une grande quantité de muco-pus, et dans quelques cas par de vastes
hépatisations non granulées et doubles. Dans les épidémies de Nantes et
de Lyon et dans celle de Bicétre en 1870, les observateurs ont noté la
fréquence, dans les cavités droites du cœur, de caillots blancs, tenaces,
avec prolongement dans les divisions de l'artère pulmonaire ; ces caillots
paraissent avoir joué un rôle important dans les terminaisons par mort
subite (péripneumonie maligne polypeuse).
Les saisons ne paraissent pas toujours exercer une influence très-
marquée sur la broncho-pneumonie. Elle se montre beaucoup au prin-
temps et à l'automne, mais uniquement parce que c'est à ces époques
qu'on observe le plus de fièvres éruptives (De la Berge). Roger fait re-
marquer que c'est en hiver qu'on observe le plus grand nombre de
pneumonies lobulaires qui succèdent à la bronchite simple. Les change-
ments subits de température, le refroidissement dans le bain, ont été
parfois des causes occasionnelles de la maladie chez les enfants (Cadet
de Gassicourt).
' 11 semble résulter des expériences que Heidenhain a faites sur les ani-
maux que les inspirations d'air sec très-chaud ou très-froid n'ont pas
one influence très-nuisible sur les poumons. L'air humide et froid, au
contraire, conserve dans les voies aériennes la température qu'il ava'it
aviint l'inspiration, et son inhalation détermine des bronchites et des
pneumonies lobulaires disséminées, jamais de pneumonies lobaires.
Causes déterminantes, — 11 faut, pour que les causes prédisposantes
que nous venons d'énumérer exercent leur action, qu'une bronchite née
datfsdes conditions spéciales vienne jouer le rôle de cause déterminante.
€es conditions se rencontrent dans toutes les affections de l'enfance qui
présentent des manifestations fluxionnaires et inflammatoires du côté des
muqueuses des voies respiratoires. En première ligne doivent se placer les
fièvres éruptives, la coqueluche, la diphthérie, la grippe, la fièvre ty-
phoïde, etc... Après ces maladies aiguës, nous passerons en revue les
affections chroniques dans lesquelles la broncho-pneumonie apparaît
souvent comme complication ultime.
574 PNEUMOMK. — broxcho-pxeomorib. — ÉnoLOGu.
La broncho-pneumonie se développe plus fréquemment dans la rtnige^le
que dans les autres pyrexics. Parmi les fièvres éruptives, c'est eaelfel celle
dans laquelle Texanlhème affecte de préférence la muqueuse des lii»
respiratoires. Les auteurs ont émis diverses opinions au sujet des cir-
constances qui provoquent Tapparition de cette complication; Biliiekei
Barthez admettent dans quelques cas Tinfluenced^un rcfroidissenieiitflbit,
opinion rejetée par Dauiaschino. Nous devons plutôt croire, avec Roger, que
dans une première série de cas la complication est due à la dilTuan^
rexanlhème qui s'étend jusqu'aux petites bronches. Simple fluxioo \à^
mobile de la muqueuse des grosses bronches, il donne lieu à deslcw»
plus profondes et plus tenaces lorsqu'il atteint les éléments beaucoup piv
susceptibles qui constitueut le parenchyme du lobule. C*cst au plus foii
de l'éruption, du deuxième au quatrième jour, que cette propafptin
est la plus fréquente (Becquerel, Rilliet et Barthez, II. Roger). La Dam
bronchique, de même que celle des muqueuses nasales et oculaires, pé-
cède l'apparition de l'exanthème, et il peut arriver que la broocho-pMB-
monie se déclare pendant cette période prodromiquc (Rilliet et BartbOr
II. Roger) ; généralement alors la rougeole sort malj et certains auteaniit
pris à tort cet eflet pour la cause véritable. Ajoutons que suivant S]-
denham et Trousseau la broncho- pneumonie se déclarerait le plussoovat
vers le huitième jour de la rougeole : dans les faits obscnrés parDuBB-
chino, elle s'est déclarée du troisième au huitième jour» pendant l'esu-
thèmc; mais soit qu'elle le précède, ce qui est rare, soit qu'elle ifp-
raisse pendant son évolution, la broncho-pneumonie résulte de la dihnoa
de la bronchite morbilleuse. 11 n*en est plus de même lorsqu'elle ft
déclare pendant la convalescence ou après la disparition de réropûoB,
lorsque le catarrhe du début est passé à l'état chronique ; le refroidie
sèment peut être alors la cause occasionnelle du développemeotdeh
complication. La fréquence et la gravité de ces broncho-pneumonies ti»
bilieuses sont variables avec les différentes épidémies, et, comme nov
l'avons vu, avec les saisons dans lesquelles elles se montrent, etavecle»
conditions dans lesquelles sont traités les malades. Barrier, sur Sôbrood»
pneumonies, en compte 16 consécutives à la rougeole. Roger, sur ÎW
cas, en compte 45. Lorsque la rougeole se complique de gangrène df b
bouche, on trouve ordinairement des lésions broncho-pneumoniquespii^
ou moins étendues. Il est possible qu'elles soient dues à une cxaccrWioD
de la bronchite morbilleuse, favorisée par la faiblesse généi*ale éesSM-
ladcs. Quelquefois les noyaux de broncho-pneumonie devicuneat eui-
mêmes gangreneux, et il est probable que cette terminaison est duc àb
pénétration dans la trachée de particules provenant de la bouche. S«r
20 cas de gangrène de la bouche, Rilliet et Barthez ont vu 16 fois b
broncho-pneumonie survenir, lourdes la oWrvée 58 fois sur 68 »
L'évolution de la broncho-pneumonie dans la rougeole ne présentent
de spécial; son début est d'aulant plus accentué que la période d'érup-
tion est plus avancée et que la température est plus basse. Elle seltf^
mine le plus souvent par la mort, surtout si l'enfant est jeune et débile.!
PNEUMONIE. BROlfCHO-PlIEUMOME. ÉTIOLOGIfc. 575
Tautopsic, on trouve isolées ou réunies les diverses formes de pneumonie
lobulaire que nous avons décrites, avec des lésions bronchiques plus ou
moins profondes suivant la durée de la maladie. La forme subaignë et le
passage à Tétat chronique ont été observes plusieurs fois à la s^uite de
la rougeole.
La scarlatine se complique moins fréquemment do bronchite que la
rougeole. Aussi, les auteurs sont en désaccord au sujet de savoir si les
broncho-pneumonies qui ont été observées ne doivent pas être rapportées
à une diphthérie pharyngiennne étendue à Tarbre bronchique (Damas-
chino).
Dans la variole^ la broncho-pneumonie peut être encore considérée
comme peu fréquente. Cependant, plusieurs exemples en ont été publiés
(Becquerel) chez Tcnfant et Tadiilte.
La broncho-pneumonie complique fréquemment la coqueluche chez les
sujets, jeunes à tel point que Dc^rucllcs la considérait comme devant sur-
venir d'une façon certaine chez les enfants de trois à quatre ans. Les
statistiques sont cependant trcs-variablcs à cet égard. Séc Ta observée chez
un tiers des malades; II. Roger, chez un cinquième; Jacquart, sur 45 cas de
coqueluche, a vu 17 broncho-pneumonies, dans lesquelles 11 furent mor-
telles. Le catarrhe bronchique, qui forme Tun des éléments de la coque-
luche, peut donner lieu à la broncho-pneumonie dès le début de la ma-
ladie, avant l'apparition des accès de toux convulsive ; le diagnostic est
d'autant plus difficile dans ce cas, que, comme nous Tavons dit, souvent
la broncho-pneumonie fait cesser les spasmes. Trousseau cependant estallé
trop loin en disant que cette influence se produisait régulièrement, car il
est possible quelquefois de reconnaître que ces complications broncho-
pncumoniques précoces doivent être rapportées à la coqueluche, lorsqu'on
voit apparaître dans leur cours quelques accès de toux caractéristiques.
La broncho-pneumonie diminue les quintes, mais ne les fait pas entière-
meut cesser. Le plus souvent, elle se déclare pendant ou vers la fui de la
période convulsive. Suivant Damaschino, la broncho-pneumonie de la
coqueluche se localiserait de préférence dans un des poumons ou dans un
lobe. Une bronchite d'une nature spéciale est ici, comme dans la rou-
geole, la cause déterminante de la maladie, et Ton conçoit qu'elle doive
apparaître facilement, si l'on se souvient de la lenteur de révolution de
la coqueluche, de l'épuisement qui résulte des quintes et des vomisse-
ments, de la difficulté avec laquelle sont expectorées les mucosités bron-
chiques plus visqueuses et plus adhérentes que dans toute autre maladie.
Outre ces conditions qui favorisent l'extension du catarrhe aux petites
bronches, il faut tenir compte de l'élément nerveux de la maladie. II Roger
considère comme une cause adjuvante les troubles de la circulation
pulmonaire en rapport avec les attaques; et nous rappellerons à ce propos
que Guéneau de Mussy croit que la toux spasmodique de la coqueluche
est due à la compression et à Tirritalion des nerfs du bile du poumon
par les ganglions bronchiques hypertrophiés. Si celte opinion était dé-
montrée, il faudrait rapporter peut-être à des désordres de l'innervation
576 PNEUMONIE. — brokcho-pkeomokib. — étiologii.
vaso-motrice les congestions qui jouent un si grand rAle dans la broncho-
pneumonie.
La grippe revêt un caractère de gravité extrême chez l'enfant, i cause
de la fréquence de la broncho-pneumonie. Celle-ci se développe surtout
chez les jeunes enfants, chez les vieillards et quelquefois même ebei
l'adulte, dans certaines épidémies (épidémie de grippe apshyxiinte de
Londres, en 1835).
Les relevés de Peter et Sanné montrent que la diphthérie est une
des affections qui se compliquent le plus fréquemment de broncho-pnett-
monie. Le croup est, de toutes ses manifestations, celle qui en cause k
plus de cas ; Gerhardt Ta observée chez les trois quarts des individos
atteints: sur 121 cas de broncho-pneumonie diphthéritiquev 119 avaient
eu pour origine des laryngites pseudo-membraneuses ; dans 21 de ces
cas, la trachéotomie n'avait pas été faite. L'angine et le coryza couenneoi,
même isolés, se compliquent parfois également de broncho-pneumonie
(Sanné). L'apparition des accidents est le plus souvent précoce, du troi-
sième au sixième jour (Peter, Sanné). Les fausses membranes se pro-
pagent du larynx aux bronches^; /assez souvent, cependant, les signes
laryngés sont peu ms^Ués, et il '^semble que l'infection se développe
primitivement dans les bronches. La bronchite diphthéritique, par son
extension plus ou moins rapide aux petites bronches, peut déterminer
seule la formation des noyaux de pneumonie lobulaire. Mais il ne faut pas
oublier qu'une bronchite catarrhale, parfois très-intense, complique sou-
vent la diphthérie laryngée et bronchique, même avant la trachéotomie:
c'est elle qui doit être seule mise en cause dans les cas de cronp peu
étendus. Fréquemment, la broncho pneumonie a déjà débuté lorsqu*oo
fait la trachéotomie (Peter, Sanné) ; mais il faut reconnaître que cette
opération doit entrer pour une part importante, sinon dans le développe-
ment, au moins dans l'aggravation des accidents. Le traumatisme, b
présence de la canule, l'introduction d'un air froid et sec, contribuent à
augmenter l'irritation des bronches; nous avons vu, de plus, à laide
de l'examen microscopique, que le poumon, malgré la cravate et l'en-
tretien de la canule, était parfois rempli de poussières et de petits corps
étrangers (Soc. anat., janvier 1878). La broncho-pneumonie apparaît quei-
quefois, comme complication tardive, du huitième au dixième ou quin-
zième jour ou même beaucoup plus tard. Elle est due alors à la persis-
tance de la bronchite, quelquefois à de nouvelles poussées de diphthérie.
Au point de vue clinique, la broncho-pneumonie diphthéritique est
surtout remarquable par Tobscurité de ses symptômes, mais elle est
d'une telle fréquence qu'on peut, à peu près à coup sur, afGrmer son
existence chez un enfant atteint de croup grave. Un des meilleurs signe*
est fourni par l'élévation de la température, (|ui peut atteindre 59 et
même 40 degrés. Le sifflement laryngo-trachéal, les bruits canulaires
chez les enfants opérés, rendent l'auscultation très-difficile; ces derniers
peuvent être confondus avec le souffle bronchique (Sannéi. Un des meil-
leurs signes aussi, d*aprè.s Millard, est la fréquence de la respiration:
PNEUMONIE. — BROMCHO-PNEDMONIE. — ÉTIOLOGIE. 577
a majorité des cas, la broncho-pneumonie serait à peu près certaine
le le chiffre des respirations dépasse 50. Les lésions de la broncho-
nonie diphthérilique présentent les caractères fondamentaux sur
els nous n'avons pas besoin de revenir : souvent cependant, la pré-
aance des congestions est remarquable surtout dans les cas fou-
nts. II n'est pas rare non plus de trouver des atélectasies très-
ues , occupant quelquefois un lobe entier lorsque des fausses
i)ranes épaisses obturent les grosses bronches. Les lésions mécaniques
en général, très-marquées, Temphysème intra ou extra-vésiculaire
lonstant et parfois énorme. Les efforts violents, le rétrécissement
dérable du champ de Thématose par suite de l'obstruction brou-
te, rendent facilement compte de la genèse de ces lésions méca-
». C'est aux congestions et aux eflorts que l'on doit également rap-
r en partie les hémorrhagies sous-pleurales et intralobulaires, si frè-
tes dans la broncho-pneumonie diphthéritique, que H. Roger en fait
bnne spéciale, la formn hémorrhagique de la broncho-pneumonie,
le rencontre dans les maladies infectieuses, dans la rougeole et dans
^hthérie, et reconnaît pour cause principale l'infection du sang. — Les
ses formes anatomiques se rencontrent dans la diphthérie : la forme
lo-lobaire n'est pas rare. Il est souvent remarquable de voir avec
e régularité se développent les noyaux de broncho-pneumonie dans
le territoire qui dépend d*une grosse bronche envahie par les
es membranes. Après la trachéotomie ou quand la bronchite est
ut catarrhale, les lésions n^ont pas les mêmes dispositions régulières
disséminent dans le poumon. La mort est presque toujours trop
ipte pour que les lésions aient le temps de parcourir leur évolution,
juefois cependant la hroncho-pneumonie prend la forme subaiguë :
évolue avec lenteur, le tissu conjonctif s'épaissit et s'infiltre de
les embryonnaires, les bronches se remplissent de pus et deviennent
ige de dilatations vasculaires. Cette forme peut s'observer à la suite
trachéotomie: quelquefois même la plaie du cou, déjà cicatrisée, se
*e et livre de nouveau passage aux mucosités et à la suppuration. —
ires lésions telles que l'œdème, la gangrène pulmonaire, la pleurésie
\nU peuvent encore venir compliquer la broncho-pneumonie diphthé-
le (Sanné). Ajoutons que quelquefois la diphthérie elle-même s'est
loppée secondairement dans le cours des broncho-pneumonies de
queluche, de la rougeole.
loique la fièvre typhoïde s'accompagne fréquemment, dans l'enfance,
(idents thoraciques plus ou moins graves, il est rare qu'elle se com-
te de broncho-pneumonie. Mon maître, Cadet de Gassicourt, n'en
de que deux cas sur cent cinquante observations. Celle-ci cependant
ï plusieurs fois observée et il n'est pas juste de dire que les lésions
duisent à une congestion hypostatique plus ou moins intense (Damas-
i). H. Roger qui est pourtant partisan de cette opinion, fait lui-même
irquer qu'on trouve des congestions et des indurations partielles
laires dans les lobes inférieurs. Les lésions peuvent revêtir une forme
iidBT. DicT. m£d. et caiB. XXVIII — 37
578 PNFICMONIE. — broncho-pneumonie. — inoLoc».
plus grave et nous avons déjà signalé ces broncho-pnenmonies remar-
quables par leur prédominance dans le tissu périlobulaiFC et périacmeux
où Ton observe des lymphangites plus intenses que dans les autres formes
et qui sont peut*ètre en rapport avec la tendance spéciale de la maladie a
porter principalement sur le système lymphatique. Cette forme de
bronche-pneumonie s'observe également chez l'adulte. La brondiajHiea-
monie peut se développer pendant les divers stades de la fièvre typhoïde,
quelquefois pendant la convalescence. Comme nous le Tenram, elle
peut revêtir la forme subaiguê, et aboutir à la sclérose et à la diUtalton
des bronches.
Les diverses maladies que nous venons de passer en revue influent d*aae
manière prépondérante sur le développement de la broncho-pneumoaie,
en donnant à Tinflammation bronchique une gravité et quelquefois uoe
forme toutes spéciales. Beaucoup plus rarement dans la bronchite ûmfile
causée par un refroidissement, on peut voir Tinflammation gagner peu a
peu les bronches lobulaires et le lobule. Habituellement, cette marthe
s'observe dans les bronchites qui présentent de bonne heure des caraclèrei
de gravité, et quelquefois même révolution se fait avec une extrémerapî-
ditc, tellement qu'il semble que les deux phlegmasies bronchiques ^ pulmo-
naires se soient développées en même temps et que la broncho-p
nie se soit constituée primitivement. Ces cas s'observent à la suite d'i
perturbation de la circulation et de l'innervation, froid prolongé, brâlum
très-étendues, etc.. Cette marche foudroyante, (Wilks, Ba lier) peut éga-
lement s'observer dans les maladies que nous avons citées, notammârt
dans la diphthéric et dans la rougeole. Mais, même dans ce cas où b
phlegmasie semble s'étendre d'emblée à toute la surface des voies respi-
ratoires, l'examen des lésions montre que leur filiation existe toujours, et
que leur succession, pour être plus rapide, n'en est pas moins réelle. C'est
surtout, en effet, la lésion épithéliale qui progresse avec cette rapidité ; le
parenchyme est noirâtre, gorgé de sang, en sorteqiie, avant l'interveotioa
du microscope, ces lésions étaient considérées comme de simples congés
tiens. Mais l'analyse histologique démontre l'existence d'une pneuroooie
desquamative plus ou moins intense clans tous les points congeslioooéset
de plus, dans les lobules qui ont été atteints les premiers, des lésiooi
parcnchymateuses variables en étendue et dont la localisation autour de II
bronche prouve bien que celle-ci est le point de départ de rinflamnuh
tion.
Parmi les maladies chroniques qui se compliquent de broncho-pnea-
monie, il faut citer surtout les maladies du cœur et des reins. Les maladifli
du cœur se compliquent assez fréquemment de broncho-pneumonie,
principalement chez le vieillard. Rayer l'a observée plusieurs fois dansk
mal de Bright, et le récent travail de Lasègue sur les bronchites albumi-
nuriques donne à penser que cette complication ne doit pas être trcs-nrii
Nous nous bornerons à signaler V impaludisme chronique qui a ogalemeÉ
paru, dans plusieurs cas, se compliquer de broncho-pneumonie.
La luberculose n'est pas, en réalité, une cause de broncho-poeumoBÎe;
f\
PNEUMONIE. — BROHCHO-PNBUXOIVIE. — ÉnOLOGIB. 579
Me-ci ne se développe que lorsqu'une bronchite coïncide avec elle. Le fait
eut se produire pendant une tuberculose pulmonaire en voie d*évolution
t les noyaux de broncho-pneumonie se montrent le plus aux bases des
BOX poumons. Il est rare qu'on ne trouve pas, à Tautopsie des enfants
iberculeux, des noyaux de pneumonie développés pendant la période
mninale.
Chez les enfants mal nourris, épuisés par de longues maladies, on voit
MiYeni survenir des broncho-pneumonies qualifiées par les auteurs de
Viche^iques et qui apparaissent surtout dans les derniers jours de la vie.
a cachexie et Tanémie qui résultent des maladies constitutionnelles, scro-
lie, tuberculose, rachitisme, diabète (Steiner),favorisent le développement
i ces accidents. Il en est de même des affeclions chroniques de longue
iprée pendant lesquelles les malades restent trop] constamment dans le
i^cubitus dorsal (coxalgie, mal de Pott , etc.), La dysenterie, Tentéritc
I coryza simple ou syphilitique, le sclérème des nouveau-nés, présentent
ipTcqt cette complication ultime. C'est l'affaiblissement, la cachexie qui
pITeot surtout être mis en cause, le catarrhe bronchique serait sans
Ifirf îté dans le plus grand nombre des cas. La stagnation du sang et des
ppMoeitésdans les parties déclives du poumon provoque ces bronche -pneu-
IQiiies cachectiques qui ne s*accompagnent que d'une réaction peu mar-
née; la loux, la dyspnée, les signes physiques, sont également peu
cernés et la complication reste le plus souvent latente.
^«JlPfttlioséiiie. — Comme nous l'avons vu, on admettait autrefois que
PHtas les lésions de la broncho-pneumonie devaient être rapportées à
iepigération des sécrétions bronchiques. Les grains jaunes , d'après
flîlfel^ Béhier, etc., seraient dus uniquement à la pénétration du pus
|ine. le lobule, lequel en réalité ne participerait pas à la production des
|p|anB : c'est la théorie dite de la bronchite capillaire.
• l^après une autre théorie, soutenue surtout parZiemssen et Barlels, le
Piqe^pus formant bouchon commence par obturer les bronches et par
liÉnniner l'affaissement et la congestion du lobule. Cette congestion
Ifietitue le premier degré de la pneumonie lobulaire, consécutivement
[l^iptisalion ne tarde pas à paraître. Nous avons déjà discuté et rejeté
ritte théorie qui tend à créer une pneumonie lobulaire indépendante de la
(Wichîie (Voyez page 546). Elle est également détruite par ce fait, qu*il
1^ firéquent de voir des noyaux de broncho-pneumonie se développer dans
)s .portions de poumon non envahies par l'état fœtal. Celui-ci favorise
HMidant d'une manière évidente la marche des lésions dans le lobule ;
Ifongestion des zones splénisées doit lui être rapportée en grande par-
j^ ainsi que l'œdème et l'exsudation qui lui succèdent.
^]btk somme, le problème à résoudre est le suivant : est-ce l'inflammation
•même qui se propage, de proche en proche, des bronches jusqu'aux
lies? Paut-il admettre que les produits de sécrétion, en pénétrant dans
MTonches lobulairesetacineuses, déterminent l'inflammation du lobule
, agissant comme les corps étrangers?
yezpérimentation sur les animaux confirme, jusqu'à un certain point,
i^
580 PNEUMONIE. — broncho-pneumohie. — ériouxa,
cette dernière manière de voir. A Taidc d'injections de liqaiiaimtiA
dans les bronches : térébenthine (Trasbot el Comil), nitrate tufoi
chlore, ammoniaque (Jûrgensen), les expérimentateurs ont pnttdei
bronchites rapidement suivies de pneumonies lobulaires snn^b
mêmes lésions résultant également de l'irritation directe prodeh^b
corps étrangers, ont été obtenues à l'aide de méthodes moinsinhkli
section des pneumogastriques faite par Traube (1846) produit falnwi
trop intenses, trop rapidement suivies de mort pour que les analogÎBMl
complètes. Avant Traube, Reid (1839) et Longet (1840)aTaieitiii|K
lement ces lésions, mais ils les avaient considérées comme despM-
nies; Magendie (1816) pensait qu'elles succédaient à l'accanrolitiaw
mucosités dans les bronches dont la muqueuse avait perdu sa sosUl^j
Legallois, SchifT, Wundl, ont simplement vu des troubles de l'inna
vaso-motrice. Arnspcrger (1856) croit qu'il s*agit seulement d'in<
sus; Boddaêrt (1862) adopte une opinion mixte, reliant les opiniwi
gentes. Friedlaënder, renonçant à la section des pneumo-gastrifHkJ
imaginé de faire chez le lapin la section du récurrent, qui permeta
vie beaucoup plus longue pouvant atteindre vingt jours, et cause desl
comparables à celles qu'on obtient par la section des pneumogasli
Les expériences de Frcy ont confirmé les résultats obtenus par H
laênder; l'eiamcn microscopique a prouvé qu'il s'agit bien dWfi
monie lobulairc aiguë. Ces expériences, répétées par ChanAÛ
démontré l'évolution d'un processus semblable à celui de la broi
monie : hypersécrétion bronchique, d'abord muqueuse, puisn
lente, lésions pulmonaires principalement dans les lobes supàien
sentant l'aspect de Thépalisation et de la splénisation. Au mieRH,
on retrouve les lésions caractéristiques de la splénisation d
nodules péribronchiques. Chez les chiens surtout, les lésions «i
prêchent beaucoup de celles qu'on observe chez l'homme; il yam
la fibrine dans les exsudats. Charcot fait remarquer un point
tant, c'est qu'il n'y a point d'atéleclasie. Si l'animal survit pendanti,
temps, on voit les lésions envahir progressivement tout le Icbole,
plèvre participer à l'inflammation. L'accumulation des Ieucocjttt«ti
cellules épithéliales fait peu à peu disparaître les zones splènisfe '
éléments, vers la troisième semaine, subissent la dégénérescence!
graisseuse, le tissu conjonclif qui entoure la bronche et les aci»
et s'épaissit, le processus; devient chronique. Évidemment la or
ces lésions se rapproche beaucoup de celles qu'on observe chei H
les auteurs allemands vont même jusqu'à admettre identité co
(Wyss) ; la pathogénie de ces lésions s'explique par la pénélnl
corps étrangers dans les voies aériennes, liquide buccal, parcelles J
laires, résultant de la paralysie des nerfs laryngés et de l'occlusion il
plète de la glotte. Chez ,1e lapin, on observe, après la section deJi
laryngés, des troubles considérables delà respiration et du cornage.'
ces désordres s'apaisent bientôt et ils ne peuvent être expliqués ft\
troubles de l'innervation vaso-motrice du poumon, les nerfs laryngér
PNEUMONIE. — BRONCHO-PNEDMOME. — PATHOGÉHIE. 581
'dation avec cet organe. Après la section du pneumogastrique, les
» effets se produisent, mais plus accentués ; par suite de la paralysie
rynx, les matières accumulées dans la bronche pénètrent en grande
iié dans les bronches où leur introduction est encore facilite par les
rations profondes qui succèdent à la section du pneumogastrique,
oimaux succombent bientôt à une pneumonie suraiguë. A part la
fsie des vaso-moteurs qui, dans ce dernier cas, aggrave encore les
snts, ceux-ci résultent aussi de Faction irritante, traumatique, exercée
» corps étrangers à la surface interne des bronches et amenant consé-
dinent une inflammation plus ou moins intense. Dans plusieurs expé-
es, rintroduction directe des mucosités dans les bronches, sans sec-
les nerfs vagues, a donné des résultats positifs ; d*après les auteurs
auds, ces mucosités buccales sont plus irritantes que les autres
très qui pénètrent dans les bronches. Ils attribuent aussi un rôletrès-
rtani à la présence de parasites, de micrococcus formant des agglomé^
isplus ou moins considérables qui ont été vues dans les bronches, les
les, les vaisseaux, les lymphatiques. Bulh, Éberth, Ivanowsky,
«les ont trouvés dans la diphthérie, la grippe, la rougeole, la variole,
vre typhoïde. On les trouve surtout dans les broncho-pneumonies
^but ; mais leur présence dans des broncho-pneumonies d'origines
erses, nous semble en contradiction avec le rôle important qu'on
leur faire jouer.
e première catégorie de broncho-pneumonies correspond directement
luroncho-pneumonies expérimentales ; ce sont celles qui se produisent
les cas d*apoplexie par lésions cérébrales accompagnés de parésie
mgienne, par suite de la pénétration dans les voies aériennes des
sites buccales, des matières alimentaires et des boissons, celles qui
srvent chez les aliénés (Calmeil, Guislain), dans les paralysies du
fnx et de Tœsophage, chez les individus cachectiques; de même
roncho-pneumonies aiguës qu'on observe à la suite de la carie dn
ïT^ du cancer de la langue, du noma, des abcès retro-pharyngiens,
li s'accompagnent habituellement de gangrène. Au contraire, celles
uccèdent à l'introduction de corps étrangers non irritants donnent
k des broncho-pneumonies chroniques (Pneumonokonioses).
lis dans les cas les plus nombreux de broncho-pneumonies, il n'y a
pénétration de corps étrangers dans les voies aériennes; dans ces cas,
ico-pus non rejeté par l'expectoration et séjournant dans les bronches,
en partie le même rôle (Charcot) ; entraîné par la pesanteur, il vient
ar la muqueuse des petites bronches dans lesquelles il pénétre (Bùhl),
BÎlite ainsi la propagation de l'inflammation. Celle-ci finit par attein-
e lobule et la pneumonie lobulaire ne tarde pas à se développer ; le
>pus peut même pénétrer jusque dans les bronches lobulaires et par-
er ainsi à la fonfnation des grains jaunes ou nodules péribron-
ues. Cependant, comme nous l'avons déjà dit, ce fait de la péné-
on du pus est secondaire, son rôle se borne à entretenir et à exagérer
tation. Les lésions éloignées, comme l'a fait remarquer Charcot,
582 PNEUMONIE. — brokcho-pnbumonie. — pathocéiiu.
telles que la Fplénisation dont le caractère anatomique est h pneu-
monie desquamative, ne peuvent en dériver. La splénisation ne peut
être considérée davantage comme le résultat d'une action irritalive
exercée à distance par les noyaux d'hépatisation péribronchiquc, car
souvent elle les précède. Il se produit là de proche en proche des lésions-
irritalivcs semblables à celles qui succèdent dans les acini des glandes
aux lésions de leurs canaux excréteurs. Ces lésions sont siuiont
remarquables à la suite de la ligature du canal. cholédoque et teten-
tissent jusque dans les canaux biliaires les plus profonds. L'épithëVuini
alvéolaire en continuité avec 1 epithélium bronchique et originellenienl
de même nature, subit les mêmes influences imtatives et participe aux
mêmes altérations. 11 y a donc desquamation alvéolaire et si rirrilation»
continue et devient chronique, il y aura formation d'un revétemoit
épithélial cubique, semblable à celui des petites bronches ; rirritatk»
•pithéliale, dit Charcot, serait le fait le plus général, la pénétration des
produits muco-purulents dans la cavité alvéolaire serait en quelque sorie
accidentelle et ne jouerait qu'un rôle adjuvant. La formation des nodules
péribronchiques serait subordonnée à l'existence de la périhrônchite.
Comme on le voit, c'est le processus dont nous avons donné le résumé i
la fin du chapitre de Tanatomie pathologique ; favorisée par l'action da
la pesanteur, par la persistance de Tliypostasc et la progression du muoo»
pus, la bronchite gagne les conduits lobulaires. Si elle est peu profonde,
catarrhale, c'est la pneumonie desquamalive ou splénisation qui en sen
le premier effet ; si elle comprend toute l'épaisseur de la bronche, si elle
est parenchyniateusc, en un mot, des lésions du même ordre se produiront
dans les portions du parenchyme lobulaire voisines de la bronche et daos
lesquelles viennent se perdre les ramuscules terminaux de Tartèrc broo-
chi(|ue. La notion des espaces interlobulaires et intralobulaires établie
d'une manière si ingénieuse par Cliarcot, montre d'une manière saisis-
sante la marche de ce processus (Voy. art. Putdisie, t. xxvn, p. 696.)
Dans la structure du poumon, on peut distinguer, d'une part, le tisso
pulmonaire proprement dit, représenté par les lobules et les acini, et
d'autre part, le tissu conjonctif des espaces interlobulaires et interacincui.
Or, ces espaces forment naturellement deux grandes classes : A, les grands
espaces interlobulaires où se trouvent les bronches cartilagineuses avec
les artères, les lymphatiques péribronchiques, les veines pulmonaires et
bronchiques ; B, les petits espaces intralobulaires avec la bronche lobu-
laire et Tartère bronchique, les vaisseaux lymphatiques et le tissu coo-
jonclif qui les unit, et les petits espaces interlobulaires et interacineox
composés surtout de tissu conjonctif, et renfermant de nombreux lymphe
tiques et les veines pulmonaires (Charcot). Il est aisé de se rendre compte,
d'après ces notions d'anatomie, du véritable siège de la broncho-pneurnooie;
c'est avant tout une maladie des espaces, et ce caractère s^aflirme d'aultfl
plus qu'elle présente une durée plus considérable.
L'inflammation atteignant à la fois les divers éléments de la brondie,
les parois des vaisseaux, les lymphatiques et le tissu conjoo.nif de VespHt,
PNEUMONIE. — BKOMCHO-PNEDMONIB. — PATHOGiMIB. 585
û\e donnera lieu dans le lobule aux mêmes lésions de Tespace intralobu-
laire. Celles-ci sont rapidement propagées au tissu pulmonaire voisin pour
RNiDcr le nodule péribronchique, et aux espaces périacineux et périlo-
balaires dont les vaisseaux sanguins sont tributaires des vaisseaux situés
ians les espaces intralobulaires et inlerlobulaires avec lesquels ils se
Doniinuent directement.
Ces notions sont importantes à connaître: elles expliquent les ano-
nalies qui se rencontrent dans les diverses variéléâ de broncho-pncumo-
lies. La forme suffocante, si dangereuse à cause de rhypersccrétion consi-
lérable qui raccompagne et qui produit Temphysème par obstruction
iroochique, est celle qui guérit le plus rapidement, parce que les lésions
i^occupent que la surface des voies aériennes. Les formes parencliyma-
enses, au contraire, sont graves et se résolvent difficilement, parce que
'inflammation est en même temps superficielle et interstitielle, et comme
die, présente la tendance à la chronicité qui caractérise toutes les pnleg^
Dasîes interstitielles.
La pneumonie franche, au contraire, a pour siège le tissu intermédiaire
lUX espaces ou tissu propre du poumon. D'abord limitée, mais sans loca-
lisation spéciale par rapport aux bronches, elle s'étend rapidement à tout
m lobe, en envahissant des zones étendues de tissu pulmonaire. L'exôudat
composé de fibrine et de globules blancs est libre dans Tintérieur des al-
réoles; les espaces sont respectés. Il y a tendance naturelle à la résolution
lui résulte à la fois du siège et de la nature de Texsudat.
L'examen de ces diverses lésions et de lelir pathogénie peut déjà nous
Sttre prévoir que les phénomènes cliniques qui les accompagneront se-
Bout surtout ceux d*une bronchite généralisée, engouement bronchique
IW€ dypsnée et toux, conduisant à une asphyxie rapide dans la (orme
ttiffocante, plus ordinairement lente dans les formes parenchymateuses.
bViccumulation des mucosités peut être assez considérable pour empêcher
le percevoir par Tauscultation les signes de l'induration pulmonaire, soit
|a*clle empêche la pénétration de l'air dans les bronches, soit que les
Bftlcs soient trop nombreux et couvrent le souffle bronchique. Celui-ci re-
paraît lorsque les mucosités se déplacent. Ces variations dans les symp-
lAmes physi(|ues ne doivent être rapportées qu'aux deux éléments capables
par leur mobilité d'apporter des modiûcations dans l'état des poumons,
■voir : les mucosités et le sang. 11 faut écarter, en effet, dans les causes de
Huriations des signes physiques, la mobilité d'envahissement, celle qui
lèpend de la formation de nouveaux noyaux de pneumonie. D'autre part,
la que nous savons sur la fixité des lésions du lobule, ne nous permet pas
la penser à une résolution rapide. La mobilité des signes physi(|ues tient
lone aux déplacements de la masse sanguine en rapport avec l'état fœtal,
laa poussées inflammatoires, les troubles de Tinnervation vaso-motrice, et
iax déplacements des mucosités par suite d'efforts, de spasmes des bron-
ebes, etc. Mon excellent maître. Cadet de Gassicourt, attribue un grand
iftle aux congestions dans la physiologie pathologique de la broncho-pneu-
monie; elles s'accompagnent de submatité, de souffle, d'une augmenta-
584 PNEUMONIE. — bronciio-pheumonie. — traitbiebiit.
tion de la dypsnée, signes qui peuvent durer 24 heures, 2 ou 3 jours, puis
cesser complètement. Il montre qu*à côté du processus inflanmuiUHre, il
y a des poussées congcstives révélées par Texamen clinique et par le tracé
thermométrique et qui modifient beaucoup la physionomie de la maladie,
surtout son début. Cadet de Gassicourt établit Texistence de deux va-
riétés cliniques sur cette mobilité des congestions. Tune à sympidines stc-
thoscopiques variables, Tautre à symptômes stéthoscopiques 6xe8.
Une réaction fébrile plus ou moins vive avec des exacerbations emclé-
ristiques accompagne l'évolution de la broncho-pneumonie. Le rétrédiie-
ment du champ de Thémalose par suite de l'obstruction des bronches, et
de la formation des foyers de pneumonie lobulaire, entraîne le dévelop-
pement de l'emphysème supplémentaire. Si le malade n'est pastuépir
les progrès de Tasphyxie ou par une réaction trop violente, il y aura fou-
jours à redouter une résolution incomplète, à cause des lésions intersti-
tielles.
Traitement. — L'étude des causes nous impose immédiatement on
certain nombre d'indications prophylactiques importantes. Conune nous
l'avons vu, la broncho-pneumonie se présente avec une fréquence et une
gravité toutes spéciales dans certaines épidémies de fièvres éniptives. On
devra autant que possible dans ces circonstances établir une bonne aéra-
tion des salles, éviter l'encombrement des malades, en un mot, mettre
sévèrement en pratique toutes les règles de l'hygiène des épidémies.
Une source d'indications découle aussi de la faiblesse et de la débilité des
malades en rapport soit avec leur âge, soit avec des affections antérieures.
Lorsqu'une bronchite intense et généralisée se déclare chez un enfant,
chez un vieillard, ou chez un individu affaibli, il faut s'efforcer d'éviter les
conséquences redoutables qui résultent de l'influence d'un décubitus dor-
sal trop prolongé. II est indiqué de forcer les malades à s'asseoir dans leur
lit, de les faire changer fréquemment de position, de les promener dans
la chambre si cela est possible. Vaileix conseille le décubitus abdominal
pour faciliter l'expectoration, et d'enlever directement avec le doigt les
mucosités qui s'accumulent dans le pharynx. Ce traitement préventif ne
s'applique évidemment qu'aux bronchites simples; il ne faut guère
compter sur lui, non plus que sur les agents thérapeutiques, s'il sagit
d'une bronchite diphtliéritique.
Au début, on doit régler tout d'abord l'emploi des moyens hygiéniques ;
la chambre est maintenue à une température de 15 degrés et le malade
chaudement vêtu d'une camisole. On favorise ainsi la diaphorèse; on doit
éviter cependant que l'air soit trop chaud et surtout trop sec et il est
utile de faire autour du malade des pulvérisations ou des fumigations
émollientes. L'air doit être renouvelé fréquemment avec les précau-
tions voulues en pareil cas; le calme, le repos sont nécessaires. La
plupart des auteurs, frappés des tendances adynamiques de la maladie,
proscrivent la diète absolue. Le régime peut être réglé souvent d'après
les désirs de l'enfant ; le bouillon, le chocolat, le lait, les œufs, le lailJf
poule, le vin coupé, etc., sont les aliments le plus facilement acceptés.
PNEUMONIE. — BROKCUO-PNEUMONIE. — TRAITEMENT. 585
Pour Rilliet et Barthez, les indications doivent être tirées principalement
de la nature de la maladie : appartenant aux afTections catarrhales, elle
doit être combattue par les indications spéciales qu'elles réclament. Ce
sont les évacuants beaucoup plus que les antiphlogistiques, qui rendront
les meilleurs services.
Les émissions sanguines sont considérées aujourdMiui comme inutiles
et même dangereuses dans le plus grand nombre des cas. La broncho-
pneumonie, maladie secondaire, survenant le plus souvent chez des en-
fants déjà affaiblis par une autre affection, causée fréquemment par cet
affaiblissement même, ne peut être favorablement modifiée dans sa mar-
che par une médication aussi énergiquement spoliatrice. A ce titre, Dama-
schino, d*Espine et Picot les repoussent complètement; nous ne les avons
jamais vues mises en usage pendant notre internat à l'hôpital Sainte-
Eugénie. Hervieux, Rilliet et Barthez conseillent, dans certains cas,
remploi des émissions sanguines locales (sangsues à l'anus, ou à la base
du thorax, ventouses scarifiées). Roger croit aussi qu'une émission san-
guine peut être d'une utilité réelle, chez les sujets âgés *de plus de quatre
ans, quand il s'agit de cas suraigus, à forme suffocante, dans lesquels la
phlegmasie s'étend rapidement à tout l'arbre aérien. 11 conseille égale-
ment les ventouses scarifiées, les sangsues et même la saignée du bras
(100 à 200 grammes), dans le but de diminuer l'intensité du mouve-
ment fébrile et l'hypérémic des bronchioles.
n est possible que cette perturbation énergique exerce une heureuse
influence sur le mouvement fluxionnaire intense qui se produit dans le
système broncho-pulmonaire. Cependant cette médication ne peut être
appliquée qu'à un très-petit nombre de cas, et on peut en dire presque
autant de celle qui consiste a employer les contro-stimulants, L'émctique
à doses fractionnées (5 à 15 centigr.), de manière à obtenir la tolérance,
Toxyde blanc d'antimoine (de 5 à 5 décagr. à 1 gramme), et surtout le
kermès minéral (de 5 à 10 centigrammes) ont été vantés par Rilliet et
Barthez, par Legendre, etc. Les préparations antimoniales combattent
Télément congestif de la maladie, mais elles ont l'inconvénient de dépri-
mer les forces ; aussi leur emploi méthodique et continu s'est-il fort res-
treint depuis quelques années.
On a prescrit comme exerçant une action antiphlogistique plus modé-
rée, l'aconit, à la dose de 15 à 50 gouttes (Rilliet et Barthez). La
digitale est considérée par H. Roger comme diminuant l'intensité de la
fièvre ; il a vu la température s'abaisser, le pouls tomber de 150 à 120 et
même à 110. Ces diverses préparations peuvent être prescrites seules ou
associées au kermès (extrait de digitale et kermès, 3 à 5 centigr. de cha-
cun dans un julep gommeux ou un looch blanc) ; leur action sur le cœur
doit toujours être surveillée avec la plus grande attention.
Les préparations antimoniales, et principalement l'émélique, ont un
rôle plus important à jouer, lorsque les signes d'obstruction bronchique
indiquent impérieusement la nécessité de l'expulsion des produits de
sécrétion accumulés dans les bronches. Cependant, paimi les vomitifs^
586 PNEUMONIE. — broncho-pneumokib. » tiaitsmext.
ripécacuanba est celui qu'on emploie de préférence, car on peut le répé-
ter plusieurs fois, sans crainte de le voir affaiblir les malades, ou exercer
une action nuisible sur le tube digestif. Laënnec, Fauvcl, Rilliet et
Barthez ont souvent insisté sur les avantages qu*on retire des vomitib
répétés coup sur coup. L'acte même du vomissement est utile, par les
secousses qu*il produit, par Thypersécrétion fluide et prompte qu*il déter-
mine. L'ipécacuanha peut élre infidèle dans quelques cas, soit à cause
d'une tolérance spéciale, soit à cause de Tatonie du tube digestif, ou de
la dépression causée par Tasphyxie. Rilliet et Barthez conseillent d'abord
de faire précéder son administration de stimulants énergiques (siiia-
pismes aux jambes, bains de pied sinapisés), à la suite desquels on voit
parfois les efforts de vomissement se reproduire avec assez de force
pour expulser le contenu des bronches. Dans d*aulres cas, il faut recourir
au tartre stibié qui agit parfois plus sûrement. Ce sel peut même être
préféré dans les cas où Ton veut provoquer en même temps des évacua-
tions stomacales et intestinales (IL Roger). Le sulfate de cuivre produil
également ce double effet, mais parfois d'une manière beaucoup trop
intense. 11 est d'ailleurs peu employé, ainsi que Taponiorpliine qui pour-
rait cependant être prescrite aux enfants qui refusent obstinément tous les
médicaments. Dans ces derniers temps, les médecins ont restreint l'em-
ploi des vomitifs ; évidemment très-utiles au début, alors que la bron-
chite prédomine, ils sont moins avantageux ou même inutiles lorsque
rinliltralion des lobules est effectuée, il est préférable de recourir i ce
moment aux autres moyens thérapeutiques.
Après les vomitifs qui agissent surtout comme expectorants, nous
devons signaler les autres médications qui modifient la sécrétion bron-
chique ; le kermès, Tipéca à dose nauséeuse (0,25 cenligr. en potion ou
en infusion) sont encore employés dans ce but, ainsi que la poudre de
Dower dont l'action sédative répond en outre à d'aulrcs indications. Ib
peuvent rendre la sécrétion plus abondante, en même temps plus fluide,
et faciliter ainsi son évacuation. Les balsamiques, la gomme ammoniaque,
la décoction de baies de genièvre ou de bourgeons de sapin, les sirops
de Tolu, de térébenthine, etc., rendent plutôt des services dans la
période de déclin de la maladie, ou lorsqu'elle présente de la tendance
à la chronicité. 11 en est de même du sirop de ratanhia et de tannin, des
préparations de soufre, et en particulier des eaux sulfureuses.
Les médications que nous venons de passer en revue répondent à des
indications diverses; elles agissent sur l'état général et combattent Vêle-
ment inflammatoire de la maladie, soit en agissant sur la turgescence du
système vasculaire des bronches et des poumons, soit en empêchant l'ac-
cumulation des produits sécrétés dans l'arbre aérien. Les révulsifs, el
principalement les vésicatoires volants, empêchent également l'extension
de la fluxion sanguine broncho-pulmonaire. Repoussés par 'irousseau,
par Legendre, Becquerel, qui redoutaient la production d'ulcérations
rebelles ou d'accidents plus graves (érysipèle, diplithérie, gangrène), iL^
ont été au contraire préconisés par Rilliet et Barthez et la plupart à^
PNËUMONIK. — BROKCHO-PIIEUMOKIE. — TRAITBMKRT. 587
auteurs. Il est seulement recommandé de les faire peu étendus, de limiter
leur temps d'application à cinq ou six heures tout au plus et de les panser
avec le plus grand soin, de manière à éviter le contact de l'air et les frot-
tements. L'apparition de la matité ou de la submatilé, du souffle ou des
râles sous-crcpitants fins, annonce la production de poussées inflamma-
toires, et détermine ainsi le point où ils doivent être placés ; le plus sou-
Tent, c'est aux parties postérieures et inférieures de la poitrine, ou au-
dessous de Tomoplate, et dans la direction des côtes. Dans beaucoup de
cas, ils ont paru exercer une action très-manifeste sur la marche de la
maladie, en empêchant l'extension des foyers de pneumonie, en dimi-
nuant la fluxion des voies respiratoires, et dans les dernières périodes, en
hâtant la résolution. A ce moment, d'autres révulsifs, huile de croton
sur le dos (Legcndre), sinapismes, emplâtres de thapsia, teinture d'iode
peuvent être employés également; mais il faut leur préférer les vésica-
.toires pendant la période des poussées ai^cs du côté des bronches ou des
obules pulmonaires. L'enveloppement des membres inférieurs dans la
ouate simple ou légèrement sinapisée est un excellent moyen adjuvant.
II y a moins à compter sur les agents de la révulsion intestinale. Les
purgatifs sont employés pour hâter la résolution dans la période ter-
minale, et quand il se présente des indications spéciales du côté du
tube digestif. On prescrit surtout les laxatirs doux, la manne, le sirop de
rhubarbe, Thuile de ricin, le sirop de chicorée et de fleurs de pêcher.
Les médecins anglais se servent aussi du calomcl à dose purgative ou
à dose altérante, et dans ce dernier cas, l'associent parfois aux antimo-
niaux (West). Les mêmes indications spéciales s'appliquent aux diuré-
tiques (sous-carbonate de potasse, oxymel scillitique, etc.).
Les sédatifs répondent à plusieurs indications symptomatiques ; sans
parler du délire, des convulsions qui constituent une véritable complica-
tion, on a souvent à calmer une agitation très-vive qui s'empare du ma-
lade et s'accompagne d'une sorte d'éréthisme douloureux. Les quintes de
toux, la dyspnée, l'insomnie sont exagérées dans ces circonstances. Les
narcotiques peuvent être prescrits, même le laudanum (goutte par goutte)
et le chloral (0,25 centigr., à 1 gramme); mais ces agents doivent être
maniés avec précaution et réserves autant que possible pour les cas très-
graves. On leur préfère l'eau distillée de laurier-cerise (4 à 10 grammes),
la belladone (extrait, 1 à 3 centigrammes), le datura, la jusquiame, le
bromure de potassium, les préparations de ciguë, de phellandrie, l'éther,
le sirop de valériane, etc. L'alcoolature d'aconit est également prescrit
(Rilliel et Barthez, II. Roger) et paraît exercer une action antiphlogistique
modérée. Lorsque la fièvre est vive, quand la température atteint 39°,5
ou 40**, et qu'il existe en même temps des phénomènes nerveux alar-
mants, Rilliet et Barthez conseillent l'usage des bains de son, à 34*,
ou 35*, d'une durée de dix minutes et répétés au besoin deux ou trois
(bis dans les vingt-quatre heures. Ces bains sont suivis d'une sédation
marquée, l'agitation cesse, et le malade retrouve parfois le sommeil.
Dans quelques cas, ce moyen rend une plus grande énergie aux efforts
588 PNEUMONIE. — broxcuo-pnecmonie. — traitemeht.
de toux, suivis d'expectorations qui débarrassent les bronches. Gner-
sant, Blache, II. Roger, etc.. et la plupart des auteurs ont recomiu
également que les bains ticdes dans la broncho-pneumonie exercent une
action à la fois sédative et stimulante, Ils s*accordent à dire cependant
qu'on ne doit pas les prescrire dans le cas de trop grande prostration.
Nous insisterons un peu sur d*autres moyens hydrothérapiquesy peu em-
ployés en France jusqu'ici, mais qui, au dire des médecins étrangers
qui les préconisent, rendent des services éclatants dans le traitement de
la broncho-pneumonie.
Hildenbrand et Campagnano ont, les premiers, conseillé l'emploi des
lotions et des affusions froides dans les pneumonies. Ghisi obtint, au
moyen des bains froids, la guérison d'un enfant de 13 ans, arrivé à la pé-
riode asphyxique de la broncho-pneumonie. Ziemssen recommande i*appU-
cation de compresses d'eau fraîche sur le thorax, renouvelées toutes les
dix minutes. Il a réussi par ce moyen à calmer les malades, à diminuer la
dyspnée, à abaisser le chiffre de la température et des respirations. Jur-
gensen, dans les cas très-graves, où la dyspnée et la cyanose sont extrêmes,
fait prendre aux malades un bain tiède de 20 à 25 minules, après lequel
il donne une douche d*eau froide en jet sur la nuque. Steffen a aussi
employé cette méthode chez les jeunes enfants ; cependant sa statistique
n'est pas encourageante, 4 cas de guérison seulement sur 97 cas.
Bohn, dans TEncyclopédie de Gerhardt, conseille Tenveloppement dans
le drap mouillé pendant plusieurs heures jusqu'à ce qu'on ait obtenu un
abaissement suffisant de la température, la cessation de l'agitation et de
la dyspnée. Cette pratique est recommandée aussi par Liebermeister,Sche-
del, Jûrgensen, Cohn. Bartels n'a pas craint, dans les cas très-graves, de
continuer l'emploi des enveloppements pendant plusieurs jours et plu-
sieurs nuits sans interruption. ÎVyss va jusqu'à dire que ces enveloppe-
ments doivent être préférés à tous les autres moyens thérapeutiques.
Voici comment ils doivent être employés : un drap ou une couverture de
laine sont trempés dans de l'eau froide et tordus fortement ; après avoir
été plié plusieurs fois, le drap est étendu sur une couverture de
laine qui le dépasse dans tous les sens. L'enfant est d'abord emmaiilotté
jusqu'aux aisselles dans le drap, puis dans la couverture sèche, laquelle
est fixée au moyen de fortes épingles. Les bras doivent rester libres, et
après l'enveloppement, la chemise de l'enfant qu'on avait eu soin de re-
lever au-dessus des épaules est ramenée sur la couverture de laine. L'en-
veloppement dure deux heures; on laisse Tenfant sec pendant une demi-
heure ou une heure et l'on recommence. Les enveloppements doivent
être faits jour et nuit à intervalles plus moins éloignés suivant l'intensité
de la fièvre. On emploie de Teau plus ou moins froide, ou simplement
de l'eau à la température delà chambre. Après chaque enveloppement,
il est bon de faire prendre à l'enfant une cuillerée d'un vin généreux dans
un peu d'eau. Il faut veiller à ce qu'il ne se produise pas de refroidis-
sement des extrémités. Lorsque ces enveloppements sont commencés, on
constate bientôt que l'enfant respire mieux, il tousse moins; l'état gêné-
PNEUMONIE. — BROKCHO-PNEUMONIE. TRàlTEMKMT. 589
ral et local se trouvent améliorés ; Fenfant dort paisiblement dans Tin-
tenralle des enveloppements. Ces intervalles deviennent de plus en plus
grands à mesure que la température tombe ; à ZQ"" ils sont de deux heures ;
à SS'^yS, de trois heures. A cette température, on les cesse le soir si la
température du matin est normale ; il est bon cependant de les continuer
encore une ou deux fois par jour.
Nous avons vu que la diaphorèsc obtenue à Taide des antimoniaux ne
peut être recherchée longtemps, à cause des contre-indications spéciales
fournies par Vëtat des forces. Depuis longtemps les médecins ont reconnu
que Tasthénie est le trait dominant dans les diverses formes de la
broncho-pneumonie (de la Berge, Legendre, etc.). On s'adresse surtout aux
stimulants^ pour la combattre : parmi les stimulants externes on prescrit
surtout les onctions chaudes (axongc, huile, beurre de cacao), les for-
mentations vinaigrées, les sinapismes. Le marteau de Mayor, l'inhalation
de vapeui*s d'ammoniaque, sont réservés pour les cas où il y a menace de
suffocation et d'asphyxie. Les sudorifiques, la chaleur, les boissons chaudes
aromatiques, le thé, le café, seraient d'une grande utilité, mais les enfants
ne les acceptent souvent qu'avec les plus grandes difficultés. Les sels d'am-
moniaque (chlorhydrate ou carbonate d'ammoniaque, 20 centigr. h 50
centig. , acétate d'ammoniaque) répondent à une double indication, en modi-
fiant les sécrétions bronchiques, et en stimulant l'énergie des malades. On
emploie dans le même but l'acide benzoïque, (20 à 40 centigr.), l'infusion
de polygala sencga (1 à 3 grammes) ; le musc (20 à 40 centigr. dans un
looch).
Mais parmi les agents de la médication stimulante, les alcooliques sont
ceux dont paraissent résulter les meilleurs effets ; la potion cordiale du Co-
dex, les vins de Malaga, de Xérès, Bagnols, Porto (50 à 100 grammes par
jour) sont de puissants excitants dans les cas de débilitation profonde. L'al-
cool, le rhum (10 à 30 grammes, dans une infusion aromatique), le punch
léger, l'élixir de Garus, remplissent les mêmes indications et combattent
Tasphyxie en augmentant l'énergie des efforts respiratoires : il en est de
même des préparations alcooliques, du quinquina (teinture de quinquina,
20 grammes). Dans les cas de gangrène^ outre les stimulants, on prescrit
encore les désinfectants et les antiseptiques (eau de Labarraque, acide
phénique, eucalyptus, térébenthine, etc., etc.).
Les divers alcooliques répondent à la nécessité de combattre la pro-
stration qui survient si fréquemment dans le cours de la broncho-pneu-
monie. On leur adjoindra, si cela est possible, une alimentation tonique,
lait de vache ou d'ânesse, bouillon américain, jus de viande, jaunes
d'œufs, boissons vineuses, etc.. L'inappétence absolue des enfants ap-
porte souvent un obstacle invincible à l'ingestion des aliments; les alcoo-
liques, les préparations de quinquina, sont alors les ressources les plus
puissantes dont nous disposions contre la débilitation.
Pendant la convalescence, on a encore à combattre le catarrhe bron-
chique qui persiste plus ou moins longtemps ; les expectorants, le tannin,
les balsamiques, les eaux sulfureuses naturelles (Bonnes, Cauterets, etc.).
590 PNEUMONIE. — broncuo-p.^bdmomib. — TiAirBMsn.
<^oupés avec le lait, peuvent rendre de grands services. Une surveillance
attentive est nécessaire pour prévenir le retour des rechutes : un bog
séjour à la chambre (deux à quatre semaines) doit être impose aux en-
fants. Pour le lever, pour raliraenlation, il est souvent sage de s'en rap-
porter à leur instinct (IL Roger). On ne tardera pas à leur donner une
alimentation de plus en plus fortiGante (potages, œufs, viandes). L'emploi
de riiuile de foie de morue, de Tiodure de fer, du phosphate de chaax,
les cures de lait de chèvre, sont souvent nécessaires pour combattre Va-
ncmie. Le rétablissement des forces peut être complété et avancé par un
séjour à la campagne, dans les montagnes ou dans une station maritime
ou thermale convenablement choisie.
Nous ne pouvons entrer ici dans de longs détails sur les indications
spéciales : le traitement doit être modifié suivant les causes, les formes,
les périodes de la maladie, suivant Tàge des sujets, Pétat des forces,
suivant les complications (convulsions, emphysème, pleurésie, gan-
grène, etc.), la prédominance de certains symptômes, etc., etc... Toutei;
ces indications thérapeutiques, variables avec chaque malade, sont do res-
sort de la clinique et ne peuvent être développées dans le cadre que nous
sommes forcés d'adopter ici. Nulle ou à peu près dans les broncho-pneu
monies consécutives au croup, la thérapeutique est également desarmée
dans celles qui sont le résultat d'une cachexie profonde. Los ioniques,
les stimulants, sont les seules ressources qui nous restent contre le$
effets de la maladie. Dans les fièvres éruptives, dans le noma, dans la
fièvre typhoïde, dans la coqueluche, des modifications spéciales sont
nécessitées dans le traitement par PalTection primitive. Mais les indications
principales sur lesquelles nous avons msisté dominent toujours ; on doit
toujours s'opposer aux congestions actives et passives et à l'accumulatioD
des sécrétions bronchiques, en agissant soit mécaniquement au moyen
des vomitifs, soit indirectement par les stimulants, les révulsifs, etc.
Quelle que soit la maladie primitive, la broncho-pneumonie qui vient la
compliquer présente, en effet, des indications constantes tirées de la forme
qu'elle revêt, de la prédominance de Télément bronchique ou de lelé-
ment parenchymateux. Dans la forme suffocante, bronchite capillaire, les
vomitifs, les sédatifs, les révulsifs cutanés (ventouses, sinapismes) sont
employés surtout pour combattre la dyspnée, et l'engouement des bronches.
Dans les formes parenchymateuses, on peut parfois, au début, essayer des
antiphlogistiques ; mais les révulsifs éner<;iques (vésicatoires), les stimu-
lants et les toniques font ordinairement la base du traitement.
En résumé, au début, quand prédomine l'engouement bronchique,
on peut commencer le traitement par un ou deux vomitifs ; puis tout en
excitant une révulsion cutanée énergique (sinapismes, ventouses, pédi-
luves, enveloppements ouatés, vésicatoires), on prescrira les modificateurs
des sécrétions bronchiques (kermès), les antiphlogistiques et les modifica-
teurs de la circulation (digitale, aconit, etc.). A la période d'état, lorsque
le parenchyme pulmonaire est envahi, les révulsifs doivent encore être
prescrits, et de plus, les toniques, l'alcool, le quinquina, etc.... Pendant
PNEUMONIE. — BROZtCHO-PNBUllONIE. — BIBUOGRAPHIB. 59i
la période de déclin, les toniques, une alimentation plus substantielle,
les balsamiques et les sulfureux sont spécialement indiciués.
Consulter les trailés de maladies des enfants, Rilliet el Barthez, Barbier, Bouchot, Wrst, d'Es-
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«ow. DicT. hId. et chir. XXVIII — 36
594 PNEUMONIE. — pn. chronique.
PNEOioiviE CHRONIQL^E. — Nous ne pouvons nous occuper, dans cet
article, que des aiTections inflammatoires chroniques du poumon consé-
cutives a des affections aiguës de même ordre en quelque sorte sponta-
nées. Nous rejetons de notre cadre les pneumonies chroniques partidles
consécutives à des lésions de natures diverses des bronches et du paren-
chyme pulmonaire. Ainsi, on trouve presque constamment autour des
foyers apoplectiques, des kystes hydatiques et des diverses tumeurs du
poumon» des lésions inflammatoires plus ou moins étendues, et aboutis-
sant à la formation d*un tissu scléreux, ardoisé ou fortement pigmenté.
Des lésions d'apparence semblable se produisent autour des tubercules
et des cavernes. Primitivement, ces pneumonies pérituberculeuses ne pré-
sentent rien qui leur appartienne essentiellement en propre ; elles ne dif-
fèrent point de celles qui caractérisent la broncho-pneumonie (Charcot),
et aboutissent dans les formes chroniques à la même sclérose du tissu
conjonclif, aux mêmes transformations granulo-graisseuses des épithéliums
(Voyez pour la discussion de la pneumonie caséeuse l'article Pethisk,
ta XXVII, p. 277). Les pneumonies consécutives à TintroductiondespouiS-
sières dans les voies aériennes (pneumonokonioses) sont aussi des bron-
cho-pneumonies. Nous nous bornons à les rappeler ici, ainsi que la pneu-
monie syphilitique : leur description viendra aux articles PROF£ssro5 et
SYpmus.
La gangrène et les abcès du poumon peuvent être aussi l'origioe de
pneumonies chroniques. Le processus inflammatoire, qui se développe
à leur périphérie et qui amène la cicatrisation du foyer, s'étend parfois
au poumon tout entier. Nous ne donnerons pas de ces cas une description
à part; ils rentrent le plus souvent dans les variétés communes, sur
lesquelles nous allons maintenant insister. Les pneumonies chroniques
peuvent être aujourd'hui classées en un certain nombre de variétés bien
distinctes. Nous devons dire dès à présent que, dans ses leçons professées
à la Faculté de médecine en 1877-1878, Charcot a plus nettement
encore caractérisé ces divisions, en montrant que les diverses formes de
lésions chroniques peuvent succéder aux affections inflammatoires aiguës
des bronches et du parenchyme pulmonaire. Ces lésions ont reçu des
auteurs les noms de cirrhose, squirrhe du poumon^ pneumonie in-
lersliiielle , induration pulmonaire, sclérose du poumon ^ phlhisie
fibroïde. etc. Ces dénominations, comme on le voit, s'appliquent à
tous les cas et doivent être remplacées par des termes plus caractéris-
tiques. Nous adopterons ici les genres décrits par Charcot, et qui sont
fondés sur l'étude du sicge primitif et de la marche des lésions. Dne pre-
mière variété, représentant à l'état chronique la pneumonie lobaire aigué,
évolue dans le parenchyme pulmonaire proprement dit, dans les alvéoles;
deux autres variétés sont consécutives aux inflammations des bronches et
de la plèvre: ce sont les broncho-pneumonies chroniques et les pneu-
monies chroniques pleurogènes. Il faut ajouter qu'il est fréquent de voir
coexister les lésions de ces diverses formes ; presque toujours, dans les
dernières périodes, le parenchyme pulmonaire, la plèvre et les bronches.
PNEUMONIE. PN. CHRONIQUE. — p. LOBAIRE CHRONIQUE. 595
participent en même temps aux altérations. Les signes sont alors ceux
de l'atrophie sclércuse et de la rétraction du poumon, affaissement du
thorax, déplacement des viscères thoraciques et abdominaux, dilatation
du cœur, etc. C'est surtout par Texamen des commémoratifs et de la
marche de la maladie que Ton peut arriver à préciser la nature de l'af-
fection.
A. Pneumonie lobaire chronique. — Cette forme de pneumonie chro-
nique a été étudiée surtout en France ; il faut citer notamment les travaux
d'Andral, Grisolle, Hardy et Béhier, la thèse d'agrégation et les leçons
de Charcot. Chez les auteurs allemands, nous ne trouvons que quelques
passages dans les leçons de Traube, un travail assez complet publié
par Heschl en 1856. Les travaux anglais publiés ^ur la pneumonie chro-
nique sont plus nombreux, mais visent surtout la forme broncho-pneu-
fnonique. Le nombre des observations de pneumonie lobaire chronique
véritablement digne de ce nom est donc peu considérable, lorsqu'on a
^a d'éliminer, comme on doit le faire, les pneumonies aiguës qui af-
fectent un certain caractère de chronicité par la lenteur de leur marche
ou de leur résolution. La persistance des exsudais pneumoniques dans
les alvéoles se manifeste parfois par des signes physiques, longtemps
après la défervescence et le retour complet à la santé. Mais ces exsudats
non résorbés persistent ainsi au sein du parenchyme pulmonaire, sans
qu'il y ait coexistence d'un travail inflammatoire (Charcot). Grisolle a vu
ainsi la restitutio ad integrum n'être complète que du 20"* au 55* jour,
66 fois sur 103 cas. Sur 26 cas observés par Fox à ce point de vue, 5 cas
m se terminèrent qu'entre le 20* et le 25* jour, 1 cas entre le 25* et le
30* jour. Andral (cité par Fox, p. 755) a vu cette prolongation durer
qoal^ mois. Des faits analogues ont été publiés par Rayer (Gaz. rnëdic,
1846), par Raymond, Aran, Ilérard, etc. Ce sont là des exemples
de résolution lente ; lorsqu'à la persistance des exsudats vienf se joindre
«n processus inflammatoire du côté des parois alvéolaires qui les con-
tiennent, la pneumonie chronique se trouve constituée, et à cette exten-
sion nouvelle du processus correspondent des phénomènes pathologiques
nouveaux absents, dans la résolution lente, laquelle peut s'opérer avec
tontes les apparences de la santé la plus parfaite (Grisolle).
Dans les cas moins heureux, le parenchyme pulmonaire devient le siège
d'altérations plus ou moins profondes, aboutissant à la sclérose du pou-
mon. Celle-ci peut se produire de deux manières différentes : 1** par un
processus à marche continue, progressive, régulière, succédant à une pre-
mière attaque de pneumonie aiguë; 2"* par un processus à phases suc-
cessives, à évolution interrompue, qui s'établit à la suite d'un certain
nombre de récidives de la pneumonie aiguë dans le même point. Mais,
que les phénomènes inflammatoires se déroulent d'une manière conti-
nue, ou qu'ils se succèdent, pour ainsi dire, en plusieurs actes, les lésions
qui en résultent sont identiques dans les deux formes. Celles-ci présen-
tent, en réalité, plus d'intérêt au point de vue clinique qu'au point de
vue anatomo-pathologique.
596 PNEUMONIE. — pn. chronique. — anatomie pathologiqve.
Anatomie patholo^que. — avant d'étudier les types variés d'al-
térations qu'on observe dans la pneumonie lobaire chronique, il importe
de bien distinguer les lésions qui succèdent à la résolution lente de la
pneumonie aiguë. Elles sont également peu connues : dans un cas où b
mort était survenue trente-cinq jours après la défervescence, Texamen
microscopique montra les alvéoles remplis de masses muqueuses englo-
bant des corps granuleux, des leucocytes, des cellules épitbéliales et des
granulations graisseuses libres. Les parois alvéolaires ne présentaient
aucune modification de texture appréciable (Charcot). Dans un autre cas,
d'une durée à peu près égale, observé dans le service deDuguet, l'examen
microscopique fait par Pitres révéla également la présence d'éléments
granuleux dans les cavités alvéolaires dont les parois étaient saines.
Tout porte à croire que ces produits inflammatoires disparaissent lors-
que la survie est assez longue.
Lorsque le processus inflammatoire envahit la paroi alvéolaire restée
intacte jusque-là, une nouvelle série d'altérations se produit, présentant
des caractères anatomo-pathologiques variables suivant leur degré d*an-
cienneté. C'est un processus nouveau qui commence et qui se manifeste
cliniquement d'une manière spéciale.
Induration rouge. — Lorsque le malade succombe peu de temps
après le passage de la pneumonie à l'état chronique, l'aspect du poumon
présente un ensemble de caractères qui se rapprochent de ceux de Télat
aigu et qui ont valu à la lésion les noms dHnduralion rouge (Andral,
Ilope, Fôrster, Charcot) ou d'hépatisation indurée (Lebert). Le lobe qu'elle
occupe a augmenté de volume et de poids : son tissu est rouge, compacte,
homogène, non crépitant, granuleux sur la coupe, mais moins manifes-
tement qu'à l'état aigu. Le parenchyme est devenu plus ferme, plus con-
densé, plus sec que dans l'hépatisation rouge ; il est aussi plus anémié
et plus pâle. Le cloisonnement intcrlobulaire est peu marqué ou nul.
De plus, il existe un épaississement de la plèvre, au niveau des parties
indurées ; enfln, signalons un trait particulier, sur lequel a insisté tout
spécialement Charcot : c'est Vabsence dedilalation des bronches.
Les recherches histologiques faites autrefois par Lebert, Fôrster et
lleschls ont été complétées dans ces derniers temps par Charcot. Dans
tous les cas, les parois alvéolaires sont épaissies et infiltrées d'éléments
jaunes, ronds et fusiformes; les fibres élastiques restent intactes. Dans
quelques cas le contenu fibrineux persiste encore pendant un temps asscx
long (Gouguenheim et Balzer) : ordinairement, les alvéoles sont rétrécis et
renferment des cellules épitbéliales englobées dans un magma granulo-
graisseux. 11 existe souvent des corps granuleux. Les cellules épitbéliales
qui persistent sont larges, polygonales ; elles contiennent souvent des
cristaux de margarine. 11 n'y a pas d'épithéliums cubiques (Charcot).
Ces diverses altérations se rencontrent chez les individus qui succombeni
environ un mois ou six semaines après le début de la pneumonie chro-
nique. Dans quelques cas plus rares, l'aspect macroscopique de la lésion
revêt des caractères différents qui lui ont fait donner le nom d'indu-
!
l
PNKUMONIE. — PN. CHROXIQRE. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 597
ration jautie. Celle-ci, à la vériU';, ne parait différer de rinduration rouge
que par la couleur, et peut-être aussi par l'abondance des exsudats, qui eu
connprimant les vaisseaux anémient le parenchyme induré et lui donnent
son aspect spécial. L'analyse histologique retrouve, en effet, dans ces
cas, les mêmes lésions du côté des alvéoles que dans Tinduration rouge.
• Induration grise. — Lorsque la pneumonie chronique atteint une
durée qui dépasse plusieurs mois, les altérations du parenchyme pulmo-
naire aboutissent à la sclérose. Mais le processus présente d'abord une
phase intermédiaire dans laquelle les caractères de l'induration rouge
persistent encore, mêlés à ceux de l'induration grise. Au bout de deux ou
trois mois, le poumon présente encore des granulations, mais déjà beau-
coup plus petites : sa colorsition est brune avec des plaques ardoisées ; les
travées interlobulaires se dessinent nettement. Le tissu présente à la coupe
une surface plus ferme, plus sèche ; les bronches ne sont pas dilatées, et
pourtant déjà Thyperplasie du tissu conjonctifest assez considérable pour
produire la rétraction et une diminution de volume du poumon.
Ces divers effets sont beaucoup plus accentués lorsque la lésion arrive
à la deuxième phase de l'induration grise. Le tissu pulmonaire a subi
alors véritablement Taltération que Cruveilhier désigne sous le nom de
métamorphose fibreuse. Il faut quatre, cinq mois, une année ou davan-
tage, pour que le tissu fibreux de nouvelle formation envahisse ainsi tout
Tancien foyer de pneumonie. A Tautopsie, le poumon présente une con-
«istince telle que le doigt ne peut le pénétrer; son tissu crie sous le
scalpel. Le plus souvent il ne crépite plus, reste imperméable et va au
fond de Teau ; quelquefois il est légèrement spongieux. Sa surface est
lisse, sans granulations; elle présente habituellement une coloration ar-
doisée ou d'un gris cendré. Mais elle peut aussi être sillonnée de mar-
brures violacées, verdàtres ou noires. Les travées de tissu conjonctif sont
vaguement dessinées sur la coupe qui est plane, sèche, ou laisse seulement
sourdre un peu de sérosité sanguinolente. La plèvre est épaissie et forme
une véritable coque fibreuse. A cette période ultime, le poumon est peu
Tasculaire, il est rétracté, ratatiné, globuleux, réduit aux deux tiers, à la
moitié, ou même au tiers de son volume. Mais notons toujours que, malgré
ce développement considérable du tissu conjonctif, il n'y a pas de dila-
icUion bronchique.
L*étude histologique montre les alvéoles envahis par le tissu fibreux
à tel point que leur nombre a considérablement diminué ; on voit, dans
quelques-uns, des productions fibreuses proéminer sous la forme de
polypes au milieu de leur cavité.
Celle-ci est quelquefois remplie d'épithéliums polygonaux ou renferme
des corj)s granuleux. On n'aporçoit nulle part les traces d'un travail
de caséification. Les alvéoles renferment en outre des cristaux aciculés
nombreux.
Il se produit cependant un travail de dégénération spéciale; cardans
plusieurs cas on a noté l'existence d'excavations, sculptées au sein du
parenchyme pulmonaire. Charcot les désigne sous le nom d'ulcères du
598 PNEUMONIE. — pn. chronique. — symptômes.
poumon pour les distinguer des cavités qui succèdent aux abcès de la
pneumonie aiguë, ou des cavernes tuberculeuses. Ces excavations sont
tapissées d'un revêtement membraneux : elles présentent les mêmes
caractères que celles qu'on observe dans la pneumonie anthracosique.
Symptômes. — Comme nous l'avons déjà vu, l'évolution clinique
de la maladie présente deux grandes variétés, suivant son mode de début
et sa marche. Dans une première série de cas se rangent les pneornooies
chroniques qui succèdent à courte échéance à la pneumonie lobaire aiguë.
Les accidents nouveaux s'annoncent souvent de la manière suivante : la
pneumonie a évolué régulièrement, la défervcscence et l'amendement des
symptômes se sont produits à l'époque ordinaire, et ont été suivis du
retour de l'appétit et d'une amélioration dans le fonctionnement des divers
appareils. Mais les changements dans Tétat local ne correspondent pas à
cette disparition des phénomènes généraux. La percussion constate une
matité d'une certaine étendue, et à l'auscultation on rencontre la respiration
bronchique, la bronchophonie avec des râles sous-crépitants et muqueux
(Grisolle). Jusqu'ici rien de spécial : ces symptômes s'observent égale-
ment dans la résolution lente. Mais au bout d'un temps plus ou moins
long la fièvre reparaît, et le plus souvent revêt d'emblée le caractère
hectique, avec redoublements vespéraux, suivis de sueurs. Souvent alors
l'ensemble des phénomènes pathologiques pourrait faire croire à l'évolu-
tion d'une phthisie galopante (Charcot, obs. de Monneret). Outre la toux,
la dyspnée et la fièvre hectique avec sueurs, on constate, eu efTel, on
dépérissement général, une cachexie rapide, accompagnée dans quelques
cas d'œdème des membres inférieurs, de diarrhée. Dans d'autres cas, on
voit reparaître, surtout chez les vieillards, les symptômes d*adynamie,
l'état typhoïde, qui sont inséparables chez eux de révolution de la pneu-
monie. La terminaison fatale peut même être précédée de la formation
d'cschares.
Les symptômes locaux ne sont pas tranchés comme dans la pneumonie
lobaire aiguë. Le point de côté, la dyspnée, la toux, peuvent manquer ou
être très-peu prononcés, surtout si la maladie ne revêt pas les allures de
la phthisie galopante. Les crachats sont muqueux ou muco-punileoU,
comme dans la bronchite. L'exploration physique donne des signes variable^
suivant l'ancienneté de la maladie, mais qui n'ont rien de pathognomo-
nique. Dans les premières périodes, ce sont purement et simplement ceux
de l'induration pulmonaire ; vibrations thoraci(|ue8 exagérées, matité abso-
lue à la percussion, râles muqueux, souffle bronchique et bronchophonie.
Quelquefois, lorsque l'induration est extrême, le souffle devient caverneux,
et les râles peuvent prendre un timbre métallique. Enfin, dans quelques
cas, Tauscultation a pu ne donner que des signes négatifs, absence de
souffle et de râles, tenant sans doute à Tobturation momentanée des
bronches par les produits de sécrétion (Grisolle, Charcot) plus ou wo\m
concrets.
Lorsque la maladie a été de longue durée, ou dans certains cas à fornie
ulcéreuse, des symptômes cavitaires peuvent être constatés : oulre le
PNEUMONIE. — PN. CURONIQOE. — SYMPTÔMES. 599
souffle et les râles caverneux, on trouve à la percussion un son tympa-
nique, et dans quelques cas un bruit de pot fêlé. Ces phénomènes n'exis-
tent que dans les cas où l'excavation est superGcielle et assez considérable.
Coninie on le voit, les symptômes de la pneumonie chronique peuvent
être résumés de la façon suivante : symptômes généraux, hecticité, con-
somption, état typhoïde; symptômes physiques, ceux de Tinduration pul-
monaire, dans quelques cas, avec phénomènes cavitaires.
Mais il existe une autre catégorie de cas qui ne présentent pas la même
marche continue et régulière. Au lieu de succéder à courte échéance à la
pneumonie aiguë et d^évoluer ensuite sans interruption marquée, l'indu-
ration pneumoniqne ne s'établit qu'après le retour d'un certain nombre
d'attaques de pneumonie aiguë se répétant sur le même poumon et dans
le même point. Le nombre de ces récurrences tluxionnaires peuC être plus
ou moins considérable, et il ne faut pas oublier que la pneumonie chro-
nique n'en est pas toujours fatalement la conséquence. Dans la pneumonie
chronique récurrente, la reslitutio ad integrum n'est pas complète après
chaque récidive : un certain degré d'induration persiste dans l'intervalle
des accès qui se reproduisent jusqu'à ce que Tinduralion et la sclérose du
poumon soient telles que l'exsudation intra-alvéolaire devienne impos-
sible. Quelquefois alors, la maladie se termine par une dernière poussée
de pneumonie aiguë qui atteint l'autre poumon. Deux cas de pneumonie
lobaire récurrente ont été observés à la Salpêtrière par Charcot : le pre-
mier, chez une femme morte à l'âge de soixante-seize ans, qui eut sa
première pneumonie à gauche en 1861, et qui mourut en 1867, après
avoir eu sept attaques du même côté. Elle succom))a à la huitième, qui
eut lieu du côté droit. Ces diverses récidives furent régulières et s'accompa-
gnèrent des signes stéthoscopiques et des crachats rouilles caractéris-
tiques. Les dernières attaques diminuaient graduellement d'intensité; la
résolution était toujours très-lente, une respiration rude avec râles sous-
crépitants persistait du côté affecté, en même temps qu'un peu de toux et
d'oppression.
Toici l'histoire résumée de la seconde malade, qui succomba à Tàge
de quatre-vingt-un ans :
Poumon droit. Sommet.
18S3. Novembre. — Première attaque connue ; courbe régulière avec défer?c8cence, sortie
trois nooM après, conservant au sommet du souffle et des râles sous-crcpitants.
1864. Novembre. — Deuxième attaque, môme siège; courbe régulière avec défervescence,
•ortie un mois après, ayant toujours du soufllc.
4865. — Ti'oisième attaque au sommet gauchj. — Décembre. Sortie un mois après, ayiml
eneore du souffle. On ignore si elle avait déjà une pneumonie de ce côté.
1866. — Quatrième attaque avec complication de pleurésie enkystée à droite qui cause h
mort. — Autopsie. — Induration ardoisée du sommet droit. — Pleurésie enkystée du niôme
Mé iu niveau du lobe inférieur. — Induration fibreuse du sommet du poumon gauche.
Lorsque, dans les cas de cette nature, l'induration pulmonaire se trouve
établie, elle présente des signes semblables à ceux que nous avons déjà
signalés. L'évolution et la marche ne diffèrent que dans la phase en
quelque sorte préparatoire de la pneumonie chronique.
600 PNEUMONIE. — pn. chromque. — symptômes.
Parmi les symptômes rares qu'elle peut présenter, il faut citer le rétré-
cissement thoracique sur lequel ont insisté Stokes, Wunderlich, etc., et qui
est naturellement expliqué par la sclérose atrophique du poumoo. Mais
ce signe très-rationnel ne parait pas avoir été observé d'une façon aussi
accusée que dans les autres formes de pneumonie chronique.
L'expectoration, dans quelques cas, redevient jaunâtre, rouillée, lors-
qu'il se produit une extension nouvelle du travail phlegmasique aux parties
jusque-là restées saines. Des hémoptysies se sont montrées dans plusieurs
cas.
La durée de la maladie est très-variable : indéterminée dans la forme
récurrente, où elle est subordonnée au nombre et à Tiritensité des poi^
sées aiguës, elle est plus courte lorsque Tinduraiion succède à courte
échéance à la pneumonie aiguë. Elle peut durer, dans ces cas, de deux a
cinq mois; quelquefois cependant la maladie se prolonge pendant plus
d'une année. L'évolution clinique de la maladie présente trois phases
dans la forme commune : 1° une phase intermédiaire succédant à b
pneumonie aiguë, dans laquelle, la fièvre étant tombée, le malade semble
devoir guérir complètement, quelques signes locaux seuls persistent;
T une phase d'activité pendant laquelle le processus inflammatoire, un
moment interrompu, reprend sa marche : la fièvre reparait, des râles mu-
queux se font entendre dans la poitrine, des signes d'excavation pulmo-
naire peuvent être perçus; 3° ces phénomènes s'accentuent dans h phase
terminale caractérisée par la cachexie et Tépuisement des forces, et dans
laquelle la diarrhée, les sueurs profuses, se déclarent : le malade suceombe
en général dans le dernier degré du marasme. Quelques cas de guérison
ont été signalés par les auteurs, mais on peut supposer qu'ils ont eu
affaire à des résolutions lentes plutôt qu'à des pneumonies chroniques
bien avérées.
La terminaison fatale peut être parfois précipitée par le développement
de certaines complications y notamment les abcès ou la gangrène pulmo-
naire.
La formation d'abcès est annoncée par l'expectoration soudaine d*une
quantité plus ou moins considérable de pus. Les phénomènes généraui
qui précèdent la collection purulente sont peu connus : on a remarqué
cependant que dans quelques cas la majadie avait évolué avec une tempé-
rature peu élevée (Traube, Charcot). Le pus est couleur lie de vin ou fran-
chement phlegmoneux : il peut renfermer des débris villcux, dans lesquels
le microscope démontre Texislence de fibres élastiques. Quelquefois aussi
les crachats offrent une couleur vert d'herbe rappelant les crachats colorés
par la bile (Traube), dont 4'aspect serait dû à une matière colorante iiarti-
cnlière de provenance hémalique. Du reste, ces crachats n'appartiennent
pas exclusivement aux abcès pulmonaires : Charcot les a retrouvés éga-
lement dans deux cas de pneumonie caséeuse aiguë.
La gangrène est une complication beaucoup plus rare encore, cl lc>
quelques observations qu'on possède n'établissent pas nettement si elle
est primitive ou consécutive à la pneumonie. C'est encore l'expectoralion
PNEUMONIE. — PN. CHROiMQUE. — ÉTI0L0G1E. DIAGNOSTIC. 601
qui en décèle le développement, par la couleur et l'odeur caractéristiques;
il peut y avoir des hémoptysies. Enfin, on observe en même temps les
symptômes graves, consécutifs à Tinfection putride par résorption des
débris sphacélés.
Étiolofl^e. — L'influence pathogénique la plus importante est, sans
contredit, la faiblesse des sujets, quelle qu'en soit d'ailleurs la cause. Très-
rare dans l'enfance, c'est dans l'âge moyen de la vie et dans la vieillesse
qu'on observe habituellement la pneumonie chronique. Les maladies qui
amènent un dépérissement profond ou la cachexie ont une certaine
influence sur son développement : telles sont l'intoxication palustre
(HeschI, à Cracovie), l'albuminurie (Bright). Une cause plus importante
est l'alcoolisme, déjà signalé par Magnus Uuss.
Les maladies organiques du cœur ont été également incriminées, mais
sans preuves suffisantes.
U en est de même pour la syphilis; les lésions scléreuses qui ont été
notées dans le poumon par les auteurs ne peuvent être rapportées avec
certitude à la pneumonie lobaire chronique.
Enfin, comme nous l'avons vu, il faut tenir grand compte du nombre
des pneumonies antérieures. Lorsque la pneumonie lobaire se résout len-
tement, elle laisse après elle une lésion permanente des parois alvéo-
laires. U s'établit ainsi une prédisposition aux récurrences ou tout au
moins une cause d'appel propre à déterminer leur siège. Des phéno-
mènes analogues se passent dans le cas de néo-membranes pleurales, ren-
fermant des vaisseaux à parois embryonnaires, et qui deviennent facile-
ment le siège de phlegmasies à répétition, pouvant se traduire chaque fois
parla formation d'un nouvel exsudât séro-flbrineux (Paget, Charcot).
De plus, les cliniciens ont depuis longtemps remarqué que quelques
personnes sont sujettes à des attaques répétées de pneumonie aiguë
(W. Fox), comme s'il existait chez elles une véritable disposition consti-
Intionnelle. Le même poumon, les mêmes parties de ce poumon, sont le
siège de ces récurrences fluxionnaires. Sur 35 cas de pneumonie, Grisolle
a TU 25 fois la maladie se reproduire sur le poumon d'abord affecté.
Andral a vu un malade avoir 15 attaques de pneumonie dans l'espace de
il ans; Chomel a cité 10 récidives, Franck, 11, Ruih, 28. Un entant
observé pai* Ziemssen a éprouvé en 5 ans 4 attaques de pneumonie ayant
pomr siège le lobe inférieur gauche, et une cinquième occupant le lobe
iopérieur droit. Les intervalles des récurrences peuvent être plus ou moins
longs : suivant W. Fox, leur durée moyenne serait de 3 à 5 ans. Les atta-
ques se succèdent plus rapidement à mesure qu'elles deviennent plus
ncmibreuses. Suivant Charcot, leur fréciuence paraîtrait encore plus
grande, si les malades n'étaient pas perdus de vue : l'observation en ville
et dans les hospices est plus instructive, à cet égard, que celle des hôpi-
taux.
Hiaf^ostic. — Le diagnostic repose principalement sur l'étude des
eommémoratifs. En effet, les symptômes physiques n'oiîrent rien de par-
ticulier; la matité, la résonnance thoracique, le souffle tubaire ou caver-
602 PNEUMONIE. — pn. chromqdk. — diagrostic.
neux, appartiennent à toutes es indurations pulmonaires. De roéme, le»
symptômes généraux : amaigrissement, fièvre hectique, sueurs, diar-
rhée, etc., se retrouvent dans toutes les afTections pulmonaires qui con-
duisent à la cachexie.
C'est surtout avec la phthisie que la confusion est facile : cependant
la pneumonie siège plutôt dans les lobes inférieurs; elle est localisée
dans un seul côté, et dans un point limité. La tuberculose, bien qu'il ne
soit pas rare de la voir prédominer aux bases ou d*un seul côté, s'ob-
serve plus régulièrement aux sommets, et se dissémine dans les deai
poumons. Les symptômes généraux et révolution de la maladie ne peu-
vent servir à guider le clinicien : la phthisie lente comme la phthine
rapide peuvent être simulées par la pneumonie chronique ulcéreuse. Le
diagnostic devient impossible, lorsque celle-ci siège au sommet.
Le carcinome primitif et unilatéral du poumon , surtout quand b
cachexie n'est pas très-marquée et quand Tinfection ganglionnaire fait
défaut, ne peut guère être distingué de la pneumonie chronique. Cael-
ques signes ont une certaine valeur : Tintensité de la douleur et de b
dyspnée, de la toux, les crachats sanguinolents, les symptômes de com-
pression, témoignent quelquefois de Texistence du carcinome. Mais ce>
symptômes peuvent manquer également, et Ton ne peut plus guère se
baser que sur les antécédents et sur la fréquence relative des deux aflec-
tions. Dans quelques cas, le ramollissement et la formation de cavemes
dans la tumeur viennent encore rendre le diagnostic plus obscur. Ajou-
tons que, d'après quelques auteurs, le carcinome primitif s'obserrenit
surtout dans Tage moyen, à partir de 25 ans (Carswell).
C'est surtout à Taide des commémoratifs que la pneumonie lobaire
chronique pourra être distinguée des autres indurations chroniques
d'origine inflammatoire. Cependant celles-ci présentent une physionomie
et une marche spéciale, et Ton pourra, dans certains cas, arriver pr
exclusion au diagnostic, lorsque celui-ci n'a plus à compter qu'entre le*
diverses variétés de pneumonie chronique. Bornons-nous à dire que la
pneumonie diffère de la broncho-pneumonie chronique par son origine,
elle reconnaît toujours pour cau^e une pneumonie lobaire, tandis que la
broncho-pneumonie chronique a succ«?dé à une broncho-pneumonie aiguë
ou subaiguë provoquée par diverses maladies générales (rougeole, coque-
luche, fièvre typhoïde, etc.). Au point de vue symptomatique, si elle s'en
rap|)roche par les symptômes généraux, elle s'en éloigne parles signes
locaux : la dilatation bronchique, qui est presque la règle dans la bron-
cho-pneumonie chronique, fait constamment défaut dans la pneumonie
lobaire chronique. Il est vrai que celle-ci s'accompagne parfois d'abcès,
d'excavations ulcéreuses dont les signes ressemblent beaucoup à ceux de
la dilatation des bronches. C'est, en somme, comme nous l'avons dit,
l'examen des commémoratifs qui peut fixer le diagnostic, car l'induralion
broucho-pneumonique prédomine habituellement d'un seul côté, commf
la pneumonie lobaire, et, d'autre part, celle-ci s'accompagne .souvent (te
signes d'une bronchite généralisée. Nous verrons cependant que la brou- L
PNEUMONIE. PN. CHRONIQUE. — DIAGNOSTIC. PRONOSTIC. 605
cho-pneumonie chronique s'accompagne, mais seulement vers la fin,
d'une atrophie du poumon, d'une déformation de la poitrine et d'un
déplacement des organes thoraciques et abdominaux, qui n'ont pas été
signalés au même degré dans la pneumonie lobaire chronique.
Le diagnostic peut présenter les mêmes difficultés, lorsqu'il s'agit de
dilatations des bronches survenues à la suile de bronchites répétées.
Dans la majorité des cas, Tétat satisfaisant des forces et de l'embonpoint,
l'expectoration spéciale (vomîque bronchique), les commémora tifs, ne
laissent pas place au doute. Mais, quand la fièvre hectique se déclare,
^piand il existe une induration pulmonaire étendue autour des bronches
dilatées, une eneur peut être commise, en l'absence des commémora-
t tifs, surtout si en même temps les symptômes physiques de l'induration
. pulmonaire et de la dilatation bronchique prédominent d'un seul côté.
t Nous n'insisterons pas sur les difficultés que peut présenter le dia-
I . gnostic différentiel de la pneumonie clironique et de la pleurésie chro-
I .Atgue partielle. Lamatité, l'absence du bruit respiratoire, se rencontrent
I dans les deux cas, mais dans la pneumonie chronique les vibrations tho-
I raciques sont conservées ou exagérées, et il y a habituellement du souflle
• et de la bronchophonie. Dans les cas d'abcès, la nature et la quantité de
r . l'expectoration serviront à établir une distinction entre la vomique pieu-
4 raie et la vomique pulmonaire.
I De plus, comme le fait remarquer Charcot, les symptômes généraux
K <Mit, dans la pneumonie chronique, une importance et un caractère de
^ .granité tout autres que dans la pleurésie partielle.
Mais, si le diagnostic peut être fait dans la pleurésie chronique simple,
B il rencontre des difficultés presque insurmontables, lorsque celle-ci se
1^ . complique d'inflammation chronique du parenchyme pulmonaire (pneu-
■ monie chronique pleurogène). La pneumonie lobaire pouvant, de son
m téléf se compliquer d'épaississement de la plèvre, le diagnostic devient
^ UDp<t8sible en l'absence des commémoratifs.
■I Les renseignements sur les antécédents du malade, sur sa profession,
it anffisent pour faire éliminer les indurations chroniques qui se dévelop-
0 pent à la suite de l'introduction de poussières de natures diverses dans le
■I pomnon.
Piponostic. — Toujours très-grave, d'autant plus que la pneumonie
chronique n'évolue que chez les individus faibles ou épuisés par des ma-
ladies antérieures. Le pronostic varie donc suivant le degré de conserva-
tiim des forces et suivant la forme de la maladie. Le type à marche continue
S'péaente évidemment la plus grande gravité, tandis que la pneumonie
récurrente ne tue qu'au bout d'un certain nombre d'années. Le pronostic
l'assombrit encore dans le cas où la fièvre hectique se déclare de bonne
bore, et que la cachexie s'établit, et de même lorsqu'on voit apparaître
Jm signes d'ulcération, de suppuration ou de gangrène du poumon.
D'après la plupart des auteurs, la pneumonie chronique se termine régu-
p. iiérement par la mort, et les guérisons citées doivent être considérées
comme des cas de résolution lente.
604 PNEUMONIE. — pn. chronique. — tràitexb5T.
Traitement. — Il ne peut être question d'un traitementcunitif pour
la pneumonie chronique. Les révulsifs sont impuissants contre la sclérose.
Ils sont, au contraire, tout à fait indiqués dans la phase intermédiaire,
qui suit la pneumonie aiguë, et l'on doit s'efforcer de hâter la résolutioa
quand il s'agit d'un sujet affaibli. Les larges vésicatoires doivent alors être
appliqués sur le côté affecté. On pourrait aussi donner le tartre stibié,
mais avec ménagement , et tout en insistant sur une médicatioa tonique
et reconstituante.
La prophylaxie aura également un rôle important à jouer chei les indi-
vidus qui ont éprouvé déjà plusieurs attaques de pneumonie. Des précau-
tions hygiéniques pourront alors avoir les meilleurs effets, en prëfenant
Tapparition de nouveaux accidents.
Mais, lorsque l'état chronique est constitué, il ne reste plus à remplir
que des indications symptomatiques, et il faut avant tout se préoccuper
de soutenir les forces du malade et de combattre la cachexie. Les révul-
sifs sont cependant encore indiqués à cette période ; lorsque des pous-
sées congestives se déclarent, l'usage des cautères, du séton, pourri être
de quelque utilité. On pourra aussi essayer contre la fièvre l'emploi du
sulfate de quinine.
Un traitement spécifique sera tenté, lorsque la syphilis aura paru in-
fluencer la maladie.
EnOn des moyens appropriés seront employés pour combattre lescom-
plicalions qui peuvent survenir, notamment les abcès et la gangrène.
B. Bboncuo-pneumome subaiguê et chronique. — Maladie toujours se-
condaire, retentissant dès son début sur le tissu conjonctif du poumon,
la broncho-pneumonie présente pour ces deux raisons une tendance
marquée à la chronicité. Aussi, comme nous l'avons vu, il n'est pas rare
de trouver à l'autopsie d'enfants qui sont morts au bout de quinze à vingt
jours de maladie des lésions profondes, interstitielles, qui résultent de
l'organisation des exsudats. Ces lésions se rencontrent même dans les cas
aigus d'une certaine durée: aussi est-il dirficile d'établir un classeraenl
rigoureux et précis des broncho-pneumonies, dédire, par exemple où liait
la broncho-pneumonie aiguë et où commence la broncho-pneumonie
subaiguë. A cet égard, cependant, la distinction est plus facile en analo-
mie pathologique qu'en clinique; le travail exsudatif correspond évidem-
ment aux formes aiguës, le travail d^or^^^anisation aux formes subaigués
et chroniques. Celles-ci constituent une des formes de la cirrhose du jwu-
mon, dont la phase embryonnaire représente la forme subaiguê de la bron-
cho-pneumonie, et dont la phase atrophique correspond à la broncho-
pneumonie décidément chronique.
Ces deux dernières formes seules seront décrites dans ce chapitre, mai<
pour la broncho-pneumonie subaiguê nous ferons dès à présent remar-
quer que nous insisterons spécialement sur la forme pulmonaire, dans i^
quelle domine la lésion désignée sous le nom de camisation. Rienqoe
des lésions analogues puissent être rencontrées dans la forme bronchique
de la broncho-pneumonie subaiguë, c'est la suppuration et la dilatation
a
PNEUMONIE. — P.N. CHRONIQUE. — HISTORIQUE. 605
Tacuolaire des bronches qui tiennent la plus grande place dans son évo-
lution, et nous avons eu occasion d'insister sur ces lésions à propos des
terminaisons de la broncho-pneumonie aiguë.
Historique. — L'existence des formes lentes de la broncho-pneumonie
a été reconnue de bonne heure : Léger décrit dans sa thèse sur la pneu-
monie des enfants une forme latente chronique dont il ne donne pas nette-
ment les caractères anatomiques (1823). Berton rapporte dans son traité
mie intéressante observation de broncho-pneumonie datant de deux ans,
recueillie dans le service de Guersant, lequel avait parfaitement reconnu
la filiation des accidents survenus à la suite de la rougeole. Cependant la
première bonne description appartient à Legendre et Bailly (1844), qui
donnèrent aux lésions pulmonaires le nom de camisation. De nouveaux
bais furent publiés bientôt après pai Rilliet et Barthez. Les auteurs anglais
ont publié aussi sur ce sujet des travaux importants.
En 1838, Corrigan a nettement indiqué les traits principaux de la car-
nisation avancée dans son célèbre travail sur la cirrhose du poumon. Sutton
(1865),Wilson Fox et Cliarlton Bastian (1871), ont rassemblé dans leurs
mémoires des observations nombreuses, mais disparates, concernant
tantôt la pneumonie lobairc, tantôt la pneumonie lobulaire chronique,
souvent la tuberculose pulmonaire. Ces deux derniers auteurs croient, en
outre, que l'altération des alvéoles qui aboutit à la cirrhose est indépen-
dante de l'inflammation. Bastian donne au processus le nom de substi-
tution fibroïde.
Parmi les travaux allemands les plus importants, nous citerons ceux
de Ziemssen, Bartels, Jùrgensen, dont les observations ont démontré
l'existence d'une broncho-pneumonie subaiguë, qui dès son origine tend
àla chronicité, ceux de Traube, de Biermer et de Trojanowsky, dont le nom
f a été déjà signalé à propos de la dilatation des bronches.
Tous ces divers travaux renferment des observations et des recherches
intéressantes, mais n'établissent pas de démarcation bien nette entre les
diverses variétés de cirrhose pulmonaire. Dans ses leçons de 1877, ré-
5 «umces dans notre thèse inaugurale et dans la Revue mensuelle, Char-
j, .«ot a dégagé d'une manière précise cette variété de pneumonie chronique,
dont un des principaux caractères est la dilatation des bronches. L'examen
nûcroscopique a montré l'êpaississement des travées conjonctives, la
sclérose des parois alvéolaires, la prédominance des lésions dans le voi-
sinage de la bronche. Charcot a pu montrer ainsi les relations qui
~i existent entre les broncho-pneumonies aiguë, subaiguè et chronique; des
'" lésions pulmonaires datant de plusieurs années ont pu de cette façon
être rapportées à une broncho-pneumonie survenue dans le jeune âge.
• Cette interprétation s'applique à un certain nombre d'observations publiées
*~ dans divers ouvrages sous le nom de dilatation des bronches (Laennec,
- Cayol, Barth, Fauvel, Bucquoy, etc.). On trouve encore dans les Bulletins
^ de la Société anatomique deux observations intéressantes, Tune de Rendu
(1872), l'autre de Nélaton (1878), concernant une broncho-pneumonie
subaiguë chez l'adulte et dont nous avons fait l'examen microscopique.
606 PNEUMONIE. — pn. chronique. — akatomib pathologique.
Anatomie pathologique. — Dans hbroncho-pneumonie svbaiguëj
les lésions se localisent dans les points où siège la splénisation» c'est-i-dire
à la partie postérieure des lobes supérieurs et inférieurs. On retrouve la
même symétrie, mais la lésion a une tendance remarquable à se fixer sur
un seul lobe, sous la forme pscudo-lobaire. Une coloration rose ou TÎoIacée
remplace la couleur acajou ou bleu violet de Tétat aigu. La consistaoee au
toucher et à la coupe justifie jusqu'à un certain point le nom de carni-
sation de Legendre et Bailly, et la comparaison avec la chair musculaire.
Le tissu est dense, lisse sur la coupe, sec, sans granulaiions^ et il
sV'coule à peine un peu de sérosité grisâtre. Cet aspect uniforme et homo-
gène contraste avec l'aspect marbré de la broncho-pneumonie aiguë. L»
bronches sont plus ou moins dilatées, surtout dans les lobes inférieurs.
Quelquefois on observe un aspect aréolaire qu'on a comparé à la coupe
d'un fromage de Gruyère. La dilatation est fusiforme ou saccîforme, les
cavités contiennent un muco-pus plus ou moins liquide ou caséeux. La
structure lobulaire du poumon est très-accentuée, grâce à répaississement
du tissu conjontif. Cet épaississement est surtout marqué autour des
bronches et des artères. Par suite de ce développement du tissu conjonctif,
le cloisonnement interlobulaire, surtout chez l'enfant» se trouve aussi
marqué dans la broncho-pneumonie que dans les pneumonies pleurogènes
ou dans la phthisic fibroïde, que Charcot considère également comme
une broncho-pneumonie. Enfin, malgré l'aspect planiforme de la coupe,
on retrouve autour des bronchioles les nodules de la broncho-pneumonie
aiguë, qui apparaissent à l'œil nu ou armé d'une loupe sous la forme de
grains agglomérés, parfois saillants, de grappes présentant une coloration
grise ou jaunâtre, et qui se détachent sur le fond rosé de la c^upe. Le
plus souvent, la bronchiole se dislingue facilement au centre du nodule.
Comme on le voit, les principaux traits de la forme aiguc se retrouvent
ici; mais, autour du nodule, le fond rosé ou violacé qui caractérise la
carnisation a remplacé la coloration plus foncée de la splénisalion. La
plèvre est habituollcment épaisse, recouverte de fausses membranes ; il y
a de Temphysème des parties non atteintes et les ganglions bronchiques
sont tuméfias. Ajoutons que dans cette période il n'y a pas encon*
d'atrophie du poumon et que Tinsufflation est très-incomplète.
L'analyse histologique de ces cas subaigus a été faite par le professeur
Charcot. Elle démontre l'existence d'une cirrhose commençante : toutes
les parties du lobule subissent une infiltration de cellules embryonnaires,
tandis que les exsudats intra-alvéolaires aboutissent à la dôsintègralion
granulo-graisseuse.
i» Bronches et nodules péribvonchiques. — Les bronches contiennent
du muco-pus, leur épithélium est conservé, mais tuméfié. Leurs parois
sont infiltrées de cellules rondes et fusiformes,qui détruisent les tuniques
musculaire et élastiquiB (Trojanowsky). Consécutivement la bronche se
déforme, se dilate à cause de la destruction de l'anneau musculaire, (le
fait primitif, antérieur à l'atrophie du poumon, réduit à néant la théorie
deCorrigan, qui explique la dilatation bronchique par Tatrophie du pou-
PNEUMONIE. PK. CHROMQUE. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 607
mon et la rétraction du tissu conjonctif. Celle-ci est impuissante à produire
cette dilatation lorsque les bronches sont intactes : Charcot en donne
comme preuve la sclérose pulmonaire qui succède à la pneumonie lobaire
chronique et dans laquelle les bronches conservent leur calibre normal,
malgré la rétractilité du tissu fibreux de nouvelle formation.
L'artère voisine de la bronche est également épaissie par suite de l'in-
filiration de sa couche externe par les cellules embryonnaires. Celles-ci
envahissent de même les cloisons interlobulaires et interacineuses. Le
nodule péribronchique est plus ou moins nettement reconnaissable :
habituellement les alvéoles sont encore remplis d'exsudafs fibrineux en-
globant des cellules épithéliales et quelques leucocytes. Dans les cas plus
anciens, les lésions des alvéoles sont moins nettement distinctes et res-
semblent beaucoup à celles des points carnisés du lobule.
imparties carnisées. — Dans les parties lisses et roses, correspondant
à la splénisation de Tétat aigu, on trouve encore de la pneumonie
desquamative, mais avec des caractères spéciaux différents : les alvéoles
aoni aplatis, déformés, ainsi que les conduits alvéolaires, et leurs parois
renferment de nombreux éléments arrondis. Leur contenu subit plu-
' sieurs phases de transformation : les cellules épithéliales sont d'abord
^ gonflées, très-granuleuses; plus tard, elles se fondent en un magma
i granule-graisseux, il y a des gouttelettes de graisse libre, ou bien il se
t produit des cristaux disposés en éventail, qui sont libres ou renfermés
' dans les cellules et offrent les réactions caractéristiques de la margarine.
* Tout le contenu alvéolaire peut avoir subi à divers degrés cette dégéné-
i rescence graisseuse. Enfin dans les points où la lésion est le plus avancée
I la paroi alvéolaire est revêtue par un épilhélium cubique.
I Ces lésions offrent d'ailleurs les mêmes variantes que dans la broncho-
pneumonie aiguë. Tantôt le nodule péribronchique est nettement circon-
serit» tantôt il se confond entièrement avec la zone de carnisation (hépa-
tisation lobulaire généralisée). Ënfm, la composition élémentaire du
contenu des alvéoles en fibrine, globules blancs, cellules épithéliales, est
également très variable suivant les cas, suivant leur ancienneté, suivant
la nature de la bronchite génératrice. Deux grandes classes peuvent être
établies : 1^ les cas dans lesquels prédominent les lésions bronchiques,
caractérisés par Taspect alvéolaire sur lequel Corrigan a insisté; 2^ les
cas dans lesquels prédominent les lésions du parenchyme pulmonaire,
caractérisés principalement par la carnisation. Nous avons rapporté dans
notre thèse deux exemples remarquables de cette dernière variété (p. 71).
Comme Ta fait voir Charcot, Tétude de ces cas subaigus permet de
mieux interpréter les lésions quand il s'agit des broncho-pneumonies
ironiques. Nous savons déjà que toutes les broncho-pneumonies
tendent à la chronicité à cause de leur siège de prédilection dans le tissu
conjonctif. Les exsudations diverses dominent dans la période aiguë ;
la période subaigue est caractérisée par l'infiltration de celiules em-
bryonnaires avec tendance à l'organisation ; enfin, lorsque l'état chro-
nique s'est établi, les lésions aboutissent à la sclérose. Charcot a
608 PNEUMONIE. — pn. chromqde. — anatomie pathologique.
constaté la succession de ces lésions dans un certain nombre de cas
considérés à des époques plus ou moins éloignées du début de la maladie
primitive. H est quelquefois possible d*en retrouver la série complite
dans un seul cas ; la lésion la plus marquée existe alors dans les lobes
inférieurs, tandis qu'elle est encore à l'élat subaigu dans les parties
supérieures du poumon.
Tels sont les cas de Rendu (Bull, de la Soc. anat.^ 1872, p. 209),
et de Ollivier, cités dans les leçons de Charcot. Dans ce dernier cas, le
début des accidents remontait à un an : le lobe supérieur encore Toloim-
neux renfermait des nodules distincts et des bronches peu dilatées
(2'"*' degré des lésions, état subaigu) ; les lobes inférieur et moyen
confondus étaient atrophiés, les bronches considérablement dilatées,
simulant des cavernes. C'est la lésion décrite par Corrigan, avec le doi-
sonnemcnl interlobulaire, Tépaississemcnt de la coque fibreuse pleurale,
et un certain degré d'atrophie du poumon. Cependant, dit Charoot,
malgré la date déjà plus ancienne des lésions, les caractères histolo-
giques sont, dans ce cas, les mêmes que dans la broncho-pneumonie
suhaiguë, avec quelques variantes de peu d'importance.
Enfin l'évolution chronique se termine par la cirrhose et l'atrophie dn
poumon. 11 peut être réduit au volume du poing; son tissu dur, criant
sous le scalpel, est comme cartilagineux; la teinte violacée ou rosée de
la carnisation est remplacée par une coloration ardoisée verdàtre; la
surface est sèche, lisse, les nodules sont effacés. L'épaisseur de la coque
pleurale, le cloisonnement du poumon, sont de plus en plus accusés.
Les alvéoles sont affaissés et ont subi euv-mèmes l'induration fibreuse.
Enfin, il y a dilatation des bronches^ toujours plus ou moins prononcée,
caractère important qui manque dans l'induration grise ardoisée qui
constitue la période ultime de la pneumonie lobaire chronique. Ces
lésions ont été rencontrées dans les cas d'ancienne date comme celui de
Jùrgensen.
L'atrophie scicrcuse et la rétraction du poumon sont suivies de lésions
spéciales du côté du thorax et des organes intra-thoraciques. Le cœur
est entraîné du coté du poumon rétracté, à gauche vers la région sous-
claviculaire, à droite et en haut au niveau de la quatrième côte à droite
du sternum. En même temps, le ventricule droit se dilate et s'hypertro-
phie (dix lois sur trente, Bastian), d'où résultentdes hydropisies notées
dans un certain nombre d'observations, l'œdème des membres inférieurs,
l'ascite. Le diaphragme et les organes abdominaux sont attirés vers la
partie supérieure de la poitrine (Traube). Le thorax subit la déformation
décrite par Lacnnec et consécutive à l'atrophie pulmonaire qui suit la
pleurésie chronique : aplatissement dans tous les sens, rétrécissement
des espaces intercostaux, épaule et pointe de l'omoplate abaissées.
Comme nous le verrons, ces déformations sont plus accentuées encore
lorsque la plèvre prend une part importante aux altérations. Nous n'in-
sistons pas sur les lésions des autres organes qui sont évidemment eo
rapport avec la durée de la maladie et avec la marche qu'elle a suivie.
PNEUMONIE. — PN. CHRONIQUE. — SYMPTÔMES. 609
Nous signalerons seulement une complication constatée quatre fois par
Bienner : les abcès du cerveau, qui dans deux cas parurent de nature
gangreneuse.
Symptômes. — La maladie confirmée présente toujours à peu près le
même tableau : elle varie seulement à son début, suivant qu'elle succède
à la forme aiguë ou qu'elle se montre dès Torigine avec son caractère
particulier. Lesaufeurs ont insisté sur les rémissions qu'on peut observer
dans les cas aigus de broncho-pneumonie, principalement quand la ma-
ladie présente une certaine durée. Ces rémissions apparentes sont encore
plus marquées loi*sque la broncho-pneumonie passe à l'état subaigu.
L*état général s'améliore, la soif est moins vive, l'appétit reparait, quelque-
fois même exagéré (Legendre), la fièvre se modère et peut même cesser
r pendant la plus grande partie de la journée. La respiration est plus facile ;
j la toux et l'oppression diminuent. Mais ce bien-être ne dure pas : le
. mouvement fébri|e reparait dans la soirée, les pommettes des joues devien-
g nent rouges, la température s'élève, le pouls remonte à 150 ou 140, la
dyspnée et la toux s'accentuent de nouveau. L'accès fébrile est suivi de
^ soeurs abondantes. Si l'on ajoute à ce tableau la faiblesse et l'amaigris-
^ sèment qui se prononcent de plus en plus, on voit que la maladie revêt
. à s*y méprendre les allures de la phthisie.
^ Dans les cas qui prennent dès le début la marche subaiguë, la maladie
se comporte à peu près de la même manière. L'appareil fébrile est piiu in-
tense (38,5 à 39^), irrégulier, sans type. Les oscillations de la courbe
^ Uiermique sont très-prononcées ; la fièvre peut manquer chez les enfants
^ très-faibles. La toux et la dyspnée augmentent progressivement, ainsi que la
^ fciblesse et l'apathie; les malades présentent bientôt l'habitusphthisique.
^ Le faciès est amaigri, pâle ou légèrement cyanose, souvent avec un teinte
^ cachectique. L'amaigrissement augmente rapidement, la peau est flasque,
ridée; l'appétit nul, quelquefois exagéré pendant les rémissions.
^ Dans les premiers temps, les symptômes locaux et fonctionnels sont
-^ ceux de la bronchite. Habituellement la douleur thoracique manque, ou
^ o'a rien de fixe : la toux, la dyspnée, sont variables suivant l'intensité de la
bronchite génératrice. Elles sont quelquefois nulles ou peu marquées lors-
__ ^e les lésions pulmonaires s'établissent lentement dans le cours d'une
bronchite chronique. Elles s'accentuent davantage dans les cas où la ma-
ladie évolue plus rapidement. L'expectoration peut être nulle, ou très-abon-
dante, quelquefois même dès les commencements de la maladie (Legendre) ;
i la suite d'efforts, de secousses violentes, de quintes douloureuses, une
grande quantité de liquide muco-purulent quelquefois fétide est expec-
torée. Dans quelques observations l'expectoration est accompagnée de
vomissements. Quelquefois elle est simplement muqueuse.
L*examen de la poitrine donne des signes en rapport avec l'ancienneté
et la forme de la maladie. Si elle succède à une broncho-pneumonie aiguë
ik forme parenchymateuse , les signes de l'induration pulmonaire per-
n«tent à la percussion et à l'auscultation. Dans les formes subaiguës d'em-
Ailée, la percussion ne révèle d'abord rien d'anormal ; à l'auscultation les
MOT. «ÉD. ET CHIB. XXVIII — 59
640 PNEUMONIE. — pn. cHRONions. — sthptômbs.
râles de bronchite sont disséminés dans les deux côtés de la poitrine.
Longtemps eet état local reste stationnaire; peu à peu les signet iendeni
à prédominer d'un seul côté, quelquefois au sommet, plus souvent à la
base. L'exploration peut alors révéler quelquefois un ensemble de signes
propres à faire soupçonner le passage à la carnisation (Legendre); c'est
d'abord une malité plus grande, un souffle plus intense, comme caTemenx,
accompagné de gros râles muqueux ou même de véritables gargouiUaneati.
Ces divers signes, comme on le voit, sont en rapport avec Finduratioa do
tissu pulmonaire et la dilatation des bronches. Mais ces lésions sont quel-
quefois très-accusées, sans que cependant l'examen les fasse nettemeoi
coimaitre.
Les symptômes généraux sont ceux de la fièvre hectique, surtout dm
les dernières périodes de la maladie. Le contenu punileni el fétide des
bronches est résorbé et donne lieu à la production d'accès fébriles pseudo-
intermittents. Des suem*s abondantes affaiblissent les malades, dont h
nutrition ne tarde pas à souffrir. L'amaigrissement esf de plus eo pins
accentué, les malades ont tout à fait l'aspect des phthisiques, h iiMe
chez les enfants devient ridée, ils ressemblent à de petits vieillards;
quelquefois elle est bouffie, des œdèmes cachectiques apparaissent aux
pieds et aux mains; la peau sèche, rugueuse, se recouvre de pustules
d'ccthyma en différents points du corps. Quelquefois les enfants en se
grattant transforment cette éruption insignifiante en ulcérations rebelles
qui siègent autour du nez et de la bouche (Ziemssen). Souvent il survient
une diarrhée abondante et les malades finissent par s'éteindre, parfois
sans agonie, dans le dernier degré du marasme.
Dans la broncho-pneumonie chronique avec cirrhose et atrophie du
poumon, les signes fournis par l'auscultation sont ceux de la ddatatioo
des bronches, affaiblissement ou suppression du murmure vésiculaire,
souffle rude, caverneux, gros râles humides, gargouillements, broncho-
phonie etc. Mais, tandis que dans la dilatation qui succède aux bron-
chites chroniques les signes fournis par la percussion se réduisent a un
peu d'obscurité ou de diminution du son au niveau des dilatations, dus
celle qui résulte de la broncho-pneumonie chronique on trouve 1^ signes
d'une induration plus ou moins étendue, matité, exagération des vibfft-
tiens thoraciques.
Les signes d'induration sont plus accusés quand la maladie remonte a
plusieurs années, quand le poumon sclérosé a subi une atrophie plus o
moins considérable. Dans cette période terminale, la lésion broncho*
piieumonique s'accompagne de troubles de voisinage qui peuvent senriri ^
la caractériser au point de vue clinique. L'atrophie du poumon est accom-
pagnée de gène dans la circulation cardio-pulmonaire, et de Hij-pertio-
phie avec dilatation du ventricule droit qui entraine l'œdème dcsmeuibra
inférieurs et l'ascite.
Le cœur se dévie plus ou moins du côté de la lésion pulmonaire : i
gauche, vers la région sous-claviculaire ; à droite et en haut, au oiîem
de la quatrième côte à droite du sternum^ Dans ces cas, le cœur bat et
PNEUMONIE. — PN. CHRONIQUE. — STMPTÔMBS. 61 1
pielque sorte à nu sous la paroi thoracique, et rimpulsion peut être seri-
ie depuis la deuxième jusqu'à la quatrième côte du côté de l'aisselle
Péacock, Reynold's System). Le retrait du poumon entraine en même
MBps la déformation de la poitrine, son aplatissement dans tous les sens,
e rétrécissement des espaces intercostaux (Nothna^el); Tépaule et la
loiûte de Tomoplate sont abaissées ; enfin le diaphragme subit la même
ittraciion et peut remonter jusqu'à la quatrième côte (Traube).
Les symptômes rationnels présentent la plus grande analogie avec ceux
le la dilatation des bronches : dyspnée exagérée par les mouvements
il les efforts, toux fréquente venant par accès suivis d'une expectoration
rès-abondante, même chez les jeunes enfants, muco-purulente et fétide.
Les hémoptysies ne sont pas rares; elles ont été notées seize fois sur
nnle-neuf cas. La maladie peut être fort longue, grâce à des améliora
ifma plus ou moins marquées. Cependant elle évolue plus rapidement
pie dans la dilatation des bronches consécutive à la bronchite chronique
it les symptômes généraux sont d'ailleurs plus accusés. Il y a des accès
le fièvre le soir, des sueurs, de l'amaigrissement, l'habitus extérieur est
akii de la phthisie chronique que la broncho-pneumonie chronique si-
Bille à s'y méprendre.
. Marohe, durée, terminaison. — La marche de la maladie pré-
MUte les mêmes caractères dans les deux formes subaiguë et chronique, et
iediflereque par la rapidité ou la lenteur de son évolution. A la suited'une
htoncho-pneumonie survenue pendant la rougeole, la coqueluche, etc. ,
m même à la suite d'une bronchite simple intense (Legcndre), on voit
les symptômes de catarrhe bronchique persister et s'éterniser avec des
lilwes binantes, quelquefois avec des améliorations plus ou moins Ion-
ises. Le malade tousse, oxpeclore abondamment, s'amaigrit, a des sueurs
IMeiiimes; en un mot, il ne tarde pas à prendre l'aspect d'un phlhsique
ihei lequel la maladie revêt tantôt la forme galopante, tantôt la forme
Ivronique.
Dans le premier cas, la durée de la maladie peut être de un, deux ou
pops mois ; les rémissions sont moins nombreuses et de courte durée, la
Mhexîe terminale s'établit progressivement malgré l'intégrité des fo0<*.
ieiis digestives. L'amaigrissement est extrême, les doigts deviennent hip-
leeratiques; la peau, habituellement sèche, écailleuse, se couvre de
■eurs à la suite des accès fébriles du soir ; une diarrhée persistante ap«
linUl.et se continue jusqu'à la mort. La cachexie se traduit encore parle
Ulveloppement de certaines complications, telles que la formation d'es-
lÉires au sacrum, la gangrène de la bouche (Legendrc).
Dans la forme chronique, la durée de la maladie est beaucoup plus lon-
|ie; la terminaison fatale peut n'arriver qu'au bout d'une année ou
•éme de plusieurs années^ L'origine de la maladie est plus obscure que
bus la forme subaiguë, et, si Ton peut dans quelques cas la rattacher n
me ancienne phlegmasie broncho-pulmonaire, souvent aussi cette
imière s'est présent«^e avec des caractères assez peu tranchés pour
ichapper aux investigations du médecin.
642 PNEUMONIE. — ph. chrowiqde. — £noL06iE.
Dans ces circonstances c'est à une bronchite intense, |iersistante, lerenant
tous les hivers, que l'on attribue le développement de la dilatation des bron-
ches et Talrophie du poumon. Dans ces cas à évolution extrêmement lente,
les commémoratils manquent de précision, mais Barlh fait remarqnerqut*
le plus souvent on peut cependant s*assurer que ce catarrhe pnlmooaire
est rarement idiopathique et persiste comme i*eliquat d'un étatpblej-
inasique du poumon et de la p/èt;re.*Dans les premiers temps, les amé-
liorations sont de longue durée, surtout pendant la belle saison; plus
tard, la maladie, qui peut rester stationnaire pendant des années entières,
ne présente plus que des rémissions sans importance.
Elle se complique de Temphysème des parties saines du poumon, de b
dilatation du cœur droit.
Dans quelques observations la mort a été causée par un retour k l'état
oigu, par une nouvelle broncho-pneumonie avec noyaux de pneumonie
lobulaire, splénisation et congestion plus ou moins étendue. Dans d'ntres
cas, la pneumonie a été lobaire. Le plus souvent, la mort arrive par Its
progrès de Tépuisement et de la cachexie : l'expectoration purulente c
ïetide devient tous les jours plus abondante, s'accompagnant parfois d^hél
moptysies. La physionomie s'altère et l'amaigrissement fait des progrès
rapides. Les fonctions digestives se troublent; l'appétit disparaît, une
diarrhée abondante achève d'épuiser le malade, la respiration devient de
plus en plus pénible et embarrassée. Il succombe avec de l'œdème des
extrémités, quelquefois des eschares au sacrum.
Êtiolog^ie. — La broncho-pneumonie subaiguë et la broncho-pneumonie
chronique ont les mêmes origines que la broncho-pneumonie aiguë. Elles
peuvent se présenter après un catarrhe aigu ou chronique; Bartelslesa
observées plusieurs fois dans la rougeole, mais c'est surtout la coqueluche
qui les détermine le plus souvent (Zicmssen). Elles ont été observées
également pendant la lièvre typhoïde, à la suite des affections cardiaques.
On a peu signalé la forme subaiguc chez les nouveau-nés ; elle se
développe plutôt chez les enfants qui ont dépassé l'âge de trois ans.
Elle est puissamment favorisée par toutes les causes de débilitation :
alimentation vicieuse, encombrement et viciation de Tair, par l'aflaiblis-
sèment qui résulte de maladies antérieures, de diarrhées chroniques, du
rachitisme, du décubilus dorsal prolongé. Dans deux cas, nous l'avons
vue survenir à la suite de la diphthérie, chez des enfants qui avaient subi
l'opération de la trachéotomie. La forme subaiguë avec camisation peut
également se montrer pendant l'adolescence : elle devient rare après
Tâgc de vingt ans, et c'est plutôt les formes chroniques avec sclérose et
atrophie qu'on observe.
Chez Tadulte et le vieillard, la dilatation bronchique succède aux bron-
chites simples répétées, souvent de nature diathésique. Nous n'avons pis
à insister ici sur ces cas qui se rattachent à l'histoire de la dilatation des
bronches. Nous ne nous occupons que des cas qui reconnaissent pour
origine une phle^masie broncho-pulmonaire. Nous croyons néanmoinsqoe
co sont là les faits les plus nombreux. 11 est diflicile, à cause de Tinsufli-
PNEUMONIE. — PN. CHRONipUK. — DIAGNOSTIC. tJl5
sance des commémoratifs ou de rancienneté de la maladie, de remonter
à leur véritable origine, d'autant plus que des rémissions parfois très-
prolongées ont pu faire croire à la guérison complète de la broncho-
pneumonie primitive. Mais les données de l'anatomie pathologique et
même de la clinique ne permettent pas de méconnaître cette cause dans
on grand nombre de cas. Enfin, il ne faut pas oublier qu'il existe tou-
jours un certain degré de sclérose pulmonaire, même dans les cas où le
catarrhe chronique simple parait devoir être reconnu comme étant la
seule cause de la dilatation bronchique.
Diai^cMstic. — Pour comprendre les difficultés qui entourent le dia-
gnostic de la broncho -pneumonie subaiguë, il suffit de grouper ses prin-
cipaux symptômes locaux et généraux. Les premiers se rapportent à l'in-
duration pulmonaire, à Tinflammation des bronches avec dilatation. Les
sjmptâmes de ces deux lésions se rencontrent dans toutes les maladies
4ii poumon qui s'accompagnent d'une condensation et d'une destruction
partielle de son tissu, d'oià résulte la formation de cavités communiquant
lYOC les bronches. Les symptômes généraux ne sont pas plus caractéris-
tiques, ils sont entièrement liés aux progrès de la consomption et de la
cachexie. Aussi, dans la grande majorité des cas, le diagnostic est-il im-
possible entre la broncho-pneumonie subaiguë et les formes rapides de
la tuberculose pulmonaire. Elles naissent dans les mêmes circonstances,
i la suite de la rougeole, de la coqueluche, chez des enfants affaiblis par
diverses maladies. L'une et l'autre peuvent présenter un début aigu, ou
tn coutraire se développer lentement avec les signes d'un catarrhe bron-
diique et d'un dépérissement progressif. On pourra cependant incliner
de préférence vers la broncho-pneumonie simple, si elle est survenue à la
fuite d*une fièvre typhoïde, ou même d'une diphthérie, ou au contraire
isers la broncho-pneumonie tuberculeuseï si la tuberculose est héréditaire
dans la famille de l'enfant, ou s*il existe des symptômes concomitants de
scrofule. L'examen de la poitrine donne des renseignements importants,
mais non caractéristiques : la broncho-pneumonie siège plus habituelle-
ment à la base el d'un seul côté, la tuberculose aux deux sommets. Mais
cette disposition n'est pas constante, et la tuberculose peut avoir les
mêmes localisations que la broncho-pneumonie, surtout chez l'enfant. La
palpation, la percussion, l'auscultation, révèlent dans les deux maladies
l'existence de la bronchite et de l'induration pulmonaire. D'autre part, la
dyspnée, la toux, n'ont rien de spécial : l'expectoration, quand elle existe,
pourrait avoir de l'importance en révélant la présence ou l'absence des
fibres élastiques : ce signe même ne serait pas pathognomonique, car il
pourrait se rencontrer dans les cas d'abcès, dans la broncho-pneumonie.
Quant aux symptômes généraux, la fièvre, les sueurs, l'amaigrissement,
quant au faciès, à l'habitus des malades, ils sont identiques dans les
deux maladies. H en est de même de la diarrhée, des œdèmes, etc. Nous ne
trouvons pas davantage de caractère différentiel important dans la marche
et la durée des deux affections. Quelquefois la tuberculose concomitante
des organes abdominaux ou des méninges vient aider au diagnostic ; mais
614 PNEUMONIE. — px. chroniqoe. — diagnostic.
ces complications peuvent rester latentes, et d'ailleurs ne se produisent
habituellement que dans les périodes ultimes. En somme, c'est surtout
sur la considération des antécédents que se base le diagnostic, etTolMeu-
rité dont il est enveloppé ne doit pas étonner, si Ton songe qu'il s'agît, en
réalité, de deux maladies qui ne diffèrent que par la nature du temin
sur lequel elles évoluent, de deux broncho-pneumonies qui doiveat
l'analogie de leurs allures aux mêmes causes produisant les mêmes
effets, savoir des lésions des bronches et du lobule aboutissant dtot les
deux cas à la destruction de leurs éléments par ramollissement oopir
suppuration, et la stagnation des produits putrides au milieu du paren-
chyme pulmonaire.
La pneumonie cAronîVywe présente, comme nous l'avons tu, les mémos
ressemblances avec la phthisie pulmonaire, surtout quand elle évolue
rapidement. Mais les considérations tirées du début des accideuts, de
Tàge des malades, empêcheront toute confusion avec la broncho-pnea-
monie chronique. De même, pour les scléroses pulmonaires qui succèdent
à l'introduction dos poussières, l'examen de la profession met p^Dmpt^
ment sur la voie.
Le diagnostic, en ce qui concerne les pneumonies interstitielles pleo-
rogënes, peut offrir quelques difficultés, mais seulement dans les
dernières périodes de la maladie. Les commémoratifs seront alors
d*une grande utilité, car la déformation de la poitrine, les signes d'alro-
phie pulmonaire, peuvent être les mêmes que dans la sclérose terminale de
la broncho-pneumonie chronique. Il faut ajouter que celle-ci s'accom-
pagne des symptômes de la dilatation des bronches, et particulièreraenl
de rexpecloration caractéristique qui manquent dans la pneumonie inter-
stitielle pleurogène. Mais il faut reconnaître que les difficultés seraient
insurmontables dans le cas où il existerait une vomiquc pleurale en
même temps que cette dernière. N'oublions pas enfin que la plèvre par-
ticipe aux lésions du tissu pulmonaire et s'épaissit considérablement dans
la broncho-pneumonie chronique.
En résumé, les diverses scléroses du poumon présentent un ensemble
symptomatique qui leur est commun à toutes, et qui, pour les symptômes
locaux, est sous la dépendance de l'induration et de Tatropliie du poumon :
pour les symptômes généraux, de l'asphyxie et de la cachexie progressives.
Le diagnostic se basera donc moins sur les renseignements fournis par
l'examen du malade que sur les considérations tirées de Tàge, de la pro-
fession, des causes, et surtout du début et de la marche de la maladie. La
cirrhose du poumon est le résultat auquel aboutissent des processus in-
flammatoires qui ont eu pour lieu d'origine les bronches, la plèvre, le pa-
renchyme pulmonaire; c'est par l'étude attentive de leur marche et à l'aide
des renseignements commémoratifs que le diagnostic pourra être établi.
La broncho-pneumonie chronique et la bronchite chronique avec dUa-
talion des bronches seront distinguées de la même manière. Mais il nf
faut pas oublier (jue le plus grand nombre des cas de dilatation bron-
chique se rattachent par leur origine à la broncho-pneumonie, et que le
PNEUMONIE. — PK. CHRONIQUE. — pROROsnc. 615
tissu pulmonaire finit généralement par s'indurer, même dans la dilata-
tion bronchique simple, qui peut être alors, en réalité, considérée comme
une véritable broncho-pneumonie chronique limitée aux grands espaces.
Celte dernière diffère cependant, au point de vue clinique, de la broncho-
pneumonie chronique, par Tabsence des signes de cirrhose et d'atrophie
pnLoiionaire que nous avons mentionnés, et surtout par la conservation
des forces et de Tembonpoint.
Dans quelques cas cependant, cette forme conduit également à la con-
aemption, et le diagnostic ne peut plus guère être basé que sur l'âge des
laalades et Tancienneté des accidents, la broncho-pneumonie chronique
étant plutôt une maladie des jeunes sujets, qui présente rarement la longue
durée de la dilatation simple des bronches.
Nous n'insisterons pas sur le diagnostic différentiel de la broncho-pneu-
monie chronique et de la phthisie chronique. Les mêmes difficultés
presque insurmontables que nous avons signalées pour la broncho-pneu-
nonie subaiguê et la phthisie galopante se rencontrent ici de nouveau. Il
ae suffit pas de pouvoir rapporter la maladie à une broncho-pneumonie
survenue autrefois dans le cours d'une rougeole ou d'une coqueluche, car
c'est souvent à la suite de ces maladies que la phthisie apparaît. On se
basera surtout sur Tabondance des crachats muco-purulents, sur les
signes de l'induration habituellement moins accentués dans la phthisie
el siégeant plus souvent aux deux sommets, et non à la base et d'un seul
iiMé« La rétraction du poumon et la déformation de la poitrine sont
eneore de bons signes de la broncho-pneumonie chronique, ainsi que
Phypertrophie et la dilatation du cœur droit. Mais le diagnostic devient
impossible lorsque la lésion siège au sommet; et les mêmes difficultés se
rencontrent parfois d'ailleurs dans les cas de dilatation simple des
faironches : il peut y avoir, comme nous l'avons vu, identité absolue des
symptômes locaux et des symptômes généraux. Lebert signale comme un
bon signe l'absence de raucité de la voix dans la sclérose broncho-pulmo-
ProncMstic. — Pour mettre en évidence toute la gravité du pronostic,
il suffit de rappeler que la broncho-pneumonie subaiguê s'accompagne de
lésions destructives qui compromettent ou anéantissent la contractilité
des muscles bronchiques. 11 en résulte la dilatation des bronches et la sta-
gnation dans leur cavité de la sécrétion muco-purulente. L'abondance et la
ffitidiié des crachats sont deux signes de cette lésion dont l'importance
pronostique ne doit point échapper chez les sujets débiles, rachitiques,
affaiblis par un décubitus dorsal prolongé, ou par une maladie aiguë
antérieure (rougeole, coqueluche, etc.). La fièvre hectique avec exacer-
bations irrégulières, les sueurs, l'amaigrissement, les hémoptysies, l'ap-
parition de la cachexie (diarrhée, ecthyma, gangrènes locales), avertis-
sent également de la gravité du mal, et sont déjà les indices d'une mort
prochaine.
Dans les cas chroniques, il y a des rémissions plus ou moins longues,
mais la restituiio ad integi^m ne peut plus se produire, le tissu em-
016 PNKL'MONIE. — pk. chroniqde. — traitemekt.
bryonnaire qui a infiltré les bronches^ le tissu conjonciif et les parois des
alvéoles, s'organise lentement. Les signes de la dilatation des brooebes et
de la sclérose du poumon sont de plus en plus accusés ; l'organisane, après
avoir longtemps lutté, finit par être affaibli par suite des exacerbations de
plus en plus rapprochées qui se produisent dans la marche de la maladie.
Le pronostic, réservé jusque-là, s'assombrit à mesure que Taroaignsse-
ment et la cachexie font des progrès.
Traitement. — Faire une bonne aération dans les cbaiiibrcs des
malades, éviter Tencombrcmenl, le décubitus trop prolongé, leUaa lonl
les mesures prophylactiques qu'il est urgent de ne pas négliger et qui
ne diffèrent pas de celles qu'on doit prendre contre la brundio-poeiimo-
nie aiguë. Il faut se méfier chez les enfants débiles, rachitiques ou con-
valescents d'une maladie aiguë, de ces bronchites insidieuses, qui con-
duisent à un engorgement progressif des bronches : les vomitib, le
kermès, les stimulants diffusibles, devront être prescrits dans ces cas.
Au début, il est le plus souvent impossible de prévoir à quelle bmt
de broncho-pneumonie l'on aura affaire; nous n'insisterons pas sar le
traitement dans cette phase où il ne se présente pas d'indications diOe-
rentes de celles de la broncho-pneumonie aiguë.
Plus tard, il y a des rémissions plus ou moins longues, la fièvre tombe,
l'appétit renaît : la médication tonique est alors indiquée, et l'on doit
insister sur Temploi d'un régime fortifiant, bouillons, viande crue oa
rôtie, vins généreux, alcool au besoin, changement de résidence et séjoor
à la campagne, si Tétat des forces permet un déplacement. Les vomitib
administrés de temps à autre sont utiles pour combattre la suffocation
et la stagnation du muco-pus dans les bronches. C'est dans le même bot
que l'on prescrit le kermès à doses modérées, les résineux, les balsa-
miques, qui facilitent et modifient l'expectoration. Gerhardt recommande
dans ce but la compression méthodique du thorax. Les stimulants diffu-
sibles, le chlorhydrate et le carbonate d'ammoniaque, agissent dans le
même scns*et de plus combattent l'apathie et la dépression. Les bains
tièdes, sulfureux ou aromatiques, les sinapismes, les fomentations vinai-
grées, répondent aux mêmes indications. 11 faut ajouter à ces stimulants
l'alcool, qui est le plus puissant de tous et qu'on prescrit en potion de
Todd, ou sous forme de rhum ou de vin de Porto.
Les révulsifs et spécialement les vésicatoires doivent être réservés aux
premières phases de la maladie. Plus tard, lorsque les forces ont diminué,
la vitalité de la peau s'amoindrit et leur emploi pourrait présenter plus
d'inconvénients que d'avantages.
Dans quelques cas, la fièvre procède par accès pseudo-intermittents
contre lesquels on pourra employer le sulfate de quinine à l'exemple de
Rilliet et Barthez qui le prescrivent en lavements. Enfin dans les der-
nières périodes de la maladie, lorsque la cachexie survient, il ne reste
plus qu'à prévenir la formation des eschares, à combattre la diarrhée,
à soutenir les forces par une alimentation convenable à Taide du laiU
des toniques divers, de l'alcool, etci
PNEUMONIE. — PK. CHftoifiQOE. — pn. chronique pleurogènr. 617
Dans la broncho-pneumonie chronique nous rétrouvons des indica-
tions analogues à celles que nous venons de passer en revue dans la
broncho-pneumonie subaiguë 1 La prophylaxie consiste à combattre les
catarrhes bronchiques rebelles, les broncho-pneumonies aiguës dont la
résolution se fait péniblement. Nous n'insisterons pas sur le traitement
de la première période de la maladie, celle dans laquelle les lésions
sont encore à Tétat embryonnaire et qui correspond, par conséquent, à la
broncho-pneumonie subaiguë. Plus tard, la dilatation des bronches et la
sclérose du poumon avec atrophie sont les deux lésions dont il s'agit de
combattre les conséquences et les progrès. Pour agir sur Télément bron-
chique on prescrira les vomitifs, le kermès, qui faciliteront Texpectora-
lion et combattront l'engorgement des bronches. Aux efforts de toux qui
aggravent la situation du malade en le fatiguant, en Tempéchant de
dormir, et qui favorisent dans une certaine mesure la formation des
eclasics bronchiques, on opposera les opiacés, le chloral, les antispas-
modiques divers, etc. On devra surtout s'adresser aux agents modifi-
cateurs de la muqueuse et des sécrétions bronchiques, aux balsamiques,
à la térébenthine, au goudron, etc. Le traitement sullureux en boissons,
en pulvérisations, en inhalations, pourra rendre dans ces cas de grands
services.
Les mêmes moyens agissent indirectement sur l'élément pulmonaire,
contre lequel on peut prescrire les révulsifs, les frictions d'huile de
eroton et surtout les vésicatoires.
Enfin l'état des forces doit être incessamment surveillé et entretenu
à l'aide des toniques, d'une alimentation fortifiante. Les mesures hygié-
niques que commande la susceptibilité extrême des bronches et le^danger
des poussées aiguës ne doivent pas être négligées : le malade portera de
la flanelle, évitera le froid, la poussière, toutes les causes d'irritation
des voies aériennes. Le séjour à la campagne dans un endroit bien abrité,
rémigration dans le Midi pendant l'hiver, devront être recommandés
antaint que possible.
Les autres indications sont purement symptomatiques ; elles se rap-
portent à la fièvre, qui sera avantageusement combattue par le sulfate de
quinine quand elle prend le caractère rémittent : aux hémoptysies, à la
dilatation cardiaque, aux complications diverses auxquelles on opposera
des moyens appropriés. Enfin les accidents terminaux sont habituelle-
ment sous la dépendance de la cachexie et ne réclament plus que le
traitement palliatif sur lequel nous n'avons pas besoin d'insister de
nouveau.
C. Pneumonie chronique pleurogène. — Les lésions du poumon s'étendent
souvent à la plèvre à cause des connexions vasculaires qui les unissent.
L'artère pulmonaire fournit le réseau capillaire des acini et en même
temps des rameaux qui se rendent dans l'épaisseur de la plèvre
(Reissessen, Kôlliker, RindQeisch). Celle-ci reçoit en outre des vaisseaux
issus des artères bronchiques, en sorte que les altérations des bronches
et du poumon retentissent facilement sur elle:
618 PNEUMONIK. — pn. chroniqdk. — pu. chroniqvb punrnoolBnu
Inversement, les lésions de la plèvre retentissent sur le poumon, el,
d'après Rindfleisch, il est commun de voir, dans la pleurésie séro-fibri-
neuse, les alvéoles superficiels se remplir d'exsudat fibrineux.
Les lésions de la plèvre peuvent encore retentir sur le poumon parla
voie des lymphatiques. L'inflammation reste en général confinée dans le
lymphatique, mais elle peut se propager au tissu conjonctif voisin inter-
lobulaire ou sous-pleural.
Certaines pleurésies, en général de mauvaise nature, et sur lesquelles
Moxon a Tun des premiers appelé l'attention, s'accompagnent d'une
angioleucite pulmonaire généralisée. Il en est de même pour les pleurésies
puerpérales (Heiberg, Quinquaud, Longuet), pour le carcinome pulmo-
naire consécutif au carcinome du sein et de la plèvre (Charcot et Debove).
Enfin, Texpérimcntation a également montré ces relations (angioleucite
pulmonaire consécutive à l'injection de produits tuberculeux dans U
plèvre), et il résulte des recherches histologiques de Kanvier et deDjb-
kowsky, précédés dans cette voie par Bichat, qu'il existe des oriSces
réservés entre les cellules épithéliales, et qui font communiquer directe-
ment la cavité séreuse avec les réseaux lymphatiques superficiels en cer-
tains points, orifices qu'on retrouve chez l'homme aussi bien que chez les
animaux (Wagner, Arch, der Oeilkunde, 1870) . Cet auteur a même vu dans
la pleurésie fibrineuse aiguë ou chronique les lymphatiques superficiels
contenir de la fibrine se continuant immédiatement avec le dépôt fibri-
neux de la fausse membrane. Cornil et Ranvier ont vu les lymphatiques
superficiels distendus par l'exsudat fibrineux. Ces auteurs ont fait leurs
observations sur la plèvre pariétale, mais elles ont été répétées depuis
par Klein sur la plèvre pulmonaire, et Troisier a vu les injections de
carmin faites dans la plèvre pénétrer jusque dans les lymphatiques sous-
pleuraux.
Moxon a montré que la pleurésie purulente peut être suivie de véri-
tables pneumonies interstitielles aiguës. Une véritable suppuration inter-
lolmlaire se produit en pareil cas. Rindfleisch, Hayem, ont cité des faits
analogues à propos de la pneumonie disséquante dans laquelle un ou
plusieurs lobules se trouvent comme séquestrés, séparés du reste de
rorgane. Mais il s'agit là d'une phase aiguë sur laquelle nous n'avons pas
à insister.
L'extension du processus par la voie des lymphatiques peut conduire à
la formation d'une pneumonie fibroïde cloisonnée. On peut désigner
sous le nom de pleurogènes ces pneumonies interlobulaires chroniques
consécutives à la pleurésie. Divers auteurs les ont signalées, en particu-
lier W. Fox (Reynold' s System j art. Pneumonie chronique) et Brouardel
(Bull, de la Soc. des hôpitaux, 1872, p. 168), Charcot en rapporte
dans ses leçons deux observations qui lui ont été communiquées par
Tapret, alors interne de Oulmont. Les faits, comme on le voit, sont encore
trop peu nombreux pour qu'on puisse faire une description complète
de cette foi-me. Nous devons ajouter que cette pénurie d'observation?
m\ doit pas nous sur|)rendre, car le plus souvent les bronches et le pa-
PNEUMONIE. — PN. CHRONIQUE. — PN. CHROIHIQUE PLRUROGÈNE. 619
rcnchyme pulmonaire d'emblée participent au processus ; dès le début,
ce sont des pleuro-pneumonies ou des broncho-pucumonies (Ko//, les
observations de Bartli). Les congestions pulmonaires, si fréquentes dans
la pleurésie, favorisent aussi sans doute le développement de ces lésions
interstitielles.
A Tautopsie des individus qui succombent à ces pneumonies pleuro-
gènes on trouve, ordinairement d'un seul côté, la plèvre entièrement
épaissie, formant une véritable coque fibreuse qui coiffe tout le poumon
qu'on ne peut détaclier'de la paroi costale qu'avec les plus grandes diffi-
cultés. Des adhérences interlobaires existent en même temps que cette
coque, qui présente habituellement à leur niveau et au sommet du pou-
mon sa plus grande épaisseur. Le poumon est traversé par des cloisons
interlobulaires d'épaisseur variable, constituées par du tissu conjonctif
embryonnaire, ou déjà fibreux. Le parenchyme des lobules peut participer
aux lésions; il a été trouvé à peine altéré dans les deux observations de
Tapret. Il faut noter que ce travail s'accomplit parfois avec une grande
rapidité; en quelques semaines, les néo-membranes s'organisent, devien-
nent fibreuses et rétractiles, et le poumon, dont les espaces interlobulaires
participent au même processus, devient incapable de se dilater. Les
bronches sont saines ou présentent une dilatation cylindrique peu mar-
quée. Nous croyons que cette dilatation ne devient plus considérable que
lorsque la maladie se complique, comme c'est souvent le cas, d'une bron-
chite chronique. L'altération de la paroi bronchique permet alors à la
rétraction inodulaire du tissu inflammatoire de produire sa déformation.
Les lésions concomitantes sont en rapport avec la sclérose et la rétraction
du poumon : déformation spéciale de la paroi thoracique correspondante,
laquelle est déprimée et affaissée ; emphysème compensateur de l'autre
poumon; hypertrophie avec dilatation du cœur droit; congestion des
viscères.
Au point de vue clinique, les choses se passent habituellen^ent de la
façon suivante : Un individu atteint de pleurésie chronique conserve,
après la disparition de Fépanchement, de la dyspnée et de l'oppression,
souvent aussi des douleurs de côté plus ou moins intenses. H y a parfois
des accès de fièvre qu'on attribue à tort à la reproduction de l'épanche-
ment. Bientôt la poitrine se déforme, les côtes s'aflaissent et s'immobili-
sent dans une moitié du thorax, l'épaule du même côté s'abaisse ; la colonne
vertébrale subit une incurvation plus ou moins marquée, le grand pectoral
s'atrophie, l'angle inférieur de l'omoplate s'écarte de la paroi costale
(Stokes). A l'inspection età la mensuration, il existe une notable différence
entre les deux moitiés de la poitrine; les viscères abdominaux tendent
à se déplacer par suite de l'élévation du diaphragme. A l'auscultation, la
respiration est soufflante ; il peut y avoir aussi du souffle bronchique
ou caverneux ; fréquemment, on entend des râles muqueux en rapport
avec la bronchite concomitante. L'oppression est constante, mais elle
se produit aussi parfois sous forme d'accès, s'accompagnant de palpita-
tions, surtout dans les dernières périodes de la maladie. Les signes de la
620 PNEUMONIE. — pn. chronique. — bibliographie.
dilatation et de l'insuifisance du cœur droit ne tardent pas alors à se
montrer. Le deuxième bruit du cœur est accentué; suivant Traube, par
suite du déplacement du cœur à droite dans certains cas, on peut peree-
ccvoir dans le deuxième espace intercostal un soulèvement systoliquedù
à la dilatation de la portion initiale de Tartère pulmonaire, et un soulè-
vement diastolique consécutif correspondant à rocclusion des valToles
sigmoïdes de ce vaisseau ; ces phénomènes sont en rapport avec Vnf-
mentation de la pression dans Tartère pulmonaire et avec la rétractiooèi
tissu qui recouvre Tarière à Tétat normal. L'œdème, commençant au
membres inférieurs, se généralise. Les malades succombent aux progrès
de l'asphyxie. Dans une observation de Tapret, la mort fut déterminée
par une pneumonie survenue dans le poumon opposé. Le prono$lictA
grave, d'autant plus que les cas publiés jusqu'à ce jour ont présenté ok
marche assez rapide (Brouardei, Tapret, Nothnagel).
Le traitement comporte d'abord des indications prophylactiques is-
portantes : Brouardei recommande de vider la plèvre de bonne heure,
alors que le poumon peut reprendre son volume normal avant que fe
fausses membranes et les cloisons conjonctives ne soient épaissies d
rétractées. Plus tard, les révulsifs (teinture d'iode, huile de croton, feo-
touses, vésicatoires) doivent être prescrits pour empêcher les progrès
des lésions. Ces divers moyens, ainsi que la dérivation intestinale, sont
surtout utiles lorsque des poussées congestives se produisent du celé da
poumon. Il faut, en outre, faire fonctionner le poumon, dont le pat&-
chyme est peu altéré : l'aérothérapie, l'exercice modéré, le séjour à h
campagne, répondent à cette indication. L'attention doit être toujovs
portée sur l'état des forces, qu'il faut améliorer autant que possible; des
mesures hygiéniques rigoureuses doivent être prises pour éviter les refroi-
dissements et les bronchites qui en sont souvent la suite et constituent
une des complications les plus dangereuses. Enfin, dans la dernière
période, on devra recourir à la digitale et aux divers moyens qui peuîest
relever l'action du cœur.
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POISONI&. Voy. Empoisonnement, t. XII, p. 749.
POITRINE (pectus, Owpa^ ail. Brust, angl. breast, it. pecto, esp.
pecho). — Anatomîe. — On désigne ainsi non-seulement la cavité
viscérale limitée en haut par le cou, en bas par l'abdomen, qui ren-
ferme les organes centraux de la respiration et de !a circulation, mais
622 POITRINE. — ahatomie. thorax osseux.
encore les parois qui la constituent. L'expression de thorax, par laquelle
on désigne quelquefois la cage osseuse de la poitrine, est le plus soa^Hil
employée comme synonyme de ce dernier mot; le nom de cavité tàoni-
cique s'applique, avec plus de précision, à la cavité viscérale, absIrxKk»
faite de ses parois.
Envisagée à ce dernier point de vue, la poitrine forme une desdiri-
sions naturelles du corps, chez l'homme comme chez tous les maniflu-
fëres. Ses limites extérieures sont, au contraire, plus difficiles a étiUr.
La ligne de démarcation entre les parois thoraciques proprement dilesd
la paroi abdominable, dans la région des hypochoiidres, est puremeol
fictive. 11 en est de même au voisinage de l'épaule, où les attaches di
membre supérieur se superposent à la paroi latérale de la poitrine êtes
modifient la partie supérieure. Enfin la paroi thoracique postérieure «
confond, en grande partie, avec la portion dorsale des régions ndi-
diennes, dont l'ensemble forme une division naturelle, étudiée sépsc-
ment dans la plupart des traités d'anatomie chirurgicale.
11 n'est donc pas facile d'établir extérieurement les limites exactesdes
régions thoraciques, et il en résulte, comme nous le verrons plus loio,
quelques inconvénients au point de vue des déductions pratiques.
Cette difficulté n'existe pas quand on considère le squelette, où letboru
forme une sorte de cage osseuse, constituée en avant par le steramn,
en arrière par l'ensemble des vertèbres dorsales, de chaque côté pir h
série des douze côtes. Si, par la pensée, on revêt ces pièces osseuses des
parties molles qui y adhèrent directement en dedans et en dehois, e'
qu'on introduise la voûte du diaphragme dans l'espace circonscrit pir h
circonférence inférieure, on a une idée assez exacte de la cavité et de se
parois propres.
Au lieu donc de procéder, dans la description de la poitrine, de Feilé-
rieur vers l'intérieur, comme pour les autres régions, il nous sembk
préférable de suivre l'ordre inverse, c'est-à-dire, d'étudier successiw-
ment : 1** Le thorax osseux. 2° Les diverses couches de parties moite
qui revêtent ou complètent les parois osseuses. 3° La cavité qui en résulte.
1. Thorax osseux. — Il représente un tronc de cône droit constitac
par :
1** Une partie postérieure, médiane et fixe, qui soutient les autres, o^
lonne dorsale ;
2° Deux parties latérales représentant chacune, suivant une expresâofl
heureuse de Sappey, un large éventail dont les pièces se rapprochent e*
s'éloignent alternativement, ce sont les cotes;
S'* \}nQ colonne antérieure, sternum, à laquelle les pièces précédentes
viennent se fixer et qui les suit dans leurs mouvements.
Les éléments constituants de la cage osseuse thoracique ont été déjàoi)
seront décrits séparément dans d'autres parties du Dictionnaire (Toy
Côte, Rachis, Sternum). Nous devons donc nous borner à l'envisager io
dans son ensemble.
Bien qu'on ait l'habitude de la comparer à un cône droit, doot fc
POITRINE. ANATQMIE. THORAX OSSBDX. 625
sommet serait tronqué, elle est loin de présenter la régularité d'une
figure de géométrie. Ainsi la paroi postérieure forme une courbe à con-
cavité antérieure ; la paroi antérieure, qui est plane, est oblique en bas
et en avant ; chacune des moitiés latérales forme une surface convexe
oblique de haut en bas et de dedans en dehors ; mais Taccroissement qui
en résulte pour les divers diamètres transverses de la cavité manque de
régularité. Ainsi, le cône s'élargit rapidement de la 1"' côte à laS*" ou A"^
puis lentement et progressivement de celle-ci à la S"" ou O"", et se ré-
trécît ensuite, mais d'une manière insensible, au niveau des dernières
côtes.
La paroi antérieure est constituée par le sternum, la série des articu-
lations chondro-sternales, les cartilages costaux, les articulations des
cartilages et des côtes, et enfin l'extrémité antérieure de ces dernières.
La ceinture osseuse de l'épaule prend son point d'appui sur l'extrémité
supérieure de la paroi (articulation stemo-claviculaire, ligament costo-
claviculaire).
Vue à l'extérieur, la paroi postérieure présente, sur la ligne médiane,
les apophyses épineuses des vertèbres dorsales, de chaque côté, la gout-
tière Yerlébrale, la série des apophyses transverses qui limitent cette
gouttière en dehors, le col et la tubérosité des côtes, leur partie dorsale
et leur angle, qui sépare la région postérieure des régions latérales.
Du côté de la cavité, Taspect est un peu différent. La colonne dorsale
forme, en effet, dans l'intérieur de cette cavité, une colonne proémi-
nente, concave de haut en bas, convexe transversalement, qui constitue
de chaque côté, avec la partie initiale des côtes, une gouttière profonde
où est reçu le bord postérieur du poumon.
Les parois latérales sont formées uniquement par la partie moyenne
des côtes, toutes obliques de haut en bas et à peu près parallèles, mais
séparées par des espaces inégaux (espaces intercostaux) qui vont en
diminuant du 1<" au 8% et s'accroissent ensuite progressivement à partir
de ce dernier, de telle sorte que les moyens, qui sont les plus petits, ont
environ 12**^. L'obliquité des côtes et des espaces intercostaux est telle
que leur extrémité antérieure s'abaisse, en moyenne, de trois vertèbres
au-dessous de leur extrémité postérieure.
Vues en dedans, les parois latérales présentent une concavité corres-
pondant à la convexité de leur surface externe ; elles répondent à la face
externe des poumons, dont elles sont séparées par la plèvre pariétale.
La circonférence de la base du thorax osseux est formée, en avant,
par l'appendice xiphoïde, en arrière par le bord inférieur des douzièmes
côtes, de chaque côté par les rebords cartilagineux résultant de la super-
position des 7", 8% 9" et 10® cartilages costaux. Ce contour se trouve
interrompu au niveau des deux dernières côtes (côtes ilottantcs).
Le sommet du thorax se présente sous la forme d'un orifice elliptique,
circonscrit en avant par l'extrémité supérieure du sternum, eu arrière
par le corps de la première vertèbre dorsale, sur les côtés par les pre-
mières côtes. Le grand axe de l'ellipse est transversal ; le plan de l'ori-
624 POITRINE — anatomie. thobax ossbui.
ficc se dirige en bas et en avant, Textrémité du steroum répondant to
corps de la 2* vertèbre dorsale.
Les dimensions du thorax osseux ont une importance réelle, car elles
correspondent assez exactement, sauf les modifications qu'y apporte la
présence des parties molles, aux dimensions intérieures de la cavité
thoracique. Elles présentent, d'ailleurs, même à l'état physiologique, des
différences individuelles nombreuses, sans compter les variations impor-
tantes qui résultent de certains états pathologiques. Aum les évaluatioBs
fournies par les anatomistes offrent-elles des divergences sensibles. Nous
nous bornerons donc ici à signaler les chiffres moyens généralemeot
admis, renvoyant à la description de la cavité thoracique (Fbjf. p. 655)
les détails complémentaires qui y trouveront mieux leur place, et ao
chapitre des Anomalies les variations qui ont un caractère patholo-
gique.
Les mensurations pratiquées sur la cage thoracique ont pour but la
détermination des trois diamètres vertical, transverse et antàro-po§-
térieur.
Or, le diamètre vertical ne peut être apprécié d'une manière satislii-
sante que lorsque la cage osseuse est complétée par le diaphragme qui
en obture l'orifice inférieur et par la plèvre qui se réfléchit de la paroi
costale sur les bords du muscle en formant le sinus costo-diaphragma-
tique. Les dimensions du thorax osseux n'ont donc, à ce point de fue,
qu'une valeur relative. La paroi antérieure représentée par toute la lon-
gueur du sternum a environ O^'ySO ; mais, comme cet os forme avec
Thorizon un angle d'environ 70°, et qu'en outre le diaphragme s'insère
à la base de l'appendice xiphoïde, le diamètre vertical correspondant se
réduit à 0",15 ou 0'",16. La paroi postérieure, formée par la colonne do^
sale, a une hauteur verticale moyenne de O'^fSS. Enfin, la distance qui
sépare le bord interne de la 1" côte du bord inférieur de la 12* sur une
ligne passant par le mamelon mesure en moyenne 0'",29.
Les diamètres transverse et anléro-postérieur ont plus de valeur parce
qu'ils répondent d'une manière plus précise à ceux de la cavité vis-
cérale.
Nous savons déjà que le diamètre transverse va en augmentant de haot
en bas jusque vers la 8" ou la 9* côte, et qu'il diminue ensuite I^ére-
mcnt. Chez un adulte de taille moyenne et bien constitué, il présente
les chiffres moyens suivants : O"",!! au niveau de l'orifice supérieur,
O^Se au niveau des 8* et 9* côtes, 0",22 au niveau de la 12^. Chez la
femme, les deux dernières moyennes doivent être abaissées de plusieurs
centimètres. La prédominance du diamètre transverse est généralement
en rapport avec la vigueur de la constitution et le développement de
l'appareil respiratoire. Nous verrons plus loin qu'il augmente et diminue
alternativement sous Finfluence des mouvements que la respiration
imprime aux parois thoraciques.
Le diamètre anléro-postérieur augmente également de haut en ba.<
à cause de l'obliquité du sternum. Sur le plan médian où ses dimensions
POITRLNE.. — ANATUMit:. — p.vniiBs molles des parois. 625
sont réduites par la saillie du corps des vertèbres, il s*accroît progressi-
vement depuis 0'°,045 (au niveau de la fourchette sternale) jusqu'à O^^^HS
(an niveau de l'appendice xiphoïde). Mesuré sur les côtés, c'est-à-dire,
du sternum aux gouttières costales, il ac/|uiert environ 0'",025 de plus.
Il subit, par le fait de la respiration, des variations moins étendues que
celles des diamètres tranverse et vertical.
n. Parties molles des parois. — Le cône formé par la cage thoracique
est tapissé à sa surface intérieure par une membrane séreuse, la plèvre,
qui facilite le glissement des organes qu'il contient.
Le vide des espaces intercostaux est comblé par deux plans musculaires
et aponévrotiques, muscles intercostaux^ auxquels s'ajoutent, sur cer-
tains points, des faisceaux accessoires (muscle triangulaire du sternum^
sur-costaux et sous-costaux).
Enfin, sur tout le pourtour intérieur de la circonférence inférieure du
thorax s'insère une lame musculaire qui s'élève à la manière d'une
voûte et forme, à la fois, la paroi inférieure de la cavité thoracique et la
paroi supérieure de l'abdomen.
Telles sont, à proprement parler, les parties molles intrinsèques des
parois thoraciques. Si la peau, doublée de sa couche conjonctive, s'ap-
pliquait immédiatement sur elles, la forme des régions extérieures de la
poitrine reproduirait exactement celle du thorax osseux. Mais il n'en est
pas ainsi. A ces parties essentielles se superposent des muscles, des os,
et, chez la femme, un organe glandulaire, qui modifient profondément
Taspect et la composition des parois. Ce sont, pour ainsi dire, les parties
extrinsèques.
La superposition de ces éléments extrinsèques aux parois thoracique::,
proprement dites, entraine les conséquences suivantes :
1* Au point de vue de la forme. — Tandis que le cône représenté par
le thorax osseux a son sommet en haut, la poitrine revêtue de ses parties
molles, le bras étant supposé détaché au niveaude l'articulation scapulo-
humérale, présente ses plus grandes dimensions en haut et forme un
Gdne à base supérieure.
V Au point de vue do la protection des organes thoraciques. — L'iné-
galité d'épaisseur et de composition des parois produit des différences
considérables relativement au degré de vulnérabilité de telle ou telle
partie.
3^ Au point de vue fonctionnel. — Par suite de la solidarité des mou-
vements du sternum et des côtes, tous les faisceaux musculaires qu
viennent se fixer à l'un de ces os exercent, soit dans l'état ordinaire,
soit d'une manière exceptionnelle, leur influence sur les mouvements
des parois thoraciques, lorsqu'ils prennent leur point fixe sur l'insertion
opposée. Inversement, lorsque la poitrine est dilatée, et que l'air con-
tenu dans l'appareil respiratoire y est maintenu par l'occlusion de la
glotte, tous les muscles extrinsèques des parois thoraciques prenant alors
leur point fixe, soit sur le sternum, soit sur les côtes^ peuvent concourir
aux actions les plus varices
ROC? . DIGT. UÙ>, ET CHIR. XXYin — 40
626 POiTHINE. — ànatomie. — parties molles des paiois.
Pour nous conformer à Tordre que nous avons adopté, nous décrirons
d'abord les muscles intrinsèques, qui complètent et ferment le thorax
osseux; nous énumérerons ensuite les diverses couches qui se surajoulenl
aux parois antérieure, postérieure et latérale de ce dernier.
a. Muscles intrinsèques des parois thoraciques.
Intercostaux, — Comme leur nom l'indique, les muscles intercostaux
remplissent les espaces qui séparent les côtes. Au nombre de deux pour
chaque espace, ils sont désignés par les noms d'externes et d^tnfemei.
Ils représentent deux lames musculaires minces, superposées dans la plo^
grande partie de leur étendue, qui mesurent exactement la largeur des
espaces auxquels elles correspondent. Elles en mesurent aussi la lon-
gueur, avec cette restriction, toutefois, que les intercostaux externes
sont étendus depuis les articulations costo-vertébrales en arrière jus-
qu'au niveau de l'union des cartilages et des côtes en avant, tandis que
les intercostaux internes ne commencent, en arrière, qu'aux angles des
côtes et finissent, en avant, au sternum. Dans la partie, soit antérieure,
soit postérieure, de l'espace intercostal, où l'un des deux plans muscu-
laires fait défaut, il est remplacé par une lame aponévrotique résistante.
Insérés par de courtes fibres aponévrotiques aux bords opposés des deux
côtes correspondantes, l'un à la lèvre externe, l'autre à la lèvre interne
de ces bords, les muscles intercostaux ont une direction oblique, mais
croisée, Tintercoslal externe se dirigeant en bas et en avant, Tinteme,
en bas et en arrière, de telle sorte que cet entrecroisement, d'une pari,
et l'abondance des fibres aponévrotiques, de l'autre, donnent à ces deux
plans si minces une grande force de résistance.
Vers l'extrémité postérieure des espaces intercostaux, la couche précé-
dente est renforcée par des faisceaux accessoires qui portent le nom de
sous-costaux et sur-costaux.
Muscles sous-costaux. — Ce sont de petites languettes musculaire^
et aponévrotiques, variables pour le nombre et la longueur, étendues de
la face interne de la côte qui est au-dessus à la face interne de celle qui
est au-dessous, et, quelquefois, des deux suivantes. Ces languettes pré-
sentent, le plus souvent, une obliquité analogue à celle des intercostaux
internes dont elles peuvent être considérées comme une dépendance.
Muscles sur-costaux, — Ceux-ci, au contraire, situés à l'extérieur du
thorax, représentent de petits muscles triangulaires, insérés, d'une pari,
au sommet de l'apophyse transverse d'une vertèbre dorsale, et, deTautre
part, au bord supérieur et à la face externe de la côte qui est au-dessous.
Les fibres de ces muscles ont la même obliquité que celles des inter-
costaux externes, dont ils peuvent être considérés comme des dépeo-
dances.
Triangulaire du sternum. — A la partie antérieure des espaces inlcr
costaux, le plan des intercostaux internes est renforcé par des languettes
musculaires, dont la direction rappelle celle des sur-costaux, tandis que
leur situation à l'intérieur du thorax rappelle celle des sous-costaux.
L'insertion fixe de ces languettes a lieu sur les parties latérales de la face
POlTttLNE. — ANATOMIE. — PARTIES MOLLES DES PAROIS. 627
stérieure du sternum, au Yoisinage de Tunion de Tappendice xiphoïdc
des cartilages costaux correspondants. Le faisceau rayonné qui en ré-
;t6 (muscle triangulaire du sternum) ^ s'attache par de petites digita-
us, à la face postérieure et aux bords des cartilages des côtes, depuis
6* jusqu'à la 3% et, quelquefois, jusqu'à la 2^
Diaphragme. — Ce muscle ayant déjà fait, dans ce dictionnaire, l'objet
in article spécial {Voy. t. XI, p. 341), nous nous bornerons à rappeler
e la voûte aponévrotique et musculaire qu'il représente, indépendam-
3Dt des deux piliers volumineux qui prennent leur point d'appui sur les
rps et les disques de la 2^^ de la 3*" et souvent de la 4^ vertèbre lom-
ire, s'insère, par son pourtour, à la face postérieure du sternum, au
ireau de la base de l'appendice xiphoïdc, à la face postérieure et au bord
périeur des cartilages des six dernières côtes et à la portion osseuse à
|uelle les cartilages font suite.
b. Couches extrinsèques des parois thoraciqucs. — Nous consei*ve-
(18 ici la division, l'ordre et les délimitations précédemment adoptés
lur la description des parois osseuses du thorax ; nous étudierons donc
ccessivement la région antérieure, la région postérieure et les régions
.^les.
Région antérieure ou slernale, — Limitée, en haut, par le bord supé-
)iir du sternum, la clavicule et la première côte, elle se termine, en
s, sur la ligne médiane, à Tappendice xiphoïdc, sur les côtés, au relief
s busses côtes et aux insertions costales du diaphragme. Ses limites
létales, forcément arbitraires, peuvent être représentées par une ligne
rticale menée, de chaque côté, immédiatement en dehors de la ma-
ille.
La peau, plus dense et moins mobile sur le sternum que sur les parties
orales, présente, chez la femme, une finesse excessive au niveau de la
amelle, dont le relief convertit en une sorte de gouttière la portion
6diane de la région. Chez l'homme, la profondeur de cette gouttière
t déterminée par la saillie plus ou moins accusée des muscles grands
ctoraux.
La peau est doublée d'une couche de tissu conjonctif graisseux, d'une
aisseur très-variable suivant les sujets, mais toujours moindre sur la
pue médiane que sur les côtés.
Le fascia superficialis forme, chez l'homme, une couche simple, con-
lue avec celle des régions voisines ; chez la femme, il se dédouble et
•mprend entre ses deux feuillets la glande mammaire et l'atmosphère
aisseuse qui l'entoure. Cette glande qui reste, chez l'homme, à l'état
idimentaire pendant toute la vie, et qui Test également chez la femme
squ'à la puberté, acquiert, à partir de cette époque, une importance
lysiologique et pathologique telle qu'elle mérite d'être étudiée à part.
)U8 renverrons donc, pour tout ce qui s'y rattache, à Tarticle Mamelle.
XXI, p. 517.
Au-dessous, on rencontre l'aponévrose du grand pectoral, qui s'insère
i haut au bord inférieur de la clavicule, se continue en bas avec la
«
618 PNEUMONIE. — pn. chrokiqdb. — ph. chronique pusuioân.
Inversement, les lésions de la plèvre retentissent sur le poumoo, et,
d'après Rindfleisch, il est commun de voir, dans la pleurésie sCTo4brJ-
neuse, les alvéoles superficiels se remplir d*exsudat fibrineux.
Les lésions de la plèvre peuvent encore retentir sur le pouiDonpvh
voie des lymphatiques. L'inflammation reste en général confinée dans le
lymphatique, mais elle peut se propager au tissu conjonctif voisin ioter-
lobulaire ou sous-pleural.
Certaines pleurésies, en général de mauvaise nature^ et sur lesqodb
Moxon a l'un des premiers appelé l'attention, s'accompagnent d'oR
angioleucite pulmonaire généralisée. Il en est de même pour les pleorésies
puerpérales (Ileiberg, Quinquaud, Longuet), pour le carcinome pubn»>
naire consécutif au carcinome du sein et de la plèvre (Charcot et Debove).
Enfin, l'expérimentation a également montré ces relations (angioleadle
pulmonaire consécutive à l'injection de produits tuberculeux dans h
plèvre), et il résulte des recherches histologiques de Hanvier etdeDjk-
kowsky, précédés dans cette voie par Bichat, qu'il existe des orifieei
réservés entre les cellules épithéliales, et qui font communiquer directe-
ment la cavité séreuse avec les réseaux lymphatiques superficiels enee^
tains points, orifices qu'on retrouve chez l'homme aussi bien que cheile
animaux (Wagner, Arch. der lleilkunde, 1870). Cet auteur a même vu due
la pleurésie fibrineuse aiguë ou chronique les lymphatiques superûcUs
contenir de la fibrine se continuant immédiatement avec le dépôt fibri-
neux de la fausse membrane. Cornil et Ranvier ont tu les lymphatiqaes
superiicicls distendus par l'exsudat fibrineux. Ces auteurs ont fait leffs
observations sur la plèvre pariétale, mais elles ont été répétées depuis
par Klein sur la plèvre pulmonaire, et Troisier a vu les injections de
carmin faites dans la plèvre pénétrer jusque dans les lymphatiques sois-
pleuraux.
Moxon a montre que la pleurésie purulente peut être suivie de Tffi-
tables pneumonies interstitielles aiguës. Une véritable suppuration iotff-
lobulaire se produit en pareil cas. Rindfleiseh, Hayera, ont cité des faits
analogues à propos de la pneumonie disséquante dans laquelle un on
plusieurs lobules se trouvent comme séquestrés, séparés du reste de
Torgane. Mais il s'agit là d'une phase aiguë sur laquelle nous n'avons ptf
à insister.
L'extension du processus parla voie des lymphatiques peut condiûrt*
la formation d'une pneumonie fibroïde cloisonnée. On peut désiptf
sous le nom de pleurogènes ces pneumonies interlobulaires chroniqn»
consécutives à la pleurésie. Divers auteurs les ont signalées, en partico-
lier W. Fox {Reynold's System, art. Pneumonie chronique) et Brouardc!
(Bull, de la Soc. des hôpitaux, 1872, p. 168), Charcot en rapports
dans ses leçons deux observations qui lui ont été communiquées ptf
Tapret, alors interne de Oulmont. Les faits, comme on le voit, sont encore
trop peu nombreux pour qu'on puisse faire une description complète
de cette forme. Nous devons ajouter que cette pénurie d'observation
ne doit pas nous surprendre, car le plus souvent les bronches et le j«-
- PARTIES HOLLBS I
petit pectoral dans son dédoulilemont gL va s'implanter sur la face pro-
fonde de la peau de l'aisselle, en bas, les insertions supérieures du grand
droit de l'abdomen, enfin, sur les limites de la région, celles du grand
1, muKie 3(crno-cl£ido-iuai
lu Iriccps brtchÏBl: 13, iwrt da Inp^i li,
pnliim «upirïîures ; 10, hrandw» pMWrieuK» de
ncrft cÏKonDfUs ; IB. Iiumtnle proronlcvl^, irifr» du
leï DiDKlea prijfuud< diu gouKièri!] tirtébrnles (Avr.in).
dentelé et du grand oblique, qui se rattnclient bien mieux nux régions
latérales (fig. 35).
Les artères superficielles de la région antérieure proviennent de plu-
sieurs sources. La tborarique supérieure, brandie de l'axillaire, loumit
en haut quelques rameaux; sur les cùlés du sternum, de petites
620 PNEUMONIE. — pn. chronique. — bibliographie.
dilatation et de l'insuifisance du cœur droit ne tardent pas alors à se
montrer. Le deuxième bruit du cœur est accentué; suivant Traube, par
suite du déplacement du cœur à droite dans certains cas, on peut po^
ccvoir dans le deuxième espace intercostal un soulèvement systolique dû
à la dilatation de la portion initiale de Tartère pulmonaire, et un soulè-
vement diaslolique consécutif correspondant à Tocclusion des Takoles
sigmoïdes de ce vaisseau ; ces phénomènes sont en rapport avec l'aug-
mentation de la pression dans l'artère pulmonaire et avec la rétractioaîi
tissu qui recouvre l'artère à Tétat normal. L'œdème, commençant m
membres inférieurs, se généralise. Les malades succombent aux progrè
de Tasphyxie. Dans une observation de Tapret, la mort fut déterminée
par une pneumonie survenue dans le poumon opposé. Le prona$lk est
grave, d'autant plus que les cas publiés jusqu'à ce jour ont présenté uae
marche assez rapide (Brouardel, Tapret, Nothnagel).
Le traitement comporte d'abord des indications prophylactiques ish
portantes : Brouardel recommande de vider la plèvre de bonne heore,
alors que le poumon peut reprendre son volume normal avant que les
fausses membranes et les cloisons conjonclives ne soient épaissies d
rétractées. Plus tard, les révulsifs (teinture d'iode, huile de croton, ven-
touses, vésicatoires) doivent être prescrits pour empêcher les progrès
des lésions. Ces divers moyens, ainsi que la dérivation intestinale, soot
surtout utiles lorsque des poussées congestives se produisent du côté da
poumon. Il faut, en outre, faire fonctionner le poumon, dont le puce-
chyme est peu altéré : l'aérothérapie, l'exercice modéré, le séjour i h
campagne, répondent à cette indication. L'attention doit être toujouis
portée sur l'état des forces, qu'il faut améliorer autant que possible; des
mesures hygiéniques rigoureuses doivent être prises pour éviter les refroi-
dissements et les bronchites qui en sont souvent la suite et constituent
une des complications les plus dangereuses. Enfin, dans la danièR
période, on devra recourir à la digitale et aux divers moyens qui peuvent
relever l'action du cœur.
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POISOIVI^. Voy. Empoisonnement, l. XII, p. 749.
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i^pecho). — Anatomîe. — On désigne ainsi non-seulement la cavité
^ viscérale limitée en haut par le cou, en bas par l'abdomen, qui ren-
ferme les organes centraux de la respiration et de )a circulation, mais
622 POITRINE. — àmatoiiik. thorax osseux.
encore les parois qui la constituent. L'expression de thorax, par laquelle
on désigne quelquefois la cage osseuse de la poitrine, est le plus sooTent
employée comme synonyme de ce dernier mot ; le nom de cavité th&ra"
cique s'applique, avec plus de précision, à la cavité viscérale, abstradion
faite de ses parois.
Envisagée à ce dernier point de vue, la poitrine forme une des difi-
sions naturelles du corps, chez l'homme comme chez tous les mainiDi-
fères. Ses limites extérieures sont, au contraire, plus difiiciles à établir.
La ligne de démarcation entre les parois thoraciques proprement dites d
la paroi abdominable, dans la région des hypochondres, est purement
fictive. Il en est de même au voisinage de l'épaule, où les attaches di
membre supérieur se superposent à la paroi latérale de la poitrine et m
modifient la partie supérieure. Enfin la paroi thoracique postérieure se
confond, en grande partie, avec la portion dorsale des régions racki-
diennes, dont l'ensemble forme une division naturelle, étudiée séparé-
ment dans la plupart des traités d'anatomie chirurgicale.
Il n'est donc pas facile d'établir extérieurement les limites exactes des
régions thoraciques, et il en résulte, comme nous le verrons plusloiflt
quelques inconvénients au point de vue des déductions pratiques.
Cette difficulté n'existe pas quand on considère le squelette, où le thonx
forme une sorte de cage osseuse, constituée en avant par le steroim,
en arrière par l'ensemble des vertèbres dorsales, de chaque côté par k
série des douze côtes. Si, par la pensée, on revêt ces pièces osseuses des
parties molles qui y adhèrent directement en dedans et en dehors, e'
qu'on introduise la voûte du diaphragme dans l'espace circonscrit parla
circonférence inférieure, on a une idée assez exacte de la cavité et de ses
parois propres.
Au lieu donc de procéder, dans la description de la poitrine, de l'exté-
rieur vers l'intérieur, comme pour les autres régions, il nous semble
préférable de suivre l'ordre inverse , c'est-à-dire , d'étudier succe9sif^
ment : 1° Le thorax osseux. 2° Les diverses couches de parties inoBei
qui revêtent ou complètent les parois osseuses. 3** La cavité qui en résulte.
I. Thorax osseux. — Il représente un tronc de cône droit constitué
par :
1° Une partie postérieure, médiane et fixe, qui soutient les autres, co-
lonne dorsale ;
2° Deux parties latérales représentant chacune, suivant une expresâeo
heureuse de Sappey, un large éventail dont les pièces se rapprochent e*.
s'éloignent alternativement, ce sont les eûtes;
3° Une colonne antérieure, sternum, à laquelle les pièces précédentes
viennent se fixer et qui les suit dans leurs mouvements.
Les éléments constituants de la cage osseuse thoracique ont été déjào»
seront décrits séparément dans d'autres parties du Dictionnaire {Vo^
Côte, Rachis, Sterkum). Nous devons donc nous bornera l'envisager io
dans son ensemble.
Bien qu'on ait l'habitude de la comparer à un cône droit, dont k
I«,
POITRINE. ANATQIIIE. THORAX OSSEUX. 625
SQmmet serait tronqué, elle est loin de présenter la régularité d'une
figure de géométrie. Ainsi la paroi postérieure forme une courbe à con-
cavité antérieure ; la paroi antérieure, qui est plane, est oblique en bas
et en avant ; chacune des moitiés latérales forme une surface convexe
oblique de haut en bas et de dedans en dehors ; mais Taccroissement qui
en résulte pour les divers diamètres transverses de la cavité manque de
régularité. Ainsi, le cône s'élargit rapidement de la l""" côte à la 5' ou 4",
puis lentement et progressivement de celle-ci à la 8^ ou 9% et se ré-
trécit ensuite, mais d'une manière insensible, au niveau des dernières
côtes.
La paroi antérieure est constituée par le sternum, la série des ai*ticu-
lations chondro-sternalcs, les cartilages costaux, les articulations des
cartilages et des côtes, et enfin l'extrémité antérieure de ces dernières.
La ceinture osseuse de l'épaule prend son point d'appui sur l'extrémité
supérieure de la paroi (articulation stemo-claviculaire, ligament costo-
claviculaire).
Vue à l'extérieur, la paroi postérieure présente, sur la ligne médiane,
les apophyses épineuses des vertèbres dorsales, de chaque côté, la gout-
tière vertébrale, la série des apophyses transverses qui limitent cette
gouttière en dehors, le col et la tubérosité des côtes, leur partie dorsale
et leur angle, qui sépare la région postérieure des régions latérales.
Du côté de la cavité, l'aspect est un peu diflérent. La colonne dorsale
forme, en effet, dans l'intérieur de cette cavité, une colonne proémi-
nente, concave de haut en bas, convexe transversalement, qui constitue
de chaque côté, avec la partie initiale des côtes, une gouttière profonde
où est reçu le bord postérieur du poumon.
Les parois latérales sont formées uniquement par la partie moyenne
des côtes, toutes obliques de haut en bas et à peu près parallèles, mais
séparées par des espaces inégaux (espaces intercostaux) qui vont en
diminuant du l*"' au 8% et s'accroissent ensuite progressivement à partir
de ce dernier, de telle sorte que les moyens, qui sont les plus petits, ont
environ IS"***. L'obliquité des côtes et des espaces intercostaux est telle
que leur extrémité antérieure s'abaisse, en moyenne, de trois vertèbres
au-dessous de leur extrémité postérieure.
Vues en dedans, les parois latérales présentent une concavité corres-
pondant à la convexité de leur surface externe ; elles répondent à la face
externe des poumons, dont elles sont séparées par la plèvre pariétale.
La circonférence de la base du thorax osseux est formée, en avant,
par l'appendice xiphoïde, en arrière par le bord inférieur des douzièmes
côtes, de chaque côté par les rebords cartilagineux résultant de la super-
position des 7% 8% 9" et lO*" cartilaj2;es costaux. Ce contour se trouve
interrompu au niveau des deux dernières côtes (côtes tlottanlcs).
Le sommet du thorax se présente sous la forme d'un orifice elliptique,
circonscrit en avant par Textréinité supérieure du sternum, en arrière
par le corps de la première vertèbre dorsale, sur les côtés par les pre-
mières côtes. Le grand axe de lellipse est transversal ; le plan de l'ori-
f »
624 POITRINE — anatomie. thorax osseux.
fice se dirige en bas et en ayant, rextrémitc du stemam ii|idii
corps de la 2* vertèbre dorsale.
Les dimensions du thorax osseux ont une importance
correspondent assez exactement, sauf les modifications qa*y
présence des parties molles, aux dimensions intérieur» de h
thoracique. Elles présentent, d'ailleurs, même à Fétat pb
différences individuelles nombreuses, sans compter les variMioa
tantes qui résultent de certains états pathologiques. Aussi les i
fournies par les anatomistes offrent-elles des divergences
nous bornerons donc ici à signaler les chiffres moyens
admis, renvoyant à la description de la cavité thoracique IVaif. f>
les détails complémentaires qui y trouveront mieux leur plaee,
chapitre des Anomalies les variations qui ont un caractère
gique.
Les mensurations pratiquées sur la cage thoracique ont pov
détermination des trois diamètres vertical, transverse et
térieur.
Or, le diamètre vertical ne peut être apprécié d'une manière
santé que lorsque la cage osseuse est complétée par le diap
en obture rorifice inférieur et par la plèvre qui se réfléchit de h
costale sur les bords du muscle en formant le sinus costo-dia
tique. Les dimensions du thorax osseux n'ont donc, à ce pointé
qu'une valeur relative. La paroi antérieure représentée par toute k
gueur du sternum a environ 0'°,20 ; mais, comme cet os form
l'horizon un angle d'environ 70°, et qu'en outre le diaphragme s
à la base de l'appendice xiphoïde, le diamètre vertical correspoodii^
réduit à O^jlS ou O^tlô. La paroi postérieure, formée par la colonne
sale, a une hauteur verticale moyenne de 0'°,25. Enfin, la distaneif|
sépare le bord interne de la l'*" côte du bord inférieur de la 12*8ar
ligne passant par le mamelon mesure en moyenne 0"',29.
Les diamètres transverse et anléro-postérieur ont plus de valeor
qu'ils répondent d'une manière plus précise à ceux de la avA
cérale.
Nous savons déjà que le diamètre transverse va en augmentant de W
en bas jusque vers la 8* ou la 9* côte, et qu'il diminue ensuite 1^
ment. Chez un adulte de taille moyenne et bien constitué, il priiA
les chiffres moyens suivants : O"",!! au niveau de Torifice supèrili*
O^Se au niveau des 8* et 9' côtes, 0™,22 au niveau de la IS'.Cte*
femme, les deux dernières moyennes doivent être abaissées de plnsieit
centimètres. La prédominance du diamètre transverse est généraleoi'j
en rapport avec la vigueur de la constitution et le développemenl *
l'appareil respiratoire. Nous verrons plus loin qu'il augmente eldinÙB*
alternativement sous l'influence des mouvements que la respinb^*
imprime aux parois thoraciques.
Le diamètre antéro-poslérieur augmente également de haut en ki^
à cause de l'obliquité du sternum. Sur le plan médian où ses diinemi(«
POITRLNE.. — ANATOMIt. — PARTIES MOLLES DES PAHOIS. 625
éduites par la saillie du corps des vertèbres, il s'accroît progressif
it depuis 0'°,045 (au niveau de la fourchette sternale) jusqu'à 0'°,115
iyeau de l'appendice xiphoide). Mesuré sur les côtés, c'est-à-dire,
sroum aux gouttières costales, il acfjuiert environ O^^yOâS de plus.
\tj par le fait de la respiration, des variations moins étendues que
des diamètres tranverse et vertical.
^ARTiEs MOLLES DES PAROIS. — Le cône formé par la cage thoracique
issé à sa surface intérieure par une membrane séreuse, la plèvre,
îlite le glissement des organes qu'il contient.
ide des espaces intercostaux est comblé par deux plans musculaires
névrotiques, muscles intercostaux^ auxquels s'ajoutent, sur cer-
oints, <les faisceaux accessoires (muscle triangulaire du sternum^
9iaux et sous-costaux).
Q , sur tout le pourtour intérieur de la circonférence inférieure du
s'insère une lame musculaire qui s'élève à la manière d'une
it forme, à la fois, la paroi inférieure de la cavité thoracique et la
supérieure de l'abdomen.
es sont, à proprement parler, les parties molles intrinsèques des
thoraciques. Si la peau, doublée de sa couche conjonctive, s'ap-
lit immédiatement sur elles, la forme des régions extérieures de la
ae reproduirait exactement cellç du thorax osseux. Mais il n'en est
nsi. A ces parties essentielles se superposent des muscles, des os,
ez la femme, un organe glandulaire, qui modi6ent profondément
et et la composition des parois. Ce sont, pour ainsi dire, les parties
tsèques.
superposition de ces éléments extrinsèques aux parois thoraciquci:,
^ment dites, entraine les conséquences suivantes :
iu point de vue de la forme. — Tandis que le cône représenté par
rax osseux a son sommet en haut, la poitrine revêtue de ses parties
), le bras étant supposé détaché au niveau de l'articulation scapulo-
raie, présente ses plus grandes dimensions en haut et forme un
I base supérieure.
Lu point de vue do la protection des organes thoraciques. — L'iué-
d'épaisseur et de composition des parois produit des différences
lérables relativement au degré de vulnérabilité de telle ou telle
•
Lu point de vue fonctionnel. — Par suite de la solidarité des moû-
ts du sternum et des côtes, tous les faisceaux musculaires qu
int se fixer à l'un de ces os exercent, soit dans l'état ordinaire,
'une manière exceptionnelle, leur influence sur les mouvements
rois thoraciques, lorsqu'ils prennent leur point fixe sur l'insertion
!e. Inversement, lorsque la poitrine est dilatée, et que l'air con-
lans l'appareil respiratoire y est maintenu par l'occlusion de la
tous les muscles extrinsèques des parois thoraciques prenant alors
oint fixe, soit sur le sternum, soit sur les côtes^ peuvent concourir
tiens les plus variées
Cf. DicT. m£o. et chir. XXVin — 40
62tt POITRINE. — ANATOMIE. — PARTIES MOLLES DES PAIOB.
Pour nous conformer à Tordre que nous avons adopté, doqs
d'abord les muscles intrinsèques, qui complètent et ferment kki
osseux; nous énumérerons ensuite les diverses couches qui sennjM
aux parois antérieure, postérieure et latérale de ce dernier.
a. Muscles intrinsèques des parois thoraciques.
Intercostaux. — Comme leur nom Tindique, les muscles inteniÉi
remplissent les espaces qui séparent les côtes. Au nombre de àet^
chaque espace, ils sont désignés par les noms d'externes etd'i
Ils représentent deux lames musculaires minces, superposées dauli
grande partie de leur étendue, qui mesurent exactement la Itigei
espaces auxquels elles correspondent. Elles en mesurent aussi k
gueur, avec cette restriction, toutefois, que les intercostaux
sont étendus depuis les articulations costo-vertébrales en anièR
qu'au niveau de Tunion des cartilages et des côtes en avant, tanii
les intercostaux internes ne commencent, en arrière, qu'aux angb
côtes et finissent, en avant, au sternum. Dans la partie, soit
soit postérieure, de l'espace intercostal, où l'un des deux plans
laires fait défaut, il est remplacé par une lame aponévrotique
Insérés par de courtes fibres aponévrotiques aux bords opposés dtiiJ
côtes correspondantes, l'un à la lèvre externe, l'autre à la lemi
de ces bords, les muscles intercostaux ont une direction oblitpe,
croisée, Fintercostal externe se dirigeant en bas et en avant, Va
en bas et en arrière, de telle sorte que cet entrecroisement, d'iae
et l'abondance des fibres aponévrotiques, de l'autre, donnent à os
plans si minces une grande force de résistance.
Vers l'extrémité postérieure des espaces intercostaux,- la couche p^
dente est renforcée par des faisceaux accessoires qui portent le nsti
sous-costaux et sur-costaux.
Muscles sous-costaux. — Ce sont de petites languettes musaàP
et aponévrotiques, variables pour le nombre et la longueur, étendad»
la face interne de la côte qui est au-dessus à la face interne de tékf
est au-dessous, et, quelquefois, des deux suivantes. Ces languettes p
sentent, le plus souvent, une obliquité analogue à celle des iotercs^
internes dont elles peuvent être considérées comme une dépendaooe.
Muscles sur-costaux. — Ceux-ci, au contraire, situés à l'exlérii'*
thorax, représentent de petits muscles triangulaires, insérés, d'unel"*»
au sommet de l'apophyse transverse d'une vertèbre dorsale, el^def*
part, au bord supérieur et à la face externe de la côte qui est au-dc**
Les fibres de ces muscles ont la même obliquité que celles des ifli^!
costaux externes, dont ils peuvent être considérés comme des Hf^
dances.
Triangulaire du sternum. — A la partie antérieure des espaces i#
costaux, le plan des intercostaux internes est renforcé par des langac^i
musculaires, dont la direction rappelle celle des sur-costaux, tandis f
leur situation à l'intérieur du thorax rappelle celle des sous-cosU"'
L'insertion fixe de ces languettes a lieu sur les parties latérales de bki
POlTttLNE. — ANATOMIE. — PARTIES MOLLES DES PAROIS. 627
trieure du sternum, au voisinage de Tunion de l'appendice xiphoïde
ts cartilages costaux correspondants. Le faisceau rayonné qui en ré-
{muscle triangulaire du sternum), s'attache par de petites digita-
, à la face postérieure et aux bords des cartilages des côtes, depuis
jusqu'à la 3% et, quelquefois, jusqu'à la 2^
'aphragme. — Ce muscle ayant déjà fait, dans ce dictionnaire, l'objet
article spécial (Voy. t. XI, p. 341), nous nous bornerons à rappeler
La voûte aponévrotique et musculaire qu'il représente, indépendam-
. des deux piliers volumineux qui prennent leur point d'appui sur les
1 et les disques de la 2"^, de la 3'' et souvent de la 4^ vertèbre lom-
, s'insère, par son pourtour, à la face postérieure du sternum, au
hu de la base de l'appendice xiphoïde, à la face postérieure et au bord
Heur des cartilages des six dernières côtes et à la portion osseuse à
dlle les cartilages font suite.
Couches extrinsèques des parois thoraciques. — Nous conserve-
ici la division, l'ordre et les délimitations précédemment adoptés
la description des parois osseuses du thorax ; nous étudierons donc
dssivement la région antérieure, la région postérieure et les régions
aies.
fgion antérieure ou slernale, — Limitée, en haut, par le bord supé-
du sternum, la clavicule et la première côte, elle se termine, en
■ur la ligne médiane, à l'appendice xiphoïde, sur les côtés, au relief
pusses côtes et aux insertions costales du diaphragme. Ses limites
■les, forcément arbitraires, peuvent être représentées par une ligne
cale menée, de chaque côté, immédiatement en dehors de la ma-
s«
peau, plus dense et moins mobile sur le sternum que sur les parties
aies, présente, chez la femme, une finesse excessive au niveau de la
L«lle, dont le relief convertit en une sorte de gouttière la portion
âne de la région. Chez l'homme, la profondeur de celte gouttière
.^terminée par la saillie plus ou moins accusée des muscles grands
fe»raux.
peau est doublée d'une couche de tissu conjonctif graisseux, d'une
^seur très-variable suivant les sujets, mais toujours moindre sur la
t médiane que sur les côtés.
» fascia superficialis forme, chez l'homme, une couche simple, con-
^ avec celle des régions voisines ; chez la femme, il se dédouble et
^rend entre ses deux feuillets la glande mammaire et l'atmosphère
^seuse qui l'entoure. Cette glande qui reste, chez l'homme, à l'état
tnentaire pendant toute la vie, et qui Test également chez la femme
u'à la puberté, acquiert, à partir de cette époque, une importance
iologique et pathologique telle qu'elle mérite d'être étudiée à part.
I renverrons donc, pour tout ce qui s'y rattache, à l'article Mabielle,
XI, p. 517.
ii-dessous, on rencontre l'aponévrose du grand pectoral, qui s'insère
laut au bord inférieur de la clavicule, se continue en bas avec la
838 POITRINE. — anatomir. — parties holles des i
gaine du grand droit de rahJonicii, ot, en dehors, avec les a
deltoïdienne et bradiiale, tandis nuen dedans elle se confond»» le
périoste du sternum.
Le muacle volumineux et puissant qui est siluc au-dessous, narnn
la presque totalité de la région, cauf en dedans ol en bas; le ll^
Kîg M. -
B, Irapiie ; F, gnnile corna
lin ÎDlfrne ; I). «>rp* Ibjrotdt
ipnpbju concifidci N, t^li '
éventail qu'il i-cpréscute ss détaclie, en deliors, de la paroi costahf'
l'ormer la paroi antérieure de l'aisselle.
Le petit pectoral n'appartient à la région que par ses îiisertioDi
talcB. Le corps du muscle se rattaclie plutiH â la région de Tii»
Signalons, pour mémoire, la clavicule et son muscle sous-clavitf^
surmontent la région et recouvrent la première cote, l'aponévnue f
fonde (clavi-axillaire) qui part de la gaine du sous-clavier, embruft*
- Af*T0«1F — PAIiTIES
petit pectoi jl dani son dedouliiemcnt et va >« implanlei sur la face pro
- fonde de la peau de 1 iieteile en bas les inserti >n<4 supéi leui es du grand
K droit de I abdomen enlin, sur les lrn]ite« de la région, celles du grand
lo-cltido-niHtDlilicii;' i, tpKuhu; 3. angulilre da l'omoiilalc ;
Ë, um^^fiatai: 8, inpèu ; 9i tnati donil ; 10, paUt rand i
>s brscLiili IS, Dsrf da tripiu; 11, arlirei certicalu Inoilf
IMS; IS, brinch*) poMérieurci de li oeriit«lc lndi«rM] 17, arWrfc, winM ei
: IB. bnmJraLe protondo r 19. irljr» du gniid Jinlplé; SO, aponivroie qui rccouire
profoiidi des eouKièr» T»rifl>tale» |JI<ciiO-
iQleiitelé et du grand oblique, qui se rattnclient bien mieux nux régions
Jtàlérales (fig. 35).
^' Les artères superficielles de la région antérieure proviennent de plu-
hftKurs sources. La Uioracique supérieure, branche de Texillaire, fournit
Qtt haut quelques rameaux; sur les côtés du sternum, de petites
630 POITRINE. — anatomie. — parties molles des paiois.
branches de la mammaire interne se dirigent de dedans en ddiors;oB
trouve, enfin, sur toute la surface de la région des rameaux soperibek
venus des intercostales. Dans la couche moyenne, nous devons apikr
le tronc plus important de la thoracique supérieure qui chemine entre
le grand et le petit pectoral. Dans le plan profond, on rencoDtrf b
mammaire interne qui a une importance réelle. Née de la sousHJanèit,
un peu au-dessus de l'orifice supérieur du thorax, elle se porte «i«>
derrière la clavicule, puis derrière le premier cartilage costal et descend
verticalement le long du bord du sternum contre lequel elle s'spp&fK,
en haut, tandis qu'en bas, elle en est séparée par un intervalle de 8 oo
10 millimètres. Elle fournit, eu dehors, des rameaux qui vonts'inasb-
moscr avec les intercostales, et s'anastomose elle-même, par sa bmck
terminale interne avec les rameaux de l'épigastrique dans répaisseorè
muscle grand droit de l'abdomen. Sa situation profonde derrière kser
tilages costaux la soustrait, en partie, à l'action des violences fût
rieures; mais, dans les espaces intercostaux, où elle n*est reconerie
que par une faible épaisseur de parties molles, elle est susceptible fébt
lésée et de fournir, vu son calibre, une hémorrhagie grave, i^
omettons à dessein l'énumération des veines, des lymphatiques et de^
nerfs de la région qui ne peuvent donner lieu i aucune déduction pn-
tique intéressante.)
Région postérieure ou rachidienne. — Elle s'étend verticalemeot df
la V vertèbre dorsale à la 1'" vertèbre lombaire ; de chaque côlé, elle
est limitée profondément par l'angle postérieur des côtes. Cheikssqet^
doués d'un certain embonpoint, cette limite latérale est assez dificile
à déterminer ; de plus, à la partie supérieure, le bord spinal de Toib*-
plate empiète sur la région postérieure et la recouvre en partie.
La ligne médiane présente un sillon vertical, plus ou moins probi'
suivant le degré de i^aillie des muscles spinaux, au fond duquel oQtpff- .
çoit, chez les sujets maigres, une crête festonnée formée par lasérie,<k>|
apophyses épineuses. Les faillies latérales comprises entre ces émiocoers
et Tangle postérieur des côtes sont masquées par les divers plans bb^
culaires que nous énumérerons plus loin.
La peau de la région, dense, épaisse, est douée d'une certaine noiii'
lité sur les côtés, mais elle est fixée, sur la ligne médiane, furde^
lamelles fibreuses qui, de la face profonde du denne, vont s'insérer aux
apophyses épineuses.
Le tissu adipeux est quelquefois très abondant sur les côtés; il «>*
toujours moins épais au milieu.
Le fascia superficialis et l'aponévrose d'enveloppe qui se confondeii
sur plusieurs points, adhèrent, sur la ligne médiane, aux apophp^
épineuses et se continuent, sur les côtés, avec les couches analogues if
];i région voisine.
Le plan musculaire superficiel est constitué par le trapèze etlegn*'
dorsal qui occupent toute la hauteur de la région (fig. 36).
Au-dessous du trapèze, on rencontre le rhomboïde, qui affedel*
POITRINE. — ANATOMIE. — PARTIKS MOLLES DES PAROIS. 631
foime d'un parallélogramme, obliquement étendu de l'épine dorsale au
bord spinal de Tomoplate, Texlrémité inférieure du splénius et le petit
dentelé supérieur ; au-dessous du grand dorsal , le petit dentelé
inférieur.
La couche musculaire profonde est formée par les muscles des gout-
tières vertébrales (fig. 36), ainsi nommés parce qu'ils sont situés dans
une loge fermée en avant par les lames vertébrales, les apophyses trans-
verses et les articulations costo-vertébrales, en arrière par une forte
aponévrose fixée, d'une part, aux apophyses épineuses, d'autre part,
à l'angle des côtes. Ces deux loges ne communiquent pas entre elles;
elles sont séparées par les apophyses épineuses et les ligaments inter-
épineux.
Les vaisseaux superficiels de la région ne présentent que peu d'in-
térêt, au point de vue chirurgical ; ce sont des rameaux de la scapulaire
postérieure, de la scapulaire inférieure et de la branche dorso-spinale
des intercostales aortiques, dont la lésion serait sans gravité. Là branche
terminale de la scapulaire postérieure, qui a un volume assez considé-
rable, est protégée par le bord spinal de l'omoplate. Profondément, dans
la partie des espaces intercostaux comprise entre les corps vertébraux et
l'angle postérieur des côtes, on rencontre le tronc lui-même des intercos-
tales, qui n'est pas protégé, comme il le sera plus loin, par la gouttière
du bord inférieur des côtes, et dont la présence contre-indique le choix
de cette région pour la pratique de l'opération de l'empyème.
Régions latérales ou costales. — Elles correspondent à toute cette
partie des parois thoraciques qui est comprise entre les deux régions
précédentes ; la limite supérieure en est masquée par les régions de
l'épaule; la limite inférieure est représentée par une ligne courbe
étendue de l'appendice xiphoïde à la 12* vertèbre dorsale et correspondant
à la série des insertions costales du diaphragme.
La clavicule, l'omoplate et la tête de l'humérus, les muscles de l'é-
paule, ceux qui se rendent des régions thoraciques antérieure et posté-
rieure à la racine du membre supérieur forment une masse épaisse et
résistante, qui, dans la position normale de ce membre supérieur, re-
couvre et protège la partie supérieure de la région thoracique latérale.
Celle-ci forme la paroi interne du creux de l'aisselle. Lorsque le bras est
relevé horizontalement, elle devient accessible aux agents vulnérants,
dans l'iiUervalle compris entre les deux reliefs puissants formés par le
grand pectoral et le grand dorsal. Dans la partie inférieure de la région,
la paroi costale devient superficielle.
Au-dessous de la peau, doublée d'une couche graisseuse d'épaisseur
variable et d'un fascia superficialis lamelleux qui facilite son glissement,
la couche musculaire superficielle est constituée, en haut par le grand
dentelé, dont les faisceaux divergents s'étendent du bord spinal de l'omo-
plate à la face externe des 9 ou 10 premières côtes, en bas par le grand
oblique de l'abdomen, dont les digitations s'entre-croisent sur la face
externe des 8 dernières côtes avec celles du grand dorsal et du grand
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POITRINE. — ANATOMIE. CAVITÉ THORACIQUE. 655
dentelé, et enGn par les insertions costales du petit dentelé postérieur et
inférieur (fig. 37).
Le troisième plan est formé par tes côtes et les muscles intercostaux
précédemment décrits.
Bien que le faisceau vasculo-ner?eux qui traverse le creux axillaire soit
en rapport avec les deux premières côtes, nous ne le signalerons ici que
pour mémoire, car il n^appartient pas à la région costale, avec laquelle il
n'a que des rapports de voisinage peu étendus.
Les artères superGcielles de la région sont, la plupart, des branches
peu importantes de la thoracique supérieure, des intercostales, et de la
scapulaire inférieure ; le tronc de celte dernière est protégé par le bord
axillaire de l'omoplate ; mais il n*en est pas de même de la thoracique
longue ou mammaire externe qui dercend verticalement sur les parties
latérales du thorax, appliquée sur le grand dentelé, et qui, recouverte en
haut par le grand pectoral, devient assez superiicielle au-dessous de ce
muscle.
Les artères propres de la région sont les intercostcdes. Ces artères
proviennent, les unes, de la sous-clavière, le plus grand nombre de
Taorte thoracique; Tintercostale supérieure fournit aux deux ou trois
premiers espaces, et les intercostales aortiques, à tous les autres. A par-
tir de Tangle postérieur des côtes, l'artère que nous avons vue occuper
jusque-là le milieu de l'espace intercostal, se loge dans la gouttière
longitudinale que présente le bord inférieur de la côte supérieure et la
parcourt jusqu'au niveau de l'angle intérieur où elle se replace à égale
distance des deux côtes pour se terminer en s'anastomosant avec les bran-
ches externes de la mammaire interne. Les artères intercostales sont
accompagnées d'une ou deux veines collatérales, et des nerfs intercostaux
que nous devons signaler à cause des névralgies si douloureuses dont ils
sont parfois le siège.
L'étude de la paroi thoracique inférieure et des parties molles qui
reniplissent l'orifice supérieur du thorax nous paraît se rattacher de pré-
férence à la description de la cavité.
in. Cavité thoracique. — Vue à l'intérieur, la cavité thoracique repré-
sente un tronc de cône droit, légèrement aplati dans le sens antéro-pos-
térieur, dont le sommet communique avec la région cervicale, dont la
base est formée par la surface courbe musculo-aponévrotique du dia-
phragme. Mous savons déjà qu'à l'intérieur du cône thoracique proémine
la saillie des corps vertébraux, ce qui donne aux coupes transversales de
la cavité la forme d'un cœur de carte à jouer.
La paroi inférieure ou base y proémine aussi, mais d'une manière iné-
gale, plus à droite qu'à gauche, par suite de la position du foie.
Mous avons signalé plus haut les insertions du diaphragme à la circon-
férence de la base du thorax; la ligne courbe qu'elles décrivent est donc
oblique en bas et en arrière, sa partie antérieure correspondant à l'ap-
pendice xiphoïde, tandis que son extrémité postérieure répond à la 12*
vertèbre dorsale.
634 POITRINE. — ANATOMIE. — CAVITÉ TUORACIQCE.
II suit de là que, sur son pourtour inférieur, la cavité thoracîque est
séparée de Tabdomen par une rigole circulaire très-peu accusée ea ifaot,
mais assez profonde sur les côtés et un peu en arrière. Sauf cette ioégilité
de profondeur, on a pu comparer cette disposition à celle de la partie in-
férieure des bouteilles dont le fond est refoulé à Tintérieur. Les deux
cavités thoracique et abdominale se pénètrent donc réciproquement en
arrière et sur les côtés.
La face supérieure du diaphragme est en rapport, au milieu et nn peu
à gauche, par sa portion aponévrotique ou centre phrénique» avec le péri-
carde qui y adhère intimement, sur les côtés avec la plèvre pariétale
qui, à l'état sain, peut s'en détacher au contraire assez facilement.
La partie périphérique du muscle s'applique aux parois correupondanle»
du thorax, de telle sorte que la cavité pleurale se trouve effacée à droite
et à gauche dans une hauteur de plusieurs centimètres. Il en résulte^
ainsi que nous le verrons plus loin, que ce n'est que dans les grandes
inspirations qu'on voit les poumons séparer cette partie périphérique des
parois latérales et postérieures du thorax en s'insinuant entre le moscle
et les côtes. Il en résulte aussi que les parois extérieures de la poitrine
sont loin de correspondre dans toute leur hauteur aux organes thoraciqoes.
et que, dans la région des hypochondres, une partie des viscères de l'abdo-
men, le foie, l'estomac, la rate, le colon transverse, le pancréas, le
duodénum sont cachés sous le thorax.
Derrière l'appendice xiphoïde, une petite portion du muscle nest
recouverte ni par la péricarde ni par la plèvre, et se trouve immédiate-
ment en rapport avec le tissu cellulaire du médiastin. D'autre part, il
existe, presque toujours, dans un écartement des fibres qui s'insèrent au
sternum et au cartilage de la 1^ côte, un petit intervalle celluleux, par
lequel le tissu conjonctif du médiastin communique avec le tissu cod-
jonctif sous-péritoncal. C'est par cetle voie que certains abcès du médias-
lin ont pu venir s'ouvrir à la face antérieure de l'abdomen.
Le diaphragme est percé de plusieurs ouvertures destinées à donner
passage aux organes qui se portent de la cavité thoracique à la cavité ab-
dominale, veine cave inférieure, aorte, canal thoracique, veine azygos,
œsophage, nerfs pneumo-gastriques. (Voy. Diaphragme, t. XI, p. 5Î1 el
% 20.) ^
La cavité lhoraci(]ue n'a pas de paroi supérieure; son orifice supérieur
n'est obturé par aucun plan fibreux ni musculaire; il existe donc une
libre communication entre le tissu conjonctif de la base du cou et celui
du médiastin, autour des organes qui traversent cet orifice. Ces organes
sont : en avant la trachée, en arrière l'œsophage, sur les côtés les
troncs artériels et veineux de la tête et du membre supérieur. Enfin, le
sommet des poumons et des plèvres déborde la première côte d'un tra-
vers de doigt environ. Toutes ces parties sont séparées de Textérieur, en
avant et sur les côtés, par les diverses couches qu'on rencontre à la base
des régions sous-hyoïdienne et sus-claviculaire qui ne leur fournissent,
d'ailleurs, qu'une protection fort incomplète. (l'oy. Cou, t. IX, p. 657.)
POITRINE. — AiNATOillE. — CAVITÉ TUORACIQOE. 65^
Les dimensions aniéro-postérieures et transversales de la cavité thora-
cique nous sont déjà connues. Elles sont sensiblement les mêmes que les
dimensions intérieures du thorax osseux. {Voy. p. 624.) Elles présentent.
par suite, des différences individuelles très-étendues et subissent, en
outre» dans l'acte de la respiration, des variations alternatives qui se rat-
tachent à Tétude des phénomènes mécaniques de cette fonction. (Voy, Res-
PntATION.)
Le diamètre vertical ou mieux les divers diamètres verticaux présentent
des variations bien plus considérables encore. lien est un pourtant qui^
sur le même individu, présente une fixité relative ; c'est celui qui passe
par le centre] phrénique, lequel, occupant le sommet de la voûte dia-
phragmatique, et étant maintenu par le péricarde auquel il adhère, jouit
d^une sorte d'immobilité. Le nombre moyen de 0",15 ou 0",16 que nous
avons adopté, comme représentant le diamètre vertical antérieur du tho-
rax, correspond assez bien à ce point. Sur les côtés et en arrière, au con-
traire, le diamètre vertical varie à chaque instant. Ainsi, tandis qu'il aug-
mente pendant l'inspiration, par suite de l'abaissement du diaphragme,
il diminue pendant l'expiration, le muscle remontant alors jusqu'à la
6* côte, et même quelquefois, du côté droit, jusqu'à la 4®. La différence
de niveau entre le maximum d'élévation et le maximum d'abaissement
peut aller jusqu'à 0™,15 d'après J. Cloquet et Malgaigne, jusqu'à 0",07
seulement, d'après Sappey. 11 est vrai que les diamètres de la cavité pleu-
rale, mesurés du cul-de-sac supérieur de cette membrane aux divers points
du cul-de-sac inférieur ne présentent pas de pareilles oscillations; mais,
comme les poumons ne descendent jamais jusqu'au fond du cul-de-sac in-
férieur, la détermination exacte des diamètres verticaux de la cavité Iho-
i*acique présente, comme on voit, de sérieuses difficultés. Nous y revien-
drons plus loin, à l'occasion de la description de la plèvre.
La cavité thoracique ne représente pas une cavité simple, uniloculaire:
elle est cloisonnée par la plèvre qui la divise en trois parties principales,
savoir, deux cavités latérales ou pleuro-pulmonaireset une cavité moyenne
ou médiastin qu'on divise, pour la commodité de la description, soit en
loges supérieure et inférieure, soit en loges antérieure et postérieure.
La plèvre^ comme foutes les membranes séreuses, enveloppe les pou-
mons sans les contenir dans sa cavité; un de ses feuillets s'applique sur
ces organes, tandis que l'autre revêt, presque en totalité, les parois tho-
raciques.
Pour se rendre un compte exact de la disposition de ces deux feuillets,
il faut, sur une série de coupes verticales et transversales de la poitrine,
suivre le trajet de la plèvre dans les divers points de son étendue.
On voit ainsi, d'abord, qu'elle recouvre toute la paroi latérale du tho-
rax sur la face profonde des côtes et des espaces intercostaux (feuillet
pariétal). En bas, où elle rencontre les insertions costîiles du diaphragme,
elle se réfléchit sur ce muscle et coiffe, en quelque sorte, sa face supérieure,
à l'exception, toutefois, du centre phrénique qui adhère au péricarde et
au niveau duquel la plèvre diaphragmatique se réfléchit de bas en haut
fl36 rOITRIISE. — A>*T01ÉIE. — CAVITE THORACM
pour se conlinuw avec la plèvre médiastine. Au niveau de l'ouwrturt «!•
ipérieiire du Ihoras. la plèvre se moule sur le sommet de cha<ioe|»«wD
■cl Tonne ainsi deux cids-de-sacs séparés qui déhordenl la premièfetfK
D élé opéri^ du telle fason r|iir I
A. IKIIIKI
K, cloliau miencuiricuioiri'j u
riml Uiortdqtiei F, r'inf niygi
S, L, irt^na minuDiirci' inlcme
Ju gnnd peetonl dtait ei giudit
ijDucliE parlent kiir niiinéro d'oi
Irnnlri de peitrliit. ilific d'ngrii
Il «niliss da la traUt„u («t
lurTin de wdion birine us |fei'
|U* {iroiluinit un iniBUanl iw^AI
ic la rtppail dM srginci Mit Hiai itcc hclluj et hib d «pliceumi.
B, ginuiiioii gauclte ; C, OTlIé du •entriculc giuchu ; D. caiiii
■ ■ - : I.Dmllette droite; B, mo
mm i H, tiuu «lluliire ilu u
jX.l.tDupe du grand dora); ii,a.anèreiiiitera»i>l«; Llf
,, ^„n g, ^„ç[„. i«j4,„**
la douiièDw ttsui, PMc 1*
1, coape du grand di
d'un travers de doigt environ. En avant et en orrièrc, au niveau da sW
num et de la colonne vertébrale, le feuillet pnriétal qui a lapifsé U p"
latérale, abandonne cette paroi, seréni'cliitens'écnrtfinl desoncong^
rOlTRlKE. — ANATOUIE. CAVITÉ THORACIQOE. 657
et se dirige, d'avant en arrière ou d'arrière en avant, vers la racine du
poumon correspondant, pour s'appliquer ensuite sur cet organe et lui for-
mer une enveloppe immédiate qui adhère intimement à sa surface ex-
térieure et pénètre dans les scissures . intcrlobaires dont elle revêt tout le
pourtour (feuiliet viscéral). (Voy. fig. 38.) Il existe, donc, en réalité^
deux plèvres et deux sacs pleuro-pulmonaires. L'intervalle qui les sépare
en avant et en arrière, au-dessus et au-dessous du pédicule pulmonaire,
constitue, dans l'intérieur du thorax, une cavité intermédiaire qui n'est
autre que le médiaslin.
Telle est l'idée d'ensemble qu'on peut se faire de la configuration de
la plèvre. Nous devons, maintenant, entrer dans quelques détails pour
ilidiquer les particularités qu^elle présente sur divers points de son éten-
9 et spécialement au niveau de ses lieux de réflexion.
i Faisons remarquer d'abord que l'expression, communément employée,
isavité pleurale, s'applique h Tespace virtuel compris entre le feuillet
tal et le feuillet viscéral de la plèvre. A l'état normal, il n'y a pas de
ilé proprement dite; les deux feuillets sont accolés l'un à l'autre, et
même la cause pour laquelle le poumon, malgré sa rétractilité, suit
mouvements d'ampliation de la cage thoracique; il ne se forme de ca-
réello que lorsqu'un épanchement gazeux ou liquide s'interpose
entre les deux feuillets.
Les rapports de la plèvre pariétale avec les diverses parties de la ca-
vité thoracique, l'ont fait diviser en trois portions : costale, diaphragma-
tique, médiastine.
La première, qui offre le plus d'intérêt au point de vue chirurgical,
est remarquable par son épaisseur et son peu d'adhérence aux parties sous-
jacentes. Au-dessous d'elle existe une couche de tissu cellule-graisseux
(tissu conjonctif sous-pleural). Enfin, entre cette couche et les intercostaux
internes, on trouve une lame de tissu fibreux qui semble la continuation
du périoste de la face interne des côtes.
Un point important à signaler, c'est Tintervalle triangulaire, à base su-
périeure, qui sépare la paroi costale de la face externe et supérieure du
diaphragme et qui a reçu le nom de sinus costo-diaphragmalique. Ce cul-
de-sac part de la base de Tappendice xiphoïde et suit, à partir de ce point,
comme les insertions costales du diaphragme, un trajet oblique en bas
et en arrière jusqu'à la 12^ côte. C*est lui qui ferme en bas la cavité tho-
racique et en forme la limite réelle. II est tapissé dans toute son étendue
par le feuillet pariétal de la plèvre qui, de la paroi costale, se réfléchit sur
le diaphragme. La distance verticale qui sépare le fond du cul-de-sac in-
férieur du sommet du sac pleural, correspond au diamètre vertical maxi-
mum de la cavité thoracique; elle est, en moyenne, de O'^.^Q.
11 faut remarquer, toutefois, que le poumon n'occupe jamais la tota-
lité du cul-de-sac en question, de sorte que les plèvres costale et dia-
phragmatique sont en contact dans une certaine hauteur qui varie aux
divers moments de Pacte respiratoire. Ainsi, pendant l'inspiration, à
mesure que le diaphragme s'abaisse, le poumon descend d'une certaine
(Î58 POITRINE. — uiTOMiE. — cavité thoiucique.
i(uanlilé ; pendant l'expiration, le poumon remoDlc, à mesure qw
le diaphragme s'élève ; le sinus devient vide et les deui pfere
frottent l'une coalre l'autre. La hauteur maximum à laquelle, dan.-
une expiration forcée, le poumon peut remonter au-dessus du point dr
réflexion, varie, suivant les évaluations des divers auteurs, de 0*,lli
a 0-. 13.
Sappey, qui a adopté le premier de ces deux cliifTres el qui Iram
Se deuxième beaucoup trop élevé, a conclu de ses recherches : l' ip.
dans l'expiration, les poumons ne remontent pas en arrière au deliji
bord inférieur de la 10* cAte, et en avant, au delà du bord inféricuidi:
la 5' à droite, et du bord supérieur de la 6' k gauche ; 2* que, dans l'iie-
piration, il descend au-dessous de cette limite extrême, d'one qutulilr
variable, mais encore mal déterminée.
Il résulte de celte disposition qu'une plaie pénétrante de la poitriDe.qii
a son siège dans les cinq derniers espaces intercostaux, peut, soinri
(]ue la blessure a coïncidé avec le moment de l'inspiration ou de l'op-
ration, perforer la cavité pleurale et le diaphragme, atteindre a m
plusieurs des viscères abdominaux avec ou sans lésion concoDÎtaBte h
poumon.
Nous avons vu, plus haut, qu'au niveau de l'orifice supérietir<b
thorax, le sommet du sac pleural et du poumon déborde li'-gèremoil I''
plan de la {"cale et de l'orifice. Cette disposition doit être prfMt; i
l'esprit du chirurgien qui pratique la ligature de la sous-clafiii* ^'
dehors des scalèncs. Dans le dernier temps de l'opcration, les recbtrch^
doivent être dirigées sans abandonner la surface de la prcmicct rôU.
si on ne veut pas s'exposer à déchirer la plèvre et a ouvrir liant'
pleurale.
Pour compléter la description des rapports de la plèvre avec lespnr
du thorax, il nous resterait encore à examiner la situation reUliM''
cul-de-sac antérieur des plèvres droite et gauche, c'est-à-dire do biria
niveau duquel la plèvre pariétale se réfléchit pour se continaer inf b
plèvre médiastine. Celte élude ayant été déjà faite d'une manière Irb-
coniplèlc dans l'article Péhicarde {Voy. t. \XVI, p. 568), nous neponne
qu'y renvoyer le lecteur.
La région du médiastin, eu égard aux organes qu'elle renlinK.
offrirait, au point de vue chirurgical, un intérêt bien supérieur iu^v
des régions pleuro-pulmonaires, si elle n'était protégée, en arrièr» Jff
la colonne vertébrale, en avant par le sternum, sur les côtés parloolt
l'épaisseur des poumons.
Cette région ayant déjà fait l'objet d'un article spécial (Voy. Mëdusuj-
t. XXII, p. i), nous ne ferons que rappeler succinctement les orgJiie
qu'elle contient. Ce sont :
l'Daus la loge antérieure, limitée en avant par le sternum, en arhcR
par un plan vertical qui passerait par le liile des deux poumons, le fio-
carde et le cœur, les neifs phréuiques, l'artère pulmonaire, la crosse^
l'aorte, la veine cave supérieure. Pendant la vie intra-utérine ei p*
I. mut ; !, iiuuiDOnt , 3. piricanJc ouvert; 1,'irirrc |iiiJinctiiBirï ; S, aurte; li. miDs ci
ï, treiif bncliio-ctplialiqnf ; 8. earoliile primilïip gnuche; 9, >aui-clivliri' giucbs ;
ÏDlETiic couple; 11, diaphngnuliqu? supiirieim; 13, CDrooiirs urdiiquD ■Dl4irlcunt
«rdlaque poUérlcnrc ; li, oeif phrùiiqui' ; llî, ntrf paeutuogatlriqua (Bumii el Bqccuiib).
640 POiTRiNE. — anatomie. — cavité tuoracique.
dant les premières années qui suivent la naissance, il faut y joindre le
thymus (fig. 59).
2*^ Dans le plan vertical mentionné ci-dessus, le pédicule des poumcos,
formé par la terminaison de la trachée, les bronches» les artères elb
veines pulmonaires.
5*" Dans la loge postérieure comprise entre le même plan et la colonne
vertébrale, Faorte thoracique, Tcesophage, les veines azygos, le ctoal
thoracique, du tissu conjonctif, des ganglions lymphatiques, des n-
meaux du grand sympathique et les nerfs pneumo-gastriques.
Tous ces organes sont plongés, le cœur excepté, dans un tissu conjoDdit
aréolaire, dont la présence assure à certains d'entre eux, tels que la
trachée et l'œsophage, la mobilité dont ils avaient besoin pour Taccoflo-
plissementde leurs fonctions. Ce tissu conjonctif se continue avec celui «fa
cou, de sorte que l'inflammation peut se propager facilement de la ré-
gion cervicale à toute la hauteur du médiastin et, ra$me, se commuoi-
quer au tissu cellulaire sous-péritonéal par Touverture signalée plus but
derrière l'appendice xiphoïde. Si cette communication est possible a
avant, elle est encore plus facile en arrière, où le tissu conjonctif qui
entoure Tœsophage se continue en bas avec celui de rabdomcn pv
Torifice aortique du diaphragme, latéralement avec celui des espice^
intercostaux par la gaine celluleuse qui entoure les 'artères et veines io-
tercostales, d'où les abcès par congestion qui se forment quelgoev
fois sur les parois latérales du thorax à la suite de la carie du corps d'une
vertèbre dorsale.
De même, il est peu de régions qui présentent une aussi gnode
quantité de ganglions lymphatiques. Ils se groupent autour de la nm
des bronches, de l'œsophage et des gros vaisseaux. Lorsque ces ganglioa^
se tuméGent, soit primitivement, soit par suite de maladies des organe:^
voisins, ils déterminent des compressions redoutables et quelqiN6i^
mortelles.
Les auteurs d'anatomie descriptive et d'anatomie topographiqui^ ^c
sont attachés, avec un soin que justiGc l'importance des déductions pn-
tiqucs qui en découlent, à établir, d'une manière précise, les rapports des
organes du médiastin avec la paroi thoracique. Le but poursuivi coosisf^
comme l'a fait Sappey, à chercher la solution des deux problèmes sol-
vants, dont la connexion est évidente : 1^ étant donné un poiot quel-
conque de la paroi antérieure du thorax, indiquer l'organe qui lui corres-
pond ; 2® étant données une plaie pénétrante du médiastin antérieur et
la direction suivie par l'instrument vulnérant, indiquer l'organe qui'
été lésé.
Pour éviter des répétitions inutiles, nous ne referons pas rénuaxn*
tion de ces rapports qui ont été groupés dans l'article Médiàstct (Vtf*
t. XXII, p. 2), et qui ont, en outre, leur place marquée dans les artidi
spéciaux consacrés aux divers organes. La fig. 40, empruntée aux ^^
veaux éléments d'anatomie descriptive de Beaunis et Bouchard, ^
donne une idée très-exacte. "^
1. W- — Ripporli de Id rigion miiliailiiH ivsc 1» lutrei rtfiODi UiarKiqiH» (I cillei d« ribdomca.
1, lilnilion de roriSce pulmouiirs ; 1, oriflce <la l'iort* ; 3, ariflce luriculD-Tentrieiiliira (inchf ;
orilca ■Driculo-TeDiriniliirc droit i 6, pilon ; B, poiilion du cardia; 7, Diabilici 8. nainelcaii tl.
Isa Iliaque an léri«ure Et lupérieure ; 10, sjmphfie du pubis; ll.oraillcUg draile; il, luriculB droite,
'■, bord droit du c«ur; 11, iwrd gauche du eceur; IS, ■urieule giuctaa ; 13, uUre pulniODalre ; 17,
ina an auptrieure ; IS, tronc Te ineui brachio-cfphalique droit i 19. [rooc leineui bnchio-ctpliii-
■■• fÊUcbt: ÏU, 11. aorte aK«Ddaiile ; tî. aorte deacepdaote ;C crosse de l'aorte; 31, earolida pri-
itli* droite ; S5, anire soiu-tlaiiêre droite ; IS, limite tnpérioura du diaphragme à gauebe dani l'é-
I feipintion complète ; 17, aa limite 1 droite i Î8, CDl-de-uc aupArisur gaucbe de la pierre ; 1», li-
lu illeiole par le bord aolirienr et le bord iotéripur du poumon gaoche dam l'eipinlioa tooipliir ;
I, proloiigement cardiaque du poumon gaucbe ; 31, cul de >ac aupirieur du poulfaon droit ; SI, limiti-
Uiste par le poumon droit d*n> l'Inipirtlion complète i 33, limite a'tteinle par le poumon geoche din»
«DUT. mer. ■b. R cm. IXVIII — 41
642 POITRINE. — DÉVELOPPBIIfc\^T.
l'inspiration ; 5i, limite atteinte i>ar le poumon droit dans l'inspiralioD ; 53, 36, 37, limites^ h plèvrv
^^luchc ; 58, 59, limites de la plèvre droite; 40, grande courbure de Testomac ; il. petite roarijw^; ii,
duodénum ; 45, terminaison do 1 intestin grêle ; 44, cœcum ; lo, côlon a; cendant ; 1 46, côlon iransTfrw ; 47,
c(Mon descendant ; 48, siliaque; 19, rectum ; 50, foie; 51, bord antérieur du foie ; Si, vt^sicale biliaire ;
T,Z, pancréas ; 54, limite inférieure de la rate ; 55, limite inférieure du rein ; 56, vesaiie. — Noté. LV-
pace compris entre 19 et 5Ï à gauche, et 52 et 54 à droite, espace rempli par des lignes oblique» ci bi<
el à droite, indique l'étendue dans laquelle !>e fait la locomotion du poumon entre reipiration et Tta»-
piration forcées ; l'espace noir compris entre 55 et 55 2^ gauche, et 54 et 38 à droite indique fe^wf
occupé par la plèvre, mais dans lequel n'arrivent pas les poumons, même dans l'inspiraûra tian*t.
(Beac!iis et Bouchard. Nouveaux élémcntê (Tanatomie descriptive et itembryoloçie, Ir «ifiii<«
Paris, 1880).
Développement. — La cage ihoracique se forme, chez Fembryon, par
le (Icyeloppemcnt d'appendices membraneux qui partent de la colaoïie
vertébrale et passent, vers le deuxième mois, à l'état cartilagineux. Ces
appendices, qui sont les premiers rudiments des cotes, s'accroissent,
peu à peu, dans les parois ventrales et circonscrivent une cavité vice-
raie commune, thoraco-abdominale. A la Gn du premier mois, la partie
supérieure de la cavité, où sont contenus le cœur, l'œsophage et les deoi
petits sacs pyriformes, qui seront plus tard les poumons, se sépare des
corps de Wolff, du foie et de l'estomac, par une mince membrane, ébauche
du diaphragme. D'après des travaux récents, celui-ci serait formé primi-
tivement d'une substance glutineuse répandue autour des conduits qui
le traverseront plus tard ; il s'étale, ensuite, sous la forme de deux demi-
éventails triangulaires dont le sommet est placé au pilier correspoodaot,
dont la base, tournée en avant, se développe progressivement du steroom
à la dernière côte et finit par constituer la cloison thoraco-abdominale.
En même temps, les deux poumons, situés primitivement au-dessous du
cœur, remontent peu à peu, s'entourent J*un sac pleural, distinct
pour chacun d'eux, et acquièrent bientôt leur forme et leur position
normales.
Pendant que l'évolution précédente s'accomplit à l'intérieur de la ca-
vité, les côtes cartilagineuses s'accroissent dans les parois ventrales df
l'embryon. Les six premières, dont le développement est plus rapide, se
réunissent par leur extrémité antérieure, avant d'atteindre la ligne roé-
diane; la lame verticale, qui résulte de cette soudure, constitue une moi-
tié du sternum cartilagineux ; ces deux moitiés, d'abord séparées par une
tissure verticale médiane, se soudent bientôt entre elles, de haut en bas,
pour former le sternum.
Les côtes s'ossifient par un seul point d'ossiGcation primitif, qui parait
du 40* au 45* jour et par deux pbints épiphysaires (tête et tubérosité),
qui n'apparaissent que très-tard, vers l'âge de 16 à 17 ans. Lossifica-
tion n'est complète qu'à l'âge de 22 à 25 ans.
Au 6* mois, le sternum présente un premier point d'ossiGcation, à
l'extrémité supérieure. Le corps se développe plus tard soit par 4, soil
par 8 points d'ossiGcation (disposés, dans ce dernier cas, par paires), d'où
résultent les 4 pièces osseuses qui le constituent et dont la soudure >e
fait tardivement, de 25 à 30 ans. La réunion de la poignée à la pn^
mière pièce du corps de l'os n'a lieu que dans la vieillesse.
Le thorax du fœtus présente un ensemble de caractères qui sont dm à
POITRINE. — DÉVELOPPEMENT. C4o
i^ctat d*affaisscment des poumons, au développement rapide du cœur et
du thymus, au volume considérable du foie. Si on y pratique une coupe
transversale, cette coupe présente la forme d'une surface quadrangulairc
dont la moitié antérieure a plus de largeur que la moitié postérieure.
Les cartilages costaux des côtes sternales ont une direction presque hori-
zontale et une forme aplatie. Les côtes présentent une très-faible cour
bure, les gouttières costo- vertébrales font défaut, d'où Tabsence de sail-
lies latérales et la proéminence, à l'extérieur, de la colonne vertébrale,
qui rappelle la disposition du thorax des mammifères. Le diamètre ver-
tical est court sur les parties latérales, le diamètre antéro-postérieur
remporte sur le diamètre transverse ; la base s'évase largement au niveau
des viscères abdominaux.
Après la naissance, il se fait une ampliation subite dans Tétendue de
la poitrine, parce que Taccès de l'air augmente du double ou du triple
le volume des poumons jusque-là resserrés sur eux-mêmes. Ces organes
qui étaient débordés et masqués par le cœur, se développent, des deux
côtés, d'arrière en avant, et finissent par le déborder à leur tour. Par
suite de ce mouvement d'expansion latéral, les parois antérieure et pos-
térieure de la cavité thoracique s'élargissent et se rapprochent ; la poi-
trine, primitivement aplatie d'un côté à l'autre, s'arrondit d'abord,
devient cylindrique, puis s'aplatit un peu plus tard dans le sens diamé
iralement opposé ; en même temps, l'angle des côtes se forme, les gout-
tières postérieures se dessinent et la colonne dorsale, rectiligne chez le
fœtus, conmience à s'infléchir. Toutes les modifications qui précèdent
sont rendues faciles par l'extrême flexibilité des côtes et l'état presque
entièrement cartilagineux du sternum.
Un accroissement rapide du thorax se produit à l'époque de la puberté ;
c'est aussi à ce moment de la vie que se manifestent, le plus souvent, les
déformations de la cavité.
Vers 15 ou 18 ans, la poitrine qui s'est rétrécie peu à peu à sa base,
acquiert sa forme définitive ; mais sa capacité continue à croître jusqu'à
22 ou 25 ans chez la femme, jusqu'à 30 ou 35 chez l'homme.
Dans l'âge adulte, les parties constituantes du sternum se soudent
enite elles; la poignée et le corps de l'os restent seuls indépendants; les
articulations chondro-sternales commencent à se souder et perdent de leur
mobilité primitive.
Pendant la vieillesse, les cartilages costaux deviennent jaunâtres, plus
épais, plus rigides, et finissent par s'ossifier, en même temps qu'ils se
soudent définitivement au sternum, les côtes et le sternum finissent par
se mouvoir sur le rachis comme une seule pièce, et dans une étendue de
plus en plus limitée, à cause de la rigidité qu'acquièrent les articulations
costo-vertébrales. Les parois thoraciques perdant progressivement leur
élasticité, la cavité devient de moins en moins dilatable dans ses dia-
mètres antéro-postérieur et transverse, et la respiration tend à devenir,
peu à peu, presque exclusivement diaphragmatique.
ANOMALIES ET VICES DE CONFORMATION. — NoUS UC dcVOUS UOUS OCCUpcr
644 POITRINE. — anomalies et vices de cokformatioa.
ici que des anomalies qui peuvent s'observer dans les parois du thorax,
celles qui portent sur les organes intra-thoraciques se rattachaat natu-
rellement à Tétude particulière de chacun de ces organes.
Le nombre des côtes peut varier en plus ou en moins, et dans ce as,
il existe généralement une anomalie concordante clans le nombre des Ter-
tèbres dorsales. Il n*en est pourtant pas toujours ainsi. Quand il n'existe
que onze paires de côtes, c'est toujours la dernière côte flottante qui bii
défaut. D'autres fois, au contraire, on trouve une treizième côte qai se
(ixe tantôt à la première vertèbre lombaire, tantôt à la dernière iwlèhrc
cervicale. Dans le premier cas, la côte surnuméraire est libre et floUinle
comme une fausse côte; dans le deuxième cas, elle s*unit ordinairement
«i la première côte dorsale, vers son extrémité antérieure, ou se fixe sur
le premier cartilage sternal.
Les anomalies numériques qui portent sur les côtes intermédiaire
sont beaucoup plus rares; on a pourtant observé exceptionnellement (k
(as dans lesquels il y avait augmentation du nombre des côtes arec in-
sertion de plusieurs de ces os sur une même vertèbre dorsale.
On sait qu'à la suite de lésions traumatiques ou spontanées, la paroi
thoracique peut présenter des brèches plus ou moins larges, dans les-
quelles la plèvre ou le péricarde s'engage et n'est séparé de Teilérirtr
que par la peau. On rencontre quelquefois des dispositions congénitate
analogues. Elles s'observent rarement au niveau des côtes; elles sont
plus fréquentes au niveau du sternum, où elles doivent être rattadiéesà
des arrêts de développement. La scissure est par conséquent médiane,
raremement complète, le plus souvent partielle. La bifidité infèriewr
est la plus fréquente; elle s'accompagne, ou non, de hernie du cœur.
Pour compléter ce qui a rapport aux anomalies des parois thoraciques
il nous reste à dire un mot des hernies diaphragmatiques conc^nitales.
qui paraissent dues également à un arrêt de développement. Nous ait»
\u plus haut comment, d'après les travaux récents, se forme le &■
phragme et comment se complète la cloison de séparation des canV»
tiioracique et abdominale. Qu'une cause quelconque arrête, à un momeot
donné, le développement centrifuge du muscle, le cloisonnement sV-
rète aussi et ne s'achève pas. Alors devient permanent un état qui o'étaA
que transitoire, mais normal, chez le fœtus; il persiste, dans unpoiatde
ï^on étendue, une perforation par laquelle les intestins, le foie, la nte
peuvent pénétrer dans la cavité thoracique. Les anomalies de cette v-
turc sont généralement incompatibles avec la vie, par suite de la cmb-
pression que les viscères de l'abdomen exercent sur le cœur et les pom-
mons. (Voy. pour les détails [Diaphragmatiques] Hernies, t. XI.p. 365)-
Nous laisserons de côté, comme dépourvues de tout intérêt pratifi^j
les anomalies plus graves, plus étendues, qui coïncident avccdaitii^j
déviations organiques d'un caractère général et se rattachent aui •'^i
struosité$. {Voy. ce moi t. XXlll, p. 8}.
11 nous reste à parler d'un dernier ordre de faits dont la connaisse*
présente^ au contraire, une importance réelle, au point de vue desaff""
'U
'IVJ
POITRIN;:. — ANOMALIES ET VICES DE COMFORMATlOiN. 645
cations pratiques. Ce sont les altérations complexes et variables de la
forme, des diamètres et, par suite, de la capacité du thorax, qui consti-
tuent les vices de conformation proprement dits. Rarement congéni-
taux, le plus souvent acquis, tantôt ils sont sans influence appréciable
sur l'état de santé de l'individu, tantôt ils sont la manifestation de trou-
bles pathologiques divers , ou représentent les stigmates indélébiles de
maladies antérieures locales ou générales. Dans les deux cas, leur étude
€st étroitement liée à la séinéiologie générale et particulière des affections
thoraciques. (Voy, Poitrine, Séinéiologie).
Ce qu'il importe, avant tout, de connaître, pour se rendre un compte
«xact de ces variations tant physiologiques que pathologiques, ce sont les
caraclères essentiels d'une bonne conformation du thorax. L'énumération
de ces caractères appartient , en réalité, à la description anatomique, et,
à ce titre, aurait dû être déjà faite ; il nous a semblé, néanmoins, qu'il
était plus utile de la rapprocher de Tétude des déformations qui sont
compatibles avec Tétat de santé ou qui se rattachent aux diverses
maladies.
Un thorax d'adulte bien conformé remplit les conditions suivantes :
i^ II présente la forme d'un cône dont le sommet est en haut, si Von
(ait abstraction de ce qui appartient aux membres supérieurs ;
2^ Il est un peu aplati d'avant en arrière, de telle sorte que le diamè-
tre transverse l'emporte sur le diamètre antéro-postérieur ;
3^ Quand on pratique la mensuration circonférentielle suivant un plan
horizontal qui passe par les mamelons, on obtient un périmètre moyen
qui dépasse de plusieurs centimètres la demi-taille de l'individu (d'après
Walshe, le chiffre de 0'",858 peut être considéré comme une assez bonne
moyenne pour l'âge adulte).
Dans les circonstances ordinaires, la constatation de ces divers carac-
tères peut se faire avec des moyens très-simples, un compas d'épaisseur
pour la mesure des diamètres de la partie supérieure, un ruban métrique
pour les mensurations circonférentiellcs pratiquées au-dessous des ais-
selles. On conçoit, en effet, que les mensurations circonférentiellcs sont
impraticables dans la partie supérieure, où le relief des épaules donne au
sommet du thorax une forme absolument opposée à celle qu'il a en réa-
lité. Avec le compas d'épaisseur qui permet de faire abstraction des mem-
bres supérieurs, notamment quand on l'applique contre la paroi interne
des aisselles, on reconnaît que les diamètres supérieurs d'un thorax bien
conformé, sont toujours moindres que les diamètres inférieurs. Cette
supériorité des diamètres inférieurs du thorax sur les supérieurs existe
chez tous les sujets; mais elle est d'autant plus marquée que les
individus sont plus robustes, et coïncide ainsi avec le développement
plus ou moins grand qu'acquiert la base des poumons. Il semble,
au premier abord, difficile de concilier ce faJt avec cetle proposition vul-
gaire également vraie, à savoir que le développement de la poitrine se
révèle par la largeur des épaules. La contradiction n'est pourtant
qu'apparente, ainsi que le fait justement remarquer Richet. Il suffit^
646 POITRINE. — anomalies et vices de coNPORMAnox.
pour s'en rendre compte, de réfléchir à ce fait bien connu que Tampli-
tude de la respiration s^accompagne toujours d'un développement propor-
tionnel du système musculaire; or, comme la partie supérieure des
membres thoraciques y participe a l'égal des autres régions, il s'ensuit
que le diamètre bi-acromial doit présenter, chez les sujets Tigoureux et
bien musclés, un élargissement proportionnel, d'autant plus notable qoe
la base du thorax, recouverte d*une mince couche musculaire, ne subit
jamais, sous ce rapport, de grands changements.
Le compas de Baudelocque et le ruban métrique ne suffisent pas, dans
certains cas pathologiques où il est nécessaire d'opérer des menson-
tions précises ; il faut recourir alors aux méthodes et aux instruments
perfectionnés dont il sera question dans l'étude séméiologique de la
poitrine.
Aux caractères essentiels, énumérés ci-dessus, qui représentent les con*
ditions fondamentales d'une conformation normale de la poitrine, Wakhe
en joint certains autres, qui, bien qu'étant d'une importance moindre,
n'en sont pas moins intéressants à connaître. Réunis chez le même indi-
vidu, ils constituent ridéal, rarement réalisé, d'une conformation absolu-
ment régulière. Dans les cas de ce genre, les deux côtés de la poitrine
sont symétriques dans leur ensemble et dans leurs diverses régions; les
régions sous-claviculajres présentent une légère convexité ; la région ster-
nale inférieure est creuse dans une mesure qui varie avec la vigueur indi-
viduelle; les angles formés par l'union des fausses côtes à Taxe antérieur
sont sensiblement égaux; les plans latéraux sont à égale distance de Taxe
médian vertical; les mamelons sont à la même hauteur, c'est-à-dire au
niveau de la quatrième côte ou du quatrième espace intercostal. Si Ton
examine la poitrine par derrière, on constate que les épaules sont sur le
même niveau; la colonne vertébrale est parfaitement droite ou offre, vers
son milieu, une légère inclinaison vers le côté droit; enfin le sillon verté-
bral est modérément concave de haut en bas, et il est plus ou moins creux
suivant que l'individu est maigre ou chargé d'embonpoint.
Comme Jious l'avons dit plus haut, il est assez rare de trouver une
poitrine qui réunisse tous ces caractères. L'absence de quelques-uns de
ceux que nous venons d'énumcrer ne constitue pas un vice de conformation
proprement dit. Aussi n'est-il pas facile de déterminer exactement le point
où celui-ci commence. Pour les un?, c'est une question de degré, tandis que
les autres invoquent la présence ou l'absence de troubles concomitants de
la santé. Ainsi, dès 1838, Woillez qui, l'un des premiers, avait approfondi
la question, divisait les hétéromorphies de la poitrine en physiologiqun
et pathologiques ; les premières étant, pour lui, de simples particularités
de conformation qui rendent la poitrine insymétrique sans compromettre
en rien la santé, les autres se rattachant, au contraire, manifestement à
l'état morbide. L'importance pratique d'une pareille distinction est incon-
testable ; mais, quand on voit que des déformations thoraciques considé-
rables, consécutives à des déviations vertébrales, par exemple, coïncident
souvent avec une santé générale satisfaisante, on est obligé de reconnaître
POITHINK. — ANOMALIES ET VICES DE CONFORVATION. 647
que la pathologie fournit ici une base peu solide aux classiGcations anato-
miques.
Considérées en elles-mêmes, et abstraction faite de leur valeur séméio-
tique, les déformations du thorax présentent une infînie variété. Tantôt
on remarque une dilatation générale de l'un des côtés ou une saillie
plus ou moins prononcée d'une région circonscrite. Tantôt on observe des
étals entièrement opposés aux précédents : rétraction plus ou moins
étendue d'une moitié ou dépression partielle. D'autres fois, on ne cons-
tate qu'une élévation ou un abaissement anormal de l'omoplate, de cer
taÎDes côtes ou du. mamelon. Les changements de courbures et, à (or
tioriy les distorsions constituent un groupe de déviations beaucoup plus
accusées. Enfin, certaines altérations communes ont reçu des noms par-
ticuliers; telles sont, par exemple, les poitrines dites de poulet, de pig eon
on en bréchet, caractérisées par un aplatissement des deux plans la té-
raux avec saillie prononcée du sternum en avant.
11 est bien rare que les altérations de la forme du thorax soient c ongé-
nitales; elles peuvent apparaître à toutes les époques de Texistente;
mais, en dehors de l'état de maladie, elles se produisent surtout pendant
la période du développement où les parties osseuses subissent si fa cile-
ment des modifications de tout genre. En dehors du contingent qu'y
apportent les maladies, bien d'autres causes entrent en action ; les habi-
tudes ordinaires de la vie, les vêtements, les professions, les attitudes
vicieuses, etc., tels sont, pour la production des déformations thoraci-
ques, les facteurs multiples dont les effets souvent combinés semblent,
dans beaucoup de cas, compatibles avec l'intégrité au moins apparente de
la santé.
Ainsi, la prépondérance d'usage du membre supérieur droit coïncide
avec une prédominance très-fréquente du développement du côté corres-
pondant du thorax. Cette asymétrie, sur laquelle Woillez a, le premier,
attiré l'attention, se rencontre si souvent qu'on a fini par la considérer
comme l'état normal. Il en résulte que, dans l'état de maladie, si l'on
compare les deux moitiés du périmètre thoracique, une différence de
quelques centimètres constatée en faveur du côté droit aura (sauf le cas
où l'individu serait gaucher), une valeur diagnostique infiniment moindre
qu'une différence, même très-peu accusée, en faveur du côté gauche.
Les pressions variées, qui, dans certaines professions, s'exercent sur
tel ou tel point des parois thoraciques, y impriment, en quelque sorte,
leurs traces ; de là des déformations particulières qui peuvent fournir
quelques données à la médecine légale.
Chez la femme, il n'est, peut-être, pas de cause qui joue un rôle aussi
important que l'usage abusif d'un corset trop serré. Cette partie du vête-
ment semble avoir pour but de lutter contre la forme naturelle du tho-
rax. Disposé et serré de manière à arrondir la taille et à la faire aussi fine
que possible, le corset tend, en effet, à rendre le diamètre transverse de
la poitrine égal au diamètre antéro-postérieur et à réduire sa partie
naturellement la plus évasée. Les entraves qu'il apporte au jeu régulier
648 POITRINE. — physiologie.
des agents mécaniques de la respiration peuvent rester longtemps inaper-
çues; il n'en résulte pas moins une altération lente et peu à peu pernu
nente de la forme des parois et des organes eux-mêmes, et souvent, des
troubles réels des fonctions de circulation et de respiration dont il faut
tenir compte.
Les déformations d'origine pathologique constituent deux groupes
principaux.
Les unes proviennent d'affections propres des organes thoraciques ou
des parois. A ce groupe appartiennent la voussure précordîale, cantclém-
tique de certaines affections du péricarde ou du cœur; les voussures par
usure ou perforation de la paroi, dues au développement d'un anévrjsme
de l'aorte tlioracique ou du tronc brachio-céphalique ; la dilatation géné-
rale du thorax progressivement amenée par remphysèmc vésiculaire;
l'ampliation de Tune des cavités pleurales par les épanchements de toute
sorte et la rétraction caractéristique qui peut en cire la conséquence, etc.,
etc. On peut y ranger encore les tumeurs de toute nature, solides et li-
quides qui ont leur siège dans les parois, les saillies que viennent laire,â
l'extérieur, les tumeurs du médiastin, sans compter les affections propre
de la mamelle qui constituent une catégorie à part.
On peut faire un deuxième groupe des déformations thoraciques, d*uo
caractère plus général, qui ont leur point de départ soit dans les dévia-
tions de la colonne vertébrale, soit dans l'une de ces diathèses dont riu-
fluence s'exerce sur l'ensemble du système osseux. (Voy. Ostéomiucie,
RACHrrisNE, R\chis.)
Nous devons nous borner ici à une simple énumératiou. La de$cn|>-
tion des divers ordres d'hétéromorpliics que nous venons de men-
tionner appartient soit à la séméiologie de la poitrine, soit aux articles
spéciaux consacrés à certaines maladies ou à la pathologie de chaque
organe.
Physiolofi^ie. — Le thorax a des usages multiples : l"" il protège
contre les violences extérieures les organes contenus dans sa cavité;
2*^ il est le siège des mouvements alternatifs de dilatation et de resserre-
ment qui produisent le renouvellement incessant de Tair dans les pou-
mons; 3° il sert de point d'appui, lorsqu'il réalise certaines conditions
de fixité relative, à des groupes musculaires nombreux qui concourent à
des mouvements très-variés mais régis par un mécanisme commun, qu'on
désigne sous le nom d'effort.
Les deux derniers ordres de faits ont un point de contact; ils se rat-
tachent, les uns et les autres, à la fonction de la respiration. Les mou-
vements de dilatation et de retrait du thorax appartiennent aux phéno-
mènes mécaniques de la respiration, et seront naturellement étudiés
avec cette fonction envisagée dans son ensemble, (loi/. RESpnuiiOii). Les
mouvements extiinsèques auxquels concourent les muscles qui prennent
leur point fixe sur le thorax, exigent, comme condition initiale, une mo-
dification spéciale des mouvements respiratoires, et c'est ainsi qu'ils se
rattachent à ces derniers. 11 en résulte qye, tout en prenant part à des
POITUINE. — PHYSIOLOGIE. 649
fonctions très- variées , ils présentent des caractères communs, dont
Tétude a fait Tolrjet d'un article spécial [Voy. Effout, t. XII, p. 425.)
Nous n'avons donc, ici, à examiner le thorax qu'au point de vue de la
()rotection qu'il fournit aux organes contenus dans sa cavité, c'est-à-dire,
dans ses conditions de résistance aux agents vulnérants. Les condi-
tions varient suivant la nature de ces derniers. S'il s'agit d'instru-
ments piquants ou tranchants, doués d'une faible quantité de mou-
irement, ils rencontrent dans le sternum, les côtes et surtout les vertèbres
dorsales, une résistance suffisante pour prévenir leur pénétration dans la
cavité; les espaces intercostaux, au contraire, leur ouvrent une voie fa-
cile. Lorsque la quantité de mouvement joue le rôle prépondérant, soit
qu'il s'agisse d'un choc ou d'une chute, le thorax oppose, par la multi-
plicité des pièces qui le composent, par leur élasticité, par leur dispo-
sition arciforme, et grâce enfin au voisinage des membres supérieurs,
des conditions de résistance et de solidité qui varient, d'ailleurs, dans ses
diverses parois. 11 est, à peine, besoin d'insister sur les éléments de pro-
tection que nous venons d'énumérer. La multiplicité des pièces osseuses
ei de leurs articulations décompose les chocs subis par les parois et en
affaiblit l'intensité ; l'élasticité des parties leur permet de céder dans
une certaine mesure sans se rompre ; leur disposition arciforme les fait
résister, à la manière des voûtes; la clavicule garantit le sommet du tho-
rax en avant; Tomoplate et les masses musculaires voisines protègent le
plan postérieur ; le bras, dans la position verticale, couvre une pailie
du plan latéral, l'avant-bras demi-fléchi, une partie du plan antérieur;
enfin, dans certains cas, le membre tout entier entre en action pour dé-
tourner les agents vuliiérants.
Il suit nécessairement de là que les divers points des parois thora-
ciques offriront des degrés de résistance inégaux, dus à leurs différences
de structure. Ainsi, la paroi postérieure l'emporte sur les autres, grâce
à la présence des vertèbres, à la solidité des articulations costo-verté-
braies et enfin à la protection fournie par l'omoplate et les muscles de la
région. En avant, le sternum résiste aux pressions extérieures, à la ma-
nière d'une voûte soutenue par quatorzç arcs-boutants représentés par
les côtes slernales et les cartilages correspondants. Les parois latérales
agissent par le même mécanisme. Elles forment aussi une sorte de voûte
dont toutes les pièces s'appuient en arrière sur le rachis, en avant sur
le sternum. Tout choc qui porte sur une certaine étendue de la paroi
latérale y rencontre donc une résistance équivalente à celle que lui op-
poserait la paroi sternale; mais, si l'effort se concentre sur un petit
nombre d'arcades, et, à plus forte raison, sur une seule, il produit un
redressement brusque de la courbure des côtes, et, lorsque la limite
d'élasticité de ces dernières est dépassée, il en résulte une fracture. Les
pressions qui s'exercent sur le sternum se répartissent généralement, au
contraire, sur l'ensemble des piliers de la voûte dont il peut être consi-
déré comme la clef. Dans l'un comme dans l'autre cas, l'inclinaison des
côtes et leur mobilité constituent deux conditions défavorables à l'éner-
650 POITHLNK. — skméiologie.
gic de la résistance ; pour que celle-ci soit efficace, il faut que les arcs^
osseux soient relevés et maintenus fixes. Ce rôle appartient aux muscles
inspirateurs que, pour ce motif, on a considérés comme des arcs-bou-
tants actifs. Il suffit, pour vérifier le fait, de s'observer soi-même et de
remarquer Tattitude instinctive que nous donnons aux parois thoraci-
ques lorsqu'une violence extérieure les menace.
L. Merlin.
Séméiolog^e. — La poitrine olfre un intérêt exceptionnel sons le
rapport séméiologique. C'est pour la poitrine qu'on a imaginé une foule
de procédés d'exploration, tels que V auscultation^ la percussion, b
spirométrie^ la cardiographie y etc., etc. (Voy. ces mots, t. IV, VI et
XXVI), qui jouent un si grand rôle dans la clinique de notre temps. Nous
diviserons, d'ailleurs, notre sujet de la manière suivante : 1" des règle»
à suivre dans l'examen clinique de la poitrine; 2^ de l'examen clinique
de la poitrine considéré en lui-même ; 3® revue séméiologique des affec-
tions de la poitrine.
I. Des règles a suivre dans l'examen clinique de la poitrine. — Il
existe des règles qui sont applicables à toutes les méthodes d'exploration
de la poitrine, et d'autres pour chacune d'elles en particulier : les pre-
mières vont seules nous occuper, les secondes étant mieux à leur place
dans le cas échéant.
L'attention du médecin étant ordinairement appelée du côté de la poi-
trine par quelque sensation douloureuse qu'accuse le malade, son pre-
mier soin sera de bien préciser le siège de la douleur : c'est là un com-
mencement de localisation, idée qui devra dominer tout l'examen clinique
de la région. Nous ferons la part de cet élément dans nos recherches ulté-
rieures.
Le précepte suivant conduit à Y inspection de la poitrine, qui exige la mise
à nu de la partie, pour l'explorer dans son ensemble et dans ses détaik,
pour déterminer les rapports de ses divisions topographiques, pour ana-
lyser [ses mouvements normaux ou anormaux, etc. Cette nécessité s'im-
pose, non-seulement pour la simple inspection en elle-même, mais encore
pour la palpation, la mensuration, la percussion, et même Tauscultation.
Si quelque concession peut être faite à cet égard, c'est uniquement en
faveur de certaines répugnances individuelles, parmi lesquelles il faut
surtout citer celle de Laennec, qui fut si opiniâtre; pour pratiquer
l'examen du malade plutôt que les convenances, malgré l'interposition
d'un vêlement. La dignité du médecin et la pureté de ses intention
devront faire taire les objections de la pudeur dans les cas où celle-ci
suscite quelque résistance.
Maintenant le problème à résoudre consiste à lire au travers des parois
de la poitrine, et à rapporter la lésion probable de l'organe inclus à
quelque point de repère choisi sur la surface extérieure. Cette préoccu-
pation topographique a exercé dès longtemps certains esprits. Il faut voir
dans les lignes plessimélinques de Piorry une première tentative de Cf
POITRINE. — stMÉiOLOGiE. 651
^nre de localisation, et Tune des plus rigoureuses, puisque ce sont des sail-
ics peu susceptibles de variations de siège qui sei'vent de base au système
>rganographique de notre auteur. Il n*est pas jusqu'aux dénominations
idoptées pour désigner ces lignes, qui ne puissent nous servir, car elles
(Ont exprimées par les points extrêmes entre lesquels elles sont tirées.
)r, toute localisation se trouve définie par ses rapports avec deux de ces
ignés, susceptibles de s'entrecroiser, Tune comme ordonnée, et l'autre
:onime abscisse. Nous verrons comment ce procédé a été utilisé.
On a également recherché quels étaient, dans les conditions normales,
es rapports des organes thoraciques avec les parois de la cavité qui les
'enferme, afin de mieux se rendre compte du point affecté dans Tétat
norbide. Francis Sibson (1848) a établi avec le plus grand soin cette
xipographie de la poitrine et des viscères qu'elle recouvre. 11 note d'abord
es saillies et les dépressions qui se voient chez un homme robuste et
>ien portant; puis il recherche comment ces saillies et ces dépressions
>euvent guider dans la détermination des organes qui sont au-dessous.
t^oicî quelques-uns des résultats qui lui paraissent acquis :
« Le sternum est la clef de la position des poumons et du cœur; il est
le centre vers lequel convergent les principales côtes.
« Si Ton place le doigt sur l'extrémité inférieure du sternum, on se
trouve exactement au-dessus du bord inférieur du poumon droit et des
limites inférieures du cœur.
« Si l'on tire une ligne perpendiculaire sur le milieu du sternum,
eette ligne laisse, à droite, le poumon droit tout entier, et à gauche, lo
poumon gauche et la portion du cœur qui n*est pas couverte par ce
poumon.
« Enfin, si l'on place le doigt sur le quatrième cartilage du côté
B^auche, le poumon gauche est au-dessus du doigt et la portion du cœur
doo recouverte par le poumon au-dessous.
« Étant donnée l'extrémité inférieure du sternum, le poumon droit est
lu-dessus et à droite; le cœur, au-dessus et à gauche de ce point, pendant
ifue le foie est au-dessous et à droite, et au-dessous et à gauche, mais à
une plus grande profondeur, l'orifice cardiaque de l'estomac. » (Sibson^
London médical Gazette, 1848, new séries, vol. VI, p. 558.)
Ce même auteur, que nous ne suivrons pas dans tous les détails d'ana-
tomie topographique qu'il aborde, propose une nouvelle classification des
régions de la poitrine^ basée précisément sur les rapports des organes
intérieurs avec les parois. Il admet trois régions simples et cinq régions
composées. Les régions simples comprennent les deux régions pulmo-
naires et la région cardiaque. Les régions composées sont celles dans
lesquelles les organes sont superposés; ce sont : la région pulmo-hépa-
tique, la région pulmo^astrique, les deux régions pulmo-cardiaques,
droite et gauche, et la région pulmo-vasculaire, où les gros vaisseaux
sont cachés par le poumon. Nous n'avons pas à donner les limites exactes
et les rapports de ces diverses régions : Tanatomie nous les enseigne à
Tétat normal ; et, si la maladie est susceptible d'en modifier les conditions
652 POITRINE. — séméiologie.
dans une certaine mesure, on ne doit pas perdre de vue ce qui est acquis
chez rhorame sain, pour se diriger au lit du malade.
La forme et les dimensions de la poitrine ont été appréciées par la
plupart des observateurs qui ont écrit sur les affections des oignes tho-
raciques. Parmi eux nous citerons tout particulièrement Walter H. Walshe
(1870), qui a étudié le sujet parallèlement dans Tétat de santé et dans
Tétat de pialadie ; puis suivant les âges, les sexes, les professions, etc.
Les résultats sont acquis avec les divers modes d'exploration en mage :
la palpation, la percussion, Tauscultation, la mensuration^ etc.; et aussi
en se mettant au point de vue du jeu de la respiration, dont il analpe le
rhythme et la force. Nous aurons à utiliser ces faits.
Le complément naturel de ces données anatomiques et physiologiques
se trouve dans une méthode plus ou moins rigoureuse de localisation des
lésions et des phénomènes tlioraciques, qui nous est fournie par Â. Rao-
some (1876), et qui sert de base à tout un ensemble de recherches stétho-
métriques. Ce n'est pas la première fois, dit Fauteur, qu'on a tenté de
rapporter les diverses particularités, relevées dans Texamen de la poitrine,
à certains points de repère ou de convention visibles à Textérieur de celte
cavité ; et tout le premier, il indique le diagram-figure de Fairbank,
comme pouvant recevoir cette application. L'instrument consiste eo une
petite plaque de cuivre découpée de façon à ligurer le tronc, et qui permet
d'en reproduire la figure sur le papier en suivant ses contours avec un
crayon. On obtient ainsi une sorte de schéma sur lequel on insent, au
double point de vue du siège et de Tétendue, le détail séméiologique,
dont on peut ensuite contrôler les transformations en plus ou en moini.
L'instrument de A. Ransome s'appelle le Chest-rule (règle de poitrinei.
11 consiste en un fil d'acier mince et étroit, disposé en parallélogranuiie
rectangulaire, de 6 pouces de long sur 3 de large (mesure anglaise), et
divisé en 18 carrés ayant juste 1 pouce de côté. En raison de sa Oeiibililé,
on peut facilement l'appliquer et le mouler sur la surface de la poitrine.
Comme point de repère, dans le sens transversal, on prend, en avant, 1^
ligne médiane du sternum, cl, en arrière, la colonne vertébrale; tandis
que, de haut en bas, on l'applique successivement autant de fois que cela
est nécessaire. Quant au phénomène à noter, on le rapporte à tel ou tel
carré désigné par un numéro; ou bien à Tintersection de deux lignes,
horizontale et verticale, correspondantes. Le chest-rule paraît surtout
utile pour fixer le siège des bruits du cœur et les points où on les entend
à leur maximum. 11 sert aussi à déterminer le point de départ des ané
vrysmes thoraciques, les limites des signes physiques dans la phlhisie.
dans la pleurésie, etc.
On doit également à Lasègue (1876) un procédé de topographie pour
l'auscultation de la poitrine, et qui peut aussi servir à fixer les autres
détails d'exploration. Ce sont deux ligures schématiques tracées par
Vigroux, et représentant, l'une la partie antérieure, l'autre la partie po»-
térieure du thorax. Les points de repère essentiels y sont indiqués, et
l'origine des côtes est marquée de manière à pouvoir en faire le décompte.
1»0ITHL\E. — sÉMÉioLOGiE. 653
Les phénomènes d'auscullalion et de percussion seront notés, les premiers
avec le crayon bleu, les seconds avec le crayon rouge. Lasègue compare
avec raison ces figures à des caries muettes sur lesquelles on doit non-
seulement inscrire par un signe le point maximum des bruits anormaux;
mais, à Taide de teintes plus ou moins foncées, en rappeler retendue et
la décroissance ou la brusque cessation.
On conçoit d* autres systèmes de localisation thoracique ; et chacun peut
à cet égard s'en créer quelqu'un qui soit conforme à ses habitudes. Pour
notre part, celui que nous avons adopté, et qui nous semble le plus com-
mode, n'est autre que celui des divisions 'superficielles, qui partagent
extérieurement la poitrine en autant de régions distinctes, et qui se
trouvent énumérées dans la partie anatomique de cet article. Et Ton peut
toujours être compris, lorsqu'on dit que tel bruit se fait entendre sous la
clavicule, dans Tune des fosses sus ou sous-épineuses, dans Pespace
scapulo-vertébral, dans le creux axilaire, sous le mamelon droit ou
gauche, etc. Quant à la topographie du cœur, elle ne saurait cire établie
dans ses détails qu'après avoir préalablement déterminé les rapports géné-
raux de l'organe; alors les bruits normaux et anormaux sont rattachés
soit à la pointe, soit à la base, et ne reçoivent de signification précise que
lorsqu'on est parvenu à reconnaître ces relations.
Il est facile de comprendre que Vattilude du sujet joue un certain rôle
dans l'exploration que l'on fait de sa poitrine, et que Ton peut par ce
moyen aider au résultat cherché. Pour ce qui est des poumons, on doit à
J.-M. Corson (1859) un travail sur les diverses positions qu'il est bon de
donner aux épaules pour faciliter Texamen. Voici les cinq positions prin-
cipales qu'il distingue :
Première position. — L'un des avant-bras est porté sur le dos, l'autre
pendant le long du corps. Dans ces conditions, le son de percussion est
augmenté sous la clavicule du côté qui est tendu antérieurement.
Deuxième position, — Le poignet gauche est tenu de la main droite
derrière les reins. La résonnance à la percussion est augmentée dans
toute la partie antérieure de la poitrine.
Troisième position. — Les bras sont portés derrière la tête, les mains
les saisissant près des coudes. Les omoplates sont élevées de cette façon,
et les muscles sont amincis. On reconnaîtrait ainsi plus facilement une
pleurésie diaphragmatique.
Quatrième position. — On croise les bras en avant, on se penche légè-
rement en avant ; on accroche les mains près des fausses côtes, et on fait
un effort pour élever les côtes. Les épaules s'écartent en arrière, les
muscles s'amincissent, et Poreille entend mieux ce qui se passe au sommet
du ponmon. «
Cinquième position. — On croise ses bras en avant, et on saisit de
chaque main le moignon de Pépaule du côté opposé pour le tirer forte-
ment en avant. L'intensité des bruits respiratoires normaux se trouverait
augmentée du double.
Les conditions d'attitude pour l'exploration du cœur sont assez con-
65i POITRINE. — sÉMÉioLociE.
nues. Il suffit de consulter à cet égard les articles d'auscultatioo et de
percussion; et de bien se pénétrer de ce fait, que le cœur se porte (bo;
le sens vers lequel on se penche. Pour la pal potion, comme pour Fiiiscnl-
tation, la position la plus favorable est celle dans laquelle le malade^
sur son séant, légèrement penché en avant. Le décubitus dorsal est iné-
vitable pour pratiquer la percussion du cœur; et ce n'est pas rooe de^
raisons les moins importantes, qui enlève à ce genre d'examen pwr le
cas actuel toute précision et toute valeur. (Voy. Percussion, p. 557.)
Dans ce qui [)récède*, l'exploration de la poitrine est faite an pointée
vue statique; mais il y a lieu également de voir ce qui se passe, lorsque
les fonctions sont en jeu, et que la cage thoracique est en mouveiiieot;et
comment on doit s'y prendre pour apprécier les phénomènes dyiuimifia
propres à cette région.
Tantôt, en effet, on se contente d'observer passivement les actes ne
caniques dont on est témoin ; et tantôt on intervient pour les varier, b
mesurer, ou les inscrire, etc.
Dans le premier cas, par exemple, on analyse les mouvements respin-
toires, on les compte, on détermine leur rhythme, on apprécie kor
ampleur. On peut même, appliquant l'oreille sur la poitrine, enteodrelei
bruits qui les accompagnent, sans sortir de l'état de passivité : c'est to
de l'auscultation. De même, pour le cœur, on reconnaît Timpulsion qa'il
communique autour de lui, par la vue, le toucher el l'ouïe ; onmesorele
rhythme de ses battements et la fréquence de leur retour ; ou entend \xè
bruits normaux, et aussi les bruits anormaux qui couvrent parfois les
premiers ou les remplacent.
Dans l'autre cas, on fait acte d'intervention, lorsqu'on dit au malade
d'accélérer sa respiration, d'en accoître la profondeur, pour amplifia
certains phénomènes morbides; et même quand on la fait suspeodret
pour que ses bruits ne viennent plus masquer d'autres bruits : ceaidi
cœur, par exemple. De même on est actif, dans le fait de changer la sifaii-
tion du malade pour voir si le niveau d'un épanchement pleurétiqoe se
déplace en même temps : surtout lorsqu'on pratique la succussion Ûpfo-
cratique ; et encore, lorsqu'on opère la mensuration circonférentidie d<
la poitrine, qu'on mesure la quantité de l'air en circulation, la force aii^
laquelle il se meut; et enfin quand on enregistre avec un appareil aikoc
les mouvements thoraciques, ou ceux de la colonne d'air inspiré et expiré-
On mesure et on enregistre de même les mouvements apparents du
cœur, soit presque immédiatement (cardiographie) ^ soit médiatemenl ptr
l'étude de la pulsation artérielle (sphygmographie). Mais il faut, cbei
l'homme du moins, renoncer à recueillir les mouvements du saDgdao^
les cavités où il circule. On doit en juger par une analyse minutieuse de;'
trac^ obtenus à l'aide de quelqu'un des procédés mentionnés ci-dessos.
Nous compléterons ce sujet en disant que les conditions de l'cxplon-
tion de la poitrine ont été réalisées schématiquement par des appareils
tels que le Pnewnonoscope de Collongues, par exemple : sorte de manaf-
quin destiné à faciliter aux élèves l'étude de l'auscultation, dont il (^
POlTUtVE. — sÉMÉioLOGiE. 655
reproduire les principaux phénomènes, toul en en révélant le mécanisme.
II. De l*ex\men clinique de la poitri>e considéré en lui-même. — Cet
examen est basé sur un certain nombre en méthodes d'exploration qu'on
met successivement en usage, et dont Ténumération doit être notre pre-
mier soin. 11 comprend : l'appréciation de la douleur Ihoracique^ de la
loux^ de V expectoration y \ inspection de la poitrine^ la palpation^ la
percussion^ la succussion^ V auscultation ^ la mensuration circonféren-
liellCy XdiSpirométrie^ et enfin l'emploi des procédés graphiques, imaginés
surtout au point de vue actuel.
Parmi ces procédés séméiologiques, il en est qui appartiennent à des
articles distincts, comme V auscultation, la percussion, la cardiographie ^
l'examen des crachats, Y expectoration, etc. (Voy. ces mots), et dont la
description se trouve Faite par conséquent ; nous n'aurons à y faire que
ile rapides allusions. Quant à ceux qui ne doivent pas être Tobjet d'une
étude séparée, ils vont recevoir les développements que nécessite leur plus
ou moins d*importance.
1* De la douleur thoracique, ou point de côté, — La douleur, loca-
lisée sur une partie quelconque de la paroi thoracique, est l'un des sym-
ptômes les plus fréquents de la pathologie ; sa signification est des plus
variées ; et enfin elle n'est pas sans avoir par elle-même une importance
assezgrande eu raison des troubles fonctionnels qu'elle détermine. Exami-
aoii&-la dans ses causes, dans son expression et dans ses résultats.
Le point de côté se montre ilonseulement dans les maladies propres
de la poitrine, mais encore dans certaines affections étrangères à cette
région. En premier lieu, il appartient aux contusions du thorax, aux
fractures de côtes, à la névralgie intercostale, au rhumatisme musculaire
{pleurodynie), au zona, à la pleurésie ; à la pneumonie, à la péricardite,
à l'angine de poitrine, aux anévrysmes de l'aorte, aux diverses dégéné-
rescences soit des parois, soit des organes inclus, etc. Pour ce qui est des
faits de la seconde catégorie, mentionnons les douleurs pariétales de la
gastralgie, de l'ulcère simple de l'estomac, de la gastrite, de la colique
hépatique, du cancer épigaslrique, des péritonites localisées de la partie
supérieure de Tabdomen, etc. Il est tout naturel, en effet, que par suite
de leur proximité les viscères thoraciques et abdominaux confondent sur
les mêmes points les sensations douloureuses qu'éveillent leurs maladies :
de là résultent des difficultés diagnostiques que nous aurons à résoudre
par la suite.
Quant à l'expression de point de côté, elle n'implique pas forcément que
la douleur soit latérale, bien que ce soit le cas le plus ordinaire de beau-
coup ; elle peut aussi se faire sentir en avant, comme le point épigas-
lrique, par exemple ; et en arrière, sur les masses musculaires des
gouttières vertébrales, et sur le sommet même des apophyses épineuses.
Mais, il faut bien le dire, la douleur ainsi localisée prend ordinairement
une signification précise; et le vrai point de côté persiste dans sa physio-
nomie un peu banale que lui valent son siège réellement latéralisé et son
extrême fréquence.
656 POITRINE. — séméiologie.
La douleur de côté apparaît à des hauteurs variables sur les parois de
la poitrine, depuis le creux sous-claviculaire et le creux axiliaire, eo
haut, jusque dans Tépaisseur des parois abdominales, qui ne soot, en
somme, que le prolongement des premières par tous les éléments dont
elles sont formées. Elle se définit ordinairement par le rang de Tespia
intercostal auquel on peut la rapporter, et appartient plutôt au sèment
antérieur qu'au segment postérieur du thorax. Du reste elle peut être
multiple, et former plusieurs foyers soit dans le sens yertical, soit sur k
trajet intercostal. Tantôt le mal est d'origine musculaire, comme dans b
pleurodynie proprement dite; tantôt il réside dans un nerf, qu il y lit
névrite ou névralgie. Dans le premier cas, la douleur occupe des limites
mal définies et n'a point de siège fixe ; les mouvements et la pression b
rendent intolérable. Dans la névralgie, au contraire, la douleur suit îm-
cément le trajet déterminé du nerf intercostal, et forme certains foyen
connus, l'un en arrière, l'autre latéral et le troisième en avant. Sur ce
points seuls, la pression exaspère le mal, sans que les mouvements re^
piratoiresy aient aucune part.
Il est tout naturel qu'à toute affection locale des parois, corresponde
une douleur fixée au même niveau. Il faut savoir cependant que, lon-
qu*il s'agit d'un cordon nerveux pris dans un foyer inflammatoire on de
dégénérescence organique, la douleur se fait d*abord sentir en cette par-
tie, et aussi sur quelques points définis de son parcours et notamoieo-
vers sa terminaison. Telle est l'explication du point de côté dans la pks-
résie, que Beau, entre autres, a mis survie compte d'une névrite intercostale
sous-pleurale, et qui apparaît surtout en avant, bien que le nerf luiwme
ne puisse être affecté et participer à l'inflammation de la plèvre, que dtu
sa partie postérieure, et sur un plan toujours plus élevé que le lieu des»
épanouissement. Le point de côté de la pneumonie dépend bien plotài
d*une pleurésie partielle concomitante que du poumon lui-même, dontb
sensibilité à la douleur est peu développée, et reçoit par conséquent nae
interprétation analogue.
Si l'on cherche a classer la douleur de côté ou thoracique en génenl,
d'après ses origines, on trouve, d'abord, le point de côté sympfomatique^
qui est en rapport direct avec tout mal localisé: son type serait daosb
iracture de côte. Ensuite vient le point de'càté sympathique, qui rvvêlr
une affection plus ou moins éloignée de l'endroit où il se fait sesitf.
Exemple : le point de côté de la pleurésie et aussi ces nombreux poiib
pariétaux provoqués par les diverses maladies des viscères thoraciqoeset
abdominaux, et qui annoncent longtemps à Favance l'origine obscure et
le développement insidieux des dégénérescences organiques. L'interpi^
tation clinique de ces points est l'un des problèmes les plus délicats de b
séméiologie. Enfin une troisième catégorie comprend certains poM
spéciaux, sur lesquels nous allons donner quelques détails.
L'un d'eux est le point sus-claviculaire qu on localise, avec plus <*
moins de raison, sur le trajet du nerf phrénique, vers la racine du coo,«l
qu'on rapporte par voie sympathique ascendante à la pleurésie diaphntf-
POITRINE. — sÉMÉioLOGiE. 657
inatique. Ici le m.nl est puisé à la périphérie, et vient affecter le nerf dans
sa continuité. Ce point phrénique doit ordinairement être recherclic; il
se montre indépendamment du véritable point de côté qui, dans la ma-
ladie actuelle, prend une intensité toute particulière, et provoque à
chaque inspiration de Tanxiété, des sanglots, d^". Tagitation : c'est la
phrénésie des anciens.
Un autre point, occupant vaguement la 'région de Tépaule droile et
difGcile à préciser, est le point scapulaire^ qu'on rattache volontiers à
TafTection calculeuse du foie et aux différentes maladies de cet organe. Il
parait être une irradiation des coliques dites hépatiques y et il résul-
terait des anastomoses ascendantes du pneumogastrique avec le ^spinal,
qui d'autre part envoie des ramifications à certains muscles de l'épaule.
La valeur sémciologique de ce symptôme n'est pas à dédaigner.
Le point apophysaire peut recevoir diverses interprétations; tantôt
il représente le point postérieur ou récurrent de la névralgie intercostale ;
tantôt il est en rapport avec le point épigastrique de Tulcère simple de
l'estomac; tantôt encore il appartient à cette affection mal définie que les
Anglais appellent Yirritation spinale, et qui est de l'ordre des maladies
d'épuisement; tantôt enfin il rentre dans la catégorie de ces points verté-
braux sur lesquels Cruveilhier a appelé l'attention, et qui occupent tou-
jours une sittiation dominante par rapport aux organes affectés des diffé-
rentes cavités, viscérales du tronc et du bassin. Le siège du point
apophysaire est donc assez variable ; d'autre part, il n'est souvent reconnu
que par la recherche qu'on en fait, et par la pression qu'on exerce sur le
sommet même de l'apophyse épineuse à laquelle il appartient.
Nous devons, ri ce propos, rappeler que nous avons signalé le point
apophysaire cervical comme un indice assez précoce de la phthisie pul-
monaire (1879).
Le dernier jpom^ à mentionner est celui de V angine de poitrine, re-
marquable par son siège vers la région cardiaque, par ses irradiations au
côté gauche du cou et au bras gauche, et enfin par l'angoisse qu'il déter-
mine. Il n'est pas constant, mais revient périodiquement, et par son in-
tensité seule il peut amener une mort rapide. On connaît assez bien
aujourd'hui les conditions étiologiques de l'angine de poitrine [Voy. ce
mol), dont toute la symptomatologie est comprise dans les phénomènes
que nous venons de rapporter. L'innervation du cœur et les anastomoses
que les propres nerfs cardiaques affectent avec les nerfs intercostaux
expliquent d'ailleurs la nature de ces phénomènes, et la prompte issue
qu'ils peuvent recevoir. Nous n'avons pas à y insister.
Le point de côté, envisagé dans les effets qu'il est susceptible de pro-
duire, agit comme toute douleur intense; mais par son siège il peut avoir
des inconvénients spéciaux. En réalité, la douleur qui résulte des mouve-
ments respiratoires tend à ralentir et à supprimer ces mouvements du
côté où elle existe. Tantôt ce sont les côtes qui s'immobilisent, tantôt le
diaphragme : d'où gêne respiratoire, dyspnée, etc. L'auscultation prouve
bien que l'air ne pénètre pas jusqu'aux vésicules pulmonaires, car il v a
50UV, DICT. M ÉD. ET CUIR. WN\\\ — VI
058 POITRINE. — sbiiéiolmie.
absence plus ou moins complète du murmure vésiculaire» De plus, le
malade affecte un décubitus en rapport avec la souiCraace qu'il éprouve.
Il évite autant que possible de se coucher du côté où est le point doulou
reux; mais, d'autre part, comme il ne doit pas entraver le jeu de la respi-
ration dans la moitié saine du thorax, il ne tarde pas à se reporter ven
le premier coté, dès que le mal devient tolérable. C'est ce qui se voit daos
la pleurésie, et successivement dans les deux périodes de douleur prédo-
minante et d'épanchement accompli. Enfin, comme dernier résultat du
point de côté, nous signalerons les relations existant entre la nérroljiV
intercostale et Téruption du zona\ entre la douleur térébrante de U
paroi thoracique et Tapparition extérieure d'un anévrysme de l'aorte
pectorale, etc.
2° De la touXj de V expectoration et des crachats. — Les affections
des organes renfermés dans le thorax, indépendamment de leurs signes
directs, se traduisent par certains phénomènes extrinsèques qui n*oat pis
une valeur moindre. C'est ainsi que Ton peut juger d'une maladie do
cœur par le trouble de la circulation périphérique, et notamment pir
l'étude du pouls. De même les lésions pulmonaires s'annoncent àVei-
térieur par les produits de l'expectoration et par la toux qui la précède.
L'examen approfondi de cette toux, de V expectoration et des crackats
jouait un grand rôle autrefois en séméiologie; mais la découverte de la
percussion et de Tauscultation, en somme toute moderne, a reloué ces
symptômes sur le second plan. Ce serait cependant ici le lieu de bous en
occuper, si leur histoire n'appartenait pas à des articles séparés. Nous
renvoyons donc le lecteur au mot Crachats (t. X, 1869), traité par notre
collaborateur L. Martineau, et qui comprend en même temps le mot Ex-
pectoration. Quant au mot Torx, il sera Tobjet d'une description ulté-
rieure.
5° De rinspection de la poitrine. — Lorsque l'attention est attirée du
côté du thorax par quelque circonstance qui peut faire croire à un ét^t
pathologique de cette région, il faut procédera une inspection immédiate,
après s'être mis dans les conditions les meilleures pour un examen effi-
cace, et notamment en plaçant le malade dans une attitude parfaitement
symétrique, assis sur son séant, et à découvert. La connaissance préa-
lable de la conformation normale de la poitrine est de rigueur eo tenant
compte aussi des irrégularités qui ne sortent pas de l'état physiolc^ique.
et qui dépendent de Tage, de certaines professions ou habitudes.
Parmi les auteurs qui ont le plus approfondi le sujet, nous devons ci-
ter E. J. AVoillez (1835-1879), dont toute la vie scientiGque, on peut le
dire, a été consacrée aux questions se rapportant à la séméiologie de h
poitrine, et qui vient de la couronner par la publication d'un Traité com-
plet d'auscultation et de percussion. H distingue naturellement les fiits
physiologiques et les faits pathologiques. En premier lieu, il faut recon-
naître qu'une conformation parfaite de la poitrine est rare. Sur 197 su-
jets sains, examinés à ce point de vue, il n'y en a que 41 qui puisMl
être considérés comme régulièrement conformés; les 152 autres préan-
POITilLNE. — sÉMÉioLOGiE. 659
lent toujours quelques dépressions ou saillies. Chez les 41 sujets normaux,
il y a encore à distinguer : 56 fois le côté droit remporte en déveioppc-
inent sur le côté gauclie, de 1 à 5 centimètres; cela paraît être la règle ;
Undis que chez les cinq derniers^ il y a égalité entre ics deux côtés. Dans
tous les cas, la ligne des mamelons correspond à la quatrième côte. Les
irrégularités observées sur les 132 individus mis à part consisteot dans
Les cas suivants : saillie sternaire transversale, à Tunion des deuK pièces
aopérieures; dépression sternaire inférieure, par renfonceinent de Tap-
peiidiee liphoïde; voussure cardiaque norm<ile (26 ibis sur 100) ; saillie
postérieure à droite, formant la contre -partie de la voussure antérieure
gauche (29 fois sur 100). La mensuration viendra plus tard compléter
cette étude.
Les faits pathologiques sont ainsi exposés : Dans la bronchite algue, on
n'observe rien de particulier à Tinspection; dans '*liépatisation les résul-
tats sont douteux; Temphysème se signale par une voussure des espaces
intercostaux; T hypertrophie du cœur n*est pas apparente àTextérienr;
. celle du foie donne lieu à une ampliation de Thypochondre correspon-
dant; celle de la rate n'est appréciable qu'à la mensuration; le météorisme
de la partie supérieure de l'abdomen provoque une dilatation de la base
du thorax, qui apparaît rapidement et disparait de même.
Nous compléterons cette revue par Texameo particulier de quelques cas
offirant une certaine importance.
Dans la pleurésie avec épancliement, l'inspection simple de la |>oitrine
apporte un contingent notable au diagnostic. Sous l'influence du point
de côté, la partie correspondante du thorax reste à peu près immobile :
ce qui contraste avec la mobilité de la partie opposée. Si répanchement
est formé, et s'il est considérable, on voit les espaces intercostaux élargis,
eflacésy les côtes relevées de leur inclinaison à l'état de repos ; en un mot,
tont le côté malade est ampliGé et sans mouvement. Plus tard encore,
lonque l'épanchement est en voie de résolution, et qu'il a tout à fait
disparu, la paroi thoracique parait suivre ce retrait, comme pour aller à
la rencontre du poumon. Et enfin, ^lorsque des adhérences ont rendu ce
OMitact déûnilif, la rétraction ne cesse pas pour cela : on reconnaît tou-
jours le côté qui a été aiTecté de pleurésie, par son affaissement, en oppo-
sition avec la dilatation normale du côté sain. Ce fait de la rétraction de
la paroi thoracique, dans ses rapports avec une maladie du poumon ov de
la plèvre plus ou moins guérie, peut être érigé en loi. Dans ce cas^ la poi
trine obéit à une sorte de force, que Woillez qualifie de force concen-
trique^ et qui l'associe aux mouvements organiques des parties qu'elle re-
couvre. Le retrait est, du reste, quelquefois partiel, comme lorsqu'il
s'agit d'une pleurésie locale enkystée, ou dans le cas d'une caverne pul-
monaire évacuée et tendant à la cicatrisation.
Il existe un genre de rétraction totale de la poitrine, dont la cause est
en dehors de cette cavité : c'est celle qui se montre à la suite de l'hyper-
trophie chronique des amygdales. Dupuytren le premier (1828) a si-
gnalé cette coïncidence, en reconnaissant, d'une part, la dépression plus
660 POITRINE. — séméiologie.
ou moins grande des côtés de la poitrine, avec une saillie proportionnelie
du sternum et du ventre, en avant, et de la colonne vertébrale, en ar-
rière; et, d*autre part un gonflement notable des amygdales. Ces faits
ont été confirmés par J. Nason Warin (de Boston, 1 859), qni a publié m
mémoire sur Thypertrophie des amygdales accompagnée de certaines dif-
formités de h poitrine. Il s'agit ordinairement de très-jeunes entuits.
Les symptômes sont : l'haleine courte, la difBcuUé à teter, la boodie
tenue béante, la respiration bruyante, des songes effrayants, des cris,Hc.
Le mécanisme de la dépression thoracique s'explique facilement, parle
peu de résistance de la cage chondro-costale, qui cède sous la pression li-
mosphérique, lorsque Tair ne pénètre pas largement par ses voies n^
relies. L'indication principale consiste dans l'ablation des amygdales.
Aux rétractions partielles de la poitrine, il faut opposer les saillies «
voussures également localisées. Comme exemple, citons la voussure à
la péricardite, sur laquelle Fr. Sibson (1849) a donné des détails précs:
(( Elle s'étend, dit-il, à la moitié ou aux deux tiers inférieurs dusteniflii.
aux cartilages sterno-costaux gauches, à partir du second, et avec distes-
sion des espaces intercostaux, aux cartilages costaux situés à droite (k
l'extrémité inférieure du sternum, aux côtes gauches, dans le voisinage!
en dehors du mamelon, depuis la cinquième ou la sixième jusqu'à b
septième ou la huitième, enfin au cartilage xiphoïde, à Tépigastre et am
cartilages costaux des septième et huitième côtes. » C'est là la cause b
mieux démontrée des voussures précordiales; après quoi on ue trouve
plus guère, mais avec des limites moins bien définies et un siège plusva*
riable, que les saillies ducs aux anévrysme de la crosse de Taortequi se
portent vers l'extérieur. On signale encore les voussures partielles dues i
la pleurésie enkystée (liouilly, 1876). Enfin, pour ce quiesldel'»- 1
physème vésiculaire du poumon, il faut savoir que les voussures locak 1
sont très-contcstées dans cette maladie : on a dû les confondre plnsd'i*^ I
fois avec les saillies normales dont nous avons parlé plus haut. Eorn* I
lité, dans l'emphysème, on observe plutôt une ampliation générale dfb I
cage thoracique, qui prend une forftie globuleuse très-remarquablft» 1
point que le malade semble affecté d'une gibbosité antérieure di^Jk
gibbosité postérieure. Les autres signes de cette maladie sont daiih*^/',
peu équivoques. 1
Parmi les déformations que révèle l'inspection de la poitrine, nousd^l i.
vous encore mentionner, chez les sujets maigres et déjà en proie à 1*1 i^-,
phthisic, l'écartement des omoplates, qui semblent se détacher des M au
rois thoraciques comme des ailes (Scapulœ alatœ). Cette appareort*'! ^a
pend non-seulement de l'amaigrissement du sujet, mais aussi têiDetfi^| n^^
d'une rétraction déjà très-notable du sommet du cône thoracique. O^N >ii
à ce retrait en lui-même, il est très-réel ; il se manifeste dès les pie*fl 4"
temps de la phthisie pulmonaire, en raison de ce que l'air cessedqi"i it^
pénétrer vers le sommet du poumon. Il en résulte un signe précoce ffl loi
cette maladie, à savoir l'abaissement de l'extrémité externe de la f^ tin
cule et la chute des épaules (Aufrecht-Haenish, 1878). Onsaitqu'àr*! <^'^
POITRINE. — sÉMÉiOLOGiE. 66i
normal rextrémité externe de la clavicule est sur un plan supérieur àTex-
tréraité interne. Lorsque le lobe supérieur du poumon, envahi par les gra-
nulations tuberculeuses, ne se dilate plus autant, rextrémité externe de la
clavicule s'abaisse d'abord au niveau de Tinterne, puis bientôt elle tombe
encore plus bas : d'où les apparences signalées plus haut, et que complète
le fait des omoplates ailées.
En résumé, l'inspection de la poitrine montre, comme faits séméiolo-
giques principaux,, indépendamment de la coloration et des manifesta-
tions cutanées, des déformations consistant en saillies ou en dépressions;
tantôt ces déformations sont totales, tantôt elles sont partielles. Les unes
sont physiologiques, d'autres pathologiques. Chacune d'elles présente
quelque particularité qui la distingue des autres, et l'élève à la hauteur
d'un signe diagnostique. Enfin, on constate certains autres phénomènes
qui ne peuvent se classer parmi les déformations précédentes; tels sont :
l'abaissement das clavicules en dehors, la chute des épaules, les scapulœ
alatœ, et, pour être complet, les tumeurs formées par le poumon hernie,
par un abcès migrateur, par un anévrysme diffus, par l'emphysème cel-
lulaire : mise à part la région mammaire.
Au point de vue dynamique, l'inspection de la poitrine est utile pour
apprécier la fréquence et le rhythme des mouvements respiratoires, les
battements du cœur, le tirage de l'épigastre en cas de dyspnée laryn-
gée, le retrait des côtes par les adhérences costo-diaphragmatiques (Jac-
coud, 1879), etc. L'étude de la plupart de ces symptômes appartient sur-
tout à l'auscultation, qui en rend mieux compte d'ailleurs (Voy, ce mot).
4* Palpation. — L'apposition de la main sur la poitrine éveille cer-
taines sensations qui sont spéciales au toucher^ et qui peuvent se traduire
en signes cliniques. Passons rapidement sur ce qui se rapporte : à la
température de la peau, qui n'est autre, en général, que celle du reste
du corps, (réserves faites pour les recherches de Péter sur les tempéra*
tares locales, 1878) ; à la cre]pi7a/ion d'une fracture de côte, d'une bosse
sanguine, de l'emphysème cellulaire, du poumon hernie ; à la fluctuation
d'un abcès pariétal ; à Vinégale résistance des parties molles et des par-
ties dures, à la détermination d'un fotjer douloureux, etc. ; pour arriver
aux faits qui doivent plus particulièrement nous intéresser.
Du côté de l'appareil respiratoire, on observe par le palper de la paroi
thoracique, chez un individu qui parle, à l'état normal, un léger frémis-
sement vibratoire^ dont les modifications, à l'état pathologique, acquièrent
une certaine valeur séméiologique. Ces vibrations tactiles sont peu
dusceptibles d'augmentation ; cependant par le fait des indurations pulmo-
naires, hépatlsation, tumeurs, etc., cette sensation devient plus vive,
surtout par comparaison, en se reportant au côté sain. Par contre, un
épanchement pleural, qui efface les vésicules pulmonaires et qui par sa
nature est peu apte à vibrer, diminue et supprime, suivant son épaisseur,
toute vibration au toucher. C'est l'un «tes signes les plus utiles pour dis-
tinguer une pneumonie d'une pleurésie dans les cas douteux (Voy, Per-
cussion, p. 555).
662 1»01TRLNK. — séméioi^gie.
L'analvsc de ce phénomène a été portée encore plus loin, et a pennis à
Jaccoud (1879) de reconnaître les épancheinents pleurétiques mullikMMi-
laires, en suivant, pour ainsi dire, et d'après la co&servalion de« l'ihn-
tionsthoraciques, les cloisonnements de la cavité pleurale. On peutsawr«
ainsi, en quels points la tboracentèse doit être pratiquée, et s*il fsHit bitt
une ou plusieurs ponctions.
Le palper fait encore reconnaître le frotlement pleural ^ soit on début
de la pleurésie, soit dans la période de retour de cette maladie; mais
c'est un phénomène qui appartient plutôt à Fauseultation. (Voy. et mol,
p. 142.) De méme^ se révèle au toucher un râle vibrant (Laëimec), k
gargouillement d'une caverne tuberculeuse, les bruits humides et serrés
du catarrhe suffocant, et enfin la fluctuation ihoracique de Thydr»-
pneuino-péricarde, etc. Ces différents signes sont tellement nets par em*
mêmes, ils concordent avec d'autres symptômes si peu équiToqves, qu il
est superflu de nous appesantir à leur propos.
Au niveau de la région précordiale, le palper fait sentir les beittemenU
de cœurj dont il peut apprécier le siège, l'énergie, l'étendue, le rfaythmc.
les altérations pathologiques, etc. Ce genre d'exploration a presque la
même importance que Texamen du pouls ; il comporte autant 4e délaib
et de délicatesse; on aurait bien tort de le négliger. Il n'est pas jusqv'an
bruits anormaux, soufiks rudes, bruits musicaux, qui ne se traduisent
au toucher par la sensation du frémissement cataire, sascq|)tiMe
d'une déteimination aussi précise que les phénomènes auditifs de l'ass-
cultation, sous le rapport du si^e et de l'interprétation clinique. Cepe»-
d^mt il sera toujours nécessaire de chercher en auscultant la confirmation
d'une idée éveillée par la simple et rapide apposition de la main sur la
région du cœur : celle-ci eût-elle des résultats négatifs ; car on sait que les
souilles doux cardiaques, pas plus que le souffle glotti(]ue de la respira-
tiMi, ne se disper;^ent au loin sous lorme de vibrations t«ictil<es. Il ns a
que la voix laryngée, et que les bruits rudes ou musicaux du cœur, qui
donnent naissance à ces frémissements de voisinage. Les bruits produits
au niveau des anëvrysmes thoraciques sont dans le même cas; et le fré-
missement cataire, uni à la pulsation anévrtfsmale, suppose un souffle
rude engendré à Torifice d'entrée de l'anévrysme. Ces phénomènrs liés à
la systole ventriculaire en reproduisent rintermrllence et la périodidié.
Quant à l'anévrysme artérioso-veineux, le susurrus perçu f)ar lorfille cl
le irémissement senli au toucher qui l'accompagne, affectent un autre
rhytlime(roy. Aorte, p. lS9.)Enbn, meaivonnonsV liydro- pneu ffwhpéri-
carde, qui sous la main fait éprouver des mouvements de clapotement,
de remous^ de roue de moulin, bien en rapport avec les bnnts singuliers
que Tauscultalion nous révèle (Voy. ce mot, p. 185).
5° Succussion hippocratique. — Il s'agit ici d'un procédé bien
anciennement connu, puisqu'on voit à qui on peut en reporter l'origine,
et destiné à agiter, par une brusque secousse, des gaa et des liquides
contenus daiis une même cavité tiioracique. Vhydir)'pneumO'thorax
réahse en clinique les conditions matérielles du phénomène. Souvent
€*est le malade lui-même qui s'aperçoit des mouvements et des bruits
résultant des diverses attitudes qu'il prend; mais le médecin prévenu
peut reproduire les mêmes effets, en saisissant le malade par les épaules
ei en le remuant brusquement. On sent à la main et on entend surtout
avec l'oreille appliquée sur la poitrine des glous-glous, des gargouille-
menlSy analogues à ceux qu'on obtient en agitant une carafe à demi-
remplie. 11 se passe quelque chose de semblable dans l'estomac presqu'à
Tétat normal, mais principalement dans la dyspepsie dite flatulente. On
ne confondra pas au lit du malade cette dernière affection avec l'hydro-
pneumo-thorax ; car toutes les circonstances étiologiques, topogra-
pbiques, sont diflcrentes dans les deux cas. Terminons en disant qu'une
caverne spacieuse pourrait exceptionnellement reproduire les conditions
physiques de la fluctuation Uioracique, déterminée elle-même par la
succusston hippocratique. On voit alors la sensation de gargouillement
sous la main atteindre le degré des phénomènes que nous venons de
décrire (Voy. Aisciltation, p. 144).
6* Percussion, — Par la percussion de la poitrine, on obtient la
perception simultanée d'impressions tactiles et auditives, conformément
aux principes que nous avons largement exposés d'autre part (Voy. Per*
cussion; p. 551). C'est une véritable transition de la palpation à Taus-
cnltation ; et les résultats de ce genre d'exploration sont aussi considé-
rables que ceux des deux autres. Nous retavoyons tout naturellement
h r»rtiele indiqué ; et cela d'autant mieux que nous en sommes l'auteur.
Comme fait général se dégageant de cette étude, nous voyons que si,
pour l'abdomen, la percussion unie à la palpation affecte une suprématie
marquée sur l'auscultation, elle lui cède en importance à son tour lors-
qu'il s!agit de l'examen clinique de la poitrine.
7* Auscultation, — L'auscultation est h) méthode par excellence
pour l'exploration de la poitrine ; car c'est là, en effet, que se présentent
surtout les phénomènes sonorrs que l'oreille doit recueillir. C'est pour
la poitrine principalement que Laënnec a créé ce genre d'exau^n qui
immortalisera son nom; et l'instrument qu'il a imaginé à ce propos,
le stéthoscope^ rappelle celle de ses applications qui efface pour ainsi
dire toutes les autres. Insister sur ces détails serait superOu ; et nous
defons plutôt renvoyer le lecteur à l'article Auscumatio> (t. IV, 186«i).
Nous avons par-dessus tout cherché à mettre la question au courant de
kl science, sous le double rapport de l'érudition et des explications
techniques. Nous avons, en outre, introduit une classiPication des phé-
ncmènes propres à l'auscultation, qui en simplifie l'étude, en dispensant
de répétitions fastidieuses et inutiles. Ën&n nous revendiquons le faible
mérite d'avoir sauvé l'école française du reproche de s'être immobilisée
dans.ses premiers succès, en restant étrangère aux progrès que compor-
tait la découverte de Laënnec. Depuis l'année 1865, époque de l'appari"
tien de notre travail, il ne s'est produit aucun fait important, en ce qui
concerne l'auscultation de la poitrine : cœur, vaisseaux et poumons.
Aucune théorie nouvelle, relative à l'origine des bruits Ihoraciques, n'a
664 POITRINE. — séméiologie.
été proposée ; et la séméiologie dans ce sens ne s'est perfectionnée que
par quelques points de détail, trop spéciaux pour que nous y insistions
en ce moment.
Nous voulons, cependant, poser un principe qui réduise à leurs justes
proportions des procédés d*cxploration sur lesquels on parait un peu
trop compter. Que Ton sache donc qu'il ne faut qu'une certaine porûoo
déterminée de parenchyme pulmonaire pour éteindre ou amortir uo
bruit quelconque, local ou transmis. De sorte que Tauscultalion et la
percussion ne donnent jamais de.certitude absolue sur l'clat matériel du
poumon ; et qu'une lésion notable peut exister, sans qu'aucun signe
physique Tait encore révélée. Il est positif que certains troubles fonc-
tionnels sont plus précoces, pour annoncer la phthisie, que les manifes-
tations auditives; lorsque celles-ci apparaissent à leur tour, le mal est
déjà irréparable. Voilà qui atténue quelque peu la valeur pratique des
méthodes dont nous venons de parler.
8"* Mensuration. — L'idée de mesure (jJiiTpovj se présente en séméiolo-
gie thoracique sous plusieurs aspects différents, et comporte toujours
la précision et la comparaison. On peut, d'abord, apprécier les mouTe-
ments du cœur et de la respiration dans leur nombre absolu pendant
l'unité de temps, daus leur étendue et leur intensité, et dans les rap-
ports qu'affectent entre eux les mouvements alternatifs de systole et de
diastole, d'inspiration et d'expiration. Ensuite, il y a lieu dé mesurer
circonférentiellement la poitrine, pour en avoir premièrement le péri-
mètre total, et aussi pour comparer entre elles les deux moitiés dont la
symétrie n'est souvent qu'apparente. On détermine encore, par la per-
cussion, ou par tout autre moyen exact, les dimensions linéaires de>
organes intrathoraciques ; c'est ainsi que l'on obtient le diamètre du
cœur, et qu'on juge de son volume. Les lignes plessimétriques de Piorn
et son plessimètre gradué avaient surtout pour but de créer une organo-
graphie de précision. Enfm, il exisie des procédés qui donnent la capa-
cité pulmonaire, qui mesurent la force de la colonne d'air en circulation,
et montrent les rapports de quantité entre l'air inspiré et l'air expiré.
Pour le cœur, il n'est pas possible d'établir de données manométriques:
mais, par l'étude du pouls, par l'emploi des procédés cardiographiques,
on arrive à des résultats tout aussi exacts que si Ton avait eu recours
à l'exploration directe.
Nous n'insisterons pas ici sur les questions de nombre, de rhylhme,
d'intensité, etc., en ce qui concerne la respiration et la circulation cen-
trale. Ces recherches appartiennent à l'auscultation ; du moins elles ont
été traitées à cette occasion. Nous laisserons également de côté la pies-
simétrie organographique, qui se trouve ex[)Osée à propos de la percus-
sion. Quant à l'emploi des procédés graphiques, qui doivent remplacer
la mensuration directe pour l'appareil central de la circulation, il eu
sera fait mention tout à l'heure. Nous allons donc nous borner à fétude
de la mensuration circonférentielle et diamétrale de la poitrine et de
la spirométrie, qui n'ont pas de description séparée dans ce Dictionnaire.
POITRhNE. — sÉMÉioLOGiE. 665
a. Mensuration circonféreniielle et diamétrale. On peut juger du
volume de la poitrine, soit en mesurant son périmètre à différents
niveaux, soit en déterminant ses diamètres à Taide d'instruments appro-
priés. Les données que Ton obtient ainsi conduisent à plusieurs résul-
tats : tantôt il s*agit de connaître, d'après le développement du thorax,
quelle est la force de la constitution du sujet; tantôt on trouve, dans le
retrait de certaines parties de la poitrine, surtout du sommet, un signe
précoce de plitiiisie pulmonaire; tantôt enfin on compare Tune à Tautre
les deux moitiés de la cage tboracique, qui à Tétat normal sont sensible-
ment symétriques.
Le procédé le plus usuel, pour apprécier le périmètre de la poitrine,
e^t celui du ruban, que Laënnec mettait déjà en pratique, tout en lui
reconnaissant peu d*utilité. On en comprend facilement l'application :
Un cordon métrique est passé tout autour du thorax, suivant un plan
horizontal, à différentes hauteurs, et donne immédiatement la mesure
circonférentielle de la section au niveau de laquelle on opère. Pour
terme de comparaivson, d'un individu à Tautrc, on peut adopter, chez
rhomme, la ligne des mamelons ; ou bien, dans les deux sexes, la ligne
sous-mammaire, ou encore le bord inférieur de Taisselle, qui est le
point le plus élevé qu'on saurait atteindre.
L;emploi le plus direct de jce procédé de mensuration est pour
Texamen des conscrits. D'après une instruction ministérielle du 3 avril
d875, le périmètre tboracique doit atteindre au minimum 0'",784.
Or, sur 400 jeunes gens de la classe 1874, le périmètre moyen
fut trouvé de 0™,857. La taille moyenne étant de 1™,692, avec 1",540
pour mini- mum, le périmètre moyen dépasse donc de O*",!! la demi-
taille moyenne. Cependant ces données n'ont pas para définitives, et
elles sont aujourd'hui infirmées par la pratique (J. Arnould , 1874).
Ce genre de recherches est beaucoup suivi en Allemagne; et nous cite-
rons à ce propos les études de C. Told (1875) sur l'anatomie lopogra-
phique de la poitrine, et sur sa mensuration au point de vue du recru-
tement.
Nous indiquerons ensuite, comme fait d'application de la méthode
du ruban en pathologie, le retrait du sommet de la poitrine dès le début
de la phthisie pulmonaire, qui a pour corrélatif l'abaissement de l'extré-
mité externe de la clavicule, dont il a été question plus haut (Haenish,
i878). On sait qu'à l'état normal la circonférence de la partie supé-
rieure de la poitrine l'emporte sensiblement sur celle de la base ; mais,
par le retrait progressif du sommet du thorax, elle perd peu à peu de
sa prépondérance, et les rapports entre les deux périmètres finissent par
être intervertis.
Le même ruban divisé peut encore convenir dans les épancheinents
pleurétiques, pour en indiquer soit l'accroissement, soit la rétrocession.
Pour cela, après avoir entouré la poitrine avec le ruban, sur un niveau
déterminé, on marque sur le cordon, en avant et en arrière, un point
qui corresponde au milieu apparent de chacune des deux faces : l'apo-
666 POITRINE. — séméiologib.
physe épineuse en arrière et la partie médiane du siernum en a^ant.
Puis, comparant l'une à l'autre les deux pcfiions de rubans séparées
par les traits qu'on y a imprimés, on juge des différences nirconféren-
tielles entre les deux côtés du thorax : on voit la {prédominance du côté
où existe Fépanchement se transformer, après la guérison, en uae rétrac-
tion qui ne s'efface jamais.
Ces mesures sont prises avec plus de précision encore, grâce au
cyrlomèire. Voy. t. X, p. 656.
La détermination du diamètre antéro-postérieur de la poitrine a été
faite à un autre point de vue, et par un procédé différent. Dès 18i8.
Francis Sibson a imaginé un instrument Irès-ingénicnx, le Ckest mefuurtr,
(fig, 42), comme moyen de mensuration tout partieulier. C'est une sorte
de compas d'épaisseur, analogue à Tun de ces instruments cfui servent
à relever les diamètres du basûn, et dont l'une des branches est mobile;
on index et un cadran, fixés à cette braïkche, accusent les moindres
changements survenus dans ce diamètre antéropostérieur de la poitrine.
Voici maintenant à quels résultats pratiques conduit ce mode de mensu-
ration. En somme, il ne peut constater que l'écart entre le temps d'ins-
piration et le temps d'expiration ; et, de tous les faits observés, Walshe
<légagc la loi suivante : a Quand l'amplitude du jeu respiratoire n*atteint
pas O'^fO^S, l'existence d'une maladie gênant la respiration est très-pro-
bable ; et, lorsque l'amplitude obtenue égale ou dépasse celle qui convieat
à la santé, si les deux côtés ne se la partagent pas par parties égales,
c'est qu'il existe une maladie qui entrave l'action respiratoire d*ua coté
et l'exagère de l'autre, » (Walshe, traduit par Fonssagrives, page 32.)
D'autres procédés de mensuration périmétrique ont encore été
employés; mais, en raison des mouvements qu'ils doivent en roèiue
temps recueillir, ils se rattachent plutôt à la méthode graphique, qui
nous occupera par la suite. Citons, par exemple, le three plane slelho-
meter d'Arthur Ransome, le stéthographe de Gibbon, etc.
b. Spiromélrie. — La mesure extérieure du thorax, tout en se recom-
mandant par la facilité de son application, ne saurait avoir la précision
des moyens manométriques, qui permettent de déterminer directement
la quantité d'aitr mise en mouvement par la respiration, la force avec
laquelle se ment la colonne fluide, et jusqu'aux rapports existant entre
les deux temps de l'inspiration et de l'expiration. Ces nouvelles recher-
ches constituent la spirométrie , dont la mise en œuvre est de date
récente.
Les premiers travaux sur ee sujet sont dus à Herbst (de Gœttingue),.^
remontent à l'année 1828. Cet observateur prétendait déterminer la capa-
cité des pou nous dans l'état de santé et de maladie, en se servant, à cet
effet, du pneumonomètre de Kentish. L'instrument était des plus skn-
ples, et consistait en une cloche de verre graduée, renversée sur l'eau;
une embouchure tubulée et munie d'un robinet permettait l'entrée et la
sortie des gaz à mesui^er. Lorsqu'on voulait apprécier la quantité d'air
prise à chaque inspiration, on notait à quelle hauteur Teau s'était élevée
POITRINE. — SÉIIÉI0I.0S1E.
6M
kù
■ ' i'âVJSiàm-é
Fi6. 41 et 4%. — Chest-Measurer de Sibaoa.
Cei iiKtruiBanl est deàliaé k apprécier retendue des mouvemeuti aatéro-po&tëriears de la poitrine.
Il se compose d'une li^e (graduée ronde B (fig. 41; divisée en pouces et en dixièmes de pouce. A Textré-
mfté mférieufe de cette tige est articulée, pouvant s'ouvrir jusqu'à Tangle droit, une plsMjue de laiton
recouverte de !K)i& A. Sur celle lige graduée se meut & frottement un curseur C qui peut aussi tourner
autour d'elle. Ce curseur est muni d'une branche horizontale CU pouvant s'allonf^er ou se raccourcir, à
ratrésaité de latiMcdle est nn cadran graihié à aiguille que eommande une erématUère verticale û.
1 l'état de repo» de ritistrumcnt, l'aiguille est au zéro du cadran et la crémaillère abaii>s^-e jusqu'à
son dernier cran an-dessous du centre du cadran, position dans laquelle efle est maînteone pur un res*
soct très-doux. Un tour coni|/let da cadran currc»i»ond à un pouce (0*0253^) de mouvement exécuté par
la poitrine. Chaque divifrion c>t d'un centième de pouce (0" 00025).
Ou applique cet iu&truiMene sur le malade dan» le cfêcubilus horizouCal et dépouille de tous vêtements
(ê^ 42V: ofi glisse sous son dos U plaque de lailou ; on ordonne une expiration forcée ou naturelle. A
la fin de cette expiration, on abaisse le curseur jusqu'au contact de l'extrémité inférieure de la crénail-
lèiuavee la peau dn malude et de lelL* façûn que l'aiguille ne dévie pus du aéru. Ou ordonne ITinspisa-
tîon et on lit suc le cadran le degré le plus élevé qu'y uucint l'aitiuilie. Ce degré indique l'amplitude
du mouvement. (Sibson, Médico-chirurgical, Trant action», vol. XXXI, p. 51 et 52.
668 POITRINE. — séméiolo€ik.
dans la cloche, à la suite d'une inspiration pratiquée au travers de la
tubulure; et, dans le cas contraire, on faisait d'abord monter Teau dans
la cloche jusqu'à un certain niveau , et l'on voyait de combien de divi-
sions elle s'abaissait pendant l'expiration poussée dans rintérieur de
ladite cloche. Voici quelques résultats obtenus à l'aide de cet ap-
pareil.
l"" La quantité d'air inspirée et expirée dans la respiration calme et
naturelle, chez un homme adulte de taille ordinaire, est de 20 i 35
pouces cubes; tandis qu'elle s'abaisse à 18 et 16 pouces cubes chez Tin-
vidu de petite taille.
2^ La capacité des poumons chez Thomme sain est nécessairement
variable, suivant certaines circonstances. Elle s'apprécie par la quantité
d'air que les poumons peuvent admettre après une expiration aussi forte
que possible, et par la quantité qu'ils peuvent expulser après une inspi-
i*ation profonde. Cette épreuve donne jusqu'à un certain point la mesure
de la constitution du sujet ; mais il faut tenir compte de sa taille, de
son âge, de son sexe, de ses habitudes, de sa profession, etc. Un vête-
ment serré gène la respiration et diminue considérablement la capacité
des poumons. Les personnes replètes offrent une capacité moindre qu'on
n'en peut juger par l'apparence. La capacité des poumons est beaucoup
plus faible comparativement chez les enfants que chez les adultes. Il en
est de même pour la femme opposée à l'homme. Enfm, chez les animaux,
la capacité pulmonaire est plus grande que chez Thomme, eu égard au
poids du corps.
Quant à l'état maladif, il s'accuse presque toujours par une différence
en moins de la capacité respiratoire, surtout quand c'est le poumon lui-
même qui est affecté. Herbst cite des exemples relatifs à ta phthisie pul-
monaire, à l'angine de poitrine, etc. : mais c'est surtout pour le diagnostic
et le pronostic de la première de ces maladies, que la méthode actuelle
peut rendre des services. Nous la verrons bientôt appliquée sous une
forme plus exacle.
Comme conclusion générale, Herbst admet que la capacité totale des
poumons chez l'homme adulte, de force moyenne, varie entre 220 et 280
pouces cubes; moyenne : 250 pouces cubes, tout en tenant compte des
40 pouces cubes qui restent toujours dans l'arbre aérien, même aprcs la
plus forte expiration (Davy).
Les recherches du docteur John Hulchinson (1846), sur la spirométrie,
sont encore plus importantes, et ont acquis plus de notoriété. 11 dis-
tingue entre la capacité respiratoire et la puissance respiratoire, La
première, qu'il qualifie encore de capacité vitale, donne l'écart depuis
l'expiration la plus profonde jusqu'à l'inspiration la plus complète. Elle
s'apprécie à l'aide d'un simple gazomètre^ dans lequel l'individu en expé-
rience chasse l'air de trois expirations qui ont succédé à trois grandes
inspirations. Quant à la puissance respiratoire, elle se mesure avec un
tube barométrique pourvu d'une planchette graduée. Ce tube baromé-
trique est recourbé de façon à pouvoir s'adapter par sa courte branche à
POITRINE. — SÉMÉI0L06IE. 669
l'une des narines, l'autre demeurant fermée. Il n*y a plus dès lors qu'à
constater de combien de divisions le mercure s'élève ou sabafsse à chacun
des deux mouvements respiratoires. Les observations de J. llutchinson
portent sur 2130 sujets différents par la taille, le poids, Tàge, etc., et
forment des tableaux comparatifs, faciles à consulter. Il note encore Tin-
fluence du type respiratoire, de la profession, de la volonté, etc. Une de
ses conclusions les plus importantes est celle-ci : le volume de la poitrine
et la quantité d'air qu'un homme peut introduire dans ses poumons ne
sont nullement en relation l'un avec l'autre. Il ajoute aussi : la circonfé-
rence de la poitrine n'a non plus aucune relation avec la capacité vitale;
mais elle est en rapport exact avec le poids de Tindividu; elle augmente
de 1 pouce cube pour lU livres.
Dans Tordre pathologique, J. llutchinson admet en principe que toutes
les fois qu'il y a dans le poumon une altération organique, quelle qu'on
soit d'ailleurs la nature, mettant obstacle à la pénétration deTair dans les
yésicules aériennes, il doit y avoir une diminution dans la capacité vitale
ou respiratoire. Les applications les plus larges de la méthode sont pour
la phthisie pulmonaire, dont l'étendue est pour ainsi dire mesurée pas à
pas de cette façon. Voici un exemple : Un géant américain, venu en An-
gleterre en 1842, paraissait alors en plein état de santé; capacité vitale,
434 pouces cubes ; taille, 6 pieds 11 pouces un quart; poids 271 livres;
circonférence de la poitrine, 47 pouces; puissance inspiratoirc, 5 pouces ;
puissance expiratrice, 6,5 pouces. Deux ans après, en 1844, la capacité
vitale était descendue à 390 pouces cubes, et même bientôt après à 340 ;
diminution de 20 pour 100. La puissance respiratoire avait décru de
1 cinquième et son poids de 28 livres. Rien à ce moment n'indiquait
encore de maladie organique chez cet homme. Un an après il succombait
avec tous les signes de la phthisie confirmée; il ne pesait plus que 140
livres; sa taille même avait diminué.
Parmi les travaux parus depuis loi*s sur la spirométrie, nous signale-
rons ceux de Wintrich (1854), de Schneevogt (1854) et de llecht
(1855), qui ont été mentionnés et analysés par Ch. Lasègue (1856), dans
les Archives «générales de médecine. Ils confirment la plupart des résul-
tats acquis, et entre autres conclusions nouvelles, nous citerons les sui-
vantes : « La spirométrie est d'un secours utile pour diagnostiquer les affec-
tions organiques du poumon à leur début, et devrait être employée par les
conseils de révision, les Sociétés d'assurances sur la vie, etc. — Elle découvre
la tuberculisation à une époque où aucun autre procédé de diagnostic ne
la révèle. — Klle assure le diagnostic de la phthisie confirmée, elle sert
à en mesurer l'étendue, la marche, les progrès, l'amélioration. — La spi-
rométrie rend un signalé service quand elle dissipe la crainte d'une tu-
berculisation commençante. » Mais il faut savoir que ces affirmations sont
sujettes à contestation, et Ch. Lasègue et P. Guttmann ont à ce propos
conseillé de faire certaines réserves, dictées par des données contradic-
toires. Dans tous les cas, si l'on voulait mettre à Tépreuve la méthode
présente, il faudrait pour un sujet déterminé, consulter les tableaux dres-
670 POITRINE. — sémêiolocie.
ses par les observateurs que nous avons oonmés, et y chercher les tenues
de comparaison voulus.
La mesure de la pression respiratoire semblerait en dernier lieu cm-
duire à des résultats plus précis, et la pneumatmuèéùrie est devenue
entre les mains de Waldenburg (cité par P. Ottfctmann), un mayen sérien
de diagnostic. L'instrument, mis en usage, est toojeurs plus ou omnos
imité des manomètres, et il fait reconnaître une pression eajnraloùre
positive et une pression inspiratoire positive. La valeur nawnqK
correspondant à une inspiration profonde, chez un komme adulte et Usd
|K)rtant, oscille entre 70 et 100 millimètres; pour uoe expintion pro-
fonde, elle est de 80 à 120 millimètres. Chez la femoae, rinspintM
profonde donne de 50 à 80 millimètres, et Texpiration 40 à 90 milli-
métrés. L'avantage est toujours à l'expiration, et même, dans une respi-
ration calme, elle l'emporte de 5 à 50 millimètres. Il n'y a aucun rapport
entre les résultats de la spirométrie et ceux de la pneumomélrîe ; lc^
valeurs données par celle-ci étant relativement élevées quand la capadlé
pulmonaire est faible, et réciproquement. Les faits pathologiques, coaaU-
tés par Waldenburg et confirmés parEichborst (1875), se résumeat ainsi :
a La pression expiratoire est toujours diminuée dans l'emphysème pul-
monaire, dans le catarrhe chronique des bronches, dans l'asthme bronchi-
que, dans la grossesse, et les tumeurs et les exsudats de la cavité abda-
minale. — Dans la phthisie, il y a insuffisance de l'inspiration au début,
insuffisance de l'expiration plus tard; dans la pneumonie et la pleurésie.
il y a insuffisance à la fois de Tinspiration et de l'expiration » (P. Gutt-
mann).
Nous allons retrouver ce même ordre de recherches conqdélé, et
jusqu'à un certain point perfectionné, par la méthode graphique.
9*" Emploi des procédés graphiques. — Avec ces moyens, dont It-
principe a été emprunté aux sciences physiques, a commencé une ère
nouvelle pour la physiologie et la sémciologie, et la précision en
quelque sorte automatique s'est substituée aux incertitudes et aux appn^
ximations des observateurs. Un sait comment la métliode s'est introduite
dans la médecine, et comment grâce aux efforts de J. Marey elle a pris
une forme pratique, et est devenue accessible à tous. Les travaux de
Marey ont eu un retentissement universel, et nous |>ouvons d'autant mieux
le proclamer que nous en avons fait nous-mêmes une large application
dans nos articles Ausciltation, Circulation!, Cœur. De son coté, le regret-
table Lorain s'est fait le prosélyte ardent de ces études, soit au mot Car-
diographie de ce Dictionnaire, soit dans une publication distincte {1878).
qui a précédé sa mort de très-peu, et qui a été comme le couronnement
d'une carrière brillamment parcourue et trop tôt brisée. Nous ne revien-
drons pas sur la cardiographie, que complétera un article sur le pouls,
et nous nous bornerons aux recherches graphiques £aites en vue de
l'appareil respiratoire.
Les tracés expriment toujours un mouvement; ce sont donc les mouve-
ments de la respiration qu'il y a à enregistrer, soit les mouvenieat5
POITRINE. — sÉMiïOLOGiE. 671
eilérieurs du thorax, soit ceux de la colonne d'air inspiré et expiré. Les
appareils destinés à recueillir le premier genre de mouvements sont de
beaucoup les plus nombreux; ils nous occuperont d'abord.
D'après P. Guttmann, Vierordt et Ludwig se servaient d'un levier coudé,
dont le plus petit bras reposait par son extrémité sur la face abdominale
du diaphragme, tandis que le long bras inscrivait au moyen d'un pinceau
sur un papier en mouvement les excursions du diaphragme. La plupart
des autres instruments enregistreurs des mouvements extrinsèques de la
respiration sont fondés sur le même principe ; tels sont : le phénographe
de Rosenthal, le Btéthographe de (îerhardt, le stéthographe double de
Rîégel, le titrée plane slethometer de Ransome. Le pneumographe de
Marey (1865) ^st tout diflérent; c'est une ceinture qui s'applique au-
tour de la poitrine, et qui est interrompue sur une partie de sa longueur
par un cylindre élastique rempli d'air. Ce cylindre, rigoureusement appli-
qué sur la paroi thoracique, subit différentes déformations en longueur
et en diamètre, sous Tinfluence des mouvements de la cage thoracique.
Pendant l'inspiration, Tair contenu dans le cylindre éprouve une tension
plus forte, par la diminution de capacité de ce réservoir ; le contraire a
Heu durant l'expiration. Ces variations de pression sont transmises par
un tube à l'ampoule de l'appareil enregistreur, et s'inscrivent sur le
papier du polygraphe.
On peut aussi, avons-nous dit, recueillir les oscillations de l'fiir inspiré
et expiré. Marey avait eu déjà l'idée de respirer dans un grand réservoir
de 300 à 400 litres, et de noter à l'aide de la méthode graphique
les variations de pression que déterminent dans cet espace les mouve-
ments alternatifs d'inspiration et d'expiration. Il est assez remarquable
qu'on obtienne dans cette expérience un tracé tout à fait comparable à
celui que donne le cylindre élastique du pneumographe. Nous signalerons
encore un autre appareil imaginé par Marey, et qu'il appelle un tube
branché. Il consiste en un tube assez large, dans lequel on peut respirer
librement ; ce tube porte sur un point un tube beaucoup plus (in qui
aboutit d'autre part au tambour de l'enregistreur. Il résulte de cette dis-
position que, sans que la respiration soit en rien gênée, les moindres
variation de pi*ession peuvent néanmoins se faire sentir dans le tambour
de Tenregislreur et s'inscrire sur le polygraphe. De son côté, Chauveau
a recueilli chez le cheval des tracés respiratoires, en introduisant, à l'aide
d'une incision, dans la trachée de cet animal, l'ampoule du cardiographe
qui se trouvait ainsi soumise aux pressions de l'air en circulation. Enfin,
sur ces données et sur une connaissance approfondie du sphygmographe,
Bergeon et Kaslus (1869) ont établi Vanapnographe, qui semble avoir
une valeur clinique aussi grande, et sur lequel nous allons nous arrêter
un moment, en posant à cette occasion des conclusions qui résumeront
toute cette étude.
L'anapnographe (diva-iuvoY), respiration), dont nous ne prétendons donner
ici qu'une idée générale, consiste essentiellement en une sorte de trachée
artificielle, assez large» et qui porte à l'intérieur une valve mobile autour
672 POITRINE. — séméïologib.
d'un axe horizontal. Cette valve, mise en iDouvement sons Taction da
courant respiratoire, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, Iransmet
ses oscillations à un levier léger qui, d'autre part, va les inscrire, à Tiide
d'une plume, sur un papier qu'un mécanisme d'horlogerie déplace
devant lui. Sans nous appesantir sur les détails de la construction de cet
appareil, nous analyserons le tracé qu'on obtient grâce à lui.
Ce tracé, comme celui du pouls, représente une courbe sinueuse, dont
les éléments se groupent au-dessus et au-dessous d'une ligne neutre,
qu'on qualifie de ligne des zéros. L'anse négative correspond au tempi
d'inspiration, et l'anse positive à celui d'expiration. Dans sa continuité,
la courbe offre une partie ascendante plus ou moins oblique, un platées
assez étendu et légèrement incliné, et enfin une portion descendait,
brusque d'abord, puis plus allongée, et pourvue comme les autres sections
de soubresauts secondaires. Voici maintenant l'interprétation de ces don-
nées graphiques :
1^ La distance horizontale, parcourue sur la ligne des zéros peodant
l'unité de temps, indique la vitesse ou la fréquence de la respiration. En
comparant la longueur de chacun des deux temps respiratoires, on ob-
tient leur valeur proportionnelle, c'est-à-dire le rhythme de la respi-
ration.
2^ La distance verticale^ entre le point le plus élevé de la courbe et le
point le plus inférieur, par rapporta la ligne des zcros, donne la mesure
des puissances inspiratrice et expiratrice^ dans leurs degrés extrêmes.
A cet effet, on dispose l'appareil de sorte que la résistance de la valve soit
augmentée, et que le tracé ne dépasse pas les limites de la bande de
papier. On n'obtient ainsi qu'un rapport, et non pas des chiffres absolus.
l)e plus, ces maxima et ces minima ne correspondent qu'à la respiration
par le nez, qui est, il est vrai, l'état normal; avec la bouche, ils seraient
différents : les excursions étant plus étendues.
3** La surface inscrite dans la courbe est proportionnelle aux volumes
d air déplacés. Cette proposition résulte d'une certaine conformation de
l'instrumept, par laquelle le débit de l'air respiré est uniforme, c'est-i-
dire toujours le même pour le même temps. On sait, par expérience,
que dans les limites de la respiration naturelle seize carrés du papier gra-
phique représentent un demi-litre d'air. L'anapnographe se trouve ^imi
transformé en un véritable spiromètre,
4° Les ondulations secondaires^ apparentes principalement sur Tanse
expiratoire, traduisent Vinfluence des battements du cœur^ qui se fait
sentir sur la colonne d'air en mouvement. On peut voir réciproquement,
sur un tracé sphygmographique assez long, l'action de la respiration par
laquelle la ligne du pouls ondule largement. Ces effets alternatifs sont
plus marqués dans le second cas que dans le premier, et nous les avons
étudiés, d'après Potain, à l'article (Cœlr, t. VIII, p. 299).
Les recherches de Bergeon, faites à l'aide de l'anapnographe, n'ont pa5
encore été étendues dans le domaine de la pathologie; mais les résultats
d'ordre physiologique étant acquis, on peut prévoir dès à présent l'utilité
POITRINE. — séMÉiOLOGiE. 675
de cet instrument pour la clinique ; 'et désormais les questions de fré-
quence et de rhythme pour les mouvements respiratoires, de quantité ei
de /brce pour Tair mis en jeu dans Pacte de la respiration, pourront être
aussi facilement appréciés, au lit des malades, avec ranapnop[raphe, que
les détails relatifs au pouls, grâce au sphygmographe. La démonstration
de ces avantages est à faire, sans doute; mais elle mérite d'être entreprise,
car on manquait d*un instrument de précision, commode et usuel, pour
aborder avec chance de succès le problème si compliqué des maladies de
poitrine ; tandis que maintenant on peut en 6xer les signes matériels
d*une manière frappante et durable, et baser sur eux un diagnostic certain
et un traitement approprié.
10" Signes extrinsèques. — Les affections thoraciques ne se manifes-
tent pas seulement par des signes locaux ou intrinsèques ; mais aussi par
certains autres phénomènes éloignés ou extrinsèques^ sur lesquels nous
allons dire quelques mots.
Pour ce qui est du cœur, on comprend tout de suite comment il ti*a«
duit son état de souffrance par les perturbations du pouls, par le reflux du
sang dans le système veineux (pouls veineux), par des bruits de souffle
vasculairéSy par des congestions viscérales y de V œdème, des épanche-
ments séreux, par le goitre exophthalmique (maladie de Basedow), par
V albuminurie, par la cachexie dite cardiaque, etc.
Un anévrysme de la crosse de Vaorte déterminera, en comprimant le
nerf récurrent, de Vaphonie; la branche ascendante du grand sympa-
thique, la contraction permanente de Vune des pupilles [Voy. Aorte,
p. 769), etc.
Quant aux maladies de Vappareil respiratoire, elles s'annoncent assez
souvent, indépendamment de la dyspnée et des signes propres à Vas-
phyxie, par quelques caractères spéciaux, tels que la rougeur des pom-
mettes (A. Gubler, 1857), les doigts hippocratiques, etc. Parlerons-nous
de Vherpès labialis, qui se montre du quatrième au cinquième jour de
la pneumonie franche, à titre de phénomène critique, et qui, apparais-
sant quelquefois seul, accompagné ou non de fièvre et de point de côté,
fait songer aux cas frustes de cette affection? Est-il nécessaire de men-
tionner les sueurs nocturnes des phthisiques?
Inversement ne voyons-nous pas s'éveiller l'idée d^ certaines affections
thoraciques, alors que le foyer primitif du mal est ailleurs qu'à la poi-
trine? Telle est la signification de la toux gastrique, de la toux vermi-
neuse, de la phthisie secondaire dans l'ulcère simple de l'estomac, à la
suite des tumeurs blanches suppurées, etc. Enfin, n'existe-tril pas un acci-
dent de la plus extrême fréquence, qui se montre comme fait terminal
dans la plupart des maladies auxquelles l'homme succombe? Nous vou-
lons dire le catarrhe suffocant ^ sur lequel nous avons, d'autre part, donné
tous les détails désirables (Voy, t. Y, p. 553).
Nous n'abandonnerons pas ce sujet sans mentionner les rapports qui
peuvent s'établir entre le larynx^et le reste des voies respiratoires et par
là on comprend comment l'emploi du laryngoscope est utile çoui: élv\$:v
«OOT. DICT. MÉD. ET CHIH. V}w^^^^ ^ '^^^
674 POITRINE. — siniiouMaB.
der le diagoostic de certaines afleptions thoraciquei. U niantre« par la
paralysie de Tune ou de Tautre des cordes vocales, a*il y a eompretiion
du nerf récurrent correspondant; ou bien si les lésions du larynx aont de
nature à faire redouter quelque complication du côté du pareodiynie pil*
monaire : c'est ce qui a lieu, en effet, pour certains caa de phthisie lukr-
culeuse, qui débutent par la phthisie laryngée.
m. Rf^O^ SÉM^lOLOGIQIIE ]>ES AFrSGTIQKS DE LA POITRIW. -r^ L^ diffénols
signes d'ordre pathologique que nous venons d'étudier, se groapeot en
plus ou moins grand nombre et de di?ersea manières, pour constitaer Félat
morbide ^es organes tboraciques. Sans prétendre expoatr ici loule la
symptomatologie de cette région compliquée qu'on appelle la poitrine,
nous allons, d'un coup d'œil rapide, parcourir les principaux groupes
symptomatiques fournis par les méthodes dont il a été question plus haït,
et tels qu'ils se manifestent au lit des malades.
Laissant de côté les affections rares qui peuvent atteindre les organei
secondaires contenus dans le thorax, tels que Toesophage, le canal thon-
cique, les vaisseaux et les nerfs, qui ne font, du reste, que le traverser,
nous aurons surtout égard aux deux grands appareils de la circulation et
de la respiratiop.
Le premier de ces appareils comprend lui-^méme le cœur et les gros
vaisseaux qui y aboutissent : d'où une division importante à établir.
Les maladie$ du centre circulatoire ont des' caractères qui leur seot
communs, et d'autres qui les distinguent les unes des autres. Au groupe
des signes communs se rattachent : l'impulsion précordiale, qvi fixe les
idées sur le véritable siège du cœur, cette impulsion étant d'aiikurs aug-
mentée ou diminuée suivant le cas. L'inspection de la région cardiaque
fait voir s'il existe ou non une voussure précordiale. Une matilé à la per
cussion lui correspond, et montre si le volume de l'organe est au-desios
ou au-dessous de l'état normal. L'application de la main permet de sentir
s'il y a ou non du frémissement cataire ; et les rapports de ce frémisse-
ment, quand il se produit, avec la systole ou la diastole, éclairent déjà la
question des lésions d'orifices et de valvules. L'auscultation vient à son
tour donner de la précision à ce premier soupçon, ou bien révèle d'em-
^ blée l'existence des bruits anormaux, leurs maxima, leurs relations avec
tel ou tel temps de la révolution du cœur, leur force, leur prolonge
ment, etc.; mais déjà elle avait indiqué les altérations des bruits normaux,
dans leur netteté, dans leur intensité, dans leur fréquence et dans leur
rhythme. Enfin les signes extrinsèques, exceptionnellement important»
ici, résultent de l'auscultation des vaisseaux, de l'examen du pouls par le
doigt ou avec le sphygmographe. Puis tout cela aboutit à une perturba-
tion complète de la fonction cardiaque, à Vasystolie, groupe des phéno-
mènes ultimes par lesquels s'achèvent les maladies du cœur, en général.
Au milieu de tous ces désordres, il Importe asseï peu de savoir à quelle
lésion d'orifice ou de valvule on a affaire. En dehors de telle ou telle pu^
tieularité acccessoirë, il existe une maladie type du cosur qui lea résaaie
toutes ; et ce qu'il importe avant tout de savoir au point de me Ihénpiih
POITRINE. — 8ém6iologib. 675
tique, et cela d*apn^s Stokes principalement^ c'est l'état de la libi^e muscu-
laire cardiaque, le degré de son épuisement et la nature de son altération.
Parmi les cas spéciaux de Taffection cardiaque, on voit se dégager deux
affections : la péricardite et Tinsuffisance aortique. Elles seules sont assez
caractérisées pour mériter un diagnostic à part, et comportent des indica-
tions particulières. La première se reconnaît à la vaste étendue de la ma-
itté précordiale, à la voussure qui y correspond; en même temps que les
bruits du cœur s'éloignent et s'éteignent. Quant à la seconde, qui entraine
aussi un certain degré de voussure,. elle est suffisamment spécifiée par le
flouf&e diastolique et le double souffle intermittent crural, en rapport
assez naturel avec la qualité du pouls constatée. Mais les détails cliniques
de. ces deux maladies seront mieux à leur place dans les articles où l'on
traite des maladies du cœur, et on devra les y rechercher.
Les affections les plus remarquables des gros vaisseatuc sont les ané-
viyames de l'aorte thoracique. Bornons«nous au tableau symptomatique
de ce genre de lésion : il nous servira de type. On sent dans la poitrine
comme un second cœur (Stokes), c'estrà-dire qu'il y existe un autre centre
d'impulsion que le cœur. A ce niveau, tumeur délimitée par la perçus*
aion, frémissement cataire, souffle systolique; puis voussure par perfora*
lion de la paroi thoracique, précédée ordinairement do phénomènes de
compression sur les organes circonvoisins, acquérant parfois une signi-
fication très^-précise, et éclairant ie diagnostic d'un jour tout nouveau
{Voy. Aorte, p. 757). Puis arrivent les différents cas de rupture, parmi
loMpieb le plus remarquable amène la formation d*un anévrysme arté-
rioMHveineux (Aorte, p. 776). Enfin nous ne serions pas complet si,
aux anévrysmes de l'aorte, nous n'opposions pas ceux du tronc brachio-
céphalique artériel : ce qui constitue un cas de diagnostic très-intéressant
(toc. cit., p. 780).
L'appareil respiratoire se partage en trois départements bien distincts,
ayant leurs maladies propres; à savoir : les bronches, le parenchyme
pulmonaire et la plèvre.
Les affections des bronches se caractérisent par la conservation du
Burmure vésiculaire et de la sonorité thoracique à la percussion, phéno-
mènes négatifs; et, comme phénomènes positifs, par des bruits tout à
fait anormaux, qu'on appelle des râles ^ qui sont secs ou humides, qui
sont gros, moyens ou fins, qui sont confluents ou discrets [Voy, Ausgul-
TATioif, p. 135) ; par de la toux, par une expectoration successivement
mo^euse, muco-purulente, ou bien séreuse, ou bien hémoptotque, etc.;
par une dyspnée modérée, sauf dans ce degré extrême qui constitue le
catarrhe suffocant (Voy. ce mot, p. 554). Ces signes se rapportent sur-
tout à la catégorie si nombreuse des bronchites; ils se compliquent
bientôt de ceux qui annoncent une altération plus avancée des conduits
aériens; tels que la dilatation, l'emphysème vésiculaire, etc. On constate
ahMTS des phénomènes qui sont en rapport avec l'existence, au sein du pou-
iBoni de cavités plus ou moins, spacieuses (cavernes) ; ou avec la perte de
l^élaslîcîié des Inponcbioles et des cellules pulmonaires (am^U%iv(^Tv 4\y
070 POITKINE. — sÉMéioLuGiE.
thorax, expiration prolongée, etc.). L'expectoration se modifie suivant les
circonstances, et la respiration s'aifecte jusqu'à revêtir les apparences de
V asthme.
Pour le parenchyme propre du poumon^ il se présente comme lésion
deux cas principaux : Vengquement et Vinduration.
Vengouementj ou hypérémie pulmonaire, se montre au début du pro-
cessus intlammatoire (pneumonie), autour des noyaux apoplectiques et
néoplastiques, dans la fluxion oadémateuse, et dans Tétat dit hyposta-
tique. Un signe décisif le caractérise, le râle crépitant^ plus ou moins
tin et humide. Au même moment, la percussion ne fournit encore qoe
des résultats négatifs.
UindurcUion s'appelle hépatisation dans la pneumonie; dans les
autres cas, elle est constituée par des néoplasmes variés. Ses caractères
sont : la suppression du bruit normal de la respiration, son remplacemeot
par du souffle tubaire; de même le retentissement habituel de la voix tbo-
racique devient de la bronchophonie ; la percussion donne ordinairemenl
de la raatité, mais avec persistance d'une certaine élasticité sous le doigt;
les vibrations tboraciqucs sont plutôt augmentées. L'expectoration varie :
dans la pneumonie, elle est pathognomoniquc. Exceptionnellement, au
niveau de certains noyaux d'induration placés près de la surface du pou-
mon, et établissant la continuité entre les bronches encore béantes et la
paroi pectorale, on entend les bruits d'auscultation et de percussion
propres aux excavations et même à Tamphorisme (Voy. Auscultatioîï,
p. 125, et Percussion, p. 559 et 564). Les phénomènes extrinsèques sont
trop inconstants pour qu'on puisse les mentionner dans une étude géné-
rale.
Au milieu de ces affections de parenchyme se distingue la tuberculose.
remarquable par les deux phases qu'elle présente dans son évolutiou : se
manifestant par les signes de Tinduralion durant la première, et par ceux
des excavations dans la période suivante. De plus, les troubles de Ten-
semble de l'organisme acquièrent ici leur maximum d'intensité.
Pour la plèvre y il se rencontre deux cas, suivant que le mal aboutit à un
épanchement liquide, ou bien à un épanchement gazeux. Ajoutons i cela
<|ue les deux sortes d'épanchement peuvent se montrer réunis. En dehors
de ces circonstances, où un fluide amène l'écartement des feuillets pleu-
raux, les lésions de la séreuse s'annoncent par un frottement perœptible
au toucher et à Pouïe : tel est le frottement qu'on remarque au début et
à la fin de la pleurc;«ie aiguë, et qui se termine par une adhérence déti-
nitive entre les deux surfaces adjacentes.
L' épanchement liquide a pour caractères : l'extinction progressive du
murmure respiratoire, l'apparition dans l'expiration d^abord d'un bruit
de souffle doux, le retentissement égoplione de la voix thonicique sur
une limite variable, en attendant qu'elle se supprime tout à fait; une
matité décisive sans élasticité à la percussion ; la disparition des vibra-
tions de la voix thoracique ; Pampliation de la cavité pleurale correspon-
dante, l'écartement des espaces intercostaux, l'accroissement du périmètre
POITRINE. — sÉMÉioLociK. 677
de la poitrine à la mensuration ; puis comme signes accessoires : le point
de côté intense, le décubitus latéral, et successivement sur le côté 8;iin
et sur le côté malade. A la période de progrès de raffection succède une
période de retour, marquée par la résorption de Tépanchement, la réap-
pcirition du frottement pleural, et défmitivement la rétraction de tout le
côté alfecté, qui rçste comme une marque indélébile du mal primitif,
et compromet à jamais Tintéf^rité de la fonction. Exceptionnellement
encore apparaissent, dans certains épanchements qui n'ont pas tout à fait
effacé les cavités bronchiques, les souffles pseudo-caverneux et pseudo-
ampborique, et surtout le bruit de pot fêlé (bruit de Skoda), vers les
parties où le poumon est en quelque sorte réfugié.
La distinction entre les divers épanchements liquides, séreux, séro-
purulents, purulents et hémorrhagiques, rentre dans le cadre des traités
spéciaux de pathologie.
Quant aux épanchements gazeux, ils sont habituellement mixtes,
liquides et gazeux, et ont leur type dans V hydropneumothorax par fistule
broncho-pleurale. Ici se font entendre les bruits les plus intenses de
Tauscultation et de la percussion, remarquables surtout par leur timbre
métallique : souflle, voix, toux, râles, bruits du cœur, bruits de déglu-
tition, choc à la percussion, etc., tout retentit amphoriquement, avec un
écho argentin; et le phénomène apparaît plus éclatant encore, si c'est
possible, par la succussion hippocratique^ qui suscite tout un flot de
vibrations sonores, dont la perception au sein de l'organisme semble tou-
jours si singulière.
A la suite de ces affections d'un organe déterminé de la poitrine, il
nous reste à mentionner certains groupes symptomatiques dont le point
de départ et le siège ne sont plus aussi bien définis. Mous citerons parti-
culièrement : la pleurodynie^ Vasthme, Yangine de poitrine, et enfin
les tumeurs du médiaslin.
La pleurodynie parait au premier abord un cas assez distinct, en tant
que douleur de côté et manifestation rhumatismale sur les muscles inter-
costaux. De plus, elle fait souvent partie d'un groupe symptomalique,
assez remarquable par sa physionomie et par sa fréquence : fièvre, pleu-
rodynie ou point de côté, herpès labialis; n'est-ce pas là une petite
maladie de tous les joui^s, qui laisse peu de place à l'inconnu? Cependant,
en allant au fond des choses, on trouverait peut-être un autre sens à cetfe
expression morbide. Sans compter les cas frustes de pneumonie franche qui
afTectent une pareille allure, il faut encore songer à la possibilité de petites
pleurésies partielles, simplement adhésives; à des péricardites également
limitées et fugaces, et même à des endocardites entièrement latentes et
méconnues. C'est ainsi que Cruveilhier rendait compte de ces adhérences
multiples, qu'on rencontre dans mainte autopsie d'individus qui sem-
blaient n'avoir eu aucune pleurésie dans le coui's de leur existence. On
comprend aussi pourquoi n y a si peu de cœurs qui ne présentent pas
à leur surface des plaques laiteuses, comme traces d'anciennes péricar-
dites ; et comment, en un mot, il est si rare d'observer un centre circula-
678 POITRINE. — séméiolooik.
toire tout à fait intact chez rhomme qui a dépassé l'âge mojen de la vie,
et même plus jeune encore. De telle sorte que la pins l^ère affection
a frigore, accusée par du frisson, du malaise, de la conrbature, aree
douleur sous-costale ou préeordiale, et suivie ou non d'une crise appi*
rente, correspondrait toujours à quelque pleurésie ou endo-péricarditê,
si insignifiante qu'on voudra lo supposer, mais d'une réalité indiscutable.
Le pronostic de ces petites indispositions, qui se montrent et disparaissent
si vite, change donc du tout au tout , et engage l'avenir plus qu'on ne le
croit.
Vaslhme est également une de ces affections dont le sens est multiple
(Voy. ce mot). Caractérisé par une dyspnée d'une grande yioleneeel
intermittente, il apparaît aussi bien comme l'expression d'un trouble oir-
diaque qu'à titre de maladie des voies respiratoires. Du reste, au point de
vue pathogénique, il est tantôt primitif et tantôt secondaire, par rapport
à chacune de ces deux grandes fonctions qu'on appelle la respiration et la
circulation. D'une part, la gène à la circulation intra-cardiaque, dans lee
lésions de valvules et d'orifices, provoque le désordre convulsif des mon-
vements respiratoires ; et, d'autre part, la perversion de l'acte de la res-
piration entraine réciproquement des modifications graves dans le fonction-
nement du cœur. De toute façon, ce sont les dérangements de l'appareil
pulmonaire qui dominent dans l'asthme ; ce trouble, simplement physio-
logique d'abord, aboutit en dernier lieu au relâchement et à l'ampliatioo
des conduits de l'air et des vésicules qui les terminent, et s'accompagne
bientôt d'un catarrhe soit sec, soit pituiteux. Sous d'autres noms, c*est la
l'emphysème pulmonaire et la bronchite à râles vibrants ou humides,
suivant le cas ou la période de la maladie. Si le mal s'était plus particu-
lièrement fixé sur le cœur, nous aurions eu Thypertrophie comme pre-
mier terme, et l'asystolie pour aboutissant. Inutile d'ailleurs d'insister
sur la symptomatologie de l'asthme ; il a son histoire particulière à l'en»
droit indiqué.
De même V angine de poitrine n'a point tout d'abord de siège anatomi-
que parfaitement déterminé. Simple trouble fonctionnel au départ, elle
apparaît à l'arrivée comme expression symptomatique des lésions du cen-
tre circulatoire les plus évidentes et les plus graves : dégénérescenoe de
la fibre cardiaque, opacités et indurations valvulaires, dilatations et athé-
romes de l'aorte à son origine, adhérences partielles des deux feuillets dn
péricarde, etc. : tout est possible, sans être inévitable au fond, puisqu'il
y a des angines de poitrine en dehors de toute altération matérielle re-
connue. La révélation clinique de la maladie est tout entière dans le
siège, l'intensité et la nature d'une certaine douleur, dans ses irradiations
définies, dans la dyspnée et l'angoisse qui s'ensuivent, et dans une
brusque terminaison par la mort {Voy. Angine de poitrine).
Les tumeurs du médiastin méritent de nous occuper, moins par elles-
mêmes que par les causes d'erreur qu'elles 'provoquent, en donnant
l'idée de certaines maladies thoraciques qu'elles simulent et qui n'exis-
tent pas. Tantôt,] sous la forme d'adénopathie péri-bronchique, elles dé-
POITRINE. — sâiiioLoeiE. 679
teiininent des phénomènes de compression sur les bronches elles-mém^s,
sur les nerfs qui les avoisinent, sur les gros ti^oncs veineux qui se rendent
au cœur, etc., et font croire à des anéyrysmes de la crosse de Taorte et
de Taorte descendante. Tantôt, i titre d*encéphaIoîde du médiastin an-
térieur, agissant sur la paroi thoracique et lui transmettant les battements
du cœur, elles éveillent l'idée d'affections cardiaques propres et encore
d'anévrysmes aortiques. Les abcès rétro-sternaux rentrent dans le même
cas, et apportent aussi leur contingent de difGcultés. Mais le diagnostic
est à peu près assuré, par cela même que l'attention est fixée sur ce point,
les caractères différentiels étant suffisamment tranchés entre tous ces cas.
Nous ne serions pas complet, si nous ne tenions pas compte d'affec-
tions d'organes extra-thoraciques, qui retentissent secondairement sur les
fonctions intra-thoraciques. Ainsi, les maladies du larynx^ surtout les
occlusions de la glotte, altèrent le murmure vésiculaire jusqu'à le sup«>
primer : l'aphonie ne permettant pas non plus de reconnaitro certains
iNTuits d'auscultation fournis par la voix propagée au travers de la poi*
trine, etc. {Voy. Auscultation, p. 148). Du côté de l'abdomen, nous
Toyons le tympanisme poussé à l'extrême, les épanchements périto^
néaux considérables, les vastes tumeurs émanées du bas^-ventre, etc.,
refouler le diaphragme vers le haut, et troubler l'action du cœur et des
poumons. Le fait le plus constant est une dyspnée, qui est souvent exces-
sive et même parfois mortelle. Le rhythme des mouvements respiratoires
est également influencé ; l'expiration perd peu à peu de sa prédominance,
et il arrive même que dans la péritonite elle devient plus courte que
l'inspiration (Fr. Sibson, 1848). Cette dyspnée abdominale est de nature
a susciter des indications urgentes, lorsque l'on voit, par exemple, chex
les animaux herbivores, le météorisme amener des accidents si fréquents
et si graves. Pour ce qui est de l'homme, il y a lieu, dans le cours de
certaines fièvres typhoïdes, de conjurer un danger du même ordre, et par
le moyen très-simple de la ponction capillaire : nous parlons ici d'après
notre expérience personnelle.
Enfin, et d'une façon bien plus indirecte encore, il existe des maladies
qui provoquent des troubles fâcheux, soit de la circulation, soit de la res-
piration, par la voie nerveuse. C'est ainsi que se produit parfois la syn-
cope^ et que dans d'autres circonstances le rhythme respiratoire se trouvé
entièrement bouleversé : le rapport entre Tinspiration et l'expiration se
renversant de 5 : 1 dans Vhystériey et même de 0 : 1 dans la chorée ;
lorsqu'on sait qu'à l'état normal ce rapport est de 1 : 4, et que dans la
pneumonie il ne s'abaisse pas au-dessous de 1 : 1,25 (W. Walshe, 1870).
Mais, à cette limite, nous touchons aux détails de la pathologie spéciale,
et nous devons nous arrêter là où finissent les généralités de notre sujet.
Nota. — Consultei la bibliographie des articles : AoRfE, AcscDLtATioir/ CardimiupIIie, Gasulit
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À. LUTON.
PaÉhol€>§^ie chipupg^icnile. — Les afleclions chirurgicales des or-
ganes contenus dans la cavité thoracique (poumons, cœur, aorte, œso-
phage) appartiennent à la pathologie spéciale de ces organes ; elles sont
décrites, par suite, dans les articles consacrés à chacun d*eux, à côté des
maladies qui sont du domaine de la pathologie médicale. Il en est de
même de celles qui ont leur siège dans le diaphragme, le sternum, les
côtes et les mamelles. Nous nous bornerons donc ici à envisager les lé-
sions Iraumatiques et les maladies chirurgicales de la poitrine au point
de vue de leurs caractères généraux et des principales variétés cliniques
qpi' elles peuvent offrir, en insistant uniquement sur les détails qui n'ont
pu trouver leur place dans l'étude particulière des organes.
L Lésions traumatiqces. — Ce qui donne aux lésions traumaliques des
parois de la poitrine leur physionomie propre, c'est la nature des organes
qne ces parois abritent. Il en est tellement ainsi que les plaies non péné-
tirantes ne diffèrent des plaies des autres régions que par un petit nombre
de caractères d'une importance restreinte. Le fait seul de la pénétration
entraîne, au contraire, des conséquences dont la moindre présente une
gnTité incontestable. Un épanchement d'air ou de sang dans la cavité
pleurale, dans le péricarde ou dans le médiastin, la blessure, ordinaire- *
ment concomitante, du poumon ou du cœur, la lésion de l'œsophage
ou de l'un des gros troncs vasculaires, constituent des complications tou-
jours sérieuses, quelques-unes promptemenl mortelles. De même, sans
qu'il y ait plaie extérieure, une fracture de côte présentera plus ou moins
de gravité suivant que la plèvre sera ou non déchirée.
Cette distinction fondamentale qui établit une sorte de dualisme entre
les lésions traumatiques de la poitrine, doit toujours être présente à
Tesprit, même lorsqu'il s'agit d'une simple contusion. Le hasard a mis
récemment sous nos yeux un fait exceptionnel qui nous semble traduire
cette distinction d'une manière saisissante. Un soldat du 28** régiment du
train d'artillerie, qui conduisait une prolonge lourdement chargée, dont
le poids dépassait un millier de kilogrammes, ayant voulu serrer le frein,
avait glissé sur le sol, et, dans sa chute, avait eu la poitrine engagée sous
une des roues de l'avant-train. La trace de la roue qui avait pris le tronc
en|ccharpe était indiquée par une traînée rouge qui s'étendait de la partie
latérale gauche du thorax, un peu au-dessous de l'aisselle, à Thypo-
^ .7
68:2 POITRINE. — lisions TiuriiÂTiQURs. coïfTusdON.
chondre droit. A priori, on pouvait admettre, comme TraisemblaUefi,
malgré le peu de gravité de la blessure extérieure, les diverses lé-
sions des organes internes qui ont été signalées dans des cas analogues;
la notion seule de la cause vulnérante était suffisante pour justifier no
pronostic très-grave. Il n'en fut rien néanmoins. Le blessé éprouva, ps&.
dant quelques jours, des douleurs assez vives localisées dans la piim
thoracique, et exaspérées par les mouvements respiratoires. Ces dooleors
s'amendèrent progressivement ; l'ecchymose, qui était trèa-étendoe, se
termina par résolution, et, après une dizaine de jours de traitement, le
malade quittait Thôpital dans un état satisfaisant. La contusion de la piroi
thoracique n'avait pas été pénétrante^ s'il nous est permis d^étendreaioa
l'acception ordinaire de ce mot.
Dans la pratique, le problème qui se pose, en présence d*une blessure
de la poitrine, peut donc se formuler de la manière suivante : étant dooDé
le siège de la blessure, étant supposés connus la nature et le degré de
puissance de l'agent vulnéi*ant, ainsi que la direction suivant laquelle il
a agi, déterminer: 1® les lésions qu'il a produites dans les parties moOes
de la paroi, dans le thorax osseux, dans les organes de la cavité; 8* les
conséquences probables qui peuvent en résulter; 3^ la conduite i tenir.
Lésions des parties molles des régions thoraciques, lésions du thom
osseux, lésions des organes de la cavité, tels sont, en résumé, les Iraii
groupes de faits dont les combinaisons multiples constituent les variétés
cliniques des blessures de la poitrine.
Les nécessités de l'ordre alphabétique ne permettent pas, dans un dic-
tionnaire, d'embrasser tous ces faits dans une description d'ensemble,
comme peut le faire un traité didactique; ils sont, au contraire, par li
force des choses, disséminés dans un grand nombre d'articles spéciaux.
Il nous reste donc uniquement à montrer le lion qui les unit, a en pré-
senter une sorte de tableau synthétique, en prenant comme point de dé-
part les lésions des parties molles des parois, dont la description trouve
ici naturellement sa place, et en y rattachant, à titre de complicatians,
les divers ordres de lésions dont le lectenr trouvera la description séparée
dans les articles suivants: Aorte, t. II; Cœur, t. YIII ; Côtgs, t. IX ;
Diaphragme, t. XI; Emphysème, t. XII; Médiastin, t. XXII; Œsopsagc.
t. XXIV; Péricarde, t. XXVII: Plèvre, t. XXVIll ; Pocmon, Snitiini.
A. Contusion. — Ce terme général s'applique à des lésions très-
variées qui peuvent offrir tous les degrés de gravité, depuis la simple
ecchymose des parties molles jusqu'à la désorganisation profonde et
presque instantanément mortelle des organes thoraciques.
Tantôt, en effet, l'action de la cause vulnérante s'épuise sur les parties
molles extérieures ; tantôt elle produit, en même temps, des fractures el
plus rarement des luxations des pièces osseuses; d'autres fois, en6n,
alors que les parois restent intactes, le cœur, les poumons/ le diaphragme
peuvent être déchirés, rompus, broyés, et la vie s'éteint, soît par la ces-
sation de leur action, soit par suite de la production d'une hémorrfaapîe
interne et d'un vaste épanchement.
POITRINE. — ' LESIONS TRAUMAnQDES. CONTUSIOIT. 685
Les causes si variées qui peuvent produire ces effets ont deux modes
d'action principaux: elles agissent par cAoc ou par compression. Au pre*
mîer de ces deux modes se rattachent les projectiles de tout genre, et,
d'une manière généi^ale, les objets extérieurs animés d'une certaine vitesse,
la propulsion de notre propre corps contre ces objets, les chutes d'un lieu
|dus ou moins élevé, etc. Dans le deuxième se rangent les éboulemcnts de
terrain, le passage d'une roue de voiture, les écrasements au milieu des
foules, le rapprochement de deux wagons, etc. 11 est facile de se rendre
I compte de la puissance d'action de quelques-unes de ces causes et des
conséquences si graves qu'elles produisent. Ce qu'il est moins aisé de
k comprendre, c'est que certaines lésions profondes puissent coïncider avec
l'intégrité, au moins apparente, des parties molles extérieures et des par-
I ties osseuses sous-jacentes. Les faits de ce genre, qui présentent la plus
;| grande analogie avec ce qui se passe parfois du côté de l'abdomen,
r^ avaient frappé les anciens qui, dans l'impossibilité d'en donner une expli*
tf cation satisfaisante, avaient édi6é là-dessus la théorie si connue du vent
n du boulet. On sait que les nécropsies ont mis à néant cette hypothèse
qi spécieuse et que, d'ailleurs, les observations recueillies en dehors de It.
^ chirurgie d'armée ont rendu à tous les faits du même genre leur véritable
^ ioterprétation. La seule explication qu'on puisse en donner repose tout
n entière sur Textréme élasticité de la peau et des parois osseuses du thorax,
gf qjoi se dérobent, pour ainsi dire, en cédant à la pression du corps vul*
«éranl, et la transmettent aux parties profondes.
^ Il existe enfin une dernière catégorie de faits dont l'interprétation
^1 laisse encore plus à désirer ; ce sont ceux dans lesquels on observe une
^ disproportion énorme entre l'énergie de la cause vulnérante et Tinsigni*
^ fiance des lésions produites. Nous en avons cité plus haut un cas remar
^ quable; certains exemples de chutes faites d'une assez grande hauteur,
«fns être suivies d'accidents graves, ont donné lieu à des observations
^ analogues. Dans le cas spécial d'une voiture à quatre roues dont l'une
^ passe impunément, pour ainsi dire, sur la poitrine d'un individu couché
, à terre, il semblerait que, dans certaines conditions (d'égalité du sol
? peut-être), la charge tout entière se répartit sur les trois autres roues,
_; (suffisantes pour maintenir la voiture en équilibre), de façon que la qua-
^ trième roue, soulevée par la résistance du corps qu'elle rencontre, n'agit
I pluasur ce dernier que par son propre poids. A l'appui de cette hypothèse,
nous pourrions invoquer le cas d'un autre blessé, qui avait été renversé
* par un omnibus, et sur le bras duquel une des roues avait passé, en y
J produisant une violente contusion des parties molles sans fracture.
Quoi qu'il en soit, la conclusion qui ressort de ces divers faits, c'est
^ qu'il est impossible, à priori^ d'établir une relation exacte entre l'inten-
iiiéde la cause vulnérante et les lésions produites. La notion de la cause,
^^ quelle qu'elle soit, ne peut fournir que des présomptions; l'observation
^ des symptômes locaux et généraux, la marche ultérieure de la blessure
^ sont, en définitive, les vrais éléments du diagnostic.
^ A l'état simple, la contusion des parties molles du thorax préseutA
684 IHHTIUNE. — LÉsIo^s traumatiques. contustoh.
peu d'inténH. Elle ne se distinf^e de» lésions analo^îues des autres
régions (}uc par un certain degré de gène respiratoire et par unedon-
Icur constante, plus ou moins vive, qu'exaspèrent toujours les mome-
ments du thorax. Cette douleur peut, dans certains cas, rendre le &-
gnostic incertain; elle éveille Tidée, soit d'une lésion interne, 8oitd*iioe
fracture de côte, dont la constatation n'est pas toujours facile, chei la
sujets chargés d'embonpoint, par exemple. L'incertitude n'est pourtari
pas de longue durée ; la douleur qui reconnaît pour cause unique b
contusion s'amende promptement sous l'influence du traitement, oq
parce que le blessé s'habitue peu à peu à immobiliser d'instinct la paroi
thoracique.
/ L'ecchymose, primitivement localisée à la région blessée, s^étead
■ généralement au delà, par suite de la disposition lamelleuse des partio
molles du thorax. Elle se termine ordinairement par résolution; excep-
tionnellement, elle peut être le point de départ d'un phlegmon; mais
presque toujours, dans ce cas, il existe une lésion concomitante de h
paroi osseuse, une périostite ou une ostéite, dont l'évolution se fait avec
lenteur.
Les indications thérapeutiques se résument dans l'emploi des résolih
. tifs, des émoliients et, quelquefois, des antiphlogistiques locaux, mais
/ surtout dans le repos, aidé d'une légère compression et de l'immobili-
' sation du thorax. Un des moyens les plus pratiques d'obtenir cette immo-
' bilisation consiste dans l'application de larges bandelettes de diachylum
assez longues pour faire plusieurs fois le tour de la poitrine, qu'on
enroule autour de la partie contusionnée et qu'on fixe à leur extrémité
terminale par des épingles, comme on le ferait d'une bande ordinaire.
On peut, en outre, soutenir ce pansement par quelques tours de bande
dextrinée ou silicatée. Ce moyen a l'avantage de convenir également
dans le cas où l'on soupçonnerait une fracture de côte simple, dont V
diagnostic n'aurait pu être établi d'une manière certaine.
Lorsqu'il y a une fracture manifeste d'une ou de plusieurs côtes ou
du sternum, la contusion du thorax devient l'élément accessoire, et son
traitement se confond avec celui de la fracture et des complications que
celle-ci peut entraîner. {Voy, Côtes, fractures)^ t. IX, pages 556, et
Sternom).
Il en est de même, à fortiori^ lorsque la nature de la cause trauma-
tique et surtout l'apparition de certains symptômes (emphysème, hémo-
ptysie, collapsus général, dyspnée intense, etc.) font soupçonner l'exis-
tence d'une de ces lésions internes si graves dont nous avons parlé plu<
haut. La contusion des parties molles s'efface alors, d'une manière
absolue, devant la lésion principale; c'est celle-ci qu'il s'agit de recon-
naître d'abord, dans les cas qui ne sont pas promptement mortels; c'e<t
elle également qui devient la source des indications thérapeutiques
(Voy. Cœur, ruptures, t. VIII, p. 542; Diaphragme, déchirures, t. M-
p. 362, et Poumons, pathologie chirurgicale).
y II est néanmoins une remarque à faire à ce sujet. Certains individu.^.
POITRINE. — PLAIES KON PÉNÉTRAUTES. 685
prédisposés à la syncope, peuvent^ dans un cas de simple contusion du^
thorax, sous l'influence du choc reçu et de Témotion, présenter, au
moment même de l'accident, des symptômes (pâleur, petitesse du pouls,
refroidissement, perte de connaissance) susceptibles d'en imposer et dc[
faire croire à Texistence d'une lésion grave. Il sufGt d*étre prévenu de la
possibilité d'une contusion de ce genre pour l'éviter. D'ailleurs, les phé-
nomènes de syncope s'amendent rapidement sous Tinfluence des moyens
communément usités, tandis que les accidents dus aux lésions internes
ifont généralement s*aggravant et se caractérisant de plus en plus.
B. Plaies mon pénétrantes. — Le plus ordinairement, ces plaies ont
un caractère de simplicité qui exclurait presque la pensée d'une des-
cription particulière ; d'autres fois, cependant, elles présentent certaines
complications ou, tout au moins, quelques phénomènes particuliers qui
méritent d'être signalés.
Pour s'en rendre compte, il est utile d'avoir présentes à l'esprit cer- (
laines notions relatives à la constitution anatomique et aux usages des
parois de la poitrine. Ainsi la forme convexe des surfaces explique la )
facilité avec laquelle les corps vulnérants, dirigés obliquement, glissent
dans l'épaisseur des parois ; de là résultent des plaies d'une gravité rela-
tive moindre, qui gagnent en surface ce qu'elles perdent en profondeur.
La disposition lamelleuse des couches molles permet la diffusion du sang
épanché et des produits de l'inflammation. La situation superficielle du
squelette sur une assez grande étendue rend compte de la fréquence des
liions osseuses concomitantes. La mobilité des parois, enfln, indépen-
damment du retard qu'elle apporte souvent à la marche de la cicatrisa-
tion, peut être la source de quelques complications susceptibles
d'embarrasser le diagnostic (douleurs exagérées, défaut du parallélisme
des diverses couches, emphysème, etc.);
Les plaies cutanées ressemblent le plus souvent à celles des autres
régions et ne méritent pas de mention particulière.
Quand la solution de continuité, tout en restant superficielle, atteint
en même temps une certaine épaisseur des muscles si puissants qui
s'attachent au membre supérieur, il en résulte un écartement notable de
ses bords, la difficulté de maintenir une réunion convenable, l'éventualité
d'une suppuration prolongée et d'une cicatrice adhérente qui peut devenir
une cause de gêne dans les mouvements.
Lorsqu'un instrument piquant ou un projectile aiTondi frappe oblique-
ment la paroi, il glisse fréquemment soit sous la peau, soit sous les
muscles, et produit une plaie dite en selon, dont les ouvertures d'entrée
et de sortie peuvent être séparées par un intervalle considérable. Ces
sortes de plaies n'ont pas de disposition à se réunir par première inten-
tion; ici la suppuration est la règle et la cicatrisation s'opère généralement
avec une extrême lenteur.
Les plaies par instruments piquants, même celles qui s'accompagnent
d'un écoulement de sang médiocre, donnent souvent lieu, par suite de la
mobilité des parois et du défaut de parallélisme consécutif, ù un thrombus
686 POITRINE. ~ puibs «on péniruims.
que facilite la disposition lamelleuse des parties raoUes. Dmt kl ai
ordinaires, l'épanchement sanguin se résorbe peu à peu; aui», dm
certaines conditions défavorables, il peut être le point de départ d*iMi
phlegmon simple ou diffus qui exige une prompte interventiou cUrar»
gicale.
L'inflammation phlegmoneuse est encore plus à craindre quiad i
s'agit de plaies contuses et surtout de plaies par armes à feu. Si l'on ne
se bâte d'en limiter la propagsition par les moyens qne noue undiqinraM
plus loin, il en résulte des fusées purulentes et des décoUemeala éieoèu
qui constituent des accidents sérieux.
Les phénomènes que nous venons de signaler représentent les conpih
cations consécutives qui peuvent entraver la marche régulière de la pfase
la plus simple en apparence. Il est, en outre, des compHcatious pn^
mitives qui peuvent, ainsi que leur nom l'indique, être observées dès k
début.
Nous ne mentionnerons que pour mémoire la douleur, dont il a étédéji
question ; car elle est un accident commun à la plupart des lésions tiaa-
matiques du thorax, et n'a pas, en conséquence, à moins de présenta* ane
intensité excessive, la valeur diagnostique qu'on serait tenté de lui atUi*
huer relativement à la profondeur de la lésion.
1*" L'emphysème a été signalé par la plupart des auteurs qui, dèpou
J.-L. Petit, l'attribuent à l'infillration de l'air extérieur aspiré, en quelque
sorte, par les bords de la plaie dans les mouvements qu'exécute la
thorax. Quelques-uns, cependant, ont nié la possibilité de sa prododioa
dans les plaies non pénétrantes, et paraissent admettre plus volontiers,
dans ces cas, une erreur de diagnostic. Il est évident que l'emphysème ne
se^ produit ordinairement pas dans les plaies non pénétrantes largemsat
ouvertes ; mais l'explication de J.-L. Petit est parfaitement satisfaisante,
lorsque l'ouverture est étroite, soit primitivement, soit par le fait du
gonflement inflammatoire, et que le trajet est oblique ou sinueux. A chaque
inspiration, les muscles superficiels s'écartent des côtes, et il en résulte
une sorte de vide qui attire l'air extérieur si l'ouverture est restée béante.
L'expiration qui suit tend à l'expulser; mais si l'étroitc^sse de la plaie,
Tobliquitc du trajet et le défaut de parallélisme s'opposent à la sortie de Tiir,
celui-ci s'infiltre de proche en proche dans le tissu conjonctif, si facile-
ment perméable aux liquides et aux gaz, qui remplit les espaces intennus*
culaires. Il suffit, d'ailleurs, pour en arrêter h propagation, d'exercer
une certaine compression aux environs de la plaie, ou même de fermer
celle-ci. L'emphysème n'en constitue pas moins une complication sérieuse,
moins par lui-même, car il est généralement dénué de gravité, que par
les doutes qu'il inspire au sujet de la non-pénétration de la plaie.
2** Lhémorrhagie atteint rarement des proportions inquiétantes, sauf
dans les plaies qui avoisinent l'aisselle. Il faut distinguer, d'ailleiir?,
entre la cavité proprement dite et les régions environnantes ; car, bien que
les vaisseaux axillaires et les troncs d'origine de quelques-unes des
branches qui en émanent soient en rapport avec les premiers espao»
POITRINE. — pLAies non péMÉnAiiTEs. 687
intercostaux, leurs lésions font partie de la pathologie chirurgicale de
Kaiiaelle el ne sauraient rentrer dans notre cadre. Quelques rameaux des
branches thoraciques et scapulaires peuvent seuls être considérés comme
appartenant aux parois de la poitrine. Or, dans le voisinage de l'aisselle,
plusieurs de ces rameaux ont encore un calibre assez important. Il faut y
ajouter le tronc lui-même de l'artère thoracique longue ou mammaire
externe, qui appartient à la région latérale, et qui serait susceptible do
fournir une bémorrhagie sérieuse.
Eb dehors de la perte sanguine, les lésions de ce genre prédisposent,
pour les motifs déjà signalés, aux anévrysmes diffus et à toutes leurs
oanaéquences.
Quant aux artères intercostales, on conçoit théoriquement qu'elles
puissent être lésées, dans la région dorsale, par exemple, sans ouverture
de la cavité pleurale. Mais, comme elles sont immédiatement adjacentes
à la plèvre et qu'en outre, dans la plus grande partie de leur trajet^ elles
ne peuvent guère être atteintes sans qu'il y ait fracture do la côte qui les
protège, ce qui entraine presque fatalement la déchirure de la séreuse,
leur lésion se rattache plus naturellement à l'étude des plaies péné-
trantes.
3*^ Des lésions osseuses diverses peuvent encore compliquer les plaies
non pénétrantes. Ainsi, le sternum, les cartilages costaux, les côtes peu-
vent être atteints soit dans leurs parties superficielles, soit dans toute leur
épaisseur. De là des ostéites et des périostifes qui sont une des causes les
plus fréquentes des abcès des parois thoraciques et des fistules qui leur
succèdent. La plaie peut s'ulcérer et devenir fîstuleuse, même sans qu'il
y ait eu abcès. Toutes ces inflammations osseuses ont une évolution très-
lente; les plaies qui intéressent les cartilages, moins graves en apparence
que les plaies compliquées de lésion osseuse, mettent généralement plus
de temps encore à se cicatriser. Enfin les conditions s'aggravent naturel-
lement quand il existe une fracture ; mais celle-ci, dans le cas de plaie
extérieure, est rarement simple et s'accompagne, le plus ordinairement,
d'ouverture de la cavité pleurale. Quant aux fractures du sternum, nous
verrons plus loin qu'elles sont fréquemment le point de départ d'un
abeès du médiastin.
4* H n'est pas rare de voir les plaies non pénétrantes compliquées de
la présence de oorps étrangers, tels que : aiguilles implantées ou perdues
dans les chairs, pointes d'instruments piquants qui se sont brisés contre
lee 08, projectiles ayant contourné une partie de la paroi ou enclavés soit
dans le sternum, soit entre deux côtes, débris de vêtements repoussés
par ces derniers, sans compter, enfin, les esquilles osseuses qui jouent le
rôle de véritables corps étrangers. Ils sont, comme dans toute autre ré-
gion, plus ou moins mal tolérés, suivant leur nature et leur forme, par
les tissus où ils se sont arrêtés ; les indications que leur présence en-
traîne sont les mêmes que partout ailleurs ; nous n'aurions donc* rien de
particulier à ajouter ici si nous n'avions à signaler une fois de plus le
long trajet que des projectiles arrondis peuvent suivre, en contournant
688 POITRINE. — plaibs non pÉNéTiuiiTBS.
les parois, et les difficultés qui en résultent soit pour les recherches , soit
pour l'extraction, surtout dans les cas où le corps étranger vient se loger
entre Tomoplate et la paroi thoracique.
5*" Enfin, pour rendre aussi complet que possible cet exposé flommaire
des diverses variétés que peuvent présenter les plaies non pénétrantes de
la poitrine, nous mentionnerons, pour mémoire, les lésions d*organes
internes. Il est évident, en effet, qu'une plaie contuse pourra, sans ait
pénétrante, oifrir à ce point de vue les caractères de simplicité oa de
complication que nous avons signalés à l'occasion des contusions di
thorax.
Le diagnostic, le pronostic, les indications et le traitement des
non pénétrantes découlent, en grande partie, des considérations que
venons d'exposer. La première question qui se pose estévidemment celle-ci:
La plaie est-elle pénétrante ou non? Comme nous aurons à étudier plos
loin les caractères plus ou moins nets, plus ou moins obscurs, suivant
les cas, de la pénétration, nous supposerons, pour le moment, la question
résolue dans le sens négatif. Faisons remarquer, d'ailleurs, que dans les
cas où il y a doute, ce point spécial n'a pas une importance pratique con-
sidérable, puisqu'il est généralement prescrit d'agir comme si la plaie
était pénétrante.
Ce qu'il est plus intéressant d'établir, après cette première constati-
tion sommaire, c'est l'état de simplicité ou de complication de la pUif.
L'arrêt de l'hémorrbagie, la recherche et l'extraction des corps étrangen
fournissent, comme dans toute lésion ti'aumatique, les indications les
plus urgentes.
Le sang |)eut s'écouler à l'extérieur ou s'épancher entre les couches
musculaires, soit d'emblée, soit à la suite d'une compression provisoire
qui a obturé l'ouverture de la plaie. Lorsque le siège de la blessure, la
quantité de sang qui s'écoule ou le peu de volume de Tépanchement et
la lenteur avec laquelle il s'est produit, permettent de croire que le vais-
seau lésé est peu considérable, on peut se borner à établir une compres-
sion sur la plaie. Dans le cas contraire, il faut lier les deux bouts du
vaisseau, après avoir élargi et débridé la plaie, s'il est nécessaire.
La situation devient plus grave lorsque la blessure siège au voisinage
de l'aisselle. D'une part, les hémorrhagies y sont plus abondantes, et d'autre
part, la recherche et la ligature du vaisseau lésé y présentent de sérieuses
difficultés. Pour obvier au danger immédiat que court le blessé, on est
souvent réduit à suspendre le cours du sang par la compression de la
sous-clavière sur la première côte, en arrière de la clavicule, et à limiter
par la compression exercée en même temps aux environs de la plaie,
sans pouvoir Tempêcher totalement, la formation d'un anévi*ysme diffus,
dont les conséquences, toujoui*s graves, se développeront ultérieurement.
La recherche et l'extraction des corps étrangers rencontrent souvent
aussi de «sérieuses difficultés. Les cas sont trop variés pour qu*on puisse
songer à poser des rèf^'Ies de conduite précises ; tout au plus est-il possible
d'en signaler un certain nombre à titre d'exemples.
POITRINE. — PLAIES no:î péivëtrantes. 689
Ainsi, il est un genre d'accident qui se produit assez Tréquemment,
surtout chez les femmes et les enfants ; c'est l'implantation d'une aiguille
à coudre dans la paroi thoracique. Dans les premiers moments qui suivent
la blessure, le corps étranger, môme lorsqu'il a totalement disparu,
fait sous les téguments une saillie suffisante pour que l'extraction pui^^se
en être opérée sans trop de difficulté ; mais lorsqu'il s'est écoulé un
certain temps, ce qui est le cas ordinaire, et surtout lorsqu'on s'est déjà
livré il des tentatives infructueuses, il n'en est plus ainsi. L'aiguille, dans
ce cas, a subi le plus souvent un mouvement de bascule et s'est perdue
dans Tépaisscur des parties molles. L'exploration la plus minutieuse ne
fournit alors que des présomptions incertaines sur sa situation exacte, et
si on veut l'extraire, on est conduit à pratiquer une véritable dissection
des tissus qui exige l'emploi du chloroforme. Le plus souvent, en pa-
reille circonstance, l'abstention est imposée au chirurgien ; elle ne pré-
sente pas, généralement, d'inconvénients sérieux. Tantôt le corps étranger
est toléré indéfiniment par les tissus où il subit une sorte d'enkystement ;
tantôt il se déplace peu à peu et, après avoir suivi un de ces longs trajets
dont on a signalé des exemples bizarres, il finit, au bout d'un temps va-
riable, par soulever la peau dans une région plus ou moins éloignée.
Les pointes d'instruments piquants qui se sont brisés dans un os de la
paroi thoraciqtie n'offrent généralement pas de prise à l'extérieur. Lors-
qu'il s'agit da sternum, où la trépanation est facile à pratiquer et n'offre
pas plus d'inconvénient que le séjour prolongé du corps étranger lui-
même, on conseille généralement d'enlever ce dernier avec la virole
osseuse dans laquelle il est implanté On peut hésiter, au contraire,
quand il s'agit d'une côte, et il est peut-être préférable, d'attendre, en
maintenant la plaie ouverte, que le corps ait été mobilisé par suite de
Tostéite que provoque sa |)résence. ..
Ce sont surtout les plaies par armes à feu qui sont compliquées de la
présence de corps étrangers. Il faut donc ici se livrer à une exploration
d'autant plus minutieuse que le trajet parcouru par le projectile ou par
les autres corps qu'il a entraînés est souvent très étendu. Dans ce cas,
il n'existe ordinairement qu'une seule plaie, et il est nécessaire de pra-
tiquer une contre-ouverture sur le point où la palpation, combinée
avec l'exploration par la plaie, révèle la présence du corps étranger.
Un fait spécial à la région thoracique, c'est l'enclavement possible
d'une balle entre deux côtes. Pour en pratiquer l'extraction, il faut
choisir le moment d'une forte inspiration qui agrandit l'espace intercos-
tal. On se sert d'un élévatoire ou de l'extrémité forte d'une spatule qu'on
introduit avec précaution en arrière du projectile de manière à ne pas
s'exposer à léser la plèvre. Quelquefois les projectiles sont perdus dans
Ice muscles du dos, ou sous l'omoplate^ ou enfin dans la profondeur de
l'aisselle. Dans ces divers cas, les recherches et les manœuvres d'extrac-
tion deviennent encore plus laborieuses, et, lorsqu'il s'agit de l'aisselle,
on doit redoubler de prudence, afin de ménager les organes si importants
de cette région. Deux faits relatés par Legouest, à titre exceptionnel^ il
ffonv. DicT. M<D. rr chir. 'VkWW — WV
690 POITRINE. — PLAIES PÉMÉTRAlfTES.
est vrai, montrent bien avec quelle facilité des corps d'un médiocre volume
peuvent se loger dans ces parties : dans Tun, il s'agit d'un fra;^nient de
Lombe pesant 2 kilog, 700, qui s'était fixé entre la colonne vertébrale
et l'omoplate ; dans l'autre, un petit boulet, qui avait pénétré au-dessous
de la clavicule, s^était logé tout entier dans la profondeur de l'aisselie
(Legouest, Chirurgie d^arméeip. 225.)
Lorsque la plaie est primitivement simple ou que les complicatioos
ont été écartées, il faut procéder au pansement. Le précepte qui domine
ici, c'est l'occlusion de la plaie; seuls, les modes d'application varient
suivant les cas.
Dans les plaies par instruments piquants^ un morceau de baudruche
collodionnée est suffisant.
Dans les plaies par instruments tranchants, les bords doivent être
affrontés au contact, soit au moyen des agglutinatifs, soit par les diver«
procédés de suture sèche ou sanglante. On a reproché à la suture de
produire des tiraillements pénibles par suite des mouvements incessants
du thorax. On peut obvier à cet inconvénient en immobilisant le thorax
à l'aide d'un bandage compressif qui est, en même temps, le meilleur
moyen de combattre la douleur.
La suture est encore plus indiquée quand on a alTaire à une [daie à
lambeau ou quand la solution de continuité intéresse des libres muscu-
laires; elle doit être profonde, dans ce dernier cas, et affronter les por-
tions de muscle divisées.
Dans les plaies très-contuses où la réunion par première intention doit
fatalement échouer, les bords doivent être, non pas amenés au contact,
mais rapprochés. On exerce, en même temps, une légère compression
dans les environs de la plaie pour en réduire Tétendue et empêcher la
pénétration de Tair. Un pansement simple exactement appliqué complète
i'occlusion, surtout dans le cas ou Von ne serait pas entièrement fixé sur
le fait de la non-pénétration.
Lorsque la plaie suppure, s'ulcère ou devient fistuleuse, ou qu'il se
forme un abcès, la lésion première n'a plus alors qu'une valeur étiolo-
gique, et l'on a affaire à une de ces affections chirurgicales des parois
thoraciqucs dont il sera question plus loin.
C. Plaies pénétrantes. — Une plaie de poitrine csipénélranle lorsqu'elle
intéresse toute l'épaisseur d'un |)oint quelconque des parois thoraciquos.
et qu'elle établit une communication accidentelle entre l'extérieur et la
cavité. A peine est-il besoin d'ajouter qu'on a renoncé à faire de l'ouver-
ture de la cavité pleurale la condition essentielle de la pénétration, et à
considérer comme plaie non pénétrante celle que ferait, par exemple,
une épée qui, perforant un espace intercostal le long du sternum, tra-
verserait toute laprolondeur du médiastin jusqu'à la colonne vertébrale. Ce
p'i est vrai, c'est que l'ouverture de la cavité pleurale est à la fois le fait
le plus fréquent et une source de complications sérieuses dans les plaies
pénétrantes de la poitrine ; mais, d'autre part, les plaies du médiastin
présentent très-souvent une gravité qui ne le cède en rien aux accidents
POITRINK. PLAIES PÉNÉTRANTES. DIAG>OSTIC. 691
dont la perforation de la plèvre est le point de départ.
Ainsiy d*une manière générale, le fait seul de la pénétration constitue,
pour les plaies de poitrine, une condition essentiellement aggravante, et
bien qu'on ait pu observer quelques rares exemples de plaies pénétrantes
simples, l'existence d'une ou de plusieurs complications forme la règle.
Dans l'exposé qui va suivre nous nous occuperons donc successive .
ment : V du diagnostic de la pénétration, 2^ des caractères et du traite- 1
ment des plaies pénétrantes simples,
3^ des complications.
Diagnostic. — Il est des cas dans lesquels le fait de la pénétration est i
évident : ce sont ceux dans lesquels il existe une plaie large, directe, que
l'œil et le doigt peuvent explorer, ou bien ceux dans lesquels on constate
à chaque mouvement respiratoire l'entrée et l'issue alternatives de l'air
qui s'accompagnent même Tréquemment d'un sifflement caractéristique.
Il en est d'autres dans lesquels la pénétration est probable sans être
absolument certaine : c'est lorsque, avec une plaie étroite et sinueuse,
où les caractères précédents font défaut, on observe une dyspnée exces-
sive, de l'emphysème sous-cutané, de l'hémoptysie, une hémorrhagic
extérieure abondante ou les signes rationnels d'une hémorrhagie interne.
Il en est d'autres enfm où le fait est absolument douteux, c'est lorsque
la plupart des accidents précédents manquent ou présentent une très- )
fail)le intensité.
C'est pour ces derniers cas que les anciens chirurgiens, attachant une
importance exagérée à établir un diagnostic précis, avaient proposé divers ^
moyens d'exploration : ainsi, ils inti^oduisaient des sondes dans le trajet /
delà plaie, ils pratiquaient des injections d'eau, ou bien encore, fermant '
la bouche et le nez du blessé, ils l'engageaient à faire une forte expiration, >
afin de voir si une certaine quantité d'air était expulsée au dehors.
Ona renoncé, d'une manière générale, à toutes ces pratiques qui n'étaient
pas sans danger, et l'exploration directe de la blessure est réservée pour |
les cas où il s'agit d'aller à la recherche d'un corps étranger. Sauf cette
circonstance, on cherche les éléments du diagnostic dans la relation des
circonstances au milieu desquelles la blessure s'est produite, dans l'exa-
men du corps vulnérant, s*il y a lieu, du siège et de la direction de la
plaie, et surtout dans l'interprétation des signes extérieurs ou rationnels
susceptibles d'être rapportés à telle ou telle complication prévue. Enlin
lorsque, malgré tout, le doute subsiste, on se conduit comme si la plaie
était pénétrante.
Plaies pénélranles simples, — Les exemples de ce genre de plaies
sont excessivement rares, et il est facile de le comprendre en réfléchis-
sant aux rapports intimes de la face interne des parois thoraciques avec
les organes contenus dans la cavité. 11 existe, néanmoins, au niveau du
médiastin, dans l'espace compris entre les deuv sacs pleuraux antérieurs,
derrière le sternum, une couche de tissu conjonctif d'épaisseur variable
(}ui sépare cet os des organes sous-jacents. On peut donc admettre, à la
rigueur, que la cause vulnéraute épuise son action sur le sternum, le
592 POITRINE. — PLAIES pénétrantes. bUCKOSTtC.
fracture dans toute son épaisseur, et respecte les parties situées en
'arrière. Si Taccident ne s^accompagne pas d*liéinorrhagie, s'il ne se fait
pas un épanchcment sanguin dans le tissu conjonctif rétro-sternal, la
plaie pourra être dite simple ; elle aura la plus grande analogie avec les
opérations de trépanation du sternum. Et néanmoins la simplicité n*est
ici qu'apparente; les accidents ne sont pas immédiats, il est vrai, mais
rinQummation consécutive du tissu conjonctif est imminente, et le blessé
est expose à tous les dangers qu'entraînent les suppurations du médiasUn.
C'est la marche qu'ont suivie, d'ailleurs, les faits de ce genre qui ont été
signalés.
Il est encore plus difficile de concevoir qu'un corps vulnérant puisse
perforer le feuillet pariétal de la plèvre sans atteindre, soit le poumon
dont il n'est séparé que par un intervalle virtuel, soit le diaphragme qui
lui est également accolé au niveau du sinus costo-diaphragmatique. La
thoracentèse représente le type d'une plaie pénétrante simple de la cavité
pleurale ; mais il faut remarquer que cette opération se pratique dans des
conditions toutes spéciales, savoir : l** l'interposition d'une couche liquide
entre la plèvre et le poumon, 2^ le soin extrême avec lequel on s'elTorcc
de prévenir la pénétration de l'air dans la cavité. Le hasard peut réaliser,
dans un cas de blessure, des conditions à peu près semblables, c'est-à-dire,
d'un côté l'existence de fausses membranes éprisses, résistantes, liées à
une pleurésie chronique, affection qui est loin d'être rare; de l'autre une
plaie étroite, sinueuse, qui ne dépasse pas la profondeur de cette couche.
Cette réunion de circonstances spéciales ne peut évidemment se produire
que d'une manière exceptionnelle; aussi est-il absolument rare de voir
signaler une plaie pénétrante de la plèvre qui ne soit pas accompagnée
d'un pneumothorax, d*un épanchemcnt sanguin, ou d'une lésion soit du
poumon, soit du diaphragme et en même temps de l'un des viscères abdo-
minaux. Le seul fait cité par Larrey d'une |)laie de ce genre produite par
un fleuret dcmouchelé (Journal complément, juillet 1820.) a été con-
testé quant au diagnostic. Les mêmes doutes ont été émis au sujet du
blessé de Lelenneur, qui n'a guéri qu'après une longue série d'accidents.
Par le seul fait, en effet, que le caractère essentiel des plaies péné-
trantes simples est de n'offrir aucune complication immédiate, on conçoit
combien le diagnostic doit en être difficile à établir, sans avoir recours
aux divers procédés d'exploration directe qui sont aujourd'hui universel-
lement rejetés. Le diagnostic ne peut donc se faire que par exclusion,
c'est-à-dire qu'on est amené à admettre que la plaie est probablement
simple, parce qu'on ne constate aucun symptôme actuel se rapportant à
Tune des lésions possibles. Mais les organes du ^nédiastin peuvent, de
même que le poumon et le diaphragme, être atteints sans que leur lésion
se manifeste par aucun signe immédiat. De là résultent deux cpnsé-
quences: la première, c'est qu'on est lente de croire, dans 1^ cas de ce
genre, qu'on a peut-être affaire à une plaie non pénétrante; la deuxième,
q^'il faut apporter une grande réserve dans son appréciation.
La même réserve doit être observée au point de vue du pronostic. Nous
POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICriTIOKS. 695
ayons signalé déjà les accidents ultérieurs qui peuvent se déycloppcr à la
suite des plaies du médiastin. Dans les plaies pleurales, il faut tenir
compte à la fois de la possibilité d'une lésion pulmonaire latente et de
la pleurésie traumatique qui est imminente.
Le traitement ne saurait être douteux. Il consiste à pratiquer, le plus 1
tôt possible, Tocclusion exacte de la plaie, à surveiller Tapparition des
accidents, à prévenir ou modérer par un régime et des soins appropriés
l'inflammation qui peut survenir. .^
Complications en général, — Comme nous l'avons dit précédemment,
il est rare (|u'une plaie pénétrante de la poitrine ne présente pas de
complication, et c'est à cette circonstance qu'est due l'extrême gravité
qu'offre le plus souvent ce genre de blessures. La pratique civile ne
fouiiiit, sur ce point, que des données fort restreintes ; mais les résultats
empruntés à la chirurgie des armées y suppléent largement. Sans
remonter bien loin dans cet ordre de recherches, il suffit de jeter un coup
d'œil sur les statistiques auxquelles ont donné lieu les guerres contempo-
raines. Ainsi, sur 474 cas de plaies de la poitrine qui ont été observés
dans l'armée française pendant la guerre de Crimée et qui ont fourni
135 décès, 164 ont été compliquées de lésion du poumon et ont donné
130 décès. Les 1052 cas de blessures de tout genre 'du thorax relevés
par Chenu dans sa statistique de la guerre d'Italie ont fourni 199 décès.
Il est à remarquer, en outre, que dans ces chiffres ne sont pas compris
les hommes tués sur le champ de bataille; or, il est admis que, pour
ces derniers, les plaies de poitrine figurent pour un tiers suivant les uns,
pour moitié suivant d'autres^ dans le total des blessures constatées.
Signalons enfin, à cause de leur extrême importance, les chiffres suivants
empruntes à la relation chirurgicale de la guerre de la Sécession. Les
lésions traumatiques du thorax y ont atteint le chiffre considérable de
20607, dont 5404 décès. Sur ce nombre total, les plaies pénétrantes
par armes à feu figurent pour le chiffre de 8715 et ont fourni 5200
décès. Les moyennes signalées dans les relations partielles qui ont été
publiées à la suite de la dernière guerre franco-allemande concordent
avec les données précédentes.
En résumé, il résulte de toutes les statistiques recueillies par la chi-
rurgie contemporaine, que la fréquence relative des blessures de la
poitrine dans le nombre total des blessures de guerre est de un douzième
«nviron, soit 8,3 pour 100, et que le chiffre de la mortalité des plaies
pénétrantes de poitrine est d'environ 60 pour 100.
Parmi les complications qui produisent de pareils désastres, les unes
sont immédiates ou primitives, les autres secondaires ou consécutives; les
unes sont particulières à tel ou tel organe, les autres ont un caractère plus
général.
Nous laisserons de côté les cas dans lesquels un projectile emporte
une partie plus ou moins considérable de la poitrine. Les plaies de ce
genre rentrent dans la catégorie des mutilations irrégulières ou broiements
suivis de mort presque instantanée.
694 POITRINE. — plaies pénétrahtks. compucatious.
En dehors de ces blessures qui échappent à rintervention chirurgicale,
la clinique nous apprend que les blessés atteints de plaie pénétrante
succombent le plus souvent à Thémorrhagie. C'est d'abord la cause de
mort la plus fréquente sur le champ de bataille: c*est. en outre, an
accident menaçant chez les blessés qui ont pu être relevés. Ainsi, sur
les 8715 cas de plaies pénétrantes de la poitrine signalés pendant la
guerre de la Sécession, on cite 546 cas d'hémorrhagie grave, dont i37 sui-
vis de mort. Tantôt Thémorrhagie se fait à l'extérieur, par la plaie ou
par les voies broncho-pulmonaires (hémoptysie), tantôt elle est iotemeet
s'accompagne alors d*un épanchement sai^guin.
Lorsque la mort n'est pas immédiate, l'air pénètre le plus souvent
dans la cavité et y forme un épanchement (pneumo-tborax, pneumo-péri-
carde) ous'inGItre dans le tissu cellulaire soit des parois, soit du médiastio
(emphysème sous-cutané, emphysème du médiaslin).
D'autres fois au contraire, mais plus rarement, le poumon s'engage
dans la plaie et forme une hernie qui en obture l'orifice (pneumocèle).
Loi^squc la plaie siège dans les espaces intercostaux inférieurs et que le
diaphra-^me est lésé, on a observé, quoique d'une manière exceptionnelle,
l'issue de l'cpiploon (épiplocèle).
EnOn, tantôt l'instrument vulnérant ou le projectile est sorti de la
plaie, tantôt il demeure dans la profondeur des tissus, et la plaie se com-
plique de la présence d'un corps étranger.
Quand le blessé a échappé aux premiers accidents, il est encore exposé
h tous les dan-^ers que lui font courir les hémorrhagies secondaires, les
phlegmasies du poumon, de la plèvre, du péricarde, du cœur, du tissu
conjonctif du médiastin, les épanchements purulents, les phlegnaons aigus
ou chroniques, etc.
Tel est l'ensemble des complications que peuvent offrir les plaies
pénétrantes de la poitrine envisagées en général. Ce tableau serait incom-
plet si nous ne signalions, au moins pour mémoire, les lésions des organes
qui sont elles-mêmes l'origine de la plupart des accidents que nous venons
d'énumcrcr.
11 est rare, en effet, que Tagent vulnérant, après avoir traversé la
paroi, ne lèse pas un des organes. Ces lésions atteignent, par ordre de
fréquence : les poumons, le péricarde et le cœur, l'aorte et les autres
troncs vasculaires importants, le diaphragme et les viscères abdominaux,
et enlin Tœsophage et le canal thoracique. Bien qu'elles jouent le rôle
prépondérant dans la symptomatologie générale des plaies de poitrine,
dans la genèse des accidents signalés plus haut, dans la marche et la
terminaison de la blessure, nous nous abstiendrons de les .décrire isolé-
ment pour ne pas tomber dans des redites oiseuses, et nous n'en parlerons
ici qu'au point de vue de leurs relations avec les complications générales
primitives. (Voy., pour les détails, la pathologie chirurgicale des articles
Aorte, Cœlr, Diaphragme, Œsophage, Péricarde, Poumon.)
Nous nous bornerons donc à une étude sommaire de ces compIicatioD^
primitives en suivant l'ordre dans lequel elles ont été énumérées :
POITRINE. — PLAIES piNÉTRANTES. COMPLICATIOKS. 695
1* Hémorrhagie cl épanchcments sanguins;
2** Accidents dus à la pénétration de Tair;
5** Hernies du poumon et de l*épiploon ;
4* Corps étningers.
Quant aux complications secondaires, les unes, telles que les phlegma-
sies viscérales et les épanchements purulents qui les accompagnent
souvent, relèvent de la pathologie interne, les autres, telles que les abcès,
appartiennent aux affections chirurgicales du thorax dont nous nous
occuperons plus loin.
Hémorrhagie. — Il est facile de comprendre que les plaies d'une
cavité qui contient le cœur et les gros vaisseaux qui en partent ou qui s^y
rendent (aorte, artère et veines pulmonaires, veines caves), ainsi que des
organes vasculaires, comme les poumons, soient fréquemment compli-
quées d'hémorrhagie. Notons, en outre, qu'à ces sources importantes
d'hémorrhagie viennent se joindre les lésions des vaisseaux des parois.
Trois cas peuvent se présenter : 1** Thémorrhagie se fait tpule à Texlé-
rieur, c'est le cas le plus rare quand il s'agit d'une plaie pénétrante;
2"* riiémorrhagie est purement interne; 5® elle se fait à la fois à l'intérieur
et à Textérieur, c'est le cas le plus fréquent.
Cette complication compromet les jours du blessé de plusieurs manières :
immédiatement, par le fait même de la perte de sang ou par les effets
de compression qu'entraîne l'accumulation de ce liquide dans l'intérieur
de la cavité, consécutivement; par les accidents qu'amènent le séjour et
l'altération du liquide épanché.
La première indication que présente une plaie pénétrante de la poitrine
consiste donc à rechercher s'il y a hémorrhagie et quelle en est la source.
Lorsque l'écoulement du sang se fait à l'extérieur par un jet isochrone
aux battements du pouls et que le sang a l'aspect rutilant du sang ai*té-
riel, il est probable qu'on a affaire à une lésion des vaisseaux superGciels
de la paroi. Ce cas, assez rare du reste, rentre dans celui des plaies non
pénétrantes.
Lorsque, à la suite d'une plaie étroite et qu'on peut supposer profonde,
il ne se produit pas d'hémorrhagie extérieure, on doit rechercher avec
soin les signes qui indiquent l'accumulation de ce liquide dans la cavité.
Ces signes sont de deux sortes : les uns se rattachent à la perte sanguine
(pâleur, refroidissement des extrémités, petitesse du pouls, tendance à la
syncope), les autres sont dus à la compression que le liquide épanché
exerce sur les organes thoraciques et représentent tous les degrés possibles
de dyspnée ; c'est donc à la percussion et à l'auscultation de vérifier les
présomptions que peuvent fournir, sous ce rapport, la nature et le siège
de la blessure. Lorsqu'aux signes précédents se joint l'hémoptysie, on
doit songer soit à une lésion pulmonaire, soit à l'ouverture d'un gros
vaisseau dans les bronches.
Le cas le plus fréquent est, avons-nous dit, la coexistence d'un écou-
lement sanguin extérieur avec les signes plus ou moins accusés de Thé-
morrhagie interne. La question qui se pose alors est d'une extrême impor-
696 POITRINE. plaies PtNKTRAKTKS, COMPLrCATlOKS.
lanco. Il s'agit de savoir, en effet, si récouleraent extérieur est unique-
ment le résultat d'une sorte de trop-plein de la cavité, ou bien si Thémor-
rliagie a sa source dans la lésion d'un vaisseau profond de la paroi dont
le sang se déverse à la fois à l'intérieur et à Textérieur. Les lésions de ce
genre sont une source d'indications immédiates et méritent, par consé-
quent, de nous arrêter tout d'abord.
On peut, suivant le siège de la blessure, avoir affaire à la lésion de
Tune des intercostales ou de la mammaire interne.
Il a été longuement discuté sur le plus ou moins de fréquence de la
blessure des intercostales, et c'i st devenu un lieu commun dans les traités
de chirurgie, de répéter que les procédés inventes pour combattre cette
complication étaient plus nombreux que les cas où l'on avait eu l'occasion
de l'observer. Il y a là, tout au moins, une exagération ; Martin, dans sa
dissertation inaugurale, publiée en 1855, a pu en réunir 28 cas, et Abus
V Histoire de la guerre de Sécession cette lésion a été signalée 15 lois.
Sa rareté relative provient de la protection que l'artère intercostale trouve
dans la gouttière de la côte, là où précisément elle a un calibre sufQsant
pour produire une bémorrhagie sérieuse ; la lésion du vaisseau dans ce
point est donc ordinairement liée à la fracture de la côte, sans que cftte
dernière en soit cependant une condition nécessaire, dans les plaies très
obliques, par exemple.
Les conditions changent dans le tiers antérieur et vers Textrémité po^
térieure de l'espace intercostaU où l'artère occupe le milieu de l'espace.
Une plaie pénétrante, dans ces deux points, un coup d'épée par exemple,
peut être suivie d'hémorrhagie. En avant, il est vrai, l'artère a un si mince
volume que sa blessure offrirait bien peu de gravité ; il n'en ei^t pas de
même eu arrière où elle pourrait fournir une bémorrhagie abondante.
Mais ici surgit une grave difficulté; l'épaisseur des parties molles est
considérable, l'artère est donc profondément située, l'écoulement du sang
se fait en bavant et non par un jet saccadé, ce liquide est ordinairement
mélangé de bulles d'air par suite du pneumo-thorax ou de la lésion pul-
monaire concomitante, et le plus souvent il est très-difficile de distinguer
si l'hémorrhagie provient de l'artère, du poumon ou de l'un des vaisseaux
du médiastin postérieur. Il n'y a d'exception que pour le cas où la bles-
sure est assez large et où, en déblayant les caillots, on peut voir battre
dans le fond de la plaie l'orifice ouvert, sur lecjuel on doit s'empresser,
dans ce cas, de jeter une ligature ou de pratiquer la torsion. Si l'une et
l'autre de ces opérations sont impossibles et si la blessure e>t, sinon cer-
taine, au moins probable, c'est à un tamponnement méthodique pratiqué
comme il sera dit plus loin, qu'il faudra recourir; on remplira ainsi la
double indication d'obturer la plaie de la paroi et de tarir la source de
l'hémorrhagie.
Lorsque l'artère a pu être lésée dans la partie moyerme de son trajet,
on a proposé pour vérifier les présomptions tirées du siège de la blessure,
si la largeur de la plaie le permet, l'exploration digitale et le procédé
dit de la carte. Le doigt étant porté dans la plaie, sa face palmaire
POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICATIONS. 697
•
tournée en haut et appliquée contre la gouttière costale recevra le
choc d'une colonne de liquide chaud, si le sang provient réellement
de la lésion de Tintcrcostale et suspendra Thémorrhagie en exerçant une
légère compression sur le fond de la gouttière. Quant au procédé de la
carte, il consiste à introduire dans la plaie une carte plice en forme de
gouttière et regardant par sa concavité la côte supérieure ; si le sang coule
dans cette gouttière, il est à présumer qu il vient de l'intercostale; s^il
s* échappe au-dessous de la carte, c'est qu'il vient du poumon ou de la
plèvre. Tous ces moyens de diagnostic peuvent être utilisés ; ils sont mal-
heureusement impraticables, dans les cas où précisément le diagnostic est
le plus difficile, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une plaie étroite, oblique ou
anfractueuse, dans laquelle l'inspection visuelle fait défaut.
La ligature'est évidemment, quand elle est possible, le mode de traite-
ment le plus rationnel et le plus sur à opposer aux plaies de l'intercos-
tale; mais elle présente plus d'une difficulté. En premier lieu, non-seule-
ment l'artère est située profondément, mais encore elle est cachée dans la
gouttière de la côte. L'opération peut nécessiter, en outre, des débride-
ments plus ou moins étendus qui augmentent les chances d'introduction
de l'air dans le thorax. Enfin, comme il est le plus souvent nécessaire de
lier les deux bouts du vaisseau, on peut être obligé de laisser l'opération
inachevée. On a donc conseillé des procédés et des insliniments particu-
liers ; parmi ces derniers, nous ne mentionnerons que l'aiguille-crochet
articulée de Reybard destinée à contourner l'artère, sans embrasser la
côte, à l'opposé des procédés de Gérard et de Goulard qui tiennent au
moins autant de la compression que de la ligature.
Les moyens de compression qui ont été appliqués ou proposés sont très
variés. Nous ne ferons que citer le jeton deQuesnay, la plaque de Lotteri,
l'appareil de Bellocq. Les [irocédés modernes sont plus pratiques et plus
laciles à improviser ; ils peuvent d'ailleurs se résumer en ceci qu'ils con-
sistent à pratiquer un tamponnement régulier de la plaie. C'est ainsi que
Dupuytren, adoptant le mode qui avait été conseillé par Desault, intro-
duisit d'abord dans la plaie une pièce de toile déprimée en cul-de-sac, la
bourra de charpie, puis la relira à lui de façon à exercer une compression
de dedans en dehors. Le procédé de Sabatier consiste à introduire jusque
dans la cavité pleurale un gros bourdonnet de charpie, muni d'un fil
double, qu'on amène ensuite et qu'on maintient au contact de l'orifice
interne de la plaie, en nouant les deux chefs du fil double autour d'un
rouleau de diachyluin placé à l'extérieur. A ces moyens, très-efficaces sans
doute, mais qui présentent certains inconvénients, on préfère avec raison,
de nos jours, les compresseurs à air ou même un simple sac de baudruche
qu'on introduirait vide et qu'on gonflerait ensuite.
La lésion de la mammaire interne offre, au moins, autant de gravité
que celle d'une intercostale. Ici encore, la situation profonde du vaisseau
entraine, le plus souvent, une hémorrhagie à la fois interne et externe, et,
comme conséquence, la production d'un épanchement sanguin qui se
fera dans la plèvre correspondante ou dans le médiastin, suivant la hau-
698 POITRINE. - plaies pénétrartes. complications.
leur à laquelle le vaisseau aura été divisé. Le diagnostic préseniçra doir
encore certaines difficultés, d'autant plus que la blessure de Vartcre
coïncide souvent avec des lésions profondes encore plus graTe:^: néan-
moins, les rapports bien connus de l'artère avec le bord du stennm
fournissent un point de repère d'une assez grande précision.
Le meilleur procédé à suivre, pour arrêter une hémorrhagie de et
genre, consiste, quand la chose est possible, à lier dans la plaie lesboob
du vaissefiu divisé; on se met ainsi en garde contre le retour de rbémor-
rhagie par le bout inférieur, accident auquel expose ranastomose de b
mammaire et de l'épigastrique. Mais cette règle, excellente en principe,
présente parfois dans l'application des difficultés insurmontables, sqiImI
si le sang a séjourné quelque temps dans le tissu conjonctif qui eiiTiroDV
Tartère. On peut alors recourir soit aux divers modes de tampoDoeoNil I
que nous avons signalés pour les intercostales, soit à la ligature pratiquée I
au-dessus de la lésion. Le lieu d'élection est au 2* ou 5* espace iote^ I
costal, parce que ces deux espaces présentent plus de largeur qae tai^ 1
les autres. L'incision sera dirigée horizontalement, de façon qucsoDmibi
corresponde à 8 ou 10 millimètres du bord du sternum. On diTisn
successivement la peau, le grand pectoral, l'aponévrose qui failsuilein
intercostaux externes. Le plan charnu des intercostaux internes sen
ensuite sectionné sur la sonde cannelée afin de ménager la plcne et ^
vaisseau lui-même. Ce dernier sera enfin dégagé du tissu conjaortifi
l'aide de l'extrémité mousse du même instrument.
Nous avons dit plus haut que, lorsque l'hémorrhagie se fait à fintmaf
du thorax, elle donne lieu à deux ordres d'accidents : 1** ceux quiréail-
tent de la perte sanguine elle-même, et qu'il faut ne pas confondre aicc
les phénomènes purement syncopaux qui accompagnent beaucoup t
lésions du thorax; 2" ceux qui sont dus a l'accumulation du liquide dtfs
l'une des parties de la cavité. Ce sont ces derniers qu'il nous rcsiei
décrire.
Épanchements sanguins intra-thoraciques, — Qu'il soit dû il'
lésion d'un organe ou de l'un des vaisseaux soit de la paroi, soit d^l*
cavité, l'épanchement peut se faire :
Dans le tissu cellulaire du médiaslin.
Dans la cavité du péricarde.
Ou dans la cavité pleurale (c'est à cette dernière variété, la plus f'*"
quente de toutes, que s'applique, dans la pratique, l'expression ^
hémolhorax) .
L'épanchement traumalique de sang dans le médiastm, qui coiofi*
souvent du reste avec un épanchement péricardique, ne peut guèreéln
que soupçonne, lorsque les données tirées du siège de la blessure co»
cordent avec les signes de l'hémorrhagie interne et avec une dyspnée |te
ou moins intense, accompagnée d'une petite toux sèche et surtout dB*
sensation particulière de pesanteur en arrière du sternum. La percuss«i
et l'auscultation fournissent aussi, naturellement, leur contingent de pf^
habilités.
POITRINE. — riAIES rÉHKTBAKTES. C0MPUCATI0R8. ' 699
Si répanchement n'est pas assez abondant pour entraîner une mort
promple, il se produit assez fréquemment, dans les jours qui suivent Id
blessure, une rémission notable due à une sorte d'assuétude des organes
à la compression qu'ils subissent.
Cette rémission s'accentue de plus en plus si Tépanchement se termine
par résolution; elle représente au contraire un état passager, si, ce qui
est le cas le plus fréquent, le sang épanché devient le point de départ
d'un abcès du médiastin. Il faut être prévenu de ce fait pour ne pas se
livrer trop tôt aux illusions d'une fausse sécurité, que les événements
viendraient démentir. On voit, en effet, après quelques jours d'amélio-
ration, se développer des accidents inflammatoires qui aboutissent géné-
ralement à la suppuration. Les fractures ou même les simples contusions
du sternum, la présence d'esr(uilles osseuses ou de corps étrangers, la
simple pénétration de l'air dans le foyer sanguin, sont les causes détermi-
nantes de cotte inflammation.
Quelle est la conduite à tenir en présence d'un épanchement sanguin
du médiastin? Faut-il, comme on l'a conseillé, favoriser l'issue du sang
pour prévenir les effets de son accumulation? Faut-il, au contraire,
lorsqu'on s'est assuré que l'Iiémorrhagie ne provient pas d'un vaisseau
de la paroi, obturer la plaie? C'est cette dernière pratique qui est géné-
ralement adoptée ; c'est cçlle, en effet, qui donne les meilleures chances
de voir l'hémorrhagie s'arréler par le fait même de l'accumulation du
liquide épanché ; elle offre, en outre, l'avantage d'intercepter la com-
munication entre Tépanchement sanguin et l'air extérieur qui est une
cause d'inflammation. Après avoir pratiqué l'occlusion de la plaie, on fait
des applications réfrigérantes sur la région et, si les symptômes généraux
l'indiquent, on recourt aux moyens employés d'ordinaire contre les
hémorrhagies internes. Nous verrons plus loin le traitement que l'on
devra instituer lorsque l'inflammation s'empare du foyer sanguin.
L'épanchement sanguin du péricarde ou hémo-péricarde est une com-
plication très-fréquente des plaies du cœur, dont le degré d'importance
varie suivant qu'il s'agit d'une plaie pénétrante de cet organe, d'une
plaie non pénétrante ou d'une rupture. Dans le premier cas, il constitue
un simple épiphénomène dont les symptômes et les indications se confon-
dent avec ceux de la lésion principale. Dans les deux derniers cas, au
contraire, il devient un accident primitif de premier ordre ; mais néan-
moins son histoire ne saurait être séparée de celle des lésions traumati-
ques du cœur. (Voy. Cœur, plaies, t. VIII, p. 525.)
Lhémothorax traumatique ou épanchement sanguin de la plèvre pré-
sente une fréquence et une gravité en rapport avec l'étendue du dévelop-
* pemcnt de cette séreuse sur les parois du thorax. Il peut être la consé-
quence de lésions très-variées (plaies du poumon, plaies du cœur, ouverture
des gros vaisseaux, lésion des artères profondes de la paroi). Variable en
abondance et en rapidité selon le volume et le nombre des vaisseaux
lésés, suivant qu'il se fait dans une plèvre libre d'adhérences ou dans
une partie de cette séreuse circonscrite par des adhérences anciennes,
POITRINE. FUIES PÉKÉTRAKTES .COMPLICATIONS. 701
lumière non-seulement par les autopsies, mais encore par les expériences
de Trousseau et Leblanc sur les chevaux. On est assez d'accord aujour-
d'hui pour attribuer cette rapidité exceptionnelle de coagulation à Tin-
fluence exercée sur le sang épanché par la sérosité qui lubrifie normale-
ment la surface interne de la plèvre. Quoi qu'il en soit, au bout de peu
de temps, cette coagulation est suivie de la mise en liberté de la sérosité
emprisonnée dans les mailles du coagulum sanguin, laquelle surnage en
entraînant avec elle un grand nombre de globules. A celte sérosité se mêle
celle qui est sécrétée par la plèvre, sous Tintluence de Tirrilation que
produisent le traumatisme et la présence des caillots jouant le rôle de
corps étrangers. Le mélange des deux liquides qui concourent tous deux à
dissoudi^e le caillot, augmente, dans des proportions notables, le volume
de la collection primitivement formée. C'est le liquide ainsi coloré qui
s'échappe de la plaie dans les mouvements d'expiration, lorsqu'il n'existe
pas de lésion vasculaire de la paroi et que l'hémorrhagie, de source
interne^ s'est effectuée lentement.
' La marche de l'épanchement varie dans les divers cas. S'il est peu con-
sidérable et si, en même temps, il y a peu d'air dans la cavité, la résorption
graduelle du sang peut s'effectuer au bout d'un temps plus ou moins long.
Il en est souvent de même lorsqu'il se trouve circonscrit dans un espace
limité par des adhérences anciennes de la plèvre. Par contre, la présence
d'une grande quantité de sang, surtout lorsqu'elle est accompagnée d'air,
détermine une inOammation violente de la séreuse qui s'accompagne
d*une fièvre intense et détermine la décomposition putride du liquide.
L'épanchement devient purulent, et Ton se trouve en présence de tous
les accidents qu'entraînent les collections de cette nature, quelle qu'en
soit la cause déterminante, accidents aggravés de plus ici par la libre com-
munication qui existe entre la cavité et l'air extérieur.
Lorsque l'hémorrhagie n'a pu être arrêtée et que Tépanchcment san-
guin est en voie de formation, quelle est la conduite à tenir ? La réponse
à cette question est d'autant plus embarrassante qu'on se trouve en pré-
sence de deux écueils : la persistance de l'hémorrhagie si l'on ne ferme
pas la plaie, ou, si l'on pratique l'occlusion de cette dernière, l'asphyxie
qui peut résulter de l'accumulation du sang.
Néanmoins, comme les ressources thérapeutiques sont bien précaires
en présence d'une hémorrhagie interne un peu abondante ; comme le
blessé court, de ce chef, un danger immédiat qu'on peut espérer conjurer
par la compression qu'exerce le liquide épanché, l'occlusion de la plaie
est aujourd'hui généralement pass€|^ dans la pratique. C'est donc, d'une
manière générale, la première indication qu'où remplit, concurremment
avec l'emploi des ipoyens usités contre l'hémorrhagie interne : révulsifs
cutanés, ligai|ire des membres, élévation du tronc, ingestion de petits
fragments de glace, potions astringentes, applications réfrigérantes sur le
lieu de la blessure, etc. Cela fait, on surveille attentivement les svm-
ptdmes ultérieurs.
Si l'hémorrhagie interne s'arrête, il se produit une amélioration légère,
i02 POITRINK. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICATIONS.
au moins dans Tétai général (relèvement du pouls et retour de la cha-
leur). Les premiers accidents sont conjurés et Ton n'a plus à s'occuper
que de la marche ultérieure de Tépanchement. Si, au coatrairef Thé-
morrhagie continue, Tépanchement augmente, et aux symptômes précé-
demment signalés se joignent bientôt les signes d'une asphyxie immi-
nente. La pratique conseillée par Legouest dans les cas de ce genre est b
suivante : il faut rouvrir la plaie, si elle est large et si elle a été réuDie,
l'agrandir, si elle est étroite, et chercher à débarrasser la poitrine. Si
l'écoulement du sang par la plaie ne soulage pas le blessé et oe bit
qu'augmenter la faiblesse, on tente de nouveau l'occlusion. Lorsque, ao
contraire, l'écoulement du sang amène du soulagement tout en proilui-
sant un accroissement de faiblesse, on referme et Ton rouTre alternative-
ment la blessure ; on insiste sur les révulsifs cutanés les plus énergiques
et les applications locales réfrigérantes; on fait coucher le malade sur le
côté affecté, on modère les mouvements de la respiration et surtout l'élé-
iration des côtes par un bandage de corps serré ; on cherche, en un mol,
à gagner du temps et à éloigner le danger le plus pressant.
Lorsque les eÏTorts précédents ont été couronnés de succès et les pre-
miers accidents conjurés, on se trouve en présence d'un épanchement
sanguin déOnitivement accompli, et la conduite à tenir, dans les jours
qui suivent la blessure, présente encore de nombreuses didicultés. Le
faut à poursuivre est évidemment d'obtenir, s'il est possible, la résor-
ption du sang épanché et de prévenir, par un traitement approprié, les
complications inflammatoires. Mais cette heureuse solution ne peut être
obtenue que dans deux conditions qui sont rarement réalisées : un épan-
chement de médiocre abondance, l'absence à peu près complèle de
pneumo-thorax. Dans le cas contraire, le blessé se trouve fatalement sous
l'imminence d'une pleurésie et de la transformation de répanchement
sanguin en épanchement séro-purulent.
C'est encore à Legouest que nous emprunterons les préceptes à suivre
dans le but de modérer, sinon de prévenir les accidents qui mcnaceot
ultérieurement la vie du blessé.
Lorsque la plaie est encore béante, qu'elle a été rouverte ou qu'elle
n'est pas encore cicatrisée, elle peut donner issue au sang épanché : il
convient alors de favoriser cette évacuation, en donnant à la partie une
position convenable.
Si la plaie est trop étroite ou située de telle sorte qu'elle ne puisse per-
mettre la sortie du sang, il faut, dans le cas d'épanchement abondant,
dès qu'on peut être sûr que Thémorrhagie interne est arrêtée, pratiquer
une contre-ouverture à la partie la plus déclive du foyer. Ici encore, deu\
cas se présentent. Si l'auscultation démontre qu'il existe, en même temps
que répanchement sanguin, un épanchement notable d'air, il faut ouvrir
la poitrine par une incision^ sans se préoccuper de Tintroduction d'une
nouvelle quantité d air dans la plèvre ; une mèche de linge eflilé est mise
entre les lèvres de la plaie, pour en empêcher la réunion, et le malade
est placé dans une position propre à faciliter la sortie du sang épanchi'.
POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICATIONS 705
Lorsqu'au contraire, il y a doule au sujet de la quantité d*air épanché, on
peut tenter d'abord la pondions soit à Taide d'un trocart garni de bau-
druche, soit au moyen d'un appareil aspirateur. Si le liquide se repro-
duit, on a recours à de nouvelles ponctions ; mais il est rare que le
liquide extrait conserve longtemps les qualités du sang; il prend peu h
peu Taspect d'un liquide roussàtre, mêlé à une certaine quantité de pus,
et, plus tard, d'un pus séreux où flottent des fausses membranes. On se
trouve en présence d'un épanchement purulent de la plèvre qui entraine
de nouvelles indications dont nous n'avons pas à nous occuper ici (Voy.
Pleurésie).
Accidents dus à la pénétration de Vair. — Les phénomènes qui ré-
sultent de l'épanchement ou de l'infiltration de l'air soit dans la cavité
thoracique, soit dans ses parois, offrent une extrême variété. L'air peut,
en effet, provenir de deux sources : de l'extérieur ou des voies respira-
toires ; lorsque l'accès lui est ouvert, il peut se propager suivant des voies
diiïérentes : dans la cavité pleurale, dans le péricarde, dans le tissu con-
jonctif sous-cutané ou dans celui du médiastin. Ces diverses variétés
peuvent se combiner entre elles et donner lieu à des phénomènes com-
plexes dont l'analyse physiologique présente de réelles difficultés.
Pneumo-tliora^jc. — Le cas le plus important est celui dans lequel il
^e fait une accumulation d'air dans la cavité pleurale, un pneumo-thorax
traumatique. Le fait peut se produire dans les trois conditions principales
suivantes :
V Dans le cas de plaie pénétrante simple sans lésion du poumon. —
C'est là une variété plutôt théorique que réellement clinique, vu l'extrême
rareté de ce genre de plaie; nous verrons même plus loin qu'il peut se
produire, dans ce cas, un phénomène absolument inverse à celui de l'en-
trée de l'air, c'est-à-dire l'issue extérieure, la hernie du poumon. Mais,
s'il est rare dans la pratique, le cas sus-énoncé a été produit expérimen-
talement un très-grand nombre de fois chez les animaux et a permis d'ob-
server ce qui se passe alors du côté du poumon et dans la cavité. Lorsque
la plaie est large et directe, l'air extérieur est attiré, au moment de Vin-
spiration^ dans la cavité pleurale par suite de son excès de pression sur
l'air que contient le sac pulmonaire et de la rétractilité de l'organe, qui
ne parvient jamais à se satisfaire dans les conditions normales de la res-
piration. L'air extérieur pénètre donc dans la poitrine avec un sifflement
caractéristique ; l'expiration qui suit chasse une partie du gaz au dehors ;
une autre inspiration appelle une nouvelle quantité d'air, et ainsi de
suite. C'est là le phénomène réellement pathognomonique des pbies pé-
nétrantes, celui qu'on désigne sous le nom de traumatopnée. Au bout
de quelque temps, une sorte d'équilibre s'établit entre l'air extérieur et
celui de la cavité ; le poumon reste aiïaissé contre la colonne vertébrale,
et l'air épanché prend sa place dans la cavité. Dans les cas plus ou moins
analogues au fait expérimental précédent, l'étroitesse et l'obliquité de la
plaie extérieure, le défaut de parallélisme, l'interposition d'une certaine .
quantité de sang, le gonflement des parties apportent à la marche des
704 POITRINE. — plaies PÊ^£TRAKTES. COMPLICATIOKS.
phénomènes une foule de modificalions qui ne présentent pas un intérêt
pratique suffisant pour y insister.
2*^ Dans le cas d'une plaie extérieure largement ouverte^ avec\é%m
concomitante du poumon. — Dans ce cas, l'excès de pression de Taireili-
rieur et la rétraction pulmonaire appellent l'air dans la plèvre à la te
par la plaie extérieure et par la solution de continuité des conduits aériens.
L'air qui arrive des deux côtés à la fois et qui n'eçt expulsé que partiflfc-
ment pendant l'expiration , finit par occuper la cavité à la place è
pouHKin rétracté.
3° Dans le cas d'une plaie extérieure étroite ou très-oblique, em
lésion pulmonaire, — Si la plaie pariétale est telle que l'air ne puisseh
traverser de dehors en dedans (étroitesse, obliquité, perte du panllé^
lisme), la plaie pulmonaire est alors la source unique du pneumo4honL
On a vu une simple piqûre du poumon, difficile même quelquefois à
retrouver dans l'examen [nécropsique, donner lieu à un épanchemol
gazeux considérable. L'air est, en effet, versé dans la cavité aussi bien pei-
dant l'expiration qu'au moment de l'inspiration « l'air de l'in^intitt
venant du dehors, l'air de l'expiration passant du poumon sain dao^k
poumon affaissé. La disposition de la plaie extérieure ne permettant p
l'issue facile de ce fluide au dehors, il s'épanche dans la cavité pleurale;
mais, pendant l'expiration, une certaine quantité s'engage entre leslèrre
de la plaie et s'infiltre dans le tissu conjonctif circonvoisin (emphTsène
sous-cutané). Le pneumo-lhorax et l'emphysème, surtout ce deroier, oob-
tinueraient à s'accroître indéfiniment, s'il ne se produisait assez promp-
tement des modifications favorables dans l'état de la plaie pulmonaire:
celle-ciy à moins qu'elle n'ait des dimensions considérables, s'oblilôt
sous l'influence de la rétraclilité propre de l'organe et de la compressoB
produite par l'épanchement sanguin concomitant, de sorte que lepneuin^
thorax et l'emphysème finissent par se limiter.
4® Une quatrième variélé de pneumo-thorax traumatique est celle qœ
est la conséquence d'une lésion du poumon par suite d^une fracture Je
côte ou d'une violente contusion de la paroi sans plaie extérieure; nw
ne la rappelons que pour mémoire, car elle n'appartient pas à noire
cadre. (Vay. Poumon, lésions traumatiques).
Des adhérences pleurales anciennes ont pour effet d'empêcher, dans
certains cas, ou au moins d'entraver la formation du pneumo-thorai, es
s'opposant au retrait du poumon après l'ouverture de la poitrine; silî<
produit un épanchement d'air, dans ces circonstances, il est qu moi»
très-circonscrit, mais le mécanisme reste le même.
Quelles que soient les conditions dans lesquelles le pncumo-thorax tm*
matique s'est produit, une fois constitué, il offre, dans ses symptômes*
dans sa marche, dans les indications qu'il fait naître, la plus i^rande ana-
logie avec le pneumo-thorax d'origine interne. Nous ne pouvons don*
que renvoyer le lecteur à ce qui a été dit précédemment à ce sutet. (Toy
art. VLty}\E,pn£umO'thorax, p. 268.)
Il est cependant une distinction importante à faire entre les deux e$-
POITHINË. — PLAIES PÉffKTRAlITES. COMPLICATIONS. 705
pèces d'accidents ; elle porte sur les points suivants : 1* dans le pneu-
mo-thorax d'origine interne, l'air provient d'une seule source; dans le
pneumo-thorax Iraumatique, il en a souvent deux : le poumon et Texté-
rieur. De ces deux sources, une seule est accessible à nos moyens d'action ;
il y a donc tout avantage à la supprimer, et c'est ce que Ton fait en pra-
tiquant, à moins de contre-indication spéciale,- Focclusion de la plaie par
Tun des moyens précédemment indiqués. En même temps, on exerce une
compression méthodique tout autour pour empêcher Textension de Tem-
physème; 2^ dans le pneumo-thorax traumatique, Tair occupe rarement
seul la cavité pleurale. Il s'épanche très-fréquemment une certaine quan-
tité de sang qui provient des couches profondes de la paroi et surtout de la
lésion pulmonaire; il y a hémo-pneumothorax. Si l'air se renouvelle au
contact d'un liquide aussi altérable que le sang, la pleurésie purulente
est imminente, et c'est encore, pour essayer de prévenir cette complica-
tion, l'occlusion de la plaie extérieure qui donne les meilleurs résultats,
quand Thémorrhagie ne provient pas exclusivement d'un vaisseau de la
paroi, qu'il faudrait oblitérer avant tout.
Pneumo-péricarde. — Nous ne ferons que mentionner ici cette com-
plication, relativement secondaire, des plaies du cœur et du péricarde qui
a déjà fait l'objet d'une description spéciale. (Voy. Péricarde, pneumo'
péricarde, t. XXVI, p. 670.)
Nous devons signaler néanmoins, à ce sujet, pour les cas d'épanché-
ments à la fois liquides et gazeux (ce qui <!st la règle à la suite du
traumatisme), un travail récent dans lequel les données de l'auscultation
ont été étudiées avec une nouvelle précision. II s'agit du bruit de moulin^
indiqué déjà par Morel Lavallée, quelque peu oublié depuis, et dont l'im-
portance, au point de vue du diagnostic et du pronostic, vient d'être
remise en lumière dans la thèse inaugurale de Reynier (1880). Ce sym-
ptôme qui, comme son nom l'indique, rappelle le bruit produit par le
clapotement de l'eau avec une palette, est indé lendant des mouvements
respiratoires ; il coïncide avec la systole cardiaque et parait dû au choc
du cœur contre un épanchement aéro-liquide, soit du péricarde, soit du
tissu conjonctif environnant. D'une signification pronostique grave dans
le premier cas, il serait, dans le second, l'indice d'une lésion relative-
ment bénigne.
Emphysème sous-cutané. — Nous en'dirons autant pour l'emphysème
sous-cutané dont nous venons de signaler l'une des causes les plus fré-
quentes et qui a été Tobjct d'un article spécial dans ce Dictionnaire. (Voy.
Emphysème traumatique, t. XII, p. 725.) Nous dirons seulement ici que,
sans avoir la valeur pathognomonique de la traumatopnée, l'emphysème
est généralement un signe de la pénétration de la plaie.
Emphysème du médiastin, — On yoit quelquefois, à la suite d'une
plaie pénétrante de la poitrine, apparaître dans le tissu conjonctif de
la base du cou, loin par conséquent du siège de la blessure, un gon-
flement emphysémateux qui s'étend dans les parties voisines et peut
atteindre des proportions considérables. Cette complication est généra-
NOUV. DICT. MtO. RT CHIIl. XWIU — 45
706 ^ POITRINE. — plaies pénétrahtes. complications.
, leraent la conséquence d'une lésion pulmonaire qui siège dans le Toisi-
nage du hile de Torgane. L'air qui s'échappe des lobules divisés peul
s'infiltrer dans le tissu conjonctif qui les entoure et parvenir ainsi, de
proche en proche, jusqu'au tissu cellulaire du médiastin d'où il gagne
la base du cou. L'extension considérable que prend quelquefois Tem-
physème dans ces cas provient de ce fait, déjà signalé à l'occasion d'une
des variétés du pneumo-thorax traumatique, que l'air est déversé dans le
tissu conjonctif aussi bien pendant l'expiration que pendant l'inspiratioD,
jusqu'à ce que la solution de continuité du poumon s'oblitère.
L'infiltration aérienne peut être également la conséquence d'une plaie
pénétrante simple du médiastin. L'air extérieur est attiré dans le mé-
diastin parles mouvements d'expansion du thorax, et si, lorsque l'expi-
ration tend à l'expulser au dehors, il ne trouve pas une issue facile, il
s'infiltre dans le tissu conjonctif qui entoure le cœur et les gros vaisseaux.
Théoriquement, il pourrait, comme dans le cas précédent, gagner la base
du cou et s'étendre plus loin; mais ici, la source de l'air étant extérieure,
si la sortie du gaz est entravée par la disposition de la plaie, il est pro-
bable que sa pénétration le sera également dans une certaine mesure;
l'infiltration reste donc, en général, très-limitée et ne donne lieu à
aucun symptôme spécial.
Hernie traumatique du poumon. — Les plaies pénétrantes de la
poitrine peuvent s'accompagner d'un accident, assez rare du reste, qui
est pour ainsi dire l'opposé de ceux que nous venons de décrire ; c'est
l'issue d'une portion plus ou moins considérable du poumon à travers la
plaie pariétale. Il résulte, en effet, des considérations précédemment
exposées qu'un pareil accident est théoriquement imposible, dès qu'une
certaine quantité d'air s'est épanchée dans la cavité pleurale et a produit
un certain degré d'affaissement du poumon. Les observations recueillies
sont d'accord avec la théorie; elles montrent que la hernie du poumon a
lieu le plus souvent immédiatement après la blessure, comme si Torgane
suivait la retraite de Tinstrumcnt vulnérant à travers la plaie extérieure.
La condition essentielle de la production du phénomène parait résider
dans la coïncidence d'une expiration brusque et énergique due à relTort
instinctif que fait le blessé pour se soustraire à la cause vulncrante ; à ce
moment, en effet, le poumon se trouve fortement appliqué contre la
paroi costale. Dans quelques cas cependant l'issue du poumon semble
avoir eu lieu quelque temps après l'accident (Tulpius, Larrey). Le fait
ne paraît possible qu'en admettant, au moins pour les cas de ce genre,
le mécanisme suivant proposé par Malgaigne : « Si, dit-il, une cavité
pleurale a été ouverte sans lésion du poumon, et celui-ci affaissé par la
pénétration de l'air, l'expiration tendra à chasser l'air contenu dans le
poumon resté sain : si cet air rencontre un obstacle du côte de la glotte,
dans un effort par exemple, il refluera dans le poumon vide, et Foo
aura le singulier phénomène que le poumon sain se videra et que celui
du coté blessé se remplira. Cela aurait lieu, même quand celui-ci
aurait été compris dans la blessure ; en effet l'air qui y pénètre par les
POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICATIONS. 707
bronches se répand également dans tous leurs rameaux, tandis que la
plaie ne saurait en intéresser que quelques-uns. Si l'expiration est
brusque, saccadée, Texpansion du poumon blessé se fera aussi brus-
quement et par saccades ; c'est alors qu'on le voit sauter pour ainsi
dire dans la poitrine, se présenter à la plaie, enûn faire hernie au travers :
et telle est la théorie des hernies pulmonaires qu'il est facile de pro-
duire chez les animaux vivants par des expériences directes. »
Ainsi, même lorsque la hernie du poumon n'est pas immédiate, c'est
toujours un effort subit, une expiration brusque et énergique qui en est
la cause déterminante. Dans le cas de Larrey le viscère se hernia quelques
heures après l'accident, lors d'une chute que fit le blessé pendant qu'on
le conduisait à l'ambulance. De même, l'observation a démontré que
l'existence d'une plaie du poumon n'est pas un obstacle à la production
d'une hernie de l'organe, à la condition cependant que la plaie pulmo-
naire ne soit pas assez considérable pour permettre la formation brusque
d'un pneumo-thorax abondant et par suite la rétraction complète du
viscère.
La hernie traumatique du poumon se présente sous l'aspect d'une
tumeur li>se, de grosseur variable, étranglée et pédiculée par les bords
de la plaie qui lui a donné issue. Sa coloration, qui est d'abord celle de
l'état Doripal^ se modifie peu à peu à mesure qu'on s'éloigne du moment
de la blessure; elle devient promptement livide et gangreneuse sous
l'influence de la constriction subie par le pédicule. La couleur ardoisée
n'est cependant pas toujours le signe d'une gangrène véritable ; pour
que celle-ci soit certaine, il faut un autre caractère, la flétrissure de la
partie herniée.
Nous verrons plus loin à quels signes on peut distinguer une hernie
^pulmonaire de la seule complication avec laquelle on pourrait la con-
fondre, c'est-à-dire de la hernie de l'épiploon.
Tant que le poumon hernie est sain, on conseille d'en pratiquer la
réduction, en débridant la plaie, s'il est nécessaire. Il faut, dans ce cas,
immédiatement après la rentrée de l'organe, obturer la plaie avec les
doigts pour prévenir la formation d'un pneumo-thorax, puis en faire
l'occlusion exacte. Lorsque la tumeur est sphacélée, on peut soit en
abandonner l'élimination aux ressources de la nature, soit l'exciser après
avoir jeté une ligature sur le pédicule. On songe ensuite à prévenir ou
combattre l'inflammation; celle-ci est d'ailleurs, le plus souvent, modérée,
car la plupart des cas qui ont été publiés ont été suivis de guérison.
Hernie de Vépiploon, — Il est un autre genre de complication, encore
plus rare, que nous croyons devoir rapprocher du précédent, parce qu'on
les a confondus quelquefois l'un avec l'autre* et qu'ils présentent plus
d'une analogie; c'est la hernie de l'épiploon, laquelle peut être le ré-
sultat d'une lésion atteignant à là fois la paroi thoracique et le dia
phragme.
Pour se rendre compte de ce qui se passe dans ce cas, il faut avoir
présents à l'esprit les rapports qui existent entre les parties latérales du
708 POITRlNiil. — plaies penétrahtes. gomplicàtioiis.
diaphragme et la paroi costale. Nous avons vu (page 638) que, pendanl le
mouvement d'expiration, et surtout dans une expiration forcée, les deux sur-
faces sont adossées dans une hauteur qui peut s'étendre jusqu'à la y côte à
droite et jusqu'à la B"" à gauche, tandis que, pendant rinspiration,le pou*
mon s'interpose entreelles, dans une étendue variable, sans jamais atteindre
néanmoins le fond du sinus costo-diaphragmatique. La paroi thoraciqueet
le diaphragme se confondant, pour ainsi dire, pendant un mouvement d'ex-
piration énergique, tel que celui qui accompagne l'effort, un instriunent
vulnérant pénétrant à ce moment par l'un des 5 ou 6 derniers espaces
intercostaux arrivera* directement dans la cavité abdominale. Or les
parois de l'abdomen se trouvent par le fait des mêmes circonstances
/effort) dans un état de tension exagérée, d'où résulte une pression éne^
gique sur les viscères qu'il contient, et une prédisposition lavorable à la
formation d'une hernie. 11 pourra donc se faire que, sous rinfluence de
la pression à laquelle il est soumis, l'épiploon suive le retrait de Tinstru-
ment et se fasse jour au dehors à travers rorifice pratique par ce dernier.
Ici, plus encore que dans la production d'une hernie du poumon, on
retrouve, dans les observations recueillies, le fait essentiel de la simulta-
néité dems la sortie de l'instrument vulnérant et de l'organe hernie. Hn
peut concevoir théoriquement qu'une anse intestinale qui se trouverait
dans la sphère d'action de l'instrument, s'engageât également dans la
plaie extérieure, mais le fait n'a pas été signalé, à notre connaissance;
quant aux autres organes abdominaux, tels que le foie, la rate et l'esto-
mac, dont la lésion accompagne souvent les blessures du diaphragme,
comme ils sont doués d'une mobilité infiniment moindre, ils peuvent bien
sortir de l'abdomen, mais leur hernie se fait dans la cavité Ihoracique, et
c'est là le cas ordinaire des hernies diaphragmatïqucs. (Voy. t. XI.
p. 565.) On trouve néanmoins signalé dans Vllistoire de la guerrede
sécession un l'ait très-remarquable de hernie sinmitanée du foie, de
l'épiploon et du poumon, suivi de guéri«"^n.
La conséquence des rapports anatomiques rappelés ci-dessus c'est que,
suivant le degré d'énergie du mouvement expiratoire qui aura coïncidé
avec le moment de la blessure, une plaie pénétrante du 5*", du G* ou
du T*" espace intercostal pourra être compliquée soit de hernie pulmonaire,
soit de hernie épiploïque. De là, entre les deux espèces d'accident une
confusion possible dont on trouve un exemple parmi les faits rassemblés
dans la thèse de Veyron -Lacroix.
L'épiplocèle traumatique forme, au début, une tumeur irrégulière,
bosselée, molle, graisseuse, rougeàtre, ne donnant pas de sensation de
crépitation sous la pression des doigts. Elle est irréductible et éti-anglée
à sa base par les bords de la plaie; il en résulte promptcment un état
de congestion prononcé et une tendance à la gangrène. Le blessé éprouve
au niveau du point lésé un sentiment de tension et de gène, de plus en
plus douloureux, qui s'irradie dans tout l'hypochondre. Ces phénomènes
locaux s'accompagnent ordinairement de syniptômes généraux d'un ca-
ractère dépressif (pâleur, concentration du pouls, sueurs froides, elc).
POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICATIONS. 709
La marche des symptômes ultérieurs est généralement lente. Lorsqu'on
abandonne aux seuls efforts de la nature Télimination de la tumeur, celle-
ci s'engorge de plus en plus et prend quelquefois la forme d'une énorme
fongosité qui rappelle l'aspect d'un fragment de placenta. Puis, l'inllam-
mation suppurative s'établit; la tumeur diminue peu à peu, se couvre de
bourgeons charnus, et après une suppuration plus ou moins prolongée
il s'établit dans les cas heureux une cicatrice adhérente qui se confond
avec celle des téguments. Aux phénomènes précédents s'ajoutent néces-
sairement les signes et les effets d'une péritonite localisée qui joue son
rôle dans la production des adhérence finales.
Si, au lieu de marcher vers la guérison, la maladie tend vers une issue
fatale, on voit se développer les accidents d'une péritonite généralisée
ou des complications qui se sont produites dans la cavité pleurale.
11 semble, au premier abord, que le diagnostic d*une pareille lésion ne
doive présenter aucune incertitude, et cependant, comme nous l'avons
déjà dit, on peut hésiter, dans certains cas douteux, entre une hernie
pulmonaire et une épiplocèle. Dans les. moments qui suivent la bles-
sure, il est un signe pathognomonique de la hernie du poumon qui per-
mettra d'éviter l'erreur, c'est la crépitation sous la pression des doigis ;
mais, au bout de quelque temps, ce signe peut manquer, dans le cas par
exemple où la partie herniée est le siège d'une plaie qui a pu laisser
échapper l'air contenu, et, alors on sera réduit à se laisser guider par un
ensemble symptômatique qui, dans les premiers jours, présente, des deux
côtés, assez d'analogie. Plus tard, la marche des accidents rend le dia-
gnostic plus facile.
Le pronostic, malgré les résultais favorables de quelques faits connus,
est nécessairement grave, les complications pouvant venir soit de la poi-
trine, soit de Fabdomen, soit des deux simultanément.
Le traitement général est subordonné à l'intensité des phénomènes
inflammatoires. Quant au traitement local, l'excision, la ligature, la cau-
térisation ont été tour à tour conseillées. Lorsque la tumeur est de petit
volume et les accidents locaux peu intenses, on peut abandonnera la na-
ture le soin du travail éliminatoire. Les heureux résultats qu'a fournis
souvent cette pratique dans les cas de plaies abdominales compliquées
d'épiplocole, autorisent à essayer également l'expectation quand il s'agit
d'épiplocèles thoraciques. Toute tentative de réduction doit être, au
contraire, proscrite, vu l'impossibilité de faire rentrer l'épiploon dans
Tabdomen par l'ouverture diaphragmatique et les inconvénients graves
de son séjour dans la cavité pleurale.
Corps étrangers, — Les plaies pénétrantes de la poitrine peuvent être
compliquées de la présence des diverses sortes de corps étrangers dont
nous avons fait l'énumération à l'occasion des plaies non-pénétrantes. Ce
sont encore les plaies par armes à feu qui présentent le plus souvent
cette complication. 11 n'est pas un des points de la cavité où ces corps ne
puissent être rencontrés; quelquefois un seul organe est atteint; d'autres
fois, au contraire, plusieurs organes sont lésés en même temps par le
7-10 POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRAHTKS. COMPLICATIONS.
corps vulnérant et les accidents qui en résultent présentent une complexité
embarrassante.
Leur siège le plus fréquent est dans le cœur et les poumons; à ce
litre, leur étude se rattache à celle des lésions traumatiqucs de ces or-
ganes et ne doit nous occuper qu'incidemment. Mais on les rencontre
aussi dans les cavités pleurales ou dans le médiastin, et c'est par la que
leur histoire appartient aussi à Tétude générale des plaies pénétrantes da
thorax.
Quelle que soit leur variété, on peut les grouper en deux catégories :
V les instruments piquants ou à la fois piquants et tranchants (aiguilles,
couteaux, épées, baïonnettes, poignards, etc.); 2^ les projectiles lancés
par les armes à feu et les éclats ou débris de toute sorte qu'ils entraî-
nent avec eux.
Cette division est surtout fondée sur les indications et les manœuvres
opératoires que comportent les deux espèces de corps précédents. Tandis
que les corps étrangers de la première catégorie, après avoir pénétré
plus ou moins profondément, restent souvent implaniés dans la paroi, en
s'y brisant quelquefois, ceux de la deuxième sont généralement perdus
dans la cavité et rien à Textérieur ne trahit leur présence. De même, la
perforation d'un gros tronc vasculaire par une épée qui se brise dans la
plaie et forme une sorte de bouchon aux parties divisées, produira des
accidents immédiats moins graves qu'une lésion du même genre résul-
tant d'un coup de feu. A ces divers points de vue, il y a donc un in-
térêt pratique à ne pas confondre les deux espèces de corps.
1° Instruments piquants, — Les traités classiques et les mémoires
originaux renferment des exemples bien remarqnables de blessures compli-
quées delà présence de fragments de ces instruments, à la suite desquelles
le blessé a pu survivre plus ou moins longtemps. L'un des plus curieux
est celui du forçat décédé à l'hôpital de Rochcfort, dont robservalion
relatée parVelpeau a été, plus tard, reprise et rectidée par Berchon (Gaz.
hebd, 1861.) Cet homme, qui avait été blessé quinze ans auparavant,
portait dans son thorax, sans que rien, avant l'autopsie, en eût fait
soupçonner la présence, un fragment de fleuret d'une longueur de
85 millimètres, fixé en haut à la face inférieure de la première côte par
des ostéophytes et en bas à l'apophyse transverse de la quatrième ver-
ti'brc dorsale. La partie moyenne de l'instrument, logée dans le poumon,
était entourée de concrétions calcaires. Un autre fait, du même genre, dans
lequel la blessure remontait également à une quinzaine d'années environ,
a été signalé par Manec à la Société anatomique (1829) ; une lame de
fer traversait le poumon dans toute sa hauteur ; le tissu de l'organe était
sain et formait au corps étranger une sorte de canal à parois lisses. Néan-
moins, ces exemples de survie prolongée sont rares et, en général, les
blessés succombent, soit immédiatement, soit au bout de peu de jours.
Tel fut le cas de cet officier de la garde nationale de Paris, à l'occasion
duquel Velpeau fit construire par Charrière un instrument d'extraction spé-
cial qu'on trouve aujourd'hui dans la plupart des arsenaux de chirurgie.
POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICATIONS* 7ii
Cet officier, étant à Texerciee, avait eu la poitrine traversée d'arrière en
avant par une baguette de fusil, qui restait saillante à l'extérieur et qui ré-
sista à des tractions énergiques faites par plusieurs personnes vigoureuses.
Le blessé succomba le quatrième jour, avant qu'on eût pu appliquer le
nouvel instrument ; l'autopsie démontra que la baguette avait traversé une
des vertèbres dorsales à une ligne en avant du canal rachidien, puis, qu'en
rasant la veine cave inférieure et passant sous la base du cœur, elle était
venue embrocher le poumon pour arriver entre les côtes sous la mamelle
droite où elle était encore. Les gros vaisseaux et le cœur étaient intacts ;
le poumon, légèrement engoué, n'était pas encore enflammé ; la mort fut
attribuée à Tépanchement d'une certaine quantité de satig dans les bron-
ches ouvertes sur le trajet de la baguette. Paulet a signalé, dans son
Traité d'anatomie topographique ^ un cas extrêmement curieux à cause
du trajet suivi par l'instrument vulnérant. Dans un duel, un homme,
ivre de fureur, s'était précipité tête baissée sur son adversaire et lui avait
enfoncé de toute sa force un fleuret dans la poitrine. Le blessé n'était
pas en garde, il ne prévoyait pas l'attaque et se présentait complètement
de face ; il tomba et mourut immédiatement sans pousser un cri. Voici
ce qu'on trouva à l'autopsie : le fleuret avait pénétré dans le manche du
sternum, et sa pointe, après avoir traversé la poitrine, s'était solidement
fixée dans la quatrième vertèbre ; la lame s'était brisée au niveau de la
peau, et l'on ne voyait en ce point qu'une petite tache ecchymotique.
Mais ce qu'il y avait surtout de remarquable, c'est que la tige d'acier
restée dans le thorax occupait juste la ligne médiane et divisait la cavité
de la poitrine en deux moitiés parfaitement symétriques; l'arme avait
embroché d'avant en arrière le tronc veineux brachio-céphalique gauche,
le tronc innominé, la trachée, l'œsophage, le corps de la quatrième ver-
tèbre dorsale ; elle avait ensuite pénétré dans le canal rachidien, traversé
la moelle, et sa pointe était restée implantée dans l'angle de réunion des
lames vertébrales, à l'origine de l'apophyse épineuse.
Dans la pratique, on se trouve donc en présence de l'un ou de l'autre
des deux cas suivants : ou l'arme restée dans la plaie fait saillie à l'exté-
rieur ; dans ce cas le diagnostic se fait de lui-même et il est, en outre,
possible de déterminer d'une façon exactement mathématique les diverses
couches qui ont été traversées; ou bien, l'instrument s'est brisé au ras de
la plaie et, pour peu que le parallélisme des couches superficielles se soit
détruit ou qu'il y ait déjà du gonflement, on peut avoir des doutes sur la
présence du corps étranger. Dans ce dernier cas, les symptômes rationnels,
tels que la douleur, la toux, la tuméfaction du voisinage de la plaie, etc.,
ne peuvent fournir que des présomptions; les renseignements procu-
rés par les assistants et surtout l'examen de la partie restante de l'ins-
trument, quand il est possible, sont des données plus sûres et d'après
lesquelles on ferme la plaie, si elles sont négatives, on la dilate au
contraire, si elles sont affirmatives, pour aller à la recherche du corps
étranger.
La présence de l'instrument une fois constatée, l'indication générale
712 POITRINE. — PLAIES pknktraktks. complicatioiis.
est (le rcxlrairc. 11 est un cas cependant où Thcsitation est permise, c'e?l
lorsqu'il s'agit de ces corps étrangers de forme allongée qui traversent la
poitrine de part en part et sont parfois solidement implantés dans le
squelette, comme dans les exemples que nous venons de citer. D'une
part, comme nous Tavons vu, il existe des faits remarquables de tolérance
de la part de l'organisme, vis-à-vis de semblables lésions, et d'autre part,
on peut se demander si l'extraction de Tarme, qui fait provisoirement
office de bouchon, n'entraînera pas une hémorrhagie immédiate mortelle.
Aussi les auteurs ne sont-ils pas d'accord sur la conduite à tenir dans ce
cas, de sorte qu'il est impossible de tracer des règles absolues à ce sujet.
La base du jugement à établir repose presque tout entière sur la connais-
sance anatomique parfaite des parties traversées ; on doit s^inspirer, en
outre, de l'examen des accidents immédiats observés ; on pèse enfin les
conséquences diverses que peuvent entraîner pour le blessé, d'un côté
l'expectation, de l'autre, une prompte intervention chirurgicale.
En dehors de ces faits exceptionnels, l'extraction immédiate doit être
la règle. Elle est facile à pratiquer, quand il s'agit de portions d'instru-
ments engagées dans les parties molles et susceptibles d'être saisies avec
les doigts ou des pinces; si la saillie est insuffisante, on peut y obvier
par un débridement. Si le corps étranger est engagé dans un os et fait
encore saillie à l'extérieur, l'extraction peut se faire avec de fortes pinces
à longues branches et à mors très courts qu'on garnirait, au besoin, d un
ruban de fil pour les empêcher de glisser sur le métal, ou avec des
tenailles, un étau à main et tout autre instrument analogue. Lorsque le
corps étranger a été brisé au ras d'une surface osseuse, les difticultt's
augmentent ; s'il s'agit du sternum, dont le tissu est facile à entamer, on
pourra le dégager d'abord avec une ^ouge, et au besoin, à l'aide d'une
application de trépan; si la pointe d'une épée ou d*un fleuret se brisait
contre une vertèbre et restait profondément cachée dans la poitrine,
Legouest conseille d'aller à sa recherche par une incision et d'en faire
l'extraction, à l'imitation de Percy ; enfin, si l'instrument était implanté
dans une côte, on se souviendrait du procédé ingénieux de Gérard (1715)
qui a donné lieu à tant de controverses. Ce chirurgien, ne pouvant
faire usage de ses pinces pour extraire un bout de lame de couteau, qui,
brisé au milieu et presque au niveau de la face externe d'une côte, la
dépassait d'un pouce à l'intérieur de la cavité, eut l'idée d'armer son
doigt d'un dé à coudre pour repousser la lame de dedans en dehors, en
pressant avec force sur la pointe ; celte opération eut un plein succès.
On a reproché avec raison à ce procédé son extrême difficulté et Tobli-
gation qu'il impose d'ouvrir un espace intercostal ; mais ces incon-
vénients sont encore moindres que l'abandon du corps étranger, pour peu
qu'il fasse saillie à l'intérieur; on pourrait, d'ailleurs, au préalnhle,
ainsi que le conseille Legouest, tenter de pratiquer une abrasion de la
face externe de la côte au voisinage de l'extrémité brisée de l'arme qui, se
trouvant ainsi assez dégagée, serait ensuite saisie par un instrument
approprié. (Legouest, Chirurgie d'armée, p. 556.)
POITRINE. — PLAIES PÉNÉinANTES. COMPLICATIONS. 715
S*' Projectiles. Une des différences essentielles, avons-nous dit plus haut,
qui distingue cette catégorie de corps étrangers des précédents est que,
d'une manière générale, ils ne font aucune saillie extérieure et qu'ils
sont totalement perdus dans la cavité même.
Le cas le plus simple est celui où ils se logent dans les couches super-
ficielles du poumon ; Texploration directe avec le doigt ou la sonde dite
de poitrine permet de les reconnaître, et leur extraction se fait avec des
pinces ordinaires».
Mais les balles cylindro-coniques des nouvelles armes à feu, qui ont
une puissance de pénétration supérieure aux anciennes balles rondes,
s'arrêtent rarement à ce niveau. Quand elles rencontrent le poumon, elle^
le traversent souvent de part en part ou bien s'y plongent profondément,
et la, tantôt sont tolérées et s'enkystent, ce qui est rare, tantôt au con-
traire^ donnent lieu aux accidents de la pneumonie traumatique, ce qui
est le cas ordinaire.
On peut les rencontrer dans le cul de sac inférieur de la plèvre ; d'au-
tres fois, elles se logent dans le cœur, ou produisent des désordres
promptement mortels soit dans l'œsophage, soit surtout dans les gros
vaisseaux de h cavité ; dans des cas rares, onHn, elles peuvent respecter
la plèvre, le péricarde, les troncs vasculaires, et se perdre dans le tissu
cellulaire du médiastin.
Laissant de côté ce qui a trait aux corps étrangers du poumon et du
cœur, dont on trouvera la description à la place appropriée, nous nous
bornerons à examiner ici ce qui concerne les corps étrangère de la plèvre
et du médiastin.
Les projectiles et autres corps étrangers qu'on rencontre dans la plèvre
peuvent y parvenir de diverses manières : tantôt, mais rarement, après
avoir franchi la paroi, ils ont perdu leur impulsion primitive, et comme
le poumon cède devant eux dans une certaine mesure en vertu de son
élasticité, ils tombent dans la cavité pleurale correspondante; tantôt,
après avoir traversé le poumon, ils vont s'arrêter dans la cavité opposée
au lieu de leur pénétration; d'autres fois enfin, après avoir séjourné
quelque temps dans le poumon, ils sont mobilisés par la suppuration que
détermine leur présence et tombent dans la plèvre par leur propre poids.
Lorsqu'il a pénétré dans la cavité pleurale, le corps étranger a une
tendance naturelle à gagner la partie la plus déclive de cette cavité, c'est-
à-dire la partie du sinus costo-diaphragmatique voisine de la colonne
vertébrale. Il en est ainsi surtout pour les corps de petit volume, lourds
et arrondis , comme les balles, et lorsque la plèvre est libre d'adhérences
anciennes ; le contraire a lieu naturellement dans les conditions opposées.
Quel que soit, d'ailleurs, le point où le corps s'est fixé, les phénomènes
consécutifs sont variables. Ainsi, il est rare qu'une balle reste libre et
mobile dans la cavité sans y déterminer d'accident, malgré les exemples
invoqués parPercy. Dans certains cas heureux, il se produit une pleurésie
localisée et, à la suite, une sorte d'enkystement du projectile par des
fausses membranes. Le plus souvent, la pleurésie s'accompagne d'épan-
714 POITRINE. — PLAIES pénétrantes, compucations.
chement purulent, et alors, tantôt il se forme un abcès pariétal qui donne
issue au corps étranger ou facilite les recherches ultérieures, tantM
l'affection prend une allure chronique, et il s'établit une ouverture fista-
Icuse qui fournit un suintement permanent.
Le diagnostic est souvent difficile à établir d'une manière exacte. Les
commémoratifs n'ont généralement ici qu'une importance secondaire, et
c'est à un examen minutieux de la blessure qu'il s'agit de procéder avant
tout, en ayant présent à l'esprit ce fait important, que la plaie peut ren-
fermer non-seulement un projectile mais encore des débris de loole
nature entraînés par ce dernier. Le premier point qu'il faut vériGercst à
bavoir si la plaie a un ou deux orifices. Dans le cas d'une plaie pénétrante
par coup de feu avec une seule ouverture, la présence du corps étranger
dans la cavité thoracique est évidemment la règle la plus générale;
pour que le contraire ait lieu, il faut un concours de circonstances
assez exceptionnel ; il faut, par exemple, que les vêtements aient été
refoulés en doigt de gant par la balle sans être perforés, et que le fait de
la pénétration de la plaie soit le résultat d'une fracture osseuse avec
esquilles et non de l'action directe du corps vulnérant. Il suffit, du reste,
que la chose soit possible, pour qu'il soit toujours prudent d'examiner
les vêtements qui recouvraient le lieu de la blessure.
L'existence de deux ouvertures faites à la poitrine par une balle donne
de grandes présomptions pour croire que le projectile est sorti ; mais la
balle a pu se diviser et laisser un de ses fragments dans la plaie, ou bien
des portions de vêtement ou des esquilles osseuses ont pu être entraînées
et abandonnées dans le trajet. En résumé, Texamen de visu est générale-
ment insuffisant, il doit être complété par Y exploration directe de la
blessure, toutes les fois du moins que l'état général du blesse le permet.
Contrairement à l'opinion de Dupuytren qui condamnait forraellemenl
ce genre d'examen, la plupart des chirurgiens d'armée en font une
obligation ; la recherche d'un corps étranger est même pour eux la cir-
constance à peu près unique qui autorise le cathétérisme d'une plaie de
poitrine. Toutes les fois que cette exploration pourra être pratiquée avec
le doigt, on devra employer ce mode d'investigation comme étant le plus
inoffensif et le plus propre à fournir des renseignements précis. Dans le
cas contraire, on se sei'vira d'abord d'instruments flexibles, de sondes en
gomme, qui prennent d'elles-mêmes toutes les courbures nécessaires et qui
présentent encore l'avantage d'une innocuité suffisante, mais ont souvent,
par contre, l'inconvénient de fournir des données inceilaines ; on peut v
remédier, du reste, en les garnissant, à l'extrémilo, d'un petit boulon
métallique ou d'une olive de porcelaine non émaillée, à l'imitation du
stylet de Nélatou. Les sondes rigides seront réservées pour des cas parti-
culiers; on peut, d'ailleurs, en atténuer les inconvénients en employant
les sondes de Béniquié qu'on peut courber à volonté dans tous les sens.
Les recherches doivent être dirigées, soit vers les points où le malade
accuse de la douleur, soit vers la partie postérieure du sinus costo-dia-
phragmatique où les projectiles vont souvent se loger. Lorsque i'explo-
POITRINE. — PLAIES PÉNÉTRANTES. COMPLICATIONS. 715
ration rcstp infructueuse, on recoinmande de coucher le blessé sur le
côté niain'dc, dans l'ospoir que cette situation, si la balle est flottante,
l'amènera vers l'ouverture. Cette pratique peut réussir dans quelques cas
et permettre à la fois la reconnaissance et Textraclion du projectile ; mais
elle ne peut être d'aucune utilité si la balle n'est pas libre dans le côté
blessé ou si elle est passée soit dans le côté opposé, soit dans le médiastin.
11 résulte évidemment de tout ce qui précède que les circonstances qui
accompagnent l'entrée d'un corps étranger dans la cavité thoracique peu-
vent varier à l'infini, et qu'il est impossible de tracer des règles absolues
au sujet de la conduite à tenir en présence de cette camplication. On peut
dire cependant, d'une manière générale, qu'à notre époque l'opinion pré-
dominante des chirurgiens est favorable à l'extraction du projectile,
toutes les fois qu'elle est possible, avec cette réserve que le moment de
l'opération sera plus ou moins différé, suivant le cas.
Ainsi, dans les instants qui suivent la blessure, l'expectation sera indi-
quée dans les cas suivants : 1** s'il existe en même temps une autre
complication d'une gravité immédiate, telle que l'hémorrhagie; 2® si l'ex-
ploration demeure infructueuse et que l'on conserve des doutes sur la pré-
sence même du corps étranger ; 3* si la plaie siège dans les régions supé-
rieures du thorax et que le corps étranger n'ait pas été retenu dans le
voisinage par des circonstances fortuites, telles que des adhérences
anciennes.
Lorsque la plaie a son siège à la partie inférieure du thorax ou au
niveau d'une cavité accidentelle de la plèvre, circonscrite par des adhé-
rences, et que la présence du corps a été constatée, l'extraction est
aujourd'hui la règle. La plaie ayant été débridée, s'il est nécessaire, on
cherchera à introduire le doigt d'abord, puis sur ce dernier, les pinces
destinées à saisir le corps.
Si l'extraction directe est impossible, on pratique une contre-ouverture,
soit au lieu de nécessité^ s'il s'agit d'une loge pleurale accidentelle, soit
au lieu d'élection, c'est-à-dire dans le onzième espace intercostal, quand la
cavité pleurale est lihrc.
Lorsqu'on a dû différer les tentatives d'extraction, s'il se forme un
abcès pariétal ou im épanchement purulent de la plèvre, l'ouverture de
la collection purulente devient le premier temps de l'opération; la recher-
che à fond du corps étranger et son extraction viennent ensuite.
Quand on ouvre le onzième espace intercostal, la mobilité des côtes qui
le forment est assez grande pour qu'il soit en général possible de les
maintenir écartées et de se ménager ainsi une ouverture suffisante pour
l'introduction du doigt et des pinces. C'est là un avantage qui s'ajoute à
ceux qui résnllent de la déclivité de la plaie. Quand on pratique une
contre-ouverture au lieu de nécessité, ou lorsqu'on a ouvert un abcès
pariétal, on peut, après avoir saisi le corps étranger, se trouver arrêté par
l'impossibihlé de lui faire franchir l'espace intercostal. On essaie d'abord,
dans ce cas, d'agrandir Tintervalle en faisant fléchir le tronc vers le côté
opposé à la blessure, puis en agissant directement sur les deux côtes voi-
7i6 POITRINE. — PLAIES péhétrantes. complicatio^is.
sines à l'aide d'écarteurs ou d'un coin mousse ; sî ces moyens échouent, on
peut être conduit soit à échancrer le bord supérieur de la côte inférieure
avec un couteau lenticulaire (Larrey], soit à pratiquer une résectionpar-
tielle de l'une des côtes au moyen de la scie à chaîne. (Legouest, p. 3ii8.|
Les manœuvres nécessitées par la recherche et rexlraclion d'un corps
étranger rendent généralement illusoires les tentatives d'occlusion ulté-
rieure de la plaie. Néanmoins, si l'extraction a pu être opérée avant que la
pleurésie ait eu le temps de se déclarer ou de passer à l'état purulent, ou
fera tout ce qu'il est possible pour empêcher la pénétration ultérieure de
l'air. Lorsque, au contraire, la suppuration est établie, on devra maintenir
la plaie béante, en y fixant à demeure une sonde molle, afin d'assurer
Técoulement continu des liquides pleuraux et de pouvoir pratiquer des
injections délersives dans la cavité.
Il arrive enfin des cas où Ton est à peu près certain qu'il existe un
corps étranger, et où ce corps est, néanmoins, absolument introuTnble.
11 se forme généralement, dans ce cas, un abcès pariétal dont l'ouveriurf
devient fistuleuse. Si de nouvelles recherches pratiquées à ce momeol
n'amènent pas la découverte du corps, la fistule résiste à tous les moyeib
chirurgicaux mis en œuvre pour en obtenir la guérison. Il y a même plus;
si elle s'obture temporairement, il se produit bientôt une poussée inDam-
matoire et des accidents divers qui ne cessent que quand l'ouverture se
reforme; delà, l'obligation delà maintenir constamment béante. Moyefl-
nant cette précaution, les sujets atteints d'une pareille infirmité peuvent
prolonger pendant longtemps une existence passable.
Il peut se faire, comme nous l'avons dit au début de ces considéral'wns
sur les corps étrangers de la poitrine, qu'une plaie pénétrante du môdia<-
tin soit compliquée de la présence d'un corps étranger, sans être accom-
pagnée en même temps de ces lésions viscérales ou vasculaires dont l'eï-
trême gravité rend toute intervention chirurgicale inutile.
Le cas le plus favorable, et le plus rare aussi, est celui dans lequelle
corps étranger est toléré par le tissu conjonctif, y subit une sorte denky.-
tement et demeure indéfiniment inoffensif.
Le cas ordinaire est la formation d'un abcès rélro-stcrnal avec toutes se>
conséquences dont il sei^a question plus loin.
Accidentellement, il peut se former, en outre, une péricardite ou une
pleurésie de voisinage ; rinflammalion ulcérative peut gagner égalemcul
un des vaisseaux voisins et devenir, comme dans le cas observé par
Huguier, le point de départ d'un anévrysme.
Lorsqu'il existe quelque présomption pouvant faire croire à la présence
d'un corps étranger, dans le médiastin, la conduite à tenir sera diffêi-enle
suivant qu'il existera, ou non, des accidents graves. Ainsi, dans le ca>
d'hémorrhagie, on s'abstiendra provisoirement de toute recherche. En
l'absence, au contraire, de phénomènes primitifs inquiétants, mieux vaut
procéder immédiatement à la recherche et à l'extraction du corps étran-
ger, afin de prévenir les conséquences de son séjour. A cet elTel, la pbie
sera explorée avec les précautions précédemment indiquées au sujet de
POITIUNK, — ABCÈS. DES PAROIS THORACIQOBS. 717
la cavité pleurale ; on dilatera l'ouverture autant qu'il sera nécessaire par
une incision, et au besoin on appliquera une couronne de trépan. Quand
la présence et la position du corps ont été constatées, on doit redoubler de
prudence au moment où on le saisit avec les pinces, dans la crainte de
renfoncer davantage. Si les premières tentatives échouent, on a même
conseillé d'y renoncer provisoirement, dans l'espoir que Télablissenient
de la suppuration mobilisera le corps peu à peu, qu'il se présentera de
lui-même au bout de quelques jours à l'ouverture de la plaie, ainsi que le
fait a été constaté, ou qu'on se trouvera dans de meilleures conditions
pour reprendre les manœuvres d'extraction.
Lorsque le corps étranger séjourne dans le médiastin et donne lieu à la
formation d'un abcès rétro-sternal, on se trouve dans le même cas que
pour les abcès pariétaux de la paroi costale. Il est formellement indiqué,
après l'ouverture de l'abcès, si le corps étranger ne se présente pas de
lui-même, d'aller à sa recherche et de l'extraire.
II. Abcès. — Les collections purulentes de la poitrine appartiennent à
deux catégories distinctes : les unes ont leur siège dans les cavités
séreuses de la plèvre et du péricarde, et portent le nom d'épancliements;
elles ont été décrites à la suite des maladies qui leur donnent naissance.
{Voy. Péricarde, Pleurésie, Plèvres) ; les autres se développent soit dans
les parties molles des parois, soit dans le tissu conjonctif du médiastin, et
sont désignées sous le nom générique d'abcès ; ce sont les seules dont
nous ayons à nous occuper.
La distinction entre les deux espèces de collections est généralement
nette et facile, et cependant il est des cas particuliers dans lesquels elles
ont d'abord des rapports étroits de voisinage, entrent ensuite en commu-
nication, et enfin paraissent se confondre. Dans le cas, par exemple, où
un épancliement purulent de la plèvre est le point de départ d'un abcès
de voisinage dans le tissu conjonctif sous-pleural, les deux collections
peuvent rester longtemps distinctes, grâce à la barrière représentée par
les fausses membranes qui les séparent; mais il peut se faire qu'une com-
munication s'établisse entre elles, qu'elles s'ouvrent, en outre, toutes
deux à l'extérieur, et alors, la ligne de démarcation devient, en quelque
sorte, fictive. Mais, il faut bien le dire, ce sont là des cas exceptionnels
qui n'infirment en rien la valeur de la classification adoptée.
Les abcès des parois thoraciques et ceux du médiastin constituent eux-
mêmes deux groupes distincts, parce qu'au milieu de caractères communs
qui appartiennent aux inflammations suppuratives du tissu conjonctif en
général, ils présentent certains caractères particuliers qui méritent une
description séparée.
Abcès des parois tuoraciques. — Ce premier groupe renferme toutes
les variétés d'abcès qu'on peut rencontrer dans les autres régions de l'or-
ganisme ; les uns à marche aiguë, tels que le phlegmon simple, le phlegmon
diffus, Térysipèle phlegmoneux; les auties, au contraire, à marche
chronique, abcès froids, abcès ostéopathiques, abcès par congestion.
Chacune de ces variétés se trouvant déjà décrite dans des articles spéciaux
/ (JAL^^^*-^ f ^«-7**^^
718 POITRINE. — ABCÈS, des paeois thoracioves.
de l'ouvrage, nous nous bornerons à signaler ce qu'elle offre de particulier
au point de vue de Tétiologie, de la marche, des complications et du trai-
tement quand elle se développe dans Tcpaisseur des parois tlioraciqœs.
Phlegmon simple ou circonscrit. — Nous retrouvons ici Tétiologie
banale signalée pour les autres régions (contusions et épanchemeDtssao
guins, plaies ayant subi une cause quelconque d'irritation , corps étranger?,
convalescence des Bèvres éruplives et des fièvres graves, etc.). Lorsque
Tabcès est sous-cutané, il ne présente rien qui soit spécial à la régioQ;
tandis que les phlegmons, même circonscrits, qui ont leur siège soit soos
les muscles pectoraux, soit dans le tissu conjonctif sous-pleural, ont toujoors
un certain caractère de gravité. Ils méritent par conséquent de dou5
arrêter.
La présence de l'aponévrose clavi-coraco-axillaire exerce une influoitt
bien connue sur la marche des abcès qui siègent sous les muscles pecto-
raux. Ceux qui se forment entre le grand et le petit pectoral fontsiillie
en avant, soulèvent le grand pectoral et viennent s'ouvrir soit en ba?,
soit dans le sillon qui sépare ce muscle du deltoïde; mais lorsque labctf
est en arrière du petit pectoral, le pus bridé par Taponévrose n*a pas de
tendance à se porter en avant ; il envahit la masse cellulo-grnisseuse, qat
entoure le paquet vasculo-nerveux e/décolle la paroi thoraci(|ue au niTeM
des premiers espaces intercostaux. Il peut survenir alors une pleurésie
purulente, par voisinage ou par perforation, et les deux foyers, Iob
pleural, l'autre extra-thoracique peuvent, dans certains cas, communi-
quer entre eux. On conçoit aisément pourquoi ces abcès sont presque
toujours mortels, surtout si de larges ouvertures n*ont pas été pratiquées
de bonne heure. Nous n'insisterons pas davantage sur cette question qui
appartient plus spécialement à la pathologie de T Aisselle. (Toy. 1. 1
p. 488.)
Quant aux abcès sous-pleuraux^ ils affectent généralement une marche
chronique, ainsi que nous le verrons plus loin ; néanmoins, dans quel-
ques cas, rinflammatiou du tissu conjonctif sous-pleural prend un cartf-
tère aigu et se propage vers l'extérieur de la paroi, à la manière d'an
véritable phlegmon. Boyer avait, le premier, signalé ce fait; maisilaéti'
remis en lumière, à notre époque, par les recherches de Leplat, Windff-
lich, Billroth, et, plus récemment encore, de Bartels. Faut-il admettre,
dans certains cas, avec quelques-uns de ces observateurs, une périptev-
ri7e aiguë spontanée, essentielle? Ou bien faut-il toujours, ainsi quv
Leplat s'est attaché à le démontrer, rapporter l'origine de ces abcè<â
une pleurésie aiguë ou même chronique? La question ne semble pâ?
encore défmilivement tranchée ; toujours est-il qu'à Tautopsie on a
souvent relevé, dans ces cas, la présence d'un épanchement pleurétiqu^
concomitant, et c'est là le fait qui, en dehors de toute interprétation
doctrinale, justifie la gravité du pronostic attaché à cette variété de^
phlegmons des parois thoraciqucs.
Phlegmon diffus et érysipèle phlegmoneux. — Nous sommes oblip
de réunir ces deux dénominations, parce que la ligne de démarcation éuMir
POITRINE. — ABCÈS. DES PAROIS THORACIQUES. 719
-primitivement entre les deux ordres d'états morbides qu'elles étaient
destinées à représenter, s'efface de plus en plus et qu'il existe une ten-
dance fâcheuse à confondre sous l'expression générale de phlegmon
diffus des faits de nature dissemblable. Dans les uns, en effet, l'affection,
tout en se propageant loin de son foyer primitif, conserve un caractère
franchement inflammatoire; dans d'autres, au contraire, elle a un carac-
tère infectieux qui lui donne un cachet de gravité exceptionnelle.
En ce qui touche au fait général de la diffusion ou de la propaga*
tion à distance de l'inflammation suppurative, les parois thoraciques
présentent, dans leur disposition anatomique, des conditions malheureu-
sement favorables. Un fascia superficialis presque partout lamelleux, de
larges muscles étalés sur de grandes surfaces, des aponévroses, tantôt
engainantes dans une longue étendue, tantôt simpleoient celluleuses, et
enfin la déclivité naturelle des parties dans la position assise ou demi-
assise qu'un certain degré de gène respiratoire impose souvent au ma-
lade, telles sont les principales circonstances qui rendent compte de la
marche souvent envahissante de l'inflammation. Tantôt le phlegmon
demeure sous-cutané; tantôt il franchit la faible barrière que lui oppose
l'aponévrose superficielle, et alors, le pus, arrivé au contact de larges
couches musculaires, peut fuser jusqu'à leurs attaches au squelette. Lors-
que le pus se forme primitivement ou pénètre, à un moment donné, au
milieu du tissu conjonctif lâche qui remplit les espaces intermusculaires,
l'inflammation se propage parfois à des distances considérables. On a vu
le grand dorsal, le grand dentelé, le rhomboïde complètement décollés
par d'énormes collections purulentes. D'autres fois, ce sont des suppura-
lions profondes du cou qui, fusant au-dessous de la clavicule, envahis-
sent l'aisselle, s'étalent sur la face externe du grand dentelé, ou même,
suivant le bord supérieur de ce muscle, s'étendent, sous le trapèze et le
rhomboïde, jusqu'à l'angle de l'omoplate.
Le traitement chirurgical à opposer à cette marche envahissante ne
saurait être hésitant. 11 faut non-seulement inciser de bonne heure et
inciser largement pour ouvrir une voie facile à l'écoulement du pus,
mais encore poursuivre les décollements un à un et établir autant de
contre-ouvertures qu'il peut être nécessaire. Lorsque la suppuration s'est
limitée, le drainage, les injections détersives et modificatrices, la com-
pression, en dernier lieu, viennent en aide au travail de la réparation.
En dehors du traumatisme, il est souvent difficile d'assigner une ori-
gine rationnelle à ces phlegmons étendus. On est obligé d'invoquer alors
une influence générale représentée par cet ensemble de conditions hygié-
niques défectueuses qui amène l'état désigné communément sous le nom
de misère physiologique. Les faits de ce genre, qui semblent avoir long-
temps passé inaperçus, ont éveillé l'attention dans ces dernières années ;
on en trouve des exemples remarquables dans les thèses récentes de
Demartial et de Serez. Les symptômes initiaux sont tout à la fois graves
et insidieux; ce sont ceux qui annoncent d'ordinaire le début d'un état
typhoïde; au bout de quelques jours, il se manifeste sur un des points
720 POITRINE. — abcès, des parois thoraciques.
du thorax une douleur vive qui a été rapportée, dans plusieurs cas, i
l'invasion d'une phlegmasie viscérale; l'examen de la poitrine, pratiqué
justement dans le but de vérifier le diagnostic précédent, met nécessaire-
ment sur la voie, en montrant qu'il existe sur une partie de la paroi un
empâtement douloureux accompagné d'une coloration caractéristique.
Dans la plupart des observations relevées, le phlegmon ou mieux Té-
rvsipèle phlegmoneux occupait la paroi latérale, s'étendant progressive-
ment de l'aisselle à la base du thorax et même au delà. L'incision des
parties donne rarement issue à du pus phlegmoneux colligé ou en nappe;
c'est plutôt cette infiltration louche, grisâtre, qui précède la morlification
du tissu conjonctif. Quoi qu'on fasse, le sphacèle se produit, en même
temps que les symptômes généraux s'aggravent, et on assiste à la suc-
cession des phénomènes qui caractérisent l'évolution du phlegmon diffus
le plus grave. (Voy. Phlegmon, t. XXVII, p. 158.)
Comme dans tous les cas de ce genre, il faut intervenir avec énei^ie
et promptement. Dès que le diagnostic est certain, on pratique desdéhri-
déments multiples qui doivent comprendre toute l'épaisseur de la peau et
du fascia jusqu'à l'aponévrose exclusivement. Le butest h la fois de donner
issue aux produits altérés dont le tissu conjonctif est engorgé à la manière
d'une éponge, et d'entraver, s'il est possible, la marche envahissante de
l'affeclion. Quelques chirurgiens font précéder les incisions de larges et
profondes applications de caustique de Yienne qui semblent, dans certains
cas, contribuer à la délimitation du processus gangreneux. On doit insti-
tuer en même temps un traitement interne aussi tonique que possible et
prescrire une alimentation substantielle, à cause du fond adynamiquc des
accidents. Une fois les escharres éliminées et la suppuration établie, on se
conduit comme pour les phlegmons étendus.
Abcès froids des parties molles. — Nous rangeons dans cette caté-
gorie tous les abcès à marche chronique qui ont leur siège soit dans les
parties molles extérieures, soit dans le tissu conjonctif sous-pleural et
qui ne se rattachent pas à une lésion primitive du périoste ou des os.
Ceux qui se forment d'emblée à l'extérieur de la paroi costale ne présen-
tent rien de particulier qui les distingue des abcès froids des autres
régions. Ceux, au contraire, qui se développent primitivement dans le
tissu conjonctif sous-pleural ont quelques caractères propres qui ont
fixé l'attention des observateurs contemporains.
Ces abcès se montrent sous deux aspects différents : tantôt ils forment
une poche unique, irrégulière, anfractueuse, qui répond d'une part à la
plèvre généralement épaissie et altérée, d'autre part à la face interne
des côtes ; tantôt ils se composent de deux loges, l'une sous-costale,
l'autre sus-costiUe, communiquant ensemble par une ou plusieurs ouver-
tures qui traversent un espace intercostal. Du côté de la plèvi-e et du
poumon, on rencontre généralement des lésions diverses plus ou moins
graves. Ce sont tantôt des tubercules pulmonaires, tantôt les lésions
propres de la pleurésie aiguë ou chronique ; parfois c'est le poumon lui-
même, doublé de fausses membranes épaisses, qui constitue la paroi
POITRINE. — ABcis. 721
interae de l'abcès. Le tissu osseux, proprement dit, des côtes voisines de
l'abcès, est généralement sain; par contre, le périoste est souvent épaissi
et fongueux, mais seulement dans ses couches superficielles ; lorsque la
maladie se prolonge longtemps, ces lésions gagnent en profondeur ; on
trouve, dans certains cas, le périoste ramolli, décollé ; Tos sous-jacent
est injecté, moins résistant qu'à l'état normal ; mais toutes ces altéra-
tions qui n'aboutisient d'ordinaire ni à la carie, ni à la nécrose, conser-
vent les caractères de lésions consécutives.
Tant que Tabcès demeure sous-cosUd et qu'il conserve un petit
volume, il n'apporte par lui-même aucun surcroit de gêne dans l'accom-
plissement des phénomènes mécaniques de la respiration, et, s'il existe
en même temps, comme c'est le cas ordinaire, une affection chronique de
la plèvre ou du poumon, les signes qui pourraient faire soupçonner la
présence d'une collection purulente s'effacent sous ceux de l'affection
principale. Ce n'est donc qu'à l'autopsie qu'on rencontre généralement
cette variété d'abcès.
Lorsque la maladie se prolonge, la collection purulente augmente de
volume et tend à se frayer une issue. Si elle est en contact avec le pou-
mon, par suite de l'adhérence des feuillets pariétal et viscéral de la
plèvre, et que ces feuillets n'aient pas acquis une trop grande résistance
par le développement de fausses memb^iies épaisses, elle pourra se vider
par les bronches.
Lorsque, au contraire, la plèvre est le siège d'une inflammation chro-
nique qui a amené le dépôt de couches successives de fausses membranes^
l'abcès a une tendance très-prononcée à se porter vers Textérieur. Deux
cas peuvent alors se présenter : Si la collection primitive s'est formée en
arrière, dans le tissu sous- séreux de la gouttière vertébrale, le pus s'en-
gage entre les deux plans des muscles intercostaux, suit le trajet des
vaisseaux et des nerfs, et vient former une tumeur sur un point quelcon-
que de la circonférence du thorax ; mais, si l'abcès a pris naissance vers
la partie moyenne de l'espace intercostal, comme il se trouve com-
pris entre deux barrières résistantes, les fausses membranes pleurales
d'un côté, le plan musculaire et aponévrotique des intercostaux de l'autre,
il est plus difficile de comprendre pourquoi il est arrêté par la première,
tandis qu'il parvient à franchir la seconde. D'après certains faits observés
par Lcplat, cette évolution vei*s l'extérieur se ferait en deux temps : dans
une première période, le pus étalé entre la plèvre et la face interne des
côtes déterminerait peu à peu par son contact une inflammation subai-
gué du périoste costal, et ce serait là l'origine des lésions secondaires de
cette membrane qu'on retrouve à Tautopsie; dans une deuxième période,
le périoste enflammé et épaissi sur toute sa circonférence deviendrait à
son tour un centre de rayonnement et le point de départ de la formation
d'un abcès extérieur, dont la communication avec l'abcès primitif ne
S'établirait qu'ultérieurement. C'est ainsi que se formeraient souvent cer-
tains phlegmons sous-musculaires dont l'origine est parfois si obscure,
ces collections purulentes étendues qui prennent naissance, sans cause
MOT. DICT. ><0. KT CHUU XXYllI — 40
722 . POITRINE. - AKJb.
appréciable, sous leâ pectoraux, le grand dentelé, le grand dorsal, le tra-
pèze, le rhomboïde, etc., et qui, avant d'arriver sous la peau, ont encore
une dernière étape à franchir, celle de Taponévrose superficielle, qu'elles
usent et perforent à la longue.
Enfin, dans une dernière catégorie de faits, la moins fréquente, il est
vrai, il peut y avoir communication entre un épanchement purulent de
la plèvre et un abcès de la paroi qui s'ouvrent ensuite tous deux, soit i
Textérieur, soit à la fois dans les bronches et au dehors de la cavité
(Voy. Pleurésie, p. 211).
Tels sont les faits qui ont été observés à notre époque; ils jettent on
jour nouveau sur la pathogénie d'un certain nombre d'abcès froids des
parois thoraciques qu'on rapportait autrefois, d'une manière banale, à des
affections osseuses* dont l'existence n^était pas toujours démontrée. Le
seul point qui n'ait pas encore été éclairci d'une manière bien satisfaisante,
c'est la question d'origine. Sans doute, Leplat a fait faire un grand pas
à la question en démontrant que, dans le plus grand nombre des cas, les
abcès froids des parois thoraciques sont le résultat d'une pleurésie anté-
rieuFC. Cette interprétation s'est substituée avantageusen^ent aux explici-
tions fort hypothétiques proposées soit par Larrey et Sédillot pour les
jeunes soldats, soit, dans un autre ordre d'idées, par Ménière, et qui
avaient en outre l'inconvénient dp ne s'appliquer qu'à certains cas parti-
culiers. Mais, même après les travaux de Leplat, de Billroth, de Bartek,
etc., il reste encore une catégorie de faits dont l'interprétation est obscure];
ce sont ceux dans lesquels un abcès froid se développe chez un sujet
n'ayant jamais eu de pleurésie et ne portant aucune trace de lésion pleu-
rale.— Duplay et Choné, qui en ont observé des exemples incontestables,
admettent, comme cause initiale probable, l'existence d'une inflammation
spontanée de la lame externe du périoste, qui se développerait lentement
chez les sujets jeûnes, anémiques, affaiblis par les fatigues, la misère ou
les maladies, et qui se manifesterait ensuite accidentellement à Textérieur,
soit sous une forme aiguë, soit sous une forme chronique, sous TinOuence
de causes externes quelquefois légères. Pour consacrer ce mode particulier
d'origine, on donnerait à cette catégorie d'abcès le nom d'abcès périos-
tiques.
Quel que soit le point de départ de la maladie, lorsque l'abccs est
développé dans la paroi thoracique, le diagnostic absolu en est généra-
lement facile, grâce à l'apparition rapide de la fluctuation. Ce qui laisàe
des doutes, souvent prolongés, c'est la détermination de la variété à
laquelle on a aflairc. On peut bien, après un examen attentif, écarter
l'hypothèse d'un abcès ossifluent venu soit de la colonne vertébrale, soit
d'un point plus ou moins éloigné de la paroi costale ; mais, faute de
caractères distinctirs suffisamment nets, on peut hésiter longtemps entre
un simple abcès froid du tissu cellulaire, un abcès périostii]ue, un abcès
symptomatique d'une lésion osseuse ou enfin un abcès du tissu sous-
pleural. Ce n'est, le plus souvent, qu'après l'ouverture de la collection
purulente, que l'exploration pratiquée à l'aide du doigt ou des instrumcats
POITRINE, — ABCÈS. 723"
a})propriés permettra d'établir un diagnostic définitif. Le pronostic est
lié à l'état de gravité plus ou moins avancé des complications pleuro-
pulmonaires qui coexistent si fréquemment. Il est, par suite, infiniment
moins sévère dans la variété désignée plus haut sous le nom d'abcès
périostiques. Mais, même dans les cas les plu« favorables, il faut s'attendre
à une évolution d'une extrême lenteur et à la formation de fistules per-
sistantes. Le traitement doit être à la fois interne et chirurgical. Nous
<;royons inutile d'entrer dans le détail des indications particulières qui
ressortent d'elles-mêmes de la série des faits que nous venons d*exposer.
Abcès ostéopathiques, — Ces abcès, qu'on désigne aussi quelquefois
simplement du nom d'abcès symptomcUiques, sont liés à une affection
osseuse des côtes ou du sternum. Ils constituent donc un groupe bien
distinct, dont le diagnostic cependant ne peut, souvent, être définitive-
ment établi que par une exploration directe, après l'ouverture spontanée
ou chirurgicale de la collection purulente. Us naissent sous l'influence de
trois causes principales : le traumatisme, la diathèse scrofuleuse, la
syphilis. Nous n'entrerons dans aucun détail à leur sujet ; leur histoire
se rattache tout entière à la pathologie des Côtes et du Sternum [Voy.
ces mots).
Abcès ossifluents, migrateurs^ par congestion. — A côté des abcès
précédents se placent, sans se confondre avec eux, ceux qui ont pour
point de départ une affection soit des vertèbres cemcales ou dorsales,
soit des côtes elles-mêmes, et qui viennent faire saillie sur un point de la
paroi thoracique plus ou moins éloigné de leur lieu d'origine. Il ne nous
appartient pas non plus d'en faire la description ; nous nous bornerons
à signaler une particularité de leur histoire qui rentre dans notre
sujet.
Nous voulons parler du trajet que suivent les abcès venus du rachis
avant de proéminer sur la paroi thoracique. Us longent d'abord la face
antérieure de la colonne vertébrale et traversent une étendue plus ou
moins grande du médiastin postérieur, constituant ainsi une des variétés
de collections purulentes de cette cavité. Puis, au lieu de franchir les
ouvertures du diaphragme et de pénétrer dans la cavité abdominale,
comme il arrive fréquemment, ils peuvent être arrêtés par un obstacle
quelconque, se dévier et suivre un des espaces intercostaïu. Là ils rencon-
trent le tissu conjonctif délicat interposé aux deux muscles intercostaux,
<\u\ n'oppose aucune résistance à leur progression, et c'est ainsi que,
longeant l'espace intercostal dans une étendue plus ou moins grande, ils
viennent se frayer une issue sur un point quelconque à travers le muscle
intercostal externe.
C'est également la voie que peuvent suivre les abcès qui proviennent
d'une carie de la partie postérieure des côtes. La conséquence qui en
découle, c'est qu'après l'ouverture d'un abcès froid de la paroi il ne faut
pas se hâter de conclure du résultat négatif des premières explorations
que l'abcès n'a pas une origine osseuse. Il faut, au contraire, explorer
dans tous les sens les décollements que peut présenter la cavité de l'abcès
U'
724 POITRINE. — ABcès.
une fois ouvert, combiner ces recherches avec Texamen extérieur des
divers points de la paroi, et c'est ainsi qu'on arrivera à établir le véri-
table point de départ de la maladie.
Abcès du médiastim. — Nous avons eu, diverses fois, dans le cours de
cet article, l'occasion de signaler les causes traumatiques qui peuvent
amener TinGiammation suppurativc du tissu conjonctif du médiastin. Tels
sont, entre autres, les épanchements sanguins, surtout lorsqu'ils sont
compliqués de pénétration de l'air extérieur, les esquilles osseuses pro-
venant d'une fracture des côtes ou du sternum, les corps étrangers, pro-
jectiles et autres venus du dehors, etc. On peut y joindre, comme pré-
sentant avec les cas précédents une grande analogie, les déchirures de
l'œsophage suivies du passage dans le médiastin postérieur des matières
alimentaires ou des corps étrangers venus par ce conduit.
Les abcès du médiastin reconnaissent, en outre, d'autres causes, dont
les unes ont été démontrées par l'observation, tandis que les autres pré-
sentent un caractère encore hypothétique. Parmi les premières, celles qui
agissent le plus fréquemment sont, sans contredit, les affections des côtes
ou du sternum, soit que les lésions osseuses résultent d'un traumatisme,
soit qu'elles se développent sous l'influence d'une diathèse (scrofule ou
syphilis).
Viennent ensuite les collections purulentes qui, provenant de régions
^ou d'organes voisins, envahissent le médiastin, et provoquent, à leur tour,
par leur présence, l'inflammation du tissu conjonctif de cette cavité. Nous
avons vu plus haut que les abcès ossifluents d'origine rachidienne occu-
pent fréquemment le médiastin postérieur. Il est très-rare, au contraire,
de voir des abcès profonds du cou, situés en avant de Taponévrose cervi-
cale profonde, se porter en arrière et suivre l'œsophage. Le pus, dans ce
cas, longe ordinairement la gaine des vaisseaux ou la trachée, et se trouve
ainsi conduit en avant dans une loge dont les expansions terminales de
l'aponévrose cervicale profonde et le péricarde forment la paroi posté-
rieure, et dont la paroi antérieure est constituée par le sternum. A côté de
ces cas se placent ceux dans lesquels le pus provient d'un épanchement
de la plèvre ou d'un abcès du poumon. Bien que le mémoire de Lamarti-
nière renferme trois observations de ce genre, le fait doit être assez rare,
à cause de la résistance opposée par les fausses membranes pleurales.
Enfm, les adénopathies, tuberculeuses et autres, des nombreux ganglions
qui occupent le médiastin, peuvent provoquer l'inflammation suppurative
du tissu conjonctif circonvoisin.
Parmi les causes obscures ou contestées des abcès du médiastin, il
faut placer en première ligne la médiaslinite essentielle, spontanée,
dont Daudé s'est efforcé de démontrer l'existence, en s'appuyant sur ses
propres observations et surtout sur celles qu'il a empruntées à Guntner,
ainsi que certains faits de métastase rhumatismale dont le premier de
ces deux observateurs a publié un cas intéressant.
Quel que soit le point de départ des accidents inflammatoires qui pré-
cèdent la formation de l'abcès, les symptômes du début présentent une
POITRINE. — ABCÈS. 728
•
obscurité facile à comprendre. Après avoir éprouvé, pendant quelques
jours, du malaise, de la courbature, les malades sont pris d'une fièvre
plus ou moins intense ; en même temps, ils accusent derrière le sternum
« une douleur fixe, profonde, généralement sourde, continue, rarement
lancinante, exceptionnellement très-aigue; parfois elle traverse la poi- ;
trine de part en part du sternum à la colonne vertébrale » (Duplay).
En même temps se développent, avec une intensité naturellement très-
variable suivant les cas, les divers signes physiques ou rationnels com-
muns à la plupart des affections dont le médiastin peut être le siège et qui
ne sont au fond que les manifestations variées d'un fait primordial, la
compression. Le tableau en a été tracé dans un autre article, à l'occa-
sion de la pathologie générale du médiastin (Voy. Médiastin, t. XXII,
p. 4). Nous nous contenterons donc de reproduire ici le résumé qui le
termine :
1^ Voussure et déformation de la région sternale (symptôme rare dans
les cas d* abcès;
2^ Compression des vaisseaux, surtout de la veine cave supérieure, et
consécutivement circulation complémentaire, œdème de la face et des
parties supérieures du tronc;
3^ Compression de la trachée et des bronches, et consécutivement
dyspnée, comage inspiratoire, diminution du murmure vésiculaire, em-
physème ;
4° Compression ou irritation des nerfs pneumo-gastriques, récurrents,
phréniques, grands sympathiques, etc. , et consécutivement toux, dysp-
née, intermittences particulières, altérations de la voix, spasmes de la
glotte, inégalités des pupilles, névralgies multiples;
5^ Compression de l'œsophage et dysphagie.
n est à peine besoin d'ajouter que l'apparition de ces divers groupes de
symptômes est liée au siège particulier de l'inflammation, que certains
d'entre eux peuvent manquer ou passer inaperçus, que, dans les cas
notamment où l'affection a une marche chronique, comme dans certains
abcès symptomatiques de la carie du sternum, son développement peut-
être absolument insidieux.
Dans tous les cas, quelles que soient la violence et la soudaineté des ac-
cidents, il n'est pas un des symptômes énumérés ci-dessus, y compris la
douleur, qui soit pathognomonique de la formation d'un abcès du mé-
diastin, et le diagnostic reste forcément incertain jusqu'au moment de
l'apparition d'une tumeur à l'extérieur.
Cette tumeur se montre presque subitement, plus ou moins longtemps / -
après l'invasion des premiers symptômes, soit au niveau de la fourchette
sternale, soit près de l'appendice xiphoïde, soit au milieu du sternum I
(dans les cas d'affection primitive de cet os), soit enfin le plus souvent l
sur ses bords et particulièrement le long du bord gauche, vers le deuxième
ou troisième espace intercostal (Guntner).
Dès qu'elle a franchi la paroi thoracique, la tumeur prend de l'exten-
sion ; elle est molle, fluctuante, réductible par la compression, tendue au
I
726 POITRINE. — tohecrs des pakois trobaciqcbs.
contraire dans les efforts de la toux, quelquefois animée de mouvements
communiqués par les vaisseaux sous-jacents, mais ne donnant aucnn bruit
particulier à Tauscultation.
/ Abandonnée à elle-même, la poche s'amincit progressivement^ puis
3*ouyre et livre passage à une masse de pus généralement dispropor-
tionnée avec son volume. Si le diagnostic n'a pu être fait jusque-là d'une
manière complète, il est facile alors de s'assurer que le pus Tient de Tin-
térieur de la cavité. Lorsque la suppuration est établie, elle se proWiige
longtemps, comme dans tous les trajets anfractuoux, irrégoliers, àclii-
piers sinueux; il est difficile que, dans de pareilles conditions, le
travail de réparation s'accomplisse d'une manière satisfaisante: aosn la
guérison, ou mieux une guérison relative, n'est-elle souvent obtenue
qu'au prix d'une fistule permanente. Quant à la terminaison fatale, qui
est loin d'être rare, elle est due soit à Tabondance de la suppuration et
au développement d'une fièvre hectique, soit à des accidents de septicé-
mie aiguë.
Le traitement doit avoir pour but : 1^ de modérer les accidents pri-
mitifs qui accompagnent la formation de l'abcès, 2* d'ouvrir une lar;ge
voie à l'écoulement du pus, 5*^ d'en tarir la source, s'il est possible.
Pour remplir la première indication, les antiphlogistiques, les sédstifs,
les révulsifs, doivent être employés avec une énergie proportionnée à l'in-
tensité des symptômes.
Lorsque l'abcès se^montre à l'extérieur, il faut l'ouvrir largement et de
bonne heure, recourir ensuite aux injections antiseptiques pour prévenir
ou combattre l'altération du liquide morbide.
Si l'ouverture est trop élevée, si le pus s'écoule mal, et que des accidents
de septicémie se manifestent, il peut être nécessaire de pratiquer une
contre-ouverture, à travers le sternum lui-même, au point le plus décliTe
du foyer. Depuis La Martinière, qui l'a préconisée, la trépanation du ster-
num a été pratiquée plusieurs fois pour remédier à des accidents de ce
genre. L'opération est simple et inoffensive, si l'on se met à l'abri des
inconvénients qui pourraient résulter de l'ouverture de la plèvre ou de la
lésion de la mammaire interne; il suffit pour cela de se tenir sur la ligne
médiane.
Si la formation de l'abcès tient à la présence d'un corps éti^anger, il
faut s'efforcer de l'extraire (Voy. p. 717).
Lorsqu'il s'agit d'ostéite, de carie, de nécrose du sternum, l'interven-
tion chirurgicale doit, par les moyens usités, s'attaquer à la cause initiale
de l'abcès. {Voy. Sterîsdm).
IH. Tumeurs. — Les tumeurs de la poitrine se divisent, comme les
abcès, en deux grandes catégories : 1® celles qui se développent primiti.
vement dans les parois thoraciques, 2° celles qui ont leur siège dans le
médiastin.
Tumeurs des parois thoraciques. — Elles forment elles-mêmes trois
groupes distincts : 1* tumeurs du sein, 2** tumeurs dépendant des autres
parties molles, 3° tumeurs dépendant du squelette. Les tumeurs du sein
POITRINE. — TUMEURS ou véDiÀsn!!. 727
confiiituent une classe à part dont la description a été faite à Tariicle
Mamelles (Voy. ce mot, t. XXI, p. 540). Pour les tumeurs qui dépendent
du squelette (fibromes, enchondromes, exostoses, cancer), voir les ar-
ticles Côtes (t. IX, p. 581) et Stecikum. Restent les tumeurs du deuxième
^oupe, qui n'ont qu'une importance très-secondaire, sauf le lipdme, qui
se développe assez fréquemment dans la région dorsale et peut y acquérir
des proportions considérables. La plaie qui résulte de Tablation de ces
tumeurs volumineuses a peu de tendance à se cicatriser promptement ;
les conditions anatomiques dont il a été déjà question la prédisposent,
au contraire, aux décollements, aux fusées purulentes et, par suite, aux
suppurations prolongées. Viennent ensuite les tumeurs ërectUes, qui
n'offrent aucune particularité à signaler, puis les kystes de toute nature,
sébacés, mélicériques, séreux, hydatiques. Ces derniers ont quelquefois
pour siège le tissu conjonctif sous-pleural et forment, à la longue, des
tumeurs qui font saillie à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du thorax.
11 est une variété de tumeur thoracique qui doit être entièrement dis-
tinguée des précédentes parce qu'elle constitue une sorte de Noli me tan-
gère qui ne comporte que l'emploi de moyens purement palliatifs. C'est
la pneumocèley qui diffère autant de la hernie traumatique du poumon
décrite plus haut (page 706) qu'une hernie abdominale diffère d'une éven-
tration par suite de traumatisme. Sa mollesse élastique, sa sonorité, et
enfin les signes stéthoscopiques qu'elle fournit, la différencient suffi-
samment des tumeurs liquides avec lesquelles un examen superficiel
pourrait la faire confondre (Voy. Poumon, pathologie).
Tumeurs du méuustus. — Au premier rang des tumeurs intra-thora- i
ciques se placent les anévrysmes de Taorte, qui forment une sorte de J
transition entre les. tumeurs de la paroi et celles de la cavité, par suite
. de leur tendance à faire saillie au dehors, après avoir usé lentement les
parois thoraciques. Ils ne sauraient, néanmoins, rentrer dans le cadre de
cet article, l'étude en ayant été faite complètement ailleurs {Voy. Aorte,
anévrysmes , t. II, p. 752). Il en est de même des tumeurs et des dé-
générescences dont l'œsophage peut être le siège (Voy. Œsophage, t. XXIV,
p. 381), à fortiori des anévrysmes.et des hypertrophies du Cœur (Voy.
t. VIII, p. 475), et enfin des tumeurs diverses qui, ayant pris naissance
dans la Plèvre ou dans le Poumon, envahissent ultérieurement la cavité
du médiastin. Pour délimiter exactement notre sujet, nous devrions y
comprendre uniquement, les tumeurs qui se développent primitivement
dans le tissu conjonctif du médiastin, et en exclure toutes celles qui se
localisent d'abord dans les organes qu'il entoure. 11 est cependant une
exception que commande l'état actuel de la science sur un point spécial
de la question ; il s'agit de la relation intime qui, d'après certaines don-
nées nouvelles, rattacherait à la dégénérescence des ganglions lympha-
tiques, si nombreux dans cette région, un grand nombre de tumeurs mé-
diastines dont la pathogénie avait échappé jusqu'ici à une explication
satisfaisante. Ce n'est pas qu'on ait méconnu, avant notre époque, l'in-
fluence incontestable que les affections des ganglions thoraciques devaient
728 POITRINE. — tumbora du néDusToi.
avoir sur le tissu conjonctif environnant; tous les auteurs TaTaient, aa
contraire, signalée et Texpression de périadénite^ prise dans son sens le
plus général, est employée depuis longtemps pour traduire cette idée de
propagation. Or, du moment que le fait était reconnu dans les cas d*adé-
ni te, d'hyperlrophie ou de dégénérescence tuberculeuse, il éUii à for-
tiori naturel de Kadmettre pour les néoplasies à marche envahissante qui
trouvent dans le tissu conjonctif un terrain si favorable à leur dé? eloppe-
ment. Ce n*était là néanmoins qu'une conception théorique qui ne s'ap-
puyait que sur un petit nombre de faits douteux ; l'examen histologiqiie
est venu lui donner sa consécration définitive, en démontrant que boa
nombre de tumeurs cancéreuses du médiastin sont en réalité deslympha-
dénomes, et, comme la distinction clinique entre les deux espèces de
tumeurs est à peu près impossible à établir, on est réduit à les confondre
dans la description.
11 y a peu d'années encore, la littérature médicale était assez pauvre
en ce qui concerne les tumeurs du médiastin, et le court chapitre qu'y a
consacré Nélaton représentait à peu près le bilan de nos connaissances
sur ce sujet. Les observations se sont multipliées à notre époque, des
communications intéressantes ont été adressées aux sociétés scientiGques,
des mémoires originaux et des travaux analytiques auxquels s'attachent
les noms de Bennet, Daudé, Siebert, Eger, Rendu, etc., ont été publiés,
et, si la thérapeutique continue à rester fatalement désarmée, les ques-
tions du diagnostic et du pronostic commencent au moins à sortir de leur
ancienne obscurité.
En dehors des tumeurs malignes qui sont de beaucoup celles qui ont
été observées le plus souvent, on rencontre dans les auteurs quelques
exemples de tumeurs d'autre nature. Ainsi, on trouve citée partout lob-
servation, recueillie par le docteur Gordon, d'une tumeur éyigénélique,
contenant de la matière sébacée, des poils, un fragment d^os ressemblant
à un maxillaire et sept dents. Daudé a rassemblé plusieurs cas de tumeurs
graisseuses^ qui étaient épars dans diverses publications, et qui, consta-
tés seulement à Tautopsie, auraient été caractérisés pendant la vie par
des accidents d'asthme, de dyspnée, d'angine de poitrine. Il fait remar-
quer, avec raison, que de pareilles tumeurs s'accompagnant d'habitude
d'une surcharge graisseuse du péricarde, du cœur et d'autres organes,
c'est aux lésions concomitantes, plutôt qu'à la tumeur elle-même, qu'il
faut attribuer la plus grande part dans les symptômes observes et dans la
terminaison fatale.
On a signalé aussi dans le médiastin des kystes de diverse nature
qui s'étaient formés soit sur les parois de cette cavité, soit dans la cavité
elle-même. C'est pour des cas de ce genre que Desault et Larrey ouvrirent
la poitrine, croyant ponctionner un épanchement du péricarde ; le dic-
tionnaire en 60 volumes renferme l'observation remarquable d'un sujet
chez lequel on trouva, à l'autopsie, deux vastes kystes hydatiques placés
de chaque côté de la poitrine, depuis son sonunet jusqu'au diaphragme,
repoussant le cœur en bas jusqu'à l'épigastre, comprimant les poumons,
POITRINE. — TUMEUBS DU XÉDIÂSTIII. 119
qui se trouvaient réduits à un feuillet très-mince, aplatis et relégués à la
partie antérieure de la poitrine, sous les cartilages des côtes.
Daudé a relevé dans les Essais et observations de la Société de méde-
cine d'Edimbotirg le cas d'un énorme kyste à parois fibreuses occupant
une grande partie de la cavité de la poitrine, passant avec l'œsophage
au travers du diaphragme, et se prolongeant le long de la petite courbure
de Testomac ; la tumeur renfermait, dans des loges séparées, des matières
méiicériques, stéatomateuses, athéromateuses et purulentes.
Daniel Mollière, faisant Tautopsie d*un sujet inconnu, a trouvé égale-
ment, dans le médiastin, un kyste à échinococques. D'autres observa-
tions ont été publiées ; ce sont des analyses exactes, souvent minu-
tieuses, de faits extrêmement curieux; mais il n'en est pas moins vrai
qu'une histoire synthétique des kystes du médiastin est entièrement à
faire, surtout au point de vue clinique.
Nous signalerons enfin, pour mémoire, les cas de tumeurs formées par
des ganglions lymphatiques atteints d'hypertrophie ou d'infiltration
tuberculeuse. Ces lésions des ganglions, qui acquièrent parfois une telle
importance qu'on a créé, pour en désigner l'évolution, l'expression de
phthisie ganglionaire, se trouvent décrites ailleurs dans le Dictionnaire
{Voy. Lymphatique (système), altérations bénignes^ t. XXI, p. 81, néo-
plasmes, p. 88 ; Voy. aussi Phthisie, adénopathie trachéo -bronchique ^
t. XXVU, p. 290et452).
Après ces éliminations successives, il ne nous reste plus à nous occu-
per que des tumeurs malignes, qui sont celles qui ont, de tout temps,
plus spécialement fixé l'attention.
En parcourant les diverses observations recueillies, on trouve signalés,
d'une manière un peu vague, il est vrai, et le plus souvent sans la ga-
rantie de l'examen histologique, des tumeurs colloïdes, des fibromes, des
sarcomes, des carcinomes. Jusqu'ici c'était la forme encéphaloïde qui
était considérée comme prédominante ; dans ces dernières années, des \
observations microscopiques plus exactes ont semblé démontrer que le j
plus grand nombre des tumeurs malignes du médiastin ne sont en réa- /
lité que des lymphadénomes. Cette manière de voir se concilie parfaite-
ment avec un fait depuis longtemps signalé, mais dont Rendu a, le pre-
mier, fait ressortir l'importance. Tandis, en effet, que dans les autres
régions le cancer ne se manifeste généralement qu'à un âge avancé de la
vie, les tumeurs du médiastin apparaissent de bien meilleure heure. C'est
chez des personnes jeunes, en pleine santé , la plupart du temps sans an-
técédents héréditaires et sans causes provocatrices, que la maladie éclate;
la plupart des sujets ont de vingt-cinq à trente-cinq ans, quelques-uns
n'ont pas encore atteint cet âge, aucun n'a dépassé soixante ans. Or les
lympliadénomes affectent de préférence les sujets encore jeunes ; les gan-
glions, dans cette forme de cancer, sont souvent seuls affectés, et presque
toujours ils le sont primitivement, à Tinverse de ce qui a lieu pour les
autres néoplasies malignes; enfin, les relations qui existent souvent entre
les tumeurs du médiastin et des lésions concomitantes analogues du sys-
750 POITRINE. — tumeurs du médiàstih.
ième lymphatique général constituent une présoinpiioo de plus en fa-
yeur de leur structure lymphoïde. La conclusion de ces nouvelles donaéet,
qui reposent à la fois sur la question de Tâge, sur les caractères exlérieors
et sur l'examen hislologique, conduit à considérer un grand nombre, aa
moins, des tumeurs du médiastin, comme ayant leur point de départ dans
les ganglions intra-tlioraciques. On est donc loin aujourd'hui de I opi-
nion, émise autrefois, qui tendait à ne voir dans ces tumeurs que des af-
fections secondaires liées à Taltération primitive des organes voisîiis, opi-
nion réfutée du reste par des faits bien établis dans lesquels les organes
thoraciques ont été trouvés parfaitement sains, malgré la présence d'un
cancer dans le médiastin. Le plus souvent, il est vrai, raffeclion franchit
ses premières limites, et on trouve mentionnée "simultanémoat, dans la
plupart des observations, la dégénérescence de la plèvre, du poumon ou
du péricarde, ce qui devient, pour le diagnostic, une source de confu-
sion facile à comprendre.
Après avoir pris naissance dans le médiastin, la tumeur 8*aocroit dans
tous les sens et surtout suivant Taxe vertical de la poitrine ; elle amène
quelquefois des déformations et des voussures de la paroi, mais plus
souvent elle refoule le cœur en arrière et s'insinue dans le tissu conjooetif
des espaces intervasculaires.
Lorsqu'elle a acquis un certain volume, le poumon, les bronches, la
trachée, le cœur, se trouvent comprimés et gênés dans leurs fonctions. Oo
a trouvé le cœur atrophié, ses parois flasques et aroîncies ; presque
toujours une partie plus ou moins grande du poumon est aplatie, indurée,
imperméable à l'air. Enfin, dans d'autres cas, Tœsophage, le pneumo-gas-
trique, le grand sympathique, se trouvent englobés dans le tissu morbide,
et le fait de leur compression devient la source d'accidents caractéris-
tiques.
La masse cancéreuse continuant à s'accroître tend enCn à s'échapper
hors de la poitrine ; le plus souvent elle passe à travers les espaces iuter-
' costaux et vient faire saillie sous les insertions du grand pectoral qu'elle
/ repousse en avant; d'autres fois, elle sort de la poitrine par sa partie supé-
rieure et vient se porter au-dessus de la fourchette sternale à la partie
inférieure du cou.
Un fait remarquable et bien des fois signalé, c'est la manière différente
dont les deux ordres de vaisseaux sanguins de la cavité thoracique su-
bissent Faction du tissu morbide qui les enserre. Les parois des artères
résistent à la destruction ; la masse cancéreuse semble se mouler sur elles
/ et leur fournit une sorte de canal proportionné à leur calibre, de telle
sorte que ces vaisseaux paraissent échapper à la compression. Les veines,
au contraire, sont souvent détruites dans une partie de leur étendue, et
laissent passer dans leur intérieur le tissu morbide qui est en contact
immédiat avec le courant sanguin. La production cancéreuse semble alors
se propager avec facilité dans la cavité veineuse, et on l'a vue s'étendre
jusque dans l'oreillette droite, ou remonter vers le cou jusque dans les
veines sous-clavière et jugulaire interne.
JPOITRINË. — TUMEURS DU lÉDIASTIK. 731
C'est sans doute par la Toie des veines que se dissémine l'élément ^
cancéreux dans un certain nombre des cas, assez rares d'ailleurs, où Ion
voit raffection, au lieu de rester confinée dans le thorax, se généraliser
à la façon des tumeurs les plus malignes. Ainsi, dans certaines obser-
vations d'Eger et de Bcnnett, on a trouvé des noyaux cancéreux répandus
dans le foie et dans les reins, sans que les ganglions des régions corres-
pondantes fussent intéressés. D'autres fois, au contraire, ce sont les
lymphatiques qui semblent avoir été la voie de transmision : tel est,
par exemple, le fait recueilli par Mauriac, où les ganglions sus-clavicu-
laires, cervicaux, axillaires et mésentériques, étaient envahis à l'exclusion
de tout autre organe.
Avant de se manifester par des accidents sérieux, le développement .
d'une tumeur du médiastin s'accomplit le plus souvent d'une manière '
insidieuse, et au milieu de simples prodromes susceptibles d'égarer i
l'attention. Ainsi, pendant des mois, les malades se plaignent d'une '
oppression légère et dé quelques palpitations; on songe à une affection du
poumon ou à des troubles cardiaques, et rien ne mettrait, à ce moment, |
sur la voie de la vérité, s'il n'apparaissait bien souvent en même temps i
une douleur fixe, continue, bien limitée, plutôt constrictive que lanci-
nante, qui a son siège, d'ordinaire, en arrière du sternum, vers son tiers
supérieur. Lorsqu'on est prévenu, cette douleur doit éveiller l'idée soit
d'une affection de l'os, soit de la formation d'un abcès, d'un anévrysme
ou d'une tumeur quelconque.
Si l'affection retentit rapidement sur les ganglions des régions voisines,
avec engorgement des veines du cou et œdème de la face, l'ensemble des
symptômes est plus caractéristique.
D'autres fois, c'est l'oppression qui fait des progrès rapides, sans que
l'auscultation du .poumon et du cœur rende suffisamment compte de
l'intensité des accidents.
Enfin, après des prodromes plus ou moins vagues, la maladie peut,
dans certains cas, se manifester tout d'un coup par des douleurs intercos-
tales et brachiales lancinantes, qui tiennent tantôt à des irradiations né-
vralgiques, tantôt à une invasion subite de la plèvre par le néoplasme.
En résumé, rien n'est plus variable que le mode d'invasion des acci-
dents, et l'on n'a pas lieu d'être surpris des erreurs de diagnostic qui ont
été si souvent commises.
Il arrive enfin un moment où se manifestent, du côté des organes et
des appareils en contact avec la tumeur, ces phénomènes si variés de
compression dont le tableau d'ensemble a été tracé dans l'article auquel
nous avons déjà renvoyé à l'occasion des abcès delà région (Voy, Médias-
tin, t. XXII, p. 4). Les gros troncs veineux, les bronches, la trachée, les
nerfs phrénique, pneumo-gastrique , grand sympathique , l'œsophage,
peuvent ensemble ou isolément être comprimés, irrités, altérés : de là
des troubles fonctionnels variables dont l'interprétation fournit des
données précieuses sur le siège et le volume de la tumeur. La percussion
et l'auscultation apportent, de leur côté, leur contingent de signes phy-
732 rOITRlNE. — tumeubs du hédustin.
siques ; toutefois il ne faut pas perdre de vue Texistence si fréqueoie des
lésions concomitantes de la plèvre, du poumon, du péricarde, ni rapporter
à la tumeur elle-même ce qui est le fait de ces complications. Le diagnostic
de chaque cas pris en particulier devient ainsi une sorte de problème
très-complexe dont la solution présente souvent les plus grandes diffi-
cultés.
Les troubles circulatoires résultant de la compression et de l'oblité-
ration partielle ou totale de certains vaisseaux sont ceux qui se montrent
d'ordinaire les premiers et qui ont le plus frappé Pesprit des obsem-
teurs. L'œdème de la partie supérieure du corps, le développement d'âne
circulation collatérale complémentaire, la cyanose enfin, peuvoit s'expli-
quer ainsi d'une manière assez rationnelle. Mais il est une autre catégorie
d'accidents, à forme souvent paroxystique, qu'il est plus difficile d'inter-
préter en admettant banalement, comme on l'a fait jusqu'ici, une seule
cause pathogénique, la compression : tek sont les accès de dyspnée qui
vont jusqu'à produire le phénomène du comage^ les irrégularités qui se
manifestent dans la circulation cardiaque, les syncopes, les phénomène;
oculo-pupillaires et enfin la dysphagie. Dans un travail de revue critiçoe
récemment paru et qui représente fidèlement l'état actuel de U
science. Rendu a fait ressortir le caractère nerveux de la plupart de ces
phénomènes et l'impossibilité de les rattacher au fait unique de U
compression. L'interprétation de cet ordre de faits laisse encore à
désirer et appelle de nouvelles recherches pour lesquelles devront être
utilisées, concurremment avec les données d'une analyse physiologique
rigoureuse des symptômes observés, les connaissances récemment acqui-
ses sur l'innervation du cœur et du poumon, sur le rôle du pneumo-gas-
trique et du grand sympathique. Ce qui semble acquis dès à présent,
c'est que, dans le plus grand nombre des cas, l'invasion des troubles
nerveux correspond à une période déjà avancée de la maladie, qu'elle a
une signification pronostique ti*ès-grave, et doit faire craindre l'immi-
nence d'une terminaison subite.
; Comparée à la marche des affections cancéreuses des autres régions,
celle des tumeurs du médiastin est généralement assez rapide, et Ifê
sujets sont enlevés avant d'atteindre la période où la cachexie se mani-
feste. Il n'est pas rare de voir les malades succomber trois ou quatre
mois après l'apparition des premiers accidents ; une durée de vingt mois
") est un maximum qui n'a été constaté jusqu'ici qu'une seule fois.
/ La terminaison nécessairement fatale peut se produire de deux manié-
. res : tantôt par asphyxie lente, tantôt dans un accès de suffocation ou dans
. une syncope. Le premier mode de terminaison est le mode ordinaire,
quand la tumeur siège sous le sternum et comprime graduellement les
vaisseaux du médiastin. Le malade s'asphyxie peu à peu : Thématose
faisant de plus en plus défaut, la cyanose augmente graduellement, la sen-
sibilité des bronches s'émousse , les mucosités s'y accumulent et la mort
survient lentement, sans accès de suffocation. Lorsque la tumeur
comprime la trachée , ou qu'il se forme rapidement un épanchemeot
POITRINE. — BIBLIOGRAPHIB. 733
dans le péricarde ou dans la plèvre, les accès de suffocation se répètent
à des intenralles de plus en plus rapprochés, et le malade succombe
dans un de ces accès. Quelques-uns meurent subitement sans que l'autop-
sie puisse toujours expliquer d'une manière satisfaisante celte cessation
brusque de Texistence ; on invoque aloi's la syncope qu'on attribue soit à
la formation d'une embolie, soit à une perturbation fonctionnelle des
nerfs cardiaques, d'autant mieux que dans un certain nombre de ces cas
on a trouvé à Tautopsie le pneumo-gastrique et le grand sympathique
englobés dans la tumeur. EnGn, mais d'une manière exceptionnelle,
lorsque la tumeur a fait issue au dehors, le malade peut mourir épuisé
par la douleur, les hémorrhagies externes et les pertes sanieuses qu'en-
traîne un ulcère cancéreux.
Il est à peine besoin d'ajouter que l'art chirurgical reste absolument
impuissant en présence de pareilles affections. L'exemple de Richerand
n'a pas trouvé d'imitateurs ; l'incertitude où l'on est toujours sur les li-
mites profondes de la dégénérescence constitue, pour les opérateurs même
les plus hardis, une contre-indication formelle.
Les considérations qui précèdent s'appliquent aux tumeurs malignes du
médiastin, les seules qui généralement aient été soupçonnées ou reconnues
pendant la vie.
Les autres sont d'ordinaire ignorées, et c'est l'autopsie seule qui les fait
découvrir ; il est évident néanmoins que^ si un kyste venait faire saillie
au-dessus de la fourchette sternale et que le diagnostic pût en être établi
d'une manière convenable, rien ne s'opposerait à ce qu'il fût traité par
la ponction et les injections iodées, grâce surtout aux conditions de
sécurité que présentent les appareils aspirateurs.
Indépendamment des traites généraux d*anatomie topograghique et de pathologie chirurgicale ,
consulter la bibliographie particulière des articles : Aorte, Cœur, Côtes, Diaphragme, Expht-
sÊiiG, Mamelles, Méoiastist, Œsophage, PiniCAROE, Plèvre, Podmox, Stibmom.
Consulter, en outre, pour la période antérieure à 1842, Tart. Poitrise (t. XXY, p. 530), du
Dictionnaire de médecine en 30 toI.
SiBsoN (Fr.)t Recherches sur la situation des organes intérieurs, et en particulier des organes
thoraciques, considérés dans leurs rapports entre eux et a?ec les parois des cavités Tiscé-
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L. Mehld;:
01ȃIIATI0NS QUI SE PRATIQUENT SUR LA POITRIKE.
Thoracentèse. — La thoracentèse ou Ihoracocenlèse est \a ponc-
tion de la poitrine. Je ne crois pas utile de revenir ici sur Vhistoriqw^
de cette question, historique qui a été retracé en détail par Bricheteau
dans son rapport à l'Académie en 1847, par Trousseau dans ses levons
cliniques, par Bouchut dans un intéressant mémoire publié en 1872.
Je reprends la question en 1843 et 1844, époque à laquelle Trousseau
fit ses premières communications à l'Académie de médecine sur Toppor-
tunité de la thoracentèse dans la pleurésie aiguë.
Trousseau, il faut le dire, rencontra pendant plusieurs années une
vive résistance, mais, persévérant et convaincu, il dota définitivement la
médecine de Topération de la thoracentèse.
Avant lui, en effet, la ponction de la poitrine, si souvent reprise et
délaissée depuis Ilippocrate, ne s'était, pour ainsi dire, adressée qu aux
épanchements purulents, et, d'autre part, les travaux contradictoires de
Schuh et de Hope avaient à peine ébauché, sans la résoudre, la question
des épanchements séreux ; de sorte que la thoracentèse abandonnée,
discréditée, sévèrement blâmée par la plupart, serait peut-être encore
POITRINE. THOnAGBMTÈSE. INDICATIONS. 755'
dans l'oubli, si Trousseau ne Tavait patronnée de sa puissante autorité, et,
pour ainsi dire, imposée par ses succès.
Dans cette grande question de la thoracentèse nous aurons trois points
à étudier :
1® Les indications de V opération ;
2® Le manuel opératoire ;
3** Les accidents consécutifs.
1^ Indicatioi!<ïs de la thoracentèse. — Ici plusieurs questions se pré-
sentent : Peut-on opérer malgré la fièvre, ou attendre la déferves-
cence? faut-il appliquer la thoracentèse aux épanchements moyens ou
l'appliquer seulement aux épanchements considérables ? dans quelle
mesure enfin doit-on se préoccuper des complications qui peuvent accom-
pagner l'opération?
Toutes ces questions souvent débattues et diversement jugées se résu-
ment, il me semble, à la proposition suivante : Etant donné une pieu
résie avec épanchement, deux cas peuvent se présenter : dans Vun la
thoracentèse est urgente, dans Vautre elle est discutable. Quand est-elle
urgente et quand est-elle discutable? tel est le terrain sur lequel doit
s'engager la discussion.
L'urgence de la thoracentèse ne peut et ne doit être basée que sur
l'évaluation de la quantité du liquide épanché. Que le malade ait la
fièvre ou ne Tait pas, qu'il soit ou ne soit pas oppressé^ ce sont là des
considérations de second ordre, il faut avant tout consulter la quantité
du liquide épanché.
Il faut bien se garder de s'en rapporter à la dyspnée ; car la dyspnée est
un guide infidèle et trompeur ; on voit souvent des épanchements consi-
dérables'qui sont associés à une oppression insignifiante ; et je pourrais
citer une quantité de faits qui prouveraient que bien des malades mar-
chent et se promènent avec deux et trois litres de liquide dans leur plèvre
sans que leur respiration soit notablement compromise. Telle était la
malade dont parle Trousseau, qui vint à pied, portant son enfant avec
elle, de la pointe Saint-Eustache à l'hôpital Necker, malgré un épanche-
meut si considérable que la thoracentèse pratiquée séance tenante donna
issue à deux litres et demi de liquide. Andral, Landouzy, et beaucoup
d'autres observateurs, citent des faits analogues ; j'en ai souvent observé,
et j'ai pratiqué la thoracentèse il y a deux ans chez un étudiant de mon
service, qui venait régulièrement à l'hôpital et qui n'éprouvait qu'une
gène insignifiante, malgré les deux litres de liquide qu'il avait dans sa
plèvre. Je crois inutile de multiplier ces exemples, la dyspnée est un
guide si trompeur, qu'attendre pour évacuer un épanchement que le
pleurétique soit atteint de dyspnée, c'est attendre que l'épanchement ait
pris de telles proportions que la vie du malade est depuis longtemps en
danger quand on arrive à cette décision.
Si on connaissait, si on publiait tous les cas de morts subites ou de
morts rapides provoques par les grands épanchements, on serait peut-
être moins sévère pour la thoracentèse. Trousseau en rapporte trois
756 POrriUNE. — TH0RACENTÈ8E. INDICATIONS.
observations ; dans Tune d'elles, le malade était si peu oppressé que
l'opération fut renvoyée au lendemain, mais le lendemain le malade
expirait. C'est dans un cas analogue que Lasègue voyait mourir sous ses
yeux un jeune médecin atteint de pleurésie, au moment même où il se
préparait à ponctionner la plèvre.
La mort subite et la mort rapide reconnaissent des causes multiples ;
tantôt ce sont des caillots (thrombose ou embolie) qui se forment dûis le
cœur, dans les gros vaisseaux, ou dans le parenchyme même du poumon.
Ces caillots deviennent la cause d'accidents divers. Si le caillot se forme
dans les grosses veines pulmonaires, ou dans le cœur gauche, il déter-
mine une embolie souvent cérébrale avec toutes ses conséquences : l'apo-
plexie, l'hémiplégie, l'aphasie (Vallin, Potain). Si le caillot se forme
dans le cœur droit ou dans l'artère pulmonaire, il peut produire l'as-
phyxie rapide et la mort (Paget, Smith, Blachez).
Louis s'était donc mépris en disant que la pleurésie n'entraîne pas la
mort immédiate. On peut mourir subitement par le fait d'un épan-
chement pleurétique ; la mort est imputable à la quantité de l'épan-
chemeut: c'est donc je le répète, la quantité du liquide épanché qui
seule doit régler l'urgence de la thoracentèse.
Je prévois la question. On demandera à quel moment s'impose l'ur-
gence; est-ce quand l'épanchement atteint un, deux ou trois litres? et
d'ailleurs comment pourra-t-on évaluer la quantité du liquide épanché,
comment savoir qu'il y en a 1,500 grammes ou deux litres et demi ?
D'abord, pour ce qui est de savoir à quel moment le liquide, par sa
quantité, devient une indication pressante de thoracentèse, je dirai que,
d'après les travaux que j'ai consultés, la mort n'a jamais été provoquée
par un épanchement inférieur à deux litres ; une fois seulement (Blachez)
la plèvre contenait 1,500 grammes de sérosité. Ce cas exceptionnel ne
doit pas nous servir de base, et j'estime que dans les pleurésies simples
et chez un adulte bien conforme, c'est lorsque l'épanchement atteint
deux litres environ que l'urgence de la thoracentèse doit être déclarée.
Mais alors se présente cette autre question : Comment évaluer, à
quelques cents grammes près, la quantité du liquide épanché ; d'après
quels signes et quels symptômes ? J avais dressé, à ce sujet, une sorte de
table comparative des épanchements pleuraux, afin de graduer à peu
près la cavité thoracique, me disant, par exemple, que, si un épan-
chement qui atteint le sixième espace intercostal correspond à 1,200 gr.
de liquide , un autre qui atteindrait le troisième espace devrait être
évalué à 2,000 grammes, et ainsi de suite. Mais il était à prévoir qu'on
rencontrerait des écarts considérables dans l'évaluation du liquide
épanché, car il faut tenir compte de la taille et du sexe du malade, de
la conformation de son thorax, du déplacement des organes voisins, du
refoulement du cœur, de l'abaissement du diaphragme, ce qui revient
à dire que l'évaluation du liquide épanché varie avec chaque cas par-
ticulier.
Comment alors arriver à cette évaluation? Dans les petits épan-
POITRINE. — thoaàcemt&sb. 737
chements le souffle est voilé et limité à l'expiration ; dans les épanclie-
mcnts moyens (1,000 à 1,500 grammes), le souffle prend un timbre
bronchique et s'entend aux deux temps de la respiration ; dans les forts
épanchements (2 à 3 litres et au delà), les bruits normaux et anormaux
disparaissent ou bien font place à un souffle caverneux et amphoriquc ;
tout cela est vrai, mais ces données de l'auscultation sont variables,
et par conséquent insuffisantes pour évaluer la quantité du liquide
épanché. J'en dirai autant de la mensuration de la poitrine au cyrto-
mètrc (Woillez), moyen parfois excellent, mais souvent en défaut.
Force est donc d'associer les signes précédents à d'autres signes plus
certains qui sont fournis par l'étendue de la matité, par le déplace-
ment des organes et notamment par la déviation du cœur dans la pleu-
résie gauche.
Ainsi, lorsque la matité remonte en arrière jusqu'à l'épine de l'omo-
plate et que l'obscurité du son remplace dans la région claviculaire la
tonalité élevée de son skodique, lorsque enfin, la pleurésie siégeant
à gauche, la pointe du cœur vient battre entre le sternum et le sein
droit, bien qu'à ce moment la cavité pleurale ne soit pas remplie au
maximum, de tels signes chez un adulte dénotent que l'épanchement
atteint deux litres : il faut opérer, et ne pas oublier que renvoyer
au lendemain est une formule malheureuse, qui coûte la vie aux ma-
lades.
Jusqu'ici la discussion sur l'opportunité de la thoracentcse n'a visé
que la pleurésie simple ; mais les mêmes préceptes sont applicables aux
pleurésies compliquées. Les complications directes ou indirectes de la
pleurésie, adhérences anciennes, altérations valvulaires du cœur,
péricardite, pneumonie, en un mot, toutes les lésions qui entravent la
circulation pulmonaire ou qui rétrécissent le champ de l'hcmatosc, ne
sont pas une contre-indication de la thoracentèse ; elles l'imposent au
contraire dès que la quantité du liquide épanché atteint de fortes pro-
poilions : seulement Tévacuation du liquide exige en pareil cas des pré-
cautions qui seront indiquées plus loin.
Telle est la thoracentèse d^urgence dont le guide le plus certain est,
je le répète, la quantité du liquide épanché. En toute autre circonstance,
la thoracentèse est discutable: les uns l'admettent, les autres la rejettent,
et certains la considèrent même comme nuisible. Discutons ces diverses
opinions. Tant que la température du malade est élevée, c'est-à-dire tant
que la phase aïgue de la pleurésie n'est pas terminée, il vaut mieux ne
prendre une décision qu'après la défervescence.
Si la décroissance de Tépanchemcnt se fait naturellement, et si sa
résorption parait devoir être rapide, il est inutile d'intervenir. Mais, si le
liquide épanché reste stationnaire, ou si sa résorption paraît devoir être
lente, il faut opérer. Ce n'est pas impunément qu'un liquide séjourne
longtemps dans la plèvre; les organes déplacés s'immobilisent, le poumon
respire mal, deux des principales fonctions de l'économie, l'hématose et
la respiration, sont compromises^ sans compter, chez les individus
KOCV. DICT. MÊD. ET CfllR. XXVUI — 47
738 POITRINE. — TaotACBSTiss.
prédisposés, le passage de la pleurésie à la chronicité et à la pu-
rulence (Trousseau). La thoracentèse pratiquée au moment youIu peut
faire tomber le reliquat de fièvre qui accompagne souvent les épan-
chements, elle peut abréger de plusieurs semaines la durée de la ma-
ladie.
2® Manuel opératoire de la thoracentèse. — Jusqu'en 1869 no seul
procédé était en usage, c'est celui que Trousseau nous a légué. Troussean
pratiquait la ponction dans le sixième ou le septième espace intercostal
en comptant de haut en bas, à 4 ou 5 centimètres du bord exterae do
muscle grand pectoral, c'est-à-dire dans la région axillaire. Il faisait dV
bord une petite incision à la peau afin de frayer la route au trocart, pub,
par un coup sec, il pénétrait dans la poitrine au moyen du trocart de
Reybard. Le pavillon de ce trocart était armé d'une baudruche qui, par
son rôle de soupape, s'opposait à l'entrée de l*air dans la poitrine au
moment de l'inspiration. Le liquide pleural s'échappait de la poitrine
d'abord par saccades puis en bavant, et au cours de l'opération le malade
était généralement pris d'une toux quinteuse pénible, parfois a violente,
invincible, très-douloureuse », que Trousseau considérait comme utile poar
favoriser l'issue du liquide au dehors et qui chez certains malades se pro-
longeait une partie de la journée. Ajoutons qu'il n'était pas rare, vers la
fin de l'opération, que le liquide fût coloré en rouge par sou méJange
avec le sang.
Ainsi faite, la thoracentèse de la poitrine, sans être une opération
bien difficile, demandait quelque habileté de la part du chirurgien et
quelque résignation de la part du malade : aussi était-elle réservée pour
les cas urgents et pratiquée par un nombre relativement restreint de
médecins.
Lorsque j'appliquai la méthode d'aspiration aux épanchements
pleuraux, le trocart, la baudruche et l'incision préalable furent rem-
placés par une piqûre d'aiguille si ingnifiante que, l'opération ter-
minée, il n'en restait, pour ainsi dire, pas vestige. Voici comment je
procède :
Le malade est assis sur son lit, les deux bras tendus en avant; et Ton
marque sur la peau le point où doit porter la piqûre. Ce point est le
huitième espace intercostal, sur le prolongement de Tangle inférieur de
l'omoplate.
La thoracentèse doit être faite avec l'aiguille n® 2 et non pas avec uue
aiguille ou un trocart d'un diamètre supérieur. On met l'aiguille en
communication avec l'aspirateur au moyen du tube de caoutchouc, le
vide préalable est fait dans l'appareil, et on pratique la ponction. Pour
cela, l'opérateur recherche avec l'index de la main gauche l'espace inter-
costal de manière à limiter la côte de dessus avec le rebord supérieur de
l'index et la côte de dessous avec son rebord inférieur. L'aiguille introduite
dans l'espace intercostal est poussée à deux ou trois centimètres de pro-
fondeur, le robinet correspondant de l'aspirateur est ouvert, et le liquide
traversant l'index en cristal jaillit dans l'appareil.
POITRINB. THORÂCBirTiSE. UNDEL OPÉUTOIRB.
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740 POITRINE. — thobàcbktèse. muidel w^utoirb.
L'aspirateur une fois rempli, on le TÏde, et cet arrêt de quelques io-
sUnts dans l'aspiration du liquide est un bienfait pour le poumon, qui
n'est pas sollicité à se déplisser trop rapidement. On recommence celle
manœuvre plusieurs fois suivant la capacité de l'aspirateur, en ayant soin
de ne jamais retirer plus d'un litre en une séance.
Quand l'opération est mclhodiqueinent faite, le malade ne doit épreo-
ver ni quinte de toux, ni douleur, ni malaise. Si le malade accuse pel^
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dant l'opération une sensation de douleur et de déchirement à l'intérieur
de la poitrine, il faut aussitôt suspendre l'écoulement.
Si l'épanchement est très-considérable, on retire le lendemain ou le
surleiidûmaiu un nouveau litre de liquide, et ainsi de suite jusqu'à épui-
sement complet de la pleurésie.
Certains médecins vident répancliemcnt jusqu'à la dernière goutte, ce
qui détermine quelquefois une coloration rosée du liquide et de vio-
POITRINE. — THORAGEIIT&SE. MÀIIUBL OPiRATOIRB. 741
lentes quintes de toux. Cette pratique est inutile et mauyaise;
lorsqu'on voit que l'écoulement tire à sa fin, on arrête l'opération,
sans se soucier des 150 à 200 grammes qui peuvent rester dans la cavité
pleurale.
Pour pratiquer la thoracentèse, le choix de l'aspirateur est indifférent;
ce qui importe, c'est le choix de l'aiguille, et je recommande exclusi-
vement l'aiguille n"* 2, dont le calibre ne mesure que 1°^°',2 de diamètre.
Fi6. 45. — Aspirateur de M. Potain.
Dans le goulot d'un rase quelconque Tient s'adapter un bouchon en caoutchouc, trayersé au centre
par une tige creuse métallique & double conduit communiquant a>ec le récipient. A sa partie supérieure,
elle se bifurque en deux branches munies chacune d'un robinet E et D qni, suivant la direction qu'on leur
donne, permettent à l'air d'être extrait par la pompe A, et au liquide d'entrer dans le récipient par le
robinet B, qui communique avec le trocart au moyen d'un tube en caoutchouc dont l'extrémité est
munie d'un ajoutage de verre F qui permet de reconnaître la nature du liquide aspiré. Le trocart pré-'
sente quelques particularités à noter. — L'extrémité de la canule est séparée en deux parties égales
formant ressort, et comme le poinçon est muni d'une petite encoche en arrière de la pointe, il ^'ensuit
que lorsque l'on fait p^inétrer le trocart dans son fourreau, le bout de la canule, formant pince, sa
place dans la partie déprimée du poinçon, en sorte que la canule ne fait aucune ' saillie et présente
avec la pointe du trocart un calibre uniforme. — En outre la partie inférieure est munie d'un petit tube
latéral qui s'ajuste avec le tube F et d'un robinet qui intercepte l'entrée de l'air et permet de débou-
cher la canule lorsqu'elle est obstruée, sans que l'air extérieur puisse y pénétrer.
Manuel opératoire. — 1* L'appareil monté comme le représente la figure, on ferme le robinet E et
l'on ouvre le robinet D; 2* On fait fonctionner la pompe A plus ou moins, selon la force qu'on veut
donner au vide pratiqué de celte manière dans le flacon F; 3* Une fois le vide opéré, on ferme le robinet
D, on pratique la ponction avec le trocart, on retire le poinçon, on ferme le robinet du trocart *
on ouvre le robinet E, et le liquide se précipite dans le flacon.
Pendant que l'aspiration a lieu, on peut augmenter la force du vide en faisant fonctionner la pompe,
après avoir ouvert le robinet D.
Plusieurs objections ont été faites à cette aiguille : on a dit qu'elle ne
permet qu'un lent écoulement du liquide ; tant mieux ! car la lenteur de
Técoulement permet au poumon de se déplisser sans secousses et sans
quintes de toux. On a prétendu que le poumon peut, dans son mouvement
d'expansion, rencontrer la pointe de l'aiguille, et, pour parer à cet incon-
vénient, Castiaux a imaginé un trocart à pointe cachée.
Je n'ai jamais vu pareil accident, et, du reste, il y a une petite manœu-
742 POITRINE. — thoracentêsb. agciderts coHtfeimn
vre qui met à Tabri de toute éyentualité ; il suffit de retirer graduellement
Taiguille à mesure que le liquide s'écoule et de la faire basculer de iaç<m
à la rendre parallèle à la paroi intercostale.
5** ACCIDENTS CONSÉCUTIFS A LA THORACEKTÊSE. — Cougestion ct œdème pul-
monaire, expectoration albumincuse, asphyxie lente ou brusque, syneope,
hémiplégie, apoplexie, mort plus ou moins rapide, transformalion puni-
lente de répanchement, tels sont les accidents qui ont été obsenrés i la
suite de la thoraccntèse ct qui ont été mis sur le compte, soit de Taspirt-
tion, soit de Topération par le trocart de Reybard. Analysons ces accidents
et discutons-en la valeur.
Â. Expectoration albumineuse^ asphyxie. — Dans un premier groupe
je réunis les accidents dyspnéiques ct asphyxiques qui peuvent succéder
à la thoracentèse. Aussitôt ou peu après la ponction, le malade est pris
Laboulbène • modifié Taitpinieiir
de Potain en faisant mettre mr le»
deux branches du boucboa, àma, ro-
binets de formes diflérenles : Twi ert
carré, placé du côté du malade et ea
^^ rapport ayec le trocnrt; Tantre roki-
net est arrondi et coman»i4i«aBt
avec la pompe i air. U est impo»»iUe
de la sorte, de faire mw Cmsm au-
nœavre et d'envoyer de J'tir dau b
poitrine do malade.
De plus, Laboulbène a modifié
reitrémité de la gaine on canal(> é a
trocart. Cette canule n'est pourme
que d'une seule fente, mais présen-
tant des yeux latéraux qui permet-
tent toujours l'écoulement facile da
liquide pleural.
Fie. iB. — Aspirateur modifié de Laboulbène.
« En haut est le trocart ou lamo, muni à la base de i^a bollc h cuir où glisse à f^ottem^nt le trocart,
et terminé par la pointe suivie du renflement. Au-dessous, le trocart est dans sa gaine ou canule; on Toii.
à gauche, la pointe qui déborde et la fente latérale pourvue d'yeux, placée à l'extrémité de la canule.
En bas, se trouve le bouchon à deux robinets : celui qui est carré eî^t toujours du cMé du aialade,
celui qui est arrondi communique avec la pompe à air. {Bull, de Ihérapeutiqite, 187H).
de toux, d'oppression, d'expectoration albumineusc, et on entend à Taus-
cultation des râles fins d'œdèmc pulmonaire; puis, graduellement, la
toux cesse, la respiration se rétablit, et l'accident est terminé. Dans
d'autres cas, l'intensité de la dyspnée, la durée et la quantité de Teipec-
toration, sont plus fortes, et ce n'est qu'après une demi-journée ou une
journée que le malade revient à son état normal. Enfin, dans quelques
circonstances , heureusement exceptionnelles , ces accidents ont été
mortels.
Les accidents dyspnéiques et l'expectoration albumineuse ont été
diversement interprétés. Je me rallie à l'opinion de Ilérard, qui les
attribue à une congestion pulmonaire rapide, à un œdème aigu du
poumon.
Reste à expliquer la cause de cet œdème aigu. On a accusé la méthode
aspiratrice, bien à tort, car en analysant les observations de la thèse de
i
\
POITBINE. — thoracbntIse. accidents coNSécunps. 743
"^ •
j Terrillon on voit précisément que sur 16 cas d'expectoration albu-
mineuse la thoracentèse avait été faite douze fois avec le trocart et la
baudruche sans aspiration et quatre fois seulement par aspiration. Sur
6 cas qui se sont terminés par la mort, l'aspiration n'avait été employée
que trois fois. Les accidents n'ont, par conséquent, rien à voir avec le
procédé opératoire ; et en analysant les observations on voit qu'ils ont
toujours été associés soit à l'issue immédiate d'une grande quantité de
liquide, soit à des complications de la pleurésie et, le plus souvent^ à ces
deux causes réunies.
Néanmoins, il y a dans l'aspiration mal dirigée un inconvénient réel,
mais ce n'est pas affaire de qualité du vide, c'est affaire de quantité. Ce
n'est pas parce que l'on aura tiré 1,000 grammes de liquide avec un
vide bien fait que les accidents pourront survenir, mais c'est parce que
l'on en aura retiré 3,000 même avec un vide incomplet, même sans
vide du tout.
Ce qui est mauvais, qu'on le sache bien, ce n'est pas l'aspiration,
mais c'est la façon dont on en fait usage, c'est l'aspiration prolongée
outre mesure, c'est l'emploi de trocarts trop volumineux, c'est, en un
mot, la manœuvre mal comprise, qui, sans tenir un compte suffisant de
la nature de la pleurésie, de son ancienneté, de ses complications, per-
met à un épanchement considérable de sortir complètement et trop rapi-
dement de la cavité thoracique.
B. Syncope précoce ou tardive. — Dans quelques cas les malades
opérés sont morts le jour même, le lendemain ou le surlendemain, à la
suite de syncope. L'analyse de ces observations montre que les acci-
dents ont été produits par des causes diverses, et dans tous les cas
indépendantes de la thoracentèse : caillot cardiaque (Yergely), caillot
pulmonaire (Guyot), phlébite et trombose (Chailloude|Toumy, Gaz. des
hôp., 1872), gangrène pleurale (Ernest Bcsnier).
C. Transformation purulente. — On a prétendu que la thoracentèse
peut transformer la pleurésie simple en pleurésie purulente. Cette accusa-
tion ne me parait pas fondée. Je ne parle pas des cas, et il en existe, où
la ponction a été faite avec des aiguilles sales ayant servi à vider quelque
temps auparavant quelques collections purulentes, mais je parle de la tho-
racentèse pratiquée dans^dc bonnes conditions, et celle-là, je le crois, est
absolument innocente de la transformation purulente des liquides pleu-
raux. Des observations souvent répétées m^ont permis de croire que telle
pleurésie qui sera plus tard purulente commence par être une pleurésie
histologiquement hémorrhagique. On trouve au microscope plusieurs
milliers de globules rouges par millimètre cube. Et, si on n'a pas eu soin
de pratiquer l'étude histologique du liquide (qui à simple vue me parait
un liquide de bonne nature), on croit avoir transformé une pleurésie sim-
ple en pleurésie purulente, alors qu'on a seulement ponctionné la pleu-
résie aux deux phases de son évolution.
Quant à la pleurésie purulente, qui nécessite une application spéciale
•de la thoracentèse, voyez p. 220.
744 POIVRE. — RÉCOLTE. — cohpositior chimique.
On consultera la bibliographie de l'article Pleurésie, p. 234 i 339.
Je rappellerai seulement mon mémoire sur la thoracentèse par aspiration dans la plearae
aiguë, Paris, 1878, et j'ajouterai les indications suivantes :
HéBARD, Thoracenthèse {Bull, de rAcad.dêméd., 30 arril, 4 jain i87Set 50 jml1et187i).
Yebgelt, Bordeaux médical, 1873 — Pleuro-pneumonie ; épaneh. pur., thoracoœntàe; afxt
subite [Gaz, hebd , 1877, p. 377).
Bksnier (Èm.), Cas de mort subite pendant la thoracentèse (Bull, et Mém. Soc. wtéd. ia
hâp., 25 juin 1875, 2« série, t. XII, p. 24).
Batjiacd (Maurice], Des morts inopinées pendant ou après la thoracentèse, et des CBsralsioos
épilepti formes i la suite des injections pleurales (Bull, et Mém, Soc, tnéd. de$kâp^\ti%t
2« aérie, t. YI, p. 96).
Vallih (E.), Convulsions éclamptiques à la suite de la thoracentèse [Union m^ioslr, 197^ H
Bull, de la Soc. tnéd. des hâp,, 2* série, t. YI, p. 115j.
YViDAL, Étude clinique sur le traitement des épanchements plenrétiques par la pooctia
aspiratrice, Paris, 1876.
Tboossaixt, De la thoracentèse dans la pleurésie franche, thèse de doctorat. Puis.
26 mars 1878, n* 109.
Châtelain (Ch.), Étude clinique sur la thoracentèse dans les pleurésies séreuses, thèse M
doctorat, Parb, 1880.
Paracenthèse du pépicsarde, Voy. Péricarde , t. XXYI, p. 635.
Georges Dieclafot.
POrVRE. — Piper nigrum L., Famille des Pipéritées ou Pipéracée?.
Le poivrier est un arbuste vivace, sa tige volubile est articulée, et te
nœuds produisent des racines adventives qui servent à Gxer le t^'-
Les fleurs sont disposées en épis pédoncules, longs de 8 à 12 ceotimètres
environ. Les fruits sont charnus et sessiles.
Il est originaire de la côte de Malabar (Travancore) , d'où ileslpesé
dans Tarchipel malais, à Siam et aux Philippines.
La partie commerciale ou poivre en grains est le fruit de Varbuste.
C'est Tune des espèces dont Tusagc remonte à la plus haute antiquité, et
le poivre a été longtemps le principal et presque le seul objet d'échange
existant entre ce qui est devenu l'Europe et l'Inde ancienne.
Aussi Théophrasle, quatre siècles avant Jésus-Christ, connaît-il déjà deux
sortes de poivre. Dioscoride et Pline le décrivent longuement, et à celle
époque les navires allaient le prendre au port de Baraké, situé au Mabbar*
entre Mangalore et Calicut.
Au moyen âge, le poivre, toujours très-recherché, était surtout importe
en Europe par les Génois elles Vénitiens, il servait môme parfois d'étalon
monétaire, et parmi les redevances que les tenanciers étaient tenus de
fournira leur seigneur on voit fréquemment figurer une livre de poin«
Récolte. — La récolte se fait en juin-juillet, dès que les baies de b
partie inférieure de Tépi se colorent en rouge; au bout de quelques jours
elles se détachent de Tépi, et il n'y a plus qu'à faire sécher le produit,
qui est devenu brun ou noir.
Par suite de la dessiccation, la couche moyenne du péricarpe se con-
tracte et produit les rides bien connues de la surface du grain depoivw,
qui reste marqué d'une tache peu apparente correspondant à rinsertion
du pédoncule.
Composition ehimiqae. — Tout le monde connaît l'odeur etb
saveur du poivre.
POIVRE. — coMPosinoif chimique. 745
La saveur est due principalement à une substance résineuse qui existe
dans le produit ; quant à l'odeur, il faut Tattribuer à une huile essentielle
lévogyre (Fluckiger et Hanbury) dont la composition et le point d'ébulli-
tion sont voisins de ceux de l'essence de térébenthine. La quantité de
cette essence varie de 1,5 à 2 pour 100.
Pipérine ou Pipérin. — Mais la substance la plus intéressante et la
mieux connue qui se rencontre dans le poivre est celle qui a été décou-
verte en 1819 par Œrsted, la pipérine, qu'on désigne également sous le
nom de pipérin.
On l'obtient par des traitements alcooliques répétés.
C'est un corps nettement cristallisé, insoluble dans Feau froide, peu
soluble dans Téther, soluble dans l'alcool, surtout bouillant. Sa for-
mule C^H^'AzO' en fait un isomère de la morphine, ce qui est déjà curieux.
Mais la suite montrera qu'il n'y a là rien autre chose qu'une composition
équivalente au point de vue centésimal.
C'est un alcaloïde (?) bien faible, ne bleuissant pas le tournesol.
Les sels de pipérine sont généralement instables, décomposables par
l'eau ; l'acide sulfurique concentré la colore en rouge de sang.
Ces caractères la rapprochent de la narcotine et des substances sem-
blables, et les analogies sont encore plus frappantes quand on considère
le mode de dédoublement. Sous l'inOiience de la potasse alcoolique, la
pipérine se dédouble en acide pipérique et pipéridine (Babo, Keller et
Strecker^ •
C"ir'AzO' -4-KH0« = CH'-Az + C"H'KO«
Pipérine. Potasse. Pipéridine. Pip^rate de potasse.
De même que la narcotine se dédouble en hydrocotarnine et acide
opianique (Wright et Beckett) :
C"H»A/0^* -h IPO^ == C"IPUzO^ -H C'W'O''
^arcotlDe. Eau. Hydrocotarnine. Acide opianique.
Le parallèle se poursuit encore plus loin, car on sait que l'acide opia-
nique et la méconine se rattachent à l'acide protocatéchique, dont ils
représentent des dérivés mcthylés.
Vacide pipérique C"H*W est dans le même cas, et même il n'est pas
besoin de recourir à la potasse fondante pour remonter à l'acide protoca-
téchique.
Par simple oxydation de l'acide pipérique (Fitlig, Remsen, Mielch), on
obtient en effet Valdéhyde pipéronylique C"H*0% Vacide pipéronylique
C*WOS et par hydrogénation ra/coo//}iperonj//igrMe C"H'0% tous dérivés
mcthylés de l'acide protocatéchique.
La synthèse de l'acide pipéronylique a même été réalisée en chauffant
ensemble de l'acide protocatéchique, de l'éther iodhydrique et de la
potasse (Fittig).
Pipéridine, — Venons maintenant à l'examen de la seconde portion du
dédoublement de la pipérine, à savoir : l'alcali exempt d'oxygène, la
pipéridine C*"II"Az.
746 POIVRE. — USAGES. FALSIFICànOllS,
La majeure partie de son histoire chimique a été faite par Cahoors.
On l'obtient en distillant de la pipérine en présence de la chaux polas-
sée. Le produit contient deux alcaloïdes Yolatils, qu'on sépare en trans-
formant en chlorhydrates, et reprenant par l'alcool absolu, qui ne disaovt
que le sel de pipéridine.
C'est un corps liquide, caustique, très-alcalin, bouillant à +- 106\
Au point de vue théorique, elle doit être considérée comme une anûie
secondaire, puisqu'il est possible de fixer sur elle deux molécules aleo^
liques au moyen des éthers iodhydriques. Sa formule serait :
(C'»H»<»)'JHAz (Cahours).
Les propriétés se rapprochent beaucoup de celles de l'ammoniaque.
On connaît enfin différents sels de pipéridine, une nitrosylpipéri-
dine (Wertheim), une pipérylnrée^ ainsi qu'une méthylpipéridme^ one
éthylpipéridinej une amylpipéridihey etc.
Usages. — Considéré comme épice, l'usage du poivre est très-répando
et la consommation annuelle en Europe atteint environ 12 à 15 millions
de kilogrammes.
En thérapeutique, on n'emploie guère le poivre directement et à l'état
isolé. On peut noter cependant le cataplasme rubéfiant et les applications
de poivre en poudre, préconisées contre la teigne.
11 entre dans la composition des pilules asiatiques. Les Arabes s^en ser-
vent comme aphrodisiaque, etc.
Falsifications. — Le poivre en grains ne peut pour ainsi dire pas
c'ire falsifié, tandis que le poivre en poudre est presque constamment mé-
langé avec des résidus de fécules (pommes de terre, céréales, sagou, etc.).
poudre de moutarde, de lin, de piment, fraudes que ne parviennent pas à
empêcher les amendes très-clevées dont sont frappés les vendeurs de
poivre falsifié, en Angleterre, par exemple, où l'amende atteint 2,50<^fr.
(100 livres sterling).
La fraude est facile à reconnaître au microscope, mais pour la préveoir
le mieux serait évidemment de propager l'habitude déjà très-répandue de
pulvériser soi-même le poivre en grains au moyen de petits moulins ap-
propriés.
Poivre blanc. — Ce n'est autre chose que le poivre noir dépouillé de son
écorce noirâtre, ce qui lui enlève une partie de sa saveur brûlante. Sur les
lieux de production, quand on veut avoir du poivre blanc, ou laisse mûrir
les fruits au lieu de les recueillir prématurément. On fait sécher les
grappes pendant quelques jours, et il suffit alors de les frotter entre les
mains pour enlever la couche noire extérieure du péricarpe. Les grains
sont naturellement un peu plus gros que la partie blanche du poivre
ordinaire qui a été récolté avant maturité.
Les Chinois consomment presque exclusivement le poivre blanc. Les
Européens préfèrent le poivre noir.
La dénomination de poivre est un terme générique qui comprend un
POIVRE. — ACnOH PHTSIOLOCIQUE. USAGES. 747
grand nombre d'espèces employées le plus souvent comme condi-
ments.
Nous citerons seulement :
Le Bétel (Piper bétel), dont les feuilles sont employées comme masti*
catoire en Orient.
Le bétel sert à colorer les dents en rose, embaume Thaleine et stimule
Tappétit.
Le poivre long (Piper longum)^ moins aromatique que le Piper
nigrum, mais dont la composition chimique est très-voisine.
Le poivre Cubèbe (Voy. ce mot, t. X, p. 437).
Le Matico (Voy. ce mot, t. XXI, p. 772).
Le poivre Lowong. — Le piper Libesioïdes, etc.
Enfin le poivre enivrant, Piper methysticum^ dans lequel Cuzent a
découvert la Kawaine^ principe analogue à la pipérine que Morson, puis
Gobley, ont successivement étudié depuis sous le nom de méthysticine.
L. Prunier.
Action physiolofl^que. — Le poivre noir, dont nous nous occupe-
rons presque exclusivement ici, exerce sur nos tissus une action topique
irritante, plus ou moins énergique suivant la quantité employée et la
durée de l'application. A la peau, il détermine de la chaleur, de la rubé-
faction et même des phlyctènes comme le fait un emplâtre vésicant. In- *
troduit dans la bouche et avalé en petite quantité, il donne lieu à une
impression gustative acre en même temps qu'aromatique, accompagnée
d'une sensation de chaleur qui se ressent jusque dans l'estomac, et il
imprime aux glandes de ces organes une activité sécrétoirc favorable à'
la digestion. Si la dose ingérée, en une seule ou en plusieurs fois, a été
forte, les effets se montrent plus intenses : la chaleur devient brûlante,
une soif vive s'allume, la circulation s'accélère et il peut se produire une
véritable gastrite.
Les effets généraux sont stimulants : ils se traduisent par l'accroisse-
ment déjà température, par la fréquence du pouls et la sueur, c'est-à-dire
par de la fièvre ; et cette fièvre s'accompagne de phénomènes dénotant
l'irritation de l'appareil uro-génital, tels que douleurs lombaires, urines
ardentes, probablement d'albuminurie et d'hématurie, dit Gubler, et par-
fois d'inflammation des voies génito-urinaires. Les principes actifs du
poivre s'éliminent aussi par d'autres émonctoires : du côté de la peau,
cette élimination peut amener des éruptions exanthématiques, comme le
font le cubèbe et surtout le copahu.
Usaf^es. — On sait les qualités du poivre comme condiment. Son
emploi à ce titre, justifié par l'impression qu'en reçoit l'appareil digestif,
était déjà connu dans les temps anciens, et l'on y a recours sous toutes
les latitudes. Mais, tandis que dans les contrées équatoriales, où l'excès
de la température entraine la débilité des forces digestives, on en fait un
usage qui très-souvent va jusqu'à l'abus, dans nos climats on en use avec
plus de modération. Il est surtout indiqué pour assaisonner les aliments.
748 POIVRE. — USAGES.
tels que les Tiandes grasses comme celle du porc, les végétaux (roiè,
aqueux, peu sapides, afin d'en relever la saveur et d'en rendre b
digestion plus facile. Il Test encore toutes les fois que, soit par le fait des
conditions extérieures, soit en raison du tempérament et de la coostits-
tion, les fonctions gastriques sont en quelque sorte paresseuses, cbez les
sujets mous, lymphatiques, chez certains convalescents. Au cootnire, il
ne convient pas aux personnes d'un tempérament irritable et dont les or-
ganes digestifs sont sujets à TinOammation.
Au point de vue de la thérapeutique, ce que nous avons i dire de ses
usages doit se réduire presque à un simple historique, le poirrc
n'étant plus guère employé de nos jours dans le traitement des ma-
ladies.
A rintérieur, il a été administré dès Tantiquité contre TaDorexie, les
flatuosités, la pituite, la migraine, et, en tant que ces afTections peuvent
se trouver liées à un état atonique des voies digestives, les boas effets
qu'on lui a attribués dans ces sortes de cas pourraient s'expIiqoerptrse«
vertus condimentaires. On y a eu recours aussi dans les cas d^helmiotbiase
intestinale, dans les écoulements uréthraux ; les peuples orientaux rem-
ploient comme aphrodisiaque. Mais son application la plus importante
est celle qui a été faite dans le traitement des fièvres iniemiUenUs.
Dioscoride dit que le poivre est bon « aux fièvres qui ne sont pas coati-
nues. » Celse a exprimé une opinion semblable, et, à leur tour, MoUer,
Rivière, Bartholin, ont confirmé cette propriété, tandis que VanSirieten,
Murray et d'autres, se sont élevés contre une telle pratique eo raison
d'accidents inflammatoires graves dont ils avaient été témoins. Ploi' f^
de nous, cet emploi du poivre a été repris et préconisé par Louis Franck,
ainsi que par d'autres médecins étrangers à son exemple, et les faits nom-
breux qu'ils ont rapportés ne permettent pas de douter de Fefficacitédf
cet agent dans les fièvres d'accès. Depuis la découverte d'ŒrsIed. on a
proposé de remplacer le poivre, pour le traitement de ces fièvres, parli
pipérine, qui en renferme les principes actifs : Meli, à Ravenne, Gonlini.
à Livourne, et d'autres médecins italiens, se sont loués des effets qu'ii*
avaient ainsi obtenus. Cependant, malgré les succès proclamés par ctt\.
leur exemple n'a pas été suivi et le quinquina est resté, aux veuîdet^»o5.
le médicament par excellence à opposer à la maladie en question. W^î'Qn
en terminant, qu'elle n'est pas la seule contre laquelle on ait voulu em-
ployer la pipérine : Magendie a proposé de substituer cette substance i^
poivre cuhèbe dans le traitement de la blennorrhagie.
A l'extérieur, on s'est servi et l'on peut se servir de la poudit i^
poivre noir pour saupoudrer les cataplasmes, afin de les rendre rubéfiant
ou l'appliquer seule à la manière d'un sinapisme, mais en prenant soi"
de ne pas prolonger aussi longtemps l'application, à cause de son actiuli
plus grande. On en a mis dans les cheveux pour tuer les poux; oneu-
rempli des cavités dentaires suite de carie, afin d'engourdir la douleur
On l'a employée pour obtenir des effets astrictifs sur la luette relicht^
etc., etc.
POIX. 749
Le poivre long^ dont les effets physiologiques sont analogues à ceux du
poivre noir, mais moins énergiques, peut servir aux mêmes usages. En
Europe, il n'est employé que comme condiment, mais dans Tlnde on y
recourt aussi pour des usages médicinaux. Nous ne croyons devoir
entrer dans aucun détail à cet égard. A. Gaucbet.
POIX. — Le Codex fait mention de trois espèces de poix qui servent
en pharmacie à confectionner un assez grand nombre de masses em-
plasliques dont Temploi devient de plus en plus restreint. Ce sont : la
poix jaune dite poix de Bourgogne, la poix noire et la poix résine.
Poix de Bourgogne. — La Poix jaune est une véritable térébenthine
qui découle d*incisions faites au tronc de VAbies excelsa (D. C), vulgaire-
ment nommé Pesse, Epicéa, Faux Sapin^ et que Linné appelait à tort
Pinus abies. Ce bel arbre atteint jusqu'à 50 mètres de hauteur : on le
rencontre abondamment dans les régions montagneuses du Centre de
l'Europe et surtout dans les forêts du Nord. Il est principalement exploité
en Finlande, .en Suisse, en Autriche et dans la Forêt-Noire. On le trouve
aussi en Bourgogne, mais cette province n'a jamais fourni de poix, et il est
probable que ce nom a été donné à la poix jaune Ioi*squ*elle arrivait d'Al-
sace par la voie' de la Franche-Comté ou Comté de Bourgogne. On la ré-
colte en faisant au tronc de grandes entailles longitudinales, mais peu
profondes (2 à 4 centimètres), car, contrairement à ce qui existe chez le
Pinus silvestrisy les canaux sécréteurs de F Abies sont surtout répandus
dans le parenchyme cortical, tandis que leliber et le bois n'en contiennent
pas. La résine qui s'écoule est recueillie sur l'arbre au moyen d'uninstru-
ment spécial, on la purifie grossièrement en la fondant avec de l'eau dans
une chaudière, ou bien au contact de la vapeur d'eau, puis en la soumet-
tant à la presse.
La véritable poix de Bourgogne est d'un jaune foncé, solide et cassante
à froid; malgré sa dureté elle se moule dans les vases qui la contiennent;
elle possède une odeur aromatique particulière et agréable qui se déve-
loppe par la chaleur, et une saveur douce, parfumée, non amère
(Guibourg). Elle est incomplètement soluble dans l'alcool à 86^ avec
lequel elle donne une solution rougeâtrc et amère ; elle se dissout plus
facilement dans l'alcool absolu, l'acétone et l'acide acétique crisialli-
sable.
Elle retient une quantité plus ou moins grande d'huile essentielle
formée par un carbure d'hydrogène C*^I1" qui est accompagné d'une
petite proportion d'un corps oxygéné analogue au camphre. La partie
solide est constituée par une résine amorphe qui donne par hydratation
de l'acide abiétique comme toutes les résines des conifères.
La plupart du temp^ on substitue à la poix de Bourgogne naturelle un
produit artificiel, désigné sous le nom de poix blanche, obtenu en fon-
dant et brassant sous Teau un mélange de galipot et de térébenthine, ou
en battant avec de l'eau de la colophane fondue et de l'huile de palme.
L'eau interposée rend le mélange opaque; cette poix factice est livrée au
750 POIX.
commerce dans des Tessies. Elle a une saveur amère et une odeur de
térébenthine ; elle est moins active que la véritable.
La poix de Bourgogne adhère fortement à la peau ; en couche un peu
épaisse elle s* étend en dehors du point d'application ; ce défaut disparaît
quand on Tadditionne d'un quart de son poids de cire jaune. C'est ce mé-
lange qui constitue Vemplâtre de poix de Bourgogne. Cette masse em-
plastique étendue sur une peau ou sur du sparadrap est souvent em-
ployce dans la médecine populaire contre les douleurs rhumatismales
musculaires; elle n'agit qu'avec lenteur, mais finit par provoquer ée
vives démangeaisons et finalement une légère éruption vésicuieuse. Od
obtient un révulsif énergique qui n'est même pas sans danger, i can$«
des cicatrices qu'il peut laisser, en recouvrant sa surface d*une quantité
de poudi*e d'émétique qui varie de 0,50 à 1 gramme suivant la gran-
deur; c'est là l'emplâtre de poix de Bourgogne stibié. Dans sa prépara-
tion il est important de fixer la poudre à la surface de l'emplâtre en
ramollissant la surface de celui-ci avec quelques gouttes d'essence de
térébenthine dans laquelle on a délayé l'émétique, ou bien en y passant
une légère couche d'axonge.
La poix jaune entre dans la confection des emplâtres agglutinatif ^
di acétate de cuivre, céroëncy de ciguë et de diachylon gommé.
Poix noire. — Lorsqu'on brûle incomplètement, dans un fonr spé-
cial non ventilé, la paille qui a servi à filtrer et à purifier la ièrêben-
thine et le galipot, ou, d'une façon générale, tous les résidus de la fabri-
cation de l'essence de térébenthine, on obtient un goudron épais qui«
abandonné à lui-même, se sépare en deux couches : la supérieure, liquide,
constitue l'huile de poix ; l'autre, presque solide, est portée à rébiillitiun
jusqu'à ce qu'elle devienne cassante après refroidissement ; c*esl cette
dernière matière qui constitue la poix noire.
Dans la Finlande et le nord de la Russie on soumet maintenant le>
racines et les parties inférieures du tronc des Pins à une distillation sèc\\e
dans d'énormes alambics en tôle épaisse. Celte opération fournit une
grande quantité d'essence de térébenthine, d'acide pyroligneui et de
goudron végétal. Ce dernier donne à la distillation de Tliuile de goudron
et un résidu de poix noire, La poix noire est donc chiniiqucment consti-
tuée par les produits les moins volatils du goudron ; soumise elle-nièrne
à la distillation sèche, elle donne de la naphtaline, de l'authracène et de
la paraifine.
Elle possède une odeur particulière et désagréable, très-différente de
celle du goudron ; sa saveur est à peu près nulle ; elle se dissout dans les
alcalis caustiques et dans l'alcool en donnant avec ce dernier une solu-
tion foncée qui rougit franchement le papier de tournesol. Cette réactiuiï
acide ne permet pas de la confondre avec le brîii retiré du goudron de
houille. Nous ne croyons pas du reste à la possibilité de substituer com-
mercialement cette sorte à la poix noire véritable.
Cette poix entre dans la formule de V onguent basilicuviy de Vemplâtre
céroëne et de Vonguent brun, vulgairement appelé onguent de la mère.
POIX. 751
PoiX'résine. — La térébenthine distillée à feu nu donne de l'essence
et laisse comme résidu de la colophane. Si, au lieu de soutirer simple-
ment celle-ciy on la brasse fortement avec de Teau, on obtient un pro-
duit opaque d'une couleur jaune sale qui porte le nom de poix-résine
ou résine jaune. Une autre sorte de poix-résine se prépare en fondant
ensemble trois parties de galipot et une de colophane.
La résine jaune fait partie des substances qui servent à préparer Y onguent
d'AUhaeay V emplâtre de gomme ammoniaque et V emplâtre de Vigo.
Toutes ces résines doivent être purifiées pour l'usage pharmaceutique.
Le Codex prescrit de le faire en les fondant à une douce chaleur et pas-
sant avec expression à travers une toile. E. Villejean.
FIN DU TOME VISGT-lICITIÈME
TABLE DES AUTEURS
AVEC INDICATION DES ARTiaES CONTENUS DANS LE TOME VINGT-HUmtIL
BALZER (F.) .... PnEimonE, broncho-pneumonie, ; 520-593; pneumonie chrooi^
594-621.
BERGERON (G.). . . Plaie, questions médico-légales relatives aux pages 122-127.
DESPRÉS PiKCKS, 25-30.
D*HEILLY (E.). . . . Pledrodtkie, 238-241.
DIEULAFOY(G.). . • PoiTBiKE, thoraccntèse, 734.
FERNET Plkvbe, pathologie. 241 ; vices de conformation, 242 ; gangrène, 242 ;
tuberculose, 245; carcinose, 250; tumeurs diverses, liydatides, 254 ;
maladies secondaires, 258 ; épauchements dans la cavité pleurale,
200; hydrothorax, 261 ; pneumothorax, 268-285.
FERNET ET D'HEILLY. Pleurésie, 146; p. ai^uê primitive, 147; p. aiguës secondaires, 20i :
p rhumatismale, 203; p. purulente, 2U5;p. héuiorrbagique, ±20;
p. chronique, 229 ; p. chronique secondaire, 232.
QAUCHET Poivre, action physiologique, usages, emploi thérapeutique, 747.
HARDY (A.) PiTïRUsis. 30-42.
HlRTZ(Hipp.]. . . . PicEUMATOSE, 374-381.
LABAT Plombières, 367-374.
LÉPINE (R.) .... P.NEDNOME lobaike aigce, 381 ; anatomic pathologique, 382 : variéié^
aualoiniques, 585; localisation des lésions, 388; lésions concomitante»,
389 ; étiologie, 391 ; pneumonies secondaires, 403 ; (abJeau et marche
de la maladie, 405 ; symptomatologie spéciale, 407-436 ; variété de
marclio et variétés symptomatiques, 436-453; espèces, laiuK,
453-403; terminaisons, 463 ; complications, 471; diagnostic, 485;
pronostic 494; traitement, 501.
LUTON Plétuore, 128; physiologie pathologique, 132; applications cliniquesJ38.
— PoiTRixE, séméiologie, 650-681.
MANOUVRIEZ (A.). • Plomb, etlets toxiques, empoisonnement 9\^u, 307-310: intoxication
chronique, 310-345 ; colique sèche, 345-346; prophylaxie du >atur-
nisme, 346-349; traitement, 54U-3ij4 .Emploi thérapeutique, 554-3ri9.
MARCHAL (E.). . . . Placenta, anatomie, 43-54; physiologie, ^4-57; palhologie. 57; am*-
malie de développement, 59; inflammation, 01 ; lix)uliles de circula-
tion, 63 ; dégénérescences, 67 ; lésions syphilitiques, 75.
MERLIN (L.) .... PuiTRiNE, anatomie, 621-648; phy>iolo^'if>, 64X-6ÔO ; patliuloçie chirur-
gicale, 681 ; lésions Iraumatiques, 681 ; contusion, 084 ; plaies non
pénétrantes, 685-690 ; plaies pénétrantes, 690-717 ; abcès, 717.
DRY (E.) Pileux (Système), 1-iO; — Pilocarmne (jalwrandi). 10-21.
PRtJNIER (L.). . . . Plomb, état naturel, extraction, propriétés physiques et chimiques,
usages, combinaisons, sels, caractères, séparations d'avec d'auln-s mé-
taux, dosage, 28r>-506 ; cliimie médico-légale, 362-367. — I'oivrc, 744.
ROCHARD (J.). . . . Plaie, 77 ; p. par instruments tranchants, 77; p. par instruments pi-
quants, 80; p. par instruments conlondAUs , 87 ; p. par arrachement,
ll2; p. laites parles armes emj)oi»onuées, 110; p. des analoiui^tesj
120-122.
VILLEJEAN Pilules, 21-23. — Pimemt, 23-24. — Poix, 748.
21236. — Typographie A. Lahure, rue de Fleuius, 9, à Paria.